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COLLEGE
LIBRARY
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BIBLIOTHÈQUE
ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES ET DE ROME
FASCICULE SOIXANTE-DIX-IIUlTlIiME
nflANTINÉE ET L'ARCADIE ORIENTALE,
PAtt OusTAVB Fougères.
OUVRAGKS DU MÊME AUTEUR
Orèce (Guide Joannc), t. II. Péloponnèse, Dôlos, le Plndo. — (Paris,
llHchotto, éditeur, 181)1).
La Vie privée des Oreca et des Romains, album avec 900 gravures.
In-fo. ~ (Paris, Hachette, éditeur, 180i).
De Lyciorum Oommuni, in-8". — (Paris, Fontemoing, éditeur, 1808).'
MANTINEE
ET
L'ARCADIE ORIENTALE
LILLE
Le Bigot FnfcnES, Imprimeurs
Aciievê d'imprimer fin mars 180K.
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MANTINÉE
ET
L'ARCADIE ORIENTALE
PAR
Gustave FOUGERES
ANCIEN MEMBRE DB L ECOLE FRANÇAISE U ATIIENRS,
CHARGÉ DU COURS d'archéolooib ET d'iustoire ui: l'art
A L*UNlVEnSlTÉ DE LILLi^.
Contenant quatre-vingts gravures dans le texte,
six héliogravures, une pliototypie et un plan de Mantlnée
liors texte, plus deux cartes en six couleurs.
PAIUS
ANCIENNE LIBRAIRIE TIIORIN ET FILS
ALBERT FONTEMOING, ÉDITEUR
Libraire des Écoles Françaises d'Athènes et de Borne,
du Collège de France, de l'Ëcole Normale Supérieure
et de la Société des Études historiques.
4, RUE LE GOFF, 4
1898
'IK /.V^,
UCI 7 1898
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Arc b^An"^
OCT ^ n B86
Bibliothèque des Ecoles françaises d'Athènes et de Rot
DnMUt^'par /Ctttf. Lètat
A.FONTEMOING. Editeur>.
^'" ' f r riii miiiitiifi ïii
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FASCICULE ucxvm, pi.vnj
FOUILLES DE L'ÉCOLE FRANÇAISE
1887-1868
Dirlgéespar GFOUGÈHES
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Bibliothèqua dea Eeolas françaiM* d'Athènes M. de Rot
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Bib des Ec fr d'Ath. ei de Rome
Fascic LXXVIII. PI. VII
j1. Fontenwàitf Sdt't'.
Hèlw^. Duf'arilùv. Paris
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Bib des Ec.fr. d Ath. et de Rome
Fa.scic. LXXVÎII.Pl. VI
A . FontemoÎM Edit.
ffeJioif. Dufurdin. Paris
TKTE DE FF:^\/AE
I^JçC ^^'/'7/
bu I ki u »^ou
Bib. des Êc. (r. d'Aih. et de Rome.
Fascic. LXXVIII. pi. IV.
A. Fontemoing, Édit.
Phototypie Le Bigot.
BAS-RELIEFS DE LA BASE DE PRAXITÈLE.
(TÊTES, DAPRÈS LES MOULAGES)
flu~ 6(^.1-7^
L^s.i k;j '^'^^
Bih de.-. Ec h d/\lh et de Roine
Fascir LXXVllI PI V
J. Fttn/enu>in4f Et/ if
IJéhotj IJu/ardui . Pa^t.r
La " FKM/AK. AU l-'OIE
Otnriei's et ouvrières des fouille» de Mniilimc *
A gauche, le thrAtre; nu Tond. l'Ancbisia; h droite, In bulle de Ciourt/oiili (toiulienu de lVuél(i|K')
et le 31onl Arniùiii;i.
• l^s rcproducUuns pholoprnphiffues pnldiées dans cv voliinn' >.iii> iiirliralioii do proveii.-iiire
ont été lirces d'après les clichés de l'nuteur. yunnd ceiix-ri iioiil pis iloiuir des rr.siilljils snliNfai-
snnls, on n fait des cinpruuls aux collections mises n lit disposition d.s .inhrulojjnes par I Insliint
allemand d'Alhines.
AVANT-PROPOS
Le j)réscat ouvrage est né des recherches tue lu''oh)j»i(iues qne
j'ai eu Toccasion de poursuivre connue membre de l'Kcole fran-
çaise crAlhènes, de 1887 à 1889, sur le sile el dans ia région de
l'ancienne Manlinée. Le nom de celle ville n'évo(|ue guère dans
la mémoire des lettrés qu'un souvenir unique : celui de la mort
d'Épaminondas — qui n'était pas un Manlinécn. — Ce serait
peu pour justifier ce livre, d'autant plus (lue je ji'ai eu la
joie de retrouver ni la stèle ni les restes du héros. Tout au
plus puis-je indiquer approximativement la place où il est
tombé! — Il me sera donc permis de faire valoir les lihes plus
particuliers de Mantinée à une monographie, el d'indiiiuer les
idées qui m'ont guidé en l'écrivant.
L'histoire générale de la Grèce est mainlenani élablie dans ses
grandes lignes. L'ensemble du tableau, tel (luo h» reiracent les
ouvrages de (îrote, de ('urlius, de Busoll, de Heloch, de Holui,
de Droysen, de Niese et de Ilerlzberg, ne subira pas, avant hjug-
temps; d'impoilanles relouches. Le dépouilIcMiiriil des Icxles
littéraires est achevé. Les inconnues (|u'ils conlienncnt encore
ne se dégageront qu'au contact des documents nouveaux qui
grossissent sans trêve le dossier de l'archéologie et de l'épigra-
pliie. Pour préparer la synlhèse future, où la (|ueslion des ori-
gines sera élucidée, où la gem\se des croyances el le nuMajûsme
des institutions n'auront plus de secrets, où révolution du peu-
ple helléniciuesera restiluée dans son milieu vrai, avec tous les
.Mnnliiice. — I .
II AVANT-PROPOS
accessoires truiie iniso eu scène complète, il faut procéder par
(le uiinuJieuses analyses et i)ar des enquêtes partielles. La pos-
session d'une série de nionoj^raphies, où chaque cité grecque
sejait étudiée à part, cojitribuerait avec enicacité à cette œuvre
d'ensemble.
Restituer l'histoire d'une ville n'est pas un travail aussi res-
treint qu'on le croirait de priineabord. L'exiguïté du cadre ne
doit pas faire illusion sur la complexité du tableau. Les répu-
bliques grecques ju)us apparaissent à distance comme des
microcosmes dont la vie intérieure peut être aisément réduite
en formules. Mais, sans méconnaître les lois générales qui ont
présidé au développement de ces organismes, ou ne doit pas
oublier (|ue chacun d'eux jmssède sa physionomie propre et son
lempéranient individuel. Sans doule la structure physique
des dilTérentes pairies helléin(|ii(*.s les prédisposait à une ce r-
laine uniformiléde pensées el d'attitudes. Mais, à chaque canton,
la nature du sol local, le climat, la position relative, les antécé-
dents ethnographi(|ueset religieux des habitants imposaient des
besoins, des inlérêts el des désirs particuliers. Le relatif n'a eu
nulle part plus d'importance qu'en Grèce : c'est lui qui nous
donne la clef des faits généraux. L'histoire générale ressemble à
une sccjie où de nombreux acteurs apparaissent jiour y jouer
un rôle éi)hémère : leurs gestes rapides et leurs dédamalions
publiques Jie nous les font ()as connaître à fond comme indi-
vidus. Nous voyons en gros le drame. Si nous en voulons
comprendre les moindres péripéties, il faut sonder les person-
nages secojulaires aussi bien (|ue les premiers rôles.
Loj*s(|u'on contemj)le de pics ces petits Etals grecs, les dis-
lances se rapetissent entre les <;auses et les effets, dont la
liaison logique apparaît avec une séduisante netteté. On
voit en jeu les ressorts et les rouages les plus infimes; on suit
el on comprend les moindres mouvements du méciinisme. La
structure physique d'un canton détermine ses conditions pro-
pres d'habilabililé, les besoins matériels et le genre de vie des
habitants. Ses déb(mchés naturels règlent les transactions avec
AVANT-PHOPOS 111
le dehors el la marche de la civilisation. De sa valeur straté-
gique dépendent ses destinées politiques, suivantqnesa position
inspire à ses voisins et aux puissances plus lointaines des
inquiétudes ou des convoitises. S'il se trouve à portée des che-
mins hattus par les migrations, son ethnographie suhit des
mélanges dont les éléments bariolent sa mythologie. Les dieux,
en partie indigènes, en partie immigrés ou empruntés, person-
nifient, les uns les phénomènes locaux, les autres les races enva-
hissantes qui les ont intl*oduits,ou les inlluences étrangères dont
ils émanent. De la mise en action, dans un milieu restreint et
homogène de ces trois éléments, le sol, les hommes et les dieux,
résultent les institutions, lïime et l'histoire d'une cilé grec(|ue.
Il n'est pas inutile d'aller surprendre dans la vie cellulaire les
éléments et les premières vibrations de l'organisme général. H y a
intérêt, par exemple à voir les unités archaujucs, x<nu.(xi ou 8y,jji.oî
se fondre en un seul État, à suivre sur place la genèse des cul-
tes ruraux et à observer leur métamorphose en cultes nationaux,
enfin à débrouiller l'écheveau des légendes locales pour en faire
la trame légère de la préhistoire. Par là, toute monographie
plonge dans ce problème des origines, dont la solution ne
dépend pas de généralisations prématurées, mais d'investiga-
tions méticuleuses et déclassements méthodiques.
Pour les recherches de ce genre, les monuiiicnis (iguiés et
surtout les textes épigraphiques ont une valeui* inappréciable.
Il y a des historiens qui dédaignent les inscriptions et leur pré-
fèrent de parti-pris les textes littéraires comme îivînit une portée
plus générale. C'est vraiment se plaindre (lue toutes les sources
n'aient pas le môme goût. L'avantage des inscriptions, même des
plus insipides et des plus indigentes en fait d'idées générales,
c'est de relléter l'esprit local et ses préoccupations, cela direc-
tement et sans la déformation que ces choses subissent for-
cément en passant par le cerveau d'un narrateur. Elles nous
montrent les mœurs et les institutions en action et nous
mettent en contact immédiat avec les hommes et les divinités
du cru. C'est là une impression qu'il est plusaisé de ressenlirqne
IV ■ AVANT-PHOPOS
d'analyser. L'historien fait œuvre d'art et de propagande autant
que de vérité ; le (Uxuinient, olaut un acte impersonnel, témoigne
sans artifice de ce qui est : un Corpus est à Thucydide ce qu'un
alhum de [)hotograï)hics est h une grande peinture historique.
Quant aux monumcnis figurés, en tant que produits d'un état
de civilisation iiarliculicr, et comme expression de certaines
idées ou croyances Iraditionnelles, ils acquièrent souvent une
valeur documenlaire de premier ordre.
Tels sont les principes qui m'ont guidé dans cet essai de
reconstitution d'un Klat secondaire, comme fut Mantinée. Celte
ville n'a pas élé un dos protagonistes de l'histoire grecque;
mais son intervenlicm dans les alTaires générales du Pélopon-
nèse a marqué de hi manière la plus active et la plus originale.
Elle s'est toujours montrée animée d'un sentiment d'indépen-
dance et de libéralisme qui lui valut la haine implacable de
Sparte et i'amilié d'Argos et d'Athènes. Comme d'autres villes
grecques, elle tenta de grandes choses avec de petits moyens, et
déploya un esprit supérieur à ses ressources. Elle devint, à un
moment donné, ITime de toute l'Arcadie. La politique lui a
procuré de brillantes illusions, cl, en fait de réalités, de cruels
mécomptes. 11 y avait, en eflet, dans sa situation, un germe de
paralysie qui la prédestinait surtout à des ambitions malheu-
reuses. Mais le fait seul d'avoir persévéré dans son rêve la
défend contre l'inflilTérence.
Elle présente aussi un intérêt d'ordre quasi théorique. La
constitution géologicjue de son sol, son régime hydrographique
et sa position au nord de la grande plaine fermée <rArcadie ont
influé sur sa mylhologie, sur son hisloire et sur sa politique
suivant un déterminisme très apparent dont peu d'États grecs
olTriraienl un e.\enjple aussi typique. C'est donc un milieu en
quelque sorte schématique pour étudier l'action du sol sur un
groupe d'hommes, la conversion des phénomènes physiques en
idées religieuses et par suite eu énergies morales, le jeu des
influences étrangères, bref toutes les causes qui collaborent à la
AVANT-PROPOS V
formation et à la vie d'une cité grecque. La position de Man-
tinée au cœur du bastion arcadien, entre Sparte, Argos et
Atiîcnes, l'appelait à jouer un rôle important dans les combinai-
sons politiques dont Thégémonie du I^éloponnc'se clait l'enjeu.
Les grands conflits qui mettaient aux prises les ambitions rivales
des puissances directrices sont venus, par une sorte de fatalité,
se résoudre dans la Mantinique. Ce n'est t)as le hasard qui a suc-
cessivement poussé dans cette lice les champions les i)lus illus-
tres des partis adverses : Agis et Alribiade, Agésilas et Epami-
nondas, Machanidas et Philopœmen. 11 n'était pas sans intérêt
d'exposer l'enchaînement rationnel de ces faits : c'est |)our-
quoi, après avoir inauguré cette élude pai* des recherches
archéologiques, la néc^essité de comprendre m'a conduit à un
travail d'ensemble.
Les raisons qui ont attiré l'École française d'Alhcncs sur le
terrain de Mantinée ne sont pas fortuites. Depuis l'Expédition
de Morée, l'Arcadie avait été tenue en dehors du mouvement
scientifique. Les philologues accei)laient comme un dogme la
tradition virgilienne qui avait voué ce paysà l'idylle. Les mytho-
graphesse tenaient à distance du concert rnslitjue où Pan trô-
nait avec ses pipeaux ; les historiens ne frayaient pas avec
Tityre. La devise des. bergers de Poussin : Et in Arcadia ego!
convenait;! la pastorale et à la peinture, mais nonencoreà l'éru-
dition. De rares études essayèrent jmurtanl de mettre la science
en règle avec ce pays et d'épuiser l'intérêt du sujet : on peut
dire qu'elles n'ont fait que l'entrevoir (l). En elTet, quand
on commença h s'aflranchir du préjugé bucolique à l'égard des
Arcadiens, ce fut pour tomber dans l'excès contraire : l'Arcadie
n'avait pas d'histoire ; ses habitants avaieni vécu retranchés
dans un isolement farouche ; brigands ou mercenaires, ils
(1) Lconardi Adaiiii Volsinionsls Àrcadicorum, vol. I, Homao. 1710. — Hroi-
tcnbacti. GeachicMe von Arkadien^ 1791. — Mallo-Hruii. Mœurs et lois des
anciens Arcadiens {Nouv. annales des voy., III, P;irls, iSiî)}. — Scliwab.
Arkadien^ 1852.— Do la Coulonche. Mémoire sur l'Arcadie iArchiv. des Miss.
scientif.Wl, 18,'38, p. 83 sqq. — Bertrand. De fabulis Arcadiœ antiquissimis^
1859. — Hôhlc. Arkadien vor der Zeil der Perserkricge, 1883.
VI AVANT-PROI>O.S
n'avaient niùme pas su, comme les Étoliens, se ménager une
entrée en scène tapageuse; de l'ancien Eldorado pastoral, on
faisait un repaire de non valeurs. Sous l'influence de ces idées,
les archéologues traitèrent l'Arcadie comme une quantité négli-
geable. Les ex|)loratious y étaient rares : il semblait qu'en s'y
risquant on ne serait pas payé de ses peines (1). Strabon n'affir-
mait-il pas que déjà de son temps, il n'y avait plus rien à voir
en Arcadie (2)?
Pourtant la lecttire du livre de Pausanias consacré à ce pays
aurait dii exrilor plus de curiosité. C'est le mieux composé et le
plus complet de tout Touvrage. Si le témoignage de Fausanias
estaujotinriuii très discuté, s'il est de mode de le corriger avec
force gourmades, jo pense, avec M. Bérard (3), que les doutes émis
sur la réalilé de ses voyages et, comme disent les Allemands,
sur Vautopsie de ses observations, ne doivent pas s'appliquer aux
Àrcadiques. l^ Périégète a fait en conscience son métier de
folkloriste el «l'archéologue. Il avait au moins sur Virgile une
supériorité : celle d'avoir parcouru le pays dont il collige les
légendes el catalogue les ruines. Sans talent et sans imagina-
tion, son indig(Mico est un gage de sincérité, parce qu'invento-
rier est le contraire d'inventer. Au sujet de l'Arcadie, Pausanias
avait i)risla i)eino de dissipera l'avance nos préventions, d'abord
en signalant à notre attention l'importance particulière des
mythes et des légrndos de ce pcui)lc ; ensuite, en nous décrivant
exactement l'aspect et les attributs bizarres de certaines idoles
si peu conformes aux types du |)anthéon classique; enfin, en
relevant en détail l'état des villes qu'il parcourait : d'où il
résultait que Strabon avait exagéré la désolation du pays et que
nous n'avions pas à partager son pessimisme.
M. Foucart put constater en 1808, durant son voyage épigra-
phique dans le Péloponnèse, que, sur tous ces points, le pays
(1) n faut ajouter que lo brigandage moderne etTrayair Justement les
étrangers.
(2) Strab. VI II, 8. 1.
(3) Orig. des cuUrs arcad. p. 3. — Cf. Heberdey. Die ReUen des Patiênnias,
AVANT-PROPOS Vil
tiendrait ce que Pausanias promettait. Certaines inscriptions lui
firent pressentir en Arcadie ce terrain en quelque sorte primaire
delà mythologie grecque, qui avait déjà intrigué Pausanias. De
Tégée, de Mantinée, d'Orchoniène et de Mcgalopolis, des textes
du plus grand intérêt mythologique, historicpie et dialeclal sur-
girent, preuve que le sol était plutôt vierge qu'infécond. En
1887, les grands chantiers ouverts à Délos, à Dodone, h Olyra-
pie, à Eleusis, à Épidaure, à l'Acropole d'Alhcnes, au Ptoion de
Béotie, étaient épuisés ou en pleine exploilalion. En attendant
de pouvoir faire triompher ses droits sur I)elj)iies, TÉcole fran-
çaise cherchait à se pourvoir de nouveaux (•h;uni)s de fouilles.
M. Foucart, alors directeur de PÉcole, jugea le moment venu de
lentei- un essai en Arcadie.
Entre les nombreuses ruines dont Texploralion s'imposait, le
choix devait être commandé par des raisons scienliliques aux-
quelles s'adjoignaient des considérations pratiques. Tégée et
Mantinée, à la fois les plus anciennes el les plus considérables
des villes arcadiennes, se désignaient à l'ai leni ion par le nombre
des inscriptions qui en avaient élé extraites. Les descriptions de
Pausanias y signalaient Texistenre de mojniments fameux et
encourageaient les plus belles es[)éran('es. A Tégée notammtmt,
bien que le site de la ville eût été nivelé par la rulture au point
que l'enceinte avait complètement disparu et <| u'on se demandait
mômê si elle avait jamais existé, les villag(»s modernes installés
sur ce terrain contenaient d'admirables frai;inents du temple
d'Athéna Aléa. Les substructions du lempUî avec <les fûts de
colonne et quelques morceaux des frontons sculptés par Scopas
avaient même été retrouvés par MM. Milclih(i*fcr el Dœrpfeld (i).
Le petit musée dePiali et les maisons d'AKhouria montraient aux
voyageurs des fragments de frise et de sarcophage, dont une
remarquable figure de lion (2).
(1) Àthm. Hitlh., V, p. 52 sq. ; VI, p. 393 ; VIII, p 274 ; XI, p. 17.
(2) Uoss. Reisen und Reiserouten., p. 70. — (.onze cl Michuclis. Rnpporto
(Annali, 1861, p. 30). — Milchliœfer. Àlh. Milh., IV. p. 132. — Kongcres.
le lion de Tégée {Bull de Corr. hellén., Xltl, p. 470-480, pi. VI). — Bas-
relief de Tégée représentant une lionne {ib. XIV, p. 512-515, pi. X1I|. —
Bas-relief de Tégée représentant un taureau (ib. XV, p. 321-327).
VIII AVANT-PROPOS
Mais le terrain de Téj^ée, en partie recouvert par les maisons
de Piali et d'Ibraliim-EfTendi et par i*église de Palseo-Épiscopi,
al loti pour le reste entre les habitants de ces villages, ne devait
se prêter à une ex|)loration méthodique que si une transaction
intervenait entre les fouilleurs et les propriétaires. La question
des indemnilés se posait la première avec ses exigences inquié-
tantes : chacun sail qu'on i)areille matière, en Grèce comme
ailleurs, avant de satisfaire les intéressés, il faut une énorme
dépense de diplomalic, <rar^ent et de temps. Or, nous n'avions,
pour aboutir à un résullat immédiat, que nos ressources diplo-
matiques : c'était assez pour pré|)arer l'avenir, mais insufTisant
l)Our assurer sa lAche au présent.
Par contre, Manlinée se présentait dans des condilicms privilé-
giées. C'était un désert insalubre d'où la fièvre avait chassé tous
les habitants : pas uneseule maison nes'y étaitmaintenue. Le site
de la ville, nettement délimité i)ar les traces du remiiarl, était
classé comme domaine public.lci les précautions de la loi grecque
qui réserve à l'État la pro|»riété souveraine des ruines antiques,
ne se trouvaient annulées par aucune occupation de fail.Le terrain
était affermé contre une faible redevance aux cultivateurs <les
villages voisins, mais ces concessions ne conféraient aux béné-
ficiaires aucun droit à une expropriation ni à une indemnité
quelconque si le gouvernement autorisait des fouilles sur une
partie ou sur la totalité du domaine public. A ces circonstances
favorables, je dois ajouter la bonne volonté et môme l'empres-
sement du gouvernement hellénique. Le ministre de l'Instruc-
tion publique, M. Manétas, originaire de Tripolis, ne cachait
pas son désir de nous voir arriver dans son pays avec armes
et bagages. S. M. le roi Georges l«»" elle-même daigna insister
en faveur <le l'entreprise auprès du Directeur de l'École (1).
(1) La bonne volonté du gouvernement hellénique à notre égard ne s'est
pas un instant démentie. Nous avons toujours été énorgiquement soutenus
auprès des autorités locales, qui, de leur c6té, ne nous ont pas marchandé
leur concours. Ne pouvant nommer ici toutes les personnes de Tripolis que la
reconnaissance nous défend d'oublier, j*ai plaisir à rappeler raccueil sympa-
thique de cette ville hospitalière.
AVANT-PROPOS IX
C'est cfans ces conditions qu'au début de juin 1S87, au retour
d'un long voyage en Thessalie, je reçus de M. Fourart la niissiou
d'entreprendre des fouilles à Mantinée : dans le cas où le résultat
serait peu satisfaisant, je devais entamer des [pourparlers et
inaugurer <les recherches partielles à Téjçée. Aprôs quelques
jours de préparation, je partis en Arradic avpc les noies, les
cartes et les outils nécessaires, un crédit provisoire de
4000 drachmes et une inépuisable provision dVspéjances. Une
première campagne de fouilles, dirigée l'année précédonle dans
l'Ile de Délos durant cinq mois, avait fait mon a{)))ren(issa<j:e en
ce genre de travaux.
Les relations des voyageurs traçaient de T « aimable Manlinée »
le plus désolant tableau : plaine encaissée et malsaine, lorride
en été, glaciale en hiver, un lieu d'éleclion |)nnr la malaiia.
Seul Welcker(l) défend la Manlinique (-(uilre Ir r<»proche d'insa-
lubrité : évidemment, il n'a fait qu'y passer. En arrivant sur les
lieux, je conslatai l'absence de toute habilaliou permanente,
danslefonddelaplaine, en dehors (le quelques khanis échelonnés
le long de la nouvelle roule. Tous les villages s'étaient haussés
sur les revers des montagnes au-dessus du niv(»an pestilentiel.
Mais cette hostilité du climat à l'égard de Thomme n'excluait
pas une riche végétation. Un tapis de vignes verdoyantes et
d'épis jaunissants s'étalait au fond du cirque naturel juscjirau
pied des hauteurs. Au centre, une su|)er(icie circonscrite par
les vestiges d'un rempart elliptique représentait le site de Man-
tinée. Elle était envahie par les blés et par les orges, dont les
épis drus et toullus recouvrant même les sentiers barraient par-
toutle passage. Toutefois, non sans causerquel(|uesdégi\ts, je i)us
parvenir à une petite butte que j'avais vue de loin émerger vers
le centre de l'enclos. De cet observatoire, un coup d'œil d'en-
semble me convainquait qu'aucun travail n'était possible tant
que le terrain ne serait pas débarrassé.
(i) Welcker. Tagebuch einer griech, Reise, 1865. t. I, p. 197 (\\ passa «
ManUnée le 5 avril 1842).
X AVANT-PROPOS
Gi Ace aux instructions de M. Manétas et de M. Cavvadias (1),
éphore gcncral dos antiquités, les locataires du champ de fouil-
les ne me reçurent pas en ennemi. Pourtant mon arrivée s'abat-
tait sur leurs moissons comme une plaie d'Egypte. Mais dès les
premiers mots on se mit d'arrord. Je mo serais fait scrupule, en
usant de mon droit dans toute sa rigueur, de ruiner et d'affamer
un peuple pour la gloire de ses anc(Hres. Les marbres sculptés
et les inscriptions sont moins rares en Grèce que les champs
nourriciers, et les cimvoitises problématiques de l'archéologie
pouvaient transiger avec les besoins de ces pauvres gens. Je leur
))romis donc d'attendre la coupe des blés avant d'ouvrir mes
tranchées ; ils s'engagcrent de leur côté à user de diligence.
Il y avait par Imnlieur, au bord de la route, une petite chapelle
en ruine, pleine de fragments antiques : je pris patience en la
démolissant. Au bout de quinze jours, les faucilles avaient fait
merveille. Lîi lielle toison dorée prit le chemin des aires, et je
me vis maître d'un steppe, dont la nudité s'égayait d'un tertre
l)elé et de huit mares où verdissait le haschich.
Il ne me restait plus qu'à découvrir Mantinée à l'intérieur de
ses remparts. Mes 4.000 drachmes risquaient fort de s'égarer
dans ce désert de 124 hectares. De la description confuse de
Fausanias, il résultait que le théAtre était entouré de plusieurs
temples. Or, Ja petite butte centrale s'appuyait sur une ligne
circulaire de giosses pierres où la Commission de Morée avait
reconnu le mur de soutènement d'un théâtre : le creux de la
cavéa était encore assez marqué pour ne laisser aucun doute sur
cette identilicalion. C'étciit là un repère précieux qui servit à
orienter les piemières tranchées. Celles-ci, pouss^ées en rayons
à partir du théâtre, nous firent bientôt découvrir la scène, les
restes de trois temples et un ensemble imposant de portiques
qui encadraient un marais. C'était l'agora, située au cœur de la
ville. Le déblaiement de ces constructions très développées nous
(1) Appuyées de très bonne grftce par Téphoro, M. Léonardos, désif^né, après
M. Tsounlas, pour suivre les fouilles au nom du gouvcrnemenl grec.
M. Léonardos n*esl pas de ceux qui pratiquent la devise : hospes^ hoftis.
AVANT-PROPOS XI
occupa jusqu'à la fin des fouilles. En même temps nous explo-
râmes le rempart. Les brèches de l'enceinte, j^^arnies de fortes
tours saillantes, indiquaient la place des principales portes. En
les dégageant, on reconnut les amorces de quchpies rues dallées,
mais au lieu de se donner rendez-vous à Tagora, comme jadis,
ces voies mouraient en terrain vague, après un faible par<*ours,
dégarnies de leur double bordure de maisons. Dans la zone
comprise entre la ceinture des remparts et les constructions de
l'agora, apparaissaient çà et là quelques las do cailloux entassés
par les cultivateurs quand ils épluchaient leurs champs, les
débris croulants de quelques masures gréco-lur(| nos et les restes
d'une grande bAtisse rasée à Heur de terre, sans doute un tclii-
flik turc, à en juger par les tessons de chibouks qui y pullu-
laient. Serpentant au milieu de ces pauvres vosliij:es, un réseau
de profondes rigoles reliait les marais et les drainait hors dos
murs. En somme, tout cet espace se i)rcsenlait comme une
vaste page blanche oITerte à de désespéranles médilalions. Le
déchiffrement empirique et minutieux du terrain devait cepen-
dant nous révéler certains indices qui nous disf)onsèrent de
tâtonner à l'aventure. On explora d'abord tous les iminls où
affleuraient des tuiles ou des morceaux do pierre taillée. La
végétation elle-même contribua à nous é(îlairer. Les paysans
avaient, en elîet, l'habitude de couper les tiges de blé ou d'orge
assez haut, afin de laisser aux moutons une pàtuie pour l'au-
tomne. Partout où j'observai des pailles plus maigres et plus
espacées, j'en conclus que la couche d'humus était plus légère
et qu'un sous-sol solide contrariait l'expansion des racines.
C'est ainsi que nous fut révélée l'existenre, à une faible pro-
fondeur, de plusieurs églises byzantines, notannneni du dallage
qui contenait les bas-reliefs praxitéliens.
11 n'entrait pas dans mon programme — ni dans mes moyens
— d'opérer le déblaiement complet de toute la ville. Le coût,
en argent, d'une semblable opération peut élre évalué à plus
d'un million et demi de francs. Je ne parle pas du nombre
d'années nécessaire à ce travail giganlesque, loul à fait (lisj)ro-
Fig. 1.
Otnriers et ouvrières des fouilles de Maiiliinr »
A {(auche, le thfAtre; nu Tond. l'Anchisia; A droite, In InUle de Goiiii/oiili 0(»»t>('<'iii dr IVnélo|K')
et le Mont Artiiciii.'t.
• Ijcs reprodurlions pho(of;raplii(|ur!i inibliécs dans cv volitiiic >im«» mdir.ilion dr provcnnnre
uni élé lirces d'aprè» les rlirhcs de liinteitr. Ounrid ceiix-oi nniil |ii\ ilomir dr< irMiliiils sntisHii-
Mnls, on a fait des ciiiprurils aux rollerltoiis mises h lit di>|M»>ilMiri do ;M)-Iirolo<riies par I Instiliil
aUemand d'Athènes.
AVANT-PROPOS
Le présent ouvrage est né des rerherclies anlu'M)loj»:i(|ues que
j'ai eu Toccasion de poursuivre connue membre de l'Kcole fran-
çaise d'Athènes, de 1887 à 1889, sur le site et dans la région de
Tancienne Maulinée. Le nom de cette ville n'év(M|ue guère dans
la mémoire des lettrés (ju^un souvenir unique : celui de la mort
d'Epaminondas — qui n'était pas un Mantinreii. — Ce serait
peu pour justifier ce livre, d'autant plus qu(î je n'ai eu la
joie de retrouver ni la stèle ni les resles du héros. Tout au
plus puis-je indiquer approximativement la place où il est
tombé! — Il me sera donc permis de faire valoir les lilres plus
particuliers de Mantinée à une monographie, el d'indi(|uer les
idées qui m'ont guidé en l'écrivant.
L'histoire générale de la Grèce esl mainlenani riablie dans ses
grandes lignes. L'ensemble du lableau, tel (|ue le reiracent les
ouvrages de (îrole, de ('urtius, de BusoU, de Heloch, de llolm,
de Droysen, de Nieseet de ITerlzberg, ne subira pas, avant long-
temps; d'impoitanles relouches. Le dé|K)uilU»nient des Icxles
littéraires est achevé. Les inconnues (|u'ils conliennent encore
ne se dégageront qu'au conlact des documenis nouveaux qui
grossissent sans trêve le dossier de l'archéologie el de l'épigra-
phie. Pour préparer la synthèse future, où la question des ori-
gines sera élucidée, où la genèse des croyanc(»s el le mécanisme
des institutions n'auront plus de secrets, où l'évolution du peu-
ple helléni((ue sera restituée dans son milieu vrai, avec tous les
Manliiiùe. — I .
II AVANT-PROPOS
accessoires d'une mise en scène complète, il faut procéder par
de minulieuses îinalyses et par des enquêtes partielles. La pos-
session d'une série de monof^rapJïies, où cliaque cité grecque
seiait étudiée à pari, contribuerait avec ellicacité à cetle œuvre
d'ensemble.
Restituer l'histoire d'une ville n'est pas un travail aussi res-
Ircint qu'on le croirait de primeabord. L'exiguïté du cadre ne
doit pas (aire illusion sur la complexité du tableau. Les répu-
bliques grecques nous a])i)araissent à distance comme des
microcosmes dont la vie intérieure peut être aisément réduite
en formules. Mais, sans méconnaître les lois générales qui ont
présidé au développement de ces organismes, on ne doit ])as
oublier que chacun d'eux possède sa physionomie propre el son
lempéranient in<lividuel. Sans doule la struclure physique
des différentes pairies helléni(|U(^s les prédis[)osait à une cer-
taine uniformilédeiKînséeseld'atlitudes. Mais, à cha(|uecanlou,
la nature du sol local, le climat, la position relative, les antécé-
dents ethnogra)dii(|ueset religieux des habitiints imposaient des
besoins, des inléièls et des désiis particuliers. Le relatif n'a eu
nulle part plus d'importance qu'eu Grèce : c'est lui qui nous
donne la clef des faits généraux. L'histoire générale ressemble à
une scène où de nombreux acteurs apparaissent pour y jouer
un rùle éphémère : leurs gestes rapides et leurs déclamations
publiques ne nous les fout pas connaître à fond comme indi-
vidus. Nous voyons en gros le drame. Si nous en voulons
comprendre les moindres péripéties, il faut sonder les person-
nages secondaires aussi bien (|ue les premiers rôles.
Lors(|u'on cunlemple de près ces petits Etals grevs, les dis-
tances se rapetissent entre les caUvses et les elïels, dont la
liaison logique apparaît avec une séduisante netteté. On
voit en jeu les ressorts et les rouages les plus infimes; on suit
et on comprend les moindres mouvements du méctinisme. La
stiuclure physi(|ue d'un canton détermine ses conditions pro-
pres d'habitabilité, les besoins matériels et le genre de vie des
lïabitants. Ses débouchés naturels règlent les transactions avec
AVANT-PHOPOS lit
le dehors et la marclie de la civilisation. De sa valeur straté-
gique dépendent ses destinées politiques, suivantqiiesa position
inspire à ses voisins et aux puissances plus lointaines des
inquiétudes ou des convoitises. S'il se trouve à portée des che-
mins hattus par les migrations, son ethnographie subit des
mélanges dont les éléments bariolent sa mytiiologie. Les dieux,
en partie indigènes, en partie immigrés ou empruntés, person-
nifient, les uns les phénomènes locaux, les autres les races enva-
hissantes qui les ont inti-oduits,ou les iniluences élrangôres dont
ils émanent. De la mise en action, dans un milieu restreint et
homogène de ces trois éléments, le sol, les hommes et les dieux,
résultent les institutions, l'ame et Thistoirc d'une cilé grecque.
Il n'est pas inutile d'aller surprendre dans la vie cellulaire les
éléments et les premières vibrations de l'organisme général . H y a
intérêt, par exemple à voiries unités archaï(|ues, xo)u.at ou 8Y,fi.o!
se fondre en un seul Etat, à suivre sur place h\ genèse des cul-
tes ruraux et à observer leur métamorphose en cultes nationaux,
enfin à débrouiller l'écheveau des légendes locales pour en faire
la trame légère de la préhistoire. Par là, toute monographie
plonge dans ce problème des origines, dont la solution ne
dépend pas de généralisations prématurées, mais d'investiga-
tions méticuleuses et de classements méthodiques.
Pour les recherches de ce genre, les monuments figurés et
surtout les textes épigraphiques ont une valeur inîi|)préciable.
Il y a des historiens qui dédaignent les inscriptions et leur pré-
fèrent de parti-pris les textes littéraires comme iiynnt une ijorlée
plus générale. C'est vraiment se plaindre (lue toutes les sources
n'aient pas le même goût. L'avantage des inscriptions, même des
plus insipides et des plus indigentes en fait d'idées générales,
c'est de relléter l'esprit local et ses préoccupations, cela direc-
tement et sans la déformation que ces choses subissent for-
cément en passant par le cerveau d'un narrateur. Elles nous
montrent les mœurs et les institutions en action et nous
mettent en contact immédiat avec les hommes et les divinités
du cru. C'est là une impression qu'il estplusaiséde ressentirqiuî
IV AVANT-PROPOS
<l'analy$er. L'historien fait œuvre d'art et de propagande autant
qiio de vérilr ; le document, étant un acte impersonnel, témoigne
sans artifice de re qui est : un Corptis est à Thucydide ce qu'un
aihum de photographies est h une grande peinture historique.
Quant aux monuments figurés, en tant que produits d'un étal
de civilisation parlirulier, et comme expression de certaines
idées ou croyances traditionnelles, ils acquièrent souvent une
valeur documentaire de premier ordre.
Tels sont les principes qui m'ont guidé dans cet essai de
reconstitution d'un Klal secondaire, comme fut Mantinée. Celle
ville n'a pas élé un des protagonistes de l'histoire grecque ;
mais son intervention dans les afTaires générales du Pélopon-
nèse a marqué de la manière la plus active et la plus originale.
Elle s'est toujours montrée animée d'un sentiment d'indépen-
dance et de libéralisme qui lui valut la haine implacable de
Sparte et l'amitié d'Argos et d'Athènes. Comme d'autres villes
grecques, elle tenta de grandes choses avec de petits moyens, et
déploya un esprit supérieur à ses ressources. Elle devint, à un
moment donné, l'Ame de toute l'Arcadie. La politique lui a
procuré de brillantes illusions, et, en fait de réalités, de cruels
mécomptes. Il y avait, en eflel, dans sa situation, un germe de
paralysie qui la prédestinait surtout à des ambitions malheu-
reuses. Mais le fait seul d'avoir persévéré dans son rêve la
défend contre l'indilTérence.
Elle présente aussi un intérêt d'ordre quasi théorique. La
constitution géologique de son sol, son régime hydrographique
et sa position au nord de la grande plaine fermée crArcadie ont
influé sur sa niylliologie, sur son histoire et sur sa [)olilique
suivant un déterminisme très apparent dont peu d'États grecs
oflriraienl un exemple aussi typique. C'est donc un milieu en
quelque sorte schématique pour étudier l'action du sol sur un
groupe d'hommes, lu conversion des phénomènes physiques en
idées religieuses et par suite eu énergies morales, le jeu des
influences élrangères, bref toutes les causes qui collaborent à la
AVANT-PROPOS V
formation el à la vie d'une cite grecque. La position de Man-
tinée au cœur du bastion arcadien, entre Sparte, Argos et
Athènes, l'appelait à jouer un rôle important dans les combinai-
sons politiques dont rbégémonie du Péloponnrse élail l'enjeu.
Les grands conflits qui mettaient aux prises les ambitions rivales
des puissances direclrices sont venus, par une sorle de falalilé,
se résoudre dans la Mantinique. Ce n'est pas le hasard qui a suc-
cessivement poussé dans cette lice les champions les plus illus-
tres des partis adverses : Agis et Al(!ibiadc, Ai^ésilas et Épami-
nondas, Machanidas et Philopœmen. Il n'était pas sans intérêt
d'exposer l'enchaînement rationnel de ces faits : c'est pour-
quoi, après avoir inauguré celte étude par des recherches
archéologiques, la néc;essité de comprendre m'a conduit à un
travail d'ensemble.
Les raisons qui ont attiré l'École française d'Athènes sur le
terrain de Mantinée ne sont pas fortuites. Depuis l'Expédition
de Morée, TArcadie avait été tenue en dehors du mouvement
scientifique. Les philologues acceptaient comme un dogme la
tradition virgiliennequi avait voué ce pays à Tidylle. Les mytho-
gra plies se tenaient à distance du concert rusiicjne où Pan trô-
nait avec ses i)ipeaux ; les historiens ne frayaient pas avec
Tityre. La devise des. bergers de I^ussin : Et in Arcadia ego!
convenaità la pastorale et à la peinture, mais non encore à l'éru-
dition. De rares éludes essayèrent pourtant de mettre la science
en règle avec ce pays et d'épuiser l'intércM du sujet : on peut
dire qu'elles n'ont fait que l'entrevoir (1). Kn elïet, quand
on commença à s'affranchir du préjugé l)uc()li(|ue à l'égard des
Arcadiens, ce fut pour tomber dans l'excès contraire : l'Arcadie
n'avait pas d'histoire ; ses habitants avaient vécu retranchés
dans un isolement farouche ; brigands ou mercenaires, ils
{i) Lconarcii Adnml Volslnicnsls Àrcadicorum , vol. I, Homao, i7tfi. — Hroi-
tcnbacli. Geschichte von Àrkadieii, 1791. — Mallo-nnin. Mœurs et lois des
anciens Arcadiens {Nouv. annales des voy., III, Paris, 1810). — Sciiwab.
Àrkadicn, 1852.— De la Couionche. Mémoire sur l'Arcadie iArcfiiv. des àliss.
scitftid/. VII, 18îi8, p. 83 sqq. — ncrlraml. De fabulis Arcadim antiquissiiniSy
1859. — Hôhle. Arkadien vor der Zeit der Verser kriegc, 1883.
Vï AVANT-PROPOS
n'avaient même pas su, comme les Étoliens, se ménager une
entrée en scène tapageuse; de l'ancien Eldorado pastoral, on
faisait un repaire de non valeurs. Sous l'influence de ces idées,
les archéologues Iraitcrent TArcadie comme une quantité négli-
geable. Les explorations y étaient rares : il semblait qu'en s'y
risquant on ne serait pas payé de ses peines (1). Strabon n'affir-
mait-il pas que déjà de son temps, il n'y avait plus rien à voir
en Arcadie (2)?
Pourtant la lecture du livre de Pausanias consacré à ce pays
aurait dij exciler plus de curiosité. C'est le mieux composé et le
plus complet de lout l'ouvrage. Si le témoignage de Pausanias
est aujourd'hui Irrs discuté, s'il est de mode de le corriger avec
force gourmades, jo pense, avec M. Bérard (3), que les doutes émis
sur la réalilé de ses voyages et, comme disent les Allemands,
sur Vautopsie de ses observations, ne doivent pas s'appliquer aux
Arcadiques, Le Périégète a fait en conscience son métier de
folkloriste et d'archéologue. Il avait au moins sur Virgile une
supéiiorité : celle d'avoir parcouru le pays dont il collige les
légendes cl ralaloguc les ruines. Sans talent et sans imagina-
tion, son indigence est un gage de sincérité, parce qu'invento-
rier est le contraire d'inventer. Au sujet de l'Arcadie, Pausanias
avait pris la peine de dissipera l'avance nos préventions, d'abord
en signalant à notre attenlion l'importance particulière des
mythes et des lrg(Mulcs de ce peuple ; ensuite, en nous décrivant
exactement l'aspect et les attributs bizarres de certaines idoles
si peu conformes aux types du panthéon classique; enfin, en
relevant en détail l'état des villes qu'il parcourait : d'où il
résultait que Strabon avait exagéré la désolation du'pays et que
nous n'avions pas à partager son pessimisme.
AI. Koucart put constater en 1808, durant son voyage épigra-
phique dans le Pélo|H)nnèse, que, sur tous ces points, le pays
(t) H faut tijouler que le brigandage moderne edrayait Justement les
étrangers.
(2) Strab. VIII, 8, 1.
(3) Orig. des cnltvs arcad. p. 3. — Cf. Ileberdey. DieReisen des Pausanias.
AVANT-PROPOS VU
tiendrait ce que Pausanias promcttail. Cerlaines inscriplions lui
firent pressentir en Arcadie ce terrain en quelque sorte primaire
de la mythologie grecque, qui avait déjà intrigue Pausanias. De
Tégée, de Mantinée, d'Orchomène et de Mégalopolis, des textes
du plus grand intérêt mythologique, hislori(|ue et dialectal sur-
girent, preuve que le soi était plutôt vierge qu'infécond. En
1887, les grands chantiers ouverts à Délos, à Dodone, à Olym-
pie, à Eleusis, à Épidaure, à TAcropole d'AUu'nos, au Ptoion de
Béotie, étaient épuisés ou en pleine cxploit;ilion. En attendant
de pouvoir faire triompher ses droits sur Delphes, l'École fran-
çaise cherchait à se pourvoir de nouveaux (•hamj)sde fouilles.
M. Foucart, alors directeur de l'École, jugea le moment venu de
tenter un essai en Arcadie.
Entre les nombreuses ruines dont l'explornlion s'im|)0sait, le
choix devait être commandé par des raisons scienlififfucs aux-
quelles s'adjoignaient des considérnfiojïs pniliques. Tégéo et
Mantinée, à la fois les plus anciennes el les plus considérables
des villes arcadiennes, vse désignaient à rallenlion par le nombre
des inscriptions qui en avaient été exlrailcs. I^rs doscripticmsde
Pausanias y signalaient l'exislence de moinniients fameux el
encourageaient les plus belles espéranres. A Tégée notamment,
bien que le site de la ville eût élé nivelé par la cullurc au point
que l'enceinte avait complètement disparu el cin'on se demandait
même si elle avait jamais existé, les villages modernes installés
sur ce terrain contenaient d'admirables friii-inents du temple
d'Athéna Aléa. Les substruclions du teuiple avec des fûts de
colonne et quelques morceaux des frontons s(nl|)tés par Scopas
avaient môme étéretrouvéspar MM. Milchlicefer el Dœrpfeld (l).
I^ petit musée dePialiet les maisons d'Akhouria montraient aux
voyageurs des fragments de frise et de saicophage, dont une
remarquable figure de lion (2).
(1) Àthm. Miith,, V, p. 52 sq. ; VI, p. 393 ; VIII, p i74 ; XI, p. i7.
(2) Ross. Reisen und Reisfrouten,, p. 70. — Conze et Micliuclis. Rnpporln
(AniMili. 1861, p. 30). — Milchliœfer. Àl/i. Miih,, IV, p. 132. — Kongcrcs.
Le lion de Tégée {Bull de Corr. hellén., XIII, p. 470-480, pi. VI). — Bas-
relief de Tégée représentant une lionne {ih. XIV, p. 512-515, pi. XII). —
Bas-relief de Tégée représentant un taureau {ib. XV, p. 321-327).
VIII AVANT-PROPOS
M.iis le terrain de Tégée, en pcirlie recouvert |)ar les maisons
de Piali et d'Iliraliim-EITendi et par Téglise de Palseo-Épiscopi,
alloti pour le reste entre les habitants de ces villages, ne devait
se pnMer H une exploration méthodique que si une transaction
intervenait entre les fouilleurs et les propriétaires. I^ question
des indemnités se posait la première avec ses exigences inquié-
tantes : chacun sait qu'en pareille matière, en Grèce comme
ailleurs, avant de satisfaire les intéressés, il faut une énorme
dépense de diplomatie, d'argent et de temps. Or, nous n'avions,
pour aboutir à un résultat immédiat, que nos ressources diplo-
matiques : c'était assez pour préparer l'avenir, mais insuffisant
pour assurer sa lAche au présent.
Par contre, Mantinée se présentait dans des conditions privilé-
giées. C'était im désert insalubre d'où la fièvre avait chassé tous
les habitants: pas une seule maison ne s'y étaitmaintenue. Le site
de la ville, nettement délimité par les traces du rempart, était
classé comme domaine |)ub]ic.lci les précautions de la loi grecque
qui réserve à l'État la propriété souveraine des ruines antiques,
ne se trouvaient annulées par aucune occupât ion de fait.Le terrain
étnit affermé contre une faible redevance aux cultivateurs des
villages voisins, mais ces concessions ne conféraient aux béné-
ficiaires aucun droit à une expropriation ni à une indemnité
((uelconque si le gouvernement autorisait des fouilles sur une
partie ou sur la totalité du domaine public. A ces circonstances
favorables, je dois ajouter la bonne volonté et môme l'empres-
sement du gouvernement hellénique. Le ministre de l'Instruc-
tion publique, M. Manétas, originaire de Tripolis, ne cachait
pas son désir de nous voir arriver dans son pays avec armes
et bagages. S. M. le roi Georges 1/^»* elle-même daigna insister
en faveur de Tcntreprise auprès du Directeur de l'École (1).
(1) I^ l)onne volonté du gouvernement hellénique à notrrt égard ne s'est
pas un Instant démentie. Nous avons toujours été énorgiquemenl soutenus
auprès des autorités locales, qui, de leur c6té, ne nous ont pas marchandé
leur concours. Ne pouvant nommer Ici toutes les personnes de Tripolis que la
reconnaissance nous défend d*o(ib1ior, i*ai plaisir à rappeler l'accueil sympa-
thique de cette ville hospitalière.
AVANT-PROI»OS IX
C'est dans ces conditions qu'au début de juin J887, au retour
d'un long voyage en Thessalie, je reçus de M. Foucart la mission
d'entreprendre des fouilles à Mantinée : dans le cas où le résultat
serait peu satisfaisant, je devais entamer des pourparlers et
inaugurer des recherches partielles à Téjçée. Aprôs quelques
jours de préparation, je partis en Arradie avec les noies, les
cartes et les outils nécessaires, un crédit provisoire de
4000 drachmes et une inépuisable provision dVspéiances. Ihie
première campagne de fouilles, dirigée Tannée précédenle dans
l'île de Délos durant cinq mois, avait fait mim ap|)renlissage en
ce genre de travaux.
Les relations des voyageurs traçaient de V «aimable Manlinéo »
le plus désolant tableau : plaine encaissée», et uialsairie, lorrido
en été, glaciale en hiver, un lieu d'éleclion |)(mr la malaiia.
SeulWelcker(i) défend la Manlinique contre U' reproche d'insa-
lubrité : évidemment, il n'a fait qu'y passer. En arrivant sur les
lieux, je constatai l'absence de toute habilalion permanente,
dans lefond delà plaine, en dehors de quelques khan is éehelonnés
le long de la nouvelle roule. Tous les villages s'élaient haussés
sur les revers des montagnes au-dessus du niveau peslilenliel.
Mais cette hostilité du climat à l'égard de l'homme n'excluait
pas une riche végétation. Un tapis de vignes verdoyanles el
d'épis jaunissants s'étalait au fond du cirque nahirel jus(|u*au
pied des hauteurs. Au centre, une superficie eirconscrile par
les vestiges d'un rempart elliptique représenhiil le sitedeiMan-
tinée. Elle était envahie par les blés el par les (Hges, dont les
épis drus et toulTus recouvrant même les senliers barraient pai-
toutle passage. Toutefois, non sans causer quel(|ucsdégàls, je pus
parvenir à une petite butte que j'avais vue de loin émerger vers
le centre de l'enclos. De cet observatoire, un coup d'œil d'en-
semble me convainquait qu'aucun travail n'était possible tant
que le terrain ne serait pas débarrassé.
(1) Welcker. Tagebuch einer griech, Reise. 1865. l. I. p. 197 Ml pjissa n
ManUnée le 5 avril 1842).
Ouvriers et onvrifres des fouilleb de .Manliiuf *■
A gaucbe, le théAlre; nu fond. l'Ancbisia; A droite, In bntte de Gonrl/cMili (toinlie.ui dr IVn('*lo|i<')
et le MoiU Arinêiiin.
• Les rt'produclinns pholoprnphi<fUPS jnihliôcs dîins rr voIiuik' >imH iii<lir;tti«Mi clo {M'ovciiniirp
uni été lircns d'après 1rs clichôs de I nutenr. (Juniid cciix-ri ii'oiil pn^ il-iiitii' dc<< irMilljils sntisnii-
SAnls, on a fait des ctiiprutits aux collertions mises n lu di>p<>>iti(iii <U>> im-lu'ologiics par rinslilut
alfemaiid d'Athènes.
AVANT-PROPOS
Le présent ouvrage est né ^las rerherclies arc'héologi(|ues que
j*ai eu Toccasion de poursuivre conune membre de l'Kcole fran-
çaise d'Athènes, de l(S87 à 1889, sur le site et dans la région de
l'ancienne Maniinée. Le nom de celle ville nVv(M|ue {^uère dans
la mémoire des lettrés (|u'un souvenir unique : celui de la mort
d'Épamijiondas — qui n'était pas un iManlinécn. — Ce serait
peu pour justifier ce livre, d'aulant [)lus (lue je n'ai eu la
joie de retrouver ni la stèle ni les resles du héros. Tout au
plus puis-je indiquer approximativement la place où il est
tombé I — Il me sera donc permis de faire valoir les litres plus
particuliers de Mantinée à une monographie, el (rindi(|uer les
idées qui m'ont guidé en récrivant.
L'histoire générale de la firècc esl mainlenani clablie dans ses
grandes lignes. L'ensemble du tableau, tel (|ue U» rtîlracent les
ouvrages de (îrole, de Curtius, de Busoll, de Ueloch, de llolm,
de Droysen, de Niese et de ITerlzberg, ne subira pas, avant long-
tenipsj d'i]npor(anles relouches. Le dcpouillemcnt des Icxles
littéraires est achevé. Les inconnues (ju'ils conliennent encore
ne se dégageront qu'au conlact des documenis nouveaux qui
grossissent sans trêve le dossier de l'archéologie el de ré|)igra-
phie. Pour préparer la synthèse future, où la (|ueslîon des ori-
gines sera élucidée, où la genèse des croyances el le mécanisme
des institutions n'auront plus de secrels, où rév(dulion du peu-
ple hcllénj((ue sera resliluée dans son milieu vrai, avec lous les
.Maiitiiicf. — I .
II AVANT-PROPOS
accessoires d'une mise eu scène complète, il faut procéder par
de minulieiises analyses et par des enquêtes partielles. La pos-
session d'une série de monoj^raplues, où chaque cité grecque
serait étudiée à |)arl, contribuerait avec elllcacilé à cetle œuvre
d'ensemble.
Uesliluer Tliistoire d'une ville n'est pas un travail aussi res-
Ircint qu'on le croirait de primeabord. L'exiguïté du cadre ne
doit pas faire illusicm sur la complexité du tableau. Les répu-
bliques grecques nous apparaissent à distance comme des
microcosmes dont la vie intérieure peut être aisément réduite
en formules. Mais, sans méconnaître les lois générales qui ont
présidé au développement de ces organismes, on ne doit pas
oublier que chacun d'eux possède sa physionomie propre el son
tempérament in<lividuel. Sans doute la slruclure physique
des dilïérentes |»alries helléniques les prédisposait à une cer-
laine uniformité de pensées eld'atlitudes. Mais, à chaiiue canton,
la nature du sol local, le climat, la position relative, les antécé-
dents ethnogra|)hi(|uesct religieux des habiUuits imposaient des
besoins, des intérêts et des désirs particuliers. Le relatif n'a eu
nulle part plus d'importance qu'en Grèce : c'est lui qui nous
donne la clef des faits généraux. L'histoire générale ressemble à
une scène où de nombreux acteurs apparaissent pour y jouer
un rôle é|)hémère : leurs gestes rapides et leurs déclamations
publiques ne nous les fout pas couuaitre à fond comme indi-
vidus. Nous voyons en gros le drame. Si nous en voulons
comprendre les moindres péripéties, il faut sonder les person-
nages secoudaires aussi bien (|ue les premiers rôles.
Lorsqu'on contemple de près ces petits Ktats greVs, les dis-
tances se rapetissent entre les causes et les elTels, dont la
liaison logique apparaît avec uue séduisante netteté. On
voit en jeu les ressorts et les rouages les plus inlimes; on suit
et on comprend les moindres niouvemeuts du méciinisme. La
structure physi(|ue d'un cant(m détermine ses conditions pro-
pres d'habitabilité, les besoins matériels et le genre de vie des
habitants. Ses débouchés naturels règlent les transactions avec
AVANT-PKOPOS III
le dehors et la marche de la civilisation. De sa valeur straté-
gique dépendent ses destinées politiques, suivant que sa position
inspire à ses voisins et aux puissances plus lointaines des
inquiétudes ou des convoitises. SU se trouve à portée des che-
mins haltus par les migrations, son ethnograr)lno snl)it des
mélanges dont les éléments bariolent sa mythologie. Les dieux,
en partie indigènes, en partie immigrés ou empruntés, person-
nifient, les uns les phénomènes locaux, les autres les races enva-
hissantes qui les ont inlioduits,ou les inlluences élrangères dont
ils émanent. De la mise en action, dans un nnlicu restreint et
homogène de ces trois éléments, le sol, les hommes et les dieux,
résultent les institutions, l'âme et Fhisloire d'une cité greccpie.
Il n*est pas inutile d'aller surprendre dans la vie cellulaire les
éléments et les premières vibrations de Torganismcgénéral. Il y a
intérêt, par exemple à voir les unités archaïques, xcoaai ou 8y,|jlo!
se iondre en un seul État, à suivre sur place la genèse des cul-
tes ruraux et à observer leur métamorphose en cultes nationaux,
enfin à débrouiller Técheveau des légendes locales pour en faire
la trame légère de la préhistoire. Par là, toute monographie
plonge dans ce problème des origines, (Umt la solution ne
dépend pas de généralisations prématurées, mais d'investiga-
tions méticuleuses et déclassements méthodiques.
Pour les recherches de ce genre, les monunienis ligures et
surtout les textes épigraphiques ont une valeui* ina|)préciable.
Il y a des historiens qui dédaignent les inscriptions et leur [)ré-
fèrent de parti-pris les textes littéraires comme aynut une i)()rlce
plus générale. C'est vraiment se plaindre que toulcs les sources
n'aient pas le même goût. L'avantage des inscriptions, nîcme des
plus insipides et des plus indigentes en fait d'iticcs générales,
c'est de refléter l'esprit local et ses préoccupations, cela direc-
tement et sans la déformation que ces choses subissent for-
cément en passant par le cerveau d'un narrateur. Elles nous
montrent les mœurs et les institutions en action et nous
mettent en contact immédiat ave(t les hommes et les divinités
du cru. C'est là une impression qu'il est [)lusaisc de ressent ii- que
IV ■ AVANT-PllOPOS
cranalyser. L'iiisloricii fait œuvre (rart et de propagande autant
que de vérité ; le document, élant un acte impersonnel, témoigne
sans artifice de ce qui est: un Corpus est à Thucydide ce qu'un
album de |)hologi apliies est à une grande peinture historique.
Quant aux monuments figurés, en tant que produits d'un état
de civilisation parliciilier, et comme expression de certaines
idées ou croyances Iraditionnelles, ils acquièrent souvent une
valeur documentaire de premier ordre.
Tels sont les ])rincipes qui m'ont guidé dans cet essai de
reconstitution d'un Klal secondaire, comme fut Mantinée. Cette
ville n'a pas élé un <les protagonistes de rhistoire grecque ;
mais son intervention dans les allaires générales du Pélopon-
nèse a marqué de la manière la plus active et la plus originale.
Elle s'est toujours montrée animée d'un sentiment d'indépen-
dance et de lihénilisme qui lui valut la haine implacable de
Sparte et l'amilié d'Argos et d'Athènes. Comme d'autres villes
grecques, elle tenta de grandes choses avec de petits moyens, et
déploya un esprit su[)érieur à ses ressources. Elle devint, à un
moment donné, l'Ame de toute l'Arcadie. La politique lui a
procuré de brillantes illusions, et, en fait de réalités, de cruels
mécomptes. 11 y avait, en eflel, dans sa situation, un germe de
paralysie qui la pi-é<lestinait surtout à des ambitions malheu-
reuses. Mais le fait seul d'avoir persévéré dans son rêve la
défend contre l'indilTérence.
Elle présente aussi un intérêt d'ordre quasi théorique. La
constitution géologi(|ue de son sol, son régime hydrographique
et sa position au nord de la grande plaine fermée d'Arcadie ont
influé sur sa myibcdogie, sur son histoire et sur sa politique
suivant un déterminisme très apparent dont peu d'Etats grecs
offriraient un exemple aussi typique. C'est donc un milieu en
quelque sorte schématique pour étudier l'action du sol sur un
groupe d'hommes, la conversion des phénomènes physiques eu
idées religieuses et par suite eu énergies morales, le jeu des
influences étrangères, bref toutes les causes qui collaborent à la
AVANT-PROPOS V
formation cl à la vie d'une cilé grecque. La position de Man-
tinée au cœur du bastion arcadien, entre Sparte, Argos et
Atlicnes, l'appelait à jouer un rôle important dans les combinai-
sons politiques dont rbégémonie du Péloponnrse clait Tenjcu.
Les grands conflits qui mettaient aux prises les ambitions rivales
des puissances directrices sont venus, par une sorte de fatalité,
se résoudre dans la Mantinique. Ce n'est pas le basard qui a suc-
cessivement pousse dans cette lice les cbampions les plus illus-
tres des partis adverses : Agis et Ab^ibiade, Agésilas et Épami-
nondas, Macbanidas et Philopœmen. Il n'était pas sans intérêt
d'exposer l'encbaînement rationnel de ces faits : c'est pour-
quoi, après avoir inauguré cette éturic par des recbcrcbcs
arcbéologiqucs, la nécessité de comprendre m'a conduit à un
travail d'ensemble.
Les raisons qui ont attiré l'Ecole française d'Atbcnes sur le
terrain de Mantinée ne sont pas forluilos. Depuis l'Expédition
de Morée, l'Arcadie avait été tenue en debors du mouvement
scientifique. Les pbilologues acceptaient coninie un dogme la
tradition virgiliennequi avait voué ce pays à l'idylle. Les mytbo-
grapbesse tenaient à distance du concert rusli(|ue où Pan trô-
nait avec ses pipeaux ; les liistoriens ne frayaient pas avec
Tityre. La devise des. bergers de Poussin : Et in Arcadia ego!
convenaità la pastorale et à la peinture, mais uonencoreà Péru-
dition. De rares études essayèrent pourtant de mettre la science
en règle avec ce pays et d'épuiser rinlérct dn sujet : on peut
dire qu'elles n'ont fait que l'entrevoir (I). En effet, quand
on commença h s'aflrancbir du préjugé bucolique à l'égard des
Arcadiens, ce fut pour tomber dans Pexcès contraire : l'Arcadie
n'avait pas d'bistoire ; ses habitants avaient vécu retrancbés
dans un isolement farouche ; brigands ou mercenaires, ils
(i) Loonardl Adarnl Volsininnsis Arcadicorum ^ vol. I, Wnmao.iliC}. — Uroi-
tcnbacti. GeachicMe von Arkadien, 1791. — Mallc-JJrun. Mœurs et lois des
anciens Arcadiens (/Vouu. annales des voy., III, Paris, 1819). — Scliwab.
Arkadien^ 1852.— Do la Ck)ulonche. Mémoire sur l'Arcadie iArciiiv. des 3liss.
scientif.Wl, ia'58, p. ai sqq. — Bcrtrami. De fabulis Arcadùx antiqnissimis,
1859. — llôhic. Arkadien vor der Zeit der Verser kricge, 1883.
IV AVANT-PIIOPOS
d'analyser. L'hisloricu fait œuvre d'art et de propagande autant
que de vérito ; le dociiment, élaut un acte impersonnel, témoigne
sans artifice de ce qui est: un Corpus est à Thucydide ce qu'un
album (le photographies est à une grande peinture historique.
Quant aux monumenis figurés, en tant que produits d'un état
de civilisation parliculier, et comme expression de certaines
idées ou croyances traditionnelles, ils acquièrent souvent une
valeur documentaire de premier ordre.
Tels sont les principes qui m'ont guidé dans cet essai de
reconstitution d'un Ktat secondaire, comme fut Mantinée. Cette
ville n'a pas élé un <les protagonistes de l'histoire grecque ;
mais son intervention dans les alïaires générales du Pélopon-
nèse a marqué de la manière la plus active et la plus originale.
Elle s'est toujours montrée animée d'un sentiment d'indépen-
dance et de libéralisme qui lui valut la haine implacable de
Sparte et l'amilié d'Argos et d'Athènes. Comme d'autres villes
grecques, elle tenta de grandes choses avec de petits moyens, et
déploya un esprit supérieur à ses ressources. Elle devint, à un
moment donné, l'àme de toute l'Arcadie. La politique lui a
procuré de brillantes illusions, cl, en fait de réalités, de cruels
mécomptes. Il y avait, en efiet, dans sa situation, un germe de
paralysie qui la piédestinait surtout à des ambitions malheu-
reuses. Mais le fait seul d'avoir persévéré dans son rêve la
défend contre l'indifîérence.
Elle présente aussi un intérêt d'ordre quasi théorique. La
constitution géologique de son sol, son régime hydrographique
et sa position au nord de la grande plaine fermée d^Arcadie ont
influé sur sa mythologie, sur son histoire et sur sa ])olitique
suivant un déterminisme très apparent dont peu d'États grecs
oflriraient un exemple aussi typique. C'est donc un milieu en
quelque sorte schématique pour étudier l'action du sol sur un
groupe d*hommes, la conversion des phénomènes physiques en
idées religieuses et par suite eu énergies morales, le jeu des
influences étrangères, bref toutes les causes qui collaborent à la
AVANT-PROPOS V
formation et à la vie d'une cité grecque. La jjosîtion de Man-
tinée au cœur du bastion arcadien, entre Sparte, Argos et
Athènes, l'appelait à jouer un rôle important dans les combinai-
sons politiques dont riiégémonie du Péloponnèse élait l'enjeu.
Les grands conflits qui mettaient aux prises les ambitions rivales
des puissances directrices sont venus, par une sorte de fatalité,
se résoudre dans la Mantinique. Ce n'est i)as le hasard qui a suc-
cessivement poussé dans cette lice les champions les plus illus-
tres des partis adverses : Agis et Alcibiade, Agésilas et Epami-
nondas, Machanidas et Philopœmen. Il n'était pas sans intérêt
d'exposer l'enchaînement rationnel de ces faits : c'est pour-
quoi, après avoir inauguré cette étude |)ar des recherches
archéologiques, la nécessité de comprendre m'a conduit à un
travail d'ensemble.
Les raisons qui ont attiré l'École française d'Athènes sur le
terrain de Mantinée ne sont pas fortuites. Depuis l'Expédition
de Morée, l'Arcadie avait été tenue en dehors du mouvement
scientifique. I-.es philologues acceptaient connue un dogme la
tradition virgiliennequi avait voué ce pays à l'idylie. Les mylho-
graphesse tenaient à distance du concert rusli(|ue où Pan trô-
nait avec ses pipeaux ; les historiens ne frayaient [»cis avec
Tityre. La devise des. bergers de Poussin : El m Arcadia ego!
convenaità la pastorale et à la peinture, mais nonencoreà l'éru-
dition. De rares études essayèrent pourtant de mettre la science
en règle avec ce pays et d'épuiser l'intérêt du sujet : on peut
dire qu'elles n'ont fait que l'entrevoir (1). En eiïet, quand
on commença h s'affranchir du préjugé bucolique à Tégard des
Arcadiens, ce fut pour tomber dans l'excès contraire : l'Arcadie
n'avait pas d'histoire ; ses habitants avaient vécu retranchés
dans un isolement farouche ; brigands ou mercenaires, ils
(1) Leonarcli Aflnini Volsinit'.nsls Arcadiconiw, vol. 1, noinjio. 1710. — lîroi-
tcnbacli. GenchicMe von Arkadieti, 1791. — Mallc-lh-un. Mœurs et lois des
anciens Arcadiens {Nouv. annales des voy., III, Pîiris, 1819). — Schwab.
Arkadien, 1862.— De la Ck)ulonche. Mémoire sur l'Arcadie iArchiv. des 3liss.
scientif.Wl, 18îj8, p. 83 sqq. — Bertrand. De fabulis Àrcadix antiquissimis,
1850. — Hôlilc. Arkadien vor der Zeil der Perserkricge, 1883.
AVANT- PROPOS
n'avaienl môme pas su, comme les Éloliens, se ménager une
entrée en scène tapageuse; de l'ancien Eldorado pastoral, on
faisait un repaire de non valeurs. Sous Tinfluence de ces idées,
les archéologues traitèrent TArcadie comme une quantité négli-
geable. Les explorations y étaient rares ; il semblait qu'en s'y
risquant on ne seiait pas payé de ses peines (1). Strabon n'afïïr-
mait-îl pas que déjà de son temps, il n'y avait plus rien à voir
en Arcadie (2) ?
Pourtant la lecture du livre de Pausanias consacré à ce pays
aurait dû exciter jilus de curiosité. C'est le mieux composé et le
plus complet de tout l'ouvrage. Si le témoignage de Pausanias
est aujourd'hui très discuté, s'il est de mode de le corriger avec
force gourmadcs, jo pense, avec M. Bérard (3), que les doutes émis
sur la réalité de ses voyages et, comme disent les Allemands,
sur Vautopsie de ses observations, ne doivent pas s'appliquer aux
Arcadiques, Le Périégète a fait en conscience son métier de
folkloriste el d'archéologue. Il avait au moins sur Virgile une
supériorité : celle d avoir parcouru le pays dont il collige les
légendes el calalogue les ruines. Sans talent et vsans imagina-
tion, son indigence est un gage de sincérité, parce qu'invento-
rier est le coulraire d'inventer. Au sujet de l'Arcadie, Pausanias
avait pris la peine de dissij)erà l'avance nos préventions, d'abord
en signalant à noire attention l'importance particulière des
mythes et des légendes de ce peuple; ensuite, en nous décrivant
exactement ras])oct et les attributs bizarres de certaines idoles
si peu conformes aux types du panthéon classique; enfin, en
relevant en détail l'état des villes qu'il parcourait : d'où il
résultait que Strabon avait exagéré la désolation du' pays et que
nous n'avions pas à partager son pessimisme.
M. Foucart i)ut constater en 18G8, durant son voyage é[)igra-
phique dans le Péloponnèse, que, sur tous ces points, le pays
(1) n faut ajouter que lo brigandage moderne effrayait Justement les
étrangers.
(2) Strab. VIII, 8, 1.
(3) Oi'ig. des cnltrs arcad. p. 3. — Cf. Heberdey. Die Reisen des Patisanins.
AVANT-PROPOS VII
tiendrait ce quePausanias promcttail. Certaines inscriptions lui
firent pressentir en Arcadie ce terrain en quelque sorte primaire
de la mythologie grecque, qui avait déjà intrigué Pausanias.De
Tégée, de Mantinée, d'Orcbomène et de Mégalo|)olis, des textes
du plus grand intérêt mythologique, historique et dialectal sur-
girent, preuve que le sol était plutôt vierge qu'infécond. En
1887, les grands chantiers ouverts à Délos, ii Dodone, à Olym-
pie, à Eleusis, à Épidaure, à TAcropole d'Alhônes, au Ptoion de
Béotie, étaient épuisés ou en pleine ex[)loit«ilion. En attendant
de pouvoir faire triompher ses droits sur l)ci|)hcs, l'Ecole fran-
çaise cherchait à se pourvoir de nouveaux champs de fouilles.
M. Foucart, alors directeur de l'École, jugea le moment venu de
tenter un essai en Arcadie.
Entre les nombreuses ruines dont l'explorai ion s'imposait, le
choix devait être commandé par des raisons scienlifiques aux-
quelles s'adjoignaient des considérations prniiqucs. Tégéo et
Mantinée, à la fois les plus anciennes el les plus considérables
des villes arcadiennes, se désignaient à raUeulion par le nombre
des inscriptions qui en avaient été extraites. Les descriptions de
Pausanias y signalaient l'existence de monuments fameux el
encourageaient les plus belles espérances. A Tégée ntMamment,
bien que le site de la ville eût élé niveh*. ])ar l:i cullure au point
que l'enceinte avait complètement dis|)aru el (| u'on se demandait
mômê si elle avait jamais existé, les villages modernes installés
sur ce terrain contenaient d'admirables frcij;Mienls du lemple
d'Athéna Aléa. Les substructions du temphî avec des fûts de
colonne et quelques morceaux des fronlons sculplés |)ar Scopas
avaient même été retrouvés par MM. Milchlurfer et l)œr|)fehl (1).
Lepetitmusée dePiali et les maisons d'Akhonria montraient aux
voyageurs des fragments de frise et <ie sarcophage, dont une
remarquable figure de lion (2).
(1) Àthen. Mitlh., V, p. 52 sq. ; VI, p. 393 ; VIH, p ^74 ; XI, p. 17.
(2) Boss. Reisen und Reiseroutcn,, p. 70. — ('onze et Michuclis. Rnpporlo
(Ani»8li, 1861, p. 30). — Milciitïœfer. Alh. Milh.y IV. p. 132. — Foiigcres.
Le lion de Tégée {Bull de Corr, hellén., Xltl, p. 470-480, pi. VI). — Bas-
relief de Tégée représentant une lionne {ib. XIV, p. 512-515, pi. XII). —
Bas-relief de Tégée représentant un taureau {ib. XV, p. 321-327).
Vîll AVANT- PROPOS
Mais le terrain de Tégée, en partie recouvert par les maisons
de Piali et d*Il)rahini-Efîendi et par Téglise de PalaBO-Épiscopi,
alloli pour le reste entre les liabitauts de ces villages, ne devait
se priMerfi une exploration méthodique que si une transaction
intervenait entre les fouilleurs et les propriétaires. La question
des indemnités se posait la première avec ses exigences inquié-
tantes : clh'Kuni sait qu'eu ])areille matière, en Grèce comme
ailleurs, avani de satisfaire les intéressés, il faut une énorme
dépense de diplomatie, (rargent et de temps. Or, nous n'avions,
pour ahoutir à un résultat immédiat, que nos ressources diplo-
matiques : c'élait assez pour préparer l'avenir, mais insufTîsant
pour assurer sa Iftrhe au présent.
Par contre, Mantinée se présentait dans des conditions jnivilé-
giées. C'était un désort insalubre d'où la fièvre avait chassé tous
les habitants: pas une son le maison ne s'y était maintenue. Le site
de la ville, nettement délimité par les traces du rempart, était
classé comme domaine imblic.Ici les précautions de la loi grecque
qui réserve à l'Etat la propriété souveraine des ruines antiques,
nese trouvaient annulées par aucune occupation de fait.Le terrain
était affermé contre une faible re<levance aux cultivateurs des
villages voisins, mais ces concessions ne conféraient aux béné-
ficiaires aucun droit à une expropriation ni à une indemnité
quelconque si le gouvernement autorisait des fouilles sur une
partie ou sur la totalité du domaine public. A ces circonstances
favorables, je dois ajouter la bonne volonté et môme l'empres-
sement du gouvernement hellénique. Le ministre de l'Instruc-
tion publique, M. Manétas, originaire de Tripolis, ne cachait
pas son désir de nous voir arriver dans son pays avec armes
et bagages. S. M. le roi Georges !«»* elle-même daigna insister
en faveur de Tentreprise auprès du Directeur de l'École (1).
(1) La bonne volonté du gouvernement hellénique & notre égnrd ne s'est
pas un instant démentie. Nous avons toujours été énorgiquement soutenus
auprès des autorités locales, qui, de leur c6té. ne nous ont pas marchandé
leur concours. Ne pouvant nommer Ici toutes les personnes de Tripolis que la
reconnaissance nous défend d*oubller, j*ai plaisir & rappeler raccueil sympa-
thique de cette ville hospitalière.
AVANT-PROPOS IX
C'est clans ces conditions qu'au début de juin 1887, au retour
d'un long voyage en Tliessalie, je reçus de Nf . Foucart la mission
d'entreprendre des fouilles à Mantinée : dans le cas où le résultat
serait peu satisfaisant, je devais entamer des pourparlers cl
inaugurer des recherches partielles a Tégée. Après quelques
jours de préparation, je partis en Arradie avec les noies, les
cartes et les outils nécessaires, un cré<lit provisoire de
4000 drachmes et une inépuisable provision d'espérances. Due
première campagne de fouilles, dirigée raniié(î piécédenle dans
rtle de Délos durant cinq mois, avait fait mon af)pren!issage en
ce genre de travaux.
Les relations des voyageurs traçaient de V «aimable Manlinée »
le plus désolant tableau : plaine encaissée et malsaine, torride
en été, glaciale en hiver, un lieu d'éleclion ])n\\v la malaria.
Seul Welcker(l) défend la Manlinique (Mmlre Uy reproche d'insa-
lubrité : évidemment, il n*a fait qu'y passer. En arrivant sur les
lieux, je constatai l'absence de toute habitai ion permanente,
dans lefond delà plaine, en dehors de quelques khaniséehelonnés
le long de la nouvelle roule. Tous les villages s'étaient haussés
sur les revers des montagnes au-dessus du niveau pestilentiel.
Mais cette hostilité du climat à l'égard de l'hounne n'excluait
pas une riche végétation. Un tapis de vignes verdoyantes el
d'épis jaunissants s'étalait au fond du cirque naturel jus(|u'au
pied des hauteurs. Au centre, une superficie <'irconscrile |mr
les vestiges d'un rempart elli|)tique représenlail le site de Man-
tinée. Elle était envahie par les blés et par les orges, dont les
épis drus et loullus recouvrant même les sentiers barraient par-
tout le passage. Toutefois, non sans causer quei(|ues dégâts, je pus
parvenir à une petite butte que j'avais vue de loin émerger vers
le centre de Tenclos. De cet observatoire, un coup d'œil d'en-
semble me convainquait qu'aucun travail n'était possible tant
que le terrain ne serait pas débarrassé.
{i) Welcker. Tagebnch einer griech, Reise. 1865. I. I. p. 197 (W passa i\
ManUnée te 5 avili 1842).
X AVANT-PROPOS
Grûce aux instructions de M. Manétas et de M. Cavvadias (1),
éphore gént'îial flos antiquités, les locataires du champ de fouil-
les ne me reçurent pas en ennemi. Pourtant mon arrivée s'abat-
tait sur leurs moissons comme une plaie d'Egypte. Mais dès les
premieis mois on se mit d'accord. Je me serais fait scrupule, en
usant de mon droit dans toute sa rigueur, de ruiner et d'ailamer
un peuple pour la gloire de ses anccHres. Les marbres sculptés
et les inscriptions sont moins rares en Grèce que les champs
nourriciers, et les convoitises |)roblématiques de l'archéologie
pouvaient transiger avec les besoins de ces pauvres gens. Je leur
promis donc d'attendre la coupe des blés avant d'ouvrir mes
tranchées ; ils s'engagèrent de leur côté à user de diligence.
11 y avait par bonlieur, au bord de la route, une petite chapelle
en ruine, pleine de fragments antiques : je pris patience en la
démolissant. Au bout de quinze jours, les faucilles avaient fait
merveille. Ui belle toison dorée prit le chemin des aires, et je
me vis maître d'un steppe, dont la nudité s'égayait d'un tertre
t)elé et de huit mares où verdissait le haschich.
Il ne me restait plus qu'à découvrir Mantinée à l'intérieur de
ses remparts. Mes 4.000 drachmes risquaient fort de s'égarer
dans ce désert de 124 hectares. De la description confuse de
Pausanias, il résultait que le théAtre était entouré de plusieurs
temples. Or, la petite butte centrale s'appuyait sur une ligné
circulaire dc^ grosses pierres où la Commission de Morée avait
reconnu le mur de soutènement d'un théâtre : le creux de la
cavéa était encore assez marqué pour ne laisser aucun doute sur
cette identification. C'était là un repère précieux qui servit à
orienter les premières tranchées. Celles-ci, pousî^ées en rayons
à partir du théâtre, nous tirent bientôt découvrir la scène, les
restes de trois temples et un ensemble imposant de portiques
qui encadraient un marais. C'était l'agora, située au cœur de la
ville. Le déblaiement de ces constructions très déveh)ppées nous
(1) Appuyées de très bonne grâce par réphore, M. Léonardos, désiRné, après
M. Tsounlas, pour suivrt* les fouilles au nom du gouvornemenl grec.
M, Léonardos n*esl pas de ceux qui pratiquent la devise : fiospes, hoFlis.
AVANT-PROPOS XI
occupa jusqu'à la fin des fouilles. En même temps nous explo-
râmes le rempart. Les broches de Tenceinte, fj^arnies de fortes
tours saillantes, indiquaient la place des principales portes. En
les dégageant, on reconnut les amorces de qucl(|iies rues dallces,
mais au lieu de se donner rendez- vous A Tagorn, comme jadis,
ces voies mouraient en terrain vague, après un faible parcours,
dégarnies de leur double bordure de maisons. Dans la zone
comprise entre la ceinture des remparts et les constructions de
Tagora, apparaissaient çà et là quelques tas de cailloux entasses
par les cultivateurs quand ils épluchaient ItMirs champs, les
débris croulants de quelques masures gréco-luniiics et les restes
d'une grande bâtisse rasée à lleur de terre, sajis doule un tclii-
flik turc, à en juger par les tessons de rliibonks qui y pullu-
laient. Serpentant au milieu de ces pauvres vestiges, un réseau
de profondes rigoles reliait les marais et les drainait hors des
murs. En somme, tout cet espace se |)rcscnlait romme une
vaste page blanche olTerte à de déscspéranles inédilations. i^e
déchillrement empirique et minutieux du terrain devait cepen-
dant nous révéler certains indices qui nous dispensèrent de
tâtonner à l'aventure. On explora d'abord Ions les points où
affleuraient des tuiles ou des morceaux de pierre taillée. La
végétation elle-même contribua à nous éfîlairer. Les paysans
avaient, en effet, l'habitude de couper les liges de blé ou d'orge
assez haut, afin de laisser aux moutons une pâture pour l'au-
tomne. Partout où j'observai des pailles plus maigres et plus
espacées, j'en conclus que la couche d'humus était |)lus légère
et qu'un sous-sol solide contrariait l'expansion des racines.
C'est ainsi que nous fut révélée l'existence, à une faible pro-
fondeur, de plusieurs églises byzantines, notamment du dallage
qui contenait les bas-reliefs praxitéliens.
Il n'entrait pas dans mon programme — ni dans mes moyens
— d'opérer le déblaiement complet de toute la ville. Le coût,
en argent, d'une semblable opération peut cire évalué à plus
d'un million et demi de francs. Je ne parle pas du nombre
d'années nécessaire à ce travail gigantesque, tout à faitdispro-
XII AVANT-PROPOS
porlionné avec les résultais que des recherches plus modestes
pcrmellaîent de prévoir. En eflel, il était facile de constater que
la ville antique avait été bouleversée de fond en comble par des
élablissemeuts successifs de Slaves, de Byzantins et do Turcs.
Les édifices helléniques s'étaient éparpillés dans les construc-
tions poslériourcs; il ne restait à Télat fragmentaire qu'un petit
nomhic de fondai ions de la bonne époque. Le sous-sol maréca-
p:eux ne <'oniportait ])as d'assises profondes, et la charrue avait
lout nivelé. Les maisons de Manlinée et beaucoup d'édifices
jïublics élaient bAlis en arpfile crue, en sorte que la ville, affais-
sée et diluée dans sa boue, reslail à l'état de terre labourable. Si
elle n'a i)as surf»i Umt entière sous la pioche de nos ouvriers, la
faute en est au temps, au sol, à la nature des matériaux et
surtout aux hommes, Slaves, Byzantins et modernes, dont le
vandalisme obscur, mais continu, a plus contribué à l'anéantis-
sement de Mantinée que les dévastations d'Agésipolis et d'Anti-
gone Doson.
Dans ces conditions, une mélhode critique s'imposait à nos
recherches, si mms voulions obtenir des résultats sans gaspiller
nos crédits à renuier des terres inutilement. Il s'agissait de
reconnaître tous les gisements de constructions, à quelque
époque qu'elles appartinssent, cela fait, d'en étudier la struc-
ture, et de déblayer dès qu'il y avait trace soit d'un travail
antique original, soit d'un remaniement postérieur avec emploi
de matériaux antic|ues. Je n'ai négligé aucune de ces précau-
tions, mais je ne me suis pas cru obligé d'offrir à l'admiration
des touristes (rinterminables lignes de murs en briques soi-
gneusement nelloyécs. Ceci soit dit pour répondre aux critiques
pa.ssées ou futures des voyageurs qui, sur un champ de fouil-
les, jugent (ra|)rès le « coupd'œil » l'œuvre et l'ouvrier, avec la
l)lus injusie méconnaissance des difficultés combattues et des
résultats ac(|uis (1).
(1) C'esl ce ({110 j'ai (\(i répondre à des attaques un peu inconsidérées du D'
Schllemann contre les travaux de rÉcolc française à Mantinée et à Oclos.
Scliliemann était, par tempérament, un enthousiaste, surtout à l'égard de ses
AVANT- PROPOS XHI
Après une première campagne de trois mois (2,1) juin-20 se|)-
tembre 1887), rendue très pénihU; par rabsonce de loul. abri
contre le soleil et les averses, les pluies d'aulomne et Tinévitable
fièvre m'obligèrent à sus[)endre les travaux. Je revins Tannée
suivante accompagné de M. Bérard, qui voulut l»icn m*assisJcr
avec un dévouement quasi fraternel dans la surveillance d'un
chantier très étendu. Au bout d'un mois et demi (i^^ mai-
16 juin 1888) nous dûmes tous les deux renonror à luller c(mtre
un climat meurtrier : nous reprîmes le chemin (TAthènes et de
France, gravement éprouvés par la malaria. Cependant, désireux
de poursuivre jusqu'au bout la réalisation (h» <orlaincs espé-
rances, nous revînmes à la tâche au cœur de Thivcr ((in novem-
bre 1888 à janvier 1889). Après avoir exploré h^s sancinaires
suburbains de Poséidon Ilippios et des Méliaslos, nous abandon-
nâmes Mantinée pour inaugurer de nouvelbîs recherches à
Tégée. Là encore, malgré la neige et h; froid, Timpaludisme
nous ressaisit et nous chassa (1).
Durant ces trois campagnes, les fouilles ont été conduites avec
une moyenne de 40 à GO ouvriers, l^a fhîpcnsc totale n'a pas
excédé 7,500 drachmes. Nos ouvriers provenaient en grande
partie des villîiges de Bosouna et de Bédéni. Celaient des tra-
vailleurs endurcis. Le soleil, en se levanl sui- rArlémision,
trouvait chaque jour le chantier en pleine activité. Tandis qu'il
propres découverteJ<, dont rextrnordinaire valeur lui faisait oublier la mélliode
expédilive et décousue de ses recherches. Notre admiration reconnaissante se
serait volontiers fermé la bouche sur ces fautes d'un archônlo^'uc prodifTJouse-
ment heureux. Mais Schliemana ne connaist^alt ni la rirconspnclion de ri}{no-
rance^ ni la diplomatie de l'indulgence. Toutefois, il savait nM-onnaitrc ses torts
etprati^iuer la louange réparatrice avec autant de promplitiidti que la critique
impulsive. Après nous avoir dénigrés avec une légôrelé surprenante de la
part d'un homme à qui sa notoriété, sinon son autorité scientiHquc, devait
imposer quelque réserve, il parut surpris que nous eussions relevé un peu
vivement l'Injustice de son procédé. Dans une longue épitrc en grec hoinérico-
byzanlin, adressée à M. Salomon Rcinach, il lit amentle lionorable de trôs
bonne grôce. Voy, IlnlL de Corr. hellén. XIV. p. 271-27;). — S. Uilnach.
Chron, d'Orient, I. p. 623.
(1) Les accès de fièvre furent même suivis, chez nous et chez quel(|ucs
uns de nos ouvriers, d'ulcères phagédéniques aux mains et surtout aux
jambes.
XIV AVANT-PnOFOS
parcourait leiUeiiienl le large horizon de la plaine, pioches,
j)elles, tombereaux et brouettes travaillaient de leur mieux. A
l'heure où le dis((ue s'elTaçait derrière la cime de TOstrakina, la
journée était close. Nos Arcadiens rentraient au khani ou cou-
ciiaienl sur [)lace à la belle étoi le,sous leurs lourdes capes en poils
de chèvre. Leur modeste salaire (2 drachmes 1/2 pour les hommes,
i dr. 1/2 pour les femmes employées, suivant la coutume locale,
aux brouelles), leurs re|)as de tomates crues et de concombres
arrosés de vin résiné, la courte sieste de midi et leur endurance
agreste, leur faisaient supporter avec allégresse ce labeur
écrasant de 14 heures. — Oserai-je avouer que les longues
journées, passées dans cette morne solitude en compagnie de ces
Ames simples, n'étaient pas sans charmes?
Les résultats directs et indirects de ces fouilles nous ont en
partie récompensés de nos peines. Au point de vue géographique,
nous avons pu élucider la question du régime des eaux dans la
Mantinique, expliquer la situation de Mantinée par rapport à
ïégée et retrouver les causes précises delà perpétuelle rivalité
de ces deux villes. Au point de vue lopographique, nous avons
pu déterminer les raisons qui ont assigné à Mantinée le site
qu'elle a occupé à partir du synœcisme, reconstituer les
itinéraires de Pausanias, retrouver l'emplacement et les restes
du sanctuaire des Méliastes et du temple de Poséidon Hippios,le
point tactique des grandes mêlées dont Xénophon, Polybe,
Pausanias et Plutarque nous ont laissé des récits; par là,
éclairer les détails de leurs narrations; — fixer l'orientation des
portes de la ville, reconstituer le système très original de f(»rli-
licatiou d'une des plus belles places militaires du IV^o siècle;
enfin, retrouver en partie les éléments de la topographie inté-
rieure de la ville. Sous le rapport de l'architecture, le déblaie-
ment de l'agora nous a restitué le type le plus complet d'agora
helléni(fue jusiju'ici connu, avec les restes d'un monument
intéressant du IV« siècle, le Ilouleutérion; le dégagement du
théAtre nous a fait connaître certaines particularités de construc-
AVANT'PROPOS XV
- tion curieuses, telle que la disposilion oblique de la scène et les
escaliers extérieurs (1). Comme épigraphie, des inscriptions
dialectales nous ont fourni des données nouvelles sur le dialeclc
et Talphabot arcadiens, et des textes divers sont venus docu-
menter certains points de Thistoire poliliquc et religieuse de
Mantinée à difiérenles époques. La numismali(|ue a gagné dans
la quantité de monnaies diverses exhumées de nos tnniciiécs
quelques spécimens plus parfaits. Enfin, l'arcliéologie s'est
enrichie de bas-reliefs praxitéliens qui prennent rang parmi les
acquisitions les plus notables et les plus instructives qu'ait faites
l'histoire de la sculpture grecque au IV» siècle.
Parmi les résultats indirects, il me sera permis <rinvoquer le
précédent encourageant qui, en attirant sur l'Arcadic l'attention
des archéologues, en leur prouvant la possibilité d'y faire des
découvertes, a suscité d'autres recherclies fruclucnscs. Par les
fouilles inaugurées en commun à ïégée, et poursuivies avec
succès par M. Bérard, un beau champ d'exploration s'est ouvert
pour l'avenir; les fouilles du gouvernement grec à Lycosoura
et à l'Éleusinion de ïhelpousa, celles de l'École anglaise à
Mégalopolis ont délinitivement annexé l'Arraciio à la srien<e.
L'ouvrage de M. Bérard sur les cultes arcadious n'osl pas <le
nature à entretenir l'indifférence des savants à l'égnrd drs pro-
blèmes qu'il soulève et des preuves (|iie ceux-ci réclament.
Souhaitons qu'on ne larde pas à les aller chercher au sonnnet du
Lycée, à Phigalie, à Thelpousa, à Kleitor, à Psophis, à Stym-
phale, à Pallantion, pour ne citer que les plus fameux parmi les
morts qui attendent qu'on les fasse parler!
Avant d'entrer dans mon sujet, je licMis à inscrire en léte
de cet ouvrage les noms des maîtres dont la bienveillance,
les conseils et les travaux ont été mes soutiens et mes guides.
Je n'ose espérer qu'ils reconnaîtront ici l'inlluence de leurs
(I) L'École d*Alhène8 n'avait pas d'nrchileclp régulièrement aUaché A son
service. Nous avons «lu exécuter seuls tous les levés de plans, sauf celui de
Tenceinte fortinée pour lequel l'ingénieur italien de Billi nous a prêté le
concours de ses lumières et de ses instruments.
XIV AVANT-PROPOS
parcourait lenlement le large horizon de la plaine, pioches,
pelles, tombereaux et brouettes travaillaient de leur mieux. A
riicureoù le disque s'elTaçait derrière la cime de TOstrakina, la
journée était close. Nos Arcadiens rentraient au khani ou cou-
ciiaientsur place à la belle étoile,sous leurs lourdes capes en poils
de chèvre. Leur modeste salaire (2 drachmes 1/2 pour les hommes,
1 dr. 1/2 pour les femmes employées, suivant la coutume locale,
aux brouettes), leurs re|)as de tomates crues et de concombres
arrosés de vin résiné, la courte sieste de midi et leur endurance
agreste, leur faisaient supporter avec allégresse ce labeur
écrasant de 14 heures. — Oserai-je avouer que les longues
journées, passées dans cette morne solitude eu compagnie de ces
Ames simples, n'étaient pas sans charmes?
l^es résultats directs et indirects de ces fouilles nous ont en
partie jécompensés de nos peines. Au point de vue géographique,
nous avons pu élucider la question du régime des eaux dans la
Mantinique, expliquer la situation de Mantinée par rapport à
ïégée et retrouver les causes précises de la perpétuelle rivalité
de ces deux villes. Au point de vue topographique, nous avons
pu déterminer les raisons qui ont assigné à Mantinée le site
qu'elle a occupé à partir du synœcisme, reconstituer les
itinéraires de Pausanias, retrouver remplacement et les restes
du sanctuaire des Méliastes et du temple de Poséidon Hippios,le
point tactique des grandes mêlées dont Xénophon, Polybe,
Pausanias et Plularque nous ont laissé des récits ; par là,
éclairer les détails de leurs narrations; — fixer Torientation des
portes de la ville, reconstituer le système très original de forti-
fication d'une des plus belles places militaires du IV^ siècle;
enfin, retrouver en partie les éléments de la topographie inté-
rieure de la ville. Sous le rapport de l'architecture, le déblaie-
ment de l'agora nous a restitué le type le plus complet d'agora
hellénique jusqu'ici connu, avec les restes d'un monument
intéressant du IV« siècle, le Houleutérion; le dégagement du
théAfrc nous a fait connaître certaines particuhirités de construc-
AVANT-PROPOS XV
' tien curieuses, telle que la disposition oblique de la scène et les
escaliers extérieurs (1). Comme épigraphie, dos inscriptions
dialectales nous ont fourni des données nouvelles sur le dialecte
etTalphabet arcadiens, et des textes divers sont venus docu-
menter certains points de Thistoire polili(|uc cl religieuse de
Mantinée à difîérenles époques. La numismali(|ue a gagné dans
la quantité de monnaies diverses exhumées de nos tranchées
quelques spécimens plus parfaits. Enfin, Taichéologie s'est
enrichie de bas-reliefs praxitéliens qui prennent rang parmi les
acquisitions les plus notables et les plus instructives qu*ait faites
Thistoire de la sculpture grecque au IV» siècle.
Parmi les résultats indirects, il me sera permis d'invoquer le
précédent encourageant qui, en attirant sur TArcadie Tattenlion
des archéologues, en leur prouvant la possibililé d'y faire des
découvertes, a suscité d'autres recherches fruclueuses. Par les
fouilles inaugurées en commun à ïégée, et |K)ursuivies avec
succès par M. Bérard, un beau champ d'exploration s'est ouvert
pour l'avenir; les fouilles du gouvernement giec à Lycosoura
et à rÉleusinion de Thelpousa, celles de l'École anglaise à
Mégalopolis ont définitivement annexé l'An ad io à la science.
L'ouvrage de M. Bérard sur les cultes arradioiis u'esl pas de
nature à entretenir l'indilTérence des savants à l'i-gard des pro-
blèmes qu'il soulève et des preuves (juo ceux-ci réclament.
Souhaitons qu'on ne larde pas à les aller chercher au sommet du
Lycée, à Phigalie, à Thelpousa, à Kleitor, à Psophis, à Slym-
phale, à Pallantion, pour ne citer que les plus fameux parmi les
morts qui attendent qu'on les fasse parler!
Avant d'entrer dans mon sujet, je liens à inscrire en tète
de cet ouvrage les noms des maîtres dont la bienveillance,
les conseils et les travaux ont été mes soutiens et mes guides.
Je n'ose espérer qu'ils reconnaîtront ici l'infinence de leujs
(t) L'École d'Athènes n'avaU pas d'archltectp ré^uliôremenl attaché A son
service. Nous avons dû exécuter seuls tous les levés de plans, sauf celui de
l'enceiDle fortifiée pour lequel l'ingénieur italien de Billi nous a prèle le
concours de ses lumières cl de ses instruments.
XVI
AVANT-l»nOI>OS.
méthodes et de leur esj)rit. Mais ils me permettront de leur
adresser un reconnaissant hommage pour les services inap-
|)r(k*iaJ)les qu*ils m'ont rendus. M. Georges Perrol, directeur
de l'Ecole normale supérieure, m'a montré, à l'âge où Ton
cherche sa voie, lo chemin de la Grèce : je lui dois la pre-
mière orientation de ma carrière. M. Paul Foucart, comme
directeur de TÉcolc d'Athènes, en me mettant à la tAche, a
imprimé à mes recherches l'impulsion de ses encourage-
ments, de sa profonde cx|)érience du pays et de sa haute
autorité scientifique. Je ne saurais trop remercier M. Homolle
de Tattention qu'il a cojisacrée au présent travail. S'il m'a été
donné de le conduire à sa fin, le secours de ce maître bien-
veillant, douhlé d'un critique rigoureux, y a beaucoup contri-
bué. Je lui dois aussi d'avoir pu accompagner mon livre des
gravures et des cartes qui en sont le complément nécessaire.
M. Maxime Collignon, professeur d'archéologie à la Sorbonne,
a bien voulu accueillir ce volume avec un intérêt que me
rendait particulièrement précieux sa fine connaissance de la
Grèce anticiuc.
Fig. 2.
Khani de Kaloyéras. sur la nuilo de Iripolis A Kakoiiri, A une demi-heure nu S. de Mnntini^.
Au Tond, le Ménalv ; A dioile, In pointe du Monl Aldini.
MANTINÉE
ET
L'ARCADIE OllIENTALE
LIVRE PREMIER.
LE PAYS.
CJIAPIÏRE IMIKMIKU.
TOPOGRAPHIE GENEHALR DU PELOPONNESE
ET ZONES DE CIVILISATION.
Strabon a délini le Péloponnèse : « l'Acropole de tonte la RèRioiisiiniurHies
Grèce. » (i) La mélapliore est aussi exacle ([iio concise. On peut '••• ïvi«i»o>'"«^«'-
la comploter en ajoutant: cette citadelle a un dinijon, l'Arcadic.
Que Ton jette les yeux sur une carie ou qu'on promène un
regard circulaire du haut des grands observatoires péloponné-
siens, du faîte du Cyllène, du Kbelmos, de rArtémision ou du
Lycée, tout semble désordre : on a peine à démêler dans le chaos
(1) Slrab., VIII, 1, 3, p. 334: 'AxpoTroXiç cdTiv q lUXoTrovvYjcroç ty,ç
c\j\t.7ti(î-t\ç *BXXà8oç, Cf. Eustalh. ad Dion. Pericgel, 403 : 'AxoôttoXiv tt,;
'ËXXàSvç ol TcaXaioi ^aai ty,v IleXoTcôvvTiffov, et roraclc do Delphes cité par
Pblégon de Tralles : ^U y% àxpoTroXiv 7rà(iy,ç IUÀ07ry,''ôa xXciv/jV...
{Fr. fiist. graec. III. p. 603)
AJ.intince. — 2.
2 MANTINKE ET L*AUCAD1E ORIENTALE.
des chaînes el des cimes, daus le labyrinthe des gorges sinueuses
et des si^icieuscs cuvettes, les linéaments d'un système délini.
Tout ce |)elit monde péninsulaire se hérisse, se creuse et s'enclie-
vclre avec une troublante complexité. On ressent de suite
l'impression (|u'iJ doit opposer à hx centralisation d'insurmon-
tables obstacles.
-OS'^^^
r'/'^i.EC.
%i«f ffw yff-j
Fig. 3.
Cnrle hypsomélriquc du Péloponnèse.
Toutefois, si Ton étudie patiemment la disposition du relief de
la Morée, on voit les grosses membrures converger de la péri-
phérie maritime vers un grand creux, le bassin fermé de Tripolis,
situé un peu à TEst du centre fictif de la péninsule. Autour de
cette cavité rectangulaire, véritable réduit de TAcropole pélopon-
nésienne, aux parois continues, règne une zone concentrique
TOPOGRAPHIE GENERALE ET ZONES DE CIVILISATION. J
de glacis inclinés en pente douce vers la incM- : vallées su|)é-
rieures de TEurolas (Sparte), du Paniisos (Slt'myclaros), de
TAlphée (Aséa et Mégalopolis), de l'Inaciios (Mycriios), de TAso-
pos (Plilious). Ces plaines intermédiaires débouciiont par des
issues souvent étroites sur la bordure de vallées et de plages
alluviales, qui encliûssent, au niveau de la mer, la base du
massif tout entier. Le réservoir hydrographique de tout le
système est ce vaste implnvium central, béant sous les averses
du ciel arcadien et dont le radier est suspendu à 630 nu'trcs
d'altitude. De là, par des trop-pleins naturels, parles lalus exté
rieurs de ses épais soutènements (Ménale, Arlémision, Boréion),
renforcés de puissants contre - forts (Cyllène, Monts Aroaniens,
Érymanthe, massif gortynien. Lycée, TaygèUî, Parnon) s'épan-
chent les longs torrents qui s'en vont, par un dédale de sombres
couloirs, butant et culbutant les roches, faisant brèche aux
obstacles, rejoindre aux quatre points cardinaux les découpures
de la côte.
La course est brève, vers le Nord et vers TJilst ; les golfes de
Corintheet de Nauplie viennent prescjue baigner le pied de la
muraille arcadienne. Les eaux y dévalent directement, comme
des pentes d'un toit. Mais au S. et à TO. il leur faut s'insinuer
avec |)eine dans les interstices du massif, se frayer un passage
de terrasse en terrasse, contourner des é|)erons rocheux avant
de s'étaler dans les régions basses. L'Eurolas et l'Alphée, ces
grands collecteurs du réseau péloponnésien, ne parviennent à
destination qu'après mille péripéties dans des cantons perdus.
Ainsi comprise, la structure de la Morée ressemble à celle i«
d'un continent réduit. Au centre, son système montagneux ï^*'« •'«» ^•*"*«*
et hydrographique le pourvoit d'un climat continental. Il tôlières.
faut descendre dans les vallées cotièies pour retrouver les
douceurs du climat insulaire. C'est là (pie s'épanouirent les
plus anciennes civilisations. Les rades aux |)aisiblcs profon-
deurS{ annoncées aux navigateurs orientaux [)ar les îles égre-
nées en avant du littoral, attirèrent plus de liOO ans avant J.-C.
Phéniciens, Carions et Pélopides. Les aveiiluriers de la mer y
firent prospérer des comptoirs et des factoreries où s'a|)provi-
sionnaient d'objets de luxe, d'armes incrustées et de riches
tissus les indigènes demi -barbares. A celle éjKHfue comme
aujourd'hui ce quai circulaire faisait au Péloponnèse une cein
ture dorée. Depuis Argos jusqu'à Corinthe, par les ports de
iiioycniii*s.
4 MANTINKE KT L ARCADIE ORIENTALE.
Mcssénie, (rÉlido cl d'Achaïe, il extravasait ses denrées, escla-
ves, inerceiiaîres, h(Mcs de somme, vins, bois, etc., et absorbait
les produits exolicjnes et môme des idées. Le sanctuaire olym-
pique est la [)lus Ijelle fleur éclose sur ce terroir cosmopolite.
En arriore du quai, où régnaient en maîtres trafiquants,
'^"'** ''"•''"'"*''' marins et écumeurs de mer, débouchaient, comme autîint do
vestibules, les vallées surélevées où campaient en armes les con-
([uéranls élrangiMs mêlés aux aborigènes asservis. Les [)lus
anciennes puissances militaires s*organiscrent dans ces vasles
enclos, à dislance respectable des r^les, sous l'abri des acropoles
lutélaires. Myccnes, Amyclées, Stényclaros, Lycosoura, Kleitoi-
avaient vu leur suprématie grandir sans crainte des pirates. Il
fallut Tarrivée des envahisseurs descendus du Nord pour dislo-
(juer ces princi|)aulés mi-guerrières et rai-rurales. Encore ces
Elatsconservèrenl-ils, sous le joug des nouveaux venus, le sou-
venir du lien commun qui les avait jadis constitués. Seule la
Parrhasie, que sa situation géographique tenait à Técart de la
mer et des grandes voies de passage, une fois abandonnée à elle-
même, oublia la suzeraineté de ses antiques capitales, Trapézous
et Lycosoura, pour s'absorber dans la vie patriarcale, où chaque
clan put végéter à sa guise jusqu'à la fondation de Mégalopolis.
S[)arte dédaigna celle facile conquête et laissa les Parrhasiejis
subsister avec l'autonomie de leurs dèmes, comme un État tam-
pon entre elle et l'Arcadie.
3» En remontant plus loin, au cœur de l'Arcadie, sur les gradins
Rôle (lu iimssif |)oisés, daus les hautes brandes du massif gortynien et du
cenirni cl Mj^nalc, sur les berges de l'Uélisson et du Ladon supérieur, on
'^^klTmiiZ ^ lencontrait des jieuplades à moitié sauvages, dont l'humeur
farouche n'avait |)u se i)lier à la contrainte des formes politiques
familières aux autres Grecs. C'était le repaire des Arcadiens
(( mangeurs de glands (i)», de ces légendaires Pélasges, hommes
des bois eldes (tavernes, (fui personnifiaient, dans l'imagination
de l'Hellène civilisé, le type inculte de l'homme primitif. La
roche avare les nourrissait mal, eux et leurs troupeaux; la forêt
peuplée d'ours cl de loups ne leur livrait que moyennant ran-
çon la chair de ses fauves. Nomades, errant de pAtis en pAtis
sur les hauteurs, comme leurs successeurs les Vlaques mo-
dernes, ignorant la servitude du labour périodique, ils s'en
(1) Pans. VIII. 42, (>.
TOPOGRAPHIE OÊNKHALB BT ZONES DE CIVILISATION. V)
allaient par le monde clicrclicr forliine avoc*, une lance, un
épieu, un arc, une fronde, une massue. Ils mollaiont. leur vail-
lance et leur adresse au service des riches rrpul)li([ues ou dos
dynastes généreux qui ne lésinaient ni sur la solde ni sur la
part du butin. Presque toutes les armées inerronaires, en Grèce,
en Sicile, en Orient, ont compté dans leurs rangs de ces lans-
quenets arcadiens(l). {(Se battre à Varcadienne » signifiail prover-
bialement verser son sang pour autrui. Souvent, on les retrouvait
à la fois dans les deux camps adverses. Grêlaient ces bandes de
batailleurs professionnels, que venaient rocrulcren Arcadie les
rois en exil soucieux de réintégrer leurs Etais ou de se lailler
quelque part une compensation, les aventuriers qui savaient
faire accepter leurs promesses pour argent comptant, peul-élre
les trafiquants phéniciens en quête d'escortes pour leurs (lottes
marchandes et leurs convois précieux. Quehjuefois nu^uie, la
difficulté de vivre, le surcroît de population et l'iiisufllsance iWs
moyens d'existence groupaient sous les ordres de» chefs choisis un
certain nombre dijidividus qui s'expatriaient de leur propre
initiative, sans engagement et sans contrat de louage. Ge n'était
plus alors pour travailler « à Tarcadienue », et revenir plus ou
moins décimés, plus ou moins riches, aprcs avoir gaspillé leur
bravoure au mieux des intérêts d'autrui. Si Ton en croit la tra-
dition, Évandre,(JEnotros,Peucétios doivent être com|)tés i)armi
ces condottieri ayant opéré pour leur compte personnel. Il
arrivait aussi qu'une fois engagés dans des expéditions loin-
taines, les mercenaires perdaient tout esprit de retour. La plu-
part du temps, la rentrée au pays était impossible, (ionnneni
regagner la patrie d'origine? où trouver des navires |M)ur revenir
en Arcadie? Et puis, une fois rapatriés, qu'y faire? D'ailleurs,
entre temps, le mercenaire avait contracté rh^s alliances; il s'était
créé une famille en terre étrangère; il se trouvait lié par des
devoirs imprévus au départ. Le retour dans ces conditions lui pa-
raissait un exil nouveau. Tout lui commandait de rester où il
était. Fonder une patrie devenait i)lus aisé (fue de courir à la
recherche du pays natal. Et c'est ainsi, sans doute, que s'établi-
rent les colonies arcadiennes de Ghypre,de(jèle et de Bithynie.
De toutes façons, l'Arcadie centrale, pauvre de sol, nuiis riche
en hommes, épanchait au dehors par rémigralion le trop |)lein
de ses habitants.
(1) Cf. la roenlion de sept hoplites arcadions sur la stèle de Xantlios.
(Waddington. Inscr. d'Asie Mineure, l2i4U. lU.)
6 MANTINÉE RT l'arCADIR ORIENTALE.
Ciir«ri^ic inso- Au icslo, il oUiil |)lu.s conimodc (ren sortir que de s'y avenlu-
ciiiiiie. rer. I! n'y a pas lonjîlemps que les ingénieurs français en
mission en Grrce ont ronunencé à porter la mine au cœur du
massif gorlynicn, de fAclieuse réputation. Bientôt des routes car-
rossables aux véhicules indigènes escaladeront les derniers talus
de TErymanlhe cl du Ménale, en attendant que la locomolive
aille achever celte conquête i)acirique. Mais l'œuvre n'est
qu'ébauchée. Il faut encore une ample provision de rohur et
d'ars iriplex pour suivre sans défaillir les vaillants roussins
d'Arcadieà l'assaut des raidillons caillouteux et mouvants qui
aboutissent à Dimilsana. Telle la tradition historique la repré-
sente, telle celle rcj«;ion se montre encore au voyageur moderne :
A|)re, impénétrable, séparée de la mer par la double zone des
riverains et des grandes plaines ([ui bloquent le haut pays, plus
isolée de la grajide voie maritime par les barrières naturelles
que par la dislance. De (îortys (environs de Dimitsana) à Kyna^-
tha (Kalavryla) s'élevait la citadelle des Klephtes insociables.
Le monde ambiant leur apparaissait comme une proie et le
prochain comme une cible. Entre eux, nulle entente, sinon pour
les cou|)s de mains profitables. Sans autre maître que leur
instinct pillard, de leurs hameaux haut percbés, du fond de
leurs ma(|uis, ils épiaient le voisin, prêts à |)rorder du moindre
relAchcmejU, du moindre trouble pour fondre en oiseaux
rajmcessur les trésors d'Olympie, sur les étables d'Elide, sur
les récoltes de la Parrhasie. Ces brigands terrorisaient le Pélo-
|)oniicse de la même façon quelesÉtoliens rançonnaient la Grèce
centrale. Les événemcuts (|ui agitaient la Péninsule ne les inté-
ressaient (jue dans la nuîsure où ils servaient leurs convoitises.
Les grands mots d'indépendance et de nationalité arcadiennes
sonnaient à leurs oreilles sans avoir prise sur leur égousme. S'ils
s'embrigadaient dans quelque expédition, c'était pour en
compter les bénéfices ; ils laissaient les autres se battre par
sentiment. UebcHes à toute organisation, à toute culture, à
tout enthousiasme, tandis que le Péloponnèse se passionnait
pour les nobles tentatives d'Epaminondas et du Mantinéen
Lycomèdes, ils se tenaient retranchés dans leurs repaires. Établis
[mr contrainte dans les remparts de Mégalopolis, ils s'en échap-
pèrent comme d'une prison. On les vit toujours apporter à la
cause du désordre l'appoint de leur force brutale et faire avorter
pai- leurs excès l'cruvre des réformateurs. Par eux toute organi-
sation stable de la péninsule fut rendue impossible. Cet essaim
nirndien :
iMniiliiiéc elTéçée.
TOPOGRAPHIE GéNÉRALE ET ZONES DE CIVILISATION. 7
malfaisant sévit à travers les siècles, jusqu'à ce (jue, le Pélopon-
nèse épuisé ne lui odranl plus qu'un cadavre à sucer, il linil par
périr lui-même rrinanition.
Aussi bien TArcadie tout entière ne Icnail. pas entre les Ihniles *<
de ces districts barbares. Le secret de la nu;rv(Mll(îuse iulluonce i^»''' »i" 'édiiu
que la (îrcce a exercée sur le monde réside dans la richesse el la
variété des contrastes accumulés sur un élroil espace. Dansclia-
que canton fermenlaitungéniedillérenl. Cette livraison niullij)le
a plus fait pour l'éducation de riiuinanhé (|ue la formidable
unité de TEmpire romain. D'Athènes à Thèbcs, en une journée, on
changeait de patrie inlellectuelle. Le Pél()|U)nnèse, sous ce raj)-
porl, est un pays plein de surprises. A cfuelques lieues de Corin-
the, de Sicyone et d'Argos, villes opulenles où Part helléni(|ue
se mariait au faste oriental, Sparte menait, avec une auslérilé
toute dorienne, la vie des camps. A ses cùlés, la Messénie, sou-
mise et palienle, s'absorbait dans un labeur parilique. Quel(|ues
heures plus loin, rayonnait Olympie, et Tor de ses acrotèrcs
allait sur les cimes proches faire flamber la ronvoilise aux yeux
des «mangeurs de glands», couverts de peaux de bètes. Si Ton
descendait à l'Est, au pied des huttes essaimées au hasard des
filets d'eRU et des pâturages, où ces nomades abrilaient leurs
foyers éphémères, on découvrait au fond d'un cirque de intnila-
gnes deux belles villes solidement assises, doni les loils et les
remparts émergeaient d'un lac verdoyanl. (^'élaient les deux
reines de TArcadie, Mantinée et Tégée. Klles avaieni grandi
dans ce réduit aménagé par la nature, sur un sol nonriicicr,
à une petite journée de la mer, défendues philol qu'isolées [)ar
leur ceinture de rochers. En face des peuplades incullcs, mal
encadrées dans des formes politiques lâches el rudimenlaircs,
elles devaient Olre les citadelles de l'ordre, l(»s foyers d'inlelli-
gence, de richesse et de progrès. Elles re|)résenlaient en opposi-
tion aux éléments chaotiques, arriérés et desiructeurs de la
Haute Arcadie, aux cités apalhiques et négaliv(rs (lescanh)ns du
Nord, le principe actif, vivant, organisateur. De là partirent les
grands courants qui lireut vibrer rame colhîclive de la race.
Elles furent le cœur et la tète de l'Arcadie. l/iine, Tégée, placée
à Tavant-garde de la frontière, en snrv(»iHe les passngcs. Kllcesl,
jusqu'au Vl« siècle, le rempart de l'autononnearcîKliennecontre
l'ennemi du Sud ; elle réussit même à pnuidre pied sur le lerri-
loire laconien. Vaincue, elle laconise par nécessité ; elle devient
8
MANTIN^R ET l'ARCADIE ORIENTALE.
le siège de Tespril. conservateur et aristocratique ; pour tenir en
écliec son arnbllionse voisine, elle se fait le satellite de Sparte.
Mantinée, crhuineur plus entre|)renante et plus libre, devait
aussi jouer un rôle plus [personnel. Elle organise, avec Tappui
(TArgos, la résistance systématique contre Sparte. Après avoir
fait chez elle Toxpérience d'une démocratie modérée, après
avoir édifié le monde par la sagesse de ses institutions, elle
essaya de régénérer le Péloponnèse par la propagande de ses
idées. Elle caressa le rêve d'une fédération arcadienne, afin de
donner à Taulonomie des Péloponnésiens coalisés contre Sparte
le ressort d'un senlimcnt national. Son action fut considérable
et digne d'un meilleur succès. La rivalité des ambitions et des
intérêts, un cimcoursde fatalités inhérentes au pays lui-même,
n'ont pas permis à Mantinée de devenir une Tlièbes arcadienne
ni à Lycomèdos de se grandir à la taille d'Épaminondas.
Parmi les raisons de cet avortement, l'hostilité de Tégée fut
|)réi)ondéranle. C'est que le sol avait condamné les deux grandes
sœurs arcadicnnes à un antagonisme irrémédiable. Il faut, pour
le comprendre, étudier leur situation res[)ective dans ce curieux
bassin, organisé pour recevoir deux maîtres à la fois, mais dans
des ctmdilicms telles c|ue la vie à deux y dégénénU en un conllit
journalier.
Fig. 4.
Kiilréc de Ia Mnnliniqtic entre les pointes de Mylika {Scopé) et de Kapnistrft.
CIIATMTHR îl.
LA REGION DES IIAUTRS PLAINES EEUMEES.
!• Le quadrilatère arcadicn et ses subdicisions.
C'est à tort que les géographes modernes (l) désignent la u quadrilatère
plaine de ïripolis sous le nom de plaloau central d'Arcadie. arca«iien.
Cette expression peut éveiller des rapprocJiemenls trompeurs
avec des contrées d'un cîiractère bien dilïérenl. La conslilulion
géologique et la structure physique de cette réj» ion |)résenlent
des traits extrêmement originaux. Mieux vaul lui appli([uer un
terme correspondant plus exactement à sa nature et à son rùle,
tel que celui de haute plaiiie feifuée.
Le canton de Tripolis, formé par la réunion des anciens
territoires de Mantinée, de ïégée et de Pallantion, n'est
qu'une partie d'un système physique ([u'on peut appehîr le
quaàrilatèi'e arcadicn. Les cùtés de <ielle (ij^ure sont consli-
tués par une suite continue de hauteurs llanciuées de bas-
tions avancés, renforcées extérieurement pai* des contreforts
rayonnants qui jonchent en tous sens le sol de la PéninsuUî (2).
Le front Nord comprend la ligne du Ziria (Cyllrne) (3) au Khel-
mos (Monts Aroaniens), en y rattachant h^ Alavron Gros (Kiiély-
doréa) et le pic d'iïagia-Varvara (Krathis). Lcî liane Esl suit hi
ligne du Ziria au Parnon, par les Monts Vésézo (Tilan/î), (la-
(1) Reclus. Géogr, univ, t. I, p. 83 el salv. — M.irlel. Revue de gèogr.
Avril 1892, p. 3.
(2) I^ carte qui donne le mieux l'aspect théorique du relief péloponnésien
est celle de Pliiltppson : TopograpMscke und hypsometrische Karte des Pelo-
pannes. 1891 (au 300. OOO*)- H va sans dire que, pour les détails, à part les
imperfections avouées par Bory de SI- Vincent lui inèmiî, la carte de l'Expé-
dition de M orée au 200.000* reste encore la source la plus sûre.
(3) A côtn des noms modernes, j'écris les noms antiques, chaque fois que
ridenlUication est autorisée.
10 MANTINÉK ET L\nGADIE ORIENTALE.
vrias (Koilossa), Pharmakas (KarnéalAs), et la chaîne argolico-
arcadienne (Lyrkeion, Arlcmision, Kréopôlon, Partliénion) ;
elle rejoint le l^arnon à la montagne de Doliana. Le front Sud
s'a|)|)uie aux liaulenrs qui soudent la léle du Parnon h celle du
Tayg<'le : massif diî J)oliana, Monts Toka, Rouso (Boréion).
Enfin, le liane Est romonle de ce dernier point au Klielmos par
le Rliézéniko, TApano-Khrépa (Ménale), le Kasiania (Knakalos)
le Saïla (Oryxis), cl la l)ourdouvana(Pentéleia). Ce quadrilatère,
long à vol d'oiseau de 80 kilomètres et large en moyenne de 25
à 30, se (îreuse à TEst du massif péloponnésicn en une grande
cavité, située dans le i)rolongement de la vallée de TEurotas et
dont le fronl Nord s'arrête à la ])ortion du littoral achaïque
comprise entre Sicyone et .Egira. Elle offre cette particularité
d'clre enclose de toutes parts et de n'avoir aucune communi-
cation liydrogra[)lnque à ciel ouvert avec la mer. Elle est
séparée des plaines cùtières par un bourrelet continu, surélevé
de lOOO"™ en moyenne au-dessus du radier intérieur, exhaussé
lui-même de î>80 à 670»" au-dessus de la mer. Les eaux de
cette plaine n'ont donc d'autre échappée sur le dehors que des
émissaires naturels qu'elles se sont forés à la base des mon-
tagnes. La haute plaine fermée domine hydrographiquement la
zone intermédiaire des vallées à demi-ouvertes, situées en
c(mlre-bas, et celle des plaines entières (1). Celte région, murée
par la nature, justifie la division du paj's arcadien en deux
sections distinctes: l'Arcadie fermée et l'Arcadie ouverte (2),
l'une à l'Est, l'autre à l'Ouest du Ménale, leur commune fron-
tière. A l'Arcadie ouverte appartiennent les bassins supérieurs
du Ladon et de l'Alphée ; mais, à vrai dire, les vallées de Kleitor
et de Mégalopolis, comme celles de Sparte et de Stényclaros,
étaient elles-mcmes à l'origine des bassins clos; seulement,
leurs cours d'eau plus puissants, se heurtant à des barrières
moins élevées, ont converti leurs galeries souterraines en tran-
chées découvertes.
Ses MiiKiivisions. Cette disposition .i^cncrale du quadrilatère arcadien se com-
plique d'une parlicularilé remarcjuable : la subdivision en com-
])arlinients intérieurs. Des contrefort-s transversaux joignent les
(1) Altitudes comparées : Aséa GiO* ; Méf?alo|)olls 430* ; MeRsénic supé-
rieure GO"; vaUéc de Sparle 200"; fond de la plaine d'AkIilado-Rambos (Uysiai)
280" (d'apr&s le nivellement de la voie ferrée de MyU à Tripolis par la mission
française des travaux publics).
(2) Das verschlossene Arka4ien et dos offerte Arcadien (Curlius Pelop, I,
p. 185 et p. 270).
LA RRGION DES HAUTES PLAINES FERMÉES. il
bourrelets latéraux et coupent le fond de la jçrande cavité en
plusieurs petits bassins conligus, mais aulononics. (]e sont
comme des cours intérieures dans le vaste jrduit de l'Acropole
péloponnésienne.
On en compte six, échelonnés du Nord au Sud : 1" Le bassin
de Stymphale prolongé au N.-E. par la gorji^e de Kiimendi;
2» celui de Phénéos ; 4« celui d*Aléa; l'y' celui crOrchomcne,
subdivisé en deux parties reliées |)ar un sillon (plaine d'Or-
chomène et plaine d'Amilos et dcKa[)byai); (»" celui de Manlinée
etdeTégée(l).
Toutes ces cellules se suffisent à elles-mi^nics; nulle ne
dépend delà voisine; chacune posscdesa ceinhirede montagnes
et son régime particulier de cours d'eau et de torrents. Mais
elles sont apparentées par la communauté d(î tour formation
géologique (2), par l'analogie de leurs systcmcs de débouchés
souterrains et par des conditions (rcxislciuo sensiblement
pareilles. On conçoit à quel point ce morcellement du sol favo-
risait le particularisme politique. Dans chacuin de ces alvéoles
s'installa un État particulier, réduit aux dimensions d'un canton
minuscule; des capitales se fondèrent, entourées d'une banlieue
de terre cultivable. Il s'en faut ccpeiulant (lu'ellcs aient occu|)é
dans l'histoire une place égale. Leur importance était propor-
tionnées l'étendue de leur territoire, à la (|ualité du sol, aux
avantages de leur position relative sur le réseau des roules natu-
relles. La vie économique se réglait (ra|)rcs la facilité dcç
transactions avec les échelles de la côte comme avec les grands
marchés de l'intérieur.
(1) En d'autres points du Péloponnèse, les croisements de chaînons divisent
le sol en bassins fermés : par exemple, les Monts Didyma el Avgo, en Argolhle,
enferment complètement la petite plaine de Didyma el ses torrents. Dans les
contreforts méridionaux du Parnon, on remarque plusieurs cuvettes contlKuôs
et isolées, munies de cours d*eau et de kalavotiire^ (environs de Kliarax, de
Pistanla, de Niata, d'Apidia); de même, le vallon de Klirysovitzi dans le
Ménale. Mais, toute vallée à katavotlires n'est point par le fait un bassin
fermé : il arrive souvent qu'une partie des eaux s'écoule d'un côte par les
émissaires les plus proches, et l'autre par les rigoles supornclellcs des tor-
rents, aniuents d'un bassin voisin : telle la plaine de Fraiico-Vrysi (Aséa), qui
possède deux débouchés : l'émissaire souterrain de Mnrniaria, et le thalweg
découvert du Mont Tsifnbérou, lequel dépend du bassin supérieur de l'Aiphée;
tels aussi le vallon de Karaklinou, au N. de Kleitor; tes Leucae campi, sur
ia route de Yéraki (Géronthrae) à Mônemvasie.
(2) Voy. Expéd. de Morée, Se, phys., II «, p. 32;). — Phiiip]»9on, drr l'clo-
pmmes, p. 106.
12 MANTINKE ET L*ARCADIE ORIENTALE.
1^ i»isMns du î^os bassins du Nord, berceaux de Phénéos, de Styinpbale,
Nord. d'Aloa, de Ka|)hyaio se trouvaient les moins privilépfiés sous
tous les rapporls. Euipri.sonnées entre de bautes et puissantes
parois, isob'cs sur elles-nu^uics, ces villes n'ont ronnu que la
nirdiorrilé d'uiuî existence végélative et précaire. Au dedans,
leur territoire e.xij^u suffisait tout juste à leur subsistance.
Encore vivaient-elles dans des transes continuelles ; leurs
cbamps nourririers étaient à la merci d'un accident. Qu'un
tronc d'arbre, une pierre, un obstacle quelconque vînt f\ obstruer
leurs émissaires, les voilà inondées et ruinées. L'ennemi inté-
rieur, l'eau, euvaliissait les cultures et les fermes. Vite, il fallait
trouver moyen de l'évacuer. Quand il n'était pas présent, il était
toujours imminent : avec lui, pas d'établissement durable en
debors de l'étroite a<*rop(de assise sur une éminelice,pas de récolle
assurée. C'était un travail d'Hercule que de pourvoir à l'assainis-
sement de vci^ plaines fanj^euses ; aussi, les babitants se débat-
taient-ils dans rimpuissance.il est vrai que leur isolement avait
pour corollaire la liberté. A condition de ne pas liausser les yeu.K
au delà de leurs montai^nes, ils réussissaient à se faire oublier.
Personne ne se souciait d'eu.x. Sans les basards de la içuerre qui
jetaient d'aventure sur leur territoire quelque parti d'boplites
fuyant les cbemins (onnus, ils auraient vécu en marge de l'bis-
loire. Les grands capitaines allaient ailleurs porter leurs cou|)s ;
ils ne s'attardaient parfois à ces bicoques que pour consoler leurs
soldais de(tuel(|ue gros écliec. Ces républiques n'ont été, dans
le dévelo|)pement du génie grec, que des non-valeurs. Leur
coniribution à Tonivre collective se réduit à des contes pré-
tenlieu.x sur leurs origines : les gens dont la vie est nulle ont
toujours la ressource d'e.xaller leur enfance.
uimssiiide Dans le grand babitat arcadien, ces cellules du Nord jouent
TripoiiH. lo nMe d'arrière^ logis ou de communs réservés aux comparses.
Ils ne commnni(|uent avec le debors (|ue par d'obscurs cou-
loirs et des enli'écs dérobées. Déjà Orcbomcne, à cbeval sur
deux plaines conligucs, est un ])ersonnage de plus d'im-
portamre et une manière de puissance. Mais la pièce prin-
ci[mle, celle où se concentra la vie des maîtres elTectifs, où
s'ouvraient les grandes entrées, où se sont débattus les intérêts
primordiaux de l'Arcadie et du Péloponnèse, c'est la plaine
de Mantinée et de Tégée. Là est le pivot de l'bistoire pélo-
|)onnésienne. Un état détaillé des lieux fournira d'utiles
éléments à l'intelligence des faits dont on lira plus loin le récit.
LA. RÉGION DES ]1AUTKS PLAINKS FEnMKIâS. 13
2*» Le bassin fermé de Tripolis : structure
et constitution géologique.
L'étude géologique des terrains dans le quadrilatère arcadieu consutuiion
ne révèle qu'un petit nombre de formations assez simples, qui y géologique au
apparaissent superposées de bas en haut dans Tordre suivant (1) : "**"*'' «rc«dien.
sur un soubassement de schistes cristallins repose, en strati-
fication discordante, une première formation de calcaire (c;ucaire
inférieur de Tripolis, que j'appellerai calcaire du Ménalo ou
calcaire bleu); sur celle-ci se sont déposés, é<^alement en strati-
Tication discordante, des grès verts, des marnes, des schistes
argileux, ensemble complexe qu'on désigne d'un mot sous le
nom de flysch; enQn, en haut, une dernière formation de cal-
caire blanc (VOlonoskdlk de Philippson, que j'appellerai cal-
caire supérieur de l'Artémision ou calcaire blanc) forme en
beaucoup d'endroits le revêtement des assises précédentes. Tels
sont les éléments géologiques du terrain aux alniilours du bassin
de Tripolis, à l'état normal.
Pendant les grands mouvements orogéniques qui ont travaillé axcs
la péninsule des Balkans, ces terrains ont subi dans l'Arcadie ''*'^ p"weiiicni« :
orientale les mômes plissements que dans le reste d u Péloponnèse. \"j.",*jp,3 'c"
On peut distinguer deux axes de plissements principaux dans mna\e.
notre région; à l'Est, la chaîne argolico-arcadieuue; à TOucsl, le
Ménale. Entre les deux s'étend le bassin fermé de Tripolis, qui
doit son origine à un affaissement.
Le plissement oriental est dirigé du N.-O. au S.-E. Il laisse siruciurede
apparaître toutes les formations énumérées plus haut, mais '"**'»'^'"*'"'*8»''^®-
l'érosion a agi de telle sorte que l'axe de plissement ne corres- ni-cndienne.
pond pas exactement à la ligne faîtière. Cette ligne elle-même
n'est pas simple. Elle chevauche d'un tronçon à un autre : au
Nord, alignement de l'Arméuia ; au Sud, ali^uenient du Kréo-
pôlon. Dans le Kréopôlon même, elle bifurque à angle presque
droitauS. 0. elauS.E.
(1) Sur la géologie de cette région, voy. Exp. dr Morve. Srct. dcssc.pfiys.
il*, p. 153 (Boblaye), p. 175 (Virlel d'Aousl) cl 209 (id.). — iVofils et coupes
du Ménale dans l'Atlas {Relation et géologie). — Si Ips théories générales de
cet ouvrage ont vieilli, les observations de détail sont encore très précieuses.
Le travail plus récent et très complet de Philippson (PrloponnrSf 1892, p.82sq.
— Allas, avec deux excellentes cartes et une planche de coupes et profils) con-
firme en bien des points essentiels les conclusions de ses devanciers.
14 MANTINÉB KT LARQADIE ORIENTALK
Les sommets sont constitués par du calcaire supérieur (calcaire
blanc de TArtémision), fortement relevé, dont la tranche, mise à
vif, forme un épaulement au-dessus du Hysch et du calcaire
inférieur (calcaire bleu du Ménale). Cette roche donne à ce
massif montagneux sa physionomie lumineuse et déchiquetée.
Elle est, en elTet, de couleur gris clair, nuance cendre blan-
châtre, de nature compacte, presque lithographique. Mais sa
résistance est faible: elle se fendille aisément, se réduit en
lamelles ou en plaques, se crevasse, se démantèle et s'éparpille
en éboulements.
Sur le versant oriental, si Ton excepte quelques talus en pentes
douces dus au llysch, les pentes sont raides, abruptes, escarpées,
ce qui est dû au calcaire inférieur et surtout au calcaire supé-
rieur, qui reparait au delà de l'axe de plissement. Il s'étale
ensuite eu strates peu inclinées, allongées au loin vers la plaine
d'Argos et profondément creusées par les ravins d'érosion.
Sur le versant occidental, le même calcaire supérieur plonge
si rapidement au-dessous du niveau de la plaine qu'il forme un
véritable escarpement. (Voy. fig. 6.)
structure du
^^jî^^mr.
Fig. 5.
Coti|H: gt*ologif|iie de In IihiiIc plniiic fermée et de sa bordure (d'aprèit Phîlippson. Profiltafelnt 1).
a «=s Alluviun. — m = Calcaire blanc. — cm -= Calcaire bien dn Ménale.
r am Fly»ch. — g «s: Schi<fte cristallin.
La structure du Ménale est plus simple. Ce massif est formé
Mi-naic. par un pli anticlinal du calcaire inférieur (calcaire bleu du
Ménale), aligné également du N.-O. au S.-E. C'est un plissement
très ample ; de plus, l'érosion en a démantelé la moitié orientale et
l'a modelée en une espèce de socle trapu et arrondi, peu accidenté
et dominé par la crôlc constituée par une partie des couches res-
tées eu place. La ligne de faîte court le long de la crête et, comme
celle de l'Artémision, elle se dédouble vers le Sud. Le calcaire
qui constitue les cîmcs et le socle du massif est une roche bleu
foncé, un peu grenue, brillante à la cassure et d'une durelô
extrême. A la partie supérieure surtout, elle offre une texture
très compacte, de couleur sombre, reconnaiseable au loin. Plus
LA RÉGION DES HAUTES PLAINES FËBMÉKS. 15
bas, elle apparaît d'une nuance plus claire cl devient plus gros-
sière et plus rugueuse. Pulvérisée et décomposée au contact de
lair et de Teau, elle produit un sol favorable à la végétation;
par suite, elle donne aux lieux où elle domine un caractère plus
luxuriant que Taride calcaire blanc.
Sur le versant occidental, une faille fait reparaître le (lyscli
redressé, auquel succède par endroits le calcaire blanc, lequel
s'épand ensuite largement sur tout le district montagneux de
l'Ouest.
Sur le versant oriental, les assises du calcaire inférieur plon-
gent lentement en pentes assez douces sous les alluvions de la
plaine; mais, en plusieurs points, une faille ramène coulro cette
rocbe des lambeaux du calcaire inférieur, qu*oii aperçoit appli-
qués jusqu'à une hauteur variable contre les premières pentes
et respectés par l'érosion. En ces points, le relief des pentes
redevient plus accidenté.
Entre les deux massifs principaux, à droite comme à gauche,
des avant-monts plus ou moins allongés ont été découpés par
l'érosion. Leurs croupes massives et abaissées viennent mourir
en pentes assez rapides au niveau de la plaine.
Telle est la constitution géologique des bourrelets qui domi- structure
nent le bassin fermé de ïripolis. Celui-ci est le résultat d'un «i»- i« i-i"ine.
affaissement local des terrains. Il semble que, par suite d'une
dislocation, le flysch et le calcaire supérieur aient glissé sur le
flanc oriental duMénale. Le flysch a presque totalement plongé:
mais le calcaire supérieur apparaît encore, comme nous l'avons
dit, sur plusieurs points, en contact avec le calcaire inférieur;
il ondule au-dessous de la plaine avant de remonter brusque-
ment sur le flanc du massif argolico-arcadien; la crête de ces
ondulations souterraines est marquée, au milieu môme de la
plaine, par un certain nombre de roches et de huttes qu'on voit
émerger en plusieurs points, isolément, au-dessus des allu-
vions (1). Celles-ci forment une nappe d'argile à brique, de gra-
viers, de sable fin et de limon bleuâtre.
Au N. comme au S. de la plaine, dans la dépression principale,
la couche de calcaire supérieur n'est plus cachée et joint, par des
séries de hauteurs, les deux grands massifs parallèles.
(1) Telles que les roches éparses dans le col de la plaine et la biiUe de
GourtzoQll, au N. de Manlinée.
16 MANTINKK ET L^AIIGADIE ORIENTALE.
30 Le bassin fermé de Tripolis : description du relief.
u inoiieir. L'érosioB a remanié la surface structurale de cette région.
Elle en a modelé le relief, sculpté les cimes, ébréché les crôtes,
raviné les côtes et façonné tous les traits plastiques. Ce sont ces
formes et ces détails extérieurs qu'il nous reste à décrire, à
dénommer et à localiser topographiquement.
CiiAr^K AitMiiico- Suivant la chaîne argolico-arcadienne à partir du Cyllëne, on
Ai.cAbiKPi.Mc. trouve d'abord un premier alîgnementde sommets qui couronne
la bordure orientale du bassin de Phénéos (1). La ligne des
cimes se continue au S. à partir du M' Skipéza (Oligyrtos 1930»"),
par une puissante arôle aux lianes mamelonnés : c'est le Trachys,
compris entre les deux défilés de Scotini à l'E. et de Kandyla à
l'O. (2). Le faîle rourl du N. au S. offrant à l'œil un alignement
(le sommets coniques régtilièrementespacés comme des créneaux
et d'égale baulciir (3). A l'Ouest, les pentes trapues du roc cou-
vrent en partie les territoires de Kaphyaî et d'Orchomcne, et
dominent les plaines de leurs escarpements grisâtres. A l'Est,
s()ml)res et broussailleuses, elles ferment le vallon de Bougiati
(Aléa). L'extrcniilc Sud, avant de mourir au-dessus de la plaine
(le Mantinée, se relève en un dôme imposant, l'Arménia ou
Arméniadis (17.%'»), (|ui forme un large écran à l'horizon septen-
trional de la grande cuve de Tripolis. La base de cette masse se
lerniine ensuite vers le Sud par une sorte déterrasse, allongée
(le l'Est à l'Ouest, où s'est établi un monastère d'IIagios Nicolaos.
L'échiné faîtière du Trachys s'interrompt avec l'Arménia.
Mais, en contrebas du sommet, à l'Est, à la naissance des hauts
]'avins de Phrosouna, au Nord, et du torrent de Sanga, au Sud,
(»xisle un col de HKi»" d'altitude (4). A l'Est de ce col se dresse
une nouvelle ligne faîtière, située à 5 kil. vers l'Est de la précé-
dente. Là commence, à proprement parler, le tronc de la chaîne
frontière argolico-arcadienne, qui court obliquement et sans
interruption vers le S.-S.-E. sur une longueur de 3o kil. jus-
(1) Monts de Mosa (Sépia), de Kaslan a (Géronléion), de Gbiosa (SkiaUiis)
Skipéza (Oligyrtos).
(2) Au N. (I*uii premier pic, rUagios ConslanUoos. Le col répond au défilé
actuel du Lykorrhevma, entre TApélauron et rOligyrlos (Polyb. IV, 68).
(3) Mont Karyoumbitlo (1809-).
(4) nelovée par nous au baromètre anéroïde, en 1888.
LA REGION DES HAUTES PLAINES FKIIMKES. H
qu'au ravin d'Aklilado-Kambos, et se prohmi^o même par sa
grande ramification méridionale jusqu'à la j!:or^e du Tanos, on
lace des monts de Cynurie.
Au début, au-dessus d'Apano-Bélessi, la (îioIc est à 1648'" d'al-
titude. La section de Tarôte comprise cuire Sanga et Tsipiana
(M^ Lyrkéion) se dresse parallèlement à TAlésicni, durant
7 kilom. rectiligne et sans déviations, comme un mur de 1000"»
de hauteur sur 4 h 5 kilom. d'épaisseur. Puis elle s'exhausse on
bosse jusqu'au pic de Tsipiana, situé sur le faite môme. A l'ICst de
ce pic, en dehors de Talignement, plane dans les régions supé-
rieures le. sommet aérien du Malévo (Artémision. — 1772'") (1).
C'est le point culminant du système. A partir <lc re point, le
versant orientai de la chaîne est creusé par les ravins d'érosion,
qui l'ont sillonné d'entailles profondes, dirigéos <lu côté de la
plaine d'Argos, et entre lesquelles s'allongent de petits nuissifs
de ciilcaire blanc, perpendiculaires à la ligne des sommets.
Plus au S., la crête, comme une nef dressée sur d'immenses
arcs-boutants, s'allonge au-dessus des conlioforts perpendicu-
laires qui semblent l'étayer des doux côLos. Sa hauteur siî
maintient à IGOO™ (2). C'est une frange do (Uînlelures aiguës,
sèches et claires, isolées dans l'espace. Los anciens donnaient à
cette chaîne le nom de KpeÔTicoXov (3), c'est àdiro marché à
matule, peut-ôtre par antiphrase pour caractériser son aspect
décharné. Les Grecs modernes l'ont débaptisée pour l'appeler,
d'un mot aussi expressif et plus approprié à l'élat actuel, le
Peigiie (Kxfiviaç). Au delà du Kténias, il y a une virgalion de la
chaîne.
La ligne des sommets se continue un peu plus basse par le
M^ Rhoîno (Parthénion : 1217"^). A l'K., un allaissement a creusé
la petite plaine d'Hysiae, cuvette située à 2iS()'» d'altitude cl
reliée à la mer [)ar un long ravin d'énision, ((îlui de la rivière
d'Akhlado-Kambos.
Au-dessus du niveau de la plaine intérieure, cette longue nns-côu's
barrière rocheuse se dresse en muraille prosque abrupte ci «vani-monis
et lisse. Extérieurement, au contraire, elle se hérisse et se
(i) n y a deux pics distincts, souvent confondus à lorl, le pic de Tsipiana
et le Malévo.
(2) 1599 d'après la cote de rÉlaUMaJor.
(3) Srab. VIII, G. 17. Voy. la note deMuller. Ind. var. lecL, p. 997, col. 2,
\. '3È. - Mclneke considère le passjge comme interpolo.
.MHiiUnée. — :).
18 MANTINKË KT l'auCADIE OHIENTALK.
lépaiicJ vers la (uMe en ondulations lointaines, perpendiculaires
à Talignement. Celles-ci jonchent une partie de la plaine argo-
lique et vont plonger jusqu'il la raeV (Xéro-Vouni, Monts Lycone,
Cliaon, Ponlinos, Zavilza). Des fissures profondes, creusées par
les dislocations et les érosions entre ces ondulations latérales,
encaissent les lorienls, collecteurs des pluies qui dévalent sur
les talus décharnés (Charadros, Inachos et leurs affluents). L'as-
pect de ces immenses déchirures aux parois raides et aux tons
fauves est elTiayanl. Le somhre couloir du Charadros déhouche
hrusquenient sur la verte vallée d'Argolide, dominé à Tarrière
plan |)ar Tédifice menaçant des escar])ements et des créneaux
de TArtémision : on dirait l'entrée d'un labyrinthe sous les
assises de la forteresse arcadienne.
Sur le versant intérieur, la distance enire le faite principal
et le niveau de la plaine est beaucoup moindre. Seulement,
entre le Parthénion et l'Arménia, une ligne d'avant-monts court
parallèlement à la chaîne principale, séparés d'elle par de petites
vallées d'érosion. D'abord, au Sud, entre les villages de Louka
et de Sténo, la chaîne principale est doublée par une terrasse
rocailleuse et stérile, le ])lateau karstique, oix s'est installé le
monastère d'Iiagios Nicolaos ou de Varsai. Il se prolonge
vers le Nord par un plissement long de 6 kilomètres, dirigé,
semble-t-il, suivant le môme axe que l'Arménia. Cette colline,
rocheuse, pelée, tachetée d'une végétation courte et clairsemée,
aux teintes fumeuses, est désignée dans le pays sous le nom de
Kapnistra (riînfumée). Un autre pli, un peu plus au Nord, situé
dans le prolongement du pré(iédent et long d'environ 7 kilo-
mètres, émerge de la plaine, qu'il domine de 250 à i3()0 mètres.
C'est l'Alésion, avec le pic de Koukoras (le Coq) au dessus de
Pikerni, VAloffom-akhos (roche du Cheval) et le Yéladotyrakhos
(roche de la Vache) un peu au Sud du village. Au bout de l'Alé-
sion, au Sud, se dresse une excroissance rocheuse. Apre et bis-
cornue, que les paysans appellent aujourd'hui le Nez tordu
(Stravomyli). Elle bouche l'entrée du vallon latéral situé au
N.-E. delà Maulinique.
u MutiAiE. Vis-à-vis la chaîne argolico-arcadienne court la paroi occiden-
tale de la plaine fermée; le nom antique du Ménale est le seul
qui puisse lui être a|)pliqué en l'absence de toute dénomination
modeine pour désigner l'ensemble de cette chaîne. Le Ménale
s'étend sur une longueur de 32kilom. entre la plaine de Dara au
LA RÉGION DES HAUTES PLAINES FERMEES. iO
Nord et le torrent de Valtetsi au S. C'est un massif compact de cal-
caire bleu orienté du N. au S.-O. La ligne des sommets comprend
au N. le M* Kastania (4248«), séparé du massif principal par la
brèche de Bézénicos. A partir de là, ce n'est plus, comme la
chaîne opposée, une crête faîtière continue, mais une masse
trapue, étalée sur une largeur moyenne de 9 kilomètres, un socle
arrondi, d'où émergent en désordre des pics aigus, pyramidaux
ou coniques. La hauteur moyenne du plateau est de 1500 à
1600"». Certains pics atteignent plus de ISOO"», tels que l'Haglos
llias (Ostrakina),le point culminant dont la cîmc fait face à celle
de l'Artémision, à une hauteur de 1981"». Kn ronliehas de TOs-
trakina, la ligne de faite s'abaisse au col de Kardara |)Our se
relever en un massif hérissé de pics, que surmonte la ficre pyra-
mide de l'Aïdini (1849"»). Plus loin, le Mont A|)ano-Khrépa
(1559™) domine les hauteurs contre lesquelles s'adosse la ville
de Tripolis. Au delà, la ligne s'abaisse en terrasses dégradantes
jusqu'au col de Pallantion, qu'on peut regarder comme la limite
de la chaîne au Sud.
La configuration du Ménale est moins sim|)Ie et moins régu-
lière que celle de la chaîne orientale. 11 est plus étendu et
plus complexe. Son dos, aussi large qu'un plateau montueux
et houleux, crevassé de longues fissures, de gorges profondes,
abrite dans ses replis des vallées, des bois, dos torrents, des
clairières, de vastes j)âturages, des cantons cultivables, des
solitudes dénudées, des sources innombrables, ("est un monde
touffu, où la faune et la flore pullulent sans ordre, an gré d'une
nature capricieuse et prodigue. Les villages ysojit semés comme
au hasard, sans liens les uns avec les autres, à l'image des
anciens clans qui n'avaient pu se grouper sous une loi com-
mune (1).
(1) Go caractère chaotique s'aggrave h mesure qu'on s'avance à VO. du
Ménale vers la région montagneuse du centre. On rencontre d'abord, au pied
du versant cKxidental, une dépression houleuse, large de :\ à G lûlom., suré-
levée de 600 ù 7oO m. au-dessus de la mer. C'est le district que les anciens
appelaient la Plaine niênalienne (MaivxXiov tisSiov. — Pausan. VIII, ÎW, 5. —
I^ring. Joum. of. hellen. Stud, XV. ISOîi, p. 7(î-77), bassin tournient«'> dont le
fond est encombré de mamelons et d'ondulations entre lesquels serpe.itcnl les
thalwegs du Haut Hélisson et de ses affluents (auj. Barbanséna-Potamt).
Celte cuvette serait elle-même un bassin fermé, si le Uarbanséna-Potanil
et la rivière do LAngudia n'avalent réussi à se frayer doux étroits passages
dans les brèches de la paroi méridionale, de cbaque celé du Mcmt Hhénissa :
c'est par ces deux couloirs abrupts que les eaux de la iMîiIno. ménalienne
20 MANTINKE ET l'aRCADIE ORIENTALE.
hms-cMm Du côté de la plaine intérieure, le long du versant oriental du
cl av«nis-nioiiis. Pénale, court une ligne d'avant-monts dénudés, d'une altitude
moyenne de 200 m. au-dessus du pied du Ménale. Us joignent
le massif d'Apano-Khrépa à la fermeture septentrionale de la
plaine. Ce petit plissement latéral est séparé du Ménale par une
cuvette longitudinale (ancienne plaine Alcimédon), d'environ 12
kilom. de longueur. Dans cet étroit vallon débouchent trois
principaux torrents qui l'encombrent des éboulis pierreux arra-
chés à leurs hauts ravins. Deux sillons, celui de Kapsia et de
Simiadës, séparent le chaînon en trois tronçons et mettent la
plaine latérale en communication avec le bassin central.
deux svstèmes.
symriric SI Vou jetlc maintenant uu coupd'œil d'ensemble sur la carte,
••'*» on est frappé du parallélisme des deux systèmes argolico-arca-
dien et ménalien ; les dispositions générales et les particularités
topographiques de l'un se répètent dans l'autre presque à la
même place, au point de donner rillusion d'une ordonnance
symétrique.
l)*abord c'est du côté de la plaine intérieure que sont tournés
les versants les plus escarpés, dans la chaîne argolico-.irc ullenne
comme dans le Ménale. C'est au contraire au dehors que Tune
et l'autre chaîne s'étalent en ondulations largement épandues,
parviennent k la vaUcc do l'Alphéc, situi^e à 300 m. en contre-bas. Ce district
isol(\ mal connu dos anciens, o^t situé en dehors du quadrilatère arcadien
proprement dit. II communique avec la plaine de Mantinôc piir lo long délilé
de Kardara. Politiqucmont, il dépendait en parUe du territoire mantlnéeo.
L'abondance des eaux lui assurait une certaine fertilité.
A l'ouest, la plaine mônallenne est limitée par un plissement oriental du
mas.slf gortynien. Ce. chaînon, aujourd'hui anonyme, compris entre le Mont
Rhénlssa au S. et le Mont 11"^ lllas (Ménale, 1869 m.) au N.,- correspond à
l'ancien Phalanton (Pausan. VIII, 35, 9. — Et. Byx. s. v.). Au col situé au-
dessus d'Alonistaina,.'! une alUtude de 1.'315 m., II est traversé par le chemin
issu du défilé de Kardara. C'est Ik, h Pétrosaka, qu'étnlt la frontière mantl-
néenne (Voy. p. iHS).
Au pied du Phalanlhon, A l'O., se creuse le ravin de la rivière do Vytina
(anc. Maloilas), aflluont du Ladon ; ensuite s'élève le plissement principal de
l'Arcadle centrale, le massif Gortynien ou Chaîne centrale arcadienne. Ce
plissement, parallôlo au Ménale et à la chaîne argolico-arcadienne, s'étale
entre le ravin du Liidon et la plaine de Franco-Vrysi avec les pics Madara
(168G-), Franco-Vouno (1(546-),* Roudla (1553-), Rhapounl (1546-), Rliôiilssa
(1346"), Rhézénikf) (1273"). Comme configuration et comme dimensions, la
chaîne centrale arcadlonne so rapproche du Ménale. C'est une masse de 7 ft
9 kllom. do lar^o, d'une hauteur moyenne de 1400 ft lîîOO m. <Voy. Philippson.
der Pclop, p. 101).
LA RÉGION DES HAUTES PLAINES FERMÉES. 21
d'une part sur la plaine argolique, d'autre part sur la plaine
mëaalienne. C'est aussi sur ces versants extérieurs que les longs
torrents se sont creusé leurs ravins profonds, Ciiaradros cl
Inachos d'un côté, Hélisson et ses afQueuts do l'autre.
Ensuite le parallélisme des deux lignes d'avanl-inonts, qui
doublent intérieurement les grandes chaînes, a produitce curieux
système des plaines latérales de la Mantiuique, réparties symé-
triquement autour de Taire centrale comme les chapelles des
bas-côtés autour d'une grande nef ; à TEst, les deux vallons
aflrontés de Louka et de l'Argon Pédion ; à l'Ouest, la longue
galerie de la plaine Alcimédon. Ces pièces annexes ou encoches
sont moins des vallons indépendants que des niches ou baies
[xéX-Koi) de la grande vallée principale (1). Tous ces recoins con-
stituaient autant de domaines séparés, autant de centres d'ex-
ploitation rurale. Aussi cette disposition physique du territoire
raantînéen n'a-t-elle pas manqué d'influer sur la répartition de
la propriété et des dèmes ruraux, ainsi que sur les institutions
politiques.
Les raisons d'une ordonnance aussi originale doivent être
cherchées dans l'unité du phénomène auquel ce bassin doit son
origine. L'afï.iissement s'étant produit suivant une fosse parallèle
aux grands axes de plissement, il a déterminé de chaque côté des
dislocations et des cavités symétriques. Au S. la tête d'un des
plissements méridionaux du Péloponnèse (Monts delà Skiritis),
restée en place, assure la clôture du bassin de ce côté. Au Nord,
un tronçon de calcaire blanc (Mont Anchisia) est éiçalement
resté émergeant, et forme,en travers de la fosse, hi cloison trans-
versale qui clôt au Nord le bassin de Tripolis. La fosse se con-
tinue, plusieurs foiscoupéepardes barri ères analogues, jusqu'au
bassin de Phénéos.
Étant donné cette origine du bassin de Tripolis, il serait insou- Nni„re du fond
tenable de prétendre que la mer y ait jamais pénétré. La couche «'c la cuve.
alluviale qui recouvre le sous-sol calcaire do la plaine n'a rien
d'un sédiment marin. On y trouve, avec l'argile rt le limon, des
bancs de graviers agglomérés et cimentés par l'argile durcie, ('es
graviers font en plusieurs points un conglomérat délitable, dont
les cailloux se détachent aisément s,)u.s le doigt. Les anciens se
soni servis de cette pierre jiour les foiulations et les colonnes
(1) Xénophon désigne rArgon Pédion de Pausanins par le lernie de b ottiiOsv
x^Xttoç t7|ç MavTiviXTJç {HcLléti, VF, 5, 17).
22 MANTINKE ET L'ARCADIK ORIENTALE.
(le plusieurs édifices. Tous ces dépôts proviennenl de la dénu-
da tion des versants limitrophes par les eaux de ruissellement,
et sont les dépouilles des montagnes dévastées par les torrents
d'érosion. D'autre part, on ne constate sur les flancs de la bor-
dure ni terrasses, ni gradins, ni traces d'un lac ancien ou de
grands dépôts (luviatiles (1). Selon toute vraisemblance, les
(1) M. Bérard admet pourtant rcxistencc d'un grand lac primitif qui aurait
occupé toute l'<^tonduo du bassin de. Tripoiis ; il décrit ainsi les effets de ce
lac sur la topo^rapliie du sol et la répartition des liatavothres : « A l'origine,
ce bassin dut contenir un lac. Enfermi'^s dans cette enceinte, les eaux s'éle-
vaient jusqu'au seuil le plus bas (le plissage de Maskéna, entre le Rolnos et le
Marmaro-Vouno) et se déversaient dans l'Archipei par la vallée et le golfe
d'Astros. Go lac, élrtinglé dans son milieu par le rapprochement des contre-
forts du Ménalc et du Ktcnia, avait i\ peu pès la forme d'un huit (8) dont la
boucle supérieure pencherait vers la gaucho : cette boucle fut plus tard la
Mantiniké, et la boucle inférieure fut la Tégéatide. Les montagnes de calcaire
qui forment aujourd'hui l'enceinte étaient alors revêtues de dépôts do grès
verts, dont nous retrouvons aujourd'hui des témoins dans les alluvions de ce
lac (Expéd. do Moréc, texte, t. Il, p. 327). Ces alluvions amoncelées s'éten-
daient sur une couclie uniforme élevée de 20 ji 25 métrés au-dessus du niveau
de la plaine actuelle (000 h 670, au-dessus du niveau de la mer ; les monta-
gnes environnantes atteignent de 1100 à IGOO mètres). — Mais, dans ce fond
d'alluvions et dans les parois do l'enceinte, des crevasses se produisirent ;
pour la disposition de ers catavothres, le bassin présente deux aspects dlflé-
rcnts : dans la boucle supérieure, on a surtout des calavothres de fond (|)ctlts
catavothres de Bédéni, Parori, Bosouna ; surtout, grands catavothrcs de Capsla
et de Simiadès) ; dans la boucle Inférieure, ce sont des catavotlires de paroi,
tels les grands gou lires do Vertsova, au pied de Parlhénlon, dans la paroi de
l'Est, et le goulTre plus grand encore de Taka, dans la paroi du Sud, au pied
du Boréos. Les courants traînant les eaux vers ces crevasses ridèrent la surface
(!u lac, puis la couche d'alluvions, qu'ils entamèrent, en se creusant des rigoles
de plus en plus profond(3s k mesure que les eaux baissaient. — Quand la
plaine desséchée apparut, la boucle septentrionale du lac, vidée pjir les cata-
vothrcs du fond, éUiit beaucoup plus creusée et beaucoup plus plane que
l'autre : la Mantiniké est de 50 à 70 mètres inférieure au niveau moyen do
la Tégé{itidc; du niveau primitif des alluvions. Il ne reste que deux buttes
Isolées au milieu de la plaino marécageuse, c'est la citadelle de Mantlnée et
la coUIno voisine que Pausanias appelle « tombeau de Pénôlo[^c » (Paus., VIII,
12, 6-7). Dans la Tégéatide, au contraire, entre des plateaux, restes de l'an-
cien fond d'alluvions, des lignes d'eau ou de marais Indiquaient le passage des
anciens courants : c'éUiit d'abord une grande ligne, bordant toute la chaîne de
l'Est et s'en allant de la paroi du Sud aux catavothres de la Mantiniké (le
Saranda-Potamos emprunte une moitié de cette ligne qui se continue pur les
r'.vièrnsde Bédéni et par l'Ophls); puis, coupant celle-ci ft l'angle droit, une
nuire ligne traversait la plaine dans l'autre sens depuis le Ménale Jusqu'au
gfiulTre de Vrrtsnva ; enfin, dans l'angle Sud-Ouest de la plaine, deux autres
ligni's moins iiiip triantes convergeaient vers lo catavothrc de Taka. » Ce
système me semble discutable pour les raisons suivantes ; 1* le col qui relie.
LA RéGION DES HAUTES PLA1NKS FEIIATHES. 2.3
couches alluviales que nous venons de sijçnaler s'iUendenl. direc-
tement sur le fond de calcaire blanc, <lont les saillies rocheuses
delà plaine attestent la présence soutenainc. Les autres inéga-
lités de ce fond rocheux ont été conililées peu à peu ; le niveau
général s'est maintenu à peu près constant par l'exhaussenienl
progressif de toutes les parties du radier au (UM riment des mon-
tagnes, dévalisées de leurs terres par les lorrenls. Ces faibles
différences de niveau n'étaient pas assez accusées pour canaliser
les cours d'eau dans des lits délinitifs. Ceux-ci, par leurs dé-
placements délit et leurs apporls, ont nivelé la surface en diri-
geant leurs douves vers les points perméables de la borduie,
qu'ils convertissaient tour à tour en émissaires.
La cuve renfermée entre ce bourrelet conlinu de hauteurs u cuve.
a la forme d'un 8, dont l'axe est un peu incliné vers l'Ouesl.
Entre le pied des parois N. et S., la distance est de .'10 kilo-
mètres. La largeur varie : elle est de 12 kilomètres pour la boucle
méridicmale, à la hauteur de Tégée et de Pallantion, de 1.800
mètres à l'étranglement compris enire la poinicî de Kapnistra
et celle de Mytika, de 7 kîlomèlres pour la boucle septentrionale,
entre Simiadès et Pikerni. Le fond <le la cuve suit un plan
incliné du S. au N. entre Tégée, située à une allitude de 070
k rE. (lo ta colline de Salnl-Klle (carton sp<Vhil (\p lu Ouiunission «Ir Mon-o)
la plaine de Versova et le torrent 8up<'Tlenr du Tanos, pnr le ravin d'Ila^in-
Sophia, est k (580 mètres, soit à 30 mètres au-dessus do la plaine de Versova
(().'K) mètres). Si le lac s'est jamais écoulé parla, sa profonclcur moyenne était
donc do 30 mètres; dans ces conditions, il n'aurait pu anioiieeier sur le sol
une couche alluviale do 20 li 25 mètres d'épaisseur. 2r Les eolliiies éparses
tant dans la Mantiniquo que dans la Tégéatlde (Plolis, (iourl/.oull, 11" SosUs,
Mcrtsaousl, Moozakl, Tsiva, Vouno), ne sont pas des buttes alluviales, mais
des verrue^ de calcaire blanc, saillies du sous-sol roclirux. :i" I^i constitution
des kaUivothrcs de la Mantlnlque et de la Tègéatidr. m* pt^'inet pas de sup-
poser qu'ils aient jamais pu jouer le riMc actif qui ItMir est allribuê. Ils n'ont
jamais pu déterminer des appels d'ejiu ni drainer de leur rùlé des courants
assez puissants pour creuser des sillons dans le fond alluvial : la plupart
d'entre eux, celui de Taka en particulier, derrière 1rs lar^i»s cavernes <|ui
font illusion sur leur ciipacité, se conUnucnt intérieurement par tW petils
boyaux très étroits. 4* Aucune trace des niveaux sueecssifs du lac supposé
ne se remarque sur les versants monUigneux du l)assin, tandis que ces
traces sont parfaitement visibles ailleurs, par exemple â Pliénéos. 5<» Les ;;rès
verts observés par la Commission de Morée petivent avoir été entraînés dans
la plaine par le Saranda-i^tamos ; peut-être le lit de e«^ cours d'eau a-l-il
suivi, à l'époqne préhùlorique, la direcUon «le l'O. (voy. la note sur la carte
de la Tépéatidc). En réalité., ce qu'on observe, dans la partit* oceldentnie de
la Tégéatide, entre Tsiva et le Mont Kravari, ce sont des formations do
cholLs.
24 iMANTINÉE ET l'ARGADIE ORIENTALE.
niMres, el MîiiUintM% dont la cote est de 630 mètres. La pente est
de 40 mètres (1). La boucle Nord est donc la plus basse, détail
im])orlant pour l'hydrographie et l'histoire locale. L'arène de ce
cirque est loin d'rlre plate. Une série d'ondulations descendent
de la plaine de Téj^ée et viennent mourir en vagues de plus en
plus basses jusqu'à l'entrée de la plaine mantinéenne. Entre
ces ondula li(ms du terrain et la ceinture rocheuse, de longs
lliahvegs serpenicnl, où s'attardent de paresseux ruisseaux. De
j»ïus, du miluHi des Umics alluviales émergent, comme on l'a vu,
quelques buttes isolées, îlots rocheux de 50 à 100 mètres au-
dessus des champs labourés. Des roches éparses hérissent le
sol au passage des deux boucles, entre les deux promontoires.
Ainsi la cavité enlière se trouve naturellement partagée en
deux compartiments par les contreforts avancés en travers de la
plaine, comme deux portants de théâtre. Chacun de ces bassins
était un local tout prêt pour recevoir une ville. Celui du Nord
renferma Mantinée, celui du Sud Tégée.
11 nous reste maintenant à étudier, dans ce cadre et sur ces
matériaux ainsi disjmsés, l'action des forces naturelles, afin de
dégager les phénomènes qui ont influé sur la vie des hommes,
déterminé leur histoire et fourni la matière première de leur
religion.
(1) f^ staUoii (In chemin de fer de Tripolis porte In cote GSS*"!!. Elle est un
peu en contre-bas de hi ville, adossée au Ménale.
Fig. 6.
Frn^fnl d'un vase vn ninrlire h relier, trouvé au leniple de Poséidon Ilippios. (Ilnut.el larg. 0,31).
Au-dessu» de In ii'lv, n ((niiche, le voit la queue éployée d'un oiseau volant.
CHAPITRE lll.
l'uydrographie souterraine.
Nous avons constaté que, dans le bourrelet rocheux (|ui Rôic
entoure la cuvetle de Manlinée, le calcaire préiloniine. H recou- hy'roy'-iiphiqiie
vre comme d'une toiture le faîte et les flancs des monis; il •"<^*<^*"^
garnit, comme un dallage souterrain, le sons sol argileux de
la plaine. C'est aussi lui qui est l'agent le jdus actif dans la
répartition et la circulation hydrographiques, ou plulùt hydro-
géiqucs, de la région. Par ses propriétés et sa conlexture, il
joue le rôle de collecteur et de distrihuteur des eaux, (^est «lans
ses profondeurs intimes que s'élabore la transformation des
pluies en sources et en ruisseaux, et que s'opère l'écoulement
mystérieux des eaux, emprisonnées par la nature dans une
digue circulaire, vers le graml déversoir extéricMir, la nn»r.
Les eaqx de la haute plaine n'ont aucune issue à ciel ouvert.
Ni brèche, ni thalweg n'échancre la bordure» rocheuse assez
profondément pour mettre en communication le fond de la cuve
avec les vallées inférieures qui l'entourent. Klle serait comme
une immense citerne fatalement destinée à s'iunplir jus(|u'aux
bords, si ses parois, gr^ce aux fissures innombrables (pii fen-
dillent la roche cidcaire, ne possédaient une sorte de perméabi-
lité, l'unique sauvegarde contre la subnuîrsion <les existences et
des œuvres humaines confiées à ce pays. Le jeu régulier de ces
phénomènes naturels préoccupait constamment les habitants (I).
(1) En général, sur le régime des eaux on Grèce ot h's travaux hydrauliques
clans leurs rapport.s avec la culture, voy. Guiraud. Propriété foncière^ p. i8î)
et 461.
lissiiré.
2G MANTINKK ET L'ARGADIR OniKNTALK.
A ce Lilrc, la question appartient h riiistoire non moins qu'à la
p:éolofJcie.
Us piuîrs. [^.j piyj, jriande partie de Teau qui circule dans le haut pays
arcadicn lui vient des pluies. Les sommets de l'Artémision et
du Ménale ne sont pas assez élevés pour que riiumidité de
ratmosplicre s*y condense en fçlaciers. En hiver, les cimes du
Maiévo, de TArménia, de TOstrakina, de TAïdini se chargent
de neiges. Mais ces neiges durent à peine de décembre en
mars; elles ne liennent pas contre le premier soleil prin-
tanier (I). Elles restent d'ailleurs confinées sur des surfaces
assez exiguës, à la pointe des pics. Leur masse est bien peu
de chose relativement à la superficie totale du bassin. Leur
action est donc ti-ès limitée dans l'espace comme dans le
temps. Elles n'ajoutent qu'un faible surcroît à la quantité
de pluie annuellement déversée par le ciel. Celui-ci, au con-
traire, se montre assez constant dans la mauvaise humeur. Les
intempéries sont fré(|uentes et tenaces dans la Haute Arcadie,
et les orages copieux. Ce n'est pas sans motif ([ue Poséidon,
dieu des eaux, i)assait pour être originaire d'Arcadie. En elîet,
les nuages (fu'a i)oussés devant lui le vent du Nord à travers
toute la Grèce, ceux que les autres vents ramassent à tous
les coins de l'horizon maritime, viennent en fin de compte se
tasser autour du massif arcadien et s'y accrochent comme à
un dernier refuge. Là, ils fondent en averses subites, abon-
dantes, intarissables. On ne peut évaluer à moins d'un mètre
la couche (feau «léimsée chaque année au fond de la haute
|)laine. Les pluies commencent au milieu de septembre et
durent, avec de courtes interruptions, jusqu'en avril. Les
paysans aperçoivent-ils au lever du soleil une légère couronne
de vapeurs Molter autour de l'Ostrakina, ils annoncent que
l'après-midi sera pluvieuse; c'est un pronostic infaillible. Au
cœur mémo de Tété, il est rare que huit jours s'écoulent sans
ondées. Le climat de la Haute Plaine i^essemble donc à celui de
rEuroi)e moyenne : il y pleut en toutes saisons (2).
(1) Le Cyllène et le Klielinos conserveot jusqu'en mai leur coiffure blanche.
(2) Piillippson {Peloponnes, p. 109) divise i'Arcadie en deux sections climat^-
riques séparées par le Ménale : h VE. I'Arcadie sèche, à i'O. i'Arcadie humide.
En fait, la Ilaulc Plaine n'rsl rien moins que sèche. En ëlé, les températures
sont très élevées, presque Sénégal iennes, assez rigoureuses en hiver. Au mois
de juin 1888, notre Uicrmomètre marquait à l'ombre de 28« k 42<* (dans une
chambre); en hiver (décembre, janvier 1888-89), par la nei{;e, il n'est pas des-
l'hydrographie soutkuraink. 27
Ces as|)ersîons atmosphériques, en tombaiiL sur les (lanrs mis
des moiilaj^nes, suivent des clicmius divers. Une partie jçUsse
rapidement sur la surface rorJjeuse, s'encaisse dans le lit des
torrents, véritables chéneaux de montiifçne, qui les canalisent et
les font dévaler, avec les éboulis de terres etde cailloux, en gros
bouillons jaunAtres jusqu'aux ruisseaux de la plaine. Entre
lemps (sauf à l'époque des neiges), ces rigoles se maintiennent à
sec. On ne saurait compter, sur les leversde la grande cuve et
des cuvettes latérales, les sillons de ces ravins d'érosion. O,
sont comme des bêtes voraces aux flancs des monUignes (1) : ils
les décharnent de [dus en plus, les délavent et Unissent nu^me
l)ar les dépouiller <les moindres bribes de terre retenues enire
les fentes, en désagrégeant les roches. Aussi, pour peu (|ue
l'homme n'ait pas le respect des arbres, la montagne dévèlue
par l'un, déchiquetée par les autres, n'est bienlùt plus qu'un
squelette.
Le reste des eaux est absorbé par la roche elle-même. Les Aiisorpiion des
calcaires, aussi bien le calcaire bleu du Ménale ((ue le calcaire pJwics pnr
blanc de l'Artémision, n'ont qu'une a|)parente homogénéité. Ils *'^"^ ec«cnirc
sont fendillés en tous sens par mille fissures où se iiordent
les pluies comme au travers d'un crible. Une fois engagée
dans ces interstices, l'eau pénètre de crevasse en crevasse,
entraînée par la pesanteur dans la masse de la roche, et s'accu-
mule dans les fentes les plus larges. A la suite des mouvements
mécaniques subis par le terrain ou sous la prc^ssion des eaux
accumulées, il s'établit des contacts entre ces crevasses internes.
Les parois plus faibles cèdent sous le poids ; la dissolution (Chi-
mique de la roche, l'acide carbonique, l'érosion |)ar les (touranls
ou les chutes torrentielles travaillent à forer dans la trame
montagneuse tout un réseau de drains intra-rupeslies. (]es
actions ont été d'une puissance extrême durant la période où
les précipitations atmosphériques avaient lieu avec bcaucouj)
plus d'intensité qu'aujourd'hui (2). Des masses d'eau ont du
cendu plus bas que — 3. En décembre 1891, il c<t loml)6 ii — 10» cl la neige a
recouvert la plaine de Tripolis d'une couche de '30 cciitlmèlres. Les forles clia-
leurs de l'été sont dues en parUe nu rayonnement des roches avoisinantes. .\é-
nophon donne un détail carartéristique {Rellen. VI, îi. 20) : opérant dans la
Mantiniqne an cœur do Thlver (dér. 370), Agésil'is avnîl hAle de reconduire en
L4iconie ses troupes, qui soufiralent sans doute de la rigueur du climat.
(1) Les Grecs modernes les appellent des dévoreurs (cpaYaoeç) ou des séchons
(îepîiôeç).
(2) de Lapparcat. Traité de génlnqU (1831). p. 201 et siiiv.
28 MANTINKR ET L'ARCADIE ORIENTALE.
circiiUîr par iiilillratioiis incessantes dans rintéiieur des roches
lissiirées, Iranstornianl les petites fentes en galeries, défonçant
les cloisons les inoins résistantes, se creusant des poches ou
des salles inunenses, (|u'elles remplissaient jusqu'au plafond.
Bien qu'aujourdluii ces phénomènes mettent en jeu des forces
très inférieures, leur marche est encore la môme. Les eau.x
progressent par les interstices du calcaire, toujours attirées
plus bas, jusqu'à ce qu'elles se heurtent à une couche inférieure
imperméable, telles que les assises de (lysch et de schistes cris-
tallins du système péloponnésien. Elles doivent suivre alors
une direction latérale pour apparaître au jour, sous forme de
sources, à un orifice situé au contact de deux couches.
'''' Ainsi, Taridité des pentes, dans la Haute Plaine, est toute
*'""'""'"^"'""'""* superficielle. La masse rocheuse est, au contraire, saturée
d'eau. Il'Y a, <lans l'épaisseur du Ménale et de la chaîne argo-
lico-arcadienne, des canaux, des réservoirs, des nappes, une
quantité d'eau im*alculable agissant par la pression hydrosta-
tique et soumises à la pesanteur. Les sources du pays man-
linéen jaillissent presque toutes à la base des pentes c^lc^ires,
au niveau de la plaine. Plus nombreuses et plus abomlantes
encore sont les grandes sources extérieures (Képhalovrysis
ou Képhalaria) (|ui déboucheni à (KX) mètres plus bas, au
pied du versant oriental, dans la plaine d'Argolide. Les unes
et les autres sont les bouches d'écoulement des nappes d'eau
souterraines (1). •
Absorpiion Dans le mode d'absorption que nous venons de décrire, la
.1rs coiii-8 demix surfacc cra(|uelée des versants calcaires fait l'office d'un crible. •
pur les L'infiHiatioji est multiple, lente et progressive. Elle commence
knlnvolhrcs. ' i o
h la fois sur toulc l'étendue de la roche inondée et chemine h
petites étapes <lans les mailles du réseau interne. Comme les
seules eaux dont clic s'alimente lui viennent directement du
ciel ou «les neiges, ses elTels sont restreints aux précipitations
atmosphériques : encore .n'en dérive-l-elle qu'une partie,
puis(|ue le resie revient h la plaine soit par les torrents soit
par chule directe. Par suite, si elle contribue à débarrasser
uKunentanément le sol habité d'une certaine quantité des
eaux aériennes, elle ne sert en aucune façon au drainage de
la plaine. Au contraire, elle lui rend en lin de compte ce
(fu'elle a reçu. Les sources et les torrents verseraient indéfi-
(I) Expéd. de Moréc. Se phys. IIS, p. 322 (Paillon-Boblaye).
L'HYDROOnAPIllE SOUTERRAINE. 29
uiment leur tribut liquide îi la région basse jus((u'à cum|)l(Mc
submersion, si, à mesure qu'ils remplissent, elle ne se déli-
vrait de leurs apports. La nature des roches se prèle à mer-
veille à cette évacuation. L'élat et la slrurture des calcaires
permettent un procédé d'absorption rapide, direct et localisé,
celui qui s'exerce par l'intermédiaire des précieux katarnthres.
Ce mot de la langue populaire des paysans modernes (1) est
bien connu des voyageurs. Il désigne des orifices naturels de
fonnes diverses où s'engouITrent les eaux de la plaine (2), soit
qu'elles arrivent canalisées dans le lit des rivières, soit (|u'ellcs
dorment en marais stagnants, ou s'étalent (mi nappes soûler
raines. Dans les trois cas, ces fissures ont pour <aractère
commun d'être situées au niveau de la plaine, sinon au-des-
sous, mais elles dilTèrent par l'aspect et la direction. Les unes
se présentent comme de spacieuses cavernes : ou aperçoit de
loin leur portiiil béant se détacher en noir sur les tojis roux
ou gris de la montagne (3). On y entre de plain-pied : la fraî-
cheur attire sous leurs arceaux les moutons et 'les bœufs
pendant la saison chaude et sèche (4). D'autres ont des ouver-
tures basses, presque dérobées, à Heur de plaine. Il faut
ramper dans la boue sous les roches surbaissées i)our péné-
trer dans la grotte, repaire des chacals et des renards, (^es
katavothres horizontaux ou de paroi agissent comme les
(1) *n xarapôOpa. Leake {Morea 1, p. 110. N. 1) se Irompe en prenant celle
forme poar un pluriel de xaTa^oiOpov, qu'il regarde comme une corruption de
xaTapapaOpov par xaxapaOpov. L'élymologic est xatà et pôOpoç. Les anciens
désignent les katavothres par les termes de papaOpov, (ionien pépeOpov, arca-
dien CépeOpov, tégéate SépeOpov. Voy. Slrab. p. 389, VII i. 7.4. — Ilésychius
s. v.), ou de X.i^\i.<x, ou ;(X(iuLa yT^ç (Paus.in. passim), dcevauXoç, d'àvayov^,
de oxpay^. f/eniboucliure est appelée etdiOfxôç (KiMt. «ip. Slrab. Vlli. 7. 4).
Les vocables modernes de to xecpaXàpi ou ^ xecpaXopsu<Tiç ou to x6^aXôppu<ri
ou xecpaXoppuo'Ov signiflent : source caplUile ou source m^re (en turc bnnnar-
backi) et sont appliqués aux sources pérennes, d'un débit abondant et régulier,
pour les distinguer des fontaines intermittentes.
{2) ArisiolB. Météorologiqtt4is, I. 13.27, p. ;>2 (cd. Ideler) : "On o'ettrl
ToiavTai ^àpaYYCç xal StacrTàveiç ttjç yTjç, 8T,Xou<riv oi xaTaTctvojjLevoi twv
iC0Ta(Jt,(5v' au(jt,pa{ve( 8e touto TîoXXaj^ouTTjç y^iç» ^-ov ^'0? j*^^ IleXoTrovvqdOy
wXeïffTa TOiauxa Ttepl tttjv 'ApxaBiav £<jt(v. Atxtov Ss Sià to opeiv7)v ouaav
(iTj eveiv ixpoàç ix twv xoiXuov elç OàXaTTav. nXnpoij|ji.svoi yàp ol loirot xolX
oùx e^^ovTcç expu9(v, aÙTol £up((TxovTat t'/jv 8îo8ov tU P^Ooç, aTcopia^ojxévou
TOu oévooOev 4iti4vTOç uBaTOç.
(3) Par e.xemple, les katavothres de Taka et de Tsipiana.
(4) Sous la vofite du kalavothre de Tsipiana, Pulllon-noblaye a vu un moulin
installé sur le courant.
^{0 MANTINKE ET L'AIIGADIE ORIENTALE.
Irop-plcins d'un bassin. 11 en est d'autres, ouverts au milieu
ni(^mc (le la ])laine, au ras du sol, véritables entonnoirs, aux
bords abrupts, où (lis[>araissent les ruisseaux. D'autres, à
peine visibles, se réduisent à des fentes minuscules ouvertes
dans les petits rochers qui adleurent sur la plaine manti-
néenne. Parfois ils sont dissimulés sous la vase des marais.
Ces orifices verticaux jouent le mcme rôle que les valves
d'épuisement au fond d'une piscine (4). On reconnaît à tous
ces pertuis, sans distinction de forme ni dé position, la même
orif^ine. Lorscpie les eaux se sont accumulées dans la plaine à
la base de la muraille calcaire, leur [iression, renforcée par
le courant, agit avec- énergie contre l'obstacle. Une fissure se
trouve-t-elle à portée, elle est bien vite envahie, rongée, élar-
gie : le calcaire cède, se laisse peu à peu défoncer (2). L'im-
l)erceptible fente devient une brèche d'entrée, la fissure une
galerie qui va toujours s'allongcant suivant les caprices des
lézardes intérieures : à mesure que les eaux s'engou tirent,
leurs conquêtes, tantôt patientes, tantôt violentes, ajoutent les
salles aux salles, les galeries aux galeries. Dans leur parcours,
au hasard des rencontres, elles se dispersent en ramifications,
s'échelonnent en écluses et vont rejoindre les réseaux déjà
creusés par les infiltrations [>luviales de la surface; elles res-
sorlenl enfin <le l'autre côté de la montagne, à une grande dis-
tance et en contre bas de leur point de départ, par les orifices de
sortie communs à tout le système hydrographique interne.
Kiiiaw,iiin» ri Lcs katavotluTs ct Ics sources sont donc l'œuvre des mêmes
k.*p(ini«ii«. forces s'exerçant sur la surface extérieure |)our la pénétrer, et
dans l'épaisseur de la masse fissurée pour en sortir. Les uns
sont les embouchures, les autres les débouchés du réseau sou-
terrain. Toutefois il y aurait ([uelque témérité à conclure à
la correspondance directe des katavothres de la Haute Plaine
avec les sources des vallées subjacentes. Les anciens l'admet-
taient sans hésitation. En effet, il est des C4is où elle n'est pas
(1) Comparez les sincks des ÉUits-Unls, lesi do limas ûe Caroiole, les enton-
noirs du Jara, les embues, goules, avens, lingouts, bétoirs, boit-tout, ansel-
nwirs, emposieu, etc., du midi de la France. Voy. Martel. Les abîmes, ch.
XXVlll.
(2) Expéd. de Morée, II- p. 320. « On reconnaît toujours, dans les rochers
qui les surmontent, des fentes ouvertes, des fractures et souvent un désordre
complet dans la straUllcntion; ils correspondent ordinairement à des cols, et
quelquefois, mais plus rarement, à des relèvements de la chaîne ».
L'|ITDU0GUAI*1IIE SOUTKRIUINK.
31
douteuse. Dans certaines conditions assez simples, ou peut
alfirmer. sur la foi d'observa lions concluaufes, les rapports
de concordance entre rorifîce d'entrée et relui de sortie. Par
exemple, dans les débouchés de Tanse de Sciipoiiéri, entre la
baie de Larymna et celle d'Anthédon, en Héolie, on reconnaît
sûrement réinissaire des eaux <Iu grand kalavotlire percé à l'Kst
du lac Copaïs (i). Les sources du Ladon à Lycouria sont l'exu-
toire du lac de Phénéos; la képhalovrysis de nénicovi, ;i TKsI du
mont Kolno, représente la décharge des katavolhiesde Ver/ova,
alimentés par le Saranda-Potamos (2). Ui, les deux orilices
extrêmes ne sont séparés que par des saillies de terrain de 7
(Copaïs), 9 (Lykouria), 4 (Bénicovi) kilomèlres d'épaisseur : une
galerie souterraine peut facilement les traverser de part en |)art.
Le système s'y présente avec ses éléments théoriques : 1" Teni-
bouchure supérieure (xaTap^JOpa) ; 2<^ le tunnel naturel fdoAiva);
3« le débouché inférieur (x6(paXôppu<itç), Encore que,d}Mis la réalité,
on constate souvent Texistence de deux ou trois katavothres des-
servant une galerie commune par des rameaux parti(!uliers (3).
De toute manière, la moindre irrégularité dans le débit des
katavothres se répercute dans l'allure de la source et dunne la
preuve de la liaison directe des orilices. Déjà ICralosthcne (4)
aflirmait la coïncidence des crues du Union et de son collecteur
l'Alphée avec le retrait du lac de Phénéos. Aujourd'hui, des
relations analogues peuvent èti^e observées enire le lac (Nopals
et ses émissaires côtiers.
Mais les cas cités plus haut sont pres(|ucî lU^s exceptions.
S'agit-il de débouchés séparés de leurs kalavothres par une
barrière de 20 à 24 kilomètres d'épaisseur telle que la chaîne
argolico-arcfidienne, le phénomène devient aul renient complexe '•" •^»i'*vo»»»»c «
* In source
rxlérieure.
(1) Voy. la carte de M. UUier. Bull, de Corr. hellén. XV (1892) pi. XII.
(2) Le katavolhre de Verzora a él6 exploré en 1891 p;)r .MM. Sidéridis, cx~
ingénieur en chef du nome d*Arcadie, et Ca pelle. Ils ont suivi les galeries sou-
terraines jusqu'au 120* mëlre situé à 80" au-dessous de rcmb'^uchiire (Voy. les
plans et proflls joints au livre de M. Martel : les Ablmeff, p. l^ et suiv. et
Revue de Géographie, avril 1892). L'exploration coIllpl^tc des goulîres de toute
la plaine constitue le programme préliminaire des éludes entreprises pour
rassainissement des plaines de Tégée et de Mantlnée, sous la direction de
M. Quellennec, ancien ingénieur en chef de la Mission française des travaux
publics en Grèce.
(3) Trois au Copaïs (katavolhre de Bynia, grand kalavollire, katavolhre de
Souda); — deux A l'Est du lac de Phénéos; — deux A Vcrzova.
(4) Strab. ym. 8,4.
Tl^llt^^unMllli<>ll
«les cnn.x
iIhiik le ti'AJrl
suiiti'i-rnin
32 MANTINÉE ET L'arCAUIE ORIENTALE.
et les rapports plus obscurs. On iie peut guère suivre les eaux
au delà (lu vestibule d'entrée dans le dédale des couloirs et des
escaliers souterrains (1) ; on ne saurait davantage reconnaître à
la source-nicrc d'en bas les provenances de la plaine supérieure.
Au lieu d'une galerie unique ou bifurquée à la tête, il faut
imaginer un lacis inextricable de veines et de conduites, un
labyrinthe à carrefours multiples où les canaux, forés par les
infiltrations |)luvialcs, s'enchevêtrent avec ceux des eaux engouf-
frées. De hardies explorations dans des régions souterraines plus
a(!cessibles, mais de structure analogue, telles que les galeries
calcaires des (hausses, la découverte de la série des grottes
creusées par la Lesse à travers les collines de Han (Belgique),
ont singulièrement éclairé nos idérfs sur les vicissitudes de l'eau
dans sa course intra-rupestre. Celte eau ne descend pas d'une
traite d'un versant à l'autre. Elle commence par s'engoullrer
dans le katavothre, puis se heurte à la paroi de fond, où elle ne
trouve plus comme issue qu'un étroit boyau. Plusieurs katavo-
thres arcadiens se terminent en culs-de-sac, sans prolongation
visible. Us sont demeurés à l'état de système inachevé, réduits
au rôle ôepuisanLs (2). Souvent aussi, on est arrêté par des amas
de sableou de limon et par d'étroites crevasses impénétrables (3).
Le courant se brise assez vite après un court trajet; il bouillonne
à rentrée du porche, qu'il élargit et arrondit, mais se bute à
([uel((ues mètres contre la paroi intérieure. De là, l'eau pénètre
dans des poches internes, s'y dépouille lentement, à l'abri de tout
souille, <les troubles, terres, détritus ou germes qu'elle charrie.
Le radier des galeries souterraines est presque toujours couvert
d'un lin limon. L'eau acquiert ainsi une merveilleuse limpidité.
Si l'on pense ([u'ellc se clarifie de la sorte nombre de fois dans une
série de bassins de repos, en traversant de véritables filtres de
sable et de vase ou simplement par Tellet du recueillement et de
l'immobilité, on ne sera pas surpris de ne plus reconnaître dans
(1) On connatl les campagnes réitérées et les courageuses Investigations
de M. Martel dans les goulTres et les galeries souterraines des Causses.
Ses recheiches ont apporté des renseignements très curieux sur l'hydrologie
souterraine, dont bien des secrets sont, grôce à lui, pénétrés, n a résumé ces
résultats dans un livre désormais Indispensable à la connaissance de toutes ces
questions : Les abîmes, la spéléologie, etc. . . Paris. 1894.
{*2) Tel est le cas d'un katavothre situé à un kitom. au S.O. de Tri)K>li8, des
kalavothres de BirbaU (rive N. du marais de Taka), explorés par M. Martel. Les
ahîmex, p. 508.
(3) Katavothre du Munas sondé par M. Sidéridis.
l'hydrographie souterraine. 33
Tonde transparente et légère des képhalaria le flot lougo el
bourbeux des katavotlucs (l). Dans ces condilioiis, rcxploralioii
directe se heurte à des diflicuUés immédiates au bout d'un très
court parcours (2). Des recherches expérimentales, telles que des
essais de coloration à Taide de certaines substaïues, aniline ou
autres, pour faire reconnaître la provenance des eaux, n'ont
guère plus de chances de réussite dans les systèmes un peu
compliqués, les seuls précisément qui restent énigmatiques. En
eiïet, les matières colorantes jetées dans le kalavolhre se dépo-
sent ensuite au fond des vasques intérieures, se (illront sur les
lits de sable lin et de boue : il n'en reste plus au('une trace à la
sortie des sources-mères.
En somme, nous ne disposons d'aucun moyen pratique pour oi-MiirUcs du
vérifier l'exactitude de certaines traditicms anciennes. Est-il vrai >î'*t»*'»»c
que les eaux du ruisseau Stymphalos reparaissent, après un cours ""'•'•'"•'^*'^'^-
souterrain de 200 stades, au bout du mont (!)liaon (3); celles du
(1) A rentrée des katavolhrcs, d'après les observations de Boblaye au mois
d'avril, le Uierinonaëtre marquait une température de 7* à 8" centigrades; celle
des képhalaria correspondants montait à 17* et 18*. En été, les rapports sont
inverses; renu ressort plus fralclie qu'elle n'est entrée. Mes observations ont
donné, pour les mois de juin-juillet 1888, 22* et 24» en haut, 10» à I2o en bas.
L'eau se surcharge d'air sous TefTet de la pression dans les couloirs étroits, car
elle ressort toute pétillante de bulles.
(2) Aux grands kalavothres de Kapsia et de Tsipiana, je n'ai pu pénétrer à
plus de 10 à 15 mètres de profondeur, au-delà de la caverne d'entrée. Le reste
n'était qu'un boyaa infect où l'on s'enlisait dans une boue noire. Voy. les coupes
et proiils des grileries explorées par M. Sidéridis dans W livre de M. Martel:
Les abimes, ch. XXVIII.
(3) Strabon. VI, 2, 9. — VIII, 6, 8. — 8, 4. — Pausan. Il, ^l, G. - Vlll, î«,
3. — Voyez plus loin la note sur notre carte de la TégéaUde (appendice). —
Sur les cartes modernes, les dislances entre ces points extrêmes parais-
sent bien considérables; il faudrait adm<'llre que les eaux cheminent non
pas seulement à travers l'épaisseur de la chaîne, mais obliquement dans
le sens de la longueur, sur un parcours à vol d'oistaii de 35 kilom.
(du Mont Apélauron h la source de l'Érasinos), et de 32 kilom. (de Tsipiana à
l'Anavolo). Cela est tout 6 fait invraisemblable. Or, les caries anciennes (on en
peut Juger par la carte de Peulinger) déformaient les continents, sans aucun
soaci des latitudes respectives. Des points très éloignes se trouvaient placés
sur le même parallèle. J'attribuerais volontiers à quelque dêformaUon de ce
genre sur les cartes du Péloponnèse ropinlnn accréditée chez les géographes an-
ciens sur les relations hydrogélques entre Stymphale el l'ArgoIlde, entre la
ManUnique et la Thyré;Uide. Sans doute la forme donnée au Péloponnèse était
beaucoup plus aplatie qu'en réalité; le golfe de Nauplle montait plus au Nord, ù
peu près à la hauteur de Stymphale, el, par suite, la Thyréalide se trouvait
correspondre en latitude à la plaine de Manlinée.
M'iiilinér. — i.
34 MANTINÉE ET l'aRGADIE ORIENTALE.
kat^volhre de Tsipiana, au tourbillon sous-marin de Diné ou
d'Anavolo, dont on a [ïciçoil les bouillons à 300 ou 400 m. de la côte,
en faccdu montZavitsa (1)? D'après Topinion qui prévaut aujour-
d'hui, les débouchés de la plaine mantinéenne doivent être cher-
chés aux grandes sources du mont Pontinos, à Lerne (2), mais ce
n'est qu'une hypothèse. Ces délicates questions de l'hydrologie
locale échapperont sans doute toujours à notre contrôle. L'Arté-
mision et le Ménalc garderont inviolable le mystère du monde
merveilleux enfoui dans leurs profondeurs. Ce sont les secrets
de la nature. Si notre curiosité s'en irrite, elle possède des tré-
sors d'imagination ()our se satisfaire et se représenter ce que
l'œil ne peut atteindre. En ces matières, les poètes ont devancé
les géologues sans trop mériter leur réprobation; les mythes
populaires sont les |>récurseurs des observations scientifiques.
Virgile n'a-t-il pas eu avant M. Martel la claire vision de la réalité,
quand il décrit l'humide royaume de la déesse Cyrène (3) :
Speluncisque lacus clausos lucos(iue sonantes,
Onmia sub magna labentia flumina terra ?
Forêts h part, ni Virgile ni Dante n'ont rien exagéré.
Quoi qu'il en soit de la concordance des katavothres et des
képhalaria, le rôle de la roche calcaire dans tous ces phéno-
mènes n'en est pas moins clair. Qu'elle absorbe par suinte-
ment les filets liquides des averses ou qu'elle engloutisse par
ces katavothres les rivières entières, c'est elle qui centralise
toutes les eaux éi)arses. Elle en est le réservoir commun.
Non-seulement elle les concentre, mais elle les transforme à
la manière d'un filtre; elle en régularise la distribution aux
régions voisines sous forme de sources intarissables (4). Son
action bienfaisante préserve à la fois les hautes plaines de
l'inondation et les vallées inférieures de l'aridité.
(1) Hérod. VI, 76.— Pausan. VIII, 7, 2.
(2) Expéd. de Morée. Se. pliys. lis, p. 322. — Philippson (Peloponnes^
p. 80) se demande hI les inflllrations pluviales du versant oriental de la mon-
tagne ne suffisent pas à les alimenter.
(3) Georg, IV. 304 sq. — Voy. la description du réservoir commun de tous
les fleuves dans Platon. Pliédon. p. 112. — DIod. XV. 49 : ttjv IIcXoirovvT^oov
xarà pàOoç lyti f^eyolXa xoiXco(jt,aTa xal ^uoroiasic uBarcuv va(jt,aTia((i>v
(4) Mais non indépendantes des saisons, comme Técrlt Curtius {PeloponnesoSt
p. 38). Au contraire le débit de la plupart des képhalaria subit en été une
diminution notable. La source de rÉrasinos est même sujette à de brusques
intermittences {Expéd. de Morée, lis, p. 323.)
l'hydrographie souterrain k. 3S
Un accident vient-il déranger cet organisme, la sécurité de ^"*'^'
d'c
knUvolhres .
toute la région est en péril: la liaule plaine se change en lac, <*°^''^'""'*^"'"
et TArgoUdeen Sahara. Lebonlonctionncnieiit des katavothres
était pour les Tégéates et les Mantinéens une (|ueslion vitale. Il
fallait une vigilance active pour se prémunir contre Tinsouciance
des forces naturelles qui rendraient hien vile le monde inha-
bitable, si rhommen'y mettait bon ordre. Les Mantinéens lo-
geaient à demeure un ennemi toujours pn^t à devenir le maître.
Ils avaient à lui faciliter les moyens d'évacuer leur territoire
le même intérêt que les Hollandais à lui fermer l'entrée du leur.
Le moindre trou percé dans les digues du Nord menace l'exis-
tence des Pays-Bas ; le moindre bouchon qui obstrue un kata-
vothre peut ruiner la Haute Plaine. Or, cet accident survient
de plusieurs façons : 1° par la dislocation des parois internes
à la suite des tremblements de terre : il suflit d'un exhausse-
ment ou d'un éboulement de roches pour que l'occlusion soit
complète ; 2p par érosion : l'action mécanique du courant déta-
che des fragments, les pousse aux endroits les plus resserrés
où ils interceptent le passage ; 3» par accumulation de matières
étrangères, détritus végétaux, troncs d'arbres, cadavres d'ani-
maux charriés par les eaux ; 4" par enlisemeni ou envasement
des couloirs intérieurs, envahis par le sable ou la boue (1). Les
anciens mettaient d'ordinaire au compte des hemblemenis de
terre la plupjirt des cataclysmes (2). Cependant ils comprenaient
la nécessité de protéger les émissaires des plaines fermées contre
certaines causes accidentelles d'occlusion que la main humaine
pouvait écarter. De terribles exemples hantaient leurs mémoires :
les villes des bassins à katavothres savaient qu'elles ne pou-
vaient s'endormir, à peine de mort. Les traditions rapportaient
(1) BohlJày G {Expéd. de Morée, Wi, p. 321) et riiilippson {dcr Peloponnes,
p. 494) ont exagéré Timporlance de rexhausëetncnt du sol par les aUiivions.
Pbilippson imagine que le niveau des terres, à force de monter, Onil p:ir
ensevelir rentrée des katavothres, ce qui a obligé les euux à en ouvrir d*aulres.
Conclusion : les Jiatavothres actuels ne sont pas nécessairement les mômes que
dans Tanliquilé. — £n fait, cet exliaussement du sol n'est pas du tout prouvé.
Ni à Mantlnée, ni à Têgée les ruines ne sont recouvertes d'une couche épaisse :
le niveau des plaines parait n*avoir pas changé depuis rnntiqullé. Nous avons
retrouvé, dans les deux villes, le dallage des rues pres(|ue à (leur de sol, au plus
à un mètre de profondeur, quand ils étaient recouverts par les décombres.
(2) Terrae moltts profundtml sorbentque aquas.{V\m. II, N. XXXl, 30, 5). —
Strabon attribue, d'après d'autres auteurs, aux tremblements de terre l'occlu-
sion des katavothres de Phénéos (Vlll, 8,4) et du Copaïs (IX, 2, 16).
36 MANTINÉe ET L^AnCAOIB ORIENTALE.
que la plaine du Copais, avant d'être submergée, avait été riche
et peuplée de villes (1). On se répétait les mésaventures des
bourgades béotiennes, OrcJiomène et Copai, obligées de se
<léplacer suivant les aiprices du lac pour échapper à Tenglou-
lissemenl (2). On (-(mnaissait, en Arcadie môme, les vicissi-
tudes de Phénéos et de Stymphale tour à tour conquises et
conquérantes sur leur propre territoire (3). De très bonne
heure, on songea à se prémunir contre le retour de ces
(1) Paasan. IX, 24, 2.
(2) Strabon. IX, 2, 18 — Ces souvenirs pouvaient être très vivants dans la
Haute plaine (TArcadie où Ton retrouve tant d'attaches avec la BéoUe.
(3) D*aprës Pausanias (VIll, 14»!) rantique Phénéos avait été submergée par
un lac dont les tnices étaient encore visibles sur les flanca de la montagne. Les
travaux attribués à Hercule desséchèrent la plaine. Mais rAroanlos sorUl du
chenal où le héros l'avait enfermé et se fraya lui-même un aulre lit. Ératosthène
et Slrabon (VIII. 8, 4) constatent quMl se reforme à plusieurs reprises pour
disparaître inopinément par les bérèlhres dégorgés. Au début du XVIII* s. les
eaux montèrent très haut; rExpédilion de Morée reconnut sur les rochers les
marques du niveau qu'elles avaient atteint, à 200" au-dessus de la cote indiquée
par rÉtat-ma)or (753"). Elles redescendirent; en 1814, le lac n*él»it plus qu'un
murais. Le bey de CorinUie Drama-Ali Ht placer des grilles aux trois katavothres.
Pendant la guerre de l'Indépendance, ces grilles furent enlevées, tes Issues se
rebouchèrent, la plaine fut inondée : le lac atteignit 40 à SK> m. de profondeur
avec un diamètre de 8U00 m. Aujourd'hui, sa superficie est diminuée de moiUé:
il n'est qu'à l'altitude de 550 m. Une Compagnie moderne en a entrepris le
dessèchement.
Le lac Stymphale subit aux diflérenles époques des variations analogues. La
légende des oiseaux tués par Hercule prouve qu'à l'éiM>que primitive la plaine
enUère était couverte d'un marais pestilentiel, dont le héros entreprit ledessé-
r.hement. Puis le lac reparut, et vint baigner la ville elle-même (Slrab. VIII,
8, 4. — Ilérod. VI, 7C). Au temps de Slrabon, il en éUit déjà éloigné de
5 stades. Hadrien, en dérivant à Corinlhe les eaux de la source Métopa, assainit
la plaine et la rendit à la culture. (Paus. Il, 3, 5. — VUL 22, 3). Au temps de
Pausanias, la rivière Stymphulos gagnait directement son katavothre, sans
causer la moindre inondation en été. En hiver seulement, il se formait un i)ctit
marais (X^jAvr^v tê où (jlêy^^'O^)- Toutefois, des accidents Survenaient. Un
fait contemporain de Pausanias en est la preuve. Des troncs d'arbres avaient
engorgé Pémlssaire; Il se forma aussitôt un lac de 400 stades dont un curage
débarrassa le sol en un Jour (Paus. VIII, 22,6). Au moyen âge, la plaine était
habitée, à en juger par les ruines de la basilique byzantine et de la forteresse
deKionia. Depuis, le laça recouvert les restes de la ville antique; mais ceux-
ci reparaissent peu à peu, depuis le percement d'un tunnel à tnivers le mont
Apélauron par une Compagnie moderne. Les eaux sont déversées dans le
ravin de rAsopos et conduites au golfe de Corlnthe. En 1888, nous avons pu
relever, en contre-bas de r Acropole, deux édicules nouveaux. Voy. Jeanne.
Guide de Grèce, H, p. 389.
et de clc'gag^menl.
l'hydrographie souterraine. 37
catastrophes périodiques. Les plus anciennes traditions attri-
buaient à Hercule les premiers travaux (rassainisserhent
des plaines fermées et le curage des conduites souterraines (1). A
l'époque historique, les cités inlcressécschaij^eaient du soin de
pourvoir à leur sécurité des ingénieurs : le (^halcidien Cratès,
contemporain d'Alexandre, entreprit ainsi pour le compte des
villes béotiennes le dégorgement des émissaires du Gopaïs et le
dessèchement des environs d'Orchomène (2). A en juger par les
traces encore visibles de ces travaux, les fiiétalleute^ s'acquittaient
de leur tûche avec une science et une inlelligence consom
mées (3). A Mantinée, les ouvrages et l(»s <anaux d'où dépendait
la préservation du territoire devaient <>tre roi)jel de soins inces-
sants. Lîi négligence se payait trop cher (4); aux dangers de la
situation créée par la nature s'ajoutait la malice d'un voisin
prompt à abuser des armes que lui procurait le terrain : les eaux
devenaient une machine de guerre pour l'attaque ou la défense
de la place, suivant les cas.
Les travaux ordinaires de protection et de dégagement des Travaux
plaines fermées étaient les suivants : i" l'entretien des kata- /' '""^*^^'^"
vothres par l'enlèvement des obstacles (l|jL(ppàY|Ji.aTa), le curage et
l'élargissement des galeries aussi loin ([u'cm y pouvait pénétrer
pendant la saison sèche. On complétai! peut-6>tre ces précautions
par la pose de grilles en bois ou en métal (jui arrêtaient les
matières encombrantes à rorifice.A Mantinée, le giaiulkatavothre
de Kapsia est entouré d'un mur en demi-hme, aulrefois muni
d'une porte grillée par où pénétrait le chenal. On en altribuela
construction aux Turcs. Doit-on supposer les anciens Grecs
(1) L'Hercule thébaln détourna le cours du Cépliise, en boucha, puis en
déboucha les kata vothres (Pausan. IX, 38, 5). — A l'hènéos, U avail creusé
dans la montagne les émissaires de TOlbios ou Âroiinlos préalablement canalisé
(VIII, U, 1). — A Stymphale et à Lerne, la légende des oiseaux et de Thydre
ont pour origine des travaux du même genre.
(2} Strabon, IX, 2, 17.
(3) A Êrétrie, le Taop(6pu;^oç Chairéphanès passe un contrat avec la ville
pour le dessèchement d'un marais à l'aide de conduites souterraines, de canaux
et de puits (*Ë^7|{i. ipy. 1869. n« 40i a. — Choisy. Études épigr. sur
VareMi. gr. p. 226. — Dareste. Annuaire des Études gr. 1877. p. 107).
(4) D'après la tradition thébaine. Hercule s'avisa le pnMnicr de boucher les
katavothres pour Inonder Orchomène : Trpiv v^ tov 'lIpaxXÉa to yctap-a
é(jt,^pàÇa( TO Sià tou opouç (Pausan. IX, 38, 7). En 3(>9, Iphicrate voulut
renouveler ce stratagème contre Stymphale. Il aurait conçu le singulier projet
de combler avec des éponges l'émissaire du lac (Eratoslli. ap. Slrab. VIII, 8, 4).
38 MANTINKE ET l'arGADIR ORIENTALE.
moins ingénieux (1)?2"(lcs fossés (Tatppoi) étaient, creusés dans la
plaine et dans les vallées annexes pour drainer les torrents, vider
les marais et diriger vers leurs exutoires les eaux indécises ou
stagnantes (2). Un ou plusieurs réseaux de drains se réunissaient
dans le chenal collecteur, souvent une rivière naturelle cana-
lisée,qui desservait rliaque émissaire. Des endiguements rehaus-
saient parfois les berges des fossés. La hauteur des montagnes ne
permettait pas, en Arcadie, de tenter le percement de tunnels
artificiels, comme celui dont les traces subsistent entre le Copaîs
et Larymna (3). 3" Quand leterritoire voisin se trouvait être une
plaine de niveau supérieur, encombrée elle-même par les eaux,
comme la Tégéati de par rapport à la Mantinique ou celle d'Or-
chomène par rapport à Kaphyai, on se défendait par une levée de
terre (x^iia) ou par un grand fossé. De semblables barrages exis-
taient il Kaphyai (4), à Pallantion (o), à Mantinée (6). GrAce à ces
précautions, des villes considérables ont pu prospérer au milieu
de terrains féconds dans une lutte de tous les instants contre une
nature hostile. Celle-ci triomphe aujourd'hui et le marais règne
en maître dans la plupart des plaines mal défendues. Les barques
ont vogué à Phénéos et à Stymphale(7), au-dessus des temples
et des agoras noyées ; Mantinée et Tégée, sans être aussi complè-
tement envahies, se sont transformées en bourbiers malsains.
(1) A Verzova, rentrée du goiifTre est protégée par deux griHea, placées en
travers du chenal. Un gardien spécial les débarrasse après les pluies des détritus
végétaux, Uges de maïs, etc. apportés par l'eau. Voy. Martel. Les Abîmes,
p. 4% et r)06.
(2) Sur leH endiguements du Copaîs et rélargissement des orifices naturels
par les Mlnyens, voy. les belles recherches de M. Campanis. UuU, de Corr.
hellén. XVI (1892). p. 137.
(3) Ce travail gigantesc|ue, resté inachevé, est attribué à Cratès. n s'agissait
de percer une galerie do 2400 métrés sous le col de Réphaiari, à travers on
calcaire très dur. On a retrouvé les seize puits de forage avec les amorces de la
galerie. Voy. Campanis. BuiL de Corr, hellén. XVI (1893), p. 322 et suiv. pi.
VIII, XV et XVll.
(4) Paus. VllI, 23, 2 : ev Bà T(p TCfiSiw tu) Ka(pu<5v 7c«to(YjTat yy\^ X^^K"*'
5i'ou àîretpYfiTai tô uStop to Ik ttjç 'Oppro(i.ev(aç [X'r| eîvai Ka^ueuaiv
pXàpoç TY| évcpYw.
(5) Paus. VIII, 44, 4. — Voy. la carte de la Tégéatide, à la fin du volume.
(6) Sur le grand T(X(ppoç transversal du Sud, voy. plus bas, p. 45.
(7) Cf. Strabon. IX. 2. 16.
;
CHAPITRE IV
L HYDROGRAPHIE SUPERFICIELLE.
La Manlinique est, par les eaux, vassale de la Tégéalide. Le
fond de toute la Haute plaine suit un plan incliné du Sud au
Nord, avec une pente moyenne de 40 mètres entre les deux villes.
On descend insensiblement à mesure qu'on s'cloij^nc de Tégée eu
suivant la base des montagnes, à TOrient. (^ar la ïégéatide est
inclinée à la fois du Sud au Nord et de TOucst à TKst, en contre
bas de Tripolis. Arrivé au col de la plaine, le fond continue à
s'abaisser vers le Nord, mais il se relève légcn;ment dans le sens
de la largeur et se meta pencber de TEsl à TOucst. 11 eu résulte
que les cours d'eau de la ïégéatide sont astreints à suivre la di-
rection S. N. E. et ceux de la Mantiniquela dii(M*lion S. N. 0. (I).
Position
resp<'Clive de la
Manlinique
el de la
Tégéatide .
(1) La carte de rÉlal- major donne à Tripolis la cote 663"", à ManUnée celle de
600". Celte-ci est certainement erronée. Le baromètre anéroïde nous avait
donné presque constamment la cote 630", confirmée ensuite par les nivelle-
tnents de la mission française des travaux publics, et constatée aussi par
Philippson. Voici quelques cotes précises qui donneront une idée e.xacte des
diflérences de niTeau dans les deux plaines (voir les cartes, à la fin du volume) :
1« Plaine de Pallantion : 658".
2* Fond du marais de Taka : 657".
^ Lit du Saranda-Potamos à sa sortie des montafçnes : 720**.
4» Plaine entre Tégée et Vouno : 6G6".
5* Site de Tégée (Palaio-Ëpiscopi) : 670".
6» Lit du Saranda-Potamos dans la Korytheis: 650".
?• Plaine de Tripolis, vers l'Est : 660".
8^ Au col de la plaine: 635*.
9* Mantinée: 630".
10* Pond N. de la Manlinique : 625*".
11* Pied de la bordure occidentale de la ManUnique : 624".
40 MANTINKK ET l'aRCADIK ORIENTALE.
Tégée doit h sa position supérieure l'avantage de gouverner à
volonté le régime hydrographique de sa voisine. La pente
naturelle enl raine les cours d'eau de la hourle Sud dans la
houcle Nord. Or, les Tégéatcs avaient intérêt h user de leur
privilège pour angmenler les déhouchés de leur territoire.
Kn effel, les eaux arrivaient chez eux en surabondance el ne
Irouvaient pas des dégorgeoijs sudisants pour s'échapper.
.Vussi couvraienl-elles, alors comme aujourd'hui, de marais
vastes et malsains, de grandes étendues de terres labourables.
Le Saranda-Polamos (Garâtes), alimenté par les sources de
Krya-Vrysis (Phylaké) et par les torrents qui se donneni
rendez-vous au conlluent de Syinbola, apporte à la plaine de
Verzova (Korythéis) un tribut liquide de 40 à 50 mètres cubes
par seconde, dont celle-ci est fort embarrassée. Entre Ilagior-
gitika et Verzova, les vignobles s<mt presque toujours noyés,
(^ela tient d'une part à l'insuflisance des trois katavothres du
Parthénion, dont le fonctionnement est rarement normal,
d'autre part à rabscnce de talus ou de berges qui maintien-
nent la rivière dans une direction constante. A l'autre coin
fie la [)laine, du cùté de Pàllantion, le pied du fioréion baigne
dans un marécage permanent, lac en hiver, fondrière en été.
Le marais de Taka, d'une superficie actuelle de 1000 hectares,
ne possède pas, dans le katavothre du M' Kravari, un dégor-
geoir suffisant et régulier : or, des torrents assez importants,
comme ceux de Valletsi et des ravines de Kaparéli, ne se
peuvent déverser ailleurs. Dans ces conditions, les Tégéates
n'avaient aucun moyen satisfaisant de se tirer d'affaire dans
les limites de leur territoire propre, sans eu sacrifier l'une ou
l'autre moitié : s'ils maintenaient le Saranda-Potamos dans la
Korythéis, ils ruinaient un de leurs dèmes les plus riches ;
s'ils essayaient de le dériver vers l'exutoire du M*^ Kravari,
en profitant de la brusque différence des niveaux, ils ris-
quaient de déchaîner l'ennemi sur leur ville, tout en aggra-
vant la situation du katavothre déjà surmené : or, ils n'en
avaient nulle envie, puisqu'ils s'étaient efforcés de l'alléger
aux dépens de Pàllantion, en reliant par une digue la pointe
du M^ I^ravari à la butte de Birbati. Us barraient ainsi la
route aux apports du torrent de Valtetsi et du territoire de
Pàllantion, surélevé d'environ i mètre. Il leur restait, en
désespoir de cause, un remède radic^il, celui que les ingé-
nieurs modernes songent à employer, mais avec plus de pré-
L'HYDROanAPIIlE SUPEUFICIELLK.
41
eaux, cause de
ronflils.
cautions. Il consistaît h se débarrasser de leur excédent d'eau
chez les Manlinéens. Quelques travaux de canalisation j' suffi-
saient : le Saranda-Potamos prenait docilomcMil le chemin de
Mantinée; la Mantinique, libéralement p^ralilico des eaux de h\
Koryfhéis, devenait une Hollande dont les ccluses ap])artc-
naient au plus irréc(niciliable fies cnneniis.
Les cours d'eau charrient souvent la discorde entre riverains. infénonié
Le riverain d'aval se plaint du voisin situé on amont, maître de tie Mnminée. u
régler à sa fçuise le régime de la rivière. Ce sont là matière
à procès entre particuliers, à conflits en Ire na lions. La ques-
lion de Teau, au dire de Thucydide (1), niait un perpétuel
casvs belli entre Tégéates et Mantinéens. Les piemiers usaient
avec sans-gène «lu pouvoir, que leur conférait une position
favorable, d'inonder ou d'assoiffer leurs voisins, soit en déri-
vant chez eux les eaux surabondantes, soit en les confisquant
à leur propre profil en cas de sécheresse. Les Manlinéens
recevaient trop ou trop peu d'eau ; de là des surprises et des
irrégularités, fort préjudiciables aux intérêts agricoles d'un
peuple essentiellement rural. Il n'y avait pas d'entenle pos-
sible, parce que les intérêts élaient conlradicloires. Quand
l'eau manquait, chacun voulait la garder chez soi. Devenait-
elle gênante par la quantité, c'était à qui s*en débarrasserait
coûte que coûte. On se la renvoyait de kalavothre en katavothre ;
les dégorgeoirs ne suffisaient plus à leur besogne. Le plus favo-
risé des deux répandait à volonté la désolation chez l'autre. Aussi
les rapports de bon voisinage n'ont-ils jamais pu s'établir entre
les deux sœurs ennemies de la Haute Plaine.
Dans ces querelles, le rôle offensif apparlenait àTégée. Man-
tinée était réduite à se garer. Un ruisseau commun aux deux ter-
ritoires devait donner plus particulièrement prétexte à mainte
bataille. C'est une longue rigole boueuse de 15 kilomètres de lon-
gueur, née dans le bas-fond qu'occupait Tégée (004"»), au pied de
la colline deMertsaousi (2). Ce chenal draine les eaux des fossés
Le Lâchas.
(1) V. 65.
(2) Bob\nye{Reeh. géogr. p. 140) idenUHe celle rivière avec rOphis de Pau-
sanlas. Diaprés lui, elle aurait d'abord parcouru du S. nu N. toute la Man-
tinique et traversé la ville, Jusqu'à l'époque du sièpe de 385. Puis, le cours en
aurait été reporté vers le Sud et (Inaleinent rejeté à l'rnirée S.O.de la plaine,
dans le katavothre où il disparaît aujourd'hui. Cette Ihéorle soulève les objec-
tions suivantes : 1» la Mantinique suit un plan incliné de l'E. à l'O. et du S. au
42 MANTINKK ET l'aRCADIE ORIENTALE.
doni le parcours circulaire correspond au périmètre de la ville
antique. Après quelque hésitation sur la direction à suivre, il se
rapproche de la boucle du Saranda-Potamos, puis tourne au Nord
et s'engage lentement dans un fort thalweg, rasant presque la
hase des montagnes orientales, recueillant au passage quelques
rigoles descendues de l'Ouest, laissant en route une partie d'elle-
N. La pente entraine donc toutes les rivières de rAlésion au Ménale. T^a plu-
part des kalavothres s'alignent le long d'une gouttière creusée à la base du
Ménale, située à 5 ou G mètres en contre-bas du pied de rAlésion et du site
de Mantinëe. On ne peut donc admettre que, pour atteindre Mantlnée, le soi-
disant Oplils ait remonté le niveau de la plaine. En réalité, dès son entrée sur
la Mantinique, le terrain le rejetait vers le Ménale. 2* SI la même rivière eOt
baigné à la fois Tégée et Mantlnée, les auteurs auraient sans doute signalé
celte particularité. 3* 11 est Inadmissible que les Mantinéens, en perpétuel
conflit avec les Tégénies, aient exposé leur ville et toute l'étendue de leur
territoire aux crues subites que les Tégéates pouvaient produire à volonté en
amorÇ'int le cours du Ganitès avec le soi-disant Ophis. C'était assez qu'ils
fussent Impuissants à protéger le canton méridional de leur plaine. On fait à
leurs ennemis la |mrt trop belle en leur assurant un pouvoir dIscréUonnaire
sur la Mantinique entière, y compris la ville. Les guerres auraient eu, dans ce
ras, un plus prompt dénouement : ManUnée n'aurait pas soutenu tant de
sirgps ; on aurait répandu, pour venir à bout de sa résistance, plus d'eau et
moins de sang. 4* Enfin, dans rhypotbèse de Boblaye, les katavotbres alignés
nu pied du Ménale restaient sans emploi, sauf l'avant-dernler où se perd le
véritable Ophis. La rivière aurait donc passé à portée de trois de ces gouffres
sans s'y laisser entraîner! Alors, comment expliquer la formation de ces
orifices?
Il faut donc admettre l'existence de deux rivières distinctes : 1* l'Ophls pro-
|)rement dit, ruisseau mantlnéen sur tout son parcours. 2* La longue rivière
descendue de Tégée, et dont le nom antique reste à trouver. Unt* partie de cette
rivière, issue des fossés de Tégée, est artificielle : son cours supérieur n'est qu'un
chenal creusé de main d'homme. A ce point de vue, un fragment des Argolica
de Deinias mérite une attention particulière (ap. Ilcrodian. Fragvi. hist. graec.
III, p. 26. — IV. p. 319) : AsycTai SI toÙç AaxeSatjJiovfouç, xaO'ôv èv
Tsyt» )^p6vov TJaav ai/(ji.iXo)Toi, BeScixévouç ipyaÇeffOai 5tà xou TceSiou xbv
Aa;^av 7C0Ta|jLbv,IIepi|A-^8aç Iv Ttylv. SuvaaTeuouairjç, tîjv ol icXfiïffTOi xaXovai
Xo(pav. (Voy. Mûller. Dorier, II. p. 418 not.— I. p. 73, sq.) Ce texte d'Hérodien
est très altéré, et doit être corrigé d'après Pausanias. Le fait de la détention
des captifs lacédémoniens semble se rapporter à l'invasion de la TégéaUde
sous la conduite de Charilios : c'est alors que les femmes Tégéates, comman-
dées par l'héroïne Marpessa, dite la Veuve (Xy\^), prirent les armes pour la
défense de la ville. Les ennemis vaincus furent réduits en esclavage :
plus tard, on montrait leurs entraves dans le temple d'Athéna Aléa (Pau-
san. Vlll, 5,6. — VIII, 47, 2. — VIII, 48, 3 et 4). Ce fait doit être aussi
rapproché du récit d'Hérodote (L 66) et placé après la mort de Lycurgue,
vers la lin du Vlll» s. Les prisonniers furent employés à travailler la terre
(to :te8{ov TcYsàTaiç e<rxa7rTov. Paus. VIII, 47, 2), et à creuser le Lâchas. Ce
iL*HTDn06RAPHIR SUPERFIGIKLLR. 43
iilôme dans les exuloires dont le col de la plaine esl criblé. Il
aboutitenfln dans la ManUniqueaprès avoir doublé le cap Mytika;
la pente du bassin le rejette à TO. dans un katavolbre du Ménale,
où il disparaît. Ce ruisseau porte aujourd'hui le nom de Pota-
mos lis Zanovvita^s.
Par lui-môme, il. serait inolTensif : les pluies d'automne ol
d'hiver, descendant les pentes de la Kapnistra, viennent grossir
son lit et combler sesberges, assez haules. Mais les dégorgeoirs
ouverts sur son parcours dans le fond de la plaine sont assez
nombreux pour absorber les torrents issus du Ménale. En
sorte qu'il eût été incapable de causer à lui seul des dégAts
considérables pour peu que les Mantinéens eussent veillé au bon
fonctionnement de son katavothre. Le danger venait d'ailleurs,
des environs ni^^me de Tégéo. Le Saranda-Potamos arrose la ban-
lieue de la ville, à l'Est. Il coule d'abord du Sud au Nord, puis, à
l'entrée de la Korythéis, décrit un coude à angle droit pour se
diriger du cùté de Verzova. Mais, à cet endroit, son lit n'a pas de
profondeur; il s'étale sur une couche de sable, plate et sans
berges. Il a comme la tentation de s'engager, à la suite du long
ruisseau dont j'ai parlé, dans celte douve qui aboutit à Mantinée.
Rien ne s'opposerait à ce qu'il s'écoulftl vers le Nord, au lieu
d'obliquer à l'Ouest : la pente du terrain l'y contluirait sans
obstacle. Naturellement, les Tégéates, dont il inondait les vigno-
bles, s'avisèrent de très bonne heure d'évacu(;r cet hôle incom-
mode chez leurs voisins. Il leur sulïisait pour cela de donner
quelques coups de pioche sous la colline de Merlsaousi et de
réunir, par un faible canal d'un kilomètre an plus, le lit du
Saranda-Potamos à celui du long ruisseau. Celui-ci, grossi de cet
appoint, s'écoulait dans son thalweg sans endommager les terres
de la Tégéatide; il traversait entre ses berges le bois Pélagos,
mais, arrivé au col de la plaine, il trouvait un lerrain abaissé
nom, de Xa^aivo), creuser, signiflail. en dialecte tégéalc, lo. CaiiaL Los modernes,
exclusivement préoccupés de la prétendue dérivation de l'Alplice supérieur
dans le Garâtes, ont cru que le Lâchas désignait le Saranda-Potamos (Curtius.
Pelop. L p. 271. Note 17. — Bursian. Geogr. H, p. 188. Noie l). Je croirais
plutôt que les termes de Deinias : ipyolÇecTOai 5ià tou TcsSiOu xbv Aa/av
7C0Ta(i<iv, désignent les travaux qui ont pu pour efTel de dériver par un clienat
artificiel les eaux du Garâtes vers la ManUnique. Le Saranda-Potamos, à l'épo-
que historique, a toujours coulé vers rEst : on n'avait donc pas à lui creu-
ser un Ut nouveau, mais seulement un canal de dérivation pour soulager la
Korythéis. ^ Voy. la note, à la fin du volume, sur la carto de Tégée.
44 MANTINÉE ET l'aRCADIB ORIENTALE.
brusquement de quelques mètres (1); n'étant plus contenu, il
s'épandait largement et transformait le Sud de la Mantîniqueen
marécage. C'élail d()iil))e joie pouiIes Tégéates : ils sedélivraienf
du fléau pour en gratifier leurs ennemis.
Mananvre d'Avis Telle ful Topéialion qu'accompHt on 418 Tarmée du roi Agis(2).
m 4i«. |?;||p j^ (ii(, niji! (.()mj)iise, malgré la clarté du texte de Thucydide.
Agis est campé près de l'IIérarléion, vis-à-vis les ennemis massés
sur la pointe de TAlésion, dans une position dominante. Afin de
les en déloger sans coup férir, Agis, sans doute conseillé par ses
alliés tégéates, s'avise d'inonder la plaine, certain qu'ils descen-
draient pour interrompre les travaux ou parer au désastre (3). En
temps ordinaire. Agis eût atteint son but en obstruant le kata>
vothre du Ménale. Mais on est en été; le long ruisseau se trouve
sans doute à sec, ou peu s'en faut. Pour lui procurer de l'eau,
il faut aller la chercher aux environs de Tégée et détourner
le Saranda-Potamos. Cette opération occupe pendant un jour
l'armée lacédémonienne (4). Au moment où elle retourne à son
campement, elle trouve l'ennemi aligné dans la plaine : la
bataille s'engage aussitôt.
La phrase de Thucydide, relative aux dégftts causés par
l'eau de quelque côté qu'elle se îourne, s'entend clairement de
la façon suivante : si l'eau, c'est-à-dire le Garâtes, se tourne
du côté de Tégée (Versova), elle inonde la Korythéis ; si elle se
tourne ducôtéducùté du Nord, elle submerge la Mantinique.
Si Ton entend : bTcoTépoxre Sv hiziTzxr^ par : qu'elle se porte à
(1) Cotes du fond du Ibalweg relevées à différents points de son parcours,
d'après les nivellements de la Mission française des Travaux publics :
Au point de départ, sous la colline de Mcrts«iousi. . , 665"
Au tournant de la butte, coude vers le Nord-Est . . 655"
Entre Zevgalatio et Bosouna 643"
A rentrée de la Mantinique, sous Mylika 637"
Chute dans le Kalavotlire au pied du Ménale 626" ,
Différence 39" entre le point
de départ et le point d'arrivée.
(2) Thucyd. V, 65. Kal à^ixdjievoç Ttpbç tyjv Teyeîxiv, xb u8<i)p iÇcTpewe
Tipb; T7|v MavTtvixYjv, Ttepl ouirep, w; xà TioXXà pXauxovxo; ÔTcoxépioac îv
£(Tn(içx7j, MavxtvTj; xal Tcyeaxat -woXEpLOuaiv... Kal b (itv X7|v "î^iLlpav
xocùxir|v (ic(vaç aùxou Tiept xb uScop, cçéxpeirev.
(8) Thucyd. V. 57.
(4) Thucyd. V. 66. 01 Be AaxeBaifJiôvioi àitb xou ilSaxoç içpbçxb 'HpàxXsiov
Tr*Xiv iç xb aùxb (jxcaxoirsSov !ovx6ç bpcoat St'oX^you xoùç lvavx(ouç iv xdtÇei
xe rfiy\ itavxaç x«l aTcb xou Xoçou TtpoeXiriXuOixaç.
L'HYDROGRAPàlB SUPERFICIELLE. 45
droite ou à gauche (dans le katavothre de Louka ou dans
celui du Ménale) on préjuge ce qui est Tobjol môme du con-
flit, c'est-à-dire la présence de cette eau sur le lerritoire
mantinéen (1). Cette interprétation correspondrait mieux à la
réalité, si Ton ne sort pas de la ïégéatide. Que le Saranda-
Potamos aille h droite ou à gauche, c'est-à-diie dans le kata-
vothre de Versova ou dans cjelui de Taka, les dcgAts sont les
mêmes. Mais alors ceci n'intéresse nullement les Mantinéens.
L'historien a voulu indiquer comment cette ({uestion des
eaux devenais entre les deux cités une cause de litige insoluble :
quoi qu'on lit, l'une des deux parties se tiouvail forcément
lésée (2).
Le mal ne pouvant être supprimé, et la guerre ne faisant
qu'aggraver la situation commune, il est probable que des
transactions intervenaient en temps ordinaire. Le seul moyen
d'établir un modus vivendi consistait à faire, de part et d'autre,
des concessions au Iléau. Les charges pesaient ])lus ou uioins
équitablement sur l'une ou l'autre cité, suivant qu'elles
vivaient sur le pied d'égalité ou que l'une des deux l'emportait.
Sans doute les Tégéates consentaient à garder chez eux le
Garâtes, la Korythéis dût-elle en soullrir; el. les Mantinéens se
résignaient, en «is de nécessité, à quelques dégAls pour débar-
rasser la Tégéatide de son excédent d'eau. On consentait de part
et d'autre à quelques sacrifices : cela valait mieux que de se
noyer ou s'entretuer.
Pour limiter ces sacrifices, les Mantinéens avaient creusé, en i^xacppo;
travers de la plaine, de la pointe de l'Alésion à la base du Ménale, transversal de i«
un long fossé. La Commission de Morée en vit encore les traces ; Maniinique.
(t) De plus, le niveau remonte du côté de la plaine de Lotika.
(2) i>ake, dont le jugement est si )u8te à rordinaire, s'est tout à fuit mépris
sur la silualion respecUve des deux plaines. {Morea II, p. 339. — III. p. 56 et
62. ~ Peloponncsiaca, p. 251.) N'ayant pas remarqué la dillércnce de niveau
entre la boucle N. el la boucle S., il intervertit les rôles, l^oiir lui, le lond
de la querelle séculaire entre Tégéatf^s el Mantinéens, c'était robsMnalîon des
Mantinéens à vouloir déverser leurs cours d*ejiu dans le KMtavolhre de Versova :
les Tégéates sont leurs victimes. Le stratagème d*Agis eût consisté à prendre le
contre-pied de celle manœuvre, en détournant les rnissonux de la Mantinique
dans le vallon de i^uka. Enfin Leake attribue gralnilenienl aux Romains
l'honneur d'avoir mis fln au conflit par la dérlvaUon déliniUve du torrent de
Louka dans le gouftre de Versova, opération malériellemehl impossible. Doblaye
{Expéd. de Morée. lU, p. 328. — Hech. géogr,,p. MO) s'est beaucoup plus
rapproché do la vérité.
46 MANTINKK ET l'arCADIE ORIENTALE.
Blouet releva, à 1400 m. au Sud de Mantinée, les ruines d'un pont
anlique, qui le traversait. On ignore à quelle date ce chenal
fut exécuté. Poiybo le mentionne dans son récit de la bataille
de 207 (1). Mais il pouvait être beaucoup plus ancien. En
effet, il était do loul temps nécessaire. Une longue expérience,
et l'exemple d'Agis en particulier, avaient appris aux Manti-
néens le secret de la lactique ordinaire de leurs ennemis. Ne
pouvant prévenir l'inondation, ils songèrent à la restreindre.
Ils abandonnèrent aux crues du Lâchas la partie méridionale
de leur plaine ; mais, pour préserver contre- lès mauvais
desseins de rennemi le cœur du territoire, la ville avec ses
nécropoles et sa banlieue, et tout le terrain bas au N. 0. de la
ville, ils imaginèrent cet expédient d'un grand fossé trans-
versal. Une digue (ywjia) aurait eu l'inconvénient de retenir
les eaux, au lieu d'en débarrasser la plaine, de transformer
en un marais permanent une inondation temporaire. Le fossé
conciliait les inténMs de l'agriculture et ceux de la défense :
c'était h la fois un obstacle et un émissaire. 11 pouvait aussi
servir de drain collecteur aux terrains qu'il traversait. D'après
les données de Polybe, il partait du temple de Poséidon
Uippios (dont il captait peut-être la source) et disparaissait,
à la frontière des Élisphasiens, dans un des katavothres des-
servis par la rainure latérale au pied du Ménale. Cette rivière
artificielle avait environ 3 kil. de longueur. Elle faisait sans
doute partie du plan de défense de la Nouvelle Mantinée
conçu par Épaminondas. Ceci prouve l'indépendance du
lâchas et de l'Ophis proprement dil. Le stratagème d'Agis
s'applique au premier de ces cours d'eau, celui d'Agésipolis
au second. Les deux leçons servirent aux Mantinéens : par le
Ta(ppoç, ils parèrent à de nouvelles invasions du Lâchas, par la
dérivation de rOjïiiis dans les fossés de la ville, ils proté-
gèrent celle-ci.
(.OUI-:* dvmi Les rivières auhcs que le lâchas naissaient el finissaient
.10 lu Mniiiinùiii*. jjj^ territoire nianlinéen. Autant de plaines, autant de systèmes
hydrographiques. Au milieu, la cuvette centrale ; autour
d'elle, la bordure des bassins annexes, pourvus chacun d'un
torrent et d'un ou de plusieurs dégorgeoirs. Ces vallées for-
maient comme des gouttières naturelles; leur orientation dé-
terminait la direction des cours d'eau et, par suite, la posi-
(1) Polyb. XI, il. Voy. le récit de lu bataille, aux Appendices.
l'hydrographie superficielle. 47
tion des katavothres, situés à l'extrémité des lits torrentiels.
Deux observations préalables expliquent la répartition des
cours d'eau dans la cuvette cenirale : l'indinaisoD du fond, de
l'Est à l'Ouest, qui dirige et accumule toute la masse liquide à la
base du Ménale. C'est sur cette paroi qu'a porté reffort principal
des eaux en quête d'une issue. En séjournant au pied de la
muraille, elles s'y sont creusé une sorte de rainure de quelques
mètres plus basse que le milieu de la plaine ; c'est comme un cou-
loir latéral, où elles circulent tantôt dans un sens, tantôt dans un
autre, et sur lequel s'ouvrent les portes de sortie des kata
vothres. 2^ La structure de l'Alésion, simple levée d'une couche
de calcaire blanc dominée par des masses beaucoup plus hautes
de même roche, le prédestinait au rôle de producteur et de
répartiteur des eaux de source. Gomme les |)romonloires de
TArgolide, ses flancs sont le rendez-vous de nappes et de con
duiles souterraines qui viennent s'épancher au ras de la plaine.
Le Ménale, dont le calcaire uniforme est dépourvu de strates
horizontales, mais est fendu de haut en bas par de profondes
fissures, se prétiiit davantage à la formation d(;s jurandes cavernes
réceptrices, où s'eugoulTraient les cours d'eau. Dans ce système,
l'Alésion est comme la borne-fontaine à plusieurs bouches
d'eau; la plaine forme la vasque, et le Ménale la margelle perforée
de trop-pleins.
La principale de ces rivières répond à l'Ophis de Pausanias.
Elle vient de la pointe méridionale de l'Alésion, alimentée par h»
source Kopsochéria, la source Arné et, si tantcsl (ju'elh*- cxislAl,
par la source de Poseidon-liippios. Avant DSo, elle entrait dans la
ville parle S. E., recueil lait dans la ville môme les eaux potables de
Mélangéia, amenées par un aqueduc, et, à la sortie de l'enceinte,
celles des sources des Méliastes. Toutes ces bouches, jointes aux
apports torrentiels descendus delà monlagne, lui assuraient un
débit assez considérable. On s'explique comniciit elle a |)u ren-
verser les murs et les maisons de la ville ai)rès qu'Agésipolis eut
établi un barrage en amont du point de sortie, au N. 0. Les
Mantinéens, avertis, eurent soin, en 371, d'expulser cette rivière
de la ville nouvelle. D'abord, ils l'appauvrirent en creus«int le
canal transversal, qui reçut sans doute les eaux îles fontaines
Fhilippios (de ïsipiana), Arné et de Poséidon Ilippios. Puis ils
l'obligèrent à faire le tour des murs et à remplir leurs fossés. Au
delà de Mantiuée, la rivière draine les champs sur un paicours en
zigzags de 3,(300 m., s'encaisse en un chenal collecteur qui la
48
MANTINEE ET L ARCADIE ORIENTALE
Les bassins
Inlrrniix
conduit à son kalavotlire, au pied de Kapsla (altitude 624™09).
Un aulre ruisscict vient aboutir au même point. C'est le ruis-
seau de Sarisi, issu d'une source située à l'encoignure N. 0. de la
])Iaiue (altitude G27"'18). H lon^c les has-Ionds voisins dcsliau-
leurs de Simiadès, les couvre d'un marais permanent et pesti-
lentiel (KambostisMilias,TT|ç Uy\kiaiç, champ du Pommier ^ altitude
t)2;.)"^), reçoit à i;. le ruissclet de Pikerni, alimenté par les
anciennes sources de Mélangéia, et disparaît plus ou moins, en se
confondant avec l'Opliis à l'entrée du même katavothre. Tous
deux rejoignent, par un prolongement vers le Sud, les katavo-
tlires voisins.
Les bassins annexes sont les suivants : i^ à l'Ouest, la
longue crevasse latérale creusée entre la base du Ménale et
les collines de Simiadès et de Kapsia. C'est un étroit ravin,
jonché de blocs calcaires éboulés dont les amoncellements
le divisent en plusieurs régions torrentielles. La région de
Simiadès possède un torrent dirigé de l'O. au N. E et un kata-
vothre situé à la soudure du mont Anchisia. Le képhalari qui
correspond dans la ])laine à ce katavothre donne naissance au
ruisseau deSartsi.Unautre torrent (aujourd'hui Xérias), descend
de la gorge de Kardara dans le katavothre de Simiadès. — La
région de Kapsia reçoit du mont Aïdini un torrent desséché
qui s'absorbe au milieu des pierres. Enfin, un long couloir
allongé vers le Sud reçoit du massif d'Apano-Khrépa un autre
torrent, le Kapseiros, qui se glisse par la coulée de Kapsia dans
la grande plaine et disparaît au katavothre de Trypia.
2° A l'Est, la vallée de Sanga-Tsipiana, commandée par la
haute muraille du Lyrkéion. Elle est parcourue du N. au S. par
un ruisseau collecteur qui disparaît dans le grand katavothre
ouvert sous l'acropole de Nestané.
3<> la plaine de Louka. Un torrent descendu du revers occi-
dental du promontoire Kapnistra s'est creusé une issue h l'entrée
du vallon, au N. (katavothre de Héliopoulo). Ses eaux vont
peut-être rejoindre, dans les profondeurs de la montagne, celles
du katavothre de Tsipiana.
Nombre En résumé, on a reconnu jusqu'à présent sur le territoire man-
des kfttnvoihres linêeu 18 kalavotlues de formes diverses, répartis en 3 groupes :
ninniinéens ^^ groupc de la plaine ; 2o du Ménale ; 3« de l'Artémision (1).
(1) .Vavnis pendant nos foiillles, puis nu mois do septembre 1893, relevé dans
la plaine un ccrluin nombre de goules oubliées par la Goninilsslon de Morée,
l'iiydiiograpiiib supkrficikllk. 49
Celte richesse en débouchés hydrogéi(iues a préservé la Mami!..
plaine manlinéenne d'une submersion lolalo ol. permanente.
Pas un recoin n'était dépourvu de ces précieux dé{;or
geoirs. L'histoire et Texamen du terrain allcslent que celle
région ne subit aucune catastroplie analofçue a celles qui
engloutirent les villes de Copals, de Pliénéos et de Slym-
et yisilé les grands katavothres à cavernes. Mais, faute du temps et du matériel
nécessaire, il m'avait été impossible de m'avancer dans les galeries intérieures.
En 1892» M. Sidéridis, ingénieur en chef du nome de Tripolls, stylé par
M. Martel, consacra deux mois (août-septembre) à la roclierchc et à rexplo-
ration des exutoires mantinéens. Les résultats de cette courageuse enquête lui
font grand honneur. Il a pu fixer la position de presque tous les katavothres,
pénétrer dans les puits et dans les salles parfois jusqu'à plusieurs centaines de
mètres à partir de l'entrée. M. Martela réuni, dans son ouvrngc sur les Àbîwrs,
(chap. XXVIfl) les plans détaillés et les descriptions de M. Sidéridis. Certains
katavothres, ceux du Ménale en particulier, peuvent ôtrc comparés, pour
Tampleur de leurs nefs intra-rupestres et la richesse de leurs stalagmites, aux
fameuses grottes belges de Rochefort et de llan. Dans une galerie du katavothro
de Kapsia, M. Sidéridis a retrouvé, à 125>" de l'entrée, une quarantaine de
crânes avec un amas d*ossements humains et de fragments de vases en terre.
11 serait désirable que ces débris fussent étudiés et qu'on en pût déterminer
l'origine. Malheureusement, M. Sidéridis ayant été envoyé à Corfou, ses
recherches n'ont pas été continuées, et l'on n'en sait pus plus qu'avant sur la
direction des ramifications intra-rupestres et sur leurs dûhoiichos. La situation
des embouchures actuellement relevées se répartit comme suit :
I. (iROUPB DR LA PLAINB.
1. Trous absorbants de Margano.
2. id. Hédéni.
3. id. Maro.
4. id. du Loukaïliko'Gépliy ri (relevé par moi).
H. GUOUPK nu MÈNALK.
5. Trous de Mazonéika.
6. id. de Milla.
7. Katav. de Gatsouna.
8. id. de Trypia.
9. GoufTre de Karapholia.
10. Katav. de Palaiochori.
11. id. de Kapsia.
12. id. do Simiadès.
III. Groupe de L'AirrÉMisioN.
13. Katav. de Kapnotrypa.
14. id. d'Avgérino.
15. Trous de Chéréma .
16. Katav. d'Iléliopoulos.
17. id. de Spilia Gogou
18. Id. de Tsipiana.
Plaine de Luuka.
Argon Pédion.
.Maiitiiiée. — i
50 MANTINBR ET l'ARGADIE OtllENTALE.
pliale. Mais la perméabilité de la ceinture calcaire n'était pas
seule cause de celle immunité. Le fond même de la vasque y
contribuait. J^e sous-sol calcaire, étendu sous la couche allu-
viale, est tout criblé de fissures qui mettent en communication
la surface imbibée avec les coniluites souterraines. Le drai-
nage se fait i)ar le fond, alors même que la surface parait à
sec. Les eaux, absorbées par la couche d'alluvions qui colmatent
le calcaire sous-jacent, continuent à s'infiltrer très lentement
dans les interstices du fond rocheux par ces bétoirs plus ou
moins appareiils, qui sont comme les regards plus ou moins
obstrués des galeries intérieures. Alors que Teau sui)erlicielle
des marais, au plus fort de Tété, avait disparu, que les lacs de
rbiver n'étaient plus que de grandes taches de limon noir et
durci, nous avons toujours retrouvé, à une faible profondeur,
sous la croule desséchée i)ar le soleil, une nappe souterraine
abondamment i>ourvue. Cette eau latente alimente faiblement,
l)our ainsi dire gontle à goutte, mais d'une manière continue,
les réservoirs intra-rupcstrcs et les képlialaria. Ainsi le marécage
est en quelque sorte résorbé dans le sol. Toutefois la police
des eaux et des katavothres, depuis l'antiquité, ayant été fort
négligée, les parties les plus basses de la plaine, à la moindre
averse, retournent à l'état marécageux. De là, montent cons-
tamment, au lever et au coucher du soleil, ces germes palu-
déens qui étendent sur toute la cuvette une atmosphère de
miasmes. Certains coins restent toujours saturés d'eau. Lit
jdaine de Tsipiana (Ajgon i^édion) avait désespéré les anciens
eux-mêmes : lro|) encaissée entre des versants trop déve-
loppés, elle reçoit des masses de î)luie qu'elle ne peut évacuer.
De même, le harnbos lis Milias est toujours spongieux. Ces
deux marais permanents correspondent à ceux de ïaka et de
Vcrsova dans la Tégéatide. L'intérieur môme de Mantinée est
criblé de i)etils étangs, reliés par un lacis de rigoles, qui
vont se déverser dans les bras circulaires de l'Ophis. Les
foyers de malaria rendent les ruines de Mantinée inhabitables.
Dans l'antiquité même, le sous-sol humide a du rendre le
séjour de cette ville extrêmement malsain.
Sources. Le groupe des sources les plus importantes s'aligne autour
de l'Alésion. On relève successivement les suivantes : i^ en
contre-bas de la trouée de Kakouri, à 1.200 mètres au Sud de
Kakouri, tie la base du rocher s'échappe la source Karyda.
l'hydrographie SUPERFICIKLLI':. 51
Ses eaux vont grossir le ruisseau de Sarlsi. 2'» un peu plus
loin, au S., une autre source dont la position ré|)ond à la fon-
taine Alalcoméneia de Pausanias (1). S** les belles sources de
Pikerni. Elles descendent du village situé à lui-cAte et donnent
naissance au long ruisseau qui va rejoindre à TO. la rivière de
Sartsi. Elles correspondent aux sources de iMclangéia : un
aqueduc les conduisait autrefois à Mantinée. 4» les sources du
Tripichi (anciennes sources des Méliastes). On les voit sourdre
en bas de TAlésion de trois petites vasques sîd)lonneuses, éche-
lonnées à quelque distance Tune de Tautre, sous des bosquets
de saules : au N. au-dessous de Pikerni, le Sythi (SuOr,) ;
puis, à six cents mètres au Sud, le Mécov Tpi7rr,/i (corruption
de TpiTtTiyjq, les trois sources) ; enfin, à la baulcui- de la colline
de Gourtzouli, le Tpiin^/i propre, voisin des ruines des sanc-
tuaires de Dionysos et d'Aphrodite Mélaînis (2). Le ruisseau (|ui
les rejoint court vers le S. 0. pour se confondre avec rO[)his.
5® la fontaine Varéli (BapéXi, le baril) au pie<l niéjne du rem-
part oriental de Mantinée. Elle surgit dans un petit bassin
entouré d'une margelle de pierre à l'ombre des grands saules,
et se confond aussitôt avec TOpliis. L'eau a un goût saumâtre
prononcé. G^ la source du temple de Post'idon llippios, à
7 stades au S. de la ville, n'existe plus. Peut être a-t-elle
reparu dans la fontaine Varéli, dont Pausanias ne parle pas.
Un lit de sable, voisin de l'emplacement du hîmple, alleste
la présence d'une ancienne source aux enviions. 7" un groupe
de sources abondantes situé à la pointe et à la base de l'Alésion,
et qui répond à la fontaine Arné (.'}). 8<> la fonlaine Ko-fo/eptâ ((jui
coupe les mains) à mi-côte au-dessus d'un pelil ravin à l'ex-
trémité S. de l'Alésion, à gauche du chemin de Manlinée à
Tsipiana. Ce n'est qu'un mince filet d'eau frahîhe s'écoulant
d'un petit mur en ruines, où les voyageurs se désaUènMit en
passant. î)' Au pied de l'Alésion (versant E.) dans l'Argon Pédion
existe une source assez abondante et anonyme. 10" à l'entrée
du village de Tsipiana, sur le liane S. de la roche de Nestané,
(1) Voy. plus loiQ, p. 118.
(2) Voy. plus loin, p. 86.
(3) Voy. plus loin, p. 94-95. Cest probablement la même que Visdier
reconnut à une demi-heure de Mantinée, au pied du versant S. de PAlôsion
{an dem Abhange ist eine 'sehr starke Quelle, ohne Zweifel die von Pau-
sanias genannte Ame), Elle est, ajoute-l-il encore, durc/i irh reichliches
Wasser aufgefallen. {Erinner. u. Eindr. aus Grieckcnt, p. 343 et 344.) Cf. Ch.
Loring (Joum, of hellen, slud. XV (1895), p. 81).
52
MANTINBE ET L ARGADIE ORIENTALE.
une fonlîûiic luonuinenlale (1) laisse échapper par 4 bouches
une eau abondanlc et claire. C'est sans doute la PhUippio$ de
Pausanias. 11'» la source de Sartsi, au coin N.-O. de la plaine,
à la soudure de TAuchisia et du Ménale, représente le képhahirl
correspondant aux fissures.
De toutes ces sources, les seules potables sont celles de
Kakouri, de Pikcrni, de TArné, de Kopsochéria et de Tsipiana.
Les rares habitants de la plaine, épars dans les khanis qui
bordent les roules, consomment l'eau de la nappe souterraine.
Les i)uits sont faciles à creuser et peu profonds. Aussi en
Irouve-t-on parlout : ils distribuent à profusion la fraîcheur
aux cultures et la lièvre aux cultivateurs.
(1) Conslruilc en 1840, d'après une inscription encJislrée dans le mur. VIsclier
y a copié une inscription antique. [Kpigr, u. arch. Deitràge, n» 39, p. 37. —
Foucart. Inscr. duPélop, n* 352ii et 352o.)
Fig. 7.
Kcloir dit du l^tiknTliko-Géphyri, au milieu de la plaine,
h l'entrée de la Manlinique.
ClIyVPITRK V.
LES PRODUITS DU SOL.
On se représente volontiers la Grèce pins boisée autrefois néiM)i«cinciii dp
qu'aujourd'hui ; on se plaint de ne plus admirer (|ue le s(|U(îletle (îmr.
de rilellade. Les voyajçeurs, témoins de déi^rus sans excuses,
ont accrédité l'opinion que les Vlaques avec leurs incendies,
les paysans avec leurs défrichements ineples, ont Rni par
dépouiller toutes les montagnes classiques du manleau de
forêts dont elles se paraient aux yeux des anciens. De fail,
la destruction poursuit son œuvre en (lé|)il dc^s |)roteslations
indignées et des avertissements pessimisles. Toutefois, si les
hommes sont surtout coupables du lamenlahle déboisement
de la Grèce, dans bien des cas la nature clle-mcine doit être
incriminée. Les géologues reconnaissent certaines roches
stériles (1), condamnées à l'aspect décharné et matériellement
incapables de produire autre chose que des elTels de soleil.
C'est ainsi que la structure différente de la chaîne argolico-
arcîidienne et du Ménale a réparti d'une manière absolue les
zones de végétation dans le haut pays arca<lien.
On y distingue deux régions correspondant aux deux espèces i.i v.vui'on
de roches prédominantes, le calcaire blanc et U\ calcaiie bleu. Le •"'■* •«
premier est, en généial, rebelle aux |dantations. Sa ualure sèche, '"' "'*^
brisante et peu susceptible de s'elTriler en terre, n'admet ni
le sapin, ni le mélèze; elle ne tolère qu'une maigre végélation
de broussailles courtes (rà (ppuyava), dont les taches noirâtres
(I) Philippson. dcr Peloponncs, p. 524 sq., et Znr Verjetationskarte des
Pehponnes. Peter m, Milk, 1895, p. 373. — En général, Ncumann et Partsch.
Phys. geogr. d. Griech.y p. 363, et Guiraud. Propr. foncih-e en Grèce,
p. S03-505.
in>-
54
MANTINEE ET L ARCADIB ORIBNTAbE .
s'ôlalcnl comme une moisissure sur les roclies claires. Les
hautes murailles de TArlémision et du Kréopôlon devaient pré-
senter jadis le même aspect dénudé qu'aujourd'hui. Les parties
les plus basses se recouvraient seules d'un petit maquis. Dans
les anfractuosilés apparaissent quelques hameaux, entourés de
parcelles cultivables, de bouquets de noyers, de chûtaigniers
ou de plalancs : ce sont les oasis de la montagne. Cependant,
Pausanias mcnlionne sur l'Alésion un bois sacré dédié à
Démêler (i). r/élail sans doute un groupe isolé de vieux
arbres, semblable à celui qui couronne encore la butte de
Gourtzouli. Dans le ravin qui creuse l'extrémité de l'Alésion,
des amas de lerie ont pu se conserver, suffisants pour nourrir
quelques (ih(>nes verts précieusement entretenus i)ar la véné-
ration des fidcles.
Les imij. Au contraire, le calcaire bleu du Ménale est tout à fait propice
du Mriiair. ^ la pousséc dcs bois de haute futaie. Là les sapins abondent et se
pressent à l'assaut <les pentes les plus élevées, jusqu'au pied
des sommets chauves (2). Les maquis habillent de buissons
épineux (houx et chène-vert nain) les premières côtes au-dessus
de la plaine, de Simiadcs à Bédéni. Au delà, les flancs se garnissent
de sombres foréls. Les dévastations séculaires n'empêchent pas
les gradins do l'Ostrakina, de l'Aïdini, la goige de Kardara
d'ôlre encore ombreuses. Le nom du Ménale évoquait chez les
anciens l'idée d'un paradis touffu où s'ébattaient au son de la
flûte, dans le mystère des bois inviolés, les rondes de Pan et
des dryades (3) :
Macnahis arguluinque nemus pinosque loquentes
Sempcr habet
L'original n'a point trop démérité de ses peintres : maint
paysage justifie encore les soupirs d'un Virgile et le voyageur
sent le charme de h\ légende épars sous les antiques futaies (4).
(1) VIII, 10, 2. AY||XT|Tpoç àXaoç ev xai opei.
(2) Le sapin du Méoale {abies, éXaTOv) moDte Jusqu^à 1600 et même 1700".
(3) VIrg. Ecl, Vlll. 22. —X, 14, 15 : « Macnaliao dryades. » Cf. Georg. I.
17 : « Pinifer Miunalhis. » — Colura. 10. 264. — Pausan. VIIF, 36: Tb U opoc
TÔ MaivxXiov Upbv jixXi(TTa eTvat Ilavbç 6vo|i.xCou(iiv, iàaxt o\ wepl aûxb xal
èicaxpoîffOat auptÇovTOç tou Ilavbç Xéyouai. — Sur les bois et autres pro-
ductions de l'Arcadie, ▼. De la Coulonche, Mémmre sur VArcadie. Archives
des missions scienUlIques. {'* série, t. VIII (1858), p. 188.
(4) Voy. p. 2&3.
LES PRODUITS DU SOL. 55
La nature, les hommes et le temps ont moins monaj^o la louîs
plaine. Homère qualifie Manlinée « d'aimable », epaTsiv/j (l). La cie u plaine.
réalité ne justilie guère cette épithèle. Il est vrai qu'il no reste
plus trace du grand bots de chênes, qui tapissait le fond de
la vallée et dont le murmure donnait aux Arcadicns, peu
gfttés en fait d'impressions maritimes (2), l'Illusion de la mer
grondante : ils l'appelaient le Pélagos (IJ). Au dire de Pausa-
nias (4), les forêts de chênes de rArcadie se composaient <le
trois espèces : le chêne à larges feuilles, la cpv)YÔç et le chêne
liège, dont on faisait des flotteurs et des bouées (;i). Il n'indi({ue
pas laquelle de ces espèces composait le Bojjjlo; du Pélagos,
mais le chêne subsiste à l'état isolé dans la |)laine manli-
néenne (6). Les autres arbres épars le long des cours d'eau
ou près des puits sont surtout des saules el des |)eupliers.
On rencontre aussi des mûriers, quelques poiriers et cerisiers.
Les rigueurs du climat excluent l'olivier el le figuier (7).
I^exlrême pauvreté de la Mantinique en arbres forestiers i^s vignobles.
et fruitiers est compensée par la fécondité des leries arables.
Des vignobles luxuriants couvrent de 'vastes étendues d'allu-
vions sablonneuses, surtout au Sud et au Sud-Ouest de la
(1) Iliad. II. 607.
(2) Leur Ignorance des choses de la mer était proverbiale : Iliad, II. 614 :
lircl oïl (T^t OacXà<T(T(ac Ipya (iierxTjXct. Cf. plas loin, p. 246.
(3) Paus. VIII, 11, 1, 5. Sur le Pôlagos, voy. p. 107, IIU, 2:)6, 262.
(4) Vin, 12, I.
(5) Ces espèces comportent de nombreuses variétés : les botanistes hésitent
sur ridenUflcatlon de la ^7)y(^ç soit avec le chAne à glands dou.x (quercus
ballotaj soit avec le quercus Mgilops. Le fruit du premier est coine.'l'blc, cru
ou grUlé. Peut-èlre élait-ce ralimcnl des premiers Arcadicns, enseigné par
Pélasgos {paXav7i<pàY0i àvSpeç. Paus. YIII, 1, 6. Pilnc //. .Y. IV, 6, 10. Eplior.
ap. Strab. V, 2, 4, page 221); le deuxième (aujourd'hui (isXaviBix) produit
la valonée, un des principaux articles d'exportation de la Morée (Curtius.
Peiop. I, 157). Les monnaies de Manllnée représentent un gland. Sur le
gland ofTert comme fruit aux dieux en Arcadie, voy. Schol. yEsch. Prom, 41)0.
(6) Il y en a deux exemplaires dans l'enceinte de Mnntinéc et cinq ou six sur
la colline de Gourtzouli. C'est un arbre toujours vert» au tronc bas, aux feuilles
petites, dures el piquantes, au dôme arrondi. Les modernes l'appellent tô BÉvopov,
TO 7coopvap( : ii répond sans doute à une variété de la quercus ilea.
(7) Dans la Haute Arcadie rolivier se trouve seulement à Karytaina (835") et
à Toporista sur le Ladon (1072"), et cela grûce à une rxjiosilion favorable.
50 MANTINËE ET l'aRGADIE ORIENTALE.
plaine. Les planls ou vsont touilus (1). Ils produisent un vin
(le couleui- lopazo, aiçréable et réconfortant, mais sans déli-
ra I esse. Les paysans recherchent plutôt la quantité que la
qualité. Celle-ci s'améliore pour peu que la mani|)ulation soit
|)lus soignée. Le vin est un aliment indispensable aux habi-
tants de la llaut(»- Plaine, et, à les en croire, le plus efTicace
des fébrifuges : les rasades, disent-ils, soutiennent l'orga-
nisme contre les alleinles du climat. Le remède est populaire
et je connais peu d'Arcadiens qui ne préfèrent un bel accès
d'ivresse à un accès de lièvre. Les jours defôte, c'est plaisir de
voir ces vigoureux buveurs vider d'un trait de grands verres en
crislal lisse, de la conlenance d'un demi-litre environ. Le résiné
coule ù flots pour célébrer les innombrables saints que le calen-
drier orthodoxe désigne aux honneurs de ces libations. Des
barils énormes se vident en une journée dans les villages de la
Mantinique et de la Tégéatide. On ne prend môme pas la
peine de leur adapter un robinet : en deux tours de vrille on
fore un trou, on y met un douzil que les buveurs retirent à
volonté y)()ur remplii* leur xouTiatç, et la source bachique
s'épanche en longs filels de topaze. Aussi, malgré l'abondance
de la production, presque tout le vin se consomme dans le
pays. Cependant on exporte en Argolide et de là à Athènes le
produit des crus les plus fins (2).
Cértaiis. La richesse en céréales n'est pas moindre. Le blé et l'orge
couvrent tout le milieu et le Nord de la Mantinique; le site
même de Manlinée n'est qu'un vaste enclos producteur. En été,
la haute plaine, changée en étuve, fait vite mûrir le blé; la
paille atteint hauleur d'homme; les épis sont puissants. D'ordi-
naire, la moisson commence dès le 20 juin, pour durer
jusqu'aux derniers jours de juillet (3).
(1) Une inscripUon de Mantinée mentionne un don de six plèUires de yignes
(à(iicéXu)v 'nXéOpa e^) aux prctres d'Asklëpios (Le Bas-Foucart. Inscr. du
Pélop, 352 j. L 9-10).
(2) Le vin arcadien laissait fort à désirer, au dire de Théophraste et d'Aristote.
Certaines espèces étaient trop capiteuses (Théoplir. fl, P. 19, 6. — Éllen. Var»
hisl. 13, G); d'autres se mélangeaient avec de la terre dans les outres, de manière
à (ormor une masse solide qu^on entamait avec un racloir pour la consommer
(Arist. Met. IV, 10). Aujourd'hui certains propriétaires tégéates fabriquent du
vin rouge imitant le Bordeaux et des vins mousseux.
(3) La flxation exacte de i*époque de la moisson dans les diiïérents pays grecs
est importante pour i*inleliigcnce de Thucydide et de Xénophon.
LES PnODUITS DU SOL. 57
Les terrains humides et marécageux iioun issciil le maïs mats ri imsciiish.
(àj>aw<KTiToç). Ou le sème au priulcmps pour rrcollnr ou aoûl.
Mais la culture préférée de ceux qui possùdont les marais,
c'est le haschisch ('/oL^jifXi, cannaHs indica L,}. De ses lonp:ues
tiges vertes, aux petites feuilles ébarhées et pointues, celle
plante hérisse les étangs de Mantinée et le xà{ji.7:oç tyjç MvjXiaç.
Une senteur pénétrante et capiteuse dénonce à dislance le
dangereux narcotique. Les Grecs ont le bon esprit de n\^n
point user pour eux-mêmes. Ils le font sécher et Texporlent
en Egypte (1). Théoplirastc (2) rapporlc (|u'on cullivait aux
environs de Tégée une sorte descolyme (jui possédait des pro-
priétés extatiques : le sculpteur Pandéios, ocrui)é aux travaux
du temple d'Athéna Aléa, en mangea et tomba en extase.
Gomme jardin potager, la Mantinique jouissait auprcs des Lôgumcs.
gourmets d'une réputation lointaine. I/irrigalion naturelle du
sol y favorisait la culture maraîchère ; autour des puits on
voit prospérer encore aujourd'hui de plaiiluronx potagers, bien
que cette ressource y soit trop négligée. L(îs légumes de la
Haute Plaine, lomales, aulx, fèves (3), oignons, constituent,
dans la belle saison, la nourriture ordinairi^ des babilanls.
Les cucurbitacés, concombres, melons fi cbîur blancbe, jkïs-
tèques, y acquièrent, malgré des procé<lés de cullure rudi-
mentaires, une remanfuable saveur (4). Les radis niaulinéens
figuraient en bonne place dans les JT|)erloires de la gaslro-
nomie antique : Athénée énumère la MavTivixvi yoyyu\iq parmi
les produits nires, dignes de paraître sur une lal)lc luxueuse,
à côté des murènes de Sicile, des thons du n\\) Pacliynos,
des choux-raves de Thèbes (5).
(1) Le vUlage de Lévidi eslle centre de ceUe exportalioii.
(2) Ilist. plant. IX, 13, 4. Twv yX^XEitov al {/.ev êx^xaxixaî xaGàirep •/)
b[LoloL TÛ (Tx6Xû^(o Trepl Tsycav t^v xal llctvSeioç ô àvoptavTOTroibç (paviov
£pya^(Jjievo; Iv xw Upo) IÇéaxT^.
(3) Auj. xouxxià {Vicia faba X.).
(4) Théophr. //t5^ p/anMX, 5, 6. ^uexai 8'èxei h dîxuo; ô ttyptoç è; ou xb
éXaxVjptov (TuvTfOcxai, xal 6 xiOu{/.aXoç eÇ ou toItzizo^olU. "Aptaxov oï xouxo
•jcepl Teyéav xaxeïvo fxdtXtdxa aTcouBàCexaf (puexai o'àxeî k-Ki TrXéoV
irXeîaxov 8à xal xàXXidxov <pùexai Ttcpl tyjv KXeixopiav.
(5| Alhén. 1,6. IIoXXol 8e xal àXXoi 8ià (TxdjAaxoç eI/ov xàç Iv xto Stxf.Xixo)
jxupafvaç, xàç TuXoixàç iyy éXtiç, xtov Ilayûvou Ouvvov xà; vjxpiaiaç, xoù;
ky MiqXcu lp(<pouç. . . ., XY)v MavxivtxTjv yoyy\}}J.O'x, xàç 8'ex S'ffio)^
PouviàBaç, ... Cf. Pollux. VI, 63. —Clément d'Alex. Vtvdag. II. 69(Patrolog.
1,381); où TiapaXEfwovxEÇ 8s xà Iv Aiiçàpqc {/.aiviSaç, oûos x-/jv >(OyyùX'r\y x/jv
Mavxivtxv^v,
»^8 MANTINÉB ET L*ARCADIE ORIENTALE.
Faune sauvage. La fauiic (lu pays n'était pas davantage à dédaigner. Les
bois du Ménalc apparaissaient aux Grecs comme un immense
parc zoolof^nquc, dernier refuge des espèces que Thomme avait
parlent ailleurs pourchassées devant lui. Le gibier y foison-
nait : sangliers, ours, cerfs du Ménale obsèdent l'imagination
des |)oètes(l). Aussi les Arcadiens passaient-ils pour d'ardents
chasseurs. C'élail dans le Ménale qu'FIercule avait poursuivi
la biche aux pieds d'airain et coupé le bois de sa massue (2).
Les solitudes ombreuses de la monlagne étaient souvent trou-
blées par les aboiements des meutes tégéates (3) et par les
bandes de chasseurs vêtus de peaux de loups ou d'ours, et
armés d'épicux (4). Les fauves, loups, ours, sangliers, cerfs,
etc., peuplaient les bois de chênes (8pujxo() ; des tortues énor-
mes s'y rencontraient aussi (5).
La plaine possédait sa faune propre. A la lisière du Ménale,
le renard iode constamment dans les buissons. Les chacals,
encore 1res nombreux au temps de l'Expédition de Morée,
disparaissent peu à peu : ils occupent surtout les cavernes
des katavolhres, on ils se repaissent des cadavres d'animaux
apportés par le courant. Quelquefois ils les y entraînent eux-
mêmes (6). Les lièvres, les perdrix rouges évacuent le fond
de la plaine dès la moisson faite, pour se giter dans les brous-
sailles odoriférantes de l'Alésion et des collijies basses ; en
(1) MaivxXtot eXacpoi. Anlhol. ep, Vï, 112. — Plan. 91. — MatvaXtoç
apxToç. CalHm. Dian., 89, 22i. — Diod. 15, 72. — Mœnalls ursa : Ovid.
Trisl. 11, 8. — r<isl. 2, 192. — Mîcnalius aper. MarUal. Spect. 27. —
Mœnallus sus. Senec. llerc, fur, 233. MarUal. 5, 65. Sur les dieux. Ours du
Ménale, voy. p. 20:>-2y8.
(2) Prop. IV. 9. 15.
(3) Les chiens de chnsse de Tégée étaient très appréciés. Grat. Pallsc.
Cynegei. 100. Priapeia. 75, 7.
(4) Cesl dans cet accoutrement que les Arcadiens se portèrent au secours
des Messéniens (Pausan. IV, 11, t).
(5) Pausan. Vflf, 23, 6, à propos du Soron, bois de chênes sur le chemin de
Kaphyai à Psophis. 07]pia B'ouxdç xe xoà 6'ffoi Spu(jLo) xoTç 'Apxa^iv eîaiv
àXXoi «aéyovxai xo-ràSe, àyp(ouç uç xal àpxxouç xal yeXwvaç jJLeyfiXxaç
^Leyidii, — Voy. la mosaïque, représentée flg. 46, p. 182.
(G) Bory de Si- Vincent a vu dans le Kalavothre de Tsipfana un cadavre de
cheval dépecé par les chacals. La Commission de Morée décrit et dessine un
curieux insecte, le Brndyporun dast/pus, de la famille des sauterelles éphippi-
gères qui pullule dans la plaine mantinéenne pendant l'été (Voy. Sec. des se.
physiq. Zoologie, III i. — Introd. par Brûlé, p. 23 et 88, n» 55. — Figure
en couleur dans l'Atlas. Zoologie^ pi. XXIX, 7). Nous avons eu souvent Tocca-
sion d'étudier les mœurs de ce singulier orthoptère.
LES PRODUITS DU SOL. ^9 .
effet, les blés cou|)(;s, le pays n'est plus qiriiu désert chauve
sans abri et sans ressources.
L'élevage des animaux doniesti(|uos a loujours lenu une Êievago.
grande place dans ce pays de patres et de cultivateurs.
Sur les hauteurs, les moutons et les rhôvres vont brouter
les maigres loulTes qui tapissent les interstices de la rociie,
ou dévorent les pousses encore tendres des jiMmes taillis. La
moisson faite, on les voit descendre de leurs parcs pour
aller tondre la paille des blés coupés dans la plaine. Le métier
de berger occupe en Arcadie comme dans le reste de la Grcce
un personnel considérable. Le lait, le beurre, le fromage sont
exclusivement fournis par les brebis et les clicvres. Le gros
bétail h cornes est très rare, faute de pAturages, et (railleurs
les Grecs en général n'aiment pas le lait dt» vache. Quant au
labourage, on y emploie surtout des chevaux. (îeux-ci ont
assez vilaine apparence. Petits, faibles et contrefaits, ils ne
peuvent rendre des services qu'en ])laine, |)our trans|)orter
les denrées au marché de Tripolis. Mais dès (\Wï\ s'agit
d'aborder les chemins de montagne, ils deviennent insullisants.
Ils n'ont ni la sûreté de pied ni la résistance nécessaires.
Aussi de tout temps, les Anes et particulièrement les mulets
les ont-ils supplantés. La légende a fait aux « roussins » d'Ar-
cadie une légitime réputation. Les villages de la Tégéatidc et
de la Mantinique possèdent tous d'excellents Anes mulassiers,
descendants de ces hémiones célébrés par Strabon (l).
Quelques poignées d'orge et de paille hachée, en été (lucl-
ques bottes de tiges vertes de maïs sufTisent à la sobriété du
mulet. Quand Strabon vante les pAtunig(îs d'Arcadic, nourri-
ciers d'une brillante race de chevaux, il omet de désigner les
cantons producteurs de cette race. Aujourd'hui ni la Tégéalide
ni surtout la Mantinique ne sauraient montrer un seul her-
bage. Il faut donc suppléer à l'absence (kî statistique dans l'anti-
quité par les données de la légende. On sait d'une part (lue
la fable plaçait en Élide les écuries d'Ol^nomaos et celles
d'Augias (2), d'autre part qu'Ulysse possédnit sur la jnème
(1) Slrab. VIIÏ 8, 1, p. 388. Boax'^ixaai B'eîçî voixat oa-J/iXet;, xai
{jLxXi<7Ta iTiTCOiç xai ovoiç TOÎç liïTropxTOi; 'ÊcjTt 8k xal tô yiyoç T(ov Vtttcwv
iûiaTOv To 'AûxaBixbv, xaOxTrep xal xb 'AsyoXixbv xal xb 'ETTioaiipiov.
Cf. Uérod. IV. 30. —Cf. Arcadiœ pccuaria. Varro /?. Ilust, H, 14. — Pcvs.'Sat,
111,9. - Pline VIII, 167. — Juven. VU, 160. — Voy. lîuiraud. Prop. fonc.
m Gr. p. 507-509.
(2) PauMn. VI. 21, 7. — Ilom. lliad. I. 677-684. Tliéocr. Idt/l. 25.
^60 mantinke: et l'argadie orientale.
C(Me des ])ûturages importants (1). De retour à Ithaque, dési-
rant remonter ses éiables dilapidées par les prétendants, il se
met à la recherche de ses troupeaux. Il descend d'abord chez
son hôte Polyxcnos, roi d'Élis, descendant d'Augîas, possesseur
d'un bétail considérable (2). Puis, on le retrouve à Aséa (3),
où il consacre un temple à Athéna Soteira et à Poséidon ; de
là, il passe à Mantinée, où fleurit le culte de Poséidon
nippios(4); il réussit enfin à retrouver ses juments ù Phénéos,
où il fonde le culte d'Artémis lleurippa (5). De plus, Poséidon
et Démêler s'étaient accouplés à Thelpousa, cachés parmi les
troupeaux d'Onkos (6), et la Déméter chevaline était la grande
déesse de Phigalie (7). On en peut donc conclure que l'élevage
du cheval prospérait dans les cantons limitrophes du Ladon,
de l'Alphée, dans les plaines de Parrhasie, d'Aséa, de Mantinée
et de Piiénéos. La léj^ende attribuait à un Mantinéen, Samos
ou Séros, nis d'Halirrhothios, hypostase de Poséidon, la pre-
mière victoire olynij>ique à la course des quadriges (8). Tou-
tefois, à Mantinée, cette industrie des temps primitifs dut
tomber en décadence après la chute du régime aristocratique
et le morcellement de la propriété. Aristote (9) remarque:
en eiïet, que Vlnppolrophic suppose la grande propriété aristo-
cratique, comme c'était le cas en Thessalie, en Béolie et dans
les pays où existait une classe des linreTç. Or, la constitution
démocrati(iue de Manlinée su|)pose plutôt un régime de petite
propriété. 11 est donc probable ([ue les grands pAturages avaient
(1) Pausan. VlIF. 14. 6. — Uorn. Odyss. IV. 634 ss.
(2) Sommaire delà Télé^onic d*Kugammon de Cyrène (VI* s.) dans Proclus.
Chrestomalhie. Cf. Svoronos. Éludes archéol,, et numismatiques (GazeUe
archéol. de 1888).
(3) Pausan. Vill. 44, 4.
(4) Sur le culte du dieu Cheval à Manllnée et sur la légende d'Ulysse, liyposlase
de Poséidon Ilippios, voy. p. 229 et suiv.; 240 et suiv.
(5) Paus. VIII. 14. 4-5.
(6) Paus. Vlil. 25, 8 et 10.
(7) Paus. Vlll. 42, 4.
(8) 'Av* ÏTiizoïai 8e TÊxpaaiv
OLizo MavTivéaç Sa|jLOç (')XipoO(ou. Pind. 01. XI. 69. Cf. Scliol. ad h. loc.
Tpé']/a; Bè TctoXou; o)ç b Mavxiveuç St||jloç,
oç TTpwTOç apixax 'v^Xaaev Tcap 'AX^êko. (Citation de Diphllos, auteur de
la Théséis).
(9) Arist. Polit, VI. 7, p. 1321 a, 11 : al Zï l7C7C0Tp0(piat xwv [xaxpàç
oùdtaç X£XT-/)|i.éva>v elaiv.
LES PRODUITS DU SOL. 01
disparu à Tcpoque historique. Le cheval de guerre éiait néf^l'ij^e^;
le fait qu'à la bataille de 302 Maiitiiire se serait trouvée
dépourvue de cavalerie sans Tarrivée des AMiéniens, coiinriiie
cette opinion (1). Peut-ôtre aussi la persistance des Manli-
néens, au V« siècle, à s'assurer la conquiMe lointaine de la Par-
rhasie, iudique-t-elle le désir de se procurer une ressource
qui manquait à leur propre territoire. Toulefois, l'existence
d'un hippodrome aux portes de la ville indique que rélevîijçn
du cheval, s'il ne suffisait pas aux besoins de la gueire, sub-
sistait pour le cheval de trait et de course.
Miivpii»
En somme, ce petit pays manlincou se trouvait richniuMit
pourvu des biens nécessaires a la vie matérielle, et même a une
■ , ninlcnaiix.
existence confortable et ornée. Les hauteurs voisines fournis-
saient des pierres de construction aussi variées quVléj:fanLes
d'aspect : conglomérat pour les substructions, calcaire blaiic-mat
pour les appareils soignés et les dallages, calcaire bleu et marbre
gris du Ménale (2). Les architectes [et les praticiens tiraient des
carrières de Doliana au S. de Tégée (3) un marbre blanc à grain
fin, analogue au Pentélique : admirable matière susceptible
de rendre toutes les délicatesses du ciseau le plus rafliué. Elle
permit à Scopas (rexécuter un chef dVcuvrc, le temple d'Athéna
Aléa, à Tégée; à Alcamène, à Praxitèbî de srulpler pour les
temples de Mantinée des groupes mémorables. Du Ménah^
descendaient les maîtresses poutres, les plambes, les bois de
sapin, les boisde chaulTage et les fagots du matiuis. Les riiénes
verts de la plaine donnaient les instnimeiils aratoires, les
manches d'outils, les meubles. La terre argileuse livrait aux
tuileries la brique crue pour les murs des maisons, des fermes,
des jardins, et pour les remparts de la ville; également Ja bri(|ue
cuite, dont l'usage devient si fréquent à répo(|ue romaine, ainsi
que celui des tuiles, les toits ne pouvant être construits en
terrasses, sous ce ciel pluvieux, comme en Argolide, en Attique
ou dans l'Archipel.
L'alimentation était abondante, succulente même : le pain
(!) Voy. aux Appendices, le récit de la bataille.
(2) Sur le marbre « dcmi-deull » de Tripolllza, voy. Kxp»'*d. de Moréc, 11»,
p. 153.
(3) Sur le marbre de Doliana, voy. Lcpsiiis. Grirrh. Marmorsludien,
Berlin. 1890, p. 34. — Sur les gisements : Pbilippson. dcr Pclnponncs, p. IGO.
G2 MANTINICE KT L'AUGADIE ORIENTALE.
assuré |)ar In richesse du terroir en céréales (1); les légumes,
les fruits d'une (lualité rare; la viande de mouton, de chèvre,
(le porc, de gibier, sans compter les volailles, les œufs, les
laitages et le vin à revendre, assuraient à ces campagnards
une plantureuse subsistance. Ils |)Ossédaient de la laine pour
leurs v(Mements, leurs lapis, leurs tentures, du poil de chèvre
pour leurs ca[)es d'hiver; les fourrures elle cuir en quantité.
Argos, Sicyonc, (^orinthe, Egine les approvisionnaient en mé-
taux, fers, bronzes, en vêtements de luxe, en articles de
ménage. Ils n'avaient pas, comme le citoyen de TAttique, à
cojnpter pour vivre sur les récoltes de TEubée ou du Pont-
Euxin : ils se sullisaient à eux-mêmes, et pouvaient se nourrir
grassement sans presque rien demander à autrui.
En ne les rendant tributaires de personne, le sol les prédis-
posait à l'indépendance. De plus, les membrures symétriques
du territoire ré|)artissaient d'une manière rationnelle les lots
cultivables enire les dillérents dèmes. La propriété n'y pou-
vait être centralisée. Aussi la république mantinéenne olTrait-
elle aux législateurs un modèle de pondération et d'équilibre.
u Mmiiinique, En souime, ce canton minuscule représentait le type théorique
|yi'c de l'État grec : unej)lainede peu d'étendue, dominée par une
dcrKinigrec. acroi)ole en ruines assise sur un monticule; en bas, une ville
entourée d'un rempart avec son agora, centre de la vie politique ;
dans les coins du territoire, des bourgades ouvertes, centres de
l'exploitation rurale, et quelques forteresses espacées à la sortie
des défilés ou à cheval sur les cols de la frontière. Dans ce
modeste habitat vivait une race active et intelligente, groupée
autour de ses dieux, rattachés eux-mêmes au sol par des liens
étroits : une Ame collective s'y était formée par la commu-
nauté des nécessités matéiielles et des rites traditionnels.
u imysngc. Lc rcgard embrassait d'un seul coup d'œil, dès le seuil
de la plaine, Tensemble de ce microcosme, en apercevait
tous les contours, en fouillait tous les recoins. L'aspect
général laissait une impression à la fois agréable et sévère.
La [)rospérité faisait le charme de ce pays, dépourvu des
agréments que la mer, les grands fleuves, les horizons
lointains, les accidents variés procurent à d'autres contrées.
(1) Xénophon {Hellen. V. 2., 2) rapporte que les Mantinéens avaient ravitaUlé
en blé les Arglcns, pour leur permettre de soutenir la guerre contre Sparte.
LES PU0DU1T8 DU SOL. 63
En bas, le fond plat conservait ses teintes luxurianles, grAce
aux vignes, jusqu'à la saison avancée : de ((îlle iia|)i)e ver-
doyante émergeait Tenceinte crénelée avec sa bonlure de
tours, comme un îlot circulaire. Çà et là, tout autour, des
groupes de fermes et d'habitations rurales, ([uelques sanc-
tuaires ombragés sous des toulïes de vieux arbres, iltin haies
le long des routes et des petits chemins, uii ruisselet noir et
paresseux, désalignements de tombeaux et de stries escortant
le voyageur jusqu'à l'entrée des portes. Derrière la ville, Tœil
distinguait de tous les côtés une éminence isolée, arrondie
comme un colossal tumulus, véritable ombilic de la plaine.
Noyée comme au fond d'une coupe jamais tarie, sans autre
horizon qu'un rempart montagneux crénelé de cimes chauves,
Mautiuée semblait isolée dans la tristesse des monts silen-
cieux, sous un ciel dont l'humeur sautait de la colère furieuse
aux caresses brûlantes. Mais si, du haut de leurs murailles,
le regard des habitants cherchait une échaj)pée sur le inonde
extérieur, sûrement ils n'éprouvaient pas le scnliuient de la
solitude. Par la grande brèche du Sud, ils apercevaient d'abord
la menace de l'acropole ennemie. Que de défis et de malédic-
tions ont dû s'envoler vers elle, et, par delà l'écran des monts
lointains, aller s'abattre sur le pays des llo|)liles dorieus ! J)e
ce côté largement ouverte à l'inquiétude, Manlinée n'était pas
davantage rassurée, si elle jetait un regard au Nord : au-delà
de l'Anchisia, dans la plaine voisine, elle stMilail une autre
rivale, Orchomène. A l'Ouest, le Ménale lui cac^hait un pays
confus, où s'égaraient ses craintes mêlées de convoitises. De
l'Est, au contraire, lui venait la joie et l'espérance, par les
âpres sentiers suspendus comme des échelles aux lianes de
l'Artémision. C'était le chemin du retour (|ui débouchait à
Nestané, dont le nom avait,, disait-on, le même sens (|ue
Nostia (1). 11 n'y avait donc pas de barrièie si haute qui
l'isolât de ses ennemis ou de ses amis. C'est (ju'en réalité elle
était encaissée, plutôt qu'enfermée, au fond d'un carrefour.
(i) Et. Byz. s. V.
CriAPlTRE VI.
nÔLE ÉCONOMIQUE ET STRATÉGIQUE DE LA HAUTE PLAINE
DÉFILÉS ET ROUTES NATURELLES.
Ix; cnrrcfoiii'
central .
1^' rr>p«u
rloiMMilirsicn.
La haute ])lainc arcaclienne est, par sa position topogra-
phique clans le Péloponnèse, le centre des transactions inté-
rieures, le carrefour des roules commerciales qui viennent
se couper au fond de son hassin. Jadis Mantinée et Tégée se
trouvaient situées au croisement des artères principales par
où s'opérait de la périphérie au centre, et vice vei*sa, la
circulaliim écoiiomicfue de la péninsule. De nos jours, les
conditions |)hysi(iues n'ayant |)as changé, c'est Tripolis qui
a hérilé de ses devancières le rôle de capitale politique,
é('onomir|ue cl niililaire de la Morée intérieure.
Les ((Mes de liiî:nes(lu réseau péloponnésien se répartissent sur
lepourtourcolierle hmgdececpjai circulaire par où la l'éninsule
reçoit lesproduils du dehors et évacue les siens (1). Les échelles les
plus im|K)rlan(es occupent le fond des grands golfes et le littoral
des riches vallées inférieures; des voies latérales aux fleuves,
<[uand elles ne se confondent pas avec leur lit caillouteux,
reinonlenl ius(|u'aux hassins intermédiaires, et les traversent,
pour aboutir au réduit fermé de la plaine tégéatico-manti-
néenne. A Corinlhe, à Épidaure, à Nauplie, à Gythéion, à
IMiarœ, à Kyparissia, a Kyllène, à Patrœ, à JEgion, à Sicyone,
venaient atterrir les marchandises, les produits industriels et
(1) Il semble que les Corinthiens visent les villes a rcadiennes dans le passage
de Thucydide où ils s'efTorcent de démontrer la solidarité économique des
cités mariUmes et des cités coiiUnentalcs du Péloponnèse : Thucyd. I, 120.
Toù; 8s TY,v ixecovaiav |jLaXXov xal [xyj ev Tcôpto xaT(i)xir|(jLévouç clSévai ^^pvj
oTt, TOÏç xàxo) '/jv |jLYj àitûvcodi , /aXeirtoTÊpav e^ouvi tyjv xaTaxojJiiSYjV
T(ôv ÎooolUo'*, xai TiaXiv àvT^Xvi'j/iv cov yj OàXawa ttj YjTcefpo) St8a>ai.
RÔLE ÉCONOMIQUE ET STRATEGIQUE DE LA HAUTE PLAINE. G5
manufacturés originaires de tous les i)oinls du monde médi-
terranéen. Nauplie constituait un vérilal)lc port intérieur, le plus
rapproché du cœur du Péioponiicse. C'était la porte d'entrée
diB la péninsule du côté de l'Orient asiatique cl de l'Archipel (1).
Aussi, au point de vue péloponnésicn, rim|)ortance d'Argos
primait celle de Corinthe. Le rôle propre de Gorinthe consis-
tait à assurer le service du transit, à travers l'isthme, entre
la mer Egée et la mer Ionienne, de façon à dispenser les
navires de doubler le cap Malée. Dès que le monde gréco-
oriental entra en relations avec l'Occident, les ports de l'isthme
servirent de trait d'union entre les villes asiatiques et les
colonies grecques de Sicile, de la Grande-Grèce et les villes
d'Étrurie, — plus tard, à l'époque hellénistique, entre Délos,
entrepôt des débouchés du l*ont-Euxin, de l'Asie-Mineure,
de Rhodes, de la Syrie et de l'Egypte, et les échelles italiotes,
Syracuse, Tarente, Brindes, Ostie. Le trafic de l'isthme est
orienté de l'E. à l'O., dans le sens du chenal maritime formé
par les golfes Saronique et Corinthien. La dépression de
l'isthme se présente comme un couloir reliant les deux mers.
Par rapport aux continents qu'il rattache l'un à l'autre, sa
position est moins propice aux transactions (2). Au N. et au
(1) Actuellement, Myll (Lerno) et Nauplie sont les deux ports deTripolis.
(2) La route de terre aboutit elle-niôme à Argos, por les défilés de Kléonai.
De plus, les douanes de Corinthe rendaient cette voie très onéreuse par les
taxes qu'elles percevaient sur les marchandises qui traversaient Tlstiime pour
entrer dans le Péloponnèse ou pour en sortir : Strab. VIII, 6, 20 :
kolX iteCy| hï t«5v èxxo(JLiCo[Aéva>v ix. tt|ç rieXoTrovv-^dOu xal xoiv elaaYOïxévwv
eittTCTe Ta TeX-qTOtçxà xXeïOpae;^ou«Ti. La phrase de Thucydide (1,13) sur l'Im-
portance de risthmepour le transit entre la Grèce du Nord et le Péloponnèse n'a
de valeur que pour la période primitive, antérieure à la constitution des
grandes marines marchandes : tûv te êvtoç IlÊXoTrowvjaou xal Toiv eÇoj, 8ià
TTJç éxeivcov Tcap ' àXXi^Xouç 67ri[JL'.(rYovTa)v. Plus tard, les marines rivali's
transportant directement les marchandises dans les ports péloponnéslens
(licsiBv) ol *'BXX7|V6ç (xaXXov cttXcdi^Iovto), les Corinthiens conservèrent la res-
source du trafic de l'E. à PO ; ijXTTOpiov 7capé;^ovTeç àp.îpÔT£pa, 8uvaT7|v eayov
^p7|p.aT(ov Tcpoa^oo) T'/]v TToXtv. Aujourd'hui, Nauplie, Myli, Patras, sont les
échelles les plus commerçantes à rE. et au N. du Péloponnèse; Kalamata et
Gythion au S. C'est de Gythlon que s'expédie en Egypte la plus grande partie
du haschisch produit par la Haute Plaine. Autrefois, l'Egypte, au dire d'Héro-
dote (II, 77) ne produisait pas de vin : on peut supposer que le Pélofionnèse
lui en expédiait. Sur les relations commerciales de Cylhère et de la Laconic
avec l'Egypte et la Libye, voy. Thucyd. IV, 53 : vjv yàp (Cylhère) aùxoîç
(aux Lacédémonlens) Tcîiv xe àir* AIyutttou xai A'.6ùy,ç ôXxàSwv TipocjGoXv^.
Cf. Ilérod. VII, 235.
Mantinée. — G.
66 MANTINÉE ET L*ARGADIE ORIENTALE.
S. il est bordé de liautcs murailles montagneuses qui ne livrent
passage qu'à des sentiers étroits et tortueux. C'était le chemin
(les invasions, mais la voie commerciale la plus commode
onire la Grèce du Nord et le Péloponnèse était encore la voie
de mer, aboulissaut h des points du littoral rejoints au cœur
du pays par des routes directes. Sicyone et Argos desservaient
surtout la Haute Plaine; leurs monnaies abondent entre toutes
dans les ruines de Mantinée et de Tégée.
Kuniw Le tableau suivant des routes commerciales du Péloponnèse
tonimeirinics du fg^a rcssortir l'importance économique du carrefour central :
Péloponiicse.
I ( 1 i ^' A^l'^'it's» Mégnre, Corinlhe, Kléonai ou Ténéa, Argos.
,* ç, I ' l B. — figine, Êpidaure, Argot.
Vin N. E.-S.
î. Argos, Tégée ou Mnnlinéo.
AUi^ncs-Gylhion. { 3 j^^^^.^^ SftMÏe, Oylhion. (1)
II. ( ^' Athènes, Tégée (mêmes routes).
Vin N.E.-S.O. \ 2. Tégée, Pallanlion, Aséa, Mégalopolis.
Athènes-Pharni. y » (A. Mcgalopolis, Messèno, Pbarai.
Alhènes-Kypnrissia. ( ' ( 1). Mégalopolis, Mcssènc, Kyparissia, ZakynlboB.
Kl / ^ A . Delphes, Kirrha, >Egeira, Phénéos, Orchomène, Mantinée,Tégée.
y «j c \ 1. } ]). Thèltes, Sicyone, Phlious, Aléa, Manlinée, Tégée.
la n.-a. j ^ ^ Thèlies, Môgarc, Corinthe, Phlious, Orcbomtoe. Maiitinée.(î)
Tcgce. Mégalopolis. Messène (Pharai, Pylos, Kyparissia).
Thèl>cs-Mcasénie .
Dciphes-Sparlo. ^ ;,, jf^^^^ Sparlc, Gylhîon.
p.
( n.
Nnupacte (Corcyre, Sicile, Italie), iCgion, Kynaitha, Lousoi,
IV. \ * • { Phénéos, Orchomène.
Via N.O.-S.K. < ' R- Naupaclc, Palrai ou Dymé,Tritala,KIeilor,Kaphyai, Orchomène
Naupacle-Gythion. / -' Orchomène, Mantinée, Tégée.
V 3. Tépcc, Sparte, Gythîon.
V (
Via N E -0 < ^' (^rinthc. Kléonai, Némée, Phlious, Aléa, Mantinée.
Albèncs-Ôlympie. ( -• Mantinée. Méthydrion, lléraia, Olympie.
VI. ( '' A''R"^i Mantinée.
Via E.-N.O. < i. Manlinée, Orchomène, Kaphyai, Psophis.
( 3. " - ■
Argos-Kyllènc. ( 3. Psophis, Élis, Kyllène (ZakynthoB, Leucade, Ithaque, Corcyre).
Via^Ë*-0 { *• Thyrées. Tégée.
Thyréc«-K)V«H.s.sia. ( *• Tégée, Mégalopolis, Messène, Kyparissia.
Cols cl .iéfiiésde Ainsi, toutes les routes reliant les points extrêmes du Pélo-
la iiauic Plaine, ponncsc passaîcnt forcémcnt par la Haute Plaine (3). Elles en
(1) Route (les courriers entre Athènes et Sparte (Hérod. VI, 105-106). Le
héraut Phidippidrs la parcourut en deux jours : Il est vrai qu*il s*agit ici d'un
record de coureur professionnel : la distance est de 260 kil. Les armées la fran-
chissaient en trois Jours au moins (Ilérod. VI, 120).
(2) Route suivie par Épaminondas en 3G2.
(3) Trois routes obliques restent en dehors du réseau : celle qui rejoint les
hautes vallées de rSurotas et de l'Alphëe par le défilé do Mont Khelmos,
défendu par la forteresse de TAthénaion, près Belmlna [route de Sparte à
Olympie-Élis par Mégalopolis.— Voy. Loring. Joum. ofhelL Stud. XV. (1895),
p. 38] ; — la route d'Olympie k Mg'ion par Psophis, Kynaitha et le labyrinthe
du Kladéos, 'de l'Érymanthos et du Bouraîcos ; — et celle de Sparte à Argos
par Tbyrées.
RÔLE ÉCONOMIQUE ET STRATéCIQUR DE LA IfAUTE PLAINE. 67
franchissaient la bordure par les cols et défilés, qui lui ména-
gent à la fois des entrées, et des débouchés extérieurs vers
les quatre points cardinaux. Les brèches du rebord mon-
tagneux du grand bassin se répartissent comme suit :
I. côt6 est
lo A l'extrémité S. de la chaîne argolico-arcadîenne, sur la
ligne de partage entre la vallée du ïanos et celle du Garâtes,
le col de Maskéna (460 m.). Route de Tégée à la Thyréalis :
9 heures.
2p Entre la plaine de la Korythéis et celle d'ilysiai, col du
Parthénion (Scala tou Bey). Route muletière de Tégée à Myli :
7 heures (1).
3^ Entre les mêmes points, en contournant au N. le pic de
Palaio-Moukhli, route carrossable (auj. Cîyros) de Tégée à
Argos : 8 heures.
4» Entre l'Artémision et le Kréopôlon, col de Skalais (1176 m.).
Chemin de Mantiuée à Argos par Tsipiaiui, Tourniki et le
ravin du Charadros : 7 heures.
5» Au N. de l'Artémision, col de rArténiision (1210 m.).
Chemin de Tsipiana -Argos par les sources de Tluachos, Karya,
et le Charadros : 7 h. 30 de Mantinée (2).
6° Entre Sanga et Kapai'éli, dans le Lyrkéioii, col de Por-
tais. Chemin de Mantinée à Argos : 8 h. 30 de Mantinée (3).
II. CÔTÉ NORD
7» Entre l'Arméniadis et la montagne d'Apnno-Bélcssi, col
de Phrosouna (1115 m.). Chemin de Mantinée à Aléa : 3 h. 30 ; —
à Stymphale : 9 heures.
8» Entre l'Arméniadis et l'Anchisia, passe de Kakouri (650 m.).
Route de Mantinée à Orchomène : 2 h. 30 (\),
9^ Au milieu de l'Anchisia, col de TAnchisia. Chemin de
(1) Pausan. VIII, 6, 2.
(2) Le Prinos de Pausanias. Und. Voy. p. 89.
(3) Le KUmax de Pausanias. Voy. p. 83.
(4) Pausan. VIII. 12, 3.
()8 MANTINÉE ET L'AnCADIG ORIENTALE.
AFanliiiée à Orchoniônc (1 h. 45) avec embrancliemenl sur
Pliénéos el Slynipliale, oL sur Nasoi, Psophis ou Kleitor (1).
111. CÔTÉ OUEST
lOo Dans le Mi'^nalc, entre la plaine de Siniiadcs et celle de
Lévidi, col de l.évidi, au croisement des clieniins de Kaphyai
et de ïhelpousa.
Il" Col de Kardara, chemin de Mantinée à Mélhydrion el à
la Ménalie par Pétrosaca* (2).
12» Col d'Apano-Klirépa, entre la plaine de Kapsia el la
Ménalie (ravin do rilélisson supérieur). Chemin direct de
Mantinée à Mé^aloimlis par Mainalos (3).
13" Col de Triodoi (Kartéroli) (4). Roule deTégée à la Ménalie
méridionale (Soumélia, Mainalos), avec embranchement sur
(îorlys, lléraia, Olympie, d'une pari, — sur Mégalopolis par
rilélisson, d'autre pari.
14" Col de Vallétsi, sentier direct de Tégée à Mégalopolis (4)
par les ravins de TElaphos et de rilélisson (5 h.).
rV. CÔTÉ SUD
IJi" Col du M^ Boréion. Route de Pallantion à Aséa, avec
embranchement sur Mégalopolis et Messône, et sur Belmina-
Sparte (5).
(1) Paus. VIU. 12, 5. Mnnanée-Orchomène 2 h. 30
Orchomènc-Stymphole 6 30
ManUnée-Nasoi 5 30
ManUnée Phénéos 7 40
Manlinée-Psophis 12 20
ManUnée Kleitor 9 »
(2) Paus. VIII. 12. 2. ManUnéc-LévIdi par la plaine Alcimédon. 2 h.
Lcvidi-Tlielpousa 10 »
ManUnée-Méthydnon 6 »
Mantinéc-Olympie 22 »
(3) Paus. VIIÏ.:3ri,î),sq(|. Loring. Joum, of heU, Stud. XV.(l«tô), p. 76.
{4)Paus. VUI.35.6. ManUnée-Tégée — 18 kUomètres 3li.
Tégce-Tiiodoi 2 30
Tégée-Goilys 9 30
(îorlys-IIônilîi 7 »
IléraiH-Olyiiipic ft »
TéKée-Olyinpie. 21 30
(5) Tôgée-Pallaiilion 1 h. 45
Tégéo-Aséa 3 45
Aséa-Mëgalopolls 3 30
TéKoe-Mcgalopolis par Aséa 7 15
Mégalopolis- Messëne 10 45
RÔLE ÉCONOMIQUE RT STRATÉGIQUE DE LA HAUTE PLAINE. 09
16« Défilé du Sarandas-Postamos el de Krya-Vrysis. lloule
de Tégée à Sparte par Pbylaké, la Skirilis, la vallée de
rOînous et Sellasie (1).
170 Défilé du Garatî'S. Roule de Tégée à la Cynurie avec
embranchement surArakhova (Karyai), (îéronihrai, Epidauros-
Liméra, el le dislricl du Parnon, Glymj)eis cl Prasîai (2).
Tous les chemins correspondant à ces échancrurcs se croi-
saient en deux ronds-points au fond des (h;u.v boucles de la
plaine. Les siles de Tégée et de Manlinéc étaient déterminés
à l'avance par la place de ces deux carrefours; leur situation
les désignait comme sièges des deux agoras les plus impor-
tantes de TArcadie centrale. De là rayonnaient èi travers toute
la péninsule jusqu'aux mers extérieures les voies trafiquantes
et les routes militaires. Au reste, il ne faut |)as s'exagérer la
longueur des trajets : en une petite journée de marche,' un
mulet chargé atteignait le golfe d'Argos; en un jour, il entrait
à Sparte; en un jour et demi, il parvenait à fiythion ; en deux
ou trois jours, il pouvait déposer sa charge dans les échelles de
Messénie, d'Élide, d'Achaïe. Partout les golfes venaient au
devant de lui pour abréger sa route.
Sans doute, ce trafic intérieur devait être d'ordinaire
assez somnolent. De ce côté non plus, il ne faut rieji
grossir (3). Les populations de l'Arcadic iw connaissaient pas
les raffinements <lu luxe qui engendrent les (îxigences et les
besoins artificiels. Leur simplicité native et leur pauvreté
bornaient leurs désirs. Nous avons vu que le sol pourvoyait
aux besoins de la consommation. Ils ne demandaient au dehors
c[ue certaines matières premières, telles (pie les métaux en
lingots ou manufacturés, des armes de choix, ([uel(|ues articles
(i) La roule moderne carrossable de Tégée à Sparte est un peu plus longue :
55 kil. — Par le clieiiiln ancien, il faut 10 h. de Têfiôe ù Sparte: de Sparte à
Gylhlon :9 b.
(2) Tégée-Géronthrai : 15 h .
Géronthrai — Épidauros-Liméra : 8 h .
(3) Évidemment Périclës (Thucyd. I, 141) exagère pour les besoins de sa
cause la pauvreté des Péloponnésiens, de môme que les Corinthiens, dans le
|)assa;;e cité plus haut, ont peut-ôlre exagéré riinporlance du trafic de l'inté-
rieur avec la côte. Toutefois, du discours même de Pérlclés, il résulte que •
l'agricullure était la principale ressource des habitants de la péninsule. Quand
Ils s^abseotaient, ils continuaient a tirer leur subsistance de leur pays : par
suite, en temps de paix, rien ne s'oppose à ce qu'ils aient exporté le surplus de
leurs récoltes.
Tinfic.
70 MANTINKE ET l'aRCADIB ORIENTALE.
OU bijoux (lesliné.s à la toilette des femmes et dont les pays
ioniens poss(''(laient le secret. Les centres de la production
industrielle dans le Péloponnèse se trouvaient à Gorinthe, h
Sicyone, à Arp:os, à Fatras. Les ateliers des trois premières
fabriquaient les meubles, les bronzes d*art, les bijoux, la par-
fumerie, les poteries fines. Fatras exportait le byssos de ses
filatures. Argos recevait et distribuait les produits des îles et
de la côle d'Ionie; Gytbion et Fbarai les fins tissus de lin qui
leur venaient d'É^çypte, de Crète, de Syrie. La Messénie culti-
vait d'admirables verfj:crs : elle fournissait le baut pays d'olives,
peut-être d'oranp^es. De mt^me la I^conie, les côtes d'Élide et
d'Acbaïe devaient ra|)provisionner en builes. A l'époque pri-
mitive, les Éf^inèlcs avaient la spécialité du commerce de
pacotille (fo)7coç), couleurs, parfumerie, quincaillerie, mercerie,
bimbeloterie (1). De très bonne heure, dès le règne du roi
Pompos, au dire de Fausanias, ils s'étaient créé une clientèle
en Arcadie. Dans les temps où l'empire des rois arcadiens
s'étendait h l'Ouest jusqu'à la mer, l'Arcadie possédait un port
à elle sur la cùle d'Élis, Kyllène. C'était là que les navires
d'Egine déposaient leurs marchandises; leurs colporteurs les
distribuaient à l'intérieur à dos de mulet. Argos, occupée par
les Doriens, avait sans doute vu déchoir sa suprématie mari-
time au profit de ses rivaux d'Égine (2). De plus, cette com-
binaison un peu compliquée permettait d'éluder l'intermédiaire
onéreux des commissi(mnaires corinthiens. Quant à l'exporta-
tion, elle devail porlor, autrefois comme aujourd'hui, sur les
peaux, la laine, les bois, les biMes de somme, le vin, le fromage
et les céréales.
1) Strab. VIII. 6, 16, p. 376. — Hesych. Alyeivaia. — De la Coulonche.
Mém. sur VÀrcad , p. 187. L41 proportion des pièces d'Égine dans la quantité de
monnaies que nous avons trouvées dans nos fouilles ou reçues des habitants
est très inférieure h celle des pièces de Sicyone et d'Argos.
(2) D'après la généalogie de Pausanlas (VlII. 5, 8), Pompos succè Je â Kypséios,
sous lequel les Doriens réussirent à pénétrer dans le Péloponnèse. Son règne se
placerait donc vers le X* siècle avant J.-G. Il eut pour successeur iCginétés.
(Cf. Buchsenschûtz. Hesilz u. Erwerb. p. 443). Siir la fusion originelle de
rÉlide et de r Arcadie, voy Pausan. V. 1: iv T(S 'Apxà^cov olxoo^iv 'IlXetoi
xal 'ApxQcBeç, et dans Tiiucydido (f, 10) la même division du Péloponnèse en
cinq parties, rÉlide et l'Arcadie ne faisant qu'un. (Cf. Dlcasarch. ap. Cic. ad:
Àtlic. VI. 2. — Scylax. Per, 44. Note de Ch. Muller.) Sur la prospérité très
ancienne de la marine éginèto, Thucydide (I, U) est plus restrictif que Pau-
sanlas : Al^ivï^Tai yoLO xal *AOir)vaîoi, xal ei Tiveç àXXoi, Ppa^^a (vauTtxà)
èxéxTTf)VTO, xal tout tu v Ta iroXXà 7çevT7|xovTopouç.
RÔLE ÉCONOMIQUE ET STRATÉGIQUE DE LA HAUTE PLAINE. 71
Comme position militaire, rimportance stratégique de la imporunco
Haute plaine primait tous ses autres avantages. L'histoire «i™^»^»"!"*-
des guerres dont le Péloponnèse a été le théâtre se conccntje
presque toujours sur ce point. Peu de routes ont été plus
piétinées en tous sens par les troupes armées que celles
dont nous avons relevé les directions, les distances et les
étapes. Depuis Pinstallation des Doriens en Laconie, ce
n'est qu'un perpétuel va-et-vient de guerriers d'un bout à
l'autre de la péninsule, qu'une suite de chocs dans le
champ clos de la Mantinique. Étant donné la répartition des
États péloponnésiens dans les plaines adjacentes, la plaine
mantinéenne formait le nœud stratégique de la Péninsule. Elle
sert de trait d'union aux bassins d'Argos, de Mégalof^olis et
de Messène d'une part; à celui de l'Eurolas cl à la Grèce cen-
trale d'autre part. 11 n'y a pas d'extension |)()ssible dans la
presqu'île à qui n'est pas maître du quadrilalère arcadien. De
là son rôle prépondérant dans les annales des conllits enire
États grecs. Sparte, confinée dans le Sud, perdait tout espoir
d'agrandissement, si elle ne réussissait h assurer à ses hopliles
l'entrée de ce camp retranché. Elle s'est usée à vouloir forcer
la résistance des deux gardiennes du ])uissan! réduit, où s'est
brisée son ambition. Pendant longtemps, elle sut exploiter
leurs querelles, en aggravant par une perlide immixtion dans
leurs affaires les causes naturelles de leurs dissenlimenls.
Supposons qu'un seul maître eût régné sur la Haute Plaine,
ou que les deux États obligés de cohabiler cole à cote fusseni
parvenus à s'entendre, jamais Sparte n'eût boni^é de sa vallée.
Aussi, des qu'elle s*a|)erçoit qu'une des deux villes, avec
l'appui de l'étranger, menace de lui barriM* la route, elle
n'hésite pas à jouer son va-tout dans cette |)laine : les anciens
auraient pu appeler cette arène le champ de danse de Mars.
Là sera le pivot de l'histoire péloponnésienne : Sparte juaî-
tresse de Maiitinée tient le Péloponnèse sous sa loi et, par
suite, terrorise le reste de la Grèce. Si Manlinée se dérobe,
l'hégémonie de Sparte devient précaire. Or, réduite à ses seules
forces, la vaillante cité arcadienne courait plus tie risques qtie
de chances heureuses. Outre qu'elle avait à lutter pour la vie
contre Tégée, c'était pour elle une charge écrasante que de se
mettre en travers du Lacédémonien. Aussi cherchera-t-elle
des combinaisons qui lui assurent au dehors des i)oints d'a|)-
pui : Argos, Athènes, l'Élide seront appelées à son aide. (]e
72
MANTINKK ET L ARCADIE ORIENTALE.
faisceau désoif^anisé, elle porte seule tout le poids de la résis-
lance, et succombe. Mais Épaminondas survient; un moment
il soumet à la logique l'œuvre contradictoire de la nature ;
il constitue Mantinée suzeraine de la Haute Plaine, impose à
celle-ci Tunilé qu'elle n'a jamais connue, et, de cette puissance
unifiée et régéncrce, il forge avec Argos, Mégalopolis et Mes-
scne, les anneaux d'une chaîne continue qui doit étreindre
Sparte. Pour c|ue cette pensée lui survécût, il aurait fallu
anéantir Tégée. L'unité du Péloponnèse n'est devenue un fait
que le jour où les Turcs conçurent la sage pensée d'installer
la capitale de la Morée au centre de la Haute Plaine. De là,
ils pouvaient aisément soutenir leurs places côtières et rendre
aléatoire toute conquête qui n'aurait pas atteint ïripolitza.
Mais à dater de ce moment, la capitale moderne, héritière de
Tégée, a dépeuplé à son profit la boucle Nord et enlevé à la
Mantinique touteWe personnelle.
Fig. 8.
Sntyre itbyphaili(|tic, en marbre, trouvé dnns le puits des Méliastes.
Mé'îOV TûlTCrj^t. — Voy. I». 86, (Ig. 10). — Sous son Wras g. il lient une outre.— H' : 0"«90.
LIVRE If
L'ÉTAT MANTINÉEN
CHAPITRE PREMIER
LES ROUTES HISTORFOUES DECRITES PAR PAUSANfAS.
L'œuvre de la nature, avec les particularités que nous venons innncnce du soi
d'examiner, avait déterminé d'avance les conditions de l'éla- *"•■'*
blissement de l'homme dans ce canton. La physionomie de l'i^i"^ '|^"„|,7ii Jn
l'état mantinéen dépend étroitement de sa stru<'ture piiysi(iue.
Le cercle des chaînes faîtières l'entouraitd'une bordure ])rcsque
continue de frontières naturelles, forcément adoptées comme
limites politiques ; leur système circulaijc de brèches et de
défilés, imposait aux routes historiques la direction conver-
gente vers un carrefour central situé au fond du bassin. Leurs
cloisons intérieures assignaient à une partie des bourgades
rurales des cantonnements dans les vallons latéraux. Enlin la
répartition des sources à la base des monts, la pente du fond
et Torientation des eaux qui en résultait, suixlivisaientla j)lainc
principale en régions plus ou moins habitables. La place des
autres bourgades éparses dans cette plaine et celle de la cai)i-
tale étaient tout indiquées.
C'est ce que nous ferons ressortir, en reconstituant, à l'aide
74
MANTINKE ET L ARGADIE OllIENTALB.
«lr>rri|tlive de
riiiiNniiios.
(le Pausanias et des ruines par nous retrouvées, la topographie
(le rétat nianlin(5en. La logi(iue de notre méthode nous impo-
sej-ait d'abord lYîtude des frontières, puis celle de chaque route
cl i)artir de la frontière jusqu'aux portes de la ville, enfin la
(lescrij)tion de la ville et de Tagora, aboutissement final de
tout le système. Mais comme cette étude comporte l'examen
critique du texte |)resque unique auquel nous sommes asservis,
il nous faut ado|)ter l'ordre de ce texte. C'est, en effet, un
principe d'exj)ériencc qu'on ne doit jamais prendre à rebours
un itinéraire de Pausanias : on doit se résigner à le suivre pas
à [)as si l'on veut en tirer bon parti.
Au préalable, quelques éclaircissements sur la composition
et la méthode descriptive des Arcadiques justifieront la confiance
que ce texie nous inspire (1).
Tout d'abord, il faut bannir cette idée préconçue que
Pausanias manque de méthode. Son plan offre la logique que
comportait l'étude d'une contrée aussi compliquée et variée
que la Grèce antique, en un temps où les cartes ne brillaient
certainement point par l'exactitude, où les difficultés de l'orien-
tation, dans nu pays hérissé comme le Péloponnèse, expo-
saient le touriste à mille divagations. La méthode descriptive
de Pausanias peut être appelée circulaire et rayonnante, La
première domine la composition générale de son livre : il est
censé entrer en (îrèce par le Pirée et en ressortir par Nau-
pacle. Son itinéraire passe de l'Attique dans le Péloponnèse
par Mégare et Corinthe, fait le tour des provinces côtières :
Argolide, Laconie, Messénie, Élide, Achaïe, pénètre au
(1) Voyez Téludo crillque de Knlkmann {Pausanitis der Perieget, 1886),
le plaidoyer de (iurliU. {Ueber Pausanias^ 1890), et les remarques de
M. Uérard sur la valeur des Arcadiques {Orig, des cultes arcad., p. 3).
M. Holleaux relève une preuve nouvelle de la i stupéfiante légèreté » avec
laquelle Pausanias Iravaillall, dans une noie curieuse sur une des nombreuses
bévues liisloriques du i'ëriégète {Revue de Philologie, XIX, p. 111). H ajoule
ti que manifcslemenl il se vanle lurbqu'il laisse entendre à deux reprises quUi
est \cnu de sa |)ersonnu dans le pays d'Haliarle. il ne faut voir là que de
peliles anirmallons metisongères destinées à forcer doucement la conviction du
lecteur. » Mais alors h quoi donc se lier 7 Rudolph Heberdey (die Reisen des
Pausanias^ 1894), croyait sans doute faire œuvre utile en dressant uo réper-
toire des expressions fauiiiiëres à Pausanias, tant pour exprimer ses impres-
sions personnelles, que pour relater les ouï-dire ou le résultat de ses lectures?
Si ce crilcrium niônic est trompeur, quelle doit être la limite de la suspicion ?
Sans doute, on a souvent le droit de suspecter la bonue foi de Pausanias.
Mais je crois, avec M. Bérard, que le livre des Arcadiques est un des
moins sujets à caution.
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 73
centre delà péninsule, en Arcadie, et se termine parla Béolie
et la Phocide. Dans la description régionale de ces proviiKîcs,
c'est la seconde méthode qui domine. A partir de la frontière,
il décrit la route qu'il suit jusqu'à la ville principale. Parfois,
il décrit en môme temps les routes convcrgcnics issues de la
môme frontière. Arrivé à la capitale, il résume la légende
et rhistoire locales, énumère les monumonls de la ville en
prenant Pagora pour centre de ses excursions, de môme qu'il
prend la ville elle-môme comme centre de ses courses à
l'intérieur delà province. En effet, après avoir fait connaîlre
la ville, il reprend la descrij)tion des routes principales qui en
rayonnent jusqu'aux autres frontières et sort par Tune d'elles.
Entre la route d'entrée et celle de sortie, il énumère les autres,
sauf raisons particulières, suivant un ordre circulaire. Ainsi,
commençant les Argoliques par le trajet de Corinthe à Argos,
et se proposant de les terminer par celui d'Argos en Thyréa-
tide, il parcourt les autres en faisant le tour complet du S. 0.
au S. : 1® routes d'Arcadie ; 2® route d'Épidaure avec rclour
par Trœzène, Hermione et la côte. Ce programme s'adaplait,
en général, parfaitement à la structure de la plupart des jjelits
états grecs, surtout dans la Haute Plaine d'Arcadie, où le
cadre des frontières relié à la ville centrale |)ar un réseau de
voies convergentes rapi)elait la disposition d'une roue avec
son moyeu et ses rayons. Cette conliguration est parliculière-
ment frappante dans la Mantinique. Aussi le syslèrne de Pau-
sanias y esMl appliqué dans toute sa rigueur. La description
de ce territoire est la plus méthodique de tout l'ouvrage (1).
Elle occupe se|)t chapitres des Arcadiqucs (VIII, (>- à 13), en ^«•«^'c
tôte de la partie proprement périégérique, après le préambule "*" '" *'<''**^''p"""
historico-mythologique relatif à l'Arcadie en général. C'est par la M.,„iinî, ^^^
frontière d'Argos que l'auteur entre dans le pays, pour en ressortir
par celle d'Orchomène. Il commence donc par la description des
routes qui descendent des confins de l'Argolide à Maulinée,
à partir de la plus septentrionale. Il entre dans la ville, en
résume l'histoire et les légendes, en passe en revue les curio-
sités, puis reprend, toujours dans le môme ordre circulaire,
(l) Poiip apprécier rcxnctitude de Pausanias d.ïns cfriainos p:irliP8 dn son
livre, rélude de la topigraphic manlinécnne est des plus instructives. Bien
délimitée, synictriqnemont construite, avec des points de repère aisément
reconnaissables et des distances qu'on peut contrôler avec précision, la Man-
tinique est la région-type pour qui veut éprouver la valeur du Périéj:ète.
"ÎC MANTINÉR ET l'aRCADIR ORIENTALE.
la série des ilinéraires rayonnants, mais cette fois en partant
(lu contre à la circonférence. 11 examine ainsi les routes qui
aboutissent aux confins de Tégée, de Métliydrion, d'Orchomcne,
icjoignanl de la sorte, après un tour complet du N. E. par
l'Est, le Sud, rOuesl et le Nord, le territoire d'Argos.
Je me propose d'abord d'étudier, suivant Tordre original, les
routes de J*ausanias en pays mantinéen, d'en comiiarer les
données avec celles du terrain et d'en établir la reconstitution.
Chemin faisant, nous noterons certaines nuances dans la rédac-
tion de ces itinéraires. Les uns |)ortent la marque d'une obser-
vation directe, de n l* autopsie )) ; les autres semblent serrer de
moins près la réalité. Le voyageur s'y contente d'approxima-
tions, invoque d'autres témoignages. On pourra donc faire le
départ entre les |)arlies que le Périégète dit avoir vues lui-même
et celles qu'il déciil de seconde main. Car on ne saurait contester
que, ne pouvant tout observer de visu, Pausanias n'ait comblé
les lacunes de ses itinéraires de deux façons : soit par des rensei-
gnements oraux recueillis j)ar lui sans qu'il ait eu le temps
de les vérifier, soit par ses lectures et par des emprunts à
d'autres auteurs, périégèscs et guides locaux.
Rncconi 11 résultc (lu plan adopté j)ar Pausanias que le début des
(Us iiintrnires Arcadiqucs ( Vlll, (I, 2) fait suite aux paragraphes des Àrgoliqucs
"^''^tr^ir''''^' 24, 0) où le voyageur a conduit le lecteur des portes
Mnniinùnic dnn» «TArgos aux confins de l'Arcadie par les routes d'IIysiai à Tégée,
i« lexic d'Oiiioé et de Lyrkeia. Fidèle à son habitude d'interrompre son
«le Pniisanins. ex|)osé au poiut OÙ la routc croise la frontière, quand il tra-
verse cette même frontière t)0ur passer sur le territoiie contigu,
il lui faut reprendre la description entamée et la poursuivre
jusqu'au point terminus. Le voyageur, abandonné, avec le livre
11, sur la crête des monts argolico-arcadiens, va pouvoir, avec
le livre Vlll, |)oursuivreson chemin jusqu'à Mantinée. Mais s'il
veut reconnaître son trajet à l'aide de son guide, il faut qu'il
raccorde exactement sur la frontière les tronçons arcadiens
avec les tronçons argiens correspondants.
Ce raccord ne saurait prêter à longue controverse, pour
peu^'qu'on analyse avec attention le texte de Pausanias. On
observera d'abord que la logique de la description, dans les
Argotiques, obligeait l'auteur, fidèle à sa méthode d'énuméra-
tion circulaire, à commencer par le Sud-Ouest, c'est-à-dire par
LES ROUTES HISTORIQUES DECRITES PAR PAUSANIAS. 77
les roules de la frontière arcadienne, puisqu'il devait sortir
par la frontière thyréatique conliguc à celle-ci. De la sorte, au
moment de quitter par cette voie TArgolide, il avait parcouru
tout le cycle des rayons dont Argos est le (-entre (1). De fail,
Pausanias signalait trois routes conduisant d'Argos en Arcadie :
l^ Route de Tégée par Kencliréai, le Trodios, llysiai et le
Mont Parthénion.
^ Route de Mantinée par le Charadros, Oinor, rArténiision
et les sources de Plnachos.
30 Route de Lyrkeia, avec embranchement sur Orncai, point
frontière entre TArgolide, la Sicyonie et la Phliasie.
Au contraire, pénétrant dans la Mantinique par TArgolide, et
se disposant à en sortir par TOrchoménie, la dcscripliim ration-
nelle des routes mantincennes devait se |)résenler dans uu
ordre inverse, c'est-à-dire commencer par celui des déhouciu3S
de TArgolide le jdus voisin du territoire or<;lioinénien, pour
continuer par les autres suivant un cycle tournant autour de la
Mantinique à partir du coin N.-E. C'est bien ce (ju'il a fait en
réalité. Seulement, dans les Arcadiqucs, il faut distinguer
Tordre de Vénumération et celui de la dcsrnpfion. Le premier
correspond exactement à celui des Argoliiiurs, et va du
Sud au Nord ; le deuxième est inverse et va du Nord au Sud.
Voilà la cause du malentendu qui a induit en erreur nombre
d'interprètes de Pausanias, et leur a fait établir une concor-
dance imi)0ssil)le entre Vénumération ilesAn/olupics et la descrip-
tion des Arcadiques, c'est-à-dire entre deux sections dont
les parties ne sauraient se rejoindre qu'à condition d'être
retournées.
Mais alors, comment ne pas imputer à Pausanias la respon-
sabilité de ce désordre ? Ne s'est-il pas fait une gageure d'em-
brouiller les choses? Pourquoi a-t-il, dans les Arcadiqncs^
reproduit l'énumération des Argotiques avec l'inlention (l'inter-
vertir cet ordre dans le développement subséquent? Ne l'accu-
sons pas trop vite d'incohérence, avant d'avoir pesé ses rai-
sons. Figurons-nous l'auteur ayant terminé ses Argoliqncs
pour passer à d'autres régions ; après un intervalle de
six livres, il se dispose à aborder l'Arcadie par la frontière
argienne — en quoi on doit l'approuver. — Le voilà donc
(1) Y compris le Irajcl de Corlnltie à Ar^os dont la di*sci*ipUon se plaçait
naturellemont au début, comme route d'entrée.
78 MANTINKK ET l'AIICADIE ORIENTALE.
revenu h celle frontière où il s'est arrêté précédemment, cou-
pant sa descriplion à la limite du territoire argien et s'interdi-
sant de |)arti |)ris tout empiétement sur la province contiguô.
Avant donc de passer outre, il se reporte lui-môme à sa descrip-
tion antérieure des chemins allant d'Argos en Arcadie et la
remémore au lecteur, .dans une phrase de récapitulation, où
Tordre est le môme, mais où les noms sont nouveaux. Pourquoi
sont-ils nouveaux ? F^irce que, cette fois, il parle en Arcadien
(le choses arciidiennes et qu'avec ce respect des frontières qui
le hante, il rend à TArgolide ce qui est à TArgolide, ù TArcadie
ce qui est h TArcadie : pour ne pas vouloir mêler les choses, il
s'ahstient de les souder et nous laisse une sorte d'énigme en
deux tronçons sé[)arés.
Avec un i)eu plus de verbosité, voici ce qu'il aurait pu nous
expliquer : « J'ai signalé dans les Argoliques les trois routes
d'Argos en Arcadie, en partant du Sud de la frontière. Je les
rappelle ici dans le même ordre : 1° celle de Tégée ; 2° et 3« deux
autres vers Mantinée, celle du Chêne-Vert et de l'Échelle. Ce
sont les noms qu'elles portent sur le territoire mantinéen ; c'est
pourquoi je ne les ai pas signalés dans la section argienne de
ces routes. Mais la première route se continue en Tégéatide au
delà d'IIysiai ; la deuxième, celle du Chêne- Vert, est le pro-
longement arcadien de la ligne d'Oinoé par les sources de
l'inachos ; la troisième, celle de l'Echelle, fait suite à là route
de Lyrkeia. Je vais maintenant les décrire à partir du Nord de
la frontière, en commençant par la dernière. » Et il intervertit
l'ordre antérieurement suivi, pour la régularité de sa des-
criplion de la Mantinique. Cette interversion . est nettement
marquée par ces mots : aÙTY] U x.t.X.
On voit qu'il est facile de remettre les chosps au point, et
qu'on peut justilier les procédés de composition de Pausanias.
Pour le raccord des trois groupes de tronçons entre lesquels se
dresse la frontière, le contexte lui-même fournil les repères
nécessaires. On en jugera mieux par le tableau suivant des
extraits de notre auteur :
LES ROUTES HISTORIQUES DECRITES PAR PAUSANIAS.
79
Section ahgibnne.
Section akcadiïsnnk.
A. Route d'Argos à Tégée.
V
II, 24, 6. — 'OSol tï èÇ "ApYouç xûci
xax 'aXXa tiaX ttjç IIcXoTcovvi^aou
xal 'jrpbç 'Apxa5(a; Itù Teycav
(suit la description jusqu'à
Uysiaii point frontière.)
io
VIII,6, 2.— I]iffWouv êç Apxaoiav
idPoXat xaxà t-/)v 'Apy^^'civ Ttpbç
p.6V *T<Tuovxai uTiep to opoç to
HapOéviov eç ty)v TsycaTix-^v
(description en sens in-
verse de Tégée à Hysiai :
Vlll, 34, 4.)
B, Routes d'Argos à Mantinée.
Aûo 8e àXXac xaxà MavTtvetav
II, 25, 1, 2, 3. — Point de départ
d'Argos : porte de la Deiras.
*H 8'iç MavTivEiav ayouaoL èÇ
"'Apyouç iffTÎv oùp^ >iit€p xal knX
Tt'fioLWji.Wà. àito twv TcuXâv twv
icpbç TY} ÀeipaSt.
Particularités du trajet : *
l» Temple double d'Ares-
Aphrodite.— krà 5à ttiç 68ou
TOCUTYIÇ Upbv BlTcXouV.
2» Traversée du Charadros,—
irpocXOouffi Be auTcJOev Bia^àv-
TO)v woTap.bv ^^efjxappov Xdtpa-
Spov xaXoujxsvov.
3^ Bourg d'Oinoé. — eativ
Otvo'/), xb ovo'jLa ê/oufftt, coç
'Apystof <pa<Ttv, à-jcb OIvewç...
Aicb TOUTOU p.£v Otv(5'r) ywpfov
l(rrh 'Apycfoiç.
20
Prinos on Chêne Vert.
\ii TE Ilpfvou xaXo'jfJLe'vTjç.
3** [xal 8tà KXi(xaxoç' auxTj 8e tùùu-
T^pa T£ kfTXl X. T. X. Suit
la description du Klimax
que nous reportons plus
loin.]
80
MANTINÉE KT l'aRCADIB ORIENTALE.
4® l'Artémision. — 'TTtcp Zï
TTjÇ OtvÔTiÇ OpOÇ Idflv *ApT6p.l-
<jtov xai Upv 'ApTép.'.Soç lui
XOfU^YJ TOO" OpOUÇ.
K*» Sources de l'inachos. —
*Ev TOUTU) T6 £Îai T(S OpCl Xttl
al itT^YOcl Tou 'Iva^Qu'-jçiiYal yàp
07) T(S ovTi cldlv auTbî, xb Se
u8u>p oùx eTcl iioXù IçixvetTai
G" Côté de l'Argolide. Fron-
(ière de la Mantinique. —
TauTYj |X£v o'f[ Oeaç ouSev 5ti "f^^
a;tov.
30
II, 25, 4.
Point de dépari : porte de la
Deiras ;'ET£sa Bè ôSôç aTco to)/
TTuXcov Twv iipbç TYj As'.pàSi.
Particularités du trajet :
Lyrkeia (60 stades) : c<jtiv knX
Aùpxeiav... *Eç p.6v oy| TaÛTTf|v
idTlv iç "Apyouç éÇi^xovTa (juiXtaToL
woi» axàSta.
1<> fiirt^mwton. — 'H Ek
u7CoXeiiro|xévir) twv bSùiv ffxc-
voT^pa Iffxl TYiç itpoTcpaç
(que le Klimax) xal (Syet
S(à TOU *ApTCfiia(ou* toutou
Se iTcefivi^aÔTrjv xal Stî
1tp<JTCpOV TOU OpOUÇ, cbç l)'Ol
jxév vabv xal ayaXjia *Ap-
TéfiiSoç.
2" Source* rfc Vlnachos. —
c)^oi 8k xal TOU 'Ivà;^ou Taç
3* Frontière..— '0 8k ''Ivayo<;
If *(laov [lèv irp6ei9i xaTa ttjv
b8bv T-îjV 8(à TOU OpOUÇ, TOUT<J
i^Tiv *ApYe(otç xal MavTi-
vEuaiv Spoç TTiç ycopaç* àico-
(rrpéi|/ac Zï ix ttjç b8ou Tb
u8<Dp 8tà TTJç 'Apyefaç -^871
Tb àwb TOUTOU xocTCKTi, xal
iitl TOUTctf Tbv "'Iva^ov aXXoi
TÉ xal Alff;(iiXoç woTajxbv
xaXouaiv 'ApY«ïov-
4* la Mantinique. — 'Titcp-
paXdvTa oï kç tT|V MavxtvixTjv
8là TOU 'ApT6[llff(0U, X. T. X.
3"
VIII, 6, 2.
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAIi l'AUSANIAS.
81
[Emln-anchement sur Ornéai à 60
Siaties : èx Se Aupxetaç exepa
Toaauxa àç 'Opvéaç.J
Échelle ou Klimax... xal 8ià
KX((xaxoç. AuTTj Se ÊÙ&ute&a
TÉ âcTi xal 7) xàOoooç el/ev
auTT) paffjAioaç ttotè 6[jL7re7rofr)-
(jLevaç .
Mélangéia. 'VTrespaXôvxwv Sk
TY)V KXi(j.axa y'wp^ov effxtv
ovofxaÇôfjievov MeXaYysia, xal
TO uSwp auTÔOev to r6Ti|i.ov
MavTiveudt xaTEidiv èç ttîv
TTÔXlV.
Soui'ces des Méliastcs. Temple
de Dionysos et (V Aphrodite,
— nposXOdvTi Sk ex to)v Me-
XayYeiov. aTré/ovTt tt^ç TroXeojç
(TTCtSia (oç £7tTà eiTi xp"/^vr|
xaXou|X£VT| MEX'.adTtov o\ Me-
Xia^jTa». 0£ ouToi Sptoai xà opyia
Tou Aiovû«70u. xal Atovuçou
Te p.6Yapov TTpbç Tr, xpY|V/|
xal 'AcppoSÎTTjç èffTlv tepbv
MeXaivtSoç.
La lecture de ce tableau ne laisse aucun doute sur la concor-
dance des sections argienne et arcadiennc de la roule 1 et de la
route 2. Sans insister sur la l^^, qui a|)i)artieul à laTcgéatido, il
est évident pour la 2® que la double mention de TArtémi-
sion et de son sanctuaire, ainsi que dos sources de l'Inachos,
inarque le point de jonction de la section argienne, désignée
comme route d'Oinoé, avec la section arcadiennc, désignée sous
le nom de Chemin du Chêne-Vert. L'identité est moins frappante
en ce qui concerne la route 3. La description du tronçon argien,
interrompue à Lyrkeia, semble écourtée et laisse subsister une
lacune : contre son habitude, Pausanias ne signale pas la fron-
tière, soit qu'il ait négligé de suivre la route au delà de Lyrkeia,
pour explorer Tembranchement sur Ornéai, soit (|u41 n'ait
parcouru ni J'uue ni l'autre et se soit ctmtonlé dcî renseignements
oraux. Au contraire, Ja section arcadiennr, dite roule de
Mnnlince. — 7.
82 MANTINEE ET L^ARaVDtE OtllENTALE.
rKchelle, esl l.raitéc avec plus de détails. Malgré ces lacunes, la
liaison de ces deux tronçons peut être aflirmée aprion : l» parce
(lue l'un el rauUe sont, chacun de leur côté, les débouchés les
plus septentrionaux de la frontière argolico-manlinécnne. Cela
résulte de Tordre d'énuniération dans les Argoliqurs el dans les
Arcadiqurs, e\ de Tordre inverse de description dans les Arca-
iliqum, — ce dont j'ai donné plus haut les raisons — ; 2« parce que
la route de l.yrkeia ne pouvait i)asne pas franchir le Lyrkeion,
(la chaîne fronlicre du même nom qui s'allonge au N. de
TArtémision), el, |)ar suile, ne j)as se continuer en territoire
manlinéen ; or, ce prolongement ne peut être identifié qu'avec
le Klimax, qui Iraverse un canton tout à fait' différent de celui
(|ue parcourt le Prinos avant d'entrer dans la ville. La lecture
seule de Pausanias aurait dû prémunir la Commission de Morée
contre l'erreur cju'elle a commise en rejoignant les deux che-
mins du Chêne- V^crt et de l'Iîlchelle au pied des montagnes, et
en les faisant aboutir à la même porte.
La concordance élant établie dans le texte, a priori, il nous
reste à la constater sur le terrain, à la justifier par des argu-
ments de fait et à retrouver le tracé réel de ces chemins abs-
traits. De cet examen des lieux, l'exactitude de Pausanias
ressortira avec éclat.
Raccord des j)ans la cliaiue argolico-manlinéenne,du Sud au Nord, s'ouvrent
imims iiineinirc» jj.^^j^. p.jsj,.,jre.s (jucnous avous désigués par Ics uoms des villages
modernes : le delile de 1 ourniki, celui de Karya, et celui de Sauga.
C'est à l'un de ces deux derniers (|ue doit correspondre le Prinos
comme la |)lus méridionale des voies énuniérées par Pausanias,
aprcs celle de Tégée par llysiai. Or, le col de Tourniki relie
directement le ravin du Charadros à la dépression mantinéenne;
il est séjmré des sources de l'inachos par le massif de l'Artémi-
sion. Par suite, le chemin qui le traverse ne répond pas aux
conditions du Prinos, lequel franchissait le Charadros à la sortie
d'Argos et rencontrait sur le faite des montagnes les sources
de rinachos. (Pommelés deux torrents d'Argolide sont identifiés
avec certitude, le Charadros avec le Xérias, rinachos avec la
Pauilza, le délilé de Tourniki se trouve éliminé. Donc, le Prijios
ne peut plus être recherché que sur la route de Karya, qui
descend au Nord de TArtémision en passant près des sources
de rinachos. Huant au défilé de Sanga, il reste disponible pour
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 83
le passage du Klimax, à travers le mont Lyrkeion, à rextréiiiité
N. (le la frontière argolico niantinéenne.
Reprenons maintenant Tordre descriptif de Pausanias et
suivons le Périégète sur chacun de ces chemins, à partir
d'Argos.
I^ Routes d'Argos a Mantinée.
La route septentrionale d*Argos à Mantinée sortait par la ^"'^>«"«
porte ouverte en face de la colline de Deiras. Elle devait "" ^"*'**'
traverser, comme le chemin moderne de Kalo-Bélessi, le
Charadros à 1 kilomètre et demi de la ville, |)uis Tlnachos
à rentrée de sa vallée. Elle s'engageait dans la gorge du
fleuve et atteignait Lyrkeia à 60 stades (Il kiloin.) d'Argos.
Celte ville, ruinée dès les temps les plus reculés, avait une
acropole dont on croit retrouver les restes sur le versant sci)ten-
trional du ravin, un peu avant le hameau de Sterna (1). Elle
pouvait communiquer par signaux avec la citadelle d'Argos. De
Lyrkeia à Ornéai, au Nord, on comptait encore GO stades. Telles
sont les données des Argoliques sur cette i)artie de la roule.
Encore Pausanias ne parle-t-il ni du Charadros ni de Tlnachos.
Cette extrême sobriété de détails nous induit à croire qu'il ne
s'est point transporté en personne sur ce chemin.
La section arcadienne est un peu moins écourtée. « La route
de rÉchelle est plus large que celle du ChOne-Vert. » Celte
phrase s'applique sans doute à la vallée de Tlnachos, au fond
de laquelle une bande de terrain plat mainlieut les deux
versants à quelque distance du torrent et de la route, jusqu'au
delà de Kato-Bélessi. Le chemin longe la hase des montagnes,
assez loin du lit torrentiel. Il quitte le fond du ravin à une
demi-heure au delà de Kato-Bélessi, s'élève en corniche le long
du talus de Kaparéli et escalade par une abrupto montée en
lacets le versant argien du Mont Lyrkeion (aujourd'hui Cou-
pato). Un peu au-dessous de Taréte faîtière, le sentier est coupé
par des marches en pierres rapportées. Ce ne sont pas celles
dont parle Pausanias, puisqu'il les cite à la descente, sur le
versant mautinéen. La frontière passait sans doute par le
(1) Boblaye. Rech, géogr., p. 4(5. — Ross. Reisen,, p. i:W. — Ciirlius. Pelop. II,
p.4t5. — Bursian.Gcoflfr.II,p.63. — Miliarakis (retoyp. 'A^yjXio, xat KopivOiaç, . /
p. oO) la pince aux environs de Kalo-Bélessi, ce qui ne cotrcspond plus avec la
distance Indiquée par Pausanias.
8i MANTINÉE ET l'aUCADIË ORIENTALE.
sommet du col. (yestclonc à partir de ce point que commence
VÉchellc pro|)rement dite.
Là une bi(M.hc aux parois à pic livre passage au chemin :
cette écliancrure s'appelle aujourd'hui les Portes (rWpTatç). A
Ttînlrée du défilé, le regard plonge dans le haut ravin de Tlna-
chos et domine lo joli village de Néochori suspendu aux flancs
fauves du Lyrkeion, au-dessus de Tabîme. I^ descente est un
casse-cou, où le pied des biMes de somme tantôt glisse sur le
roc, tantôt entraîne des avalanches de cailloux. Certains voya-
geurs ont cru dislinguer encore quelques traces d'entailles
creusées dans le roc : ce seraient les restes usés de ces marches
d'escalier (h)nt parle Pausanias à Timparfait (1), comme s'ils
n'existaient |)lus do son temps, et qu'à coup sûr il n'a point
vus. Au pied de celte rampe en zigzag, le chemin traverse le
pauvre hameau de Sanga, sur le rebord de la Plaine Inculte.
Puis, il remonte les pentes de l'Alésion arrondi en mamelon,
et franchit obliquement le chaînon jusqu'au village de Pikerni,
situé à mi-côte, sur le versant occidental.
Mciungéia. Dcs lors, iious rctrouvons en Pausanias un guide plus expli-
cite. Peut-être a-t-il emprunté les renseignements suivants à
([uelque |)ériégèle local : « Après avoir dépassé le Klimax on
rencontre un endroit nommé Mélangéia ; c'est de là que desceml
à Mantinée l'eau potable. » Pikerni ne présente aucuns vestiges
antiques; les fragments d'ailleurs insignifiants d'inscriptions que
nous y avons trouvés proviennent de Mantinée. Mais l'identili-
cation de ce |)oiut avec Mélangéia a pour elle l'abondance des
sources qui surgissent en plein village des flancs de l'Alésion.
Le mot albanais Pikerni est maintes fois appliqué en Grèce à des
localités richement pourvues d'eaux courantes. Quant au nom
antique, xà MeXaYysîa, il signifie les Terres Noires^ en partie,
comme l'a pensé Curtius (2), par allusion à la couleur des
terreaux marécageux de la plaine voisine. De fait, en fouillant,
au pied de l'Alésion, le sanctuaire de Dionysos, la teinte sombre
de nos déblais nous a confirmé la vraisemlance de cette étymo-
(1) (I A la descente, il y avait des degrés taUlés autrefois de main d'iiomme. »
M. Loring \Joxirnal of hellen. Stud. XV (1895), p. 81] déclare n'en pas avoir
reconnu ia moindre Irace sur ce versant. l\ admet que les zlg7.ags de la
rampe Justinnirnt suflisammenl le terme de Klimax, parce que, do loin, ils
ressoniblcnl tout à (ail nnx échelons d'une échelle.
(2) Pelop, I, p. 270, N^ 14. Ce nom se retrouve dans le Mélangélon de
lUIljynie.
LES ROUTES HISTORIQUES DECRITES PAR PAUSANIAS.
8ii
logie. L'altitude des sources de Pikerni |)erTnellciit de les dislri-
buer dans la ville en fontaines jaillissantes, (letlc; raison, joinle
à leur limpidité, les avait sans doute désignées au choix des
Mantinéens. De Taqueduc, qui les amenait à l'inlérieur des
murs après un ]mrcours d'environ 4 kilomclrcs, aucune trace
authentique ne subsiste. Comme le montre la ligure ci-dessous,
•^
K^'-^-k
I-ig. 9.
Vue de l'Alésion (Alogovrakhos) cl du tcménos de Dionysos el «lAphrodilo Mrlainis.
la route de Pikerni à Manlinée coloie h* pied de TAlésion
sur une petite levée épaulée du coté de la plaine par un mur
de soulènemcnt en |)ierres sèches, iloss (1) vil encore sur
cette route des fragments de pierres de laiHe. Mais celle
chaussée est un travail moderne. Depuis ranli(|uilé les débits
des sources n'élanl plus contenus, les terr(*s d'en bas se sont
détrempées ; il a bien fallu surélever la route en Tappuyant au
rebord de la montagne. Cette levée artilicielh^ n'a jamais sup-
porté la conduite de l'aqueduc pour deux raisons : 1" parce que
ce genre de construction n'était pas dans les luibitndes des
Grecs (2) ; 2^ parce (ju'ellc passe précisément sur les fondations
(1) Reisen, p. 130.
(2) Voy. Sagiio. Dict. des antiq. art. Aqua^duclus.
86
MANTINKR KT L AIICADIE ORIENTALE.
(1*1111 sancluairc do Dionysos, enfoui au-tlessous. Ceci est une
preuve ccrlainc (|uo le chemin et l'aqueduc antiques passaient
en contre-bas <lc la levée moderne, a travers champs. Les
pierres qui onl induit Ross en erreur provenaient sans doute
des ruines de ce sanctuaire. Aujourd'hui les traces tant de
Taqueduc que du chemin sont méconnaissables ; toute la topo-
ji:rapliie de cel endroit a été bouleversée par les alluvions des
sources nombreuses qui ont inondé le pied de TAlésion: des
.cours treau se sont frayé passage à travers champs ; nous avons
retrouvé jusque dans leur lit des vestiges de constructions
I*
• ,«•" >'.'■■>' ■■■•:..y-/^ •fSf'"' .:•-•• ".'.Y • • •
Fig. 10.
SoiiiTo fies M^Imslos pI sanctimirM Ac Dionysos cl (rAphi*odile MoUiniK.
Sonrre
(1rs M^linslfii et
sn net un ires de
Dionysos
Ri d'Aphrodite
Méininis.
antiques. Nouvelle preuve de ce fait, que le fond de plaine,
aujourd'hui déserté pour les hauteurs, était jadis plus habi-
table. Actuellement les sources de Pikerni se déversent dans un
ruisseau dont un bras serpente vers l'O. jusqu'au ruisseau de
Sarlsi et dont l'autre bras vient rejoindre l'Ophis au Nord
de Mantinée.
(( A partir de Mélangéia, à une distance d'environ 7 stades de
la ville il y a la source dite des Méliasles. Ces Méliastes célèbrent
les orgies de Dionysos ; il y a près de la source un mégaron de
Dionysos et un hiéron d'Aphrodite Mélainis. )>
LES nOUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS.
87
Ici rexacliludc de Pausanîas es! inT|)n>(hal)lo. Jusie à
la distance indiquée, c'esl-à-dirc à 1.200 m. environ de
Manlinée, vis-à-vis la butte de Gourtzouli, jaillit de la base de
TAlésion en contre-bas de deux rocbos aujourd'hui appelées le
reXaB^jppayoç (Yéladovrakhos = Rochede la Vache) et l'AXoYÔpcx/oç
(Alogovrakhos = Jloche du Cheval) un g:roupe de Irois sources,
connu sous le nom de TptTCTjYVj ou, suivant la prononcialion
chuitanlc des Arcadiens, T^m-fiyi (Tri|)iclii = la Tri|)le source).
Riitle
dr GoiirUouli.
Gorpp
ilr Knkoiiri.
Monli
Ariiiriii.-i.
-Puils.
AIo^M-Vr.-.klio^.
Vn«^ an \n source dca MélinslM el du léménos de Pioiiysos cl «rA|>lini(lilo prise dr lAIrsion.
La première de ces trois sources, le SjOi, esl la plus abondante ;
elle forme un pelil bassin marécap:eux enlouré d'arbres, à
cinq minulesau N. de TAIogovrakhos; la dou\irnu\ direclement
située sous celle roche, à droiledu chemin en v(»nant d(î Pikerui
s'ap|)elle le Médov Toitt/jx'. Cl'est un |)uils peu profond, surmonlé
d'une haute nicirgelle en pierres sèches. La troisième, le Tûitt/j/i
proprement dit, à quelques pas au S., est une cuvette minuscule
8iS MANTINÉE ET L*ARGADIE ORIENTALE.
à fond de sal)lc d'où s'échappe une infime quantité d'eau. De
CCS trois sources, le MÉaov Tpncyi/i fournit seul une eau potable;
colle des autres est légèrement saumûtre. Ces trois fontaines
alimentent un ruisseau venu de Pikerni, et qui serpente à
(|nelques mcircs en bas du chemin. Or, entre les deux dernières
au-dessous de TAIogovrakhos, la chaussée coupe une ligne de
gros blocs, à demi-dégrossis, qui descend la pente perpendi-
culairement à la roule. Persuadés que cet emplacement répon-
dait au ténicnos du sanctuaire signalé par Pausanias, nous
avons dcuiandé el obtenu du propriétaire de ce terrain Pauto-
risalion d*y ouvrir (fuelques tranchées. Nous avons commencé
par reconnaître les vestiges en haut de la route. Le mur haut
de {>0 à 80 centimèlres repose à fleur de sol, sur une seule assise
de fondations appareilles. H a Paspect de ces périboles archaî-
fiues en pierres non équarries dont nombre de sanctuaires
étaient enclos. Le périmètre dessine un trapèze de 37 mètres de
long sur 22 mètres de hauteur. Le peu de profondeur de Pas-
siette atteste que le niveau antique n'était pas plus bas qu'au-
jourd'hui. Les sondages n'ont trouvé à l'intérieur aucuns restes
de constructions. En suivant le mura travers la chaussée, nous
avons constaté que le coté du périmètre faisant face à la rivière,
à partir du Métrov Tpi7i/,y;i se présentait en forme de stylobate
régulier, à plusieurs assises de plaques calcaires parées exté-
rieurement, délies d'en haut avaient été arrachées. Ce soubasse-
ment ne nous a paru relié à aucun autre fragment de même
slructure. Nous avons donc supposé qu'il appartenait à un
escalier par où l'on accédait au téménos comme ù une terrasse.
A noter que Pausanias ne parle pas de temple à cet endroit,
mais de mégaron et de hiérou. Entre cette ligne et la rivière,
nous avons jjonrsnivi les recherches autcint que le permettait
en cette saison (décembre 1888) la nature marécageuse du ter-
rain. Elles nous ont seulement révélé des fragments de petits
murs mal construits, dont l'antiquité nous a paru probléma-
tique. En revanche, du puits lui-même a été extrait le satyre
à Poutre représenté |)ar la figure 8. La découverte de ce
personnage dionysiaque et l'ordre de Pénumération dans
Pausanias nous autorisent à identifier le puits du Mwov TpiTti^/i
avec la source des Méliastes, et le téménos décrit plus haut
avec celui de Dionysos. Quant au mégaron proprement dit,
peut-être faut-il le reconnaître dans une sorte de grande niche
naturelle creusée en caverne dans la masse de PAlogovrakhos ?
LES ROUTBS HISTORIQUBS DBCRITES PAÎl PAUSANTAS. 80
Peut-être aussi les pentes de TAlésion étaienl-olles couverlos
de vignes et de frênes (MeXiaî), conjecture qui se fonde sur le
cuite de Dionysos et sur le nom de ses prôtrcs. Quant à ceux-ci,
leur logis devait occuper le potager actuel, cnire la chaussée
et la rivière.
Contigu au précédent, mais beaucoup jdus endommagé, est
un autre péribole. Les restes en sont rehacés sur le plan ci-
contre. Ni sur la pente, ni en contre-bas, nos tranchées n'ont
misa jour des constructions régulières. En lout cas, il n'csl pas
douteux que ce téménos ne corresponde à Thiéron d'Aphrodite
Mélainis. Dans un terrain voisin, attenant à une cabane, le long
du chemin et près de la troisième source, le Tripirhi, nous
avons découvert la stèle de Kléonis, qui scmbUî un ex-voto
à Aphrodite (?).
Au delà de ces deux sanctuaires, la route et Taqueduc de
Mélangéia franchissaient TOphis et pénél raient dans la vilh^
par une porte spéciale.
Pour la route du Prinos, la précision des détails atteste routk m: p«i»o
que Pausanias a lui-même suivi ce parcours. C'est jiar là
qu'il est entré d'Argolide en Arcadie. La pluî)art de ses
indications se vérifient sur les lieux. Au sortir d'Argos |)ar
la porte N.-E. o|)posée à la colline de Dciras, la roule s'cr.ga-
geait au bout d'une heure dans la gorge du (lliaradros, précipice
étroit et sauvage, dont les murailles resserrées ne laissaient
de place qu'au lit du torrent et au chemin (dTevoTÉpa e(tt(). Les
Argiens avaient établi une tour de défense à l'entrée. Vim
heure et demie plus loin, on atteint un carrefour de ravins,
où l'espace s'élargit. Les versants des monlagnes s'inclinent
en pentes moins Apres, propices à la culture. C'est le site
probable d'Oinoé (i). En arrière, en elTel, surgit la pyramide de
TArtémision, imposante et chauve (uTrkp 8k Tq; OîvoTrjç opo; 6<ttIv
'ApTe[JL(ffiov).
Au temps de Pausanias, comme aujourd'hui, la montagne
était en territoire argien (2). Pour gagner ih^ là les sources de
(1) Au lieu dit IlaXaio/copa, près du confliicnl d'ini Lorrenl avec le Cha-
radros. On y a trouvé des monnaies antiques. (Micliauiis cl Conze. UapporCo.
Annalû 18GL p. 23.)
(2) Au sommet de TArtémision, on ne trouve plus qu'un merveilleux pano-
rama sur les plaines fermées d'Arcadie, et, par delà les monts d'Argolide, sur
les tles et rAttique. Toute trace du sanctuaire d'Artéinis a disparu.
90 MANTINÉE ET l'aRCADIB ORIENTALE.
l'Inachos, il fallait contourner le massif au N., en escalader
les contreforts avec le chemin actuel de Karya, et non pas
l)Oursuivrc direclciuent à TO. par le sentier de Tourniki,
inconnu à Pausanras. Plus au S. Tarête ingrate du Kréopôlon
ne se laisse pas franchir (1). C'est en haut du joli hameau de
Karya en inclinant vers l'O. par une cote aride au milieu des
roches hrûlécs (Xéro-Vouni) que le chemin atteint le dos de la
ligne frontière. Là se trouvait le passage dit du Chêne- Vert
(8ià llpivou) : ce nom n'était pas celui de la route tout entière,
mais proprement celui du col. Il venait sans doute de ce que,
dans ces solitudes pelées, un Lou(|uet d'arbres signalait de
loin au voyageur le terme de la montée (2). Le col franchi,
on se trouve dans le bassin de Tluachos. Le chemin traverse
près d'une douzaine de torrents ruisselants. Ce sont les sources
de l'Inachos, limpides, abondantes et nombreuses. Mais par
un phénomène singulier, ces eaux n'ont qu'un parcours limité
à ciel ouvert. A peine ont-elles dévalé des hauteurs qu'elles
(lis])araissent sous terre ; le cours de l'Inachos dans la vallée
inférieure est moins un lit qu'une juste caillouteuse, ha nature
accomplit ici un véritable travail des Danaïdes ; en haut, la
montagne a beau déverser à torrents, été comme hiver, ses
eaux fraîches ; en bas le calcaire argien boit tout, et la plaine
est toujours assoilTéiî. Le fait a été remarqué de l'ausauias :
(( F-»es sources de l'Inachos sont dans celte montagne; il y a
réellement des sources, mais l'eau n'a pas sur terre un long
parcours, to Se u8wp oùx ItzI Tzokb eçixveiTai tt|ç ytjç. ))
Le chemin actuel se lient constamment sur les hauteurs, à
l'extrémilé du ravin collecteur, où se réunissent tous ces ruisse-
lets. Du temps de l^uisanias, il devait descendre jusqu'au lit de
la rivière et la suivre pendant quelque temps, comme l'ont
(1) Voy. la description physique de ce district dans Philippson. Der Pelo-
ponnrs, p. 69. Le clirmin de Touniilci traverse la chaîne (attière au S. du
Malévos et de la montagne de Tsipiana, au col de Skalais (les Échelles). Ce nom
rappelle celui du Klimax, mais comme il désigne en Grèce tous les chemins
en lacets, l'assimilation qu'en ont (aile Pouquevillo et la Commission de Morèe
avec le Klimax est toute superficielle.
(2) CL sur la route de Tripolis à Sparte le col de MonodendrU annoncé de
loin par un ch^nc solitaire (Joanne, hrèce, IL p. 242). Précisément, sur le col
présumé du Prinos, un peu au-dessous du faite, sur le versant E, on rencontre
les ruines d'une chapelle d'Ilagloa Constantinos entourée d'yeuses (en grec
moderne irptvapi), visible de loin. Une hauteui qui domine le col lui-même en
est également couronnée.
LES ROUTES BI8T0RIQUES UBGIIITES PAR PAUSANIAS. 91
constaté MM. Conze et Michaëlis. Ainsi qu'on le voit sur la
œrte, le lit s'ouvre une brèche dans la chaîne frontière. I^a
barrière rocheuse, qui faisait une limite si Iranchéc entre les
deux pays, étant interrompue, on avait adopté une lifçne con-
ventionnelle. Elle descendait du faîte N. du Mont Lyrkeion,
suivait avec la route un tronçon de la rivièrtî et remontait au
S. pour regagner les sommets. « L'inaclios marque les conlins
de TArgolide et de Mantiuée dans la partie de son cours paral-
lèle au chemin ; à partir du coude qui l'éloigné de la route, il
coule en territoire argien. »
Au-delà de ce point, le chemin s'inclinait le long du
versant mantinéen vers la plaine. Au lieu de tourner au Sud
comme aujourd'hui pour aboutir à ïsipiana, il desrendait
au pied de la montagne, dans un fond de vallée (|ui s'allongeait
au N. entre les deux lignes de l'Alésion et du Lyrkeion. Cette
plaine, réduite à une seule issue vers le Sud, \u\ étroit couloir
oblique, était convertie par les pluies en uu réservoir maréca-
geux. Inhabitable, son sol détrem|)é ne supporte (|u'iine cul-
ture, le maïs ; il y réussit à merveille. Le val est sillonné par uu
long canal, où l'on essaie en vain d'em|>risonner les eaux alin
de les drainer vers les katavolhres. Os conditions répondent
à la description de la Plaine IncnUv ('Aiy^^v lleoîov), qui recevail
le voyageur à la desconte de TArtémision (I). a Klle s'api»elle
inculte et l'est réellement, parce (|ue les eaux dcsci^ndues des
montagnes la rendent impropre à la nilture. Hien ne lempé-
che d'être un lac, sinon le goulTre on IVau disparalL » Les
anciens n'ayant jias la jcssource du maïs, avaient du renoncei'
(1) Suile du tableau. ~ Rouie du Prinos.
VllI, 7, I. — 5« Argon Pédion. ^TTreppaXovra 8à éç Tr,v MavTivixYjv Sii
Tou 'ApTe[JLi(Tiou TceSiov exBÉÇÊTai (xe 'Apyov >caXou(i.evov. xaOaTrep yi
l(TTi' TO yàp liStop To ex too Ocou xaTEpyôaevov éç aùxb £x xwv ôpoiv
apybv eîvai to tteSiov Tcoieî, ixiôXiti te oùSkv àv tô TreS-'ov touto eïvai
Xifxv'/^v, el jjLT) TO uoo)o vj^aviî^eTO Iç X^^F*'* T'H^-
VIII. 7, 4. — G» Nestané. Tente de Philippe. Fontaine Philippios. Tou ok
'Apyou xaXoufJLÉvou ttcoiou MavTiveuaiv opo; eirlv £v ipiarepï, (Tx^r^v-Tj; tc
^^lX(7C7COU TOU 'AfJLUVTOU Xai Xlt>JX'/|Ç ipElTTia e/OV N£TTaV'/|;' TTpÔÇ TaÛTT)
yàp (TTpaTOTceSEÙaadOat tT) NEorivr) *I>iXi;r7tov Xi^fOu'Ji, xat Tf,v TtTrjYYjv
aÙT(56i ôvojiî^ou^iv £Ti OLub éxEivou 'I>lXt7rTtOV.
VIII. 8, L — 7«» Temple de Démêler, Met* 8e Ta ÉoEtTria ty,(; NE<JTXvr,<; îspbv
Ai^jt7)Tpoç IffTiv ayiov, xal aÛT/j xal ÉopT/jv àvà nav bto; àyo'jtxiv ol
MavTiveTç.
92 MANTINÉR ET L'ARCADIE ORIENTALE.
à tirer piirli de ce désert mouvant. Celte stérilité et le grand
kalavolhre de Tsipiana rendent indubitable Tidentité de la plaine
de Sanj^a ave<î TArgon Pédion. On pensait que les eaux engouf-
frées à cet endroit rc()araissaient à Diné en Argolide
iNestanr. « A gauclie (Ic la Plaine Inculte en territoire mantinéen,
s*éR»vc une montagne; elle porte les ruines de la tente de
Philippe, fils d'Amyntas et du bourg de Nestané. On dit que
Philippe établit son c;imp à Nestané, et la fontaine qu'on y voit
a pris de lui le nom de Philippios. » Le chemin moderne qui
dérive vers Tsii)iana a, sur ce point, induit en erreur les
voyageurs, y compris Curlius (1). La route suivie par Pausa-
nias, du pied de l'Arlémision, se dirigeait en droite ligne à
rOuest. Elle subsiste encore. A la chute même de la montagne,
un sentier jiicrreux côtoie une verrue rocheuse, devant l'entrée
béante (20 m. de large sur 6 de haut) du katavothre dont
on traverse à gué le chenal (on pouvait autrefois le franchir
sur un i)ont de bois) : cette hauteur à gamhe du chemin s'avance
comme un promontoire h pic du côté de la plaine; elle est reliée
à l'Arlémision par un petit col. A la jointure des deux monta-
gnes, un autre sentier se détache du précédent et monte en
zigzag jusqu'au col. Il conduit à la plate-forme de la colline,
juste au-dessus du katavothre. A cet endroit, des vestiges de
ruines sont encore reconnaissabies(2). C'est d'abord, sur une
longueur de quelques mètres, un tronçon de voies antiques
avec ornières creusées dans le roc. Puis, un fragment de mur
d'enceinte en pierres oblongues, appareillées en assises irrégu-
lières. On croit y distinguer une tour carrée qui défendait
l'ouverture d'une porte. Ce mur barrait l'entrée de la plate-
forme contiguê à l'Artèmision ; les autres côtés étaient assez
escarpés pour se |)asser de fortifications. A l'intérieur du pla-
teau des ])ierres éparses attestent qu'il était habité. On y
remarque une ligne de fondations, dirigées de l'E. àl'O., peut-
être celles d'un temple. Enfin sur l'autre versant, celui du S.
h la lisière du village de Tsipiana, une source s'échappe, en
jets copieux, de (piatre bouches percées dans un mur ; celui-ci,
comme l'atteste une inscription moderne, date de 1840. Tous
ces détails coïncident avec les indications de Pausanias. Ces
(1) Pelopon. I. p. 2^^.
(2) Voy. un pelU croquis dans Clark. Peloponnesus, p. 127. D*aulres amas
do pierres sont signalés par le carton de la Commission do Morée au pied de
l'Acropole, au S.-O.
LES ROUTES UISTORIQUBS DECRITES PAR PAUSANIAS. 93
ruines sont celles du bourg de Nestano (1) el la (onlaine n'esl
autre que la Philippios.
Après les ruines de Nestané, il y a un temple vénéré de Tempio
Déméter ; les Mantinéens y célèbrent une fcte lous les ans.» Cet *'« némcier
édifice était sur la route même, en plaine, et non comme le
suppose Curtius (2), sur la hauteur au S. E. de Tsipiana, au
monastère de Kbrysouli. De lait, au delà du promontoire de
Nestané, le chemin continue vers l'O. sur les confins de la
Plaine inculte et de Tétroit couloir cultivable qui lui sert do
débouché vers la plaine mantinéennc. Conze et MichaOlis (3)
ont pu reconnaître, à quelque disfanco de Nestané, sous la
route même, des fondations orientées de VU. à TE. Ce serait
là, suivant toute vraisemblance, remplacement du sanctuaire
démotique de Déméter (4).
(( Au-dessous de Nestané s'étend une portion de TArjçon Pé- Xozhç Maipà
dion, qu'on appelle Champ de dame de Mnirn. )) (3) (^es termes
ne peuvent désigner Tembouchure méridioiuilc de la Plaine
Inculte. Par sa position extérieure et la nature toute diiïérente
de son sol, celte étroite vallée n*a |)lus rien de commun avec
PArgon Pédion. A mon avis le Khoros Mairas doit occuper le
S. 0. de celle-ci entre l'Alésion et ses projections (G).
« J-kI traversée de la PLiine Inculte est do 10 stades. » Sur
le point de gravir les premières pentes de TAlésion, Pausanias
(1) Etienne de Dyzancerappelleaussl : NocTia. xo>(xY| 'Apxaôia<,. i^io-no^Lizo^
TpiaxoffTto SeuTepo) <l>iXi7t7rixwv. "I^^cpopoç tô eOv.xôv NêTtivioç icp*/)» *''*^'^-
xat' auTÔv NsffTavtav XsyfiffOai* 7) aÙTYj yàp tTj TisoTepa, c'oç O'rjXov s;
âXX(i>v. Cf. Suldns : Noaréa. L'élymologie se raUarhc pcul-ôlre à vôcjtoç,
retour (voy. plus haut, p. 63).
(2) Pelop. I. p. 245.
(3) Rapporta. Annali 18GI, p. 27.
(4) Voy. plus bas, p. 238.
(5) SuUe du tablrau. — Roule du Prinoa. VllI, 8. 1.
8» Klioros Mairas \\oiX xarà ty|V Ncffrâv/jv ÛTrôxsiTaî jxxXt^ta (AO?pa [xkv
xal aÛT7| Tou TTEoiO'j Tou 'Apyou, Xopôç os àvotxiCîTai Maipaç.
9» Largeur de l'Argon Pédion, tou tccBio-j 8ê Icttiv v) oi£;oSoc tou 'Apyou
aTaBi(i)v Ssxa.
ii)* M onlée et descente de l'Alésion. 'VicEppàç 8k O'j TtoXù è; eTcpov xaTa-
P"^<T7) Tceoiov.
!!• Fontaine Arné. âv toutw 8s napà tyîv Xsto^opov è^ttIv "Asvt) xxXoufAsvT^
xpTQV/). — MavTivéoiv 86 V) TTÔXi; TTaoïou; aiXiTTX tcou oioôsxa
(ou OÛO) 6(XTtV àTrCOTSpO) T% TfriY'^Ç TaÛTTjÇ.
(0) Voy. plus bas, p. 253 et snlv.
94 MANTINÉE ET L*AIlGAOIE ORIENTALE.
évalue le Irajcl qu'il a elîeclué en vallée depuis la descente
de rArlémision. Le cliKïre indiqué (18S0 m.) est rigoureuse-
ment exarl. Le voyageur n'a signalé aucun des accidents de
lorrain qu'on reniar(|ue au débouché de la plaine d'Argos. Ce
sont des bultes rocheuses en avant de l'Artémision et &e i*Alé-
sion, les unes isolées, les autres attenantes h la chaîne. Ces hau-
leurs, d'aspect noirAtre, sont couronnées de chapelles et de
lours médiévales, peut-être celles du chAteau de Gépiana cons-
truit en 1296 par les Byzantins. Peut-être aussi les anciens y
avaient-ils inslallé des lours d'observation. Le roc de Stravo-
myti (S.-E. deTAlésion) est particulièrement propice à l'olFice
de vigie : de ce sommet élevé le regard enfile l'entrée de la Man-
tiniqueet toulc la moitié de la Tégéatide jusqu'à Pallantion et
aux mcmlagnes du fond. Mais il est peu probable qu'un bourg
ail été se loger à cctie hauteur.
« Le chemin actuel paraît être le même que celui de Pau-
sanias. Il s'élève au-dessus de l'Argon Pédion, h mi-llanc des
dernières pentes de l'Alésion, en laissant sur la droite une source
importante inconnue dePausanias. Au bout de 800 mètres envi-
ron, il s'incline au creux d'un petit ravin qui sépare la pointe de
l'Alésion en fourche. Toutefois il ne descend pas tout-à-fait au
niveau de la grande plaine, mais continue à contourner à mi-flanc
le talus de la montagne.
Source Arné cl (( Daus ccltc jdainc, auprès de la grande route, il y a la
Xfiuxpôpo;. sQuice Arné (xpY,vT,). La ville de Mantinée est à douze (ou deux)
stades environ de celle fontaine {T^y\yr\). m La position de l'Arné
a été très coniroversée. Remarquons d'abord qu'il est inutile
d'épiloguer sur les termes de Pausanias, pour savoir s'il s'agit
ici d'une source jaillissante ou d'un puits. Les deux mots
xpTjVY), TTY.YTi désigucnt une source. Peut-être était-elle ciuialisée
et aménagée en fontaine. Quant à l'indication de la distance par
rai)])ort à Mantinée, les manuscrits se contredisent : les uns
donnent le chiffre de 12 stades, ado[)té par les plus récents
éditeurs, les autres celui de deux. Le texte n'est donc pas, sur
ce point, un guide sur.
Une autre difficulté provient de la mention du Xew^ôpoç qui se
substitue au. mol ôooç précédemment employé dans la description
de la route (1). Or, la même expression désigne un peu plus
(1) Toutefois on doit remarquer que, quelques lignes plus bas encore (VI 11,11, 1)
ce même Xeoi^ôpoç est aussi qualifié ôSôç' V) êç Teyéav bZoç ^éoEi Stà tojv
OpU(î)V.
LES HOUTES HISTORIQUES DECRITES PAR PAUSANIAS. 95
loin (VÏII, 10, 1) la grande route de Tégoe (êv ipiçTepî ttiç Xeoc^osou),
au soriJr de Mantinée (1). De ridenlitù des Icnncs, d'aucuns,
comme Curlius, ont conclu à Fidentilé des choses. Le Xeoj^ôso;
de TAlésion et celui qui menait à Tégéc n'auraient fait
qu'un. Autrement dit le chemin de Ncslanc, à la descente
de l'Alésion, à quelques mètres au S. de la ville, se serait
confondu avec la w route militaire » de Tégce. Cette théorie
soulève plusieurs objections sérieuses : 1° Dans cetic hypo-
thèse, la position de l'Arné est préjugée. En elTet la dislance
de 12 stades n'est i)as compatible avec elle, parce ([u'elle dépasse
de beaucoup l'extrémité de l'Alésion. Placée à 12 stades de la
ville, Tcapà ttIjv Xeoxpopov, la source se trouve troj) avancée vers
le S., bien au-delà de la section commune aux deux che-
mins; leur jonction ne peut être plus éloignée que la pointe
de l'Alésion, soit à 7 stades au plus. Il faut donc oi)ler pour
l'autre chilire : la source serait située à 2 stades de la ville, i)rès
la grande route de Tégée. Mais alors la mention de l'Arné aurait
dû, en bonne logique, être ajournée à la description de celte
route, parmi les autres particularités signalées, alors seulement,
j)ar le voyageur. Pourquoi Pausanias aurait-il extrait entre tous
ce détail pour en parler prématurément dans son itinéraire
d'Argos à Mantinée? Aussi bien, par une étrange contradiction,
Curtius dément sur sa carte (2), les données de son texte : car il
éloigne l'Arné du Xewcpôpoç de Tégée, en l'identifiant avec la
fontaine Ko-fo^epià, située à mi-côte, sur le chemin de Nestané.
Il faut dans ces conditions, renoncer à le comprendre, 2" Le
nombre et la disposition des portes de la ville implique l'exis-
tence d'une route indépendante, débouchant an S.-E. Le segment
méridional de l'enceinte est percé de quatre issues, dont une du
côté de Pallantion et deux du côté de Tégée. La quatrième fait
place à la pointe de l'Alésion. A quoi servait elle, sinon à livrer
imssage à un chemin particulier dirigé vers le S. E., du côté de
Nestané ? D'ailleurs ce chemin existe encore; si Mantinée était
habitée, il ne pourrait entrer dans la ville que par celte porte (3).
Curtius, il est vrai, désigne cette ouverture comme (loint de
départ de son Xew^ôpoç. Mais il omet de se prononcer sur la
destination des deux autres. Son système a pour ellet de faire
(1) Pelop, I, p. 245.
(2) relop.U pi. III.
(3) il se iiiAle au pied de rAlésion, à un seiUier qui vionl do Plkcriii.
ÎMÎ MANTINÉE ET L'AHCADIB OlUENTALE.
(levier de leur dircclion naturelle et le chemin de Nestané,
o\)[\p;é d'aller s'embrancher sur la route de Tégée au lieu de
{gagner Mantinc^e au plus court, et la route de Tégée, forcée de
se porter vers TE., à la rencontre de ce chemin, au lieu de filer
tout droit sur Tégée. Ce défaut est très sensible sur la carte. La
nouvelle Mantinée passe pour le chef-d'œuvre des ingénieurs
militaires du IV'' siècle. Ils ont déployé un art consommé dans
la répartition des débouchés de cette place centrale ; ils Tout
conçue comme le moyeu d'une roue aux rayons divergents. A
chaque route, à chacjue sentier correspond une issue spéciale,
(iomment leur atiribucr pour la section la plus encombrée et la
plus passante une pareille parcimonie de moyens de communi-
cations, d'autant plus irrationnelle en cet endroit qu'ils ont
partout poussé la |)ré voyance jusqu'à la profusion? Ce serait, de
leur part, une inconcevable bévue.
3» L'identité des deux routes, celle de Nestané et celle de
Tégée, en un i)oiut quelconque de leur parcours, doit donc être
rejetée. Qu'esl-ce alors que ce Xccocpopo; dont parle Pausanias
après la descente de TAlésion ? Deux explications sont admis-
sibles : ou bien les variantes de la terminologie du Fériégète
sont de simples synonymes et n'impliquent pas, dans les choses
elles-mêmes, des dillérences de nature. Il emi)loie l'un pour
l'autre les termes d'ôSôç et de Xctocpdpoç, comme ceux de itoyn et
de xpr|VTf|. Les prétendues « routes militaires ==■ Ueerstrassen »,
qui seraient désignées par le mot Aewcpôpoç peuvent bien n'être
qu'une invention des savants modernes. En supposant que cette
conception ait répondu à une pensée d'Épaminondas, soucieux
d'assurer aux troupes du camp retranché de Mantinée des
débouchés rapides vers la Laconie, cette précaution pouvait, le
cas échéant, profiter à l'ennemi. D'ailleurs, les Grecs n'étaient
pas, comme les Homains, amateurs d'amples chaussées : la vici-
nalilé, dans leur jiays, a toujours été sans prétention. Moins
bénévole à l'homme qu'à la nature, elle aime mieux sacrifier
ses aises que de violenter l'œuvre des dieux. En tout cas, Pau-
sanias n'est i)as fidèle .à sa nomenclature, puisqu'il qualifie
coup sur coup la même route de Tégée de Xe(jD(pdpoç, puis d'ôSoç.
Ou bien, si l'on tient à attribuer à chacun de ces termes
une valeur absolue, on doit admettre qu'une même voie
jiouvait être une sim|)le ôSoç sur une partie de son par-
cours et un Xewipôpo; sur une autre partie. On peut expliquer de
celle façon <crtaiues nuances de Pausanias. Par exemple, la
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 97
route de Pallantion était un Xew^d&oç continu, parce qu'elle
s'étalait sans obstacle au fond de la plaine; elle longeait, sans y
pénétrer, la lisière du bois Pélagos (1). La chaussée de Tégéo
construite en avenue jusqu'à l'entrée du bois, se continuait
en route à travers les arbres (2).
De même l'âpre chemin muletier du Prinos pouvait du pied
de l'Alésion s'épanouir en une piste plus large jusqu'au mur
(le la ville. C'est pourquoi Pausanias, une fois en plaine, le
traite de Xeco^ôpoç.
4" Ces deux points acquis, à savoir que le Xfio'^ôpoç, prolonge-
ment du Prinos, était indépendant de celui de Tégée et qu'il
passait auprès de l'Arné, il reste à délermiiier la posilh>n
oxacle de celle source mythologique. 11 ne s'agit plus de
choisir entre les deux chifTres donnés par les mannscrils. Si
l'on cherche la fonlaineà 2 stades, soit à .'170 m. au S.-K. de la
porte citée, on n'en trouve plus trace sur le terrain. H existe
(le ce côté une seule source, le Varéh\ jnais elle surgit au pi(Ml
même des murs, dans le fossé de l'Ophis, en face la imteriic K,
à 330 m. au N. de la porte F.
La distance de 12 stades (2220 m.) à partir de la porte
F, nous ramène en arrière à l'extrémité de l'Alésion, juste-
ment à ce ravin où s'enfonce la route de Neslané. lA, quand
on vient de Tsipiana, une demi-heure avant d'alleindie Maii-
linée, le chemin est flanqué ù droite, au creux même du
ravin, d'une petite f(mtaiue. D'un mur ruiné on pierres taillées,
aménagé par les Turcs, s'échappe un mince (ilet d'eau. La
fraîcheur de cette source lui a fait donner par les |)aysans le
nom pittoresque de Ko-j/o/cpià, qui coupe les mains. La coïnci-
dence de la dislance actuelle avec celle de 12 stades serait un
argument très fort en faveur de ridentificalion de celte source
avec l'Arné. La Commission de Morée, Curlius et Bursian l'ont
admise. Mais il y a deux objections : 1° Cett(; distance sui)])Ose
([ue le tracé de la route antique coupait le talus de l'Alésion, à
mi-côte en corniche, comme le chemin inoderne (3). 2» Or,
(1) VIII, 11, 3 : irapY^xei xatà touto éç tY|V X£Ct)^ôpov b tou IhUyou^
xaXoufjLEvou opu(xdç.
(2) VIII, 11, 1 : x(x\ ex Mavtiveiaç tj cç Tsy^av ôooç oiozi oià twv Bputov.
(3) Les indiculions qu'on sérail tenlé (Je Urer des roules modernes sonl bien
souvent trompeuses. Quand on va d*un viHagc à un autre village, on ne doit pas
s'Imaginer allrr d'une ville antique à une ville antique fiar les mômes chemins
qu'autrefois, quelque rapprochées que soient les localités actuelles de leurs
Mniitince. — S.
98 MANTINÉE ET L*ARCADIE ORIENTALE.
Pausanias dit exprcssunienl que la route descendait en plaine et
que dans cette plaine, auprès de la chaussée (Iv touko 5k iiapà
Tr,v XecD'fdpov), on rencontrait la source. II est donc nécessaire
d'admettre que, à partir du col de TAlésion, l'ôSà; montagneux
s'élargissait en chaussée (Xewjpdpoç), que ce Xctixpdpoç, situé en
contre-has du chemin moderne et de la fontaine Koj/oycpia,
contournait en terrain plat les dernières pentes de la colline. La
xpr|V7) ou 7C7)Y-^ Arné doit être cherchée à l'expiration de la côte,
en plaine. Or précisément, à l'extrémité S. de TAlésion, un peu
à l'ouest de KoJ/oy;epîa, jaillit un groupe de sources abondantes.
Déjà Vischer l'avait signalé et M. Loring (1) l'a reconnu après
lui. Ces sources en bassin peuvent être qualifiées de )tpTfivTf| et de
TrYiyvi. La distance est peut-être un peu moindre que 12 stades,
comptés à partir de la ville, mais le fait serait à vérifier par des
mesures exactes. (]es sources alimentent les rigoles qui vont
grossir l'Ophis. De cette façon la réalité coïncide avec la descrip-
tion de Pausanias sur tous les points.
A partir de cette source, la voie décrivait une courbe vers le
Nord-Ouest pour aller rejoindre la porte F.
Les itinéraires suivants de Pausanias ont tous pour point de
départ une des portes de la ville et pour terme la frontière.
Nous discuterons plus loin la question des portes et leur cor-
respondance avec les divers chemins qui rayonnaient autour
de Mantinée. Suivant Tordre de Pausanias, nous allons lepren-
dre avec lui ses itinéraires : « Plusieurs routes, dit-il, conti-
nuent de Mantinée dans le reste de l'Arcadie. Toutes les parti-
cularités remarquables de chacune d'elles, je vais les décrire »
(Vlil, 10, 1). Voyons comment il tient ses promesses.
ruines respectives. Ainsi, le chemin moderne de l'Alésion ne correspond qu*ap-
proximaUvcmcnl à la roule de Mantinée à Nestanô. En réalité, c'est celle de
Pikerni à Tsipiana. Or, entre ces deux polntR, rAlésion interpose une barrière
incommode, qui veut être contournée et non francliie. U est nature! que les
modernes aient pris riiabitude de raccourcir ce détour obligatoire en serrant
de près la côte tant qu'elle est praticable. La route antique entre Nestané et
Mantinée pouvait profiter de la plaine plus longtemps sans allonger le trajet.
De plus, le plat terrain, mieux entretenu par une populalioa plus soigneuse
et plus dense, ne laissait pas les chemins dégénérer en (ondrières. Aujourd'hui,
dès les premiôres pluies, les habitants préfèrent cheminer sur la roche.
(1) Vischer {Erimierungen, p. 344). — Loring [Journ, of helL Slud. XV
(181)3) p. 81]. Voy. plus haut p. 51 et la carte à la fin du volume.
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS.
: 99
Ih. HOUTE DE Mantinke a Tégke
« En allant à ïégée, on renconirc, à gauche de la roule, près
des murs de Manlinée, un hippodrome, »
iiiii
iMMiromc.
.Im.08 .
Fig. 12.
ThmiIoii (Iii tunil)cnii iiioiuinieni^il )in\s t\v la |Mirlr Ci.
Le terrain réservé à rilippodromc ne ilevail pas uiesurcr
moins de 200 m. de largeur sur 400 de longueur. C'est donc au
pied des murs (près de 400 m.) compris enire la porte F et la
porte G, dans rinlervalle qui séparait le Xsocpôooç de Nestiiioé
et celui de Tégée, que s'allongeait le champ de courses. Le
terrain, complètement plat, se prétait à celle destination.
Au sortir delà porte, la route devait longer TOphis, entre des
rangées de tombeaux. Au bord d'un ruisseau, auprès d'un petit
pont, à 200 mètres de la porte, nous avcms retrouvé deux lignes
Tonibenn
moiitimenlal.
100 MANTINÉE ET L^ARGADIE ORIENTALE.
croisées, à angle droit, de belles assises en blocs de conglomérat
bien équarris (1). Le reste de ces fondations et la superstructure
ont disparu. Des fouilles pratiquées en cet endroit ont amené la
découverte de nombreux cubes de marbre, de fragments d'archi-
traves, de caissons, de colonnettes engagées (probablement des
montants de porte), et des plaques de marbre représentant les
battants d'une porte. On y avait simulé en relief les panneaux
et les ferrures garnies de tôtes de clous. Nous avons trouvé en
outre un tympan, orné en manière de fronton, d'un gros bouquet
de feuilles d'acanthe en bas-relief. L'intérieur du monument et
les côtés étaient remplis de tombes de basse époque, superposées
et pôle-mêle. L'édifice lui-même devait être un joli édicule
funéraire du IV'* siècle. Nous n'avons, pour l'identifier, que de
vagues indices.
C'est près du pont que M. Foucart a découvert l'inscription
dite des tribus. Il écrivait, à ce propos (2) : « J'ai trouvé l'inscri])-
tion sur la rive droite de l'Ophis, à quelques mètres au Sud du
petit pont jeté sur le ruisseau, c'est-à-dire entre les deux routes
anciennes de I^allantion et de Tégée, à peu de distance du temple
de Poséidon Ilippios. Elle est gravée sur une plaque de pierre
bleuâtre, de grandes dimensions et fort épaisse. Elle avait servi
pour construire un tombeau à une époque déjà assez ancienne,
car depuis longtemps il n'y a plus d'habitants en cet endroit;
deux autres plaques de môme pierre et de môme dimension
avaient été employées... (3). Les matériaux sont trop lourds pour
avoir été ai)porlés de loin, et comme ils sont de même nature,
ils ont été pris à un édifice antique. Quelle en était la nature ?
Etait-ce un petit monument consacré à Poséidon dont le temple
n'était pas éloigné ? Était-ce un tombeau élevé par la ville aux
guerriers des dilTérentes tribus tombés dans un combat ? Cette
dernière supposition me semble la plus probable; aussi ai-je
l)lacé ce texte dans la classe des inscriptions funéraires ».
Sans sortir du domaine de l'hypothèse, on peut, semble-t-il,
trouver les éléments d'une identification vi-aisemblable. Le style
(1) Gell sur son pian (voy. plus loin p. 495, el Vischer {Erinnerungenf p.
324, N'* 2) avaient déjà signalé ces vestiges naUques. -^ Voy. notre plan de la
ville à la fin du volume.
(2) Inscr. du Pélop,, p. 220. ..■..:
(3) Ces trots pierres ont disparu depuis 1868. Ce sont probablement celles qui
figurent, auprès du ponl, sur le plan de Gell. < • ' ...i , . |, •
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 101
des fragments de Tédicule concorde, pour la date, avec celui de
l'inscription. Son caractère funéraire indiscutable, sa position
au bord d'e la grande route de Tégée, à une faible distance des
murs, éveille, en effet, l'idée d'un de ces monuments consacrés
par les villes en l'honneur des guerriers tués à l'ennemi. Si l'on
songe que l'habitude, à Mahtinée, d'enterrer certains morts à la
place où ils étaient tombés, est attestée par les tombes d'Kpami-
nondas, d'iolaïdas et de Gryllos (1), on pensera au combat de
cavalerie qui précéda la grande bataille de 302 et qui, au dire de
Polybeet de Plutarque (2) eut lieu sous les murs même de la ville.
L'avant-garde thébaine s'était avancée sur la route au-delà du
temple de Poséidon et s'apprêtait sans doute à forcer la porte (î,
quand l'alarme fut donnée. C'est donc en avant de cette porle
(|ue l'engagement eut lieu, peut-être dans le terrain môme de
l'jiippodrome, et que tombèrent Gryllos et les autres braves dont
parle Xénophon. Rien n'empêche de croire que, à côté de ses
restes, les Mantinéens joignirent ceux des leurs qui périrent en
môme temps et gravèrent leurs noms sur une inscrii)tion. Ainsi
s'expliquerait le petit nombre des tués, qui serait insuffisant si
l'on songeait à une plus grande mêlée.
« Non loin de l'hippodrome, il y a un stade où l'on célèbre les siadr h Aiésû.
concours en l'honneur d'Antinous (3). Au-dessus du stade s'élève
le Mont Alésion, ainsi nommé de Vi\'f\ (course errante) de llhéa ».
Bien que le capitaine de Vaudrimey ait afïirmé à Puillon-Boblaye
avoir vu au pied de la montagne les traces du sladc, aucun autre
voyageur, n'a eu depuis la chance de les reconiiaîlre. Les seuls
restes qui subsistent sur le terrain plat compris entre la ville
et la colline sont ceux d'une grande église by/anliuc : la carte
spéciale de la commission de Morée les qualilie Rninca hellé-
niques, mais en réalité elles ne renferment pas une pierre
antique.
11 faudrait plutôt rechercher le stade dans le ravin de l'Alc-
sion qui fait face à la porte E. Pausauias aurait dû en parler
plus tôt; mais l'idée du stade lui a été suggérée par celle de
(1) Paus. VIII, lt,4.
• (2) Voy. le récit de In bataille aux appendices.
(3) Pausanias aurait dû mentionner le slnde en décrivant le Xeoxpôpoç de
Neslané, ce qui était plutôt sa place. Ce fait paraît confirmer Curtius dans son
hypothèse sur la communauté des deux routes. N'esl-il piis plus vraisemblable
de supposer que Pausanias a voulu rapprocher la mention du stade do celle de
rhippodidme, 1rs deux monuments similaires, et d'ailleurs voisins.
102
MANTINKE KT L AHCAIUE ORIENTALE.
l'hippodrome, el, comme le stade se trouvait sur TAlésion, il a
été entraîné à |)arlcr de celte montagne et du bois de Déméter
(|u'elle contenait. La [)orte E conduisait donc directement au
stade et au bois de Déméter.
Ravin dn Stiide.
u.^^- 1^^.. A ^ ■"'■'■ .■-
i-H
^*}**'
sr'
Flg. 13.
Vue «le l'Alésion prise du IhcAlre.
Snncluniro
tie Drm^lrr sur
l'Aiésiun .
(( Rt, il y a un liois sacré de Démêler sur la monlagne.» Os
lermes rendeni susfx^cl le lémoi'*:Majj;e de M. de Vaudrimey sur
la |)réscnce de ruines antiques au-dessus de la lonlaine
KoJ/o/ecia, à 16 minules avant d'atteindre le col de l'Alésion.
Nous avons en vain exploré la mtmlagne en quête de ces vesti-
ges. Pausanias d'ailleurs ne parle (jue d'un bois sacré, et non
d'un temple. Kn lait <le ruines on ne pouvait songer qu'à des
resles de périboles ou dcî sièlcs vt)lives, comme celle que Leake
a découverle à Pikerni. La i)lace de ce sanctuaire dans la
descriplion de Pausanias, semble indi(fuer (|u'il couronnait un
des derniers mamelons de l'Alésion (1) plutôt qu'un des soin-
(1) A moins qu'il ne fût encaissé dans ce petit ravin qui coupe en deux
l'extrëmité de TAlcsion. — Voy. plus loin, p. 264.
(le
Poséidon IIippio!i
LES ROUTES HISTORIQUES DECRITES PAR PAUSANIAS. 103
mets voisins de Pikerni. En le localisant près de ce village, on
réloigne d'autant du temple de Poséidon llippios, rùpousc
de Démêler.
, « Près de Texlrémité de la montagne est le temple de Posci- 'r»''"n'°
don Hippios, à sept stades au plus de Manlince (1). » Il n'élail
pas indiflérent de déterminer avec précision l'emplaceineuldu
vénérable sanctuaire. Son rôle historique dans les batailles de
Mantinée ne lui donne pas moins d'importance que sa célébrité
mythologique. C'est un des points les plus intéressants de la
topographie. Pour la distance, le texte de Pausanias est heureu-
sement complété par les indications de Polybo. A propos de la
bataille de 362 (IX, 8, 11), il dit : « L'avant-ganle des Thébains
touchait déjà au temple de Neptune qui esta peine à 7 stades
de la ville, lorsqu'on vit paraître les Athéniens sur la hauteur
qui domine Mantinée.» Puis dans le récit de la bataille de 207 :
« Philopœmen divisa son armée en trois corps ; il fil sortir les
illyriens et les cuirassiers avec les auxiliaires et les evzônes
par la route qui conduisait au temple de Poséidon... Avec les
èvzônes, il occupa tout d'abord la colline, en avant de la ville,
qui s'allonge assez loin pour dominer la roule Xénis (2) el le
temple susdit. . . (XI, 11, 4, 5). . . Sur la même ligne, il rangea
sa phalange en colonnes séparées par des intervalles le long du
fossé qui va du Poséidon à travers la plaine manlinéenne re-
joindre les hauteurs limitrophes du district des Elisphasiens.
Philopœmen fit donner avec vigueur les Tarenlins aux envi-
rons du Poseidion, terrains plats et tout à fait favorables à la
cavalerie... (XI, 12, 6). Les Illyriens el les cuirassiers, rompus
enlièremenl, se rcj)lièrenl en toute hàle sur Manlinée, distante
de 7 stades (XI, 14, 1) (3) ». La colline dont parle Polybe est
(1) Tel est, à mon avis, le vrai sens de la plirase. Les ingénieuses corrections
âe Sch&ler (Demosthênes, u. seine Zeit., III, 2, p. !2), où Tcpôoroj ç' <iTa8uov
MavTivefaç ou celle de Bursian {Geogr., II, p. 216 : où irpôdo) sictaTTaB^ou)
me paraissent nécessaires, surtout étant donné la position que nous attribuons
au Stade. La lecture : où icpodo) SraStou comprise dans le môme sens que les
ternies : où iroppo) toùtou, employés à propos du Stade par rapport à l'Ilippo-
drome, c'est-à-dire n non loin du Stade de Mantinée » supposerait le Stade placé
tout à fait à l'extrémité de l'Alésion, uù le terrain n'est pas propice à un édifice
de ce genre et n'en a conservé nulle trace.
(2) *H Sev(ç, la route des étrangers, autrement dit le plus cuurl chemin vers
la frontière. Cf. la même désignation sur une inscription de la ville d'Alaisa, en
Sicile (C. I. G. 5594, 15 : à o8(>ç à Seviç), dont le nom oITre aussi avec celui
de l'Alésion une analogie curieuse. — Voy. p. 2G4, n. 3.
(3) 7 stades — 1295 m.
104 AIANTINÉI:: ET L'ARCADIE ORIENTALE.
rAlésion ; la Xénis, le Xeaxpoooç de Tcgée. On pouvait sur ces
données précises rechercher avec espoir de succès le temple
dans la plaine, au bout de TAlésion à 1.300 m. environ de la
porte G. En ellcl, à celle distance, sur la rive droite d'un ruis-
selet qui se dirige de la pointe de TAlésion, vers les fossés de
Mantinée, un léger renflement de terrain supporte quelques
cabanes dites Kalyma Mélias, où les habitants de Tsipiana, pro-
priétaires des champs voisins, s'installent pendant les travaux
de la moisson. Dans un de ces champs, nous avons remarqué,
à fleur de terre, deux énormes dalles en pierre calcaire, lon-
gues chacune de 3 moires 1/2, larges de plus d'un mètre,
épaisses de 40 à îiO cent., profondément enfoncées dans un sol
(le sable fin. Des Iracos de gonds et l'usure de la surface supé-
ricîure atlestaicnt ([ue ces pierres avaient servi de seuil de porte.
Lrs fouilles que nous avons faites en tout sens n'ont mis au jour
(|uc des restes confus de menus murs en petits moellons, joints
avec de la terre, (^es restes ne sont pas antiques. Ce sont ceux de
(|uclquesKalyvias tombés en ruines. Mais sur l'identification de
cet endroit avec le site du Poseidion, il ne subsiste aucun doute :
l'^ les pierres en question appartiennent à un édifice antique,
situé à cette place même. Leur poids ne les rendait pas trans-
|)()rtables même à une faible distance ; tout au plus a-t-il été
])ossible de les soulever, pour les adapter à leur nouvelle des-
lination. Nous sommes persuadé qu'elles se rattachaient à la
construction dont Hadrien entoura le temple archaïque tombé en
ruines. Les chicanes du propriétaire actuel (l) nous ont empoché
(1) Un Tsipianile nommé Katris.
Roule de Tégee (Aeoxpopoç).
1» Hippodrome, — 'lôvxi eç Te^éav edxW év àpiTTfipî xy\ç Xeto^ôpou toTç
MavTiv^cov Tcfvcffi /(opiov iç tîÔv ïirTtwv xbv 8p4,aov (VIII, 10, i).
2« Stade. — xal ou Trôppo) toutou dTaSiov... ^Tirep Sa tou aTaSiou to Ôpoç
i(jT\ TO *AXr|aiov xal A"i^ji.7|Tpoç àXaoç Iv Tîji opei fibj,
> Poseidion. — Ilapà Se tou opouç Ta layotTa tou rioaeiowvoç ectti .tou
'Itcttiou to Upbv, où Trpoacj oraSiou MocvTivetocç fsicj.
4« Trop fiée. — népav Se tou Upou tou IloaeiScovoç Tpo7çai6v âoTi Xfôo'j
TreTcotTfjfxévov àirb AaxeSai(i.ovi(ov xal "AytSoç... (VIII, !0, 4).
5" Pélagos. — MeTa Se to UpbvTOu Iloaeiocovoç j^wpfov ûnoSéÇcTaf ff« Spuwv
ttXtjpeç, xaXoùfXEvov IléXayoç' xal êx MavTtvE(aç i\ eç Tsysav oSbç
(pépei Sià Twv Spmov (VIII. 1!. -I).
G*» Aulel'lroniière. — MavTivÊu<Ti Sa 5poi Trpbç TeyeaTaç elcriv b 7repi(pep7|ç Iv
t7, Xewcpopto Pwfiôç (ib.).
E m branchement du temple de Poséidon.
1» Tombeau des Péliades. — VA Se Atto tou lepou tou IloireiSoivoç iç àpia-
LES nOUTRS HISTOniQUES DKCIUTKS PAU PAUSANIAS.
ion
de creuser le terrain à une profondeur sunisaiile ])our aHirmer
que le sous-sol ne renferme pas de vcstij^es plus coni|)l{Ms. Il
ne serait pas sans inlénH <le ref)ren(lre à roi ondroitdes fouilles
plus approfondies; 2» la trouvaille d'un pelil bas-relief repré-
sentant Poséidon assis est particuliôronient siii:ni(iralive, ainsi
que celle du curieux chapiteau archaïcfue reproduit plus bas.
Fig. i4.
lins-iHief volif reprôscnUnt Posoiilon llippii.
3<> Dans le mur d'un des Kalyvias voisins, se Irouvo encasiré
l'acte d'alTranchissemcnt public par M. Fournit cl daté de la
priHrisedu minisire de Poséidon (1). (^c marbre vi d'aulres sans
. inscHptions, épars dans les mêmes cabanes, ont été retirés,
Tcpàv èxTpairTjvai OfiXT^çeiaç, ataoïoii; te yJçsk; iLxki^TT. tcou ttêvts
xai Itû tûv neXîOu Ouyoi'zioM^ ^f^^'(ï "^^'^^ xâcpo'jç (VIII. 11,2).
2* Phnizon. — X<opiov ôe ovo|JLa^o(jLevov <I>oiCo)v ttîsI îtxoTÎ tcou dTaoïovç
TWV Ta^tOV CdTlV aTTCOTÉpo) TO'JTCOV... 0£ 'PoîÇroV |7.VY,{JLX ÉiTt XlOo'J
TreptEy^ojjLevov xpY|7rî5', avé^ov 8e où ttoX'j uTisp ty,; yri; (i/^., îî).
3* Arc'Uhons. — Kaxà touto vj xe ôoôç (JL7.X'.<7Ta ttevy, yivzTOn^ xœi to (JLVY||jLa
Ap7|ï0(5ou XeYO'JTiv eïvai KopuvYjTOu oià tô ottXov ÈTrovofxaaOévTOç.
(I) /fwcr. du Pélop, 352 k.
106
MANTINKE ET L'ARCADIE ORIENTALE.'
comme les paysans nous Tonl affirmé, de l'endroit môme où
nous avons fouillé. La découverte du temple de Poséidon Hip-
pios est donc un fait acquis.
Le lieu répond de tout point aux données de Pausanias et de
Polybe. 11 fait face au talus extrême de l'Alésion et à la porte
que nous estimons être celle de Tégée. Les environs sont complè-
tement plats. Le fossé où périt Machanidas n'existe plus ; il s'est
sans doute subdivisé dans la plaine en une infinité de rigoles
d'irrigation qui en ont diminué l'importance et bouleversé le
tracé. Je ne sais s'il [)assait sous le petit pont soi-disant anti-
que, relevé un peu plus à l'Est, par Blouet, à 1.400 m. au Sud
(le Mantinée (t). Enfm les trous de Milia se trouvent situés
juste dans le prolongement idéal de ce fossé, qu'alimentait
sans doute la source Arné. C'est donc là qu'il devait aboutir.
0.|9
Fîg. 15.
Chapiteau provenant du lemjile de Poséidon Hipplos.
D'après Polybe, la Xénis passait le fossé sur un pont, sans doute
voisin du temple, comme je l'ai marqué sur la carte. Quant à
la source enfermée dans le temple, il n'en reste plus d'autre
indice que la nappe sablonneuse épandue à la surface du sol.
Trophrf. (( En face du temple de Poséidon, est un trophée de pierre
érigé en mémoire de la défaite des Lacédémoniens et d'Agis. »
Ce monument devait être de l'autre côté de la route, c'est-à-dire
vis-à-vis le Poscidion situé à main gauche en venant de Tégée.
Le sens de irepav n'est pas au-delà. Pausanias a l'habitude de
signaler les curiosités du chemin à mesure qu'il les rencontre.
Si le tropliée s'était trouvé plus loin que le temple, la descrip-
tion continuerait à partir du trophée. Au lieu de cela, Pausanias
la reprend à partir du temple, avec l'expression [xerà 81 to Upov,
preuve que le sanctuaire et le trophée étaient à môme distance
sur sa roule.
(1) PuUlon-Doblaye. Rech. géogr,, p. 140.
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 107
«Au delà du temple de Poséidon, vous cMiIroz ou un lieu Bois Pci^gos.
couvert de chênes : on l'appelle Pélayos. Ui roule de Manliuée à
Tégée passe au milieu des chônes. » Le bois Priagos s'avancail
au Nord sur le territoire mantinéen au delà de l'élranglenient
de la plaine, et s'étendant aussi sur celui de Trj^ro. Il s'appuyait
à PO. contre la Kîipnistra, mais il n'occupait pas, semble-t-il,
toute la largeur de la plaine, jus([u'au pii'd du Ménale. 11
s'arrôtait à la roule de Pallantion. L'exisleiue du Pélagos ne
doit pas être oubliée dans le récit des événeineuts niililaircs
dont la plaine a été le théalra II s'op|)osail aux i^^rands déploii»-
ments de troupes. Les batailles rangées n'él aient possibles
qu'à l'intérieur de la Mantinique, au N. du bois, aux environs
du l*oseidion, ou en pleine Tégéatide, enire H(»souna et IJédéni.
Des combats partiels pouvaient seuls sVuga«;<*r à la lisière
occcidenlale, sur la roule de Pallantion.
(( La frontière mantinéenne du roté do Téi^rtî est à l'aulel FronUrre.
rond qu'on voit sur la chaussée ». Pausanias n'indique pas la
distance de cet autel par rapport à iMautinée ; mais comme il
s'arrête à lU stades sur la route parallèle de l'allantioiK on peut
en inférer (|u'il a (ait di) même ici. La fn»nlièi-e elail donc juste
à la partie la ])lus étroite de la plaine.
Comment la rout(». se ccuitinuail (»ll(» en leiiiloire tégéale ?
Uuels sancluaires desservait elle sur son parcours ? On le cher-
cherait en vain dans Pausanias (l). Il a omis dans la description
de Tégée de nous renseigner sur le Irom-on (|ui se serait
raccordé avec le XÊto^ôpo; précédemnuml élu<lié. Cette lacune
prouve, semble-t-il, cjue Pausanias n'est pas allé en personne
au-delà de la frontière mantinéenne jus(|n'à Té-^ée. Son hislo
riquedu temple de Poséidon a élé rédigé d'apivs les .souvenirs
récents laissés dans le [)ays par les travaux illladrien et d'après
des sources littéraires: ta 8è elç tb Upôv toOto £•;(■'• tê kxor^yf yo-i^^u}
xal 6<soi (JLVT|p.*/jv aXXo'. Tiepl aÙTOu 7r67roiT|Vrai.
La roule principale [)arcourue, Pausanias reviiMil en arrière F:,„i,raiiciuMnpiit.
au Poseidion, pourdécrire un chemin laléral (|ui s'embranchait TomUnnx
sur le Xecxpopoç à cet endroit. En elTel la j^'rande chaussétî '*" rèim.ies.
(1) Au-dessous de Néorliori, dans la chapelle dMI** liias, l\ minules avant le
village à droite, Hoss (Reispn, p. 122). a conslalc l'exlslciice d'un leniple de
Poséidon, Uermës, Héraclès (Cf. Viscliep. Krinnrntiuirit. p. 3i2). Sur le pla-
teau rocheux, qui porte le couvent de 1^' Nicolaos Var>ai et qui possède un
kalavothre, aucun reste d'antiquilé n'a été signalé, sauf un acte d'alTranchis-
sèment qui provient sans doute de Mantinéc (lloss. Inacr. gnec. ined., 9).
oooç.
108 MANTINÉE ET L>RGADIR OniENTALB.
laissait de cùlc une imporlanle fraction de la Mantinique, les
deux plaines profondément enfoncées à TE. dans ranfractuosité
des monlagnes : « Si vous prenez à gauche à partir du temple
de Poséidon, au bout de 5 stades environ (925 mètres), vous
arriverez aux t()nil)eaux des filles de Pélias ». Les Péliades
étaient deux, Asléropé et Antinoé. Dans les- vignobles luxu-
riants qui tapissent la vallée, nous n'avons rien retrouvé qui
corresponde à cette indication,
phoîioii ei ^^ Le Heu ^\\l pjioîjron est à environ 20 stades (3700 mètres) de
ces tombeaux... (1) Le Phoizon est un tertre peu élevé, entouré
d*un socle de pieires. Près de cet endroit la route devient très
étroite. On dit que le tertre est celui d'Aréïthoos, surnomméle
Korynèle (le Massier), à cause de son arme favorite », ou bien
(( el Ton dit (ju'il y a là le tombeau d'Aréïthoos, etc.. ». Dans
ce passage, les renseignements de Pausanias nous embarras-
sent plus qu'ils ne nous éclairent. Le texte ne paraît pas sûr :
le nom de Phoizon, en particulier, reste une énigme. Les indi-
cations de dislaucos, d'après les termes mômes de Pausanias,
ne sont qu'ap])roximalives. Du temple de Poséidon, dont rem-
placement esl fixé, il est facile de déterminer à 5 stades dans
la dircclion du S.-K., une première position; elle répondra aux
tombeaux des Péliades. On remarquera que ces tombeaux no
sont pas décrits ; on ne saurait à leur sujet proposer aucune
i(lentin(!alion. De là avec un rayon de 20 stades il faut chercher
à la ronde dans la même direction une deuxième position qui
satisfasse aux données de Pausanias. Du côté de la plaine de
Louka, il n'en est aucune dans ce cas. Le compas, tourné sur la
carte, tombe juste à l'entrée de cette spacieuse encoche. C'est là
(|ue le colonel Peytier déclare avoir observé, sur la route de
ïsi|)iana à ïripolilza, un tumulus entouré de quelques blocs (2).
Ce témoignante est confirmé par M. Comninos, qui signale ledit
tumulus sur l'emplacement d'une chapelle ruinéedelaPanaghia
Phanéroméni, et l'identifie avec les tombeaux des Péliades (3).
En elTet, sur le carton spécial de la plaine de Mantinée et de
Tégée, Puillon-Boblaye a marqué ce tumulus à unç. distance de
(1) H paraît exister là une lacune dans le texte. Voy; p. 105^ hoir. 3". '^
(S) Puillon-Doblaye. Rech. géogr., p. 142.
(3) 'AO-r^vaiov, VIII (1880). p. 269. Iv oï T|| Oédei twv Tacpwv tojv. Ouya-
Tcpwv Tou llfiXiou 6TI xtX vuv SiaxptVÊTai TÛfxPoç, tJtoi awpbç Y7|ç xoXcuvou
8lX7|V, ItçI Tt3 £G7)[JL0xX7|(l((;) TY|Ç navayiaÇ *aV6p(i>|JLév7JÇ. .
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 101)
4.200 m. ou 23 stades environ des murs de Mantincc ; tandis
que, d'après Pausanias, les tombeaux des Pcliadcs étaient à 12
Stades de la ville. Il ne peut donc convenir à la position des xàcpot
des Péliades. De môme la position du Phoizon, situé à 32 stades
de Mantinée, doit tomber plus loin. La tour de Louka, située h
près de 7 kiL ou environ 37 stades de Mantinée, s'en rapproche-
rait davantage. Mais l'aspect du monument de Louka ne corres-
pond pas à la description du Périégète : il se compose d'une tour
d'observation flanquée d'une enceinte quad rangulaire, sanctuaire
ou habitation, le tout assis sur la pointe rocheuse de la colline
d'Iles Géorgios, d'où l'on domine toute la plaine.
Or, d'après Pausanias, on doit se figurer h» fjLvojxa du Phoizon
tomme un tumulus conique, à la base enchâssée dans un socle
de pierres irrégulièrement taillées, à la manière du tomi)cau de
Tantale (1). C'est donc le tumulus relevé par la (Commission de
Morée qui correspond le mieux au signalement dudit Phoizon ;
la non-concordance des distances, telles qu'on les relève dans
Pausanias et sur le carton de la Commission de Morée, peut cire
une erreur, soit de l'un, soit de l'autre : il sérail, en elTct, ulile
de vérifier si le tumulus marqué sur la carte occupe sa vraie
placé.
Quant au monument d'Aréïlhoos et à la dTSîvwTrb; o86ç, on les
identifie d'ordinaire avec le Phoizon, en adoptant le premier
sens indiqué plus haut. Mais la liaison mar()uée paricxpà toùto
n'est pas tellement stricte qu'elle nous oblige à ne faire des deux
positions qu'une seule. On peut très bien acimeltre un certain
éloignement entre le Phoizon et le rélrécisscniont de la route,
sans que irapa cesse d'être vrai.
De môme, il n'est pas nécessaire de confondre le lombeau
d'Âréïthoos et celui du Phoizon. On peut 1res bien admettre
qu'il s'agit d'un autre pTij^a distinct, situé le long de ce chcniîn
rétréci. Il faut bien, en ellet, si l'on veut chercher sur le terrain
la place de cette ôSbç jxxAKiTa a-ctw-f^ s'éloigner rie la plaine de
Louka. L^Quverture de cette vallée est pres(jue aussi large que
là Màntinique. Or, il n'est pas douteux que ToBôç (xàXi<jTa aTev-i] de
Pausanias ne soit la même que la légendaire (rTeivo»7rbç 686ç,
dont l'étroitesse avait empêché le Korynèle de déployer sa
(1) l\y a deux lumulidecegenre dans In plaine d'Orcliomùnc; dont l'un répond
peut-être au tombeau du tyran Aristocrates, Pausan. VIII, 13, 4. -— Joanne,
Grère, II, p. 383.
liO MANTINÉE ET L*ARCADIE ORIENTALE.
massue (1). On ne saurait, sans une trop forte invraisemblance,
assimiler ce passage resserré à la large entrée de la plaine de
Louka. On est donc amené à cliercher autre part. Or, il existe
dans le couloir, qui sert de débouché à FArgon . Pédion, une
petite butte conique surmontée d'une tour médiévale. Ce curieux
rocher se dresse comme un îlot à quelques mètres en avant des
contreforts de TArtémision et vis-à-vis le Stravomyti. Il res-
semble assez à un tertre; sa hauteur est très faible, comparée
à celle des roches environnantes. Des deux côtés le chemin
est très étroit, surtout vers TArtémision. Ces conditions avaient
déjà frappé Lcake qui plaçait le Phoizon dans ces parages, au-
dessous de Tsipiana. A mon avis, au (xvY||jLa du Phoizon, corres-
pond le tumuius de la Commission de Morée. Quant au fxvf||jLa
d'Aréïlhoos, je l'identifierais avec le tertre rocheux, en contre-
bas du monastère do Tsipiana, et la (ttciviotioç o8ôç avec le chemin
qui passe entre les deux.
H ne semble pas (|ue Pausanias ait parcouru lui-même cetle
roule latérale conduisant du Poséidon au Phoizon.
111'». Route dk Mantinéb a Pallantion.
Poiic. La porle de Pallanlion (1) esl la troisième des portes désignées
|)ar Polybe, celle» par où Philoptrinen fit sortir sa cavalerie. C'est
aussi ])ar là quo la roule nationale de Tripolis à Kakouri entre
dans renceinte.
ivingos. « Sur la roule de Mantinée à Pallantion, dit Pausanias, au
scopé. bout de 30 stades environ, le bois Pélagos s'étend jusqu'à la
chaussée. C'est Tendroit où la cavalerie des Athéniens et des
Mantinéens combattit contre celle des Thébains (2). » La dis-
lance de 30 slades (5.550 m.) nous conduit juste à la partie la
plus resserrée de la plaine à l'extrémité de la pointe Mytika.
Comme le bois Pélagos avait été rencontré un peu plus tôt, sur
le Xeuxpôpoç de Tégée, il semble qu'il s'étendait en pointe du
côté du temple de Poséidon ; puis il allait s'élargissant vers l'O.
jusqu'au point où la roule de Pallantion le rejoignait à sa
lisière. Le combat de cavalerie eut lieu dans le coin de la
(1) Iliad, II, !38. - vil, 143. — Voy. plus loin, p. 254 et suiv.
(2) Pausan. VIII, 11, 3. KaTa oe ty,v Iç IlaXXavTiov kx MavTive(aç àyoudav
TTpoeXOôvTi wç Tpiàxovxa ttou <jTa8iouç, Trap'^xei xaxà touto cç T*r)v Xe(i)^(jpov
6 Tou IIeX%YOu( xaXouji.évou SpujJKK, xal xà iTTTrixx rb 'AÔTjvafwv Te xai
MavTivewv IvrauOa 6(jLa)r£aavT0 êvavTia tY|Ç BoicoT^aç Ïtttcou,
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. Ml
plaine compris entre les hauteurs et le bois. Après qu'il fut
tombé, Épaminondas fut porté en un lieu d'où il put suivre les
dernières péripéties de la bataille ; et le nom de Scopé (obser-
vatoire), disait la légende locale recueillie par Pausanias, resta
depuis attaché ù cet endroit (1). Le talus du promontoire de
Mityka qui s'allonge en un seuil très doux jusqu'à la rencontre
des collines opposées est tout indiqué pour cet office.
En eflet, de très longue date, les Mantinéens avaient dû
mettre à profit les avantages de celte position élevée, d'où le
regard domine les deux plaines. L'idée d'en faire un poste-
vigie afin d'observer le territoire tégéale (pirraulion d'autant
plus nécessaire que le Pélagos cachait ce ((ui se passait au delà
de la frontière), fut sans doute <le très boimo heure mise à
exécution. Il n'était pas nécessaire pour cela (hî bâtir une tour
sur la cime môme du promontoire, élevée do 'M)i) m. au-dessus
de la plaine. De fait, elle ne porte aujourd'hui qu'une chapelle
d'Hagios llias, siège d'une panégyrie annuelle. Mais, en coulre-bas
du sommet, à environ 100 m. au-dessus de la plaine, une pctile
terrasse supporte les restes d'une belle tour rarrée (4"» 30 de
côté) en appareil polygonal comme ceux des murs de la ville (2)
et probablement contemporaine de ceux-ci. De cet emplace-
ment, le regard fouille toute la Manlini((uo vX pres(iiie loute
laTégéatide. En cas d'alerte, des signaux pouvaient donner
l'alarme à la garnison de Mantinée. On ne saurait décider si
le récit du transport d'Epaminondas sur celle hauteur est
absolument légendaire, ou contient une part de vérité. En
tout cas, le nom de Sxottt) lui est certainement antérieur et
a suggéré la tradition locale recueillie par Pausanias. De toute
façon, ce n'est ni sur le sommet ni même à la tour que le blessé
put être transporté sans danger, mais plulO)! sur les premières
pentes d'où il pouvait encore dominer le champ rie bataille.
Fiedler et, d'après lui, Philippson (3) se sont uicpris en identi-
fiant Scopé avec la colline de Gourtzouli.
Le héros thébainne lut pas enseveli sur la hauteur où il avait
rendu le dernier soupir. Son tombeau lut élevé à l'endroit où dKpominonda».
la bataille avait commencé (xal «ûtov à^pévxa Tr,v 'fii/V f.Oa'j/av
(1) Pau8. VIII, 11, 4 : OTrôOev Se OLizipXntiw eç aOioù; (ovôjxa^Iov ÎJxoTrYjv
o\ eweixa. — Cf. en Messénie, le lieu dit BaTTOu i]xo7i''ai. Anton. Liber. 23
(Nicander).
(2) Voy. tes ligures 4, p. 8. et 16, p. 112.
(3) Pelop.p 94.
Tombeau
112
MANTINÉE ET l'aRCADIE ORIENTALE.
evOa (j(jp((Tiv eYÊVETo v) •jup.poXTq — VIll, il, 4), c'est-à-dire au point
déjà signalé par l*aiisauias, en contrebas tic Scopé, à la limite
(lu Pélagos (J).
Fig. 16.
Tour (le Mylikft (Sco|k). d«n.it«s ï-oriiiff. Jonrn. of. HelL Stud. XV. («805), |>l. III, fig. I.
Le monument primitif avait Taspcct d'un trophée : une
colonne avec un houclier où était figuré un dragon : « Sans
doute, dit Pausanias, pour indiquer qu'Epaminondas était de
la race de ceux (pi'on nomme les Si)artes », c'est-à-dire un
descendant des héros nés des dénis du dragon semées par
Kadmos. Une inscription béolicnne était gravée sur la colonne.
1/empereur Hadrien en lit élever une seconde avec une épi-
gramme de sa composition. Toutes mes recherches pour retrou-
ver les restes de ce monument ont été vaines. Je n'accorde
aucune créance aux allirmations de mes devanciers, en parti-
culier à celle de Vietly (|ui prétendait avoir reconnu le tombeau
dans la plaine de Tégée, entre les villages de Bpsouna et de
iMandsagra (2).
(1) Voy. le récit de la bataille de 362 aux Appendices. — L oracle signalant
le Pélagos à la défiance irÉpaminondas et celui-ci ne mettant Jamain le pied sur
lin bateau, est une légende louile inspirée par la mort du béros et pur le nom
du bois mantinccn (l^ius. Vill, 11, C).
(2) Puillon-Boblayc, Recherches g éogr,, p. 143. Il est possible que Vietty ait
pris pourle tombeau «l'Épaminondas le temple de Poséidon, Hermès et Uéraclès
signalé par Hoss près de Néocbori. La Commissi n de Morée plaçait le champ
de bataille beaucoup trop au Sud, entre Mandsagra et Bosouna, c'est-à-dire
en pleine Tégéati(i4\
LES ROUTISS HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS.
413
« A un stade au plus du tombeau d'Épaminondas est le sanc-
tuaire de Zeus surnommé Charmon (1). » Les voyageurs (2) ont
signalé, au pied de Mytika des fondations en blocs irréguliers
qui ont pu appartenir au téménos de ce hiéron. Elles ont sans
doute disparu au moment de la construction de la route natio-
nale de Tripolis à Kakouri, qui suit exactement le tracé pro-
bable de Tancienne chaussée de Mantinée à Pallantion.
Pausanias ne mentionne pas l'endroit exact où la frontière
traversait la route. Mais il est probable que le temple de Zeus
Charmon, où s'arrête sa description, marquait le point extrême
du territoire mantinéen, à 31 stades de la porte I.
L'itinéraire précédent a dû être parcouru par Pausanias en
personne : une visite au tombeau d'Ëpaminondas était pour lui
obligatoire ; mais il n'a pas décrit la section de cette roule
comprise dans les territoires tégéate et pallantin.
IV*». Route de Mantinée a Méthyduion.
Temple de
Zeus Charmon*
Frontière .
Les
Klispbasicnii.
« Pour aller à Méthydrion, ville autrefois, aujourd'hui bour- '*««"i« ^•
gade dépendante de Mégalopolis, il y a une route qui pari
de Mantinée (3). » Vis-à-vis la trouée de Kapsia, une porte (K)
s'ouvre à l'ouest de l'enceinte ; en face un petit pont franchit
rOphis, mais aucun sentier moderne ne conduit de là à travers
champs dans la direction des défilés du Ménale.
«Après trente stades de marche, on arrive à la plaine ^'"'"'^'^'^•"'*^*o"-
appelée Alcimédon (4). » Hors des murs, une vaste surlace de
champs couverts de vignobles étend jusqu'au pied des hauteurs
un grand tapis de verdure. Puis s'ouvre le délilé de Kapsia, qui
(1) Pausan. VIII, 12, 1 : tovî rà^ou 8à tou 'EirajxeiViovôa [/.aXiaxà tïou
ffTaSiou \iy\xoç Aïoç à^é<jT7|X6v lepbv éirfxXTjdiv Xapjxwvo;. Après la brève
mention de ce sanctuaire, Pausanias reprend son développement sur le Pélagos,
en énutnéranl les diverses espèces de chênes arcadiens. Il y a i& une sorte de
glose qui ne parait pas à sa place.
(2) Dodwell, II, 421. Leake. Travels, I, p. 100-lUl. Puillon-Doblaye. Recherches
géogr., 142. « Au lieu le plus étroit de la plaine, sur la roule de Pallantion,
sont des ruines de murailles antiques qui n*ont point eu pour destination de
fermer la plaine, mais qui apparUennent à quelque grand cdince. On peut y
placer le temple d'Hercule (to *HpaxXeiov) mentionné par Thucydide, n — Cf.
Ross. Reisen, p. 124.
(3) PauB., VIII, 12, 2.
(4) /&., icpoeXôôvTi hï (TraSiouç Tptàxovxa weSiov te ovo[jLaÇo|i.6vov *AXxi|jl£-
8a)v.
.M.inlince. — 9.
lU
mantinf:e et l arcadie orientale.
monicen pente douce jusqu'à un vallon pierreux, parallèle au
Ménale et séparé de la plaine inférieure par une rangée de
collines basses. Le milieu du vallon est exactement à 30 stades
(5550 m.) de la porte de Méthydrion. On peut donc sans incer-
titude ridenllfier avec la plaine Alcimédon. Ce dernier nom
est celui du héjos, père de Pliialo. Il est assez singulier qu'il
soit resté au nominatif pour désigner la plaine (1). Pausanias
AYdiiii.
Dénié de Knpsia.
Ostrakina.
tt*
«
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V.-*™*
. *■»■
al
É^
t-WSSlV
1
j â..iL^^f (
:.£û^
FIg. 17.
Vue dji Alcimk*. prise du Ihoillre de Maiiliticc.
n'a connu que celle appellation mythique. Il ignore le district
des Elisphasiens, cités par Polybe (2). Au reste, c'est un territoire
de maigres ressources que cette crevasse à demi comblée par
les éboulemenls du Ménale, hérissée de grosses pierres, dévastée
par un torrent capricieux et rongeur (3).
(1) Kayser. Zeitschrift f, Altertfiumwissenschafl, 1850, propose la leçon
'AXxip.680VT0Ç,
(2) Voy. plus loin, p. 128.
(3) On y voit quelques champs de blé. Les extrémités Nord et Sud possèdent
chacune un dégaf^ement, la première sur Lévidi par un petit col assez bas ; lu
deuxième par un sentier montagneux qui s'engage dans les ravines du massif
d'Apano-Kbrépa et bifurque d*un côté vers Tripoiis et le monastère d'Apano-
Khrépa, pur Herthori, de l'autre vers la gorge de rUélisson par Davla.
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 115
Elle n'a jamais dû suffire à nourrir une population même de
peu d'importance. Si les habitants modernes de Kapsia ne
possédaient une |)artie des champs et des vignobles de la f)lainc,
leur. domaine propre les réduirait à la famine. C'est pourquoi
nous supposons que ie district des Ëlisphasiens n'était pas limité
à ce pauvre vallon, mais qu'il comprenait aussi les pentes boisées
de la montagne et les défilés jusqu'aux confins de Méthydrion,
à l'ouest du canton d'Alonistaina.
« Au-dessus de la plaine s'élève le Mont Ostrakina ; sur celte Mom Osirakinn,
montagne, se trouve une caverne, où habitait Alcimédon, l'un grouo ei
des héros (suit l'histoire de Phialo, d'Hercule et de la pie).... De ^'^"^"'*' *^'""'
cet oiseau la fontaine voisine a reçu le nom dcKissa (la pie) (1). »
Leake (2) veut appliquer le nom d'Ostrakina à la hauteur com-
prise entre les défilés de Simiadcs et de Kapsia. D'après lui ce
nom provient des coquilles fossiles de la roche. Mais l'opinion
de la commission de Morée est beaucoup plus vraisemblable.
La colline visée par Leake n'a aucune importance (200 mètres
au-dessus du fond). La montagne d'il»'' ïlias (1981 mèlrcs),
au Nord du défilé de Kardara, est, au contraire, un des massifs
les plus imposants du Ménale. Son sommet gris et pelé, sa forme
arrondie et rugueuse contrastent avec le pic voisin, l'Aïdini, une
pyramide élancée et ])resque lisse. Sa vue éveille une comparai-
son naturelle, celle d'une écaille d'huître. Telle est, à notre avis,
l'origine du mot Ostrakina. Car, pour ce qui est de l'étyinolo-
gie proposée par Leake, elle n'est guère justifiée par la géologie
des roches ménalîennes. 11 eut été intéressant de leconnaître la
caverne d'Alcimédon et la fontaine Kissa. Mais nous n'avons pu
mènera bien cette recherche. C'est aux environs du hameau de
Kardara qu'on aurait, croyons-nous, le plus de chance de les
retrouver.
« A quarante stades, à partir de la source, est l'endroit appelé parosam.
Pétrosaka. C'est la limite entre les territoires de Mcgalopolis et
de Mantinée (3). » Calculée à partir de Kardaia, cette dislance
(7400™) aboutit exactement au col du Mont Phalanthon, au-
(1) Paus. VIII, 12, 2 : xai uicèp tou tteSiou to opo; ècttiv V) 'Offtpaxiva, ev
8e auToJ (TKi^Xaiov... 'E? exeivou 8è yj 7ïX7)aiov Tr/jy^ Kiaca kiio tyjç opviOoç
ovo|JL5r.îeTai. — Voy. plus loin, p. 282.
(2) Peloponnesiaca, p- 229 sq.
(3) Pausan. VIII, 12, 2 : TetrcjapàxovTa 8k oltio tt,ç Trr,Y*r|(; <TTà8ia àcpsdTiqxs
JleTpodâxa xaXou{xevov /(opiov ' M6YŒXo7roX'.T(r)v 8k x7.\ MavTivecov oooç
e<jTtv •/) IIsTpoaxxa.
116 MANTINÉB ET L'ARGADIB OniENTALE.
dessus d'Alonislaina. Toutes les cartes ont tracé la frontière de
Mantince sur Je dos du Ménale. Mais on doit admettre qu'elle
so prolongeait, du moins au N.-O., au-delà du district ména-
lien, dépendance de la Mantinique. I-.a vallée supérieure de
rilélisson n'appartenait pas à Méthydrion, dont le Phalanthon
est, à l'Est, la limite naturelle. A l'époque de sa toute-puissance,
dans la première moitié du V*^ siècle, Mantinée. avait rêvé et
accompli l'annexion de la Ménalie, et môme delà Parrhasie. Les
villes de ce lerriloirc sont mal connues. Le bassin de l'Hélisson
n'est pas une vallée continue, mais une gorge tourmentée, subdi-
visée en plusieurs compartiments : le canton supérieur, corres-
pondant au district d'Alonislaina, est un pays à part où Ton ne
peut placer aucune des villes antiques citées par Pausanias dans
son itinéraire deMégalopolis à Méthydrion (1). Le canton ne peut
être que celui des Élisphasiens de Polybe, relié par le défilé de
Kardara à la plaine Alcimédon. Il était resté ù Mantinée, au
temps de Pausanias, comme un débris de ses anciennes posses-
sions dans la région ménalienne.
Celte route de Mantinée à Méthydrion est une des plus pitto-
resques des environs de la Haute Plaine. Au-delà de Kardara,
misérable hameau de charbonniers (196 hab.), le chemin pénètre
dans une gorge sauvage entre les flancs boisés de l'Ostrakina et
l'Aîdini. Il suit le lit caillouteux du Xérias. On arrive au bout
d'une heure et quart au col du Ménale. La vue s'étend à l'Ouest
sur une région houleuse où des mamelons gris, rougeàtres et
pelés sont vêtus de rares mélèzes. A gauche les pentes de l'Aî-
dini s'arrêtent brusquement comme une muraille de roches aux
tons fauves. On descend dans une vallée tourmentée, en laissant
à droite une jolie colline qu'esciiladent les sapins jusqu'au som-
met couronné par les chapelles d'il®» Andréas et d'JI* Triada. On
franchit un torrent, affluent de l'Hélisson, et l'on remonte le
versant du Phalanthon, en passant par le gros village d'Alonis^
taina, d'où s'échappe en mugissant une source abondante, qui
va grossir un bras de la rivière. Ce dernier ravin d'une fraî-
cheur exquise, conduit en une demi-heure au col du Phalanthon
d'où l'on domine la plaine onduleuse et crevassée de Méthy-
drion. C'est sur ce point que devait se trouver la frontière Man-
tinéenne. Quant à l'endroit appelé Pétrosaca, c'était sans doute
(I) La dernlérodes villes mentionnées par lui correspondrait à Plana, suivant
Rangabé (Excursion m Àrcadie, p. 109), et non à Llbovlsl. comme le propose
Cuilius. Voy. sur le MaivdXiov weSiov : iMvm^.Joum.ofheLstud, 1883, p. 76.
et snncluaîre
d'Arlénits.
de Gourlzouli).
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 117
une petite place forte, une noXi^vn dépendant des Élispliasicns.
Etienne de Byzance (1) rappelle yy^io^, et dit que Tethnique était
ncTpoaaxaîoc. C'était donc un lieu habité.
La route précédente ne rentre pas, senible-t-il, dans la axiv-
gorie de celles que Pausanias a parcourues lui inùine. Tous les
éléments de sa description paraissent être lires de seconde
main.
V". Routes de Mantinée a Orchomenb
«Outre les routes précédemment décrites, il y en a deux Pn«M«fti»FnouTt
autres vers Orchomcne. Sur Tune, on trouve le stade dit de ^*««'« «*• Ln|»a«
Ladas, qui est Tendroit où Ladas s'exerçait à la course ; tout
auprès, il y a un hiéron d'Artémis, et à droite do la roule une
butte élevée ; c'est, dit-on, le tombeau de Pénélope (2). »
Les deux portes (A, B) qui correspondent à ces deux roules Tombonu
font face à la colline de Gourtzouli. Elles sont dislanlcs de 400 ^c PAnéiopo
mètres. C'est, nous allons le prouver, par la ])lus orienlale (B) ^ ^^"""'^
que nous devons commencer. Du stade de Ladas et du hiéron
d'Artémis, il ne subsiste rien. Ils étaient à gauche de la roule.
Quant au -pï^ yj^v-^ û'f-rjXôv dont la tradition locale faisait le tom-
beau de Pénélope, la butte de Gourtzouli est hî seul accident
de terrain qui puisse lui être assimilé (3). IVaprès l'opinion
accréditée par la Commission de Morée, cette hauteur répon-
drait à la Ptolis, la citadelle de Mantinée. Mais rien n'est moins
prouvé. La forme de cette colline, arrondie en cùne régulier,
lui donne une étonnante ressemblance avec un tumulus gigan-
tesque (4). Elle n'a jamais pu servir de base à une inslallalion
de quelque importance. Les flancs en sont abrupts, la nionlée
(1) Sleph. Byz. IleTpoaàxa, x^opiov *Apxa8iaç ' ô olxYjTO)p IlsTpodaxaîoç.
[t] Pausan. VIII. 12, 3 : 'EttI 8à 68oTç raïç xaTçtXcYjjiÊvaiç 5iJ0 iç '(^p/o-
fi.ev($v cldiv aXXat, xal xr^ jiév I<xti xaXoù|i.evov Aa8a Txot^iov, èç o liroiEtTO
AdtBaç fAtX^TY)v 8p<J[i.ou, xal irap'auTb Upbv 'ApTéji.tôoç; xal èv 8e$iï tyjç
ôSoo YTjç X^l^^ û^TTjXdv • IlTjveXoTnriç Se fiîvat Tct^ov cpaaiv.
r (3) Ces Ugnes étalent écrites depuis longtemps (novcmbro 1894) quand |*ai
eu connaissance (août 1895) de l'article de M . Loring {Journal ofhellen. Studies,
1895» ,p. 84) où il. arrive de son cété à la même r.oncJusIon. Avant d'avoir serré
de près le texte de Pausanias, )*ayais autrefois suivi dans le Guide Joannc [Grèce,
U, 1891, pi. 381) Topinion courante.
(4) Un exemple analogue de butte naturelle assimilée par la légende à un
tumulus héroïque est fourni par le tertre de Khrysovilsi où Ton plaçait le
tombeau de Kallislo(nangabé. Excursion en Àrcad., p. 109). Voyez aussi le
tombeau d'Aréîthoos. Sur ridenUté de Pénélope et d'Artémis, voy. p. 'SAli
118 MANTINÉE ET l'ARCADIE ORIENTALE.
incommode ; le sommet trop pointu suffit tout juste à la petite
chapelle qui le couronne. On ne retrouve aucune trace d'un
travail quelconque pour aménager une plate-forme un peu
plus spacieuse, et sur les flancs, aucun vestige de fortification
ni de soulènemcnl. Quant à dire que cette butte était l'Acropole
désignée de la ville située en plaine, c'est ne tenir nul compte
de l'état des lieux. Le centre de la colline est à mille mètres en
dehors de l'cnccinle. Elle n'a jamais été comprise dans le tracé,
ni de l'ancienne, ni de la nouvelle Mantinée; elle n'a pas été
reliée au système défensif imaginé par les ingénieurs d'Epami-
nondas. Son éloignemenl la rendait inutile, en cas de siège, à
l'ennemi comme à l'assiégé (1).
La roule ancienne ainsi que la chaussée actuelle de Tripolis à
Kakouri, passait au pied de la butte ; on l'avait à main droite en
allant à Orchomène.
pioiis. (( A partir de ce tombeau, il y a une petite étendue de plaine,
et au milieu de la plaine une monlagne qui porte encore les
ruines de l'ancienne Mantinée : l'endroit s'appelle aujourd'hui
Plolis (2). » En eflet, ù 2000"™ au N. de Gourtzouli, on rencontre
une seconde colline isolée, moins haute de moitié et plus étalée
que la précédente. Bien qu'aucune ruine n'y ait été remarquée,
on peut admettre, avec Leake, que la position était propice à
l'établissement d'une ville primitive. En tous cas c'est celle qui
concorde le mieux avec les indications suivantes de Pausanias.
Kontnine « ^H s'avauçaut quclque peu au nord de ce point, on trouve la
Aifticoniéneia. sourcc d'AUilcoméncia (3). » — Nous avons signalé (4) deux
sources qui |)euvenl répondre a la fontaine Alalcoméneia : 1*» la
source Karyda, située, d'après Virlet (5), à 1.200 mètres au S. de |
Kakouri et à ÎJ.ÎiOO mètres des ruines de Mantinée ; 2^ la source
(1) Voy. plus loin, p. 13i. — Lenke avait défendu la môme opinion {Pelop.,
p. 281) ; ses arguments me semblent avoir gardé toute leur force.
<2) Le texte de Pausanias {VIII, 12. 4) : tou xa^ou Se tysTott toutou ictoiov
ou [t'iyoL, xal oûoç 6<jtiv ev tw weB^o, Ta Ipema Iti MavTtv6(aç ijfov tîjç
CL^yninç ' xaXêiTai Se to ytopiov touto è^ * Y)(jl(ov HtoXiç, pourrait être corrigé,
comme le propose Lenke, delà façon suivante : eyeTat toutou iceS(ov, xal opoç
ou [/.iyoL. X. T. X. Le simple déplacement do la virgule après ttcSiov ne donne-
rait pas une construction bien correcte. M. Loring rappelle que pausanias qua- |
lifie la butte du Krésion, en Tégéatlde, de opoç où \t>iyoL (Vlll^ 44, 7). •
(3) Pmus. VIII, 12, 4 : xaTa Sk to wpbç àpxTOv auT^ç irpoeXôovTi bSbv où
(xaxpàv 'AXaXxojjieveiaç k<sT\ 'Kr\yy\.
(4) Voy. plus haut, p. tiO-51.
(5) PuillonBoblaye. Rfich. géogr., p. 149.
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS.
119
marquée sur notre carte et un peu plus rapprochée de la Ptolis
semble mieux répondre au TrpoeXôôvxi ôobv où (jiax&àv de Pausanias.
Ces mots, en tous cas, se comprennent 1res bien, si Ton prend
pour point de départ la dernière colline. Mais si Ton vise celle
de Gourtzouli, ces termes, appliqués alors à une dislance de 4
kilomètres ou 22 stades au moins, paraîtront bien imt)roprcs,
surtout en un pays où les plus longs trajets ne dé|)assent guère
30 ou 40 stades de la capitale à la frontière.
(( A 30 stades de la. ville (1), sont les ruines du bourg appelé
Maira. Cette distance (5550 m.) conduit exartoinent aux pre-
mières maisons situées en contre-bas du village de Kakouri,
à rentrée de la passe. Là, sur un petit mamclou qui traversait
Tancienne route, Virlet avait remarqué (v les soubasseuicnis
d'un temple et diverses ruines (2). o Rien de tout cela ne figure
sur le carton spécial de la Commission.
La bourgade antique dominait donc la lisière de la plaine,
tandis que le village moderne de Kakouri est plus au nord sur
un bastion rocheux au croisement de deux ravins lorrenlicls. La
frontière coupait la gorge de Kakouri vers le milieu. Ce passage
était carrossable, car la montée est peu sensible. On passe pres-
que de plain pied de la Mantiniquedansla plaine d'Orchoinènc,
avantage qu'on pouvait acheter au prix d'un détour. Mais cette
route en avait un autre, plus précieux encoie : traversant la
partie la plus haute et par conséquent toujours sèche de la plaine
mantinéenne, elle restait praticable en toute saison, tandis ((ue
la partie occidentale, en hiver, devenait boncîiiso et peu siire.
(( Reste l'autre route d'Orchomène, celle qui rcnconlre le Mont
Anchisia, et, au pied de cette montagne, le tombeau (rAnchise...
Près du tombeau d'Anchise sont les ruines d'un sanctuaire
d'Aphrodite (3). » Cette route partait de la porte A et Iraversait
la plaine presque en ligne droite jus(|u'au i)ie(l de rAnchisia. A
gauche s'étendait la partie la plus basse de la Manlini(|ue, au-
jourd'hui le Kanilws lis Milias (Champ du Poinmier). Submergée
en hiver, détrempée tout l'été, elle est le résjMvoir marécageux
des eaux que les katavothres refusent d'absorber. L'Ophis, le
Maira.
Druxikmr nOUTF
d'Oirhoniènc.
Tombeau
d'Anchise el
snnclnnire
d'Aplirodilc.
(!) Schubarl, dans son édiUon, a eu lori d'écrire : tY|Ç 11t(5X£(0(;, au lieu de
TT|ç 7t(iXe(i)ç, leçon des anciens lexles.
(2) Puillon-Bobiuye. licch. géogr., p. 149.
(3) Pausan. VI II, 12, 5 : AetTcexai 8è Iti t(ov ôôcov tj èç '0(>/op.£vdv, xaO '
YjvTiva 'AyyialoL tê opoç xai 'AyyJ.(50\j jxvT|p.à Igtiv Otto tou opouç toÎç
'KOdfv. . . Ilpbç 8e TOU 'Ay/idou T(p xot^o) epeiTria ectiv 'A<ppo8iT7); Upou.
120 MANTINKE ET l'ARGADIE ORIENTALE.
ruisseau de Pikerni, la source et le ruisseau de Sartsi, ne la
laissent jamais à sec(l). Aussi le mais et le hachisch y prospè-
rent dans rhumidité. Au bout de 6 kilom. (32 stades) on atteint
le pied de TAnchisia, à une auberge marquée sur la carte de la
Commission de Morée sous le nom de Khani de Bilaï (2).
Des pierres de taille antiques sont encore reconnaissables
parmi la bûtisse moderne. Aussi tous les voyageurs sont-ils
unanimes à idcnlificr cet emplacement avec celui du temple
d'Aphrodite. Aussitôt après, le chemin actuel (route dé Tripo-
lis à Patras), gravit la pente abrupte de l'Anchisia, haut d'en-
viron 150 mètres au-dessus de la plaine. On arrive après une
montée de 20 minutes à un col où devait passer la frontière
entre Mantinée et Orchomène.
MoniAnchisu. (( Lcs limitcs dcs Mantinéens du côté d'Orchomène sont sur
les Anchisiai (3).
Temple d'Aricmis « Sur Ic territoire orchoménien, à gauche du chemin qui des-
Hymnin. ccnd dcs Auchisiai sur le penchant de la montagne, se trouve
le temple d'Arlémis llymnia : il est communaux Orchoméniens
et aux Mantinéens (4). » En elTct, à la descente de l'autre revers,
la route directe d'Orchomène (Kalpaki) croise un chemin qui se
dirige à l'Est du côté de Lévidi (Élymia). A 1.300 mètres du
croisement se détache de l'Anchisia une petite butte ombragée
d'arbres et couronnée d'une chapelle. Là est l'emplacement
probable du temple. La Commission de Morée parle de sou-"
bassements antiques sous la chapelle ; nous ne les avons pas
reconnus.
Les deux routes précédentes devaient se rejoindre sur le
territoire orchoménien, au pied du Trachys. Il semble que
Pausanias les a parcourues toutes deux en personne. C'est par
{{) Puillon-Boblaye (Recherches géogr., p. 142) semble rapprocher ce fait du
nom des Élisphaslens « nom peut-être altéré d*undème qui occupait remplacement
marécageux, au couchan' de Mantinée. » Il est possible, en effet, que tout ce
district dépendît, autrefois comme aujourd'hui, du bourg installé sur l'empla-
cement de Kapsia. Car Jamais cette partie de la plaine n'a pu être habitée :
tout au plus pouvait-elle servira la culture. ,t , i (,.
(2) Aujourd'hui Tou ToupvtxioSTir). ; •
(3) Paus. VIII, 12, 5 : xai MavTiv:(ov opoi irpoç 'Op)(OiLt^lo\iç xal év roilç
'Af/itsicLiç êidiv. — Le nom de la montagne était y) 'Ayyniioi ; le col, qui la
divisait en deux, s'appelait al 'Ay/KrioLi,
(4) Paiisan. VllI, 13, 1 : 'Ev Be ty^ X^?^ "^TÎ 'Op;^o|JL6v(u)vi ^v àpicrrEpa ttjç
ôSou TTjç ino 'Ay/wioîv, h utttÎco tou opouç ro Upov iaxi tt|ç rjiviaç
'ApT6[Xl80Ç. ..•>..•••■.. V '
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 121
la seconde qu'il a passé du pays de Mantinée dans celui d'Orcho-
mëne.
Le tracé précédent des deux routes d'Orchomène concorde théorie de unk^
de tout point avec les données positives de Pausanias. Les *' **'
distances qu il indique s y retrouvent sans le moindre écart.
Notre combinaison dilîcre de celle qu'on avait adoptée jusqu'ici
en ce qu'elle reporte les deux voies h Toucst des buttes de
(îourtzouli et de la Ptolis. Cet amendement me paraît imposé :
lo par la mention du y/5aa •ff\<: à droite de la route ; 2° par
Toriéntation N.-O. des deux portes (A, B) de la ville qui regar-
dent rOrchoménie. De lait, aujourd'hui la route nationale mo-
derne de Tripolis à Kakouri qui sort de Mantinée entre ces deux
portes est obligée d'incliner sensiblement vers TE. pour côloycr
à rO. la base de Gourtzouli et celle de la Ptolis. Elle coïncide
assez exactement avec le parcours de la plus orientale des
routes de Pausanias. L'étude du terrain, jointe à celle de Pau-
sanias, semble favorable à notre tracé.
Cependant M. Loring (1), tout en reproduisant les anciens
tracés de la Commission de Morée, propose de leur adapter la
combinaison suivante : 1<» la route Ouest, qui aboutit au Khani
de Bilaï et prise d'ordinaire pour la route de PAnchisia, devient
celle dé Maira.' Pour cela, il transporte Maira aux environs
dudit Khani; 2*^ la route Est répond à la roule de PAnchisia.
Par suite PAnchisia est lui-même reporté au Mont Arméniadès
et le temple d'Aphrodite, avec le tombeau d'Anchise, émigrent
aux alentours de Kakouri. C'est en somme une transposition
sur l'ancien thème topographique du texic de Pausanias.
M. Loring il est vrai^ prétend non pas transposer, mais redresser
une transposition traditionnelle et mal (ondée. En eflet, Pan-
cienne théorie suppose de la part de Pausanias une infraction
à son plan descriptif. Or, tandis qu'il a énuméré dans leur
ordre topographique, à partir du coin N.-E. en passant par l'E.
et le Sud, toutes les voies rayonnant autour de Mantinée,
pourquoi romprait-il cet ordre à la fin? Pourquoi la roule qui
est, par l'orientation, la dernière du cycle, prendrait-elle dans
le texte le pas sur l'avant-dernière ? — Celte objection ne me
parait pas décisive. Pausanias, devant passer en Orchoménie,
sait qu'il trouvera sur sa gauche, presque aux confins des deux
territoires, le temple d'Artémis Hymnia. Ce sanctuaire, commun
(1) Journ, of. hellen. Stud. XV (1895), p. 84.
122 MANTIflÉE ET L'ARCADIE ORIENTALE.
aux deux Élals, lui sert de transition d'un chapitre à l'autre,
transition nullement artificielle, mais obligatoire, puisque
rédifire est le premier qu'il rencontre au delà de la frontière
manlinéenne. H s'arrange donc de façon à terminer la descrip-
tion delà Manlinique par l'itinéraire le plus voisin du temple,
c'csl-à-dire par sa route de sortie.
Maintenant, doit-on adopter comme telle celle de Kakouri
identifiée au chemin de l'Anchisia par M. Loring? En ne tenant
compte ni de Torienfation des portes (1), ni des chemins moder-
nes, ni de rcxislence de Kakouri et des sources voisines, on
pourrait prétendre d'une part qu'au temple d'Aphrodite et au
tombeau d'Anchise répondent le mamelon et les ruines signa-
lées par Virlet; d'autre part que le Khani de Bilaï et ses vestiges
antiques tombent précisément ù 30 stades de Mantinée; qu'ils
réjmndcnt donc aux ruines de Maira, enfin qu'à la httjytq d'Alal-
coménéia correspond le puits voisin (2) du khani.
En somme, alistraclion faite de toutes les dilTicultés de détail
que le tracé de M. Loring ne résout pas, la question décisive
reste celle de remplacement de Maira. Ce bourg est-il susceptible
du déplacement |)roposé? Je ne le crois pas. pour plusieurs
raisons : \^ Reporté au Khani de Bilaî (et môme un peu plus
au Sud), installé en ])laine (car ni la dislance ni la montée ne
permettent de le reculer plus au Nord), situé à la descente
du col, ce village se serait trouvé dans la pire position défensive
qu'on puisse imaginer à l'égard des Orchoméniens. Il aurait eu
à craindre tontes les surprises d'un ennemi dévalant de la mon-
tagne en avalanche. Or, tous les autres bourgs de la plaine sont
situés dans une position dominante ; 2<> cette partie basse de la
(1) On pourrait, (\ la rigueur, alléguer la porte G et le chemin qui en Rorl,
d'après le carton de la Commission do Morée, pour contourner ft VEst, les
deux buttes. Mais alors, des deux portes A et B, rune demeure sans emploi.
(2) Encore cette position nVst-elle gu^re satisfaisante, eu égard aux termes de
Pausanias : xol-zol oï Ttpbç apxTOV aÛTTJç (de la Ptolis) TcpoeXbdvTt 6$bv où
|xaxpàv. Rn edct : i« la Ptolis est bien loin sur la droite de la route, qu'on est
censé suivre k parUr de Gourtzouli, pour être décrite sur cette route plutôt
que sur l'autre, qui passe tout auprès. [On peut, il est vrai, répondre par
l'exemple de rAlcsion et du Stade et corriger le texte (voy. p. i18, n'» 2)| ; 2» la
direction est transversale, N.-O., non pas Nord, surtout prise de la Ptolis pour
aller au Khani. On reproche à Pausanias de manquer de boussole Raison de plus
pour ne pas réclamer quand il prend la peine de nous orienter; S** enflu, entre la
Pttdis et le Khani, on compte plus de 3 kilomètres, soit 17 ou 18 stades. Cest
une distance, surtout pour la Mantlnique. Or, Pausanias dit : irpocXOovxi bSbv
où (Jiaxpav. Que d'invraisemblances I
LES ROUTES HISTORIQUES DÉCRITES PAR PAUSANIAS. 123
plaine, inondée en hiver, ne comportait aucun olablisscment
fixe : toutes les eaux venues de TKst s'y donnent rendez-vous.
Route impraticable en hiver, séjour malsain en tout lemps, tel
eût été Tapanage de Maira ; 3** enfin, il n'y a pas d'autre trace
d'une habitation permanente à cet endroit que le Khani où les
agoyates et leurs bêles viennent boire le cou|) de la montée ; au
contraire, de l'autre côtéKakouri existe en un point où la pré-
sence d'une TcoXtyvT, s'imposait pour défendre le défilé. Maira s'y
trouvait à l'abri d'une surprise et dans une position saine ; 4°
Après Maira, Pausanias ne dit rien de la fronlièrc. Si Maira eut
occupé le site du Khani, il y aurait là une lacune, ]>uis(iue la
frontière devait courir sur la crête du col. Avec Maira posfc-
frontière dans la cluse de Kakouri, cette mention devenait
superflue (l).
Pour toutes ces raisons et d'autres que la seule vue de la
carte suggère, il me semble impossible de placer Maira ailleurs
qu'à Kakouri, et par suite d'adopter sur les routes de Mantinée
à Orchomène l'interprétation de Leake, re[>rise par M. Loring.
Elle soulève trop d'invraisemblances pour un scrut)ule de
symétrie arbitrairement prêté à Pausanias.
VI*. Autres chemins omis par Pausanias.
Les itinéraires que nous venons de laisser en revue sous la
conduite de PaUvSanias ne donnent pas une idée complète du
réseau mantinéen. Il existait d'autres voies de communication
dont le Périégète n'a point |)arlé. Au sud, enire les deux
Xewcpôpot de PallantioQ et de Tégée, un chemin desservait le
milieu de la plaine et aboutissait sans doute au fond de la
(1) M. Loring, en donnant le nom d'Anchisia ait moderne Arméniadis, semble
vouloir rendre hommage à rimporlance do cpUc montagne : « a conspicuous
landmark visible (rom ail paris of llie Manlineian fibiiii. » l'rêcisétmenl, cette
importance me paraît hors do proporUon avec le pcrsonnaj^e d'Anchise. C'est
vouloir infliger à la montagne le nom du ridicnius mus. Les héros avaient
droit aux lionneurs d'un tertre, d'un yM[t.<x. y'^jÇ naturel ou arlinciel, comme
ceux de l^énélope, deCalllsto,d'Arcîthoos; mnis 1rs ^rnnds monts appartenaient
aux dieux. La hauteur qui domine le Kliani de i3iiaî, avec ses proportions plus
modeslps, convient mieux au vieux Dardaiiicn. De pins, on doil remnrquer que
Pausanias est capable de pasher auprès des montagnes les plus colo>>ales sans
éprouver le besoin de savoir ni de nous dire leurs noms. De touie façon, l'ar-
gument est p:'U fonde : mieux vaut continuer à considérer l'Arméniadis comme
partie du Trachys. — Voy. sur Maira et Alalcoménia, p. 273.
124 MANTINÉE ET l'ARGADIE ORIENTALE.
Tégéatide, au bourg des Manthyréens. A TEst, un raccourci
gravissait directcrnenl TAlésion par un ravin qui fait face à la
poterne voisine de la source Varéli, suivait un sillon intérieur
de la montagne, desservait le stade et le bois de Déméter, et
rejoignait la route de Nestané dans TArgon Pédion. Au Nord-Est,
un autre chemin contournait la butte de Gourtzouli à TEst, et
gagnait le point de suture de TAIésion et de TArméniadis: de là
il montait, par un ravin rocailleux, à un col fort élevé (1115 m.)
entre TArméniadis et le Lyrkeion et redescendait dans la vallée
d'Aléa. A TOuest un embranchement de la route de TAnchisia
conduisait à la plaine Alcimédon par le défilé de Simiadès ; de
la obliquait au Nord pour aboutir à Élymia. De même un autre
chemin bifurquait de la route de Méthydrion dans la partie sud
de la même plaine, puis se subdivisait en plusieurs sentiers
qui donnaient accès, d'une part dans la gorge de THélisson,
dans le pays de Mainalos (aux Triodoi) et de là dans la Parrhasie
et le pays de Mégalopolis, d'autre part dans la plaine d'Aséa.
Il va sans dire que nombre de sentiers vicinaux reliaient entre
elles les parties éloignées des routes principales et donnaient
accès dans les coins les plus reculés de la plaine. Les bourgs
devaient communiquer directement entre eux ; aujourd'hui,
par exemple Pikerni et Kakouri sont rattachés par un sentier
particulier.
Chnpiipaii provpnnnt du temple de PoMidon'IIippioi.
• i .|-..<; ' -i I .■•• I 'i
i'
\ • ' ; . ■
CHAPITRE II.
LE TERRITOIRE DE L ETAT MANTINEEN ; LES FRONTIËHES ;
LES DÈMES.
Nous avons exploré la Mantinique en tous scns,sous la conduilc
de Pausanias, des confins jusqu'à la ville el de la ville aux con-
fins : nous en avons visité tous les recoins et reconnu tous les
détails. Il nous reste à rejoindre par une ligne continue de fron-
tières, le point terminus des roules paicourues et h circons-
crire en un circuit fermé Tensemble du territoire. Grâce au soin
que prend le Pcriégète de signaler à des dislances et en des
points précis la présence des bornes-limilcs, il n'y a guère place
à l'incertitude.
Le cadre des chaînes frontières, qui bornaient le territoire
mantinéen, enfermait un rectangle de 25 kilorn. de cùlé de l'O.
à TE., sur 14 kilom. de hauteur du S. au N. cl d'une superficie
totale d'environ 325 kilom. carres. Au N. il louchait à l'Orcho-
ménie ; la crôte de TAnchisia marquait de ce côté la frontière (1)
à l'Est, la frontière entre l'Argolide et la Mantinique suivait
la crôte qui rejoint le Lyrkéion et le Krcopolon, descendait
avec le col franchi par la roule du Prinos dans le ravin de
rinachos supérieur qu'elle côtoyait près de ses sources (2); puis,
laissant en dehors l'Artémision sur le territoire argien, elle
escaladait la crôte dentelée du Kréopôlon. Ensuite elle inclinait
vers le S. -0^, sans douté en suivant le talus N. du plateau en
bastion qui porte le monastère d'il*»» Nicolaos de Varsai. Après
(1) Kal MavTivewv ô'poi irpbç Op)^0[X6viouç xal év rafç 'AyyiaioLiç elirtv,
(VIII, 12, 5).
(2) VIII. 6, 2.
124 MANTINKE ET l'ARCADIE ORIENTALE.
Tégéatide, au bourg des Manthyréens. A l'Est, un raccourci
gravissait directement TAlésion par un ravin qui fait face à la
l)Oterne voisine de la source Varéli, suivait un sillon intérieur
de la montagne, desservait le stade et le bois de Déraéter, et
rejoignait la route de Nestané dans l'Argon Pédion. Au Nord Est,
un autre cliemiu contournait la butte de Gourtzouli à TEst, et
gagnait le point de suture de TAlésion et de TArméniadis : de là
il montait, par un ravin rocailleux, à un col fort élevé (1115 m.)
entre TArméniadis et le Lyrkeion et redescendait dans la vallée
d'Aléa. A TOuest un embranchement de la route de TAnchisia
conduisait à la plaine Alcimédon par le défilé de Simiadès ; de
là obliquait au Nord pour aboutir à Élymia. De même un autre
chemin bifurquait de la route de Méthydrion dans la partie sud
de la môme plaine, puis se subdivisait en plusieurs sentiers
qui donnaient accès, d'une part dans la gorge de l'IIélisson,
dans le pays de Mainalos (aux Triodoi) et de là dans la Parrhasie
et le pays de Mégalopolis, d'autre part dans la plaine d'Aséa.
Il va sans dire que nombre de sentiers vicinaux reliaient entre
elles les parties éloignées des routes principales et donnaient
accès dans les coins les plus reculés de la plaine. Les bourgs
devaient communiquer directement entre eux ; aujourd'hui,
par exemple Pikerni et Kakouri sont rattachés par un sentier
particulier.
Fig «8. ■ "
Chn|iilpan provpnnnt du temple de Poséidon tlippios.
. .:• .'i
CHAPITRE IL
LE TERRITOIRE DE L ETAT MANTINEEN ; LES FRONTIERES ;
LES DÈMES.
Nous avons exploré la Mantinique en tous scns,sous la conduilc Us froniièrcv
de Pausanias, des confins jusqu'à la ville et de la ville aux con-
fins : nous en avons visité tous les recoins et reconnu tous les
détails. Il nous reste à rejoindre par une ligue continue de fron-
tières, le point terminus des routes parcourues et à circons-
crire en un circuit fermé l'ensemble du Icrriloire. Grûcc au soin
que prend le Périégète de signaler à des dislances et en des
points précis la présence des bornes-limites, il n'y a guère place
à l'incertitude.
Le cadre des chaînes frontières, qui bornaient le territoire
mantinéen, enfermait un rectangle de 25 kiloin. de coté de TO.
à l'E., sur 14 kilora. de hauteur du S. au N. et d'une superficie
totale d'environ 325 kilom. carres. Au N. il touchait à TOrcho-
ménie; la créle de l'Anchisia marquait de ce côté la frontière (1)
à l'Est, la frontière entre TArgolide et la Mantinique suivait
la crête qui rejoint le Lyrkéion et le Krcopolon, descendait
avec le col franchi par la roule du Prinos dans le ravin de
rinachos supérieur qu'elle côtoyait près de ses sources (2) ; puis,
laissant en dehors l'Artémision sur le territoire argien, elle
escaladait la crôte dentelée du Kréopùlon. Ensuite elle inclinait
vers le S. -0., sans douté en suivant le talus N. du plateau en
bastion qui porte le monastère d'H<>« Nicolaos de Varsai. Après
(1) Kal MavTivewv 6'poi Tcpbç Opp^ojicviouç xal év xaiç ' Ayy\.a'.(xi^ clatv,
(Vni, 12, 5).
(2) VIII. 6, i.
126 MANTINÉE ET L^ARCADIE ORIENTALE.
avoir coupé la pointe de la Kapnistra, elle dévalait dans Tétran-
glemenl de la vallée à 31 stades de la ville et courait rejoindre
le versant sud du cap Mytika : de ce cùté elle marquait la
limite de la Tégéatide. Au S.-O. et à 1*0., elle rejoignait la
créfe du Ménale au picd'Apano-Khrépa, la franchissait transver-
salement, pour descendre dans le MaivàXiov TreS(ov et le couper à
la hauteur de Piana. Elle remontait de là sur le dos du Mont
Phalanlhon (i) et le suivait jusqu'à sa soudure avec le Ménale,
au massif (|ui domine Lévidi.
Tours I^e ce côté elle bordait des cantons, englobés au temps de
(TiiipYoi). Pausanias dans le territoire de Mégalopolis : les Ménaliens et
les Méthydriens. Sur tout ce pourtour, la frontière politique se
confondait avec les limites naturelles du bassin fermé. Des
indices matériels, tels que route ou rivière (sources de rinachos),
autels (sur les routes de Tégée et de Pallantion), bornes ou
hermès jalonnaient de points de repère la ligne conventionnelle
sans doute reconnue i)ar des traités avec les États limitrophes. Les
défenses naturelles devaient être complétées par un système de
forts délaciiés ou de (ours d'observation installés sur les passa-
ges les plus accessibles. De petites garnisons y faisaient le guet,
prèles à donner Palarme à l'aide de signaux aux sentinelles pos-
tées sur les remparts de la ville. Ces précautions de vigilance
élaient essentielles, en un temps de surprises où les intentions
du voisin ])ouvaient toujours être sus|)ectées. Les territoires
d'Argos, de Sicyone, d'Athènes étaient, on en a la preuve, sur-
veillés de la sorle. Dans la Mantinique, un poste vigie (skopé) et
un fortin commandaient l'ouverture méridionale do la plaine (2),
(1) En enfcrmrint te canton d'Alonistaina, qui correspond, on l'a vu à Pétro-
sacB (VIIJ, 12, :i, 4).
(2) Gcll {liineraryf p. 143, fiarraiive^ p 137) prétend avoir vu, à rétran-
glcmenl de la plaine, des reslpd d'une munilie continue destinée à fermer
renircu de la Manlinique. M.iis IVxistence d'un pareii rempart, analogue à
celui qui barrait TisUime de Corintlie, ii*est guère vraisemblable': les auteurs
n'en parlent pas et les traces matérielles en ont disparu. Tout au plus pour-
rait-on supposer sur les routes de Pallantion et de Tégée, Texistence de forts
détachés. Uodwcll (II, p. 421), Pouqueville (Foy. de la Grèce, p. 285), et même
la Commission de Morëc {Archiieclure, II, p. 84) ont répété la môme théorie à
propos des mêmes vestiges. Toutefois, faute do descriptions prérlses, 11 est
permis de penser on bien qu'il s'agit lâ des ruines d'un fortin, les mêmes que
Puiilon-Boblaye [Rech. gt^ogr», p. 142 proposait d'attribuer à rHêrdcléion, ou
plutôt de ces bl'jcs épnrs en avant du promontoire Mytika, véritables verrues
rocheuses du sous-sol calcaire. Ces blocs naturels sont en place, et n*ont subi
aucun travail , ils devaient autrefois être cachés dans la masse du Pélagos.
LE TERRlTOlRIs: DE l'ÉTAT MANTINÉEN. 127
du côté de Tégée. Sur l'arête rocheuse qui coupe le vallon de
Louka, une forte tour gardait les débouches montagneux, où
aboutissaient, dans ce coin perdu de la Mantiniciue, les seutiers
détournés de Néochori et de Palaio Moukhli à Louka par le
plateau de Varsai. Le chateau-Iort de Neslané surveillait le
Prinos; celui de Maira, le défilé de Kakouri. De même, bien
que les restes n'en soient plus partout visibles, sur les chemins
du Klimax, de TAnchisia, du Ménale par Lévidi, Pélrosaca et
Apano-Khrépa, devaient se dresser autant de ces TcoXi/vat ou de
ces pyrgoi dont le sol de Grèce est hérissé. En ce pays, la défiance
est de règle : en multipliant dans le Péloponnèse les tours et les
fortins, les princes francs et les Vénitiens n'ont lait que suivre
les leçons de prudence léguées par Tanliquité.
Les noms des cinq dèmes entre lesquelles le terriloire était i^stUmcs.
primitivement réparti sont incertains. Mais leurs emplacements
sont déterminés par les subdivisions naturelles du grand bassin
en cinq compartiments bien distincts et par la répartition des
sanctuaires démotiques.
Au centre de la cuve, la longue plaine, (jui va s'évasanl (lei)uis
la frontière tégéa te jusqu'à l'Anchisia, est coupée par la pointe
de l'Alésion en deux régions ; le fossé dirigé du temple de
Poséidon Ilippios aux collines de l'Ouest en marquait la limite.
Ce double domaine appartenait aux deux drincs pédiécns les
plus riches ; mais celui du N., le plus vaste et le mieux défendu
contre les eaux et contre les voisins, était alloti entre plusieurs
bourgades ou xwpiai : !•» le chef-lieu Mantinée [culte de Poséidon
Hippios], — puis Mélangeia (Pikenii), [Dionysos et Aphroditej
— et Maira (Kakouri) [culte d'Aphrodite et d'Anchisc]; 2" le ou
les villages du dème méridional devaient cire, vu Tiustabilité
hydrographique de ce district, adossés au versant du Ménale,
de façon à dominer la plaine — [culte de Zeus Charmon et d'ilé-
raklès ?]
3* Au N.-E. du côté de l'Argolide, l'Argon Pédion avec les
dépendances cultivables, qui en sont comme le vestibule, avec
les flancs de l'Alésion et de l'Artémision, formaient le lot d'un
dème dont Nestané (Tsipiana) était le bourg principal [culte de
Déméter.]
40 Un troisième canton possédait le vallon de Louka et les
landes du plateau de Varsai. .
S® Le cinquième, sans contredit le moins favorisé, était ins-
tallé à l'extrémité du domaine commun, dans ces terres ingrates
128 MANTINÉE ET L*ARGADIE ORIENTALE*
qu'Homère appelle VifTyaxiy\. Comme les Diacriens de TÂttique,
il occupait un dislricl tout montagneux, qui comprenait les
collines détachées du Ménale, les cluses qui les séparent, les
massifs ménaliens et ses défilés jusqu'à la frontière de Méthy-
drion. Ce peuple de bergers se trouvait ainsi rejeté hors des
limites de la Mantinique propre» celle-ci finissant à la ligne
des katavothres au pied des hauteurs de Simiadès et de Kapsia.
Le pays situé à VO, au delà de cette ligne se rattache plutôt à
la région ménalicnne. Ceci explique que ces populations aient
pu, à un moment donné, se séparer du groupe mantinéen.
Polybe (1) les désigne de la façon la plus claire. Le fossé trans-
versal parti du Poseidion aboutissait, dit-il, aux hauteurs limi-
trophes, du pays des Élisphasiens : ttjv xà^pov tV ^épouorav L-kI tou
Ilo(retS(ou $(à \Li<TOu toutcov Mavrcv^cDV k£S(ou xaà auvdiicTOuaav toiç Speai
Toîç oruvTepjAovooffi t/j twv 'EXia^aatwv ^'(opa.. L'authenticité de ce
nom, contestée par tous les savants, au nom de la grammaire(2),
a été confirmée par la découverte de monnaies portant l'inscrip-
tion EAIS4>ASIûN AXAIûN (3). Rien ne prouve d'ailleurs que
les Élisphasiens aient fait partie des cinq dèmes primitifs de
Mantinée. La position que nous leur attribuons est toute con-
jecturale ; c'était peut-être un dème ménalien, incorporé à Mé-
galopolis en 371, puis établi par Philopœmen comme membre
autonome de la Ligue achéenne.
L'identification des dèmes mantinéens avec les noms de
bourgades, telle que Leake l'a proposée (4), repose sur une
méprise. Le B-rjjjLoç ne se confond pas avec la xwjjlt) ou le x<^P»ov ;
il est le groupe intermédiaire entre l'État et le viens. Souvent il
(1) Polyb. XI, 11. 6.
(2) Voy. CurUus. Pelop., I. p. 2G9, N«' 12. Ross. [Reisen, p. 127, N" 116;, le
qualinait de monstrueux.
(3) Pinder. Mnnalsberichte der nerliner Académie, ISoô, p. 351. — Gardner.
Calai, ofgreek Coins, Peloponnesus, p. 14.
(4) Peioponnesiaea, p. 377. Il compte les dèmes suivants: 1* Plolis ; 2* Malra;
3* Mélangela (Tsipiana) ; 4* Ncstané (Louka) ; 5* Élymla Œévidi). Ce deroier
appartenait certainement à l'Orcboménie, en adoptant même ridcntincation
probable de rÉIymia de Xènophon avec Lévidi. — KcU a snpposé {GoUinger
Nachr., 18U5, p. 357) rexislence d'un dème appelé Aléa, qui aurait perçu les
amendes dont 11 est question dans l'Inscription archaïque retrouvée \wv nous
{OulLde Corr. hellén., XVI (1892), pi. XIX,p.t)83). Danleisson, Zu griechischen
Inschriflen, p. Il {Erani,i. il, Upsal, 1897),combat avec raison ceUe hypothèse.
Schwedeler. De rébus Manlinensium {Comnientationes pMlologae in 01.
Ribbeek, 1888, p. 3t>7). propose les cinq noms suivants : Neslané, Maira, Mélan-
gein, Pholzon, Petrosaca. Aucune de ces combinaisons ne me parait valable.
LB TEUIUTOIRB DE L'ÉTAT MANTLNKKN. 120
englobe plusieurs hameaux, sans porter le nom d'aucun d'eux.
Ainsi à Tégée, la plupart des noms des neul dénies ne corres-
pondaient pas à autant de localités habitées ; c'étaient des
vocables purement ethniques ou mythologiques qui rappelaient
le plus souvent à la tribu éparse dans ses villages le souvenir
d'un ancêtre commun ; c'étaient plutôt des noms de famille
que des expressions géographiques. Tels par exemple les
dèmes des Botachides ou des Apheidantcs. Si Ton en concluait
à l'existence, dans la plaine de Tégée, de Hotachos ou d'Aphcidas,
on se tromperait assurément. De môme si, par un raisonnement
inverse, on veut déduire des noms de villages signalés par
Pausanias ceux des dèmes mantinécns, on n'aboutit qu'à des
conclusions insoutenables à tous égards et d'une topographie
fantaisiste. Seul le nom des Élisphasiens semble avoir été celui
d'un dème : l'importance de ce groupe était assez grande pour
qu'on en eût fait un petit État, ce qui ne serait pas arrivé à une
simple xwjjLTj ; enQn sa situation particulière explique comment
il a pu se détacher de Mantinée. Plus obscur est l'ethnique
SxpavpwvcTç révélé par l'inscription d'une borne découverte à
Tsipiana(l): était-ce celui d'un x<»>pio^ ou d'une famille (2)? Gomme
la pierre est d'assez basse époque, son témoignage est peu
concluant. En somme, les noms des agglomérations rurales
connues de la Mantiniquc sont les suivants : !• Mélaugéia ;
2*» Nestané ; 3" Maira ; 4*» Élisphasiou ; S" Pétrosaca. Quant au
Phoizon, était-ce un lieu dit, ou une locaJité ? La chose reste
incertaine. Le site de la Ptolis ne semble pas avoir été habité à
l'époque historique.
(1) Conze el Michaêlls. Rapporlo,.. Annali, 18G1, p. 2H, 27.
(2) Je pencherais pour la deuxième iiypolhèse. 11 ne s^agii ail alors que d'un
terrain particulier. Voy. une borne analogue, trouvée à i'enlrëe de la plaine
deUuka et publiée par IMilchhdfer. Ath. Milh., IV, p. 147.
Manliiipe. — lO*
CHAPITRE III
L ASSIETTE DE LA VILLE. — L ENCEINTE FORTIFIÉE.
qui délcrniinciil
l'ftssieUe
(le la Ville.
Toules les voies décrites plus haut et parties des dilTérentes
frontières aboutissaient, après avoir desservi leurs dénies
respectifs, à la Ville, centre de la vie politique et mercantile,
refuge suprême de la population en cas d'invasion. La Ville
devait donc ré|)ondre aux conditions d'un camp retranché et
d'un marché central où venaient se croiser les principales
artères. Le site propice à l'établissement d'une pareille capitale,
du jour où la Mantinique passa de la forme archaïque de l'état
xaTà St^j/louç à celle de l'état centralisé, était unique dans toute la
région. Les fondateurs n'eurent pas à en discuter longtemps
le choix.
A l'époque préhistorique, le souci de la sécurité prévalait sur
les intérêts commerciaux. Il n'y avait pas alors de grande
agglomération ; les habitants vivaient épars dans des bourgades
ouvertes, sous la surveillance et sous la protection d'un château
fort, où habitait le chef avec les dieux. L'art encore rudimen-
taire de la fortification exigeait pour ces acropoles des lieux
élevés. On n'hésitait pas, à cause de leurs avantages militaires,
à choisir des positions excentriques, comme celle de Mycènes
au coin de l'Argolide. C'est pourquoi les contemporains du
légendaire Manlineus allèrent asseoir leur Ptolis sur une émi-
nence, au N. de la plaine : de cette plate-forme, ils surveillaient
la route d'Orchomène. Mais cette position ne répondait plus
aux besoins d'un Ktat centralisé.Aussi la légende nous apprend-
elle que le siège de la vie commune fut plus lard transféré en
un endroit plus favorable, sur le bord de l'Ophis, à l'instigation
l' ASSIETTE DE LA VILLE. — L*ENCKINTE KOIITIFIKK. 131
d'un oracle. Ce n'est pas ici le lieu de disculer l'origine et la
valeur de la (able d'Autonoé, fondatrice de l'ancienne Mantinéc.
Mais je liens pour très probable que reniplaccnicnt de celle
première capitale corres[)ondait à celui du plus gros bourg de
la plaine: de tout temps le centre elïcclif de la vie active se
trouvait là, au débouché de toutes les vallées.
Plusieurs raisons, topographiques et économiques, imposè-
rent, de préférence à tout autre, le site qui fut adopté. Ces
raisons se ramonent à trois chefs : conditions d'habitabilité,
éléments de prospérité commerciale, sécuirité.
Les conditions d'habitabilité, pour un grajid can)[) retranché «•■
destiné h une population moyenne de 20000 Ames, variaient d'un ^^'ndiiion»
point à l'autre de la Mantinique : ce que nous avons dit du
régime hydrographique de la contrée l'a prouvé surabon-
damment. Les lieux élevés, l'Alésion ou Icsrolcaiix du Méjiale,
n'olîraient que des échines étroites et décharnées, impropres à
toute installation de quelque imporlanre. Il fallail donc cberchor
en plaine une aire plus favorable. La pente léj^vrc, (|ui entraîne
du cùté du Ménale de l'iilsl à l'Ouest les cours d'eau issus de
l'Artémision et de l'Alésion, interdisait de se rapprocher du
Ménale, dont la base baigne. en un bas-fond marécageux. On
devait se tenir à proximité du bourrelet occidental, c'esl-à-dire
vers la partie la moins basse du plan incliné. D'autre part,
comme l'inclinaison existe aussi du S. au N., on ne pouvait sans
inconvénient s'installer trop près du Mont Anchisia, dont le pied
se trouve en contre-bas du milieu de la plaine. De même la
région Sud, voisine de l'entrée de laTégéalid(\ était exposée,
comme on l'a vu, aux débordements des émissaires légéales. Le
point le plus favorable, sous le rapport de l'écoulement des
eaux, se trouvait donc vers la naissance de l'Ophis, au-delà et
au-dessus des kalavothres où se déversaient 1ns ruisseaux de
la Tégéathie, c'est-à-dire dans l'encoignure abritée et circons-
crite par l'Alésion et la butte de Gourlzouli : le niveau domine
en moyenne de 4 à 5 mètres celui du territoire ambiant. '
Sous le rapport des relations avec les districts de la plaine et s*
avec les pays limitrophes, cette position ccMitrale favorisait ^"''^'^" rcuawc.
plus que toute autre les transactions commerciales. Elle était
désignée comme l'agora de toute la Mantiniffue. En eilet, en
substituant aux bourgades éparses dans la [daine une capitale,
il fallait éviter qu'une position tro[) excentrique éloignât les
propriétaires des domaines respectifs où 1rs appelaient sans
132 MANTINKE ET l'ARCADIE ORIENTALE.
cesse leurs intérêts. De plus, là s'étoilaU le carrefour des grandes
roules venues du dehors. Ainsi, l'hygiène, ragricullure, le
commerce et la politique trouvaient leur compte au choix de cet
emplacement. Ajoutons que Talimentation en eau potable était
assurée par les belles sources de Mélangéia, amenées en ville
par un aqueduc, et au besoin par des puits creusés à Tintérieur
de l'enceinte.
3o Sous le rapport de la sécurité, le problème pouvait être faci-
sccuriic. lement résolu. Il suffisait, pour se garer de l'eau, l'ennemi le
plus redoutable, de creuser en travers de la plaine un chenal
transversal de protection contre les rivières de la Tégéatide,et de
rejeter l'Ophis hors des murs. Les constructeurs de l'ancienne
Mantinée, encore inexpérimentés, ne surent pas prévoir tous les
dangers. Ils crurent bien faire en laissant passer l'Ophis au
milieu de la ville comme égout et comme drain d'un terrain
toujours humide. Ils ne s'avisèrent pas d'exhausser leurs
murailles et leurs maisons sur un socle de pierres capable de
défier les inondations. Les ingénieurs de 371, instruits par
l'expérience, ne renouvelèrent pas ces fautes. Mais, s'ils perfec-
tionnèrent les délails du plan, ils ne changèrent pas l'assiette de
la Ville : les raisons (lui avaient prévalu antérieurement s'impo-
saient à titre définitif.
i;ui compnris de Lcs défcnscs de l'ancienne Mantinée, construites à l'époque
lAmiennc (]u synœcismc au V« siècle et détruites en 385 par Agésipolis,
pt (le laNonveiio (^Qnsistaicnt en un rempart de briques crues que l'Ophis traver-
sait de part en part et que perçaient les trois, les quatre et les
cinq chemins auxquels l'oracle, cité par Pausanias (1), fit allu-
sion. C'est tout ce que l'on en sait. Le tracé général, l'étendue
(lu périmètre ne peuvent plus être reconnus. Les Lacédémo-
niens firent table rase de cette enceinte : Ix oï toutou xaOYïpéOTj [xèv
To T670Ç (2). A supposer qu'il en subsistât quelques traces,
elles disparurent définitivement dans les travaux de recons-
truction en 371.
Si le rapport entre les dimensions de la Vieille et de la Nou-
velle Mantinée demeure indéterminé, il n'est pas douteux que
le site primitif ait été conservé. Les restes d'inscriptions anté-
(1) Paus. VIII, 9, 2. .... xaTaycîv cU a<TTu èpavv<Jv,
ou TpioBoç x,ol\ TeTpâoSoç xal 'TtevTaxéXeuOoç.
(2) Xen. Hellen. v. 2, 7.
l'assiette de la ville. — L*KNCKINTR KORTIFIKE. 133
rieures au IV® siècle, les débris d'édifices religieux à qui le
style des chapiteaux et des colonnes assigne une date contem-
poraine du V« siècle et parfois plus reculée encore, attestent
que les temples et les sanctuaires échappèrent à la démolition
systématique imposée par le vainqueur : Tœuvre du diœcisme
respecta les dieux. L'enceinte nouvelle, d'un circuit probable-
ment plus vaste que le tracé précédent, enfermait le môme
terrain ; le plan fut remanié et agrandi ; mais, comme il n'était
pas transféré sur une autre assiette, qu'il s'agissait plutôt d'une
restauration, il ne fut pas nécessaire de procéder à une fonda-
tion et h une consécration rituelles, comme à ISÎégalopoiis et à
Messène (1). La Nouvelle Mantinée se superposa donc à l'an-
cienne, enfermant dans le cadre neuf de ses remparts, de ses
édifices et de ses maisons modernes, les resles vénérables qui
la reliaient au pa.ssé.
Les fortifications de 371 ont traversé les siècles sans subir
de remaniement fondamental, comme cela est arrivé à l'enceinte
de Mégalopolis, détruite et rebâtie à plusieurs reprises (2). Le
démembrement de 222 atteignit les personnes et les biens
mobiliers, sans toucher aux édifices publics, aux habitations
privées ni aux ouvrages militaires. La po[)ulation achéenne
implantée par Aratus et par Antigone Doson a]>|H)rlait seulement
une personnalité civile, un nom et une constitution d'emprunt :
mais à la cité transformée la ville survivait, comme par l'oITet
d'une métempsychose qui aurait renouvelé l'ame en respec-
tant le corps.
Les resles de l'enceinte élevée par Lycoinèdcs avec l'aide Reronsiruciion dt-
d'Épaminondas olTrenl donc un intérêt particulier. Ils nous i* viiie.
représentent une œuvre homogène, conçue et exécutée d'un
seul jet, où se révèle, en matière de fortification, le style d'une
époque déterminée. C'est un des rares débris de ce genre (|ui
soit rigoureusement daté. Ces lignes île roniparls, arasées
presque à fleur de sol, s'étalent sur le terrain comme un plan
sur le papier. On y lit la pensée des constructeurs, les néces-
sités et les moyens de la guerre de siège à leur éi)0(fue, les
habitudes de précision et de raisonnement introduites dans
l'art militaire, en substituant à l'appropriation arbitraire et plus
(1) Paus. VHl, 27. 6. Sur le cérémonial delà fondation de Messène, voy.
Pausan. iV, 27, 3, 4.
(2) Loring. Excavations at Uegalopolis, 1892, p. 112.
134 MANTINKR ET L'aRCADIE ORIENTALE.
OU moins habile des accidênls naturels les ressources du calcul,
le travail rationnel et logique de l'esprit, les conclusions pra-
tiques de Texpérienre. Celte méthode plus hardie affranchissait
riiomme du sol en qui il s'élait habitué jusqu'alors à chercher
son premier déleiiscur. Par ces moyens artificiels on réussit
à assurer h des agglomérations considérables les bienfaits d'un
étiiblissement conforlahle et fixe, et la sécurité de l'existence
en des lieux qui n'auraient point paru jadis susceptibles
d'offrir à de LcUes mulliludcs un abri permanent. On put ainsi
prolonger la vie politique de tribus, qui, laute d'acropoles for-
tifiées par la nature, se trouvaient exposées à de perpétuelles
surprises et à des combats meurtriers.
<oti imiKirinncf La rcconstruction de Mantinée après la bataille de Leuctres ne
sirnirKiqiip. devalt pas seulement réparer l'iniquité de 38;ï. Elle faisait partie
d'un plan stratégique destiné à préserver à l'avenir la Grèce
contre les tentatives de Sparte par l'établissement d'un solide
boulevard qui emprisonnerait dans sa vallée la belliqueuse
nation. Pour constituer ce boulevard, Epaminondas comptait
établir une série de camps retranchés autour de la Laconie,
depuis la Messénie jusqu'en Argolide, avec, sur l'arrière, une
réserve de peuples armés, l'Elide, l'Achale, Phlious, que Thèbes
soutiendrait seule ou avec le concours d'Athènes. De cette bar-
rière de l""" ligne, deux unités exivStaient : Argos et Tégée ; deux
autres devaient être reconstituées, Mantinée et Messène, et
l'autre créée de toutes pièces, Mégalopolis. Ces forteresses
devaient concentrer les forces armées des peuples préposés à la
garde des marches ])élo[>onnésiennes, assurer la sécurité aux
habitants des plaines limitrophes de la Laconie, constituer en
temps de paix le foyer de leur vie nationale, le soutien de leur
prospérité matérielle; en temps de guerre, leur permettre d'or-
ganiser promptement en milices la population agglomérée,
«l'offrir en un mot, en attendant l'intervention des États alliés de
la seconde ligne, toutes les ressources offensives et défensives
qu'on demande aux places fortes pourvues d'une nombreuse
garnison et de ressources abondantes.
u noiivrnii Construits en vue de ce rôle particulier, ces camps retranchés
Lfiic ih-rniHif : (levaient présenter un système défensif mieux combiné et plus
i« riin.iiii..s (.^j|,(ji.cni que les villes qui s'étaient développées d'abord en toute
nr.v|»oie. jji^gpjji gy^Qm. (jç ig^p acropolc préhistorique et qu'il avait fallu
sur le tard munir d'une clôture protectrice. Au IV® siècle, les
acropoles féodales avaient fait leur temps. Elles n'avaient
L'aSSIKTTE de la ville. — lV.NCKINTK FORTinÊE. 135
plus de raison d'être dans de grandes villes déinocraliques
entourées de bons murs. Si Tassaillant avait réussi à forcer le
rempart, les rues devenaient autant d'acropoles qu'il lui fallait
disputer pied à pied. Une fois maître des rues et de l'agora, il
tenait le principal : ce n'était pas une poignée d'hommes con-
finée dans un réduit qui aurait pu remoltre en question sa
conquête. Presque inutiles contre un ennemi extérieur, ces
citadelles risquaient en revanche de compromeltre Tordre inté-
rieur en offrant un repaire aux factieux <lc loutes sortes, aris-
tocrates sans scrupules, ou démagogues aspirant à la tyrannie.
Quiconque méditait un coup d'État commençait par se saisir du
chûteau-fort d'où il répandrait la menace et la terreur sur la
ville entière. Épaminondas savait que la Cadmée avait plus
contribué à l'asservissement qu'à la liberté de Thèbes. Il jugea
superflu de fournir une arme aux tyrannies fulures: ni Messcnc,
ni Mégalopolis, ni la Nouvelle Mantinéc ne furent pourvues
d'une citadelle (1).
En conséquence, c'était par un tracé général judicieux et comp«riii$on
savant que les ingénieurs de 371 devaient compenser à Mantinée ''^«*<* M'-ssènc n
l'absence d'acropole. Plusieurs nécessités contradictoires s'im- ^•••?"'"H's-
posaient à eux : la solidité, l'étendue, récononiie, la rapidité. A
Messcne, qui est leur chef-d'œuvre, ils trouvaient dans le terrain
un auxiliaire inappréciable dont ils surent tirer un parti mer-
veilleux. Le mur presque partout suit les os(}ir|)ements «lu roc;
il ne fait que couronner le retranchement nahirel. La pierre se
présentait à pied d'œuvre. Aussi l'enceinte de Messène, toule
en pierres parfailement appareillées et joinloyées, excih». telle
une juste admiration. Mais, elle n'est ni bien haute ni bien
épaisse : 2^,50 d'épaisseur, 4^,50 de hauteur aux courtines,
8™,50 aux tours. En ménageant ainsi ces matériaux excellents
et cette main d'œuvre dispendieuse, on avail compté sur les
pentes abruptes de l'ithùme qui rendaient in»|)ossible une alla-
que par les machines de guerre. Du haut du chemin de ronde,
(1) Le sommet de rithôme porte les traces de murs 1res anciens, qui peu-
vent avoir appartenu soit à une acropole ptéliislorique, soit au péribolc du
sanctuaire de Zeus niiôinatas. A Mantinée, la colline de Gourtzouli, que la
plupart des voyageurs ont idenUPu^e avec la Flolis (v. p. 117) fut résolument
Inissée de côté. L'ancienne acropole de Tëgéc, Installée sui la colline d'Ilnglos-
SosUs, était assez éloignée de la ville; elle servait plulùt de poste-vigie. 1^
butte de Mertsaousi, plus voisine, ne semble pas avoir été utilisée pour la
défense, pas plus que celle de Gourtzouli à Mantinée.
136 MANTINÉB BT l'aRCADIE ORIENTALE.
couronnant les crêtes rocheuses, les hoplites armés de la longue
lance dorienne et les gens de trait suffisaient à empêcher
Tescalade.
A Mégalopolis, les ondulations légères de la plaine fournis-
saient au mur une levée irrégulière dont les constructeurs
s'empressèrent de profiter. Les deux quartiers de la ville, sépa-
rés par rilélisson, ont pour assiette deux plateaux jumeaux
dont le rempart couronne les talus extérieurs (1). Mais, comme
ces talus sont à pentes extrêmement faibles et douces, le rem-
part devait être jilus épais et plus élevé qu'A Messène (2).
La situation de Mantinée était un peu différente. Là le terrain
se présentait presque absolument plat, avec des variations de
niveau à peu près insensibles. Pas d'ondulations naturelles
suffisantes pour inffuencer le tracé. On disposait d'un plan
horizontal, qui laissait toute liberté à la géométrie des ingé-
nieurs. Dans ces conditions quasi-théoriques, c'était à eux
d'imaginer la figure la mieux appropriée à une clôture à la fois
spacieuse, économique et résistante.
Analyse Qucl était donc le tracé général le plus avantageux? Un tracé
lu iian^ K«»éi«i. polygonal ou en lignes brisées, présentant une série de saillies
Avaninges anguhiircs et de retraits, eût été de mise sur un terrain acci-
Tiinniix "P"" jç,^^;^ (Iqj^^ ij eût ^i^ avantageux de suivre les crêtes ou les
talus. Mais sur un sol plat, une figure circulaire se recomman-
dait par l'économie, parce que, pour enclore une vaste super-
ficie, c'est celle qui exige le moindre développement; — par
la facilité des communications intérieures, parce qu'elle masse
tous les quartiers à peu près à égale distance du centre et
permet de faire rayonner les grandes voies intérieures du cœur
à la périphérie et de les relier entre elles par des zones de
rues concentriques, sans qu'il y ait de coins perdus ; — enfin,
par la commodité de la défense, parce qu'elle présente partout
à l'ennemi un front étendu, qu'il ne peut attaquer à la fois
que d'un côté, et cela sans espoir de cacher ses mouve-
ments. Au contraire, les saillies angulaires lui sont favorables ;
il peut les inquiéter des deux côtés ou survenir à l'improvisle
sur une face sans être aperçu de l'autre. De plus, elles compli-
quent et gênent la circulation rapide des défenseurs sur le
(1) Voir la carte dressée par Loring. Excavations of Mégalopolis, pi. I.
(2) Les débris, qui en subsistent, quoique fort muUlés, permettent^d'aflirmer
que, comme à Tégée cl à ManUnée, le corps du rempart était de brique crue
Riir un socle en pierres de taille.
rirciilnire.
L ASSIETTE DE LA VILLE.
L ENCEINTE FOIITIFIKK.
137
chemin de ronde et déconcertent la survoillnn(-e en s'intcrpo-
sant comme des écrans entre les diiTércnles ])ailies du pourlour
surveillé. Enfin, les angles saillants olTrenl aux coups du bélier
autant de points faibles. Pour toutes ces raisons, les auteurs
anciens qui ont traité de la fortific^ition préconisent les tracés
arrondis et Vitruve en particulier en délinit nettement les
mérites : « Collocanda autem oppUla mut non quadrala, lier,
pi'ocurrentilms angnlia, scd circmtionibnx, uti hou lis ex plnrihiifi
lacis conspiciatur. In quihus enim anguli procurrunl, (lilJicuUer
defenditiir, quod angulus magis hostcni tuetuv, qumn cire7n(\). »
Les constructeurs de Mantinée ont donc adopté un plan cir-
culaire. Leur dispositif se signale par cette simplicité logi(|Uc
de l'ordonnance commune aux ouvrages liciiéniffues : pas de
vaine complicaticm ni de subtilité coûteuse. Tous les détails
sont raisonnes et tendent à leur (in par les moyens les plus
sobres.
Entre toutes les courbes, une figure ovale, aux f)ointcs légcrc-
mcnt aplaties, a obtenu la préférence, pane qu'elle ne com-
])orte pas des convexités aussi saillantes que la circonférence
du cercle et que, par suite, les arcs du front étant moins en
retrait les uns sur les autres, ne se dérobent pas aussi brusque-
^^
Avniilniff's
|iartinilicrs «Ir
r«»vnlr n
rivin.'illliMT
a. — Schéma du trace générni .
Kig. <9.
h. — Porir C (élul aclm-l).
ment, mais restent dans lecliampde la vue sur une plus grande
longueur, ainsi que la zcme menacée qui les (îutourc. La courbe
elliptique est donc tracée de façon que les langeul.es soient
presque parallèles aux divers arcs. Partout les convexités
sont amorties et allongées autant ((ue possible vers la ligne
droite. Le tracé général représente ainsi une». elli|)se qui ten-
drait au polygone. Mais un ingénieux système de sectiounemeni
permettait de reporter sur les solutions de continuité néces-
(I) I, 5, 41.
138
MANTINKE ET L ARCADIR ORIENTALE.
saircs, c'esl-à-cJii o sur les portes, les brisures que cette tendance
(levait forcément produire, de racheter les angles par des vides
savamment appiopriés à leur rCAe pratique et de ramener
ainsi à la courbe les eûtes entraînés à la divergence, sans créer
de dangereuses saillies. On remarquera, en eflet, que chacun
des 10 segments compris entre les portes a Tune de ses extré-
milés en dehors, Tautre en dedans de la courbe générale. Cet
inlelligent dispositif maintenait, malgré Taplalissement des
arcs, le principe du tracé oval et assurait aux portes précisé-
ment-l'orienlalion la plus favorable à la défense, comme on le
verra j)lus loin.
Fig. ÎO.
Rempart de Manlinée (arc B G).
On observera aussi ((ue la section la plus pointue de Tovale,
celle où la courbe décrit les saillies les plus accentuées, regarde
le Nord. C*élait le coté que menaçaient le moins une surprise
et un grand elTort de l'ennemi, qui venait d'ordinaire par le
Sud et qui, au Nord, se serait trouvé gêné par la proximité de
la butte de Gourtzouli. (]'est, de plus, la partie la plus basse, par
où s'écoulaient dans TOphis, les eaux de la ville. Le ruisseau
bien alimenté (!()nstituait de ce côté une bonne défense qui a
permis de donner au remf)art une courbure plus prononcée.
Au contraire, au Sud, le front ((ui fait face à la Tégéatide est
pres((ue rectiligne.
l'assiette de la ville. — L'ENCF.INTK FOnTIFIKK. 139
Telle est la figure du tracé. Quant à la shiiclurc du rouiparl
et aux diverses combinaisons défensives, elles soûl aussi Irî's
simples. La guerre de siège était encore dans Tenfance, en
(îrèce, au IV« siècle. L'usage de rartilleric do guerre, cafapulles
et lithoboles, ne devait s'introduire dans les aiinces grecques
qu'après Philippe. Les niétliodes usuelles, longues et aléatoires,
se réduisaient ù Tinvestissement, à Tescalade par échelles ou par
rampes d'accès, à l'attaque par le bélier ou la lorLuc (1). C'étail
il l'investissement qu'Agésipolis avait eu recours en 'J8;5. Les
constructeurs de Manlinée n'eurent donc qu'à a|)pro|)rier les
moyens de la défense aux moyens encore assez rudimenlaires
dont l'attaque disposait à leur époque. Ils se contentèrent d'une
enceinte unique flanquée de tours. Ils suppléèrent à l'absence
de défenses naturelles par la dérivation de l'Ophis. Au lien de
traverser la ville, la rivière fut divisée en deux bras qui se
rejoignaient en amont, vers le N.-O., après avoir entouré le pied
du rempart d'un fossé extérieur. Xénophon le représente
comme très large : àTcej^uxyc xbv féovTa ?roTa|i.bv Sià tyjç ttoXswç p.àX'
civTa eùfJLEYéÔTi (2).
Ce n'est plus aujourd'hui qu'une rigole prescpie toujours à sec,
sauf aux environs de la source Varéli. La largeur nu)yenne
actuelle est de 1 m. à 1 m. 50. Comme aujourd'hui, un faible lalus
de quelques mètres d'étendue séparait le cours d'eau du pied du
mur. La forme et la largeur du fossé devaient être assez irrégu-
lières, suivant les variations dans le débit de la rivière ('^).
Les voyageurs précédents qui avaient exploré les ruines <le dimensions
Manlinée n'étaient pas munis des instruments nécessaires pour
entreprendre et mener a bien le relevé exact et complet d'une
aussi vaste enceinte. Le plan, que j'ai relevé en mesurant à la
roulette tour par tour toutes les parties du rempart, et ((ue
M. de Billi a complété, pour les grandes dislances, par des
mesures prises au tachéomètre, annule par consé([uent les cro-
quis (le Gell et de Pouqueville, et les évaluations ap])roximatives
de la Commission de Morée, de Leake, Koss, Curtius, etc.
(1) Les tours d'allaque, et les hélèpoles empruntées par Dcnys rAncicn aux
Carthaginois et employées par lui au siège de Motyc vn .'{97, n'élaicnt pus
encore connues dans le Péloponnèse (Diod. XIV, 1^, 1U). Cl, le siè;e de
Périnthe par Philippe en 340 (Dlod. XVI, 74).
12) Xen. HcUén. V, 2, 4.
(3) \ja prétendue digue d'AgésipoIls dont Gell croit avoir retrouvé les traces
au N.-O. de l'enceinte n'a laissé aucun vestige et nVi cerlaincmcnt pas dû être
conservée.
du tracé.
140 MANTINÉE ET l'aIIGADIE OtllBNTALR
Le périnuMre do Manliiiéc iic coiislilue pas une figure géonié-
ln((ue n'îgulirie. La forme générale est, cependant, très voisine
de Tcllipse. I^e grand axe est orienté suivant la ligne N. S. H
mesure, de la i)orle 15 à la porte II (mesures prises sur les arêtes
extérieures des courtines) i'S^^ mètres. Le petit axe, passant par
le c(Mé S. de TAgora, mesure 1087 mètres. Le centre fictif de la
figure tombe à une soixantaine de mètres au S. 0. du théAtre.
Le circuit mesure .'Jî)12 mètres, entourant une superficie évalua-
ble h 1240000 mèlres airrés.
Les cliiiTres fournis par les voyageurs modernes sont très
divers. (îell attribue à son plan un tracé absolument circulaire;
le rayon de son cercle étant, d'après Téchelle jointe à son esquisse,
de 212;') pieds, soit f»;)4 m. 50, la circonférence de la ville mesu-
rerait 13.14;i j)ieds anglais soit 4067 m. 40. Puillon-Boblaye évalue
la longueur de Tenceinte à 3250 mètres, ou 18 stades de 180 m.
1)0 c. (?). Ross a calculé d'après le nombre des tours et la lon-
gueur des (îourliues. il obtient pour résultat un total de 28 à 30
slades, soit près de 5000 mètres (1). Leake estime que la figure
elliptique de Tenceinte équivaut à un cercle ayant 1250 yards
(1142 m. 50) de diamètre, soit deux milles anglais et quart
(3010 m.) de circonférence.
En convertissant en stades grecs communs de 185 m. le chiffre
que nous avons établi, nous obtiendrons une mesure totale de
21 stades, soit moins de la moitié de Tenceinte de Mégalopolis,
évaluée à 50 stades par Polybe ; ou, en stades olympiques de
192 mèlres, 20 slades et 318 pieds.
1^ icin|i,nri. Derrière le fossé courait une légère levée de terre, couronnée
])arle mur. Los assises de celui-ci reposent directement sur le
sol superficiel, ainsi que je m'en suis assuré par des sondages.
H n'y a pas de fondalions profondes; On n'a môme pas cherché
à atteindre la couche dure. Leremj)art ne plonge pas de racines
dans le sol. SouvenL à 50 centimètres au dessous du niveau
actuel, on arrive à sa naissance. Curlius paraît donc s'être laissé
tromper par les apparences, lorscju'il écrivit: die Mauer ûberall
schr tief lieyt (2). Kn réalité , cette absence de profondeur a
quelque chose d'insolite: en tout autre endroit, elle eût constitué
une grave imprudence. Les traités spéciaux sont très explicites
à ce sujet :
(1) Revien, p. i2;>.
(2) Pelop. 1, p. 237.
l'assiette de la ville. — l'enceinte FORT! fiée. 141
Plîilon de Byzance (II™® siècle avant J.-C), dans son Encjfrlo-
pédie mécanique, traduite par MM. Graux et de Hoclias d'Aiglun,
écrit : (( Ponr bâtir des tours, il faut commfnccr par creuser jus-
qu'au roc, ou bienjusquà l'eau, ou bien jusqu'à un sous-sol présen
tant une certaine sûreté, puis consolider le lieu le mieux possible et
y établir les fondations avec du gypse, afin d'évitor qu'on ne fasse
tomber les murs en les attaquant dans les fondations et qu'on ne
passe en galerie de mine par dessous les remparts ». De m unie Vitru ve
(I, 5, 40) : (( Tune turrium murorumque fuiulamrnta sic sunt
facienda uli fodianfur (si queant inveniri) ad solidum, et in solido
(quantum ex amplitudine operl^ pro ratione mleatur) crassltudine
aînpliorc quam parietum qui supra terram sunt futur!, et ea implean-
tur quam solidissima structura p.
Si les constructeurs de Mantinée ont niécoinui ces principes,
ce n'est ni par légcreté ni par ignorance des rcglcs de Tari.
1^ catastrophe de [iHlj leur avait appris les iiiconvénienis d'un
rempart mal assis. Ils ont donc agi de propos délibéré. VA, de
(ait, ils avaient constaté que le sous-sol nianlinéen, baignant
dans une nappe phréatique, ne comporte (juc des fondalions
superficielles. Ces conditions mettaient leurs ouvrages à rai)ri
des travaux de mine, car les galeries, mémo en supposant
rOphis détourné, auraient été aussitôt noyées que creusées.
Le mur actuel, vu du dehors, montre une succession de cour-
tines et de tours de flanquement dont Tappareil extérieur, la
plupart du temps trapézoïdal, parfois reclani^ulaire, présente
une certaine unilormité. On rencontre d'abord comme front
(fjLÉTWTTov) un parement externe en gros blocs de calcaire blanc,
tiré de l'Alésion (1), répartis suivant les varialions de niveau
du sol ambiant, sur 2, 3 et 4 assises horizontales. Le lit inférieur
qui sert de fondation (0£|i.ÉXia) est fait de pierres plus petites et
à peine dégrossies. Les assises émergentes consistent en une
rangée de pierres de dimensions variables, (|ui atteignent par-
fois plus d'un mètre 1/2 de longueur, sur une hauteur moyenne
deO m. 65. La profondeur ou épaisseur dilîère ; mais elle se tient
dans une moyenne deO m. 40 à 0 m. 50. Tous les 3 ou 4 mètres,
à l'assise supérieure, des blocs sont placés en travers et ne pré-
sentent au dehors que leur front le plus étroit. Ils s'engagent
ainsi dans la maçonnerie intérieure qu'ils contribuent à main-
(1) La dislance entre la montagne et le mur oriental n(^ ^l(^p;lsso guôio :iOO
mètres.
142
MANTINKK KT L ARCADIK OiUENTALE.
tenir. Les pierres sont posées à joînls vils, sans trace de mortier
Jii de ciment. Lîi face externe, qui regarde la campagne, est
épannelée et légèrement bomhéc; la face interne est seulement
dégrossie d'une manière irrégulière. Dans les interstices des
joints se giiss(Mit parfois des moellons qui font olTice de bouche-
Irous (1). I^a hauleur dereuscmble, mesurée à partir du sol, varie
suivant les dépressions ou les ondulations légères du talus qui
relie la base du mura l'Opbis; elle s'élève en moyenne à 1 m. ou
l'ig. îi.
Appareil d'une coiirliii« — reinpnrl Siid-I^l. —
(d'après iinr pliologrnphio de ^ln^titlll nrclicologiqiie iillenmnd).
1 m. 80, et parfois est j)resque nulle, aux endroits que la culture
et la cbute du rempart en argile ont exhaussés. On se rendra
compte de ces détails sur la photographie ci-jointe, qui repré-
sente Tapparcil crune courtine aux environs de la porte G.
Le corps du rempart en brique sécliée au soleil devait être
(t) A Aliicncs. Ici élait rapparcil des Longs-Murs. Le fronl seul clail
ravalé et paré au ciseau le long des joinis; les intersUces de l'aulrc faco êlaient
comblés avec des pierres serrées par des coins en l)ois d olivier. De même à
Eleusis. (Clioisy. ihudes épigraphiques sur l'Architecture grecqtie, p. 217).—
Cf. la photographie de la lour de Scopé. (Journ. ofhellen. Stml, 18D5,pI.IlI),clles
gravures de Ulouet. (i:x|»édillou de Morée. Arclntecluve^ I. II, pi. 53. fig. 1 el 2).
L* ASSIETTE DE LA VILLE. — l'kNCEINTK KOIITIKIKK. 143
massif (1). En efîel, rhomogéiiéilé de cetlo niasse cugileusc de
plus de 4 mètres d'épaisseur élail la condition nécessaire de sa
stabilité. Il me semble probable aussi que les i)arois <lii iniii'
suivaient une coupe légèrement pyramidanle, en d'aulres
termes que la crête était un peu moins large que ia base, (le
profil en talus me paraît commandé par la nature des maté-
riaux.
Quant à la superstructure, chemin de ronde et para|)et(7râpooo;),
il n'en subsiste aucun vestige, llégnait-il au sommet du mur
une galerie couverte d'un toit, comme celle des murs d'Alliènes
et d'Eleusis, restaurée par M. Choi.sy, ou bien un promenoir
dallé à ciel ouvert comme à Messène ? rien ne rindi([ue plus, .le
n'ai retrouvé à l'intérieur des tours aucuns débjis de luiles, ni
de dalles ni aucune pièce de créneaux (|ui puisse fixer les idées
à ce sujet. De même la hauteur des courtines et celle des tours,
le nombre, la forme et la place des embrasures et des meur-
trières ne sauraient être indiqués que par conjecture.
L'ensemble du tracé se subdivise en dix seclions d'inégale scciiuns
longueur, comprises entie les portes et disposées d'après le ei conniiics.
principe que j'ai exposé plus haut. Cha([ue seclioJi se com-
pose de la ligne ininterrompue du mur bordé des toujs de
flanquement. L'intervalle entre les tours ((XETaTrupYtov) ou lon-
gueur des courtines n'est pas fixe. 11 varie en moyenne enlre
25 et 20 mètres, soit moins d'un plètbrc. Uiiobjucs courlijies
mesurent 2.'^, d'autres jusqu'à 37 m. 7.') (2), mais ce sont là des
dimensions exce|)tionnelles ; on les observe surtout dans le
voisinage des portes, dont la présence à des points délerminés
interrompait la régularité du tracé. Les louis avaient pour
oflice de- protéger la base et la crête du mui* (»n les rendanf
intenables à l'assaillant; leur distance ne devait i)as dépasser
la bonne portée de l'arme de main, alin (|uc, si l'une d'elle
était attaquée, ses deux voisines fussent en élal de la défendie
(1) Cette argUe provenaU en partie du fossé lui-inôme. On en faisait un pisé,
mélangé de paille hachée, ict|Xoç */])'up(t>(X£voç, uiouié en carreaux et séclic au
soleil ; on l'étalait en lits horizontaux sut* une couclie ii('! terre inouinéc qui
formait ciment. Dans l'épaisseur du massif on plaçait du cliainage en Imis avec
des madriers transversaux (evSecrjiOi) et des longrines (Opavoi), coinnic on le
constate à Troie, à Mycèncs, dans le devis des nuirs d'Athènes et d Kieusis
(Choisy, lit, épigr.f p. G8), et comme le recommande l'hilon de Hyzance (Irad.
Graux et de (\ochas, III, 3).
(2) Voy. le t'ihleau de la pa^e liiO. L'irrcgul.irilë de ns dimensions ne permet
aucune déduction métrologiiiue sur la longueur de l'unité do mesure employée.
144 MANTINKK KT L*AIICADIK OtUKNTALK.
en faisant converger leur tir sur elle. Ainsi s'exprime Vitruve :
(f, ;'), 4,3) : (( Inlenalla autcm tnrrium ita sunt facienda, ut ne
Intifjins ait alia ah alla sagiUie missionc, nti, si qua oppu^nctur,
luni a Inrrium (juic crunt dcxira ac sinistra scorpionibxis reli-
fjuisque lelorum misswnibus hos(es rejiciantur, m
D'une arcle à Taulre, le mur de la courtine mesure en
moyenne 4 m. 20 à 4 m. 70 d'é[)aisseur.
Deux hommes armés se promenant sur sa crête pouvaient
s'y croiser sans embarras, comme le veut Vitruve (1, 5, 42):
« Crassitudinnn autein mari ita faciendam censeo, ut aijnati
hominca supra obmam vniicntes alixis alium sme impcdUwne prœte-
rire possint )), Suivant le commandant de Rochas d'Aiglun (1),
répaisseur h\ plus grande qui ait été indiquée pour les murs
exposés aux coups des lithoboles a été de 5 mètres. Philon de
Hyzance écrit : (( On doit donner aux murs au moins 10 coudées
(V6 pieds ou 4 m. 54) d'épaisseur ». C'est, à peu de diflérence
près, tantôt en plus, tantôt en moins, l'épaisseur des courtines
à Mantinée. — On retrouve le môme genre de mur dans l'en-
ceinte du Piréc, autour de la presqu'île d'Héétioneia, lortifiée
j)ar Conon en 393-394 (2).
En arrière de cette ligne externe, à 4 m. 20 ou 4 m. 70 dans
l'intérieur de l'aréa (mesures prises de l'arôte externe des cour-
tines), règne un contre-parement parallèle au précédent qu'il
accompagne dans tout son parcours.
D'une épaisseur moyenne de 43 centimètres, il consiste en
une ligne de pierres longues de 1 m. à 1 m. 30, dont la crête
afileure un i)eu plus bas que le niveau supérieur du parement
externe. Entre ces deux lignes, un blocage (XiOoXoyTjiJLa) composé
de moellons et de terre mêlés remplit l'intervalle des deux parois
de pierres. Ce genre de construction rappelle celui de beaucoup
de remparts helléniques, en particulier ceux des Longs murs
d'Athènes et de la pres([u'île d'Héétioneia. Nous l'avons retrouvé
à Tégée et les archéologues de l'École anglaise l'ont aussi observé
à Mégalopolis.
A Mantinée, une particularité a frappé tous les voyageurs :
(1) Principes de la fortifie, antique, p. 13.
{t) Voy. les Inscriplions trouvées sur ce point par M. Dernuy, Ueulenanl de
vaisseau, el publiées par M. Foucart [Bull, de Con\ heUén., XI, p. 129 sq).
Les fouiUes ont dégagé une partie du mur et la porle (H. Lecliat, ibid , Xi,
p. 200). Le mur est composé, comme à Mantinée, d*une ligne double remplie
de blocage. Son épaisseur moyenne est do 5"'15.
L*A8SIKTTK DK LA VILLE. — L'KiNCKliNTK FOIITIFIKE. 14;>
c'est que, sur loule l'éleuduc du circuil, le niveau supérieur se
uiainlient seiisibleraent égal, quelles que soiejit les variations
de la hauteur du front d'escarpe au-dessus du sol ondulé (1).
D'autre part, on ne retrouve pas aux abords de renceinle, sauf
aux endroits où les parements inférieurs cux-ménies se sont dis-
loqués et elTondrés sous la poussée des broussailles ou ont été
déchaussés par les hommes ou par la rivière, d'amas de pierres
écroulées qui auraient pu, comme à Messènc, provenir des
parties supérieures des remparts.
Cette remarque a induit ceux qui l'ont faite à admettre que,
dans l'antiquité, le mur de pierre n'était pas plus haut qu'aujour-
d'hui. H servait donc de sup[)ort ou de socle (xsyjTc'ç) au remj)art
lui-même, lequel élait construit en brique crue, comme celui de
la vieille Mantinée (2). Mais, en 371, on avait pris la jirécautionde
le surélever davantage sur une base indissoluble, au-dessus de
toutes les crues, naturelles ou artificielles, de l'Ophis. Quanta la
partie supérieure, il était à la fois plus économicjuc, plus rapide
et même plus srtr de la construire en biique crue. Au dire de
Pausanias (3), l'argile moins cassante et plus molle résistait
mieux aux coups de bélier que les pierres de taille : en elïet,
quelques pierres déboîtées ou fracassées entraînaient la chute de
celles qu'elles sui)portaient et la broche se produisait. Au lieu
que la masse compacte et liée de l'argile se maintenait en place
tout autour de la trouée. Au reste, les texles anciens et les
découvertes archéologiques attestent (jue ce mode de cons-
truction était très commun en Asie et eu (irèce, dans les habi-
tations privées, les édifices publics et les ouvrages militaires (\).
(1) Voy. p. 138, llg. 20 cl p. IGl, fig. 35.
{i) J'ai retrouvé à renlice de plusieurs portes, en parUculier à ceUe de la
porte F, une masse d'argile (|ni provenait sûremenl des parUcs liautes du
rempart. De même à l'Intérieur de certjiines tours.
(3) yill,8, 4.
(4) Exemples à Troie, Mycènes. Tirynilie (Voy. IVrrol. Ilist.^ de /M;7,
t. Vï. p. 72Î)), àOlyinpic (riléralon), à Allicnes et ivirnsis (Clioisy. /:(. t'pifir.),'
Nous avons retrouvé, M. Bérard et moi, un frajîinent de rempart de Té^ce
tout à fait semt>lable à celui de Mantinée. En Asie, Xénophon {Anab., 111,
4, 7, 10) décrit les murs de la ville de Larissa, sur irs bords du Tigre.
Us avaient 2î5 pieds (7",70) d'épaisseur sur i(K) de liauteur (30'"), et deux
parasanges (60 stades de tour). Ils étaient en briques, mais leurs {oiidenienls
étaient en pierre de taille jusqu'à la hauteur de 20 pieds (0"'16). Un peu plus
loin, il donne sur la citadelle de Mespila des indications analogues. La base du
mur était en pierre co(iuillière ; elle avait JiU pie<1s (15"/i0) d*é «aisseur et
autant de hauteur. Sur ce soubassement sëlevait un mur de briques de 50 pieds
(1H",40) de largeur sur 100 do hauteur. Le circuil était de six parasanges
(180 sUidcs). Cf. le mur des Plaléens décrit par Tliucydide (111, 21).
.Maiiliiiée. — II.
146
MANTINKB KT L ARCADIK 0R1KNTALK.
\a\ coupo ci-joiiilc fait ressortir l»i façon dont on dut procéder
pour rélahlisscmcnt du rempart. On commença par creuser un
fossé de 4 ni. 70 environ de largeur sur une profondeur de
J m. \/2. à 2 m. Oji élai)lit ensuite contre la berge extérieure le
parement de froni, en manière de soutènement; on remplit le
vide de blocage el l'on borda la hev^e intérieure avec le contre-
parement. Sur la plaie-forme ainsi obtenue ou superposa le
massif de briques crues.
Figr. 2Î.
Schéma de 1a coiistriicUon du rempnrt.
Tours Les leurs de llanquement sont elles-m^mes de dimensions
de nnnruicnieni. (i(\s inégalcs, c'oiiime on en jugera d'après le tableau de la
page 150. Le front mesure en moyenne de G m. 50 h 6 m. 80,
et la saillie en <leliors <le la ligne externe des courtines de
4 m. oO à 5 m. Toules les tours de (lanquement sont carrées.
Elles ne doiveni pas être confondues avec les tours ou les
bastions des portes, dont les formes sont très variées.
On peut s'élonner que la forme circulaire, adoptée pour le
tracé général, ait élé abandonnée dans les tours deflanquement.
Elles sont toutes carrées. Les tours rondes font partie de la
défense des |)orles. Les auteurs de traités spéciaux recomman-
dent cependant iiou ries tours le tracé circulaire, demi-circulaire,
penlagonal ou bexagonal, <le préférence ù la forme carrée.
Vilruve niolive ainsi son opinion: « Turres itaque rolundœ aut
polygonix sujit Jaciendx ; quadratas enim maclfinœ cckrius
dissipant, quadrangulos arietes tundendo frangunt » (I, 5, 44).
Les leurs convexes avaient donc l'avantage de résister mieux
aux coups de bélier ou aux projectiles, qui poussaient vers le
centre les [lierres taillées en coin. Déplus, elles permettaienl,
pour les macliines qu'elles abritaient, le tir dans toutes les direc-
tions. Si donc, on leur a souvent préféré les tours carrées,
malgré leurs inconvénients, c'est uniquemenl, comme l'observe
L*ASSIETTE DE LA VILLE. — L*KNCELNTE KOUTIKIKK.
147
M. de Roclias d'Aiglun (1), parce que leur ronslniclion était
plus facile, plus rapide et plus économhiuo. îl sullie-.ait d'cpan-
neler la surface extérieure des blocs, sans qu'on fût obligé de
les tailler eu coin.
Le plan et la structure des tours llanquanlcs [)résenlcnt iU)s
particularités qui méritent d*étre signalérs. Il y a deux sortes
de tours : les tours simples et les tours à |)olernc. Je ro|)arlerai
plus tard decclles-ci. ha construclion est la même: leurs dimen-
sions seules et l'existence de la poterne lalérab^ les dislinguent.
Le croquis ci-contre donne un spécimen de lour ordinaire, ([ui
me dispensera de longues explications.
«.-'- . .ÈJ '\' î^' - ï ' \.
l-ig. 23.
Tour snns poterne (f.igiie B G : la 4* à l'E. À partir de la \nulc H).
On remarque que le front saillant des tours se compose d'assi-
ses redoublées en [)ieiTes de laille, d'une épaisseur lri|)le rie la
ligne externe des courtines. De plus cha(|ne lour communique
avec l'intérieur de la ville par un couloir élroil |»cr(é à travers
le rempart. Il résulte clairement de ce disposilif el dos dimen-
sions restreintes de l'inlérieur au re/.-de-cbausséc (\ m. 50 sur
2 m. 45) que, au dessus de la porte et de la cou ri i ne, les élages
su|)érieurs de la toui* étaient à cheval sur le chemin de ronde.
La terrasse de la tour formait un reclangle de tS m. 35 de (lanc
sur G m. 70 de froni, soit de 55 "'•'» 885. Comme celles des cour-
tines, les parois des tours étaient en briques crues, reposant
sur un socle de pierres.
(1) Foi'lif. anliq., p. 18.
148 MANTINKE KT L'ARCADIK ORIRNTALK.
l/inl6ricur rcsiail creux. Or, ces [)arois d'argile de 1 m. 60
«l'cpaisseur sur le fronl peuvent seinbier bien minces, compa-
rées au rempart de 4 m. 30; on serait tenté de croire que ces
saillies ne constituaient que des renforcements apparents ,
dissimulant autant de points faibles. Le bélier, en les ébranlant
et renversant comme des châteaux de cartes, aurait eu vite fait,
semble-t-il, de les transformer en brèches. Mais, ù y regarder de
près, on s'aperçoit que les constructeurs ont tout prévu et ont
obvié à tout par des moyens très simples. D'abord, ils se sont
bien gardés de diminuer l'épaisseur du rempart pour augmenler
l'espace intérieur <les tours au rez-de-chaussée, comme l'ont fait
ceux de Mégalo|)oIis (1), où l'on observe la disposition suivante :
FIg. 24.
Ce dispositif est 1res défectueux, parce qu'il évide le rempart
et qu'en cas de chute, la tour entraîne avec elle la portion de
courtine à laquelle elle est soudée (2). A Mantinée, le rempart
gardait toute sa [luissance derrière la tour. Quant à la porte
et au couloir d'entrée, en cas de chute de la tour, ils se seraient
vite trouvés bouchés par les décombres et n'eussent offert aucune
ressource h i'ennejni. Un autre avantage de cette construction
était de barrer le chemin de ronde en le faisant passer par de
petites portes, aisément défendables, ouvertes aux flancs de la
tour à hauteur des courtines; par suite, d*isoler la courtine
contiguc, au cas où elle serait escaladée par l'ennemi: celui-
ci, pris sur le chemin de ronde entre deux tours, n'aurait guère
pu bénélicier de son audace. D'ailleurs, ce dispositif correspond
exactement à celui que décrit Thucydide à Platées (III. 21). On
peut donc reconstituer le rempart de Mantinée comme le montre
la figure 21), tout en reconnaissant que la restauration de la
superstructure est tout à lait arbitraire et reproduit surtout
celle des remparts de Messène (3).
(1) Loring, Excavations al Megalopolis, p. 108, fig. L.
(2) Pour remédier à cet Inconvénient, on imagm» des tours siinplerneiit appli-
quées contre le reinparl, et non attenantes à lui. J>n al encore vu à Nicée (|uî
se sont peu à peu d6lacl)C4*s de la courUne sans l'entraîner dans leur ruine.
(3) Voir aussi la superstructure du rempart de Lépréon, décrite par Doutan.
Uénioire sur la TriphtjUe,
LA88JKTTR DE LA VILLK. — L KNCKINTK FORTTFIKK.
140
L'intérieur des tours renfermait les escaliers de bois qui con-
duisaient au chemin de ronde, aux paliers correspondant aux
meurtrières et à la terrasse supérieure. L'étage inférieur, resserré
entre le rempart et le front delà tour, ne pouvait guère contenir
que les escaliers; mais, au dessus de la courliuc, les chambres
devenaient plus spacieuses et pouvaient abriter un certain nom-
bre de tireurs et d'engins de défense.
nTLn
Fiff. 25.
Tour reslnurcc
(vnr |)nse A l'inléncur du i-eui|»Arl).
HJ^-fin
Tour ji |iolr>ri)e ri'shiurée
(|Holil oxlorlrur avrr r«»u|»f du lempnrl).
Sur le nombre des tours de flanquemcnl h's voyageurs ne
sont pas d'accord. Ross en complait 12i) on 130, Gell 110,
Leake 118, Curtius environ 120 d'après Pnillon-Hobhiye (I).
Ces divergences s'expliquent par les lacunes du tracé en certains
points, et parce que l'on n'a pas nettement dislingué les tours
de flanquement de celles qui apparlienncnl à la défense des
portes. Sur plusieurs points, entre autres aux environs des
portes E et 1, le tracé est devenu pres{|ue invisible. I^es lours
y sont complètement ruinées ; nous n'avons pu en fixer les
emplacements qu'en étudiant de près les levées de terrain pro-
duites j)ar leurs arasements. Le tableau ci conln^ donne tous les
cliillres intéressants, le nombre et les dimensions des sections,
courtines et tours.
(!• Reck. géographiques, p. 139.
^•iO MANTINKE BT L*ARCADIR 0I11P.NTALE.
Statistique de Tenoeinte de Mantinée.
—
SECTIONS
COURTINES
TOURS
£
1
DiitieiiMioiis
S
>?
Dimensions
1
des porles
diniensioiu du front
AU
400-
H
25-90 — 24«35
25 40 — 26 96
10
1 ronde A
1 ronde B
1 CArrée B interne
6-60 — 6-90 - 6-50
BG
245
/ 25 50 — 26 45
* ( 25 86
. 1 ronde B
Ml (^ c
660
CD
350
j 20 23 — 26 70
* 1 26 23 — 26 30
1 c*rr*eC
^ \ 1 ronde D
6 60 - 6 70
\m
550 (environ)
i 25 35 — 25 45
'* 1 25 80 - 25 65
1 ronde D
'M. m E
6 76-7 n
EK
410
a6 45 - 24 15
*** 33 45 — 25 25
8 J • <" "
( 1 penUigonale F
4 95 - 7 30 - 9 »
8 76 — 6 70
FG
396
. 25 50 — 25 65
1 ronde F
1 cnrr*e G
7 » — 6 60 ~ 7 50
Gif
235 (environ)
, 25 10 — 24 80
M 23 40
1 ciiriée G
' 1 entrée (?) H
7 » — 6 60 - 9 »
III
300 (i(l.)
, 24 40 - 25 i>
' t 25 65
1 carrée II
i (?) I
7 40 - 6 15 — 7 15
IK
820 (iil.)
r 25 80 — 23 35
"•' (25 » — 30 20
23 i* ^'^ '
\ 1 riirrée K
6 55 - 6 70
KA
358
10
3i 20 — 33 75
25 85 — 25 15
27 85 — 37 70
g
1 carrée K
1 ronde A
6 60 — 6 70
10
4063
Y runipris les»
CfVlés douilles
<le« portes
114
105
21
On relève, en somme, 105 loiirs carrées de flanquement et
21 tours de formes variées pour la défense des portes, vsoil une
couronne de 12G tours (1).
LKsouvK«n:nEs: La placc (Ics porics était délerminée par la direction des
ories et poiernes principales loutcs rayonnant î» l'extérieur, et leur disposition
(l)Ces chiffres, oblcnus nprès des recherches plus minutieuses, corrigent
ceux que j'avais in(ll(|iié.s (imis mon arUcle du BuU, de Corr, hellén , XI. p. 7G.
l'assiette de la ville. — L'EiNCElNTK KOUTIFIKE. 151
par les besoins du tracé général. Elles sont presque toutes com-
prises entre les deux extrémités, Tune rcniraute et Tautre
sortante, des sections. Elles font ainsi dans l'épaissseur du
rempart, autant de coupures obliques, dont la direction est
la même, malgré la variété des dispositifs adoptés pour cbacune
d'elles. J'ai expliqué comment la nécessité (raniortir les angles
aux courbures du tracé et de ramener à Tellipse les cùlés
divergents' avait imposé cette orientation uniforme: toutes les
portes s'ouvrent vers l'intérieur dans le sens d'une llèchequi
ferait le tour du rempart comme le montrent les lig. 19" et 20.
Une œuvre logiquement conçue se trouve répondre à plusieurs
nécessités à la fois. Nulle part, ce caractère ne ressort mieux
que dans la construction des portes de Manlinée. En appropriant
d'abord le plan de ces ouvertures nécessaires aux exigences du
tracé circulaire, les ingénieurs de 371 ont, du même coup et
sans autres rechercbes, obtenu pour elles le maximum d'efTct
défensif.
Ils avaient moins à se préoccuper de faciliter les communica- Principes de imn
tions du dedans au dehors que d'empêcher l'ennemi de forcer consuucUon.
l'entrée du dehors au dedans. Ce problème avail, depuis les temps
les plus anciens, inquiété les constructeurs de remparts. La
solution qu'ils avaient trouvée et qui a [)révHlu durant toule
l'antiquité consistait à rendre aussi défavorable que possible à
l'assaillant l'approche du point faible. Pour cela, on (lis|)Osait la
porte dans un flanc G U regardant la campagne (lig. 2()), de façon
à obliger l'ennemi à présenter au défenseur placé sur A H le
côté découvert, c'est-à-dire le coté droit (|ue ne protégeait pas
le bouclier. « lia circumdandum ad loca priv.cipitifiy et cxcorjilan-
dum uti portarum iliiiei^a non sint direcla, sed <7xxia. Nanique cum
ita ((ictum fuerit, tune dcxtrum latus accedmlibus, qnod sailo
non crit cectnm, proximum erit muro (1). »
Pig. 26.
Cette question du côté couvert ])ar le bouclier est capitale
dans la fortification antique. Elle expli(|ue la plu|)art des dis-
(I) Vllnive, I, 5, 41.
1î>0 MANTINKK BT L*ARGADIP. ORIKNTALE.
Statistique de Tenoeinte de Mantinée.
SECTIONS
COURTINES
TOURS
ë
ë
nimoiHioiiH
'/T,
Diiiittnsions
1
des portes
dimensions du front
AH
400-
H
25-00 — 24-35
25 40 ~ 26 05
10
1 ronde A
1 ronde B
IcArr^eB interne
6-60 — 6-90 - 6-50
DC
245
/ 25 50 — ÎB 45
M 25 85
. 1 ronde B
M* (^ C
650
CD
350
20 23 — 25 70
^ 20 23 — 25 30
1 carrée
^ } 1 ronde D
6 60 - 6 70
DK
550 (environ)
25 35 — 25 45
'* 25 80 - 25 65
, 1 ronde D
6 75 — 7 n
EK
410
j 26 45 - 24 15
''^ 1 23 45 — 25 25
^ 1 (?) E
1 penUigonale F
4 05 - 7 30 - 0 »
8 75 — 6 70
FG
395
f 25 50 — 25 65
1 ronde F
1 cnrréc G
7 » « 6 60 — 7 60
Gif
Î35 (environ)
, 25 10 — 2^ 80
^ \ 23 40
. 1 cariée G
^ 1 1 cnrrée (?) H
7» — 6 60-0»
III
300 (i(l.)
, 24 40 - 25 »
' t 25 05
, 1 carr^ H
Mi (?) I
7 40 - 6 15 — 7 15
IK
820 (id.)
f 25 80 — 23 35
23 /
(25 » — 30 20
23 i* <'^ '
\ 1 rarr«e K
6 55 - 6 70 "
KA
358
•0
3_> 20 — 33 7B
25 85 — 25 15
Ï7 85 — 37 70
0
1 carrée K
1 ninde A
6 60 — 6 70
10
4053
Y ronipris le»
cAli^s douille»
(les porte»
114
105
21
On relève, en somme, 105 tours carrées de flanquemenl et
21 tours de formes Vciri(3es pour la défense des portes, soit une
couronne de J20 tours (1).
usouvic«ri:«es; La placc (Ics |)orlcs était délerininée par la direction des
.ortcs cl poternes principales loutcs layonnant à Textérieur, et leur disposition
(i) Ces chiffres, oblciius iiprès dus recherches plus minutieuses, corrigent
ceux que j*avals in<ll(|ués d^ns mon article du Bull, de Corr. hellén , XI. p. 70.
l'assiette de la ville. — l'enceinte fortifiée. 151
par les besoins du tracé général. Elles sont i)res(îuc toules coin-
prises entre les deux extrémités, Tune reniranle et l'autre
sortante, des sections. Elles font ainsi dans l'épaissseur du
rempart, autant de coupures obliques, dont la direction est
la môme, malgré la variété des dispositifs adoptés pour cbacune
d'elles. J'ai expliqué comment la nécessité d'amortir les angles
aux courbures du tracé et de ramener à l'ellipse les cùtés
divergents avait imposé cette orientation uniforme: toutes les
portes s'ouvrent vers l'intérieur dans le sens d'une flècbequi
ferait le tour du rempart comme le monlrcnt les lig. 19» et 20.
Une œuvre logiquement conçue se trouve répondre à plusieurs
nécessités à la fois. Nulle part, ce caractère ne ressort mieux
que dans la construction des portes de Mantinée. En ap[)ropriant
d'abord le plan de ces ouvertures nécessaires aux exigences du
tracé circulaire, les ingénieurs de 371 ont, du même coup et
sans autres rechercbes, obtenu pour elles le maximum d'elTot
défensif.
Us avaient moins à se préoccuper de faciliter les communica- ivimipcs de lei»
lions du dedans au dehors que d'empêcher l'ennemi de forcer consuuciion.
l'entrée du dehors au dedans. Ce problème avail,(le|)uis les tem|)s
les i)lus anciens, inquiété les constructeurs de remparis. La
solution qu'ils avaient trouvée et qui a prévalu durant toute
l'antiquité consistait à rendre aussi défavorable que possible à
l'assaillant l'approche du point faible. Pour cela, on dis|)osait la
porte dans un flanc G B regardant la campagne (lig. 2()), de faron
i\ obliger l'ennemi à présenter au défenseur [)lacé sur A H le
côté découvert, c'est-à-dire le coté dioit (|ue \u\ protégeait pas
le bouclier. « Ita circumdandum ad loca privcipiil'ty et excogiian-
dnm uti portarum iliiiera non suit direcla, sed <7xxii. Nanique cum
ita fiictum fuerit, tune dcxtrum latus accednitihus, qitod sculo
non erit tectnm, proximum erit muro (1). »
Porlc
Kip. 26
Cette (luestion du côté couver! par le bouclier est (•a|)ilale
dans la fortification antique. Elle explicpie la |)lupart des dis-
(I) Vilnivc, I. 5, 41.
I;V2 MANTINKK KT L'ARCAmi*: ORIKNTALK.
positions défensives de rarchileclure inililaire. « Toutes les
<lisj)osilions des inji:rnieurs, dit M. de Rochas, étaient calru-
lécs en vue de ce colé nu qu'il fallait frapper chez l'ennemi et
|)rotéger chez Tanii (I) ».
Par là s'explif|iient les rampes d'accès des portes de Tirynthe
et de Mycèncs. A Mantinée, on remarque que le flanc A B se
Irouve toujonis enjçagé à Tinlérieur du double rem[)art : par
là, le défenseur, qui harcèle le cùlé faible de l'ennemi empri-
simné devant la porte, est lui-même abrité contre les projectiles
lancés du dehors par la ligne extérieure qui le couvre.
Ce n'était pas toul. Les constructeurs de la grande porte de
Tirynthe s'étaient contentés d'obliger l'ennemi à se présenter
par le cùté nu, sans assurer à l'ami qui sortait le bénéfice de la
|)Osition inverse. A Mantinée, la prévoyance est double ; elle
calcule à la fois ce qui convient à la défensive et aussi à l'oflen-
sive, car elle sait qu'une garnison ne doit pas se réduire à un
rôle passif, mais qu'elle doit elle-même agir vigoureusement par
des sorties. Par conséquent, si l'on oblige l'ennemi à se présen-
ter découvert, on veillera à ce que l'ami à sa sortie soit accom-
[)agné d'un mur |)rotecteur jusqu'au moment où il pourra se
risquer en campagne protégé par son bouclier. Enfin, une
troisième préoccupation se laisse clairement deviner : celle
d'accumuler autour et à l'intérieur des portes les obstacles,
les dilFicultés et les défenses renforcées.
Ces [)rincipes et ces précautions générales, les constructeurs
de Mantinée ne les ont pas appliqués d'une manière uniforme.
Ils leur ont, au contraire, adapté des dispositifs variés, aj)|)ro-
priés aux nécessités locales du tiacé. Chaque, point du circuit
pourvu d'une ouverture se trouvait, en eiîet, dans des conditions
j)arliculières, suivant que le périmètre dessinait une courbure
plus ou moins i)rononcée, que le terrain ambiant permettait ou
défendait à l'ennemi certains déploiements. Ils ont tenu compte,
dans l'application de règl(»s absolues, de la valeur relative des
différents points de l'enceinte. C/cst pouiquoi aucune |)orte ne
ressemble exactement aux autres, bien qu'elles soient toutes
construites d'a|)rès les mêmes principes. Ils n'ont laissé aucun
détail à l'arbitraire. Ce n'est j)oint par j)ur amour de l'art ni
|)our faire étalage d'ingéniosité qu'ils ont diversifié leurs modè-
les : il y a dans cette |)artie de leur œuvre plus de raisonnement
et de science pratique (|ue de fantaisie.
(1) Fortif, antiq, p. If).
LASSIETTK DE LA VILLK. — L KNCKINTK FORTinKK.
11)3
L'examen détaillé (le chacune des portes i)erinetlra d'étudier
ces combinaisons et les intentions auxqucllos elles répondent.
Je m'aiderai, pour combler certaines lacunes, des i)etits [)lans de
Gell (1) : quoique très peu exacts en général, ils peuvent lournir
d'utiles indications pour des parties que l'auteur a trouvées en
bon état. Je joindrai une copie de ces croquis à ceux que j'ai
dressés sur place.
La porte A est très originale. Située sur une courbure tiès
allongée, son ouverture se présente par exception, perpendi-
culaire et non oblique au rempart, les exlréuiités des deux
rorlc A.
Porte A
(d'aprèii GcII).
Fig. 27.
Porte A
(restauration prolmlilr).
"^im
JdL
JOL
Porte n
((l'nprès Gell).
sections se trouvent dans le prolongemeni l'une de l'autre, au
lieu de s'emboîler parallèlement comme les ttMes d'une mor-
taise. La porte se composait de deux cours : une avant-cour
en demi-lune concave, commandée par deux tours rondes. Une
premi(M*e porte ou une lierse fermait l'issue dv cet onlonnoir.
L'assaillant qui avait forcé cette entrée se trouvait ensuile
enfermé dans une petite cour rectangulaire d'où les trails plcu-
vaient sur lui de tous les c()tés. La fojme dt's portes devait
rappeler celles de Messène ; je n'ai retrouvé ni linteaux ni
montants de pierres. Les tours ou les massifs des portes n'ont
point de petites entrées du c(M,é de Tintérieur, romme les tours
de Jlanquement. D'où l'on peut conclure ([uVIles étaient pleines
jusqu'à la hauteur des courtines; les étages supérieuis étaient
seuls casemates et l'on y accédait par le chemin de ronde. La
porte de Mégalopolis à Messène présenl(; un dispositif analogutî :
seulement, l'avant-cour et les tours sont carrées, et la cour inté-
rieure est circulaire.
La porte B, très inexactement restituée par Gell (flg. 27), porte u.
{i)Probe8tûeke nmi Stàfitetnaurm, 18.'it. Ces peUls pians acrompagnenl le
plan général reprodiiil plus loin, p. P.)o, flg. 48.
:V2
MANTINKK KT L AI\(1AJ)IK ORIKNTALK.
positions défensives de l'arcliileclure militaire. « Toutes les
<lis|)osilions <ies in«;rnieurs, dit M. de Rochas, étaient calrii-
lées en vue de ce cùlé nu qu'il fallait frapper chez l'ennemi et
protéger chez Tami (1) ».
Par là s'expliquent les ram|)es d'accès des portes de Tirynthe
et de Mycènes. A Mantinée, on remarque que le flanc A B se
Irouve toujours enjçagé à l'intéiieur du double rempart : par
là, le défenseur, (jui harcèle le c(Hé faible de l'ennemi empri-
simné devant la porte, est lui-môme abrité contre les projectiles
lancés du dehors par la lifçne extérieure qui le couvre.
Ce n'était pas tout. Les constructeurs de la grande i)orte de
Tirynthe s'étaient contentés d'obliger l'ennemi à se présenter
par le cùté nu, sans assurer à l'ami qui sortait le bénéfice de la
position inverse. A Mantinée, la |)révoyancc est double ; elle
calcule à la fols ce qui convient à la défensive et aussi à l'olTen-
sive, car elle sait qu'une garnison ne doit pas se réduire à un
rôle passif, mais qu'elle doit elle-même agir vigoureusement par
des sorties. Par conséquent, si l'on oblige l'ennemi à se présen-
ter découvert, on veillera à ce que l'ami à sa sortie soit accom-
pagné d'un mur protecteur jusqu'au moment où il pourra se
risquer en campagne protégé par son bouclier. Enfin, une
troisième préoccupation se laisse clairement deviner : celle
d'accumuler autour et à l'intérieur des portes les obstacles,
les difficultés et les défenses renforcées.
Ces principes et ces précautions générales, les constructeurs
de Mantinée ne les ont pas appliqués d'une manière uniforme.
Ils leur ont, au contraire, adapté des dispositifs variés, a|)pro-
priés aux nécessités locales du tracé. Chaque point du circuit
pourvu d'une ouverture se trouvait, en eiîet, dans des conditions
particulières, suivant que le périmètre dessinait une courbure
plus ou moins prononcée, que le terrain ambiant permettait ou
défendait à l'ennemi certains rléploiements. Ils ont tenu compte,
dans rap|)li(ation de règles absolues, de la valeur relative des
différents j)oints de l'enceinte. C'est pourquoi aucune porte ne
ressemble exactement aux autres, bien qu'elles soient toutes
construites d'a|)rès les mêmes principes. Ils n'ont laissé aucun
détail à l'arbitraire. Ce n'est point par pur amour de l'art ni
j)our faire étalage d'ingéniosité qu'ils ont diversifié leurs mode
les : il y a dans celle partie de leur œuvre plus de raisonnement
et de science pratique que de fantaisie.
(1) Fnrtif, antiq. p. 15.
LASSIRTTB DE LA VILLK. — L KNCKINTK FORTIFIKK.
1;)3
L'examen détaillé de chacune des portes [)ermetlra d'étudier
ces combinaisons et les intentions auxquelles elles répondent.
Je m'aiderai, pour combler certaines lacunes, des [)etits plans de
Gell (1) : quoique très peu exacts en général, ils |)euvent fournir
d'utiles indications pour des parties que l'auteur a trouvées en
bon état. Je joindrai une copie de ces croquis à ceux que j'ai
dressés sur place.
La porte A est très originale. Située sur une courbure très
allongée, son ouverture se présente par cxceplion, perpendi-
culaire et non oblique au rempart, les extrémités des deux
l*oiic A.
Porte A
(dnprè!! Gril).
Fig. 27.
Porte A
(reslAU ration prolNililc) .
Poitc II
(«lapri^s Gell).
sections se trouvent dans le prolongement l'une de l'autre, au
lieu de s'emboîter parallèlement comme les tètes d'une mor-
taise. La porte se composait de deux cours : une avant-coui*
en demi-lune concave, commandée par deux tours rondes. Une
premiw^e porte ou une lierse fermait l'issue de cet enloniioir.
L'assaillant qui avait forcé cette entrée se trouvait ensuilc
enfermé dans une petite cour rectangulaire d'où les trails pleu-
vaient sur lui de tous les cotés. La forme ilcs portes devait
rappeler celles de Messène ; je n'ai retrouvé ni linteaux ni
montants de pierres. Les tours ou les massifs des portes n'ont
point de petites entrées du cùté de l'intérieur, comme les tours
de ilanquement. D'où l'on [)eut conclure (|u>lles étaient pleines
jusqu'à la hauteur des courtines ; les étages supérieurs étaient
seuls casemates et l'on y accédait par le chemin de ronde. La
porte de Mégalopolis à iMessèneprésenleun dispositif analogue :
seulement, l'avant-cour et les tours sont carrées, et la cour inté-
rieure est circulaire.
La porte B, très inexactement restituée par Gell (fig: 27),
Porte B.
{{ )Probe8tueke non Slàdtemauern, la'îl. Ces petits plans accompagnent le
plan général reproduit plus loin, p. 11)5, flg. 48.
154 MAXTINKK KT L'ARCADIK ORIKNTALK.
s'ouvniil eiilrr deux lonrs rondes, dont l'une a disparu. Le
couloir inlrricur élail commandé, du coté de la place, par un
bastion carre silué à la droite de rassailiant et dont la terrasse
pouvait recevoir un j^rand nombre de défenseurs abrités contre
les (îou|)S <lu tiehors |)ar le mur opposé.
, 'êtt , ,
Kig. 28.
Porte n (étnlarliiel).
roiie c. L'état aciuel de la [)orte C ne rappelle en rien celle que Gell
présente sous la même lettre et qui lui correspond pour la
position. Il subsisie, de Tavant-cour, le tenon saillant d'une
tour [)robablemenl ronde, qui a disparu : elle dominait la droite
de l'assaillant et devait élre d'autant plus proéminente que le
tracé décrit ensuile un coude brusque vers le S. E. ; il fallait
donc couvrir plus fortement cette brèche située sur un an^le.
La tête du sefçment externe, en grande partie détruite, ne laisse
plus voir qu'un fragment de bastion ; celui-ci se terminait sans
doulepar une |)oinle airondie. Dans le vestibule compris entre
les deux |)orles, j'ai retrouvé les restes du dallage de la rue. On
remarque ainsi (|ue la courtine extérieure, comprise entre la
dernière tour ilanciuante et l'extrémité du tronçon, est parfois
écbancrée en crémaillère. Cette disposition a pour but de fournir
un liane saillani, capable de battre le pied de la courtine, deve-
nue trop longue, et cela sans installer de tour.
orie n. La porte I), qui répond à la [)orte C de Gell et à celle
dont riCxpédilion de Morée, Ross et Curtius ont donné des
croc|uis, a frappé les voyageurs par sa belle ordonnance et sou
remarquable élal de conservation. L'avant -cour, commandée
|)ar deux belles touis rondes de 7 m. 50 à 8 m. de diamètre et la
cour, dont les ouvertures entre montants mesurent 5 m. et
4 m. 60, sont enfermées entre deux lignes de rempart renfor-
cées. Ces renforcements ménagent à bh garnison deux larges
plates-formes en communication avec les tours. Peut-être une
partie de ces saillies servait-elle de rampe ou d'escalier pour
L'ASSIBTTK DR LA VILLK. — L'KNCKINTK KOUTÎFIKK. 155
monter au cJicmin de ronde? On a cru reniaiMpuM-, dans leliMion
qui relie au mur la tour Nord (à gauche) le« ouvertures de deux
petites poternes ; mais la destruction du mur à cet endroit rend
ce détail peu clair, llfaudrait alors admettre (|uMl existait une
porte d'entrée au rez-de-chaussée de la tour, du coté de la place.
A vrai dire, je crois plutcH qu'on n'accédait à hi tour (lue pai- le
chemin de ronde.
__.-.,-rT*3j.~J^^M^ lia «< III yprnCT;iraajLULij!rjacxaaa3i> ,->•
Fig. 29.
Porte D (élnt nrliirl).
L'existence d'une porte dans le voisinage de la source p«h»i. f..
Varéli ne peut fçu«îre se déduire de l'aspect des lieux, (^esl
le point de l'enceinte le plus ruiné; tours et courtines ont
également disparu, sans même laisser d'arrachements. Les habi-
tants du hameau, dont Leake et (îell ont encore vu quehiues
masures, ont tout démoli pour construire leurs cabanes. Cepen-
dant mes recherches pour retrouver la diriMlion du circuit à cet
endroit et combler cette lacune m'ont convaincu (ju'il existait
une porte faisant directement face à l'Alésion.
Des raisons subsidiaires peuvent aussi être invociuées : l** la
longueur inusitée <lu segment 1)F, si l'on suppiime la |)orte H ;
2^* l'existence d'une rue antique partant du coin S.-K. de l'Agora
juste dans la direction de la source Varéli; .1" l'existence, en
face de cette source, d'un sentier qui gravit le ravin de l'Alé-
sion où devait être installé le Stade et traverse obliciuement la
colline pour aller rejoindre la roule de Neslané-Argos. Ce
raccourci de montagne évitait aux piétons et aux mulets le
détour par la [)ointe, et ce devait être le chemin direct du
sanctuaire de Déméter sur l'Alésion. Knlin un autre ari^unient
serait fourni i)ar la source, si l'on |)ouvait démontrer (lu'elle
existait dans l'antiquité. J'ai maniué, sur 1(*. plan généial, hi
restauration probable de cette partie, avec la position de la
porte et des tours disparues.
C'est un couloir droit, défendu sur le coté nu de l'assaillant ''•"**• •'-
I5G MANTINÉE ET l'aRGADIE ORIENTALE.
par une belle lour pentagonale, tlonl les puissantes assises
sont bien conservées. J'y ai retrouvé les restes du dallage.
^^~ir
Fig. 30.
i^orlc K (dapi-ès G de (Itll). Porte F (état actuel).
Poiir (î. Elle est comprise entre une tour carrée à g. de 8 mètres 40
(le front et un basiion rectangulaire de 8 m. 20 d'épaisseur.
Les moulants et le dallage de la rue, avec les ornières
creusées par les roues sont encore conservés. Comme celle
qui lui correspond au N.-E., cette porte est placée à un
Hq_
FiK. 31.
Porte G (F de Gcll). Porte G (état actuel). Porte I (?) (d'après II de Gcll).
(•oude brusque du tracé. Ses défenses sont aussi simples que
puissantes : on a jugé inutile d'établir une tour proéminente
de couver! ure, à cause du voisinage de la première tour (lan-
({uante, distante seulement de 14 m., large de 7 m. 50 et munie
d'une poterne ainsi que ses voisines de la môme section.
Portes II et I. L'existence trune ouverture en H est indiquée par la position
en crémaillère des tronçons du tracé. Gell ne s'en est pas
rendu compte et omet de placer une porte à cet endroit.
De même pour la porte î, que les travaux de la route
moderne cmt emportée avec plusieurs tours et courtines. La
porle G de (îcll lui corres[)ond pour la position, mais je doute
qu'elle en reproduise les dispositions authentiques (voy. fig.
3J, c). Peut-éire son croquis île la porte II, dont l'équivalent
n'existe plus aujourdUiui, peut-il en donner une idée ?
Porte K. Peut-être K de (îell ? — Elle se composait d'un double
couloir coupé à angle droit : la première partie comprise entre
deux grosses tours avancées, dont l'une, à g. de l'assaillant.
l'assiette de la ville. — L'ENOKINTK K(»UTIKIKK. 157
formait un bastion carré et l'autre une saillie proémiiienle, au
Iront peut-être arrondi, comme l'indique le croquis de Gell. A
rintérieur, la tête de la section se tcrniinail au ras du sol par
une ligne de bornes en demi-cercle, comme répiue d'uusladc.
l'oiic K (t'ial Rt-liii'I).
Les chars pouvaienl ainsi tourner court, sur le dallage de la
rue, qui se dirige perpendiculairemeni vers le ci'ulre de la ville.
On aperçoit encore, au tournant, les entailles cieusces dans ces
pierres à la hauteur du moyeu des chars.
Les voies qui sortaient de la ville dans le piolongcnioiil des soiUcaps portes.
grandes rues dallées ou empierrées desceudaioni , entre les
tours avancées, le faible talus de Tescarpe cl franchissaient
à quelques mètres du mur le fossé de rO|)his sni* des pouls de
pierre ou de bois. La place de ((uatre de ers pouls est encore
visible en face des portes B, (], M, K. Les pouls aciucîls, très
étroits, sont de fort médiocres remanicmenls byzantins, lurcs
ou modernes.
Outre ces sorties, larges en moyenne de ^ à ;> mètres cuire r«»tcrne.s de soiiu-.
montants, points de départs des grandes rouh^s (|ue suivaient
les armées et les chars, il y avait d'autres issues ménagées dans
Tenceinte pour les besoins de la défense. Leur exiguïté et leur
positionne leur permettaient pas de servir aux communicalions
régulières: elles n'avaient donc qu'une vahnir puremeni mili-
taire. Elles débouchaient sur la bande de lalus comprise cnire la
base du mur et l'Ophis et qui est large en moy(Muie de iO à 2,')
mètres. On les trouve surtout grou|)ées dans In partie orientale
du circuit, en face de l'Alésion. Dans la section I) K, il y en a à
toutes les deux tours; dans la section K K elles sont nu)ins
visibles et paraissent moins régulières et moins nombreuses;
dans la section F G toutes les tours en sont pourvues. Ce sont
de petites ouvertures de 1 m. de large, |)crcées au ras du sol
dans le ilanc droit des tours pour qui regarde la campagne
(iig.25,/>.). Elles sont donc orientées en sens contraire des portes
parce que leur destination était absolumiîul dilTiirente. Tandis
158
MANTINKK KT LARCAOIR OHIKNTALB.
((uc les porles se présentaient de la façon la plus défavorable à
rassaillani, les iiolcrnes étaient disposées dejnanièreà favori-
ser les sorties des assiégés, en leur permettant de se défiler au
pied de la courtine et sous sa f)rotection, sans [uésenterà Tenne-
mi leur coté nu. Pour cela, les Jiles années se formaient d'avance
à rinlérieur de l'enceinte comme le montre la ligure suivante,
et débouchaient rapidement, homme par homme, encourant le
long de la courtine (lig. 33).
Fig. 33.
Tour n ]K>leriie «le .Mniiliiirc {"i* lonr h portir de la porte K, segment K Cî) (I).
Quand cette mancruvre s*oi)érait en même tem])s à toutes
les tours pourvues de poternes, à raisoji de 20 à 30 hommes
par tour, des loches entiers pouvaient en un instant s'aligner
au pied du rempart, sauter le fossé et opérer en ordre de
bataille un mouvement tournant : la conversion se faisait
autour du rempart à droite ; oji pouvait prendre à dos l'en-
nemi massé à l'entrée d'une porte, déranger ses travaux
d'aijproche, surprendre son camp. On rentrait soit par une
des grandes |)orl(^s, soit par les poternes, en ayant soin de
(i) Celle tour a le froiil très épais, parce que la cliambre intérieure du rez-
de-ctiaussée esl prise sur In masse du rempart. l\ n'y a qu*une cloison el une
porlc du côlô de l'Inirtleur, sans couloir.
L ASSIETTE DK LA VILLK.
L'KNCKINTK FUHTI Kl KE .
liiO
faire face ù rennemi et le côté droit louniô vers le rempart.
Cette dernière manœuvre présentait plus de danger ; aussi
IMiilonde Byzance recoinmande-t-il de niéna^^er dans les lianes
opposés des tours, deux poternes, l'une pour la sorlie, Taulre
])Our la rentrée (1), de façon qu'à aucun moment oJi ne soit
forcé de montrer à l'ennenii le côté droit. Pareille précaution
n'a pas été prise à Maiilinée, sans doute pane qu'on comptait
surtout sur les grandes portes pour effectuer la rentrée. (Juant
aux poternes, leurs faibles dimensions les rendaient aisément
défendables par la garnison des tours. Comme un homme seul
wm€K
^ f<Jflt,„^-„r.*J^^-*
Fiff. 33.
Tour A iM)lernc. Sert. N. E. \jt 2« an S. (). «le la porlr l).
(1) Encycl. mécan, Irad. Granx et do Roclias, VI. Voy. à re sujet les obser-
valioos de M. de Roctias. Fortif. antiq.yp. 2X Los poltM- nés sont appelées
8to8ot dans le devis des fortifications d*Atliftnes. Voy. Cliolsy. Kl.qngr., p. 231.
On trouve des tours à polcrnfs analogues .^ celles de Maiiliiu'r d.iiis le unir do
la plaine de ïhria (de Uochas, Fortif. anlui,, p. 23).
IGO .MANTINKK KT L'AHGADIK ORIENTALE.
pouvait s'y engager à la fois, il n'y avait pas à craindre que,
leurs portes enfoncées, l'ennemi fit irruption dans la ville par
CCS étroits passages.
L'accumulalion de ces internes de sortie sur le côté oriental
de Tenceinte s'explique par la proximité de TAlésion. L'examen
des batailles de Manlinée fait ressortir l'importance lactique
de ce coleau djins les conllils contre une armée venue du Sud.
Or, les dispositions défensives de Mantinée étaient surtout
combinées en vue d'une attaque des ennemis les plus redou-
tables, ceux du Sud, les Tégéales et les Spartiates. La bataille
de 418 et la campagne d'Agésilas contemporaine de la recons-
truction de Manlinée (automne 370) prouvèrent combien il
pourrait cire utile de se saisir de l'Alésion pour dominer le
ilanc droit de l'ennemi. De plus, il importait de pouvoir surve-
nir à l'improvisle sur la grande route de Tégée, la Xénis, par
où l'ennemi recevait ses convois et ses renforts, de profiter
des abris qu'offrait la nécropole qui bordait cette voie, de déga-
ger au besoin, pour aller au-devant des secours d'Argos, la
route de Neslané qui aboutissait à la porte F, enfin de protéger
l'aqueduc de Mélangeia, qui entrait en ville dans les environs
de la porte F) ou de la [)orte K
(-)rrp>pominncc j] restc à délernïincr à quelles joutes correspondaient ces dix
des purus pories. Suivant l'ordre des chemins décrits par Pausanias, il est
facilede reconnaître la pi uj)art d'entre elles. Au cheminduKlimax
par iMélangeia et la sounie des Méliastes, répond la pojte D; à
celui de Neslané, venu d'Argos i)ar le Prinos, la porte F(l); au
XEoxpôpoç de ïégée, dont la partie suburbaine comprise entre le
temple de Poséidon et la ville s'appelait la Xénis, correspond la
l)orle G ; au Xecoï^ôpoç de Pallantion, la porte I, par où entre à
Manlinée la roule actuelle venant de Tripolis ; à la route de Méthy-
drion par la plaine Alcimédon, la j)orte K, ouverte juste en face
du défilé de I\a|)sia ; à la route d'Orchomone par Maira, en lais-
sant à droite le tombeau de Pénélope (butte de Gourtzouli) et le
jnamelon de la Ptolis, coirespond la porte B ; à la route directe
]»ar l'Aucbisia, la porte A, qui fait lace exactement au col de
l'Ancbisia. Les autres portes, qui ne répondent à aucun chemin
décrit i)ar Pausanias, peuvent être identifiées d'après leur
(1) Lfl tieslination doreUc porle, ainsi que la direction de la XéniSj a soulevé
quelque» diifcussions. Nous avons rcfulé plus liuul. p. 94 el suiv. le syslcnie
de Curtiuti. (Cf. Hursian. Grofjr. r. (iriech. Il, p. ii:i, ii. 2).
L ASSIETTE I)K LA VILLK. — L KNCKINTE FOIITIFIKK.
IGi
orientation : H s'ouvrait sur un chemin de pclite communica-
tion destiné à doubler les deux grandes roules de Té^ée et de
Pallantion qui laissaient libre le milieu de la plaine. E desser-
vait le chemin du Stade de TAlésion et du bois sacré de Démê-
ler; C, le chemin qui longeait à TOuest la bulle de Gourlzouli
et aboutissait au fond de la plaine à la desrente du sentier
muletier venu d'Aléa par le col de Phrosouua. Le tableau
suivant résumera nettement ces remarques :
A. Porte d'Orchomène et Kleitor
par rAnchisia.
B. Porte de Maira-Orchoinènc.
C. Porte d'Aléa (Stymphale).
D. Porte de Mélangeia-Argos(Kli-
inax).
E. Porte de l'Alésion.
F. P" de Neslané-Argos (Prinos).
G. Porte de Tégcc (Xcnis).
H. Porte de MaïUbyréa.
I. Porte de Pallantiou (Mégalo -
polis).
K. Porte de Mélhydrion (Mc-
nale). (I).
(1) Ces résutlats diiï^renl des idenUflcaUons précédommrnt admises, d*iipr^s
Leake et Curllus, et de celles que J'avais moi-inGnie adoplros dans mon article
du liuU, de Carr. hcUén. XIV (1890), p. 76 et suiv. et dans le Guide Joanne,
Grèce, II, p. 374.
Mont Arménia. Aloioii.
-^^sisa? S^ *• "i»^ ^
Rempart de Manlinée. I^orle G (d'après une pholopraphic de Iliisliliil iinhùologique allenmnd).
Muilincr. — iïï.
CHAPITRE IV.
LA VILLE ; LES RUES ; l'aGORA J LES MONUMENTS.
iniim-iice iiiiiiacô On 3 VU les raisoRS qui imposaient aux constructeurs du rem-
BuriAiopot(rii|>hie pj^^^ \q tracé clliptique divisé en 10 sections par les ouvertures
iniéncuic. ^i^g portes. Ccttc disposition du périmètre devait forcément
influer sur la topograpliie de la ville ; le plan intérieur résultait
de la figure générale. Mais, malgré la régularité que permettait
un terrain presque uniformément plat, la Nouvelle Mantinée
échappait, grûce à sa forme circulaire et allongée, à la monotonie
des villes géométriques dont les rues se coupent à angles droits.
On peut en reconstituer les grandes lignes comme suit.
Liiiuivaiiiim. D'abord, quand on avait franchi les portes, on débouchait sur
un boulevard circulaire ou intcrvallum, qui longeait intérieure-
ment le mur et reliait entre elles les portes de la ville, celles
des tours et les escaliers ou rampes donnant accès au chemin de
ronde. La néccssilé d'une pareille voie pour le service du rem-
part n'a pas besoin d'être démontrée : l'ouverture de toutes les
portes (les tours en prouve surabondamment l'existence. Elle
seule rendait possible l'utilisation de Mantinée comme camp
retranché et i)ermcttait la sortie simultanée de forces considé-
rables, soit par les poternes des tours soit par les portes de la
ville. C'était là que se préparaient les manœuvres comme celle
qu'exécuta Philopœmen en 192, et que les troupes s'ordonnaient
avant de passer en plaine,
i^s secicurs ^y dclà dc chaquc porte, les voies suburbaines se jprolongaient
ciiw qiiiiriicnî. j^ l'intéricur par 10 rues principales, qui devaient aboutir à une
grande place publique située au centre de l'ellipse* Telle était la
disposition logique, rîprtort, et tellç est celle que les fouilles
LA ville; les rues; l'agora; les monuments. 163
oui permis de constater. Ces rayons convergents divisaient l'aire
intérieure en 10 secteurs, dont récartenient correspondait à
la longueur de Tare respectif du rempart ; ces arcs, déter-
minés par la répartition des portes sur les points où abou-
tissaient les routes, étant inégaux, les dimensions des secteurs
variaient en conséquence. Une inscri|)tion nous apprend Texis-
tence de 5 tribus qui représentent les 5 quartieis de la ville (I);
peut-être chacun de ces quartiers comprenail-il <leux secteurs :
le plus vaste de ces secteurs , limité par les |)ortes I et K,
renfermait sans doute des espaces inhabités, jardins ou terrains
vagues.
Nous avons retrouvé, dans le voisinage des portes et suivi sur Rues.
un parcours plus ou moins long les traces de quelques dallages
de rues. L'intérieur de la porte G est complètement dallé, et l'on
remarque encore les lignes d'ornières creusées par les chars (2).
De même à la porte K, l'angle du mur intérieur portait la trace
d'entailles produites par les moyeux des chars. Les dallages de
l'intérieur se réduisent en général à une faible largeur de 0 m. 73
à 1 m. ; les roues les débordaient des deux côtés ; ils paraissent
à certains endroits, comme au centre de l'agora, légèrement
creusés au milieu pour l'écoulement des eaux du théâtre. D'au-
tres amorces de chaussées, près de l'agora, sont simplement
empierrées et l'une d'elles est bordée de trottoirs sur une
trentaine de mètres. Vu les remaniements qui ont bouleversé
Mantinée, on ne saurait prétendre que ces dallages représentent
un travail hellénique.
Les vestiges de ces voies, tels que nous les iudiquons sur le
plan, prouvent bien que les rues parties des portes venaient
aboutir à l'agora. Cependant, le dallage de la porte G se dirige
vers la porte D sans passer par l'agora. Cela nous permet de
(I) Foucart, Incr. du Pélop., n® 352 p. Les tribus sont énuuiéiées dans rordro
suivant,: Épaléa^ Ényalia, HopMmia, Posoidnia (voy. p. 280 287), Anakisla.
Comme ra n-ronnu M. Foucart, ces noms correspondent h l'cii.x des sanctuaires
situés dans chaque quartier : la pusition suiuirbaine du temple d(3 Poséidon
donné remplacement de la Posoldaia, au Sud, entre les portes F et H. Pour
les autres, on peut remarquer ceci : le temple de Zeus Iloplodmios se trouvait
peut-être dans la partie septentrionale de la ville, du cùlê de Méthydrion, qui
posséclail un culte d'IIopladamos (voy. plus bas, p. 21)7) ; on placerait alors
rHoplodmia entre les portes U et K ; do môme l'Épalêa se placerait du côté de
lâ'pôrie 'd'Al6â; entre les portes B et D:'La place des deux autres pourrait se
déduire de l'ordre de rénumération.
- (2) Ces ornières indiquent une largeur entre roues de 1"50.
164 MANTINKE ET L*ARCADIE ORIENTALE.
retrouver la place de 2 carrefours où cette rue s'embranchait
avec les rues conduisant à Tagora. (V. le plan). Sur la disposition
des rues plus ou moins concentriques reliant entre elles les
voies rayonnantes, le terrain ne nous a fourni aucune indication.
Agora. Si Ton rcjoiut sur le plan, par des diagonales, toutes les
portes de la ville, ces lignes viennent se croiser, avec autant
de précision que le comporte Tirrégularité de la figure générale,
en un point situé un peu à TEst du centre géométrique de
la dite figure. Seule la ligne UB reste en dehors du point de
croisement, mais celle ligne n'est pas une diagonale : le grand
axe, qui joint II et G, traverse au contraire exactement le point
de croisement. C'est donc ce carrefour des diagonales aboutis-
sant aux imrles qui a déterminé le centre politique de la ville ;
ce n'est pas le rentre géométrique de l'ellipse, qui se trouve à
environ 60 mètres de là. Telle est l'explication certaine de la
position légèrement excentrique de l'Agora. Mais, de toutes
façons, cette Agora devait être cherchée vers le centre et non
dans la région septentrionale, comme Curtius l'avait admis
d'après l'ordre ap|)arent de la description de Pausanias (1).
L'emplacement réel était donc le mieux approprié aux besoins
de la circulation par les voies les plus fréquentées, la voie
carrossable qui allait de G (porte de Tégée) en B (porte d'Orcho-
mène par Maira) et les chemins muletiers de Nestané-Argos
ou de l'Alésion (porte E) à l'Arcadie septentrionale (porte A).
Golncidence qui n'a rien de fortuit : les limites de l'agora sont
exactement comprises entre les lignes FA, GB, GC, EA.
Les agoras des villes grecques aflectaient d'ordinaire une
forme rectangulaire. C'étaient des places irrégulières entourées
de portiques et de bûtiments publics entre lesquels pénétraient
les trouées des rues. C'est ce que Pausanias appelle le type
archaïque ; il en cite des exemples, l'agora d'Élis et celle de
Pharai, en Achaïc (2) ; l'agora du Céramique, à Athènes, rentrait
aussi dans la même catégorie (3). Les agoras modernes, dites
de type ionien, étaient construites de toutes pièces ; c'étaient
(1) Pelop, I, p. 238.
(2) {VI, 24, 2): Ml oe àyooà toÎç 'nX6{oiç où xaTa tolç Iwvwv xai ocrai
TTpbç *Ia>via TCoXeiç clffiv 'EXXi^vtuv, xpoTCo) 8à 7ce7Co(ir|Tai tw ap^^aiOTcpco,
ffToalç TeaTTo àXX'i^Xcov BteaTcovatç xal àyuiatç 8i* auxwv. — {/&., VU, 23, 2) :
IlepffioXoç Se aYopaç ucyaç xaTa Tp<57rov tov àp;(ai(jT£p6v 6<jtiv èv <^apaTç.
(3) Curtius, SladLgeschichte Àtfiens, p. 17t. Pausan. I, éd. UUzfg et Blûmner
(18%), pi. Il cl 8uiv.
LA ville; les rues; l'agora; les MOiNUMENTS. IGd
moins des places publiques, que des cours ou péristyles, for-
mant un parallélogramme régulier entouré d'une bordure
continue de portiques (1).
L'agora mantinéenne se rattache au premier groupe, dont elle
est actuellement le plus complet spécimen. Quoique reconstruite
en partie à l'époque romaine, elle reproduit encore les disposi-
tions primitives signalées par Pausanias : un périmètre irrégu-
lier, bordé de portiques non continus, entre les(iuels débouchent
les rues. L'ensemble du rectangle mesure environ 150 mètres
de longueur sur 85 de large. Comme le Forum romain, cette
place semble s'être substituée à un ancien marais, qui a reparu
dans les temps modernes (2).
L'agora, cœur de la cité, rendez-vous des citoyens qui venaient
y discuter les aflaires publiques, et des mnrchands qui y
apportaient leurs denrées, devait être aménagée de façon à
satisfaire à sa double destination, comme lieu de réunion des
assemblées populaires et comme marché. A cela s'ajoute le
caractère sacré qu'elle tient de la présence des dieux et des
héros, protecteurs ou fondateurs de la ville, souvent invoqués
dans les débats publics. Tous ces éléments se retrouvent sur
l'agora de Mantinée. Les constructions de l'époque romaine
avaient sans doute renouvelé le cadre de l'agora contemporaine
de Lycomèdes, mais elles respectèrent l'emplacement et les
édifices les plus vénérés.
Parmi les constructions destinées à la vie publique, nous cite- ThéAne
rons d'abord le théâtre. C'est lui qui ferme à l'Ouest l'aire de la
place. A Mantinée comme à Tégée, on avait préféré construire
le théAtre en pleine ville, plutôt que d'aller chercher au loin
l'appui économique d'une colline naturelle. On y trouvait l'avan-
tage de faire servir le théûtrenon pas seulement aux représenta-
tions dramatiques, mais aussi aux assemblées i)opulaires. C'est
pourquoi le théâtre, dans ces villes, devient partie intégrante de
l'agora et organe essentiel de la vie publique.
!• Vanalemma. — Le théAtre de Mantinée, édifié sur terrain
plat, est une œuvre toute artificielle. Pour étayer les gradins, on
commença par élever un monticule appuyé sur un gros mur de
soutènenient ou àvàXTr|p.p.a. L'appareil de ce mur, en gros blocs
(i) Voy. Saglio. DicL des Àniiq. art. Agora.
(2) La profondeur de certaines (ondaUons nous fait croire à Texistence 1res
ancienne de ce marais.
106 MANTINKE ET l'aRCADIE ORIENTALE.
polygonaux, rappelle celui des remparts. Il est demi-circulaire et
la concavilé regarde vers TEsl. Celle orientation faisait que les
spectateurs tournaient le dos au soleil couchant, dont les rayons
obliques sont particulicrementgônants.L'arcdécrit par ràviXTf)(i.u.a
décrit un peu plus d'une demi-circonférence, avec un rayon de
33 m. 50, aulour d'un centre situé à 4 m. 05 à l'ouest du centre de
l'orcliestre. Le tracé de cette circonférence présente aujourd'hui
quelques irrégularités, dues sans doute aux déplacements des
blocs qui ont cédé sous la poussée de la cavea. Le mur s'est écroulé
avec la plus grande partie du blocage intérieur et des gradins. Il
ne s'élève plus, au point le moins endommagé, près de l'escalier
Ouest, qu'à 3 m. (52 au-dessus du sol antique, dont l'empierre-
ment est rec(mnaissable. Lii hauteur primitive devait être 4 fois
plus grande. Peut-être doit-on admettre que la parlie subsistante
représente un socle de pierres analogue à celui du rempart, et
que la partie supérieure était en brique crue, suivant l'usage
courant à Mantinée.
Pro3cénion
„j|<. je 10 > 'v^'ikl :U7 •Ml-yok
*. 22. SP* f»)' tM* Ô*
Tig. M.
(>)ii|»<* en profil du IbéAlre (rUl nctitcl).
Dans la |dui»art des théâtres grecs, les gradins, du c(Mé de la
scène , sont limités par deux murs latéraux (TrapacrTiSsç) qui
convergent vers le centre de l'orchestre. Ici, la disposition de
ces ailes est très irréguliere. L'àvxXir|}jLp.a ne forme parastade que
pour la partie, supérieure de la cavea, située au-dessus du
oiàÇu)|xa. De plus, il y a manciue de symétrie entre l'aile Sud et
l'aile Nord. La première déborde la seconde et s'avance à l'Est,
en dessinant une saillie brisée en un angle obtus, dont les côtés
sont parallèles au5c murs de deux édifices voisins.
Ces deux balinicnls existaient sans doute antérieurement à la
construction de Tanalemma : comme c'étaient deux temples, on
n'osa pas y loucher, et l'analemma de l'aile S. dut épouser leurs
contours.
D'autre part, les deux parastadcs figurées sur notre plan (fig.
37) par deux lignes noires portéJit la marque d'iiiie construction
LA villk; les ruks; l*agora; les monuments.
167
plus récente faite avec des matériaux disparates, ainsi que les
deux escaliers N.-E. et S.-E. Toutes ces parties ont été évidem-
ment remaniées à la hâte, sans homogénéité, et de la manière la
plus économique, puisque dans Tescalier N.-E., par exemple,
on encastra une coionnelte ayant appartenu ;ï quelque édicule,
peut être aux Propylées voisins.
2*> LcxotXov. — Les mêmes disparates se remarquent dans la
construction du xoTXov. Certains gradins sont en marbre, d'autres
en .calcaire blanc. Les gradins reposent sur un blocage noyé
IC8
.MANTINKK KT l'aRCADIK ORIENTALE.
dans (le la terre et de la chaux. Mais les gradins taillés pour
servir de sirj;es, ne [mrlent pas du niveau môme de Torchestre.
Ils en sont séparés par trois marches lisses de 0'n40 de hauteur.
Les petits escaliers (jui divisent les gradins en xepx(8eç ne com-
mencent qu'au-dessus de la troisième marche, sans descendre
jusqu'à la xovi<7Tpa. 11 est évident que ces trois marches ne ser-
vaient pas de sièges, mais de soubassement destiné à exhausser
les gradins an-dessus de la conistra. Ainsi les spectateurs assis
sur le preuiier rang des sièges avaient les pieds posés sur la
troisième de ces marches. Le premier rang de gradins était
réservé aux autorités; une inscription gravée sur la troisième
marche indique Tendroit au-dessus duquel les membres de la
gérousia devaient s'asseoir (10 à 12 places) : ils avaient donc les
pieds posés sur ladite inscription.
Fig. ns.
Socle el gradins inlcrieurs du théâtre
d'nprt'i une phoioji^rAphie de l'Institut archéologique allemand.
11 n'y avait pas de sièges à dossier, comme à Athènes ou à
Kj)idaure. Les gradins sont tous semblables, et d'une extrême
simplicité. Ils se divisent en deux parties : l'une postérieure
et creuse dcslinée aux pieds du spectateur placé au-dessus,
l'autre un peu exhaussée et servant de siège (lig. 39). Sur l'un
LA ville; les rues; l'agora; les monuments.
169
d'entre eux, malheureusement brisé et déplacc'î, nous avons lu
des lettres de Talphabel, qui servaient prol)ablemcnt, comme à
Athènes, à désigner les places. Elles se lisent MeO, peul-ôtre le
début de MeOuBpicwv, d'où Ton pourrait conclure que des places
d'honneur étaient réservées aux habitants ou aux métèques de
Mélhydrion? (fig. 396).
. 0.35
5^
Surface siipèrinire d'un gradin avec
inscription.
Fig. 39.
Profil d'un gradin i l'angle d'un
escalier.
Nous avons retrouvé les marches inférieuresTdes huit petits
escaliers qui divisaient les gradins en 7 x£px''8£<;. Aux angles
de ces escaliers, le gradin est orné d'un grossier relief simulant
le pied d'un siège {r\fr. 39, a). Toute trace de Sia^wp-a a disparu.
S'il y en avait un, il élait au-dessus de la i)arlic aciuellcuicnt
subsistante du xoTXov.
3<>. — Escaliers cxlMenrs. — Ce qu'il y a de parliculicr dans la
construction du théâtre, c'est le système des escaliers exté-
rieurs. Il y en avait un attenant à chaque ail(\ Celui de l'aile N,
dont il ne reste i)lus en place que cinq marches et c(ui semble
avoir été ajouté à la construction primitive, élait compris entre
ràvaÂYifxjxa et un murde renfort coupé à aiigle'droit. Il condui-
sait de l'entrée N.-O. de l'agora au Bia^oj^-a et de là aux gradins
supérieurs. Celui de l'aile S. dont nous n'avons retrouvé que
deux marches montait de la TràpoBpç, dans l'cîspace réservé entre
la saillie de ràvàXT,fjL|ia et la masse des gradins. {Par suite de
cette disposition, s'il manquait du cùlé N. une 1/2 kcrkis à la
zone supérieure des gradins, l'aile Sud de la même zone avait
1/2 kerkvi supplémentaire.
A rOuest, dans la partie convexe de ràvaXY)|i.|i.a, un escalier
pénétrait par derrière le théiUre dans l'épaisseur du mur. Nous
en avons retrouvé la cage, construite en très bel a|)pareil poly-
gonal. D'abord, deux marches partant du niveau de la chaussée
170
MANTINKE KT L'ARCADIK ORIENTALE.
antique, dont le mncadam subsistait en partie, conduisent à un
premier palier dallé. Puis, l'escalier tourne à angle droit vers
le Su(L Cette seconde partie comprend 12 marches, dont la
dernière aboutit à la terrasse demi-circulaire qui couronne ces
ruines. Nous supposons que cet escalier menait, par un passage
couvert pratiqué sous la masse des gradins, au oiâ^wp-a.
Anchisin.
Gourtxouli.
Kîg. 10.
Vue (lu théAtre, prise de l'aile Sud.
, Il en était de mémo d'un autre escalier trouvé à la partie S. 0.
(lu périmèhe. 11 contournait le parement extérieur de ràvàXYifXfjLa
et s'enfonçait aussi sous les gradins pour déboucher dans le
xotXov. Il n'en rosie que 4 marches. Une petite chapelle de la
Vierge avait été inslailée à cet endroit par les modernes. Aussi
les. paysans désignaient-ils sous le nom de « Panaghia » la butte
du théàlre. Ou voil (lue ces diverses issues assuraient avec, une
certaine facilité le dégagement des gradins et la sortie, des
spectateurs. ,
.., 4", -r Orchcslrc, — Le pourtour de l'orchestre est une fraction
LA ville; les rues; l'agora; les .monuments.
171
de circonférence crun rayon tic 10 m. 80, avec un cenire particu-
lier. L'aire intérieyire devait être simplement sablée (xo7i<TT/,piov) ;
nous n'y avons trouvé trace ni de dallage ni i\v lliymélé.
Fig. il.
Gage do l'escnlicr Ouesl ((rnprcs iino phoUif,'rapliie «Ir riii.sliliil ;inlirol»igi«ni(' niieniand).
Deux rues, dont le dallage a été retrouvé, aboutissaient entre
les angles de la scène et ceux du xoïXov. Kl les servaient sans
doute d'wopaY(i>YÊîa, car nous n'avons retrouvé ni dans rorcliestre
ni dans les iziooooi de traces de disposi lions spéciales pour
assurer l'écoulement des eaux. Il est vrai ([ue tout cela a été
encombré et bouleversé par des construdions ultérieures.
50. — Scène. — Nous avons dégagé les fondations des trois
murs de la s<'ène. LcTtpoTxrjviovcst 1res irréiiulicrenuMil cohsiruit
et bizarrement orienté. Le second mur se Irouve bien, comme
le veut Vitruve dans son diagramme du Ibéàlre grec, sur la
'tidngènte de là circonférence de l'orcheslie, mais cetle tangente
172 MANTINÉK ET L'ARCADIE ORIENTALE.
n'est point parallèle à la ligne des àvaX-/ifjL[i.aTa. Elle oblique sen-
siblement vers le Sud-Est, en sorte que l'angle N. de la scène
n'est éloigné de l'angle de l'orchestre que de 2 m. 35, tandis que
l'angle Sud est distant de l'angle correspondant de l'orchestre
de 4 m. 65. Cette étrange disposition qui place la scène de travers
l)ar rapport aux gradins est, sans nul doute, la conséquence du
défaut de symétrie dans la construction des ailes du théâtre.
Comme l'aile Sud déborde sur l'aile Nord, il était nécessaire
d'obliquer la scène du côté du plus grand secteur.
Le mur du Trpoerxvjviov mesure 21 mètres 07 de longueur. Il se
compose de deux assises de calcaire blanc, de formes et de
provenances diverses, ajustées après coup et probablement
empruntées à des édifices plus anciens. L'assise inférieure, la
plus large, repose sur des fondations peu profondes (l). Elle est
conservée dans toute sa longueur. L'assise supérieure ne sub-
siste que dans la moitié Sud. On y remarque les trous de scelle-
ment et les traces des bases de colonnes qui décoraient, comme
à Épidaure et à Oropos, le mur du irpo^xT^viov tourné vers les
spectateurs. Elles étaient distantes de 1 m. 35, ce qui porte leur
nombre total à IG. Neuf seulement ont laissé des traces.
Au milieu de ce mur est une entaille. Ui était la porte. La
trace des montants est encore visible sur le côté gauche. Cette
porte avait environ 1 m. 50 de largeur. Elle existe à Épidaure à
la môme place. Elle mettait en communication l'orchestre et
rOTTOffXT^v'.ov. Sur l'assise inférieure, à gauche de la porte, on lit,
gravée sur la pierre en lettres de 0 m. 08 l'inscription suivante,
EI1IS0, dont le sens nous échappe.
J)errière le irpo^xv^viov, il y avait une vaste salle qui repré-
sente la axY,vv5.
Tous ces murs sont construits en moellons ajustés avec de la
terre et de la chaux. Ils ont été faits à la hâte, sans soin, avec
des matériaux quelconques ; on a voulu bâtir vite, par le procédé
le plus économique. Si l'àvàXyjiJLfjLa paraît bien être de l'époque
grecque, contemporain des murs d'enceinte, les parastades, une
partie des gradins, les œuvres de la scène et des escaliers latéraux
sont des remaniements plus récents. La présence de la chaux dans
le blocage qui sert de soubassement aux gradins, la forme des
lettres relevées sur plusieurs de ceux-ci, enfin la nature même
(i) Le AtXtiov àp/aioX. (Mars i890), annonçait que MM. Gardner et Lorlng
avaient mis à nu, jusqu'ù une profondeur de 3 mètres, les fondations de la scène
de ManUnée : c'est, en réalité, de Mégalopolis qu'ii devait s'agir.
LA ville; les nuES ; l'agora; les moiNUments. 173
des matériaux employés en sont autant de preuves. Seul, l'esca-
lier postérieur, dont les parois polygonales sont ajustées sans
ciment, avec une admirable précision, appartenait à la cons-
truction de ràvàX7)(jL[i.a primitif (voy. fig. 41).
Toutefois, s*il est dilïicile de reconstituer le plan originel, on
peut admettre que les remaniements concordent en partie avec
la théorie exposée par M. Dœrpfeld sur la construction de la
scène à Tépoque romaine (1). M. Dœrpfeld soutient que, dans
les théâtres grecs, les acteurs parlaient au niveau de Torchcstre,
en avant du proscénion, qui servait de fond décoratif. Quand
on voulut, à l'époque romaine, les établir sur une estrade sur-
élevée, on le fit, dit-il, en creusant Torcheslre tout autour des
gradins et en ménageant en avant du proscénion, une manicre
de terrasse qui se trouvait ainsi située au même niveau que les
gradins. Or, à Mantinée, l'orchestre paraît avoir été cITective-
ment creusé, mais l'existence d'une terrasse ou estrade, en avant
du proscénion, me semble impossible, parce que, si étroite qu'on
la suppose, elle serait venue complètement intcrce[)lcr les paro-
doi, qui mesurent seulement 2 m. 35 de largeur, comptée, à
l'aile N. entre l'angle du proscénion et la parastade, au Sud
entre l'angle du proscénion et l'escalier S. E. Les choses au con-
traire s'expliquent d'elles-mêmes, si l'on adinni que les acteurs
parlaient en haut du proscénion, sur le XoyeîovIoI qu'on se l'était
toujours figuré. Je ne crois pas, à vrai dire, (|uc le proscénion
de Mantinée ait été construit avant l'époque hellénistique. Peut-
être, au IVo s., les acteurs jouaient-ils soit sur le sol même de
l'orchestre, soit sur une estrade basse, en avant de la scène
s^ors située à la place du proscénion actuel. La construction du
proscénion en pierre, dont le plancher supérieur servait de scène
au sens moderne du mot, c'est-à-dire de AoysTov où parlaient les
acteurs, fut obtenue par un procédé original. On creusa le sol
primitif de l'orchestre, et l'on disposa sous le premier rang des
gradins inférieurs, un soubassement de trois marches, de faroii
à mettre les spectateurs de ce gradin au niveau de la scène nou-
velle. Les trois marches représentent une hauteur de 1 m. 22 au-
dessus du niveau de l'orchestre, laquelle, ajoulée à la hauteur
du premier gradin (0 m. 40) et à celle du buste du spectateur
(0 m. 75 environ), mettait Tœil de celui-ci à 2 m. 40 au-dessus
de la conistra. Par suite, on peut évaluer à 2 m. îiO environ la
(1) Dorpteld cl Reisch. Der griech. Thcater, p. :J88.
174
MANTINKE ET L ARCADIE ORIENTALE.
hauteur du prosréiiion : c'est justement, à quelques centimètres
près, celle du proscéuion dans les théâtres d'Oropos et d'Épi-
daure (1).
('es explicalions ne préju{»;eiit en rien la solution de la
fameuse théorie de Texistcnce ou de l'absence du ÀoyeTov à
répoque classique. iNolre théàlre ne nous fournit aucun indice
malérjel à ce sujel. Mais le (Iis|)osilif ci-dessus décrit me paraît
exclure rexislence d'une terrasse qui aurait empiété sur le sol
de Torchestre en avant du proscénion.
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BOULEUTERION
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Fig. 42.
Le théâtre servait aux réunions de l'assemblée jmpulaire. Le
local où siéf^cait le Sénat mantinéen élaît également situé sur
l'Agora, à 78"» au Sud-lîlst de l'angle méridional de l'analemma.
Cet édifice, le mieux conservé et le mieux construit de tous ceux
([ue nous avons défçagés, se présente comme un grand rectangle
de 35™ de long sur lî)"» de profondeur. Sa façade est tournée vers
le Nord, et donne sur l'Agora. Elle se décompose en un corps de
bâtiment central ilan(|ué de deux ailes en saillie, le tout clos vers .
le Sud |)ar un gros mur de fond. L'entrée était au milieu du.
corps do bAlimeiit ; à droite et à gauche se trouvaient des statues
tournés vers l'Agora et dont plusieurs hases ont été retrouvées:
en place (voy. fig, 42). • ; ; . •
(1) lhu\. |»L VI.
LA villk; les rues; l'agora; les monuments.
175
Les fondations de la partie centrale et des ailes présentent un
très bel appareil hellénique, en blocs quadrangulaircs à bossages
de 1°» de long (Voy. l'appareil représenté par la lig. 43). La ma-
tière de ce soubassement inférieur est un conglomérat de petits
cailloux agglutinés dans de la terré dure, mais (|ui se détachent
facilement. Cette matière abonde dans le sous-sol de Mantinée
qui, à certains endroits, ressemble à un lit de rivière. Prise en
masse, elle oflre une certaine consistance et pouvait élre em-
ployée dans les constructions.
Voici, du côté de TOuest où il est le mieux conservé, l'appa-
reil du mur extérieur :
^Tî
^
Fig. 43.
Appareil du Boiileulérioh (cAlé Oiicsl).
i^vjr*^;^^?^
Ici encore, on retrouve le môme mode do construction (|ue
pour les remparts et pour THéraion. Les parois latérales et le
mur de refend intérieur étaient en briques crues sur un socle
de pierre. La masse d'argile retrouvée à l'intérieur de l'édilice
ne laisse aucun doute à ce sujet.
Au-dessus de ces fondations reposaient des assises de belles
plaques en calcaire blanc de Mantinée, taillées, ajustées el parées
avec le plus grand soin. II ne subsiste que des f raclions de
la plus inférieure de ces assises, à Taile E ; mais les trous de
scellement creusés à la partie supérieure prouvent (ju'une
seconde et peut-être une troisième assise, en reirait les unes sur
les autres, se superposaient à la première. Il est très rcgrellable
qu'aucun fragment de l'assise supérieure n'ait pu être retrouvé,
car on y eût certainement observé les traces (Tune colonnade.
Toute cette partie antérieure du corps central et des ailes for-
mait un péristyle ouvert sur l'agora. Le mur n'était plein (|ue sur
les côtés et dans le fond. Le mur latéral était sans doute en
brique crue,reposant sur une double ligne de pierres polygonales.
(1) Voy. plus hciul. p. 21-22.
176 IVIANTINÉE KT L^ARGADIE ORIENTALE.
Ce socle reposait lui-môme sur des fondations en grosses
pierres non équarrics.
A cette construction, comprenant seulement le corps de
l)îUiment central et les ailes, s'ajoutait (1) un portique rectan-
gulaire avec colonnade ouverte vers le Sud. Un double escalier
mil en communication cet arrière-corps de bâtiments avec la
partie antérieure. Les colonnes de ce portique, dont il ne sub-
siste que les bases et la naivsçance du lût, étaient en conglo-
mérat. La partie inférieure du fût devait être, comme celles de
la Stoa PhilippeioH à Mégalopolis, ù cannelures rudentées entre
arélcs aplaties, et le chapiteau probablement d'ordre ionique. Un
revêtement de sluc dissimulait les aspérités de la matière. La
colonnade actuelle n'a plus que huit colonnes : deux pilastres
la terminent à droite et à gauche. Il semble que, à l'origine, il
devait exister dix colonnes sur toute la largeur du bûtiment.
En eUet, un remaniement postérieur a bouleversé toute la partie
occidentale de Tédifice, afin d'y installer une longue salle orien-
tée du S. au N. La porte était précédée de deux colonnes avan-
cées dont on voit les bases et qui supportaient sans doute un
fronton décoratif. Le seuil de la porte ii deux battants a conservé
ses gonds de bronze.
Au-delà d'un étroit vestibule, on franchissait une seconde
porte intérieure et l'on entrait dans une grande salle, divisée
en deux par une barrière en bois ou une grille dont on distingue
les scellements sur une ligne de dalles. Il y avait à l'intérieur
contre la paroi orientale, une statue dont la plinthe inférieure
subsiste en partie. Au centre, un dallage quadrangulaire
marque sans doute la place d'une autre statue ou d'une tribune.
(Juclle était la destination de cette pièce ? On penserait à l'olxoç
d'Antinous, orné de statues de ce personnage et de peintures.
Mais Pausanias dit expressément que cet okoç était dans le
(1) Dans notre premier rapport sur nos fouilles {BuU de Corr. hellén.j XI,
p. 48G) nous avions écrit que le style de la colonnade ajoutée était romain.
Nous ne connaissions pas alors les colonne; du Ptillippieion d*0lympie. L'année
suivante, M. Dôrpfeld, étant venu voir nos fouilles, fut cimsuUé par nous sur
ce point. U nous dit que de semblables colonnes pouvaient très bien être attri-
buées à l'époque macédonienne ; il nous cita, comme exemple, la colonnade du
Ptillippidlon. Quelques temps après, étant allé à Olympie, nous eûmes Toccasion
de vérifier l'exaclituiJe du rapprochement. Nous rectifions donc notre première
assertion. Les fouilles dj Mégalopolis ont aussi fait connaître des colonnes
toutà-fait semblables à celles que nous décrivons, dans la Stoa Philippeio.
{lîncav. ut Megalop, pi. XVI).
LA ville; les rues; l'agora; les monuments. 177
gymnase. Or, le bâtiment que nous décrivons ne rappelle un
gymnase ni par sa forme extérieure ni par ses dispositions
intérieures. Mais, si le nom d*Antinous doit iHrc écarté, il nous
paraît néanmoins assez plausible de voir dans cette pièce un
sanctuaire aménagé à l'époque romaine en Flionneur d'un per-
sonnage important, peut-être un empereur divinisé. Peut-être
aussi servait-elle h des réunions fermées ou à un tribunal.
Quant à l'édifice tout entier, ni son orientation, ni son plan ne
permettent de lui attribuer un caractère religieux. C'était viii
bâtiment civil. Nous ne pouvons le comparer à aucun des monu-
ments connus de la classe des palestres ou des gymnases. L'bypo-
thèse d'un portique purement décoratif n'est |)as davantage
justifiée : la simple inspection dii plan montre une intention
particulière du constructeur. Trop fermé et trop étroit pour être
un simple lieu de promenade, le bûtiment convenait très bien aux
réunions d'une assemblée, tribunal ou sénat. Aussi la quali-
fication de BouXeuTTiptov nous paraît-elle convenir mieux que toute
autre à cet édifice. Il fallait au Sénat, aux démiurges mantinéens,
un local pour leurs délibérations. A Olympie et à Eleusis, il y
avait un Bouleutérion : le plan de ces monuments, surtout celui
d'Eleusis (1), présente des dispositions intérieures très particu-
lières, mais le tracé général n'est pas sans analogie avec celui
de notre bâtiment : il consiste aussi en deux ailes enfermant
un corps central, le tout flanqué en arrière d'une colonnade.
La comparaison et l'assimilation nous semblent tout indiquées,
en l'absence d'inscriptions qui résolvent nettement le problème.
En tout cas, le style architectural et le soin a|)porté à la cons-
truction du portique antérieur, font de cet édifice un des débris
les plus intéressants de la Nouvelle Mantinée au 1V« siècle.
Toute agora comporte, à côté des édifices consacrés aux roniqucs
assemblées ou aux administrations, des locaux servant aux tran- "^^ marchés.
sactions commerciales ou au bien-être des promeneurs, c'est-
à-dire des portiques et des marchés.
Les portiques et autres constructions qui bordaient l'Agora
mantinéenne au Nord, à l'Est et à l'Ouest sont, sauf le Bouleu-
térion, d'époque romaine. Néanmoins, il n'est pas douteux que
l'espace qu'ils enfermaient ne correspondît à remplacement de
l'agora à l'époque grecque. C'est ce que prouvent matériel-
(i) llpaxTixà TYjç àpy. ETaipe^aç. 1895, pi. I. — Sur lo Bouleulérion de Del-
phes, voy. BulL de Corr. hellèn. XXI (1897), pi. XVI.
Mantinée. — 13.
nS MANTINKE ET l'ARGADIE ORIENTALE.
lemenl rorionlalion de la façade du Bouleutérion, qui dut tou-
jours donner raligncment du côté Sud de la place, les bases de
slalucs (toutes assez anciennes) tournées vers cette place, enfin
le groupe des petits monuments situés à Tangle N.-E. du rec-
tangle et incontestablement antérieurs à la construction des por-
tiques circonvoisins (1).
Une inscription, trouvée dans le portique Nord, nous parle des
grands travaux exécutés autour de Tagora, à l'époque romaine,
par Eupbrosynos, fils de Titos, et sa femme Épigonè, fille
d'Artémon. Le décret des Anligonéens et des négociants romains
en Tbonneur de ces deux personnages énumère avec une com-
plaisance empbatique leurs nombreux bienfaits et leurs titres à
la reconnaissance de la ville (2). On voit qu'ils avaient fait cons-
truire à leurs frais des temples (vaoùc [xev r^ysi^a^ tUlha^^oq Y)p6i(j[i.6vouç
— peut-être les deux édifices situés derrière la scène ?) — des
salles de festins et des trésors pour des associations (BciTcviaxT^pià
T£ 7rpo<r6[jL*^xuvav ûÊtTtvidT'/jpfoiç xoà Ta[JLieTa 9uv($oo(ç l/apiaavTo). Epigonè
fit bAtir de toutes pièces un marché entouré de boutiques,
avec une exèdre au centre (jjiaxeXXoç kx OcjjlcXiwv O'J/outo TioXuTeXTjç,
6pya(XT*/)piwv aùxaûXT^ 8(aYpa^ô[JLevoç xaXXovi^v. ^viSpuETO 8'aÙTOÎç i^éSpa
[jLé(j7], 8uva[jL£v7j xat (JLÔVT, TTôXecuç x()(X|Aoç elvai), — un hangar, offrant
un abri précieux dans la mauvaise saison (TrpoffCfjLïjxuveTo 8' «utoTç
xal paiTTj^ Euyp'/jorTo; àTioXauaiç, )ri[jL£p(Ov xaTctffTY|ji.a vixa)ff7)ç), — enfin,
un péristyle à colonnade de marbre qui contribuait merveilleu-
sement à rembellissement de l'agora (7cep(<xTuXov (xapfjLapivoiç âwepi-
8Ô[JL£V0V X£lO(TtV, (OV •/) XaXXoVV) xal TO X£l7cbv lizi TY|Ç àyOpS; XEX($9(X7|Xe).
Les renseignements que nous donne ce texte pour la topographie
(l'une partie de l'agora sont très précis et très clairs. L'inscrip-
tion ne peut être rigoureusement datée. Mais l'intitulé : tj/<vpi<r|xa
'AvTiYovÉwv prouve ([ue le nom de Mantinée n'avait pas encore
été restitué à la ville. Le décret est donc antérieur à Hadrien.
D*autre part, la gravure ne permet guère de le faire remonter
au delà de l'ère chrétienne. Les travaux dont il est question ont
(1) Un marais occupait le centre de l'Agora. Bien que le niveau du fond en
lût sensiblement inlcrirur au niveau des fondations des édifices les plus proches,
dès. le début des travaux nous l'avons fait sonder en plusieurs points, alors
t^ue les chaleurs de l'été l'avaient mis complètement à sec. A une faible profon-
deur, on rencontra partout une couche de fange noirâtres Jugeant toute exca-
vaUon à cet endroit impossible et dan^^ereuse à cause des miasmes, nous i^avons
comblé avec nos déblais.
(SS) Fougères, !iuU. de Corr, hellcn, XX (1896), p., 126, I. 35 et sulv.
Il
ngora,
LA ville; les rues; l'agora; les monumknts. 179
dû être exécutés vers la lin du l^^ siècle après J.-C, probable-
ment sous le règne de Titus.
jo _ Propylées et ancien portique. — Au pied inèinc de l'àvaX-rifi.- côiô Nord
[i.a, à Tangle Nord du théâtre, se voit un dallage avec traces de '**
colonnes. Il forme un petit rectangle. Cette construction, qui
servait probablement d'entrée à Tagora, est antérieure à Fescalier
N.-E. du théâtre, puisque les dernières marclies de celui-ci la
recouvrent en partie. Après la construction de l'escalier, ces
propylées devinrent iosuffisants, et l'entrée de Tagora dut être
reportée un peu plus à l'Est, ù l'autre extrémité du portique
adjacent (fig. 44).
La ligne antérieure de ce portique subsiste sur une longueur
de 31 mètres. C'est un gros dallage en calcaire blanc. On y
remarque une série de 9 trous circulaires destinés à recevoir
les fûts d'une colonnade dorique. Il n'y a plus trace ni d'un
mur de fond ni d'une aile orientale. La forme massive du sou-
bassement nous paraît être une preuve d'ancienneté. Nous
pensons que cette colonnade est un reste fie l'agora primitive,
et qu'elle est antérieure aux reconstructions lomaines d'Eu-
phrosynos et d'Epigonè.
Entre ce portique et les suivants débonciiait la rue dont
Taulre terme était la porte de Méthydrion.
2®. — Exèdre d'Épigonè et vieux marché, — La ligne des [)orli-
ques se prolongeait vers TEst sur une longueur de 38 mètres,
par un soubassement à trois assises. L'assise supérieure, sur
laquelle reposait la colonnade, a disparu, en sorle qu'il est
impossible de déterminer le nombre et l'ordre des colonnes.
Derrière ce péristyle, ouvert sur l'agora et aménagé en prome-
noir, nous avons dégagé un monument d'une disposition assez
curieuse. C'est un hémicycle de 37 mètres de diamètre attenant
au portique et divisé en plusieurs comparliments dont la
fig. 44 montre l'aménagement. Le mur circulaire est en briques
cuites sur des fondations en petites pierres; il a 1 m. 80
d'épaisseur. Un mur droit de 2 m. 03 d'épaisseui-, en moellons
fortement cimentés, paraît avoir été destiné à soutenir les plus
puissantes pesées. Des escaliers intérieurs metlent en communi-
cation les différentes chambres. Dans le mur de fond du j)orti-
que, une porte, indiquée par un dallage, pénélraitdansla partie
intérieure de la rotonde. Aucun fragment d'architecture n'a élé
retrouvé.
Cette construction circulaire de briques cuites, coupée, à
180
MANTINKE ET L ARGADIE ORIENTALE.
l'inléricur, de imirs en petites pierres, en briques cuites et en
briques crues, est crépoquc romaine. Elle paraît s*ôtre super-
posée à une cour rectangulaire dont nous avons retrouvé les
traces sous les murs plus récents. Un premier mUr exté-
rieur (1) présente à TEst un appareil polygonal assez soigné,
garni, à la cnMe, d'un dallage de pierres hétéroclites. Il était
probablement le socle d'un mur en matériaux plus légers. Un
second mur intérieur plus mince est revêtu d'une couche de
stuc. Les deux murs entouraient une colonnade dorique dont
nous avons retrouvé en i)lace (jnelques fragments. Les fûts sont
ËxÀdra
d'Epi gOTLÔ
Fig. 4i.
Pliiii (le l'Agorn de Manlincc.
à 20 cannelures, en conglomérat stuqué, lourds et trapus. Il y
avait donc primitivement une cour de 27 mètres de côté, avec
trois colonnes au coté, distantes les unes des autres de {} m. 80.
Comme le slyle de ces colonnes est très ancien, elles ont pu être
rapportées d'un monument détruit pour être employées à la
construction de celle cour. Quoi qu'il en soit, le péristyle qua-
draugulaire est antérieur à Tédification de rhémicycle. Trop
restreint pour être un gymnase, il peut avoir été une dépen-
(1) Marqué en li|;nt>s noires sur le plan (fig. 44) et représenté par la fig. 45.
LA ville; les rues; l agora; les monuments.
181
dance de rancicnnc agora, peut-être un vieux marché remplacé
parie (xàxeXXoç d'Epigonè.
Quanta la rotonde, elle avail surtout un caraclî're décoratif ;
son plan ne convient ni à des thermes ni à un och'^on. Il ra])pelle
surtout, toutes proportions gardées, celui do hi Tribune du
stade, dans le Palais des Césars au Palatin (l), ou de l'excdre
d'ilérode Atticus à Olympie.
lijf. 45.
A|>pnml du imrr Ksi rin Vieux Mnrclir.
L'épaisseur du mur circulaire et du massif parallclc au mur
de fond du portique ijidique qu'elle devait ého voiUée. Il y avait
deux éinges, le rcz de chaussée avec les divisions visibles sur le
plan et un étage supérieur, ayant vue, au-dessus du portique,
sur l'agora : on y accédait |)ar un perron à dcuihic rampe d'esca-
lier placé derrière la construction. La demi voùh», orientée vers
le Sud, faisait face au BoulcutérioUf et |K)uv;iit élre ornée, à
l'intérieur, de statues, de caissons et (rornemcnisen tene ruile
peinte. Il y a tout lieu de croire que celle voùle et les ])arois
latérales étaient construites en briques crues, sur le socle de
briques cuites. L'intérieur de la rolonde ('lail complètement
(1) V. U. Oeglane. Le stade du Palatin, Mélanges de rKcole de Home, IX,
p. 208 et 210, pi. IV, V, VI.
182 MANTIMÔK KT l'ARCADIE OIUENTALE.
rempli crime masse argileuse de plusieurs mètres d'épaisseur,
et le niveau supérieur du socle de briques cuites se maintient
partout à la mùme hauteur, comme celui des remparts.
Je n'iiésile pas à identifier ce monument avec Texèdre d'Epî-
gonè, émergeant avec sa masse imposante au milieu des bou-
tiques du marché. Le rédacteur de Tinscription citée plus haut,
dans son enthousiasme lyrique, en a célébré les splendeurs ; il
prétend quï» clic seule elle pouvait faire Tornement de toute la
ville. Ce panégyriste est bien de son temps, en ce qu'il admire
surtout Tampleur des dimensions, le caractère colossal des édi-
fices bien plus que la finesse du travail et la qualité des maté-
riaux. Il est vrai qu'alors les pauvres villes grecques n'avaient
plus à se montrer bien dilliciles sur le choix de leurs atours.
Au rebours de Home, après avoir été vêtues de marbre, elles
s'estimaient heureuses de survivre dans un vulgaire manteau
de briques.
30. — MxxeXXoç c( 6pYa<rTV)(iia d'Épigonè. — Contiguês à l'exèdre
sont les constructions d'Épigonè énumérées par notre inscrij)-
tion. Une cour rectangulaire dallée occupe le centre d'un en-
semble de petites pièces, au Nord d'un long portique à double
colonnade intérieure.
Le Marché d'Kpigonè (fjLxxeXXoç) avait son entrée à l'Est, der-
rière un vestibule en partie détruit. Les boutiques - ateliers
lEpYa<iropta) où travaillaient les artisans, à la manière des bazars
d'Orient, étaient réparties autour de l'atrium. Ces comparti-
ments font un dédale de murs de refend, en matériaux légers,
la plupart noyés de terre en guise de ciment. Dans l'un d'entre
eux, arrondi en abside à l'angle S.-O., le plancher était fait d'une
mosaïque à figures blanches sur fond noir représentant des
animaux (1) [iig. 40].
40. — HaiTT) (rÉpifjonè. — La galerie (PaixT)) d'Epigonè faisait suite
aux portiques de l'agora et en complétait le périmètre septen-
trional. Elle devait être fermée, au N., par un mur plein, pour
être bien protégéejcontre le froid et les coups de vent, ce qui est
cx[)rimé en ces termes par le rédacteur de l'inscription : y}if.i^m
xaTà(jT7)[jLa vixiudTjç. Ce inur était percé de trois portes, dont deux
ouvertes en avant du MàxsXXoç, la 3« sur une rue, dallée, qui
partait de l'angle N.-E. pour aboutir à la 2® porte d'Orchomène.
(1) On y disUngue un liovre suspendu par un lacet à une branche d*arbre,
et un cliien^l?) escaladant un rocher au-dessus d*un anlre.
LA ville; les nuES ; l'agora; les monumknts.
183
Du côté de l'agora, les traces des j)ortcs ont disparu, mais il
est peu vraisemblable qu'il n'y en eût aucune s'ouviant sur les
trottoirs ou dallages qui bordaient les porti(jues et dont {|uel-
ques vestiges ont été retrouvés.
A l'intérieur, une double rangée de bases grossières, failcs de
moellons cimentés portant une dalle de pierre, indique la |)lace
des colonnes. Celles-ci devaient être de simples poutres en iiois
supportant la charpente du toit. Il n'y a pas trace, sur les dalles,
de colonnes en pierre. D'ailleurs, le rédacteur de notre inscrip-
tion, à qui les travaux d'Epigonè ont inspiré un enthousiasmes
que la réalité ne justifie guère, n'eût pas man(|ué, si les coU)n-
nes de la paitT) eussent été en pierre ou en marbre, de célébrer en
termes pompeux cette splendeur nouvelle.
Fig. 46.
MosnT(|iic rc|>rf sentant une scène de rliassp (.').
A l'intérieur de cette galerie, devant la chambre à la m()saï(|ue,
se trouvait une colounette surmontée d'un chapiteau aviîc cotte
inscription ;
Mc[JL[JL(a 'A(JxX'/)7rit5 T7)v îoiav eyYOvov ex to>v i8îo)v. — •]/. p (1).
5oj — Péristyle d'Epigonè. — Le périmètre ch». l'agora, à TE., est
constitué par un portique à colonnade médiane, (|ui fait suite à la
patTT). Une double porte est percée dans le nnir de fond ; elle com-
muniquait avec l'extérieur de l'agora. Du colé de l'agora, nous
Côlô Est.
(i) Deux restes de sarcopliages composés de daUcs assoz mal associées et
retrouvés près de là, attestent qu'à une époque assez basse divers personnages
furent enterrés sur ragora.
184 MANTINKE ET l'aRGADIR ORIENTALE.
ne saurions décider si le mur élait plein sur toute sa longueur.
Cela est peu probable. Il était bordé d'un trottoir dont on voit la
Irace. Extérieurement, à Tangle N. E., il était flanqué d'un
groupe de constructions rectangulaires en briques et moellons,
peut-être les ociTcviaxT^pia de l'inscription. Quant au portique lui-
m6me,il nous semble répondre au TteptffTuXov [xap^iapivoiç é7repi8o[i.cvov
xeioffiv, situé sur l'agora même. Nous n'avons pas retrouvé de
fragments des colonnes elles-mêmes; d'après l'examen des bases
elles devaient être en pierre ou en marbre.
A l'angle Sud-Est, le péristyle ne rejoignait pas les construc-
lions Sud de l'agora. 11 en était séparé par une rue empierrée
et carrossable, qui aboutissait à la poterne de l'Alésion.
oMéSud. 1». — Portique et loggia (TEuryclès. — Une autre rue pénétrait
dans l'agora par le même coin, en venant du Sud, de la porte de
Tégée. Avant de déboucher sur la place, elle longeait un long
portique, dont 11 colonnes lisses, en pierre calcaire, ont encore
été retrouvées on place. Comme elles sont d'un faible diamètre,
et distantes les unes des autres de 4 m. 30, nous pensons ou que
l'architrave supportée par les chapiteaux était en bois, ou que
les entrecolonnements supérieurs étaient des voûtes légères en
arcade. La chaussée carrossable, dallée, aboutissait à une porte
centrale. Du côté Est, les piétons, après avoir cheminé sous la
colonnade, entraient dans l'agora par une porte spéciale. De
l'autre côté, à TOuest, un autre trottoir conduisait de môme, à
une petite porte latérale. Derrière la colonnade, à l'E. est un
grand édifice en briques et matériaux légers, divisé en compar-
timents. Nous reconnaissons dans cet ensemble de bâtiments le
portique flanqué d'cxèdres dont parle la dédicace d'une archi-
trave trouvée dans les murs de l'église byzantine voisine :
r, 'louXioç EùpuxX-rjç 'llpxXavôç A. Où'.SouAXio; Ileioç tyjv axoàv aùv
xaîç iv auTY) k\iZ^onç xyj Mavxivéwv TcôXei xai xco iTciycopuo
Oeo) 'Avx'.vÔ(.) xaxc(Txcua<7e oià xbv xX7)povô[jLOv.
Caius Julius Euryclès Uerculauns, contemporain de Trajan et
d'Hadrien, et l'un des propriétaires les plus considérables du
Péloponnèse (1) et qu^stor pro prxtore du proconsul d'Achaie,
laissa par testament à son héritier le soin d'exécuterses intentions.
(1) Voy. le commenlaire de rinscriplion, l?u//. de Corr, hellén.^ XX (iSiiG),
p. Iîi5. —Sur le personnage et sa famiUe, voy. Foucart. hiscr, du Pélop, 24Ô I».
- Àlh, mith. VI. 188i, p. 10 sq. - Bull, de Corr, hellén. XXI (1897), p. 209.
LA ville; les rues; l'agora; les monumkiNts. 483
Mantinée venait de reprendre son ancien nom ; Anlinoiis était
mort, ce qui place après Tan 130 de noire ôrc la date des
constructions d'Euryclès.
L'architrave de marbre, ornée de moulures sur laquelle
l'inscription est gravée, ainsi que d'autres fraj^nients d'épistyle
de môme largeur et de même ordre trouvés au même endroit,
ne faisaient pas partie du portique. Sans j)arlcr de la minceur
des colonnes comparée à la largeur des entrecolonuements, qui
s'oppose à ce que ces colonnes aient supporté une architrave de
marbre, le style du portique est beaucoup plus simple que
celui de ces fragments.
Or, nous avons dégagé entre la porte S.-E. et le Bouleulérion
un petit édicule rectangulaire à trois côtés en saillie clans
l'agora, et adossé au Sud à la construction ({ui relie la rue cl le
Bouleutérion. Ce qui reste de cet édicule dilTiîrc par la forme
et les matériaux des murs attenants, qui sont d'un fort médio-
cre travail. C'est un petit soubassement de marbre assez
soigneusement paré à l'extérieur. Il y avait plusieurs assises,
peut-être trois, super|)osées. Il ne reste des frafrments (|ue do
l'assise inférieure. La nature du marbre et sa hugeur (0 m. 12,)
sont identiques à celles de l'architrave inscrile et des aulrcs
morceaux de l'épistyle. Aussi nous estimons que tous ces mor-
ceaux appartenaient au même monument. Nous imaginons
qu'Euryclès avait fait construire dans l'agora, lout près de la
porte et de la rue qui traversait son porli(|ue, une sorte de tri-
bune décorative dédiée à Antinous et peut-être ornée de la statue
de celui-ci ou de celle d'Euryclès. La dédicace de l'architrave
rappelait la générosité d'Euryclès. Nous n'avons pas de frag-
ments des colonnes de ce petit monument. Mais les chapiteaux
ont laissé leurs traces à la partie inférieure de l'épistyle. Les
entrecolonnements étaient de 1 m. 85 entre diamètres. Le sou-
bassement mesure 8 mètres de front sur ^ m. HO de coté. Il
avait donc quatre colonnes en façade et tn)is sur les côtés en
comptant les colonnes d'angle.
En face du portique d'Euryclès et derrière sa tribune, les
bâtiments compris entre la rue et le IJoulculérion n'ont laissé
que des murs en briques. C'étaient probablement des boutifiues
et des magasins. Le travail en est fort médiocre ; nous n'y
avons trouvé qu'une petite statuette de ïélesi)horos.
Derrière le Bouleutérion, c'est-à-dire à 90 mètres environ au
Sud, la ligne fait retour vers l'Ouesl, parallèlement au côté S.
186 MANTINÉR KT L*ARCADIE ORIENTALE.
(le Tagora. Là so trouvait sans doute une autre rue : quelques
salles avec portes déhouchent sur cette rue, puis la ligne du
mur en briques s'interrompt au milieu des champs.
Entre le Houlcutérion et l'entrée S.-O. de l'agora, nouvelle
ligne de murs, el, prôs de cette entrée, deux salles rectangu-
laires dont je ne saurais reconstituer ni le plan ni la destina-
tion. Tout cela para II édifié à la hâte, avec des matériaux dispa-
rates. Il est fort possible que le Bouleutérion ait été entouré
d'un grand jardin d'une superficie à peu près égale à celle
de l'agora ; ))eut-étre aussi ce vaste espace représente-t-il
ren)[)laccment du gymnase? Le gymnase est mentionné par
Pausanias, à propos de l'olxoç consacré à Anlinoiis, et qui
])cut-(!'tre est rei)résenté par la salle occidentale du Bouleuté-
rion. Dans ce cas le Bouleutérion lui-môme aurait été compris
dans les bâtiments qui formaient le périmètre du gymnase. A ce
gymnase, comme nous l'apprend l'inscription d'Euphrosynos
et d'Épigonè aliénait une rotonde ou une exèdre hémicyclique
qui fut consumée par un incendie (ligne 17) : é{X7rp7)iOévToç te
Tou xaxà TÔ y^iL^iiio^ xuxXou (l). Pour réparer ce désastre,
Euphrosynos fit don à la ville d'un lot de briques qu'il avait pré-
parées pour son pro|)re usage : xà; et; tvjv io(av eù/pY,<rTîo;v /jToifJLs-
<7{iév3ç è/apiffaxo ttXivOo'jî, xY|Ç xaxotxovo{xiaç tôv OT|(JLOff'.ov xôfXULOv
TTSoxpeîvac
ÉDIFICES KT MONUMENTS SACRÉS: TEMPLES, AUTELS,
TOMBEAUX ET STATUES DB HÉHOS.
Les citoyens se réunissent à l'Agora pour débattre les affaires
de l'État, pour discuter leurs propres intérêts, pour acheter
leurs vivres ou simplement pour prendre l'air : elle est pour eux
un club national, une bourse, un marché, une promenade. Mais,
dans la séduction (|u'clle exerce sur eux, il n'y a pas que l'attrait
d'un local spacieux et commode pour la discussion ou pour la
flAneriè. Elle parle aussi à leur ûme, parce qu'elle leur offre
l'image léduile de la patrie. Là Sont groupés leâ fétiches véné-
rables de la cité : l'Agora est une sorte de lieu saint, un téménôs
qu'habitent les dieux protecteurs, que hantent les ancêtres
légendaires et l'ombre des grands citoyens hérolsés par leur
(1) De semblables excUrcs sonl souvent attenantes aux gymnases, par exem-
ple h Pergame. Voy. Saj^lio. Dict. des antiq. Art. Gymnasium.
LA ville; lks hues; l'agora; les monuments. 187
dévoueraent. Autour du foyer commun, symbole de la solidarilc
familiale de la tribu tout entière, on respire Tatmosplirre du
passé lointain, de la gloire commune, de la piété palriolique.
L'Agora est le sanctuaire de la patrie et le musée de ses souvenirs.
Pausanias nous a laisse l'inventaire exact, mais trop som-
maire, des monuments sacrés et historiques ([ui remplissaient
l'Agora de Mantinée. Ses énuraérations confuses, surtout (|uand
il décrit une ville, sont rarement utiles a priori, pour orienter
des recherches. Mais, a posteriori, elles apporlent de précieuses
données pour identifier des découvertes. L'exposé suivant four-
nira de nouvelles preuves de cette exactitude approximative (jui
caractérise sa manière. Nous distinguerons (rois groupes ; les
temples, les monuments héroïques et les slatues.
i<* Temple de Zeus Soter et Héraioii(?} — Parallèles aux deux ivmph's.
côtés de l'angle obtus formé par l'aile S.-K. <le ràv7.XY|u.aa, sont
deux édifices fort mutilés! Le plus endommagé des deux est
celui du Sud. Il dessine un rectangle de 12 m. 10 de longueur
sur 6.75 de largeur, orienté du Sud au NoimI. Le soubassement
se compose d'une assise inférieure en grandes plaques de cal-
caire, qui tient lieu de fondations, et d'une seconde ligne en
plaques rectangulaires bien travaillées, un peu en retrait sur la
précédente. Sur la marche supérieure n»posait le mur, en
grosses plaques de calcaire posées d'éfiuerrc. Trois de ces pla-
ques ont été retrouvées debout en pla(;e. La surface (îxléiieure
en est seule parée; l'autre est simplement dégrossie. La dispo-
sition des trous de scellement, réi)aisseur de ces pierres qui
n'occupent que la moitié de la largeur du mur, nous font croire
qu'il y avait une. seconde ligne, de pierres analogues disposées
parallèlement sur la même assise à celles (|ue nous venons de
décrire. La grosseur de ces. pierres ne permet pas d'admeltre
que le mur tout entier était construit suivant le même ai)[)areil.
Nous supposons donc (et M.. Dôrpfeld a bien voulu .ai)prouver
•sur: les lieux cette supposition) que celle double rangée de
plaques. servait .comme de socle à la parlie supérieure du n)ur,
bAtie oni matériaux plus légers, moellons ou briques crues (1).
Il ne paraît pas qu'il yeùlni péristyle ni coloniuule, du moins
sur le front 'Nord. : Des» jtrouî? de. porte retrouvés sur l'assise
isupérieure du cùtéN.. semblent avoir ai)i)arlcnu à un jremanie-
ment d'une autre époque; d'après leur disposition, cette porte
(i) Voy. un appareil de ce ^enfo dans Perrol, Ilisl. de l'Art, VI, p. 729. ' >
188
RIANTINKK ET L ARCADIR ORIENTALE.
n'eut pas occupé le milieu de la façade. D'ailleurs rentrée eût
été bien près du Imlimenl voisin et comme voilée par lui. II
est plus logique de la reporter sur le côté Sud, qui est presque
complètement arraché. — A l'intérieur on observe des traces de
dallage en pierres non dégrossies.
Cet édilice est, suivant toute apparence, de construction hellé-
nique. Etait-ce un tcmi)le ? Son orientation contredirait cette
liypolhèse, mais, à la rigueur, ne serait pas péremptoire contre
elle.
FIg. 47.
Temple d'Héra.
Le monument voisin a plus soulîert encore des remaniements
qui ont réduit à f[uch|uos fragments à peine reconnaissables la
consiruclion i)rimitivc. C'est un rectangle orienté de TO. à TE.
Le soubassement repose sur un lit de moellons servant de fon-
dations à trois assises de dalles en calcaire, en retrait Tune sur
l'autre (flg. 47). La troisième assise est indiquée par le martel-
lemcnt des dalles de la seconde. Il ne subsiste d'elle qu'un petit
fragment isolé, sur le C(Mé N., près duquel se lit, sur l'assise
inférieure, un E (probablement une lettre d'assemblage). La
])artie antérieure diî l'édifice est beaucoup plus récente, recon-
struilo avec des malériaux médiocres, mais vraisemblablement
LÀ ville; les nuBs; l'agora; lks monuments. 189
sur le plan des substructions priniilives. Une liî^ne de fondalions
traverse en refend toute la largeur et semble imliqucr les limiles
du pronaos. En somme, cet édifice a toutes les np|)aren('es d'un
petit temple proslyle m antw, sans opisibodonie. C'est entre le
soubassement au Nord et le mur de la scène qu'a été découvert
le bas-relief de la Femme au foie.
En Tabsence de tout document épigraplnque précisant la
destination de ces deux monuments, nous sommes réduits à
des identifications de pure conjecture. Celle qui se présente le
plus naturellement à Tesprit est suggérée par ce passage de
Pausanias (VIII, 9, 3) : Kal "Ilpaç irpbç tw Oeaxpo) v«bv èÔ£a(Ta(i.T,v.
IIpa^tT^XT^ç Se xà ky<i\\ML'va «Ûti^v xe xaOTr)(xév7)v èv Opôvc) xal Ttaps^jxcoaaç
eico(T|9€v 'AÔTjvav xa\ "HPtjv iraïSa "Hpaç. De ce groupe, j'ai en vain
chercbé les débris. Mais les présomptions en laveur de Tiden-
tification du second temple avec l'IIéraion s'appuient sur les
termes de Pausanias : ils indiquent évidemment que l'IIéraion
éi^il devant le théAt^^e, puisqu'un peu plus loin, il est faitmen-
tion derrière le théâtre (tou ôeaTpou Bï O7ti<y0ev) du sanctuaire
d'Aphrodite Symmachia. Enfin, Pausanias cite (ib. 2) ttgoç 5è
T7|ç "Hpaç T<j> pu>(xùi xal *Apxà8oç xa^oç xou KaXXi<yxou; caxi. Ce tom-
beau symbolique d'Arcas n'était autre qu'un double autel du
Soleil : *HX{ou pcojxouç. Or, à environ 60 m. à l'Est, c'est-à- dire
devant l'entrée de l'IIéraion supposé, en pleine agora, nous
avons découvert un monument qui réporuJ aux Autels du
Soleil (1).
Quant au premier temple, contign à cet Héraion, on ne trouve
pas dans Pausanias les éléments d'une identilicaticm |>ré(!ise.
S'il a insisté sur le sanctuaire d'iïéra, c'est à cause du groupe de
Praxitèle. L'autre édifice ne présentant rien de renianjuable,
il l'a passé sous silence, ou s'est contenté de rénumérer parmi
les autres édifices religieux de Mantinée. Tonlefois, on doit
relever dans Thucydide (VH, 47,11) la mention du tem|)ie de
Zeus àv xTj àyopa, OÙ fut déposé le traité de \'1\. Sans être en
état de décider à quel Zeus ap|)art(mait rc» sanctuaire, au
Zeus Soter ou au Zeus E|)idolès, dont |)arl(î Pausanias, ou an
Zeus Eubouleus, dont nous avons retrouvé un opoç avec dédi-
cace (2), la place d'un temple aussi imj)orlant, où les Manti-
néens du V® siècle conservaient leurs arcliivcs, n'a i)as dû être
(1} Voy. p. 316.
(t) Voy. p. 30t-304.
190 MANTINKE ET LARCADIE OniKNTALK.
modifiée après la reconstruction de 371, ni même pendant les
remaniements de l'agora ù Tépoque romaine. Or, il ne subsiste
dans ladilc ajçora aucun autre vestige d'édifice religieux qui
convienne mieux au temple que le monument voisin de Tangle
S.-O du théâtre. La proximité de Zeus et d'IIéra est si natu-
relle qu'elle peut presque servir d'argument. Je n'hésite donc
[)as à reconnaîlre à côté de Tlléraion le lemple de Zeus, cité
l)ar le traité de 421, et j'incline à croire qu'il appartenait à Zeus
Soter, adoré comme dieu protecteur de la cité.
2» Autrefi temples, — Deux autres édifices rectangulaires s'ali-
gnent parallèlement derrière la scène, orientés à l'Est, comme
des temples. Leurs murs, construits partie en moellons noyés
dans le mortier, partie en briques cuites, partie avec des frag-
ments de marbre et d'inscriptions du III® siècle avant J.-C. (la
dédicace à Antigone Doson) reposent sur des fondations pro-
fondes de plus de deux mètres, dont la racine se perd dans le
sol boueux. Tout le sous-sol, compris entre les parois des fon-
dations, est cimenté comme une citerne. Ce détail s'explique
par la nature marécageuse du terrain à cet endroit II y avait
la un ancien marais qui fut comblé ; quand on bâtit la scène
et ses deux édifices, on dut les élever sur de hautes substruc-
tions et mettre l'intérieur du sous-sol à l'abri des infiltrations.
Les matériaux disparales dont sont bAtis ces deux temples pro-
styles m antis indiquent une basse époque. Leur état civil ne
peut être reconstitué que par le texte épigraphique qui célèbre
les bienfaits (rEu|)hrosynos et de sa femme Epigonè. Parmi les
nombreux embelUssomenls dont ces évergètcs gratifièrent Anti-
goneia, figurent des temples solidement appuyés sur le sol : vaoùç
\lU /JYeipav eU ISa^oç Y)pei(r(xévou(; (ligne 34). Ces termes emphati-
ques ne sont-ils |)as une allusion en beau style aux profondes
substructions des deux édifices? Cela paraît bien probable, sur-
tout si l'on remarque que les lil)éralités d'Euphosynos et de sa
femme ont i)arliculièrement enrichi l'Agc^ra et ses- environs.
Les deux édicules en question représentent donc des chapelles
de confjéries élevées au premier siècle de l'ère chrétienne, mais
on ne sait â quelles divinités. • • •• ; :• m î; :.
Héron. ■ Vodaréion. — L'édicule situé au N-E. de la» scène est plus
ancien. C'est un rectangle orienté de l'O. à l'E, Les fondations
sont en moellons. Le mur se divise en deu^c parties construites
suivant un système difTérent. La partie postérieure est formée
de pierres bien éciuarries et soigneusement ajustées, sans pare-
LA ville; les rues; l* agora; les monuments. 191
ment à Tintérieur. La largeur moyenne est tle 0 m. 50 environ.
Elle comprend, sur le côté Sud, deux marclies en retrait l'une
sur l'autre de 0 m. 04. Un martelage et une rangée de trous de
scellement à la surface supérieure semblent indiquer qu'elle
était surmontée d'une 3™^ assise, aujourd'hui disparue. —
L'autre partie se compose d'un dallage large de 0 m. 70, débor-
dant extérieurement le mur précédent, et enveloppant un mur
intérieur plus étroit et plus haut de 0 m. 28. Le martelage et les
trous de scellement observés à la surface du dallage attestent la
présence d'une autre assise en retrait, sur le front, de 0 m. 25,
et de 0 m. 11 sur les côtés. Cet édifice était dépourvu de colon-
nade latérale, mais, comme semble l'indiquer la largeur plus
grande du front, il pouvait avoir des colonnelles ou des demi-
colonnes sur la façade. — Les murs étaient sans doute eu bri(|ue
crue (1 m. 80 et 1 m. 20 de long).
En avant du front se trouvaient deux pierres rectangulaires
munies à la partie supérieure de trous de scellement, destinés
sans doute à maintenir une stèle.
Cet édicule est une construction hellénique. C'était vraisem-
blablement un de ces Tjpwa que Pausanias avait vus dans l'Agora.
La découverte, dans le voisinage immédiat de ce monument, de
deux fragments de tuile portant les insciiplions suivantes :
no A API — 110 A APKOS A A (jAciaioç) ne nous mettrait-elle pas sur
la voie d'une identification probable? On a trouvé sur les tuiles
de certains sanctuaires le nom de la divinité à (fui l'édifice était
consacré (1). Pausanias cite le hérôon de Podarès sur l'Agora,
immédiatement après la statue en bron/.e de Déoméneia : Mav-
Tiveuai 8k ev TT^ àyopx yuvaixoç re elx(i)v yaXx-Tj, xai Mavxivsîç xaXou(7i
Aio(X6veiav 'ApxàSoç, xal -yipoi^v è<TTi Ilooàpou (Vlll, 9, U). Il est évident
que les mots iv t/j àyopa, renforcés par te et par xal, dominent
toute la phrase. Ce Podarès était le polémarque mantinéen tué à
la bataille de 3G2 et hérolsé en souvenir de sa belle conduite.. Le
monument qui le classait parmi les tlemi-dicuix locaux sur la
place publique, près d'Arcas et d'Autonoé, était à la fois une cha-
pelle et un mausolée (tou Ta<pouT6 £ir(Ypa(X(i.a etc.) Une dédicace,sans
doute gravée sur l'architrave, rajipelait son nom à la mémoinî
de ses compatriotes. Mais Pausanias raconte que trois généra-
(1) Rapport de M. Léoriardos sur les fouilles d« Lycosura en Arcadie :
*Ev TTj àvaffxa^r, Se tou 6\oij 0(xo8ofi.'^fi.aTOC eOpidxovxai x£sa[JLOi ^épovtsç
eirÎYpa^irjv AedTTOivaç (Ae^Tk àp/., 1889, p. \W),
192 mantinkf/et l'arcadik orientale.
lions avant lui, cVst-à-dire vers la fin du l^^ siècle après J.-C,
les Manlinéens changèrent Tinscription de façon à l'attribuer à
un descendant de Podarès TAncien, qui portait le môme nom et
(|ui avait mérilé leur reconnaissance en qualité de citoyen
romain, sans doule ])arce qu'il avait obtenu des autorités romai-
nes quelque faveur [)our sa ville natale (1). Il faut croire que
rinlérieur même du monument subit aussi certaines retouches
et qu'on déposa auprès de Podarès l'Ancien les corps de deux
membres de la famille, probablement le Podarès dont parle
Pausanias et un de ses parents. En effet, j'ai retrouvé dans la
cella de l'hérôon trois tombes garnies chacune d'une grosse
urne ressemblant à un mortier en pierre poreuse et disposées
comme iafig. 44 l'indique. Les trois urnes ne contenaient plus
que de la boue ; les deux tombes rangées contre les parois laté-
rales de la cella étaient effondrées et ne renfermaient plus
d'autres objets que l'urne. Celle qui touche au mur de fond,
aménagée en sarcophage avec des dalles de pierre, avait mieux
résisté. En guise de couvercle, elle portait une plaqué rectan-
gulaire de marbre dérobée à quelque monument plus ancien ;
sans doute une plinthe de statue équestre, car elle montrait une
moulure et, sur la face supérieure, qualre trous de scellement
disposés comme pour recevoir les sabots d'un cheval de marbre
ou de bronze. Autour du squelette, dont les os tombaient en
poussière, étaient entassés divers objets d'assez pauvre appa-
rence : neuf ampoules de verre plus ou moins allongées, 2 dis-
ques de miroirs en bronze sans ornements ; — 1 fragment de
couronne en feuille d'or, trouvée près du crûne, au N ; — 3 tablet-
tes d'ivoire de 15 c. de lonçsur 8 de large, creusées à l'intérieur
d'un petit cadre saillant. Evidemment c'étaient là des tablettes
à écrire, dont l'intérieur devait être rempli d'une couche de
cire; — 2 stylets en bronze, terminés d'un côté par une pointe,
de l'autre par une spatule (longueur 0,20 c.) creusée en cuiller
ou plate; — 2 strigiles en bronze; — 2 objets plats en os (peut-
être des amulettes ?) ; — 8 petits cylindres creîix en ivoire, qui
servaient sans doule d'enveloppe à une canne ; — 10 vases en
terre sans peintures. — Quoique dépourvu de faste, ce mobilier
funéraire n'en est pas moins antique, et prol^ablement d'époque
romaine. Je ne saurais avec certitude revendiquer la tombe
(1) Voy. une dédicace en l'honneur d*une descendante de ce Podarès, Bull,
(te Corr. hellén, XX (189G), p. 151. N« 17.
LA ville; les rues; l'agora; les monuments.
193
elle-même et le squelette poudreux qu'elle conicnait pour Po-
darès le Jeune. La présence d'une plinthe de travail hellénique
employée comme couvercle de sarcophage atteste qu'au 1^^
siècle de notre ère plusieurs édifices de l'époque grecque étaient
déjà tombés en ruines et qu'on n'hésita pas à faire entrer leurs
débris dans les misérables constructions destinées à les rem-
placer.
Quelques fragments de chaînes de lampe en bronze, retrouvés
au même endroit, provenaient sans doute d'une petite chapelle
byzantine qui paraît s'être substituée à l'ancien Podaréion.
Quant à la statue de Déoménéia, je n'oserais affirmer que la
base située à gauche de l'entrée du Podaréion en faisait partie.
A la môme période appartiennent quelques petits monuments Tombcmi ûatcm
de construction probablement hellénique que nous avons retrou- (Auici.-* duSoicii).
vés en diflérents points de l'Agora.
1® Vers le centre, à 19 m. au N. de l'aile 0. du Bouleutérion, à
68 m. à l'Est de l'entrée de l'Héraion, un édicule rectangulaire
de 8 m. de long sur 3 m. 47 de large. C'est un soubassement
composé d'une assise en calcaire blanc. On y distingue deux
parties, comme s'il y avait eu deux monuments contigus : le
rectangle est orienté du S. au N. ; la partie septentrionale est
enlevée. Trop petit pour être un hérôon, cet ôdicule a tous les
caractères d'un autel monumental ; il m'a rappelé l'autel de
Zeus Polieus que j'avais vu à Délos. De plus, sa position con-
corde avec les données de Pausanias sur le prétendu tombeau
d'Arcas, qui était en réalité un autel double do Pan et d'ilélios.
On l'appelait les Autels du Soleil : xb oï ycoptov toOto, évOa 6 ricpoç
i(n\ Tou 'ApxiBoç,- xaXouaiv 'HXiou P(d(xouç (Paus. Vlll, 9, 4). Or,
l'aspect des ruines justifie ce pluriel en nous montrant deux
soubassements diflérents accolés l'un contre l'autre. Les fouilles
n'ont rien découvert à l'intérieur de ce monument. En réalité il
n'y avait rien, car le transfert des restes crArcas à cet endroit
n'était qu'une légende patriotique, qu'explique le caractère
solaire du héros arcadien, hypostase de Pan (i).
Il en est de môme du prétendu tombeau d'Autonoé, la légen-
daire fondatrice de l'Ancienne Mantinée. Elle s'était identifiée
avec Heslia, et le Foyer commun, synibole du synœcisme, pas-
sait pour être aussi son mausolée. Voici en quels termes Pau-
sanias le décrit (Vlll, 9, 5), aussitôt après le tombeau d'Arcas :
lle^tia Kuiné
(Tombenti
d'Autonoô).
(1) Voy. p. 310 318.
Mantinée. — li.
194 MANTINÉE ET l'ARGADIE ORIENTALE.
Tou Oeaxpou 81 ou Troppco (jLVT^aaxa ■rcpoT^xovTa êariv Iç Sd^av, to p.kv *EffT(a
xaXoup.6VT| xoiVT), irepKpEpeç <TyT||i.a e^^ouaa* 'AvTivdir|V 5k auT^ôi IX^ycto
xeîdOai TV KT,(péoK. A ce signalement répond, comme type et
comme situation, une sorte de tholos circulaire, formé d'un
dallage en plaques de calcaire rangées en zones concentriques
autour d'une belle meule ronde qui occupe le centre. Le dia-
mètre est de 6 m. 10. Vers le côté Nord de la dernière zone est
une marche isolée en marbre. Des trous de scellement parais-
sent sur une autre plaque de la même zone. Je ne pourrais
qu'émettre des conjectures arbitraires sur la superstructure de
cet édicule. Régnait-il sur le pourtour une colonnade circulaire,
comme celle du temple de Vesta à Rome, ou comme à la tholos
d'Épidaure? Les faibles dimensions du soubassement n'auto-
risent guère un pareil dispositif. Je croirais plutôt à un autel
circulaire placé au centre et entouré d'une balustrade. Sous
le dallage, les fouilles n'ont retrouvé que des fondations en
petites pierres sans aucune trace de tombeau.
stèle de r.ryiic». Tout près dc ce monument, vénérable débris de l'Ancienne
Mantinée et que les remaniements postérieurs ont en partie
respecté, Pausanias cite la stèle de Gryllos : rœ Zï <nr{k-r\ i<pé(rr7jx€,
xal àvTjp lirireùç éTreipYaaugvoç Édxlv licl tv^ctt^Xt), FpùXXoç o Scvo^wvtoç.
On a vu (1) que cette stèle ne devait pas être confondue avec le
tombeau de Gryllos, enterré aux frais des Mantinéens à l'endroit
môme où il était tombé, c'est-à-dire très probablement aux en-
virons du temple de Poséidon. Le bas-relief qui lui fut consacrée
sur l'agora n'élail donc pas un monument funéraire; je ne
pense pas qu'il faille attribuer ce sens précis au mot |xvT|ixa
employé par Pausanias. Or, à environ 13 m. à l'O. du Foyer
cominnUy j'ai retrouvé en place un fort beau piédestal, formé
d'un bloc quadrangulaire dont la partie inférieure est seule
conservée. Le style de la moulure et le soin du travail indi-
(fuent une œuvre hellénique, qui peut très bien être attribuée
à la première moitié du IV© siècle. Malheureusement, il m'a
été impossible de retrouver sur les faces du bloc rongées par
le temps les moindres traces d'inscription (2).
En résumé celle agora mautinéeune, servant, au cœur de la
ville, de trait d'union à tous les quartiers, avec ses issues
(1) P. 100-101. Voy. Pausan., VIII, 11, 6.
(2) A vrai dire, la largeur de ce piédestal paraît insuffisante, si l'on se
figure le monument de Gryllos d'après celui de OexiléoSt & Athènes.
LA ville; les rues; l agora; les monumknts.
195
rayonnantes au delà des frontières, son Ihéalre et son Bouleutù-
rion, sa bordure de longs portiques, ses marchés, ses temples,
ses édicules et ses statues, peut être c<»nsidérre comme un
modèle du genre. On y trouvait concentré tout ce qui était
nécessaire à l'existence matérielle et morale de la cité. Le
citoyen pouvait y discuter, y acheter, s'y récréer sous le regard
favorable de ses dieux et de ses héros protecteurs. Simple et
grandiose, le plan s'adaptait avec une convenance si parfaite
aux besoins de la vie publique à Mantinée qu'im ne peut guère
le concevoir autrement. Il est comme le noynu de tout le sys-
tème d'État dont nous venons d'étudier ragciicement logi([ue.
h.
TVSS
|«w »•• t —
I«ig. i8.
Plan fie Mnnlinér pnr rîcll. {Prohoffurkc v. Stotftrtnfturrn).
CHAPITRE V.
LES HABITANTS.
OrigiiiPM
nrcadienncs.
I/aulochlhonie.
(Comment s'élail formé le peuple qui se pressait sur Tagora
de Manlinée autour du tombeau d*Arcas et du Foyer Commun ?
Dans ce bassin clos de la Mantinique, étant donné sa position
et son entourage, (jucls apports etimograpbiques sont venus
se déposer, et quels éléments distinguaient sa population des
aulies clans de TArcadie?
La théorie des origines arcadiennes se posait chez les anciens
avec une extrême simplicité : « Les Arcadiens, écrit Pausanias,
ont occupé dès Torigine et occupent encore aujourd'hui le
même pays. ))(l). La plupart des peuples grecs affirmaient leur
aulochthonie, mais, sur ce chapitre, aucun n'égalait en convic-
tion les Arcadiens. Ceux-ci avaient réussi à accréditer comme
un dogme leurs titres au droit d'aînesse : quand il s'agit
d'eux, les historiens ne manquent pas d'employer les épithètes
d*aÙT(5/0ov£ç, d'àp/aioxaToi, de TcaXaioTaxot (2) ; dès le VU® siècle, les
poètes célébraient l'Arcadie comme le berceau de l'humanité,
comme la patrie de l'ancêtre commun Pélasgos, « issu de la terre
noire parmi les forêts chevelues (3) )). L'Arcadie était réputée
comme une province essentiellement pélasgique, . •.,
(1) V, 1, 1. — Cf. Iléiod. VIII. 73.
(2) Xénoph. neUén. VU, 1, 23, — Démosth.
De falsa légat, p. 424. — Slrab.
VIII. 8, 1, p. 388. — Joseph. C. Apioii. I. — Pausan. VIII, o, 1. — Cicéron. De^
rep. III, p. 95. — Cf. la dédicace consacive à Delphes vers ,369, par, les Arca-,
diens : aÙTo^^Oojv Upaç Xabç à[7c' 'Apxa8(aç]. — V. Poniii^w. Ath. Mith. XIV,,
(1889), p. 17 it llomollc. BiUl, de Corr. heilcn. XX! (1897), p. 227 et suiv. . \
(3) Asios ap. Pausan. VIII, 1. 4. — Apollod. II, 1, 1 — 111, 8, 1. Serviiis ad.
Aifieid. II, 83. — Cf. Ilésiod. ap. Strab. V, 2, 4, et Bergk. Pof^L lyr. grœc, Ul!
adcsp. 84. . , '::
LES HABITANTS. 197
Ce dogme de rautochlhonie arcadienne, personnifiée par Pé- inxégruà
lasgos, avait pour corollaire la croyance à rinlégrilé de la race. <ïe la rac«.
Hérodote, Thucydide et d'autres afTirment que TArcadie est
restée indemme (1) des bouleversements causés par le retour des
lléraclides.Quand toute la Grèce s'était renouvelée autour d'eux,
les Pélasges arcadiens semblaient identiques à eux-mêmes,
dépositaires d'anciens rites, oubliés môme par ceux qui les leur
avaient appris (2). Telle était l'opinion courante au V® siècle.
Habilement entretenue par les artifices de légendes, qui ratta-
chaient à Pélasgos tous les héros du cycle local, elle faisait aux
Arcadiens une situation à part.Eux seuls, parmi les Hellènes, ne
semblaient pas dater ; ils avaient vu naître les États jeunes qui
entouraient leur âge mûr, et qui, adultes à leur tour, les véné-
raient comme des patriarches. De plus, leur isolement de mon-
tagnards, la simplicité de leur vie pastorale, les formes rudi-
mentaires de leurs communautés, leurs idoles étranges, leur
mythologie singulière, leur dialecte archaïque, tout cela leur
donnait un air de primitifs, un peu sauvages, un peu inquié-
tants, mais vénérables comme le débris d'un monde disparu.
L'Arcadie éveillait chez l'Hellène civilisé du V^* siècle ce senti-
ment de crainte superstitieuse qui s'attache au mystère et qui
entretient encore en France le prestige de la terre des Druides,de
la vieille Armorique celtique. L'Arcadie n'était d'ailleurs guère
mieux connue des Grecs anciens, que la Bretagne ne l'a long-
temps été des Français modernes. On se souciait peu d'aller
vérifier sur place les titres de noblesse de ces Pélasges « plus
vieux que la. Lune (3) » et « mangeurs de glands (4) ».
Les conflits de races qui avaient pu troubler l'Arcadie se
perdaient dans la légende ; depuis l'échec de l'invasion dorienne
le repos de cette province ne paraissait pas avoir été troublé.
Si la lointaine enfance des Arcadiens avait connu la turbu-
(1) Hérod., II. 171. - Thucyd. I, 2. — Strab. VIII, 1, 2, p. 133.— Pausan.
Il, 13, 1. — Dlod. Fragm. VII. 9.
(2) Ilérodot. Il, 171.
(3) Les 7cpo<j£X'^vaiO( ou 7cpo<réX7)voi ont lait couler beaucoup d'encre. SchoU
ArIstolJ iVufr. 397. - Aristot. ap. Schol. Apollon Hhod. 1, 2G3. — IV, 264. —
Lycôphf. 482.' ^ Ilippys. Rheg. ap. Sieph. Byz. 'Apxa;. — IlpodeXavaïoç
IléXaayoç ': Bergli. Poet. lyr. grœc. 111.84. — Ovid. Fastes. I, 470. — Stal.
T/icfr. IV, 27o:,« Arcades ve^erps aslris lunaque priores. » — Cf. Grotelend.
Ençt/ciop. Ersck et ,Grub**r. art. Arcadia 7-9. — UurinskI. ZeiUchr. fiir
VàLkseiymoL, a^ 2,
(4) Paus. VIII, 1, 2.
KIrnicnIs i-Ms
du foIk-I«r«
198 MANTINKR ET L'AIIGADIR ORIENTALE .
Icnce, eux seuls s'en souvenaient : leur araour-propre spécu-
lait sur ce mystère pour en faire accroire. A Texception de Tégée
etde Mantinée, ils i>rirent une part peu active, jusqu'au IVosiccle,
aux (îénK^lés ries ï)ouples grecs. Leur existence ultérieure s'ajou-
tait comme un monotone appendice à une période de vitalité
préco(;e qu'ils racontaient à leur façon. Dans leurs annales, la
légende est comme une aube incertaine aussitôt suivie d'un
hmg crépuscule. On comprend donc que les historiens du V«
siècle, et même Pausanias, aient cru à l'intégrité de la race
arcadienne, qu'ils se soient figuré celte province comme le
domaine im|)erturl)al)le d'un ])euple privilégié qui, depuis la
création de la primitive Pélasgie, s'était développé sur place,
])ar le progrès spontané de sa propre personnalité, restée in-
demne de toute modification ethnographique.
Hérodote ignorait sans doute le folk-lore araidien ; Thucy-
dide était lro[) |)ositif pour s'attarder à des exégèses mytho-
arcadieii. logiques ; Apollodore et Pausanias, plus curieux de fables, ont
montré dans leur enquête plus de diligence que de critique.
L'érudition moderne se flatte de tirer de ces contes et de ces
fictions poétiques des faits réels; mais, les conclusions ethno-
graphiques déduiles de la mythologie manquent de solidité,
f^es philologues qui ont laborieusement tissé dans le vide leurs
toiles d'araignée ont rendu le vservice de coUiger et de mettre
en valeur des textes intéressants, mais que de fois ils ontoublié
qu'un mythe n'est le plus souvent qu'une ombre vaine, une
enveloppe creuse dont Tinlérieur ne recèle aucune réalité ! (1).
L'analyse critique du folk-lore arcadien nous fait entrevoir
une réalité bien dilTérenle du mirage dont Pausanias a été dupe.
Pas plus que les autres peuples, les Arcadiens n'ont échappé
aux convulsicms cjui marquent fatalement l'enfance des races
historiques. Notamment dans la Haute-Plaine, placée sur le che-
(1) PnrmI les mythographes reslés fldôtesà la méthode des raccords et qui se
Font occupés de l'Arcadie, nous aurons à citer U. D. Mûller, Tûmpel, Schullz,
WIlamowilz-MŒllendorf, linmerwahr ; la réaction contre cette école a pour
coryphées, en Allemagne, M. Moyer, dans ses rorsehungmi der alten Ges-
cMchte et dans sa Geschichte des Àllerthums ; en P'rnnce, MM. Clermont-
Ganneau, Philippe Berger, Paul Fourart, Salomon Reinach, Victor Bérard. Ch<'K
ces derniers, l'analyse des réalités du culte, descriptions et teprcscntations
dMdoles, attributs, rites, symboles, invocations, s'associe aux combinaisons
étymologiques et prend décidément le pas sur la discussion toute formelle et
abstraite des récits mythiques considérés par fancienne école comme des témoi-
gnages valables. î •
LES HABITANTS. 199
min des tribus en marche, désignée par sa fertilité aux convoiti-
ses des bandes en quête d'un gite, les bouleversements extérieurs
se sont répercutés sous la forme d'invasions ou d'infiltrations.
Mais ce n'est pas une tâche aisée que d'identifier les éléments
divers qui constituaient la population compo.site de ce district.
Le point le plus délicat du problème est de discerner, parmi les
héros du cycle arcadien, tel qu'Apollodore et Pausauias l'ont
résumé, les figures purement mythiques, tels que les dieux
héroïsés nés sur le sol môme, ou bien transplantés en Arcadie
par le colportage des traditions épiques, ou, pins tard, par les
combinaisons des généalogistes et annalistes olïlciels. La ])ré-
sence de ces personnages dans les légendes locales n'est nulle-
ment l'indii. ^. d'une migration effective : il no s'agit que d'em-
prunts d'ordre littéraire et abstrait, que la dillusion de l'épopée
homérique et de la cosmogonie hésiodiquc au Yl|o siècle, puis,
au IV®, les mythographies politiques, ont incorporés aux tradi-
tions des villes arcadiennes. En second lieu, il faut distinguer
les héros qui semblent personnifier de véritables groupes ethni-
ques, et retrouver le nom et la provenance des tribus ainsi
représentées. Ces personnages, fabuleux en tant qu'individus,
mais réels en tant que personnalités collcclives, se sont installés
sur le sol par droit de conquête ; leur i)ré8ence équivaut, pour
la race qu'ils symbolisent, à un titre de propriété foncière.
Toutefois la fusion entre les divers occupants du même canton
est souvent si complète qu'il devient très malaisé d'identifier
tel héros avec un groupe déterminé.
En tête du cycle arcadien paraît Pélasgos, aulochtlione, père Péiasgos
de Lycaon, aïeul de Nyctimos et des éponynics des principales «^^ '" p^iasges
villes arcadiennes, bisaïeul d'Arcas et trisaïeul des trois fils «••"'i»«'»»-
d'Arcas, Azan, Elatos, Apheidas. De cette fallacieuse généalogie
on doit tout d'abord éliminer les épouymcs des villes, donnés
comme fils de Lycaon, tels que Manlineus, Tègéatès, elc. Ces per-
sonnages fictifs ont été inventés de toutes pièces par les villes de
la Ligue arcadienne désireuses de régulariser leur état civil; ce
sont de simples rubriques officielles, des raccords imaginés par
les annalistes et restés sans prise sur les imaginations populaires,
car ces héros n'ont laissé que des traces insignifiantes dans les
cultes locaux. Quant à la triade Pélasgos, Lycaon, Nyctimos,
deux de ses membres représentent des éléments naturels : Ly-
caon est le dieu de la lumière, Nyctimos celui des ténèbres (1).
(I) Cf. Lykos et Nykteus du cycle béotien (ApoU. 111, :>, .')).
200 MANTINKE ET L'ARCADIE ORIENTALE.
Le caractère de Pélasgos reste indécis, l'étymologie du nom
élant énigmatique. Pour les anciens, Pélasgos personnifiait un
élément ethnique, le peuple des Pélasges. Si les Argiens fai-
saient nallre Pélasgos en Argolide (1) afin de s'attribuer la
priorité sur leurs voisins, en général on considérait les Pélas-
ges arcadiens comme les premiers occupants du pays : le ber-
ceau de la Pélasgie était aux environs du Lycée, dans le district
appelé Pélasgie, puis Lycaonie, puis Parrhasie. Ils avaient en-
suite été soumis par Arcas et ses Arcadiens qui changèrent
le nom du pays (2).
Cette théorie très simple n'a pas trouvé grâce aux yeux des
savants qui ont tenté d'élucider la question des Pélasges. Certains
réduisent à néant les données d'Hésiode et d'Hérodote. Loin
d'être nés dans le Péloponnèse, les Pélasges n'y auraient jamais
mis le pied : leur prétendue installation dans le pays résulterait
(lu fait que les Hellènes qualifiaient de pélasgiques les races très
anciennes. Les seuls Pélasges authentiques se réduiraient à une
peuplade de la vallée du Pénée, où les Hellènes Phthiotes l'au-
raient connue (3). Mais on a peut-être tort de récuser le témoi-
gnage d'Hérodote au sujet des Pélasges, sous prétexte qu'il est
contradictoire. On ne saurait, en effet, méconnaître le fait sui-
vant : il subsiste dans les cultes arcadiens des traces d'une reli-
gion naturaliste qui offre une anah)gie remarquable avec les
données d'Hérodote sur la religion des Pélasges (4). Ces cultes
paraissent être un legs des populations primitives que, sur la
foi des auteurs anciens, on était convenu d'appeler les Pélasges
arcadiens. '
Lorsque M. Meyer (5) nie la présence des Pélasges en Arcadie,
sous prétexte que Lycaon, donné comme fils de Pélasgos, n'a
rien de commun avec l'ancôtre mythique célébré par Hésiode,
il oublie que dans les habitudes de la fable, ces filiations ne
symbolisent le plus souvent qu'un lien de succession dans le
temps, non une parenté ethnique. Lycaon présenté comme fils
(l)Strab. y. 24.— SchoI.Eurfp. Orcst. 1646.-ÉI. Byz/ '\7ta et riappfltcr/a.
— Acusilaus, fr. 11 etl2(Fr. Ilist. Grœc. I, p. 101). '\ '. . , .'.
(2) Paus. VIII. 4. — Isld. Orig, XIV, c. 4, p. 158. — Syncelle. . ,
(3) Meyer. torsch. zur ail. Gesch. c. II, III, ly. — Gesph. desAllerih.AL i
p. 56. — Cf. Bruck. (Jux vct. dePelasg^ iradid. 1884,— Hesselroayer. Difi PeloJi",
gerfrage. imi. • • - . ..ji. • . ;
(4) Ilérod. II, 52. — Voy. plus bas, p. 221 q. . .; ï . . . . i*
(5) Forsch. zur ait. Gesch,^ p. 64 • ' •• »• '•••(' - •• • -
LES HABITANTS. 201
(le Pélasgos peut sifçnifier qu'une race nouvelle est venue sup-
planter celle des Pélasges : de fait, si Ton sort de la discussion
abstraite et littéraire pour essayer de rccoiisliluer les réalités
possibles, c'est-à-dire la manière dont les clio.ses ont pu se
passer, la théorie ancienne paraît encore la plus plausible.
Admettons même que les Hellènes du V^ siècle ont abusivement
appliqué le qualificatif de Pélasges aux populations primitives
dont ils ne savaient presque rien, sinon qu'elles avaient occupé
le sol avant eux. Admettons que, dans la plupart des cas, le
vocable de Pélasges est un terme de convention. Poumons, cela
ne change rien au fond des choses, puisque nous n'avons aucun
renseignement sur la langue, la race et la provenance des
Pélasges authentiques, s'il y en a jamais eu. Il n'en faut pas
moins admettre, à l'origine du peuple arcadlen, l'existence de
tribus aborigènes très anciennes, celles que d'autres tradi-
tions désignent sous le nom caractéristique de prélunaires,
TipoaEX-iQvaioi (1), c'est-à-dire plus vieux que la lune. Tel est le
premier fond ethnique de l'Arcadie. Faute d'autre terme, nous
continuerons, à l'exemple des auteurs anciens, à le qualifier de
pélasgique. Nous ne nous préoccuperons pas s'il est, ou non, ap-
parenté à ses homonymes d'Argolide, d'Attique et de Thcssalit;,
parce que cette question est insoluble. Ce sont ces aborigènes
qui ont installé sur le Lycée le culte primordial de Pan et de
Séléné (2), qui ont pratiqué ces cultes naturalistes dont il sera
question plus loin, et qui ont donné aux tribus isolées de la
Parrhasie et du Ménale leur caractère patriarcal et pastoral (3).
Fondus avec les races subséquentes, ils ne disi)arurent jamais
complètement: des émigrations successives, celle d'CEnotros,
(1) Voy. p. 197, noie 3.
(2) Voir les textes dans Immerwalir. Kulte Arkad., p. 192 et suiv, et p.
205. — Porphyr. De aritr. 20. — Virg. Georg., îll, 391.
(3) Je n*insiste pas sur le rôle civilisateur prêté à Pélas«j:os et à ses successeurs
par la légende arcadienne. Il n'a rien d'original : ce sont les mêmes personnages
et les mômes inventions qu*on retrouve dans le tableau dos origines humaines
dû à rimaginaUon d'autres peuples : Oannès chez les Chaldéens, Ilypsouranios
chez les Ty riens, Prométhée chez les Hellènes, Inachos et i^lioroneus chez les
Argiens, etc. (Voy. Lenormant. Les prein. civiUs., Il, p. 1. — Bérard, Orig. des
cultes arcad.^ p. 245 et suiv.). Ces rapprochements nltestonl que les éléments de
la cosmogonie arcadienne venaient du dehors, sans doulc d'Orient. Le Pélasgos
de Paùsanibs ressemble à une doublure de l'Hypsouranios cl do l'Aion dont
parle Sancbonialhon (éd. Orelli. p. 16). Toutefois un détail topique, la découverte
du gland doux, mdique que ces plagiais ont été adaptés anx usages locaux : il y
a eu transposition du mythe exotique sur le mode arc^idion.
202 MANTINKK KT L'ARCADIK OHIRNTALK.
de Peucétios et d'Evandre en Italie et celle des Pélasges-Arca-
diens en lonie ne vidèrent pas le pays de tous ses éléments
pélasgifjues, mais en dérivèrent seulement le trop plein à
I etranj^er, au moment où l'arrivée de nouveaux immigrants
leur faisait la place trop étroite.
A Pélasgos succède Lycaon, « son fils, » père de Nyctimos et
des 49 éponymes des villes arcadiennes. La légende attribue
aussi à Lycaon un nMe civilisateur : il aurait bâti Lycosoura, la
première ville éclairée par le soleil (1). Mais son nom est par-
liculièremcnt associé à la fondation du culte et du sanctuaire
do Zeus Lykaios au sommet du Mont Lycée et à Tinstitution
des jeux lycéens (2). Lycaon aurait le premier offert au dieu
un enfant pour victime : telle aurait été l'origine des sacrifices
humains qu'on continua de célébrer sur le Lycée (3). La fonda-
lion de ce sanctuaire et de ce culte sanglant est ce qu'il y a de
plus réel dans la légende de Lycaon. Quant au personnage, son
caractère se laisse facilement deviner. Lycaon est le nom pri-
mitif du dieu du Lycée, dieu de la lumière; il fut plus tard iden-
tifié au Zeus hellénique ; le nom primitif, converti en épithcle,
devint le qualificatif de Zeus Lykaios. L'ancien dieu local tomba
piisuile au rang de héros, hypostase et serviteur du dieu nou-
veau qui l'avait supplanté. La légende en fit le grand prêtre et
le fondateur du culte de Zeus Lykaios, suivant une habitude
courante dans la mythologie grecque : en Attique, Érechtheus,
dieu marin local, dépossédé par l^oseidon, devient le grand
prêtre et le fondateur du culte de Poséidon dit Érechtheus. En
Arcadie, Kallislo, dépossédée par Artémis dite Kallisté, tomba
au ning de nymphe et de suivante de la déesse. En Laconie,
llyakinthos, supplanté par Apollon, devient le favori d'Apollon
dit llyakinlhios. Ce culte sanglant de Lycos ou Lycaon, dieu
solaire, remplaça sur le Lycée celui de Pan, que les aborigènes
atloraient peut-être sous la forme d'un bouc dans une caverne
du Lycée et qu'ils associaient à Séléné (4).
(1) Pausan., VIII, :«. C(. dans Sanclionlathon (Orel. p. i4 et 28) le rôle de Kro-
nos, Généos, Gcnéa et Ousôos.
(2) Pausan VIII, 2.
(3) Plat. Min.p. 315c. —7?^p. «(tô d. — Théophr. ap. Poiphyr. de Àhstin, II,
27. - Varro ap. Sl-Augiisl. Civ, Dei. XVIII, 17. — Polyb. XIII. 13, 7. — Paus..
VI, 8, 2. — VllI. 2. 3, 6, 38, 7. — Plin. VIII. 3^.— Md.Etym. VIll, 9. p. 370.
(4) Ilerod. II, 46 : alYOTipô^wicov xcà TpaYoaxeXca. Oenys d'IIallc. I, 32. —
Pausan, VIII, 38, 5. — Porphyr. de anlr. 20. — Immcrwahr. KuUe Àrkad, p.
1U9 et sulv. C*est à mon sens, à ce culte primurdial de Pan que se rapporte le
LES HABITANTS. 203
• Les rites sanguinaires, Fabaton impénétrable du Lycée, les
deux colonnes tournées devant l'autel du coté de Torient et
décorées ou surmontées de deux aigles dorés, tous ces détails
concrets révèlent, comme Ta démontré M. Bérard (1), une ori-
gine exotique. Lycaon = Zeus-Lykaios a toutes les allures d'un
Haal-Molocb, de même que les déesses de Lycosoura et de Phi-
gaiie rappellent Ashtoret et Derceto. Eu fait, la i)ossibililé d'une
occupation de la région lycéenne par des concpiéranls sémitiiiues
ou Syro-Grecs, Phéniciens, Gariens, Lélrges, v.i\\\o le XV^ et W.
XllI*' siècle avant J.-G. n'est pas inadmissible. Les îles, les coles
et môme l'intérieur de la Laconie, de la Messénie(2) et de l'Élidcî
révèlent dans leur toponymie, leurs cultes et leurs légendes trop
de traces d'une influence sémitique pour ([ue l'extension de
cette influence à la vallée supérieure de l'Alphée semble para-
doxaie(3).Maisde quelle manière s'est imposée aux masses jjélas-
giques la domination des étrangers, c'est ce qui Jious échappe
complètement (4). En tous cas, la diflusion des cultes sémitiques
en lut le résultat immédiat. Le rayonnement des croyances nou-
mythe de la Lycanthrople ou métamorphose en loups, associé ensuite, en
Grèce. & cause delà similitude entre les radicaux Xux (luinière) et Xux (loup),
au mythe de Lycaoo el aux fêles de Zeus Lykalos. La (T'idilion latine disait
qu'Kvnndre avait rapporté d'Arcadie le culte de Paii^ a|>pelc Lupercus par les
ilomains. et ils rapprochent les fôlcs de Pan Ly écn des Lupercjiles (Llv. 1. 5.
Virg. iEn. Vni, :U3. - Justin, 43, 1. 6. — Plut. Caes. «1. — Quaest roni, fiS.
— Schol. Dion Perieg. 318). D'après Meyer la lycanthropie s'expliquerait par
un ancien culte animalier, celui du loup, forme primitive de Zeus Lykaios
{Forschùngen zur ail, Geach. p. 61).
(1) Orig . des cultes arcad., ch. I et II. Toutefoiâ, rinlerprclalion proposée
de àerol Se ctt 'aÙTOîç Ta ve Iti TrarXaioTEpa eTre7ro''Y|VTO me semble disculabk*.
(2) On relève des rapports mythiques entre les Lclè^'es mossénieiis et Lycjion :
leur ancêtre s'appelle Lycos (Paus. iV, 1, 6. — Philip. Théan^. Fr IlUt. Gr. IV,
p. 475) Le fondateur des mystères d'Andanie et du culte de Zeus Ilhomathas (A
qui l'on sacrifiait aussi des victimes humaines) est un lils de Lclex, appelé
Polycaon (Pausan., IV, 1-2). Cuucon.introducteur en Mcssénie des mystères des
grandes déesses et éponyme d'une race apparentée aux LéUV^^es, est donné
comme fils de Lycaon (IlécaL Fr, UisL Gr. I, 31. — Apollod III, 8, 1).
(3) Sur celle question, voy. Benlœw. La Grèce auant les Grecs, p. 29. —
Clermonl-Ganneau. Le dieu Satrapes. — Bérard. Orig. des cultes arcad. ;
— Pottier. CataL des vases antiq. du Louvre, p. li-i et Ii8. — Meyer. Gesch
des Allerthums, I, p. 230.- Philippe Berger. Orig. orient, de la Mytii. grecque.
Ilev. des Deux-Mondes, 189f^ 2, p. 395 et suiv.
(4) Suivant Denys d'IIaliciiruaâse (1. 11. 12. — 11, 1) la région voisine du Lycée
aurait pris le nom de Lycaonie. habitée par le peuple des Lycaoniens. Cf. Eus-
lalh. ad Dion. Perieg., 8ij7.— Bertrand. De antiquissimia Arcadix fabulis.
204 MANTINÉE ET l'aRGADIE ORIENTALE.
velles aurait môme atteint la Haute Plaine, si Ton doit reconnaître
dans Tantique Poséidon Hippios de Mantinée le déguisement
hellénique d'un dieu phénicien, Dâm ou Dow, et dans son épouse
Déméter, la déesse Dam-at (1).
Arcas Le cycle d'Arcas succède a celui de Lycaon pour résumer une
cucs Aicftdiens. troisième étape des Arcadiens dans la voie du progrès. Arcas
leur aurait enseigné la culture du blé, la fabrication du pain et
le lissage des vêtements. Mais il est facile de deviner — Pausanias
Vil fait — dans ce rôle civilisateur un simple reflet de la légende
de Triptolème. En réalité, Arcas n'est important que comme
éponyme général de la nationalité arcadienne. S'ensuit-il que
ce personnage personnifie un élément ethnographique original
et qu'il faille conclure à l'existence d'une peuplade indépen-
dante, celle des Arcadiens ? Raoul Rochette (2) et Curtius (3)
l'ont pensé. Ils nous présentent les Arcadiens comme une tribu
de race hellénique, qui serait venue subjuguer les populations
de la Parrhasie et de l'Azanie, et qui aurait imposé son influence
et son nom au pays tout entier, à la manière des races conqué-
rantes, comme firent les Ioniens en Attique et les Doriens en
l^conie (4). Pour déterminer la provenance de cette race, Cur-
tins s'inspire du rôle agricole attribué par la légende à Arcas ;
comme les Thraccs passaient pour avoir été les instituteurs de
la Grèce en matière agricole, il conclut à l'origine Thrace des
Arcadiens et les fait venir de Phrygie et de Bithynie.
Cette théorie soulève plusieurs objections : 1® Une tribu
conquérante aussi importante que les Arcadiens n'aurait pas
tiaversé toute la Grèce sans laisser en route des traces de son
passage. 2» Les rapports ethniques constatés entre l'Arcadie, la
Bithynie et la Phrygie prouvent qu« l'Asie mineure a reçu des
colons arcadiens, et mm l'inverse (5). 3® Le rôle civilisateur
(1) Philippe Berger. Revue des Deux-Mondes, 1896 î, p. 385 et 395.
(2) I. p. 331. "
(3) Peloponnesos II. p. 160 et sulv. — fJist. gr, trad. Bouché- Leclercq. L ^
p. 197. ' . ,
(4) Paosnn VIH, 4, 1. iirb toutou 8e paaiXeù<javTOç, 'ApxaBia te àvTt
rieXacTYiaç •/) y<6pa xal àvTl IlèXacrYÛv 'ApxaSeç IxXT^OTrjaav ol àvOpwTrot.
(5) Le nom d'A/^nic désignait un canton de la Phrygie, aux environs de l'antre
Steunos et du fleuve Pcnkalas (Paus. Vlll, 4, 3. — X/,3i2/3.'' .— 'Et. Byz. \
'AÇavia, 'AÇavoi). On connail aussi la ville (rj!:zanoi. Seulement les Azaniens
d'Arcadie s'attribuaient à Tégard de ceux d'Asie des titres de paternité ; de
même Mantinée se donnait comme la métropole des Bithyniens (PaOsan. VIII.
9, 7). De fait, on retrouve en Bithynie une localité appelée ïfaHdWton, une
LES HABITANTS. 205
attribué à Arcas ne mérite pas plus de créance que les inven-
tions de Pélasgos et celles de Ljxaon. Celle cosmogonie est la
partie la plus banale du folk-lore arcadicn; les Grecs en ont
reçu les éléments principaux de TOrient et les Arcadiens les ont
eux-mêmes empruntés à l'Argolide, à la Bcolic, à TAtliquc. La
légende d'Arcas dérive directement de celle de Triplolème. Peul-
ôtre ce plagiat date-t-il d'une époque où l'amitié d'Athènes pré-
valait en Arcadie ?
En réalité, le personnage d'Arcas a moins d'envergure que ne
Ta cru Curtius. On remarquera d'abord que scm afTiliation à
Lycaon a lieu d'une manière tout artificielle, pai* rinterniédiaire
de sa mère Callisto, ensuite que, en dehors du rôle d'emprunt
signalé plus haut, sa place dans la légende et dans le culle est
des plus minimes.
Il faut aller dans la ville de Ménalos, l'une dos plus anciennes
d'Arcadie, au dire de Pausanias, mais aussi une de celles qui dis-
parurent le plus vite, pour retrouver son tomlu^an. C'est là que
les Mantinéens, au IV® siècle, prétendirent l'exhumer, sur l'ordre
d'un oracle; c'est donc dans ce coin perdu du Mrnale, (fu'il est
chez lui, non loin de Kallisto, également honorée d'un Icrlre
dans un lieu voisin (1). Originairement, Arcas est un petit dieu
local, de la région du Ménale, où pullulaient les ours. Son nom
môme le désigne comme le dieu Ours, soit qu'il ait été primi-
tivement adore sous la forme de cet animal (2), soit que l'ours
ait été son animal symbolique, comme l'aigle pour Zeus, le bouc
pour Pan, la biche pour Artémis. Sa voisine Callislo fut elle-
même une déesse Ourse, puisqu'on souvenir de sa forme origi-
autre appelée Mélangiaf comme In bourgade mnnUnéennc (Pholius, Uib. éd.
Bekker. 476 b. 31. — Le Qiilen. Oriens Christ, I, 23G. — Hamsay. Hist. Geogr.
of Asia Minof\ p. 194). Mais ces rapports s'expliquent iinlurpilement par lV.x-
pansion nu dehors de la race arcadienne, par rémigration el les colonies de mcr-
cenaires.On connaît encore la colonie arc^dienne fondée à Chypre par A^apcnor
(Pausan. Vill, 5, 2), celle des Pélasges- Arcadiens, chassés du Péloponnè.se par le
reflux des Achéens devant les Doriens(Hérod. I, 146. — D'Arbois de Jubainville.
Hah, priin. de l'Europe, I, p. 135) el celle des Arcadiens de Crèle. Dans tous
ces exemples, les prétenUoos des Arcadiens paraissent fondées ; ce n'est pas le
cas d'invoquer la loi des légendes rétrogrades, conslaléc par II. D. MûUer.c'est-
à-dires des légendes qui suivent a rebours le chemin des émigrations et du point
de départ éfTeclif font le terme de l'arrivée.
(i) Pausan. Vli, 3, 4. — Vlll. 9, 3. — 35, 7 — 36. «.
(2) .Arcas est ûgurè avec des oreilles d'animal sur un bas-relief du musée de
Latran. noscher,. Philo logm, LUI (1894), p. 304.
206 AIANTINKK I-TT l'aHCADIK OHIKNTALE.
nelle elle occupe nu ciel la place de la constellation de l'Ourse (1).
Sous celle forme animale, elle (ut d'abord un aspect de la grande
déesse de la Naluio, invoquée comme la Très-Belle (KaXXidTvi) ;
elle s'idenlilia ensuite avec Arlémis et, tout en lui donnant son
nom, tomba elle-mrmeau raniç de demi -déesse (Kallisto). Arcas,
dieu des bois et des montagnes, devint aussi une liypostase de
Pan et de Zeus Lykaios, et, par là, un béros solaire (2).
Par quelles circonstances ce couple singulier s'est-il écbappé
de son repaire pour s'élever à la dignité de béros nationaux de
l'Araulie entière ?
l^a métauïorpbose d'Arcas en béros éponyme des Arcadiens
n'a pu se produire (|u'à une époque assez récente,lorsque les déno-
minations partielles de Parrbasiens, d'Azaniens, d'Apidanéens
ou Apbeidantes,qui désignaient les groupes divers de l'Arcadie,
furent tombées en désuétude, et que le vocable général d'Arca-
diens entra en vigueur pour désigner l'ensemble de ces groupes
mélangés et fondus. Il est probable que le terme pittoresque
d'Arcadie et d'Arcadiens a d'abord été employé dans les paj's
côtiers, peut-être cbez les Achéens d'Argolide et de Laconie
pour désigner le district du Ménale, où vivaient, au milieu des
bois, les hommes vêtus de peaux d'ours et adorateurs des
dieux ours (3). Dans Timagination des gens du littoral, l'Arcadie
s'identifiait avec le pays des ours. Par extension, le terme lut
appliqué à toute la contrée centrale du Péloponnèse, et les
habitants de ce pays le reçurent tout lait de leurs voisins. Le
massif péloponnésien, non entamé par l'invasion dorienne,
apparaissait aux Hellènes comme un bloc, beaucoup plus unifié
(1) Paiisan. VIII, 3. G. — Son portrail avec une peau d^ours à Delphes (Pau-
san. X. 31,3). — L'ours des monnaient de Manllr.ée peut symboliser aussi bien
Arcas que Callisto (P. Oardner. Catal.ofGreek coins. Pelopon, p. 184, pi XXXV,
i8 et snlv. — Franz. Lcipz. Stud, XII (18110), p. 242-251 ).0n ne doit pas s^élonner
que les montagnards du Ménale aient incarné un élément divin d.ins le corps
du fauve qui éUilt pour eux un objet de terreur el, par sa fourrure, un être
bienfaisant. Sur les Arcadiens vêtus de peaux d'ours, voy. plus haut, p. 58, n. 4
Ce fétichisme ne nous choque pas chez les Orientaux; nous admettons la ména-
gerie du panthéon égyptien. II faut aussi nous habituer au grossier naturalisme
de la religion primithe chez les Grecs. Sur les Ourses, dans les fêtes d'Artémis,
h Brauron, â Munychie, etc., voy. Schol. Aristoph. Lysislr. 646. — Hesychius,
Suidas, llarpocraUon, s. v. àpxreia, apxroi, àpxTeû<Tai.
(2) Voy. plus loin, p. 316-317.
(3) Les noms d'Arcas el d'Arcadie dérivent delà formé apxoç.Cf. 'Apxôvrjaoç
el le grec moderne àpxouâa, apxouSt, 'Apxou8(JppeujjLà et PArkansns d'Amé-
rique. Les étymologies de Grotelend (du sanscrit aïka (ÎJ, Soleil) et do Sickler
{Alte Geogr,, p. 202 — d'àpxew.) ne sont pas soutenables.
LBS HABITANTS. 207
qu'il ne Tétait en réalité. Ce doit être vers le XI^ ou le X^ siècle
que les peuplades, appelées arcadienncs par les Achéens et les
Doriens, prirent conscience des liens qui les unissaient, eu
voyant les nationalités qui se constituaient tout autour d'elles:
Argiens, Achéens, Eléens, Lacédémoniens. Les lenlatives des
Doriens pour envahir TArcadie déterminèrent dos groupements
défensifs, qui, sans aboutir à l'unité politique, [)réparèrent du
moins Tunification morale. Arcas dut ù la dilîusion des noms
d'Arcadie et d'Arcadiens d'être promu à la dip^nité d'éponyme
commun. Ce fut le résultat et le symbole de la fusion arcadienne
proclamée d'abord par Tégée en face de l'ennemi commun (I).
Pour se métamorphoser en personnage ofTiciel, Tancien dieu
du Ménale devait naturellement dépouiller sa peau d'ours et
même renier son repaire originel. L'éponyme commun devant
entrer de plain pied au panthéon arcadien, il fallut lui fabriquer
une généalogie illustre et le caser en bonne place, sans toutefois
troubler les situations acquises. Le Lycée était le sommet sacré où
Pan et Lycaon trônaient comme des parvenus, oublieux, l'un de
ses cornes de bouc, l'autre de sa peau de loup. Arcas fut donc
rattaché à Lycaon par sa compagne Callisto, qu'on lui attribua
pour mère et qu'on présenta à Zeus Lykaios comme une fille de
Lycaon. Comme père d'Arcas, Zeus Lykaios était tout indiqué,
Arcas, hypostase de Pan, étant lui-môme un dieu solaire. Pour
assurer aussi à Callisto une position honorable, comme il se trou-
vait aii ciel une constellation de l'Ourse, on identifia Callisto à la
constellation. Arcas lui-môme, personnifiant tous les rameaux
de la race arcadienne, dut endosser la paternité des éponymes
secondaires qui représentaient les principaux groupes de cette
race, c'est-à-dire d'Azan, d'Élatos, d'Apheidas, auxquels furent
adjoints Triphylos, et le bâtard Autolaos. On supposa qu'Arcas
avait partagé son empire entre ses fils. Grâce à ces combinaisons,
le héros anobli devenait le commensal des hôtes souverains du
Lycée. Le souvenir de ses obscurs débuts se perdit dans le rayon-
(1) CeUe intention prit une (orme concrète dans l'ofTrande d'un groupe dédié,
à Delplies, par la Ligue Arcadienne après la dévastalion de la Laconieen 370-
369. Ce groupe représentait Apollon et Nilié, et les liéros nrcadicns : Callisto,
Arcas et ses Ois, Élalos, Apheidas, Azan, plus Triphylos, (ils de Lnodnnile, Olle
d^Amyclns et Érasos, flls d*Amilo, fille de Gongylos. P.iusanias attribue par
erreur cette offrande aux Tégéates (X, 9, 3). Une bonne partie de la dédicace
originale a été retrouvée: Pomtow. Àth, Milh. XIV (18S!)), p. 15 cl suiv. —
Beitràge zur Topogr. von Delphi, p. 54-56, 114, pi. XIV, 39. — llonioiie, Dull.
de Corr. hellén. (1897), p. 276-284.
208 MANTINKE ET L*ARCADIR ORIENTALE.
iiement de TOlympc arcadien. Fils de Zeus Lykaios et nourris-
son des nymphes lycéennes, il faisait bonne figure à côté de
l*élasgos et de Lycaon. Mais, outre le mérite de la naissance, il
lui restait à acquérir des titres personnels à l'admiration et à la
faveur du vulgaire. Pélasgos et Lycaon s'étaient signalés par des
inventions bienfaisantes. Pour être digne de ses prédécesseurs,
Arcas devait poursuivre leur œuvre civilisatrice et contribuer
|)our sa part au bonheur de l'humanité. On ne manqua pas de
lui attribuer son lot de découvertes, dont la complaisance de
Triplolème fit tous les frais. — Et c'est ainsi que d'un ours
ménalien savamment léché, les Arcadiens se façonnèrent un
ancêtre présentable.
Toutefois, malgré cette dépense d'imagination, les généalo-
gistes ne réussirent pas à faire vivre d'une vie propre leur
créature. Comme les éponymes des villes arcadiennes, la per-
sonnalité d'Arcas était un produit de la raison d'État, une figure
conventionnelle et froide que l'adoration populaire abandonna
aux.mylhographcs olliciels. Solennellement inscrit au nombre
des grands patrons du pays, il représentait moins un principe
vivant qu'un programme politique, celui de la fédération panar-
cadienne. Or, cette idée abstraite ne fit que très tard son che-
min dans les esprits, à une époque où il devenait difficile d'in-
fuser la vie à des personnage divins, n'ayant pas de longue
date pris racine dans le cœur des hommes. Le particularisme
invétéré des tribus arcadiennes fut fatal à la popularité d'Arcas.
En fait, le héros semble n'avoir recueilli que des hommages
littéraires. Sauf le tertre qui gardait, dans un repli du Ménale,
hî souvenir de son humble origine, Pausanias ne mentionne ni
temples, ni autels d'Arcas. Seule la ville la plus intéressée à
exploiter à son profit l'idée de l'union arcadienne tenta de res-
susciter ce fantôme de héros national. La Ligue arcadienne, en
lui consacrant un monument à Delphes, se proposait de le pré-
senter solennellement à la Grèce entière. Au même moment,
les Mantinéens le confisquèrent en l'installant sur leur agora.
Mais ces essais de résurrection ne survécurent pas aux circon-
stances qui les avaient i)rovoqués. Malgré la pompe d'un trans-
fert prescrit i)ar l'oracle de Delphes, la présence d'Arcas ne put
(lésalTecter, dans la dévotion du peuple mantinéen, les autels
de Pan-Hélios.
fils (lArcos. Les noms d'Arcas, d'Arcadie et d'Arcadiens sont donc des
étiquettes générales apposées après coup sur un mélange
LES HABITANTS. 209
ethnographique dont la composition reste à délerniiner(l). Les
noms des « fils )) d'Arcas sont plus instructifs. En elïet, ces fils.
])lus anciens que leur prétendu pore, personnifient les éiénicnts
du mélange. Il y en a trois : Azan, Élalos, Aphcidas, représen-
tant chacun un groupe particulier, pourvu d'un domaine propre.
Le groupe Azanien occupe les hautes berges du Ladon, au Azaneiien
nord de la Lycaonie. Il possède des villes importantes, Thcl- ^""'*'"''^*pp«''*»
pousa ou Telphousa et Kleitor. Il honore spécialement Erinys
de Thelpousa, appelée aussi Déméter cv 'O^xsuo et Apollon
Onkeiatcs (2). Ces noms et ce culte nous reportent en Béotie, où
Ton trouvait une déesse Onka, équivalent phénicien d'Atiiéna (3),
un ancien Ladon (Isménos), une source Telphousa et un mont
Tilphousion (4). Si Ton rapproche ces noms béotiens de ceux
de Delphes, de la nympiie Delphoussa, de Téiéphaé et Télé-
phassa, Tune femme, Taulre mère de Kadmos, on concluera
qu'ils ont été importés en Béotie par les Kadméens, c'est-à-dire
par une race vejiue d'Orient : la tradition présentait Kadmos
comme un Phénicien, et la tradition semble fondée, quand on
constate la parenté du nom de Téléphassa av(^c celui de Délé-
phat ou Dilbat, Tétoile consacrée à TAstarté sémiliquc, et celle
de rOnka béotienne avec TOnka phénicienne (î>).
Nous voilà donc en présence de la môme inlluence sémitique Linnuenco
constatée en Béotie et en Azanie. En Béotie, elle s'explique par p'^éniciennc en
l'occupation kadméenne. Pour l'Azanie, deux solutions sont à ^•^«^'«eiscs
11 1 !»• propagnicurs en
exammer : 1 hypothèse de linfluence directe et celle de lin- Arcadie.
Iluence indirecte.
Dans le premier cas, il faudrait supposer Torcupalion clîective
de TAzanie par un groupe de Sémites qui auniicnt agi sur le
pays de la même façon que les Kadméens en Béotie. C'est la
solution que nous avons admise plus haut pour expliquer l'ins-
tallation sur le Lycée du sanctuaire et des rites de Zeus Lykaios.
Les rapports étroits constatés entre la légojule de Lycaon et
(1) Cf. les noms de Béotie et d*Eubée, qui signiflent « le pays des bœufs ».
(2) Pausan. VIII, 254. — Caliimach. ap. Tzelzès. Lycoph. 153. — Immerwahr.
Kulte Arcad., p. 110, 129.
(3) Pausan. IX, 12, 2. — Ph. Berger, ibid., p. 194.
(4) Pausan. IX, 10. 5. — 33, 1. — Slrab.. IX, 2, 20.
(5) P. Berger, Rev, des Deux Mondes, 189G 2, p. 394. — Lôwy. Semit.
Lehnw. im Griech. 251. — 0. Mûller (KL Schrifl. II, 19i) dérlvail Onka de
"Oyxoç, cî/Oo;, buUe. — Sur rinflucnce orlenlalu sur les rivages de l'Euripe,
voy. Gruppe. Griech. Myih. p. 61 .
.Mniilince. — 15.
210 MANTINÉE ET L^ARGADIE ORIENTALE.
celles des Lélèges messéniens nous ont permis de conclure à une
occupation effective de la Parrhasie par des bandes venues de
Laconie et de Messénie(l). Le bassin de TAlphée supérieur cons-
titue le passage naturel entre la Laconie et TÉlide. Pourquoi les
Phéniciens n'auraient-ils pas songé à s'assurer de ce passage
pour éviter les caps du Sud, en reliant par une voie terrestre
leurs comptoirs laconicns à ceux du littoral éléen, et en faisant
garder cet hinterland par des postes de Cariens ou de Lélèges ?
Mais ce qui est vraisemblable pour la plaine parrhasienne Test
beaucoup moins î)our les ravins du Ladon. On ne comprend pas
pourquoi les Phéniciens se seraient aventurés dans ce laby-
rinthe quand ils i)ouvaieut si aisément contourner TÉrymanthe
par la grève éiccnne et achéenne. L'audace de ces trafiquants
se réglait d'après leurs intérêts. Or, on voit ici le danger et
l'imprudence d'une occupation de l'Azanie : on n'en voit pas le
profit. Enfin, aucune tradition ne la justifie.
D'autre part, les coïncidences relevées plus haut entre les
noms de lieux et de divinités en Arcadie et en Béotie ne sont
pas les seules. Il y a en Arcadie comme en Béotie, non seulement
une Erinys Tilphossa et un Ladon, mais aussi, dans la Haute
Plaine, une ville d'Orchomène, une nymphe Alalcoménéia, une
Arné, un Elatos, un Aréïthoos. On remarquera : i^ que certaines
de ces coïncidences, telles que la possCsSsion commune d'une
Orchomène, d'une Arné, d'un Elatos et d'un Arelthoos, ne sau-
raient s'exi)li(|uer par une infiuence sémitique. 2*>queces rap-
ports portent sur des points si précis et d'un caractère si local
qu'on aurait bien de la peine à les expliquer par une môme
action parallèle, s'exerçant dans le môme sens en Arcadie et en
Béotie. Il faudrait que les propagateurs de cette influence pa-
rallèle se fussent donné le mot d'ordre pour laisser chacun de
leur côté des vestiges identiques de leur séjour.
L'hypothèse de l'influence directe soulève donc trop d'invrai-
semblance; de plus, elle n'est appuyée par aucune tradition.
Les faits s'expliquent au contraire le mieux du monde par la
seconde hypothèse, celle de l'action indirecte par un ou plu-
sieurs intermédiaires qui auraient colporté en Arcadie un coin
de Béotie. Vu le mélange des éléments importés, ^^on doit, en
(1) LMiypercriUcisme de Meyer {Gesch. des ÀUerthunis, II, p. GO e^ 61) en
ce qui concerne la présence des Lélèges en Laconie et ço , Messénie, n*esl pas
mieux fondé que ses doutes sur l'origine sémitique des Kadméens(II. p. 152,
189). .».'..
LES HABITANTS. 211
dernière analyse, découvrir un ou plusieurs peuples non sémi-
tiques qui auraient quitté la Béotie pour s'installer en Arcadie ;
de leur séjour en Béotie, ils auraient rapimrlé, outre le l)a{j^age
de leurs traditions personnelles, des souvenirs de rinfluence
prépondérante des Kadméens, combinée avec ceUe des peuplades
béotiennes dont ils avaient aussi subi le conla<:t.
La tbéorie d'une ou de plusieurs migrations béotiennes en
Arcadie est donc la seule plausible à priori. (l'est la seule éga-
lement dont le principe concorde avec la tradition antique :
mais rembarras commence avec Tapplicittion. Kn elTet,le bassin
du Copaîs recueillait tous les courants de peuples descendus du
Nord. Là on vit se déposer, se mêler et fermenter ensemble
nombre de races, de civilisations et de mytbolojî^ies. Quand un
nouvel alHux déterminait un épancliemenl du réservoir, le Ilot
qui s'en échappait contenait des éléments de toutes sortes,
Minyens, Aones, Kadméens, Thessaliens, Phléj2:yens, Phocéens,
parce que toutes ces tribus avaient réagi les unes sur les autres.
l*eut-on, dans le chaos des cultes et des légendes d'An!a(iie,
retrouver la part de chacun, et désigner par leurs noms les
colporteurs de l'influence béotienne en Arcadie (1) ?
' Le groupe représenté par Azan parait le plus ancien, A/an A^n
étant donné comme l'aîné des fils d'Arcas. Sa principale divi- «i u» Minycn?.
nité, Érinys Tilphossa, se retrouve en Béotie (2), chez les Aones
(1) On doit se prémunir, dans ces recherches, contre toule illusion : l'nrl
d^apparenter les races à l'aide de leurs mythes et de leurs cultes est très déce-
vant. Des raccords souvent plus spécieux que réels constituent moins un sys-
tème de faits logiquement liés qu*un bouquet d'apparences vorltaics. Ces faibles
indices servent de prétexte à certains savants pour jouer avec les peuplades.La
mai'ché des tribus se laisse, en effet, aisément régler sur le papier, avec un peu
d'imagination. Il est donc prudent de n'accepter ces essais de logistique rétros-
pective qu'à Ulre d'hypothèses et d'explications provisoires d'un caractère tout
subjectif. .Voir ^n particulier, : Otf. Mûlier. Humenid, p- 108 et sulv. — II. D.
Mûller. îlfy^Ao^ cf. griech, Stàmme. li, p. 269 et suiv.— TûMipelj/lrcsii./lp/iro-
cfilc.'iahrb/f. kias. philoi. 1880. If suppiem. band. cl CXXXII, p. 58. — Schuitz.
Phlëgyèrsàge. Jahrb. f. klas. philoi. 1882, p. 345 et suiv. — Wilaniowltz-Moîllcn-
dorU ]I$yllo8i (Philoi. Untersuchungen, 1880).— Studniczka, Kyrene. — Le résul-
t^at deces.ctudefs çst résumé dans le répertoire si utile d'Immerwahr. Auffe v.
ityiheii Arkadieti8f(\u\ appartient à une série de recueils de mytiiologie régio-
nale destinée à rendre les plus grands services (Cf. Sam VVide. De sachs
Trmzeniorum. — Die lakoniscfien KuUc). — Les combinaisons personnelles
d'Imm'erVâhr sont ingénieuses, peut-être même le sont-elles trop : la chninc
de 'ses dédu(;tions'h'a 'souvent I air dé' tenir que par un cheveu coupé en quaire.
' (2) Ou Âiûllcr. 'i:iimc/arf; p. 1G8.
212 MANTINKB ET l'ARCADIE ORIENTALE.
tliohains, qu'on croit ôlre d'origine thrace (l).Pausanias rapporte
(|uc les Aones se fontlirent avec les Kadméens (2) :ce qui expli-
(|ue la combinaison de leur Érinys avec la Tilphossa (Déléphat)
kadméenne.
S'ensuit-il que les Aones aient transporté eux-mêmes leur
culte composite en Arcadie ? Les arguments étymologiques
invoqués en faveur de l'identité des ethniques Aones-Abantes-
Azaniens sont loin d'ôtre concluants. De plus les Aones s'étaient
fondus avec les Kadméens. Mais il y avait en Béotie un peuple
qui résume a lui seul toute la civilisation béotienne et qui
semble mieux désigné comme intermédiaire entre ce pays et
l'Arcadie : ce sont les Minyens d'Orchomcne. Leurs migrations
les portèrent en Triphylie, en J^conie et de là à Tbéra et à
Gyrène (3). Les souvenirs béotiens relevés en Arcadie, l'Érinys
Tilphossa, le nom du Ladon, celui d'Onkos, si proche parent de
rOnka kadméenne, le nom d'Orchomcne d'Arcadie, la nymphe
Alalcoméneia et la source Arné aux environs de Mantinée, la
légende d'Aganiédôs et de Trophonios constructeurs de l'abaton
de Poséidon Ilippios à Mantinée, ces personnages eux-mêmes
incorporés dans la généalogie arciidienne (4), Aréïthoos, héros
béotien d'Arné enterré près de Mantinée, enfin le nom d'un
ancêtre minyen Azeus devenant sous la formé Azan l'éponyme
(1) Tûmpcl. Ài'es u. Aphrod. p. 58. — Immerwahr KuUe Àrkad, p. 115,
idcnliîie les Aont-s avec les Abanles et voit dans le nom des Azaniens une Iroi-
siômc forme du mônic nom. Les anciens dérivaient 'A^ccvia d^a^a, sécheresse.
(EustaUi. ad Dionys. Pcrieg. Didol. Gfogr. minor. li, p.S93).C(. Zenob. 11,54.
Dio};cnian. 1,24.— .Macar l. M . — WdunuBy {Gengr, ofÀsia l^Hnor,, p. 147) invoque
le Phrygien àCcva, barbe. Gôrres {SLud, zur griecfi.àïylhol. 1889» I, p. 48) me
parall avoir raison d'insisler sur ie caractère funéraire d*Azan ; les premiers
Jeux funèbres furent célébrés, dit Pausanias (V, I, 8) à la mort de ce héros.
'A-C^v me parait être une forme dialectale do 'A-2[£uç(Zeuç= Zav). et uq
doublet de ''A(B'/)ç. Un héros 'AÇcùç figure dans la généalogie des Minyens
(Paus. IX, 37, 1 et 7). Cf. à Trœzène, 'AÇTjata, surnom de Koré (Soph. fr,
894 N 2. — Suidas et llesych. x. t?.), AlCeiôç, pére de Lycaon (Den. Ualic.
1, 11), et la forme Aizeus, éponyme des Aizaniens (Azanitis) de Pbrygle (Et. Byz.)
(2) IX, 5,1.
(3) Ilérod., IV, 148 — VIII. 73. ~ Meyer {ibid., p. 195) aUribue à ces récita
une origine purement mythique, le» Minyens désignant les Argonautes. Mais la
parenté des Minyens avec les Tripbyliens est déjà attestée par ïOdyssée, A,
281 (Nélée de Pylos épouse Chloris d*0rchomène) et par l'Iliade^ A, 7^, où
entre Pylos et TAIphée est un fleuve Mivui^ioç. D'autre part, la parenté des
Tripbyliens et des Arcadiens est symbolisée par Tripbylos, Als d'Arcas.
(4) Agamédès, fils de Slympliélos (Paus. VIll, 4, 8) et. Lébados, fondateur de
Lébadée, siège de l'oracle de Trophonios, fils de Lycaon (Plut. Quœzt. gr.^).
LES HABITANTS.
213
du plus considérable des groupes arcadiens, ensuite les rap-
ports étroits et difllcilement explicables autrcjneiit entre Cyrène
et Mantinée, toutes ces coïncidences constituent auUmt de pré-
somptions en faveur de cette hypothèse.
Le nom du second fils d'Arcas, Élatos, nous re|)orte encore à f''»'»'*
la Grèce centrale et même en Tlicssalie, si \\m adopte son '"^ '« N»i'»cs.
récent état civil (1). D'après le cycle arcadicn, Elatos, né on
Arcadie, avait poussé ses conquêtes jusqu'en IMiocide où la ville
d'Élatée garda son nom (2). Mais cet ordre assez, anormal de la
légende prouve que les Arcadiens préféraient le rnle d'envahis-
seurs à celui d'envahis : la marche réelle de la migration devait
être inverse. Le point de départ d'Élatos est au pied de l'Ossa,
chez les Lapithes (3), dans la ville d'Élatée thessalicnne, la pre-
mière en date. On le retrouve ensuite en Phocidc, où il fonda
la seconde Elatée, et enfin en Arcadie où il occu|)e la région du
Cyllène et la Haute-lMaine (4) : sa statue se voyait sur l'agora
de Tégée (5). Les légendes thessaliennes, celle du combat des
Lapithes et des Centaures en particulier, ont envahi TÉlide. On
a aussi soutenu que le culte si important, dans le Péloponnèse
central, à Thelpousa et à Mantinée, de Poséidon lli|)pios y avait
été introduit par les Lîipithes : Élatos serait une hypostase du
dieu (6). Mais, on le verra plus loin, ce point est loin d*étre
établi : c'est déjà beaucoup d'admettre la présence des Lapithes
au cœur de la péninsule, à Phénéos (7), à Tégée et au-delà.
On a voulu aussi faire jouer un rôle considérable à une tribu ï-c» Phu-pyens.
de même origine que les Lapithes, celle des Phlégyens. Les
deux peuplades voisinaient en Thessalie : les Phlégyens étaient
répartis autour de Gyrton et honoraient spécialement Asklépios,
né, disaient-ils, chez eux, dans la plaine dotienne, des amours
(1) Schultz. PMegyersagen, — Wllarnowllz-Môllendorn. Isyllos.
(2) Pausan. VIII, 4,4.
(3)Strab. IX. 5.19.
(4) Il avait reçu Orcliomène, ManUnée et la Cynurie, suivant les uns (Fluslatii.
ad Dion. Perlog. Uidol. Geogr. min. II, p. 417); tout l'enipire d'Arcas, suivant
d'autres (Apoliod. III, 9, 2).
(5)Pau8. VIII, 48,6.
(6) Immerwahr. KuUe Arcad,, p. 40.
(7) Sur les LapUbes à Phénéos, DIod. IV, 70.
214 MANTINKE ET L'aRCADIR ORIENTALE.
d'Apollon et de Koronis, fille de Phlégyas (1). Ischys, fils d'Éla-
los, intervenait dans cette légende comme séducteur de Koro-
nis. Phlégyas et sa bande descendent ensuite en Béotie; on y
retrouve Koionis, masculinisée en Koronos, comme cponyme
dcKoronée. Les JMilégyens s'imposèrent aux Minyens : Phlégyas
ligure dans les généalogies avant Minyas (2): Ils portèrent secours
aux Tliébains, attaqués par TArgien Adrastos et ses mercenaires
arcadiens (3). Leur humeur batailleuse les poussa en Phoçide;
ils s'attaquèrent au temi)le de Delphes et à leurs anciens voisins
deThessalie, les Lapithes d'Élatée, fixés eu Phocide(4), car tel
doit être le sens de la légende qui représente Élatos accourant
d'Arcadie au secours d'Élatée. Ensuite, on les retrouve en Argo;
lide, où ils apportent leur dieu Askiépios (5), qui se répand de
là par toute TArcadie, à Thelpousa, à Kleitor, à Gortys: le nom
même de cette dernière semble un ressouvenir de la métropole
|)hlégyenne, (îyrton (0).
Ces trois rameaux béotiens, les Minyens, les Lapithes et les
Phlégyens durent fusionner leurs races et leurs légendes : Azan
est censé avoir épousé une femme lapithe, Hippolyle, fille de
Dexaménos, symbole de l'union des Azaniens et des Lapithes (7).
Une union semblable se produisit entre les Azaniens et les
Phlégyens, caria lillede Phlégyas, Koronis, est qualifiée d'Azà-
niennc dans l'Hymne Pythien (8). Enfin, Ischys, lils d'Élatos et
séducteur de Koronis, figure dans la généalogie arcadienne des
Élatides, entre KylleJi et Stymphélos (9), établissant un trait
d'union entre les Lapithes et les Phlégyens. ' ' '
(!) Frngment 147 des Grandes Éées, ap. Slrab, XI, 5, 22. XIV, 1, 40. Sur
cette légende, voy. Wilamowilz-MôUendorf. Isyllos. (Philol. Unters^ichungen.
1880, p. 58 et 70) et Schullz. Phlegyersagen {Neue Jahrbiich. f, klas, philol.
1882, p. 345 sq.). — Lechal-Delrasse. /ipidaurc, p. 17-32. * I
(2) Pausan. IX /J. 2. . '
(3)Pausan. IX, î), 2. — X, 7, 1. , •,...'....'!.?,, ., , ,;.,".
(4) iôtd., IX,3G, 2. ~X. 7. 1. .', .,.;'; V , '.' :' ...m'i'!;'"
(5)Paus. 1I,2G, 4. : i . : .. î. m. m- . • ,
(6) Wilamowilz-MôUendorf. Isyllos., p. 55.' L*Asl«léplélon flè Titenô^ bour-
gade perdue dans le ravin de l'Asopôs, rappelait ses origines phlégyenriès phr
plusieurs détails : le culte des Asklépiades Àléxanor et Évhaniérlon| le
surnom de PopTÙvioç donné à Askiépios, et le nom .ipêaielde ,Tit*inos, dérivé
do la Titane tliessalienne. .. ; i ,.,.,,,.■».».,- .^ ,
(7) Diod. IV, 33. ' . . h. ..s . ' M., •. , u
■ (8) V.31[209]. " ' ■ '"''t "«• '•"'-'•Mî nlMv.î ,.,... ■;.
(9) Paus. Vin, 4, 49, - X, 4, 3. - Pindaré,' Pythl'lll^tl-dà.' ' ' ''''
LES HABITANTS. 215
Le groupe azanien étendit son influence jusqu'au sud du
Lycée, à Phigalie : Kleitor, fils d'Azaii, s'inslnlle à Lycosoura.
Sous la rubrique générale d'Azanie, Etienne de Byzance énu-
mère trois provinces : TAzanie propre, la Trapézonlic et la
Parrhasie avec un total de 17 villes (1). L'ellini(|ue Azanien est
toujours resté en usage (2).
Les groupes lapithe et phlégyen représentés par Elatos occu-
pèrent surtout l'Arcadie du nord-est et de Test, depuis Piiéjiéos
jusqu'à Tégée ; mais en réalité ces trois groupes durent se
pénétrer et se fondre par d'incessants échanges de population
et de religion.
Les Lapithes installés dans la région du CylK'Jie durent céder ïpyios.
le pas à un groupe représenté par riniportaiitc personnalité
d'iEpytos. yEpytos, donné comme fils d'Elatos, avait son loin-
beau sur le mont Sépia, près des sources sacrées d'Hermès, les
Tricrènes(3). Ce héros est certainement une hyposlasc (rilerniès,
car outre son tombeau voisin du Cyllène, la montagne sacrée de
l'Hermès Arcadien, Pausanias cite, à Tégée, une statue d'Ilermès-
/Epytos (4). Etant donnée d'une part la liaison entre lleiinès
et iEpytos, d'autre part l'identité de l'.Epylos du Cyllène avec
son homonyme messénien (5) étant alléguée par l'inlermédaire
de l'yEpytis, région mitoyenne entre la Messcjîie et l'Arcadie
méridionale, on en a déduit l'origine messénienne des yEpylides
arcadiens et du culte du Cyllène (G). A vrai dire, la i)riorité des
yEpytides messéniens sur ceux d'Arcadie est allirmée par cer-
tains savants, plutôt que démontrée (7). Aucune preuve péremp-
^ (1) Paus. VIII, 4, 3. — Et. Byz. s, v., 'AÇavia.
(2) Un oiympionique sequollllo d'Azanîen de PcU^ne (Pausan. VI, 8, 5).
(3) niad. II, 60i. — Hésiod. Ir., 133. — Paus., VIII. 10. 2.
(4) Pausan. VIII, 47, 4.
(5) Paus. IV, 3, 8. — 9, 5. — Diod. Vllï. 8. — ApoUod.. II, 8. 5.
(6) Immerwalir. Kulte Arcad.^ p. 8'» el suiv. — Mcycr. (ieack. d. Alterth.,
II, p. 263. — D'après Immerwahr. les étapes de nicrinès messénien avant
d'arriver au Cyllène seraient ryEpytis, PÉlIdo et rAcliaïcî.
(7) Immerwahr invoque pour cela {ib. p. 80) :1» le fait qir/Kpylosel Myrlllos,
nis d*llermès (dont la légende se retrouve n Olympia) sont enterrés à Pliénéos.
2*. l'absence du nom de Cyilène en Arcadie, au nionicnl du partage entre les
.fils fl^Arcas (Paus.. VIII, 4, 3)^ — A] quoi l'on peut rép«)iidrc ; i<> 1/altribulion
,;d*un tombeau à un héros Indique souvent rautor.hlhoiiio et 1(3 caractère chlho-
nien de ce hé;ros (Sur le tombeau d'Agamemnon.à Amycléos. Pausan. III, 19, H.
Sam. Wide. Lakon.' k'ûUé, p. 333!-^ Meyer.Gesch. d. yl//rr(/f., p.l87).— 2° Li
présence de Myrtilos à Phénéos peut s'expliquer par h* culte do Poséidon
Ilippios et l'élevage du cheval à Phénéos. Sa légende peut être d'origine argienne.
3» Le prétendu transfert du nom de Cyllène, port d'Élide, à la montagne arca-
dienne, n'a rien .de. commun avec le culte d'Hermès.
cl les Achôens
d'Argolule.
216 MANTINKK KT l'ARCADIB ORIENTALE.
loire ne peut (Hre opposée à la thèse contraire, qui fait de
i*yEpylosdu Cyllcjic I ancêtre du Mess6nien(l). Dans le sacrilège
d'/Epytos lï, puni pour avoir tranché le fil qui barrait l'entrée
du sanctuaire de Poséidon Ilippios à Mantinée, on peut recon-
naître rindice d'un conflit entre les sectateurs d'Hermès et ceux
de Poséidon (2). Mais le fait ne nous renseigne pas sur l'origine
des uns et des autres. En somme, les théories nouvelles n'annu-
lent pas celle-ci : l'Hermès du Cyllène serait un dieu local d'ori-
gine pélasgique, fortement influencé par les cultes argiens.
Aphcidns C'est sûrement à l'Aigolide que nous ramène îe nom d'Aphei-
das, le cadet des fils d'Arcas, celui à qui échut le pays de Tégée,
le lot d'Aphcidas, l"A<p6t8àvT6ioç xX^poç des poètes (3). La légende
locale de Tégée attestait l'arrivée tardive des Apheidanles, le
plus récent des neuf dèmes tégéates. D'où venaient-ils? On peut
rapproclier ce vocable de l'épithète d'Apidanéens donnée par
les poètes aux Arcadiens : 'Apxaoeç 'AwiSaviieç, 'ATriBavetç, 'Atci-
oôveç, 'ATciBovTieç (4). Or, les noms d'Apia et d'Apidanéens dési-
gnaient plus spécialement l'Argolide et ses habitants (5). Apis
était un des plus anciens rois d'Argos (6).
Les rapports étroits des desceudants d'Apheidas, Aléos,
Képheus, Aéropos avec les légendes argiennes attestent une
étroite parenté entre cet élément et l'Argolide (7). C'est ici le
cas de se rappeler les traditions très précises relatives à l'éta-
blissement des Achéens en Arcadie, à une époque qu'on peut
placer vers la deuxième moitié du XIllo siècle avant Jésus-Christ.
Le roi de Tégée Eciiémos avait, disait-on, pour femme Timandra,
fille de Tyndareus, et cette union l'alliait à Ménélas et ù
Agamemnon (8). Quand l'Héraclide Hyllos tenta la première fois
de forcer le passage de l'isthme avec ses Doriens, Atrée, roi de
Mycènes, réunit toutes ses forces argiennes et celles des peuples
(1) Niese, Bcrmés. XXVI, p. 7 et suiv.
(2) Cesl-A-dire, suivant Iinmerwahr, ib,, p. 85, entre les il^pylides (messe-
niens ?) et les Élatides (Lapithes?).— Paus. Vin, 18, 3 — Voy. plus bas, p. 238.
(3) Paus. VIII, 14, 3. — 4S, I.
(4) Apoll. Rhod. IV, 262. — El. Byx. s. V. 'Aicfa. — . Eustath. ad Dionys.
Perieg, 1-30. Didot. Geogr, min. II, p. 293.
^5) Strab. VIII, 6. 9. — /Eschyl. Suppl. 260 sq. — Agam. 296. — Sophocl.
(Ed. Col. 1301.
(6) El. Byz. 8. V. *AmcL. ..;..'
(7) immerwahr. Kulte Arkad., p. 65.
(8j Paus. Vni, 5. - Apollod. 111, 10, 7. •:: . ;
LES HABITANTS. 217
qui reconnaissaient sa suzeraineté : les Ioniens dVEgialcc et les
Ârcadiens delà Haute-Plaine, commandés i)ar Ecliémos. On sait
que ce dernier, choisi comme champion des conlédérés, tua
THéraclide en combat singulier (1). Un peu plus tard, la parti-
cipation des Arcadiens h la guai-re de Troie, sous le règne du
Tégéate Agapénor, successeur d'Echémos, et leur embarquement
sur la flotte d'Agamemnon, est un nouvel acte de vassalité à
regard de la puissance argienne. Ensuile, sans doute au
moment où les Doriens commencent à pénétrer en Argolidc, les
Achéens refluent sur TArcadie. Oreste quitte iMycèncs et con-
quiert la plus grande partie de rArcadie(2). Il est roi de Si)arlc
et réside à Tégée, où le Spartiate Lichas rcirouve vers 530 son
tombeau (3). La Parrhasie même conserve des souvenirs de lui,
la ville nommée Oresthasion (4) ou Orestéion, et le monument
Rppe\é Doigt d' Oreste (^). Par une coïncidence significative au
moment où Oreste prend possession de la Tégéalide, TAphci-
dante Hippothoos, successeur d'Agapénor, émigré de Tégée à
Trapézous (G) : ce transfert de capitale a toules les apparences
d'une défaite ou d'un recul. Avant d'en arriver à une lutte
ouverte, l'élément apheidante, représenté par Echémos et
Agapénor, fraternise avec les Argiejis. On en i)eut (H)nclure
qu'il était lui-même d'origine argienne : il y eut, peut-être au
XIV® siècle, une première colonisation de la Maute-Plaine par
des bandes achéenncs : c'est l'expédition dile crApheidns. Puis,
à mesure que l'infiltration progressive des Doriens en Argolide
(i) ApoUodore (II, 8, 4) a confondu cel épisode avec celui de la deuxième
tentative faite par les UéracUdes, sous Tisamène, fils d'Orcsle. Pausanias aussi
rectifie au liv. VIII, 5, la chronologie qu'il avait adoptée au liv. I, 40. Il est
d'ailleurs évident que Tlnvasion dorienne se produisit par petits paquets,
comme celle des Francs en Gaule. Cf. Hérod. IX, 2G.
(2) Pau». VIIÏ, 5, 14. — II, 18, 5 et 6.
(3) Hérod. I, 67, 68. — Pausan, III, 3. 6. — 11, 10. — VIII, 54, 4.
(4) Paus. VIII, 27, 3 et 4i,2. Cette ville avait invente un cponyme Oresthcus,
fils de Lycaon. D'après Meycr. (iesnh, d. Àlterlh,, II, p. 187, Orestès est un dou-
blet d'Oreslheus; tous deux désignent le môme licros local, dont rOreste argien
ne serait qu'une adaptaUon épique, comme Agamemnon, roi de Mycènes, ne
serait qu'une adaptation du dieu amycléen Agamemnon. Cela est fort possible.
Il n'en reste pas moins vrai que l'interversion de la légende au profil de l'Orcste
argien, présenté comme conquérant de i'Arcadie, atteste la prédominance de
l'élément acbéen dans ce pays.
(5) Paus. VIII, 34, 2.
(6) Pauà. VIII, 5, 4.
218 MANTINKF. KT l'aRCADIB ORIENTALE.
rendait aux Acliéeusla vie plus difliciie en ce pays, les colonies
acliéenues alIlucrenL sur le lo! d'Apheidas. Les Apheidantes
dépossédés par leurs frères plus jeunes éinigrent en Parrhasie :
Argos, eu refluant sur Tégée, oblige celle-ci à se replier sur
Trapézous. Tel serait le sens du transfert de la capitale d'IIip-
pothoos au pied du Lycée, dans une ville nouvelle rivale de la
vieille Lycosoura des Lycaonides (i).
L'Arcadie septentrionale, la Mantinique, TOrchoménie, la
région du Cyllône rcsiaicut toujours au pouvoir des Élatides.
Pausanias, parlant d^Oreste, roi de la plus grande partie de
l'Arcadic, ajoute : « il avait pour alliés les Phocéens, toujours
préls à venir à son secours » (2). Ces Phocéens ne sont autres
c|ue les bandes d'Klatides et de Phlégyens dont nous avons déjà
parlé. On aurait aussi bien pu les désigner sous le nom de
Béotiens : la légende du combat fabuleux d*Aréïthoos, héros
Béotien d'Arné, et de Lycurgue, roi de Tégée et fils d'Aléos,
combat que les Mantinéens disaient avoir eu lieu sur leur terri-
toire, contient peut-être une allusion à quelque conflit entre les
Apheidantes de Tégée et les Phocéens-Béotiens de la plaine sep-
tentrionale. Dans ce cas, la Mantinique se trouvait sur les con-
fins des deux domaines, et c'est pour cela que Phérécydes, dans
le récit de ce combat, a écrit cette phrase qui ne peut contenir
aucune invraisemblance : ^Hv yàp àj/ifxa/ia tiç Ixeî 'Apxàcn xe xa»
Boio>Toîç... TTcpi opo)v Yo; (3). Plus tard, les Apheidantes relégués
à Trapézous, paraissent avoir tenté contre les Achéens un retour
ofTcnsil. Ne pouvant reconquérir Tégée, ils auraient essayé, sans
succès, de prendre position à Mantinée : yEpytos II, successeur
d'Hippothoos, viole Tabaton de Poséidon Hippios, perd la vue et
meurt bientùt après (4). Son fils Kypsélos reprit la lutte contre
les envahisseurs, cette fois avec Taide des Doriens.; L'Achéen
Tisaménos, fils d'Oreste, régnait à Argos^ à Tégée et à Sparte,
quand les Héraclides tentèrent derechef de rentr.erdans lePélq-
ponnèse* Ce prince représentait évidemment en Arcadiejunparli
opiK>sé àcelui de Kypsélos, roi de Trapézous. Aussi î Kypsélos,
l')ris< entré deux dangers, jugea-t-il prudent de pactiser, avec les
Héraclides. 11 accorda' donc aux bandes de Téménos; de Rres-
. (1).Voy. une au Ire. interprétation dans Uillerv. GSiTi^^ïï^eny^tfrarkad, Ku-
niglisle, (Feslsch. d. Gymn. zu Jauer. IS-'O, p. 153 sq.).
(2) Paus. II. 18, 5.
(3) Plierec. ap. Scliol. Hom. //. VU, 9 (Fr. hisVgr. I, p.' 92. n« 87)v ; . ?
(4) Paus. VIII, î), 5-10, 3. — Voy. plus loin, p. 258. .;. ,-» .U . m : ^ ,
LES HABITANTS. 219
plionlcs et (rArislodémos, conduites par rElolieu Oxylos, le
libre i)assage par ses États. 11 maria sa lillo Mérope à Kres-
plioiitcs et ce fut son petit-fils i^pytos III (|ui rt'^gna en Messé-
nie (1) : d'où la sympathie ultérieure des Arcadiens pour les
Messéniens. Quant à ïisaménos, chasse de l'Argolide, de la
Té^eatide et de la Laconie, il se rejeta avec ses Achéens sur
TiÈgialée, ce qui obligea les Ioniens iV s'expalrier en Asie (2),
avec un groupe de Pélasges-Arcadiens, probablement des mon-
tagnards qui avaient espéré se fixer en Elide et qui en furent
empêchés par Oxylos.
Tels étaient les récits qui avaient cours dans l'antiquité. Krsnmd.
Dans le détail de ces traditions, il faut faire la plus large part
à la fiction. Mais Tensemble paraît contenir un fonds d'hisloire
api)roximative qu'on peut résumer de la façon suivante :
Pendant les quatre siècles antérieurs à l'invasion doriennc,
TArcadie a reçu la visite de peuplades de provenances et de
races diverses. Deux grands bassins de dépôt s'olTraient aux
migrations : celui de la Parrhasie, ouvert aux aventuriers de la
mer par les vallées de l'Alphée, du Pamisos et de l'Eurotas, ])ar
cette dernière surtout, terme de l'étape qui, des stations insu-
laires et Cretoises, aboutissait aux facloreries de Cythère et de
Gythion. Aussi est-ce par là que durent pénélrer les (^ariens-
Lélèges-Lyciens personnifiés en Lycaon. Le second bassin, celui
de la Haute Plaine fermée, paraît surlout (Uîstiné à recevoir, par
ses débouchés du Nord-Est et de l'Est, le tro[)-plcin de la plaine
argolique. Celle-ci, située au confinent de la voie maritime et
'de la voie terrestre qui lui déversait les apports des vallées de
la Grèce centrale (Béotie, Doride et Phoc-ide), les disiribuail
entre leî^ Hautes Plaines du Nord et les cantons de la Thyréa-
tide, de la Gynurie, de la Laconie inférieure. C'est sans doute
par PArgoIide que les Pélasges se répandirent dans le reste du
Péloponnèse; C'est par l'Argolide que les l)andes composées de
Miiiycns-Lapithes-Phlégyens, personnifiés par Azan et i)ar Élatos,
se dispersèrent daiis les districts de Tel|)liousa, de Kleitor, de
Stympliale, do Phénéos, d'Orchomène et de Mantinée. C'est |)ar la
grande route d'Argos à la Tégéatide que les Aciuîens d'Apheidas
et' ceùk d'Orestè màrclVèrent; çV la conciucte de VAplividaniélos
(1) Paus. IVv 3i 6.1-^ VUI,5,6. •— 29, 5. » • .,.. ,.
(2) Paus. II, 18. 8. --38,:1.' i'i .i : . ..'.
220 M\NTINKE ET L'ARGADIR ORIENTALE.
Klèros, Môme aprrs l'invasion dorienne cette route de l'Est reste
toujours ouveiie (1). Les liens intimes qui unirent TArgolide et
rArcadife orientale dis Tépoque d'Atrée se continuent dans les
temps historiques. Les convulsions de TArgolide, après Fins-
tailation des Doriens, provoquent des expulsions et des émigra-
tions de familles (jui prennent le chemin de la Haute Plaine.
Les bassins d'Aléa, de Mantinée, de Tégée sont autant de refuges
hospitaliers, autant d'asiles où les victimes des partis viennent
chercher la sécairité. La Mantinique représente donc, sous le
double rapport de l'ethnographie et de la mythologie, un terrain
pélasgique, recouvert de bonne heure par des couches béotiennes,
auxquelles se superposent une série d'alluvions argio-achéennes.
11 semble qu'à certains moments la barrière de l'Artémision se
soit abaissée et que l'Argolide se prolonge jusqu'au pied du
Ménale. Quand Aratos incorpora la Mantinique au territoire
argien, il ne fit que consacrer officiellement l'œuvre patiente
des siècles. Mais cette pénétration des cantons orientaux de
l'Arcadie par l'Argolide se produisit lentement, sans Superpo-
sition brusqué d'une tribu conquérante à une race asservie.
Aussi les Arcadiens n'ont-ils pas connu les distinctions de
castes qui, dans les pays dorieUvS, dressaient leurs barrières
entre les divers éléments de la population.
(1) D'après un fragment de Diodore {Fr. EisL Graec, II, p. VIII, fr. Y) on voit
qu'un roi d'Argos fut expulsé par le peuple pour avoir rendu aux exilés
arcadiens des terres arcadiennes reconquises par les Argiens sur les Lacédé-
moniens, au lieu de les avoir alloties entre les citoyens d'Argos. Il est vrai
qu'on ignore de quel territoire il s'agit; il est probalile que c'est de la Cynurie
(Cf. dans Pausanias, l'iiistotre de Meltas. II, 19, 2).
.M< 1 M . «
CHAPITRE VI.
LA RELIGION MANTINRENNE.
Sur le territoire ainsi constitué, ainsi peuple, plane une
atmosphère reiigieuse où se combinent les émanations du sol,
les apports des races diverses et les inlhienres étrangères.
La mythologie locale nous apparaît comme* le produit de la
terre et du climat, des conditions géographl(|ues, des immigra-
tions, des transactions commerciales et des événements poli-
tiques. Dans cet inventaire des cultes et des mythes manli-
néens nous aurons d'abord à rechercher l'élément physique
ou ethnique que chacun d'eux représente, à établir comment
il a pris droit de cité sur le territoire; — puis à les classer tous
d'après leurs caractères, leurs provenances cl leur situation
topographique, à retracer leur rôle dans la vie commune de la
cité; — enfin à tirer de celte étude particulière des conclusions
générales sur la formation et le développement de Télément
religieux dans les pays grecs, enfin des indications sur la
méthode qu'il convient d'applicjuer à ce genre de recherches.
I. Fonds primitif aborigène (Pélasgique?)
Nous réservons en tète de tous une place à part à ce Zeus zcu» Kérauno^
Kéraunos. Il n'est pas, comme les suivants, lié au dévelop-
pement historique de la cité. C'est un rulli^ de circonslante
et d'exception. Mais il apparaît comme le survivant prescjue
isolé d'un passé très lointain et d'une race cionl la légende et
l'histoire n'ont conservé qu'un souvenir confus. Il plonge dans
222 AlANTINÉE ET L^ARGADIE OHIENTALË.
les couches profondes des croyances spéciales aux aborigènes
arcadiens, à ces ]K)pulalions primitives que les anciens et les
modernes dcsij^nent sous le nom de Pélasges. Il n'a donc rien
de particulinretnent manlinécn, puisque, par ses antécédents,
il appartient sans doule à la période antérieure à la constitu-
tion de rÉtat mantinécn. S'il nous apparaît localisé en cet
endroit, la cause en est tout accidentelle.
En 18G8, M. Foucart découvrait à Mantinée une borne sacrée
portant rinsrri])tion : AIOS KKPATNO en lettres de la première
moitié du V" siècle. Dans le commentaire qui accompagne sa
l)ublication (1), il a fait ressortir l'intérêt de ce document et
l'originalité de la concepticm religieuse représentée par le
Dieu-Foudre des Arcadiens. C'est, en effet, le phénomène lui-
même qui est dieu, au lieu d'être séjiaré, comme attribut, de
la personnalité divine: il est l'apparition et le mouvement de
la divinité elle-même. '
Ce culte naturaliste de la Foudre semble antérieur à la mytho-
logie homérique. Dans Homère et dans Hésiode, la foudre est
l'arme de Zcus, conception elle-même très ancienne en Orient,
puisque la foudre en forme de trident apparaît entre les mains
d'un dieu sur les plus anciens cylindres chaldéens. ' On ne
saurait encore i)réciscr quels pouvaient être' les types orien-
taux du dieu foudre dans les mythologies sémitique, assyrienne
et égyptienne. Mais l'adoration du phénomène désigné par 'son
nom en tant que Dieu n'est pas sans équivalent dans la
mythologie préhellénique dont les Pélasges ont' pu être les
col|K)rteurs. Kéraunos a])partient à la même famille que Go,'
Oiiranos, Pan, Séléné. Le génie hellénique; avec sa facilité à
ranthropomor])lnsme, s'est emparé de ces formes cosmiques
pour les cbnvertir en êtres vivants.- Le dieu du Lycée n'était
sans doute à l'origine que Tespace éclairé; A' Bathos,' près 'de
Trapézous, Pausanias (2) signale le culte également liaturaliste
des Éclairs, des TonneÎTeâ, des Ouragan^ ('Arf-rfcticctf' -BpovTd;»
BùcXXai). C'étaient autant de bribes des croyances primitives en
vigueur chez les Pélasges: « Les Pélasges,. dit Hérodote (3),
sacrifiaient autrefois aux dieux toutes les victimes, et. leur;
adressaient (les prières, comme je l'ai appris'à Dodone. Màis'
,/';.♦ . ......... .•■ • . »! 1, •.;/ ^i t t, . .• ...r. }. '
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(1) Inscr» du- Pélop. 262n, (• ■• u ■ .- - . •.;. wp \:>'n «(,.•...•• •? ..»
(2) VIII, 29, 1. . ' } '. ..::-/ .•! ....,..' ..! .w.w.i .,.
(3) 11,5*2. , •:? • E^.." » :-'
LA RELIGION MANTINÉENNE. 2,2,3
ils ne donnaient à aucun d'entre eux ni nom ni surnom, ne les
ayant jamais entendu nommer ». Ce passaj^e a toujours paru
énigmalique. Peut-être les exemples cités plus haut nous en
donnent-ils la clef? Les Pélasges ignoraient les dieux personnels.
Ils adoraient les phénomènes physiques à Télat l)rut, et sans les
désigner autrement que par les termes de la langue courante.
De môme ils adoraient sans doute certains animaux, en qui
s'incarnaient des forces surnaturelles ou des i)uissanccs mys-
térieuses, des pierres, des arbres. Ils ne connaissaient pas les
vocables spéciaux qui sont, dans la mythologie ultérieure,
comme les noms de guerre des phénomènes déguisés en per-
sonnages divins. Pour eux, le Soleil, la Terre, la Mer, la Lune
étaient dieux (1). Certains de ces dieux subsistèrent tels quels
enArcadie, comme les Éclairs, les Tonnerres et les Ouragans
de Bathos; les autres confondus dans la personne du souverain
des cieux, Zeus, comme le Zeus Kéraunos de Manlinéc. Ici
le phénomène divinisé cesse d'être isolé : il apparaît comme la
manifestation d'une personnalité plus vastc,rcllo de Zeus. Eni-ore
une étape, et celle-ci se dégagera de toute forme naturaliste,
prendra la haute main sur les phénomènes, eu fera les instru-
ments dociles de sa toute-puissance et les signes de sa volonté
(AioaTip-eia). Zeus ne sera plus Zeus Kéraunos, mais Zeus Kepaiivioç,
à<rrpa7ïaToç, PpovTwv, c'est-à-dire celui qui dispose à son gré de la
foudre, des éclairs et du tonnerre pour témoigner aux mortels
ses sentiments de colère ou de satisfaction.
Au restCii la conception représentée par Zeus Kéraunos se
retrouve légèrement modifiée dans le culte de Zeus Kalaibatès,
c'est-:à-dire qui descend en personne sous une forme matérielle.
Grxci lulmen adorayil, dit S* Cyrille (2). En ellcl, les Grecs n'ont
jamais cessé de croire à la présence de la divinité dans le
météore tombé du ciel. Ils s'imaginaient la foudre comme un
composé de matières solides ; les pierres céraunites, les frag-
ments d'aérolithes étant à leurs yeux des morceaux de foudre
(1) Cf. lé^ expressions Ix tou Oéou, su& Jove, sub Divo. De même, dans \n
légende arcadtenae, Nyctimos et' Lycaon semblent dérivés des noms do la
nuil et du Jour, tombas du, rang' de dieux à celui de héros. On peut aussi
rapprocher du texte d'Hérodote ce curieux passage de Platon {Craiyle, 307 c) :
« Les premiers habitants de la Grèce me semblent avoir considéré comme
dieux seulement ceux qu*adorent maintenant beaucoup de barbares, le Soleil*
la Lune, la Terre, les Astres et le Ciel . »
(2) CaUches.,i3.
224 iMANTINKE ET l'ARCADIE ORIëNTALB.
représentaient autant tle fractions de la divinité. Ils en faisaient
(les amulettes. De là aussi les cérémonies destinées à sanctifier
les lieux frappés de la foudre. Les terrains foudroyés devenaient
les lieux d'élection du dieu qui se les consacrait à lui-môme eu
y descendant. On les convertissait en àpaTa, 58uTa, on les entou-
rait d'une barrirre (viXù'na, âvTfjXucna) et on les dédiait à Zeus
Kalaibatès (1). Sans être aussi compliqué qu'à Rome, le rite de
l'enlcrrement des foudres était aussi de règle dans les pays
grecs. Ainsi s'explique la présence de Zeus Kéraunos à Mantinée.
La pierre qui porte son nom marquait sans doute l'emplacement
d'un ivTf|Xu<Tiov ou xepauvôpXïïTov, c'est-à-dire d'un lieu frappé par
la foudre et converti en un de ces enclos sacrés que les Romains
appelaient bidenlal ou puteaL Seulement, au lieu de Zeus Katai-
balcs, les Arcadiens, héritiers plus directs des traditions pélas-
giques, honoraient Zeus Kéraunos. Le caractère indigène de
ce dieu est de tous le moins contestable.
II. CULTES DBMOTIQUES
Pour le classement des autres cultes qu'on rencontre épars
sur le sol mantinécn, une observation préalable nous fournira
un indice chronologique. Mantinée a débuté par une longue
période de décentralisation où l'état xaxà xwtxaç a précédé le
sj'nœcisme. L'autonomie politique des dcmes a pour corollaire
leur autonomie religieuse. Le synœcisme ne consistait pas
seulement dans le ra[)prochement matériel, à l'intérieur d'une
enceinte fortifiée, des communautés éparses sur le territoire.
Cette opération préludait par la fusion des cultes de bourgades
en un groupe de cultes qui constituait la religion nationale
de la cité. Certaines villes comme Sparte en sont très long-
temi)S restées à ce synœcisme tout moral : la centralisation
religieuse et administrative y constituait la cité; alors que
la métropole n'était elle-même qu'un amas de bourgades. Telle
était aussi la situation d'Athènes à l'époque de Thésée. La
capitale athénienne s'établit du jour où les prytanées et les
bouleutéria locaux se fondirent en un prytanée et en un bou-
(1) Elym. Magn. ivY)Xu<yia : 341. 5; 428, 30. — Hésych, llXuffiov. — Cl.
les dédicaces Atôc KaTaif^âra à Mélos {Joum, of hellm. Stud, Xyil,1897, p. 9).
Voy. Fougères, article Fulmen dons le Dicl, des Anliq, de SagUo.
LA RELIGION MANTINKENNE. 225
leutérion central (1). Mais les clèmes qui représentaient à l'épo-
que historique les débris des anciennes coninuinautés indépen-
dantes (2) conservaient encore des brihes, souvent méconnais-
sables, des vieux cultes locaux de l'époque prinutive. Pausanias
constate ce lait avec étonnement, et n'en saisit pas la raison (3). 11
rencontre dans les dèmes des légendes très diflérentes de la
tradition en quelque sorte officielle de la capitale, des dieux
inconnus aux cultes urbains. Môme les paysans qui les hono-
rent n'en comprennent plus le caractère et en ignorent l'histoire.
Ce sont comme les témoins énigmatiques d'un passé oublié.
De môme, à Mantinée, les plus anciens cultes doivent être
répartis extra m «iros, 'auprès des bourgs (4). En sorte que
l'emplacement des xcojxai antérieures à la fondation de la ville
nous permet de discerner, dans la description de Pausanias, les
sanctuaires primitifs, et réciproquement ceux-ci nous préciseut
la position des communautés rurales. Mythologie et topogra-
phie vont ici de pair et se prôtent une assistance mutuelle. C'est
pourquoi nous divisons cette étude en deux parties, d'abord les
cultes démotiques, puis les cultes urbains.
1<> Région de VAlésion-Nestané,
Contrairement à l'adage ab Joveprincipium, c'est par Poséidon Posmlon iiimos
qu'il faut ici commencer. Son importance dans la cité est pré-
dominante. Son prôtre est encore à l'époque impériale l'éponyme
annuel (5) ; son trident sert d'épisèmc au bouclier des hoplites
mantinéens (6) et aux monnaies. Lui-môme encourage par sa
présence les guerriers au combat (7) ; il donne son nom à la
tribu Posoidaia (8) et à la fôte des Ilo^reiSaia (î)).
(1) Tliucyd. Il, 15.
(2) Phiiochoros ap Strab. IX, 1, 20.
(3| Pausaii. I, H, 7. - 29, 2. - 31, 5.
(4) A Tégée, le cuUe suburbain de Démêler a garde le nom du dèmc prlmiUf :
ATjixi^TTfip 6v KopuOeîiai. Pausan. Vlll, 54, 4.
(5) Voy. plus loin, ch. VII, Institutions politiques.
(6) Bacchylide ap. Schol., Pindar. Olymp., XI, aj.
(7) Pausan. VIII, 10, 4.
(8) Le nom arcadien est TloioiSav (Foucîirl. Inscr. du Pclop.^ N' 3^35*),
forme primIUve dont le IIobiBav du Ténare (ibid. N»2r)î>", 2o5^. Rœhl. Inscr.
grœc. antiquis. 79), est un dérivé: la forme doricnno ulléricure, en I^conie.
est noT£i5av (Xén. Hellén. HI, 3, 2. — Eupoiis. fr. ^lO. Ivock).
(9) IIo«îe{oaia... xà £v 'AvxcYOvc'a oiauXov. Cavvadias. Kpidanre, I, p. 78,
N" 240.
Mantinée. - 10.
220 AIANTINKK ET L^ARGADIK ORIENTALE.
n est le plus niH'ien el le plus vénéré des dieux indigènes.
D'après la Iradilion lorale, le lerritoire manlinéen a été son
berceau. Il esl né près de TAlésion, au bord de la source Arné,
de même que Zeus, d'après la légende arcadienne, est né
sur le Lycée près de la source Ilagno (1). Il habite un adyton
primitif en Ircmcs de chênes assemblés par les soins de deux
héros, Agamédès el Trophonios, les constructeurs du vieux
lemple de Delphes (2). C'est un sanctuaire inviolable, où nul ne
peut mettie le ])ied, où l'œil même ne doit pas pénétrer.
L'exemple d'yKpylos, aveuglé par un jet d'eau pour avoir coupé
le cordon de laijie (fui en barrait l'entrée, tenait les indiscrets
à dislance, mais non les brigands. Il fut pillé par les Éloliens
en 220. Depuis, il élait tombé en ruines. Hadrien le fit res-
laurer avec les précautions que l'on sait. C'était donc un dieu
vraiment nalional, aj^ant ses racines dans le pays même.
KUniniis rons- L'aualysc des légendes relatives à Poséidon Ilippios permet
lii.iiifs de ,|g décomposer l'unité apparente de ce personnage divin en
ippios. p|m,JQm.j5 éiémcnls <*onstilutifs. On peut le démonter, pour
ainsi dire, pièce par pièce, et refaire l'histoire du travail
d'assemblage, dont cet être complexe est le résultat. Son cas,
particulièrement remarquable, nous édifiera sur la façon dont
se sont élaborées d'autres personnalités divines.
J* La principale fonction de Poséidon Ilippios est de présider
à l'élevage du cheval. Il est, par essence, le dieu Cheval. Ce
caractère ne ressort |)as seulement de Tépithète qui le sym-
pusiorai. bolise, mais surtout de la forme animale en laquelle ce
dieu aime à s'incarner; il s'y révèle en son aspect original
et primitif de divinité indigène. Le mythe mantinéen de
ràTTXTYi, ou supercherie de Ilhéa, hualisé près de la source Arné,
ne laisse aucun doute sur l'ancienneté et la réalité de cette con-
ception. (( Voici, dit Pausanias, ce que les Arcadiens racontent.
Lorsque la déesse eut enfanté Poséidon, elle le plaça dans une
bergerie pour qu'il y fût élevé au milieu des agneaux, et l'on
donna le nom iVArifé i\ cette fontaine, parce que les agneaux
(àpvEç) venaient paître autour. Puis, elle dit à Kronos qu'elle
élait accouchée d'un cheval, et elle lui donna un poulain à
dévorer en place de son enfant (3) ; de même, dans la suite,
(1) Pans. Vlll, 38, 2-:i.
(2) Sur rhisloire des temples de Delphes, voy. Homolle, Bull, de Corr. hellén.
XX (18!KÎ), p. G41.
{•A) Cf. Paul niac, p. 101, Mfillor. - Prob. Schol. Vir^. Georg, I, 12.
Ix» <rirn Chrvnl
lIi|)|Kis.
Son c;irnrl<»re
LA RELIGION MANTINKKNNE. 227
elle lui fit avaler une pierre emmailloUco à la place de
Zeus (i) » Sous cetlelorme, voilù une fable puieineiil arca-
dienne. Partout ailleurs, sur le Lycée (2), à iMt'îlhydrion (3), à
Chéroiiée de Béotie (4), le mythe de Vonzi-z-ri ou troni[)eric de Uhéa
s'applique à Zeus. Mais, à Manlinée, Poséidon est i)lus ancien
que Zeus (5). Le détail du cheval soi disant enfanté par Uhéa et
du poulain présentée Kronos dérive à coup sur du culte voisin
d'ilippos. Ces traits constitueut la légende propre du Poséidon
arcadien ; ils ne viennent pas du dehors. Donc, le sens pri-
mitif de ce mythe local, unique en son genre, revient à
ceci : le dieu adoré aux environs de la source Arné élait
indigène, plus ancien que Zeus, et il avail le corps d'un
cheval. 11 existait donc, au pied de TAlésion, dans la plaine
fécondée par la source, un culte animalier du cheval, analogue
au culte de Tours Arcas, adoré dans les bois du Ménale. De
même que Callisto, compagne d'Arcas, représente la déesse
Ourse, la Déo Ilippoléchès de Phigalie, épouse de Poséidon
Hippios, représente la déesse Cavale (6). Mêmes détails dans
la légende de Thelpousa : Poséidon Hippios se métamorphose
en cheval, se môle aux troupeaux d'Onkos, et s'unit à Érinys-
Déméter, métamorphosée en jument : de leurs amours, nait
le cheval Areion (7).
L'identité de Poséidon llîppios avec le dieu Cheval est donc
certaine : le nom même du dieu primitif devait se confondre
avec l'animal en qui il était incarné; le dieu Cheval s'appelait
Hippos, comme le dieu Ours s'appelait Arcas, et le dieu Loup
Lykos ou Lykios (8). Dès l'origine, il présidait à l'élevage et au
dressage du cheval. Lorsque, plus tard, il eut été assimilé à
(i) Paus. VIII, 10, 1. — VIII, 2.
(2) Paus. Vill, U, 3. — Callimach. Uynm. in Jor. i rt sulv.
(3) Paus. VIII, 3G, 2.
(4) X, 41, 6. Sur la lôgcnde bôoUonnc d'Arnfi, voy. plus loin, p. 2154-2:15.
(5) Vlil, 8, 2. xaOà xai u<rTepov àvTl tou Atôç.
(6) Paus. VHI, 42, 1-7.
(7) Paus. VHI, 25, 5. — AnUmach. fr. 28, ap. Pausnu.
(8) Il y avail à AUiènos un endroit appelé "Ittttou y.3Ei Kopy,;. On rxpli(|u<'iil
ceUe appcllaUon en disaul que la fUle d'IIippomcne y avait élô emniurôe avec
un cheval. (Kscli. C. Timarch. 18i. — Suidas s, v. *lTr7rou.îvY|Ç et Tcap' "Itittov.
— ï^ekkQr.Ànrcd.graec. I. 2ÎK)). Ce lieu dcvail répondrr à un ancien sanctuaire
du dieu Cheval et do sa compagne. L'expression ulliM'iiMMV du culte primitif
se retrouve en AtUque dans le couple Poséidon IIi|»pios el Atlicna llippia.
(Pausan. I, :30, 4).
228 MANTINKB ET l'aRCADIE ORIENTALE.
Poséidon et que son nom propre fut accolé en épithète à celui
du dieu marin, de faron î\ constituer Poséidon Hippios, d'autres
vocables, synonymes d'IIippios, furent inventés pour désigner
le caractère spécial de cette divinité, tels que 8a|xaîoç, lirTuopoTTiç,
iTUTToxoiipioç, iTTTTOffOsvYiç, TfjL'j/ioç (1). Gc uc sout là quo des variantes
ou des doublets poétiques du qualificatif originel : la person-
nalité du dieu reste identique sous ces rubriques variées.
En fait, le Poséidon Hippios mantinéen est bien le patron
des chevaux et des amis du cheval : l'hippodrome mantinéen
avoisine son temple; la première victoire à la course des qua-
driges est attribuée à un Mantinéen, Séraos, fils d'Halirrhothios,
héros hypostase de Poséidon (2). Les propriétaires de grandes
écuries, tels qu'Onkos, à Thelpousa, et Ulysse, dans les cantons
de la Haute plaine arcadienne, sont étroitement associés à son
culte. Or, Thippotrophie, dit Aristote (3), suppose la grande
propriété aristocrati(|ue et la richesse foncière. Onkos et Ulysse
sont de rang royal. — Ainsi, Hippos ou Poséidon Hippios rentre
dans la catégorie des dieux pastoraux, avec Pau, Apollon
Nomios, Hermès. Mais tandis que ceux-ci régnent sur les
pâturages montagneux, où paissent les bœufs et le menu bétail,
son domaine propre se compose des plaines les plus fertiles, où
abondent les herbages saturés d*eau. Hippos représente l'aris-
tocratie des dieux pastoraux, parce qu'il incarnait la plus
noble des créatures, celle dont la possession était un signe de
richesse et d'aristocratie guerrière.
uri;;inr riii Cc dlcu a pHs uaissancc et a régné dans les cantons arca-
(H(Mi cfiev.li. (liens, plaines fermées et vallées fluviales, où la nature favorisait
l'élevage du cheval. On le trouve à Manlinée, à Phénéos, où il
s'associe à Artémis lleurippa, à Aséa, à Pallantion, où l'on célèbre
les fêtes dites Hlppocratéia (4), à Méthydrion, à Thelpousa, à
Lycosoura. Ce culte se répartit donc entre deux groupes, celui
de l'Arcadie orientale, où le sanctuaire mantinéen apparaît
comme le principal foyer, et celui de l'Arcadie occidentale, avec
Thelpousa pour centre. Où est exactement son berceau? Man-
tinée et Thelpousa se disputaient l'honneur d'avoir vu naître
(1) Hosycli. .s. V. "J-TTTretoç. Sur Poscidon Hippios, voy. Burnouf. do A'fj^^uno
(leo, — Ovcrbcck. Ucrirhle der sàchsischen Ges. d. Wiss. 1875, p. 2-5.
(2) Pind. OL XI. iVX vX Schol. ad /i. loc. CI. Pausan. VII, 21,2.
(3) Polit, VI, 7, p. i.Jil a, 11.— Voy. plus haut, p. UO.
(4) DcD. d'Ilalic. I. Xi,
LA nfiUGION MANTINKENNE. 22^)
le dieu sur leur territoire. Mais les prétentions de Tliclpousa
semblent les moins fondées : dans la légende thelpousieuue,
le mythe de Poséidon Ilippios apparaît encliovùlré avec ceux
d^Érinys-Déméter et d'Apollon Onkeialès, non pas comme le
support primitii de toute la combinaison, main plutôt comino
une adaptation complémentaire (1). Quant aux mythes de
Lycosoura et de Phigalie, relatifs à l'union do Poséidon Ilippios
et de Déméter, ils sont, de toute évidence et de l'aveu môme de
Pausanias, un reflet des légendes theipousiennos(2).La question
de priorité reste donc limitée entre Thelpousa et Mantinée. Or,
à Mantinée, le culte du dieu Cheval ne s'est pas ajouté comme
une végétation parasite à un élément antérieur; il est, au
contraire, le noyau de la combinaison cultuollc d'où est sorti
Poséidon Hippios. Toutes les apparences concourent à repré-
senter l*abaton mantiuéen comme le métropolitain, non seule-
ment des sanctuaires du groupe occidental, mais aussi de ceux
du groupe oriental : la localisation sur ce territoire du mythe
de 1 aTraTVj de Rhéa, le prestige et l'ancienneté de VabiUon qui
porte de bonne heure ombrage aux Élatides de Phéuéos, comme
le prouve l'anecdote d'yEpytos IL Les petits sanctuaires de
Pallantion, d*Aséa, de Méthydrion, ne sont que des succursales
du temple mantinéen (3). Reste, en face de Mantinée, comme
concurrent au point de vue de l'ancienneté, le Poséidon Ilippios
de Phénéos. Sa statue en bronze était, disait-on, un cadeau
d'Ulysse, fondateur de l'hiéron d'Artémis Ileurippa sur l'acro-
pole de Phénéos (4). De cette statue, M. Iminurvvahr prétend
tirer un grand parti (3). D'après lui, l'IIippios phénéate, père
de tous ses congénères arcadiens, serait d'origine Ihossalicnue,
parce qu'au dire de Diodore (6), les Lapithes auraient cherché
[i) Paus. vin, 25, 4.
(2) Pans. VIII, 42, 1-7.
(3) Le culte pallanlien or les f<Hes Ilippocratéia ne. sont p.is inrnlioiiiièes
par Pausanlas. Donys (rilalicariiasse , qui les «!oinp;jrr ;in\- Cnnsnalift
romaines, ne les a peut-être attribuées à Pallantion que |)our ilrcouvrir un
nouveau lien entre Uomc et le berceau Ic^geniialre il'Kvandre. Le l»os»»l(lon
(l'Aséa, quoique revendiquant Ulysse pour fondateur, n'rst pas qualiQé d'JJip-
pios par Pausanlas (VIII, 44, 4;. Quant à Méthydrion, srs iéi^i^ndes révèlent
une inllucnce inantinéenne : (voy. plus loin ce «pii nuirrrur llopladanios). —
Cf. àTégée, le héros Ilippothoos et Athéna llippia (Paus. Vlll, i», '.I. ~ 'i7, I).
• (4) Paus. VIII, 14, 4.
(a) KuUe Arkait., p. 4-).
((»} Oiod. IV, 70.
230 MANTINKK ET L'ARCADIE ORIENTALE.
refuge dans cette ville. Or, Élatos, le héros lapithe, est le père
de Polyplième, lequel est aussi présenté par un scholiaste
comme fils de Poséidon (1) ; d'où il résulterait qu'Élatos, étant
une hypostase de Poséidon, aurait été la principale divinité, le
Stamnif/ott, des LapitJies et aurait suivi sa tribu en Àrcadie. Cette
argumentation trop ténue n'entraîne pas la conviction. D*abord,
Pausanias ne parle pas d'un sanctuaire de Poséidon Hippios à
Phénéos, mais d'une simple statue en bronze, qui a pu être
qualifiée de Poséidon Hippios à cause d'Artémis Heurippa,
souveraine du sanctuaire. Cette Ileurippa représentait une
ancienne divinité chevaline locale, associée au dieu local Ulysse;
celui-ci, comme on le verra plus loin, a été ensuite absorbé
par le Poséidon Hippios mantinéen. C'est donc en partant de
Mantinée et par l'intermédiaire d'Ulysse que s'est accomplie à
Phénéos l'union de Poséidon Hippios avec Artémis Heurippa.
Quant à l'origine lapithe de Poséidon, elle paraît très sujette
à caution; car le scholiaste qui présente le Lapithe Polyphème
comme fils de Poséidon a pu le confondre avec le Cyclope
i. Polyphème, celui-là fils de Poséidon.
Son carnctère Le dlcu Clicval cst aussi, par nature, autant qu'un dieu
aqiiatùiiie. pastoral, un dieu aquatique. Les eaux, surtout les sources,
entretiennent la fraîcheur des pAlurages nourriciers ; les trou-
peaux puisent dans leur onde pure un principe de vie. C'est
pourquoi Hippos s'est identifié avec Poséidon. Mais le Poséidon
arcadien n'est pas le classique souverain des mers, l'époux
d'Amphitrite, le dieu hostile à la terre qu'il ébranle avec furie.
De hautes barrières interceptent aux Arcadiens la vue de la
mer : ils ne la conçoivent pas forcément comme le refuge
commun de toutes les eaux courantes. Leurs rivières ne suivent
pas la loi générale : à peine sorties des entrailles de la terre,
et après avoir détrempé le fond de la plaine, elles se replongent
dans les gouffres montagneux. Il faut à cette nature d'exception
un dieu spécial. Aussi le maître des eaux, en Arcadie, est-il un
être plus continental que marin ; il ne connaît ni les vagues ni
les tempêtes. Son rôle à lui, c*est de faire jaillir l'onde claire où
s'abreuvent le cheval et les autres animaux, de présider à
l'épanchement des eaux vives et des ruisseaux à travers les
herbages. Aussi réside-t-il près des sources, comme ù Mantinée,
— au bord des marais, comme à Pallantion, à Aséa, à Phénéos,
— le long des rivières, comme à Thelpousa et à Méthydrion.
(1) Schol. Apol. UIuhI. I, 40.
LA REUGION MANTINRENNE. 231
Son aoimal favori, le cheval, devient ainsi le symbole de la
source jaillissante (1).
Cette source sourd de la terre. Elle retourne presque aussitôt 3»
à la terre. Entre la source et le katavothre, Feau, en Arcadie, s«n rarad^ro
forme avec la terre un élément mixte, le marais fangeux. Sou- <^>>*»">n'cn-
terraine avant et après son apparition, elle reste, môme à l'air
libre, en contact intime avec ce sol où la rattachent ses orignes
et sa fin mystérieuses. Son action n'est jamais indépendante
comme celle de la mer; elle n'existe pas à Tétat d'élément isolé.
Mais son asservissement la rend bienfaisante. De son union
fécondante avec la terre naît le pâturage, qui assure la subsis-
tance des animaux. Le dieu pastoral et aquatique de l'Arcadie
prend donc fatalement les allures d'un dieu chthouien et s'appa-
rente aux divinités infernales, à la fois souterraines et nourri-
cières. De là les rapports ultérieurs de Poséidon llippios avec
Déméter à Mantinée, avec Érinys- Démêler à Thelpousa, avec
Déméter et Despoina à Lycosoura. De là aussi le rôle du cheval
dans la religion mortuaire et sa présence sur tiuitde monuments
comme symbole .funéraire.
Le cheval, manifestation vivante de cette triple nature de hi i^, loi do
divinité pastorale, aquatique ctchthonienne,a recules hommages rmumpsychoso
insconscienls des Arcadiens bien avani qu'ils eussent pénétré "'yu»"K''«ii»«' :
les mystères de la conception symholisée plus tard par le *^"""'*"*"'i>j>«s
mariage de Poséidon llippios avec Déméter. Les hommes |»„sei,ion ïiippio^
primitifs ont commencé par adorer sous une forme concrète les
apparitions qui les frappaient, sans raisonner le choix des objets
de leur culte. Le fétichisme animalier ne comporte pas la
moindre métaphysique : c'est l'œuvre du respect instinctif qui
s'attache aux choses redoutables ou précieuses. Les animaux,
utiles ou malfaisants, amis ou ennemis, objets de crainte ou de
sollicitude, ne pouvaient laisser les premiers hommes indilTé-
rents : les entourer d'une dévotion intéressée, c'était apaiser les
uns; conserver les autres. En adorant chez eu.x le dieu cheval
Hippos, les plus anciens Mantinéens traduisaient simplement
leur affection pour le plus noble produit de leur sol. Ils l'ins-
tallaient, sans autre arrière-pensée, dans son milieu favori de
verdure et d'eaux vives.
L'anoblissement de cet ôtre de nature, ral)sorption de ce
(1) Ex. In source Hippocr^nc ("Itcttou xpY,v7)) et les trois chevaux Areion,
Skyptiios, Pégase dont Poséidon est le père.
232
MANTINKE ET L'ARCADIE ORIENTALE.
iitoniK'Mlinircs
dp celle
rUmorphojJe :
Ifs .Mitivenii.
produit local par une personnalité abstraite, symbole de Taction
complexe des puissances dont le cheval était la créature et la
forme vivante autant qu'admirée, résultent d'une série d'assi-
milations où les préoccupations rationalistes n'entraient d'abord
pour rien. Le jeu des migrations ou le rayonnement des civili-
sations plus avancées mettaient en contact des divinités hétéro-
gènes. Il en résulte très souvent que les personnalités divines les
plus compréhensives et les plus abstraites absorbent les plus res-
treintes et les plus concrètes. Les dieux locaux qui ne person-
nifient encore que des phénomènes ou des concepts locaux
sont dépouillés par ceux qui représentent des idées plus géné-
rales et des puissances vraiment cosmiques. L'assimilation est
d'ordinaire motivée par une certaine identité de nature entre le
dieu absorbé et celui qui l'absorbe, celui-ci apparaissant tout à
coup comme le tout dans lequel la partie doit se confondre.
Cette évolution mythologique, qui va du particulier au général,
aboutit non pas à une suppression totale de l'élément parti-
culier, mais à une spécialisation de l'élément général. Le plus
faible, tout en passant dans le plus fort, lui impose son caractère
personnel; il s'installe en lui comme le génie directeur de son
activité. Le nom propre du dépossédé s'ajoute comme épithète à
celui du spoliateur. Ainsi Kéraunos, absorbé par Zeus, préside
aux fonctions de Zeus Kéraunos. ilippos se convertit en Poséi-
don Hippios, mais il survit dans cette personnalité plus vaste:
d'une part, il proRtc de la notoriété et des relations de Poséi-
don; d'autre part, il prend en quelque sorte sa revanche d'être
absorbé par lui, en le rapetissant au rang de spécialiste, en
continuant sous le masque de Poséidon les gestes et l'ancien
métier d'Hippos.
Telle est la loi de métempsychose mythologique dont nous
constaterons plusieurs fois les applications. Tous les dieux
locaux n'eurent pas le bonheur de faire une fin aussi honorable.
Beaucoup d'entre eux sont restés dans les limbes ; ce déchet est
représenté par un certain nombre de héros, ex dieux locaux,
qui vaguent dans l'épopée ou végètent obscurément dans le
folk4ore de leur pays. Nous en retrouverons en chemin quelques-
uns, à commencer par Ulysse.
Il nous reste à découvrir les intermédiaires de la métamor-
phose du dieu indigène Ilippos en Poséidon Hippios. Quel
peuple a mis en contact ce dieu Cheval avec un dieu des eaux
apparenté lui-môme aux divinités infernales? La réponse à
LA RELIGION MANTINKENNK. 233
cette question se déduit des origines légendaires de Tabaton
manlinéen et de la liaison du Poséidon arcadien avec Érinys-
Déméter. La fable attribuait la fondation du sanctuaire inanti-
néen aux héros minyens Agamédès et Trophonios, fils d'Ergiiios,
roi d'Orchomène (1). Ceux-ci passaient préciséineat pour avoir
aussi édifié le temple de Delphes (2). Or, on sait que le culte
apollinien de Delphes s'est substitué à un ancien oracle, le
/pTjfTTi^piov de Poséidon et de Gé-Thémis(3). Ce Poseidou delphique
a toutes les allures d'un dieu iufernal : il a pour compagne les
Moires (4).
On constate d'autre part une parenté élroile entre Poséidon
Onchestios et l'ancêtre minyen Klyménos (5), père d'Erginos et
hypostase de Poséidon. Ce nom de Klyrnénos reparaît en Argo-
lide, pour désigner le. dieu des enfers. A Uermione, il est eu
contact avec Poséidon et avec Déméter Chthonia ; il y a dans leur
sanctuaire un marais et un gouffre souterrain (6).
Le personnage de Poséidon, considéré comme souverain des
eaux terrestres, des marais et des rivières absorbées par les
gouffres, c'est-à-dire comme uue sorte de Plulon aquatique, est
donc, comme on devait s'y attendre, originnire d'une région à
katavothres. 11 s'est formé dans ce bassin du Copaïs, chez ce
peuple minyen dont les travaux hydrogéiqnes peuvent encore
être admirés. Là, il s'associe à une déesse cl>lhonienne,Gc-Thémis.
Dans TArcadie où rayonne l'influence niinyeune, notamment
dans les bassins fermés dont la structure physique rappelle
celle de la Béotie, il se combine avec les dieux locaux, pastoraux,
aquatiques et chthoniens. A Mantinée, il absorbe llippos, et,
sous le nom de Poséidon Hippios, il voisine avec Démêler. La
(1) Paus. IX, 37, 4.
(2) Paus. IX, 37, 2.
(3) Paus. X, 5, 4. - 2i, 4. Le berceau do la lô^oinlr jI'Agaiiu'ulôs et de
Troplionios est bien en Héotic, où leur culte piTsisle vl où se placent huirs
principaux travaux (Paus. IX, H, 1-37, 3. — X, (î, 1."). Après In chute de
la puissance minyenne, leur l<^gende fut eonfisqur»» au profit du culte
apollinien : on les prcisenla corninc fils d'Apollon (Pans. IX, 'H, 2). Ils pas-
sèrent ensuite en Arcadie où ils prirent ranf; parmi les hMatides. On les
retrouve îi Mantinée, puis en Élide aup^^s d'Auj^ias (Paus. VIII, 4, 8.
— 10, 2).
(4) Paus. X, 37, 4.
(5) Paus. IX, 37, 1. — Pind. (H. XIV, 2. — Tzetz. in Lf/cophr. vS7i.
(lî) Paus. II, 3iî, 4, îj, 7. On le retrouve assimilé à Tliémis par la forme
féminine Klyméné, doublet de Thémisto (Paus. X, 2î, V).
Uhi'n : son
irigine Itéuliennc.
234 MANTINKK KT L'ARCADIE ORIENTALE.
même conception se propage en Azanie, où le couple Poséidon-
Hippios et Démétcr-Tliémis s'adjoint au couple Oûkos-Érinys ;
de là elle passe à Lycosoura, où Poséidon Hippios est donné
comme époux de Déméter et père de Despoina (1).
a hvpn.ie a Arnc Eu définitive, Poséidon Hippios est le résultat d'une combi-
K FaTrâTT) de naisou du dieu local Hippos avec le Poséidon clithonien importé
en Arcadie par les iMinyeus. Un autre détail de sa légende
reporte encore notre pensée vers la Béotie : c'est l'iolervention,
dans son cycle, de la nymphe Arné associée à Rhéa. Dans la
fable mantinéenne, Arné joue indirectement le rôle de nourrice
du jeune dieu cheval. Comme personnage mythologique, Arné,
fille d'iËolos, appartient au cycle des iËoliens de Béotie, origi-
naires, disait-on, de Thessalie. C'est une héroïne posidonienne;
de ses amours avec Poséidon naît le héros Bœotos (2). Elle donne
son nom à la ville thessalienne d'Arné, plus tard Kiériou (3).
Dans le bassin du Copals,elle reparaît, comme éponyme d'Arné,
appelée auparavant Sinoessa, ensuite Chérouée (4). Elle est la
(t) Le Posoidsin minyen descend d'Arcitdic jusqu'au Tônarc. La Ualson est
prouvée par la forme de Polioidan, qui se mainUcnt contre la forme dorlennc
Foteidan, et par In liaison de ce Polioidan avec Eupiiémos d'Hyrla, héros
minyen, fils do Poséidon (IMnd. Pyth. IV, 76. — Hérod. IV. 150 : — Plut. Ser.
nutn. vind. 17, p. 500 K. —Sam. Wide. Lacan. KulL, p. 42). Il passe aussi k
Cyrène (Scbol. Pind. Pyth. IV, 1) où 11 a pu être Importé soit par les Mlnyens
de Théras (Ilérod. IV, IWi), soit par le Mantinéen Démonax avec Zcus Lykalos
(llérod. IV, 203. — Mûllcr. Numism, de l'Afr. ancienne. I, 07. — Studniczka.
Kyrene^ p. 15). — Le caractère clithonien de Poséidon se retrouve ailleurs.
Poséidon Gaiaokhos associé ii Déméter (Paus. Ifl, 21, 8) désigne un Poséidon
souterrain (Sam.Wide. Uikon. KuUe, p. 38). Poséidon est gardien du Tartarc
dans Hésiode [Th^ng, 732). Nestor lui sacrifie des tiiure;iux noirs {Odys, III,
0). — Quant i\ rhypothès<i d'une Influence sémitique, rien n'empéxhe de
l'accepter en principe. M, Philippe Ijergcr propose (iîcw. fies Denx-Moiides,
I8î)0-, p. 395) de rapprocher, par l'Intermédiaire de l'éplthôte Damalos, le
Poséidon Hippios mantinéen du DAm ou Dôm phénicien, dont l'épousé serait
DAin*at, grérlséo en Déméter. Nous n'avons aucune raison de repousser
cette théorie. Mais, si le DAm sémitique a influé sur Poséidon, c'<îst en Béotie:
et le contre-coup de celte, action ne s'est propagé en Arcadie que par
l'intermédiaire des Immigrants béotiens, comme on l'a vu plus haut (page 211).
(2) Schol. IL H, 49i, îî07. — Dlod. IV, 07.
(3) Et. Hyz. "/VpvTj et Boiwxia. — Paus. IX, 40, 3. La question de priorité
entre les Béotiens de Thessalie et ceux de BéoUe, généralement tranchée en
faveur des premiers, est discutée par Meyer. Gesch. d. Allerth. II, p. 190.
il y a, en tout cas, parenté entre les dialectes thessallcn, béotien et arcadlen.
(Coilitx. Vcrwandtschaftsverh. d. griech. Dial. 1885).
(4) Theseus ap. Tzetz. in Lycophr. 044. — Etym. Mag., p. 145, 47 : "'ApVYj.
Tliucyd. 1. 12. — Slrab. IX, 413. — Paus. IX, 40, 3. — Et. Byz. Xaipcivcia.
— Schol. //. II, 507.
LA RELIGION MANTINKENNE. 235
nourrice de Poséidon ; on explique son nom parce qu'elle avait
refusé (à7r7jpv7î<ïaTo) de livrer son nourrisson à la voracité de
Kronos. Ainsi dans ce mythe béotien, Vk-izirri de Rhéa s'applique
à Poséidon. Par une coïncidence remarquable, le môme mythe,
appliqué à Zeus, était également localisé à Chéronée : la roche
Pétrakhos, qui dominait la ville, représentait, disait-ou, le
caillou offert par Rhéa à son époux, en place de Zeus (1). — l^a
filiation de ces mythes est facile à établir : la roche Pétrakhos a
fait localiser à Arné-Chérouéo la légende de V^iziTr^ de Rhéa et du
caillou ; le nom d'Arné a donné naissance à une glose étymolo-
gique, où la nourrice de Poséidon suit à sa farou Tcxeinple de
Rhéa. C'est ainsi que Rhéa entre en rapports avec Arné et
Poséidon. Le sens de celte fable béotienne réside dans le carac-
tère pastoral et aquatique de Poséidon. Arné, la déesse-brebis,
est, comme l'Heurippa phénéate et THippos mantineeu, une
personnification locale des animaux vivant de la pâture ; en
celle qualité, elle s'unit à Poséidon, dieu des eaux terrestres qui
fécondent le pâturage (2). La Béotie a connu, sons uue autre
forme, la même conception que symbolise en Arcadie Poséidon
Hippios. Seulement, en Béotie, il n'est pas question du cheval.
Des amours de la déesse-brebis et du dieu aquali([ue naît le héros-
bœuf, Bœotos, autre personnification du même genre. 11 faut
enfin se souvenir que Poséidon lui- môme prend parfois la forme
du bélier (3). On conçoit dès lors comment s'est faite l'adaptation
{{) Pausan. IX, 41, 3.
(2) Cf. 'd Athônos, l'AUn^na Ilippia (Pans. I, 30, î), associro à Posolilon
Hippios, h Sparte Artô.mis Atyivaia cuinpai^nn th; Posciilun Uippocuiirios
(Pausan. III, 14, t).
(3) Uygin, Fab. 3 et 188. — Panofka. Arc/i. Zeit, ISVIi, p. 38. — Tous c<'s
rapports ont 6ch:ippc ii WiMilzel, dans son article HoteîOîovo; yovai {Jahrh.
f. Kl. Pkilol. 1891, p. 38;)). L'auteur nie à tort rinlluruec broticnne sur
la k'gende arcadicnne. Dans Sinocssa, nom priinilif d'Arn«\ Il vrut roconnaltn*
un doublet de Sinoé, nourrice arcadienne de Pan (Paus. VllI, 30, 3). Mais on
a peine h coFnprendre co qu'il en veut conclura. Au n-sle, ridentilicatitMi de,
Sinoessa et de Sinoô est très problématique; lo. nom «Ir Sinor, donm'' par
, certains manuscrits de Pausanias, a été corrige dans l«'s éditions modernes
en OInoé, d'après les seboliastes de Tlié<»crile (I, 3 et 121) ot d'Kuripide
(Rfies. 30), et d'après le contexte même de Pausanias, <iui faisait d'()ino«'>,
mère ou nourrice de Pan, l'éponyme du bourg d'ninor. A <|uoi \Ventz«'l
oljjccte qu'il y avait deux personnages dilTrn^nls, Oinoô, la mère, et Sinoè, la
nourrice de Pan. Kt après, quoi? — Immerwalir (Kiillr Arkail.^ p. 220), a
soutenu, sans la juslilier par une analyse sullisanlr, l'origine béotienne du
mythe mantinéen d'Arné et de Ubéa.
230 MANTINEE ET L ARCADIE ORIENTALE.
de tous ces éléments au culte du dieu Cheval, à Mantinée. La
légende béotienne transportée au pied de TAlésion par les
adorateurs de Poséidon s'est, au contact du dieu indigène,
enriciiie d'un détail topique, celui du poulain. Alors se constitue
la légende de Poséidon Hippios, élevé parmi les agneaux près de
la source Arné, dévoré sous la forme du poulain enfanté par
Rhéa, et dont Tabaton est fermé par un fil de laine (1).
L'àXï) de Ainsi, le nom d'Agamédès et de Trophonios, constructeurs de
hrnoi Démêler. Fabaton mantlnéeu, celui d'Arné donné à la source de l'Alésion,
le mythe arnéeu de riTtax-rj de Rhéa adapté au culte de Poséidon
Hippios, confirment l'origine béotienne de toute la combinaison
d'où il est sorti. Toutefois, quoique de même provenance, ce
mythe d'Arné et de Rhéa représente un élément moins ancien
que la métamorphose d'Hippos en Poséidon Hippios et que son
union avec Déméter. Celles-ci devaient être consommées quand
Rhéa vint se fixer sur l'Alésion. En s'introduisant dans la
légende, Rhéa ne réussit pas à s'implanter dans le culte. Elle
trouvait Déméter déjà installée eu souveraine sur la montagne et
dans la plaine. Tout ce qu'elle put faire, ce fut de s'approprier,
aux dépens de sa rivale, le mythe de laXir) ou course errante. Les
Mantinéens^ au dire de Pausanias faisaient dériver le nom de
l'Alésion de l'aXv) de Rhéa (2). Mais c'était Déméter qui possédait
le bois sacré situé sur la colliue. On a justement fait observer
que ce mythe de raXv) de Rhéa n'est mentionné nulle part
ailleurs, tandis que les vagabondages de Déméter sont bien
connus. On doit donc conclure à une transposition locale du
mythe de Déméter en laveur de Rhéa. La métastase de Rhéa et
de Déméter est, d'ailleurs, assez commune en Arcadie (3). Ici, elle
pourrait s'expliquer par la tendance des Arcadiens à vieillir les
mythes courants en les rapportant aux divinités les plus
anciennes.
• idon Hippios Une fois constitué souverain des eaux douces, terrestres ou
.upiingicn: soulciTaines, Poséidon Hippios ne pouvait pas, en' tant que
iniiuoncf Poséidon, ne pas entretenir des rapports de voisinage et de
«rgicime. f,.aiernité avec le dieu de la mer. La nature lui en faisait une
(1) Pnusan. VIH, 10, 2: jaitov Biaxeivouenv épeouv
(2) VIH, 10, 1. — Sur rélymologlc (le l'AIrsion, voy. p. 204, note 3.
(3) linmcrwîihr. h'ulle Arkari., p. 221. — Rheasage u. RheakuU in Arkad.
nonnorstudicn f. Kekiilr, ISÎM), p. 188-199. Sur ridcnUté de Rhéa et Dcmétcr
à Sjiinolhrace, voy. Prorl. !n Plat. Cralyl. 9(ï : tyjv AiqfXTjTpa 'Opçeùç [xkv
TY,v aÛT/|v Xeyov tti 'Vi%, Cf. Lucien. Dea Syr, 15.
LA REU6I0N MANTINKKNNt:. 237
obligation. La corrélation intime entre les eaux de la Haute-
Plaine et leurs débouchés côtiers avait pu échapper à ses adora-
teurs primitifs. Mais leurs descendants ne manquèrent pas
de s'en aviser : la Mantinique et TArgolide communiquaient
entre elles par les voies souterraines. Fidèle à son rôle, la
mythologie des deux pays traduisit ce phénomène naturel en
rites et en légendes. Les Argiens expliquaient, non sans appa-
rence de raison, le tourbillon sous-marin de Diné comme le
débouché des katavotiires de l'Argon Pédion. L*eau douce du
Haut pays venait sous leurs yeux se mêler aux flots salés :
c'était comme Poséidon Hippios qui reparaissait, après un
parcours souterrain, pour fraterniser avec le Poséidon mnrin.
Aussi rhonoraient-ils en lui sacrifiant des chevaux tout bridés
qu'on noyait dans le tourbillon (1). Inversement, au dire des
Mantînéens, le dieu de la mer remontait chez eux sous la forme
d'une source salée, jaillissant dans leur adyton Çl). Pour
compléter l'illusion, on crut reconnaître dans le bruissement
du bois de chênes, autour de l'adyton, comme un écho du
mugissement de la mer, et le bois fut appelé PéJfn/os (1). Ce
prétendu filet d'eau salé, que nul n'avait pu goilter, ce faux
bruit de la mer, entouraient d'un cadre pseudo-pélagien le dieu
continental, finalement travesti en Poséidon de Trœzène ou de
Calaurie. Ce nouveau masque est, sans nul doute, d'importation
argienne. Peut-être faut-il chercher dans le nom de l'Argon
Pédion, qui alimentait le tourbillon de Diné, une preuve
complémentaire de cette liaison mythologique enire la Haute-
Plaine et l'Argolide. Peut-être aussi le jet d'eau salée, qui aveugle
le sacrilège yEpytos If, symbolise-t-il un fait historique : le
Poséidon argien accourant au secours de son congénère arcadien
signifie peut-être que les Argiens aidèrent leurs frères Aphei-
dantes à repousser une agression venue de l'Ouest (4).
En somme, Poséidon Hippios, né de la comhinnison du dieu Type .uiiniiir
Cheval indigène avec le Poséidon chthonien introduit par les ,w,
Poscidoii Ilippio
(1) Paus. Vin, 7, 1. — Le mùine rile exisUût on Hlyric. Prob. ail Viri;.
Georg. I, 12. — Paul Dlac, p. 101, MOner.
(2) Paus. VIII, 10, 2.— Voy. sur les traces d'une source, p. 51 et l(Xî. Pau-
sanias rappelle des légendes analogues sur l'Acropole d'Athènes et i\ Mylasa
(Paus. VIII, 10). AuTénare, il y avait une source où l'on pnHcndait ap^Tccvoir
l'image des ports et des navires (III, 2ii, 7).
(.3) Cf. l'expression inverso d'Eschyle : Ttôvrtov àXaoç, pour désigner la
mor. f Perses, 111).
(4| Voy. plus loin, p. iiiS.
238 MANTINKK ET l'ARCADIE ORIENTALE.
Minyeiis, puis déguisé en Poséidon marin sous Tinfluence de
i'Argolide, finit par prendre tous les traits du dieu classique de
la mer. Les monuments figurés le représentent avec le type et
les attributs du Poséidon commun. Sur les monnaies frappées
au IV« siècle, tantôt il apparaît debout et dans une attitude
de combat, lançant de la main droite son trident comme un
javelot ; tantôt assis sur un rocher, les genoux couverts d'un
himation, il s'appuie du bras gauche sur son arme embléma-
tique, comme sur un sceptre, dans l'attitude de Zeus Olympien;
de son bras droit étendu il saisit un dauphin (1). Le bas relief
votif, trouvé dans les ruines du sanctuaire, le représente dans
cette dernière posture assis sur un siège à dossier, les jambes
et les genoux couverts, la main gauche reposant sur la cuisse,
le bras droit plié et tenant le manche du trident (2).
DKMHTMi A Poséidon Ilippios, dieu pastoral, aquatique et chthonien,
de Ncsinnô s'associc une déesse de même nature, la Déméter de Nestané et
de lAiésion, ^j^ TAlésiou. L'cxistencc du couple conjugal Poséidon Hippios =
ompngne de «r # « r r
ieidon Ilippios. l>éméter n'est pas attestée à Mantmée, comme elle 1 est ailleurs,
par une légende formelle. Pourtant elle est réelle. Implicitement,
elle est contenue dans l'étroite association de Rhéa et de Poséi-
don, puisque Khéa reproduit, par certains traits, le personnage
de Déméter. Elle résulte ensuite de l'état même des choses. Peut-
être, à l'époque où Pausanias a fait son enquête, cette liaison
cultuelle était-elle, en pratique, tombée en désuétude. Pausanias
lui-même a pu omettre ou ne pas saisir ce détail. En tout cas,
son silence n'est pas une preuve négative. On constate, en fait,
que Déméter ne se présente pas isolée. Sa liaison avec le dieu
souverain résulte de la position de ses sanctuaires. Elle en avait
deux dans le voisinage du Poseidion : un bois sacré sur la pointe
de l'Alésion (3) et un temple auprès du bourg de Nestané (4). Ce
sanctuaire démotique de Nestané éUiit le centre d'une fête
(i) Porcy Gnrdnrr. Grcek coins. Pelopon. pi. XXXV, 4 et 0.
(2) Voy. fif; 14, p. iO;». — Ccî bas-rclicf nn peut ôtro une œuvre antérieure
au IV siècle.
(3) Signalé {mc Pausanias iinmédialcincnt avant le Poseidion, VIII, 10, 1.
AYjULTjTpoç àXffoç 6v TU) opEi' wapà Se tou opouç Ta ea^^ata too lIo(reiS(ïJvoç
è(TTl TOU *Itc7ciou to Upôv. Cf. une stèle votive do Pilterni. Inscr, duPélop,
.352 c. Ce bois se trouvait sans doute au fond du ravin qui coupe le dos de
rAlésion (voir la carte).
(i) Paus. VIII, 8, 1. Sur la position do cv temple, voy. p. 93.
LA RELIGION MANTINBENNE. 239
annuelle. Il a donc son existence propre, sans rapport direct
avec le culte urbain de Déméter, qui est plus récent.
La déesse de Nestané et de TAlésion ne se distingue par aucune
épithète caractéristique. Sur le culte lui-même, sur la fête
annuelle, nous ne savons rien. Aussi le classement de cette déesse
se déduit-il de considérations générales plutôt (juc de caractères
intrinsèques. La présence du culte de Démétcr dans le dème de
Nestané, sur les confins de TArgolide, pourrait permettre d'in-
voquer l'influence de ce dernier pays, eu particulier de penser à
une action de la DéméterChlhonia d'ilermioue sur le culte man-
tinéen. Mais il n'y a là qu'une présomption sans preuve. D'autre
part, aucun indice n'autorise à supposer une action quelconque
de la religion éleusinienne sur ce canton. Il faut chercher
ailleurs des termes de comparaison.
On doit reconnaître dans la Déméter de Nestané une parente
de la déesse infernale dont l'union avec le dieu des eaux, union
originaire de la Béotie (1), s'affirme plus nettement dnns les
autres cantons de TArcadie. Comme l'Érinys Tiiphossa de Thel
pousa (2), comme la Déo ou Déméter Noire de Phigalie (3), elle
est une déesse de la Nuit, de la Mort et de la Désolation. Elle
habite près d'un gouflre caverne, au bord de la triste plaine
ArgoSf à jamais frappée de stérilité (4). Sou culte s'est ciïacé
devant le culte urbain de Kora (5j. 11 serait assez teutant de
(1) A L6badéc,Trophonios, hypostasc do. Posoklon-Uadcs s'associe à Dcinêtor-
Europé, sa nourrice (Paus. IX, 39, 5). Son caractrrr posidonlon est corroboré
par ce fait que les sources do la rivière Ilercyne jaiilissrnl de son leinpïe-
cavcrne. A Alalcomenai, mémo union du héros Uippolxités (Poséidon Ilippios)
avec la déesse Infernale AUiéna Aialcoménéis. Et. Hyz. 'AXxXxofJisvtov. —
Ot. MûUer, Orchomenos^ p, 213. Le couple Déméter «Poséidon, on Arcadio,
siège non seulement à Thelpousu, à PhigaliCi à Mantinéi>, mais aussi à Pal-
lantion (Don. Ualic. I, 33), et à Méthydrion où se trouvent un temple de
Poséidon Ilippios ot une caverne de Rhôa-Déméter (Pansan. VIII, 3(», 3) ; en
Liaconie, au Tônare et à Ilélos (Wldc. Lakon. Kallf, p. lii et 180).
(2) Paus. VIII, 25, 4.
(3) Paus. VIII, 42, 1-7.
(4) Sur le yé.a\i.OL ou fjL^Yapov, séjour de la déesse au Tllpliossion béotien,
auTénare, ii Phigalie, à ïhclpousa, etc.. voy. W'uW.Lakoin^che KnUr^p. 179.—
Bérard, Orig. des cultes arcadiens, p. 217. \jS\ grotte deïsipiana, envahie par
les eaux, était d'ordinaire impraticable : c'est pour cela (pu) le sanctuaire fut
établi à quelque distance. De même, à Phénéos, le templr de Tlirsmia était
voisin d'un ;(à(i|ia (Paus. VIII, 15, 1, 4) qui passait pour être une entrée des
enfers (Conon, Narrai. XV).
(53) Voy. plus loin, p. 30.).
240 MANTINKE ET L'aHGADIE ORIENT ALE.
retrouver dans la Kora mantiDéenoe la déesse Fille arcadieone,
Dcspoioa, qui, à Tlielpousa et à Lycosoura, constitue une triade
avec Poséidon Uippios et Déméter (1). Mais les origines du culte
de Kora à Manlioée sont des plus obscures ; sa liaison avec
Poséidon Hippios serait tout à fait arbitraire.
Ulyssk, Nous devons reconnaître un doublet du couple Poséidon
hyposUic de Hippios =: Démétcr dans le couple Ulysse = Pénélope, égale-
iwidon iiippius. ^^^^ localisé à Manlinée.
En Arcadie, Ulysse n'apparaît pas comme la légendaire vic-
time de Poséidon. C'est lui, au contraire, qui colporte et qui
fonde dans les cantons arcadiens, à Âséa et à Phénéos, le cuite
de Poséidon Hippios(!2i). Nous avons là un nouvel exemple du fait
déjà constaté à propos de Lycaon, celui d'une personnalité
divine qui passe à l'état de héros et, sous cette forme secondaire,
devient fondatrice de son propre culte :, tel Lycaon, hypostase
et grand-prêtre de Zcus Lykaios, Énée d'Aphrodite Aineias (3),
Érechtheus de Poséidon Ërechtheus (4); Agamemnon de Zeus
Agamemnon (5). La plupart des personnages de ce genre repré-
sentent d'anciens dieux locaux absorbés par les grandes divi-
nités helléniques, ou bien des héros, simples émanations des-
dites divinités dont ils personnifient un surnom : tel est le cas
d'Énée, issu de l'épilhèle Aineias.
OriKinnirc L'idcntilé primitivc d'Ulysse et de Poséidon Hippios est sur-
ric Phriicos. ^^^y attcstéc à Phénéos, où la statue du dieu avait, disait-bn,
été consacrée par le héros dans le sanctuaire d'Artémis Heu-
rippa. Il semble qu'ici on ait affaire à un ancien culte local,
celui d*Odysseus, Olytteus, Oulirès (Ulyxes), dont le nom, dérivé
de oX, désigne un dieu infernal et chthonien. Associé à la
déesse Heurippa, l'équivalent féminin à Phénéos de TUippos
mantinéen, il s'est naturellement laissé absorber par le Poséidon
Hippios de Mantinée, dont le caractère à la fois aquatique,
(1) Pnus. VIH, 37, 2, 10. — A Thclpousa, le nom de la FUle restait secret.
Vni, 25, 4. — Cf. le couple attlque Uippos — Korô, cité p. 227, n* 8.
(2) Pausan. VIII, 14, 4. — 44. 4.
(3) nild. Légende fVÉnée avant Virgile. 1883.
(4) CIA. ni. 27G. — llcsycb. s. v. 'EpeyOedç. — Vit. X orat., p. 843 B. —
Fausan., 1, 26, 5.
(o) Clem. Alex. Protrcpt., p. 3:3 (Poil.). — Athenag. Presh. 1. — TzeU. in
Lycophr. 335, 1123, 12G9. Cf. Dcneken, dans le Myth. Lexic. de lioscher, art.
Agamemnon^ et Wide. Lakon, kuUc, p. 12.
LA RELIGION MANTINËENNE. 241
pastoral et chthonien contenait tous les éléments personnifiés
par le couple phénéate Odysseus = Heurippa. Il descend au
rang de héros posidonien et chthonien. En cette qualité, il
passe dans le canton d'Aséa, puis émigré en Laconie, où il
s'introduit dans la légende achéenne d'icarios, qui devient son
beau-père. Dès lors, l'imagination des poètes épiques s'empare
de sa personne. 11 entre dans le cycle de la guerre de Troie avec
Ménëlas et Âgamemuon ; mais, à travers toutes ses vicissitudes,
il se souvient.de son double caractère originel : comme héros
posidonien, il vague à travers les mers; comme héros chthonien,
il visite les régions infernales, converse avec les morts, et règne
sur une lie lointaine, dans le Couchant (1). L'épopée Ta huma-
nisé et transplanté à Ithaque. Quand le bruit de ses vagabon-
dages, porté par la voix multiple des aèdes, revient à Phéuéos,
sa patrie d'origine, les générations nouvelles ne peuvent plus
s'expliquer par quel miracle cet aventurier populaire, que les
rivages les plus mystérieux ont recueilli, se trouve installé
à demeure chez elles, côte à côte avec Poséidon Ilippios et
Artémis Chevaline. Le souvenir de ses débuts sest obscurci
chez ses compatriotes arcadiens. Ulysse indigène leur semble
plus qu'une énigme, une impossibilité. Ils n'osent pas invoquer
en sa faveur leur dogme favori de l'autochthonie. Aux fictions
merveilleuses que tout le monde répète, ils ne savent plus
opposer leurs droits réels. Le pouvoir souverain de la poésie
avait dénationalisé Ulysse ; les faits durent s'accommoder a
ses fantaisies. Ici, comme en maint autre cas, l'énigme fut
résolue par un calembour. Par une glose ingénieuse, l'antique
nom de la déesse Cavale, Uippa ou peut-être Euhippa ou Artémis
Hippia^ fut complété ou modifié de façon à signifier Celle qui fait
retrouver les chevaiix égarés (eup-i7C7ra). On raconta donc dans
Phénéos qu'Ulysse, ayant perdu ses chevaux, avait parcouru la
Grèce entière à leur recherche ; il les avait enfin retrouvés à
Phénéos, où il les laissa en pâture. En souvenir de cet heureux
dénouement, il fut censé avoir consacré un temple à Artémis,
qu'il aurait surnommée Heurippa pour la circonstance, et à
Poséidon Hippios une statue de bronze, sur le socle de laquelle
il aurait fait graver ses instructions à ses palefreniers. — A ce
(1) D'après Mcyer {Gesch. d, Alterthums, II, p. 103), il personniOe le dieu
mourant de la Nature. Ithaque lui est attribuée pour patrie, parce que c'est la
dernière lie visible du Péloponnèse.
.M.intince. — 17.
242
MANTINÉE' ET l'aRCADIE ORIENTALE.
Ulysse
h Mnnlinée.
récit deS'Phénéates, rérudition de Pausanias (1) entre enconflît
avec sa crédulité : le fond de Thisloire lui paraîti plausible-,
sauf le détail de la statue de brouze. Comment être dupe dé
cette assertion, quand on sait pertinemment' qu'à l'époque
d'Ulysse on ignorait l'art de fondre les statues d'un peul morceau}
invention* due au génie des Samiens Théodorois et iRhœcos,
contemporains de Polycrate? • ' » ïm.i. ..:, ■ i -i.
Cette fable des chevaux retrouvés était particulière à Phénéos;
A Aséa, on contait simplement qu'Ulysse' avait, à» son retour
d'ilion, apporté dans le pays le culte de Poséidon et d'Atbénâ
Soteira, sans expliquer d'ailleurs la présence du héros dans le
pays. . ; :
• Enlre le Poséidon de Phénéos et celui ,d*Aséa s!inferpose
celui de Mantiuée ; or, Pausanias n'a pas noté la présence
d'Ulysse dans cette ville. De ce silence surprenant, on ne devait
rien arguer : Pausanias ne pouvait tout savoir ni tout dire.
/K
î
Fig. 49.
Monnaies manlinéenncs représentant Ulysse.
Toutefois, on devait s'étonner de ne pas retrouver auprès du
principal Poséidon llippios de l'Arcadie son compagnon ordi-
naire. En réalité, on l'y retrouve, comme M. Svorouos a eu le
mérite de le reconnaître le premier (2), d'après un type de
(1) Pausan. VIII, 14. 4.
(i) Ulysse chez 1rs ArcaiHeiis. Gaz. arch. XlII (1888), p. 262 sqq.
• I / LA* iRBUGION : M ANTINKENNE . 243
tn6nnaie>mantinëeDne précédehimenl incompris (1). Le person-
nage,» figuré suricelle monnaie, n'est autre qu'Ulysse tenant de
là* main gauche uneramCj^ qu'il s'apprôle à planter en terre,
de^la imain c^roiteun" javelot: ou un harpon. Son accoutrement
bizarre," son pilod{ sa tunique retroussée, ses longues crépides
rostrilormes désignent un* marin. ou un pôchcur. Par une remar-
quable coïncidence, c'est sous ce costume qu'est figuré Charou,
lenautotaier des enfers,'sur un lécythe attîquc (2). L'explication
de Cette étrange figure doit ;étre cherchée dans un passage de
la? Néxuibt, l'un des morceaux les plus; anciens de V Odyssée (^),
L'Ame de Tirésias y dit à Ulysse :
« Après avoir tué les prétendants, tu parcourras les terres en portant
ùiiè'ramc facile à manier jusqu'à ce que tu parviennes chez un peuple
ign'^rant des choses de la' mer, ne mêlant point de sel à ses aliments,
ne sachant ce que c'est qu'un vaisseau aux flancs coloriés, ni Une
ramle, aile d'un navire. Je vais te dire à quoi tu reconnaîtras ce peuple :
souviens-t en. Tu rencontreras un autre voyageur qui croira que tu
portes sur ton épaule une pelle à vanner le blé (4) ; à ce moment tu
planteras ta rame en terre et tu sacrifieras solennellement à Poséidon
Anax un bélier, un taureau et un sanglier, puis tu retourneras en ta
demeure et tu immoleras, selon leur rang, à tous les dieux immortels,
de saintes hécatombes. »
Ce voyage doit être interprété comme une expiation et une
réparation due par Ulysse à Poséidon : Tirésias entend que,
pour apaiser le dieu de la mer, Ulysse introduise son culte
chez un peuple où Poséidon ne soit pas encoi^e connu. Il y a,
semble-t-il, dans ces prescriptions, un vague ressouvenir de
l'origine continentale d'Ulysse, le mythe, comme cela arrive
(1) La flg. 49 reproduit, d'après ]a planche de la Gaz. arch., les principaux
exemplaires de cette monnaie. N« 1. AK, 19". Gr. 5, M. MANTI. Ulysse plan-
tant la rame. — l^. Autel surmonté des bustrs des Dioscures. Dans le champ,
le monogramme |7l — N"* 2. yE, i(i"". Tôle de Pallas. collTi»c du casque corin-
thien. — i>. MANT, derrière Ulysse. — N« 3. Exemplaire provenant do nos
fouilles et déposé au Musée numismatique d'Athènes. .K, 14"". An droit
même type. — i^ Autel rond (de Poséidon Ilipplos ou Ilestln Koiné?) orné d'une
guirlande d'olivier. M - A - N. — N»4. /E. I4"". Au droit, môme type.*— i>.
Autel rond; dans le champ au-dessus» un casque sans aigrette. MAM. — Les
descriptions antérieures de ces monnaies sont citées par M. Svoronos.
(2) Benndorf. Griech. Vasenh., pi. 27.
(3) XI. 121-134. - XXIU. 2G9-270.
(4) M. Svoronos traduit àOir)ÇT|Xo'.YOv par fléau, mot rorlainemcnt impropre.
Une rame ne se confond pas avec un fléau.
244 MANTINÉE ET L'aRCADIE ORIENTALE.
souvent, reprenant les choses à rebours. Par suite, le devin n'a
pu envoyer le héros que dans un pays où Poséidon et lui
étaient réellement installés, mais où leur association constituait
une énigme : le mythe, d'abord écho lointain de la réalité,
en devient, par la suite, la justification ou la glose popu-
laire : c'est aussi le cas pour la légende d'Énée.
Nul autre peuple que les Arcadiens laboureurs, mangeurs de
glands, et signalés dans Vlliade pour leur, ignorance des choses
de la mer (1), n'était mieux qualifié pour commettre Terreur
annoncée par Tirésias. Comme, en outre, Ulysse se rencontrait
chez eux associé à Poséidon Hippios, il est permis de croire, à
première vue, que le devin a voulu les désigner. Pourtant, les
anciens tranchaient la question en faveur des Épirotes. Déjà
dans VOdyssée (2), il est question d'un premier séjour d'Ulysse
chez les Thesprotes; c'est une partie du récit mensonger
que le héros débite à Euniée. Cet épisode, développé iso-
lément dans un autre poème appelé la Tliesprotis, parut
continuer, sous cette forme nouvelle, YOdyssée : on en conclut à
un deuxième voyage du héros en Thesprolie, voyage postérieur
au massacre des prétendants, et que l'on rattacha à la prédiction
de Tirésias. C'est ce qui résulte du récit des aventures d'Ulysse,
tel que le présentent les nouveaux fragments d'Apollodore (3),
où sont combinées les données de VOdyssée, de la Thesprotis et
de la Télégonie. « Ayant sacrifié (aussitôt après le massacre des
prétendants) à Hadès, à Perséphone et à Tirésias, Ulysse> tra-
versant à pied l'Épire, arrive chez les Thesprotes; il y accomplit
les sacrifices prescrits par le devin Tirésias et apaise Poséi-
don (4). » Évidement, d'après la Thesprotis, Ulysse avait ren-
contré son homme en Épire. C'est dans ce sens qu'ont opiné
les commentateurs anciens : Pausanias, Eustathe, Tzetzès,
Etienne de Byzauce (5) ; ils reconnaissaient dans les localités
(1) Iliad. 11, 612. — Eustatli. in h, loc.
(2) Odys. XIV, 315sqq.
(3) Découverts en 1887, à Jérusalem, dans le couvent de Sainte Sabba, par
Papadopoulos-Kérameus (Rhein. Muséum. XLVl. 1891, p. 163 et sulv. -— CC.
ibid., p. 378 sqq. Wagner. Die sabbaitiscàen ApoUodor fragmente. — Wagner.
Myihogr. grœci^ t. I, p. 237. — Celte publication, postérieure à Tarticle de
M. Svoronob, en corrige certains détails.
(4) Kaxà xàç TfiipEcfou [xavxefaç ôudiàdaç éÇiXàffxexai IIoŒciBwva. I. 121*>.
(.S) PauFan., 1. 12. 5. — Euslnth. in Odyxs., XI, v. 122. — Tzelz. in Lycophr.
Àlexandr., v. 799. — Et. Byz. s. v. Bouvetfxa. Strabon (XIV, 5,24) n'avance
aucun nom.
LA RELIGION M ANTINÉENNE. 245
de Bôuneima, ou Kelkéa, ou Trampyia, le culte de Poséidon
fondé par Ulysse (1). D'autre part, la Télégonie d'Eugammon de
Cyrène, continuateur de VOdyssée (2), présentait une version
différente,' dont la Chrcstomathie de Proclus nous a conservé le
résumé (3)^ Après le massacre des prétendants, le héros visitait
rÉlide, pour y remonter en bœufs ses étables (4); puis veuaieut
« les histoires relatives à Trophonios, Agamédès et Augias»;
ensuite, de retour à Ithaque^ il accomplit les sacrifices com-
n)andés par Tirésias. Après cela, il se rend chez les Thesprotes,
épouse leur reine Kailidice, et finit sous la lance de son fils
Télégonos.
Donc, d'après la Télégonie, Ulysse avait dû rencontrer son
homme après le voyage en Élide et avant le retour à Ithaque,
c'est-à-dire dans une région du Péloponnèse: or, l'Arcadie, com-
plètement isolée de la mer (5), est le seul pays répondant d'une
manière satisfaisante au signalement de Tirésias.
Ni le résumé d'ApoUodore ni celui de Proclus ne font allusion
à un voyage d'Ulysse en Arcadie. Le silence de la Thesprotû;, à
ce sujet, s*explique : ce poème développait un épisode parti-
culier de la légende; pour justifier le second séjour d'Ulysse en
Thesprotie, l'auteur imaginait que le héros avait entrepris ce
voyage en exécution des ordres de Tirésias (6). Quant à la
Télégonie d'Eugammon, le sommaire très sec de Proclus ne nous
laisse pas deviner s'il y était réellement question du voyage en
Arcadie. Un seul détail est certain : d'après ce poème, la ren-
contre d'Ulysse avec son homme n'avait pas eu lieu en Thes-
protie. La divergence des poèmes cycliques n'a rien qui doive
surprendre; chaque auteur brodait à sa façon sur le canevas
légendaire. Le rédacteur de la Télégonie n'était pas tenu à se
mettre d'accord avec celui de la Thcsprotis. Il est, en outre,
évident que l'élaboration des légendes n*était pas le monopole
des poètes de profession. L'imagination populaire travaillait de
(1) Ce culte, s'il a réellement existé cliez les Thesprotes, est secondaire pnr
rapport au Poseidun arcadien. Cf. les offrandes d'Oulixès dans le sanctuaire des
Déesses Mères à Engyon, en Sicile (Plut. Marcell. 20).
(2) Vers la 53» Olympiade (568-563), d*après Euseb. Praep. rvang.^ X, 2.
(3) Ap. Phat. Bihl. 2.'ÎU (Dindorf. Homeri carm. Didol, p. 584).
14) Cr. Pausan. VIII, H, 6, et Odys. IV. 634. — XXIII, v. 354.
(5) Pausan. VIII, 1. 'ApxâBeç xà ivToç olxou<yiv aTTox^Eidaevoi OaXaddYjç
TtavTa/cJOev.
(6) Odyss. XXni, 260-270.
246 MANTINKE ET i/aRCÂDIE' ÔRtENTALE .
son côté, en dehors des traditions versifiées.' Il- ekistait'ainbi,
.dans les cantons, nombre de variclntés locales, 'qui ûe tfouvèreûtî
pas leur expression poétique, niais qui, plu^ pëut-ôtré quelles/
chants dés aèdes, serraient dé près certaine^ réâliték' t'est ainsi
que Pàusânias relève là contradiction entré lé fôllc-lore marï--
linéeri relatif à Pénélope et la version dé* là ï'/ieAproïw (1).'
Donc, puisque d'une pâi*t la TéLégônic place danâ le Péloponnèse
la rencontre d'Ulysse avec son homme; que; •d'autre 'part,* 'lès
traditions de Phénéos et d'Àséà nous montirent Ulysse installe
en Arcadie, on est autorisé à conclure que* lôs'Arcadiens se'
considéraient comme le peuple désigné par Tirésias. Si<les
commentateurs anciens ont adopté la Version de la Thesprotis;
c'est ()ue la tradition arcadicune n'avait pas trouvé d'interprète
poétique. Par suite, identification avec Ulysse du personnage
étrange figuré sur les monnaies mautinéeunes devient accep*'
table; elle est même la seule interprétation plausible de ce type
monétaire. Elle précise là version arcadieune en* localisant sur
le territoire mantinéen l'épisode d'Ulysse plantant ba rame dans
le sol et sacrifiant à Poséidon. C'est là que le héros rencontre le
paysan capable de prendre cette rame pour une pelle à vanner
le blé. Cette erreur était vraisemblable de la part d'un peuple
terrien, qui ne connaissait la mer que soûs l'aspect du bois
Pélagos. Une inscription du L'^ siècle après J.-C. nous montre
que, depuis Homère, les Mantinéens ne s'étaient guère fami-
liarisés avec la navigation : ils louent en termes emphatiques
un de leurs compatriotes d'avoir a /ut, continental^ eu le courage
de traverser deux fois cette Adriatique que les riverains eux-mêmes
appréhendent de traverser une fois (2). »
Ainsi, à Mantinée aussi bien qu'à Phénéos et à Aséa, Ulysse
apparaît comme Tassucié de Poséidon Hippios. Le rapproche-
ment est confirmé par un autre détail de la Télégonie. Le poème
mettait Ulysse en contact avec Agamédès et Trophonios, les
héros minyens introduits dans les généalogies arcadiennes, les
fondateurs de l'abaton de Poséidon Hippios à Mantinée et du
trésor d'Augias en Ëlide. Malheureusement, le résumé de
Proclus nous laisse tout ignorer du développement donné à cet
épisode (3).
(1) Paiisan., VIII. 12, 3.
(2) ''Ov 8à TcaoixTioi ttXeîv 'A8p{av xav otTcaÇ eùXapouvTat, toîîtov 6
jAsaoyaio; xai Ôeutsoov 7îXÊU(j[aiJ xaT£<jpp6v'^ae. Voy. Appendice (Inscr.).
(3) M. Svoi'onos en conclut, avec beiiucuup d'ingéniosUé, qu'Ulysse est aUé à
, , ; |,A . RELIGION , MANTINÉRffNR. 247
,rEn- résumé) Ulysse,;à Mantinéev.De paraît pas iodigèpe. Sa
présence résulte d'une, réaction du. cycle, phénéate de Poséidon
Hippios. Ce dieu, parti de.Maotinée, s'est iustallé à Pliéuéos et
s'y est substitué a Ulysse, compagi>on d'Artéinis Chevaline. A
son^tour, Ulysse» descendu au .rang de héros posidonien,, a
reflué sur Mantinée pour prendrç place. auprès du Poseidoo cje
TAlé^ion.'Là, sa légende s'e^t complétée ultérieurement à l'aide
d'éléments I vulgarisés pan,, l'épopée : c'est l'importance .du
Poséidon Hippios mantinéen.qui a fait localiser, en .cet endroit,
la rencontre du i héros avec l'homme désigné par Tirésias. 11
s'ensuivait qu'Ulysse aurait dû être considéré, à Mantinée,
comme un fondateur du culte. d|e Poseidou. Mais leç .origines
lointaines de ce cul te. n'ont pas permis à la légende du héros de
se développer dans ce sens : son association à Poséidon est ici
plus discrète et plus secondaire qu'à Phénéos et à Aséa. Ici»
c'est le dieu qui. a porté son porteur attitré. Nous voyons dans
ce fait une nouvelle preuve de .la priorité du Poséidon de Man-
tinée sur; celui de Phénéos. : •
11 y avait une autre raison pour qu'Ulysse ne fût pas absent iHytjjon,
des légendes mantinéennes : c'est que Pénélope était installée à hypoaias©
demeure sur ce territoire. En dehors de l'attraction exercée par
Poséidon Hippios, Pénélope a, de sou côté, contribué à accré-
diter Ulysse dans le folk-lore mantinéen.
Le tombeau de Pénélope est signalé par Pausanias à la sortie
de la ville, sur la route d'Orchomène; c'élîjil, dit-il, un tertre
élevé. Nous l'avons identifié avec la colline de Gourtzouli (1), eu
Lébadée consulter Trophonios pour savoir où 11 Irouverait l*homino signalé par
Tirésias, — que Trophonios Ta renvoyé à Mantinée. — que le ridicule costume
d'Ulysse sur la monnaie manUnéenne reproduit celui des consultants de Tro-
phonios (Lucien. I, p. 140. — Pausan., IX, .'Kl, 8), celui que Trophonios lui-
même portail lorsqu'il apparut aux Thébains avant la balnlUede Lruclres (Diod.,
XV, 53. — Pausan., IV. 32,5. — Cic. De divinat. I, 'M), — par conséquent que
la frappe de cette monnaie a eu lieu aussitôt apr^s 371, lors de la reconstruc-
tion de Mantinée, symbolisée par Tautel : le costume trophonicn d'Ulysse serait
une aUusion & la balaUle de Leuctres et un symbole de ralliancc arcado-lhé-
baine. — Gruppe {Griech. myth., p. 78) admet que la Télégonie faisait con-
sulter Trophonios par Ulysse à Lébadée.
(1) Voy. p. 117, note 2. — Peut-ôlre le sommet de la colline, aujourd'hui
encore couronné d'une chapelle, portait-il un petit sanchialre d'ArtémIs, omis
par Paus^mias. La butle désignée comme le tombeau dcKallistoélait surmontée
d'un hiéron d'Arlémis Kalllslé.
(lAitéinis Callist
— originnire
de Mniilinée.
248 MANTINKK ET l'aRGADIE OIUBNTALE.
nippelant à ce propos la butte consacrée à Artémis-Kallisto
dans le Ménale. La présence de Pénélope à Mantinée proposait,
aux esprits pénétrés de la tradition homérique, une énigme de
môme nature que celle d'Ulysse à Phénéos. Elle (ut, en somme,
résolue par le môme procédé. Il se forma sur place une de ces
légendes explicatives où se trahit le désir de concilier, avec
un fait embarrassant, les fantaisies des aèdes. Le Ta^oç n7)veX($iT7,;
représenté un culte primitif : tel est le fait sur lequel s'est
greflée la glose rapportée par Pausanias. Laissons donc celle-ci
de côté pour l'instant, et essayons de reconstituer, en dehors
d'elle, le personnage original de Pénélope. En Arcadie, Pénélope
nous apparaît comme une divinité ou comme une nymphe de
la Nature, comme un doublet de TArtémis arcadienne ou de
Kallisto. Elle est localisée à Mantinée, où son tertre avoisine
un sanctuaire démotique d'Artémis et le stade du coureur
Ladas. Elle a une légende purement arcadienne, qui s'est
développée en dehors de la tradition épique et où s'affirme son
caractère naturaliste et pastoral. En effet, elle constitue une
triade avec les principales divinités pastorales du pays :
d'Hermès, déguisé en bouc, elle a engendré Pan (1). Évidem-
ment, cette maternité résulte d'un jeu de mots, dont la forme
Ila/eXoTraa fourni le motif. Mais, si cette fable a pu trouver
crédit en Arcadie, c'est que le caractère personnel de Pénélope
n'y répugnait pas. Pan et Arcas sont donnés, par les légendes
lycéennes (2), comme jumeaux, fils de Callisto. Il en résulte que
Pénélope, mère de Pan, d'après les légendes du Cyllène, est une
hypostase d'Artémis-Kallisto. En cette qualité, sans qu'on soit
en état de préciser davantage ses fonctions, elle rentre dans la
catégorie des personnifications agrestes ou pastorales, du geni-e
d'Arné,d'Artémis IIeurippa,d'Artémis Aiginaia,d'Athéna Hippia.
C'est ainsi que l'a célébrée Nonnos, dans ses Dionysiaques (3) :
TOV 5s VOfiaîÇ 0'(»)V NôjXîOV ^tXoV, StCTTOTE VOtX^TjÇ
8£p.viov àypaOXoio ôisçti/e flT^veXoTrciTiç,
7rotp.£ ."//| lupiyY' {-«.6{A'f)XÔTa.
I/infatigable fileuse d'Ithaque ne semble-t-elle pas se souvenir
(1) Hérod. II, î6, 145. — Theocr. Syr, 1 et Schol.VII, 100. — Cic. Denat. deor.
III, 22, 56.— Hygln. Fab„ 224. — PIul. de dcf. or,, 17.— Lucien. Dial. deor.,
22. — Servius in Vlrg Jiti., II, 44 et Georg , I, i6. — Schol VhUc. in Eurip.
nhes., 30 {Fr hisl. gr., IV. p. 318). — Cf. Hoscher. Die S'igeti von der Geburl
des Pan. [Phiiologus, LUI (1P94), p. 3<58]..
(2) Scliol. in Eurip Rhes., 36.
(3) Dionys. XIV, 87 sqq.
',•'.. ^A nELIGIpN.MAriTINÉENNR:. 249
'du temps OÙ, comme nymphe arcadienoe, mère de Pan Nomios,
elle régnait sur les troupeaux de botes à laine (1)? $
D'Arcadie, Pénélope passa par le môme clieniiu qu*Ulysse, dans
la Laconie supérieure; elle s'y combina avec le culte d*Aidos (au-
cienne déesse chthonienne, forme féminine d'Haiçlcs?.) tombée
ensuite au rang de personnification secondaire de la Pudeur. Les
légendes achéennes Tassocièrent, avec Ulysse, au cycle des héros
tyndarides, en particulier à celui d'ikarios, frère de Tyndaréos.
L'épopée les unit définitivement et leur fit de nouvelles destinées.
Pausanias recueillit, sur les bords de TEurotas, une fable où se
retrouvent les principaux éléments de cette association (2) :
a La statue d'Aidos se voit à trente stades à peu près do la ville.
C'est, dit-on, une offrande d'Ikarios» consacrée dans les circonstances
suivantes : Lorsque sa fille Pénélope eut épouse Ulysse, Ikarios fil
tout ce qu'il put pour décider son gendre à s'établir à Lacédémone, et
n'ayant pas réussi à le décider, il eut recours à sa fille elle-mônie, la
suppliant de rester avec lui.. Quand elle partit pour Ithaque, il pour-
suivit son char en continuant de la solliciter. Ulysse qui avait patienté
jusque-là finit par dire à Pénélope ou de la suivre de bon cœur ou si
cela lui convenait mieux, de retourner avec son père à L.acédéinonc.
On dit qu'elle ne répondit rien, mais qu'elle se couvrit le visage.
Ikarios, comprenant qu'elle voulait suivre Ulysse, ne s'eflorça plus de
la retenir, et érigea une statue à la Pudeur, à fendroil de la route où
Pénélope s'était couverte de son voile. »
Par une coïncidence remarquable, le souvenir de Pénélopo,
identifié à Aidos, se trouvait ici localisé, comme à Mantinée,
près d'un sanctuaire d'Artémis et près du tombeau du coureur
Ladas. Celui-ci, fatigué par sa victoire aux jeux olympiques, était
mort à cet endroit, sur la route conduisant en Arcadie : il
retournait en son pays, c'est-à-dire à Mautiaée, où était son
stade d'exercice. Ce détail confirme la provenance mantinéenne
du groupe Pénélope, Artémis, Ladas (3).
(1) Ici encore Tincvitable calembour ne perd pas ses droits. Les noms de Pan
el de Pénélope, rapprochés de TCYjvfov (fil) et de Xcottoç (tissu) ont inspiré anx
philologues anciens et modernes d'ingénieuses scholics. (Schol. in lliad,, XXIII,
y62. — in Odys., IV, 797. — Euslath. in Odys., p. H21, 63. — Cf. Curtius.
Grundziige d. gr. Etym., 276). — Pénélope voilée dans Odys. 1, 356.
(2) Paus., m, 20, iO. — Sur remplacement de la slaluc d'Aidos, voy. Loring.
Joum. ofhellen, Stud., 1895, p. 42.— Sur Aidos « naïdè»,VVide. iak. culte. p.270.
(3) l.e coureur Ladas me paraît être un héros artéinisien, une hyposlase
mantinéenne de Meilanion. Pâmant de TAtalanlc arcadienne. Or, Alalantc est,
en Arcddle, une forme primitive de TArtémis du Ménale. On montrait près de
Mélhydriun lu stade d'Atalanle (l^ausan. VUi, 3;), 10).
250 MANTINKE ET! L'ARCADIH ORIENTALE.
Lorsque Pénélopft revint en Arcadie transfigurée par Tépopée^
il fallut trouver un lien entre sa première et pa seconde incar-!
nation, entre la nymphe arcadienne restée i, sur 'place étoile
personnage exotique de la reine d'Ithaque. ,J)emême,t Ulysse
s'était représenté aux Phénéates aussi méconnaissable pour eux
qu'il Tavait été chez lui pour le fidèle Eumée^ De là. naquît, à
Mantinée, une légende mixteioù rhéroïnejhomérique rentrait
tant bien que mal — plutôt mal -^ dans son i ancienne peau;
Celte version suit naturellement Tordre inverse de laimarch^
réelle des choses. Les Mantinéens racontaient qu'Ulysse, ayant
convaincu Pénélope d'avoir introduit des amants dans sa mai-
son, l'avait. répudiée; elle s'était retirée à Lacédémone et de. là
à Mantinée, où elle finit ses jours (1). A n'en pas douter, cette
explication maladroite et puérile est l'œuvre d'exégètes locaux^
désireux de justifier à Mantinée l'existence d'un îtombeau de
Pénélope. Les nouveaux fragments d'Apollodore viennent ici
compléter Pausanias (2). Après avoir résumé les données de la
Thesprotis et de la Tëlégonie (3) sur les aventures dîUlysse après
son second séjour chez les Thesprotes, Apollodore ajoute :
« Au dire de quelques uns, Pénélope, séduite par^ Antinoos, fut
renvoyée par Ulysse chez son père Ikarios; elle se rendit
ensuite à Mantinée, en Arcadie (4) et mit au monde Pan, des
œuvres d'Hermès. D'autres disent qu'Ulysse la tua de sa propre
main, après qu'elle eut été séduite par Amphinomos, car tel
serait, d'après eux, le nom du séducteur (5). » Toutes ces
(1) Pausan. Vlll. 12, 3.
(2) nhein. Mus., XLVI (1891), p. 181, 10.
(3) D'riprôs la Thesprotis, PéncIopR, pendant l'absence d*Uly8se. aviiit mis au
monde un fils, Pl«diporlhës, d'>nt tJIysse était père. Cette donné<!, comme le
remarque Pausanias, est en désaccord hvpc la légende mantioéenne. La Télé-
gnnie racontait comment USysse nvait péri par la main de Télégonos. le fils
qu'îl avait eu de Circé, et qui, OËdipe d'un autre genre, épousa la femm*:
de son père.
(4) Le manuscrit porte : yivoiilyr^^ 5e Tf|ç 'ApxaStaç xarà jjLavTCiav, t;
*Epp.ou TÊxeîv llava, \Jk correction xarà MavTiveiav s'impose. (Voy plus bas
une confusion analogue entre [lavrixTiç et |jLavTivix'r|ç dans les textes relatifs
à Diotima). Mais, ta leçon nouvelle une fois adoptée doit se substituer,
non s'ajouter, à la leçon corrigée : Wagner {Rhein. Mus., XV Ll, p 415) con-
Unue cependant à parler de Voracle qui conduit Pénélope à Mantîivée,
(5) Une autre version représente Pénélope comme s'étanl livrée à tous les
prétendants (Traai toîç \l rr^GT'f\ù(ji ) ; Pan aurait été le produit collectif de cette
union. (Tzéizés in Lykophr., 772.) Nous avons là une nouvelle glose étymolo-
gique des noms de Pan et de Pénélope, dérivée des fsiblcs relatives h la séduc-
tion. Mais je ne crois pa^ qu'elle soit proprement d'origine mantioéenne, comme
le soutient llosclier [Philologus. LV (189G), p. 6l].
< • • tïA' aCUG tOK AI ANTINÉRNNH . 251.
VèMJotis'ont' poùf poiûfc^dé'dépîirt'rèxîsteiîce d*nn culte mari-
tliiéeù de'Pébélope et' le' désir de concilier ce fait avec les
dODhées déirépopée.-'Enes'âô sbot formées sur place, probable-
toedt en' dehors de toute' cdmpositioii poétique. Par rapport à
Vlliadé '^l h' V Odyssée, elleâ représentent 'une conception déca-
dente! î ''elles'' procèdent' 'dé 'l'esprit réaliste des homerici
mtno)*^.ç et'îlppattieiinent à'ia' période de réaction contre ridéîl-
liâinë homérit|ue.'' î^es' continuateurs d'Homère ont, en'efTet,
pris plaisir à travestir \es' liéroë'de Tépopée. Chez eux, l'immo-
tMië Iriomjphe, la» passion ^prédomine sans vergogne. C'est
sôits leur' ihfluènce;' sans -'doute au Vl» siècle, que la chaste
Pénélope s'est • transformée en (une Clytemncstre encore plus
éhodtéei'Cel indice nous prouve aussi la priorité de la légende
laconienne citée plus haut : l'héroïne y conserve le caractère de
dignité 'et de pureté popularisé par l'épopée primitive. En
altérant "grossièrement ces traits, la légende mantinéenne
ti^ahit une époque plus basse et marque le terme extrême do la
carrière de Pénélope.-— En somme, le couple mantinéen Ulysse ~
Pénélope répond au couple phénéate Ulysse (Poséidon Hippios)
i= Artémis Chevaline. Pénélope s'associe au héros Posidonieu
comme hypostase de la déesse de la Nature. Leur groupement
unit le dieu de TAlésion à la déesse du Ménale.
Aux divinités de Peau et de la terre, au couple Poséidon =
Démêler sadjoint, et s'oppose souvent^ Tclémeut solaire : à
Delphes, Apollon s'ajoute à Poséidon = Gè-Thémis; de même à
Onchestos, puis à Thelpousa, où Apollon Onkeiatèsse combine
avec Poséidon = Érinys-Déméter. A Manlinée, ce troisième
éliment intervient aussi, approprié aux conditions locales du
climat, sous le nom de Maira. Comme agent de la lumière et de
la chaleur, il complète racliou fécondante de l'eau sur le sol;
comme agent de sécheresse, il assainit les plaines inondées ou
les stérilise. De toute façon, il ne peut se séparer des autres
principes qu'il secondeou qu'il annihile. Le pays ne subsiste que
par l'harmonie de ces forces équilibrées; mais cet équilibre
idéal est, la plupart du temps, précaire. Les habitants d'une
plaine à katavothres sont exposés à passer de l'extrême
sécheresse à l'extrême humidité : ils invoquent l'une comme
remède à l'autre, espérant un bien dans ces contraires et n'y
trouvant qu'un mal. Ils assistent à leur conflit, subissent leurs
triomphes alleruatifs, mais jouissent j*arcmont de leur accord :
aussi les conçoivent-ils comme toujours en duel.
252 MAiNTlNKE ET L'ARCADIE ORIENTALE.
C'est à la lisière de la plaine, au pied de la bordure mon-
tagneuse, (\\iG les deux puissances se neutralisent. Il y a là
une zone intermédiaire, qui n'est déjà plus le bas-fond détrempé
et nVst pas encore la roche. C'est le lieu d'élection de là
sécheresse productive et salubre; Il échappe à Poseidod, sans
échapper à Démêler. Il contraste avec le marécage, surtout
aux abords de la Plaine Inculte (Argon Pédion), Au milieu,
celle-ci présente le spectacle le plus attristant. Poséidon Hippios
s'y déchaîne ; Déméter s'y désole dans la stérilité/ auprès d'un
katavothre impuissant, sans que la fête annuelle, célébrée dans
son sanctuaire, au pied de l'Acropole de Nestané, réussisse
à réveiller son inertie. Mais Poséidon perd ses droits dès. les
premières pentes de l'Alésion. Aussi, ce domaine privilégié de
la sécheresse féconde, région neutre, entre les bas-fonds sub-
mergés et la roche abrupte, est-il placé sous la protection d'une
divinité spéciale, Maira. C'est là qu'elle s'ébat comme en un
champ de danse (yo^hç Maipaç) (1).
Maira est une héroïne arcadienne, sœur de Maia, la nymphe
du Cyllène, et, comme elle, fille d'Atlas, le plus ancien roi
d'Arcadie (2). Atlas, porteur du ciel (3), personuifle le haut
massif arcadien et ses soumets les plus élevés, colonnes de la
voûte céleste. Lui-même est devenu une hypostase du ciel
lumineux, de Zeus ou d'Hélios (4). Sa tille Maira occupe, au
ciel, la place de la Canicule ou de Sirius. Elle personnifie donc
la chaleur extrême de l'été et la saison la plus sèche. Ennemie
de l'eau, elle siège aux endroits où sa présence s'impose pour
assainir le sol détrempé. Trôoant à mi-côte sur les versants
cultivables, elle surveille les plaines marécageuses. Son regard
(1) Sur ce Ueu-dil, voy. p. 93. — Ce qui suit confirme remplacement que
nous lui aUribuons, conirairpment à l'opinion de CurUus. C'est une porUon,
mais plutôt desséchée, de TArgon Pédion.
(2) Apollod., III. 10, 1. — Denys d'IIal., 1, 6i.
(3) De TXa, supporter. CI. le nom de TàXcTOv donné au sommet du TaygMe
(Pausan., III, 20, 4). Le môme radical se retrouve dans Tantalos, héros pélo-
ponnésien (Wlde. Lak. KuUe^ p. tS), dans Talaos, héros argien, et dans le
géant Cretois Talos, idenUfié au Taurus.
(4) Hésych : TàXa)ç'Ô7)Xioç. Cf. Zeus TaléUlas (Fourart. Inscr, du Pélop.,
p. 1U). Talliiios (G. 1. 0. 2254. - Cauer. DeL inscr diaL, II, 120, 12t), quHI
faut peut-être rapprocher du Zeus Télesios de Tégée (Pausan., VIII, 48, 6) : à
côté du monument de Zeus Télesios, sur Tagora de Tégée, Pausanias signale le
tombeau de Maira, fille d'Atlas, épouse de Tégéatès.
<; LA RELIGION MANTINÉENNE. 2.*33
dévoraut embrase le domaine de Poséidon. C'est ainsi qu'elle
s'installe sur le revers de l'Alésion aux confins de la Plaine
inculte et sur une terrasse de l'Anchisia, à la lisière de la
grande plaine, dans une bourgade qui portait son nom (1).
Les Tégôates symbolisaient le conQit de ces deux éléments, Maira
Taride et l'humide, parle mythe des deux frères ennemis, fils 'i'«"'y"^«^<'?^'«''
de Maira (2) : Skdphros, c*esl-à dire VJH.scarpemcnt desséché ^^^^^^J^*^'
(Cf. scaher- Sxap(p6(a),etLctmon ou la Prairie humide. Leimon lue
son frère, ami d'Apollon, et périt lui-môme sous les flèches
d'Artémis. Dans cette fable, Leimon représente évidemment
une hypostase de Poséidon Hîppios, Sképhros une hypostase
d'Apollon. Maira, leur mère à tous deux, sert de Irait d'union
entre ces deux éléments irréductibles. En effet, Maira repré-
sente la sécheresse bienfaisante, amie de la culture. Elle favo-
rise la conquête des champs cultivables sur le marais. Elle ne
s'isole donc pas sur les roches improductives, apanage de
Sképhros. Mais, régnant sur les terres exhaussées qui relient
la base des monts aux fonds marécageux, elle aspire à étendre
son domaine aux dépens de la plaine humide. Son action subit
des alternatives de succès et de revers. Tiindîs que sou auto-
rité sur Sképhros est entière, Leimon se montre un fils incons-
tant et rebelle, subissant parfois l'influence de sa mère, mais
plus souvent acquis à l'ennemi Poséidon. Quand il tue Sképhros,
comprenez que le marais a tout noyé et bloque jusqu'aux rochers,
comme cela arrive souvent dans la Korylhéis et au lac d« Taka.
Quand lui-môme meurt sous les flèches d'Artcmis, concluez à
un retour offensif du soleil et à un recul de l'élément humide,
car ici Artémis intervient comme auxiliaire d'Apollon. Ainsi,
(1) Polygnole Tavail représentée, dans la Lesclié de Delphes, assise sur un
rocher (Pausan., X, 30^ 5). — Peut-être, à l'origine élait-elle adorée sous la
forme du chien, l*anlmal que la saison brûlante exaspère et rend hydrophobe :
en Altique, Maira est le chien d'Érigoné. En Argolldo, elle est fille de l'rœlos,
père des vierges égarées dont la rage est contagieuse (Phcrecyd. in Odys., XI,
326. — Eusiath. in llomer., p. 1688, 62. •— Hesych.. 5. v.). La légende attique
conflrme notre interprétation : Maira est le chien d'RrIgonc, flile dMkarios, le
premier mortel à qui Dionysos ait octroyé le vin. Elle conduit sa maîtresse à
rendroit où le vin nouveau a déjà répandu sa démence. Érigoné, afîolée à son
tour, se pend. On célèbre en son honneur une fête lors des vendanges. Maira,
associée à Iliarios et à Érigoné, personnincation du l\uisin et de rivresse,
symbolise la chaleur propice à la vigne, plante amie des terres sèchps, et
en même temps signifie que l'Ivresse engendre la mémo rage que la Canicule.
(2) Pausan., VIII, 48, 4.
254 MANTINISE ET ' L'ARGADIB: ORIENTALE .
dans icellelégedde tégéate, Mairai apparaît nettement coiD^ie
une) divinité solaire iodigèoe ^^acée;'pa^'>lesi^Lét.()ïdè8^ puig
reléguée' au' rang des 6toiles(l). »»/ •■./i; toi ••/ .-.i shf: i/.
'^ r^es Tégéates et les MànlinéenSî'au/dire derPausanias;' se
disputaient' son tombeau(2)i Lenom de' Mairai!rdonné\à un
bourg de la Mantinir^ue (3) et celui du>'XopôciN(a':pa<ii;indiquent
que Maira- était chez elle a ManlinéeJ. DeHlà;.ielle' .passa' en
T^géatide,<où les conditions îdeniiqueS' du sôlijuâtinalent sa
préscilcei Elle y devint mère des ;héros'. locaux j;Sképhrosie^
Leinion, puis fut absorbée par eux -dans > le culte apollinienl
Comme protectrice du territoire tégéate,' ellea prife placfe aux
côtés de réponyme de la ville, Tégéatès.; Mais, ce mariage
officiel atteste sa déchéance, car Tégéalès n'estiqu-une abstraC^
lion. Dans ce rôle tutélaire, Maira s'est encore laissé' dépasser
par Athéna Aléa, dont le nom, interprété à laifois dans le sens
dé Cluileur et d^Àsile^ était un titre suffisant pour déposséder
sa rivale. • ... ,..;; , .,.• .. i >^ .., ,,i ,,- ..■ ;
)<ici d'Ar^rthoos Au mythe tégéate de Sképhros et de Leimon équivaut la
le Koiynèie légcode mautinécnne du duel d'Aréïthoos le Korynète. etide
',êros,K.sHionien) Lycurguc, Toi do Tégéc et fils d'Aléos. Cette légende était pré-
Acxufiue çjg^j^PQ^ localisée dans le district voisin de la Source Arué et
du Poseidion : c'est dans le défilé situé à l'extrémité de TArgon
Pédion et du bois Pélagos que doit être cherché, comme. on
l'a vu plus haut, le tombeau du Korynète, signalé par Pau-
sanias (4).
Cette légende nous est seulement connue sous la forme de
récit guerrier que lui a donnée l'épopée. Nestor raconte un
(1) Celle interpréta lion du mylhe de Slcéphros et de Leimon renforce celle
qu'a proposée Ou rtius {Pelop., I, p. 253).
(2) Pausan., VIll, 12, 4.
(3) Ce nom élonne Pansnnias, qui forge à ce propos une légende toute de
son invention. A mon sens, il y a dnns sa phrase : cl Sy) èvTaûOa, xqlX (JLT)
iv TYi TsysaTiov eTXcpYj, une première supposition : à savoir que le nom de
Maira, donné au village, indiquait que l*bérofne y était enlerrée. Était-ce là
une tradition locale? l\ est permis d*en douter. Les Tégéates montraient le
tombeau de Maira sur leur place publique. Ce souvenir a suggéré à Pausanias
l'idée d'une prélenliou rivale chez les Mantm^ens, mais il ne dit pns expres-
sément qu'on lui ail signalé à Maira une sépulti>re de lu demi-déesse. Obsédé
par (-elle idée d'un tombeau imaginaire, 11 invente une autre ÛUe d'Atlas,
soi-disant enlerrée là.
(4) Pausan., VIH. il, 3. - Voy. sur ce tombeau et sur le (jTeivwTc^ 68ôç,
p. 108-110, et la carte de la Mantinique.
r héros yolnire).
• ' LA RELIGION MANTINÉENNE. 2515
exploit de sa jeunesse '(l).C*était sur les bords du Jnrdanos^
autour de Phéia, pendant une bataille entre les Pyliens el. les
Arcadiens. Nestor avait tué le géant arcadien» Éreuthalion»
revêtu* de > l'armure id'Aréîthoos le Korynèle ou P Homme à' la
massue. Éreuthalion Tavait reçue de son maître, le roi Lycurgue,
qui' en avait dépouillé leKorynète après Tavoir tué en'combat
singulier. Le surnom ' de Korynète venait de ce qu'Areithoos se
servait^ au lieu'de lance, d'une' massue de fer. Lycurgue l'avait
percé de sa lance en^le surprenant dans un chemin étroit où le
Korynète n'avait pu déployer son arme. — Un aulre passage
de l'i/tadc (2),' noué apprend que le Korynète habitait Arné,
et nous savons par Pausanias qu'il était enterré près de Mau-
tinée. C'est donc là qu'on plaçait la rencontre.
Certains scholiastes ont, avec raison, identifié la pairie du
Korynète avec Arné de Béotie; pour expliquer son duel avec
un roi d'Arcadie, ils invoquent ce témoignage de Phérécyde (3) :
les Béotiens et les Arcadiens se disputaient au sujet de leurs
frontières;' Aréïthoos envahit l'Arcadie à la tête d'une troupe
et finit dans l'embuscade où l'attendait Lycurgue (4).
Dès qu'on se rappelle les attaches mythologiques de la Béolie
et de l'Arcadie, les difficultés cessent et le mythe devient
transparent. Aréïthoos le Korynète est elTeclivemeot venu de
béotie à Mantinée avec le Poséidon miuyen et la nymphe Arné.
Son caractère posidonien éclate. Son nom ressemble à celui du
cheval Areion, fils de Poséidon et de Déméter-Érinys à Thelpousa.
Son armure passe à Éreuthalion (5), fils d'Hippomédon ou de
Xanthippos, puis à Nestor, le cavalier de Gérénia. Aréïthoos
appartient donc à la lignée des héros issus de Poséidon
Hippios, tels que THippoménès d'Onchestos et d'Athènes
(1) Iliad., VII, 134-156. Cf. un ricil du combat de Nestor, d'après AriaiUios
de Tégée daos les Schol. YeneU Iliad. 8' 319. {Fr. hist. graec, IV. p. 318).
(2) Iliad., IV. 8.
(3) Pherccyd. ap. Schol. in Iliad., VII, 9 (fr. 87. Fr. hist. ffiaec., I, p. i)2).
(4) Wentzel soutient au contraire que TArné dési(;nce par Homère n'est
pas celle de BéoUe, mais celle de Mantinée {Jahrb. f. kl. Philol., 1891, p. 385).
— Cependant les termes d'Homère indiquent clnircmenl une ville, non une
source.
(5) Iliad., IV, 319. - VII, 134. - D'après le scholiaslc d'Apollonius de
lUiodes, Éreuthalion s'identHhTait avec Aréïthoos lui-même : la victime de
Lycurgue serait Éreuthnlion. Mais celle version résulte d'une conTusion entre
le combat de Nestor et celui de Lycurgue. (Schol. Apol. lUiod., I, lOi. —
Fr. hist. gr., IV, p. 3:I6.)
256 MANTINÉE KT l'aRCADIE ORIENTALE.
et l'Hippothoos téfçéate. Mais il n'est pas lui-même un héros cava-
lier. 11 personnifie Télément posidonien sous Taspecl silvèstre.
Son attribut favori, In massue noueuse (xo(>uvir))syniboliseici le bois
tout entier (1). De même que le cheval est un don et un symbole
de la puissance posidonienne, de même l'arbre, dont Teau ali-
mente la vie. Le Poséidon mantinéen, pasteur de chevaux, est
aussi un dieu silvestre(2). Son abaton s'abrite sous le mystère
des grands chênes ; leurs troncs ont fourni les matériaux de son
temple primitif à Agamédès et à Trophonios. Sous cette nappe
de verdure, dont la couleur et le bruissement donne Tillusion
(le la mer à ceux qui la contemplent des hauteurs, Poséidon
habite comme en son domaine familier : c'est sa mer à lui.
Ainsi, Aréîthoos le Korynète apparaît comme la personnifica*
tion locale du bois Pélagos, don de la terre humide. Il est le
congénère du Leimon tégéate, qui représente la Prairie fleurie.
Ce même concept, la végétation considérée comme un produit
de l'union de la terre et de l'eau, c'est-à-dire du couple Poséi-
don Hippios= Déméter, se manifeste en chacun d'eux sous un
aspect approprié à la nature locale
Dans l'adversaire du Korynète, atteudons-nous donc à retrouver
un personnage solaire. De fait, la parenté de tous les Lycurgues
légendaires avec les dieux de la lumière est depuis longtemps
proclamée (3). Le Lycurgue tégéate a de qui tenir : il s'afliiie
à Zeus Lykaios-Lycaon, dont il est une hypostase pour les
Êléens comme pour les Arcadiens (4), à Athéna Aléa par son
frère Aléos et par sa sœur Auge, prêtresse d'Aléa. Son duel
avec Aréîthoos a le même sens que la lutte de Sképhros et de
Leimon. Qu'est-ce que le Korynète serré par Lycurgue dans un
défilé où il ne peut déployer sa massue, sinon l'image épique
du bois Pélagos, de plus en plus réduit par le rapprochement
(1 ) Dans VIlickdet la massue du Korynète est en fer. Le choix de cette ma-
tière s'expliqtie par la Iransform-ition du folklore local en récit épique. Le
poète, en faisant du Korynète, dieu agreste, un héros de combat, devait lui
meltre entre les mains une arme de guerre à la (ois eflicace et noble. Le vul-
gaire bftton noueux, terminé par une masse de fer, devenait une arme rare
et originale. La m;issue d'Iiercule a conservé sa forme rustique, parce que
son origine silvestre nippelalt ses luttes avec les fauves des bois. ~ Cf. les
paysans Korynéphores de Sicyone(Théop. fr. 195; PoUux. IIL 83. — Et. Uyz.
s. V. Xfoç.
(t\ Cf. Poséidon cpurâXaioç, Dionysos AevopiTTiç (Plut Symp. 5).
(3) Voy. liosclier. ihjth. Lexic. Arlicle Lykurgos.
(4) WilamowilzMœllendorf. Uom, Untersuch., p. 285. C'est par l'intermé-
diaire de Tcgée que le mythe du duel avec Aréîthoos a passé en Triphylie.
LA RELIGION MANTINÉENNE. 257
des terres arides et des promontoires rocheux ? La lance du
héros tégéate joue, à son égard, le même rôle que les flèches
d'Arlérais sur Leimon ; c'est le rayon solaire vainqueur de
l'élément humide.
Aréithoos est un héros béotien d*Arné, localisé à Mantinée,
près de la source du môme nom. Son adversaire est de race
apheidaute, c'est-à-dire Achéen. Leur duel symbolise-t-il l'anta-
gonisme de deux races? La phrase de Phérécyde autoriserait
cette hypothèse, dont nous avons signalé déjà la vraisem-
blance (1). On aurait tort, en efiet, de dénier à la mythologie
toute valeur historique. Les dieux, en tant que concepts natura-
listes, sont nés sur un sol et dans un milieu déterminés; ils ont
une patrie et une nationalité. Leurs voyages décèlent souvent
des migrations réelles. De plus, la préhistoire tend à se trans-
poser en langage mythologique. Les peuples primitifs identifient
les choses humaines à celles de la nature; riinagination popu-
laire simplifle son travail en confondant Thistoire des hommes
avec celle des éléments; elle applique aux conflits humains
l'explication qu'elle a trouvée pour les conflits naturels. Les
personnifications des forces cosmiques s'adaptent ainsi au rôle
d'acteurs dans le drame humain; elles ûnissciit par incarner les
passions et les intérêts des sociétés. Les héros de la nature,
métamorphosés en chefs d'États, deviennent alors des person-
nalités pseudo-historiques. C'est pourquoi certains mythes com-
portent deux explications également valables, l'une naturaliste,
l'autre humaine et quasi-historique.
Le duel d'Aréïthoos et de Lycurgue, originairement symbole
d'une antinomie naturelle, celle de l'élément posidonieu et de
l'élément solaire, a fini, sous la forme guerrière où 1 épopée
l'avait fixé, par symboliser l'éternel conflit entre Mantinée et
Tégée sur la question des eaux. Aréithoos est le champion
de Mantinée, Lycurgue celui de Tégée : la victoire du Tégéate
est un dénouement conforme aux conditions naturelles, qui
assurent l'avantage à Tégée.
Un autre exemple d'une semblable adaptation se retrouve Légende du
sacrilègo
d'^^pytos II.
(1) Voy. p. 218. Les sclioliasles expliquent dans les mûmes termes le duel
Nestor-bircuthalion. Un conflit cnlrc les Arcadiens et les l^viiens, au VIII* ou
au VU* 8. (Stiab. VllI, 3, l!2!), sur une question de fronliùres, est plus vraisem-
blable qu'entre ivs Uéuliens et it'S Arcadiens^ même en leiuint compte de i'Iuter-
pi'élution donnée p. 21b. Le scboliusle, en citant IMiércc^de, a pu attribuer len
causes du combat entre Nestor et Kreuthalion au duel Aréithoos- Lycurgue.
Mantinée. - 18.
258
MANTINEE ET L AHGADIE ORIENTALE.
dans la légende d'^Epytos II violant Tabaton de Poséidon
Hippios. iEpytos II personoifieà la fois un élément naturaliste et
une race : il est la montagne escarpée, opo<; aliru, c'est-à-dire le
Cyllène où repose son ancêtre (1). Son nom le présente donc
comme un équivalent de Sképhros, comme l'élément hostile à
l'eau; le tombeau de son ancêtre, comme un représentant des
/Epytides du Cyllène, lesquels s'installèrent à Tégéeoù l'ancêtre
yEpytos avait sa statue sur l'Agora (2). Son père, Hippothoos,
avait régné à Tégée, mais il dut transférer sa capitale à Trapé-
zous, juste au moment où l'Argien Oreste occupait TArcadie (3).
Que son successeur ait tenté de reprendre une partie du domaine
perdu en attaquant Mantinée, qu'il ait échoué devant les secours
venus d'Argos, rien de plus plausible. La traduction mytholo-
gique de ces faits s'est inspirée du mythe de la lutte entre Télé-
ment solaire et l'élément posidonien ; iEpytos est une réminis-
cence de Sképhros et de Lycurgue. En regard du thème his-
torique, on peut placer la transposition mythique :
Histoire
1° Les maîtres du Cyllène occu-
pent Tégée.
2'» Ils refluent sur TArcadie occi-
dentale
3** devant une invasion argienne.
4' Ils tentent un retour oITensif
sur Mantinée.
5' Ils échouent
6° devant des renforts venus
d'Argos.
Mythologie
1* Statue d'iEpytos- Hermès à
Tégée.
2» Hippothoos, roi de Tégée, émi-
gré à Trapézous.
3® Oreste conquiert l'Arcadie.
4» vËpytosII [V Escarpé j réminis-
cence de Sképhros] viole Ta-
baton de Poséidon Hippios
[réminiscence du stratagème
de Lycurgue contre Arei-
tboos] (4).
5» -^pytos II est aveiiglèy [donc,
il personnifiait, comme Ské-
phros-Apollon, l'élément so-
laire; 11 esta la fois VEscaiyé
et le LumineuXy c'est-à-dire
Sképhros et Lycurgue. Mais
le dieu ehlhbnien l'emporte
sur lui] *' ' ' ''.,',
6^ par un jet d'eau salée [voy.
. p. 237]. . . . . .: . ... -
(!) liiad,, H, 003.
(2) Pflusan., VIII, 47, 3. ''[ ' ;'
(3) Pausan., VIII. 5, 4. —Voy! p. 217-218. . , ,. ^[. '][
(4) Lycurguf, dans la généalogie arcadiennc, csl plus ancien qu'iEpytos 11.
Lk RËUGION MÂNTINKENNE. 259
Cette fois, la lutte des deux principes se termine par la défaite
de rélément solaire. Poséidon Hippios, c*est à-dire Mantinée,
par la punition d'iËpytos II, a pris sa revanche du meurtre
d'Arélthoos, c'est-à-dire a triomphé de Téjçée.
Les Arcadiens célébraient, en souvenir du combat de Lycur- u fête des
gue et d'Aréïthoos, une fête appelée (i.(oXe(a, de [xioXoç, combat (1). (xcoXeia.
Il est probable que cette fête se célébrait à Mantinée, aux
environs du tombeau d'Aréllhoos. Celui-ci, à Torlgine héros
posidooieu» s'était métamorphosé en héros guerrier : son nom
semblait contenir celui d'Ares; sa massue de dieu silvestre était
devenue une arme oflensive. L'épopée avait achevé sa trans-
formation en fixant à jamais sa légende sous la forme d'un récit
de bataille. Les termes même de Vlliadct où l'expression (xcoXoç
"'ApTjoç parait dans ce récit (2), ont pu contribuer à préciser le
caractère de la fête et à lui donner une allure toute militaire (3).
Peut-être même le souvenir de quelque combat réel, livré à
cet endroit entre les Tégéates et les Mantinéens, est-il aussi
intervenu dans le même sens. Mais, à Torigine, il ne s'agissait
que d'une fête rurale, symbolisant la dispute des éléments
naturels et le travail pénible ({jlwXoç) imposé à Thomme pour
gagner à la culture un sol ingrat. Elle étnit localisée en un
point où la plaine est rétrécie et comme étranglée par les
montagnes. En ce sens, plusieurs cantons arcadiens pouvaient
célébrer cette fête, car il n'y avait pas de plaine fermée où Ton
ne put dire :
C'est ici le combat du Sec et de ïlluviide (4).
(1) Schol. Ap. Rhod. I, 1G4 : aysTai MoiXcia 60pTY| TTxçà 'A&xiTiv, eTteiSir)
Auxoupyoç Xov'^caç . xaxà p.a/7|v eiXev 'liîpEuOaXuova (lisez 'ApTjiOoov)*
fJLùjXoç Se y\ [t-OL/'fi.
(2) Iliad.f vil, 140. Lycnrgue dépouille Aréïllioos, donl il porle ensuite
Tarmure dans les combils.
,,, , Ttô'/ta, S'Içevapi^E, xa ol Tcopc /dcXxeoç "ApY|Ç,
,.,' xal.xà [JL6V aÙToç eTceiTa ^(Jpei p-exà itioXov "ApY|Oç.
(3) lOn pourrait m Uacher à ceUe (6lc led IradiUons relntives à la danse
armée, dont il sera question plus loin. Gruppe (^'/7cr7/. myihol. I, p. \\^)
soutient que cette danse, inventée par Saon, faisait partie du culte manllnéen
de' Poséidon Àlésios (?), parce que les Saiiens dansaient en Thonncur d'Alésos,
fils de Poséidon (Interp. Serv. Virg. jEn, VIII, 285). Voy. plus loin, p. 2GÎ>.
(4) Le texte vrai du vers de V. Hugo :
C'est ici le combat du Jour et de la Nuit,
traduirait avec non moins de vérité le sens de ces mythes, car le caractère
clithonien ne se sépare pas de l'élément posidonien. Sur les légendes héollenne
et laconienneoù Lycurgue lutte avec le dieu chthonien, voy. VVide. Lak. KuUc,
p!'283-284. . '• •• » '• •'■•" " ' •
260 MANTINÉE ET l'aRGADIE ORIENTALE.
Li» vtukua Au cycle de PoseîdoD se rattachent aussi les Péliades. On
ctiorociepriiniiir rencontrait leurs tombeaux à cinq stades à l'est du Poseidioo,
du Péiagof. en plein bois Pélagos. Les filles de Pélias s'étaient laissé abuser
par Médée. La magicienne, après avoir fait cuire sous leurs
yeux un bélier et l'avoir retiré de la chaudière vivant et rede-
venu agoeau, leur persuada d'appliquer à leur vieux père le
même traitement. Pélias, découpé et cuit, non seulement ne
recouvra pas la jeunesse, mais sortit du chaudron dans un
tel état qu'il ne put être enseveli. Ce forfait involontaire obligea
ses filles à quitter lolcos; el^es se réfugièrent à Mantiuée (1).
Leur venue dans ce pays s'explique par la diffusion de la
légende des Argonautes et sa localisatioo à Argos. On ne peut
qu'y voir un nouveau larcin de Poséidon Hippios à son con-
frère pélagien : après lui avoir emprunté son flot salé, son
' Pélagos, son Halirrhotliios, il lui prenait, avec les Péliades, un
fragment de sa légende la plus populaire, celle des Argonautes.
Les filles de Pélias étaient, par leur père, petites-filles de Poséi-
don. C'est par la route d'Argos qu'elles ont trouvé asile auprès
de leur divin aïeul.
D'autre part, les liens mythologiques entre les Minyens et
les Argonautes sont si étroits que Pindare désigne les Argo-
nautes par l'expression Mivuai 'ApY0'«"f«i(2). La fable, originaire
du bassin du Copaïs, colportée à lolcos par les navigateurs de
Chalcis, y a produit une combinaison du Poséidon minyen avec
le Poseidon-Pélias de la Magnésie thessalienne. Elle revint à
Argos sous cette forme composite. Originaires d'iolcos, les
Péliades, grâce aux relations du Poséidon argien avec celui de
la Haute Plaine, se sont affiliées au dieu minyen de Mantinée,
fusion qui n'est qu'une réplique inverse de la combinaison
thessalo-minyenne opérée à lolcos. On y reconnaît les mêmes
éléments, originaires de Béotie. A Arné et dans le cycle minyen
d'Athamas et de Phrixos, le bélier est un animal posidonieu; il
reparaît à lolcos pour se substituer à Poseidon-Pélias, et aussi
dans la légende mautinéeuue de la source Arné. Ces analogies
nous expliquent comment les Péliades ont pu trouver auprès
de Poséidon Hippios un accueil hospitalier. Mais pourquoi
ont-elles subi l'attraction de Mantinée? Ne le demandons plus
à la légende.
(1) Pausan., VIII, 11, 2. — Voy. plus hnul, p. 108-109.
(2) Pyth, IV, 69 et Scliol. — Schol. Pind. Islhm. I, 79. — ApoL Rbod. I, 229.
LA RELIGION MANTINKBNNR. 261
Les poètes tragiques ont poussé au noir le personnage de
Médée. Mais, si on le compare à Circé, il devient sympa-
thique. La science de Médée apporte aux humains des soulage-
ments ; elle leur procure Tamour, la santé, la jeunesse, In
richesse; elle connaît les philtres bienfaisants, les herbes
salutaires, les sortilèges contre les piqûres, les coups, le feu;
elle munit les héros de talismans vainqueurs des monstres,
de secrets pour découvrir les trésors. Circé n*use de ses charmes
troublants que pour abêtir l'humanité. Aussi Médée est-elle la
patronne des magiciennes dont l'humanité, inquiète ou souf-
frante, implore les pouvoirs surnaturels. On l invoque dans
les villes où les hétaïres joignent à la pratique de Tamour
celles des incantations et le don de seconde vue. Corinthe et
Athènes lui ont fait une place dans leurs cultes. Les Péliadcs,
disciples maladroites, mais bien intentionnées de la grande
magicienne, pouvaient donc prétendre aux hommages d'une
cité où les prophétesses étaient en honneur. En Arcadie, la
sorcellerie ne parait pas s'être nettement séparée de l'art de
guérir et du don de lire l'avenir. Les voyantes de ce pays
savaient prophétiser, jeter ou conjurer des sorts, et môme
philosopher. Pan et Érato, femme d'Arcas, avaient été les
premiers prophètes de TArcadie (1).
Or, Mantinée possédait une école divinatoire renommée; elle
remontait sans doute à une lointaine époque, au temps des
Pélasges. Hérodote, toujours égyptomane quand il recherche
les origines de la civilisation grecque, raconte que les filles de
Danaos avaient initié les femmes des Pélasges arcadicns aux
mystères- de la Déméter égyptienne et que ces femmes en
gardèrent le secret (2). La femme a toujours été reconnue par
les peuples primitifs comme l'instrument par excellence de la
révélation. Son inspiration reflète la pensée divine; elle com-
munique par intuition avec le monde des esprits et des dieux ;
elle est même capable d'influer sur les puissances supérieures
pour changer l'ordre des choses. Mantinée paraît avoir recueilli
à cet égard le legs des traditions pélasgiques. La plupart de ses
héroïnes possèdent le don fatidique. Mantinée, elle-même,
signifie : la Devineresse (MavrfvEia = Mavxi-vooç); sa fondatrice
s'appelle V Intuitive (Aùtovot)) ; elle honore une fille d'Arcas sous
(1) Pausan., VUI. 37, 9.
(2) Hérod. II, 171. - Cf. Pausan. VIII. 37, G. — Dcniclei- Pélasgis à Argos.
(Pausan. II. 22, 2.)
262 MANTINÉE ET l'ARCADIE ORIENTALE.
le nom de la Pensée de Zem (Aïo^jisvEta). Les oracles jouent, dans
son histoire, un rôle important; le dieu-oracle Trophonios a
construit son Poseidion; c'est chez elle qu'Ulysse réalise la
prédiction de Tirésias. Elle possède un yp-rjcyT-qpio/ dont la clair-
voyance est invoquée par la justice humaine (1) ; deux monu-
ments figurés, trouvés dans ses ruines, représentent Tun une
devineresse, l'autre une scène d'ornithomancie (2).
Nous étudierons plus loin cette école divinatoire de Mantînée.
il suflît ici d'en sii^naler l'existence en parlant des Péliadés, car
c*est elle qui a déterminé leur présence dans le bois Pélagos. Il
serait bien tentant d'invoquer à ce propos les fameuses Péléiades
(TceXeiàBeç) de Dodone, ces trois vieilles qui interprétaient le vol
ou le cri des colombes (iziXtioLi) posées sur les chênes sacrés (3),
ou simplement le murmure des arbres (4). Le bois Pélagos était
aussi un bois de chênes (BpufjLoç), symbolisé par le gland des
monnaies mantinéennes (5). Dans le culte pélasgique, la forêt
de chênes est la demeure mystérieuse de la divinité. A Dodone,
Zeus itfiXacTYixôç hante les arbres séculaires; en Arcadie, le sou-
venir de l'ancêtre Pélasgos se lie à la découverte du gland
doux (6). Les rites de Dodone pouvaient également avoir cours
en Arcadie, terre aussi pélasgique que la Thesprotie. Les Selloi
et les Péléiades percevaient, dans le murmure des chênes agités
par le souflle aérien, le Verbe fatidique de Zeus ; les Mantinéens
reconnaissaient de même la grande voix de Poséidon dans le
mugissement du Pélagos (7). Poséidon Hippios est, chez eux, le
dieu souverain. Pourquoi le Pélagos n'aurait il pas eii aussi ses
Péléiades, chargées de recueillir la pensée de Poséidon ? L'hy-
pothèse d'un ancien oracle attaché au culte de Poséidon Hippios
n'a rien d'invraisemblable. Le Zeus dodohéen parait avoir
(1) Voy. la grande inscripUon arcliaïqoe à TAppendice. '* ■ < • . '
(2) La Femme au foie el le vase reproduit par la flg. 6, p. 24. <
(3) Pausan. VII, 21, 2. — X. 12, 10. — Hérod. II. 5i-57» — Strab. VII, fr.
1-2. '- llesycb. s. v. TcéXecai. — Sur les Péléiades, voy.' Bouché- Leclercq .
Hist. de la divination, H, p. 280 et suiv. • ' • '
(4) Les Péléiades remplacèrent les Selloi. (Slrab, Vil, 7, 12.)= '•
(5) Le fruit du ^Yiyoç {fagnsj est aussi représenté sur des couronnes en
bronze de Dodone. (Carapanos. Dodone, p. 220.) .' * ''
(6) Sur le ^Innd comme (ruitodert aux dieux en Arcadie, voy. Schol. /H^scliy).,-
ProméiK, 450. ,.
(7) Cf. le héros mnntinéen Ilalirrhotbios, celui qui gronde comme la tiier,
hyposlase de Poséidon Hippios. [Schol. Pind. 0<., XI (10), 83]. . , . . ,, ,,
LA RELIGION MANTINRENNE. 263
supplanté tous les anciens (xavTcïa pélasgiques. Déchu et absorbé
comme celui de Scotoussa (1 , le (j.avT£(ov manlinéen se serait
survécu à lui-même sous la forme anonyme d'une école de
magiciennes et de prophétesses. Aux Péléiades oubliées se
seraient alors substituées» dans Tesprit populaire, à la place
même où celles-ci avaient donné leurs consultations, les Pé-
liades, héroïnes de la magie, montées de la côte argienne avec
la légende des Argonautes (2). Le rituel, la méthode et le
sacerdoce de l'antique institut une lois disparus, les magi-
ciennes et les devineresses, dont Diotime est le type idéal,
recueillirent l'héritage du génie fatidique de Mantinée, la
Prophétiqiie.
Le district mythologique que nous venons d'explorer se R»^»"'"*.
dislingue par l'unité de conception et par la cohésion remar-
quable de toutes ses parties. C'est le noyau religieux de la
Mantinique. On n'y rencontre aucun élément disparate, aucun
détail parasite : tout gravite autour de Poséidon Mippios et
relève de l'idée maîtresse qu'il personnifie. Les expressions
variées de cette conception dominante s'adaptent étroitement
aux multiples aspects de la nature locale. L'eau est ici le
principe souverain et créateur. Son union avec la terre engendre
jj vie des plantes et des animaux. Là où cesse le pouvoir fécon-
dant de l'eau, commence le domaine de la sécheresse impro-
ductive. Par suite, le troisième élément, le soleil, qui détient
ailleurs la souveraineté, se réfugie dans 1 opposition. Ce rôle
ingrat lui vient de son impuissance à assurer la salubrité du
canton. Incapable de lutter avec succès contre Poséidon et de
rendre l'Argon Pédion à la fertilité, il ne règne en maître
(i) Sirab. VII. 7, 12. Frag. 2. — IX, 5, 20.
(2) L'élymologle la plus accréditée dérivait le nom des Péléiades dodo-
néehnes de ireXeiai, colombes. Ces oiseaux divins venus d't^gyptc, au dire
d'IIérodole (II, 5i-57) faisaient partie de la légende de Dioné, déesse parèdrc
de Zeus, ii la loisGiua et Aplirodite. Ce caractère inixlc s'accorderait très bien
avec In nature amphibie de la Déméter arcadienne, panMire de Poséidon Ilippius.
Suivant Strabon (VII, fr. 3), le nom des Péléiades venait de TréXiai et TrsXiot,
qui signifiait dans les diiilecteslhesprute et molosse les viritles et les vieillards.
(Cf. le macédonien TieXiyovEç, les anciens, les Pelifpii de l'Apennin, le mot
7reXia( où 7CoXiâ{ dans le sens de cheveux blancs ù Cos, et i-nfin le grec commun
itaXai^ç. — Scliol. Sopb. Trach. 172.— Hesych. s. v. -ÉXsiai. — Scrv. l!:clog.
IX, J3). Cette élymolpgle peut s'ada;)ter au nom et à la fable des héritières
supposées des Péléiades niantiiiéennes, les Péliades ou lilles du veci//ar(/ Péiias.
264 MANTINKR RT l'ARCADIE ORIENTALE.
incontesté que sur les roches arides. Si Poséidon se déchatne,
c'est à Démêler d'y pourvoir : c'est aux issues souterraines
qu'il faut s'en prendre. Le soleil n'est alors d'aucun secours.
Au contraire, son intervention aggraverait le mal : l'action
solaire sur la terre détrempée produit le miasme et répand la
mort. Or, la mythologie aime à exalter les forts: Poséidon
relègue au second plan Zeus et Apollon, parce qu'il est tout
puissant, et que sa loute-puissance s'impose à l'adoration par
ses effets terribles et surtout bienfaisants. Poséidon Hippios
reçoit les hommages dus au dieu père et nourricier.
Pausanias semble avoir soupçonné le sens caché de ces
mythes. Après avoir relaté la supercherie de Rhéa, la substi-
tution du poulain à Poséidon et l'élevage du dieu parmi les
agneaux, il ajoute (1) :
« En commençant à recueillir les fables des Grecs, j'étais surtout
frappé de leur niaiserie; mais, arrivé à celles des Arcadiens, je pres-
sentis qu1l y avait autre chose : ceux des Grecs qu'on honorait du
nom de sages enveloppaient leurs discours sous des énigmes et ne les
énonçaient jamais ouvertement. J'ai donc supposé que la légende de
Kronos recèle quelque idée philosophique, et nous devons en penser
autant de tout ce qu'on débite sur les dieux. »
Voilà qui est parlé d'or ! Mais, heureusement pour nous, le
Périégète, après cette sage affirmation de ses principes rationa-
listes, a encore eu le bon sens de ne pas insister.
2® Région de l'Alésion-Mélangéia,
Le trait d'union mythologique entre ce district et le précédent
est fourni par la Déméter de l'Alésion (2). Le nom de cette mon-
tagne était rattaché au cycle de Poséidon Hippios et Déméter-Gè
de Nestané par le mythe de l'àXir) de Rhéa, évidemment em-
prunté à la légende de Déméter. Mais cette étymologie n'a que
la valeur d'un jeu de mots, mis au service d'une combinaison
toute artificielle. Alésion dérive d aXéa et signifie le mont du
refuge ou de Vasile (3). Il existait sans doute sur l'Alésion,
(1) Pausan., VIII, 8, 2.
(2) Sur son aXao;, voy. p. 102. — Sur le myUie de VoLk'f\ de Rhéa, p. Î36.
(3) C'est dans le sens de reluge ou d*abri que doit être inlerprôlô le nom de
quelques IocjIUcs situées sur des hauteurs, leUes que TAlésion ou Aleision
d'Éllde, acropole des Épéens [Iliad. II, GI7. — XI, 757), r'AX«i<nov ouSaç
LA RELIGION MANTINKENNE. àhl)
autour du bois sacré de Démêler, un ancien asile, reconnu
comme terrain neutre par les cinq dèmes de la Mantinique,
avant le synœcisme. Plus tard, cet asile fui supplanté par le
sanctuaire urbain d'Alhéna Aléa. La présence de Démêler sur
cette colline du refuge nous la fait entrevoir ici sous l'aspect
primitif de Thémis : elle est la gardienne du droit sacré; les
meurtriers qui Tout oflensé sont obligés de Tapaiser pour
obtenir leur réintégration dans la cité. Par là aussi elle s'iden-
tifie aux Ërinyes (1).
Le premier culte qu'on rencontre ensuite sur TAlésion est
celui de Dionysos et d'Aphrodite Mélainis (2). Ils demeurent
au pied de la colline, près de la source des Mclinstes, à quelque
distance du bourg de Mélangéia. Ce couple est en liaison étroite
avec Poséidon Hippios et Démêler. Pour en comprendre le vrai
caractère, ainsi que ses rapports avec les puissances telluriques,
il faut bannir de son esprit les idées qu'éveillent d'ordinaire le
nom du joyeux éphèbe, fils de Zeus et de Sémélé, et celui de
l'aimable Aphrodite. En général, le vieil Olympe arcadien
manque de gaité; les divinités les plus riantes du panthéon
hellénique s'assombrissent au contact des anciens dieux indi-
gènes et leur empruntent un certain air funèbre. La religion arca-
de Béolle (Paus. IX, 14, 3), et peut-être TAlésia du Mont Auxois. Ailleurs, ce
nom dérive d'àXéo), moudre, par allusion aux pierres meulières qu'on lirait
de la montagne : tel est le cas pour 'AXedfai, au pied du Taygcle ; on y loca-
lisait la légende de Mylës, inventeur de la meule (Pausan. Ul, ^, 2). I^ Com-
mission de Morée y a constaté l'existence d'anciennes carrières d'un grès
rugueux très apte à fournir des meules (Puillon-Boblayc. Hech, géogr,, p. 83).
Cette étymologie ne pourrait guère s'appliquer à TAiésion mantinécn, dont le
calcaire dense et liese est tout à (ait impropre à la meunerie. Citons enfin
l'Alésion-Pédion d'Épire, qu'il faut probablement écrire Ilalcsion ; son nom lui
venait de ses blocs de sel gemme, c'est-à-dire de aXç. (Et. Byz. s. v.). Cf. la
ville, de llalaisa et ïllalesns, Nepluni fllius honoré par 1rs Salicns (Serv. in
Virg. j£n. VIII, 285), Apollon Ilalasiotès, à Chypre (Der. Berl. Àcad. d. Wias.,
1887, p. 122). Gruppe {Griech. My th. f I, p. 19t)) veut établir un lien entre ces
deux derniers personnages et TAlésion mantincen, par l'intermédiaire d'un pré-
tendu Poséidon Aléslos. Ces rapprochements ne me semblent pas justifiés : la
liaison des Saliens avec le soi-disant Halesus s'est faite par un calembour sur
le radical Sal : (salire, daXeùu), (ràXoç, rapprochés i\ tort de aXç.)
(1) La déesse chlhonienne s'idcnlifie avec Thémis dans le culte delphique de
Gé-Thémis, et à Thelpousa dans celui de Démêler Érinys ou Lousia {l'expia-
irice), dont la statue passait pour une image de Thémis (Pausan. VUl, 25, 4).
(2) Pausan., VIII, 6, 2. — Voy. la description des sanctuaires, p. 86 et suiv.
266 MANTiNÉR ET L*AUGADIE ORIENTALE.
dienne, d'origine essentiellement rurale et agreste, a gardé de
son intimité avec Tâpre nature du pays et des habitants une
gravité farouche, dont les cultes urbains des provinces plus
civilisées se sont plus tôt départis. Le Dionysos et TAphrodite
de Mélangéia confirment cette remarque.
Dionysos. Cc qui prédominc dans le Dionysos arcadien, c'est le caractère
chthonien. 11 est le dieu de l'ombre et de la nuit. A Aléa, les
Dionysiaques sont les fêtes de l'ombre (dxUpeia) ; à Phigalie, le
pain qui a servi aux banquets dionysiaques sert d'amulette
contre les génies nocturnes (2). A Mégare (3), Dionysos est
invoqué sous l'épithète de NuxTsXtoç; son temple est voisin de
l'oracle de la nuit (vuxtoç (tavTeïov). A Mégalopolis enfin, le Zeus
adoré sous le nom de Philios, épithète euphémique comme
Eubouleus, n'est autre qu'un Uadcs. Or, à lire la description
(le Pausanias (4), ou le [^rendrait pour un Dionysos (Aiovudo»
i|i<pEp6ç). 11 porte les cotliurnes, le gobelet, le thyrse, la couronne
de laurier (5). Dans cet exemple ressort l'identité du Dionysos
arcadien avec le Zeus infernal (6). Par là môme, il se rap-
proclie de Poséidon, le dieu des eaux souterraines. A Mélan-
géia, comme à Mégalopolis, il habite près d'une source (7), et
son sanctuaire est un {jiéyapov (8). On trouve d'autres indices
de son véritable (^jiractère dans l'étymologie de Mélangéia, les
Tenrs noires, c'est-à-dire ombreuses, et dans le nom de ses
l)rélres, les Méliaslcs, qui peut être dérivé de (xeXia,' frêne.
(1) Pans. VIII, 23, I. '
(2) Athôn. IV, p. 148. . • ; . •
(3) Paus. I, 40, U.
(4) VIU, 31, 4. ...
(5) Mionnct, II, 249, n" 37-42-44. SuppL IV, 281, n* Îi5. Cf. le Dionysos dos
monnaies de Cyrônc, dont le sceptre aôtophoro est entouré d'un rameau de
vigne. Mûilor. Numism. de VAfriq. anc. 1, p. 67.
(0) Les Arcadiens n'iionorent point Uadès, qui n'a chez eux ni temple ni
li^gondc. (Bôrurd. Orig. des cuites arcad., p. 2:J4.) < » .( " »/
(7) Paus. VIII, 32, 3. — Viil, G, ii. . .. / . .
(8) Ce mot désigne on principe le temple-caverne des . divinités xhtlio-
nionncs. Mais la voiUe ombreuse des arbres valait, une j^rottc. L'abaton tie
Poséidon lllpplos devait ôlre en forent : Agaméd^s et trophonlos t'avalent
construit avec les ch/înes du P(^lagos. De m<^me i\ T<^g6o, le temple de DiSmétcr
était soud lcS'chén««s (Paus. VIH, fi, 44). I^s sources de Triplchl sont' encore
bordées de grands arbres. Il n'y a pas do grottes aux environs^ mais on peut
admettre qu'il existait jadis au pied de l'Alésion un éixiis bosquet de. frênes
(uLÉAiai). — Or, le frêne était l'arbre Jminicide d'où l'on Uralt les hampes des
lances (lléslod. Théôg. 170 sq. — Uoucl. U'Herc. 42Ô. .— lliad. XVI,' 143). —
Lc;s MeXiai Nùp.<pai, nymphes des frênes, étaient des divinités meurtrières
(voy. Uoscheri i/i/(/i.' /^cxtc. Melih,' 9). * = ' ■ • -' '• .!■ ••: u»- <
LA RELIGION MANTINÉENNE.
267
Dionysos de Mélangéia est donc bien le dieu de Tombre, le
NuxTeXioç de Mégare, le SxiavOfaç, le Kpù'i/ioç (l), le MEXavOîSTjç ou
McXdtvaiYtç d'Hennione et de TAltique (2). (^esl un dieu teliu-
rique envisagé dans ses rapports avec la végétation touffue
qui produit Tombre, et. par là un équivalent du Dionysos
sylvestre (AcvBpîTTiç) (3) : on retrouve en lui la conception sym-
bolisée par le Poséidon du Pélagos et par Aréïthoosle Korynète.
Le culte de Dionysos était orgiasiique. Un collège de prêtres,
les Méliastes, faisait, comme h Phigalie, oflice de Bacchants (4),
tandis qu*ù Delphes, à Élis, en Attique, ce rôle était dévolu aux
femmes (Thyiades). Alhénée nous a décrit, d'après Harniodios,
le caractère gastronomique des orgies dionysiaques de Phi-
galie (5). Le banquet sacré s'appelait p.iÇo)v ; les chœurs s'y
régalaient de fromage, de viande* do vin cl d'une galette appelée
(xaÇa, le tout fourni par la ville et par le cJiorègc. Ces agapes
étaient le triom[)he de le polyphagia ou goinfrerie arcadicnne.
Elles se terminaient par un péan. Polybe a trouvé plus noble
de faire valoir le caractère artistique des Dionysies arcadiennes.
Avec lui, on passe à un ordre d'idées moins matériel. Ce ne sont
;plus qu'hymnes, danses, concerts et spectacles harmonieux (6).
La réputation musicale des Mantinéeus nous induit à penser
qu'ils cherchaient plus dans ces solennités à satisfaire les oreilles
et les yeux que l'estomac. Mais, à vrai dire, nous ne savons rien
des mystères célébrés par les Méliastes auprès de leur source
sacrée (7).
Au sombre Dionysos de Mélangéia s'adjoint comme déesse
parèdre une Aphrodite qui rappelle plulôt la Irisle Érinys de
Thelpousa et de Phigalie que la mère d'Kios. 1511e est sur-
nommée la Noire (MEXaivîç). Le commentaire erotique de cette
,., (l) Gori, Inscr. aiUiq., I, ;j. — Orph. Uijni. 30, :J, ;j2, :». — Immorwahr,
KuUe Arkad,, ^. \m.
(2) Schol. Aristoph. Àchani, UG. — Conon, ynrr., XV.
"(3) Plut. Sympos,, 5. -- Ci. Dionysos "AvOioç (Pjius. I, 31,. 2). ,
(4) Voy. p. 72, fifç. S, le satyre ithyphalliquo à l'outn^ troiivô dans l.^soiirqe
jiles, Méliastes. ~ Sllènç épouse Mélia {Rosclier.« Mijlh. Lee. s. v.).
.„.(;)).Allion, IV, 148 F. - Sur lo cri (pitia MeXiat, voy. Poli. IX, 127. - ' •
•'• (0) Polyb. IV; 20, 8. Voy. plus bas. '' , ' '
''(7) Lé Dionysos dr.» Mi^.liaslos no fifçuro pns dans la numisinatwine inan-
' Il néon ne. . Le personnage décrit, par Mionnrl (Siippl. IV, 27î), .n" (J) coiiiine
«,BaccliusMôliaslQ, debout, la Jl^Xq couverte, du pileus, vùtu d'un liabit court
et armé de deux lances », n'est autre qu'Ulysse sa rame à la main. !
268 MANTINÉE ET l'arGADIE ORIENTALE.
épilhcte, recueilli par Pausanias (1), ne saurait être pris au
sérieux : « la seule raison en est, dit-il, que les unions
sexuelles entre liommes et femmes n'ont pas lieu le jour comme
celles des animaux, mais principalement la nuit ». Le rappro-
chement de ce qualificatif avec le nom de Mélangéia, avec les
Méliastes de Dionysos et la Mélaina phigalienne nous met sur
la voie d'une interprétation plus exacte, sinon plus aimable.
Le Dionysos Nyctélios de Mégare est conjugué avec Aphrodite
Episirophia. Éi)islrophia, c'est-à-dire Celle qui revient, est une
altération euphémique d" A7ro<rT()0(p(a , celle qui s'en va (2).
Or, Aphrodite Apostrophia succède directement, à Thcbes, à
Érinys Tilphossa (3) et l'on sait par Pausanias la place que
tient dans la légende de Déméter Érinys à Phigalie, comme
dans celle de sa réplique phénéate, Déméter Ëleusinia, l'épisode
du départ de la déesse, disparue dans son antre (4). Ainsi
AphroditeMélainis, par l'intermédiaired'Apostrophia, se ramène
à Déméter Erinys. Les preuves subsidiaires de cette identité
d'Aphrodite avec la déesse infernale ne manquent pas : c'est à
Delphes, Aphrodite Épitymbia (5) ; à Migonion, l'alliance
d'Aphrodite Migonilis avec Praxidiké-Némésis (6) ; à Naupacte,
l'Aphrodite à la caverne (7). A Thespies, Aphrodite Mélainis
est figurée sur les monnaies avec le croissant lunaire (8); à
Corinthe, elle est adorée avec Bellérophon dans un bois de
cyprès qui abrite aussi le tombeau de Laîs (9). Ce dernier
exemple prouve à l'évidence le caractère funéraire de la déesse
et réduit à néant Texégèse de Pausanias (10).
Ainsi, de même que Dionysos de Mélangéia se rapproche de
Poséidon Hippios, de môme sa compagne Aphrodite Mélainis
(1) VIII, 0, 5.
(2) ïûmpcl. Ares v. Aphrodite (IV. Jahrh. f. Kl. Philol. Suppl. Band. XI,
p. GOÎ)). — 0. Mûllor, Eunirn, p. 108 et sulv.
(3) Tflmprl, ib.
(4) Fausan. VHI, 42, 1,4. — Conon. Narr. XV.
(5) Vlui.^Qnœst. mm. '2.3.
(«} Paus. III, 22, I, 2.
(7) X, 38, 12.
(8) Pausan. IX, 2, :>. — Iloari. Bist. rrum., p. 300.
(9)11,2,4.
(10) Et aussi colhî d'Alln';nOo(XIII, p. ^SS**), Inspirée du raftmo esprit. D'après
lui, Mélainis apparaissait la nuit à la courtisane pour lui annoncer la venue
do riclics amants. Ce sont là des gloses poétiques inspirées par une littéra-
ture spéciale: cela fait songer à la Ballade à la lune, d'Alfred de Musset.
LA RELIGION AIANTINKENNE.
269
semble un doublet de Déméter Érinys. Leur liaison avec le
couple de Nestané et avec la Déméter (Thémis) de TAIésion
n'est donc pas une simple aflaire de voisinage ; elle procède
de réelles affinités de nature.
Or, cette triade mantinéenne n'est pas unique en son genre. origine
On en retrouve ailleurs des équivalents. C'est encore en Béolie *^* ^ groupe.
qu'il faut chercher le prototype de cette combinaison. L'asso-
ciation cultuelle de Dionysos, d'Aphrodite et de Thémis se
présente telle quelle à Tanagra, d'où elle est originaire (1). De
là, elle passe ù Mégare, où Dionysos Nyclélios et Aphrodite
Épistrophia vivent aussi dans le voisinage du mégaron de
Déméter (2). A MégalopoHs, le Dionysos à la Source est presque
contigu au temple de'la triple Aphrodite, Ourania, Pandémos
et là troisième inconnue, probablement Ai)ostrophia, c'est-à-
dire Érinys (3), comme dans la triade thébaine unie à
Ares (4). Enfin, à Migonion en Laconie, se groupent autour du
mont Larysion Dionysos, Aphrodite, Thémis et Praxidiké (5).
L'adjonction de Praxidiké, au mont Larysion, renforce tout aialcoméku.
le système d'un élément particulièrement énergique. Il est hors
de cloute qu'il y ait encore là un legs de la Béolie, d'où les
déesses Praxidiques sont originaires (6). Mais, comme intermé-
diaire entre ce pays et la Laconie méridionale, voici qu'apparaît
(1) Pausnn. IX, 22, 1. Apollon, Lélo ot Artômis y soiil ;nljoinls.
(È) Pausan. I, 40, G.
(3) VIIl. ,12, 3.
(4) IX, IG, 3.
{l'y) Paus. III, 22, 1-3. Wide, Lakon. Kulle, p. 143, n'" 3. Los mômos com-
binaisons 80 rolrouvonl en d'atiltTS endroits, plus ou moins compIiMrs, suivant
que réicmcnt féminin, au lii;u de former une Iriadc, apparaît dédoublé ou
unifié. A Tégéc, il ne reste plus en présence que Dionysos Myst(>s et Déméter
èv .KopuOeuai (Pausan. VIII, 54, 5). Le Dionysos Saôtès et l'Aphrodite marine
(ÊTcl OaXâaenr)) de Lerne sont des divinités péla^iennes, v.n dehors de cette
ciitégorie. Cependant on les trouve eux-mêmes dans le- voisinage, du couple
Démôtcr-Dionysos (Paus. II, 37, 1). Dionysos Saétés est adoré avec les Tliémides
ù Trœzènc (Paus. II, 31, o). Pour Pldgalie, Pliénéos, Psophis, on ne peut
constater d'une manière aussi formelle l'accouplement «le Dionysos avec Dé-
méter Érinys ou Éleusinia : on la déduit de leur présence simultanée dans la
môme ville (Bérard, Orig, des cultes arcad.^ p. 23:)).
(6) Wide {Lakon, KuUCf p. 165) rapproche le nom du Uirysion laconien de
Larymna, ville de Béotlc, siège d'un culte Important de Dionysos (Paus. IX.
23,7.)
270 MANTINÉE ET l'aRCADIK ORIENTALE.
Mantinée avec son Alalcoménia, installée sur TAlésion (1), à
rextrémilé opposée à celle qu'occupe Déméter (Thémis). Le
couple Dionysos-Aphrodite est comme encadré entre elles deux.
1^9 PrnxHiiquca Lc cullc Originel des Praxidiques était localisé au sud du lac
du Tiiphousion. Copaïs, au mout Tili)housion ou Tilphossion, à 50 stades à
Touest d'ilaliarlo. Là, contre la montagne (irp^ç tw opei'Tw
TiX<pou(jui)), elles possédaient un sanctuaire à ciel ouvert (Upovlv
unaîOpw); la source Til[)housa et le tombeau de Tirésias se trou-
vaient aussi dans le voisinage (2). Les habitants d'Haliarte
juraient par les Praxidiques un serment aussi solennel que
relui des Arcadiens par le Slyx. Le nom de ces divinités, qui
signilie les Justicièrcs, la gravité de ce serment, prouvent le carac-
tère infernal des Praxidiques. Ce sont les Euménides ou les
Erinyes béotiennes. Elles sont trois, dont Suidas (3) nous a con-
servé les noms : Alalkoménia, Thelxineia, Aulis. Cette triade
est évidemment une hypostase de la triade béotienne Érinys-
Tilphossa-Thémis (Déméter Thesmophoros de Thèbes) (4), qui,
transposée sur un autre nom, apparaît comme le prototype de
la triple Aphrodite thébaine et mégalopolitaine. Au mont Lary- '
sion, il n'y a qu'une Praxidique, installée auprès de Thémis en
manière d'assesseur, avec un rôle semblable à celui de la
Némésis attique. De même, à Mantinée, Alalcoménia est seule;
mais lu, i\ ses attributions de Praxidique, elle ajoute celles de
divini(,é poliade, conformément au double Caractère qu'elle a
rapporté de son pays d'origine, la Béotie. i .
.\uifonKnin L'origine béotienne d'Alalcoménia est certifiée par l'existence,
cnBéoiic. j^yx environs immédiats du mont Tiiphousion, du bourg sacré
d'Alalcoménai et du temple d'Athéna Alalcomènéis. On attri-
buait au village et au temple un fondateur mythique (5), mais
le véritable épojiyme de l'un et de l|autre était, la déesse
Alalcoménia descendue du mont Tilphossion. Voici comment
peut s'expliquer son identification d'une part avec les Praxi-
diques,d'autre part avec Athéna. ' " ' '
(1) Psiusiin. VIII, 1*, i. — Sur hi position do la source Aldtconiéhln, voy.
p. 118.- ' ' • ■ ..,,.' .... ...r ••• îi '.' '••.! •
(2) Pîinsan. IX, ai, 2. — Strab. IX, 2, i7. " .• ' '. • i'
(3) Suiflas, S. V. ric-aîioixYj. , • -
|t) Tûiiipcl. Ares ï/. yl/;//rmh£c, p. 080. — Pans. IX, lÔ, ïii
(d) Pausan. IX, .T3, V. — Tout près coulait la .rivière Triton, prôs duquel
Athéna, 'disalt-on, avait (H<S (Mcv(^c piir Alalcomcneus. Cf. S' Phônéos, Athôna
Tritonia (Pans. VU!, H, 4), autre souvenir de la Bêollc.
LA RELIGION MANTINÉENNE. 271
Le nom Alalcoménia signifie Celle dont la force repousse
(l'ennemi) — àXaXxeiv (1). — Ce nom personnifiait Tacropole
installée sur le mont Tilphousion, promontoire abrupt qui
barrait la route d'Orcbomène à Thcbes et la réduisait à un
étroit passage entre les escarpements du rocher à pic et le
bord du lac Copaïs (2). C'est une position inaccessible, qu'il
était à peine nécessaire de fortifier. Son occupation conférait à
ses détenteurs une garantie absolue de sécurité, en leur per-
mettant d'inlercepter le passage. On conçoit donc que les
Orchoméniens l'aient vénérée comme le bouclier protecteur de
leur territoire contre les attaques des Théhnins et qu'ils raient
dénommée en conséquence. A l'origine, Alalcoménia n'était
autre chose que la personnifiai tion guerrière de la puissance
défensive du mont Tilphousion et de son acropole (3). Sous son
abri s'installa en plaine, du côté d'Orchomcne, un bourg qui
s'appela Alalcoinénai ; les habitants adoraient la déesse Prolec-
trice dans un temple, l'Alalcoménion, indépendant du sanc-
tuaire des Praxidiques qui était attenant au Tilphousion. En
elTel, la sécurité du lieu l'avait de bonne heure désigné comme
refuge aux fugitifs et aux meurtriers. A cùlé de l'acropole s'ins-
talla sur ce mont sacré un asile. Les meurtriers y attendaient,
suivant la coutume du droit primitif, que le temps de l'expiation
fût passé, que leurs* parents fussent entrés en composition avec
ceux de la victime et que les mânes de celle-ci fussent apaisés.
Les Praxidiques, déesses de la malédiction et de la poursuite
(1) Sur l*étymoloj?lo soi-disnht carlonno (rAlalcomônia {Alkmene^ In Forlt*
Môrc ! voy. Gôrrcs. ^/yf Ao^ Stxid. II, p. tl9otsuiv). — Snr le cultn d'Alkmènc
& llaliarto^ voy. Plut. Lys, 28, 8. — De dem, Socr. 5.
(2) L'idcnliûcaLion du mont Tilphousion avec la colline a])polôo aujour-
d'hui Pélra est contcsiôc à tort par Conze ol Mifliaôlls {Rapporto^ p. 8;i. —
Voy. Rursian. Geogr, v. Griech. I, p. 23'*). Son aspoct rrpond parfailoincnt à
la dcscrlpUon de Strabon {IX, 2, 36). C'est une bultn rondi*, escarpée de toutes
paris, sauf du côté où elle se rattache aux contreforts de l'ilêlicon. La carte
de l'État-Major français au 200000" ne la représente pas avec sa vraie forme;
au contraire, sur la minute spéciale du lac Topolias, au 50000' (Dépôt de la
guerre), l'exactitude des détails fait ressortir, d'une manière frappante, le
rôle défensif de cette colline. La distance d'IIaliarle concorde avec les 50 stades
Indiqués par Pausanias; enfin, les sources qui Jaillissent au pied du mont
Pétra correspondent à la fontaine Tilphousa. Des ruines ont été remarquées
sur le sommet (temple d'Apollon Tilphousaios ou forlt^resse 7 ). En 1829, le
passage a été vigoureusement défendu par les Grecs.
(3) Cf. le talisman que les Tégéa tes app|elaicnt le iZe m j[;a;'^ (epufjia). Pausan.
Vi", 47, 5. ' , ".. ,. ',:.'!"....'. ' !- ' , .. 1
272 MANTINKE ET L'ARCADIE ORIENTALE.
vengeresse, vinrent donc prendre place auprès d'Alalcoménia,
et finirent par l'attirer dans leur triade. De même à Athènes»
les *Apa( prirent possession d'un contrefort de l'Acropole, auprès
d'Athéna Polias, gardienne de la citadelle. Cet endroit, appelé
l'Aréopage, était encore au V^ siècle un asile placé sous l'invo-
cation des Érinycs : les criminels y venaient accomplir des
rites expiateurs (1).
La transformation d'Alalcoménia en Praxidique la mettait
on contact avec la gardienne du droit sacré et du droit civil,
c'est-à-dire avec Tliémis ou Démêler Thesmophoros ; c'est pour
cela que, sur le mont Larysion, qui devait être aussi un asile,
Praxidiké figure aux cùtés de Thémis, auprès des dieux chtlio-
niens Dionysos et Aphrodite. Mais là ne devaient pas s'arrêter
ses métamorphoses. Athéna, prolectrice indigène d'Athènes,
dut à la céléhrité de sa ville natale un rayonnement précoce.
De honne heure, elle passa pour la divinité poliade (2) par
excellence. En cotte qualité, elle ahsorba, dans les autres
villes, nombre de Protectrices locales, dont elle ajouta le nom
au sien en manière d'épithète. Au pied du Tilphousion, Alalco-
inénia se convertit en Athéna Alalcoménéis (3), comme à Tégée
Aléa, la Tutélaire, se changea en Athéna Aléa. Mais, suivant une
loi déjà constatée (4), le [)ersonnage absorbé dans ces conditions
réagit sur son vainqueur et lui impose en partie sa personnalité.
Alalcoménia lit donc d'Athéna une espèce de Praxidique :
l'ancien Alalcoménion, devenu temple d'Athéna Alalcoménéis,
jouissait, comme asile, d'un prestige inviolable. Sans avoir
besoin de la garantie matérielle d'une position inexpugnable,
il supplanta très tôt, par sa seule force morale, l'ancien asile
des Praxidiques sur le mont Tilphousion. Cette inviolabilité
l)arait s'être étendue à tout le territoire d'Alalcomenai, sans
doute considéré comme état neutre entre Orchomène et Thèbes.
(1) Wachsmuth (SUuU Ath. 1, 428) soutient avec raison que TAréopage n'a
rien de commun avec hî culte d'Ares : c'est In colline des 'Apa(. On y jugeait
les causes de meurtre volontaire (DemosUi. XXIII, 22. — Aristot. 'AO. iroX.
LVII, 3). — Cf. Arisloph. Thesm, 2i4 et Schol.
(2) IIôXiç, primillvenieni, a le sens d'acropole. C'est l'enceinte fortifiée et
sacrt'^e, sltut^e sur un(; hauteur, par opposition à l'à(TTu, la ville basse (Thucyd.
II. ir>. — V, 18, 57). L'oiseau vigilant, la chouette, qui hante tous les recoins
du rocher tutélaire, est le symbole do la sollicitude toujours en éveil d'Athéna.
(3) Déjà citée dans VIliade IV, 8. — Cf. Strab. IX, 2, 30. — Et. Byz. s. v.
•AXaXxo(i.éviov. — Cf. Athéna Alkis à Pclla. (Llv. XLII, 54).
(4) Voy. p. 232.
LA RKLIOION MANTINÉENNE.
273
Les traditions de la guerre des Épigones rapportaient que les
Thébains fugitifs y avaient trouvé un refuge aussi sûr que les
escarpements du Tilphousîon (1).
Les conditions où se présente Alalcoménia à Mantinée rap-
pellent trop celles qui viennent d'ôtre exposées pour laisser le
moindre doute sur son origine et son identité. Elle occupe, là
aussi, une position limitrophe, à mi-chemin entre Orchx)mène
d'Arcadie et Mantinée. Elle détient le passage si important de
Kakouri, sans doute défendu par une forteresse. Elle est là,
adossée à un promontoire avancé de TAlésion, pour surveiller
la frontière et garantir la sécurité de l'antique Ptolis (2). Son
nom reste attaché à une source, souvenir de la fontaine Til-
phossa. Comme Praxidique, elle s'adjoint à Thémis (Déméter
Thesmophoros de TAlésion) auprès du couple chthonien Dio-
nysos et Aphrodite, au bout de la colline dont le nom signifie
Refuge, Dans ce double rôle de Protectrice poliade et de déesse
de VAsile, elle dut céder le pas, comme en Béolie, à Athéna (3).
La conclusion de cette analyse, c'est que le groupe Dionysos-
Aphrodite-Thémis, originaire de Tanagra, après s'être complété
en Béotie môme par l'adjonction de l'élément Praxidique (4),
s'est transporté à Mantinée et de là en Laconie. Mais l'analogie
va encore plus loin. A Tanagra, à la combinaison susdite s'ajoute
le culte des Létoïdes. Or, à Mantinée, nous voyons aussi inter-
venir l'élément solaire représenté ici, comme à Nestané, par
Maira, qui s'est installée aux environs immédiats de la fontaine
Alalcoménia.
Alalcoménia
à Mantinée.
Maira.
Une coïncidence aussi précise entre les cultes mautinécns et
ceux de la Béolie nous ramène une fois de plus à l'hypothèse
d'une migration béotienne. Le groupe de l'Alcsion contient
moins d'éléments autochtones que celui de Nestané. Sans doute
le couple Dionysos et Aphrodite Mélaiuis représente bien aussi,
comme le couple Poséidon Hippios = Déméler-Gè de Nestané,
un principe chthonien, mais ses liens avec le sol indigène sont
moins étroits. Il trahit davantage ses origines étrangères. D'ail-
RésuRié.
(i) Slrub. IX, 2, 36.
(2) Ceci est un argument de plus en faveur de la position attribuée (p. il8)
à la Ptolis.
(3) Voy. plus loin Athéna Aléa.
(4) Cf. à Delphes, près de Poseidon-Gô (Thémis), les Moin-s (Pausan. X, 37, 4).
Mantinée. — 10.
^^^i MANTINÉB ET l'arCADIE ORIENTALE.
leurs son caractère, moins naturaliste et en quelque sorte plus
abstrait, ne comportait pas une adaptation aussi précise à la
nature locale. Ce groupe symbolise surtout l'énergie des puis-
sances clithonicnnes dans leurs rapports avec la source invi-
sible de la sève productrice. Comme principe générateur, il
préside à la transmission et à Tépanouissement de la vie ; tel
devait être le sens des mystères célébrés par les Méliastes.
Comme principe tellurique, il s'associe aux divinlés infernales,
vengeresses des morts criminelles et des lois violées par le
meurtre. Rien de plus logique que cette liaison : quand
l'homme a brutalement détruit l'œuvre d'amour de Dionysos
et d'Aphrodite, il doit des comptes aux Justicières qui repré-
sentent la protestation des âmes précipitées dans THadès contre
la volonté des dieux. ( ,
3« négion de l'Anchisia et du Ménale.
AiiinoDiTR Nous avons retrouvé dans le couple Ulysse-Pénélope un
KT Awciiiw. doublet du couple Poséidon Hippios-Déméter, avec cette diflé-
rence que Pénélope personnifie plutôt un aspect de l'Artémis
arcadienne. Il en est de même du couple Ancliise- Aphrodite»
installé sur la roule de Mantinée à Orchomène, au. pied. de
l'Anchisia. . ,
« On y trouve, dit Pausanias (1), d*abord le mont Anchisia et vers
le pied de ce mont le tombeau d*Anchise; lorsque Énée allait en Sicile,
il aborda avec sa flotte dans la Laconie, où il fonda les deux villes
d*Aphrodisias et d'Étis. Anchise» son père, étant venu^ je ne sais à
quelle .occasion, jusqu'à l'endroit dont il est question, ly unit, ses jours
et y fut enterré; c'est de lui que la montagne a pris le, nom d'Anchisla.
Ceux des Éqliens qui^ occupent maintenant, Ilion semblent conûcmçr
celte tradition^ car ils ne montrent nulle p^rt dans |eur pays le, tom-
beau d'Ânchise. On voit, près ide ce tombeau, les ruines d'un temple
cl'Aphi^odite. >; •.."•- ••! /• '»'i^-i ..m: ..'-.•..r^
La présence d'Anchise en cet endroit s'explique, comme celle
rt'Énée, par la dilïusion du culte de l'ApliJcçdite syrienne et de
l'Aphrodite, énéenne dans les cantons arcad,ien$.^ Son cas .ne
.rappelle en rien celui de Pénélope, divinité indigène, pourvue
d'une légende toute locale. C'est donc ù tort qu'on a voulu pré-
.. |. ,,,...! . .. >• ! . • Il •• . ■' ; ■. • M! ■ .!..»'•- ! »
..,..•,./, •' , . . • .. » ! • . . ■' Mi. . 1/ !, ..,.\.'»».»
(1) VIII. 1£, 8. — Cf. m, 22, 1. . .• • /•»
LA RELIGION MANTINKRNNE. 275
senter Anchise el Énée comme des dieux locaux de l'Arcadie (1).
Sans doute, TArcadie, étudiée de près, apparaît comme une
pépinière héroïque dont le personnel s'est de bonne heure,
grâce à la précoce expansion de la race, répandu au loin dans
les traditions populaires qui constituent la trame première de
répopée. Mais cette théorie doit rester dans les limites de la
vraisemblance. La légende d'Anchise parait bien localisée au
Mont Ida. Là, il se présente comme un dieu de la nature, qui
préside à l'élevage des troupeaux et des clievaux de race. 11
emprunte à d'autres dieux phrygiens ce caractère de beauté et
de jeunesse qui le désigne à l'amour de la grande déesse
asiatique, Aphrodite. Il est l'équivalent Iroyen de l'Adonis
syrien. De son union avec Aphrodite naît Énrc, le héros « favo-
rable », dont le nom n'est autre qu'une épithète de la déesse
marine des Pélasges Tyrsènes, combinée par l'intermédiaire
d'Anchise avec la grande déesse de l'Ida. La légende fait d'An-
chise et d'Enée les compagnons inséparables de celte Aphrodite
nomade, qui se confond en maint endroit avec l'Astarlé installée
Sur toutes les côtes par les navigateurs phéniciens. Associés
à elle, et transformés, suivant l'habitude mythologique, en
servants de la déesse et en fondateurs de son culte, ils appa-
raissent presque partout où elle s'est fixée, tantôt ensemble,
tantôt isolés. En réalité; c'est elle qui les a portés. C'est ainsi
qu'en Arcadie l'itinéraire du culte d'Aphrodite est jalonné par
les. noms des deux héros.
. I Le souvenir d'Énée s'attache aux rivages de Thrace, de Macé-
doine, de Samothrace, de Délos, de Crèle, de Cythèrc, de
Zacynthe, deLeucade, d'Actium, d'Ambracie, d'Epire, de l'Italie
méridionale, de Sicile, de Carthage, de la cote lyrrénienue, de
l'Étrurie; dé la Sardaigne, etc. Il traverse aussi le Péloponnèse
lie part en part. Le héros arrive en personne à Mantinée où il
recrute l'inventeur dé la danse armée, Salius (2). H s'installe à
.• 'M. f •. t I ■ - I I ... » '
Orchomène, fonde Kaphyai ou Kapyai, à qui il donne le nom de
son compagnon Kapys (3). De là, le mythe bifurque ; d'une part
•Hl »»"!■: If Mil t"i. •'! • !l-. i :•.;.•.■. '
^ \i) MayGv^'desch.d. AUerth. Ii; p. 100.— Iiiimçrwîilir. KuUe Àrkad., p. 171.
''''(2)'Festus: /i>tï., p: 3i8, Mullcr. — Sorvlus m Jincùi. VllI, 28;). — Plut.
JVii/Mrt;'i3. — Vlrgild [Avn\ v.' 298)! rêpr6s(!ntc Salins comme originaire' do
T6g<^0i'll'• , r ■•". I |. I n ' • >...•!• ..•. ' '• ' « '
(3; Stral). XIII, 1, 53. — Dcnys d'IIulic. I. 49. Los sourc-os tio Donys sont les
Arcadica d'Ariaithos de T6gôc et les poèmes d'A^'athyllos l'Arcadion. Kt.
Dyz. s. V. Ka^ûai. •
276 MANTINÉE ET L*ARCADIE ORIENTALE.
il s'insinue clans les cantons occidentaux par la vallée de TÉry-
manthos : Énée séjourne à Nésos ou Nasoi, sur le Tragos,
aflluenldu Ladon (1), descend à Psophis, où Ton trouve un culte
d'Aphrodite Érycine, et de là aboutit à Zakynthos, colonie de
Psophis, où Aphrodite est invoquée sous Tépithcte d'Aineias{2).
D'autre part, de Kaphyai, il remonte au N. par Phénéos où
passe Anchise (3) cl aboutit à Sicyone où le nom d'Énée s'associe
sur les monnaies h la colombe d'Aphrodite (4).
Les temples d'Aphrodite marquent les principales étapes de
cette route intérieure, à commencer par l'Aphrodision de Cy-
thcre, et en continuant par ceux d'Aphrodisias (5), peut-être
de Sparte, de Tégée, de Mantinée (Anchise), d'Orchomène, de
Psophis, de Sicyone.
Mais tous les établissements arcadiens d'Aphrodite auxquels
correspond un séjour d'Énée ou d'Anchise n'ont pas forcément
la môme provenance. 11 semble qu'on doive distinguer deux
lignées, l'une qui part de Cythère — comme Ta reconnu Pau-
sanias, — l'autre de Zakynthos. L'origine sémitique du sanc-
tuaire cythéréen est attestée par Hérodote, qui le fait dériver
d'Ascalon (6). L'Aphrodite de Tégée, dérivée de celle de
Cythcre, se rattacha ensuite à la ïl<x<^i<x de Chypre par la colonie
arcadienne d'Agapénor (7). De même l'Aphrodite Érycine de
Psophis paraît bien être une déesse sémitique, dont les rapports
de Psophis avec Zakynthos et de celle-ci avec la Sicile pour-
raient expliquer la présence (8). Ces deux courants en sens
inverse se sont rejoints au cœur de l'Arcadie. Il est donc évi-
dent que l'Aphrodite sémitique a frayé la voie à l'Aphrodite
Aineias et à la légende d'Énée et d'Anchise. Le domaine propre
de l'Aineias paraît avoir été le bassin septentrional de la mer
Egée, la région de Samothrace et les côtes ambiantes de la
(1) Denys d'Ilallc. I, 49.
(2) Ib, et Paus. VIII, 24, 2. , ' .
(3) Vlrg. jEncid, VIII, 103. — Dcnys d'Halle, I, 42 et GO.
(4) MIonnct. Suppl. IV, 102, n- 10(35, 1099-1101.
(5) A défaut d'aulro preuve, le nom seul témoigne d'un culte d'Aphrodite.
Les villes fondées par Énéc lurent absorbées par la colonie dorienne de
Boiai (Paus. III, 22, 11;. • :
(6) Ilérod. I, 105. "
(7) Pausan. VIII, 53, 7.
(8) Immcrwahr {Kulte ArkaiL, p. 173), conclut à une importation dés Pé- .
lasges-Tyrsèncs. Mais l'origine punique de l'Érycine sicilienne ne semble pas
contestable (Dérard. Orig, des cultes arcad., p. 148).'
LA RELIGION MANTINËENNE. 277
Troade et de la Thrace, c'esl-à-dire le berceau maritime des
Pélasges Tyrsènes. De là, la légende énéenne se raccrocha à
la série des Aphrodîtes sémitiques égrenées le long des côtes
où les Phéniciens et les Carthaginois avaient installé des comp-
toirs et rejoignit, par leur intermédiaire, les établissements des
Pélasges Tyrsènes dans l'Adriatique et sur la cùte tyrrhénienne.
C'est ainsi qu'à Cythère, qui est un établissement phénicien, et
dont les cultes laconiens d'Aphrodisias et d'Étis sont des
succursales, Énée intervient comme fondateur, après avoir
quitté Délos (1). Il contourne le Péloponnèse et va se fixer à
Zakynthos, où Tépithète d'Aineias se combine avec une Astarté
sémitique, intermédiaire entre TÉricyne de Psophis et celle
d'Éryx.
A l'intérieur, môme combinaison. L'Aplirodite Paphia de
Tégée se rattache indirectement à TAphroditc énéenne par la
généalogie de Laodicé, fille de Priam (2), ainsi que celle de
Sicyone, dont les rapports avec Golgoi sont connus (3).
Quant à Anchise, il est à remarquer que son souvenir s'arrête
dans les cantons arcadiens où fleurit le culte de Poséidon
Ilippios, c'est-à-dire à Mantinée et à Phénéos (4). Avec lui et
avec Énée, d'autres héros dardaniens, Dardanos et Kapys, se
fixent en Arcadie. Mais ces particularités nous sont révélées
par la légende romaine, intéressée à confondre dans une
parenté commune les deux rameaux mythiques auxquels Rome
rattachait ses origines, la branche arcadienne représentée par
Évandre, et la branche troyenne représentée par Dardanos.
L'Aphrodision mantinéen, situé sur la route d'Orchomène,
c'est-à-dire dans le prolongement de la voie commerciale qui
rejoint la vallée de l'Ëurotas à celles du haut Ladon, parait
devoir être rattaché à la lignée de Cythère. Le nom primitif
de la montagne, al 'A^fyKjion, c'est-à-dire les deux Voisines ou
les deux Jumelles (de ay^^i, proche), par allusion aux deux
croupes séparées par le col de la route, a pu servir de pré-
texte à localiser au pied du col le souvenir d'Anchise, le
héros pastoral, époux d'Aphrodite.
(1} Pausan. III, 22, 1. — Dcnys d'Haï. I, JK).
(2) Ilygin. fab, 101.
(3) Et. Byz. s. t?. — Gruppe {Griecfi, Myth., p. lîXi) suppose que la légontlo
d'Anchise et d'Énéo s'est propagée du N. au S. par Chalcis, Sicyone, Pli6-
nôos, etc.
(4) Virg. ASn, VIll, 156. — A Sicyone, Anchise est pore d'Écliépolos, l'élo-
veup de chevaux, lliad. XXIII, 296 et Schol.
278 MANTINKE ET L'ARGADIE ORIENTALE.
aiithmis Voici peut-ôtre la plus vieille des déesses arcadiennes, être
arcadienne, déesse lYïulti pie, parco Qu'clle personnific tous les aspects de la
de u Nature, ^ature. Eii elTct, avant de la reconnaître comme fille de Léto et
sœur d'Apollon, les Arcadiens ont adoré une divinité féminine
dont les noms divers sont ensuite devenus autant d'épithètes
d'Artémis. C'était l'universelle souveraine de la Nature agreste
et indomptée, de celle qui échappe à la dominalion de l'homme.
Elle domine sur les sommets (1), vague dans l'ombre des bois (2),
chasse et dompic les fauves (3), règne sur les marais (4) ;
farouche et vierge, elle impose à ses desservants le vœu de
chasteté (5) ; à I^ousoi, elle est la jeune fille idéale, comme
Hermès est l'idéal éphèbe (6); elle guérit les folles passions (7),
et se complaît aux chœurs et aux hymnes chantés par des voix
virginales (8).
Elle a la beauté et l'éternelle jeunesse de la Nature. Déesse
femme, elle est la plus belle (xaXX(<jT7|), aimée de Zeus Lykaios;
elle devient mère des Arcadiens (9). Sous le nom de Pénélope,
elle représentera dans l'épopée la femme pudique et fidèle (10).
Telle on la retrouve, céleste, terrestre et vierge dans les cultes
mantinéens. Du faite isolé de l'Artémision, elle plane, aérienne
et solitaire, sur les monts et sur les plaines d'Argolide et d'Ar-
' •• 'l' • •. •■ Il ." . .'! • I ,
(i) Koputpaïa h Épldauro (Pnus. lï, 28. 2. — Et. Byz. s. v.) — 'Axpfa
i\ Argos. Hcsycli. s. v. — SwTeipa st Plilgalio (Paus. VIII, 39). ' ' '
(2) SxWTiç sur la route de Môgalopolls à Méthydrion. Paus. VIII, 35, 5. '^
KeSpeaTiç ù Orchomônc. Paus. VIII, 13, 2., • , i: i^ if... . • ,.
(3) KvaxcaTiç h Tcgôe, VHI, 53, il. — KvaxaX7|<T(a àiKa^ihlai (VIII, 23, 3),
de xvàÇ. — 'AypOTEpa h MégalopoHs, (VIII, 32, 4). — Déesse Ourse dans le
Méoalo (Voy. p. 20G) et l'Artômis Eiipiitira de Phônôos (Pausan. VIII, 14, 5).
A Lycosoura, Démctcr la reconnaît pour sa fille' et rihstallo li ses cdlôs, au
mC.me titre que Dcspoina (VIII, 37, 4). ;
(4) AipaTtc h Tcgéc (VIII, 53, H).- "EXeia à Alorion (Strab. VIII, 35oi.
(5) Mont ParthCnlon.— Célibat des prêtres d'Artémis Uymnla! Paus. V III, 13, 1 .
' (G) Kopia. Gillimach. Dian. 223 et sch. In Dlan, 3G.—, La .conception d'Ar-
témis comme déesse lunaire n'est pas .primitive^ Voy.;, Pauly ^/{cafencyc/.
1893. Art. ArLémis. , ..,...,' ,, .. , \, , .
(7) *n|JL6pa(T(a, à Lousol. Paus. VIII, 18, 8. — *Hfi.6pa. IIe^y<}h. . , , .
(8) *r|jLvfa, voy. plus bas. ! .'.li'/ ;•■ n» ! •. i
. (9) Pour mettre d'accord cette maternité avec le caractère virginal de la
déesse, on fit d'Artémis Kallisté la nymphe Callisto. . \ .\ . «• , ! ;. •. / \\
(10) Homère compare Pénélope à Artômls {Odys, XVIÏ, 36. — XIX.,=54Kj On
croit reconnaître Artémis en Aidés sur une amphore du .Louvre (Gerhard.
Aiiserles. Vascnbild. I, 22. — 0. Jahn. Àrch. Atifs, 13Q). , !ii / „,. i <-
LA RELIGION MANTINÉENNE. 279
cadie (1). Chasseresse infatigable, elle liabite en plaine auprès
du stade où Ladas, le grand coureur olympique, s'entraîne à son
exercice favori (2).
Enfin sous le nom d'Hymnia, elle possède un temple vénéré Anémia nymni»
sur le penchant de TAnchisia qui regarde Orchomène. Par sa
position, ce sanctuaire appartient aux Orchoméniens, mais
par le culte il est mitoyen entre Orchomène et Mantinée (3).
M. Immerwahr (4) nie la haute antiquité de ce sanctuaire.
D'après lui, Artémis Hymnia est la lillc de Léto venue là en
môme temps qu'Apollon. Le caractère musical et la diasteté de
la déesse lui semblent des raisons probantes à ra[)pui de son*
opinion. Pour nous, le culte de la déesse des Hymnes entre
dans la catégorie des vieux cultes démotiques. Il est isolé
en un coin de la plaine orchoménienne, à égale dislance des
deux villes. Pour trouver un compagnon à Ilymnia, il faut aller
chercher Apollon bien loin, à Mantinée, dans un temple où il
n'est môme pas le maître, où il est, avec sa sœur, l'hôte de
Léto (5); à Orchomène, il apparaît seulement sur une monnaie
du temps de Septime-Sévère (6). De plus la tradition locale
représentait l'union cultuelle de Mantinée et d'Orchomène dans
le sanctuaire d'Hymnia comme le souvenir d'une antique am-
phictyonie panarcadienne : « depouttiv èx itaXatoTaTou xal ol TrâvTeç
/Apxàèeç *T|jLv(av''ApT6|jLtv (7) M.I^ourquoi contester ce témoignage
si précis de Pausanias ? Ici, on allègue que le culte d'Artémis
Ilymnia ne se retrouve pas dans les autres régions de TArcadie.
Cet argument pourrait aussi bien ôtre invoqué contre le carac-
tère pailarcadien de Zeus Lykaios : le dieu du Lycée n'est
(1) Pausan. II, 2;), 3. — VIII, 6, 0. .VYiçèp Se ttiç OivdY,ç opoç édxiv 'Apxc-
(jL((Tiov, xai Upbv 'ApxijjLiSoç kiû xopu^Tj tou opouç. Il ne subsiste aucune
trace ,clU' vaôç.ni do ràyocXfJLa do rArtémision. Kn revanche, nous avons
rotrouYÔ un pcUt sanctuaire d'Artémis caché ii rextn'inlté Sud de hi mon-
tagne sur un' petit ravin torrcntiei en (ace do Pahuo-AIoukIilL Quelques
bronzes cl db petits marbres avec' le nom de la déesse proviennent de lu.
^ ^2) Voy.'plii^haut, p.''249, iià'tc'3. ''^ . •■ ... • . '
(3) Pausan. V, 5, 11. —VIII, 13, 1, — Diod. XIX, «.X ' ' ' "'*
m KtUt:'Àrkad./p.và\ ' ' "" "* ' '. '
(5) Pausan. VIII, 9, 1. . -
' (é) Mibttnct. SUppl. IV, 283, û" 64. -»- Pausanias ne lui connaît pas de temple.
Il y avait près de la ville (Tcpbç hï xy^ TioXei) uri hiéron d'Artémis Kédréatis
•(VIII, 13,'2)"; les monnaies représentent plusieurs types de la déesse (Gardner,
Nuniismal. comment, of Pausanias: Joum. of hellcii. Slud..\U, 100). - •
(7)Paus. VIII, 5, 11'.' '-^ ••■"5 ...Il •! • • ..-: .^...1
^0 MANTINKE ET l'ARCADIB ORIKNTALE.
guère, que je sache, descendu de sa monlagne pour aller colo-
niser chaque ville d'Arcadie en particulier (1). La popularité
d'un culte ne se mesure pas toujours au nombre de ses succur-
sales.
Il n'y a pas de bonnes raisons pour nier la haute antiquité
d'Artémis Hymnia. Est-on mieux fondé à lui refuser le titre de
divinité indigène? Vierge et musicienne, dit-on, c'est bien la
sœur d'Apollon : « Elle est, dit Pausanias (2), desservie par un
prêtre et par une prêtresse, qui sont pour toute leur vie non
seulement astreints à une chasteté sévère, mais encore assu-
jettis à beaucoup d'autres obligations. Les bains leur sont
interdits et leur manière de vivre pour tout le reste n'est point
la môme que celle des autres ; ils ne peuvent entrer dans la
maison d'aucun particulier.» Cette règle ascétique rappelle à
Pausanias celle des Essènes ou prêtres d'Artémis Éphésienne
chargés de la présidence des repas sacrés dans le temple. En
ellet, ces pratiques viennent peut-être d'Orient. Elles ont pu se
grefler sur le culte primitif de l'Artémis arcadienne au moment
où l'Artémis Éphésia fit son entrée dans le Péloponnèse (3). Les
exemples d'une semblable fusion des rites étrangers et des cultes
indigènes sont si nombreux, en particulier pour Artémis, qu'il
n'y a pas lieu de s'en étonner (4). Au reste, cette obligation
de la chasteté comportait des accommodements, puisqu'après
la séduction de la prêtresse d'Artémis par le roi Aristocrates,
les Arcadiens changèrent le règlement religieux et confièrent
le service de la déesse à une femme sachant ce que c'était =
que le commerce des hommes (5). L'anecdote -mérite- 1- elle =
créance ? question secondaire (6). En tout cas, ces traditions
contradictoires attestent certaines fluctuations dans le rite :
du caractère virginal de la déesse, on ne saurait déduire son
origine. ...
Reste l'épithète d'IIymnia. Artémis est souvent représentée
(1) Sauf, A Tôgéo, où il possédait un simple autel, près do celui de Pan, son
prédécesseur (Pausan. Vlll, 53, II). •.,»....;..
(2) VIII, 13, I. ..,..' i,
(3) Artémis Kphosia à Aléa (Paus. VIII, 23, 1), k MégalopoUs (VIII, 30, 6). •
Cf. la régie des Sellol de Dodone {lUad. XVI, 233). . . .- ..
(4) Rosclier. Myth. Lex. Artémis Eplicsia, p. 590. .• •
(5) VIH, 5, 11. ' • . * ,
(G) IliliervonGârtringcn. Zur Arkadisch. Kimigsliste von Pau$ani(iSy 1890, '
p. 92. — Immcrwalir. Kult, Àrkad. p. 158. ,> » /
LA RELIGION MANTINKENNE. 281
une lyre à la main. Elle aime, dit Thymne homérique à Aphro-
dite (1), le son des phorminx et les chœurs. Mais ce goiU lui
vient d'Apollon. Aussi Artémis, comme divinité musicale,
paraît-elle rarement seule. Elle escorte le plus souvent Apollon
ou Hermès et il lui arrive d'assister en simple comparse à leujs
exercices artistiques sans qu'elle y joue sa partie (2). Dans la
légende des Létoldes, le caractère musical d'Artémis n'est donc
qu'un reflet d'Apollon sur elle. Il est si peu un trait de sa
nature personnelle qu'elle ne reçoit chez, les poètes, aucune
épithète spéciale, telle que eCîjjLoXTtoç, eù^pôpjxiY;, -/jouêtç-j^ç, xûouaiXupvjç
(3) et autres, si souvent appliquées à Apollon. L'exemple
d'Hymnia est, je crois, unique. Il ne se rencontre pas ailleurs
qu'à Mantinée ni dans la littérature, ni dans les inscriptions (4).
Comment alors affirmer sa provenance étrangère, surtout si
l'on tient compte qu'ici elle se présente solitaire et dégagée de
toute parenté avec Apollon ?
En résumé, Artémis, invoquée sous le nom d'Hymnia, est une
forme locale de l'Artémis arcadienne, sans attache avec Apollon.
Peut-être même Hymnia était-elle une divinité champêtre indé-
pendante, identifiée ensuite à Artémis. Elle serait alors l'équi-
valent de la nymphe Hymno, qui complétait avec Moucra et Sii la
triade musicale primitive, d'après Mnaséas(5).
Un autre culte démotique est celui deZeus Charmon, c'est-à- zbo» cnAnsion.
dire Zeus Charmeur, situé dans la partie sud de la plaine, près
des confins de la Tégéatide, sur la route de Pallantion (6). On
pourrait reconnaître dans cette épithète une antiphrase euphé-
mique qui rappellerait les qualificatifs tels que Géléon, Philios,
Euhouleus, Meilichios, appliqués au Zeus-Dionysos ou dieu
{{) Hymne à Àphr.y. 19.
(2) Paris, Art. Diana, dans le Dict. des Antiq. de Sa^Hio, p. 139. — Roscher.
Myth. Lex, Artémis, p. 574, 3. — Braun. Artémis Ilymnia. Rome, 1842.
(3)'Voy. Bruchmann. Epiiheta deorum quœ apud poêlas /e^tw^wr (Supplé-
ment au lexique de Roscher).
(4) On n'est pas d'accord sur le sens de l'épi théto yeXuTiç, de l'Artémis
laconienne, citée par Clément d'Alexandrie {Protrcpt, p.':«, Pot't). Est-ce une '
déesse de la lyre, parente d'Hymnia, comme le veut Wolckcr (Gricch, G'ôl-
terLeb; I, pli 580) ou une déesse à la tortue, symbole tellurique analogue bu
serpent, comme le propose Maass (VVide, Lakon. Kulte, p. 130, 1). ' '
(5) Cf. la Afyeia, l'une des Trois Sirènes (Voy. dans Rérard, Cultes arcad,
p. 186 et suiv. la comparaison de la triple Sirène et de la triple Muse avec
la Baaiat sémitique), et le hameau lycéato Méy^eia (Paus. VUI, 38, 8).
(6) Paus. Vin, 12, 1. ' • *
282 MANTINKR ET L'aRCADIE ORIENTALE.
infernal. Toutelois la position de ce petit temple sur le chemin
(le Pallantion suggère une autre interprétation. Charmas, héros
pallantien, était père crÉvandre le Pélasge (1). Or, Évandre
passe d'ordinaire ])our fils dUermès. Charmas serait donc un
équivalentou une hypostasedlïermès. Évandre lui-môme,comme
son nom Tindique, est un héros bienfaisant et civilisateur (2). Il
a pour mère la nymphe arcadienne Carmenta qui s'expatrie
avec lui. Il enseigne aux rustiques habitants du Latium Tusage
des instruments (le musique, la lyre, le triangle et la flûte, en
môme temps qu'il importe en Italie les cultes arcadiens de
Déméter, de Poséidon Hippios et de Pan Lykaios. Charmas,
(îharmon, Zeus Charmon est donc un dieu musical agreste,
l'héritier de Pan (3), le doublet mantinéen d'Hermès qui ne
semble pas avoir pris i-acine sur le sol de Mantinée. C'est l'exact
pendant d'Artémis Hymnia au pied du Ménale. L'association
de Zeus et d'Artémis se retrouve dans la. légende lycéenne de
Zcus-Kallisto.
Aicimédon, Eu chcminaut de Mantinée vers Phigalie par Méthydrion, le
•hiaio. ih-rndès. voyagcur, à son entrée dans les défilés du Méiiale, rencontrait
une jolie légende : Pausanias la raconte ainsi (4)': '
. ' . ■ .. . . ■ t . .• , '
u Au bout de 30 stades, il y a une plaine appelée) Alcimédon que
domine le Mont Ostrakina. Cotte montagne recèle une (taverne ou
babitail Alcimédon; un des héros. Cet Alcimédon avait une ûlle; Phiaio,
avec qui, au dire des PhigalieDS, Hercule avait eu c<!)mmerce. Ouand
Alcimédon apprit qu'elle était accouchée, il Texposâ pour la> (aire périV
sur la montagne, elle et son enfant. Celui-ci, à qui les Arcadiens ont
donné le nom d'Aichmagoras (qui, crie fo;'t), se init.àiyagir,:une fois
exposé. Un oiseau, une pie, réussit à contrefaire ses cr,^s de douleur,
si bien, qu'Hercule, passant par là et ayant, oui la piç, pi^it.^a plainte
pour celle d'un enfant. Il se détourna du côté ,de la voix, reconnut
Pbialp, la délivra de ses liens et sauva j'enfant. Ainsi s'explique^Je
nom de la source voisine ': Kissa, la Pîe (5) >>. , ' ' ' ,"
. ; , • . I I ; ! ■ : ■ . , <■•.•>•••;■■■ • . ' ■ < « ; ) I •• . i ; i , » •.. ; t • i « ' » i / .
,., Ce. rfîçit. a toutes les allures d'une cantilène, p,opùlaire.,.Les
"i" '!tfi »!,.■' !• • • ■ .1 . ; t -.li r .' ! jl' :t:i;'l ■"' mI;ii«î '' '••» /t■
..^(^).Sjcllolr}ad,Diony8.,Pc^lng. 348.; . .1, I, ...,i ) .h J ,o.,I ->}| »'. «Mf
,..i2) Éyaxxdrp est idnnUaô à Faunu^,j|FayiDus), le bon gi^i^ie,: o^pos^ à|Q^c\is,
lo mauvais (iômon (Plut. Z'ara//, 38). *\,\.\, • .,i
13) Serv. ad jEn, Vilï, 336. — Strab. V, .3, 3. — Sur réquïvalcncc do Car-
menta et do Thômis, voy. Dcnys d'IIuJic. I, 31, 1. — Cf. Dionysos Melpoménos
(Pausan.,,1, 31,^6). . : ," ,. v .•,...-,v,.\ y v.^ b,:r,:i «t.
(4) Paus. .yni, 12, 2. . . . .|. :..., .|:..j .!j...... „.r
(5) Le nom do la fontaine Kissoussa en Béotie (Plut. Lysand,,!28, .6} .vient
do x(<T(TOç, lierre. De iii(>iiie l'épitiièto d'Atbéna Kissaia (Paus. H, 29, 1).
LA RELIGION MANTINKENNR. 283
pâtres avaient observé que les pies du bois venaient s'abreuver
à cette source. Le nom qu'ils lui donnèrent insi)ira à qucltjue
Tityre local un conte renouvelé des mésaventures d'Auj^^é et de
Téléphos sur le Parthénion et agrémenté d'un emprunt h celle
du corbeau qui dénonce à Apollon les amours d'Ischys et de
Koronis. Hercule intervient ici en chevalier sentimental, juste
à propos pour réparer ses torts : d'ordinaire la légende se soucie
moins de la moralité de ses dénouements. Cette invention de la
pie, du passage d'Hercule et de la délivrance d'Aiclimagoras
paraît donc un ornement ajouté par quelque bel esprit à la fable
primitive d'Alcimédon et de Phialo. Quant à ceux-ci, leur pro-
venance et leur caractère sont également énigmatiques. Pbialo
ne peut être qu'une nymphe des eaux, celle des sources où l'on
s'abreuve, peut-être une hypostase de l'Artémis arcadienne ou
de Callisté, analogue à l'Augé tégéate, qu'Hercule posséda auprès
d'un puits. La source-coupe, l'antre, les liens, l'oiseau rappellent
les attributs de la déesse noire de Phigalie et de ses congénères ( t).
D'après Pausanias, d'après le nom de la nym|)he et sa ressem-
blance avec la déesse phigalienne, sa localisation sur la route de
Phigalie, il semble qu'on ait là une transposition des légendes
phigaliennes. Quant à Alcimédon, sa personnalité est des plus
obscures. « C'était, dit Pausanias, un des héros. » Le fait d'avoir
élu domicile dans une caverne le désignerait comme un dieu
ilocal de la montagne, comme une sorte de Salyie, hypostase du
Pan ménalien. Aichmagoras paraît personnifier les oiseaux
chanteurs. Quant à Hercule lui-même, il possédait un sanc-
tuaire dans la plaine, mais l'emplacement n'en est pas absolu-
ment certain (2). "'••'•■ ! . - '. .
" Le charihë poétique du Ménàlé se reflétait dans ses cultes et
dans ses légendes. Ces déités inusicales, Artémis Hymnia, Zeus
Charmon, — ces gracieusqs personnificalions, Kissa, Phialo.
Aichmagoras, — Alcimédon, le Faune à la caverne, Hercule, le
héros 'débonnaire, ' tbiis ccî^' perstihiiâges d'idylle côhlraétcnt
avec les sombres figures de l'Alésion. Ils nous apportent comme
un écho léger des chants et des airs de (liUe dont* lés ' patres
joyéùic éga^àiéiit leur retraite, "près des sources 6mbreu.4es et
des antres touffus.
•fi ■ '1'. »'«i|-.!. ri;i;- . •■'. - ; .,; /.!,,.. .. ; ; -!..,,.--:
(I) Bôrard, Orig. des ciilles arcad., p. 21;). Poul-«Hrc Alcimédon était-il
une divioité Jocnlo de la montagne, absorbée ensuite par flercule. ' "
"■' (2) Thucyd; V. 04: '"'''' •'"•"''' '' "• '"•:'•• ' " ' = ' •'•'»:•" ^' '"
■ t .•/.• n •!"•«, I..!. h] i.'i ).!i/ ' ■>• ti'i • , .. ! -:■'...-■ .^ •'.
284
MANTINKE ET L ARGADIE ORIENTALE.
En résumé, les cultes ruraux du territoire mantinéen se
répartissent d'eux-mêmes et sans qu'il soit nécessaire d'y intro-
duire une symétrie factice, en une triade de couples divins :
Poséidon lïippios et Déméter, Dionysos et Aphrodite Mélainis,
Zeus Charmon et Artémis llymnia. Le l^"^ groupe gouverne la
terre, les eaux terrestres, la végétation, la vie animale ; — le
2'î groupe comprend les divinités de la puissance génératrice et
les gardiennes de la vie humaine; — le 3®, celles qui gouvernent
et purifient les ûmes par la musique. On serait tenté d'affirmer
que ces trois groupes représentent trois aspects d'un seul et
môme être, d'un dieu conjugué originel, sur le patron de Baal-
Astarté des Sémites et de l'Osiris-Isis des Égyptiens. Mais les
preuves à l'appui de ce syncrétisme primitif appartiennent à
la pure spéculation. Les Grecs ne s'en sont avisés qu'assez tard,
sous l'eflort des tendances philosophiques qui cherchaient à
unifier le dogme et sous l'influence de la théologie égyptienne (1).
Si l'on peut ériger en théorie que le polythéisme n'est que « la
mise en scène de l'être unique dans ses différents rôles » (2),
il faut admettre qu'en pratique les adorateurs de cet être mul-
tiple lui reconnaissaient autant de personnalités différentes qu'il
portait de noms.
111. Cultes urbalns
Le synœcisme (3) provoqua à Mantinée de nombreuses fonda-
tions religieuses. Les vieux dieux indigènes ne suivirent pas les
habitants des bourgades dans leur exode à l'intérieur des nou-
veaux remparts. Ils demeurèrent attachés aux lieux où ils
s'étaient fixés en prenant possession du pays. Restés campa-
gnards, ils eurent un peu à souffrir de l'isolement ; on les
révérait sans doute autant que par le passé, mais on négligeait
peut-être un peu plus leurs sanctuaires. L'inabordable Poséidon
lïippios, victime d'une vénération séculaire,' dut attendre
qu'une piété nioins passive s'avisût de son délabrement. Ce
n'est pas aveb leurs seules ressources que lè^ Mantinéens
improvisèrent leur spacieuse et brillante cité. Fondée, avec le
(1) La Fayo, Culte des divinités d'Alexandrie^ p. 19 et sulv.
(2) Pierrot, Dict. d'archéol. égypt., arUcIe Religion et divinité,
(3) Entre 404 el 450. Voy. plus bas, llv. IIl, ch. 3. ' ' ' ' '
LA RELIGION MANTINÉBNNE. 285
concours politique et l'appui matériel des puissances étran-
gères, en particulier d'Argos, Manlinée dut voir aflluer dans
ses murs nombre de métèques argiens. Les relations antérieu-
res de bon voisinage entre les deux républiques amies devin-
rent plus étroites et plus fréquentes, à tel point que les Manti-
néens, comme on le verra, confièrent un jour à une troupe
argienne la garde de leurs remparts. CetJe influence persistante
et répétée d'Argos sur les destinées de sa voisine est attestée
non seulement par l'histoire, mais par la mythologie de Man-
tinée. Les dieux et les héros de l'Argolide franchirent de bonne
heure les cols de l'Artémision pour s'installer à demeure au
centre de la Haute-Plaine. Ils y obtinrent bien vite droit de
cité et supplantèrent dans le cœur de la population urbaine
les cultes un peu vieillis des divinités démotiques. Ce n'est pas
à dire que tout soit de provenance argienne dans la religion
ultérieure au synœcisme. D'autres influences s'y manifestent
et l'élément arcadien y tient encore une grande place. Mais lui-
même y semble plus récent que le fond primitif des cultes de
bourgades où nous avons reconnu comme les assises mytholo-
giques du paj's mantinéen. A peine la nouvelle enceinte eut-
elle dressé dans la plaine la couronne de ses créneaux, les
dieux étrangers vinrent de toutes i)arts s'y abriter en des
temples parfois luxueux. Les uns arrivaient d'eux-mêmes,
introduits on ne sait par qui, colportés peut-être par quelques
prêtres ambulants qui débutaient modestement en attendant
la faveur populaire. Les autres, sollicités i)ar les habitants
eux-mêmes, autorisés par un oracle, recevaient les honneurs
d'une installation ofTicielle et pompeuse, car les Mautincens
comprenaient qu'au prestige matériel de leur puissance nou-
veau-née il fallait ajouter le prestige moral que confère la
présence de divins protecteurs. C'est pourquoi ils imaginèrent
la cérémonie du transfert des restes d'Arcas. De toutes façons,
la ville s'enrichit de sanctuaires, sans qu'il soit toujours possible
de déterminer la date exacte de chacune <lc ces fondations.
Mais, en dehors des murs, le développement mythologique était
arrêté, pour toujours. Les dèmes se contentèrent de leurs anti-
ques Çôava de bois ou de pierre grossière et ne songèrent ni à
rajeunir leurs dieux ni à leur donner de nouveaux confrères,
taillés dans le marbre par Alcamène ou Praxitèle, comme ceux
de la ville. La capitale centralisera désormais toute l'activité
religieuse aussi bien que l'activité politique.
286 MANTINÉE ET l'aHGADIE ORIENTALE.
L«« A vrai dire, parmi les cultes que nous allons passer en revue,
„nc, pr^urb....» plusieurs ont du exister avant le V« siècle. Il est difficile d'ad-
ou du dème . , . . . , »
ci-ninii. mettre a cetle cpocfuc un synœcisnie religieux partiel, consé-
quence du ,synu3cisme politique. On ne se figure pas Athéna
Aléa émigrant de son dème pour venir s'installer aux bords de
rophis, sans que Pausanias, qui signale le fait pour Tégée (1),
en ait été informé. Aléa, comme Poséidon Hippios, était de ces
divinités qu'on ne dérange pas. La solution de cette difficulté me
parait être la suivante. Parmi les dèmes centralisés, celui de Man-
tinée proprement dit devint le noyau de la capitale fortifiée (2).
Si les autres cultes démotiques ont subsisté sur place, auto-
nomes et intacts, ceux du bourg principal se sont naturellement
fondus dans la nouvelle ville, sans avoir à se déplacer. Il y ia
donc un certain fonds démotique dans les cultes urbains, fonds
antérieur au synœcismc, mais dont il n'est pas toujours aisfe de
discerner tous les éléments.
Athéna Aléa était la souveraine de ce groupe. Autour d'elle,
il faut distinguer un groupe de dieux qu'on pourrait appeler
préurbainSy c'est-à-dire appartenant à l'époque où le bourg de
Mantinée, sans constituer à lui seul l'état mahtinéen, était déjà
le chef-lieu des dèmes. A ce titre, il devint de très bonne heure
le rendez-vous des mélèques divins oîi héroïques, aussi bien
que des simples mortels attirés par son agora bii' par l'asy lie
de ses sanctuaires. On a vu qu'Argos servait d'intermédiaire
entre le monde oriental et l'Arcadie fermée. Les 'marchés de
Tégée et de Mantinée restèrent tributaires du bazar d'Argos
))Our la plupart des produits exotiques. Même 'cette influence
civilisatrice d'Argos avait survécu à la suprématie achèenne.
Les Aicadiens de l' 'A<p6i8àvT6io(: xXrjpoç la subirent' piesqiie îîisén-
siblement; par longue accoutumance, en' recevant' che^" eux
les cultes que l'Argolide leur apportait, soil qu'elle les tirât
de son fonds propre, soit qu'elle les eût elle-même reçus du
dehors. ' ■ ■ . '
Us 8«nriii.nires Pour l'étudc dc cc groupc primaire, la liste des tribus manti-
rponyims de« uéeiines UGus fouiuit les plus précieuses' àorihé'es!,'yL'intér^^^
(i) VIII, 47, 1. Lîi slîiliic d'Athcna Hippla fut transportée du dèmô-dôs
MantliynicDs rt înstJilJtHî flans; \\\ tomplQ d' Aie», . J)our,Tom placer, la 'statue
qniçvcç par Augustr. .. , .j .i. : i." ■ m" ^ i iMiiH • ii'iil ■-.''
,(2) C'ost.saiis doutii une consid^'^ralion anHloguo qui ii (aU supposer à KhU (tiio
ce drmc contrai portait lo nom dU/('a {A'ac/ir. (L (ies. Ht- Wiss. Gott. 189;3l
p. ao9).
riliiis miminry.
LA RELIGION MANTINBENNE. 287
principal de ce document réside dans la mention des divinités
éponymes des tribus, lesquelles correspondent aux quartiers de
la ville, dénommés d'après leurs sanctuaires rcspeclits, comme
à Tégée el sans doute aussi à Mégalopolis (1). 11 reste à préciser
pourquoi on a choisi tel parrain plutôt que tel autre. Tout
d'abord, on remarquera que le nom local des divinités éponymes
est religieusement conservé dans Tonomastique des tribus.
Épaléa dérive d'Aléa (et non d'Athéna, comme l'Épalhanaia ou
l'Athanéatis de Tégée), Ényalia d'Ényalos, lloplodmia d'Uoplod-
mos ou lloplodamos, Posoidaia (2) de Posoidan, Anakisia de
Anakes. Mais Manlinée possédait d'autres sanctuaires que ces
cinq là. Ils n'étaient même pas les plus importants, puisque
deux d'entre eux, celui d'Hoplodmoset d'Ényalos sont omis par
Pausanias. Si l'on attribue une valeur topofçraphiquc à la des-
cription de Pausanias, le temple double d'Asklépios et de Léto
devait occuper le quartier de la tribu Posoidaia, tandis que le
sanctuaire de Poséidon Hippios se trouvait à 7 stades hors des
ipurs. Or, le noni de Poséidon a. prévalu. On s'est donc inspiré,
pour la désignation des tribus, moins des considérations topo-
graphiques que des ^traditions sacrées. Ce sont les sanctuaires
indigènes les plus anciens qui ont été choisis pour éponymes,
j'entends ceux du dôme principal de Mantinéc |)ropre, le noyau
de la ville future. Nous avons donc dans cette liste des tribus
une indication préalable pour le, classement chronologique des
cultes urbains. Le groupe des cinq sanctuaires éponymes
préexistait au synœcisme(3). Quanta l'ordre dans lequel ils sont
énuméré^, il dépend de causes secondaires, telles que l'impor-
tance relative de chacun des quartiers sous le rapport de la
population, du nombre de guerriers fournis, etc. . . L'inscription
datant, de la première moitié du IV,® siècle, la hiérarchie primi-
tiy,e .avait pu être bouleversée en l'espace d'un siècle.
Cette divinité est une des plus anciennes et des plus considé-
I ( 1), Inscriptions. de |Vl<'ignlopoli^,, dans Iqs Excavations al Mcgahpolis^ p, lii.
Tribu Ilavaôxvaia.
(2) Plutôt que Posoidlia (Rôhl, ÀLhen, Miith, l, 234). - Sur la forint*
IlodoiSav, ,voy. Foucart. Inscr. du^Félop. SmX'} ab, n" 3i).') a. r- / !
•"'(3)'Jo crois l'inscription contemporaine de la bàlaillo de 302 (Vôy. p. I(X)).
Les tribus énumérccs sont donc celles de la ville apri's sa reconstrilctlôn en
371.iMals leur nombre' et leurs noms doivent être restés les tnômeâ que dans
TAnclenne Mantlnée. •'• " ' j » ' , i ■ - . ;. •• .
288 MANTINÉE ET l'ARCADIE ORIENTALE.
rables après Poséidon Ilippios. Le texte de Pausanias ne laisse
f^ucre deviner son importance réelle. D'ailleurs, sauf pour le
temple de Poséidon, cet auteur est sobre de détails sur les
sanctuaires mantinécns. 11 se borne à une énumération assez
sèche et assez confuse. c( Les Mantinéens, dit-il (1), adorent
aussi Atliéna Aléa ; elle possède chez eux un temple et une
statue. )) En revanche les inscriptions et les monnaies suppléent
à rinsuffisance de cette brève mention. C'est d'abord le nom
(V lw"AX6a<; porté par une des tribus urbaines, l'équivalent de
r l7t"A0avafav tégéate (2), puis le fragment d'inscription archaïque
qui règle les satisfactions dues à ia déesse pour violation de
son asile à la suite d'un meurtre, enfin les monnaies où la tète
d'Athéna s'oppose h Dionysos, ou à Poséidon, ou bien à Kallisto.
Bien qu'étouffée par Poséidon, Aléa n'en est pas moins à Man-
tinée un personnage divin des plus importants et des plus
anciens.
Le nom de la tribu mantinéenne et l'intitulé de notre inscrip-
tion (Fo<pXca(ii oV8e h *AXéav) concordent pour nous donner le
vrai nom de la déesse, dans la première moitié du V« siècle.
A cette époque, elle s'appelle à Mantinée Aléa tout court (3).
Elle est la déesse Aléa, à Oebç à 'AXea, pure de toute assimilation
avec une divinilé étrangère. Dans le cours de la môme inscrip-
tion, elle est désignée : la déesse, à OecJç. Évidemment l'identifi-
cation avec Athéna de cette divinité indigène s'est accomplie
après coup, sous une influence qui reste à déterminer. Arca-
(lienne de naissance, elle s'est hellénisée sur le tard, du moins
à Mantinée, suivant la môme loi qui opéra la fusion de plu-
sieurs divinités cantonales avec d'autres personnalités plus
importantes ou plus célèbres. C'est ainsi que l'antique Hagémoné
(1) Paus. VIII, 9, 6.
(2) Appelée aussi 'AOaveaTiç (Pnusan. VIII, 53, 6) ou plus correctement
'AOavaiaxiç (Foucart. Inscr. du Pëlop, p. 191).
(3) Dans les tcxtos antérieurs à Pausanias, Athéna est une apposition à
Aléa. — Hérod. I, GO : nt^X tov vtjov t7|; 'AXItiç *A6Tr|vaf7|;. Cf. IX, 70. —
Ménandrc, Frag. corn. grœc. éd. Melncclte, IV, p. 323, n* 4G2 a : 'AXÉaç
*A07|vaç. — Slrab. VIÏI, p. 388 : to Upbv Ty\<; 'AXéaç 'A67|v5<;. Cf. Melsler
Derickte der K. aàchs. (ie^ellschaft. d. Wissens, 1889, p. 83, et mon article
dans le Bull, de Cnrr, hell&n., 1892, p. 573 et Inscr, du Pélop, 337. Dédicace
de l'épociue impériale à Tégée : KXcowaTpa Upaffa|JL6va 'AXéqt *A6ava. La
forme 'AOava^a {Inscr, du Pélop, 352 d) se trouve à Mantinée, en lettres de la
bonne époque, sur un simulacre de la déesse de forme pyramidale.
LA RELIGION MANTINKENNE. 289
d'Aséa (1) est devenue Artémis Hégémoné, l'Ilymnia du Ménale
s'est transformée en Artémis Hj^mnia, Gallislo en Artémis
Callistc, Alalcoménia en Alhéna Alalcoménéis. L'origine de ces
noms isolés doit être cïierchée dans les invocations adressées
primitivement ù un être divin, sinon un, du moins conçu comme
réunissant en lui un certain nombre de qualités, telles que
la Beauté, rilarmonici la Souveraineté, la Vertu protectrice.
Les épithctes spéciales ont conduit à la personnification auto-
nome de ces diflérents aspects de la divinité anonyme (a 06<5ç)(2).
La Toute-Belle s'est distinguée de rHarmonieuse, de la Souve-
raine, de la Protectrice. Les cantons arcadicns ont appliqué en
toute candeur l'adage nomina numina, et créé nombre de per-
sonnalités divines avec des attributs moraux ou des qualités
physiques. Quand les dieux helléniques pénétrèrent dans
l'abrupte province, ils absorbèrent peu à peu ces divinités
locales, impuissantes à défendre leur individualité et leur nom.
Cette métamorphose dut avoir souvent pour complices les
prêtres et les exégètes locaux qui pensaient rehausser le pres-
tige des idoles indigènes, en leur prêtant, grAce à des analo-
gies plus ou moins fondées, les attributs et le nom de dieux
plus fameux. C'est le résultat de ce travail déjà lointain que
Pausanias, imbu d'idées modernes, a consigné dans son livre.
Sous ses assimilations savamment banales, il est souvent impos-
sible de retrouver la rubrique originelle des vieilles divinités.
Ainsi, dans les passages relatifs à TAthéna Aléa de Tégée, de
Mantiuée et d'Aléa, rien ne nous avertit que nous avons
affaire à un personnage étranger par ses origines et son carac-
tère.à. la Pallas classique. Et pourtant Aléa n'était ni un reflet
ni une émanation de celle-ci. Il est heureux que, sur place, les
idées anciennes aient parfois résisté aux essais centralisateurs
des mylhographes, et qu'on retrouve la trace authentique de
ces idées dans certains monuments figurés ou épigraphiques.
Aléa ressemble beaucoup à l'Alalcoménia du Tilphousion. C'est
une Protectrice, Son nom signifie à la fois abri, refuge, asile et
(1) ^Ayt^LM a le inAnic sens qu'TjyeiJLoiv et, par suit*', ([u'avaÇ, àvaaaa,
qualificaUfs plus iisuols.
. (2) Cf. les textes cliyj)riotes, où la déesse tlo Paphus (y. llaopia) est de
inômc simplement appelée i Oeoç, a Favacjcra, avant son absur])tlun par
l'Aplirodile grecque. Collllz-neclitel, Gricch. Dialect. Inachrifi^ Chypre, n" 1.
.Mnntînêe. — 20.
290 MANTINBB ET L*ARGADIE ORIENTALE.
éloignement, secours (1). Elle accueille les fugitifs et lient les
ennemis à distance. A Tégée, son temple est un asile célèbre ;
on y accourt d'Argos et de Sparte (2). Elle est aussi le rem-
part de la cité. Elle acaipare le rôle de divinité poliade, et
reçoit en ex-voto les entraves des captifs ou les dépouilles
(les ejinemis (3). Son Jiom ayant un double sens, elle devait
forcément bénéficier de l'équivoque (4). A Mantinée, dans la
première moitié du V^ siècle, comme le prouve notre inscripr
tion arcliaïque, c'est surtout l'idée de refuge qui s'associait au
nom d'Aléa.
Le culte d'Aléa est indigène en Arcadie.' On ne le trouve
(1) Hesycli.: 'A.X67) 'àXaÇiç, 6 âtrriv 6xxXi(riç. — Cf. Homère. ïl. XXII, :W0 sq :
vuv 8e o-r\ èyyuOi |JLOt OavaTOç xaxbç où^i T'aveoOev, oûB'àXeiri. '— Hcslod.'
Trav. et joursim sq.: ScpjxaTa vuppàuTciv veupo) pooç, 'ocpp 'iicl vcStu ùetou
àjjLtpipiXy) àXeYjv. — 'AXé Fo> = àXsuw veut dire, fuir cl éloigner.. H se
retrouve dans le nom des Alcuudes UicssallcDS. Un équivalent d' 'AXea est
'AXeEàvSpa, éplUièlo d'IIéra d'Argos. ''llpa; tr^^ xaXou(JLévT,ç 'AXeÇdvopaç
lepôv, TÔ 5è <puYttv TiVÊÇ àXavOai (ovojjLaÇov. Schol.- ad Pindar. Nem: IX, 30i
{i) Pausan. Il, i7, 7. — Ul, 5, 6; 7; 9. ^ Plut. ly*. 30. «i ' <!!;».•! ■'
(3) Uérodot. I, 00. — Pausan. VIII, 47, È et 5, *- IXi 70. m, . - !• •
(4) Un 3* sens, indiqué par les lexicographes, améme .servi do point dii
départ à une Uiéorlc mythologique. 'AXéa signiliant çhaleur,on en, a, déduit,
le caractère igné et solaire do la divinité. Jlerodian. ap. Steph. Byz. s. v.
'AXéa : 'HptoSiavbç oé ^'/^crtv « àXea km t"tjç 06p{Aa(T{àç xai oitôxe BtjXôï t'/jv'
^uy/jv papuvÊiai, inl ht ttjç 'AOtjvqcç o^uverai. » 'Hî^rO^ ^^' '^^^ touto
papûvetv. Cf. Ktyin. Magn. 'AXea. — Proclus in. llcsiod. op. 491.- D'aprêâ
0. MùUor (A7. Sc/ir. Il, 177), Atliéna AkSa est, l'incarnation do la chaleur
féconde de l'été. Klaustm {Jîncâs u. d. Penalen. I, p. 309,. n" 010) rappro-,
ciie d'Aléa le nom d'Augù, hypostase de la déesse ; Immcrwarir {KiiUe
Àrkady p. 02) invoque l'épisode de Sitépbros et do Loi m on, ' raconté", par
Pausan. (VIII, !>3) pour opposer le culte d'Aléa, déesse dof la sécheresse blcn-^'
faisante, i\ celui de Poséidon, qui épand les eaux «i trayprs la plaine maréoa-,
geuse. Mais, outre que le mythe do Sképhros et de Lçlmo,n .n'aaucy^ rapport;
avec Athéna Aléa, on ne trouve, ni dans les légendes do Tegéc ni dans,
celles de Mantinée, ni dans cellos d'Aléa,' aucune preilve d'une rivalité entre
Alé4i et Poséidon liippios. Le mythe athénien do Ja lutte entrO les deux Uivi-'
nilés ne. semble pas s'être implanté en Arcadie. C'est) Mu ira «la ,Ullo d'Atlas,'
qui personnifie dans ce^pitys lu chaleur solaire. L'assimilation , d' Athéna. Alési .
avec une divinité ignée est l'œuvre de commentateurs, qui se pont plu à
joiîcr sur les mots. Mais cette idée n'a pas influencé le' culte. I^ théorie
d'Immerwahr osi donc plus ingénieuse et plus savante quo solide. Le fait
qu'Athéna et Poséidon figurent de chaque cété de cerlainos monnaies manti-
néenncs (Millingon. une. coina. IV. 23i, n'est pas un argument suflisf^nt, Les
divinités associées sur les monnaies n'oint pas forcément entre, elles un lien
étroit : sur d'autres pièces, Athéna s'oppose i\ Dionysos ou & Caïlisto. C'est en ,
ciualité de Polias (lu'Athéna casquée figure sur les monnaies mantinéefançs.
' .! ;>• II! / .t 'I
LA RKU6I0N MiU«TIN£ENNE. 291
ailleurs qu'en Laconie, où il est descendu de Tégée (1). Il est né
de la création d'un asile arcadien. Pendant la période troublée
qui suivit l'installation des Doiiens dans le Péloponnèse, la
Haute Plaine s'oilrait comme un |)ays neutre où les bandes
fugitives et les familles dépossédées trouvaient refuge. Dans la
légende, Oreste, les Péliades, Pénélope, Aphcidas et sa bande,
trouvent asile à Tégée ou à Mantinée. Plus tard, Apbeidas,
quoique venu d'Argolide, fut rattacbé à Arcas. Son fils Aléos
passait pour être le fondateur du culte d'Aléa, ce qui, sans
doute, signifie qu'Apbeidas ouvrit un asile aux réfugiés de sa
race. C'est, en eflet, l'Argien Mélampous qui dresse l'autel de
la déesse. Le même Aléos était oIxkttt^ç de la ville d'Aléa,
c'est-à-dire qu'un autre asile fut ouvert dans celle ville. De
plus, le fils d'Aléos, Képheus, installé dans un c^mton voisin,
accueille les suppliants attiques chassés par Egée (2). Mantinée
devint aussi un lieu de refuge. De ces trois asiles, d'Aléa, de
Mantinée et de Tégée, placés sous la sauvegarde de la déesse
Aléa, quel était le plus ancien ? Le nom de l'asile devenu dans
la première le nom môme de la ville, l'importance de son enclos
sacré attestée par un règlement religieux de la première moitié
du IV® siècle et déposé à Tégée (3) semble créer une présomption
en faveur d'Aléa. Son territoire confine à celui d'Argos. Ce n'est
qu'un vallon exigu, encaissé, isolé de toulos parts. Il n'était
guère appelé à de brillantes destinées, mais plutôt voué à la
dépendance à l'égard de Stymphale ou d'Argos.
Au tempsJ de PauSîinias, il avait fait retour à l'Argolide (4).
De très bonne heure, ce canton dut servir de cachette aux fugitifs
qu'.un crime ou des raisons politiques chassaient de l'Argolido.
11. est donc possible que les Apheidantes s'y soient établis tout
d'abord, pour de répandre ensuite dans les plaines prospères de
la MàntihiqUe et delaTégéatide, où, renforcés par les recrues qui
leur arrivaient de leur pays d'origine, ils se seraient bientôt
trouvés en bonne position. Tégée, avec ses neuf dèmes, devint
alors' là puissance de l'Arcadie orientale, le centre des échanges
côlhmérciàux et religieux entre l'Argolide et l'intérieur du Pélo-
l>onnese. La renommée, 'et l'importance de son asile s'accrurent
li- 1 •.» ■'■ ' ■ .■'."■•
(l) Pausan. III, lî), 7. ^ Xcnoph. HcUm. Vj, ;i, 27.
(2J Pausan.' VIII, 2i3, 3. ' '
(3) nérard. Buil, de Cor. hellén. XIII, p. 281, et Mclstor, lier, sa dis, GeseL^
i88i),^p."«3.";_"'" ' '■/ \ '"[. \./
(4) 'Paus'.'vïli, 23, j.' ' ' '"
\ .
292 MANTINÉE ET l'ARCADIK ORIENTALE.
au point de relé^u(3rdaiis Tombré ceux d'Aléa et de Mantiiiée(l).
C'est alors que l'Atliéna argieime s'installa à Téç;ée. Elle y vint
d'abord indépendante. Les traces de son culte subsistent dans le
nom de la tribu éir' 'AOavatav, dans le culte d'Athéna Poliatis
el le sanctuaire de r^EpyiJia (2), où se trouvait déposé le talisman
de la ville, un cIkîvou de la Goriçone donné à Képbeus par la
déesse (3). Mais rc culte indépendant ne réussit pas à se déve-
lopi)er ; le prêtre n'entrait qu'une fois par an, au dire de Pau-
sanias, dans le temple d'Atbéna. C'est que, de bonne beure,
Albéna s'élait fondue avec la toute-puissante Aléa. La déesse
Protectrice était devenue d'abord la Protectrice semblable à
Athéna('AXca 'AOavî), et finalement. Aléa passant du rôle de
substantif à celui de qualificatif, Athéna la Protectrice ('AOTjva
*AXéa). Les deux personnalités de la i^rotectrice et de la Poliatis
se combinèrent en une intime union. La déesse issue de ce
mélange gardait de l'antique Aléa le droit de l'asile et y ajou-
tait les attributions guerrières de l'Athéna Polias d'Athènes, qui
devint le modèle de la plupart des déesses poliades.
Le règlement religieux de Tégée laisse deviner l'existence,
avant 371, d'une amphictyonie arcadienne dont le culte d'Aléa
était le lien religieux et Tégée le centre (4). Elle réunissait les
anciens asiles placés sous la sauvegarde de la Protectrice,
c'est-à-dire les sanctuaires d'Aléa, de Mantinée et de Tégée,
peut-être aussi celui de Kaphyai, lié par Képbeus à la légende
d'Aléos (5). Le point de départ de cette association, suivant
(1) Se réfugièrent h rasile de Tc^gôo : Mcltas (?), roi d'Argos (Dlod. fr. VII,
o). Clïryséls d'Argos (r»jnis. H, 17, 7), Léotyclildc de Sparte {ib. III, 7, 9),
Uêgésistralos d'Élis (Ilôrod. IX, 37), Pausaiiias (X6n. Ilellen. V, 2Î5. — Paus.
lïl, .'5, 6. — Plut. Lys. :\0).
(2) D'après Mcislcr (Ouv. cité, p. 83) ce culte dériverait de celui de la déesse
Aléa, dont le nom mal compris aurait été traduit par ëpujxa (to tou 'EpufxaTOc
Updv). Cette interpréUilion me semble peu motivée. — L'épithètode 'Aa^ruo^oç
(Kôhl. Ins. gr. ant. 9i. — Collltz. 1, 1218), semble se rapporter à- la Poliatis.
(3) Pausan. VHI, 47, (î. Voy. une autre version dans Apollodore, II, 7, 3. La
tête de la Gorgone était, disait-on, enterrée k Argos, prés du temple d'Athéna
Salpinx (Pausan. Il, 21). La légende tégéate d'Augé, prétresse d'Athéna,
enfermée dans un coffre (Rurlp. ap. Strab. XIII, G15) avec Télôpbo, rappelle
le mythe arglcn de Danaé.
(4) Ce point a été très nettement dégagé par Meister (ont?, cité, p. 84). Il
compare le rôle de la ville d'Aléa dans cette association à celui d'Anthéla
supplantée par Delphes dans la direction de l'amphictyonie pyliennc. Cet
ingénieux rsipprochemenl n'est p;is s;ins valeur.
(5) Le culte d'Athéna à Kaphyai est attesté par les monnaies (Gardnor. Calai,
of gre.ck coins in thc Urit. mm. Pelop. pi. XXIII, 4).
LA RELIGION MANTINÉENNE. 203
M. Meisler, aurait été, dans les temps primitifs, la ville d'Aléa.
Tégée, à l'époque de son épanouissement, la supplante, mais
Aléa conserva pour son enclos sacré des privilèges dont le
détail est spécifié dans l'inscription. Les villes ampUictyoniques
se trouvaient représentées par des hiéromnéinons qui perce-
vaient, au profit de la caisse commune, la moitié de certaines
amendes, lisse réunissaient à Tégée au moment de la Tripana-
(forsis ou triple panégyrie, sans doute ainsi nommée parce que
la fôte en l'honneur d'Aléa avait lieu à la fois dans les trois
villes, centres du culte de celte déesse (1). Celle solennité s'ac-
compagnait de' grands sacrifices, de banquels, de jeux : à
Tégée, dans un stade spécial voisin du temple, on célébrait les
'AXeata.
L'assimilation d'Aléa et d'Atliéna, commencée à Tégée, illus-
trée par la popularité du sanctuaire le plus riche de l'Arcadie,
passa dans le langage courant. Le' nMe historique de Tégée
contribua à la diffusion du nom d'Aléa-Alhéna ou Alhéna-Aléa,
appliqué par Pausanias à tous les sanctuaires d'Aléa. Mais à
Mantinée, et sans doute aussi à Aléa, la liturgie demeura long-
temps rébelle à cette combinaison. La divinité primitive y
défendit jusqu'au V® siècle son nom et sa personnalité. Cepen-
dant, à Mantinée, l'Alhéna argienne s'était aussi introduite sous
le patronage d'IIéra : elle figure avec Héhé aux côtés d'IIéra
dans un groupe sculpté par Praxitèle (2). D'autre part, un
petit hennés de marbre, terminé en pyramide et accom|)agné
de l'inscription 'AOavata en lettres de la bonne époque, a élé
retrouvé par M. Foucart (3) ; c'était la reproduction même de
la déesse sous la forme télragonale chère aux Arcadicns (4).
Finalement, la Protectrice manlinécnnc suivit l'exemple de sa
voisine et se convertit en Polias. Elle figure, tout à fait hellé-
nisée, avec le casque corinthien, sur les monnaies de la ville
postérieures à Épaminondas (5). On pourrait supposer que ce
(1) Ou parce qu'elle flurait trois jours? A côté du Consril des 300 »'i Tvm'v,
intervient un Conseil des 50 dont i'idenUflcntion est incrrlainc. M. Hrrard y voit
l'antécédent do la Houle des 50 démiurges du Kotvôv 'AûxaBixôv ; M. Meisler
pense qu'il se coniposnit de 50 hiéromnémons. Sur les 'AyeaTa, Paus. Vill,
47, 4. - Schol. Pind. Olg. VII, 153. - C. I. G. 1515. - Frànkel. Insclir. v.
Pergamon, i5G. — Cîivvadias. Épidaure. n» 78.
(2) Paus. Vlil, 913.
(3) Imcr. du Pclop. 352<ï.
(4) Paus. VIII, 35, 6. — 48, 6.
(5) Gardner, CataL ofgreek Coins, pi. XXXV, 1, 2, 4, 5, 0.
294 MANTINKR ET L*ARCADIR ORIENTALE. '
lyi)e se rapporte à une divinité indépendante, comme l'Athéna
Foliatis de Tégée. Mais Pausanias ne mentionne aucun temple
spécial a Alhéna. Il est plus plausible d'admettre que la fusion
d'Aléa etd'Alhona s'est faite dans la Nouvelle-Mantinée après 371.
Le désir de faire concurrence à la rivale tégéate ne fut peut-ôtie
pas étranger à celte combinaison.
Le sanctuaire d'Aléa avait, dans la première moitié du V« siècle,
une importance qu'il perdit sans doute plus tard, à l'époque
romaine. Une grave alTaire d'iiiérosylie, dont une inscription
nous a conservé le souvenir (1), mit en jeu la justice humaine
associée à la justice divine, et un /pTjCTTT^piov qui est peut-être
l'ancien oracle de Poséidon Hippios transformé comme il a' été
dit plus haut.
L'épilhète de la tribu 'EvuaX(a est tirée de 'ËvuxXioç, dieu
guerrier et destructeur qu'honoraient les jeunes Spartiates' (2) i
Ce nom est tantôt isolé (3), tantôt accolé comme eurnom à celui
d'Ares (4). Le poète Alcman les séparait parfois, parfois leà
réunissait (5). L'identité d'Ényalios et d'Ares soulevait déjà un
])roblème pour les anciens (6). Certaines légendes attribuaient à
Ényalios une généalogie tout a fait indépendante d'Ares, en le
donnant pour fils de Kronos et de Rhéa (7), ou comme originaire
de Thrace (8), ou comme issu de Poséidon et de Libye (9). il
est donc malaisé de décider si nous avons affaire ù un dieu pri-
■; .;;!,■ !•"!'. /i .',.;».: ■■ ]
(1) Voy. le texte et In traduction de ce documénl aux Appèhîtices.
(i) Paus. III, ii, 9 et 10, — 20, 2. Sur l'étymoiogic d*'Evu(o,'d6osse des
massacres et des combats, <'issoci6e s'i Ares comme rature où nourrice, compagne
ou flile, Yoy. Suidas, s. v., et Roscher, Mytk. Lexic, ^.v. Enyb Strabon iXII,
2,3.) assimile iï Knyo la déesse Ma, adorée à Comana de Cappadocc (XII, 5, 35).
(3) Itiad. II, Gol. — XIII. 519. — XVIH, 309. — Tbucyd. IV;, 07, ;-r7 Pausan.
111, 14, 9, 10; —15, 7. — 20, 2. — Plut. QuaesL gr, ,111,. 290 D. — ,lftrfu|.
mulier, IV.
(4) II. XVII, 211. — Voy. Roscher. J/y«A. Icxici's. V. Èriyàlios.'— wîiieî
Lakon. Kuïte, p. \t^9. ' ' I •■ . n. i;i. m .;M
(5) Scliol. Aristopb. Pac. 457. • '\ «i !* '•. .( iîl-'j
J6) Ib» • -Kpbç Toù; oiO|xév6uç ' tuiv ' vecot £pa)v tbv ' (xxtiW elvai *'Apti' ' xal
'l«]vuxXtov, xaT'^èiciOeTOv. Le serment des éph^bcs athéniens 'dahsi Polliik,
(Vlll, 106) laisse la quesUon douteuse : ^Ay^avXoK,. 'l!ivp,dX(Oc; "'ApTjç pçut a^9Si
^ s'écrire sans virgule. ., < . ,;. . .:,.,,,,,,,..,■,»./ ,i '•im J
(8) EusUth., p. G73, 50.
"I"
(9) loann. Anlloch. fr. (îlîi. Fr. hisL On IV,' p. i>4i.'
ir.'.l iiMMM' ^Ir'iîii
LA REUOION MANTINKRNNE. 295
mitif absorbé par Ares ou bien à une éinanalion de celui-ci.
Cette indécision s'explique par la double Icndance en sens
contraire qu'on constate dans les mythes grecs. La première
est la tendance à l'anoblissement. 11 n'est guère de héros local
qui ne possède l'étoHe d'un grand dieu et ne puisse aspirer à
siéger sur l'Olympe. Il lui suffit de prendre le nom d'un des
Olympiens et d'y ajouter le sien propre en manière de surnom
ou d'épithcte. C'est par ce procédé synthétique que les villes,
sciemment ou non, faisaient monter en grade leurs divinités
indigènes et rehaussaient le prestige de leur Panthéon. La méta-
morphose de l'Aléa tégéate en Athéna, celle du Charmas palian-
tin en Zeus Charmon, du Kéraunos mantinéen en Zeus Kéraunos
en sont des exemples typiques. Il y a, en pareil cas, augmenta-
tion de la qualité. C'est, en général, la transformation la plus
ancienne, parce qu'elle s'est produite au moment où les canlons
jusqu'alors isolés ont pris contact avec les mylhcs helléniques.
Le mouvement contraire indique une date plus récente. 11
marque une tendance analytique et particularisle. On prend
dans, le domaine commun l'un des grands dieux et on le
confisque sous forme de héros local. Pour cela, on fait abandon
de son nom propre et l'on donne l'autonomie à sa personnalité
secondaire caractérisée par son surnom, lequel devient le nom
du héros. Par exemple, d'Ares Ényalios on tirera Ényalios,
(le jZeus Epidotès le démon Épidotès, d*Arlemis Kallisié la
nymphe Kallisto, d'Artémis Hymuia la nymphe llymno. Parfois
ce second avatar n'est qu'un retour, sous une forme secondaire,
au morcellement primitif de l'être divin en aulant d'individus
qu'il, y avait d'invocation$ rituelles.
Il La distinction entre ces deux genres de mélamorphoses n'est
pas toujours possible : car rien ne ressemble davantage à un
héros' divinisé qu'un dieu liéroïsé. Ares lOuyalios est-il un
Ényalios âiiobli, ou bien Ényalios'est-il un Ares ICnyalios déchu?
Cette question reviendra plusieurs fois dans les mêmes termes.
Pausanias sur ce point ne donne que peu de lumière. La décom-
position des grandes personnalités divines en i)eiilcs divinités
était un procédé de rajeunissement mythologique dont les
Alexandrins ont beaucoup usé. Aussi quand Pausanias signale
quelque part le culte d'un héi'os dont le nom sert en inénfc
temps de surnom à un dieu de l'Olympe, la ([ucstion reste dou-
teuse. Les textes épigraphiques sont plus probants, pour peu
qu'ils remontent à une époque assez ancienne où la foi tradi-
lléros divinisés
el dieux hcroTsés
296 MANTINKE ET l'aRGADIE ORIENTALE.
lionnelle était encore assez naïve et robuste pour ne pas s'énerver
en de décadentes sublililés.
A l'époque où furent constituées les tribus mantinéennes,
c'est-à-dire dans la |)reinicre moitié du V® siècle, les cultes
cantonaux avaient conservé toute leur vitalité native. Or, en
Arcadie, le culte d'Arcs, pur de tout alliage avec Enyalios, exis-
lait en Azanie (1), à Lycosoura, à Mégalopolis, à Tégée, tandis
(|uc la présence d'Knyalios en Arcadie n'est attestée que pour
Mantinée. D'autre i)art, on ne peut refuser à l'Enyalios de Sparte,
représenté par un vieux Çôavov aux pieds enchaînés (2), les
caractères de la plus haute antiquité. S'il s'associe, dans le
culte, à Ares, rien n'indique qu'il se soit confondu avec lui. Au
contraire, il vit dans une intimité peut-être plus étroite avec
Poséidon Gaiaochos et Athéna (3). Le môme groupe se retrouvé
dans l'ancienne Mantinée où Enyalios serre de près Aléa et
l'oseidon inp|)ios. Enyalios semble donc, primitivement, avoir
été un dieu guerrier indépendant de l'Arès hellénique, puis
combiné avec lui pour en être séparé de nouveau, puisque
l'épithète d'Ényalios se présente aussi sur le tard accolée aux
noms de Zeus et de Dionysos (4). A Argos, la légende de
l'héroïne Télésilla (fin VI® siècle) s'associait au culte d'Énya-
lios (5). Mais le culte d'Argos paraît être une copie de celui de
Sparte. Les Argiens vainqueurs (G) n'installèrent Enyalios chez
eux que pour démentir la légende laconienne qui le représen-
tait, comme la Niké Aptéros d'Athènes, hors d'état de s'échap-
per de Sparte (7). Il en résulte que c'est très probablement par
l'intermédiaire d'Argos qu'il est venu s'établir à Mantinée
associé à sa voisine dans le même esprit d'opposition anti-iaco-
nienne.
(1) Le cheval Arelon de la légende Uiclpouslcnnc est fils do Poâcidon et
d'Krinys. L'origine béotienne de ce mythe est soutenue par Tûmpel. Ares u.
Aphrodite.^ p. G39) et Immerwahr {KuUe Arkad. p. 1(>3 et suiv.): 1
(2) Paus. IFI, 15, 7. — Voy. dans Rérard une explication de ces idoles enchaî-
nées {Orig. des cultes arcad., p. 100).
(3) Wide {Lak. Knlte^ p. 151) croit reconnaître dans la description de Pau-
sanias une répéUtiun (Paus. III, 15, G et IH, 20, 2).
(4) Joseph. Ant, Jud I, 4, 3. — Macrob. Sat. f, 19.
(5) Plut. Virtut. È!ulfei\ 4. De même h Tégée, celle de l'hérolno Marpessa'
se lie au culte d'Ares Gynailcolhoinas et d'Aléa (Pausan. YIH; 47, 2).
(G) De Cléomène, fils d'Anaxandridas (Plut, ibid), . '
(7) Pausan. III, 5, 7. ' . ,
ou
/kUS ]I(II'I^!(MI05
LA RELIGION MANTINKENNK. 297
La forme arcadienneWop/odmia équivaut à l'épitlièle IIoplos- nopf.on«os
mios (1), Tun des surnoms les plus rares de Zeus et même de
Héra. Héra Hoplosmia était. adorée en Élide (2) et Zeus IIoplos-
mios en Arcadie (3). 11 possédait à Métbydrion un temple assez
riche qui renfermait une table en or (4). Il est donc naturel de
conclure avec M. Foucart à Texistence d'un culte de Zeus IIoplos
mios à Mantinée. Mais ce personnage divin est encore de ceux
donton ne saurait dire avec certitude s'il a débuté par la qualité
do dieu ou par celle de héros local. Une tradition recueillie à
Métbydrion parPausanias (5) racontait que Ubéa, grosse de Zeus
et poursuivie par Kronos, se réfugia sur le Mont Tbaumasion où
les géants conduits par liopladamqs se firent ses gardes du
corps. A Mégalopolis, où une partie des.Mélbydriens avait dû
émigrer, on montrait dans le sanctuaire d'AsklépiosEnfant des
squelettes gigantesques^ . dont Tun était attribué au mémo
Hopladamos (6). Le nom d'IIopladamos n'est qu'une altération
d'iloplodamos ou Iloplodmos, dont Jioplodniios est. l'épitlièle.
Le géant Hopladamos de la légende méthydrienne n'est donc
pas sans parenté avec Zeus lloplosmios. Bien qu'il se présente
comme un personnage distinct, M. Foucart (7) propose de les
identifier, et l'on ne peut que le suivre dans cette voie. Mais on
manque de données précises pour décider si Hopladamos dérive
d'une épithète de Zeus ou si c'est un dieu local absorbé par
Zeus. Les rapports mythologiques entre Mantinée et Métbydrion
présentent assez d'analogie pour qu'on puisse admettre entre
les deux villes un échange soit de la légende d'Hopladanios, soit
du culte de Zeus llo[)Iosmios. Les Méthydriens avaient reçu de
Mantinée Poséidon Hippios. Ils localisaient aussi sur leur terri-
toire le mythe de l'àTcàTTj ou subterfuge de H béa au bénéfice de
Zeus, tandis que les Mantinéens l'avaient adai)té à la légende de
Poséidon Hippios. L'association d'Hopladanios à la légende de
Rhéa, sa conversion en géant, semblent cire l'œuvre des
Méthydriens. Mais le prototype du personnage pouvait exister à
(1) Exemples de rassibil.iUon du S dans le dialecte arcadien : ^épsOpa pour
BcpcOpa.. Voy. Meister, Qricch, J)ial., H, p. IOj-KJC».
(2) Lycophr. Alc^andr. v. 61i. Tzetzès. ad Lycoph., t. SriS.
(3) Arlstot, Départ, animal, III,, 10, 673 a, 19.
(4) Foucbrl, Imcr. du Pélop., 353, 1. 18.
(5) Pausan. VIII, 3G, 2.
(6) Pausan. VIII, 32, 3. •'
(7) Revue archéol., 187G, II, p. 102.
298 MANTINI^.R KT l'ARCADIE ORIENTALE.
Aîanlinée sous la figure d'un dieu indigène, patron de ces
danseurs armés dont la réputation était aussi ancienne que
répandue. Nous établirons Torigine cultuelle de cette fameuse
oirXtTixT) oG/Yier-ç de Mantinée, qui reporte la pensée aux rites
pélasgiques de Samolhrace et de Tlda, aux cérémonies des
Curôles, des Coryl>anlcs et des Sao», ancêtres des Saliens.
On sait aussi que Dardanos, le colporteur du culte de la Mère
<lcs dieux et des Kahires pélasgiques, passait pour originaire
d'Arcadie et que le nom du Dardanien Kapys, éponyme de
Kaphyai, équivaut à celui de Képhéus, fils d*Aléos, et père
d'Autonoé, fondalricc de Mantinée. De toutes ces indications, il
résulte que Manlinéc fait partie de cette zone mythologique qui
s'élcnd du l*élo|mnnèse central et de la Béotie jusqu'en Asie
Mineure, en passant par les îles de Lemnos, d'Imbros et de
Samothrace, les derniers refuges de la population pélasgique,
au dire des anciens, et les foyers de l'antique religion cabirique.
Nous ne saurions dépasser cette affirmation très générale sans
tomber dans la fantaisie. En particulier, la question de priorité
en ce qui concerne les cultes qu'on qualifie de pélasgiques,
résolue en faveur de la Béotie par l'école d'Otfried Mullcr, en
faveur delà FMirygie et de Samothrace par François Lenormanl,
peut encore être discutée! 1). En tout cas, étant donné la liaison de
i'iiopladamos méihydricn avec la Mère des Dieux, compagne
des Cabires, des Corybantes, des Dactyles et deleurscongénèresi
sa qualité de chef des Géants, alors que les Cabires de Pèrgame
et de Samothrace sont aussi qualifiés de Dieux fôrts'ei apparen-
tés aux Titans, la confusion constante des Géants et des Titans,
on peut souiH'onncr dans Tlloplodmios mantiriéèn un démon
cabirique transformé en un de ces desservants guerriers dont
le Saos ou Saon <le Samothrace, à la fois dieu, héros local et
ministre du culte, est le spécimen le plus complet. A Mantinée,
lloplosmios rons(»rve son originalité comme dieu'(,le la danseen
armes; mais, comme cette danse s'associait aux légendes du
Zcus de rida el du Ly^^êe, il n'est pas surprenant que les Arca-
diens se soient figuré le dieu lui-même dansant en armes et
qu'ils aieiif créé ain.si leur Zeus Hoploémios, àqui les Eléens
donnèrent pour compagne leur HéralIoplosmiàV Ces divinités
guerrières n'avaient pas le caractère violent' et 'sanguinaire
• I ' ..• . i . . X ..I • ..... I . f
(1) Voy. Crusius, Frogr. (1er Leipzig, T/winasschule^.i^lS&t et ce qui a été
dit plu^ haut sur le culto d'Aphrodite en Arcadie (p. 27Qr277). ,,;. .. f , ..
LA RELIGION MANTINBKNNE. 290
d'Enyalios. Elles présidaient moios aux massacres et aux com-
bats qu'aux parades militaires et aux savantes évolutions dos
danses d'hoplites.
Le nom de la tribu Favaxtafa complèlo, en la prccisanl, la ^" anak«s.
mention d'un temple des Dioscures par Pausanias (l). Ce cuUe
dans le Péloponnèse avait pour foyer la Laccuiie, où le couple
hitélaire des Tyndarides tient une si grande place dans les
légendes achéennes (2). En Arcadie, leur présence n'est aUeslée
qu'à Kleitor(3)et à Mantinée. Dans la première de ces deux
villes, ils se rattachent par leur nom de Oeol [jLsyxXoi aux Cabires
de Samothrace, qui se confondirent en maint endroit avec les
Tyndarides (4) ; dans la deuxième, aux "Avaxeç ou "Avaxxe;.
surnom des Tyndarides à Argos,ù Athènes (5)el ailleurs. Comme
à Sparte; le culte des "Avaxeç en Argolide semble anlérieur à
l'arrivée des Doriens (6). La légende de sa fondation par Hélène
le fait entrer dans;lo cycle traditionnel des Achéens-Lacuniens.
Les statues des Tyndarides remonlaieni à des temps très loin-
tains: celles qu'on voyait à Argos même élaient attribuées à
Dipoinos et à Skyllis, les vieux maîtres crélois ; à Trœ/ène, un
autre primitif, llermon de Trœzène, avait sculpté leurs Çôava
en bois (7). Certaines inscriptions en leur honneur (8), nous
ramènent à la forme manlinéenne Favaxiata. Dans ces condi-
tions la provenance argienne du cuUe des Fxvaxe; à Mantinéo
est tout indiquée., On peut môme en marquer comme une élapc,
au sanctuaire à'.p<Txo6^(û>* àvaxxtov d'Asina, sur la roule d'Argos à
Lerne (9)., ...■,!;
, Les "Avaxeç ,argiens ont reçu des Tyndarides laconiens . le
I 5(1) Paus. VIÏI. 9, 12. . ,
, (2) , Voy. AVidc; Lakpn,. KuUe, p. 304.
., (3) Hérod, VI. \£1. — Pausan. VIII, 21, i. Monnaie, du V's. dans Jonrn, of
h f lien. SLud, VII. 102.
*ii) Voy. Rosclicr. Mxjih. Lexicon^ àri. Diosc(mn)i^ l'articlo DinacureA i\v
Lchbrnriaht dîins lo Dict. desi Antiq. do Sajçllo, rt rarllclo Kahciroi dans
VEncyçl. d'Ersch el'Grubcr. Peul-cHro doit oh rapporlcr à colle. nôrW. des ciillos
cnbiriqtics Jcs. Dieux Purs (KaOotpoî) de Pallantion (Pausan. VIIF, 4'i, l'))- .,;,
-• (^).Vpy. les to-\tçs dans.Curtjus, ;5t(irffflfcsc/ï. Àlfirns, p, XFAI. ,
.,,|6|. Pausan. 11,22,15..,. ,^ ' , . .,'..,..'... .. ._ ..' . . ", ... ,
(7) Pausan. II, 31, 6.
(8) Tc5v Faviwv {Àrcfi. Zeitung, 1882, p. 383); xoî F7.vaxo'. (Rœld. laser.
ryr. Xn(i^«i>. 43 a.', p. 173). •' i i ■
(9) Pausan. II, 30; 7. I ' ■ • "' . . • . i., : .
300 MANTINKR ET l'ARGADIE ORIENTALE.
caractère de divinités agonistiques et éphébiques (1). A Argos
à llcrmione (2) ils possédaient un stade; de même à Athènes,
où ils s'établissent par l'intermédiaire de Thésée (3). Mais ils se
présentent aussi avec le serpent, symbole des dieux chtoniens
et des dieux guérisseurs: à Mantîuée, leur temple est nommé
parPausanias entre celui de Zeus Epidôtès et celui de Déméter
et de Cora.
On reconnaît reffigie des Anakcs sur une monnaie manti-
néenne du 1V« siècle (4) ; ils sont figurés par deux bustes coiflés
du pilos et armés d'une lance, et surmontant un vaste autel. Ils
sont ici assimilés à des dieux protecteurs, ercoxYipcç, surnom qui
leur est assez souvent attribué, comme à Athènes.
nésimié. Tels sont les cultes des divinités éponymes des cinq tri-
bus urbaines, l'Epaléa, TÉnyalia, Tlloplodmia, la Posoidaia,
TAnakisia. Toutes ces divinités sont guerrièreSi car Poséidon
Ilippios lui-même, comme on l'a vu, revêt aussi uii caractère
belliqueux : il assiste les Mantinéensaii combat, son trident sert
d'emblème aux hoplites mantinéens, par son hypostase Aréï-
thoos il se métamorphose en guerrier, enfin, dans la légende du
sacrilège d'^ilpytos II, il pcrsonnilie la résistance aux envahis-
seurs. Lé choix de ces éponymes n'est évidemment pas fortuit.
Il confirme l'hypothèse de M. Foucart, d'après laquelle ces
tribus ne sont pas à confondre avec les anciens dèmes. Leur
création ne remonte pas au-delà du premier synœcisme. Leurs
noms reflètent les ])réoccupations stratégiques qui ont déterminé
la concentration de l'état mantinéen à l'intérieur d'une grande
enceinte fortifiée. Chaque quartier de la nouvelle forteresse
(1) PnusiiD. IV. 27, I. On Iriir attribuail ù Sparte rinvcntlon de révoTrAtoç
opyT,(ri;. Cf. Plat. J.eg. VII. p. 7% b. — Lucien, de Sallat. 10. — WidcLakon.
Ku'lte. p. :WI9.
(2) Paus. II, 3i, 10.
(3) Pour le rôle de Thésée dans la légende des Tyndaridcs, Paus. II. 22, 5.
— Plut. Thésée. 3.3, 2.
(4) Voy. p. 2ii, flg. 40. I. Gardner. Catal, of greck Coins, pi. XXXIV. 23.
Svoronos (Gazet. archéoi. ttSSU), croit cette monnaie contemporaine de la
reconstruction de Mantinée en 'MO et veut voir dans cet autel celui de Poséidon
Anax, h qui Ulysse devait sacrifier suivant les ordres de Tlréslas. Je croi-
rais plutôt que cet autel est celui des Dloscuros Sauveurs: sur certains bas-
reli<*fs représentîint les Dloscures, un autel est placé entre eux. Voy. la
description d'un bas-relief de Tripolitza dans Milchhôfer. Àtheii. Mith. IV,
p. IH, 2.
LA RELIGION MANTINI<:KNNK. 301
fut placé sous le patronage d'une divinité tulélaire, que ces
attributions belliqueuses désignait au rôle de gardien de la
défense nationale.
Le dieu souverain, à Mantinéc, est Poséidon Ilippios associé z^us sôtkh
à Déméter. Le couple Zeus-Héra est relégué au second plan. «* """*•
Cependant les Mantinéens invoquent Zeus sous plusieurs
épithctes, dont les unes lui appartiennent en propre, dont les
autres représentent pour ainsi dire les dépouilles des divinités
locales absorbées par lui.
Au Vo siècle, Zeus était installé sur Tagora (1). Son temple
servaitdedépôtauxarcbives diplomatiques. J.e texte de Talliance
de 420 y fut exposé. En raison de son caractère offîciel, ce culte
peut avoir été inauguré à l'époque du synciM-isinc et associé à
celui d'Héra. Après la renaissance de 371, on donna à ce Zeus le
nom de Sauveur ;car le temple de Zeus Soler mentionné par
Pausanias (2) dans son énumératiou si confuse des édifices
religieux de Mantinée est bien probablement le même que le
précédent. Les seules villes arcadiennes où ZcusSôler soit adoré
sont Mantinée et Mégalopoli3, deux villes nouvelles : à Mégalo-
polis le sanctuaire bordait l'agora (3). Le dieu y était figuré
entre Artémis Sôteira et la Ville personnifiée. Si, à ces exemples,
on ajoute celui de Messcne, qui possédait sur son agora une
statue de Zeus Sôter (4), on reconnaîtra dans cette triple
coïncidence un indice sérieux. Les trois villes sœurs créées ou
régénérées par Epaminondas ont placé leurs esi)érances sous la
plus liante sauvegarde, celle du souverain des dieux considéré
comme Sôler, c'est-à-dire conservateur. Ces cultes sont nés
d'une idée politique. Le qualificatif Sôter n'est pas ici une allu-
sion à la nature ouranienne du dieu qui entretient la vie par
l'air et la lumière (5). Il doit être entendu au sens positif de la
(1) Thucyd. V, M. ~ Voy. p. 189.
(2) vin, 9, 12.
(3) Pausan. Vin, 30, 10. Il a été retrouvé par los fouillos de TÉcolc anglaise,
Excavat. al Megalopnlis 1892, pi. XIV et p. 58. riillopœmon héroisé est
associé à Zeus Sôter (Foucart. Jnscr. du Pélnp. n« 3^U).
(4) Pausan. IV, 31, G.
(5) De même à Mégaîopolls i'épitliètc de Sôteira appliqui'e à Artémis, patronne
de la ville avec Zeus. En I^conie, Zeus Sôter est un <liru rôlii'r, protecteur des
navires (Wido, Lnkon.KuUe, p. 22). Pausanias signale un temple de Zeus Sôter
à Argos (II, 20, 6).
302 MANTINÉe ET l'ABGADIE ORIENTALE.
protection ettlcace et de l'appui moral sollicités par la ville
naissante. Dès lors, il serait superflu de rechercher la prove-
nance de ce cuUe : il a été tiré du domaine commun de la mytho-
logie panhellénique. Au surplus cette plantation artificielle ne
semble pas avoir été très vivace. En 420, la tradition créée près
(le 50 ans auparavant se maintenait encore : Zeus est cité sur les
actes publics, et figure sur les monnaies avec Athéna (1). Mais,
en pratique, il dut se contenter des homm?iges ofiiciels, sans
prétendre à la popularité de son (rère Poséidon ni même à celle
d'AskIépios.
iiirn. Zeus Sôter a pour compagne Héra : leurs temples se touchent
sur la place publique (2). Les Mantinéens, après 371, voulurent
embellir leur lléraion, sans doute pour le rendre plus digne de
celui d'Argos, son ancêtre. Praxitèle, chargé d'exécuter la statue
de la cella, leur laissa un groupe au milieu duquel Héra était
représentée trônant entre Athéna et Hébé, sa fille. Ce dernier
détail a son inlérêt. Déjà, par la répartition toute extérieure des
sanctuaires d'Héra sur le pourtour de rArcadie,.on pouvait
préjuger l'origine argienne de PHéraion . màntinéeh." La
déesse n'a pénétré nulle part au cœur de la cbritréé'; elle s'est
arrêtée aux districts frontières, à Héraia, à "Tr'apézoùs, à Stym-
phale et à Mantinée (3). il est donc présumablé à première viiè
que les deux premières Pont reçue d'01ymt)ie, et' lès ideûx'
autres d'Argot. Pour Mantinée, Pauéaniâs fournil là preuve
directe de cette provenance. Dans l'Héraion 'ârgien,'lés éiatuefe '
chrysélëphantines d'IIéra et d'IIébé se voyaient côte à côte (i). "
Or Ilébé ne figure dans aucune ville cl^çadieniiè autre' que Màh-
tinée. Le culte dHéra argienne com{)oi*tait des iiiyàtères, entre
autres celui de la virginité de la déesse : elle \a récupérait tous,
les ans i»ar un bain à la fontaine Kànalh6s'(5).L*ëternellê jeunesse '
était aussi Ijn privilège d'IIéraJ La réunion à ses côtés d^Athèidà
et d'JIébé dans le groupe de Praxitèle symbolisait ces deiii'
atlributs, la pureté virginale et la perpétuelle jeunesse.
'.. •■ i. , : i .'.II. I' i: ..(> '. /iMiil II ..' "i r.'M'
- «: ,n / «: ;
(1) Mlonnet, II, 248,11- 32. _ j ,|...i| 1.
(2) Thucyd. V, 47. — Pausan" VJIi; 9, 3.,r- Vvy/sup riibraion, p. l??., ]',[
(3) ImfnèrwJiiîr/ X'tt/fc il rcaci., p. ;«. — Bérard^ Or ig/des^^^^
p/l25, — L'iicîràion de Mégalopolis jPaus, yill,.3i, 9J,cst|,trppi^odornep^
ontrbr en jlgnc de complc. |.. .m- ...i .,«. .!'.i •!:.!• r ii
(4) Paus. liy 17, 4 rt II — Sur rilôrn chrysclôphantinè de Polyciètc,voy. jPa^ls :y
Polyclète, p. i9 cl s\\\\. , , , . . .„...,; .,, n.- ,.-. .1 <» :
(n) Paiisaii. Il, .'W, î.
LA RELIGION MANTINKENNK. 303
La réunion de Zeus et d'Héra sur Fagora mantiuéenne est
exceptionnelle pour TArcadie (i). On peut la conv«^idcrer comme
une conception assez récente, probablement contemporaine du
synœcisme. Les Argiens poussèrent avec insistance les Manti-
néens à s'enfermer dans une enceinte. En tout cela leur iniluencc
est indéniable. Ils ont fourni leur toute-puissante Héra et ils pos-
sédaient Zeus Sôter. Le couple Zeus-Héra, d'autre part, régnait
à Olympie, dans un autre pays ami. Il représentait alors la plus
haute personnification de la souveraineté divine. Son installation
au cœur d'une ville neuve et ambitieuse élait comme un acte
d'orthodoxie presque imposé par les idées du temps ; c'était
aussi une marque de gratitude envers les deux peuples dont les
sympathies avaient permis aux Mantinéens de s'unifier.
On lit dans Pausanias (2) : Mavxiveudi Se cdxt xcd «XXa Upà, to divinités isrtn.
[JL6V 2a)TT,poc Aîbç, TÔ 8è 'EiciBtoTOu xaXou(xevov •êiriSiBôvat yàp ov) àyaOà walm
aÙTov Toïç àvôpwTrotç. » Il est admis par les commentateurs que, épidôtks.
dans cette phrase, le mot 'EtiiBwttjç représente, comme SwTop, un
surnom de Zeus. Parlant du culte de ce dieu à Mantinée, Pausa-
nias a. youlu indiquer, dit-on, que Zeus y était adoré comme
Sôter et comme Épidôtcs. Opinion soutenable, après tout, si
l'on ne clierche pas dans le rapprochement de ces deux surnoms
la trace d'une liaison; cultuelle.
L'indécision. du texte de Pausanias sur Epidôtès n'est pas
dissipée par les autres auteurs. Chez les uns, il est assimilé à
Zeus (3), chez les autres, il paraît comme une personnalité
héroïque indépendante. U y. avait à Lacédémone un culte
d'Épidôtas, Zeus suivant llésychius, simple démon, suivant
Pausanias (4). En tout cas, Zeus. ou non, le nMe d'Epidôtès se
laisse entrevoir. Son nom signifie le « Dispensateur ». Il est
l'équivalent d' Aû$(ty)ç, AùÇTrjdioç, KxT^aioç, IlXoijatoç, surnoms euphé-
miques de .Dionysos-Hadès (5). Il rentre dans le groupe des
(1) On ne la retrouve qu'à Mégulopolis. Pausan. Vil 1, 31, U.
. (2) VII, 9, 2.
13) Ilcsych. 'EiriBcyTaç* Zeùç^lv Aaxe8a{[xovi.
(4) Pausan. III, 17, 9. Voy. dans Wido, Lakon. KuUe^ p. 1i, d'autres exem-
ples de personnages (îésignés tantôt comme dieux, tnnlcM coninie héros ou
démons (Allicna Kôleuthéia, Poséidon Ilippocourios). Plularque {Confr, Kpic.
tiy 3) énumère Épiddtôs parmi les divinités bienfaisjinlrs, avec Meilichios et
Alexlkakoà. ' • ' • • ' '■ ! ' '
(5) Cf. AojT'r,p sur une inscription de Tcrmessos [Àunnli. XXIV, p. 177.)
304 MANtlNÉE ET L'ARCADIE ORIENTALE.
divinités chthoniennes à caractère bienveillant: comme tel, il
dirige les cérémonies expiatoires destinées à apaiser le courroux
des dieux contre les meurtriers. Après l'exécution sacrilège
du roi Pausanias dans le temple d'Athéna Khalkiœkos, Zeus
Jlikésios oflensé réclamait des satisfactions: ce fut Épidôtas qui
réussit à conjurer la colère du dieu (1).
On le trouve aussi associé à Asklépios. 11 dispense avec lui le
sommeil réparaleur et les songes dorés : les 6eol 'EiciSwTai ont
leur autel dans Thiéron d'Épidaure (2), et Ilypnos, hôte d'Escu-
lapeà Sicyoue, était surnommé Épidôtès (3). Le culte d'Épidôtès
paraît indigène à Mantinée.
^eiis Eiiiiouieiis. Co Zcus Epidôtès vSC rapproche d'un autre dieu infernal, Zeus
Eubouleus, c'est-à-dire Pluton. Celui-ci peut être adjoint, comme
en maint autre endroit, au couple des déesses infernales, Démé-
ter-Kora. La triade se présentait complète à Herînione, où Pluton
était adoré sous le nom de Klyménos (4). Eubouleus, le Bon
Conseiller ou le Bimveillant (5), appartient à la catégorie des
qualificatifs euphémiques, comme Philios et Géléon, 'attribués
au dieu des enfers (6). Iladès manque' tiu panthéon arcadien.
L'union culiuclie de Zeus Eubouleus avec Démétfer'et Kora se
présente dans les liés ioniennes, à MyconôS (7), "à Délos (8),
Amorgos (9), I^aros (10), tandis qu'à Eleusis comme à Athènes il
n'est plus qu'un héros (11), Eubouleus ou EubdUlos, analogue à
celui des légendes argiennes (12). La présence simultanée de
(I) Pausiin. ibid. Les Spartiates coupabios'do" iacrilôKC avaient consulté
l'oracle de Delphes; il leur dit d'tMever doux stàlùcs de bronze â PaUsanias.
Wlde {Laknn/knUf, p. 10) conjecture qu'il put aussi leur conseiller d'emprun-
ter aux Mantinéoas le culle d'Kpldôlès.
{±\ Pausan. H, 27, G.
(3) Pausan. 10, 2.
(4) Voy. p. 209. n'« I.
(5) Diod. V. 72, 2.
(G) llcsych. EùpouXeùç 'b IUoûtwv. Uapà oï toïç icoAAoî'ç b Zeùç êv
KuprjVTj. Voy. SaRlio. Dicl desanliq. art. Eubouleus, Euboulos. — Foucart.
Bull, de Corr, helL VÏI, p. 400 et suiv.
(7) 'AO-rivaiov ". P- ^37, 1. 16. Ail BouXcî.
(8) JhUL de Corr. hellén. XIV (1890), p. ^505, n»« 4.
(9) Alh. Miiih. 1.
(10) 'AO-^vaiov, V, p. 1:5.
(il) Foucart, ibid. — Bcch. sur les Uyst. d'Eleusis, p. 78.
(12) Pausan. II, ii, 2. — Scliol. incd. de Lucien. Rhein. Mus. XXV, p. 5i8.
— Cloin. Alex. Proirrpt. vu. Pottcr, p. 14, 17.
LA REUOION MANTINÉENNE. 305
Zeus Eubouleus à Cyrëne et à Mantinée s'ajoute aux autres liens '
mythologiques entre les deux villes.
A vrai dire, la dédicace Aibç EùpwXéwç, en lettres du IV« siècle,
trouvée à Mantinée (1), indiquait seulement remplacement d'un
terrain consacré à ce dieu. Rien ne prouve qu'il fût en relation
avec les déesses chthoniennes. La pierre provient du Bouleu-
térion. Peut-être pourrait-on tirer de ce lait une autre conclu-
sion. Zeus Eubouleus, d'après Diodore, reçoit son nom 8la ttjv tv
Tù) pouXeueaOoci xaXiuç cruveaiv (2). Il serait alors l'équivalent du
Zeus Boulaios d'Athènes (3) et de Pergame (4).
Les rites égyptiens, au dire d'Hérodote (5), avaient fait dans sérapis.
le Péloponnèse une première entrée, aux temps lointains où les
filles de Danaos enseignèrent aux femmes pélasges les mystères
d'Isis ou Déméter Thesmophoros. Abolis par l'invasion dorienne,
ces cultes se réfugièrent en Arcadie, où il serait assez malaisé
d'en retrouver la trace. Mais à l'époque alexandrine, Isis et
Sérapis reprirent possession du monde grec (6). En Argolide,
ils s'associent à Hermione aux cérémonies secrètes de Démê-
ler (7) ; en Arcadie, le Sérapis figuré sur les monnaies de
Phénéos représente à n'en pas douter un dieu infernal, comme
le prouve le Cerbère couché à ses pieds (8). C'était le seul
exemple connu d'un culte semblable en Arcadie. Une dédicace
retrouvée par nous prouve que Sarapis prit aussi place à Man-
tinée (9). Était-ce en qualité de dieu guérisseur, ou comme suc-
cédané d'IIadès ? la question reste douteuse.
« Il y a aussi, dit Pausanias (10), un sanctuaire de Déméter et D*«*r«K et Koh*
de Kora. On y entretient du feu et Ton pourvoit à ne jamais le
laisser s'éteindre. » Les inscriptions publiées par M. Foucart
complètent d'une manière très intéressante ce maigre rensei-
gnement.
Déméter et sa fille étaient adorées dans un mùme temple, le u Koragion.
(1) Fougères. Bull, de Corr, hellén. XX (1896), p. 133.
(2) Diod. V, 72, 2.
(3) Voy. les textes dans Gurtius. Stadtgesch, Àtkens, p. XL.
(4) Inschrift v. Pergam, n» 246, p. 159.
(5) II, 171 .
(6) Voy. la statistique de ces cultes dans Rosclier. MyUi. Lexic. Isis, p. 390.
(7) Paus. Il, 34, 10.
(8) Mionnct II, 233, n» 55. Supp. II, 287, n- 86.
(9) 4>iXoxXYif<;] ïapaTci tûyàv. Hull. Corr. hellen. XX, p. 158.
(10) Pausan. VIH, 9, 2.
.Mantinée. — 21.
306 MANTINÉB KT L*ARCADIE ORIENTALE.
Kopaytov qui appartenait à la ville et non à des associations
particulières (1). Mais les deux déesses avaient chacune leur
culte et leur clergé particulier. Le plus important des deux
cultes était, semble-t-il, celui de Koré (à Ocdc) ; elle avait donné
son nom au temple et ses fêtes avaient plus de solennité. Dans
le culte éleusinien, Koré demeure au second plan, eflacée par
sa mère et par lacchos. En Arcadie, au contraire, la déesse
fille, sous le nom de Despoina et sous un nom mystique que
Pausanias n'a pas osé révéler (2), est Tobjet d'une adoration
plus fervente. On ne saurait aflirmer que la Kora mantinéenne
émane de la Despoina parrhasienne, d'autant plus qu'à Hermione
Déméter et sa fille possédaient plusieurs sanctuaires, entre
autres celui de Déméter Chthonia, dont les fêtes ne sont pas
sans analogie avec les Koragia de Mantinée. Kolontas l'Argien
n'avait pas voulu recevoir chez lui la déesse, malgré les objur-,
gâtions de sa fille. Il périt dans un incendie et Déméter se
transporta à Hermione sous le nom de Chthonia. Tous les ans,
on célébrait en son honneur une ico(i.ivi^ solennelle, conduite par
les prêtres des déesses et par les magistrats (3). . i ....
\m Kopayot. A Mantinée, Kora avait pour ministres un collège de prêtres,
annuels, les Kopayoï. Cette société offrait les sacrifices, rendait
des décrets obligatoires pour ses membres, infligeait des amen-
des aux contrevenants, invitait ses bienfaiteurs aux repas sacrés
ou leur envoyait des parts de victimes. Les prêtres sortis de
charge formaient un conseil qui avait à pourvoira la célébration
des Kopàyia. La préparation de cette fête, l'entretien de la déesse.
(1) Gela résulte de l'intcrvontion des magistrats de la cité pour autoriser le
dépôt d'une stèle dans le temple. (Foucart, Inscr. du Pélop., 352*. 1. il).; . i
(2) Pausan. VIII, 37, G. , . . ,,
(3) A Hermione, la prôtrlsc était exercée par dos fcmmos (Paus. II, 35, 8).
Immervahr {KuUe Àrkad. p. 125) prétend que le collège propre (das eigentli-
che Kollcgium) était composé de prêtres. Pausanias déclare seulement que la
procession était conduite par les Upcû T(5v Oecov soit par. les, prêtres des
dieux en général, comme le traduit Clavier, soit plutôt par les prêtres, des.
déesses, c'est-à-dire ceux des autres cultes de Déméter et de Kora, si. nom-
breux à Hermione (Paus. II, 35, 5). La Ciithonia adorée sur le mont Pron
était une Déméter, mais indépendante à l'origine de Kora et de Ciyménos.
Les dédicaces s'adressent tiintôt à Clitlionia et à Ciyménos,' sans Kora, tantôt
à la triade infernale. (Voy. C. I. G. 1194 à i200. —Foucart. Imcr, du Péiop.
159 n, 1», c. ^ Jamot. Bull, de Corr. hellen. i889.' p» 198, 24). 'La flllatlon
carienne de ce culte a été soutenue par M. Foucart. j/fr^ p-.'74i Wide (de
Sacrts irœz&nonumj lui attribue ui^e origine dryopermlnycnne.,eti le i rap-
proche du mythe de llyakinthos. i.- (j / i i .<•
LA RELIGION MANTlNÉENNti. 307
et de son cosmos devaient être supportés par le prêtre en
charge, mais il pouvait être assisté dans les dépenses de cette
liturgie par un personnage de bonne volonté, comme cette
Nikippa, fille de Pasias, dont les Koragoi récompensent la
générosité.
La cérémonie des Kopàyia (1) commençait par une procession,
par un sacrifice suivi d'un banquet sacré et se terminait par
des mystères. Ceux-ci consistaient en une représentation sym-
bolique du retour fàvo8o<;) de Coré sur la terre (2). La statue de la
déesse, parée d'un péplos de cérémonie, jouait un rôle dans
cette action mystique. Puis elle était promenée ù travers la
ville et recevait provisoirement l'hospitalité dans la demeure
d'un mortel pour qui cette laveur était très honorifique. Après
quoi elle rentrait au sanctuaire, accessible au public pour la
circonstance.
Le culte mantinéen de Koré rappelle ceux de Syracuse (3), de
Sélinonte (4), d'Alexandrie (5), de Cyzique (6), de Smyrne (7).
Mais oh ne peut de ces analogies conclure à une parenté com-
mune. De même le voisinage de la Chthonia d'IIermione n'est
pas une raison suffisante pour la considérer, avec Immerwahr (8),
comme le prototype de la Kora mantinéenne. Ce qu'on peut
avancer est purement négatif : il n'y a pas de rapports entre les
mystères de Mantinée et ceux d'Eleusis, où l'on représentait
surtout les courses de Déméter à la recherclie de sa fille (9). Il
est possible que Kora ait pris à Mantinée la place d'une déesse
Fille, de caractère infernal, analogue à la Despoiua arcadiennc,
fille de Poséidon Hippios et de Déméter Érinys, ou à l'antique
Daeira éleusinienne, dont le nom devint par la suite une épithète
de Kora (ty^ K6^y\ xfi Aae(pa) (10).
Le culte urbain de Déméter, subordonné à celui de Kora, Déméter
iiî.' , ;» •. ■...-.. i ••• 5 •
(1)' Sur KopayéTv, Kopayôç. ,v6y. Ebert, SixcXtwv, 1830, p. 36.
{i) Cf. "une Ihscr. (l'origine incerlaino. C, I. G. IV. (WiKJ A. — De Prott. Frtsfi
Sdcri: 1896; p. 40. , .. . ,.
i3\p\o(\,y,L-'P\ui/D^ ...
,(5) pAi/o/oflT. XVI, p. 355. . . . '
(6) Strab. 11,3, 4.5...
,(7) Àthen-mth, XIV, p; 95, n* 25.
iS) Kulte Arkad, p. i2îS:
{9)FoucaiTi,Rech.'surles Mystèreé d'Eleusis, p. 47 et 73.
(10) C. I. A. IL 741.
308 MANTINEB ET L*AilCADIE OHIENTALB.
avait moins tréclal que le culte démolique delà Déméter deNes-
lan<^, liéritière de la Gè pélasgique? La déesse était desser-
vie par des pn^trcsses probablement annuelles. Les prêtresses
eu charge et les prôlresses honoraires formaient un collège —
«xuvoBoç, xoivov Tav Upeiav — qui disposait de ses revenus, votait
des décrets, invitait aux sacrifices et aux repas sacrés. La déesse
habitait un (xéyapov, sans dou(e attenant au temple de Kora,
mais indépendant de lui, puisque le décret des prêtresses doit
être déposé, avec Tautorisationdes magistrats, dans le Koragiou.
Les sacrifices étaient accompagnés de (xiTap/iai ou distributions
de vivres faites par les soins des ministres de la déesse qui
joignaient à leur titre de prétresses celui de a(Tap/oi. Cette céré-
monie symbolisait le présent que Déméter avait fait aux hommes
en leur donnant le blé (iîtoç). Elle indique nettement le carac-
tère agricole de Déméter considérée comme xapico<popo<; ou
fxaXo<popoç : l'épi est son attribut, tandis que la torche est celui de
Kora, déesse des enfers.
Achciôo». L'inscription AXIiîAOIO trouvée dans les ruines deMantinée(l)
parait appartenir, comme celle de Zeus Kéraunos et de Zeus
Eubouleus, à une borne provenant d'un enclos sacré. On doit
songer à un culte du fleuve Achélôos divinisé, peut-être intro-
duit à Mantinée en souvenir de la participation des Mantinéens
à la campagne d'Awirnanie, en 426. Le type des lettres semble
convenir à cette date (2).
Achélôos, filsd'Okéanos et de Thétys, était adoré en plusieurs
endroits (3) comme le fleuve par excellence et comme le père
de toutes les sources; en même temps, on lui reconnaissait un
pouvoir apaisant (4). Comme divinité fluviale et chthonienne,
(1) Publiée par Milchhôfer [Ath. Mith, IV (1879), p. 146] avec les iodications
suivantes : « Inucrbalb dos Stadtringes aufrecbt im Bach Ophis (7) stehende
Kalksteinplattfî. Breit cingograbeuc und wohl erhaltene Buchétaben. » — Je
n'ai plus retrouvé cette pierre.
'^ (2) Voy. Rœhl. Inscr. graec antiquisa, 104.
(3) Sur le culte du fleuve Achélôos, voy. Roscher. Lex. der Mythol. et
Pauly. Real. Encycl. (1803), 8. v, Àkhelôos.
(4) *Aye-XoMOç = i-no tou tS a/irj Xueiv (Schol. Iliad. XXIV. 616). — II y
a, semble-t-il, liaison entre ce nom et celui de r'A;r^Xifj; du Slpyle (ihid,),
près de Smyrne où existait un •AyiXXetov(Et. Byz. «. v.). Aussi, en peut-on
déduire un rapproche m rnl entre Aciiéléos et Achille, fils de Pelée et do Thétys-
Achille aurait été, originairement, un dieu fluvial de Thessalie, la personnifl-
ration du torront do montagne qui disparaît dans le fleuve do la plaine,- (Cf.
LA RELIGION MANTIiNÉENNE. 309
il avait donc tous les titres pour fraterniser avec Poséidon Ilip-
pios (1). Peut-être aussi d'autres raisons expliquent-elles que
les Mantinéens aient tenu à le localiser chez eux. Pausanias
cite un Achélôos arcadien, torrent issu du versant N. du Lycée
et affluent de TAlphée (2). Il traversait la ïheisoée du Lycée qui
faisait jadis partie du territoire parrliasicn et, du temps de
Pausanias, appartenait à la Mégalopolitide (3). La rivière Aché-
lôos, et peut-être Timportante ville de Theisoa, firent partie des
possessions mantinéennes pendant la durée de la domination
de Mantinée sur le district parrhasien, à la fin du V^ siècle. J^c
culte de TAchélôos, lié au souvenir de la nymphe Theisoa,
nourrice de Zeus Lykaios, fut sans doute transporté à Mantinée
au moment de la conquête de la Parrhasie, qui suivit immédia-
tement la campagne d'Acarnanie (4). Rappelons enfin la tradition
argienne dont Sophocle s*est fait Técho : Tlnachos argieu serait
descendu du Pinde par Tlnachos acarnanieu et se serait mêlé
à TAchélôos avant de réapparaître en Argolide, au Lyrkéion (5).
Comme les sources de Tlnachos sont en territoire raanlinéen,
le culte de TAchélôos trouvait dans cette tradition une autre
justification.
Le culte d'Asklépios en Arcadie n'est pas le même dans les nirux ou*ri88ei
cantons orientaux que dans ceux de l'Occident. A Thelpousa, à Askiépioi
Kleitor, à Lousoi, à Gortys, il semble très ancien. Certains mylho- *' Apollon,
logues le considèrent comme le produit direct d'une émigration
(Inns sa légcnile, son caractère bouillant, sa fin priunatun^e, lu vulnérabi-
llt('; de son talon, partie non atteinte par l'ciiu, c'est- ji-<liro symbole du haut
ravin montagneux, desscclié des qu'il ne pleut pas, enfin sa lutte avec le fleuve
Xanthe).
(1) L'oracle de Dodonc prescrit des sacrifices à AchrlAos (Macr. Sat. V, 18,
8. — Schol. iliad. XXI, 194. — XXIV, «Ki. — Carapanos. Dodoue^p. 133). —
A Mantinée, peul-ôtrc le culte do l'AchôIdos s'associait-il ix celui du Pélagos ?
(à) Pausan. VIII. 38, D-IO — CurUus {Pelop. Il, p. 3:iS) l'identifie avec la
rivière de Dragmanou. Rangabé {Excurs. en Arcudic^ p. 80) place Theisoa ii
Andritsaina.
(3) Ce district, y^ irpoç Auxauo (Paus. VIII, 27, 4), inh p.£v Bei^roaç irôXiç
(oxeiTO 6v TT) riappaffia (VIII, 38, 3) se dislingue d'une autre Theisoa, située
aux sources du Gorlynios, près de la frontière de Mèthydrion (Pausan. VIII,
27, 4 et 7 ; 28, 3 et 4). Elle relevait d'Orchomènc (Vlll, 27, 7). On l'Identifie
avec le moulin de Karkalou, dans une petite plaine voisine do Zatouna.
(Rangabé. ibid. p. 70).
(4) Voy. plus loin, p. 380.
(5) Soph. ap. Strab. VI, 2, 4.
310 MANTINKE RT L*ARGADIE ORIENTALE.
thessalienne, celle des Lapitlies-Phlégyens (1). Pour les cultes
de la Haute-Plaine, au contraire, Thiéron d'Épidaure est Tinler-
mcdiaire indiqué entre la Thessalie, où la légende d'Asklépios a
pris naissance, et les sanctuaires de Mantinée et de Tégée. C'est
à Épidaure que s'accomplit l'union de TAsklépios thessalien avec
TApollon Dorien, union caractéristique du culte épidaurien (2).
L'Apollon delphique s'attribuait à l'égard du dieu de TArgo-
lide des droits de paternité (3). AUvSsi voit-on dans l'hiéron
d'Épidaure les deux divinités étroitement unies. Artémis elle-
même s'installe auprès d'Asklépios dans un temple voisin et Léto
s'adjoint à. eux, comme cela résulte des inscriptions (4). Cette
association d'Asklépios et des Létoldes se propage en beaucoup
de sanctuaires, succursales d'Épidaure (5). Ainsi s'explique à
Mantinée la cohabitation dans la môme cella d'Asklépios et de la
famille d'Apollon : les deux cultes n'étaient séparés que par une
cloison. ((Il y a à Mantinée, dit Pausanias, un temple double
coupé par un mur de refend. Dans l'une des chapelles on voit la
statue d'Asklépios par Alcamène ; l'autre est consacrée à Léto et
h sa famille (6) ».
Aski^pios. Le culte d'Asklépios était assuré par un collège de prêtres
(UpciçTou 'A<TxX7)iciou) dont nous possédons un décret honorifique
de l'époque romaine en faveur d'une bienfaitrice, Julia Eudia,
fille d'Eutéleinos (7). Us célébraient des festins appelés yi^an,
t(Tixà xal Tcupo^opixà oeiTrva (l. 25) (8). Les prêtres seuls assistaient à
(1) Wllamowilz-MôUondorf. Isyllos von Epidanroa, p. 44 et suiv. — Immer-
walir. Kulte Àrcad. p. 180. — Lcchatcl Dofrassc. Épidaure, p. 17-32.
(2) Wllamowltz, ibid. — DuTrasse et Lcchat. Épidaure, ihid: Coinmo
preuve do celte union, on peut alléguer le poème d'Isyllos, péan en l'hon-
neur d'Askl<^pios et d'Apollon Malwilas, de nombreuses inscriptions d'Épi-
daure (Kavvadias, Fouilles d'Épidaure), lo temple d'AsIiIépios et d'Apollon
Égyptiens (Paus. H, 27, G).
(3) Pausan. II, 2G, 7. ' n ;
(4) Foucarl. Inscr. du Pélop. n» 144i. — C. I. G. 1173. -
(î)) A Sicyone (Pausan. II, 10, 2;, à Tégée ^Vll, U, 5), à Môgalopolis (VIU,
32, 5), k Messène (IV, 31, 8), k Agrlgente (Clc. Verr. IV, 43, 93). • ^
(6) Pausan. VTII, 9 1. : : . l . .' .
(7) Foucarl. /iKsrr. rfw P(f/op. 352j. ' .
(8) M. Foucarl propose deux in lerpn'îla lions do ce mot, suivant qu'on lo
dérive de irup, fou, ou de irupoç fronicnl. Dans le premier cas, on aurait
un sacrifice analogue k celui qui s'olTrail à Tilhorëa, en Pliocldc, ofi les
victimes étalent, durant la fêle d'Isis, brûlées sur un bûcher (Pausan. X, 32,
9); dans le second, on penserait plutét k une cérémonie rappelant les
aiTapv(ai du culte de Démêler. . ; . i • . ». r • . l .
LA RELIGION MANTINI^^ENNE .
311
ces derniers. Isis était placée par les Grecs au nombre des divi-
nités médicales ; aussi certains rites de son culte avaient-ils
pénétré dans celui d'Asklépios. Les décisions du collège étaient
subordonnées à celui de r^ic(Yvu>(jLa, magistrat de la cité, chargé de
percevoir les amendes au nom du collège.
Des monnaies de l'époque romaine représentent Asklépios
dans l'attitude traditionnelle, debout,, appuyé sur un bâton.
Alcamène avait dû s'y conformer (1).
L'inséparable compagne d'Asklépios figure, dans l'inscription
citée plus haut, et sur un type monétaire à reffigie de Julia
Domna (2).
Je crois aussi la reconnaître, dans la tôte féminine reproduite
par la figure 54, p. 404, et par la planche VI.
Télesphoros, petit génie, parèdre d'Asklépios, se joint souvent
au couple précédent. Nous le reconnaissons dans la statuette
représentée par la planche VII et qui devait être déposée
dans l'Asklépieion. Le culte de Télesphoros, originaire d'Asie,
s'est propagé en Grèce vers le II<î siècle de notre ère, par l'inter-
médiaire de Pergame. Représenté d'ordinaire sous la figure d'un
enfant frileux, qui grelotte sous un épais manteau à capuchon,
il avait paru d'abord personnifier le Génie de la Convalescence.
Mais cette interprétation ne trouve dans Tétymologie Téles-
phoros : Celui qui procure la (juérison^ qu'une apparente justifi-
cation. En somme, le rôle précis du personnage reste mal
connu (3); mais il venu à Mantinée par E|)idaure.
, L'idée de réunir Léto à ses enfants en une triade associée au
culte d'Asklépios représente un des éléments les plus jeunes
des cultes mantinéens. L'influence de l'art n'y est peut-être pas
llygic.
(1) Mionnct. II, 249, 33. Sept. Sev. — Asklépios debout.
Id. a'). Caracalla. — id.
Lôbbeck, p. XV, Julia Domna. — id.
Calai, of Coins, pi. XXXV 9. Plautllla. - id.
i! ' Numismatic commcntary of Pausanias. /oMn^. nf iiellen. Stud,, VU, 97.
Cf. la pctito sUituo représentée plus loin par la Pif^urc ;k>, p. 4G9.
(2) Mionnct II, 249, 34.
(3) Voy. Warwick Wrolh. Journ. of hellen. Slnd, III, 283. — Scbcnk.
De Telesphoro deo, 1888. — Fougères. Il m U. de corr. hellen. XIV. p. 59;5, pi.
y m. — Pausanias (II, 11, 7) idcntlGo rÉvamérion, héros parcdrc d'Asklépios
à, Titane et l'Akésios d'Épidauro avec le Télesphoros ptTganiénicn.Prcuncr
{Jaht cuber. de Burslan, 25* vol. Suppicm» B», p. 187) so dmiandc si celui-ci ne
serait pas d'origine celtique, jo suppose, colporté par les Galatcs.— Sur le culte
do Télesphoros ix Épidaurc, Kavvadias, Fouilles dlîpitlanre,p, 49 (1)8) et suiv.
312 MANTINKK ET L'AIIGADIE ORIENTALE.
étrangère. Un Polyclète (rAncien ?) était l'auteur d'un groupe
d'Apollon, de Léto et d'Artémis placé dans le temple d'Artémis
Ortlîia sur le mont Lycone (1). Praxitèle avait sculpté pour le
Létôon d'Argos une statue de Léto (2) ; les Mantinéens lui com-
mandèrent vers 366 un groupe analogue à celui de Polyclète.
Mais le culte délien d'Apollon et de Léto avait déjà pénétré à
Mantinée, comme le prouve le palmier du bas-relief de la Femme
au foie, 11 s'y combina avec l'Apollon Pythaeus d'Argolide, qui
avait ses prophétesses (3).
Depuis longtemps déjà Apollon devait être fixé dans le pays.
Mais on ne saurait, avec les données actuelles, reconstituer,
môme approximativement, l'histoire de ses débuts dans l'Arca-
die orientale. Le caractère primitif du dieu se rapprochait-il du
dieu pastoral, vrfjxioç, gardeur de chevaux, adoré à Thelpousa et
à Phénéos, ou de l'Apollon Pythien de Tégée et d'Argos (4)? Au
V« siècle, il est le dieu secourable, auquel on dédie la dîme du
butin fait sur les ennemis (5), et le dieu guérisseur associé à
Asklépios. Puis, au IV^ siècle, h ces caractères s'adjoint celui
de l'artiste, du citliarède, de l'ami des Muses : Praxitèle repré-
sente en bas-relief, sur la base de son groupe, l'épisode du
concours entre Apollon et Marsyas avec les Muses pour arbitres.
Les monnaies du temps de Julia Domna et de Plautilla le figu-
rent en long chiton talaire, le plectrum dans une main, la lyre
dans l'autre, peut-être dans l'attitude que lui avait donnée
Praxitèle (6). Dans ce rôle de représentant de la musique
classique, il tint à distance l'Hermès du Cyllène et l'empêcha
de s'implanter à Mantinée.
Artémis la Lctoïde, inséparable de son frère, n'est pas de
môme race que l'antique déesse arcadienne que nous avons
rencontrée solitaire au sommet ou au flanc des monts. Elle rap-
|)elle la Phœbé classique dans toute sa banalité. Les monnaies
la représentent en chasseresse accompagnée de son chien (7).
(1) Paus. II, li, î). — Paris, Polyclète, p. 28.
(2) Paus. 11,21,10.— Dans le Pôloponnôsc, Pausanias signale d'autres groupes
analogues ù Sparte (III, 11, 9) et à Olymple (V, 17, 3).
(3) Pausan. II, 24, 1 ; 35, 1.— Voy. aux Appendices, la note sur la planche V.
(4) Paus. Vin, 25, 4, 9, 11. —VIII, 15, 5. — VIII, 54,5.
(5) Foucart, //i>c. du V Inp, 352 •. — Uœhl. Inscr, graec. aniiquU^ 100.
■G) Gardncr. CaUiL ofgreek Coins. PeUtpon. pi. XXXV, 7, 8.
(7) Mionnct. Suppl. IV, 280, n. 47, 52. — N» 53. Diane Lucifera tenant dans
chaque main un flambeau. — Immerwahr {KuUe Arkad., p. 144).— Sur Arté-
mis en forme de pyramide votive, voy. Appendices. Épigr. n« 4.
LA RELIGION MANTINÉENNE. 313
En somme, les éléments du groupement de la triade Létoide
et d*Asklépios sont venus à Mantinée par Argos, et leur réunion
définitive s'est peut-être produite à Tépoque du synœcisme.
(( Derrière le théâtre, dit Pausanias (1), subsistent les débris
d'un temple et d'une statue d'Aphrodite surnommée Syinma-
chia. L'inscription gravée sur la base porte que la statue a été
consacrée par Nikippé, fille de Paséas. Les Mantinéens ont
construit ce temple en commémoration de la bataille navale
d'Actium, où ils furent les auxiliaires des Romains. » Dans ce
culte de circonstance, il y a deux choses à distinguer : le choix
d'Aphrodite et l'épithcte de Symmachia. Aphrodite est la
divinité familiale de la gens Julia, héritière des traditions
d'Énée (2). Or, la légende mantinéenne associait étroitement le
souvenir d'Anchise au culte de la déesse adorée au pied du
M^ Anchisia. Aussi, quand les Mantinéens voulurent perpétuer
par une fondation religieuse le souvenir de leur participation à
la victoire d'Octave, une heureuse coïncidence entre leurs tra-
ditions locales et celles de la famille du vainqueur devait les
déterminer à placer sous le patronage d'Aphrodite le souvenir
de cet épisode de leur histoire. A Actium môme, il y avait un
sanctuaire d'Aphrodite Alveiaç (3). L'épitliètc de Syramaciiia
rappelait dans un symbole flatteur l'alliance de l'Aplirodite de
l'Anchisia avec la Venus Victrix figurée sur les monnaies des
Jules (4|. Le sanctuaire urbain d'Aphrodile fut donc une suc-
cursale du sanctuaire démotique de l'Anchisia. Mais il ne sur-
vécut guère aux événements qui avaient dctormiiié sa fondation.
Un enthousiasme passager suscita de généreuses donations,
comme celle de Nikippa, fille de Paséas (5). Puis l'indifférence
et l'oubli réduisirent au dénûment la malheureuse déesse, dont
la statue et le temple ne lardèrent pas à tomber en ruines.
(1) VIII, 0, ÎG.
(2) Klauson. ASnea^ u. die Venaten, H, p. 10(>8.
(3) Dcnys d'ilallc. I. îiO et 53.
(4) Vaillant. Julla. 3, ;j. — Plut. Pompée, (W.
(Î5) C'est bien ii tort que Klauscn (ouv. cité. I, p. 3(»G, note (KX) I.) prétend
retrouver dans ce nom un arjçument en faveur do. sa tliéorie sur les rapports
de la légende d'Anchise avec l'élevage du cheval. Nikippa, fille de Paséas,
évergète pieuse et fortunée, n'avait pas sans doute la libéralité aussi érudile.
On a vu «lue Kora et ses prêtres avaient eu, en 01 avant J.-C, c'est-à-dire
30 ans auparavant, ti la remercier de ses largesses. (Foucart. Inscr, duPélop,
352 h )
314
MANTIN^E ET L*ARCADIB ORIENTALE.
Niké.
Tych*,
« Il y a, à Olyrapie, près de celle Alhéna (de Nîcodamos de
Mainalos), une Niké dédiée par les Mantinéens, à l'occasion de
quelle guerre on ne le dit pas. On Tattribue à Kalamis, qui Ta
représentée sans ailes, à Timitation du xoanon de la Victoire
Aptère, à Athènes (1) ». Je croirais volontiers cette dédicace
discrète contemporaine du synœcisme. C'était une victoire pour
les Mantinéens que le succès de cette opération. Mais la prudence
leur recommandait de ne pas trop attirer sur cet épisode glo-
rieux l'ombrageuse attention de Sparte. On place l'activité
artistique de Kalamis dans la première moitié du V® siècle (2),
ce qui coïncide avec notre conjecture. Si l'on songeait à la con-
quête de la Parrhasie, il faudrait descendre jusqu'en 425, date
trop basse. Le culte de Niké à l'époque romaine est encore
attesté par des monnaies (3).
On reconnaît Tyché sur des monnaies de Septime Sévère (4).
IV. Cultes héroïques
AOTOKO*
l'I le
oYF.n Commun.
« Aux environs du théâtre on voit des monuments qui ont une
grande célébrité: le premier qu'on nomme le Foyer Commun
{*li<iTîa xoïvtq) est en (orme de rotonde. On dit qu'Autonoé, fille
de Képheus, y est enterrée (5) ». Il y avait (\ Tégée un Foyer
commun des Arcadiens, avec une statue d'Héraklès (6) : c'était,
sans doute, un souvenir de l'antique suprématie de la. capitale
d'Aléos (7). A Mantince, V'Evxla xoivtq symbolisait la réunion des
dèmes, dont tous les loyers particuliers s'étaient groupés en un
prytanée unique. De môme, à Athènes, le synœcisme opéré par
Thésée avait eu pour conséquence la suppression des Bouleuteria
et des Prytanées locaux (8). i
(1) Pnusan. V, 26, 0. , « .
(2) CoJlIgnon. Sculpt. gr. I, p. 397.
(3) Journ. nf helien, Slud, VU. p. 99. M. PlauUUa-Nikc rummlng : holds
wrcath. Berlin. • i
(4) InUtulés de décrets : àyaGaï Tu^ai, dans Foucarl. Inscr. du Pélopl
3:52 h. et j. — Monnaies dans :
Mionnet. IL 249. n" m. Suppl. IV. 280. n- 48 à 5i.
Joiirn. of hellcn. SLud. VII. 99. Plautllla. « Tycho :' holds paiera ànd
corniicopiœ nt altar ». »i»' .
(;•)) Pîius. VIII, 9, 5. — Sur le monument, voy. p. 193.
(G) VIII, 53. 9. . f . ' . «•
(7)Pau8. VIII, 4, ?>. . H t «> \ ...I-
(8) Thucyd, 1, 15.
LA RELIGION MANTINBENNE. 315
. Toutes les villes attribuaient leur établissement à un héros
fondateur ou xTf<xTifjç. La Mantinée primitive, dont Torigine élait
inconnue, passait pour être l'œuvre du Lycaonide Mantincus.
Nous avons vu que cet être mythique n'est qu'un nom. Plus
tard, les habitants de la Manlinique, longtemps vassaux des
seigneurs de Tégée et d'Orchomène, s'émancipèrent après le
déclin de ces deux puissances. C'est sans doute à ce moment
que les habitants de l'antique Ptolis quittèrent l'abri tutélaire
de leur étroite acropole, pour s'étendre sur un domaine plus
riche aux bords de l'Ophis. Leur exode vint grossir le hameau
voisin du (xavTeîov de Poséidon Hippios. Cet accroissement équi-
valait à une fondation. Le bourg nouveau ne devait j)as tarder
h devenir le centre effectif de l'État mantinécn. De là une légende
dont le nom de la rivière et celui de la bourgade ont fourni les
premiers éléments, avec certains emprunts aux traditions de
Tégée qu'on altéra de parti-pris, par une sorte de manifestation
d'indépendance. La fondation de la ville fut attribuée à une fille
de Képheus, Autonoé, qui, sur l'ordre d'un oracle, passait pour
avoir conseillé l'émigration : un serpent avait guidé les émigrants
vers leur nouvelle résidence. Évidemment, le nom de Mantinée
a fourni le détail de l'oracle, l'Ophis celui du serpent. Quant à
la fille de Képheus, son rôle rappelle celui d'Aéropé, sa sœur
tégéate. La légende de Tégée racontait qu'Hercule avait donné
à Aéropé (1), fille de Céphée, fils d'Aléos et roi de Tégée, ou,
suivant une autre version (2), à Céphée lui-même, une boucle
de la chevelure de la Gorgone, renfermée dans une hydrie de
bronze : ce talisman devait rendre la ville imprenable. Or les
cheveux de Gorgo étaient des serpents. Les Mantinéens croyaient
posséder aussi dans leur Ophis un talisman analogue : il fallut
Agésipolis pour les désabuser. Pour n'être pas en reste avec
les Tégéates, ils créèrent à leur usage personnel une fille de
Képheus et lui donnèrent le nom significatif d'Aulonoé, c'est-
à-dire Celle qui suit sa propre impirntion (3). Ils l'honorèrent
en qualité de fondatrice et lui attribuèrent pour tombeau le
Foyer Commun, symbole du synœcisme.
.,(1) Apollod.; Ili 7, 3. » ! .
(2) Pausan. VIII, 47, 55. •
(3i Cf. le nom d'Aulolaôs, bAtard d'Arcas 'Paus. VIII, i,2 — 25 G), à qui sont
attribuées ics populations non comprises dans l'hcrita«^o des trois (lis légitimes
(CurUus. Pélop. I, 1(J4).
316 MANTINKE ET L'àRCADIE ORIENTALE.
Il est vrai que dans les deux passages où il est question d'elle,
le texte de Pausanias se contredit. Dans le récit de la fondation,
le nom est écrit 'Avtivoyj (1), et 'Autovotj dans la description de
rilestia Koiné. Je crois l'une et l'autre variante également
authentiques ; les éditeurs de Pausanias ont eu tort de le corri-
ger. Aulonoé est la leçon la plus ancienne, celle qui avait
cours à Mantinée avant l'époque d'Hadrien. Pausanias l'a
copiée dans quelque ancienne périégèse locale, à qui il
empruntait la description des petits monuments qu'il n'avait
pas eu le temps de voir ù loisir en passant à Mantinée. Antinoé,
au contraire, figure dans le préambule historique dont il a réuni
certains traits sur |)lace. C'est donc une leçon plus récente, con-
temporaine du voyageur. Si Autonoé est devenue Antinoé, c'est
sans doute, comme Ta remarqué Curtius (2), sous l'influence
(lu culte d'Antinous. Les Mantinéens, en veine de flatterie
intéressée, s'étaient découvert une ancienne parenté avec les
Bithyniens. Ils durent aussi s'aviser, par une altération légère
du nom de leur fondatrice, de rendre ces liens plus étroits.
Antinoé et Antinous ne pouvaient plus être que de la même
famille. C'était là un prétexte à de nouvelles adulations et une
façon de les justifler : tous les hommages semblaient légitimes,
s'adressant à un descendant de la Fondatrice.
Pausanias a, par inadvertance, laissé subsister dans son texte
cette double leçon.
Lorsqu'ils transportèrent ou prétendirent avoir transporté de
Mainalos dans leur ville, avec l'autorisation de Delphes» les
restes d'Arcas (3), les Mantinéens obéirent surtout à une pensée
politique. Pour eux, comme pour l'oracle, Arcas était le chef
éponyme de la race(à<|>'ou Sv) itàvreç é7ttxX7|(Ttv xaXéovrai): la posses-
sion de SCS restes devait être pour la cité le plus glorieux des
talismans et un titre à exercer l'hégémonie panarcadienne.
Mais le fait que le tombeau du héros, avec son téménos et
son autel (4), s'appelait aussi les Autels d'Hélios (*HXioi> pa>fi.oi)
donne un indice précieux sur sa personnalité mythologique.
Déjà Grolefend avait aflirmé le caractère solaire d'Arcas, dont
(I) Paus. VIII, 8, 4. — Antinoé était lo nom d'une des Péllades (Paus.
VIII, 11,3).
(i) Pelop. I, p. 267, n'o 8.
(3; Pausan. VIII, 9, 3. Voy. plus haut, p. 193 et 205-208.
(4) évOa TC 8y| Tepievoç tc Ou-ir|Xàç t' 'ApxctSi xeôyeiy. Paus. VIII, 9, 3.
LA RELIGION MANTINÉeNNE. 317
le nom dérivait, suivant lui, du sanscrit arka, soleil (1). Plutôt
que cette étymologie contestable, les détails de la légende
d'Arkas fournissent des arguments pour l'identifier à un mythe
solaire sans recourir au sanscrit. En Arcadie, la divinité solaire
par excellence est Pan, le plus ancien des dieux arcadiens, le
prédécesseur de Zeus Lykaios au sommet du Lycée (2). Or,
Arcas, ancien dieu fauve et sylvestre du Ménale, fut de bonne
heure associé à Pan le dieu solaire et pastoral du Lycée, en
qualité de frère jumeau, et par là affilié à Zcus Lycaios (3). Sa
femme, la nymphe Érato, était prophétesse à Lycosoura, où Pan
rendait autrefois des oracles (4). Arcas est donc ainsi devenu
une hyposlase de Pan et lui a emprunté son caractère primitif
de personnage solaire (5), tandis que sa mère Kallislo, devenait
une hypostase de Séléné, compagne de Pan. Comme dieu solaire.
Pan avait en Arcadie une position trop forte pour qu'llélios,
le jeune dieu venu de Rhodes, pût entrer en concurrence avec
lui. Hélios a|)paralt seulement, et tout à fait au second plan,
dans les cantons du Nord où rayonnait rinffuenre de Corinthe
et de Sicyone (6), dans la ville moderne de Mégalopolis (7) et à
Mantinée. Ici, Hélios s'était probablement introduit par l'inter-
médiaire de l'Argolide (8). Quand les Mantinéens prétendirent
montrer chez eux le tombeau d'Arcas, ils ne trouvèrent rien de
mieux que de l'identilier avec leurs Autels d* Hélios. Ce pluriel
signifie sans doute qu'à cùté d'un ancien autel consacré à Pan,
Hélios avait obtenu le sien; à Tégée, l'autel de Zeus Lykaios
était aussi contigu à celui de I^an (9). Arcas vint donc naturel-
lement à Mantinée se substituer au vieux Pan, dont le soleil
(1) Kncyclop. d'Ersch et Grubcr. s. v. Àrkadia, 7.
(2) Dcnys d'Ilalic. I, 3i. Iinmerwahr, KuUe Àrkad., p. 193. — Bérard,
Orig. des cultes arcad.y p. j2GÎ). — « Pan ipsc solcin so osso prudenlloribus
pcrmiltit inlclligi. » Macrob. Saturn.^ 1, 2i.
(3) Epimcn. a p. Scbol. Thcocr. 1, 3».
(4) Pausan. VIII, 37, 11.
(5) Arcas est aussi donné comme (Us d'Apollon Parrhasios (Tzetz. In
Lycophr. 480).
(G) Monnaies de Kleltor et de Thelpousa. Immerwahr. Kxille Àrkad.,p.îff7, Di
place d'Hclios A Corinthe est des plus importantes. Paus. II, 110 — 3,2 — 4,0
— y, l;àSicyone, II, 11, 2.
(7) Paus. VIII, 31, 7.
(8) Autels d'IIéllos à Argos (Paus. II, 18, 3) ; à TrOBzône {II, 31, 5) ; temple à
llermlone (II, 34, 10).
(9) Pausan. VIII, 53, il.
318
MANTINÉE ET L'ARGADIE ORIENTALE.
CaJlisto.
DioménetA.
Podarcs.
Rome.
avait déjà été éteint par celui d'IIélios. — On croit reconnaître
Arcas sur quelques monnaies de Manlinée (1).
Avec Arcas, sa mère Callisto prit place dans les cultes manti-
néens. On croit la reconnaître sur quelques monnaies. Sur
d'aulres plus anciennes, le type de Tourse rappelle la métamor-
phose de la nymplie (2).
« Il y a, sur Tagora de Manlinée, une statue de femme en
bronze ; elle repiésenle, suivant les Mantinéens, Dioménéia,
fille d'Arcas. » (3) Cette héroïne locale est inconnue autrement.
Peut-être appartient-elle ù la catégorie des devineresses manti-
néennes, comme Aulonoé, Diolima, Lasthénia, Axiothéa,etn'a-
t-elle été rattachée que plus tard à Arcas, dont le tombeau était
voisin. Elle serait alors une hypostase locale d'Érato, la prophé-
tesse de Pan sur le Lycée.
La famille des Podarcs avait gagné les Iionneurs divins sur le
champ de bataille de Mantinée. En 3G2, Podarès l^^ tomba eu
combaltant Epaminondas. Les Mantinéens lui donnèrent le
troisième rang pour la bravoure, après les deux Athéniens
Gryllos et Képhisodoros (4). Us lui élevèrent un hérôon sur
l'agora. Trois générations plus tard (en 245), un descendant
du héros était censé avoir commandé les Mantinéens contre
Agis, fils d'Eudamidas (S). On ne dit pas s'il fut associé aux
honneurs rendus à ses ancêtres. Enfin, trois générations avant
Pausanias, c'est-à-dire vers 70 après J.-C, on substitua sur la
dédicace de l'hérùon au nom de Podarès I^r celui d'un de ses
descendants qui avait obtenu le droit de cité romaine (6).
Une dédicace d'Épidaure signale l'existence, à Antigoneia,
d'une lôte de Rome, les *Pu>{jLa(a (7), qui fut probablement insti-
(1| Gardner. CaL of, gr, Coinf. Felop. p. IK), pi. XXXIV, 29.
(2) Gardner. CaiaL of greek Coiwt. Pelop. p. 185 et 186. N«« 15 et 16.
Pi. XXXIV, 9 et XXXV, 1 et 2. Monnaies du IV et III» s. Monnaies très
anciennes antérieures «'i 471 avant J.-C. ibid. p. 184. Cf. Rheinhold Franz,
D e Callislus falnila. {Lolpzig, Siu(\, X\-Xll).
(3) Pausan. VIII, 9, ;">. Le nom est ultért) dans les manuscrits : As(i)fi,év£(av
ou Asofi-eveiav. C'est par Inadvertance que Sloll, dans, le Myih. Lexicon de
Roscher, la présente comme, fille d'Atlas. t. <
(4) Pausan. VIII, 9, 15.
(5). VIII, lOj 5.
(0) Sur une dédicace à une fille de ce Podarès et sur les ruineà du Poda-
reion, voy. p. 192. » . \ ■
(7) Cîivvadlas. Fouj/Zf»* d'^^îXtfurr, I, p. 78, n* 2i0. ' ' '
LK ReUOION MANTINÉENNE.
319
luée dans le courant du 1" siècle avant J.-C. Il y eut donc à
Manlinée un culte de la déesse Rome.
L'impérial bienfaiteur de Mantinée y possédait une statue iiadrien.
avec un temple, élevés par la reconnaissance d'un affranchi,
A. Maikios Phaidros (1). A Tégée, Hadrien est qualifié de Soter,
de Fondateur et d'Olympien (2).
Les circonstances qui ont fait élever ù Mantinée Antinous au Antinons.
rang de Oebç êici/a>pioç seront relatées plus loin. Celait le temple
le plus récent de tous au moment où Pausanias visita la ville (3).
Hadrien en fit les frais. Il avait aussi dans le gymnase une riclie
chapelle. Antinous était assimilé à Pan. H figure sur les mon-
naies (4).
On célébrait à Manlinée, en l'honneur d'Antinous, une céré-
monie {tcXctV)) annuelle et des jeux quinquennaux. Ces derniers
prirent rang parmi les grands concours pentétéri(|ues institués
sur le modèle des jeux olympiques. On les appelait xà \keyi\aL
'AvTivoeta, pour les distinguer de la fête annuelle (5).
Un autel portant la dédicace Oeaç 'louXiaç Sep^^xaç était consacré j„iia Augusu.
sans doute à Julia Sabina, fille de Titus, plutôt qu'à Julia Domna,
femme de Septime Sévère dont l'efTigie figure sur les monnaies
de Mantinée (6).
Les analyses précédentes des cultes mantinéens peuvent être Récapiiuiation.
récapitulées dans le tableau suivant :
t. — Fonds aborigène (pélasgique ?).
Kôraunos, Hippos, Gè (plus tard Dôméter-Rhéti), Arcas, Kallistô.
(1) Foucart, Inscr. du Pélop. 352g.
(2) Ibid, 340.
(3) Pau8. VIII, 9, 7. - Voy. plus haut, p. 184.
(4) Immcrwahr, Knlte Àrknd., p. 261. — Gavvadias {CcUal, }tus, nat. d'Ath.,
n'* G98| signale uno statue d'Antinous trouvée h Krôlcouki, près Vancienne
Mantinée, Or, 11 n'y a pas un seul village de ce nom ni aux environs de Man-
tinée ni dans toute l'Arcadie ; 11 y a un Kriékouki près d'Olympie et un autre
en Bôotie.
(5) Pausan. VIII, 9, 4. — Inscr. d'Olympie. Arch, Zeit. XXXV (1878), p. 192,
n* 98. — Bull, de Corr, hellén. XX |1896), p. 152150.
(6) Ifull Corr. hellén, XX (189G), p. 151. — Voy. plus loin, fig. 57, p. 522.
-— Gardner Greek Coins, Pelop. p. 187.
320
MANTINKE ET L ARCAOIE OHIENTALB.
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322 MANTINKË ET L*ARCADIE ORIENTALE.
u religion locale. Cette étude (le mythologie locale nous a révélé, fondues et
pourtant discernables, deux religions difîérentes : Tune res
treinte et locale, l'autre commune et pauhellénique. La pre-
mière rappelle les cultes primitifs des anciens nomes égyptiens.
Klle s'est formée dans le canton, au sein de la peuplade. Elle est
le résultat de l'adaptation d'une tribu à un sol, à un climat déter-
minés; elle exprime les rapports d'un groupe d'hommes avec
leur habitat. Aussi persounifle-t-elle surtout les aspects de la
nature cantonale et les manières d'être d'une société limitée,
telles que les a déterminées le milieu : à cette catégorie appar-
tiennent, à Mantinée, les cultes animaliers d^Hippos, d'Arcas;
les cultes pastoraux d'Ilymnia et de Charmon; celui d'Aléa,
déesse de l'Asile et du Rempart, ceux d'IIoplodmos, dieu des
hommes d'armes, et les mythes qui symbolisent le conHit vital
des éléments naturels dans les conditions spéciales à l'habitat,
telle que l'opposition, dans la Mantinique, de la plaine humide
et de la roche aride. Ces créations locales sont souvent d'un
symbolisme transparent, clairement exprimé par leurs noms,
simples vocables de nature, empruntés à la langue courante.
Mais, parfois, elles portent des surnoms qui font allusion à leur
rôle particulier et qui restent pour nous énigmatiques : le rôle
du personnage se laisse encore deviner grâce à la légende où il
parait en action, ou au culte dont il est lobjet; mais le sens de
son nom demeure obscur : tels, par exemple, Ulysse (1), Péné-
lope, Aréïthoos.
u religion L'autrc religiou comprend les personnifications des puissances
commune, cosmiqucs, dout l'actiou souveraine s'exerce sur l'ensemble du
monde et des hommes. Les habitants primitifs de l'Arcadie
paraissent avoir d'abord adoré sur le même pied tous les phéno-
mènes naturels; mais vint un moment où ils apprirent à les
classer par ordre d'importance en subordonnant aux entités les
• ])lus générales celles qui n'en étaient réellement que des mani-
festations passagères. Ainsi, tous les phénomènes connus furent
ramenés à trois principes ou à trois catégories d'éléments natu-
rels : ceux de l'espace aérien, lumineux et igné; ceux de la terre
et ceux de l'eau, chacun de ces principes étant conçu comme
directeur des phénomènes secondaires de même ordre que lui :
c'est ainsi que le dieu du ciel devint le divin maître de la foudre,
(1) Le nom d'UlysHe parait signifler : Celui qui disparait. Peut-être était-il,
a Phéncos, la personnilication spéciale du marais ?
LA llELIGlON MANTINtlENNK. 323
le dieu des eaux devint le souverain des sources et des animaux
qui s'y abreuvent. La répartition des grandes divinités hellé-
niques en triades résulte donc de la nature même des choses :
pas n'est besoin d'y voir le reflet d'un corps de doctriue venu
d'Orient, d'Egypte ou de Phénicie ; car, pour l'Égyple, et surtout
pour la Phénicie, l'existence très ancienne d'un dognie prédo-
minant n'est nullement établie. Les idées syncrétiques, qui
trouvèrent crédit au IH^^ siècle dans les écoles théologiques
d'Alexandrie, ne sauraient être invoquées quand il s'agit du
XVI« ou du XVo siècle avant J.-C. (1).
Quant à Torigine et au sens des noms, qui, bien avant l'épopée AtinpuiUon
homérique, avaient prévalu chez les Hellènes pour désigner les <»«•« iiiviniié»
grandes divinités, ils restent impénélrables. On entrevoit ton- ^'''^^^^^
tefois que certaines de ces personnalilés ont eu, dans le principe,
un caractère local : tel Zeus à Dodone, Athéna en Attique, liera
à Argos, Apollon chez les Ioniens, Poséidon peut-être en Béotie
et Hermès en Arcadie. Donc, en tant que noms, les personnages
divins qui composent l'assemblée des dieux dans Homère n'ont
pas tous été adoptés en même temps dans tous les pays grecs :
les Arcadicns Ignorent Héphaistos et Iladès; Héra ne pénètre pas
chez eux au cœur du pays. Mais, en tant qu'entités, la plupart
d'entre eux étaient adorés, sous des noms divers, presque par-
tout : il y avait partout des dieux de la lumière, de la terre et de
Teau. Mais la séparation de ces trois ordres de phénomènes est
toute théorique; dans la réalité, l'homme les perçoit enchevêtrés
les uns aux autres. Il en résulte, pour les divinités qui les per-
sonnifient, des caractères complexes : tel dieu peut êlre à la fois
aquatique et chlhonien, comme Poséidon Hippios et Aphrodite.
De plus, dans l'application des noms nouveaux aux divinités
anciennes, on constate beaucoup d'incertitudes et l'absence d'une
méthode uniforme : cela lient à ce qu'il n'y avait point en Grèce
d'institut théologique chargé de déterminer exactement la nature
(1) L^hypolhèse de la difTiision d'un pareil dogme en terre péiasgique est
donc subordonnée à une hypoUièse préjudicielle, celle de l'existence de celle
doctrine chez les anciens Sémites. Puissent les Sémitisants apporter cette conflr-
malien aux séduisantes conclusions du livre de M. Bérard (Ortg. dex cuit, arcad,,
ch. V)I Car ce n'est pus en Grèce que doit être cherchée la solution de cette
question de principe. L'analyse des cuUes grecs pourra révéler de nouveaux
points de contact enlre la Grèce et la Phénicie, analogues ù ceux que M. Bérard
a su découvrir en Arcadie, mais la théorie générale ne sera confirmée que par
une enquête vraiment historique sur les culles phéniciens in sUu et dans les
dilTérentes phases surrt'ssives de leur dévoluppeinent.
324
MANTINEE ET L AUGADIE ORIENTALE.
locale.
de chaque dieu. Les populations, livrées sans guide à elles-
mômes, ont opéré leurs ideutilications avec une entière liberté.
Objet des éludes Los études dc mytliologio locale doiveut donc se proposer de
de mythologie dégager, dans les divers cantons de la Grèce, le fonds primitif du
fonds commun; de suivre les destinées des dieux cantonaux, les
uns, absorbés par les divinités plus puissantes, dont ils devien-
nent de simples aspects; les autres décbus au rang de héros et
déversés comme tels dans lefolk-lore et dans l'épopée. Il importe
aussi de reconnaître les circonstances qui ont préparé ces com-
binaisons et les intermédiaires qui en ont fourni les éléments.
Alors, seulement, pourra-ton reconstituer dans son ensemble
l'histoire des religions grecques. Il n'y a pas à distinguer, dans
la tradition religieuse, les cultes d'avec les mythes : les uns
et les autres sont, eu réalité, une même substance. La matière
mythologique est une, et, comme dans la nature, rien ne s'en
perd : le Grec, inventif en métamorphoses, lorsqu'il congédiait
ses dieux, a toujours su leur faire un sort.
V. Le sI':ntiment religieux a Mantinée.
Piété
des Manlincens.
Parles cultes très anciens de Poseidon-llippioset (Gé) Déméler-
Rhéa (le TAlésion, de Dionysos et Aphrodite Mélainis, de Zeus-
Charmon et Arlémis llymnia, la mythologie mantinéenne avait
ses racines dans le sol mi^ine du [lays et des attaches avec les
races les plus vieilles du monde grec. De là le caractère original
et vénérable de celle religion, qui a frappé Pausanias lui-même.
Aussi rinducncede la religion à Manlinéc sur les mœurs et sur
les institutions a-t-elle été profonde. Au milieu de celle Arcadie,
dont la dévotion était légendaire (1), ce peuple se distinguait
par sa piété. Il en donna deux preuves caractéristiques : une
première fois, en 364, lorsqu'il refusa de toucher aux fonds
sacrés dérobés à Olympie (2), et une autre fois, en 220, lorsque
les habitants de Kynaitha, tristement célèbres en Arcadie par
leur sauvagerie et leur irréligion, après le sac de leur ville
par les Ëtoliens, sollicitèrent l'hospitalité de Mantinée. Par
respect pour leur traditionnelle philanthropie (3), les Manti-
néens n'osèrent pas, comme firent toutes les autres villes où se
(1) T7JV ciç To Oeîov eûcieêeiav (Polyb. IV, 20, 1).
(2) Xénoph. llellén. VII. 4, 33. — Voy. plus bas, p. 452.
(3) Polyb., ib. (piXoÇevta xoà ^iXavôpojîcia.
LA RELIGION MANTINKBNNR. 325
présenlorent les députés, leur fermer Tcnlréc do la ville. Mîiis,
des qu'ils furenl partis, on procéda à une luslration générale,
en immolant des victimes qu'on promena autour des remparts
et h travers tout le territoire, pour le puriïier de la souillure (1).
Un des traits distinctifs de cette religion, c'est la [)rédominancc i/éiinieiii féminin
de l'élément féminin. Dans les rapports cnire les hommes et les ***"' '* religion,
dieux, le rùle d'intermédiaire semble dévolu do préférence aux
femmes. On reconnaît là un élément très primitif, dont l'origine
est obscure, et que Hachofen (2) attribue à l'iniluence des rites
pélasgiques et du culte de la Terre-More. Dans ces rites, la
femme joue le nMe actif et l'homme le rùlo passif. La supersti-
ticm primitive s'inclinait devant la science mystérieuse attribuée
à la femme : la femme était dépositaire de l'inspiralion divine
et la transmettait aux hommes par l'initiation. D'après Héro-
dote (3), ce sont les (illes de Danaos qui ont enseigné aux femmes
dos Pélasges les riles de Déméter Isis, et les Arcadiennes en
avaient gardé le secret. Sans parler des grandes déesses, les
héroïnes abondent dans les légendes mantinéennes : les Péliades,
Alalcoménia, Maira, i^énélope, Phialo, Déoménéia, fille d'Arcas,
Autonoé, fondatrice de Mantinée, paraissent attester la survi-
vance des idées primitives. Dans les pays dorions et attico-
iouiens, ces souvenirs d'une antique gynécocratie s'étaient
affaiblis. Peut-être, à Mantinée, la persistance des affinités
pélasgiques s'explique- t-ellc par l'éloignemcnt de l'élément
Lycaonide, confiné autour du Lycée. Les inscriptions trouvées
à Mantinée n'ont pas infirmé les vues de Bachofen. Elles nous
montient, au contraire, les femmes des grandes familles man-
tinéennes, mêlées d'une manière très active aux cultes de la
cité. C'est Nikippa, fille de Pasias, qui dédie une statue à
Aphrodite Symmachia (4) et qui, suivant les termes du décret
des Kopayoi, se distingue par sa piété envers Ions les dieux,
en particulier enveis Kora, dont elle célèbre chez elle les
Mystères; elle est investie du service (OEpaTcéia) et de la toilette
(xôdfjLTjiiç) de la déesse (5). C'est Phaènna, fille de Damatrios,
également louée de sa piété envers tous les dieux (eùde^wç wpbç
(1) Polyb. IV, 21, 9. — Cité pnr M\\(m, XIV, p. «jM;». — Voy. plus bas, p. îKKÎ.
(2) Hiichofon, Dus Miiterrecht, p. ;i:>3 et 358. — Cf. HimiIu-w. La Grèce avant
les Greca, p. 18(5 et suiv.
(3) llcîrod. Il, 171. — Voy. plus haut, p. 201.
(4) Paus. Vni, 9, 3.
{;J) Koucart. Inscr, du P(*lop, 3;)2h.
3^
MANTINKB RT L ARCADIE ORIENTALR.
Diotimn
d« Mnntinée et
l'écoli» de*
I devineresseï
philosophes.
wàvTaç jjLÊV Toùç Osoùç), iiolainmciit envers Démêler et Koni; elle
fut prêtresse de Démêler el accomplit généreusement les litur-
gies et autres charges de son sacerdoce; sa fille Tliéodora et sa
[)etile-liilc IMiacnna sont engagées à continuer ses traditions de
dévotion et de bienfaisance à l'égard du Koragion (1). C'est
encore Julia Eudia, lille d'Euleleinos, qui donne six plcthres de
vignes aux prêtres d'Asklépios et participe à leurs festins
sacrés (2). C'est Épigonc, femme d'Eu plirosy nos, qui est louée
d'avoir accepté toutes les iH'étrises qu'on lui proposait ; sa
générosité fut inépuisable {*J) ; c'est Polycrateia, descendante
de Podarès, dont le nom se substitue sur la dédicace du Poda-
reion à celui de son ancêtre (4) ; Mcmmia, à (jui la ville élève un
monument sur l'agora (S) ; [Thé] ophaneia, archi-prôtresse, qui
est louée par un décret honorilique, etc.. (0). Ces faiLs ne s'ex-
pliquent pas seulement, comme ailleurs, par la dévotion natu-
relle aux femmes de tout temps et de tout pays. On doit y
reconnaître le (uolongement d'idées très ancieimes qui attri-
buaient aux femmes un rôle prépondérant, fondé sur leur don
de prophétie. Il existait à Mautinée une classe de femmes adon-
nées à la divination, et qui exerçaient au nom de la religion un
f)ouvoir mystique considérable. Le rôle d'Autonoé et le nom de
Mantinée en sont les témoignages légendaires : d'autres sont
plus probants encore.
11 y a dans le Bmiquet de Platon (7) un jiersonnage dont
l'énigmatique apparition a beaucoup exercé la sagacité des
érudits : je veux dire la Mantinéenne Diotima. Les doutes émis
sur la réalité de cette femme (8) et sur sa nationalité ne me
semblent guère justifiés. La (|uali(ication de MavnvixY) Çév^i
répétée, ai)rès Platon, f)ar de nombreux rhéteurs (D) est gramma-
(1) Ib, 352*. — Ces donations sf> font sans assisUinco do. Inlr^ur.
(2) Ib, 352j. — Voy. Gulraud. Propr, loue, p. 251. ,
(3) BulL de Cnrr. hellén, XX (181)0), p. Ii(î, I. M).
(4) Ib. p. 151. N» 17.
(K) Ib. p. 157. N» 21.
(6) Ib. p. 151. N» 20.
(7) Plat. Sympoa, ch. XXII rt siilv. —Voy. Crniiznr. Annal. Vindnb. t. LVI,
(IKH), p. liî).
(8) Ast. Platnns Lehen u. Schrifien, p. 312, n. 2. — Cf. Bacliofcn. AhUtn-
rerJity p. 3;>.'J 11.
<!)) Max. Tyr. DmerL, XXIV, 4 (I. 451)). — XXXVIII (II. iX^). — lUmorius,
Orat. 1. 18.— ThomIsllusXm. IG2n ol lai.— CInn. Alox. Strom. I. 2r.S.— Aris-
tide. Oral. 40, 212. Dans le Cmilra DemosUi. (Anj;olo Mal. Vet. Vallc. Col-
Icct. il. p. 30; Il l'appelle t7)v ex MiX/jTOu, par une confusion cvldeiito
LA REUGION MANTINÉRNNR. 327
ticalemenl correcte et seule exacte (1). Pourquoi Oiotima serait-
elle un personnage de fantaisie, créé de toutes pirces par l'ima-
gination de Platon? Parce que Platon seul, parmi les auleurs de
la bonne époque, en a parlé ? Mais l'obscurité de Diotima s'ex-
plique par l'élrangeté de son caractère sacerdotal et peu mon-
dain. Dans une société où les bétaîres comme Aspasie tenaient
le premier rang, une simple prophétessc arcadioniic, de conduite
austère et modeste, quoique d'esprit sublime, devait être assez
eflacée. A supposer même que Platon ait inventé Diotima, l'idée
de la présenter comme Mantinéenne serait un hommage rendu
aux propliétesses de cette ville et une preuve de leur existence.
Mais pour(|uoi ne pas reconnaître en Diotima un personnage réel
et dans sa venue à Athènes un fait vraisemblable ? « C'est sur
ses conseils, dit Socrate, que les Athéniens accomplirent les sa-
crilicesqui empêchèrent pendant dix ans la pcsie d'éclater (2).»
Cette donnée place en 440 av. J. C. l'accomplissement de ces
rites. La peste a toujours régné à l'état plus ou moins aigu dans
la mer Egée, au V« siècle. Avant de faire à Athènes l'apparition
foudroyante que Thucydide a décrite (3), le lléau s'était déjà
manifesté environ dix ans avant les guerres médi(|ues (4). C'est
même à cette occasion, suivant des auteurs dignes de foi (5),
qu'Épiménide fut ap[)elédeCrète pour purider la ville. Avant 430,
la peste exerçait ses ravages sur les ccMes d'Asie, les Cyclades
et un peu partout, dit Thucydide. Les Athéniens, avertis par ces
symptômes, eurent recours, pour conjurer le mal, aux lumières
de Diotima, comme ils avaient fait a|»pel à celles d'Kpiménide
GO ans plus tôt. Au point de vue religieux, les Cretois et les
Arcadiens jouissaient d'un égal prestige dans les imaginations
«voc Asp;isi«\ — Prochis. Tn Plat. Rnnp. p. iiO. — \j^ sroliasto irAristith)
jVoy. Chmizit. Àiiml. Vindob, LVI. I8:îl, p. iWK) <Hl mir Diollinn était pn^-
Irnsso (le Z<'us Lycalos.— Cf. Lucien, dn Imagin, IS.
(1) L«i toçon yuvatxô; MavTivixfi; AîOTÎjxaç est diuinrc par la majorité dra
manuscrits. Dos comincntatcurR roni rorrif^r'MMlans l'ialon ot dans Irsanlrurs
qui l'ont copîrHCIom. Ali'X. pas. cit. ôd. Mi^mc, on |i.avTtxf,<;, sous prclrxto quo.
rothniquo féminin do MavTiveùç est Mavxivi; (Kt. Hyz. s. v. MavTi'veia). Mais
los doux stôlos C. I. A. Iî,.3, n" 3172 et 3173 prouvent quo le possessif MavTivixvj
était usité comuK*, etlmiqut^ au IV" s. De plus, l'ohjoction s'appliquerait avec
plus de force à l'adjectif [xavTix"^ substitué à jjLavtiç.
{i) xoù 'AOir|va{oiç Ttotè Ouiafiévotç itpo tou XotfJLOu 8éx ' lxi\ àvapoXvjv
l7coi7|(Te TYjç vô(TOu. Plat. Sywpos. 22. ' . -
(3)11,47. * . ■
(i) C. I. A. 1. 47'). — Plat. leg. II. Gii.
{l'y) Plat, ifrtd.— DloK. Liicrt. 1,107. — Cf. Arlstot. 'AO. tcoX. 1.— Plut. So/. XII,
328 MANTINRE ET l'ARCADIE ORIENTALE.
helléniques : Minoset Épiménide sont aussi sorciers que grands-
prélres. Les prêtresses inantinéeniies devaient joindre au don de
prophétie celui des incantations magiques : les Péliades étaient
venues finir leurs jours dans la Mautinique et les magiciennes
d'Arcadie se flattaient de faire descendre la lune sur terre.
Socrate admire en Diotima la <To;pia, c'est-à-dire la science des
choses divines et humaines (1) ; il lui découvre un profond génie
philosophique, et Platon la fait parler en conséquence. Diotima
enseigne à Socrate une admirahle doctrine de l'amour idéal.
Puisqu'on admet que les prêtres égy[jliens possédaient une
science profonde des choses supérieures, on pourrait consentir
aussi à ce qu'une prétresse arcadienne fût instruite et capable
de haute spéculation autant qu'une hétaïre de Milet. N'admet-on
pas la réalité de Lasthéneia, cette hétaïre mantinéenne, qui suivit
les leçons de Platon et fut aimée de Speusippos (2) ? Toutefois, je
suppose que les entretiens de Diotima et de Socrate sur l'amour
sont une fiction dont Platon s'est servi pour donner à cette par-
tie du dialogue le piquant d'une initiation mystique et d'une ré-
vélation inspirée. Aussi m'absliendrai-je de discuter les théories
de la Mantinéenne, de la comparer avec Sapho et Théano, pour
lui donner le premier rang, à l'exemple de Lucien (3), enfin de
rechercher la part de philosophie pythagoricienne que contient
sa doctrine. Il me suffit de constater que le personnage a pu
exister et qu'il appartient à cetle classe de femmes inspirées,
dont la réputation s'étendait hors de Mantinée : nous pouvons
restituer à Platon sa belle méditation sur l'amour, mais laissons
à Diotima son rùle de prophétcsse (4) et d'hiérophante.
,^ On a prétendu reconnaître renlrctien de Diotima et de
Femme au foie. Socratc sur plusicurs mouumenls figurés représentant des
scènes d'initiation (5). Mais de ces exégèses décevantes, aucune
conclusion certaine n'est à retenir.
(1) 7) TauTa T6 ao^Tj -îjv xaî àXXa 'JtoXXà,.. tq Sy| xàjxé xà IpwTixà eSiSa^ev
[Symp. 22). — Où jievtav al, w Aiotijia, lôaùjxaÇov iid (jo®(a xal t^oixcov
Tcapà 96, aura TauTa {Â.aO-r)9duevoç (ib. 25).
(2) Anon. Vita Plat. 135. Diographi grœci. Wcslormnnn, p. .3îK). — AUion.
VII. 279 0. 5iC d. —Clcm. Alex. Strom. IV, 22t. — Diog. Laôrt. Plat. III, 40.
Sur Axlolhôa, cf. ThcmisUus XXIII. 29.'> c. Elle cacha longtemps son soxc.
(3) Luc. de Imagin. 18.
(4) Socrato semble faire nllusion A la science divinatoire de Diotima quand il
lui dit : MavTeiaç, -riv S'^yw, Scttai S xi -ïroxe Xi^eiç, xal où |jLavOivu>.
iSympos. 25). Proclus (in Plat. Remp. p. 420; classe DloUma parmi les disciples
do Pythagore.
^5) Voy. Bachofen. MutterrecM, p. 357.
LA RPXIGION MANTINÉENNR. 329
C'est, au contraire, ici le cas de produire un monument qui
provient de Manlince môme. A la rareté du sujet, il joint un
certain mérite plastique, qui doit le défendre contre l'oubli. Je
l'ai déjà décrit dans le Bulletin (le Correspondance hellénique (1)
et il est connu des archéologues sous le nom de la Femme au
foie. C'est, en elTet, un loie qu'il faut reconnaître dans l'attribut
épais et mou, divisé en deux lobes inégaux, que tient dans sa
main gauche cette belle femme aux formes pleines. On trouve
un foie représenté sur le ventre d'un taureau dont les entrailles
sont ouvertes, dans le bas-relief de l'examen des entrailles qui
est au Louvre (2). Sur la surface du foie, dans notre bas-relief
mantinéen, est appliqué un objet long maintenu sous le pouce
du personnage. Je n'ai plus du tout l'impression que cet attri-
but fait partie intégrante du précédent, comme une vésicule
biliaire avec son canal. Il n'a pas l'aspect mou d'une pièce ana-
tomique, d'un organe animal. Ne serait-ce pas plutôt un objet
fabriqué, soit une sorte de cuiller pointue munie de son man-
che, soit plutôt une manière de lancette triangulaire, semblable
à CCS gros grattoirs d'acier dont se servent les copistes de nos
administrations, bref un outil spécial en métal ou en os (3), un
couteau sacré qui servait à la dissection des organes mantiques?
Quelle que soit d'ailleurs la nature de cet accessoire, le carac-
tère du personnage figuré ressort clairement : c'est bien une
devineresse, une fxavT^ç, qui nous est représentée revenant du
sacrifice avec le foie qu'elle se propose d'examiner suivant les
rites de son art. Si nous n'avons pas sous les yeux le portrait de
Diolima elle-même (4), c'est une de ses congénères attachée
au service d'Apollon (l'ythaeus ?) comme semble l'indiquer le
palmier figuré devant elle. Je crois qu'on doit aussi reconnaître
(1) XII (1888), pi. IV, p. 377-380. — Voy. la planclio h la fin de ce volume.
(2) Je crois que l'objot est en grande parllo restauré. Voy. Clarac. 3lnsce de
sculpture, II, p. I9i). Cf. Calclias consultant un foje. Gerhard. Elr. Spiegel. 233.
Sur les divisions liiérati(|ues du foie, voy. nouchc-Leelercq, art. Divinatin,
dans le Dicl. des Ànliq. de Sajçllo. I^ flg. 2i73 reproduit le foie en bronze
trouvé à Plaisance en 1877: c'est une représenUilion du temple hépatique. —
ITn autre monument intéressant pour le culte a été rapporté do Mantinée
par M. Colllgnon et publié par lui [Bull, de Corr. hellén. VIII, p. 39G, pl. XXII).
C'est un très joli bronze du III" siècle, ayant servi d'applique de miroir : il
représente un cadmile.
(3) Voy. un coute^iu analogue en os, du Musée de Toulouse. Sagllo, Dici. des
Anliq. fig. 2126 (art. cuUer).
(4) Le monument se rapproche plutôt de la fin du V* siècle que du milieu.
330 MANTINÉB RT L*ARGADIE ORIENTALE.
une scène d'initiation ou d'ornithomancie sur le petit bas-relief
reproduit plus haut (1) ; on voit, sous un cep de vigne chargé
de grappes, une tête de femme et la queue éployée d'un oiseau
qui s'envole.
La Si l'on est embarrassé dos qu'on cherche à préciser l'origine
otxato<Tuvn ^iq çgi^j^g école divinatoire, la réalité de son existence ne fait donc
pas doute. Mantinee signifie bien la ville des devineresses. Cette
cité avait l'âme très religieuse. Il y a, dans sa mythologie, un
fond de gravité qui a pu conduire quelques intelligences d'élite
à une philosophie élevée et entretenir dans la masse une cer-
taine sagesse laite de conviction morale et de sens pratique. Les
anciens reconnaissaient dans les Mantinéens un peuple inspiré
par l'esprit divin. Au début du Vl^ siècle, les Scillontiens en dis-
corde réclamèrent à Mantinéo un pacificateur. Quelques années
plus tard, le Mantinéen Démonax fut désigné par la Pythie pour
donner à Cyrène une bonne constitution (2). L'œuvre des légis-
lateurs mantinéens du V^ siècle était partout citée en exemple;
Socrate salue en Diotima un esprit supérieur; le démagogue
Lycomèdes, au IV^ siècle, essaye d'éveiller chez les Arcadiens
incultes et demi-sauvages le sentiment de la dignité et de trans-
former ces brigands en citoyens; Aristoxène deTarcnte, au dire
de Suidas, étant venu à Manlinée pour y étudier la musique, en
repartit philosophe (3) et lui consacra un livre (4). Lasthénia,
une courtisane, se met à l'école de Platon.
Une race antique et de bonne heure unifiée, une religion
simple et sérieuse, où les élémenls locaux se fondent avec les
éléments adof)tifs venus de pays voisins et amis, une existence
honnête et laborieuse entretenaient dans ce peuple le culte de la
solidarité et de la liberté. Aussi ne sera-t-on pas surpris do
retrouver dans leurs institutions, dans leur patriotisme et dans
leur politique, cette générosité de cœur et cette philosophie à la
fois idéaliste et pratique qui leur valurent chez les anciens le.
titre de gardiens de la justice : Sixtjç (puXaxsç ((}), < , !
I 'l'-i" '. ; ' • • ,...•• -,.•'!,. • •. . . . ,
(Ij'Voy. p. 24, np. (J. ;. : ... .
.,(2) Yoy. plus loin, p. 302 cl suiv; ,, . . ,|.,., , : ... . .,
,(3)6\ ».i'Api<TTd;£vo;. .,
(4) Le xà MavTivÊtov eO*/), nirnUonno par Pliilodômos. IIeçI Eiiae^. Cf.,
Phaedr. Oe nat. deor, 23. — Osanii. Ànecd, Rom, .'JOG.
(GJKÛslatli.adHom.p. 18(30. '■ ' • . .• i: - ^ .
la démocratie
de Mantinée.
1* Caraclère
flgrîcolf! et jmstoi'nl
CHAPITRE Vil.
Le gouvernement ; les institutions.
I. Les constitutions de Mantinkk.
Le couple Poséidon Ilippios et Déméter, qui doinine toute l<n Rnisons
mythologie inanliiiéciiue, re[irésenle ruiiion de deux divinités qui ont favorisé
agricoles : Poseidou Hippios protège l'élevage, Démêler les mois-
sons. De lait, labourage et pAturage étaient les deux mamelles
de la Mantinique. Les cinq dèmes se partageaient les domaines
de la grande plaine. Le peuple manliuéen rentre donc dans ° ,,„'
la catégorie des populations agricoles et pastorales dont Aristote ppupienmniiiiéen.
a si heureusement délini les besoins et les préoccupations : à
ces peuples il faut des institutions spéciales, correspondant à
leurs habitudes rustiques. Le gouvernement qui leur convient
le mieux c'est, d'une manière générale, la démocratie, parce
que leurs mœurs sont égalitaires, et, d'une manière plus parti-
culière, une démocratie compatible avec la vie en plein air dans
des domaines souvent éloignés du centre de TEtal. « Le meilleur
de tous est le peuple agriculteur et la meilleure démocratie
s'éUiblit dans une population qui vit de labour ou d'élevage.
Comme elle n'a pas grosse fortune, elle manque de loisir et n'a
pas le temps de s'assembler souvent. Pour acquérir le nécessaire,
elle s'absorbe en son labeur et y borne ses désirs : elle aime
mieux le travail que la politique et l'autorité, dont elle n'aurait
pas grand profit à tirer : car le peuple recherche le gain plutôt
((ue les honneurs. Après la population agricole, le meilleur
peuple est le peuple pasteur qui vit de ses troupeaux. Il mène
une existence analogue à celle des agriculteurs, y acquiert un
tenipérament merveilleusement préparé aux exercices de la
guerre, des corps vigoureux et endurcis au bivouac... Presque
tous les autres éléments dont se composent les diverses démo-
craties sont très inférieurs. Leur genre de vie est dégradé. La
332 MANTINKE ET l'aRGADIB ORIENTALE.
yortu n'a rien à faire avec les occupations des artisans, des
marchands et des salariés. De plus, à circuler autour de l'agora
et dans les rues, tous ces gens-là prennent facilement l'habitude
de se réunir en assemblée, tandis que les cultivateurs, dissé-
minés dans les terres, n'ont pas l'occasion de se rencontrer et
n'éprouvent pas le même besoin de s'assembler. Lorsque le
pays est constitué de telle sorte que les terres sont à grande
distance de la ville, il est aisé d'établir une démocratie et un
gouvernement excellents : car le peuple est forcé d'émigrer
aux champs (1). S'il y a une plèbe urbaine, il lui sera interdit,
dans de pareilles démocraties, de former des assemblées sans
le concours de la masse des campagnards (2) ».
Dans sa Politique, Aristote juge les gouvernements plutôt en
théoricien qu'en historien; ses définitions ont un caractère
général et idéal, mais les lignes essentielles en sont eminuntées
à des exemples particuliers. En esquissant le tableau de la
démocratie rurale, Aristote avait dans l'esprit un modèle réel
qu'il est aisé de reconnaître, puisqu'aussi bien il le cite lui-
m^me : c'était la république do Manlinée. Les traits parti-
culiers qui devaient déterminer la forme politique de cet Etat
se déduisent des recherches précédentes sur la constitution du
sol, et sur Torigine de la population. Ce sont exactement les
mêmes qu'Aristote a signalés comme des facteurs de la bonne
démocratie.
Le peuple mantinéen réunit le caractère agricole et pastoral.
Le sol morcelé en petits domaines [lar les chaînons, par la
diversité des terres et par la réjiartition des eaux se prèle à la
culture variée et à la petite propriété (3). L'absence de capital
industriel et commercial oblige le citoyen a travailler pour
vivre. Il vit d'ordinaire loin de l'agora parce que son domaine
réclame de lui une vigilance assidue : cultivateur, il lui faut
défendre sa terre contre le caprice des eaux, faire boire son
champ sans détremper du môme coup ni assolfler celui du
voisin. Seul le citoyen libre et responsable peut mener à bien
cette tAche délicate. Propriétaire de troupeaux, il doit leur
assurer de bons pAturages, les protéger contre les vols et les
botes fauves, diriger ses bergers, surveiller ses laitages et la
(1) Voy. sur la vio ruralo on Grftcc, Guiraud. Propriété fonc. en Grèce, p.
G9 et 8uiv. cl p. 4i8.
(2) Aristote. Politique 6x1. Susemlhl. VII (VI), 4, p. 13I8»> cl I3i9«.
(3) L'inscription archaïque publiée aux appendices, mentionne des lots
(Xp7)|JLâT(ov TÔ Xâ/oç), qui représentent les domaines iiéréditiiires.
LE GOUVERNKMBNT ; LES INSTITUTIONS. 333
fabrication de ses fromages, désigner les hèles à luer, celles à
vendre. Ici encore Toeil du niaîlre doit toujours rcslcr ouvert.
Celle vie rustique entretient la vigueur des corps et crée les
aptitudes guerrières ; elle entretient aussi la simplicité des
goûts et des m(r.urs, elle maintient Tégalilé sociale: le labeur
commun rapproche les rangs ; le maître se distingue à peine de
Tesclave ; à plus forte raison de citoyen à citoyen les distances
disparaissent. Dans ces conditions, la plèbe urbaine n'a pas
(rexistencc propre ; elle vit par et pour les campagnards pro-
ducteurs ; son influence n'est pas prépondérante et elle doit
subir la loi de la masse rurale.
A ces traits, ajoutons en d'autres qu'Aristole iiidi(|ue ailleurs, s» mwgriié de la
On peut lui objecter (|ue tous les peuples agricuUcurs n'ont pas ''^*
aimé la démocratie (1) : par exemple, les Thessaliens, les
Béotiens et les Lacédémoniens. Cela se comprend : dans ces
pays, surtout en Tliessalie, l'étendue des terres cultivables
favorisait la grande propriété; de plus, la sujétion d'une race
vaincue à une tribu guerrière avait créé le servage. Ces deux
causes ont donc aidé h la formation d'une aristocratie militaire
et terrienne et divisé la population en deux classes : les nobles
et les serfs. Rien de semblable en Arcadie, et parliculièrement
à Mantinée, où les migrations n'ont pas été assez brusques
j)our altérer l'unité primitive de la race et créer des distinc-
tions de castes entre les indigènes et les envahisseurs.
La démocratie était donc le régime normal de la Mantinique. u démocmiie au
Elle était un produit du sol comme les moissons et les vignes vi- siècle.
du terroir. Elle parait d'ailleurs s'y être épanouie de très-bonne i>*"»"n"
heure, puisque dès le Vl® siècle elle avait acquis assez de " ^"^ "**
prestige pour être proposée comme modèle aux Etats en quéle
d'une bonne constitution (2). C'est ce qu'il est permis d'inférer
du rôle joué vers 550 à Cyrène par le Mantinéeii Démonax, que
l'oracle de Delphes désigna au choix des (pyrénéens pour mettre
un terme à leurs discordes et réformer leurs institutions (3).
(1) Arlst. Politique. Id. Ii69». »».— De la Coulonche,lf^m.sMr l'Arcadie.p, 180-
(2) Hi^rml. IV, Kil. — Diod. VIII, 'SO.
(3) nérodoto écrit A7j{i.(ova^; mais la vraie formo du num ptiratt s'Otrc
consf^rvéc dans io nom d'un magistrat monôlairn do Cy iv.no au III* s.
AajJLojvaxToç. {Zcilschr. f, Numism, III, pi. VII, 3, 4). — H. Weil. ib. IX,
p. 20. — Imiioof Blumor. Mon. gr, p. iîK). — Voy.Stuniczka.A:yrCTic p. 15 et
î>8. — L'autlionUciié do l'oracle de Delphes est niée par Uencdict. De oracul,
ab Herod. commem. p. 35.
334 MANTINÉe ET l'aHCADIË ORIENTALE.
L'œuvre de Démonax avait un cîiraclcre en quelque sorte
démocratique. Appelé en qualité de conciliateur (xaTapTi<TTr,p (1),
SiaiTT^TTj;) (2), le légivSlateur jugea que le mal dont soutiraient les
Cyrénéens provenait des prérogatives exagérées de la royauté,
de la contusion et de Timpuissance du peuple. Aussi usa-t-il
de ses pleins pouvoirs pour dépouiller la couronne de ses
attributions politiques (3) : il ne laisse à la royauté qu'un rôle
honorifique, en lui octroyant en guise de compensation les reve-
nus de certaines propriétés sacrées et l'exercice de quelques
sacerdoces. La souveraineté lit retour au peuple, organisé en
trois tribus correspondant aux divers éléments de la popula-
tion (4). Hérodote (î)) représente Démonax comme un des
citoyens les plus notables de Mantinéc. D'autre part, l'oracle
avait trop de tact politique pour confier une pareille mission
à un personnage qui fût en mauvais termes avec le gouver-
nement de son pays. Il choisit donc l'homme que les sulTrages
de ces concitoyens proclamaient comme le représentant le plus
autorisé de la cité tout entière, de son esprit et de sa consti-
tution. D'où l'on peut conclure sans témérité que Mantinée
jouissait déjà d'une démocratie sagement établie, à une époque
où la plupart des cités grecques traversaient une crise de crois-
sance marquée par les dernicres c(mvulsions de l'oligarchie et
les premières exigences du S-riiioç, crise qui profitait en fin de
compte aux tyrans démagogiques.
En dehors de cet hommage rendu par la Pythie au bon sens
du législateur mantinéen, ce que nous savons de positif sur les
institutions de Mantinée avant le V» siècle se réduit à peu de
chose. La république en était encore à la forme primitive du
audTTifjia 8v](i.a)v (G), c'est-à-dire qu'elle n'était pas centralisée, tout
au moins matériellement et h l'intérieur d'une ville fortifiée. Cet
état n'implique pas forcément l'absence d'un lien politique entre
lès cinq dèmes mantinéens. Entre le régime classique de l'État
grec concentré dans les remparts d'une capitale et le régime
(l) Ilérod. IV, m. ' ..*;.;
• •7i)nio(i. vni, ;k). ; • ' !' : . . .
(3) M. (Juiraud {Propriété fonc. en Gr. p. 37) n réfuté ropinion qui atlrl-
bunit U Démonax un partage des terres. ' " -
(4) Cf: Aristole. Polit. VII. 2, 10/ il. i
^ (3) lîérod. Ih, "AvSpa T(ov àtTxtov 8ox'.|X(oTaTOv. Cf. Ilcrmippos KaIlimacheio.s
ap. Attion. IV. p. i;>4. — U" nom même de Démonax est earactérlstlque. D'ail-
leurs la racine Sir||jL tient une grande place dans l'onomasUque manUnéenno.
((>) Strab., p. 337. Voy. sur les 5 dèmes mantinéens, p. iil et suiv.
LE gouveiinbmknt; lbs institutions.
:j3î)
Consliliition de
Nicodorus.
rudimentaire des peuples subdivisés en groupes isolés et
autonomes, sans autre lien qu'une vague conniniuaulé do
race et d'intérêts (d), il y a i)lace pour un système intermé-
diaire, le <TujTYi(i.a oT^jjLwv, qui est un véritable Etat (TroXtTcfa). Ce
système sui)pose un gouvernement commun : chaciue dème reste
maître de son administration intérieure sous Taulorité du
démiurge (oafjnopYÔç), magistrat qu'llésycbius compare aux
démarques des communes attiques (2). Les alTaires communes
sont sans doute discutées par deux assemblées, Tune composée
de la masse des citoyens, Tautre comprenant un nombre plus
restreint d'élus et le pouvoir exécutil est confié au collège des
démiurges.
Entre 404 et 461, la situation politique du Péloponnèse et i^^synœcisme
riidluence d'Argos (3) déterminèrent les Mantinéens à concentrer '"' *•* ^**"|<»*^™"°
leurs cinq dèmes en une ville fortifiée.
L'agglomération des babitants de la Mantini(|ue eut pour
conséquence le développement de la classe ouvjière et commer-
çante : celle-ci prit dans l'État une place que les propriétaires et
paysans durent trouver tiop considérable. Car le synœcisme
n'entraîna pas la désertion complète des anciennes bourgades,
nécessaires comme centres d'exploitation agricole : il était
impossible de supprimer les fermes, les étabics et les parcs à
bestiaux avec leur personnel. Les citoyens que les travaux de
la terre retenaient aux cbamps se trouvaient dans une situation
désavantageuse, au point de vue politique, par rapport aux
habitants de la ville. Les nécessités de la vie risquaient de faire
tort au devoir civique. S'ils négligeaient leurs cultures jiour
suivre les assemblées, ils s'appauvrissaient; s'ils s'abstenaient
de voter, ils abandonnaient la direction de l'Elat aux firoprié-
laires aisés, qui pouvaient résider à la ville sans inconvénients
pour leurs intérêts. D'autre part, les gens qui ne vivaient pas
de la terre, mais de leur industrie et du négoce, dcvaicnl,
comme partout, aspirer à faire partie de la TtoXiTeia au même
titre que les détenteurs du sol. L'ancienne constitution ne
répondait donc plus aux besoins de la situation nouvelle : une
révision s'imposait. Il s'agissait d'une part d'ouvrir le corps
(I) Arlst. VoUL (Ml. Suscmlhl, liOl». 29.
(È) Lr8d(';miiirgo8 figurent sur une inscripUon nrcluilquodc ManUnôo {Dull.
de Corr. hellén, 1892, XVI, p. 577) sans qu'on puisse, exactement déterminer
leur rôle.
(3) Slrab., p. 3;)7.
336 MANTINÉE ET l'aRCADIIS ORlEiNTALB.
électoral aux citoyens dépourvus de biens fonds, et d'autre part
de dispenser les agriculteurs de déplacements trop fréquents,
sans leur faire perdre leur part légitime d'influence dans la
conduite des aflaircs publicfues. Sur ces deux points, la réforme
devait avoir un caractère démocratique. C'est pourquoi on dut
profiter, pour procéder à ces changements, du moment où l'at-
tention de Sparte était distraite par les embarras de sa situation.
Le chef du parti démocratique était alors l'ancien athlète Nico-
doros, devenu un personnage influent depuis qu'il avait dans sa
jeunesse remporté le prix du pugilat aux jeux olympiques :
(( Nicodoros le pugiliste, dit Élien (1), un des Mantinéens les
plus considérables sur la fin de sa vie, ayant renoncé à l'athlé-
tisme, devint le législateur de ses compatriotes, en quoi il fit
œuvre bien plus utile à sa patrie qu'en obtenant pour elle les
proclamations du héraut dans les stades. On dit que Diagoras
de Mélos, qui l'avait aimé, collabora ù ses travaux législatifs.
J'en aurais plus long à dire au sujet de Nicodoros ; mais comme
je ne voudrais pas lui associer dans mes éloges Diagoras, car
Diagoras étîiit un ennemi des dieux, et qu'il ne convient pas de
parler de lui davantage, restons en là.» Sans ces malencontreux
scrupules du trop pieux Élien, peut-être aurions-nous le secret
de celte œuvre si intéressante et tant prônée du nomothète
mantinéen. Ce fut dans les premières années de la guerre du
Péloponnèse, vers 425, qu'eut lieu la réforme (2). De cette
époque datent les institutions qui valurent aux Mantinéens la
réputation d'cûvofi-okaToi (3) et de Sixtjç (pùXaxeç (4).
Les cAicgorics Tous Ics autcurs ancicns, au dire de Polybe (5), et Polybe lui-
dciccieurs môme ont vanté l'excellence de la constitution de Mantinée,
(1 iiprès Arislole.
(1) Var. IlisL II, 2i, 23.
(i) L'inUmitc. de Diagorns ot de Nicodoros doit dater do leur jeunesse et
précéder l'olymp. î)l, 2 |4l;i/4), année où Dlaj^oras fut proscrit d'Atliènos pour
avoir révélé et ridiculisé les Mystères d'Eleusis, (l)iod. XIII, 0. — Scliol.
Arlstoph. Aves, 1072. — Ran. 'tfôO. A cette épocjue, Mantinée, par la paix de
30 ans conclue en 417, était vassale de Sparte qui n'eut pas autorisé une
réforme déniocrati(iue. Il faut remonter U une dizaine d'années avant lo
traité, jusc{u'â la période d'émancipation qui précède l'alliance avec Atlièncs
pour trouver un moment favorable aux réformes de Nicodoros. Lîi phrase «le
Thucydide : (V, 2î)) or,|jL0xpaTOU[JL6v/jv (Argos) t6 oxiTTEp xal aûtoi (ManUnée)
s'applique à l'an 421. — Voy. plus loin, p. 37i).
(3) Klien. ibid.
(4) Eustath. ad. Hom. p. 1800.
5} Polyb. VI, 43, I. 2]yeSbv 5*/j Ttàvreç o\ lUYYpa^eîç Tccpl toùtcov Tjjxtv
Twv 7:oXiTeufi.dTtt>v icapaSeStoxaffi tyjV in apeTvi ^T^[i.ir|v, Tiepi xe tou
LB GOUVBRNEMKNT ; LES INSTITUTIONS. 337
supérieure à celle d'Athènes et de Thèbes. Malheureusement,
elle nous est plus connue par leurs éloges que par leurs des-
criptions. Arislole, I^olyhe, Élieii, Maxime de Tyr, quand ils
parlaient de la sagesse des législateurs mantinéens, savaient
sans doute à quoi s'en tenir; mais ils nous réduisent un peu
trop à admirer de confiance, se dispensant de nous donner leurs
preuves. Aristote seul nous permet d'entrevoir un coin de la
réalité. Son o[)uscule sur la Mavxivéwv TcoXiTefa csl perdu ; mais
l'auteur en a extrait une courte note qui a passé dans la Poli-
tique. Après avoir, dans le passage cité j)lus haut, proclamé les
aptitudes du peujde laboureur et pasteur pour la démocratie, et
montré que ce peuple laborieux a peu de goût pour les vaines
discussions politiques, Aristote ajoute : «Le droit d'élire ses
magistrats et de les contrôler comble tous ses désirs, pour |)eu
qu'il ait d'ambition. Car, dans certaines démocraties, le peuple
se contente d'attrii)utions encore plus réduites : il abandonne le
droit de nommer ses chefs à quelques électeurs choisis à tour
de rùle dans la masse entière, comme à Mantinée. i^our lui, le
droit de délibérer souverainement lui suflit. Et c'est encore là,
on peut le dire, une variante de la démocratie, comme celle
qui existait autrefois à Mantinée (1). » Cette brève indication est
un précieux témoignage. Le législateur mantinéon avait trouvé
la conciliation entre les intérêts et le devoir de ses concitoyens,
dans la restriction du droit d'élire les fonctionnaires, le plus
absorbant de tous. Le démos déléguait à une fraction de lui-
môme l'exercice de ce droit, et cela par roulement, de manière
([ue l'ensemble des citoyens, au bout d'un certain temps, eût
passé par le jury d'électeurs. Les déplacements fréquents exigés
AaxeSai(JLOvi(i)v xal I\p*/|T(5v xal MavTivéwv, exi 8è Kap^*/|8ovio>v. Maxime
fIcTyp {Dissert. XXlll," 4 [1.429]) s'insplrant crArlstotc et de PoIyI>C3, sans les
bien cuinprcndro, attribue à la conslitulion de Mantinée un caractère aristo-
crati<|ue ; il l'éinunùrc à côté de celles de Sparte, de la Crèt<*, de Pellône et de la
Tlicssalie: layupà p-év tiç xal TrpaxTixv) xarà T*r|v AaxwviXYjv, -î^ Kp-r)TiXYjv,
vj MavTcvixYjV, r^ lleXXïjvixYjv, v] ©eTTaXixïjv iroXiTCiav IffrajJLevTj,
cpiXÔTijioç 0£ ayav xai ^iXôveixoç xal Bu^cpiç xal tzoXuiz^iy^ni}^, xal Ittjtix'/j,
xal OapaaXéa. Ce luxe d'épithètcs dissimule assez mal l'ifçnoranco des faits.
(1) Arlsl. Polit, éd. Susciiillil. 1318*» 22. "Eti 8k to xuptouç eïvai tou êXéffÛai
xaî 6Ù0ÛV61V àvaiiXTipoî ttjv ev8eiav, eF ti ^iXoTip.{a; eyouaiv, cTreÎTrap ' Ivioiç
8'^[i.0[ç, xav [xv) |i.6Tê/w(Ji TYjç alp6a6(i>ç Twv àp/cov, àXXi Tiveç alpexol xaxà
[i-époç Ix TiâvTwv, <V)<j7t£p Iv MavTiveiQt, TOU Se pouXeûscOat xûpioi uxjiv,
ixavoiç lyzi toTç tcoXXoT;, xal 8et vo[i.iÇeiv xal tout' sîvai <T;^iijAa ti
SirifiOxpaTiaç, oxTTrep ev MavTivefa "ïtot '"îîv.
.Matitîiiée. •> Ti.
338 MANTINEE ET L^nCADtË ORIENTALE ;
par la nomination des magistrats ne gênaient qu'un nombre
restreint do citoyens, électeurs au 2« degré. Aucune condition
(le cens, semble-t-il, n'était exigée pour faire partie de ces
asseml)lées, ainsi que l'indique l'expression d'Aristote : ix
7ràvT03v(l). Quelle élait la proportion des électeurs du2<^ degré par
rapport à l'ensemble du corps électoral, Aristote ne le dit pas.
Comment étaient-ils désignés ? Sans doute à l'élection (alperoO.
Avec ce système, les paysans, les pAlres de la montagne n'avaient
à prendre le chemin de la ville qu'au jour des grandes assem-
blées populaires, quand le démos avait à se prononcer sur la
j)aix ou la guerre, ou à légiférer, car il conservait la souve-
raineté, ou bien, quand il se réunissait en assemblée primaire
pour désigner les électeurs du 2'* degré (2).
Ut pouvoirs Le texte du traité de 420, entre Argos, Élis, Athènes et Man-
puwics. iinée, que Thucydide (3) nous a conservé^ contient quelques
renseignements sur les pouvoirs publics k Mantinée.
Outre l'assemblée plénière et l'assemblée secondaire, déléga-
tion de la première pour la nomination des magisti^ats, il y
avait à Mantinée un Conseil, pouX-^, chargé, dans le texte du traité
de 420, de prêter le serment après les démiurges. Les attiibu-
tions de ce Sénat ne nous sont pas autrement connues. Ces sortes
d'assemblées avaient en général pour attributions la prépara-
tion des projets de loi, de l'ordre du jour de l'assemblée popu-
laire, les relations diplomati(iues et le contrôle financier. Ou ne
(1) Le nom do cos (Sloctours no nous est pas connu. On no saurait leur
appliquer rexprosslon do Xénoplion (lli-ll. V, 2) xoùç h MavTiveia tou 8-^(aou
icpoo'TàTaç, ({ui désigne, non pas dos nia^islrals, mais dos dômagoguos (Cf.
ibid. I, 7, i). J'ai rolrouvé A Manlinéo, dans le tliéiUro ot dans les portiques
do l'Agora, une centaine de, tessère.s en terre cuite, les unes lenticulaires,
l(»,s autres roctangulaires, [)ortant des noms proi)res, en caractères assez
anciens, et suivis, en général, du psitronymique,. Pcut-élro ces tcssércs sonl-cllos
' dos tabhîttes d'él(*cteurs du second degr<i qui avaient ù les présenter pour
entrer à l'assembléo? Dans la constitution du xoivbv lycien, les villes délô-
. guaient à l'assombléo des citoyens <iui prenaient lo nom d'électeurs de^<magis-
tnits : àp/ôaraTai (Voy. Fougères. De Lyciorum cnmmunU parsll, Ciip. III).
Go qui faisait l'originalité du système mantinéon, c'éUdt le principe du rou-
lement. On ne saurait parler à ce propos de système représentatifs ni ni6mc
• Invoquer les électeurs des Constitutions de 1791 et de 1793.
' ' (2) Kn 371, quand Agésllas vint protester contre la reconstruction du rempart,
' les démiurges (ol ap/ovxeç) lui objectèrent qu'il n'y avait pas à revenir sur
un vote du peuple : oti àSuvaTov etTi eTiKJ/eïv, BôyiAûtTOç YeYevT,fi^vou iràdv)
' TY) tcôXei rfifi TEi/iÇeiv (Xen. Ilcllen. VI, 5, 3). — Sur l'absentéisme des paysans
de l'Attique aux assemblées, voy. Guiraud. Prop, fonc.^ p. 140.
(3; Tliucyd. V. 47.
LE gouvernement; les institutions. 339
sait rien sur le mode de nomination des sénateurs mantinéens.
Le pouvoir executif était représenté par le collège des Les di^miurgc».
démiurges (8aji.iopYoO. Dans Fancienne constitution antérieure
au synœcisme, ces magistrats devaient être les chefs des
dèmes. Dans le traité de 420, ils sont nommés en première
ligne, avant la Boulé et les autres autorités. Dans le traité du
Koivov arcadien en Tlionneur de Phylarchos, ils représentent
Mantinée au Conseil fédéral des cinquante délégués des villes
fédérées (1). A n'en pas douter, ils sont les autorités supérieures
de la cité, comme les archontes à Athènes (2). Le titre de
démiurges (8ï){JLtoupYo{, BajxioupYof, 8a|JLia)pYo(, 8ap.iopYOi, BajxiepYOt,
2;a{i.i(i>PYoO existait dans nombre de cités grecques ; mais leurs
attributions sont imparfaitement connues. Ils convoquaient
l'assemblée populaire et se réunissaient eux-mêmes en Conseil
exécutif : ce sont eux qui, en 371, reçoivent Agésilas et écou-
tent les doléances de Sparte au sujet de la reconstruction du
rempart (3). Xénophon les appelle ol àp;(^ovT6ç. L'assimilation,
dans Uésychius, des démiurges doriens avec les démarques
attiques, le nombre de cinq démiurges mantinéens sur Tius-
criplion du xoivbv arcadien, permet de supposer que, même
après le synœcisme, ce chiffre de cinq, correspondant aux
cinq dèmes anciens ou aux cinq tribus, fut conservé pour la
composition du collège exécutif. Après Tabolition de la division
territoriale des cinq dèmes, les cinq démiurges durent dépouil-
ler, comme individus, le caractère de magistrats ruraux que
(conservèrent toujours les démarques attiques.
Après les démiurges et la Boulé, le traité de 420 stii)ule que
le serinent sera prélé par les autres autorités : xal al aXXat ipxa^.
Mais les titres de ces magistrats ne sont pas spécifiés : il s'agit
là sans doute des fonctionnaires de Tordre judiciaire et sacer-
dotal. Parmi ces derniers, le prêtre de Poséidon llippios, qui
figure sur les actes d'affranchissement de la période romaine
comme éponyme annuel de la cité, devait déjà occuper une
place prépondérante.
(1) Foucart. Inscr. du Pélop, 340». — Sur Ja cIhIc, voy. plus loin, p. 480.
(2) TUo Llve (XXXVIII, 'M)) dit des démiurges aclu^cns : « Damlurgis civila-
tiuin, qui su minus est magistratus. » A Andanic, les déiniurgos convoquent
. l'assemblée du peuple (iwsc. dii, Pélop.^ 351). Uésychius : AY,p.ioupYÔç* xal
. 'Trapà Aiupieuaiv ot apyovteç, rà 5*ri[i.6<ita -ïrpàTTOVTEç, ôWirep 'AÔT^vYiaiv
ol 8i^[i.ap/ot. Cf. Etym. Magn. : ol nepl ta TéXv|.
(3) Xén. 'Hpllcn. Vi. ii. 4. *
340
MANTINEE ET L ARCADIE ORIENTALE.
Théores.
Polémarques.
Les dèmes
«t les tribus.
Le serment devait ôtre reçu par les Théoirs (Oewpoi, Oeapof) et
les Polémarques, Les Tliéores doivent être les représentants de
l'État aux grands sanctuaires panhelléniques^ à Delphes, à
Olympie, à Tlsthme et dans les fêtes panarcadiennes, au Lycée,
aux fêtes d'Aléa. Mais on voit dans Xénophon les Ôeapoi tégéates
jouer un rôle politique actif, au milieu des luttes des factions.
Vu l'analogie des institutions dans la plupart des villes arca-
diennes, il est permis d'attribuer aussi aux théores mantinéens
une certaine compétence politique (1).
Quant aux Polémarques, sans qu'on sache combien ils étaient,
il ne subsiste aucun doute sur leurs fonctions. Ils possédaient
les attributions militaires des stratèges dans toutes les républi-
ques, la direction du recrutement et de l'entretien des troupes,
la surveillance du territoire en temps de paix, et, en temps de
guerre, le commandement de l'armée mantinéenne et de ses
alliés, quand les opérations avaient lieu dans les limites de la
Mantinique.
Xénophon d(mne le titre de irpo^xàTai tou oT^jtou aux chefs du
parti démociatique expulsés par Agésipolis en 385 et qui durent
se réfugier à Athènes. Bien que ce titre soit officiel a Tégée, il
semble avoir ici un sens général, et désigner les personnages
les plus influents de la faction populaire.
Quant aux citoyens, après le synœcismc, la population des
cinq dèmes fut répartie en cinq tribus, mais il est peu probable
qu'il y eût corrélation entre l'ancienne division par dèmes
et la nouvelle division par tribus. Celle-ci était, sans doute,
purement urbaine et topographique (2). La division en tribus
suppose-t-elle des cultes et des magistrats particuliers, comme
à Athènes? Rien ne prouve que le culte de la tribu eut aucun
rapport avec celui de la divinité dont elle portait le nom. Enfin
les rapports entre les bourgs ruraux et les tribus ne sont pas
connus. La xcuixyi était-elle une subdivision de la tribu comme
le dème attique ? Les gens de Nestané, de Mélangeia, de Maira,
(Il Cf. (les collêsos analogues à Kginc, ù Trœzène, etc... Leur influence
polUique était capable de pousser les ambitieux à la tyrannie (Arlst. Polit.^
p. 217, 4 : t6 yàp àp/aîov oi 5-ri[i.oixa0i(JTa(jav7roXuypovtouçTàç8Tr||xioupY(aç
xal Oea)p(aç). Ils étalent les (iépositaircs du droit divin, dénonçaient les infrac-
tions aux règles communes des dieux panhélléniques, et veillaient à l'exé-
cution des ordres de la Pytbie, en ce qui concernait l'expulsion des criminels
et les relations internationales.
(2) Voy. plus haut, p. 163 et 287.
LE GOUVEHNEMENT ; LES INSTITUTIONS.
341
par cxcm|)le, olaionl-ils inscrits dans une dos ciiiff Irilnis ?
Chacune de ces bourgades avait-elle ses magistrats locaux ?
lire!, quel était, à côté de celle de l'Etat, l'organisation muni-
cipale ? Nous n'avons là-dessus aucune donnée. Il semble,
d'après les noms des tribus mantinéenncs, que cette division
ne dépassait pas les limites de l'enceinte fortiliée. D'ailleurs,
elle avait beaucoup moins d'importance dans les villes arca-
diennes qu'à Athènes, où elle était la base à la fois religieuse
et familiale de toute l'organisation politique. A Tégée, les
métèques se réparlissaient entre les quatre tribus. Celles-ci
n'avaient plus alors que le caractère de circonscriptions admi-
nistratives, comme les arrondissements ou les quartiers de
nos villes modernes.
Telle était, d'après les renseignements que nous possédons, la
constitution démocratique de Mantinéc au V'- siècle jusqu'en
38îi, celle à laquelle se rapportent les indications de Thucydide
et d'Aristote.
Nous décrirons plus loin le régime imposé par le diœcisme,
de 385 à 371, et que Xénophon qualifie d'aristocratique.
Après le second synœcisme et la reconstruction de la ville en
371, la démocratie présidée par Lycomèdes reproduisait-elle
l'ancienne constitution ? On ne saurait se prononcer sur ce
point. Quelles moditications subit cette démocratie après la
mort de Lycomèdes, en 36(5 ? Y eut-il une restauration aristo-
cratique, sous l'influence du parti laconieu, comme l'a pensé
(]urtius, ou seulement une atténuation des tendances démagogi-
(|ues après la disparition du brillant stratège? Nous inclinons
vers celte dernière hypothèse, bien que les tcxles laissent planer
une grande obscurité sur l'évolution de la politiiiue intérieure
de Mantinée jusqu'à la conquête achéenne en 222 (1).
Aratos et Antigone Doson abolirent la Constitution manti-
néenne, et remplacèrent le nom de Mantinée par celui d'Anti- répo<iiie achéenne
gonéia. Les cultes locaux subsistèrent seuls. Les institutions «' romaine,
achéenncs elles-mêmes furent retouchées par les Romains, qui
substituèrent dans plusieurs villes un régime timocratique à la
démocratie (2). Le départ entre les institutions propres à la
rH)riSTITUTIOK
Kftik9 Ml.
Conslitution A
(l)L<'.s UTinrs «rAristotn : (Z*o/if. ni. SusomUil. p. l.'USi'iT); oeî vofXiÇeiv xal
TOUT 'eïvai <f'/y\lL7. ti 07)y.oxpaTtaç, «oaTrep cv MavTiveia ttot '"^v indiquent
bionquo l'orK»nisa lion qu'il loue n'exisUiit plus de son trmps. — Voy. p. 473.
(2) Polyb. XL, 8-10. — Paus. VIH, 16, 6.— CIG. 15«. Lettre de Flaminlnus aux
habiUinls de Dymê 1. 9 et 19.
342 MANTINKE KT l'AHGADIE ORIRNTALR.
période achéennc et les remaniements de l'époque romaine
n'est pas aisé à établir pour Antigouéia, les textes épigraphi-
ques dont nous pouvons grouper les données paraissant tous
postérieurs à Tan 140. On y relève d'abord : 1« Un collège do
magistrats (àpyovxeç) nommés en première ligne (1). Ils étaient
sans doute réunis en auvap/ia, (j'cst-à-dire en conseil de gouver-
nement pour préparer les résolutions à soumettre aux assem-
blées délibérantes (2) ; 2» Les SuvcSpot. Dans beaucoup de villes
d'Achaïe, le (ruvéSpiov prit la place de l'ancienne pouXi^ (3). Les
séances des synèdres étaient fixées par la loi (<iuvvo|i.oi luvaYtoyaC
ou ixxXY|(r(ai), comme l'altestent des inscriptions d'Andanie et
d'Ëlatée. Us discutaient les mesures qui leur étaient soumises
par les àp^'ovxeç ou qui provenaient de leur propre initiative et
les présentaient sous forme de TtpopouXeuixaxa à l'assemblée du
peuple. Le cruveBpiov avait un YpajjL(i.aT6uç. Cette charge donnait à
son titulaire une importance considérable dans la cité. Un secré-
taire des synèdres, qui devait sa place à l'empereur Hadrien, lui
témoigne sa reconnaissance en lui élevant a ses frais, à Mantinée,
une statue et un temple (4). Toutes ces fonctions étaient
annuelles (5) ; 3» La ^epoueria. Cette assemblée est signalée à
Mantinée par une inscription gravée sur un gradin du théâtre
(TEPOTCIAC). Les places réservées aux membres de la
Gérousia étaient de 10 h 12. Cette institution est mentionnée à
Andanie en même temps que les synèdres (G). Certains épigra-
phistes n'ont pas voulu admettre l'existence séparée de ces deux
assemblées, qui leur ont semblé faire double emploi. D'après
Sauppe (7) et Dittenberger (8), le titre de auvcBpot était porté
par les membres de la yEoouaia, Mais rien ne le prouve, et
M. Foucart (9) admet que le conseil des synèdres s'appelait
(1) Cf. C[G. 1:)W, I. 4: A'jp.ata)v toi; àp/ouffi xai aivsopoi; xa» t7| ttoXei
yaipfiiv.
' (2) Inscr. du Pélop, 352i, I. 42.
(3) Par ex. à Môgalopolis {Inacr. du PHop. 332. — Excavation^ al Megalo-
polis^^. 12Gctsulv.), Thourla {Inscr. du Pf'lop. 'Mi «.), Andanie |f7;. 32»>a.);
Coronée ('AOYivaiov, IV, p. 104) ; Pagnl {th. lî, p. iSl), Dyniô {CIG, 15i3). É\al^o.
|C. I. G. S. IIP. 120-127). Leurs décisions siml appelées SÔYH'-a'ca.
(4) Inscr, du Pélop, 352 g.
(5) Ih. 352i, I. 42.
((î) Ih. 326», I. 47.
(7) Mysterieninschrift aus Àndania, Gûlting. IhMK).
(8) SyIloge,n-388, N'e2.
(9) Inscr. du Pélop., p. IWî.
LE 60UVBRNEMKNT ; LES INSTITUTIONS. 343
<Tuv»5piov OU PouXt^ (1); 4» L'assemblée du peuple : elle n'est plus
désignée par le terme de It\\lo(;, mais par ceux de ol Xonzoi itoXîTai
[A^Soy0cc( Toeç SuvéSpoiç xaX toîc XoticoTç TcoXiTatç] (2).
Les magistratures et fonctions dont on trouve la mention sur Mngisimis.
les inscriptions de basse époque sont les suivantes : 1** Le prêtre
de Poséidon llippios (Upeùç toC Iloaeiowvoç), éponyine annuel de
la cité sur les actes d'aflranchissement (3) ; 2° L'eriyvcoixa (b in
YvcujjLa) ou imywiû}ko^e6ts}w^ second éponyme annuel. La nature de
ses fonctions est inconnue (4); 3^ Le oexrv^p, analogue à ràicôoo/eûç
ou receveur, d'après Ilésychius (5). Il perçoit des esclaves, au
nom de la ville, le droit d'enregistrement de Tacte constatant
leur aflranchissement; 4<> L'agoranoine (G).
L'ère d'Achaïe, qui commence en octobre 146, fut adoptée à
Antigonéia après la conquête de rAchaïe par les Romains. Quatre
inscriptions (7) sont datées, de l'an 85 (Gl av. J.-(3.), de l'an 103
(43 av. J.-C), de Tan 406 (260 ap. J.-C), 407 (2G1 ap. J.-C).
Les mois sont désignés par des adjectifs numériques (8). La
(1) 7frtd..352". La qucsUon est Irancliéc p;ir une inscTtpUuii de Mégaloporis,
où ron volt un secrétaire dos Syn^dros distinct de la Tepouaia.Ko Asie mineure,
la Gérousia forme un corps distinct de la Houle et de rKcclésia,et dont Ui carac-
tère D'est pas encore nettement d6flnl [Voy. LKJvy. Éludes sur la vie niunicip.
de l'Asie Mineure, nev. Et. gr. VIII (1895 ) p. 231 et suiv.]. M Lôvy ufllrme
{ib, p. 231, n. 7) qucla Gérousia du type asiatique, c'est-à-dire une corpora-
tion mi-privéo, ml-olllcielie, resta Ignorée «le la Grèce européenne : pouniuoiV
' (i) Nous devons ces renseignements à un décret des Antigonéens en l'hon-
neur d'un Argien, rendu en 198 et 140. Voy. DulL de Corr, liellén,, XX 189(i,
p. liO. NM,I. 14.
(3) Inscr. du Pélop. 352 i. 1. 32 et 352- 1. 2.
(4) /ft. 3îi2i. 1.32. -3i)2o. 1.2.
(5; Ib. 352n I. 4. —Le mode d'aflranchissemont dese,sclaves,fi Mantinée, n'était
pas l'hiérodouilsme ou vente k la divinité ; il n'avait aucun caractère religieux,
du moins d l'épociue impériale à laquelle appartiennent les actes étudiés pat
M. Foucart {Inscr, du l'élop, dlM li-©, p. 218-220). Les fi»rmalités indi<iué<'s
pour que l'alTrancliissement devienne dénnitif, stmt la lecture trois lois réix';-
téc de l'acte constatiint la volonté du maître et la proclamation par le héraut
du nom des esclaves alTranchis. (Cf. Mitteis. ReicksrrclU. p. 37G). il semble
que l'esclave adranchl avait à payer une redevance pour que son nom fiU
inscrit sur les listes publiffue^ d'afTratiehIs que la ville faisant graver chaque
année {Inscr. du Felop 352 n.o}. La liberté était accordée par le maître à titre
gratuit ou contre paiement d'une rançon (^352"), avec ou siins restriction (par
ex. k la condition de rester au service du maître jusqu'à sa mort).
(0) ttulL Corr, hellén., XX, 1895, p. 157, n- 23.
(7) Inscr. du Pélop, 352»», l. 10. — 352', I. 42. — 3JJ2n, l. 5. — 352", 1. 3.
(8) Inscr, du Pélop,d6i J. 1. 20. YfivéOXiov 7)|i.6pav àel tou iréiiLTCTOu «xyjVoç.
352 n. 1. 9. (XTivoç Tpixou Tpiaxâ8i.
344 MANTINKR KT L'ARCADIR OllIRNTALK.
Ligue achéeiine avait répandu ce genre de notation uniforme
pour évitei* les confusions qui naissaient de la diversité des
calendriers locaux. L'administration romaine, pour les mêmes
raisons, encourageait cette habitude et en fit la règle générale
en Asie-Mineure.
II. Moeurs et éducations.
u soririé. Ce serait une entreprise puérile et lantaisisle que de vouloir
retracer un tableau de la vie et de la société mantinéennes, en
se fondant sur les vagues données des auteurs anciens. On a
vu que les mœurs et coutumes de Mantinée avaient paru assez
intéressantes à Aristoxcne de Tarente pour qu'il en fît un
Iraité (1).
Les Mantinéens possédaient, avec la piété, les vertus arca-
diennes par excellence, la simplicité, l'hospitalité, la philan-
thropie (2). Les mœurs patriarcides et accueillantes de l'Arcadie,
le rapprochement des classes dans une familiarité laborieuse,
l'absence de morgue dans les rapports entre maîtres et servi-
teurs avaient frappé les Grecs (3). Tandis qu'en I^conie l'hosti-
lité, tantôt sourde, tantôt déclarée, des classes inférieures
tenues à l'écart dans une étroite sujétion, mettait en danger la
sécurité de l'Élat, on voyait en Arcadie maîtres et esclaves s'as-
seoir îi la môme table rustique, où les galettes de gros pain
(jtàÇa), la viande de porc, le cratère de vin et le fromage salé se
trouvaient à la portée de toutes les mains, indistinctement. Ils
travaillaient en commun. La terre rapprochait ceux qu'elles
nourrissait et supprimait entre eux toute hiérarchie, l'ériclès,
parlant en Athénien, relève comme une infériorité l'obligation
où sont les hommes libres du Péloponnèse de mettre eux-
mêmes la main à la charrue et de faire œuvre servile (4). Chez
les plus distingués des Arcadiens le travail manuel était en
honneur : Philopœmen se faisait, à ses heures, laboureur et
ouvrier des champs, vivait au milieu de ses gens, et coucliail
sur un grabat (;>). L'égalité démocratique était alors dans les
(1) Voy. plus liaiil, p, 'XM).
(2) ^iXo;6via xai ^tXavOpwTria Polyb. IV, 20, I.
(3) Thoop. ap. AUicn. IV, p. W3. - llraitôe, ib., p. 148.
(4| Thucyd. I, 142.
(5) Plut. P/iilop. IV, 3, 4. - Phllostr. VU. Apnii. Tyan, p. 1(52 (Kayser). -
De la Coulonchc. Mém. sur l'Arcad., cité p. IHO ot sulv.
LE OOUVEnNEMBNT ; LES INSTITUTIONS. 345
mœurs comme dans les iiislitufious. Mc^no sous les régimes
poliliques les moins libéraux, quand la classe des riches pro-
priélaires ou pÉXxidToi, détenait à Manlinée la TroXîTsta à l'exclu-
sion des citoyens plus pauvres, les citoyens de la classe moyenne
Irouvaienl quelque douceur dans le travail en |)lein air. Ils sup-
portaient beaucoup mieux que les Athéniens la privation de
Tagora. Sans doute Xénophon exagère en disant (pills accueil-
lirent avec une sorte de soulagement d'être rendus à leurs bour-
gades. Mais, en fait, cet amour de la campagne était en eux un goût
inné autant qu'une nécessité vitale. L'histoire de leur constitu-
tion, à la plus belle époque de son développement, prouve chez
ces descendants des Pélasges un attachement i)rofond aux habi-
tudes patriarcales. Ils subissaient la vie urbaine, par raison,
parce qu'elle leur garantissait l'indépendance nationale ; mais
leurs instincts personnels les attiraient hors des murs, dans
leurs champs, au milieu de leurs fermes, de leurs troui)eaux et
de leurs vignobles.
Cette organisation sociale donnait une base solide aux com-
munautés arcadiennes. Malgré le nombre considérable des serfs
{iztXixon) employés comme cultivateurs, ou comme bergers (l),
porchers, chevriers ou bouviers, l'Arcadie craignait moins (jue
la Laconie ou l'Argolide, les soulèvements d'esclaves. Le danger
était d'autre nature. La prédilection de TArcadien pour son
domaine aggravait en lui la tendance à l'isolement. Déjà jnédis-
posé par la structure du pays A se cloîtrer dans ses gorges et ses
vallées, la vie pastorale achevait de le rendrez insociable. A
l'écart de toute civilisation, cet enfant de la nature retournait à
l'état sauvage (2). Le dédain de la vie poliiîée, de la culture»
intellectuelle le rejetait de plus en plus en dehors du jirogrès et
des lois humaines. Dans les cantons montagneux du Ménale,
dans les grandes plaines de la Parrhasie. la rac(» semblait rebelle
à tout ceejui faisait l'orgueil des cités helléniques. Aujourd'hui
encore les populations de la dortynie ont la réputation méritée
d'être farouches et peu maniables. Dans l'antiquité, les habitants
de Kynaitha s'étaient mis parleur barbarie et leur impiété au
ban de TArciulie ('!). Hors des grandes villes, il n'y avait ni
instruction ni culture. Le jiaysqui a inspiré tant de poètes en a
fort peu ju'oduit.
(I) Philostr. i7)/(/. — CurUus. retop. l, p. 182. n'* 29.
{t) 'II KuvaiOéoïV àypiOTTjç. Polyb. IV, 20, 2.
(3) w|i.0TrjTt xai 7rapavo|j.ta. Polyb. ib. 3.
346
MANTINKB KT L'AHCADIE OIHKNTALB.
RAlo rtlncateiir
de 1a muM'que
en Arrndie.
Progrniiime
de l'éducation
musicale.
Au dire de Polybe, les anciens législateurs s'étaient préoccu-
pés de cet état de choses inquiétant. Ils avaient cherché dans la
musique un dérivatif à la rudesse et à la fougue brutale du tem-
pérament national. C'était, avec la danse, le seul art qui pût
faire concurrence à la i)assion de la chasse et de la gymnastique.
Ce n'est qu'à coups de règlements que TArcadien est devenu un
personnage idyllique. Nous devons là dessus nous en rapporter
à Polybe, qui, apparemment, connaissait bien ses compatriotes.
Jusqu'à TAge de 30 ans, les lois rendaient la culture de la musi-
que obligatoire pour les jeunes gens : « Ils croient pouvoir sans
honte ignorer tous les autres talents, mais ils ne peuvent ni
refuser d'apprendre à chanter, ni s'en défendre sous prétexte de
le savoir, parce qu'ils croiraient par là se déshonorer. » La belle
musique n'était pas pour eux un art de simple agrément, mais
une nécessité : Polybe le démontre par la théorie du milieu (l) :
(( C'est parce (jue nos pères avaient étudié le naturel des Arca-
diens et qu'ils voyaient que leur vie dure et laborieuse avait
besoin d'être adoucie par quelque exercice agréable. Une autre
raison en fut la rudesse des mœurs de ce peuple, défaut qui
lui vient de la rigueur et de la tristesse du climat dans la plu-
part des cantons de cette contrée. Ce fut donc pour adoucir et
tempérer la dureté et la férocité des Arcadiens qu'ils introduisi-
rent les chansons et les danses et qu'ils établirent en outre des
réunions et des sacrifices publics tant pour les hommes que pour
les femmes, et des chœurs d'enfants de l'un et l'autre sexe. En
un mot, ils mirent tout en œuvre pour cultiver les mœurs et
humaniser le caractère intraitable de leurs concitoyens. » Les
dieux de l'Arcadie semblaient avoir donné l'exemple : Pan avec
. sa llùte, Hermès du Cyllèneavec sa chélySy Artémis Ilymnia et
Zeus Charmon avec leurs chansons incarnaient les aptitudes
musicales de la race et égayaient les solitudes des bois et des
rochers. On s'explique que les Mantinéens aient accueilli et fait
glorifier par Praxitèle le mythe du concours musical entre Ajml-
lon citharède et Marsyas le joueur de flûte, concours où les
Muses figuraient comme arbitres.
Le programme de l'éducation musicale de la jeunesse arca-
dienne nous est retracé par Polybe. Dès Page le plus tendre les
enfants commençaient par le répertoire ancien du plain-chant
classique, composé d'hymnes et de j)éansen l'honneur des héros
{{) IV, 20-21. Ce paswi^o. l'sl Inoxactomont ciU*, par AlliônOc, XIV, p. (îiG a.
LE GOUVERNBMENT ; LK8 INSTITUTIONS. 347
et des dieux locaux. Plus tard, ils abordaient la musique
moderne, plus compliquée et plus troublante, les dithyrambes
de Philoxénos de Cythère et les nomes de Tiniothéos de Milet,
Tami d'Euripide (1). La méthode de ces deux réformateurs de
la musique aniique, vers la (lu du V'- siècle, avait beaucouji
de peine, dans Sparte et dans Athènes, à vaincre l'opposition
des partisans du chant liturgi(|ue apolliuien et de rorchesti(|ue
oflîcielle. Il est cui-ieux de constater que TArcadie retardataire
avait accueilli ces innovations, réputées ailleurs dangereuses
pour les mœurs, comme un bienfait pour elle : peut-être les
radinements (lui pouvaient être un dissolvant pour les Athé-
niens délicals et les Spartiates décadents, n'avaient-ils qu'une
heureuse influence sur des nerfs plus obtus. Chaque année,
dans les villes, pendant les Dionysies, il y avait au IhéAtre des
chœurs avec accompagnement de flûte, des concours d'enfants
et d'adolescents. (Uia(|ue année aussi, les jeunes gens exécu-
taient au théâtre des figures militaires (i\Lfixfr^oi<x], des danses
armées au son de la flûte. L'État faisait les frais de ces sortes
de carrousels (lïci(TTpo(pT|).
Mieux avisés que les habitants de Kynaitha, les Mantinéens i/écoïc mnsicAie
n avaient point négligé les sages prescriptions des anciens **^ Maminée.
législateurs. Sans doute Démonax ne fut ])oint étranger a toutes
les mesures qui devaient contribuer à l'adoucissement des
mœurs, à rassouplissemeiit des c<iractères et à la joie de la
cité. 11 y avait à Mantinée une école célèbre de musique et
d'orchcstique.
D'après le traité sur la àitmque, attribué à Plularque, les ten-
dances conservatrices dominaient à l'école musicale de Man-
tinée. Cet ouvrage cilele nom d'un maître inanlinéen, Tyrtaios,
qui, comme Amlréas de Corintlie, Thrasyllos de Phlious et
beaucoup d'autres, i)roscrivait de parti-pris le genre chronia-
. tique, les changements de ton, les instruments à cordes iioni-
breuses, et quantité de rythmes alors en honneur, d'harmonies,
cl'expressions, de mélodies et d'interprétations. On s'en tenait
sans doute au genre diatonique et aux modes de caractère
dorien, dont la simplicité et la grandeur paraissaient exercer
la meilleure influence : « On ne doit pas, dit le traité en ques-
(1) Polyl). ibid. — Sur PlûIox«'*nos, voy. AnUphanc, «p. Athcn. p.Gi3 d. Sur
Tiniothéos, liocth. de àtusic. I, 1. — Plicrrrral. np. PluUircli. de Music. 30.
Molncko, Fràg. comte. II, 320. — Sur lu inuslqu»^ on Aicatlio. cf. Do. 1h Goulon-
cUe,, Mém. sur VArcad,, p. 11)3.
348 MANTINKR KT l'ARGAUIR ORIENTALE.
lion, apprendre aux débutants tous les modes. D'ordinaire, on
les enscij^ne et on les apprend au hasard des goûts du maître
ou de lïMôve. Au contraire les sages excluent leliasard, comme
faisaient autrefois les Lacédémoniens, les Mantinéens et les
Pelléniens. Us bornaient leur choix à un seul mode ou à un
très petit nombre de modes, qu'ils jugeaient convenir à une
œuvre de moralité, et par là ilsusaientdela vraie musique (1). »
L'auteur dit : « autrefois, » On sait, en elîet, par Polybe, que,
avec le temps, l'intransigeance des principes fléchit devant les
goûts nouveaux. Toutefois, à Mantinée, vers le milieu du IV®
siècle, il semble que la doctrine classique triomphait encore :
on reirouve dans le bas-relief exécuté par Praxitèle l'écho des
querelles qui mettaient aux prises les différentes écoles et leurs
théoriciens. Dans l'Apollon majestueux et serein, on peut voir
une personnification de l'art de Tyrtaios, et du mode doricn,
vainqueur de la musique passionnée venue de Phrygie et de
Lydie et qu'incarne l'impétueux satyre (2).
L'école mantinéenne brillait alors d'un très vif éclat, puisque
c'est précisément à cette époque (vers 343) qu'elle attira le
fameux Aristoxénos de Tarente, auteur de nombreux ouvrages
sur l'harmonie, la rythmique, l'orchestique et les différents
instruments, et l'autorité la plus considérable de toute l'anti-
quité en matière de musique (3). Suidas semble dire que son
séjour à Mantinée liii suggéra sa vocation de philosophe et de
musicien (4). C'est sans aucun doute une erreur. Caria présence
d'Aristoxéuos a Mantinée me paraît s'expliquer surtout par le
désir d'étudier sur place la musique et l'orchestique manti-
néennes, à titre de documents pour ses ouvrages didactiques et
historiques (5). Comme critique d'art, Aristoxénos réservait ses
prédilections à la musique classique (6).
(1) Plut. De musiCy 32.
(2) Voy. la discussion rohiUvo au monumoiil, à l'Appondiro.
(3) Voy, Fr. llisl. graec. H, p. 2M»Î) et sulv. — (îovjuTt, IHs(. de la Mimique^ ï.
p. îjO. — Pauly. Rmi-tmcycl. (ISÎKi), art. Arisloxrnos, 7.
(4) Suidas. 'Api*jTÔ;Evoç... AîaTpt'j/a; èv Mavxtveia çpiXoaô^pç yiyo'^t xal
[i.ou«JiXY| ItciOêulevoç oÙx ri<Tx6yt\(jey .
(5) Dans un cataloguo a^onisfiquo (postôriour à Hadrien) ilos jeux Plola, au
sanctuaire d'Apollon Ploios, un Manllnécn est vainqueur au concours des
xoxXiwv aùXfiTwv. Le nu^nie avait aussi pris p«irt au concours de cithare en
solo (tov uTTÊp Tou 'j/EiXou xiGapi^TOu àywva TtXiqptoffaç). Ilollc^iux. ISuU. de
Con\ hellén, XIV, p. 191.
(6) Tlicmlst. Oral, XXXIII : àyaittov xà àvBptxwTepa rwv xpoojxaTwv. x.t.X.
LK OOUVËIINKMENT ; LES INSTITUTIONS. 349
Mais, la répulalion de l'école orchesli(|ue île Mantiuée sur- torchesUque
passait celle de son école musicale. Les aucicns lui accordent •»*"''n<^""«-
le mérite de roriginalité. La Mavrtvtx-n opyT,(Tiç se distinguait sur-
tout par le mouvement des bras, et c'est pourquoi Arisloxénos dq
Tarente lui donnait la préférence sur les autres (I). Cette danse
nationale rentrait dans la catégorie des danses armées (êvô:TX'.o;
op/Y|<jcç) ; ses succès furent nombreux, à en juger par les récits,
les témoignages d'admiration et les légendes qui Tout [)opula-
risée dans le monde ancien. Pendant la fête mililairc donnée en
l'honneur des Paphlagoniens par les Dix-Mille de l'Anabase (2),
des soldats de diflérents pays exécutèrent de curieuses danses
armées, qui ressemblaient à des pantomimes. Celle des Manti-
néens avait un autre caractère : couverts de leurs plus belles
armes, ils s'avancent en cadence, au rythme d'une marche guer-
rière jouée sur la flûte; ils entonnent un péan et dansent comme
il est d'usagedans les cérémonies religieuses (irpôToSo*.). L'analogie
de cette danse armée avec celle des Saliens à Rome frappa les
Uoiuains. Comme ils se plaisaient h rapporter à TArcadie une
partie de leurs origines, certains auteurs, comme Pokémon le
Périégète et Servius, prétendaient que Salins était un Manti-
néen emmené en Italie par Énée : c'est lui qui aurait ap|)ris à la
jeunesse romaine l'art de danser en armes, au son de la lliite et
en chantant (3). De même, une antre tradition (4) attribuait à
Évaudre l'importation en Italie de la musique arcadienne. Mais,
d'après Critolaiis, cité par Plutarque et par Festus, l'inventeur
de la danse salienne était un certain Saon, originaire de Samo-
thrace, et dont Énée fit la connaissance. D'après une légende
bithynienne rapportée par Lucien (5), Ares, afin de régler les
écarts de sa force, avant d'apprendre l'escrime, se lit donner
par liera des leçons de danse. Entre tous ces guerriers dan-
seurs, il existe une indéniable parenté, qu'ils s'appellent Dac-
tyles de l'Ida dardanien ou crétois, Kourèles, Korybantes, Ka-
(1) 'Op/'^creiç 06 cOvixal aî'Be * Aaxcov.xal, T(>oiÇY|Vixai, 'EmÇsîpûpioi,
Kp-fjTixal, 'Ifovtxat, MavTtvtaxal, aç upoxpivfit 'Ap'.TTÔ;£vo; oià tyjv tcov
yeipwv xivrjfftv. Alh«n. I, p. ii, b. — t'r, hisUjrœc, II, p. iSt, 4î).
(2) Xcn. Àimb. VI, I.
(:i) Polcin. Fr. Ilist. Gr. Il, p. 121», 37. - Servius ad VIrg. .ICn. VIIF, 2a*;.—
Fostus. Epil. p. 238 éd. Mûllcr. — Plutarch. Numa, XIII, i. — Voy. plus haut,
p. 205, noie.
(4) Dcnys d'Hnncarnnssc, I, p. 2(>.
(5) Luc. Sali, 21. — ApoHod. II, 2, I. — Bachofen. ÈîulterrecM, p. 339*
350
MANTINÉK ET L'ARGADIB OBIENTALE.
L'escrime
(b7rXo|xa/{a)
et le duel
(p.ovo|JLa;(^ia)
bires, Telchincs (1). Ce sont les défenseurs de Zeus enfant, sur
l'Ida, sur rilliùmc et sur le Lycée, et Jes ministres inspirés de
Rhéa-Cybcle. A Manlinée, la légende de Uliéa et de Zeus s'est
transposée dans celle de Poséidon llipi)ios. Le «iraclère religieux
de la danse armée, originaire de Plirygie et propagée avec les rites
des Cabires de Saniothrace dans le monde pélasgique, se justi-
fierait à Mantinée soit parle culte de Poséidon Ilippios (2), soit
par celui des Anakes, soit par celui d'Ényalios, soit enfin par
celui d'Uoplodamos, (Zeus lloplosmios, patron des hoplites).
Les législateurs empruntèrent au culte cette pratique où ils
voyaient des avantages pour Péducation militaire de la jeunesse.
Les anciens attribuaient volontiers à un peuple, par esprit de
simplification, Pinvention des armes ou des exercices où il
excellait. La danse en armes supposait un équipement militaire,
d'un genre particulier, qu'on appelait Varmure inanlinéenne :
oTcXidiç jxavTivtxT^. E|)liore, cité par Athénée, s'exprimait ainsi :
(( Les exercices militaires étaient en faveur à Mantinée et en
Arcadie. Aujourd'hui encore, l'équipement guerrier et l'arme-
ment archaïque s'appellent, du nom de ceux qui les ont décou-
verts, Parmure mantinéenne (3) ».
Ce n'était pas tout ce que Pon devait aux Mantinéens dans cet
ordre d'idées. La danse en armes pesantes s'accompagnait de
combats simulés (6TrXop.a/ia). L'escrime en armure d'hoplite
élait, disait-on, née à Mantinée ; l'école deshoplomaques manti-
néens se reconnaissait pour chef un nommé Déméas, si toutefois
le texte d'Éphoje relatif à ce personnage n'est |)as altéré (4).
Cette institution de l'escrime hoplilique nous apparaît liée
à une aulre invention mantinéenne, celle du combat singulier
(|i.ovo|jLa/(a). . Au dire d'ilermippos Kallimacheios (5), c'est le
(I) Strab. X, p. 100.
* (2) Un Saon figure dans le cycle de l'oracle de Trophonios (i*au.san, IX. 40,
1). Ct* nom appartient aussi h l'onomasti<iue mantinéenne. Voy. l'Appendice.
(3) Mil. IV, p. 154, D. — Fr. hisl. gr., I, p. m\, fr. 97. — ■'E<popoç 8'ev
'èxTY) *IcTopiwv' "Hdxouv, (pY|(jl, Ttt 7roXe|xixà oi Mavxivetç xal 'ApxaBeç*
TYjV TÊ (iToX7)V TT,v tcoXêjxixtjV xat TTjv OTiXtcTiv TTr|V àp/afav, o)ç eupdvTwv
exfeiVûjv, 6Ti xal vuv MavTtviXT,v ixTcoxaXoucTi. ~ Cette àpyaïa 57rXt<ji< devait
'ôtro une armure conipR'tc d'hoplite. .' • •
• (4) Eph. ibid, irpô; Bk toutoc; xai ô-ïrXoiJLa/iaç jxaOV,<ieiç Iv Mavxtveia
irpojTOv cup60y,(yav, Ay,|X60u to Ts^^vTrjfjLa xaTa8£(;avT0ç.
'(5)l Aiitcur d'un livre -irepl No[i.oOéTcov. l\ vivait dans la dcu.xième moitié
dii III» è. av* J.-C. Sur 1'èTriji.sXeia et l'àxoiêetâ d'iiermlppds, voy. Joseph, c.
"/IjHok !. 22. — Denys il'llalic. r/r /."<«?.•>. l.' " *'
LB GOUVERNEMENT ; LES INSTITUTIONS. ^1
législateur Démonax qui aurait fait adopter à ses compatriotes
la coutume du duel; il l'aurait ensuite implantée à Gyrcne (1).
Qu'étaient au juste ces |xiovo|xa/(ai ? S'il s'agissait de combats
de gladiateurs, on ne comprendrait guère l'admiration d'iler-
mippos pour une innovation si contraire au génie grec. On
comprendrait moins encore que le nom du pacificateur Démonax
y lût associé. Si l'on ï)ense à des tournois à armes courtoises,
on peut juger l'institution peu digne de la sollicitude d'un légis-
lateur. On est donc induit à une autre supposition. Ia\ coutume
du combat singulier, en temps de guerre, remontait à l'âge
héroïque de la Grèce. Les poèmes homériques et les légendes
locales sont remplies de ces duels épiques entre héros de
marque (2). On vit parfois deux peuples, désireux de vider
leur querelle sans une grande ellusion de sang, confier leur
cause i\ un nombre limité de champions (3). C'était faire œuvre
de législateur que de transporter cette coutume dans le droit
juive, de façon à restreindre les représailles entre particuliers.
Il est fort probable, en effet, que dans l'Arcadie primitive,
prototype de la Corse et dti Magne, la vendetta était en honneur.
11 y avait dans le tempérament arcadien un fonds de violence
indomptable. On le vit à l'œuvre à l'époque d'Epaminondas et
de Lycomèdes; plus tard encore, comme Polybe nous l'apprend,
il exigeait une surveillance attentive de la part des législateurs.
La rudesse native des caractères, les instincts pillards devaient
multiplier les rixes et entretenir les haines de clans (4). Même
(1) Ap. Athen. IV, p. i'ôi 1). — Fr, hisL grœc. III, p. ;JG ; 'Ep|xi7r7ro; o'ev
TcpioTi») llspï Noi^oOeTtov T(ov [i.ovojji.a;(ouvT(ov cupeTaç aTro^aivei MavTive?;,
A'/||xc6vaxT0ç evbç xoiv tioXitwv fjo^^ouXeÙGOL^xo^' xat ^Y|X(uTà; toûto'j
YevéaOai Kup'r|Va(ouç. Suit le pussa^o cité plus haut, où Kpluiru allrlbuc. A
l)(';mciis l'invcnUon do l'oscrimo. On soupçonne que l'Invention de Déinciis cl
celle de Démonax n'en font qu'une : reste à savoir si le nom de Déméas est
authentique et ne doit pas être remplacé, dans le text(*- d'KpIiore, par celui
de Démonax, ou, au contraire, si llernilppos n'a ptis arbitrairement mis au
compte du fameux législateur Démonax l'œuvre d'un autre. Ou sait tout ce
que les anciens ont fait endosser à Lycurgue.
(2) Voy. plus haut, p. 254 et suiv. le duel d'Arélthoos et do Lycurguc.
(3) Par exemple, le fameux combat de Thyréa entre les trois cents Argicns
et les trois cents Lacédémoniens (llérod. 1, 82.— Homolle. DulL de Cor,.heUén:
XXI, p. 29G). Cet cpisodo{vcrs 547 av^ J.-C) était contemporain de Démonax.
Cf. la légende du combat des Iloraccs et des Curiaces.
(4) Les Arc4idiens modernes, si respectueux de l'étranger et si accueillants,
no se ménagent pas entre eux. Nous avons assisté, en quelques mois, A plu-
sieurs rixes entre indigènes. Un jour, notre champ de, fonilli's, envahi par
352. MANTINKB KT L'AHCADIE ORIKNTALE.
dans une ville pieuse comme Manliuée, et cela durant la pre-
mière moilié du V^' siècle, un épouvantable forfait ensanglanta
les lieux saints : plusieurs lioninies et une jeune (illc furent
massacrés dans Tasile d'Aléa (1). Un meurtre engageait toute la
famille de la victime à recouvrer sur celje du meurtrier le prix
du sang. Les réparations en argent, prévues par le droit {nimitif,
ne sulTisaienl pas, dans la pratique, à apaiser les ressentiments
et à satisfaire rhonncur. Il n*esl donc pas im])ossible qu'au VI"
siècle, un législateur prudent ait eu la pensée de couper court
à ces mœui's déplorables par l'institution du duel légal : ou
mettait aux prises, loyalement et devant témoins, deux cham-
pions qui représentaient les familles ennemies. Le résultat du
duel devait mettre (in à la querelle, étant accepté comme un
signe delà volonté divine. Ainsi comprise, l'institution attribuée
à Dénionax marquait un progrès sur le désordre des coutumes
antérieures. Elle ne procède pas, comme l'a cru Bacbofen (2),
du môme esprit que le duel judiciaire au moyen Age. Ou ne
sollicitait pas de la divinité une sentence qui fit reconnaître
l'innocent du coupable. C'était une simple mesure de préser-
vation sociale, et une application au droit privé de la cou-
tume guerrière des combats singuliers. Elle avait pour but
d'obliger les familles à régler d'un seul coup leurs mauvais
comptes ; elle supprimait en même temps les traîtrises, les
perfidies de l'aveugle vendetta, habituée à frapper au gré de
ses inspirations haineuses (3).
deux bandos adverses, présenta le spectacle d'un champ de bataille avec
fusillade. Une autre fois, on apporta k notre khani un jeune berger, le ventre
«mvert d'un coup de couteau : il mourut sous nos yeux. Nous vîmes, sur la
place de Tripolls (c'était, il est vrai, en pleine période électorale), un individu
décharger, son revolver sur un groupe d'adversaires : il y eut morts et blessés.
I^ maire et l'adjoint d'un des gros villages de la Mantinique avaient chacun
perdu un œil à la bataille. Les vols de moutons et de vendanges, les contesta-
tions ù propos de pAturcs entraînent souvent de sanglantes querelles : il
s'organisait autour de nous des expéditions nocturnes pour l'enlèvement des
troupojiux et des marcs de raisin. \\ n'est pas rare de lire, sur les stèles
funéraires dans les cimetières de Ljiconlc, du Magne et de Messénie, sous U\
nom du mort, la mention : (pov£«jOe{ç. Les paysans do ces pays circulent
toujours le fusil sur l'épaule.
(1) Voy. l'Inscription archaïque aux Appendices.
{i) Muttcrrecht, p. ytîO. — Sur le droit de vengeance privée, voy. Guiraud.
Prop, fonc, p. £').
(3) On pourrait interpréter dans un sens analogue le mythe de la Lykan-
thropie. L'homme qui a goûté de la chair humaine, c'est-à-dire le meurtrier,
est méUniiorphosé en loup, autrement dit, Il 4*st rejeté hors do la société ; il
LK gouvernement; les institutions. 353
Tous ces exercices et ces parades (onnaieiil un art co!ni)lexe, l©s parades.
à la fois musical, poétique, orcliestîque, g:ymnasti(|ue et guerrier,
où toutes les aptitudes de TArcadieu trouvaient leur emploi.
Tous les Arcadiens, nés guerriers, cultivaient aveiî ardeur les
exercices du corps, comme en font foi les catalogues d*oIympio-
niques où les vainqueurs originaires de Mantinée abondent (1).
Mais il appartenait en propre aux Mantinéens, estimés entre
tous pour leur bravoure (2), d'avoir fait de la préparation à la
guerre un élément d'éducation artistique. Par Tiieureuse asso-
ciation de la musi(|ue vocale, de la danse et de Tescrime, ils
avaient imaginé un geni-e de spectacle où se combinaient les
effets divers de chacun de ces exercices : l'adresse, la vigueur,
la souplesse individuelle développée par Fescrime en armes
pesantes, la discipline et la précision collectives acquise par
les évolutions des chœurs d'hoplites manœuvrant en cadence
comme une petite armée ; enfin l'émotion ])rofonde des chants
graves, religieux ou patriotiques, scandant les pas guerriers et
soutenus ])ar le choc rythmé des boucliers et des glaives. Ce
symbole de la force i)liée aux lois harmonieuses de l'eurythmie
devait charmer entre tous l'imagination des Grecs. Et comme, à
devient bandit. l\ ne trouve de sccuriLé qu'en clierclinnt asilo au sommet du
Lycée. SI, pendant dix ans, il n'a pas commis de nouveau meurtre, la pres-
cription couvre son crime; il redevient homme, H peut rentrer dans la société.
Sinon, il reste bandit à perpétuité (Pausan. VI, 8, 2. — VIII, i, C. -- Varron ap.
August. Civ, Dei. XVIII, 17. — Plin. H. N. VIII, .14). — Sur les hommes sèpa-
r(f«, v. Guiraud. Vrop, fonc.^ p. 82.
(1) Krause. Gymn, d. Helleii,, p. 7.TI. — ()lympioni(|ues mantinéens:
Samos ou Séros^ (ils d'Malirrliolios et premier vain(|ueur à la course de
chars à quatre chevaux à la fête héracléenne d'Olynipie, cité par
Pindare. 01. XI, Oî)-70. Cf. Schol. fuL h. lac.
PyUiarcluin (course des enfants) Olymp. incertaine. Paus. VI, 7, I.
Kyuiskos (pugilat des enfants) ; sa statue en l)ron7.e fut exécutée par
Polyclête. (I>aus. Vi, 4-II). Cf. l'inscription de la hase. Arvh. ZeiL, 1882,
XL, p. ilK) :
liuxTaç [tov 8*] àvéO-fjxev àw'eùooçoio Kuvîdxoç
MavTivéaç vix*6v Tiarpoç tyov ovofia.
Prololaos, fils de Dialcés. (Pausan. VI, 6, 1). SUituo par Pythagoras de
nhégium.
Àgaméior (Paus. VI, \). î)).
Épicradios, statue, par Ptollchos d'Églnc. Paus., VI, 40, î).
Nicodoros, pugiliste (le législateur). — italien. Var. Hist. II, Èi, 23.
Dromeua^ qui remporte le prix du pancrace àxoviTi, dans l'Olympiade 75
(480). Paus. VI, 11, 2.
(2) Diod. XV, 12.
Mnntinét;. — 24.
3t)4 mantiNke et l'argadie ohientalb.
leur goiit, lîi suprAme beauté se composait d'ordre, la plus belle
vision qu'ils eussent de la patrie prenait l'apparence d'un chœur
de guerriers évoluant aux sons de la llûte en chantant les dieux
nalionaux. Comme TAriîS bithynicn, l'hoplite mantinéen disci-
plinait sa fougue dans ces tournois où la force pacîQéo glorifiait
la cité tout en égayant les yeux,
u pruVip, les Ainsi les arts, à Manlinée, marchaient de pair avec la religion
leiirM et io« Aris. et avcc Ics goûts d'un peuple agricole et pastoral. Us étaient
surtout un instrument d'éducation. I^ poésie jouait son nMe
dans cette œuvre d'édification. En effet, le chant choral suppose
forcément l'existence d'une poésie hymniqùe. Les hymnes
religieux ou moraux qui servaient de support aux mélodies d'un
Tyrtaios devaient ressembler h ces chants doriens eu honneur
à Sparte. On y célébrait les «lieux et la patrie, on y mettait en
vers des règles de conduite, des sentences morales, des préceptes
de sagesse* Photius nous a transmis le nom d'un auteur d'hym-
nes originaire de Mantinée : le poète Philostéphanos. Tout ce
qu'il en sait, c'est que de sa vie il ne porta de manteau (1). Ce
trait nous fait surtout connaître en ce poète un Arcadien
endurci; mais on peut présumer que le mérite littéraire d'un
Arcadien comportait moins de délicatesse que de force et d'élé-
vation dans la i)ensée.
En dehors des législateurs, des hommes politiques et des
hiérophantes-i)hiIoso|)hes dont nous avons déjà parlé, on ne
cite, en fait de littéralcur mantinéen, que Kydippos, auteur
d'un traité des inventions : irepl cùpv^aàTCDv (2), c'est-à-dire encore
un de ces esprits pratiques qui abondaient en Arcadie : Thistorien
Polybe en est le ty[)e accompli.
. Les arts qui n'avaient pas au môme degré que les précédents
le caractère sacré et moralisateur, qui comportaient plus de
« dilettantisme », n'y trouvaient pas un terrain favorable à leur
éclosion. La poésie bucolique a-t-elle fleuri en Arcadie autant
que l'a cru Virgile ? Elle semble nécessaire et facile à des ber-
gers, déjà pourvus d'aptitudes musicales, qui ont à distraire les
loisirs de leur vie nomade et qui ont des sensations et des élans,
plutôt que des idées, à exprimer. Les Arcadiens du Ménale
savaient-ils donc chanter l'amour et la nature aussi bien que
(1) Pliotlus od. IJokkcr. I, p. 190, 41* Extrait de Plolémcc. — Le nom du
ciUiarôdc-aulèto cité p. 348, note 5, doit ôtro A. Oùev[ou(rcoç Eù^pjdffuvoç.
(2) Clem. Alex. Slrom. 1, p. 308.
LR GOUVERNEiMBNT ; LES INSTITUTIONS. 3;)5
les pfi très Siciliens? On le suppose, mais on n'en sait rien(l).
'Quant aux arts .plastiques, ils ne pouvaient prétendre en
Arcadieà roriginalité des écoles dorieimes et atliro-ioniennes.
I^' religion, pas plus que la société, ne favorisait leur essor. Ce
sont Heurs de serre chaude qui veulent une civilisation raffinée
et une imagination inventive. Le syinl)olisnie naturaliste des
..divinités arcadiennes, moins personnel et moins vivant que
• ranthropomorphisnie hellénique, s'accommodait d'emblèmes
plus grossiers, d'idoles frustes (2), de simples pieires pyrami-
dales (3) ou de représentations monstrueuses dépourvues de
caractère esthétique (4). Les sanctuaires les plus vénérés étant
«impénétrables, les statues n'y servaient de rien. Zeus Lycaios,
Poséidon llippios se passaient d'effigies. Aussi, bien qu'on
puisse citer trois ou quatre noms de sculpteurs arcadiens (5),
dont deux élèves de Polyclète, n'y eut-il pas d'école arcadienne
originale. Ce sont des étrangers (G), surtout des sculpteurs et
des architectes d'Kgine, d'Argos et d'Athènes qui se chargèrent
de l'éducation artistique de l'Arcadie et durent la pourvoir de
temples et de statues. Quand les alliances eurent noué entre
Athènes et Mantinée des rapports d'intimité, l'art altique lit
dans la Haute Plaine une entrée triomphale avec les œuvres
d'Alcamène, de Praxitèle et d'Euphranor (7).
Les malheurs de la démocratie ne furent pas étrangers à ce
mouvement. En exilant en 385 les démagogues mantinéens,
(1) Voy. De la Coiilonclic. Mém, sur l'Arcadie^ p. 197. Sur GtTcldas de
Mégalopoli^, tfr., p. 200.
(2) Les colonnes de Zeus Lycaios (Paus. Vin,38, G; 30, 2); lo doigt d'Oresto
(VIII, 34).
(3) Paus. VIII, 3ii, C; 48, 0. — !nscr. du PHop. 352s 3:>2J. — Dull. de Corr.
hellén., XX (180(i), p. 1{)8, n* 2(î. — Voy. plus loin flg. iKJ, p. 3S8.
(i) Eurynomé (Paus. VIII, 41 -i) et D(^jn<\ter chevaline de Phlgalie (Paus.
VIII,42,4,7) ; Bérard. Orig, de$ cultes arcad. cli. 2.— Cf. (Kavvadias. FouilUi
de Lycosoura) les flgures reprêsonlécs sur lo inantojiu sculpte par Dainoplion
de Messène.
(5) Daméas et Athênodoros de Kleitor, élôves de Polyclète (Paus. X, 9, 7) ;
Nicodamos cl Malnalos, vers 420 (Paus. VI, G, 1) ; Samolas, vers 3<»9 (Paus. X,
9, {}). Voy. sa signature sur le monument des Arciidlens à Delphes {Bull, de
Ctyrr, hellen. XXI, 1897, p. 281. — Une dédicace do l'époque Impériale (Bull.
Corr, hellén., XX (189G), p. 103, n" 31), trouvée A Mantinée, fait connaître
un sculpteur nommé Kpllynchanos (jui exécuta la slalue en hronxe de son
fils.
(G) Ictinos h Hassa*, Scopas h Tégée. Voy. p. 3:>3, n. 2, les noms des sculp-
teurs qui ont exécuté les sUilues d'olympionlqucs mantinéens.
(7) Paus., VIII, 9.
35G
MANTINKB ET L AUCAOIR OIUKNTALE.
Agésipolis ohliiçea toul. un groupe (riioinmcs iniclligciils à
pîisscr hors de leur milieu ordimiire uu la[)s de leuifis assez
long. La plupart des bannis se réfugièient à Argos et à Athènes.
Ils revinrent ensuite dans leur patrie renouvelés par Texil,
alFinés i)ar le cont<ict des plus beaux esprits de la (irèce, ou-
verts désormais à des idées plus larges et plus modernes. De
ce nombre était Lycomrde, en qui s'allient Ténergie morale de
TArcadien et les <lons intellectuels de TAthénien.
Les institulions
el rhistoiro.
Les institutions que nous venons de retracer n'étaient pas
une œuvre artilicielle et de pure spéculation comme tant d'autres
constitutions grecques. Elles nous ont ap])aru comme le produit
naturel du sol, de la race et de la religion. Cette démocratie
modérée et si heureusement é(iuilibrée faisait corps avec la
cité. Elle s'ada[)tait si bien à la tournure d'esprit et aux besoins
de la population qu'elle était comme le moule de la patrie. On
s'explique que les Mantinéens Tait défendue avec acharnement,
également réfractaires à rop[)ression lacédémonienne ou thé-
baine et à ranarchie des montagnards. Les péripéties de cette
lutte remplissent son histoire et déterminent ses inimitiés et
ses sympathies. Tandis que Tégée suivait une politique d'intérêt
bien entendu et achetait son repos au prix de sa dignité,
Mantinée mit plus d'idéal dans les ambitions qui lui valurent
tant de soulTrances.
a. l'ig. 50. b.
T(*ssërcs en lerre-cuilo (Voy. Apiicnd. Kpigr. 3»).
a. Dinm. 0.05. — Kp. 0.02 ' IlavTlvaç 'Eperpiavo. — b. Dinm. 0.045. — Kp. 0.02 :
"AVTITOÇ.
LIVRE IIL
HISTOIRE.
CllAlTfRE l.
LKS OIUGINIlS DE L ETAT MANTINEEN.
Tout ce qiron sait de positif sur lesorigiues des deux grandes sudcs «iircessir»
ré]>ui)li(|ues de la Haute Plaine, c'est (fu'elles débutèrent par le <ie
régime (fue les Grecs appelaient xatà xoîfjLàç et xaxà oY,fjLouç. Ou a ** rormaiion
vu (|ue les dèuies niantinéens étaient au nouihre de cinq, dont *'^ ^^ ^^''
les noms nous sont inconnus. Il semble qu'il y ait unegradation ju^J^aTa
dans la formation des |)etits États grecs, et dans leur marcIie ovitAtuv,
vers la centralisation. utôXsiç.
Tout à fait à Torigine, on distingue le régime des bourgades
xcofiae (p/d).La xiojjltj n'est qu'un hameau, résidence de la famille
(yévoç) (]ui exploite son domaine collectif, sous l'autorité patriar-
cale du chef de famille. (Jette agglomération ne se rattache à ses
voisines par aucun lien politique, mais tout au plus par des
liens moraux. La communauté de race se manifeste, en certains I
jours de fête, par la réunion des habitîints de plusieurs bour-
gades autour d'un sanctuaire vénéré. Tel est l'état primitif /
x(o|x7^oôv, xocrà xtofiaç, (|u'Aristote considère comme l'embryon de ;
la vie politique (1).
(t) Arisl. PoHL I, 1, 8. — Cf. Slralwn, ^37.
358 MANTINÉR KT l'aRCADIE ORIENTALE:
Le second stade est représenté par Tétat xo^xà BiijiJLooç. Le dèriie '
Ipagua) résulte de Taugineutatioa des famillëè', obligées de 'se'
démembrer : c'est une association familiale, tantôt concentrée
sur un même point, dans une agglomération unique,' dévelop- '
pement de la xo'>fi.Y| primitive, ou bien répartie iwi dehors en un'*
certain nombre de xwfxai secondaires. Le dème porte on général,''
soit le nom du chef-lieu primitif, soit celui de Tancétre commun •
dont tous ses membres sont issus : tels les dèmes tégéates des '
Botachides et des Apheidantes(l). Le dème forme déjà une coni-'*
mune, dont le chef, le démiurfje, est i>robablemèiit assisté par un '
conseil. Il s'administre lui-même, sans souci de ses voisins : tel i
est du moins le régime que les Lacédémoniens restaurèrent-
dans la Mantinique après le diœcisme de 385 (2). '
Cependant Tisolement des dèmes, les uns par rapport aux
autres, les mettait dans de mauvaises conditions d'existence.
Dans ces bassins étroits de TArcadic orientale, le régime des
eaux imposait Tenlenteaux culti valeurs des diiîérentes parcelles
du territoire. De plus, les nécessités de la défense contre les
ennemis voisins devait conduire les dèmes à Tassociation. 11 se
forma ainsi de petites confédérations, des <ru<rT-^{i.aTa Bti^jjlwv ou syn-
télies : chaque dème conservait son autonomie pour les affaires
intérieures, mais tous se concertaient en vue de la défense du
pays, participaient aux charges communes de la milice et de
quelques travaux publics, et reconnaissaient des chefs communs
en cas de guerre. A dater de ce moment, si ce n'était pas encore
la cité, c'était du moins une personne morale qui naissait a la
vie historique. Le plus souvent, l'autorité était accaparée [jar une
puissante famille, installée dans une forte position, sur une hau-
teur dominant tout le pays. Le maître du chateau-fort assurait
la protection du canton et donnait asile aux habitants si le ter-
ritoire était envahi. Cette citadelle (htôXi;, TcxoXteOpov, uôXiç) (.1)
(1) Puusan. VIII, 45, 1. — Cf. Guiraud. Prop. /bnc, p. 09.
(2) Tel est aussi le slado où i)araissc^nt sNMro att«ird(^.cs quelques peuplades
arcadiennes qui n'arrivèrent pas i\ s'unifier, mais restèrent à l'i^Uitsporadiquc
(97copdS7)v) jusiju'à la fondation de Mégalopolis. Les dèmes des groupes ellinî-
ques, dôsignôs par les noms de Ménaliens, d'Eutrèslens, de Parrhasicns, de
Cynurlens, formaient autant do communautés indépendantes les unes des
autres. Existait-il entre elles un lien politiiiue, une civitas? On ne saurait l'af-
firmer. (Voy. Busolt : Griech, Gesck. I, p. 701.)
13) Thucyd. II, Iii : 'II àxpôïroXiç yj vuv ouda, ttoXiç yiv. — Cf. Pausan.
I, 2(î, G. — Plut. PélopiiL 18, l. xà; yxo àxpOTïôXeiç eTcieixo); o'i totê tcôXciç
(i>vdp,a^ov.
LB8 ORIGINES DB L'ih'AT MANTINKBN. 3Î)9
était, en général, le noyau de la ille future qui devait se déve-
lopper autour d'elle.
Nous avons analysé plus haut les éléments dont se composait u dèm» primitif
la population de. la Mantinique. Quand et sous quelle influence, <«• ManUné*.
de ce mélange pélasgique, béotien, achéen, la nationalité man-
tinéenne s'est-eile dégagée? On peut, semble- t-il, tirer des
légendes et des traditions locales les fails suivants : l^ l'exis-
tence d'un abaton primitif de Poséidon Hippios, situé en plaine,
à l'extrémité de l'Alésion, sous un bois de chênes. Ce sanctuaire .
pélasgique, transformé par les occupants ininyens, était très
probablement pourvu d'un oracle ou (xavretov : de très bonne
heure, il se forma aux environs de l'oracle et sur les bords de
rOphis une petite agglomération, appelée MayT(vfita, MavTivévj,
MavT^vTi (1), c'est-à-dire V l^endroit oh l'on interprète les ora-
cles (2) M. De ce nom a été dérivé celui du londaleur mythique,
MavTtvooç, MavTivouç ou MaTivreuç (3).
(1) MavTtveta est la forme clnssiquo d»ns Thucydide, Xônnpbon, Polybo
PluUinfun, clc... Homère (II, 007) ci Ucrodotc IIV, 101) omploient lu fornio
MavTcvi7|, qui devient MavTivca en dorien (l'Indare. Olijmp, II, 73. — Tlieo-
Knostos. Oin. p. 103-20 ot gramin. Cram. Anal. II, p. 300,28). La fonneHhK'gôo
et sans doute populaire MavTtvT) est citée par Kt. de Ryzance d'après Ilcciiléo
dcMileti'AY^p-piEia' XéyeTai xal Mocvtivtj xaxi (TuvaXoi^-r|v Trap ' 'Uxarafco.
L'autour des Fr. hist, gr. i\o Didot semble avoir conclu de ce passa)<c qu' 'AyafA-
\LtiOL avait été le nom primitif de Mantinéc. Etienne de llyzance a seulement
voulu rapprocher deux exemples do synalèphe, et diro qu'^AyilAî^sta est
devenu 'Ayi^Lr^ comme MavTiveta MavT(v7). Cf. 'EpuOeia, VuxTaXéta, et
Kustath. Coin m. ad Hom., 302. — L'ethnique est MavTiveuç au masculin,
MavTtviç et MavTivixT^ au féminin (C. I. A II 3, 3172-38. - Et. Byz. s. V,
MavTtveia). En latin, on trouve les deux formes M antinca {Viïn, IV, î), 1. —
Corn. Nep. Epam, d) et Maniinia (Ammlan. 2i5, 3, 7); comme ethnique
Mantinienitis.
(2) Plutôt que « la ville fondée sur l'ordre d'un oracle », élymolo^'lc tirée do
la légende de la fondation xcltol {ÀàvT£U{i.a par AutonwS. Voy. plus haut, p. 31?).
— Cf. Etymol. Magn. s. v. Mavrfvcta. — Tozer. Lectures on the geographij
of Greece. Londres, 1873, p. :J3;>. - Panofka {PMtol. u. hhtor. Abhandl. der
llerliner Àkad, 4839,— Berlin, 484 1, pp. H,:);)), tire aussi MavTiveta do
jxâvTiç et l'interprète dans lo sons do Seherstadt^ la vlllo du devin. Nadrowskl
{^eue Schtaglichter atif dunkrln Gebielen dr griech. u. latein. Etymol.
Herlin, 1^88, p. \)i) rapproche ManUncia et Mantua, tous deux dérivés de motis.
Gra8b<»rger {Stùdien zu den griech. Ortsnamen, 1888, p. 27î)) critique ces
élymologles Siins en proposer aucune. Les autn^s Interprétations tirées de la
racine jiav (ManUiyréa, Mandyrion, mansio) n'ont aucune valeur.
(3) Sur Ahiiilinr us, porc d'Okhaleia» femme d'Abas et mère d'Acrislos et do
Pr.Tlos, voy. Apollod. Ifibl. Il, 2, 1. Dans la liste des Lycaonldcs {ib. VIII,
1, 3 , Il est appelé Mantinous iCf. Tzctzôs, Àd Lycophr, iHi. — NaUil. Comm.
IX, 9, dans les fr. hist. gr. I, p. 31.— Eustatb. Comment, ad Itiad.), 302, 1.
960 MANTINéR ET l'aRCADIR ORIENTALE.
2<> Dans la partie seplentrionnle de la plaine, en face le dé-
bouché du bassin d'Orcbomùnc, s'élevait, sur une colline basse,
une acropole antique, appelée IItoXiç (1). Celte citadelle était-
elle, à Torigine, une dépendance des seigneurs minyens d'Or-
choinène? Cela n'est pas improbable. La première occupation
étrangère qui parait s'être superposée dans la Mantinique, aux
Pélasges aborigènes, est une occupation minyenne : les origines
minyennes du culte de Poséidon Hippios et de Déméter-Gè ne
paraissent pas contestables. La Mantinique aurait donc subi, A
l'origine, la dominai ion d'Orcbomène. Ensuite, après l'instal-
lation des Ai)heidautes dans la Haute Plaine, elle aurait été dis-
putée par les nouveaux venus et soumise dès lors à l'influence
acbéenne. Argos et Tégée auraient tour à tour dominé dans ce
canton. Le déclin de l'hégémonie d'Orcbomène dans la Manti-
nique au profit d'Argos ou de Tégée eut pour conséquence
l'abandon de l'ancienne Ptolis : la bourgade de Mantinée, située
près de l'abaton de Poséidon, giiV,e à la célébrité du sancluaire
et à sa position privilégiée sur le carrefour des roules d'Argos et
de Tégée, prit un développement considérable; elle devint le
centre effectif de la région; son nom servit d'ethnique commun
à tous les habitants du canton. C'est elle qui est désignée dans le
Catalogue de Vllitide sous le nom de Mantinée Vaimahle, MavTivev^
ipaTfiivYi (2). On peut supposer que, dès le IX® siècle, la popu-
lation de la Mantinique formait un Etat composé de cinq
dèmcs, avec Mantinée pour chef-lieu et Poséidon Hippios pour
dieu principal (3).
Toutefois, avant le VI'- siècle, Mantinée ne joue aucun rôle
personnel dans riiistoire primitive de l'Arcadie; elle ne figure
pas parmi les capitales des rois arcadiens; on pourrait conclure
qu'elle subit assez longtemps l'hégémonie de Tégée, comme
semblerait rindicjuer la légende du duel d'Aréîthoos et de
Lycurgue (4). A[)rès quoi, Orchomène reprit po.ui* un temps, avec
(i) Voy. plus liant, p. 118.
(i) IL II,(i07: xal Tsy^Tiv ei/ov xat MavTiVÊTjV êpaT6tvr,v. — RusUith. m
h. /., 302 : Si^Ti TtcBiocç ian xal itoXuàjxTteAoç. — Mc^niMas auniit parcouru
l'Arcadio pour y lover des Iroupos (Paus. VUI, ÏTJ, 3). On en a conclu quo
l'Arcadlo était sous la suzoralnotô dos anaklos d'Argos. Par conlro-roup,
les divinités localf!S di; la Haute Plaiiii;, liiyssr., Pênôlopo, Ar6Uli(N)S, p:i8S(*nt
dans les légendes actiéenne^.
(3) D'après Phylarque, cité avec ironio par Polybc (II, 1)0, 2), Mantinée aurait
été une des villes les plus anciennes de l'Arcadie.
(4) Schwcdier (De reb. Mantin. 1) pense ({ue la légende d'Autonoé, fille de
Cépliée, flls d'AIéos, indlifue que Ins Apbeidantes de Tégée ont aidé les débuLs
de la cité. Nous avons interprété dilTéreniment cette légende (voy. p. 315).
LRS OnifîINKS OR l'ÉTAT MANTINKKN. 361
Aristocrates, Tallié des Messéniens dans la seconde guerre de
Mcsséiiie (vers(îW), et avec* son fils, Aiistodéinos, la dircctiondo
rArcadieentière (1). Il n'est [)as non plus question de Mantinée
dans les événenïents (|ui accompagnèrent la clnile de Pliidon
d'Argos, ni dans les luttes (lue soutint Tégéeconlie les Spartiates
au Vll«etau Vl« siècles (2).
(1) Strnb. VIII, p. .T.2. — Pausan. IV, 17,2; VIII, ",, 13. CVst pout-Mroaprrs
la cliulo d'Arl8locrat<Ss qiio Irs ManUn<^nns oX los Orclioinriilrns concluront
une convmUon rolaUvuA l'ailiiiinlstration cuiiimumMJu siinrluairo. il'Artéinis
llymnia. (Pausan. Vlil, 13,1.)
(2) Un passage de Polyalnos (11, 13) fait allusion îi une prise. ii<> ManUnée par
le roi (le Sparte Kurypon, vers le X' si«V|e. 1^^ fait est absolument Invraisem-
blable, h cette (^p<M|ue, surtout dans les circonstances relatées, puisque Mantinée
n'exisUiit pjis encore comme place fortiliée. Polyainos a confondu avec qucU|ue
épisode dc^s guerres d'Agis et de Cléomène (v«»y. plus bas, p. 4îW). La leçon
Aïyivav vjp-rjxÔTaç, qui suppose une prise d'Kgine par bîs Arradiens, a Induit
en erreur Dt. Mftiler et d'autres historiens (De la Coulonclie. Mémoire sur
l'ArCfid^ p. 138) ; elle doit être corrigée en ^Ayiv àv/jpTjxôxaç — Cf. Ilolm.
Cwriech, Geschichlc, I, p. 211, et Dusolt. GrUch. Gesch.l p. (RXt, note 3.
l-ig. 51.
Tessère en terre ciiilp.
Dinm. o.o«5. — f:|). 0.01. - 'IjxJ.Tfiôia; [TfiXa VJîT'au.
CUAPITHK II.
MANTÎNÉE au VI® SIÈCLE ET PENDANT LES GUERRES MÉDIQUES.
Arbilrage
des Manlinéens
à Scillonte
(avant 570).
Uabstenlion de Mantinée dans un conflit où Tindépendauce
commune était en jeu prouve déjà l'acuité du dissentiment entre
les deux peuples. La question des eaux les avait déjà.brouii-.
lés. Ils devaient songer à prendre des précautions l'un contre
Tautre. C'est pourquoi les Tégéates vaincus acceptèrent si faci-
lement et respectèrent si longtemps la convention qui leur
assurait la paix du côté du Sud avec un appui éventuel contre
leur ennemie du Nord (1).
Peut-être aussi l'attitude des Manlinéens s'explique-t-elle par
la prudence. L'absence d'une enceinte fortifiée les rendait cir-
conspects. Mais déjà, dès les premières années du VI® siècle, à
défaut de puissance matérielle, ils avaient dans le monde grec
une situation morale excellente. Avant 570, les Scillontiens, se
trouvant dans une situation troublée, firent appel à l'arbitrage
des Manlinéens, invoqués en qualité de xocxadTâTai (2). Cette
démarche fut inspirée aux Scillontiens par la sagesse reconnue
des Mantinéens et par leur indépendance à l'égard de Sparte (3).
(1) Le traitiS qui faisait de Tégôo le satellite do Sparte <Arist. ap. Plut.
Quaest. grœc. î> et quœst. rom, Hi) suivit l'expédition deç rois Ariston et
Anaxandrldas, vers 5:i0. Il ne fut rompu que vers 479-454 (I16rod. IX. 35).
(2) CoUItz-Rechtcl. 1151, 1. 17 : int (lie) erpaicov : TOtf) MavTtv7i<ri. — La
destruction de Scillonte vers 570 (Pausan. V, 0, 4. — VI, 22, 4) marque le
terminus an te quem.
(3) En eflet, les Scillontiens avaient pris parti pour Pise contre Élis (Pausan.
V, 6, 4). Leurs troubles étaient sans doute fomentés par la faction éléenno,
appuyée par Sparte. En elîet, c'est avec le concours de Sparte que les Klécns
purent écraser Plse en 572, et, peu après, Scillonte (Eph. ap. Strab. VIII, 358,
355, 357. Pour la chronologie, voy. Busolt. Griech. Gesck, I, p. 604, n. 4.) 11
faut aussi se rappeler que les Argiens, les Arcadiens et les Pisates avaient été
les alliés de la Messénie contre Sparte.
MANTINKR AU VI* SIRCLK RT PENDANT LRS GURRRKS MKDIQUES. 363
C'est la môme réputation qui désigna, quelques années plus R^monM
lard, vers tî50, leMantinéen Démonax au sullrage de la l'ylliie, *',, f^nxinét,
consultée i)ar les Cyréuécns sur le choix d'un réformateur (1). de cyréuc (r»5o ?).
En désignant l'obscure et sage Mantînée à l'imitation des
Cyrénéens l'oracle prouvait l'indépendance de sou jugement et
son sens jmlitique. Sparte, alors maîtresse de la [ïIus grande
partie du Péloponnèse, était reconnue pour la piemirre puis-
sance du monde grec. Ses traditions rappoitaient ;i des colons
d'origine lacédémonicnne la fondatitm de Cyrène. Les éléments
péloponnésicns composaient le tiers do la po|)ulation cyré-
néenne. L'arbitrage de S[)arte paraissait donc indiqué de piélé-
rcnce à tout autre dans les allaires de Cyrcnc. Pourtant la
Pythie, qui se plaisait parfois à faire la leçon aux ])uissants,
mit en avant le nom d'une petite république, d'humeur libre
et pacifique, qui n'avait pas encore eu l'occasion de faire parler
d'elle. La sagesse de ses lois semble avoir été la seule recom-
mandation de Mantinée, car les rapports religieux cntie Cyrène
et PArcadie relevés par les mythologues sont, ou bien douteux,
ou postérieuiî^ (i la missicm de Démonax (2). D'ailleurs, les Grecs
n'exportaient le [)lus souvent dans les colonies que des consti-
tutions éprouvées. A cet égard, la sanction de Delphes constituait
une garantie des plus honorables.
Le pacte conclu entre Tégée et Sparte devait entraîner l'adhé- .suuniion politique
sion volontaire ou forcée des autres villes d'Arcadic. Dcsoimais, •*« Mnniim-e
la position de Mantinée devenait bien nette; déjà toutes les
causes qui détermineront sa politique ultérieuie entrent en
jeu. Son antipathie contre sa voisine du Sud s'accroît de la
sympathie de Tégée pour Sparte. Sa rancune contre le voisin du
Nord ne désarme pas, même après le déclin de la puissance
d'Orchomène. Sans doute les Orchoménieus avaient renoncé à
toute tentative sur la Mantinicjue. Mais il leur restait de l'ancien
empire des Élatides la suzeraineté surquel([ues communautés
ménaliennes, sur Méthydrion, Theisoa, Teuthis, c'est-à-dire sur
le massif central d'Arcadic jusqu'aux confins d'iléraia et de
Psophis (3). A mesure que la république mantinéenne croissait
en forces, elle éloulTait dans son étroit bassin. Or, la suprématie
(1) KaTapTiffTv^p. Urrod. IV. 1(H. — Diod. VIII. 30 : (TTXdewç BiaiTTiT'/jç..
— Voy. plus liHut, p. 333. — Coia se passait sous le r^gne de Battos III.
(2) Voy. Sludnic7.ka. Kyrenc. — D'après lui Cyréné serait une hypostase de
l'Arlf'^iiils arcadirnno ou Kyllcné.
(3) Pausan. VIH, 27, 4.
AU VI« el AU V«
siècle.
3G4 MANTINKE ET l'ARCADIF. ORIENTALE.
(rOrchoinène sur les canlons limitrophes gôuait ses velléités
<rex])ansion. Taid venus clans le (U)llège des puissances arca-
(liennes, les Mantiuéens trouvaient les meilleurs lots adjugés à
des compétiteurs plus anciens et mieux armés. Car, si la vie en
dèmes convenait à leuis instincts de peuple agriculteur, en
revanche Tabsence de ville nuisait à leur sécurité et à leur
ambition. Il leur man(|uait la base stratégique d'une place forte.
Entre Tégée, depuis longtemps uniliée(l} et appuyée par Sparte,
et Orchomène, soutenue par ses possessions ménaliennes, Man-
tinée se trouvait isolée, sans autre es[)oir de renlort que du
côté de TAigolide. Argos, encore puissante malgré ses revoi's,
persévérait <lans sa résistance à Sparte, avec d'autant plus
d'énergie que la soumission de Tégée assurait aux armées
Spartiates l'entrée de la Thyréatide et isolait la Cynurie (2).
Aussi la haine du même enneuii dut-elle rapprocher de bonne
heure Argos de Mantinée. Au siècle suivant, après le triomphe
de la démo<!ratie à Argos (vers 4(50), la communauté des consti-
tutions allait s'ajouter à celle des intérêts extérieurs. D'Argos
venaient aux Mantinéens l'appui moral et les renforts matériels.
Les Argiens comptaient, en retour, sur les recolles et sur la cons-
tan(!e de leurs amis arcadiens. L'alliance tégéalico-laconienne
trouvait son contrepoids dans <etle combinaison.
Mantinée Cependant, a])rès 550, les Mantinéens, faute de remparts,
dansiARynimachic n'cussenl poiut tcuté (l'enraycr les progrès de l'hégémonie
lacédémonienne. Spartiate. Lcur bou vouloir pour Argos ne pouvait être que
platonique. Ils s'abstinrent de concourir à la défense de la
ïhyréatis.
Il leur fallut suivre Tégée <lans la symmachie qui gagnait
tout le Péloponnèse; seules l'Argolide et l'Achaïe s'en préser-
vèrent. D'ailleurs, le régime que Sparte imposait alors à ses
alliés valait mieux (|ue celui qu'elle inaugura j)lus Uird. Klle
traînait les Péloponnésiens à la gueire, mais n'exigeait que
leurs milices, n'imposait pas de contributions régulières (3),
(1) Lo synœcisinc dns neufs dtSincs t(\g(^iloâ pnratl romontor hu IX* ou au
VIII' 8lftclc.
(2) Os doux provinces furent enlevions ft Argos vers le nilllou du VI* siècle,
(llérod. I, «2, 83. — Busolt. Griech, Çesck, II, p, :W0).
^3) Les dépenses dos expéditions étalent parta^'î^s entre les alliés au prorata
de leurs moyens (Thucyd. I, 10; II, 7. — Plut. Àrist.U, — DIcmI. XIV, 17. —
Àpopht. Lac. 7). On a trouvé .'i Tégée un relevé des sommes versées aux
Lacédémoniens en vue d'une guerre. {Inscr. graec, antiquis. r>9).
MANTINÉE AU VI* 8IËGLK ET PENDANT LES GUERnES MKDIQUES. 365
intervenait avec ménagement dans leurs aJTaiies intérieures,
en usant de son influence plutôt que de son autorité, en faveur
des partis oligarchiques (1). Toutefois Mantinée, foyer de démo-
cratie, était une alliée fort suspecte. Tégée la surveillait de
près, et Sparte trouvait dans l'impuissance des Mantinéens la
meilleure garantie de leur fidélité ou de leui* lésignalion. Ce
n'est certes point alors qu'elle eût permis à leurs dèmes de
se grouper en une ville entourée de murailles. C'était répo(|ue
la moins favorable h un synœcisme. L'ajournement de cet
épisode capital de Tliistoire mantinéenne était commandé par
les circonstances : aussi ne saurait-on lui assigner une date
antérieure au V« siècle (2).
La participation des alliés aux expéditions de Sparte durant
la deuxième moitié du VI® siècle et le début di V« fut très irré-
gulière et non exempte de défections (3).
La sanglante défaite d'Argos, qui coûte à cette ville 6.000
hoplites (4) laissait le Péloponnèse désarmé contre Sparte.
Quand éclata la premièi-e guerre médique, Sjïaile surprise par
l'appel tardif d'Athènes n'eut pas le temps de lever les milices
péloponnésiennes. Quand ses 2.000 S[)artlates arrivèrent en
Attique, Marathon était déjà un fait accompli (5).
(1) Tliucy«l. F, 10. Isocrnlf^ oxji^^mto {Panalhen. 40 ot l'iCi) ht brutîilUô du
nVj^lmc spiirUato avant la ^uorro <lu Pôluponnèso. O Tut colto f^uorro (jiii
oxaspôni lo8 caracU'ircs ol roinlil plus pesant \v joug du vainqueur (Tluiryd.
I, 7(>). Kn fait, avant la KH<*rrr du Pôloponnrsr, il n'y avait pas do llguo. pro-
prcMUont dite dans ta Péninsule : c'était plutAt une série d'alliances p:irti-
culièros ciu'un système fédéral ré«?ullêreinent organisé en xo'.vôv. Il n'y avait
pas, seinl)ln-t-il, tic synédrion péloponnéslrn sous la présidence de Sparte :
les aillés étaient parfois convoqués il Sparte (llérod. V, î)l). D'ordinaire
Sparte réclamait les troup(*s, sans toujours dire ce qu'elle en viuilait faire
(IlénHi. V, 7t). Les mesures d'exécution n'étalent pas prises vn commun par
les représentants des Klals. Il s'ensuivait des Incohérences, drs divisions, des
défections. Les CorinthiiMis, entraînés par Cléomêni^ contre Alliènes, doutent
de la justice de celte démarche et abandonnent le i>oi (llérod. V, 75).
ii) Busolt, après avoir soutenu (L'ikei timonier, p. 121») l'ancienneté du
synoîclsme de Mantinée, vient de rectTrT son opinion {Gricc/i, Gesch. III,
1897, p. 119). — Voy. plus loin, p. 372 etsuiv.
(3) Par ex. celle des Corinthiens en 507 (llérod. V, 7o); et celle des chefs
Arcadlens soulevés par Cléomêne entre 490-i80 (Hérod. VI, 74 et 84). La cam-
pagne do Cléoméno contre Argos vers 494 fut conduite avec les seuls Spar-
Uales (llérod. VI, 7(>). C'est c'i tort que Pausiinlas (III, 4, l) y mélo des con-
Ungents alliés.
(4) lléro«l. VI, 80. — VII, 148. — llusoU. Griech. Gesch, II, p. 562.
V6) llérod. VI, lOu cl 120. — Ilauvclto, HèrodoU, p. 255.
, 366 . MANTINKE KT L*AIICADIE ORIENTALE.* ...«M' v
u 2« guerre ..• A i'approche (le la seconde invasion mé(|ique en.480, môme
médique. lenlcuT (Ic la part de Sparte, mi^nie hésitation de la î part ides
Thermonyio» cl h P^l^ponnesicns. Argos, aifi^ne par ses desastres, et. toujours
risihme incapable de marcher sous les ordres de. Sparte, préfère médi-
(*80). ser; chez d'autres, le médisme opère • sourdempnt (1). Sparte
prend le temps de célébicr la fêle. «l'Apollon iCarnéios ; 'les
alliés, à son exemple, allaient s*al)andonner aux joies de la pa-
négyrie olympique (10 au 20 août 480)) (2). Sparte.se décida
enfin à I expédier aux Thermopyles ses 300 Spartiates et 1000
Périèques (3). ..■.'/ • ;: .' ■. »/
! Les villes, réglant leur eflort sur le sien, promirent beaucoup
et donnèrent peu. Chacune d'elles adjoignit à Léonidas une
petite troupe avec ses cadres (4). Il y eut en tout 1120 auxiliaires
ai'cadiens, dont 500 Tégéales, 500 Mantinéens, î 120 Orçhomé-
niens, et 1000 hommes des autres cantons, qu'Hérodote ne
désigne pas nommément. Ces chiffres, reproduits par Pausa-
nias (S), représentent une faible partie des effectifs que chacun
des Etats contribuants eiH pu mettre en ligne avec jdus de bonne
volonté. Mais, comme ils sont proportionnés à l'ensemble des
hommes ca|)ables de prendre les armes, ils donnent une idée de
la puissance respective des cités. • '
On constate que les deux villes de la Ilaule-Plaine sont sur le
pied d'égalité ((>). Leurs contingents réunis équivalent à ceux
du reste des Arc^idiens, moins Orchomène. L'infériorité d'Or-
chomène éclate. En somme, malgré la faiblesse de TeiTort,
Sparte avait obtenu plus qu'elle ne donnait elle-même. Dans
les épisodes ([ui suiviient, le contingent de Mantinée dut faire
comme les autres : le deuxième jour de ratta(iue, aux Thermo-
pyles, clia(|ue coi]»s auxiliaire donna à tour de rùle (tin août
480) (7). Mais quand ils se virent tournés, leur zèle faiblit. Plu-
sieurs chefs, au Conseil, proclamèrent la nécessité du déi)art et
reprirent le chemin de leur ville. Léonidas, les voyant si mal
(1) Ilrroil. VIII, 7:î.
(i) Héroil. Vin, 2(».
(3) Hi-rcMl. VII, i05. — Diod. XI, V.
(4) llôroil. VII, 20i-20t; 2*8.
(i>) X. 20, 2. — Ilauvollc, Hérodote, p. 358.
((>) A Platôo, les TégÔHlos sont 1;K)0, los Orclioriu^nlons (KX) (llérod. IX, 28).
(7) lli^rod. VII, 212. 01 U "EXXt,v£<; xaTa xàÇeiç tc xal xatà lOvca
X6XOff{i.T,pL€vot Tjffav xtti 8v jJLfipei 6xa(TT0i l|xâyoyTO.
MANTIN^E AU VI* SIÈCLE ET PENDANT LES GUERRES MÉDIQUES. 367
disposés, désirant peut-élre ménager le sang gre<', renvoya les
autres d'olTice (1);
La mort de Léouidas rappela les Pélo|)onnésiens inconscients
au sentiment de la réalité. Cette fois, les milices sortirent des
villes au complet. Cléombrote, frère de Léonidas, les concentra
à risthine sous son commandement. Il y en avait plusieurs my-
riades, au dire d'Hérodote. Ils élevèrent un mur en ti*avers du
passage, convaincus qu'ils allaient réellement faire du Pélopon-
nèse Tacropole de la Grèce (2). Personne ne manquait parmi les
Arcadiens (3); les Mantinéens figuraient donc au nombre des
travailleurs. Argos, TAchaïe et d'autres, n'avaient cure du Mède,
étant en bonne intelligence avec lui (4). Mais la victoire de Sala-
mine (27 ou 28 sept. 480), en coupant aux barbares le chemin
de la péninsule, rendit inutiles les travaux des uns et la dupli-
cité des autres (U).
Cependant le mur ne fut pas abandonné. L'année suivante, M«niiiié«* *
au moment où Mardonius campe sur les ruines d'Athènes, où ruirr»
les Athéniens aux abois couchent à Salamine et sur leurs <^^^)-
navires, Sparte prend encore son temps pour célébrer les
llyakinthia (mi-juin 479). Les éphores aflichenl sans pudeur
l'égoisme de leurs desseins. Le rempart de l'isllime terminé, le
Péloponnèse rassuré déclarait ne se soucier ni de ses promesses
ni du reste des Grecs (G). Mais un homme de sens, le Tégéate
Chiiéos, représentai que le mur de l'isthme ne barrait pas la
vaste étendue des côtes, et qu'il valait mieux mettre le barbare
hors d'état de débarquer. Sans la crainte salutaire que produi-
sit son raisonnement, le Péloponnèse eût de sang-froid laissé
les Athéniens succomber ou se rendre (7). Les Lacîédémoniens,
enfin décidés à agir, se concentrent à l'isthme, sous Pausanias.
Leurs alliés les y rejoignent, mais sans empressement (8). Ue
(1) Hcr. Vil, 219, 220, 222. L'historien R*ost inspirô do, la vorsion ofriclolle de
Spiirtc, qui s'clTorcait (i'opposr.r h l'inorlic ot au mauvais vouloir des alliés la
bonne volonté du gouvrrneinont lacédétnonien.
(2) Hérod. VllI, 71. — IX, 8. — Diod. XI, 1(5.
(3) Hérod. VIII, 72: oi Zï poYjO/jdavTfiç iç tov 'IdOp-bv TravBYijjLsl oÏSê "/iffav
*EXXi^va)v, AaxeSaip.ôvtot Te xal 'ApxxSeç nàvreç.
(4) Hérod. VIII, 73.
(5) Hérod. VIII, 71. — Thucyd. I, 73.
(6) Hérod. IX, 7, 8.
(7) Hérod. IX, 9. — Thucyd. I, 74. — llauvctte, Hérodote, p. 451 sqq.
(8) Hérod. IX, 19.
368 MANTINÉE ET l'aHCADIE OltlKNTALE.
fait, i)oui'(|uoi les vassaux auraieiil ils déployé plus de zèle (|ue
leur suzerain? La luobilisalion se fit sans ordre; il y eut des
lenteurs el des relards. I^i haute diieelion avait été défectueuse;
Sparte n'avait pas voulu se résoudre a temps ni su provoquer
un mouvement unanime. Des peuples arcadlens, seuls les Té-
géates et les ()i(!lioméniens avaient sans hésiter suivi leurs alliés
et amis. A IMalées, les Tégéates purent disputer aux Athéniens
la place d'honneur après les Spartiates (1). Mais les villes moins
inféodées aux volontés de Sparte, comme Mantinée, n'avaient
pas les mômes raisons de se hâter. La notion de leur devoir, en
ces circonstances, leur avait été fort obscurcie par l'attitude am-
biguë de Sparte depuis le début de la guerre. Les Mantiuéens
voyaient leurs amis d'Argos pactiser avec l'ennemi (2) ; les Éléens
se mettaient à peine en route. L*artout des discussions, des lon-
gueurs, un mauvais vouloir évident. 11 y eut sans doute du
temps perdu en vains discours. Quand enfin on eut décidé
l'envoi du contingent, les chefs ou bien ne firent pas diligence,
ou ne surent i)as retrouver à temps le gros de l'armée. Bref,
en arrivant à Platées, les Mantiuéens ne purent, comme les
Spartiates à Marathon, que constater la glorieuse besogne
accomplie sans eux (début d'août 479). Us tombèrent en plein
triomphe. Leur confusion en fut extrême ; ils avouèrent leur
faute et sollicitèrent le châtiment. Ce qui dut surtout les mor-
tifier, ce fut de voir le brillant butin conquis par les Tégéates,
d'entendre les ex|)loits de leurs rivaux qui avaient les premiers
enlevé et pillé la tente de Mardonius. Tant jiour échapper aux
sarcasmes des vainqueurs (jue pour se réhabililer par un com-
mencement d'expiation, ils se lancèrent dans un excès de zèle
inutile el tardif. Les règlements mililaires de Sparte interdi-
saient la poursuite des fuyards (3). Malgré cela^ les Manlinéens
ayant ap|)ris la fuite du corps d'Artabaze en Phocide (40.000 h.)
partirent à ses trousses jusqu'en Thessalie (4), espérant rappor-
(l) Uôrod. IX. ici.
{i) \j\s i;>.(XX) liommos do PnusHnins (Uôrod. IX. 28) uviiicnl dû Inivorsor
l'Argoliflc pour Kii^nor risllimo on loulo liAto. I^^s Arglons, no [Kniviint les
arrêter, avalent Informé Mardonlus(ncrod. IX. 12).— Hauvotto, Ilerod,^ p.3!)!>.
(3) Hcrod. IX. 77.— Thucyd. V. 73. —IMut./.j/c. 22.— Co n'éUilt iwis,coinino
l'avanco Plulaniuo, pour inônagoi* un onuonii on d«'routo ; mais pour no pas
oxposor sans prolil los hoplilos lourdonionl arinôs dont la cohésion falsail la
principale forco. I^t's a rmôos Spartiates c^lalont alors pauvres on ravalorio.
(i) nérodolo (IX, 77) dit : èSutixov. I^'i poursuite fut donc elTectivo ; la
phrase qti suit ne s'applique (|u'aux Lacédêmoniens (Cf. Diod. XI, 32, 33).
MANTINKK AU VI* SIKCLK BT PKNDANT LES GUERRES MÊD1QUE8. 369
ter quelque trophée. Après quoi, ils rentrèrent chez eux. La
cité ressentit vivement son humiliation, d'autant plus cuisante
que Tégée et Orchomcne revenaient couvertes de gloire. On s'en
prit aux ollicicrs, qu'on rendit responsables et (Iu'oji bannit.
Môme mésaventure arriva aux Éléens. Ils n'apparurent sur le
terrain qu'après les Mantinéens et se trouvèrent si penauds
qu'ils repartirent aussitôt sans rien tenter pour racheter leur
faute : les généraux lurent aussi condamnés à l'exil (1).
(Certes, en cette conjoncture, les Mantinéens manquèrent d'à-
propos. Leurs guerriers s'étaient mis dans une situation ridi-
cule, au milieu do Tallégresse générale, exclus des péans et des
dîmes qui enrichirent même les Uilotes (2). C'était, semble-t-il,
une punition suflisante, t^int leurs remords avaient été sin-
cères. Mais Sparte ne se piquait ni de charité ni de justice
dans ses rapports avec le [)rochain. Elle n'imita pas la noble
indulgence des Athéniens après Marathon. Sa mauvaise volonté
à préparer la victoire n'avait d'égale (|ue son îlpreté ù vouloir
en confisquer tout l'honneur (3). Avec la dîme du butin, on
dédia à A|»oli6n Delpliien un trépied d'or monté sur un triple
serpent de bronze ; à Zeus Olympien, une statue de 10 cou-
dées (4). Les noms des peuples vainqueurs lurent gravés sur
ces deux monuments. Or, si les Mantinéens n'avaient guère
droit à une mention aussi honorifique, les Éléens méritaient
encore moins d'être cités. Les premiers avaient du moins payé de
leur personne aux ïhermopj>les.; ils avaient dé|)éché toutes leurs
troupes à l'isllnne au moment de la bataille de Salamine ; après
Platées, ils avaient voulu poursuivre l'enuenii. Le seul titre
militaire des Eléeus se réduisait à leur rùle pil(»ux à Platées.
Pourtant, les Kléens figurent sur les dédicaces des deux ex-voto;
les Mantinéens n'y sont pas. De toutes les explications que
celte injustice a suscitées, la plus plausible est suggérée par
Thucydide (;')). (le sont les Lacédénioniens (|ui ont procédé à
la gravure des iiiscriptions. Ce sont donc eux qui en ont proscrit
les Arcadiens, les anciens «complices de Cléomène, à l'exception
d'Orchomène et de Tégée, dont l'amitié et les services étiiient
(i) Ilôrod. IX. 77. — A p'iUs, comme h Mantinro, ccUo condamnaUon fui
pciil-<Mro exlgôo, pjir le parti avanci*.
(2) UcroM. IX. «0, «I.
(.J) TluicjMl. I. 73. — DiimI. XI, El, !kJ.
(4) n< rml. IX. 81. — Thuoyd. I. 132. — Pausan. X. 13, !K~ V. 23, l.
(ii) Thuryd. I. 132. — \\i\uvclU\ néro(lotc, p. 4(îl, noto4.
Mnniiiiée. — ^~t.
370 MANTINÉE ET L^ARCADIE ORIE^ITALE.
indiscutables. On peut môme, sans témérité, supposer que
l'exclusion des Mantiiiéens fut prononcée à rinsligaliou des
Tégéates. Quant aux Éléens, comme ils détenaient Tiniluence
de Zeus Olympifiue, Sparte les protégeait. Elle récompensa leur
liypocrite (idélité par un passenlroit.
Défait, descelle époijue, Tanlagonisme de Tégée et de Man-
tinée détermine celle-ci à une politique d*o[)positiou anti-laco-
nienne.
u Ligne Ainsi, Torage médique s'était fondu avant d'atteindre le Pélo-
pcioponnésienne ponnosc. La Péuinsulc semblait avoir pour longtemps barré sa
après les guerres j,q,.|ç j^y^ iuvasionsdu Nord. Mais elle renfermait en elle-même
1 ennemi de son indépendance et de son repos. Ui suprématie
lacédémouienne s'était affirmée eu s'allribuant la direction des
opérations contre les Mèdes. Pausanias s'intitulait généralis-
sime ou archège des Grecs. Après Platées, Spai'le distribue ù
ses associés le blâme et l'éloge ; elle exploite l'œuvre commune
de la victoire. Thucydide écrit (ju'elle possédait les trois cin-
quièmes du Péloponnèse et qu'elle dirigeait tout le reste (1). Ce
reste, c'était le groupe des Elats evçitovSoi ou Çu|X|xayoi, qu'elle
traînait à sa remorque, il n'élait guère possible alors à une
république de subsister dans risolemeut, en dehors de tout
système d'alliance et de tout groupement : la symmachie repré-
sentait pour les Etats grecs une manière d'assurance dont ils
payaient la prime en nature, sous forme de contingent mili-
taire (2). Dans le sein de la Ligue hellénique (3K entreprise de
défense nationale contre le barbare, et dont Sparte revendiquait
la prnstasie, deux systèmes concurrenls se disputaient le patro-
nage des inléréts particuliers : la symmachie lacédémonieiine
el la symmachie athénienne. 1/organisation de ces deux partis
rivaux, celui des Doriens oligarclii(|ues el celui des Ioniens dé-
(\) Thucyd. I. 10. lUXoTCOvvYjdO'j TwvTrévxe (Lnconlo, M<\ss(Snlo, Arcîulir-
Élldo, ArKolklo, AclisiTo) ràç 8ùo fioipaç (Lsironlr, Mrssrnij^) véfJLOvxat, ttjç
8ê Çu|XiiX(JY|ç VjYOuvTai. Thucydiilo opposi^ loiijoiirs rn bl«»c 1rs allié» do Sparto,
sousio nom do. IVioponiicsions, aux Athriiiriis ot à lours ailirs.
(2- Cïîlalt une j^Tavr Imprévoyance que. <hî rrstcr âdTTOvooi (Thucyd. I. 31,
3jS), parce quVn cas dn Illico avec un voisin, on n'avait pas à faire à lui seul,
mais k son groupe. L'abstention pouvait devenir la plus dangereuse des atti-
tudes et la prudence bien comprise exigerait qu'on se compromit dans une
alliance. Corcyrc s'en aperçut trop tard. (ïhucyd. ib.),
(3) Constituée en 4S(),au Congrès do Corintiie, et renouvelée apr^s Platées.
(Hérod. VH, 17G. — DhmI. XI, i, I).
MANTINKK AU Vl' SIÈCLK ET TENDANT LKS OUKIltlKS MKDIQUKS. 371
morrales, occupe le deuxième et le troisième quart du V^ siècle;
leur duel remplit le dernier (|Ufirt.
Pîir leur position centrale les Mantincens se Irouvaient incor
pores dans les rangs lacédémonieus. Leurs sympathies pou-
vaient les attirer ailleurs: Talliance péloponnésicnne était pour
eux une nécessité sans conire-poids. H y avait dans ces coali-
tions forcées des fervenls et des tièdes ; les alliés n/élaient pas
tous des amis ; ils devenaient même lout le conlraire, dès ((ue
la politi(|ue de Talliance les obligeait à se bathe jjour des causes
étrangères à leurs intérêts. C'est alors (|ue sévissait parmi eux
cette maladie si bien caractérisée par Thucydide : l'âppiodxfa tou
<yTpaT6Û£iv(1). Ils maudissaient TKlat directeur et ne s'associaient
qu'avec ennui à la gloire de triomphes imijosés. Le moindre
revers leur apparaissait comme un écha|)paloire plein de pro-
messes, au bout duquel ils entrevoyaient les joies de la défec-
tion. On demeure elïrayé et douhmreusement ému en songeant
à l'existence d'angoisses et de misères que réservait à leurs
alliés la lyrannique protection de Sparte ou d'Alhènes. L'impi-
toyable précision de Thucydide, exempte de lout attendrisse-
nient et de tout pessimisme, nous met à nu les Iristes cotés de
cette (îrèce si brillante et si vivace, mais où la crainle et la dé
fiance empoisonnent les rares instanis de répit et de Ijonheur.
(\, Thiiryd. NI. Ih'i.
ï.W-fe
^ ^'
Wm:
Kijf. 5S. — KriifpariiLs dr cérniiiii|iic («ii Iws, nn iiiilifii, un liurpuifiiin).
CHAPITRE 111.
LE SYNOECISME.
(«4;i-45t)).
Ou ii<; sait dans (|iielic inosurn les Maiiliiiéciis parUcipcrciil
aux campagnes des Péloponnésieiis entre 479 et 431. S'ils suivi-
rent leurs maîtres, ce fut sans doute à contre-cœur, avec Je
secret désir de s'émanciper pour ne plus suivre que leur [iropre
inspiration et leurs sympathies. Ils en trouvèrent enfin l'occa-
sion, cpiehiues années après les guerres médiques. Ils cessèrent
dès lors de liginer comme com])arses dans le drame qui se
jouait autour d'eux et purent aspirer aux premiers rùles. Les
événements, (|ui donnèrent à leur puissance une assiette solide
et des garanties sérieuses à leur autonomie, ouvrent une ère
nouvelle dans l'histoire de cette cité. Ils se résument en un
mot : lesynœcisme.
Des syna^ciKiiies ^'^^ Grccs désignaient d'ordinaire par ce ternie le passage de
engénérni. Kl vie x(.)|XYioôv OU xaxà B'^|xouç à la vic urhaine, le groupement
des bourgs ouverts en une agglomération dans une vaste
enceinte fortifiée. C'était la centralisation politique, religieuse et
matérielle de toutes les forces d'un Etat. Les communes rurales
jus(|u'alors disséminées autoiii* de la utoXiç émigraient en un
point choisi du territoire, généralement s'absorbaient dans la
plus importante d'entre elles. En elTet, il y en avait toujours une
que sa situation désignait comme chef-lieu (1) : «î'était souvent
le marché situé au carrefour des |)rincipales routes. On s'était
habitué à s'y rendre de tous les points de la contrée pour les
échanges et les a|)provisioiinements. Cet endroit devenait peu à
peu le groupe le plus po|)uleux du pays. Parfois la présence d'un
(I) KoULOTCÔXtÇ .
LR SYN(f-X18MR. 373
sancluairc vénéré y atllrait, surloul aux jours {\r. [nmvv^yv'm, un
grand roncours do piMiple. Par le fait du synircisnio, le (TuffTY,p.a
o%(i>v cessait dVlre scMilenient la personne morale de TÉlal; il
prenait corps en une ville. Chaque bourgade conlrihuail pour
sa quole-])arf à la population de la nouvelle cajutale, sans pour
cela disparaître elle même. Elle subsistait comme rentre d'ex-
ploilali(m agricole dans tel ou tel coin de la région, mais son
Ame habitait dés(H*mals les murs de la ville. (Àmime la citadelle
primitive, la ville avait ses murailles, et possédait en outre tous
les organes de la vie publi(|ue en Grèce : agora, prylanée, bou-
leutérion, théâtres, gymnase, stade, hippodrome, temples
divers. Le palriotisme s'y (oitiliait |)ar h», contact (|uotidien des
citoyens; resf»rit original et la vie intellectuelle pouvaient s'y
dévelop|»er dans la sécurité d'une existencre assurée du lende-
main; l'esprit particulariste des dèmes isolés se fondait en un
sentiment commun pour la patrie unifiée. Enfin, le rempart
protecteur favorisait l'acîcumulation de la richesse en réserves
durables. J^'État synoM'isé cessait dcmc d'être le jouet des forces
environnantes. Si la fondation d'une tctôXk manjuait la première
étape des sociétés flottantes de la période primitive vers l'orga-
nisation politi(|ue,le syna^cisme symbolisait l'essor définitif des
unités historiques.
Selon les pays et les circonstances, cet acte imjiortant avait
lieu plus ou moins tcM.Sous ce rajtport Athènes fut un des Etats
les plus précoces. Dans les riches plaines ouvertes sur la mer
ou mal fermées par la nature, l'insunisance des citadelles primi-
tives se faisait vivement sentir : le groupement des habitants en
une ville close s'y imposait de bonne heure. Au «ontraire, les
vallées intérieures dotées d'un rem|)ai't montagneux pouvaient
se fier à leurs défenses naturelles et ajourner le syna»cisme : ce
que lit Sparte (t). De même les tribus numlagnaides en Arcadie,
(1) n y ml «tnns In vjill<^r de l'Rurotns une série île synierismes pnrliels
qui linireiit psir ^rou|>erenune seuleciuninunnuténrhéo-dorienne les ancien-
nes principiiulés laconionnes |l')pliore ;ip. Slrnb. VIII. IWà). — Pnusan. IX.
ii, 11). Mais Thucydide (I. 10) dit expressément que Sparte élait InUie h l'an-
cienne manière, c'esl-à-dire formait une a^glumêration de bourgades ouvertes :
ouTÊ $uvoixi(rOei(T7jç TrôXeioç , où'xe Upotç xal xaTadxeuaiç TzoXuxiktai
vpY|(TafJLév7jç. xaxà xtojjLaç ok to) TcaXauo ttiç *EXXâ8oç tcôtku olxi9^tia'f\q.
Lîi ville n'était pas enclose (Plut. Apopht. Lnc. Afçesilàus. 'iîl. — Senec.
Suasor. i, .1). Vers :M(î, on éleva des forlilîcaUons partielles (.lustln. U, 5)
qui furent renforcées en '«MJ el en 372, Nahis compléta ces travaux pjir des
lif^Dos de rcmiNirts et des fossés (Pausan. VII. K, 4. — Plut. Pyrrhuat^ il) ;
mais l'encoinle no fut Jamais complète (lit. Liv. XXXIV, 27) ; les psirUes ouvertes
étalent jfardées par des postes, O'SOÛsta (Pausan. lit, l.'î, 8).
374 MANTINKE ET L*ARCADIR ORIENTALE.
en Elolie, dans le Piiide, coulinuèrenl longtemps à vivre à l'an-
cienne manirre, dans des hameaux non forliliés : des tours
surveillaient les défilés, des fortins se dressaient sur les hau-
teurs; mais les villages s'éparpillaientà de grandes dislances (i).
Les Arcadiens relardataires du Ménale et de la Farrhasie ne
furent synœcisés qu*à Tépociue d'Ép^'^îï^^^^^is (2). D'autres,
comme les Mantinéens, a[)rès s'être laissé devancer par leurs
voisins, patienlèreni jusqu'au moment favorable, éi)iant l'occa-
sion de procéder à une mesure devenue nécessaire à leur sécu-
rité et à leur indéjiendance. A Tégée, l'imminence du j)éril dorieu
avait liAlé cette solution, des le IX^ siècle. Les Mantinéens, à
cette époque, n'étaient pas mûrs. Plus tard, quand ils se recon-
nurent désarmés en face des puissances synœcisées, celles-ci
avaient Irop intérêt à les maintenir en état d'infériorité pour
lolérer ou favoriser leur concentration. I^i politique de Sparte
s'opposait avec vigueur, en Arcadie, a la créaticm de villes
susceptibles de servir de quartiers généraux aux idées démo-
cratiques. L'émietlement des forces arcadiennes, la dislocation
des Elals en dcmes favorisait au contraire ses vues. Aussi des
républiques <M)mme Elis, lléraia, Mantinée sont-elles restées si
longtemps dépourvues d'iiiitiative politique, en quelque sorte
bâillonnées par la jalousie inquiète de Sparte (D),
(1) Dnns une oxploraUon ilu Pindo, cm 1889, j'sil rotrouvcS les ruinos de
quelques xo>p.a( de.s Dolopes el des Allia mânes, {\)ii doininaicnl les ravins
escarpés du haut Acli6li)os(lnachos) el de sesadluenls. L!i seule qui puisse (Mre
idcntiQée avec vraisrMnblanceest Ar^illlôa, prrs Knissovon. On r(^connait sous
l>oi8 les murs de soutènement des terrasst^s el his soubassements des mai-
sons, n n'y a pas traces de remparts. Ces localités, vrais repaires de brigands,
étaient presque inaccessibles. En revanche, à l'entrée des jçorjçes, les tours de
garde se multiplient.
(2) Le synircisme complet, qui n'était pas réduit à une centralisation admi-
nistrative, mais qui impliquait la construction «l'une ville fortiluV'., avait
souvent pour conséquence i'aliandon de la citiideile. Tantét l'antique ttoXiç
tombait en ruinas ave« les habitations qui l'entouraient: on lu montrait aux
amateurs d'tmti((uilés, comme TraXatà tcôXiç ; tantùt elle subsistait comme
chôleau-fort de la ville basse et prenait le nom de Ville haute ou Acropole
et le nom de irôXtç était alors réservé à la ville bassf\ En Arcîuiie, Pausanias
mentionne des TcaXaial TcôXeiç ou TrpOTÊpxi tcoXeiç à Orchoméne, Mantinée,
Slymphale, Phlfçalie, Lycosoura.
(3) Le synœcisme do l'Élide fut la conséquence de la révolution démocra-
tique de 472 (Strabon.Vin,337.— Diod. XI, (ii. — CurUus. Ueher den Synoik,
mn Eli}i. Ber. d. Berl. Akad. d. Wiss. 18ÎK5, p. 7î)3-80l*>. Toutefois la Nouvelle-
Élls n'est pas murée (Xén. llellén. Hl, 2, 27). ■— Le syniecismc d'Iléraia fut
provoqué par Sparte (Strab. ib.) ; mais cette excrpllon confirme la réjjjle. En
de Manlin6«.
LK SYNIKCISMK. 37Î)
La date du sj'nœcisme mnnlinéen n'est pas exacleineiit connue.
Toutefois on peut, avec quelque vraisemblance, la fixer d'après
les faits eux-mômes, plutôt qu'en se fondant sur le témoignage
de textes incomplets.
La tradition locale du déplacement de l'antique Mantinée Haie
dirigé par Autonoô sur l'ordre d'un oracle, n'est (|u'une légende **" syncBcisme
sans valeur, agrémentée de l'inévitable vaticinium post eoen-
tum (1). Le synœcisme mantinéen ne doit pas remonter au-delà
du V® siècle pour les raisons suivantes (2) :
i^ Après des siècles d'elïacement, tout à couj» Mantinée, au
V« siècle, entre en scène et devient l'Ame d'une coalition contre
Sparte. Le contraste entre ces deux attitudes ne peut s'expliquer
que par une métamorphose de l'État mantinéen, tel que le pas-
sage du régime rural à la forme urbaine.
2' En 38a, les I^icédémoniens détruisent la ville et forcent les
habitants à repeupler leurs anciens dénies. Ce retour au passé
n'était possible qu'en supposant la ville encore assez jeune pour
que son existence pût être remise en ([uestion. On n'aurait pas
songé à revenir sur un synœcisme datant de plusieurs siècles :
il y aurait eu prescription. Mais si l'on admet (|ue Sparte avait
dû tolérer, moins d'un siècle plus tôt, la concentration des
dèmes mantiuéens sans pouvoir alors l'empi^cher; (|u'une fois
tirée d'embarras, elle s'était trouvée en face d'un fait accompli,
on comprend (|i]'elle ait saisi la première occasion de détruire
une œuvre édifiée cîontre sim gré. Dans sa pensée, le diœcisme
expiait le synœcisme. Les deux faits ne |)euvcnt donc être sépa-
rés par un laps <le temps qui rendrait inintelligible la vengeance
des S|)artiates.
.> Le choix du site, à l'endroit le plus bas de la plaine, loin
de toute acropole, ne dénote pas une haute antiquité. 11 indique
une époque où le vieux système de fortification était délaissé.
4" Enfin, le texte de Strabon, sans être décisif, renferme une
clTot, flans \o. 2* quart du IV siècle, los Lac^^dï'îiTionlcns, on pr<^scncc dos vel-
U\iiv.H unilairos do rArcadio cl des alluros indr'ipondanlos i\r rKlido, favorise-
ront ri^labllssoinont, aux conflns dos doux Ktals, d'un contro uligarcliiquo
soIidcin<Mit consUlu6 par la concontralion dos douions liôrôons.
(<) Voy. plus haut, p. .315.
(i) On ne doit pas prendre au pied de la loUrolos tornios où Polybe appoUo
ManUn<')0 ty|v àpyaiOTctTY|v xal t*/jv (teYîffTTjv TtoXiv tcov xaxà t*/jv 'ApxaS^av
(II, 00, G). Il y a dans ces liyporbolos une parodie do Pliylarquo et une Ironie
tant i\ l'adresse do l'iilslorion ({uo tlos Manlinroiis. On vrrra plus loin pour-
quoi Polybe les détestait (p. V.K)).
37(> MANTINKK KT l'AIICADIK OIUKNTALK.
indication précieuse. Les villes dont parle Ilomôre, dit-il,
n'ctîiient pas des villes proprement dites, mais des systèmes de
dèmes, qui en se réunissant plus lard, ont formé les dilTérentes
villes connues : Élis, Manlinée, dont le synœcisme eut lieu à
rinstigalion (les Argiens, lléraia, yEgion, Patrai, I)ymé(l).
u ciémorrMie Exaniinous donc à (|uel moment, dans quelles ci rccmstances
*Arg,>s les Mantinéens purent éluder la surveillance de Sparte, de
ei riiifhicnco de Tégéc ct d'Orcliomène, les ciladelles de roligarchie, et mettre à
Thémisiocic. p,.()|i( leç conseils et l'appui d'Argos.
La conduite et le premier pnx'ès de Pausanias en 478/7 avaient
ébranlé le preslige de Sparte. Avec la confiance de ses alliés,
l'Etat directeur perdit leur (idélité. Athènes ne fut pas seule à
profiter de ces défaillances. Argos, pendant les guerres médi-
ques, avait pu réparer ses forces ; elle s'appliqua ensuite à
achever l'uniflcalion de TArgolide par la soumission des villes
autonomes, comme Tirynthe, Mycènes, Ilysiai, Ornéai, Mideia
(2). Elle dépeuple les communes rurales et s'annexe leurs ha-
bitants (402). Elle-même se changea en une ville spacieuse,
capitale de l'Argolide. lledevenue la seconde puissance du iV^
loponnèse, il lui fut permis de reprendre ses anciens rêves de
domination. Après l'absorption îles éléments achéens el ioniens
en une vaste agglomération urbaine, la fraction dorienneet aris-
tocratique se trouvait en minorité. Vers 4G0 la déinocratie l'em-
portait. Dans cette élévation ra|)ide d'Argos au rang de grande
capitale et de foyer démocratique, on reconnaît l'inlluenced'un
esprit politique de premier ordre. Thémistocle, banni d'Athènes
entre 474 et 472, s'était réfugié à Argos. De là, il voyageait dans
le reste du Péloponnèse (3), observait la situation, lisait l'avenir
dans le présent avec- celle clairvoyance intuitive admirée par
Thucydide (4). Traqué par les Lacédémoniens, l'Athénien ne
pouvait excursionner qu'en territoire ami. Il est plus que pro-
bable qu'il futriiùle des Mantinéens. Leurs institutions devaient
l'intéresser et leurs ambitions provocjuer sa sympathie. Lui qui
avait mis sa patrie hors de page en la murant ne pouvait que
leur conseiller le synœcisme. Peut-être pesa-t-il dans le même
(1) iÇ wv u(TTeoov ai Yvci)piÇ<5(X6vat Tr<JXsiç T'jvci)X!(T07|Tav, ovov ty|ç 'ApxaSia;
MavrCvcia fxev Ix TcévTS $-^(jl(ov un* 'Aoyetcov «ruvcox^ff^T). VIII, XH.
(2) Pausan. VIII, il, t.
(3) Thucyd. I, li").
(4) Ib. I, 138.
LK SYN<IKC1SMK. '^Vll
sens sur les Éléeiis : le syiicBcisme et ravèncmenl. de la démo-
cratie à Klis sont contemporains de la réfi^énéralion d'yVrgos. U
semble qu'une nu^nie pensco inspire au mémo moment les trois
Étals libéraux du Péloponnèse : Aijj^os, Manlinée, Elis. Tbé-
mistocle fomenta i)eutélre une <*oalition de res Irois jeunes
puissances sous la direction dVMbènes. Après son départ (1), les
esi>rits étaient éclairés, le |)lan d'action dressé. Restait à ^ueller
rinslaut propice pour passer à rexé<'uti(m.
Les intrigues d'Argos provo(|uèrent un soulèvement de TArca-
die. Elle sut raviver «lès 473 les sentiments d'amitié qui Tavaienf
jadis reliée aux Tégéales : les plus lidèles alliés de Sparte chan-
celèrent. Les I^cédémoniens inquiets se luUenl (rac<'ourir con-
tre Tégée : l'armée aigéo-tégéate y est battue (472?) (2). Alors
les Tégéates appellent à eux l'Arcadie qui rép(md à leur a|)pel,
sauf Manlinée, retenue par sa haine implacable contre sa voi-
sine. La défaite de Dipaia dans le Ménale brise l'insurrection
(vers 471) (*A). Mais pendant plusieurs années Sparte, ruinée par
le tremblement de terre de 464, est absorbée par la révolle
des llilotes et des Messéniens. Ininudiitisés au siège d'ithome,
les Lacédémoniens sont réduits à subir les secours d'Athènes.
Ils le font de si mauvaise grAce que les Athéniens s'en retour-
nent, à jamais brouillés avec eux (4).
C'était bien le moment où les avis de Thémistocle pouvaient
le mieux porter leurs fruits. Les Mantinéens emlormirent la
vigilance d'Archidamos en lui prêtant un concours empressé
contre les llilotes (3). Dans un danger si grave, Sparte
avait d'aulres soucis que d'approfondir les arrière-pensées de
ses alliés. Lui voyant les mains liées, les Mantinéens s'émaii-
(1) Apr^s l'oxoriiiion ilo Piiusaniiis on 472/1. los Lncriiiîmonlons nrriisrri'nl
TlK^nistoclr (In iiK'MJisino et oiitinrent des AtlH'micns ({u'on tn poursuivit. H
dut s'rnfulr du Prioponnrso «tans l'<Mô 470. (ïliucyd. I, 135. — HusoU. Griech.
Gesch, m, p. 124).
(i) IhSrod. IX, :c>.
(:j) Urrod. IX, :]•>. - Pnusan. III, il, 17. — VIII, H, 4; 4:», i. Arpos, alllôo
do T4^(((Sn, mnifl sans doute retenue par la guerre dt*. Tiryiiltic, manquait aussi
^ Dipaia. En rovanclie, on vit, vers /.(»5, los Tégéates aider les Armions A sé-
duire Mycènes. Strab. p. 377. — Dio<:. XI, (15.
(4) Tluicyd. ï, iOi. — U\ clironoloiclo de ces rtvrtnemenls est In^s discutiSc.
(Voy. Busolt. Griech, Gesch. III, p. 200, %]0 et 2î)8}.
{■')) Xén. Ilell^n. V, 2, 3. — Printemps 462 (?).
378 MANTINKR RT l'AHCADIK ORIENTALE.
cipèrent. Les Argiens les y ])oussaienl (1). Le syiiœcisme eut
donc lieu, suivant toute probabilité, entre 4G4 et 459(2), sans
soulever (ropî)osition. ïéji^ée troublée par sa défaite et brouillée
avec Sparle, laissa croître aux bords de TOphis une formidable
forteresse. L'opéralion dut éhe nïonée rapidement : le dôme
principal, celui qui portait proprement le nom de Mantinée,
reçut Tappoint des quatre aulres dcmes de la plaine, l'our
économiser le tem|)s et Targenl, on se conicnta d'un mur en
briques crues : TOpbis passait au milieu de la ville. Un
Foyer commun, installé sur l'agora, symbolisa la fusion des-
cinq dcmes (îl).
(1) H y avait probablomoiil à Mantinn> un parU dcmocra tique avancé, déjà
lié avoc les (Icniorratos d'Argos (àpYoXiÇovTCç. Xcn. Ueltén. V, 2, C»), cl qui
rêvait un rajeunissement de la constitution. Toutefois, conimo on l'a vu p.
3!)(),la réforme constitutionnelle de Nicodoros est postérieure au synœcisme.
Celui-ci ne semble pas avoir été le résultat d'une révolution intérieure, comme
.'i Klls. Peut-être y eut-ll concomitance entre le mouvement démocratique qui
triompha k Athènes pendant l'absence de Cimon et un mouvement analogue
i\ Mantinée, lequel se serait prononcé tandis que le contingent manUnéen
opérait en Messénle? Dans ce cas, la date du syncoclsme serait limitée entre
4C2 et 469. — Keil (Nachr. d. k. Gesellsch. d. Wiss. zu G'ôUing. Ulsl. Kiasse.
189:>, p. 359) limite entre 4(^V4 et VK), année où Argos conclut avec Sparte
une paix de 30 ans (Tliuryd. V, 14, 28), la date du synœcisme. Cette limite
est tn)p large. L'envoi d'un contingent auxiliaire A l'ithéme n'indique pas
forcément, comme le croit Keil,(|ue Mantinée n'était pas encore amie d'Argos.
Le refus do ce secours eût été un acte de rébellion caractérisé; en toute cette
alTaire, Mantinée a dû procéder avec ménagemenLs. — Sur la Niké de Kalamis
consacrée à Olympie (à l'occasion du synœcisme ?) voy. plus haut, p. 314. —
Les plus anciennes monnaies mantlnéennes attribuées par les numismates au
début du V* siècle, doivent avoir été frappées au moment du synœcisme. Elles
portent d'un côté un ours, de l'autre un ou plusituirs glands. (Gardner. Cat.
of. greek. Coimt. Peloptmnesns^ p. 184, pi. XXXIV, 18. — llead. Hist, num.
p. 37<)i.
(2) Date de la capitulation des Me^sénions, d'après Busolt. {Uriech. Gesch.
III, p. 298).
(3) Pout-èlre la division de la ville en 5 tribus fut-elle adoptée pour corres-
pondre avec l'ancienne répartition en 5démes? — C'est sans doute pour com-
mémorer leur synœcisme que les Mantlnéens consacrèrent dans l'Altisd'Oiym-
pie la statue de Niké, exécutée par Calamis (Voy. plus haut, p. 314).
CHAPITRE IV
l'expansion, la conquête de la parriiasie.
(425-422).
Une force nouvelle venait de s'organiser en Arcadie. Toule-
fois la prudence conseillait aux Manlinéens de ne point rompre
ouvertement en visière avec Sparte. Le plus sage était de faire
oublier par une apparente soumission le fait accompli sans Tas-
sentiment de rÉtat suzerain, de ne point user du synœcisme
comme d'une machine de guerre contre lui. L'abslenlion des
Manlinéens à la bataille de l)ipaia, leur attitude contre les Ifi-
loles (1) élaiont des titres à Tindulgence. Sparte laissa reposer
ses foudres. Elle avait plus besoin que jamais de ramener à elle,
à défaut de sympalhies, le concours des résignés. Athènes, Ar-
gus et la Thessalie avaient conclu en 402 la première alliance
séparatiste (2). Mantlnée se garde de toute démarche compro-
mcltanlc. Il est possible (ju'clle ait été forcée d'adjoindre ses
milices aux iO.OOO alliés qui partirent avec les Sjiartiates au
secours de la Doride et contribuèrent à la victoire de Tanagra
(Mil) (3). On sait peu de chose de Thisloire intérieure du Pélo-
pcmnèse jusqu'à la réunion des Congiès de Sparte (nov. 432), où
la majorité des alliés vota la guerre (4). Sparte avait mis à pro-
(1) Busoll (Laked^ p. l'M)) oxpliquo le bon vouloir des Mantin(Sons dans
colin circunsliincc ic psircc <|u'ils avalent lo in<^tnc InlônM quo les I^icédé-
inonlons à m; pas laisser la populalion servllo prcndro lo dessus. » Colle sup-
position est tout il fait arbilrairo. H n'y avait pas d'ililolos on Arc;idio; sur-
tout dans un (Mat démocrali({uc comme Manlinéo, la légendaire égaillé entre
niallros ot serviteurs n'avait rien d'oppressif pour ceux-ci.
{t) lUenlAt grossie par l'accession de Mégare (Tliucyd. I, lOi-103).
(3) Thucyd. I, 107-108.
(4) AprtiS la première convocation des alliés do Sparte (Thucyd. I, (îG|, les
Corinthiens vont de ville en ville solliciter des adhésions ; le congrès général des
alliés a lieu en novembre (Thucyd. I, 119). Le vole eut lieu piir vUlcs, grandes
cl polilcs (Thucyd. I, 12.5).
en Acni-nnnie
(hi%er 4SG)
380 MANTINKK KT L AllGADIE. ORIKNTALK.
fit la Irèvc (le 30 ans (1) pour forlifier sa domination sur los
villes en appuyant les partis aristocratiques (2). Mantinée subit
alors une pression qui dut avoir j>our effet de fortifier riiez
elle le sentiment palriolique.
1^ Mnniiiiéens Entre louips, la guerre était déclarée. Tout le Péloponnèse,
sauf Argos el l'Acliaïe toujours réfractaires, devait suivre bon
gré mal gré les hoplites s|)artiates. Le règlement de la Confé-
dération laissait en réserve dans chaque ville un tieis du con-
tingent pour le maintien de l'oi-dre et les travaux agricoles (3).
Les deux autres tiers se rendaient à Tlsthme, désigné comme
point de concentration. Quel fut le riMe personnel des Manti-
néens dans les expéditions des I*éloponnésiensde4tUà426,nous
rignorons. Us ne sont Tobjel d'aucune meailion particulière ni
chez Thucycide ni chez Diodore. Mais la sixième année de la
guerre (hiver 42(5), ils sont distingués parmi les alliés, pendant
la campagne dlillolie, au combat d'Oli)ai, près d'Argos Amphi-
lochique.
Les deux armées en présence étaient celle des Lacédémo-
niens sous Eurylochos avec les Péloponnésiens et les Ambra-
ciotes, et celle des Amphilochiens et Awirnanes, commandée
par le stratège athénien Démosthènes, escorté de 200 hoplites
mcsséniens de Naupacle, de 40 archers d'Athènes et d'une
escadre de 20 navires. Les Mantinéens pendant l'action se
tenaient à Taile gauche entre les Spartiates d'Eurylochos et
les autres Pélopounésions, en face des Mcsséniens de Démos-
tènes. Seuls ils se re|)lièrent en bon ordre dans la déroute
des Péloi)onnésiens(4). Le lendemain, Démosthènes leur accorda
par convention secrète, à eux, aux officiers lacédémoniens et
pélopimnésiens, la permission de se reliier. 11 pensait discré-
ditei- Sparte aux yeux de ses alliés irAmbracie, que cet abandon
allait livrera la mer(!i des ennemis. L'exemple éililierait aussi
les autres peuples trop confiants en Sparte. De fait, les Manti-
néens et autres bénéficiaires de l'armistice sortirent du camp
comme pour ramasser du bois et des légumes, el s'éclipsèrent
par petits grou|)es en emportant ostensiblement les |)rovisious
(I) Concliio entre Sparte et Atliènes pendant riiivcr 4U»/5 (Tliucyd. I, 115).
{£) Tliucyd. 1.70. TjjlsÎç yovy Taç Iv tT) lUXoTrovvYjdw icoXeiç ewV xô
up-tv (b^éXi|jLov xaTaTTTjffaixfivoi eÇ'/iYCÏffOc.
(3) ïhucyd. II, 10.
(4) Thucyd. III, 108, 109, 111, s
l'expansion, la (X)NQUlVrK DK LA l'ARUIIASIK. 381
qu'ils avaient fail semblant d'aller rliercJier. Hne fois à dis-
tance, ils aiMTléiTi'onl leur allure. Ariïîlés un inslanl par une
troupe d'Acîarnanes, ils s'e.\|)rKiuùrent et purenl sVloiî^ner sans
plus tUre inquiétés (i).
Dans cet épisode, on remarque le traitement de faveur accordé
par le stratog:e athénien aux jçens de Mantinée : ils obtiennent
un sauf-conduit pour toute leur troupe, oUiriers et soldats,
tandis que, [nnir les autres Péloponnésiens, seuls les chefs et
autres personnajçcsde nianjuesont admis au même privilège (2).
Sans doute on connaissait à Athènes les senlinuuits intimes de
lacitéarcadienne : on lui témoignait une bienveillance particu-
lière, comme à une alliée que l'ennemi aurait confis(|uée.
Tandis que Sparte guerroie sans tiève et sans succès, les consiuuUoi»
Arcadiens de la Haute IMaine ne perdent pas de xwo leurs inté- d^"";*-"'"'!»' '••
rets. La première lutte se terminait mal pour les î^acMMlemoniens : ^,,.„ 4^5,
il y avait trop (rincoliérence et'lrop de lenteur dans leurs opé-
rations. Ils avaient laissé la guerre se transporter [jrès de chez
eux, eiiMessénie. Us étaient menacés sur leurs lianes par cette
forteresse de Pylos, une des idées les plus heureuses de Thabile
Démosthènes. Tous les mécontents de la Messénie et du Félo-
]>onnèse avaient roûl sur le théâtre des prouesses militaires de
Cléon. Les embarras de Sparte et son découragement permet-
taient aux indisciplinés une certaine liberté d'allures. 11 leur
devenait loisible d'agir pour eux-mêmes. -
C'est à ce moment ((ue le parti avancé de Mantinée dut
compléter l'œuvre du synœcisme par une réhirme de l'antifiue
C(mstitution dans un sens plus démo(*Tati(|ue. L'ceuvre légis-
lative si vantée, due à la (collaboration de Nicodôros et de
Diagoras, vit le jour aux environs de Tan 42;î (l\), dette réforme
(1) C'osl pcMit-ôtnî rnsouvïnilr dn cnt ôpismlo ((un fut insUilIn {\ Mantlnt^n un
culliîiln l'AchrliWs (Voy. p. 308).
(2) ThucyU. 111, 101). MavTivsuai xat MivsSaito (Ir^'iirral himlôinuDiun qui
rciiiplaçiiil Ruryloclios lur) xal toT; àXXoi; àp/oudi tcov rieA07rovvTr|(Juov,
Xai S<JOt tt'JTWV Y|(Tav 0L\l0X0*[OtT0LT0l.
(:t) D'apirs Tliurydifln (V, iM - Cf. plus liant, p. 33(>) l'inslitnUon dn la
<lrin()craUo ôtail, en 4>il, un fait accompli. C'est là le lenniinis aille qncm,
D'autro part l'association do Diagoras (oxllé d'Athènes en iL'i/i) à l'œuvre de
Nicodùros euipt'^clic dC' remonter jusffu'a la date protjabio du synœcisme, entre
4Gi et 4;)î). \a\ début île la période d'émancipation eomprisi^ entre 425 i«l ii3 et
signalée par ia con<|uéte do la Parrliaslc, est donc i'épiHjue qui convi(>nt le
mieux à la réforme démocraUque.
382
élnil, cominn on Vi\ vu plus liant, nécossciire pour concilier les
vieilles habitudes que la vie eu dèines avait enracinées dans la
])Of)ulalion rurale, avec la nouvelle situation matérielle résultant
du synœcisnie. L'ingénieuse combinaison imaginée par le légis-
lateur atteste la sagesse et la modération de Fesprit public à
Mantinée. Il y avait peu de villes jouissant alors d'une situation
intérieure aussi enviable. Les luttes des jKirtis n'y atteignaient
pas cette intransigeance (|ui, partout ailleurs, mettaient aux
|»rises, sans espoir de conciliation, les aristocrates et les démo-
crates. Il seml)le (jue l'opinion moyenne se soit tenue entre ces
deux extrêmes. Le sentiment patriotique avivé par la haine
traditionnelle de Tégée et de Sparte, étouITait les préoccu-
pations égoïstes. Les intrigues de Sparte n'avaient |)as encore
réussi à pervertir les consciences et à créer entie les citoyens
des divisions irréf)arables. Le parti ccmservateur, composé des
principaux propriétaires, ne pouvait laconiser par principe :
en elTet, ranticjue division de la population en cin(| «lûmes
n'avait pu monopoliser la possession du sol entre les mains
d'une classe privilégiée (|ui eiU exploité le travail d'aulrui,
puisque les propriétaires résidaient la plupart sur leurs
domaines et les cultivaient eux-mêmes; de plus, l'intérêt rural
desdits propriétaires-cultivateurs les obligeaient, pour les rai-
sons déjà exposées, à traiter en ennemis naturels le voisin
Tégéate et son allié le Si)artiate. Le rai)prochement qui se (Il
partout ailleurs entie les intérêts <'onservateurs et la politi(|ue
laconienne n'était don(^ pas de mise à Mantinée, à peine née à
la vie urbaine. Les prof)riétaires niantinéens ne se posaient pas
en adversaires intraitables de ceux qui leur proposèrent, dans
l'intérêt supérieur de la sécurité nationale, de quitter leurs
dômes pour s'enfermer à l'intérieur d'un rempart. D'autre part,
les novateurs, en s'avisant de cette transformation, ne la conce-
vaient pas comme une mesure vexatoire à l'égard d'adversaires
politiques, mais comme une nécessité patrioticfue. Entre les
conservateurs et les novateurs, il n'y avait ni haine ni incom-
patibilité absolue d'ofûnion et d'intérêts. Aussi, le syn«rcisnic
s'accomplit-il sans que la constitution fût d'abord modifiée. Mais,
l'expérience de quelques années lit reconnaître que la vie
urbaine et la vie rurale avaient des exigences contradictoires.
Cette constatation, au lieu d'envenimer la situation et d'amener
un antagonisme entre les partis, aboutit à une entente qui trouva
sa formule dans la constitution si pratique de Nicodôros.
l'expansion, la oonquêtb dk la paiiiiiiasik. 383
La nouvelle Constilulion, complément chi sj iKrcisnie, élar- ^ poiii«q»w
gissait la puissance de Manthiée cl lui permoltail. un peu iram- «^'«^p*»»»'®»-
bilion. Plusieurs raisons (levaient lui inspirer une politique
d'expansion et de conquête : le besoin do s'assurer au dehors
des points d'appui pour les condils qu'on prévoyait, la nécessité
de compléter vers l'ouest la défense du lerriloire, déjà proléjiçé
à l'est j)ar l'amitié d'Arjços.Ace point de vue, Tenvoi du contin-
gent auxiliaire à Tlthôme avait pu ouvrir les idées sur le ]mrll
qu'on pouvait tirer des i>opulations limitrophes de la Messénie
dans une lutte contre Sparte. Mantinée voulait faire acte de
puissance en se créant des sujets et des alliés parmi les peu-
plades non encore inféodées a Sparte. Ensuite, l'idée de procurer
des terres vacantes à sa population toujours croissante et de
plus en plus à l'étroit dans les limites de la Mantinique, ne fut
pas sans <loute étrangère à ses velléités de con(|uéle : la nouvelle
constitution permettait d'établir au dehors des (citoyens, à une
certaine distance du sol natal ; ils ne perdaient rien de leurs
droits civiques, la masse populaire n'ayant à intervenir qu'à de
rares intervalles. Mantinée était donc imf)atiente de briser ses
entraves pour déborder au dehors. Depuis (|u*elle ne forniait
plus un simple gioufie de bourgades, les cantons ruraux des
environs l'attiraient comme une proie facile. Elle rêva de leur
imposer sa tutelle. Les Etats centralisés résistaient mal à la
tentathm de s'adjoindre les cantons encore mal unifiés. ÎMus
d'une grande ville annexa à son territoire quehpies dèmes isolés
ou simplement confédérés. Orchomène possèdent le district
ménalien entre le Mont IMialanthon et le Ladon ; elle y avait
fondé Méthydrion (1). Kleitor conquit Lousoi, et Phénéos les
Aroania avec Nonacris (2). Ces ct)nï|uctes n'entraînaient pas
l'annexion directe, mais le protectorat sous forme de symma-
cliie : le territoire vassal fournissait des trou])es et conservait sa
nationalité; parfois, pour le garantir contre lui-même et contre
l'étranger, l'Etat su/xrain installait dans le pays des garnisons
et des fortins.
Les Mantinéens ne trouvaient le champ libre que vers l'Est, Conqiiéie
dans la région du Ménale, au Sud du Mont Plialanlhon, el, plus ^'^^ '* M«n«i««''
loin, par la gorge de l'ilélisson, dans la belle vallée de la Par-
rhasie, arrosée par l'Alphée. Bien qu'aucun texte ne spécifie
(1) Piiiisan. VIII, 3G, 1.
(i) //;. VIII, 18,7.
't84 MANTINKK KT LAItCADIK OIIIKNTALK.
qu'ils aient, assujelli les villes de la Ménalie, la vraisemblance
de leurs opéralions ullérienros Texigc. La haute vallée enfermée
enlre le revers orienlal du Ménale (1) et la chaîne centrale d'Ar-
cadie rejoi£j;nail la Manlinii|ue au bassin de rAli)hée. D'après les
traditions du droit international chez les Grecs, aucune troupe
armée ne pouvait traverser un lerriloiie élianger sans Taulori-
saticm de ses habilauts (2). Or, ni les Orchoméniens ni les Té-
géales (3) n'eussent accordé aux hoplites de Manlinée le libre
passaj^e par les roules du N. et du S., qu'ils commandaient (4).
Il (allait qu'une convention avec les peuplades ménaliennes
permit aux Manlinéens de j^î^afçner directement soit la goijçe de
rilélisson par le délilé de Kardara, soit celle du Haut Elaphos
par les chemins de montagne qui contournaient au S. de la
])laine Alcimédon le massif d'Apano-Khrépa et reliaient Man-
tinée à Mainalos, Davia, Triodoi et Soumaleion. Pour être dura-
ble, celle convention impliquait une quasi-soumission de la
Ménalie. 1^ légende du transfert des restes d'Arcas, soi-disant
enlevés à Mainalos pour él:re inhunu^sdans l'agora de Mantinée,
«luoiqu'elle ait été fabriquée après la reconstitution de la ville
en 371, paraît impliquer que les Mantinéens avaient pleins droits
sur Mainalos (.*>).
(1) MatvâXlOV TTEOIOV.
(2) Thur. IV, 78 : xotç tzolgI ye ôp.oi(u; "EXXYjaiv uttotitov xaOfidTi^xgi tyjv
Ttov TcéXaç |JL-/) TteidavTaç Buevxi.
(3) Uno pîirUo do la M<'>naii(^ avnU apparlcnii an lot d'Aplioldas, cVst-à-dlro
k IVgnc. Mainalos, Tôj^'ratns vi Mantincns sont rapprochés dans la fçônôalogic
des Lycaonidcs (Paus. VIH, 3, 4).
(4) Ui roulo la plus commode, mais la plus longue,dn Mantinée à la plaine
parrliasicnne passait par la Tégéalide, Pallanllon, Asvai (Houle A de la c^rte
do Loring. Journ. of hellen Stud. XV (IHÎIii), pi. I et II). Le MaivxXiov tïeSiov
communique avec la vallées de l'AIpliée par un cluMnin qui emprunte on
pjirUc le ravin de la rivière de Liingadia. C'était la voie la plus directe pour
aller de Mantinée au Lycée par Mainalos, Dlpîiia, Trikolonoi. Oe plus cette
roule évitait le territoire légéiite. .le suppose que co fut le parcours lo plus
souvent suivi par les troupes manUné(>nnes. Les ravins de l'iléllsson et de
l'Élaphos ne livrent passage k aucun chemin praticable ; tout au plus (je no
l'ai pas vérifié par moi-même) pouvait-on, dans la belle saison, suivre comme
piste les lits do ces torrents, comme on le fait pour le SarandaPolamos.
(îi) On peut tirer de Thucydide un autre argument i>our attester la conquête
de la Ménalie [aw Manlinée. Après la piiix de 4il, Spsirle enleva aux Manti-
néens la Parrhasie (V. 3,')). Cependant, en 418, Mantinée combat ctmtrc Agis
avec ses alliés propres l/ovreç xoî^ç ff^exspouç Çu'/aa/ouç (V. "kS). 0»s alliés
ne peuvent être que les Ménalions du canton septentrional. Pendant la méino
L*KXPANS10N. LA CONQUETE DE LA PAIllUIASlK. 385
Au S.-E. de la Méiialie, le cours de rUclisson débouchait sur Conq«èi«
le vaslc bassin de FAlphée, occupé par des peuplades rurales qui ^^ l^^^^j^J^.^^^^
ne subissaient encore la loi d'aucun Etat centralisé. Le plus
important de ces groupes était celui des Farrhasiens, enire les
Cynuriens au N., les yEgytieus et les Oreslliasiens au S., les
Eutrésiens h TE. Ils occupaient la partie de la plaine comprise
entre la rive gauche de TAlphée et le versant oriental du Lycée.
Hien déchue de son antique splendeur du lemps des Lycao-
ni<les, la Parrhasie, au V« siècle, vivait dans Tisolement el le
calme de la vie cantonale. Les communes, dont (juelqucs-unes
avaient été le siège de la royauté arcadienne, n'étaient plus
que des bourgades de cultivateurs isolées ou groupées autour
de leur antique citadelle. Thucydide (1) les appelle : xàç Iv
Ilappa(Tio(c TtôXeiç. Mais le mot tcoXiç doit être entendu dans le
sens de xwixai, qui est employé par Diodoro(2). Le synœcisme de
camptiKnc, des Ménalirns figurcnl dans les rangs d(*s Uimléinonicns (V. (j7) :
ce sont ceux du canton méridional inféodô à Tégéc : les Pallantlons, los
Aséates, les Orcsthasicns. Après ilK, la llauto-MénalU* fut soiislralle à l'auto-
rité de Mantinée (V. 81 : o\ MavTtV7)Ç... ttjV ^p/T|V à<peîaav twv ttoXcwv.). U'
prétendu ratUicliemont d'Aléa au district ménallen, d où Curtius conclut qui*,
la [population d'Aléa constituait le fond primitif de la Mantini(|ne (Pelopov. \,
p. 312} repose sur une faute de texte. Il faut substituer dans la liste de, Pausanlas
(VIll, i7, '\) le nom d'Aséa à celui d'Aléa. D'ailleurs, au point de vue ethnogra-
phif|ue, mythologique et politique, Aléa est une dépendance de l'Argolide
(Paus. VIll, 23, i). On |)eutreconsUtuer ainsi qu'il suit l'histoire ile la Ménalic.
Les cantons ménaliens formaient un 7ÛaT'<||xa oyjIKov désigné en bloc par
l'ethni(|ue MatvxXtoç. Mais ce lien politique était très lAclie. Oresthasion,
Palianticm et Asé^i a|)parti^naient, de nom, à la Ménalie (Pausan. Vlll, 27, 3)
et cependant étaient libres. Lors de la fondation de Mégaiopcdis, la Ménalie
fut dé|N;uplée et son territoire annexé à la MégalopoliUde. Mais au III' siècle,
les Ménaliens avaient sans <loute en |Kirtle reconquis leur autonomie, puis-
qu'ils sont représentes is(déinent dans la Houle de la Confédération arca-
dienne pîir trois «lémiurges (Décret en l'honneur de Phylarrhos. Koucart. Inacr.
du Pélop, 340n. Cf. Ililler vcm Gârlringen. art. Arkadia dans la Real-Encycl.
do Pauly-Wissowa, p. 1132. — Paus. VIII, 27, 4).
(1) v. 33. — Voici, d'apWîs Pausiinias (VIII, 27, 3), les localités et les dèmes
de la Parrliasift : IIappaa{(ov Se Auxodwpetç, ©wxvetç, TpaTteCoùvTioi,
ripo9E(ç, *Axax'^(nov, 'Axôvxtov, Maxapta, AavÉa. On y ajoute Biisilis et
Urenthé. On attribue aux Parrhasiens une monnaie avec une tête de Zeus et
la iégende II. Ilap. (Imlmof Hlumer. Mon. gr. p. 204. — Cardner. Cat, of
greek Coins. Pclop. p. 192, pi. XXX, 22, propose de l'attribuer A Paroreia).
(2) XV, 72,4.— Si Thucydide (V. 39) prolonge la IlappaTCx/j jusqu'aux confins
de la Laconie, en y comprenant l'/Kgytis, c'est jKir une simple synthèse géogra-
phique dont l'Iliade donnait iléjâ l'exemple (II, CiOS) : les districts de la vallée
de l'Alphée coexistaient sans se confondre en un xoivov.
MaiiUnée. — l^ft.
386 MANTINKE ET L'aIICADIE ORIENTALE.
Méfçalopolis Los absorba tous; los noms de Panliasieiis, crEutré-
siciis, (IMCfi^y lions, disparuronl du vocalmlaire polili([n« ; il
semble (|uc les eLhni<fues do Monalions el de Cynuriens subsis-
lorenl, ces pays n'ayanl pas été complètemcnl dépeuplés au
profil de Mé^aIo])olis (l).
Les Manlinéens descendirent dans celle plaine. Leur plan ne
mancpiailpas d'audace. Maîtres delà Parrbasie, ils fermaienlle
seul passage (|ui restai ouvert au centre de la péninsule. Appuyé
d'une parla TAi-j^olide el de Taulre à la Triphylie éléenne (2),
leur lerriloire agrandi complétait la barrière d'états anti-laco-
niens opposée à Sparte. Une zone continue traversait le milieu
du Péloponnèse d'une mer à l'autre : suivant le plan de Thémis-
tocle, Sparte se trouvait Isolée dans le Sud. De plus, ils pou-
vaient lendre la main aux Messéniens, les appuyer, comme
Athènes faisait à Pylos, inquiétera poste lixc l'arrière-pays laco-
nien cl ses débouchés du cùté de l'Elide.
D'après les termes <le Thucydide, la concfuéle de la Pairhasie
eut lieu entre Ml) et 422. J/absence de ville el le morcellemenl
politique de la région la rendirent facile et prompte (3).
CK>iiniinvccTog('c î^a «listance de Manlinée à la Parrhasi«» est de 8 à î) heures de
Hnuiiic marche. )\)ur intercepter les communications du pays avec la
Laconie, les Manlinéens avaient construit un ft)rtà Ky[)séla, sur
les confins de la Skiritis, et y enlrelenaienl une garnison (4)i
Peut-êlre curent-ils un instant l'illusion que celle con((uète
allait les élever au rang de gran<le puissance militaire et terri-
toriale. Mais il me semble dillicile ([u'ils aient fait grand fond
sur la solidité de leur nouvel élablissement. Celte cimquéte por-
(1) Kounirl. Inacr. du /V/o/;. .JW).,. —Si l'inscTi pilon est «lu IV" s.; sinon, il
faufirnit aduirltrcnviT M. Koucart, uno restauration do ccspcuphuiosau ill" s.
(2) I>prôon ôlall lril)Utairn «l'Klis (Tliiir. V. iU) cl dispuln* pjir Sparte.
(3) Toîç yxp JMavTiveudi ;AÉpoç ti tyj; 'Apxaoîa; xaxio-TcaTrro u7ty,xoov, sxi
Tou Ttpo; 'A07)vaiou; TuoXifxou ^vtoç^ xoti feVoaiÇov où Trepto-j/eiOai ff?p5ç Toù;
AaxcSxi[XOvioy; ap/eiv, k-KiiBr^ xai (r/oX^jV vjyov. (en Mi. — Tliui;. V, iîl).
(4) 'AjiaSî xotl TO èv Ku-j/ÉXoiç xeîj^oç dvaipTfJaovTeç, -^v 5uvo)vTït, 3 eTei/taav
MavTiVTJ; x«l a^Tol l^pouoouv, êv t9j îlappaaixvj xetijievov, iiti tyj ^xipixi^i xvjç
Aaxo>vixyjç. (Tluicyd. V.3.X — Cf. Sli'pli Hyz. Ku-j/sXa, ^poiiptov xexet;^tff;x£Vov
Iv'ApxaSiqt UTTO Mavxiviojv. Houxu^târjç irijJLTrxT)). D'après l'inilication do Tliu-
cydiilo, la placn riait siluro au S., sur la roule îU\ Lsiconie, dans la n^^ion do
L<'3ondarl, comme l'admollont ("urtius {Velop. I. \W)) et Hursian [Geotjr, r.
Gnech. II, p. iW). Pausanias n'i^n pnrie pas. O. Mfillor, rappolant cfue Kypsêlos
avait fondé Hasilis (Paus. VIII, 21), i) propose, |)our rette raison, d'idenliUi^r
HasIUs el Kypsélos {D irier. I, p. (»i, n" 2); mais il roconnalt lui-même quo
celle hypothèse s'iiccorde mal avec le text ■ de Tinicyilide.
de I^doliéion
(hiver 423).
L*E\PANS10N. LA CONQUbTK DE LA PAIUUIASIK. 387
tait ombrage à Tégée, qui considérait sans douUî les cantons
méridionaux delà vallée d(î TAIiihée connue roiupris dans sa
sphère d*inllucnce (1), et à Sparte, à (\u\ elle fermait rentrée de
TArcadie occidentale. Kn 't2'3, tandis (|ue Sparle, surmenée par
la guerre de Tlirace et par les succès même de Brasidas, se désin-
téresse un instant des alTaires du ]*éloponnèse (2), les T<'*géates se
chargent de la police intéiieure de la |)éninsule. Tégéales et
Mantinéens, avec leurs alliés respectifs, se livrent un combat
indécis dans la plaine de TAlphée, à Ladokéion, localité de
rOresthis (hiver 42.1) (3). Chacune des deux armées mit en fuite
l'aile ennemie; après des pertes considérables des deux cùlés, le
combat ne fut interrompu (pie par la nuit. Ou s'attribua la vic-
toire de part et d'autre; les uns et les autres dressèrent un
trophée et envoyèrent des dépouilles à Delphes. Cependant les
Tégéates, semble-t-iU avaient obtenu un léger avantage; ils
bivouaquèrent sur le champ de bataille, où ils se liAtèrent
d'élever leur trophée, tandis que les Mantinéens se retirèrent à
Boucolion (4) avant de dresser le leur. Un monument commémo-
ratif de cet événement fut consacré à Apollon avec la dlme et
érigea Manlinée dans le Téméuos d'Apollon (5).
Ce combat arrêta les juogrès des Mantinéens vers le Sud, aux u^iruii^stu-wi.
confins de l'Oiesthis. Ils ne scmgèrent plus (|u*à se maintenir
sur leurs conquêtes. La conservation de la Parrhasie devint le
grand souci de leur i)oliti([ue. Au congrès de S|)arte (avril 421),
{\) Le l)our^ (le l^il(»k(Mui), (l;ins l'OrosUiLs, rrroniinissaU pour fomliilcur
L;i(lf)koSf lils (ri'VliriuoSf roi do IV^co. (Paus. VUl, 4i, 1).
[i) Tliucyd. IV, 117.
(3) Thmyii. IV, 1:H. O^londroildovinl plus tard un raul>ourKdrM('^^';ilo|M>lis,
situ(S au S.-K, sur la routo do IV^ôn, iwr Al<^a ot Pallantlon (Pausiin. VIII,
U, 1. — Polyb. Il, iil, :J; "m, 2) : Pausanlas cl Pcdyho (Vrivont xk AaSoxeta.
(i) lloucoliun devait rtro à piru do dIsUinco au N. ou au N.-K. du champ do
hatalllo. Plhio v'ilv ttudlium parmi lo8 vlllos d'Arradlo ontrr lo Ciortys et 1o
Karnion (//. iV. IV, (i, 20). — Los alilôs dont parlo Thucydidr ôtalont, du crttô
dos ManUnôons, les Mônallrns ot los Parrhaslons ; du cùlô des TÔK^ates, los
l*:illanlions, los Asôales ot los Orostliasions.
(:>) Voy. Kouoart. ïuscr. du PHop. N«.Tii ^. p. *(JÎ). I/allrilMilion<looo monu-
ment à la halallledo Liidokêion est ronlirmôe. par dos raisons paléo^rniphlquos ot
par la ronséeration à Apollon, (fu'on doit rappriM'Iier do l'envol dos dôpoulllos
à Oolphos. 1^', monument do Delphes était prohahlemont l'Aixdlon i\o hronzo
qun clto Pausanlas, aux environs du trésor des (>)rinUdons : èx Sk MavTivetaç
T7|ç 'Apxxoiov 'AitôXXcov yaXxouç Icrriv àvâOY|{jLa (Pausan. X, 13, 4). On peut
dono supposer quo la hase, trouvco h Alantlnéo supportait aussi une sUitue (*\\
bronze d'Apollon.
388
MANTINÉE ET l'aRGADIE ORIENTALE.
ils votèrent la paix, avec la plupart des alliés, par crainle des
représailles (1); mais roppositiondeThobes, de Coriutlie, d'Elis
et de Mégare rendit cette i)rudciice inutile. La Ligue péloponné-
sienne se disloqua; la paix de Nicias fut aussitôt convertie en
une alliance ollensive et défensive (67tt|xa;^ta) de 50 ans entre
Sparte et Athènes (2). La délectation niantinéenne revint du
Congrès avec cette in([uiétante nouvelle : Sparte, délivrée d'une
guerre écrasanle, allait régler ses comptes arriérés. Ceux des
alliés dont Tatlitude au cours des dernières années avait été
suspecte commençaient à treu\lder. Entre tous, les Mantiuéens
étaient les moins tranquilles. Le synuîcisme, leur démocratie,
la Ménalie et la Parrliasie, les mettaient dans un mauvais cas.
ils sentaient que Theure de Texpiation approchait (.'J).
(1) Thucyd. V, 17, 18 cl iO.
(2) Thucyd. V, ti. — Manlinéc iidliéra aussi h ci*, second Uîxln (fu'on apjxda la
Paix Alti((uo : Iv xaTç (ncov8aT<; xaTç 'AmxaTç (Tluiryd. V, 20). Mais icsaliics
qui in sign^.ronl sn rondaicntcomplo' qu'ils n'y trouvaionl aucuno gsininllc :
on ciTpt, uno clause pcrmellait aux LactSilcmonions ol aux AUiéninns d'y re-
trancher ol d'y ajouter ce qu'ils jugeraient convenahle. Ijos ailiers prétendaient
se faire adinellrc au bênérire de celle clause et qu'aucun amendement ne se
fit stins leur approbation. Us commençaient à soupçonner un danger dans
l'entente des deux grandes puissances; de là îles protestations et des défec-
Uons : Sparte semblait trahir le Péloimnnêse. Il sullisait » son <Sg<»1sme d'avoir
obtenu la reddition de Sphuctérie.
(3) Thucyd. V. 29.
|OTffQf|orl j /\
H.oAo.-L.o.n-
U.o.olf L . O lk\
Kig. 53. — Tulles Avrc iiiscriplioiisf el pyramides votives.
(Vuy. AUX A|i|i«iiiliLT>. i''.|M{(i-H|»liie 5").
CHAPITRE V.
LA RÉVOLTE. LA LIGUE ATTICO-ARGIENNE.
(421-417).
Des agents corinthiens faisaient alors de la propagande en Traité
faveur d'une contre-ligue dont Argos recevrait la prostasie (1). '"*"' Argos, En*
La prospérité d'Argos n'avait fait que s'accroître. Elle se trouvait '^ Jl^n"**
prête à de grandes choses au moment où sa trêve avec Sparte
allait expirer (2). Le renouvellement de ce pacte dans les mômes
conditions n'étant pas possible, la guerre semblait imminente.
Les Argiens laissèrent venir à eux toutes les adhésions. Les
Mantinécns avec leurs alUés Ménaliens et Parrhasiens se firent
inscrire les premiers dans la nouvelle symmachie. Argos deve-
nait le refuge contre Tinévitable rancune de Sparte. L'initiative
des Mantinéens donoa le branle au reste du Péloponnèse (3) :
les plus hésitants se décidèrent à rompre leurs liens, persuadés
que les Mantinéens en savaient plus long qu'eux. Du coup,
l'ancien système politique de la péninsule était bouleversé :
Argos supplantait Sparte dans la direction des États ; Sparte
était honnie et méprisée.
Les Éléens, en guerre ouverte avec Sparte à propos de Lépréon,
entrèrent dans l'alliance (4) ; ils furent suivis par Corinthe et
(1) Tluicyd., V, 27.
(2) Ib. V, 28, il.
(3) Ih. V, i\l MavTiVTJç 8'auTOtç xal oî (ua}xa}^oi aôrwvicpwTOc icpoffe;^wpifjaav,
SeSiôxeç TO'jç AaxeSaifxoviou; . . . "ilazt à(T|jLevot Ttpoç toIiç 'Apyeiouç cTpaTiovro,
ndXtv xe jjLeyaXirjv vojjLiÇovTeç xal Aaxe8ai[JLOv{ocç àel Sta<popov, 5Yj|jLOxpaTOUfi.6vr|V
xe w(mep xal aOxot.
(4) Ib. V, 3i.
390
MANtlNËK KT L AllCADIK ORIENTALE.
Perle
de la Parrhasie
(421).
Intervention
d'Alcibiade et
d'Athènes.
par les villes de Chalcidique (1). On essaya en vain de séduire
la Béotie et Tégée : la vieille rivale de Mautînée se montra
inébranlable dans soo ressentiment. Elle n'oubliait pas l'absence
des Mantiuéensà Dipaia. Alors Sparte, encouragée par la fidélité
des Tégéales, se décide à ToITensive.
Les Lacédémoniens en niasse conduits par le roi Pleistoanax,
fils de Pausanias, euvabirent en masse la Parrbasie (été 42t).
Le pays supportait avec impatience le joug de Mantinée; les
cantons avaient appelé Sparte en Ul)ératrice (2). D'ailleurs le
fort de Kypséla importunait Torgueil laconieu. Les Spartiates
firent porter contre lui leur principal elTort. Tandis qu'ils assié-
geaient la garnison mantinéenne tout en ravageant le pays, les
Mautinéens confièrent la garde de leur ville à des troupes ar-
gienoes et accoururent en Parrhasie. Mais, repoussés du fort et
des bourgades, ils durent rétrograder. Les Lacédémoniens rasè-
rent Kypséla et rendirent aux Parrhasiens leur autonomie (3).
Les débuts de la ligne argienue n'étaient guère heureux.
Les alliés s'étaient crus capables d'improviser un nouvel ordre
de choses avec beaucoup d'illusions, des moyens médiocres et
une préparation insuffisante. Leurs échecs diplomatiques et
leurs revers militaires les firent réfléchir sur ce que l'entreprise
avait de prématuré. Pour avoir voulu jouer à la grande puis-
sance, Mantinée tombait de son rêve dépouillée de ses conquê-
tes : exemple qui prouvait aux États secondaires l'inanité des
ambitions trop vastes. De son côté Argos, depuis si longtemps
isolée, avait perdu l'habitude de diriger. Son rôle nouveau la
déconcertait. Elle ne sut pas inspirer aux autres États la con-
fiance qui eût provoqué la défection générale du Péloponnèse,
ni persévérer dans ses vues. En face de l'alliance attico-laco-
nienne, elle se troubla. La faction dirigeante avait plus de
bonne volonté que d'expérience politique. II manquait alors un
homme d'État de la trempe de Phidon. Aussi Argos se disposait-
elle à abdiquer pour rentrer dans l'orbite de Sparte (4), qui
l'eût accueillie avec joie (5), quand Athènes intervint, poussée
(1) C'est sans ilouto A co moment quo> fut conclue entre Klls, Argos et Man-
tinée Talliance ofTenslvc et défensive ii laquelle Thucydide fait allusion (V. 48).
Les Corinthiens se contentaient d'une alliance défensive avec Ar^^os : t7)v
irpcoTjfjv Y6vo{j[.£VY|v tTri|xay^iav. (V, 4«. — Cf. V, 31.)
(2) Thucyd. V, rw.
(3) Thucyd. V. 27-35.
(4) Thucyd. V, 40.
(5) Ib. 3G,
LA UKVOLTE. LA LIGUE ATTICOAIIGIENNE. îft)l
par Alcibiade. Soo ardeur raniiMa les rélopoiiDésiens décou-
ragés et sa clairvoyance les remit dans le bon chemin. Avec
une remarquable finesse, Alcibiade perça à jour la diplomatie
ambiguë des éphores qui se jouaient d'Argos (1), et dissipa les
malentendus qui empêchaient les Argiens de tendre la main à
Athènes (2j. La paix de Nicias était pour Athènes une duperie :
rincident du fort de Panacton, démantelé par les Laccdémo-
niens et les Béotiens avant d'être rendu aux Athéniens, venait
d'indisposer les esprits contre Sparte et contre le parti de
Tailiance personnilié par Nicias. Alcibiade, jeune, avide de
jouer un rôle, se fit un tremplin de cette (fueslion. H dénonça
le Traité Atlique, envoya de son chef des agents à Argos» à Man-
tinée et à Élis pour les engager à solliciter Tamitié d'Athènes
et leur promettre son concours personnel (3). Argos n'avait
renoncé que par impuissance au patronage des intérêts anti-
laconiens. Mais du moment qu'un État ami de longue date,
sympathique aux vœux des Péloponnésiens séparatistes, démo-
cratique et habitué à l'hégémonie, s'offrait pour prendre la
direction dont elle-même se sentait incapable, elle n'avait
plus qu'à se laisser mener. Les combinaisons d'Alcibiade
se rencontraient avec celles de Thémistocle : Argos, unie
à Mantinée et à l'ÉLide, deviendrait dans les mains d'Athè-
nes un instrument contre l'omnipotence Spartiate. Le Pélo-
ponnèse cessait de former un bloc inaccessible aux hoplites
athéniens. Jusqu'alors Athènes n'avciit pu que l'assaillir exté-
rieurement avec ses escadres ; pour la première fois, elle allait
l'entamer à l'intérieur. Les trois États envoyèrent donc à Athènes
une délégation (4) ; elle y rencontra celle des Lacédémonicns qui
venait proposer au peuple un arrangement. Il était à craindre
que le parti de l'alliance ne remportât. Mais Alcibiade sauva la
situation à force d'intrigues, malgré l'opposition de Nicias et de
ses partisans (5). Enfin le peuple conclut avec les plénipoten-
tiaires d'Argos, d'Elisetde Mantinée, le traité fameux copié par
(I) Thmytl. V, aï), 44.
{i) Ar^os s'inqiiirtail d'un Inûlv ronclu oiilrn Spjirlr i*l Irs Rôoticns rt,
priis.iU-rlIi', approuva par Allu>nns. Au cimlralro, i\ Atlidics, on le ju^'oail
coiiimn uno infrarlion à la paix «In Nicias (Thucyil. V, 40).
(3) ïliiicyd. V, W.
(4) Thucytl. V, 4i.
(ii) Thucy.l. V, 4;i. — Cf. Dlod. XII, 7;). — Pliil. Àicib. H, h"». — O'S (lou.x
ilcrnifTs lo.\los n'ajuulciU rioii à Tliuryiliilo.
I^.)2 MANTINÉK ET L*AHCADIE ORIENTALE.
Thucydide et dont un fragment authentique a été retrouvé sur
TAcropole (printemps 420) (1). Il était stipulé dans ce document :
Le traita avec 1" Lcs Athéniens d'une part, les Argiens, les Mantinéens et les
Aihènos, Argos ÉlécHS dc Taulre s'engagent pour cent ans à se respecter et à se
et tva défendre mutuellement sur terre et sur mer, eux et leurs alliés
<**"^" '"*"'-'> respectifs.
2r Les parties contractantes s'interdisent toute attaque les
unes contre les autres.
3* En cas d'attaciue d'Atlioncs par un ennemi, les trois autres
États sont tenus, en cas d'appel, de lui porter secours.
4® L'agresseur sera déclaré ennemi des trois États, dont aucun
ne pourra traiter avec lui sans l'assentiment des autres.
5^ Ces clauses sont réciproques et engagent également Athè-
nes, en cas d'attaque par un ennemi de Tun des trois Etats
contractants.
6^^ Les États contractants interdisent le passage des hommes
d'arme par terre ou par mer sur leur territoire et sur celui de
leurs alliés, à moins de décisions spéciales prises à l'unanimité.
1"* L'État qui enverra des troupes auxiliaires leur fournira
30 jours de vivres à compter du jour où ces troupes seront
entrées sur le territoire de l'État demandeur.
8o Au-delà de 30 jours, l'entretien des auxiliaires incombe à
l'État demandeur, à raison de trois oboles d'Égine par jour et par
hoplite, par psile et par archer, d'une drachme par cavalier (2).
9® L'État demandeur exercera le commandement des troupes
auxiliaires sur son territoire. Dans le cas d'une expédition exté-
rieure entreprise en commun par les contractants, chacun aura
part égale au commandemenL
10" Les Athéniens jureront pour eux et leurs alliés ; les
Argiens, Mantinéens, Éléens jureront par villes, tous par le plus
fort serment de leur pays, d'après la formule suivante : « Je
serai fidèle aux clauses du traité, sans dol ni dommage ; je
ne chercherai à l'enfreindre par aucun artifice ni d'aucune
manière. »
(1) Thucyd. V, 47. — C. I. A. IV suppl. I i(5l.. — Cf. KirchofT. Herméit. XII, 30 cl
suiv. — Scbûnc. ib. p. 47i. — Los di(T6rcncos de rcdacliori entrn l'original et la
copie dc Thucydide sont légères; elles sont impiit;ii)ies soit à Thucydide lul-
môme soit au secnHalrc qu'il chargea dc lui transcrire lo document, soit aux
copistes des manuscrits, llicks. Greck liistor. inscr. 52. — Classen. Thucyd.
Vorbemerk. VIU, p. XXV. — Slahl ai Thucyd. lib. V.
(2) Voy. Dœckh. StaatshanshaUung. H, p. G et sulv.
LA RISVOLTË. LA LIGUB ATTICO-ARGIENNi:.
Ml
Coiisé(|tiencrs
du Irnité.
Ho Le serment sera prêté à Athènes par le Conseil et les auto-
rités év^fxoi, et reçu par les Prytanes ; à Argos, prêté par le
Conseil, les 80 et les Artyues, reçu par les 80; à Mantinée, prêté
par les Démiurges, le Couseil et les autres aulorilés, reçu par les
Théores et les Polénianiues (1) ; à Élis, prêté par les Démiurges,
les magistrats, les 600, reçu par les Démiurges et les Tliesmo-
pliylaques. Les sermeuts seront renouvelés par une délégation
athénienne qui se transportera à Élis, à Mantinée et à Argos
30 jours avant la fête Olympique, et par des délégations argienne,
éléenne et mantinéenue qui se rendront à Athènes dix jours
avant les Grandes Panathénées.
12" Les clauses relatives au traité, au serment, à Talliance,
seront gravées sur une stèle de marbre exposée à Athènes sur
l'Acropole, à Argos sur Pagora, dans le temple d'Apollon, à
Mantinée dans le temple de Zeus sur l'agora. Une stèle de bronze
sera placée à frais communs à Olympie pendant la fête Olym-
pique qui va s'ouvrir (Olymp. 90, 1 = 420).
13° Les amendements seront l'objet d'une décision commune
qui fera loi.
La portée de cet acte ne pouvait échapper à Sparte. C'était la
rupture de la Paix Attiquc(â).La guerre allait reprendre de plus
belle. L'équilibre des forces hel1éui(|ues se trouvait déplacé :
voici qu'Athènes s'ingérait dans les allaires du Sud et dirigeait
une ligue péloponnésienue, situation nouvelle grosse de sur-
prises pour Sparte. Celle-ci voyait l'œuvre lente du siècle
précédent remise en question par la dislocation de l'ancienne
symmachie péloponnésienue. La barrière centrale, tracée par
Phidon et par Thémistocle, se dressait par les soins d'Alcihiade,
avec un front de trois villes puissantes : Argos, Mantinée, Elis.
L'ellort de Sparte pour se dégager porterait sur cet obstacle. Il
lui fallait s'ouvrir une trouée au cœur du Péloponnèse. Ainsi le
théâtre des hostilités allait descendre de la (îrècc centrale en
pleine péninsule ; la guerre attique (3) se changeait en guerre
mantinéenne (4).
Le premier acte de la quadruple allinnce fut de mettre les Les hn»tiiité!i.
Lacédémoniens hors la loi, en leur interdisant l'accès de l'Altis ^«"M'-Kn»' «rAici-
liiade (rtr i*0).
(1) Voy. plus haut, p. 340.
(2) Oflicicncinont, Ifs traités antôriours nn furent pas annulés (Thucyd.
V, 48).
(3) àxTixo; KÔXcixoç. Tliuryd. V, 31.
(4) 0 MavTivixoç 7TÔXep.0(;. Thucyd. V, 20.
{il 9- il 8).
394 MANTINÉK KT l'AUCADIK OHIISNTALK.
Guerre Olyiîipicfiie (1). Udg Iroupc de nulle Argiens, de mille Manli-
d f.|)i.iiiiire ncens renforcés par de la cavalerie alhénienue vinrent aider les
/<io iia\ . '^
Kléeus à faire respeclcr l'excomnuinication. Un Lacédémonien
fut même bàlonné dans rilippodromc : Sparte ne bougea pas
(été 420) (:2j. On tenta eusuile une démarciie collective auprès
des Corinthiens, mais sans succès : un tremblement de terre
interrompit les pourparlers. D'ailleurs rentrée en scène d'Athè-
nes était plutôt faite pour éloigner Corinthe de la Ligue et
riucliuer vers Sparte (3). Athènes pril ses mesures pour parer
à ces mauvaises dispositions. Après avoir établi une ligne d*atta-
(|ue intérieure, il lui restait à compléter Tinvestissement des
cales pélôponnésiennes (4) en s'assurautd'un port sur le littoral
Sud du golfe de Corinthe, en facede Naupacte, de façon à boucher
rentrée de celte mer close. Alcibiade,élu 8tragège{été 419),entra
dans le Péloponnèse, à la tète d'une poignée d'hoplites et
d'archers athéniens, ([ue grossirent bieutùtles contingents des
trois républiques. Il promena les troupes alliées pour cousoliier
sur son passage les affaires de la Ligue (5). 11 aboutit à Patraiet
décida les Patréens à prolonger leur mur jusqu'à la mer (6).
Patrai acquise à Palliance, Corinthe pouvait être bloquée au fond
de son immense rade. De lautre côté de Tisthme, sur le golfe
Saroniqiie, Athènes et Argos se ^im^^lag^'^i^i^l '^ souveraineté.
Seule t'oligarchique Épidaure tenait pour Corinthe et pour Sparte.
La possession de celle escale, outre qu'elle permettait de com-
pléter le blocus des ports orientaux de la Corinthie assurait les
communications rapides entre Athènes et les membres de la
Ligue. La roule de terre entre Athènes, Argos et Mantinée
appartenait aux Corinthiens. La voie de mer obligeait les navi-
res chargés d'hoplites à doubler le cap Scyllaion au bout de
PArgolide. La route mixte, maritime du Pirée a Épidaure par
Egine, terrestre à partir d'Épidaure, coupait le massif argotique
par le milieu. (]'était la plus directe de toutes (7). Alcibiade,
(1) Tliucyd. V, 4iK
(2) Thucyd. V, l\[). — Xéii. Ilellôn. III, i.
(3) Thm-yd. V, iH-.iO.
(i) Alliriii's, jKir la Qua<irii])l(' Alllaiico, voyait, s'ouvrir à sos rsracircs li's
iwrls d'ArffOS, do Pylos, <Ip IMicla, de Kyllrno. Omtre (>)riiitlir, elle disposait
do Naiipjicle, de i'Arariianie et d'Ar&;os ani])hilorhi(]uc.
{5} Thucyd. V, \M.
((>} Il Umta vaiiKinent de for(in|r lUnnn (Thuryd. V, ;>2).
(7) Los lrl<^res pouvaient elTerluer le trajet du Pirée h Kpidaure en 8 ou
9 heures et même moins par un bon vent. D'Kpi<laure i\ Ar^os, on compte
LA HKVOLTB. LA LÏGUK ATTlCO-AROIKiNNE. 395
péoélré lie rimportimce stratégique dM!;i)idaure, voulut Tiic-
quérir à la Ligue fl). La ville, serrée de près parles Argiens,
appela Sparte à sou secours (été 419) {2,). Eu uK^me temps, sur
riuvilalion des AUiéniens. un congrès se réunissait à Manlluée
pour régler la situation de la Ligue à Tégard de Corinllie (3).
Les députés de Corintho, par ia houclni (fEupliaundas, protes-
tèrent contre l'expédition d'Épidaure, alléguant (juou ne |)ou-
vait traiter de la paix alors qu'on faisait la guerre. Ils réclamè-
rent, avant tous autres pouiparlers, la suspension des liostilités :
elle leur fut accordée. 11 y eut aussitôt une seconde coutérence,
mais sans résultat. Les Argiens retournèrent ravager VKpi-
danrie, soutenus par les mille hoplites d'Alcibiade. Les
Lacédémoniens s'avancèrent jusqu'à Caryai l\), puis chacun
rentre cliez soi vers la fin de Tété (5). Les Argiens tentèrent
sans succès le siège d'Épidaure durant l'hiver de 419/418 (6).
Nonobstant ces hostilités, la paix de 50 ans entre Sparte et Action de simito.
Athènes n'ayant pas été dénoncée formellement, subsistait ; CaminKne aAgi»
mais les deux alliés se traitaient en ennemis. Thucydide (7) a ••" '^'-k"'"»^-
raison de compter cette période pacifique dans l'histoire de la ''j|^i)',*/i ^i^^**^
guerre du Péloponnèse, car c'est vraiment alors que la lutte
devint péloponnésienne. Les guerres d'Épidaure et de Mantinée
marquent les premiers épisodes de cette seconde phase. Sparte,
voyant le Péloponnèse en feu, comprit qu'il fallait agir avec
vigueur, à peine de déchéance définitive. Au milieu de l'été 418,
elle fil donc appel à toutes ses forces valides, incorpora sous
les ordres du roi Agis les hilotes et les prisonniers de Pylos
réhabilités. Elle réclama contre les séparatistes le concours de
10 liourrs «lo marrlio. Du Plrrn à Naiiplio, on coiitniirnaiil rArf;oli<t(% Irs viits-
soijiix ninioiii'8, iliiiis les riixîonstaiirns los plus fnvorabirs, dovaioiil roiiiptrr
au muins .'K) li(Min\s dn rouln conliniin (tN) iiiillos marins, à l\ nùWvnii riiciii'e).
(1) Tlniry«l. V, l\;\.
(2) Tliiicyil. V, .'i'K
{'A) I^* cliuix (inMantiiirc romnio. Vivu do rôiinion s'<^\ptif|iii^ par sa position
au fc^nlro dos Étais allies.— Voy. une uUusion à crtlo confôronco dans In discours
d'AIrlblado (Tluicyd. VI, 10).
(i) Une première «lémonsl ration avait dôjà été faite par Af^is du ^^t^^ de.
l'Klid«* et lie la Parrhasio ; mais il s'était arrêté à Leuclra, sous prétexte (|ue les
présages n'étaient pas favorables (Thucyd. V, Gi).
(!>) Tbueyd. V, îi.'».
((î) lit. V, Iji't. niodore (Xll, 7«) substitue Tnezéne i\ Kpidaure : c'est une erreur
manifeste.
(7) V, iMi.
3tK> MANTINKE KT l'AHCADIK OHIKNTALE.
tous ses alliés péloponnésiens et autres. Entre autres Arcadiens
fidèles, les Tégéales, les Méiialieus du Sud, les Orchoméniens,
les Pliliasicns au complet, puis Sicyone, Pellëne, Épidauro,
Corinlhe (2000 hoplites), Mégare mireut sur pied leurs uïilices.
La Héotie fit un grand clTort : 5000 hoplites, 3000 psiles, SOO
cavaliers, 500 hamippos vinrent renforcer ce qui restait de
l'ancienne syinuiachie péloponnésienne. L'objectif était Argos.
Agis avait désigné aux corps auxiliaires comme point de con-
centration la plaine de Phlious, contîguë à TArgolide. Lui-
môme, à la tôle des Lacédémoniens, prit pour s'y rendre la
route de Tégée, puis contourna le territoire mantinéen par la
Ménaiieet Méthydrion, possessions d'Orchomène. Il y rencontra
les troupes séparatistes qui avaient de leur côté fait de grands
préparatifs ; les Argiens comptaient auprès d'eux 3000 hoplites
éléens et presque autant de Alantinéens accompagnés de leurs
alliés ménaliens (1). Leur plan consistait à attaquer Agis
isolément avant sa jonction avec ses auxiliaires et ù lui
couper la route de Phlious. Mais Agis les déjoua en se déro-
bant à la faveur de la nuit et gagna rapidement son point de
concentration (2). Au matin, les ennemis, le voyant échappé,
crurent qu'il marchait sur Argos. Ils se hâtèrent de courir au
secours de cette ville (3), puis, quand ils surent les Lacédé-
moniens a Phlious, ils s'attendirent à les voir déboucher par
la route la plus commode, celle de Némée. Ils commirent l'im-
prudence de s'y embus(fuer sans surveiller les autres passages.
Agis les trompa derechef. Il divisa son armée en 3 corps, en
assignant à chacun une direction dillérente, qui les ferait
converger dans la plaine d'Argos (4). Les troupes de la Ligue,
(1) Tliiiry(IUIfî(V, JiSj illt soiijoinont : èpOY,0Y)«xav 5*aÙT0Îç xal MavTtVTJç, e/^ovreç
TO'jç ff^CTÉpouç Çuaftâyou;, xal MIXsuov Tp«r;^iXwt ôwXTxat. Dlwloiv (XH, 78) on
a conclu qiio les clfiix rontinjçriits nlliôs <Haii'nl à pou prôs i^k»«^- Kn comptant
10 f'i 12.()00 lioplilos pour IVITiM'tlf d'Argos, rariiirr sïSparatlsto peut «Mro. (évaluée
A environ 18.000 hoinnirs de grosso infanterie. Voy. rAppcndice.
(2) Sans doute par Orelïonn'ne (lyîvûli), Kan<lyln, Scotini (marche de 20
heures).
(3) Par Manllnée et la route du Prlnos (Tsiplana).
(4) ïhucyd.V, (W. Quatre routes franeliissent les montagnes limitrophes do la
Phliasicetde l'Argolide : I" si l'K. par Némée, Cléonal, Ténéa et les Kontojwreia
(route ancienne de (lorlnthe à Argos); 2" au N. par Némée et leTréton (route
moderne iwir le délllé de Dorvénalti); 3" plus îi l'ouest, par les défilés du Poly-
phengl (ancien Kélousa.— al Tcapi KtjXoïïcrav cupoXai. Xcn. IlelL VII, 7) et du
Karnéatés. Ck^tte route venue directement de Phlious rencontre la précédente
LA névOLTE. LA LIGUK AÎTICO-ARUIICNNR. 397
tournées par les habiles manœuvres d'Agîs, cernées par Tannée
grecque la plus magnifique qui se lût jamais réunie, se Irojii-
vaient fort compromises, prêles pourtant à se battre avec
aclinrnenienl. Agis eut peur sans iloulo de celle elTroyable
môlce. Deux Argîens sans mandat étant venus le trouver, il
conclut avec eux de son propre chef un armislice de 4 mois;
puis il ramena par Némée ses troupes, fort méf^ontentes de
se voir frustrées d'uue victoire certaine (1).
A Sparte aussi, ce dénouement imprévu fut très mal accueilli. imimMon
On avait espéré infliger aux séparatistes une rude le<;on ; et «l'Argo»;
voilà que la politique sentimentale d'Agis avait fait avorter "•'^"•"**^^^^^^^^^
les promesses de cette belle entrée en campagne (2). A Argos, .lorebomènc.
le peuple désavoua TiDitiative des deux citoyens qui Tavaient (i«r «n is août
engagé sans son ordre (3). Il craignait surtout les reproches ^is).
on conlrc-lw8 do Mycônes; 4"au s. 0. pur Ornôai (Palaio-U'ondi), Lyrkria cl
rinac'lios. L'annôo d'Af^is so diviso on truis corps : 1" los Hootitins-M ôga riens -
SIcyonlons prennent la route directe do Némée par \v Tréton (rouh* suivie
aussi par Agésii^olis on ÎKK). Xén. Uell. VII, 7); i" A^rls avec les I^cédénu»-
nions, les Arcadicns et les Kpidauriens (aXXir)v l/wpYjcre ^/(ÂAt^z■r^y^ xal xottipr\
CiÇTo 'ApYEUDV iteSiov). 0. Mûilor (/ioricr, M, p. wi) et Hoss {Reisen, p. 27) ont
pensé qu'il s'agissait do la route du Kol«>usa. (^urtius {l'rltipon^ 11, (i. ;")8.'t)
opine pour la rciute do Cléonai. Mais c'est ini|M)ser un hien long détour au
chef de l'armée, [>ressé de couper aux Argiens, emlMis(|ués sur la route de,
Némée, le chemin de leur ville et «le les prenilre à revi'rs entre ses propres
trt)U|)es et son i" corps. Je jM'nso donc qu'Agis prit le chemin d'Ornéai et t|ue
le hameau do Saminthos se place entre Skala et Kout/.o)MNli. Do plus, les
tormos de Thucyiiide. c(uivienuent mieux à un ciiemin ili* montagne qu'à la
grande route do CorinUuv, ;i" les (Corinthiens, Pellénéens, Phliasiens prennent
élpOiov CTEpav, c'est-îi-dire une. autre route escar|)ée, sans aucun doute ct»ll<;
du Kélousii, entre les deux précédentes. En elTet, les Argii'ns, dès qu'ils stmt
avertis de ces dispositions, reviennent en arrière sur la route tie Némée, ren-
contrent ce 3* corps d'armée qui les a dépassés par une marche parallèle, et
ont avec lui un engagement.
(!) Thucyd. V, (K).
(2) Agis n'avait pas réuni le conseil fie guerre. U avait seulement commu-
niqué sa décision à l'un des deux éphores chargés de contrôler en sil(*nce les
actes du roi, MiaMreahsolu des opérations militaires ('rhuryd.V,li<i). Depuis lors,
on Jugea hou de resfrclridrf ces poiivoln: llllriiMéi: m iidJol/Miniil mu loi un
f>ms(>il do 10 SparUates (5Éxa ÇufJLpouXot. Thucyd. V, l'CI). Agis ne fmuvait plus
conduire une armée au dehors sans ce comité consulUitif. Au siècle suivant, il
y a, autour du roi, .'M) conseillers choisis par lui (Plut. Lya. 2.'). Agt^s. .'M5. —
DIod. XIV, 79. — Xén. Uell. V, 3, 8). Le commandant <n chef devait prendre
leur avis, mais II restait maître et res|)on8{ibIe de sa décision.
(3) Thucyil. v, l'M
398 MANTINKl!: ET i/aHCADIK OllIENTALE.
de ses alliés, Iroinpés et trahis par celle brusque çouclusioo (1).
Mais d'aulre pari le formidable déploiement des forces adverses,
la scieuce consommée du commandant sparliale avaient pro-
duit une impression profonde. Au contraire, malgré leur bra-
voure, les troupes de la Ligue argienne avaient été conduites
avec une impéritie notoire. I^a lutte paraissait inégale. Ces
rêllexions poussèrent les Argiens à la prudence : le Irailé ne fut
pas rompu. Aussi quand les nouveaux stratèges athéniens,
I^achès et Nikoslralos, arrivèrent avec un renfort de 1000
hoplites et de 300 cavaliers et Alcibiade comme envoyé diplo-
mali(|ue, on refusa d'abord de les recevoir. 11 fallut Tinsislance
des Manlinéens et des Eléens, qui ne voulaient à aucun prix
abandonner la partie ni subir seuls les risques de celte équipée.
Alcibiade déclara qu'un Irailé conclu sans l'aveu des alliés
éliiit nul et non avenu; il fit valoir les intérêts delà l^igue,
réclama une action immédiate et collective, alors que toutes
les forces fédérales se trouvaient rassemblées. Le séduisant
Athénien n'avait qu'à parler pour convainci-e. Il avait pour lui
le charme de l'éloquence et le prestige de l'intelligence :
les alliés sentaient en lui un chef digne de confiance. Son plan
se présentait clair, logique, impérieux. 11 fallait abattre l'une
après Tautre les forteresses de Tinfluence lacédémonienne,
Orchoniène, Tégée, puis entraîner avec soi toute TArcadie.
Les alliés étaient tout feu tout flammes. Les Manlinéens s'exal-
taient à l'idée d*assouvir leur vieille haine contre leurs rivales ;
lesEléens calculaient qu'on irait pour eux reprendre Lépréon,
occupé par une garnison lacédémonienne. Mais cet enthou-
siasme mettait les Argiens dans une fausse position. Au fond,
ils avaient envie de suivre Alcibiade: mais un reste de
scrupules et de (imidilé, sans doute aussi l'iniluence du parti
lacouien qui avait fait survivre l'œuvre des négociateurs
improvisés à l'indignation populaire, paralysaient leur élan.
Ils laissèrent donc les alliés aller surprendre Orchomène,
et ne les rejoignirent qu'un peu plus lard. La ville, après
plusieurs assauts, se rendit et fut obligée de s'adjoindre à
ses nouveaux maîtres. Le bénétice de cette recrue était
déjù considérable en lui-même; mais Alcibiade en avait
(1) Lo. rjiiiip dos si'iKirjitislrs, ilo son nXr, nv. inanquiiit pas do ronfinnco. :
ns s'imagiiiairiit <|uo jamais la parUo no sVtail prôsmlro plus hollo, puisqu'on
(lovait conihalli'o à pruxintitô do la villo, avoc dos Iruupos aussi nonibrcusos
quo bravos. (Tluioyd. V, IXH'm).
LA HÉVOLTE. LA LIUUK ATTIGO AUGIBNNK. 3UU
escompté un profit encore plus étendu. En elTet, les Lacédé-
moniens avaient confié aux habitants d'Orchomènc la garde des
otages qui leur garantissaient la iidélité des cantons arcadiens
englobés dans leur symmachie (1). Depuis le serment prêté à
Cléomëne (2), Sparte jugeait prudent de prendre certaines cau-
tions. La capture de ces otages était un coup de maître. La ligue
argienne tenait par eux les niaius liées aux États de TArcadie du
Nord et de TOuest. Pour plus de sûreté, ce précieux gage fut
confié aux Mantinéens. Comme l'exemple de Sparte était bon à
suivre, on y ajouta des enfants pris parmi les Orchoménieus
eux-mêmes et des otages parmi les Ménaliens suspects (3).
Le rôle de Mantinée grandissait. Ce premier triomphe la ren- Lafruerr^
dait plus impatiente d'obtenir une satisfaction suprême, Tavilis- *'® MmuimHî
sèment de Tégée. Quand, dans un conseil tie guerre tenu à ^*"'"" ""*^' "*^'
Mantinée, les alliés délibérèrent contre quelle place ils mar-
cheraient d'abord, les Mantinéens insistèrent pour Tégée. C'était
leur intérêt et celui delà Ligue : aussi ceux d'Argos et d'Athènes
se rangèrent-ils a leur avis. Mais les Éléens, las de ne rien
récolter, réclamaient la prise immédiate de Lépréon. Ils s'obsti-
nèrent dans celle prétention déraisonnable. Quand ils virent la
majorité décidée à ajourner leur récompense, le dépit l'emporta
et ils rentrèrent chez eux. Leur départ affaiblissait l'armée nota-
blement, en lui enlevant 3.(HX). hoplites k un moment critique.
Tégée, épouvantée par la chute d'Orchomène et par les prépa-
ratifs des troupes concentrées à Mantinée, songeait à se ren-
(i) Tliurydidr nr iioinnic |);is les pciipirs iimiilicns ipii :i\;ii(Mil suivi OitIk»-
nirnc. rt Tr^ôr. Il y avîiit prolKiliInnrnl parmi ces otages «los p^'rns dn Slym-
pli'.ilo,(l(* IMn''niM»s, «II» Kh'ltnr, ol cli's Ktnls clo l'Airadio soplcnlrioiiiilr. Tliiicydido
(V.77) rilrpHniii 1rs <dap's,ipn* 1rs Armions sVnjjjifçriit à r('sUlitrr,df'Si>fônali('n<«.
Il rsl prolmlilo t\\iv la Alrtialii* avail voulu, coiniiio la Parrhasif, s'alTraiictiir do
la duniinaliou inanliurmur i-l tjuf Manliurc s rlail assui'<^ des ^^ip's parmi eux-
(i) lliriMl. VI, 74.
(IJ) Tliucy»!. V, r>l cl 77. Huv:€r|(iav (o(jtc Çua{i.a/ot ts eivat xai ô(i'/ipou; (jîp(îiv
Te auTÔiv Sauvai xotl MavTivsuai oOç xotTÉOevTO Aaxe8ai|jLOvioi, TrapocSoUvat,
<»u bien : Souvai MavnvEuçi xal ou; xaxÉdsvTO AaxeSoiiuoviot TrotpaSouvott
(Voy. Tluicyd. trad. Kirmiit-Didol, II, p. 7()i). Li*s commciilalfurs n'cmt pas
conipris pimniuoi les Ma ni! nôr ns ôlainilsruls qualilirs pour nri'voir liMlrpOl
désolâmes. Us ont supposa f|u'il s'a^^dssait dos aurions snjols do Mantinôo, dos
Parrliastons. Mais la Parrhasio ôlait alTranoIdo : ollo avait sollioilô ollo-mômo
di*Sparlt^sN lilNTation. Si Spart«* avait ou dos ^a;;(*s à prondro sur los cantons
])arrliasions, c'ost il Tômîo, noua Ordiomôno qu'ollo los aurait ocmUés. A mon
avis, il n'y a aurun rapport onlro los Parrliaslons ol los ota^os onquostion.
400 MANTINÉK KT L'AnCADIK ORllâNTALB.
dre (1). Mais il fallait se hâter, eo présence des armements de
Sparte. Agis brûlait de prendre sa revanche. Il avait promis de
se réhabiliter d*une faiblesse qui avait failli lui coûter sa fortune
et sa maison (2). Sparte fit des prodiges d'activité pour recons-
tituer rarmcc péioponnésienne. Spartiates, Périèques, Uitotes,
toute la population fut mise sur pied avec une incroyable promp-
titude. Celte fois l'objectif était Tégée, mais c*est à Oresthéion
qu'Agis alla concentrer ses premières troupes, afin d'entraîner
la Parrhasie. Sou armée organisée, il en élimina les éléments
trop jeunes et trop vieux, soit environ le sixième de ses forces
et les envoya en Lacouie garder le pays. Puis il entra à Tégée
par la route d'Aséa-Pallantion ; ses auxiliaires Arcadiens,
Uéréens et Ménaliensdu Sud, vinrent Ty rejoindre (3). De là, il
lança des convocations aux alliés du Nord, Corinthiens, Béotiens,
Phocidiens, Locriens en leur donnant rendez-voub devant Man-
tinée. Mais il ne pouvait guère compter sur leur concours immé-
diat : Tordre de mobilisation, allait les surprendre à Timpro-
viste ; il leur faudrait s'attendre les uns les autres, pour ne pas
s'aventurer isolément sur le territoire ennemi d'Orchomène,
qu^ils étaient obligés de traverser avant d opérer leur jonction
avec le roi. Agis s'empressa de couvrir la place, eu prenant posi-
tion sur le territoire mantinéen, qu'il ravagea.
HHUiiifl Les troupes séparatistes s'installèrent sur les pentes de l'Alé-
de Maiitinôe gj^^. Agis dut cuiploycr la ruse pour les en déloger (4). Puis les
(fin Aoiit 418). j^^^ armées se rangèrent en bataille dans la plaine. Avant d'en
venir aux mains, les généraux haranguèrent leurs soldats de
part et d'autre (5). Les polémarques de Mautinée rappelèrent à
leurs concitoyens que cette bataille allait décider le sort de leur
patrie, lui assurer la domination dont ils avaient joui ou les faire
tomber en esclavage. Après les discours, on en vint aux mains.
Dans cette mémorable journée (6), la moitié de la Grèce était
engagée : « Ce fut, dit Thucydide (7), qui en a soigné le récit avec
une attention particulière, la plus grande rencontre qui eût
(1) Tliucyd. V,(îi,G*.
(2) Thucyd. V, (W.
(:i) Thucyd. V, (Mi.
(4) Voy. IVxplicalion do su inami'.uvrc plus liaul, p. 44.
(i)) Alribiado, rriivinlpiisdccoiumHndoin<Mil(Tliucyd.V,(îl). DitMiorocn coiiclul
qu'il so Irouvall dans lc8 rangs uUiônions comme simple soldai (Diml. XII, 79).
(0) Voy. l'étude détaillée de la bataille ellc-mônic, aux Appendices.
(7) Thucyd. V, 74.
LA RéVOLTK. LA LIGUE ATTIGOAIlUieNNE. 401
encore mis aux prises des forces grecques et les Klats les plus
considérables. » Elle se termina par la déroute des séparatistes,
(yen était fait pour longtemps de riudépendancepéloponnésienne.
Atlicues fut reléguée cliez elle. Sparte redevenait ce qu'elle était
avant la guerre, la souveraine maîtresse de la Péninsule (1).
C'était aussi une délaite pour la cause démocratique. Partout, les
partis laconieus se redressèrent. Le faisceau des (|uatre Étals,
qui devait durer cent ans, se rompait au bout de deux ans à
peine.
Ce qui avait triomphé dans cette bataille, c'était le nombre, la campagne
discipline et la ténacité lacédémoniennes. Agis avait commis «l'Épidanre (sept,
des fautes. Les Mantinéens et leurs amis d'Argos montrèrent ^'^^'
plus de bravoure et d'audace que de résistance. Les Athéniens et
les Éginètes, trop peu nombreux, s'étaient débandrs en laissant
leurs stratèges sur le terrain. En tout, la Ligue perdait 1100 tués,
dont 200 Mantinéens. Malgré ces pertes et l'écrasaote alTirmation
de la supériorité militaire de Sparte, les confédérés ne jugèrent
pas la situation tout à fait perdue. A peine les Lacédémonieus
s'élaienl-ils retirés pour célébrer les fêtes carnéennes que les
Éléens, repentants de leur défection, accouraieut a Mantinée avec
leurs 3000 hopliles; Athènes envoya un renfort de 1000 hommes.
L'armée séparatiste, reconstituée, marcha sur Kpidaure, qui
avait prolité de l'absence des troupes argieunes pour ravager
TArgolide. Le siège ne fut bien conduit que par les Athéniens.
Les autres alliés s'ac(|uittèrent mal de leur tâche : il s'agissait
d'élever un mur autour de la ville. L'opération fut abandonnée;
chacun fournit son contingenta la garnison qu'on laissa dans le
fort bâti par les Athéniens, puis on rentra chacun chez soi vers
la fin de l'été 418 (2).
Alors, les Lacédémoniens s'aperçurent qu'ils n'avaient pas Troii^emre
recueilli tout le bénéfice de leur victoire. Ils se remirent en cam- simrie et Argos
pagne dès rhiver418el s'installèrent à Tégée pour mieux diriger {oct.-noT.-dcc.
les événements qui se passaient à Argos. La démocratie argienne ^**^-
subissait le contre coup de la défaite. On lui reprochait de
n'avoir tenu aucune de ses promesses. L'opposition oligarchique,
([ui avait déjà afTirmé son influence par l'étrange conclusion de
l'armistice avec Agis, profita du désarroi de ses adversaires et de
(1) Ello sïiUiit ri^habilitôc aux youx des Grecs qui hii reprochaient son apathie,
son imprévoyfinee et si»s lenteurs {Thucyd. V, 71)).
(î) ThurytI. V, T.\.
.MniitinAe. — il.
402 MANTINKË K-r l'auCADIK OUIENTALK.
l'appui des Lacédéinonicns pour tenter un rapprochement défi-
nitif avec Sparte (1). Le débat fut très cliaud. Aux menées des
partisans de Sparte, Athènes opposa les siennes. Alcibiade revint
à la charge. Mais Tarmée réunie à Tép;ée faisait tort à son élo-
quence. Aussi l'assemblée adopta le principe de Taccord sur les
bases suivantes (2) :
l"" Restitution aux Orchoméniens, aux Ménaliens et aux Lacé-
démoniens des otages et prisonniers enfermés à Mantinée.
2<' Rupture de la trêve avec Athènes si les hoplites athéniens
n'évacuaient pasËpidaure.
3"* Autonomie de toutes les villes du Péloponnèse, tant grandes
que petites, laissées libres de se gouverner à leur guise.
4'' Coopération des armées argienne et lacédémonienne en cas
d'invasion du Péloponnèse.
Bientôt après Tadoption de ces préliminaires, les oligarques
remportèrent un succès plus décisif. Ils firent dénouer l'alliance
avec Mantinée, Élis et Athènes, et conclure un traité avec Sparte
aux conditions que voici (3) :
lo Les deux villes sont sur le pied d'égalité.
2° Indépendance des villes péloponnésiennes signataires du
traité et leur égalité.
3® Statu quo pour les alliés de Sparte et d'Argos.
4^ En cas de contestation entre les villes alliées, ou recourt à
l'arbitrage.
50 Sommation aux Athéniens d'évacuer le Péloponnèse.
6® Engagement de ne faire la paix et la guerre avec qui que ce
soit que d'un commun accord.
Sans plus tarder, les nouveaux alliés entrèrent en pourparlers
avec le roi de Macédoine Perdiccas dont la famille se rattachait
aux Téménides d'Argos et avec les villes de la Chalcidique pour
les alTilier à leur Ligue.
Isolement La défcctiou d'Argos créait une répartition nouvelle des forces
de Maatin^e. poHtiques du Pélopounèsc. Les alliés abandonnés se trouvaient
Poix de 30 Rns ^rjjjg „jj^ situatlou dcs plus déUcates. Le premier mouvement
(a^Mi?)* ^®® Mantinéens fut de tenir tôte à l'orage, avec l'appui d'Athènes.
(i) Arist. Polit, V, 3, 5 : Kal ev "Apy^i *>^ Y^iopijxoi eù§oxt[i.v^(ravT€; irepl tyjv
év MavTivefot |jLâyT)v tY|V irpoç AaxeSaijJLOvtouç èire/etpyiffav xaTaXueiv tov ôtijjlov,
Cr. Thucyd.' V, 7(i.
(2) Thucyd. V, 77. Le texte est en dialecte laconien.
(3) Thucyd. V, 78 et 71). Texte en dUilccle hiconicn.
LA HKVOLTK. LA LIGUK ATTIGO-AHGIENNK:.
4o:{
Mais ils ne tardèrent pas à reconnaître leur impuissance et leur
isolement. Ils se résignèrent donc à abdiquer encore une fois :
ils firent la paix avec Sparte, en renonçant à la domination de
la Parrhasie et de la Ménalic (1). Leurs rêves de grandeur s'écrou-
laient. La courageuse cité, vaincue par la mauvaise fortune, sut
du moius conserver son honneur au milieu des trahisons qui se
tramaient autour d'elle. Elle restait fidèle de cœur à la cause
séparatiste. Tandis que Lacédëmoniens et Argiens intriguaient
de concert en faveur des restaurations oligarchiques, elle se
renferma dans une abstention pleine de dignité. Elle attendit
avec patience des jours meilleurs : la crise n'était-elle point pas-
sagère (2), les plus solennelles alliances bien précaires et Tamitiè
(1) Thucyd. V,8I. l\ importe, pour la suite «les faits, «le fixer «vec pn^clsion
la date (le cet êvcnement diplomatique. Il ressort île Tliurydide, <|uelesex|Wv
dltions militair(*.8 avaii'iit lieu Télé, les négociations et les préparatifs remplis-
saient l'hiver. Voici le ])rogramme do la 14* année iJ8-il7 :
Milieu de l'été 418
(Oépouç p.eaouvTOç)
Kin fie. l'été
(to Oipoç ÊTeXfiUTa)
Hiver
(/ctpuvoç dp/ojjLÉvou)
Fin de l'idver
(yetfjLwvoç XyjYovtoj;)
CoiiimenrtMnent dn printemps
(irpoç eap). Kin de la li*" année
2' quinz. juillet : eampaf<ne de Phlious
et d'Argollde; armistice d'Agis. Les
armées se flis|)ersent.
i'* quinz. aoiU. Alcibiadcà Argus. Siège
et prise d'Orclioméne.
i" quinz. aoiU. Omrentration à Man-
linée. Va et vh^nt entre Mantinée,
TégéeetSparlr.
Fin août : bataille de lMa^tiné(^
septemb. Siège d'Kpidaure. Fêles car-
nécnnes.
fK'.tobre I^'s Liicédém (miens à ïcgéc.
IVopositions à Argos.
Débats conlradicloires cnti'c
Liclias et Alciblade.
1'' traité argéo-laconicn.
Rtîprises des relations entre
les deux peuples,
déccmb. ) 2* tndté argéo-laconien.
Négociations avec la Thrace,
IVrdiccas, etc..
llésislanee de Mantinée.
janv.-
mars
417.
avril
A 1 1 ia n<*.e Alan ti néo - Liicéd é -
monienne.
(^impagnede Sicyone.
(2) Alcibiade, dans W. discours où il pousse les Athéniens «'i l'expédition de
Sicile, se vante d'avoir soulevé contre Sparte les Fiais les plus puissants du
Péloponnès(^ el d'avoir forcé l(*s Uicédémoniens à jouer leur fortune dans la
journée (II* Mantinée : « HIen qu'ils aient eu l'avantage dans le combat, certes
Ils n'ont plus aujourd'hui la même cimliancc dans leur audace. » (Thucyd. VI, I.
— l»lnl. .l/ci/;., XV, 2).
404
MANTINEE ET LAllCADIE 0IUENTALI5.
d'Argos et de Sparte anormale et anli-traditionnelle(l) ? Aussi,
bien que s(yicieusc d'éviter les actes d'hostilité déclarée, elle
gardait iutactes, avec sa foi en sa mission et son amour des
institutions libérales, ses sympathies pour la démocratie athé-
nienne, alors la meilleure sauvegarde des constitutions popu-
laires contre la violence des partis rétrogrades.
(I) Elle se rompit, on oITct, l'annexe suivanln : uno réaction démocraliquo
rcjotii Ar^os dans l'alliance athénienne (ïliucyti. V, 82).
Tëto féminine (llygie?) trouvée dans le Boiiieiilérion (Haut. 0 m.' 35).' •
Voirie profil, PI. VI, el sur leculte d'IIygie à Mautinéo, plus haut, p. 3l(K3il.
CHAPITRE VI.
L ALLIANCE DE TRENTE ANS AVEC SPARTE t
SOUMISSION ET OPPOSITION.
(417-487).
Le pacte subi par Mantinée l'engageait pour trente ans (1), luucs des partis
trente ans d'efiacement et d'obscurité voulue, mais non de ser- dons le
vilité. II n'était plus permis aux Mantinéens de se désintéresser P«'i«»p«nnèse.
de ce qui se passait autour d'eux : même abattus, ils n'étaient .^ '^^^^^^i»"
.» «. .1*. fA ■••! # démocrnliïjiie A
plus une quantité négligeable. Si 1 intérêt leur dictait de mena- Argos(éiê4i7).
ger le présent, le devoir leur ordonnait de préparer l'avenir.
Or, après les premières efiusious de leur liaison avec Sparte, les
Argiens s'en dégoûtèrent vite. Les défaillances et les incohé-
rences de la politique extérieure dans les villes grecques étaient
presque toujours l'œuvre des factions, qui vivaient à l'état
d'équilibre instable. Les mœurs admettaient qu'un parti vaincu
cherchât à ressaisir le pouvoir par tous les moj'^eus. Aussi les
relations des cités suivaient-elles les fluctuations des discordes
intestines. Les amitiés se nouaient ou se dénouaient avec une
étrange désinvolture. Ces revirements subits ne scandalisaient
personne; on n'en rendait pas l'ensembledescitoyens responsable.
Chacun des deux camps entretenait des intelligences au dehors.
S'il survenaitunedéfcction, comme elle n'engageait qu'un parti,
l'autre parti conservait les sympathies de la nation trahie. 11
semblait qu'Athènes et Mantinée ne dussent jamais pardonner à
Argos de les avoir abandonnées. Au contraire, les démocrates
mantinéens et athéniens n'en furent que plus indulgents pour
(I) X6n. //c//., V, i, 2 : Al <T7C0Vûa\. . . al [xeTk tY|V êv MavTivg^a (xa/Tr|v
TpiaxovraeTeîç Yevo[j.£vai. — (Diod. XV, î>).
400 MANTINÉE ET l'aRCADIR ORIENTALR.
ceux de leurs amis qui ne s'étaient pas laits complices à Argos
des menées oligarchiques. Le malheur rapprocliait par delà les
frontières les gens de môme opinion. On se promettait ollicieu-
sèment un fraternel appui; on mettait en commun ses espé-
rances; on complotait ensemble uue révolution, et, si Ton réus-
sissait à renverser la faction adverse, ces sentiments de solidarité
se traduisaient aussitôt par une alliance d'Élat à Ëtat. Or, les
démocrates d'Argos n'avaient pas désarmé. A peine les Lacédémo-
niens eurent-ils tourné le dos, que le peuple massacra et expulsa
les oligarques. Il s'attendait ensuite à être assiégé par les Spar-
tiates, qui, au premier bruit de ce mouvement, étaient accourus
à Tégée, d'où ils menaçaient les révolutionnaires. Ceux-ci se
hâtèrent de rejoindre par de longs murs leur ville a la mer, de
façon à se tenir en contact avec les escadres d'Athènes. Certaines
villes du Péloponnèse, dit Thucydide (1), les assistèrent dans la
construction de leurs murailles. Il n'est pas douteux que Man-
tinée et, peut-être, Élis aient joint sans bruit leurs ouvriers aux
maçons venus d'Athènes (été 417). Ainsi l'ancienne alliance revi-
vait de fait. La réconciliation était complète. Plutarque (2) a
raison de dire que les Lacédémoniens n'avaient tiré aucun avan-
tage réel de leur victoire à Mantinée.
Coups de main Aussi bicu l'habituelle apathie de Sparte encourageait l'audace
desArgicns dc SCS enuemis. En pleine paix, les Athéniens installés à Pylos
et des Mniutnérns dirigeaient des incursions armées en Messéuie et sur les côtes du
Péloponnèse. Des Argieus et des Mantinéens collaboraient à ces
coups de main (3); ce n'était pas uue guerre ouverte, mais des
actes de brigandage sans caractère oITiciel. D'ailleurs, ces cor-
saires n'osaient se risquer sur le territoire laconien; en vain les
Argiens sollicitèrent les Athéniens d'opérer une descente subite
en Laconie et de se retirer après en avoir ravagé quelque coin
isolé. Les Athéniens refusèrent, jusqu'à l'été de 414, où ils sur-
prirent certaines échelles laconiennes : Épidaure-Liméra, Prasiai
et autres; mais alors ils n'avaient plus à compter sur la longa-
nimité de Sparte (4).
(i) V, 82.
(2) Plut. Àlcib. XV, 2. \a*s ftlcons firont acto d'opposition à Spartn : Ai?ls,
sur l'ordre d'un oniclc, était venu sncrlUer îi Zcus olympique on l'honneur de
sa victoire. Les Ëlécns lui fcnnèrcnl l'entrée de l'Allis. (Xén. HelL 111, 2).
(3) Thucyd. VI, 10;).
(4) Ihid.
contre la l.nconie
(4i7-4U).
L'ALUANCE de 90 ANS AVEC SPARTE : SOUMISSION ET OPPOSITION. 407
Malgré ces incidents, le moment n'était pas fort propice à une Les MAntinéens
rentrée en scène des séparatistes. Athènes, après avoir dépéché * ^^«p^*»"'®»
Alcibiade au secours des démocrates argieiis (1), eut d'autres (liV^m
projets en télé. L'expédition de Sicile servit de dérivatif aux
affaires du Péloponuèse.Quaut à Sparte,il lui suffît de n'être plus
harcelée sur ses domaines. Déjà l'eilet moral de la défaite de 418
était en grande partie évanoui. Ainsi la peur de déplaire à Sparte
n'empêcha pas, en 415, Mantinée de répondre aux demandes
d'Alcibiade. Le brillant stratège jouissait dans cette ville et en
Arcadie d'une grande popularité. Son crédit détermina environ
250 citoyens à se joindre au corps expéditionnaire des Athéniens
en Sicile (2). Argos, de son côté, fournit 500 hoplites. Cette
attitude amicale flatta le peuple athénien. La situation person-
nelle d'Alcibiade en fut améliorée (3). On savait que les Pélopon-
nésiens l'avaient suivi par attachement à sa personne; on craignit
de les voir déserter si on lui retirait le commandement après
ralFaire des Hermès et des Mystères (4). Cependant, grâce aux
précautions dont on usa pour séparer Alcibiade de son armée,
le départ du chef favori eut lieu sans indisposer les auxiliaires.
On les voit participer à la bataille de Syracuse placés à l'aile
droite (été 415). Nicias, dans sa harangue, leur réserve un mot
aimable. Que devinrent-ils après le désastre de l'armée athé-
nienne? s'échappcrent-ils? lurent-ils vendus? Thucydide les
a perdus de vue dans l'infortune de ses compatriotes.
(1) Sur l:i ili'failo drs î^iirrdôinonir.iis à Oinoi'; on Ornrni p;ir les lroup<^S
:irgco-laroni<Min(>K rn :W«, voy. p. 412, noU^ 4.
(2) Tliucyilidi; complr vn bUtc i'M) ManlîiirriiK ot iin*rn»naiiM's armilicns •
MavTivscov xal (XtaOo^popcov (VI, 4,'», (îl. — VII, -M) : iMavTivrj; ôà xai àXXoi
'Apxg($o)v (jiid)(Kpopoi, êitt Toùç àel iroXeiLtou; a^piaiv à7roo£ixv'jji.£vou; euoOotc;
Uvai. O^lto plirasc assinilln Irs Manllnôons aux autres iiirrrriiain^s. I^\s
liuplllrs iiianliiHH'iis parti mil à lllro privô, nnhaui^lK's par Al<*il)ia(i<\ Sparlo
n'y pouvait trouver à rodirr. D'auLros slipriiilirs Arcailii-iis li^^'urali'iit dans
l'arMiro ennomio, au srrvico. ilc Corinlho (Thucyd. VII, 21», ."»7). Le conlinîxi'nl
argion rlail., au contraire, cxpédin par l'ÉUil. Il doit èlrr i'oiii|)(.é parmi les
alliés indé|M>ndants (ol B'aTib ^u[x(JLa/taç aùxovd'jLOt). Les deux autres rlasse,s
d'auxiliaires fonnaient les &Tiy,xooi et les (jnaOo^opoi. (Tlineyd.VI, ;i7.) — Sur
les oldlftallons iniliUdres d'Ar^'os envers Athènt's, voy. ih. VIII, 2»). — Peut-
Hro. le Praxitèle,ancien Mantinéen devenu ciloy<'n de Syraeuse et de Ciimarina,
qui consacra à Olynipio une statue exécutée pjir lo lils d'Ilagéialdas, était-il
un de ces mercenaires mantinéens fixés en Sicile? (Arcii. Zeii. 1877, p. 4î).—
Collitz-Bcchtcl. IHaL Inschr, 1200).
(:i) Tliuryd. VI, 2$).
(4) Tlimyd. VI, 01. — VI, (W..
408 MANTINKB BT l'aUCAOIK OIUBNTALK.
Manvftis vouloir Durant Ics années suivantes, si Mantinée disparaît de This-
des MnniinAciis A j^qJ^^ active, On saît que ce ne fut point aux dépens de sa dignité.
legnid Sparte avait profité des revers d*Atiiènes pour reconstituer
de S|Nirtc. ,,. •• ,i ,. . *.
(413-403). * ancienne synimacnie péloponncsienue, mais celte fois avec
quelques tempéraments (1). Après 413, avec la guerre de
Décélie, la (îièce revenait en arrière aux temps antérieurs à la
paix de Nicias. Des auxiliaires péloponnésiens suivent les
armées laccdéiiioniennes en Attique, dans les lies, en Asie (2).
Mais la participation personnelle des États alliés à ces expédi-
tions lointaines n'est pas mieux connue que pour les périodes
précédentes. D'une manière générale, Mantinée remplit de fort
mauvaise grâce les obligations de son pacte. Était-elle requise
de partir en campagne, tous les prétextes lui. semblaient bons
pour refuser le service. Suivant en cela l'exemple souvent donné
par les Spartiates, elle soulevait fort à propos des cas de
conscience, invoquait rèxc/eip(a ou trêve sacrée olympique,
etc.. (3). Lorsqu'enfin elle se trouvait à court d'échappatoires
et qu'il lui fallait s'exécuter bon gré malgré, ses troupes
s'acquittaient à dessein si mal de leur service, que les Lacédé-
moniens osaient à peine se fier à de pareils auxiliaires. Arrivait-
il à Sparte quelque mésaventure, les Mantinéens ne savaient
pas se défendre d'une joie mal dissimulée. En revanche les
succès de Sparte ne leur inspiraient que du dépit (4), Cette
attitude eut, à la longue, le don d'.exaspérer les Lacédémoniens.
Ils patientèrent pourtant. Même après l'écrasement d'Athènes,
(i) Thucyd.VIII,.'3. — Colto. soconcio lîj^nic fut orfçanisro, avec plus do. m<^th(Mln
que par lo passi^, ii l'iinilalion du syslfîmo. allico-dclion. Pour payer leur
flotte, les Liioédénioniens imposèrent à leurs alliés des Uixos représentant la
valeur des vaisseaux de jçuerre. Les Arcadleus furent tiixés en bloc avec les
Pellénlcns et les Si<'yoniens, pour 10 vaisseaux. Les villes pouvaient aussi,
moyennant indemnité, se racheter du service, en cas d'exi)éilitlon lointaine
(Xén. Hell. VI, 2. 10).
(2) Sievers, Geschichte Griech.^ p. HO, anirnie la participation des Manti-
néens h l'expédition d'Agésflas en Asie. Mais aucun texte ne les désigne nom-
mément; ils se confondaient dans les rangs des auxiliaires Arcadiens.
(3) Les I^iccdémoniens se laissaient facilement duper par des prétextas de
cet ordre. Les Argiens abusèrent souvent de le.ur crédulité en déplaçant le.
mois sacré Oirnéen : ils le faisaient tomber juste au moment où les I^irédé-
monlens allaient les envahir, et ils obtenaient un armistice. Les T^icédém»)-
nlcns se retiraient, par peur du sacrilège. A la fin, comprenant qu'on les.
bi;rnRit, Ils se firent autoriser par Zeus olympique A passer outre (Xén. Hell,
IV, 7). . ' .
(i) Xén. HelL V, 2.
L*A.LUANCB l>B 3() ANS AVEC SPARTB *. 8OUMISSIO4N ET OPPOSITION. 400
ils n'osent s'immiscer dans les aflaires intérieures des villes
alliées pour leur imposer des lois à leur gré. C'est ce que
Lysias constate formellement dans son discours sur la Consti-
tution de Phormisios, prononcé en 403 après la chute des
Trente (1). La terreur des Lacédémoniens inspirait alors à
plusieurs Athéniens le désir de certaines concessions. Quelques
démocrates paraissaient disposés à transiger pour une consti-
tution semi-démocratique où Ton sacrifiait à la peur de recom-
mencer la guerre, les principes d'égalité absolue. Lysias s'élève
contre ces lâches capitulations : il leur oppose l'attitude indé-
pendante d'ArgosetdeMantinée. Ue ces deux villes, la i^ n'est
pas plus forte qu'Athènes» 1a2>n«n'a guère plus de 3000 hommes
à mettre sur pied ; leur territoire est à portée de leur puissant
ennemi, et cependant elles Toblsgent à compter avec elles et à
les ménager pour n'avoir pas à les anéantir.] Les faits connus
confirment celte éloquente antithèse, mais pour aboutir à une
conclusion pratique bien différente de celle qu'indique l'orateur.
A la fin, Sparte, voyant que l'opposition dans le Péloponnèse ne ExpédiUon contre
désarmait pas, se résolut à faire un exemple. Ce fut aux Éléens ti»» (♦oi-aw».
qu'elle s'en prit tout d'abord. Ce peuple s'était montré non moins
réfractaire que les Mantinéens; comme il mêlait Zeus olympique
à ses affaires, les Spartiates, très respectueux des choses reli-
gieuses, se voyaient avec peine frappés d'excommunication,
exclus des fêtes et voués au mépris public. De plus, la démo-
cratie, à Élis, sous Timpulsion d'un homme hardi et intelligent,
Thrasydaios, n'était guère disposée à pactiser avec les fauteurs
de l'oligarchie. Élis arrondissait son territoire aux dépens des
villes voisines, réduites à l'état de périèques. Agis reçut l'ordre
de réunir Tarmée fédérale et de la mener contre Élis. Les Athé-
niens eux-mêmes durent se joindre aux alliés: Corinthiens et
Tliébains refusèrent leur concours. Les Mantinéens furent con-
traints de marcher contre leurs amis (2). Élis, réduire, fut
(1) Lysias. Ihpl rqç EloAiTeta;. 7.
(2) Sur c«;lln oxiMulition, \vn. HelL III, 2, ii. — Dlod. XIV, 17, 3i. —
Pausaii, III, 8. — Xi^nopli()n«lll:(IIl, 2, 2;*)) : ouvsar^awuovTo tw 'Ayioi ttXtjv
lîotwTwv xal KopivOwv oT ts àXXot auaaa/ot irivTs; xat oi 'AO/jvaîoi. Il y eut
<loux caiii|),'i^m^s succosslvns 1ns KIcons après liMlôpart d'A^Ms, arrôln par un
Ircmblcincnl do Icrro, onvoyôrcrit dos dôputôs îi iDutcs los vilhîs qu'ils savaient
mal disposées envers Sparte.— Au m(^nie moment, des niencnaires mantinéens
guerroyaient en Asie, parmi les Dix-Mille; dans une fête donnée à Kotyora
par l«*s slralèges en l'honneur des Paphlagoniens, leur danse nationale fit
sensation (Xén. Ànab. VI, I. — Voy. plus haut, p. :)i9).
410
MANTINEE ET L ARCADIE ORIENTALE.
Soulèvement
annexée à la Ligue lacédémonienne (39S). Cette rigoureuse exé-
cution coupa court aux velléités indépendantes des petits États;
mais la terreur n'était pas un bon moyen de se concilier leur
aflection et de ranimer leur zèle chancelant.
L'autorité de Sparte ne fit aucun progrès. En 395, les Thé-
coDireS|>arte(3»5). |)ains Ic Constataient quand ils tentèrent d'entraîner les Athé-
Compngnc nig^g ^r^^^ |a coalitîon corinthienne : « Quel peuple reste encore
contre llièbes -^ i r
deLy*andro attaché aux Lacédémonicns? Les Argiens? Mais n'ont-ils pas été
et de PansAniQs. dc tout tcmps Icur ennemi? Les Ëléeus? Mais ne viennent-ils pas
de se les aliéner en leur enlevant des villes et une grande partie
de leur territoire? Que dirons-nous des Corinthiens, des Arca-
diens, des Achcens? Cédant à leurs instances, ils ont partagé,
dans la guerre qu'ils nous faisaient, leurs travaux, leurs dangers
et leurs dépenses; mais, dès qu'ils curent exécuté les volontés
de Sparte, quelle part ont-ils eue à la puissance, aux honneurs,
aux richesses (i)? » La coalition, subventionnée par le satrape
Tithraustès, réunissait des forces imposantes : celles d'Athènes,
de Tlièbes, de Coriuthe, d'Argos. Il y eut en Grèce une levée
générale de boucliers : Sparte fit marcher ses auxiliaires. En
395, Pausanias, à la télé d'une armée dirigée contre Thèbes,
installa à Tégée son quartier général et lança des convocations
aux villes voisines : Mantinée dut obéir (2). Arrivé trcp tard à
à Haliarte au rendez-vous fixé par Lysandre, le loi fut condamné
à mort. Il s'échappa de Sparte, trouva un refuge dans l'asile
d'Alhéna-Aléa à Tégée, où il Unit ses jours. De là il entretint des
intelligences avec ceux que Xénophon appelle les prostates du
peuple de Mantinée : ces relations devaient lui servir plus tard (3).
L'année suivante, les Mantinécns ngurcnl avec les Tégéates
dans l'armée d'Aristodémos, parent et tuteur du jeune Agésipolis.
Mais ils ne prennent point part à la bataille de Némée, ayant
sans doute invoqué comme cas de dispense une fête reli-
gieuse (4). On les retrouve mêlés aux opérations des Lacédé-
moniens autour de Coriiithe, contre les mercenaires d'Iphi-
crate (5). Cette guerre devait être pour eux une pénible corvée.
Quoique braves et reconnus pour tels entre tous les Arcadiens (6),
Guerre
de Corinthe
(394-387).
.(I) Xi^n. Hell. m, :».
(2) Soiilr, C<»rinlhc so démba (Xrn. llell. II!, ;i, 17).
(3) Xôn. Jlell., V, 2, 3.
(4) C'était le cas des Pliliasiens (Xén. HeU. IV. 2, IGj.
(5) /&. IV, 4. 1 et 17.
(0) Dloil. XV, 12.
l'aLUANGR DR 30 ANS AVRC SPARTR : SOUMISSION ET OPPOSITION. 411
il leur répugnait déverser leursung pour une cnuso odieuse. Un
jour que les confédérés, assiégés dans Léchéon ('H)2), faisaient
une sortie contré les admirables peltastes du stratège athénien,
les Mantinéens, assaillis par une grôie de traits, se replièrent
aussitôt et prirent la fuite eu laissant quelques morts. Les Lacé-
démouiens en firent des gorges chaudes, disant que les alliés
avaient aussi peur des (leltastes que les enfants des Croque-
mitaines (1). Xénophon répète avec joie cette bonne facétie. H
refuse d'admettre à cette opportune reculade un autre motif que
la poltronnerie. Il lui parait inouï que des gens aient eu quelque
répugnance à se faire tuer sans raison pour ses chers Spartiates,
et n'aient pas méprisé les troupes d'élite de sa patrie I Un mas
sacre de peltastes athéniens eiït fait bien plutôt son aflaire I Si
quelqu'un mérite un jugement sévère, n'est-ce pas l'historien
laconomane qui en est venu à cet oubli du patriotisme et de
l'impartialité?
Au reste, les bravades lacédémoniennes réservaient à leur Passniyc
admirateur une forte déconvenue. Les « Croquemîtaiues » s'avi- «i'Agrsïias
sèrent à quelque temps de là (390) (2) dé faire trembler l'orgueil- * *'""""^ ^'•"^*
leux Agésilas, l'idole des laconomanes.Une morelacédémonienne
tomba sous leurs coups victime de son imprudence. Très rou-
tiniers, les Spartiates n'avaient pas assez de souplesse pour
s'adapter à la nouvelle tacti([ue. Bien qu'ils ne fussent pas « des
enfants », ce désastre les terrifia. Ce fut an tour des iMantinéens
de railler leurs railleurs. Ils ne s*en firent pas faute. A tel point
qu'Agésilas, ayant jugé prudent de rapatrier les débris de sa
troupe, repartit pour Sparte en suivant la route d'Orchomène et
de Mantince. Il régla ses étapes de façon à n'entrer dans les villes
où il devait cantonner qu'à la nuit tombante, pour en repartir
au lever du soleil. A Mantinée, il s'attendait à être accueilli par
des sarcasmes mérités. Pour épargner à lui-même et à ses sol-
dats cette dure épreuve, il consacra un jour entier à la marche
entre Orchomène et Mantinée, distantes au plus <le trois heures,
il arriva dans la ville la nuit et prit soin d'éviter tout contact
avec la population (3). La joie des Mantinéens devant cette
(I) X('n. Bell. IV, i, 17. (oç ol ffv5jjL}xa/oi ^poTvxo tou; TifiXTaffriç (o;7:ep
(jLOp|iova; itaiWp'.a.
(i) Toulo la cliroiiologir de cva évéuctiicnls oITrc peu do cortUude. Voir la
discussion des dates dans Peter. Zeitlajeln der griech. Gescliickle, p. lOS,
n'« ia3.
(3) Xén. lîeU. IV, ."», 14 et 18.
412 MANTINKE KT L'AIIGADIB ORIENTALB.
troupe dccoDfite maoquait de prudence. Ils ne surent pas exulter
avec hypocrisie. C'était un grave forfait : on le leur fit bien voir.
Gftini»«Kne Bientôt après (été 388), Sparte, avant de partir en guerre
dAgésipoiis çQQipg Athènes et la Béotie, entreprit de réduire Argos. Cette
on Arffoiiuo .' If»
Mantinéens P^^^® ennemie, maltresse de Corinthe, menaçait les armées dont
ravitAiiient Ar^os cllc coupait la retraite, et la Laconie qu'elle pouvait harceler
(388). après le départ des hoplites lacédémoniens. Déjà en 391, Agésilas
avait poussé une pointe en Argolide (1) : Agésipolis réunit
l'armée fédérale à Phlious et tenta de refaire les campagnes
d'Agis et d'Agésilas (2). Les Mantinéens firent passer du blé aux
Argiens, réduits à la disette par la destruction de leurs récol*
tes (3). Ils n'y mirent pas assez de mystère et les Lacédémoniens
eurent vent de cette fraude. L*expédition manqua. Agésipolis,
découragé, déclara les présages défavorables et se retira (4),
(Il X6n. HHl. IV, 4, lî».
(2) Xén. Hell. IV, 7, È ot siilv.
(3) Xc^n. Hell. V, 2, 2.
|i) CurUus (//is^ gr. trad. Ho.ucliiWl^rlorrq, IV, p. 2M)) ailinot qu'il y cul dans
cctfo c«mpHf;no uno bnlnillo sj^riiMisc m\ro i(*s LiUM^dônionions nt Jos Armions
Hssis((\s par 1rs Atlirnions à Olnoô, vHla{{i> siliir sur la route do Mantinôo à Arf^os
(Prinos), dans la gorge du Charadros. Pausan. I, lîJ. I. X, 10, i — (et pnul-
^tn^ Plut. Àpopht. laœn, var. 7} parle, en elTct, d'un combat à Olnoé.I^'s Ath*'*-
niens l'avaiont fait poindre; le tableau se voyait au Pmcilc; les Argiens en
avaient consacré des olTrandos h Delplies. C'était donc une victoire célèbre.
Or, plusieurs objections ptmvent être faites contre l'attribution si OInoé d'une
bataille do cette importance. I" Ni Xénoplion, ni DIodore, ne mentionnent le
fait; Pausanias n'en dit rien dans sa de.scrlption du village d'Oin(M> (11, 2;i, 2|;
ir la situation d'Oinoé dans la montagne n'est guère favorable î^ une bataille
rangée (Ross. Rciaen, p. l.'W); 3* tm ne volt pas comment ni ji quelle épmpie
les Lacédémoniens auraient pu se rencontrer dans la gorge du Charadros avec
leurs ennemis; tandis qu'ils atUiquérent souvent l'ArgoUde en partsint <le
Phlious. Or, Thucydide (VI, 7) et l)io<lore (XII, 81) donnent des renseignements
très précis sur un autre bourg d'Argollde, Ornéal, situé entre Phlious fît Argos
(au S. du village de L(''onfli, ilans le ravin de l'Ornéas). Il fut choisi à «luse
. du voisinage de Pldious (ville alliée de Sparte) en il7 par bvj I^icédémimiens
comme place de refuge des oUganjnes argiens bannis d'Argos; ils les y instal-
lèrent avec une forte garnison. I^s Argiens et it^s Athéniens (Athènes v(^nait
d'ex|)édier à Argos, 40 trirèmes avec 1200 hoplites), vinrent ensuite attaquer
la place; Us tuèrent ou chassèrent et la garnison lacédémonlenne et ceux
qu'fdie devait proléger. Ce succès, survenant après la défaite de Mantinée,
dut exciter beaucoup d'enthousiasme ù Athènes. Je crois donc k une confushm
dans l'esprit de Pausanias, ou h une erreur île copiste^ (lu'explique la ressem-
blance des deux noms. 11 faudrait donc, à mon avis, lire Ornf'uil au lieu
d'Oinoé aux livres I, 15, 1 et X, 10, i, et rayer de l'histoire la légen<laire
bataille d'Oinoé. — [Depuis là rédacthm île cette note a paru le tome 111 «le la
(iriechUche Gcschicliie. de Husolt. Le savant auteur s'ap|>li(iue, après tant
d'autres, à résoudre cette énigme (p. 32,% note 3). Pour lui, la bataille d'Oinoé
se place en 4;j0. Or, Thucydide n'«m dit mol. Je ne crois donc pas devoir
retirer mon hypothèse.] , . ,
CHAPITRE Vil
l'expiation, dicecisme de 385.
I3S7-37I)
L'année suivante (juillet 387) la paix crAntalcidas et le cougrës oiurs
de Sparte terminaient la guerre de Coriuthe. Il y eut uu désar- de spniie
mement général en Grèce (1). Tout le monde était fatigué d'une ^""*'^ Waminéc.
lutte stérile. Les Laccdémoniens sentaient leurs alliés leur
échapper; la police de risthme les surmenait. Débarrassés de
tant de gros soucis, ils songèrent de nouveau, comme en 421, à
régler leurs comptes de rancune. Us passèrent sévèrement en
revue la conduite équivoque de leurs alliés (2). De toutes les
villes dont ils avaient à se plaindre, Mantinée possédait le dos-
sier le plus chargé. Elle était au cœur du Péloponnèse uu foyer
de lèse-laconisme. Elle avait défendu avec entêtement sa cons-
titution libre contre toute ingérence despotique. Aux actes
d'insubordination, s'étaient ajoutées les avanies dont les guer-
riers d'Agèsilas et leur chef gardaient le cuisant souvenir. Aussi
la mesure était-elle comble et la fureur de vengeance d'autant plus
âpre que l'amour-propre Spartiate avait été blessé à vif. On vou-
lait à Sparte une guerre d'extermination, une répression radicale
qui mit à jamais l'impertinente cité hors d'état de donner le
mauvais exemple au troupeau des sujets plus dociles.
L'alliance de 30 ans, conclue au printemps de 417, venait Luiiimaïuni
d'expirer en 387, quelques mois avant la paix d'Antalcidas (3). cie 3876.
Ce n'était là qu'un mauvais prétexte, puisque Mantinée, par son
accession au traité d'Antalcidas acquit le bénéfice d'un pacte
(1) Xcn. HeU. V, I.
(2)/ft. V, 2,8. ,
(3) Ib. V, t. — Voy. plus haut, p. 40:>.
414 MANTINKK KT l'ARCADIK OIUICNTÀLK.
nouveau. Mais les Lacédémoiiiens ne se crurent pas tenus à
tant de ménagcmeuts. Deux ans ne s'étaient pas écoulés qu'ils
avaient déjà remis la Grèce en feu, au mépris des contrats (i).
Leur attention fut d'abord sollicitée de divers côtés par une
série de mouvements populaires, dans les cités où ils avaient
installé des gouvernements oligarchiques. Plusieurs d'entre elles
avaient pris au pied de la lettre la clause du traité qui posait en
principe l'autonomie des villes grecques, grandes et petites. Dio-
dore rapporte qu'en plusieurs endroits les chefs du parti laco-
nien furent mis en accusalion et sommés de rendre compte de
leurs abus de pouvoir. 11 y eut de ce fait des bannissements.
Naturellement, les exilés se réfugièrent à Sparte et les Lacédé-
moniens procédèrent d'autorité à la restauration des partis
déchus, lisse procurèrent ainsi des triomphes faciles. Xéoophon
les a passés sous silence, car ces mesures arbitraires et illégales
constituaient une odieuse exploitation de la paix d'Antacidas
aux dépens des faibles. L'hiver 387/6 marque donc une période
de tension diplomatique entre Sparte et Mantinée : la chancel-
lerie lacédémonienne se répand en notes acrimonieuses et en
sommations sous la forme de celles qu'Agésilas avait adressées
ù Thèbes, à Corinthe et à Argos après le premier congrès de
Sparte (2). Dans les premiers mois de 386, les Mantinéens reçu-
rent, par des envoyés spéciaux, un factum virulent où tous les
griefs antérieurs de Sparte étaient rappelés. Xénophon (3) se fait
l'écho complaisant de ce réquisitoire : envoi de blé aux Argiens,
refus de troupes, négligence dans le service, mauvais esprit à
l'égard de Sparte, tout y était. On rappelait que la garantie du
traité de 417 était prescrite depuis moins d'un an (4) ; on ter-
(1) Diml. XV, Il
(2)X6n. HelLV.i.
(3) Ib, V, 2.
(i) 'EXêyovto Se xal al qtkovW èÇtXrjXuOsvai toTç Mavrivcufft tout<o tw Itei
a\ (xexa ttjv ev Mavrtvcia fi.ayTjv TpiaxovTacxeîç Ycvô|4.€vai {Hell. V, 2, 2). G<Hto
phrase schiI^vo tinr polilo (liniciiltc rlnM)n«>logh|ui\ Oimloro (XV, î>) mot on :ji%,
{f»L î»8, :\) sous l'ai-cliunlnt do Mysllchldns [on rôalllô TluSodolos <^Ult oncoro
arcbontc— (Voy. sur cotto pnrti(MiIaritô ilo la clironologiodo DIodoro, Droyson,
Hist. deVUellén. trad. nouchc-LccIorcq, I, p. 801)] les proiniorsdéinôlôs do Sparte
et do Mantinée, et la siillo on 'Mi (XV, 12). I»<»iu* accorder le to,xlod(î Thucydide
(V,81) avec ceux doXc^nophon et do DIodoro, lier tzhorg {.\gey'tlan$^p.'M3)mp\wsG
ayant l'alliance de .10 ans un arnilslico préalable conclu après la baUiillo de
Mantinée (hiver 4I8-il7) : c'<'8t celui dont parle Thucyili^le ; le pacte dôflnitif
daterait sculonicnlde l'année sulvanli',soit tMî; Scluioider {(Hl Xen. ib.) croUquo
L^KXPIATION. I)U»:G1SMK hK 'M). 415
mionit par rinjonctioii d'abattre les remparts de la ville. Ainsi
désarmée, ajoutait-on, elle ne serait plus iawU'v. de s'allier aux
euneniis.
A ce ton rogue, on reconnaît les façons do Taltier A^ésilas.
Sparte comprenait que la prospérité et laudace de Manlinée
dataient du synœcisme. Dans sa pensée, la dispersion des habi-
tants et le retour à la vie cantonale devaient suivre le déman-
tèlement de l'enceinte (i).
Aux formes de cette brutale et cassante injonction, les Man*
tinéens n'avaient pas à se faire illusion sur leur sort. Soumission
ou résistance, l'une ou l'autre attitude les conduirait au même
résultat: la ruine de leur influence politique, de leur existence
nationale et leur radiation de l'histoire. Ils retomberaient au
rang des groupes impersonnels, tels que les Parrhasiens et les
Ménaliens. Aucun secours extérieur à attendre : Athènes, pres-
sentie sur ses intentions, répondit par une fin de uon-recevoir :
elle ne voulait pas violer la paix. Argos était Tesciave du
parti laconien et d'ailleurs intimidée par les menaces d'Agé-
silas (2). lléduite à ses forces, Mantinée accepta courageusement
une lutte inégale. Mieux valait défendre l'honneur jusqu'au
bout, puisqu'aussibien la capitulation immédiate n'offrait aucun
avantage. Les démocrates argieus, qui avaient cherché asile à
Mantinée, et leurs partisans durent peser de toute leur influence
Xrnoplion (:iîl p«irUr l'a i lia iico do. l'été 410, c.Vsl-à-fliro du nuMiicnt où rrsso la
campagne d'Alriblado dans le IVdopoDnèso (Thiiryd. V,8i, 1 1."»). CurUus ( Wwt. gt\
tr. Hourlié-Loch'iT.fi, [\\ p. 2KH)| admi'l, ronlro. Xènoplion, un intervalle de 2 ans
entre l'expiration du traite et le di^'hut de la guerre. 11 me sfMubh^ qu'il n'y a pas
lieu ici d'inrrimiiiei* Texartitude d'aucun des .') auteurs. L'expiration du traité
tombe en avril ;W7 ; l'ultimatum des l^u'édêmimiens est doue envt»yé vers
la lin dii l'année (comptée de printemps à printemps), soit dans l'hiver «387. \j's
tlémarclies des Mantinéens auprè.s do leurs amis, les négoeiations avec S|Kirle
leur pornK^tent de gagner l'hiver suivant. On sait que les Lacédémoniens
éUiient très lents à se décider et à agir ; Thucydide en fait souvent la remar-
que; naturellement, Xénophon s'abstient de toute appréeialion de ce genre.
Après le refus de Mantinée, ils ne mettent leur armée en mouvement qu'au
[irintemps 'Mu L<'s iq)éra lions ccmtre Mantinée durent liuit l'été :W.'i, et le
«lénoucment n'a lieu qu'en hiver. 11 Importe de. <iistinguer deux |>t'<ri(Hl(%s,
collo des négociations et celle du siège. Dans ces conditions, la phrase de
Diodorc : (XV, 5, 3) : « Les Lacédémoniens ne passèrent pas deux ans sans
violer lu paix » ne soulève aucune objection. — La chronologie de Beloch
{Griec/i. Gesch. U, p. iii), qui place le siège île Mantinée en ;i84, ne me
semble piis juste.
(1) Diodorc (XV, 5, 4) introduit l'obligation du diu^'isme dans l'uKImatum.
(i) Xén. Uell. V, I, :»\.
R^istance
de Mniilinm*.
(386-5).
commnndn
r«x])ëdilion
conlro
4IG' MANTINKK KT L'AUCAniK oniKNTALK.
sur celle grave décision. L'excellence des remparts inspirail
toute confiance ; on necroyail sans doute pas les Lacédémoniens
très habiles à la guerre de siège; enfin le vif senlimenl de la
liberté menacée, la haine des Spartiates et de leurs procédés
comminatoires, le souvenir des eîlorts tentés depuis près de 100
ans pour émanciper la ville, tous ces mobiles exaltèrent les fiers
démocrates jusqu'aux résolutions extrêmes : ruitimatum fut
rejeté.
AgésiHis Aussitôt les éphores déclarèrent la guerre. Mais à propos de
la désignation du commandant en chef la rivalité des deux
maisons royales éclata. Agésilas, qui avait été l'instigateur de la
Mnntîné<-(*ié385). politiquc do Tcprésailles ct qui semblait avoir à venger sur les
Mantinéens des offenses personnelles, se récusa, sous le prétexte
que Mantinée avait rendu de grands services à son père pendant
les guerres de Messénie (1). L'excuse ne parait guère sérieuse,
car si les Mantinéens avaient jadis, dans un but intéressé,
secondé i^rchidamos, ils s'étaient dédommagés sur son fils. 11
est plus probable queTingrate mission de châtier en pleine paix
une ancienne alliée, de lever le masque et d'endosser la respon-
sabilité d'une exécution sans gloire tentait peu le vainqueur des
Perses. La pénible campagne contre Corinthe avait dégoûté
Agésilas des expéditions contre les Grecs. Elles ne lui avaient
rapporté qu'impopularité et mécomptes. 11 ne lui déplaisait pas
(le passer la férule à son rival Agésipolis, à qui ce rôle répugnait
encore davantage : Agésipolis, héritier des traditions généreuses
et libérales des Agiades, semblait, comme son père l^ausanias,
opposé à la politique violente et anti hellénique de Lysaudre. Il
professait, à rencontre d'Agésilas, le respect du droit des na-
tions (2) ; il n'estimait pas que, pour être Spartiate, on dût se
faire le bourreau des autres Grecs. A plus juste titre que son
collègue, il pouvait aussi alléguer des relations personnelles et
actuelles avec Mantinée : Pausanias, réfugié à Tégée, s'était lié
d'amitié avec les démagogues mantinéens (3). Agésopolis reçut
le commandement sans plaisir. Mais, une fois en route, il ne
(1) Voy. plus luiiil p. 377. (Xôii. HrU.\\i, A. — VI, ;i, 4). U phrase de
X(>noplion mal comprise a probablement Inspirée Dlodore(XV, 12) cette aflir-
mation surprenante : ol AaxcSaijJidvioi Tupdrepov eioiOeiaav êv Tatç fiLï;^atç
TOUTOuç (les Mantinéens) TiapaffTxTaç eyciv xai TctaTOTaxouç twv au[jL{xa;^(ijv.
(2) DIod. XV, iU. — Xén. Hell, V, 3, iO.
(3) Xon. Bell. V. i, 3.
L* EXPIATION. DlUKaSME DE 385.
41'7
Les ThèbAins.
songea plusqu'ù déjouer les espérances malignes d'Agésilas. La
campagne fut menée avec autant de vigueur que dliabiletc.
Parmi les alliés de Sparte figurait un corps de troupes thcbai-
ues; dans leurs rangs, suivant une tradition diflicile à contrôler,
Ëpaminondas, âgé d'environ 33 ans, et Pélopidas, de quelques
années plus jeune, nouèrent les premiers liens de leur camara-
derie militaire (1).
Agésipolis commence par détruire les récoltes (2). LesManti- combni et «ège
néeus se risquent à l'attaquer en plaine. Après un vif engagement
qui faillit coûter la vie à Épaminondas et à Pélopidas (3), ils
de Manlinée
(été 385).
(i) Lii p:irticipntion des Thnhalns, attost<Sc par Pausanias (IX, 13, 1) et par
Plutan]uc (Pe/opid. IV, 5) a ôtô nlôo. p«ir plusieurs historiens, dont (îrolc {Hisl.
gr. trad. Sadous, t. XIV, p. 273, 3). Les arKumcnls de Grolo n'ont convaincu
ni Pomlow (Epameinnndus^ p. 22), ni GurUus {Hist, gr. Irad. ^oucll(^-LecIe^cfl.
IV, p. 330, 4), qui s'en tiennent à l'afllrmatton très nette de PtuUirquo :
(rwcarpsTegaavTO Aaxe^ta.uovtoiç Itt cpiXoeç xal au[X(jL2tyoi; oua( 7re;xQpOei(n)ç ex
0r)pwv por,Oe(aç, et au P/aiaïco» d'IscM'.rate. Pausanias et PIutarf|ue rapportent
une tradition béotienne. Xénoplion l'a omise, comme il a laissé do côté tout
détail sur la force et la composition do l'arméo d'Agésipolls.
(2) L'entrée en campagne d'Agésipolls a donc eu lieu en plein été (vers juin-
juillet 38;>).
(3) Pausiin. VIU, 8, îî : wç Bï €xpàT7|«Tev 6 'AyriafiroXc; t9) (xi/r) xal £ç tb
TCÎyoç xaTÊxXciffc toÙç MavTiveaç. Va\ combat n'est menlifmnô ni par Xéno-
plion ni |Kir I)io<lon\ 0^|)ondant Pausanias y fait allusion dans un autre plissage
(IX, 1.3, I) où il relate le sauvetage de Pélopidas |Mir Épaminondas. Plulaniue
{réiop. IV. îî et sulv.) raconte ainsi cet épisode : « U*ur étroite amitié ne prit
naissance, d'après la tradition la plus répandue, que dans l'expi'dition do
Mantinée, où ils lirenl partie d'un corps auxiliaire que Tliébos envoyait aux
LiicfMlémoniens, qui éUdent encore ses amis et ses alliés. Ils rlalrnt près l'un
de l'autre, <lans les rangs de l'infantorie opposée aux Arcadicns. Il arriva (|uc
l'aile des I^icéilémoniens, dans la(|Ufdle ils se trouvaient, recula, ni prcs(|ue
tous prirent la fuite; pour eux, ils joignirent ensemble leurs boucliers et ils
soutinrent le choc dr r<'nnemi. Pélopidas reçut sept blessures, toutes par
devant, et il tomba sur un monceau de cadavres amis <*t ennemis. Épami-
nondas le crut mort : il s'éiançji et se tint lu, debout, couvrant le corps et les
armes de son compagnon, lutUint seul contre une foule, et résolu de mourir
plulétque d'alisindonner Pélopidas, gisant dans la poussière. Déjà lui-même 11
avait reçu un coup de lance dans la poitrine et un coup d'épée dans le bras, et
sa position était des plus critiques, lorsqu'arriva <le l'autre aile Agésipolis, roi
des Spjirtiates, qui les sauva tous \vs deux contre toute espérance ». Grotc
{ib. p. 274) révo<|ue en doute ce que dit PluU(n{ue de cette prétendue bataille
de Mantinée, p^irciMiue Xénoplion n'en parle p;«s; il ailmet toutefois qu'Kpami-
nondas a pu sauvcT la vie de Pélopidas dans quelque combat antérieur à la paix
d'Antalcidas. Pausanias (IX, 13, 1) place en elTet l'épistNle en question avant le
congrès de Sparle en ;J87. Mais la mention d'AgésIpolls dans Plularque, celle
d'une guerre contre Mantinée dans Plutartiue et dans Pausanias lui-même,
était à cette indication chronologique toute valeur. Ih'puis la paix de .'K) ans
(417) on ne connaît aucune expédition de Sparte contre Manlinée avant celle
do 3Hi). 11 faut donc admettre qu'Kpaminondas a fait dés 383 connaissance avec
le champ de bataille où il devait succomber cj 3G2.
Mantinée. — 28.
418 MANTINÉK ET l'aUCADIE OiUENTALE.
(lurent se renfermer dans leurs murs. Là ils se jugeaient inexpu-
gnables. Ils avaieut fait leurs approvisionnements en vue d*un
long siège. La récolte précédente ayant été bonne, le blé abondait
dans la ville. Les habitants n'eurent garde de se laisser intimider,
ni de risquer à nouveau une bataille rangée avec des forces
inférieures. Le roi fit alors creuser autour de la ville un fossé
circulaire ; la moitié des troupes était occupée à la tranchée,
sous la garde de l'autre moitié qui se tenait en armes auprès des
travailleurs pour les protéger contre les sorties (1). Le fossé
terminé, on put en toute sécurité élever un contre-mur circu-
laire, pour empêcher les sorties : Agésipolis pensait réduire
Tennemi par la famine. Mais Tinvestissement ne produisait
aucun résultat; Tété se passa (2) sans que les assiégés parussent
souflrirdu blocus. Leur résistance ne faiblissait pas. Déjà Agé-
sipolis s'inquiétait de voir les forces de Sparte et de ses alliés
immobilisées sans profit autour de la place. Faute de machines,
le siège menaçait de s'éterniser. C'est alors qu'Agésipolis s'avisa
d'un stratagème qui lui fut sans doute suggéré par les Tégéates,
habitué^ de longue date à associer les cours d'eaux à leurs
manœuvres contre les Mantinéens (3). Ils en avaient déjà donné
la preuve en 418. La nature fournissait le meilleur bélier contre
le rempart deMantinée. Cette fois on mit à contribution l'Ophis
qui traversait la ville du Sud-Est au Nord-Ouest. Peu considé-
rable en temps ordinaire, il s'était grossi à la suite des grandes
pluies qui inondent la Haute Plaine vers la fin de septembre (4).
Les Lacédémoniens construisirent un barrage en amont de la
ville. Les eaux, arrêtées à leur sortie refluèrent dans l'intérieur,
inondèrent les rues, les fondations des maisons et du mur d'en-
(1) « Agrslpolis îissIj'^tmII Maiillnôc îivmt 1rs altirs, qui hion dlsposÔH ciivits
l(^s MHnUiKM'iis, iiviiMMit suivi à la ^micitc les LiicOdiMnonicns, iiiallrcs il<) la
tir(*c<% mais faisaient passer en secret la nuit aux Mantinéens tout ce dont
Ils avaient besoin. A^^ôsipolis, mis au courant de ces faits, lAelia autour du
camp de nombreux cidens, en plus grand nombre du cAlé. de la ville, afin «lue.
jpersonnc nv. j)ût déserter, cmpéclié do fuir par lu surveillance dos chiens. »
Folyainos, II, £j.
(2) Diodoro : tô jjlêv Oepoç ôteTÉXe^av o\ Mavxivetç yÊVvaiwç iyo>yi^6[LÙoi
Ttpbç TÔ'jç 7coX6[i.'Ouç (XV, lï). Daus Xénophon et dans Pausanias la durée du
siège est plus vague. ' ' , .
|3) Hcstarbitraire, commclefaitCurtius (Uisti gr,, iV, p. 191) d'attribuer
cette idée à Pausanias, père irAgésiiKilis. , , -^
(4) aTiÊ/wae xbv péovra TCOTaabv Stà tyJ; iroAetoç |xiX* ovrot eùy.e^iOr^
(Xen. Helien, V, î, 4). — Diod : toO 5k yu[LMVOç IvdTxvxoç, xat xou Tcapà
T-/|v MavTiVÊiav 7:oTaji.ou (xeyâX'/iv au5Y|<nv kx twv ofxppwv Xapovxoç (XV, li).
l'expiation. DiœCISMB DE 385. 419
ceinte. Pour augmenter le débit de la rivière, ou dOlourna peut-
être d'autres cours d'eau, tels que rémissaire de la plaine de
Louka.dans TOpliis. L'intérieur de la ville dut être promptement
détrempé. Mais pour comprendre les eilets destructeurs de Tinon-
dation sur le rempart, il faut admettre que les travaux d'inves-
tissement y contribuèrent. En dehors du fossé, dont les terres
durent être rejetées extérieuremeot, les assiégeaots avaient élevé
un retranchement. Il y avait ainsi, entre le rempart et le contre-
mur, une zone concentrique occupée par le fossé : il était très
facile d'inonder en tout ou en partie cette zone, où TOphis,
entravé à sa sortie, devait refluer. Cette rivière artificielle avait
pour berges d'un côté le rempart, de l'autre le retranchement,
et la ville se trouvait à la fois entourée d'un cercle d'eau et
changée en lac à l'intérieur (1). Or, les murs établis en briques
crues sur des fondations très basses en menues pierres pouvaient
très bien résister sans se disjoindre aux chocs des lithoboles et
autres engins de siège ; mais ils n'étaient pas assez surélevés sur
leur socle pour être à l'abri de l'inondation (2). On se rappelle la
hâte et l'économie apportées à la construction de l'enceinte au
moment du synœcisme. Sur un sol aussi détrempé et maré-
cageux que celui de Mantinée, l'absence de précaution contre
l'humidité constituait une faute très grave. Toutes ces construc-
tions d'argile furent vite diluées à la base et minées. Les assises
inférieures ramollies cédèrent, entraînant des pans de courtines
avec leurs tours. Il en advint autant pour les maisons. Bientôt la
ville et son enceinte menaçaient de n'être plus qu'un tas de boue.
L'Ophis en quelques jours avait causé plus de dégâts que des
mois de siège. L'œuvre dont les Mantinéens se montraient si
fiers s'elTondrait par leur imprévoyance : leur belle forteresse se
transformait en ville ouverte abîmée dans un marécage. En vain
les défenseurs teutèrent de conjurer le désastre. Ils étayaient les
murs chancelants ou lézardés. Ils imaginèrent tous les moyens
(1) Il n'est pas nécossairo <lo supposer que la cliule elîrctlve du mur fut
romplète. C'est à la sortin do la rlvIèiT, auN. (). tXv la ville, que I Va u it foulée
exerça sur le ronipart Ivs «légAts les plus considéra Mes. Xônophon {HfilL\\ i, l})
ptirin d'une porlîon de nuir ou courtine qui s'écroula la preniiêre, puis d'une
tour qui s'cbranin et que les Mantinéens essayèrent d'élayer. Mais de prwhc
en proclie l'eau gagnait le pourtour tout entier : SeiaavTeç [i.Y| 7C6<rovTOç tty)
Tou xuxX(o Tet'youç. C'est ù tort que Gell prétend avoir retrouvé les restes
de la digue d'Agéslpolls Voy. son plan, p. 195.
(2) Xén. ib. £(jL^pa^6ei<i7|ç Bï tf^ç àicopcoiaç "{ipeTO xb liBiop uTcep tc roiv
uTcb Taïç oixtaiç xal uTcsp xtov uitb tm "itiyei Oe(;.eX((ov.
420 MANTINÉE ET l'arGADIE ORIENTALE.
possibles pour obvier à la chute des tours. Rien ne réussit :
Teau pénétrait partout à la fois, et faisait son œuvre sûre-
ment. Les ressources ordinaires de la défense étaient impuis-
santes contre ce nouvel ennemi. Il ne restait plus aux Man-
tinéens qu'à sauver leurs personnes. La brèche ainsi faite,
Tassant n'était plus qu'un jeu pour les assiégeants ; ensuite,
suivraient le massacre, le pillage, toutes les misères d'une ville
enlevée de haute lutte. Agésipolis ne serait plus maître d'em-
pêcher ses troupes d'user du droit de la guerre. Les Mantiucens
éludèrent cette extrémité en se hâtant d'entrer en pourparlers. Ils
déclaraient se soumettre aux ordres de Sparte et consentir à
raser leurs murs. Mais Agésipolis estima que ce dernier résultat
était déjà presque obtenu par sa tactique. Une capitulation aussi
illusoire ne satisferait pas les esprits à Sparte. Le loyalisme des
Mantinéens n'inspirerait confiance qu'une fois leur puissance
brisée, leur synœcisme disloqué et tous les rouages de leur État
rompus et dispersés. Les éphores et le comité qui accompagnaient
les rois Spartiates à la guerre rappelèrent sans doute à Agésipolis
la faiblesse d'Agis envers Argos. Bref, on exigea le retour des
Mantinéens à la vie cantonale. Mantinée accepta le diœcisme
comme un suicide nécessaire. La justice de Sparte avait pro-
noncé (1)1
Capitiiiniion ^ fa ut reconnaître la modéralion d'Agésipolis : il s'abstint de
et exil toutes représailles sur les personnes. Son père et lui s'enten-
de» Argoiisanis dircut pour évitcr Teffusion du sang. Le parti laconien n'était que
trop disposé à abuser.de la présence de ses patrons pour se
livrer aux pires excès, l^ausanias employa son crédit en faveur
de ses amis les démocrates. D'accord avec lui, son fils régla de
(1) Nous possi^ilons trois n^cits de cor faits : roux dn X(Snnphon (V, 2, 4 et
sulv.), de Dlodorc (XV, 12) et do Paiisanias (VUI, 8, 7). Le premier, dans son
impitoyable et froid laconisme, est le mieux informe. Dlodorc y ajoute un
détail, sans doute emprunté à Épliorc, la demande de secours à Atliénos
{XV, 5), et plusieurs Inexactitudes tirées do son crû, telle que la clause du
diœcisme contenue dans l'ultimatum de Sparte. Que le démembrement de
l'état mantlnéen fiU prémédité par Sparte, ct^la semble probable; mais elle
compUilt l'obtenir c'i la suite du démantélemeut et non l'imposer a priori.
L'opération du barraf^e de l'Ophls, si claire dans Xénoplion, est dénaturée p;ir
Diodore : il la confond avec la mancBuvre d'Agis, en 418; d'après lui la
rivière fut déiournàe à l'aide de praniles digues et forcée de traverser la
ville, d'où résulta l'inondation de l'intérieur et des environs. Diodore écrit
l'histoire en rhéteur, sans expérience des réalités. I^ausanias, toujours sou-
deux d'étaler sou érudition, démontre ({ue la manœuvre d'Agéslpolls avait un
précédent, le stratagème célèbre de Clmon au siège d'Éionc.
et des démocrates.
l'kXPIATION. DIORCISMB DB 385. 421
la façon la plus correcte la situatioQ des réfugiés argiens et des
démagogues mantioéens. Soixante de ces persuu nages, les plus
compromis, s'attendaient h servir de viclimes expiatoires; mais
Agésipolis leur accorda la libre sortie delà ville. Leur départent
lieu avec un certain apparat. Au delà des portes, les troupes
lacédémoniennes formaient la haie des deux côtés de la route,
sans doute celle d*Athèues par Aléa (1), la lance au poing :
« malgré leur haine, ils ont moins de peine à s abstenir d'of-
fenses envers eux que les nobles mantinéens : ceci soit cité
comme un bel exemple de discipline (2). n
Le parti démocratique décapité par l'exode do ses chefs, on l« <»œci»me.
procéda au diœcisme. L'enceinte fut rasée; les habitants durent
eux-mêmes démolir la plus grande partie des maisons. On ne
laissa subsister, autour des temples, qu'un groupe insignifiant
d'habitations (3). La capitale de la Mantinique, réduite à lelat de
bourgade, n'était plus que le squelette d'elle-même. Ceux des
habitants qui n'étaient pas autorisés à rester sur place furent
répartis entre les quatre xiojxai, comme avant le synœcismo. Us
se construisirent de nouvelles maisons, non sans pleurer les
demeures aimées, qu'une impitoyable consigne leur avait fait
abattre de leurs propres mains (4). Dès lors, une existence nou-
(1) Xônoplion (Hell. V, 2, (>,) ilc^slgno, comme oxllés, les arguUsanls et Ira
prostiites du pîirll dt'ïmocraUqno : on pourrait croire qu'ils clierclièrent un
ri'fuge à Arj^os, mais celte ville «Hait (lomln(^e par \v.h ollfçar«|urs et leur ciU
(ait mauvais accueil, sV.tiint rerus4\o à les secourir. C'est à Atli6ues qu'Us durent
trouver asile (voy. p. 423, notiî 3).
(2) Xén. ïïelL V, 2, G. — On volt par cette phrase de Xénophon, que h»«
dissensions intérieures avalent Uni par s'exaspérer h Mantinéc comme ailleurs.
Il y avait dans relie ville un parti laconlen oligarchique et un parti argolisant,
soutien de la ilémocralle. I>es revers de Mantlnée, lu perte <!<• la Purrhasie, la
défaite d«* 4IK. le développrment fie la plèbe urbaine, et surtout les intrigues
de Sparte, avaient modifié l'ancienne sltuiitlon des partis.
(3) T>es éiliricesdu culte, lesàvaO/JixaTa et les monuments publics ne pou-
vaient être détruits parce qu'ils étairnl consacrés. lueurs débris sr siml retrouvés
dans la ville nouvelle (v. p. ISH). I>es inscriptions qui rappelaient les succès
des Mantinéens sur l(*s bicédémimiens, les Tégéales et leurs alliés, furent
martelées, comme la dédicace de la statue olTertc i\ Apollon après la bataille
de Udokelon, en Mi (Voyrz p. 3K7). Pausanias (Vlil, 8, \)) : 'LU 8è ilXtTf^y
MavTiveiav, ôXiyov jxcv ti xaTÉXiirev otXÊÎaOai, tô TcXeîaxov oc iç eoa^oç
xaxapaXcov aÙTfj; xaxà x<o|xaç xoyç àvOpcoirouç Sicoxiae, indique que la ville
ne fut pas complètement évacuée.
(i) Xén. Hell. V, 2, 7. Tô jxcv TcpoiTOv -^/Oovto, Sti xà; ji-év 'jTcas/O'JTaç oîxtaç
ISêi xaOatpetv, aXXaç 5k olxooofxetv. — DimI. XV, M : àilizio y|vayxà<rOTj<Tav
XYjv jjLêv îBiav TiaxsiBa xaxa<xxaTtxeiv. — Sur le chilTre des dèmes de Man-
422 MANTINKR ET l'ARGADIR ORIENTALK.
velle commence pour eux. La turbulente cité n'existe plus. Dans
ses membres mutilés et dispersés, la vie nationale s'éteint. La
démocratie, Ame de ce corps jadis vigoureux, estbâilioDuée. Sur
TAgora silencieuse et déserte, la voix des démagogues n'ira plus
au loin dans le monde grec porter le nom de la vaillante ennemie
de Sparte. La Haute Plaine, rendue au calme de la vie rustique,
à régoïsmedes intérêts particuliers, cessera d*être Tasile de Tin-
dépendance péloponnésienne. Les conservateurs, pour la plupart
riches propriétaires, se trouvaient dans les dèmes ruraux plus
rapprochés de leurs domaines. Le diœcisme servait donc leurs
intérêts, les laissant libres de se consacrer sans autres soucis à
l'exploitation de leurs terres. Les bénéfices de la servitude
leur en faisait oublier la honte. Xénophon se porte garant de
leur satisfaction. Sparte, de son coté, n'avait qu'à se louer de leur
attitude : ils furent désormais des alliés modèles, dociles aux
convocations et ne murmurant plus contre leurs obligations
militaires (i). Comment l'ordre n'eut-il pas régné dans les cinq
bourgs ? Sparle avait pris soin de les isoler les uns des autres.
Il n'y avait plus entre eux de communauté, de xoivov. Chacun
d'eux formait, non plus une subdivision de l'État, mais un État
tlnéc, X6nopIi<m ilifTt^ro dos autres iiulours : Atu)x((r07) 5 '7; MavTivsia
TCTpayTî, xaOxTTcp xo àp/aîov wxouv {Hell. V, 2, 7), toi ost In tcxtn fonda-
inonUil. Le sons en est chiir : l:i population de Mantinc^e (ut divisée en quatre,
et répartie coinmi; autrefois. C(^ qui veut dire qu'en deliors de la capitale, il
y avait quatre dénies ruraux. Mais le chlfîre total de cinq démes, y compris
les débris du chef-lieu (Pausan. VUl, 8, 9), est Indiqué par Kpliore : eiç i
x<6[i.a; T7JV MavTivéo^v Sicoxiffav TtôXiv AaxcSaijxdvioi (Kphore, 20" liv. d'ap.
Ilarpocration : Mavtivécov 8ioixi<x(xôç. Cf. Pholius, J.cxic)^ et conArmé par
Diodorc et Strabon qui le lui ont sans doute emprunté : Aùtoùç 5ê [i.£toix7|-
(59.1 itâvxaç elç ràç àpyaiaç irévre xto|/a<;» t\ <ov elç ttjv MavTivciav xb iraXaiov
(Tuv(f»X7)aav (Diod. XV,«,4); Strabon (Vlll, 3, 2, p. 337). olov xTiç 'Apxao(a;
MavxivE'.a (JL£v ix Tcévre orjfAoïv Otc "Apyeuov ffuv<i)x(<TO/|. (lomme co même
ehlITrc se retrouve ilans la division d(^ la ville, après le synœcisme, en cin»i
tribus ou quartiers, il me panilt bien établi. Hursian suppose {Gcogr. Gricch.
II, p. 211. note i) qu'Kpbore et ceux qui l'«>nt suivi se sont laissé induire en
erreur par quelque fausse», tradition relative h la fondation do la: ville (?).
Sur lo diœcisme des Mantinéens, cf. Pausan. IX, 14, 2 et 4. — Isocr. de Pace,
100.; Panégyr, 12G. — Polyb. IV, 27, G. — L'allusion au diœcisme de Mantinéo,
<lu'on croyait relever dans le Hnnquet d(î Platon (193^) et qu'on attribuait à
UQ anachronisme voulu, est niée par v. Wilamowitz-Mœllcndorf (JJcrmes.
XXXII, p. i02).
(1) Xén. Ilelt. V, 2, 7. auveffxpaxcuovxo o'exxcwv xa>(X(ov izoVo zpoOyfJLOxepov
>J ô't€ l$Y^|xoxpaTouvxo. — VI, 4, 18 : 4pp(i>j/.6V(oç 81 xal ol Mavxivetç ex xcov
xwjiwv ffuv6<jxpax8ÛovTO* àpt<xxoxpaxou[jL6voi yàp âxuYy^avov. ' ' "'
L* EXPIATION. DiœCISMK DK 385. 423
autonome, avec des magistrats recrutés parmi les excellents
(pATKTToi). Sparte avait-elle besoin de troupes, on leur envoyait
à chacun en particulier un Çevay^ç, officier recruteur des milices
auxiliaires (i). L'optimisme officiel des créatures de Sparte
s'explique de soi, puisqu'elles régnaient. La décentralisation de
rËtat mantinéen leur donnait la haute main, multipliait pour
elles les profils. Le peuple ne comptait plus.
Dans le monde grec, on jugea ces faits avec moins d'indul- impression iinns
gence que Xénophon. Au lieu de l'idylle esquissée par l'histo- '* "'""*'* »'^^*'-
rien, l'opinion commune ne vît qu'un déteslahle altental.
L'exécution de Mantinée n'inspire à l'auteur des Helléniques
que la réflexion suivante : a Voilà ce qui se passa à Mantinée :
cet exemple apprit aux hommes à ne pas laisser ])asser de fleuve
dans leurs murs (2) ». Cette leçon saugrenue valait bien la vie
d'un peuple, sausdoutel Tandis que la conscience de Thistoricn
laconomane se mettait aussi allègrement à Taise, toutes les
âmes en qui survivait le sentiment de la dignité hellénique
furent douloureusement affectées. Athènes s'empressa d'assurer
à ses anciens alliés un généreux asile, en conférant aux bannis,
qui vinrent s'installer chez elle, des privilèges honorinques et
des avantages matériels, tels que Vi-réXtioL (3). En effet, Athènes
(i) Sur ces ÇcvaYOi, v. Tluicyil. Il, 7;». — X(>n. Hrll. III, ;i, 7. — V, 1, X\. —
Resp. lac. 13, 4. ^eviov arpaxtap^oi.' — Il y en HViiil un pour cliaquc villn :
ol Çevayol éxàoT'uç icôXaiç Çuve^effTwre; (Thuc. H, 7;>). Li^ fait «renvoyer cliez
les Mantinéens, non plus un, mais c'ttui de ces ollielers, iinpli(|uait l'auto-
nomie île chaque xo>[JL7). l\ n'y avait plus d'Étal mantinéen (Xén. I/W/.VI, 5, 3).
(i) Xén. UelL V. 2, 7.
(3) C'est du moins ce qui parait résulter des fragments «l'une inscription
(C. 1. A. Il, 4) ingénieusement restituée par Ad. \Villi«*.lm (Eran. vindobo-
uensis, iSKJ, p. 241, s<i.). M. Foucart (liull. dn Corr. hellrn. XII, p. Uii) avait
fléjà reconnu dans ce texte le décret cité par Démosthéne (Contre Leptiue^ VA)
et suiv.) en l'honneur des réfugiés thasicns qu'une réarlion oligarchique
avait expulsés comme coupables de sympathies athénii^nnes (cTi'àxTtXKJiJLo)).
I^. peujde leur octroyait riTeXeta, comme aux Maniuièpns, et chargeait
leurs chefs N (aumarhos ?) et Ecphantos (cité par DémosMiène) do dresser
la liste de leurs noms. D'après Wilhelm^ la lecture MavTtvsuaiv, vérifiée
sur l'original, semble très probable, quoiqu'inconiplète. Dans cw cas, la mesure
concernant les Mantimums avait dû être prise après le l)annissenicnt des GO par
Agésipolis. Ce décret aurait servi de modèle aux mesures analogues votées par
le peuple athénien en faveur des partisans d'Athènes expulsés de différents
pays par le pjirti laconicn, dans les années (|ui suivln^nl la paix d'Antalcidas.
Les Mantinéens exilés par .Agésipolis l'ont été, «raprès Xéuojdion, en qualité
A'argUisanls^ et non iM)Ur cause d'atticisme. Toutefois, on doit remarquer
ceci : !• les deux termes sont équivalents, comme deux variantes d'un
424 MANTINÉE ET l'aRCADIB ORIENTALE.
seule pouvait offrir un refuge aux démocrates, puisque Argos
n'était plus libre et le crime que Sparte leur reprochait, c'étaient
surtout leurs sympathies pour Athènes, leur alticisme, comme
disaitune expressionénergiqueet concise. Isocrate(l) fit entendre
une protestation aussi indignée que le lui permettait sa douce et
souriante sénilité. Si obscurcies que fussent après tant de
conflits, de ligues et de contre-ligues, après l'immixtion de
Targent perse dans les affaires de la Grèce, les notions sur le
droit des peuples à se gouverner eux-mêmes, un acte d'aussi
odieuse brutalité révoltait les consciences et inquiétait les
esprits. Le Grec ne concevait pas l'individu en dehors de la cité ;
sans cité, l'homme lui semblait une épave dans le monde. Toute
son activité se dépensait pour le développement et la splendeur
de la cité. Créer des cités nouvelles, c'était donc vraiment faire
m^mo sentiment, ranti-lnconismo. L'inlluonco argienne h Mantlnt^o a prfS-
domlnô depuis le synœcisme, et le parti argolisant a trlomphi^ en 420, au
moment do la ligue sépara liste. Pour les Arcadiens, jusqu'en 38;"), Athènes
n'apparaît que dans le recul, derrière Argos, et quand elle intervient en leur
faveur, c'est pour soutenir Argos, chef de file de la résistance anti-sparUate.
Mémo en ses Jours d'abdication, Argos reste déposiUiire de la connance et
de l'espoir des Muntinéens; ses démocrates, quand lo vent souille k l'oli-
garchie, trouvent refuge à Mantinée. Les deux villes, quand leurs gouver-
nements ont les mêmes idées, fraternisent dans l'Intimité. Le terme d'argo-
lisant était donc devenu à Mantinée synonyme de démocrate, d'anti-laconien ;
il continuait h être employé, mémo lorsqu'Argos lacouisait, comme c'était le
cas en 385 et que les démocrates n'avalent plus d'espoir qu'en Athènes. Xéno-
phon se sert du terme local, tout A fait de mise dans son récit des choses
péloponnésiennes. Mais le peuple aUiénlen, qui se posait en patron de tous
les ennemis de Sparte, ne pouvait que reconnaître des clients dans les
martyrs de l'anti-laconisme, surtout quand ces exilés lui rappelaient leurs
titres à sa sympathie : l'alliance avec Aicibiad(% les luttes soutenues ensemblo.
pour la bonne cause, etc. Aussi les Mantlnéens furent-ils honorés commodes
victimes do l'atticisme. H en eût été de même pour les Kléens et les Argiens,
le cas échéant; c'était la mémo politique qui avait fait accueillir les Platéens.
2* les mots Itz aTTtxiafxwi s'appliquent aux Thasiens; il n'est fait allusion
aux Mantlnéens que pour mémoire. On ne serait donc pas fonilé A opposer
les termes de Xénophon qui les concernent ii ceux d'un décret qui ne les
concerne pas. 3* Si Démosthènc a omis de parler des Mantlnéens, c'est que
ceux-ci étalent de« amis Indépendants : ils s'étaient servis de l'alliance attique
pour la défense de leur autonomie et non pour changer de patrie; ils vivaient
en communion d'idées avec la démocratie athénienne, mais Us ne se seraient
jms livrés ii elle pieds et poings liés, comme firent les Thasiens en acc!ueillant
Thrasybule après avoir chassé la garnison Spartiate. Leur atticisme était l'ex-
pression do leur anti-laconisme, mais non une marque de sujétion.
(1) Paneg, i^. — De Pace, 100.
l'kxpiation.i dkkgismb de 3H5. 425
œuvre de Grec ; perfeclioiioer sans cesse cet organisme délicat,
c'est à quoi les esprits les plus profonds de lu tirèco appli(|uaicnt
leur pensée. Au contraire démembrer une cité, ravaler le
citoyen, l'homme idéal, libre, conscient de ses droits et de
ses devoirs civiques, au rang de villageois, c'était commettre un
crime de lèse-culture dont un tyran ou des barbares seuls
semblaient capables.' Les (actious elles-mémc, dont Sparte
faisait ses instruments de domination, pouvaient, dans leur soif
du pouvoir, rêver les représailles les plus subversives, massacres,
exils, confiscations ; mais elles n'auraient jamais médité une
pareille mutilation do la patrie, dépecée, dégradée, réduite à un
obscur ramassis de cabanes et de métairies.
Il devenait évident pour tous que Sparte s'apprêtait à pousser
h ses deruiëres conséquences la politique anti-hellénique de
Lysandre et d'Agésilas. Sa fureur ne connaissait plus de frein.
Après Élis et Mantinée, il n'y avait plus en Grèce de sécurité.
L'arbitraire de Sparte (1) allait peser lourdement sur les Grecs,
alors qu'on venait d'annoncer bien haut une ère de paix répara-
trice. Ces sombres pressentiments, Sparte prit à tâche de les
confirmer : le siège de Phlious et la prise de la (^admée montrè-
rent à tous les patriotes comment Sparte respectait l'autonomie
des villes (2). Mais il y avait encore assez de forces en Grèce
pour que ces excès fissent lever à point nommé un libérateur.
Quelle que fût la réprobation soulevée contre Sparte par ses Le régime
violences, elle n'en subit que plus tard les conséquences fAcheu- si>art«nie de 385
ses (3). Tout d'abord, le châtiment de Mantinée produisit sur les
(1) Tronto uns aiiiKiravant, après In cnm|ii4>tn tU) la Parrhasio, Sparte
s'était conlontôr. de r(^n(ernior Mantinée dans les Iimii(«s de son district. Si
depuis, Siins f[uo Mantinéo riU fait acte de rélM'Iliun positive, sans que la dênio-
eratie mantinéenne fût devenue moins miHlérée dans ses aspirations, elle
af^grave le traitement, n'est «pie, dans leurs rap|wirls avec la l»erse, ses
Immmesd'Kljit avaient de plus en plus perdu lu notion des droits et des senti-
ments lieilénitiues.
{i) hii politique Spartiate est alors celle du fait accompli. Xênoplion s'incline
devant elle et ne la ju^e pas. Il est curieux d'opposer a son silence bénévole
la vigoureuse diatribe de Polyl>e, pourtant bien mal disposé pour les Manti^
néens : IV, 27, 0 : Mavxiveïç, ^iXooç Ôvxaç xal cujXjJiâ/ouç , àvaaTxxouç
'TTOc^davTeç, oùx l^aaav àSixeTv, éx [i.iaç TcôXecuç ei; T^Xeiouç aùroùç Stoixt-
<xavT6ç. *Avo(a {icrà xax(aç ypoSuevot, Stà xb Boxeîv, lâv xi; à'jxbç âTrijjiuy),
[XTiSk Toùç ueXaç bpavl Cf. liv. x'xVITI, 4 (éd. Ilultscli. I. IV, p. l.Hi).
(3) Xénophon est obll^^é d'en convenir, mais cet aveu tardif ne lui est arradiô
(|ue par rêcbcc de la politique Spartiate à Tiièbes. {IleU. V, 4, I. — VI, 3, 11.)
Il ne. trouve pas en lui-même, ilans le sentiment de la justice violée, des rai-
sons sudisantes de blâmer : il lui faut attendre la sanction des faits.
h 371.
426 MANTINKR P.T L'AIIGADIR OIURNTALR.
autres alliés Teflet attendu. Les ^evayoi n'eurent qu'à se présenter
dans les villes terrorisées pour obtenir sans discussion les milices
réclamées. L'obligation du service, à laquelle Mantinée avait si
souvent dérogé, apparut comme un devoir inéluctable. C'est
alors que Sparte emprunta à Athènes son système du rachat :
les alliés recevaient, moyennant finances, la faculté de s'exempter
de la prestation en hommes d'armes. Chacun y trouvait son
compte : l'état directeur qui améliorait son armée nationale avec
l'argent de ses vassaux et à leur détriment, puisqu'il affaiblissait
ainsi leurs ressources militaires et leurs moyens de résistance ;
— et les alliés, qui pouvaient rester chez eux, quand ils le
jugeaient préférable (1). Au moment où Sparte allait se lancer
dans des expéditions lointaines en Thrace, il était très habile de
supprimer entre elle et ses alliés cette cause de dissentiment (2).
On ignore dans quelle mesure les 5 bourgs mantinéens ont
profité de cette faculté du remplacement, pendant les campagnes
de Sparte dans le Péloponnèse et au dehors de 38o à 371. Durant
cette période, ils sont pour ainsi dire absents de l'histoire :
simples soldats dans les rangs auxiliaires, leur conduite est
obscure. Le duel s'engage entre Sparte et Thcbes : Athènes y
assiste comme témoin de Sparte, depuis la paix de 371, conclue à
l'exclusion deThèbes.Les Lacédémoniens s'engageaient à licen-
cier leurs armées de terre et de mer et à reconnaître l'autonomie
des villes (3). Mais ces clauses restèrent lettre morte, car à la
nouvelle de leur défaite à Leuctres (6 juillet 371) les Lacédé-
moniens appelèrent le ban et l'arrière-ban des auxiliaires.
Les Maolinéens sortirent avec empressement de leurs bourgs
pour se joindre à Archidamos, filsd'Agésilas. Ils obéissaient donc
toujours à Sparte comme à un maître et vivaient encore sous la
coupe de leurs olifçarques (4). D'ailleurs Archidamos ne mil
guère à profit leur boime volonté.
(1) Xon. JleÛ. V, 2, K). — Lo tarif «'-îliilt, par jour, «le 3 obolos d'I^glnc par
hoplilo (0 fr. (î7); t\v. M olxilos ou d'un stat4>rr<! <r«rpMit ((lidradnnn ^ i îr. 70)
IKir Cavalier. L'anirndn (exigible des Klnl» rc^fnicliilros so monlalt .'i un stat^n»
par lionitnc et par jour.
|2) Co qui scnitïlalt atix alliés lo plus voxat(drc, c'cHait do. marchor conlr/^
dos onnomls (|un Sparlo sVtail faits sans 1rs consullnr (Xrn. Jîclf. VI, 3, 8).
(3) X«'U. nrlL VI, 3, 18-lî) cl 'M\. — Ix Gongns s'ôlail nhmi à Spartn. \}i\v
clause ajoutait qu'en cas d'oppression d'une ville par une autre, celui' qiii
voudrait aurait le droit d'Intervenir. C'est en vertu de cet article (|uc Sparte
intervint en 370 conln» Mantinée pour Tê^ée. Voy. plus loin, p. 4:)8.
(4) Ib. VI, 4, IH. . •• I I • .' .•.. .•: f.
CHAPITRE VIII.
PÉRIODE THRBAINE.
(:ni-3U2)
(élc-atilomne,
371).
La journée de Leuctres marquait pour Sparte le commeoce- Conséquences de
meut de Texpiatioii. Tlièbes allrancliie deveoalt le ceatre des '* iwwne <»•
espérauces de quiconque avait une patrie à délivrer. Depuis
qu'Alhèues avait désappris les généreuses traditions de Périclès,
les faibles et les opprimés n'avaient plus d^autre appui que
Tlièbes. L'entrée en scène d'Épaminondas promettait à la Grèce
une ère de renaissance politique (1). Sans doute les vastes
desseins du patriote thébain portaient atteinte aux situations
acquises, contrariaient Tégoîsme des deux vieilles nations
jusqu'alors investies du privilège exclusif de riiégémouie. Aussi
ni les Spartiates ni les Alliénieus ne lui ont rendu pleine justice.
Ils ont essayé de faire le silence sur son œpvre. Xénoplion le
rapetisse aux proportions d'un aventurier malintentionné : Iplii-
crate lui parait être un plus grand homme.
, Mais Épimanondas dominait de toute sa pensée la coalition
des intérêts particularisles. il rêvait une transformation radicale
du Péloponnèse, une répartition des forces de la péninsule telle
que. la suprématie politique, définitivement enlevée à Sparte,
fût déférée au centre même du pays. 11 n'était plus seulement
question, comme à l'époque de Phidon, de Thémistocle, d'Aici:
biade, de tendre derrière Sparte une chaîne d'éléments résistants,
il s'agissait d'une véritable création. L'esprit moderne encoura-
geait l'éveil des nationalités. C'était un résultat de l'oppression
maladroite de Sparte. En piétinant les sentiments patriotiques
des peuples, elle avait fait germer au fond des consciences ces
Pfojels
d'K|>Afninon(Ins.
|1) Polyb. VIII, I, (î. — Plut. Ages, 27, ;).
428 MANTINKR ET L*ARGADIR ORIENTALE.
forces refoulées.' Les souffrances de la faiblesse deviennent un
levain d'énergie. C'est à ce Iravaiilatcntqu'étaitdueréclosionde
la puissance tliébaine; peu à peu, gagnées par la contagion de
l'exemple, les nationalités surgirent du sol grec tout armées,
Phocidiens, Arcadiens, Thessaliens, Achéens, Macédoniens,
Étoliens apparurent, pour jouer, avec un succès inégal, les nou-
veaux rôles. Déjà, après la paix de 374, un souffle révolution-
naire avait agité dans le Péloponnèse certains sujets de Sparte,
leurrés parle vain mot d'aulonomin (1). Ces tentatives avnrU^MMil,
faute de cohésion. Ce (ut niétlio(li(|uemeut qulOpauiinoudas
entreprit la restauration de la liberté dans la Péninsule. Il refit
une patrie h ceux qui n'en avaient plus, il en créa de nou-
velles pour ceux qui n'en avaient pas encore. La politique
rétrograde de Sparte avait fait tant de victimes depuis des
siècles I 11 y avait deux catégories d'opprimés: les peuples
qu'elle avait tués, comme les Messéniens, et ceux qu'elle avait
empêchés de naître à la vie politique, comme les Arcadiens. Il
fallait donc tout reprendre en sous-œuvre: ressusciter les nations
mortes et éveiller les énergies engourdies dont Sparte entre-
tenait le sommeil léthargique. Le premier soin d'Épaminondas
fut de rassembler les membres cpars du peuple messénien:
c'était là une œuvre de résurrection bienfaisante. Mais le cas de
TArcadie n'ollrait pas moins d'intérêt.
Réveil Cette souche la plus ancienne et jadis la plus vigoureuse du
de la nationiJii^ Pélopounèsc u'avaît ricn produit depuis les beaux jours de la
arcadienno. période protobistoriquc. La bravoure arcadienne se laissait
toujours exploiter 'sans gloire et sans dignité par l'étranger : le
peuple arc<idien ressemblait à un grand corps sans âme, louant
sa force à prix d'argent et mû par le caprice du plus offrant.
Comme l'ilercule de la Fable, il s'épuisait en besognes ingrates
etserviles, étant de taille à se faire respecter. Ceux que l'émi-
gration et le service mercenaire n'entraînaient pas au dehors
végétaient dans un état d'infériorité entretenu systématique-
(1) Mouvemonls di'unocrnlUiucs il Phigallo, à Sicyone, k Phllous, à Corin-
Iho, plus lard à Arjços {Diod. XV, 40). Diodorc place la plupart de cos
révolutions aprfts .'Hi. Curllus {llist. gr. Irad. ("., IV, p. 3ÎI9) suit son opi-
nion. Grotc (XV, p. 31, n»« I) et von Slorn (Gcsch. der spartan. tt. thehan.
Hegrni'inie, p. 9î)) so sont elTorcôs do prouver que Diodorc avait confondu
la paix de 37i et celle de 371, et attribué à la première les consckiucnccs
de la seconde. Mais leur argumentation repose sur des probabilités peu
décisives.
PKiUODB THÉBAINE. 429
inoQt. La moitié de l'Arcadie se trouvait mise au séquestre. Il
fallait développer chez ces incomplets la notion d'une existence
moins rudimeutairc que le régime cantonal, moins humiliante
que la domesticité.
Épaminondns rêva de les initier au mouvement des sociétés
civilisées, de les helléniser. De quel poids ils pouvaient peser
dans les destinées de la Grèce, il le comprit ; aussi voulut-il les
organiser logiquement en fondant Mégalopolis. Le synœcisme
du Ménale et du bassin de TAlphëe avec la constitution d'une
grande ligue arcadienue, devait mettre en train cette force
dorroantQ et jusqu'alors inconsciente.
Les projets du Thébain trouvèrent dans Mantinée un agent i„iervenUon
intelligent et actif. Quoi qu'en dise Xénophon, l'ambitieuse d'Athènes
démocratie ne s'était nullement résignée au genre de vie imposé (**•» ^^i).
par Sparte. Les Mantinéens n'attendaient qu'une occasion favo-
rable pour passer outre au veto de leurs tyrans et s'échapper de
leurs bourgades.
Quatorze ans de vie rurale n'avaient tué en eux ni l'ancien
esprit d'entreprise ni le patriotisme vivace. Cette occasion,
Athènes la leur offrit au lendemain de Leuctres. Après avoir fort
mal accueilli la victoire de leurs voisins (1), les Athéniens com-
prirent qu'ils en pourraient confisquer le bénéfice à leur profit
on devançant habilement les projets des Réotiens. Sparte abattue,
ils se hâtèrent d'offrir leur protection à tous les peuples que la
victoire d'Épaminondas venait d'émanciper. Les Béotiens n'é-
taient pas des sauveurs sympathiques; on se défiait de leurs
arrière-pensées, on ne leur pardonnait pas leur abstention pen-
dant la guerre médique. Si l'on acceptait d'être délivré par leurs
armes, on se croyait dispensé de toute reconnaissance, et surtout
on ne se souciait pas de les subir comme maîtres. Lors donc que
les Athéniens eurent convoqué en Congrès les États du Pélopon-
nèse pour leur proposer la conclusion d*un traité sur les bases de
la paix d'Antalcidas, ils accoururent tous et prêtèrent le serment
suivant: « Je resterai fidèle au traité que le roi a dicté et au
décret des Athéniens et de leurs alliés. Si l'on attaque une des
villes qui auront prêté ce serment, je la secourrai de toutes mes
forces. » (fin 371). Les villes petites et grandes devaient être
également indépendantes. Dans chacune d'elles, les magistrats
(I) Xên. Uell, VI, 4, 19.
430 MANTINÉE ET L'ARGADIE ORIENTALE.
prêtèrent serment devant une commission d'Athéniens et des
autres signataires (1).
Renaissance cl La poix conclue à Sparte 20 jours avant Leuctres avait à peine
rcconsirndion de ^^^ observée. Elle subsisîait néanmoins, et les nouveaux amis
.... r^'" *o-,i, d'Athènes restaient toujours liés à Sparte. Forts de leur nouvel
(élé-oiitonine371). ' ■
appui, les démocrates mautinéens pouvaient en toute légalité
réclamer pour leur pays la fiu du régime de coercition (2). Mais
il y avait peu à attendre du bon vouloir de Sparte, plus entêtée
que jamais à ne rien céder. D'ailleurs les exilés de 385 reve-
naient, pressés d*agir et de reprendre la conduite des aflaires.
On se passa donc du consentement problématique de Sparte. Les
oligarques n'avaient sans doute pas attendu qu'on leur signiliAt
leur congé pour aller se réfugier en Laconie. A l'appel des déma-
gogues, le peuple des 5 bourgs se réunit en assemblée générale
pour la première) fois depuis 14 ans. 11 décréta un nouveau synoî-
cisme et la construction d'une nouvelle enceinte. Mantinée allait
renaître de ses ruines et recommencer son histoire interrompue.
On se mita l'œuvre sans délai (été-automne 371). Des villes d*Ar-
cadie envoyèrent des ouvriers pour aider à la construction. Élis,
quoique n'ayant pas encore signé le pacte d'Athènes, comprit
ses intérêts. La resUmration de la puissance mantinéenne la
touchait de près. Elle contribua de ses deniers et lit don de
3 talents (3). En même temps, les Mantinéens, en gens avisés
soupçonnant que l'appui d'Athènes serait plus sentimental qu'ef-
(I) Xén. Hell, VI, 5, 1 sqq. Los Klôoiis sonls n^fiison-nl di» s'cngnj^iT
pour ne pas adrancliir leurs sujols <lo Mnrgiina, de Scinonlo et do. lu Tri-
phyllo. Husoll {(1er zweile Atheii. Bund.^ p. 7(>i) suppose que les LacéiUS-
monièns oux-mt^mos prcMôront le serment cl reconnurent l'indépendance des
villes. Sur le premier point, X<^noplion manciue de précision. L'adhésion
onicieilc des Lacédémoniens ne parait pas une condition nécessaire de la
reconnaissance tacite do l'autonomie des villes sous l'éi^idc d'Athènes. L'opi-
nion de Busolt sur le sens du mot opxot, par lequel Xénophon désigne co
pacte, est trop systémaUque. Li\ distinction des termes opxoi et (Tu(JLpt.ayia,
•jzovSai et £lpr|V7j est dénuée de fondement. "Opxoi s'applique h toute espiîco
de pacte ou traité ((jrâlzel. De pactioiium inter grwcai civitaUs appella-
lionibvBf Halle, I88i)). Rn'provoquant la réunion du Congrès de 371, Athènes
voulait faire entrer les États péloponnésiens dans la seconde Ligue maritime^
reconstituée dès ^t77, avec participiition au Synédrion fédéral. L'adhésion de
Sparte à celte Ligue, dont les statuts étaient rédigés contre elle, est donc
invraiscmhlahle. — Voy. Swohoda. Der hellen. tiund des Jahres 37/ (Rhcini
' MuS.XLIX. 1894. p. 325sq.). . i
(i) Xcln. Ueli. VI, o, 3. *Uç 'v^8y| aùtovojjioi TrotvTaTiaaiv ovtcc. • ' !
(3) Xén. BelL VI, îi, 3, 4, 5. ' ' ' ' '
PKniODE THÉBAINB. 431
ficace, durent s'assurer Tapprobalion (rÉpamiiioudas. L'appui
moral de Thèbes leur était acquis d'avance. Pausauinsd) préleud
inôme que riuitlalive du synœcisme revient au Théhaiu. Ce point
reste obscur; car Pausanias reproduit la tradition bùolieniie. Les
événemenls s'étaient succédé si vile que Thèbes n'avait pas
encore eu le temps d'intervenir dans le Péloponnèse (2).(]ependaut
on peut admettre qu'après l'appel adressé par Athènes aux sujets
de Sparte, elle s'empressa de regagner le terrain perdu. Xéno-
phon n'en dit mot. Mais la collaboration au moins technique
d'Épaminoudasaux travaux de reconstruction est très probable.
La grandeur du phjn, l'admirable adaptation des ouvrages à la
naturedu terrain, l'analogie des dispositifs avec ceux de Messènc,
indiquent qu'une même pensée a dirigé toutes ces savantes
conceptions. '
A la nouvelle de ces faits, Sparte s'émut. C'était encore l'incor- iniervmiion de
rigible Mantinée qui donnait, au premier revers, le signal cle ^•""'*^<"" ^''^^^
l'insurrection ! Mais les temps étîiient changés. Il ne pouvait plus ^j-^élnr»
être question d'une punition exemplaire; derrière Mantinée,
Sparte apercevait tous les signataires du pacte d'Athènes,
Athènes elle-même, Épaminondas et les sympathies de tous les
Hellènes. Les vaincus de Leuctres n'avaient plus (e verbe si
haut, ni la main si lourde qu'en 385. L'essentiel était de sauver
les apparences. Sparte consentirait à laisser faire, mais elle
désirait qu'on sollicitât son consentement. Ce ne serait d'ailleurs
((u'une formalité : non seulement les Mantinéens obtiendraient
l'autorisation de rebâtir leurs murs, mais Sparte en prendrait
(1) Piiusun. VIII, H, 10; MavTivia; os Ix Toiv X(ou.o)V xaràçsiv e; TrjV
TraxpiSa efJLeXXov HviPaîoi p.£Tà tô epyov tô év AsùxTpotç. — IX, li, 2.
MavTivéaç ht xaTot X(6|i.aç ùitô 'AYTjatTrôXiBoç 8t(ox'.9{JLévouç k^ tvjv apyatav
<yuvT,YaYev auûiç -JcoXiv.
(2) Kpaminomlns, h co moment, riait occupa lians la Grôcr centrale ; dans
le Péloponnèse, la fcmilation de Mégalopolis devait l'être sou premier souci.
11 semble donc dilTlcile c|u'il ait pu dirlj^cr en personne l(^ $yn(ec!sme et la
reconstruction de Mantinée. Lîi clironolof^le de ces événfinents n'oilre. pas
toute lu précision désirable dans Xénopbon et dans Pausanias. 11 semble bien
que les travaux do reconstruction ont précédé l'arrivée d'Kpaminondas dans
le Péloponnèse et la resUiuration de Messèno à la fin do 370. D'autre part,
de co qu 'Épaminondas n'était pas présent, de sa personne, l'i tous ces faits,
il ne s'ensuit pas, comme le soutient von Stcrn {Sparian, u, thehan, Hegem^
p. VM\) qu'il ne le^ ait ni inspirés, ni encouragés. Sa campagne en Arcadie,
vn 370, devait être la consécration de ses (iesseins antérieurs, qui avaient
déjà reçu, grâce à l'initiative du parti démocratique et peut-être de Lyco-
mèdes, un commencement d'exécution.
f
432 MANTINÉE ET L'AIIGADIE ORIENTALE.
les frais à sa charge. Ces concessious extraordinaires prouvent
combien Sparte tenait, pour le principe, à éluder l'humiliation
d'une désobéissance formelle, qu'elle prévoyait impunie (i).
N'ayant plus la réalité du pouvoir, elle en poursuivait l'ombre
avec désespoir. Le plus piquant de la situation, c'est qu'Agésilas
en personne fut chargé de cette pénible démarche : il allait, en
somme, supplier ses victimes d'épargner à leur bourreau un
suprême allrout. Agésilas, chargé d'une mission conciliatrice,
était un spectacle étrange pour la Grèce, une belle revanche pour
Mautinéc et une mortification cuisante pour l'arrogant vainqueur
de la Perse ! Naïvement, les Spartiates avaient pris au mot le
prétexte allégué par lui en 385 pour éviter la campagne de Man-
tinée (2). Au nom de ses liens personnels avec les Mantinéens,
ils le chargèrent de cette amicale négociation, espérant sans
doute qu'Agésilas, n'ayant pas détruit Mantinée, recevrait un
meilleur accueil que son collègue. L'illusion était un peu naïve.
Mais les Mantinéens avaient la partie trop belle pour consentir
à procurer à leurs ennemis môme une simple satisfaction
d amour-propre. Ce fut à leur tour de se montrer intraitables.
Agésilas méditait sans doute quelque mise en scène solennelle.
11 comptait faire impression sur la multitude en rappelant les
titres de Sparte et les siens propres à la déférence, les liens de sa
famille avec certaines familles mantinéennes et user de tous les
moyens propres à éblouir le public populaire de l'assemblée.
Mais il éprouva un premier mécompte. Les démiurges (ot àp;^ovT6ç)
refusèrent de convoquer l'assemblée pour lui. L'ambassadeur
Spartiate dut communiquer ses propositions on petit comité, au
collège des démiurges. A ses promesses qui ressemblaient fort à
des supplications (3), la réponse fut ce qu'elle devait être : ferme
etilère : « La république tout entière avait ordonné par décret
la reconstruction immédiate des murs. Les magistrats n'avaient
pas le pouvoir de suspendre l'exécution d'une mesure natio-
(i) X6.n. Uell. VI, ;>, 4 : o\ 8'au AaxeBatjJLÔvioi Tj^ouvro, el touto aveu tt^ç
c^eTÉpaç Y^^V'I? effOVTO, j^aXeirôv laeaOai.
. (2) Xrn. Uell. VI, !>, i. Il est possibio niissi qiio riiiipopulariln rruissaulo
«l'Aj^c^sllîis il Spnrliî ail cunlribué à. le iirîsigncr au choix des cpliorcs.
(3) Il pruinil<|uo, si l'on arrèluit la conslruclion, il forait en sorlo d'oblenir
i'asscnliiiicnt du gouverneiiicnl sparllalc cl des subsides qui couvriraient les
frais. On peut se demander si Agésilas prenait de son chef un scniblablo cnga-
geinont, dont la sincérité reste douteuse, uu s'il se conformait aux instructions
des éphoros.
PÉRIODE THÉBAINE. 433
nale. » Ainsi Mantioée se refusait à accepter de Sparte une auto-
nomie octroyée à titre gracieux. Elle entendait ne tenir que
d'elle-même sa liberté. La politique du diœcisnie avait rendu le
patriotisme intransigeant. Pour la seconde fois, Agésilas quitta
Mantinée amoindri et plein de colère : Sparte expiait sur le
théâtre même de ses pires méfaits. Elle dut dévorer son affront
silencieusement, s'abstenir de toute campagne contre la ville
récalcitrante; elle n'osa pas contester à Mantinée Tautonomic
proclamée au Congrès de Sparte sous ses propres auspices et
que la Ligue athénienne entourait de sérieuses garanties (au-
tomne 371) (I).
La Nouvelle Mantinée, construite en ellipse d'après les der- u Nouvelle
niers progrès de la fortification (2), acheva de s'installer durant Mantinée.
l'hiver 371 370, sur le site agrandi de Tancienne ville. Avertis
par la cruelle expérience de 38o, les Mantinécns coupèrent en
deux le cours de TOphis à son entrée dans la ville et obligèrent
les deux bras à contourner Tenceinte : la leçon de Xénophon
s'adressait donc à des convertis. De plus, ils assirent le rempart
de brique crue sur un socle assez élevé de grosses pierres, dont
le niveau supérieur ne pouvait plus être atteint par aucune
inondation. Les édifices ruinés furent restaurés; les maisons en
pisé et les portiques s'alignèrent le long de rues régulières abou-
tissant en rayons convergents à une vaste agora rectangulaire,
située au centre de la ville, devant le théâtre L'ensemble oilrait
un coup d œil imposant; la nouvelle fille d'Épaminondas se
montrait digue de ses sœurs, Messène et Mcgalopolis. Toutes
trois, assises au milieu des trois grandes plaines de la Pénin-
sule, devaient se tendre la main; fraternisant avec Argos, elles
semblaient des garnisaires échelonnés autour de Sparte pour
veiller à la garde du Péloponnèse (3).
(t) Xén. Uellen. VI, 5, 5 : uxpaTeuetv yc jjlêvtoi Itt 'aùtoùç où Buvatbv
eSoxec eïvat in 'auTOvo|4{a T7|ç 6Îp'^vY,ç Y6YevY,|i.£VY,;.
(2) Voy. p. 130 cl suiv.
(3) La bnrri^rc de forteresses, Argos, Mantinée, Mrgalupulis, Messène, Pylus
traversait obliquement le Péloponnèse du N. E.au .S. K., presque en ligne droite.
Kilc en fermait tous les passages, bien plus étroiteiniint (|ue l'ancienne ligne
Argos, Mantinée, Élis, dont les mailles étaient trop ouvertes et qui, tendue
do I^K. à VO. laissait aux Liicédéiiioniens toute la moitié Sud de la Péninsule.
Sparte blo<|u6e n'avait plus de débouchés que sur la mer. C<*tte situation devait
avoir pour conséquence le développement de Gythiou et de la marine lacô-
démonienne.
Mniitinée. — 39.
434 MANTINÉE ET L*ARCAOIK ORIENTALE.
Lycomèdes Lcs MaiitinéeDs nvaient à se dédommager de quatorze ans
et le 'nouvcmcni j|»j„jj(.|JQ„ j^j^jp (ièvro gagiiu loiirs voisiiis. A peine éclose, la
" A"*"d- j<^uiie Maiilîiiée redevint un foyer de propagandH démocratique et
(priiiienip* ^70). î^nHlaconienne. C'est aussi de lî'i (|ue se propagea le mouvenieot
nationaliste qui devait aboutir à la constitution de la Ligue
arcadienne. Cette cause nouvelle trouva un défenseur ardent
dans un personnage dont la courte destinée ne fut pas sans
éclat, dans Lycomèdes, rAlcibiadeniantinéen. Cet aristocratique
démagogue, de haule naissance, de grande fortune, ambitieux et
éloquent, acquit sur ses compatriotes un incroyable ascen-
dant (1). On le voit apparaître aussitôt après la reconstruction
do sa patriecomme l'âme du parti démocratique et panarcadien.
Son influence dépassait les limites du territoire mantinéen. Sa
propag.-inde en faveur de Tunion des forces arradieunes trouva
vite un écbo dans l'âme des montagnards. Il leur prêchait en
paroles ardentes la haine de l'oppresseur commun et leur mon-
trait ce qu'ils pourraient accomplir en se groupant. Le mirage
de riiégémonie agit-il sur ces esprits où l'ambition se traduisait
en appétits, où le désir de liberté s'aiguillonnait surtout de con-
voitises plus ou moins avouées? L'exemple de la Béotie ôlait aux
idées de Lyconiédes ce qu'elles auraient puavoirdetrop abstrait
et de chimérique pour des intelligences bornées, de rebutant
pour des populations trop longtemps confinées dans leur
égolsine. Lycomèdes sut, en tout cas, trouver le chemin de leurs
cœurs : ils le chérissaient, n'avaient confiance qu'en lui et le
regardaient comme seul digne du nom d'homme (2). Il était en
passe de devenir le héros de l'Indépendance arcadienne.
Par la production d'hommes de cette valeur, la démocratie
mantinéenue recueillait le fruit de sa longue sagesse et de sa foi
(1) X6n. 7/e/r VII, i, 2, 3, 2i. Auxoijl-i^Btjç MavTiveiiç, yévci t£ où^evbç
êvSeYjç /Gr,(JLa<7i te 7rpoY|X(ov xa\ aXXojç ^tXoTtfAOç. Diodoro (XV, 59i le qualiflc
de Tt^^éalc, erreur qu'il rccUfic lul-inôinc un peu plus loin 'XV, G2, G7). Puusa-
nlas VIII, 27, 2) cite un Lyconièiles de Ti'^éo, parmi les comniissiilrcs fondateurs
de MégalopoUs. Mais rexistonce de ce personnage me parait ne reposer que
sur une erreur de copiste (V. p. WT). Hachofen {MnUerrecht^ p. 300) altribui^
à ce nom une oriffine pélasgiffue et une parcntô avec lo culte de Démêler; il le
rapproche des Lycomides athéniens et messënlens (Paus. IV, 1, 4 — Plut.
ThemUU 1) et des Lucomedi ou Lucumons étrusques (Fostus. Lwcomeeit).
(2) Xén. VII, 1, 2t : ol [ilv 8v^ 'Apxaoeç xauxa àxoûovxeç àve^o^oivTO xe
xaî ÛTreic^OvOu/ xôv Auxo[X'/,8y,v xaX [aôvov àvSpa "fjyouvxo. Il est possible
que Lycomèdes ail élé au nombre des démagogues exHés en ;t85, etqu'U ait
passé à Athènes W temps de son exil. ' '
PÉRIODE THÉBAINE. 435
persistante en l'avenir. Par sa réputation bien établie, par ses
souflrances récentes, Mautiuée jouissait alors d'une autorité sans
égale en Arcadie. Nulle ville n*étalt mieux préparée pour donner
le branle à la race tout entière, pour ouvrir aux idées nouvelles
les rudes iulelligences arcadiennes et les faire vibrer à des sen-
timents inconnus. De la mutilation de leur patrie, les démo-
crates mantinéens avaient tiré cette conclusion qu'une nation
mnllieureuse ne doit pas commettre la folie de désespérer. C'est
une honte pour Xénophon de n'avoir pas compris la grandeur de
ce sentiment et de ne pas l'avoir soutenu de ses sympathies.
Ce fut sans doute quoique temps après la reconstruction et
sous rinfluence de Lycomèdes que la jeune et ambitieuse cité
imagina de frapper l'esprit superstitieux des Arcadiens par un
symbole qui légitimût ses prétentions à Thégémonie arcadienne.
Elle obtint ou affirma avoir obtenu du dieu de Delphes l'oracle
suivant : « //y aunevillr., Mainatox^ froide en lnvn\ où sont les
restes d*Arc(is, épomfmedu peuple tout entier. Je t'ordonne d*y aller,
d'y enlever pii'U.\ement les cendres d'Arais et de les rapporter dans
l'ai7nable ville, coupée par trois, quatre, cinq routes, de lui consa-
crer une enceinte et des sacrifices, » En effet, les Mantinéens mon-
traient à Pausanias sur leur agora le tombeau du patriarche
arcadien(l).
Au moment où elle renaissait à la vie, la vaillante cité, déjà udcmorrniie
prête à la conquête morale de l'Arcadie, ne disposait pRS de ^ légi-e.
moyens matériels en rapport avec ses vastes desseins. Les cré-
neaux qui devaient abriter ses espérauces n'étaient pas encore
debout. La ville sortait à peine de terre ; elle oiTrait l'aspect
d'un chantier encombré de maçons et d'ouvriers. Les hommes
d'État s'y trouvaient fort mal à l'aise pour discuter commodé-
ment et recevoir les délégués des autres cités. Aussi les séances
où les partisans du fédéralisme étudiaient la formation d'une
ligue de tous les États arcadiens (printemps 370) et la création
d'une capitale fédérale, se tenaient elles à Tégée. Depuis
Leuctres, la situation des partis dans cette ville n'était plus la
môme. Rien de plus plausible que d*attribuer à Lycomèdes les
progrès de la faction démocratique (2) sur l'ancien parti laconien
tout à fait ébranlé après les revers de Sparte. Les démagogues
(1) Pausan. VIII, 9, 4-;Kî, 8. — Voy. p 3IG.
(2) Dioduro (XV, 5U) le liùsigno comme l'instigntcur dos troubles de Tégée :
d'aiMciirs, lo récit dr» Ijiodon*, iissoz vague ot iDcobcront, n'a qu'une valeur
sccondairi». iiupi'ês du texte de Xénophon {Hell. VI, i>, (i).
4:)G
MANTINÉB ET L'AUGADIK OIUENTALK.
tégéates n'étaient que les disciples et les clients de ceux de
Mantiuée. Ils ne pouvaient rien sans leur concours, et les
Mautinéensse montraient trop heureux de les soutenir et de les
encourager. Il en résulta un rapprochement entre les deux villes ;
elles oublièrent dans la communion démocratique leursancîennes
querelles de voisinage. Naturellement les idées alors préconisées
dans les clubs démocratiques dont Lycomèdes était le plus bril-
lant interprète, sur la nécessité d'un groupement des États
arcadiens. pénétrèrent à Tégée. Là, les chefs du parti populaire,
Callibios et Proxénos, s'en firent les patix)ns. L'adhésion déclarée
de Mantinée au programme nationaliste était un fait acquis (1),
tandis qu'à Tégée la conviction d'une bonne partie des citoyens
restait à faire. La lutte devait être très vive contre les traditions
du loyalisme laconien. Or, le refus de Tégée entraînerait un
grave échec pour les fédéralistes. Matériellement, c'était la ville
la plus prospère et la plus importante de l'Arcadie. Elle tenait
les ciels de la Haute-Plaine. Sans elle, Pœuvre de concentration
serait précaire ; elle gagnée, le reste de l'Arcadie se laisserait
vite entraîner par le spectacle nouveau d'une entente tégéatico-
mantinéenne.
Massacre Lcs couservatcurs tégéatps, ayant à leur tôte Stasippos,
des oligarques réagissaient dc toutcs Icurs forccs (2). La création d'un Koinon
arcadien impliquait la soumission de toutes les villes de la Ligue
aux décisions d'un Couseil fédéral, c'cst-à dire une dérogalion
au principe de l'autonomie, et de plus une émigration tout au
moins partielle de leurs habitants pour peupler la capitale
projetée. Stasippos et les siens excitaient leurs compatriotes à se
rebi (1er contre ces comlitions : la ville resterait telle quelle et
garderait ses lois intactes. Cependant (milieu 370) le synœ-
tégéates
par les cicmoi'ralcs
<le Mantinée
cl de Tégée (370).
(1) Les principulrs li{;nos do ce programme si'iublonl avuir été arrôlées d»
bonne heure, sur les conseils d'Épaniinondas. l*>'ConstituUon d'un xoivov T(ov
'ApxaStov avec Conseil, assemblée et milices fùdôralcs. 2" Synœcismc des
cantons de l'Alphée, en une ville nouvelle, par absorption des localités les
moins importantes du reste do l'Arcadie et par des prélèvements sur la
population des grandes villes. 3" Choix de cette ville comme capitale fédérale,
pour éviter l'antagonisme des villes anchîunes, telles i|ue Tégée et Mantinée.
Sur rhlstoiro du xotvôv arcadien. voy. Herthum. De èleual'ipolitarum rtbux
gcstis et de Commiini Arcadum repabUca. Connu, phll. lencns V. I89i, p.
49. sq., 239 sq. — Uiller v. Grirtringcn. art. Arkadia dans la Realencycl. de
Pauly-Wissowa. Il i , p. 1128 et sulv.
(2) Xén. HelL VI, i, 18.
PÉRIODE TUBBAINE.
437
cîsine de l'Arcadie fut décidé (1). Une commission de 10 oIkkjtxI
ou fondateurs fut désîguée par cinq États pour poser la première
pierre de la Grande Ville. Pausanias nous donne leurs noms (2):
Mautinée délégua Lycomèdes et Uopoleas, Tégce Timon et Pro-
xénos. Celui-ci ne devait pas jouir longtemps de son titre. En
ellet, à Tégée, la question s'envenima. Callibios et Proxénos
n'eurent pas la majorité dans le conseil des Oea&o': où dominaient
les oligarques. Ils espéraient un meilleur résultat dans l'assem-
blée populaire. Pour l'intimider, ils s'y rendent eu armes. La
faction adverse en fait autant. Le nombre se trouve égal des
deux côtés ; le vote ne devant pas trancher la question, on en
vient aux mains. Proxénos est tué avec quelques-uns des siens.
Le reste de ses partisans se dérobe sous la conduite de Callibios
et va se réfugier au pied du rempart, au Nord, à portée des
portes qui s'ouvrent du côté de Mantinée. Stasippos, ne vou-
(!) Paiisan. VIII, 27, 0. Suvcoxé^Oy) Be y\ Mtyi\y\ IloXtç Êvia-jxw xe aùxo)
xal îAYjffi Te ôXîyotç u^repov y^ ro TCTatafia lycveTO Aaxeoai'/oviwv xo êv
Aeùjctpoiç, <l>aaixXet5ou (jlcv 'AOTjVVjaiv apyovtoç, BeuTÉpoj 8c exet Tvjç
ÉxaxodTTjç oXu(jL7C(a,8oç xai BEuxépaç (01. 102, t — 371/0). — I-rf»s antres dates
(lunnôcs d'autre part sont : Marbre de Paros, archonUit do Dyskinctos (01. 102,
3 — 370/00) — Plutar<[ue {Pélopidas, 2i, 8) dans la campagne de Liiconie
(hiver 370/3U9) ; — DIodorc (XV, 72) sous Tarchonte Nauslgén^s (ol. 103, i
— 3<j8/7). Les dates e.xtrftinc8 comprennent un intervalle de 3 ans. On peut
les considérer toutes comme exactes et se rapportant cliacune à une phase
dUIcrente de celte longue opération. La présence du Théhain Pamménès avi'c
1000 hommes pour surveUlcr la construction est un fait très discuté. (Slern.
Gescti. de Spart, u. theb. liegew. p. Î5I). — Voy. plus loin, p. 4()8.
(2) La listo telle que la donnent les mss. de Pausanias est la suivante :
VIII, 27, 2 :
TÉGÉE
MANTÏNÉE
KLEITOn
MAINALOS
PARRHASIE
Lycomédôs
Hopoléas
Timon
Proxénos
Lycomédés
Hopoléas
Kiéolaos
Aicriphios
Eukampidas
Hiéronymos
Pasicratés
Tliéoxénos
Il y a «ne erreur évidente du copiste dans la liste de Tégée, dont les deux
premiers noms, qui appartiennent à Mantinée, doivent être rayés. D'ailleurs,
il n'y avait aucune raison pour que Tégée eût à elle seule 4 commissaires. L<^s
raisons tirées de ce passage pour expliquer, par l'exislrnce d'un Lycomèdes
tégéate, la méprise de Diodore (XV, 50) [Voy. Ilertzl^crg. AifcsiUios p. 351 —
Schiller, Stamme «. Stadte der Griec/un, I, p. 21, 05 — Von Slern. Gescfi, der
Spartan. u. Iheh. IJrgemonie, p. 158] sont tout à fait dénuées de fondement.
438
MANTINKK KT LARCADIIS ORIKNTALK.
lant pas de carnage, les laisse en repos : on entre en
iiôgociations. Mais Callibios avait précisément (ait appeler
ceux (leMantinée à la rescousse. Voilà que ceux-ci sont signalés.
A l'annonce de ce renfort, les démocrates montent sur le chemin
de ronde, crient aux Mantinéens de se presser; déjà d'autres
vont leur ouvrir les portes. Slasippos et les siens, sentant
l'ennemi dans la place, déguerpissent par la porte de Pallantion
et se réfugient dans un temple d'Artémis (1). Mais ceux qui les
poursuivent, sans respect pour la sainteté du lieu, montent sur
le toit du temple, en arrachent les tuiles et les jettent dans
l'intérieur de la cella sur les réfugiés. Accablés, ceux ci se
rendent. On les saisit, on les ligotte, on les entasse sur un chariot
et on l 'S ramone à Tégée. Là, d*accord avec les Mantinéens, ou
les condamne et on les exécute (2).
iniervcni.on Ccpeudaut 800 olIgarqucs avaient réussi à gagner Sparte, où
(le sp«ri« leur présence et leur récit causèrent une chaude émotion. Les
(novembre 370) ^^pjiores voicut quc Tégée leur échappe et s'alarment de l'audace
croissante de Manlinée; ils se décident à agir. Mantinée est
accusée d'avoir violé la paix de 371 par son agression contre
Tégée (3); on lui déclare la guerre; on lève des troupes et on en
donne le commandement à Agésilas. Des deux côtés on convoque
les alliés : tous les Arcadiens, sauf Orchomène (4) se solidarisent
(1) Pausanias{VIII, t>3, il) mcnUonno h 9 aUidcs do IVgôo, sur In routo do
Laconic, lo tomplo d'Arli'Miils LimnaUs. Il ne signale aucun Arlémision sur
la route de Pallantion. D'après Dlo<lore (XV, (3!)) les fuyards, au nombre de liOO,
se réfugieront, les uns sur Sparte (8U0 d'après Xcnoplion), les autres sur Pallan-
tion (soit (KK)). Os derniers furent livrés par les Pallantins. Il faut supposer
qu'un petit groupe de ceux-ci, voulant dépister les poursuites, aura gagné par
un chemin de traverse la route de Lîiconie et l'Artémision. Xénophon s'est
attaché à cet épisode du temple, comme plus caractéristl(|ue, pour montrer
que la fureur des démocrates n'avait pas reculé devant un sacrilège. Cf. Xén.
Àgé.^. II, 23.
(2) Xén. Fdi. VI, 5, 10.
(3) Xén. Jlellen. VI, 5, 10 : toÎç Aax£8ai;xovioiç iS<^xei Po'/|Or,T€Ôv eîvaî
' xaxà Toîiç Ôpxo'j; toî; TeOvewai tcov TeYeaxcov xal IxncicTODxdvt' xai
oiIto) (TTpaTeuoudtv èitl xoùç Mavxiveaç, wç iiapà Toù; opxouç ciiv oirXoiç
èXTjXuOoxwv aûxwv kizX xo-jç Tcyeàxaç (Cf. ibid. 30). — Ces opxoi désignent
la paix conclue en 371 à Sparte avant L(Hictrcs(voy.plus haut, p. 430) et non
la Ligue atliquo, que Xénophon désigne par le singulier opxot,. (Swoboda.
Rhein. Mus, XLIX, I88i, p. 330)
(i) La haine d'Orrhomène contre Mantinée s'était accrue depuis 371 ; 'de
plus, elle s'opposait à la Ligue arcadicnne, craignant do perdre ses cantons
occidentaux au profit de Mégalopolis. i • • '» » •
PERIODB THÉBAINE. 439
avec les MaiitinëoDS. L'année de la jeuuc Li^ue arcadienue allaîl
débuter. Les Aigiens, les Éléens el les Thébains, égaleineut
solliciléb, devaient arriver plus tard (i). Sparte, de sou côté,
pouvait compter sur lesPliliasiens, les lléréeus, les Lépréates et
les Orchoinéuieos reuforcés par un corps de merceujiires corln-
thif*ns sous les ordres de Polylropos(2).
Au début de la campigne (hiver 370) les fo ces arcadiennes Expédition
élaienl disséminées. Le<* troupes de la Ligue devaient se rassem- rf Agé»iUs en
bler à Aséa dans le bassin inlermédiaire entre les cantons de AiT«iiie(dffc.370;.
TAIphée et Tégée, tandis que les Maulinéens se voyaient immo-
bilisés chez eux par les armements des Orchoméuiens. Les
premières opérations s*engag^rentà la fois aux deux extrémités
de la Haute Plaine. Au S. Agésilas, aussitf^t eutré en Arcadie,
avait occupé Eutaia, Une des dernières places de la Ménalie,
daus le voisinage d'Aséa (3). La ville était presque déserte,
(1) D'nprA^ DlcNlnrc (XV, G2) Athènes nvait rcpoassé la domandn do secours
(les Arcadions. — Voy. Swoboda. iihcin. mus. XLIX, 189's p. 338. — Los
Arcadlcns durent conclure avec Thèbcs un traité on r(Sf<io (Xén. Helleii, VII,
1, 18, 35; Î5, 5n
( ) D'apn^s Dlodore (XV, Ci), ce personnage était un offlcier lacédémonlen que
Sparto mit A la této de KXJO lioplltcs Spartiates, de (MX) rrru^iôs arjj^ions et
lMu>lions, et qu'elle envoya occuper Orchomène. C'est une erreur manifeste. SI
Sparte avait été en cUt do mettre sur pied deux armées, Xénophon l'aurait
fait valoir. Ces Iroupi'S appartenaient î\ l'armée d'A^ésilas ((ui comprenait en
outre les 8IM) réfu^'iés logeâtes el <ies Périèquos. Quant à Polylropos, si l'on
lient A juslilier la méprise de Diodore, on pt^ut, ave<! Ilertzlx^rjç (,4(7^.f'./ao.N\
'M\if I2I>) admellre que, chargé par Sparte d'aller recruter des mercenaires i\
(>)rintlie, Il fut provisoirement mis î'i la disposition d'Orcliomén»', si la demande
de celle-ci. Au re^te, tout ce récit de Diodoro n'est qu'un tissu de Imjvucs ; Je
texte de Xénophon mérite seul confiance.
(.i) On n'a d'autre donnée sur l'emplacement do celte localité que Tépithéte
de Xénophon (VI, (5, ÎÈ : tcôXiv ô'fxopov oucrav). Voisine de la Skiritlde, elle
appartenait h la Ménalie méridionale. Ses habitants contribuèrent h peupler
Mégalopolis (Paus. VIII, 2!7, 3) T^rlng l'identine avec les ruines de la colline
d'Ilagios CtmstanUnos (village moderne do Lianou?). Kn la reportant au N.
d'Aséa, comme le propose llertzbcrg ( igesitatpfi^ 3ii2, 1281») on lui fait perdre
sa situation do ville frontière. D'autro piirl, comme Agésilas attendait à Kutaia
i<'s troupes de Polylropos, Il n'eût pas laissé entre elles et lui l'arméo arca-
dlenne d'Aséa, qui l'eût facilement coupé. (Voy. U)ring. Jonrn. of hell Sludt
XV. I8Î>:). fig. î), et la e^irte pi. I, oii est figuré ritlnéraire d'Agésilas}. —
Plutarque (/Igf/^x. XXX, ,'i), résumant cotte campagne d'après Xénophon^
désigne, sans la nommer, Kutaia en ces termes: eXwv 8k iroXi'/v7|v rivà toîv
MavTivÊuiv. Je ne crois piis que cette attribulion d'Eutala aux Mantinécns ait
la moindre valeur: Plutarque l'a faite au hasard, p;ir ignorance de la position
exacte de cette bicoque, dont le nom lui était inconnu. Il est donc inutile de
440 MANTINÉE KT L'ARCADIR ORIENTALE.
tous les hommes valides ayant rejoint Tarmée fédérale à Aséa. Il
ne restait que les vieillards, les femmes et les enfants. Agésilas
se montra débonnaire, ne fit de mal à personne et obligea ses
soldats à payer tout ce qu'ils prenaient. Il poussa la complai-
sance jusqu'à réparer les murailles en attendant l'arrivée de
Polytropos.
Aitnqiie Cependant les Manlinéens, ayant à leur tête l'entreprenant
de.Lycomèdes Lycomèdcs, prennent Toflensive contre Orchomène. Un assaut
rc om ne. ^^^ muraillcs cst repoussé avec perte. Ils battent en retraite
jusqu'à Élymia (Lévidi) sans être poursuivis par les hoplites
orchoméniens, mais seulement par les peltastes de Polytropos.
Serrés de près et harcelés de traits, ils veulent prendre de l'air,
se retournent contre les mercenaires, les repoussent avec vigueur
et leur tuent Polytropos. C'est alors à eux de poursuivre l'ennemi
en déroute. Mais au moment où ils vont l'achever, surviennent
les cavaliers de Phlious qui les ont tournés par derrière. Les
Mantinéens alors s'arrêtent, se reforment et rentrent chez eux (l).
Agésiiaa dans la Agésllas, privé dc SCS mercenaires, entre en Tégéatis, où il
Maniinique prend Ic rcpas du soir. Le lendemain, il s'engage dans la Manti-
(début nique et va asseoir son camp au pied des collines ouest ; de là, il
ravage le pays. Aussitôt les milices fédérales se hâtent de quitter
Aséa et de passer à Tégée, d*où elles s'avancent vers le Nord, eii
occupant les hauteurs entre Tégée et Mantinée, avec l'idée de se
joindre aux Mantinéens (2). Le lendemain, Agésilas s'avance
jusqu'à une vingtaine de stades (3,700 m.) de la ville et campe
chercher à la jusU6er, en supposant contre toute vraisemblance qa'Eutiia
était un débris dos anciennes conquêtes dos Mnntinées' (ce district no dut
d'ailleurs Jamais leur appartenir), ou bien en imaginant que la Ligue arca-
dienno leur confia cette position, maltresse d'une des routes stratégiques qui
conduisaient do la Lîiconle dans la Haute Plaine, cela pendant la construction
de Mégalopolis. Ëutaia étiiit simplement alors une ville aniliée à la Ligue.
Agésilas la traltii avec douceur, espérant la ramener à Sparte.
(1) Voici la version de Dlodore (XV. 62 :) « Lycomèdes de Mantinée, stratège
général des Arcadiens, s'avança sur Orchomène j) la tète d'un corps de 5,000
hommes, appelé l'élite (eTciXéxToc). Les Lacédémoniens firent une sortie, et
livrèrent un combat acharné dans lequel périrent leur chef et 200 guerriers*
Le reste fut poursuivi jusque dans la ville ». Les éiriXsxTOi dont il est encore
question au liv. XV, 07 sont peut-être identiques aux iitiptxot, l'armt^ per-
manente do la Ligue arcîidiennc, noyau des milices fédérales (Xén. UelL VII,
4, 22, 33, 34, 30).
(2) Qui avaient grand besoin de renforts, car les Arglens n'étaient pas venus
au complet (Xén. Heli VI, 5, 16).
de décembre 370).
PÉRIODE THKBAINR. 441
probablement dans la goroje de Kipsia (1). Il laisse les troupes
de la Ligne g;i^ner Mmliuée, de peur que, s*il s*engige contre
elles dans la plaine, les Manlinéens. par une brusque sortie, ne
viennent accabler son flanc gauclie et ses derrières (2). D'ailleurs,
il est prêt à accepter Irahchement la bataille, si les ennemis
veulent en venir aux mains (3). C*est alors que les renforts
attendus, peltaslés mercenaires et cavalerie pliliasienne, arri-
vent d'Orcbomène après avoir échappé par une marche nocturne
à la surveillance des Mantinéens. Âgèsilas fait prendre à ses
troupes le repas du matin et leur fait traverser la plaine. Il
passe Taprès midi entre la pointe Sud de TAlésion et la Kap-
nistra, pour laisser croire qu'il se prépare à la retraite ; puis, le
soir venu, il s'engage sans être vu dans rAr<;on Pédiou où il
établit son camp i4). Peut-être se proposait-il d'en sortir comme
d'une embuscade dès que ses érJaireurs lui auraient signalé
que les ennemis, le croyant parti, s'étaient répandus hors de la
ville. Mais son stratagème éventé faillit se retourner contre lui.
Le lendemain, au point du jour, lin parti dé Mantinéens, ayant
franchi l'Alésion, apparaît rassemblé au-dessus de la queue de
son armée. La position des Lacédémoniens, dans ce cul de-sac,
avec l'ennemi à dos, est très critique. Agèsilas comprend qu'il
lui faut en sortir au plus vite; mais s'il prend la formation de
retraite et se retire en tête de sa colonne, il craint une attaque
par derrière. Il reste donc en place, fait front à l'ennemi (c'est-
à-dire à l'Alésion), commande à la queue (devenue l'aile droite),
d'évoluer par le flanc à droite et de venir s'aligner derrière les
derniers rangs de la phalauge : le front se trouve ainsi diminué
(!) Il pouvait, par la plaine Alclmétlon et le passage de Lévidl (Élynila?)
communiquer avec Orchomèno cl couper l'urmée arcadiennc de celle de
Lycomôdes.
{2} Xén. llell. VI, 5, 16 : xarà xspx; te xal êx lôi/ oiriiOcv eriTcÉdotev auTco.
Ces mots déterminent la posiUon de l'armée d'Agésilas, dans la partie occi-
dentale de la plaine, entre Manlinée et les contreforts du Ménale; en cas de
bataille, le front tourné vers les Arcadiens du S. elle avait Manlinée en arrière
à gauche.
(3) Plutarque {Agés. 30, 5) dit au contraire qu'Agésilas évita prudemment
toute rencontre.
(4) Xén. VI, 5, 17. eiç tov oTridOev xoXttov tti; MavTivixY|;, |jLiXa <TuveyYuç
xal xùxXiu op'r| eyovra.
(.*)) A l'heure où Agèsilas sacrinait en avant de son armée.
•442 MANTINÉB ET l'ARGADIE ORIENTALE.
(le moitié et la profondeur doublée (I). Il suffît alors d*uD antre
nv>uvenieDt pnr le Amdc gauche pour que toute la colonne ainsi
ramassée, avec son clief eu tôle, pût sortir sans encombre. Une
fois dans la grande plaine, il la déploie de nouveau en ligue de
bataille snr la profondeur de 9 à 10 boucliers (2).
Rciraiie Lcs Maulinéens n'allèrent plus Taltaquer. Les Éléens, qui
dAgésiias. venaient de se joindre à eux, leur avaient conseillé de ne pas
livrer bataille avant l'arrivée des Théhains, arrivée imminente,
disaient-ils, puisqu'Élis leur avait avancé 10 talents pour les
frais de l'expédition. Les Arcadiens s'abstiennent donc de toute
sortie. Âgésilas, fatigué do parcourir un piys détrempé par la
pluie, sous un climat dont la rigueur (on était alors au milieu de
l*hlver(3), soit en décembre) faisait souffrir ses Larédémoniens
habitués à la température plus douce de la Laconic, songe à
rentrer dans son pays. Mais pour enlever à son départ toute
apparence de précipitation et de crainte, il reste encore Irois
jours dans les environs de Mantinée. Le quatrième jour, au matin,
après le déjeuner, il fait mine de regagner son ancien camp au
pied du Ménale à 1 entrée de la plaine et d'attendre la bataille.
Comme aucun Arcndien ne se présente, il gagne à marche forcée
Ëutaia, malgré l'heure avancée, de façon à emmener ses hoplites
avant d'apercevoir les feux de l'ennemi : ainsi, pensait-il, cette
retraite ne ressemblerait pas à nue fuite. De fait, à Sparte. l'abat-
tement était tel qu'on lui flt une gloire de cetle campagne
exempte de revers. On élait fier de ce qu'il avait ravagé le terri-
toire arcadien sans que personne eût osé se mesurer avec lui.
Xénophon s'associe de tout cœur à ces sentinents. 11 ne veut pas
avouer que l'excuse de la saison était médiocre, puisqu'elle
n'enjpéchait pas lesThébainsd'eutreron campagne. La prudence
la plus élémeutaire conseillait aux Arcadiens d*atteudre ce puis-
(t) Cf. iino manœuvre analo^uo Ànah, IV, 3, 29. Lo mot oùpà dôsigno la
(lornièrc file do railc gniicbo. Dune, l'armée d'Agcsilas faisait, dans sa position
primitive, face au Lyricéion, dans le sens de la longueur de la plaine :Agcsi las,
placô i\ l'aile droite, se trouvait plus près de l'cntrùc. Sa préoccupation fut do
.faire face à l'ennemi avec son aile droite par la man<cuvre ap|)elée kleXiy\i»6i^
et de diminuer, au profit de la profondeur, le front de sa phalange, ta mesure
«lu'il 80 rapprochait de l'étroite issue de la plaine. Le danger de cette marche
était de présc»nter à l'ennemi le cùté découvert.
{i) Leakc {Uorm. 111, p. 7iJ) et Loring {Jnum nf hellen. Stud. XV. 189j,
p. 80} no se sont pas rendu exactement compte des opérations d'Agésilas.
(3) Xén. HelL VI, 5, 20 : xoà yàp "îiv [xê<toç /eiixoSv.
PKRIOOE THÉBAINE. 443
sant renfort avant de livrer b:it;iille. Cela ne voulait pis dire
qu'il eussent peur d'A.:^ésilas. Au contraire Agésilis montrait
une prudence excessive, eu s'esquivaut avant l'arrivée des
Thébains(l).
Après son départ, dès qu'ils surent son armée licenciée, les ftiiaminondw k
Arcadiens proHtent de ce qu'ils sont réunis et mnrclient contre ''•'oi»»»»» *
Iléraia, pour la punir d'avoir refusé d'a<lli6rcr à la Lij^ue et . . ••^" '"***•
' • » «^ |rt rnittpignc de
d'avoir fait cause commune avec Sparte. Knirés dans le pays, ils i.r,r»n,e.
brûlent les maisons et coupent les arbres (fin déc. 370) (2;. (drcpmimv février
En leur absence, l'armée Ihébaiue el ses alliés, Phocéens, ^-o-^m.
Eubéens. lonieus des drux Locridcs, Acarnaniens, IIôrarli»otes,
Maliens, pcUasies el cavaliers thessaliens arrivent à Mantinée,
sous la conduite d Épaminondas et de Pélopidas(3). Aussitôt les
Arcadiens abandonnent Iléraia et viennent rejoindre leursalliés.
L'armée concentrée à Mantinée présentait un des plus puissants
rasseniblemenls de forces helléniques qu'on eût encore vus. Elle
(1) Voici, d'après X<^nophon, l'emploi du tnmps d'Aj^t^silas, jour par jour, i\
piirUr do son premier séjour ft Kutaia :
l"jour: D'KuUiiH on TôgfViUs.
2* jour : mntln. De la TégAntis t'i la Mantiniqne.
nuit. Marclu^ des Arcadiens d'Aséii à Têgée.
3* jour : matin. Oimp do Kapsia : ravage du pays. . ,
midi. Jonction dos Arcadiens et des M.intinéens.
nuit. Marche des Orchomêniens.
4* jour : maUn. Arrivée dos Orchomoniens au camp d'Agésilas.
Ajçôsllas traverse la plaine,
soir. Ciimp de l'Argon Pédion.
5' jour : matin. AtUique des Manlinéons sur l'Alésion.
Manœuvre d'Agésilas pour sortir de la plaine.
G*, 7" et 8' jour. Agésilas ro^tc en vue de Mantinée.
9* jour : matin. Retour simulé «'i l'ancien camp.
soir. Départ pour Kutaia.
10» jour : Retour ft Sparte.
(2) Iléraia avait été syncncisée après Lc^uctres par Cléombrotc. (Strab. VIlî,
337. — Voy. plus haut, p. 37i, note 3.
(3) Milieu de décembre 370. La campagne devait être très courte, parce que
les pouvoirs de béoUirquc d'Épaminondas expiraient au solstire d'hiver, le il
décembre. Aussi ne -trouvant plus ni amis ni ennemis, Kp:iminondas voulait
rentrer en Réotie O'ulant aux instances des Arcadiens, il prit sur lui do pro-
longer le tonne légal de son commandement, mais il .savait que ses ennemis
ùThèbes exploiteraient contre lui cette illégalité: cette préoccup.ition expli-
que qu'il ait écourté la campagne.
444 AIANTINÉE ET L'ARCAniR ORIENTALR.
comptait 70.000 hommes dont 40,000 hoplites (1). Près des deux
tiers appartenaient aux pays au-delà de l'isthme : jamais force
étrangère aussi cousidérable n'était encore entrée dans le Pélo-
ponnèse. Épamiuoudns, entraîné par les Arcadiens, se décide à
envahir la Laconie. Les Arcadiens forcent brillamment un
passage de la Skiritis, à Oion, dôfendu pac le Lacédémonien
Iscliolaos. Une fois eu plaine, ils ravagent les villages de la
Laconie, avec les Argienset les Éléeus. tandis que les Thébains,
renonçant à atla(|u»*r Sparte, vont assiéger Gylhion. Sparte,
acculée dans sa vallée, faillit èlre réduite aux abois, et la cause
première de celte détresse élait Tatlenlat contre Mantinée.
Cependant, les Arcadiens, chargés de bulin, rentrent chez
eux. Épaminondas, ayant dépassé la limite de son commande-
ment, ne pouvant plus subsister sur un territoire dévasté, et
averti qu'Athènes avnit envoyé Iphîcrate pour lui barrer le
passage de Pisthme (2), reprit en hâte le chemin de la Béolie
(fév. ? 369) (3).
Exaltée par ses succès, la Ligue arcadienne, sans doute
inspirée par Lycomèdes, décida (mars-juin 369?) do proclamer
aux yeux du monde grec sa vitalité et ses exploits précoces:
un ex-voto consacré à Delphes avec la dlme du butin recueilli
en Laconie devait présenter aux Hellènes sous le patronage
d*Apollon et de Nikè, les héros de toutes les tribus arcadiennes
alignés aux côtés d'Arcas (4).
(1) Co sont les cliillrcs de Plutarque {Agés, 31 — Pélnp. 24, 4); U compte,
outre ces pclUistcs, les gens sans arme, qui suivaient pour piUer. Diodoro (XV,
G2) compte en bloc (30.000 h.
(2) En effet, Athènes s'était émue des succès d'Épaminondas en Laconie.
Dans une assemblée ijanv. ? ^KSO on discuta si l'on porterait secours aux
Lacédémoniens, d'après ie traité de 371 conclu avant Leuctres. La conduite
des Mantinéens A l'égard des Tégé<itcs (ut l'objet d'appréciations contradic-
toires les uns les justifiant d'avoir secouru les partisans de Proxénos tués
par ceux de Stasippos, les autres déclarant qu'ils avaient violé le traité.
Enfin, le Phliasien Proclcs, dans un discours plus déclamatoire que solide-
ment déduit, enleva les suffrages en faveur des Lacédémoniens. Xén. Heli,
VI, 5, 33-50.
13) Xén. VI, 5, 22-33. — DIocl. XV, 62-65. — Pausan. IX, 14, 6. — cti xal
X6i[xwv^v (Xén. VI, 5,50}.
(i| Sur co monument, voy. Pausan. X, 9, 3. - Pomtow. Àlh. Vith. XIV,
1889, p. 15 et suiv. — Beiirage zur Tof.ngr. von Driphi ^ p. 5i-;)G, 114,
pi. XIV, 39. — Homolle. HulL de Cnrr. heiien., XXI (1897), p. 270 et suiv.
Sur les fragments du socle se sont retrouvés les noms de la plupart des
divinités et héros cités par Pausanias, avec les signatures de trois des artistes
PKRIODE THEBAINK.
445
Après le départ des Thébnins, les Arcadîens, au dire de
Diodore, auraieDt aussitôt reDOuvelé leurs (ruclueusos incur-
sions en Lciconio. Lyconièdes,à la lôte de oOOO iTrtXexToi. auraient
surpris Pellène de Lacouie, massacré la garnisson lacédémo-
uienne de 300 hommes et saccagé la ville et son territoire.
Après quoi ils seraient rentrés chez eux (I).
Dans le courant de cette même année 369 (2), Athènes et
qu'il nomme. Si sn dcscripUon, sans doute empruntée fi quelque périéj^cse,
est exacte, l'interprétation et l'attribution du monument, faites par à peu
près, sont tout à fait erronées. Les vers delà dédicace à Apollon Pytlilen
(dont le ton rappelle justement à Pomlow celui des discours de Lycomèdesj :
TtuvSe aoi exYCVfiTai AaxeôaîjjLOva ôY|[u6«TavT£ç
'ApxiSeç SdTTjTav [xv-î^y. 'eTrivivoiJLâvo'.ç,
rapprochés par Pomtow des expressions de Diodore (XV, 05} : Ttaaav Se ty,v
XaxwvtxYjv 87)c6<7avTeç xtX ; ensuite, le distique consacré k Arcas [Bull.
Corr, helL ibid, p. 279) et qui peut être reconstitué ainsi :
'Apxiç TOÛaB 'cTÉxvwa 'oï toûto.[v 3ivâOr|{i.a
aTT|(jav IpEi'j/avTeç ytjv AaxeS7.[t(X0V(av,
enfin la présence de Triphylos à côté d'Arcjis, ne laissent aucun doute sur la
date de la consécration. La Niké rappelait la victoire des Arcadiens à don
sur Ischolaos (Xén. Uellen., VI, 5, ifi. ^ Diod. XV, Gi). La Tripliylie dut se
sépiirer de l'Élidc et s'adjoindre à l'Arcadie dès 3GÎ). — Des décrets de
proxénie delphique décernés ù des Arcadiens de Stymphulo, do IMiénéos, de
Mégalopolls furent, au IJi* siècle, gravés sur le socle du monument. —
Sur un autre ex-voto des Arcadiens faisant face à celui-ci, voyez plus loin.
(1) Cet épisode n'est relaté que {Kir Diodore (XV, 07, t). Il ressemble beau-
coup, quant au fond, au récit de la surprise d'Asiné de Liiconie, racontée
par Xénophon (voy. plus loin p. 4tô) D'autre ptirt, Xénoplion relate l(^s
opérations des Thébains, des Arcadiens, des Éléens et Argiens contre l^îllône
d'Achale [Hellen.^ VI, I, 15-18). Il est permis de se demander si DicMlore n'a
pas substitué par erreur le nom do Polièue ii celui d'Asiné, s'il n'a pas
attribué à cette Pellène la qualification de Laconienno que Xénophon applique
 Asiné, et créé ainsi de toutes pièces, par une confusion assez vraisemblable
chez un écrivain aussi étourdi, une surprise de Pellène de La*:onie par ie^
Arcadiens. Il est, en elTet, étonnant qu'il ignore complôtoment les opéra-
tions des Tbébalns-Arcadicns contre Pellène dWc/iaic. — Sur ia topographie
de cette campagne, voy. Loring. Journ, of hellen, Slad. XV, I8Î);>, p. 00-63.
(2) Xénophon {Uell. VII, 1-14), place la conclusion de la paix tvo OarÉpto
Itei, compUmt l'année nouvelle soit à partir du printemps 301), à la manière
do Thucydide, soit à partir du début de l'année civile A Athènes (10 juillet
300, d'après Bœchh. 3limdryden.), La chronologie des événements compris
entre la bataille de Leuctres et celle de Mantinée est très-indécise, Xénophon
datant rarement ses récits et Diodore les datimt mal. On attribue d'ordinaire
ia 2* campagne d'Épaminondas dans le Péloponnèse à l'été .'109. Je crois en elTct
que les événements, qui occupent dans les ilrlléinqnes le début du Livre VL
(de l ù 22), ont rempli l'été et l'automne de 309 ({xcrà xauTa {xsvtoî o\
^Tlpaîoi àTCTjXOov oixaoe, xal oi àXXoi 5è £xa(7Toç oXxaZi).
Surprise
de t^ellnna par
Lyromèdes
(élé 360).
3« cnnipn?ne
d'Épnminondas
dins le
Péluponnësa
(été 369).
446 MANTINKE KT l'AUCADIE OIllENTÀLK.
Sparie conclurenl une nlîiance sur le pied d'égalité. Les nou-
veaux alliés, renforcés par les secours de Denys le Tyrau, et les
Tliébciîns assistés des Ârcadiens et de leurs autres alliés, guer-
roient autour dé Coriulhe, de Sicyone, de Pellène d'AcLaîe et
d'Épidaure.
Réariion anUihé- c'csl après cclle campaguc que se manifesta dans le Pélopon-
iwineen p,\gç^ ^^ particulièrement en Arcadie, une certaine impatience
a regard de I lie^emonie llienaine.
Cette fols Mantiuée parait à la l(He du mouvement nouveau.
Lycontèdes se' multiplie dans une campagne de propagande
anti-thébaine, qui devait aboutir à rejeter l'Arcadie, à la suite
d'Albënes, dans les rangs auxiliaires de Sparte contre Épami-
Dondas. Depuis Pausanias (I), ce revirement apparent de la
politique mauliuêeune a été mal compris et mal jugé. 11 a valu
à Mantinée des reproches de versatilité tort intméntés. A exa-
miner les cho.scsde près, on doit rcconnaitie que la prévoyante
cité et son intelligent conseiller restaient cnuséquenls avec eux-
mémrs: leur nouvelle attitude était déterminée par une sagace
entente de la situation que TArc^ulie devait à leur iiiiliative.
L'œuvre rêvée par Lycomèdes et ses compalrioles était accomplie.
Ils avaient édifié la patrie arcadienne, envers et contre Sparte.
Ils avaient profilé pour cela des victoires de Thèbes ; ils avaient
même accepté la collaboration des Thébains, que les mêmes
griefs leur associaient dans la même haine. Mais, une fois
délivré, le peuple arcadieu, conscient de sa foi'ce, croyait avoir
conquis le droit de vivre libre. 11 n*enlendail pas changer de
maître. Par la restauration de la Mcssénie, par la création de
Mégalopolis, par la résurrecliou de Mantinée, l'action envahis-
saule de Sparie se trouvait enrayée. La Ligue se chargeait de lui
tenir tête à l'avenir avec Faide des alliés dont elle n*avait rien à
craindre, Argos, la Messênie, Alhônes. Or, voici que Thèbes
s*avisait de prendre des allures despotiques, de parler en mai-
' tresse du Péloponnèse. Le péril thébain sd sutistiluait au péril
lacédémonien. Le principe nouveau auquel on s'était dévoué, le
Péloponnèse aux Péloponnésiens et chaque peuplé libre dans le
Péloponnèse, allait être compromis par Pambition de libérateurs
prêts à prendre la place de crux qu'ils, renversîiieul" Il deve-
nait impossible d*encourager ni même de tolérer l'ingérence
(i) VIII, 8, 40.
PKRIOOK THÂBAINE.
447
constante des Béotiens dans In pi'minsule. La patrio arcadienne
prétend «it se suffire à elle ini^ine : la reconnaissance dns services
rendus entrait en conflit avec la sauvegarde de Tindcpandance
nationale : celle ci devait remporter. Les villes arcadiennes les
plus influentes, comme Mantinée et Tégée, avaient subordonné
leurs ambitions particulières à la communauté, en renonçant au
titre de capitale eu faveur de Mê^î^lopolis. Elles pri^tendaieut
avec raison n'être pas dupes de leur désintéressement ni s'être sa-
crifiées au profit de Télranger. Mantinée. le cerveau de la Ligue
etledéfenseurclairvoyaotdes idées d*autonomie. jugea opportuu
de dissiper tout malentendu. Elle signifia aux Thébains la volonté
de l'Arcadie d*agir pour son propre compte et de n'être plus
Tinstrument de personm* (1).
Pendant les deux campagnes précédentes, la cjunstion du rn.pngnnHe de
commandement en chef avait souvent divisé les alliés. Des contes- L>v'miftiw.
tations s'étaient élevées entre les généraux arcadiens, éléens, de*^!** *^
argiens et thébains (2). Mais le prestige d'Épaniiuondas et de ugue arcAdienn«
Pélopidas l'avait toujours emporté au moment décisif. On s*était
mis d'accord pour leur laisser la direction des opérations. Cette
subordination parut à la fin humiliante et dangereuse à Lyco-
mcdes. Il piqua au vif la fierté des Arcadiens, leur disant qu'eux
seuls avaient le droit de regarder le Péloponnèse comme leur
patrie, eux seuls étant autochthoncs(3). Les Arcadiens formaient
la plus nombreuse des tribus grec(]ues. N'étaieut-ils pas réputés
les premiers de tous par la vigueur physique et par la bravoure?
(1) La rupture de la Ligue arcadienne avec Thèbcs est racontée par Xéno-
phon {fieil: VU, t, ti-23)f hostile au parti national arcadioii. Il en est aussi
question dans Pausanias jVIIi, 8, 10) et dans Plutarque (/V»op. iV, 7 — Agés.
3i, 3) qui représentent la tradition thébaine. Les uns et les autres exposent les
(aits do (açon à (aire ressortir l'ingratitude des Arcadiens envc^rs Kpa ininondas.
Mais on no doit pas juger toute la politique bOotirnno d'après les idées person-
nelles d'Épaminondas. l\ y avait derrière lui un parti beaucoup moins motléré,
qui l'accusa de faiblesse à plusieurs reprises, réussit à le (aire destituer et dont
les ambitieuses visées menaçaient la liberté des autres États. Or les Mantinécns
se considéraient comme responsables de l'Indépendance de la Ligue. — Les faits
compris entre le diœcisme de 385 et la batiiillo de 3Gi étaient ex])osés du 20' au
25« liv. dos Bisloires d'ÉpIiore.
(2) Plut. Pêlnp, 24, 7. Xénophon ne parle pas de ces dissentiments. l\ dit
seulement que les aillés 0[xoOu(xaoôv xal eTcpaTTov xal cdTpaxeûovTo rjYOuji,é-
vojv (rjT,paicov (VII, I, 22).
(3) Cf. dans la dédicace de l'ex-voto de Delphes l'aflirniation de cette au-
tochtbonie, p. 1%, n. 2.
448 MANTINÉE KT L'AHCADIE ORIENTALE.
Quand on avnit besoin d'auxiliaires, à qui avait-on recours, sinon
aux Arcadiens ? Sans eux, les Lacédémoniens n'auraient jamais
pu envahir l'Allique, ni les Thébains la Laconie. « La sagesse,
leur disait il, vous conseille de ne plus obéir aux volontés de
n'importe qui. Vous avez fortifié les Lacédémoniens en marchant
avec eux. Vous allez, en suivant les Thébains au hasard, sans
réclamer votre pari de commandement, retrouver bientôt en eux
de nouveaux Lacédémoniens w. L'ardeur communicative de
Lycomèdes enflamma ces montagnards que leurs instincts ren-
daient impatients de tout joug, mais que leur inexpérience
livrait à la discrétion de leurs maîtres. Ils trouvaient en lui un
chef, capable de les mènera la victoire et au profiL Sa popularité
était telle qu'ils lui obéirent aveuglément. Ils choisissent pour
officiers tous ceux qu'il leur ^lésigne, Des paroles, ils passent aux
acte?^ avec un .entrain qui leur vaut de brillants succès. Ils déli-
vrent ,les Argiens, cernés par les pellastes de Chabrias, par les
hoplites athéniens et cqrinthiens. Ils poussent une nouvelle
pointe en Laconie, attaquent Asiné (368), battent la garnison
iacédémonienne, tuent le pqlémarque Spartiate Géranor et mettent
à sac le faubourg d'Asiné (1). Ils étaient faits pour ces coups de
main. Ils pratiquaient la guerre suivant leur tempérament,
comme unç manière de brigandage, ei^ procédant par surprise.
Xénophon est obligé d'admirçr leur prodigieuse endurance et
leur audace pour ce genre d'exploits: « Quand ils veulent aller
quelque part, ni la nuit, ni le mauvais temps, ni la longueur de
la route, ni les montagnes impraticables ne les arrêtent. » Ce
sont les ancêtres des modernes Palikares. Leur enivrement ne
connaît alors plus de bornes; les Thébains commencent à les
redouter. Mais il leur restait à acquérir pour les batailles rangées
la discipline et la cohésion des troupes régulières : ils se firent
(1) Xi^n. Hellen. VU, 1,25 : el; 'AdfvTjVTTi; Aaxa(v7)ç. La position do cette
pl«ice, an S de Gytliion, pnrnlt bien cloigni^c pour un coup de main. Pcut-
6tro les Arcadicns l'ont-ils surprise en passiint par la Messénio et par lo Tay-
gète. Cela justUicrail les termes de Xénophon : oùx op'/) S-JapaTa àitcxioXuev
auToùç (VI, 1. 21)). C'est peut-ôtre à l'occasion de cette nouvelle campagne que
.fut élevé h Delphes un autre ex-voto, situé en face de celui dont il a été pjirlé
plus haut (voy. p. 4U, n. 4. — Uomolle. DulL de Corr. hellen. XXI. 1897,
p. 280). Pausanias l'a omis dans sa description de Delphes. On a retrouvé des
fragments du socle, long de 12"; la dédicace même est perdue; il ne reste
qu'une série de décrets de proxénie en l'honneur d'Arcadiens de Mantinée, de
Mégalopolis, de Phénéos, de Stymphale, décrets gravés ultérieurement, suivant
l'habitude de-s Delphiens d'utiliser li cet nsage des monuments anciens.
PERIODE TUEBAINE.
449
battre à Mnléa ou Médéa (1) par Archidamos, fils d'Agésilas.
Sparte, déshabituée delà victoire, en pleura de joie (367).
Il y avait certes une turbulence inquiétante dans le déchaîne-
ment de cette humeur batailleuse. Elle déconcertait les calculs
non seulement des Béotiens^ mais aussi des Éléeus, jusqu'alors
accoutumés à considérer les Arcadiens comme les soldats de
leur politique. Cet État ne perdait jamais de vue ses intérêts. Il
s'était séparé de Sparte pour conserver Lépréon et comptait sur
l'Arcadie pour lui garantir la possession de la Triphylie. Mais
voilà que la Ligue arcadienne improvisait une politique nouvelle,
celle du panarcadisme ! Non seulement elle prétendait ne plus
relever que d'elle-môme, mais encore faire rentrer au giron les
rejetous égarés de la vieille famille. Or, certaines tribus triphy-
lieuues, tels que les C'iucones et les Paroréates, quoique soumis
d'une manière intermittente à la domination des Éléens, étaient
sans conteste de sang arcadien ; les autres réclamaient leur
autonomie à l'égard d'Élis et se prétendaient affranchis par la
convention d'Athènes en 371, bien que les Éléeus eussent, pour
cette raison, refusé d'y souscrire. Tous paraissent, après la
constitution de la Ligue arcadienne, s'être adjoints à elle dès
370 : la parenté de la Triphylie avec l'Arcadie fut solennellement
aflirmée, sur l'ex-voto de Delphes, par l'inscription d'un héros
Triphylos parmi les fîls d*Arcas (2). Il n'en fallut pas davantage
pour brouiller les Éléens avec la Ligue (3).
Ce fut après l'ambassade de Pélopidas et des autres Grecs à
Suse (367) que le coullit arcadico thébain en arriva à l'état aigu.
Le délégué de la Ligue arcadienne, Antiochos, desservi par les
Thébaius, avait été reçu assez froidement (4). Quand les Thébains
convoquèrent les Étals pour entendre la lecture du traité reconnu
par le roi de Perse et qu'ils prétendaient substituer à celui d'An-
talcidas, les députés des villes ne voulurent pas prêter serment
Conllit avec
rÉIide (368).
Congrès de
Thèlies ; opposi-
tion de Lyconiè-
des (368).
à Tlièbes et demandèrent qu'on envoyât des
délégués
dans
(1) Dans la Maléalis, près des sources de l'Eurotas. Ce fut la victoire dite
« sans larmes, » à8axpuç [xà/Tj. Plut. Agés, 33, 3. — Diod. XV, 72. — Xén.
Hell. VU, 1. 28.
(2) Voy. plus haut, p. 207, 444 et Pausan. X, 9, 5. — Cf. Polyb. IV, 77.
(3) Xén. Uellen. VII, i, 20.
(4) Xén. UelL VII, I, 38. De retour 6 Mégalopolis, il déclara aux Dix-Mille
n'avoir nullement été ébloui par les splendeurs trop vantées de la cour royale.
L'idée de mêler le Grand Itoi aux aiïuires do la Grèce répugnait aux Arcadiens,
et Antiochos se rendit bien compte qu'il y avait peu à tirer de l'alliance perse.
MaiiUnce.
30.
mède» & Athènes
Sa mort (366),
450 MANTINBE ET l'aIICADIE ORIENTALE.
chaque ville pour y recevoir les serments. Ils refusaient de
reconnaître Thèbes comme le centre des affaires grecques. Lyco-
mèdes ajouta môme que Thèbes n'était pas désignée pour être le
siège des Cougrës, que ceux ci devaient avoir lieu où se ferait la
guerre, c'est-à dire au lieu où larmée des contractants se trou-
verait réunie. Les Tliébains prolestent et l'accusent de vouloir
faire échouer le traité. Là-dessus Lycomèdes quitte la séance,
suivi de tous les députés arcadiens (3G7).
Mission dipioma- Ccttc attitude des Arcadiens impressionna péniblement
tique de Lyco- Épaminoudas. Elle pouvait, par la contagion de l'exemple, créer
des embarras à sa patrie ; en tous cas, elle prouvait que Thégé-
momie thébainn se heurterait à d'énergiques résistances. Le
traité de Pélopidas, s'il sanctionnait la chute de Sparte, avait
aussi en vue de désarmer Athènes au profit de Thèbes. Dès lors
uo groupement nouveau de forces hostiles à Thèbes s'imposait
fatalement. Après la 3« campagne d'Épaminoudasdansla pénin-
sule (366), où les Thébains tentèrent de s'assurer l'Achaïe comme
contrepoids à la fidélité chaucelante de l'Arcadie, Lycomèdes
comprit que la lutte de son pays avec Thèbes était imminente ;
pour l'y préparer, il eutreprit une campagne diplomatique et
chercha des alliances. Il commence par Athènes (366). Avec 1 au-
torisation des Dix-Mille, il va solliciter l'amitié des Athéniens. Le
traité de 371 entre Athènes et Sparte n*avait pas été dénoncé.
Aussi le parti laconien à Athènes éleva-t-il des objections contre
l'admission dans la Symmachie d'une république ennemie de
Sparte. Mais l'ingénieux Mantinéen fit valoir que Sparte, aussi
bien qu'Alhènes, était intéressée à arracher l'Arcadie des mains
de Thèbes, qu'en conséquence il n'y avait pas incompatibilité
entre les deux alliances. Il sut convaincre les Athéniens et sa
proposition fut acceptée. Mais il ne devait pas porter lui-même
la bonne nouvelle à Mégalopolis. En quittant Athènes, il choisit
au Pirée un bateau. Pour ne pas divulguer à l'avance le lieu de
son. débarquement, il convint qu'il le fixerait, en. route. La pré-
caution.se tourna contre lui: une inspiration malencontreuse lui
fit désigner un point de la côte où il toniba au milieu d!exilés
.arcadiens, ses ennemis politiques, qui l'assassinèrent, (1). t. .c
.La disparition du brillant stratège portait un coup à: la cause
arcadienne, La Ligue s'inc^irnait en lui. Jll était comme.la per-
ni .■••.: { . ■ .-••.'' • j.i ;'. î ?'.i ■ ! '■•'■■. •
^; (I) Xén. Ilcll. Vil, 4,, 2-3. . Xénoplion ne, désigne pas jcet endroit. Pcut-Ctre
Conséquences
de celte perte
pour la Ligue
arcadienne.
PÉRIODB THÉBAINE. 451
sonniOcfition passionnée du sentiment nntional. f^ul seul avait
assez de cœur et d'esprit pour imposer silence aux convoitises
privées au profil de Tunion. Depuis371, il avait dirigé les affaires
de la Ligue avec une vigueur et une netteté de vues remarquables. '
Épaminondas trouva tour à tour en lui son plus actif collabo-
rateur et son plus sérieux adversaire. Sa mort prématurée ren-
dait son œuvre précaire : une Ligue sans cohésion, compromise
devant Thèbes, voilà pour Texlérieur; au dedans, la faction
démocratique désemparée contre les représailles des exilés, le
pnrti national en lutte avec les tendances parlicularistes des
villes. Le conflit entre la Jeune et la Vieille Arcadie allait
s'ouvrir.
Pour Mautinée surtout, la perte était irréparable. Lycomèdes impuimnce
avait non seulement ressuscité cette ville comme exécuteur dcManUntHïconire
prompt et sagace de la pensée d'Épaminondas, mais il l'avait ** démagogie
poussée d'emblée à la tête de la nouvelle Arcadie. Mantinée, •»•«•<»»«""«•
grâce à son talent, avait donné le branle au mouvement démo-
cratique et nationaliste; elle avait inspiré les autres cités qui
s'inclinaient devant la supériorité de ses lois et de ses hommes
d'État. Lycomèdes disparu, ce beau rôle lui échappa. Les déma-
gogues mantinéens qui recueillirent son héritage n'avaient plus
que de bonnes intentions à opposer à la pression des passions
mauvaises qui agitaient certains membres de la Ligue. Ils
n'avaient ni le prestige impérieux de l'éloquence ni la souplesse
diplomatique qui impose ses volontés sans contrainte. L'in-
fluence passa à d*aulres chefs. Avec eux, la démocratie arca-
dienne répudia les sages principes de Lycomèdes pour verser
dans la pire démagogie. A côté des éléments organisés, stables et
modérés de la Ligue, il y avait tout ce ramassis de peuples arra-
chés à la vie rurale, jetés sans préparation dans la plus violente
mêlée. A ces hommes, Lycomèdes avait proposé un noble but : la
gloire de la patrie commune ; il savait contenir en de certaines
limites leur tempérament demi-sauvage. Mais, au fond, ce qui
les séduisait le plus dans les expéditions entreprises au nom de
la Ligue, C'était l'appât du butin. Chez eux, l'éducation morale
que donne aUx peuples organisés la pratique d'un patriotisme
éclaire leur manquait. Citoyens improvisés, ils continuaient à se
comporter au service de leur patrie comme des mercenaires.
Tant que prévalut l'autorité de la sage Mantinée, la Ligue fut
empêchée de dégénérer en une institution de brigandage. Mais,
dès que le gouvernement passa eti des mains moins scrupuleuses,
452 MANTINÉE ET l'AHGADIB OHIENTALE.
les traditions d'honneur furent vite reléguées au second plan par
le déchaiuemcnt des appétits. Au lieu de gloire et de liberté, on
ne rechercha plus que le profit. Les chefs de la Ligue n'eurent
plus qu'un souci : s'enrichir par de fructueuses pilleries et
maintenir leur popularité en donnant satisfaction aux instincts
cupides de leurs partisans. L'année fédérale devint une bande de
Klephtes. Alors, ceux que dégoûtait cette exploitation du système
national s'isolèrent avec dédain. La grande idée arcadienne
s'échoua misérablement sur les bas-fonds de la politique des
intérêts personnels.
Us Aroidiens Ou cut la manifcstatiou immédiate de ces symptômes pendant
pillent l'expédition contre Élis. La guerre avait éclaté en 363 à propos de
^niTiTe™ ^^«sion, localité tributaire de la Ligue arcadienne, et que les
opposiiion de Éléens avaient occupée (1). Les Arcadiens, avec les auxiliaires
ManUn6e(été304). d'Argosct d'Athèues, avaicut cuvahi TÉlide, soutenue par TAchaie
et même par une armée lacédémouienne commandée par Archi-
damos. Ils s'étaient emparés d'Olympie et installés dans l'Altis
convertie en camp retranché. Ils enlevèrent aux Éléens, au profit
des Pisates, la présidence de la fôte olympique de la 104® olym-
piade, année 1 (juillet 364) (2). Maîtres du sanctuaire et de ses
trésors, les magistrats de la Ligue crurent pouvoir en user
comme d'un butin ordinaire pour payer l'arriéré de la solde dû
aux Épariles. Mais cette question soulevait trop de difficultés
pour être tranchée avec tant de sans-façon. Les fonds sacrés
n'étaient pas la propriété des Éléens, mais celle de Zeus et de
ses donateurs ; les Ëléens n'en étaient que les dépositaires et les
intendants. Quelque commode que fût le procédé pour assurer
à la Ligue des ressources financières inépuisables, il répugnait à
bien des consciences, car il soulevait la réprobation de tous les
États grecs dépouillés des offrandes accumulées par leur piété. 11
pouvait aussi attirer sur les spoliateurs la malédiction divine. II n'y
a aucune raison de suspecter la sincérité de ces scrupules reli-
gieux et d'en méconnaître la puissance, surtout chez un peuple
aussi superstitieux que les Arcadiens (3). Il est donc superflu
de mettre en jeu des influences politiques, d'ailleurs contesta-
(i) Xôn. Bell. Vil, 12. — Dlod. XV, 77.
(2) Monnaies on or do la Ligue avec Ilcaa dons Woil. Zeitschr. /*. Nûmism,
IX. 1882. 30.
(3) Cf. sur la dt'Hlicaco de Delphes : lepaç Xaoç à[ic ' *Apxa8i]aç, Upou 8à
yevouç 'A(ix[a8] *l<^\j(Tt.
PÉHIOOE TIIKBAINE. 4:Î3
bles, et de supposer, par exemple, à Mantinée, après la mort de
Lycomèdes, unereslauratiou du parti conservateur, pour expli-
quer Tattitude des Maatiuéeos en cette occurrence (1). Eu ellet,
dès qu'elle connut remploi attribué aux fonds sacrés, la ville
défendit par un décret de louchera cet argent, et, pour répudier
toute solidarité avec les sacrilèges, elle envoya aux chefs de la
Ligue sa part de contribution régulière pour Tentretien des
Épariles fournis par elle. Par là, Mantinée faisait acte solennel
d'opposition au gouvernement fédéral. Celui-ci, se sentant mal
soutenu, ne veut point paraître faiblir. Il cite les magistrats de
Manlinée à comparallre devant les Dix-Mille. Les Mantinéens
refusent ; on les condamne par défaut et Ton charge un corps
d'Ëpariles d'aller se saisir d'eux et de les amener. Mais les
Mantinéens ferment leurs portes aux troupes fédérales et ne les
laissent point entrer (3G4).,
La rébellion de Mantinée et l'impuissance du pouvoir central Germes de
à la châtier font rélléchir les autres membres de la Ligue. Beau- désunion dans u
coup sont frappés de Tinjustice de l'accusation inteiilée à la ville '-'p"*"*
réfraclaire, simplement coupable de respect à Tégard du patri-
moine commun de la Grèce et de ses dieux. Ils jugent odieux de
pousser les choses à l'extrême et de s'associer par une lâche
complaisance aux méfaits d'un parti rapace jusqu'au sacrilège.
Ils craignent de faire peser sur leurs descendants l'expiation de
leur impiété. Aussi, stimulée parla dévotion, l'iionuôteté groupa
tout un parti. La majorité des voix se déplaça dans les Dix-Mille:
l'assemblée décida qu'on ne toucherait pas aux fonds sacrés.
Alors, tous les aventuriers qui escomptaient lo bénéfice de la
guerre et ne pouvaient se passer de solde se voient contraints
(1) CiirUus. Hist, gr, t. IV, p. 459. La modcraUon traditionnoUe de In dcSino-
rratio inanUiicSi'nno suffît A justifier son opiiosition aux oxcrs sacrilègrs do la
Ligue. Dioilorç (XV, 8i, 1, 2), on desaccord avec Xénoplion (VII, 4, 3.1) qu'il
semble avoir mal compris, souUent que les Mantinéens firent usage d'une
bonne partie des oflfrandes sacrées (!Ni;)) et qu'ils désiraient entretenir la guerre
rentre les Kiéens, alin d'éviter toute reddition de comptes. Ainsi présentés, les
faits deviennent inintelligibles. Mantinée désirait le foncticmneinent régulier
des institutions fétléniles; en matière (inaneière, elle réprouvait les expédients
illicites et donnait le bon exemple en ptiyant ses milices. Curtius déclare qu'il
n'exisUiil pas do trésor public do la Ligue et qu'on en était réduit au gain des
oxpédilions. Qu'était-ce donc que la part que chaque ville avait à payer pour
la solde de la troupe permanente des Éparites? (xb yiyvoiJLévov [xépoç elç toÙç
lilTtaptTOuç. — Xén. Uell. VU, 4, 33). Les dlfflcultés venaient des Klephtes do
la LiguOy réfraetaires par nature â toute obligation onéreuse*.
454 MANTINÏCE ET l'aRGADIB ORIENTALE.
(le déserter. Les plus aisés restent ou engagent leurs amis à
s'enrôler comme volontaires. Cette manœuvre habilement con-
duite par les modérés eut pour eflet d'éliminer de la force armée
rélément irrégulier et de réduire à la dépendance les démagogues
eflrénés qui compromettaient Tlionneur de la Ligue.
Schisme eniro ir La communauté arcadienne, encore neuve et mal cimentée,
parti de Mantinêe était mcnacéc d'uu schismc entre deux groupes dissidents (1) :
et celui deT^i^. ^jçjyjj jg Mantlnéc et celui de Mégalopolis et de Tégée, dirigé par
(3«*-3). j^g ultra, compromis dans le maniement des fonds sacrés.
Comme les chefs craignaient pardessus tout d*avoir à rendre des
comptes et d*étre exécutés pour malversations, il leur fallait une
diversion pour se tirer d'afluire. Ils mettaient en avant la peur
d*une restauration laconienne en Arcadie; ils excitèrent Thèbes
à intervenir en libératrice pour défendre son œuvre contre leurs
adversaires. Ceux-ci se groupaient autour de Mantinée, restée
fidèle à ses traditions de libéralisme modéré (2). Ils avaient
(i) Diocl. XV, 82, 2 : revofxévcov ouv Suoïv eTaipeuov, auvéëaive T7|ç [xev
Toùç Te^eàraç, ttjç Se xoù; MavTivcîç 'qyei<yOoL'.,
(2) Grotc (XV, 181-187) et GurUus (IV, 4(K)) supposent qu'une réaction olifjar-
chiquc avatt concerte^ h Mantlnéc un rovlromcnl complet de la politique arca-
dienne, sur les bases suivantes : 1" alKindon de la politique nationaliste; 2"
retour aux traditions particularistcs do la Vieille Arcadie; .l'antagonisme
avec Tégée; 4" appel au patronage oligarchique de Sparte. Ce n'est pas ainsi
que Xénophon présente les faits : ce sont Diodorc (XV, 8i}, Piutarquc (Àoés,
34, 3) et Pausunlas (VIII, 8, G) qui se sont mépris sur l'altitudo de Mantlnco
après Louctres. Ils n*ont été frappés que de ce fait : 9 ans après sa recon-
struction, la ville d'Épaminondas s'est retournée contre son bienfaiteur et
négocie avec Sparte. Pausanias se montre le plus injuste : <c Après leur retour
dans leur ville, les Mantinéens ne se conduisirent pas toujours avec éifuité, car
on les surprit négociant avec les L^icédémonicns et chercliant à faire ieur paix
en particulier, î\ l'écart de la Ligue arcadienne. Se voyant découvert, In
crainte des Thôbains les porta ft se ranger ouvertement du cété des Lacôdé-
moniens ». Ce jugement n'est qu'un (^lio de la version béotienne, qui, cUc-
méroc, s'était inspirée des rapports du parti tégéate, o(i l'on dénonçait, avec
une exagération malveillante, les prétendues perfidies des Mantinéens (Xén.
Hell, VII, 4, 34). La plupart des historiens modernes ont emboîté le pas h Pau-^
sanias et incriminé k l'envl la politique tortueuse, la versatilité, 'l'ingratitude
de Mantinée. Toutefois, les ' faits non dénaturés suggèrent les remarques sui-
vantes : !• Loin de s'isoler de la Ligue, les Mantinéens entraînent l'adhésion de
la majorité dans l'assemblée des Dix-Mille. Ce n'est pas au nom des Manli->
néens et de leurs alliés, mais au nom des Arcadiens, que sont envoyées les
délégations k Thèl)es (Xén. HeU. VII, 4, .3"»), que sont conclues les alliances avec
Athènes, l'Éllde, l'Achaïe, Phlious (G. I. A,57i»), et probablement aussi le rappro^
chemcnt avec Sparte (Xén. ib. .*>, 3). Dans le traité d'alliance de 362 (voy. plus
de rhnrmoste
thébain A T6gée
(3G3).
PiRlODB THÉBAINE. 455
horreur de rîiilervenlîf)D béolîenne et sonp^enient à lui opposer
ralliance athénienne conclue par Lycomèclos, et, au besoin, un
rapprochement avec Sparte beaucoup plus inoflensif pour
l'indépendance nationale que la tulelle de Thèbes. Ce parti
réussit d'abord à parer le danger d'une invasion béotienne en
lui enlevant tout prétexte. Les chefs de la Ligue avaient cru faire
un coup de maître en mettant la main sur les trésors d'Olympie.
Par une opportune réconciliation avec TÉlide, le groupe manti-
néeu fit cesser le scandale qui avait attristé le monde grec. L'Altis
fut restituée au peuple qu'une tradition séculaire avait investi du
sacerdoce et de l'intendance olympiques. On pria les Thébains
de rester chez eux, et d'attendre, pour intervenir en Arcadie,
qu'on les y conviât.
Toutefois la paix avec l'Élide, bien que jurée avec joie par L«ffnire
toutes les villes, n'apportait qu'une solution illusoire à cette
crise de désordre. Elle ne dispensait pas les magistrats concus-
sionnaires de rendre compte de leur gestion. Par suite, ils se
bas, p. 44H), les Arcadiens s'engagent à défendre la démocratie athénienne.
ir Pourquoi Mantinée aurait-ello renié tout à coup son passé démocratique,
pourquoi ses alilés d'Allirnos et d'Argos se seraient-ils prêtés ii une, resUiu-
ration oligarchique? Xénophon désigne le groupe mantinéen parées termes :
(VII, 5, 35) ol 8è Ta xpiTicxTa ttj IleXoTrovvv^cxo) pouXeuôfxevoî, et (VII, 5, 1)
MavTivecç Te xal twv aXXoiv 'ApxàSwv ol xir|$ôfJL£vot t-^ç lleXoitovvY|ffou.
Ce sont l:i des p<>riphrasc8 assez vagues, qu'on a tort d'interpréter comme
signifiant: les oligarques. S'il s'était produit une révolution oligarchique, Xé-
nophon l'eût raconté : or, il ne signale aucun mouvement dans les villes arra*
diennes. I^s expressions citées plus haut s'appliquent an parti démocratique
honnête et modéré, représenté par Mantinée, en op|M)silion av<^c la fraction
extrême. qui dominait à Tégée et i\ Mégaloi)olis, non sans l'appui de Thèbes.
3* Quant à l'allianco sptirtiatc, les partisans de Thèbes en Arcadie avaient beau
jeu d'en tirer argument pour prédire le retour de l' Arcadie au régime ancien,
si Thèbes n'y mettait bon ordre. Mais ils n'étaient guère de bonne foi. Tout ce
que lo parti mantinéen demandait ii celte alliance, comme à celle. d'Athènes,
c'était un renfort militaire, afin de parer i\ la supériorité numérique des trou-
pes IxSotlenm^s. Toute arrière-pensée do vassalité et de réforme consti lu tiour
nelle en était exclue. Les temps avaient changé : demander secoura à Spiirte,
s'était s'assurer un auxiliaire, non plus un protectorat. L'amitié des Spartiates
était désormais sans danger, alors que celle de Thèbes dev<'nalt de plus en
plus menaçante. En s'alliant h eux, les Mantinéens faisaient non pas acte
d'adhésion au régime et aux ambitions Spartiates, mais seuiemcnt acte d'oppo-
sition à Thèbes; et, ce faisant, ils persévéraient dans leur politique tradlT
tionnelle d'autonomie. Tout ce ([u'on peut .avancer, c'est que les partis aristo-;
cra tiques, aussi bien ù Tégée qu'à Mantinée, durent se rallier aux modérés
et leur prêter leur concours.: . . • , •. , . h :
4î)6 MANTINKK KT L'ARCADIK OIUENTALK.
voyaient toujours réduits à chercher dans une guerre.ou dans un
coup d'état une échappatoire. Le centre de Tinfluence béotienne
en Arcadie résidait alors à Tégéc. Thèhes y avait, comme dans
d'autres villes, en Achaïe par exemple (1), installé un harmosto
avec 300 hoplites pour y soutenir les démocrates. Le traité éléen
n'avait pas Tassentiment de Thèbcs. Les auteurs de la paix ne
mirent que plus d'obstination à faire reconnaître leur influence
et ratifier leurs actes en exigeant le serment du commandant
thébain de Tégéc. Cette adhésion suprême était une victoire pour
le groupe manlinêen.Tous les commissaires arcadiens qui avaient
été de ville en ville recevoir les serments des autorités locales se
trouvaient en dernier lieu réunis h Tégée. On y organisa de
grandes fêtes pour célébrer la conclusion définitive de la paix.
Peut-être même ces réjouissances devaient elles être suivies
d'une assemblée fédérale où la conduite des magistrats sortant de
charge serait examinée. Les ultra jugèrent l'occasion propice
pour le coup de main qui les tirerait d'embarras (363). Ils repré-
sentèrent sans doute au commandant thébain que son adhésion
au traité ne plairait pas à son gouvernement; que, compromis
par son imprudente faiblesse, il n'avait plus qu'à tenter un coup
(le force pour sauver sa situation, que l'attitude arrogante du
parti adverse lui fournissait un prétexte excellent à user de
représailles, qu'on lui saurait certainement gré à Thèbes d'un
acte de fermeté destiné à réhabiliter le prestige béotien. L'har-
moste, convaincu, ordonne la fermeture des portes et fait saisir
la nuit, en plein banquet, les aristocrates de Tégée et les Arca-
diens du parti anti-béotien. La prison et la maison commune (2)
regorgent de prisonniers. Mais les Mantinéensn'y figuraient qu'en
petit nombre. En effet, la plupart d'entre eux, après la tournée
des commissions,avaient dû rentrerdans leurs foyers,la proximité
des deux villes leur permettant de venir siéger au moment voulu.
Or, c'était précisément leur capture qui intéressait le plus le
gouverneur et ses conseillers. Le coup était h moitié manqué.
Le lendemain matin, quand la nouvelle de ces faits se répandit
à Mantinée, l'émoi fut grand. Les autorités expédièrent aussitôt
aux autres villes d'Arcadie l'avis de prendre les armes et de
surveiller leurs portes. Elles mirent Mantinée même en état de
défense, puis envoyèrent à Tégée des hérauts réclamer l'élargis-
(i) Xcn. vu, 1, 43.
(2) Y| S-niioaia oix(a (X6n. Ilellén. VII, i, m).
PKRIODR THÉBAINR.
457
sèment de- tous les Mnntiuéens détenus. On protestait en outre
contre Tarrestation ou Texécution arbitraire d'un Arcadien
quelconque ordonnées sans jugement régulier. Ou réclamait la
juridiction du tribunal fédéral : TÉtat manlînécn se portait
garant de la comparution devant rassemblée de tous ceux qui y
seraient cités comme accusés.
Au reçu de ce message, le gouverneur s'aperçoit qu'il s'est
mis dans un mauvais cas en violant sans succès la paix et les
formes légales. Il ne sait comment arranger l'afFaire et rclAche
tout le monde. Le lendemain, il convoque une assemblée, donne
des explications embarrassées et déclare à sa décharge qu'il a
été trompé : on lui avait dénoncé, dit-il, un complot lacédé
monien; les ennemis attendaient en armes à la frontière, de
connivence avec des aristocrates de Tégée qui devaient leur livrer
la ville. L'assemblée ne fut pas dupe de ce mensonge (1).
Cependant, elle préféra suivre à Tégard de l'harmoste une
procédure régulière. Elle envoya une délégation porter à Thèbes
un rapport contre lui et réclamer son exécution : il est très
probable que des Mantinéens dirigeaient l'ambassade (2).
Cette démarche eut le don d'irriter vivement Épaminondas.
Déjà les affaires précédentes du Péloponnèse l'avaient fort
mécontenté. Il voyait avec amertume son œuvre se retourner
contre lui. En vain, il avait tenté de fonder dans la péninsule un
régime d*équilibre stable, en compensant par un savant système
de contrepoids l'antique prépondérance de Sparte. Au lieu de
l'ordre rêvé, tout n'était plus que chaos. L'Arcadie, et Manlinée
en particulier, n'avaient guère répondu à son attente. Au lieu des
instrumeuts dociles qu'il avait cru tenir en main, il n'entrevoyait
que méfiance et ingratitude à l'égard de Tlièbes. L'orgueil
béotien ne recueillait qu'avanies eu guise dliommages. On
s'explique que, malgré sa modération ordinaire, Épaminondas
n'ait pu maîtriser sa colère. La situation lui apparaissait si
tendue que Thèbes n'avait plus d'autre alternative que d'abdi-
quer ou de réprimer sans merci. Il lit donc sentir aux députés
arcadiens que Thèbes n'acceptait pas l'état de choses qu'ils
prétendaient substituer à sis combinaisons. Dans une réponse
Aléconlenlenionl
et mmarfs
d'fiipAminoïKlas
(1) Grotc (XV, p. l84)adinclquolc prclcndu complot n'était pas ilo tous points
une invention, et qu'Épaminondas y crut. Mais ses arguments no mo paraissent
pas convaincants.
(2) Xén. Ilelleti, VII, 4, 3(}-40.
en A raidie.
458 MANTINKB BT L*ARCADIE ORIENTALE.
cassante et menaçante, il couvrit son subordonné, ne lui recon-
naissant qu'un tort - celui d'avoir relâclié ses prisonniers : « Vous
vous êtes conduits en traîtres, ajoula-t-il. Vous commencez par
nous entraîner à la guerre et vous faites ensuite la paix sans
notre aveu. Eh bien I nous irons en Arcadie combattre avec nos
fidèles partisans (1) I ».
Émotion Cette violente sortie souleva en Arcadie une vive émotion. On
y vit à bon droit une provocation. Le sage béotarque s'était
emporté comme un Spartiate : on eût cru entendre Agésilas. La
situation du Péloponnèse exigeait-elle une intervention armée ?
Le parti modéré dirigé par Mantinée avait réussi à imposer ses
vues à la majorité de l'assemblée fédérale. H avait (ait jurer la
paix par toutes les villes. La fin des hostilités contre l'Élide
avait, en général, reçu un accueil enthousiaste en Arcadie et
ailleurs. La faction des brouillons et des concussionnaires,
discréditée et poussée dans ses derniers retranchements après
l'échec du coup de main de Tégée, semblait perdue. L'élément
pacifique et honnête l'emportait. Sparte n'était pas plus redou-
table qu'après Leuctres. Si l'Arcadie voulait se défendre avec ses
seules forces, elle le pouvaiL Le but suprême, raflranchrsseraent
de la péninsule, avait été atteint (2). Quel' besoin pour Thèbes
d'obéir aux sollicitations intéressées d'une faction aux abois, de
compromettre sa cause avec celle des turbulents, de se solidariser
avec les excès d'un subalterne maladroit ? En souillant sur le
feu à peine éteint, elle ne pouvait guère prétendre agir en bien-
faitrice du Péloponnèse Elle démasquait au contraire ses ambi-
tions: l'Arcadie serait thébaine ou elle ne serait pas, voilà ce
que signifiait l'ultimatum d'Épaminondas (3). Ainsi les prévisions
•■ • • •''•/•
(1) X6d. neU.Wi, 4. 40. < • , i
(2) A'JTOvoixo; B' * liXXàç irîç' Iv ileu()ezir\, (Usait \v dernier vers d'une
épigrammc gravée sur une sUitue d'KjMiminoniias (Paus. IX, 15, 3).
(3) Oit le comprit de suite ii M{^nlin<*e, d<'is que la r^^ponse d'Kpa ni inondas y
fut connue. I^s ri';nexions que Xénophon pn^te aux ManllniSens et :i leurs par-
tisans montrent avec quelle justesse de coup d'œil ils jug^vrent I4 situation :^
(VII, J),*l-2.) «Quand ces paroles furent rapportées k la Ligue arradlenno et
aux villes, les Mantinéens et ceux des Arcadiens qui avalent éoucl du Pélo-
ponnèse, ainsi que les Éléens et les Arliéens, en conclurent que les Thébains
ne cachaient plus leur désir de voir le Péloponnose R'afTnlbiir le, plus possible,
ann,de, |)OUvoir plus aisément l'asservir. « Kn elTit, disaient- ils, poun|noi
nous veulent-ils en guerre, sinon pour qu'après s'élrc réclj»r(M|uement mal-
traités, les deux partis aient besoin d'eux? Pourquoi, quand nous leur alllr-
moiis n'avoir p{is b«*.soin d'eux actuellement, se dîsposeHt-lls A marcher? n'est-
il pas évident que c'est pour nous faire quelque mal qu'ils préparent cette
campagne?» - • ■ ■"• •< -i » ' '•' •• ..!•..'.!:••,': rsi •••■.!
PÉRIODE THIÈBAINE. 459
de Lycomëdes se réalisaieut. Les libérateurs prenaient des allures
de tyrans. En somme, la nécessité de celte guerre ne s'imposait
qu'aux partisans de l'absorption de la Grèce dans la puissance
béotienne. Sans doute, Texclusion signifiée par les Dix Mille
mortifiait Torgueil thébain. Mais on peut s'étonner qu'Épami-
nondas, raisonnant plutôt en chauvin qu'en ami de la Grèce,
n'ait pas reculé devant un conflit sanglant pour sauver l'amour-
propre de sa patrie. Il risqua sa vie dans cette entreprise. Tlièbes
avec lui tomba du haut de ses rêves: elle perdit tout pour avoir
voulu recommencer Leuctres.
La déclaration de guerre contenue dans la réponse d'Épami- co«mion dw
nondas n'intimida personne. Elle provoqua au contraire la coali- ^niiemi»
tion Immédiate des ennemis de Thèbes. Au nom de Timportante ^^, "^"
fraction dont elle était Tinspiratrice, Manlinée organisa la Aibènes, Phiious,
résistance. Vite elle essaya de grouper en faisceau ses amis Èiis.rArhnrc.
anciens ou récents. La première pensée fut pour Athènes, liée i^^*^--)
avec l'Arcadie anti-thébaine depuis la mission de Lycomèdes. Il
suffisait de lui rappeler ses engagements et de lui demander son
concours. L'amitié de FÉlide et de TAroadie devait naturellement
profiter au groupe manlinéen, fauteur de la réconciliation entre
les deux pays. L'Achaïe. placée sous le protectorat de Thèbes
depuis la campagne de 367, avait trouvé mO)'en de réduire à
Timpuissance les harmostes thébains. Le parti conservateur qui
triomphait dans les villes achéennes avec l'appui de Sparte
faisait des vœux pour la chute de l'influence thébriine en Arcadie.
Ses sympathies lattiraif'nt doue vers le groupe mantinéen. Il y
avait aussi la ville de Phiious dont les démêlés avec Argos et
l'Arcadie et la fidélité à Sparte ont ému Xénophon. Elle avait
signé la paix avec Thèbes en 366 à condition de ne pas être
obligée de faire la guerre à Sparte. Les troupes phliasiennes
n'ayant pas combattu a Mantinée, Xénophon a omis do citer
Phiious parmi les alliées, de Mantinée ; mais laccession de
cette ville à l'alliance arcadico- athénienne est attestée par uue
inscription à qui nous devons de précieux détails sur les, préli^'
rainaires du grand conflit (1).
(I) C. I. A. H,' 112 et 57«>. — nicks. Gr(»^k hisinr, imcr. w Oi. — Los doux'
fragments sonl réunis, avec dos rcstilutions plus complôlos, dans Dillcn-
borgnr iSy linge, n" K\). CVsl lo toxlo quo J'ai suivi pour la Iraduclion. La,
slôlo ost surinonléo d'un bas-rollof : Zcus est assis, la foudro on main; une.
fcmmo s'approche, (levant son voile (po.rsonnKicatlon du Pél(»ponnôsc, suivant
Kcehler, do la Syinmacliio, suivant Hicks), tindls qu'Athéna se tient auprès
celte allionco
(juillet 362).
460 MANTINKE ET L'ARGADIE ORIENTALE.
Décret athénien Ce texto iious lenscigoe sur la campagne diplomatique alors
ratifiiint entreprise par Manlinéc. Elle réussit sans doute à décider les
Éléens, les Achéeus et les Phliasicns à joindre leurs dépulations
à celle de rArcadie pour solliciter une alliance en bonne forme
avec Athènes et ses alliés. U s*agissaitde reconstituer une symma-
cliie anti-thébaine. En efTet, au début de Tarchontat de Molon
(olymp. 104, 4. — 362/1), vers la fin de juillet 362, le peuple
athénien, dans une première délibération,adopta les propositions
des Péloponnésiens, les soumit, conformément aux statuts de la
seconde Ligue athénienne, à Tapprobation du synédrion des
alliés, lesquels les ratifièretit par un dogma (1). Celui-ci fut
retourné au Conseil, confirmé par un probouleuma et finalement
d'elle. Oulre la pri^^sonce do PhUous et l'adjonetion de ces alliances au sys-
tème do la seconde Ligue athénienne avec garantie des constitutions, ce
document ajoute aux textes des historiens une Importante donnée chrono-
logique : 1* le décret est antérieur k la bataille : d'après la formule dublUitivo
de la ligne G, le peuple attend, pour glorifler les dieux, que la fortune des
armes se soit prononcée; 2* la bataille a donc eu lieu sous l'archontat do
Molon, c'est-«1-diro après le 22 ou le 23 Juillet 302, datQ de son entrée en
charge d'après les cjiIcuIs de Bœckh {Znr Getckickle dur Motvdcyrlen, p. Ci et
sulv.) et avant la fln de la moisson (Xén. Ilcll. VII, 5, 14), dont la date
extrême, dans lu plaine do Mantlnée ne peut être reculée au-delA de lu pre-
mière quinzsiine d'août. Il n'est pas nécessaire de supposer que le décret a
précédé de bciiucoup la batsillle; les renforts athéniens ne piirtircnt qu'au
dernier moment et la cavalerie se battit le jour même de son arrivée ti Man-
tlnée. Pour exprimer en chiilrcs les dates, à mon avis, les plus vraisemblables,
je placerais le décret entre le 23 et le 20 juillet, et la bataille dans les pre-
miers jours d'août. Encore faut-Il admettre que, cette année, la moisson était
fort en retard, car il résulte des termes de Xênophon non pas qu'elle touchait
à sa Gn, mais qu'elle battait son plein. La date de milieu août, proposée par
Kœhler d'après les observations insu frisantes d'A. Mommsen, me parait trop
tardive : j'ai toujours vu, dans la Mantlnlque, les blés coupés dès la fin de
juillet (Voy. p. .')()). A plus forte raison, llicks se trompe-t-il, en écrivant celte
phrase, d'ailleurs contradictoire : a The inscription proves it to hâve been
early in the autuum of 302, soon oflcr Molon's archonship began ». Co que
Kœhler a fait ressortir {Ath, MUh. 1, 18 6, p. lî)7), c'est l'inexacUtude des dates
Indiquées par IMutanfue (Vit, X oral. p. Hi;') E) et par Dlodoro (XV, 82) : tous
deux placent la IkiUiIIIo sous l'archontat de Charikleidès, prédécesseur de
Molon. Dans un autre passtige {De glor. Àthen. p. 350 A). Plutarquc écrit :
TYjv ht 8(oSExâT7)v Tou ^xipo^opiMVOç UpoiTepav iTtoiT^aev ô MavTiveiaxbç
àywv. Or, le 12 Skirophorlon, olymp. lOi, 3, tombe, d'après }\ivck\\{HonUi'ycL
p. 28) entre le 3 et le 5 juillet 3()2. D'après l'Ingénieuse expllcJiUon de Kœhler,
cette date désigne, non pas le jour de la bataille, mais celui de la cérémonie
commémoratlve qui se trouve reportée à la fin de l'année civile, au début de
Skirophorlon, de façon k correspondre avec la fête des Skirophoria,
(1) Sur cette procédure, voy. Lenz. d. Synedrinn Oer Bundesgenossen. p. 33.
PÉRIODE THÉBAINE. 461
représenté aux suffrages de rAsscniblcc populaire, qui, sur la
niotiou de Périaudros, lui douue la sanctiou défmilive, doul la
teneur suit :
Archontat de Molon.
« Alliance des Athéniens, des Arcadiens, des Achécns, des
Éléens et de^ Phltcuiens. Décret da Conseil et du Peuple, l'Oinéis
ayant la prytanie. Aqatharchos, fils d' Agntharchos , du dème
d*Oéa, secrétaire. XanthippoSy du dème d*Uermos, président,
àîotion de Pénandros.
Le héraut invoquera sans délai Zeus olympien, AthMa Polios,
Déméter et Koré, les Douze Dieux, les Déesses vénérables, si la
décision relative à Vaillance a tourné à l'avantage du peuple athé-
nien ; il fera un sacrifice et une prière quand ces cérémonies auront
été accomplies suivant la décision du peuple. Ces invocations ont
eu lieu.
D'autre part, vu le dogma soumis au Conseil par les alliés
approuvant l'alliance, aiu! conditions proposées par les Arcadiens,
les Arhéens, les Éléens et les Phliasiens.... Dans le cas où ion
envahirait l'Altique, où ion renver.serait la démocratie, oà l'on
rétablirait la tyrannie ou l'oligarchie, les Arcadiens, les Achéens,
les Éléens et les Phliasiens porteront secours aux Athéniens dans
toute la mesure de leurs moyens, à la requête des Athéniens.
Dans le cas oà Von envahirait le Péloponnhe, oà Von renverserait
la démocratie à [Phlious?], oà Von renverserait ou changerait la
constitution des Achéens, des Arcadiens ou des Éléens, oà Von
procéderait à des expulsions, les Athéniens porteront secours dans
toute la mesure de leurs moyetis et en tout temps aux parties lésées,
sur leur requête.
Chaque peuple exercera le commandement sur son territoire.
Les serments seront prêtés aux envoyés du Pébponnèse par
le Conseil, par les stratèges, par les taxiarques, par les hipparques,
par les phylarques et par les chevaliers.
Prêteront sermeiU, au nom des Arcadiens, des Achéens, des
Éléens et des Phliasiens, les envoyés qui sont à Athènes. »
Il est à remarquer que, dans ces négociations, la fraction
mantinéenne traite, non pas au nom des Arcadiens dissidents,
mais au nom delà Ligue entière : il représente ofllciellempot la
légalité, il s*attribue la garde de la Constitution fédérale et eu
fait garantir Tintégrité par les autres signataires. Bref, il se fait
462 MANTINÉB ET L^ARCADIE OIUENTALE.
reconnaître, non pas comme un groupe, mais comme TArcadie
entière. De plus, les parties contractantes traitent sur le pied
d'égaillé eu s'atlribuant le commandement en chef chacune sur
son territoire.
Importance Quaut à Plilîous, SOU entrée dans la coalition n'était pas sans
de rncccMioii importauce. Athènes et Mantinée y devaient attacher un grand
dcPhiious pj-ix^ ^ cause de la valeur stratégique du territoire phliasien. II
à la Ligue, ^j^^j^ certain que Mantinée, foyer de la résistance, serait le point
de ralliement des coalisés, et Tégée le quartier général des
ennemis : la iJaule Plaine allait, une fois de plus, servir d arène
aux deux moitiés de la Grèce. Or, Argos s'était détachée de Man-
tinée.. Elle restait fidèle au traité conclu avec Thèbes en 366 (1),
escomptant sans doute l'appui de Thèbes pour satisfaire ses
ambitions sur Phlious et sur Sicyono. De plus, il ne lui plaisait
pas d'entrer dans un groupe qui sollicitait en môme temps Tal-
liance de Sparte. Cette hostilité d'Argos créait un gros embarras
aux Athéniens en leur coupant le meilleur chemin de Mantinée.
Deux voies demeuraient plus ou moins praticables aux renforts
d'Athènes : celle du Sud obligeait Athènes à convoyer ses troupes
par mer jusqu'à Gythion pour les joindre aux Lacédémoniens(2).
La route du Nord plusdirecteétait hérissée d'obstacles. A l'Isthme,
la cavalerie de Corinthc escarmouchait : il fallait forcer les passes.
Au-delà de Cléonai, le chemin se croisait. Du côté de l'Argolide,
les défilés étaient trop faciles à fermer pour qu'on pût songera
prendre cette voie (3). Restait Tem branchement par Némée,
(1) Xén. NelL VU, 4, H.
(2) Pour déplslcr Épaminundas, qui faisait lo ^'ucl à Némco (Xén. HelL Vil,
5, 7), les Atliônicns annonci^rcnt l'inlcnlion d'oxpcdicr leurs rcnforls par voie de
mer; mais ce fut une simple ruse de guerre, non suivie d'cllet, car rintantorio
ut la cavalerie suivirent ensemble la mùme route, mais la cavalerie arriva la
première. — Yoy. aux Appendices, lo récit do la bataille.
(3) Épaminondas comptait sur les Argicns pour barrer la route de l'Argolide
entre Cléonai et Mantinée par les cols de l'Artémision. Lui-même se poste i\
N'émèe, cl n'en part que sur le faux bruit que les Atbéniens ont renoncé à la
Vole de terré. C'est alors seulement <[ue, la route devenue libre, les Atbéniens
peuvent lancer ù marclies (orcc'ïcs leur infanterie et leur cavalerie. Celle-ci,
partie d'Eleusis au matin, arriva le soir â l'Isllimeou elle prit son repas. Elle
dut être barcelée soit la huit, soit le lendemain matin, par les Corintblcns, et
subir quelques pertes (Xén. // //. Vil, 5, 10 : xal cv KôpfvOto B'j(XTu/y,(taTO<;
. YâYèv7)}iiévou Toiç iTCTceGffiv) en traversant l'Isthme; elle fît uhe seconde lut Uc
à Cléonai, et do là passa k Némée et (i Phlious, en éviUmt l'Argolide (Xéb. UelL
VH, 5, 15) pour arriver à Mantinée le troisième jour à midi, kiii même temps
que la cavalerie tliébalne (Polyb. IX, 8, 0).' ' ■' '• '^
PERIODE THBBAINB. 463
Phlious et Ailéa. Si Phlious s'oppôsiit au pass^s;e avec son
excelleute cavalerie, toute jonction devenait impossible : c*est
pourquoi les Mantinéeus durent insister pour ga;;ner à leur cause
ce vaillant peuple, dont les circonstances faisaient le portier des
monts. La haine d'Argos et Tamitié de Sparte» plus que sa
sympathie pour les Arcadiens, le décidèrent à sortir de sa
neutralité (1).
La plus délicate de toutes ces démarches (ut celle que les RApprochem«nt
Mantinéeus tentèrent auprès de Sparte. Elle leur a été reprochée ^^ ManUnée
comme une indigue palinodie, par Pausanias et par les historiens ^' ^"^ ^^^'
modernes (2). 11 est vrai que, pour beaucoup d'esprits, l'indi-
gnation est la première forme de la surprise. Toutefois, les
historiens de la Grèce savent qu'en ce pays moins qu'ailleurs les
traditions diplomatiques étaient loin d'être immuables, et que,
pour rétablir l'équilibre de la balance, on n'hésitait pas à déplacer
les poids d'un pLiteau à l'autre. Les prétentions de Thcbes à
l'hégémonie avaieut amené ses aflranchis à défendre contre elle
la liberté qu'ils lui devaient en partie, et cela avec l'aide de leurs
anciens oppresseurs assez affaiblis pour n'être plus redoutables,
assez forts pour rester de précieux auxiliaires. Le groupe qui
avait pris en main la cause de l'indépendance arcadienne,
n'entendait la livrer à la discrétion de personne, pas plus à celle
de Thèbes qu'à celle de Sparte. 11 devait en bonne logique faire
appel aux Lacédémoniens. La tournure de la requête atteste à
quel point les idées sur le rôle de Sparte avaient changé : il n'en
est que plus injuste de juger une situation nouvelle avec les idées
appropriées à l'ancien état de choses (;{). L'histoire du rappro-
chement de Mantinée et de Sparte ne nous est connu que par une
phrase de Xénophon (4). On envoya à Lacédëmone une déléga-
tion des Éparites. Ils avaient mission de faire valoir les intérêts
du Péloponnèse menacé de servitude, et de convier les Lacédé-
(1) Us semblent s'ôtre confinés dans le rôle de gardions des dcUlés : ils ne
paraissent pas sur le champ de bataille. PeutnHre étaient-ils retenus par la
crainte d'une. surprise des Argicns.
;(2) Cursus. /m jjfr. IV, p. 467.
. (3), Il y ,a des événements qui marquent une sorte do prescription dans les
faits: telle la bataille de Lcuclres . pour les prétentions lir^éinoniques de
Sparte. Cette prescription devrait aussi s'appliqur.r aux (oruiules des histo-
riens. On ne saurait apprécier l'état des partis dans le Péloponnèse de 362
avec les jugements applicables dix ans plus tét.
(4) i/d/.VlI, y, i-3. — DIod. XV, 82i3-4i : '
464 MANTINÉE ET l'aUCADIË OHIKNTATE.
moniens à Tœuvre d'affranchissement. Le langage des députés
s'adressait aux Lacédémouiens non pas comme aux maîtres
passés ou éventuels du pays, mais comme à une tribu pôiopon-
nésienne, intéressée au même titre que les autres à la défense
commune. Le souci de ne pas faire acte de sujétion, de ne pas
invoquer le secours des Lacédémoniens comme un patronage,
mais comme une collaboration, se traduisit par une réglemen-
tation nouvelle du commandement en chef. On stipula que chaque
État exercerait le commandement sur son territoire.C'était mettre
tout le monde sur le pied d'égalité : plus de hiérarchie entre les
alliés, ni de subordination à un État protecteur comme dans
Tancienne symmachie. Le traité conclu avec Sparte ne différait
pas au fond du traité signé avec Athènes : ou est donc mal fondé
à rinterpréter comme une avance humiliante pour Mantinée,
comme une sorte de renonciation aux principes démocratiques
et nationalistes. Au contraire, la clause finale allait assurer aux
polémarques niantinéens (fait jusqu'alors sans précédent), la
direction des armées de Sparte comme de celles d'Athènes. Les
Lacédémouiens n'ignoraient pas que le champ de bataille désigné
était le territoire de Mantinée et qu'il leur faudrait combattre en
sous ordre du peuple qu'ils avaient démembré 23 ans auparavant.
C'est un signe des temps qu'ils aient consenti avec empressement
à cette déchéance. Le résultat de la campagne diplomatique se
terminait par un triomphe pour Mantinée i l'hégémonie morale
dans la coalition, à défaut de la suprématie matérielle, lui appar-
tenait sans conteste.
Bataille de 362. Lcs États coalisés déployèrciU tant d'activité que, malgré la
prompte entrée en campagne d'Êpaminoudas, ils purent se
concentrer à Mantinée dès les premiers jours (1). Mais au moment
de faire face à la crise suprême, les généraux niantinéens ne se
montrèrent pas à la hauteur du péril. A la hardiesse d'un ennemi
fertile en surprises, ils n'opposèrent qu'un plan défensif sans
audace et sans originalité. Tandis qu'Épaminondas s'ingéniait à
les tromper par des feintes et des fugues imprévues, ils s'attar-
daient dans la routine de la tactique classique, étalaient au grand
jour leurs formations de combat, se préparaient lentement à une
attaque qui se dérobait, pour se montrer désemparés quand elle
survenait. Ils ne savaient ni rien prévoir ni rien parer. Mal
renseignés, ils laissent d'abord l'ennemi s'échapper: il était déjà
(1) X6n. Hc//.Vn,:>, 7.— Voy.lc rc^clt détaillé delà bataille aux Appendices.
PERIODE THÉUAINK. 465
sur Sparte quand ils apprennent son départ. Ne le voyant plus,
ils négligent les plus élémentaires précautions, s*éclairent mal,
laissent la population se répandre dans les champs pour enlever
les moissons. Lorsqu'il reparaît inopinément, ils ne doivent leur
salut qu*à Tintervention inespérée de 1^ cavalerie athénienne.
Le hasard seul et Tintrépidilé de leurs alliés les tirèrent d'aflaire.
Dans la mêlée, autant l'adversaire (il preuve de précision et de
vigueur, autant ils lui opposèrnnt d'incohérence et de timidité.
La fatalité réservait à Épaminondas, après l'échec de deux plans
admirables, le coup de grâce Onal. Cette mort équivalait pour les
siens à une défaite en pleine victoire. Par là, tout était sauvé; le
résultat demeurait indécis. La joie de ce dénouement provi-
dentiel ( i) fit sans doute oublier les récriminations. Mais les alliés
de Mantinée auraient eu le droit de se plaindre de leurs chefs.
Leur impéritie avait failli tout perdre. Mantinée, en organisant
Talliance, avait pensé du même coup organiser la victoire. Ses
généraux ne valaient pas ses diplomates. Us n'éUiient pas dressés
à la grande guerre : tout ce qu'ils montrèrent, en assumant, aux
termes du traité, le commandement suprême, ce fut une insuffi-
sante présomption. Force fut d'en convenir, après la bataille.
Quoique, pour la bravoure, tout le monde eût fait son devoir, la
légende mantinéeune s'abstenait de vantardise. Si elle disputait
aux alliés la gloire du coup de lance sauveur, elle cédait les
palmes de la vaillance aux Athéniens Gryllos et Képhisodoros :
le héros local, Podarès. n'obtenait que le troisième rang, même
dans l'opinion de ses compatriotes (2).
L'éclat de cette mémorable journée a préservé de loubti le nom
de Mantinée. Mais celle-ci a perdu en réputation ce qu'elle y a
gagné eu notoriété. Dans l'histoire, le meurtre d'Kpaminondas
s'attache comme une flétrissure au nom de la ville parricide. Les
motifs du conflit ont été trop vite oubliés. Rien ne contribue
comme une antithèse sentimentale à la fortune d'une légende.
Des faits complexes que nous avons racontés, la mémoire des
hommes n'a retenu qu'un contraste : un héros, le type le plus
achevé que ia Grèce ait produit, tombe, victime do ses bienfaits,
(1) A prop<»îjdr rollo drrnli>ro. mnipagno, Xcnoplion {UellA'W, îî, lî)) s'arraclio
il liii-mriiic; un nsspz iiiai^rn ('lo^c clos talonts mililairrs (rKpaiiiinomlas. Jl
S(Miil)]u quo. lu morl prochaine; du licros incline son jujçe â la bicnvoillann*.
Dans cet lioniniago in extremis, U y a coninin la saltsfaction d'une oraison
fnnébrr.
(î) Pausan. VIII, U, 10.
Miiiiliiiée. — Kl .
466 MANTINKE ET l'aRCADIE ORIENTALE.
en atlaquant la ville ressuscitéepar lu {.Admirable thèmeponr les
moralistes ! LMiistorien, à moins de s associer à leurs lameula-
tations,doil renoncer à leur disputer cette proie. Que de touristes
anciens ont dA improviser, près du modeste cippe du Tliébain,un
thrëne sur Tingratilude des peuples I Sachons du moins gré à
Pausanias de s*en être abstenu (1).
Embciiiiixcmcnis Cette période de dix ans marque pour la Nouvelle-Manliuée
(le u ^QQ ^pç d'essor et de prospérité. Sous la vigoureuse impulsion de
TelTrl'TGr^ Lycomèdes, la ville s'embellit rapidement. Ou eflaça les traces des
ruines accumulées par les Lacédémoniens en 385. Après lus beaux
ouvrages de défense militaire, on se consacra à la restauration
des temples, à lornement des édifices sacrés et civils. C*est dans
ce temps que lut appelé Praxitèle, sans doute déjà célèbre. On
lui confia d'importants travaux de sculpture, le groupe de Léto
et de ses deux enfants et la décoration du piédestal (2), dans le
Létôon coutigu au vieil Askiépieion pour lequel Alcamène avait
exécuté une statue d'Asklépios. Praxitèle composa aussi pour
rUéraion situé sur Tagora, près du théâtre, un autre groupe de
trois personnages. Dans l'intermède pacifique qui suivit 362, ces
préoccupations ne furent pas oubliées : une copie du tableau de
la bataille, exécutée pour le portique du Céramique, par le peintre
athénien Enphranor, contemporain de l'événement, fut installée
dans une saille du gymnase de Mantinée. Des monnaies nouvelles
furent frappées (3).
Si Mantinée n'avait pas à offrir à l'admiration des étrangers un
édifice aussi somptueux que le temple d'Aléa à Tégée, ses trésors
artistiques n'étaient point méprisables. De cette époque datent les
plus beaux édiiices dont nous ayons retrouvé les restes : le
théâtre, le Bouleutérion, un marché à colonnade dorique et un
hérôon, celui de Podarës. Le Bouleutérion en particulier présente
un spécimen remarquable de l'architecture civile au milieu du
IV« siècle (4).
f'ifltdc In Gme La joumée (le 362 clôt un des plus courts, mais des plus éton-
après In mort nauts chapitrcs de l'histoire grecque : celui de la puissance
dÈpainiDondns. ^h^^aine. Lcs précédents s'arrêtaient sur iEgos-Potamos et sur
|1) Pausan. VIH, H, 8.
. (2) Voy. aux appcadiccs, la discussion sur lVp<x|uc; des Iravaux de Praxitèle.
(3) Pausan. Vlll, 9. — Sur les monnaies, v. p. 242.
(i) Voy. plus liaul, p. 2(3i et suiv.
l*KIUUbK TIIKHAINK. 4G7
Lenctres; les suivants finironl sur Chéronée et sur Corinthe. Ce
qui succombe avec Épamiiiondas, sur le cluinip de baUulle de
Manlinée, c'est le régime de riiégémouic exercée par le moyen
d'alliances oOensives el défensives au profit exclusif d'un État.
Les grandes tribus helléni(|ues se sont usées à la poursuite de
celte cbimère. Après un eM)brasement d'un long siècle, il ne reste
plus eu Grèce que des scories. L'impuissance d'une race quel-
conque de la jGrèce propre à une domination durable est démon-
trée : des forces extérieures vont désormais entrer eu jeu. Les
ligues de formation nouvelle n'auront plus le caractère des
symmachies de l'ancien système. Ce seront surtout des groupe-
ments défensifs où les dernières énergies s'associeront dans une
lutte suprême contre l'envahisseur étranger. Dès lors la Grèce
n'a plus sou équilibre en elle-même : elle n'est plnsqu*un conire-
poids. C'est hors de l'Ilellade que réside le centre vital. Les cités
helléniques sont passées à l'état de réllexes. D'une manière
générale, l'ère de l'activité ésotérique est révolue en 362. Dès
l'antiquité, de bons esprits l'avaient compris : aussi plusieurs
historiens avaient ils adopté cette date comme terme de leurs
Helléniques (1).
La fatigue et le dégoût des vastes et stériles ambitions s'empare uf^„^rcgniion
des Etats grecs après le grand effort de 3()2. Les Thébaius abdi- ,i,.k
quèrenc les premiers : leur victoire matérielle les amena à une Ligm- Airadinnie.
défaite morale. Tel fut le résultat le plus net de la s mglante «""«^'''fnt
journée de 362. A ce point de vue, les Manlinéens pouvaient se
féliciter de leur politique ; ils avaient voulu s'affranchir de
Thèbes: c'était fait. 11 est vrai que leurs adversaires arcadiens
demeuraient intacts. La direction de la Ligue échappait à Man-
tinée. Le schisme entre elle et Mégalopolis était définitif. Comme
elle ne voulait pas plus subir le joug de la fraction avancée que
celui de l'étranger, il ne lui restait en bonne logique d'autre parti
à prendre que de s'absorber dans la défense de son autonomie.
Elle allait vivre pour elle-même, se désintéresser des luttes exté-
rieures, satisfaite de n'imposer et de ne subir aucune contrainte.
.Ce rêve d'existence égoïste et casanière hantait tous les esprits,
sauf à Sparte où l'on ne pouvait se résigner ù ce statu quo sans
les plus douloureux regrets. La paix générale qui suivit la
(I) Eiiliv îiulrrs, Diiuloro (XV, 8î)) file Xéiiupliuu, An:i\iiiii>nc> tli* Lampsaqur,
IMiiliRtos f|p Svnimsr.
4G8 MANTINKE KT L*AltCAPlK OlUeNTALE.
bataille donna satisfaction ù ce désir de repos (1). Elle sanclion-
naitlcs tendances particularistcs, puisqu'elle avait pour principe
l'autonomie de toutes les républiques, égales sur le pie<l d'amitié.
Seuls les Spartiates s'en exclurent, ne voulant pas reconnaître
l'indépendance de la Messénie. Le Péloponnèse revint avec joie à
ses vieilles habitudes d'isolement.
L'union périclitait. Par un revirement bien explicable, c'était
maintenant à la patrie de Lycomédes que recouraient les pnrti-
cularistes, les dissidents et les déserteurs de la grande idée.
Une clause de la paix de 302 stipulait que tous ceux qui avaient
pris part à la bataille rentreraient dans leurs foyers. Les habi-
tants des x(o{jux(, transplantés pour le synœcisme de Mégalopolis
et qui s'accommodaient mal de leur métamorphose en Méga-
lopolitains, s'en autorisèrent pour réintégrer leurs anciennes
demeures. Les Mégalopolitains voulurent les faire rentrer dans
leurs murs. Il s'ensuivit un conflit sérieux, f^es réfractaires
demandèrent du secours aux Maulinéens, à leurs alliés arca-
diens, aux Ëléens et à tout le groupe des coalisés de 362. On
s'aperçut alors que la mêlée de Tannée précédente n'avait rien
tranché : la désagrégation continuait. Probablement les États
invoqués mirent quelque mollesse à intervenir. Mantinée avait
oublié la Parrhasie. Thcbes, au contraire, suppliée par les
Mégalopolitains, n'en mit que plus d'empressement à jouer
de la férule pour essayer de rétablir son prestige. Elle dépêcha
Pamménès avec 3000 hoplites et «KK) cavaliers» et tout rentra
dans l'ordre 1301) (2).
Obscurité de Une période d'assoupissement succéda à cette échauflourée.
MAniinéc Mantinée s'éclipsa de la scène politique. Tandis que la guerre
sociale, les premières conquêtes de Philippe, puis la 2<* guene
sacrée enfièvrent Athènes, elle mène une vie paisible de bourgade.
(i) Polyb. IV, aJ, «. — DIcmI. XV, «) ot \)i. ~ Plut. i4<7''.<. 'SI — i> Inùlv nous
est mal connu. Où vi quaiui (ul-il conclu? A ManUiicc, aussiltU apivs l:i
bsitnillo, ou bien dans une autre, ville et (|uel(|iie temps après, connue le veut
Clinton (Fasli hrltenici . :U\[ av. .I.-C.)? On ignore aussi la situation de Man-
tinée dans la Llpue arcadl(*nne. (>»ntlnua-t-e||i« ti envoyer des délégués au
Conseil des Dix-Mille ou se tint-elle tout à (ait a l'écart du groupe niêgHio-
poli ta in 7
(2) Dlrklore. XV. îli. \jO texte porte que les Mégalopolitains recoururent aux
ÀtkénieiUf, C'est uni» erreur évlilente (|ue les éditeurs récents ont eu raison
de corriger. (Voy. (Jrote. Ilisl. gr. XV, p. ii'l. Note I}. — C'est h tort enraie-
ment que Pausanias rapporte l'envoi de Paniménés à la ftmdalwn t\o. Mégalo-
polis (Paus. Vlll, ::7).
de 361 A 359.
PKItlODK TIIKBAINK. 4GD
Kpliore, rapporte Strabon avec malice (1), oe trouvant rien à
raconter sur Cymé, sa patrie, et ne voulant pas la passer sous
silence, écrivit: « Pendant ce temps, les habitants de Cymé se
tenaient tranquilles. » Nous voilà réduit au njôme expédient
que le naïf Cyméen par le silence de Diodore sur le rôle de Man-
linée de 3Gi à 31)2. Mais cette dernière année vit le réveil de
l'ardeur guerrière de Sparte, sous Archidamos. Messène et
Mégalopolis menacés par les Lacédéniouieus, qui se posaient
alors en libérateurs de la nation arcadienne, reçurent assistance
deTlièbes. d'Arj^os et de Sicyone (2). Archidamos III avait pour
auxiliaires 3000 hoplites de Phocide et 150 cavaliers des anciens
tyrans de Phères, Lycophron et Peitholaos, En allant attaquer
Argos avec cette année, il vint camper près de Mantinée, afin de
gagner Ornéai parla route du Klimax (3). Ce fait prouve qu'il
comptait sur la neutralilé d'une ville demeurée fidèle à ralliauce
Spartiate conlreThcbes. Mais^en celte occurrence, les Mantinéens
ne furentquelesspeclaleursbénévolesd'un déploiement militaire
sur leur territoire: témoignage d'amilié bien platonique I Mais
Sparte avait désappris l'exigence.
(I) Slrab. Xni, 3, Ti.
(i) AUi<'*nrs s'iibsUnt, iiuilf^n'' IiMlisnMirs <Ip Driiiostliriii' pour les Môfjaln-
poli la nia.
CJ) DIoilon». XVI,:JîK
l'îjr. s-i. — Slnliiflle (H. 0.:iO) <rAsklo|Mos (?) hoiivre «Uns Ir Hoiilciilérinn.
CHAPITRE IX.
PÉRIODE MACÉDONIENNE.
(314-245).
Abstention de
l'Arcadie
à Chéronéc (338)
Après la prise (roiynthe en 318, TArcacIie presque entière se
refusa à considérer comme un péril n'itional la marche Iriom-
phante de Philippe. Le parti (PEuboulos, à Athènes, frappé
d'une subite clairvoyance, décréta l'envoi de délégués chargés
d'aller par les villes plaider la cause du patriotisme hellénique.
Eschine, délégué pour le Péloponnèse, dépensa en vain des tré-
sors d'éloquence pour entraîner les Dix-Millecontre le « Barbare,
TExterminateur. » (( L'Arcadie, écrivit-il à son retour dans son
rapport aux Athéniens, voit avec joie Athènes se réveiller et
s'occuper de la Grèce. )> (1) Ces dispositions étaient excellentes,
sans doute, mais elles ne valurent à Athènes ni un hoplite, ni
un cavalier. La première ambassade (3U) de Démosthène dans
le Péloponnèse ne parait pas avoir été plus elîicace (2). Tiré en
sens contraire, le parti mégalopolitain se laissa protéger contre
Sparte par le successeur d'Épaminondas.
Mais la propagande, renouvelée en 343 par Démosthène,
Polyeuctos, llégésippos, obtint de meilleurs résultats (3). Man-
tinée avec le gioupe des Arcadiens du Nord, suivit Mégalopolis,
Messène et Argos dans l'alliance athénienne conclue en 342,
sans rompre pour cela avec Philippe (4). Les Arcadiens firent
(1) Démosth. Dp faim leg., M), il, .304. — Kschin. Und. 79. Lo passngo
«rÉscliino il Mi'inUnno, au cours do sa ti>iirnôo(Dnilo{rc, n'rst pas corlain, niais
tn>s pr()l)a))lr..
(2) Drrn. PhiL II, 19, 2(î ; Pro Cor. (Ji, 7Î), 29:» ; De falna Irg. 2(»l. — Polylw^
(XVII, H) drti'nd avec vlgurur la polilitiuc an*atiicnii4* contre les accusations
irc^golsino et (le Iraliison lancées par Déiiioslhène sur certains personnages.
— Cf. Pausanias : Vllï, (î, 2. — 27, 10. — Kn :»'*:», Philippe pmlégeail rKlifle,la
Mcssénie, Mégalopolis, Argos, et conliuail Sparte en Laeonie.
(3) I)em. Phii. III, 72. — tiiog. X Or. H%{\
(4) Scliol. Kscli. C. Cles^ Ki iScliultz) : 'AOr^vatoi iiû IlyOoBÔTO j àp/ovTOç
Tio p' etei TT|ç pO oX'jfjLTçiiBoç (109,2 «3^,2) . . .eTtcfJL'j/av icoXXayoO t'/jç
*EXXa8oç Tcp6(ifl£iaç tus pi a'jfxjAay a; . . , 'EysvovTO [xàv ouv avroîç rôre
<j6[LixoLyoi *A/aiol, 'ApxàBsç ol [xeTa MavTivscov, 'Ap^eioi, MeYaXoicoXîrai,
.Meç^/iV'.oi. Le témoignage du sciioliaslc est confirmé par un décret altiquo
h MnntiiK^
(Automne 33^<)
PKRIObE MACKDONIENNE. 471
de nouvelles promesses à Démoslhène, cd mission pour la 3» fols
en 340 (1) ; mais, Iravaillôs par les «^missaîrrs macédoiiiiMis, ils
n'osèrent suivre jus'iu'au bout Allièiies clans sa lutte contre
Philippe. Jugeant la situation en Péloponnésiens, ils ne vou*
laient se défier que de Sparte. Philippe, en se donnuilàeiix
comme un protecteur, obliiit leur neutralité. De (ait,laGrècedut
constater l'absence des Arcadiens à Chérouée, dans Tun comme
dans Tautre camp (338) (2).
Vainqueur, Philippe voulut se faire reconnaître arbitre des Philippe ci Spmie
États grecs. Il entreprit un voyage à la fois de conquête et de i^^)-
pacification, dans le double but de réduire les dernières opposi-
tions et de réglerles vieilles querelles qui auraient retardé Tunion
des villes sous sa suzeraineté. Sparte constituait rirrésistible
obstacle à ces desseins Pour en venir à bout, Philippe pouvait
comptersur l'aide des voisins intéressés à l'écrasement de Sparte,
sur Mégalopolis, Messène, Tégée et Argos (3). Ces quatre États
désiraient le coup de grâce, précurseur de la curée.
Ce fut pour dissiper toute prévention chez tous les groupées rassngid^Pbiiippo
d'Arcadieus et aussi pour les intimider, que Philippe en quit-
tant Argos (automne 338), suivit, au lieu de la graude voie
militaire d'Argos à Sparte ou à Mégalopolis par Tégée, le chemin
de Mantinée. Il déboucha par l'âpre route du Prinos à Nestané,
au pied de TArtémisiou. Il planta sa tente près de la petite
acropole de cette bourgade, sur un roc qui domine l'Argon
Pédion. Ses troupes cantonnaient sans doute dans le village, à
proximilé d'une source abondante, qui reçut, en souvenir de
l'hôte royal, le nom de Fontaine Philippeios (4). Cet hommage
courtois semble indiquer que Mantinée subit par nécessité et
tout au moins provisoirement la loi de sou puissant visiteur.
Touteiois le fait de sa soumission reste indécis. A en croire
Diodore (5), les Arcadiens refusèrent, seuls de tous les Grecs, de
reconnaître l'hégémonie de Philippe et d'Alexandre. Il faut aussi
y ajouter Sparte, restée intraitable malgré sa mutilation (6). Si
(C. T, A. IV, IH^c), (alsnnt allusiun ù ralHaoccdc Mossôno (Kr pryt. Pytlio-
dolos — juin :i42;. [Voy. Boloch ^Ul:(C^e Poltltk,, p. ^)7 sqq. — Scala. \'er-
handl. d. â5 PhxloL Vers, in Kôln, 1895, p. 174. — Bnlocli. Griecfi. Gesch.
Il, p. 54i|.
(i) Avec CaUias de Chalcls. Esch. C. Clés. 9:i-î)8. — ttiog. I Oi\ 8.t0«. —
EpiH. Phil. 6.
(2) Pausan. Vlïl, 6, 2. — 27, 10.
(:i) Polyl). IX, 28, aT — XVII, 14.
|4) Pausan. VIII, 7, 4. - Voy. p. 92.
(5) XVII, 3.
(6) Plut. Apophtegm. lacwi. p. 218% 233«.
/"
472 MANTINKK BT L'AIK^ADIK OniRNTALK.
l'on veut discuter le témoignage de Diodore, il est nécessaire
d*en restreindre la portée. Il ne peut être ici question des Arca-
diens en général, puisque, de toute évidence, certains d'entre
eux devaient retirer de beaux bénéfices de l'ingérence macédo-
nienne (1). Il s'agit donc d'un groupe d'Arcadiens dissidents
sympathiques à Sparte, et ce parti n'a pu être que celui de
Mantinée, demeurée fidèle à la politique de gouvernement
autonome. Une couclusiou s'imposerait : ce groupe ne serait
pas entré dans le xoivôv panhelléoique et dans le syuédrion de
Corinthe (337).
II est très probable que Mantinée participa à la manifestation
d'indépendance organisée par le parti anti-macédonien de l'Arca-
die, après la mort de Philippe en 336, avec le concours de Sparte,
d'Élis et d'Argos (2).
Coalition Diodore (3) nous renseigne aussi mal sur la levée de boucliers
contre Antipater dc l'hivcr 332/1, lorsqu'Agis III entraîna Sparte et nombre de
(33S-0). Péloponnésiens à l'insurrection ouverte contre le régent Anti-
pater. Les coalisés débutèrent par une attaque contre Mégalo-
polis (printemps 331). Parmi les alliés de Sparte, on connaît
les Éléens, les Achéens, l'Arcadie entière, sauf Mégalopolis (4),
c'est-à-dire les membres péloponnésiens de l'ancienne coalition
contre Épaminondas. Il n'e&t pas douteux, vu ralTirmation for-
melle d'Eschine et l'attitude antérieure de Mantinée, que cette
ville ait envoyé son contingent pnrmi les 20,000 hoplites auxi-
liaires d'Agis. Antipater, vainqueur d'Agisà Mégalopolis (automne
331), s'il ne supprima pas les débris do la Ligue arcadienne,
imposa aux vaincus de dures conditions (5) et installa à xVIègalo
(1) Le tribunal arbilral constilutS par Philippe^ pour fixer les frontières de la
Laconie remit à T(^g(^e la SItiritis avec Karyai, à Mégalopolis la Heiminalis
(Polyb. IX, 33. — Strab. VIII, 301, 3(w. — Pausan. II, 20, 1. - Niese. Orsch.
d. Griech, u. Hiaked. Staaien. I p. 37. — Lcî poinnn d'Isyllosil'Kpirlaurc (Wila-
mowitz-MôUendorr. PhiloL Vntfirs. IX, 23, 3i. — Ciivvadias. Fouilies d'Épi-
daure. I, p. 30, 1. .7.), sq.) contient, une allusion aux projets que Philippe aurait
eu d'abolir ii Sparte la royauté : ÔxaS/iarpaTOvàye «l>.Xi7ÇTro; | et; i^itxpT-/|v,
lOéXcov àveXeïv paciÂVjiôa Tt[i.Y|V.
(2) Alexandre renouvela ft Corinthe, en 33;'), la Lij?ue panliellénique; les
Liicédéinoniens s'abstinrent. Après la destruction de Tbèbe^, les villes qui
s'éUiient souleviVs punirent les insti{;ateurs de la révolte (Arrien. I. 10. I. —
Dinarch. hv. Denwistn. IH sqq. — C. I. A. H, 100).
(3) Diod. XVll, Oi.
(4) Ëscliinc. Conira CteMph, KKi. — Sur la date de ce mouvement, Niese.
Gesch. d, Griech. u, Maked, Staaten, I, p. lOii et 107.
\n) Diod. XVII, Q, 3. - XVIII, 08. - Hyper, in. Dnn. fr. XVI. — Voy. Pauîy-
Wissowa. Realencycl. art. Agis 111 et Arkadia, p. 1131.
PERIODE MACKUONIISNNK.
473
polis une constituUoD oligarchique. C'est peut-cire à ce moment
que la couslitulion deManlinée fut modifiée. Aristote, dans la
Politùiue, terminée après la mort de Philippe, la décrit comme
n'étant plus en vigueur (1).
L'échec de cette tentative rendit les Arcadiens plus prudents.
En 323, ils restèrent sourds aux exhortations des patriotes athé-
niens, Hypéride, Polyeuctos, envoyés officiels, et Déinosthène,
alors exilé, qui s'adjoignit ù eux. Ces orateurs reprirent dans
les villes la propagande d*Eschine en faveur d'une levée eu
masse contre la Macédoine. Mais, en dépit de leurs ellurts,
combattus par les agents d'Antipater, TArcadie n'alla pas grossir
l'armée de Léosthènes (2).
Après la guerre lamiaque, Anlipater, à l'instar de Lysandre,
avait établi dans la plupart des villes des décarchies oligar-
chiques, soutenues par des garnisons macédoniennes. Après sa
mort, son fils Cassandre. chiliarque de l'empire, devint le pro-
tecteur de ces gouvernements, qui échappaient ainsi à l'autorité
Cassnndre
cl P(»lype»rchon
dans le
l'élo|M)iin^sp
(310-7).
(!) L» K'fonnc so placc^rail apn'îs 3i!i, date approximative du voyage
d'Aristoxénos do TaronU; ii Mantincc, où il pul «Micorr voir en vigueur
rancicnnc constitution, et '130.
(2) Plut. Démosih. il. — L'opinion de Droyscn {HisL de l'Iieliénisme. Il, p. îil,
note 2) qui préfère à l'assertion si nette de Pausanias (Vlll, (î, i) celle du Hio-
grapho des dix orateurs (UK, p. SUW) ne m'a piis convaincu. Pausanias afllrnie
(|ue les Arcadiens ne combattirent pas avec les Grecs contre Antipater, en
Thessalle, mais qu'ils n'entreprirent rien contre eux. 1^ Hiographo raconte
que l'éloquence de Polyeuctos avait échoué devant les Dix-Mille; arrive alors
Démostliène qui entraîne aussitôt leur adhésion. Ses compatriotes le récom-
pensèrent en le rappelant. Il est à peine besoin d'insister sur le caractère
a|M>cryplie de cet épismie. Plutanfue {Démostfi. 21) rapporte, d'après Phy-
larque, une heureuse répartie de Démostliène à une plaisanterie de Pytliéas,
orateur du parti macédonien. Mais il ne dit pas que ies Dix-Mille votèrent
l'alliance. De fait, comment Mégalopolis se serait-elh^ armée contre Antipater?
L'opinion de Pausanias est plus conforme à l'état d'esprit traditionnel du Pélo-
ponnèse et aux précédents. U^s AiTadicns ne recevaient pas volontiers le mot
d'ordre du dehors. Ils l'avaient pnmvé ii Kschine. S'iis s'étaient soulevés en
332, c'était à l'instigation de Sparte, puissance p<Mop<mnésienne, qui se posait
alors en libératrice de la pc'minsule contre la tyrannie étrangère. Au reste,
Droysen, après avoir allirmé, sur la fol du Biographe, l'adhésion des Arcadiens
à la Ligue nttique, admet, (lour ne pus rejeter le témoignage de Pausanias*
qu'ils ne sortirent pas de chez eux, sous prétexte peut-être que Ctu-lnthe h'ur
barrait le passage. Malgré l'autorité de l'historien, on ne saurait approuver
un éclectisme qui aboutit à fausser deux témoignages formels et contradic-
toires sans en tirer une certitude.
474
MANTINÉE ET l'aHCAUIK OIIIëNTALE.
Mantinfo
Poliorcète
(prinlriii|ii 3U3).
de Polyperchoii, le gouverneur général. Celui-ci, pour recon-
quérir la Grèce à son influence, décréta eu 318 Tautonoinie des
villes grecques et le rétablissement des démocraties. Seuls, les
Mégalopolilnins restèrent attachés à Cassandre, et Polyperclion
résolut de les réduire (t).
Ce triste tableau de la péninsule en 319/8 a-t-il une portée
générale? Entre les deux partis, n'était*il pas loisible à quel-
ques-uns de ne passe prononcer? On ne saurait discerner ni si
Mantinée avait reçu d'Antipater un épimélète macédonien, ni si
elle changea momentanément son personnel politique, ni si elle
passa à Polyperchon pour Tabandonner après son échec devant
Mégalopolis (318). Bientôt après, Cassandre descendit dans le
Péloponnèse pour chasser de certaines villes les troupes que
Polyperchon, malgré son libéralisme de parade, avait jugé bon
d'y laisser derrière lui. En 316 on trouve le chiliarque occupé au
siège deTégée : Mantinée, soit qu'elle se fût soumise, soitqu'elle
eût réussi à faire accepter sa neutralité, ne semble pas l'avoir
arrêté, lien futde même pendant les deux campagnessuivantes(2).
C'était une époque féconde en coups de théâtre et en change-
ments à vue. Les diadoques et leurs généraux se succédaient
sans trêve à l'assaut des malheureuses villes, sous prétexte de les
délivrer. Les Péloponnésiens n'avaient jamais vu tant de bonnes
volontés préoccupées de leur bonheur. Mais les libérateurs
défendaient leurs protégés avec une main de fer, et les bienfai-
teurs apparaissaient le plus souvent sous forme de garnisaircs.
Si les oppresseurs changeaient souvent, l'oppression était conti-
nue (3j. En 304, Cassandre commandait par les postes éparpillés
(t) t)\oi\. XVIII, r.8, sqq. — XIX, Il et Xy.
(2) Co (ut alurs un chtissô-cniisé des doux ptirlis macédoniens dnns le P6lo-
punnèso. Diod. XIX, :i'-, 54, 04. — Niose. Ges'h. d, griech. u. Alaked. Staalen.
I, p. 270-281. — Par la piiix de 311, Oissnndre était reconnu seul maître du
Péloponnèse.
(3) Polyperchon avait promis la liberté aux Gnxs contre Cassandre ; Anli-
f<one avait repris celte promesse ii son compte en 315; la paix de 311 entre
Qissandre, Ptolémée, Lysimaque, Anli^one, proclame le principe do l'auto*
nomie des cités lielléniffues, sans que, d'aitliMirs, un seul hoplite fût retinSdes
villes occupées. Aussi Ploiémée Ljifçide, en 3(J8, put-Il débantuer h Corinthe en
nouveau libérateur : il commence son œuvre de libération en s'assurant de
CorInUie, de Sicyoue H de Mégare (Dio<l. XIX, 37 — Diog. Uuîrt. II, iVô. —
Droysen, II, p. 38i). Les villes cétiércs d'Achale, d'Éiide, do l'Isthmo étaient
les plus exposées aux coups de main des condotticrcs. L'Arcjidlo oITrait moins
do prise à ces tyrans de hasard, qui n'avalent januils le temps de s'engager
dans une campagne à fond.
PKUIODE MACÉDONIKNNE. 475
dans riiitérieur, l*ArgoIide et rArcadie(l). Polyperchon détenait
une partie de rAchaïe et de TÊlide. Entre temps, Dëmétrios
Poliorcète venait gagner la Grèce à la cause de son père Antigoue :
déjà les Athéniens, leurrés par ce mol de liberté qui agissait sur
les âmes grecques comme un sortilège, Tavaient accueilli en
sauveur (2). Les bandes de Polyperchon et de (]!assHndre rava-
geaient libremeut tout le pays. Au printemps de 303, Démétrios
entreprit d*aller en plein Péloponnèse exécuter les promesses
jadis faites par son père. D'Argos, il passa en Arcadie, où, dit
Plutarque, il entraîna toutes les villes dans son parti, sauf Man-
tinée. Cetle résistance isolée a lieu de surpendre, si Ton songe
que jamais Theureux capitaine ne justifia mieux que dans cette
campagne son nom de Poliorcète. De fortes i»laces, occupées pfir
d'importantesgarnisons,commeSicyone,Corinthe,.'£gion, furent
enlevées d'assaut. En l'absence de détails sur le traitement de
Mantinée depuis rétablissement de Cassandre en Arcadie, on
pourrait être tenté d'expliquer par une situation privil<^giée
l'extraordinaire îndulgeuce- de Démétrios envers cette ville.
Peut être était-elle restée exempte de toute garnison macédo-
nienne? Le Poliorcète n*aurait pas voulu s'acharner à triomt)her
d'une opposition en- quelque sorte toute morale, et par consé-
quent précaire, puisqu*aucuue force étrangère n'empêcherait les
citoyens de se donner à lui un jour ou l'autre. Ou bien, comme il
se présentait, aussi lui, en restaurateur de l'autonomie démocra-
tique, estima-t-il superflu d'imposer ses bo;isot1ices à la fière cité
qui avait su échapper à la tyrannie des précédents libérateurs.
En tout cas, ces faits restent obscurs et le silencedes textes n'auto-
rise pas de plus amples conjectures.
La mission de Démétrios aboutit à la création d'une Ligue Dêmi-trius nu
hellénique, sur le modèle de celle (|ue Philippe avait élablie en p«"«fir« d" Mom
337. Les ICtats, déclarés tous autonomes, le reconnurent pour ^y'^*'®"^-^')-
généralissime et défenseur de leurs franchises contre les usur-
pateurs oligarchiques patronnés par Cassandre. Mais la mort
d'Autigone et la défaite d'Ipsos (301) compromirent gravement
son œuvre et sa situation. Les Athéniens, et uo nbrc de Grecs dont
la fidélité n'était guère plus sincère, se déclarèrent contre lui.
(1) Il est probsibli* qu'il nvait l:iiss(V on 'Mi dos giimisuns isolnrs i\ M(^ga-
lo|)(»lls, Ti\ii^c, Slymplwlo, <)iTliomôno (I)mmI. XIX, ai).
(2) DIoiI. XX, lOî), lOi, \m. - Plut. Déméir. 27. — Uî récit do Dlodorc,
qnolfpio plus drvoloppi*, ost moins complet : Il omet les opérations do Dômé-
trios on Aroadio ot on Ar^tdido.
47G MANTINÉE ET L'ARCADIE OIUENTALE.
Des mouvcineuts inquiétants aiçilnicut le monde hellénique et
le Péloponnèse. Spnrte, annihilée depuis 330, relève la lôte grâce
aux subsides du Lagide, et pousse le Péloponnèse & la défection.
Déinétrios accourt, dompte Athènes en 295 et fond sur la pénin-
sule. Argos, semble-l-il, était de connivence avec les Lacédé-
moniens (1). Déinétrios trouva sans doute la route militaire de
Tégée barrée par les ennemis. Aussi prit-il un chemin détourné,
celui du Klimax par le Mont Lyrkéion, de façon à déboucher sur
la Mantinique et de là marcher sur Sparte. Mais les Macédoniens
se trouvaient fort embarrassés au passage de Tâpre montagne,
sans guides dans des sentiers perdus sous les broussailles.
Archidamos IV et son armée, probablement accourus au secours
d'Argos, les surprirent dans cette position dilTicile (2). C*est
alors que, au dire de Polyainos (3), Tiogénieux capitaine s'avisa
d'un stratagème qui le tira d'allaire. Le vent du Nord soufflait
avec rage. Les Macédoniens mirent le feu aux arbustes. Comme
ils se trouvaient sous le vent au-dessus des ennemis, ceux ci
reçurent eji plein visage une fumée aveuglante et un air embrasé :
ils durent rebrousser chemin ; le courage et Tépée des Macédo-
niens acheva leur déroute (295) (4).
Cette seconde campagne de Démétrios, interrompue par les
événements extérieurs qui le rappelèrent en Macédoine, se ter-
mina par une retraite semblable à une fuite. Sparte appuyée par
rÉgypte, redevint assez menaçante pour empêcher les Arcadiens,
au dire de Pausanias (5), d'aller en 279 se joindre à Tarmée
grecque massée aux Thermopyles en face des Celtes de Brennus,
Comme toujours, le Péloponnèse abandonnait ù leur sort les
États trans-isthmiques.
Les lyrnnniw ^^«^ cliule dc DémétHos cu 285 laissa le parti macédonien dans
iiiAcédonieiines. Ic Pélopounèsc fort déscmparé, tandis que s'organisaient des
(1) Athônc'C. X, p. ilii.
(2) Plut. Déwétr. XXXV.
(3) Polyjiln. IV, 7, 0.
(4) D'apW's Plulnnnio, la iviirontro a on Immi prôs do Mnnliiiôo (icefi
MavTivetav). Or, lo iiuinuscrit ilo KIoronco, arcliôlypo. du toxlo i\v, Pulyaimis,
donne pour le nom do la nionla^^no Auxaiov. Il osl (Wldommcnt impossible
que le Lyoï^e ait joué un rOle (|nelcon<|ue dans un combat aux environs do
Mantinée. Aussi Molber (lahnii annal, suppi. XIV, p. i\:\È) proiwse-t-il avec
raison la correction Aupxetov qui s'im|H)se et (|u'il adopte dans son «édition. \a}
récit de Droj-sen, rédlfjé d'après l'ancienne lovon, est Inintellijrible topo^ra-
phi<|uement (llisL de VllcUén. II, p. iJi.'»).
(5) VIIÏ, (î, 2.
PKaiODK MACKDONIENNE. 477
forces hostiles de plus eii plus puissantes. Spnrtc, avec ralliauce
égyptienne, tentait de ressaisir les bribes de son anti(|ue hcgé-
noniie (1). Les villes achéennes avaient, en 270, expulsé leurs
garnisons macédoniennes et jeté les bases d'une fédération indé-
pendante, destinée à devenir une force prépondérante dans les
destinées de la Grèce. Dans le reste de la Péninsule, la souve-
raineté d'Antigone Gonatas, fils de Démétrios, s*éiniettait. Son
influence ne s'exerçait plus qu'indirectement par l'intermédiaire
des tyrans locaux qui s'installèrent dans nombre de villes, entre
272 et 268, après l'expédition de Pyrrhos, à la faveur des troubles
intérieurs (2). Ces tyrannies s'opposaient aux partis aristocra-
tiques, dont Sparte paraissait vouloir ressaisir le patronage, et
comptaient se maintenir par la protection du roi de Macédoine.
Il ne restait plus à celui-ci qu'une possession immédiate, Corin-
the. La garnison de TAcrocorinthe devait prêter main-forte aux
tyrans menacés : là était le donjon de l'influence macédonienne
et la clef du Péloponnèse. Nous ignorons si Mantinée vit fleurir
chez elle une de ces tyrannies populaires en qui s'incarnaient
les aspirations égalitaires et niveleuses du parti des pauvres.
Que devinrent dans cette période confuse de compétitions et de
bouleversements subits les institutions et l'autonomie de Man-
tinée? J'incline à croire, contre l'hypothèse de Droysen, que
cette ville demeura indemne de toute occupation étrangère et
de toute nouvelle réforme constitutionnelle (3j.
(I) Vers 27K, r\W. nvnit insliiMé un linrinostn i\ Xr^as.
{!) Polyb. H, 41, 10.
{'A) Droyson (III, p. iUS) : « A psirl (>»rlnthi% Anlifrom* n'jivîiit prol);ibl(Mnont
011 8» |M>ssrssion ImiiKMlialo siiiruno l()C4inic, si t*o nVst inmiIhUit. Trtp^snnr cl
MaiiUnrc ». DaiiH iiri(^ noli^, Taiilo.ur (k'îclare qui% (I(m;os drux liypotlièsos, la
priMiiiriT lui smililo la pins vrai.soîiiblablo. Or, io Ic.xlo sur in|u«»I so foiiiin
(Tllr opinion «hiliiljilivr, rxif;«^ une. ninchision catr^^oriiiur tians un srns ou
dans l'autre. Il s'agit tU* la phrase de Pausaiilas : II, K, (i : a Aratos amena .\ris-
toniarlios, tyran «l'Arj^os, à rétablir dans retlc ville la dêniorraUe, MavTiveiav
TC Maxedôviov e^ôvKov eiXsv. » I^i leçon Maxe8ôv(ov a paru à bon droit sus-
perte à la plupart des (Hliteurs qui l'ont, d'après les meilleurs manuscrits,
rorri^éi» en iVaxEOa'.fXOViojv, persuadés qu<* re passage faisait allusion à la pri.<«e
iW Mantinée par Aratos en iîi]. Dans ces conditions, quelle que soit la leçon
adoptée par rbistorien, il y doit pleinement acquiescer, sans plus mohlter
dans le récit des faits Io moindre souci de la leçon rejetée. On ne saurait
approuvj'r un écb'cllsme timoré qui préfère deux aflirmations contradictoires
à une allirmation même contestable. L:i cuntradicU(m diuible l'rrreur, au lieu
de l'annub'r. C'est te cas pour l'édition Dldol, qui donne Aaxsoxtaovfwv dans
le texte «;rec, et 3fanrdonibus dans la traduction laliiie. Abiis la confusitm
478
MANTINKK KY LAItCADIK OltlKNTALR.
autour
de Spnrte.
Un erre de
Cbrénionidès
(270-263).
coniilion Derrière elle, en efïel, Sparte et l'Egypte s'armaieut pour l'ex-
«nUmorédoninme pulsion (Ju Mucédonicn. Spaito reprit avec zèle son rôle de
patron des intérêts conservateurs contre les tyrans. Les princi-
paux États du Péloponnèse se groupèrent autour d'elle dans une
coalition plus redoutable encore que celle qui avait eu raison
d'Épaminondas. Tout attirait Mantinée dans cette ligue, dont le
but était noble et le succès probable, étant donné la confusion
actuelle des afîaires macédoniennes. Il s'agissait d*arracher le
Péloponnèse à ranarchie tyrannique, de rétablir dans les villes
les régimes traditionnelseld assurer lelibre jeudes constitutions
antiques.
Au même moment, Athènes, sous l'impulsion d'un ardent
patriote, Chrémonidès, le Tbrasvbule malheureux de l'émanci-
pation anti-macédonienne, tentait un suprême cl honorable effort
pour reconquérir sa liberté. Dés lors, la fusion des deux tentatives
s'imposait. Au delà comme en deç:i de Tisthme, le dessein était
le même et les iutéréls identiques. Sparte, seroble-t-il, prit
l'initiative des négociations (1) : Chrémonidès accueillit avec joie
ses propositions d'alliance. Mais, par l'accession d'Athènes, la
lutte devait prendre aussitôt une plus large envergure. Ce n'était
plus ni du Péloponnèse ni d'Athènes seulement qu'il sagissait,
mais de la Grèce entière. Les sentiments panhelléniques de
l'Athènes de Démoslhone revivent dans ce décret de Chrémonidès
qu'une heureuse découverte nous a rendu (2). L'àme du stoïcisme
naissant, dont l'orateur était un des plus fervents adeptes, vivifie
les froides fi^rmules du protocole et communique à ce document
la flamme d'un éloquent manifeste. Le nom de Mantinée ne
pouvait être associé à un réveil plus méritoire et plus généreux
de l'hellénisme agonisant. Je cite en entier ce texte curieux :
Dieux, Archonlat de Pcithidémos, Deuxième prylanie, celle de la
Hltclnt l'absurde qiuind Droyscn (III, p. iii) afllrmc que, dix ans apn>s la
cluilo d'Agis IV, c'iîst-A-diro en 'iSIU, ManUnéo l'iait occupée par les Marr-
donions. II se fondr encciro sur le mAmo passage de Pausanias, sans éprouver
aucun scrupule «'i l'appliquer «'i des é|K)ques si dilTérenl(*s. De plus, dans la
même page, il approuve en noie la correction AaxeSatfXovicjv !
(1) Pausan. III, G, 5.
(2) G. I. A. II, 3^2.— Ditlenberger, Sylloge, n" 163. — Hicks. Uistoricnl inxcr.
n" KîO. — 1m ciironologle de. la guerre de Clirénionid(>s est un peu flollante.Pour
l'arcliontat de Pelllndémos la date la plus probable e^sl 5*08/7 av. J.-C (Wlla-
mowitz. Antifjonos^ p. £u\). Areus fut tué à Coriiilhe au prinlemps H'iij. \m
prise d'Atbènes par Anligono (îonatas ri la lin de la guerre dalenl df* iî(i3.
PÉRIODE MAGÉOONIBNNK. 479
trilm Érechthéfs, le 9 de Mitagitnion, {h jour de la prytanie.
Asxemhlée plénière. Prémlence du président den proèdrra Sosisiralos,
fils de Kallistratos^ du dème d^Erchëia, et de ses collègues. Décret
du peuple sur la proposition de Chrémonidés, fUs d'Kléoclès, du
dème d'Aithalia.
Considérant que précédemment les Athéniens et les Spartiates,
ainsi que leurs alliés respectifs, ayant conclu amitié et alliance réci-
proque^ ont combattu ensemble nomlfre de bons combats contre ceux
qui entreprenaient d*asservir les villes, ce qui leur valut d'accroître
leur propre gloire et de restaurer la liberté des autres Hellènes, —
que, actuellement, la Grèce entière se retrouvant dans les mêmes
conditions du fait de ceux qui entreprennent de rencerser les lois et
les constitutions traditionnelles de chaque État, — d*une part, le roi
Ptolémée (1) suivant lapolitique de ses ancêtres (2) et de sa sœur (3),
se montre plein de zèle pour la liberté commune des Hellènes^ et que,
d'autre part, le peuple athénien ayant conclu une alliance avec lui,
a décrété d'inviter aussi le reste des Hellènes à adopter la même
politique, — que, pareillement, les Lacédémoniens drvrnus les amis
et //» alliés du roi Ptolémée, ont aussi décrété de s'allier an peuple
athénien avec les Éléens, les Achéens, les Tégéates, les Mantinrens,
les Orchoméniens, les Phliasiens, les Kaphyéens et ce^ix des Cretois
qui font partie de F alliance des Lacédémoniens, d'Areus et des
autres alliés ; — qu'ils ont député au peuple une ambassade de synè-
dres, — que ces envoyée proclamant les bonnes dispositions des
Lacédémoniens, d'Areus et des autres alliés envers le Peuple et qu'ils
apportent leur adhésion commune à l'alliance; —
Afin donc que les Hellènes, réunis dans un sentiment unanime
contre les oppresseurs actuels des villes et tes violateurs des conven-
tions, entreprennent ardemment la lutte d*accord avec le roi
Ptolémée, dans le but que cette entente soit à l'avenir la règle des
gouvernements,
Ce qu'à Bonne Fortune soit — le peuple a décrété :
Il est conclu un traité d'amitié et d'alliance entre les Athéniens,
les Lacédémoniens et les rois de Lacédémone, les Éléens, les Achéens ^
les Tégéates, les Mantinéens, les Orchoméniens, les Phliasiens, les
Kaphyéens et ceux des Cretois qui font partie de l'alliance des Lacé-
(!) Ptolcm<^.lI Philailclplic, roi depuis 2a*>.
{i) Allusion H l'alliance antérieure de Ptolêiiiêc I" uvre Sparte.
{'\) Arslmw Pliiladelplic, sœur vl fominp do IHolénifV II.
480 MANTINKK KT l/AltCAlIlK OIUKNTALK.
(fémoniens (1), dWrms et des autres alliés,-- traité valable à pet-pé-
fuite, conformément aux conditions apportées par les ambassadeurs.
Le traité sera gravé par tes soins du secrétaire de la prytanie sur
une stèle de bronze, et exposé sur l'Acropole près du temple d'Athéna
Polias, Les autorités prêteront aux ambassadeurs qui se sont pré-
sentes le serment relatif à l'alliance, suivant les rites. ... (2).
Le succès ue répondit pas aux espéraoces des coalisés : les
adaires publiques sortireot de cette lutle pluscoutuses et plus
instables que jamais (3). Il ne semble pas néanmoins qu'Ânti-
gcrnc ait usé de représailles contre Mautinée à cause de sa parti-
cipation à la guerre de Chrémonidès. Quant h Sparte, elle ne
désarma pas tout d*abord : mais ses forces s^épuisèrent dans un
duel sanglant avec Aristodémos, tyran de Mégalopoiis (4). La
Ligue Arcadienne n'existant plus (il n'est pas question des
Arciidiens dans le décret de Chrémonidès) (5), seule la Ligue
achéenno, après la reforme de sa magistrature suprême (6),
devenait susceptible d'une action puissante. Avec Aratos, elle
allait afiirmer ses droits à la prééminence. Le subtil Acliéen
se substitua à Sparte dans la lutte contre les tyrans, contre
la Macédoine et dans Talliance égyptienne (7), avec cette dilîé-
rence qu'il réservait ses sympathies aux démocraties régulières.
C'était donc en lui que les villes devaient chercher, surtout
après la délivrance de Coriuthe en 248, le point d'appui de leur
liberté. C*est ce que fit Mantinée.
(i) Arcus r% roi de Sparte, éUiit allr, en jî7i, coinbaltro en Crète pour les
(ierlynicns. (Plut. Pyrr/ios, il).
{i) Voy. pour les serments, le n" 'Xi tlu C. I. A. II.
CI) Droysen. Hisl Ue VlleUên. III, p. iW).
(4) Pausîin. VIII, il, 8. — Plut. AgH. .1.
(i>) Klle avait peut-Atre été supprimée après '^t\. Mais on ne saurait invo-
quer, en faveur d'un renouvellement ultérieur de la Lif^uc arcadienne, le
décret des Dix-Mille en i'lionn(*ur de Pliylarrhos. Ui date de cette inS4*ription
est encore incertaine. Il y a plusieurs systèmes : celui do M. Fouc4irt, qui
tient pour l'année ti^ {Inscr. du Vélop. 3W>«), celui de Klutt (For.scA«»i(?eu.
p. 89, sq.) qui conclut jwur une liate Incertaine, antérieure à i;i8, celui de
Droysen {/Jellënisnie. III, p. ;ï(il), qui propose la période i-jl-HV^ : il avait
d'abord été appr<»uvé par Dittenher^'cr {Sylloge, p. 2I»I}, qui s'est ensuite
{Ibid p. Gtîl) prononcé pour le IV« siècle. {Cf. Swidxula Rhein. Mua. XLIV,
p. :)37, 2).
(G) A partir de 2;).'», ou n(^ nomme plus qu'un stratège, au lieu de deux.
C'était renforcer la direction de la Ligue en la cfmcentrant. (Polyh. H, W, il
- Stral). p. ;«:»).
(7) Plut. Aratus. ii.
CIIAPITHE X.
PÉRIODE ACIIÉENNE.
Le fait de ralliance de Mantinée avec Aratos^ avant 245, est, uite
comme on le verra, très sujet ft caution. On ignore les circons- <•« "«=*»"
tances qui auraient préparé cette évolution vers rAchaïe de «*<*''' p»"^*"»
la politique manlinéeiine, au détriment du pacte couclu avec aumîneTdu
Sparte. Il y eut sans doute alors, à Mantinée, comme dans toutes 3* siècle.
les villes grecques, des convulsions intérieures entre le parti
des pauvres et celui des riches. Un vent révolutionnaire pous-
sait partout les masses démocratiques contre les classes aisées
de la bourgeoisie qui avait pris la place de l'antique aristocratie
de naissance. Dans un pays d'exploitation rurale, comme la
Maotinique, la propriété foncière couslituaitla principale source
de revenu. Peut-être les privilèges censitaires attachés ù la pos-
se.ssion du sol étaient-ils devenus le monopole d'une catégorie
de plus eu plus restreinte de propriétaires fonciers, tandis que
croissait le nçmbre des citoyens exclus, par le manque de res-
sources, des cadres de la TtoXiTeia. Les révolutions à Mantinée
devaient forcément se ramener à une question agraire. Les villes
de la Haute Plaine n'étaient ni des centres industriels comme
Sicyone ou Corinthe, ni des marchés comme les villes de la
côte. En Arcadie, les indigents, qui ne trouvaient pas dans le
travail de la terre des moyens d'existence, émigraient. Dans un
territoire exigu, insuffisant pour nourrir tous ses habitants, la
misère et l'exil voloutaire étaient le lot d'une partie notable de
la population. Les déshérités essayaient d'abord de tromper leur
détresse en empruntant aux riches. Le poids de leurs dettes
deveuant de plus en plus écrasant, il n'y avait plus de remède
Mantinée. ~ 33.
482 MANTiNée ET l'arcadië.ouikntale.
que dnns une expropriation violente destins au profit des autres.
De là les crises périodiques, épisodes ordinaires de Thistoire des
villes grecques au llh et au II<^ siècle avant J.-C. (1). Â Mantinée,
ces confiscalions, accompaguées d'expulsions, étaient, au II1«
siècle, la règle du parti vainqueur, comme le prouve l'exemple
de Cléandros, tuteur de Philopœinen. C'était, au témoignage de
Polybe et de Plutarque (2), un des Maulinéens les plus considé-
rables par la richesse et la naissance. Exilé de sa patrie, il alla
chercher un retuge à Mégalopolis, chez Crausis, qui appartenait
lui-même a Tune des familles les plus puissantes et les plus an-
ciennes d'Arcadie. Après la mort do son hôte, Cléandros se char-
gea, par reconnaissance, d'élever le fils orphelin de Crausis,
Philopœmen, né en 253. C'est donc vers celte époque que se pro-
duisit à Mantinée une révolution populaire, dpnt le bannisse-
ment du noble Cléandros est un incident particulier (3).
De ce changement de régime, on ne saurait conclure à un
abandon immédiate de Talliance Spartiate, car les faits où Ton
avait cru voir une vengeance de Sparte ne mérite aucune créance.
Si Ton en croit Pausanias, Agis IV, fils d'Eudamidas, voulut
préluder à ses réformes sociales par la restauration du prestige
extérieur de Lacédémone La réalité des expéditions militaires
d'Agis est un des points les plus obscurs de l'histoire grecque.
Plutarque, dans sa Vie d'AgiSf n'a retracé que Tœuvre socialedu
roi réformateur. Il affirme même que son lôle militaire fut nul, à
l'inverse de Cléomène(4). C'est seulement par quelques maigres
données éparses dans Pausanias (li) que nous apprenons le conflit
qui aurait mis aux prises Sparte avec le Péloponnèse, soutenu
par la Ligue achéeune. Les incohérences, les lacunes et les erreurs
manifestes de Pausanias ont mis à la torture les érudits. C'est
en vain qu'ils ont ressassé ce texte suspect pour le mettre
{\\ Fustcl de Coulangos. Cité anliqup, p. 397. — Questions historiques^ p.
122 et 8ulv. — P. Guiraud. La propriéié foncière en Grèce, p. 400 et sulv.,
C07 et sulv.
(2) Polyb. X, i2. — Plut. Philop. 1. Plutarque ujoutc que, comme Phénix
à Achille, Cléiindros donna à son élève une éducation noble et royale. — Cf.
Suidas, s. V. Philopœmen.
(3) On ne peut savoir si ce mouvement était dirigé par un tyran.
(4) Comparaison d*Àgis de Cléomène avec lesGracques IV, 2. Il est vrai
qu'on peut mettre en doute la valeur de ce morceau, rédigé d'après les
seules données des Vies comparées.
(ii) II, 2,5. ~ Vil, 7, i. — VlIT, 8, 11 ;27, 14; 3fi, 6.
I^KRIODE ACHÉENNi!:. 483
d'accord avec lui hiéme et avec Plutarque. De ce travail n'est
sorti aucun résultat définitif. L'explication et la chronologie des
faits demeurent toujours un problème (1).
- Sur le compte d'Agis, Pausanias semble avoir recueilli des tescampognes
traditicms orales plutôt que compulsé des textes écrits. Quant à dAgisi iv,
Plutarque, son silence dans les Vies d'Agis et d'Aratos sur les ">*^« sp»"^";
événements relatés par Pausanias, qu'il tienne de l'ignorance ou ***p'*' '''""•"'**
du pnrti-pris, est tout à fait étrange.
Pausanias attribue à Agis trois campagnes : i^ une tentative
de siège contre iMégalopolis (2), qui aurait eu lieu après Tabdi-
cation du tyran Lydiadas. Or, d'après Polybe (3), Lydiadas se
démit dé la tyrannie alors que Démétrios, fils d'Antigone
Gonatas, vivait encore, c'est à dire un peu avant 229, date de la
mort de Démétrios; — 2** Une attaque contre Pellène d'Achaïe(4),
repoussée par Aratos, cela après la prise de Corinthe par les
Acliéens en 243. Or, Plutarque (5) mentionne entre 245 et 239 (G)
une attaque des Ëtoliens sur Pellène : Agis était venu au secours
des Achéens, mais Aratos refusa la bataille, renvoya son allié
avec force compliments et se réserva de tomber sur l'ennemi au
moment où il saccageaitlaville.il est très probable que Pausanias
a confondu et complètement dénaturé les faits et le rôle des
personnages. Car on ne saurait facilement admettre, sans un
merveilleux concours de circonstances, que la môme ville ait été
à deux reprises le théâtre d'un épisode identique où Spartiates
d'abord et Étoliens ensuite se seraient trouvés aux prises avec
les Achéens, et que chacun de ces épisodes nous soit connu par
un historien différent. — 3** Une attaque contre iM^ntinée suivie
d'une grande bataille qui aurait coûté la vie à Agis. Or, le récit
{{) Manso Sparta. 111,2, 123. — Ncumaycr. Agis wid Klen menés, 1880/ \, ne
discute pas ces questions. — Proiss. Neue lieitrage znr Geschichie Agis 111
(IV) Pillau, 1882, est contredit par KUiii {Chronologische Beilrage zur Ges-
chichie de.i Achàischcii Bundes, p. 12. Berlin. I88:<) dont l'argumentation
toute négative ne manque pas de force. — Cf. Gollz. Quibus fontibus Piu-
iarchusxnvilis Arati, Agidis, Cleomenis enarrandis usus sit. Innsbruck.
1883.— NIese. art. Agis iK, dans In Realencyci. de Pauly-Wissowa. l*. p. 821.
— Hillor von Gârtringcn. art. Arkadia. ibid. 12, 1131 et 1133.
(2) Paus. VIII, 27, 12-15; -30, 6.
(3) Polyb. II, 4*, 5.
(4) Pausan. II, 8, 5. - VII, 7, 3. — VIII, 27, 4.
(Î3) Plut. Aral. 31 - Agis. 15.
(G) L;i première date est colle de la première stratégie d'Aratos, la deuxième
celle de l'alliance entre les Acliéens et les Étoliens.
484 MANTINKE ET L'ARCADIB OIIIKNTALK.
très circoDStancié de PluLirque ne laisse aucun doute sur la fin
du fils d'Eudamidas: il est tnort à Sparte, en prison, étranglé par
ordre des épbores. Donc Pausanias, quand il aflinne deux fois
qu*Agis est tombé sur le champ do bataille de Mautiuée n'a fait
que répéter une légende à laquelle il a ajouté une erreur. Dans
sa mémoire ou dans les souvenirs de celui dont il. tenait le récit
du combat, le nom d'Agis IV s*est confondu avec celui du frère
d'Eudamidas l'^, Agis III, tué en 331 dans la bataille de Méga-
lopolis contre Anlipater (1). , . ^
Ainsi, autant d'informations, autant de bévues. La i^^ et la 3®
sont entachées de grossières erreurs ; la 2^ parait bien être une
méprise ; nous considérons le fait comme non avenu. Que sub-
sistet-il en dernière analyse? Sans nous attacher à l'épisode de
Mégalopolis, il nous reste à reproduire les curieux détails de
cette bataille de Mantinée. Le récit de Pausanias (2), avec la
précision apparente de certains détails, paraît très suspect dès
qu'on l'analyse.
Ugcndo de la Agis, pour dcs ralsons inconnues, se serait porté contre Manti-
baiaiiic de néc avcc SOU aimée. Les Mantiuéens se trouvaient prêts à le rece-
M«niinéc mire ^^ij,^ gyaut mobilîsé toutes leurs forces valides et fait appel à de
dM*Mn'Iiirérns iio™breux auxiliaires. Ils avaient pour alliés : 1* les Éléens, qui
(245?) leur avaient envoyé un devin d'Olympie de la race des lamides,
Thrasyboulos, fils d'iEnéas. Ce personnage avait pris tellement
à cœur la cause des Mantinéens, que, non content de les
enflammer par de flatteuses prédictions, il était sorti de ses
attributions sacerdotales pour payer de sa personne dans la
mêlée ; 2" tous les peuples d'Arcadie (irav xb àXXo'ApxaSixdv), cha-
cun sous les ordres de ses chefs respectifs, entre autres les
Mégalopolitains, commandés par Lydiadas et Léokydès ; 3° les
Achéens ayant à leur tête Aratos étaient accourus avec les Sicyo-
niens, sur la demande expresse des Mantiuéens. D'après les
précédents, et si Ton çn juge par la place d'honneur qu'ils occu-
paient à l'aile droite, le commandement suprême revenait aux
Manlinéens et à leur stratège Podarès. En réalité, ce fut Aratos
qui dirigea les mouvements des coalisés sur le terrain. Par une
feinte habile, il décida de la victoire (3). L'action aurait eu lieu
aux environs de Poseidion. La légende locale voulait que le Dieu
.• • Il ' '■
(1) Dlotlor. XVII, 02-03. — Voy. plus haut, p. 472.
(2) Pausan. VIII, 10, 5.
(3) Voy. l'analyse de cotte manœuvre, aux Appendices.
PKKIODE AGIIÉENNE. 485
fût înterveDu en faveur des Manlinéens ; ceux-ci, par reconnais-
saoce, lui auraieut élevé uq trophée.
Ce récit a toutes les allures d'un roinao. L'intervention du
devin lamide, l'apparition de Poséidon, la réapparition d*un
poléinarque Podarès, inspirée par les souvenirs de 362, tous ces
détails rappellent les procédés et le style hiératique dont on
retrouve la trace dans le récit de la seconde guerre niessénienne.
La tactique même du combat a quelque chose d'archaïque : elle
serait, pour Tannée 245, un anachronisme militaire. Cette bataille
est une invention de prêtres. On peut hardinieut lui dénier
toute réalité, et la reléguer au nombre des légendes qui se fabri-
quèrent à Sparte au sujet d'Agis et de Cléoniène.
Quant au détail de la mort d'Agis, il aura été suggéré à Pau-
sanias.par la vanité patriotique de quelque exégète local, dési-
reu.x dé prendre à sa manière une revanche sur la victoire
d'Agis II en 418. Les Mantinéens avaient la fierté de leur champ
de bataille où s'étaient mesurés à tour de rôle tant d'illus-
tres capitaines. Depuis la mort d*Épaniinoudas, ils s'imagi-
naient de bonne foi que leur plaine était le cimetière désigné des
plus grands hommes de guerre. La légende au temps dePausauias
avait multiplié les nobles victimes; les guides prenaient plai-
sir, comme celui de César à Troie, à faire fouler au touriste des
ossements de héros. Pausanias aura noté, sans le contrôler, ce
fait de la mort d*Agis IV ; il l'aura accepté d'autant plus aisé-
ment que le souvenir vague de la mort d'Agis lll sur un champ
de bataille prédisposait sa mémoire à une contusion.
Quant au trophée de marbre signalé par Pausanias, s'il exis-
tait, c'était sans doute quelque souvenir de la bataille de 418 (1).
Ces conclusions s'affermissent si l'on cherche à s'expliquer le
silence de Plutarque. Comment le biographe d'Agis et d'Aratos
a-t-il pnssé sous silence un fait aussi important pour ses deux
héros? Pourquoi ne nous les montre-til jamais aux prises, mais
faisant assaut de courtoisie et marchant presifue la main dans la
main? Il semble extraordinaire qu'Aratos n'ait rien dit de cet
épisode si glorieux pour lui dans ses Mémoires, une des sources
de Plutarque (2).
(1) Pausan. VIII, 10,4.
(2) Dans cos cimililions, il serait oiseux de discuter, rentre Droysen {Hisl. de
VUcUen. III, p. 4(Xî, 1), la date de cet événement fantaisiste, et de reclierclier
si la présence de tuus ces Arcadiens à cette prétendue iKitaillc indique une
reconstitution de la Ligutî arcudiennc vers 2i5.
486 MANTINÉK ET L'aKCADIE ORIENTALE.
Mimiin*«, arbitre i| semble quc Mmtinécait réussi assez lonp;temps à se tenir
entre apoioi» ^ égîUe clisUince de Sparle, de TAcliaïe et de la Macédoine (1).
ctieiypandArgos ^^^^^ tfailô particulier ne la liait avec la Ligue achéeune.
Anstippos .... . • ....
(240-239). Cette indépendance, reconnue de tous les partis, lui valut d être
choisie pour arbitre en 240/239 dans un différend entre Aralos
ei le tyran d'Argos, Aristippos. Voici comment Plutarque raconte
le fait (2) : « Arislîppc, homme plus atroce encore qu*Aristonia-
chos, s'empara de la tyrannie. Aratos, donc, à la tête de tous
ceux des Argiens (|ui étaient en âge de porter les armes, se hâte
de marcher au secours d*Argos, ne doutant point de trouver les
Argiens disposés à le recevoir. Mais l'habitude avait façonné ce
peuple à Tesctavage, et personne ne se déclara pour lui : il se
retira sans autre profit que d'attirer aux Acbëens le reproche
d'avoir fait en pleine paix un acte d'hostilité : ce qui les fît
citer vn justice devant les Mantméens. La cause fut plaidée sans
qu'Aratos comparût; et Aristippos la poursuivit avec tant de
chaleur qu'il lit condamner les Achéens à 30 mines. »
Il y a plusieurs points dans cette affaire qui ont semblé
obscurs. D'abord le choix du juge. Aristippos, d'après Plu-
tarque (3). était un abominable tyran, suppôt d'Anligone
Gonatas. Comment expliquer qu'il ait plaidé et gagné sa cause
devant les Mautinéens, sinon parce que cette ville était (( elle-
même sous la dépendance macédonienne »? Ainsi raisonne
Schorn (4). Son imagination l'emporte même plus loin. Il
pense que Mantinée était le siège de la haute cour de justice
macédonienne établie dans le Péloponnèse pour tenir en bride
les petits tyrans (5). Hypothèse triple, puisqu elle suppose : 1* la
main mise de la Macédoine sur Mantinée, *2P sa reconnaissance
par l'Achaïe, 3<> le fonctionnement particulier de ce régime.
D'après une autre théorie, la sentence aurait été rendue par
(1) Droyscn (II!, p. 422) admet qtr.'iprcs 1» chute d'Agis en 241 clic se mllln
k Sparte et à la Macédoine. Mais aussllôt (note 1) il anirinc qu'elle conserva
son indépendance. Lu ville éUill en démocralle; elle n'avait donc rien à
allcndrc du libéraliRnie d'Agis. Iax réaction oligarchique que Droysen suppose
après In chute du roi réformateur n'est nullement altcslée.
(2) Plut. Àrat. 2;>. — CI. Bérard. De arbiirio inter libéras Graecorum civita-
tes, p. 17.
(3) Ih. 2r».
(4) Gesch. Griec/i, p. 94, n. ;>.
(;>) <( Zu Mantinea muss der h<'H*.hsle (rerichLsIiof der Makedonier im Pelo-
I)onnes gewesen sein; dlescm unterwarlen sich dio Idcinen Tyrannen und
wurdcn dadurcli ini ZauMic gclialten )>.
PRRIODE AGHKENNE. 487
l'Assemblée fédérale arcadieDoe, les Dix-Mille, qui se seraient
précisément alors trouvés réunis à Mantinée (i).
Ce sont là d'inutiles complications. Le fait en lui-même
n*avait rien que de très usuel dans la pratique de l'arbitrage entre
cités grecques (2). Deux États défèrent leur litige à une tierce
ville, rexxXTjToç TTôXti;, dont ils acceptent à l'avance la décision.
Tel fut le rôle de Mantinée en celte occurrence. Ou la choisit
d'un commun accord parce qu'elle était indépendante et neutre,
et que son impartialité n'était pas suspecte. Quant au jugement,
il ne faisait aucun doute. Si peu sympatliique que fût Aristip-
pos, l'entreprise d*Aratos ne pouvait se défendre au nom du
droit. C'était un de ces coups de main que le succès seul justi-
fie (3). Au reste, TAchéen s'en rendait si bien compte qu'il
s'abstint de toute pression sur ses juges et se laissa condamner
par défaut. L'arbitre fit preuve d une extrême indulgence. Le
chiffre insignifiant de l'indemnité équivalait à un acquittement.
Et, de fait, Aratos s'empressa de recommencer.
Cette sentence équitable était de plus un acte d'habile diplo-
matie. Le juge demeurait en bons termes avec tout le monde,
car l'Achaïe ne pouvait lui faire un sérieux grief d'une aussi
faible condamnation, et la Macédoine, représentée par Aristip-
pos, n'avait qu'à se déclarer satisfaite. Il fallait bien, d'ailleurs,
contenter tout le monde, à peine de perdre son repos.
Sous Déméirios, successeur d'Antigone Gonatas (239-229), les Maniinéc
alTaires macédoniennes dans le Péloponnèse se relevèrent, mais »<>"« Déméirios
la situation de Mantinée resta ce qu'elle avait été. Droysen (4) (239-229)
soutient qu'elle était occupée en 2<34 par Déinétrios. Mais cette
(1) I^vonksimp. De rébus Spartanoruin inter annos iôo et 200, p. i, L'oxis-
Icncc (lo l>i Ligue arcadionnn îi cette «époque est trtSs invrniseinbliiblo.
(2) Voy. Sonne. I?P arbilris cxternis quoa Graect, vU\., UOnml. De arbi-
trio, p. 84.
(3) Il semble bien quAnitos ne fut inAme pjis approuvé du Conseil fédéral
des Acbécns, qu'il n'avait peut-être pas consulté.
(4) m, p. ^tt. — Levenkamp {de reb. Sparlau, p. 21, n. I) renchérit un peu
à la légère sur cette afllrmation et défend la levon de la vulgate MaxeSovcjv
ê/ôvT(i)v « Hanc Icctionein, quae est codicum, merllo tuetur Droysen, adversus
conjccturain Clavieri teinerc factam et arguinenlis curenleni : Aaxs8xt(jL0Vta)V.
Or, celte variante est celle des deux meilleurs manuscrits do Pausanias. l\
sunit de lire la note jusUilciitive de Clavier (Irad. de Paus;inlas. VI, p. 72)
|M)ur être convaincu que sa correction est tout à fait juste au point de vue
paléographique et historique. Au demeurant, les plus récents éditeurs l'ont
adoptée. — Voy. p. 477, note 3.
488
MANTINKR ET L AIICAUIR OIUKNTALE.
opinion ne repose que sur une leçon fautive de Pausanias. Il
est probable que la ville persista dans son attitude indépen-
., dante, favorable aux Âchéens, sans que cette sympathie fût
' , . ! ' pour elle un lien de sujétion, en môme temps libre d'allure/
.1 . : mais sans impertinence^ envers le Macédonien. Mais, après la
solennelle démission de Lydiadas et son entrée dans la Ligue
achéenne, vers 234, les autres villes arcadiennes mirent, d'après
Pausanias (1), beaucoup d'empressement à suivre l'exemple de
Mégalopolis. Mantinée se fit achéenne : c'était fatal.
Acre»ioii L^ réunlou de Mantinée à la Ligue est attestée par des textes
de Mantinée à u formcls (2). Mais la date n'en peut être fixée qu'approximative-
Uguenchéenne ment, qucIquc temps après celle de Mégalopolis, c'est-à-dire
(«3*) yg|.g 234 (3). Orcliomène et Tégée paraissent s'être décidées au
même moment. Les termes employés par Polybe indiquent que
Mantinée entra dans la Ligue en qualité de ville <Tii(jL7roX(Teuou<ra et
non comme simple (ni^ifia/tç. Les habitants recevaient le droit de
cité achéenne et prenaient le nom d'Achéens-Mantinceus (4).
Ils adoptaient le culte des divinités fédérales, Zeus Amarios,
Athéna-Amaria et Aphrodite (5). Leurs obligalions militaires
et financières envers la Ligue (G) et leurs devoirs de citoyens
achéens ne leur faisaient pas perdre l'autonomie municipale.
La Constitution de la Ligue semble même avoir admis le droit
de dénoncer, par voie légale et pacifique, le paote conclu. Une
ville, après s'être donnée, pouvait se reprendre, pourvu qu'elle
le fit, sans violence et sans révolte (7). Mantinée en fut un
exemple ; car, à peine entrée dans le parti achéen, elle fit
défection pour passer aux Ëtoliens. Polybe (8), qui signale le
(1) vin, 0.
(2) Pausan. VIII, 8, 10. — Polyb. Il, 57, 1.
(3) Lydiadas ost stnilùgc des Achetons au printemps 234.
(4) Sur la condillon dos villos conriHicrcos, voy. Dulxds. Ligue ach. et
éloL, p. 170 et sulv. et 179, note I. On ne possède psis do monnaies dcd Man-
tinéens-Acliéens, ik cette époque.
(5) L'impt»rtanle inscription d'Orcliomcne, trouvée pîir M. Foucart {hiscri
du Pélop, n* 3:>3) nous donne un mo<léle de l'acte de réunion qui était, pour
les recrues de la Lif(uc, leurs lettres de naturalisation acliôennc. <
(6) Polyb. XXV, li L — XL, 3, 3.: . 5. w.»,.| . ' ." |
' {!) Dubois, Lig, éloL el ach:, p. iTS.' ' " ' '" J ' ' • ' "'
(8) Polyb. II, 4(î, 2. Beiopcov (AfMus) toÎ>ç' AîtwXÔ'jç*. .1 <j)Oôvouvtaç tÔi'ç ''
'A/aioîç iizi TOdOuTOv ô)(TTe KX£0[i.£vouç Tr67rpa;ixoTt7|xoTOc Œ'jtoÙç xai
7capTr)p7|[i.svou Teyeav, Mavxfvetav, 'Op/0[i6vbv, xàç AîtwXoÎç où fiôvov
aupt.(jLX/(8aç u-ïçapyoïi^raç, àXXà xoà <Tu|X7côXiTeu6[i6vaç Toxe irôXe'.ç; ôùy
' '' PÉRIODE AGHKICNNE. 489
fdit, ne le jii/çe/à ce qu*il semble; ni anormal ni répréhehsible.
Ce n'était pas une forfaiture, niais une sépiralion ré;;uUëre:
^A quel mobile les Mantinéens obéirent-ils en se détachant de Mantinée pasne
la Ligué presque auséîtôt après s'y être adjoints? Polybe ne le a la ti^ue
dit pas; Il atteste seulement qpe la. défection fut volontaire «toiienne (sio).
(êOeXovO^v), c'est à-dire qu'elle ne fut la conséquonce d'aucune de
ces surprises dont les Étoliens .avaient l'habitude (1). Si donc
Mantinée s'est ralliée de son plein gré à un autre régime, et
même à un régime adverse, ce n'est pas cette fois pour des
motifs de politique extérieure. ' .
Il faut se rappeler qu'à l'époque delà mort de Démétrio8(229), RnUonsproUbies'
la Ligue acliéenne se débattait dans les embarras de sa situation ^^^^
intérieure. La direction élroite et anti-libérale d'Aratos portait '^^'"^"»*"*-
ombrage à beaucoup de membres de la Ligue : notamment la
question du droit de cité et de la participation au corps électoral
(iroXtTefa) entretenait les plus fâcheuses discordes entre les censi-
taires et les pauvres. Aratos personnifiait la politique de la'
classe bourgeoise des propriétaires ou clémaliqnes. Bien qu'on'
ait exagéré jusqu'au système le caractère aristocratique de la
Ligue achéenne (2), il n'est pas moins réel que les riches exer- '
çaient dans le gouvernement la prépondérance, au moins à celte
époque (3). Or, l'esprit des masses était de plus en plus avide'
d'égalité et impatient d'émancipation. Il y avait à Mantinée/
comme dans toutes les villes, un pirti turbulent en perpétuelle
insurrection contre les privilèges attachés à la richesse. De plus, *
pour renforcer dans les villes annexées réléinent fédéral; la
Ligue encourageait l'établissement de colons achéens, dont la
situation, dépendant étroitement de la Ligue, était pour elle un
oFoy àyavaxTouvTaç ItzI toùtoiç, àXXà xal ps^aiouvraç olÙtio tTjv TrapxXTrj'j/iv .
— 11,57,1. Mavxeveîç toîvuv to [lev Tipoitov £yxaTaXî7rovT£ç tï|V ji-srà
Ttov 'A/aioiv -TcoAtTefav iOfiAovTViv. AÎTtoXotç evs/eipi^av aurojç xaliTY|v
TTttTpiSa, fiera oï xaura KXeojJLevet.
(1) TliirKvall, suivi par Dubois {Lig. ach,Héinl. p.' .32) donne l'annôc 2i3/l
comme la riato probable de rcnlt-ée de Tr^g<^e, de Mantinôe et d'Orchomènc
dans la Ligue iHollcnrie, h la suite dt) l'invasion des Ktoliens dans le Pélopon-
nèse en 242. Sans parler d'autres Invraisemblances, cela supposerait que Man-
tinée est restée ctolienne jusqu'à sa prise par Cléom^ne en i28, ce qui est
impossible, d'après les termes do Polybe.
(2) Voy. à co sujet les Justes observations de Dubois (Lig. ach. et Hnl, p. 90
et sulvj. , . .
(H) Polyb. XXIV, ^, 0. — . XXXVIÏI, 4, 5. . . , . > . , « ■ ■
490 MANTINKE ET L'aRGADIE ORIENTALE.
gage de fidélité (i). Mais ces métèques ne devaient pas ôtre bien
accueillis de la population indigène. C*esl dans cet ordre d'Idées
qu'on doit chercher la cause de la désaffection de Mantinée à
regard du ré<;imetimocratiquedelaLigue. Elle n'avait pas cessé
d'être une ville foucièremeut démocralique. Or, il n'y avait pas
d'existence possible en dehors des groupes qui se disputaient la
suprématie du Péloponnèse. Plus que jamais, la Péninsule était
retombée sous le joug du système fédératif. Spaite, encore
inféodée à ses institutions oligarchiques, après la réaction qui
suivit la chute d'Agis et avant les réformes de Cléomène, n'était
pas le soutien qui convenait à Mantinée, non plus que la Macé-
doine. Au contraire, la Confédération étoliehue, à tort ou à
raison, avait la réputation de soutenir les démagogies (2). La
rivalité des deux Ligues, suspendue par leur union contre
Démétrios, ^'accentuait, à la grande joie et sans doute à l'insti-
gation d'Antigone Doson, son successeur. Déjà les Éloltens
avaient pris pied dans TÉlide, leur alliée depuis^?!, et à Phigalie
vers 237 (3). En s'ofTrant à eux, Mantinée pouvait, le cas échéant,
leur fournir au cœur de l'Arcadie un point d'appui d'autant plus
précieux qu*Orchomène etTcgée la suivirent dans son évolution.
Ce fut une adhésion pleine et entière à la Constitution étolienne,
non pas une simple alliance (4). Aratos laissa passera l'ennemi,
sans s'émouvoir, ces trois importantes recrues (5). Par cette
étrange mansuétude, il semblait reconnaître les torts de la
Ligue achéenne à l'égard de ses adhérents. Pour n*avoir pas su
les retenir, il faut qu'elle n'ait pas été sans reproche. Delà aussi
le silence de Polybe, d'où l'on peut conclure qu1l a reculé devant
liue justificalion trop pénible de la Ligue et des procédés d*Ara-
loâ. Les griefs des*dissidenls étaient sans doute trop fondés.
• (1) Cf. les clauses de l'Inscription d'Orchomènc (Foucart. Inscr. du Pélop,
n* 340) ot l'ôtabiisscmcnt d'une colon.e achéenne à ManUnéc en 222. ..
,,.(2) Dul)oi8 {Lig. ach et etol, p. KNî) démontre que, chez les ÉloUcns, la
propagande démagof^iquo n'était piis le ressort de la politique extérieure. Ils
n'avaient pas la dessus d'idée arrêtée ni de système: ranlillièse souvent
répétée ' par les historiens de deux ligues incarnant deux partis polîtiqu«'^
rivaux est, en eflet, souvent contredite par les faits. : i ' • • ^ i :: , -
(3) Droysen. III, p. 217.
(4) Polyb. 11,46,2. m
;;(:*)) Ces faits ont pnxédé, au direde Polyhe (II, 57, 1) l'attaque de Cléomène.
Cclloci date du printemps 228, avant la fin de la 9* stratégie d'Aralos (mai 228).
C'est donc vers la fin de 229 que les trois villes ont dû passer dans le camp
étolien. , 1. «i * .. !
PERIODE AGHÉKNNK.
491
A la suite de ces faits, les rapports entre les deux Ligues se
tendirent davaotage. Polybe (1) soupçonne les Ktoliens d'avoir
d'ores et déjà entretenu des relations secrètes avec Sparte. Ce
qui arriva à quelque temps de là lui donne raison. Eu eQe.t»
Sparte et TÉlolie voyaient avec une égale jalousie les progrès
des Acliéens. Les Ëtoliens, gônés par les services qu'ils avaient
reçus d'Aratos, n'osaient entrer en lutte ouverte avec leurs amis
de la veille. Ils s'étaient contentés d'accueillir avec joie les villes
transfuges, surtout parce que cette défection alîaiblissait leurs
rivaux, mais ils ne semblent pas l'avoir provoquée. D'ailleurs
ces trois avant-postes, isolés au milieu des possessions achèennes,
ne pouvaient rendre à leurs lointains détenteurs des services
immédiats. Il importait moins aux Étoliens de les détenir eux-
mêmes que d'en voir les Achéens dépouillés.
Au contraire, ces trois villes étaient un appât des plus tentants
pour l'entreprenant Cléomène. La Haute Plaine, prolongement
naturel de la vallée lacouienne. une fois au pouvoir de Sparte,
formait comme un coin enfoncé dans les domaines de la Ligue.
C'était, de plus, une proie facile, puisque les trois places se
trouvaient ainsi dépourvues de défense sérieuse, sous la tutelle
plus nominale que réelle de l'Étolie.
A l'égard de l'Acliaîe, la situation de Cléomène était plus
franche que celle des Étoliens. Ayant repris à son compte les
plans d'Agis, il voulait comme lui préluder aux réformes sociales
par une série de conquêtes : il lui fallait avant tout faire voler en
éclats la puissance achéenne. Son génie de capitaine lui suggéra
pour son coup d'essai une manœuvre hardie (2). 11 tomba à
l'iiflproviste sur les trois villes et les enleva d'emblée. Ce fut pour
tout le monde une surprise, mais plus désagréable à coup sûr à
Aratos qu'aux Étoliens. En elTet, ceux-ci comprirent que, comme
arme ollensive contre la ville rivale, les trois places décuplaient
de valeur en passant dans la main du Lacédémonien. Le mal des
Achéens devenant pour eux lesouverain bien, ils oublièrent vite
ce que le procédé avait d'incorrect et d'oilensant pour n'en
considérer que )es conséquences avantageuses. Au lieu donc de
protester, ils reconnurent à Cléomène une acquisition qui le
Prise de Tégéc,
M an li née et
Oirhoinène par
(îl^omène
(début Si8).
H) 11. 40, 2.
(2) Cette rapide campagne se place (oui au début de 2i8, avant la con-
struction par Cléomène du fort d'Atlicna ion, près de Môgalcjpolis, c'est-ii-diro
avant l'expiration de la 9* stratégie d'Aratos, en mai 221 (Plut. C^éoin. 4, 9 —
Polybe. 11, 4(i, 2 et ii).
(printemps SS7).
492 MANTINKR ET l'AHCADIR OUIENTALE.
forlifinit contre Tennemi commun (1). La mansuétude pourtant
n'était pMs le propre de cette race ù qui tous les casus biiii, réels
ou imaginaires, semblaient bons dès qu*il y avait prétexte à
pilleries. Aussi leur altitude surpril-ellc Aralos, et lui apparut
comme une manière do complicité. Il ouvrit enfin les yeux sur
un péril que son collègue et rival Lydiadas, plus clairvoyant, lui
avait en vain dénoncé. Le conseil de la Ligue décida de s'opposer
désormais à toute conquête dé Sparte. Aussitôt après, la guerrei
dite de Cléomèoc éclatait (printemps 228).
Guerre de Giéo- D'abord Cléomèue pénètre sur le territoire de Mégalopolis,
mône (228-331). timidement suIvi par Aratos. Celui-ci n'osant attaquer de front
ManUnéc surprise (( le' Jion de Sparte M se jette sur Orcliomène et sur 'IVgée. Cléo-
^!!î-™*7«-r. niène survient et l'oblige à làcïier prise. L année suivante, Aratos
revenant d'Élide, est arrêté aux passages du Lycée et baltu
(printemps 227 ) Tandis que court le bruit de sa mort, il
s'échappe et tombe sur Mantinée. Cette diversion ranimerait,
pensait-il, son prestige ébranlé par les prodigieux succès de
Cléomène. Assez médiocre sur le champ de bataille, l'astucieux
Achéen excellait dans les surprises de villes, où l'esprit d'intrigue
avait plus de part que le géuie militaire (2). Quand il appliquait
ses échelles aux murs d'une place, il savait que des amis
l'attendaient de l'autre côté. La surprise de Mantinée, après celle
de Sicyoue et de Corinthe, compte parmi les plus savant<; coups
de main du stratège diplomate. Le moment était propice à
pareille tentative. La ville se trouvait sans' défense, l'armée
■ r ■ ■
(1) Polyb. II, 4(), t et 3. — Droyson (ÏII, p. îilO) suppose qu'un arrangement
préalable avec les villes olles-mômcs favorisa leur occupation. C'est possible.
Lesviiics en question brouUlées avec les Acliéens, ne pouvaient espérer des
Ktoliens, occupés en Tlicssalio, un secours cfTlcace. Cléomône n'avait qu'à so
présenter pour les gaj^ncr. L'expression de Polylje (II, 46, 2) : KXEO(A.évouc
w67rpaÇvXOit7|xÔT0ç auTOuç (Ip^ Étollens), parait Indiquer que Cléomône
prépara son coup de main avec l'un des partis en lutte dans les villes. Mais
quel parti? Les pauvres auraient pu être séduits par les promesses du roi
socialiste, si Cléomr^nc s'éUiit posé dès ce moment en démagogue.: ce qui
n'est pas prouvé. Au contraire, il semble avoir voulu donner le change sur
ses intentions et les avoir tenues secrètes jusqu'en 227 (Voy. Dubois. Lig.
ach. et étoL, p. 00). Ce serait donc avec le^ riches, conformément à l'antique
tradition de Spsirte, qu'il aurait pu s'entendre pour leur ofTrir un programme
conservateur moins timoré que la politique décousue d'Aratos. La phrase de
Polybe (II, 57, 2) : ytyO'fÔTO^ 8 'lui T0iaÙT7|ç Trpoaipeaetoç xcà jiExéyovTeç t-ï^ç
Aaxe8ai(xov{(ov iroXiTeiaç confirme cette interpréUition : roligarcliio dominait
encore à Sparte en 228.
(2) Voy. le portrait d'Aratos dans Polybe (IV, 8). . i
PÉRIODE AGHKENNE. 493
sparliate étant au loin. On croyait, après la dé^aite du Lycée, les
Acbéens en déroule et privés de leur chef. Aussi le succès fut-il
prompt et complet. Polybe (1) seul emploie un mot qui caracté-
rise bien la tactique ordinaire d'Aratos : 'Apxxou 7cpa;ixo7CTrj<TavToç
T7)v TToXiv. Au reste, TAchéeu n'en fut pas quitte pour une
simple démonstration : il y eut^ après Tescalade, des batailles
de rues où les Mautinéens perdirent du moude. Ils se défendirent
en désespérés, convaincus que le vainqueur serait sans merci.
Mais, à en croire Polybe, les représailles attendues leur furent
épargnées, et cette cbaude allaire se termina par de fraternels
banquets. Voici son récit: « En cette occurrence, il est si peu
vrai que les Mantinéens eurent à éprouver les suites fâcheuses
de leur précédente défection que cet événement devint fameux
par la vivacité du changement d*attitude des deux peuples Tun
envers l'autre. Aussitôt maître de la ville, Aralos défendit à ses
troupes de touchera rien de ce qui ne leur appartenait pas ;
puis, ayant assemblé les Mantinéens, il leur recommanda de ne
point prendre peur et de rester comme ils élaieut. Leur union
avec les Achéens leur garantirait toute sécurité. Un bienfait si
peu espéré et si extraordinaire changea complètement les dispo-
sition des esprits chez les Mantinéens. Tous oublient qu'ils
viennent de combattre ces hommes, qu*ils ont perdu dans la
lutte nombre de leurs parents, que beaucoup d'eux-mêmes se
sont relevés criblés de blessures. Ces ennemis, ils les intro-
duisent dans les maisons ; ils les attablent avec le reste de leur
famille et n'oublient aveceux aucun échange de bons sentiments.
Et ils avaient bien raison. Car je ne sache pas que jamais
enuemis aient montré plus de douceur que les Achéens et que
jamais on aiteu moins à pûtir des revers réputés les plus terribles
que ne firent alors les Mantinéens grâce à Thumanité d'Aratos et
des Achéens à leur égard. »
Ici, Polybe parle en Achéen. Dans ce besoin d'apologie un peu
diffuse on devine l'inspiration des mémoires d'Aratos. Le nom de
Mantinée devait éveiller diins l'àme du stratège le plus affreux
remords de sa vie, si tant est que la conscience d'Aratos se soit
jamais rien reproché. 11 savait, en rédigeant ses Mémoires, qu'il
ne passait guère pour le bienfaiteur de cette malheureuse ville.
Le panégyriste du magnanime vainqueur de 227 apparaît donc
comme le témoin à décharge du bourreau de liiL
(I) Polyb. H, :>7. — Cf. Plut. Cléom, •;, I, vl Aratns, :jlî.
494 MANTINÉE KT L*ARGAblK ORIENTALK.
• Il est permis de ne pas croire tout à fait Polybe sur parole.
Quaud il s'agit d'Arntos, il manque de franchise. Sa complai-
sance à nous reprêseuter les Mautinéens baltud, mais contents,
vaut le jugement de Xénophon sur la joie des victimes de 385.
Cette idylle atlendrissante des vaincus célébrant leur défaite, la
coupe eu main, eu compaguie des vainqueurs, ressemble fort à
de Thistoire sentimeutale. Si Polybe avait lu ce récit dans
Phylarque, quelle diatribe iuterminable cela ne nous eût-il pas
valu contre cet auleur?
Aussi bien, Polybe lui-même est obligé d'assombrir aussitôt
ce touchant tableau de coucorde. Loin d'être accepté d'un con-
sentement unanime, le traitement imposé à la ville par Aratos
eut pour effet de déchaîner la guerre civile. Le parti populaire
s'insurgea contre le nouveau régime et se mi tàcomploteravec Cléo-
mèneetlesÉtoliens. La faction achéenne, inquiète, envoya deman-
der du secours à la Ligue et représenta aux autoi'itês fédérales
qu'uhe garnison était nécessaire au repos de leurs amis : « Alors,
dit Polybe, les Achéens tirèrent au sort parmi eux 300 hommes,
qui partirent en abandonnant leurs propres patries et leui*sbieus,
et s'installèrent à Mautinée pour y défendre la liberté et la sécu-
rité des habitants. On leur adjoignit entre autres deux cents
mercenaires qui devaient aider les Achéens à maintenir la situa-
tion établie par eux (I) ». L'envoi de ces trois cents Achéens,
chargés de défendre leurs partisauset escortés d'une garde pour
leur pro|)re protection, est en lui-même assez équivoque. Heu-
reusement Plutarque (2) noiis donne sans réticence le mot de
l'énigme : « Aratos, après avoir pris la ville, y mit une garnison
et donna le droit de cité aux métèques ». Ainsi ces trois cents
patriotes qui immolent leurs plus chères affections au devoir
d'aller au loin défendre des alliés, ne sont autres que des colons
installés par décret sur le territoire niantinéen, et naturalisés
citoyens (3).
(1) Polyb. II, 58. ...
(2) Plut. Aral. 3(i. — Plutonium s'éloigno m dessein d'Aratos et de l^lybo.
Pcut-ôtrc doU-il celte information a Phylaniuo? Voy. Goltz. Quibus fontibus
Plutarchiis in vilis Arati, Agidis, Cieomenis usm sit, p. 24 ot 2:5.
(3) Les informations de Plutarque et de Polybe se nipportent au môme fait.
Droyscn llll, p. 512 et 5fô) les disjoint, en donnant la priorité à la cn^aUon
des métèques et h l'établissement de la garnison qu'il croit contemporains de
la prise de la ville Ce serait k la demande des nouveaux citoyens que les
renforts auraient été expédiés quelque temps après* Mais alors le Uibietiu de.
da Cléomine.
, , PKRIODE ACnKBNNR. 495
Les garnisaires étrangers ont pour mission de leur garantir la
tranquille possession des terres et des charges qui leur sont
attribuées. Dans ces conditions, le dévouement des 3()0 Acliéens
se ramenait à une bonne affaire. La situation de ces nouveaux
citoyens se faisait au détriment des indigènes, propriétaires
dépossédés de leurs biens ou prolétaires frustrés de leurs espé-
rances.
La présence des mercenaires n'était pas de nature à calmer les
mécontents. Ils s'apercevaient de plus en plus que la Ligue en
revenait au système des harmostes lacédémoniens et macédo-
niens. Ce grand organisme libérateur finissait par l'oppression.
Assurément les bourgeois de fraîche date, improvisés par Aratos,
se déclaraient enchantés du nouvel état de choses, mais il serait
naïf de prendre leur satisfaction pour Texpression du sentiment
général (i).
La Ligue par ces mesures vexatoires envenimait l'opposition ''rojeu
populaire. Lies Mantinéens non intéressés à l'opération d'Aratos
se jurèrent d'en finir au plus vite avec ce régime d'accaparement
Juste à cette époque, Cléomène réussit enfin à faire prévaloir à
Polybe ne serait plus une nmplillcatlon do ccrtiiins fnlts rf'^els, mais un mcn-
songn grossier Je ne le pense psis. Polybe a gc^.nf^.rdlisé la joie du parti achc^on,
qui éUilt à ses yeux la ville tout entière. Quant aux 3()(j Acliéens^ 11 n'a pas
expliqué assez clairement ce qu'ils venaient faire à Mantinée. Mais ce sont
bien 1rs mômes que les métèques de Plutarque. La phrase de colui-cl est un
sommaire de tous les faits connexes à l'occupation de la ville, sans que les
Intervalles entre ces faits nient été marqués avec aubmt de précision que
dans le récit plus clrconsltincié de Polybe.
(1) La date de l'entrée d'Aratos à Mantinée se déduit de Polybe. II, 57, 1.
6T61 Texâpro) Ttûdxesov T*r|ç 'AvTiyovoi» irapoudiaç éaXcjaav xarà xpzTo; Onb
T(oy *A/ai(îîv. La campagne d'Antlgone Doson dans le Péloponnèse se place
vers la fln de l'été 223 (olymp. 1:I9,2). La prise de Mantinée tombe vers le
début de l'été 227. Unger [Strutegenjafir, p. 154) adopte pour point de départ
l'hiver 223, puis épiloguant sur l'indication pourUint bien claire de Polybe,
réduit les 4 ans ft moins de 2 ans 1/2, et conclut en plaçant l'épisode de Man-
tinée dans l'été 22.'î. Voici son raisonnement : Polybe calcule par années olymr
piques, en arrêtant l'année h la fln dos fêtes olympiques, c'est-à-diro en août
(15 métagltnion). On a ainsi :
déc. août 223, I" année.
août 223 — août 224, 2« année.
août 224— août 221), 3' année.
. août 22;') — Juillet 225, 4« année
Klatt {Chronol. Ucilràge, p. 35) critique avec raison cette chronologie et
maintient la date précédemment proposée jKir lui dans l(>s ForsrJiungm s.
fJfKCh. d. Ark, ffutiflrn, p. W,
4% MANTINKE KT L'AKCAOiE OUIKNTALK.
Sparle ses idées réformatrices (1). Cette subversion totale de
l'IClat conservateur par excelleoce excita daus le monde grec un
enthousiasme ou une terreur sans bornes. Les éléments révolu-
tionnaires en fermentation depuis plusieurs générations s*agitë-
rent de plus belle (2). Tout ce qui, dans les États, souffrait de
Tinégalité des conditions, de la défectueuse répartition de la
richesse foncière et des privilèges attribués au cens, tourna les
yeux vers le hardi novateur. Une immense aspiration de justice
montait de celte terre péloponnésienne, désespérée par les falla-
cieuses promesses des faux libérateurs. La loyauté convaincue du
Spartiate offrait des actes et non de perfides paroles. Combien
odieuse ou mesquine paraissait en regard la politique achéennel
Cléomène avait pour lui les cœurs de tous les déshérités, Aratos
les intérêts d'une coterie. D*un côté les masses populaires, déjà
soulevées par un frémissement d'espérance, de Tautre la caste
arrogante des tyranneaux ou des notables endurcis par l'habitude
de la possession exclusive. Après l'épreuve de la verge de fer
macédonienne et celle de Tégoîsme achéen, n'était-ce pas le salut
pour les serfs de la pauvreté qu'un régime rationnel où le droit
civique cesserait d'être pour le plus grand nombre une illusoire
vanité, mais deviendrait, par l'admission à la propriété, un litre
solide et précieux ? Cléomène appartenait à ces êtres d'exception
en qui certaines tendances éparses et assoupies se concentrent,
se réveillent, puis s'exal lent en énergies pour une action décisive.
Les temps n'étaient plus où la simple et claire raison d'État suf-
fisait à guider les gouvernants. Au mécanisme rouillé des tradi-
tions, le siècle voulait substituer le jeu rationnel des idées et des
principes abstraits.L'antique conception delà cité paraissait alors
trop étroite. I^a majorité des citoyens se passionnait moins pour
les intérêts de la patrie que pour les droits des individus. De là
ces grandes ondes qui dépassaient les frontières pour aller sou-
(1) L'opinion dr. Droyson III, îilîl) et de I^vmkîinip {De rebtts Spartnn, p. 61)
que la prise do. Mantinée cxploil<^e contre Cléoni6ne par les <Sp1iore-s fut la
cause do la Guerre de Cl<^.oinène est excessive. Quand Plutarque (Cléom. 0)
dit que les Lacôdêmoniens so montrèrent fort découragés par cet échec et
refusèrent de continuer la guerre, il ftuit entendre quo les oligarques cher-
chèrent dans cet épisode, exagéré à dessein, un terrain d'opposition. Mais la
guerre était nécessaire aux projets de Cléomène et le sort do Mantinée restait
accessoire.
. (2) Sur l'état économique et social de la Grèce au lU* s. cl sur les réfor-
mes d'Agis et de Cléomène, voy. (îuiraud. Propriété foncière en Grèce,
p. 607-611.
1>ER10DE ACllKENNl':.
497
lever d'uD bout à l'autre du monde grec tous ceux qui se disaient
concitoyens dans la souflrance et la misère. Il ne s'agissait plus
de savoir à quel État reviendrait Thégémonie. La politique
nationale était périmée. La lutte s'ouvrait entre les deux classes
de la société : ceux qui possédaient et ceux qui aspiraient à la
possession. Dans le Péloponnèse, les Achéens se faisaient les
champions de la politique de réaction, et Cléomène l'apôtre
militant des théories révolutionnaires.
Le passé démocratique de Mantinée la désignait comme une
des premières recrues du parti novateur (1). La Sparte socialiste
n'était plus l'épouvantail, mais la sauvegarde, des villes sou-
cieuses de leur liberté. Dans le trouble de la nouvelle situation,
chaque État cherchait su voie, ballotté entre les tendances con-
traires des deux partis. De là des soubresauts qui peuvent
('^tonner un observateur superficiel. Pour une ville comme Man-
tinée, placée au centre d'un milieu politique étrangement mobile,
les transformations extérieures se traduisaient par des volte-
faces plus apparentes que réelles. Au fond, elle n'était pas si
désorientée ni si capricieuse que le ferait croire la simple énu*
mération de ses amitiés successives et contradictoires. Son his-
toire, au contraire, est une, son orientation fixe; seulement, elle
restait lidèle plutôt aux principes qu'aux individus : elle ne s'as-
sociait pas aux inconséquences de ses amis; lorsqu'ils abandon-
naient la ligne de conduite qui leur avait attiré la confiance des
Mantinécns, ceux-ci n'éprouvaient aucun scrupule à les quitter
|)0ur se donner à d'autres, quelquefois à des ennemis de la veille
venus à résipiscence. C'est ainsi que, ferme dans sa politique
libérale, elle s'allie eu si peu de temps aux champions successifs
de cette politique: aux Achéens^ aux Ktoliens, à Cléomène. Les
autres tournent; elle demeure fixe. Ceux qui ont interprété ces
combinaisons diplomatiques comme des palinodies et ont flétri
la versatile déloyauté de Mantinée, se sont mépris (2). Car l'his-
toire, réduite aux faits bruts, de même qu'un texte isolé du
contexte, devient souvent le contraire d'elle-même.
Un an environ après l'entrée des Achéens (mai 22G), Cléomène,
opérant contre Aratos dans la Haute Plaine, avait dû ravitailler
Orchoniène, serrée de près. Pour dégager cette place, le Spar-
(I) IIpcoTOv [jLsv ouv ù\ MavTiveî; auTov k'K'r^yiyovTO. Plut. Clcom, 14.
(i) C'est lo Cris (le Pausaiiias, parmi les anciens, et de Uursian {Geogr, v,
(iriec/ieulaïut, H, p. i\i) pjiniii les nioclernes.
Contnifliclions
apparentes el fixité
réelle
de la politique
manlinéennc.
Mttssiirrr
(U*s Achéens
el délivriiiice de
Mantinée
par Cléomène
(printemps S26)
Mantinée. — 33.
49S MANTINÉR ET L'AKCADIK ORIKNTALK.
tiate vient camper devant Mantinée (1), espérant sans doute y
attirer son adversaire : ce n'était qu'une manœuvre sans consé-
quence. Mais, à quelque temps de là, l'occasion se présenta pour
Cléomène de reutrer à Mantinée en libérateur. La ville était en
pleine émeute. Le parti anti-achéen lit appel à Tintervention des
Lacédémoniens. Suivant un plan concerté d'avance, Cléomène
arriva la nuit. Tandis qu'il attaquait à Timprovisteles murs, les
Mantiuéens tombèrent sur les Âchéens domiciliés et sur la gar-
nison, et les massacrèrent (2). Puis ils remirent la ville aux
Spartiates (3). Cléomèue agit avec eux comme on devait s'y
attendre. Il leur rendit leurs lois antérieures et leur Constitution
démocratique avec leur autonomie. C'était une restauration
franche et sans restriction de Tancien État mantinéen, tant
admiré des législateurs et de Polybe lui-même. Par ces mesures
libérales, Cléomène affirmait son intention de venir affranchir
et non subjuguer les peuples (4). Sparte ne voulait plus être
que la protectrice d'Étals indépendants. Pour tout esprit non
prévenu, cetle délivrance apparaît comme un bien pour la ville
soumise à l'indiscrète ingérence de l'Àchaïe. L'acte des Mauti-
néens n'avait rien que de légitime; les violences commises
auraient passé inaperçues en ces temps de massacres et de sédi-
tions, si la vertueuse indignation de l'historien achéen n'avait
cru devoir en faire à leurs auteurs un crime impardonnable.
(1) MavTivefx TrapsGTpaTOTreBeuçE dit PluUirquc (C<eo/ii. 7,3). 11 no s'agit
pns d'uQ slègr, coinmo l'a cru Droyscn (III, 511)).
(2) Plutarquc(t6. 14)tllt sculcinrnt : tT|V cppoupàv tcSv 'A/aiwv auvexpaXôvTeç.
(3) C'est pcut-<vtrc ù ces faits que se ratlarlie l'^'pisodc rapporté par Polyainos.
« Euryiwn?), roi «les l-incédémonlens, voyant qu(^ la guerre contre les Arc^i-
diens traînait m longueur, s'ingéniant A leur créer des dissentiments, leur
envoya un héraut pour leur annoncer « les Uicêdémonlens cesseraient la guerre
si vous clïassez les hoL^tî^. » Ceux-ci étalent les meurtriers d'Agis. Ceux
qui ôUiient accusés du meurtre, prévoyant qu'ils seraient exilés pjir le peuple
par désir de la paix, étant arrivés ave.c des poignards massacrèrent tant qu'ils
purent. Ils s'adjoignirent comme partisans de nomi^rcux esclaves, en leur
promettant lu liberté. Ceux qui désiraient la paix se groupèrent; Us se divi-
sèrent en deux partis, s'armèrent et en vinrent aux mains. Les démocrate*
ayant été battus, se réfugièrent sur une partie du mur, ouvrirent les portes
et reçurent les Lsicédémonicns. Ceux-ci occupèrent, grAco à la discorde, Man-
tinée, dont la guerre n'avait pu les rendre maîtres ». Polyaln, II, 13.
(4) Sur ces faiU, Polyb. II, 58, 4. — Plut. Clcom. 7, 3 ; 14. — Àrat, 3îK —
La reprise de ManUnéc par Cléomène se place dans l'été 2i0, pendant la stra-
, tégie d'Hyperbatas, avant la bataille de Dymé. (Plut. Cleom. 14). Voy. Klatt.
Forschunyen, p. 56.
A ce sujet.
PÉRIODE AGHÉENNE. 499
Polybe jette feu et flamme à ce sujet, accumule les gros mots
et les malédictions les plus emphatiques, et oublie qu'Aratos
en avait fait bien d'autres sans le moindre scrupule. Mais ce
qui était glorieux de la part des Achéens, il le juge infâme
venant de leurs victimes. Ce réquisitoire n'est un modèle ni
de style ni d'impartialité. Nulle part les défauts de Polybe
comme écrivaiuet comme patriote ne ressortent plus nettement.
(( Peu de temps après, une sédition s'étant élevée parmi eux, indîpnaUon de
les Mautinéens sollicitèrent les Lacédémonieus et massacrèrent roiyi)»
les Achéens domiciliés dans la ville. On ne pourrait citer une
perfidie plus grande et plus criminelle. Car, puisqu'il leur plai-
sait de méconnaître leur devoir de reconnaissance et d'amitié
envers la nation achéenne, il leur fallait du moins épargner ses
sujets et les renvoyer avec un sauf-conduit. C'est ce qu'on a
coutume d'accorder même à des ennemis, d'après les principes
du droit des gens. Mais pour donner à Cléomèoe et aux Lacédé-
monieus un gage de fidélité eu vue de l'entreprise projetée, ils
commirent sciemment, en violant les lois communes de l'huma-
nité, la pire des impiétés. Le fait de s'être constitués les meur-
triers et les bourreaux de ceux qui, auparavant, après avoir
pris leur ville, les avaient laissés sains et saufs, et qui alors
étaient les gardiens de leur liberté et de leur sécurité, quelle
indignation ne mérile-t-il pas ? Quel châtiment leur infliger,
qui paraisse proportionné à leur forfait? On dira peut être : il
fallait les vendre avec leurs enfants et leurs femmes après leur
défaite. Mais c'est un traitement que les lois de la guerre auto-
risent envers ceux qui ne sont coupables d*aucun attentaL
C'était donc une punitiou plus radicale et plus cruelle qu'il leur
convenait de subir! Lors même donc qu'ils auraient souflert
tout ce que dit Phylarque, les Grecs, au lieu d'en être émus de
pitié, auraient dû applaudir à la punition qu'on aurait faite de
ce criuie. »
On serait tenté d'être impitoyable pour Aratos et très sévère
pour son admirateur trop complaisant, si Ton songe que cette
déclamation virulc»nte tend à noircir les Mantiuéens pour jusli-
fler l'épouvantable exécution de 222, un forfait authentique et
sans excuse celui-là I H faut relire ensuite la belle page où
l'âme honnête de Plularque s'est émue jusqu'à l'éloquence, au
souvenir de la honte qui s'attache à la mémoire d'Aratos pour
avoir appelé Antigone Doson et les Maccdoniers en Grèce, lui
i( qui les fit entrer en armes dans son foyer et jusque dans son
500 MANTINÉE ET l'ARCADIE OlllENTALE.
gynécée, et cela pour empêcher qu'uu Ucraclide, uu roi de
Sparte ne prît le lîlre de stratège des Sicyonieus et des
Trikkéens, un roi qui voulait supprimer la richesse et remédier
' à la pauvreté. De peur de passer pour obéir à Cléomène, il se
soumettait, lui et toute TAchaîe, au diadème, à la robe de
pourpre des Macédoniens et aux volontés de leur satrape (1) ».
Campagne Du jour OÙ Ic brutal Macédonien eut foulé le sol pélopon-
'*^""Tn/'''^" "^^'®^' c'en était fait des beaux rêves d'indépendance et de
Je Péloponnèse justico. Lcs Achécns se promettaient une revanche exemplaire
(223-îîi). sur Manlinéc. Dans Tété 223, Cléomène accourt pour barrer
rentrée du Péloponnèse. Mais la trahison d'Argos ouvre à Anti-
gène un débouché vers le cœur de la péninsule. Le Spartiate
craignant d'être tourné se rabat sur Mantiuée (2) et sur Tégée
et s'en va couvrir Sparte. L'hiver interrompt les opérations.
Antigone avait assigné à ses troupes Sicyone et Corinthe
comme cantonnements. Au début du printemps (ttjç 5'lapivTf|ç
wpaç èvt<jTaji.6V7|(; — fin mars 222) (3), il se propose d'envahir la
Laconie. Mais d'abord H donne rendez-vous à ses auxiliaires, les
Achéens, sous les murs de Tégée. Le projet d'Antigoue étiiit de
tirer au plus court sur Sparte, défendue par Cléomène. Mais il
ne pouvait laisser sur ses derrières les trois grandes places de
la Haute Plaine et s'exposer à être pris entre deux ennemis, si,
comme c'était probable, ces villes dévouées à Cléomène
essayaient de seconder le S[)artiate. D'autre part, Antigone ne
voulait pas s'attarder au siège de chacune de ces places. H se
jette donc sur Tégée, dont la position méridionale lui permettait,
avec une forte garnison, de couper Orchomène et Mantinée de
leurs communications directes avec Sparte. Tégée prise, il
cherche à forcer les passes de la Laconie. Mais il y rencontre
sans doute quelque diflicullé; d'ailleurs ses éclaireurs lui
signalent l'arrivée des milices d'Orchomène. Il comprend qu'il
lui faut pour sa sécurité s'assurer de cette place et de Mantinée.
Il revient sur ses pas, enlève Orchomène d'assaut et met aussitôt
le camp devant Mantinée (222) (4).
(1) Plut. Cléom., 10.
(2) Plut. Aral. U, 2. — PoJyb. Il, 53, (î.
(3) Polyb. 11, 5i, î).
(4) Polyb. n, !ii, IL — Plut. Aralos. 45. — Clêom. 23. — Pour les dates, je
suis la chronologie do Kialt. Farsc/iang en. p. ^^^hion que d'après Nicsc(J!irt«(or.
Zeitschr. XLV, 1881, p. 489), la date de Sellasie doive 6tro maintenue en 222,
ce qui placerait en 2231a prise de ManUnée. —Cf. Kialt. Chroiiol. neilràge,
1883, p. 33, et Strcbl. Die chronol. Dalen hei Polybius, 1879, p. 10 et 11.
PKRIODK ACIIKRNNK. 501
En arrivant à l'isthme l'armée d'Antigone comptait 20000 ivi««
fantassins et 1400 cavaliers (1). Les garuisous laissées ù Corintlie ^*'"' ^"^ **""""^'
et dans les autres villes l'avaient diminuée; mais comme les ,/" ^'^^
' et Aiiti^onc D08011
troupes achéennes étîiienl venues la renforcer de 3 ou 4000 (610222)
hommes (2), et que l'armée macédonienne ne marchait pas sans
un excellent matériel de siège et un corps d'ingénieurs mili-
taires passé maître dans l'attaque des places (3), Manlinée,
réduite à ses seules ressources, ne pouvait se faire illusion sur
rcfficacité de la résisUmce. Elle se vit promplement lorcée de
capituler. Aratos tenait enfin sa vengeance ! Ce qui se passa
ensuite prouve qu'il avait prémédité et qu'il exigea d'Antigone
l'anéantissement de la malheureuse ville. On autorisa la solda-
tesque achéo-macédonienne à exercer dans son exlrôme rigueur,
et mémo à outrepasser, le droil de la guerre, (le n'est pins au
démemhrement de 385, mais aux pires catastrophes de l'histoire
grecque, aux destructions de Platées, ù la dispersion des
Samiens, à la ruine de Thèbes par Alexandre que les Hellènes
émus d'horreur purent comparer le sort de iMautinée.
Laissons d'abord la parole à Plutarque (4) : « La conduite des
Achéens à Mantinée ne se ressentit nullement de l'humanité
naturelle aux Grecs. En elîet, ils flrent périr les preniiers et les
plus illustres des citoyens. Quant aux autres, ils furent ou
vendus ou envoyés en Macédoine chargés de fer. l^es Achéens
réduisirent en servitude les femmes et les enfants, les vendirent,
partagèrent entre eux le tiers de l'argent provenant de cette
vente et répartirent les deux autres tiers entre les Macédoniens ».
Tel était le jugement du biographe pourUmt bienveillant
d'Ara tos : tout ce qui n'était pas Achéen pensait de même en
Grèce. Mais Polybe(5) s'efîorce d'atténuer l'odieux de ces actes
sauvages, et par suite, la responsabilité d'Aralos. Il s'en prend h
Phylarque : ce serait celui-ci, lui avec sa manie d'exagération,
((ui aurait donné aux faits les plus simples une allure pathétique :
(( Phylarque est un esprit faux, un écrivain de mauvais goût,
un historien indigne de confiance. Quoi pourtant de plus naturel
(D^Plut. Arat. 43.
(2) n y cul à Sfîllasic :KXJ0 (anLissins ot :îOO cavaJIors nrbrons et 1000 Méga-
loHilains. Polyb. II, (Ri, (i.
(3) Polybc dit qun, devant les moyens «l'attaque îles Macéiluniens et les
mines «n particulier, les Tégcates perdirent vite tout espoir (H, 53,7).
(i) Aratos, 4r».
(ii) Pnlyb. II, IkJ, 3.
ÎÎ02 MANTINKE KT L'ARCAniB ORIKNTALK.
que ce qui arriva aux Manlinéens? On ne leur fit rien autre
chose que de niellre leurs biens au pillage et de vendre les
hommes libres. Malgré cela, cet auteur, dans sa passion du
merveilleux, a fabriqué un récit qui est non seulement un roman
de toutes pièces, mais encore un roman invraisemblable. »
Voici, au dire de Polybe, quelle était cette fable : «Voulant
démontrer la cruauté d'Antigone et des Macédoniens, el aussi
celle d'Aratos et des Achëens, il dit que les Mantinéens, après
leur capitulation, tombèrent dans une adreuse catastrophe ; que
la plus ancienne et la plus grande des villes d'Arcadie fut affligée
de si horribles calamités que tous les Grecs en furent émus jus-
qu'aux larmes. Il n'omet rien pour toucher ses lecteurs de
compassion et les attendrir par son récit. Il met en scène des
femmes qui s'embrassent, les cheveux et les seins au vent ; il
nous représente les sanglots et les lamentations des hommes et
des femmes, des enfants et des vieux parents, le tout en'evé
pôle-môle. »
En vérité, la réfutation de Polybe ne vaut pas graid cho^e:
« Telle était l'étourderie de cet homme qu'il ne rélléchit pas à ce
qui se passa à côté et que les mômes Achéens, dans le môme
moment, devenus maîtres des Tégéales, ne leur firent rien subir
d'analogue. Et cependant si la cruauté était le mobile des vain-
queurs, il était naturel qu'ayant soumis ensemble les uns et les
autres, ils leur lissent souffrir le môme traitement. Si donc ils ont
été plus rigoureux pour les Mantinéens, évidemment la cause
de cette rigueur doit ôtre attribuée à ceux-ci. » Voici ce qui est
évident : Si Phylarque, entraîné par ses habitudes de style et par
son enthousiasme pour Cléomène (l),a dramatisé les faits, Aratos
les avait par trop simplifiés dans ses Mémoires, et Polybe, entre
ces deux témoignages, ne s'est pas montré impartial. Cependant
il ne peut s'em pocher de compter le malheur des Mantinéens
parmi les actions criminelles : ràç Tcapavôjxouç xàiv TrpàÇewv (2),
sur lesquelles un historien doit éviter d'insister. Plus loin, un
autre argument, que Polybe croit sans réplique, se retourne
contre sa thèse : « Au dire de Phylarque, les Mantinéens ne le
cédaient en puissance et en richesse à aucun peuple d'Arcadie.
Or, après leur siège et leur reddition, toutes les mesures ayant
été prises pour que personne ne pût s'échapper ni rien emporter
(I) Plut. Aral. :w, :;.
(i) Polyb. Il, (il, I.
PÉniODR ACHKRNNR. 503
60 cachette, tout le butin, y compris le produit des personnes
vendues, ne dépassa pas 300 talents (1. 708. 200 fr.) ». D'abord ce
chiOre doit être fort au dessous de la vérilo. Aratos, à qui Polybe
Ta emprunté, s*est elTorcé de diminuer ses torts en diminuant la
somme de ses monstrueux bénérices. En tout cas, Polybe et lui
aggravent par cet arlifice le méfait des Achéens : si le produit de
la vente est si faible, c'est qu'apparemment épées et sarisses
avaient trop bien travaillé. La passion politique a toujours eu la
prétention de travestir ses excès en actes do justice. Mais Aratos
et Polybe y ont perdu leur peine. Plutar(|ue s'est montré bon
juge et psychologue avisé quand il écrit : « En vérité toutes ces
injustices se commettaient par esprit de vengeance, car bien
qu'il soit aflreux de traiter ainsi par colère des hommes de même
mition et de même origine, néanmoins dans la nécessité, c'est
comme dit Simonide, douceur et non dureté d'accorder ce sou-
lagement à un cœur ulcéré par le ressentiment. » (1).
Nous devons aussi à Plutarque un détnil dont Polybe s'est bien ManUnée devien
gardé de faire mention. La ruine matérielle de Mantinée parut Antigonéia.
une expiation insudisante à l'acharnement des justiciers achéens.
Il leur fallut abolir jusqu'au souvenir de la ville maudite et
eOiicer à jamais son nom de Thistoire. Ils osèrent ce que la haine
des Spartiates n*aurait pas tenté. Ce nom de Mantinée, désornifiis
synonyme d'infortune et do misère, ne trouva pas grâce à leurs
yeux; il leur était si odieux qu'ils décidèrent de ne pas l'infliger
comme ethnique aux habitants nouveaux importés p.ir eux :
« Ce qu'Aratos fit ensuite contre la même villp, ajoute Plutar(|ue,
ne saurait se justifier par aucun prétexte honnête ni s'excuser
par le moindre motif de nécessité. Car, nprcs qu'Antigone eut
donné Manliuée aux Argiens et que les Argions, ayant résolu de
la repeupler, l'eurent choisie pour y établir de nouveaux habi-
tants, Aratos, leur stratège, désigné comme fondateur (2), fit
décider que, dorénavant, la ville quitterait le nom de Mantinée
pour prendre le nom d'Antigonéia, qu'elle porte encore aujour-
d'hui. C'est donc Aratos, ce semble, (jui fut cause que Yaimable
Mantinée ne subsiste plus et qu'à sa place ou a une ville qui
porte le nom de ceux par qui elle a été abolie et qui en ont
exterminé les habitants. » Aratos était conséquent en faisant
(i) Plut. AraL 45, 4.
[i) Aratos avait 6t6 élu stratège d'Argos l'annér. pri;fiHlrntc. Plut. Arat,
44, 3.
J)04 MAiNTINKK KT L'ARCADIK ORIENTALK.
table rasodu passé. Qu'avaient de commun les colons argîens et
acbéens avec les compatriotes de Lycomëdes? Ces métèques
n'étaient pas les héritiers de leurs prédéci'sseurs. L'ancien
vocable historique ne leur convenait plus. A une situation nou-
velle, il fallait une nouvelle expression géographique. Le nom
choisi devait attester la vanité d'Anligone et la servilité d'Aratos :
une ville grecque était traitée comme une bourgade barbare; le
nom banal d'Antigonéia ne la distinguait plus de ces colonies
macédoniennes essaimées en Orient (1).
Avec le nom de Mantinée disparaissait un reste vénérable de la
Grèce antique, un témoin glorieux des luîtes séculaires du Pélo-
ponnèse, un champion vivacede l'indépendance communale. Les
Hellènes n'avaient plus alors, pour se consoler do leur déchéance,
que les souvenirs de leur passé. L'esprit de la Grèce survivait»
la Grèce elle-même, qui s'edritait peu à peu. Les unes après les
autres, Thèbes, Sicyone, Mantinée, Mégalopolis, sombraient
dans le tourbillon, ne laissant que des épaves méconnaissables.
Les Grecs éclairés, en qui toute solidarité avec les vieilles géné-
rations n'était pas morte, ressentaient douloureusement ces
pertes du vieil hellénisme. Polybe lui-même, par une protestation
inavouée de sa conscience de Grec et d'Arcadien, se refuse à
consacrer les innovations do la nomenclature officielle (2). Pour
lui, Mantinée n'est pas Antigonéia. Dans sa persistance à
employer l'ancien nom de la ville dans la suite de son histoire,
il y a sans doute un peu de fausse honte et la peur de rappeler un
épisode infamant pour la mémoire d'Aratos. Il sentait que le nom
de Mantinée avait droit de cité dans les âmes grecques, tandis
que celui d'Antigonéia n'était qu'un métèque macédonien.
Antigonéia L'auncxion d'Antigonéia au territoire àrgien combla de joie
Annexée j^jg Acliéons (3). Pausanias (4), qui n'est pas précisément un his-
* *Argohcie ^^pj^^ judlcicux, enregistre avec une candeur inelîable la recon-
naissance des prétendus Mantinéens envers leur bienfaiteur
Antigone. « Entre autres hommages, dit-il, ils changèrent le
(1) Cf. SIryono appoIiSc DéincHrius.
(2) Polyb. IV, Èi, î). — IX, II (9), .H, 10. - XI, II.— I)« Im^moSt^abon nn
connaît 4110 l'ancion nom. Cf. Pliitarqno. Philnp. 10.
(3) Elle no fut sans (ioiito. (]<Minilivo qu'après la balaillc <lc Sollasin (tin juillet
221).
(4) VIII, 8, 11. J'ai retrouvé la (lé<llc»ce d'une statue élevée k Anlij^'one
•Doson et un fraf^ment île la (liMliaieo d'un monument élevé par lui. Vny. BulL
de Corr. hellén. XX (I8î)(i), p. i3:> et i;MÎ.
PKHIODE AGIIKKNNR. 'M'}
nom de leur ville en celui d'Antip;onéia. » Comment les colons,
dotés d'une belle résidence et d*uu riche territoire auraient-ils
protesté (1)? Les auteurs ne disent pas que la ville fut détruite;
il y eut pillages, massacres, vente à Tencan et dispersion des .
anciens citoyens, mais les murs, les édifices publics et les
maisons furent épargnés. La mesure prise par Aratos et par
Âutigone ressemblait à une désaffectation plutôt qu'à une nou-
velle fondation. La colonie achéo-argienne trouvait à son arrivée
une installation toute prête. Cependant ou observa les rites
ordinaires d'une fondation véritable, puisque Aratos est dési-
gné comme Voîkistès d'Antigonéia, dont Antigène devenait le
héros éponyme (2).
Pendant 24 ans environ, Antigonéia resta sous la dépendance Pnssngedi
d'Argos (3). Elle n'a plus alors d'existence individuelle et ne Kynniihicns .
bat plus monnaie; ses magistrats sont soumis à Taulorité du ^ j7iN,$picioi
stratège argien (4). Désormais Mantinée ne fait plus que de rares p^r les Boii*
(2*0 ? )
(1) Dubois [Lig. (icfi. et élol. p. ili) a bion (IrHiii cr f^ciiro d'approbalioii qui
suivait. 1rs r.x('u!ut!ons diî la Li^uc acli(V*nnr. « C'est cv quo l*oIyl)iî (II, :W, 7)
appelle : cons(^ntemenl apn'îs un euipbii jKissaf^er de la foree. C'est exact;
seulement la force était employée contre les citoyens, (»t, après l'expulsion do
tous les opfjosunts, lo consentement venait des exilés rétablis et des colons
ucbéens mis en iK)sscssion ».
(2) I^'s ti^xtes ({ui attestent le cban)[,MMnent de nom de Afantinée sont, outre
Plutarqueet I»ausanias,Ptolémée (III, 14, ^) : 'AvTtyovâia 7) xal MavTiveta
et Ktiennc de Hy^ance : 'Avxtyoveia' eaxi xal TtoXtç ' ApxaSî'aç, Y| TCpÔTepov
MavTivcia. Pline (IV, 5)) croit que ManUnée et Antif^onéia sont deux villes
dilTérentes. î^ nom d'Antigonéia llgun? ofliciellement snrjdusieurs inscriptions:
Fouc^irt. .T>il»: *A irôXtç T(ov 'AvxîyovÉoiv. Fougères. IfuU. de Corr, hellen.
XX (18ÎK)), p. I2Î0 (Décret des Antigonéens en l'Iionneur de l'Arpien Apbro-
dislos, entre lîW et IWî av. .1. C.) — il), p. \±\ (Décret des Antigonéens en
riionneur d'Kuplirosynos et d'Kpigoné. sous Titus?) — ib. p. 1;")1 (dédicace des
Antigonéens (M1 l'Iionneur de Polycratéia, descendante de Podarès). — Oivva-
dias. Fouilles dlipidanre, I, p 78, N" 2M) (inscripli<»n du 1" siècle av J. C.
où se trouve la menticm dos j«uix IIo«j£ioaia et INoaata à Antigonéia) ««t sur
le sénatus-ccmsulle «le l^igina, rendu sous la dictai ur«^ de Sylia en 81 av.
J. C. {ftiUL Cnrr. hclleti. IX, p. i:>0 et 473), où Avtîyovit) figure, entre
SIcyono et .lilgion, parmi les villes qui ont promis iU\ respecter l'asylie
du temple d'Hécate. L'etbnique féminin 'AvTiyovîxi se trouve dans //i.scr.
du PHop. :i;ï2i. On possèdi» aussi des monnaies d'Antigonéia : (AXAlUN
ANTirONlîîQN. — Eckbel. Doct. Num, II, i3t— Percy Gardner (ra<r*/. of
grerk Coitm. Peloponnesus. p. 9 et ii). Sur les monuments où lo nom de
Mantinée reparaît à l'époque d'Iladricn, v. p. 514.
. (3) Voy. p. î)()8, note 4.
(4) C'est peut-être pour cela qu'AnUgonéia ne ligure pas parmi les villes
arcadienncs sur le décret en l'honneur de Kassandros, fils de ftféne^theus.
(Dittenberger. Sylloge. N» 211).
506 MANTINBE KT L'ARGADIK ORIF.NTALE.
apparitions dans les liisloriens anciens. Après le sac de Kynaitha
en 220 par les Étoliens de Dorimachos, les KynaithéeQS, que
leur sauvagerie et leur impiété avaient fait mettre au ban de
TArcadie, envoyèrent des députés à Lacédémone. Dans les
villes arcadienues où se présentèrent leurs députés, on les
éconduisit sans égards : « Les Mantinéens. dit Polybe(l), après
leur passap:e procédèrent à une puriiication en promenant des
victimes égorj;ées autour de la ville et du territoire.» Le Pélo-
ponnèse traversait alors de terribles épreuves, sans autre
protection que la main débile d'Aralos. Pendant 3 ans (220-2] 7)
(2), les bandes éloliennes, avec la complicité de Sparte,
ravagèrent la Péninsule d'un bout a Tautre, ne respectant pas
même les sanctuaires les plus vénérés. Dans la liste de leurs
méfaits figure le pillage de labalon de Poséidon Hippios à
Mantinée, par un de leurs chefs, Polycritos (3).
Bataille de 207 C'était eucorc duus Ics champs de Mantinée que cette épou-
entre PbiioïKcnien vautablc auarchie devait finir par un grand conflit. La paix de
et Machanidos. Naupactc (217), cu cousHcraut les résultats des victoires de
Philippe V, avait soustrait le Péloponnèse aux convoitises
étoliennes. Mais elle n'avait pas réglé d'une manière définitive
le duel de Sparte et de TAchaîe. Entre Machanidas et Pliilo-
pœmen, la situation était la même qu'entre Cléomène et Aratos.
J)ansce Pclopouuèse où tout était sans cesse à recommencer,
se préparait déjà un nouveau Sellasie, 14 ans après le premier.
Pbilopœmen. qui avait tant contribué au succès de la victoire
d*Antigonp en 221, pouvait alors vaincre seul. Les préliminaires
de la lutte sont mal connus. L'adversaire de Philopœmen est
(1} Pf)lyb. IV, 21, î>, cm psir Alliénôo XIV, p. G2Gn.
(i) Pcndanl la Guerre mciale^ lullc. cic In fôilôration gr6co-niac(Slonlcnno,
roiilrc les Klollcns suutcnus par Sparte, Élis, cl l'argent d'Attalc 1, roi de
Pcrgamc.
(3) Discours do l'Acarnnnlcn Lykiskos ft Sparte contre rÉtolion Chlén^as.
(Polyb. IX, Il (3i, 10).) Lii date de l'incursion de Polycritos sur le. territoire
de ManUnée reste îndrrise. Elle no figure pas parmi les griefs exposés par los
Tilles lésées au Congrès de CorInUie, présidé par Philippe V, et qui déclara la
guerre aux Ktolicns {hiver 2iO/2lî)) — (Polyb. IV, &. Cependant elle se place
vraisemblablement pendant l'expédition de Dorimachos au printemps do tH).
L'Étolien vint c^imper i\ Méthydrion. De Hi un de ses capitaines put être
déUiché sur Mantinée pour aller piller le sanctuaire de Poséidon (Polyb. IV,
10, 25).
PKHIODR ACHKKNNK. o07
un personnage assez obscur (1). On ignore comment s*cst
constituée sa tyranuie, ainsi que la formidable puissance qui,
lui permit de lancer à nouveau les Spartintes à Tassaut de
rAchaïe. Pbilopœmen, nommé hipparqueà son retour de Crète,
avait remis sur pied les milices acbéeunes avec autant d'énergie
que de promptitude. Il venait d'êlre porté à la slralégie
(automne 208 — automue 307) A peine TAsscmblée qui l'avait
élu était-elle dissoute qu'il travailla à mettre l'Achaïe «n état
de défense. Il parcourut les villes, inspecta les contingents, les
réunit, les exerça. Au bout de 8 mois à peine, avec un tel cbef,
ils se croyaieut iovincibles. Le tyran, maître de Tégée, mena-
çait la Mantinique. Pbilopœmen concentre ses Acbéeus avec les
auxiliaires dans la plaine de Mantinée (2). Le tyran présomp-
tueux et pleiu d'ardeur vint l'y rejoindre avec des forces consi-
dérables et tout uu matériel de guerre. Polybe a raconté celte
mémorable rencontre avec la précision topograpbique de quel-
(1) I^^rAloilo ce tyran, intclligont ot résolu, n'a pu rln» «loflni que par con-
jecture et par analo^'ie avec celui de son sucre,sseur Nabis. (Petit de Julleville.
Hisl. fie la Gn^ce sonn la domin. roin.) On le représente eoinnie l'hérUler de
Cléomêne.'i lu liHe du {KirM dênioera tique; on lui attribue des réformes sociales,
telles qu'a ITrancbissenients d'Ililotes, distributions de terres aux pauvres {ih.
otScborn, Gesch, Griechnif. p. I8i, n' i). Polybe lodésij^nie siniplcuient comme
un tyran (XI, 10, !>) ayant à son service de noml)reux mercenaires (XI, 13, 7. —
Pausan. VIII, 50, i. - IV, i\), lU). Sur ses intentions belluiueusi^s : Plut, rhilofi.
X, I. — Polyb.X, il, i.— Tit.llv. XXV1I,2!ÎI,U.— Ses tentatives contre l'ArgoIidc
avalent déterminé les AcIiéiMis à implorer \v. secours de Pbilippe (20i)). Madia-
nldas n'était proi)ablement (fu'un cbef de mercenaires (pii s'empara de la
tyrannie, tandis que Nabis st^ fit reconnaître le titre de roi (ilomolle. buU, de
Cotr. hellm. XX. ISîHi, p. "i)±-Ui),
[t] Il n'est pas aisé de déterminer lequel des deux, de PbilopdMnen ou de
Macbauidas, fut l'aî^n^s-seur. D'après Polybe, il semblerait que Pliilop<LMnen,
après avoir mis b*s forces fédérales en ébit île prendre l'olTensIve, leur asslp:na
Mantinée comme ixdnt de concentration, sans doute dans le dessein d'attaquer
le tyiiin en Laconle. Macbauidas prévt*nu, serait parti (^n toute biUe, aurait
rassemblé (*.t barangué ses troupes à Tég6e, puis se serait j>orté à la rencontre
de l'ennemi. (Polyb. XI, lU, 9,-11, 1-::). Plutarquc (/Vj<7o/;. X, 1-2) présente
les faits autrement, bien qu'en général il s'inspire de Polyl»e. Macbauidas, avec
sa forte et nombreuse armée, menaçait tout le Péloponnèse. Il s'avançait sur
Mantinée, sans doute après avoir enlevé Tégéc. A cette nouvelle, Pbilopœmen
marcba sur lui en toute lu\te. Des expressions trop vagues de Pausanias on ne
saurait rien conclure (Paus. VIIl, îiO, 2). La version de Piutan|ue semble la plus
claire. D'abord elle est confornu; aux antécédents belliqueux de Maclianidas.
Ensuite, la lin du récit de Polybe, en signalant la prise de Tégée comme consé-
quence immédiate de la victoire, confirme que le tyran possédait cette place
comme un poste avancé d'où U Infestait les provinces achéenncs.
508 MANTINKK KT L'AIlCAhlK OIUKNTALK.
^ qu'un qui s'est renseigné sur place. Phiîopœmen enfonça Ten-
nemi et tua Maclianidas de sa propre main (mai 207). Le tyran
tomba à quelque dislance de l'endroit où Épaminondas avait
reçu le coup mortel. Tégée fut reprise le jour môme; le lende-
main, les vainqueurs campaient aux bords de l'Eurotas et
ravageaient la Laconie (1).
Quinze ans plus lard (192), sous la 4cstratégie de Phiîopœmen,
les survivants de cette campagne se cotisèrent pour consacrer à
leur chef un monument commémoratif à Mantinée (2).
Cette mêlée clôt la série des batHilles historiques de Mantinée.
Après Técrasement de Sparte par Phiîopœmen en 188 et Tex-
tcnsion de la Ligue jusqu'au rivage méridional de la Péninsule,
réquilibre était enfin établi entre le Sud et le Nord du Pélo-
ponnèse. Dès lors, la Haute Plaine intermédiaire cessait d'être le
traditionnel champ clos des pnrtis adverses. Sparte éteinte, le
Péloponnèse unifié dans l'Achaïe, les sillons de la Mantiniquene
devaient plus boire la sanglante rosée dont tant de générations
leur avaient fait une libation coutumière. Une vie obscure et
douce se préparait pour les habitants d'Antigonéia. Au milieu
de leurs vignobles, déshabitués des scènes de carnage, les des-
cendants de Podarès allaient paraphraser en action la devise de
Sardanapale :
xoivà Y^û s^Ti PpÔTOi; Touxa rà «juvOsfxaxa.
Cette épitaphe mantinéenne (3) résume toute la philosophie de
la vie provinciale en Grèce à l'époque romaine.
Aniîgonéin La séparatiou d'Antigonéia et d'Argos, qui eut lieu proba-
«chéenne (198). biemcnt cn 198 (4), ne changea rien à l'existence de la ville.
Qu'elle fût achéenne comme membre autonome, ainsi que l'at-
(1) Voy. l'étudo dôlsiilhV do c«»tln journrc, ;iiix Appondicos. L'ôp<Miuo do la
baUiillo peut Hro. dcduilc do Polybo. Il n«». s'Otait pas ccoulô 8 mois cniro
iV.IcctIon do, Pliilopœ.inon à la slratc^jçlo ol la rôiinlon dos troupes fckh^ralcs k
MantiiK^'C. Or, la noiiiinatioii du slrat^f^o avait lieu dopuis til à l'asscmblco
d'automne, soit on octobre (Voy. ft ce sujet la discussion de Klatt contre
Unger, dans les JtrUràge zur Gesch, des Ach. Hundes, p. 42). La date de
la bataille de 207 tombe ainsi dans les premiers jours do mai.
(2) Voy. Fougères. iUilL de Corr, hellHi., XX (I8ÎX»), p. 13(î. Sur le.s statues
de Pbilopœmon dans les villes acbôonnes : Plut. Philop, 21, 9. — Polyb. XL,
8, et 9. — Pausan. Vili, 30, 4 et 37, I.
(3) Foucart. Inscr, du Pclnp, 3;j2 q.
(4) Fin automne 198, Pbiloclos, général de Philippe, enlève Argos aux Achôons
(TIL Liv. XXXII, 25.); Scliorn {Gesch. Griecfi. p.2G) et Hcrtzberg {Hist. de la
Gr, sous la doinin.rom, trad. nouclié-Loclo.rctf, I, p. 71, n. 2) admettent que
PÉRIODK ACIlKKiNNK. ;>00
testent ses nioouaies, au lieu de Tèti^ eu (|ualité de bourgade
argienne, la vie historique de Mautiuôc est dose désormais, et
ses destinées sont accomplies.
c'est à ce moment qu'A ntiKonôiH rentm dans la Hj^iio arluVniio comme membre
indépc*mlant. C'est il dater de cett»^ épo<iuo que furent frappêos les monnaies
des Achéens — Anti^onéens [l>. (iardner. Cttl. nf grrek. Coina. Pelop. p. 9,
et t. 14 (le monogramme des n** iOi, 185, 10<i doit (>tre eidui d'un Po«lai'^s)],
Antigonéia ne figure p:is sur l'inseriptlon de Magnrsie du Misindre qui att<\sto
une reconstitution do la Llgui* areadienue en lOi/IÎ, apW's le dôpart do Fiaml-
ninus (Kekulé. Airh. Jahrh. IX, fSîH. Anzrlg. 78. — llillrr v. (JArtringen. art.
Arkadia dans la Realencycl. de Pauly-WIssowa. IH, il.'ti :i). C'est qu'Anti-
gonêia êUiit alors restée aeliôeiuic^ et, p<Mit-rtre par ii(»stiiitê contre IVgôr,
n'avait p:is voulu rentrer dans la Ligue areadienne. (>lie-ri n'eut d'ailleurs
qu'une existence éphômèrr, et les vlllos qui en faisaient partie retournèrent
à l'Acliale en 192. C'est alors que Pliilop(emrn ôrigra «'n mombres autonomes
delà Ligue onze localités dêtacbées.du territoire de. M«''gah»|)olis et dont on
possède des monnairs, entre autres Kllspbasioi et KalIlsUi, dans le Mêniilo
(Weil. Zeiischr, f. Niim. IX, 1882, p. 22, sq. — Ueud. UisL num, p. 352. —
lllllcr V. Gfirtringen, ibid, — Cf. IMuL Philop, 13).
Kig. 5G. — SlalucU» (la jeune fcniiiie, trouvée diin^ lu l^uilnilcriun (II. u «, GO).
Klle lient dans In main gauche une colomi>c ; In mnin droilc, p«»sre sur un Vdil© (xaXuTTTpa)
replié en lx)ule, s'nppuie «ur une colunne. Celle sl.itucUe éUil pcul-clrc un ex-voto consacre par
une jeune marié« dons le tiMii|»le d'Aphrodite SjniuinchÎH, li-, jour det àvaxaXuTrTVÎOia
(Cf. nul. Amtttor. 20. — .Iwhin. Ep. 10). '
CHAPITRE XI.
PÉRIODE ROMAINE.
(dkpuis U{\ avant .I.-C).
}ji Comniission
sénnloriiile
ot Polylie
A Mnnltnte
Anligum^ia
prend pnrlipour
Octave
A la bataille
d'AcUuin ( 31 ).
Après la prise de Corinthe par Muniiiiius et la déroule du
parti démagogique en Achnîe, Anligouéin eul à se débattre coutre
Jes difîTicultés que soulevait partout l'application du nouveau
régime imposé aux villes grecques par le Séoat. Un Grec seul
pouvait, grâce à une subtile expérience du caractère national et
(les habitudes locales, mener à bien cette délicate entreprise de
pacilication. Aussi le concours de Polybe fut-il accepté, à la
demande des villes achéennes, parla Commission sénatoriale (1).
Polybe parcourut les villes, v,eilla partout à Texécution des
mesures dictées par le Séuat, arrangea les différends et s'acquitta
de sa mission avec tant de dextérité qu'il recueillit partout des
remercîments et des hommages. Plusieurs villes d'Arcadie lui
élevèrent des statues, de son vivant et après sa mort. Antigonéia
lui consacra dans le temple double d'Asclcpios et de Léto une
stèle sculptée (2).
Le vide et la monotonie de la vie politique, à dater de cette
époque, n'assoupirent pas comf»lètement les divisions et les
vieilles hainesdcs villes grecques. En particulier, les causés natu-
relles, qui avaient, de temps immémorial, entretenu l'antago-
nisme deTégée et de Mantinée, subsistaient toujours : les conllits
(le ce genre échappaient à la répression de la discipline romaine.
(i) Polyb. XL. 10, 2 et 5. — Pausan. Vllï, 30, 4.
(2) J'ai retrouvé un fragment de l'inscription de. cette stèlo; c'était une
épigrarame en distique analogue 6 celle ({uc possédait Olymplo. Fougên^s.
hull. de Corr, heUén. XX (IH90) p. 140. — Cf. Dittcnbergcr. ^rc/i./«(. 1877.
N* 101 — Inschr, von Olympia. N- 449.
PéuiOOK ROMAINK. .^11
Sous les apparences de la paix, fermentaient encore les passions
locales, prêtes a éclater comme jadis en opposition violente à la
première occasion. C'est ainsi que, inconsciemment, les Antigo-
néens reprirent à leur compte la tradition mantinéenne des
sentiments hostiles aux Tégéates. Dans TArcadie entière revivait
Tantagonisme contre Sparte. De là, pendant les luttes des
triumvirs, des courants contradictoires qui entraînent en sens
opposés les sympathies du Péloponnèse. Pour des motifs restés
obscurs, les Spartiates s'étaient voués à la cause d'Octavien.
2000 d'entre eux combattirent pour lui contre Bru tus à la première
bataille de Philippes (1). Dans son duel avec Antoine, ils lui
restèrent fidèles. Ce fut assez pour armer en faveur d'Antoine
les Arcadiens sur qui Tégée parait avoir exercé alors une grande
infiuence (2). Par haine de leur voisine, les Autigonéens firent
bande à part et se déclarèrent pour Octa vien. Même leurs guerriers
se battirent sur ses vaisseaux à Aciium (-i). Attitude d'autant
plus courageuse, qu'Antoine dominait le Pélopcmuùse et comp-
tait avec lui l'immense majorité des Hellènes (31 avant J.-C).
Après le succès d'Octave, les Antigonéens bAtirent, en souvenir
de leur alliance heureuse, et sans doute avec les subsides de
l'empereur, le temple d'Aphrodite Symmachia, situé derrière le
théâtre. Tégée, au contraire, se voyait enlever son palladium,
le xoanon d'Athéna-Aléa.
Sous l'Empire, le Péloponnèse tomba dans la misère. Le Kut de Mantin.
pays dépeuplé, abandonné aux nomades, se déboise rapide- Aiépoque
ment. De plus en plus les latifundia réduisent les domaines **' simbon.
de la petite propriété. La prospérité matérielle émigré vers les
échelles maritimes qui jalonnent la route commerciale de
rOrient à Ostie. Les vieilles cités de l'intérieur ne vivent plus
que de souvenirs. Ce sont objets de curiosité pour les archéolo-
gues et les touristes. La plupart d'entre elles, tombées au rang
de maigres bourgades, flottent dans l'ample ceinture de leurs
murailles. Tout ce monde grec disparaissait lentement et Pausa-
nias vint à temps pour en dresser Tinventaire. Encore, pour
certains cantons arcadiens, était il trop tard. Des terrains vagues
s'étendaient à la place de mainte bourgade, et, dans mainte ville,
(i) PJut. nrut. 41 et 46.
(£) Elle ùiiili restée la ville la plus considérable et la plus riche d'ArcadIe
(Strab. vin, 8, 2).
(3) l'ausan. VIU, 8, 12. ~ 9, <». — 44>, 1.— Voy.sur l'ex-volo do Cliarmladas,
ciluycQ de Nicopolis, la nutc aux Appendices {Jipigr, 2*).
512 MANTINKE ET L'AHCADIE UUIKNTALK.
des monuments jadis célèbres étaient en ruinés. Toutefois Slra*
bon a surfait la décrépitude de la Grèce de son temps, pour
mieux faire ressortir sa prospérité à l'époque homérique. Il
classe Mautinée parmi les villes qui, si elles n*ont pas disparu
tout à fait, n'out laissé d'elles que de faibles et rares vestiges (1).
C'est là plus qu'une exagération : c'est une erreur manifeste.
J^ausauias décrit eu détail les monuments de la ville et les trouve
encore en assez bon état (2). Il est vrai qu'on a récusé le témoi-
gnage de Pausanias. On l'accuse de n'avoir pas vu ce dont il
parle, et, à sa description soi-disant anachronique de l'Arcadie,
on oppose l'assertion précise de Strabon. Or, des deux auteurs,
celui qui a le moins bien connu l'Arcadie, c'est à coup sAr
Strabon : il n'avait jamais mis le pied dans certaines régions de
l'intérieur. De plus, des inscriptions dëdicatoires assez expli-
* cites, des bases de statues, sans parler des restes d'édifices,
prouvent que Pausanias a péché par omission encore plus que
par hyperbole.
AiitigonéiA La stagnation des affaires publiques explique le silence des
pciKinni i« iT historiens surdos cités qui avaient tant fait parler d'elles. Mais
«jècieMeUrc j^g tcxlcs épîgraphiqucs trouvés sur place permettent de com-
Us évergôiês. bler cette lacune. Ils attestent qu'entre l'époque de Strabon et
Kiiphrusyiioscisii celle de Pausanias, la vie ne fut pas suspendue à Antigonéia ;
feiiime Kpigoiié. elle était seulement ralentie et transformée. L'initiative des
riches particuliers suppléait à la pauvreté de l'État. Des édifices
où, suivant le goût de l'époque, l'étendue des dimensions rem-
place la fmesse de l'exécution et la qualité des matériaux,
transfigurent les quartiers frappés de vétusté ou détruits par
les incendies. Vers l'époque de Titus, un couple de généreux
bienfaiteurs, Euphrosynos, fils de Titos, et sa femme Épigoné,
consacreut des sommes importantes à l'embellissement de la
ville (3). Les hommes d'affaires romains, banquiers ou négo-
ciants, s'installent dans le pays pour en exploiter les ressources.
(1) Strab. VIII, 8, i ot i. — Cf. Dion Clirysost. {Or. 33, II, p. Il R.). Comme
IlcrUbcrg le remarque avec riilson {Uist. fie la Gr. f, p. 457) le Uiblonii iM»ssi-
inisle (le Slraboii n'a (|u'une valeur ti*ansl(.oii*e : li's ruines accumulées par les
jîuerres récentes se relevèrent peu à pru sous la douiinalion ifcs Césars.
(2) Sauf le temple île Poséidon lllppios rt celui d'ApbnHlite Symmachia,
tombés en ruines. — Sur l'Institution des *P(op.a(a, v. p. 318.
(3) Voy. plus liant, p. 177 sqq. et l'inscr. Ihili. de Cnrr. heilén. XX (1897),
p. 124. Le style de cette Inscription est très instructif : 11 semble qu'il y ait
eu alors à Antigonéia une écolo de rhétori(|uo assez florissante. Voy. le
texte aux Appendices (Épigr, '3*).
PEU IODE UOMAINË. ol3
Une compagnie de ces negotiatores, comme il y en avait dans
beaucoup devillesgrecquesorienlales,esl signalée à Mantinée(l).
Pour flatter leur clientèle indigène, ils se montraient libéraux
envers les dieux locaux, et contribuaient de leurs deniers à
rembellissement de la cité. Sans doute il y avait une grande
différence entre cette existence terre à terre et sans éclat et les
beaux jours de l'indépendance. Les âmes n'étant plus soulevées
par l'enthousiasme des rêves de grandeur et n'étant plus trem-
pées par le souci constant de la défense, se rapetissaient à un
patriotisme à la fois vaniteux et confit. L'activité que stimulaient
les luttes de parti se tournait, faute d'aliment, en ferveur reli-
gieuse. La bourgeoisie, pour tromper sou désœuvrement, s'absor-
bait en des œuvres pies. C'était une gloire que de solliciter les
sacerdoces les plus onéreux, de subventionner des confréries,
do multiplier les banquets, les distributions do blé, de viande,
d'huile et de vin, et d'obtenir, à force de libéralités, l'inscription
de son nom sur un décret où les concitoyens satisfaits ou pieuse-
ment émus étalaient en termes onctueux leur inellable recon-
naissance. La dévotion féminine triomphait dans ces manifesta-
tions béates d'un paganisme afiadi et doucereux. La littérature
épigraphique de Âlantinée offre de très curieux spécimens de
l'état d'esprit de la société provinciale à la fin du i^^ siècle
avant J. C. (2). Les magistratures ne comportaient plus qu'une
oisiveté solennelle. La plus grande affaire était d'assurer l'appro-
visionnement de la ville en blé, soit par des achats au dehors ou
par des prélèvements sur les récoltes. Puis le citoyen désireux
de mettre le comble à sa considération entreprenait, à ses frais,
comme cet Euphrosynos, l'impayable époux d'Kpigoné, la traver-
sée de l'Adriatique u naviguait heureusement jusqu'aux augustes
personnalités » (3), débitait au « très-divin Sénat » l'éloge des
gouverneurs romains (4) et rentrait dans sa ville à jamais grandi
(1) Bull, de Corr, hellen.^ ibid. et Koucart. Inscr. du Pélop. 3ii2 I. et 124.
(2) Koucart. Inscr. du Pêlop. 3!>ih ; dvvvvX des Cora^oi ((îl av* .1. C.) on
rhoiuKMir (le Nikîp|N>, IHlo de Pasias, celle qui dédia 30 ans plus tanl la statue
d'Ajdirodite Syinmachia. (Paus. VIII, îl, 3) -- i^iii : décret des prêtresses do
Démcter rendu en M av. .1. G. en l'honneur de Pliacnna, llMe de Damatrlos.—
IHJÈ j. : di'-icretdes prétn»s d'Asklépios en l'honneur do Julia Kutlla. Ajouter le
«lécret des Antigoiiéens en l'iionneur d'Kuphrosynos et d'Kpi^oné.
(3) [J-i'/^i Twv i3£pa«JTeia)v euTcXÔTjdev yapaxTv^ptDV,
(4) TY, 0[eiOTaT]y) i]uYxX/|T(o {xY| xo(i.tC(')V xaTY|YO?îav [ffxpaTJaYwv, iXX'
tTcaivov.
.Maiiliiiée. — 3i.
314
MAiNTINKK KT L ARCADIK OUIKNTALK.
Hestaurntion
du nom
(le Manlinée.
aux yeux de ses compatriotes par son cœur marin et par sa
belle contenance dans la capitale.
Voyage d'iiadrien Lcs Grccs s'ennuyaicut au régime de la paix romaine. Ils
(i33ap. j. c?) valaient mieux du temps où ils ne songeaient qu'à s*entretucr.
L'ennui et runiforniilé les décomposaient. Aussi ce fut une
bonne pensée qui poussa Tempereur Hadrien à parcourir en
personne ces provinces délaissées (1), à les ranimer de sa
présence et à les rattacher à lui par le souvenir de ses bienfaits
et les preuves de sa sollicitude. Le programme dlfadrien au
cours de ces visites était d'améliorer la situation matérielle des
villes grecques par des travaux d'utilité immédiate et publique,
de rendre populaire le régime impérial en le posant en restau-
rateur éclairé du passé glorieux et des monuments de la Grèce,
enfin dans le présent de relier les cités i\ l'empereur par des
attaches actuelles et en quelque sorte personnelles. On sait que
pour rendre plus prompte l'exécution de ses volontés le sou-
verain se faisait suivre dans ses excursions par une armée
d'architectes, d'artistes et d'ouvriers (2). Mantinée fut, entre
toutes les villes d'Achaîe, l'objet de ses prédilections. S'il ne lui
fut point attribué de travaux publics, pour la restauration du
passé et l'ornement de la ville l'initiative bienveillante de l'em-
pereur ne calcula pas ses libéralités. Il commença par restituer
à la ville son premier nom (3). Antigonéia fut rayée de lanomen- '
clature officielle, et Mantinée reparut aussitôt sur les inscriptions
et les monnaies (4). Cette mesure fut sans doute sollicitée par
(1) Lii chronologie des voy.'igos d'Ihulrinn a stisciti^ do nomhronx travaux.
(Voy. la bibliographie dans JlorUberg. Hist. de la Gr, II, p. 30J», n. 1), mais
elle est encore Indécise. On s'accorde toutefois à placer entre iti et 132 les
séjours d'IladritMi en AchaTe sans être d'accord sur le nombre et la durée de
chacun d'eux (Dûrr. Reiscn dêx Kaisent Hadrian. 1881.) place en iHy l'excur-
sion d'Hadrien dans le Péloponnèse. Toutefois, d'après ûvs inscriptions d'Kpl-
daure, Cavvadias propose la date de lii jwur le prc^nier séjour en Grèce et celle
de 133 pour le serimd {Fouilles d'Épid'iurr, nSKietâ^O. — AcXt(ov àp^^aioX.
1892) Cf. la discussion entre Cavva<llas et IlonioUe sur les ères des inscriptions
d'Épidaure. Bull, de Cnrr. hellén.. XVIl (18î)3), p. 022. En tout cas, le culte
d'Antinous ne put être institué à Mantinée qu'après la mort du favori survenue
en 130.
(2) Aurel. Victor. EpiL H.
(3) Paus. VIII, 8, 12.
(4) Voy. CI G. 5913, I. 3λ; —3208, I. 20; — 112V, I. 13. — Ilollcaux. Bull,
de Corr. hellén. XIV. p. 191, — Kourart. Inticr. du Pélop. 3î)2k, — la d6«llcace
du porticiuf' d'Kuryelès (Kougères. Unll. de Cnrr. hellén. XX (I8ÎH>), p. V.yll),
PÉRIODE ROMAINE. 'MU
les habitants eux-mêmes : depuis 350 ans le vocable macédo-
nien n'avait pas eu l'occasion d'eflacer le prestifçe de Taucien
nom. Les haines de l'époque achéenne s'étaient fondues en un
culte respectueux du passé ; l'humilité de leur condition actuelle
avivait l'adiniralion des Antigonéeus pour ceux qu1ls regar-
daient comme leurs ancêtres (1), et le regret de n'avoir pas
môme avec eux la communauté de l'ethnique. La possession des
restes d'Épaminondas en faisait aux yeux des Mantinéens du
1[« siècle après J.-C. un héros local. Celte précieuse relique ne
laissa pas indifférente l'ingénieuse sollicitude d'Hadrien : à côté
de la stèle antique, il en fit dresser une seconde avec une ins-
cription composée par lui-même (2).
Mais à ces marques d'intérêt dont Teflet était surtout moral, Restnurmion du
il en joignit d'autres destinées à relever la situation matérielle icmpiede
de la ville. L'archaïque et vénérable ahaton de Poséidon Ilippios, i*»»*-'*^»" Hippios.
pillé par les Étolieus, tombait de délabrement. Par une délicate ^^^^^
déférence pour les ti*aditions locales qui en défendaient l'accès dAntinoûs.
et la vue aux hommes, l'empereur interdit à ses ouvriers de
regarder dans l'intérieur du vieux temple et de loucher à ses
ruines, et il préposa des surveillants à l'exécution de cette con-
signe durant les travaux. Il fit bâtir autour de l'édifice écroulé,
en guise de barrière, un temple nouveau, de façon à en dissi-
muler la vétusté et à le défendre contre les indiscrétions sacri.
lèges (3). Enfin pour rattacher à lui d'une manière plus intime
et plus actuelle la ville ainsi restaurée, il se laissa persuader
que Mantinée, comme métropole de Bithynion, la patrie d'An-
tinoiis, avait des titres tout particuliers à sa faveur. Il est assez
vraisemblable que les Mantinéens eux-mêmes, dans un excès de
flatterie intéressée, eurent l'idée d'exploiter au profit de leur
ville les faiblesses d'Hadrien. C'était une bonne aubaine pour
coUo d'uno stiituc do, Lucius VciruH ib. p. I:i(i, vl les monnaies du tniips de
SopUinc-S^^v^ro, nvoc In lf^.^'cnde MANTlNl!ÎUN. (Porcy (iardn«»r. Catal. of
greek Coins. IV-loïKiiinraos. p. tH7, n"" 2îï, 2(î, 27).
(1) Ainsi, trois ^ûiirra lions ;ivant l'ausanias, cVsl-ii-dirc v<m-s 170 aprrs.l. G.
un l*odan>s ko disait drsnondanl dos liôros do 'MM cl tU\ til]. L'inscription du
Podaréion fut inodifioo de façon à se rapporter à ce personnage, qui avait
obtenu le litre de ciloyen romain et avait siins doule use do son innucnce en
faveur de la ville natale. (Pausan. VIII, 1), 1). — «îurlill. Cher Paus. p. iil. —
Sur un Podarc's, magistrat monétaire d'Antigonéia acliéenno.voy. p. jUi), note).
(2) Pausan. VIII, 11,8.
(.1) Pausan. Mil, 10,2.
516
MANTINKB ET L AIICADIK OniKNTALK.
J<eH évcrgèles
(le
l 'époque
impériale :
C. JuliuM F.tiryclès
' Hcrculanus.
eux que cette tradition de la parenté de leurs ancêtres avec
la Uithynie. L*espoir de quelque exceptionnel bienfait leur
enlevait tout scrupule sur le choix des moyens. Ils firent valoir
que l'impérial favori était leur compatriote ; ils firent montre
d'une telle ferveur pour lui qu'Hadrien en fut touché. Antinous
prit place parmi les divinités indigènes et l'empereur régla les
détails du nouveau culte : tous les ans on célébrait des mystères
en l'honneur d'Antinous et dans le Stade des jeux tous les cinq
ans, sans doute à l'aide de sul)sides impériaux (1). De plus
l'empereur, en veine de libéralité, gratifia la ville d'un temple
tout neuf» orné avec un soin particulier, sans compter une
élégante chapelle aménagée dans le gymnase et également con-
sacrée à Antinous. Elle contenait plusieurs statues de cetéphèbe
idéal, d'autres sculptures remarquables et des tableaux, pour
la plupart des portraits d'Antinous en Dionysos (2).
Ces manifestations serviles n'étaient guère dignes de la cité
la plus démocratique et la plus fière d'Arcadie. Les Grecs s'y
étaient façonnés sous la domination macédonienne. Au surplus,
dans l'esprit des Grecs dégénérés, la passion d'Hadrien pour
l'éphèbe grécobithynien était comme le symbole de son philheU
lénisrae : ils n'y trouvaient rien de repréhensible, et leur vanité
peu exigeante en était flattée plutôt que scandalisée (3).
. Les effets indirects de la libéralité d'iladrien ne furent pas
moins profitables à certaines villes. L'exemple de l'impérial
Resiitutor Achaiœ (4) suscita des imitateurs. De riches évergètes
s'éprirent d'un beau zèle pour les constructions fastueuses.
C'était une façon de faire sa cour au souverain et de se rendre
populaire en Grèce. Athènes connut la bienfaisance d'Hérode
Atticus; Mantinée celle de C. JuliusEuryclèsIIerculanus,le plus
grand propriétaire du Péloponnèse (5), en même temps fonction-
naire romain et quœstor pro prielof^e du proconsul d'Achaïe. Par
son testament, il ordonna la construction d'un luxueux portique
de marbre, orné d'exèdres, qui devait transformer la physio-
nomie de l'Agora. Un autre fonctionnaire, Aulos Maecios
Phsdros, qui devait sa charge à Hadrieu, lui témoigna sa recon-
naissance en lui dédiant une statue et un temple (G).
{{) Voy. la (liHliniiMMlii portiquo d'EurycIcs, p. 18iot319.
{i) Paiisiin. VIII,Î),4. — 10, 1.
(3) Cf. raUUudo drs AUic^iiions û régaril (rHadricn ot d'AnUnoi'is (Dion Oiss.
9, li. — SparticMi. Iladr. fi, îi).
(i) Monnaies di>. l'atras. Pktkhol. 1). N. VI, p. W7 vl sniv.
(;•») Voy. p. m.
((î) Koucart. Inscr. tia Pêlop, 3;>i k*
PKRIODE ROMAINE. l'Ai
A n'en pas douter, tous ces travaux dounèreiit à la cité déchue i^» AniiimôiA.
un regain de prospérité. Ils firent affluer des capitaux et embel-
lirent la ville. L'iustitution du culte et les fêtes en Thonneur
d'Antinous ranimèrent la vie intérieure et attirèrent les étran-
gers. La peutétéride mantinéenne eut bientôt pris rang dans le
monde de l'athlétisme, après les grandes solennités de la Grèce
et de l'Asie. Les Antinoéia ne manquaient donc pas d'éclat,
puisque, à plusieurs reprises, les champions les plus fameux de
l'époque, qui faisaient métier d'aller de fétc eu fête et de concours
en concours, d'un bout à l'autre du monde ancien, pour recueillir
les palmes et les prix, n'en ont pas dédaigné les récompenses
(Oe{AaTe(T7)ç). Le Stade de l'Alésion attira aiusi coup sur coup,
vers 182 ou 183 après J.-C, sous Commode, le fameux pancra-
tiste alexandrin M. Aurelius Askiépiadès, dont une inscription
pompeuse énumére tous les succès (1) ; puis le fameux citharède
de Pergame, Gaius Antonius Septimius Poplius qui défiait égale-
ment toute concurrence (2). Après une carrière de triomphes
dans tous les concours possibles, il remporta ses derniers succès
à Lacédémone et à Mantinée.
Citons aussi une autre inscription d'Argos ('i) en l'honneur
de T. Statilius Timocratos Memmianès, agonolhcte dans plu-
sieurs jeux, entre autres aux Antinoéia d'Argos et de Mantinée;
il vivait sous Marc Aurèle et Lucius Vérus (161-109).
Ce fut une renaissance durable. Quand Pausanias visita la uh
ville, il la trouva assez bien conservée et en partie rajeunie. La ««eniifr» momenis
vitalité de Mantinée se prolongea encore sous les derniers empe- ^^ Mantinée.
reurs. Des monnaies mantinéennesdu temps de Septime-Sévère
soutà Tefligie de Julia Douma, femme de Sévère, et de Plautilla,
femme de Caracalla (4). Ces hommages à la famille impériale
peuvent être interprétés comme des remerciements pour quelque
marque de bienveillance accordée à la ville. Un acte d'affran-
chissement est daté du règne de Gallien (261 après J.-C, an 407
de l'ère d'Achale) (5).
(1) C. I. Ci. 5913, I. 3ij. — Kîilhd. Inscr. grâce. Sic. et liai, 11.202. CV^taU
1111 olynipionf<|iio dn la 2iO* Olyinp. (181 »p. J.-G.).
(2) C. I. G. :J208. I. 2G. Vivait sous ScpUnn Sôv^rc.
(3) C. I. G. Il2i. 1. 13. Cf. Inscr. d'Olympio. Arch. Zeit. XXXV, 1878, p. 192.
CO Aulcl «le .îulla yVufsMisla, la (illo ilo Tiliis (?) (Fii;. îw) ; (lédiciicc à Lucius
Vrrus {ItulL Corr, hcllen. XX. I8î)li, p. Kw), inonnalo de Julia Domna [Calai,
of greck Coins. Pclop. p. 187 n* 2.)), do Tulvia PlauUlla [ih. n«» 26).
(;i) Foucart. Inacr. du Pélop. :)52n. Il y avait à Manlincc une communaulc
juive, plac(Se sous l'autorité d'un TiaTTjp Xaou Sià p{ou, et pourvue d'une syna-
gogue {Uull. Cnrr. hellen. ibid., p. Ib9).
.'ils
MANTINKK KT L AllCADlK OIUK.NTALE.
Manlinée
A l'époque
byzAnlîne.
Ce sout les derniers témoignages qui nous sont parvenus sur
rhistoire delà Manlinée impériale.
A dater de celte époque, il faut sauter trois siècles pour retrou-
ver le nom de la ville sur le Sj/necdi^mos d'Hiéroclès (535 après
J.-C), où il est inscrit après Argos et Thelpousa, dans Téparchie
d'Uellas ou d'Acbaîe, ressort du mélropolitaindeCorinthe. Mais
la préseuce de Manlinée sur cette liste n*est pas une preuve de
son existence réelle au temps de Justinien, pas plus que Tins-
cription d'un Sqjjioi; MavTtveiaç dans la nomarchie actuelle d'Ar-
cadie, ne lui donne droit d*étre comptée parmi les bonnes villes
du roi Georges I®"^. Le Synecdémm d'Hiéroclès n'a pas une valeur
absolue. Les Byzantins ont, jusqu'au XV^^ siècle, continué à
compter dans leurs nomenclatures oflicielles, sous des noms
antiques, des localités disparues ou totalement slavisées, alors
que les noms slaves étaient depuis longtemps seuls en usage
dans la langue populaire. Toutefois, à défaut de textes sur ce
canton d'Arcadie à l'époque des invasions, l'état des lieux après
nos fouilles peut nous renseigner. Le site de Manlinée n'a pas
cessé d'être habité après la chute de la ville antique et l'exode
de la population grecque.
Mais alors la cité hellénique, dont nous avons voulu retracer
occupée p«r les Thisloire, a vécu ; le nom slave de Goritza se superpose à celui
^^''''^ de Manlinée et nous avertit que nous avons affaire à une autre
'""coritaT '^ ^^^^' ^°® Manlinée nouvelle surgit aux bords du golfe de
Messénie. Les Manlinéens, en effet, fuyant devant les barbares,
ont emporté avec eux dans un refuge lointain, le nom et les
derniers souvenirs vivants de la ville gréco romaine. Désormais,
Mantinée n'est plus, dans la Mantiniqus, qu'une ruine où campe
une horde sauvage, jusqu'au triomphant renouveau de Thellé-
nisme byzantin. Sous les huttes barbares, nichées entre les
colonnades antiques, puis sous rentassoment parasite des cha-
pelles orthodoxes, la ville d'Kpaniinondas et de Lycomèdes gît
comme un grand corps inanimé, méconnaissable et dépecé sans
merci, jusqu'à ce qu'il s'edondre, lentement enseveli sous la
vase noire des marais (1).
Mandnce
(1) Voy. sur l'iiisloiro do ManUncc au Moyon-Age, la note do l'appondicc.
CONCLUSION.
Nous avons achevé la reconstitution de la république
mantinéenne, en nous attachant à démontrer la remar-
quable unité de ce petit système d'État grec. On a vu les
causes qui ont déterminé le mouvement et la vie de cet
organisme, les influences diverses qui ont dirigé ses
destinées. La structure du sol et sa position relative nous
ont expliqué la formation de la race et de la nationalité,
l'organisation malériolle et morale de la ville, de l'Ktat et
de la cité, le caraclère des cultes, dos institutions et de
l'esprit public. Dr. ces éléments combinés résulte l'histoire
de la cité el son rôle personnel dans le drame général.
Enfermée dans une vasque naturelle où elle cohabitait
avec ïégée dans des conditions désavantageuses, Mantinée
était d'abord vouée aux qu(*rell(»s de voisinage. L'état de
lutte perpétuelle contre la nature et contre sa rivale déve-
loppa en elle une énergie malheureusement condamnée à
se dépens(îr en résistance. Son genre de vie lui façonna un
régime politique qui vint ajouter à l'incompatibilité des
inléréls matériels une profonde antipathie morale. Ue
toute façon Mantinée se trouvait prédisposée et encouragée
à ropposition. En eflet, Tégée devait fatalcMuenl tourner
dans Torbile de Sparte, parce (|ue. conlinanl à la Laconie,
et incapable d'entretenir avec Mantinée des rapports ami-
caux, elle ne pouvait vivre entre deux haines : elle s'attacha
donc à l'alliance Spartiate, d'abord pour ne pas devenir
une autre Messénie, ensuite pour se ménager un appui
contre son ennemie. Mantinée, démocratique par nature,
ne pouvait pactiser ni avec Sparte ni avec Tégée : ses inté-
i)20 MANTINÉB ET L'ARCADIB ORIENTALE.
rèts el ses goûts la jetaient dans l'autre camp. Sa position
était étrangement critique, car à Thostililé de Tégée s'ajou-
tait celle d'Orchomène. En eflet, ces petites républiques
arcadiennes, toutes minuscules qu'elles fussent, étouffaient
entre les parois de leurs cellules. Dès qu'elles atteignaient
l'âge de croissance, la nécessité do nourrir une population
plus nombreuse les obligeait à chercher des annexes à leur
territoire primitif ; elles étendaient des mains avides vers
ces tenac nullius de la région ménalienne et s'en dispu-
taient les lots : de là, concurrence entre Mantinée et Orcho"
mène. Il ne restiiit donc à Mantinée qu'une ressource,
l'amitié d'Argos renforcée par celle d'Athènes. Telle était
pour elle la politique vraiment logique et nationale. Elle
s'y adonna d'autant plus résolument que son éloignemcnt
de Sparte la garantissait mieux que Tégée des brusques
surprises et lui laissait une certaine liberté d'allures. Au
IV* siècle, l'affaiblissement d'Athènes modifie la situation :
Thèbes apparaît conmie la seule protectrice efficace. Mais
Thèbes ayant brisé l'omnipotence spartiale semblait avoir
à jamais affranchi ces peuples péloponnésiens si longtemps
comprimés ou paralysés. A ce moment, Mantinée put
aspirer à un rôle souverain, auquel la préparait tout un
passé de sagesse el d'énergie. Elle eût sans doute gouverné
le Péloponnèse, si l'Arcadie et Thèbes avaient voulu la
comprendre et l'aider. Mais l'Arcadie n'était pas mûre pour
l'unité à laquelle Sparte s'était bien gardée de la préparer.
Elle usait de sa liberté comme un esclave sauvage brus-
quement émancipé. D'autre part Thèbes, après avoir
arraché à Sparte la direction des affaires, ne conjptait pas
l'abandonner à d'autres. Elle avait restauré Mantinée,
Messène et Mégalopolis pour monter la garde autour de
Sparte ; elle ne leur permettait (pie ce rôle passif. C'est
pourquoi Mantinée se jeta dans une coalition anti-thëbaine ;
Sparte y fut conviée, parce que son concours était jugé
aussi utile qu'inoffensif.
La Macédoine, en se substituant à Thèbes, se retrouve en
face de la même coalition. La guerre de Chrémonides n'est
qu'une réédition de la ligue de 362. La résurrection de
CONCLUSION . :)21
l'esprit de conquête à Sparte avec Agis et Cléoineiie rétablit
les positions comme au Y'' siècle : rcnnenii au sud, le
sauveur au nord, non plus Athènes cette fois, mais rAchale:
Mantinée fraternise donc avec Aratos (234). Mais voici que
FAchéen libérateur se change en tyran, comme jadis le
Thëbain. Nouvelle interversion : le Spartiate reparaît
comme défenseur de Tautonomie péloponiicsienno, et
Mantinée Tadopte. Dans ce duel suprême, où Aratos appelle
à la rescousse le Macédonien, Maulinée et « le lion de
Sparte » succombent. Dès lors Téquilibreest rompu dans le
Péloponnèse ; l'union se fait par Tabdication de toutes les
indépendances et Mantinée marche comme un simple
hoplite à la voix des stratèges achéens.
Dans toutes ces péripéties, Mantinée comi)rend et accepte
vaillamment les devoirs et les charges de sa position inler-
médiaireau centre des factions adverses. Les succès de son
parti ne lui profitent guère ; s'ils lui assurent pour un
temps rindêpcndance, ils ne lui procurent i)as la souve-
raineté, parce que la nature lui a refusé rcspace et Ta
entourée de barrières. Elle ne peut ni rester neulre ni
devenir omnipotente. Aussi les revers relombcnt-ils lour-
dement sur elle, quand elle demeure isolée au milieu de
ses ennemis. Ce rôle ingrat auquel (*lle ne peut ni ne veut
se dérober lui a valu une triste réputation : son nom est
devenu synonyme de cimetière des armées grecques. Mais
il y aurait injustice à ne pas lui reconnaître d'anlros titres
à la gloire. Dans de pareilles conditions, la lullepour la
vie équivalait à un sacrifice perpétuel et s'accompagnait
d eflroyables angoisses. Aussi Mantinée doit-elle prendre
place parmi les plus intéressants martyrs des vices poli-
tiques de la Grèce. Le malheur élait nn levain d'héroïsme
et les catastrophes surexcitaient, chez les viclimes, Fâpre
désir de revivre. Mantinée a suppléé à sa faiblesse malé-
rielle par d'admirables qualités morales : un ressort
merveilleux ; un sens de la dignité et de la justice avivé
par la menace ; un amour de la patrie et de l'indépendance
aiguisé par l'impossibilité du repos. Au milieu de ses tracas,
ce peuple n'a pas borné son ambition, comme les Tégéates,
:>22
MANTIN#.e KT L*ARCADIR OniENTALR.
à un rêve de bonheur inconciliable avec sa liberté. Ses
mœurs simples cl laborieuses, ses insUlulions savamment
pondérées, sa pi(Hé. son esprit sérieux, idéaliste et pratique,
onl rendu sa sagesse légendaire. Réfractaires à la servitude
comme au désordre, ils représentent, dans un milieu per-
verti par la jalousie et par l'abus de la force, un élément
moral, la saine notion du bon droit, jamais découragé.
Il leur appartenait de donner au Péloponnèse l'exemple de
l'inspiration généreuse et à la Grèce entière celui de la
conviction et de l'honnêteté. Ces vertus procurent parfois
aux faibles le pouvoir de faire hésiter les forts. Les souf-
frances de Mantinée émurent la Grèce qui s'habituait à la
brutalité. Aussi l'hislorien ne peut-il se séparer de ce
vaillant et malheureux peuple sans un sentiment d'estime
et de pitié !
h'ig, 67.
Aiilel m m«rbrf, troiiyé dnn» le Mnrrhr d'(^|>ifroné (II. 0«».90. — Lnip. o"».55. — fip. Om.38).
Sur Iiiirbilrnvo ■np^'Hcmc : Hsaç \ou\'.OLÇ ÎL^EpaTTaç (probublemenl Jiilia Snl»iiin, fille
de Tllii». — Voy. plus h«iil, p. 319 ni //«//. th Corr. /irllen, XX, I89«, p «DO). Dans le rhnrap,
nn Imcrnnc flgiirô par un Irianfçle on rollcf entre deux branches d'olivier.
APPENDICES.
I — Êpigraphie.
h) Affaire d'hiérosylie au temple (rAlea.
Les inscriptions du territoire mantincen doivent être réunies
dans un nouveau volume du Cor\ms Itiscriptinnum Gnvcarutn (i*<'!o-
ponnèse), dont l'Académie de Itorlin a confié la préparation à M. Max
Frânl(el. Il inc semble donc inutile de surcharger le présent ouvrage
par la réédition de textes déjà groupés dans le Recueil do M. Foucart
{Inscr. du Péloponnèse, n**» 352«-3;)2v) et dans celui de Collitz-Bechtol
{Dialekt. ImchrifL I, n" 1197-1207). 11 faut ajouter les quatre
fragments retrouvés par Milchhôfer (Àth, Mith. \\\ p. I4G-148) et
les textes nouveaux que jai publiés dans le Bulletin de Correspon-
dance fiellénique (tome XVI, 1892, p. 568 et sulv. PI. XIX-XX et
tome XX, 1H9G, p. 118 à HU)). Je me bornerai à reproduire ici une
importante inscription arcliaT(|ue, dont le texte donne encore matière
à controverse, bien que M. Homolle ail le premier signalé et éclairé
la vraie voie aux chercheurs. Depuis, plusieurs savnnis se sont appli-
qués à cette' énigme et ont apporté de notables amendements aux
restitutions pnMuières. Mais une revision de mes estampages rend
nécessaire la publication d'un nouveau fac-similé qui reclille ou
corrobore les données de Tancien (1). l^s intéressés seront ainsi mis
en état de reconnaître la valeur de leurs conjectures. l*our le
détail, je renvoie aux travaux qui ont résolu ou posé les dilTi-
cultés (2). Toutefois, le texte suivant diffère sur maint point essen-
tiel de ceux de mes devanciers; je comprends aussi le sens général
et la marche de toute FalTaire d'une manière dillérenle. La traduc-
tion jointe à mon texte me dispensera à ce sujet d'un long commen-
taire; les savants au courant de la question reconnaîtront facilement
ce que je prends aux autres et les solutions nouvelles auxquelles je
me suis arnMé.
(1) Reproduit dans l^œlil. Imagines «, p. :\3, n- t».
(2) FouRères, DulL Corr. Heil., XVI (!8S)2), 5(i8; Homolle, ibid,, 580;
Bréal. Reo. de PMlol., XVII, 159; Mém. Soc, Lingu., VIII, 252; Hréal et
Dareste, Bull. Corr. UcU., XVII, 202; J. Raimack, lier. d. k. sàchs, Ges.
d. »K., 1893, «3; Dltlenberger, Hermès, XXVIII (1893), 472 sq.; Dûmniler,
Delphika (Progr. Bûlc, 1894), 27 sq.; KcIL GoUinger Attc/ir., 1895, :M9 8(|. ;
Solmaen. Zeitscfir. f. vgl. Sprachf,, XXXIW (1897), 444 sq., 448 sq.; Larfeld,
Berichi iib. griech, Kpigr., 1888-94, in Bur8ian-Mûtler*8./a/ire«fr«r. Bd. 87 (1896),
li)3 sq.; Danidsson, Zu griech. Inschrift (£rano.<?. Anal. Suec. Upsal.11,1897.)
MANTINfe^K KT L*AIICAhIK ORIKNTALE.
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APPENDICES.
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vi- î<
-< >• >
H ù:
I*
i3
»3 « d.
I}i6 MAtiTlSÈK KT L^AIICAIIIK OIIIKNTALE.
Traduction.
A. — 1) Sont redevables à Aléa ceux dont les noms suivent...
2) Pbémandros sera redevable si Toraclc le condamne.
S'il a été jiislcincnt condamne* à la confiscation, ses biens propres
avec ses esclaves (I) seront propriété de la déesse et Ton partagera ses
maisons d'acquêt (2).
3) Attendu que nous avons jugé, la déesse et le tribunal, que les
redevables du mi^me cbef seraient dépouillés de leur propre part de
biens, qu'il soit bien de les exclure à jamais du sanctuaire, eax et
leurs descendants en ligne masculine.
4) Si (fuelqu'un permet quelque chose de contraire à cela, ce sera
sacrilège.
B. — Voici les prescriptions propitiatoires applicables au criminel,
i) S'il se trouve parmi les gens réfugiés au sanctuaire un meurtrier
des personnes alors mortes, soit des houinies, soit de la jeune fille,
soit lui-môme, soit l'un de ses descendants en ligne masculine, cela
sera sacrilège, conformément à l'oracle '3). Sinon, cela sera bien (4).
2) Si Pbémandros est meurtrier, soil des hommes, soit de la jeune
fille, alors morts dans le sanctuaire, et que cet événement n'ait pas
été antérieur (5), dans ce cas étant sacrilège, qu'il soit puni. Si
cet événement est antérieur et qu'il ne soit pas meurtrier, qu'il soit
indemne.
L'affaire d'hiérosylie, débattue dans ce texte de la première moitié
du V« siècle, peut être ainsi interprétée. Le sanctuaire d'Aléa avait
été souillé par une sanglante bagarre; des hommes et une jeune fille
avaient été assassinés. Quels étaient les acteurs de ce drame? Peut-
être des réfugiés, venus dans l'asile de la déesse après quelque
affaire de vendetta^ qui les exposait aux poursuites d*unc famille
(t) C'est-à-diro son domaine liérédilaire, xXripoç ou yp'/|[jL%TOJv to Xà/oç.
Cf. en Locrtde : y^iu.oi'za 7ca(i.aTO^aYec(rOai, to (i.époç (texà FotxtaTav,
(Daresle. IlaussouiMer, Ileinach. Inscr. jurid. XI b, 19.)
y) C'est-à-dire ses maisons en surplus (àvo)oa) du Xà/oç. (Voy., sur
cette distinction des propres et des acquêts, Guiraud. Frop. fonc. en Grèce,
p. 9{>. — Le partage doit être compris comme un partage par moitié, nu profit
de la déesse et de TKtat. |(X dans rinscripllon archaïque de Têgée {Bull, de
Corr. hellen. Xllf. 1889, p. 284, 1.22) : to (jlev euiau xaî Oewî, to 8'e|Ai(ru
Tocç lliepO(i.vx(xovai, et, dans une autre inscription archaïque de Manlinée,
retrouvée dans le Bouleulérion {Bull, de Corr. hellen. XVI. 189i, p. 577, pi.
XX, 1. Il et 19) : ({jlktu Iv 8a(i.ov.]
(3) C'est-à-dire en se référant à la liste des coupables qu'aura établie Torarle.
(4) Les réfugias qui ne loml>cront pas dans la catégorie des enclus, soit
directement, soit indirectement, seront laissés tranquilles.
(5) C'est-à-dire que Patientât n*ait pas préccdc son entrée dans le sanctuaire.
AIM^KNUICKS. l'y'll
ennemie. Leurs adversaires les y auraient rejoints et massacrés; les
termes ré|)été8 de Tinscription (twv totê à^uOavovtoiv Iv twT Upwî)
8eml)lent vouloir distinguer celle tuerie sacriirge des meurtres vul-
gaires, où la sainteté du lieu n'était pas coniproinise. La culpabilité
notoire de quelques individus lut aussitôt proclamée par un tribunal
mixte, composé des représentants de la justice civile et des prôlres
représentant la déesse (a te Oebç xàç ol 8îxa<jcTai) : on les condanma
à la conliscation de leurs biens au profit de la déesse. Ce sont
leurs noms qui occupent les premières lignes de Tinscription. A la
fin de la liste ligure un nommé Pbémandros, condamné d'abord
avec les autres, mais qui avait dû protester contre la sentence et
arguer de son innocence, sous le prétexte qu'il n'avait pénétré dans
le téménos qu'après la perpctralion du crime. Faute de preuves pour
contrôler cet alibi, les juges décidèrent de remettre le cas à Tap-
prédation d'un oracle, soit celui de Delpbes ou d'Argos (Apollon
Fythaeus), soit un ypTjçT-^piov local (I). Il y avait aussi dans l'asile
d'autres réfugiés plus ou moins suspects de complicité avec les
meurtriers : on n'avait pu les inscrire au nombre des coupables,
mais on ne possédait contre eux que des présomptions, et l'oracle
devait aussi être consulté à leur sujet.
En attendant la réponse de l'oracle, qui leur permettrait de
dresser la liste définilive des individus impliqués dans l'aflaire et
d'augmenter ou de restreindre la portée de leur première sentence,
le tribunal rend un deuxième jugement, conditionnel en ce qui
concerne Pbémandros et les complices présumés, et aggravant pour
tous. En eflet, la preniière sentence n'avait prononcé que la (tena-
nte civile, c'est-à-dire la conliscation des biens des coupables ;
la seconde y ajoute la sanction divine sous forme d'interdiction
définitive du sanctuaire. La peine éventuelle de lUiémandros est ici
aggravée : à la conliscation de son xXtjsoç, réparation infligée à tous
les autres, s'ajoute le partage de ses acquêts (2). La différence de ce
(1) Voy. p. ail lU 32λ,
(2) Keil et Danieisson écrivent à la ll«nc 17 : xaFoixia; xtX. el interprètent :
« auront part à Vétahlissementquiesi en^aul, n J'admcllrais. à la rigueur, ce
sens de dtvcuSa, et j'Interpréterais Foixiaç xàç àvwS 'eâia; comme désignant
des maisons de campaj^ne dans la montagne. Il est évident que les proprié-
taires de la Manllnique possédaient dans le Mcnalc des sortes de clialets d*élé,
soit pour leur agrément et pour leurs chasses, soit pour l'entretien de leurs
bergers et de leurs troupeaux : les Grecs modernes dési(;nent ces élublissc-
ments sous le nom d'êSo/a(, ou àv(o(j.epia, et les Turcs de idila. Môme ainsi
comprise, la phrase conserve toujours le même sens : il s'agit d'un partage des
propriétés ou acquêts en dehors du xX-Y|poç. J'avoue ne pas comprendre ce que
serait cet étahlissrmenl d'en hant que l'on partagerait an profit des condam-
nés ! C'est un véritable pénitencier que l'on crée ainsi de toutes pièces (^r, Il
faut que le domaine en question soit considéré comme bien de l'État pour qu'on
liîS MANTINKE HT L'AIICADIK OUIKNTàLë.
traitement peut s'expliquer, soit par le rôle pré|)ood(5rant attribué à
Phôinandros dans rexécutlon du forfait, soit comme punition anti-
cipée de ses dcnrgutiuns (i)
Le texte est divisé vn deux colonnes, correspondant à deux
paragraphes : le premier traite des coupables avérés, déjà condamnés
par le premier ju^'ement; il confirme et aggrave ce jugement, et
statue sur la situation générale des inculpés; réserve est faite en
ce qui concerne la culpabilité de Iliémandros. Le deuxième règle,
par rapport au droit d'asile, la situalion éventuelle des individus
qui, actuellement réfugiés dans le téménos, pourraient, à un titre
quelconque, une fois connue la décision de l'oraclo, tomber sous le
coup de rinterdiclion générale prononcée contre les meurtriers et
leur descendance masculine
Comme Phémandros est parmi eux, il est naturel de le retrouver
ici nommément désigné. II ligure à la fois dans la colonne des cou-
pables reconnus, puisqu'il a été condanmé comme tel, et dans celle
des réfugiés, présumés susceptibles d'exclusion, puisque sa qualifé
de meurtrier n'est pas enc(»re eiîoctivo (1).
2°) IHonument de Charmiadas,
Le chapiteau représenté par la ligure 18, p. 124, a été trouvé dans la
même église byzantine (lue la précédente inscription (3). L'inscription
puisse ainsi le partager. Ce système de relégation, et celte préoccupation con-
tradictoire d'assurer un bien à des individus qu*on dépouille Juridiquement,
sonl-ce des traits conformes aux habitudes du droit primitif? cela me parait
une conception bien moderne !
(1) Keil et Danielsson reconnaissent en lui, i\ cause de son nom ionien, un
étranger. En tout cas, ce n'était pas un esclave, comme Dùnunler Ta supposé,
puisqu'il est propriétaire.
(2) Keil distingue entre les deux colonnes : la première, celle qui concerne
les non-meurtriers; la seconde, celle qui a trait aux meurtriers. La dis-
tinction n*est pas fondée : les Fisyf'ky\x6Ttç comprennent, d'une manière
générale, tous les individus impliqués dans i'alTaire. Une môme pénalité leur
est appliquée : la confiscation et l'interdiction définilive du sanctuaire. Les
trois termes : ^oviqç, (V(i.oy^oç et Fcj^Xi^xojç, ne désignent pas trois caté-
gories personnelles et distinctes de coupables, mais le même coupable envi-
sagé quant à la nature de sa faute, à sa re8|M)iisabilité morale et à la forme
de la sanction. Du meurtre découle la silualion do ITvaov^o^, que la divinité
rejette, et celle de r(o^X'/)xa>;, qui doit du même coup réparation & la
divinité et à la société. Dans une affaire comme celle-ci, la souillure était
égale pour tous les individus convaincus d'avoir participé & un acte de
violence dans le saint lieu. — L.a procédure imaginée par Keil esl^ en
général, trop compliquée.
(.'!) et non dans le temple de Poséidon Ilippios, comme l'indique la légende
de la figure 18, confondue ù l'impression avec celle de la ligure 15. — Voy.
liiilL de Corr. heltni,, XX, 18îKi, p. 14'.).
ÉPIGRAPHIE. 529
supérieure : XapjxtaSa; Nix(moXf[T7|ç] allcsle que ce chapiteau portait
une statue consacrée par un certain Damatrios. Charmiadas est un nom
arcadien. L*ctbnique de Nicopolitain s*expliquo, à mon sens, par la par-
ticipation des Mantinéens à la bataille d*Actinm (voy. p. £)11).Nicopolis
d*Kpire (ut fondée par Auguste en souvenir de cette victoire. J*ai donc
supposé que Charmiadas était un des combattants mantinéens d*Actium
qui aurait obtenu le titre de citoyen et des terres dans la nouvelle ville.
Le monument aurait été consacré dans sa ville natale et exposé dans
le temple d'Aphrodite Symmachia par un parent ou un ami.
3") Déd'et des Antigonéens et des negotiatores romani en l'honneur
d*Evphrosynos^ fils de Titos, et de sa femme Épigoné,
fi^lle d'Artémon f/«' siècle api'ès J.-C),
Ce texte est important pour la connaissance de la topographie inté-
rieure, en même temps que do Tesprit public à Antigonio. (Voy. p. 177
et suiv., p. 512, et, pour le commentaire épigraphique, Bull, de Corr.
hellen., XX, 18%, p. 124 et suiv.).
*A TtÔXlÇ TWV 'AvTlYOVt-
(ov xoà *P(o(jiaTot o\ (ic)paY(i.a-
Teu6[i.6voi iv aura 'Eiri-
yOVTjV *ApT6|ACOV0Ç,
3 xàv tauTwv cûepy^'^iv.
ViQ^i<j[i.a 'AvTiYOvewv.
'EirciSiq Eùçpôffuvoç TiTou, 7coX(t7jç -îiiAÉTepoç, Tcpoyove-
X7|v clç TY|V 7caTp(8a 8ia86;a[i.6voç euvoiav, où [xôvov où-
X ê(i,(b>(rév Ti TTjç Tcaxptoaç àpeTY,ç, oîkXx xal auvaù;*/^(Tev,
10 alel xal xaO' 7)|i.épav eTrivowv r-îjt TcôXei TcXeîdv ti TtapéysaOai,
TT|V [xàv iTcctxeiav t(ov tpÔTttov YeYevv7||JLévoç, ty,v ôk 'fti/V
cùyevcvTépav ttjÇ ^ÙTecoç TcXaTuvaç, TcoXuTeXTjç j^ev ev
TCpQtTTOUfflV iveiAeffT^TOjç Tca [T*]"
15 vétrOat* àÇiov J' ext xal touto twv xaTopOb>(i.%[Ta>v ini]-
v^fj^e* T>|v yàp itpô<ToSov t7|ç '/}^^^^ êU eùOTjviav <xit(o-
vtaç ivofjLoOtTYjae to àvevB[ekç] tyjç Tpo^TJç alcDvtoi
TcapaOéfievoç àitoXaùcrci* â|i.[7rp]7jffOévTOç xe tou ^xaià)
xaxà TO Y^H-vàtriov xiixXou, [Tà]ç eiç ttjv IStav eù;^pY|-
20 ÇTiav 7|[T0i]ji.a<T|i.évaç eyap[iaa]TO TtXivOouç, rqç xax* ot-
xov [w^cJXiaç Tov 87|jA.ô<jiov xotrfxov Trpoxpeivaç. nX7|-
[ptojffaç ouv icoixtXTr|ç cùepYiffiaç ttiv itoXiv, OiçEpe-
[T{jji.a] Toùç TTiç *EXXà8oç Oeoùç, xal fxé;^pe twv w6affTe(-
cov cùwXoTjaev /apaxTy,ptov. "(Jv 8' ot Tcapaxxioi îcXetv
AUiiliné«. — Hô.
530 APPKNDICBS .
2i) *Aopfav xSv aTca; eùXaêouvTat, toutov 6 (AcaoYatoç
xal SeÙT£pov itX£i>(y[ai] xaTs^pôv7)(re' Oappeïv yàp [aûj-
Tov TcaxpfBoç eùe[pYe]T0'jjA.év7)ç tùyaX «poeTp^TîOvTO.
AU ouv, xcà TauT[a Swjpeav, Ttpeffêeucraç uTtep ttjv iroXiv
'ïrpo<n^v7|ç iYév6[To] xal Tyj 0[eioTàT]7j (tu^xX-j^tw [xyj xo-
30 (A(l^a>v xaT7)Y0p{av [orpaTjaycov, àXX' iTcatvov. Luvv^p-
jA-ôffOifi 8' auTco xal y[uvt^], ttoXitiç aTrb yêvouç, 'Eiriy^^v/i
'ApTé|i.a)VOç, fàÇ'.oïçJ yajiioiç (TuvxepaaOeiffa. 'EÇeuyvuv-
To Y^P P^oiÇ 3(]9(^ (r(i>[i,aatv '{/u;^al, xal Tcap' à{x^OTÉpoiç
à|i.£p[Yjç ofijôvoia, ^ôàvovxeç B' àXXi^Xouç raï; tlç
^ eù[epY6(yiav] êirivotatç. Naouç ptàv -yJYCipav ctç eBa^oç Vj-
p[et<TULév]ouç, BeiTCViaTT^pia te 'ïrpo<T£[i.-iQXuvav Sfiiitvt-
[ffTY|p(]oiç, xal TajA.£Îa (XuvrfSotç £;^ap(<TavTo, 7tap£y(J[i.€-
[voi] \Ly\ [xovov ôsoTç fiûdcêEiav, àXXà xal tôtcoiç xôa^JLOv.
*'H Y* ffep.voTXT7| xal çtXavSpoç 'Bitiyôv/^ (i.£([xir)(ra{jLé-
40 V7) T^v yoL^L-f^occtTOL xolX atJT*^, TtaLaTr) Oeco ttjv lic^xTa)-
TaxTOv lE p(o(rûv'r,v àvaXa^ouaaf |i.ETà TcaaTjç Sairà-
VT|Ç ttoXuteXouç toÙç [xkv ôeoùç lOpT^axEuv EÙgE-
6(oC} Toù^ 8' àvOpb)7rouc ein!>yy\fje 7cav8iQ[xa>ç. ^'ESfit Se
xal xà TcpoiriYOuiAEva toïç |i.ETà xauTa owpoi; uTCspêTjvai*
45 (AXxeXXoç éx OefieXioiv u'j/ouTO TcoXuTeX-riç, ÉpYa<TT'if|-
p(a>v auTapxTj 8iaYpa^<5p.evoç xaXXovrjv, IvtSpuETO 8' aù-
TOÏ; I$é8pa fiéav}, 8uva[i.Év7) xal jjlovtj tcoXeoiç xô-
(rpioç elvai' 7cpoffe(A7^xuyeTO 8' aùroîç xal paiT7|ç
8uypT|(rT0ç à7C(5Xau<n;, /ifxéptov xaTaffTTifxa vixco-
30 (T7|ç. 'lt>7re<T^paY((TaT0 ^ auTwv tY|V TroXuTÉXEiav iv£p{-
(îTuXov |i.apaaûivotç È7repi86îJi.£v(o)v xeiociv, wv tj xaX-
XovTj xal TÔ Xeittôv eti tyjç àyopaç xexôçulvjxs, xal Ta
(XETpia ô' aÙTo)v fiïvai ooxouvxa Tcpo; cuvxsîciv. . .
d**) Tcssh'CH m Icnre cuite.
Nous avons retrouvé, dispersées un peu i)artoul, près de deux cents
tessères en argile, dont quatre-vingts environ portaient des noms
propres plus ou moins lisibles. Les doux lots les plus considérables se
sont rencontrés au théâtre et dans la galerie d'Épigoné. Ces tessères
sont en terre cuite, de teinte rouge, noire ou jaunâtre. Les formes sont
assez variées : ce sont tantôt dos lentilles bombées des deux côtés
(11g. iK)), ou d'un seul côté, l'autre restant plat (fig. ()1); tantôt des
disques plats, dont une face est lisse, tandis que le revers porte, en
légère saillie, une sorte de cartouche circulaire à peine poli (Gg. 51),
tantôt des tablettes plates et barlongucs, aux deux faces lisses; parfois,
ÉFIOUÀPUIK. 531
des demi-cylindres, ou des amandes aux bouts trùs arrondis, enfin des
demi-lenlilles. Les caraclères ont été tracés, en gc^néral, à la pointe,
dans l'argile fraîche, avant la cuisson, et plus ou moins profondément.
Très rarement, l'inscription paraît avoir été gravée sur la terre sèche,
comme sur les tessons d'ostracisme, trouvés à Athènes. La face porte
d'ordinaire un nom propre ou nominatif, soit seul, soit, plus souvent,
suivi du patronymique au génitif. Le revers porte, en plus grandes
dimensions et plus légèrement tracée, une lettre de Talphabet. Nous
avons relevé 2 A, 2 », 3 F, 1 A, 3 Ë, 1 F,3x,î) H (= 1 pour le distin-
guer deX = Ç) •, 1 e, l 1, G K, i LM A, 1 M, I N, 3 2, 3 0, 1 P, 1
Set 2 ( ,2 T. 3 T,2 *, 2 X, 4 M*, 3 Û. La paléographie des légendes
est intéressante, à plusieurs titres : on retrouve sur quelques-unes
les formes alphabétiques révélées pai les deux inscriptions mauti-
nccnnes les plus anciennes (voy. plus haut, et Bull, de Corr. hellén.,
t. XVI, pi. XXI), le my lunaire ()) et le U. Ces formes archaïques
paraissent être restées en usage à Mantinée jusqu'au 1V« siècle; elles ne
sauraient, pas plus pour nos inscriptions que pour certaines tessères,
être invoquées connue un signe de haute antiquité. Je ne crois pas les
plus anciennes de ces tessères antérieures au premier quart du \*
siècle. On trouve aussi des formes plus récentes : C (sigma lunaire), R,
rieto), qui indiquent le 111« siècle. L^usage de ces tessères parait donc
s'être étendu de la fin du V* au lU* siècle. La nature de la matière, plus
encore que la rapidité du travail, a fait adoi)ter, en vue de parer aux
ellets de la cuisson, un certain nombre de conventions graphiques
assez, curieuses. Elles ne s'observent que dans l'écriture des noms
propres, qui, faute d'espace, devaient être gravés en assez petits
caractères ; on ne les retrouve plus dans les lettres isolées tracées au
verso, parce que celles-ci sont deux ou trois fois plus grandes.Ces con-
ventions consistent en dénaturations et en abréviations du caractère:
les A, au lieu d'une barre médiane, n'ont qu'un point ou une barre
verticale entre les jambages ; les E sont réduits à un simple trait
horizontal, et les 0 à un point.
Quel élait au juste l'emploi de ces tessères ? Ce ne sont pas de simples
bulletins de vole, mais des jetons personnels permanents servant à
établir ridenlité du porteur, et probablement destinés à servir un
certain temps. En elTet, s'ils n'avalent dû servir qu'une fois, on se
serait contenté de tessons (|nelconques de vases ou de tuiles, sur les-
quels oD eût rapidement écrit les noms, comme faisaient les Athéniens
pour les voles d'ostracisme. Au contraire, presque chacune des tessères
mantlnéennes a été fabriquée exprès pour son propriétaire, et cuite
seulement après avoir reçu l'inscription du nom. Elles rappellent par
là les tablettes des héliasles athéniens, mais elles en di fièrent par
d*autres particularités.
* La confusion élall possible quand la tessère n^élait pas tenue droite ; le X
redressé aurait eu l'aspect de \-\,
S32 APPKNDICKS.
Remarquons d'abord la variété des noms. Quatre seulement, sur
Tensomble, se lisent sur deux jetons dilTércnts avec les m(^mes patro-
nymiques et les UH^mes lettres au revers : ce sont 'AyriGiaç 'AXxiau (x),
'AXxatoç *AXxipi(o (S), 'EÇafveroç KXeaivéTw (T lisible sur un seul des
deux exemplaires), SxTupoç ZeuÇiau (S sur Tune, (sur l'autre). Évidem-
ment le détenteur de ces exemplaires doubles n*était qu'un seul et
mt>mo individu. Mais, ce cas est Texception, dans la proportion de^Vo
environ, en comptant dans rensemble Je stock d'exemplaires usés dont
je n'ai pu, sur place, tirer une lecture : TÉphorie des antiquités a dû
les déposer tous dans les collections publiques; sans doute, avec du
temps et de la patience, les conservateurs des musées d'Atbènes pour-
ront compléter ma liste. Telle quelle, elle comprend plus de 80 numéros,
dont 4 noms répétés. On est donc fondé h croire que le nombre des
détenteurs de |)areilles lessères devait être très considérable et com-
prendre une fraction assez étendue du corps des citoyens Cette opinion
est confirmée par le nombre dos CJilégories représentées par les lettres
gravées au verso des tessères. Toutes les lettres de l'alphabet sont
représentées, quelques-unes avec deux types différents ; seul le t^
manque : c'est là, sans doute, un pur hasard. 11 y avait donc autant de
catégories que de lettres de l'alphabet, soit 2;k y compris le digamma.
Si les catégories sont si nombreuses, c'est ({ue TelTeclif des citoyens à
répartir entre elles était très considérable. Une autre remarque prouve
que le sectionnement obtenu à l'aide des seules lettres de l'alphabet
n'était pas encore suffisant; il paraît avoir été complété par la variété
des types de tessères. Kn effet, il y a une intention dans la diversité
de ces types : ils n'étaient pas répartis arbitrairement et ils corrcs-
l)ondent à une classification. La preuve, c'est (|ue les jetons sur lesquels
on lit les mémos noms sont des doubles non seulement par la légende,
mais aussi par la forme : les deux tessères au nom d^Ay/iT^aç 'AXxiau
(x)sont comme les deux moitiés d'une lentille qu'on aurait coupée par
le diamètre, celles d'*AXxaîoç 'AXxipuo (S) et de i3iTupoç Zeu^tau (S
et ( ) pareillement, tandis que celles de 'l^îÇaivexoç KXeaivéTw (T) font
un disque complet. Or, dans les mêmes séries S, ^, nous avons des
tessères amygdaloTdes et dans la série t* une tessère mi-lenticulaire, en
ce sens que la lentille aurait été coupée h l'intersection des deux cônes,
de façon qu'une seule face est bombée et l'autre plate, lilnfin, les mêmes
types représentés par les jetons doubles se reirouvent dans les autres
séries. I*ar consé(|uenl, dans la même série alphabétique, les ty|)es sont
variés, mais Von retrouve les mêmes espèces dans les autres séries.
Conclusion : chaque série alphabétique élait subdivisée en un certain
nombre de sections diflérenciées l'une de l'autre par un type particulier
de tessères; de plus, la gamme des types élait la même dans toutes les
séries alphabétiques, autrement dit le nombre des subdivisions était
aussi le même.
Quel élait le mécanisme de ce système? Je ne crois pas qu'on doive
KPIGRAPHIB. 533
songer à un système de contrôle analogue à celui que décrit Aristote (1)
pour la répartition des juges athéniens dans les tribunaux de THéliée.
Les indications des tessères inantinéennes sont permanentes, comme le
prouve l'identité des types et des séries alplial)éti(|ues dans les jetons
doubles. S'il y avait tirage au sort, c'était au début : le citoyen pouvait
tirer une lois pour toutes sa lettre et son type de tessère ; son jeton lui
' était fabriqué et cliifîré en consé(iuen('«. 1^ srrie représentée par la
lettre du verso constituait une tx^iç, dont la subdivision était caracté-
risée par le ty|)e. Sur une rondelle lisse, on ne lit d'autre inscription
que le mot TASIS, gravé en creux le long du iK)rd circulaire, en haut,
de façon à réserver tout le champ du disrfue. Je suppose que nous
n'avons pas ici un nom propre, mais une simple étiquette destinée à
(>lre complétée à l'encre; la lettre de la Tà;iç et le nom du titulaire
devaient être peints. l'une sous le mot TaÇtç, l'autre sur le verso.II n'y a
aucune trace d'autre gravure en creux sur celle tessère. Cet exemplaire
est exceptionnel. 11 y a pourlaut un autre disque où se lit, gravé en
creux, dans les mêmes conditions, le mot AIAI0()^, qui est certaine-
ment un nom propre, non suivi du patronymique. Au-dessous le champ
est resté libre, d'où l'on pourrait conclure que. là aussi, la lettre de la
Tx^tç avait été peinte. Ce mode présentait moins de ^^arantie ({ue celui
de la gravure intégrale dans l'argile fraîche ; en elTel, la cuisson, en
solidifiant l'écriture incrustée dans la matière, rendait toute altération
impossible, taudis que les légendes peintes pouvaient être ma(|uillée8,
elTacées et changées. C'est pourquoi le système de la gravure a prévalu.
Les Tx;e(ç alphabétiques ne correspondent |>as à la divisi<m de la
population mantinéenne en 5 dèmes ou en ;> tribus. Une concordance
de cette nature pourrait être cherchée dans le nombre des types, qui
peuvent, à la rigueur, être ramenés à ;> : l<> type lenCille complète ;
2* demi-lentille (demi-circulaire, c'est-à-dire coupée par le diamètre);
H" demi-lentille U'irculaire, c'est-à-dire coupée à Tintorsection des deux
cônes); 4* dis(|ue; ;>" tablette bnrlongue. La forme amygdaloTde ou
ellipsoïdale rentrerait dans celle-ci, l'arrondissement des angles pou-
vant être un elTot de Tusure. Mais je n'oserais insister sur ce point,
n'ayant plus les originaux entre les mains.
Quant à la destinati(m de ces tessères, plusieurs hypothèses peuvent
être émises: aucune n'est sérieusement vériliable. Si l'on voit dans ces
jetons des billets d'entrée au théâtre, on supposerait que les lettres
correspondaient aux xepxiôeç et les types aux gradins : mais le théâtre
de Munlinée ne pouvait avoir plus de 18 à 20 xepxiBsç ; le nombre des
gradins d'une kerkis dépasse de beaucoup celui des types de tessères :
la C/Olucidence cherchée s'évanouit donc à Toxamen. Ileste l'hypothèse
d*une destination en rapport avec les institutions judiciaires ou poli-
ticfues de Mantinée. Sur l'organisation de la justice à Mantinée, nous
ne savons rien. D'ailleurs, si Ton veut établir un parallèle entre les
(1) 'A07|v.'«oX.,p. XXXII sqq.
534 APPENDICES .
tessères mantinéennes et les lablotles des héliastes athéniens ou les
tessères de bronze ou de plomb trouvées en Grèce (1), le résultat de
cette comparaison ne saurait infirmer la valeur du rapprochement
suivant. Aristote nous décrit le fonctionnement de la constitution
mantincenne, avec ses électeurs au second degré, chargés de nommer
les magistrats au nom de la TcoXtTeta tout entière, et peut être do remplir
les tribunaux. Nous avons décrit plus haut cet organisme (2). Il est
possible que nos tessères aient servi à ces électeurs du second degré :
ceux-ci devaient être relativement nombreux; leur répartition en ràÇet;
et en subdivisions de ToL^eiç n'a donc rien d'étonnant. La fixité des
légendes prouve que ces jetons avaient un caractère permanent; ils
servaient au moins pendant une année. L'État les faisaient peut-être
fabriquer à ses frais d'après des modèles oniciels ; il les distribuait aux
intéressés comme jetons d'identité, pour leur donner accès aux séances
des assemblées. Nous ignorons si l'institulion du fJt.t<TObç ixxX7)(rta<TTtxôç
s'était introduite dans la démocratie mantincenne.
Nous avons constate, d'après la paléographie des tessères, que leur
durée chronologique va du V* s. au III* siècle. Leur usage correspond
donc a une institution traditionnelle. La constitution mantinéenne,
établie vers 425 par Nicodôros, fut suspendue en !{8;>, restaurée en 371,
abolie entre 340 et 330. Elle fut sans doute remise en vigueur, au moins
provisoirement, à l'époque de Cléomène, en 226. Ces dates sont en
parfait accord avec l'aspect de nos tessères et justifient la destination
que je crois pouvoir leur attribuer.
o**) Ofiomastique mantinéenne.
La contribution apportée par ces tessères à l'onomastique manti-
néenne est trop importante pour être négligée dans cette monographie.
De plus, le recensement des onomastiques locales est d'un intérêt
capital pour l'épigraphie; les récentes inscriptions de Delphes, où
afiluent les ethniques les plus varies, en démontrent la nécessité. Le
tableau suivant est destiné à répondre à ce besoin, en ce qui concerne
Mantinée (3).
(i) Pour la bibllognipliin dos tnssftrcs en général, ]c me bornerai :i renvoyer
aux articles de Hlanchct [Revue archéol. i8W), XIII, p. 225 et 3(Î9; XIV, p. 64
243) et de Graillot [Mélanges de l'École de Rome, XVI. 1896). Je reprendrai la
question en déUiil dans un article de la Revue Nutnismalique où seront publiés
les fac-similé des tessères mantinéennes.
(2) Voy. p. ai6, sqq.
(3) Les références cntn». pîirenthftses sont les suivantes : T Indique un nom
lu sur une des tessères cl -dessus étudiées.— HCIl. xx. renvoie aux Inscriptions
publiées dans mon article du null. de Corr. hellén. XX. 1806, p. ilîMW», avec
les n»* des textes dans coi article. — F. renvoie h Foucart : Inscr, du Pélop,-^
Les cliinrcs seuls, à Collltz-Hechtel : Dtal, Inschrift. — p. désigne un patrcmy-
mlquo au génitif. — lA renvoie h l'Inscription archaïque publiée plus haut (1*).
— Pour les noms historiques, voir le lexique de Pape-Benseler.
EPIGRAPillE.
535
*AY3t6apyoç Exe^avo) (T).
'AvajXYjTwp (Pnu8. vi. 9, 9).
'Ayi^fiovoç (p. T).
'AY-r,<xav8po;. (BCII. x.x. 7).
'AyTifftaç 'AXxtau (T. T).
*Ay/i<xiaç 'Aiivtoo (T|.
'AY"»i<ri8afia) (p. T).
*Ay7|<jiv^ (p. iS03).
'ABatxaç 'Axa... (T).
'AOaWwv (HCH, xx. 7j.
'AiyixXfjÇ AoTÔvu) (T).
ArOiDV «InXocrÔfiveoç (F. »»i»»).
M. A. ArXioç Ma':[xto«?] (BCII. xx.3i).
Al)p.iXX([ou] (p. T|.
Ab... (BCII. XX. 35}.
Al]<x;^ùXo(; nXet<XTiau (T).
Al;^fi.aioç *AXx(7C7ca) (T).
'AXeÇfocç MevàXxeoç (T).
'AXeÇCvixoç 'AX^Ïtovoç (F. :Ki2i»).
'AXeçcoxo; (p. ib.),
'AXxaioç 'AXxtpiw (T.T|.
'AXxap.év7|ç Mavop7)x(8a (F. 3iî2i»).
*AXx(aç (BCII. XX. 132).
'AXxiaç 'Api<rroÇévcu (1203).
*AXx(au (p. T. T).
*AXxip{(o fp. T. T).
'AXx({xa/oc 'iTCTiaiw (T).
'AXxiimw (p. T et 1203).
'A(i.f {aç 'ApKXTOxpiTto (T).
*A|i.^(<TTpaTOç Neàpyou (T).
'Av8poxXY|ç... oxXéoç (BGH. xx. (î).
*Ave...Tîau (p. T).
'AvOgpLiwvoç (p. T).
'AvOejxoxpiTO'j (p. F. XM^).
'AvTîxpîToç (BCII. XX. 7).
'AvTiXaiôaç. (I.A.)
"AvTivoç (T) *.
A. 'AvTîTTioç (BCII. XX. 20).
'AvTi^aç TeXedivto (T).
ATToXXoBcopoç 'AvOejxtwvo; (T).
*AitoXX(6vioç (BCII. XX. 3(ï. — F. 352* ).
'ApiavToç (I. A.)
'Aoiff (BCII. XX. 3G).
'ApKTcaYopou (p. CIA. II« 3172).
'Ap(ffTapyoç Mevtwirou (F. 3o2i«).
'AptdTea; 'Apt«TTo8à|xo) (T).
'Api<XT€{8a[ç] (BCII. XX. 4).
*Apf«jTi7CTcoç KXcoOoivoi (T;.
*AptaTo8a|i.oç (1IN9).
*ApiaTo8a[jioç MevexpaxEOç (T).
*Apt<iTooi|xo) (p. T|.
*Api<jTOxXeç AoP'au (T).
*Apt<JTOXStTO) (p. T).
*Apii<XT6jjLayoç (I. A.)
'Apt<rTÔ|xa/o; (BCII. xx. 3;il.
'Ap(9T($vtxoç Aa[i.OTéXto; (T).
*ApiffToÇ€i8aç KaXXiaOÉveoç (T).
'ApwToîévw (p. i2a3).
*ApTép.(ov *ApT£|xa>voç (F. 3:32").
'ApT6fi.(ovo; (BCII. XX. 2).
*Ap/taç TpwiXau (T).
'ApyûXXoç rXauxîSau (1203).
*Ap/wvt[8aç] "Ac/wvoç (T).
"Ac/covoç (p. T).
'A<xtv(ou (p. T).
['A<r)xXa7ria8a; (IIKÎ)).
'A<rxX7|7cco> (p. BCII. xx. 21).
'AteX-o (i205).
AÙTapîffT[(D] (p. T).
Aùxapxo,.. (BCII. XX. 36).
AÙTtaç Nixi... (T).
AùxioLu (p. T).
AÙtovù) (p. T).
HoXeOoç ropYiXoi (T).
ropY6(.» (p. T).
PopyictSaç Voùyito (T).
ropyiXw (p. T).
ropytTtiroç (F. 352". — T;.
rdpyouOoç (BCII. xx. 7).
ropyuOtwvoç (p. T).
Popyupfwv KXeidXd) (T).
Fopywv (T).
• Unn fnulft d'impression n cliang<^ ce nom on "Avtito; dans la l(>gcnde do la
lig. .W, p. 350.
536
APPENDICES.
AaiXecov NeatSau (T).
Aaifi.év7|ç (BCH. xx. 7).
AafaTparo; (F. 340«).
AajjLaY(5paç 'Eîax(£)oç (1203).
Aa[iap;rîBaç (nCH. xx. 3G).
Aa[iàp;((o (p. T).
AajxaffCXa (p. F. 352').
AafxdtTpioçlBGII.xx.U).— {ou(p.F.352').
Aa|i.dTptoç riffoxpéxeoç (T).
Aa(i.aTp(o) (p. HCII. xx. :M)).
Aa[Aé(Xc (HCII. XX. 7).
AafAOxXTJç Kapaiffu) (1203).
Aa[A^Sevoç *I:t7cdlp/ai) (T).
Aa(i.o(évou (p. UCn. XX. p. 292).
AajJLOTEXeoç (p. T).
Aa(i.u>v (BGII. XX. 4).
A7)(i.éac (Voy. Papc-Bonscler).
A7|(Xb>vaî (id.).
Aspxw (p. T).
MoLioç *Ayri^o^oç (T).
AtOtXxYjÇ (PhUS. VI. (». 1).
Ai8ù[X7j (F. 352").
AtO[n^87|ç Aio(x-i^8eoç (T).
A(ovua{(i> (p. 1203).
Ato^aveoç (p. T).
AdÇfi (BCH. XX. 31).
Apop-eùç (Paus. vi. 11. 4).
Awpi'ç (F. 352').
r. 'looXtoç Awpoç (t&.).
'Eypex^ovoç (p. T).
El<xo(8aç (BCH. XX. 7).
Aûp. 'EXtc^Buç (BCH. XX. 27).
'EXicfç (F. 352fc).
'E]Ça(veTO<; KXeaivsTw (T. T).
'EÇaiVÊTOu (p. CIA. 113. 3174).
'EÇ(à)xeoç (p. 12a3).
'EÛxt,ç (BCH. XX. 4).
'ESaxfôau (p. 1204).
'ETCTjpaTtBau (p. T).
'ETuyovTi 'ApTÉjJLCDVO; (BCH. xx. 2).
'EicixpaBioç (Paus. vi. 10. 9).
'ETcixpateoç (p. 1204).
•EicixpaTTiç 'E$ax(8au (1204).
KopvT^Xioç 'E:ccTUY/av((ov (F. :fô2k).
'EircTuvyavoç (BCH. xx. 31).
'ETtiarpaxw (p. 12Î03).
'BpaTiau (p. T).
'Epexpiavo (p. T).
'EptÇiBaç 'EpaT(au (T).
'Epfxaio) (p. T).
•Epixetaç 'Iouv(ou (F. 352-).
EùctYeoç (p. T).
Euaiv6[ToçJ (BCH. xx. 6).
EùaXxtSau (p. T).
EuàXxic EûaXx($au (T).
EûSa[i.fSac (1181).
EuSajxoç (T).
louX. Eù8ia E'iTfiXeivou Ouy. (F. 35^).
EuSoÇoç 'I[X7reS6a[u] (1203).
EûéXTctaTOç (BCH. xx. 24).
EuF...Aàvwp[o>] (T).
Eu0u8à|i.a> (p. T).
EùxpxTeo[ç] (p. BCH. xx. 28).
EuX... (T).
Eu|X7|Xoç (BCH. XX. 7).
Eûo8{a Su|i.|xa/ou (F. 352k).
EdffTpaTOç (BBii. XX. 7).
EÙTeXe(vou (p. F. 352i).
EÙTeXTjç (1203). [p. 191).
A. OÙ6v[ouffTOç Eûçpjdauvoç (BCH. xiv.
"Hïo; Eu^poauvoç (F. 352").
Eù<pp(5auvoç T(tou (F. aT2b. BCH. xx«).
Eu/api8aç lliaToÇévo) (1203).
Faxoç (1181).
F ixa8i(D (p. 1203).
rtffFd8ap.oç IlavOio; (T).
FtffoxpeTeoç (p. T).
Fi<XT(au (p. 1283).
Zax'ivOioç SavOtau (T).
. ..Ceaç ...OT(au (T).
ZsuÇcau (p. T. T).
'îIpaxXetTOç (BCB. xx. 36).
©cxYyeXoç 06Ofn^8eoç (T).
06aplç *Api(JTayopou (CIA. m 3172).
06|i.((jTia<; (BCH. xx. 30).
KPIGRAPUIE.
537
(■^é(i«rroc 'Eirixpareoç (1204).
HEoSoSpa (F. 352').
0c<J[x]o<r(j|xoç (I. A ).
0eo|xavTiç (T).
6e(;{xavT(c 0eo(xavT(oç (1203*.
8£0{i.i^Seoç (p. T).
eeoîfivioç (UCH. XX. 3()).
©eoTÉXfjç . . .apiffTO (T).
06o]a>av6ta (nCII. xx. 20).
0eo^(Xfôaç Aùriau |T).
0eô(p(Xo; (BCIl. xx. :)G).
06O)'atp7jç 'AyTiffiomw (T;.
0paaéaç 0pa(JoXau (T).
0ua)v(8aç 0u(i)ViBa (F. 352^).
[0jojpaxioaç 'AYVjffivôto (1:20.3).
'l6p[ap]/o; (nCII. XX. :«î).
'lepoxX-ric *IepoT((xu> (T).
*l6poxX"riç KXeijiiyoj (T).
*lepoTt[ia Aa{xaTp{oi (UCll. xx. 30).
*lepoTt(i.ai (p. T).
'I|i.]7ceB6aç [TeX?]e(Jiau.
'IpireSéafu] (1203).
'lôX-n (F. 3;)2*'i).
*Ï7r7cai(.) (p. T).
'iTCTlâp/O) (p. T).
Kapaîaw (1203)..
KaXXtBafJLOç KaXXi^afJLO) (T).
KaXXifxàyo) (p. T).
KaXXiaOéveoç (p. T).
KaXXi^a|xa) (p. T).
'louXia KàXXouaa (F. 352').
KeXecrriviàvoç IIoXwvoç (F. 3')2").
KXeaiveTw (p. T. T).
KXeavSpoç (Polyb. x, ii,- Plut. Phil. i).
KXeijxa/w (p. T).
KXthxoç TopyuOiwvoç (ï).
KXeiffxo) (p. T).
KXeovixoç Aafxapxw (T).
KXeov(xw (p. T).
KXsoOoivo) (p. T).
KXeo(pavTiç llacorou (C!A. 113. 3173).
KXeùxpiTOç 1 1 epixXeîoç ( HCII. xxi. p- 290)
KX£(ov(ç (HCII. XX. 29).
KXetovofJLOç TtuaivETu) (ï).
Kvlixaç (UCll. XX. 15).
Ko(i|xiêpoç AÛTapiaT[(i>] (T).
KoffjuLtspo; Aap.o^évou (HCII. xxi. p. &U)
Kpivcoç (p. 1200).
Kû5iitiroç (Clom. Al. Strom. i, 308).
Kuvtixoç (Paus. VI. 14, 11).
Aivoaoç Mt'xvsoeu (T;.
Aav7rp[o)] (p. T).
AadOéveca (Voy. Papc-Bcnsclor).
AeovTioç lioXuvjpaTd!) (T).
AeovTuo (p. T).
Aeùxiincoç Tiji-OTcXeoç (T).
Aopiau (p. T).
.. .Xuyaç (1203).
AuxaXfewv (F. :j;i2«j.
AuxofX'^07|ç (Voy. Papc-HeiiseliT).
MavopTjxiSa (p. F. 3;)2h).
MavTiv[ôç] iîaaTpaTio (T).
Mâpxoç T^TOu (F. 352f).
MeJYaita; ? (I. A).
MeXiap/oç Aépxo) (T) *.
M eau ta 'AaxX'r,7ci(o (BCll. xx. 21).
MevâXxeoç (p. T).
MjcvexX-ri; (F. 352" .
MevÉTijjioç Mevoxp6T£o[çJ (1189).
MsvîTtTtou (p. F. 352'»).
M£VEXpXT£0; (p. T).
Al£voxpÉT£o[(;] (U89).
MTr|vaç Mtjvî (F. 3i)2*>).
MifjLvÉau (p. T).
MvaaêtXotç KX£Ovix(o (T).
Mvafftiov XaoYjfxovoç (T).
Nex[8]xu (p. T).
Nfiipy/o (p. T).
Ne«Ti8au (p. T).
• Ckîs noms me paraissent en rapport avec le culte des Môliastes et d'Aphrodite
Mi'îlalnis. Dcrcos fournirait un argument en faveur do l'origine sémitique do cette
Aplirodite (Dcrcéto). — Voy. p. 205.
538
APPENDICKS.
Nixiirwa na<Jîa(F.352ï». - Paus. vin, 9,0).
Nixô8o>poc-(Klion. - KusUith.).
îavOtau (T|.
Zcvtaç Nsâp/cï (T).
Sévioç (HCII. XX. :«;}.
Zcvot^Xtiç N6a[ô]zu (T).
Ola[v]eoç (T).
*Ov7|<ji^opoç (F. 3;j2n).
'OjcoXtaç (rnus. viii. 27, i .
'OpiTcuovoç (p. !203).
IIaYxp6T6[aç] (llCH. xx. 4).
IlaXXaç {ib, 36).
IlivOioç (p. T).
IlavTivaç 'Epexpiavo (T).
Iladia (p. F. 'Jl)2\ - Pausan., vin, î), i\).
Ila<x(aç (BCII. xx. 30).
Ileoiapyo; ne8io<XTpaT[(o] (T).
JUSlOffTpiTW (p. T).
lUtOiaç EïaiveTou (CIA. u\ MU).
IléaxXapoç (I. A).
Ili<XTo5évo) (1203;.
IltTuXoç IloTciôîiricou (F. .'fôi"®).
lIXeicrTfau (p. T).
IIoSxpTjç (Paus. VIII, 9, 9. - 10, 5).
IloSxpeo; (p. HCn. xx. i7).
IloXéaç (BCII. XX. 7).
UoXeso; «l>iXovt[xou] (BCII. xx. 17).
IloXXtç npoxp(T(D (T).
IloXu7|pàT(o (p. T).
rioXuxXTjç (1203).
IIoXuxpaTCia IloSxpeoç (BCII. xx. 17).
lIoXuxàa[-r|ç] (BCII. xx. 4).
lIoXu;^apY|ç Aeovxdo (T).
IIoXO/app.oç Ilupéau (T).
II<iXo>voç (p. F. :J52-).
no<Tei5(7iou (p. F. 3i)2n-n).
Ilpa^ivooç 'Eypetiovoç (T).
npaÇiTcX7|ç (Kpivioç Huidç) (l2fJ0).
lipetfAOç (F. 3i)2t).
npoayopfEfauJ (I18Î)).
IlpoxpiTco (p. T).
UpwToXaoç (Paus. vi. 6, 1).
riûûapyo; (Paus. vi.
liupéau (p. T).
7. i).
ilaoxjxio (p. T).
i]]axXY,; (I20:i. — I. A).
iJa[xXY,(;?] (BCII. xx. 4).
i^aix^oa (p. F. 3:i2*').
i]a|i.o; (Pind. OL 114, 84).
i]a|xct)vt8aç KàXXi[JLa/(o (T).
Sa^TpctTO) (p. T).
Sàtupoç Zeu5(ay (T. T).
yiiifM (F. 352").
Saov Sxcovo; (120!)).
SawTa; TeXecrtinrcu (T).
iîawTO'j «p. CIA. ii3. 3173).
i]-n|xoç (Pind. OL 11, 84).
SOevuo (p. T).
i^ijiiaç 'AvOejJLOxpiTOu (F. ;i*»2ii).
^?(xoç A'.oqpaveoc (T).
STaOîJt(a[u] (p. T).
^Teipxvo) (p. T). [chaclis).
^pavpcoveîç {RappoiLo . Conzn ot Ml-
i^TpaxiîXXoç S06v(o> (T).
Taioç louX. SipopeiÀoç (F. :VM}).
Sufi.{i.a/ou (p. F. :i52k).
. .ffupvoç (I. A).
StoTcatpo; «l»tX(ovoç (T).
S(0(JixXy|ç (BCII. XX. 30).
SoxxifftpaTOç SwffiOTpaTOu (BCII. XX. Il)
EwTeXYjÇ (BCII. XX.' 33).
[TeX?]6*i(au (p. T).
TeXeaivoi (p. T).
TsXtffiTrirw (p. T).
TeXX[faç](BCII. xx. 4).
Ttfi... SraÛfiiau (T).
TifiaivÉTO) (p. T).
Ti|xap/oç 'E7C7|paTî8au (ï).
Tl|JLOTé'XT,Ç (T).
Ttfio^avToç 'AXxiTcitw (1203).
T(to; (F. 352'. n. BCII. xx 2).
Tpkioç FixaSîO) (1200).
TpojîXau (p T).
TupTaioç (Plut àliis. 21).
T](oei;(?) (I. A).
ÉPIGRAPUIB. 539
Ticav^poç 'Epfia'w (T). «|)tXo<jOévtoç (p h\ :m^).
<l>a<TTé(|>avO(; (Photliis. Bih. 148, 41)
<^aY|và AafxaTpîOu (F. 3î5i'). «tiXtovo; |p. T).
«I»aï5poç (HH9). «l»o(pY, (HCII. xx. ii).
A. Maîxtoç «I>aîBpo; (F. :«»!«}. «l»û]XaxTOç (llHil).
<I*]avdÇev<K 'Ave. ..Ti'ay (T).
«l»éjxav8poç (I. A). Xaipiyevii; (HCII. xx. 'M\).
<I>iXéaç Sa8ap.(t) (T|. Xacpiwv Eûaytoç (T).
4>iX7||JLXTtov (BCII. XX. 32). XaXx((i)v {Aih, Mith, iv, p 147).
(I>'.X7i<noc SotafSae (F. :^i^). XapetSa; (llHi).
<l»îXi7cwo; (BCIÎ. XX. »}). Xapii|JLOvoç (p. T).
♦l>'Xi7r7roç EûÔuBafito tT). XacîJLiaoa[ç]Nixo7coXeiTT,ç(Bi:il.xx.i4»
<i>iXoxX7|[çl (Bcii. XX. ri-niî). Xpîwvi'ç (1201).
<l>(]Xo[ieX{oac (I. A).
•l»iXov([xo'j] (p. BCH. XX. 17). 'Û^fXtfxoç (BCA. xx 33).
6") Tuile-^ avec imcriplions^
(essohs arec marqtAea de fabriqW: etc.,
La lig. ^J3 leprésenle des tuiles inscrites. On reconnaît sur les unes
la mention llo8x[peoç], (jui a rapport au nom du bàliment,le Podaréion;
sur d'autres, la marque ofTicielle Aa[iô(Tioç ou le monogramme M
(MavTtvétov). La petite pyramide en marbre, avec la dédicace Kv((jLaç
àvcOTjxe gravée sur un cAté, et le nom *ApT6jjLtç est intéressante (1). Ce
nominatif indi(|uc que la pierre est bien la représentation m(>me de la
déesse; ce monument conlirme donc ce que dit Pausanias de la prédi-
lection des Arcadiens pour ces Idoles en forme de pyramide (2). On
retrouve encore la divinité identifiée à Vex-ooto dans la pyramide en
terre cuite avec dédicace en boustrophcdon : 'I^oiPyj 'Aotxjjliô 'àveOvjxev.
Phoibé est le nom de la j)crsonne qui dédie; 'ApTâ(i.tSa est un accusatif,
et non un datif, Télision Vi au datif étant exceptionnelle. Cet accusatif
indique que Phoibé a voulu consacrer une efYigie de la déesse repré-
sentée |)ar cette pyramide dédicatoire (Cf. la pyramide avec le nom
d"AOavafa.Foucart. Imcr. du Pélop. 3;i2c- <• Fougères. HuU. Cotr.
hcUen. XX. 1896, p. 149 et 158. — Voy. plus haut, p. :i;5 et le chapi-
teau-base du monument de Cliarmiadas.
(I) Flln provient fin potit sanctuaire d'Artémis Iv KopuOsuat, situé entre
lo. Kr(SoiM)lon et le Parthénion, près de la route carrossable appelée aujour-
d'hui le Gyros^ et qui correspond peut-être à l'ancienne route carrossid)le
d'Argos A Tégée (Loring. Jowii. of Uellen, Stud, XV. p. 79).
(*) Pausan. VIll, X), 6; 48, 6.
•540 APPENDICES.
II. Archéologie,
lo) La f Femme au foie ». (PL V).
Haut. : i-48. — Larg. on bas : 0*80.
Celle belle slèlc, trouvée entre les fondations de THéraion et celles
de la scène, n*a pas été remarquée comme elle le méritait. Son intérêt
n'est pourtant pas médiocre, tant sous le rapport de la facture (|u*au
point de vue du sujet. Je n*ai guère à modilier mes conclusions pre-
mières sur Tcpoque et le caractère de cette sculpture (1). 11 ne me reste
qu'à les préciser.
Le style offre un mélange de simplicité et de ralTincment assez
hizarre. A première vue, on croit voir comme une projection en bas-
relief de TEirénô du groupe attribué à Cépbisodole (2) : c'est la même
manière ample et sévère, le même modelé gras, les mêmes formes
matronales, non exemptes de pesanteur; la position des jambes, le
costume (moins Thimation pendant au dos de rKiréné), les plis de la
draperie au-dessous de la ceinture, sont analogues, il n'y a pourtant
pas, malgré rétroitcsse de la ressemblance, identité complète de fac-
ture. I^ draperie supérieure de la stèle manlinéenne parait être
d'une étoffe plus transparente et plus légère que celle de l'Eiréné; les
plis sont aussi plus menus et plus lins, et ràiuÔ7TTUY(xa est plaqué sur
la poitrine en contact plus intime avec le modelé. Hien que le costume
ne soit plus le mt^me que celui des statues de Phidias, il semble cim-
server, dans sa simplicité voulue, comme un faible ressouvenir des
draperies collantes et linement plissé(;s des figures du Parlliéuon. De
plus, le chilon s'arrête au coup de pied, au lieu de toucher la plinthe,
comme celui d'Ciréné et des autres ligures dont notre monument
évoque aussi le souvenir, telles que la ('aryatide du Vatican (3), cer-
taines des t< dnnseusex « en bronze d'Ilerculanum (4), l'Eurydice du
bas-relief de Naples (•>) et la statue Hreuvery, au Louvre (G). La rigi-
dité verticale et l'espacement des plis tuyautés du chilon au-dessous
de la ceinture, l'absence de contact entre le bord inférieur de la robe et
.le sol, la position i\ plat des deux pieds sur la plinthe, sont des carac-
(i) Voy. Bull, de Corr. hellén. 1888. XII, p. 37G-:W0, pi. IV. — Lopsius.
Marmorsludien. N^ 188. — Oivvadins. Catal, du klits. nation, N^iit».
(2) Arndt-Bnirkinann. Denkmàler d, griech, u, rôni SkulpL N» 22lî.
(3) Ibid, N- 177.
(4| Ibid. N- 2î)i, 2îK>.
(5) a>llignon. Hist, de la sculpL grecque, U, p. 14>3.
(G) Michon. Bull, de Corr. hellén., iSîKB, p. 410-418, pi. XVI.
AUClIKOLOr.lK. ')41
tcrescoiiiiiiunsànotreslèlectà la ii^urc do l)rnirler(l)siir le bas-relîof
d'KIcusis. On remarque aussi, sur ce dernier Ims-rclicf, la posilioQ
analogue d'un des bras, qin, en s*ap|)ll(|uanl an corps, comprime les
plis de ràitÔTCTUYjxa cl délcrminc de poliles brisures bien plus varices
el plus babiles sur la slèle d'Eleusis que sur colle de Maulinée. Ce
caraelère mixte de ralTinement el de simplicité, ce mélange de vir-
tuosilé ionienne dans In parlie supérieure, de sobriété dorienne el
presque d'arcbaTsme dans la moitié inférieure, me paraît être, par
rapport à ITiiréné, un signe d'ancienneté. Le système de draperie de
l'ICiréné se tient, en elTet, de haut en bas, sans oITrir ce contraste si
marqué sur le bas- relief d'Kleusis et encore perceptible sur la stèle de
Mantinée. Mais, d'autre part, le canon de la Munlinéenne se rapproclie
plutôt, avec ses formes ramassées et un peu lourdes, de TlCiréné que de
la Déméter éleusienne- Celle-ci, ainsi r|uc la Koré, est plus svelte; sa
vigueur a déjà quelc|uecbose d'un peu sénilo et dessécbé ; les angles du
coude et du genou font des saillies plus aiguës, Tavant-bras est plus
long et plus osseux (2). Voyez aussi les membres si nerveux des
danseuses d'ilerculanum. La Manlinéeune parait, comme TKiréné,
une femme arrivée à la plénitude de son développement; elle a les
contours arrondis, un peu empAlés et mous. Je crois donc que la stèle
de Mantinée doit se placer entre celle d'Eleusis et l'I^réné, mais plus
près de celle-ci, c'est-à-dire vers les dernières années du V* siècle.
Klle appartient à une époque et à une école qui essayait, sans y avoir
encore complètement réussi, à s'afTrancbir de la tradition phidiesque
des draperies ioniennes : elle cbercbait à substituer à la virtuosité
conventionnelle des étoiles tourmentées, tantôt pla(|uées, tantôt bouil-
lonnantes, une formule plus simple et plus voisine de la réalité, el,
sans doute aussi, plus conforme à la mode. Nous verrons, à propos des
reliefs des Muses, les progrès de cette tendance dans la première moitié
du IV siècle. C'est à Albènes, semble-l-il, après la guerre du Pélopon-
nèse, que cette réforme produisit ses pleines conséquences, non sans
tAtonnen)ents préalables. 11 n'est pas téméraire de supposer que ceux des
élèves et successeurs de Pbidiasqui ne se bornaient pas, connue Pa^onios,
à une imitation plus ou moins brillante du maître, ont ouvert celte voie
nouvelle. Les monuments originaux de la fin du V* siècle sont peu nom-
breux : il y a toutefois un bas-relief atti<|ue daté, ({ui sert d'eu-téte au
décrel en l'honneur des Samiens (40.')/^), et dont l'importance est-
considérable (3). On y voit, en efîet. en face d'Albéna, une ligure
drapée <fui n'est pas sans analogie avec la slèle de Mantinée, el qu'on
(1) C'(*.sl-à-(lire la lif^iire k<iuc1io, qui lient le sccpln'.
(i) M. (lollif^non {Sculpt. gr.. Il, p. liO)juKnau nmlniire que les formes (1«
la DéinrttT sont plus uiupliis que cellos do la Koré : mou iiu|u*essiou <*sl toute
dilTérenl*».
(3) Colllgnon. Scupl. r/r.. Il, p. 117.
H42 APPËNhlCKS.
croil être une reproduction de l'IIéra d'AIcaniène. Outre l'identité des
altitudes, ce sont les iiiônies formes nintronales, la môinc allure solide
et trapue, et, dans le traitement de la draperie, même manque d*unité.
(^r, tandis que la ligure est droite et immobile, rhimation Hotte au
vent avec une inipétuosité un peu tumultueuse. La stèle de Mantinée
n'est pas* comme je l'avais pensé tout d'abord, l'œuvre d'un artiste
péloponnésicn, mais très probablement celle d'un Athénien qui aurait
subi rinfluence d'Alcamènc. On peut encore aller plus loin et établir
une relation entre le séjour du maître à Mantinée et rérection de
celte stèle. Alcamène était venu à Mantinée pour exécuter la statue
d'Asklépios. Le travail dut être accompli avant la bataille de 418» entre
430 et 4-20. Le Létéon, c<mtigu à l'Asklépieion, ne reçut ses effigies
divines de la main de Praxitèle que vers «tOO. Ce retard s'explique par
les événements politiques qui, de 418 à 'Mi, étoullèrent l'essor de la
puissance mantinéenne. Mais, vers l'époque où Alcamène travaillait à
Mantinée, il est fort possible (|ue dos particuliers aient entretenu des
rapports avec lui et se soient adressés plus tard à son atelier pour
l'exécution d*un ex-voto destiné au Lélùon. En tout cas, qu'on attribue
ou non cette sculpture à un élève d'Alcamène, on ne peut que répéter à
son sujette mot de ilayet sur la statue ilreuvery : « OKuvre de pratique,
si Ton veut, mais d'un temps où le sens du l)eau courait les rues et où
le dernier ouvrier retenait quel(|ue chose du style des maîtres (1). »
Les monuments de la lin du V^ siècle ne sont pas si nombreux pour
qu'on dédaigne un morceau comme celui-ci-
Le caractère de la stèle n'est pas douteux. C'est un ex-voto repré-
sentant une prêtresse ou. plus exactement, une devineresse, qui tient
à la main le foie mantiquc et le couteau sacré, instrument de rbiéros-
copie {tj. \je culte auquel appartient cette devineresse est symbolisé
par le tronc de palmier, l'arbre sacré de Latone et d'Apollon Délien.
Les divinités déliennes s'étaient introduites dans l'Arcad le orientale
par l'intermédiaire d'Argos, où Apollon delphique était aussi adoré et
rendait des oracles sous le nom de Pythaeus. A Argos, une prophétesse
vierge faisait office de Pythie et vaticinait après avoir bu le sang d'un
agneau sacritié (3). Télésilla était comme la patronne des prophétesses
argiennes. C-c culte passa d'Argos à Hermionc (4). Notre stèle prouve
qu'il y eut aussi à Mantinée un /pY,(rTii^p(ov apollinien; le dieu-oracle y
tenait à la fois du dieu de Délos et do celui de Delphes.
(1) EL d'arch. et d'art, p. :m.
(2) Voy. plus haut, p. 32î).
(3) PausuD. II, ii. 1.
(i) Paus. II, :W.
AKCIIKOLOUIK. .'>i3
2^) Les btiS'VeUefs de la base de h'oxiièle *.
iVoy. Plniiclirs I, II, IH. )V.)
Je n'ai plus à rappeler à rattcnMon des archéologues les bas-reliefs Rut
inantînéons, dont la découverte ufa si largement récompensé de mes de la quesin
peines. La critique s'en est occupée à plusieurs reprises, et l'opinion
que j'avais tout d'aliord exprimée snr le caractère et la date de ces
sculptures a réuni de tiautes adhésions. Aujourd'hui, les dissidents de
ta première et de la dernière heure se sont ralliés à elle, soit en reve-
nant bravement i\ résipiscence, comme M. Overbeck ; soit par des aveux
* FouGÈHBs. — BulL de Cort\ hellén. XI (1887), p. Mt<.
1(1. ibid, XII (1888), p. 1(H-128. PI. I, II, 111.
KoucAnT. — CoiupLe rendu de VAcnd. des Ins^cr. et liellea- Lettres, 1887, Il nov.
WoLTRRs. — Classicni Revieic, 1887, p. .117.
lUvAissoN. — Compte rendu de VAcnd. des Inscr. 1888, murs-avril, p. 83.
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Bruckmann-Arndt. — Denkmàlerd. gr. u. rom. Skulptur. N* 4H8.
.S44
APPRNDICKS.
Correcliun nu
texle
tic rniisnnios.
confidentiels, comme M. Ilauser (1). Au début, il fallait, seroble-t-il,
quelque courage pour associer, môme avec réserve, le nom de Praxitèle
h ce monument; à riicure actuelle, il en faudrait davantage pour Ten
séparer. L'œuvre est désormais classée parmi les spécimens les plus
caractéristiques de l'art praxilélien (2). On ne se demande plus si les
Muses mantinéennes révèlent une œuvre originale du iV* siècle ou une
médiocre copie hellénistique ou gréco-romaine (11). Ceun que les raisons
de goût n'avaient pas séduits df^ prime-abord se sont laissé convaincre
par les savants arguments ou môme par les affirmations sommaires
des mieux avertis- Sur le fond du débat, Topinion semble donc una-
nime. Toutefois l'arbitraire individuel conserve encore la ressource
d'étendre ou de restreindre la part personnelle de Praxitèle dans tout
l'ouvrage.
11 serait sans profit de refaire la description d'un monument que je
suppose connu du lecteur. Mais le moment est venu de résumer la
controverse qu'il a suscitée, en signalant les éléments récents qui sont
intervenus depuis la publication de mon article dans le JhiiUlin de
Correspondance heliénique. Celte euquiHe décidera sur quels pointâmes
conclusions premières doivent (Hre maintenues ou bien modiiiées.
En premier lieu, la nécessité de la légère correction que j'avais pro-
posée au texte de Pausanias, Mouaai xal Map<Tuac aùXo>v, au lieu de
Mourra, dépend de la solution qu'on adoptera pour la disposition des
plaques autour du piédestal. Avec mon ancienne combinaisou d'un pié-
destal carré, décoré d'une plaque sur chacune de ses faces, on pouvait
admettre à la rigueur que Pausanias, après avoir fait quelques pas
dans la cella du temple, n^avait jeté qu'un coup d'œil rapide sur le
groupe de Praxitèle et sur la face antérieure du socle, éclairée par le
jour de la porte. Sur cette face, il avait aperçu la figure du satyre et
remanfué son attitude caractéristique. Aussi Pavai t-il reconnu sans
hésitation, tandis que l'Apollon, si féminin par le costume, la coiffure
et la physionomie, pouvait le tromper. Sans approfondir, avec sa pré-
cipitation coutumière, il aurait, dans ses noies, résumé le sujet sous
cette rubrique : « Muse et Marsyas jouant de la fiûte. » Dans ce cas,
la leçon traditionnelle du texte resterait sinon exacte, du moins
autlientique. C'est l'hypothèse à laquelle je songeai un instant, sans
m'y arrêter, el qui s'est aussi présentée à Pesprit de M.M. Robert et
(i) W. Aniolung. Die Basis d. Praxitcies, p. 7, noie 4.
li) Son Importance flovinndralt mAnio sans rivale, s'il fallait, comme le
propose Miss Scllcrs {Gaz. des D.Àrts, 1897, p. 119-130), reprenant une ancienne
opinion de Hayot, onlevcr à Praxitèle rilormôs d'Olympie pour en faire hon-
neur ft Cêphlsodote l'Ancien.
(3) Même W. Klein qui, dans son livre récent sur Praxitèle, exclut toute
participation du Maître à cette œuvre, ne la croit pourUuit pas postérieure ù
l'exécution du j^roupe.
ARCIIKOLOGIË. ir^>
Théodore Reinach. Mlle implique que Pnusnnias a omis de signaler,
pcut-èlre iiiômc de regarder, les autres faces reprcsenlanl les trois
groupes de Muses. C'est pour(|uoi jo l'avais laissée décote, lui préférant
la correction Mouaai, grAce à laquelle Pausanias, déjà cou|)al)le d'une
fâcheuse méprise, était du moins absous d'une impardonnable incurie.
Mais si Ton admet les arrangements proposés par M. Waldstein, c'est-
à-dire la juxtaposition sur lenu^me front des trois plaques ou des deux
seulement, l'une au moins des triades de Muses ne pouvant échapper au
regard du touriste le plus distrait, le singulier iMou(Ta n'aurait plus
aucune excuse. Le pluriel rétabli, il demeurerait acquis que Pausanîas
a pris l'Apollon pour une Muse et n'a pas deviné le sujet du principal
tableau : la lutte d'Apollon et do Marsyas; mais au moins, tout inintel-
ligent (|u'il paraisse, il ne nous ferait plus TefTet d'un aveugle. Si Pau-
sanias avait réfléchi, il se serait demande à quel mythe o-orrespon/lait
l'association, sur un monument sacré, des Muses ef de Marsyns ; mais
Terreur visuelle (|ui lui a fait prendre l'Apollon in Umija reste pour un
personnage féminin (2), n'infirme en rien ridenlilicafion de nos bas-
reliefs avecla base du groupe de Praxitèle. C est un point que personne
ne voudra plus contester (3).
Je reviens au problème de l'arrangement dos plaques. i)is|m>iiioii de i
il n'y a réellement qu'une solution satisfaisante, à priori, au point i><!»e.
de vue logique et esthétique. C'est celle que j'avais tout d'abord pro-
posée, aussitôt après la découverte : je me figurais le socle du groupe
comme une base carrée, dont chaque côté était décoré par une plaque;
le sujet principal, la lutte d'Apollon et de Marsyas, étant placé sur la
face antérieure du socle, deux autres plaques sur les parois latérales;
le quatrième côté (face postérieure) était ou n'était pas décoré, suivant
que la base se trouvait isolée ou appuyée au mur de fond de la cella.
Par conséquent, l'existence d'une quatrième plaque, aujourd'hui perdue,
(1) Th. liclnacli. Hev. des lU. gr, I (ISSH) p. lii? : « Pansa nias a pris tout
sinipleinont pour luio Musc l'Apollon CithariMlo, dont lo cosliimo vi la coillurc
sont en oITet très féminins. C'est unn prouve de l'ignoranco du Périégicto, mais
c'est aussi uni» prouve do sa sincérité : une pareille ornuir no peut élrocommiso
que sur les lieux». M Salomon Hoinach rejette aussi la corroction [thruii,
d'Orient, t. 1, p. 407. Note additionnelle).
(2) Jo no sais pourquoi M. Wallher Aniolun^; {Die Bnsis^ otc., p. S) semble
m'attribuer une pjiroille niéprlse : « Daboi l)o<r(>grioto ihm vielIoirlU niK'l» oino
Vorwecliselung, woIoIjo sirJi — allerdin^s untor dom KIndruclv seinor Worle —
hei den gelehrlen Kuldeckenx (ter lirliefn wicderhoU hat >» Cetto phraso
reste pour moi une énigme : ou jo la compronds mal ou M. Walther Amo-
lung aura mal compris quel([ue passage do mon article. — Un prut comparer
l'Apollon Citharéde du bas-relief avec celui dos monnaios on bronze de Man-
tlnée: Caial. of greek Coins, Peloponn. p. 187, pi. XX.W, 7 et 8.
(.3) Je crois que M. 0. Hie est le seul ô nier cette Idonlité (article Musep,
dans lo .^Jytii. I.fixic. de Rosrhor, p. 32.'$i).
Maiitince. — :Ui.
04() AlTENblCKS.
ne simpose pas : le nombre de neuf Muses n*claît pas, au IV^ siècle,
absolument de rigueur; une combinaison où n*inlerviennent que deux
triades de Muses resterait très défendable.
Ce projet de reconstitution du piédestal a été critiqué par Overbeck
comme incompatible avec la disposition du groupe qu'il supportait.
Mais la justesse de ces criti(|ues dépond de la restauration du groupe
lui-même, c cst-à-diro d*un élément tout subjectif, puisque nous igno-
rons complètement les proportions et l'attitude dos trois personnages
sculptés par Praxitèle. Overbeck, suivi par M. Gardner, a voulu se les
représenter alignés c6teà côte, couuncdes soldats dans le rang, d'après
des monnaies de Mégare, où ces doux archéologues reconnaissent
une reproduction d'un groupe praxitélicn analogue à celui de Mantinée.
Mais cette hypothèse n'a rien d'impératif, car il n'est pas prouvé que le
groupe do Mégare soit du même Praxitèle que celui do Mantinée; son
allure encore archaT(|ue l'a fait attribuer par Furtwfingler à Praxitèle
l'Ancien. De plus, fùt-il du grand Praxitèle, il n'est pas obligatoire
d'admettre que le sculpteur s'est répété servilement : le mémo Praxitèle
a pu concevoir et exécuter le mémo sujet de deux façons très différentes.
Par conséquent, le témoignage de la monnaie de Mégare me paraît
rccusable en l'espèce. On peut très bien imaginer une autre disposiliou
du groupe, Apollon et Artémis étant représentés debout aux cétés de
leur mère assise, comme Atbéna et iiébé dans le groupe de Tiléraion
mantinéen, dont le même Praxitèle était l'auteur, ou comme Artémis
et Anytos à droite et à gauche de Démétor et de Koré dans le groupe
de Damophon de Messène, à Lycosoura. On connaît aussi la combinaison
du groupe attribué à Euphranor : Latone debout portaitsur chaque bras
un de ses enfants. Cette combinaison n'exigeait pas une base spacieuse,
mais ce motif est si laid que nous n'oserions alléguer que Praxitèle s'y
soit arrêté.
En réalité (et chacun peut en faire l'expérience) une plate-forme de
1"*3G de côté est assez large pour supporter un groupe de trois person-
nages en grandeur naturelle, dont deux enfants. Même en prêtant aux
Létoldes, comme le voulait Overbeck, la carrure de grenadiers pomé-
raniens (i), on arriverait à les loger avec leur mère sur un front de
1"36. La profondeur de i"36 ne paraît ni excessive ni hors de proportion
avec la largeur, si l'on veut réserver une place au siège où il est pos-
sible que L.éto ait été assise. Le point faible de cette combinaison, c'est
de nous obliger à compléter les éléments archi tectoniques du piédestal
par des pilastres d'angle]qui auraient maintenu et encadré les plaques,
bien qu'Overbeck ait qualifié cette invention des pilastres de nicht
ungesckickt, j'avoue qu'elle me contrarie encore.
(1) Overbeck. Berielit der sàchs. Ges. fi. Wiss. f888, p. 287. « Es Imbo fflr
jodo die StamUlâcho ciacs crwac.liscnon Mannes (Soldatoa In dcr Compagnie-
front, d. h. 0"40) ausgcrcicht. »
AIICIIKOLOOIK. 547
Pour remédier à cet inconvénient, M. Dôrpfcld m'avait suggéré Projet WaMbiein.
l'exemple de la base dii Zcus Olympiini<\ beaucoup plus longue (pie large,
et nie proposait de disposer sur une inênie ligne les quatre bas-reliefs,
y compris celui qui niampic. C*esl TarrangiMnent que, de son cùté,
M. Waldslein a adopté dans un projet do restitution du groupe man-
tinéen, projet qui a eu Plieureusc fortune de faire trouver à Overbeck
son chemin de Damas. Toutefois Taspect seul ducrofpiisdeM. Waldstein
en fait ressortir Tinvralsemblance- Son piédestal présente un front do
5'"44. Sur ce socle monumental, l'auteur installe un groupe massif,
dont les personnages mesurent près de 4 mètres de haut au-dessus de la
plinthe. Malgré leurs proportions colossales, ces ligures ne couvrent pas
toute la superficie de la plate-forme. A droite et à gauche du groupe,
entre le piod des personnages et le bord de la plinthe, subsiste une soli-
tude d'environ I'"o0. Les arlilicos de dessin, hachures et ombres, que
le restaurateur multiplie pour remplir ces vides, n'en atténuent ni la
laideur ni l'invraisemblance. Il faudiaitdonc, sur cette base énorme, des
figures hautes de 5 niètres au moins, avec des draperies très meublantes.
Les capitales modernes de l'ancien et du nouveau monde pourraient
s'adresser h M. Waldstein pour garnir, suivant le goût du jour, les
espaces déserts de leurs places publiques. Mais je doute que Praxitèle
eût adopté cet art mégalomane et encombrant, surtout dans un temple
de dimensions moyennes, dont la cella se partageait entre deux sanc-
tuaires adossés à une cloison interne.
M. Waldstein essaye de masquer les vices de sa construction par
des expédients aggravants. Comme il ne peut augmenter la hauteur de
sa frise sculptée pour la mettre en rapport avec son excessive longueur,
il se rattrape sur les accessoires. Les plaipies ont 1 mètre de haut, et
M. Waldstein arrive à hausser à 2"'50 au-dessus du sol le |)ied des
personnages du groupe. Pour cela, il a dû imaginer force addenda et
encastrer la frise dans un appareil (|uasi-cycIopéen de soubassements,
do corniches, d'entablements et de plinthes. Chacune de ces parties
supplémentaires mesure j^n moyenne 0'"40 à 0™î)0. La corniche fait une
saillie d'environ 0"3I). Quelle valeur conservent sous cet auvent nos
faibles reliefs de 0'"04 de saillie? D'ailleurs, ils possèdent leur cadre
réel, dont la modestie ne justifie guère les combinaisons grandioses
du dessinateur. En bas, la plinthe a 0"*07; en haut, la corniche dorique
a 0^4 de saillie, décomposée en une échine de 0'"02G de hauteur
et un tailloir de 0'"034. C'est cette mince moulure de C^OO de
hauteur totale que M. Wahistein abrite Sf)us un entablement écrasant.
Kt pourtant son cray(m s'est mis à Taise avec ces détails trop étri(|ués :
d'instinct il a grossi plinthe et moulure de façon que l'œil non prévenu
n'aperçoive |)as la disproportion. Malheureusement, dès cpron rétablit
Téchelle vraie, la maigreur des détails réels ne va décidément plus de
pair avec l'imagination du restaurateur.
Ces objections n'enlèvent pas à M. Waldstein un mérite ; celui
d'avoir représenté ses idées sous une forme concrète. Une esquisse de
î)48 Ari'KNmcKs.
restauration vaut mieux ((u'une description. Car tout s'arrange avec
dos mois, tandis que le jeu des lignes et des lonnes exige qu'on serre
de plus près les dirTicultés. Les autres défauts du projet Waldstein
sautent aux yeux : il n'y a plus, dans le développement du sujet ainsi
étalé sur une seule frise, la moindre suite ni la moindre harmonie de
lignes. I^ disposition des personnages eu triades distinctes rend
incompréhensible, pour ne pas dire absurde, l'absence de liaison entre
ces groupes. Le sujet principal, qui doit être le centre de raclion. se
trouve relégué de c6té. entre des comparses absolument indifférents à
l'action. 11 suffit de comparer ces plaques au sarcophage Chigi et au
Putéal de Madrid pour être frappé de la différence : dans le premier, les
groupes ex trcMnes sont répartis symétriquement de chaque côté d'un
groupe central parfaitement ordonné, avec des personnages transitoires
dont les attitudes intermédiaires enlèvent à l'ensemble toute Impression
d'incoliérence : tout ce monde, animé et vivant, se tient d'un bout à
Tautrc. Lia composition du F'utêal do Madrid est une compilation moins
habile et moins souple. Mais là encore, le souci d'établir un lien entre
des personnages sans doute copiés sur des originaux isolés, est évident.
L'Héphaistos et l'Athéna présentés de trois quarts s'essaient tant bien
que mal à ménager les transitions. Sur nos plaques, c'est à peine si
l'on pourrait discerner une préoccupation de cet ordre dans l'attitude
de la Muse assise et dans celle de Marsyas.
C'est pourquoi l'arrangement de nos plaques sur une frise continue
ne serait défendable qu'à condition de s'en tenir aux trois panneaux
retrouvés, sans faire intervenir cette quatrième plaque dont l'existence
n'est, après tout,quUiypothéti(|ue : l'Apollon et le Marsyas occuperaient
au centre leur place naturelle, la Muse assise viendrait à côté de
l'Apollon, et la Muse aux ffùtes derrière le Marsyas. Le malheur est
que certaines irrégularités relevées dans la coupe de la tranche gauche
de cette dernière plaque et dans le prolil de sa plinthe et de sa corniche
paraissent s'opposer à cet appareillage. De plus, les objections tirées
de la disproportion de ce socle avec les trois ffgures du groupe seraient
à peine atténuées par la réduction de la largeur à 4"08, au lieu des
5"44 admis par M. Waldstein. Kulin, le système de la frise continue
laisse sans décoration les c<Més du socle et la face postérieure. Pour
colle-ci, on peut soutenir <|u'clle était adossée au mur de fond de la
cclla ; mais, pour les côtés, l'absence de décoration s'expliquerait
moins facilement, à moins d'accumuler les hypothèses arbitraires sur
la structure intérieure d'un temple dont aucun reste ne subsiste.
Projet Ameiiiiig. ''^ projet nouvellement présenté par M. Amelung paratt éliminer les
objections d'ordre matériel. C'est un com|)osédes deux précédents. Au
lieu d'un piédeslal carré, décoré d'un bas-relief sur chaque face, comme
je l'avais proposé, ou d'une longue base de 5'"44avec une frise continue
de quatre .pli(|ues sur la face antérieure, comme l'avait imaginé
M. Waldstein, Walther Amelung compose un socle rectangulaire dont
le front mesure environ Ë'^TO de long et les côtés 1"43.
ARGHÉOLOUIK. l'M
11 dispose en avant lo panneau 1 (Marsyas) et IV (absent) ; sur le
flanc gauche, le N** 11 (Muse au volunienj, et le N'' 111 (Muse assise) sur
le flanc droit. La face postérieure, adossée au mur de fond, ne compor-
tait aucune décoration. Quant à la position respective des plafjues,
M. Walther Amelung la déduit d'observations minutieuses laites avec
le concours de M. Dorpleld. Il s'agirait lu d'indices matériels, dont le
témoignage aurait plus de poids que les considérations d'ordre esthé-
tique, lorcéuient arbitraires. Des traces de marlelagc observées par
M. Dorpfeld sur la tranche droite de la plaque i, un haut ou en bas,
indiqueraient que la moulure supérieure et la plinlhe inférieure fai-
saient retour sur cette tranche. Ces saillies auraient été ravalées par les
Byzantins pour faire entrer la plaque dans le dallage de leur église.
De plus, au revers du même panneau, on distinguerait sur la surface
simplement repiquée, une zone verticale lisse, large de 6 à 7 centi-
mètres, et qui longerait l'arètc précédente. On en conclut que là venait
s'appliquer eu équerre la tranche do la plaque cfmtiguë, dont la moulure
et la corniche auraient continué, sur le coté droit du piédestal, la
moulure et la plinthe en retour d'angle du panneau 1. Le N* 1 aurait
donc occupé la moitié droite de la lace antérieure du socle, et sa tranche,
pourvue d'une moulure et d'une plinthe, aurait commencé la face laté-
rale droite. Au dire de M. W. Amelung, aucun des N" Il et III ne peut
être juxtaposé, sur le Iront du piédestal, à gauche du N* 1, parce que
leurs prolils inférieurs ne concordent pas tout à fait avec le sien : ce
sont donc des panneaux latéraux, dont les détails auraient été un peu
plus accentués, parce qu'ils ne recevaient pas la lumière de -lace. La
place laissée vide sur la moitié gauche du Iront reviendrait donc au
panneau qui manque, lequel devait être aussi pourvu d'ime moulure et
d'une plinthe en retour d'angle sur sa tranche gauche.
Ceci posé, lequel des deux numéros, Il et III, appliquer sur le côté
droit, lequel sur le cùté gauche du socle? Une ingénieuse remarque de
M. Amelung résout la question. Sur lo iV 111,1 intervalle du champ lisse
entre la xMuse aux fliUes et l'arête gauche est plus large que la dislance
entre la .Muse assise et l'arèle droite. La dilTérence équivaut à 3 ou
6 centimètres, c'est-à-dire à l'épaisseur d'une tranche de plaque. Si
donc l'on dispose le N' Il d'équerre contre le revers du N* 111, la
compensation se fait de ce cùté, et la Muse assise se trouve reculée à
la distance voulue de l'aréte latérale du socle. La même constatation
s'applique au N* 11 où la Muse au volumen s éloigne de l'arête gauche
beaucoup plus (jue la Muse à la cithare de l'arête droite. On en doit
conclure que le N* 11 devait se placer en retour d'angle au revers du
N° IV (perdu). La Muse au volumen d'un côté, la Muse assise de l'autre,
marquaient les termes extrêmes de la composition.
Dans cet exposé de la théorie de M. Amelung, je n'ai cessé d'employer
le conditionnel : c'est que je la considère moins comme une solution
délinitive queconnne une hypothèse nouvelle. Sans doute, cette combi-
naison a, sur celle de M. Waldstein, l'avantage de ramener le piédestal
•olfO APPKNDÎCKS.
à des proportions plus raisonnables : 2'"70 de long sur i"47 do profon-
deur (en ajoutant la Irancbe des panneaux de front à la longueur des
plaques latérales). Sur une plaie-forme de ces dimensions, les trois
personnages du groupe pouvaient tenir à l'aise, sans être pour cela
colossaux. De plus, la décoration des ctUés est assurée. Mais je crois
devoir niainlenir les objections précédentes contre la juxtaposition
de deux plaques contiguês sur le front : cet arrangement ne peut
aboutir qu'à une disbarmonie des plus cboquanles. Il nie semble, à
priori, inacceptable d'ôter du centre le sujet principal, la lutte de
Marsyas et d'Apollon. Cette disbarmonie, il est vrai, est ici moins
tangible puisque, par une heureuse coïncidence, In plaque supposée
contiguë à l'Apollon est précisément celle qui manque. Mais il est
impossible de se la ligurer dilTérente des autres : elle devait aussi
représenter une triade de Muses. Or, cbacune des plaques existantes
représente visiblement un sujet indépendant, se sufTisnnt à lui-môme
et composé de manière à être vu à part. Il faudrait donc imaginer,
pour ce panneau privilégié, une composition particulière, non autonome,
avec des personnages reliés ()luft directement à la scène voisine. Or, la
posture de l'Apollon n'est guère favorable à cette hypothèse.
I^t. même en concédant à M. Amelung ((ue tes Muses de cette plaque
manifestaient, par leurs altitudes, moins d'indiflérence que leurs sœurs
h l'égard des acteurs principaux, l'ensemble ne peut être restitué d'une
manière satisfaisante. L'exemple du Putéal de Corintlie,'loitt de con-
firmer les vues de M. Amelung au point de vue esthétique, en est, au
contraire, la plus frappante négation. Car, bien <|ue ce monument fût
rond, il a une face principale, et la composition s'ordonne autour d'un
IKTSonnago central : TAlliéua. Si Ton voulait appliquer cotte frise
circulaire à un socle carré, on la décomposerait en doux |ianncaux
plans : In fnco antérieure comprenant le Jupiter assis, l'Athéna et la
Parque assise, la face postérieure comprenant les doux autres Parques
et l'Hermès.
Quant aux indices matériels allégués par M. Amelung. je me refuse,
malgré Tautorité et la compétence d'un observateur tel que M. Dorpfcld,
à leur attribuer une valeur absolue. Je ne me rappelle pas avoir
remarr|ué rien do semblable, au moment où les plaques étaient parfat-
lenvnt visibles sur toutes leurs faces. Le ravalement des corniches et
des plinthes d'angle, en saillie sur les tranches angulaires, aurait été
opéré par les Byzantins, au dire de M. Amelung, pour faciliter la jux-
taposition (les plaques employées au dallage d'une église. Je me sou-
viens très bien que ce dallage, où entraient les morceaux les plus
disparates, chapiteaux renversés, bas-retiefs et dalles lisses, était loin
d'être un travail soigné. Les ouvriers qui auraient alors procédé au
ravalement se seraient peu souciés de |)olir la surface des tranches :
quelques coups de ciseau ou de marteau auraient parfaitement fait
l'alTaire, et les traces de ce travail seraient plus ap|)arentes et plus
grossières. Si donc il est actuellement possible de discerner sur la
AROHROI.OGIR. ÎkÎI
tranche de certaines plaques, au niveau de la corniclie et de la plintlie,
des traces d'épannelagc, comme elles sont très peu marquées, je les
croirais contemporaines de la pose des plaques sur le monument pri-
mitif : il s'agirait d'un travail de reclilicatiou opi'Té avec soin pour
obtenir plus de précision dans l'appareil iage. Quant aux bandes lisses
observées au revers des plaques, ic long des arêtes verticales, je
demeure sceptique, sinon sur leur existence, tout au moins sur la des-
tination qui leur est attribuée. Elles s'expli([ueraient aussi bien par la
nécessité d'appliquer les plaques à ces pilastres d'angles dont j'ai
admis la nécessité dans un piédestal carré. Il en est de uirme des trous
de scellements. Au reste, il me semble que ces observations n'ont pu
être laites dans do bonnes conditions, les plaques ayant été, aussitôt
après leur transfert au Musée central d'Atlièncs, scellées contre un
mur. Il ne serait donc pas superflu de procéder à une enquête plus
approfondie; je me permets d'attirer sur ce point la bienveillante
attention de l'Kpbore général des antiquités. Si M. Cavadias veut bien
faire desceller les plaques et les soumettre à un oxauicn spécial, je me
rendrai à I évidence, si évidence il y a. Ku attendant pins ample
informé, je réserve, comme par le passé, mes prédilections pour le
système du piédestal carré avec, sur chaque face ou tout au moins sur
trois de ses faces, un panneau composé pour être vu isolément.
11 me reste à examiner la question de la dateel colle de raltribulion „.^|^
à Praxitèle. A vrai dire, ces deux (jueslions ne peuvent être complète-
ment séparées. Car la construction du piédestal et sa décoration doivent,
à priori, être considérées comme conlcn)p(U'aines de l'exécution du
groupe par Praxitèle. L'hypothèse que le Sï)cle n'aurait été terminé que
longtemps après la pose des statues suppose un fait anormal : elle ne
peut se produire qu'autorisée et juslitico par des arguments péremp-
loires, et non par de vagues impressions. Il s'ai^it donc d'oxaun'iier si,
oui ou non, les bas-reliefs mantinéens portent la marque du IV' siècle;
— s'il y a, au contraire, des raisons décisives de leur attribuer une
date postérieure : cet examen ne préjuge en rien rintcrvention person-
nelle de Praxitèle dans cette œuvre.
Il faut d'abord déblayer le terrain d'une controverse sans valeur. Comp.ir.vson
Le premier, Overbeck, avec une salisfaclion mal dissimulée et une Us
ardeur bien imprudente, s'inscrivit en faux contre mes conclusions et bas iriicfs
se lit le porte-voix de l'opposition anii-praxitélienne. 11 s'appuyait aitiqn^-
alors sur le témoignage anonyme d'un « guler deutscher Kenner » qui
jugeait les Muses mantinéennes comme une copie romaine d'un modèle
grec (1). 11 y joignait une déclaration de M. llirschfeld, lequel transi-
(I) M. Wollcrs {Clame, Rcw. loc, cil.), a allégué en faveur d'une date
postérieure ii Praxitèle la nature des trous de scellement. Cet argument n'est
pas sérieux, car les scellements do nos plaques n'ont pas une forme caractéris-
tiipic (pli permette de les dater.
l'M APPKNDICKS.
geait pour le 2* siècle avaut J.-C. Quelque temps après, Overbeck, de
passage à Alliénes, me déclarail nellement que la vue des marbres
originaux u'avail en rien amélioré son impression. Toutefois, les aflir-
malions en sens contraire de MM. Furlwàngler, C. Robert, Lôscbke et
Waldstein ébranlèrent sans doute sa confiance en lui-même et en ses
premiers oracles. 1^ quatrième édition de la Grùchische Plastik nous
apporta, sous forme d'une complète voile lace, le résultat de ces luttes
intérieures. L'aulcur se rallie au système de M. Waldstein. De son
côté, M. liausor, Taulcur des Neu-Àttisclie IMiefa, parut devoir munir
les anti-praxitéliens d'armes perfectionnées : il refusait aux Muses
mantinéenncs les honneurs du IV* siècle et leur concédait une modeste
place dans le troupeau des bas-reliefs nco attiques, c'est-à-dire de ces
rejetons abâtardis qu'un siècle décadent façonnait avec les procédés
du grand art, sans en avoir l'inspiration. Toutefois les arguments de
M. Hauser reposent sur une pétition de principe. Ktant donné que le
style néo-attiquc est en partie une contrefaçon du style du IV* siècle et
que nous possédons de ce dernier très peu d'œuvres datées, la difliculté
de distinguer la copie de l'original nous oblige souvent à suspendre
tout jugement. L'essentiel serait d'abord d'avoir une notion claire du
style propre aux bas reliefs du IV* siècle. L'exemple suivant fait res-
sortir l'incertitude de cette méthode Parmi les œuvres soi-disant née-
attiques auxquelles M. Ilauser compare les Muses mantinéennes, ligure,
en première ligne, le Putéal de Madrid. L'analogie entre les deux monu-
ments le détermine à les classer dans la môme série. Or, M. Walther
Âmelung se sert, au contraire, des bas-reliefs mantinéens pour attri-
buer le Putéal de Madrid au IV siècle (1) De même, tandis que M. ilauser
va rechercher dans certaines stèles funéraires de Ithénée le type des
Muses mantinéennes, avec leur visage rond, leurs contours gras, leurs
lèvres épaisses, aux comnnssures profondes, et leur menton court et
saillant, M. Walther Amelung reconnaît à tous ces traits un air praxi-
télien. Au reste, M Ilauser s'est avisé do rinsufTisance de ses rappro-
chements, puisqu'il a renoncé depuis à classer les Muscs mantinéennes
parmi les œuvres néo-al tiques.
Ainsi, tout rapprochement avec les bas-reliefs dits néo-altiques
pèche par la base On est d'autant plus fo.:dé à exclure ceux-ci de la
discussion qu'ils forment un groupe de monuments très spécial : ce
sont des autels, des bases triangulaires de trépieds ou de candélabres,
des putéals, des vases en marbre. Us représentent des danseuses, des
bacchantes, des silènes, surtout dos scènes d'orgie et de mystères,
r^ur destination, comme leur facture, n'a rien de commun avec notre
monument. Celui-ci, par sa simplicité et la gravité sculpturale de son
style, par l'allure de sa composition et par sa nature même, détonerait au
milieu de cette série où tout esprit non prévenu ne saurait lui découvrir
(I) Die Ifasis v. Praxitèle.^, p. H.
AnCHKOLOGIK. Vilui
un équivalent. Car ceux que M. Hauser mettait jadis en parallèle avec
lui ne lurent eux-mêmes introduits dans ce groupe qu'à grand renfort
d*hypotbèse8 (1). Donc, si l'on veut se placer sur un terrain solide,
mieux vaut comparer nos plaques avec les monuments authentiques
du IV* siècle, constater les analogies qu'elles présentent avec eux et
discuter si les dissemblances sont telles qu'elles doivent motiver leur
exclusion de cette série, ou si, au contraire, elles ne doivent pas plutôt
leur assigner dans celte série une place à part.
De tous les arguments intrinsèques que j'avais fait valoir en faveur CompunUon
du IV* siècle, en particulier la faiblesse du relief, la simplicité des avec les œuvres
moulures, la sobriété de la composition, l'absence de pittoresque et des * *'" t^'* ■•
attributs particuliers aux Muses hellénistiques, le calme des ligures
espacées et rinduence évidente des modèles du Parthénon, aucun n'a
perdu sa force. La publication des sarcophages de Sidon est venue,
depuis, nous apporter des éléments nouveaux et un terme de compa-
raison des plus démonstratifs. On ne saurait nier Télonnante analogie
entre les attitudes et les draperies des Pleureuses et celles des Muses
mantinéennes. L'importance du rapprochenieut s'augmente d'une
donnée chronologique (2). M. Sludniczka présumequele sarcophage des
Pleureuses contenait les restes du roi de Sidon, Slralon V le Philhel-
lène, proxcne d'Athènes, assassiné par sa femme vers 3()0. Mais tout
porte à croire qu'il avait, de son vivant, une dizaine d'années plus tôt,
commandé son sarcophage à un artiste athénien, (^s monarques orien-
taux, les rois de Sidon en particulier, prenaient d'avance leurs précau-
tions contre l'incurie et la parcimonie de leurs héritiers. Par suite,
l'exécution du sarcophage des Pleureuses peut Aire placée sans invrai-
semb'iance au plus tard en l'an 370 avant J.-C. Les Muses de Mantinée
paraissent à M. Sludniczka plus jeunes de quelques années. Kn effet,
chez leê Pleureuses, les formes plus massives et plus malronales, les
draperies traitées en grands pnns largement plaqués, laissent, malgré
le fini de\*exéculion et la dignité des altitudes, une certaine impression
de lourdeur. î^s visages, avec leur coiffure de bandeaux ondulés et
leurs joues pleines, ne sont pas exempts de mollesse. On relève au
contraire, ch^.z les Muses mantinéennes, des duretés, de ta sécheresse
dans le détail des draperies, une faclure plus expédilive, bref de Tiné-
galité et comice de l'indécision, notamment dans les ligures de la
plaque 11 (Muse à la Cilliare). Mais les silhouettes semblent plus
svelles et le dessin plus dislingué. Le modelé plus discret disparaît
sous l'étoffe, dont les agencements compliqués, les plis multiples et
brisés visent à l'elUt pittoresque. H y a là toute une science nouvelle
de la draperie : ce n'«sl pas encore la co(|uetterie des ligurines de terre
cuite, où les jeux de ^'himation et du voile s'amusent à intriguer la
(1) Uauscr. Neti^allUche Heliefs, p. 150 et suiv.
(2) Jakrb, d, K. arch. TnsML 1894. L\, p. 211,225.
\m
APPKNDÎCRS .
curiosité. Mais c'est déjà la recherche de rafDnements intéressants
pour l'œil : rétode, réduite en petits plis, contournée, repliée autour
du buste, forme au corps une enveloppe animée, dont Télogance s'af-
franchit des conventions du placage plastique en usage à l'époque pré-
cédente : elle ne tire son charme que de la réalité vivante. L'artiste
évite avec soin la monotone retombée des grandes surfaces lisses ; il
superpose les plans, multiplie les lignes brisées et les torsades, subdi-
vise les masses en menus détails. L'himation s'enroule autour de la
taille ou sous les seins comme une grosse ceinture ; il encadre la poi-
trine et laisse à découvert, au dessous des genoux, le chiton aux plis
tuyautés. I^s lignes verticales du chiton partent du sol sans traîner ;
elles dissimulent le mouvement des jambes et forment à la masse dra-
pée un support h la fois svcltc et solide.
Fur. îiO.
Slèlo dn Klôônis (1).
rijf. CO.
Slèlf funérnire (2).
(1) Trouvée dans imo cabane, entre la porte D et la source dos Méliastcs. Elle
roprôscnto une femme drapée de la tunique Uilaire et tenant entre ses mains
un cofTrct h bijoux. L'inscription KXeoiv'ç parait s'^Hre surajoutée h d'autres,
qui ont été martclées.mais dont quelques Ilnôamenis indistincts subsistent.
(2) Trouvée dans les ruines d'une chapelle byztntlno d'Hagios Alhanasios, à
l'intérieur de l'encelnlo, prés de la sortie de la route nationale. — II. 0.97.— L.
0.45. —Ép. 0.18.
An(:HKOix>niK. .»•>•>
Les origines do celte réaclion dans le Iraileinonl do la draperie Les iimpmrs.
n'écliappcnl peut îVlrc pas à nos recherches. Kniro les iMHiilloiineincnls
un peu emphatiques du costume ionien avec ses envolées de Dues étolTes
chères à Técole de Phidias, et la simplicité un pou plalo du costume
dorion, tels que le représentent les métopes d'Olympie, il y avait
place pour une écolo du juste milieu. On pouvait songer à restiluor h
la draperie son rôle de vêtement : il sudisait de la traiter à Tétat de
repos, d'en user sans en jouer, de proliler de ses ressources avec modé-
ration et naturel, c'est-à dire d'associer la souplesse et la virtuosité
alli(|ues à la sobriété dorienne. Cette fusion paraît sVire accomplie
vers la lin du V siècle ; l'Kîréné de Céphisodole nous en offre le
spécimen le plus accompli (1). Rien ne nous empêche donc d\'idmenre
(|ue cette manière plus simple et plus familière, déjà en germe dans les
œuvroï^ d'Alcamènc, n'ait trouvée dans Tart de Céiihisodote sa formule
la plus nette. Nous en avons vu dans le has-relief mantinéen de la
Femme au Foie une application des plus intéressantes. Les succes-
seurs (le Ophisodole, s'emparant de cette fonnule, s'appliquèrent à
la moderniser, à la dépouiller de son austérité un peu rigide, sans
abandonner pour cela le principe du retour à la réalité. IJéjà les
lUeureuses et plusieurs bas-reliefs funéraires attiques de la lin du V*et
du début du IV* s. nous montrent le progrès en ce sens. I>es Muses
mantinéennes viennent clore cette série et en ouvrir uuo nouvelle, avec
une recherche plus marriuée de la variété et du piflorcsque. On peut,
sans imprudence, faire honneur de cette seconde rénovation à iVaxitèle,
qui aurait ainsi poussé à ses dernières consé(|uences la méthode inau-
gurée dans latelier paternel.
Ce qui autorise celte supposition, c'est l'élude très suggestive de la
draperie dans l'Hermès d'Olympie. Kilo révèle, en elTel, chez l'arlisle,
comme l'a remarqué avec beaucoup de pénétration M. Furlwiingler (2),
{{) Cf. le Sophochî (lu inusc<î do L^itraD, idcntilié par Klein iivcc le Con-
tionans manu (ojclata do Géplilsoiloto, qui serait do :\\n niviroii av. J.-C.
{liiauns Yuuloh, p. 142. — Plln. XXXIV, 87. — Kloin. l'raxiletcs^ p. î)!);.
(2) MeiHcrwcrke, p. 'o\2. — U\ draperie do rilonu.-s iirsl plus dans la
manlèro do O'pliisoJotn, tcllo «ju'on peut lu Ju.:,'(T d'apr\s Ir {froui)0 d'Kiréné
rt Ploutos. Il y a la un arjcument sérieux conlro l'allriliulion de rilcnnès il
G'plilsodolo. Li r.^ssomblanco dtis tétos p-ut ln\s hirn s"i«xi»li(pior par
rinducnco sur Praxitèle des traditions paternollos. Do n*i|iio Plino altribuo à
Cf'ipliisodoto l'oxocution li'un groupe do Morniro ot do Hatchus, il no s'onsuit
pas forcément qu'un groupe analogue, trouvé à Olynipio sous le nom do
Praxitèlo, doive ètro onlové à colui-ci pour être mis au compte de son p<>re.
Céphisodoto a pu sculptor lo fçroupe signalé par Plin«»: ri son fils a pu, do
son côté, traitor Iiî mémo sujol, on prônant do r<ruvro palcrnollo co qui lui
convenait. Quanlàamrmor rincompatihililé do la farlun* do l'Ilormès avoc lo
stylo do Praxitèle jugé d'après dos copi(î^ ou d'après drs (ouvros (lualiriécs
d'originalos ot arbilrairounmt attribuées au maître par comparaison avec
ledit llormès, c'ost un procédé de discussion aussi audacli'ux qu'inconséquent.
558 APPKiNmCRS.
inaDièrc la plus heuiTiiso. Par clic, cl par les PleuteuseSy nous possé-
dons un trait d'union cnire l'art du V* siècle et celui des Icrres-cuitcs.
La niéinc pia([ue nous permet de suivre les phases de cette évolution.
Dans la Museaux fliUos, on retrouve un dernier rellet des ligures du
Parlhénon ; dans la ligure centrale, se dessine la statue drapée à la
manière praxiléliennc, type qui lit aussitôt lortune et dont nos musées
possèdent tant de répli(|ues ; enfin, dans cette charmante Muse assise,
unique dans la sculpture grecque, et qui a déjà la grâce toute moderne
d'une ligurine, on peut saluer le type précurseur des plus exquises
créations des coro|)lastes. Ainsi sont reconstitués les titres de propriété
de Praxitèle dans l'art tanagréen (i).
Au reste la comparaison des tôles de nos M uses (2) avec celle de l'IIerniès
d'Olympie sufllrait à édilier tout œil non prévenu. C'est la môme incli-
naison gracieuse de la tôle, le môme regard baissé et comme atténué
par une expression de pudeur et de joie calme. Les yeux longs, le front
étroit, la base du nez large, l'ovale aminci de la figure, les paupières
adoucies, le menlon court et la moue caractéristique de la lèvre infé-
(i) La main posée sur la hanche passe pour être une trouvaille de Praxitèle.
Elle se trouve dèjft dans lo Contionans du inusèo do Latran. <Voy. p. 5!k5.)
Comparez la Musn centrale do la plaque il avec l'atUtudo du Satyro praxitô-
lien, et celle de nombreuses figurines béotiennes. M. Max MaycrM^^- MiUh,
XVII, 1892, p. 2()l-2()i), présume que lo type drapé des figurines tanagréennes
dérive directement do i'raxitôle par rintermôdiaire du groupe des Thespiadcs.
Cette œuvre mentionnée par Pline (//. iV. XXIV, (>î). — XXVI, ôt)) parmi les
marbres, puis parmi les bronzes signés du maître, fut enlevée par Mummlus et
cédée à Lucullus, qui la dédia au temple <le la Félicité. Ces Thcsplades, d'après
M. Meyer, ne seraient autres que dos Muses; le«s bas-reliefs de Mantinéc seraient
en quelque sorte une première ébauche du groupe de Thcspics. finalement,
la présence de ces statues célèbres en Uéotio expliquerait la prédilection
des coroplastes tanagrécns pour le type de la figurlno drapée, si voisin des
Muses mantiuéennes. — M. Walther Amelung rtîjettc ces conclusions [wur les
raisons suivantes : l" Le groupe des Thespiades doit être reconnu dans les
Muses du Vatican, réplique praxitélienne, dont la parenté avec le« terres-
cuites ne parait p;is très étroite ; 2" Praxitèle a plusieurs fois travaillé en
Béolle, à Platée, à Thèbes, à Thespies deux fols. On ne saurait donc attribuer
au groupe des Thespiades un rôle prépondérant ; 3' enfin Tanagra n'est pas si
éloignée d'Athènes qu'on ne puisse admettre une infiuence directe do l'art
attitfue sur celui des coroplastes {\V. Amelung. Die. Ifasia des Praxiteles,
p. 31 et 47). —On sait d'autre part(Paus. IX, 30, l) que Céphlsotlote avait exé-
cuté trois des neuf Muses du groupe héliconlen complété par Strongyllon et
Olympiostliénès.
(2) Les tètes groupées sur la planche IV ont été reproduites d'après les
moulages du Musée d'archéologie de l'Université de Lille. Lsi photographie
directe sur les originaux ne m'avait rien donné de bon; la paroi de la salle,
à Athènes, est échdrée i>;ir un jour de côté qui produit des ombres trop
noires.
AUCUÉOLOGIË. 5(iD
rieure un peu épaissie rappellent aulant de traits familiers aux ligures
praxitéliennes (l). ile qui complète la ressemblance, c'est le sourire
insaisissable qui flotte autour de la bouche, netlement limilée par les
fossettes des commissures. Cet air d'aménité qui éclaire tout le visage
d'un reflet de bonté, voilà la signature de IVaxilèle. Par cette note
nouvelle, l'art du IV* siècle, de plus en plus avenant et naturel, pré-
lude aux aimables et spirituelles fantaisies des coroplastes.
Ainsi, les nouveautés des bas- relief s mantinéens sont, pour notre
connaissance imparfaite de l'art du 1V« siècle dans ses débuts, une
surprise et une révélation. Mais elles ne peuvent être invoquées comme
un cas d'exclusion. Ne nous attardons pas à noire surprise, mais pro-
fitons des enseignements que cette œuvre nous apporte.
Si nous passons maintenant aux arguments extrinsè((ues, nous y AivHnH'ii:!
trouverons des preuves subsidiaires dignes d'inlérôt. Ouelle (|uc soit la ex«"n»*q«e«.
chronologie adoptée pour le détail de la carrière de Praxitèle, le texte
de Pline en demeure l'élément essentiel : c'est dans la 101* Olynipiade.
c'est-à-dire aux alentours de 362, (|ue se place Vacmé de Praxitèle. Ses
travaux à Mantinée ne sont certainement pas antérieurs à Tan 370,
date de la reconstruction de la ville. Car il faudrait remonter jus(|u'au
delà de 38o, c'est-à-dire avant le diœcisme, pour trouver une date favo-
rable : or, l'artiste, qu'il fiU né en 404, comme le suppose M. Klein (2)
ou vers 390, comme on l'admettait auparavant (3), était alors trop
jeune, et, d'ailleurs, la situation polili(|ue de Mantinée trop incer-
taine. L'époque la plus propice à l'activité de Praxitèle à Mantinée se
restreint à la période 371-3G5. C'était juste le moment où le jeune
artiste, déjà célèbre, allait entrer en pleine gloire; en elTet, d'après
les calculs de M. Klein (4j, 1rs Aphroditcs de Cos et do (^nide ont dû
être exécutées dans les années qui suivirent le syniecisme de Cos en
3G5. Je rattacherais volontiers la commande des Mantinéens au voyage
de Lycomèdes à Athènes on 3('>6, lorsque le brillant démagogue alla
solliciter l'allianced'Alhènes contre la tyrannie menaça nie de Thèbes (o).
A ce moment, le Letùon contigu à l'Asclépieion (0), et Tlléraion. rebâtis
depuis 371, devaient être prêts à recevoir les groupes commandés.
(I) Voy. dans W. Aniolunf,' {Die Jfasis v. Prnxilelea, p. 73), uiio analyse
«MmiiKirèe des détails de la ligure chez Skopas vl chez Praxitèle, — Cf. Klein.
rraxUelcs, ch. XIII.
{i) rraxitelcs, p. U\.
(3) Collignon. Ilist, de la sculpt. grecque^ II, p. 255.
(i) Praxiteles, p. 10, 17.
(5) Voy. plus haut, p. 450.
(0) L'Asclépieion avait dû être terminé un j)eu avant 4IS, pour recevoir la
statue d'Alcumènc, qui florissaU trois générations avant Praxitèle (Puusau.
VIU, î), I).
560 APPKNDIOKS.
Un autre indice chronologique peut être tiré du sujet même des bas-
reliefs. J'ai rappelé plus haut (I) la corrélation entre le mythe d'Apollon
et de Marsyas et les polémiques musicales qui mirent aux prises, à la
lin du V* siècle, les partisans de la cithare et ceux de la tlùte. Que les
innovations de Pbiloxônos de Cythère et de Timotbée de Milet aient
inquiété à Sparte et à Athènes l'orthodoxie des admirateurs du chant
apollinien et du mode dorien, cela se -conçoit. Maison ne s'étonnera
pas d'entendre jusqu'en Arcadie l'écho de ces controverses artistiques
et de ces (fuerelles d'école, si 1 on se rappelle le rôle prépondérant de la
musique dans l'éducation et dans la vie du peuple montagnard et
pastoral par excellence. I^s règlements qui, au dire de Pol'ybe, rendaient
obligatoires dans les villes arcadiennes Fétude et l'exercice de la
musique, remontaient à une haute antiquité. Or, divers témoignages
nous ont appris que Mantinée possédait une école musicale et orches-
tique très-renommée. Les tendances de cette école avaient été netten)ent
conservatrices avec un maître appelé Tyrtaios par Plutarque (2) : il
proscrivait la musique moderne, l'emploi du genre chromatique, les
changements de Ion, les instruments à cordes nombreuses. Il s'en tenait
à un seul mode ou à un petit nombre de modes choisis parmi les plus
calmes, c'est-à-dire au mode dorien et à ses dérivés. La célébrité do
cette école attira à Mantinée le fameux Aristoxène de Tarente, qui
méditait de rendre à la musique son antique simplicité (3). Le séjour
d'Aristoxëne dans le Péloponnèse se place vers Pan 343, puisqu'il s'y
rencontra avec Denys le Jeune retiré à Corinthe. Il est tout naturel que,
23 ans auparavant, alors qu'ils renaissaient à la vie poli tique et rêvaient
pour leur démocratie intelligente les plus brillantes destinées, les
Mantinéens aient chargé Praxitèle de symboliser en une œuvre durable
les mérites de leur art musical. Apollon, vainqueur de Marsyas et
entouré de.son chœur de Muses, n'était pas déplacé cher, eux.
Jajouterai un autre argunieut. Dans ces querelles musicales la
politique intervient. M. CoUignon (4) a montré l'antipathie soudaine des
Athéniens pour la llùte béotienne symbolisée par les représentations
du mythe d'Athéna jetant les flûtes de Marsyas.
L'art de Myron s'était mis au service du patriotisme athénien. Or, les
Béotiens ne sont ils pas justement les ennemis de Mantinée avant et
après 362? Pourquoi no pas supposer une intention maligne, analogue
à celle qui avait inspiré Myron, dans le sujet imposé. à Praxitèle pour
ses bas-reliefs? On notera (|ue les groupes sculptés par Partistu
athénien célèbrent des divinités du cycio argien et attique, Léto et les
(1) Voy. p.;ii«.
(2) Plut, de Musica, 32.
(3) Sulilas. Fr. hist, graec, II, p. 209. — Thomlstius. Oral. XXXIII, p. 3Gi.
(4) nUL. de la SculpL gr. I, p. Mît.
auciiéolouii::. 561
Létoldes, Héra avec Atliéna et Hébé (f). C/ctait la glorification par le
marbre de la vieille alliance mantinéo-altico-ar^'ionnc, ronouveléc non
plus contre Sparte, mais contre Thobcs. Pour ces raisons, une date
coutem|)oraine des négociations ((ui ont prcccdc la bataille de 3()2 me
parait encore s'imposer.
La précédente discussion a, je crois, établi deux faits : i" le groupe Ptriici|«iion .
> rnxilclc
du LclAon a été exécuté par Praxitèle vers 3(»t»; 2" le sujet des bas-
reliefs de la base indique une date contemporaine. De fait, leur com-
position et leur manière nous ont décelé une onivrc de répoc|ue transi-
toire comprise entre !W0 et ÎMiO. Donc, le groupe et sa base ne peuvent
être séparés; ils ont été connus ensen)ble ; ils ont fait partie du même
projet. C'est pourquoi il m'a bien fallu, dans celte argumentation
clironologi(|ue, produire certains arguments où la question d'attribu-
tion était cfllcurée. Il me reste à prendre celle-ci corps à corps et à
mesurer la part personnelle de Praxitèle dans ces sculptures : s'agit-il
d'une simple influence ou d'une exécution, partielle ou intégrale, par le
ciseau du maître? M. Furtwungler, avec sa nelfelé ordinaire, opine
pour ce dernier parti. Les bas-reliefs mantinéens seraient de la main
même de Praxitèle; ils se placeraient au début de la série praxitélienne.
Ce serait un travail de jeunesse, antérieur d'une vingtaine d'années à
l'Hermès d'Olympie, œuvre de maturité exécutée en 34.'l, au moment de
l'alliance entre les aristocrates d'Élis et ceux d'Arcadie. Malgré l'auto-
rité d'un juge comme M. Furlwrmglur, malgré les séduclitms d'une
hypothèse qui grandirait singulièrement la valeur de notre découverte
en nous permettant d'inscrire sur ces bas-reliefs la signature unique
de Praxitèle, je no puis me résoudre ni à les placer si haut dans mon
estime ni à accepter sans réserves la chronologie du savant archéo-
logue. H me semble impossible de désigner Praxitèle connue un débu-
tant à l'époque précise où Pline le représente en pleine possession de
de son talent; il me semble également diflicile de fermer les yeux sur
les lourdeurs de rilermès d'Olympie au point d'y voir une œuvre
d'impeccable et souveraine maîtrise. Je crois plutôt que l'Hermès est
un travail de jeunesse, et je lui maintiendrais l'ancienne date de .')(>;),
c'est-à-dire une date voisine de l'exécution du groupe manlinécn.
Quant à nos bas-reliefs, il faut évidemment les apprécier au prorata de
leur valeur réelle, ni surfaite, ni méconnue.
M. Klein, dans son livre récent sur Praxitèle, étude pleine d'aperçus
ingénieux et de jugemenis finement exprimés, mais d'une logitjue
parfois flottante, parafl dispose à nier le caractère praxitélien de ce
monument. Mais, par une inconsé(|uence dont les archéologues sont
assez coutumiers, il reconnaît ce caractère à certaines répliciues signa-
it ) Cotto indication piTmct (i'altrihiicr aux drux 1,'rouprs a jm«u près la
luèiiic (latr.
Miiiitiiice. — :i7.
5<)2 APPENblCKS.
lécs comme praxilélioDncs par W. Amelung, et cela par comparaison
avec les Muses manlinéenocs. En efîcl, le processus a été le suivant :
les Muscs manlinécnncs sont praxiléiiennes, donc les statues qui
ressemblent à ces Muscs le soûl aussi. M. Klein voudrait, de ce syllo-
gisme, ne retenir ([ue la conclusion et rejeter les prémisses. Le rappro-
chement de rUrania (Koré) du Vatican, de la Koré de Vienne avec le
nom de Praxitèle a été suggéré par le monument de Mantinéc ; par
conséquent, si la source de la suggestion est éliminée du débat, toutes
les conséquences déduites de ces analogies doivent s'annuler ipso facto.
Mais, si les circ^jnstances qui ont provoqué l'érection du monument
mantinécn, si l'étude des draperies et des têtes comparées à l'Hermès
d'Olympie, nous autorisent à maintenir l'épilhèle de praxitélienne à
propos de notre base, qu'est-ce donc qui nous empêcherait de compter
ces sculptures parmi les œuvres originales de Praxitèle?
Ici, je dois reprendre les observations premières que j'avais jadis
présentées sur la pauvreté et la sécheresse do l'exécution, sur la gau-
cherie de certaines attitudes, notamment dans l'esclave scythe et le
Marsyas. La composition des panneaux n'est pas exemple de reproches :
si chaque panneau a son autonomie, s'il est ordonné de façon à être
vu à part, c'est que le sujet ne devait pas se développer sur une frise
continue. Mais, à Tinlérieur de chaque panneau, risolemcnt des per-
sonnages les uns par rapport aux autres leur donne un faux air de
copies, faites d'après des originaux séparés : ce seraient comme autant
de statues transportées en bas-reliefs dans un essai de groupement
assez maladroit.
On reconnaît quckpics-uns des modèles antérieurs dont notre auteur
s'est inspiré en les adaptant à son sujet. Le Marsyas est. quoi (|u'en
ait dit Overbeck (1), une réminiscence indéniable de celui de Myron ;
j'ai noté l'influence de la frise du Parlhénon sur la Muse au voluinen
et la Muse élevant la lyre. D'autres rapprochements plus étroits encore
s'imposent avec des statues telles que les Korcs de Vienne et du Vati-
can (2), répliques d'œuvres du IV* siècle, probablement praxitéliennes.
Ces œuvres ont-elles servi de modèles à notre auteur et son travail
n'est-il, en déUnilive, qu'une compilation, à laquelle Praxitèle ne saurait
être associé (|ue d'une manière lointaine, comme étant la source
principale où le compilateur aurait puisé? Alors Praxitèle n'aurait
pas plus collaboré à notre monument que Myron, à qui le motif du
Marsyas fut euqirunté. Une opinion aussi absolue suppose que nos
reliefs auraient été posés longtemps après le groupe, ce qui est peu
plausible, comme je Tai montré précédemment.
(i) Der. d, Sachs. Gescll. 1888, p. iO.").
(2) Il sunirait sans iloute de pjircourlr la coll<H;tion «les l*hotogr, Einzelauf-
nalimen anttk, ShulpL de .\rn(U et Ameliin^ (((uc Je n'ai |vis {i ma disimsilion)
pour en rclfvei' d'auti'cs.
AlIClIKOLOiSIK. :><)3
Je persiste donc à croire qu'entre la théorie de l'exôcution intégrale
du monuipcnt par la main de PrsixitèJc et celle qui exclut le Maître de
toute participation aux bas-reliefs de la base, il y a place pour un
nif»ycn terme. J'estime que nous sommes en présence d'une bonne
œuvre d'atelier, avec des faiblesses et des morceaux de premier ordre,
comme le dessin de FÂpollon, la figure de In Muse dé|)loyant le volumen
et celles des trois Muscs de la plaque III. L'énilnenl sculpteur Cbupu se
rangeait à cette opinion. Praxitèle, j'imagine, a fourni le thème général
de l'esquisse; il est permis de retrouver, dans ragenccmenl des dra-
peries, une ébauche rapide et comme un essai de figures peut-être déjà
en cours d'exécution dans son atelier, ou seulement à l'état de ma-
quettes, flgures dont il devait tirer soit ces Thespiades dont on propose
de lui attribuer la paternité, soit ces Korai dont les statues de Vienne
et du Vatican nous offrent des répliques. 11 n'est pas iuipossible que le
groupe des Muses héliconiennes, auxquelles Cépliisodole avait colla-
boré, lui ait fourni un modèle qu'il aurait rajeuni et modernisé, comme
il devait reprendre à son compte Tllermès portant Dionysos du mèuïe
Céphisodote. En tout cas, il dut confiera un disciple la tache accessoire
de la décoration du socle de Mantinée : le grain du marbre, qui est de
Doliana (1), indique une exécution sur place des bas-reliefs. Pour la
pose de l'ensemble, deux combinaisons peuvent être admises, suivant
qu'on suppose les statues du groupe ciselées à Athènes, dans l'atelier
du Maître ou bien sur place. Dans le premier cas, Praxitèle les aurait
expédiées à destination, en confiant à un élève la mission de les
accompagner et de les dresser sur un socle dont il lui aurait remis le
projet et abandonné l'exécution. Dans le second cas, le jeune Maître se
serait transporté à Mantinée ; après avoir achevé le groupe du UUêon
(et peut-être en même temps celui de Plléraion), il serait reparti,
laissant à un disciple les bas-reliefs soit simplement ébauchés soit en
partie conmicncés de sa main. Je ne puis naturellement pas afTirmer
qu'on doit reconnaître la touche personnelle de Praxitèle dans l'une
quelconque des têtes de nos bas-reliefs, bien que les meilleures et les
mieux conservées d'entre elles, celles de la plaque 111, puissent pré-
tendre à cet honneur. Ceci est une alîaire d'impression subjective.
Pausanias ne dit pas formellement que les bas-reliefs soient l'œuvre
même de Praxitèle; mais il est permis d'alïirmer que celui-ci n'y a pas été
étranger. La base sculptée, récemment découverte à Athènes, avec la
signature de Bryàxis, se présente dans des conditions cerlaineinent
moins favorables; l'auteur des reliefs de Vanthippasia n'est qu'un
praticien de troisième ordre, à coup sûr inférieur à la réputation de
Rryaxis et à l'auteur des bas-reliefs mantinéens.
11 n'est guère de sculpteur moderne qui ne puisse se ralliera notre
solution mixte : elle est d'usage courant dans les ateliers. La répu-
(I) Ivi'psiiis (irirrh. àlarmoratud. f^'» I.S7.
504 APPKiNUICKS.
gnanco des archéologues à l'adinetlro imposerait à Tari ancien des
rrglcs de Iravaii contraires à l'expérience et aux nécessités pratiques.
Si l'on songe que Praxitèle avait à sculpter pour Manlinée deux
grands grou[)cs de trois personnages chacun, on comprendra quii ail
simplilié sa besogne en confiant à ses élèves la décoration d'un piédestal.
Qu'il y ait présidé comme je Tai dit plus haut, rien de plus plausible.
Mais j*ai aussi l'impression que le monument a éiô terminé sans lui.
peut-être après son dé|)art, sans qu'il lui eût fait subir la retouche
magistrale. A celte œuvre trop (ôt délaissée, Praxitèle a apporté les
dons divins : la grandeur de l'inspiration et le charme d'un génie
juvénile et hardi. Ceux à qui 11 conGa son ébauche ne surent point la
parfaire en lui imprimant le cachet de la suprême maîtrise.
III« Topographie.
lo) Plan de àîantinée (pL VIII).
Ce plan a été établi en collaboration avec un jeune ingénieur italien,
M. Felice de Uiili, alors au service du gouvernement grec et attaché à
l'ingénieur en chef du nome d'Arcadie. Avec un désintéressement tout
amical, il a bien voulu relever au tachéomètre le périmètre de Manlinée.
J'ai complété son travail par l'indication des ruines découvertes au
cours des fouilles.
2») Carte de la Tégéacide (pi. IX).
La base principale de cette carte est le grand plan dressé, sous la
direction de M. Qucllcnnec, ex-ingénieur en chef de la Mission fran-
çaise des travaux publics en Grèce, par M. Audrain, conducteur de
ladite Mission. Je dois l'obligeante communication de ce document à
M- Quellennec, qui l'a accompagné de plusieurs autres dessins complé-
mentaires, également établis sous sa direction. La Mission française
avait à étudier un projet de dessèchement de la Haute Plaine d'Arcadie.
Elle dut pour cela procéder à un nivellement du terrain et à une recon-
naissance des kalavothres. J'ai eu aussi communication du tracé de la
voie ferrée de Myli à Tripolis; les (Hudes en ont été faites sur le terrain
par M Chauvin, sous les ordres de M. Gotteland, ex-ingénieur en chef de
la même Mission. ICnfin, j'ai reporté sur cette carte le plan des ruines
de Tégée, publié par M. Hérard à la fin de ses fouilles dans le Uulletin
de Correspondance hellénique (WMy t. XVI, pi. Xlll), comme complé-
ment de SCS deux articles sur ïégée et la Tégéatide {ibid^ p. 529-049 et
XVll, p. 1-24).
sur les soin*
de l'Alphéc
TOPOGHAIMIll':. 5(>0
Mon inlenlion, en publiant cette carte, est de fournir aux savants
qui les ont réclames les moyens de résoudre délinilivcmont une ^|ucs-
tion géographique depuis hmgtemps débattue : celle des véritables
sources de l'ancien Aipliée. 11 serait temps de clore ce débat.
Les théories anli(|ue8 sur le cours de l'Alpbce étaient des plus aven- Théorie
lureuses. D'après Pausanias (Vlll, ,S4, 4), le fleuve prenait sa source à <»• P»"»"»''
riiylaké, à la limite des territoires de Sparte et de Tégée (Krya-Vrysis,
source du Saranda-Polamos). Il entrait sous terre dans la plaine de
Tcgée (èç To Tceôi'ov xaxéôu to TtytoLxixày/), |)iiis reparaissait à Aséa.
Là, ses eaux se mêlaient à celles de TEurotas, dont la source était
voisine : axaSîOuç Be ôaov irévxe àirb 'A^eaç tou 'AXo-sjou jjiev oXfyov aTrb
Tf[^ ôBou, TOU Se Eùpïoxa Tiàp 'aûx/jv Içxi T^f\y'}\ xvjv ôSôv {ib, 44, îl. Cf.
Strab., p. 275 et 'M\, — Dionys. Perieg. 412i. Les deux rivières par-
couraient dans le même lit environ 20 stades et se précipitaient, réu-
nies, dans un second goulTre (xal 090v ItzI etxo<Ti ^Txaoïoaç xotv(*i Tcpotaat
Tcji peû|jLaxi. Paus. ib, — Cf. Strab., p. 211'}). \je chenal souterrain se
fourchait dans les profondeurs de la montagne et chacune des deux
rivières avait son issue : TEurotas près de Delniina (Srab., p. !I43),
l'Alphéc aux Hoï^'^ dans la plaine de Mégalopolis (Paus., VIN. H. *)),
D'après Polybe (XVI, IG), PAIphée disparaissait tout près de sa source,
reparaissait après un parcours de 10 stades. Au-delà de son embou-
chure, TAIphée était encore censé traverser la mer de Sicile pour
rejoindre la fontaine Aréthuse (Srab., p. '27;>).
ïji tradition qui faisait ressortir PAlphée supérieur des confins de la
Laconie et de PArcadie reposc-t-elle sur un fait réel? Autrement dit, le
cours du Saranda-Potamos a-t-il jamais suivi la direction de l'Ouest
pour se déverser dans le katavothre de Taka,au lieu de suivre celle de
l'Est et de s'absorber au katavothre de Versova? H y aurait eu, dans
ranliquilé, au lieu d'une rivière uni(|ue obliquant à l'Est, deux cours
d'eau indépendants : l'Alphée supérieur, constilué par le Saranda-
Polamos, obliqué h l'Ouest, soit dès sa sortie des montagnes, soit après
un (larcours plus ou moins sinueux autour de Tégée, et le (Uiratès,
identique d'abord au torrent issu du massif de Doliana, et ensuite au
Saranda-Potamos actuel à partir de Magoula. Depuis que le soi-disant
Alphée supérieur a pris la direction de l'Est, le (jaratès est devenu un
aflluent du Saranda-Polamos; d'autre part, cet Alphée, en délaissant
l'ancien lit qui le conduisait à l'Ouest, a dû se frayer un nouveau
tronçon à la sortie des montagnes pour aller se confondre avec le
Garâtes au dessous de Magoula.
Voilà le postulat. La plupart des voyageurs modernes en ont admis,
d'après Pausanias, la réalité. Mais il faut observer que Pau.^^anias,
employant l'aoriste xaxé8u, fait allusion à un fail ancien : il ne constate
donc pas un fait actuel; il ne fait que relater une tradition. Qu'il ait
recueilli sur place ou (|u'il ait de lui même imaginé cette théorie^ peu
importe. Puillon-Hoblaye (Kxpéd, de Marée, 11-, p. .'J28) prétend avoir
î)6<ï APPKNDICeS.
pu suivre par les alluvious schisteuses et micacées le cours du Saranda-
Potanios pendant la période préhistorique, et il conclut que la rivière
s'est jetée, à une époque très-ancienne, dans le gouffre de Taka. Ross
{Reiscn,, p. 71) recueillit à Piali une tradition orale d'après laquelle le
cours actuel du Saranda-Potamos vers Tliist résulterait d'un travail
de dérivation exécuté par un bey turc au XVll" siècle. Comninos
( i3r|[i.eiu)(retç àp/aioX. — 'AOT,va?ov. VllI. 1880. p. 209) attribue aussi ce
travail à un Olhoman, Périalis (éponyme du village de Piali); l'ancien
cours du Saranda-Potauius aurait, d'après lui, suivi la ligne Kérasilza-
Daniiri. Curllus (i*ehp> I, p. 2^\)) avait adopté la théorie de Ross.
M. Rérard Ta reprise et précisée. C'est à la hauteur de Ttlot du
Saranda-Polamos (au N.-K. d'AkIiouria) que la rivière aurait, d'après
lui, tourné vers TOuest; elle aurait fornié au Nord de Tégée une boucle,
baignant l'extrémité N. de l'enceinte sans pénétrer dans la ville; de là,
elle aurait rejoint le marais de Taka au-dessous de Kérasitza.
Les premières objections à cette théorie ont été présentées par
Philippson (1); à aucune époque, sinon peut-être à une époque géolo-
gique lointaine où tous les rapports du terrain étaient complètement
autres, le Saranda Potamos n'a pu se diriger vers l'Ouest, parce que,
dit-il, entre la rivière et IMali, le terrain monte sensiblement.
M. Loring [Journal of liellen, .S'furf., I8ÎK>, XV, p. 53 et 07-08) s'ap-
pli(|ue, de son côté, à réfuter Pausaniaset M. Bérard. 11 objecte que, si
l'Alphée avait baigné Tégée, les anciens l'auraient remanpié; ensuite,
que le tracé de l'ancien lit du (leuve, sur la carte de M. Rérard, va
précisément en remontant le terrain, au rebours delà direction actuel-
lement suivie par le ruisseau qui naît au-dessous de Mertsaousi pour
finir dans la Mantinique (voy. plus haut, p. 41 et suiv.). Do fait, au
point où cette rivière connnence, près de l'église et du cimetière
d'Ibrahim-Effendi, on constate un léger relèvement des courbes de
niveau. Il y a là un seuil très adouci (il est indiqué sur notre carte),
lequel forme, à cet endroit, une ligne de partage des eaux. De là, les
courbes vont en descendant constamment du côté de la Mantinique et
de Sténo. Il est donc certain que jamais le Saranda-Potamos n'a pu
s'engager dans le petit ravin (004"™2I) enfermé entre le site de Tégée
(070"™) cl la butte de Mertsaousi (OîK)*"), parce que ce ravin lui pré-
sentait une voie montante. Si la rivière a jamais eu des velléités de
quitter son lit actuel, à la hauteur de l'Ilot, c'aurait été plutôt pour
s'engager dans la direction de la Mantinique, comme je l'ai expliqué à
propos du Lâchas (p. M . Note).
Reste donc la partie méridionale comprise entre Tégée et la sortie
des montagnes. Là, le seuil dont parle Philippson n'existe pas; mais la
disposition des courbes de niveau sur notre carte montre qu'en débou-
(1) Pelopfmnes, p. i08. — Cf. Martol. Rev. deGéogr,, 1892, p. 3W sqq., et
Les Abîmrti^ p. WMJ.
TOPOr.iiAPiiiK. ÎWn
chant en plaine, la rivière est ausitôt entraînée dans un sillon oblique-
ment dirigé du S.-O au N -IC. Ce lit n'a rien d'artificiel; les berges en
sont adoucies, et il a toujours existé ainsi dans les temps historiques.
On pourrait» matériellement, diriger le Saranda Potamos dans le
marais de Taka en le saisissant dès sa sortie, pour le dériver vers
Kamari. Mais alors il faudrait l'enfermer entre des levées de terre ou
dans une profonde tranchée pour i'empôcher d'inonder turrcnliellement
toute cette partie de la plaine, dont la déclivité est assez rapide. Si
donc M. Audrain, à première vue, a pu concevoir un projet de ce genre
et en faire part à M. Hérard {DuU. de Coir. Iiellhi. \VI, p. i)!14), il n'a
pas dû tarder à y renoncer. En fait, étant donné celle pente, si la rivière
avait suivi la direction de Kamari, la force du courant aurait creusé un
lit dans le talus où s'appuie ce village. Or, on n'en voit aucune trace
sur le terrain.
Une autre preuve que la direction naturelle du Saranda-Potamos est
bien du côté de l'Est, c'est que le katavolhre de Taka est un exutoire
des plus médiocres, un boyau étroit qui ne suffit même pas à évacuer
les apports du torrent de Valtetsi- L.a vraie solution du dessèchement
de la plaine consisterait à dériver les eaux de Takn à la fols dans la
boucle de Varsova et dans la Mantinique, en rejoignant par un chenal
ie milieu du lac et le ruisseau do Mertsaousi. Ce chenal suivrait le lit
du ruisseau de Vouno et atteindrait 7 à 8 mèlres de profondeur à l'en-
droit le plus élevé de son parcours» c'est-à-dire au seuil d'Ibrahlm-
Eflendi.
Di seconde question soulevée par le texte de Pausanias, à savoir la
communication entre le katavolhre de Taka et les sources de Kranco-
Vrysi, se résout aussi très nettement par la négative. Le fond du
katavolhre exploré par MM. Martel et Sidéridès esl à G12" d'altitude,
et les sources à G54" (1).
Les autres questions relatives au cours comuiun de FAlphée et do
l'Ëurulasont été examinées par M. Loring (our. ciit\ p. (»9-70; carte de
la plaine de Franco-Vrysi, pi. 11;.
3°) Carte du territoire de Manlinée (pi. X).
I^ base de celte carte est un agrandissement au double de la carte
de l'Etat-major français au 200000*, complété avec les données du
Carton spécial de la plaine de Tégée et de Manlinéo au l.')0 000*, carton
joint à l'atlas de V Expédition de Morée, J'ai aussi eu communiciUion de
la minute au ;iOOOO*, qui est au Dépôl de la Cuerre. 1^ plan dressé par
la Mission française des travaux publics et (|ui comprend toute la Ion-
(1) Les Abîmes, p. !i()l. — I^» képlinhiri «Mirri'spoiul.inl :iu katnvolhro osl
poiii-^lro criul de Konitlilsji, à ii kll. au N. ilo Sparlr : il rst A 2;m" d'al-
titudo, d'apW's la cotn cjuc m'a communiquée M. Quciltnnnc.
î)08 APPKNDICKS.
gueur de la Haute Plaine, depuis Taka jusqu'au kliani de Hilal, a luuriii
les cotes du (und de la plaine avec d'exactes indications sur la direction
des principaux cours d'eau. Le travail de nivellement, subordonné au
projet de dessèchement, est complet pour la Tcgéatide, inondde des deux
cdtés ; mais, pour la Manlinique, il est limité à la partie basse contiguô
au Ménalc. Le site môme de Manlinée reste en dehors. Je n'ai pu figurer
le relief en courbes de niveau. I^s cléments de ce travail font absolu-
ment défaut, et je n'avais ni les moyens ni le temps de l'entreprendre.
1^ minute du Carton spécial de F K ta t- major est bien dessinée en courfties
de niveau, mais ces courbes ont été tracées à vue d'œil et ne correspon-
dent pas à des relevés précis. L'altitude absolue de la Haute Plaine
résulte des études du chemin de fer de Myii à Tripolis,ce qui a permis
à la Mission française de substituer des cotes exactes de nivellement
aux anciennes cotes barométriques. Ainsi, la cote de Mantinée est de
630 mètres et non de 000, comme l'indique la Carte de l'Ktat-major au
200000*. Ces détails ne sont pas superflus, il fallait les établir avec
précision, en raison de l'importance fondamentale de la topographie
sur le régime des eaux, sur l'habilabilité, et, par suite, sur l'histoire,
dans un bassin fermé à faible déclivité. Knlin, pour les noms et la
répartition des katavothrcs, j'ai trouvé de précieuses indications dans
les rapports et les croquis de M. Sidéridès, consignés et commentés par
M. Martel dans son livre sur LesÀbiines, ch. XXVill.
IV. - Histoire.
lo) Statistique de la population,
T^ statistique approximative de la population manlinécnne peut être
tentée, en prenant pour base les chiffres des eflectifs relevés par Héro-
dote pour les guerres médi(|ues et le chifTre maximum de 3000 hommes
indiqué par DIodore pour Tannée 411), et, plus catégoriquement, par
Lysias dans son discours sur la Comtiiutinn, pour l'année 403.
Aux Thermopyles, le contingent mantinéen, égal à celui de Tégée, se
montait à 500 hoplites (t). Mais ce clitlTre ne représente qu'une faible
part, le tiers au plus, des troupes que chacune de ces deux villes pou-
vait mettre en ligne. A Platée, où l'elTort fut beaucoup plus considé-
rable, puisque les Spartiates mobilisèrent iOOOO hoplites, Spartiates et
Laconiens, et 3i>000 hiloles armés à la légère, les Tégéates envoyèrent
l 500 hoplites doublés de l 500 psiles, selon l'habitude de lever les trou-
pes légères suivant la proportion d'un psile par fantassin pesamment
(1) DIod. XH, 78.
(2) Ilérod. VU, 202.
IIISTOIRR. r)G9
armé (1). D'ordinaire, on ne mettait sur pied que les éléments les plus
valides et les mieux exerces. Les classes extrêmes des jeunes recrues
au-dessous de vingt ans et les hommes Agrs restaient au pays pour la
garde du territoire et des re^nparts. Ces éléments représentaient environ
ï/() de la levée en masse (TcavSïjfjLe^) (2), ce qui donne pour Tégre une
somme totale de :)600 guerriers citoyens, dont la moitié d'hoplites,
l'autre moitié de psiles. Les milices mantinécnnes devaient être un peu
plus faibles, la ville ayant moins d'étendue et sou territoire étant plus
petit. En cfTet, si nous ignorons l'efTectif du contingent qui survint à
Platée après la bataille (3), nous savons par Lysias (4) qu'en 403 la
ville ne pouvait guère mettre sur pied que 3 (MK» hommes. L'orateur n'a
en vue ici que des milices de citoyens tant hoplites, que psiles et cava-
liers (5). L'efTectif de 3000 hommes représente donc le chitire global de
la population mâle valide, et il doit être accepté tel quel (6). Dans les
républiques grecques, dont les institutions militaires calquaient celles
de Sparte et d'Athènes, Tobligation du service pour lous les hommes
libres de vingt à soixante ans comportait fort peu d'exemptions (prê-
tres, magistrats financiers) (7). Les États modernes, où le même système
est appliqué avec rigueur et où la pratique du recrutement se conforme
à la théorie, comme en France, fournissent des éléments de compa-
raison précis. L'armée française sur le pied de guerre (troupes de terre
(1) llcSrod. L\, 29.
(2) Toll« o«t la proportion dos troupos torritorialos laissnc»» on Laconio par
ÀKis on 418 (ïliucyd. V, 04).
(3) Lo clilITro de 4H0 pro|x)sé par Curtius n'nst ni fonilé ni vraisoinblablo.
{Pelop. î, p. 17o}.
(4) IIcpl TToXtTeiaç, 7. Voy. plus haut, p. WK).
(5) Les pi'Itastes niantiniMMis ruuiptainnt parmi h's nieilloun^s troupes do lu
(îr^co (F^urlon, Dialog. XIII). Quant à la cavalerie, elle tu\ joua jamais un rùle
brillant. Les Mantinéens devaient ^courir à celle d'Alliènos, d'Klis ou de
Phlious.
(G) D'après Mélélopoulo z'rftV» SchlacfU hei Mantinna^ p. :i0}, Lysias n'enten-
drait par là que les lioplil.es et les cavaliers; il double alors ce chilTre par un
cidfiro (M{uivalent ih*. Iroujïes léf^ères et obtient ainsi pour Alantinée une force
armée d'environ 7(M)() hommes et «le 7;îOO pour Tê^êe. Ces chiffres sont en
contradiction avec IlénMiole, qui attribue 3(KK) liommes à lej^ée, hoplites et
psiles. Do plus, ils suppos<'nt une population lolnle d'environ 42!0(X) Ames sans
compter h»s esclaves, ce ((ui est excessif pour la ManlinifpK». Do plus Mêlélop<mlo
invocfue à tort un pjissa^o où Xénoplion(V. .'ï, i(») eslime à -iaX) hommes la
population de Phlious, ville moins iniporUinle. «jue Manlinée. Cîir ce chilTre
représente celui d(!scltoy(;ns qui prennent part aux assemblées (èv nîi oavcs(o
Toîç 6;iu e;exX-/)T'aîov) et n<m celui do la force armée. La preuve que les
hommes en ctnt de pren<lro les armes êUiient bien moins nombreux, c'est
qu'Agésilas, en réunissant les meilleurs éléments, ne put en former qu'un
corps de 1000 soldats (ibid.y 17).
(7) Art. Exercilas. Dict. des Antiq. de Saglio. H, p. SÎMi.
570 APPRNDIGES.
et de mer, en bloc 4 260 000 hommes) représente exactement le 1/9 de la
l^opulalion totale : 38 340 000 Ames. Dans la môme proportion, les 3000
guerriers mantinéens supposeraient une population de 27 000 âmes.
Mais il faut tenir compte de deux catégories considérées comme Indis-
ponibles par le recrutement moderne, les jeunes gens de vingt ans et
les hommes ayant dépassé quarante-cinq ans. De plus, le rendement
d'une population antique, comme celle de l'Arcadie, rompue aux
exercices athlétiques et aguerrie par les travaux de la terre, dépassait
de beaucoup celui des Ktats modernes ; le déchet pour cause de réforme
et do faiblesse do constitution et la proportion des malingres y étaient
beaucoup moindres. On doit donc admettre que la milice mobilisable
représentait une fraction plus considérable de la population totale.
Au lieu d'un soldat sur neuf habitants, on peut adopter comme plus
voisine de la vérité celle d*un soldat ou homme valide de vingt à
soixante ans sur six habitants. Les 3 000 hommes de Mantinée
représentent donc la fraction militaire d'une population de 18000
Ames. L'écart entre le chiffre obtenu par le coellicient moderne et
celui qui résulte du coellicient antique correspond à la plus longue
durée du service militaire chez les anciens, à l'excédent de santé et de
vigueur des hommes d'autrefois sur les générations actuelles, à la
supériorité de leur éducation corporelle et de la vie en plein air. Dans
les mêmes conditions, avec ses 38 340 000 âmes, on avançant d'un an
l'Age du service et en le prolongeant de quinze ans, la France gagnerait
plus de deux millions de soldats.
Ce chiffre de 18 1 00 Ames est l'eflectif global de la population libre,
hommes, femmes, enfants, dans tout l'État mantinéen. Celui de
13 000 âmes, proposé par Clinton, parait beaucoup trop faible (1). On
peut s'en convaincre par la contre-épreuve suivante.
L'aire de Mantinée, mesurée sur notre plan, correspond assez exac-
tement à celle de plusieurs villes modernes de la région du Nord,
entourées d'une enceinte à la Vauban (2). Pour Valenciennes, par
exemple, ville aux maisons basses d'un étage en général, avec de petites
rues étroites reliant les voies plus larges qui aboutissent aux portes,
les conditions d'habitabilité, avant le démantèlement des remparts,
répondent à celles d'une forteresse antique comme Mantinée. La popu-
lation urbaine intra muros de Valenciennes se montait en 189i à
18 136 habitants (3). Saint-Oroer, dont la superficie et les conditions
(1) Fasti helhnici, 11,417.
(2) HtnlîiMe: grand aie : 1340- i Viileaeieiiiiti : grand ne: 12!50" 1 .Saim-Omer : grand aie : 1100-
» ptiii aie : 1080" | » petil aie : 1100-1 » ^lic au : lOUO"
(3) D'après los docnmonts consorvés à la mairio : Population totale 28 700
hab. — Population Intra-muros, répartie en 3 cantons: \X 13G lîab. — 4îK>3
maisons, dont 430 sans étage, 2 9i37 avec un 1" étage, 1 300 h 2 éUigcs, Wyk
3 étages, 31 c'i 4 éUif^'os.
IIISTOIIIK.
o7l
sont analogues, fournit à peu près le même cliitiro. On serait donc bien
près de la vérité en évaluant entre 17 et 19 000 Ames la population
urbaine de Mantinée, esclaves compris.
Pour la population rurale, éparse dans les xfoaai de la plaine, le
recensement de la Grèce en \H% fournit d*utilcs indications (i). Kn
efTet, le site de la ville antique étant complètement désert, les babi-
tants modernes de la Mantinique se sont établis sur les points du terri-
toire qui correspondent à remplacement des anciennes bourgades,
anciens centres d'exploitation agricole qui ne cessèrent jamais d être
peuplés, surtout par les métayers et les ouvriers des propriétaires
roantinéens. Aujourd'hui, le A-r^fioç MavTtvefaç, avec ses sept villages
et ceux du Ménale, compte 7 730 habitants. I>es bameaux antiques
ne devaient guère être plus importants. Kn sorte que le cbldre de
25 000 âmes, dont 19 000 pour la ville et 7 (KM) pour la campagne,
parait assez plausible.
Sur ces 25 000 habitants, la population libre comptait 18 00J Ames,
dont environ 9 000 pour l'élément masculin et 9 000 pour l'élément
féminin. Sur les 9 000 hommes, les citoyens de plein droit formaient la
majorité, défalcation faite des enfants. Fn estimant entre 5 000 et 6 000
le nombre des citoyens, on aura une idée approximative de la ':coXiTe(a
mantinéennc.
Quant, à la population servile, elle n'atteignait pas, dans les villes
d'Arcadie, les mêmes proportions qu'en Attique, en Thessalie ou en
Laconie. D'abord, les hommes libres du Péloponnèse, ainsi que Périclès
le constate, n'avaient pas honte de travailler de leurs mains; ensuite,
(1) *ltl^7||x. TTfiç KupepvT^dEwç. StaTiTTixà àTTOTsXÉdaaTa r7|; aTcoypacpYiç
Tou llX7)0ua(iou. IH97, p. Oi.
Ay|[ioç MavTivetaç.
nixépvT) .
KaxoupT) .
Aouxaç .
Sd^yxa. .
Taiirïava .
"Appevcç
42:i
572
472
4(ii
425
217
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3482
^uvoXov
777
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!Kill
821
4;i:»
214;)
7127
Il fiiut y ajouter aussi les districts du Mcnalo qui relevaient de Mantlnée
(aujourd'hui compris dans le D^mc de Pbalanthos).
KapSapa. .
'AXwvi<TTaiva
104
214
1U3
190
407
1)72
AIMM':NniCF.S.
il n*y avait pas eu de race asservie par la conquête, comme dans les
pays doriens, et les agriculteurs arcadicns n*élaient ni assez ricbesni
assez fastueux pour acheter des esclaves barbares, comme faisaient les
parvenus d'Athènes ou de Corinthe. Tandis qu'en Lacopie ou en
Attique, le groupe des citoyens se trouvait noyé dans une multitude
sept ou huit fois plus nombreuse d'esclaves, les États arcadiens
maintenaient la supériorité numérique de leur population libre et
m<>me se voyaient obligés d'en déverser au dehors le trop plein par
l'émigralion. C'est pourquoi, ù côté des 18 000 habitants libres de la
Mantini(fuo,il mo paraît difllcile d'admettre que le pays ait pu nourrir
une population servilc supérieure à 8 ou 10 000 bouclies.
2°) Batailles de Mantiiiée.
J'ai raconté en leur temps les préliminaires et les conséqucnccK des
grandes môlées dont la Mautinique a été le théAtre. La fréquence quasi
périodique de ces conllits atteste que ce coin de terre n'était pas un
champ de bataille occasionnel, mais l'arène fatale où les partis adverses
de la Grèce devaient vider leurs querelles. I^ position centrale et
dominante de la Mantinique entre la Laconie, l'Klide, l'Argolidc et
l'Achale en faisait le donjon commun des principaux États de la pénin-
sule. Sa possession intéressait tout le monde, étant une menace pour
les uns, une garantie pour les autres. Les plus importantes combi-
naisons politiques qui mettent en jeu l'influence de Sparte, tantôt
oflensives, tantôt défensives, viennent se résoudre dans cette plaine.
C'est le creuset où s'élaborent en de suprêmes réactions les destinées
de la Grèce. Aussi les batailles de Mantinéo apparaissent-elles comme
les formules des antinomies de l'histoire péioponnésienne. On y peut
lire, aux heures les plus critiques, résumé en de claires et brèves indi-
cations, l'état de Tatmosphèrc politique. I>es grandes phases du conflit
de la puissance Spartiate avec ses sujets et ses rivaux, cette série de
courants alternatifs, d'actions et de réactions qui remplit les fastes du
Péloponnèse et de la Grèce, tout cela s'inscrit en sanglants caractères
sur le sol mantinéon connue sur un cadran : d'un côté, toujours S|mrte,
de l'autre les dilTércnts coryphées de l'anti-laconisme, tantôt Athènes.
Thèbcs, la Macédoine ou l'Achale. Dans ces oscillations de l'équilibre
général, Mantinée est comme l'aiguille qui marque de quel côté est
l'indépendance péioponnésienne : contre Sparte, avec Argos, Athènes
et rÉlide en 418, avec Athènes et Thèbes en 371, avec la Ligue arca-
dienne en 370; — atcc Sparte et Athènes contre Thèbes en 362; contre
Aralos et Anligone Doson en 222; — rojitre Sparte enfin avec Philo-
pœmen en 207.
A l'importance historique de ce champ de bataille, s'ajoute un intérêt
spécial et d'ordre surtout militaire, il est le champ de danse d'Ares
idéal, le type classique do l'arène pour le combat de pied ferme
iiisToiiiK. 573
((STOLoloL \Li/'f\), Il n'est pas sans inlérèl de suivre sur ce même canevas
lo|)ographi(|iic les variations de la tacli(|uo dans les armées grec(|iies
aux ditlérenles époques. A ce point de vue aussi, la série des trois
grandes môlées de 418, 362 et 207, mérite d'alliror l'attention. Chacun
de ces épisodes est un chapitre instructif des institutions militaires
chez les Hellènes. Kn suivant de près les récils des auteurs anciens,
nous aurons l'occasion de les compléter et de les érlaircir par l'examen
du terrain, et de rétablir avec plus de précision (pi'on ne l'a fait la
marche de l'action et les positions des acteurs ( I).
Le récit de Thucydide (2), puisé à bonne source, est d'une précision ««uiiic de ii
et d'une clarté lumineuses. Voici, d'après lui, les phases de l'action.
Elle eut Heu au milieu de l'été : tou $'£TctYiyvoîJL£vou Osoouç fXEaouvToç (3),
c'est-à-dire dans le courant du mois d'aotU 418. Les armées en présence
étaient d'une part celle des l.acédémoniens et de leurs alliés arcadiens,
Tégéates, Héréens et Ménaliens, sous le commandement d'un chef
unique, Agis II, fils d'Archidamos II ; de l'autre, celle des Mantinéens
assistés des Argiens et de leurs alliés, Cléonéens, Ornéates, Orchomé-
niens, Arcadiens des cantons du N., Athéniens. Sur les forces des deux
adversaires, Thucydide n'ose pas se prononcer par chiffres (4). 11
explique seulement en détail la composition des unités de l'armée
lacédémonienne. Sans prétendre à plus d'exactitude que le mieux
informé des historiens anciens, on peut, sur ses données, tenter un
essai de 8latisti(|ue approximative (5).
Les Spartiates comptaient 7 loches de 4 pentékostys à 4 éuomolies :
l'énomotie comprenait 4 h. de front sur 8 de profondeur, plus 4 chefs
de lile ('TipcoTÔTTaTai), soit en tout 3G hr>mi?ies (6) ; ce qui donne un
(I) L'ctucio soininHirc (esquissée par Loako {Travrls III, p. -M ot siilv.) ne
répond plus aux donn6(*s nouv<^ll(;s cln hi lop^firapliif. I^s obsorva lions do
J^rlni< {Jomn. of, heUeu. Stwl. XV !«):>, p. 8;»-X9 nMlilw'nt Lcako sur «les
points do détail). — Cf. («ulsdiardt. Mémoires milHairea, v\\ X.
(i) V. (»3 etsulv. DicMloro (XII. 71)), tout on lo rôsuiiiaiil, l'oinbroulllc jusqu'à
l'absurdité.
(3) V. 57.
(4) V. (W. — Ui polillquo mystôriouso do Sparto un s'orrupait.^uoro do satis-
faire la curiosité dos bisloi-ions: TÔ fjLÈv yàp Aa)t£OXi|xovi(.)v tcXyiOoç oià ttj;
TToXiTEia; TO xpuTTTÔv "/jYvosÎTO. Quant à lours advorsalrrs, loura évaluations
exagérées sur lours propros forces no môritaicMil aucum», créance : TÙiv o'au
8ià To avOptoTteiov xo(j.7ro)0eç eç Ta olxeîa TtX/jOTj VjTriaTetTO. Cependant, à
l'ceil, l'annôo lactHlôinonienno panussait plus noniljrouso : to aTpaTOTteôOv twv
Aaxeoa'.{jLoyio>v jjieîÇov I^xvY|.
(ii) Voy. sur ro point Môlôtopouio. Dir Sctiittclil hri Manlineu, inshesondere
liber die Slarke der heiden fetndlicfieii lleere. CiôUiiiî:., tSIiS.
(«) Cf. Xon. IJeileit. VI. i. ïiO.— L(ï De rop. Laced. XI, i cl .'i si.^nalo une autre
«ilvision do rarniôo lacôdônionionnc en « {lôpai de 4 Imlirs cliacuno, soit en tout
Vt X ^-^Oi = rj«i4 Lticoiiônioniens.
;>74 ArPKNDlCia.
total de 4032 boplites Spartiates (1), sur un front de 44<) hommes. t)n
y ajoutant les 300 liiTceiç royaux, et tous les non-Spartiates, llilotcs et
j^coniens, suivant les proportions indiquées par Hérodote, 600 Skirites,
Brasidéens, Néorlaniodes, et les troupes légères, on arrive à un total
voisin de 49 000 b. Les contingents arcadiens peuvent être évalués
à 9 000 il. (5000 Tégéates, 4 000 Ménaliens et lléréens) ; la cavalerie
Spartiate à 400 cavaliers, celle des alliés à 200, cbitire qu'il faut doubler
par un nombre égal d*bamippes. L'ensemble de l'armée d'Agis ne
devait guère être inférieur à 58 000 combattants, dont environ 17 000
boplites.
L'armée adverse comptait, d'après des calculs analogues :
Argiens 22 500 (sur une armée nationale de 27 000 bommes)
..... wi PAA M 000 hoplites doublés de 1 000 ^iXoi.
Athéniens 2 600 j „^ ■ ,. ^ i ,x j onn i^ .
( 300 cavaliers doublés de 300 bamippes.
Manlinéens — 3 000 boplites et '^iXoi (2).
Orcboméniens et
aut. Arcadiens.. 14 000 h.
43 000 bommes.
Ces cbifTres justifient les paroles de Thucydide : « Ce fut la plus
grande bataille qui ait été livrée depuis longtemps entre les iiellènes et
où se soient trouvées engagées les forces deâ villes les plus importantes ».
L'infériorité numérique des séparatistes avait été aggravée par le
départ des 3 000 boplites éléens,soit une perte d'environ 6 000 soldats (3).
Examinons maintenant les préparatifs et les péripéties du combat et
les positions des combattants.
Période prélimhiaire. — 1* Apres l'armistice conclu entre Argos et
Sparte, arrivent les Athéniens sous le commandement des stratèges
Lâchés et Nikostratos; Àlcibiade les accompagne comme diplomate. Dans
un conseil tenu à Argos, les alliés déclarent ne point reconnaître un
traité conclu sans eux et décident d'aller assiéger Orchomène. Les
Argiens ne se joignent à eux qu'après la prise de la ville.
2* Orchomène tombée, on décide, dans un second conseil tenu à
Mantinée, d'aller attaquer Tégée. Les Kléens mécontents se retirent. Les
troupes alliées concentrées à Mantinée font leurs préparatifs de départ.
(1) Co, chilTi-o IIP ropr<?soiilo quo Ips :>/() do l'iinnéo t«)tjilo; b^ reste du con-
lliigent (environ WO liununes) choisis p:irmi les plus vieux et les plus jeunes,
étîiit demeuré ù Spnrte sous les ordres de Pleislonnax pour gnrdcr la ville.
(Thucyd. V, 6t).
(2) Ils étaient au complet (icavffTpaTiî), le rombat ayant lieu sur leur Icr-
rlloiro (Thucyd. V.ÎJ7, !i). Sur les forces mlliUdrcs de Mantinée, voy. plus haut.
(3) Les auteurs anciens évaluent d'ordinaire la force d'une armée, d'après le
nombre des hoplites et des cavaliers; mais il faut presque toujours doubler ce
cliilTn^ par un nombre rj^al iW. •j/ÎAot cl d'Iuimippes.
IIISTOIHK. .')7.')
3* Agis, informe, accourt de Sparte, s'arrête à Oresthéion (i), lance
une convocation aux alliés arcadiens, leur donne rendez-vous à Tôgée.
De là on convoque les États du Nord, mais ceux-ci n*ont pas le temps
de se mobiliser avant la bataille.
4* De Tégée, Tarmée d'Agis envabit et ravage la Mantinique. Elle
installe son camp près de rHéracléton. 1^ position de ce temple est
incertaine. Curtius le place aux environs de Kapsia, où se trouve loca-
lisée, dans la plaine Alcimédon, la légende d*Hercule. Mais cette raison
est insuffisante. La position de Kapsia est trop éloignée et dangereuse.
Agis pouvait être enfermé dans le défilé, tourné par celui de Simiadùs et
coupé de ses communications avec Tcgée, son quartier général. La seule
position logique est la plaine de Louka. Elle lui ofirait un camp retranché
admirablement fortifié par la nature; le circuit en est formé pnr des
hauteurs Infranchissables, sauf du cétô Sud, ou quelques passages
communiquent avec la Tégéatide. Donc aucune surprise à craindre ni
sur les flancs ni sur les derrières (2). L'ouverture de la plaine, pour une
armée aussi nombreuse, était d*une défense aisée. Knfin, de ce poste,
l'entrée de la Tégéatide |)ouvaitétre surveillée ; bien imprudent eût été
l'ennemi qui se serait aventuré sur le territoire tcgéate avec l'armée
d'Agis sur ses talons. Pour ces raisons, rHéracléion doit être placé vers
l'entrée de la plaine de lx>uka.Dc leur côté les séparatistes n'avaientqu'un
parti à prendre. Il ne fallait plus penser à s'engager sur la route deTét^éc,
à travers le Pélagos,i>our aller attaquer la place.fVélnIt à eux à se tenir sur
la défensive pour couvrir Mantince. Or, l'A lésion forme le bastion avancé
de la défense extérieure de cette ville. Les pentes extrêmes en sont assez
élevées classez douces pour qu'une troupe considérable puisse s'y tenir
en bon ordre dans une position avantageuse. \J\ est le véritable point
tactique de la Mantinique et le boulevard naturel de la forteresse inan-
tinéenne. Aussi est-ce là que s'établirent les Argiens et leurs alliés dès
qu'ils aperçurent 1 ennemi : xaTaXapovTsç ^(optov épufxvbv xat 8uaTcpôffooov,
icapfiTâÇavTO wç kç p.i/*/|v.
ils étaient là en excellente posture (x(i}'J.o't xapTcpôv), soit pour
soutenir l'assaut, soit pour tomber en avalanche sur l'adversaire étendu
à leurs pieds. Agis brûlait de relever son prestige, ébranlé par sa
faible attitude en Argolido. Un matin, il songeait à tenter Tassant, mais
une voix prudente lui fit comprendre l'insanité de cet te manœuvre (3). 11
opéra une brusque évolution et se déroba par rentrée de la plaine dans
(1) Sur sa route, voy. Luring {Journ, of hrllcn, Slnit. XV. 181)5. p. il-'M).
(2) L'Argun Péclion no possédait pas les mèincs avuntngcs. AgésUas y fut
tourné par l'A lésion (voy. p. 440 sqq.).
(3) « Un <leH plus Agés «le l'armée, dit Thucydide (V, (l'i), cria à Agis qu'il
voulait n'-paror un mal par un autre. » Dioiloro rolato un autre Inriilonl, moins
vraistMublahle, «|ui est sans doule unr viTsInn altôrn' tW rrlul-ri. Voyez plus
bas.
1>7G AiM>i£Nmci:s.
le territoire Irgéatc. Là, connue il cherchait les moyens de déloger
J'cnneini do ses positions sans coup frrir, il fut sans doute avisé par
les TégcatcK d'un stratagème qui leur était familier. Il s'agissait
d'inonder la Mantiniquc. Cotte opération était des plus faciles. L'hydro-
graphie et le niveau du double bassin étaient tout à l'avantage de
logée. « Arrive sur le territoire de Tégée, il détourna vers la campagne
de Mantinéc les oaux qui sont un sujet de guerre entre les Mantinécns
et les Tégéatfts. parce que, de quelque ciité qu'elles se portent, elles y
causent de grands dommages. » J'ai expliqué le sens de ces derniers
mots (I). 1^ manœuvre d'Agis consista à déverser dans le Lâchas le
cours toujours abondant du Garâtes. Pour cela, il suffisait de creuser
un peu au Nord-I'^st de Tégée, sous la hauteur de Mertsaousi, un canal
de 800 mètres, ("était un jeu pour une troupe de 58 000 hommes, sur-
tout si l'on songe que ce travail avait été préparé de longue date par
les ïégéates. Toutefois, rellct de cette manœuvre ne pouvait être
instantané. U fallait aux eaux détournées au moins une journée et une
nuit |)our descendre dans la Manlinique, obstruer les katavothres et
refluer sur la campagne Les travaux de dérivation |)rirent d'ailleurs
le reste de la journée. Ils étaient naturellement cachés par les mon-
tagnes et par le Pélagos à la vue de l'ennemi. Cela fait, Agis regagna
le lendemain son camp de rilérarléion. 11 comptait y attendre l'elTet de
ses travaux; à la vue de l'inondation, les Mantinéens, pensait-il, ne
résisteraient pas au désir de sauver leurs fermes et leurs propriétés
et descendraient en rase campagne avec toute Tarmée pour arrêter
l'envahissement dos eaux à l'aide de contre-tranchées. Il les attaquerait
alors dans dos conditions plus favorables. Mais ce résultat eut lieu
sans (|ue les eaux y fussent pour rien. Après le départ d'Agis, la
veille, les alliés, ayant vu disparaître Tannée lacédémoniennc, avaient
cru à une retraite; après queh|ues discussions, ils se résolurent à la
poursuite et quittèrent leur position. Mais, comme ils s'étaient sans
doute décidés trop tard, la nuit les obligea à camper en plaine ("1). Tx
lendemain matin, ils se rangèrent en bataille, prêts à Tattaque, car
ils croyaient l'ennemi tout proche. Cx)mmo ils terminaient leurs pré-
paratifs, Agis revenait de la Tégéatidc et débouchait du Pélagos pogr
regagner son aunp. 11 lut tout surpris et ellrayé de rencontrer renncmi
au bas de la hauteur et étalant à peu de dislance son front do bataille.
11 ne lui restait qu'ù passer rapidement do l'ordre de marche à la for-
mation de combat, ce qui fut fait en quelques instants.
La position des deux armées sur le terrain n'est pas douteuse. Kilos
s'étendaient oblifiuoment en travers de la plaine, de Pentrée de la plaine
(I) Voy. p. M et la carlr do la Tôf^ôatldo.
(2j ài'niyouGi'^ auTOÙç cltzo tou Xô(pou, xal TrpoeXOovteç €ç to ôjJLaXôv,
IdTpaTOTrsoeuiavTO (Tiiuryil. V, (m).
lilSTOIRl::.
577
del^ukaau kalavothrc du Tâchas, sur un front continu de 3 à 4 kil. (1),
entre la lisière N. du Pclagos et la pointe de l*Aléslon. Le scli(^ma
suivant représente la place des dlllérents corps, suivant les indications
de Thucydide.
Aile (Iruile. Centre.
Mniiliiiéens .
Air.ndi«ns.
1000
Ai-giens.
Argii*iis. CkVincriis
Ornéates.
Aile gauche.
Aliiénirits. Cavalerie
alhén.
Cave- Soi- Brasi- Néocla-
Icrie. rites. déetiH. iitodeM.
Héréens Mena- Tégéates LacéU. Cava-
ierie.
Spartiflles 300
llipiieig liens.
(Ag]s)^
^Centre.
Fig. 61.
Pendant la 1^*^ phase des opérations, chacune des deux lignes appuie
sur sa droite : un mouvement instinctif entraînait tes hommes à abri-
ter le côté droit découvert sous le bouclier du voisin. 11 en résulte que
les deux fronts glissèrent l'un devant l'autre et se débordèrent à leurs
extrémités de la manière suivante :
Ma lit.
Scir.
Kig. 6f.
Agis ordonna aux Scirites débordés par les Mantinéens de faire
demi-tour à gauche et de se mettre au niveau de l'ennemi. 11 comptait
remplir le vide à l'aide des deux loches de l'aile droite qui débordaient
les Athéniens. Mais ses o^dres^ donnés au moment de l'attaque, ne
furent pas exécutés. Il en résulta qu'une partie de son aile gauche se
trouva séparée du reste et enfoncée jusqu'aux voilures, tandis que le
centre et l'aile droite culbutaient le centre et l'aile gauche ennemies (2).
2* Phase : Alors le roi lit arrêter l'élan de ses divisions victorieuses
et les porta en masse au secours de la partie entamée. Ce mouvement
lit lAcher pied aux Mantinéens, aux Arcadiens et aux Mille Argiens
désormais isolés par la débandade de leurs compagnons.
Le succès des Lacédémoniens était dû moins à l'habileté d'Agis
qu'à la discipline individuelle el à la cohésion de ses troupes, sur-
(1) Les 4U32 hoplites sparllatt^s se. |n*rs4;ntiiicnt sur un frunt de 438 huiniiics,
soit k 70 c. par hoiiinir, 313 tnùtros. On peut donc lixer iv déploiomcnt de
l'arnié*» hu'éiléinonlnuKî à plus i\v. i kiloinèln^s. U\s rrsiTvrs se ti-naicnt en
seconde Ilj^nr auprès dos voitures. L'aruuV ennemie, moins nombreuse, avait
dû sacrifier la profondeur à l'éliMulue, pour n'être p<»int dêbordtîe.
(2) Les |M>lênian|ues Ilipponoîdas et Aristoelès, responsables de r«'lto fausse
mamiMivre, furent romlamnés «'i l'exil (Thucyd., V. 72). Au reste, l'historien
constate que les olllriers lacédémoniens furent au-dessous d'eu.x-nièmcîs.
Mniitiiiée. -- 38.
578 API>KNblGi£S.
tout à Tuai té de commandement qui permit au roi de réparer assez
promptement ses fautes et celles de ses subordonnés. De l'autre côté,
chacun agissait pour soi; les succès partiels, remportés par certains
corps, ne compensaient pas les faiblesses dos autres ; le vice fonda-
mental de ces armées fédérales, Tabsencc d'un cbef et d'une autorité
supérieure, leur faisait dépenser en pure perte des trésors de valeur.
Les Mantinéens et les Argiens d'élite (1 ) combattirent avec impétuosité;
les Athéniens, paralysés dès le début par la mauvaise contenance de
leurs voisins, les Cléondens-Ornéates , et des milices argiennes, se
trouvèrent réduits à l'impuissance. Les plus grosses pertes furent
subies par le centre, qui s'était laissé enfoncer et piétiner sans résis<
tance : il perdit 7<>0 Argiens, Cléonéens, et Ornéates (2); 200 Manti-
néens, 200 Athéniens et %inètes avec les deux stratèges restèrent
sur le terrain (3). On attribuait aux Litcédémoniens 300 morts.
La bataille de 418 est le type de l'action simple et de la tactique
jusqu'alors classique dans le Péloponnèse. Une ligne continue, dont
tous les éléments se tenaient fortement soudés, l'eflort d'attaque et de
résistance également réparti sur un front rigide et sans souplesse au
moment du choc, le rôle prépondérant dévolu à la grosse infanterie, le
peu d'edicacité de la cavalerie et des armes légères ou de trait pour
préparer l'attaque ou achever la défaite, telle était la routine où
s'attardait encore l'esprit peu inventif des Spartiates. Être fermes à
leur poste, mas.«ifs et inébranlables comme un mur, c'était l'idéal des
soldats et des chefs.
La solidité leur paraissait être la première vertu de l'hoplite. La mobi-
lité, l'art des déplacements rapides leur était inconnu; si leur ligue
venait à être rompue sur un point, ils se trouvaient déconcertés devant la
nécessité d'une manœuvre inopinée. Parfois, comme les deux polémar-
ques d'Agis, ils préféraient s'y soustraire, dussent-ils par là compro-
mettre la sécurité de l'armée entière. L'ennemi culbuté, ils hésitaient à
poursuivre leurs succès et ne savaient pas convertir la débandade en
catastrophe. Même timidité dans l'attaque : point déformations impré-
vues, de déplacements savants, destinés h inquiéter et à tromper
l'adversaire, en lui laissant ignorer le point précis ou se porterait le
grand coup, et combinés de façon à le trouver toujours plus faible sur
(1) D'après Dio<l(»ro (XIL 71)), sur l'avis tic l*harux, l'un de8 cunsmtk'rs los
plus influents qui accompagnaient Agis, les Lacédcinoniens ouvrirent dans
leurs rangs un passage à la troupe des Mille, pour ne pas exaspérer leur
désespoir Cotte anecdote mo parait 4\trc une variante apocryphe do l'épisode
rapporté par Thucydide. ^Voy. p. 575, Note 3), et confondu par Diodore avec
ce fait que les Aiille et les Mantinéens se ruèrent dans le vide laissé par
les Sciriles.
(2) Voy. Aristoph. Àves. 13 et leScholiaste ad h. loc.
|.'5) Los .Athéniens l<»ur élovcrcnt un tonihc^tu au Céramique. (Pausan. I,
2y, 10.)
HISTOIRE. 579
ce poiiit-là. Ces mélhodes surannées avaient pu assurer le triomphe de
]a discipline grecque sur le chaos des troupeaux barbares. Mais en face
d'un adversaire non moins exercé, non moins solide, mais plus ingô-
nieux et plus improvisateur, elles devaient aboutir à la déroute. La
seconde bataille de Mantinée nous montre |)récisément aux prises sur
le même terrain l'ancien système avec le nouveau.
Cette fameuse mêlée est loin de présenter la clarté et la simplicité de Bauiiie de 362.
l'action précédente. Déjà dans l'antiquité le récit de cette bataille
passait pour une tâche épineuse dont les historiens peu versés dans la
tactique et la topographie se tiraient maladroitement. Polybe(l) reproche
à Éphore d'en avoir donné une description absurde qui accusait son
incomfiétence. L'insulTisance du narrateur éclatait d'autant plus, que
cette bataille, au dire de Polybe, fut un modèle d'action variée et de
combinaisons savantes : ttjv jxev eii^aaiv h/^ei 7rotxt>vY,v, xal <iTpaTr,Yixy,v.
Kphore n'avait rien compris aux manœuvres compliquées qui ont valu
à Épaminondas les éloges tardifs de Xénophon : « Cela est évident, dit
Polybe, pour tous ceux qui, en toute connaissance des lieux, voudront
se représenter les évolutions par lui racontées. » A défaut d'Éphore,
nous possédons la relation assez précise, mais trop écourtée, de
Xénophon. L'historien avait envoyé ses deux tils, Diodoros et Gryllos,
combattre à Mantinée : Gryllos resta sur le terrain, mais le survivant
dut informer son père des moindres circonstances de l'action où son
frère avait, en mourant, acquis une gloire impérissable. Malheureuse-
ment, Xénophon s'est montré trop sobre de détails. Diodore, confus et
inintelligent h son ordinaire, reflète Kphore. Quant n Polybe, son ton
de censeur ne doit pas nous faire illusion sur ses propres faiblesses.
S*il connaissait h fond la topographie du champ de bataille, il semble
n'avoir eu sur la marche générale des faits et sur les plans d'Épaminon-
das que des notions approximatives. C'est du moins ce qui ressort de
la comparaison de ses brèves données avec le texte de Xénophon.
Quelques détails épisodiques sont fournis par Plularquc, Justin, Cor-
nélius Népos, Polyainos et autres compilateurs. Pour la topographie,
qui est la partie la plus délicate de la question, Pausanias seul nous
donne un repère certain. C'est surtout lui qui nous permet de mettre
au point les récits des Helléniques et de Diodore. Quant à la chronologie,
on peut tirer de l'insciiption citée p. 4;»9 un résultat très approxi-
matif (2).
1" La concentration. — Après la déclaration de guerre faite par
Épaminondas aux délégués arcadiens, des deux cùtés on s'occupe de
mobiliser le ban et l'arrière-ban des alliés. Pendant que les Mantlncens
allaient solliciter Sparte et Athènes, Épaminondas concentrait à Thèbes
(1) XU, iij, 4.
(2) Voy. Sfhâfrr. Die Schlacht hei Uantinea, «lans Drnioslfi. m. seine ZeiL
III. HcllaK. I-
580 APPENDICES.
les néotiens, les Kubnens, les TlicssalieDS d'Alexandre et autres, les
Locricns, et les conduisait à Néinée, où il comptait surprendre au passage
les troupes athéniennes. C'est là sans doute qu'il reçut les contingents
péloponnésicns d'Argos, de Sic3'onc, de Tégée, de Mégalopolis, d'Aséa,
de Pallantion, et, comme dit Xénophon, de toutes les villes à qui leur
petitesse et leur position au milieu de ces États ne laissaient pas la
liberté du choix. Kn même temps, le camp adverse se constituait à
Mantinée, où se réunirent tous les coalisés, Achéens, Arcadiens du
Nord, Éléens et 3 loches (sur 12) d'hoplites Spartiates avec tous les
cavaliers et les mercenaires de Lacédémone. On attendait encore
rinlantcrie et la cavalerie athéniennes et les 9 loches lacédémôniennes
qu'Agésilas devait amener.
Tous ces préparatifs occupèrent une bonne partie du mois de juillet.
L'adhésion d'Athènes à l'alliance mantinéenne date des premiers jours
de l'archontat de Molon, nommé le 22 ou le 23 juillet, d'après les calculs
de Bœckh. C'est donc aussitôt après que fut décidé l'envoi des troupes
à Mantinée (5 000 hoplites sous le commandement du stratège Hégésiléos
et i 000 cavaliers sous l'hipparque Képhisodoros), et qu'Épaminondas
s'embusqua à Némée pour les surprendre, soit à partir du 26 juillet.
Les Athéniens pour le dépister firent courir le bruit qu'ils expédie-
raient leurs renforts par mer et par la f^conie, la seule voie désormais
libre, puisqu'Argos avait pris parti pour Thèbes. C'était le premier
mécompte de cette catn pagne qui devait en réserver de plus graves
encore à Kpaminondas. il quitta donc Némée, après un séjour de quatre
ou cinq jours, pour aller installer son quartier général à Tégée, où il
dut arriver vers la fin du mois de juillet. Il suivit sans doute la route
d'Argos par Hysiai. Sécurité complète à Tabri des murs de la place,
faculté de dissimuler ses mouvements (en ce sens qu'il pouvait sortir
pir plusieurs portes à l'insu de l'ennemi, tout en ne perdant rien des
mouvements de celui-ci), enfin ressources abondantes pour la subsis-
tance de ses troupes, tels sont les avantages qui font approuver à
Xénophon le choix de Tégée comme cantonnement.
2* La pointe m Laconie, — Il attend quelques jours à Tégée des
adhésions nouvelles qui ne se produisent pas (les Messénieus, les Tri-
phy liens ?). (^pendant les coalisés sont installés auprès de Mantinée
dans une bonne position défensive (xaTep,àvOav£ Trept p.£v MavTivetav
Toùç àvTiTtaXou; TTe^'jXayfjLivoyç) (l), sansdoule en arrière du grand fossé
transversal décrit plus haut (p. 4."i). Ils ont envoyé quérir Agcsilas et le
reste .des Lacédémoniens, toujours lents à se mettre en mouvement (2).
(i) Plut. De glor, Athen, 40.
(2| C'ost èvidoininont piir orroiir qno. Polylx» rcprrsrnto los Lîimicinoiiions
7rav5Y|îJL£l TrapaYEYOvÔTa; el; Mavxive'.av (IX, H, i). Cf. Justin, VI, 7. — Polylic
uilirniu aussi qu'Aj^rsilsis se trouvait à MaiitiiUH\ où un déserteur alla le préve-
nir. Le fuit du déserteur peut être vrai, mais il n'est pas le môme que celui dont
HISTOIRK. l'iSi
Cependant ceux-ci sont en route : ils suivent, afin d'éviter la Tégéatide,
non pas la vallée de TOinous, niais celle de TKurotas qui les conduira
dans la Mantinique par un chemin dérobé plus long, mais plus sur,
à travers la série de ravins qui relient les sources de TKurolas aux
cantons occidentaux de la Mantiniiiue par Aséa et rallanlion (1). Déjà
ils sont parvenus à Pellana, sur le baut Kurotas (2). Épaminondas,
renseigné par ses espions, conçoit alors un plan bardi, celui de sur-
prendre Sparte sans défenseurs. Pour cela, il compte suivre le cbemin
direct de Tégée à Sparte qui le mènera au but en une nuit par une
marche parallèle h celle d'AgésIlas, et en sens inverse. La trahison lit
échouer ce beau projet. Malgré la rapidité de sa marche, un transfuge
Cretois ou Ihespien (3), sans doute parti dès la sortie de Tégée, eut le
temps de le devancer, de rejoindre Agésitas, lequel, à peine averti, put
dépêcher un courrier à Sparte et rentrer lui-mrme assez tut pour défendre
et sauver la ville. Cependant, au dire de Potybe, Kpaminondas, qui
s'était mis en route à la tombée de la nuit, était arrivé devant Sj)arle,
à la troisième heure, ayant accompli en moins de dix heures avec une
armée de 33000 hommes (4) et par des chemins médiocres, un trajet de
60 kilomètres.
3" Retour à Tégée, — Il renouvela ce tour de force au retour, puisque
dès le lendemain vers midi ses cavaliers surprennienl Mantinée (.'î),
tandis que ses hoplites se reposaient à Tégée de leur double marche
nocturne aggravée par une journée de combat. Les uns et les autres
avaient du moins vaincu la fatigue. Xénophon rend hommage lui-même
[Kirlo Xônophon ctco n'est pas Ai^rslins «iii'li trouva i\ Mîiiillnrr», mais Ws trois
loches spartIaUvs ot i'armiMM'oalist'ro. Diodorr préU^nd f|irAi;(''silas «Hall vvsiv. i\
SiNirtn rt (|iin In rho.f dos Iniupos lacéflémoiiit^nnos riait A^is (?). On Ui voit,
aucun do ers m-lls no. inrrlU'. confianct; <»l crlul do Xônoplion est à la fols lo plus
précis ni lo. (dus plausibln.
(1) llouln n"C" sur la nmlo d«i Lorinj,'. Joiirn, nf. hdlrn. Stud. XV. ISÎKÎ,
pi. I, p. ÏH. — VU\L Ages. 3^^ :\ : xal aixpov iùvr^fst 7rasa)vXi;a; tôv 'AY'riTiXaov
inflitpio U'wn r|u'Kpaminondas prit un aulrn cluMuln. .In suis ici la version de
Xénophon <'t celle de Plutarque qui concordent dans l'ensemble.
(2) Vallon de Koniilitza, à 12 kiloin. de Spar'e.
(3) Il y eut, en réalité, deux déserteurs, l'un qui prévint Aj^ésilas, l'autre qui
courut à Manliuée : les auteurs anciens les ont confondus, ce. qui explique leurs
vershuis dlITén^iles sur la nalloualllé de ce personiiaf^e, versions relevées par
Plutarque {Ages. ;J4). ,Ie. préfère cette explication a celle de Scliûfer (I)in
Sr.filachi bri Maulincia^ [y.\i:^v.-.f)y (Vi\\}rv.s qui le déserteur qui prévint AKésllas
aurait été Ihespien, tandis «pie le courrier «lépéché à Sjiarto par A^ésllas
aurait été crélols.
(4) Chl(Ire«leI)iod«»re::«)(XX)fanlassins«a30(K)«-avaHers(XV,84, 4). - Plu-
tiirque parle«le70()IX) luimmes ([>c j^/or. Àtfien. 40); niais il confond avec Pef-
feclif d(*' ta prennère «'auipa^ni* en î^ic«mie, qu'il a Indi^nienl méliV .'i la stH'undc.
(5) P«dybe, L\, H, î) : irpodéaKiYC ty| MavTivcia tceoI (X£fTOv yjaspaç.
i»82 APPKNDIGKS.
au chef capable d'obtenir de ses soldats un eflort aussi prodigieux et
au merveilleux enlratnenient de ces troupes. En effet, le coup sur
Sparte manqué, Épaminondas, avec une souplesse de conception digne
d'un meilleur résultat, tenta de suite une nouvelle surprise, il semble,
par ces tentatives réitérées, avoir voulu éviter la sanglante môlée que
seul un concours de circonstances fortuites plus puissant que sa
prévoyance lui imposa comme une fatale nécessité.
Après avoir en vain tenté de forcer la résistance désespérée des Spar-
tiates, Épaminondas, voyant Agésilas et ses 9 loches revenir à la res-
cousse, sachant que le reste des coalisés concentrés à Manlinée s'étaient
eux-mômes précipités au secours de Sparte (1) et que leur arrivée
imminente en Laconie l'exposait au plus grand danger, résolut de faire
tourner à son profit la situation. Cette fois c'était Mantinée qui se
trouvait dégarnie de troupes et qui offrait une proie facile. Après le
départ de l'armée, les habitants, s'imaginant qu'amis et ennemis
bataillaient au loin dans la plaine laconienne, s'étaient répandus hors
des murs pour achever en hAte leurs moissons déjà fort en retard,
puisqu'on était dans la première semaine du mois d'aoiU. Tous leurs
troupeaux pAturaient au dehors ; eux-mêmes, hommes libres, ouvriers,
presque tous enfants ou vieillards, les hommes valides étant à l'armée,
(1) Xénoplion no ropréso.nto. pas lo dcipart pour Sparto ilo l'armcft coalisée
comme un fait accompli, mais comoio une rvontuallté dont Kpaminondas
suppute le danj^or pour liAtor son retour à Tc^éc (VU, îi, 14) : A,oyi^6iLE^o^
ô'xt poTjOv^doiÊV o\ 'ApxàBeç el; rrjV Aaxe8a{[Jt.ova. I>es termes de Polybc
indiquent (fue les coalisés étaient en roule et (|u'Kpaminondas le savait (IX,
8, 8) : auX^oyiCôP'^voc oxi (jD[Lpy\(5tT0Li, xoiv Aaxe8ai(jLOvuov xal twv aujifjixy wv
7capczf)epoT,07|x6T(ov iiç T*f|v STTïpTTjV, Tcx^iv xaTaXet7ce(T0at ttjv MavTiveiaVo
xal (xuvtpT) YevéffOai. — (Cf.lMuUm(ue. Deglor,AUien,iO.) — D'apw'îs Diodore
(XV, 8i), ce furent des prisonniers qui apprirent i'i {«'paniinondas la marcliedt^
Mantinêens sur Sparte. 11 semijle bien qm^ les auteurs ])ostérieurs à Xénophon
ont eu tort <le ne pas suivre son récit; ils n'ont pas tenu compte de ce dêtiiil,
qu'Agésilas n'était pas encore à mi-chemin sur lu route de Mantinée (fuand il
apprit la marche d'Kpaminondas sur Sparte et ils ont ctmfondu ce (|ui le
concerne avec ce qui concerne l'arMîé.e concfînlrée i\ Mantinée. I>es faits
doivent donc être rétablis de la manière suivante : \» K|KtminondaR pjirt
«le Tégée; 2® Un transfu^rn avertit Af^ésilas «'i Pidiana; 3' Agésilas «lêpéche
un courrier.'! Sparte et se met (mi roui»», lui-même; 4*» Un autn». déserteur
arrive U Mantinée et prévient l'année coalisé<^; {*• O» Ile-ci se met elle-même
en route par le chemin d'Aséa, espérant sans doute rencontrer AgésiJas
qu'elle ignorait avoir été averti de s«>n cêté; (»« Cette armée n'arrive en
Laconie qu'après Agésilas et la retraite d'I^îpaminondas, c'esl-A-dire en pleine
nuit. (Ce (|ue dit Polybc : IX, 8, îi : xal toiv PoY|Ooûvt(ov icapayevojjLévcov eîç
Tov xaTaXi^'j/ecu; xaipôv, est appliqué à tort par lui aux confédérés partis de
Manlinée ; seuls les l^icédémoniens partis de Pellaua avaient pu revenir à
temps), l'our leur dissimuler son départ, É|Kiminondas laisse en arriére-garde
quelques cavaliers chargés d'alhnner des Wux de bivouac jusffu'au matin.
(Diod. XV, 84. — Frontln. Slrat. 111, 1, îi).
HISTOIRE. *>83
coupaient et rentraient leurs blés en toute quiétude. C'était ce qu'ltlpa-
minondas avait prévu et ce qui iui fut confirmé à son arrivée à Tégéc.
Aussi trouva-t-il dans l'exposé de cette situation un encouragement
d'une force singulière pour décider sa cavalerie (I) à repartir sans tritve
ni répit aûn de razzier la Mantinique et au t)csoln surprendre la ville
sans défense. Lui-même resta à Tégée avec ses hoplites à qui il ne
pouvait raisonnablement plus rien imposer qu'un repos bien gagné.
4* Engagfitnent de caoalerU, — Les cavaliers partirent par la route
de Tégée et le bois Pélagos. Ils en débouchaient à l'improvisle vers
midi, au moment oii, de leur cùté, les i 000 cavaliers athéniens de
Képhisodoros venaient de descendre les dernirres pentes de l'AlésIon
et entraient en ville pour y prendre leurs cantonnements. Eux aussi
étaient harassés, et à jeun, ayant brûlé les étapes depuis leur départ
d'Athènes et rompu quelques lances au passage de l'isthme contre les
Corinthiens, ils ne songeaient qu'à se réconforter eux et leurs mon-
tures. Les supplications des Mantinéens leur montrent le désastre
imminent, toute cette population exposée sans défense, tous ces trou-
peaux perdus, et les implorent comme des sauveurs. L.es glorieuses
traditions de la cavalerie athénienne lui donnèrent le cœur de s'atta-
quer à un ennemi deux fois plus nombreux, et aux cavaliers les plus
émérites de la Grèce, Thébains et Thcssaliens au nombre de 3 000 (2).
Quoique désemparés et fourbus, ils auraient eu honte de ne rendre
aucun service h leurs alliés. Ils chargèrent donc avec vigueur, repous-
sèrent l'envahisseur déjà parvenu à la hauteur du temple de i'oseidon
Hippios et lui indigèrent quelques pertes, non sans en subir eux-
mêmes. Tel fut ce premier engagement que les anciens et les modernes
ont souvent confondu avec la mêlée générale. L.a bravoure athénienne,
après avoir fait merveille, car elle avait réellement sauvé la ville,
exalta encore ce succès et voulut le changer en une grande victoire.
Du reste les Mantinéens se firent ses complices par leur reconnaissance
envers leurs sauveurs et par les honneurs qu'ils décernèrent à Gryllos,
Iliade Xénophon, tombé parmi ces braves (avSpEç àyaDot), à qui l'histo-
rien des HeUéniques a rendu un hommage dont l'anonymat relnusse
encore la dignité (3).
(1) Ispaminondas nvaildù marchera plod otcomhatlrr r>)iiinio .ses fantassins,
^lant hii-ni(^nio slratr^^o dos lioplilos, ro (|iii (>xplii|u<' (iii'il n'ait pn dlrij^'rr m
pf^rsonno la pointe (!<'. sa cavalerie sur Mantinôt*. Ce fut son liipparquo, «lonl
le nom no nous est point parvenu, qui fut chargé do. coiio mi.ssion. CVst ù tort
quo Phi(arf|uo rt Pausanias \o. rrprcscnlrnl assistant à r^ngagemcDl de cava-
Irrle.
(i) Diod. XV, 8i, 4 (moins lo détachement resté en arrière |>our entretenir
les Iv.ux du Idvouac).
(3j 11 est très vraisemblable que Gryllos succomba dans ce premier onga-
grmcnl, ainsi quo Schàfer le suppo.se /'.Sc/i/dc/it bei àlaïUinea, p. I;i) et non
dans la m«'^lée générale où la cavalerie athénienne n'eut pas à donner contre
584 APPBNOICKS.
Polybe cl iMiilarque ont peint de couleurs très rives et quelque peu
exagérées l'émoi des Mantincens à l'aspect de la cavalerie tliébaine,
lorsqu'elle déboucha du L'élagos. « Déjà, dit Poiybe (IX, 8, 20), l'avanl-
garde thébainc touchait au temple de Poséidon, qui est A sept stades en
avant de la ville, lorsque, comme par un fait exprès, on vit paraître les
Athéniens à la descente de la hauteur qui commande Manlinée. A la
vue de ce secours inespéré, les Mantinéens restés dans la ville prirent
enfin le courage de monter au rempart et de fermer aux Thébains
l'accès de la place. » On sait que Polybe a toujours gardé rancune aux
Mantincens de leur attitude envers Aratos. 11 veut ici les accuser de
lâcheté. iMais il omet de dire, comme Xénophon, que tout ce qui pou-
vait travailler était alors épars dans la campagne, et que les quelques
débiles gardiens de la ville se trouvaient dans la cruelle alternative ou
de fermer les portes à l'ennemi et d'assister du haut des murs au
massacre de la population occupée à la moisson, ou, pour la sauver,
de livrer à une poignée de hardis cavaliers l'une des plus belles forte-
resses du Péloponnèse. Comme ils auraient préféré ce dernier parti, —
Épam inondas y comptait — l'arrivée des Athéniens faisait manquer la
surprise, mécompte presque aussi grave que l'échec du coup de main
sur Sparte.
Quant à Piutarque (1), il décrit le fameux (ableau du peintre Euphra-
nor, contemporain de la bataille de 362, tableau patriotique commandé
par les Athéniens et qui représentait le combat des deux cavaleries :
il était exposé dans le portique du Pœcile et passait pour le chef-d'œuvre
du mattre. « Les Thébains en armes et pleins d'ardeur arrivent et
entourent en cercle le rempart. La surprise des Mantinéens était à son
comble ; ce n'était que tumulte, allées et venues de gens se sentant
impuissants à refouler une masse qui les assaillait comme un torreut,
et ne sachant sur quels secours compter. Mais à ce moment inôme
la cavalnrio. tlii'îhahic. G'osl une faiisso liilrirpnHalinn ihi lablciiu (rRuphranor
qui donna naissance, à Athènes, à la lôgondo d'après laciuollc Kpaminondas
fut tue par W, (ils t\o Xcnoplion. L'hipparquo KV^phisodoroa succombii aussi,
mais il est dUTlcile do dire si ce (ut dans la preini(>i*p. ou dans la dcuxiiunc
baUdllc (Voy. DIog.
po; o; iTiTrap/oç <ov
— Pausan. Vlll, 9, \).) (irylios fut onlorré aux frais des Manlincîens, comme
Kpaminondas et lolaTdas, :*i l'endroit où il était tonihi^ [Paus. Vllf, 11, (t :
oaîvovTtti 5k o\ MavTivct; TpuXXov jxcv S-/)(xo«Tca xe Oa'j/avxeç evOa CTredev,
d'après la correction InVs ingénieuse de Scliâfer], et eut l'Iionneur d'une stèle
commémora tive sur l'Adora [xal àvaOévteç èix6va kiii axy^k'f^^ mç ivBpoç
àptffTO'j T(5v <ru(jL|JLà/(ov.— Cf. Vlll. 9, 5. et plus tiaulp. IQi-.— Sansia correc-
tion de Scliflfcr, il faudrait admettre deux statues de Gryllos, l'une sur son
tombeau en deliors «le la ville., l'autre sur l'Agora, ce qui cal peu vraisemblable.
ha tombeau de Gryllos devait être voisin du temple de Poséidon Ilippios.
Voy. plus haut, p. lUO-lOI.]
(t) De glor, Athen,, 40.
I-riiert. Il, \y\, — llarpocral. îtepo; 5'àv eiT) lCir)a»t<rô$(o-
€v MavTiveta fJLÊTa TpùXXou xou Sevo^wvTO; aTcéOavev.
HISTOIRK. Îi85
Yoilà les Athéniens qui descendent des hauteurs de ia Mantinique,
ignorant ia situation critique et l*ardcur du combat, mais chcininaiit
en toute tranquillité. Un courrier vole leur annoncer le péril Quoiqu'en
nombre infime par rapport à la multitude des ennemis et fatigues
par la route, comme il n'y avait pas d'autre allié présent, les hoplites
se rangèrent aussitôt en bataille. Quant aux cavaliers, ils se mirent en
ligne, s'élancèrent et allèrent jusqu'aux portes et sous les murs môme
pousser une vigoureuse charge. Vainqueurs, ils enlevèrent Mantinée
des mains d'Épaminondas. Tel est le sujet du tableau d'Euphranor 11
a représenté le choc de la bataille, l'acharnement de la résistance,
vigoureuse et brillante. Mais, je |)ense, nul de vous n'accordera plus
de mérite au peintre qu'au général, ni ne préférerait le tableau au
trophée, pas plus que l'imitation à la réalité. » A cette description un
peu vague, Pausanias ajoute quelques Iraits plus précis : « le tableau
représente le combat de cavalerie; on reconnaît, entre tous, parmi les
Athéniens, Gryllos, fils de Xénophon, et Kpaminondas sur sa jument
béotienne. » (I). Ailleurs (t\ il nous apprend qu'il exislait au
gymnase de Mantinée, dans la salle d'Antinous, une copie de cette
œuvre. On ajustement contesté l'exactitude des idontilications présen-
tées par Pausanias. D'abord, Plutarque ne nomme aucun personnage
en particulier; ensuite, Épaminondas n'assistait pas à ce combat, et
de plus il combattait à pied, comme hoplite. Il est donc probable ((ue
Pausanias s'est laissé induire en erreur par ses excrètes athéniens ;
sans doute, ta scène principale représentait le corps à corps de deux
chefs, et le chauvinisme populaire se plaisait à voir ddiis ce groupe le
duel du héros thébain et du héros athénien, Gryllos. Ainsi s'accrédita
avec le temps la légende rapportée par Pausanias. Aux yeux des
Athéniens, toute ta bataille de Mantinée se résumait dans ce glorieux
exploit de leur cavalerie, qui n'était pourtant qu'un iiréliminaire de la
grande action.
Il est possible que le tombeau monumental décrit |). 99 et l'inscrip-
tion des tribus se rapportent à ce combat.
5' Les manœuvres d'iipamhiondus et Vordre de bataille, — Après ce
combat, la cavalerie thébaine dut rentrer à Tégée pour se refaire. Deux
ou trois jours se passèrent, pendant lesquels Tarmée d Épaminondas
acheva de se reposer. Knlre temps, les troupes coalisées revenaient de
Laconie et prenaient position dans la Mantinique(3). La m<^lée générale,
(1) PjHisnn. r, :i, i. — Cf. IX, t."), "».
(2) Vlir U,8. — fi, (•>. — Cf. Stophîini. BiUlei. de l'Acad, de SainL-Pêters-
bourg. Mv\. gr. ot roin. I. p. 170 et suiv.
(3) Kllcs élHleiit, (l'îiprès Dioiion*, au nombre fin 20000 fjintnssins ot 2 000
cavaliers. On ne sait par (pii les troupes lafé<lêmonlennt»s élaienl comniandôcs.
D'après Plutarque, ( ïpopht. /acou.7;j)r*élait par Af^èsilas en personne, <»t c'est lui
ipii aurait donné à ses soldats In conseil de viser Kpaminondas, disant que la perte
d'un tel iioinine équivaufirait îi une victoire. Mais ce ténioi^naf^e suspect n'est
pas conliruHî par la biographie d'Agêsiias, mais seulenu-nt par Justin, G, 7.
'Î8G APPENDICES.
qu'Kpa m inondas avait touIu éviter, devenait nécessaire. Pressé par le
temps (1), IcTbébain résolut d'en finir. Il ordonne à ses troupes de se
préparer, belles obéissent avec allégresse, fourbissent leurs armes à
Tenvi et les Arcadiens eux-mêmes peignent sur leurs boucliers la
massue, emblème des Thébains. L'ennemi se tenait un peu au Sud de
rétranglement de la plaine, en territoire tégéate, sur un front de 2000
à 2 500 m., adossé au bois Pélagos.et allongé obliquement entre l'épine
de Mytika et celle de Kapnistra : position qui lui permettait de suivre
les mouvements de Tennemi et de n^Hre pas débordé à droite et à
gauche par le nombre.
Aussitôt sorti de Tégée, Épaminondas fait prendre la formation de
combat (ttjxotov |jl£v (ruvETaxTCTo), comme s'il se disposait à l'action immé-
diate Puis, au lieu d'aller droit au front ennemi, en suivant les routes
de Tégée, il oblique à gauche vers les hauteurs qui bornent à l'Ouest
la Tégéatide, c'est-<^-dire vers le Ménale à la hauteur de la moderne
Tripolls. Il semblait ainsi être revenu sur ses intentions, vouloir
ajourner le combat et chercher un camp. En eflet, il fait ranger en
phalange (en ordre de bataille) sa lèle de colonne au pied des montagnes
et ordonne de déposer les armes. L'ennemi, tranquillisé, en fait autant,
se désarme, rompt ses rangs, se détend. Cependant Épaminondas fait
faire front à ses colonnes à mesure qu'elles approchent (^^l xépcoç
7rop£i>o|jt.evo'j; Xô/ouç TuapayaYwv cl; |jl6T(»>7:ov) et constitue autour de lui un
éperon solide d'hoplites massés en épaisse colonne d'attaque sur une
profondeur énorme (envinin 50 hommes) et, tout à fait sur la gauche,
un autre éperon de cavalerie entreuièléc de fantassins. Telle est son
aile gauche, portée fort en avant du centre et de l'aile droite et qu'il
dirige en personne. I^ schéma suivant indique les positions respectives
et la composition des deux armées, d'après les données de Xénophon
et de Diodore. Au dire de Diodore, l'armée thébaine comptait plus de
30 000 fantassins et 3 000 cavaliers; celle des coalisés plus de 20000
hommes de pied et 2000 cavaliers [lig. l'iO (2)].
(1) Xon. HcAlen. Vif, 5, 18. èvOufJLOuuLEvoç ox». oXiycov |jl£v vjijLCpwv àvxYXTi
IffOiTO àîtievai ôtà tô kçf\x.tiy T'7| (TT^axe^x xbv yGÔyo"^. Lrs raisons (fin do la
béolarchi*^, liiiiltaiioii du sorvieo cirs auxiliaires tlicssallnis, liostililô dos par-
lis adversrs à Tlirbrs) alli'^KUiVs [Mniv oxpliquor rc |Kissagr assoz obscur dr
Xûnophon, sont tontos roiijiTturalos. Un a supposr'^ aussi que Xénophon avait
confondu avec la campa^^nc pivccdonlc, cello de 3(»9.
(2) Fig. (M) : A. Cavalorio et haniippos thébains olThossaliens.
B. Ailn d'attaque (erjLfioXov) dos liopiites lliébains (Épaminondas).
C. Arcadiens ; I) Kul)éens, l-.<M*rlf^ns, etc. ; K. Arjçiens; V. Cavalorio ot troupes
légères ; G. Eubéens et inorconaires, hoplites oX cavaliers sur des collines.
Lu cavalerie V vainc a\ pousse a' en «", position d'où a" atUiquo avec succès
les troupes (î et G. — F' position de la cavalerie victorieuse F, do laquelle elle
attaque, r, A ([ui f vli'iit porter secours.
HISTOIRK. .'>87
Kpaminondas se place au premier rang à droite de la colonne d'at-
taque (ejxpoXov), coinl)altant à pied coui:ne un lioplile. (>)ttc colonne,
flanquée à gauche de la cavalerie, se trouvait portée en avant de la
ligne générale, qui se dérobait en retrait jusqu'à Taile droite, suivant
une ligne oblique transversale à la plaine du N.-O. au S.-E., de.Mytika
à Parori. Ainsi s'explique la métaphore de Xénophon : « Épaminondas
conduisait son armée comme une trirème, la proue en avant, comptant
enfoncer les ennemis à Fendroit où il donnerait, et désorganiser ainsi
toute leur armée. » (1)
f
(wiv. rlremir.
Cav. Manl. I^c^il. hlwiis, Ach(>eii.«. Iiir-tiit. Cnv.il. a
1 1
'/
'•/-
Cet éperon en bélier d'attaque, le général thébain rarait placé à la
gauche de sa ligne, contrairement aux principes de l'ancienne tactique,
qui renforçait surtout l'aile droite, la plus exposée, parce qu'elle n'était
pas couverte par le bouclier. Aussi, comme eu 418, était-ce à l'aile
droite que se plaçaient, comme à un poste d'honneur, les troupes les
plus solides. Kn général, cette aile tirait de plus en plus sur la droite
pour ne pas se laisser déborder par l'ennemi (2) et pour le déborder lul-
mt^ine en le prenant en flanc : l'attaque se produisait d'ordinaire par la
droite. Déjà à Leuctres, Epaminondas avait établi sa colonne massive
d'attaque sur la gauche de son front, de façon à écraser la droite
ennemie, c'est-à-dire le cùté découvert (3). A Mantinéc, le môme dispo-
sitif lui était imposé non seulement par ses avantages oflensifs, mais
aussi par le terrain, f^ bois Pélagos occupait presque toute la largeur
de la plaine, ne laissant entre sa lisière occidentale et le pied du
Ménale qu'une bande de terrain libre par où passait la route de Pal-
lantion. C'est sur cette bande qu'Epaminondas établit son bélier; l'at-
taque eut lieu en contre-bas du promontoire Mytika, près de la route de
Pallantion, à trente stades de Mantinée (4). Quant à l'aile droite, elle était
(1) VII, 5, 23. Cf. — mémo compiralson. Dt rep. Lac. II, 10.
(2) Thucyd. V. 71. — Voy. p. 577, flg. (ii.
(3) Ces principes prévalurent dès lurs on tactique. (Plut Quaest. rom.,
78, 40.)
(i) Ccst aussi l'opinion de Loring. Journ. of hellcti. Slud, XV. 1895, p. 88.
i>88 APPENDICKS .
composée des éléinenls les moins solides, les troupes argienoes, dont la
fidélité était sans doute sujette à caution. Quoique placé en arrière de
l'éperon — to 8e àfjOevsffTaTOv Trôppw àL^zéaxy^'Jt^f . (Xcn. Vil, îj, 2;i), — ce
(lanc droit, découvert, courait le risque d*étre tourné et taillé en pièces
par la cavalerie athénienne, qui lui faisait face. Pour parer à ce danger,
Kpaminondas installa sur quelques hauteurs isolées un parti de cava-
liers et d'hoplites, prêt à fondre sur les derrières de Fassaillant s'il
s'aventurait trop en avant de sa ligne de front, soit pour attaquer les
Argiens, soit pour venir en aide à ses propres amis : xat otto); [it)
è7rcpoif)0(oaiv oi *AO-/ivatoi àizo tou eùo)Vu(xoi> xépaxo; kizX xo 6Xo|jLevov,
xaTÉaTTjdev iiû yy^kô^it}'^ xivwv ÉvavTiouç aùxot; xtX ItzizIolç xai OTiXira;,
^ô^ov poukôyLt'fO^ xoà toûtoi; TcapéXstv, o>; el poTjOi^aaiÊV, oTTiaOev ouTOt
è7rix6(<xotvTo auTOîç (VII, 5, 24). Ces hauteurs ne doivent pas ôlre cher-
chées dans la bordure montagneuse, trop abrupte et trop éloignée;
c'étaient ces petits mamelons qui ondulent le milieu de la plaine au-
dessous du village de Parori. Il y avait là une position favorable à
tous égards aux desseins d*l!]paminondas, assez dominante et conliguô
à sa ligne de balailie.
Quant à Tcnnemi. il avait disposé sa cavalerie, non pas en colonne
d'attaque, mais en phalange, comme un corps d'hoplites, c'est-à-dire
sur une profondeur de six à huit chevaux, sans intervalles entre les
files pour des hamippcs. Dans ces conditions, cette faible ligne ne pou-
vait soutenir le choc de la cavalerie adverse, massée en bélier à la
gauche d' Kpaminondas.
Toutes ces dispositions prises et sans doute en partie dissimulées par
de fausses manœuvres (1), quand Kpaminondas eut fait reprendre les
armes et commandé la charge, les ennemis, surpris de le voir survenir
à rimproviste. essaient de réparer leur désordre, regagnent leurs
rangs, brident leurs chevaux et revêtent leurs armures.
6» Vaction, — I^ premier choc de la colonne d'attaque dirigée par
Épaminondas avec une force irrésistible lit brèche dans la ligne
ennemie. Mantinéens et Lacédémoniens écrasés lâchèrent pied, entrat-
nant dans leur déroute tout le centre (2). Kpaminondas poursuivit et
blessa de sa main le commandant lacédémonien, du moins au dire de
Diodore, qui s'est plu à dramatiser les faits, mais, reconnu et serré de
près par les Lacédémoniens, il reçut lui-même un coup de lance dans
(1) C'est à quul (ait allusion Polyainos (H, 3, i) quand il raconte qu'Kpami-
nondas opôra ses inouvoincnls ilorriôro. un rideau de 1 (KX) cavaliers, sans cesse
en évolution, et qui cachait le gros de l'année derrière un nuage do poussière
(Cf. Frontin. FI, 2, 12)
(2) Ce fut sans doute à ce moment que fut tué Podarès, le polémarquc man-
tinéen (Paus. VIII, D).
HISTOIRE. ;)89
la poitrine (t). On le transporta mortellement frappe sur les pentes du
coteau voisin, qu'on aurait appelé depuis lors Scni)è.
Il y expira en héros après avoir revu son bouclier et avec l'illusion
d'avoir donné une sœur à sa victoire de Leuclres. Après la chute de
leur cher, les Thébains, éperdus, ne surent plus proliter de leur premier
succès.
A l'aile gauche extrême, le bélier de cavalerie béotienne et thessa-
lienne avait enfoncé les escadrons mantinéenset lacédémoniens malgré
leur vigoureuse résistance. Mais la vue des hoplites arrêtés autour du
corps d'Épnminondas paralysa de môme la cavalerie en plein élan (2).
A l'aile droite, le combat fut plus complexe et plus disputé. Là, la
cavalerie thébaine entremêlée de nombreux aconlistes, archers et
frondeurs thessaliens avait (ait préparer une attaque à distance par les
gens de trait. Quand elle chargea les cavaliers athéniens qui lui
faisaient face, ceux-ci, ébranlés et décimés, se dérobèrent par le flanc,
mais en bon ordre, laissant les escadrons thébains aller se buter contre
les 5 0()0 hoplites athéniens (3) du stratège Hégésilcos et contre la
cavalerie éléenne, qui, se tenant en réserve sur la seconde ligne,
intervint à temps pour repousser l'assaillant (;>). Quant aux cavaliers,
(t) Dlixlorr, XV, S.'), S. Li n:ition:illlr du moiirlrirr (rKpaininondas ('Uiil
ronlrslô.o «lôs i'aiifitpiilf'. Schân^r {die Schlacfit bei Manlinea^ p. \'.\ sq.), a
(liscutf^ les tnxtosà en siijrl. Los pn''lpnlli)ns rivales di's Atliônlons, «Ins Man-
tinrrns ol cirs l^icf^déinonii^ns t|tii rrvfndiipiaioiit t<Mis |x>iir un drs lours l'hon-
neur du coup fatal ont Musrllé autant do fhanipions. Los Alhénions et los
Tliôlxiins tenaient pour (îryllos (Paus. VIII, 11, 1;>); 1rs .\iantln<'>ons pour Jour
conipiitrioto Machôrion ; les Laeédôinoniens, pour le, Spartiate Anlicratès,
surnommé Muchérion (Plut. Agësilaa, II:"»), d'après Dioscourldès, w; [xa/atpa
TraTxÇavTO;, surnom qu'il transmit à ses deseeudants. OIU*. derniêri' expli-
ration contredit les témoi;;na^f^s (|ui attesU'nt (|u'Kp:iminondas rt>vut un coup
de lanc(; ou i\v Javelot. Kl Pausanias aflirme que, nia .Manlinêe ni a Sparte, ii
n'y eut un personnai^e nommé Machérion à qui l'tm rendit d<'s lionn«Mirs
particuliers (VIII, 11,1')). Kn tout cas, il faut exclure (îryllos du débat, puisque,
s'il n'était pas mort pendant le prejnier combat, il devait, dans la grande nu^Jée,
se trouver on face de l'aib* droite de l'armée thébaine, avec la cavalerie athé-
nienne, c'est-à-dire bien h»in d'Kpaniinondas. I^i «piesiitm reste <lonc pendante
entre les Mantinéenset les LicrMlémoniens, (fui reçun-ut vùlo. à côte le choc de
l'éperon commandé par Kpaminondas. Diodore (XV, M) ri Cornélius Népos
{l:pani.^ {)), sans <lésif;ner un n4»m en particulier, disent que les Liicédémoniens
s'acharnèrent contre les Thébains. Avec lui moururent deux autres Déollens,
ses hommes de coniiance : lollidas ou lolaldas et Dalphantos (Plut. Apnphl, r g.^ .
tK. — Élien. //. F, XII, 3)..
(2) C'j'sl évidemment à ces escadrons de l'aile r. que s'applique le récit tie
Xénophon, Vif, ;l, 2!i : ^jyôvtov ô'aÙTO?; xai tcôv lîrTrsoiv, àngxTeîvav «j/sv
0'j8 'ol tTTTTSÎÇ SkÔXOVTE; O'JTC timéaÇ OÎiO ÔTTAlTaÇ , (ÔtTIEO OÏ VjTTtOjJLSVOl
TTE^OpYilXÊVWÇ Olà Tlfiv ^£UYC>VT(OV TToXEJJL'fOV Ol£7C£(TOV.
(3) Parmi lesquels se trouvait l'orateur Kschine(Z)tf faha leg.^ 100).
(i) Diod. XV, 8-;, 7.
590 APPENDICES .
ils reviennent à la charge sur les bamippes et les peltastes, qui, après
avoir préparé l'attaque des cavaliers thébains, s'étaient lancés à leur
suite contre Taile gauche ennemie (i). D'après Diodore, les mômes
Athéniens taillèrent en pièces les li)ubécns et les mercenaires postés sur
les mamelons voisins.
En somme, victorieuse à gauche, défaite à droite, de plus privée de
son chef, l'armée Ibébaine ne pouvait prétendre à un succès sur toute
la ligne. Chacun des adversaires étant resté maître d'une portion de
terrain avec les morts qui la couvraient, avait les droits du vainqueur
et les devoirs du vaincu : il accordait une trêve à l'adversaire et lui en
demandait une pour lui-môme : les uns et les autres élevèrent un
trophée.
Dans l'armée coalisée, le rôle le plus glorieux revenait à la cavalerie
athénienne. Deux fois victorieuse, dans l'engagement préliminaire et
dans la grande môlée, elle avait, seule la première fois, et la deuxième
fols avec l'aide du l'bipparque éléen, sauvé l'honneur de la cause manti-
néenne. Ces deux succès se confondirent plus tard dans Timaginalion
populaire ; la mort héroïque de Gryllos et de l'bipparque Képbisodoros,
rapprochée de celle d'Épaminondas, donna lieu à la légende patriotique
dont on prétendait trouver la conllrmation dans le tableau d'iLuphranor.
11 est évident que si Gryllos avait tué Épaminondas, Xénophon n'eût
pas passé sous silence cet exploit de son Hls : n'eût-ce pas été pour ce
père philosophe une consolation moins banale que la certitude d'avoir
rois au monde un fils mortel ?
BAtaiiie Parmi les raisons qui nous ont fait douter de l'authenticité de la
légendaira bataille quI, au dire unique de Pausanias, aurait mis aux prises Agis iV
de S45. et Aratos (2) vers 245, nous avons signale rinvraisemblanccdela tac-
tique attribuée à ces deux chefs. Il faudrait admettre que ni l'un ni
l'autre n'avaient beaucoup profité des levons d'Kpaminondas et des
Macédoniens. Car, cette rencontre est, à peu de chose près, une répé-
tition de la bataille de 418. Qu'on en juge d'après les positions et le
thème général sommairement indiqués par Pausanias (VllI, 10, 5).
D'une part à Taile droite, tous les Mantinéens en âge de porter les
armes, sous le commandement du stratège Podarès, descendant à la
3iiie génération du héros de 362; ils avaient avec eux un devin d'Élis,
l'Iamide Thrasyboulos, fils d'iKinéas, qui leur prédit la victoire et paya
de sa personne ; au centre, les Sicyoniens, incorporés depuis 251 à la
ligne Achéenne, et les Achéens commandés par Aratos, stratège pour la
première fois en 245 ; à Taile gauche^ tout le reste des Arcadiens rangés
par villes sous les ordres de leurs ofiiciers particuliers: les Mégalopoli-
tains étaient commandés par Lydiadas et L^okydès.
D'autre part, les Lacédémoniens, sous Agis, placé au centre en face
(t) Xi^n. VII, 5, r».
{i) V»y. p. Wi.
HISTOIRE. 591
d'Aratos. Celui-ci aurait dirigé les oporatious, bien que le coin-
inaadement, d'après tes règles ordinaires, appartint aux Mantinéens,
placés au posle d'honneur et combattant sur leur territoire. La tactique
d'Aratos se résume en un mouvement tournant d'une extrême simpli-
cité. 11 faudrait supposer à Agis une fougue bien juvénile et aux Lacé-
démoniens une routine bien naïve pour admettre qu'ils soient tombés
dans un piège aussi rudimentaire. Les deux troupes alignées face à
face, les Lacédémoniens attaquent. Aratos qui avait concerté cette
manœuvre avec les Arcadiens, fait mine de lâcher pied avec le centre,
comme s'il ne pouvait soutenir le choc des ennemis ; mais, tout en se
dérobant, il forme insensiblement son armée en croissant. Agis avec
les siens, déjà sûrs de vaincre, entraîne son centre et ses ailes à leur
poursuite. La pensée qu'ils ont mis Aratos en déroule leur fait oublier
toute prudence. Cependant les ailes ennemies se reforment sur eux.
Aratos fait volte-face, les cerne complètement et les anéantit.
11 serait oiseux de discuter, au point de vue topographique, un récit
de pure fantaisie.
U dernière mêlée de 207 mit aux prises deux belles armées, à l'époque Bataille de so:
où Tarmement et la tactique avaient profilé des immenses progrès que
l'art militaire avait accomplis depuis Alexandre. Pourvues d'un maté-
riel perfectionné, de troupes spéciales, commandées par deux tacticiens
aussi savants qu'habiles, elles déployèrent toutes les ressources de
l'école nouvelle. Le récit de cette mémorable journée, retracé par le
meilleur historien militaire de la Grèce, qui put étudier le terrain et
recueillir les détails de témoins oculaires, par Polybe, constitue un des
documents les plus intéressants sur la composition et le maniement
des troupes à l'époque hellénistique (1).
Les efleclifs en présence sont inconnus (2). On sait seulement que
Philopœmen avait concentré à Mantinée l'armée achéenne, réorganisée
par lui. Elle comprenait une phalange pourvue de la sarisse macédo-
nienne de 14 pieds (4 m. 32) et du bouclier argien, avec une armure
d'hoplite (.1), des mercenaires, des lllyriens* des evzùnes ou gens de
trait (archers, frondeurs, acontistes), des cuirassiers, ou infanterie
mixte entre les evzônes et les hoplites, la cavalerie achéenne et merce-
(i) Polyb.,XI, 11 ot suiv. — Lo récit de Pluluniuo {Philop. 10), moins précis et
plus dramatique, ne contredit cependant pas PoIybc, dont il s'inspire. Pausanias
(Vlir, 51, i) résume très brièvement le thème général de Taction, d'après
Polybe.
[i) Polyalnos, VI, 4. - Pausan., VIII, 50, 1.
(3| Plutaniue {Hhilop.^ 10) dit que les deux adversaires avaient au complet
leurs milices nationales ot de nombreux mercenaires. L'année achéenne, sans
les mercenaires, mnrcliait sur le pied de 30 à 40 000 hommes (Polybe, XXIX, 9
24). Celle de MachanidaséUiil considérable : aTco ttoXXtj; xai pLey^^'^Ç 8i»vâ|JLe(uç.
Le chiffre approximatif de JjO 000 hommes, de part ot d'autre, parait assez
vraisciiibiabU*.
592 ÂPPKNDIGES.
naire renforcée par des cavaliers à la larentine. Le conlingenl inanti-
néei) élait incorporé dans les troupes achéenncs.
L'armée de Machanidas s*élait concentrée à Tégée. Elle comprenait
une phalange de troupes lacédémoniennes, renforcée d'une grande
quantité de mercenaires dévoués à la cause de l'ambitieux tyran, un
corps de cavaliers tarentins et un parc d'artillerie de campagne, com-
posé de voitures portant des lithoboies et des catapultes avec leurs
munitions.
Parti de Tégée au matin (premiers jours de mai 207), le tyran entra
sur le territoire de Mantinée. Pbilopœmen, renseigné sur ses mouve-
ments, fit aussitôt sortir ses troupes de la ville. Des deux côtés, les
dispositions de combat furent prises en même temps. Machanidas se
présenta au débouché de la route de Tégée avec sa phalange en colonnes,
lui-môme posté à la droite, ses mercenaires flanquant de chaque côté
sa tète de colonne et les machines de guerre en arrière.
Pbilopœmen avait divisé ses troupes en trois corps, sortis chacun
par une porte différente : 1*" les lllyriens, les cuirassiers, tous les
mercenaires (cavaliers et fantassins) avec les evzônes, sortis par la
porte de Tégée et par la roiite Xénis, qui conduisait au temple de
Poséidon, prirent les positions suivantes : lesev7.ônessur les dernières
pentes de TAlésiou, d'où ils dominaient la route elle temple; les cui-
rassiers, en contrebas, les reliaient au temple, et les lllyriens les conti-
nuaient, face au Sud, en lignes ininterrompues (1) ; 2*^ la phalange, sortie
par la porte de Manlbyréa, vint s'aligner sur le môme front, les lignes
des cohortes séparées par de petits intervalles (2), le long du fossé qui
traversait la plaine del'Iilst à l'Ouest, à partir du temple. Philopœmen
avait soigneusement reconnu son terrain avant d'adopter ces disposi-
tions. Sa ligne de front se trouvait retranchée derrière ce fossé, dont
les berges escarpées devaient briser l'élan de l'ennemi. Celui-ci, igno-
rant l'obstacle, allait donner tète baissée dans le piège, car Pbilopœmen
(1} TOÙTOK Bk (xuveycîç tou; 'iXXupiou; TtaoevepaXe : c'est-k-dlre sans
intervalles et en front continu, parce qu'ils avaient à protéger lo pont, sur la
route do Tégée.
(2 Je comprends les termes: j^exà 8è tojtou; iizX ttjv aûxvj^ euOeîav t/jv
^aXayva xarà TfiXvj (en lignes) (nretp7)8ôv (pjir cohortes) év 8ia<mQ|Jtaffiv
(séparées) île la façon suivante : au lieu de la formation profonde en cohmncou
en éperon, comme celle qu'avait adoptée Kpaminondas, ou do la formation en
front continu ((tuve^^eiç), à la manière antique, il adopte l'ordre du front
crénelé par cohortes séparées (aTTCÎpai), sur une profondeur moyenne. En
effet, le fossé rendait inutile la première formation, bonne pour i'ollensive, et
la seconde, plus solide, il est vrai, mais moins étendue : or, il pouvait sacrifier
l'ordre continu sans danger, puisque le fossé devait briser raligiicment ennemi
au moment de l'attaque, et il gagnait une plus grande mobilité pour frapper
l'ennemi quand celui-ci sauterait <lans le fossé. La aTreTpa est idenlitiée par
Polyl)c (XI, i3, l) à la cohorte.
HISTOIRE.
593
coinplait lui laisser Pollensive. Le clienal élail alors à sec; mais, si les
fantassins pouvaient le traverser en y descendant, il n*était guère
(ranchlssaljle aux cavaliers, en debors des ponts situés sur le par-
cours des trois routes du Sud; 3** la cavalerie acliéonne dél}Oucha par
la porte et la route de Pallanlion, sous le commandement de Thipparque
Aristainétos de Dymé. Elle alla se placer à l'aile droite de la phalange,
faisant pendant h la cavalerie mercenaire de l'aile gauche, commandée
par rhilopœmen lui-même. Son armée rangée, prête au combat, Pbilo-
pœmcn parcourt à cheval les rangs de la phalange et adresse à ses
hommes quelques paroles brèves et énergiques.
2^ A. IT T I XT lÉ: s
l'orle lie
l'nlUntion
i I
l'iirlo «le
MiiiiUiyira
l'urlo (le
T*K«^n
\U.-
Csw. mh^cniie
):(:
Phnlmige a7r6lpY|5Ôv
Fossi'
CaUpulles
Cflv. inerci'ii.
rimliiiigo
Miu-linn.
Vïones
Illyr. Taiciil. (^v.in«rc.
CiiinisNicrii riiilop.
-n
leinple
i I
Qiv. MKMC. Mercfii.
H Tnirntins
l'ig. «4.
Machanidas litdabord mine de vouloir lancer sa phalange sur l'aile
droite de Pbilopœmen ; c'est-à-dire qu'il marcha obliquement de TICsl
à l'Ouest ; mais, arrivé à bonne distance, il commando à sa troupe de
faire front, se déploie et met son aile droite à la hauteur de la gauche
des Achéens. Il fait passer en première ligne ses catapultes et ses
lithoboles et les échelonne à intervalles réguliers eu avant de son
front .'innovation hardie, car ce n'était pas l'habitude d'employer les
machines de guerre en rase campagne. Pbilopœmen devina que l'ennemi
complaît préparer la charge en disloquant à coups de projectiles la
phalange nchéenne. Il se garde de lui en laisser le temps et lance lui-
même ses cavaliers tarentins contre la droite ennemie, sur le plat
terrain qui avoisine le temple de Poséidon. Machanidas riposle par une
contre-attaque do ses pro[)res tarentins : bientôt la mêlée s'rchaufle
Miintinéc. - 39.
!>94 At>t*CNDlCE8.
sur ce point. Les evzùnes accourent à la rescousse et en un instant tous
les mercenaires sont aux prises de ce côté. Après un corps à corps
acharné et longtemps indécis, les mercenaires de la Ligue lAchent pied
devant ceux du tyran, qui a su par ses promesses enflévrer leurs
courages. Cavaliers, mercenaires, lllyriens et cuirassiers, culbutés, se
replient à toute vitesse sur Mantince, entraînant toute Taile gauche
dans leur débandade. Si Machanidas eût gardé son sang-froid, ce pre-
mier succès aurait |)u ôlrc décisif : il tournait de ce côté les Âchéens
et les |)renait à la fois à revers et de front. Mais il commit la faute de
se lancer à la poursuite des fuyards sur la Xénis, laissant derrière lui
sa propre armée dépourvue de chefs et le gros de Tennemi ferme à son
poste et libre de ses mouvements. Philopœmen, après de vains
efforts pour rallier ses mercenaires, les abandonne à leur épouvante et
n'essaie plus d'arrêter la poursuite. Mais à peine fuyards et poursui-
vants ont-ils évacué le terrain, qu'il prend place à l'aile gauche de sa
phalange, commande aux premières lignes demi tour à gauche et les
mène occuper l'espace abandonné, le reste de sa troupe conservant ses
positions (1). Par cette manœuvre, il coupait la retraite à l'imprudent
ennemi et débordait de son aile gauche improvisée la droite dégarnie
de la phalange larédémonienne.
iCn outre, Polybos (2) reçoit l'ordre de rassembler ceux des lllyriens,
des cuirassiers et des mercenaires qui étaient restés ou qui s'étaient
échappés de la débandade, et, avec cette troupe, de se porter en arrière
de l'aile gauche, face à la ville, pour guetter le retour de l'ennemi.
(1) fjîi manaîlivrr iniliquôo par 1rs termes: eùOéioç toÎç itjxoxoiç tsaê^i twv
^aXaYY'-T<">v èir ' à«7irioa xXivsiv, Tcporiye jxexà hzôiL'jD, t*/js(Ôv xàç xiçciç,
(lut consistor en r.(M'i : les deux prcmlrrs r:in^8 i\r front (têX'/j) <ln chaqu<t
(STzeiùCL liront sur Iiî liane gauche (eir ' à(T'Tr(ôa xXtveiv) et devinrent ainsi les
Ta^eic, files de marche d'une longue colonne qui si*. dirij^ea au pas de course
([leTa 8po(xou) sur le terrain évacué. Il suffit ensuite de lui faire faire par le
flanc droit, sans ini^nie doubler l(*s 11 les (T'/|p(ov ràç xâÇeiç) pour allonger du
double le front de la phalange. I^ii diminution de la profondeur à la suite de
ce mouvement ni^ présonUiil par d'inconvénient, ii cause du fossé qui ahriUiit
les cohortes restées immol)iles et l'aile droite ennemie étant eilc-ntéme
dégarnie. D'ailleurs ces premières lignes se composaient des soldats le^ plus
éprouvés, et Philopoîmen se fit renforcer en arrière par Polybos.
(2) Au moment de la bataille, l'hislorien Polybe on n'était pas né ou bien
était tout à fait enfant. I^i date tW sa naissance Hotte entre il4 et 2()4. (Voy.
Verner. de Polybii vita et itincribus. 1H77. — Mark ha user, drr ijcschichts-
achreib. PolybinsJ. Le nom île l'olllcier aeliéen qui exécuti retle manœuvre
est écrit dans les mss. lloXùpioç MeYaXo7roXiT'/)ç. Ce ne peut avoir été Polybe
rh.islorien. D'ailleurs, comme il ne lui répugne pas de se mettre en scène et
de faire valoir ses services et ceux de ses parents, il n'eût pas manqué de nous
avertir si cet onici«;r avait été son oncle, connue Lo;ike l'a supposé, (les rai-
sons ont déterminé les plus récents éditeurs i\ corrifccr le nom du personnage
en lIôXupoç au lieu de IloXûêioç (éd. Huitsch. IV. addcnd. P. 1400).
, I1I8T0IR1S. i>lli)
Cependant, la phalange lacédémonienne, exallée par le succès des
troupes légères, sans attendre d'ordre, abaisse les sarisst^s et s'ébranle
au pas décharge. Arrivée au fossé, et n'ayant pins le temps de changer
sa marche, elle se jette dedans sans hésiter.
C'était le moment qu'attendait Philopœmen. La charge sonne, les
, Achéens se ruent, piques baissées, sur l'ennemi qui a di^ rompre son
alignement pour descendre dans le chenal. 1^ plupart des I^cédémo-
niens restent au fond du fossé. Les autres prennent la fuite, serrés de
près par les hoplites achéens:
r^essenliel dès lors était d'empôcher le tyran de s'échapper. Comme
il était du côté de la ville avec ses mercenaires, Philopœmen l'attendit
près du fossé. Machanidas revient enfin, voit la déroule de son armée,
comprend sa faute. 11 rassemble autour de lui une poignée d'hommes,
comptant traverser le fossé et s'ouvrir un p:issnge au travers des
Achéens éparpillés dans la plaine à la poursuite des I^cédémoniens.
Mais la troupe de Polybos faisait bonne garde auprès du pont de la Xénis
par où le tyran avait passé la première fois. C'est alors un sauve qui-
peut généra] autour de lui : chacun songe à soi. Ix tyran se met à
longer la berge à la recherche d'un passage pour son cheval. Philo-
pœmen le reconnaît h sa pourpre, au harnachement de sa monture. Il
laisse à Annxidamos le soin de veiller au passage de la bande, en lui
recommandant de ne faire quartier à aucun des mercenaires, suppAls
do la tyrannie Spartiate. Il prend avec lui Polyainos de Kypnrissia et
Simias, ses odiciers d'ordonnance, passe le pont avec eux et gagne la
berge méridionale du fossé à la rencontre de Machanidas. Celui-ci,
escorté d'ArexIdamos et d'un mercenaire, finit par trouver un endroit
praticable, pique des deux et lance son cheval dans le fossé. Philopœmen
survient à cet instant môme, lui allonge un coup de lance mortel et
l'achève d'une estocade avec la pointe de la hampe (t). Ses compagnons
(I) PliiUin(iir. il (lrain;itisr rt'llr sn'iic avec uiio ccrlaiin' fanlnisir : « St'-paivs
par un ftKssi». lar^^o cl profond, ils so mirrnl à rhi'vauclirr vis-à-vis l'un do
l'aulrr, cliaruii sur un Iwinl du fossr, rliorrhant, l'un à !<• passer pour s'rnfuir,
l'aulne à {'(Ml (Muprrhrr. On rût dit, non pas deux ^rnrra'ux i|ui siM'oinlialti.'nl,
mais une bôlo fauvo n'thiilr à la niVi'ssiU» <lo s«' drfiMulrc, l't un ciiasscur
nilrrpido (|ui l'atlond au choc : Ir chasseur, c'clail Pliilopn>in«'n. Cependant, le*
cheval jIu tyran, qui était vij;oureux cl pN'ln d'ar<UMir, «'xcitc d'ailU'urs par
les éperons (|ui lui déchiraient et cnsan^'lanlaienl les llaitcs. se hasarda à
franchir le fossé et se dressa sur les pieds de tlerrièr»' pour laïu-er d'un bond,
à l'autre Inird, ses pleils de devant. Dans ce moment. Simias el !N)lyainos,
qui, dans les haUilUcs, se. tenaient toujours à cAté de Philo]Memen et joip^naient
av**c lui leurs boucliers, accoururent ensmibU*. la lanct^ baissée conlro
l'ennemi. Pbilopœmen les prévint, en se jetant au devant de Machanidas ; et
comme il vit que Machanidas éUiit t«»ut à fait couvert par la télé de son cheval
(|ui se dressait, il jeta le sit^n un pou décote, et prenant son jav<'lol de l'autre
main, il le. lança de toute sa forci» et renversa riiomme dans le fossé. ]| y a
une statue do bronxe à Delphes <|ui repré.sente Pliilopo>men dans cette altilude :
c'est un monument que lui érigèrent les AcIummis. en l'honneur de cet exploit
el de sa belle conduite comme jjénéral dans celle joiirnéi'. » {Philop. tO.
— Cf. BnlL de Corr. hvlUii. XX. isaj, p. i:«is(i. — XXI, p. iUi).
[>96 APPENDIGISS.
lucnl Arexidaiiios; le Lroisiêino, rcnoiuaiil à passer, s'échapiH) tandis
qu'on tuait les deux autres. Les hommes de Simias dépouillent les deux
morts, enlèvent au tyran ses armes, lui coupent la tète, courent la
montrer aux troupes qui poursuivaient, aliu que, convaincues do la
mort du chef ennemi, elles eussent le courage de pourchasser les fuyards
sans trêve ni merci jusqu^à Tégôe : ce qui fut fait. I^s Acliéens entrè-
rent d'emblée dans Tégée ; le lendemain, ils campaient sur TlCurotas.
Ce succès leur coûta peu de monde. L.es Lacédémoniens avaient perdu
4 000 h. luôs, un plus grand nombre de prisonniers, leurs armes et
leurs bagages. Il est vrai que, comme le prétend malicieusement Pau-
sanias, leur défaite était compensée par la perte de leur tyran.
Polybe s'est chargé, avec sa prolixité ordinaire, de louer Philopœinen
de son coup d'œil stratégique et de sa science topographique (I).
L'altitude défensive que le voisinage de Mantinée imposait trop souvent
à ceux qui combattaient pour elle sous les murs avait cette fois servi
leur cause. On ne saurait non plus marchander à Polybe les éloges que
mérite sa merveilleuse exactitude. Depuis que nous avons retrouvé
remplacement du temple de Poséidon Ilippios, tous les détails de son
récit peuvent être vérlliés sur le terrain et la reconstitution de cet
épisode historique est aussi facile et aussi précise que possible.
3®) Mantinée cl Goritza pendant le moyen-âge et les temps modernes.
Depuis les livres de Fallmerayer (2), de Stritter (3) et de Schafarik (4),
grAce aux travaux de llopf ([>), de Paparrigopoulo (6), de Rainbaud (7),
de Drinov (8), de Jircçek (9) et de Sathas (10), la question de Pinvasion
slave dans le Péloponnèse a fait quelques progrès. C'est en 578 que les
Slaves Avares, au nombre de 100 000 hommes pénètrent dans PUellade
(!) Cf. les mémos rlof^rsdansTIt. Liv. XXXV, 28, ot Plut., Philop. 12.
(2) Geschichle der IlaUnnsel Morca.
(3) Stritter. Mémorise populoruin, etc., 1771-1779.
(4) Slavisciic Àllhertliumer. 184.').
(5) Geschichle Griechenlands vont Ueginnde^ ifittelallers {Vlncycl, iVhlrscXx
et Grubcr, 18G7, t. LXXXV, p. 2()i cl 273, et LXXXVI. p. 74, ICI, 184).
(G) Pnparrlgopoulo. Recherches historiques^ I8:ks.
(7) L'empire grec an X' siècle.
,{H) Drinov. Colonisalion de la péninsule des Balkans par les Slaoes (en
russe), 1873.
(î)| Jireçck. Gesch. der Uubjaren. Pnigur., 1870.
(10) Sathas. Uonumvnla historica helleuica. l. préface, p. XVI. Le patrio-
tisme do l'autour se refuse à roconnaltro «les Slaves dans les onva1ii.<;seurs «lu
PéIo{M)nnôse : d'après lui, eo no. sont |nik d(*s ôtnini^o.rs d'une, race diUôrenlc
d<^s Hellènes, ntals des Macédoniens, sujf*ls du grand Cluizan de la llunnie,
étiibli à Pcsth.
HISTOIRR. .'597
septentrionale. Ils ravagent tout le pays, jusqirà rextrôme mer, trois
ans après la mort de Justinien et Tavènemcnt de Tibère II : « Ils y
séjournent encore aujourd'hui et sont inslallés dans les provinces
romaines, sans souci ni crainte, tuant, incendiant. Ils sont devenus
riches, possèdent de l'argent, des troupeaux de chevaux et beaucoup
d'armes, » dit la Chroniqtie de Jean d'ICphèse, rôdigée en 584 (i). Ils
inondent le Péloponnèse sous Maurice en 587, et occupent le pays
pendant 218 ans, indépendants de Byzance I^ colonisation de 1 in té"
rieur est complète au Vil* siècle Les Grecs se réfugient dans les lies et
sur les côtes. I^s Slaves vivaient en groupes familiaux ou tribus qui
pourvoyaient chacune à leur sécurité sans èlre groupées sous l'autorité
d'un chef unique. Ils n'habitaient pas de villes fortifiées, mais des
huiles au milieu des fleuves ou des marais. Les traces de leur domina-
tion subsistent surtout dans la toponymie, où se retrouvent nombre
d'éléments slaves. La région de Mantinéc fournit des exemples irrécu-
sables de celle slavisation du territoire pendant le Vl* et le VU* siècles:
c'est dans les vieilles cartes ou dans les noms populaires des montagnes,
des rivières et des hameaux qu'il faut les rechercher, avant que la
restauration systématique de la nomenclature classique en ait elTacé
les dernières traces. Un relevé complet de toutes les racines slaves
dans les vocables géographiques de la Grèce rendrait les plus grands
services. La substitution d'un village slave appelé (ioiitza (diminutif
de (Jota, colline) (2) est attestée par le cosmographe vénitien Domini-
cus Niger : (( Manlinea urbs illa est, quam nunc (lorizam vocant. Inde
Mantinea urbs, altéra ab eâ quae in maritimis est,('ujus interilu Goriza
modo dicta renala est » (3). Goriza ne figure pas encore sur les cartes
du XVl" siècle, mais les géographes du XVII*, qui s'inspirent du texte
de Dominicus Niger et du manuel du Jésuite Hriet (4), ne l'oublient pas.
Marbié du Bocage et Ixipie l'inscrivent aussi à cùlé du nom néo-grec
de Paheopoli. Kgalement slave ou albanais est aussi le nom de Malévo,
(1) Tniduito (lu syriai|iin par Scliôntoldor. Mûnlrh, 1S(î2.
{i) MIklosIrh. Elymolngisches Worlerbuvii, Cf. (îoritza dr. Liiconio, i\o.
Thrasîdii» (prôs d'Iolnjs), (ïôritz, olc. et l'ancicuiiu'. lislo d«» Falhiierayor.
Grsck. d. Jlalhiiis, I, p. 2;il. — On pourrait aussi proposer pour Goritza uno
étyinolofçio alhanaiso. Iladzidakis (%2. Zeitschr. II, IM) : « yxosîTcex wolil
aus xopivOca, sr. aTuioç, tlonn aut Ikaros lirissl sir xopiOOs und xopiacé
(d. II. xopivOea) uiul xopivOe. » Mi*ycr {NrugriecU. Stud., p. (I.')), coinbal co
rapproclu'nioiit aviT xopivO''a,ot cit«; l'albanais (/«ri/se, poirier sauvage. Cf.
Etym. Worterb. d. alhan. Sprarhe. s. v.
(3) Doinlniri Nl^rl Veneti Géographie. Commmtar, libri I/, BAIe, 1;)57,
p. \m,
(i) Hrirt. Paralleta gcographiœ veleris et novae, Paris, llîi8-9. — Cartes
iW. V de Wil : C.oriza et Mandi olini Alaiilinea ; — même mention sur les
cartes de Ointelli délia \Mgnola (18G5), de Hossi (1(W(»), de do Fer (1C>8G).
.')08 APPRNDIGKS .
donnn à rArléniision, comme celui de Kbelmo, que preuncnt les Monts
Aroania (1).
Le fait que les Slaves cbassèrenl devant eux les anciens habitants
de race grecque, (jui allèrent cbercber un refuge lointain sur les pro-
montoires ou paruii les lagunes de la côte, ressort de la fondation de
villes ci^tières, comme Arkadia, Moneuivasia, Astros, Mantinée de
Mess^nie. Cette dernière, tout à fait inconnue à l'époque classique,
offre, avec Koron, un curieux exemple du transfert d'un nom antique
à la suite d'une émigration ou d'une transplantation des habitants
de race helléui(|ue, contraints de céder la place aux envahisseurs.
Suivant toute vraisemblance, la Mantinée de Messénie fut élevée au
VI' ou au VU' siècle par une colonie de Mantinéens, qui emportèrent
avec eux le nom de leur vieille cité. Klle est mentionnée chez les chro-
niqueurs byzantins, comme une forteresse importante (2) qui eut à
subir plusieurs sièges. Klle s'élevait entre Kalamata et Giannitza, ou,
d'après Dominicus Niger, entre Tbouria et L«uctres : « Ac deinde Man-
tinea in excelsa rupe, unde iEpea, id est celsa, nomen fortia est, nunc
Mantegna )) (3). Ce kastro (igure sur les catalogues de chAleaux moraltes
relevant de la Seigneurie sous le nom de Mantegna in braszo (4). Les
'cosmographes vénitiens la placent sur leurs cartes près de Kalamata
(1) Lr nom ilo Ka'j/a ou Kà']/ix pout vrnir du slavi^ par kapsa^ bolto, cul-
dn-Sîic (hitln capsn)^ ou ilu ^rov, Hvrr Ir. nn^uic sons (co mot slgnllîr. aussi cha-
leur). On lit dans Kt. di^ By/ancn ; Krj/a, irôXiç XaXxioixfjÇ ywpaç. I^i mémo
vllio est appolôo KxjA'j/a dans llôrod. Vli,î23.LV.tymoloj?ic du mot (xzfXTCTeiv)
désigne un croisement de route. I^»s noms de TatTCîava, IltxépvT), ^iyxa
sont sans doute albanais. Voici l'ctymologie de Kapoxpa que M. Iladzldukis
veut bien me communiquer : « Kapoxpa £«7ti XêÇiç XaTivv) ex tou ctfWariMwi,
oOev xapBap: vuv xal jjlêys'^uvtixôv xapoxpa àyyeîov ycLXaLyf,T0ù6/Q^ oï|Xoï'
aTcb Bk TY|Ç ô|xoir>T7|Toç Xéysxai outco xal Xô^oç xal irav âXXo. » Malcvo de
ralbunnis mal\ mont ? (Mt'yiir. Elym. Wiirlerb, d. alban, Sprache.) —
Tsipiana ûolsipa, marc de raisin dont on fait l'i'au-de- vie appelée l^iipnuro ?
Pikerni de pike^ goutte, cascade. — Kakimri parait grec (xaxôv opoç-oupoç?)
(2) (Clialcondyie. De reb Tarde. IX, p. iM et 471. Expédition «ic Mahmoud
en 14:38 : eîç tY|V MavTiveiav Tf|C Aaxti>vixY|ç Tupb; tvj OaXâxT/). — Cf. Phranzcs.
Chron. I, p. 122; II, p. 133; IV, lu, p. 388.) — Je n'ose espérer que c'est i\
celte Mantinée cèlière que V. Hugo fait aiiusion (ChanU du Crép. XII, Un.)»
quand il félicite Kanaris d'apercevoir, du milieu de ia mer :
n IrnvfM'N la vapeur du cignro
DécroUre à l'horizon Maniinér ou Mrffare!
(3) Comment., p. 329. Dominicus Niger, p. 21(5, cite aussi en a)rse une
forteresse du nom de Manlimm, et Méléli«)s des Mxvtivoî en Tlirace.
(4) Extrait des yln?ia/i Veneti de Slepliano Magno (14(>3, Ii(>7, li7l) publiées
par llopf. Cnroniq. gréco-romanes, p. 2()2, 2():J, 2(>:). — ManU^gna est aussi
souvent citée dans les rapports et dépèciies des provédilours de la Moréo au
Sénat vénitien (guerre de i4(>5-(>) et au Conseil des Dix, ainsi ({uo dans les
documents slrathiotes (Voy. Salbas. Monum. hisiorim. VI, passim et Vil, p. 13) .
HI8T01RB. OW
et rappellent Mantineta, Mantegna, Motegia (1). Il en reste encore un
souvenir dans les hameaux de Palaio-Mantlneia, de Mégali — et de
Micra-Mantinela, situés dans le dème moderne d*Abia, sur la berge du
Sandava-Potamos (ancien Choirios) (2).
Ce sont ces foyers permanents qui ont permis à Thellénisme ortho-
doxe de refluer sur l'intérieur et de reconquérir le terrain perdu, par
le moyen de la propagande religieuse et par lY^vangolisalion des Slaves.
L'expédition du Stratège Stavrakios en 783 marque la déchéance de la
domination slave. Pendant le IX^ siècle, les missions établies à Hagios
Pétros, à Christianou, à Nicli, répandent à profusion la bonne parole,
convertissent les barbares, multiplient les églises. Les Slaves, en accep-
tant l'orthodoxie, abdiquaient aussi leur langue et leur race et se
métamorphosaient en Hellènes. De celte époque datent ces innombra-
bles chapelles byzantines .que les archéologues ont la surprise de
retrouver mc^lées, dans le sous-sol des villes antiques, aux débris do
la vloillc Grèce. Ni Guritza d'Arcadie ni Manlinéo ne figurent sur aucune
liste dcvAchés jusqu'ici connues, mais elle fut à n'en pas douter un
centre religieux assez important et bien peuplé, comme le prouvent
les nombreuses et spacieuses ruines d'églises byzantines que nous y
avons découvertes.
A côté de Gorilza, les ralalogues de Kastrns vénitiens signalent une
importante forteresse, celle de Droboiilza, déjà ruinée en 14G7 (3).
Les cartes du XVI« siôc-lo placent cette Drnholit/.a, Droboliz ou Dorbo-
glitza au centre la péninsule (4). Il semble que ce chAteau, distinct
de celui de Muukiili et do la ville do Nicli, cl dont le nom est à conso-
nance slave, ait précédé Tinstallation de Tripolil/a au nu^me endroit
Le nom de Tripoli t/a (en turc Taraboloussa) ne serait alors qu'une
adaptation romaïiiue du vocable slave Droboglîlza : il faudrait attribuer
(1) Ciirlus <l<*. Dunalo Mm>lollo, Vcniflc, 1569. — ilo. (iirohiino Albrbszi. Esalta
nolizia fiel i'elupponneso . Vcniso !(587.
(2) Cui'liiis. Pelopon. II, p. lîiî). .le trouve la ccmtinnntlon (le> ces IdéojJ
ilans uiiiî iHudc récento iln VahM Duchesiio sur les ;inciens êv«>chc8 do Ih (jrr<-j«
{MHnngex de VKcoU de Rome, \mi, p. 38;i) : « Omis h; IVIoponnrsi», ln»is ivô-
cliés lie rinlcrieur, Messine, Môgalopolis, lé^^'îo, ont <lis|»;ini. A Irur plnrr on ru
Irouvc onze dans dos localiti^s c<Ui/^ros : Dainala rrn'/.rno), Aloiicmliasii*, KIos,
Zimalna, MaTna, Coron, Modnn, ViiUimih, ou dans li>s ilcs, l':;;ini>, CrplialiMilf,
Fatras. Piusicurs de w» nouveaux slrj^i'» sont allrslps par h*. Concile ilc 787.
Ce déplarenicnt do la liirrarctiio corrrs|M)nd ôvidrniiucnl aux ni'cossitrs de
l'invasion. (>>iuiui> en ll;di(> ri vn Dalmalic, on dut s'enfuii* devant los liar-
iNires ; les villes de l'intérieur furent a ban4 Ion nées ; on sr. réfugia dans les Iles
et dans les fortiTesses de la côte. »
(:i) Animli Vrneli, dans Mopf. Ctiron. gr. roniana, p. Mt.
(4) J^/nrea Vetiinsula, i:i70. Cjtrte vénitienne anonyme de la Biblioth. natio-
nale. Klle ligure aussi dans Porcacclii : Isa Le pin famose del mnndo, 1570, et
sur la plupsirt des cartes ilu XVil" siècles cumpilé(>s d'apn«s li^s cartographes
vénitiens.
600 APPENDICES.
à la future capitale de la Morée une ancienneté plus grande qu'on ne
fait d'ordinaire Le nom de Trapolitza apparaît sur une carte anglaise de
iOGO, et c'est seulement au XVlll'^ siècle que Dorboglitza se transforme
définitivement en Tripolitza.
T^ silence des chroniqueurs ofTiciels et des lettrés, comme Constantin
Porpbyrogénète, Léon VI, Chalcondyle et les rédacteurs de Notitim sur
ces villes récentes de création barbare, leur persistance à n'user que
des noms classi(|ues vides de réalité (1), s'expliquent, soit par l'igno-
rance du gouvernement byzantin sur l'état du thème du Péloponnèse,
soit par un sentiment de pudeur à l'égard de l'opinion publique. Comme
les empereurs de Chine, le Basileus des Romains n'avouait passes pertes.
Durant la domination franque en Achale (XII" et XIII* siècles), la
région de Mantinée vit plusieurs combats. En 1296, les Hyzantins
construisirent près de Tsipiana une forteresse du même nom (Céptana),
et celle de Moukhii (2). Le territoire de Mantinée lit sans doute partie
de la baronnie de Nicli.
Au XV* siècle, au moment de la première conquête turque, le nom
de Mantinée d'Arcadie revient plusieurs fois dans le récit des campa-
gnes de Tourachan en 1452, de Mahmoud en 1458(3). Après la conquête,
le Péloponnèse dévasté n'est plus qu'une ruine. C'est sans doute à cette
époque que Goritza se dépeupla et disparut. Les beys et les agas prirent
(1) Chalcondyle continue .'i employer le nom de la Mantinée nrcndienne et
celui do lY^gée, bien que ni l'une ni l'autre ne sulisislassenl. De rébus Turcicis,
YIII, p. '381, IX, p. 4U5. Il ne s'agit d'ailleurs que de passages de troupes :
8(à MavTivetaç ywpaç à^ixero. - Aià Ttyir^ç xaî Mavxivciaç IXauvoiv
(Mahmoud en iii)8. — Tourachan m li'M).
(2) Chronique aragonaisc aclievée en iitîKJ ;i Avignon, par ordre du firanil
Maître de Suinl-Je^'in lie .lêrusiilem . C'est une version, rédigée par Juan
Kernandez de llérêdia, abrégée et qucliiuo peu niodinée du Livre de la
Conqneste. Puljllée et traduite pjir Morel-Fatlo. p. 1(K» : « Le capitaine des
Grecs... fit deux cliAleaux-forLs là auprès sur la monUignc [lour commander
toute la plaine et un de ceschAle^iux eut nom Moucii et l'autre Cépiana. » Il est
proliabicquc le village de Tchépiana ou Tsipiana existait déj«'i. D'après la ver-
sion en vers du Livre de la Conquête (BipXiov ty|ç KouYxe-rraç xou Miopaicoç,
V. 31H-2.— Voy. Citron, étrangères par Huclion. i810,p. 4i et le^ Recfi.histor.
sur la prifie, de Morée par Buchon, 18i;), t. H, p. 03), un combat eut lieu en
i20f) entre les troupes de Doxapalris et celles de GeolTroy de Villehardouln,
en un liou appelé Ka'J/ixia (mss de l'aris) ou KaTfrjffxiavoi (mss de Copenhague,
h l'endroit dit « Ollvète de Koundouros : Koûvroupou àXaiûva). Zlnkeisen,
Huchon et la baronne do Guldonoronn {Achaïe féod, p. 12), sans doute psir
analogie avec le nom do Kapsia, placent cette rencontre aux environs de Man-
tinée, k l'ouest. Mais comme l'olivier e^st inconnu dans la llaute-Plaino d'Ai*ca-
die.— I Voy. plus haut, p.l>!)),j'ai peine h admellro cette idcntiflcnticm ; l'ondridl
en question doit plutiU être chepclié on Messi'tnie, d'autant plus qu'il est dit
que les Grecs s'étaient (ait suivre do leur llotln, Si l'on peut penser à uno
Munllnéo, dans la oirconstonce, c'est donc d hi Mnnlinéo ()o Mossênin.
(3) Voy. plus haut, p. 598, n. 2.
HI8T0IRK. 601
la place des «p/ovteç byzantins (1), dont les Francs avaient respecté les
privilèges. L'insalubrité croissante de la plaine forç'ait la population
décimée à refluer vers les hauteurs, dans les villages établis sur le site
des antiques xMjiai, à Kapsia, Tsipiana, Pikcrni, Kakouri. La plaine
désertée, infestée par la malaria, ne retint autour des cabanes de
Goritxa qu'un petit groupe de cultivateurs. Pendant la seconde domi-
nation turque, au XVli" siècle, ce misérable débris do Mantinée dut
lui-même faire l'ascension de la petite colline au Nord de l'enceinte et
se réfugier au sommet du mamelon dans les ruines d'un petit monas-
tère grec, dernier vestige de la ville byzantine (2). Le nom de Goritza
se retrouve, altéré, dans le nom turc Gourtzouli (3), donné à cet
éphémère établissement. Pendant ce temps-là, le nom de Mantinée
était, sur les lieux mêmes, tombé dans l'oubli et ne survivait plus que
dans la mémoire des érudits d'Europe. I^ tradition locale lui avait
substitué le vocable anonyme de Paheopoli (la vieille ville), par lequel
les Grecs modernes ont souvent désigné les ruines dont ils ne
savaient rien, sinon qu'elles remontaient aux temps antiques (k-Ko toùç
TraXaiouç). (4)
Au début du XIX* siècle, les voyageurs n'ont plus retrouvé qu'un
tcbiflik ou ferme turque entourée de quelques masures. Aujourd'hui
tout a disparu, et dans ce séjour mortel seules les puissantes assises
de 371 n'ont pas péri.
Pendant tout le moyen-Age, l'intérieur de l'A rcadie demeure ferra Géographes «i*
incofinita. Iaîs bandes conquérantes des Francs et des Turcs ne font Rcnnissance .
qu*y passer. Le gouvernement byzantin ne possède aucune notion sur xvniesiécie(
ces territoires perdus. L'insécurité y est telle (|n'aucun voyageur ne s'y
(1) Ils (Halont nomiin'îs, (Uins cli?i([iic district, p;ir In Capitaiim (xesaXr,)
ou strat«>;î»vproli>sj):itli{iiri*, roprésonlanl dn l'ompj'nMir dans In Péloponiiôso
(Satiias. Mon. hislor. IV, p. lxxxii).
(2) lloss. Reisen u, Rciserouten. p. 128.
(3) rxouçTCouXi = avec la .syllaho qualilicallvc la on /t, si friîqHrnto dans
la toponymie tnniuo..
(4) MéUHios. Geogr. od. 1807, t. II, p. W)0 : liyixoLi xcopa xaî a'jTYj
IlaXaiÔTioXiç, îaîTOi oXoreXw; xpTr)avtT0£?7a, si; tôv xx-attov ty|; Tp'TroXiTÇïç
TTEpi xà TÇiTtiavâ.
(;•)) J'ai dépoulliô ponr ce travail la colliTtion des cartes anciennes de la
iiibliothiMiuc nationale, rt les manuscrits iniMlIls des v«>yageurs, entre autres
ceux de Fauvel et îles Fourmonl. Ne pouvant énumérer toutes les cartes qui
ont passes sous mes yeux, je signalerai seulement cellrs qui m'ont donné des
rensrj^rncmcuits nouveaux. Pour hîs voyageurs, II siérait oiseux de redresser
leurs erreurs et leurs fausses itlentillcatloiis. Je m'abstiendrai donc de les
prendre û partie, «piand mes conclusions, dilTérentes des leurs, aboutissent à
des certitudes*. Mais ((uand II s'agit (l'byjMitlièses encore discutables, ou de
doniH^j's ([H'»)n no peut plus vérlller sur place, leur lrm«»lgnage n'a pas moins
d'Importance que celui de Pausanlas.
002 APPENDICES.
hasarde. Aussi les premiers géographes de la Renaissance, qui s*applî-
quèrenlà reçonsliluer pour le monde érudil, les linéaments de Tancienne
Grèce, travaillent dlmagination d'après les textes classiques. Quand
ilsesrayent d'indiquer remplacement des villes antiques, leurs notions
approximatives flottent en pleine fantaisie. Sur la plus vieille carte de
Grèce, celle de Nicolaus Sophianus, publiée à Rome en 1480 (1),
Mantince descend au sud de Tégée et voisine avec Phigalie. Avec les
Vénitiens, qui disputent la Morée aux Turcs vers la fin du XVI« siècle,
la science commence à pénétrer à leur suite. Les cosmographes de la
sérénissime République, renseignés par les rapports des capitaines,
des provéditeurs et des ingénieurs militaires, commencent à lever un
coin du voile. On dresse des listes de châteaux dépendant de la Sei-
gneurie ; les noms modernes prennent place sur les cartes à côté ou
aux dépens des noms classiques : on sort de la convention pour
entrevoir la réalité.
Ainsi Domiuicus Niger, dans ses excellents Commentaires géogra-
phiques (Vô'M) (2), signale Tcxistence de Goritza à la place de Tancienne
Manlinée, et précise la situation de la Manlinée de Messénie. Thomaso
Porcucchi (3) introduit Droboliz, Carlena, Mucli, Londari dans sa
carte de la Morée, 1576. A vrai dire, les positions de tous ces lieux
sont marquées au hasard, entre de vagues montagnes et sur des cours
de fleuves tout à fait fantaisistes. Ajoutons que l'ignorance des graveurs
brochait sur le tout en défigurant les noms propres par d'outrageuscs
abréviations et des maladresses de copistes. Dorboglitza devient Dorbo
(Mantinéa, hodie Dorbo, dans Laurenberg) ; Manlinée s'écourte en
Mandi, qui se travestit lui-même en Mundi ou Moudi et se confond sous
celle forme avec Moucli. 1^ carte de laurenberg (1557), copiée par
Coronelli (4), malgré ses inévitables imperfections, marque un progrès
sérieux dans Tétude de la topographie antique. 11 indique à |)eu près
à leur place les principaux détails de la région mantînéennc : Elymea,
Alalcomenia Ions, Mélangia, Ladae stadiiim, Mantinéa hodie Dorbo,
Argus campus, IMiiliiipcus fons.
Il va sans dire ((ue ces rechenhes, fondées sur la lecture attentive
de Pausanids, ne supposaient aucune connaissance réelle du pays.
Mais de telles caries rendaient les plus grands services eu faisant
(1) Réc^dltôc n BAlo on 1ÎH5 avec un ooinnif^ntalroilr Nie. Go.rholltus (N. 0.
in dcscrlptlonom Grarriao. Sophinni pnirfalio. 90 p. in-f"), puis en IîkîO (300
p In-f*. Hùlc. — Cf. Gronovius. Thésaurus antiq, graec. IV).
(2) Comnwnlar. XI, p. 3;i9, Voy. plus haut p. ;)07 note. Malgré l'avertis-
sement do Niger, les cartographes suivants ont souvent confondu les deux
Manlinées.
(3) Thomaso Porcacchi. L'Isole pin farn ose dp.l Monda, f;î70, .p 101.
(i) Dans V Allante Venelo^ KiîM», p. 177, eldaiis (îronovius. Thesanr, antiquit,
gr. t. IV.
HISTOIRR. 603
ressortir rintérêt d'uQ pèlerinage aux pays classiques, en promellant
aux futurs explorateurs une ample moisson de découvertes. Toutes ces
trouvailles de Tcrudition sont réunies dans le consrieucieux ouvrage du
Jésuite Hriet, dont les Parallela geo(jrai}hiae veleris et novae parus
en 1648-1649, accompagnés d'une carte, mettaient aux mains du public
studieux un instrument de travail assez utile (I).
Les noms des localités modernes, connues par les Vénitiens, y sont
généralement accompagnés de noms antiques correspondants. Désor-
mais, Mantinée se fixe sous les noms deGorit/.a. Mandi, et Dorboglitza,
entre Orcliomène et Muclili. Pendant le second tiers du XVlil* siècle,
la science sur ce point demeure stationnaire (2).
La conquête de là Morée par les Vénitiens de 1648 à 1687 apporta
quelques éléments nouveaux dont profitèrent les géographes. Les
luxueux ouvrages de Goronelli (3) ne tiennent guère, il est vrai, les
promesses de leurs titres. Le c(>smogra,)hc officiel aime mieux dédier à
son héros Morosini de séduisants tracés bastionnés à la moderne que
des plans de bicoques antiques. Pourtant ses publications n'ont pas
moins contribué que les bombes du doge séréuissiine à attirer sur cette
terre oubliée Tattention du public savant.
A dater de ce moment, le Levant attire les antiquaires. Malgré les Voyngedesh.
conditions défavorables où la reprise de la Morée par les Turcs en I7i5 "^°"* ^*''-''^
et la peste de 1720, avaient replongé la péninsule, Pabbé Michel Four-
mont et son neveu Claude osèrent les premiers en 1729 aborder
l'Arcadie en explorateurs pacifiques A vrai dire, le récit de ce voyage
entrepris par ordre du roi, n'est guère de nature à réhabiliter la répu-
tation scientilîque du fameux faussaire On savait déjà par la lettre
légendaire à M. de Maurepas, où il se vante d'avoir exterminé la ville
de Sparte, de quelles gasconnades il était capable (4). Depuis que la
(1) 3 vol. in-V. No. Iraite ipn» tU\ rKuropi»; lo n\slr. rst on manuscrit à la
nihliotliôquo nalionair fl<*piiis 1811. Sur Mantinée, t. 11. p. i.'U : « iMantino»
liodio (àorizH (Ni^roi. Mundi (Nanlu). » Suit un court rôsuiné do l'histoire do
Manlinéo, p 47î). Manili fij^Mirn parmi los U)callt«'îs ilo la Tsaconia ou Bras ilo
Maino : « Mandi, olim Manlinoa, tonuis quoquo vicus. » La carte do (îrècc
est passable.
(2) Oirln de .h'an niaev, de iNîcoIas VissrIuT, diî Sanson (Paris, 1670), de
de Wltt. qui distingue i;orlza et « Mandl.ollm Mantinoa w.ot.plus au sud, Dor-
hoKlina-Dorbogliza, et, on Messf^nlo, Mologia (pour Manlogna) ; carte de
Giacomo Hossl (Home. KÎSI), de Cantolll de la Vijçnola (1085 et 1080), de
Dcllsic, de du Val (IGK(Î), de de For (KWCÎ-UiSS).
(3) Description géographique et historique de ta Morée reconquise par
1rs Véniliens, par le P Coronelli, Cosmographo de la srrénissimc République.
Paris, 1(^». Venise, l(J8H. — Isolario det Atlante Veiieto, !«'.%.
(4) On ne «toit voir en ces conlldences que balourdise de hâbleur. Michel
Fourmont a pu faire donner quelques coups de pioche dans des murailles
romainrs ou byzanlinc^s pour en déchausser des inscriptions antiques. Tout
Fourmont.
G04 APPENDICES.
sévère ci ilique de Dœckh a dénoncé les supercheries épîgraphiques du
trop lanlaisisle abbo, tout ce qui émane des Schedae FounnontU est
mal famé- La relalion de son voyage en Grèce, rédigée par son neveu,
fait l'efTet d'un roman médiocre où l'ignorance esl en perpétuelle
rivalité avec la sol lise et la hAblerle.
Il est évident que les doux voyageurs n'ont pas vu, au moins pas
regardé, la plupart des pays qu'ils se vantent d'avoir traversés. Aussi,
en refusant à cette misérable élucubration les honneurs de la publicité,
les protecteurs de Fourmont lui ont donné, malgré lui, une marque de
sollicitude (1). ïja page suivante, exhumée du manuscrit de la biblio-
thèque nationale, fournit moins une contribution à l'histoire de
Mantince qu'à celle des supercheries pscudo-scientiliques.
Descr.deManlinée « Aîusl nous continuàmcs uotro chemin pour nous rendre à Mantinée,
1"^'* que l'on appelle aujourd'huy Sinano (2). Mais nous eûmes le malheur de
n'y pouvoir entrer, la Peste la ravageoit depuis deux mois la plus
grande partie des habitants s'étaient renfermés dans les maisons,
beaucoup étaient sortis de l'endroit ils étaient sous des cahutes et de
mauvaises tentes fait d'une toile de crin noir dont on fait des focs.
Nous avons appris depuis qu'il en était mort plus de 1800 c'aurait été
trop risquer que d'y entrer, et d'y faire fouiller comme ailleurs ainsi
que nous nous l'étions proposé, mais alin de ne pas perdre tout a fait
nos peines nous montâmes sur l'Anchisea du l'on découvre toute la
ville et ses environs, (^elté ville aujourd'hui est .bien dillérente de ce
qu'elle étoit autrefois, avoir le terrain qu'elle occupoit anciennement il
s'en faut peu qu'elle ne fiU aussi grande que Mavramalia ou Messene a
présent il n'y a qu'environ 800 maisons; selon Pausanias Mantince
était ornée d'une grande quantité de bâtiments publics de toutes espèces
arduM»!!)»»;!!!^ ost, à l'ornislon, rnvi dVn U\\vi\ nntsiiil. Il a pris trxto de cos
tniVHUX sans ihiiigcr vt sans consôtiur.ncc (li^s murs do Sparte étant de Imssc
époquo) pour anuiscr son j)roLcctfuir jiar do fadi^s galéjades, lAis brouillons
de la phrase incriniinéc, joints à sa lettre dans les papiers de la Bibiioth^fuo
nationale, attestent la peine ipie lui a coûtée ce maladroit liadlna^i^ iranti-
quatre qui joue la frivolité pour plaire à un ^raud scûgneur. Mais tout ce bel
osj)rit s'est retourné contn^ lui, et le pédanlisme. dont il avait ou trop peur,
s'est trouve en (xissession d'une arme, IcTrible. Il est étrange que la critique
allemande ait i>riK au pied île la lettre ces faeéth^s d'une lé^èreU't lapidaire.
Curlius [Pelop. I. p. 14i, Note ii) llétrit « la démiMice inouïe dans riitstolre
delà civilisation humaine » dont cette malencontreuse le>ltre serull l'expres-
sion. Otte erreur d'un savant, d'ordinaire si avisé, prouve qu'on pitul rire
do tout, sauf de soi-même : car c'est alors vraiment qu'on risque d'élro pris
au sérieux. I^irfeld (Gricck, Épigr. p. 4^) invo(iue à ce propos le souvenir
d'Krostrate!
(1) CliAteauhrIand (/(mnatrc. Introduc.) exprimait le désir qu'on publiât ce
manuscrit. On peut encore s'assj)cier ii ce vœu, tout en l'estimant trop
bienveillant.
(2) Sinano est le nom du village voisin de Mégalopolls!
IllSTOlllE. OOo ""
les uns plus superbes que les autres il n'y reslc plus de hàtinienls
publics qu'une mosquée pour les Turcs et cin(| ou six petites Eglises
pour les chrétiens, rancienne était une continuité de terrain plus long
que large garnie de maisons ce que les débris alleslent, la nouvelle des
petits plotons de cahutes rependue ça et la dans Tintervalle desquels on
laboure : Il y a ccpoiidanl des jardins assez verdoyants c'est le (leuve
Ophis qui leur donne cette fraîcheur. Ce Ibuivo à en croire Pausanias
coulait autrefois le long des murs de celte ville aujourd'hui il passe au
milieu, il prend sa source au bas du mont Lycée au septentrion à deux
lieues deMantinée serpente de la jus(|u*à la ville dans un vallon fort
agréable et quoy qu'il ne reçoive point d'autre eau que celle de sa
source il en est cependant assez fourni pour rendre probable ce que dit
Pausanias de Tusage qu'en Ht Agesipolis (ils de Pausanias ou des lloys
de Lacédémone : il détourna le cours de ce (leuve l'arrêta par des digues
au dessous de la ville afin que Teau en ftt tomber les murs qui n étaient
alors que de torchis : Teau détrauipa la terre les murs tombèrent et
Mantinée fut prise le terrain est fort propre à une pareille façon de
prendre des villes aussi peu défendues que Tétait alors Mantinée, il est
tout plat. Mantinée a eu depuis des murs de pierres on en voit encore
en didérents endroits. Ce qui est une preuve de sa richesse ancienne
car dans ce c^inton de l'Arcadie toutes les maisons sont encore bâties
de terre parce qu'il n'y a point de pierres. Les rochers du mont Lycée
sont trop dures pour les couper et ce n'a pu être qu'à des frais très
considérables qu'on en aura fait venir d'ailleurs pour construire les
murs d'une si grande ville Les temples même comme l'insinue Pau-
sanias n'étoient que de terre. C'est donc bien après que ces murs ont
été construits de pierre. Ce n'est qu'après une longue puissance,
qu'après un commerce réglé et étendu que les habitants de Mantinée
auront pu faire par eux-mêmes de pareilles dépenses, qu'ils auront fait
construire un stadium, un théâtre, des Portiques, des Arcs triomphaux,
des temples à deux nefs, chose extrêmement rare dans la Grèce et
beaucoup d'autres édifices superbes et d'une pierre tirée d'ailleurs dans
le Péloponnèse et de marbn^ de Paros. Nous n'entrerons pas dans le
détail de tous ces bAtiments puisque nous n'en avons vu les restes ([ue
de loin. Mais de l'Anchisea on découvre un petit monticule nous avons
cru que c'était l'Alésium, le Stadium était proche de cette butte des
monceaux de pierres que nous avons appen/us proche de cette butte
peuvent être les restes d'un Temple que l'ICmpereur Adrien y a fait
biUir. Il était sur le chemin qui conduisait <le Mantinée à Tégée les
chemins étant encore les mêmes, les lieux sont donc aisés à recon-
naître, nous n'avons soupçonné n'être (lue celui (jue les Mantinéens
appelaient Pélaguos ce nom jiour du bois de chênes était des plus
extraordinaire, mais il y en a beaucoup de celle espèce dans ce paTs.
Toutes nos recherches étant faites dans la plaine de Tégée el la pro-
vince d'Arcadie où en suivant Pausanias nous y avons reconnu la
606 APPKNDICIâS.
plupart des villes, des temples, des autels, desstadium, des théâtres,
qui existaient de son temps, nous primes le chemin de la Laconie » (1).
D'Anviiie et Barbie Après les Fourmont, Tintérieur de ]a Morée ne semble pas avoir
du Docjige (1780). tcnté les voyageurs. Cependant les études de géographie spéculative
faisaient avec la carte de d'Anville un remarquable progrès (2).
Son élève, le laborieux Uarbié du liocage, mit ses soins à doter les
hellénistes d'instruments de travail aussi complets et aussi précis que
le lui permettaient ses moyens d'information. Son modeste croquis de
TArcadie antique (3) ne prétend pas à l'exactitude géodésique; Tabsence
de relevés faits sur le terrain la rendait encore impossible. Mais c'est
Tétude théorique la plus judicieuse el la plus savante qui eût paru sur
la matière. Pausanias avait pour la première fois trouvé un interprète
au jugement sur, familiarisé avec vSes méthodes de descriptions. Ija
ceinture du bassin mantinéen est ligurée par des hachures sommaires,
mais les noms de l'Artémision, de l'Anchisia, de PAlésion, de TOstra-
kina, du Ménale, les lignes des frontières sont mises en place avec une
admirable intuition. Mème^ùrclé de coup d'œil dans le tracé des routes
qui divergent de Manlinée vers les territoires voisins et dans Tindi-
cation des détails signalés par Pausanias, Pclagus, Ophis, Plolis,
Alalcomenia et Kissa, etc.
l.es quelques erreurs inévitables, vu la complète ignorance de la
topographie réelle du pays, sont excusables ; ce sont celles mêmes que
la Commission de Morée a reproduites (4), bien qu'elle eût à sa dispo-
sition, outre ses souvenirs de visu, un calque fidèle de la région.
Pouqiieviiie. La plaine de Tripolitza devait bientôt trouver un explorateur forcé en
(t7M). ja personne de Pouqueville, interné par les Turcs à Tripolitza en 1799.
|1) Fourmont. Voyage fait en Grèce par les ordres du Roi, p. i^Vl llUh. nal.
Manuscrits, fr. Nouv. nvq. 18î>2) Soiis-litro : Voya^^'O fait on GnVo pcmlant lc»s
années mil sept cent vingt-ninif cl trente par los onlrrs du Uoy sous les auspices
de M. te Comte, de Maurejias et par les vives sol lielUi lions de M. V\\h\n\ Hignon,
toujours atlenlif pour le bien de la littérature. — On n'imprima que rarticlo
inllluiê : Heialion abrégée du Voyage lillcraire (]ue M. l'abbé Fourmont a
fait dans le Levant par onln» du H«)y, dans bîs années 1729 et 1730. {Hist. de
l'Acad. desln:<cr. et beUes-lettres, t. VM, ITÏM, p. :»44-:J;>8.)
Ui lettre au comte de Maurepas se trouve dans les papiers de Mleliel Four-
nïonl, avec une autre lettre datét? du monastère de Vulcano (Messènc) (17 fév.
17^10), où il expose son itinéraire. (Hil)l. nal. 21K)-2*.)7. r.orrespondance el papiers
dt; Michel Fourmont, relatifs à ses vj»yages en (îrèet^ el en Kgypte. Suppl. gr.
2iK>,t. l,p. 28).
(2) Grœciœ antiquœ spécimen geoffvaphicuw . 17G2.
(3) La minute ccmservée à la Bild. nationale porte la mention : terminé en
avril 178(5. Ce croquis éUdl destiné à l'.MIas du Voyage du jeune Anacharsis
(1" édlt. en 1789. — Voy. aussi le Xénoplion de Gail).
(4) Par exemple la confusion eidn^ le chemin de Prinos el celui duCllmax.
Par contre, il a vu plus juste que Curlius au sujet «les roules de Tégée.
iii8Toine. 607
rendant les neuf mois que dura sa captivité, il obtint l'autorisation de
parcourir, sans escorte, les environs. Il nous a laissé de curieux détails
sur la capitale du pachalik de Morée après Tinsurreclion de 1770. Mais
en ce qui concerne Mantinée, ses excursions ont été peu fructueuses
pour un si long séjour. Le voyageur brillait plus par rbumour que par
le sens topographiqua. Cependant ses croquis et ses indications ont
permis à Barbie de dresser un plan de la plaine deTripolitza, qui lut
publié dans la Voyage en Morée et en Albanie de Pouqueville (1805) (I).
La description de Mantinée, toute imparfaite qu'elle soit f2),est à ma
connaissance la première rédigée de visu, car on ne saurait accorder ce
mérite à celle de Fourmont. C'est aussi Pouqueville qui a dû fournir à
Barbie du Bocage les éléments d*un plan spécial et, je crois, encore
inédit, des ruines et des environs de Mantinée. I^ minute en est con-
servée à la Bibliothèque nationale (3). La forme de Tenceinte, le cours de
rOphis, celui de la rivière de Triplghi sont marqués avec une approxi-
mation suflisante pour un relevé fait à vue de nez et sans Instrument.
La pauvreté en indic-a tiens de ruines antiques à Tintérieur de la ville
prouve que de bonne heure Mantinée s'était effondrée dans son sol
mouvant.
L'Anglais sir W. Gell visita Mantinée en 1804-5. il dressa de l'en- Geii et Leakep
ceinte le plan détaillé, mais d'une forme plus bizarre qu'exacte, repro- isoi-isoe.
duit plus haut (i). il s'attacha à relever le tracé des portes de la ville. 11
crut reconnaître, en amont, les restes de la digue d'Agési|)olis. Pou de
temps après lui (12 mars 1805) arrivait au môme endroit, le colonel
Leake, observateur sagace, dont l'érudition était puissamment aidée
par le coup d'œil professionnel. L.es problèmes essentiels de la topo-
graphie mantinéennn allaient être, sinon tous résolus, du moins posés
avec rigueur, iieake n'esquive aucune difllculté, et ses conclusions
môme erronées sont toujours nettes.
Après une description générale de la plaine et de son aspect, il étudie
le tracé de l'enceinte, lève le plan d'une porte, résume les données de
Pausanias et visite Pikerni (;>). Dans une seconde excursion (3 et 4 mars
(1) 1,0 plan original on couleur, ilrossc m I8<)t, rsl consiTvô k la BibliotiuMfuo
nationale (()7M 7. Bar. IW). Un autre plan de la ville et des environs de
Tripolitza (0711^. Bar 520} se trouve ft côté d'un beau plan «le Pcrganie dressé
en 180() sur les indications de Cousinéry.
(2) Voy, en Morée. I. p, 81 et suiv. — Pouqueville l'a reporté»», sans l'ainé-
liorer, dans son ouvrage intitulé : Voyages dans la Grèce, 3 vol. ln-8'. 18()o.
Uéédité en u vol en 18^0-1822, et en W vol. en I82ri 7.
(3) Qirles. Barbie du Bocage, 6710.
(4) Fig. 48, p. iOii. — Probestiicke von Stddlemanern des allen Griechen-
lands, 1827, trad. allcniande de 18:J9. — Voy. aussi : liinerary of ihe Morea,
1827, p. Hl Itrailuit tm français par le G»" de Tromelin). — Narrative of a
journey in tlie Morea^ i82 J, p. 137.
(5) Travels in Ihe Morca. i, p. 100 et sulv.
608
APPENDICES.
Dodwell, IROG.
■ Coiiiinission de
Morcc.
1806), il parcourl la Mcnalie, revient h Manlinée par Ka|)sia, la plaine
Alcimédon, Ideutllie Scopc avec Mylika, et reconnaît les routes du
Prinos par Touniiki, du Klitnax par Mclaugéia (Pikerni)(t). Une troi-
sième fois ('M mars) il iHudie les champs de bataille, reconstitue les
[)ositions des armées |)eudant les quatre mêlées de 418,302,245,207, et
fait d'intéressantes observations sur l'hydrographie de la plaine et sur
le réseau des roules niantincennes (2).
Après lui les voyageurs qui se contentent de [)asser n'ont rien de
nouveau à signaler. Doduell (8 mars 1806) remarque à l'entrée de la
plaine quelques vestiges de gros blocs, constate la destruction totale
<lu site de Pahi'opoli, et reconnaît au pied de l'Auchisia des fondations
en grosses ])ierres (3).
Kntin la Commission scimtilique de Morée douna à ses propres
recherches et à celles de l'avenir une base solide par la rédaction de
deux excellentes cartes, celle de Grèce au 200 000« et le relevé parti-
culier des territoires de Tégée et de Mantjnée au 11)0 000* (4). l^a
dernière surtout est de tous points satisfaisante. Seule l'hydrographie
de la plaine est quelque peu défectueuse; il eût été bon également
d'indiquer les chemins modernes et de repérer les fonds de vallées par
quelques cotes de nivellement. Mais telle qu'elle est, cette petite carte
a rendu les plus grands services aux voyageurs, aux historiens, aux
(1; Ib. II, p. 27S. Ciirlc iW. la pialno de Tripolilxa rt do ManUmu^ pi. i.
(2) Ibid. 111, p. ^i'{)8. (:i-(N]iii$ spoclal do. la Maiiliidqun, pi. 2. Lrako. place à
tort l'Argon POdioii ilaiis la plaine. iU\ I^iuka, mais II a raison contre tous vn
plaçant Ptolis sur la ilcuxirnic rollinf^ au N. do (jonrtzoult. Il a ri^clilic ou
niahilonu à tort plusieurs d«^ sos opinions dans srs Pelnponnesiaca {p. ÎM57
et siilv.) publiés après l(»s travaux do la Commission do. Morôo. — Nouvollo
carto de la Mantinlfjuo o.l do la Tôf;éathlo où lo traci'î i\v. la vouW. du Prlnosa une
alluro paradoxale qui surprend do la part d'un jugomont aussi sftr que le sien.
(3i Clmaic. and topogr, tour in Greece. !8I9, II, p. 421. — Ui tradition
relative à rcxlstrncc d'un rempart fermant la plalno(Voy. p. Ii6), mepanilt
80 retrouver dans le nont du village de Bédénl(lurc et albanais: bedéii, rempart).
(4) Parues en 18^)2. I^ carton di> la plaine doTripolitza est dans la Section
des sciences nalur. Atlas, première série, t. IV. Knlre temps, leDépùtdela
guerre avait publié en 1814 une cartii do la Moré<î dressée par Harblé du
Docage dès 18U7. Kilo signale près dcî (ioritz;i une localité qu'elle, appelle Arnl
et <{ul n'a sans doute jamais existé que dans l'imagination de Pouquevllle.
Kn 1818, parut une carte de. Vaudoncourl (carte générale de la Turquie d'Eu-
ropj» d'après Harbié du Bwage (»t les relevés des olllciers envoyés en mission
par rKmporeur); en I82(î, la carte physique, bistoriipie et r«)ullère de la Grèce
au 400 (J(X)", par le chevaru'r Liipie, d'après les matériaux recueillis parle
lieutenant général doTromelin, les voyages d«'- Pouquevllle, Gell, Doilwell etc.
Ce beau travail préparait brillamine.nl ct'.lui do la Commission de Miiréo;
niais il est très défectueux en cociui concerne la plaine de Triptdilza. IjU mémo
année, Cîell et I^^ike faisaient j)arallre. la carte tie (irècj^ anni\\é«» aux Pelopou-
nesiacay pi. VI et dont s'est inspiré Cramer dans la carte qui accomi>ttgne sa
Géographie publié»; en 1828.
HISTOIRE. . 609
archéologues el inénie aux ingénieurs uiodernes. La partie la plus
faible est celle des identifications; un grand nombre en sont erronées
ou contestables (1). Toutefois on ne saurait sans injustice méconnaître
le talent du capitaine PuillonBoblaye, dont les belles Rechercfies géogra-
phiqties sur les ruines de la Morée (1836) font date dans Tbistoire des
travaux sur la Grèce antique. L'énorraité de la tâche assumée par lui
avec tant de courage et si rapidement exécutée Texposait à des méprises
de détail. Les érudits de profession n*y ont pas moins échappé. Les
pages qu'il a consacrées à la topographie de la Mantinique sont encore
bonnes à relire (p. 139-143 des Reclierches).
ijQ même Puillon-Boblaye a traité de main de maître la géologie de
cette région ; si les théories générales, inspirées des idées d*Élie de
Beaumont, ont complètement vieilli, il n*y a rien à retrancher à son
élégante description des kalavothres, qui reste un modèle d'exposition
scientifique {Sciences phys.^ t. Il, p. 318, sqq). Les architectes de la
Mission n'ont pas fait merveille à Mantinée. Au lieu de dresser le plan
complet de la ville, sans doute moins endommagée ((u'aujourd'hui, ils
se sont bornés à donner un spécimen de l'appareil des murs, à lever
le tracé d'une porte, plus un croquis des ruines du Théâtre et de la Tour
de Louka, à dessiner une vignette infidèle et médiocre d'une vue pano-
ramique de la plaine. On peut aussi reprocher aux membres de la Com-
mission quelques assertions superflcielles. Le capitaine de Vaudrimey
se flattait d'avoir retrouvé les traces du Stade {Rech. géog, p. 141) et
. l'architecte Vietty celles du tombeau d'Épaminondas (i&., p. 143), mais
. ils ont omis l'un et l'autre de produire leurs preuves.
Presque toutes les ruines apparentes de la Mantinique avaient élé '*®** dwi).
signalées et en partie relevées. Mais, même après les travaux de Leakc
et de la D>mmissi<m française, la question des routes de Pausanias
restait intacte.' Les recherches des explorateurs suivants tendront à
élucider ce point. Ross, le 27 mai 183i, parcourant le pays, traversa le
plateau de Varsai, releva à son tour de nouvelles portes de l'enceinte,
prétendit retrouver les ruines du temple d'Aphrodite Symmachia et
les traces des rues de la ville, reconnut le véritable cours de l'Ophis,
nia l'existence des Élisphasiens, et finalement eut l'heureuse idée
d'explorer, Pausanias en mains, la route de Mantinée à Argos par le
ravin de l'inaclios. 11 conclut à l'identifier avec le Klimax et il lit de
cette conjecture plus qu'une probabilité. {Reisen u, Reiscrouten durcli
GriecJienland, 1*' Theil. Peloponnes, p. 121 sq.)
Il y a peu de nouveau dans les relations de Klenze {Reise nach Grie- Curtiu»
chenland, 1838, p 652), de Fiedier {Reise durch aile Tlieile des Kôni- (issi).
greichs G/icc/ien/am/.!?, Leipzig 1840-41, 1, p. 312). Le premier délaie
Pausanias, le deuxième préconise des fouilles dans la ville et désire
qu'un cèdre du Liban soit planté en l'honneur d'Kpaminondas sur la
{{) Pnr rx. lii |w>silion t\o. Nostané «u S. de l'AiOslon, colle de la fontaine
IMiîlippoios tic ropliis, (lu Pi'inos et «lu Climax, «ht Péiap)}«.
Maiiliiiée. - Mt
610 APPENDICES.
colline de Gourtzouli, où U s'imagine que le héros a rendu le dernier
soupir. L'ouvrage le plus substantiel est celui de Curtius (PeloponJiesos,
1851, II. p. 232 sq.). Sur le point qui nous intéresse, sa description
apporte peu de données nouvelles. Elle contient même quelques erreurs»
telles que le tracé de la route d'Argos par l'Artémision au sud de
Nestané, ridentilication du sanctuaire démotique de Déméter avec le
monastère de Chrysouli à Tsipiana, la direction de la Xénis et la dis-
cussion négative sur les Klisphasiens. Mais cela dit, je ne puis que
rendre hommage à la science attrayante et à la méthode d'un livre à
qui je dois beaucoup (1).
Michaëiis et Gonxe Mîchaëlis et Couze, OU 18G0 (Rapporto d'uti viàggio nella Grecia nel
08«o). 1860).- (Annali, XXXIII, 1861, p. 219 sqq.) ont renouvelé avec succès,
sur le chemin d'Argos à Mantinée par l'Artémision, l'expérience de
Uoss sur le Klimax. 11 ne subsiste plus aucun doute, après eux, sur le
parcours du Prinos. Ils ont aussi compté à nouveau les tours et les
KiHicnrt portes de l'enceinte.
(186R). Jusqu'alors, l'épigraphie avait tenu peu de place dans les préoccupa-
tions des visiteurs de Mantinée. M. Foucart, en 1868, combla cette
lacune par la découverte de documents auxquels on doit d'importantes
notions sur les cultes et les institutions de cette ville (2).
Cettejongue série d'études théoriques et pratiques avaient de plus
en plus restreint le champ de l'inconnu à Tenclos lortiGé. Pour faire
revivre la ville morte, il restait à soulever le linceul de terre qui la
recouvrait.
(1) A signaler d'après leur date de publlciition :
A Ideiihoven. Itinéraire descriptif de t'A itique et du Véloponnhe, 1841 , AUicncs,
p. 278. Cest un guide sans originalité, qui paraphrase la Commission de Morée.
Mure. Journal of a tour in Greece: 2 vol. 184i. Edimbourg et Londres.
Vischer. Erinnerungen u. Eindrilcke aus Griechenland^ 1857 (voyage fait im
1853). Contient quelques observations justes, en particulier sur ridenlificatinn
de la fontaine Philippcios avec colle de Tslplana.
Claric. Peloponnesus . Londres, 1858. Peu de nouve?iu ; un iiotll plan de
l'acropole de Nestané.
Wolcker. Tagebuch einer griechischm Rrise, 1805. (Voyage cilccluéen \S%i).
VVyse./4n excursion in thePetopon)i€SU!i in ihe year 18!38. t vol. Londres, 18(k).
Nous avons cité dans le premier chapitre les lectures géographiques de
Tozer, la Géographie de Bursian, le livre de Philippson, les études pratiques
et les plans de la Mission française des Travau.\ publics, dont ont profilé
ringcnieur Sldêridis et M. Martel dans son ouvraj^e sur le>s Abiines, — Sur
les katavothrcs, ajouter : Kraus, IHe Katabothren Seen. (Mith. Wien. Geogr,
Gesell, 1892) et, sur la géologie générale, le bel article de Philippson : La tecto-
nique de VÈgéide (Annal, de Géogr, 15 mars 1898, p. 140).
(2) Inscr. du Pélop. N*« 3î)2 sqq. — Mllchhôfer {Athen. Mitth. IV, p. 146), a
publié quatre inscriptions de Alantinéc. Komninos, dans r'AOïrjvalov (VIII, p.
209), a discuté la question de l'emplacement du temple de Poséidon Uippios.
Enfin M. Loring, on 1892, a soumis à une minutieuse enquête les itinéraires
de Pausanias dans l'Arcadic intérieure, précisé certaines positions, celle de
l'Athénaion de Helmina, celle d'Orcstliasion cl d'Eulaia. Pour lu Mantlnlque,
ses opinions ont été disculées plus haut, p. 121 sq. (Journal of hellenic
Studics, XV, I8Î)5, p. «0 sqii).
INDEX.
Aciirnanlo (campagne d') 380.
Achale 4o9.
Achéonno (Ligue) 488.
Achéiôos 306, 38t.
Achilie 308,4.
Actium Mi, 521).
iEgytiens 385.
iËpytldes 215, £58.
iEpytos 215, 2:». — yKp. II 218, 257,
320. — Mp, 111 219.
Aéropé 315.
Aôropos 216.
Agam^dès 212, HG, 253, 245.
Agamemnon 217. (ZcusAg. 240.)
Agésilas 27, 411, 415, 431 sq, 438 sq,
580 sq.
Agôsipolis 132, 412, 410, 418 sq. (Digue
d'A. 139,3 )
Agis II 44, 395, 575 sq. — lïl 472, 485.
— IV 483, .590.
Agora 177 sq.
Aiclnnagorus 282 sq.
Aidos (Pénélope) 24t).
Aion 201,3.
Alalcomônia 118, 210, 2G9 sq, 272, 289,
320.
AiHlcomcDion 272.
Alcamène 4G6, 542.
Aicibladc 39ï sq, .mi, .m, 403, 407, 574.
Alcimédon 20, 113, 282 sq.
Aiéa 11, 288 sq, 290, 321, 322, ;i2:ï.
Alêaia (fêtes) «)3.
Aicos 210, 256.
AIrsion 18, 101, lU, 157, KKJ, 227, i'JO,
241, 264,592.
Alphée (sources) 55!).
Amilo 207.
Amilos 11.
Analvos 299, 321. :i50.
Analiisia (tribu) 163.
Anaxidanios 595.
Anclilsc 274, ;)2I, 119.
Anchlsia 120, 274, 277.
Andréas de Corintho 347.
Antigone Ooson KV), 489, 500 sq.
Antigonéla im 508.
Antinoé 316.
Antinocla [IHos] 319, 517.
Antinous 319, 515 sq.
Antipater 472.
Anvllle (d') 606.
Aoncs 211.
Apano-Khrépa 19.
Aplieldas 199, 216, 219.
Aplieidanteios Klùros 219.
Aphcidantcs 206, 216.
Aphrodite. Aincias 274 sq, 3il. — Apos-
tropliia 268. — Dercéto 537.— Mélainis
81, 85 sq, 265 sq, 320. — Symmaclila
312 sq., 509 (Iig. 5(»). -Temple 119.
Apidanéens 206, 216.
Apollon 312 s(i, 321,348. — Nomios 228.
— Onliriatôs 20i). — Pylliaeus 312,
329, 542.
Aralos 133, 484 sp, 489, 1300 sq, 590 sq.
Arcadiens 7rpo<j£XY,vo'. 197,201.
Archidamos II 377, — III 426, 469.
Arcas 191, 193, 199, 204, 227, 316 sq.
319, 321,322.
Aréion 227, 25f».
AréTllioos 108, 117, 210, 212, 2:i4, 320,
322, :m.
Ares (Enyalios) 295.
Arc us 479.
Aroxidanius iiOii.
Argollsanls (parti) 378, 420, 423.
Argon IVîdiun 91.
Argonautes 260.
Argos 364 sq, 377, 389, 391. — Sparte
3(Î5, 401. — Élis Pi Mantinée 389. —
Démocratie 376, 405. — Mytiiol. 28.5,
320 sq.
Aristippos, tyran d'Argos 486.
Aristodémos, tyran de Mégalop. 480.
612
INDEX.
Aristoxono de Tarent^ 330, 348, iiOO..
Armée do Mantlnée titiS sq.
Arméniu (M') 16.
Armure mantinécnno 'XV).
Arné 47, 95, 210, mi, 234.
Aroanlos 3G.
Artémis 117, 278 sq, 312, 321, 388, 539.—
Ilcurippa 60, 228, 241. — II6gcmonô
289.— Uippia241.— llymnla 120, 321.
— Kalllstc 202.
Artômlslon |M»| 17, 80, 89.
Arts à Mantinée 354.
Asiné 445.
AsklcpieioD 542.
Asklépios 213, 309, 321.
AUlanto 249.
Athamas 2G0.
Athéna Aléa 286, 287 sq. — Alulcoménéis
272. — Hlppia 227.
Athènes 390, 459.
Atlas 252.
Atticisme (politique) 423
Auge 256, 283.
AuCochthonic 196.
Autolaos 207.
AutoDoé 191, 193, 261, 314, 321, 326,
360.
Azan 199, 209, 211 sq., 212, 219.
Azanie 204.
Azaniens 209.
Azeus 212.
Barbie du Bocage 606.
Bassins fermés 9 sq.
Batailles 418 400 scf, 573 sq. 368
101, 464, 579. 845 484, 590 sq.
807 103, 206 sq, 591 sq.
Bithynie 204.
Bœotos 234.
Bols 53 sq.
Boulé 338.
Boulcutérion 174 sq.
Brlet 603.
Bryaxls 563 sq.
Cablrcs, Dactyles, Corybantcs 298, 350.
Calcaire Assuré 24.
Calllbios de Tégée 437.
Callisto, Calllsté 117, 202, 205, 289, 318,
319, 321.
Carmenta 282.
Cassandre 473.
Caucon 203.
Ccphisodote 440, 544, 555, ;j63.
Cépiana 600.
Céréales 56.
Chaîne argolico-arcad. 13, 16.
Chairéphanès 37.
Charadros 79, 89.
Charmas 282.
Charmhidas 511, 528.
Ciiarmon (Zeus) 322.
Chênes 55.
Chéronce 234.
Cheval (dieu) 59 sq, 226.
Chraimonidès (guerre de) 478 sq.
Cléandros 482.
Cléomène 36o — I!I 495 sq, 491, 497.
Om mission de Morce 608.
Conze 610.
Corinthe 65, 395, 410.
Cols 67 sq.
Courètos, Corybantcs, Cabires, Tel-
chines 350.
Curtlus 609.
Cynuriens 305.
Cyrône. (voy. Démonax).
Dalphantos 589.
DAm (dieu) 204.
DAm-at 204.
Défilés 67 sq.
AexTiip 343.
Delphes (ox-voto des Arcad.) 207, 444.
Delphoussa 209.
Dêmcs 127, 340, 421.
Déméter 102, 127. 209, 305,321.— Chtho-
nla 306. — Gô (do NesUné) 93, 238. —
Noire 239. — Thémls 264, 320.
Démiurges 335, 339.
Déméas 351.
Démétrlos 487. — Poliorcète 474 sq.
Démocratie 333.
Démonax 330,:i33,351,363.
Démosthcne (l'orateur) 470, 473.
Démosthènes (général) 380.
Déo 239.
Diagoras 381.
Didyma 11.
Dieux liérolsés 295.
Dilbat 209.
Diœcisme 413 sq, 421.
INUKX.
613
Dlocloros, lUs do Xf'moplion 579.
Dioméncia 19I,26SS,318.
Dionysos 81, 85 s(f. 265, 3ii0.
Dioscurcs 30().
Diotina 32G sq.
Dipiilu 377.
Dlvinntlon 32C> sq, 5i!S.
Dix-Mille (Muntinérns en Asie) 4».
Dodwoil 608.
Dollana (marbre) 6t.
])()m 204.
Dorynachos 505 sq.
Draperies 553.
DroboliUa 59!).
Eau.\ (régime des) 41.
Échémos 216.
Éclairs 222.
Kçino 70.
Kiréné (de Ojpliisodotc) 540 sq.
Élaphos 384.
Klalos 199, 210, 213, 219, 230.
Élcclcurs du 2" degré :)37 sq, 534.
Kh'.vage [VX
Élis ;««, 374, 377, 389 sq, ;^09. 40rî, 409,
430,449, 459, 561.
Klisphasiens 4(*), ii.3, 120, 128.
Klymia 120.
Kmif^ration 5.
Knée ;iiO, 274 s<i.
Knyalla (tribu) 163.
Knyalios 295 sq, .321,350.
Épaléa (tribu) 1<>:).
Kpamlnondas Ml sq, 133, 417, 427, 443,
445, 457, 465, 580 sq.
Kpsirites 4i0, 452 sq.
Kpliore (l'Iiistorien) 469, 579.
Épidaure 3!)4, 401.
Kpidôtès 303, 321.
Épignùina 343.
Kpigoné 178 sq, 326, 512, 529.
Kplménide 327.
Épitynclianos 355.
Escliinc 470, 589.
ÉniFOS 207.
Érato 261.
fere d'AcliaTc 3i3.
Érectbeus (Poséidon) 2iO.
Érigoné 25.3.
Érinyes 272.
Kriiiys. — DênuUor 227, 229. — Tilpbossa
209 sq. 268.
Esclaves 344, 572.
ÉtoUenne (ligue) 489.
Euphranor (tableau d'j 585.
Euphrosynos 178 sq, 512, 529.
EuroUis (sources) 5(kî.
Euryclès, 184, 5I(Î.
Eurypon :M5I, 498.
EuUiia 439.
Kvandre 5, 202, 281 sq.
Faune ;».
Femme au foie 329, 540 sq., 555.
Femmes (dans la religion) 325. Pro-
pliôtcsses 325 scj.
Fossé transversal 37, 45, 139.
Foucart VI sq. 610.
Fourmont ()03
Frontières 124 sq.
Garâtes 42, 565.
Gô (Démcter-HIiéa) 319.
Gell (MJ7.
Gérousla 342.
Gongylos 207.
Goritza 518, 596 sq.
Gourtzouli lig. 2, 117, 138,601.
Gryllos, 101, 19i, 57Î), ikS-'J, 590.
Gylbion 4.U 444.
lladès 323.
Hadrien 514.
Ilalirrhotliios 60, 262.
ilébé 302.
Iléétionéia 144.
Hégésiléos 580, J589.
Hélios lai, 317, 321.
Hélisson 116, 384.
Ilnpliaistos 32.3.
liera 301, 321, 323.
Iléracléi<»n 44, 575.
Héraclès 36 sq, 127, 282 sq.
lléraia 374, 443.
Iléraion 1K7.
Ilerculanus. Voy. Euryclès.
liormès 312.— .Epytos 215.— d'Olymple
Héros divinisés 2<.>5.
Hestia Kolné 193, 314 sq, .321.
614
INDRX.
Meurippa 230, 2il.
Illloles 377, 379.
Hippios 229.
Hippocnitéia (Côtes) 228.
Hippodrome 61, 99.
Hippobotès 239.
Hippolyte 214.
Hippos (dieu rhoval) 227, 2:31, 319,322.
Hippollioos 217, 229, 258.
Hlppotroplile (X).
Hommes séparés 3!)3.
Uopladamos 163, 297.
Uoplodmia (tribu) i(>3.
Iloplodmos 297, 322.
Hoplomachic 300.
Uoplosmios 321.
Hyaldnthos 202.
Hygic 311, 404.
liyllos 21G.
Ilymnia 279, 289, 322.
Uypsouranlos 201.
Ilyslaa 17.
ikarios 249, 253.
Inachos 79, 90, 201.
lolaldas 101, !584, 589.
Ischolaos 444.
Ischys 214.
lUiômo 377.
.Iulia Augusia 319, 522.
Julia Domna 517.
Juive (communauté ù Mant.) 517.
Kadmos, Kadméens 209.
Kaphyai 12.
Kapnlslra 18.
Kapsia 598.
Kapsiliia (KX).
Kapys 275.
Kapys, Képhcus 216, 298.
Karalilinou 11.
Katavothres 28 sq.
Képliisodoros 580, 583 Sif.
Kéraunos 222, 232, 319.
Klioros Mairas 9.3.
Kissa (font.) 115, 282 sq.
Klcitor 215.
Kleénis 89, 554.
Klimax (route) 79, ai, 4G9.
Ko>|iai 357.
Kondouros (oHvèto de) 600.
Kora, KoragioD 305, 321, 325. — Koré
du Vatican 562. — de Vienne 662.
Koronis 214.
Korythéis 40 sq.
Kréopélon 13, 17, 154.
Krésion 118.
Kronos 227.
Kydippos 354.
Kyllène (port) 70.
Klyménos 233.
Kynaiiha 325, a47, 505.
Kypséla 386, 390.
Kypsélos 218.
Lâchas (riy.) 41.
Ladas 117, 249, 321.
Ladolcéion (1)at. de) 389, 421.
r^don 209.
Uioilamle 207.
Lapitlies 213, 219.
bisthéncia 328, 330.
\jPMko 607.
Légumes 57.
Leimon 253.
Lélégcs 210, 219.
A 6 0)^0 sot 90
Lépréon 389.
LcVto 311 sq, 321. .
Léléon 542.
Loucte C{impl 11. .
Lcuctres 426 sq.
Ligne arcadicnno 436 sq, 447, 451, 467.
Ligne péloponnésienne 364 sq, 370 sq.
Loup (dieu) 203.
Lycantliropio 203, 332.
Lycaon 199, 202 sq. ^Zeus Lykalos
240.
Lycée 202.
Lycomédos 133, 341, 356, 434 sq, 4U),
444, 447, 451.
Lycurgue (roi de Tégéo) 255, 256, 320.
Lydiadas 483 sq, 488, 492, 590.
Lyiios 203, 227.
Lyrliéia 7(5 sq, 8:}.
Lyrliéion 17, 83, 475 .scj.
Maclianidas 10(î, 506, .590 sq.
Macliérion 589.
INDKX .
615
MaivàXiov TciSiov 19.
Mainalos 384, 435.
Malra 119, 123, 251, 320.
Maléa (bat. de) 449.
Malôvo 17, 597.
MantincSc de Mcssénie 518, 597 sq.
Mantinéia (<^tym.) 261, a">9.
Mantinéion 204.
Mantlneus 199, 31;).
Mantinique (carte) 56(î sq.
Marais 49.
Marathon (bat. i\o) 'Mk'}.
Marpcssji 42.
Mnrsyas 312, 348, ri()2.
MàÇcov 207.
Médéc 2(i0 sq. .
Mégnlopolis 133, 135, 433, 468.
Môlalnfs 268.
Môlangola 81, 8i, 129,
Méllastcs 72, 81, 80, 266 sq, 537.
MelUis 220.
Memmia 320.
Mônalc 13 sq, 5.3, 28:).
Mônalic 383, 439.
Mcrccuiiiros li.
Mcsscne 133, 135, 4:13.
Mcss(^iilcns 377.
Méthydrion 110.
MichaAlis 610.
Mlnycns 211 sq, 219.
M61oiii (fôte) 259.
Monoinachie 350.
Montagnards 7.
Moukhli 599, 600.
Mulets 59.
Muscs 312, 543 sq.
Musique 340 sq, 560.
Myron ÎJ60.
Nabis 373, ÎK)?.
Negotia tores roinsini 513, 519.
Néinôe 580.
Néo-attlques (bas-reliefs) 552.
Nestanô 03, 92, 129, 471.
Nestor 2,-i5, 2i57.
Nicodùros ;);):), .381, îm.
Niger (Dominlcus) 597, 602.
Nike 314.
Nlkippa 325.
Nonucris 38.3.
Nostia 63.
Nyctimos 199, 202.
Oannès 201.
Octave 511.
Œnotros 5, 201.
Olnort 70 sq, 89, 235, 412.
Olon 444.
Oliviers 55, 00(».
Olpal (combat d') 3S0.
Olyinple 452.
Olymploniques .3.'>3.
Onka 209.
Onkos 228, 234.
Onomastique 5.34 sq.
Ophls 41, 47 sq, 132, 145, 418 sq.
Oracle «'i MAnllnée r)25, 527, 542. — PA-
lagos 21)2.
Orchestlque 349.
Orchomène 1 1, 210, .'KiO, 304, 309, 383 sq,
397 sq, 403, 4:38, 491, 497.
Oreste 217.
Oresthaslon 217.
Ornait 81, 412, 409.
Ostrakina 19, 20, 115, 282.
Ouragans (divinisas) 222. .
Oulixes 245.
Ours (dieu) 2(J<>.
Oxylos 219.
Pa m mènes 437, 4(>8.
Pan 202, 228. — Uèlios 208. — Arcas
317.
Panarton 391.
Parrhasie 4, lU), 210, 385, 390, 40:i
Partliènion 17.
UaxTjpXaou (juif) 517.
Patrai 394.
Pausanlas (roi) 410, 41().
Pausanias le Prriégôte (sa môtliode) 73.
Pélagos d;», 107, 110, 200 sq, 2:17, 254.
Pêlasgos 199. — Religion 223.
Pêléiades 202 sq.
Péllades 107, 2(50.
Pellana i45.
Pêlopldas 417, 44.3.
Péloponnèse (structure)! 8<(.
Pénèiope 117, 247, 250, 321 sq. 360.
Pcrgauie007.
Pètrakhos (roclie) 23.5.
6IG
INDKX .
Pélrosacn 115.
Pcucôtios 5.
Phaenna 325.
PliahiDthon (M') 20, 116.
Phémandros 525 sq.
PhéiK^os 11, 36, 240 sq.
Phlalo 114, 282 sq.
Pliidippidès m.
Plilllppe de Maccdolno. 471.
Philippios (fontaine) 51, 93, 471.
Phllopœmcn 162, îOO, îiOO, 500 s<i.
Philoxénos de Cythi'iro 347, 560.
Phlégyens 211, 213, 219.
Phlioua 396, 459, 462, 509.
Phocéens (Phocide) 218.
Pholzon 108.
Phoroncus 201.
Plirixos 260.
Pliylarchos 480.
Platt'^e (bat. de) 307 r(i, 5(».
Plautilla 517.
Pleureuses (sarcoph. des) .553, 557.
Pluies 26.
Plularque (.Jugements de) îiOl, 503.
Podaréion 19», 539.
Podarès 191 sq,\318, 590.
Poésie en Arcadie 354.
IltJXeiç 374.
Polémarqucs 340.
Polyainos 525.
Polybe (Jn^emcnis de) 488, 470, 493 sq,
499, 501, 510, i>84, 594.
PolylK)s 1 94.
Polycratéia 326.
Polycrltos 506.
Polyporclion 473 sq.
Polytropos 439.
Poinpos 70.
Population de Mantin«'M' ;>(>S.
Portes lîîO s([.
Posiïidaia (ieu.x) 225.
Poséidon. — Krechteus 202. — lllppios
103, 212, ?20, 225, 229, 233 sq, 237, 343,
360.
Posoidala (tribu) ir»3.
Poternes 157.
Pouquevilie 606.
Praxldiques 269.
Praxitèle 312, 348, 407, WUÎ, 559, ÎJOl.
Prlnos (route du) 79, 89.
Prométhée 201.
Prophétcsses 261, 542.
Proxénos de Tégôo 437.
PtoHs 118, 129, 135, 273, 315, 357, 360.
Ptolémée II Pliiladelpho 479.
Pylos 4(XÎ.
Pyramides votives 388, 539.
Religion locale 322.
Remparts 140 sq.
Rhéa-Déméter 227, 236, 239.
Riches et pauvres 481.
Rome (culte) 318.
Rômaia (fête) 512.
Ross 609.
Routes commerciales 69 sq.
Sallens 259, 26i$,* 275, 298.
Samos 60.
Saon 259, 349.
Saranda-Potanios 40, iHjl'}.
Scillonto 362.
Scopé 8, 111.
Sculpteurs arcadlens 355.
Séléné 202.
Sellaslo (bataille) 500.
Sémites 202 sq, 209 s(i, 323.
Sémos 60, 228.
Sera pis .'105.
Séros 60.
Sicile (Mantinéons en) 407.
Simlas 5^5.
Slnoé 234.
Sképhros 253.
Slaves 518, 597 sq.
Sophianus 602.
Sources 50 8f|.
Sparte. Arist(M*.ratle 3H3. — .\rmée 573.
— Illlotes et Messénlcns 377. — Olym-
pie 394. — Paix de 30 ans 402 sq.
Stade 101.
Stasippos de Têgée 4.'K>.
Stavrakios 599.
Straton de Pliilhcllénc 553.
Stympiîalo 11, 33, IKî.
Synagogue 517.
Synccdémos d'Mléroclés 518.
Synédres 342.
SynœcIsme 284, 335, 372 sq.
i^uçTYjixaxa BrjjjLtuv 357,
INDEX.
617
Tuka (lac el katav) 40.
TiiDagra. Hat. 379. - Figurines fôTsq.
Tôgéalès 199, 254.
TégéiUlde (carte) S64.
Tégéc 7, 4i sq, 300 sq, 308, 374, 377,
:J84 sq. 4:fô, 454, 580. :'i97.
T('3l(Vgonie 244.
Trléphaé 209.
Télcphassa 209.
Teipliousa 2U9.
Tclpsplioros 311.
Ti^lésilla 2!)n, 542.
Tcssèros en terre culte 338, 356, 361,
5:K) sq.
Théâtres 105 sq.
Th6nilsioclc 370.
Thôophanôia 320.
ïhéores 340.
Thermopyl(î8 366, 5(î8.
Tliesmla 239.
Tlicspiadcs 558, 50.3.
Thrasyboulos 484, 690.
Tiirasyllos de Phlious347.
Tllphossa (Déléphat) 212.
Tilphousion 209, 270 sq .
TimollK^c de Milet 347, 500.
TIrésias 243, 270.
Tlsain<^nos 218.
Tonnerres (divinisés) 222.
Tours de flcfcnse 120, 146.
Traités 480 392. 418 401.
Trafic 09.
Trapézous 217, 258.
Tribus 163, 287, 340 sq.
Triodol 384.
Triphylos 207.
Tripolitza 599.
Troclios 77.
Trophonlos 212, 239.
Tsipiana 599.
Tyclié 314.
Tyrans 474, 476.
Tyrtalos :U7, .100.
Ulysse 59 sq. 228, 230, 240 sq ,244, 202,
320 sq. 300.
Vendetbi 351.
Vénitiens 6a3.
Venustus Eupfirosynos (Luc.)3i8, 354.
Vignobles 5.5, :WiO
Villages mo<lernes 571
Xénagol 423.
Xônis 103, 100, 592.
Xénophon (.luRemcnts de) 411, 423, 425,
414, 40^5.
Zeus. Channon 113, 127, 281, 321. —
Épidôtès 187. - Eubouleus 189, 304,
321. — Iloplosmlos 103, 297. - Ka-
laibal<>s 224. — Kéraunos 221. —
Lykalos 202. - SAter 189, .101, 321.
TABLE DES FIGURES DANS LE TEXTE.
Flg. 1 (fHUX-tItro>. — Ouvrîors et ouvrières des fouHles de Mantinécfp. 117.)
— 2, p. XVI, -^ Klmni de Kaloyéras, à une demi-heure au S. de Mantinée.
— 3, p. 2. — Carlo hypsométrlque du Péloponnèse.
— 4, p. 8. — Entrée de la Mantinique entre les pointes de Mytlka
(Scopé) et de Kapnistra (p. 110 sq.)
— 5, p. 14. — Coupe géologique de la Haute plaine et de sa bordure.
— ^, \>. 24. — Fragment d'un vase en marbre à reliefs (p. 262, 2 et 330.)
— 7, p. 52. — Bétolr du Loukaltlko-Géphyrl (p. 49.)
— 8, p. 72. ^ Satyre Ithypha nique du sanctuaire des Méliastes (p. 267, 2)
— î), p. 85. — Vue do l'Aléslonet du téménos do. Dionysos et d'Aphro-
dite Mélalnis.
— 10, p. 86. -^ Source des Méllastes et sanctuaire de Dionysos et
d'Aphrodite «Mélalnis.
— 11, p. 87. — Vue do la source des Méllastes et du téménos de Dio-
nysos et d'Aphrotlite, prise do l'AIéslon.
Fronton du tombeau monumental près la porte G.
— Vue de l'AIéslon, prise du théAtro.
•— Has-relief votif représentant Poséidon lltppios (p. %iH.)
— Chnpltcau provenant du temple de Poséidon lllppios.
— Tour do Mylika (Scopé).
— Vue du Ménale, prise du théâtre de Mantinée.
124. — Chapiteau du monument de Charmiadns (p. 528).
— a Srliéma du tracé général de l'enceinte . — b Porte C
(état actuel.)
— Rempart de Mantinée (arc B C.)
— Appareil d'une courtine-rempart sud-est.
~ Scliéma de ta construction du remplir t.
— Tour sans poterne.
— Schéma d'une tour de Mégalopolis.
— Tour restaurée, —a. Vue de l'Intérieur — b. Avec
poterne, proûl extérieur.
— Schéma de la disposition d'une porte.
— Porte A, d'après Gell. — Restaurée. — Porte B, d'après
Gell.
. — Porte B (état actuel).
— Porte D (état actuel).
> a. Porto F. d'après G de Gell. — b. État actuel.
, — a, Porto G (F do Gell). ^ b. Porte G (étal actuel). —
c. Porte I (7), d'après A do Gell.
«2,
p.
99
13,
P-
102.
1*,
P
io:i.
15,
P.
106.
16,
P-
112.
17.
P.
114.
18,
P-
124.
19,
p.
137.
20,
P-
138.
21,
P-
142.
22,
P
146.
2:1,
P
147
24,
p.
148.
25,
P-
149.
26,
p.
151.
27,
p.
153.
28,
p.
154.
29,
p.
155.
30,
p
156.
31,
p.
156.
620 TABLE DES FKSURES.
Fig. 32, p. 157. - Porte K (état actuel).
— 33, p. 158. — Tour k poterne.
— 3t, p. 159. — Tour à poterne.
— 35, p. 101. — Rempart de Manllnôc, porte G.
— .'JC, p. HîG. — 0)upc on prolil du théAtro
— 37, p. 107. — Plan du théîUre.
— 38, p. 108. — Socle et gradins inférieurs du thdAtre.
— 39, p. 109 — Gradin. — a, Profll d'un gradin d'angle. — b. Surface
d'un gradin avec inscription.
— 40, p. 170. — Vue du tbéAtre, prise de l'aiie Sud.
— 41, p. 1-71. — Ciige de l'esca lier Ouest du tiiéàtro
— 42, p. 174. — Plan du Bouleutérion.
— 43, p. 175. — Appareil du Bouleutérion (côté Ouest).
— 44, p. 180. — Plan de l'Agora de Mantinôo.
— 45, p. 181. — Appareil du mur Est du Vieux Marché.
— 46, p. 183. — Mosaïque représentant une scène de chasse.
— 47, p. 188. — Temple d'Uéra.
— 48, p. 195. — Plan de Mantinôe, par Goli.
— 49, p. 242. — Monnaies mantlnéenncs représentant Ulysse.
— 50, p. 356. — Tessércs en terre cuite (p. 530;.
— 51, p. 301. — Tess«îre en terre cuite (p. 530).
— 52, p. 371 — Fragments de céramique.
— 53, p. 388. — Tuiles avec inscriptions et pyramides votives (p. 539).
— 54. p. W)4 — 'ViW féminine (llygie ?), do face (Cf. pi. VI et p. 311).
— 55, p. 409. — SUituettc (d'AslcIépios ?), trouvée dans le Houloutérlon.
— 56. p. 509. — SUituelte de jeune femme tenant une colombe.
— 57, p. 522. — Autel de .Iulia Augusta.
— 58, p. 524. — inscription archaïque.
— 59, p. 554. — StèhMie lîiéénis.
— 00, p. Î554. - Stèle funéraire.
— 61, p. 577. — Schéma de la position des armées k la bataille de 418.
— 62, p. 577 — » » w
— 63, p. >87. — » » do 362.
— 04, p. 593. — » « de 207.
PLANCHES HORS TEXTE.
/ I. — Apollon et Marsyas (face antérieure de la hnso de Praxitèle), p. 543 sq.
'^II — Muses (côté gauche id. ).
vin. — Muses (côté droit id. ).
vIV. — Bas-reliefs de la base de Praxitèle (tète^ d'après les moulages).
^ V. — La « Femme au foie » (p. 540 sq.)
y VI — Tôte de femme (Ilygle ?) en profil (llg. 54, p. 404 et p. 311).
• VII. — Tclesphoros (p. 311).
• Vin. — Plan de Mantinée (p. 564).
• IX. — Carte de la Tégéatide (p. {504).
>/ X. — Carte du territoire de Mantinée (p fK57).
ERRATA ET ADDENDA.
Page 12, ligne 2. Au lieu de : Kaphyaio, lisez : Kaphyai.
— 70, — 11. Supprimez: peut être d'oranges. [Les oranges, con-
nues par les anciens comme les fruits mythiques
du jardin des Uespérides, ont été introduites
en Espagne par Icd Maures et, de là, se sont
répandues dans le reste de l'Europe méridio-
nales. — Cf. Guiraud. Propr. fonc. en Grèce^
p. Î501].
— 107. Le lK>i8 Pélagos se prolongeait en Tégcatide par les chênes
de la Korytbéis (Pausan. Vill. 53, 4) : Katà oà
T7)v cùôeïav (d'Argos à Tégce), aï t« opuç elul
TuoXXal xal Ai^(i.T|Tpoç iv Tto àXcrei t(j5v opucov vao;
êv KopuOeudi xaXoujxévTjç.
— 111, note 1. Au lieu de : en Messénie, lisez : eu Libye.
— 124, fig. 18, légende. Au lieu de : Chapiteau provenant du temple
de Poséidon Hippios, lisez : Chapiteau trouvé
dans l'église byzantine, près du Bouleutérion
(voy. p. 528).
— 129, ligne 24. Au lieu de : 4* Élisphasion, lisez : 4* Élisphasioi.
— 159, au lieu de : Fig. 33. lisez : Figure 34.
— 184, ligne 33. Au lieu de : llerculauns, lisez : Heiculanus.
— 191, — 27. An lieu de : Déoinéneia. lisez : Dioméneia.
— 293, note 1. Au lieu de : 'Ayeaîa, lisez : 'AXsata.
— 333, manchette. Au lieu de:Démonax de Cyrène, lisez : Démonax
à Cyrcne.
— 3;>(», lig. SO. Au lieu de : Ëpigr.3*, lisez : Épigr. 4*. Voy. p. 530.
ib. Au lieu de : "Avtitoç, lisez : "Avtivoç.
— 3Gi, fig. 51. La ligure a été retournée à l'impression. Dans la
légende, au lieu de : TeXa?]s(jia'j, lisez : TsXeV]
ciau.
— 3b8, iig. 53. Au lieu de : Épigraphie. 5", lisez : Épigraphie. (>*.
— 427^ ligne 15. Au lieu de : Épimanondas, lisez : Épaminondas.
— 482, — 9 et 12. Au lieu de : Crausis, lisez : Craugis.
Planche VIll. Plan de Mantinée. N. B. Au lieu de : /mr le Carton spécial
de la Commission de Morèe, lisez : par la Carte
de VÈtat-major au 200 000*,
— X. Carte de la Mantinique. Au lieu de : Tombeau d'Anckise,
lisez : Tombeau d'Anchise.
ib. Au lieu de : Sou|j.aT6iov, lisez : Sou;jl7.t6'.ov.
TABLE DES MATIERES.
Avant-Propos I-XVI
LIVRE I. — Le Pays.
CnAP. 1. — - Topogrupliio générale du Péloponnèse et zones de civilisa-
tion 1
CiiAP. II. — La région des liantes plaines fermées 9
CiiAP. m. •— L'tiydrographie souterraine 23
CiiAP. IV. -- L'hydrographie superficielle 39
Chap. V. — Les produits du sol . . 83
Cnap. VI. — Rôle économique et stratégique de la haute plaine, —
Déiilés et routes naturelles 64
LIVRE II. — L'État mantinèen.
Chap. I. — Les routes historiques décrites par Pausanias 73
Chap. II. — Le territoire mantlnéen ; les frontières ; les dèmes. . . . 125
Chap. III. — L'assiette de la ville; l'enceinte fortifiée 130
Chap. IV. •— La ville. — Les rues, l'agora ; les monuments 162
Chap. V. — Les liabitants 196
Chap. VI. — La religion mantinécnno 221
Chap. VII. — Le gouvernement ; les institutions 331
LIVRE III. — Histoire.
Chap. T. — "Los origines de l'État mantlnéen 357
Chap. II. ^ Mantinée au VI* siècle et pendant les guerres médiques . . 362
Chap. III. — Le synœcisme (464-459) 372
Chai». IV. -^ L'expansion. — Conquête de la Parrhasie (425-422). ... 379
Chai». V. — U\ révolte. — Li\ ligue attico-argionne (421-417) 389
Chap. VI. — L'alliance de '^) ans avec Sparte. Soumission et opposition
(417-:W7). 405
Chap. VII. — L'expiation. — Le diœclsiue do 385 (387-371) 413
Cbap. VIII. — Période thébaine. — La Nouvelle-Mantinée et l'union arca-
dienne (371-362) - 427
Chap. IX. — Période macédonienne (344-245) 470
Chap. X. — Période achécnne (245-146) 481
Chap. XI. — Période romaine (depuis 146 av»J.-C.) 510
Chap. XII. — Conclusion 519
TABLE DES MATIÈRES. 623
Appendices.
I. Épioraphie a22-540
1« Affaire d'hiérosylle au temple d'Aléa 523
2» Monument de Gharmladas 528
3» Décret des Antlgonécns et des negotiaiores rowani en Thonneur
d'Euphrosynos et d'Épifçoné 529
4" Tcssèros en terre-cuite 530
5* Onomastique mantinéenne 534
6** Tulles avec inscriptions, tessons avec marques de fabrique, etc. 539
II. AncMÉoLOGiB 540-568
!• La « Femme au foie ». . . 540
2* L.es bas-reliefs de la base de Praxitèle 543
III. TopoGRAPHiR 564-568
!• Plan de Mantinco 564
2* Carte de la Tcgéalldc. Les sources de TAlphée et le cours du
Sarnnda Potamos 565
3* Carte du territoire de Mantinée 567
IV. Histoire ". 568^10
1* Statistique de la population 568
2» Les batailles de Mantinée 572
3* Mantinée et Gorltza pendant le moyen-âge et les temps modernes. 596
Index 61i
Table des figures dans le texte 619
Table des planches hors texte 620
Errata et Addenda 621
l.illi', Imprimerie Lu Hi<;ot Frèrec», nie Nirolns-Lehliiiic, 25.
,' '*: 1
-30
3 2044 058 216 318
The borrower must retum thîs item on or befoie
the last date stamped below. If another user
places a lecall for this item, the borrower will
be notified of the need for an earlier retum.
Non-receipt ofoverdue notices does not exempt
the borrower from overdue fines.
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