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Full text of "Mantinée et l'Arcadie orientale"

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HARVARD 
COLLEGE 
LIBRARY 


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f\rc  éC.l.l  â 


BIBLIOTHÈQUE 


ÉCOLES  FRANÇAISES  D'ATHÈNES  ET  DE  ROME 


FASCICULE  SOIXANTE-DIX-IIUlTlIiME 

nflANTINÉE    ET    L'ARCADIE    ORIENTALE, 

PAtt  OusTAVB   Fougères. 


OUVRAGKS  DU  MÊME  AUTEUR 


Orèce    (Guide   Joannc),   t.    II.   Péloponnèse,    Dôlos,  le   Plndo.    —    (Paris, 
llHchotto,  éditeur,  181)1). 

La  Vie  privée  des  Oreca  et  des  Romains,  album  avec  900  gravures. 
In-fo.  ~  (Paris,  Hachette,  éditeur,  180i). 

De  Lyciorum  Oommuni,  in-8".  —  (Paris,  Fontemoing,  éditeur,  1808).' 


MANTINEE 

ET 

L'ARCADIE    ORIENTALE 


LILLE 
Le    Bigot    FnfcnES,    Imprimeurs 

Aciievê  d'imprimer  fin  mars  180K. 


o 


MANTINÉE 


ET 


L'ARCADIE   ORIENTALE 


PAR 


Gustave  FOUGERES 


ANCIEN   MEMBRE   DB   L  ECOLE   FRANÇAISE   U  ATIIENRS, 

CHARGÉ  DU  COURS  d'archéolooib  ET  d'iustoire  ui:  l'art 

A    L*UNlVEnSlTÉ   DE   LILLi^. 


Contenant  quatre-vingts  gravures  dans  le  texte, 

six  héliogravures,  une  pliototypie  et  un  plan  de  Mantlnée 

liors  texte,  plus  deux  cartes  en  six  couleurs. 


PAIUS 

ANCIENNE    LIBRAIRIE    TIIORIN    ET    FILS 

ALBERT  FONTEMOING,  ÉDITEUR 

Libraire  des  Écoles  Françaises  d'Athènes  et  de  Borne, 

du  Collège  de  France,  de  l'Ëcole  Normale  Supérieure 

et  de  la  Société  des  Études  historiques. 

4,   RUE  LE   GOFF,  4 

1898 


'IK  /.V^, 


UCI    7   1898 


■'.     x-^xo 


Arc  b^An"^ 


OCT  ^  n  B86 


Bibliothèque  des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rot 


DnMUt^'par  /Ctttf.  Lètat 


A.FONTEMOING.  Editeur>. 


^'"   '   f  r   riii  miiiitiifi    ïii 


^^^^"^  ^^  ^^^^ 


FASCICULE  ucxvm,  pi.vnj 


FOUILLES    DE     L'ÉCOLE    FRANÇAISE 
1887-1868 
Dirlgéespar  GFOUGÈHES 

T 


Bibliothèqua  dea  Eeolas  françaiM*  d'Athènes  M.  de  Rot 


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f-hr  (o^-/-7^ 


Oui  ki  J  >y^^ 


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Bib  des  Ec  fr   d'Ath.  ei  de  Rome 


Fascic     LXXVIII.  PI.  VII 


j1.  Fontenwàitf  Sdt't'. 


Hèlw^.  Duf'arilùv.  Paris 

TÉLESPH0R05 


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MLI    ^sj  »^00 


Bib  des  Ec.fr.  d  Ath.  et  de  Rome 


Fa.scic.  LXXVÎII.Pl.  VI 


A .  FontemoÎM  Edit. 


ffeJioif.  Dufurdin.  Paris 

TKTE  DE  FF:^\/AE 


I^JçC     ^^'/'7/ 


bu  I  ki  u  »^ou 


Bib.  des  Êc.  (r.  d'Aih.  et  de  Rome. 


Fascic.  LXXVIII.  pi.  IV. 


A.  Fontemoing,  Édit. 


Phototypie  Le  Bigot. 


BAS-RELIEFS    DE    LA    BASE    DE    PRAXITÈLE. 


(TÊTES,     DAPRÈS     LES    MOULAGES) 


flu~  6(^.1-7^ 


L^s.i  k;j  '^'^^ 


Bih  de.-.  Ec  h     d/\lh   et  de  Roine 


Fascir    LXXVllI  PI  V 


J.  Fttn/enu>in4f  Et/ if 


IJéhotj    IJu/ardui  .  Pa^t.r 


La  "  FKM/AK.  AU   l-'OIE 


Otnriei's  et  ouvrières  des  fouille»  de  Mniilimc  * 
A  gauche,  le  thrAtre;  nu  Tond.  l'Ancbisia;  h  droite,  In  bulle  de  Ciourt/oiili  (toiulienu  de  lVuél(i|K') 

et  le  31onl  Arniùiii;i. 


•  l^s  rcproducUuns  pholoprnphiffues  pnldiées  dans  cv  voliinn'  >.iii>  iiirliralioii  do  proveii.-iiire 
ont  été  lirces  d'après  les  clichés  de  l'nuteur.  yunnd  ceiix-ri  iioiil  pis  iloiuir  des  rr.siilljils  snliNfai- 
snnls,  on  n  fait  des  cinpruuls  aux  collections  mises  n  lit  disposition  d.s  .inhrulojjnes  par  I  Insliint 
allemand  d'Alhines. 


AVANT-PROPOS 


Le  j)réscat ouvrage  est  né  des  recherches  tue  lu''oh)j»i(iues  qne 
j'ai  eu  Toccasion  de  poursuivre  connue  membre  de  l'Kcole  fran- 
çaise crAlhènes,  de  1887  à  1889,  sur  le  sile  el  dans  ia  région  de 
l'ancienne  Manlinée.  Le  nom  de  celle  ville  n'évo(|ue  guère  dans 
la  mémoire  des  lettrés  qu'un  souvenir  unique  :  celui  de  la  mort 
d'Épaminondas  —  qui  n'était  pas  un  Manlinécn.  —  Ce  serait 
peu  pour  justifier  ce  livre,  d'autant  plus  (lue  je  ji'ai  eu  la 
joie  de  retrouver  ni  la  stèle  ni  les  restes  du  héros.  Tout  au 
plus  puis-je  indiquer  approximativement  la  place  où  il  est 
tombé!  —  Il  me  sera  donc  permis  de  faire  valoir  les  lihes  plus 
particuliers  de  Mantinée  à  une  monographie,  el  d'indiiiuer  les 
idées  qui  m'ont  guidé  en  l'écrivant. 

L'histoire  générale  de  la  Grèce  est  mainlenani  élablie  dans  ses 
grandes  lignes.  L'ensemble  du  tableau,  tel  (luo  h»  reiracent  les 
ouvrages  de  (îrote,  de  ('urlius,  de  Busoll,  de  Heloch,  de  Holui, 
de  Droysen,  de  Niese  et  de  Ilerlzberg,  ne  subira  pas,  avant  hjug- 
temps;  d'impoilanles  relouches.  Le  dépouilIcMiiriil  des  Icxles 
littéraires  est  achevé.  Les  inconnues  (|u'ils  conlienncnt  encore 
ne  se  dégageront  qu'au  contact  des  documents  nouveaux  qui 
grossissent  sans  trêve  le  dossier  de  l'archéologie  et  de  l'épigra- 
pliie.  Pour  préparer  la  synlhèse  future,  où  la  (|ueslion  des  ori- 
gines sera  élucidée, où  la  gem\se  des  croyances  el  le  nuMajûsme 
des  institutions  n'auront  plus  de  secrets,  où  révolution  du  peu- 
ple helléniciuesera  restiluée  dans  son  milieu  vrai,  avec  tous  les 

.Mnnliiice.    —   I . 


II  AVANT-PROPOS 

accessoires  truiie  iniso  eu  scène  complète,  il  faut  procéder  par 
(le  uiinuJieuses  analyses  et  i)ar  des  enquêtes  partielles.  La  pos- 
session d'une  série  de  nionoj^raphies,  où  chaque  cité  grecque 
sejait  étudiée  à  part,  cojitribuerait  avec  enicacité  à  cette  œuvre 
d'ensemble. 

Restituer  l'histoire  d'une  ville  n'est  pas  un  travail  aussi  res- 
treint qu'on  le  croirait  de  priineabord.  L'exiguïté  du  cadre  ne 
doit  pas  faire  illusion  sur  la  complexité  du  tableau.  Les  répu- 
bliques grecques  ju)us  apparaissent  à  distance  comme  des 
microcosmes  dont  la  vie  intérieure  peut  être  aisément  réduite 
en  formules.  Mais,  sans  méconnaître  les  lois  générales  qui  ont 
présidé  au  développement  de  ces  organismes,  ou  ne  doit  pas 
oublier  (|ue  chacun  d'eux  jmssède  sa  physionomie  propre  et  son 
lempéranient  individuel.  Sans  doule  la  structure  physique 
des  dilTérentes  pairies  helléin(|ii(*.s  les  prédisposait  à  une  ce r- 
laine  uniformiléde  pensées  el  d'attitudes.  Mais,  à  chaque  canton, 
la  nature  du  sol  local,  le  climat,  la  position  relative,  les  antécé- 
dents ethnographi(|ueset  religieux  des  habitants  imposaient  des 
besoins,  des  inlérêts  el  des  désirs  particuliers.  Le  relatif  n'a  eu 
nulle  part  plus  d'importance  qu'en  Grèce  :  c'est  lui  qui  nous 
donne  la  clef  des  faits  généraux.  L'histoire  générale  ressemble  à 
une  sccjie  où  de  nombreux  acteurs  apparaissent  jiour  y  jouer 
un  rôle  éi)hémère  :  leurs  gestes  rapides  et  leurs  dédamalions 
publiques  Jie  nous  les  font  ()as  connaître  à  fond  comme  indi- 
vidus. Nous  voyons  en  gros  le  drame.  Si  nous  en  voulons 
comprendre  les  moindres  péripéties,  il  faut  sonder  les  person- 
nages secojulaires  aussi  bien  (|ue  les  premiers  rôles. 

Loj*s(|u'on  contemj)le  de  pics  ces  petits  Etals  grecs,  les  dis- 
lances se  rapetissent  entre  les  <;auses  et  les  effets,  dont  la 
liaison  logique  apparaît  avec  une  séduisante  netteté.  On 
voit  en  jeu  les  ressorts  et  les  rouages  les  plus  infimes;  on  suit 
el  on  comprend  les  moindres  mouvements  du  méciinisme.  La 
structure  physique  d'un  canton  détermine  ses  conditions  pro- 
pres d'habilabililé,  les  besoins  matériels  et  le  genre  de  vie  des 
habitants.  Ses  déb(mchés  naturels  règlent  les  transactions  avec 


AVANT-PHOPOS  111 

le  dehors  el  la  marche  de  la  civilisation.  De  sa  valeur  straté- 
gique dépendent  ses  destinées  politiques,  suivantqnesa  position 
inspire  à  ses  voisins  et  aux  puissances  plus  lointaines  des 
inquiétudes  ou  des  convoitises.  S'il  se  trouve  à  portée  des  che- 
mins hattus  par  les  migrations,  son  ethnographie  suhit  des 
mélanges  dont  les  éléments  bariolent  sa  mythologie.  Les  dieux, 
en  partie  indigènes,  en  partie  immigrés  ou  empruntés,  person- 
nifient, les  uns  les  phénomènes  locaux,  les  autres  les  races  enva- 
hissantes qui  les  ont  intl*oduits,ou  les  inlluences  étrangères  dont 
ils  émanent.  De  la  mise  en  action,  dans  un  milieu  restreint  et 
homogène  de  ces  trois  éléments,  le  sol,  les  hommes  et  les  dieux, 
résultent  les  institutions,  lïime  et  l'histoire  d'une  cilé  grec(|ue. 
Il  n'est  pas  inutile  d'aller  surprendre  dans  la  vie  cellulaire  les 
éléments  et  les  premières  vibrations  de  l'organisme  général.  H  y  a 
intérêt,  par  exemple  à  voir  les  unités  archaujucs,  x<nu.(xi  ou  8y,jji.oî 
se  fondre  en  un  seul  État,  à  suivre  sur  place  la  genèse  des  cul- 
tes ruraux  et  à  observer  leur  métamorphose  en  cultes  nationaux, 
enfin  à  débrouiller  l'écheveau  des  légendes  locales  pour  en  faire 
la  trame  légère  de  la  préhistoire.  Par  là,  toute  monographie 
plonge  dans  ce  problème  des  origines,  dont  la  solution  ne 
dépend  pas  de  généralisations  prématurées,  mais  d'investiga- 
tions méticuleuses  et  déclassements  méthodiques. 

Pour  les  recherches  de  ce  genre,  les  monuiiicnis  (iguiés  et 
surtout  les  textes  épigraphiques  ont  une  valeui*  inappréciable. 
Il  y  a  des  historiens  qui  dédaignent  les  inscriptions  et  leur  pré- 
fèrent de  parti-pris  les  textes  littéraires  comme  îivînit  une  portée 
plus  générale.  C'est  vraiment  se  plaindre  (lue  toutes  les  sources 
n'aient  pas  le  môme  goût.  L'avantage  des  inscriptions,  même  des 
plus  insipides  et  des  plus  indigentes  en  fait  d'idées  générales, 
c'est  de  relléter  l'esprit  local  et  ses  préoccupations,  cela  direc- 
tement et  sans  la  déformation  que  ces  choses  subissent  for- 
cément en  passant  par  le  cerveau  d'un  narrateur.  Elles  nous 
montrent  les  mœurs  et  les  institutions  en  action  et  nous 
mettent  en  contact  immédiat  avec  les  hommes  et  les  divinités 
du  cru. C'est  là  une  impression  qu'il  est plusaisé  de  ressenlirqne 


IV    ■  AVANT-PHOPOS 

d'analyser.  L'historien  fait  œuvre  d'art  et  de  propagande  autant 
que  de  vérité  ;  le  (Uxuinient,  olaut  un  acte  impersonnel,  témoigne 
sans  artifice  de  ce  qui  est  :  un  Corpus  est  à  Thucydide  ce  qu'un 
alhum  de  [)hotograï)hics  est  h  une  grande  peinture  historique. 
Quant  aux  monumcnis  figurés,  en  tant  que  produits  d'un  état 
de  civilisation  iiarliculicr,  et  comme  expression  de  certaines 
idées  ou  croyances  Iraditionnelles,  ils  acquièrent  souvent  une 
valeur  documenlaire  de  premier  ordre. 

Tels  sont  les  principes  qui  m'ont  guidé  dans  cet  essai  de 
reconstitution  d'un  Klat  secondaire,  comme  fut  Mantinée.  Celte 
ville  n'a  pas  élé  un  dos  protagonistes  de  l'histoire  grecque; 
mais  son  intervenlicm  dans  les  alTaires  générales  du  Pélopon- 
nèse a  marqué  de  hi  manière  la  plus  active  et  la  plus  originale. 
Elle  s'est  toujours  montrée  animée  d'un  sentiment  d'indépen- 
dance et  de  libéralisme  qui  lui  valut  la  haine  implacable  de 
Sparte  et  i'amilié  d'Argos  et  d'Athènes.  Comme  d'autres  villes 
grecques,  elle  tenta  de  grandes  choses  avec  de  petits  moyens,  et 
déploya  un  esprit  supérieur  à  ses  ressources.  Elle  devint,  à  un 
moment  donné,  ITime  de  toute  l'Arcadie.  La  politique  lui  a 
procuré  de  brillantes  illusions,  cl,  en  fait  de  réalités,  de  cruels 
mécomptes.  11  y  avait,  en  eflet,  dans  sa  situation,  un  germe  de 
paralysie  qui  la  prédestinait  surtout  à  des  ambitions  malheu- 
reuses. Mais  le  fait  seul  d'avoir  persévéré  dans  son  rêve  la 
défend  contre  l'inflilTérence. 

Elle  présente  aussi  un  intérêt  d'ordre  quasi  théorique.  La 
constitution  géologicjue  de  son  sol,  son  régime  hydrographique 
et  sa  position  au  nord  de  la  grande  plaine  fermée  <rArcadie  ont 
influé  sur  sa  mylhologie,  sur  son  hisloire  et  sur  sa  politique 
suivant  un  déterminisme  très  apparent  dont  peu  d'États  grecs 
olTriraienl  un  e.\enjple  aussi  typique.  C'est  donc  un  milieu  en 
quelque  sorte  schématique  pour  étudier  l'action  du  sol  sur  un 
groupe  d'hommes,  la  conversion  des  phénomènes  physiques  en 
idées  religieuses  et  par  suite  eu  énergies  morales,  le  jeu  des 
influences  étrangères,  bref  toutes  les  causes  qui  collaborent  à  la 


AVANT-PROPOS  V 

formation  et  à  la  vie  d'une  cité  grecque.  La  position  de  Man- 
tinée  au  cœur  du  bastion  arcadien,  entre  Sparte,  Argos  et 
Atiîcnes,  l'appelait  à  jouer  un  rôle  important  dans  les  combinai- 
sons politiques  dont  Thégémonie  du  I^éloponnc'se  clait  l'enjeu. 
Les  grands  conflits  qui  mettaient  aux  prises  les  ambitions  rivales 
des  puissances  directrices  sont  venus,  par  une  sorte  de  fatalité, 
se  résoudre  dans  la  Mantinique.  Ce  n'est  t)as  le  hasard  qui  a  suc- 
cessivement poussé  dans  cette  lice  les  champions  les  i)lus  illus- 
tres des  partis  adverses  :  Agis  et  Alribiade,  Agésilas  et  Epami- 
nondas,  Machanidas  et  Philopœmen.  11  n'était  pas  sans  intérêt 
d'exposer  l'enchaînement  rationnel  de  ces  faits  :  c'est  |)our- 
quoi,  après  avoir  inauguré  cette  élude  pai*  des  recherches 
archéologiques,  la  néc^essité  de  comprendre  m'a  conduit  à  un 
travail  d'ensemble. 

Les  raisons  qui  ont  attiré  l'École  française  d'Alhcncs  sur  le 
terrain  de  Mantinée  ne  sont  pas  fortuites.  Depuis  l'Expédition 
de  Morée,  l'Arcadie  avait  été  tenue  en  dehors  du  mouvement 
scientifique.  Les  philologues  accei)laient  comme  un  dogme  la 
tradition  virgilienne qui  avait  voué  ce  paysà  l'idylle.  Les  mytho- 
graphesse  tenaient  à  distance  du  concert  rnslitjue  où  Pan  trô- 
nait avec  ses  pipeaux  ;  les  historiens  ne  frayaient  pas  avec 
Tityre.  La  devise  des.  bergers  de  Poussin  :  Et  in  Arcadia  ego! 
convenait;!  la  pastorale  et  à  la  peinture,  mais  nonencoreà  l'éru- 
dition. De  rares  études  essayèrent  jmurtanl  de  mettre  la  science 
en  règle  avec  ce  pays  et  d'épuiser  l'intérêt  du  sujet  :  on  peut 
dire  qu'elles  n'ont  fait  que  l'entrevoir  (l).  En  elTet,  quand 
on  commença  h  s'aflranchir  du  préjugé  bucolique  à  l'égard  des 
Arcadiens,  ce  fut  pour  tomber  dans  l'excès  contraire  :  l'Arcadie 
n'avait  pas  d'histoire  ;  ses  habitants  avaieni  vécu  retranchés 
dans  un  isolement   farouche  ;   brigands   ou   mercenaires,   ils 

(1)  Lconardi  Adaiiii  Volsinionsls  Àrcadicorum,  vol.  I,  Homao.  1710.  —  Hroi- 
tcnbacti.  GeachicMe  von  Arkadien^  1791.  —  Mallo-Hruii.  Mœurs  et  lois  des 
anciens  Arcadiens  {Nouv.  annales  des  voy.,  III,  P;irls,  iSiî)}.  —  Scliwab. 
Arkadien^  1852.—  Do  la  Coulonche.  Mémoire  sur  l'Arcadie  iArchiv.  des  Miss. 
scientif.Wl,  18,'38,  p.  83  sqq.  —  Bertrand.  De  fabulis  Arcadiœ  antiquissimis^ 
1859.  —  Hôhlc.  Arkadien  vor  der  Zeil  der  Perserkricge,  1883. 


VI  AVANT-PROI>O.S 

n'avaient  niùme  pas  su,  comme  les  Étoliens,  se  ménager  une 
entrée  en  scène  tapageuse;  de  l'ancien  Eldorado  pastoral,  on 
faisait  un  repaire  de  non  valeurs.  Sous  l'influence  de  ces  idées, 
les  archéologues  traitèrent  l'Arcadie  comme  une  quantité  négli- 
geable. Les  ex|)loratious  y  étaient  rares  :  il  semblait  qu'en  s'y 
risquant  on  ne  serait  pas  payé  de  ses  peines  (1).  Strabon  n'affir- 
mait-il pas  que  déjà  de  son  temps,  il  n'y  avait  plus  rien  à  voir 
en  Arcadie  (2)? 

Pourtant  la  lecttire  du  livre  de  Pausanias  consacré  à  ce  pays 
aurait  dii  exrilor  plus  de  curiosité.  C'est  le  mieux  composé  et  le 
plus  complet  de  tout  Touvrage.  Si  le  témoignage  de  Fausanias 
estaujotinriuii  très  discuté,  s'il  est  de  mode  de  le  corriger  avec 
force  gourmades,  jo  pense,  avec  M.  Bérard  (3),  que  les  doutes  émis 
sur  la  réalilé  de  ses  voyages  et,  comme  disent  les  Allemands, 
sur  Vautopsie  de  ses  observations,  ne  doivent  pas  s'appliquer  aux 
Àrcadiques.  l^  Périégète  a  fait  en  conscience  son  métier  de 
folkloriste  el  «l'archéologue.  Il  avait  au  moins  sur  Virgile  une 
supériorité  :  celle  d'avoir  parcouru  le  pays  dont  il  collige  les 
légendes  el  catalogue  les  ruines.  Sans  talent  et  sans  imagina- 
tion, son  indig(Mico  est  un  gage  de  sincérité,  parce  qu'invento- 
rier est  le  contraire  d'inventer.  Au  sujet  de  l'Arcadie,  Pausanias 
avait  i)risla  i)eino  de  dissipera  l'avance  nos  préventions,  d'abord 
en  signalant  à  notre  attention  l'importance  particulière  des 
mythes  et  des  légrndos  de  ce  pcui)lc  ;  ensuite,  en  nous  décrivant 
exactement  l'aspect  et  les  attributs  bizarres  de  certaines  idoles 
si  peu  conformes  aux  types  du  |)anthéon  classique;  enfin,  en 
relevant  en  détail  l'état  des  villes  qu'il  parcourait  :  d'où  il 
résultait  que  Strabon  avait  exagéré  la  désolation  du  pays  et  que 
nous  n'avions  pas  à  partager  son  pessimisme. 

M.  Foucart  put  constater  en  1808,  durant  son  voyage  épigra- 
phique  dans  le  Péloponnèse,  que,  sur  tous  ces  points,  le  pays 

(1)  n   faut  ajouter   que    lo  brigandage   moderne    etTrayair  Justement  les 
étrangers. 

(2)  Strab.  VI II,  8.  1. 

(3)  Orig.  des  cuUrs  arcad.  p.  3.  —  Cf.  Heberdey.  Die  ReUen  des  Patiênnias, 


AVANT-PROPOS  Vil 

tiendrait  ce  que  Pausanias  promettait.  Certaines  inscriptions  lui 
firent  pressentir  en  Arcadie  ce  terrain  en  quelque  sorte  primaire 
delà  mythologie  grecque,  qui  avait  déjà  intrigué  Pausanias.  De 
Tégée,  de  Mantinée,  d'Orchoniène  et  de  Mcgalopolis,  des  textes 
du  plus  grand  intérêt  mythologique,  historicpie  et  dialeclal  sur- 
girent, preuve  que  le  sol  était  plutôt  vierge  qu'infécond.  En 
1887,  les  grands  chantiers  ouverts  à  Délos,  à  Dodone,  h  Olyra- 
pie,  à  Eleusis,  à  Épidaure,  à  l'Acropole  d'Alhcnes,  au  Ptoion  de 
Béotie,  étaient  épuisés  ou  en  pleine  exploilalion.  En  attendant 
de  pouvoir  faire  triompher  ses  droits  sur  I)elj)iies,  TÉcole  fran- 
çaise cherchait  à  se  pourvoir  de  nouveaux  (•h;uni)s  de  fouilles. 
M.  Foucart,  alors  directeur  de  PÉcole,  jugea  le  moment  venu  de 
lentei-  un  essai  en  Arcadie. 

Entre  les  nombreuses  ruines  dont  Texploralion  s'imposait,  le 
choix  devait  être  commandé  par  des  raisons  scienliliques  aux- 
quelles s'adjoignaient  des  considérations  pratiques.  Tégée  et 
Mantinée,  à  la  fois  les  plus  anciennes  el  les  plus  considérables 
des  villes  arcadiennes,  se  désignaient  à  l'ai  leni  ion  par  le  nombre 
des  inscriptions  qui  en  avaient  élé  extraites.  Les  descriptions  de 
Pausanias  y  signalaient  Texistenre  de  mojniments  fameux  et 
encourageaient  les  plus  belles  es[)éran('es.  A  Tégée  notammtmt, 
bien  que  le  site  de  la  ville  eût  été  nivelé  par  la  rulture  au  point 
que  l'enceinte  avait  complètement  disparu  et  <|  u'on  se  demandait 
mômê  si  elle  avait  jamais  existé,  les  villag(»s  modernes  installés 
sur  ce  terrain  contenaient  d'admirables  frai;inents  du  temple 
d'Athéna  Aléa.  Les  substructions  du  lempUî  avec  <les  fûts  de 
colonne  et  quelques  morceaux  des  frontons  sculptés  par  Scopas 
avaient  même  été  retrouvés  par  MM.  Milclih(i*fcr  el  Dœrpfeld  (i). 
Le  petit  musée  dePiali  et  les  maisons  d'AKhouria  montraient  aux 
voyageurs  des  fragments  de  frise  et  de  sarcophage,  dont  une 
remarquable  figure  de  lion  (2). 

(1)  Àthm.  Hitlh.,  V,  p.  52  sq.  ;  VI,  p.  393  ;  VIII,  p  274  ;  XI,  p.  17. 

(2)  Uoss.  Reisen  und  Reiserouten.,  p.  70.  —  (.onze  cl  Michuclis.  Rnpporto 
(Annali,  1861,  p.  30).  —  Milchliœfer.  Àlh.  Milh.,  IV.  p.  132.  —  Kongcres. 
le  lion  de  Tégée  {Bull  de  Corr.  hellén.,  Xltl,  p.  470-480,  pi.  VI).  —  Bas- 
relief  de  Tégée  représentant  une  lionne  {ib.  XIV,  p.  512-515,  pi.  X1I|.  — 
Bas-relief  de  Tégée  représentant  un  taureau  (ib.  XV,  p.  321-327). 


VIII  AVANT-PROPOS 

Mais  le  terrain  de  Téj^ée,  en  partie  recouvert  par  les  maisons 
de  Piali  et  d'Ibraliim-EfTendi  et  par  i*église  de  Palseo-Épiscopi, 
al  loti  pour  le  reste  entre  les  habitants  de  ces  villages,  ne  devait 
se  prêter  à  une  ex|)loration  méthodique  que  si  une  transaction 
intervenait  entre  les  fouilleurs  et  les  propriétaires.  La  question 
des  indemnilés  se  posait  la  première  avec  ses  exigences  inquié- 
tantes :  chacun  sail  qu'on  i)areille  matière,  en  Grèce  comme 
ailleurs,  avant  de  satisfaire  les  intéressés,  il  faut  une  énorme 
dépense  de  diplomalic,  <rar^ent  et  de  temps.  Or,  nous  n'avions, 
pour  aboutir  à  un  résullat  immédiat,  que  nos  ressources  diplo- 
matiques :  c'était  assez  pour  pré|)arer  l'avenir,  mais  insufTisant 
l)Our  assurer  sa  lAche  au  présent. 

Par  contre,  Manlinée  se  présentait  dans  des  condilicms  privilé- 
giées. C'était  un  désert  insalubre  d'où  la  fièvre  avait  chassé  tous 
les  habitants  :  pas  uneseule  maison  nes'y  étaitmaintenue.  Le  site 
de  la  ville,  nettement  délimité  i)ar  les  traces  du  remiiarl,  était 
classé  comme  domaine  public.lci  les  précautions  de  la  loi  grecque 
qui  réserve  à  l'État  la  pro|»riété  souveraine  des  ruines  antiques, 
ne  se  trouvaient  annulées  par  aucune  occupation  de  fail.Le  terrain 
était  affermé  contre  une  faible  redevance  aux  cultivateurs  <les 
villages  voisins,  mais  ces  concessions  ne  conféraient  aux  béné- 
ficiaires aucun  droit  à  une  expropriation  ni  à  une  indemnité 
quelconque  si  le  gouvernement  autorisait  des  fouilles  sur  une 
partie  ou  sur  la  totalité  du  domaine  public.  A  ces  circonstances 
favorables,  je  dois  ajouter  la  bonne  volonté  et  môme  l'empres- 
sement du  gouvernement  hellénique.  Le  ministre  de  l'Instruc- 
tion publique,  M.  Manétas,  originaire  de  Tripolis,  ne  cachait 
pas  son  désir  de  nous  voir  arriver  dans  son  pays  avec  armes 
et  bagages.  S.  M.  le  roi  Georges  l«»"  elle-même  daigna  insister 
en  faveur  <le  l'entreprise  auprès  du  Directeur  de  l'École  (1). 

(1)  La  bonne  volonté  du  gouvernement  hellénique  à  notre  égard  ne  s'est 
pas  un  instant  démentie.  Nous  avons  toujours  été  énorgiquement  soutenus 
auprès  des  autorités  locales,  qui,  de  leur  c6té,  ne  nous  ont  pas  marchandé 
leur  concours.  Ne  pouvant  nommer  ici  toutes  les  personnes  de  Tripolis  que  la 
reconnaissance  nous  défend  d'oublier,  j*ai  plaisir  à  rappeler  raccueil  sympa- 
thique de  cette  ville  hospitalière. 


AVANT-PROPOS  IX 

C'est  cfans  ces  conditions  qu'au  début  de  juin  1S87,  au  retour 
d'un  long  voyage  en  Thessalie,  je  reçus  de  M.  Fourart  la  niissiou 
d'entreprendre  des  fouilles  à  Mantinée  :  dans  le  cas  où  le  résultat 
serait  peu  satisfaisant,  je  devais  entamer  des  [pourparlers  et 
inaugurer  <les  recherches  partielles  à  Téjçée.  Aprôs  quelques 
jours  de  préparation,  je  partis  en  Arradic  avpc  les  noies,  les 
cartes  et  les  outils  nécessaires,  un  crédit  provisoire  de 
4000  drachmes  et  une  inépuisable  provision  dVspéjances.  Une 
première  campagne  de  fouilles,  dirigée  l'année  précédonle  dans 
l'Ile  de  Délos  durant  cinq  mois,  avait  fait  mon  a{)))ren(issa<j:e  en 
ce  genre  de  travaux. 

Les  relations  des  voyageurs  traçaient  de  T  «  aimable  Manlinée  » 
le  plus  désolant  tableau  :  plaine  encaissée  et  malsaine,  lorride 
en  été,  glaciale  en  hiver,  un  lieu  d'éleclion  |)nnr  la  malaiia. 
Seul  Welcker(l)  défend  la  Manlinique  (-(uilre  Ir  r<»proche  d'insa- 
lubrité :  évidemment,  il  n'a  fait  qu'y  passer.  En  arrivant  sur  les 
lieux,  je  conslatai  l'absence  de  toute  habilaliou  permanente, 
danslefonddelaplaine,  en  dehors  (le  quelques  khanis échelonnés 
le  long  de  la  nouvelle  roule.  Tous  les  villages  s'étaient  haussés 
sur  les  revers  des  montagnes  au-dessus  du  niv(»an  pestilentiel. 
Mais  cette  hostilité  du  climat  à  l'égard  de  Thomme  n'excluait 
pas  une  riche  végétation.  Un  tapis  de  vignes  verdoyantes  et 
d'épis  jaunissants  s'étalait  au  fond  du  cirque  naturel  juscjirau 
pied  des  hauteurs.  Au  centre,  une  su|)er(icie  circonscrite  par 
les  vestiges  d'un  rempart  elliptique  représentait  le  site  de  Man- 
tinée. Elle  était  envahie  par  les  blés  et  par  les  orges,  dont  les 
épis  drus  et  toullus  recouvrant  même  les  sentiers  barraient  par- 
toutle  passage. Toutefois, non  sans  causerquel(|uesdégi\ts,  je  i)us 
parvenir  à  une  petite  butte  que  j'avais  vue  de  loin  émerger  vers 
le  centre  de  l'enclos.  De  cet  observatoire,  un  coup  d'œil  d'en- 
semble me  convainquait  qu'aucun  travail  n'était  possible  tant 
que  le  terrain  ne  serait  pas  débarrassé. 

(i)  Welcker.  Tagebuch  einer  griech,  Reise,  1865.  t.  I,  p.  197  (\\  passa  « 
ManUnée  le  5  avril  1842). 


X  AVANT-PROPOS 

Gi Ace  aux  instructions  de  M.  Manétas  et  de  M.  Cavvadias  (1), 
éphore  gcncral  dos  antiquités,  les  locataires  du  champ  de  fouil- 
les ne  me  reçurent  pas  en  ennemi.  Pourtant  mon  arrivée  s'abat- 
tait sur  leurs  moissons  comme  une  plaie  d'Egypte.  Mais  dès  les 
premiers  mots  on  se  mit  d'arrord.  Je  mo  serais  fait  scrupule,  en 
usant  de  mon  droit  dans  toute  sa  rigueur,  de  ruiner  et  d'affamer 
un  peuple  pour  la  gloire  de  ses  anc(Hres.  Les  marbres  sculptés 
et  les  inscriptions  sont  moins  rares  en  Grèce  que  les  champs 
nourriciers,  et  les  cimvoitises  problématiques  de  l'archéologie 
pouvaient  transiger  avec  les  besoins  de  ces  pauvres  gens.  Je  leur 
))romis  donc  d'attendre  la  coupe  des  blés  avant  d'ouvrir  mes 
tranchées  ;  ils  s'engagcrent  de  leur  côté  à  user  de  diligence. 
Il  y  avait  par  Imnlieur,  au  bord  de  la  route,  une  petite  chapelle 
en  ruine,  pleine  de  fragments  antiques  :  je  pris  patience  en  la 
démolissant.  Au  bout  de  quinze  jours,  les  faucilles  avaient  fait 
merveille.  Lîi  lielle  toison  dorée  prit  le  chemin  des  aires,  et  je 
me  vis  maître  d'un  steppe,  dont  la  nudité  s'égayait  d'un  tertre 
l)elé  et  de  huit  mares  où  verdissait  le  haschich. 

Il  ne  me  restait  plus  qu'à  découvrir  Mantinée  à  l'intérieur  de 
ses  remparts.  Mes  4.000  drachmes  risquaient  fort  de  s'égarer 
dans  ce  désert  de  124  hectares.  De  la  description  confuse  de 
Fausanias,  il  résultait  que  le  théAtre  était  entouré  de  plusieurs 
temples.  Or,  Ja  petite  butte  centrale  s'appuyait  sur  une  ligne 
circulaire  de  giosses  pierres  où  la  Commission  de  Morée  avait 
reconnu  le  mur  de  soutènement  d'un  théâtre  :  le  creux  de  la 
cavéa  était  encore  assez  marqué  pour  ne  laisser  aucun  doute  sur 
cette  identilicalion.  C'étciit  là  un  repère  précieux  qui  servit  à 
orienter  les  piemières  tranchées.  Celles-ci,  pouss^ées  en  rayons 
à  partir  du  théâtre,  nous  firent  bientôt  découvrir  la  scène,  les 
restes  de  trois  temples  et  un  ensemble  imposant  de  portiques 
qui  encadraient  un  marais.  C'était  l'agora,  située  au  cœur  de  la 
ville.  Le  déblaiement  de  ces  constructions  très  développées  nous 

(1)  Appuyées  de  très  bonne  grftce  par  Téphoro,  M.  Léonardos,  désif^né,  après 
M.  Tsounlas,  pour  suivre  les  fouilles  au  nom  du  gouvcrnemenl  grec. 
M.  Léonardos  n*esl  pas  de  ceux  qui  pratiquent  la  devise  :  hospes^  hoftis. 


AVANT-PROPOS  XI 

occupa  jusqu'à  la  fin  des  fouilles.  En  même  temps  nous  explo- 
râmes le  rempart.  Les  brèches  de  l'enceinte,  j^^arnies  de  fortes 
tours  saillantes,  indiquaient  la  place  des  principales  portes.  En 
les  dégageant,  on  reconnut  les  amorces  de  quchpies  rues  dallées, 
mais  au  lieu  de  se  donner  rendez-vous  à  Tagora,  comme  jadis, 
ces  voies  mouraient  en  terrain  vague,  après  un  faible  par<*ours, 
dégarnies  de  leur  double  bordure  de  maisons.  Dans  la  zone 
comprise  entre  la  ceinture  des  remparts  et  les  constructions  de 
l'agora,  apparaissaient  çà  et  là  quelques  las  do  cailloux  entassés 
par  les  cultivateurs  quand  ils  épluchaient  leurs  champs,  les 
débris  croulants  de  quelques  masures  gréco-lur(|  nos  et  les  restes 
d'une  grande  bAtisse  rasée  à  Heur  de  terre,  sans  doute  un  tclii- 
flik  turc,  à  en  juger  par  les  tessons  de  chibouks  qui  y  pullu- 
laient. Serpentant  au  milieu  de  ces  pauvres  vosliij:es,  un  réseau 
de  profondes  rigoles  reliait  les  marais  et  les  drainait  hors  dos 
murs.  En  somme,  tout  cet  espace  se  i)rcsenlait  comme  une 
vaste  page  blanche  oITerte  à  de  désespéranles  médilalions.  Le 
déchiffrement  empirique  et  minutieux  du  terrain  devait  cepen- 
dant nous  révéler  certains  indices  qui  nous  disf)onsèrent  de 
tâtonner  à  l'aventure.  On  explora  d'abord  tous  les  iminls  où 
affleuraient  des  tuiles  ou  des  morceaux  do  pierre  taillée.  La 
végétation  elle-même  contribua  à  nous  é(îlairer.  Les  paysans 
avaient,  en  elîet,  l'habitude  de  couper  les  tiges  de  blé  ou  d'orge 
assez  haut,  afin  de  laisser  aux  moutons  une  pàtuie  pour  l'au- 
tomne. Partout  où  j'observai  des  pailles  plus  maigres  et  plus 
espacées,  j'en  conclus  que  la  couche  d'humus  était  plus  légère 
et  qu'un  sous-sol  solide  contrariait  l'expansion  des  racines. 
C'est  ainsi  que  nous  fut  révélée  l'existenre,  à  une  faible  pro- 
fondeur, de  plusieurs  églises  byzantines,  notannneni  du  dallage 
qui  contenait  les  bas-reliefs  praxitéliens. 

11  n'entrait  pas  dans  mon  programme —  ni  dans  mes  moyens 
—  d'opérer  le  déblaiement  complet  de  toute  la  ville.  Le  coût, 
en  argent,  d'une  semblable  opération  peut  élre  évalué  à  plus 
d'un  million  et  demi  de  francs.  Je  ne  parle  pas  du  nombre 
d'années  nécessaire  à  ce  travail  giganlesque,  loul  à  fait  (lisj)ro- 


Fig.  1. 

Otnriers  et  ouvrières  des  fouilles  de  Maiiliinr  » 

A  {(auche,  le  thfAtre;  nu  Tond.  l'Anchisia;  A  droite,  In  InUle  de  Goiiii/oiili  0(»»t>('<'iii  dr  IVnélo|K') 

et  le  Mont  Artiiciii.'t. 


•  Ijcs  reprodurlions  pho(of;raplii(|ur!i  inibliécs  dans  cv  volitiiic  >im«»  mdir.ilion  dr  provcnnnre 
uni  élé  lirces  d'aprè»  les  rlirhcs  de  liinteitr.  Ounrid  ceiix-oi  nniil  |ii\  ilomir  dr<  irMiliiils  sntisHii- 
Mnls,  on  a  fait  des  ciiiprurils  aux  rollerltoiis  mises  h  lit  di>|M»>ilMiri  do  ;M)-Iirolo<riies  par  I  Instiliil 
aUemand  d'Athènes. 


AVANT-PROPOS 


Le  présent  ouvrage  est  né  des  rerherclies  anlu'M)loj»:i(|ues  que 
j'ai  eu  Toccasion  de  poursuivre  connue  membre  de  l'Kcole  fran- 
çaise d'Athènes,  de  1887  à  1889,  sur  le  site  et  dans  la  région  de 
Tancienne  Maulinée.  Le  nom  de  cette  ville  n'év(M|ue  guère  dans 
la  mémoire  des  lettrés  (ju^un  souvenir  unique  :  celui  de  la  mort 
d'Epaminondas  —  qui  n'était  pas  un  Mantinreii.  —  Ce  serait 
peu  pour  justifier  ce  livre,  d'autant  plus  qu(î  je  n'ai  eu  la 
joie  de  retrouver  ni  la  stèle  ni  les  resles  du  héros.  Tout  au 
plus  puis-je  indiquer  approximativement  la  place  où  il  est 
tombé!  —  Il  me  sera  donc  permis  de  faire  valoir  les  lilres  plus 
particuliers  de  Mantinée  à  une  monographie,  el  d'indi(|uer  les 
idées  qui  m'ont  guidé  en  l'écrivant. 

L'histoire  générale  de  la  Grèce  esl  mainlenani  riablie  dans  ses 
grandes  lignes.  L'ensemble  du  lableau,  tel  (|ue  le  reiracent  les 
ouvrages  de  (îrole,  de  ('urtius,  de  BusoU,  de  Heloch,  de  llolm, 
de  Droysen,  de  Nieseet  de  ITerlzberg,  ne  subira  pas,  avant  long- 
temps; d'impoitanles  relouches.  Le  dé|K)uilU»nient  des  Icxles 
littéraires  est  achevé.  Les  inconnues  (|u'ils  conliennent  encore 
ne  se  dégageront  qu'au  conlact  des  documenis  nouveaux  qui 
grossissent  sans  trêve  le  dossier  de  l'archéologie  el  de  l'épigra- 
phie.  Pour  préparer  la  synthèse  future,  où  la  question  des  ori- 
gines sera  élucidée,  où  la  genèse  des  croyanc(»s  el  le  mécanisme 
des  institutions  n'auront  plus  de  secrets,  où  l'évolution  du  peu- 
ple helléni((ue  sera  restituée  dans  son  milieu  vrai,  avec  tous  les 

Manliiiùe.    —   I . 


II  AVANT-PROPOS 

accessoires  d'une  mise  en  scène  complète,  il  faut  procéder  par 
de  minulieuses  îinalyses  et  par  des  enquêtes  partielles.  La  pos- 
session d'une  série  de  monof^rapJïies,  où  cliaque  cité  grecque 
seiait  étudiée  à  pari,  contribuerait  avec  ellicacité  à  cetle  œuvre 
d'ensemble. 

Restituer  l'histoire  d'une  ville  n'est  pas  un  travail  aussi  res- 
Ircint  qu'on  le  croirait  de  primeabord.  L'exiguïté  du  cadre  ne 
doit  pas  (aire  illusion  sur  la  complexité  du  tableau.  Les  répu- 
bliques grecques  nous  a])i)araissent  à  distance  comme  des 
microcosmes  dont  la  vie  intérieure  peut  être  aisément  réduite 
en  formules.  Mais,  sans  méconnaître  les  lois  générales  qui  ont 
présidé  au  développement  de  ces  organismes,  on  ne  doit  ])as 
oublier  que  chacun  d'eux  possède  sa  physionomie  propre  el  son 
lempéranient  in<lividuel.  Sans  doule  la  struclure  physique 
des  différentes  pairies  helléni(|U(^s  les  prédis[)osait  à  une  cer- 
taine uniformilédeiKînséeseld'atlitudes.  Mais,  à  cha(|uecanlou, 
la  nature  du  sol  local,  le  climat,  la  position  relative,  les  antécé- 
dents ethnogra)dii(|ueset  religieux  des  habitiints  imposaient  des 
besoins,  des  inléièls  et  des  désiis  particuliers.  Le  relatif  n'a  eu 
nulle  part  plus  d'importance  qu'eu  Grèce  :  c'est  lui  qui  nous 
donne  la  clef  des  faits  généraux.  L'histoire  générale  ressemble  à 
une  scène  où  de  nombreux  acteurs  apparaissent  pour  y  jouer 
un  rùle  éphémère  :  leurs  gestes  rapides  et  leurs  déclamations 
publiques  ne  nous  les  fout  pas  connaître  à  fond  comme  indi- 
vidus. Nous  voyons  en  gros  le  drame.  Si  nous  en  voulons 
comprendre  les  moindres  péripéties,  il  faut  sonder  les  person- 
nages secondaires  aussi  bien  (|ue  les  premiers  rôles. 

Lors(|u'on  cunlemple  de  près  ces  petits  Etals  grevs,  les  dis- 
tances se  rapetissent  entre  les  caUvses  et  les  elïels,  dont  la 
liaison  logique  apparaît  avec  une  séduisante  netteté.  On 
voit  en  jeu  les  ressorts  et  les  rouages  les  plus  infimes;  on  suit 
et  on  comprend  les  moindres  mouvements  du  méctinisme.  La 
stiuclure  physi(|ue  d'un  canton  détermine  ses  conditions  pro- 
pres d'habitabilité,  les  besoins  matériels  et  le  genre  de  vie  des 
lïabitants.  Ses  débouchés  naturels  règlent  les  transactions  avec 


AVANT-PHOPOS  lit 

le  dehors  et  la  marclie  de  la  civilisation.  De  sa  valeur  straté- 
gique dépendent  ses  destinées  politiques,  suivantqiiesa  position 
inspire  à  ses  voisins  et  aux  puissances  plus  lointaines  des 
inquiétudes  ou  des  convoitises.  S'il  se  trouve  à  portée  des  che- 
mins hattus  par  les  migrations,  son  ethnographie  subit  des 
mélanges  dont  les  éléments  bariolent  sa  mytiiologie.  Les  dieux, 
en  partie  indigènes,  en  partie  immigrés  ou  empruntés,  person- 
nifient, les  uns  les  phénomènes  locaux,  les  autres  les  races  enva- 
hissantes qui  les  ont  inti-oduits,ou  les  iniluences  élrangôres  dont 
ils  émanent.  De  la  mise  en  action,  dans  un  milieu  restreint  et 
homogène  de  ces  trois  éléments,  le  sol,  les  hommes  et  les  dieux, 
résultent  les  institutions,  l'ame  et  Thistoirc  d'une  cilé  grecque. 
Il  n'est  pas  inutile  d'aller  surprendre  dans  la  vie  cellulaire  les 
éléments  et  les  premières  vibrations  de  l'organisme  général .  H  y  a 
intérêt,  par  exemple  à  voiries  unités  archaï(|ues,  xo)u.at  ou  8Y,fi.o! 
se  fondre  en  un  seul  Etat,  à  suivre  sur  place  h\  genèse  des  cul- 
tes ruraux  et  à  observer  leur  métamorphose  en  cultes  nationaux, 
enfin  à  débrouiller  l'écheveau  des  légendes  locales  pour  en  faire 
la  trame  légère  de  la  préhistoire.  Par  là,  toute  monographie 
plonge  dans  ce  problème  des  origines,  dont  la  solution  ne 
dépend  pas  de  généralisations  prématurées,  mais  d'investiga- 
tions méticuleuses  et  de  classements  méthodiques. 

Pour  les  recherches  de  ce  genre,  les  monuments  figurés  et 
surtout  les  textes  épigraphiques  ont  une  valeur  inîi|)préciable. 
Il  y  a  des  historiens  qui  dédaignent  les  inscriptions  et  leur  pré- 
fèrent de  parti-pris  les  textes  littéraires  comme  iiynnt  une  ijorlée 
plus  générale.  C'est  vraiment  se  plaindre  (lue  toutes  les  sources 
n'aient  pas  le  même  goût.  L'avantage  des  inscriptions,  même  des 
plus  insipides  et  des  plus  indigentes  en  fait  d'idées  générales, 
c'est  de  relléter  l'esprit  local  et  ses  préoccupations,  cela  direc- 
tement et  sans  la  déformation  que  ces  choses  subissent  for- 
cément en  passant  par  le  cerveau  d'un  narrateur.  Elles  nous 
montrent  les  mœurs  et  les  institutions  en  action  et  nous 
mettent  en  contact  immédiat  avec  les  hommes  et  les  divinités 
du  cru. C'est  là  une  impression  qu'il  estplusaiséde  ressentirqiuî 


IV  AVANT-PROPOS 

<l'analy$er.  L'historien  fait  œuvre  d'art  et  de  propagande  autant 
qiio  de  vérilr  ;  le  document,  étant  un  acte  impersonnel,  témoigne 
sans  artifice  de  re  qui  est  :  un  Corptis  est  à  Thucydide  ce  qu'un 
aihum  de  photographies  est  h  une  grande  peinture  historique. 
Quant  aux  monuments  figurés,  en  tant  que  produits  d'un  étal 
de  civilisation  parlirulier,  et  comme  expression  de  certaines 
idées  ou  croyances  traditionnelles,  ils  acquièrent  souvent  une 
valeur  documentaire  de  premier  ordre. 

Tels  sont  les  principes  qui  m'ont  guidé  dans  cet  essai  de 
reconstitution  d'un  Klal  secondaire,  comme  fut  Mantinée.  Celle 
ville  n'a  pas  élé  un  des  protagonistes  de  l'histoire  grecque  ; 
mais  son  intervention  dans  les  afTaires  générales  du  Pélopon- 
nèse a  marqué  de  la  manière  la  plus  active  et  la  plus  originale. 
Elle  s'est  toujours  montrée  animée  d'un  sentiment  d'indépen- 
dance et  de  libéralisme  qui  lui  valut  la  haine  implacable  de 
Sparte  et  l'amitié  d'Argos  et  d'Athènes.  Comme  d'autres  villes 
grecques,  elle  tenta  de  grandes  choses  avec  de  petits  moyens,  et 
déploya  un  esprit  supérieur  à  ses  ressources.  Elle  devint,  à  un 
moment  donné,  l'Ame  de  toute  l'Arcadie.  La  politique  lui  a 
procuré  de  brillantes  illusions,  et,  en  fait  de  réalités,  de  cruels 
mécomptes.  Il  y  avait,  en  eflel,  dans  sa  situation,  un  germe  de 
paralysie  qui  la  prédestinait  surtout  à  des  ambitions  malheu- 
reuses. Mais  le  fait  seul  d'avoir  persévéré  dans  son  rêve  la 
défend  contre  l'indilTérence. 

Elle  présente  aussi  un  intérêt  d'ordre  quasi  théorique.  La 
constitution  géologique  de  son  sol,  son  régime  hydrographique 
et  sa  position  au  nord  de  la  grande  plaine  fermée  crArcadie  ont 
influé  sur  sa  niylliologie,  sur  son  histoire  et  sur  sa  [)olilique 
suivant  un  déterminisme  très  apparent  dont  peu  d'États  grecs 
oflriraienl  un  exemple  aussi  typique.  C'est  donc  un  milieu  en 
quelque  sorte  schématique  pour  étudier  l'action  du  sol  sur  un 
groupe  d'hommes,  lu  conversion  des  phénomènes  physiques  en 
idées  religieuses  et  par  suite  eu  énergies  morales,  le  jeu  des 
influences  élrangères,  bref  toutes  les  causes  qui  collaborent  à  la 


AVANT-PROPOS  V 

formation  el  à  la  vie  d'une  cite  grecque.  La  position  de  Man- 
tinée  au  cœur  du  bastion  arcadien,  entre  Sparte,  Argos  et 
Athènes,  l'appelait  à  jouer  un  rôle  important  dans  les  combinai- 
sons politiques  dont  rbégémonie  du  Péloponnrse  élail  l'enjeu. 
Les  grands  conflits  qui  mettaient  aux  prises  les  ambitions  rivales 
des  puissances  direclrices  sont  venus,  par  une  sorle  de  falalilé, 
se  résoudre  dans  la  Mantinique.  Ce  n'est  pas  le  hasard  qui  a  suc- 
cessivement poussé  dans  cette  lice  les  champions  les  plus  illus- 
tres des  partis  adverses  :  Agis  et  Al(!ibiadc,  Ai^ésilas  et  Épami- 
nondas,  Machanidas  et  Philopœmen.  Il  n'était  pas  sans  intérêt 
d'exposer  l'enchaînement  rationnel  de  ces  faits  :  c'est  pour- 
quoi, après  avoir  inauguré  celte  étude  par  des  recherches 
archéologiques,  la  néc;essité  de  comprendre  m'a  conduit  à  un 
travail  d'ensemble. 

Les  raisons  qui  ont  attiré  l'École  française  d'Athènes  sur  le 
terrain  de  Mantinée  ne  sont  pas  fortuites.  Depuis  l'Expédition 
de  Morée,  TArcadie  avait  été  tenue  en  dehors  du  mouvement 
scientifique.  Les  philologues  acceptaient  comme  un  dogme  la 
tradition  virgiliennequi  avait  voué  ce  pays  à  Tidylle.  Les  mytho- 
gra plies  se  tenaient  à  distance  du  concert  rusiicjne  où  Pan  trô- 
nait avec  ses  i)ipeaux  ;  les  historiens  ne  frayaient  pas  avec 
Tityre.  La  devise  des.  bergers  de  I^ussin  :  Et  in  Arcadia  ego! 
convenaità  la  pastorale  et  à  la  peinture,  mais  non  encore  à  l'éru- 
dition. De  rares  éludes  essayèrent  pourtant  de  mettre  la  science 
en  règle  avec  ce  pays  et  d'épuiser  l'intércM  du  sujet  :  on  peut 
dire  qu'elles  n'ont  fait  que  l'entrevoir  (1).  Kn  elïet,  quand 
on  commença  à  s'affranchir  du  préjugé  l)uc()li(|ue  à  l'égard  des 
Arcadiens,  ce  fut  pour  tomber  dans  l'excès  contraire  :  l'Arcadie 
n'avait  pas  d'histoire  ;  ses  habitants  avaient  vécu  retranchés 
dans  un   isolement   farouche  ;   brigands   ou    mercenaires,   ils 

{i)  Lconarcii  Adnml  Volslnicnsls  Àrcadicorum ,  vol.  I,  Homao,  i7tfi.  —  Hroi- 
tcnbacli.  Geschichte  von  Àrkadieii,  1791.  —  Mallo-nnin.  Mœurs  et  lois  des 
anciens  Arcadiens  {Nouv.  annales  des  voy.,  III,  Paris,  1810).  —  Sciiwab. 
Àrkadicn,  1852.—  De  la  Couionche.  Mémoire  sur  l'Arcadie  iArcfiiv.  des  àliss. 
scitftid/.  VII,  18îi8,  p.  83  sqq.  —  ncrlraml.  De  fabulis  Arcadim  antiquissiiniSy 
1859.  —  Hôhle.  Arkadien  vor  der  Zeit  der  Verser kriegc,  1883. 


Vï  AVANT-PROPOS 

n'avaient  même  pas  su,  comme  les  Étoliens,  se  ménager  une 
entrée  en  scène  tapageuse;  de  l'ancien  Eldorado  pastoral,  on 
faisait  un  repaire  de  non  valeurs.  Sous  l'influence  de  ces  idées, 
les  archéologues  Iraitcrent  TArcadie  comme  une  quantité  négli- 
geable. Les  explorations  y  étaient  rares  :  il  semblait  qu'en  s'y 
risquant  on  ne  serait  pas  payé  de  ses  peines  (1).  Strabon  n'affir- 
mait-il pas  que  déjà  de  son  temps,  il  n'y  avait  plus  rien  à  voir 
en  Arcadie  (2)? 

Pourtant  la  lecture  du  livre  de  Pausanias  consacré  à  ce  pays 
aurait  dij  exciler  plus  de  curiosité.  C'est  le  mieux  composé  et  le 
plus  complet  de  lout  l'ouvrage.  Si  le  témoignage  de  Pausanias 
est  aujourd'hui  Irrs  discuté,  s'il  est  de  mode  de  le  corriger  avec 
force  gourmades,  jo  pense,  avec  M.  Bérard  (3),  que  les  doutes  émis 
sur  la  réalilé  de  ses  voyages  et,  comme  disent  les  Allemands, 
sur  Vautopsie  de  ses  observations,  ne  doivent  pas  s'appliquer  aux 
Arcadiques,  Le  Périégète  a  fait  en  conscience  son  métier  de 
folkloriste  et  d'archéologue.  Il  avait  au  moins  sur  Virgile  une 
supéiiorité  :  celle  d'avoir  parcouru  le  pays  dont  il  collige  les 
légendes  cl  ralaloguc  les  ruines.  Sans  talent  et  sans  imagina- 
tion, son  indigence  est  un  gage  de  sincérité,  parce  qu'invento- 
rier est  le  contraire  d'inventer.  Au  sujet  de  l'Arcadie,  Pausanias 
avait  pris  la  peine  de  dissipera  l'avance  nos  préventions,  d'abord 
en  signalant  à  notre  attenlion  l'importance  particulière  des 
mythes  et  des  lrg(Mulcs  de  ce  peuple  ;  ensuite,  en  nous  décrivant 
exactement  l'aspect  et  les  attributs  bizarres  de  certaines  idoles 
si  peu  conformes  aux  types  du  panthéon  classique;  enfin,  en 
relevant  en  détail  l'état  des  villes  qu'il  parcourait  :  d'où  il 
résultait  que  Strabon  avait  exagéré  la  désolation  du'pays  et  que 
nous  n'avions  pas  à  partager  son  pessimisme. 

AI.  Koucart  put  constater  en  1808,  durant  son  voyage  épigra- 
phique  dans  le  Pélo|H)nnèse,  que,  sur  tous  ces  points,  le  pays 

(t)  H  faut  tijouler  que  le  brigandage  moderne  edrayait  Justement  les 
étrangers. 

(2)  Strab.  VIII,  8,  1. 

(3)  Orig.  des  cnltvs  arcad.  p.  3.  —  Cf.  Ileberdey.  DieReisen  des  Pausanias. 


AVANT-PROPOS  VU 

tiendrait  ce  que  Pausanias  promcttail.  Cerlaines  inscriplions  lui 
firent  pressentir  en  Arcadie  ce  terrain  en  quelque  sorte  primaire 
de  la  mythologie  grecque,  qui  avait  déjà  intrigue  Pausanias.  De 
Tégée,  de  Mantinée,  d'Orchomène  et  de  Mégalopolis,  des  textes 
du  plus  grand  intérêt  mythologique,  hislori(|ue  et  dialectal  sur- 
girent, preuve  que  le  soi  était  plutôt  vierge  qu'infécond.  En 
1887,  les  grands  chantiers  ouverts  à  Délos,  à  Dodone,  à  Olym- 
pie,  à  Eleusis,  à  Épidaure,  à  TAcropole  d'AUu'nos,  au  Ptoion  de 
Béotie,  étaient  épuisés  ou  en  pleine  cxploit;ilion.  En  attendant 
de  pouvoir  faire  triompher  ses  droits  sur  Delphes,  l'École  fran- 
çaise cherchait  à  se  pourvoir  de  nouveaux  (•hamj)sde  fouilles. 
M.  Foucart,  alors  directeur  de  l'École,  jugea  le  moment  venu  de 
tenter  un  essai  en  Arcadie. 

Entre  les  nombreuses  ruines  dont  l'explornlion  s'im|)0sait,  le 
choix  devait  être  commandé  par  des  raisons  scienlififfucs  aux- 
quelles s'adjoignaient  des  considérnfiojïs  pniliques.  Tégéo  et 
Mantinée,  à  la  fois  les  plus  anciennes  el  les  plus  considérables 
des  villes  arcadiennes,  vse  désignaient  à  rallenlion  par  le  nombre 
des  inscriptions  qui  en  avaient  été  exlrailcs.  I^rs  doscripticmsde 
Pausanias  y  signalaient  l'exislence  de  moinniients  fameux  el 
encourageaient  les  plus  belles  espéranres.  A  Tégée  notamment, 
bien  que  le  site  de  la  ville  eût  élé  nivelé  par  la  cullurc  au  point 
que  l'enceinte  avait  complètement  disparu  el  cin'on  se  demandait 
même  si  elle  avait  jamais  existé,  les  villages  modernes  installés 
sur  ce  terrain  contenaient  d'admirables  friii-inents  du  temple 
d'Athéna  Aléa.  Les  substruclions  du  teuiple  avec  des  fûts  de 
colonne  et  quelques  morceaux  des  frontons  s(nl|)tés  par  Scopas 
avaient  môme  étéretrouvéspar  MM.  Milchlicefer  el  Dœrpfeld  (l). 
I^  petit  musée  dePialiet  les  maisons  d'Akhouria  montraient  aux 
voyageurs  des  fragments  de  frise  et  de  saicophage,  dont  une 
remarquable  figure  de  lion  (2). 

(1)  Àthm.  Miith,,  V,  p.  52  sq.  ;  VI,  p.  393  ;  VIII,  p  i74  ;  XI,  p.  i7. 

(2)  Ross.  Reisen  und  Reisfrouten,,  p.  70.  —  Conze  et  Micliuclis.  Rnpporln 
(AniMili.  1861,  p.  30).  —  Milchliœfer.  Àl/i.  Miih,,  IV,  p.  132.  —  Kongcrcs. 
Le  lion  de  Tégée  {Bull  de  Corr.  hellén.,  XIII,  p.  470-480,  pi.  VI).  —  Bas- 
relief  de  Tégée  représentant  une  lionne  {ih.  XIV,  p.  512-515,  pi.  XII).  — 
Bas-relief  de  Tégée  représentant  un  taureau  {ib.  XV,  p.  321-327). 


VIII  AVANT-PROPOS 

M.iis  le  terrain  de  Tégée,  en  pcirlie  recouvert  |)ar  les  maisons 
de  Piali  et  d'Iliraliim-EITendi  et  par  Téglise  de  Palseo-Épiscopi, 
alloti  pour  le  reste  entre  les  habitants  de  ces  villages,  ne  devait 
se  pnMer  H  une  exploration  méthodique  que  si  une  transaction 
intervenait  entre  les  fouilleurs  et  les  propriétaires.  I^  question 
des  indemnités  se  posait  la  première  avec  ses  exigences  inquié- 
tantes :  chacun  sait  qu'en  pareille  matière,  en  Grèce  comme 
ailleurs,  avant  de  satisfaire  les  intéressés,  il  faut  une  énorme 
dépense  de  diplomatie,  d'argent  et  de  temps.  Or,  nous  n'avions, 
pour  aboutir  à  un  résultat  immédiat,  que  nos  ressources  diplo- 
matiques :  c'était  assez  pour  préparer  l'avenir,  mais  insuffisant 
pour  assurer  sa  lAche  au  présent. 

Par  contre,  Mantinée  se  présentait  dans  des  conditions  privilé- 
giées. C'était  im  désert  insalubre  d'où  la  fièvre  avait  chassé  tous 
les  habitants:  pas  une  seule  maison  ne  s'y  étaitmaintenue.  Le  site 
de  la  ville,  nettement  délimité  par  les  traces  du  rempart,  était 
classé  comme  domaine  |)ub]ic.lci  les  précautions  de  la  loi  grecque 
qui  réserve  à  l'État  la  propriété  souveraine  des  ruines  antiques, 
ne  se  trouvaient  annulées  par  aucune  occupât  ion  de  fait.Le  terrain 
étnit  affermé  contre  une  faible  redevance  aux  cultivateurs  des 
villages  voisins,  mais  ces  concessions  ne  conféraient  aux  béné- 
ficiaires aucun  droit  à  une  expropriation  ni  à  une  indemnité 
((uelconque  si  le  gouvernement  autorisait  des  fouilles  sur  une 
partie  ou  sur  la  totalité  du  domaine  public.  A  ces  circonstances 
favorables,  je  dois  ajouter  la  bonne  volonté  et  môme  l'empres- 
sement du  gouvernement  hellénique.  Le  ministre  de  l'Instruc- 
tion publique,  M.  Manétas,  originaire  de  Tripolis,  ne  cachait 
pas  son  désir  de  nous  voir  arriver  dans  son  pays  avec  armes 
et  bagages.  S.  M.  le  roi  Georges  1/^»*  elle-même  daigna  insister 
en  faveur  de  Tcntreprise  auprès  du  Directeur  de  l'École  (1). 

(1)  I^  l)onne  volonté  du  gouvernement  hellénique  à  notrrt  égard  ne  s'est 
pas  un  Instant  démentie.  Nous  avons  toujours  été  énorgiquemenl  soutenus 
auprès  des  autorités  locales,  qui,  de  leur  c6té,  ne  nous  ont  pas  marchandé 
leur  concours.  Ne  pouvant  nommer  Ici  toutes  les  personnes  de  Tripolis  que  la 
reconnaissance  nous  défend  d*o(ib1ior,  i*ai  plaisir  à  rappeler  l'accueil  sympa- 
thique de  cette  ville  hospitalière. 


AVANT-PROI»OS  IX 

C'est  dans  ces  conditions  qu'au  début  de  juin  J887,  au  retour 
d'un  long  voyage  en  Thessalie,  je  reçus  de  M.  Foucart  la  mission 
d'entreprendre  des  fouilles  à  Mantinée  :  dans  le  cas  où  le  résultat 
serait  peu  satisfaisant,  je  devais  entamer  des  pourparlers  et 
inaugurer  des  recherches  partielles  à  Téjçée.  Aprôs  quelques 
jours  de  préparation,  je  partis  en  Arradie  avec  les  noies,  les 
cartes  et  les  outils  nécessaires,  un  crédit  provisoire  de 
4000  drachmes  et  une  inépuisable  provision  dVspéiances.  Ihie 
première  campagne  de  fouilles,  dirigée  Tannée  précédenle  dans 
l'île  de  Délos  durant  cinq  mois,  avait  fait  mim  ap|)renlissage  en 
ce  genre  de  travaux. 

Les  relations  des  voyageurs  traçaient  de  V  «aimable  Manlinéo  » 
le  plus  désolant  tableau  :  plaine  encaissée»,  et  uialsairie,  lorrido 
en  été,  glaciale  en  hiver,  un  lieu  d'éleclion  |)(mr  la  malaiia. 
SeulWelcker(i)  défend  la  Manlinique  contre  U'  reproche  d'insa- 
lubrité  :  évidemment,  il  n'a  fait  qu'y  passer.  En  arrivant  sur  les 
lieux,  je  constatai  l'absence  de  toute  habilalion  permanente, 
dans  lefond  delà  plaine,  en  dehors  de  quelques  khan is  éehelonnés 
le  long  de  la  nouvelle  roule.  Tous  les  villages  s'élaient  haussés 
sur  les  revers  des  montagnes  au-dessus  du  niveau  peslilenliel. 
Mais  cette  hostilité  du  climat  à  l'égard  de  l'homme  n'excluait 
pas  une  riche  végétation.  Un  tapis  de  vignes  verdoyanles  el 
d'épis  jaunissants  s'étalait  au  fond  du  cirque  nahirel  jus(|u*au 
pied  des  hauteurs.  Au  centre,  une  superficie  eirconscrile  par 
les  vestiges  d'un  rempart  elliptique  représenhiil  le  sitedeiMan- 
tinée.  Elle  était  envahie  par  les  blés  el  par  les  (Hges,  dont  les 
épis  drus  et  toulTus  recouvrant  même  les  senliers  barraient  pai- 
toutle  passage. Toutefois, non  sans  causer  quel(|ucsdégàls,  je  pus 
parvenir  à  une  petite  butte  que  j'avais  vue  de  loin  émerger  vers 
le  centre  de  l'enclos.  De  cet  observatoire,  un  coup  d'œil  d'en- 
semble me  convainquait  qu'aucun  travail  n'était  possible  tant 
que  le  terrain  ne  serait  pas  débarrassé. 

(1)  Welcker.  Tagebuch  einer  griech,  Reise.  1865.  l.  I.  p.  197  Ml  pjissa  n 
ManUnée  le  5  avril  1842). 


Ouvriers  et  onvrifres  des  fouilleb  de  .Manliiuf  *■ 
A  gaucbe,  le  théAlre;  nu  fond.  l'Ancbisia;  A  droite,  In  bntte  de  Gonrl/cMili  (toinlie.ui  dr  IVn('*lo|i<') 

et  le  MoiU  Arinêiiin. 


•  Les  rt'produclinns  pholoprnphi<fUPS  jnihliôcs  dîins  rr  voIiuik'  >imH  iii<lir;tti«Mi  clo  {M'ovciiniirp 
uni  été  lircns  d'après  1rs  clichôs  de  I  nutenr.  (Juniid  cciix-ri  ii'oiil  pn^  il-iiitii'  dc<<  irMilljils  sntisnii- 
SAnls,  on  a  fait  des  ctiiprutits  aux  collertions  mises  n  lu  di>p<>>iti(iii  <U>>  im-lu'ologiics  par  rinslilut 
alfemaiid  d'Athènes. 


AVANT-PROPOS 


Le  présent  ouvrage  est  né  ^las  rerherclies  arc'héologi(|ues  que 
j*ai  eu  Toccasion  de  poursuivre  conune  membre  de  l'Kcole  fran- 
çaise d'Athènes,  de  l(S87  à  1889,  sur  le  site  et  dans  la  région  de 
l'ancienne  Maniinée.  Le  nom  de  celle  ville  nVv(M|ue  {^uère  dans 
la  mémoire  des  lettrés  (|u'un  souvenir  unique  :  celui  de  la  mort 
d'Épamijiondas  —  qui  n'était  pas  un  iManlinécn.  —  Ce  serait 
peu  pour  justifier  ce  livre,  d'aulant  [)lus  (lue  je  n'ai  eu  la 
joie  de  retrouver  ni  la  stèle  ni  les  resles  du  héros.  Tout  au 
plus  puis-je  indiquer  approximativement  la  place  où  il  est 
tombé  I  —  Il  me  sera  donc  permis  de  faire  valoir  les  litres  plus 
particuliers  de  Mantinée  à  une  monographie,  el  (rindi(|uer  les 
idées  qui  m'ont  guidé  en  récrivant. 

L'histoire  générale  de  la  firècc  esl  mainlenani  clablie  dans  ses 
grandes  lignes.  L'ensemble  du  tableau,  tel  (|ue  U»  rtîlracent  les 
ouvrages  de  (îrole,  de  Curtius,  de  Busoll,  de  Ueloch,  de  llolm, 
de  Droysen,  de  Niese  et  de  ITerlzberg,  ne  subira  pas,  avant  long- 
tenipsj  d'i]npor(anles  relouches.  Le  dcpouillemcnt  des  Icxles 
littéraires  est  achevé.  Les  inconnues  (ju'ils  conliennent  encore 
ne  se  dégageront  qu'au  conlact  des  documenis  nouveaux  qui 
grossissent  sans  trêve  le  dossier  de  l'archéologie  el  de  ré|)igra- 
phie.  Pour  préparer  la  synthèse  future,  où  la  (|ueslîon  des  ori- 
gines sera  élucidée,  où  la  genèse  des  croyances  el  le  mécanisme 
des  institutions  n'auront  plus  de  secrels,  où  rév(dulion  du  peu- 
ple hcllénj((ue  sera  resliluée  dans  son  milieu  vrai,  avec  lous  les 

.Maiitiiicf.    —    I . 


II  AVANT-PROPOS 

accessoires  d'une  mise  eu  scène  complète,  il  faut  procéder  par 
de  minulieiises  analyses  et  par  des  enquêtes  partielles.  La  pos- 
session d'une  série  de  monoj^raplues,  où  chaque  cité  grecque 
serait  étudiée  à  |)arl,  contribuerait  avec  elllcacilé  à  cetle  œuvre 
d'ensemble. 

Uesliluer  Tliistoire  d'une  ville  n'est  pas  un  travail  aussi  res- 
Ircint  qu'on  le  croirait  de  primeabord.  L'exiguïté  du  cadre  ne 
doit  pas  faire  illusicm  sur  la  complexité  du  tableau.  Les  répu- 
bliques grecques  nous  apparaissent  à  distance  comme  des 
microcosmes  dont  la  vie  intérieure  peut  être  aisément  réduite 
en  formules.  Mais,  sans  méconnaître  les  lois  générales  qui  ont 
présidé  au  développement  de  ces  organismes,  on  ne  doit  pas 
oublier  que  chacun  d'eux  possède  sa  physionomie  propre  el  son 
tempérament  in<lividuel.  Sans  doute  la  slruclure  physique 
des  dilïérentes  |»alries  helléniques  les  prédisposait  à  une  cer- 
laine  uniformité  de  pensées  eld'atlitudes.  Mais,  à  chaiiue  canton, 
la  nature  du  sol  local,  le  climat,  la  position  relative,  les  antécé- 
dents ethnogra|)hi(|uesct  religieux  des  habiUuits imposaient  des 
besoins,  des  intérêts  et  des  désirs  particuliers.  Le  relatif  n'a  eu 
nulle  part  plus  d'importance  qu'en  Grèce  :  c'est  lui  qui  nous 
donne  la  clef  des  faits  généraux.  L'histoire  générale  ressemble  à 
une  scène  où  de  nombreux  acteurs  apparaissent  pour  y  jouer 
un  rôle  é|)hémère  :  leurs  gestes  rapides  et  leurs  déclamations 
publiques  ne  nous  les  fout  pas  couuaitre  à  fond  comme  indi- 
vidus. Nous  voyons  en  gros  le  drame.  Si  nous  en  voulons 
comprendre  les  moindres  péripéties,  il  faut  sonder  les  person- 
nages secoudaires  aussi  bien  (|ue  les  premiers  rôles. 

Lorsqu'on  contemple  de  près  ces  petits  Ktats  greVs,  les  dis- 
tances se  rapetissent  entre  les  causes  et  les  elTels,  dont  la 
liaison  logique  apparaît  avec  uue  séduisante  netteté.  On 
voit  en  jeu  les  ressorts  et  les  rouages  les  plus  inlimes;  on  suit 
et  on  comprend  les  moindres  niouvemeuts  du  méciinisme.  La 
structure  physi(|ue  d'un  cant(m  détermine  ses  conditions  pro- 
pres d'habitabilité,  les  besoins  matériels  et  le  genre  de  vie  des 
habitants.  Ses  débouchés  naturels  règlent  les  transactions  avec 


AVANT-PKOPOS  III 

le  dehors  et  la  marche  de  la  civilisation.  De  sa  valeur  straté- 
gique dépendent  ses  destinées  politiques,  suivant  que  sa  position 
inspire  à  ses  voisins  et  aux  puissances  plus  lointaines  des 
inquiétudes  ou  des  convoitises.  SU  se  trouve  à  portée  des  che- 
mins haltus  par  les  migrations,  son  ethnograr)lno  snl)it  des 
mélanges  dont  les  éléments  bariolent  sa  mythologie.  Les  dieux, 
en  partie  indigènes,  en  partie  immigrés  ou  empruntés,  person- 
nifient, les  uns  les  phénomènes  locaux,  les  autres  les  races  enva- 
hissantes qui  les  ont  inlioduits,ou  les  inlluences  élrangères  dont 
ils  émanent.  De  la  mise  en  action,  dans  un  nnlicu  restreint  et 
homogène  de  ces  trois  éléments,  le  sol,  les  hommes  et  les  dieux, 
résultent  les  institutions,  l'âme  et  Fhisloire  d'une  cité  greccpie. 
Il  n*est  pas  inutile  d'aller  surprendre  dans  la  vie  cellulaire  les 
éléments  et  les  premières  vibrations  de  Torganismcgénéral.  Il  y  a 
intérêt,  par  exemple  à  voir  les  unités  archaïques,  xcoaai  ou  8y,|jlo! 
se  iondre  en  un  seul  État,  à  suivre  sur  place  la  genèse  des  cul- 
tes ruraux  et  à  observer  leur  métamorphose  en  cultes  nationaux, 
enfin  à  débrouiller  Técheveau  des  légendes  locales  pour  en  faire 
la  trame  légère  de  la  préhistoire.  Par  là,  toute  monographie 
plonge  dans  ce  problème  des  origines,  (Umt  la  solution  ne 
dépend  pas  de  généralisations  prématurées,  mais  d'investiga- 
tions méticuleuses  et  déclassements  méthodiques. 

Pour  les  recherches  de  ce  genre,  les  monunienis  ligures  et 
surtout  les  textes  épigraphiques  ont  une  valeui*  ina|)préciable. 
Il  y  a  des  historiens  qui  dédaignent  les  inscriptions  et  leur  [)ré- 
fèrent  de  parti-pris  les  textes  littéraires  comme  aynut  une  i)()rlce 
plus  générale.  C'est  vraiment  se  plaindre  que  toulcs  les  sources 
n'aient  pas  le  même  goût.  L'avantage  des  inscriptions,  nîcme  des 
plus  insipides  et  des  plus  indigentes  en  fait  d'iticcs  générales, 
c'est  de  refléter  l'esprit  local  et  ses  préoccupations,  cela  direc- 
tement et  sans  la  déformation  que  ces  choses  subissent  for- 
cément en  passant  par  le  cerveau  d'un  narrateur.  Elles  nous 
montrent  les  mœurs  et  les  institutions  en  action  et  nous 
mettent  en  contact  immédiat  ave(t  les  hommes  et  les  divinités 
du  cru.  C'est  là  une  impression  qu'il  est  [)lusaisc  de  ressent ii- que 


IV    ■  AVANT-PllOPOS 

cranalyser.  L'iiisloricii  fait  œuvre  (rart  et  de  propagande  autant 
que  de  vérité  ;  le  document,  élant  un  acte  impersonnel,  témoigne 
sans  artifice  de  ce  qui  est:  un  Corpus  est  à  Thucydide  ce  qu'un 
album  de  |)hologi apliies  est  à  une  grande  peinture  historique. 
Quant  aux  monuments  figurés,  en  tant  que  produits  d'un  état 
de  civilisation  parliciilier,  et  comme  expression  de  certaines 
idées  ou  croyances  Iraditionnelles,  ils  acquièrent  souvent  une 
valeur  documentaire  de  premier  ordre. 

Tels  sont  les  ])rincipes  qui  m'ont  guidé  dans  cet  essai  de 
reconstitution  d'un  Klal  secondaire,  comme  fut  Mantinée.  Cette 
ville  n'a  pas  élé  un  <les  protagonistes  de  rhistoire  grecque  ; 
mais  son  intervention  dans  les  allaires  générales  du  Pélopon- 
nèse a  marqué  de  la  manière  la  plus  active  et  la  plus  originale. 
Elle  s'est  toujours  montrée  animée  d'un  sentiment  d'indépen- 
dance et  de  lihénilisme  qui  lui  valut  la  haine  implacable  de 
Sparte  et  l'amilié  d'Argos  et  d'Athènes.  Comme  d'autres  villes 
grecques,  elle  tenta  de  grandes  choses  avec  de  petits  moyens,  et 
déploya  un  esprit  su[)érieur  à  ses  ressources.  Elle  devint,  à  un 
moment  donné,  l'Ame  de  toute  l'Arcadie.  La  politique  lui  a 
procuré  de  brillantes  illusions,  et,  en  fait  de  réalités,  de  cruels 
mécomptes.  11  y  avait,  en  eflel,  dans  sa  situation,  un  germe  de 
paralysie  qui  la  pi-é<lestinait  surtout  à  des  ambitions  malheu- 
reuses. Mais  le  fait  seul  d'avoir  persévéré  dans  son  rêve  la 
défend  contre  l'indilTérence. 

Elle  présente  aussi  un  intérêt  d'ordre  quasi  théorique.  La 
constitution  géologi(|ue  de  son  sol,  son  régime  hydrographique 
et  sa  position  au  nord  de  la  grande  plaine  fermée  d'Arcadie  ont 
influé  sur  sa  myibcdogie,  sur  son  histoire  et  sur  sa  politique 
suivant  un  déterminisme  très  apparent  dont  peu  d'Etats  grecs 
offriraient  un  exemple  aussi  typique.  C'est  donc  un  milieu  en 
quelque  sorte  schématique  pour  étudier  l'action  du  sol  sur  un 
groupe  d'hommes,  la  conversion  des  phénomènes  physiques  eu 
idées  religieuses  et  par  suite  eu  énergies  morales,  le  jeu  des 
influences  étrangères,  bref  toutes  les  causes  qui  collaborent  à  la 


AVANT-PROPOS  V 

formation  cl  à  la  vie  d'une  cilé  grecque.  La  position  de  Man- 
tinée  au  cœur  du  bastion  arcadien,  entre  Sparte,  Argos  et 
Atlicnes,  l'appelait  à  jouer  un  rôle  important  dans  les  combinai- 
sons politiques  dont  rbégémonie  du  Péloponnrse  clait  Tenjcu. 
Les  grands  conflits  qui  mettaient  aux  prises  les  ambitions  rivales 
des  puissances  directrices  sont  venus,  par  une  sorte  de  fatalité, 
se  résoudre  dans  la  Mantinique.  Ce  n'est  pas  le  basard  qui  a  suc- 
cessivement pousse  dans  cette  lice  les  cbampions  les  plus  illus- 
tres des  partis  adverses  :  Agis  et  Ab^ibiade,  Agésilas  et  Épami- 
nondas,  Macbanidas  et  Philopœmen.  Il  n'était  pas  sans  intérêt 
d'exposer  l'encbaînement  rationnel  de  ces  faits  :  c'est  pour- 
quoi, après  avoir  inauguré  cette  éturic  par  des  recbcrcbcs 
arcbéologiqucs,  la  nécessité  de  comprendre  m'a  conduit  à  un 
travail  d'ensemble. 

Les  raisons  qui  ont  attiré  l'Ecole  française  d'Atbcnes  sur  le 
terrain  de  Mantinée  ne  sont  pas  forluilos.  Depuis  l'Expédition 
de  Morée,  l'Arcadie  avait  été  tenue  en  debors  du  mouvement 
scientifique.  Les  pbilologues  acceptaient  coninie  un  dogme  la 
tradition  virgiliennequi  avait  voué  ce  pays  à  l'idylle.  Les  mytbo- 
grapbesse  tenaient  à  distance  du  concert  rusli(|ue  où  Pan  trô- 
nait avec  ses  pipeaux  ;  les  liistoriens  ne  frayaient  pas  avec 
Tityre.  La  devise  des.  bergers  de  Poussin  :  Et  in  Arcadia  ego! 
convenaità  la  pastorale  et  à  la  peinture,  mais  uonencoreà  Péru- 
dition.  De  rares  études  essayèrent  pourtant  de  mettre  la  science 
en  règle  avec  ce  pays  et  d'épuiser  rinlérct  dn  sujet  :  on  peut 
dire  qu'elles  n'ont  fait  que  l'entrevoir  (I).  En  effet,  quand 
on  commença  h  s'aflrancbir  du  préjugé  bucolique  à  l'égard  des 
Arcadiens,  ce  fut  pour  tomber  dans  Pexcès  contraire  :  l'Arcadie 
n'avait  pas  d'bistoire  ;  ses  habitants  avaient  vécu  retrancbés 
dans  un  isolement   farouche  ;   brigands   ou   mercenaires,   ils 

(i)  Loonardl  Adarnl  Volsininnsis  Arcadicorum ^  vol.  I,  Wnmao.iliC}.  —  Uroi- 
tcnbacti.  GeachicMe  von  Arkadien,  1791.  —  Mallc-JJrun.  Mœurs  et  lois  des 
anciens  Arcadiens  (/Vouu.  annales  des  voy.,  III,  Paris,  1819).  —  Scliwab. 
Arkadien^  1852.—  Do  la  Ck)ulonche.  Mémoire  sur  l'Arcadie  iArciiiv.  des  3liss. 
scientif.Wl,  ia'58,  p.  ai  sqq.  —  Bcrtrami.  De  fabulis  Arcadùx  antiqnissimis, 
1859.  —  llôhic.  Arkadien  vor  der  Zeit  der  Verser kricge,  1883. 


IV  AVANT-PIIOPOS 

d'analyser.  L'hisloricu  fait  œuvre  d'art  et  de  propagande  autant 
que  de  vérito  ;  le  dociiment,  élaut  un  acte  impersonnel,  témoigne 
sans  artifice  de  ce  qui  est:  un  Corpus  est  à  Thucydide  ce  qu'un 
album  (le  photographies  est  à  une  grande  peinture  historique. 
Quant  aux  monumenis  figurés,  en  tant  que  produits  d'un  état 
de  civilisation  parliculier,  et  comme  expression  de  certaines 
idées  ou  croyances  traditionnelles,  ils  acquièrent  souvent  une 
valeur  documentaire  de  premier  ordre. 

Tels  sont  les  principes  qui  m'ont  guidé  dans  cet  essai  de 
reconstitution  d'un  Ktat  secondaire,  comme  fut  Mantinée.  Cette 
ville  n'a  pas  élé  un  <les  protagonistes  de  l'histoire  grecque  ; 
mais  son  intervention  dans  les  alïaires  générales  du  Pélopon- 
nèse a  marqué  de  la  manière  la  plus  active  et  la  plus  originale. 
Elle  s'est  toujours  montrée  animée  d'un  sentiment  d'indépen- 
dance et  de  libéralisme  qui  lui  valut  la  haine  implacable  de 
Sparte  et  l'amilié  d'Argos  et  d'Athènes.  Comme  d'autres  villes 
grecques,  elle  tenta  de  grandes  choses  avec  de  petits  moyens,  et 
déploya  un  esprit  supérieur  à  ses  ressources.  Elle  devint,  à  un 
moment  donné,  l'àme  de  toute  l'Arcadie.  La  politique  lui  a 
procuré  de  brillantes  illusions,  cl,  en  fait  de  réalités,  de  cruels 
mécomptes.  Il  y  avait,  en  efiet,  dans  sa  situation,  un  germe  de 
paralysie  qui  la  piédestinait  surtout  à  des  ambitions  malheu- 
reuses. Mais  le  fait  seul  d'avoir  persévéré  dans  son  rêve  la 
défend  contre  l'indifîérence. 

Elle  présente  aussi  un  intérêt  d'ordre  quasi  théorique.  La 
constitution  géologique  de  son  sol,  son  régime  hydrographique 
et  sa  position  au  nord  de  la  grande  plaine  fermée  d^Arcadie  ont 
influé  sur  sa  mythologie,  sur  son  histoire  et  sur  sa  ])olitique 
suivant  un  déterminisme  très  apparent  dont  peu  d'États  grecs 
oflriraient  un  exemple  aussi  typique.  C'est  donc  un  milieu  en 
quelque  sorte  schématique  pour  étudier  l'action  du  sol  sur  un 
groupe  d*hommes,  la  conversion  des  phénomènes  physiques  en 
idées  religieuses  et  par  suite  eu  énergies  morales,  le  jeu  des 
influences  étrangères,  bref  toutes  les  causes  qui  collaborent  à  la 


AVANT-PROPOS  V 

formation  et  à  la  vie  d'une  cité  grecque.  La  jjosîtion  de  Man- 
tinée  au  cœur  du  bastion  arcadien,  entre  Sparte,  Argos  et 
Athènes,  l'appelait  à  jouer  un  rôle  important  dans  les  combinai- 
sons politiques  dont  riiégémonie  du  Péloponnèse  élait  l'enjeu. 
Les  grands  conflits  qui  mettaient  aux  prises  les  ambitions  rivales 
des  puissances  directrices  sont  venus,  par  une  sorte  de  fatalité, 
se  résoudre  dans  la  Mantinique.  Ce  n'est  i)as  le  hasard  qui  a  suc- 
cessivement poussé  dans  cette  lice  les  champions  les  plus  illus- 
tres des  partis  adverses  :  Agis  et  Alcibiade,  Agésilas  et  Epami- 
nondas,  Machanidas  et  Philopœmen.  Il  n'était  pas  sans  intérêt 
d'exposer  l'enchaînement  rationnel  de  ces  faits  :  c'est  pour- 
quoi, après  avoir  inauguré  cette  étude  |)ar  des  recherches 
archéologiques,  la  nécessité  de  comprendre  m'a  conduit  à  un 
travail  d'ensemble. 

Les  raisons  qui  ont  attiré  l'École  française  d'Athènes  sur  le 
terrain  de  Mantinée  ne  sont  pas  fortuites.  Depuis  l'Expédition 
de  Morée,  l'Arcadie  avait  été  tenue  en  dehors  du  mouvement 
scientifique.  I-.es  philologues  acceptaient  connue  un  dogme  la 
tradition  virgiliennequi  avait  voué  ce  pays  à  l'idylie.  Les  mylho- 
graphesse  tenaient  à  distance  du  concert  rusli(|ue  où  Pan  trô- 
nait avec  ses  pipeaux  ;  les  historiens  ne  frayaient  [»cis  avec 
Tityre.  La  devise  des.  bergers  de  Poussin  :  El  m  Arcadia  ego! 
convenaità  la  pastorale  et  à  la  peinture,  mais  nonencoreà  l'éru- 
dition. De  rares  études  essayèrent  pourtant  de  mettre  la  science 
en  règle  avec  ce  pays  et  d'épuiser  l'intérêt  du  sujet  :  on  peut 
dire  qu'elles  n'ont  fait  que  l'entrevoir  (1).  En  eiïet,  quand 
on  commença  h  s'affranchir  du  préjugé  bucolique  à  Tégard  des 
Arcadiens,  ce  fut  pour  tomber  dans  l'excès  contraire  :  l'Arcadie 
n'avait  pas  d'histoire  ;  ses  habitants  avaient  vécu  retranchés 
dans  un  isolement   farouche  ;   brigands   ou   mercenaires,   ils 

(1)  Leonarcli  Aflnini  Volsinit'.nsls  Arcadiconiw,  vol.  1,  noinjio.  1710.  —  lîroi- 
tcnbacli.  GenchicMe  von  Arkadieti,  1791.  —  Mallc-lh-un.  Mœurs  et  lois  des 
anciens  Arcadiens  {Nouv.  annales  des  voy.,  III,  Pîiris,  1819).  —  Schwab. 
Arkadien,  1862.—  De  la  Ck)ulonche.  Mémoire  sur  l'Arcadie  iArchiv.  des  3liss. 
scientif.Wl,  18îj8,  p.  83  sqq.  —  Bertrand.  De  fabulis  Àrcadix  antiquissimis, 
1850.  —  Hôlilc.  Arkadien  vor  der  Zeil  der  Perserkricge,  1883. 


AVANT- PROPOS 


n'avaienl  môme  pas  su,  comme  les  Éloliens,  se  ménager  une 
entrée  en  scène  tapageuse;  de  l'ancien  Eldorado  pastoral,  on 
faisait  un  repaire  de  non  valeurs.  Sous  Tinfluence  de  ces  idées, 
les  archéologues  traitèrent  TArcadie  comme  une  quantité  négli- 
geable. Les  explorations  y  étaient  rares  ;  il  semblait  qu'en  s'y 
risquant  on  ne  seiait  pas  payé  de  ses  peines  (1).  Strabon  n'afïïr- 
mait-îl  pas  que  déjà  de  son  temps,  il  n'y  avait  plus  rien  à  voir 
en  Arcadie  (2)  ? 

Pourtant  la  lecture  du  livre  de  Pausanias  consacré  à  ce  pays 
aurait  dû  exciter  jilus  de  curiosité.  C'est  le  mieux  composé  et  le 
plus  complet  de  tout  l'ouvrage.  Si  le  témoignage  de  Pausanias 
est  aujourd'hui  très  discuté,  s'il  est  de  mode  de  le  corriger  avec 
force  gourmadcs,  jo  pense,  avec  M.  Bérard  (3),  que  les  doutes  émis 
sur  la  réalité  de  ses  voyages  et,  comme  disent  les  Allemands, 
sur  Vautopsie  de  ses  observations,  ne  doivent  pas  s'appliquer  aux 
Arcadiques,  Le  Périégète  a  fait  en  conscience  son  métier  de 
folkloriste  el  d'archéologue.  Il  avait  au  moins  sur  Virgile  une 
supériorité  :  celle  d  avoir  parcouru  le  pays  dont  il  collige  les 
légendes  el  calalogue  les  ruines.  Sans  talent  et  vsans  imagina- 
tion, son  indigence  est  un  gage  de  sincérité,  parce  qu'invento- 
rier est  le  coulraire  d'inventer.  Au  sujet  de  l'Arcadie,  Pausanias 
avait  pris  la  peine  de  dissij)erà  l'avance  nos  préventions,  d'abord 
en  signalant  à  noire  attention  l'importance  particulière  des 
mythes  et  des  légendes  de  ce  peuple;  ensuite,  en  nous  décrivant 
exactement  ras])oct  et  les  attributs  bizarres  de  certaines  idoles 
si  peu  conformes  aux  types  du  panthéon  classique;  enfin,  en 
relevant  en  détail  l'état  des  villes  qu'il  parcourait  :  d'où  il 
résultait  que  Strabon  avait  exagéré  la  désolation  du' pays  et  que 
nous  n'avions  pas  à  partager  son  pessimisme. 

M.  Foucart  i)ut  constater  en  18G8,  durant  son  voyage  é[)igra- 
phique  dans  le  Péloponnèse,  que,  sur  tous  ces  points,  le  pays 

(1)  n  faut  ajouter  que  lo  brigandage  moderne  effrayait  Justement  les 
étrangers. 

(2)  Strab.  VIII,  8,  1. 

(3)  Oi'ig.  des  cnltrs  arcad.  p.  3.  —  Cf.  Heberdey.  Die  Reisen  des  Patisanins. 


AVANT-PROPOS  VII 

tiendrait  ce  quePausanias  promcttail.  Certaines  inscriptions  lui 
firent  pressentir  en  Arcadie  ce  terrain  en  quelque  sorte  primaire 
de  la  mythologie  grecque,  qui  avait  déjà  intrigué  Pausanias.De 
Tégée,  de  Mantinée,  d'Orcbomène  et  de  Mégalo|)olis,  des  textes 
du  plus  grand  intérêt  mythologique,  historique  et  dialectal  sur- 
girent, preuve  que  le  sol  était  plutôt  vierge  qu'infécond.  En 
1887,  les  grands  chantiers  ouverts  à  Délos,  ii  Dodone,  à  Olym- 
pie,  à  Eleusis,  à  Épidaure,  à  TAcropole  d'Alhônes,  au  Ptoion  de 
Béotie,  étaient  épuisés  ou  en  pleine  ex[)loit«ilion.  En  attendant 
de  pouvoir  faire  triompher  ses  droits  sur  l)ci|)hcs,  l'Ecole  fran- 
çaise cherchait  à  se  pourvoir  de  nouveaux  champs  de  fouilles. 
M.  Foucart,  alors  directeur  de  l'École,  jugea  le  moment  venu  de 
tenter  un  essai  en  Arcadie. 

Entre  les  nombreuses  ruines  dont  l'explorai  ion  s'imposait,  le 
choix  devait  être  commandé  par  des  raisons  scienlifiques  aux- 
quelles s'adjoignaient  des  considérations  prniiqucs.  Tégéo  et 
Mantinée,  à  la  fois  les  plus  anciennes  el  les  plus  considérables 
des  villes  arcadiennes,  se  désignaient  à  raUeulion  par  le  nombre 
des  inscriptions  qui  en  avaient  été  extraites.  Les  descriptions  de 
Pausanias  y  signalaient  l'existence  de  monuments  fameux  el 
encourageaient  les  plus  belles  espérances.  A  Tégée  ntMamment, 
bien  que  le  site  de  la  ville  eût  élé  niveh*.  ])ar  l:i  cullure  au  point 
que  l'enceinte  avait  complètement  dis|)aru  el  (|  u'on  se  demandait 
mômê  si  elle  avait  jamais  existé,  les  villages  modernes  installés 
sur  ce  terrain  contenaient  d'admirables  frcij;Mienls  du  lemple 
d'Athéna  Aléa.  Les  substructions  du  temphî  avec  des  fûts  de 
colonne  et  quelques  morceaux  des  fronlons  sculplés  |)ar  Scopas 
avaient  même  été  retrouvés  par  MM.  Milchlurfer  et  l)œr|)fehl  (1). 
Lepetitmusée  dePiali  et  les  maisons  d'Akhonria  montraient  aux 
voyageurs  des  fragments  de  frise  et  <ie  sarcophage,  dont  une 
remarquable  figure  de  lion  (2). 

(1)  Àthen.  Mitlh.,  V,  p.  52  sq.  ;  VI,  p.  393  ;  VIH,  p  ^74  ;  XI,  p.  17. 

(2)  Boss.  Reisen  und  Reiseroutcn,,  p.  70.  —  ('onze  et  Michuclis.  Rnpporlo 
(Ani»8li,  1861,  p.  30).  —  Milciitïœfer.  Alh.  Milh.y  IV.  p.  132.  —  Foiigcres. 
Le  lion  de  Tégée  {Bull  de  Corr,  hellén.,  Xltl,  p.  470-480,  pi.  VI).  —  Bas- 
relief  de  Tégée  représentant  une  lionne  {ib.  XIV,  p.  512-515,  pi.  XII).  — 
Bas-relief  de  Tégée  représentant  un  taureau  {ib.  XV,  p.  321-327). 


Vîll  AVANT- PROPOS 

Mais  le  terrain  de  Tégée,  en  partie  recouvert  par  les  maisons 
de  Piali  et  d*Il)rahini-Efîendi  et  par  Téglise  de  PalaBO-Épiscopi, 
alloli  pour  le  reste  entre  les  liabitauts  de  ces  villages,  ne  devait 
se  priMerfi  une  exploration  méthodique  que  si  une  transaction 
intervenait  entre  les  fouilleurs  et  les  propriétaires.  La  question 
des  indemnités  se  posait  la  première  avec  ses  exigences  inquié- 
tantes :  clh'Kuni  sait  qu'eu  ])areille  matière,  en  Grèce  comme 
ailleurs,  avani  de  satisfaire  les  intéressés,  il  faut  une  énorme 
dépense  de  diplomatie,  (rargent  et  de  temps.  Or,  nous  n'avions, 
pour  ahoutir  à  un  résultat  immédiat,  que  nos  ressources  diplo- 
matiques :  c'élait  assez  pour  préparer  l'avenir,  mais  insufTîsant 
pour  assurer  sa  Iftrhe  au  présent. 

Par  contre,  Mantinée  se  présentait  dans  des  conditions  jnivilé- 
giées.  C'était  un  désort  insalubre  d'où  la  fièvre  avait  chassé  tous 
les  habitants:  pas  une  son  le  maison  ne  s'y  était  maintenue.  Le  site 
de  la  ville,  nettement  délimité  par  les  traces  du  rempart,  était 
classé  comme  domaine  imblic.Ici  les  précautions  de  la  loi  grecque 
qui  réserve  à  l'Etat  la  propriété  souveraine  des  ruines  antiques, 
nese  trouvaient  annulées  par  aucune  occupation  de  fait.Le  terrain 
était  affermé  contre  une  faible  re<levance  aux  cultivateurs  des 
villages  voisins,  mais  ces  concessions  ne  conféraient  aux  béné- 
ficiaires aucun  droit  à  une  expropriation  ni  à  une  indemnité 
quelconque  si  le  gouvernement  autorisait  des  fouilles  sur  une 
partie  ou  sur  la  totalité  du  domaine  public.  A  ces  circonstances 
favorables,  je  dois  ajouter  la  bonne  volonté  et  môme  l'empres- 
sement du  gouvernement  hellénique.  Le  ministre  de  l'Instruc- 
tion publique,  M.  Manétas,  originaire  de  Tripolis,  ne  cachait 
pas  son  désir  de  nous  voir  arriver  dans  son  pays  avec  armes 
et  bagages.  S.  M.  le  roi  Georges  !«»*  elle-même  daigna  insister 
en  faveur  de  Tentreprise  auprès  du  Directeur  de  l'École  (1). 

(1)  La  bonne  volonté  du  gouvernement  hellénique  &  notre  égnrd  ne  s'est 
pas  un  instant  démentie.  Nous  avons  toujours  été  énorgiquement  soutenus 
auprès  des  autorités  locales,  qui,  de  leur  c6té.  ne  nous  ont  pas  marchandé 
leur  concours.  Ne  pouvant  nommer  Ici  toutes  les  personnes  de  Tripolis  que  la 
reconnaissance  nous  défend  d*oubller,  j*ai  plaisir  &  rappeler  raccueil  sympa- 
thique de  cette  ville  hospitalière. 


AVANT-PROPOS  IX 

C'est  clans  ces  conditions  qu'au  début  de  juin  1887,  au  retour 
d'un  long  voyage  en  Tliessalie,  je  reçus  de  Nf .  Foucart  la  mission 
d'entreprendre  des  fouilles  à  Mantinée  :  dans  le  cas  où  le  résultat 
serait  peu  satisfaisant,  je  devais  entamer  des  pourparlers  cl 
inaugurer  des  recherches  partielles  a  Tégée.  Après  quelques 
jours  de  préparation,  je  partis  en  Arradie  avec  les  noies,  les 
cartes  et  les  outils  nécessaires,  un  cré<lit  provisoire  de 
4000  drachmes  et  une  inépuisable  provision  d'espérances.  Due 
première  campagne  de  fouilles,  dirigée  raniié(î  piécédenle  dans 
rtle  de  Délos  durant  cinq  mois,  avait  fait  mon  af)pren!issage  en 
ce  genre  de  travaux. 

Les  relations  des  voyageurs  traçaient  de  V  «aimable  Manlinée  » 
le  plus  désolant  tableau  :  plaine  encaissée  et  malsaine,  torride 
en  été,  glaciale  en  hiver,  un  lieu  d'éleclion  ])n\\v  la  malaria. 
Seul  Welcker(l)  défend  la  Manlinique  (Mmlre  Uy  reproche  d'insa- 
lubrité :  évidemment,  il  n*a  fait  qu'y  passer.  En  arrivant  sur  les 
lieux,  je  constatai  l'absence  de  toute  habitai  ion  permanente, 
dans lefond  delà  plaine,  en  dehors  de  quelques  khaniséehelonnés 
le  long  de  la  nouvelle  roule.  Tous  les  villages  s'étaient  haussés 
sur  les  revers  des  montagnes  au-dessus  du  niveau  pestilentiel. 
Mais  cette  hostilité  du  climat  à  l'égard  de  l'hounne  n'excluait 
pas  une  riche  végétation.  Un  tapis  de  vignes  verdoyantes  el 
d'épis  jaunissants  s'étalait  au  fond  du  cirque  naturel  jus(|u'au 
pied  des  hauteurs.  Au  centre,  une  superficie  <'irconscrile  |mr 
les  vestiges  d'un  rempart  elli|)tique  représenlail  le  site  de  Man- 
tinée. Elle  était  envahie  par  les  blés  et  par  les  orges,  dont  les 
épis  drus  et  loullus  recouvrant  même  les  sentiers  barraient  par- 
tout le  passage.  Toutefois,  non  sans  causer  quei(|ues  dégâts,  je  pus 
parvenir  à  une  petite  butte  que  j'avais  vue  de  loin  émerger  vers 
le  centre  de  Tenclos.  De  cet  observatoire,  un  coup  d'œil  d'en- 
semble me  convainquait  qu'aucun  travail  n'était  possible  tant 
que  le  terrain  ne  serait  pas  débarrassé. 

{i)  Welcker.  Tagebnch  einer  griech,  Reise.  1865.  I.  I.  p.  197  (W  passa  i\ 
ManUnée  te  5  avili  1842). 


X  AVANT-PROPOS 

Grûce  aux  instructions  de  M.  Manétas  et  de  M.  Cavvadias  (1), 
éphore  gént'îial  flos  antiquités,  les  locataires  du  champ  de  fouil- 
les ne  me  reçurent  pas  en  ennemi.  Pourtant  mon  arrivée  s'abat- 
tait sur  leurs  moissons  comme  une  plaie  d'Egypte.  Mais  dès  les 
premieis  mois  on  se  mit  d'accord.  Je  me  serais  fait  scrupule,  en 
usant  de  mon  droit  dans  toute  sa  rigueur,  de  ruiner  et  d'ailamer 
un  peuple  pour  la  gloire  de  ses  anccHres.  Les  marbres  sculptés 
et  les  inscriptions  sont  moins  rares  en  Grèce  que  les  champs 
nourriciers,  et  les  convoitises  |)roblématiques  de  l'archéologie 
pouvaient  transiger  avec  les  besoins  de  ces  pauvres  gens.  Je  leur 
promis  donc  d'attendre  la  coupe  des  blés  avant  d'ouvrir  mes 
tranchées  ;  ils  s'engagèrent  de  leur  côté  à  user  de  diligence. 
11  y  avait  par  bonlieur,  au  bord  de  la  route,  une  petite  chapelle 
en  ruine,  pleine  de  fragments  antiques  :  je  pris  patience  en  la 
démolissant.  Au  bout  de  quinze  jours,  les  faucilles  avaient  fait 
merveille.  Ui  belle  toison  dorée  prit  le  chemin  des  aires,  et  je 
me  vis  maître  d'un  steppe,  dont  la  nudité  s'égayait  d'un  tertre 
t)elé  et  de  huit  mares  où  verdissait  le  haschich. 

Il  ne  me  restait  plus  qu'à  découvrir  Mantinée  à  l'intérieur  de 
ses  remparts.  Mes  4.000  drachmes  risquaient  fort  de  s'égarer 
dans  ce  désert  de  124  hectares.  De  la  description  confuse  de 
Pausanias,  il  résultait  que  le  théAtre  était  entouré  de  plusieurs 
temples.  Or,  la  petite  butte  centrale  s'appuyait  sur  une  ligné 
circulaire  dc^  grosses  pierres  où  la  Commission  de  Morée  avait 
reconnu  le  mur  de  soutènement  d'un  théâtre  :  le  creux  de  la 
cavéa  était  encore  assez  marqué  pour  ne  laisser  aucun  doute  sur 
cette  identification.  C'était  là  un  repère  précieux  qui  servit  à 
orienter  les  premières  tranchées.  Celles-ci,  pousî^ées  en  rayons 
à  partir  du  théâtre,  nous  tirent  bientôt  découvrir  la  scène,  les 
restes  de  trois  temples  et  un  ensemble  imposant  de  portiques 
qui  encadraient  un  marais.  C'était  l'agora,  située  au  cœur  de  la 
ville.  Le  déblaiement  de  ces  constructions  très  déveh)ppées  nous 

(1)  Appuyées  de  très  bonne  grâce  par  réphore,  M.  Léonardos,  désiRné,  après 
M.  Tsounlas,  pour  suivrt*  les  fouilles  au  nom  du  gouvornemenl  grec. 
M,  Léonardos  n*esl  pas  de  ceux  qui  pratiquent  la  devise  :  fiospes,  hoFlis. 


AVANT-PROPOS  XI 

occupa  jusqu'à  la  fin  des  fouilles.  En  même  temps  nous  explo- 
râmes le  rempart.  Les  broches  de  Tenceinte,  fj^arnies  de  fortes 
tours  saillantes,  indiquaient  la  place  des  principales  portes.  En 
les  dégageant,  on  reconnut  les  amorces  de  qucl(|iies  rues  dallces, 
mais  au  lieu  de  se  donner  rendez- vous  A  Tagorn,  comme  jadis, 
ces  voies  mouraient  en  terrain  vague,  après  un  faible  parcours, 
dégarnies  de  leur  double  bordure  de  maisons.  Dans  la  zone 
comprise  entre  la  ceinture  des  remparts  et  les  constructions  de 
Tagora,  apparaissaient  çà  et  là  quelques  tas  de  cailloux  entasses 
par  les  cultivateurs  quand  ils  épluchaient  ItMirs  champs,  les 
débris  croulants  de  quelques  masures  gréco-luniiics  et  les  restes 
d'une  grande  bâtisse  rasée  à  lleur  de  terre,  sajis  doule  un  tclii- 
flik  turc,  à  en  juger  par  les  tessons  de  rliibonks  qui  y  pullu- 
laient. Serpentant  au  milieu  de  ces  pauvres  vestiges,  un  réseau 
de  profondes  rigoles  reliait  les  marais  et  les  drainait  hors  des 
murs.  En  somme,  tout  cet  espace  se  |)rcscnlait  romme  une 
vaste  page  blanche  olTerte  à  de  déscspéranles  inédilations.  i^e 
déchillrement  empirique  et  minutieux  du  terrain  devait  cepen- 
dant nous  révéler  certains  indices  qui  nous  dispensèrent  de 
tâtonner  à  l'aventure.  On  explora  d'abord  Ions  les  points  où 
affleuraient  des  tuiles  ou  des  morceaux  de  pierre  taillée.  La 
végétation  elle-même  contribua  à  nous  éfîlairer.  Les  paysans 
avaient,  en  effet,  l'habitude  de  couper  les  liges  de  blé  ou  d'orge 
assez  haut,  afin  de  laisser  aux  moutons  une  pâture  pour  l'au- 
tomne. Partout  où  j'observai  des  pailles  plus  maigres  et  plus 
espacées,  j'en  conclus  que  la  couche  d'humus  était  |)lus  légère 
et  qu'un  sous-sol  solide  contrariait  l'expansion  des  racines. 
C'est  ainsi  que  nous  fut  révélée  l'existence,  à  une  faible  pro- 
fondeur, de  plusieurs  églises  byzantines,  notamment  du  dallage 
qui  contenait  les  bas-reliefs  praxitéliens. 

Il  n'entrait  pas  dans  mon  programme —  ni  dans  mes  moyens 
—  d'opérer  le  déblaiement  complet  de  toute  la  ville.  Le  coût, 
en  argent,  d'une  semblable  opération  peut  cire  évalué  à  plus 
d'un  million  et  demi  de  francs.  Je  ne  parle  pas  du  nombre 
d'années  nécessaire  à  ce  travail  gigantesque,  tout  à  faitdispro- 


XII  AVANT-PROPOS 

porlionné  avec  les  résultais  que  des  recherches  plus  modestes 
pcrmellaîent  de  prévoir.  En  eflel,  il  était  facile  de  constater  que 
la  ville  antique  avait  été  bouleversée  de  fond  en  comble  par  des 
élablissemeuts  successifs  de  Slaves,  de  Byzantins  et  do  Turcs. 
Les  édifices  helléniques  s'étaient  éparpillés  dans  les  construc- 
tions poslériourcs;  il  ne  restait  à  Télat  fragmentaire  qu'un  petit 
nomhic  de  fondai  ions  de  la  bonne  époque.  Le  sous-sol  maréca- 
p:eux  ne  <'oniportait  ])as  d'assises  profondes,  et  la  charrue  avait 
lout  nivelé.  Les  maisons  de  Manlinée  et  beaucoup  d'édifices 
jïublics  élaient  bAlis  en  arpfile  crue,  en  sorte  que  la  ville,  affais- 
sée et  diluée  dans  sa  boue,  reslail  à  l'état  de  terre  labourable.  Si 
elle  n'a  i)as  surf»i  Umt  entière  sous  la  pioche  de  nos  ouvriers,  la 
faute  en  est  au  temps,  au  sol,  à  la  nature  des  matériaux  et 
surtout  aux  hommes,  Slaves,  Byzantins  et  modernes,  dont  le 
vandalisme  obscur,  mais  continu,  a  plus  contribué  à  l'anéantis- 
sement de  Mantinée  que  les  dévastations  d'Agésipolis  et  d'Anti- 
gone  Doson. 

Dans  ces  conditions,  une  mélhode  critique  s'imposait  à  nos 
recherches,  si  mms  voulions  obtenir  des  résultats  sans  gaspiller 
nos  crédits  à  renuier  des  terres  inutilement.  Il  s'agissait  de 
reconnaître  tous  les  gisements  de  constructions,  à  quelque 
époque  qu'elles  appartinssent,  cela  fait,  d'en  étudier  la  struc- 
ture, et  de  déblayer  dès  qu'il  y  avait  trace  soit  d'un  travail 
antique  original,  soit  d'un  remaniement  postérieur  avec  emploi 
de  matériaux  antic|ues.  Je  n'ai  négligé  aucune  de  ces  précau- 
tions, mais  je  ne  me  suis  pas  cru  obligé  d'offrir  à  l'admiration 
des  touristes  (rinterminables  lignes  de  murs  en  briques  soi- 
gneusement nelloyécs.  Ceci  soit  dit  pour  répondre  aux  critiques 
pa.ssées  ou  futures  des  voyageurs  qui,  sur  un  champ  de  fouil- 
les, jugent  (ra|)rès  le  «  coupd'œil  »  l'œuvre  et  l'ouvrier,  avec  la 
l)lus  injusie  méconnaissance  des  difficultés  combattues  et  des 
résultats  ac(|uis  (1). 

(1)  C'esl  ce  ({110  j'ai  (\(i  répondre  à  des  attaques  un  peu  inconsidérées  du  D' 
Schllemann  contre  les  travaux  de  rÉcolc  française  à  Mantinée  et  à  Oclos. 
Scliliemann  était,  par  tempérament,  un  enthousiaste,  surtout  à  l'égard  de  ses 


AVANT- PROPOS  XHI 

Après  une  première  campagne  de  trois  mois  (2,1)  juin-20  se|)- 
tembre  1887),  rendue  très  pénihU;  par  rabsonce  de  loul.  abri 
contre  le  soleil  et  les  averses,  les  pluies  d'aulomne  et  Tinévitable 
fièvre  m'obligèrent  à  sus[)endre  les  travaux.  Je  revins  Tannée 
suivante  accompagné  de  M.  Bérard,  qui  voulut  l»icn  m*assisJcr 
avec  un  dévouement  quasi  fraternel  dans  la  surveillance  d'un 
chantier  très  étendu.  Au  bout  d'un  mois  et  demi  (i^^  mai- 
16  juin  1888)  nous  dûmes  tous  les  deux  renonror  à  luller  c(mtre 
un  climat  meurtrier  :  nous  reprîmes  le  chemin  (TAthènes  et  de 
France,  gravement  éprouvés  par  la  malaria.  Cependant, désireux 
de  poursuivre  jusqu'au  bout  la  réalisation  (h»  <orlaincs  espé- 
rances, nous  revînmes  à  la  tâche  au  cœur  de  Thivcr  ((in  novem- 
bre 1888  à  janvier  1889).  Après  avoir  exploré  h^s  sancinaires 
suburbains  de  Poséidon  Ilippios  et  des  Méliaslos,  nous  abandon- 
nâmes Mantinée  pour  inaugurer  de  nouvelbîs  recherches  à 
Tégée.  Là  encore,  malgré  la  neige  et  h;  froid,  Timpaludisme 
nous  ressaisit  et  nous  chassa  (1). 

Durant  ces  trois  campagnes,  les  fouilles  ont  été  conduites  avec 
une  moyenne  de  40  à  GO  ouvriers,  l^a  fhîpcnsc  totale  n'a  pas 
excédé  7,500  drachmes.  Nos  ouvriers  provenaient  en  grande 
partie  des  villîiges  de  Bosouna  et  de  Bédéni.  Celaient  des  tra- 
vailleurs endurcis.  Le  soleil,  en  se  levanl  sui-  rArlémision, 
trouvait  chaque  jour  le  chantier  en  pleine  activité.  Tandis  qu'il 

propres  découverteJ<,  dont  rextrnordinaire  valeur  lui  faisait  oublier  la  mélliode 
expédilive  et  décousue  de  ses  recherches.  Notre  admiration  reconnaissante  se 
serait  volontiers  fermé  la  bouche  sur  ces  fautes  d'un  archônlo^'uc  prodifTJouse- 
ment  heureux.  Mais  Schliemana  ne  connaist^alt  ni  la  rirconspnclion  de  ri}{no- 
rance^  ni  la  diplomatie  de  l'indulgence.  Toutefois,  il  savait  nM-onnaitrc  ses  torts 
etprati^iuer  la  louange  réparatrice  avec  autant  de  promplitiidti  que  la  critique 
impulsive.  Après  nous  avoir  dénigrés  avec  une  légôrelé  surprenante  de  la 
part  d'un  homme  à  qui  sa  notoriété,  sinon  son  autorité  scientiHquc,  devait 
imposer  quelque  réserve,  il  parut  surpris  que  nous  eussions  relevé  un  peu 
vivement  l'Injustice  de  son  procédé.  Dans  une  longue  épitrc  en  grec  hoinérico- 
byzanlin,  adressée  à  M.  Salomon  Rcinach,  il  lit  amentle  lionorable  de  trôs 
bonne  grôce.  Voy,  IlnlL  de  Corr.  hellén.  XIV.  p.  271-27;).  —  S.  Uilnach. 
Chron,  d'Orient,  I.  p.  623. 

(1)  Les  accès  de  fièvre  furent  même  suivis,  chez  nous  et  chez  quel(|ucs 
uns  de  nos  ouvriers,  d'ulcères  phagédéniques  aux  mains  et  surtout  aux 
jambes. 


XIV  AVANT-PnOFOS 

parcourait  leiUeiiienl  le  large  horizon  de  la  plaine,  pioches, 
j)elles,  tombereaux  et  brouettes  travaillaient  de  leur  mieux.  A 
l'heure  où  le  dis((ue  s'elTaçait  derrière  la  cime  de  TOstrakina,  la 
journée  était  close.  Nos  Arcadiens  rentraient  au  khani  ou  cou- 
ciiaienl  sur  [)lace  à  la  belle  étoi  le,sous  leurs  lourdes  capes  en  poils 
de  chèvre. Leur  modeste  salaire  (2  drachmes  1/2 pour  les  hommes, 
i  dr.  1/2  pour  les  femmes  employées,  suivant  la  coutume  locale, 
aux  brouelles),  leurs  re|)as  de  tomates  crues  et  de  concombres 
arrosés  de  vin  résiné,  la  courte  sieste  de  midi  et  leur  endurance 
agreste,  leur  faisaient  supporter  avec  allégresse  ce  labeur 
écrasant  de  14  heures.  —  Oserai-je  avouer  que  les  longues 
journées,  passées  dans  cette  morne  solitude  en  compagnie  de  ces 
Ames  simples,  n'étaient  pas  sans  charmes? 

Les  résultats  directs  et  indirects  de  ces  fouilles  nous  ont  en 
partie  récompensés  de  nos  peines.  Au  point  de  vue  géographique, 
nous  avons  pu  élucider  la  question  du  régime  des  eaux  dans  la 
Mantinique,  expliquer  la  situation  de  Mantinée  par  rapport  à 
ïégée  et  retrouver  les  causes  précises  delà  perpétuelle  rivalité 
de  ces  deux  villes.  Au  point  de  vue  lopographique,  nous  avons 
pu  déterminer  les  raisons  qui  ont  assigné  à  Mantinée  le  site 
qu'elle  a  occupé  à  partir  du  synœcisme,  reconstituer  les 
itinéraires  de  Pausanias,  retrouver  l'emplacement  et  les  restes 
du  sanctuaire  des  Méliastes  et  du  temple  de  Poséidon  Hippios,le 
point  tactique  des  grandes  mêlées  dont  Xénophon,  Polybe, 
Pausanias  et  Plutarque  nous  ont  laissé  des  récits;  par  là, 
éclairer  les  détails  de  leurs  narrations;  —  fixer  l'orientation  des 
portes  de  la  ville,  reconstituer  le  système  très  original  de  f(»rli- 
licatiou  d'une  des  plus  belles  places  militaires  du  IV^o  siècle; 
enfin,  retrouver  en  partie  les  éléments  de  la  topographie  inté- 
rieure de  la  ville.  Sous  le  rapport  de  l'architecture,  le  déblaie- 
ment de  l'agora  nous  a  restitué  le  type  le  plus  complet  d'agora 
helléni(fue  jusiju'ici  connu,  avec  les  restes  d'un  monument 
intéressant  du  IV«  siècle,  le  Ilouleutérion;  le  dégagement  du 
théAtre  nous  a  fait  connaître  certaines  particularités  de  construc- 


AVANT'PROPOS  XV 

-  tion  curieuses,  telle  que  la  disposilion  oblique  de  la  scène  et  les 
escaliers  extérieurs  (1).  Comme  épigraphie,  des  inscriptions 
dialectales  nous  ont  fourni  des  données  nouvelles  sur  le  dialeclc 
et  Talphabot  arcadiens,  et  des  textes  divers  sont  venus  docu- 
menter certains  points  de  Thistoire  poliliquc  et  religieuse  de 
Mantinée  à  difiérenles  époques.  La  numismali(|ue  a  gagné  dans 
la  quantité  de  monnaies  diverses  exhumées  de  nos  tnniciiécs 
quelques  spécimens  plus  parfaits.  Enfin,  l'arcliéologie  s'est 
enrichie  de  bas-reliefs  praxitéliens  qui  prennent  rang  parmi  les 
acquisitions  les  plus  notables  et  les  plus  instructives  qu'ait  faites 
l'histoire  de  la  sculpture  grecque  au  IV»  siècle. 

Parmi  les  résultats  indirects,  il  me  sera  permis  <rinvoquer  le 
précédent  encourageant  qui,  en  attirant  sur  l'Arcadic  l'attention 
des  archéologues,  en  leur  prouvant  la  possibilité  d'y  faire  des 
découvertes,  a  suscité  d'autres  recherclies  fruclucnscs.  Par  les 
fouilles  inaugurées  en  commun  à  ïégée,  et  poursuivies  avec 
succès  par  M.  Bérard,  un  beau  champ  d'exploration  s'est  ouvert 
pour  l'avenir;  les  fouilles  du  gouvernement  grec  à  Lycosoura 
et  à  l'Éleusinion  de  ïhelpousa,  celles  de  l'École  anglaise  à 
Mégalopolis  ont  délinitivement  annexé  l'Arraciio  à  la  srien<e. 
L'ouvrage  de  M.  Bérard  sur  les  cultes  arcadious  n'osl  pas  <le 
nature  à  entretenir  l'indifférence  des  savants  à  l'égnrd  drs  pro- 
blèmes qu'il  soulève  et  des  preuves  (|iie  ceux-ci  réclament. 
Souhaitons  qu'on  ne  larde  pas  à  les  aller  chercher  au  sonnnet  du 
Lycée,  à  Phigalie,  à  Thelpousa,  à  Kleitor,  à  Psophis,  à  Stym- 
phale,  à  Pallantion,  pour  ne  citer  que  les  plus  fameux  parmi  les 
morts  qui  attendent  qu'on  les  fasse  parler! 

Avant  d'entrer  dans  mon  sujet,  je  licMis  à  inscrire  en  léte 
de  cet  ouvrage  les  noms  des  maîtres  dont  la  bienveillance, 
les  conseils  et  les  travaux  ont  été  mes  soutiens  et  mes  guides. 
Je  n'ose  espérer  qu'ils  reconnaîtront  ici  l'inlluence  de  leurs 

(I)  L'École  d*Alhène8  n'avait  pas  d'nrchileclp  régulièrement  aUaché  A  son 
service.  Nous  avons  «lu  exécuter  seuls  tous  les  levés  de  plans,  sauf  celui  de 
Tenceinte  fortinée  pour  lequel  l'ingénieur  italien  de  Billi  nous  a  prêté  le 
concours  de  ses  lumières  et  de  ses  instruments. 


XIV  AVANT-PROPOS 

parcourait  lenlement  le  large  horizon  de  la  plaine,  pioches, 
pelles,  tombereaux  et  brouettes  travaillaient  de  leur  mieux.  A 
riicureoù  le  disque  s'elTaçait  derrière  la  cime  de  TOstrakina,  la 
journée  était  close.  Nos  Arcadiens  rentraient  au  khani  ou  cou- 
ciiaientsur  place  à  la  belle  étoile,sous  leurs  lourdes  capes  en  poils 
de  chèvre. Leur  modeste  salaire  (2  drachmes  1/2 pour  les  hommes, 
1  dr.  1/2  pour  les  femmes  employées,  suivant  la  coutume  locale, 
aux  brouettes),  leurs  re|)as  de  tomates  crues  et  de  concombres 
arrosés  de  vin  résiné,  la  courte  sieste  de  midi  et  leur  endurance 
agreste,  leur  faisaient  supporter  avec  allégresse  ce  labeur 
écrasant  de  14  heures.  —  Oserai-je  avouer  que  les  longues 
journées,  passées  dans  cette  morne  solitude  eu  compagnie  de  ces 
Ames  simples,  n'étaient  pas  sans  charmes? 

l^es  résultats  directs  et  indirects  de  ces  fouilles  nous  ont  en 
partie  jécompensés  de  nos  peines.  Au  point  de  vue  géographique, 
nous  avons  pu  élucider  la  question  du  régime  des  eaux  dans  la 
Mantinique,  expliquer  la  situation  de  Mantinée  par  rapport  à 
ïégée  et  retrouver  les  causes  précises  de  la  perpétuelle  rivalité 
de  ces  deux  villes.  Au  point  de  vue  topographique,  nous  avons 
pu  déterminer  les  raisons  qui  ont  assigné  à  Mantinée  le  site 
qu'elle  a  occupé  à  partir  du  synœcisme,  reconstituer  les 
itinéraires  de  Pausanias,  retrouver  remplacement  et  les  restes 
du  sanctuaire  des  Méliastes  et  du  temple  de  Poséidon  Hippios,le 
point  tactique  des  grandes  mêlées  dont  Xénophon,  Polybe, 
Pausanias  et  Plularque  nous  ont  laissé  des  récits  ;  par  là, 
éclairer  les  détails  de  leurs  narrations;  —  fixer  Torientation  des 
portes  de  la  ville,  reconstituer  le  système  très  original  de  forti- 
fication d'une  des  plus  belles  places  militaires  du  IV^  siècle; 
enfin,  retrouver  en  partie  les  éléments  de  la  topographie  inté- 
rieure de  la  ville.  Sous  le  rapport  de  l'architecture,  le  déblaie- 
ment de  l'agora  nous  a  restitué  le  type  le  plus  complet  d'agora 
hellénique  jusqu'ici  connu,  avec  les  restes  d'un  monument 
intéressant  du  IV«  siècle,  le  Houleutérion;  le  dégagement  du 
théAfrc  nous  a  fait  connaître  certaines  particuhirités  de  construc- 


AVANT-PROPOS  XV 

'  tien  curieuses,  telle  que  la  disposition  oblique  de  la  scène  et  les 
escaliers  extérieurs  (1).  Comme  épigraphie,  dos  inscriptions 
dialectales  nous  ont  fourni  des  données  nouvelles  sur  le  dialecte 
etTalphabet  arcadiens,  et  des  textes  divers  sont  venus  docu- 
menter certains  points  de  Thistoire  polili(|uc  cl  religieuse  de 
Mantinée  à  difîérenles  époques.  La  numismali(|ue  a  gagné  dans 
la  quantité  de  monnaies  diverses  exhumées  de  nos  tranchées 
quelques  spécimens  plus  parfaits.  Enfin,  Taichéologie  s'est 
enrichie  de  bas-reliefs  praxitéliens  qui  prennent  rang  parmi  les 
acquisitions  les  plus  notables  et  les  plus  instructives  qu*ait  faites 
Thistoire  de  la  sculpture  grecque  au  IV»  siècle. 

Parmi  les  résultats  indirects,  il  me  sera  permis  d'invoquer  le 
précédent  encourageant  qui,  en  attirant  sur  TArcadie  Tattenlion 
des  archéologues,  en  leur  prouvant  la  possibililé  d'y  faire  des 
découvertes,  a  suscité  d'autres  recherches  fruclueuses.  Par  les 
fouilles  inaugurées  en  commun  à  ïégée,  et  |K)ursuivies  avec 
succès  par  M.  Bérard,  un  beau  champ  d'exploration  s'est  ouvert 
pour  l'avenir;  les  fouilles  du  gouvernement  giec  à  Lycosoura 
et  à  rÉleusinion  de  Thelpousa,  celles  de  l'École  anglaise  à 
Mégalopolis  ont  définitivement  annexé  l'An  ad io  à  la  science. 
L'ouvrage  de  M.  Bérard  sur  les  cultes  arradioiis  u'esl  pas  de 
nature  à  entretenir  l'indilTérence  des  savants  à  l'i-gard  des  pro- 
blèmes qu'il  soulève  et  des  preuves  (juo  ceux-ci  réclament. 
Souhaitons  qu'on  ne  larde  pas  à  les  aller  chercher  au  sommet  du 
Lycée,  à  Phigalie,  à  Thelpousa,  à  Kleitor,  à  Psophis,  à  Slym- 
phale,  à  Pallantion,  pour  ne  citer  que  les  plus  fameux  parmi  les 
morts  qui  attendent  qu'on  les  fasse  parler! 

Avant  d'entrer  dans  mon  sujet,  je  liens  à  inscrire  en  tète 
de  cet  ouvrage  les  noms  des  maîtres  dont  la  bienveillance, 
les  conseils  et  les  travaux  ont  été  mes  soutiens  et  mes  guides. 
Je  n'ose  espérer  qu'ils  reconnaîtront  ici  l'infinence  de  leujs 

(t)  L'École  d'Athènes  n'avaU  pas  d'archltectp  ré^uliôremenl  attaché  A  son 
service.  Nous  avons  dû  exécuter  seuls  tous  les  levés  de  plans,  sauf  celui  de 
l'enceiDle  fortifiée  pour  lequel  l'ingénieur  italien  de  Billi  nous  a  prèle  le 
concours  de  ses  lumières  cl  de  ses  instruments. 


XVI 


AVANT-l»nOI>OS. 


méthodes  et  de  leur  esj)rit.  Mais  ils  me  permettront  de  leur 
adresser  un  reconnaissant  hommage  pour  les  services  inap- 
|)r(k*iaJ)les  qu*ils  m'ont  rendus.  M.  Georges  Perrol,  directeur 
de  l'Ecole  normale  supérieure,  m'a  montré,  à  l'âge  où  Ton 
cherche  sa  voie,  lo  chemin  de  la  Grèce  :  je  lui  dois  la  pre- 
mière orientation  de  ma  carrière.  M.  Paul  Foucart,  comme 
directeur  de  TÉcolc  d'Athènes,  en  me  mettant  à  la  tAche,  a 
imprimé  à  mes  recherches  l'impulsion  de  ses  encourage- 
ments, de  sa  profonde  cx|)érience  du  pays  et  de  sa  haute 
autorité  scientifique.  Je  ne  saurais  trop  remercier  M.  Homolle 
de  Tattention  qu'il  a  cojisacrée  au  présent  travail.  S'il  m'a  été 
donné  de  le  conduire  à  sa  fin,  le  secours  de  ce  maître  bien- 
veillant, douhlé  d'un  critique  rigoureux,  y  a  beaucoup  contri- 
bué. Je  lui  dois  aussi  d'avoir  pu  accompagner  mon  livre  des 
gravures  et  des  cartes  qui  en  sont  le  complément  nécessaire. 
M.  Maxime  Collignon,  professeur  d'archéologie  à  la  Sorbonne, 
a  bien  voulu  accueillir  ce  volume  avec  un  intérêt  que  me 
rendait  particulièrement  précieux  sa  fine  connaissance  de  la 
Grèce  anticiuc. 


Fig.  2. 

Khani  de  Kaloyéras.  sur  la  nuilo  de  Iripolis  A  Kakoiiri,  A  une  demi-heure  nu  S.  de  Mnntini^. 

Au  Tond,  le  Ménalv  ;  A  dioile,  In  pointe  du  Monl  Aldini. 


MANTINÉE 


ET 


L'ARCADIE    OllIENTALE 


LIVRE    PREMIER. 

LE  PAYS. 


CJIAPIÏRE     IMIKMIKU. 


TOPOGRAPHIE     GENEHALR     DU     PELOPONNESE 
ET   ZONES    DE    CIVILISATION. 


Strabon  a  délini   le  Péloponnèse  :  «  l'Acropole  de  tonte  la  RèRioiisiiniurHies 
Grèce.  »  (i)  La  mélapliore  est  aussi  exacle  ([iio  concise.  On  peut  '•••  ïvi«i»o>'"«^«'- 
la  comploter  en  ajoutant:  cette  citadelle  a  un  dinijon,  l'Arcadic. 

Que  Ton  jette  les  yeux  sur  une  carie  ou  qu'on  promène  un 
regard  circulaire  du  haut  des  grands  observatoires  péloponné- 
siens,  du  faîte  du  Cyllène,  du  Kbelmos,  de  rArtémision  ou  du 
Lycée,  tout  semble  désordre  :  on  a  peine  à  démêler  dans  le  chaos 

(1)  Slrab.,  VIII,  1,  3,  p.  334:  'AxpoTroXiç  cdTiv  q  lUXoTrovvYjcroç  ty,ç 
c\j\t.7ti(î-t\ç  *BXXà8oç,  Cf.  Eustalh.  ad  Dion.  Pericgel,  403  :  'AxoôttoXiv  tt,; 
'ËXXàSvç  ol  TcaXaioi  ^aai  ty,v  IleXoTcôvvTiffov,  et  roraclc  do  Delphes  cité  par 
Pblégon  de  Tralles  :  ^U  y%  àxpoTroXiv  7rà(iy,ç  IUÀ07ry,''ôa  xXciv/jV... 
{Fr.  fiist.  graec.  III.  p.  603) 

AJ.intince.   —  2. 


2  MANTINKE   ET   L*AUCAD1E  ORIENTALE. 

des  chaînes  el  des  cimes,  daus  le  labyrinthe  des  gorges  sinueuses 
et  des  si^icieuscs  cuvettes,  les  linéaments  d'un  système  délini. 
Tout  ce  |)elit  monde  péninsulaire  se  hérisse,  se  creuse  et  s'enclie- 
vclre  avec  une  troublante  complexité.  On  ressent  de  suite 
l'impression  (|u'iJ  doit  opposer  à  hx  centralisation  d'insurmon- 
tables obstacles. 


-OS'^^^ 


r'/'^i.EC. 


%i«f  ffw  yff-j 


Fig.  3. 
Cnrle  hypsomélriquc  du  Péloponnèse. 


Toutefois,  si  Ton  étudie  patiemment  la  disposition  du  relief  de 
la  Morée,  on  voit  les  grosses  membrures  converger  de  la  péri- 
phérie maritime  vers  un  grand  creux,  le  bassin  fermé  de  Tripolis, 
situé  un  peu  à  TEst  du  centre  fictif  de  la  péninsule.  Autour  de 
cette  cavité  rectangulaire,  véritable  réduit  de  TAcropole  pélopon- 
nésienne,  aux  parois  continues,  règne  une  zone  concentrique 


TOPOGRAPHIE  GENERALE  ET  ZONES   DE  CIVILISATION.  J 

de  glacis  inclinés  en  pente  douce  vers  la  incM-  :  vallées  su|)é- 
rieures  de  TEurolas  (Sparte),  du  Paniisos  (Slt'myclaros),  de 
TAlphée  (Aséa  et  Mégalopolis),  de  l'Inaciios  (Mycriios),  de  TAso- 
pos  (Plilious).  Ces  plaines  intermédiaires  débouciiont  par  des 
issues  souvent  étroites  sur  la  bordure  de  vallées  et  de  plages 
alluviales,  qui  encliûssent,  au  niveau  de  la  mer,  la  base  du 
massif  tout  entier.  Le  réservoir  hydrographique  de  tout  le 
système  est  ce  vaste  implnvium  central,  béant  sous  les  averses 
du  ciel  arcadien  et  dont  le  radier  est  suspendu  à  630  nu'trcs 
d'altitude.  De  là,  par  des  trop-pleins  naturels,  parles  lalus  exté 
rieurs  de  ses  épais  soutènements  (Ménale,  Arlémision,  Boréion), 
renforcés  de  puissants  contre  -  forts  (Cyllène,  Monts  Aroaniens, 
Érymanthe,  massif  gortynien.  Lycée,  TaygèUî,  Parnon)  s'épan- 
chent les  longs  torrents  qui  s'en  vont,  par  un  dédale  de  sombres 
couloirs,  butant  et  culbutant  les  roches,  faisant  brèche  aux 
obstacles,  rejoindre  aux  quatre  points  cardinaux  les  découpures 
de  la  côte. 

La  course  est  brève,  vers  le  Nord  et  vers  TJilst  ;  les  golfes  de 
Corintheet  de  Nauplie  viennent  prescjue  baigner  le  pied  de  la 
muraille  arcadienne.  Les  eaux  y  dévalent  directement,  comme 
des  pentes  d'un  toit.  Mais  au  S.  et  à  TO.  il  leur  faut  s'insinuer 
avec  |)eine  dans  les  interstices  du  massif,  se  frayer  un  passage 
de  terrasse  en  terrasse,  contourner  des  é|)erons  rocheux  avant 
de  s'étaler  dans  les  régions  basses.  L'Eurolas  et  l'Alphée,  ces 
grands  collecteurs  du  réseau  péloponnésien,  ne  parviennent  à 
destination  qu'après  mille  péripéties  dans  des  cantons  perdus. 

Ainsi  comprise,  la  structure  de  la  Morée  ressemble  à  celle  i« 

d'un  continent  réduit.    Au  centre,  son  système  montagneux  ï^*'«  •'«»  ^•*"*«* 
et   hydrographique   le   pourvoit  d'un   climat    continental.   Il       tôlières. 
faut  descendre  dans   les    vallées  cotièies  pour   retrouver  les 
douceurs   du  climat  insulaire.  C'est  là  (pie  s'épanouirent  les 
plus  anciennes  civilisations.  Les  rades  aux  |)aisiblcs  profon- 
deurS{  annoncées  aux  navigateurs  orientaux  [)ar  les  îles  égre- 
nées en  avant  du  littoral,  attirèrent  plus  de  liOO  ans  avant  J.-C. 
Phéniciens,  Carions  et  Pélopides.   Les  aveiiluriers  de  la  mer  y 
firent  prospérer  des  comptoirs  et  des  factoreries  où  s'a|)provi- 
sionnaient  d'objets  de  luxe,  d'armes  incrustées  et  de  riches 
tissus  les  indigènes   demi -barbares.  A   celle  éjKHfue  comme 
aujourd'hui  ce  quai  circulaire  faisait  au  Péloponnèse  une  cein 
ture  dorée.    Depuis  Argos  jusqu'à  Corinthe,   par  les  ports  de 


iiioycniii*s. 


4  MANTINKE   KT  L  ARCADIE  ORIENTALE. 

Mcssénie,  (rÉlido  cl  d'Achaïe,  il  extravasait  ses  denrées,  escla- 
ves, inerceiiaîres,  h(Mcs  de  somme,  vins,  bois,  etc.,  et  absorbait 
les  produits  exolicjnes  et  môme  des  idées.  Le  sanctuaire  olym- 
pique est  la  [)lus  Ijelle  fleur  éclose  sur  ce  terroir  cosmopolite. 

En  arriore  du  quai,  où  régnaient  en  maîtres  trafiquants, 
'^"'**  ''"•''"'"*''' marins  et  écumeurs  de  mer,  débouchaient,  comme  autîint  do 
vestibules,  les  vallées  surélevées  où  campaient  en  armes  les  con- 
([uéranls  élrangiMs  mêlés  aux  aborigènes  asservis.  Les  [)lus 
anciennes  puissances  militaires  s*organiscrent  dans  ces  vasles 
enclos,  à  dislance  respectable  des  r^les,  sous  l'abri  des  acropoles 
lutélaires.  Myccnes,  Amyclées,  Stényclaros,  Lycosoura,  Kleitoi- 
avaient  vu  leur  suprématie  grandir  sans  crainte  des  pirates.  Il 
fallut  Tarrivée  des  envahisseurs  descendus  du  Nord  pour  dislo- 
(juer  ces  princi|)aulés  mi-guerrières  et  rai-rurales.  Encore  ces 
Elatsconservèrenl-ils,  sous  le  joug  des  nouveaux  venus,  le  sou- 
venir du  lien  commun  qui  les  avait  jadis  constitués.  Seule  la 
Parrhasie,  que  sa  situation  géographique  tenait  à  Técart  de  la 
mer  et  des  grandes  voies  de  passage,  une  fois  abandonnée  à  elle- 
même,  oublia  la  suzeraineté  de  ses  antiques  capitales,  Trapézous 
et  Lycosoura,  pour  s'absorber  dans  la  vie  patriarcale,  où  chaque 
clan  put  végéter  à  sa  guise  jusqu'à  la  fondation  de  Mégalopolis. 
S[)arte  dédaigna  celle  facile  conquête  et  laissa  les  Parrhasiejis 
subsister  avec  l'autonomie  de  leurs  dèmes,  comme  un  État  tam- 
pon entre  elle  et  l'Arcadie. 

3»  En  remontant  plus  loin,  au  cœur  de  l'Arcadie,  sur  les  gradins 

Rôle  (lu  iimssif  |)oisés,  daus  les  hautes  brandes  du  massif  gortynien  et  du 
cenirni  cl  Mj^nalc,  sur  les  berges  de  l'Uélisson  et  du  Ladon  supérieur,  on 
'^^klTmiiZ  ^  lencontrait  des  jieuplades  à  moitié  sauvages,  dont  l'humeur 
farouche  n'avait  |)u  se  i)lier  à  la  contrainte  des  formes  politiques 
familières  aux  autres  Grecs.  C'était  le  repaire  des  Arcadiens 
((  mangeurs  de  glands  (i)»,  de  ces  légendaires  Pélasges,  hommes 
des  bois  eldes  (tavernes,  (fui  personnifiaient,  dans  l'imagination 
de  l'Hellène  civilisé,  le  type  inculte  de  l'homme  primitif.  La 
roche  avare  les  nourrissait  mal,  eux  et  leurs  troupeaux;  la  forêt 
peuplée  d'ours  cl  de  loups  ne  leur  livrait  que  moyennant  ran- 
çon la  chair  de  ses  fauves.  Nomades,  errant  de  pAtis  en  pAtis 
sur  les  hauteurs,  comme  leurs  successeurs  les  Vlaques  mo- 
dernes, ignorant  la  servitude  du  labour  périodique,  ils  s'en 

(1)  Pans.  VIII.  42,  (>. 


TOPOGRAPHIE  OÊNKHALB   BT  ZONES    DE  CIVILISATION.  V) 

allaient  par  le  monde  clicrclicr  forliine  avoc*,  une  lance,  un 
épieu,  un  arc,  une  fronde,  une  massue.  Ils  mollaiont.  leur  vail- 
lance et  leur  adresse  au  service  des  riches  rrpul)li([ues  ou  dos 
dynastes  généreux  qui  ne  lésinaient  ni  sur  la  solde  ni  sur  la 
part  du  butin.  Presque  toutes  les  armées  inerronaires,  en  Grèce, 
en  Sicile,  en  Orient,  ont  compté  dans  leurs  rangs  de  ces  lans- 
quenets arcadiens(l).  {(Se  battre  à  Varcadienne  »  signifiail  prover- 
bialement verser  son  sang  pour  autrui.  Souvent,  on  les  retrouvait 
à  la  fois  dans  les  deux  camps  adverses.  Grêlaient  ces  bandes  de 
batailleurs  professionnels,  que  venaient  rocrulcren  Arcadie  les 
rois  en  exil  soucieux  de  réintégrer  leurs  Etais  ou  de  se  lailler 
quelque  part  une  compensation,  les  aventuriers  qui  savaient 
faire  accepter  leurs  promesses  pour  argent  comptant,  peul-élre 
les  trafiquants  phéniciens  en  quête  d'escortes  pour  leurs  (lottes 
marchandes  et  leurs  convois  précieux.  Quehjuefois  nu^uie,  la 
difficulté  de  vivre,  le  surcroît  de  population  et  l'iiisufllsance  iWs 
moyens  d'existence  groupaient  sous  les  ordres  de»  chefs  choisis  un 
certain  nombre  dijidividus  qui  s'expatriaient  de  leur  propre 
initiative,  sans  engagement  et  sans  contrat  de  louage.  Ge  n'était 
plus  alors  pour  travailler  «  à  Tarcadienue  »,  et  revenir  plus  ou 
moins  décimés,  plus  ou  moins  riches,  aprcs  avoir  gaspillé  leur 
bravoure  au  mieux  des  intérêts d'autrui.  Si  Ton  en  croit  la  tra- 
dition, Évandre,(JEnotros,Peucétios  doivent  être  com|)tés  i)armi 
ces  condottieri  ayant  opéré  pour  leur  compte  personnel.  Il 
arrivait  aussi  qu'une  fois  engagés  dans  des  expéditions  loin- 
taines, les  mercenaires  perdaient  tout  esprit  de  retour.  La  plu- 
part du  temps,  la  rentrée  au  pays  était  impossible,  (ionnneni 
regagner  la  patrie  d'origine?  où  trouver  des  navires  |M)ur  revenir 
en  Arcadie?  Et  puis,  une  fois  rapatriés,  qu'y  faire?  D'ailleurs, 
entre  temps,  le  mercenaire  avait  contracté  rh^s  alliances;  il  s'était 
créé  une  famille  en  terre  étrangère;  il  se  trouvait  lié  par  des 
devoirs  imprévus  au  départ.  Le  retour  dans  ces  conditions  lui  pa- 
raissait un  exil  nouveau.  Tout  lui  commandait  de  rester  où  il 
était.  Fonder  une  patrie  devenait  i)lus  aisé  (fue  de  courir  à  la 
recherche  du  pays  natal.  Et  c'est  ainsi,  sans  doute,  que  s'établi- 
rent les  colonies  arcadiennes  de  Ghypre,de(jèle  et  de  Bithynie. 
De  toutes  façons,  l'Arcadie  centrale,  pauvre  de  sol,  nuiis  riche 
en  hommes,  épanchait  au  dehors  par  rémigralion  le  trop  |)lein 
de  ses  habitants. 

(1)    Cf.  la   roenlion  de  sept  hoplites   arcadions  sur   la    stèle   de   Xantlios. 
(Waddington.  Inscr.  d'Asie  Mineure,  l2i4U.  lU.) 


6  MANTINÉE  RT  l'arCADIR  ORIENTALE. 

Ciir«ri^ic  inso-  Au  icslo,  il  oUiil  |)lu.s  conimodc  (ren  sortir  que  de  s'y  avenlu- 
ciiiiiie.  rer.  I!  n'y  a  pas  lonjîlemps  que  les  ingénieurs  français  en 
mission  en  Grrce  ont  ronunencé  à  porter  la  mine  au  cœur  du 
massif  gorlynicn,  de  fAclieuse  réputation.  Bientôt  des  routes  car- 
rossables aux  véhicules  indigènes  escaladeront  les  derniers  talus 
de  TErymanlhe  cl  du  Ménale,  en  attendant  que  la  locomolive 
aille  achever  celte  conquête  i)acirique.  Mais  l'œuvre  n'est 
qu'ébauchée.  Il  faut  encore  une  ample  provision  de  rohur  et 
d'ars  iriplex  pour  suivre  sans  défaillir  les  vaillants  roussins 
d'Arcadieà  l'assaut  des  raidillons  caillouteux  et  mouvants  qui 
aboutissent  à  Dimilsana.  Telle  la  tradition  historique  la  repré- 
sente, telle  celle  rcj«;ion  se  montre  encore  au  voyageur  moderne  : 
A|)re,  impénétrable,  séparée  de  la  mer  par  la  double  zone  des 
riverains  et  des  grandes  plaines  ([ui  bloquent  le  haut  pays,  plus 
isolée  de  la  grajide  voie  maritime  par  les  barrières  naturelles 
que  par  la  dislance.  De  (îortys  (environs  de  Dimitsana)  à  Kyna^- 
tha  (Kalavryla)  s'élevait  la  citadelle  des  Klephtes  insociables. 
Le  monde  ambiant  leur  apparaissait  comme  une  proie  et  le 
prochain  comme  une  cible.  Entre  eux,  nulle  entente,  sinon  pour 
les  cou|)s  de  mains  profitables.  Sans  autre  maître  que  leur 
instinct  pillard,  de  leurs  hameaux  haut  percbés,  du  fond  de 
leurs  ma(|uis,  ils  épiaient  le  voisin,  prêts  à  |)rorder  du  moindre 
relAchcmejU,  du  moindre  trouble  pour  fondre  en  oiseaux 
rajmcessur  les  trésors  d'Olympie,  sur  les  étables  d'Elide,  sur 
les  récoltes  de  la  Parrhasie.  Ces  brigands  terrorisaient  le  Pélo- 
|)oniicse  de  la  même  façon  quelesÉtoliens  rançonnaient  la  Grèce 
centrale.  Les  événemcuts  (|ui  agitaient  la  Péninsule  ne  les  inté- 
ressaient (jue  dans  la  nuîsure  où  ils  servaient  leurs  convoitises. 
Les  grands  mots  d'indépendance  et  de  nationalité  arcadiennes 
sonnaient  à  leurs  oreilles  sans  avoir  prise  sur  leur  égousme.  S'ils 
s'embrigadaient  dans  quelque  expédition,  c'était  pour  en 
compter  les  bénéfices  ;  ils  laissaient  les  autres  se  battre  par 
sentiment.  UebcHes  à  toute  organisation,  à  toute  culture,  à 
tout  enthousiasme,  tandis  que  le  Péloponnèse  se  passionnait 
pour  les  nobles  tentatives  d'Epaminondas  et  du  Mantinéen 
Lycomèdes,  ils  se  tenaient  retranchés  dans  leurs  repaires.  Établis 
[mr  contrainte  dans  les  remparts  de  Mégalopolis,  ils  s'en  échap- 
pèrent comme  d'une  prison.  On  les  vit  toujours  apporter  à  la 
cause  du  désordre  l'appoint  de  leur  force  brutale  et  faire  avorter 
pai-  leurs  excès  l'cruvre  des  réformateurs.  Par  eux  toute  organi- 
sation stable  de  la  péninsule  fut  rendue  impossible.  Cet  essaim 


nirndien  : 
iMniiliiiéc  elTéçée. 


TOPOGRAPHIE  GéNÉRALE   ET  ZONES   DE  CIVILISATION.  7 

malfaisant  sévit  à  travers  les  siècles,  jusqu'à  ce  (jue,  le  Pélopon- 
nèse épuisé  ne  lui  odranl  plus  qu'un  cadavre  à  sucer,  il  linil  par 
périr  lui-même  rrinanition. 

Aussi  bien  TArcadie  tout  entière  ne  Icnail.  pas  entre  les  Ihniles  *< 

de  ces  districts  barbares.  Le  secret  de  la  nu;rv(Mll(îuse  iulluonce    i^»''' »i" 'édiiu 
que  la  (îrcce  a  exercée  sur  le  monde  réside  dans  la  richesse  el  la 
variété  des  contrastes  accumulés  sur  un  élroil  espace.  Dansclia- 
que  canton  fermenlaitungéniedillérenl.  Cette  livraison  niullij)le 
a  plus   fait  pour  l'éducation  de  riiuinanhé  (|ue  la  formidable 
unité  de  TEmpire  romain.  D'Athènes  à  Thèbcs,  en  une  journée, on 
changeait  de  patrie  inlellectuelle.  Le  Pél()|U)nnèse,  sous  ce  raj)- 
porl,  est  un  pays  plein  de  surprises.  A  cfuelques  lieues  de  Corin- 
the,  de  Sicyone  et  d'Argos,  villes  opulenles  où  Part  helléni(|ue 
se  mariait  au  faste  oriental,  Sparte  menait,  avec  une  auslérilé 
toute  dorienne,  la  vie  des  camps.  A  ses  cùlés,  la  Messénie,  sou- 
mise et  palienle,  s'absorbait  dans  un  labeur  parilique.  Quel(|ues 
heures  plus  loin,  rayonnait  Olympie,  et  Tor  de  ses  acrotèrcs 
allait  sur  les  cimes  proches  faire  flamber  la  ronvoilise  aux  yeux 
des  «mangeurs  de  glands»,  couverts  de  peaux  de  bètes.  Si  Ton 
descendait  à  l'Est,  au  pied  des  huttes  essaimées  au  hasard  des 
filets  d'eRU  et  des  pâturages,  où  ces  nomades  abrilaient  leurs 
foyers  éphémères,  on  découvrait  au  fond  d'un  cirque  de  intnila- 
gnes  deux  belles  villes  solidement  assises,  doni  les  loils  et  les 
remparts  émergeaient  d'un  lac  verdoyanl.   (^'élaient  les  deux 
reines  de  TArcadie,  Mantinée  et  Tégée.  Klles  avaieni  grandi 
dans  ce  réduit  aménagé  par  la  nature,  sur  un  sol  nonriicicr, 
à  une  petite  journée  de  la  mer,  défendues  philol  qu'isolées  [)ar 
leur  ceinture  de  rochers.  En  face  des  peuplades  incullcs,  mal 
encadrées  dans  des  formes  politiques  lâches  el  rudimenlaircs, 
elles  devaient  Olre  les  citadelles  de  l'ordre,  l(»s  foyers  d'inlelli- 
gence,  de  richesse  et  de  progrès.  Elles  re|)résenlaient  en  opposi- 
tion aux    éléments  chaotiques,   arriérés  et  desiructeurs  de  la 
Haute  Arcadie,  aux  cités  apalhiques  et  négaliv(rs  (lescanh)ns  du 
Nord,  le  principe  actif,  vivant,  organisateur.  De  là  partirent  les 
grands  courants  qui  lireut  vibrer  rame  colhîclive  de  la  race. 
Elles  furent  le  cœur  et  la  tète  de  l'Arcadie.  l/iine,  Tégée,  placée 
à  Tavant-garde  de  la  frontière,  en  snrv(»iHe  les  passngcs.  Kllcesl, 
jusqu'au  Vl«  siècle,  le  rempart  de  l'autononnearcîKliennecontre 
l'ennemi  du  Sud  ;  elle  réussit  même  à  pnuidre  pied  sur  le  lerri- 
loire  laconien.  Vaincue,  elle  laconise  par  nécessité  ;  elle  devient 


8 


MANTIN^R   ET   l'ARCADIE  ORIENTALE. 


le  siège  de  Tespril.  conservateur  et  aristocratique  ;  pour  tenir  en 
écliec  son  arnbllionse  voisine,  elle  se  fait  le  satellite  de  Sparte. 

Mantinée,  crhuineur  plus  entre|)renante  et  plus  libre,  devait 
aussi  jouer  un  rôle  plus  [personnel.  Elle  organise,  avec  Tappui 
(TArgos,  la  résistance  systématique  contre  Sparte.  Après  avoir 
fait  chez  elle  Toxpérience  d'une  démocratie  modérée,  après 
avoir  édifié  le  monde  par  la  sagesse  de  ses  institutions,  elle 
essaya  de  régénérer  le  Péloponnèse  par  la  propagande  de  ses 
idées.  Elle  caressa  le  rêve  d'une  fédération  arcadienne,  afin  de 
donner  à  Taulonomie  des  Péloponnésiens  coalisés  contre  Sparte 
le  ressort  d'un  senlimcnt  national.  Son  action  fut  considérable 
et  digne  d'un  meilleur  succès.  La  rivalité  des  ambitions  et  des 
intérêts,  un  cimcoursde  fatalités  inhérentes  au  pays  lui-même, 
n'ont  pas  permis  à  Mantinée  de  devenir  une  Tlièbes  arcadienne 
ni  à  Lycomèdos  de  se  grandir  à  la  taille  d'Épaminondas. 

Parmi  les  raisons  de  cet  avortement,  l'hostilité  de  Tégée  fut 
|)réi)ondéranle.  C'est  que  le  sol  avait  condamné  les  deux  grandes 
sœurs  arcadicnnes  à  un  antagonisme  irrémédiable.  Il  faut,  pour 
le  comprendre,  étudier  leur  situation  res[)ective  dans  ce  curieux 
bassin,  organisé  pour  recevoir  deux  maîtres  à  la  fois,  mais  dans 
des  ctmdilicms  telles  c|ue  la  vie  à  deux  y  dégénénU  en  un  conllit 
journalier. 


Fig.  4. 
Kiilréc  de  Ia  Mnnliniqtic  entre  les  pointes  de  Mylika  {Scopé)  et  de  Kapnistrft. 


CIIATMTHR  îl. 


LA     REGION      DES     IIAUTRS     PLAINES     EEUMEES. 


!•  Le  quadrilatère  arcadicn  et  ses  subdicisions. 

C'est  à  tort  que  les  géographes  modernes  (l)  désignent  la  u  quadrilatère 
plaine  de  ïripolis  sous  le  nom  de  plaloau  central  d'Arcadie.  arca«iien. 
Cette  expression  peut  éveiller  des  rapprocJiemenls  trompeurs 
avec  des  contrées  d'un  cîiractère  bien  dilïérenl.  La  conslilulion 
géologique  et  la  structure  physique  de  cette  réj»  ion  |)résenlent 
des  traits  extrêmement  originaux.  Mieux  vaul  lui  appli([uer  un 
terme  correspondant  plus  exactement  à  sa  nature  et  à  son  rùle, 
tel  que  celui  de  haute  plaiiie  feifuée. 

Le  canton  de  Tripolis,  formé  par  la  réunion  des  anciens 
territoires  de  Mantinée,  de  ïégée  et  de  Pallantion,  n'est 
qu'une  partie  d'un  système  physique  ([u'on  peut  appehîr  le 
quaàrilatèi'e  arcadicn.  Les  cùtés  de  <ielle  (ij^ure  sont  consli- 
tués  par  une  suite  continue  de  hauteurs  llanciuées  de  bas- 
tions avancés,  renforcées  extérieurement  pai*  des  contreforts 
rayonnants  qui  jonchent  en  tous  sens  le  sol  de  la  PéninsuUî  (2). 
Le  front  Nord  comprend  la  ligne  du  Ziria  (Cyllrne)  (3)  au  Khel- 
mos  (Monts  Aroaniens),  en  y  rattachant  h^  Alavron  Gros  (Kiiély- 
doréa)  et  le  pic  d'iïagia-Varvara  (Krathis).  Lcî  liane  Esl  suit  hi 
ligne  du  Ziria  au  Parnon,  par  les  Monts  Vésézo  (Tilan/î),  (la- 

(1)  Reclus.  Géogr,  univ,  t.  I,  p.  83  el  salv.  —  M.irlel.  Revue  de  gèogr. 
Avril  1892,  p.  3. 

(2)  I^  carte  qui  donne  le  mieux  l'aspect  théorique  du  relief  péloponnésien 
est  celle  de  Pliiltppson  :  TopograpMscke  und  hypsometrische  Karte  des  Pelo- 
pannes.  1891  (au  300. OOO*)-  H  va  sans  dire  que,  pour  les  détails,  à  part  les 
imperfections  avouées  par  Bory  de  SI- Vincent  lui  inèmiî,  la  carte  de  l'Expé- 
dition  de  M  orée  au  200.000*  reste  encore  la  source  la  plus  sûre. 

(3)  A  côtn  des  noms  modernes,  j'écris  les  noms  antiques,  chaque  fois  que 
ridenlUication  est  autorisée. 


10  MANTINÉK  ET   L\nGADIE  ORIENTALE. 

vrias  (Koilossa),  Pharmakas  (KarnéalAs),  et  la  chaîne  argolico- 
arcadienne  (Lyrkeion,  Arlcmision,  Kréopôlon,  Partliénion)  ; 
elle  rejoint  le  l^arnon  à  la  montagne  de  Doliana.  Le  front  Sud 
s'a|)|)uie  aux  liaulenrs  qui  soudent  la  léle  du  Parnon  h  celle  du 
Tayg<'le  :  massif  diî  J)oliana,  Monts  Toka,  Rouso  (Boréion). 
Enfin,  le  liane  Est  romonle  de  ce  dernier  point  au  Klielmos  par 
le  Rliézéniko,  TApano-Khrépa  (Ménale),  le  Kasiania  (Knakalos) 
le  Saïla  (Oryxis),  cl  la  l)ourdouvana(Pentéleia).  Ce  quadrilatère, 
long  à  vol  d'oiseau  de  80  kilomètres  et  large  en  moyenne  de  25 
à  30,  se  (îreuse  à  TEst  du  massif  péloponnésicn  en  une  grande 
cavité,  située  dans  le  i)rolongement  de  la  vallée  de  TEurotas  et 
dont  le  fronl  Nord  s'arrête  à  la  ])ortion  du  littoral  achaïque 
comprise  entre  Sicyone  et  .Egira.  Elle  offre  cette  particularité 
d'clre  enclose  de  toutes  parts  et  de  n'avoir  aucune  communi- 
cation liydrogra[)lnque  à  ciel  ouvert  avec  la  mer.  Elle  est 
séparée  des  plaines  cùtières  par  un  bourrelet  continu,  surélevé 
de  lOOO"™  en  moyenne  au-dessus  du  radier  intérieur,  exhaussé 
lui-même  de  î>80  à  670»"  au-dessus  de  la  mer.  Les  eaux  de 
cette  plaine  n'ont  donc  d'autre  échappée  sur  le  dehors  que  des 
émissaires  naturels  qu'elles  se  sont  forés  à  la  base  des  mon- 
tagnes. La  haute  plaine  fermée  domine  hydrographiquement  la 
zone  intermédiaire  des  vallées  à  demi-ouvertes,  situées  en 
c(mlre-bas,  et  celle  des  plaines  entières  (1).  Celte  région,  murée 
par  la  nature,  justifie  la  division  du  paj's  arcadien  en  deux 
sections  distinctes:  l'Arcadie  fermée  et  l'Arcadie  ouverte  (2), 
l'une  à  l'Est,  l'autre  à  l'Ouest  du  Ménale,  leur  commune  fron- 
tière. A  l'Arcadie  ouverte  appartiennent  les  bassins  supérieurs 
du  Ladon  et  de  l'Alphée  ;  mais,  à  vrai  dire,  les  vallées  de  Kleitor 
et  de  Mégalopolis,  comme  celles  de  Sparte  et  de  Stényclaros, 
étaient  elles-mcmes  à  l'origine  des  bassins  clos;  seulement, 
leurs  cours  d'eau  plus  puissants,  se  heurtant  à  des  barrières 
moins  élevées,  ont  converti  leurs  galeries  souterraines  en  tran- 
chées découvertes. 
Ses  MiiKiivisions.  Cette  disposition  .i^cncrale  du  quadrilatère  arcadien  se  com- 
plique d'une  parlicularilé  remarcjuable  :  la  subdivision  en  com- 
])arlinients intérieurs.  Des  contrefort-s  transversaux  joignent  les 

(1)  Altitudes  comparées  :  Aséa  GiO*  ;  Méf?alo|)olls  430*  ;  MeRsénic  supé- 
rieure GO";  vaUéc  de  Sparle  200";  fond  de  la  plaine  d'AkIilado-Rambos  (Uysiai) 
280"  (d'apr&s  le  nivellement  de  la  voie  ferrée  de  MyU  à  Tripolis  par  la  mission 
française  des  travaux  publics). 

(2)  Das  verschlossene  Arka4ien  et  dos  offerte  Arcadien  (Curlius  Pelop,  I, 
p.  185  et  p.  270). 


LA   RRGION   DES   HAUTES   PLAINES    FERMÉES.  il 

bourrelets  latéraux  et  coupent  le  fond  de  la  jçrande  cavité  en 
plusieurs  petits  bassins  conligus,  mais  aulononics.  (]e  sont 
comme  des  cours  intérieures  dans  le  vaste  jrduit  de  l'Acropole 
péloponnésienne. 

On  en  compte  six,  échelonnés  du  Nord  au  Sud  :  1"  Le  bassin 
de  Stymphale  prolongé  au  N.-E.  par  la  gorji^e  de  Kiimendi; 
2»  celui  de  Phénéos  ;  4«  celui  d*Aléa;  l'y'  celui  crOrchomcne, 
subdivisé  en  deux  parties  reliées  |)ar  un  sillon  (plaine  d'Or- 
chomène  et  plaine  d'Amilos  et  dcKa[)byai);  (»"  celui  de  Manlinée 
etdeTégée(l). 

Toutes  ces  cellules  se  suffisent  à  elles-mi^nics;  nulle  ne 
dépend  delà  voisine;  chacune  posscdesa  ceinhirede  montagnes 
et  son  régime  particulier  de  cours  d'eau  et  de  torrents.  Mais 
elles  sont  apparentées  par  la  communauté  d(î  tour  formation 
géologique  (2),  par  l'analogie  de  leurs  systcmcs  de  débouchés 
souterrains  et  par  des  conditions  (rcxislciuo  sensiblement 
pareilles.  On  conçoit  à  quel  point  ce  morcellement  du  sol  favo- 
risait le  particularisme  politique.  Dans  chacuin  de  ces  alvéoles 
s'installa  un  État  particulier,  réduit  aux  dimensions  d'un  canton 
minuscule;  des  capitales  se  fondèrent,  entourées  d'une  banlieue 
de  terre  cultivable.  Il  s'en  faut  ccpeiulant  (lu'ellcs  aient  occu|)é 
dans  l'histoire  une  place  égale.  Leur  importance  était  propor- 
tionnées l'étendue  de  leur  territoire,  à  la  (|ualité  du  sol,  aux 
avantages  de  leur  position  relative  sur  le  réseau  des  roules  natu- 
relles. La  vie  économique  se  réglait  (ra|)rcs  la  facilité  dcç 
transactions  avec  les  échelles  de  la  côte  comme  avec  les  grands 
marchés  de  l'intérieur. 

(1)  En  d'autres  points  du  Péloponnèse,  les  croisements  de  chaînons  divisent 
le  sol  en  bassins  fermés  :  par  exemple,  les  Monts  Didyma  el  Avgo,  en  Argolhle, 
enferment  complètement  la  petite  plaine  de  Didyma  el  ses  torrents.  Dans  les 
contreforts  méridionaux  du  Parnon,  on  remarque  plusieurs  cuvettes  contlKuôs 
et  isolées,  munies  de  cours  d*eau  et  de  kalavotiire^  (environs  de  Kliarax,  de 
Pistanla,  de  Niata,  d'Apidia);  de  même,  le  vallon  de  Klirysovitzi  dans  le 
Ménale.  Mais,  toute  vallée  à  katavotlires  n'est  point  par  le  fait  un  bassin 
fermé  :  il  arrive  souvent  qu'une  partie  des  eaux  s'écoule  d'un  côte  par  les 
émissaires  les  plus  proches,  et  l'autre  par  les  rigoles  supornclellcs  des  tor- 
rents, aniuents  d'un  bassin  voisin  :  telle  la  plaine  de  Fraiico-Vrysi  (Aséa),  qui 
possède  deux  débouchés  :  l'émissaire  souterrain  de  Mnrniaria,  et  le  thalweg 
découvert  du  Mont  Tsifnbérou,  lequel  dépend  du  bassin  supérieur  de  l'Aiphée; 
tels  aussi  le  vallon  de  Karaklinou,  au  N.  de  Kleitor;  tes  Leucae  campi,  sur 
ia  route  de  Yéraki  (Géronthrae)  à  Mônemvasie. 

(2)  Voy.  Expéd.  de  Morée,  Se,  phys.,  II  «,  p.  32;).  —  Phiiip]»9on,  drr  l'clo- 
pmmes,  p.  106. 


12  MANTINKE   ET   L*ARCADIE  ORIENTALE. 

1^  i»isMns  du  î^os  bassins  du  Nord,  berceaux  de  Phénéos,  de  Styinpbale, 
Nord.  d'Aloa,  de  Ka|)hyaio  se  trouvaient  les  moins  privilépfiés  sous 
tous  les  rapporls.  Euipri.sonnées  entre  de  bautes  et  puissantes 
parois,  isob'cs  sur  elles-nu^uics,  ces  villes  n'ont  ronnu  que  la 
nirdiorrilé  d'uiuî  existence  végélative  et  précaire.  Au  dedans, 
leur  territoire  e.xij^u  suffisait  tout  juste  à  leur  subsistance. 
Encore  vivaient-elles  dans  des  transes  continuelles  ;  leurs 
cbamps  nourririers  étaient  à  la  merci  d'un  accident.  Qu'un 
tronc  d'arbre,  une  pierre,  un  obstacle  quelconque  vînt  f\  obstruer 
leurs  émissaires,  les  voilà  inondées  et  ruinées.  L'ennemi  inté- 
rieur, l'eau,  euvaliissait  les  cultures  et  les  fermes.  Vite,  il  fallait 
trouver  moyen  de  l'évacuer.  Quand  il  n'était  pas  présent,  il  était 
toujours  imminent  :  avec  lui,  pas  d'établissement  durable  en 
debors  de  l'étroite  a<*rop(de  assise  sur  une  éminelice,pas  de  récolle 
assurée.  C'était  un  travail  d'Hercule  que  de  pourvoir  à  l'assainis- 
sement de  vci^  plaines  fanj^euses  ;  aussi,  les  babitants  se  débat- 
taient-ils dans  rimpuissance.il  est  vrai  que  leur  isolement  avait 
pour  corollaire  la  liberté.  A  condition  de  ne  pas  liausser  les  yeu.K 
au  delà  de  leurs  montai^nes,  ils  réussissaient  à  se  faire  oublier. 
Personne  ne  se  souciait  d'eu.x.  Sans  les  basards  de  la  içuerre  qui 
jetaient  d'aventure  sur  leur  territoire  quelque  parti  d'boplites 
fuyant  les  cbemins  (onnus,  ils  auraient  vécu  en  marge  de  l'bis- 
loire.  Les  grands  capitaines  allaient  ailleurs  porter  leurs  cou|)s  ; 
ils  ne  s'attardaient  parfois  à  ces  bicoques  que  pour  consoler  leurs 
soldais  de(tuel(|ue  gros  écliec.  Ces  républiques  n'ont  été,  dans 
le  dévelo|)pement  du  génie  grec,  que  des  non-valeurs.  Leur 
coniribution  à  Tonivre  collective  se  réduit  à  des  contes  pré- 
tenlieu.x  sur  leurs  origines  :  les  gens  dont  la  vie  est  nulle  ont 
toujours  la  ressource  d'e.xaller  leur  enfance. 
uimssiiide  Dans  le  grand  babitat  arcadien,  ces  cellules  du  Nord  jouent 
TripoiiH.  lo  nMe  d'arrière^  logis  ou  de  communs  réservés  aux  comparses. 
Ils  ne  commnni(|uent  avec  le  debors  (|ue  par  d'obscurs  cou- 
loirs et  des  enli'écs  dérobées.  Déjà  Orcbomcne,  à  cbeval  sur 
deux  plaines  conligucs,  est  un  ])ersonnage  de  plus  d'im- 
portamre  et  une  manière  de  puissance.  Mais  la  pièce  prin- 
ci[mle,  celle  où  se  concentra  la  vie  des  maîtres  elTectifs,  où 
s'ouvraient  les  grandes  entrées,  où  se  sont  débattus  les  intérêts 
primordiaux  de  l'Arcadie  et  du  Péloponnèse,  c'est  la  plaine 
de  Mantinée  et  de  Tégée.  Là  est  le  pivot  de  l'bistoire  pélo- 
|)onnésienne.  Un  état  détaillé  des  lieux  fournira  d'utiles 
éléments  à  l'intelligence  des  faits  dont  on  lira  plus  loin  le  récit. 


LA.   RÉGION    DES   ]1AUTKS    PLAINKS   FEnMKIâS.  13 

2*»  Le  bassin  fermé  de  Tripolis  :  structure 
et  constitution  géologique. 

L'étude  géologique  des  terrains  dans  le  quadrilatère  arcadieu     consutuiion 
ne  révèle  qu'un  petit  nombre  de  formations  assez  simples,  qui  y    géologique  au 
apparaissent  superposées  de  bas  en  haut  dans  Tordre  suivant  (1)  :  "**"*''  «rc«dien. 
sur  un  soubassement  de  schistes  cristallins  repose,  en  strati- 
fication discordante,  une  première  formation  de  calcaire  (c;ucaire 
inférieur  de  Tripolis,  que  j'appellerai  calcaire  du  Ménalo  ou 
calcaire  bleu);  sur  celle-ci  se  sont  déposés,  é<^alement  en  strati- 
Tication  discordante,  des  grès  verts,  des  marnes,  des  schistes 
argileux,  ensemble  complexe  qu'on  désigne  d'un  mot  sous  le 
nom  de  flysch;  enQn,  en  haut,  une  dernière  formation  de  cal- 
caire blanc  (VOlonoskdlk  de  Philippson,  que  j'appellerai  cal- 
caire supérieur  de    l'Artémision  ou  calcaire  blanc)   forme  en 
beaucoup  d'endroits  le  revêtement  des  assises  précédentes.  Tels 
sont  les  éléments  géologiques  du  terrain  aux  alniilours  du  bassin 
de  Tripolis,  à  l'état  normal. 

Pendant  les  grands  mouvements  orogéniques  qui  ont  travaillé         axcs 
la  péninsule  des  Balkans,  ces  terrains  ont  subi  dans  l'Arcadie  ''*'^  p"weiiicni«  : 
orientale  les  mômes  plissements  que  dans  le  reste  d u  Péloponnèse.   \"j.",*jp,3  'c" 
On  peut  distinguer  deux  axes  de  plissements  principaux  dans        mna\e. 
notre  région;  à  l'Est,  la  chaîne  argolico-arcadieuue;  à  TOucsl,  le 
Ménale.  Entre  les  deux  s'étend  le  bassin  fermé  de  Tripolis,  qui 
doit  son  origine  à  un  affaissement. 

Le  plissement  oriental  est  dirigé  du  N.-O.  au  S.-E.  Il  laisse     siruciurede 
apparaître  toutes  les  formations  énumérées  plus  haut,   mais '"**'»'^'"*'"'*8»''^®- 
l'érosion  a  agi  de  telle  sorte  que  l'axe  de  plissement  ne  corres-     ni-cndienne. 
pond  pas  exactement  à  la  ligne  faîtière.   Cette  ligne  elle-même 
n'est  pas  simple.  Elle  chevauche  d'un  tronçon  à  un  autre  :  au 
Nord,  alignement  de  l'Arméuia  ;  au  Sud,  ali^uenient  du  Kréo- 
pôlon.  Dans  le  Kréopôlon  même,  elle  bifurque  à  angle  presque 
droitauS.  0.  elauS.E. 

(1)  Sur  la  géologie  de  cette  région,  voy.  Exp.  dr  Morve.  Srct.  dcssc.pfiys. 
il*,  p.  153  (Boblaye),  p.  175  (Virlel  d'Aousl)  cl  209  (id.).  —  iVofils  et  coupes 
du  Ménale  dans  l'Atlas  {Relation  et  géologie).  —  Si  Ips  théories  générales  de 
cet  ouvrage  ont  vieilli,  les  observations  de  détail  sont  encore  très  précieuses. 
Le  travail  plus  récent  et  très  complet  de  Philippson  (PrloponnrSf  1892,  p.82sq. 
— Allas,  avec  deux  excellentes  cartes  et  une  planche  de  coupes  et  profils)  con- 
firme en  bien  des  points  essentiels  les  conclusions  de  ses  devanciers. 


14  MANTINÉB   KT   LARQADIE  ORIENTALK 

Les  sommets  sont  constitués  par  du  calcaire  supérieur  (calcaire 
blanc  de  TArtémision),  fortement  relevé,  dont  la  tranche,  mise  à 
vif,  forme  un  épaulement  au-dessus  du  Hysch  et  du  calcaire 
inférieur  (calcaire  bleu  du  Ménale).  Cette  roche  donne  à  ce 
massif  montagneux  sa  physionomie  lumineuse  et  déchiquetée. 
Elle  est,  en  elTet,  de  couleur  gris  clair,  nuance  cendre  blan- 
châtre, de  nature  compacte,  presque  lithographique.  Mais  sa 
résistance  est  faible:  elle  se  fendille  aisément,  se  réduit  en 
lamelles  ou  en  plaques,  se  crevasse,  se  démantèle  et  s'éparpille 
en  éboulements. 

Sur  le  versant  oriental,  si  Ton  excepte  quelques  talus  en  pentes 
douces  dus  au  llysch,  les  pentes  sont  raides,  abruptes,  escarpées, 
ce  qui  est  dû  au  calcaire  inférieur  et  surtout  au  calcaire  supé- 
rieur, qui  reparait  au  delà  de  l'axe  de  plissement.  Il  s'étale 
ensuite  eu  strates  peu  inclinées,  allongées  au  loin  vers  la  plaine 
d'Argos  et  profondément  creusées  par  les  ravins  d'érosion. 

Sur  le  versant  occidental,  le  même  calcaire  supérieur  plonge 
si  rapidement  au-dessous  du  niveau  de  la  plaine  qu'il  forme  un 
véritable  escarpement.  (Voy.  fig.  6.) 


structure  du 


^^jî^^mr. 

Fig.  5. 

Coti|H:  gt*ologif|iie  de  In  IihiiIc  plniiic  fermée  et  de  sa  bordure   (d'aprèit  Phîlippson.  Profiltafelnt  1). 

a  «=s  Alluviun.  —  m  =  Calcaire  blanc.  —  cm  -=  Calcaire  bien  dn  Ménale. 
r  am  Fly»ch.  —  g  «s:  Schi<fte  cristallin. 

La  structure  du  Ménale  est  plus  simple.  Ce  massif  est  formé 
Mi-naic.  par  un  pli  anticlinal  du  calcaire  inférieur  (calcaire  bleu  du 
Ménale),  aligné  également  du  N.-O.  au  S.-E.  C'est  un  plissement 
très  ample  ;  de  plus,  l'érosion  en  a  démantelé  la  moitié  orientale  et 
l'a  modelée  en  une  espèce  de  socle  trapu  et  arrondi,  peu  accidenté 
et  dominé  par  la  crôlc  constituée  par  une  partie  des  couches  res- 
tées eu  place.  La  ligne  de  faîte  court  le  long  de  la  crête  et,  comme 
celle  de  l'Artémision,  elle  se  dédouble  vers  le  Sud.  Le  calcaire 
qui  constitue  les  cîmcs  et  le  socle  du  massif  est  une  roche  bleu 
foncé,  un  peu  grenue,  brillante  à  la  cassure  et  d'une  durelô 
extrême.  A  la  partie  supérieure  surtout,  elle  offre  une  texture 
très  compacte,  de  couleur  sombre,  reconnaiseable  au  loin.  Plus 


LA   RÉGION   DES   HAUTES   PLAINES   FËBMÉKS.  15 

bas,  elle  apparaît  d'une  nuance  plus  claire  cl  devient  plus  gros- 
sière et  plus  rugueuse.  Pulvérisée  et  décomposée  au  contact  de 
lair  et  de  Teau,  elle  produit  un  sol  favorable  à  la  végétation; 
par  suite,  elle  donne  aux  lieux  où  elle  domine  un  caractère  plus 
luxuriant  que  Taride  calcaire  blanc. 

Sur  le  versant  occidental,  une  faille  fait  reparaître  le  (lyscli 
redressé,  auquel  succède  par  endroits  le  calcaire  blanc,  lequel 
s'épand  ensuite  largement  sur  tout  le  district  montagneux  de 
l'Ouest. 

Sur  le  versant  oriental,  les  assises  du  calcaire  inférieur  plon- 
gent lentement  en  pentes  assez  douces  sous  les  alluvions  de  la 
plaine;  mais,  en  plusieurs  points,  une  faille  ramène  coulro  cette 
rocbe  des  lambeaux  du  calcaire  inférieur,  qu*oii  aperçoit  appli- 
qués jusqu'à  une  hauteur  variable  contre  les  premières  pentes 
et  respectés  par  l'érosion.  En  ces  points,  le  relief  des  pentes 
redevient  plus  accidenté. 

Entre  les  deux  massifs  principaux,  à  droite  comme  à  gauche, 
des  avant-monts  plus  ou  moins  allongés  ont  été  découpés  par 
l'érosion.  Leurs  croupes  massives  et  abaissées  viennent  mourir 
en  pentes  assez  rapides  au  niveau  de  la  plaine. 

Telle  est  la  constitution  géologique  des  bourrelets  qui  domi-  structure 
nent  le  bassin  fermé  de  ïripolis.  Celui-ci  est  le  résultat  d'un  «i»-  i«  i-i"ine. 
affaissement  local  des  terrains.  Il  semble  que,  par  suite  d'une 
dislocation,  le  flysch  et  le  calcaire  supérieur  aient  glissé  sur  le 
flanc  oriental  duMénale.  Le  flysch  a  presque  totalement  plongé: 
mais  le  calcaire  supérieur  apparaît  encore,  comme  nous  l'avons 
dit,  sur  plusieurs  points,  en  contact  avec  le  calcaire  inférieur; 
il  ondule  au-dessous  de  la  plaine  avant  de  remonter  brusque- 
ment sur  le  flanc  du  massif  argolico-arcadien;  la  crête  de  ces 
ondulations  souterraines  est  marquée,  au  milieu  môme  de  la 
plaine,  par  un  certain  nombre  de  roches  et  de  huttes  qu'on  voit 
émerger  en  plusieurs  points,  isolément,  au-dessus  des  allu- 
vions (1).  Celles-ci  forment  une  nappe  d'argile  à  brique,  de  gra- 
viers, de  sable  fin  et  de  limon  bleuâtre. 

Au  N.  comme  au  S.  de  la  plaine,  dans  la  dépression  principale, 
la  couche  de  calcaire  supérieur  n'est  plus  cachée  et  joint,  par  des 
séries  de  hauteurs,  les  deux  grands  massifs  parallèles. 

(1)  Telles  que  les  roches  éparses  dans  le  col  de  la  plaine  et  la  biiUe  de 
GourtzoQll,  au  N.  de  Manlinée. 


16  MANTINKK   ET   L^AIIGADIE  ORIENTALE. 

30  Le  bassin  fermé  de  Tripolis  :  description  du  relief. 

u  inoiieir.  L'érosioB  a  remanié  la  surface  structurale  de  cette  région. 
Elle  en  a  modelé  le  relief,  sculpté  les  cimes,  ébréché  les  crôtes, 
raviné  les  côtes  et  façonné  tous  les  traits  plastiques.  Ce  sont  ces 
formes  et  ces  détails  extérieurs  qu'il  nous  reste  à  décrire,  à 
dénommer  et  à  localiser  topographiquement. 
CiiAr^K  AitMiiico-  Suivant  la  chaîne  argolico-arcadienne  à  partir  du  Cyllëne,  on 
Ai.cAbiKPi.Mc.  trouve  d'abord  un  premier  alîgnementde  sommets  qui  couronne 
la  bordure  orientale  du  bassin  de  Phénéos  (1).  La  ligne  des 
cimes  se  continue  au  S.  à  partir  du  M' Skipéza  (Oligyrtos  1930»"), 
par  une  puissante  arôle  aux  lianes  mamelonnés  :  c'est  le  Trachys, 
compris  entre  les  deux  défilés  de  Scotini  à  l'E.  et  de  Kandyla  à 
l'O.  (2).  Le  faîle  rourl  du  N.  au  S.  offrant  à  l'œil  un  alignement 
(le  sommets  coniques  régtilièrementespacés  comme  des  créneaux 
et  d'égale  baulciir  (3).  A  l'Ouest,  les  pentes  trapues  du  roc  cou- 
vrent en  partie  les  territoires  de  Kaphyaî  et  d'Orchomcne,  et 
dominent  les  plaines  de  leurs  escarpements  grisâtres.  A  l'Est, 
s()ml)res  et  broussailleuses,  elles  ferment  le  vallon  de  Bougiati 
(Aléa).  L'extrcniilc  Sud,  avant  de  mourir  au-dessus  de  la  plaine 
(le  Mantinée,  se  relève  en  un  dôme  imposant,  l'Arménia  ou 
Arméniadis  (17.%'»),  (|ui  forme  un  large  écran  à  l'horizon  septen- 
trional de  la  grande  cuve  de  Tripolis.  La  base  de  cette  masse  se 
lerniine  ensuite  vers  le  Sud  par  une  sorte  déterrasse,  allongée 
(le  l'Est  à  l'Ouest,  où  s'est  établi  un  monastère  d'IIagios  Nicolaos. 
L'échiné  faîtière  du  Trachys  s'interrompt  avec  l'Arménia. 
Mais,  en  contrebas  du  sommet,  à  l'Est,  à  la  naissance  des  hauts 
]'avins  de  Phrosouna,  au  Nord,  et  du  torrent  de  Sanga,  au  Sud, 
(»xisle  un  col  de  HKi»"  d'altitude  (4).  A  l'Est  de  ce  col  se  dresse 
une  nouvelle  ligne  faîtière,  située  à  5  kil.  vers  l'Est  de  la  précé- 
dente. Là  commence,  à  proprement  parler,  le  tronc  de  la  chaîne 
frontière  argolico-arcadienne,  qui  court  obliquement  et  sans 
interruption  vers  le  S.-S.-E.  sur  une  longueur  de  3o  kil.  jus- 


(1)  Monts  de  Mosa  (Sépia),  de  Kaslan  a  (Géronléion),  de  Gbiosa  (SkiaUiis) 
Skipéza  (Oligyrtos). 

(2)  Au  N.  (I*uii  premier  pic,   rUagios  ConslanUoos.  Le  col  répond  au  défilé 
actuel  du  Lykorrhevma,  entre  TApélauron  et  rOligyrlos  (Polyb.  IV,  68). 

(3)  Mont  Karyoumbitlo  (1809-). 

(4)  nelovée  par  nous  au  baromètre  anéroïde,  en  1888. 


LA   REGION    DES   HAUTES   PLAINES   FKIIMKES.  H 

qu'au  ravin  d'Aklilado-Kambos,  et  se  prohmi^o  même  par  sa 
grande  ramification  méridionale  jusqu'à  la  j!:or^e  du  Tanos,  on 
lace  des  monts  de  Cynurie. 

Au  début,  au-dessus d'Apano-Bélessi,  la  (îioIc est  à  1648'"  d'al- 
titude. La  section  de  Tarôte  comprise  cuire  Sanga  et  Tsipiana 
(M^  Lyrkéion)  se  dresse  parallèlement  à  TAlésicni,  durant 
7  kilom.  rectiligne  et  sans  déviations,  comme  un  mur  de  1000"» 
de  hauteur  sur  4  h  5  kilom.  d'épaisseur.  Puis  elle  s'exhausse  on 
bosse  jusqu'au  pic  de  Tsipiana,  situé  sur  le  faite  môme.  A  l'ICst  de 
ce  pic,  en  dehors  de  Talignement,  plane  dans  les  régions  supé- 
rieures le. sommet  aérien  du  Malévo  (Artémision.  —  1772'")  (1). 
C'est  le  point  culminant  du  système.  A  partir  <lc  re  point,  le 
versant  orientai  de  la  chaîne  est  creusé  par  les  ravins  d'érosion, 
qui  l'ont  sillonné  d'entailles  profondes,  dirigéos  <lu  côté  de  la 
plaine  d'Argos,  et  entre  lesquelles  s'allongent  de  petits  nuissifs 
de  ciilcaire  blanc,  perpendiculaires  à  la  ligne  des  sommets. 

Plus  au  S.,  la  crête,  comme  une  nef  dressée  sur  d'immenses 
arcs-boutants,  s'allonge  au-dessus  des  conlioforts  perpendicu- 
laires qui  semblent  l'étayer  des  doux  côLos.  Sa  hauteur  siî 
maintient  à  IGOO™  (2).  C'est  une  frange  do  (Uînlelures  aiguës, 
sèches  et  claires,  isolées  dans  l'espace.  Los  anciens  donnaient  à 
cette  chaîne  le  nom  de  KpeÔTicoXov  (3),  c'est  àdiro  marché  à 
matule,  peut-ôtre  par  antiphrase  pour  caractériser  son  aspect 
décharné.  Les  Grecs  modernes  l'ont  débaptisée  pour  l'appeler, 
d'un  mot  aussi  expressif  et  plus  approprié  à  l'élat  actuel,  le 
Peigiie  (Kxfiviaç).  Au  delà  du  Kténias,  il  y  a  une  virgalion  de  la 
chaîne. 

La  ligne  des  sommets  se  continue  un  peu  plus  basse  par  le 
M^  Rhoîno  (Parthénion  :  1217"^).  A  l'K.,  un  allaissement  a  creusé 
la  petite  plaine  d'Hysiae,  cuvette  située  à  2iS()'»  d'altitude  cl 
reliée  à  la  mer  [)ar  un  long  ravin  d'énision,  ((îlui  de  la  rivière 
d'Akhlado-Kambos. 

Au-dessus  du  niveau  de  la  plaine   intérieure,    cette   longue       nns-côu's 
barrière  rocheuse   se    dresse    en    muraille    prosque   abrupte   ci  «vani-monis 
et    lisse.  Extérieurement,  au  contraire,  elle  se  hérisse   et  se 


(i)  n  y  a  deux  pics  distincts,  souvent  confondus  à  lorl,  le  pic  de  Tsipiana 
et  le  Malévo. 

(2)  1599  d'après  la  cote  de  rÉlaUMaJor. 

(3)  Srab.  VIII,  G.  17.  Voy.  la  note  deMuller.  Ind.  var.  lecL,  p.  997,  col.  2, 
\.  '3È.    -  Mclneke  considère  le  passjge  comme  interpolo. 

.MHiiUnée.  —   :). 


18  MANTINKË   KT   l'auCADIE  OHIENTALK. 

lépaiicJ  vers  la  (uMe  en  ondulations  lointaines,  perpendiculaires 
à  Talignement.  Celles-ci  jonchent  une  partie  de  la  plaine  argo- 
lique  et  vont  plonger  jusqu'il  la  raeV  (Xéro-Vouni,  Monts  Lycone, 
Cliaon,  Ponlinos,  Zavilza).  Des  fissures  profondes,  creusées  par 
les  dislocations  et  les  érosions  entre  ces  ondulations  latérales, 
encaissent  les  lorienls,  collecteurs  des  pluies  qui  dévalent  sur 
les  talus  décharnés  (Charadros,  Inachos  et  leurs  affluents).  L'as- 
pect de  ces  immenses  déchirures  aux  parois  raides  et  aux  tons 
fauves  est  elTiayanl.  Le  somhre  couloir  du  Charadros  déhouche 
hrusquenient  sur  la  verte  vallée  d'Argolide,  dominé  à  Tarrière 
plan  |)ar  Tédifice  menaçant  des  escar])ements  et  des  créneaux 
de  TArtémision  :  on  dirait  l'entrée  d'un  labyrinthe  sous  les 
assises  de  la  forteresse  arcadienne. 

Sur  le  versant  intérieur,  la  distance  enire  le  faite  principal 
et  le  niveau  de  la  plaine  est  beaucoup  moindre.  Seulement, 
entre  le  Parthénion  et  l'Arménia,  une  ligne  d'avant-monts  court 
parallèlement  à  la  chaîne  principale,  séparés  d'elle  par  de  petites 
vallées  d'érosion.  D'abord,  au  Sud,  entre  les  villages  de  Louka 
et  de  Sténo,  la  chaîne  principale  est  doublée  par  une  terrasse 
rocailleuse  et  stérile,  le  ])lateau  karstique,  oix  s'est  installé  le 
monastère  d'Iiagios  Nicolaos  ou  de  Varsai.  Il  se  prolonge 
vers  le  Nord  par  un  plissement  long  de  6  kilomètres,  dirigé, 
semble-t-il,  suivant  le  môme  axe  que  l'Arménia.  Cette  colline, 
rocheuse,  pelée,  tachetée  d'une  végétation  courte  et  clairsemée, 
aux  teintes  fumeuses,  est  désignée  dans  le  pays  sous  le  nom  de 
Kapnistra  (riînfumée).  Un  autre  pli,  un  peu  plus  au  Nord,  situé 
dans  le  prolongement  du  pré(iédent  et  long  d'environ  7  kilo- 
mètres, émerge  de  la  plaine,  qu'il  domine  de  250  à  i3()0  mètres. 

C'est  l'Alésion,  avec  le  pic  de  Koukoras  (le  Coq)  au  dessus  de 
Pikerni,  VAloffom-akhos  (roche  du  Cheval)  et  le  Yéladotyrakhos 
(roche  de  la  Vache)  un  peu  au  Sud  du  village.  Au  bout  de  l'Alé- 
sion, au  Sud,  se  dresse  une  excroissance  rocheuse.  Apre  et  bis- 
cornue, que  les  paysans  appellent  aujourd'hui  le  Nez  tordu 
(Stravomyli).  Elle  bouche  l'entrée  du  vallon  latéral  situé  au 
N.-E.  delà  Maulinique. 

u  MutiAiE.  Vis-à-vis  la  chaîne  argolico-arcadienne  court  la  paroi  occiden- 
tale de  la  plaine  fermée;  le  nom  antique  du  Ménale  est  le  seul 
qui  puisse  lui  être  a|)pliqué  en  l'absence  de  toute  dénomination 
modeine  pour  désigner  l'ensemble  de  cette  chaîne.  Le  Ménale 
s'étend  sur  une  longueur  de  32kilom.  entre  la  plaine  de  Dara  au 


LA   RÉGION   DES  HAUTES   PLAINES   FERMEES.  iO 

Nord  et  le  torrent  de  Valtetsi  au  S. C'est  un  massif  compact  de  cal- 
caire bleu  orienté  du  N.  au  S.-O.  La  ligne  des  sommets  comprend 
au  N.  le  M*  Kastania  (4248«),  séparé  du  massif  principal  par  la 
brèche  de  Bézénicos.  A  partir  de  là,  ce  n'est  plus,  comme  la 
chaîne  opposée,  une  crête  faîtière  continue,  mais  une  masse 
trapue, étalée  sur  une  largeur  moyenne  de  9  kilomètres,  un  socle 
arrondi,  d'où  émergent  en  désordre  des  pics  aigus,  pyramidaux 
ou  coniques.  La  hauteur  moyenne  du  plateau  est  de  1500  à 
1600"».  Certains  pics  atteignent  plus  de  ISOO"»,  tels  que  l'Haglos 
llias  (Ostrakina),le  point  culminant  dont  la  cîmc  fait  face  à  celle 
de  l'Artémision,  à  une  hauteur  de  1981"».  Kn  ronliehas  de  TOs- 
trakina,  la  ligne  de  faite  s'abaisse  au  col  de  Kardara  |)Our  se 
relever  en  un  massif  hérissé  de  pics,  que  surmonte  la  ficre  pyra- 
mide de  l'Aïdini  (1849"»).  Plus  loin,  le  Mont  A|)ano-Khrépa 
(1559™)  domine  les  hauteurs  contre  lesquelles  s'adosse  la  ville 
de  Tripolis.  Au  delà,  la  ligne  s'abaisse  en  terrasses  dégradantes 
jusqu'au  col  de  Pallantion,  qu'on  peut  regarder  comme  la  limite 
de  la  chaîne  au  Sud. 

La  configuration  du  Ménale  est  moins  sim|)Ie  et  moins  régu- 
lière que  celle  de  la  chaîne  orientale.  11  est  plus  étendu  et 
plus  complexe.  Son  dos,  aussi  large  qu'un  plateau  montueux 
et  houleux,  crevassé  de  longues  fissures,  de  gorges  profondes, 
abrite  dans  ses  replis  des  vallées,  des  bois,  dos  torrents,  des 
clairières,  de  vastes  j)âturages,  des  cantons  cultivables,  des 
solitudes  dénudées,  des  sources  innombrables,  ("est  un  monde 
touffu,  où  la  faune  et  la  flore  pullulent  sans  ordre,  an  gré  d'une 
nature  capricieuse  et  prodigue.  Les  villages  ysojit  semés  comme 
au  hasard,  sans  liens  les  uns  avec  les  autres,  à  l'image  des 
anciens  clans  qui  n'avaient  pu  se  grouper  sous  une  loi  com- 
mune (1). 

(1)  Go  caractère  chaotique  s'aggrave  h  mesure  qu'on  s'avance  à  VO.  du 
Ménale  vers  la  région  montagneuse  du  centre.  On  rencontre  d'abord,  au  pied 
du  versant  cKxidental,  une  dépression  houleuse,  large  de  :\  à  G  lûlom.,  suré- 
levée de  600  ù  7oO  m.  au-dessus  de  la  mer.  C'est  le  district  que  les  anciens 
appelaient  la  Plaine  niênalienne  (MaivxXiov  tisSiov.  —  Pausan.  VIII,  ÎW,  5. — 
I^ring.  Joum.  of.  hellen.  Stud,  XV.  ISOîi,  p.  7(î-77),  bassin  tournient«'>  dont  le 
fond  est  encombré  de  mamelons  et  d'ondulations  entre  lesquels  serpe.itcnl  les 
thalwegs  du  Haut  Hélisson  et  de  ses  affluents  (auj.  Barbanséna-Potamt). 
Celte  cuvette  serait  elle-même  un  bassin  fermé,  si  le  Uarbanséna-Potanil 
et  la  rivière  do  LAngudia  n'avalent  réussi  à  se  frayer  doux  étroits  passages 
dans  les  brèches  de  la  paroi  méridionale,  de  cbaque  celé  du  Mcmt  Hhénissa  : 
c'est  par  ces  deux  couloirs  abrupts  que  les  eaux    de   la    iMîiIno.   ménalienne 


20  MANTINKE   ET  l'aRCADIE  ORIENTALE. 

hms-cMm  Du  côté  de  la  plaine  intérieure,  le  long  du  versant  oriental  du 

cl  av«nis-nioiiis.  Pénale,  court  une  ligne  d'avant-monts  dénudés,  d'une  altitude 
moyenne  de  200  m.  au-dessus  du  pied  du  Ménale.  Us  joignent 
le  massif  d'Apano-Khrépa  à  la  fermeture  septentrionale  de  la 
plaine.  Ce  petit  plissement  latéral  est  séparé  du  Ménale  par  une 
cuvette  longitudinale  (ancienne  plaine  Alcimédon),  d'environ  12 
kilom.  de  longueur.  Dans  cet  étroit  vallon  débouchent  trois 
principaux  torrents  qui  l'encombrent  des  éboulis  pierreux  arra- 
chés à  leurs  hauts  ravins.  Deux  sillons,  celui  de  Kapsia  et  de 
Simiadës,  séparent  le  chaînon  en  trois  tronçons  et  mettent  la 
plaine  latérale  en  communication  avec  le  bassin  central. 


deux  svstèmes. 


symriric  SI  Vou  jetlc  maintenant  uu  coupd'œil  d'ensemble  sur  la  carte, 

••'*»  on  est  frappé  du  parallélisme  des  deux  systèmes  argolico-arca- 

dien  et  ménalien  ;  les  dispositions  générales  et  les  particularités 
topographiques  de  l'un  se  répètent  dans  l'autre  presque  à  la 
même  place,  au  point  de  donner  rillusion  d'une  ordonnance 
symétrique. 

l)*abord  c'est  du  côté  de  la  plaine  intérieure  que  sont  tournés 
les  versants  les  plus  escarpés,  dans  la  chaîne  argolico-.irc  ullenne 
comme  dans  le  Ménale.  C'est  au  contraire  au  dehors  que  Tune 
et  l'autre  chaîne  s'étalent  en  ondulations  largement  épandues, 


parviennent  k  la  vaUcc  do  l'Alphéc,  situi^e  à  300  m.  en  contre-bas.  Ce  district 
isol(\  mal  connu  dos  anciens,  o^t  situé  en  dehors  du  quadrilatère  arcadien 
proprement  dit.  II  communique  avec  la  plaine  de  Mantinôc  piir  lo  long  délilé 
de  Kardara.  Politiqucmont,  il  dépendait  en  parUe  du  territoire  mantlnéeo. 
L'abondance  des  eaux  lui  assurait  une  certaine  fertilité. 

A  l'ouest,  la  plaine  mônallenne  est  limitée  par  un  plissement  oriental  du 
mas.slf  gortynien.  Ce.  chaînon,  aujourd'hui  anonyme,  compris  entre  le  Mont 
Rhénlssa  au  S.  et  le  Mont  11"^  lllas  (Ménale,  1869  m.)  au  N.,-  correspond  à 
l'ancien  Phalanton  (Pausan.  VIII,  35,  9.  —  Et.  Byx.  s.  v.).  Au  col  situé  au- 
dessus  d'Alonistaina,.'!  une  alUtude  de  1.'315  m.,  II  est  traversé  par  le  chemin 
issu  du  défilé  de  Kardara.  C'est  Ik,  h  Pétrosaka,  qu'étnlt  la  frontière  mantl- 
néenne  (Voy.  p.  iHS). 

Au  pied  du  Phalanlhon,  A  l'O.,  se  creuse  le  ravin  de  la  rivière  do  Vytina 
(anc.  Maloilas),  aflluont  du  Ladon  ;  ensuite  s'élève  le  plissement  principal  de 
l'Arcadle  centrale,  le  massif  Gortynien  ou  Chaîne  centrale  arcadienne.  Ce 
plissement,  parallôlo  au  Ménale  et  à  la  chaîne  argolico-arcadienne,  s'étale 
entre  le  ravin  du  Liidon  et  la  plaine  de  Franco-Vrysi  avec  les  pics  Madara 
(168G-),  Franco-Vouno  (1(546-),*  Roudla  (1553-),  Rhapounl  (1546-),  Rliôiilssa 
(1346"),  Rhézénikf)  (1273").  Comme  configuration  et  comme  dimensions,  la 
chaîne  centrale  arcadlonne  so  rapproche  du  Ménale.  C'est  une  masse  de  7  ft 
9  kllom.  do  lar^o,  d'une  hauteur  moyenne  de  1400  ft  lîîOO  m.  <Voy.  Philippson. 
der  Pclop,  p.  101). 


LA  RÉGION   DES   HAUTES   PLAINES   FERMÉES.  21 

d'une  part  sur  la  plaine  argolique,  d'autre  part  sur  la  plaine 
mëaalienne.  C'est  aussi  sur  ces  versants  extérieurs  que  les  longs 
torrents  se  sont  creusé  leurs  ravins  profonds,  Ciiaradros  cl 
Inachos  d'un  côté,  Hélisson  et  ses  afQueuts  do  l'autre. 

Ensuite  le  parallélisme  des  deux  lignes  d'avanl-inonts,  qui 
doublent  intérieurement  les  grandes  chaînes, a  produitce  curieux 
système  des  plaines  latérales  de  la  Mantiuique,  réparties  symé- 
triquement autour  de  Taire  centrale  comme  les  chapelles  des 
bas-côtés  autour  d'une  grande  nef  ;  à  TEst,  les  deux  vallons 
aflrontés  de  Louka  et  de  l'Argon  Pédion  ;  à  l'Ouest,  la  longue 
galerie  de  la  plaine  Alcimédon.  Ces  pièces  annexes  ou  encoches 
sont  moins  des  vallons  indépendants  que  des  niches  ou  baies 
[xéX-Koi)  de  la  grande  vallée  principale  (1).  Tous  ces  recoins  con- 
stituaient autant  de  domaines  séparés,  autant  de  centres  d'ex- 
ploitation rurale.  Aussi  cette  disposition  physique  du  territoire 
raantînéen  n'a-t-elle  pas  manqué  d'influer  sur  la  répartition  de 
la  propriété  et  des  dèmes  ruraux,  ainsi  que  sur  les  institutions 
politiques. 

Les  raisons  d'une  ordonnance  aussi  originale  doivent  être 
cherchées  dans  l'unité  du  phénomène  auquel  ce  bassin  doit  son 
origine. L'afï.iissement  s'étant  produit  suivant  une  fosse  parallèle 
aux  grands  axes  de  plissement, il  a  déterminé  de  chaque  côté  des 
dislocations  et  des  cavités  symétriques.  Au  S.  la  tête  d'un  des 
plissements  méridionaux  du  Péloponnèse  (Monts  delà  Skiritis), 
restée  en  place,  assure  la  clôture  du  bassin  de  ce  côté.  Au  Nord, 
un  tronçon  de  calcaire  blanc  (Mont  Anchisia)  est  éiçalement 
resté  émergeant, et  forme,en  travers  de  la  fosse,  hi  cloison  trans- 
versale qui  clôt  au  Nord  le  bassin  de  Tripolis.  La  fosse  se  con- 
tinue, plusieurs  foiscoupéepardes  barri  ères  analogues,  jusqu'au 
bassin  de  Phénéos. 

Étant  donné  cette  origine  du  bassin  de  Tripolis,  il  serait  insou-  Nni„re  du  fond 
tenable  de  prétendre  que  la  mer  y  ait  jamais  pénétré.  La  couche  «'c  la  cuve. 
alluviale  qui  recouvre  le  sous-sol  calcaire  do  la  plaine  n'a  rien 
d'un  sédiment  marin.  On  y  trouve,  avec  l'argile  rt  le  limon,  des 
bancs  de  graviers  agglomérés  et  cimentés  par  l'argile  durcie,  ('es 
graviers  font  en  plusieurs  points  un  conglomérat  délitable,  dont 
les  cailloux  se  détachent  aisément  s,)u.s  le  doigt.  Les  anciens  se 
soni  servis  de  cette  pierre  jiour  les  foiulations  et  les  colonnes 

(1)  Xénophon  désigne  rArgon  Pédion  de  Pausanins  par  le  lernie  de  b  ottiiOsv 
x^Xttoç  t7|ç  MavTiviXTJç  {HcLléti,  VF,  5,  17). 


22  MANTINKE   ET   L'ARCADIK  ORIENTALE. 

(le  plusieurs  édifices.  Tous  ces  dépôts  proviennenl  de  la  dénu- 
da tion  des  versants  limitrophes  par  les  eaux  de  ruissellement, 
et  sont  les  dépouilles  des  montagnes  dévastées  par  les  torrents 
d'érosion.  D'autre  part,  on  ne  constate  sur  les  flancs  de  la  bor- 
dure ni  terrasses,  ni  gradins,  ni  traces  d'un  lac  ancien  ou  de 
grands  dépôts  (luviatiles  (1).   Selon   toute  vraisemblance,  les 

(1)  M.  Bérard  admet  pourtant  rcxistencc  d'un  grand  lac  primitif  qui  aurait 
occupé  toute  l'<^tonduo  du  bassin  de.  Tripoiis  ;  il  décrit  ainsi  les  effets  de  ce 
lac  sur  la  topo^rapliie  du  sol  et  la  répartition  des  liatavothres  :  «  A  l'origine, 
ce  bassin  dut  contenir  un  lac.  Enfermi'^s  dans  cette  enceinte,  les  eaux  s'éle- 
vaient jusqu'au  seuil  le  plus  bas  (le  plissage  de  Maskéna,  entre  le  Rolnos  et  le 
Marmaro-Vouno)  et  se  déversaient  dans  l'Archipei  par  la  vallée  et  le  golfe 
d'Astros.  Go  lac,  élrtinglé  dans  son  milieu  par  le  rapprochement  des  contre- 
forts du  Ménalc  et  du  Ktcnia,  avait  i\  peu  pès  la  forme  d'un  huit  (8)  dont  la 
boucle  supérieure  pencherait  vers  la  gaucho  :  cette  boucle  fut  plus  tard  la 
Mantiniké,  et  la  boucle  inférieure  fut  la  Tégéatide.  Les  montagnes  de  calcaire 
qui  forment  aujourd'hui  l'enceinte  étaient  alors  revêtues  de  dépôts  do  grès 
verts,  dont  nous  retrouvons  aujourd'hui  des  témoins  dans  les  alluvions  de  ce 
lac  (Expéd.  do  Moréc,  texte,  t.  Il,  p.  327).  Ces  alluvions  amoncelées  s'éten- 
daient sur  une  couclie  uniforme  élevée  de  20  ji  25  métrés  au-dessus  du  niveau 
de  la  plaine  actuelle  (000  h  670,  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  ;  les  monta- 
gnes environnantes  atteignent  de  1100  à  IGOO  mètres).  —  Mais,  dans  ce  fond 
d'alluvions  et  dans  les  parois  do  l'enceinte,  des  crevasses  se  produisirent  ; 
pour  la  disposition  de  ers  catavothres,  le  bassin  présente  deux  aspects  dlflé- 
rcnts  :  dans  la  boucle  supérieure,  on  a  surtout  des  calavothres  de  fond  (|)ctlts 
catavothres  de  Bédéni,  Parori,  Bosouna  ;  surtout,  grands  catavothrcs  de  Capsla 
et  de  Simiadès)  ;  dans  la  boucle  Inférieure,  ce  sont  des  catavotlires  de  paroi, 
tels  les  grands  gou lires  do  Vertsova,  au  pied  de  Parlhénlon,  dans  la  paroi  de 
l'Est,  et  le  goulTre  plus  grand  encore  de  Taka,  dans  la  paroi  du  Sud,  au  pied 
du  Boréos.  Les  courants  traînant  les  eaux  vers  ces  crevasses  ridèrent  la  surface 
(!u  lac,  puis  la  couche  d'alluvions,  qu'ils  entamèrent,  en  se  creusant  des  rigoles 
de  plus  en  plus  profond(3s  k  mesure  que  les  eaux  baissaient.  —  Quand  la 
plaine  desséchée  apparut,  la  boucle  septentrionale  du  lac,  vidée  pjir  les  cata- 
vothrcs du  fond,  éUiit  beaucoup  plus  creusée  et  beaucoup  plus  plane  que 
l'autre  :  la  Mantiniké  est  de  50  à  70  mètres  inférieure  au  niveau  moyen  do 
la  Tégé{itidc;  du  niveau  primitif  des  alluvions.  Il  ne  reste  que  deux  buttes 
Isolées  au  milieu  de  la  plaino  marécageuse,  c'est  la  citadelle  de  Mantlnée  et 
la  coUIno  voisine  que  Pausanias  appelle  «  tombeau  de  Pénôlo[^c  »  (Paus.,  VIII, 
12,  6-7).  Dans  la  Tégéatide,  au  contraire,  entre  des  plateaux,  restes  de  l'an- 
cien fond  d'alluvions,  des  lignes  d'eau  ou  de  marais  Indiquaient  le  passage  des 
anciens  courants  :  c'éUiit  d'abord  une  grande  ligne,  bordant  toute  la  chaîne  de 
l'Est  et  s'en  allant  de  la  paroi  du  Sud  aux  catavothres  de  la  Mantiniké  (le 
Saranda-Potamos  emprunte  une  moitié  de  cette  ligne  qui  se  continue  pur  les 
r'.vièrnsde  Bédéni  et  par  l'Ophls);  puis,  coupant  celle-ci  ft  l'angle  droit,  une 
nuire  ligne  traversait  la  plaine  dans  l'autre  sens  depuis  le  Ménale  Jusqu'au 
gfiulTre  de  Vrrtsnva  ;  enfin,  dans  l'angle  Sud-Ouest  de  la  plaine,  deux  autres 
ligni's  moins  iiiip  triantes  convergeaient  vers  lo  catavothrc  de  Taka.  »  Ce 
système  me  semble  discutable  pour  les  raisons  suivantes  ;  1*  le  col  qui  relie. 


LA   RéGION    DES   HAUTES    PLA1NKS    FEIIATHES.  2.3 

couches  alluviales  que  nous  venons  de  sijçnaler  s'iUendenl.  direc- 
tement sur  le  fond  de  calcaire  blanc,  <lont  les  saillies  rocheuses 
delà  plaine  attestent  la  présence  soutenainc.  Les  autres  inéga- 
lités de  ce  fond  rocheux  ont  été  conililées  peu  à  peu  ;  le  niveau 
général  s'est  maintenu  à  peu  près  constant  par  l'exhaussenienl 
progressif  de  toutes  les  parties  du  radier  au  (UM  riment  des  mon- 
tagnes, dévalisées  de  leurs  terres  par  les  lorrenls.  Ces  faibles 
différences  de  niveau  n'étaient  pas  assez  accusées  pour  canaliser 
les  cours  d'eau  dans  des  lits  délinitifs.  Ceux-ci,  par  leurs  dé- 
placements délit  et  leurs  apporls,  ont  nivelé  la  surface  en  diri- 
geant leurs  douves  vers  les  points  perméables  de  la  borduie, 
qu'ils  convertissaient  tour  à  tour  en  émissaires. 

La  cuve  renfermée  entre  ce  bourrelet  conlinu  de  hauteurs  u  cuve. 
a  la  forme  d'un  8,  dont  l'axe  est  un  peu  incliné  vers  l'Ouesl. 
Entre  le  pied  des  parois  N.  et  S.,  la  distance  est  de  .'10  kilo- 
mètres. La  largeur  varie  :  elle  est  de  12  kilomètres  pour  la  boucle 
méridicmale,  à  la  hauteur  de  Tégée  et  de  Pallantion,  de  1.800 
mètres  à  l'étranglement  compris  enire  la  poinicî  de  Kapnistra 
et  celle  de  Mytika,  de  7  kîlomèlres  pour  la  boucle  septentrionale, 
entre  Simiadès  et  Pikerni.  Le  fond  <le  la  cuve  suit  un  plan 
incliné  du  S.  au  N.  entre  Tégée,  située  à  une  allitude  de  070 

k  rE.  (lo  ta  colline  de  Salnl-Klle  (carton  sp<Vhil  (\p  lu  Ouiunission  «Ir  Mon-o) 
la  plaine  de  Versova  et  le  torrent  8up<'Tlenr  du  Tanos,  pnr  le  ravin  d'Ila^in- 
Sophia,  est  k  (580  mètres,  soit  à  30  mètres  au-dessus  do  la  plaine  de  Versova 
(().'K)  mètres).  Si  le  lac  s'est  jamais  écoulé  parla,  sa  profonclcur  moyenne  était 
donc  do  30  mètres;  dans  ces  conditions,  il  n'aurait  pu  anioiieeier  sur  le  sol 
une  couche  alluviale  do  20  li  25  mètres  d'épaisseur.  2r  Les  eolliiies  éparses 
tant  dans  la  Mantiniquo  que  dans  la  Tégéatlde  (Plolis,  (iourl/.oull,  11"  SosUs, 
Mcrtsaousl,  Moozakl,  Tsiva,  Vouno),  ne  sont  pas  des  buttes  alluviales,  mais 
des  verrue^  de  calcaire  blanc,  saillies  du  sous-sol  roclirux.  :i"  I^i  constitution 
des  kaUivothrcs  de  la  Mantlnlque  et  de  la  Tègéatidr.  m*  pt^'inet  pas  de  sup- 
poser qu'ils  aient  jamais  pu  jouer  le  riMc  actif  qui  ItMir  est  allribuê.  Ils  n'ont 
jamais  pu  déterminer  des  appels  d'ejiu  ni  drainer  de  leur  rùlé  des  courants 
assez  puissants  pour  creuser  des  sillons  dans  le  fond  alluvial  :  la  plupart 
d'entre  eux,  celui  de  Taka  en  particulier,  derrière  1rs  lar^i»s  cavernes  <|ui 
font  illusion  sur  leur  ciipacité,  se  conUnucnt  intérieurement  par  tW  petils 
boyaux  très  étroits.  4*  Aucune  trace  des  niveaux  sueecssifs  du  lac  supposé 
ne  se  remarque  sur  les  versants  monUigneux  du  l)assin,  tandis  que  ces 
traces  sont  parfaitement  visibles  ailleurs,  par  exemple  â  Pliénéos.  5<»  Les  ;;rès 
verts  observés  par  la  Commission  de  Morée  petivent  avoir  été  entraînés  dans 
la  plaine  par  le  Saranda-i^tamos  ;  peut-être  le  lit  de  e«^  cours  d'eau  a-l-il 
suivi,  à  l'époqne  préhùlorique,  la  direcUon  «le  l'O.  (voy.  la  note  sur  la  carte 
de  la  Tépéatidc).  En  réalité.,  ce  qu'on  observe,  dans  la  partit*  oceldentnie  de 
la  Tégéatide,  entre  Tsiva  et  le  Mont  Kravari,  ce  sont  des  formations  do 
cholLs. 


24  iMANTINÉE   ET   l'ARGADIE  ORIENTALE. 

niMres,  el  MîiiUintM%  dont  la  cote  est  de  630  mètres.  La  pente  est 
de  40  mètres  (1).  La  boucle  Nord  est  donc  la  plus  basse,  détail 
im])orlant  pour  l'hydrographie  et  l'histoire  locale.  L'arène  de  ce 
cirque  est  loin  d'rlre  plate.  Une  série  d'ondulations  descendent 
de  la  plaine  de  Téj^ée  et  viennent  mourir  en  vagues  de  plus  en 
plus  basses  jusqu'à  l'entrée  de  la  plaine  mantinéenne.  Entre 
ces  ondula li(ms  du  terrain  et  la  ceinture  rocheuse,  de  longs 
lliahvegs  serpenicnl,  où  s'attardent  de  paresseux  ruisseaux.  De 
j»ïus,  du  miluHi  des  Umics  alluviales  émergent,  comme  on  l'a  vu, 
quelques  buttes  isolées,  îlots  rocheux  de  50  à  100  mètres  au- 
dessus  des  champs  labourés.  Des  roches  éparses  hérissent  le 
sol  au  passage  des  deux  boucles,  entre  les  deux  promontoires. 

Ainsi  la  cavité  enlière  se  trouve  naturellement  partagée  en 
deux  compartiments  par  les  contreforts  avancés  en  travers  de  la 
plaine,  comme  deux  portants  de  théâtre.  Chacun  de  ces  bassins 
était  un  local  tout  prêt  pour  recevoir  une  ville.  Celui  du  Nord 
renferma  Mantinée,  celui  du  Sud  Tégée. 

11  nous  reste  maintenant  à  étudier,  dans  ce  cadre  et  sur  ces 
matériaux  ainsi  disjmsés,  l'action  des  forces  naturelles,  afin  de 
dégager  les  phénomènes  qui  ont  influé  sur  la  vie  des  hommes, 
déterminé  leur  histoire  et  fourni  la  matière  première  de  leur 
religion. 

(1)  f^  staUoii  (In  chemin  de  fer  de  Tripolis  porte  In  cote  GSS*"!!.  Elle  est  un 
peu  en  contre-bas  de  hi  ville,  adossée  au  Ménale. 


Fig.  6. 

Frn^fnl  d'un  vase  vn  ninrlire  h  relier,  trouvé  au  leniple  de  Poséidon  Ilippios.  (Ilnut.el  larg.  0,31). 
Au-dessu»  de  In  ii'lv,  n  ((niiche,  le  voit  la  queue  éployée  d'un  oiseau  volant. 


CHAPITRE  lll. 


l'uydrographie  souterraine. 


Nous  avons  constaté  que,  dans  le  bourrelet  rocheux    (|ui  Rôic 

entoure  la  cuvetle  de  Manlinée,  le  calcaire  préiloniine.  H  recou-   hy'roy'-iiphiqiie 
vre  comme  d'une  toiture  le  faîte  et  les  flancs  des  monis;   il      •"<^*<^*"^ 


garnit,  comme  un  dallage  souterrain,  le  sons  sol  argileux  de 
la  plaine.  C'est  aussi  lui  qui  est  l'agent  le  jdus  actif  dans  la 
répartition  et  la  circulation  hydrographiques,  ou  plulùt  hydro- 
géiqucs,  de  la  région.  Par  ses  propriétés  et  sa  conlexture,  il 
joue  le  rôle  de  collecteur  et  de  distrihuteur  des  eaux,  (^est  «lans 
ses  profondeurs  intimes  que  s'élabore  la  transformation  des 
pluies  en  sources  et  en  ruisseaux,  et  que  s'opère  l'écoulement 
mystérieux  des  eaux,  emprisonnées  par  la  nature  dans  une 
digue  circulaire,  vers  le  graml  déversoir  extéricMir,  la  nn»r. 

Les  eaqx  de  la  haute  plaine  n'ont  aucune  issue  à  ciel  ouvert. 
Ni  brèche,  ni  thalweg  n'échancre  la  bordure»  rocheuse  assez 
profondément  pour  mettre  en  communication  le  fond  de  la  cuve 
avec  les  vallées  inférieures  qui  l'entourent.  Klle  serait  comme 
une  immense  citerne  fatalement  destinée  à  s'iunplir  jus(|u'aux 
bords,  si  ses  parois,  gr^ce  aux  fissures  innombrables  (pii  fen- 
dillent la  roche  cidcaire,  ne  possédaient  une  sorte  de  perméabi- 
lité, l'unique  sauvegarde  contre  la  subnuîrsion  <les  existences  et 
des  œuvres  humaines  confiées  à  ce  pays.  Le  jeu  régulier  de  ces 
phénomènes  naturels  préoccupait  constamment  les  habitants (I). 


(1)  En  général,  sur  le  régime  des  eaux  on  Grèce  ot  h's  travaux  hydrauliques 
clans  leurs  rapport.s  avec  la  culture,  voy.  Guiraud.  Propriété  foncière^  p.  i8î) 
et  461. 


lissiiré. 


2G  MANTINKK   ET   L'ARGADIR   OniKNTALK. 

A  ce  Lilrc,  la  question  appartient  h  riiistoire  non  moins  qu'à  la 
p:éolofJcie. 
Us  piuîrs.  [^.j  piyj,  jriande  partie  de  Teau  qui  circule  dans  le  haut  pays 

arcadicn  lui  vient  des  pluies.  Les  sommets  de  l'Artémision  et 
du  Ménale  ne  sont  pas  assez  élevés  pour  que  riiumidité  de 
ratmosplicre  s*y  condense  en  fçlaciers.  En  hiver,  les  cimes  du 
Maiévo,  de  TArménia,  de  TOstrakina,  de  TAïdini  se  chargent 
de  neiges.  Mais  ces  neiges  durent  à  peine  de  décembre  en 
mars;  elles  ne  liennent  pas  contre  le  premier  soleil  prin- 
tanier  (I).  Elles  restent  d'ailleurs  confinées  sur  des  surfaces 
assez  exiguës,  à  la  pointe  des  pics.  Leur  masse  est  bien  peu 
de  chose  relativement  à  la  superficie  totale  du  bassin.  Leur 
action  est  donc  ti-ès  limitée  dans  l'espace  comme  dans  le 
temps.  Elles  n'ajoutent  qu'un  faible  surcroît  à  la  quantité 
de  pluie  annuellement  déversée  par  le  ciel.  Celui-ci,  au  con- 
traire, se  montre  assez  constant  dans  la  mauvaise  humeur.  Les 
intempéries  sont  fré(|uentes  et  tenaces  dans  la  Haute  Arcadie, 
et  les  orages  copieux.  Ce  n'est  pas  sans  motif  ([ue  Poséidon, 
dieu  des  eaux,  i)assait  pour  être  originaire  d'Arcadie.  En  elîet, 
les  nuages  (fu'a  i)oussés  devant  lui  le  vent  du  Nord  à  travers 
toute  la  Grèce,  ceux  que  les  autres  vents  ramassent  à  tous 
les  coins  de  l'horizon  maritime,  viennent  en  fin  de  compte  se 
tasser  autour  du  massif  arcadien  et  s'y  accrochent  comme  à 
un  dernier  refuge.  Là,  ils  fondent  en  averses  subites,  abon- 
dantes, intarissables.  On  ne  peut  évaluer  à  moins  d'un  mètre 
la  couche  (feau  «léimsée  chaque  année  au  fond  de  la  haute 
|)laine.  Les  pluies  commencent  au  milieu  de  septembre  et 
durent,  avec  de  courtes  interruptions,  jusqu'en  avril.  Les 
paysans  aperçoivent-ils  au  lever  du  soleil  une  légère  couronne 
de  vapeurs  Molter  autour  de  l'Ostrakina,  ils  annoncent  que 
l'après-midi  sera  pluvieuse;  c'est  un  pronostic  infaillible.  Au 
cœur  mémo  de  Tété,  il  est  rare  que  huit  jours  s'écoulent  sans 
ondées.  Le  climat  de  la  Haute  Plaine  i^essemble  donc  à  celui  de 
rEuroi)e  moyenne  :  il  y  pleut  en  toutes  saisons  (2). 

(1)  Le  Cyllène  et  le  Klielinos  conserveot  jusqu'en  mai  leur  coiffure  blanche. 

(2)  Piillippson  {Peloponnes,  p.  109)  divise  i'Arcadie  en  deux  sections  climat^- 
riques  séparées  par  le  Ménale  :  h  VE.  I'Arcadie  sèche,  à  i'O.  i'Arcadie  humide. 
En  fait,  la  Ilaulc  Plaine  n'rsl  rien  moins  que  sèche.  En  ëlé,  les  températures 
sont  très  élevées,  presque  Sénégal iennes,  assez  rigoureuses  en  hiver.  Au  mois 
de  juin  1888,  notre  Uicrmomètre  marquait  à  l'ombre  de  28«  k  42<*  (dans  une 
chambre);  en  hiver  (décembre,  janvier  1888-89),  par  la  nei{;e,  il  n'est  pas  des- 


l'hydrographie  soutkuraink.  27 

Ces  as|)ersîons  atmosphériques,  en  tombaiiL  sur  les  (lanrs  mis 
des  moiilaj^nes,  suivent  des  clicmius  divers.  Une  partie  jçUsse 
rapidement  sur  la  surface  rorJjeuse,  s'encaisse  dans  le  lit  des 
torrents,  véritables  chéneaux  de  montiifçne,  qui  les  canalisent  et 
les  font  dévaler,  avec  les  éboulis  de  terres  etde  cailloux, en  gros 
bouillons  jaunAtres  jusqu'aux  ruisseaux  de  la  plaine.  Entre 
lemps  (sauf  à  l'époque  des  neiges),  ces  rigoles  se  maintiennent  à 
sec.  On  ne  saurait  compter,  sur  les  leversde  la  grande  cuve  et 
des  cuvettes  latérales,  les  sillons  de  ces  ravins  d'érosion.  O, 
sont  comme  des  bêtes  voraces  aux  flancs  des  monUignes  (1)  :  ils 
les  décharnent  de  [dus  en  plus,  les  délavent  et  Unissent  nu^me 
l)ar  les  dépouiller  <les  moindres  bribes  de  terre  retenues  enire 
les  fentes,  en  désagrégeant  les  roches.  Aussi,  pour  peu  (|ue 
l'homme  n'ait  pas  le  respect  des  arbres,  la  montagne  dévèlue 
par  l'un,  déchiquetée  par  les  autres,  n'est  bienlùt  plus  qu'un 
squelette. 

Le  reste  des  eaux  est  absorbé  par  la  roche  elle-même.  Les  Aiisorpiion  des 
calcaires,  aussi  bien  le  calcaire  bleu  du  Ménale  ((ue  le  calcaire  pJwics  pnr 
blanc  de  l'Artémision,  n'ont  qu'une  a|)parente  homogénéité.  Ils  *'^"^  ec«cnirc 
sont  fendillés  en  tous  sens  par  mille  fissures  où  se  iiordent 
les  pluies  comme  au  travers  d'un  crible.  Une  fois  engagée 
dans  ces  interstices,  l'eau  pénètre  de  crevasse  en  crevasse, 
entraînée  par  la  pesanteur  dans  la  masse  de  la  roche,  et  s'accu- 
mule dans  les  fentes  les  plus  larges.  A  la  suite  des  mouvements 
mécaniques  subis  par  le  terrain  ou  sous  la  prc^ssion  des  eaux 
accumulées,  il  s'établit  des  contacts  entre  ces  crevasses  internes. 
Les  parois  plus  faibles  cèdent  sous  le  poids  ;  la  dissolution  (Chi- 
mique de  la  roche,  l'acide  carbonique,  l'érosion  |)ar  les  (touranls 
ou  les  chutes  torrentielles  travaillent  à  forer  dans  la  trame 
montagneuse  tout  un  réseau  de  drains  intra-rupeslies.  (]es 
actions  ont  été  d'une  puissance  extrême  durant  la  période  où 
les  précipitations  atmosphériques  avaient  lieu  avec  bcaucouj) 
plus  d'intensité  qu'aujourd'hui  (2).   Des   masses  d'eau  ont  du 

cendu  plus  bas  que  —  3.  En  décembre  1891,  il  c<t  loml)6  ii  —  10»  cl  la  neige  a 
recouvert  la  plaine  de  Tripolis  d'une  couche  de  '30  cciitlmèlres.  Les  forles  clia- 
leurs  de  l'été  sont  dues  en  parUe  nu  rayonnement  des  roches  avoisinantes.  .\é- 
nophon  donne  un  détail  carartéristique  {Rellen.  VI,  îi.  20)  :  opérant  dans  la 
Mantiniqne  an  cœur  do  Thlver  (dér.  370),  Agésil'is  avnîl  hAle  de  reconduire  en 
L4iconie  ses  troupes,  qui  soufiralent  sans  doute  de  la  rigueur  du  climat. 

(1)  Les  Grecs  modernes  les  appellent  des  dévoreurs  (cpaYaoeç)  ou  des  séchons 
(îepîiôeç). 

(2)  de  Lapparcat.  Traité  de  génlnqU  (1831).  p.  201  et  siiiv. 


28  MANTINKR   ET  L'ARCADIE   ORIENTALE. 

circiiUîr  par  iiilillratioiis  incessantes  dans  rintéiieur  des  roches 
lissiirées,  Iranstornianl  les  petites  fentes  en  galeries,  défonçant 
les  cloisons  les  inoins  résistantes,  se  creusant  des  poches  ou 
des  salles  inunenses,  (|u'elles  remplissaient  jusqu'au  plafond. 
Bien  qu'aujourdluii  ces  phénomènes  mettent  en  jeu  des  forces 
très  inférieures,  leur  marche  est  encore  la  môme.  Les  eau.x 
progressent  par  les  interstices  du  calcaire,  toujours  attirées 
plus  bas,  jusqu'à  ce  qu'elles  se  heurtent  à  une  couche  inférieure 
imperméable,  telles  que  les  assises  de  (lysch  et  de  schistes  cris- 
tallins du  système  péloponnésien.  Elles  doivent  suivre  alors 
une  direction  latérale  pour  apparaître  au  jour,  sous  forme  de 
sources,  à  un  orifice  situé  au  contact  de  deux  couches. 
''''  Ainsi,  Taridité  des  pentes,  dans  la  Haute  Plaine,  est  toute 

*'""'""'"^"'""'""*  superficielle.  La  masse  rocheuse  est,  au  contraire,  saturée 
d'eau.  Il'Y  a,  <lans  l'épaisseur  du  Ménale  et  de  la  chaîne  argo- 
lico-arcadienne,  des  canaux,  des  réservoirs,  des  nappes,  une 
quantité  d'eau  im*alculable  agissant  par  la  pression  hydrosta- 
tique et  soumises  à  la  pesanteur.  Les  sources  du  pays  man- 
linéen  jaillissent  presque  toutes  à  la  base  des  pentes  c^lc^ires, 
au  niveau  de  la  plaine.  Plus  nombreuses  et  plus  abomlantes 
encore  sont  les  grandes  sources  extérieures  (Képhalovrysis 
ou  Képhalaria)  (|ui  déboucheni  à  (KX)  mètres  plus  bas,  au 
pied  du  versant  oriental,  dans  la  plaine  d'Argolide.  Les  unes 
et  les  autres  sont  les  bouches  d'écoulement  des  nappes  d'eau 
souterraines  (1).  • 

Absorpiion         Dans  le  mode  d'absorption  que  nous  venons  de  décrire,  la 

.1rs  coiii-8  demix  surfacc  cra(|uelée  des  versants  calcaires  fait  l'office  d'un  crible.  • 
pur  les        L'infiHiatioji  est  multiple,  lente  et  progressive.  Elle  commence 

knlnvolhrcs.  '  i        o 

h  la  fois  sur  toulc  l'étendue  de  la  roche  inondée  et  chemine  h 
petites  étapes  <lans  les  mailles  du  réseau  interne.  Comme  les 
seules  eaux  dont  clic  s'alimente  lui  viennent  directement  du 
ciel  ou  «les  neiges,  ses  elTels  sont  restreints  aux  précipitations 
atmosphériques  :  encore  .n'en  dérive-l-elle  qu'une  partie, 
puis(|ue  le  resie  revient  h  la  plaine  soit  par  les  torrents  soit 
par  chule  directe.  Par  suite,  si  elle  contribue  à  débarrasser 
uKunentanément  le  sol  habité  d'une  certaine  quantité  des 
eaux  aériennes,  elle  ne  sert  en  aucune  façon  au  drainage  de 
la  plaine.  Au  contraire,  elle  lui  rend  en  lin  de  compte  ce 
(fu'elle  a  reçu.  Les  sources  et  les  torrents  verseraient  indéfi- 

(I)  Expéd.  de  Moréc.  Se  phys.  IIS,  p.  322  (Paillon-Boblaye). 


L'HYDROOnAPIllE  SOUTERRAINE.  29 

uiment  leur  tribut  liquide  îi  la  région  basse  jus((u'à  cum|)l(Mc 
submersion,  si,  à  mesure  qu'ils  remplissent,  elle  ne  se  déli- 
vrait de  leurs  apports.  La  nature  des  roches  se  prèle  à  mer- 
veille à  cette  évacuation.  L'élat  et  la  slrurture  des  calcaires 
permettent  un  procédé  d'absorption  rapide,  direct  et  localisé, 
celui  qui  s'exerce  par  l'intermédiaire  des  précieux  katarnthres. 
Ce  mot  de  la  langue  populaire  des  paysans  modernes  (1)  est 
bien  connu  des  voyageurs.  Il  désigne  des  orifices  naturels  de 
fonnes  diverses  où  s'engouITrent  les  eaux  de  la  plaine  (2),  soit 
qu'elles  arrivent  canalisées  dans  le  lit  des  rivières,  soit  (|u'ellcs 
dorment  en  marais  stagnants,  ou  s'étalent  (mi  nappes  soûler 
raines.  Dans  les  trois  cas,  ces  fissures  ont  pour  <aractère 
commun  d'être  situées  au  niveau  de  la  plaine,  sinon  au-des- 
sous, mais  elles  dilTèrent  par  l'aspect  et  la  direction.  Les  unes 
se  présentent  comme  de  spacieuses  cavernes  :  ou  aperçoit  de 
loin  leur  portiiil  béant  se  détacher  en  noir  sur  les  tojis  roux 
ou  gris  de  la  montagne  (3).  On  y  entre  de  plain-pied  :  la  fraî- 
cheur attire  sous  leurs  arceaux  les  moutons  et 'les  bœufs 
pendant  la  saison  chaude  et  sèche (4).  D'autres  ont  des  ouver- 
tures basses,  presque  dérobées,  à  Heur  de  plaine.  Il  faut 
ramper  dans  la  boue  sous  les  roches  surbaissées  i)our  péné- 
trer dans  la  grotte,  repaire  des  chacals  et  des  renards,  (^es 
katavothres    horizontaux    ou    de   paroi   agissent    comme   les 

(1)  *n  xarapôOpa.  Leake  {Morea  1,  p.  110.  N.  1)  se  Irompe  en  prenant  celle 
forme  poar  un  pluriel  de  xaTa^oiOpov,  qu'il  regarde  comme  une  corruption  de 
xaTapapaOpov  par  xaxapaOpov.  L'élymologic  est  xatà  et  pôOpoç.  Les  anciens 
désignent  les  katavothres  par  les  termes  de  papaOpov,  (ionien  pépeOpov,  arca- 
dien  CépeOpov,  tégéate  SépeOpov.  Voy.  Slrab.  p.  389,  VII i.  7.4.  —  Ilésychius 
s.  v.),  ou  de  X.i^\i.<x,  ou  ;(X(iuLa  yT^ç  (Paus.in.  passim),  dcevauXoç,  d'àvayov^, 
de  oxpay^.  f/eniboucliure  est  appelée  etdiOfxôç  (KiMt.  «ip.  Slrab.  Vlli.  7.  4). 
Les  vocables  modernes  de  to  xecpaXàpi  ou  ^  xecpaXopsu<Tiç  ou  to  x6^aXôppu<ri 
ou  xecpaXoppuo'Ov  signiflent  :  source  caplUile  ou  source  m^re  (en  turc  bnnnar- 
backi)  et  sont  appliqués  aux  sources  pérennes,  d'un  débit  abondant  et  régulier, 
pour  les  distinguer  des  fontaines  intermittentes. 

{2)  ArisiolB.  Météorologiqtt4is,  I.  13.27,  p.  ;>2  (cd.  Ideler)  :  "On  o'ettrl 
ToiavTai  ^àpaYYCç  xal  StacrTàveiç  ttjç  yTjç,  8T,Xou<riv  oi  xaTaTctvojjLevoi  twv 
iC0Ta(Jt,(5v'  au(jt,pa{ve(  8e  touto  TîoXXaj^ouTTjç  y^iç»  ^-ov  ^'0?  j*^^  IleXoTrovvqdOy 
wXeïffTa  TOiauxa  Ttepl  tttjv  'ApxaBiav  £<jt(v.  Atxtov  Ss  Sià  to  opeiv7)v  ouaav 
(iTj  eveiv  ixpoàç  ix  twv  xoiXuov  elç  OàXaTTav.  nXnpoij|ji.svoi  yàp  ol  loirot  xolX 
oùx  e^^ovTcç  expu9(v,  aÙTol  £up((TxovTat  t'/jv  8îo8ov  tU  P^Ooç,  aTcopia^ojxévou 
TOu  oévooOev  4iti4vTOç  uBaTOç. 

(3)  Par  e.xemple,  les  katavothres  de  Taka  et  de  Tsipiana. 

(4)  Sous  la  vofite  du  kalavothre  de  Tsipiana,  Pulllon-noblaye  a  vu  un  moulin 
installé  sur  le  courant. 


^{0  MANTINKE   ET  L'AIIGADIE  ORIENTALE. 

Irop-plcins  d'un  bassin.  11  en  est  d'autres,  ouverts  au  milieu 
ni(^mc  (le  la  ])laine,  au  ras  du  sol,  véritables  entonnoirs,  aux 
bords  abrupts,  où  (lis[>araissent  les  ruisseaux.  D'autres,  à 
peine  visibles,  se  réduisent  à  des  fentes  minuscules  ouvertes 
dans  les  petits  rochers  qui  adleurent  sur  la  plaine  manti- 
néenne.  Parfois  ils  sont  dissimulés  sous  la  vase  des  marais. 
Ces  orifices  verticaux  jouent  le  mcme  rôle  que  les  valves 
d'épuisement  au  fond  d'une  piscine  (4).  On  reconnaît  à  tous 
ces  pertuis,  sans  distinction  de  forme  ni  dé  position,  la  même 
orif^ine.  Lorscpie  les  eaux  se  sont  accumulées  dans  la  plaine  à 
la  base  de  la  muraille  calcaire,  leur  [iression,  renforcée  par 
le  courant,  agit  avec-  énergie  contre  l'obstacle.  Une  fissure  se 
trouve-t-elle  à  portée,  elle  est  bien  vite  envahie,  rongée,  élar- 
gie :  le  calcaire  cède,  se  laisse  peu  à  peu  défoncer  (2).  L'im- 
l)erceptible  fente  devient  une  brèche  d'entrée,  la  fissure  une 
galerie  qui  va  toujours  s'allongcant  suivant  les  caprices  des 
lézardes  intérieures  :  à  mesure  que  les  eaux  s'engou tirent, 
leurs  conquêtes,  tantôt  patientes,  tantôt  violentes,  ajoutent  les 
salles  aux  salles,  les  galeries  aux  galeries.  Dans  leur  parcours, 
au  hasard  des  rencontres,  elles  se  dispersent  en  ramifications, 
s'échelonnent  en  écluses  et  vont  rejoindre  les  réseaux  déjà 
creusés  par  les  infiltrations  [>luviales  de  la  surface;  elles  res- 
sorlenl  enfin  <le  l'autre  côté  de  la  montagne,  à  une  grande  dis- 
tance et  en  contre  bas  de  leur  point  de  départ,  par  les  orifices  de 
sortie  communs  à  tout  le  système  hydrographique  interne. 
Kiiiaw,iiin»  ri  Lcs  katavotluTs  ct  Ics  sources  sont  donc  l'œuvre  des  mêmes 
k.*p(ini«ii«.  forces  s'exerçant  sur  la  surface  extérieure  |)our  la  pénétrer,  et 
dans  l'épaisseur  de  la  masse  fissurée  pour  en  sortir.  Les  uns 
sont  les  embouchures,  les  autres  les  débouchés  du  réseau  sou- 
terrain. Toutefois  il  y  aurait  ([uelque  témérité  à  conclure  à 
la  correspondance  directe  des  katavothres  de  la  Haute  Plaine 
avec  les  sources  des  vallées  subjacentes.  Les  anciens  l'admet- 
taient sans  hésitation.  En  effet,  il  est  des  C4is  où  elle  n'est  pas 


(1)  Comparez  les  sincks  des  ÉUits-Unls,  lesi  do  limas  ûe  Caroiole,  les  enton- 
noirs du  Jara,  les  embues,  goules,  avens,  lingouts,  bétoirs,  boit-tout,  ansel- 
nwirs,  emposieu,  etc.,  du  midi  de  la  France.  Voy.  Martel.  Les  abîmes,  ch. 
XXVlll. 

(2)  Expéd.  de  Morée,  II-  p.  320.  «  On  reconnaît  toujours,  dans  les  rochers 
qui  les  surmontent,  des  fentes  ouvertes,  des  fractures  et  souvent  un  désordre 
complet  dans  la  straUllcntion;  ils  correspondent  ordinairement  à  des  cols,  et 
quelquefois,  mais  plus  rarement,  à  des  relèvements  de  la  chaîne  ». 


L'|ITDU0GUAI*1IIE  SOUTKRIUINK. 


31 


douteuse.  Dans  certaines  conditions  assez  simples,  ou  peut 
alfirmer.  sur  la  foi  d'observa lions  concluaufes,  les  rapports 
de  concordance  entre  rorifîce  d'entrée  et  relui  de  sortie.  Par 
exemple,  dans  les  débouchés  de  Tanse  de  Sciipoiiéri,  entre  la 
baie  de  Larymna  et  celle  d'Anthédon,  en  Héolie,  on  reconnaît 
sûrement  réinissaire  des  eaux  <Iu  grand  kalavotlire  percé  à  l'Kst 
du  lac  Copaïs  (i).  Les  sources  du  Ladon  à  Lycouria  sont  l'exu- 
toire  du  lac  de  Phénéos;  la  képhalovrysis  de  nénicovi,  ;i  TKsI  du 
mont  Kolno,  représente  la  décharge  des  katavolhiesde  Ver/ova, 
alimentés  par  le  Saranda-Potamos  (2).  Ui,  les  deux  orilices 
extrêmes  ne  sont  séparés  que  par  des  saillies  de  terrain  de  7 
(Copaïs),  9  (Lykouria),  4  (Bénicovi)  kilomèlres  d'épaisseur  :  une 
galerie  souterraine  peut  facilement  les  traverser  de  part  en  |)art. 
Le  système  s'y  présente  avec  ses  éléments  théoriques  :  1"  Teni- 
bouchure  supérieure  (xaTap^JOpa)  ;  2<^  le  tunnel  naturel  fdoAiva); 
3«  le  débouché  inférieur  (x6(paXôppu<itç),  Encore  que,d}Mis  la  réalité, 
on  constate  souvent  Texistence  de  deux  ou  trois  katavothres  des- 
servant une  galerie  commune  par  des  rameaux  parti(!uliers  (3). 
De  toute  manière,  la  moindre  irrégularité  dans  le  débit  des 
katavothres  se  répercute  dans  l'allure  de  la  source  et  dunne  la 
preuve  de  la  liaison  directe  des  orilices.  Déjà  ICralosthcne  (4) 
aflirmait  la  coïncidence  des  crues  du  Union  et  de  son  collecteur 
l'Alphée  avec  le  retrait  du  lac  de  Phénéos.  Aujourd'hui,  des 
relations  analogues  peuvent  èti^e  observées  enire  le  lac  (Nopals 
et  ses  émissaires  côtiers. 

Mais  les  cas  cités  plus  haut  sont  pres(|ucî  lU^s  exceptions. 
S'agit-il  de  débouchés  séparés  de  leurs  kalavothres  par  une 
barrière  de  20  à  24  kilomètres  d'épaisseur  telle  que  la  chaîne 
argolico-arcfidienne,  le  phénomène  devient  aul renient  complexe  '•"  •^»i'*vo»»»»c  « 

*  In  source 

rxlérieure. 

(1)  Voy.  la  carte  de  M.  UUier.  Bull,  de  Corr.  hellén.  XV  (1892)  pi.  XII. 

(2)  Le  katavolhre  de  Verzora  a  él6  exploré  en  1891  p;)r  .MM.  Sidéridis,  cx~ 
ingénieur  en  chef  du  nome  d*Arcadie,  et  Ca pelle.  Ils  ont  suivi  les  galeries  sou- 
terraines jusqu'au  120*  mëlre  situé  à  80"  au-dessous  de  rcmb'^uchiire  (Voy.  les 
plans  et  proflls  joints  au  livre  de  M.  Martel  :  les  Ablmeff,  p.  l^  et  suiv.  et 
Revue  de  Géographie,  avril  1892).  L'exploration  coIllpl^tc  des  goulîres  de  toute 
la  plaine  constitue  le  programme  préliminaire  des  éludes  entreprises  pour 
rassainissement  des  plaines  de  Tégée  et  de  Mantlnée,  sous  la  direction  de 
M.  Quellennec,  ancien  ingénieur  en  chef  de  la  Mission  française  des  travaux 
publics  en  Grèce. 

(3)  Trois  au  Copaïs  (katavolhre  de  Bynia,  grand  kalavollire,  katavolhre  de 
Souda);  —  deux  A  l'Est  du  lac  de  Phénéos;  —  deux  A  Vcrzova. 

(4)  Strab.  ym.  8,4. 


Tl^llt^^unMllli<>ll 

«les  cnn.x 

iIhiik  le  ti'AJrl 

suiiti'i-rnin 


32  MANTINÉE   ET  L'arCAUIE  ORIENTALE. 

et  les  rapports  plus  obscurs.  On  iie  peut  guère  suivre  les  eaux 
au  delà  (lu  vestibule  d'entrée  dans  le  dédale  des  couloirs  et  des 
escaliers  souterrains  (1)  ;  on  ne  saurait  davantage  reconnaître  à 
la  source-nicrc  d'en  bas  les  provenances  de  la  plaine  supérieure. 
Au  lieu  d'une  galerie  unique  ou  bifurquée  à  la  tête,  il  faut 
imaginer  un  lacis  inextricable  de  veines  et  de  conduites,  un 
labyrinthe  à  carrefours  multiples  où  les  canaux,  forés  par  les 
infiltrations  |)luvialcs, s'enchevêtrent  avec  ceux  des  eaux  engouf- 
frées. De  hardies  explorations  dans  des  régions  souterraines  plus 
a(!cessibles,  mais  de  structure  analogue,  telles  que  les  galeries 
calcaires  des  (hausses,  la  découverte  de  la  série  des  grottes 
creusées  par  la  Lesse  à  travers  les  collines  de  Han  (Belgique), 
ont  singulièrement  éclairé  nos  idérfs  sur  les  vicissitudes  de  l'eau 
dans  sa  course  intra-rupestre.  Celte  eau  ne  descend  pas  d'une 
traite  d'un  versant  à  l'autre.  Elle  commence  par  s'engoullrer 
dans  le  katavothre,  puis  se  heurte  à  la  paroi  de  fond,  où  elle  ne 
trouve  plus  comme  issue  qu'un  étroit  boyau.  Plusieurs  katavo- 
thres  arcadiens  se  terminent  en  culs-de-sac,  sans  prolongation 
visible.  Us  sont  demeurés  à  l'état  de  système  inachevé,  réduits 
au  rôle  ôepuisanLs  (2).  Souvent  aussi,  on  est  arrêté  par  des  amas 
de  sableou  de  limon  et  par  d'étroites  crevasses  impénétrables  (3). 
Le  courant  se  brise  assez  vite  après  un  court  trajet;  il  bouillonne 
à  rentrée  du  porche,  qu'il  élargit  et  arrondit,  mais  se  bute  à 
([uel((ues  mètres  contre  la  paroi  intérieure.  De  là,  l'eau  pénètre 
dans  des  poches  internes,  s'y  dépouille  lentement,  à  l'abri  de  tout 
souille,  <les  troubles,  terres,  détritus  ou  germes  qu'elle  charrie. 
Le  radier  des  galeries  souterraines  est  presque  toujours  couvert 
d'un  lin  limon.  L'eau  acquiert  ainsi  une  merveilleuse  limpidité. 
Si  l'on  pense  ([u'ellc  se  clarifie  de  la  sorte  nombre  de  fois  dans  une 
série  de  bassins  de  repos,  en  traversant  de  véritables  filtres  de 
sable  et  de  vase  ou  simplement  par  Tellet  du  recueillement  et  de 
l'immobilité,  on  ne  sera  pas  surpris  de  ne  plus  reconnaître  dans 

(1)  On  connatl  les  campagnes  réitérées  et  les  courageuses  Investigations 
de  M.  Martel  dans  les  goulTres  et  les  galeries  souterraines  des  Causses. 
Ses  recheiches  ont  apporté  des  renseignements  très  curieux  sur  l'hydrologie 
souterraine,  dont  bien  des  secrets  sont,  grôce  à  lui,  pénétrés,  n  a  résumé  ces 
résultats  dans  un  livre  désormais  Indispensable  à  la  connaissance  de  toutes  ces 
questions  :  Les  abîmes,  la  spéléologie,  etc. . .  Paris.  1894. 

{*2)  Tel  est  le  cas  d'un  katavothre  situé  à  un  kitom.  au  S.O.  de  Tri)K>li8,  des 
kalavothres  de  BirbaU  (rive  N.  du  marais  de  Taka),  explorés  par  M.  Martel.  Les 
ahîmex,  p.  508. 

(3)  Katavothre  du  Munas  sondé  par  M.  Sidéridis. 


l'hydrographie  souterraine.  33 

Tonde  transparente  et  légère  des  képhalaria  le  flot  lougo  el 
bourbeux  des  katavotlucs  (l).  Dans  ces  condilioiis,  rcxploralioii 
directe  se  heurte  à  des  diflicuUés  immédiates  au  bout  d'un  très 
court  parcours  (2).  Des  recherches  expérimentales,  telles  que  des 
essais  de  coloration  à  Taide  de  certaines  substaïues,  aniline  ou 
autres,  pour  faire  reconnaître  la  provenance  des  eaux,  n'ont 
guère  plus  de  chances  de  réussite  dans  les  systèmes  un  peu 
compliqués,  les  seuls  précisément  qui  restent  énigmatiques.  En 
eiïet,  les  matières  colorantes  jetées  dans  le  kalavolhre  se  dépo- 
sent ensuite  au  fond  des  vasques  intérieures,  se  (illront  sur  les 
lits  de  sable  lin  et  de  boue  :  il  n'en  reste  plus  au('une  trace  à  la 
sortie  des  sources-mères. 

En  somme,  nous  ne  disposons  d'aucun  moyen  pratique  pour    oi-MiirUcs  du 
vérifier  l'exactitude  de  certaines  traditicms  anciennes.  Est-il  vrai        >î'*t»*'»»c 
que  les  eaux  du  ruisseau  Stymphalos  reparaissent,  après  un  cours    ""'•'•'"•'^*'^'^- 
souterrain  de  200  stades,  au  bout  du  mont  (!)liaon  (3);  celles  du 

(1)  A  rentrée  des  katavolhrcs,  d'après  les  observations  de  Boblaye  au  mois 
d'avril,  le  Uierinonaëtre  marquait  une  température  de  7*  à  8"  centigrades;  celle 
des  képhalaria  correspondants  montait  à  17*  et  18*.  En  été,  les  rapports  sont 
inverses;  renu  ressort  plus  fralclie  qu'elle  n'est  entrée.  Mes  observations  ont 
donné,  pour  les  mois  de  juin-juillet  1888,  22*  et  24»  en  haut,  10»  à  I2o  en  bas. 
L'eau  se  surcharge  d'air  sous  TefTet  de  la  pression  dans  les  couloirs  étroits,  car 
elle  ressort  toute  pétillante  de  bulles. 

(2)  Aux  grands  kalavothres  de  Kapsia  et  de  Tsipiana,  je  n'ai  pu  pénétrer  à 
plus  de  10  à  15  mètres  de  profondeur,  au-delà  de  la  caverne  d'entrée.  Le  reste 
n'était  qu'un  boyaa  infect  où  l'on  s'enlisait  dans  une  boue  noire.  Voy.  les  coupes 
et  proiils  des  grileries  explorées  par  M.  Sidéridis  dans  W  livre  de  M.  Martel: 
Les  abimes,  ch.  XXVIII. 

(3)  Strabon.  VI,  2,  9.  —  VIII,  6,  8.  —  8,  4.  —  Pausan.  Il,  ^l,  G.  -  Vlll,  î«, 
3.  —  Voyez  plus  loin  la  note  sur  notre  carte  de  la  TégéaUde  (appendice).  — 
Sur  les  cartes  modernes,  les  dislances  entre  ces  points  extrêmes  parais- 
sent bien  considérables;  il  faudrait  adm<'llre  que  les  eaux  cheminent  non 
pas  seulement  à  travers  l'épaisseur  de  la  chaîne,  mais  obliquement  dans 
le  sens  de  la  longueur,  sur  un  parcours  à  vol  d'oistaii  de  35  kilom. 
(du  Mont  Apélauron  h  la  source  de  l'Érasinos),  et  de  32  kilom.  (de  Tsipiana  à 
l'Anavolo).  Cela  est  tout  6  fait  invraisemblable.  Or,  les  caries  anciennes  (on  en 
peut  Juger  par  la  carte  de  Peulinger)  déformaient  les  continents,  sans  aucun 
soaci  des  latitudes  respectives.  Des  points  très  éloignes  se  trouvaient  placés 
sur  le  même  parallèle.  J'attribuerais  volontiers  à  quelque  dêformaUon  de  ce 
genre  sur  les  cartes  du  Péloponnèse  ropinlnn  accréditée  chez  les  géographes  an- 
ciens sur  les  relations  hydrogélques  entre  Stymphale  el  l'ArgoIlde,  entre  la 
ManUnique  et  la  Thyré;Uide.  Sans  doute  la  forme  donnée  au  Péloponnèse  était 
beaucoup  plus  aplatie  qu'en  réalité;  le  golfe  de  Nauplle  montait  plus  au  Nord,  ù 
peu  près  à  la  hauteur  de  Stymphale,  el,  par  suite,  la  Thyréalide  se  trouvait 
correspondre  en  latitude  à  la  plaine  de  Manlinée. 

M'iiilinér.   —   i. 


34  MANTINÉE  ET  l'aRGADIE  ORIENTALE. 

kat^volhre  de  Tsipiana,  au  tourbillon  sous-marin  de  Diné  ou 
d'Anavolo,  dont  on  a  [ïciçoil  les  bouillons  à  300  ou  400  m.  de  la  côte, 
en  faccdu  montZavitsa  (1)?  D'après  Topinion  qui  prévaut  aujour- 
d'hui, les  débouchés  de  la  plaine  mantinéenne  doivent  être  cher- 
chés aux  grandes  sources  du  mont  Pontinos,  à  Lerne  (2),  mais  ce 
n'est  qu'une  hypothèse.  Ces  délicates  questions  de  l'hydrologie 
locale  échapperont  sans  doute  toujours  à  notre  contrôle.  L'Arté- 
mision  et  le  Ménalc  garderont  inviolable  le  mystère  du  monde 
merveilleux  enfoui  dans  leurs  profondeurs.  Ce  sont  les  secrets 
de  la  nature.  Si  notre  curiosité  s'en  irrite,  elle  possède  des  tré- 
sors d'imagination  ()our  se  satisfaire  et  se  représenter  ce  que 
l'œil  ne  peut  atteindre.  En  ces  matières,  les  poètes  ont  devancé 
les  géologues  sans  trop  mériter  leur  réprobation;  les  mythes 
populaires  sont  les  |>récurseurs  des  observations  scientifiques. 
Virgile  n'a-t-il  pas  eu  avant  M.  Martel  la  claire  vision  de  la  réalité, 
quand  il  décrit  l'humide  royaume  de  la  déesse  Cyrène  (3)  : 

Speluncisque  lacus  clausos  lucos(iue  sonantes, 
Onmia  sub  magna  labentia  flumina  terra  ? 

Forêts  h  part,  ni  Virgile  ni  Dante  n'ont  rien  exagéré. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  concordance  des  katavothres  et  des 
képhalaria,  le  rôle  de  la  roche  calcaire  dans  tous  ces  phéno- 
mènes n'en  est  pas  moins  clair.  Qu'elle  absorbe  par  suinte- 
ment les  filets  liquides  des  averses  ou  qu'elle  engloutisse  par 
ces  katavothres  les  rivières  entières,  c'est  elle  qui  centralise 
toutes  les  eaux  éi)arses.  Elle  en  est  le  réservoir  commun. 
Non-seulement  elle  les  concentre,  mais  elle  les  transforme  à 
la  manière  d'un  filtre;  elle  en  régularise  la  distribution  aux 
régions  voisines  sous  forme  de  sources  intarissables  (4).  Son 
action  bienfaisante  préserve  à  la  fois  les  hautes  plaines  de 
l'inondation  et  les  vallées  inférieures  de  l'aridité. 

(1)  Hérod.  VI,  76.—  Pausan.  VIII,  7,  2. 

(2)  Expéd.  de  Morée.  Se.  pliys.  lis,  p.  322.  —  Philippson  (Peloponnes^ 
p.  80)  se  demande  hI  les  inflllrations  pluviales  du  versant  oriental  de  la  mon- 
tagne ne  suffisent  pas  à  les  alimenter. 

(3)  Georg,  IV.  304  sq.  —  Voy.  la  description  du  réservoir  commun  de  tous 
les  fleuves  dans  Platon.  Pliédon.  p.  112.  —  DIod.  XV.  49  :  ttjv  IIcXoirovvT^oov 
xarà   pàOoç    lyti   f^eyolXa    xoiXco(jt,aTa    xal   ^uoroiasic   uBarcuv   va(jt,aTia((i>v 

(4)  Mais  non  indépendantes  des  saisons,  comme  Técrlt  Curtius  {PeloponnesoSt 
p.  38).  Au  contraire  le  débit  de  la  plupart  des  képhalaria  subit  en  été  une 
diminution  notable.  La  source  de  rÉrasinos  est  même  sujette  à  de  brusques 
intermittences  {Expéd.  de  Morée,  lis,  p.  323.) 


l'hydrographie  souterrain k.  3S 

Un  accident  vient-il  déranger  cet  organisme,  la  sécurité  de        ^"*'^' 

d'c 

knUvolhres . 


toute  la  région  est  en  péril:   la   liaule  plaine  se  change  en  lac,  <*°^''^'""'*^"'" 


et  TArgoUdeen  Sahara.  Lebonlonctionncnieiit  des  katavothres 
était  pour  les  Tégéates  et  les  Mantinéens  une  (|ueslion  vitale.  Il 
fallait  une  vigilance  active  pour  se  prémunir  contre  Tinsouciance 
des  forces  naturelles  qui  rendraient  hien  vile  le  monde  inha- 
bitable, si  rhommen'y  mettait  bon  ordre.  Les  Mantinéens  lo- 
geaient à  demeure  un  ennemi  toujours  pn^t  à  devenir  le  maître. 
Ils  avaient  à  lui  faciliter  les  moyens  d'évacuer  leur  territoire 
le  même  intérêt  que  les  Hollandais  à  lui  fermer  l'entrée  du  leur. 
Le  moindre  trou  percé  dans  les  digues  du  Nord  menace  l'exis- 
tence des  Pays-Bas  ;  le  moindre  bouchon  qui  obstrue  un  kata- 
vothre  peut  ruiner  la  Haute  Plaine.  Or,  cet  accident  survient 
de  plusieurs  façons  :  1°  par  la  dislocation  des  parois  internes 
à  la  suite  des  tremblements  de  terre  :  il  suflit  d'un  exhausse- 
ment ou  d'un  éboulement  de  roches  pour  que  l'occlusion  soit 
complète  ;  2p  par  érosion  :  l'action  mécanique  du  courant  déta- 
che des  fragments,  les  pousse  aux  endroits  les  plus  resserrés 
où  ils  interceptent  le  passage  ;  3»  par  accumulation  de  matières 
étrangères,  détritus  végétaux,  troncs  d'arbres,  cadavres  d'ani- 
maux charriés  par  les  eaux  ;  4"  par  enlisemeni  ou  envasement 
des  couloirs  intérieurs,  envahis  par  le  sable  ou  la  boue  (1).  Les 
anciens  mettaient  d'ordinaire  au  compte  des  hemblemenis  de 
terre  la  plupjirt  des  cataclysmes  (2).  Cependant  ils  comprenaient 
la  nécessité  de  protéger  les  émissaires  des  plaines  fermées  contre 
certaines  causes  accidentelles  d'occlusion  que  la  main  humaine 
pouvait  écarter.  De  terribles  exemples  hantaient  leurs  mémoires  : 
les  villes  des  bassins  à  katavothres  savaient  qu'elles  ne  pou- 
vaient s'endormir,  à  peine  de  mort.  Les  traditions  rapportaient 

(1)  BohlJày G  {Expéd.  de  Morée,  Wi,  p.  321)  et  riiilippson  {dcr  Peloponnes, 
p.  494)  ont  exagéré  Timporlance  de  rexhausëetncnt  du  sol  par  les  aUiivions. 
Pbilippson  imagine  que  le  niveau  des  terres,  à  force  de  monter,  Onil  p:ir 
ensevelir  rentrée  des  katavothres,  ce  qui  a  obligé  les  euux  à  en  ouvrir  d*aulres. 
Conclusion  :  les  Jiatavothres  actuels  ne  sont  pas  nécessairement  les  mômes  que 
dans  Tanliquilé.  —  £n  fait,  cet  exliaussement  du  sol  n'est  pas  du  tout  prouvé. 
Ni  à  Mantlnée,  ni  à  Têgée  les  ruines  ne  sont  recouvertes  d'une  couche  épaisse  : 
le  niveau  des  plaines  parait  n*avoir  pas  changé  depuis  rnntiqullé.  Nous  avons 
retrouvé,  dans  les  deux  villes,  le  dallage  des  rues  pres(|ue  à  (leur  de  sol,  au  plus 
à  un  mètre  de  profondeur,  quand  ils  étaient  recouverts  par  les  décombres. 

(2)  Terrae  moltts  profundtml  sorbentque  aquas.{V\m.  II, N.  XXXl,  30,  5).  — 
Strabon  attribue,  d'après  d'autres  auteurs,  aux  tremblements  de  terre  l'occlu- 
sion  des  katavothres  de  Phénéos   (Vlll,  8,4)  et  du  Copaïs  (IX,  2,  16). 


36  MANTINÉe  ET  L^AnCAOIB  ORIENTALE. 

que  la  plaine  du  Copais,  avant  d'être  submergée,  avait  été  riche 
et  peuplée  de  villes  (1).  On  se  répétait  les  mésaventures  des 
bourgades  béotiennes,  OrcJiomène  et  Copai,  obligées  de  se 
<léplacer  suivant  les  aiprices  du  lac  pour  échapper  à  Tenglou- 
lissemenl  (2).  On  (-(mnaissait,  en  Arcadie  môme,  les  vicissi- 
tudes de  Phénéos  et  de  Stymphale  tour  à  tour  conquises  et 
conquérantes  sur  leur  propre  territoire  (3).  De  très  bonne 
heure,   on   songea   à  se  prémunir    contre  le   retour   de    ces 


(1)  Paasan.    IX,  24,  2. 

(2)  Strabon.  IX,  2,  18  —  Ces  souvenirs  pouvaient  être  très  vivants  dans  la 
Haute  plaine  (TArcadie  où  Ton  retrouve  tant  d'attaches  avec  la  BéoUe. 

(3)  D*aprës  Pausanias  (VIll,  14»!)  rantique  Phénéos  avait  été  submergée  par 
un  lac  dont  les  tnices  étaient  encore  visibles  sur  les  flanca  de  la  montagne.  Les 
travaux  attribués  à  Hercule  desséchèrent  la  plaine.  Mais  rAroanlos  sorUl  du 
chenal  où  le  héros  l'avait  enfermé  et  se  fraya  lui-même  un  aulre  lit.  Ératosthène 
et  Slrabon  (VIII.  8,  4)  constatent  quMl  se  reforme  à  plusieurs  reprises  pour 
disparaître  inopinément  par  les  bérèlhres  dégorgés.  Au  début  du  XVIII*  s.  les 
eaux  montèrent  très  haut;  rExpédilion  de  Morée  reconnut  sur  les  rochers  les 
marques  du  niveau  qu'elles  avaient  atteint,  à  200"  au-dessus  de  la  cote  indiquée 
par  rÉtat-ma)or  (753").  Elles  redescendirent;  en  1814,  le  lac  n*él»it  plus  qu'un 
murais.  Le  bey  de  CorinUie  Drama-Ali  Ht  placer  des  grilles  aux  trois  katavothres. 
Pendant  la  guerre  de  l'Indépendance,  ces  grilles  furent  enlevées,  tes  Issues  se 
rebouchèrent,  la  plaine  fut  inondée  :  le  lac  atteignit  40  à  SK>  m.  de  profondeur 
avec  un  diamètre  de  8U00  m.  Aujourd'hui,  sa  superficie  est  diminuée  de  moiUé: 
il  n'est  qu'à  l'altitude  de  550  m.  Une  Compagnie  moderne  en  a  entrepris  le 
dessèchement. 

Le  lac  Stymphale  subit  aux  diflérenles  époques  des  variations  analogues.  La 
légende  des  oiseaux  tués  par  Hercule  prouve  qu'à  l'éiM>que  primitive  la  plaine 
enUère  était  couverte  d'un  marais  pestilentiel,  dont  le  héros  entreprit  ledessé- 
r.hement.  Puis  le  lac  reparut,  et  vint  baigner  la  ville  elle-même  (Slrab.  VIII, 
8,  4.  —  Ilérod.  VI,  7C).  Au  temps  de  Slrabon,  il  en  éUit  déjà  éloigné  de 
5  stades.  Hadrien,  en  dérivant  à  Corinlhe  les  eaux  de  la  source  Métopa,  assainit 
la  plaine  et  la  rendit  à  la  culture.  (Paus.  Il,  3,  5.  —  VUL  22,  3).  Au  temps  de 
Pausanias,  la  rivière  Stymphulos  gagnait  directement  son  katavothre,  sans 
causer  la  moindre  inondation  en  été.  En  hiver  seulement, il  se  formait  un  i)ctit 
marais  (X^jAvr^v  tê  où  (jlêy^^'O^)-  Toutefois,  des  accidents  Survenaient.  Un 
fait  contemporain  de  Pausanias  en  est  la  preuve.  Des  troncs  d'arbres  avaient 
engorgé  Pémlssaire;  Il  se  forma  aussitôt  un  lac  de  400  stades  dont  un  curage 
débarrassa  le  sol  en  un  Jour  (Paus.  VIII,  22,6).  Au  moyen  âge,  la  plaine  était 
habitée,  à  en  juger  par  les  ruines  de  la  basilique  byzantine  et  de  la  forteresse 
deKionia.  Depuis,  le  laça  recouvert  les  restes  de  la  ville  antique;  mais  ceux- 
ci  reparaissent  peu  à  peu,  depuis  le  percement  d'un  tunnel  à  tnivers  le  mont 
Apélauron  par  une  Compagnie  moderne.  Les  eaux  sont  déversées  dans  le 
ravin  de  rAsopos  et  conduites  au  golfe  de  Corlnthe.  En  1888,  nous  avons  pu 
relever,  en  contre-bas  de  r Acropole,  deux  édicules  nouveaux.  Voy.  Jeanne. 
Guide  de  Grèce,  H,   p.  389. 


et  de  clc'gag^menl. 


l'hydrographie  souterraine.  37 

catastrophes  périodiques.  Les  plus  anciennes  traditions  attri- 
buaient à  Hercule  les  premiers  travaux  (rassainisserhent 
des  plaines  fermées  et  le  curage  des  conduites  souterraines  (1).  A 
l'époque  historique,  les  cités  inlcressécschaij^eaient  du  soin  de 
pourvoir  à  leur  sécurité  des  ingénieurs  :  le  (^halcidien  Cratès, 
contemporain  d'Alexandre,  entreprit  ainsi  pour  le  compte  des 
villes  béotiennes  le  dégorgement  des  émissaires  du  Gopaïs  et  le 
dessèchement  des  environs  d'Orchomène  (2).  A  en  juger  par  les 
traces  encore  visibles  de  ces  travaux,  les  fiiétalleute^  s'acquittaient 
de  leur  tûche  avec  une  science  et  une  inlelligence  consom 
mées  (3).  A  Mantinée,  les  ouvrages  et  l(»s  <anaux  d'où  dépendait 
la  préservation  du  territoire  devaient  <>tre  roi)jel  de  soins  inces- 
sants. Lîi  négligence  se  payait  trop  cher  (4);  aux  dangers  de  la 
situation  créée  par  la  nature  s'ajoutait  la  malice  d'un  voisin 
prompt  à  abuser  des  armes  que  lui  procurait  le  terrain  :  les  eaux 
devenaient  une  machine  de  guerre  pour  l'attaque  ou  la  défense 
de  la  place,  suivant  les  cas. 

Les  travaux  ordinaires  de  protection  et  de  dégagement  des  Travaux 
plaines  fermées  étaient  les  suivants  :  i"  l'entretien  des  kata-  /' '""^*^^'^" 
vothres  par  l'enlèvement  des  obstacles  (l|jL(ppàY|Ji.aTa),  le  curage  et 
l'élargissement  des  galeries  aussi  loin  ([u'cm  y  pouvait  pénétrer 
pendant  la  saison  sèche.  On  complétai!  peut-6>tre  ces  précautions 
par  la  pose  de  grilles  en  bois  ou  en  métal  (jui  arrêtaient  les 
matières  encombrantes  à  rorifice.A  Mantinée,  le  giaiulkatavothre 
de  Kapsia  est  entouré  d'un  mur  en  demi-hme,  aulrefois  muni 
d'une  porte  grillée  par  où  pénétrait  le  chenal.  On  en  altribuela 
construction  aux   Turcs.  Doit-on  supposer   les  anciens   Grecs 

(1)  L'Hercule  thébaln  détourna  le  cours  du  Cépliise,  en  boucha,  puis  en 
déboucha  les  kata  vothres  (Pausan.  IX,  38,  5).  —  A  l'hènéos,  U  avail  creusé 
dans  la  montagne  les  émissaires  de  TOlbios  ou  Âroiinlos  préalablement  canalisé 
(VIII,  U,  1).  —  A  Stymphale  et  à  Lerne,  la  légende  des  oiseaux  et  de  Thydre 
ont  pour  origine  des  travaux  du  même  genre. 

(2}  Strabon,  IX,  2,  17. 

(3)  A  Êrétrie,  le  Taop(6pu;^oç  Chairéphanès  passe  un  contrat  avec  la  ville 
pour  le  dessèchement  d'un  marais  à  l'aide  de  conduites  souterraines,  de  canaux 
et  de  puits  (*Ë^7|{i.  ipy.  1869.  n«  40i  a.  —  Choisy.  Études  épigr.  sur 
VareMi.  gr.  p.  226.  —  Dareste.  Annuaire  des  Études  gr.  1877.    p.  107). 

(4)  D'après  la  tradition  thébaine.  Hercule  s'avisa  le  pnMnicr  de  boucher  les 
katavothres  pour  Inonder  Orchomène  :  Trpiv  v^  tov  'lIpaxXÉa  to  yctap-a 
é(jt,^pàÇa(  TO  Sià  tou  opouç  (Pausan.  IX,  38,  7).  En  3(>9,  Iphicrate  voulut 
renouveler  ce  stratagème  contre  Stymphale.  Il  aurait  conçu  le  singulier  projet 
de  combler  avec  des  éponges  l'émissaire  du  lac  (Eratoslli.  ap.  Slrab.  VIII,  8, 4). 


38  MANTINKE   ET  l'arGADIR  ORIENTALE. 

moins  ingénieux  (1)?2"(lcs  fossés  (Tatppoi)  étaient,  creusés  dans  la 
plaine  et  dans  les  vallées  annexes  pour  drainer  les  torrents,  vider 
les  marais  et  diriger  vers  leurs  exutoires  les  eaux  indécises  ou 
stagnantes  (2).  Un  ou  plusieurs  réseaux  de  drains  se  réunissaient 
dans  le  chenal  collecteur,  souvent  une  rivière  naturelle  cana- 
lisée,qui  desservait  rliaque  émissaire.  Des endiguements  rehaus- 
saient parfois  les  berges  des  fossés.  La  hauteur  des  montagnes  ne 
permettait  pas,  en  Arcadie,  de  tenter  le  percement  de  tunnels 
artificiels,  comme  celui  dont  les  traces  subsistent  entre  le  Copaîs 
et  Larymna  (3).  3"  Quand  leterritoire  voisin  se  trouvait  être  une 
plaine  de  niveau  supérieur,  encombrée  elle-même  par  les  eaux, 
comme  la  Tégéati de  par  rapport  à  la  Mantinique  ou  celle  d'Or- 
chomène  par  rapport  à  Kaphyai,  on  se  défendait  par  une  levée  de 
terre  (x^iia)  ou  par  un  grand  fossé.  De  semblables  barrages  exis- 
taient il  Kaphyai  (4),  à  Pallantion  (o),  à  Mantinée  (6).  GrAce  à  ces 
précautions,  des  villes  considérables  ont  pu  prospérer  au  milieu 
de  terrains  féconds  dans  une  lutte  de  tous  les  instants  contre  une 
nature  hostile.  Celle-ci  triomphe  aujourd'hui  et  le  marais  règne 
en  maître  dans  la  plupart  des  plaines  mal  défendues.  Les  barques 
ont  vogué  à  Phénéos  et  à  Stymphale(7),  au-dessus  des  temples 
et  des  agoras  noyées  ;  Mantinée  et  Tégée,  sans  être  aussi  complè- 
tement envahies,  se  sont  transformées  en  bourbiers  malsains. 


(1)  A  Verzova,  rentrée  du  goiifTre  est  protégée  par  deux  griHea,  placées  en 
travers  du  chenal.  Un  gardien  spécial  les  débarrasse  après  les  pluies  des  détritus 
végétaux,  Uges  de  maïs,  etc.  apportés  par  l'eau.  Voy.  Martel.  Les  Abîmes, 
p.  4%  et  r)06. 

(2)  Sur  leH  endiguements  du  Copaîs  et  rélargissement  des  orifices  naturels 
par  les  Mlnyens,  voy.  les  belles  recherches  de  M.  Campanis.  UuU,  de  Corr. 
hellén.  XVI  (1892).  p.  137. 

(3)  Ce  travail  gigantesc|ue,  resté  inachevé,  est  attribué  à  Cratès.  n  s'agissait 
de  percer  une  galerie  do  2400  métrés  sous  le  col  de  Réphaiari,  à  travers  on 
calcaire  très  dur.  On  a  retrouvé  les  seize  puits  de  forage  avec  les  amorces  de  la 
galerie.  Voy.  Campanis.  BuiL  de  Corr,  hellén.  XVI  (1893),  p.  322  et  suiv.  pi. 
VIII,  XV  et  XVll. 

(4)  Paus.  VllI,  23,  2  :  ev  Bà  T(p  TCfiSiw  tu)  Ka(pu<5v  7c«to(YjTat  yy\^  X^^K"*' 
5i'ou  àîretpYfiTai  tô  uStop  to  Ik  ttjç  'Oppro(i.ev(aç  [X'r|  eîvai  Ka^ueuaiv 
pXàpoç  TY|  évcpYw. 

(5)  Paus.  VIII,  44,  4.  —  Voy.  la  carte  de  la  Tégéatide,  à  la  fin  du  volume. 

(6)  Sur  le  grand  T(X(ppoç  transversal  du  Sud,  voy.  plus  bas,  p.  45. 

(7)  Cf.  Strabon.  IX.  2.  16. 


; 
CHAPITRE  IV 


L  HYDROGRAPHIE   SUPERFICIELLE. 


La  Manlinique  est,  par  les  eaux,  vassale  de  la  Tégéalide.  Le 
fond  de  toute  la  Haute  plaine  suit  un  plan  incliné  du  Sud  au 
Nord,  avec  une  pente  moyenne  de  40  mètres  entre  les  deux  villes. 
On  descend  insensiblement  à  mesure  qu'on  s'cloij^nc  de  Tégée  eu 
suivant  la  base  des  montagnes,  à  TOrient.  (^ar  la  ïégéatide  est 
inclinée  à  la  fois  du  Sud  au  Nord  et  de  TOucst  à  TKst,  en  contre 
bas  de  Tripolis.  Arrivé  au  col  de  la  plaine,  le  fond  continue  à 
s'abaisser  vers  le  Nord,  mais  il  se  relève  légcn;ment  dans  le  sens 
de  la  largeur  et  se  meta  pencber  de  TEsl  à  TOucst.  11  eu  résulte 
que  les  cours  d'eau  de  la  ïégéatide  sont  astreints  à  suivre  la  di- 
rection S.  N.  E.  et  ceux  de  la  Mantiniquela  dii(M*lion  S.  N.  0.  (I). 


Position 

resp<'Clive  de  la 

Manlinique 

el  de  la 

Tégéatide . 


(1)  La  carte  de  rÉlal- major  donne  à  Tripolis  la  cote  663"",  à  ManUnée  celle  de 
600".  Celte-ci  est  certainement  erronée.  Le  baromètre  anéroïde  nous  avait 
donné  presque  constamment  la  cote  630",  confirmée  ensuite  par  les  nivelle- 
tnents  de  la  mission  française  des  travaux  publics,  et  constatée  aussi  par 
Philippson.  Voici  quelques  cotes  précises  qui  donneront  une  idée  e.xacte  des 
diflérences  de  niTeau  dans  les  deux  plaines  (voir  les  cartes,  à  la  fin  du  volume)  : 

1«  Plaine  de  Pallantion  :  658". 

2*  Fond  du  marais  de  Taka  :  657". 

^  Lit  du  Saranda-Potamos  à  sa  sortie  des  montafçnes  :  720**. 

4»  Plaine  entre  Tégée  et  Vouno  :  6G6". 

5*  Site  de  Tégée  (Palaio-Ëpiscopi)  :  670". 

6»  Lit  du  Saranda-Potamos  dans  la  Korytheis:  650". 

?•  Plaine  de  Tripolis,  vers  l'Est  :  660". 

8^  Au  col  de  la  plaine:  635*. 

9*  Mantinée:  630". 
10*  Pond  N.  de  la  Manlinique  :  625*". 
11*  Pied  de  la  bordure  occidentale  de  la  ManUnique  :  624". 


40  MANTINKK   ET  l'aRCADIK  ORIENTALE. 

Tégée  doit  h  sa  position  supérieure  l'avantage  de  gouverner  à 
volonté  le  régime  hydrographique  de  sa  voisine.  La  pente 
naturelle  enl raine  les  cours  d'eau  de  la  hourle  Sud  dans  la 
houcle  Nord.  Or,  les  Tégéatcs  avaient  intérêt  h  user  de  leur 
privilège  pour  angmenler  les  déhouchés  de  leur  territoire. 
Kn  effel,  les  eaux  arrivaient  chez  eux  en  surabondance  el  ne 
Irouvaient  pas  des  dégorgeoijs  sudisants  pour  s'échapper. 
.Vussi  couvraienl-elles,  alors  comme  aujourd'hui,  de  marais 
vastes  et  malsains,  de  grandes  étendues  de  terres  labourables. 
Le  Saranda-Polamos  (Garâtes),  alimenté  par  les  sources  de 
Krya-Vrysis  (Phylaké)  et  par  les  torrents  qui  se  donneni 
rendez-vous  au  conlluent  de  Syinbola,  apporte  à  la  plaine  de 
Verzova  (Korythéis)  un  tribut  liquide  de  40  à  50  mètres  cubes 
par  seconde,  dont  celle-ci  est  fort  embarrassée.  Entre  Ilagior- 
gitika  et  Verzova,  les  vignobles  s<mt  presque  toujours  noyés, 
(^ela  tient  d'une  part  à  l'insuflisance  des  trois  katavothres  du 
Parthénion,  dont  le  fonctionnement  est  rarement  normal, 
d'autre  part  à  rabscnce  de  talus  ou  de  berges  qui  maintien- 
nent la  rivière  dans  une  direction  constante.  A  l'autre  coin 
fie  la  [)laine,  du  cùté  de  Pàllantion,  le  pied  du  fioréion  baigne 
dans  un  marécage  permanent,  lac  en  hiver,  fondrière  en  été. 
Le  marais  de  Taka,  d'une  superficie  actuelle  de  1000  hectares, 
ne  possède  pas,  dans  le  katavothre  du  M'  Kravari,  un  dégor- 
geoir suffisant  et  régulier  :  or,  des  torrents  assez  importants, 
comme  ceux  de  Valletsi  et  des  ravines  de  Kaparéli,  ne  se 
peuvent  déverser  ailleurs.  Dans  ces  conditions,  les  Tégéates 
n'avaient  aucun  moyen  satisfaisant  de  se  tirer  d'affaire  dans 
les  limites  de  leur  territoire  propre,  sans  eu  sacrifier  l'une  ou 
l'autre  moitié  :  s'ils  maintenaient  le  Saranda-Potamos  dans  la 
Korythéis,  ils  ruinaient  un  de  leurs  dèmes  les  plus  riches  ; 
s'ils  essayaient  de  le  dériver  vers  l'exutoire  du  M*^  Kravari, 
en  profitant  de  la  brusque  différence  des  niveaux,  ils  ris- 
quaient de  déchaîner  l'ennemi  sur  leur  ville,  tout  en  aggra- 
vant la  situation  du  katavothre  déjà  surmené  :  or,  ils  n'en 
avaient  nulle  envie,  puisqu'ils  s'étaient  efforcés  de  l'alléger 
aux  dépens  de  Pàllantion,  en  reliant  par  une  digue  la  pointe 
du  M^  I^ravari  à  la  butte  de  Birbati.  Us  barraient  ainsi  la 
route  aux  apports  du  torrent  de  Valtetsi  et  du  territoire  de 
Pàllantion,  surélevé  d'environ  i  mètre.  Il  leur  restait,  en 
désespoir  de  cause,  un  remède  radic^il,  celui  que  les  ingé- 
nieurs modernes  songent  à  employer,  mais  avec  plus  de  pré- 


L'HYDROanAPIIlE  SUPEUFICIELLK. 


41 


eaux,  cause  de 
ronflils. 


cautions.  Il  consistaît  h  se  débarrasser  de  leur  excédent  d'eau 
chez  les  Manlinéens.  Quelques  travaux  de  canalisation  j'  suffi- 
saient :  le  Saranda-Potamos  prenait  docilomcMil  le  chemin  de 
Mantinée;  la  Mantinique,  libéralement  p^ralilico  des  eaux  de  h\ 
Koryfhéis,  devenait  une  Hollande  dont  les  ccluses  ap])artc- 
naient  au  plus  irréc(niciliable  fies  cnneniis. 

Les  cours  d'eau  charrient  souvent  la  discorde  entre  riverains.  infénonié 
Le  riverain  d'aval  se  plaint  du  voisin  situé  on  amont,  maître  de  tie  Mnminée.  u 
régler  à  sa  fçuise  le  régime  de  la  rivière.  Ce  sont  là  matière 
à  procès  entre  particuliers,  à  conflits  en  Ire  na  lions.  La  ques- 
lion  de  Teau,  au  dire  de  Thucydide  (1),  niait  un  perpétuel 
casvs  belli  entre  Tégéates  et  Mantinéens.  Les  piemiers  usaient 
avec  sans-gène  «lu  pouvoir,  que  leur  conférait  une  position 
favorable,  d'inonder  ou  d'assoiffer  leurs  voisins,  soit  en  déri- 
vant chez  eux  les  eaux  surabondantes,  soit  en  les  confisquant 
à  leur  propre  profil  en  cas  de  sécheresse.  Les  Manlinéens 
recevaient  trop  ou  trop  peu  d'eau  ;  de  là  des  surprises  et  des 
irrégularités,  fort  préjudiciables  aux  intérêts  agricoles  d'un 
peuple  essentiellement  rural.  Il  n'y  avait  pas  d'entenle  pos- 
sible, parce  que  les  intérêts  élaient  conlradicloires.  Quand 
l'eau  manquait,  chacun  voulait  la  garder  chez  soi.  Devenait- 
elle  gênante  par  la  quantité,  c'était  à  qui  s*en  débarrasserait 
coûte  que  coûte.  On  se  la  renvoyait  de  kalavothre  en  katavothre  ; 
les  dégorgeoirs  ne  suffisaient  plus  à  leur  besogne.  Le  plus  favo- 
risé des  deux  répandait  à  volonté  la  désolation  chez  l'autre.  Aussi 
les  rapports  de  bon  voisinage  n'ont-ils  jamais  pu  s'établir  entre 
les  deux  sœurs  ennemies  de  la  Haute  Plaine. 

Dans  ces  querelles,  le  rôle  offensif  apparlenait  àTégée.  Man- 
tinée était  réduite  à  se  garer.  Un  ruisseau  commun  aux  deux  ter- 
ritoires devait  donner  plus  particulièrement  prétexte  à  mainte 
bataille.  C'est  une  longue  rigole  boueuse  de  15  kilomètres  de  lon- 
gueur, née  dans  le  bas-fond  qu'occupait  Tégée  (004"»),  au  pied  de 
la  colline  deMertsaousi  (2).  Ce  chenal  draine  les  eaux  des  fossés 


Le  Lâchas. 


(1)  V.  65. 

(2)  Bob\nye{Reeh.  géogr.  p.  140)  idenUHe  celle  rivière  avec  rOphis  de  Pau- 
sanlas.  Diaprés  lui,  elle  aurait  d'abord  parcouru  du  S.  nu  N.  toute  la  Man- 
tinique et  traversé  la  ville,  Jusqu'à  l'époque  du  sièpe  de  385.  Puis,  le  cours  en 
aurait  été  reporté  vers  le  Sud  et  (Inaleinent  rejeté  à  l'rnirée  S.O.de  la  plaine, 
dans  le  katavothre  où  il  disparaît  aujourd'hui.  Cette  Ihéorle  soulève  les  objec- 
tions suivantes  :  1»  la  Mantinique  suit  un  plan  incliné  de  l'E.  à  l'O.  et  du  S.  au 


42  MANTINKK   ET   l'aRCADIE  ORIENTALE. 

doni  le  parcours  circulaire  correspond  au  périmètre  de  la  ville 
antique.  Après  quelque  hésitation  sur  la  direction  à  suivre,  il  se 
rapproche  de  la  boucle  du  Saranda-Potamos,  puis  tourne  au  Nord 
et  s'engage  lentement  dans  un  fort  thalweg,  rasant  presque  la 
hase  des  montagnes  orientales,  recueillant  au  passage  quelques 
rigoles  descendues  de  l'Ouest,  laissant  en  route  une  partie  d'elle- 


N.  La  pente  entraine  donc  toutes  les  rivières  de  rAlésion  au  Ménale.  T^a  plu- 
part des  kalavothres  s'alignent  le  long  d'une  gouttière  creusée  à  la  base  du 
Ménale,  située  à  5  ou  G  mètres  en  contre-bas  du  pied  de  rAlésion  et  du  site 
de  Mantinëe.  On  ne  peut  donc  admettre  que,  pour  atteindre  Mantlnée,  le  soi- 
disant  Oplils  ait  remonté  le  niveau  de  la  plaine.  En  réalité,  dès  son  entrée  sur 
la  Mantinique,  le  terrain  le  rejetait  vers  le  Ménale.  2*  SI  la  même  rivière  eOt 
baigné  à  la  fois  Tégée  et  Mantlnée,  les  auteurs  auraient  sans  doute  signalé 
celte  particularité.  3*  11  est  Inadmissible  que  les  Mantinéens,  en  perpétuel 
conflit  avec  les  Tégénies,  aient  exposé  leur  ville  et  toute  l'étendue  de  leur 
territoire  aux  crues  subites  que  les  Tégéates  pouvaient  produire  à  volonté  en 
amorÇ'int  le  cours  du  Ganitès  avec  le  soi-disant  Ophis.  C'était  assez  qu'ils 
fussent  Impuissants  à  protéger  le  canton  méridional  de  leur  plaine.  On  fait  à 
leurs  ennemis  la  |mrt  trop  belle  en  leur  assurant  un  pouvoir  dIscréUonnaire 
sur  la  Mantinique  entière,  y  compris  la  ville.  Les  guerres  auraient  eu,  dans  ce 
ras,  un  plus  prompt  dénouement  :  ManUnée  n'aurait  pas  soutenu  tant  de 
sirgps  ;  on  aurait  répandu,  pour  venir  à  bout  de  sa  résistance,  plus  d'eau  et 
moins  de  sang.  4*  Enfin,  dans  rhypotbèse  de  Boblaye,  les  katavotbres  alignés 
nu  pied  du  Ménale  restaient  sans  emploi,  sauf  l'avant-dernler  où  se  perd  le 
véritable  Ophis.  La  rivière  aurait  donc  passé  à  portée  de  trois  de  ces  gouffres 
sans  s'y  laisser  entraîner!  Alors,  comment  expliquer  la  formation  de  ces 
orifices? 

Il  faut  donc  admettre  l'existence  de  deux  rivières  distinctes  :  1*  l'Ophls  pro- 
|)rement  dit,  ruisseau  mantlnéen  sur  tout  son  parcours.  2*  La  longue  rivière 
descendue  de  Tégée,  et  dont  le  nom  antique  reste  à  trouver.  Unt*  partie  de  cette 
rivière,  issue  des  fossés  de  Tégée,  est  artificielle  :  son  cours  supérieur  n'est  qu'un 
chenal  creusé  de  main  d'homme.  A  ce  point  de  vue,  un  fragment  des  Argolica 
de  Deinias  mérite  une  attention  particulière  (ap.  Ilcrodian.  Fragvi.  hist.  graec. 
III,  p.  26.  —  IV.  p.  319)  :  AsycTai  SI  toÙç  AaxeSatjJiovfouç,  xaO'ôv  èv 
Tsyt»  )^p6vov  TJaav  ai/(ji.iXo)Toi,  BeScixévouç  ipyaÇeffOai  5tà  xou  TceSiou  xbv 
Aa;^av  7C0Ta|jLbv,IIepi|A-^8aç  Iv  Ttylv.  SuvaaTeuouairjç,  tîjv  ol  icXfiïffTOi  xaXovai 
Xo(pav.  (Voy.  Mûller.  Dorier,  II.  p.  418  not.—  I.  p.  73,  sq.)  Ce  texte  d'Hérodien 
est  très  altéré,  et  doit  être  corrigé  d'après  Pausanias.  Le  fait  de  la  détention 
des  captifs  lacédémoniens  semble  se  rapporter  à  l'invasion  de  la  TégéaUde 
sous  la  conduite  de  Charilios  :  c'est  alors  que  les  femmes  Tégéates,  comman- 
dées par  l'héroïne  Marpessa,  dite  la  Veuve  (Xy\^),  prirent  les  armes  pour  la 
défense  de  la  ville.  Les  ennemis  vaincus  furent  réduits  en  esclavage  : 
plus  tard,  on  montrait  leurs  entraves  dans  le  temple  d'Athéna  Aléa  (Pau- 
san.  Vlll,  5,6.  —  VIII,  47,  2.  —  VIII,  48,  3  et  4).  Ce  fait  doit  être  aussi 
rapproché  du  récit  d'Hérodote  (L  66)  et  placé  après  la  mort  de  Lycurgue, 
vers  la  lin  du  Vlll»  s.  Les  prisonniers  furent  employés  à  travailler  la  terre 
(to  :te8{ov  TcYsàTaiç  e<rxa7rTov.  Paus.  VIII,  47,  2),  et  à  creuser  le  Lâchas.  Ce 


iL*HTDn06RAPHIR  SUPERFIGIKLLR.  43 

iilôme  dans  les  exuloires  dont  le  col  de  la  plaine  esl  criblé.  Il 
aboutitenfln  dans  la  ManUniqueaprès avoir  doublé  le  cap  Mytika; 
la  pente  du  bassin  le  rejette  à  TO.  dans  un  katavolbre  du  Ménale, 
où  il  disparaît.  Ce  ruisseau  porte  aujourd'hui  le  nom  de  Pota- 
mos  lis  Zanovvita^s. 

Par  lui-môme,  il. serait  inolTensif  :  les  pluies  d'automne  ol 
d'hiver,  descendant  les  pentes  de  la  Kapnistra,  viennent  grossir 
son  lit  et  combler  sesberges,  assez  haules.  Mais  les  dégorgeoirs 
ouverts  sur  son  parcours  dans  le  fond  de  la  plaine  sont  assez 
nombreux  pour  absorber  les  torrents  issus  du  Ménale.  En 
sorte  qu'il  eût  été  incapable  de  causer  à  lui  seul  des  dégAts 
considérables  pour  peu  que  les  Mantinéens  eussent  veillé  au  bon 
fonctionnement  de  son  katavothre.  Le  danger  venait  d'ailleurs, 
des  environs  ni^^me  de  Tégéo.  Le  Saranda-Potamos  arrose  la  ban- 
lieue de  la  ville,  à  l'Est.  Il  coule  d'abord  du  Sud  au  Nord,  puis,  à 
l'entrée  de  la  Korythéis,  décrit  un  coude  à  angle  droit  pour  se 
diriger  du  cùté  de  Verzova.  Mais,  à  cet  endroit,  son  lit  n'a  pas  de 
profondeur;  il  s'étale  sur  une  couche  de  sable,  plate  et  sans 
berges.  Il  a  comme  la  tentation  de  s'engager,  à  la  suite  du  long 
ruisseau  dont  j'ai  parlé,  dans  celte  douve  qui  aboutit  à  Mantinée. 
Rien  ne  s'opposerait  à  ce  qu'il  s'écoulftl  vers  le  Nord,  au  lieu 
d'obliquer  à  l'Ouest  :  la  pente  du  terrain  l'y  contluirait  sans 
obstacle.  Naturellement,  les  Tégéates,  dont  il  inondait  les  vigno- 
bles, s'avisèrent  de  très  bonne  heure  d'évacu(;r  cet  hôle  incom- 
mode chez  leurs  voisins.  Il  leur  sulïisait  pour  cela  de  donner 
quelques  coups  de  pioche  sous  la  colline  de  Merlsaousi  et  de 
réunir,  par  un  faible  canal  d'un  kilomètre  an  plus,  le  lit  du 
Saranda-Potamos  à  celui  du  long  ruisseau.  Celui-ci,  grossi  de  cet 
appoint,  s'écoulait  dans  son  thalweg  sans  endommager  les  terres 
de  la  Tégéatide;  il  traversait  entre  ses  berges  le  bois  Pélagos, 
mais,  arrivé  au  col  de  la  plaine,  il  trouvait  un  lerrain  abaissé 


nom,  de  Xa^aivo),  creuser,  signiflail.  en  dialecte  tégéalc,  lo.  CaiiaL  Los  modernes, 
exclusivement  préoccupés  de  la  prétendue  dérivation  de  l'Alplice  supérieur 
dans  le  Garâtes,  ont  cru  que  le  Lâchas  désignait  le  Saranda-Potamos  (Curtius. 
Pelop.  L  p.  271.  Note  17.  —  Bursian.  Geogr.  H,  p.  188.  Noie  l).  Je  croirais 
plutôt  que  les  termes  de  Deinias  :  ipyolÇecTOai  5ià  tou  TcsSiOu  xbv  Aa/av 
7C0Ta(i<iv,  désignent  les  travaux  qui  ont  pu  pour  efTel  de  dériver  par  un  clienat 
artificiel  les  eaux  du  Garâtes  vers  la  ManUnique.  Le  Saranda-Potamos,  à  l'épo- 
que historique,  a  toujours  coulé  vers  rEst  :  on  n'avait  donc  pas  à  lui  creu- 
ser un  Ut  nouveau,  mais  seulement  un  canal  de  dérivation  pour  soulager  la 
Korythéis.  ^  Voy.  la  note,  à  la  fin  du  volume,  sur  la  carto  de  Tégée. 


44  MANTINÉE   ET   l'aRCADIB  ORIENTALE. 

brusquement  de  quelques  mètres  (1);  n'étant  plus  contenu,  il 
s'épandait  largement  et  transformait  le  Sud  de  la  Mantîniqueen 
marécage.  C'élail  d()iil))e  joie  pouiIes  Tégéates  :  ils  sedélivraienf 
du  fléau  pour  en  gratifier  leurs  ennemis. 
Mananvre  d'Avis  Telle  ful  Topéialion  qu'accompHt  on  418  Tarmée  du  roi  Agis(2). 
m  4i«.  |?;||p  j^  (ii(,  niji!  (.()mj)iise,  malgré  la  clarté  du  texte  de  Thucydide. 
Agis  est  campé  près  de  l'IIérarléion,  vis-à-vis  les  ennemis  massés 
sur  la  pointe  de  TAlésion,  dans  une  position  dominante.  Afin  de 
les  en  déloger  sans  coup  férir,  Agis,  sans  doute  conseillé  par  ses 
alliés  tégéates,  s'avise  d'inonder  la  plaine,  certain  qu'ils  descen- 
draient pour  interrompre  les  travaux  ou  parer  au  désastre  (3).  En 
temps  ordinaire.  Agis  eût  atteint  son  but  en  obstruant  le  kata> 
vothre  du  Ménale.  Mais  on  est  en  été;  le  long  ruisseau  se  trouve 
sans  doute  à  sec,  ou  peu  s'en  faut.  Pour  lui  procurer  de  l'eau, 
il  faut  aller  la  chercher  aux  environs  de  Tégée  et  détourner 
le  Saranda-Potamos.  Cette  opération  occupe  pendant  un  jour 
l'armée  lacédémonienne  (4).  Au  moment  où  elle  retourne  à  son 
campement,  elle  trouve  l'ennemi  aligné  dans  la  plaine  :  la 
bataille  s'engage  aussitôt. 

La  phrase  de  Thucydide,  relative  aux  dégftts  causés  par 
l'eau  de  quelque  côté  qu'elle  se  îourne,  s'entend  clairement  de 
la  façon  suivante  :  si  l'eau,  c'est-à-dire  le  Garâtes,  se  tourne 
du  côté  de  Tégée  (Versova),  elle  inonde  la  Korythéis  ;  si  elle  se 
tourne  ducôtéducùté  du  Nord,  elle  submerge  la  Mantinique. 
Si  Ton  entend  :  bTcoTépoxre  Sv  hiziTzxr^  par  :  qu'elle  se  porte  à 

(1)  Cotes  du  fond  du  Ibalweg  relevées  à  différents  points  de  son  parcours, 
d'après  les  nivellements  de  la  Mission  française  des  Travaux  publics  : 

Au  point  de  départ,  sous  la  colline  de  Mcrts«iousi.   .   ,     665" 
Au  tournant  de  la  butte,  coude  vers  le  Nord-Est        .   .    655" 

Entre  Zevgalatio  et  Bosouna 643" 

A  rentrée  de  la  Mantinique,  sous  Mylika 637" 

Chute  dans  le  Kalavotlire  au  pied  du  Ménale 626"  , 

Différence 39"  entre  le  point 

de  départ  et  le  point  d'arrivée. 

(2)  Thucyd.  V,  65.  Kal  à^ixdjievoç  Ttpbç  tyjv  Teyeîxiv,  xb  u8<i)p  iÇcTpewe 
Tipb;  T7|v  MavTtvixYjv,  Ttepl  ouirep,  w;  xà  TioXXà  pXauxovxo;  ÔTcoxépioac  îv 
£(Tn(içx7j,  MavxtvTj;  xal  Tcyeaxat  -woXEpLOuaiv...  Kal  b  (itv  X7|v  "î^iLlpav 
xocùxir|v  (ic(vaç  aùxou  Tiept  xb  uScop,  cçéxpeirev. 

(8)  Thucyd.  V.  57. 

(4)  Thucyd.  V.  66.  01  Be  AaxeBaifJiôvioi  àitb  xou  ilSaxoç  içpbçxb  'HpàxXsiov 
Tr*Xiv  iç  xb  aùxb  (jxcaxoirsSov  !ovx6ç  bpcoat  St'oX^you  xoùç  lvavx(ouç  iv  xdtÇei 
xe  rfiy\  itavxaç  x«l  aTcb  xou  Xoçou  TtpoeXiriXuOixaç. 


L'HYDROGRAPàlB  SUPERFICIELLE.  45 

droite  ou  à  gauche  (dans  le  katavothre  de  Louka  ou  dans 
celui  du  Ménale)  on  préjuge  ce  qui  est  Tobjol  môme  du  con- 
flit, c'est-à-dire  la  présence  de  cette  eau  sur  le  lerritoire 
mantinéen  (1).  Cette  interprétation  correspondrait  mieux  à  la 
réalité,  si  Ton  ne  sort  pas  de  la  ïégéatide.  Que  le  Saranda- 
Potamos  aille  h  droite  ou  à  gauche,  c'est-à-diie  dans  le  kata- 
vothre de  Versova  ou  dans  cjelui  de  Taka,  les  dcgAts  sont  les 
mêmes.  Mais  alors  ceci  n'intéresse  nullement  les  Mantinéens. 
L'historien  a  voulu  indiquer  comment  cette  ({uestion  des 
eaux  devenais  entre  les  deux  cités  une  cause  de  litige  insoluble  : 
quoi  qu'on  lit,  l'une  des  deux  parties  se  tiouvail  forcément 
lésée  (2). 

Le  mal  ne  pouvant  être  supprimé,  et  la  guerre  ne  faisant 
qu'aggraver  la  situation  commune,  il  est  probable  que  des 
transactions  intervenaient  en  temps  ordinaire.  Le  seul  moyen 
d'établir  un  modus  vivendi  consistait  à  faire,  de  part  et  d'autre, 
des  concessions  au  Iléau.  Les  charges  pesaient  ])lus  ou  uioins 
équitablement  sur  l'une  ou  l'autre  cité,  suivant  qu'elles 
vivaient  sur  le  pied  d'égalité  ou  que  l'une  des  deux  l'emportait. 
Sans  doute  les  Tégéates  consentaient  à  garder  chez  eux  le 
Garâtes,  la  Korythéis  dût-elle  en  soullrir;  el.  les  Mantinéens  se 
résignaient,  en  «is  de  nécessité,  à  quelques  dégAls  pour  débar- 
rasser la  Tégéatide  de  son  excédent  d'eau.  On  consentait  de  part 
et  d'autre  à  quelques  sacrifices  :  cela  valait  mieux  que  de  se 
noyer  ou  s'entretuer. 

Pour  limiter  ces  sacrifices,  les  Mantinéens  avaient  creusé,  en     i^xacppo; 
travers  de  la  plaine,  de  la  pointe  de  l'Alésion  à  la  base  du  Ménale,  transversal  de  i« 
un  long  fossé.  La  Commission  de  Morée  en  vit  encore  les  traces  ;      Maniinique. 


(t)  De  plus,  le  niveau  remonte  du  côté  de  la  plaine  de  Lotika. 

(2)  i>ake,  dont  le  jugement  est  si  )u8te  à  rordinaire,  s'est  tout  à  fuit  mépris 
sur  la  silualion  respecUve  des  deux  plaines.  {Morea  II,  p.  339.  —  III.  p.  56  et 
62.  ~  Peloponncsiaca,  p.  251.)  N'ayant  pas  remarqué  la  dillércnce  de  niveau 
entre  la  boucle  N.  el  la  boucle  S.,  il  intervertit  les  rôles,  l^oiir  lui,  le  lond 
de  la  querelle  séculaire  entre  Tégéatf^s  el  Mantinéens,  c'était  robsMnalîon  des 
Mantinéens  à  vouloir  déverser  leurs  cours  d*ejiu  dans  le  KMtavolhre  de  Versova  : 
les  Tégéates  sont  leurs  victimes.  Le  stratagème  d*Agis  eût  consisté  à  prendre  le 
contre-pied  de  celle  manœuvre,  en  détournant  les  rnissonux  de  la  Mantinique 
dans  le  vallon  de  i^uka.  Enfin  Leake  attribue  gralnilenienl  aux  Romains 
l'honneur  d'avoir  mis  fln  au  conflit  par  la  dérlvaUon  déliniUve  du  torrent  de 
Louka  dans  le  gouftre  de  Versova,  opération  malériellemehl  impossible.  Doblaye 
{Expéd.  de  Morée.  lU,  p.  328.  —  Hech.  géogr,,p.  MO)  s'est  beaucoup  plus 
rapproché  do  la  vérité. 


46  MANTINKK  ET   l'arCADIE  ORIENTALE. 

Blouet  releva,  à  1400  m.  au  Sud  de  Mantinée,  les  ruines  d'un  pont 
anlique,  qui  le  traversait.  On  ignore  à  quelle  date  ce  chenal 
fut  exécuté.  Poiybo  le  mentionne  dans  son  récit  de  la  bataille 
de  207  (1).  Mais  il  pouvait  être  beaucoup  plus  ancien.  En 
effet,  il  était  do  loul  temps  nécessaire.  Une  longue  expérience, 
et  l'exemple  d'Agis  en  particulier,  avaient  appris  aux  Manti- 
néens  le  secret  de  la  lactique  ordinaire  de  leurs  ennemis.  Ne 
pouvant  prévenir  l'inondation,  ils  songèrent  à  la  restreindre. 
Ils  abandonnèrent  aux  crues  du  Lâchas  la  partie  méridionale 
de  leur  plaine  ;  mais,  pour  préserver  contre-  lès  mauvais 
desseins  de  rennemi  le  cœur  du  territoire,  la  ville  avec  ses 
nécropoles  et  sa  banlieue,  et  tout  le  terrain  bas  au  N.  0.  de  la 
ville,  ils  imaginèrent  cet  expédient  d'un  grand  fossé  trans- 
versal. Une  digue  (ywjia)  aurait  eu  l'inconvénient  de  retenir 
les  eaux,  au  lieu  d'en  débarrasser  la  plaine,  de  transformer 
en  un  marais  permanent  une  inondation  temporaire.  Le  fossé 
conciliait  les  inténMs  de  l'agriculture  et  ceux  de  la  défense  : 
c'était  h  la  fois  un  obstacle  et  un  émissaire.  11  pouvait  aussi 
servir  de  drain  collecteur  aux  terrains  qu'il  traversait.  D'après 
les  données  de  Polybe,  il  partait  du  temple  de  Poséidon 
Uippios  (dont  il  captait  peut-être  la  source)  et  disparaissait, 
à  la  frontière  des  Élisphasiens,  dans  un  des  katavothres  des- 
servis par  la  rainure  latérale  au  pied  du  Ménale.  Cette  rivière 
artificielle  avait  environ  3  kil.  de  longueur.  Elle  faisait  sans 
doute  partie  du  plan  de  défense  de  la  Nouvelle  Mantinée 
conçu  par  Épaminondas.  Ceci  prouve  l'indépendance  du 
lâchas  et  de  l'Ophis  proprement  dil.  Le  stratagème  d'Agis 
s'applique  au  premier  de  ces  cours  d'eau,  celui  d'Agésipolis 
au  second.  Les  deux  leçons  servirent  aux  Mantinéens  :  par  le 
Ta(ppoç,  ils  parèrent  à  de  nouvelles  invasions  du  Lâchas,  par  la 
dérivation  de  rOjïiiis  dans  les  fossés  de  la  ville,  ils  proté- 
gèrent celle-ci. 
(.OUI-:* dvmi  Les  rivières  auhcs  que  le  lâchas  naissaient  el  finissaient 
.10  lu  Mniiiinùiii*.  jjj^  territoire  nianlinéen.  Autant  de  plaines,  autant  de  systèmes 
hydrographiques.  Au  milieu,  la  cuvette  centrale  ;  autour 
d'elle,  la  bordure  des  bassins  annexes,  pourvus  chacun  d'un 
torrent  et  d'un  ou  de  plusieurs  dégorgeoirs.  Ces  vallées  for- 
maient comme  des  gouttières  naturelles;  leur  orientation  dé- 
terminait la  direction  des  cours  d'eau  et,  par  suite,  la  posi- 

(1)  Polyb.  XI,  il.  Voy.  le  récit  de  lu  bataille,  aux  Appendices. 


l'hydrographie  superficielle.  47 

tion  des  katavothres,  situés  à  l'extrémité  des  lits  torrentiels. 

Deux  observations  préalables  expliquent  la  répartition  des 
cours  d'eau  dans  la  cuvette  cenirale  :  l'indinaisoD  du  fond,  de 
l'Est  à  l'Ouest,  qui  dirige  et  accumule  toute  la  masse  liquide  à  la 
base  du  Ménale.  C'est  sur  cette  paroi  qu'a  porté  reffort  principal 
des  eaux  en  quête  d'une  issue.  En  séjournant  au  pied  de  la 
muraille,  elles  s'y  sont  creusé  une  sorte  de  rainure  de  quelques 
mètres  plus  basse  que  le  milieu  de  la  plaine  ;  c'est  comme  un  cou- 
loir latéral,  où  elles  circulent  tantôt  dans  un  sens,  tantôt  dans  un 
autre,  et  sur  lequel  s'ouvrent  les  portes  de  sortie  des  kata 
vothres.  2^  La  structure  de  l'Alésion,  simple  levée  d'une  couche 
de  calcaire  blanc  dominée  par  des  masses  beaucoup  plus  hautes 
de  même  roche,  le  prédestinait  au  rôle  de  producteur  et  de 
répartiteur  des  eaux  de  source.  Gomme  les  |)romonloires  de 
TArgolide,  ses  flancs  sont  le  rendez-vous  de  nappes  et  de  con 
duiles  souterraines  qui  viennent  s'épancher  au  ras  de  la  plaine. 
Le  Ménale,  dont  le  calcaire  uniforme  est  dépourvu  de  strates 
horizontales,  mais  est  fendu  de  haut  en  bas  par  de  profondes 
fissures,  se  prétiiit  davantage  à  la  formation  d(;s  jurandes  cavernes 
réceptrices,  où  s'eugoulTraient  les  cours  d'eau.  Dans  ce  système, 
l'Alésion  est  comme  la  borne-fontaine  à  plusieurs  bouches 
d'eau;  la  plaine  forme  la  vasque,  et  le  Ménale  la  margelle  perforée 
de  trop-pleins. 

La  principale  de  ces  rivières  répond  à  l'Ophis  de  Pausanias. 
Elle  vient  de  la  pointe  méridionale  de  l'Alésion,  alimentée  par  h» 
source  Kopsochéria,  la  source  Arné  et,  si  tantcsl  (ju'elh*-  cxislAl, 
par  la  source  de  Poseidon-liippios.  Avant  DSo,  elle  entrait  dans  la 
ville  parle  S.  E., recueil  lait  dans  la  ville  môme  les  eaux  potables  de 
Mélangéia,  amenées  par  un  aqueduc,  et,  à  la  sortie  de  l'enceinte, 
celles  des  sources  des  Méliastes.  Toutes  ces  bouches,  jointes  aux 
apports  torrentiels  descendus  delà  monlagne,  lui  assuraient  un 
débit  assez  considérable.  On  s'explique  comniciit  elle  a  |)u  ren- 
verser les  murs  et  les  maisons  de  la  ville  ai)rès  qu'Agésipolis  eut 
établi  un  barrage  en  amont  du  point  de  sortie,  au  N.  0.  Les 
Mantinéens,  avertis,  eurent  soin,  en  371,  d'expulser  cette  rivière 
de  la  ville  nouvelle.  D'abord,  ils  l'appauvrirent  en  creus«int  le 
canal  transversal,  qui  reçut  sans  doute  les  eaux  îles  fontaines 
Fhilippios  (de  ïsipiana),  Arné  et  de  Poséidon  Ilippios.  Puis  ils 
l'obligèrent  à  faire  le  tour  des  murs  et  à  remplir  leurs  fossés.  Au 
delà  de  Mantiuée,  la  rivière  draine  les  champs  sur  un  paicours  en 
zigzags  de  3,(300  m.,  s'encaisse  en  un  chenal  collecteur  qui  la 


48 


MANTINEE   ET   L  ARCADIE  ORIENTALE 


Les  bassins 
Inlrrniix 


conduit  à  son  kalavotlire,  au  pied  de  Kapsla  (altitude  624™09). 

Un  aulre  ruisscict  vient  aboutir  au  même  point.  C'est  le  ruis- 
seau de  Sarisi,  issu  d'une  source  située  à  l'encoignure  N.  0.  de  la 
])Iaiue  (altitude  G27"'18).  H  lon^c  les  has-Ionds  voisins  dcsliau- 
leurs  de  Simiadès,  les  couvre  d'un  marais  permanent  et  pesti- 
lentiel (KambostisMilias,TT|ç  Uy\kiaiç,  champ  du  Pommier ^  altitude 
t)2;.)"^),  reçoit  à  i;.  le  ruissclet  de  Pikerni,  alimenté  par  les 
anciennes  sources  de  Mélangéia,  et  disparaît  plus  ou  moins,  en  se 
confondant  avec  l'Opliis  à  l'entrée  du  même  katavothre.  Tous 
deux  rejoignent,  par  un  prolongement  vers  le  Sud,  les  katavo- 
tlires  voisins. 

Les  bassins  annexes  sont  les  suivants  :  i^  à  l'Ouest,  la 
longue  crevasse  latérale  creusée  entre  la  base  du  Ménale  et 
les  collines  de  Simiadès  et  de  Kapsia.  C'est  un  étroit  ravin, 
jonché  de  blocs  calcaires  éboulés  dont  les  amoncellements 
le  divisent  en  plusieurs  régions  torrentielles.  La  région  de 
Simiadès  possède  un  torrent  dirigé  de  l'O.  au  N.  E  et  un  kata- 
vothre situé  à  la  soudure  du  mont  Anchisia.  Le  képhalari  qui 
correspond  dans  la  ])laine  à  ce  katavothre  donne  naissance  au 
ruisseau  deSartsi.Unautre  torrent  (aujourd'hui  Xérias),  descend 
de  la  gorge  de  Kardara  dans  le  katavothre  de  Simiadès.  —  La 
région  de  Kapsia  reçoit  du  mont  Aïdini  un  torrent  desséché 
qui  s'absorbe  au  milieu  des  pierres.  Enfin,  un  long  couloir 
allongé  vers  le  Sud  reçoit  du  massif  d'Apano-Khrépa  un  autre 
torrent,  le  Kapseiros,  qui  se  glisse  par  la  coulée  de  Kapsia  dans 
la  grande  plaine  et  disparaît  au  katavothre  de  Trypia. 

2°  A  l'Est,  la  vallée  de  Sanga-Tsipiana,  commandée  par  la 
haute  muraille  du  Lyrkéion.  Elle  est  parcourue  du  N.  au  S.  par 
un  ruisseau  collecteur  qui  disparaît  dans  le  grand  katavothre 
ouvert  sous  l'acropole  de  Nestané. 

3<>  la  plaine  de  Louka.  Un  torrent  descendu  du  revers  occi- 
dental du  promontoire  Kapnistra  s'est  creusé  une  issue  h  l'entrée 
du  vallon,  au  N.  (katavothre  de  Héliopoulo).  Ses  eaux  vont 
peut-être  rejoindre,  dans  les  profondeurs  de  la  montagne,  celles 
du  katavothre  de  Tsipiana. 
Nombre  En  résumé,  on  a  reconnu  jusqu'à  présent  sur  le  territoire  man- 

des kfttnvoihres  linêeu  18  kalavotlues  de  formes  diverses,  répartis  en 3  groupes  : 
ninniinéens     ^^  groupc  de  la  plaine  ;  2o  du  Ménale  ;  3«  de  l'Artémision  (1). 


(1)  .Vavnis  pendant  nos  foiillles,  puis  nu  mois  do  septembre  1893,  relevé  dans 
la  plaine  un  ccrluin  nombre  de  goules  oubliées  par  la  Goninilsslon  de  Morée, 


l'iiydiiograpiiib  supkrficikllk.  49 

Celte  richesse  en   débouchés  hydrogéi(iues   a    préservé  la        Mami!.. 
plaine  manlinéenne  d'une  submersion  lolalo  ol.  permanente. 
Pas    un   recoin    n'était   dépourvu    de    ces    précieux    dé{;or 
geoirs.  L'histoire  et  Texamen  du  terrain  allcslent  que  celle 
région  ne  subit  aucune   catastroplie  analofçue  a   celles   qui 
engloutirent  les   villes  de  Copals,   de   Pliénéos  et  de  Slym- 

et  yisilé  les  grands  katavothres  à  cavernes.  Mais,  faute  du  temps  et  du  matériel 
nécessaire,  il  m'avait  été  impossible  de  m'avancer  dans  les  galeries  intérieures. 
En  1892»  M.  Sidéridis,  ingénieur  en  chef  du  nome  de  Tripolls,  stylé  par 
M.  Martel,  consacra  deux  mois  (août-septembre)  à  la  roclierchc  et  à  rexplo- 
ration  des  exutoires  mantinéens.  Les  résultats  de  cette  courageuse  enquête  lui 
font  grand  honneur.  Il  a  pu  fixer  la  position  de  presque  tous  les  katavothres, 
pénétrer  dans  les  puits  et  dans  les  salles  parfois  jusqu'à  plusieurs  centaines  de 
mètres  à  partir  de  l'entrée.  M.  Martela  réuni, dans  son  ouvrngc  sur  les  Àbîwrs, 
(chap.  XXVIfl)  les  plans  détaillés  et  les  descriptions  de  M.  Sidéridis.  Certains 
katavothres,  ceux  du  Ménale  en  particulier,  peuvent  ôtrc  comparés,  pour 
Tampleur  de  leurs  nefs  intra-rupestres  et  la  richesse  de  leurs  stalagmites,  aux 
fameuses  grottes  belges  de  Rochefort  et  de  llan.  Dans  une  galerie  du  katavothro 
de  Kapsia,  M.  Sidéridis  a  retrouvé,  à  125>"  de  l'entrée,  une  quarantaine  de 
crânes  avec  un  amas  d*ossements  humains  et  de  fragments  de  vases  en  terre. 
11  serait  désirable  que  ces  débris  fussent  étudiés  et  qu'on  en  pût  déterminer 
l'origine.  Malheureusement,  M.  Sidéridis  ayant  été  envoyé  à  Corfou,  ses 
recherches  n'ont  pas  été  continuées,  et  l'on  n'en  sait  pus  plus  qu'avant  sur  la 
direction  des  ramifications  intra-rupestres  et  sur  leurs  dûhoiichos.  La  situation 
des  embouchures  actuellement  relevées  se  répartit  comme  suit  : 

I.    (iROUPB    DR   LA    PLAINB. 

1.  Trous  absorbants  de  Margano. 

2.  id.  Hédéni. 

3.  id.  Maro. 

4.  id.  du  Loukaïliko'Gépliy ri  (relevé  par  moi). 

H.    GUOUPK   nu    MÈNALK. 

5.  Trous  de  Mazonéika. 

6.  id.     de  Milla. 

7.  Katav.  de  Gatsouna. 

8.  id.      de  Trypia. 

9.  GoufTre  de  Karapholia. 

10.  Katav.  de  Palaiochori. 

11.  id.      de  Kapsia. 

12.  id.      do  Simiadès. 

III.  Groupe  de  L'AirrÉMisioN. 

13.  Katav.  de  Kapnotrypa. 

14.  id.      d'Avgérino. 

15.  Trous  de  Chéréma . 

16.  Katav.  d'Iléliopoulos. 

17.  id.      de  Spilia  Gogou 

18.  Id.      de  Tsipiana. 


Plaine  de  Luuka. 


Argon  Pédion. 

.Maiitiiiée.  —  i 


50  MANTINBR  ET  l'ARGADIE  OtllENTALE. 

pliale.  Mais  la  perméabilité  de  la  ceinture  calcaire  n'était  pas 
seule  cause  de  celle  immunité.  Le  fond  même  de  la  vasque  y 
contribuait.  J^e  sous-sol  calcaire,  étendu  sous  la  couche  allu- 
viale, est  tout  criblé  de  fissures  qui  mettent  en  communication 
la  surface  imbibée  avec  les  coniluites  souterraines.  Le  drai- 
nage se  fait  i)ar  le  fond,  alors  même  que  la  surface  parait  à 
sec.  Les  eaux,  absorbées  par  la  couche  d'alluvions  qui  colmatent 
le  calcaire  sous-jacent,  continuent  à  s'infiltrer  très  lentement 
dans  les  interstices  du  fond  rocheux  par  ces  bétoirs  plus  ou 
moins  appareiils,  qui  sont  comme  les  regards  plus  ou  moins 
obstrués  des  galeries  intérieures.  Alors  que  Teau  sui)erlicielle 
des  marais,  au  plus  fort  de  Tété,  avait  disparu,  que  les  lacs  de 
rbiver  n'étaient  plus  que  de  grandes  taches  de  limon  noir  et 
durci,  nous  avons  toujours  retrouvé,  à  une  faible  profondeur, 
sous  la  croule  desséchée  i)ar  le  soleil,  une  nappe  souterraine 
abondamment  i>ourvue.  Cette  eau  latente  alimente  faiblement, 
l)our  ainsi  dire  gontle  à  goutte,  mais  d'une  manière  continue, 
les  réservoirs  intra-rupcstrcs  et  les  képlialaria.  Ainsi  le  marécage 
est  en  quelque  sorte  résorbé  dans  le  sol.  Toutefois  la  police 
des  eaux  et  des  katavothres,  depuis  l'antiquité,  ayant  été  fort 
négligée,  les  parties  les  plus  basses  de  la  plaine,  à  la  moindre 
averse,  retournent  à  l'état  marécageux.  De  là,  montent  cons- 
tamment, au  lever  et  au  coucher  du  soleil,  ces  germes  palu- 
déens qui  étendent  sur  toute  la  cuvette  une  atmosphère  de 
miasmes.  Certains  coins  restent  toujours  saturés  d'eau.  Lit 
jdaine  de  Tsipiana  (Ajgon  i^édion)  avait  désespéré  les  anciens 
eux-mêmes  :  lro|)  encaissée  entre  des  versants  trop  déve- 
loppés, elle  reçoit  des  masses  de  î)luie  qu'elle  ne  peut  évacuer. 
De  même,  le  harnbos  lis  Milias  est  toujours  spongieux.  Ces 
deux  marais  permanents  correspondent  à  ceux  de  ïaka  et  de 
Vcrsova  dans  la  Tégéatide.  L'intérieur  môme  de  Mantinée  est 
criblé  de  i)etils  étangs,  reliés  par  un  lacis  de  rigoles,  qui 
vont  se  déverser  dans  les  bras  circulaires  de  l'Ophis.  Les 
foyers  de  malaria  rendent  les  ruines  de  Mantinée  inhabitables. 
Dans  l'antiquité  même,  le  sous-sol  humide  a  du  rendre  le 
séjour  de  cette  ville  extrêmement  malsain. 

Sources.  Le  groupe  des  sources  les  plus  importantes  s'aligne  autour 

de  l'Alésion.  On  relève  successivement  les  suivantes  :  i^  en 
contre-bas  de  la  trouée  de  Kakouri,  à  1.200  mètres  au  Sud  de 
Kakouri,  tie  la   base  du  rocher  s'échappe  la  source  Karyda. 


l'hydrographie  SUPERFICIKLLI':.  51 

Ses  eaux  vont  grossir  le  ruisseau  de  Sarlsi.  2'»  un  peu  plus 
loin,  au  S.,  une  autre  source  dont  la  position  ré|)ond  à  la  fon- 
taine Alalcoméneia  de  Pausanias  (1).  S**  les  belles  sources  de 
Pikerni.  Elles  descendent  du  village  situé  à  lui-cAte  et  donnent 
naissance  au  long  ruisseau  qui  va  rejoindre  à  TO.  la  rivière  de 
Sartsi.  Elles  correspondent  aux  sources  de  iMclangéia  :  un 
aqueduc  les  conduisait  autrefois  à  Mantinée.  4»  les  sources  du 
Tripichi  (anciennes  sources  des  Méliastes).  On  les  voit  sourdre 
en  bas  de  TAlésion  de  trois  petites  vasques  sîd)lonneuses,  éche- 
lonnées à  quelque  distance  Tune  de  Tautre,  sous  des  bosquets 
de  saules  :  au  N.  au-dessous  de  Pikerni,  le  Sythi  (SuOr,)  ; 
puis,  à  six  cents  mètres  au  Sud,  le  Mécov  Tpi7rr,/i  (corruption 
de  TpiTtTiyjq,  les  trois  sources)  ;  enfin,  à  la  baulcui-  de  la  colline 
de  Gourtzouli,  le  Tpiin^/i  propre,  voisin  des  ruines  des  sanc- 
tuaires de  Dionysos  et  d'Aphrodite  Mélaînis  (2).  Le  ruisseau  (|ui 
les  rejoint  court  vers  le  S.  0.  pour  se  confondre  avec  rO[)his. 
5®  la  fontaine  Varéli  (BapéXi,  le  baril)  au  pie<l  niéjne  du  rem- 
part oriental  de  Mantinée.  Elle  surgit  dans  un  petit  bassin 
entouré  d'une  margelle  de  pierre  à  l'ombre  des  grands  saules, 
et  se  confond  aussitôt  avec  TOpliis.  L'eau  a  un  goût  saumâtre 
prononcé.  G^  la  source  du  temple  de  Post'idon  llippios,  à 
7  stades  au  S.  de  la  ville,  n'existe  plus.  Peut  être  a-t-elle 
reparu  dans  la  fontaine  Varéli,  dont  Pausanias  ne  parle  pas. 
Un  lit  de  sable,  voisin  de  l'emplacement  du  hîmple,  alleste 
la  présence  d'une  ancienne  source  aux  enviions.  7"  un  groupe 
de  sources  abondantes  situé  à  la  pointe  et  à  la  base  de  l'Alésion, 
et  qui  répond  à  la  fontaine  Arné  (.'}).  8<>  la  fonlaine  Ko-fo/eptâ  ((jui 
coupe  les  mains)  à  mi-côte  au-dessus  d'un  pelil  ravin  à  l'ex- 
trémité S.  de  l'Alésion,  à  gauche  du  chemin  de  Manlinée  à 
Tsipiana.  Ce  n'est  qu'un  mince  filet  d'eau  frahîhe  s'écoulant 
d'un  petit  mur  en  ruines,  où  les  voyageurs  se  désaUènMit  en 
passant.  î)'  Au  pied  de  l'Alésion  (versant  E.)  dans  l'Argon  Pédion 
existe  une  source  assez  abondante  et  anonyme.  10"  à  l'entrée 
du  village  de  Tsipiana,  sur  le  liane  S.  de  la  roche  de  Nestané, 

(1)  Voy.  plus  loiQ,  p.  118. 

(2)  Voy.  plus  loin,  p.  86. 

(3)  Voy.  plus  loin,  p.  94-95.  Cest  probablement  la  même  que  Visdier 
reconnut  à  une  demi-heure  de  Mantinée,  au  pied  du  versant  S.  de  PAlôsion 
{an  dem  Abhange  ist  eine  'sehr  starke  Quelle,  ohne  Zweifel  die  von  Pau- 
sanias genannte  Ame),  Elle  est,  ajoute-l-il  encore,  durc/i  irh  reichliches 
Wasser  aufgefallen.  {Erinner.  u.  Eindr.  aus  Grieckcnt,  p.  343  et  344.)  Cf.  Ch. 
Loring  (Joum,  of  hellen,  slud.  XV  (1895),  p.  81). 


52 


MANTINBE  ET   L  ARGADIE  ORIENTALE. 


une  fonlîûiic  luonuinenlale  (1)  laisse  échapper  par  4  bouches 
une  eau  abondanlc  et  claire.  C'est  sans  doute  la  PhUippio$  de 
Pausanias.  11'»  la  source  de  Sartsi,  au  coin  N.-O.  de  la  plaine, 
à  la  soudure  de  TAuchisia  et  du  Ménale,  représente  le  képhahirl 
correspondant  aux  fissures. 

De  toutes  ces  sources,  les  seules  potables  sont  celles  de 
Kakouri,  de  Pikcrni,  de  TArné,  de  Kopsochéria  et  de  Tsipiana. 
Les  rares  habitants  de  la  plaine,  épars  dans  les  khanis  qui 
bordent  les  roules,  consomment  l'eau  de  la  nappe  souterraine. 
Les  i)uits  sont  faciles  à  creuser  et  peu  profonds.  Aussi  en 
Irouve-t-on  parlout  :  ils  distribuent  à  profusion  la  fraîcheur 
aux  cultures  et  la  lièvre  aux  cultivateurs. 


(1)  Conslruilc  en  1840,  d'après  une  inscription  encJislrée  dans  le  mur.  VIsclier 
y  a  copié  une  inscription  antique.  [Kpigr,  u.  arch.  Deitràge,  n»  39,  p.  37.  — 
Foucart.  Inscr.  duPélop,  n*  352ii  et  352o.) 


Fig.  7. 

Kcloir  dit  du  l^tiknTliko-Géphyri,  au  milieu  de  la   plaine, 
h  l'entrée  de  la  Manlinique. 


ClIyVPITRK    V. 


LES   PRODUITS   DU   SOL. 


On  se  représente  volontiers  la  Grèce  pins  boisée  autrefois  néiM)i«cinciii dp 
qu'aujourd'hui  ;  on  se  plaint  de  ne  plus  admirer  (|ue  le  s(|U(îletle  (îmr. 
de  rilellade.  Les  voyajçeurs,  témoins  de  déi^rus  sans  excuses, 
ont  accrédité  l'opinion  que  les  Vlaques  avec  leurs  incendies, 
les  paysans  avec  leurs  défrichements  ineples,  ont  Rni  par 
dépouiller  toutes  les  montagnes  classiques  du  manleau  de 
forêts  dont  elles  se  paraient  aux  yeux  des  anciens.  De  fail, 
la  destruction  poursuit  son  œuvre  en  (lé|)il  dc^s  |)roteslations 
indignées  et  des  avertissements  pessimisles.  Toutefois,  si  les 
hommes  sont  surtout  coupables  du  lamenlahle  déboisement 
de  la  Grèce,  dans  bien  des  cas  la  nature  clle-mcine  doit  être 
incriminée.  Les  géologues  reconnaissent  certaines  roches 
stériles  (1),  condamnées  à  l'aspect  décharné  et  matériellement 
incapables  de  produire  autre  chose  que  des  elTels  de  soleil. 
C'est  ainsi  que  la  structure  différente  de  la  chaîne  argolico- 
arcîidienne  et  du  Ménale  a  réparti  d'une  manière  absolue  les 
zones  de  végétation  dans  le  haut  pays  arca<lien. 

On  y  distingue  deux  régions  correspondant  aux  deux  espèces     i.i  v.vui'on 
de  roches  prédominantes,  le  calcaire  blanc  et  U\  calcaiie  bleu.  Le        •"'■*  •« 


premier  est,  en  généial,  rebelle  aux  |dantations.  Sa  ualure  sèche,        '"'  "'*^ 
brisante  et  peu  susceptible  de  s'elTriler  en  terre,  n'admet  ni 
le  sapin,  ni  le  mélèze;  elle  ne  tolère  qu'une  maigre  végélation 
de  broussailles  courtes  (rà  (ppuyava),  dont  les  taches  noirâtres 

(I)  Philippson.  dcr  Peloponncs,  p.  524  sq.,  et  Znr  Verjetationskarte  des 
Pehponnes.  Peter  m,  Milk,  1895,  p.  373.  —  En  général,  Ncumann  et  Partsch. 
Phys.  geogr.  d.  Griech.y  p.  363,  et  Guiraud.  Propr.  foncih-e  en  Grèce, 
p.  S03-505. 


in>- 


54 


MANTINEE   ET   L  ARCADIB  ORIBNTAbE . 


s'ôlalcnl  comme  une  moisissure  sur  les  roclies  claires.  Les 
hautes  murailles  de  TArlémision  et  du  Kréopôlon  devaient  pré- 
senter jadis  le  même  aspect  dénudé  qu'aujourd'hui.  Les  parties 
les  plus  basses  se  recouvraient  seules  d'un  petit  maquis.  Dans 
les  anfractuosilés  apparaissent  quelques  hameaux,  entourés  de 
parcelles  cultivables,  de  bouquets  de  noyers,  de  chûtaigniers 
ou  de  plalancs  :  ce  sont  les  oasis  de  la  montagne.  Cependant, 
Pausanias  mcnlionne  sur  l'Alésion  un  bois  sacré  dédié  à 
Démêler  (i).  r/élail  sans  doute  un  groupe  isolé  de  vieux 
arbres,  semblable  à  celui  qui  couronne  encore  la  butte  de 
Gourtzouli.  Dans  le  ravin  qui  creuse  l'extrémité  de  l'Alésion, 
des  amas  de  lerie  ont  pu  se  conserver,  suffisants  pour  nourrir 
quelques  (ih(>nes  verts  précieusement  entretenus  i)ar  la  véné- 
ration des  fidcles. 
Les  imij.  Au  contraire,  le  calcaire  bleu  du  Ménale  est  tout  à  fait  propice 

du  Mriiair.  ^  la  pousséc  dcs  bois  de  haute  futaie.  Là  les  sapins  abondent  et  se 
pressent  à  l'assaut  <les  pentes  les  plus  élevées,  jusqu'au  pied 
des  sommets  chauves  (2).  Les  maquis  habillent  de  buissons 
épineux  (houx  et  chène-vert  nain)  les  premières  côtes  au-dessus 
de  la  plaine,  de  Simiadcs  à  Bédéni.  Au  delà,  les  flancs  se  garnissent 
de  sombres  foréls.  Les  dévastations  séculaires  n'empêchent  pas 
les  gradins  do  l'Ostrakina,  de  l'Aïdini,  la  goige  de  Kardara 
d'ôlre  encore  ombreuses.  Le  nom  du  Ménale  évoquait  chez  les 
anciens  l'idée  d'un  paradis  touffu  où  s'ébattaient  au  son  de  la 
flûte,  dans  le  mystère  des  bois  inviolés,  les  rondes  de  Pan  et 
des  dryades  (3)  : 

Macnahis  arguluinque  nemus  pinosque  loquentes 
Sempcr  habet 

L'original  n'a  point  trop  démérité  de  ses  peintres  :  maint 
paysage  justifie  encore  les  soupirs  d'un  Virgile  et  le  voyageur 
sent  le  charme  de  h\  légende  épars  sous  les  antiques  futaies  (4). 

(1)  VIII,  10,  2.  AY||XT|Tpoç  àXaoç  ev  xai  opei. 

(2)  Le  sapin  du  Méoale  {abies,  éXaTOv)   moDte  Jusqu^à  1600  et  même  1700". 

(3)  VIrg.  Ecl,  Vlll.  22.  —X,  14,  15  :  «  Macnaliao  dryades.  »  Cf.  Georg.  I. 
17  :  «  Pinifer  Miunalhis.  »  —  Colura.  10.  264.  —  Pausan.  VIIF,  36:  Tb  U  opoc 
TÔ  MaivxXiov  Upbv  jixXi(TTa  eTvat  Ilavbç  6vo|i.xCou(iiv,  iàaxt  o\  wepl  aûxb  xal 
èicaxpoîffOat  auptÇovTOç  tou  Ilavbç  Xéyouai.  —  Sur  les  bois  et  autres  pro- 
ductions de  l'Arcadie,  ▼.  De  la  Coulonche,  Mémmre  sur  VArcadie.  Archives 
des  missions  scienUlIques.   {'*  série,  t.  VIII  (1858),  p.  188. 

(4)  Voy.  p.  2&3. 


LES   PRODUITS   DU   SOL.  55 

La  nature,  les  hommes  et  le  temps  ont  moins  monaj^o  la  louîs 
plaine.  Homère  qualifie  Manlinée  «  d'aimable  »,  epaTsiv/j  (l).  La  cie  u  plaine. 
réalité  ne  justilie  guère  cette  épithèle.  Il  est  vrai  qu'il  no  reste 
plus  trace  du  grand  bots  de  chênes,  qui  tapissait  le  fond  de 
la  vallée  et  dont  le  murmure  donnait  aux  Arcadicns,  peu 
gfttés  en  fait  d'impressions  maritimes  (2),  l'Illusion  de  la  mer 
grondante  :  ils  l'appelaient  le  Pélagos  (IJ).  Au  dire  de  Pausa- 
nias  (4),  les  forêts  de  chênes  de  rArcadie  se  composaient  <le 
trois  espèces  :  le  chêne  à  larges  feuilles,  la  cpv)YÔç  et  le  chêne 
liège,  dont  on  faisait  des  flotteurs  et  des  bouées  (;i).  Il  n'indi({ue 
pas  laquelle  de  ces  espèces  composait  le  Bojjjlo;  du  Pélagos, 
mais  le  chêne  subsiste  à  l'état  isolé  dans  la  |)laine  manli- 
néenne  (6).  Les  autres  arbres  épars  le  long  des  cours  d'eau 
ou  près  des  puits  sont  surtout  des  saules  el  des  |)eupliers. 
On  rencontre  aussi  des  mûriers,  quelques  poiriers  et  cerisiers. 
Les  rigueurs   du   climat  excluent  l'olivier  el  le  figuier  (7). 

I^exlrême  pauvreté  de  la  Mantinique  en  arbres  forestiers    i^s  vignobles. 
et  fruitiers  est  compensée  par  la  fécondité  des  leries  arables. 
Des  vignobles  luxuriants  couvrent  de  'vastes  étendues  d'allu- 
vions    sablonneuses,  surtout   au  Sud    et  au  Sud-Ouest  de   la 


(1)  Iliad.  II.  607. 

(2)  Leur  Ignorance  des  choses  de  la  mer  était  proverbiale  :  Iliad,  II.  614  : 
lircl  oïl  (T^t   OacXà<T(T(ac  Ipya  (iierxTjXct.  Cf.  plas  loin,  p.  246. 

(3)  Paus.  VIII,  11,  1,  5.  Sur  le  Pôlagos,  voy.  p.  107,  IIU,  2:)6,  262. 

(4)  Vin,  12,  I. 

(5)  Ces  espèces  comportent  de  nombreuses  variétés  :  les  botanistes  hésitent 
sur  ridenUflcatlon  de  la  ^7)y(^ç  soit  avec  le  chAne  à  glands  dou.x  (quercus 
ballotaj  soit  avec  le  quercus  Mgilops.  Le  fruit  du  premier  est  coine.'l'blc,  cru 
ou  grUlé.  Peut-èlre  élait-ce  ralimcnl  des  premiers  Arcadicns,  enseigné  par 
Pélasgos  {paXav7i<pàY0i  àvSpeç.  Paus.  YIII,  1,  6.  Pilnc  //.  .Y.  IV,  6,  10.  Eplior. 
ap.  Strab.  V,  2,  4,  page  221);  le  deuxième  (aujourd'hui  (isXaviBix)  produit 
la  valonée,  un  des  principaux  articles  d'exportation  de  la  Morée  (Curtius. 
Peiop.  I,  157).  Les  monnaies  de  Manllnée  représentent  un  gland.  Sur  le 
gland  ofTert  comme  fruit  aux  dieux  en  Arcadie,  voy.  Schol.  yEsch.  Prom,  41)0. 

(6)  Il  y  en  a  deux  exemplaires  dans  l'enceinte  de  Mnntinéc  et  cinq  ou  six  sur 
la  colline  de  Gourtzouli.  C'est  un  arbre  toujours  vert»  au  tronc  bas,  aux  feuilles 
petites, dures  el  piquantes,  au  dôme  arrondi.  Les  modernes  l'appellent  tô  BÉvopov, 
TO  7coopvap(  :  ii  répond  sans  doute  à  une  variété  de  la  quercus  ilea. 

(7)  Dans  la  Haute  Arcadie  rolivier  se  trouve  seulement  à  Karytaina  (835")  et 
à  Toporista  sur  le  Ladon  (1072"),  et  cela  grûce  à  une  rxjiosilion  favorable. 


50  MANTINËE   ET   l'aRGADIE  ORIENTALE. 

plaine.  Les  planls  ou  vsont  touilus  (1).  Ils  produisent  un  vin 
(le  couleui-  lopazo,  aiçréable  et  réconfortant,  mais  sans  déli- 
ra I  esse.  Les  paysans  recherchent  plutôt  la  quantité  que  la 
qualité.  Celle-ci  s'améliore  pour  peu  que  la  mani|)ulation  soit 
|)lus  soignée.  Le  vin  est  un  aliment  indispensable  aux  habi- 
tants de  la  llaut(»-  Plaine,  et,  à  les  en  croire,  le  plus  efTicace 
des  fébrifuges  :  les  rasades,  disent-ils,  soutiennent  l'orga- 
nisme contre  les  alleinles  du  climat.  Le  remède  est  populaire 
et  je  connais  peu  d'Arcadiens  qui  ne  préfèrent  un  bel  accès 
d'ivresse  à  un  accès  de  lièvre.  Les  jours  defôte,  c'est  plaisir  de 
voir  ces  vigoureux  buveurs  vider  d'un  trait  de  grands  verres  en 
crislal  lisse,  de  la  conlenance  d'un  demi-litre  environ.  Le  résiné 
coule  ù  flots  pour  célébrer  les  innombrables  saints  que  le  calen- 
drier orthodoxe  désigne  aux  honneurs  de  ces  libations.  Des 
barils  énormes  se  vident  en  une  journée  dans  les  villages  de  la 
Mantinique  et  de  la  Tégéatide.  On  ne  prend  môme  pas  la 
peine  de  leur  adapter  un  robinet  :  en  deux  tours  de  vrille  on 
fore  un  trou,  on  y  met  un  douzil  que  les  buveurs  retirent  à 
volonté  y)()ur  remplii*  leur  xouTiatç,  et  la  source  bachique 
s'épanche  en  longs  filels  de  topaze.  Aussi,  malgré  l'abondance 
de  la  production,  presque  tout  le  vin  se  consomme  dans  le 
pays.  Cependant  on  exporte  en  Argolide  et  de  là  à  Athènes  le 
produit  des  crus  les  plus  fins  (2). 
Cértaiis.  La  richesse  en  céréales  n'est  pas  moindre.  Le  blé  et  l'orge 

couvrent  tout  le  milieu  et  le  Nord  de  la  Mantinique;  le  site 
même  de  Manlinée  n'est  qu'un  vaste  enclos  producteur.  En  été, 
la  haute  plaine,  changée  en  étuve,  fait  vite  mûrir  le  blé;  la 
paille  atteint  hauleur  d'homme;  les  épis  sont  puissants.  D'ordi- 
naire, la  moisson  commence  dès  le  20  juin,  pour  durer 
jusqu'aux  derniers  jours  de  juillet  (3). 


(1)  Une  inscripUon  de  Mantinée  mentionne  un  don  de  six  plèUires  de  yignes 
(à(iicéXu)v  'nXéOpa  e^)  aux  prctres  d'Asklëpios  (Le  Bas-Foucart.  Inscr.  du 
Pélop,  352  j.  L  9-10). 

(2)  Le  vin  arcadien  laissait  fort  à  désirer,  au  dire  de  Théophraste  et  d'Aristote. 
Certaines  espèces  étaient  trop  capiteuses  (Théoplir.  fl,  P.  19, 6.  —  Éllen.  Var» 
hisl.  13,  G);  d'autres  se  mélangeaient  avec  de  la  terre  dans  les  outres,  de  manière 
à  (ormor  une  masse  solide  qu^on  entamait  avec  un  racloir  pour  la  consommer 
(Arist.  Met.  IV,  10).  Aujourd'hui  certains  propriétaires  tégéates  fabriquent  du 
vin  rouge  imitant  le  Bordeaux  et  des  vins  mousseux. 

(3)  La  flxation  exacte  de  i*époque  de  la  moisson  dans  les  diiïérents  pays  grecs 
est  importante  pour  i*inleliigcnce  de  Thucydide  et  de  Xénophon. 


LES  PnODUITS  DU  SOL.  57 

Les  terrains  humides  et  marécageux  iioun  issciil  le  maïs  mats  ri  imsciiish. 
(àj>aw<KTiToç).  Ou  le  sème  au  priulcmps  pour  rrcollnr  ou  aoûl. 
Mais  la  culture  préférée  de  ceux  qui  possùdont  les  marais, 
c'est  le  haschisch  ('/oL^jifXi,  cannaHs  indica  L,}.  De  ses  lonp:ues 
tiges  vertes,  aux  petites  feuilles  ébarhées  et  pointues,  celle 
plante  hérisse  les  étangs  de  Mantinée  et  le  xà{ji.7:oç  tyjç  MvjXiaç. 
Une  senteur  pénétrante  et  capiteuse  dénonce  à  dislance  le 
dangereux  narcotique.  Les  Grecs  ont  le  bon  esprit  de  n\^n 
point  user  pour  eux-mêmes.  Ils  le  font  sécher  et  Texporlent 
en  Egypte  (1).  Théoplirastc  (2)  rapporlc  (|u'on  cullivait  aux 
environs  de  Tégée  une  sorte  descolyme  (jui  possédait  des  pro- 
priétés extatiques  :  le  sculpteur  Pandéios,  ocrui)é  aux  travaux 
du  temple  d'Athéna  Aléa,   en  mangea  et  tomba  en  extase. 

Gomme  jardin  potager,  la  Mantinique  jouissait  auprcs  des  Lôgumcs. 
gourmets  d'une  réputation  lointaine.  I/irrigalion  naturelle  du 
sol  y  favorisait  la  culture  maraîchère  ;  autour  des  puits  on 
voit  prospérer  encore  aujourd'hui  de  plaiiluronx  potagers,  bien 
que  cette  ressource  y  soit  trop  négligée.  L(îs  légumes  de  la 
Haute  Plaine,  lomales,  aulx,  fèves  (3),  oignons,  constituent, 
dans  la  belle  saison,  la  nourriture  ordinairi^  des  babilanls. 
Les  cucurbitacés,  concombres,  melons  fi  cbîur  blancbe,  jkïs- 
tèques,  y  acquièrent,  malgré  des  procé<lés  de  cullure  rudi- 
mentaires,  une  remanfuable  saveur  (4).  Les  radis  niaulinéens 
figuraient  en  bonne  place  dans  les  JT|)erloires  de  la  gaslro- 
nomie  antique  :  Athénée  énumère  la  MavTivixvi  yoyyu\iq  parmi 
les  produits  nires,  dignes  de  paraître  sur  une  lal)lc  luxueuse, 
à  côté  des  murènes  de  Sicile,  des  thons  du  n\\)  Pacliynos, 
des  choux-raves  de  Thèbes  (5). 

(1)  Le  vUlage  de  Lévidi  eslle  centre  de  ceUe  exportalioii. 

(2)  Ilist.  plant.  IX,  13,  4.  Twv  yX^XEitov  al  {/.ev  êx^xaxixaî  xaGàirep  •/) 
b[LoloL  TÛ  (Tx6Xû^(o  Trepl  Tsycav  t^v  xal  llctvSeioç  ô  àvoptavTOTroibç  (paviov 
£pya^(Jjievo;  Iv  xw  Upo)  IÇéaxT^. 

(3)  Auj.  xouxxià  {Vicia  faba  X.). 

(4)  Théophr. //t5^  p/anMX,  5, 6.  ^uexai  8'èxei  h  dîxuo;  ô  ttyptoç  è;  ou  xb 
éXaxVjptov  (TuvTfOcxai,  xal  6  xiOu{/.aXoç  eÇ  ou  toItzizo^olU.  "Aptaxov  oï  xouxo 
•jcepl  Teyéav  xaxeïvo  fxdtXtdxa  aTcouBàCexaf  (puexai  o'àxeî  k-Ki  TrXéoV 
irXeîaxov  8à  xal  xàXXidxov  <pùexai  Ttcpl  tyjv  KXeixopiav. 

(5|  Alhén.  1,6.  IIoXXol  8e  xal  àXXoi  8ià  (TxdjAaxoç  eI/ov  xàç  Iv  xto  Stxf.Xixo) 
jxupafvaç,  xàç  TuXoixàç  iyy éXtiç,  xtov  Ilayûvou  Ouvvov  xà;  vjxpiaiaç,  xoù; 
ky  MiqXcu  lp(<pouç. .  . .,  XY)v  MavxivtxTjv  yoyy\}}J.O'x,  xàç  8'ex  S'ffio)^ 
PouviàBaç, ...  Cf.  Pollux.  VI,  63.  —Clément  d'Alex.  Vtvdag.  II.  69(Patrolog. 
1,381); où  TiapaXEfwovxEÇ  8s  xà  Iv  Aiiçàpqc  {/.aiviSaç,  oûos  x-/jv  >(OyyùX'r\y  x/jv 
Mavxivtxv^v, 


»^8  MANTINÉB  ET   L*ARCADIE  ORIENTALE. 

Faune  sauvage.  La  fauiic  (lu  pays  n'était  pas  davantage  à  dédaigner.  Les 
bois  du  Ménalc  apparaissaient  aux  Grecs  comme  un  immense 
parc  zoolof^nquc,  dernier  refuge  des  espèces  que  Thomme  avait 
parlent  ailleurs  pourchassées  devant  lui.  Le  gibier  y  foison- 
nait :  sangliers,  ours,  cerfs  du  Ménale  obsèdent  l'imagination 
des  |)oètes(l).  Aussi  les  Arcadiens  passaient-ils  pour  d'ardents 
chasseurs.  C'élail  dans  le  Ménale  qu'FIercule  avait  poursuivi 
la  biche  aux  pieds  d'airain  et  coupé  le  bois  de  sa  massue  (2). 
Les  solitudes  ombreuses  de  la  monlagne  étaient  souvent  trou- 
blées par  les  aboiements  des  meutes  tégéates  (3)  et  par  les 
bandes  de  chasseurs  vêtus  de  peaux  de  loups  ou  d'ours,  et 
armés  d'épicux  (4).  Les  fauves,  loups,  ours,  sangliers,  cerfs, 
etc.,  peuplaient  les  bois  de  chênes  (8pujxo()  ;  des  tortues  énor- 
mes s'y  rencontraient  aussi  (5). 

La  plaine  possédait  sa  faune  propre.  A  la  lisière  du  Ménale, 
le  renard  iode  constamment  dans  les  buissons.  Les  chacals, 
encore  1res  nombreux  au  temps  de  l'Expédition  de  Morée, 
disparaissent  peu  à  peu  :  ils  occupent  surtout  les  cavernes 
des  katavolhres,  on  ils  se  repaissent  des  cadavres  d'animaux 
apportés  par  le  courant.  Quelquefois  ils  les  y  entraînent  eux- 
mêmes  (6).  Les  lièvres,  les  perdrix  rouges  évacuent  le  fond 
de  la  plaine  dès  la  moisson  faite,  pour  se  giter  dans  les  brous- 
sailles odoriférantes  de  l'Alésion  et  des  collijies  basses  ;  en 

(1)  MaivxXtot  eXacpoi.  Anlhol.  ep,  Vï,  112.  —  Plan.  91.  —  MatvaXtoç 
apxToç.  CalHm.  Dian.,  89,  22i.  —  Diod.  15,  72.  —  Mœnalls  ursa  :  Ovid. 
Trisl.  11,  8.  —  r<isl.  2,  192.  —  Mîcnalius  aper.  MarUal.  Spect.  27.  — 
Mœnallus  sus.  Senec.  llerc,  fur,  233.  MarUal.  5,  65. Sur  les  dieux. Ours  du 
Ménale,  voy.  p.  20:>-2y8. 

(2)  Prop.  IV.  9.  15. 

(3)  Les  chiens  de  chnsse  de  Tégée  étaient  très  appréciés.  Grat.  Pallsc. 
Cynegei.  100.  Priapeia.  75,  7. 

(4)  Cesl  dans  cet  accoutrement  que  les  Arcadiens  se  portèrent  au  secours 
des  Messéniens  (Pausan.  IV,  11,  t). 

(5)  Pausan.  Vflf,  23,  6,  à  propos  du  Soron,  bois  de  chênes  sur  le  chemin  de 
Kaphyai  à  Psophis.  07]pia  B'ouxdç  xe  xoà  6'ffoi  Spu(jLo)  xoTç  'Apxa^iv  eîaiv 
àXXoi  «aéyovxai  xo-ràSe,  àyp(ouç  uç  xal  àpxxouç  xal  yeXwvaç  jJLeyfiXxaç 
^Leyidii,   —  Voy.  la  mosaïque,  représentée  flg.  46,  p.  182. 

(G)  Bory  de  Si- Vincent  a  vu  dans  le  Kalavothre  de  Tsipfana  un  cadavre  de 
cheval  dépecé  par  les  chacals.  La  Commission  de  Morée  décrit  et  dessine  un 
curieux  insecte,  le  Brndyporun  dast/pus,  de  la  famille  des  sauterelles  éphippi- 
gères  qui  pullule  dans  la  plaine  mantinéenne  pendant  l'été  (Voy.  Sec.  des  se. 
physiq.  Zoologie,  III  i.  —  Introd.  par  Brûlé,  p.  23  et  88,  n»  55.  —  Figure 
en  couleur  dans  l'Atlas.  Zoologie^  pi.  XXIX,  7).  Nous  avons  eu  souvent  Tocca- 
sion  d'étudier  les  mœurs  de  ce  singulier  orthoptère. 


LES   PRODUITS   DU   SOL.  ^9  . 

effet,  les  blés  cou|)(;s,  le  pays  n'est  plus  qiriiu  désert  chauve 
sans  abri  et  sans  ressources. 

L'élevage  des  animaux  doniesti(|uos  a  loujours  lenu  une  Êievago. 
grande  place  dans  ce  pays  de  patres  et  de  cultivateurs. 
Sur  les  hauteurs,  les  moutons  et  les  rhôvres  vont  brouter 
les  maigres  loulTes  qui  tapissent  les  interstices  de  la  rociie, 
ou  dévorent  les  pousses  encore  tendres  des  jiMmes  taillis.  La 
moisson  faite,  on  les  voit  descendre  de  leurs  parcs  pour 
aller  tondre  la  paille  des  blés  coupés  dans  la  plaine.  Le  métier 
de  berger  occupe  en  Arcadie  comme  dans  le  reste  de  la  Grcce 
un  personnel  considérable.  Le  lait,  le  beurre,  le  fromage  sont 
exclusivement  fournis  par  les  brebis  et  les  clicvres.  Le  gros 
bétail  h  cornes  est  très  rare,  faute  de  pAturages,  et  (railleurs 
les  Grecs  en  général  n'aiment  pas  le  lait  dt»  vache.  Quant  au 
labourage,  on  y  emploie  surtout  des  chevaux.  (îeux-ci  ont 
assez  vilaine  apparence.  Petits,  faibles  et  contrefaits,  ils  ne 
peuvent  rendre  des  services  qu'en  ])laine,  |)our  trans|)orter 
les  denrées  au  marché  de  Tripolis.  Mais  dès  (\Wï\  s'agit 
d'aborder  les  chemins  de  montagne,  ils  deviennent  insullisants. 
Ils  n'ont  ni  la  sûreté  de  pied  ni  la  résistance  nécessaires. 
Aussi  de  tout  temps,  les  Anes  et  particulièrement  les  mulets 
les  ont-ils  supplantés.  La  légende  a  fait  aux  «  roussins  »  d'Ar- 
cadie  une  légitime  réputation.  Les  villages  de  la  Tégéatidc  et 
de  la  Mantinique  possèdent  tous  d'excellents  Anes  mulassiers, 
descendants  de  ces  hémiones  célébrés  par  Strabon  (l). 

Quelques  poignées  d'orge  et  de  paille  hachée,  en  été  (lucl- 
ques  bottes  de  tiges  vertes  de  maïs  sufTisent  à  la  sobriété  du 
mulet.  Quand  Strabon  vante  les  pAtunig(îs  d'Arcadic,  nourri- 
ciers d'une  brillante  race  de  chevaux,  il  omet  de  désigner  les 
cantons  producteurs  de  cette  race.  Aujourd'hui  ni  la  Tégéalide 
ni  surtout  la  Mantinique  ne  sauraient  montrer  un  seul  her- 
bage. Il  faut  donc  suppléer  à  l'absence  (kî  statistique  dans  l'anti- 
quité par  les  données  de  la  légende.  On  sait  d'une  part  (lue 
la  fable  plaçait  en  Élide  les  écuries  d'Ol^nomaos  et  celles 
d'Augias  (2),   d'autre   part   qu'Ulysse   possédnit  sur   la   jnème 

(1)  Slrab.  VIIÏ  8,  1,  p.  388.  Boax'^ixaai  B'eîçî  voixat  oa-J/iXet;,  xai 
{jLxXi<7Ta  iTiTCOiç  xai  ovoiç  TOÎç  liïTropxTOi;  'ÊcjTt  8k  xal  tô  yiyoç  T(ov  Vtttcwv 
iûiaTOv  To  'AûxaBixbv,  xaOxTrep  xal  xb  'AsyoXixbv  xal  xb  'ETTioaiipiov. 
Cf.  Uérod.  IV.  30.  —Cf.  Arcadiœ  pccuaria.  Varro  /?.  Ilust,  H,  14.  —  Pcvs.'Sat, 
111,9.  -  Pline  VIII,  167.  —  Juven.  VU,  160.  —  Voy.  lîuiraud.  Prop.  fonc. 
m  Gr.  p.  507-509. 

(2)  PauMn.  VI.  21,  7.  —  Ilom.  lliad.  I.  677-684.  Tliéocr.  Idt/l.  25. 


^60  mantinke:  et  l'argadie  orientale. 

C(Me  des  ])ûturages  importants  (1).  De  retour  à  Ithaque,  dési- 
rant remonter  ses  éiables  dilapidées  par  les  prétendants,  il  se 
met  à  la  recherche  de  ses  troupeaux.  Il  descend  d'abord  chez 
son  hôte  Polyxcnos,  roi  d'Élis,  descendant  d'Augîas,  possesseur 
d'un  bétail  considérable  (2).  Puis,  on  le  retrouve  à  Aséa  (3), 
où  il  consacre  un  temple  à  Athéna  Soteira  et  à  Poséidon  ;  de 
là,  il  passe  à  Mantinée,  où  fleurit  le  culte  de  Poséidon 
nippios(4);  il  réussit  enfin  à  retrouver  ses  juments  ù  Phénéos, 
où  il  fonde  le  culte  d'Artémis  lleurippa  (5).  De  plus,  Poséidon 
et  Démêler  s'étaient  accouplés  à  Thelpousa,  cachés  parmi  les 
troupeaux  d'Onkos  (6),  et  la  Déméter  chevaline  était  la  grande 
déesse  de  Phigalie  (7).  On  en  peut  donc  conclure  que  l'élevage 
du  cheval  prospérait  dans  les  cantons  limitrophes  du  Ladon, 
de  l'Alphée,  dans  les  plaines  de  Parrhasie,  d'Aséa,  de  Mantinée 
et  de  Piiénéos.  La  léj^ende  attribuait  à  un  Mantinéen,  Samos 
ou  Séros,  nis  d'Halirrhothios,  hypostase  de  Poséidon,  la  pre- 
mière victoire  olynij>ique  à  la  course  des  quadriges  (8).  Tou- 
tefois, à  Mantinée,  cette  industrie  des  temps  primitifs  dut 
tomber  en  décadence  après  la  chute  du  régime  aristocratique 
et  le  morcellement  de  la  propriété.  Aristote  (9)  remarque: 
en  eiïet,  que  Vlnppolrophic  suppose  la  grande  propriété  aristo- 
cratique, comme  c'était  le  cas  en  Thessalie,  en  Béolie  et  dans 
les  pays  où  existait  une  classe  des  linreTç.  Or,  la  constitution 
démocrati(iue  de  Manlinée  su|)pose  plutôt  un  régime  de  petite 
propriété.  11  est  donc  probable  ([ue  les  grands  pAturages  avaient 

(1)  Pausan.  VlIF.  14.  6.  —  Uorn.  Odyss.  IV.  634  ss. 

(2)  Sommaire  delà  Télé^onic  d*Kugammon  de  Cyrène  (VI*  s.)  dans  Proclus. 
Chrestomalhie.  Cf.  Svoronos.  Éludes  archéol,,  et  numismatiques  (GazeUe 
archéol.  de  1888). 

(3)  Pausan.  Vill.  44,  4. 

(4)  Sur  le  culte  du  dieu  Cheval  à  Manllnée  et  sur  la  légende  d'Ulysse,  liyposlase 
de  Poséidon  Ilippios,  voy.  p.  229  et  suiv.;  240  et  suiv. 

(5)  Paus.  VIII.  14.  4-5. 

(6)  Paus.  Vlil.  25,  8  et  10. 

(7)  Paus.  Vlll.  42,  4. 

(8)  'Av*  ÏTiizoïai  8e  TÊxpaaiv 

OLizo  MavTivéaç  Sa|jLOç  (')XipoO(ou.  Pind.  01.  XI.  69.  Cf.  Scliol.  ad  h.  loc. 
Tpé']/a;  Bè  TctoXou;  o)ç  b  Mavxiveuç  St||jloç, 

oç  TTpwTOç  apixax  'v^Xaaev  Tcap  'AX^êko.  (Citation  de  Diphllos,  auteur  de 
la  Théséis). 

(9)  Arist.  Polit,  VI.  7,  p.  1321  a,  11  :  al  Zï  l7C7C0Tp0(piat  xwv  [xaxpàç 
oùdtaç  X£XT-/)|i.éva>v  elaiv. 


LES  PRODUITS   DU   SOL.  01 

disparu  à  Tcpoque  historique.  Le  cheval  de  guerre  éiait  néf^l'ij^e^; 
le  fait  qu'à  la  bataille  de  302  Maiitiiire  se  serait  trouvée 
dépourvue  de  cavalerie  sans  Tarrivée  des  AMiéniens,  coiinriiie 
cette  opinion  (1).  Peut-ôtre  aussi  la  persistance  des  Manli- 
néens,  au  V«  siècle,  à  s'assurer  la  conquiMe  lointaine  de  la  Par- 
rhasie,  iudique-t-elle  le  désir  de  se  procurer  une  ressource 
qui  manquait  à  leur  propre  territoire.  Toulefois,  l'existence 
d'un  hippodrome  aux  portes  de  la  ville  indique  que  rélevîijçn 
du  cheval,  s'il  ne  suffisait  pas  aux  besoins  de  la  gueire,  sub- 
sistait pour  le  cheval  de  trait  et  de  course. 


Miivpii» 


En  somme,  ce  petit  pays  manlincou  se  trouvait  richniuMit 
pourvu  des  biens  nécessaires  a  la  vie  matérielle,  et  même  a  une 

■  ,  ninlcnaiix. 

existence  confortable  et  ornée.  Les  hauteurs  voisines  fournis- 
saient des  pierres  de  construction  aussi  variées  quVléj:fanLes 
d'aspect  :  conglomérat  pour  les  substructions,  calcaire  blaiic-mat 
pour  les  appareils  soignés  et  les  dallages,  calcaire  bleu  et  marbre 
gris  du  Ménale  (2).  Les  architectes  [et  les  praticiens  tiraient  des 
carrières  de  Doliana  au  S.  de  Tégée  (3)  un  marbre  blanc  à  grain 
fin,  analogue  au  Pentélique  :  admirable  matière  susceptible 
de  rendre  toutes  les  délicatesses  du  ciseau  le  plus  rafliué.  Elle 
permit  à  Scopas  (rexécuter  un  chef dVcuvrc,  le  temple  d'Athéna 
Aléa,  à  Tégée;  à  Alcamène,  à  Praxitèbî  de  srulpler  pour  les 
temples  de  Mantinée  des  groupes  mémorables.  Du  Ménah^ 
descendaient  les  maîtresses  poutres,  les  plambes,  les  bois  de 
sapin,  les  boisde  chaulTage  et  les  fagots  du  matiuis.  Les  riiénes 
verts  de  la  plaine  donnaient  les  instnimeiils  aratoires,  les 
manches  d'outils,  les  meubles.  La  terre  argileuse  livrait  aux 
tuileries  la  brique  crue  pour  les  murs  des  maisons,  des  fermes, 
des  jardins,  et  pour  les  remparts  de  la  ville;  également  Ja  bri(|ue 
cuite,  dont  l'usage  devient  si  fréquent  à  répo(|ue  romaine,  ainsi 
que  celui  des  tuiles,  les  toits  ne  pouvant  être  construits  en 
terrasses,  sous  ce  ciel  pluvieux,  comme  en  Argolide,  en  Attique 
ou  dans  l'Archipel. 
L'alimentation  était  abondante,  succulente  même  :  le  pain 


(!)  Voy.  aux  Appendices,  le  récit  de  la  bataille. 

(2)  Sur  le  marbre  «  dcmi-deull  »  de  Tripolllza,  voy.  Kxp»'*d.  de   Moréc,   11», 
p.  153. 

(3)  Sur  le   marbre  de    Doliana,  voy.    Lcpsiiis.    Grirrh.    Marmorsludien, 
Berlin.  1890,  p.  34.  —  Sur  les  gisements  :  Pbilippson.  dcr  Pclnponncs,  p.  IGO. 


G2  MANTINICE  KT  L'AUGADIE  ORIENTALE. 

assuré  |)ar  In  richesse  du  terroir  en  céréales  (1);  les  légumes, 
les  fruits  d'une  (lualité  rare;  la  viande  de  mouton,  de  chèvre, 
(le  porc,  de  gibier,  sans  compter  les  volailles,  les  œufs,  les 
laitages  et  le  vin  à  revendre,  assuraient  à  ces  campagnards 
une  plantureuse  subsistance.  Ils  |)Ossédaient  de  la  laine  pour 
leurs  v(Mements,  leurs  lapis,  leurs  tentures,  du  poil  de  chèvre 
pour  leurs  ca[)es  d'hiver;  les  fourrures  elle  cuir  en  quantité. 
Argos,  Sicyonc,  (^orinthe,  Egine  les  approvisionnaient  en  mé- 
taux, fers,  bronzes,  en  vêtements  de  luxe,  en  articles  de 
ménage.  Ils  n'avaient  pas,  comme  le  citoyen  de  TAttique,  à 
cojnpter  pour  vivre  sur  les  récoltes  de  TEubée  ou  du  Pont- 
Euxin  :  ils  se  sullisaient  à  eux-mêmes,  et  pouvaient  se  nourrir 
grassement  sans  presque  rien  demander  à  autrui. 

En  ne  les  rendant  tributaires  de  personne,  le  sol  les  prédis- 
posait à  l'indépendance.  De  plus,  les  membrures  symétriques 
du  territoire  ré|)artissaient  d'une  manière  rationnelle  les  lots 
cultivables  enire  les  dillérents  dèmes.  La  propriété  n'y  pou- 
vait être  centralisée.  Aussi  la  république  mantinéenne  olTrait- 
elle  aux  législateurs  un  modèle  de  pondération  et  d'équilibre. 

u  Mmiiinique,  En  souime,  ce  canton  minuscule  représentait  le  type  théorique 
|yi'c         de  l'État  grec  :  unej)lainede  peu  d'étendue,  dominée  par  une 

dcrKinigrec.  acroi)ole  en  ruines  assise  sur  un  monticule;  en  bas,  une  ville 
entourée  d'un  rempart  avec  son  agora,  centre  de  la  vie  politique  ; 
dans  les  coins  du  territoire,  des  bourgades  ouvertes,  centres  de 
l'exploitation  rurale,  et  quelques  forteresses  espacées  à  la  sortie 
des  défilés  ou  à  cheval  sur  les  cols  de  la  frontière.  Dans  ce 
modeste  habitat  vivait  une  race  active  et  intelligente,  groupée 
autour  de  ses  dieux,  rattachés  eux-mêmes  au  sol  par  des  liens 
étroits  :  une  Ame  collective  s'y  était  formée  par  la  commu- 
nauté des  nécessités  matéiielles  et  des  rites  traditionnels. 

u  imysngc.  Lc  rcgard  embrassait  d'un  seul  coup  d'œil,  dès  le  seuil 
de  la  plaine,  Tensemble  de  ce  microcosme,  en  apercevait 
tous  les  contours,  en  fouillait  tous  les  recoins.  L'aspect 
général  laissait  une  impression  à  la  fois  agréable  et  sévère. 
La  [)rospérité  faisait  le  charme  de  ce  pays,  dépourvu  des 
agréments  que  la  mer,  les  grands  fleuves,  les  horizons 
lointains,  les  accidents  variés  procurent  à  d'autres  contrées. 

(1)  Xénophon  {Hellen.  V.  2.,  2)  rapporte  que  les  Mantinéens  avaient  ravitaUlé 
en  blé  les  Arglcns,  pour  leur  permettre  de  soutenir  la  guerre  contre  Sparte. 


LES   PU0DU1T8  DU   SOL.  63 

En  bas,  le  fond  plat  conservait  ses  teintes  luxurianles,  grAce 
aux  vignes,  jusqu'à  la  saison  avancée  :  de  ((îlle  iia|)i)e  ver- 
doyante émergeait  Tenceinte  crénelée  avec  sa  bonlure  de 
tours,  comme  un  îlot  circulaire.  Çà  et  là,  tout  autour,  des 
groupes  de  fermes  et  d'habitations  rurales,  ([uelques  sanc- 
tuaires ombragés  sous  des  toulïes  de  vieux  arbres,  iltin  haies 
le  long  des  routes  et  des  petits  chemins,  uii  ruisselet  noir  et 
paresseux,  désalignements  de  tombeaux  et  de  stries  escortant 
le  voyageur  jusqu'à  l'entrée  des  portes.  Derrière  la  ville,  Tœil 
distinguait  de  tous  les  côtés  une  éminence  isolée,  arrondie 
comme  un  colossal  tumulus,  véritable  ombilic  de  la  plaine. 

Noyée  comme  au  fond  d'une  coupe  jamais  tarie,  sans  autre 
horizon  qu'un  rempart  montagneux  crénelé  de  cimes  chauves, 
Mautiuée  semblait  isolée  dans  la  tristesse  des  monts  silen- 
cieux, sous  un  ciel  dont  l'humeur  sautait  de  la  colère  furieuse 
aux  caresses  brûlantes.  Mais  si,  du  haut  de  leurs  murailles, 
le  regard  des  habitants  cherchait  une  échaj)pée  sur  le  inonde 
extérieur,  sûrement  ils  n'éprouvaient  pas  le  scnliuient  de  la 
solitude.  Par  la  grande  brèche  du  Sud,  ils  apercevaient  d'abord 
la  menace  de  l'acropole  ennemie.  Que  de  défis  et  de  malédic- 
tions ont  dû  s'envoler  vers  elle,  et,  par  delà  l'écran  des  monts 
lointains,  aller  s'abattre  sur  le  pays  des  llo|)liles  dorieus  !  J)e 
ce  côté  largement  ouverte  à  l'inquiétude,  Manlinée  n'était  pas 
davantage  rassurée,  si  elle  jetait  un  regard  au  Nord  :  au-delà 
de  l'Anchisia,  dans  la  plaine  voisine,  elle  stMilail  une  autre 
rivale,  Orchomène.  A  l'Ouest,  le  Ménale  lui  cac^hait  un  pays 
confus,  où  s'égaraient  ses  craintes  mêlées  de  convoitises.  De 
l'Est,  au  contraire,  lui  venait  la  joie  et  l'espérance,  par  les 
âpres  sentiers  suspendus  comme  des  échelles  aux  lianes  de 
l'Artémision.  C'était  le  chemin  du  retour  (|ui  débouchait  à 
Nestané,  dont  le  nom  avait,,  disait-on,  le  même  sens  (|ue 
Nostia  (1).  11  n'y  avait  donc  pas  de  barrièie  si  haute  qui 
l'isolât  de  ses  ennemis  ou  de  ses  amis.  C'est  (ju'en  réalité  elle 
était  encaissée,  plutôt  qu'enfermée,  au  fond  d'un  carrefour. 

(i)  Et.  Byz.  s.  V. 


CriAPlTRE   VI. 


nÔLE   ÉCONOMIQUE   ET   STRATÉGIQUE   DE   LA   HAUTE  PLAINE 
DÉFILÉS   ET  ROUTES   NATURELLES. 


Ix;  cnrrcfoiii' 
central . 


1^'  rr>p«u 
rloiMMilirsicn. 


La  haute  ])lainc  arcaclienne  est,  par  sa  position  topogra- 
phique clans  le  Péloponnèse,  le  centre  des  transactions  inté- 
rieures, le  carrefour  des  roules  commerciales  qui  viennent 
se  couper  au  fond  de  son  hassin.  Jadis  Mantinée  et  Tégée  se 
trouvaient  situées  au  croisement  des  artères  principales  par 
où  s'opérait  de  la  périphérie  au  centre,  et  vice  vei*sa,  la 
circulaliim  écoiiomicfue  de  la  péninsule.  De  nos  jours,  les 
conditions  |)hysi(iues  n'ayant  |)as  changé,  c'est  Tripolis  qui 
a  hérilé  de  ses  devancières  le  rôle  de  capitale  politique, 
é('onomir|ue  cl  niililaire  de  la  Morée  intérieure. 

Les  ((Mes  de  liiî:nes(lu  réseau  péloponnésien  se  répartissent  sur 
lepourtourcolierle  hmgdececpjai  circulaire  par  où  la  l'éninsule 
reçoit  lesproduils  du  dehors  et  évacue  les  siens  (1).  Les  échelles  les 
plus  im|K)rlan(es  occupent  le  fond  des  grands  golfes  et  le  littoral 
des  riches  vallées  inférieures;  des  voies  latérales  aux  fleuves, 
<[uand  elles  ne  se  confondent  pas  avec  leur  lit  caillouteux, 
reinonlenl  ius(|u'aux  hassins  intermédiaires,  et  les  traversent, 
pour  aboutir  au  réduit  fermé  de  la  plaine  tégéatico-manti- 
néenne.  A  Corinlhe,  à  Épidaure,  à  Nauplie,  à  Gythéion,  à 
IMiarœ,  à  Kyparissia,  a  Kyllène,  à  Patrœ,  à  JEgion,  à  Sicyone, 
venaient  atterrir  les  marchandises,  les  produits  industriels  et 


(1)  Il  semble  que  les  Corinthiens  visent  les  villes  a rcadiennes  dans  le  passage 
de  Thucydide  où  ils  s'efTorcent  de  démontrer  la  solidarité  économique  des 
cités  mariUmes  et  des  cités  coiiUnentalcs  du  Péloponnèse  :  Thucyd.  I,  120. 
Toù;  8s  TY,v  ixecovaiav  |jLaXXov  xal  [xyj  ev  Tcôpto  xaT(i)xir|(jLévouç  clSévai  ^^pvj 
oTt,  TOÏç  xàxo)  '/jv  |jLYj  àitûvcodi ,  /aXeirtoTÊpav  e^ouvi  tyjv  xaTaxojJiiSYjV 
T(ôv  ÎooolUo'*,  xai  TiaXiv  àvT^Xvi'j/iv  cov  yj  OàXawa  ttj  YjTcefpo)  St8a>ai. 


RÔLE  ÉCONOMIQUE   ET   STRATEGIQUE   DE  LA    HAUTE   PLAINE.  G5 

manufacturés  originaires  de  tous  les  i)oinls  du  monde  médi- 
terranéen. Nauplie constituait  un  vérilal)lc  port  intérieur,  le  plus 
rapproché  du  cœur  du  Péioponiicse.  C'était  la  porte  d'entrée 
diB  la  péninsule  du  côté  de  l'Orient  asiatique  cl  de  l'Archipel (1). 
Aussi,  au  point  de  vue  péloponnésicn,  rim|)ortance  d'Argos 
primait  celle  de  Corinthe.  Le  rôle  propre  de  Gorinthe  consis- 
tait à  assurer  le  service  du  transit,  à  travers  l'isthme,  entre 
la  mer  Egée  et  la  mer  Ionienne,  de  façon  à  dispenser  les 
navires  de  doubler  le  cap  Malée.  Dès  que  le  monde  gréco- 
oriental  entra  en  relations  avec  l'Occident,  les  ports  de  l'isthme 
servirent  de  trait  d'union  entre  les  villes  asiatiques  et  les 
colonies  grecques  de  Sicile,  de  la  Grande-Grèce  et  les  villes 
d'Étrurie,  —  plus  tard,  à  l'époque  hellénistique,  entre  Délos, 
entrepôt  des  débouchés  du  l*ont-Euxin,  de  l'Asie-Mineure, 
de  Rhodes,  de  la  Syrie  et  de  l'Egypte,  et  les  échelles  italiotes, 
Syracuse,  Tarente,  Brindes,  Ostie.  Le  trafic  de  l'isthme  est 
orienté  de  l'E.  à  l'O.,  dans  le  sens  du  chenal  maritime  formé 
par  les  golfes  Saronique  et  Corinthien.  La  dépression  de 
l'isthme  se  présente  comme  un  couloir  reliant  les  deux  mers. 
Par  rapport  aux  continents  qu'il  rattache  l'un  à  l'autre,  sa 
position  est  moins  propice  aux  transactions  (2).  Au  N.  et  au 

(1)  Actuellement,  Myll  (Lerno)  et  Nauplie  sont  les  deux  ports  deTripolis. 

(2)  La  route  de  terre  aboutit  elle-niôme  à  Argos,  por  les  défilés  de  Kléonai. 
De  plus,  les  douanes  de  Corinthe  rendaient  cette  voie  très  onéreuse  par  les 
taxes  qu'elles  percevaient  sur  les  marchandises  qui  traversaient  Tlstiime  pour 
entrer  dans  le  Péloponnèse  ou  pour  en  sortir  :  Strab.  VIII,  6,  20  : 
kolX  iteCy|  hï  t«5v  èxxo(JLiCo[Aéva>v  ix.  tt|ç  rieXoTrovv-^dOu  xal  xoiv  elaaYOïxévwv 
eittTCTe  Ta  TeX-qTOtçxà  xXeïOpae;^ou«Ti.  La  phrase  de  Thucydide  (1,13)  sur  l'Im- 
portance de  risthmepour  le  transit  entre  la  Grèce  du  Nord  et  le  Péloponnèse  n'a 
de  valeur  que  pour  la  période  primitive,  antérieure  à  la  constitution  des 
grandes  marines  marchandes  :  tûv  te  êvtoç  IlÊXoTrowvjaou  xal  Toiv  eÇoj,  8ià 
TTJç  éxeivcov  Tcap  '  àXXi^Xouç  67ri[JL'.(rYovTa)v.  Plus  tard,  les  marines  rivali's 
transportant  directement  les  marchandises  dans  les  ports  péloponnéslens 
(licsiBv)  ol  *'BXX7|V6ç  (xaXXov  cttXcdi^Iovto),  les  Corinthiens  conservèrent  la  res- 
source du  trafic  de  l'E.  à  PO  ;  ijXTTOpiov  7capé;^ovTeç  àp.îpÔT£pa,  8uvaT7|v  eayov 
^p7|p.aT(ov  Tcpoa^oo)  T'/]v  TToXtv.  Aujourd'hui,  Nauplie,  Myli,  Patras,  sont  les 
échelles  les  plus  commerçantes  à  rE.  et  au  N.  du  Péloponnèse;  Kalamata  et 
Gythion  au  S.  C'est  de  Gythlon  que  s'expédie  en  Egypte  la  plus  grande  partie 
du  haschisch  produit  par  la  Haute  Plaine.  Autrefois,  l'Egypte,  au  dire  d'Héro- 
dote (II,  77)  ne  produisait  pas  de  vin  :  on  peut  supposer  que  le  Pélofionnèse 
lui  en  expédiait.  Sur  les  relations  commerciales  de  Cylhère  et  de  la  Laconic 
avec  l'Egypte  et  la  Libye,  voy.  Thucyd.  IV,  53  :  vjv  yàp  (Cylhère)  aùxoîç 
(aux  Lacédémonlens)  Tcîiv  xe  àir*  AIyutttou  xai  A'.6ùy,ç  ôXxàSwv  TipocjGoXv^. 
Cf.  Ilérod.  VII,  235. 

Mantinée.  —  G. 


66  MANTINÉE  ET   L*ARGADIE  ORIENTALE. 

S.  il  est  bordé  de  liautcs  murailles  montagneuses  qui  ne  livrent 
passage  qu'à  des  sentiers  étroits  et  tortueux.  C'était  le  chemin 
(les  invasions,  mais  la  voie  commerciale  la  plus  commode 
onire  la  Grèce  du  Nord  et  le  Péloponnèse  était  encore  la  voie 
de  mer,  aboulissaut  h  des  points  du  littoral  rejoints  au  cœur 
du  pays  par  des  routes  directes.  Sicyone  et  Argos  desservaient 
surtout  la  Haute  Plaine;  leurs  monnaies  abondent  entre  toutes 
dans  les  ruines  de  Mantinée  et  de  Tégée. 
Kuniw  Le  tableau  suivant  des  routes  commerciales  du  Péloponnèse 

tonimeirinics  du  fg^a  rcssortir  l'importance  économique  du  carrefour  central  : 

Péloponiicse. 

I  (    1     i  ^'  A^l'^'it's»  Mégnre,  Corinlhe,  Kléonai  ou  Ténéa,  Argos. 

,*      ç,  I       '   l  B.        —       figine,  Êpidaure,  Argot. 


Vin  N.  E.-S. 


î.       Argos,  Tégée  ou  Mnnlinéo. 


AUi^ncs-Gylhion.  {  3        j^^^^.^^  SftMÏe,  Oylhion.  (1) 

II.  (  ^'       Athènes,  Tégée  (mêmes  routes). 

Vin  N.E.-S.O.  \  2.      Tégée,  Pallanlion,  Aséa,  Mégalopolis. 

Athènes-Pharni.  y  »     (A.  Mcgalopolis,  Messèno,  Pbarai. 

Alhènes-Kypnrissia.  (       '   (  1).  Mégalopolis,  Mcssènc,  Kyparissia,  ZakynlboB. 

Kl  /  ^  A .  Delphes,  Kirrha,  >Egeira,  Phénéos,  Orchomène,  Mantinée,Tégée. 

y    «j   c  \  1.   }  ]).  Thèltes,  Sicyone,  Phlious,  Aléa,  Manlinée,  Tégée. 

la  n.-a.  j  ^  ^    Thèlies,  Môgarc,  Corinthe,  Phlious,  Orcbomtoe.  Maiitinée.(î) 

Tcgce.  Mégalopolis.  Messène  (Pharai,  Pylos,  Kyparissia). 


Thèl>cs-Mcasénie . 


Dciphes-Sparlo.        ^    ;,,       jf^^^^  Sparlc,  Gylhîon. 

p. 

(  n. 


Nnupacte  (Corcyre,  Sicile,   Italie),  iCgion,  Kynaitha,  Lousoi, 

IV.                  \  *  •  {             Phénéos,  Orchomène. 

Via  N.O.-S.K.         <  '  R-  Naupaclc,  Palrai  ou  Dymé,Tritala,KIeilor,Kaphyai,  Orchomène 

Naupacle-Gythion.      /  -'  Orchomène,  Mantinée,  Tégée. 

V  3.  Tépcc,  Sparte,  Gythîon. 

V  ( 

Via  N  E -0            <  ^'  (^rinthc.  Kléonai,  Némée,  Phlious,  Aléa,  Mantinée. 

Albèncs-Ôlympie.       (  -•  Mantinée.  Méthydrion,  lléraia,  Olympie. 

VI.                  (  ''  A''R"^i  Mantinée. 


Via  E.-N.O.  <    i.      Manlinée,  Orchomène,  Kaphyai,  Psophis. 

(     3.  "  -  ■ 


Argos-Kyllènc.         (    3.       Psophis,  Élis,  Kyllène  (ZakynthoB,  Leucade,  Ithaque,  Corcyre). 

Via^Ë*-0  {    *•      Thyrées.  Tégée. 

Thyréc«-K)V«H.s.sia.     (    *•      Tégée,  Mégalopolis,  Messène,  Kyparissia. 

Cols  cl  .iéfiiésde     Ainsi,  toutes  les  routes  reliant  les  points  extrêmes  du  Pélo- 
la  iiauic  Plaine,  ponncsc  passaîcnt  forcémcnt  par  la  Haute  Plaine  (3).  Elles  en 


(1)  Route  (les  courriers  entre  Athènes  et  Sparte  (Hérod.  VI,  105-106).  Le 
héraut  Phidippidrs  la  parcourut  en  deux  jours  :  Il  est  vrai  qu*il  s*agit  ici  d'un 
record  de  coureur  professionnel  :  la  distance  est  de  260  kil.  Les  armées  la  fran- 
chissaient en  trois  Jours  au  moins  (Ilérod.  VI,  120). 

(2)  Route  suivie  par  Épaminondas  en  3G2. 

(3)  Trois  routes  obliques  restent  en  dehors  du  réseau  :  celle  qui  rejoint  les 
hautes  vallées  de  rSurotas  et  de  l'Alphëe  par  le  défilé  do  Mont  Khelmos, 
défendu  par  la  forteresse  de  TAthénaion,  près  Belmlna  [route  de  Sparte  à 
Olympie-Élis  par  Mégalopolis.—  Voy.  Loring.  Joum.  ofhelL  Stud.  XV.  (1895), 
p.  38]  ;  —  la  route  d'Olympie  k  Mg'ion  par  Psophis,  Kynaitha  et  le  labyrinthe 
du  Kladéos,  'de  l'Érymanthos  et  du  Bouraîcos  ;  —  et  celle  de  Sparte  à  Argos 
par  Tbyrées. 


RÔLE   ÉCONOMIQUE   ET   STRATéCIQUR    DE  LA    IfAUTE   PLAINE.  67 

franchissaient  la  bordure  par  les  cols  et  défilés,  qui  lui  ména- 
gent à  la  fois  des  entrées,  et  des  débouchés  extérieurs  vers 
les  quatre  points  cardinaux.  Les  brèches  du  rebord  mon- 
tagneux du  grand  bassin  se  répartissent  comme  suit  : 


I.  côt6  est 

lo  A  l'extrémité  S.  de  la  chaîne  argolico-arcadîenne,  sur  la 
ligne  de  partage  entre  la  vallée  du  ïanos  et  celle  du  Garâtes, 
le  col  de  Maskéna  (460  m.).  Route  de  Tégée  à  la  Thyréalis  : 
9  heures. 

2p  Entre  la  plaine  de  la  Korythéis  et  celle  d'ilysiai,  col  du 
Parthénion  (Scala  tou  Bey).  Route  muletière  de  Tégée  à  Myli  : 
7  heures  (1). 

3^  Entre  les  mêmes  points,  en  contournant  au  N.  le  pic  de 
Palaio-Moukhli,  route  carrossable  (auj.  Cîyros)  de  Tégée  à 
Argos  :  8  heures. 

4»  Entre  l'Artémision  et  le  Kréopôlon,  col  de  Skalais  (1176  m.). 
Chemin  de  Mantiuée  à  Argos  par  Tsipiaiui,  Tourniki  et  le 
ravin  du  Charadros  :  7  heures. 

5»  Au  N.  de  l'Artémision,  col  de  rArténiision  (1210  m.). 
Chemin  de  Tsipiana -Argos  par  les  sources  de  Tluachos,  Karya, 
et  le  Charadros  :  7  h.  30  de  Mantinée  (2). 

6°  Entre  Sanga  et  Kapai'éli,  dans  le  Lyrkéioii,  col  de  Por- 
tais. Chemin  de  Mantinée  à  Argos  :  8  h.  30  de  Mantinée  (3). 

II.    CÔTÉ  NORD 

7»  Entre  l'Arméniadis  et  la  montagne  d'Apnno-Bélcssi,  col 
de  Phrosouna  (1115  m.).  Chemin  de  Mantinée  à  Aléa  :  3  h.  30  ;  — 
à  Stymphale  :  9  heures. 

8»  Entre  l'Arméniadis  et  l'Anchisia,  passe  de  Kakouri  (650  m.). 
Route  de  Mantinée  à  Orchomène  :  2  h.  30  (\), 

9^  Au  milieu  de  l'Anchisia,  col  de  TAnchisia.  Chemin  de 

(1)  Pausan.  VIII,  6,  2. 

(2)  Le  Prinos  de  Pausanias.  Und.  Voy.  p.  89. 

(3)  Le  KUmax  de  Pausanias.  Voy.  p.  83. 

(4)  Pausan.  VIII.  12,  3. 


()8  MANTINÉE   ET   L'AnCADIG  ORIENTALE. 

AFanliiiée  à   Orchoniônc  (1   h.   45)   avec   embrancliemenl  sur 
Pliénéos  el  Slynipliale,  oL  sur  Nasoi,  Psophis  ou  Kleitor  (1). 

111.    CÔTÉ  OUEST 

lOo  Dans  le  Mi'^nalc,  entre  la  plaine  de  Siniiadcs  et  celle  de 
Lévidi,  col  de  l.évidi,  au  croisement  des  clieniins  de  Kaphyai 
et  de  ïhelpousa. 

Il"  Col  de  Kardara,  chemin  de  Mantinée  à  Mélhydrion  el  à 
la  Ménalie  par  Pétrosaca*  (2). 

12»  Col  d'Apano-Klirépa,  entre  la  plaine  de  Kapsia  el  la 
Ménalie  (ravin  do  rilélisson  supérieur).  Chemin  direct  de 
Mantinée  à  Mé^aloimlis  par  Mainalos  (3). 

13"  Col  de  Triodoi  (Kartéroli)  (4).  Roule  deTégée  à  la  Ménalie 
méridionale  (Soumélia,  Mainalos),  avec  embranchement  sur 
(îorlys,  lléraia,  Olympie,  d'une  pari,  —  sur  Mégalopolis  par 
rilélisson,  d'autre  pari. 

14"  Col  de  Vallétsi,  sentier  direct  de  Tégée  à  Mégalopolis  (4) 
par  les  ravins  de  TElaphos  et  de  rilélisson  (5  h.). 

rV.    CÔTÉ  SUD 

IJi"  Col  du  M^  Boréion.  Route  de  Pallantion  à  Aséa,  avec 
embranchement  sur  Mégalopolis  et  Messône,  et  sur  Belmina- 
Sparte  (5). 

(1)  Paus.  VIU.  12,    5.  Mnnanée-Orchomène 2  h.  30 

Orchomènc-Stymphole 6        30 

ManUnée-Nasoi 5        30 

ManUnée  Phénéos 7        40 

Manlinée-Psophis 12       20 

ManUnée  Kleitor 9         » 

(2)  Paus.  VIII.  12.   2.  ManUnéc-LévIdi  par  la  plaine  Alcimédon.  2  h. 

Lcvidi-Tlielpousa 10  » 

ManUnée-Méthydnon 6         » 

Mantinéc-Olympie 22         » 

(3)  Paus.  VIIÏ.:3ri,î),sq(|.  Loring.  Joum,  of  heU,  Stud.  XV.(l«tô),  p.  76. 
{4)Paus.  VUI.35.6.        ManUnée-Tégée  —  18  kUomètres 3li. 

Tégce-Tiiodoi 2  30 

Tégée-Goilys 9  30 

(îorlys-IIônilîi 7  » 

IléraiH-Olyiiipic ft  » 

TéKée-Olyinpie. 21  30 

(5)                                      Tôgée-Pallaiilion 1  h.  45 

Tégéo-Aséa      3  45 

Aséa-Mëgalopolls 3  30 

TéKoe-Mcgalopolis  par  Aséa 7  15 

Mégalopolis- Messëne 10  45 


RÔLE   ÉCONOMIQUE  RT  STRATÉGIQUE   DE   LA    HAUTE  PLAINE.  09 

16«  Défilé  du  Sarandas-Postamos  el  de  Krya-Vrysis.  lloule 
de  Tégée  à  Sparte  par  Pbylaké,  la  Skirilis,  la  vallée  de 
rOînous  et  Sellasie  (1). 

170  Défilé  du  Garatî'S.  Roule  de  Tégée  à  la  Cynurie  avec 
embranchement  surArakhova  (Karyai),  (îéronihrai,  Epidauros- 
Liméra,  el  le  dislricl  du  Parnon,  Glymj)eis  cl  Prasîai  (2). 

Tous  les  chemins  correspondant  à  ces  échancrurcs  se  croi- 
saient en  deux  ronds-points  au  fond  des  (h;u.v  boucles  de  la 
plaine.  Les  siles  de  Tégée  et  de  Manlinéc  étaient  déterminés 
à  l'avance  par  la  place  de  ces  deux  carrefours;  leur  situation 
les  désignait  comme  sièges  des  deux  agoras  les  plus  impor- 
tantes de  TArcadie  centrale.  De  là  rayonnaient  èi  travers  toute 
la  péninsule  jusqu'aux  mers  extérieures  les  voies  trafiquantes 
et  les  routes  militaires.  Au  reste,  il  ne  faut  |)as  s'exagérer  la 
longueur  des  trajets  :  en  une  petite  journée  de  marche,' un 
mulet  chargé  atteignait  le  golfe  d'Argos;  en  un  jour,  il  entrait 
à  Sparte;  en  un  jour  et  demi,  il  parvenait  à  fiythion  ;  en  deux 
ou  trois  jours,  il  pouvait  déposer  sa  charge  dans  les  échelles  de 
Messénie,  d'Élide,  d'Achaïe.  Partout  les  golfes  venaient  au 
devant  de  lui  pour  abréger  sa  route. 

Sans  doute,  ce  trafic  intérieur  devait  être  d'ordinaire 
assez  somnolent.  De  ce  côté  non  plus,  il  ne  faut  rieji 
grossir  (3).  Les  populations  de  l'Arcadic  iw  connaissaient  pas 
les  raffinements  <lu  luxe  qui  engendrent  les  (îxigences  et  les 
besoins  artificiels.  Leur  simplicité  native  et  leur  pauvreté 
bornaient  leurs  désirs.  Nous  avons  vu  que  le  sol  pourvoyait 
aux  besoins  de  la  consommation.  Ils  ne  demandaient  au  dehors 
c[ue  certaines  matières  premières,  telles  (pie  les  métaux  en 
lingots  ou  manufacturés,  des  armes  de  choix,  ([uel(|ues  articles 

(i)  La  roule  moderne  carrossable  de  Tégée  à  Sparte  est  un  peu  plus  longue  : 
55  kil.  —  Par  le  clieiiiln  ancien,  il  faut  10  h.  de  Têfiôe  ù  Sparte:  de  Sparte  à 
Gylhlon  :9  b. 

(2)  Tégée-Géronthrai  :  15  h . 
Géronthrai  —  Épidauros-Liméra  :  8  h . 

(3)  Évidemment  Périclës  (Thucyd.  I,  141)  exagère  pour  les  besoins  de  sa 
cause  la  pauvreté  des  Péloponnésiens,  de  môme  que  les  Corinthiens,  dans  le 
|)assa;;e  cité  plus  haut,  ont  peut-ôlre  exagéré  riinporlance  du  trafic  de  l'inté- 
rieur avec  la  côte.  Toutefois,  du  discours  même  de  Pérlclés,  il  résulte  que  • 
l'agricullure  était  la  principale  ressource  des  habitants  de  la  péninsule.  Quand 
Ils  s^abseotaient,  ils  continuaient  a  tirer  leur  subsistance  de  leur  pays  :  par 
suite,  en  temps  de  paix,  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'ils  aient  exporté  le  surplus  de 
leurs  récoltes. 


Tinfic. 


70  MANTINKE   ET   l'aRCADIB  ORIENTALE. 

OU  bijoux  (lesliné.s  à  la  toilette  des  femmes  et  dont  les  pays 
ioniens  poss(''(laient  le  secret.  Les  centres  de  la  production 
industrielle  dans  le  Péloponnèse  se  trouvaient  à  Gorinthe,  h 
Sicyone,  à  Arp:os,  à  Fatras.  Les  ateliers  des  trois  premières 
fabriquaient  les  meubles,  les  bronzes  d*art,  les  bijoux,  la  par- 
fumerie, les  poteries  fines.  Fatras  exportait  le  byssos  de  ses 
filatures.  Argos  recevait  et  distribuait  les  produits  des  îles  et 
de  la  côle  d'Ionie;  Gytbion  et  Fbarai  les  fins  tissus  de  lin  qui 
leur  venaient  d'É^çypte,  de  Crète,  de  Syrie.  La  Messénie  culti- 
vait d'admirables  verfj:crs  :  elle  fournissait  le  baut  pays  d'olives, 
peut-être  d'oranp^es.  De  mt^me  la  I^conie,  les  côtes  d'Élide  et 
d'Acbaïe  devaient  ra|)provisionner  en  builes.  A  l'époque  pri- 
mitive, les  Éf^inèlcs  avaient  la  spécialité  du  commerce  de 
pacotille  (fo)7coç),  couleurs,  parfumerie,  quincaillerie,  mercerie, 
bimbeloterie  (1).  De  très  bonne  heure,  dès  le  règne  du  roi 
Pompos,  au  dire  de  Fausanias,  ils  s'étaient  créé  une  clientèle 
en  Arcadie.  Dans  les  temps  où  l'empire  des  rois  arcadiens 
s'étendait  h  l'Ouest  jusqu'à  la  mer,  l'Arcadie  possédait  un  port 
à  elle  sur  la  cùle  d'Élis,  Kyllène.  C'était  là  que  les  navires 
d'Egine  déposaient  leurs  marchandises;  leurs  colporteurs  les 
distribuaient  à  l'intérieur  à  dos  de  mulet.  Argos,  occupée  par 
les  Doriens,  avait  sans  doute  vu  déchoir  sa  suprématie  mari- 
time au  profit  de  ses  rivaux  d'Égine  (2).  De  plus,  cette  com- 
binaison un  peu  compliquée  permettait  d'éluder  l'intermédiaire 
onéreux  des  commissi(mnaires  corinthiens.  Quant  à  l'exporta- 
tion, elle  devail  porlor,  autrefois  comme  aujourd'hui,  sur  les 
peaux,  la  laine,  les  bois,  les  biMes  de  somme,  le  vin,  le  fromage 
et  les  céréales. 

1)  Strab.  VIII.  6,  16,  p.  376.  —  Hesych.  Alyeivaia.  —  De  la  Coulonche. 
Mém.  sur  VÀrcad  ,  p.  187.  L41  proportion  des  pièces  d'Égine  dans  la  quantité  de 
monnaies  que  nous  avons  trouvées  dans  nos  fouilles  ou  reçues  des  habitants 
est  très  inférieure  h  celle  des  pièces  de  Sicyone  et  d'Argos. 

(2)  D'après  la  généalogie  de  Pausanlas  (VlII.  5,  8),  Pompos succè Je  â  Kypséios, 
sous  lequel  les  Doriens  réussirent  à  pénétrer  dans  le  Péloponnèse.  Son  règne  se 
placerait  donc  vers  le  X*  siècle  avant  J.-G.  Il  eut  pour  successeur  iCginétés. 
(Cf.  Buchsenschûtz.  Hesilz  u.  Erwerb.  p.  443).  Siir  la  fusion  originelle  de 
rÉlide  et  de  r Arcadie,  voy  Pausan.  V.  1:  iv  T(S  'Apxà^cov  olxoo^iv  'IlXetoi 
xal  'ApxQcBeç,  et  dans  Tiiucydido  (f,  10)  la  même  division  du  Péloponnèse  en 
cinq  parties,  rÉlide  et  l'Arcadie  ne  faisant  qu'un.  (Cf.  Dlcasarch.  ap.  Cic.  ad: 
Àtlic.  VI.  2.  —  Scylax.  Per,  44.  Note  de  Ch.  Muller.)  Sur  la  prospérité  très 
ancienne  de  la  marine  éginèto,  Thucydide  (I,  U)  est  plus  restrictif  que  Pau- 
sanlas :  Al^ivï^Tai  yoLO  xal  *AOir)vaîoi,  xal  ei  Tiveç  àXXoi,  Ppa^^a  (vauTtxà) 
èxéxTTf)VTO,  xal  tout  tu  v  Ta  iroXXà  7çevT7|xovTopouç. 


RÔLE  ÉCONOMIQUE  ET  STRATÉGIQUE   DE  LA   HAUTE  PLAINE.  71 

Comme  position  militaire,   rimportance   stratégique   de  la      imporunco 
Haute    plaine   primait    tous    ses  autres  avantages.   L'histoire     «i™^»^»"!"*- 
des  guerres  dont  le  Péloponnèse  a  été  le  théâtre  se  conccntje 
presque  toujours  sur  ce  point.    Peu  de  routes  ont  été  plus 
piétinées    en    tous  sens   par  les   troupes   armées  que   celles 
dont    nous  avons  relevé  les   directions,  les  distances  et  les 
étapes.     Depuis     Pinstallation    des    Doriens    en   Laconie,    ce 
n'est  qu'un   perpétuel    va-et-vient   de  guerriers  d'un   bout  à 
l'autre   de    la    péninsule,    qu'une    suite    de    chocs    dans    le 
champ  clos  de  la  Mantinique.  Étant  donné  la  répartition  des 
États  péloponnésiens  dans   les   plaines  adjacentes,   la   plaine 
mantinéenne  formait  le  nœud  stratégique  de  la  Péninsule.  Elle 
sert  de  trait  d'union  aux   bassins  d'Argos,  de  Mégalof^olis  et 
de  Messène  d'une  part;  à  celui  de  l'Eurolas  cl  à  la  Grèce  cen- 
trale d'autre  part.  11  n'y  a  pas  d'extension   |)()ssible  dans  la 
presqu'île  à  qui  n'est  pas  maître  du  quadrilalère  arcadien.  De 
là  son  rôle  prépondérant  dans  les  annales  des  conllits  enire 
États  grecs.  Sparte,  confinée  dans  le  Sud,  perdait  tout  espoir 
d'agrandissement,  si  elle  ne  réussissait  h  assurer  à  ses  hopliles 
l'entrée  de  ce  camp  retranché.  Elle  s'est  usée  à  vouloir  forcer 
la  résistance  des  deux  gardiennes  du  ])uissan!  réduit,  où  s'est 
brisée   son  ambition.   Pendant  longtemps,   elle  sut  exploiter 
leurs  querelles,  en  aggravant  par  une  perlide  immixtion  dans 
leurs   affaires   les  causes   naturelles    de  leurs  dissenlimenls. 
Supposons  qu'un  seul  maître  eût  régné  sur  la  Haute  Plaine, 
ou  que  les  deux  États  obligés  de  cohabiler  cole  à  cote  fusseni 
parvenus  à  s'entendre,  jamais  Sparte  n'eût  boni^é  de  sa  vallée. 
Aussi,   des  qu'elle  s*a|)erçoit  qu'une    des    deux    villes,   avec 
l'appui  de  l'étranger,   menace    de    lui    barriM*   la   route,   elle 
n'hésite  pas  à  jouer  son  va-tout  dans  cette  |)laine  :  les  anciens 
auraient  pu  appeler  cette  arène  le  champ  de  danse  de  Mars. 
Là  sera  le  pivot  de  l'histoire  péloponnésienne  :   Sparte  juaî- 
tresse  de  Maiitinée  tient  le  Péloponnèse  sous  sa   loi   et,  par 
suite,  terrorise  le  reste  de  la   Grèce.  Si   Manlinée  se  dérobe, 
l'hégémonie  de  Sparte  devient  précaire.  Or,  réduite  à  ses  seules 
forces,  la  vaillante  cité  arcadienne  courait  plus  tie  risques  qtie 
de  chances  heureuses.  Outre  qu'elle  avait  à  lutter  pour  la  vie 
contre  Tégée,  c'était  pour  elle  une  charge  écrasante  que  de  se 
mettre  en   travers  du  Lacédémonien.   Aussi   cherchera-t-elle 
des  combinaisons  qui  lui  assurent  au  dehors  des  i)oints  d'a|)- 
pui  :  Argos,  Athènes,  l'Élide  seront  appelées  à  son  aide.  (]e 


72 


MANTINKK   ET   L  ARCADIE  ORIENTALE. 


faisceau  désoif^anisé,  elle  porte  seule  tout  le  poids  de  la  résis- 
lance,  et  succombe.  Mais  Épaminondas  survient;  un  moment 
il  soumet  à  la  logique  l'œuvre  contradictoire  de  la  nature  ; 
il  constitue  Mantinée  suzeraine  de  la  Haute  Plaine,  impose  à 
celle-ci  Tunilé  qu'elle  n'a  jamais  connue,  et,  de  cette  puissance 
unifiée  et  régéncrce,  il  forge  avec  Argos,  Mégalopolis  et  Mes- 
scne,  les  anneaux  d'une  chaîne  continue  qui  doit  étreindre 
Sparte.  Pour  c|ue  cette  pensée  lui  survécût,  il  aurait  fallu 
anéantir  Tégée.  L'unité  du  Péloponnèse  n'est  devenue  un  fait 
que  le  jour  où  les  Turcs  conçurent  la  sage  pensée  d'installer 
la  capitale  de  la  Morée  au  centre  de  la  Haute  Plaine.  De  là, 
ils  pouvaient  aisément  soutenir  leurs  places  côtières  et  rendre 
aléatoire  toute  conquête  qui  n'aurait  pas  atteint  ïripolitza. 
Mais  à  dater  de  ce  moment,  la  capitale  moderne,  héritière  de 
Tégée,  a  dépeuplé  à  son  profit  la  boucle  Nord  et  enlevé  à  la 
Mantinique  touteWe  personnelle. 


Fig.  8. 

Sntyre  itbyphaili(|tic,  en  marbre,  trouvé  dnns  le  puits  des  Méliastes. 
Mé'îOV  TûlTCrj^t.  — Voy.  I».  86,  (Ig.   10).  —  Sous  son  Wras  g.  il  lient  une  outre.—  H'  :  0"«90. 


LIVRE    If 


L'ÉTAT   MANTINÉEN 


CHAPITRE   PREMIER 


LES   ROUTES    HISTORFOUES   DECRITES   PAR    PAUSANfAS. 


L'œuvre  de  la  nature,  avec  les  particularités  que  nous  venons  innncnce  du  soi 
d'examiner,  avait  déterminé  d'avance  les  conditions  de  l'éla-  *"•■'* 
blissement  de  l'homme  dans  ce  canton.  La  physionomie  de  l'i^i"^ '|^"„|,7ii Jn 
l'état  mantinéen  dépend  étroitement  de  sa  stru<'ture  piiysi(iue. 
Le  cercle  des  chaînes  faîtières  l'entouraitd'une  bordure  ])rcsque 
continue  de  frontières  naturelles,  forcément  adoptées  comme 
limites  politiques  ;  leur  système  circulaijc  de  brèches  et  de 
défilés,  imposait  aux  routes  historiques  la  direction  conver- 
gente vers  un  carrefour  central  situé  au  fond  du  bassin.  Leurs 
cloisons  intérieures  assignaient  à  une  partie  des  bourgades 
rurales  des  cantonnements  dans  les  vallons  latéraux.  Enlin  la 
répartition  des  sources  à  la  base  des  monts,  la  pente  du  fond 
et  Torientation  des  eaux  qui  en  résultait,  suixlivisaientla  j)lainc 
principale  en  régions  plus  ou  moins  habitables.  La  place  des 
autres  bourgades  éparses  dans  cette  plaine  et  celle  de  la  cai)i- 
tale  étaient  tout  indiquées. 

C'est  ce  que  nous  ferons  ressortir,  en  reconstituant,  à  l'aide 


74 


MANTINKE  ET   L  ARGADIE  OllIENTALB. 


«lr>rri|tlive  de 
riiiiNniiios. 


(le  Pausanias  et  des  ruines  par  nous  retrouvées,  la  topographie 
(le  rétat  nianlin(5en.  La  logi(iue  de  notre  méthode  nous  impo- 
sej-ait  d'abord  lYîtude  des  frontières,  puis  celle  de  chaque  route 
cl  i)artir  de  la  frontière  jusqu'aux  portes  de  la  ville,  enfin  la 
(lescrij)tion  de  la  ville  et  de  Tagora,  aboutissement  final  de 
tout  le  système.  Mais  comme  cette  étude  comporte  l'examen 
critique  du  texte  |)resque  unique  auquel  nous  sommes  asservis, 
il  nous  faut  ado|)ter  l'ordre  de  ce  texte.  C'est,  en  effet,  un 
principe  d'exj)ériencc  qu'on  ne  doit  jamais  prendre  à  rebours 
un  itinéraire  de  Pausanias  :  on  doit  se  résigner  à  le  suivre  pas 
à  [)as  si  l'on  veut  en  tirer  bon  parti. 

Au  préalable,  quelques  éclaircissements  sur  la  composition 
et  la  méthode  descriptive  des  Arcadiques  justifieront  la  confiance 
que  ce  texie  nous  inspire  (1). 

Tout  d'abord,  il  faut  bannir  cette  idée  préconçue  que 
Pausanias  manque  de  méthode.  Son  plan  offre  la  logique  que 
comportait  l'étude  d'une  contrée  aussi  compliquée  et  variée 
que  la  Grèce  antique,  en  un  temps  où  les  cartes  ne  brillaient 
certainement  point  par  l'exactitude,  où  les  difficultés  de  l'orien- 
tation, dans  nu  pays  hérissé  comme  le  Péloponnèse,  expo- 
saient le  touriste  à  mille  divagations.  La  méthode  descriptive 
de  Pausanias  peut  être  appelée  circulaire  et  rayonnante,  La 
première  domine  la  composition  générale  de  son  livre  :  il  est 
censé  entrer  en  (îrèce  par  le  Pirée  et  en  ressortir  par  Nau- 
pacle.  Son  itinéraire  passe  de  l'Attique  dans  le  Péloponnèse 
par  Mégare  et  Corinthe,  fait  le  tour  des  provinces  côtières  : 
Argolide,    Laconie,    Messénie,     Élide,    Achaïe,    pénètre    au 

(1)  Voyez  Téludo  crillque  de  Knlkmann  {Pausanitis  der  Perieget,  1886), 
le  plaidoyer  de  (iurliU.  {Ueber  Pausanias^  1890),  et  les  remarques  de 
M.  Uérard  sur  la  valeur  des  Arcadiques  {Orig,  des  cultes  arcad.,  p.  3). 
M.  Holleaux  relève  une  preuve  nouvelle  de  la  i  stupéfiante  légèreté  »  avec 
laquelle  Pausanias  Iravaillall,  dans  une  noie  curieuse  sur  une  des  nombreuses 
bévues  liisloriques  du  i'ëriégète  {Revue  de  Philologie,  XIX,  p.  111).  H  ajoule 
ti  que  manifcslemenl  il  se  vanle  lurbqu'il  laisse  entendre  à  deux  reprises  quUi 
est  \cnu  de  sa  |)ersonnu  dans  le  pays  d'Haliarle.  il  ne  faut  voir  là  que  de 
peliles  anirmallons  metisongères  destinées  à  forcer  doucement  la  conviction  du 
lecteur.  »  Mais  alors  h  quoi  donc  se  lier  7  Rudolph  Heberdey  (die  Reisen  des 
Pausanias^  1894),  croyait  sans  doute  faire  œuvre  utile  en  dressant  uo  réper- 
toire des  expressions  fauiiiiëres  à  Pausanias,  tant  pour  exprimer  ses  impres- 
sions personnelles,  que  pour  relater  les  ouï-dire  ou  le  résultat  de  ses  lectures? 
Si  ce  crilcrium  niônic  est  trompeur,  quelle  doit  être  la  limite  de  la  suspicion  ? 

Sans  doute,  on  a  souvent  le  droit  de  suspecter  la  bonue  foi  de  Pausanias. 
Mais  je  crois,  avec  M.  Bérard,  que  le  livre  des  Arcadiques  est  un  des 
moins  sujets  à  caution. 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR    PAUSANIAS.  73 

centre  delà  péninsule,  en  Arcadie,  et  se  termine  parla  Béolie 
et  la  Phocide.  Dans  la  description  régionale  de  ces  proviiKîcs, 
c'est  la  seconde  méthode  qui  domine.  A  partir  de  la  frontière, 
il  décrit  la  route  qu'il  suit  jusqu'à  la  ville  principale.  Parfois, 
il  décrit  en  môme  temps  les  routes  convcrgcnics  issues  de  la 
môme  frontière.  Arrivé  à  la  capitale,  il  résume  la  légende 
et  rhistoire  locales,  énumère  les  monumonls  de  la  ville  en 
prenant  Pagora  pour  centre  de  ses  excursions,  de  môme  qu'il 
prend  la  ville  elle-môme  comme  centre  de  ses  courses  à 
l'intérieur  delà  province.  En  effet,  après  avoir  fait  connaîlre 
la  ville,  il  reprend  la  descrij)tion  des  routes  principales  qui  en 
rayonnent  jusqu'aux  autres  frontières  et  sort  par  Tune  d'elles. 
Entre  la  route  d'entrée  et  celle  de  sortie,  il  énumère  les  autres, 
sauf  raisons  particulières,  suivant  un  ordre  circulaire.  Ainsi, 
commençant  les  Argoliques  par  le  trajet  de  Corinthe  à  Argos, 
et  se  proposant  de  les  terminer  par  celui  d'Argos  en  Thyréa- 
tide,  il  parcourt  les  autres  en  faisant  le  tour  complet  du  S.  0. 
au  S.  :  1®  routes  d'Arcadie  ;  2®  route  d'Épidaure  avec  rclour 
par  Trœzène,  Hermione  et  la  côte.  Ce  programme  s'adaplait, 
en  général,  parfaitement  à  la  structure  de  la  plupart  des  jjelits 
états  grecs,  surtout  dans  la  Haute  Plaine  d'Arcadie,  où  le 
cadre  des  frontières  relié  à  la  ville  centrale  |)ar  un  réseau  de 
voies  convergentes  rapi)elait  la  disposition  d'une  roue  avec 
son  moyeu  et  ses  rayons.  Cette  conliguration  est  parliculière- 
ment  frappante  dans  la  Mantinique.  Aussi  le  syslèrne  de  Pau- 
sanias  y  esMl  appliqué  dans  toute  sa  rigueur.  La  description 
de  ce  territoire  est  la  plus  méthodique  de  tout  l'ouvrage  (1). 

Elle  occupe  se|)t  chapitres  des  Arcadiqucs  (VIII,  (>-  à  13),  en         ^«•«^'c 
tôte  de  la  partie  proprement  périégérique,  après  le  préambule  "*"  '"  *'<''**^''p""" 
historico-mythologique  relatif  à  l'Arcadie  en  général.  C'est  par  la      M.,„iinî,  ^^^ 
frontière  d'Argos  que  l'auteur  entre  dans  le  pays,  pour  en  ressortir 
par  celle  d'Orchomène.  Il  commence  donc  par  la  description  des 
routes  qui  descendent  des  confins  de  l'Argolide  à  Maulinée, 
à  partir  de  la  plus  septentrionale.    Il  entre  dans  la  ville,  en 
résume  l'histoire  et  les  légendes,  en  passe  en  revue  les  curio- 
sités, puis  reprend,  toujours  dans  le  môme  ordre  circulaire, 

(l)  Poiip  apprécier  rcxnctitude  de  Pausanias  d.ïns  cfriainos  p:irliP8  dn  son 
livre,  rélude  de  la  topigraphic  manlinécnne  est  des  plus  instructives.  Bien 
délimitée,  synictriqnemont  construite,  avec  des  points  de  repère  aisément 
reconnaissables  et  des  distances  qu'on  peut  contrôler  avec  précision,  la  Man- 
tinique est  la  région-type  pour  qui  veut  éprouver  la  valeur  du  Périéj:ète. 


"ÎC  MANTINÉR   ET   l'aRCADIR  ORIENTALE. 

la  série  des  ilinéraires  rayonnants,  mais  cette  fois  en  partant 
(lu  contre  à  la  circonférence.  11  examine  ainsi  les  routes  qui 
aboutissent  aux  confins  de  Tégée,  de  Métliydrion,  d'Orchomcne, 
icjoignanl  de  la  sorte,  après  un  tour  complet  du  N.  E.  par 
l'Est,  le  Sud,  rOuesl  et  le  Nord,  le  territoire  d'Argos. 

Je  me  propose  d'abord  d'étudier,  suivant  Tordre  original,  les 
routes  de  J*ausanias  en  pays  mantinéen,  d'en  comiiarer  les 
données  avec  celles  du  terrain  et  d'en  établir  la  reconstitution. 
Chemin  faisant,  nous  noterons  certaines  nuances  dans  la  rédac- 
tion de  ces  itinéraires.  Les  uns  |)ortent  la  marque  d'une  obser- 
vation directe,  de  n  l* autopsie  ))  ;  les  autres  semblent  serrer  de 
moins  près  la  réalité.  Le  voyageur  s'y  contente  d'approxima- 
tions, invoque  d'autres  témoignages.  On  pourra  donc  faire  le 
départ  entre  les  |)arlies  que  le  Périégète  dit  avoir  vues  lui-même 
et  celles  qu'il  déciil  de  seconde  main.  Car  on  ne  saurait  contester 
que,  ne  pouvant  tout  observer  de  visu,  Pausanias  n'ait  comblé 
les  lacunes  de  ses  itinéraires  de  deux  façons  :  soit  par  des  rensei- 
gnements oraux  recueillis  j)ar  lui  sans  qu'il  ait  eu  le  temps 
de  les  vérifier,  soit  par  ses  lectures  et  par  des  emprunts  à 
d'autres  auteurs,  périégèscs  et  guides  locaux. 

Rncconi  11  résultc  (lu  plan  adopté  j)ar  Pausanias  que  le  début  des 

(Us  iiintrnires    Arcadiqucs  (  Vlll,  (I,  2)  fait  suite  aux  paragraphes  des  Àrgoliqucs 
"^''^tr^ir''''^'  24,  0)  où    le   voyageur  a    conduit  le  lecteur  des   portes 
Mnniinùnic  dnn»  «TArgos  aux  confins  de  l'Arcadie  par  les  routes  d'IIysiai  à  Tégée, 
i«  lexic        d'Oiiioé  et  de  Lyrkeia.  Fidèle  à  son  habitude  d'interrompre  son 
«le  Pniisanins.    ex|)osé  au  poiut  OÙ  la  routc  croise  la  frontière,  quand  il  tra- 
verse cette  même  frontière  t)0ur  passer  sur  le  territoiie  contigu, 
il  lui  faut  reprendre  la  description  entamée  et  la  poursuivre 
jusqu'au  point  terminus.  Le  voyageur,  abandonné,  avec  le  livre 
11,  sur  la  crête  des  monts  argolico-arcadiens,  va  pouvoir,  avec 
le  livre  Vlll,  |)oursuivreson  chemin  jusqu'à  Mantinée.  Mais  s'il 
veut  reconnaître  son  trajet  à  l'aide  de  son  guide,  il  faut  qu'il 
raccorde  exactement  sur   la  frontière  les  tronçons  arcadiens 
avec  les  tronçons  argiens  correspondants. 

Ce  raccord  ne  saurait  prêter  à  longue  controverse,  pour 
peu^'qu'on  analyse  avec  attention  le  texte  de  Pausanias.  On 
observera  d'abord  que  la  logique  de  la  description,  dans  les 
Argotiques,  obligeait  l'auteur,  fidèle  à  sa  méthode  d'énuméra- 
tion  circulaire,  à  commencer  par  le  Sud-Ouest,  c'est-à-dire  par 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DECRITES   PAR    PAUSANIAS.  77 

les  roules  de  la  frontière  arcadienne,  puisqu'il  devait  sortir 
par  la  frontière  thyréatique  conliguc  à  celle-ci.  De  la  sorte,  au 
moment  de  quitter  par  cette  voie  TArgolide,  il  avait  parcouru 
tout  le  cycle  des  rayons  dont  Argos  est  le  (-entre  (1).  De  fail, 
Pausanias  signalait  trois  routes  conduisant  d'Argos  en  Arcadie  : 

l^  Route  de  Tégée  par  Kencliréai,  le  Trodios,  llysiai  et  le 
Mont  Parthénion. 

^  Route  de  Mantinée  par  le  Charadros,  Oinor,  rArténiision 
et  les  sources  de  Plnachos. 

30  Route  de  Lyrkeia,  avec  embranchement  sur  Orncai,  point 
frontière  entre  TArgolide,  la  Sicyonie  et  la  Phliasie. 

Au  contraire,  pénétrant  dans  la  Mantinique  par  TArgolide,  et 
se  disposant  à  en  sortir  par  TOrchoménie,  la  dcscripliim  ration- 
nelle des  routes  mantincennes  devait  se  |)résenler  dans  uu 
ordre  inverse,  c'est-à-dire  commencer  par  celui  des  déhouciu3S 
de  TArgolide  le  jdus  voisin  du  territoire  or<;lioinénien,  pour 
continuer  par  les  autres  suivant  un  cycle  tournant  autour  de  la 
Mantinique  à  partir  du  coin  N.-E.  C'est  bien  ce  (ju'il  a  fait  en 
réalité.  Seulement,  dans  les  Arcadiqucs,  il  faut  distinguer 
Tordre  de  Vénumération  et  celui  de  la  dcsrnpfion.  Le  premier 
correspond  exactement  à  celui  des  Argoliiiurs,  et  va  du 
Sud  au  Nord  ;  le  deuxième  est  inverse  et  va  du  Nord  au  Sud. 
Voilà  la  cause  du  malentendu  qui  a  induit  en  erreur  nombre 
d'interprètes  de  Pausanias,  et  leur  a  fait  établir  une  concor- 
dance imi)0ssil)le  entre  Vénumération  ilesAn/olupics  et  la  descrip- 
tion des  Arcadiques,  c'est-à-dire  entre  deux  sections  dont 
les  parties  ne  sauraient  se  rejoindre  qu'à  condition  d'être 
retournées. 

Mais  alors,  comment  ne  pas  imputer  à  Pausanias  la  respon- 
sabilité de  ce  désordre  ?  Ne  s'est-il  pas  fait  une  gageure  d'em- 
brouiller les  choses?  Pourquoi  a-t-il,  dans  les  Arcadiqncs^ 
reproduit  l'énumération  des  Argotiques  avec  l'inlention  (l'inter- 
vertir cet  ordre  dans  le  développement  subséquent?  Ne  l'accu- 
sons pas  trop  vite  d'incohérence,  avant  d'avoir  pesé  ses  rai- 
sons. Figurons-nous  l'auteur  ayant  terminé  ses  Argoliqncs 
pour  passer  à  d'autres  régions  ;  après  un  intervalle  de 
six  livres,  il  se  dispose  à  aborder  l'Arcadie  par  la  frontière 
argienne  —   en  quoi    on  doit  l'approuver.   —   Le   voilà  donc 


(1)  Y  compris  le  Irajcl  de  Corlnltie  à   Ar^os  dont   la   di*sci*ipUon  se  plaçait 
naturellemont  au  début,  comme  route  d'entrée. 


78  MANTINKK  ET   l'AIICADIE  ORIENTALE. 

revenu  h  celle  frontière  où  il  s'est  arrêté  précédemment,  cou- 
pant sa  descriplion  à  la  limite  du  territoire  argien  et  s'interdi- 
sant  de  |)arti  |)ris  tout  empiétement  sur  la  province  contiguô. 
Avant  donc  de  passer  outre,  il  se  reporte  lui-môme  à  sa  descrip- 
tion antérieure  des  chemins  allant  d'Argos  en  Arcadie  et  la 
remémore  au  lecteur,  .dans  une  phrase  de  récapitulation,  où 
Tordre  est  le  môme,  mais  où  les  noms  sont  nouveaux.  Pourquoi 
sont-ils  nouveaux  ?  F^irce  que,  cette  fois,  il  parle  en  Arcadien 
(le  choses  arciidiennes  et  qu'avec  ce  respect  des  frontières  qui 
le  hante,  il  rend  à  TArgolide  ce  qui  est  à  TArgolide,  ù  TArcadie 
ce  qui  est  h  TArcadie  :  pour  ne  pas  vouloir  mêler  les  choses,  il 
s'ahstient  de  les  souder  et  nous  laisse  une  sorte  d'énigme  en 
deux  tronçons  sé[)arés. 

Avec  un  i)eu  plus  de  verbosité,  voici  ce  qu'il  aurait  pu  nous 
expliquer  :  «  J'ai  signalé  dans  les  Argoliques  les  trois  routes 
d'Argos  en  Arcadie,  en  partant  du  Sud  de  la  frontière.  Je  les 
rappelle  ici  dans  le  même  ordre  :  1°  celle  de  Tégée  ;  2°  et  3«  deux 
autres  vers  Mantinée,  celle  du  Chêne-Vert  et  de  l'Échelle.  Ce 
sont  les  noms  qu'elles  portent  sur  le  territoire  mantinéen  ;  c'est 
pourquoi  je  ne  les  ai  pas  signalés  dans  la  section  argienne  de 
ces  routes.  Mais  la  première  route  se  continue  en  Tégéatide  au 
delà  d'IIysiai  ;  la  deuxième,  celle  du  Chêne- Vert,  est  le  pro- 
longement arcadien  de  la  ligne  d'Oinoé  par  les  sources  de 
l'inachos  ;  la  troisième,  celle  de  l'Echelle,  fait  suite  à  là  route 
de  Lyrkeia.  Je  vais  maintenant  les  décrire  à  partir  du  Nord  de 
la  frontière,  en  commençant  par  la  dernière.  »  Et  il  intervertit 
l'ordre  antérieurement  suivi,  pour  la  régularité  de  sa  des- 
criplion de  la  Mantinique.  Cette  interversion  .  est  nettement 
marquée  par  ces  mots  :  aÙTY]  U  x.t.X. 

On  voit  qu'il  est  facile  de  remettre  les  chosps  au  point,  et 
qu'on  peut  justilier  les  procédés  de  composition  de  Pausanias. 
Pour  le  raccord  des  trois  groupes  de  tronçons  entre  lesquels  se 
dresse  la  frontière,  le  contexte  lui-même  fournil  les  repères 
nécessaires.  On  en  jugera  mieux  par  le  tableau  suivant  des 
extraits  de  notre  auteur  : 


LES  ROUTES  HISTORIQUES   DECRITES   PAR  PAUSANIAS. 


79 


Section  ahgibnne. 


Section  akcadiïsnnk. 


A.  Route  d'Argos  à  Tégée. 


V 


II,  24,  6.  —  'OSol  tï  èÇ  "ApYouç  xûci 
xax  'aXXa  tiaX  ttjç  IIcXoTcovvi^aou 
xal    'jrpbç    'Apxa5(a;   Itù  Teycav 

(suit  la  description  jusqu'à 
Uysiaii  point  frontière.) 


io 


VIII,6,  2.—  I]iffWouv  êç  Apxaoiav 
idPoXat  xaxà  t-/)v  'Apy^^'civ  Ttpbç 
p.6V  *T<Tuovxai  uTiep  to  opoç  to 
HapOéviov  eç  ty)v  TsycaTix-^v 
(description  en  sens  in- 
verse de  Tégée  à  Hysiai  : 
Vlll,  34,  4.) 


B,  Routes  d'Argos  à  Mantinée. 

Aûo  8e  àXXac  xaxà  MavTtvetav 


II,  25,  1,  2,  3.  —  Point  de  départ 
d'Argos  :  porte  de  la  Deiras. 

*H  8'iç  MavTivEiav  ayouaoL  èÇ 
"'Apyouç  iffTÎv  oùp^  >iit€p  xal  knX 
Tt'fioLWji.Wà.  àito  twv  TcuXâv  twv 
icpbç  TY}  ÀeipaSt. 
Particularités  du  trajet  :  * 
l»  Temple  double  d'Ares- 
Aphrodite.—  krà  5à  ttiç  68ou 

TOCUTYIÇ  Upbv  BlTcXouV. 

2»  Traversée  du  Charadros,— 
irpocXOouffi  Be  auTcJOev  Bia^àv- 
TO)v  woTap.bv  ^^efjxappov  Xdtpa- 
Spov  xaXoujxsvov. 

3^   Bourg  d'Oinoé.    —    eativ 

Otvo'/),    xb    ovo'jLa    ê/oufftt,    coç 
'Apystof  <pa<Ttv,  à-jcb  OIvewç... 
Aicb  TOUTOU  p.£v  Otv(5'r)  ywpfov 
l(rrh   'Apycfoiç. 


20 
Prinos   on    Chêne    Vert. 

\ii  TE    Ilpfvou   xaXo'jfJLe'vTjç. 

3**  [xal  8tà  KXi(xaxoç'  auxTj  8e  tùùu- 

T^pa     T£     kfTXl     X.     T.      X.     Suit 

la  description  du  Klimax 
que  nous  reportons  plus 
loin.] 


80 


MANTINÉE  KT  l'aRCADIB  ORIENTALE. 


4®  l'Artémision.  —    'TTtcp  Zï 

TTjÇ   OtvÔTiÇ  OpOÇ  Idflv    *ApT6p.l- 

<jtov  xai   Upv    'ApTép.'.Soç   lui 

XOfU^YJ  TOO"   OpOUÇ. 


K*»   Sources  de   l'inachos.   — 

*Ev    TOUTU)    T6    £Îai  T(S    OpCl  Xttl 

al  itT^YOcl  Tou  'Iva^Qu'-jçiiYal  yàp 
07)  T(S  ovTi  cldlv  auTbî,  xb  Se 
u8u>p  oùx  eTcl  iioXù   IçixvetTai 

G"  Côté  de  l'Argolide.  Fron- 
(ière  de  la  Mantinique.  — 
TauTYj  |X£v  o'f[  Oeaç  ouSev  5ti  "f^^ 
a;tov. 


30 
II,  25,  4. 

Point  de  dépari  :  porte  de  la 
Deiras  ;'ET£sa  Bè  ôSôç  aTco  to)/ 
TTuXcov  Twv  iipbç  TYj  As'.pàSi. 

Particularités  du  trajet  : 
Lyrkeia  (60  stades)  :    c<jtiv   knX 
Aùpxeiav...    *Eç  p.6v    oy|   TaÛTTf|v 
idTlv  iç  "Apyouç  éÇi^xovTa  (juiXtaToL 
woi»  axàSta. 


1<>  fiirt^mwton.   —   'H   Ek 

u7CoXeiiro|xévir)  twv  bSùiv  ffxc- 
voT^pa    Iffxl    TYiç    itpoTcpaç 

(que  le  Klimax)  xal  (Syet 

S(à  TOU  *ApTCfiia(ou*  toutou 
Se     iTcefivi^aÔTrjv     xal      Stî 

1tp<JTCpOV  TOU   OpOUÇ,  cbç  l)'Ol 

jxév  vabv  xal  ayaXjia  *Ap- 
TéfiiSoç. 

2"  Source*  rfc  Vlnachos.  — 

c)^oi  8k  xal  TOU  'Ivà;^ou  Taç 


3*  Frontière..—  '0  8k  ''Ivayo<; 
If  *(laov  [lèv  irp6ei9i  xaTa  ttjv 

b8bv  T-îjV  8(à  TOU  OpOUÇ,  TOUT<J 

i^Tiv  *ApYe(otç  xal  MavTi- 
vEuaiv  Spoç  TTiç  ycopaç*  àico- 
(rrpéi|/ac  Zï  ix  ttjç  b8ou  Tb 
u8<Dp  8tà  TTJç  'Apyefaç  -^871 
Tb  àwb  TOUTOU  xocTCKTi,  xal 
iitl  TOUTctf  Tbv  "'Iva^ov  aXXoi 
TÉ  xal  Alff;(iiXoç  woTajxbv 
xaXouaiv  'ApY«ïov- 
4*  la  Mantinique.  —  'Titcp- 
paXdvTa  oï  kç  tT|V  MavxtvixTjv 

8là  TOU  'ApT6[llff(0U,    X.  T.   X. 

3" 
VIII,  6,  2. 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAIi    l'AUSANIAS. 


81 


[Emln-anchement  sur  Ornéai  à  60 
Siaties  :  èx  Se  Aupxetaç  exepa 
Toaauxa  àç  'Opvéaç.J 


Échelle   ou    Klimax...  xal   8ià 

KX((xaxoç.  AuTTj  Se  ÊÙ&ute&a 
TÉ  âcTi  xal  7)  xàOoooç  el/ev 
auTT)  paffjAioaç  ttotè  6[jL7re7rofr)- 
(jLevaç . 

Mélangéia.     'VTrespaXôvxwv    Sk 

TY)V  KXi(j.axa  y'wp^ov  effxtv 
ovofxaÇôfjievov  MeXaYysia,  xal 
TO  uSwp  auTÔOev  to  r6Ti|i.ov 
MavTiveudt     xaTEidiv    èç    ttîv 

TTÔXlV. 

Soui'ces  des  Méliastcs.  Temple 
de  Dionysos  et  (V Aphrodite, 
—  nposXOdvTi  Sk  ex  to)v  Me- 
XayYeiov.  aTré/ovTt  tt^ç  TroXeojç 
(TTCtSia  (oç  £7tTà  eiTi  xp"/^vr| 
xaXou|X£VT|  MEX'.adTtov  o\  Me- 
Xia^jTa».  0£  ouToi  Sptoai  xà  opyia 
Tou  Aiovû«70u.  xal  Atovuçou 
Te  p.6Yapov  TTpbç  Tr,  xpY|V/| 
xal  'AcppoSÎTTjç  èffTlv  tepbv 
MeXaivtSoç. 


La  lecture  de  ce  tableau  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  concor- 
dance des  sections  argienne  et  arcadiennc  de  la  roule  1  et  de  la 
route  2.  Sans  insister  sur  la  l^^,  qui  a|)i)artieul  à  laTcgéatido,  il 
est  évident  pour  la  2®  que  la  double  mention  de  TArtémi- 
sion  et  de  son  sanctuaire,  ainsi  que  dos  sources  de  l'Inachos, 
inarque  le  point  de  jonction  de  la  section  argienne,  désignée 
comme  route  d'Oinoé,  avec  la  section  arcadiennc,  désignée  sous 
le  nom  de  Chemin  du  Chêne-Vert.  L'identité  est  moins  frappante 
en  ce  qui  concerne  la  route  3.  La  description  du  tronçon  argien, 
interrompue  à  Lyrkeia,  semble  écourtée  et  laisse  subsister  une 
lacune  :  contre  son  habitude,  Pausanias  ne  signale  pas  la  fron- 
tière, soit  qu'il  ait  négligé  de  suivre  la  route  au  delà  de  Lyrkeia, 
pour  explorer  Tembranchement  sur  Ornéai,  soit  (|u41  n'ait 
parcouru  ni  J'uue  ni  l'autre  et  se  soit  ctmtonlé  dcî  renseignements 
oraux.    Au    contraire,   Ja    section   arcadiennr,    dite  roule    de 


Mnnlince.   —  7. 


82  MANTINEE   ET  L^ARaVDtE  OtllENTALE. 

rKchelle,  esl  l.raitéc  avec  plus  de  détails.  Malgré  ces  lacunes,  la 
liaison  de  ces  deux  tronçons  peut  être  aflirmée  aprion  :  l»  parce 
(lue  l'un  el  rauUe  sont,  chacun  de  leur  côté,  les  débouchés  les 
plus  septentrionaux  de  la  frontière  argolico-manlinécnne.  Cela 
résulte  de  Tordre  d'énuniération  dans  les  Argoliqurs  el  dans  les 
Arcadiqurs,  e\  de  Tordre  inverse  de  description  dans  les  Arca- 
iliqum,  —  ce  dont  j'ai  donné  plus  haut  les  raisons — ;  2«  parce  que 
la  route  de  l.yrkeia  ne  pouvait  i)asne  pas  franchir  le  Lyrkeion, 
(la  chaîne  fronlicre  du  même  nom  qui  s'allonge  au  N.  de 
TArtémision),  el,  |)ar  suile,  ne  j)as  se  continuer  en  territoire 
manlinéen  ;  or,  ce  prolongement  ne  peut  être  identifié  qu'avec 
le  Klimax,  qui  Iraverse  un  canton  tout  à  fait' différent  de  celui 
(|ue  parcourt  le  Prinos  avant  d'entrer  dans  la  ville.  La  lecture 
seule  de  Pausanias  aurait  dû  prémunir  la  Commission  de  Morée 
contre  l'erreur  cju'elle  a  commise  en  rejoignant  les  deux  che- 
mins du  Chêne- V^crt  et  de  l'Iîlchelle  au  pied  des  montagnes,  et 
en  les  faisant  aboutir  à  la  même  porte. 

La  concordance  élant  établie  dans  le  texte,  a  priori,  il  nous 
reste  à  la  constater  sur  le  terrain,  à  la  justifier  par  des  argu- 
ments de  fait  et  à  retrouver  le  tracé  réel  de  ces  chemins  abs- 
traits. De  cet  examen  des  lieux,  l'exactitude  de  Pausanias 
ressortira  avec  éclat. 


Raccord  des  j)ans  la  cliaiue  argolico-manlinéenne,du  Sud  au  Nord, s'ouvrent 
imims  iiineinirc»  jj.^^j^.  p.jsj,.,jre.s  (jucnous  avous  désigués  par  Ics  uoms  des  villages 
modernes  :  le  delile  de  1  ourniki,  celui  de  Karya,  et  celui  de  Sauga. 
C'est  à  l'un  de  ces  deux  derniers  (|ue  doit  correspondre  le  Prinos 
comme  la  |)lus  méridionale  des  voies  énuniérées  par  Pausanias, 
aprcs  celle  de  Tégée  par  llysiai.  Or,  le  col  de  Tourniki  relie 
directement  le  ravin  du  Charadros  à  la  dépression  mantinéenne; 
il  est  séjmré  des  sources  de  l'inachos  par  le  massif  de  l'Artémi- 
sion.  Par  suite,  le  chemin  qui  le  traverse  ne  répond  pas  aux 
conditions  du  Prinos,  lequel  franchissait  le  Charadros  à  la  sortie 
d'Argos  et  rencontrait  sur  le  faite  des  montagnes  les  sources 
de  rinachos.  (Pommelés  deux  torrents  d'Argolide  sont  identifiés 
avec  certitude,  le  Charadros  avec  le  Xérias,  rinachos  avec  la 
Pauilza,  le  délilé  de  Tourniki  se  trouve  éliminé.  Donc,  le  Prijios 
ne  peut  plus  être  recherché  que  sur  la  route  de  Karya,  qui 
descend  au  Nord  de  TArtémision  en  passant  près  des  sources 
de  rinachos.  Huant  au  défilé  de  Sanga,  il  reste  disponible  pour 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  83 

le  passage  du  Klimax,  à  travers  le  mont  Lyrkeion,  à  rextréiiiité 
N.  (le  la  frontière  argolico  niantinéenne. 

Reprenons  maintenant  Tordre  descriptif  de  Pausanias  et 
suivons  le  Périégète  sur  chacun  de  ces  chemins,  à  partir 
d'Argos. 

I^  Routes  d'Argos  a  Mantinée. 

La  route  septentrionale  d*Argos  à  Mantinée  sortait  par  la  ^"'^>«"« 
porte  ouverte  en  face  de  la  colline  de  Deiras.  Elle  devait  ""  ^"*'**' 
traverser,  comme  le  chemin  moderne  de  Kalo-Bélessi,  le 
Charadros  à  1  kilomètre  et  demi  de  la  ville,  |)uis  Tlnachos 
à  rentrée  de  sa  vallée.  Elle  s'engageait  dans  la  gorge  du 
fleuve  et  atteignait  Lyrkeia  à  60  stades  (Il  kiloin.)  d'Argos. 
Celte  ville,  ruinée  dès  les  temps  les  plus  reculés,  avait  une 
acropole  dont  on  croit  retrouver  les  restes  sur  le  versant  sci)ten- 
trional  du  ravin,  un  peu  avant  le  hameau  de  Sterna  (1).  Elle 
pouvait  communiquer  par  signaux  avec  la  citadelle  d'Argos.  De 
Lyrkeia  à  Ornéai,  au  Nord,  on  comptait  encore  GO  stades.  Telles 
sont  les  données  des  Argoliques  sur  cette  i)artie  de  la  roule. 
Encore  Pausanias  ne  parle-t-il  ni  du  Charadros  ni  de  Tlnachos. 
Cette  extrême  sobriété  de  détails  nous  induit  à  croire  qu'il  ne 
s'est  point  transporté  en  personne  sur  ce  chemin. 

La  section  arcadienne  est  un  peu  moins  écourtée.  «  La  route 
de  rÉchelle  est  plus  large  que  celle  du  ChOne-Vert.  »  Celte 
phrase  s'applique  sans  doute  à  la  vallée  de  Tlnachos,  au  fond 
de  laquelle  une  bande  de  terrain  plat  mainlieut  les  deux 
versants  à  quelque  distance  du  torrent  et  de  la  route,  jusqu'au 
delà  de  Kato-Bélessi.  Le  chemin  longe  la  hase  des  montagnes, 
assez  loin  du  lit  torrentiel.  Il  quitte  le  fond  du  ravin  à  une 
demi-heure  au  delà  de  Kato-Bélessi,  s'élève  en  corniche  le  long 
du  talus  de  Kaparéli  et  escalade  par  une  abrupto  montée  en 
lacets  le  versant  argien  du  Mont  Lyrkeion  (aujourd'hui  Cou- 
pato).  Un  peu  au-dessous  de  Taréte  faîtière,  le  sentier  est  coupé 
par  des  marches  en  pierres  rapportées.  Ce  ne  sont  pas  celles 
dont  parle  Pausanias,  puisqu'il  les  cite  à  la  descente,  sur  le 
versant   mautinéen.    La   frontière  passait  sans  doute  par   le 

(1)  Boblaye.  Rech,  géogr.,  p.  4(5.  — Ross.  Reisen,,  p.  i:W.  —  Ciirlius.  Pelop.  II, 
p.4t5.  — Bursian.Gcoflfr.II,p.63.  — Miliarakis  (retoyp.  'A^yjXio,  xat  KopivOiaç,  .     / 

p.  oO)  la  pince  aux  environs  de  Kalo-Bélessi,  ce  qui  ne  cotrcspond  plus  avec  la 
distance  Indiquée  par  Pausanias. 


8i  MANTINÉE  ET   l'aUCADIË  ORIENTALE. 

sommet  du  col.  (yestclonc  à  partir  de  ce  point  que  commence 
VÉchellc  pro|)rement  dite. 

Là  une  bi(M.hc  aux  parois  à  pic  livre  passage  au  chemin  : 
cette  écliancrure  s'appelle  aujourd'hui  les  Portes  (rWpTatç).  A 
Ttînlrée  du  défilé,  le  regard  plonge  dans  le  haut  ravin  de  Tlna- 
chos  et  domine  lo  joli  village  de  Néochori  suspendu  aux  flancs 
fauves  du  Lyrkeion,  au-dessus  de  Tabîme.  I^  descente  est  un 
casse-cou,  où  le  pied  des  biMes  de  somme  tantôt  glisse  sur  le 
roc,  tantôt  entraîne  des  avalanches  de  cailloux.  Certains  voya- 
geurs ont  cru  dislinguer  encore  quelques  traces  d'entailles 
creusées  dans  le  roc  :  ce  seraient  les  restes  usés  de  ces  marches 
d'escalier  (h)nt  parle  Pausanias  à  Timparfait  (1),  comme  s'ils 
n'existaient  |)lus  do  son  temps,  et  qu'à  coup  sûr  il  n'a  point 
vus.  Au  pied  de  celte  rampe  en  zigzag,  le  chemin  traverse  le 
pauvre  hameau  de  Sanga,  sur  le  rebord  de  la  Plaine  Inculte. 
Puis,  il  remonte  les  pentes  de  l'Alésion  arrondi  en  mamelon, 
et  franchit  obliquement  le  chaînon  jusqu'au  village  de  Pikerni, 
situé  à  mi-côte,  sur  le  versant  occidental. 
Mciungéia.  Dcs  lors,  iious  rctrouvons  en  Pausanias  un  guide  plus  expli- 

cite. Peut-être  a-t-il  emprunté  les  renseignements  suivants  à 
([uelque  |)ériégèle  local  :  «  Après  avoir  dépassé  le  Klimax  on 
rencontre  un  endroit  nommé  Mélangéia  ;  c'est  de  là  que  desceml 
à  Mantinée  l'eau  potable.  »  Pikerni  ne  présente  aucuns  vestiges 
antiques;  les  fragments  d'ailleurs  insignifiants  d'inscriptions  que 
nous  y  avons  trouvés  proviennent  de  Mantinée.  Mais  l'identili- 
cation  de  ce  |)oiut  avec  Mélangéia  a  pour  elle  l'abondance  des 
sources  qui  surgissent  en  plein  village  des  flancs  de  l'Alésion. 
Le  mot  albanais  Pikerni  est  maintes  fois  appliqué  en  Grèce  à  des 
localités  richement  pourvues  d'eaux  courantes.  Quant  au  nom 
antique,  xà  MeXaYysîa,  il  signifie  les  Terres  Noires^  en  partie, 
comme  l'a  pensé  Curtius  (2),  par  allusion  à  la  couleur  des 
terreaux  marécageux  de  la  plaine  voisine.  De  fait,  en  fouillant, 
au  pied  de  l'Alésion,  le  sanctuaire  de  Dionysos,  la  teinte  sombre 
de  nos  déblais  nous  a  confirmé  la  vraisemlance  de  cette  étymo- 

(1)  (I  A  la  descente,  il  y  avait  des  degrés  taUlés  autrefois  de  main  d'iiomme.  » 
M.  Loring  \Joxirnal  of  hellen.  Stud.  XV  (1895),  p.  81]  déclare  n'en  pas  avoir 
reconnu  ia  moindre  Irace  sur  ce  versant.  l\  admet  que  les  zlg7.ags  de  la 
rampe  Justinnirnt  suflisammenl  le  terme  de  Klimax,  parce  que,  do  loin,  ils 
ressoniblcnl  tout  à  (ail  nnx  échelons  d'une  échelle. 

(2)  Pelop,  I,  p.  270,  N^  14.  Ce  nom  se  retrouve  dans  le  Mélangélon  de 
lUIljynie. 


LES   ROUTES    HISTORIQUES    DECRITES    PAR    PAUSANIAS. 


8ii 


logie.  L'altitude  des  sources  de  Pikerni  |)erTnellciit  de  les  dislri- 
buer  dans  la  ville  en  fontaines  jaillissantes,  (letlc;  raison,  joinle 
à  leur  limpidité,  les  avait  sans  doute  désignées  au  choix  des 
Mantinéens.  De  Taqueduc,  qui  les  amenait  à  l'inlérieur  des 
murs  après  un  ]mrcours  d'environ  4  kilomclrcs,  aucune  trace 
authentique  ne  subsiste.  Comme  le  montre  la  ligure  ci-dessous, 


•^ 


K^'-^-k 


I-ig.  9. 
Vue  de  l'Alésion  (Alogovrakhos)  cl  du  tcménos  de  Dionysos  el  «lAphrodilo  Mrlainis. 


la  route  de  Pikerni  à  Manlinée  coloie  h*  pied  de  TAlésion 
sur  une  petite  levée  épaulée  du  coté  de  la  plaine  par  un  mur 
de  soulènemcnt  en  |)ierres  sèches,  iloss  (1)  vil  encore  sur 
cette  route  des  fragments  de  pierres  de  laiHe.  Mais  celle 
chaussée  est  un  travail  moderne.  Depuis  ranli(|uilé  les  débits 
des  sources  n'élanl  plus  contenus,  les  terr(*s  d'en  bas  se  sont 
détrempées  ;  il  a  bien  fallu  surélever  la  route  en  Tappuyant  au 
rebord  de  la  montagne.  Cette  levée  artilicielh^  n'a  jamais  sup- 
porté la  conduite  de  l'aqueduc  pour  deux  raisons  :  1"  parce  que 
ce  genre  de  construction  n'était  pas  dans  les  luibitndes  des 
Grecs  (2)  ;  2^  parce  (ju'ellc  passe  précisément  sur  les  fondations 

(1)  Reisen,  p.  130. 

(2)  Voy.  Sagiio.  Dict.  des  antiq.  art.  Aqua^duclus. 


86 


MANTINKR   KT   L  AIICADIE  ORIENTALE. 


(1*1111  sancluairc  do  Dionysos,  enfoui  au-tlessous.  Ceci  est  une 
preuve  ccrlainc  (|uo  le  chemin  et  l'aqueduc  antiques  passaient 
en  contre-bas  <lc  la  levée  moderne,  a  travers  champs.  Les 
pierres  qui  onl  induit  Ross  en  erreur  provenaient  sans  doute 
des  ruines  de  ce  sanctuaire.  Aujourd'hui  les  traces  tant  de 
Taqueduc  que  du  chemin  sont  méconnaissables  ;  toute  la  topo- 
ji:rapliie  de  cel  endroit  a  été  bouleversée  par  les  alluvions  des 
sources  nombreuses  qui  ont  inondé  le  pied  de  TAlésion:  des 
.cours  treau  se  sont  frayé  passage  à  travers  champs  ;  nous  avons 
retrouvé  jusque  dans  leur  lit  des  vestiges  de  constructions 

I* 


•     ,«•"   >'.'■■>'    ■■■•:..y-/^      •fSf'"' .:•-••    ".'.Y   •   •  • 


Fig.  10. 
SoiiiTo  fies  M^Imslos  pI  sanctimirM  Ac  Dionysos  cl  (rAphi*odile  MoUiniK. 


Sonrre 

(1rs  M^linslfii  et 

sn  net  un  ires  de 

Dionysos 

Ri  d'Aphrodite 

Méininis. 


antiques.  Nouvelle  preuve  de  ce  fait,  que  le  fond  de  plaine, 
aujourd'hui  déserté  pour  les  hauteurs,  était  jadis  plus  habi- 
table. Actuellement  les  sources  de  Pikerni  se  déversent  dans  un 
ruisseau  dont  un  bras  serpente  vers  l'O.  jusqu'au  ruisseau  de 
Sarlsi  et  dont  l'autre  bras  vient  rejoindre  l'Ophis  au  Nord 
de  Mantinée. 

((  A  partir  de  Mélangéia,  à  une  distance  d'environ  7  stades  de 
la  ville  il  y  a  la  source  dite  des  Méliasles.  Ces  Méliastes  célèbrent 
les  orgies  de  Dionysos  ;  il  y  a  près  de  la  source  un  mégaron  de 
Dionysos  et  un  hiéron  d'Aphrodite  Mélainis.  )> 


LES   nOUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES    PAR    PAUSANIAS. 


87 


Ici  rexacliludc  de  Pausanîas  es!  inT|)n>(hal)lo.  Jusie  à 
la  distance  indiquée,  c'esl-à-dirc  à  1.200  m.  environ  de 
Manlinée,  vis-à-vis  la  butte  de  Gourtzouli,  jaillit  de  la  base  de 
TAlésion  en  contre-bas  de  deux  rocbos  aujourd'hui  appelées  le 
reXaB^jppayoç  (Yéladovrakhos  =  Rochede  la  Vache)  et  l'AXoYÔpcx/oç 
(Alogovrakhos  =  Jloche  du  Cheval)  un  g:roupe  de  Irois  sources, 
connu  sous  le  nom  de  TptTCTjYVj  ou,  suivant  la  prononcialion 
chuitanlc  des  Arcadiens,  T^m-fiyi  (Tri|)iclii  =  la  Tri|)le  source). 


Riitle 
dr  GoiirUouli. 


Gorpp 
ilr  Knkoiiri. 


Monli 
Ariiiriii.-i. 


-Puils. 


AIo^M-Vr.-.klio^. 
Vn«^  an  \n  source  dca  MélinslM  el  du  léménos  de  Pioiiysos  cl  «rA|>lini(lilo  prise  dr  lAIrsion. 


La  première  de  ces  trois  sources,  le  SjOi,  esl  la  plus  abondante  ; 
elle  forme  un  pelil  bassin  marécap:eux  enlouré  d'arbres,  à 
cinq  minulesau  N.  de  TAIogovrakhos;  la  dou\irnu\  direclement 
située  sous  celle  roche,  à  droiledu  chemin  en  v(»nant  d(î  Pikerui 
s'ap|)elle  le  Médov  Toitt/jx'.  Cl'est  un  |)uils  peu  profond,  surmonlé 
d'une  haute  nicirgelle  en  pierres  sèches.  La  troisième,  le  Tûitt/j/i 
proprement  dit,  à  quelques  pas  au  S.,  est  une  cuvette  minuscule 


8iS  MANTINÉE   ET   L*ARGADIE  ORIENTALE. 

à  fond  de  sal)lc  d'où  s'échappe  une  infime  quantité  d'eau.  De 
CCS  trois  sources,  le  MÉaov  Tpncyi/i  fournit  seul  une  eau  potable; 
colle  des  autres  est  légèrement  saumûtre.  Ces  trois  fontaines 
alimentent  un  ruisseau  venu  de  Pikerni,  et  qui  serpente  à 
(|nelques  mcircs  en  bas  du  chemin.  Or,  entre  les  deux  dernières 
au-dessous  de  TAIogovrakhos,  la  chaussée  coupe  une  ligne  de 
gros  blocs,  à  demi-dégrossis,  qui  descend  la  pente  perpendi- 
culairement à  la  roule.  Persuadés  que  cet  emplacement  répon- 
dait au  ténicnos  du  sanctuaire  signalé  par  Pausanias,  nous 
avons  dcuiandé  el  obtenu  du  propriétaire  de  ce  terrain  Pauto- 
risalion  d*y  ouvrir  (fuelques  tranchées.  Nous  avons  commencé 
par  reconnaître  les  vestiges  en  haut  de  la  route.  Le  mur  haut 
de  {>0  à  80  centimèlres  repose  à  fleur  de  sol,  sur  une  seule  assise 
de  fondations  appareilles.  H  a  Paspect  de  ces  périboles  archaî- 
fiues  en  pierres  non  équarries  dont  nombre  de  sanctuaires 
étaient  enclos.  Le  périmètre  dessine  un  trapèze  de  37  mètres  de 
long  sur  22  mètres  de  hauteur.  Le  peu  de  profondeur  de  Pas- 
siette  atteste  que  le  niveau  antique  n'était  pas  plus  bas  qu'au- 
jourd'hui. Les  sondages  n'ont  trouvé  à  l'intérieur  aucuns  restes 
de  constructions.  En  suivant  le  mura  travers  la  chaussée,  nous 
avons  constaté  que  le  coté  du  périmètre  faisant  face  à  la  rivière, 
à  partir  du  Métrov  Tpi7i/,y;i  se  présentait  en  forme  de  stylobate 
régulier,  à  plusieurs  assises  de  plaques  calcaires  parées  exté- 
rieurement, délies  d'en  haut  avaient  été  arrachées.  Ce  soubasse- 
ment ne  nous  a  paru  relié  à  aucun  autre  fragment  de  même 
slructure.  Nous  avons  donc  supposé  qu'il  appartenait  à  un 
escalier  par  où  l'on  accédait  au  téménos  comme  ù  une  terrasse. 
A  noter  que  Pausanias  ne  parle  pas  de  temple  à  cet  endroit, 
mais  de  mégaron  et  de  hiérou.  Entre  cette  ligne  et  la  rivière, 
nous  avons  jjonrsnivi  les  recherches  autcint  que  le  permettait 
en  cette  saison  (décembre  1888)  la  nature  marécageuse  du  ter- 
rain. Elles  nous  ont  seulement  révélé  des  fragments  de  petits 
murs  mal  construits,  dont  l'antiquité  nous  a  paru  probléma- 
tique. En  revanche,  du  puits  lui-même  a  été  extrait  le  satyre 
à  Poutre  représenté  |)ar  la  figure  8.  La  découverte  de  ce 
personnage  dionysiaque  et  l'ordre  de  Pénumération  dans 
Pausanias  nous  autorisent  à  identifier  le  puits  du  Mwov  TpiTti^/i 
avec  la  source  des  Méliastes,  et  le  téménos  décrit  plus  haut 
avec  celui  de  Dionysos.  Quant  au  mégaron  proprement  dit, 
peut-être  faut-il  le  reconnaître  dans  une  sorte  de  grande  niche 
naturelle  creusée  en  caverne  dans  la  masse  de  PAlogovrakhos  ? 


LES   ROUTBS   HISTORIQUBS   DBCRITES   PAÎl   PAUSANTAS.  80 

Peut-être  aussi  les  pentes  de  TAlésion  étaienl-olles  couverlos 
de  vignes  et  de  frênes  (MeXiaî),  conjecture  qui  se  fonde  sur  le 
cuite  de  Dionysos  et  sur  le  nom  de  ses  prôtrcs.  Quant  à  ceux-ci, 
leur  logis  devait  occuper  le  potager  actuel,  cnire  la  chaussée 
et  la  rivière. 

Contigu  au  précédent,  mais  beaucoup  jdus  endommagé,  est 
un  autre  péribole.  Les  restes  en  sont  rehacés  sur  le  plan  ci- 
contre.  Ni  sur  la  pente,  ni  en  contre-bas,  nos  tranchées  n'ont 
misa  jour  des  constructions  régulières.  En  lout  cas,  il  n'csl  pas 
douteux  que  ce  téménos  ne  corresponde  à  Thiéron  d'Aphrodite 
Mélainis.  Dans  un  terrain  voisin,  attenant  à  une  cabane,  le  long 
du  chemin  et  près  de  la  troisième  source,  le  Tripirhi,  nous 
avons  découvert  la  stèle  de  Kléonis,  qui  scmbUî  un  ex-voto 
à  Aphrodite  (?). 

Au  delà  de  ces  deux  sanctuaires,  la  route  et  Taqueduc  de 
Mélangéia  franchissaient  TOphis  et  pénél raient  dans  la  vilh^ 
par  une  porte  spéciale. 

Pour  la  route  du  Prinos,  la  précision  des  détails  atteste  routk  m:  p«i»o 
que  Pausanias  a  lui-même  suivi  ce  parcours.  C'est  jiar  là 
qu'il  est  entré  d'Argolide  en  Arcadie.  La  pluî)art  de  ses 
indications  se  vérifient  sur  les  lieux.  Au  sortir  d'Argos  |)ar 
la  porte  N.-E.  o|)posée  à  la  colline  de  Dciras,  la  roule  s'cr.ga- 
geait  au  bout  d'une  heure  dans  la  gorge  du  (lliaradros,  précipice 
étroit  et  sauvage,  dont  les  murailles  resserrées  ne  laissaient 
de  place  qu'au  lit  du  torrent  et  au  chemin  (dTevoTÉpa  e(tt().  Les 
Argiens  avaient  établi  une  tour  de  défense  à  l'entrée.  Vim 
heure  et  demie  plus  loin,  on  atteint  un  carrefour  de  ravins, 
où  l'espace  s'élargit.  Les  versants  des  monlagnes  s'inclinent 
en  pentes  moins  Apres,  propices  à  la  culture.  C'est  le  site 
probable  d'Oinoé  (i).  En  arrière,  en  elTel,  surgit  la  pyramide  de 
TArtémision,  imposante  et  chauve  (uTrkp  8k  Tq;  OîvoTrjç  opo;  6<ttIv 

'ApTe[JL(ffiov). 

Au  temps  de  Pausanias,  comme  aujourd'hui,  la  montagne 
était  en  territoire  argien  (2).  Pour  gagner  ih^  là  les  sources  de 

(1)  Au  lieu  dit  IlaXaio/copa,  près  du  confliicnl  d'ini  Lorrenl  avec  le  Cha- 
radros.  On  y  a  trouvé  des  monnaies  antiques.  (Micliauiis  cl  Conze.  UapporCo. 
Annalû  18GL  p.  23.) 

(2)  Au  sommet  de  TArtémision,  on  ne  trouve  plus  qu'un  merveilleux  pano- 
rama sur  les  plaines  fermées  d'Arcadie,  et,  par  delà  les  monts  d'Argolide,  sur 
les  tles  et  rAttique.  Toute  trace  du  sanctuaire  d'Artéinis  a  disparu. 


90  MANTINÉE  ET  l'aRCADIB  ORIENTALE. 

l'Inachos,  il  fallait  contourner  le  massif  au  N.,  en  escalader 
les  contreforts  avec  le  chemin  actuel  de  Karya,  et  non  pas 
l)Oursuivrc  direclciuent  à  TO.  par  le  sentier  de  Tourniki, 
inconnu  à  Pausanras.  Plus  au  S.  Tarête  ingrate  du  Kréopôlon 
ne  se  laisse  pas  franchir  (1).  C'est  en  haut  du  joli  hameau  de 
Karya  en  inclinant  vers  l'O.  par  une  cote  aride  au  milieu  des 
roches  hrûlécs  (Xéro-Vouni)  que  le  chemin  atteint  le  dos  de  la 
ligne  frontière.  Là  se  trouvait  le  passage  dit  du  Chêne- Vert 
(8ià  llpivou)  :  ce  nom  n'était  pas  celui  de  la  route  tout  entière, 
mais  proprement  celui  du  col.  Il  venait  sans  doute  de  ce  que, 
dans  ces  solitudes  pelées,  un  Lou(|uet  d'arbres  signalait  de 
loin  au  voyageur  le  terme  de  la  montée  (2).  Le  col  franchi, 
on  se  trouve  dans  le  bassin  de  Tluachos.  Le  chemin  traverse 
près  d'une  douzaine  de  torrents  ruisselants.  Ce  sont  les  sources 
de  l'Inachos,  limpides,  abondantes  et  nombreuses.  Mais  par 
un  phénomène  singulier,  ces  eaux  n'ont  qu'un  parcours  limité 
à  ciel  ouvert.  A  peine  ont-elles  dévalé  des  hauteurs  qu'elles 
(lis])araissent  sous  terre  ;  le  cours  de  l'Inachos  dans  la  vallée 
inférieure  est  moins  un  lit  qu'une  juste  caillouteuse,  ha  nature 
accomplit  ici  un  véritable  travail  des  Danaïdes  ;  en  haut,  la 
montagne  a  beau  déverser  à  torrents,  été  comme  hiver,  ses 
eaux  fraîches  ;  en  bas  le  calcaire  argien  boit  tout,  et  la  plaine 
est  toujours  assoilTéiî.  Le  fait  a  été  remarqué  de  l'ausauias  : 
((  F-»es  sources  de  l'Inachos  sont  dans  celte  montagne;  il  y  a 
réellement  des  sources,  mais  l'eau  n'a  pas  sur  terre  un  long 

parcours,  to  Se   u8wp  oùx  ItzI  Tzokb  eçixveiTai  tt|ç  ytjç.  )) 

Le  chemin  actuel  se  lient  constamment  sur  les  hauteurs,  à 
l'extrémilé  du  ravin  collecteur,  où  se  réunissent  tous  ces  ruisse- 
lets.  Du  temps  de  l^uisanias,  il  devait  descendre  jusqu'au  lit  de 
la  rivière  et  la  suivre  pendant  quelque  temps,  comme  l'ont 

(1)  Voy.  la  description  physique  de  ce  district  dans  Philippson.  Der  Pelo- 
ponnrs,  p.  69.  Le  clirmin  de  Touniilci  traverse  la  chaîne  (attière  au  S.  du 
Malévos  et  de  la  montagne  de  Tsipiana,  au  col  de  Skalais  (les  Échelles).  Ce  nom 
rappelle  celui  du  Klimax,  mais  comme  il  désigne  en  Grèce  tous  les  chemins 
en  lacets,  l'assimilation  qu'en  ont  (aile  Pouquevillo  et  la  Commission  de  Morèe 
avec  le  Klimax  est  toute  superficielle. 

(2)  CL  sur  la  route  de  Tripolis  à  Sparte  le  col  de  MonodendrU  annoncé  de 
loin  par  un  ch^nc  solitaire  (Joanne,  hrèce,  IL  p.  242).  Précisément,  sur  le  col 
présumé  du  Prinos,  un  peu  au-dessous  du  faite,  sur  le  versant  E,  on  rencontre 
les  ruines  d'une  chapelle  d'Ilagloa  Constantinos  entourée  d'yeuses  (en  grec 
moderne  irptvapi),  visible  de  loin.  Une  hauteui  qui  domine  le  col  lui-même  en 
est  également  couronnée. 


LES   ROUTES   BI8T0RIQUES   UBGIIITES   PAR    PAUSANIAS.  91 

constaté  MM.  Conze  et  Michaëlis.  Ainsi  qu'on  le  voit  sur  la 
œrte,  le  lit  s'ouvre  une  brèche  dans  la  chaîne  frontière.  I^a 
barrière  rocheuse,  qui  faisait  une  limite  si  Iranchéc  entre  les 
deux  pays,  étant  interrompue,  on  avait  adopté  une  lifçne  con- 
ventionnelle. Elle  descendait  du  faîte  N.  du  Mont  Lyrkeion, 
suivait  avec  la  route  un  tronçon  de  la  rivièrtî  et  remontait  au 
S.  pour  regagner  les  sommets.  «  L'inaclios  marque  les  conlins 
de  TArgolide  et  de  Mantiuée  dans  la  partie  de  son  cours  paral- 
lèle au  chemin  ;  à  partir  du  coude  qui  l'éloigné  de  la  route,  il 
coule  en  territoire  argien.  » 

Au-delà  de  ce  point,  le  chemin  s'inclinait  le  long  du 
versant  mantinéen  vers  la  plaine.  Au  lieu  de  tourner  au  Sud 
comme  aujourd'hui  pour  aboutir  à  ïsipiana,  il  desrendait 
au  pied  de  la  montagne,  dans  un  fond  de  vallée  (|ui  s'allongeait 
au  N.  entre  les  deux  lignes  de  l'Alésion  et  du  Lyrkeion.  Cette 
plaine,  réduite  à  une  seule  issue  vers  le  Sud,  \u\  étroit  couloir 
oblique,  était  convertie  par  les  pluies  en  uu  réservoir  maréca- 
geux. Inhabitable,  son  sol  détrem|)é  ne  supporte  (|u'iine  cul- 
ture, le  maïs  ;  il  y  réussit  à  merveille.  Le  val  est  sillonné  par  uu 
long  canal,  où  l'on  essaie  en  vain  d'em|>risonner  les  eaux  alin 
de  les  drainer  vers  les  katavolhres.  Os  conditions  répondent 
à  la  description  de  la  Plaine  IncnUv  ('Aiy^^v  lleoîov),  qui  recevail 
le  voyageur  à  la  desconte  de  TArtémision  (I).  a  Klle  s'api»elle 
inculte  et  l'est  réellement,  parce  (|ue  les  eaux  dcsci^ndues  des 
montagnes  la  rendent  impropre  à  la  nilture.  Hien  ne  lempé- 
che  d'être  un  lac,  sinon  le  goulTre  on  IVau  disparalL  »  Les 
anciens  n'ayant  jias  la  jcssource  du  maïs,  avaient  du  renoncei' 

(1)  Suile  du  tableau.  ~  Rouie  du  Prinos. 

VllI,  7,  I.  —  5«  Argon  Pédion.  ^TTreppaXovra  8à  éç  Tr,v  MavTivixYjv  Sii 
Tou  'ApTe[JLi(Tiou  TceSiov  exBÉÇÊTai  (xe  'Apyov  >caXou(i.evov.  xaOaTrep  yi 
l(TTi'  TO  yàp  liStop  To  ex  too  Ocou  xaTEpyôaevov  éç  aùxb  £x  xwv  ôpoiv 
apybv  eîvai  to  tteSiov  Tcoieî,  ixiôXiti  te  oùSkv  àv  tô  TreS-'ov  touto  eïvai 
Xifxv'/^v,  el  jjLT)  TO  uoo)o  vj^aviî^eTO  Iç  X^^F*'*  T'H^- 

VIII.  7,  4.  —  G»  Nestané.  Tente  de  Philippe.  Fontaine  Philippios.  Tou  ok 
'Apyou  xaXoufJLÉvou  ttcoiou  MavTiveuaiv  opo;  eirlv  £v  ipiarepï,  (Tx^r^v-Tj;  tc 

^^lX(7C7COU    TOU   'AfJLUVTOU   Xai   Xlt>JX'/|Ç   ipElTTia    e/OV    N£TTaV'/|;'    TTpÔÇ   TaÛTT) 

yàp  (TTpaTOTceSEÙaadOat  tT)  NEorivr)  *I>iXi;r7tov  Xi^fOu'Ji,  xat  Tf,v  TtTrjYYjv 
aÙT(56i  ôvojiî^ou^iv  £Ti  OLub  éxEivou  'I>lXt7rTtOV. 
VIII.  8,  L  —  7«»  Temple  de  Démêler,  Met*  8e  Ta  ÉoEtTria  ty,(;  NE<JTXvr,<;  îspbv 
Ai^jt7)Tpoç  IffTiv  ayiov,    xal  aÛT/j   xal  ÉopT/jv  àvà  nav  bto;  àyo'jtxiv  ol 
MavTiveTç. 


92  MANTINÉR  ET   L'ARCADIE  ORIENTALE. 

à  tirer  piirli  de  ce  désert  mouvant.  Celte  stérilité  et  le  grand 
kalavolhre  de  Tsipiana  rendent  indubitable  Tidentité  de  la  plaine 
de  Sanj^a  ave<î  TArgon  Pédion.  On  pensait  que  les  eaux  engouf- 
frées à  cet  endroit  rc()araissaient  à  Diné  en  Argolide 
iNestanr.  «  A  gauclie  (Ic  la  Plaine  Inculte   en   territoire   mantinéen, 

s*éR»vc  une  montagne;  elle  porte  les  ruines  de  la  tente  de 
Philippe,  fils  d'Amyntas  et  du  bourg  de  Nestané.  On  dit  que 
Philippe  établit  son  c;imp  à  Nestané,  et  la  fontaine  qu'on  y  voit 
a  pris  de  lui  le  nom  de  Philippios.  »  Le  chemin  moderne  qui 
dérive  vers  Tsii)iana  a,  sur  ce  point,  induit  en  erreur  les 
voyageurs,  y  compris  Curlius  (1).  La  route  suivie  par  Pausa- 
nias,  du  pied  de  l'Arlémision,  se  dirigeait  en  droite  ligne  à 
rOuest.  Elle  subsiste  encore.  A  la  chute  même  de  la  montagne, 
un  sentier  jiicrreux  côtoie  une  verrue  rocheuse,  devant  l'entrée 
béante  (20  m.  de  large  sur  6  de  haut)  du  katavothre  dont 
on  traverse  à  gué  le  chenal  (on  pouvait  autrefois  le  franchir 
sur  un  i)ont  de  bois)  :  cette  hauteur  à  gamhe  du  chemin  s'avance 
comme  un  promontoire  h  pic  du  côté  de  la  plaine;  elle  est  reliée 
à  l'Arlémision  par  un  petit  col.  A  la  jointure  des  deux  monta- 
gnes, un  autre  sentier  se  détache  du  précédent  et  monte  en 
zigzag  jusqu'au  col.  Il  conduit  à  la  plate-forme  de  la  colline, 
juste  au-dessus  du  katavothre.  A  cet  endroit,  des  vestiges  de 
ruines  sont  encore  reconnaissabies(2).  C'est  d'abord,  sur  une 
longueur  de  quelques  mètres,  un  tronçon  de  voies  antiques 
avec  ornières  creusées  dans  le  roc.  Puis,  un  fragment  de  mur 
d'enceinte  en  pierres  oblongues,  appareillées  en  assises  irrégu- 
lières. On  croit  y  distinguer  une  tour  carrée  qui  défendait 
l'ouverture  d'une  porte.  Ce  mur  barrait  l'entrée  de  la  plate- 
forme contiguê  à  l'Artèmision  ;  les  autres  côtés  étaient  assez 
escarpés  pour  se  |)asser  de  fortifications.  A  l'intérieur  du  pla- 
teau des  ])ierres  éparses  attestent  qu'il  était  habité.  On  y 
remarque  une  ligne  de  fondations,  dirigées  de  l'E.  àl'O.,  peut- 
être  celles  d'un  temple.  Enfin  sur  l'autre  versant,  celui  du  S. 
h  la  lisière  du  village  de  Tsipiana,  une  source  s'échappe,  en 
jets  copieux,  de  (piatre  bouches  percées  dans  un  mur  ;  celui-ci, 
comme  l'atteste  une  inscription  moderne,  date  de  1840.  Tous 
ces  détails  coïncident  avec  les  indications  de  Pausanias.  Ces 


(1)  Pelopon.  I.  p.  2^^. 

(2)  Voy.  un  pelU  croquis  dans  Clark.  Peloponnesus,  p.  127.  D*aulres  amas 
do  pierres  sont  signalés  par  le  carton  de  la  Commission  do  Morée  au  pied  de 
l'Acropole,  au  S.-O. 


LES   ROUTES   UISTORIQUBS   DECRITES   PAR    PAUSANIAS.  93 

ruines  sont  celles  du  bourg  de  Nestano  (1)  el  la  (onlaine  n'esl 
autre  que  la  Philippios. 

Après  les  ruines  de  Nestané,  il  y  a  un  temple  vénéré  de  Tempio 
Déméter  ;  les  Mantinéens  y  célèbrent  une  fcte  lous  les  ans.»  Cet  *'«  némcier 
édifice  était  sur  la  route  même,  en  plaine,  et  non  comme  le 
suppose  Curtius  (2),  sur  la  hauteur  au  S.  E.  de  Tsipiana,  au 
monastère  de  Kbrysouli.  De  lait,  au  delà  du  promontoire  de 
Nestané,  le  chemin  continue  vers  l'O.  sur  les  confins  de  la 
Plaine  inculte  et  de  Tétroit  couloir  cultivable  qui  lui  sert  do 
débouché  vers  la  plaine  mantinéennc.  Conze  et  MichaOlis  (3) 
ont  pu  reconnaître,  à  quelque  disfanco  de  Nestané,  sous  la 
route  même,  des  fondations  orientées  de  VU.  à  TE.  Ce  serait 
là,  suivant  toute  vraisemblance,  remplacement  du  sanctuaire 
démotique  de  Déméter  (4). 

((  Au-dessous  de  Nestané  s'étend  une  portion  de  TArjçon  Pé-  Xozhç  Maipà 
dion,  qu'on  appelle  Champ  de  dame  de  Mnirn.  ))  (3)  (^es  termes 
ne  peuvent  désigner  Tembouchure  méridioiuilc  de  la  Plaine 
Inculte.  Par  sa  position  extérieure  et  la  nature  toute  diiïérente 
de  son  sol,  celte  étroite  vallée  n*a  |)lus  rien  de  commun  avec 
PArgon  Pédion.  A  mon  avis  le  Khoros  Mairas  doit  occuper  le 
S.  0.  de  celle-ci  entre  l'Alésion  et  ses  projections  (G). 

«  J-kI  traversée  de  la  PLiine  Inculte  est  do  10  stades.  »  Sur 
le  point  de  gravir  les  premières  pentes  de  TAlésion,  Pausanias 

(1)  Etienne  de  Dyzancerappelleaussl  :  NocTia.  xo>(xY|  'Apxaôia<,.  i^io-no^Lizo^ 
TpiaxoffTto  SeuTepo)  <l>iXi7t7rixwv.  "I^^cpopoç  tô  eOv.xôv  NêTtivioç  icp*/)»  *''*^'^- 
xat'  auTÔv  NsffTavtav  XsyfiffOai*  7)  aÙTYj  yàp  tTj  TisoTepa,  c'oç  O'rjXov  s; 
âXX(i>v.  Cf.  Suldns  :  Noaréa.  L'élymologie  se  raUarhc  pcul-ôlre  à  vôcjtoç, 
retour  (voy.  plus  haut,  p.  63). 

(2)  Pelop.  I.  p.  245. 

(3)  Rapporta.  Annali  18GI,  p.  27. 

(4)  Voy.  plus  bas,  p.  238. 

(5)  SuUe  du  tablrau.  —  Roule  du  Prinoa.  VllI,  8.  1. 

8»  Klioros  Mairas     \\oiX  xarà  ty|V  Ncffrâv/jv  ÛTrôxsiTaî   jxxXt^ta  (AO?pa   [xkv 

xal  aÛT7|  Tou  TTEoiO'j  Tou  'Apyou,  Xopôç  os  àvotxiCîTai  Maipaç. 
9»  Largeur  de  l'Argon  Pédion,  tou  tccBio-j  8ê  Icttiv  v)   oi£;oSoc  tou  'Apyou 

aTaBi(i)v  Ssxa. 

ii)*  M onlée  et  descente  de  l'Alésion.   'VicEppàç  8k   O'j  TtoXù  è;  eTcpov  xaTa- 

P"^<T7)  Tceoiov. 
!!•  Fontaine  Arné.  âv  toutw  8s  napà  tyîv  Xsto^opov  è^ttIv  "Asvt)  xxXoufAsvT^ 

xpTQV/).    —     MavTivéoiv    86     V)    TTÔXi;   TTaoïou;    aiXiTTX    tcou    oioôsxa 

(ou  OÛO)  6(XTtV  àTrCOTSpO)  T%  TfriY'^Ç  TaÛTTjÇ. 

(0)  Voy.  plus  bas,  p.  253  et  snlv. 


94  MANTINÉE   ET   L*AIlGAOIE  ORIENTALE. 

évalue  le  Irajcl  qu'il  a  elîeclué  en  vallée  depuis  la  descente 
de  rArlémision.  Le  cliKïre  indiqué  (18S0  m.)  est  rigoureuse- 
ment exarl.  Le  voyageur  n'a  signalé  aucun  des  accidents  de 
lorrain  qu'on  reniar(|ue  au  débouché  de  la  plaine  d'Argos.  Ce 
sont  des  bultes  rocheuses  en  avant  de  l'Artémision  et  &e  i*Alé- 
sion,  les  unes  isolées,  les  autres  attenantes  h  la  chaîne.  Ces  hau- 
leurs,  d'aspect  noirAtre,  sont  couronnées  de  chapelles  et  de 
lours  médiévales,  peut-être  celles  du  chAteau  de  Gépiana  cons- 
truit en  1296  par  les  Byzantins.  Peut-être  aussi  les  anciens  y 
avaient-ils  inslallé  des  lours  d'observation.  Le  roc  de  Stravo- 
myti  (S.-E.  deTAlésion)  est  particulièrement  propice  à  l'olFice 
de  vigie  :  de  ce  sommet  élevé  le  regard  enfile  l'entrée  de  la  Man- 
tiniqueet  toulc  la  moitié  de  la  Tégéatide  jusqu'à  Pallantion  et 
aux  mcmlagnes  du  fond.  Mais  il  est  peu  probable  qu'un  bourg 
ail  été  se  loger  à  cctie  hauteur. 

«  Le  chemin  actuel  paraît  être  le  même  que  celui  de  Pau- 
sanias.  Il  s'élève  au-dessus  de  l'Argon  Pédion,  h  mi-llanc  des 
dernières  pentes  de  l'Alésion,  en  laissant  sur  la  droite  une  source 
importante  inconnue  dePausanias.  Au  bout  de  800  mètres  envi- 
ron, il  s'incline  au  creux  d'un  petit  ravin  qui  sépare  la  pointe  de 
l'Alésion  en  fourche.  Toutefois  il  ne  descend  pas  tout-à-fait  au 
niveau  de  la  grande  plaine,  mais  continue  à  contourner  à  mi-flanc 
le  talus  de  la  montagne. 
Source  Arné cl  ((  Daus  ccltc  jdainc,  auprès  de  la  grande  route,  il  y  a  la 
Xfiuxpôpo;.  sQuice  Arné  (xpY,vT,).  La  ville  de  Mantinée  est  à  douze  (ou  deux) 
stades  environ  de  celle  fontaine  {T^y\yr\).  m  La  position  de  l'Arné 
a  été  très  coniroversée.  Remarquons  d'abord  qu'il  est  inutile 
d'épiloguer  sur  les  termes  de  Pausanias,  pour  savoir  s'il  s'agit 
ici  d'une  source  jaillissante  ou  d'un  puits.  Les  deux  mots 
xpTjVY),  TTY.YTi  désigucnt  une  source.  Peut-être  était-elle  ciuialisée 
et  aménagée  en  fontaine.  Quant  à  l'indication  de  la  distance  par 
rai)])ort  à  Mantinée,  les  manuscrits  se  contredisent  :  les  uns 
donnent  le  chiffre  de  12  stades,  ado[)té  par  les  plus  récents 
éditeurs,  les  autres  celui  de  deux.  Le  texte  n'est  donc  pas,  sur 
ce  point,  un  guide  sur. 

Une  autre  difficulté  provient  de  la  mention  du  Xew^ôpoç  qui  se 
substitue  au.  mol  ôooç  précédemment  employé  dans  la  description 
de  la  route  (1).  Or,  la  même  expression  désigne  un  peu  plus 

(1)  Toutefois  on  doit  remarquer  que,  quelques  lignes  plus  bas  encore  (VI  11,11, 1) 
ce  même  Xeoi^ôpoç  est  aussi  qualifié  ôSôç'    V)  êç  Teyéav  bZoç  ^éoEi  Stà  tojv 

OpU(î)V. 


LES   HOUTES  HISTORIQUES   DECRITES   PAR   PAUSANIAS.  95 

loin  (VÏII,  10, 1)  la  grande  route  de  Tégoe  (êv  ipiçTepî  ttiç  Xeoc^osou), 
au  soriJr  de  Mantinée  (1).  De  ridenlitù  des  Icnncs,  d'aucuns, 
comme  Curlius,  ont  conclu  à  Fidentilé  des  choses.  Le  Xeoj^ôso; 
de  TAlésion  et  celui  qui  menait  à  Tégéc  n'auraient  fait 
qu'un.  Autrement  dit  le  chemin  de  Ncslanc,  à  la  descente 
de  l'Alésion,  à  quelques  mètres  au  S.  de  la  ville,  se  serait 
confondu  avec  la  w  route  militaire  »  de  Tégce.  Cette  théorie 
soulève  plusieurs  objections  sérieuses  :  1°  Dans  cetic  hypo- 
thèse, la  position  de  l'Arné  est  préjugée.  En  elTet  la  dislance 
de  12  stades  n'est  i)as  compatible  avec  elle,  parce  ([u'elle  dépasse 
de  beaucoup  l'extrémité  de  l'Alésion.  Placée  à  12  stades  de  la 
ville,  Tcapà  ttIjv  Xeoxpopov,  la  source  se  trouve  troj)  avancée  vers 
le  S.,  bien  au-delà  de  la  section  commune  aux  deux  che- 
mins; leur  jonction  ne  peut  être  plus  éloignée  que  la  pointe 
de  l'Alésion,  soit  à  7  stades  au  plus.  Il  faut  donc  oi)ler  pour 
l'autre  chilire  :  la  source  serait  située  à  2  stades  de  la  ville,  i)rès 
la  grande  route  de  Tégée.  Mais  alors  la  mention  de  l'Arné  aurait 
dû,  en  bonne  logique,  être  ajournée  à  la  description  de  celte 
route,  parmi  les  autres  particularités  signalées,  alors  seulement, 
j)ar  le  voyageur.  Pourquoi  Pausanias  aurait-il  extrait  entre  tous 
ce  détail  pour  en  parler  prématurément  dans  son  itinéraire 
d'Argos  à  Mantinée?  Aussi  bien,  par  une  étrange  contradiction, 
Curtius  dément  sur  sa  carte  (2),  les  données  de  son  texte  :  car  il 
éloigne  l'Arné  du  Xewcpôpoç  de  Tégée,  en  l'identifiant  avec  la 
fontaine  Ko-fo^epià,  située  à  mi-côte,  sur  le  chemin  de  Nestané. 
Il  faut  dans  ces  conditions,  renoncer  à  le  comprendre,  2"  Le 
nombre  et  la  disposition  des  portes  de  la  ville  implique  l'exis- 
tence d'une  route  indépendante,  débouchant  an  S.-E.  Le  segment 
méridional  de  l'enceinte  est  percé  de  quatre  issues,  dont  une  du 
côté  de  Pallantion  et  deux  du  côté  de  Tégée.  La  quatrième  fait 
place  à  la  pointe  de  l'Alésion.  A  quoi  servait  elle,  sinon  à  livrer 
imssage  à  un  chemin  particulier  dirigé  vers  le  S.  E.,  du  côté  de 
Nestané  ?  D'ailleurs  ce  chemin  existe  encore;  si  Mantinée  était 
habitée,  il  ne  pourrait  entrer  dans  la  ville  que  par  celte  porte  (3). 
Curtius,  il  est  vrai,  désigne  cette  ouverture  comme  (loint  de 
départ  de  son  Xew^ôpoç.  Mais  il  omet  de  se  prononcer  sur  la 
destination  des  deux  autres.  Son  système  a  pour  ellet  de  faire 

(1)  Pelop,  I,  p.  245. 

(2)  relop.U  pi.  III. 

(3)  il  se  iiiAle  au  pied  de  rAlésion,  à  un  seiUier  qui  vionl  do  Plkcriii. 


ÎMÎ  MANTINÉE  ET   L'AHCADIB  OlUENTALE. 

(levier  de  leur  dircclion  naturelle  et  le  chemin  de  Nestané, 
o\)[\p;é  d'aller  s'embrancher  sur  la  route  de  Tégée  au  lieu  de 
{gagner  Mantinc^e  au  plus  court,  et  la  route  de  Tégée,  forcée  de 
se  porter  vers  TE.,  à  la  rencontre  de  ce  chemin,  au  lieu  de  filer 
tout  droit  sur  Tégée.  Ce  défaut  est  très  sensible  sur  la  carte.  La 
nouvelle  Mantinée  passe  pour  le  chef-d'œuvre  des  ingénieurs 
militaires  du  IV''  siècle.  Ils  ont  déployé  un  art  consommé  dans 
la  répartition  des  débouchés  de  cette  place  centrale  ;  ils  Tout 
conçue  comme  le  moyeu  d'une  roue  aux  rayons  divergents.  A 
chaque  route,  à  chacjue  sentier  correspond  une  issue  spéciale, 
(iomment  leur  atiribucr  pour  la  section  la  plus  encombrée  et  la 
plus  passante  une  pareille  parcimonie  de  moyens  de  communi- 
cations, d'autant  plus  irrationnelle  en  cet  endroit  qu'ils  ont 
partout  poussé  la  |)ré  voyance  jusqu'à  la  profusion?  Ce  serait,  de 
leur  part,  une  inconcevable  bévue. 

3»  L'identité  des  deux  routes,  celle  de  Nestané  et  celle  de 
Tégée,  en  un  i)oiut  quelconque  de  leur  parcours,  doit  donc  être 
rejetée.  Qu'esl-ce  alors  que  ce  Xccocpopo;  dont  parle  Pausanias 
après  la  descente  de  TAlésion  ?  Deux  explications  sont  admis- 
sibles :  ou  bien  les  variantes  de  la  terminologie  du  Fériégète 
sont  de  simples  synonymes  et  n'impliquent  pas,  dans  les  choses 
elles-mêmes,  des  dillérences  de  nature.  Il  emi)loie  l'un  pour 
l'autre  les  termes  d'ôSôç  et  de  Xctocpdpoç,  comme  ceux  de  itoyn  et 
de  xpr|VTf|.  Les  prétendues  «  routes  militaires  ==■  Ueerstrassen  », 
qui  seraient  désignées  par  le  mot  Aewcpôpoç  peuvent  bien  n'être 
qu'une  invention  des  savants  modernes.  En  supposant  que  cette 
conception  ait  répondu  à  une  pensée  d'Épaminondas,  soucieux 
d'assurer  aux  troupes  du  camp  retranché  de  Mantinée  des 
débouchés  rapides  vers  la  Laconie,  cette  précaution  pouvait,  le 
cas  échéant,  profiter  à  l'ennemi.  D'ailleurs,  les  Grecs  n'étaient 
pas,  comme  les  Homains,  amateurs  d'amples  chaussées  :  la  vici- 
nalilé,  dans  leur  jiays,  a  toujours  été  sans  prétention.  Moins 
bénévole  à  l'homme  qu'à  la  nature,  elle  aime  mieux  sacrifier 
ses  aises  que  de  violenter  l'œuvre  des  dieux.  En  tout  cas,  Pau- 
sanias n'est  i)as  fidèle  .à  sa  nomenclature,  puisqu'il  qualifie 
coup  sur  coup  la  même  route  de  Tégée  de  Xe(jD(pdpoç,  puis  d'ôSoç. 

Ou  bien,  si  l'on  tient  à  attribuer  à  chacun  de  ces  termes 
une  valeur  absolue,  on  doit  admettre  qu'une  même  voie 
jiouvait  être  une  sim|)le  ôSoç  sur  une  partie  de  son  par- 
cours et  un  Xewipôpo;  sur  une  autre  partie.  On  peut  expliquer  de 
celle  façon  <crtaiues  nuances  de  Pausanias.  Par  exemple,  la 


LES    ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  97 

route  de  Pallantion  était  un  Xew^d&oç  continu,  parce  qu'elle 
s'étalait  sans  obstacle  au  fond  de  la  plaine;  elle  longeait,  sans  y 
pénétrer,  la  lisière  du  bois  Pélagos  (1).  La  chaussée  de  Tégéo 
construite  en  avenue  jusqu'à  l'entrée  du  bois,  se  continuait 
en  route  à  travers  les  arbres  (2). 

De  même  l'âpre  chemin  muletier  du  Prinos  pouvait  du  pied 
de  l'Alésion  s'épanouir  en  une  piste  plus  large  jusqu'au  mur 
(le  la  ville.  C'est  pourquoi  Pausanias,  une  fois  en  plaine,  le 
traite  de  Xeco^ôpoç. 

4"  Ces  deux  points  acquis,  à  savoir  que  le  Xfio'^ôpoç,  prolonge- 
ment du  Prinos,  était  indépendant  de  celui  de  Tégée  et  qu'il 
passait  auprès  de  l'Arné,  il  reste  à  délermiiier  la  posilh>n 
oxacle  de  celle  source  mythologique.  11  ne  s'agit  plus  de 
choisir  entre  les  deux  chifTres  donnés  par  les  mannscrils.  Si 
l'on  cherche  la  fonlaineà  2  stades,  soit  à  .'170  m.  au  S.-K.  de  la 
porte  citée,  on  n'en  trouve  plus  trace  sur  le  terrain.  H  existe 
(le  ce  côté  une  seule  source,  le  Varéh\  jnais  elle  surgit  au  pi(Ml 
même  des  murs,  dans  le  fossé  de  l'Ophis,  en  face  la  imteriic  K, 
à  330  m.  au  N.  de  la  porte  F. 

La  distance  de  12  stades  (2220  m.)  à  partir  de  la  porte 
F,  nous  ramène  en  arrière  à  l'extrémité  de  l'Alésion,  juste- 
ment à  ce  ravin  où  s'enfonce  la  route  de  Neslané.  lA,  quand 
on  vient  de  Tsipiana,  une  demi-heure  avant  d'alleindie  Maii- 
linée,  le  chemin  est  flanqué  ù  droite,  au  creux  même  du 
ravin,  d'une  petite  f(mtaiue.  D'un  mur  ruiné  on  pierres  taillées, 
aménagé  par  les  Turcs,  s'échappe  un  mince  (ilet  d'eau.  La 
fraîcheur  de  cette  source  lui  a  fait  donner  par  les  |)aysans  le 
nom  pittoresque  de  Ko-j/o/cpià,  qui  coupe  les  mains.  La  coïnci- 
dence de  la  dislance  actuelle  avec  celle  de  12  stades  serait  un 
argument  très  fort  en  faveur  de  ridentificalion  de  celte  source 
avec  l'Arné.  La  Commission  de  Morée,  Curlius  et  Bursian  l'ont 
admise.  Mais  il  y  a  deux  objections  :  1°  Cett(;  distance  sui)])Ose 
([ue  le  tracé  de  la  route  antique  coupait  le  talus  de  l'Alésion,  à 
mi-côte  en   corniche,  comme  le  chemin  inoderne  (3).    2»  Or, 

(1)  VIII,  11,  3  :  irapY^xei  xatà  touto  éç  tY|V  X£Ct)^ôpov  b  tou  IhUyou^ 
xaXoufjLEvou  opu(xdç. 

(2)  VIII,  11,  1  :  x(x\  ex  Mavtiveiaç  tj  cç  Tsy^av  ôooç  oiozi  oià  twv  Bputov. 

(3)  Les  indiculions  qu'on  sérail  tenlé  (Je  Urer  des  roules  modernes  sonl  bien 
souvent  trompeuses.  Quand  on  va  d*un  viHagc  à  un  autre  village,  on  ne  doit  pas 
s'Imaginer  allrr  d'une  ville  antique  à  une  ville  antique  fiar  les  mômes  chemins 
qu'autrefois,  quelque  rapprochées  que  soient  les  localités  actuelles  de  leurs 

Mniitince.   —  S. 


98  MANTINÉE  ET   L*ARCADIE  ORIENTALE. 

Pausanias  dit  exprcssunienl  que  la  route  descendait  en  plaine  et 
que  dans  cette  plaine,  auprès  de  la  chaussée  (Iv  touko  5k  iiapà 
Tr,v  XecD'fdpov),  on  rencontrait  la  source.  II  est  donc  nécessaire 
d'admettre  que,  à  partir  du  col  de  TAlésion,  l'ôSà;  montagneux 
s'élargissait  en  chaussée  (Xewjpdpoç),  que  ce  Xctixpdpoç,  situé  en 
contre-has  du  chemin  moderne  et  de  la  fontaine  Koj/oycpia, 
contournait  en  terrain  plat  les  dernières  pentes  de  la  colline.  La 
xpr|V7)  ou  7C7)Y-^  Arné  doit  être  cherchée  à  l'expiration  de  la  côte, 
en  plaine.  Or  précisément,  à  l'extrémité  S.  de  TAlésion,  un  peu 
à  l'ouest  de  KoJ/oy;epîa,  jaillit  un  groupe  de  sources  abondantes. 
Déjà  Vischer  l'avait  signalé  et  M.  Loring  (1)  l'a  reconnu  après 
lui.  Ces  sources  en  bassin  peuvent  être  qualifiées  de  )tpTfivTf|  et  de 
TrYiyvi.  La  distance  est  peut-être  un  peu  moindre  que  12  stades, 
comptés  à  partir  de  la  ville,  mais  le  fait  serait  à  vérifier  par  des 
mesures  exactes.  (]es  sources  alimentent  les  rigoles  qui  vont 
grossir  l'Ophis.  De  cette  façon  la  réalité  coïncide  avec  la  descrip- 
tion de  Pausanias  sur  tous  les  points. 

A  partir  de  cette  source,  la  voie  décrivait  une  courbe  vers  le 
Nord-Ouest  pour  aller  rejoindre  la  porte  F. 

Les  itinéraires  suivants  de  Pausanias  ont  tous  pour  point  de 
départ  une  des  portes  de  la  ville  et  pour  terme  la  frontière. 
Nous  discuterons  plus  loin  la  question  des  portes  et  leur  cor- 
respondance avec  les  divers  chemins  qui  rayonnaient  autour 
de  Mantinée.  Suivant  Tordre  de  Pausanias,  nous  allons  lepren- 
dre  avec  lui  ses  itinéraires  :  «  Plusieurs  routes,  dit-il,  conti- 
nuent de  Mantinée  dans  le  reste  de  l'Arcadie.  Toutes  les  parti- 
cularités remarquables  de  chacune  d'elles,  je  vais  les  décrire  » 
(Vlil,  10,  1).  Voyons  comment  il  tient  ses  promesses. 


ruines  respectives.  Ainsi,  le  chemin  moderne  de  l'Alésion  ne  correspond  qu*ap- 
proximaUvcmcnl  à  la  roule  de  Mantinée  à  Nestanô.  En  réalité,  c'est  celle  de 
Pikerni  à  Tsipiana.  Or,  entre  ces  deux  polntR,  rAlésion  interpose  une  barrière 
incommode,  qui  veut  être  contournée  et  non  francliie.  U  est  nature!  que  les 
modernes  aient  pris  riiabitude  de  raccourcir  ce  détour  obligatoire  en  serrant 
de  près  la  côte  tant  qu'elle  est  praticable.  La  route  antique  entre  Nestané  et 
Mantinée  pouvait  profiter  de  la  plaine  plus  longtemps  sans  allonger  le  trajet. 
De  plus,  le  plat  terrain,  mieux  entretenu  par  une  populalioa  plus  soigneuse 
et  plus  dense,  ne  laissait  pas  les  chemins  dégénérer  en  (ondrières.  Aujourd'hui, 
dès  les  premiôres  pluies,  les  habitants  préfèrent  cheminer  sur  la  roche. 

(1)  Vischer  {Erimierungen,  p.  344).  —  Loring  [Journ,  of  helL  Slud.  XV 
(181)3)  p.  81].  Voy.  plus  haut  p.  51  et  la  carte  à  la  fin  du  volume. 


LES    ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES    PAR    PAUSANIAS. 


:    99 


Ih.   HOUTE  DE  Mantinke  a  Tégke 


«  En  allant  à  ïégée,  on  renconirc,  à  gauche  de  la  roule,  près 
des  murs  de  Manlinée,  un  hippodrome,  » 


iiiii 


iMMiromc. 


.Im.08 . 


Fig.  12. 
ThmiIoii  (Iii  tunil)cnii  iiioiuinieni^il  )in\s  t\v  la  |Mirlr  Ci. 


Le  terrain  réservé  à  rilippodromc  ne  ilevail  pas  uiesurcr 
moins  de  200  m.  de  largeur  sur  400  de  longueur.  C'est  donc  au 
pied  des  murs  (près  de  400  m.)  compris  enire  la  porte  F  et  la 
porte  G,  dans  rinlervalle  qui  séparait  le  Xsocpôooç  de  Nestiiioé 
et  celui  de  Tégée,  que  s'allongeait  le  champ  de  courses.  Le 
terrain,  complètement  plat,  se  prétait  à  celle  destination. 

Au  sortir  delà  porte,  la  route  devait  longer  TOphis,  entre  des 
rangées  de  tombeaux.  Au  bord  d'un  ruisseau,  auprès  d'un  petit 
pont,  à  200  mètres  de  la  porte,  nous  avcms  retrouvé  deux  lignes 


Tonibenn 
moiitimenlal. 


100  MANTINÉE  ET  L^ARGADIE  ORIENTALE. 

croisées,  à  angle  droit,  de  belles  assises  en  blocs  de  conglomérat 
bien  équarris  (1).  Le  reste  de  ces  fondations  et  la  superstructure 
ont  disparu.  Des  fouilles  pratiquées  en  cet  endroit  ont  amené  la 
découverte  de  nombreux  cubes  de  marbre,  de  fragments  d'archi- 
traves, de  caissons,  de  colonnettes  engagées  (probablement  des 
montants  de  porte),  et  des  plaques  de  marbre  représentant  les 
battants  d'une  porte.  On  y  avait  simulé  en  relief  les  panneaux 
et  les  ferrures  garnies  de  tôtes  de  clous.  Nous  avons  trouvé  en 
outre  un  tympan,  orné  en  manière  de  fronton,  d'un  gros  bouquet 
de  feuilles  d'acanthe  en  bas-relief.  L'intérieur  du  monument  et 
les  côtés  étaient  remplis  de  tombes  de  basse  époque,  superposées 
et  pôle-mêle.  L'édifice  lui-même  devait  être  un  joli  édicule 
funéraire  du  IV'*  siècle.  Nous  n'avons,  pour  l'identifier,  que  de 
vagues  indices. 

C'est  près  du  pont  que  M.  Foucart  a  découvert  l'inscription 
dite  des  tribus.  Il  écrivait,  à  ce  propos  (2)  :  «  J'ai  trouvé  l'inscri])- 
tion  sur  la  rive  droite  de  l'Ophis,  à  quelques  mètres  au  Sud  du 
petit  pont  jeté  sur  le  ruisseau,  c'est-à-dire  entre  les  deux  routes 
anciennes  de  I^allantion  et  de  Tégée,  à  peu  de  distance  du  temple 
de  Poséidon  Ilippios.  Elle  est  gravée  sur  une  plaque  de  pierre 
bleuâtre,  de  grandes  dimensions  et  fort  épaisse.  Elle  avait  servi 
pour  construire  un  tombeau  à  une  époque  déjà  assez  ancienne, 
car  depuis  longtemps  il  n'y  a  plus  d'habitants  en  cet  endroit; 
deux  autres  plaques  de  môme  pierre  et  de  môme  dimension 
avaient  été  employées...  (3).  Les  matériaux  sont  trop  lourds  pour 
avoir  été  ai)porlés  de  loin,  et  comme  ils  sont  de  même  nature, 
ils  ont  été  pris  à  un  édifice  antique.  Quelle  en  était  la  nature  ? 
Etait-ce  un  petit  monument  consacré  à  Poséidon  dont  le  temple 
n'était  pas  éloigné  ?  Était-ce  un  tombeau  élevé  par  la  ville  aux 
guerriers  des  dilTérentes  tribus  tombés  dans  un  combat  ?  Cette 
dernière  supposition  me  semble  la  plus  probable;  aussi  ai-je 
l)lacé  ce  texte  dans  la  classe  des  inscriptions  funéraires  ». 

Sans  sortir  du  domaine  de  l'hypothèse,  on  peut,  semble-t-il, 
trouver  les  éléments  d'une  identification  vi-aisemblable.  Le  style 


(1)  Gell  sur  son  pian  (voy.  plus  loin  p.  495,  el  Vischer  {Erinnerungenf  p. 
324,  N'*  2)  avaient  déjà  signalé  ces  vestiges  naUques.  -^  Voy.  notre  plan  de  la 
ville  à  la  fin  du  volume. 

(2)  Inscr.  du  Pélop,,  p.  220.  ..■..: 

(3)  Ces  trots  pierres  ont  disparu  depuis  1868.  Ce  sont  probablement  celles  qui 
figurent,  auprès  du  ponl,  sur  le  plan  de  Gell.  <    •       '     ...i    ,      .  |,    • 


LES   ROUTES   HISTORIQUES  DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  101 

des  fragments  de  Tédicule  concorde,  pour  la  date,  avec  celui  de 
l'inscription.  Son  caractère  funéraire  indiscutable,  sa  position 
au  bord  d'e  la  grande  route  de  Tégée,  à  une  faible  distance  des 
murs,  éveille,  en  effet,  l'idée  d'un  de  ces  monuments  consacrés 
par  les  villes  en  l'honneur  des  guerriers  tués  à  l'ennemi.  Si  l'on 
songe  que  l'habitude,  à  Mahtinée,  d'enterrer  certains  morts  à  la 
place  où  ils  étaient  tombés,  est  attestée  par  les  tombes  d'Kpami- 
nondas,  d'iolaïdas  et  de  Gryllos  (1),  on  pensera  au  combat  de 
cavalerie  qui  précéda  la  grande  bataille  de  302  et  qui,  au  dire  de 
Polybeet  de  Plutarque  (2)  eut  lieu  sous  les  murs  même  de  la  ville. 
L'avant-garde  thébaine  s'était  avancée  sur  la  route  au-delà  du 
temple  de  Poséidon  et  s'apprêtait  sans  doute  à  forcer  la  porte  (î, 
quand  l'alarme  fut  donnée.  C'est  donc  en  avant  de  cette  porle 
(|ue  l'engagement  eut  lieu,  peut-être  dans  le  terrain  môme  de 
l'jiippodrome,  et  que  tombèrent  Gryllos  et  les  autres  braves  dont 
parle  Xénophon.  Rien  n'empêche  de  croire  que,  à  côté  de  ses 
restes,  les  Mantinéens  joignirent  ceux  des  leurs  qui  périrent  en 
môme  temps  et  gravèrent  leurs  noms  sur  une  inscrii)tion.  Ainsi 
s'expliquerait  le  petit  nombre  des  tués,  qui  serait  insuffisant  si 
l'on  songeait  à  une  plus  grande  mêlée. 

«  Non  loin  de  l'hippodrome,  il  y  a  un  stade  où  l'on  célèbre  les  siadr  h  Aiésû. 
concours  en  l'honneur  d'Antinous  (3).  Au-dessus  du  stade  s'élève 
le  Mont  Alésion,  ainsi  nommé  de  Vi\'f\  (course  errante)  de  llhéa  ». 
Bien  que  le  capitaine  de  Vaudrimey  ait  afïirmé  à  Puillon-Boblaye 
avoir  vu  au  pied  de  la  montagne  les  traces  du  sladc,  aucun  autre 
voyageur,  n'a  eu  depuis  la  chance  de  les  reconiiaîlre.  Les  seuls 
restes  qui  subsistent  sur  le  terrain  plat  compris  entre  la  ville 
et  la  colline  sont  ceux  d'une  grande  église  by/anliuc  :  la  carte 
spéciale  de  la  commission  de  Morée  les  qualilie  Rninca  hellé- 
niques, mais  en  réalité  elles  ne  renferment  pas  une  pierre 
antique. 

11  faudrait  plutôt  rechercher  le  stade  dans  le  ravin  de  l'Alc- 
sion  qui  fait  face  à  la  porte  E.  Pausauias  aurait  dû  en  parler 
plus  tôt;  mais  l'idée  du  stade  lui  a  été  suggérée  par  celle  de 

(1)  Paus.  VIII,  lt,4. 
•  (2)  Voy.  le  récit  de  In  bataille  aux  appendices. 

(3)  Pausanias  aurait  dû  mentionner  le  slnde  en  décrivant  le  Xeoxpôpoç  de 
Neslané,  ce  qui  était  plutôt  sa  place.  Ce  fait  paraît  confirmer  Curtius  dans  son 
hypothèse  sur  la  communauté  des  deux  routes.  N'esl-il  piis  plus  vraisemblable 
de  supposer  que  Pausanias  a  voulu  rapprocher  la  mention  du  stade  do  celle  de 
rhippodidme,  1rs  deux  monuments  similaires,  et  d'ailleurs  voisins. 


102 


MANTINKE   KT   L  AHCAIUE   ORIENTALE. 


l'hippodrome,  el,  comme  le  stade  se  trouvait  sur  TAlésion,  il  a 
été  entraîné  à  |)arlcr  de  celte  montagne  et  du  bois  de  Déméter 
(|u'elle  contenait.  La  [)orte  E  conduisait  donc  directement  au 
stade  et  au  bois  de  Déméter. 


Ravin  dn  Stiide. 


u.^^-  1^^..  A  ^  ■"'■'■      .■- 


i-H 


^*}**' 


sr' 


Flg.   13. 
Vue  «le  l'Alésion  prise  du  IhcAlre. 


Snncluniro 

tie  Drm^lrr  sur 

l'Aiésiun . 


((  Rt,  il  y  a  un  liois  sacré  de  Démêler  sur  la  monlagne.»  Os 
lermes  rendeni  susfx^cl  le  lémoi'*:Majj;e  de  M.  de  Vaudrimey  sur 
la  |)réscnce  de  ruines  antiques  au-dessus  de  la  lonlaine 
KoJ/o/ecia,  à  16  minules  avant  d'atteindre  le  col  de  l'Alésion. 
Nous  avons  en  vain  exploré  la  mtmlagne  en  quête  de  ces  vesti- 
ges. Pausanias  d'ailleurs  ne  parle  (jue  d'un  bois  sacré,  et  non 
d'un  temple.  Kn  lait  <le  ruines  on  ne  pouvait  songer  qu'à  des 
resles  de  périboles  ou  dcî  sièlcs  vt)lives,  comme  celle  que  Leake 
a  découverle  à  Pikerni.  La  i)lace  de  ce  sanctuaire  dans  la 
descriplion  de  Pausanias,  semble  indi(fuer  (|u'il  couronnait  un 
des  derniers  mamelons  de  l'Alésion  (1)  plutôt  qu'un  des  soin- 

(1)  A  moins  qu'il   ne  fût  encaissé  dans  ce  petit  ravin  qui  coupe  en  deux 
l'extrëmité  de  TAlcsion.  —  Voy.  plus  loin,  p.  264. 


(le 
Poséidon  IIippio!i 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DECRITES   PAR   PAUSANIAS.  103 

mets  voisins  de  Pikerni.  En  le  localisant  près  de  ce  village,  on 
réloigne  d'autant  du  temple  de  Poséidon  llippios,  rùpousc 
de  Démêler. 

,  «  Près  de  Texlrémité  de  la  montagne  est  le  temple  de  Posci-  'r»''"n'° 
don  Hippios,  à  sept  stades  au  plus  de  Manlince  (1).  »  Il  n'élail 
pas  indiflérent  de  déterminer  avec  précision  l'emplaceineuldu 
vénérable  sanctuaire.  Son  rôle  historique  dans  les  batailles  de 
Mantinée  ne  lui  donne  pas  moins  d'importance  que  sa  célébrité 
mythologique.  C'est  un  des  points  les  plus  intéressants  de  la 
topographie.  Pour  la  distance,  le  texte  de  Pausanias  est  heureu- 
sement complété  par  les  indications  de  Polybo.  A  propos  de  la 
bataille  de  362  (IX,  8,  11),  il  dit  :  «  L'avant-ganle  des  Thébains 
touchait  déjà  au  temple  de  Neptune  qui  esta  peine  à  7  stades 
de  la  ville,  lorsqu'on  vit  paraître  les  Athéniens  sur  la  hauteur 
qui  domine  Mantinée.»  Puis  dans  le  récit  de  la  bataille  de  207  : 
«  Philopœmen  divisa  son  armée  en  trois  corps  ;  il  fil  sortir  les 
illyriens  et  les  cuirassiers  avec  les  auxiliaires  et  les  evzônes 
par  la  route  qui  conduisait  au  temple  de  Poséidon...  Avec  les 
èvzônes,  il  occupa  tout  d'abord  la  colline,  en  avant  de  la  ville, 
qui  s'allonge  assez  loin  pour  dominer  la  roule  Xénis  (2)  el  le 
temple  susdit. . .  (XI,  11,  4,  5). . .  Sur  la  même  ligne,  il  rangea 
sa  phalange  en  colonnes  séparées  par  des  intervalles  le  long  du 
fossé  qui  va  du  Poséidon  à  travers  la  plaine  manlinéenne  re- 
joindre les  hauteurs  limitrophes  du  district  des  Elisphasiens. 
Philopœmen  fit  donner  avec  vigueur  les  Tarenlins  aux  envi- 
rons du  Poseidion,  terrains  plats  et  tout  à  fait  favorables  à  la 
cavalerie...  (XI,  12,  6).  Les  Illyriens  el  les  cuirassiers,  rompus 
enlièremenl,  se  rcj)lièrenl  en  toute  hàle  sur  Manlinée,  distante 
de  7  stades  (XI,  14,  1)  (3)  ».  La  colline  dont  parle  Polybe  est 

(1)  Tel  est,  à  mon  avis,  le  vrai  sens  de  la  plirase.  Les  ingénieuses  corrections 
âe  Sch&ler  (Demosthênes,  u.  seine  Zeit.,  III,  2,  p.  !2),  où  Tcpôoroj  ç'  <iTa8uov 
MavTivefaç  ou  celle  de  Bursian  {Geogr.,  II,  p.  216  :  où  irpôdo)  sictaTTaB^ou) 
me  paraissent  nécessaires,  surtout  étant  donné  la  position  que  nous  attribuons 
au  Stade.  La  lecture  :  où  icpodo)  SraStou  comprise  dans  le  môme  sens  que  les 
ternies  :  où  iroppo)  toùtou,  employés  à  propos  du  Stade  par  rapport  à  l'Ilippo- 
drome,  c'est-à-dire  n  non  loin  du  Stade  de  Mantinée  »  supposerait  le  Stade  placé 
tout  à  fait  à  l'extrémité  de  l'Alésion,  uù  le  terrain  n'est  pas  propice  à  un  édifice 
de  ce  genre  et  n'en  a  conservé  nulle  trace. 

(2)  *H  Sev(ç,  la  route  des  étrangers,  autrement  dit  le  plus  cuurl  chemin  vers 
la  frontière.  Cf.  la  même  désignation  sur  une  inscription  de  la  ville  d'Alaisa,  en 
Sicile  (C.  I.  G.  5594, 15  :  à  o8(>ç  à  Seviç),  dont  le  nom  oITre  aussi  avec  celui 
de  l'Alésion  une  analogie  curieuse.  —  Voy.  p.  2G4,  n.  3. 

(3)  7  stades  —  1295  m. 


104  AIANTINÉI::   ET   L'ARCADIE  ORIENTALE. 

rAlésion  ;  la  Xénis,  le  Xeaxpoooç  de  Tcgée.  On  pouvait  sur  ces 
données  précises  rechercher  avec  espoir  de  succès  le  temple 
dans  la  plaine,  au  bout  de  TAlésion  à  1.300  m.  environ  de  la 
porte  G.  En  ellcl,  à  celle  distance,  sur  la  rive  droite  d'un  ruis- 
selet  qui  se  dirige  de  la  pointe  de  TAlésion,  vers  les  fossés  de 
Mantinée,  un  léger  renflement  de  terrain  supporte  quelques 
cabanes  dites  Kalyma  Mélias,  où  les  habitants  de  Tsipiana,  pro- 
priétaires des  champs  voisins,  s'installent  pendant  les  travaux 
de  la  moisson.  Dans  un  de  ces  champs,  nous  avons  remarqué, 
à  fleur  de  terre,  deux  énormes  dalles  en  pierre  calcaire,  lon- 
gues chacune  de  3  moires  1/2,  larges  de  plus  d'un  mètre, 
épaisses  de  40  à  îiO  cent.,  profondément  enfoncées  dans  un  sol 
(le  sable  fin.  Des  Iracos  de  gonds  et  l'usure  de  la  surface  supé- 
ricîure  atlestaicnt  ([ue  ces  pierres  avaient  servi  de  seuil  de  porte. 
Lrs  fouilles  que  nous  avons  faites  en  tout  sens  n'ont  mis  au  jour 
(|uc  des  restes  confus  de  menus  murs  en  petits  moellons,  joints 
avec  de  la  terre,  (^es  restes  ne  sont  pas  antiques.  Ce  sont  ceux  de 
(|uclquesKalyvias  tombés  en  ruines.  Mais  sur  l'identification  de 
cet  endroit  avec  le  site  du  Poseidion,  il  ne  subsiste  aucun  doute  : 
l'^  les  pierres  en  question  appartiennent  à  un  édifice  antique, 
situé  à  cette  place  même.  Leur  poids  ne  les  rendait  pas  trans- 
|)()rtables  même  à  une  faible  distance  ;  tout  au  plus  a-t-il  été 
])ossible  de  les  soulever,  pour  les  adapter  à  leur  nouvelle  des- 
lination.  Nous  sommes  persuadé  qu'elles  se  rattachaient  à  la 
construction  dont  Hadrien  entoura  le  temple  archaïque  tombé  en 
ruines.  Les  chicanes  du  propriétaire  actuel  (l)  nous  ont  empoché 

(1)  Un  Tsipianile  nommé  Katris. 

Roule  de  Tégee  (Aeoxpopoç). 
1»  Hippodrome,  —  'lôvxi  eç  Te^éav  edxW  év  àpiTTfipî  xy\ç  Xeto^ôpou  toTç 

MavTiv^cov  Tcfvcffi  /(opiov  iç  tîÔv  ïirTtwv  xbv  8p4,aov  (VIII,  10,  i). 
2«  Stade.  —  xal  ou  Trôppo)  toutou  dTaSiov...  ^Tirep  Sa  tou  aTaSiou  to  Ôpoç 

i(jT\  TO  *AXr|aiov  xal  A"i^ji.7|Tpoç  àXaoç  Iv  Tîji  opei  fibj, 
>  Poseidion.  —  Ilapà  Se  tou   opouç  Ta  layotTa  tou   rioaeiowvoç  ectti  .tou 

'Itcttiou  to  Upbv,  où  Trpoacj  oraSiou  MocvTivetocç  fsicj. 
4«  Trop  fiée.  —   népav  Se   tou  Upou  tou  IloaeiScovoç  Tpo7çai6v  âoTi  Xfôo'j 

TreTcotTfjfxévov  àirb  AaxeSai(i.ovi(ov  xal  "AytSoç...  (VIII,  !0,  4). 
5"  Pélagos.  —  MeTa  Se  to  UpbvTOu  Iloaeiocovoç  j^wpfov  ûnoSéÇcTaf  ff«  Spuwv 

ttXtjpeç,  xaXoùfXEvov  IléXayoç'    xal  êx  MavTtvE(aç    i\    eç   Tsysav  oSbç 

(pépei  Sià  Twv  Spmov  (VIII.  1!.  -I). 
G*»  Aulel'lroniière.  —  MavTivÊu<Ti  Sa  5poi  Trpbç  TeyeaTaç  elcriv  b  7repi(pep7|ç  Iv 

t7,  Xewcpopto  Pwfiôç  (ib.). 

E m  branchement  du  temple  de  Poséidon. 
1»  Tombeau  des  Péliades.  —  VA  Se  Atto  tou  lepou  tou  IloireiSoivoç  iç  àpia- 


LES   nOUTRS   HISTOniQUES   DKCIUTKS    PAU    PAUSANIAS. 


ion 


de  creuser  le  terrain  à  une  profondeur  sunisaiile  ])our  aHirmer 
que  le  sous-sol  ne  renferme  pas  de  vcstij^es  plus  coni|)l{Ms.  Il 
ne  serait  pas  sans  inlénH  <le  ref)ren(lre  à  roi  ondroitdes  fouilles 
plus  approfondies;  2»  la  trouvaille  d'un  pelil  bas-relief  repré- 
sentant Poséidon  assis  est  particuliôronient  siii:ni(iralive,  ainsi 
que  celle  du  curieux  chapiteau  archaïcfue  reproduit  plus  bas. 


Fig.   i4. 
lins-iHief  volif  reprôscnUnt  Posoiilon  llippii. 


3<>  Dans  le  mur  d'un  des  Kalyvias  voisins,  se  Irouvo  encasiré 

l'acte  d'alTranchissemcnt  public  par  M.  Fournit  cl  daté  de  la 

priHrisedu  minisire  de  Poséidon  (1).  (^c  marbre  vi  d'aulres  sans 

.  inscHptions,  épars  dans  les  mêmes  cabanes,  ont  été   retirés, 


Tcpàv   èxTpairTjvai    OfiXT^çeiaç,    ataoïoii;    te  yJçsk;   iLxki^TT.    tcou    ttêvts 
xai  Itû  tûv  neXîOu  Ouyoi'zioM^  ^f^^'(ï  "^^'^^  xâcpo'jç  (VIII.  11,2). 
2*  Phnizon.  —  X<opiov    ôe  ovo|JLa^o(jLevov  <I>oiCo)v  ttîsI  îtxoTÎ  tcou  dTaoïovç 

TWV    Ta^tOV     CdTlV     aTTCOTÉpo)     TO'JTCOV...      0£     'PoîÇroV     |7.VY,{JLX     ÉiTt     XlOo'J 

TreptEy^ojjLevov  xpY|7rî5',  avé^ov  8e  où  ttoX'j  uTisp  ty,;  yri;  (i/^.,  îî). 
3*  Arc'Uhons.  —  Kaxà  touto  vj  xe  ôoôç  (JL7.X'.<7Ta  ttevy,  yivzTOn^  xœi  to  (JLVY||jLa 
Ap7|ï0(5ou  XeYO'JTiv  eïvai  KopuvYjTOu  oià  tô  ottXov  ÈTrovofxaaOévTOç. 
(I)  /fwcr.  du  Pélop,  352  k. 


106 


MANTINKE   ET  L'ARCADIE  ORIENTALE.' 


comme  les  paysans  nous  Tonl  affirmé,  de  l'endroit  môme  où 
nous  avons  fouillé.  La  découverte  du  temple  de  Poséidon  Hip- 
pios  est  donc  un  fait  acquis. 

Le  lieu  répond  de  tout  point  aux  données  de  Pausanias  et  de 
Polybe.  11  fait  face  au  talus  extrême  de  l'Alésion  et  à  la  porte 
que  nous  estimons  être  celle  de  Tégée.  Les  environs  sont  complè- 
tement plats.  Le  fossé  où  périt  Machanidas  n'existe  plus  ;  il  s'est 
sans  doute  subdivisé  dans  la  plaine  en  une  infinité  de  rigoles 
d'irrigation  qui  en  ont  diminué  l'importance  et  bouleversé  le 
tracé.  Je  ne  sais  s'il  [)assait  sous  le  petit  pont  soi-disant  anti- 
que, relevé  un  peu  plus  à  l'Est,  par  Blouet,  à  1.400  m.  au  Sud 
(le  Mantinée  (t).  Enfm  les  trous  de  Milia  se  trouvent  situés 
juste  dans  le  prolongement  idéal  de  ce  fossé,  qu'alimentait 
sans  doute  la  source  Arné.  C'est  donc  là  qu'il  devait  aboutir. 


0.|9 


Fîg.  15. 
Chapiteau  provenant  du  lemjile  de  Poséidon  Hipplos. 

D'après  Polybe,  la  Xénis  passait  le  fossé  sur  un  pont,  sans  doute 
voisin  du  temple,  comme  je  l'ai  marqué  sur  la  carte.  Quant  à 
la  source  enfermée  dans  le  temple,  il  n'en  reste  plus  d'autre 
indice  que  la  nappe  sablonneuse  épandue  à  la  surface  du  sol. 
Trophrf.  ((  En  face  du  temple  de  Poséidon,  est  un  trophée  de  pierre 

érigé  en  mémoire  de  la  défaite  des  Lacédémoniens  et  d'Agis.  » 
Ce  monument  devait  être  de  l'autre  côté  de  la  route,  c'est-à-dire 
vis-à-vis  le  Poscidion  situé  à  main  gauche  en  venant  de  Tégée. 
Le  sens  de  irepav  n'est  pas  au-delà.  Pausanias  a  l'habitude  de 
signaler  les  curiosités  du  chemin  à  mesure  qu'il  les  rencontre. 
Si  le  tropliée  s'était  trouvé  plus  loin  que  le  temple,  la  descrip- 
tion continuerait  à  partir  du  trophée.  Au  lieu  de  cela,  Pausanias 
la  reprend  à  partir  du  temple,  avec  l'expression  [xerà  81  to  Upov, 
preuve  que  le  sanctuaire  et  le  trophée  étaient  à  môme  distance 
sur  sa  roule. 


(1)  PuUlon-Doblaye.  Rech.  géogr,,  p.  140. 


LES    ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES    PAR    PAUSANIAS.  107 

«Au  delà  du  temple  de  Poséidon,  vous  cMiIroz  ou  un  lieu  Bois Pci^gos. 
couvert  de  chênes  :  on  l'appelle  Pélayos.  Ui  roule  de  Manliuée  à 
Tégée  passe  au  milieu  des  chônes.  »  Le  bois  Priagos  s'avancail 
au  Nord  sur  le  territoire  mantinéen  au  delà  de  l'élranglenient 
de  la  plaine,  et  s'étendant  aussi  sur  celui  de  Trj^ro.  Il  s'appuyait 
à  PO.  contre  la  Kîipnistra,  mais  il  n'occupait  pas,  semble-t-il, 
toute  la  largeur  de  la  plaine,  jus([u'au  pii'd  du  Ménale.  11 
s'arrôtait  à  la  roule  de  Pallantion.  L'exisleiue  du  Pélagos  ne 
doit  pas  être  oubliée  dans  le  récit  des  événeineuts  niililaircs 
dont  la  plaine  a  été  le  théalra  II  s'op|)osail  aux  i^^rands  déploii»- 
ments  de  troupes.  Les  batailles  rangées  n'él aient  possibles 
qu'à  l'intérieur  de  la  Mantinique,  au  N.  du  bois,  aux  environs 
du  l*oseidion,  ou  en  pleine  Tégéatide,  enire  H(»souna  et  IJédéni. 
Des  combats  partiels  pouvaient  seuls  sVuga«;<*r  à  la  lisière 
occcidenlale,  sur  la  roule  de  Pallantion. 

((  La  frontière  mantinéenne  du  roté  do  Téi^rtî  est  à  l'aulel  FronUrre. 
rond  qu'on  voit  sur  la  chaussée  ».  Pausanias  n'indique  pas  la 
distance  de  cet  autel  par  rapport  à  iMautinée  ;  mais  comme  il 
s'arrête  à  lU  stades  sur  la  route  parallèle  de  l'allantioiK  on  peut 
en  inférer  (|u'il  a  (ait  di)  même  ici.  La  fn»nlièi-e  elail  donc  juste 
à  la  partie  la  ])lus  étroite  de  la  plaine. 

Comment  la  rout(».  se  ccuitinuail  (»ll(»  en  leiiiloire  tégéale  ? 
Uuels  sancluaires  desservait  elle  sur  son  parcours  ?  On  le  cher- 
cherait en  vain  dans  Pausanias  (l).  Il  a  omis  dans  la  description 
de  Tégée  de  nous  renseigner  sur  le  Irom-on  (|ui  se  serait 
raccordé  avec  le  XÊto^ôpo;  précédemnuml  élu<lié.  Cette  lacune 
prouve,  semble-t-il,  cjue  Pausanias  n'est  pas  allé  en  personne 
au-delà  de  la  frontière  mantinéenne  jus(|n'à  Té-^ée.  Son  hislo 
riquedu  temple  de  Poséidon  a  élé  rédigé  d'apivs  les  .souvenirs 
récents  laissés  dans  le  [)ays  par  les  travaux  illladrien  et  d'après 
des  sources  littéraires:  ta  8è  elç  tb  Upôv  toOto  £•;(■'•  tê  kxor^yf  yo-i^^u} 
xal  6<soi  (JLVT|p.*/jv  aXXo'.  Tiepl  aÙTOu  7r67roiT|Vrai. 

La  roule  principale  [)arcourue,  Pausanias  reviiMil  en  arrière  F:,„i,raiiciuMnpiit. 
au  Poseidion,  pourdécrire  un  chemin  laléral  (|ui  s'embranchait      TomUnnx 
sur    le   Xecxpopoç    à  cet  endroit.    En   elTel  la  j^'rande  chaussétî     '*"  rèim.ies. 

(1)  Au-dessous  de  Néorliori,  dans  la  chapelle  dMI**  liias,  l\  minules  avant  le 
village  à  droite,  Hoss  (Reispn,  p.  122).  a  conslalc  l'exlslciice  d'un  leniple  de 
Poséidon,  Uermës,  Héraclès  (Cf.  Viscliep.  Krinnrntiuirit.  p.  3i2).  Sur  le  pla- 
teau rocheux,  qui  porte  le  couvent  de  1^'  Nicolaos  Var>ai  et  qui  possède  un 
kalavothre,  aucun  reste  d'antiquilé  n'a  été  signalé,  sauf  un  acte  d'alTranchis- 
sèment  qui  provient  sans  doute  de  Mantinéc  (lloss.  Inacr.  gnec.  ined.,  9). 


oooç. 


108  MANTINÉE  ET  L>RGADIR  OniENTALB. 

laissait  de  cùlc  une  imporlanle  fraction  de  la  Mantinique,  les 
deux  plaines  profondément  enfoncées  à  TE.  dans  ranfractuosité 
des  monlagnes  :  «  Si  vous  prenez  à  gauche  à  partir  du  temple 
de  Poséidon,  au  bout  de  5  stades  environ  (925  mètres),  vous 
arriverez  aux  t()nil)eaux  des  filles  de  Pélias  ».  Les  Péliades 
étaient  deux,  Asléropé  et  Antinoé.  Dans  les-  vignobles  luxu- 
riants qui  tapissent  la  vallée,  nous  n'avons  rien  retrouvé  qui 
corresponde  à  cette  indication, 
phoîioii  ei  ^^  Le  Heu  ^\\l  pjioîjron  est  à  environ  20  stades  (3700  mètres)  de 
ces  tombeaux...  (1)  Le  Phoizon  est  un  tertre  peu  élevé,  entouré 
d*un  socle  de  pieires.  Près  de  cet  endroit  la  route  devient  très 
étroite.  On  dit  que  le  tertre  est  celui  d'Aréïthoos,  surnomméle 
Korynèle  (le  Massier),  à  cause  de  son  arme  favorite  »,  ou  bien 
((  el  Ton  dit  (ju'il  y  a  là  le  tombeau  d'Aréïthoos,  etc..  ».  Dans 
ce  passage,  les  renseignements  de  Pausanias  nous  embarras- 
sent plus  qu'ils  ne  nous  éclairent.  Le  texte  ne  paraît  pas  sûr  : 
le  nom  de  Phoizon,  en  particulier,  reste  une  énigme.  Les  indi- 
cations de  dislaucos,  d'après  les  termes  mômes  de  Pausanias, 
ne  sont  qu'ap])roximalives.  Du  temple  de  Poséidon,  dont  rem- 
placement esl  fixé,  il  est  facile  de  déterminer  à  5  stades  dans 
la  dircclion  du  S.-K.,  une  première  position;  elle  répondra  aux 
tombeaux  des  Péliades.  On  remarquera  que  ces  tombeaux  no 
sont  pas  décrits  ;  on  ne  saurait  à  leur  sujet  proposer  aucune 
i(lentin(!alion.  De  là  avec  un  rayon  de  20  stades  il  faut  chercher 
à  la  ronde  dans  la  même  direction  une  deuxième  position  qui 
satisfasse  aux  données  de  Pausanias.  Du  côté  de  la  plaine  de 
Louka,  il  n'en  est  aucune  dans  ce  cas.  Le  compas,  tourné  sur  la 
carte,  tombe  juste  à  l'entrée  de  cette  spacieuse  encoche.  C'est  là 
(|ue  le  colonel  Peytier  déclare  avoir  observé,  sur  la  route  de 
ïsi|)iana  à  ïripolilza,  un  tumulus  entouré  de  quelques  blocs  (2). 
Ce  témoignante  est  confirmé  par  M.  Comninos,  qui  signale  ledit 
tumulus  sur  l'emplacement  d'une  chapelle  ruinéedelaPanaghia 
Phanéroméni,  et  l'identifie  avec  les  tombeaux  des  Péliades  (3). 
En  elTet,  sur  le  carton  spécial  de  la  plaine  de  Mantinée  et  de 
Tégée,  Puillon-Boblaye  a  marqué  ce  tumulus  à  unç.  distance  de 


(1)  H  paraît  exister  là  une  lacune  dans  le  texte.  Voy;  p.  105^  hoir.  3".    '^ 
(S)  Puillon-Doblaye.  Rech.  géogr.,  p.  142. 

(3)  'AO-r^vaiov,  VIII  (1880).  p.  269.  Iv  oï  T||  Oédei  twv  Tacpwv  tojv.  Ouya- 
Tcpwv  Tou  llfiXiou  6TI  xtX  vuv  SiaxptVÊTai  TÛfxPoç,  tJtoi  awpbç  Y7|ç  xoXcuvou 

8lX7|V,  ItçI  Tt3  £G7)[JL0xX7|(l((;)  TY|Ç  navayiaÇ  *aV6p(i>|JLév7JÇ.  . 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR    PAUSANIAS.  101) 

4.200  m.  ou  23  stades  environ  des  murs  de  Mantincc  ;  tandis 
que,  d'après  Pausanias,  les  tombeaux  des  Pcliadcs  étaient  à  12 
Stades  de  la  ville.  Il  ne  peut  donc  convenir  à  la  position  des  xàcpot 
des  Péliades.  De  môme  la  position  du  Phoizon,  situé  à  32  stades 
de  Mantinée,  doit  tomber  plus  loin.  La  tour  de  Louka,  située  h 
près  de  7  kiL  ou  environ  37  stades  de  Mantinée,  s'en  rapproche- 
rait davantage.  Mais  l'aspect  du  monument  de  Louka  ne  corres- 
pond pas  à  la  description  du  Périégète  :  il  se  compose  d'une  tour 
d'observation  flanquée  d'une  enceinte  quad rangulaire,  sanctuaire 
ou  habitation,  le  tout  assis  sur  la  pointe  rocheuse  de  la  colline 
d'Iles  Géorgios,  d'où  l'on  domine  toute  la  plaine. 

Or,  d'après  Pausanias,  on  doit  se  figurer  h»  fjLvojxa  du  Phoizon 
tomme  un  tumulus  conique,  à  la  base  enchâssée  dans  un  socle 
de  pierres  irrégulièrement  taillées,  à  la  manière  du  tomi)cau  de 
Tantale  (1).  C'est  donc  le  tumulus  relevé  par  la  (Commission  de 
Morée  qui  correspond  le  mieux  au  signalement  dudit  Phoizon  ; 
la  non-concordance  des  distances,  telles  qu'on  les  relève  dans 
Pausanias  et  sur  le  carton  de  la  Commission  de  Morée,  peut  cire 
une  erreur,  soit  de  l'un,  soit  de  l'autre  :  il  sérail,  en  elTct,  ulile 
de  vérifier  si  le  tumulus  marqué  sur  la  carte  occupe  sa  vraie 
placé. 

Quant  au  monument  d'Aréïlhoos  et  à  la  dTSîvwTrb;  o86ç,  on  les 
identifie  d'ordinaire  avec  le  Phoizon,  en  adoptant  le  premier 
sens  indiqué  plus  haut.  Mais  la  liaison  mar()uée  paricxpà  toùto 
n'est  pas  tellement  stricte  qu'elle  nous  oblige  à  ne  faire  des  deux 
positions  qu'une  seule.  On  peut  très  bien  acimeltre  un  certain 
éloignement  entre  le  Phoizon  et  le  rélrécisscniont  de  la  route, 
sans  que  irapa  cesse  d'être  vrai. 

De  môme,  il  n'est  pas  nécessaire  de  confondre  le  lombeau 
d'Âréïthoos  et  celui  du  Phoizon.  On  peut  1res  bien  admettre 
qu'il  s'agit  d'un  autre  pTij^a  distinct,  situé  le  long  de  ce  chcniîn 
rétréci.  Il  faut  bien,  en  ellet,  si  l'on  veut  chercher  sur  le  terrain 
la  place  de  cette  ôSbç  jxxAKiTa  a-ctw-f^  s'éloigner  rie  la  plaine  de 
Louka.  L^Quverture  de  cette  vallée  est  pres(jue  aussi  large  que 
là  Màntinique.  Or,  il  n'est  pas  douteux  que  ToBôç  (xàXi<jTa  aTev-i]  de 
Pausanias  ne  soit  la  même  que  la  légendaire  (rTeivo»7rbç  686ç, 
dont  l'étroitesse  avait  empêché  le    Korynèle  de  déployer  sa 


(1)  l\y  a  deux  lumulidecegenre  dans  In  plaine  d'Orcliomùnc;  dont  l'un  répond 
peut-être  au  tombeau  du  tyran  Aristocrates,  Pausan.  VIII,  13,  4.  -—  Joanne, 
Grère,  II,  p.  383. 


liO  MANTINÉE  ET  L*ARCADIE  ORIENTALE. 

massue  (1).  On  ne  saurait,  sans  une  trop  forte  invraisemblance, 
assimiler  ce  passage  resserré  à  la  large  entrée  de  la  plaine  de 
Louka.  On  est  donc  amené  à  cliercher  autre  part.  Or,  il  existe 
dans  le  couloir,  qui  sert  de  débouché  à  FArgon .  Pédion,  une 
petite  butte  conique  surmontée  d'une  tour  médiévale.  Ce  curieux 
rocher  se  dresse  comme  un  îlot  à  quelques  mètres  en  avant  des 
contreforts  de  TArtémision  et  vis-à-vis  le  Stravomyti.  Il  res- 
semble assez  à  un  tertre;  sa  hauteur  est  très  faible,  comparée 
à  celle  des  roches  environnantes.  Des  deux  côtés  le  chemin 
est  très  étroit,  surtout  vers  TArtémision.  Ces  conditions  avaient 
déjà  frappé  Lcake  qui  plaçait  le  Phoizon  dans  ces  parages,  au- 
dessous  de  Tsipiana.  A  mon  avis,  au  (xvY||jLa  du  Phoizon,  corres- 
pond le  tumuius  de  la  Commission  de  Morée.  Quant  au  fxvf||jLa 
d'Aréïlhoos,  je  l'identifierais  avec  le  tertre  rocheux,  en  contre- 
bas du  monastère  do  Tsipiana,  et  la  (ttciviotioç  o8ôç  avec  le  chemin 
qui  passe  entre  les  deux. 

H  ne  semble  pas  (|ue  Pausanias  ait  parcouru  lui-même  cetle 
roule  latérale   conduisant  du  Poséidon  au  Phoizon. 

111'».  Route  dk  Mantinéb  a  Pallantion. 

Poiic.  La  porle  de  Pallanlion  (1)  esl  la  troisième  des  portes  désignées 

|)ar  Polybe,  celle»  par  où  Philoptrinen  fit  sortir  sa  cavalerie.  C'est 

aussi  ])ar  là  quo  la  roule  nationale  de  Tripolis  à  Kakouri  entre 

dans  renceinte. 

ivingos.  «  Sur  la  roule  de  Mantinée  à  Pallantion,  dit  Pausanias,  au 

scopé.  bout  de  30  stades  environ,  le  bois  Pélagos  s'étend  jusqu'à  la 
chaussée.  C'est  Tendroit  où  la  cavalerie  des  Athéniens  et  des 
Mantinéens  combattit  contre  celle  des  Thébains  (2).  »  La  dis- 
lance de  30  slades  (5.550  m.)  nous  conduit  juste  à  la  partie  la 
plus  resserrée  de  la  plaine  à  l'extrémité  de  la  pointe  Mytika. 
Comme  le  bois  Pélagos  avait  été  rencontré  un  peu  plus  tôt,  sur 
le  Xeuxpôpoç  de  Tégée,  il  semble  qu'il  s'étendait  en  pointe  du 
côté  du  temple  de  Poséidon  ;  puis  il  allait  s'élargissant  vers  l'O. 
jusqu'au  point  où  la  roule  de  Pallantion  le  rejoignait  à  sa 
lisière.  Le  combat  de  cavalerie  eut  lieu  dans  le  coin   de    la 

(1)  Iliad,  II,  !38.  -  vil,  143.  —  Voy.  plus  loin,  p.  254  et  suiv. 

(2)  Pausan.  VIII,  11,  3.  KaTa  oe  ty,v  Iç  IlaXXavTiov  kx  MavTive(aç  àyoudav 
TTpoeXOôvTi  wç  Tpiàxovxa  ttou  <jTa8iouç,  Trap'^xei  xaxà  touto  cç  T*r)v  Xe(i)^(jpov 
6  Tou  IIeX%YOu(  xaXouji.évou  SpujJKK,  xal  xà  iTTTrixx  rb  'AÔTjvafwv  Te  xai 
MavTivewv  IvrauOa  6(jLa)r£aavT0  êvavTia  tY|Ç  BoicoT^aç  Ïtttcou, 


LES  ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  Ml 

plaine  compris  entre  les  hauteurs  et  le  bois.  Après  qu'il  fut 
tombé,  Épaminondas  fut  porté  en  un  lieu  d'où  il  put  suivre  les 
dernières  péripéties  de  la  bataille  ;  et  le  nom  de  Scopé  (obser- 
vatoire), disait  la  légende  locale  recueillie  par  Pausanias,  resta 
depuis  attaché  ù  cet  endroit  (1).  Le  talus  du  promontoire  de 
Mityka  qui  s'allonge  en  un  seuil  très  doux  jusqu'à  la  rencontre 
des  collines  opposées  est  tout  indiqué  pour  cet  office. 

En  eflet,  de  très  longue  date,  les  Mantinéens  avaient  dû 
mettre  à  profit  les  avantages  de  celte  position  élevée,  d'où  le 
regard  domine  les  deux  plaines.  L'idée  d'en  faire  un  poste- 
vigie  afin  d'observer  le  territoire  tégéale  (pirraulion  d'autant 
plus  nécessaire  que  le  Pélagos  cachait  ce  ((ui  se  passait  au  delà 
de  la  frontière),  fut  sans  doute  <le  très  boimo  heure  mise  à 
exécution.  Il  n'était  pas  nécessaire  pour  cela  (hî  bâtir  une  tour 
sur  la  cime  môme  du  promontoire,  élevée  do  'M)i)  m.  au-dessus 
de  la  plaine.  De  fait,  elle  ne  porte  aujourd'hui  qu'une  chapelle 
d'Hagios  llias,  siège  d'une  panégyrie  annuelle. Mais,  en  coulre-bas 
du  sommet,  à  environ  100  m.  au-dessus  de  la  plaine,  une  pctile 
terrasse  supporte  les  restes  d'une  belle  tour  rarrée  (4"»  30  de 
côté)  en  appareil  polygonal  comme  ceux  des  murs  de  la  ville  (2) 
et  probablement  contemporaine  de  ceux-ci.  De  cet  emplace- 
ment, le  regard  fouille  toute  la  Manlini((uo  vX  pres(iiie  loute 
laTégéatide.  En  cas  d'alerte,  des  signaux  pouvaient  donner 
l'alarme  à  la  garnison  de  Mantinée.  On  ne  saurait  décider  si 
le  récit  du  transport  d'Epaminondas  sur  celle  hauteur  est 
absolument  légendaire,  ou  contient  une  part  de  vérité.  En 
tout  cas,  le  nom  de  Sxottt)  lui  est  certainement  antérieur  et 
a  suggéré  la  tradition  locale  recueillie  par  Pausanias.  De  toute 
façon,  ce  n'est  ni  sur  le  sommet  ni  même  à  la  tour  que  le  blessé 
put  être  transporté  sans  danger,  mais  plulO)!  sur  les  premières 
pentes  d'où  il  pouvait  encore  dominer  le  champ  rie  bataille. 
Fiedler  et,  d'après  lui,  Philippson  (3)  se  sont  uicpris  en  identi- 
fiant Scopé  avec  la  colline  de  Gourtzouli. 

Le  héros  thébainne  lut  pas  enseveli  sur  la  hauteur  où  il  avait 
rendu  le  dernier  soupir.  Son  tombeau  lut  élevé  à  l'endroit  où   dKpominonda». 
la  bataille  avait  commencé  (xal  «ûtov  à^pévxa  Tr,v  'fii/V  f.Oa'j/av 

(1)  Pau8.  VIII,  11,  4  :  OTrôOev  Se  OLizipXntiw  eç  aOioù;  (ovôjxa^Iov  ÎJxoTrYjv 
o\  eweixa.  —  Cf.  en  Messénie,  le  lieu  dit  BaTTOu  i]xo7i''ai.  Anton.  Liber.  23 
(Nicander). 

(2)  Voy.  tes  ligures  4,  p.  8.  et  16,  p.  112. 

(3)  Pelop.p   94. 


Tombeau 


112 


MANTINÉE   ET   l'aRCADIE  ORIENTALE. 


evOa  (j(jp((Tiv  eYÊVETo  v)  •jup.poXTq  —  VIll,  il,  4),  c'est-à-dire  au  point 
déjà  signalé  par  l*aiisauias,  en  contrebas  tic  Scopé,  à  la  limite 
(lu  Pélagos  (J). 


Fig.  16. 
Tour  (le  Mylikft  (Sco|k).    d«n.it«s   ï-oriiiff.  Jonrn.   of.    HelL  Stud.   XV.   («805),   |>l.  III,  fig.  I. 

Le  monument  primitif  avait  Taspcct  d'un  trophée  :  une 
colonne  avec  un  houclier  où  était  figuré  un  dragon  :  «  Sans 
doute,  dit  Pausanias,  pour  indiquer  qu'Epaminondas  était  de 
la  race  de  ceux  (pi'on  nomme  les  Si)artes  »,  c'est-à-dire  un 
descendant  des  héros  nés  des  dénis  du  dragon  semées  par 
Kadmos.  Une  inscription  béolicnne  était  gravée  sur  la  colonne. 
1/empereur  Hadrien  en  lit  élever  une  seconde  avec  une  épi- 
gramme  de  sa  composition.  Toutes  mes  recherches  pour  retrou- 
ver les  restes  de  ce  monument  ont  été  vaines.  Je  n'accorde 
aucune  créance  aux  allirmations  de  mes  devanciers,  en  parti- 
culier à  celle  de  Vietly  (|ui  prétendait  avoir  reconnu  le  tombeau 
dans  la  plaine  de  Tégée,  entre  les  villages  de  Bpsouna  et  de 
iMandsagra  (2). 

(1)  Voy.  le  récit  de  la  bataille  de  362  aux  Appendices.  —  L  oracle  signalant 
le  Pélagos  à  la  défiance  irÉpaminondas  et  celui-ci  ne  mettant  Jamain  le  pied  sur 
lin  bateau,  est  une  légende  louile  inspirée  par  la  mort  du  béros  et  pur  le  nom 
du  bois  mantinccn  (l^ius.  Vill,  11,  C). 

(2)  Puillon-Boblayc,  Recherches  g éogr,,  p.  143.  Il  est  possible  que  Vietty  ait 
pris  pourle  tombeau  «l'Épaminondas  le  temple  de  Poséidon,  Hermès  et  Uéraclès 
signalé  par  Hoss  près  de  Néocbori.  La  Commissi  n  de  Morée  plaçait  le  champ 
de  bataille  beaucoup  trop  au  Sud,  entre  Mandsagra  et  Bosouna,  c'est-à-dire 
en   pleine  Tégéati(i4\ 


LES   ROUTISS   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS. 


413 


«  A  un  stade  au  plus  du  tombeau  d'Épaminondas  est  le  sanc- 
tuaire de  Zeus  surnommé  Charmon  (1).  »  Les  voyageurs  (2)  ont 
signalé,  au  pied  de  Mytika  des  fondations  en  blocs  irréguliers 
qui  ont  pu  appartenir  au  téménos  de  ce  hiéron.  Elles  ont  sans 
doute  disparu  au  moment  de  la  construction  de  la  route  natio- 
nale de  Tripolis  à  Kakouri,  qui  suit  exactement  le  tracé  pro- 
bable de  Tancienne  chaussée  de  Mantinée  à  Pallantion. 

Pausanias  ne  mentionne  pas  l'endroit  exact  où  la  frontière 
traversait  la  route.  Mais  il  est  probable  que  le  temple  de  Zeus 
Charmon,  où  s'arrête  sa  description,  marquait  le  point  extrême 
du  territoire  mantinéen,  à  31  stades  de  la  porte  I. 

L'itinéraire  précédent  a  dû  être  parcouru  par  Pausanias  en 
personne  :  une  visite  au  tombeau  d'Ëpaminondas  était  pour  lui 
obligatoire  ;  mais  il  n'a  pas  décrit  la  section  de  cette  roule 
comprise  dans  les  territoires  tégéate  et  pallantin. 

IV*».  Route  de  Mantinée  a  Méthyduion. 


Temple  de 
Zeus  Charmon* 


Frontière . 


Les 
Klispbasicnii. 


«  Pour  aller  à  Méthydrion,  ville  autrefois,  aujourd'hui  bour-  '*««"i«  ^• 
gade  dépendante  de  Mégalopolis,  il  y  a  une  route  qui  pari 
de  Mantinée  (3).  »  Vis-à-vis  la  trouée  de  Kapsia,  une  porte  (K) 
s'ouvre  à  l'ouest  de  l'enceinte  ;  en  face  un  petit  pont  franchit 
rOphis,  mais  aucun  sentier  moderne  ne  conduit  de  là  à  travers 
champs  dans  la  direction  des  défilés  du  Ménale. 

«Après  trente  stades  de  marche,    on  arrive  à  la  plaine  ^'"'"'^'^'^•"'*^*o"- 
appelée  Alcimédon  (4).  »  Hors  des  murs,  une  vaste  surlace  de 
champs  couverts  de  vignobles  étend  jusqu'au  pied  des  hauteurs 
un  grand  tapis  de  verdure.  Puis  s'ouvre  le  délilé  de  Kapsia,  qui 

(1)  Pausan.  VIII,  12,  1  :  tovî  rà^ou  8à  tou  'EirajxeiViovôa  [/.aXiaxà  tïou 
ffTaSiou  \iy\xoç  Aïoç  à^é<jT7|X6v  lepbv  éirfxXTjdiv  Xapjxwvo;.  Après  la  brève 
mention  de  ce  sanctuaire,  Pausanias  reprend  son  développement  sur  le  Pélagos, 
en  énutnéranl  les  diverses  espèces  de  chênes  arcadiens.  Il  y  a  i&  une  sorte  de 
glose  qui  ne  parait  pas  à  sa  place. 

(2)  Dodwell,  II,  421.  Leake.  Travels,  I,  p.  100-lUl.  Puillon-Doblaye.  Recherches 
géogr.,  142.  «  Au  lieu  le  plus  étroit  de  la  plaine,  sur  la  roule  de  Pallantion, 
sont  des  ruines  de  murailles  antiques  qui  n*ont  point  eu  pour  destination  de 
fermer  la  plaine,  mais  qui  apparUennent  à  quelque  grand  cdince.  On  peut  y 
placer  le  temple  d'Hercule  (to  *HpaxXeiov)  mentionné  par  Thucydide,  n  —  Cf. 
Ross.  Reisen,  p.  124. 

(3)  PauB.,  VIII,  12,  2. 

(4)  /&.,  icpoeXôôvTi  hï  (TraSiouç  Tptàxovxa  weSiov  te  ovo[jLaÇo|i.6vov  *AXxi|jl£- 
8a)v. 


.M.inlince.   —  9. 


lU 


mantinf:e  et  l  arcadie  orientale. 


monicen  pente  douce  jusqu'à  un  vallon  pierreux,  parallèle  au 
Ménale  et  séparé  de  la  plaine  inférieure  par  une  rangée  de 
collines  basses.  Le  milieu  du  vallon  est  exactement  à  30  stades 
(5550  m.)  de  la  porte  de  Méthydrion.  On  peut  donc  sans  incer- 
titude ridenllfier  avec  la  plaine  Alcimédon.  Ce  dernier  nom 
est  celui  du  héjos,  père  de  Pliialo.  Il  est  assez  singulier  qu'il 
soit  resté  au  nominatif  pour  désigner  la  plaine  (1).  Pausanias 


AYdiiii. 


Dénié  de  Knpsia. 


Ostrakina. 


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FIg.   17. 
Vue  dji  Alcimk*.  prise  du  Ihoillre  de  Maiiliticc. 

n'a  connu  que  celle  appellation  mythique.  Il  ignore  le  district 
des  Elisphasiens,  cités  par  Polybe  (2).  Au  reste,  c'est  un  territoire 
de  maigres  ressources  que  cette  crevasse  à  demi  comblée  par 
les  éboulemenls  du  Ménale,  hérissée  de  grosses  pierres,  dévastée 
par  un  torrent  capricieux  et  rongeur  (3). 


(1)  Kayser.  Zeitschrift    f,  Altertfiumwissenschafl,    1850,   propose  la  leçon 

'AXxip.680VT0Ç, 

(2)  Voy.  plus  loin,  p.  128. 

(3)  On  y  voit  quelques  champs  de  blé.  Les  extrémités  Nord  et  Sud  possèdent 
chacune  un  dégaf^ement,  la  première  sur  Lévidi  par  un  petit  col  assez  bas  ;  lu 
deuxième  par  un  sentier  montagneux  qui  s'engage  dans  les  ravines  du  massif 
d'Apano-Kbrépa  et  bifurque  d*un  côté  vers  Tripoiis  et  le  monastère  d'Apano- 
Khrépa,  pur  Herthori,  de  l'autre  vers  la  gorge  de  rUélisson  par  Davla. 


LES   ROUTES   HISTORIQUES  DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  115 

Elle  n'a  jamais  dû  suffire  à  nourrir  une  population  même  de 
peu  d'importance.  Si  les  habitants  modernes  de  Kapsia  ne 
possédaient  une  |)artie  des  champs  et  des  vignobles  de  la  f)lainc, 
leur. domaine  propre  les  réduirait  à  la  famine.  C'est  pourquoi 
nous  supposons  que  ie  district  des  Ëlisphasiens  n'était  pas  limité 
à  ce  pauvre  vallon,  mais  qu'il  comprenait  aussi  les  pentes  boisées 
de  la  montagne  et  les  défilés  jusqu'aux  confins  de  Méthydrion, 
à  l'ouest  du  canton  d'Alonistaina. 

«  Au-dessus  de  la  plaine  s'élève  le  Mont  Ostrakina  ;  sur  celte  Mom  Osirakinn, 
montagne,  se  trouve  une  caverne,  où  habitait  Alcimédon,  l'un       grouo  ei 
des  héros  (suit  l'histoire  de  Phialo,  d'Hercule  et  de  la  pie)....  De  ^'^"^"'*'  *^'""' 
cet  oiseau  la  fontaine  voisine  a  reçu  le  nom  dcKissa  (la  pie)  (1).  » 

Leake  (2)  veut  appliquer  le  nom  d'Ostrakina  à  la  hauteur  com- 
prise entre  les  défilés  de  Simiadcs  et  de  Kapsia.  D'après  lui  ce 
nom  provient  des  coquilles  fossiles  de  la  roche.  Mais  l'opinion 
de  la  commission  de  Morée  est  beaucoup  plus  vraisemblable. 
La  colline  visée  par  Leake  n'a  aucune  importance  (200  mètres 
au-dessus  du  fond).  La  montagne  d'il»''  ïlias  (1981  mèlrcs), 
au  Nord  du  défilé  de  Kardara,  est,  au  contraire,  un  des  massifs 
les  plus  imposants  du  Ménale.  Son  sommet  gris  et  pelé,  sa  forme 
arrondie  et  rugueuse  contrastent  avec  le  pic  voisin,  l'Aïdini,  une 
pyramide  élancée  et  ])resque  lisse.  Sa  vue  éveille  une  comparai- 
son naturelle,  celle  d'une  écaille  d'huître.  Telle  est,  à  notre  avis, 
l'origine  du  mot  Ostrakina.  Car,  pour  ce  qui  est  de  l'étyinolo- 
gie  proposée  par  Leake,  elle  n'est  guère  justifiée  par  la  géologie 
des  roches  ménalîennes.  11  eut  été  intéressant  de  leconnaître  la 
caverne  d'Alcimédon  et  la  fontaine  Kissa.  Mais  nous  n'avons  pu 
mènera  bien  cette  recherche.  C'est  aux  environs  du  hameau  de 
Kardara  qu'on  aurait,  croyons-nous,  le  plus  de  chance  de  les 
retrouver. 

«  A  quarante  stades,  à  partir  de  la  source,  est  l'endroit  appelé      parosam. 
Pétrosaka.  C'est  la  limite  entre  les  territoires  de  Mcgalopolis  et 
de  Mantinée  (3).  »  Calculée  à  partir  de  Kardaia,  cette  dislance 
(7400™)  aboutit  exactement  au   col   du  Mont  Phalanthon,  au- 

(1)  Paus.  VIII,  12,  2  :  xai  uicèp  tou  tteSiou  to  opo;  ècttiv  V)  'Offtpaxiva,  ev 
8e  auToJ  (TKi^Xaiov...  'E?  exeivou  8è  yj  7ïX7)aiov  Tr/jy^  Kiaca  kiio  tyjç  opviOoç 
ovo|JL5r.îeTai.    —  Voy.  plus  loin,  p.  282. 

(2)  Peloponnesiaca,  p-  229  sq. 

(3)  Pausan.  VIII,  12,  2  :  TetrcjapàxovTa  8k  oltio  tt,ç  Trr,Y*r|(;  <TTà8ia  àcpsdTiqxs 
JleTpodâxa  xaXou{xevov  /(opiov  '  M6YŒXo7roX'.T(r)v  8k  x7.\  MavTivecov  oooç 
e<jTtv  •/)  IIsTpoaxxa. 


116  MANTINÉB  ET   L'ARGADIB  OniENTALE. 

dessus  d'Alonislaina.  Toutes  les  cartes  ont  tracé  la  frontière  de 
Mantince  sur  Je  dos  du  Ménale.  Mais  on  doit  admettre  qu'elle 
so  prolongeait,  du  moins  au  N.-O.,  au-delà  du  district  ména- 
lien,  dépendance  de  la  Mantinique.  I-.a  vallée  supérieure  de 
rilélisson  n'appartenait  pas  à  Méthydrion,  dont  le  Phalanthon 
est,  à  l'Est,  la  limite  naturelle.  A  l'époque  de  sa  toute-puissance, 
dans  la  première  moitié  du  V*^  siècle,  Mantinée.  avait  rêvé  et 
accompli  l'annexion  de  la  Ménalie,  et  môme  delà  Parrhasie.  Les 
villes  de  ce  lerriloirc  sont  mal  connues.  Le  bassin  de  l'Hélisson 
n'est  pas  une  vallée  continue,  mais  une  gorge  tourmentée,  subdi- 
visée en  plusieurs  compartiments  :  le  canton  supérieur,  corres- 
pondant au  district  d'Alonislaina,  est  un  pays  à  part  où  Ton  ne 
peut  placer  aucune  des  villes  antiques  citées  par  Pausanias  dans 
son  itinéraire  deMégalopolis  à  Méthydrion  (1).  Le  canton  ne  peut 
être  que  celui  des  Élisphasiens  de  Polybe,  relié  par  le  défilé  de 
Kardara  à  la  plaine  Alcimédon.  Il  était  resté  ù  Mantinée,  au 
temps  de  Pausanias,  comme  un  débris  de  ses  anciennes  posses- 
sions dans  la  région  ménalienne. 

Celte  route  de  Mantinée  à  Méthydrion  est  une  des  plus  pitto- 
resques des  environs  de  la  Haute  Plaine.  Au-delà  de  Kardara, 
misérable  hameau  de  charbonniers  (196  hab.),  le  chemin  pénètre 
dans  une  gorge  sauvage  entre  les  flancs  boisés  de  l'Ostrakina  et 
l'Aîdini.  Il  suit  le  lit  caillouteux  du  Xérias.  On  arrive  au  bout 
d'une  heure  et  quart  au  col  du  Ménale.  La  vue  s'étend  à  l'Ouest 
sur  une  région  houleuse  où  des  mamelons  gris,  rougeàtres  et 
pelés  sont  vêtus  de  rares  mélèzes.  A  gauche  les  pentes  de  l'Aî- 
dini s'arrêtent  brusquement  comme  une  muraille  de  roches  aux 
tons  fauves.  On  descend  dans  une  vallée  tourmentée,  en  laissant 
à  droite  une  jolie  colline  qu'esciiladent  les  sapins  jusqu'au  som- 
met couronné  par  les  chapelles  d'il®»  Andréas  et  d'JI*  Triada.  On 
franchit  un  torrent,  affluent  de  l'Hélisson,  et  l'on  remonte  le 
versant  du  Phalanthon,  en  passant  par  le  gros  village  d'Alonis^ 
taina,  d'où  s'échappe  en  mugissant  une  source  abondante,  qui 
va  grossir  un  bras  de  la  rivière.  Ce  dernier  ravin  d'une  fraî- 
cheur exquise,  conduit  en  une  demi-heure  au  col  du  Phalanthon 
d'où  l'on  domine  la  plaine  onduleuse  et  crevassée  de  Méthy- 
drion. C'est  sur  ce  point  que  devait  se  trouver  la  frontière  Man- 
tinéenne.  Quant  à  l'endroit  appelé  Pétrosaca,  c'était  sans  doute 

(I)  La  dernlérodes  villes  mentionnées  par  lui  correspondrait  à  Plana,  suivant 
Rangabé  (Excursion  m  Àrcadie,  p.  109),  et  non  à  Llbovlsl.  comme  le  propose 
Cuilius.  Voy.  sur  le  MaivdXiov  weSiov  :  iMvm^.Joum.ofheLstud,  1883,  p.  76. 


et   snncluaîre 
d'Arlénits. 


de  Gourlzouli). 


LES   ROUTES   HISTORIQUES  DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  117 

une  petite  place  forte,  une  noXi^vn  dépendant  des  Élispliasicns. 
Etienne  de  Byzance  (1)  rappelle  yy^io^,  et  dit  que  Tethnique  était 
ncTpoaaxaîoc.  C'était  donc  un  lieu  habité. 

La  route  précédente  ne  rentre  pas,  senible-t-il,  dans  la  axiv- 
gorie  de  celles  que  Pausanias  a  parcourues  lui  inùine.  Tous  les 
éléments  de  sa  description  paraissent  être  lires  de  seconde 
main. 

V".  Routes  de  Mantinée  a  Orchomenb 

«Outre  les  routes  précédemment  décrites,  il  y  en    a  deux  Pn«M«fti»FnouTt 
autres  vers  Orchomcne.  Sur  Tune,  on  trouve  le  stade  dit  de  ^*««'«  «*•  Ln|»a« 
Ladas,  qui  est  Tendroit  où   Ladas  s'exerçait  à  la  course  ;  tout 
auprès,  il  y  a  un  hiéron  d'Artémis,  et  à  droite  do  la  roule  une 
butte  élevée  ;  c'est,  dit-on,  le  tombeau  de  Pénélope  (2).  » 

Les  deux  portes  (A,  B)  qui  correspondent  à  ces  deux  roules       Tombonu 
font  face  à  la  colline  de  Gourtzouli.  Elles  sont  dislanlcs  de  400     ^c  PAnéiopo 
mètres.  C'est,  nous  allons  le  prouver,  par  la  ])lus  orienlale  (B)    ^  ^^"""'^ 
que  nous  devons  commencer.  Du  stade  de  Ladas  et  du  hiéron 
d'Artémis,  il  ne  subsiste  rien.  Ils  étaient  à  gauche  de  la  roule. 
Quant  au  -pï^  yj^v-^  û'f-rjXôv  dont  la  tradition  locale  faisait  le  tom- 
beau de  Pénélope,  la  butte  de  Gourtzouli  est  hî  seul  accident 
de  terrain  qui   puisse  lui  être  assimilé  (3).    IVaprès  l'opinion 
accréditée  par  la  Commission  de  Morée,  cette  hauteur  répon- 
drait à  la  Ptolis,  la  citadelle  de  Mantinée.  Mais  rien  n'est  moins 
prouvé.  La  forme  de  cette  colline,  arrondie  en  cùne  régulier, 
lui  donne  une  étonnante  ressemblance  avec  un  tumulus  gigan- 
tesque (4).  Elle  n'a  jamais  pu  servir  de  base  à  une  inslallalion 
de  quelque  importance.  Les  flancs  en  sont  abrupts,  la  nionlée 

(1)  Sleph.  Byz.  IleTpoaàxa,  x^opiov  *Apxa8iaç  '   ô  olxYjTO)p  IlsTpodaxaîoç. 

[t]  Pausan.  VIII.  12,  3  :  'EttI  8à  68oTç  raïç  xaTçtXcYjjiÊvaiç  5iJ0  iç  '(^p/o- 
fi.ev($v  cldiv  aXXat,  xal  xr^  jiév  I<xti  xaXoù|i.evov  Aa8a  Txot^iov,  èç  o  liroiEtTO 
AdtBaç  fAtX^TY)v  8p<J[i.ou,  xal  irap'auTb  Upbv  'ApTéji.tôoç;  xal  èv  8e$iï  tyjç 
ôSoo  YTjç  X^l^^  û^TTjXdv  •  IlTjveXoTnriç  Se  fiîvat  Tct^ov  cpaaiv. 
r  (3)  Ces  Ugnes  étalent  écrites  depuis  longtemps  (novcmbro  1894)  quand  |*ai 
eu  connaissance  (août  1895)  de  l'article  de  M .  Loring  {Journal  ofhellen.  Studies, 
1895»  ,p.  84)  où  il.  arrive  de  son  cété  à  la  même  r.oncJusIon.  Avant  d'avoir  serré 
de  près  le  texte  de  Pausanias,  )*ayais  autrefois  suivi  dans  le  Guide  Joannc  [Grèce, 
U,  1891,  pi.  381)  Topinion  courante. 

(4)  Un  exemple  analogue  de  butte  naturelle  assimilée  par  la  légende  à  un 
tumulus  héroïque  est  fourni  par  le  tertre  de  Khrysovilsi  où  Ton  plaçait  le 
tombeau  de  Kallislo(nangabé.  Excursion  en  Àrcad.,  p.  109).  Voyez  aussi  le 
tombeau  d'Aréîthoos.  Sur  ridenUté  de  Pénélope  et  d'Artémis,  voy.  p.  'SAli 


118  MANTINÉE   ET  l'ARCADIE  ORIENTALE. 

incommode  ;  le  sommet  trop  pointu  suffit  tout  juste  à  la  petite 
chapelle  qui  le  couronne.  On  ne  retrouve  aucune  trace  d'un 
travail  quelconque  pour  aménager  une  plate-forme  un  peu 
plus  spacieuse,  et  sur  les  flancs,  aucun  vestige  de  fortification 
ni  de  soulènemcnl.  Quant  à  dire  que  cette  butte  était  l'Acropole 
désignée  de  la  ville  située  en  plaine,  c'est  ne  tenir  nul  compte 
de  l'état  des  lieux.  Le  centre  de  la  colline  est  à  mille  mètres  en 
dehors  de  l'cnccinle.  Elle  n'a  jamais  été  comprise  dans  le  tracé, 
ni  de  l'ancienne,  ni  de  la  nouvelle  Mantinée;  elle  n'a  pas  été 
reliée  au  système  défensif  imaginé  par  les  ingénieurs  d'Epami- 
nondas.  Son  éloignemenl  la  rendait  inutile,  en  cas  de  siège,  à 
l'ennemi  comme  à  l'assiégé  (1). 

La  roule  ancienne  ainsi  que  la  chaussée  actuelle  de  Tripolis  à 
Kakouri,  passait  au  pied  de  la  butte  ;  on  l'avait  à  main  droite  en 
allant  à  Orchomène. 
pioiis.  ((  A  partir  de  ce  tombeau,  il  y  a  une  petite  étendue  de  plaine, 

et  au  milieu  de  la  plaine  une  monlagne  qui  porte  encore  les 
ruines  de  l'ancienne  Mantinée  :  l'endroit  s'appelle  aujourd'hui 
Plolis  (2).  »  En  eflet,  ù  2000"™  au  N.  de  Gourtzouli,  on  rencontre 
une  seconde  colline  isolée,  moins  haute  de  moitié  et  plus  étalée 
que  la  précédente.  Bien  qu'aucune  ruine  n'y  ait  été  remarquée, 
on  peut  admettre,  avec  Leake,  que  la  position  était  propice  à 
l'établissement  d'une  ville  primitive.  En  tous  cas  c'est  celle  qui 
concorde  le  mieux  avec  les  indications  suivantes  de  Pausanias. 
Kontnine  «  ^H  s'avauçaut  quclque  peu  au  nord  de  ce  point,  on  trouve  la 

Aifticoniéneia.  sourcc  d'AUilcoméncia  (3).  »  —  Nous  avons  signalé  (4)  deux 
sources  qui  |)euvenl  répondre  a  la  fontaine  Alalcoméneia  :  1*»  la 
source  Karyda,  située,  d'après  Virlet  (5),  à  1.200  mètres  au  S.  de  | 

Kakouri  et  à  ÎJ.ÎiOO  mètres  des  ruines  de  Mantinée  ;  2^  la  source 

(1)  Voy.  plus  loin,  p.  13i.  —  Lenke  avait  défendu  la  môme  opinion  {Pelop., 
p.  281)  ;  ses  arguments  me  semblent  avoir  gardé  toute  leur  force. 

<2)  Le  texte  de  Pausanias  {VIII,  12.  4)  :  tou  xa^ou  Se  tysTott  toutou  ictoiov 
ou  [t'iyoL,  xal  oûoç  6<jtiv  ev  tw  weB^o,  Ta  Ipema  Iti  MavTtv6(aç  ijfov  tîjç 
CL^yninç  '  xaXêiTai  Se  to  ytopiov  touto  è^  *  Y)(jl(ov  HtoXiç, pourrait  être  corrigé, 
comme  le  propose  Lenke,  delà  façon  suivante  :  eyeTat  toutou  iceS(ov,  xal  opoç 
ou  [/.iyoL.  X.  T.  X.  Le  simple  déplacement  do  la  virgule  après  ttcSiov  ne  donne- 
rait pas  une  construction  bien  correcte.  M.  Loring  rappelle  que  pausanias  qua-  | 
lifie  la  butte  du  Krésion,  en  Tégéatlde,  de  opoç  où  \t>iyoL  (Vlll^  44,  7).  • 

(3)  Pmus.  VIII,  12,  4  :  xaTa  Sk  to  wpbç  àpxTOv  auT^ç  irpoeXôovTi  bSbv  où 
(xaxpàv  'AXaXxojjieveiaç  k<sT\  'Kr\yy\. 

(4)  Voy.  plus  haut,  p.  tiO-51. 

(5)  PuillonBoblaye.  Rfich.  géogr.,  p.  149. 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS. 


119 


marquée  sur  notre  carte  et  un  peu  plus  rapprochée  de  la  Ptolis 
semble  mieux  répondre  au  TrpoeXôôvxi  ôobv  où  (jiax&àv  de  Pausanias. 
Ces  mots,  en  tous  cas,  se  comprennent  1res  bien,  si  Ton  prend 
pour  point  de  départ  la  dernière  colline.  Mais  si  Ton  vise  celle 
de  Gourtzouli,  ces  termes,  appliqués  alors  à  une  dislance  de  4 
kilomètres  ou  22  stades  au  moins,  paraîtront  bien  imt)roprcs, 
surtout  en  un  pays  où  les  plus  longs  trajets  ne  dé|)assent  guère 
30  ou  40  stades  de  la  capitale  à  la  frontière. 

((  A  30  stades  de  la. ville  (1),  sont  les  ruines  du  bourg  appelé 
Maira.  Cette  distance  (5550  m.)  conduit  exartoinent  aux  pre- 
mières maisons  situées  en  contre-bas  du  village  de  Kakouri, 
à  rentrée  de  la  passe.  Là,  sur  un  petit  mamclou  qui  traversait 
Tancienne  route,  Virlet  avait  remarqué  (v  les  soubasseuicnis 
d'un  temple  et  diverses  ruines  (2).  o  Rien  de  tout  cela  ne  figure 
sur  le  carton  spécial  de  la  Commission. 

La  bourgade  antique  dominait  donc  la  lisière  de  la  plaine, 
tandis  que  le  village  moderne  de  Kakouri  est  plus  au  nord  sur 
un  bastion  rocheux  au  croisement  de  deux  ravins  lorrenlicls.  La 
frontière  coupait  la  gorge  de  Kakouri  vers  le  milieu.  Ce  passage 
était  carrossable,  car  la  montée  est  peu  sensible.  On  passe  pres- 
que de  plain  pied  de  la  Mantiniquedansla  plaine  d'Orchoinènc, 
avantage  qu'on  pouvait  acheter  au  prix  d'un  détour.  Mais  cette 
route  en  avait  un  autre,  plus  précieux  encoie  :  traversant  la 
partie  la  plus  haute  et  par  conséquent  toujours  sèche  de  la  plaine 
mantinéenne,  elle  restait  praticable  en  toute  saison,  tandis  ((ue 
la  partie  occidentale,  en  hiver,  devenait  boncîiiso  et  peu  siire. 

((  Reste  l'autre  route  d'Orchomène,  celle  qui  rcnconlre  le  Mont 
Anchisia,  et,  au  pied  de  cette  montagne,  le  tombeau  (rAnchise... 
Près  du  tombeau  d'Anchise  sont  les  ruines  d'un  sanctuaire 
d'Aphrodite  (3).  »  Cette  route  partait  de  la  porte  A  et  Iraversait 
la  plaine  presque  en  ligne  droite  jus(|u'au  i)ie(l  de  rAnchisia.  A 
gauche  s'étendait  la  partie  la  plus  basse  de  la  Manlini(|ue,  au- 
jourd'hui le  Kanilws  lis  Milias  (Champ  du  Poinmier).  Submergée 
en  hiver,  détrempée  tout  l'été,  elle  est  le  résjMvoir  marécageux 
des  eaux  que  les  katavothres  refusent  d'absorber.  L'Ophis,  le 


Maira. 


Druxikmr  nOUTF 
d'Oirhoniènc. 

Tombeau 
d'Anchise  el 

snnclnnire 
d'Aplirodilc. 


(!)  Schubarl,  dans  son  édiUon,  a  eu  lori  d'écrire  :  tY|Ç  11t(5X£(0(;,  au  lieu  de 
TT|ç  7t(iXe(i)ç,  leçon  des  anciens  lexles. 

(2)  Puillon-Bobiuye.  licch.  géogr.,  p.  149. 

(3)  Pausan.  VI II,  12,  5  :  AetTcexai  8è  Iti  t(ov  ôôcov  tj  èç  '0(>/op.£vdv,  xaO  ' 
YjvTiva  'AyyialoL  tê  opoç  xai  'AyyJ.(50\j  jxvT|p.à  Igtiv  Otto  tou  opouç  toÎç 
'KOdfv. .  .  Ilpbç  8e  TOU  'Ay/idou  T(p  xot^o)  epeiTria  ectiv  'A<ppo8iT7);  Upou. 


120  MANTINKE   ET   l'ARGADIE  ORIENTALE. 

ruisseau  de  Pikerni,  la  source  et  le  ruisseau  de  Sartsi,  ne  la 
laissent  jamais  à  sec(l).  Aussi  le  mais  et  le  hachisch  y  prospè- 
rent dans  rhumidité.  Au  bout  de  6  kilom.  (32  stades)  on  atteint 
le  pied  de  TAnchisia,  à  une  auberge  marquée  sur  la  carte  de  la 
Commission  de  Morée  sous  le  nom  de  Khani  de  Bilaï  (2). 

Des  pierres  de  taille  antiques  sont  encore  reconnaissables 
parmi  la  bûtisse  moderne.  Aussi  tous  les  voyageurs  sont-ils 
unanimes  à  idcnlificr  cet  emplacement  avec  celui  du  temple 
d'Aphrodite.  Aussitôt  après,  le  chemin  actuel  (route  dé  Tripo- 
lis  à  Patras),  gravit  la  pente  abrupte  de  l'Anchisia,  haut  d'en- 
viron 150  mètres  au-dessus  de  la  plaine.  On  arrive  après  une 
montée  de  20  minutes  à  un  col  où  devait  passer  la  frontière 
entre  Mantinée  et  Orchomène. 

MoniAnchisu.        ((  Lcs  limitcs  dcs  Mantinéens  du  côté  d'Orchomène  sont  sur 
les  Anchisiai  (3). 

Temple  d'Aricmis  «  Sur  Ic  territoire  orchoménien,  à  gauche  du  chemin  qui  des- 
Hymnin.  ccnd  dcs  Auchisiai  sur  le  penchant  de  la  montagne,  se  trouve 
le  temple  d'Arlémis  llymnia  :  il  est  communaux  Orchoméniens 
et  aux  Mantinéens  (4).  »  En  elTct,  à  la  descente  de  l'autre  revers, 
la  route  directe  d'Orchomène  (Kalpaki)  croise  un  chemin  qui  se 
dirige  à  l'Est  du  côté  de  Lévidi  (Élymia).  A  1.300  mètres  du 
croisement  se  détache  de  l'Anchisia  une  petite  butte  ombragée 
d'arbres  et  couronnée  d'une  chapelle.  Là  est  l'emplacement 
probable  du  temple.  La  Commission  de  Morée  parle  de  sou-" 
bassements  antiques  sous  la  chapelle  ;  nous  ne  les  avons  pas 
reconnus. 

Les  deux  routes  précédentes  devaient  se  rejoindre  sur  le 
territoire  orchoménien,  au  pied  du  Trachys.  Il  semble  que 
Pausanias  les  a  parcourues  toutes  deux  en  personne.  C'est  par 

{{)  Puillon-Boblaye  (Recherches  géogr.,  p.  142)  semble  rapprocher  ce  fait  du 
nom  des  Élisphaslens  «  nom  peut-être  altéré d*undème  qui  occupait  remplacement 
marécageux,  au  couchan'  de  Mantinée.  »  Il  est  possible,  en  effet,  que  tout  ce 
district  dépendît,  autrefois  comme  aujourd'hui,  du  bourg  installé  sur  l'empla- 
cement de  Kapsia.  Car  Jamais  cette  partie  de  la  plaine  n'a  pu  être  habitée  : 
tout  au  plus  pouvait-elle  servira  la  culture.  ,t  ,  i    (,. 

(2)  Aujourd'hui  Tou  ToupvtxioSTir).  ;      • 

(3)  Paus.  VIII,  12,  5  :  xai  MavTiv:(ov  opoi  irpoç  'Op)(OiLt^lo\iç  xal  év  roilç 
'Af/itsicLiç  êidiv.  —  Le  nom  de  la  montagne  était  y)  'Ayyniioi  ;  le  col,  qui  la 
divisait  en  deux,  s'appelait  al  'Ay/KrioLi, 

(4)  Paiisan.  VllI,  13,  1  :  'Ev  Be  ty^  X^?^  "^TÎ  'Op;^o|JL6v(u)vi  ^v  àpicrrEpa  ttjç 
ôSou  TTjç  ino   'Ay/wioîv,  h  utttÎco  tou  opouç  ro  Upov  iaxi  tt|ç     rjiviaç 

'ApT6[Xl80Ç.  ..•>..•••■..  V     ' 


LES   ROUTES   HISTORIQUES  DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  121 

la  seconde  qu'il  a  passé  du  pays  de  Mantinée  dans  celui  d'Orcho- 
mëne. 

Le  tracé  précédent  des  deux  routes  d'Orchomène  concorde  théorie  de  unk^ 
de  tout  point  avec  les  données  positives  de  Pausanias.  Les  *'  **' 
distances  qu  il  indique  s  y  retrouvent  sans  le  moindre  écart. 
Notre  combinaison  dilîcre  de  celle  qu'on  avait  adoptée  jusqu'ici 
en  ce  qu'elle  reporte  les  deux  voies  h  Toucst  des  buttes  de 
(îourtzouli  et  de  la  Ptolis.  Cet  amendement  me  paraît  imposé  : 
lo  par  la  mention  du  y/5aa  •ff\<:  à  droite  de  la  route  ;  2°  par 
Toriéntation  N.-O.  des  deux  portes  (A,  B)  de  la  ville  qui  regar- 
dent rOrchoménie.  De  lait,  aujourd'hui  la  route  nationale  mo- 
derne de  Tripolis  à  Kakouri  qui  sort  de  Mantinée  entre  ces  deux 
portes  est  obligée  d'incliner  sensiblement  vers  TE.  pour  côloycr 
à  rO.  la  base  de  Gourtzouli  et  celle  de  la  Ptolis.  Elle  coïncide 
assez  exactement  avec  le  parcours  de  la  plus  orientale  des 
routes  de  Pausanias.  L'étude  du  terrain,  jointe  à  celle  de  Pau- 
sanias,  semble  favorable  à  notre  tracé. 

Cependant  M.  Loring  (1),  tout  en  reproduisant  les  anciens 
tracés  de  la  Commission  de  Morée,  propose  de  leur  adapter  la 
combinaison  suivante  :  1<»  la  route  Ouest,  qui  aboutit  au  Khani 
de  Bilaï  et  prise  d'ordinaire  pour  la  route  de  PAnchisia,  devient 
celle  dé  Maira.' Pour  cela,  il  transporte  Maira  aux  environs 
dudit  Khani;  2*^ la  route  Est  répond  à  la  roule  de  PAnchisia. 
Par  suite  PAnchisia  est  lui-même  reporté  au  Mont  Arméniadès 
et  le  temple  d'Aphrodite,  avec  le  tombeau  d'Anchise,  émigrent 
aux  alentours  de  Kakouri.  C'est  en  somme  une  transposition 
sur  l'ancien  thème  topographique  du  texic  de  Pausanias. 
M.  Loring  il  est  vrai^  prétend  non  pas  transposer,  mais  redresser 
une  transposition  traditionnelle  et  mal  (ondée.  En  eflet,  Pan- 
cienne  théorie  suppose  de  la  part  de  Pausanias  une  infraction 
à  son  plan  descriptif.  Or,  tandis  qu'il  a  énuméré  dans  leur 
ordre  topographique,  à  partir  du  coin  N.-E.  en  passant  par  l'E. 
et  le  Sud,  toutes  les  voies  rayonnant  autour  de  Mantinée, 
pourquoi  romprait-il  cet  ordre  à  la  fin?  Pourquoi  la  roule  qui 
est,  par  l'orientation,  la  dernière  du  cycle,  prendrait-elle  dans 
le  texte  le  pas  sur  l'avant-dernière  ?  —  Celte  objection  ne  me 
parait  pas  décisive.  Pausanias,  devant  passer  en  Orchoménie, 
sait  qu'il  trouvera  sur  sa  gauche,  presque  aux  confins  des  deux 
territoires,  le  temple  d'Artémis  Hymnia.  Ce  sanctuaire,  commun 

(1)  Journ,  of.  hellen.  Stud.  XV  (1895),  p.  84. 


122  MANTIflÉE  ET  L'ARCADIE  ORIENTALE. 

aux  deux  Élals,  lui  sert  de  transition  d'un  chapitre  à  l'autre, 
transition  nullement  artificielle,  mais  obligatoire,  puisque 
rédifire  est  le  premier  qu'il  rencontre  au  delà  de  la  frontière 
manlinéenne.  H  s'arrange  donc  de  façon  à  terminer  la  descrip- 
tion delà  Manlinique  par  l'itinéraire  le  plus  voisin  du  temple, 
c'csl-à-dire  par  sa  route  de  sortie. 

Maintenant,  doit-on  adopter  comme  telle  celle  de  Kakouri 
identifiée  au  chemin  de  l'Anchisia  par  M.  Loring?  En  ne  tenant 
compte  ni  de  Torienfation  des  portes  (1),  ni  des  chemins  moder- 
nes, ni  de  rcxislence  de  Kakouri  et  des  sources  voisines,  on 
pourrait  prétendre  d'une  part  qu'au  temple  d'Aphrodite  et  au 
tombeau  d'Anchise  répondent  le  mamelon  et  les  ruines  signa- 
lées par  Virlet;  d'autre  part  que  le  Khani  de  Bilaï  et  ses  vestiges 
antiques  tombent  précisément  ù  30  stades  de  Mantinée;  qu'ils 
réjmndcnt  donc  aux  ruines  de  Maira,  enfin  qu'à  la  httjytq  d'Alal- 
coménéia  correspond  le  puits  voisin  (2)  du  khani. 

En  somme,  alistraclion  faite  de  toutes  les  dilTicultés  de  détail 
que  le  tracé  de  M.  Loring  ne  résout  pas,  la  question  décisive 
reste  celle  de  remplacement  de  Maira.  Ce  bourg  est-il  susceptible 
du  déplacement  |)roposé?  Je  ne  le  crois  pas.  pour  plusieurs 
raisons  :  \^  Reporté  au  Khani  de  Bilaî  (et  môme  un  peu  plus 
au  Sud),  installé  en  ])laine  (car  ni  la  dislance  ni  la  montée  ne 
permettent  de  le  reculer  plus  au  Nord),  situé  à  la  descente 
du  col,  ce  village  se  serait  trouvé  dans  la  pire  position  défensive 
qu'on  puisse  imaginer  à  l'égard  des  Orchoméniens.  Il  aurait  eu 
à  craindre  tontes  les  surprises  d'un  ennemi  dévalant  de  la  mon- 
tagne en  avalanche.  Or,  tous  les  autres  bourgs  de  la  plaine  sont 
situés  dans  une  position  dominante  ;  2<>  cette  partie  basse  de  la 

(1)  On  pourrait,  (\  la  rigueur,  alléguer  la  porte  G  et  le  chemin  qui  en  Rorl, 
d'après  le  carton  de  la  Commission  do  Morée,  pour  contourner  ft  VEst,  les 
deux  buttes.  Mais  alors,  des  deux  portes  A  et  B,  rune  demeure  sans  emploi. 

(2)  Encore  cette  position  nVst-elle  gu^re  satisfaisante,  eu  égard  aux  termes  de 
Pausanias  :  xol-zol  oï  Ttpbç  apxTOV  aÛTTJç  (de  la  Ptolis)  TcpoeXbdvTt  6$bv  où 
|xaxpàv.  Rn  edct  :  i«  la  Ptolis  est  bien  loin  sur  la  droite  de  la  route,  qu'on  est 
censé  suivre  k  parUr  de  Gourtzouli,  pour  être  décrite  sur  cette  route  plutôt 
que  sur  l'autre,  qui  passe  tout  auprès.  [On  peut,  il  est  vrai,  répondre  par 
l'exemple  de  rAlcsion  et  du  Stade  et  corriger  le  texte  (voy.  p.  i18,  n'»  2)|  ;  2»  la 
direction  est  transversale,  N.-O.,  non  pas  Nord,  surtout  prise  de  la  Ptolis  pour 
aller  au  Khani.  On  reproche  à  Pausanias  de  manquer  de  boussole  Raison  de  plus 
pour  ne  pas  réclamer  quand  il  prend  la  peine  de  nous  orienter;  S**  enflu,  entre  la 
Pttdis  et  le  Khani,  on  compte  plus  de  3  kilomètres,  soit  17  ou  18  stades.  Cest 
une  distance,  surtout  pour  la  Mantlnique.  Or,  Pausanias  dit  :  irpocXOovxi  bSbv 
où  (Jiaxpav.  Que  d'invraisemblances  I 


LES   ROUTES   HISTORIQUES   DÉCRITES   PAR   PAUSANIAS.  123 

plaine,  inondée  en  hiver,  ne  comportait  aucun  olablisscment 
fixe  :  toutes  les  eaux  venues  de  TKst  s'y  donnent  rendez-vous. 
Route  impraticable  en  hiver,  séjour  malsain  en  tout  lemps,  tel 
eût  été  Tapanage  de  Maira  ;  3**  enfin,  il  n'y  a  pas  d'autre  trace 
d'une  habitation  permanente  à  cet  endroit  que  le  Khani  où  les 
agoyates  et  leurs  bêles  viennent  boire  le  cou|)  de  la  montée  ;  au 
contraire,  de  l'autre  côtéKakouri  existe  en  un  point  où  la  pré- 
sence d'une  TcoXtyvT,  s'imposait  pour  défendre  le  défilé.  Maira  s'y 
trouvait  à  l'abri  d'une  surprise  et  dans  une  position  saine  ;  4° 
Après  Maira,  Pausanias  ne  dit  rien  de  la  fronlièrc.  Si  Maira  eut 
occupé  le  site  du  Khani,  il  y  aurait  là  une  lacune,  ]>uis(iue  la 
frontière  devait  courir  sur  la  crête  du  col.  Avec  Maira  posfc- 
frontière  dans  la  cluse  de  Kakouri,  cette  mention  devenait 
superflue  (l). 

Pour  toutes  ces  raisons  et  d'autres  que  la  seule  vue  de  la 
carte  suggère,  il  me  semble  impossible  de  placer  Maira  ailleurs 
qu'à  Kakouri,  et  par  suite  d'adopter  sur  les  routes  de  Mantinée 
à  Orchomène  l'interprétation  de  Leake,  re[>rise  par  M.  Loring. 
Elle  soulève  trop  d'invraisemblances  pour  un  scrut)ule  de 
symétrie  arbitrairement  prêté  à  Pausanias. 

VI*.  Autres  chemins  omis  par  Pausanias. 

Les  itinéraires  que  nous  venons  de  laisser  en  revue  sous  la 
conduite  de  PaUvSanias  ne  donnent  pas  une  idée  complète  du 
réseau  mantinéen.  Il  existait  d'autres  voies  de  communication 
dont  le  Périégète  n'a  point  |)arlé.  Au  sud,  enire  les  deux 
Xewcpôpot  de  PallantioQ  et  de  Tégée,  un  chemin  desservait  le 
milieu  de  la  plaine  et  aboutissait  sans  doute  au   fond  de  la 

(1)  M.  Loring,  en  donnant  le  nom  d'Anchisia  ait  moderne  Arméniadis,  semble 
vouloir  rendre  hommage  à  rimporlance  do  cpUc  montagne  :  «  a  conspicuous 
landmark  visible  (rom  ail  paris  of  llie  Manlineian  fibiiii.  »  l'rêcisétmenl,  cette 
importance  me  paraît  hors  do  proporUon  avec  le  pcrsonnaj^e  d'Anchise.  C'est 
vouloir  infliger  à  la  montagne  le  nom  du  ridicnius  mus.  Les  héros  avaient 
droit  aux  lionneurs  d'un  tertre,  d'un  yM[t.<x.  y'^jÇ  naturel  ou  arlinciel,  comme 
ceux  de  l^énélope,  deCalllsto,d'Arcîthoos;  mnis  1rs  ^rnnds  monts  appartenaient 
aux  dieux.  La  hauteur  qui  domine  le  Kliani  de  i3iiaî,  avec  ses  proportions  plus 
modeslps,  convient  mieux  au  vieux  Dardaiiicn.  De  pins,  on  doil  remnrquer  que 
Pausanias  est  capable  de  pasher  auprès  des  montagnes  les  plus  colo>>ales  sans 
éprouver  le  besoin  de  savoir  ni  de  nous  dire  leurs  noms.  De  touie  façon,  l'ar- 
gument est  p:'U  fonde  :  mieux  vaut  continuer  à  considérer  l'Arméniadis  comme 
partie  du  Trachys.  —  Voy.  sur  Maira  et  Alalcoménia,  p.  273. 


124  MANTINÉE  ET   l'ARGADIE  ORIENTALE. 

Tégéatide,  au  bourg  des  Manthyréens.  A  TEst,  un  raccourci 
gravissait  directcrnenl  TAlésion  par  un  ravin  qui  fait  face  à  la 
poterne  voisine  de  la  source  Varéli,  suivait  un  sillon  intérieur 
de  la  montagne,  desservait  le  stade  et  le  bois  de  Déméter,  et 
rejoignait  la  route  de  Nestané  dans  TArgon  Pédion.  Au  Nord-Est, 
un  autre  chemin  contournait  la  butte  de  Gourtzouli  à  TEst,  et 
gagnait  le  point  de  suture  de  TAIésion  et  de  TArméniadis:  de  là 
il  montait,  par  un  ravin  rocailleux,  à  un  col  fort  élevé  (1115  m.) 
entre  TArméniadis  et  le  Lyrkeion  et  redescendait  dans  la  vallée 
d'Aléa.  A  TOuest  un  embranchement  de  la  route  de  TAnchisia 
conduisait  à  la  plaine  Alcimédon  par  le  défilé  de  Simiadès  ;  de 
la  obliquait  au  Nord  pour  aboutir  à  Élymia.  De  même  un  autre 
chemin  bifurquait  de  la  route  de  Méthydrion  dans  la  partie  sud 
de  la  même  plaine,  puis  se  subdivisait  en  plusieurs  sentiers 
qui  donnaient  accès,  d'une  part  dans  la  gorge  de  THélisson, 
dans  le  pays  de  Mainalos  (aux  Triodoi)  et  de  là  dans  la  Parrhasie 
et  le  pays  de  Mégalopolis,  d'autre  part  dans  la  plaine  d'Aséa. 
Il  va  sans  dire  que  nombre  de  sentiers  vicinaux  reliaient  entre 
elles  les  parties  éloignées  des  routes  principales  et  donnaient 
accès  dans  les  coins  les  plus  reculés  de  la  plaine.  Les  bourgs 
devaient  communiquer  directement  entre  eux  ;  aujourd'hui, 
par  exemple  Pikerni  et  Kakouri  sont  rattachés  par  un  sentier 
particulier. 


Chnpiipaii  provpnnnt  du  temple  de  PoMidon'IIippioi. 


•  i      .|-..<;    '    -i     I     .■••    I  'i 


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CHAPITRE   II. 


LE   TERRITOIRE   DE   L  ETAT   MANTINEEN  ;    LES   FRONTIËHES  ; 
LES   DÈMES. 


Nous  avons  exploré  la  Mantinique  en  tous  scns,sous  la  conduilc 
de  Pausanias,  des  confins  jusqu'à  la  ville  el  de  la  ville  aux  con- 
fins :  nous  en  avons  visité  tous  les  recoins  et  reconnu  tous  les 
détails.  Il  nous  reste  à  rejoindre  par  une  ligne  continue  de  fron- 
tières, le  point  terminus  des  roules  paicourues  et  h  circons- 
crire en  un  circuit  fermé  Tensemble  du  territoire.  Grâce  au  soin 
que  prend  le  Pcriégète  de  signaler  à  des  dislances  et  en  des 
points  précis  la  présence  des  bornes-limilcs,  il  n'y  a  guère  place 
à  l'incertitude. 

Le  cadre  des  chaînes  frontières,  qui  bornaient  le  territoire 
mantinéen,  enfermait  un  rectangle  de  25  kilorn.  de  cùlé  de  l'O. 
à  TE.,  sur  14  kilom.  de  hauteur  du  S.  au  N.  cl  d'une  superficie 
totale  d'environ  325  kilom.  carres.  Au  N.  il  louchait  à  l'Orcho- 
ménie  ;  la  crôte  de  TAnchisia  marquait  de  ce  côté  la  frontière  (1) 
à  l'Est,  la  frontière  entre  l'Argolide  et  la  Mantinique  suivait 
la  crôte  qui  rejoint  le  Lyrkéion  et  le  Krcopolon,  descendait 
avec  le  col  franchi  par  la  roule  du  Prinos  dans  le  ravin  de 
rinachos  supérieur  qu'elle  côtoyait  près  de  ses  sources  (2);  puis, 
laissant  en  dehors  l'Artémision  sur  le  territoire  argien,  elle 
escaladait  la  crôte  dentelée  du  Kréopôlon.  Ensuite  elle  inclinait 
vers  le  S. -0^,  sans  douté  en  suivant  le  talus  N.  du  plateau  en 
bastion  qui  porte  le  monastère  d'il*»»  Nicolaos  de  Varsai.  Après 

(1)  Kal  MavTivewv  ô'poi  irpbç  Op)^0[X6viouç  xal  év  rafç  'AyyiaioLiç  elirtv, 
(VIII,  12,  5). 

(2)  VIII.  6,  2. 


124  MANTINKE  ET   l'ARCADIE  ORIENTALE. 

Tégéatide,  au  bourg  des  Manthyréens.  A  l'Est,  un  raccourci 
gravissait  directement  TAlésion  par  un  ravin  qui  fait  face  à  la 
l)Oterne  voisine  de  la  source  Varéli,  suivait  un  sillon  intérieur 
de  la  montagne,  desservait  le  stade  et  le  bois  de  Déraéter,  et 
rejoignait  la  route  de  Nestané  dans  l'Argon  Pédion.  Au  Nord  Est, 
un  autre  cliemiu  contournait  la  butte  de  Gourtzouli  à  TEst,  et 
gagnait  le  point  de  suture  de  TAlésion  et  de  TArméniadis  :  de  là 
il  montait,  par  un  ravin  rocailleux,  à  un  col  fort  élevé  (1115  m.) 
entre  TArméniadis  et  le  Lyrkeion  et  redescendait  dans  la  vallée 
d'Aléa.  A  TOuest  un  embranchement  de  la  route  de  TAnchisia 
conduisait  à  la  plaine  Alcimédon  par  le  défilé  de  Simiadès  ;  de 
là  obliquait  au  Nord  pour  aboutir  à  Élymia.  De  même  un  autre 
chemin  bifurquait  de  la  route  de  Méthydrion  dans  la  partie  sud 
de  la  môme  plaine,  puis  se  subdivisait  en  plusieurs  sentiers 
qui  donnaient  accès,  d'une  part  dans  la  gorge  de  l'IIélisson, 
dans  le  pays  de  Mainalos  (aux  Triodoi)  et  de  là  dans  la  Parrhasie 
et  le  pays  de  Mégalopolis,  d'autre  part  dans  la  plaine  d'Aséa. 
Il  va  sans  dire  que  nombre  de  sentiers  vicinaux  reliaient  entre 
elles  les  parties  éloignées  des  routes  principales  et  donnaient 
accès  dans  les  coins  les  plus  reculés  de  la  plaine.  Les  bourgs 
devaient  communiquer  directement  entre  eux  ;  aujourd'hui, 
par  exemple  Pikerni  et  Kakouri  sont  rattachés  par  un  sentier 
particulier. 


Fig    «8.        ■  " 

Chn|iilpan  provpnnnt  du  temple  de  Poséidon  tlippios. 


.      .:•     .'i 


CHAPITRE   IL 


LE  TERRITOIRE   DE   L  ETAT   MANTINEEN  ;    LES   FRONTIERES  ; 
LES    DÈMES. 


Nous  avons  exploré  la  Mantinique  en  tous  scns,sous  la  conduilc  Us  froniièrcv 
de  Pausanias,  des  confins  jusqu'à  la  ville  et  de  la  ville  aux  con- 
fins :  nous  en  avons  visité  tous  les  recoins  et  reconnu  tous  les 
détails.  Il  nous  reste  à  rejoindre  par  une  ligue  continue  de  fron- 
tières, le  point  terminus  des  routes  parcourues  et  à  circons- 
crire en  un  circuit  fermé  l'ensemble  du  Icrriloire.  Grûcc  au  soin 
que  prend  le  Périégète  de  signaler  à  des  dislances  et  en  des 
points  précis  la  présence  des  bornes-limites,  il  n'y  a  guère  place 
à  l'incertitude. 

Le  cadre  des  chaînes  frontières,  qui  bornaient  le  territoire 
mantinéen,  enfermait  un  rectangle  de  25  kiloin.  de  coté  de  TO. 
à  l'E.,  sur  14  kilora.  de  hauteur  du  S.  au  N.  et  d'une  superficie 
totale  d'environ  325  kilom.  carres.  Au  N.  il  touchait  à  TOrcho- 
ménie;  la  créle  de  l'Anchisia  marquait  de  ce  côté  la  frontière  (1) 
à  l'Est,  la  frontière  entre  TArgolide  et  la  Mantinique  suivait 
la  crête  qui  rejoint  le  Lyrkéion  et  le  Krcopolon,  descendait 
avec  le  col  franchi  par  la  roule  du  Prinos  dans  le  ravin  de 
rinachos  supérieur  qu'elle  côtoyait  près  de  ses  sources  (2)  ;  puis, 
laissant  en  dehors  l'Artémision  sur  le  territoire  argien,  elle 
escaladait  la  crôte  dentelée  du  Kréopùlon.  Ensuite  elle  inclinait 
vers  le  S. -0.,  sans  douté  en  suivant  le  talus  N.  du  plateau  en 
bastion  qui  porte  le  monastère  d'H<>«  Nicolaos  de  Varsai.  Après 

(1)  Kal  MavTivewv  6'poi  Tcpbç  Opp^ojicviouç  xal  év  xaiç  ' Ayy\.a'.(xi^  clatv, 
(Vni,  12,  5). 

(2)  VIII.  6,  i. 


126  MANTINÉE  ET  L^ARCADIE  ORIENTALE. 

avoir  coupé  la  pointe  de  la  Kapnistra,  elle  dévalait  dans  Tétran- 
glemenl  de  la  vallée  à  31  stades  de  la  ville  et  courait  rejoindre 
le  versant  sud  du  cap  Mytika  :  de  ce  cùté  elle  marquait  la 
limite  de  la  Tégéatide.  Au  S.-O.  et  à  1*0.,  elle  rejoignait  la 
créfe  du  Ménale  au  picd'Apano-Khrépa,  la  franchissait  transver- 
salement, pour  descendre  dans  le  MaivàXiov  TreS(ov  et  le  couper  à 
la  hauteur  de  Piana.  Elle  remontait  de  là  sur  le  dos  du  Mont 
Phalanlhon  (i)  et  le  suivait  jusqu'à  sa  soudure  avec  le  Ménale, 
au  massif  (|ui  domine  Lévidi. 
Tours  I^e  ce  côté  elle  bordait  des  cantons,  englobés  au  temps  de 

(TiiipYoi).  Pausanias  dans  le  territoire  de  Mégalopolis  :  les  Ménaliens  et 
les  Méthydriens.  Sur  tout  ce  pourtour,  la  frontière  politique  se 
confondait  avec  les  limites  naturelles  du  bassin  fermé.  Des 
indices  matériels,  tels  que  route  ou  rivière  (sources  de  rinachos), 
autels  (sur  les  routes  de  Tégée  et  de  Pallantion),  bornes  ou 
hermès  jalonnaient  de  points  de  repère  la  ligne  conventionnelle 
sans  doute  reconnue  i)ar  des  traités  avec  les  États  limitrophes. Les 
défenses  naturelles  devaient  être  complétées  par  un  système  de 
forts  délaciiés  ou  de  (ours  d'observation  installés  sur  les  passa- 
ges les  plus  accessibles.  De  petites  garnisons  y  faisaient  le  guet, 
prèles  à  donner  Palarme  à  l'aide  de  signaux  aux  sentinelles  pos- 
tées sur  les  remparts  de  la  ville.  Ces  précautions  de  vigilance 
élaient  essentielles,  en  un  temps  de  surprises  où  les  intentions 
du  voisin  ])ouvaient  toujours  être  sus|)ectées.  Les  territoires 
d'Argos,  de  Sicyone,  d'Athènes  étaient,  on  en  a  la  preuve,  sur- 
veillés de  la  sorle.  Dans  la  Mantinique,  un  poste  vigie  (skopé)  et 
un  fortin  commandaient  l'ouverture  méridionale  do  la  plaine  (2), 

(1)  En  enfcrmrint  te  canton  d'Alonistaina,  qui  correspond,  on  l'a  vu  à  Pétro- 
sacB  (VIIJ,  12,  :i,  4). 

(2)  Gcll  {liineraryf  p.  143,  fiarraiive^  p  137)  prétend  avoir  vu,  à  rétran- 
glcmenl  de  la  plaine,  des  reslpd  d'une  munilie  continue  destinée  à  fermer 
renircu  de  la  Manlinique.  M.iis  IVxistence  d'un  pareii  rempart,  analogue  à 
celui  qui  barrait  TisUime  de  Corintlie,  ii*est  guère  vraisemblable':  les  auteurs 
n'en  parlent  pas  et  les  traces  matérielles  en  ont  disparu.  Tout  au  plus  pour- 
rait-on supposer  sur  les  routes  de  Pallantion  et  de  Tégée,  Texistence  de  forts 
détachés.  Uodwcll  (II,  p.  421),  Pouqueville  (Foy.  de  la  Grèce,  p.  285),  et  même 
la  Commission  de  Morëc  {Archiieclure,  II,  p.  84)  ont  répété  la  môme  théorie  à 
propos  des  mêmes  vestiges.  Toutefois,  faute  do  descriptions  prérlses,  11  est 
permis  de  penser  on  bien  qu'il  s'agit  lâ  des  ruines  d'un  fortin,  les  mêmes  que 
Puiilon-Boblaye  [Rech.  gt^ogr»,  p.  142  proposait  d'attribuer  à  rHêrdcléion,  ou 
plutôt  de  ces  bl'jcs  épnrs  en  avant  du  promontoire  Mytika,  véritables  verrues 
rocheuses  du  sous-sol  calcaire.  Ces  blocs  naturels  sont  en  place,  et  n*ont  subi 
aucun  travail ,  ils  devaient  autrefois  être  cachés  dans  la  masse  du  Pélagos. 


LE  TERRlTOlRIs:  DE  l'ÉTAT   MANTINÉEN.  127 

du  côté  de  Tégée.  Sur  l'arête  rocheuse  qui  coupe  le  vallon  de 
Louka,  une  forte  tour  gardait  les  débouches  montagneux,  où 
aboutissaient,  dans  ce  coin  perdu  de  la  Mantiniciue,  les  seutiers 
détournés  de  Néochori  et  de  Palaio  Moukhli  à  Louka  par  le 
plateau  de  Varsai.  Le  chateau-Iort  de  Neslané  surveillait  le 
Prinos;  celui  de  Maira,  le  défilé  de  Kakouri.  De  même,  bien 
que  les  restes  n'en  soient  plus  partout  visibles,  sur  les  chemins 
du  Klimax,  de  TAnchisia,  du  Ménale  par  Lévidi,  Pélrosaca  et 
Apano-Khrépa,  devaient  se  dresser  autant  de  ces  TcoXi/vat  ou  de 
ces  pyrgoi  dont  le  sol  de  Grèce  est  hérissé.  En  ce  pays,  la  défiance 
est  de  règle  :  en  multipliant  dans  le  Péloponnèse  les  tours  et  les 
fortins,  les  princes  francs  et  les  Vénitiens  n'ont  lait  que  suivre 
les  leçons  de  prudence  léguées  par  Tanliquité. 

Les  noms  des  cinq  dèmes  entre  lesquelles  le  terriloire  était      i^stUmcs. 
primitivement  réparti  sont  incertains.  Mais  leurs  emplacements 
sont  déterminés  par  les  subdivisions  naturelles  du  grand  bassin 
en  cinq  compartiments  bien  distincts  et  par  la  répartition  des 
sanctuaires  démotiques. 

Au  centre  de  la  cuve,  la  longue  plaine,  (jui  va  s'évasanl  (lei)uis 
la  frontière  tégéa te  jusqu'à  l'Anchisia,  est  coupée  par  la  pointe 
de  l'Alésion  en  deux  régions  ;  le  fossé  dirigé  du  temple  de 
Poséidon  Ilippios  aux  collines  de  l'Ouest  en  marquait  la  limite. 
Ce  double  domaine  appartenait  aux  deux  drincs  pédiécns  les 
plus  riches  ;  mais  celui  du  N.,  le  plus  vaste  et  le  mieux  défendu 
contre  les  eaux  et  contre  les  voisins,  était  alloti  entre  plusieurs 
bourgades  ou  xwpiai  :  !•»  le  chef-lieu  Mantinée  [culte  de  Poséidon 
Hippios],  —  puis  Mélangeia  (Pikenii),  [Dionysos  et  Aphroditej 
—  et  Maira  (Kakouri)  [culte  d'Aphrodite  et  d'Anchisc];  2"  le  ou 
les  villages  du  dème  méridional  devaient  cire,  vu  Tiustabilité 
hydrographique  de  ce  district,  adossés  au  versant  du  Ménale, 
de  façon  à  dominer  la  plaine  —  [culte  de  Zeus  Charmon  et  d'ilé- 
raklès  ?] 

3*  Au  N.-E.  du  côté  de  l'Argolide,  l'Argon  Pédion  avec  les 
dépendances  cultivables,  qui  en  sont  comme  le  vestibule,  avec 
les  flancs  de  l'Alésion  et  de  l'Artémision,  formaient  le  lot  d'un 
dème  dont  Nestané  (Tsipiana)  était  le  bourg  principal  [culte  de 
Déméter.] 

40  Un  troisième  canton  possédait  le  vallon  de  Louka  et  les 
landes  du  plateau  de  Varsai.      . 

S®  Le  cinquième,  sans  contredit  le  moins  favorisé,  était  ins- 
tallé à  l'extrémité  du  domaine  commun,  dans  ces  terres  ingrates 


128  MANTINÉE  ET   L*ARGADIE  ORIENTALE* 

qu'Homère  appelle  VifTyaxiy\.  Comme  les  Diacriens  de  TÂttique, 
il  occupait  un  dislricl  tout  montagneux,  qui  comprenait  les 
collines  détachées  du  Ménale,  les  cluses  qui  les  séparent,  les 
massifs  ménaliens  et  ses  défilés  jusqu'à  la  frontière  de  Méthy- 
drion.  Ce  peuple  de  bergers  se  trouvait  ainsi  rejeté  hors  des 
limites  de  la  Mantinique  propre»  celle-ci  finissant  à  la  ligne 
des  katavothres  au  pied  des  hauteurs  de  Simiadès  et  de  Kapsia. 
Le  pays  situé  à  VO,  au  delà  de  cette  ligne  se  rattache  plutôt  à 
la  région  ménalicnne.  Ceci  explique  que  ces  populations  aient 
pu,  à  un  moment  donné,  se  séparer  du  groupe  mantinéen. 
Polybe  (1)  les  désigne  de  la  façon  la  plus  claire.  Le  fossé  trans- 
versal parti  du  Poseidion  aboutissait,  dit-il,  aux  hauteurs  limi- 
trophes, du  pays  des  Élisphasiens  :  ttjv  xà^pov  tV  ^épouorav  L-kI  tou 
Ilo(retS(ou  $(à  \Li<TOu  toutcov  Mavrcv^cDV  k£S(ou  xaà  auvdiicTOuaav  toiç  Speai 
Toîç  oruvTepjAovooffi  t/j  twv  'EXia^aatwv  ^'(opa..  L'authenticité  de  ce 
nom,  contestée  par  tous  les  savants,  au  nom  de  la  grammaire(2), 
a  été  confirmée  par  la  découverte  de  monnaies  portant  l'inscrip- 
tion EAIS4>ASIûN  AXAIûN  (3).  Rien  ne  prouve  d'ailleurs  que 
les  Élisphasiens  aient  fait  partie  des  cinq  dèmes  primitifs  de 
Mantinée.  La  position  que  nous  leur  attribuons  est  toute  con- 
jecturale ;  c'était  peut-être  un  dème  ménalien,  incorporé  à  Mé- 
galopolis  en  371,  puis  établi  par  Philopœmen  comme  membre 
autonome  de  la  Ligue  achéenne. 

L'identification  des  dèmes  mantinéens  avec  les  noms  de 
bourgades,  telle  que  Leake  l'a  proposée  (4),  repose  sur  une 
méprise.  Le  B-rjjjLoç  ne  se  confond  pas  avec  la  xwjjlt)  ou  le  x<^P»ov  ; 
il  est  le  groupe  intermédiaire  entre  l'État  et  le  viens.  Souvent  il 

(1)  Polyb.  XI,  11.  6. 

(2)  Voy.  CurUus.  Pelop.,  I.  p.  2G9,  N«'  12.  Ross.  [Reisen,  p.  127,  N"  116;,  le 
qualinait  de  monstrueux. 

(3)  Pinder.  Mnnalsberichte  der  nerliner  Académie,  ISoô,  p.  351.  —  Gardner. 
Calai,  ofgreek  Coins,  Peloponnesus,  p.  14. 

(4)  Peioponnesiaea,  p.  377.  Il  compte  les  dèmes  suivants:  1*  Plolis  ;  2*  Malra; 
3*  Mélangela  (Tsipiana)  ;  4*  Ncstané  (Louka)  ;  5*  Élymla  Œévidi).  Ce  deroier 
appartenait  certainement  à  l'Orcboménie,  en  adoptant  même  ridcntincation 
probable  de  rÉIymia  de  Xènophon  avec  Lévidi.  — KcU  a  snpposé  {GoUinger 
Nachr.,  18U5,  p.  357)  rexislence  d'un  dème  appelé  Aléa,  qui  aurait  perçu  les 
amendes  dont  11  est  question  dans  l'Inscription  archaïque  retrouvée  \wv  nous 
{OulLde  Corr.  hellén.,  XVI  (1892),  pi.  XIX,p.t)83).  Danleisson,  Zu  griechischen 
Inschriflen,  p.  Il  {Erani,i.  il,  Upsal,  1897),combat  avec  raison  ceUe  hypothèse. 
Schwedeler.  De  rébus  Manlinensium  {Comnientationes  pMlologae  in  01. 
Ribbeek,  1888,  p.  3t>7). propose  les  cinq  noms  suivants  :  Neslané,  Maira,  Mélan- 
gein,  Pholzon,  Petrosaca.  Aucune  de  ces  combinaisons  ne  me  parait  valable. 


LB  TEUIUTOIRB  DE  L'ÉTAT   MANTLNKKN.  120 

englobe  plusieurs  hameaux,  sans  porter  le  nom  d'aucun  d'eux. 
Ainsi  à  Tégée,  la  plupart  des  noms  des  neul  dénies  ne  corres- 
pondaient pas  à  autant  de  localités  habitées  ;  c'étaient  des 
vocables  purement  ethniques  ou  mythologiques  qui  rappelaient 
le  plus  souvent  à  la  tribu  éparse  dans  ses  villages  le  souvenir 
d'un  ancêtre  commun  ;  c'étaient  plutôt  des  noms  de  famille 
que  des  expressions  géographiques.  Tels  par  exemple  les 
dèmes  des  Botachides  ou  des  Apheidantcs.  Si  Ton  en  concluait 
à  l'existence,  dans  la  plaine  de  Tégée,  de  Hotachos  ou  d'Aphcidas, 
on  se  tromperait  assurément.  De  môme  si,  par  un  raisonnement 
inverse,  on  veut  déduire  des  noms  de  villages  signalés  par 
Pausanias  ceux  des  dèmes  mantinécns,  on  n'aboutit  qu'à  des 
conclusions  insoutenables  à  tous  égards  et  d'une  topographie 
fantaisiste.  Seul  le  nom  des  Élisphasiens  semble  avoir  été  celui 
d'un  dème  :  l'importance  de  ce  groupe  était  assez  grande  pour 
qu'on  en  eût  fait  un  petit  État,  ce  qui  ne  serait  pas  arrivé  à  une 
simple  xwjjLTj  ;  enQn  sa  situation  particulière  explique  comment 
il  a  pu  se  détacher  de  Mantinée.  Plus  obscur  est  l'ethnique 
SxpavpwvcTç  révélé  par  l'inscription  d'une  borne  découverte  à 
Tsipiana(l):  était-ce  celui  d'un  x<»>pio^  ou  d'une  famille  (2)?  Gomme 
la  pierre  est  d'assez  basse  époque,  son  témoignage  est  peu 
concluant.  En  somme,  les  noms  des  agglomérations  rurales 
connues  de  la  Mantiniquc  sont  les  suivants  :  !•  Mélaugéia  ; 
2*»  Nestané  ;  3"  Maira  ;  4*»  Élisphasiou  ;  S"  Pétrosaca.  Quant  au 
Phoizon,  était-ce  un  lieu  dit,  ou  une  locaJité  ?  La  chose  reste 
incertaine.  Le  site  de  la  Ptolis  ne  semble  pas  avoir  été  habité  à 
l'époque  historique. 


(1)  Conze  el  Michaêlls.  Rapporlo,..   Annali,  18G1,  p.  2H,  27. 

(2)  Je  pencherais  pour  la  deuxième  iiypolhèse.  11  ne  s^agii  ail  alors  que  d'un 
terrain  particulier.  Voy.  une  borne  analogue,  trouvée  à  i'enlrëe  de  la  plaine 
deUuka  et  publiée  par  IMilchhdfer.  Ath.  Milh.,  IV,  p.  147. 


Manliiipe.   —  lO* 


CHAPITRE   III 


L  ASSIETTE   DE   LA    VILLE.    —    L  ENCEINTE   FORTIFIÉE. 


qui  délcrniinciil 

l'ftssieUe 

(le  la  Ville. 


Toules  les  voies  décrites  plus  haut  et  parties  des  dilTérentes 
frontières  aboutissaient,  après  avoir  desservi  leurs  dénies 
respectifs,  à  la  Ville,  centre  de  la  vie  politique  et  mercantile, 
refuge  suprême  de  la  population  en  cas  d'invasion.  La  Ville 
devait  donc  ré|)ondre  aux  conditions  d'un  camp  retranché  et 
d'un  marché  central  où  venaient  se  croiser  les  principales 
artères.  Le  site  propice  à  l'établissement  d'une  pareille  capitale, 
du  jour  où  la  Mantinique  passa  de  la  forme  archaïque  de  l'état 
xaTà  St^j/louç  à  celle  de  l'état  centralisé,  était  unique  dans  toute  la 
région.  Les  fondateurs  n'eurent  pas  à  en  discuter  longtemps 
le  choix. 

A  l'époque  préhistorique,  le  souci  de  la  sécurité  prévalait  sur 
les  intérêts  commerciaux.  Il  n'y  avait  pas  alors  de  grande 
agglomération  ;  les  habitants  vivaient  épars  dans  des  bourgades 
ouvertes,  sous  la  surveillance  et  sous  la  protection  d'un  château 
fort,  où  habitait  le  chef  avec  les  dieux.  L'art  encore  rudimen- 
taire  de  la  fortification  exigeait  pour  ces  acropoles  des  lieux 
élevés.  On  n'hésitait  pas,  à  cause  de  leurs  avantages  militaires, 
à  choisir  des  positions  excentriques,  comme  celle  de  Mycènes 
au  coin  de  l'Argolide.  C'est  pourquoi  les  contemporains  du 
légendaire  Manlineus  allèrent  asseoir  leur  Ptolis  sur  une  émi- 
nence,  au  N.  de  la  plaine  :  de  cette  plate-forme,  ils  surveillaient 
la  route  d'Orchomène.  Mais  cette  position  ne  répondait  plus 
aux  besoins  d'un  Ktat  centralisé.Aussi  la  légende  nous  apprend- 
elle  que  le  siège  de  la  vie  commune  fut  plus  lard  transféré  en 
un  endroit  plus  favorable,  sur  le  bord  de  l'Ophis,  à  l'instigation 


l' ASSIETTE   DE   LA    VILLE.    —    L*ENCKINTE    KOIITIFIKK.  131 

d'un  oracle.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  disculer  l'origine  et  la 
valeur  de  la  (able  d'Autonoé,  fondatrice  de  l'ancienne  Mantinéc. 
Mais  je  liens  pour  très  probable  que  reniplaccnicnt  de  celle 
première  capitale  corres[)ondait  à  celui  du  plus  gros  bourg  de 
la  plaine:  de  tout  temps  le  centre  elïcclif  de  la  vie  active  se 
trouvait  là,  au  débouché  de  toutes  les  vallées. 

Plusieurs  raisons,  topographiques  et  économiques,  imposè- 
rent, de  préférence  à  tout  autre,  le  site  qui  fut  adopté.  Ces 
raisons  se  ramonent  à  trois  chefs  :  conditions  d'habitabilité, 
éléments  de  prospérité  commerciale,  sécuirité. 

Les  conditions  d'habitabilité,  pour  un  grajid  can)[)  retranché  «•■ 

destiné  h  une  population  moyenne  de  20000  Ames,  variaient  d'un  ^^'ndiiion» 
point  à  l'autre  de  la  Mantinique  :  ce  que  nous  avons  dit  du 
régime  hydrographique  de  la  contrée  l'a  prouvé  surabon- 
damment. Les  lieux  élevés,  l'Alésion  ou  Icsrolcaiix  du  Méjiale, 
n'olîraient  que  des  échines  étroites  et  décharnées,  impropres  à 
toute  installation  de  quelque  imporlanre.  Il  fallail  donc  cberchor 
en  plaine  une  aire  plus  favorable.  La  pente  léj^vrc,  (|ui  entraîne 
du  cùté  du  Ménale  de  l'iilsl  à  l'Ouest  les  cours  d'eau  issus  de 
l'Artémision  et  de  l'Alésion,  interdisait  de  se  rapprocher  du 
Ménale,  dont  la  base  baigne. en  un  bas-fond  marécageux.  On 
devait  se  tenir  à  proximité  du  bourrelet  occidental,  c'esl-à-dire 
vers  la  partie  la  moins  basse  du  plan  incliné.  D'autre  part, 
comme  l'inclinaison  existe  aussi  du  S.  au  N.,  on  ne  pouvait  sans 
inconvénient  s'installer  trop  près  du  Mont  Anchisia,  dont  le  pied 
se  trouve  en  contre-bas  du  milieu  de  la  plaine.  De  même  la 
région  Sud,  voisine  de  l'entrée  de  laTégéalid(\  était  exposée, 
comme  on  l'a  vu,  aux  débordements  des  émissaires  légéales.  Le 
point  le  plus  favorable,  sous  le  rapport  de  l'écoulement  des 
eaux,  se  trouvait  donc  vers  la  naissance  de  l'Ophis,  au-delà  et 
au-dessus  des  kalavothres  où  se  déversaient  1ns  ruisseaux  de 
la  Tégéathie,  c'est-à-dire  dans  l'encoignure  abritée  et  circons- 
crite par  l'Alésion  et  la  butte  de  Gourlzouli  :  le  niveau  domine 
en  moyenne  de  4  à  5  mètres  celui  du  territoire  ambiant.  ' 

Sous  le  rapport  des  relations  avec  les  districts  de  la  plaine  et  s* 

avec  les  pays  limitrophes,  cette  position  ccMitrale  favorisait  ^"''^'^"  rcuawc. 
plus  que  toute  autre  les  transactions  commerciales.  Elle  était 
désignée  comme  l'agora  de  toute  la  Mantiniffue.  En  eilet,  en 
substituant  aux  bourgades  éparses  dans  la  [daine  une  capitale, 
il  fallait  éviter  qu'une  position  tro[)  excentrique  éloignât  les 
propriétaires  des  domaines  respectifs  où    1rs  appelaient  sans 


132  MANTINKE  ET   l'ARCADIE  ORIENTALE. 

cesse  leurs  intérêts.  De  plus,  là  s'étoilaU  le  carrefour  des  grandes 
roules  venues  du  dehors.  Ainsi,  l'hygiène,  ragricullure,  le 
commerce  et  la  politique  trouvaient  leur  compte  au  choix  de  cet 
emplacement.  Ajoutons  que  Talimentation  en  eau  potable  était 
assurée  par  les  belles  sources  de  Mélangéia,  amenées  en  ville 
par  un  aqueduc,  et  au  besoin  par  des  puits  creusés  à  Tintérieur 
de  l'enceinte. 
3o  Sous  le  rapport  de  la  sécurité,  le  problème  pouvait  être  faci- 

sccuriic.  lement  résolu.  Il  suffisait,  pour  se  garer  de  l'eau,  l'ennemi  le 
plus  redoutable,  de  creuser  en  travers  de  la  plaine  un  chenal 
transversal  de  protection  contre  les  rivières  de  la  Tégéatide,et  de 
rejeter  l'Ophis  hors  des  murs.  Les  constructeurs  de  l'ancienne 
Mantinée,  encore  inexpérimentés,  ne  surent  pas  prévoir  tous  les 
dangers.  Ils  crurent  bien  faire  en  laissant  passer  l'Ophis  au 
milieu  de  la  ville  comme  égout  et  comme  drain  d'un  terrain 
toujours  humide.  Ils  ne  s'avisèrent  pas  d'exhausser  leurs 
murailles  et  leurs  maisons  sur  un  socle  de  pierres  capable  de 
défier  les  inondations.  Les  ingénieurs  de  371,  instruits  par 
l'expérience,  ne  renouvelèrent  pas  ces  fautes.  Mais,  s'ils  perfec- 
tionnèrent les  délails  du  plan,  ils  ne  changèrent  pas  l'assiette  de 
la  Ville  :  les  raisons  (lui  avaient  prévalu  antérieurement  s'impo- 
saient à  titre  définitif. 

i;ui  compnris  de     Lcs  défcnscs  de  l'ancienne  Mantinée,  construites  à  l'époque 
lAmiennc      (]u  synœcismc  au  V«  siècle  et  détruites  en  385  par  Agésipolis, 

pt  (le  laNonveiio  (^Qnsistaicnt  en  un  rempart  de  briques  crues  que  l'Ophis  traver- 
sait de  part  en  part  et  que  perçaient  les  trois,  les  quatre  et  les 
cinq  chemins  auxquels  l'oracle,  cité  par  Pausanias  (1),  fit  allu- 
sion. C'est  tout  ce  que  l'on  en  sait.  Le  tracé  général,  l'étendue 
(lu  périmètre  ne  peuvent  plus  être  reconnus.  Les  Lacédémo- 
niens  firent  table  rase  de  cette  enceinte  :  Ix  oï  toutou  xaOYïpéOTj  [xèv 
To  T670Ç  (2).  A  supposer  qu'il  en  subsistât  quelques  traces, 
elles  disparurent  définitivement  dans  les  travaux  de  recons- 
truction en  371. 

Si  le  rapport  entre  les  dimensions  de  la  Vieille  et  de  la  Nou- 
velle Mantinée  demeure  indéterminé,  il  n'est  pas  douteux  que 
le  site  primitif  ait  été  conservé.  Les  restes  d'inscriptions  anté- 

(1)  Paus.  VIII,  9,  2.  ....   xaTaycîv  cU  a<TTu  èpavv<Jv, 

ou  TpioBoç  x,ol\  TeTpâoSoç  xal  'TtevTaxéXeuOoç. 

(2)  Xen.  Hellen.  v.  2,  7. 


l'assiette  de   la  ville.    —  L*KNCKINTR   KORTIFIKE.  133 

rieures  au  IV®  siècle,  les  débris  d'édifices  religieux  à  qui  le 
style  des  chapiteaux  et  des  colonnes  assigne  une  date  contem- 
poraine du  V«  siècle  et  parfois  plus  reculée  encore,  attestent 
que  les  temples  et  les  sanctuaires  échappèrent  à  la  démolition 
systématique  imposée  par  le  vainqueur  :  Tœuvre  du  diœcisme 
respecta  les  dieux.  L'enceinte  nouvelle,  d'un  circuit  probable- 
ment plus  vaste  que  le  tracé  précédent,  enfermait  le  môme 
terrain  ;  le  plan  fut  remanié  et  agrandi  ;  mais,  comme  il  n'était 
pas  transféré  sur  une  autre  assiette,  qu'il  s'agissait  plutôt  d'une 
restauration,  il  ne  fut  pas  nécessaire  de  procéder  à  une  fonda- 
tion et  h  une  consécration  rituelles,  comme  à  ISÎégalopoiis  et  à 
Messène  (1).  La  Nouvelle  Mantinée  se  superposa  donc  à  l'an- 
cienne, enfermant  dans  le  cadre  neuf  de  ses  remparts,  de  ses 
édifices  et  de  ses  maisons  modernes,  les  resles  vénérables  qui 
la  reliaient  au  pa.ssé. 

Les  fortifications  de  371  ont  traversé  les  siècles  sans  subir 
de  remaniement  fondamental,  comme  cela  est  arrivé  à  l'enceinte 
de  Mégalopolis,  détruite  et  rebâtie  à  plusieurs  reprises  (2).  Le 
démembrement  de  222  atteignit  les  personnes  et  les  biens 
mobiliers,  sans  toucher  aux  édifices  publics,  aux  habitations 
privées  ni  aux  ouvrages  militaires.  La  po[)ulation  achéenne 
implantée  par  Aratus  et  par  Antigone  Doson  a]>|H)rlait  seulement 
une  personnalité  civile,  un  nom  et  une  constitution  d'emprunt  : 
mais  à  la  cité  transformée  la  ville  survivait,  comme  par  l'oITet 
d'une  métempsychose  qui  aurait  renouvelé  l'ame  en  respec- 
tant le  corps. 

Les  resles  de  l'enceinte  élevée  par  Lycoinèdcs  avec  l'aide  Reronsiruciion  dt- 
d'Épaminondas  olTrenl  donc  un  intérêt  particulier.  Ils  nous  i*  viiie. 
représentent  une  œuvre  homogène,  conçue  et  exécutée  d'un 
seul  jet,  où  se  révèle,  en  matière  de  fortification,  le  style  d'une 
époque  déterminée.  C'est  un  des  rares  débris  de  ce  genre  (|ui 
soit  rigoureusement  daté.  Ces  lignes  île  roniparls,  arasées 
presque  à  fleur  de  sol,  s'étalent  sur  le  terrain  comme  un  plan 
sur  le  papier.  On  y  lit  la  pensée  des  constructeurs,  les  néces- 
sités et  les  moyens  de  la  guerre  de  siège  à  leur  éi)0(fue,  les 
habitudes  de  précision  et  de  raisonnement  introduites  dans 
l'art  militaire,  en  substituant  à  l'appropriation  arbitraire  et  plus 

(1)  Paus.  VHl,  27.  6.  Sur  le  cérémonial  delà  fondation  de  Messène,   voy. 
Pausan.  iV,  27,  3,  4. 

(2)  Loring.  Excavations  at  Uegalopolis,  1892,  p.  112. 


134  MANTINKR  ET   L'aRCADIE  ORIENTALE. 

OU  moins  habile  des  accidênls  naturels  les  ressources  du  calcul, 
le  travail  rationnel  et  logique  de  l'esprit,  les  conclusions  pra- 
tiques de  Texpérienre.  Celte  méthode  plus  hardie  affranchissait 
riiomme  du  sol  en  qui  il  s'élait  habitué  jusqu'alors  à  chercher 
son  premier  déleiiscur.  Par  ces  moyens  artificiels  on  réussit 
à  assurer  h  des  agglomérations  considérables  les  bienfaits  d'un 
étiiblissement  conforlahle  et  fixe,  et  la  sécurité  de  l'existence 
en   des    lieux    qui    n'auraient    point  paru  jadis  susceptibles 
d'offrir  à  de  LcUes  mulliludcs  un  abri  permanent.  On  put  ainsi 
prolonger  la  vie  politique  de  tribus,  qui,  laute  d'acropoles  for- 
tifiées par  la  nature,  se  trouvaient  exposées  à  de  perpétuelles 
surprises  et  à  des  combats  meurtriers. 
<oti  imiKirinncf       La  rcconstruction  de  Mantinée  après  la  bataille  de  Leuctres  ne 
sirnirKiqiip.     devalt  pas  seulement  réparer  l'iniquité  de  38;ï.  Elle  faisait  partie 
d'un  plan  stratégique  destiné  à  préserver  à  l'avenir  la  Grèce 
contre  les  tentatives  de  Sparte  par  l'établissement  d'un  solide 
boulevard  qui  emprisonnerait  dans  sa   vallée  la  belliqueuse 
nation.  Pour  constituer  ce  boulevard,  Epaminondas  comptait 
établir  une  série  de  camps  retranchés  autour  de  la  Laconie, 
depuis  la  Messénie  jusqu'en  Argolide,  avec,  sur  l'arrière,  une 
réserve  de  peuples  armés,  l'Elide,  l'Achale,  Phlious,  que  Thèbes 
soutiendrait  seule  ou  avec  le  concours  d'Athènes.  De  cette  bar- 
rière de  l"""  ligne,  deux  unités  exivStaient  :  Argos  et  Tégée  ;  deux 
autres  devaient    être  reconstituées,  Mantinée  et   Messène,   et 
l'autre  créée  de  toutes   pièces,    Mégalopolis.    Ces   forteresses 
devaient  concentrer  les  forces  armées  des  peuples  préposés  à  la 
garde  des  marches  ])élo[>onnésiennes,  assurer  la  sécurité  aux 
habitants  des  plaines  limitrophes  de  la  Laconie,  constituer  en 
temps  de  paix  le  foyer  de  leur  vie  nationale,  le  soutien  de  leur 
prospérité  matérielle;  en  temps  de  guerre,  leur  permettre  d'or- 
ganiser  promptement  en  milices   la    population   agglomérée, 
«l'offrir  en  un  mot,  en  attendant  l'intervention  des  États  alliés  de 
la  seconde  ligne,  toutes  les  ressources  offensives  et  défensives 
qu'on  demande  aux  places  fortes  pourvues  d'une  nombreuse 
garnison  et  de  ressources  abondantes. 
u  noiivrnii         Construits  en  vue  de  ce  rôle  particulier,  ces  camps  retranchés 
Lfiic  ih-rniHif  :  (levaient  présenter  un  système  défensif  mieux  combiné  et  plus 
i«  riin.iiii..s     (.^j|,(ji.cni  que  les  villes  qui  s'étaient  développées  d'abord  en  toute 
nr.v|»oie.    jji^gpjji  gy^Qm.  (jç  ig^p  acropolc  préhistorique  et  qu'il  avait  fallu 
sur  le  tard  munir  d'une  clôture  protectrice.  Au  IV®  siècle,  les 
acropoles    féodales  avaient  fait  leur  temps.    Elles    n'avaient 


L'aSSIKTTE   de   la   ville.    —  lV.NCKINTK   FORTinÊE.  135 

plus  de  raison  d'être  dans  de  grandes  villes  déinocraliques 
entourées  de  bons  murs.  Si  Tassaillant  avait  réussi  à  forcer  le 
rempart,  les  rues  devenaient  autant  d'acropoles  qu'il  lui  fallait 
disputer  pied  à  pied.  Une  fois  maître  des  rues  et  de  l'agora,  il 
tenait  le  principal  :  ce  n'était  pas  une  poignée  d'hommes  con- 
finée dans  un  réduit  qui  aurait  pu  remoltre  en  question  sa 
conquête.  Presque  inutiles  contre  un  ennemi  extérieur,  ces 
citadelles  risquaient  en  revanche  de  compromeltre  Tordre  inté- 
rieur en  offrant  un  repaire  aux  factieux  <lc  loutes  sortes,  aris- 
tocrates sans  scrupules,  ou  démagogues  aspirant  à  la  tyrannie. 
Quiconque  méditait  un  coup  d'État  commençait  par  se  saisir  du 
chûteau-fort  d'où  il  répandrait  la  menace  et  la  terreur  sur  la 
ville  entière.  Épaminondas  savait  que  la  Cadmée  avait  plus 
contribué  à  l'asservissement  qu'à  la  liberté  de  Thèbes.  Il  jugea 
superflu  de  fournir  une  arme  aux  tyrannies  fulures:  ni  Messcnc, 
ni  Mégalopolis,  ni  la  Nouvelle  Mantinéc  ne  furent  pourvues 
d'une  citadelle  (1). 

En  conséquence,  c'était  par  un  tracé  général  judicieux  et  comp«riii$on 
savant  que  les  ingénieurs  de  371  devaient  compenser  à  Mantinée  ''^«*<*  M'-ssènc  n 
l'absence  d'acropole.  Plusieurs  nécessités  contradictoires  s'im-  ^•••?"'"H's- 
posaient  à  eux  :  la  solidité,  l'étendue,  récononiie,  la  rapidité.  A 
Messcne,  qui  est  leur  chef-d'œuvre,  ils  trouvaient  dans  le  terrain 
un  auxiliaire  inappréciable  dont  ils  surent  tirer  un  parti  mer- 
veilleux. Le  mur  presque  partout  suit  les  os(}ir|)ements  «lu  roc; 
il  ne  fait  que  couronner  le  retranchement  nahirel.  La  pierre  se 
présentait  à  pied  d'œuvre.  Aussi  l'enceinte  de  Messène,  toule 
en  pierres  parfailement  appareillées  et  joinloyées,  excih».  telle 
une  juste  admiration.  Mais,  elle  n'est  ni  bien  haute  ni  bien 
épaisse  :  2^,50  d'épaisseur,  4^,50  de  hauteur  aux  courtines, 
8™,50  aux  tours.  En  ménageant  ainsi  ces  matériaux  excellents 
et  cette  main  d'œuvre  dispendieuse,  on  avail  compté  sur  les 
pentes  abruptes  de  l'ithùme  qui  rendaient  in»|)ossible  une  alla- 
que  par  les  machines  de  guerre.  Du  haut  du  chemin  de  ronde, 


(1)  Le  sommet  de  rithôme  porte  les  traces  de  murs  1res  anciens,  qui  peu- 
vent avoir  appartenu  soit  à  une  acropole  ptéliislorique,  soit  au  péribolc  du 
sanctuaire  de  Zeus  niiôinatas.  A  Mantinée,  la  colline  de  Gourtzouli,  que  la 
plupart  des  voyageurs  ont  idenUPu^e  avec  la  Flolis  (v.  p.  117)  fut  résolument 
Inissée  de  côté.  L'ancienne  acropole  de  Tëgéc,  Installée  sui  la  colline  d'Ilnglos- 
SosUs,  était  assez  éloignée  de  la  ville;  elle  servait  plulùt  de  poste-vigie.  1^ 
butte  de  Mertsaousi,  plus  voisine,  ne  semble  pas  avoir  été  utilisée  pour  la 
défense,  pas  plus  que  celle  de  Gourtzouli  à  Mantinée. 


136  MANTINÉB   BT   l'aRCADIE  ORIENTALE. 

couronnant  les  crêtes  rocheuses,  les  hoplites  armés  de  la  longue 
lance  dorienne  et  les  gens  de  trait  suffisaient  à  empêcher 
Tescalade. 

A  Mégalopolis,  les  ondulations  légères  de  la  plaine  fournis- 
saient au  mur  une  levée  irrégulière  dont  les  constructeurs 
s'empressèrent  de  profiter.  Les  deux  quartiers  de  la  ville,  sépa- 
rés par  rilélisson,  ont  pour  assiette  deux  plateaux  jumeaux 
dont  le  rempart  couronne  les  talus  extérieurs  (1).  Mais,  comme 
ces  talus  sont  à  pentes  extrêmement  faibles  et  douces,  le  rem- 
part devait  être  jilus  épais  et  plus  élevé  qu'A  Messène  (2). 

La  situation  de  Mantinée  était  un  peu  différente.  Là  le  terrain 
se  présentait  presque  absolument  plat,  avec  des  variations  de 
niveau  à  peu  près  insensibles.  Pas  d'ondulations  naturelles 
suffisantes  pour  inffuencer  le  tracé.  On  disposait  d'un  plan 
horizontal,  qui  laissait  toute  liberté  à  la  géométrie  des  ingé- 
nieurs. Dans  ces  conditions  quasi-théoriques,  c'était  à  eux 
d'imaginer  la  figure  la  mieux  appropriée  à  une  clôture  à  la  fois 
spacieuse,  économique  et  résistante. 
Analyse  Qucl  était  donc  le  tracé  général  le  plus  avantageux?  Un  tracé 

lu  iian^  K«»éi«i.  polygonal  ou  en  lignes  brisées,  présentant  une  série  de  saillies 
Avaninges      anguhiircs  et  de  retraits,  eût  été  de  mise  sur  un  terrain  acci- 

Tiinniix  "P""  jç,^^;^  (Iqj^^  ij  eût  ^i^  avantageux  de  suivre  les  crêtes  ou  les 
talus.  Mais  sur  un  sol  plat,  une  figure  circulaire  se  recomman- 
dait par  l'économie,  parce  que,  pour  enclore  une  vaste  super- 
ficie, c'est  celle  qui  exige  le  moindre  développement; — par 
la  facilité  des  communications  intérieures,  parce  qu'elle  masse 
tous  les  quartiers  à  peu  près  à  égale  distance  du  centre  et 
permet  de  faire  rayonner  les  grandes  voies  intérieures  du  cœur 
à  la  périphérie  et  de  les  relier  entre  elles  par  des  zones  de 
rues  concentriques,  sans  qu'il  y  ait  de  coins  perdus  ;  —  enfin, 
par  la  commodité  de  la  défense,  parce  qu'elle  présente  partout 
à  l'ennemi  un  front  étendu,  qu'il  ne  peut  attaquer  à  la  fois 
que  d'un  côté,  et  cela  sans  espoir  de  cacher  ses  mouve- 
ments. Au  contraire,  les  saillies  angulaires  lui  sont  favorables  ; 
il  peut  les  inquiéter  des  deux  côtés  ou  survenir  à  l'improvisle 
sur  une  face  sans  être  aperçu  de  l'autre.  De  plus,  elles  compli- 
quent et  gênent  la  circulation  rapide  des  défenseurs  sur  le 

(1)  Voir  la  carte  dressée  par  Loring.  Excavations  of  Mégalopolis,  pi.  I. 

(2)  Les  débris,  qui  en  subsistent,  quoique  fort  muUlés,  permettent^d'aflirmer 
que,  comme  à  Tégée  cl  à  ManUnée,  le  corps  du  rempart  était  de  brique  crue 
Riir  un  socle  en  pierres  de  taille. 


rirciilnire. 


L  ASSIETTE   DE  LA   VILLE. 


L  ENCEINTE   FOIITIFIKK. 


137 


chemin  de  ronde  et  déconcertent  la  survoillnn(-e  en  s'intcrpo- 
sant  comme  des  écrans  entre  les  diiTércnles  ])ailies  du  pourlour 
surveillé.  Enfin,  les  angles  saillants  olTrenl  aux  coups  du  bélier 
autant  de  points  faibles.  Pour  toutes  ces  raisons,  les  auteurs 
anciens  qui  ont  traité  de  la  fortific^ition  préconisent  les  tracés 
arrondis  et  Vitruve  en  particulier  en  délinit  nettement  les 
mérites  :  «  Collocanda  autem  oppUla  mut  non  quadrala,  lier, 
pi'ocurrentilms  angnlia,  scd  circmtionibnx,  uti  hou  lis  ex  plnrihiifi 
lacis  conspiciatur.  In  quihus  enim  anguli  procurrunl,  (lilJicuUer 
defenditiir,  quod  angulus  magis  hostcni  tuetuv,  qumn  cire7n(\).  » 

Les  constructeurs  de  Mantinée  ont  donc  adopté  un  plan  cir- 
culaire. Leur  dispositif  se  signale  par  cette  simplicité  logi(|Uc 
de  l'ordonnance  commune  aux  ouvrages  liciiéniffues  :  pas  de 
vaine  complicaticm  ni  de  subtilité  coûteuse.  Tous  les  détails 
sont  raisonnes  et  tendent  à  leur  (in  par  les  moyens  les  plus 
sobres. 

Entre  toutes  les  courbes,  une  figure  ovale,  aux  f)ointcs  légcrc- 
mcnt  aplaties,  a  obtenu  la  préférence,  pane  qu'elle  ne  com- 
])orte  pas  des  convexités  aussi  saillantes  que  la  circonférence 
du  cercle  et  que,  par  suite,  les  arcs  du  front  étant  moins  en 
retrait  les  uns  sur  les  autres,  ne  se  dérobent  pas  aussi  brusque- 


^^ 


Avniilniff's 

|iartinilicrs  «Ir 

r«»vnlr  n 

rivin.'illliMT 


a.  —  Schéma  du  trace  générni . 


Kig.  <9. 


h.  —  Porir  C  (élul  aclm-l). 


ment,  mais  restent  dans  lecliampde  la  vue  sur  une  plus  grande 
longueur,  ainsi  que  la  zcme  menacée  qui  les  (îutourc.  La  courbe 
elliptique  est  donc  tracée  de  façon  que  les  langeul.es  soient 
presque  parallèles  aux  divers  arcs.  Partout  les  convexités 
sont  amorties  et  allongées  autant  ((ue  possible  vers  la  ligne 
droite.  Le  tracé  général  représente  ainsi  une».  elli|)se  qui  ten- 
drait au  polygone.  Mais  un  ingénieux  système  de  sectiounemeni 
permettait  de  reporter  sur  les  solutions  de  continuité  néces- 


(I)  I,  5,  41. 


138 


MANTINKE   ET   L  ARCADIR  ORIENTALE. 


saircs,  c'esl-à-cJii  o  sur  les  portes,  les  brisures  que  cette  tendance 
(levait  forcément  produire,  de  racheter  les  angles  par  des  vides 
savamment  appiopriés  à  leur  rCAe  pratique  et  de  ramener 
ainsi  à  la  courbe  les  eûtes  entraînés  à  la  divergence,  sans  créer 
de  dangereuses  saillies.  On  remarquera,  en  eflet,  que  chacun 
des  10  segments  compris  entre  les  portes  a  Tune  de  ses  extré- 
milés  en  dehors,  Tautre  en  dedans  de  la  courbe  générale.  Cet 
inlelligent  dispositif  maintenait,  malgré  Taplalissement  des 
arcs,  le  principe  du  tracé  oval  et  assurait  aux  portes  précisé- 
ment-l'orienlalion  la  plus  favorable  à  la  défense,  comme  on  le 
verra  j)lus  loin. 


Fig.  ÎO. 
Rempart  de  Manlinée  (arc  B  G). 


On  observera  aussi  ((ue  la  section  la  plus  pointue  de  Tovale, 
celle  où  la  courbe  décrit  les  saillies  les  plus  accentuées,  regarde 
le  Nord.  C*élait  le  coté  que  menaçaient  le  moins  une  surprise 
et  un  grand  elTort  de  l'ennemi,  qui  venait  d'ordinaire  par  le 
Sud  et  qui,  au  Nord,  se  serait  trouvé  gêné  par  la  proximité  de 
la  butte  de  Gourtzouli.  (]'est,  de  plus,  la  partie  la  plus  basse,  par 
où  s'écoulaient  dans  TOphis,  les  eaux  de  la  ville.  Le  ruisseau 
bien  alimenté  (!()nstituait  de  ce  côté  une  bonne  défense  qui  a 
permis  de  donner  au  remf)art  une  courbure  plus  prononcée. 
Au  contraire,  au  Sud,  le  front  ((ui  fait  face  à  la  Tégéatide  est 
pres((ue  rectiligne. 


l'assiette   de  la   ville.    —    L'ENCF.INTK   FOnTIFIKK.  139 

Telle  est  la  figure  du  tracé.  Quant  à  la  shiiclurc  du  rouiparl 
et  aux  diverses  combinaisons  défensives,  elles  soûl  aussi  Irî's 
simples.  La  guerre  de  siège  était  encore  dans  Tenfance,  en 
(îrèce,  au  IV«  siècle.  L'usage  de  rartilleric  do  guerre,  cafapulles 
et  lithoboles,  ne  devait  s'introduire  dans  les  aiinces  grecques 
qu'après  Philippe.  Les  niétliodes  usuelles,  longues  et  aléatoires, 
se  réduisaient  ù  Tinvestissement,  à  Tescalade  par  échelles  ou  par 
rampes  d'accès,  à  l'attaque  par  le  bélier  ou  la  lorLuc  (1).  C'étail 
il  l'investissement  qu'Agésipolis  avait  eu  recours  en  'J8;5.  Les 
constructeurs  de  Manlinée  n'eurent  donc  qu'à  a|)pro|)rier  les 
moyens  de  la  défense  aux  moyens  encore  assez  rudimenlaires 
dont  l'attaque  disposait  à  leur  époque.  Ils  se  contentèrent  d'une 
enceinte  unique  flanquée  de  tours.  Ils  suppléèrent  à  l'absence 
de  défenses  naturelles  par  la  dérivation  de  l'Ophis.  Au  lien  de 
traverser  la  ville,  la  rivière  fut  divisée  en  deux  bras  qui  se 
rejoignaient  en  amont,  vers  le  N.-O.,  après  avoir  entouré  le  pied 
du  rempart  d'un  fossé  extérieur.  Xénophon  le  représente 
comme  très  large  :  àTcej^uxyc  xbv  féovTa  ?roTa|i.bv  Sià  tyjç  ttoXswç  p.àX' 
civTa  eùfJLEYéÔTi  (2). 

Ce  n'est  plus  aujourd'hui  qu'une  rigole  prescpie  toujours  à  sec, 
sauf  aux  environs  de  la  source  Varéli.  La  largeur  nu)yenne 
actuelle  est  de  1  m.  à  1  m.  50.  Comme  aujourd'hui,  un  faible  lalus 
de  quelques  mètres  d'étendue  séparait  le  cours  d'eau  du  pied  du 
mur.  La  forme  et  la  largeur  du  fossé  devaient  être  assez  irrégu- 
lières, suivant  les  variations  dans  le  débit  de  la  rivière  ('^). 

Les  voyageurs  précédents  qui  avaient  exploré  les  ruines  <le  dimensions 
Manlinée  n'étaient  pas  munis  des  instruments  nécessaires  pour 
entreprendre  et  mener  a  bien  le  relevé  exact  et  complet  d'une 
aussi  vaste  enceinte.  Le  plan,  que  j'ai  relevé  en  mesurant  à  la 
roulette  tour  par  tour  toutes  les  parties  du  rempart,  et  ((ue 
M.  de  Billi  a  complété,  pour  les  grandes  dislances,  par  des 
mesures  prises  au  tachéomètre,  annule  par  consé([uent  les  cro- 
quis  (le  Gell  et  de  Pouqueville,  et  les  évaluations  ap])roximatives 
de  la  Commission  de  Morée,  de  Leake,  Koss,  Curtius,  etc. 

(1)  Les  tours  d'allaque,  et  les  hélèpoles  empruntées  par  Dcnys  rAncicn  aux 
Carthaginois  et  employées  par  lui  au  siège  de  Motyc  vn  .'{97,  n'élaicnt  pus 
encore  connues  dans  le  Péloponnèse  (Diod.  XIV,  1^,  1U).  Cl,  le  siè;e  de 
Périnthe  par  Philippe  en  340  (Dlod.  XVI,  74). 

12)  Xen.  HcUén.  V,  2,  4. 

(3)  \ja  prétendue  digue  d'AgésipoIls  dont  Gell  croit  avoir  retrouvé  les  traces 
au  N.-O.  de  l'enceinte  n'a  laissé  aucun  vestige  et  nVi  cerlaincmcnt  pas  dû  être 
conservée. 


du  tracé. 


140  MANTINÉE  ET   l'aIIGADIE  OtllBNTALR 

Le  périnuMre  do  Manliiiéc  iic  coiislilue  pas  une  figure  géonié- 
ln((ue  n'îgulirie.  La  forme  générale  est,  cependant,  très  voisine 
de  Tcllipse.  I^e  grand  axe  est  orienté  suivant  la  ligne  N.  S.  H 
mesure,  de  la  i)orle  15  à  la  porte  II  (mesures  prises  sur  les  arêtes 
extérieures  des  courtines)  i'S^^  mètres.  Le  petit  axe,  passant  par 
le  c(Mé  S.  de  TAgora,  mesure  1087  mètres.  Le  centre  fictif  de  la 
figure  tombe  à  une  soixantaine  de  mètres  au  S.  0.  du  théAtre. 
Le  circuit  mesure  .'Jî)12  mètres,  entourant  une  superficie  évalua- 
ble h  1240000  mèlres  airrés. 

Les  cliiiTres  fournis  par  les  voyageurs  modernes  sont  très 
divers.  (îell  attribue  à  son  plan  un  tracé  absolument  circulaire; 
le  rayon  de  son  cercle  étant,  d'après  Téchelle  jointe  à  son  esquisse, 
de  212;')  pieds,  soit  f»;)4  m.  50,  la  circonférence  de  la  ville  mesu- 
rerait 13.14;i  j)ieds  anglais  soit  4067  m.  40.  Puillon-Boblaye  évalue 
la  longueur  de  Tenceinte  à  3250  mètres,  ou  18  stades  de  180  m. 
1)0  c.  (?).  Ross  a  calculé  d'après  le  nombre  des  tours  et  la  lon- 
gueur des  (îourliues.  il  obtient  pour  résultat  un  total  de  28  à  30 
slades,  soit  près  de  5000  mètres  (1).  Leake  estime  que  la  figure 
elliptique  de  Tenceinte  équivaut  à  un  cercle  ayant  1250  yards 
(1142  m.  50)  de  diamètre,  soit  deux  milles  anglais  et  quart 
(3010  m.)  de  circonférence. 

En  convertissant  en  stades  grecs  communs  de  185  m.  le  chiffre 
que  nous  avons  établi,  nous  obtiendrons  une  mesure  totale  de 
21  stades,  soit  moins  de  la  moitié  de  Tenceinte  de  Mégalopolis, 
évaluée  à  50  stades  par  Polybe  ;  ou,  en  stades  olympiques  de 
192  mèlres,  20  slades  et  318  pieds. 
1^  icin|i,nri.  Derrière  le  fossé  courait  une  légère  levée  de  terre,  couronnée 
])arle  mur.  Los  assises  de  celui-ci  reposent  directement  sur  le 
sol  superficiel,  ainsi  que  je  m'en  suis  assuré  par  des  sondages. 
H  n'y  a  pas  de  fondalions  profondes;  On  n'a  môme  pas  cherché 
à  atteindre  la  couche  dure.  Leremj)art  ne  plonge  pas  de  racines 
dans  le  sol.  SouvenL  à  50  centimètres  au  dessous  du  niveau 
actuel,  on  arrive  à  sa  naissance.  Curlius  paraît  donc  s'être  laissé 
tromper  par  les  apparences,  lorscju'il  écrivit:  die  Mauer  ûberall 
schr  tief  lieyt  (2).  Kn  réalité ,  cette  absence  de  profondeur  a 
quelque  chose  d'insolite:  en  tout  autre  endroit,  elle  eût  constitué 
une  grave  imprudence.  Les  traités  spéciaux  sont  très  explicites 
à  ce  sujet  : 

(1)  Revien,  p.  i2;>. 

(2)  Pelop.  1,  p.  237. 


l'assiette  de  la  ville.  —  l'enceinte  FORT! fiée.  141 

Plîilon  de  Byzance  (II™®  siècle  avant  J.-C),  dans  son  Encjfrlo- 
pédie  mécanique,  traduite  par  MM.  Graux  et  de  Hoclias  d'Aiglun, 
écrit  :  ((  Ponr  bâtir  des  tours,  il  faut  commfnccr  par  creuser  jus- 
qu'au roc,  ou  bienjusquà  l'eau,  ou  bien  jusqu'à  un  sous-sol  présen 
tant  une  certaine  sûreté,  puis  consolider  le  lieu  le  mieux  possible  et 
y  établir  les  fondations  avec  du  gypse,  afin  d'évitor  qu'on  ne  fasse 
tomber  les  murs  en  les  attaquant  dans  les  fondations  et  qu'on  ne 
passe  en  galerie  de  mine  par  dessous  les  remparts  ».  De  m  unie  Vitru  ve 
(I,  5,  40)  :  ((  Tune  turrium  murorumque  fuiulamrnta  sic  sunt 
facienda  uli  fodianfur  (si  queant  inveniri)  ad  solidum,  et  in  solido 
(quantum  ex  amplitudine  operl^  pro  ratione  mleatur)  crassltudine 
aînpliorc  quam  parietum  qui  supra  terram  sunt  futur!,  et  ea  implean- 
tur  quam  solidissima  structura  p. 

Si  les  constructeurs  de  Mantinée  ont  niécoinui  ces  principes, 
ce  n'est  ni  par  légcreté  ni  par  ignorance  des  rcglcs  de  Tari. 
1^  catastrophe  de  [iHlj  leur  avait  appris  les  iiiconvénienis  d'un 
rempart  mal  assis.  Ils  ont  donc  agi  de  propos  délibéré.  VA,  de 
(ait,  ils  avaient  constaté  que  le  sous-sol  nianlinéen,  baignant 
dans  une  nappe  phréatique,  ne  comporte  (juc  des  fondalions 
superficielles.  Ces  conditions  mettaient  leurs  ouvrages  à  rai)ri 
des  travaux  de  mine,  car  les  galeries,  mémo  en  supposant 
rOphis  détourné,  auraient  été  aussitôt  noyées  que  creusées. 

Le  mur  actuel,  vu  du  dehors,  montre  une  succession  de  cour- 
tines et  de  tours  de  flanquement  dont  Tappareil  extérieur,  la 
plupart  du  temps  trapézoïdal,  parfois  reclani^ulaire,  présente 
une  certaine  unilormité.  On  rencontre  d'abord  comme  front 
(fjLÉTWTTov)  un  parement  externe  en  gros  blocs  de  calcaire  blanc, 
tiré  de  l'Alésion  (1),  répartis  suivant  les  varialions  de  niveau 
du  sol  ambiant,  sur  2,  3  et  4  assises  horizontales.  Le  lit  inférieur 
qui  sert  de  fondation  (0£|i.ÉXia)  est  fait  de  pierres  plus  petites  et 
à  peine  dégrossies.  Les  assises  émergentes  consistent  en  une 
rangée  de  pierres  de  dimensions  variables,  (|ui  atteignent  par- 
fois plus  d'un  mètre  1/2  de  longueur,  sur  une  hauteur  moyenne 
deO  m.  65.  La  profondeur  ou  épaisseur  dilîère  ;  mais  elle  se  tient 
dans  une  moyenne  deO  m.  40  à  0  m.  50.  Tous  les  3  ou  4  mètres, 
à  l'assise  supérieure,  des  blocs  sont  placés  en  travers  et  ne  pré- 
sentent au  dehors  que  leur  front  le  plus  étroit.  Ils  s'engagent 
ainsi  dans  la  maçonnerie  intérieure  qu'ils  contribuent  à  main- 


(1)  La  dislance  entre  la  montagne  et  le  mur  oriental  n(^  ^l(^p;lsso  guôio  :iOO 
mètres. 


142 


MANTINKK    KT   L  ARCADIK  OiUENTALE. 


tenir.  Les  pierres  sont  posées  à  joînls  vils,  sans  trace  de  mortier 
Jii  de  ciment.  Lîi  face  externe,  qui  regarde  la  campagne,  est 
épannelée  et  légèrement  bomhéc;  la  face  interne  est  seulement 
dégrossie  d'une  manière  irrégulière.  Dans  les  interstices  des 
joints  se  giiss(Mit  parfois  des  moellons  qui  font  olTice  de  bouche- 
Irous  (1).  I^a  hauleur  dereuscmble,  mesurée  à  partir  du  sol,  varie 
suivant  les  dépressions  ou  les  ondulations  légères  du  talus  qui 
relie  la  base  du  mura  l'Opbis;  elle  s'élève  en  moyenne  à  1  m.  ou 


l'ig.  îi. 

Appareil  d'une  coiirliii«  —  reinpnrl  Siid-I^l.  — 
(d'après  iinr  pliologrnphio  de  ^ln^titlll  nrclicologiqiie  iillenmnd). 


1  m.  80,  et  parfois  est  j)resque  nulle,  aux  endroits  que  la  culture 
et  la  cbute  du  rempart  en  argile  ont  exhaussés.  On  se  rendra 
compte  de  ces  détails  sur  la  photographie  ci-jointe,  qui  repré- 
sente Tapparcil  crune  courtine  aux  environs  de  la  porte  G. 
Le  corps  du  rempart  en  brique  sécliée  au  soleil   devait  être 


(t)  A  Aliicncs.  Ici  élait  rapparcil  des  Longs-Murs.  Le  fronl  seul  clail 
ravalé  et  paré  au  ciseau  le  long  des  joinis;  les  intersUces  de  l'aulrc  faco  êlaient 
comblés  avec  des  pierres  serrées  par  des  coins  en  l)ois  d  olivier.  De  même  à 
Eleusis.  (Clioisy.  ihudes  épigraphiques  sur  l'Architecture  grecqtie,  p.  217).— 
Cf.  la  photographie  de  la  lour  de  Scopé.  (Journ.  ofhellen.  Stml,  18D5,pI.IlI),clles 
gravures  de  Ulouet.  (i:x|»édillou  de  Morée.  Arclntecluve^  I.  II,  pi.  53.  fig.  1  el  2). 


L* ASSIETTE  DE   LA   VILLE.    —   l'kNCEINTK   KOIITIKIKK.  143 

massif  (1).  En  efîel,  rhomogéiiéilé  de  cetlo  niasse  cugileusc  de 
plus  de  4  mètres  d'épaisseur  élail  la  condition  nécessaire  de  sa 
stabilité.  Il  me  semble  probable  aussi  que  les  i)arois  <lii  iniii' 
suivaient  une  coupe  légèrement  pyramidanle,  en  d'aulres 
termes  que  la  crête  était  un  peu  moins  large  que  ia  base,  (le 
profil  en  talus  me  paraît  commandé  par  la  nature  des  maté- 
riaux. 

Quant  à  la  superstructure,  chemin  de  ronde  et  para|)et(7râpooo;), 
il  n'en  subsiste  aucun  vestige,  llégnait-il  au  sommet  du  mur 
une  galerie  couverte  d'un  toit,  comme  celle  des  murs  d'Alliènes 
et  d'Eleusis,  restaurée  par  M.  Choi.sy,  ou  bien  un  promenoir 
dallé  à  ciel  ouvert  comme  à  Messène  ?  rien  ne  rindi([ue  plus,  .le 
n'ai  retrouvé  à  l'intérieur  des  tours  aucuns  débjis  de  luiles,  ni 
de  dalles  ni  aucune  pièce  de  créneaux  (|ui  puisse  fixer  les  idées 
à  ce  sujet.  De  même  la  hauteur  des  courtines  et  celle  des  tours, 
le  nombre,  la  forme  et  la  place  des  embrasures  et  des  meur- 
trières ne  sauraient  être  indiqués  que  par  conjecture. 

L'ensemble  du  tracé  se  subdivise  en  dix  seclions  d'inégale  scciiuns 
longueur,  comprises  entie  les  portes  et  disposées  d'après  le  ei conniiics. 
principe  que  j'ai  exposé  plus  haut.  Cha([ue  seclioJi  se  com- 
pose de  la  ligne  ininterrompue  du  mur  bordé  des  toujs  de 
flanquement.  L'intervalle  entre  les  tours  ((XETaTrupYtov)  ou  lon- 
gueur des  courtines  n'est  pas  fixe.  11  varie  en  moyenne  enlre 
25  et  20  mètres,  soit  moins  d'un  plètbrc.  Uiiobjucs  courlijies 
mesurent  2.'^,  d'autres  jusqu'à  37  m.  7.')  (2),  mais  ce  sont  là  des 
dimensions  exce|)tionnelles  ;  on  les  observe  surtout  dans  le 
voisinage  des  portes,  dont  la  présence  à  des  points  délerminés 
interrompait  la  régularité  du  tracé.  Les  louis  avaient  pour 
oflice  de- protéger  la  base  et  la  crête  du  mui*  (»n  les  rendanf 
intenables  à  l'assaillant;  leur  distance  ne  devait  i)as  dépasser 
la  bonne  portée  de  l'arme  de  main,  alin  (|uc,  si  l'une  d'elle 
était  attaquée,  ses  deux  voisines  fussent  en  élal  de  la  défendie 

(1)  Cette  argUe  provenaU  en  partie  du  fossé  lui-inôme.  On  en  faisait  un  pisé, 
mélangé  de  paille  hachée,  ict|Xoç  */])'up(t>(X£voç,  uiouié  en  carreaux  et  séclic  au 
soleil  ;  on  l'étalait  en  lits  horizontaux  sut*  une  couclie  ii('!  terre  inouinéc  qui 
formait  ciment.  Dans  l'épaisseur  du  massif  on  plaçait  du  cliainage  en  Imis  avec 
des  madriers  transversaux  (evSecrjiOi)  et  des  longrines  (Opavoi),  coinnic  on  le 
constate  à  Troie,  à  Mycèncs,  dans  le  devis  des  nuirs  d'Athènes  et  d  Kieusis 
(Choisy,  lit,  épigr.f  p.  G8),  et  comme  le  recommande  l'hilon  de  Hyzance  (Irad. 
Graux  et  de  (\ochas,  III,  3). 

(2)  Voy.  le  t'ihleau  de  la  pa^e  liiO.  L'irrcgul.irilë  de  ns  dimensions  ne  permet 
aucune  déduction  métrologiiiue  sur  la  longueur  de  l'unité  do  mesure  employée. 


144  MANTINKK   KT   L*AIICADIK  OtUKNTALK. 

en  faisant  converger  leur  tir  sur  elle.  Ainsi  s'exprime  Vitruve  : 
(f,  ;'),  4,3)  :  ((  Inlenalla  autcm  tnrrium  ita  sunt  facienda,  ut  ne 
Intifjins  ait  alia  ah  alla  sagiUie  missionc,  nti,  si  qua  oppu^nctur, 
luni  a  Inrrium  (juic  crunt  dcxira  ac  sinistra  scorpionibxis  reli- 
fjuisque  lelorum  misswnibus  hos(es  rejiciantur,  m 

D'une  arcle  à  Taulre,  le  mur  de  la  courtine  mesure  en 
moyenne  4  m.  20  à  4  m.  70  d'é[)aisseur. 

Deux  hommes  armés  se  promenant  sur  sa  crête  pouvaient 
s'y  croiser  sans  embarras,  comme  le  veut  Vitruve  (1,  5,  42): 
«  Crassitudinnn  autein  mari  ita  faciendam  censeo,  ut  aijnati 
hominca  supra  obmam  vniicntes  alixis  alium  sme  impcdUwne  prœte- 
rire  possint  )),  Suivant  le  commandant  de  Rochas  d'Aiglun  (1), 
répaisseur  h\  plus  grande  qui  ait  été  indiquée  pour  les  murs 
exposés  aux  coups  des  lithoboles  a  été  de  5  mètres.  Philon  de 
Hyzance  écrit  :  ((  On  doit  donner  aux  murs  au  moins  10  coudées 
(V6  pieds  ou  4  m.  54)  d'épaisseur  ».  C'est,  à  peu  de  diflérence 
près,  tantôt  en  plus,  tantôt  en  moins,  l'épaisseur  des  courtines 
à  Mantinée.  —  On  retrouve  le  môme  genre  de  mur  dans  l'en- 
ceinte du  Piréc,  autour  de  la  presqu'île  d'Héétioneia,  lortifiée 
j)ar  Conon  en  393-394  (2). 

En  arrière  de  cette  ligne  externe,  à  4  m.  20  ou  4  m.  70  dans 
l'intérieur  de  l'aréa  (mesures  prises  de  l'arôte  externe  des  cour- 
tines), règne  un  contre-parement  parallèle  au  précédent  qu'il 
accompagne  dans  tout  son  parcours. 

D'une  épaisseur  moyenne  de  43  centimètres,  il  consiste  en 
une  ligne  de  pierres  longues  de  1  m.  à  1  m.  30,  dont  la  crête 
afileure  un  i)eu  plus  bas  que  le  niveau  supérieur  du  parement 
externe.  Entre  ces  deux  lignes,  un  blocage  (XiOoXoyTjiJLa)  composé 
de  moellons  et  de  terre  mêlés  remplit  l'intervalle  des  deux  parois 
de  pierres.  Ce  genre  de  construction  rappelle  celui  de  beaucoup 
de  remparts  helléniques,  en  particulier  ceux  des  Longs  murs 
d'Athènes  et  de  la  pres([u'île  d'Héétioneia.  Nous  l'avons  retrouvé 
à  Tégée  et  les  archéologues  de  l'École  anglaise  l'ont  aussi  observé 
à  Mégalopolis. 

A  Mantinée,  une  particularité  a  frappé  tous  les  voyageurs  : 

(1)  Principes  de  la  fortifie,  antique,  p.  13. 

{t)  Voy.  les  Inscriplions  trouvées  sur  ce  point  par  M.  Dernuy,  Ueulenanl  de 
vaisseau,  el  publiées  par  M.  Foucart  [Bull,  de  Con\  heUén.,  XI,  p.  129  sq). 
Les  fouiUes  ont  dégagé  une  partie  du  mur  et  la  porle  (H.  Lecliat,  ibid  ,  Xi, 
p.  200).  Le  mur  est  composé,  comme  à  Mantinée,  d*une  ligne  double  remplie 
de  blocage.  Son  épaisseur  moyenne  est  do  5"'15. 


L*A8SIKTTK   DK  LA   VILLE.    —   L'KiNCKliNTK   FOIITIFIKE.  14;> 

c'est  que,  sur  loule  l'éleuduc  du  circuil,  le  niveau  supérieur  se 
uiainlient  seiisibleraent  égal,  quelles  que  soiejit  les  variations 
de  la  hauteur  du  front  d'escarpe  au-dessus  du  sol  ondulé  (1). 
D'autre  part,  on  ne  retrouve  pas  aux  abords  de  renceinle,  sauf 
aux  endroits  où  les  parements  inférieurs  cux-ménies  se  sont  dis- 
loqués et  elTondrés  sous  la  poussée  des  broussailles  ou  ont  été 
déchaussés  par  les  hommes  ou  par  la  rivière,  d'amas  de  pierres 
écroulées  qui  auraient  pu,  comme  à  Messènc,  provenir  des 
parties  supérieures  des  remparts. 

Cette  remarque  a  induit  ceux  qui  l'ont  faite  à  admettre  que, 
dans  l'antiquité,  le  mur  de  pierre  n'était  pas  plus  haut  qu'aujour- 
d'hui. H  servait  donc  de  sup[)ort  ou  de  socle  (xsyjTc'ç)  au  remj)art 
lui-même,  lequel  élait  construit  en  brique  crue,  comme  celui  de 
la  vieille  Mantinée  (2).  Mais,  en  371,  on  avait  pris  la  jirécautionde 
le  surélever  davantage  sur  une  base  indissoluble,  au-dessus  de 
toutes  les  crues,  naturelles  ou  artificielles,  de  l'Ophis.  Quanta  la 
partie  supérieure,  il  était  à  la  fois  plus  économicjuc,  plus  rapide 
et  même  plus  srtr  de  la  construire  en  biique  crue.  Au  dire  de 
Pausanias  (3),  l'argile  moins  cassante  et  plus  molle  résistait 
mieux  aux  coups  de  bélier  que  les  pierres  de  taille  :  en  elïet, 
quelques  pierres  déboîtées  ou  fracassées  entraînaient  la  chute  de 
celles  qu'elles  sui)portaient  et  la  broche  se  produisait.  Au  lieu 
que  la  masse  compacte  et  liée  de  l'argile  se  maintenait  en  place 
tout  autour  de  la  trouée.  Au  reste,  les  texles  anciens  et  les 
découvertes  archéologiques  attestent  (jue  ce  mode  de  cons- 
truction était  très  commun  en  Asie  et  eu  (irèce,  dans  les  habi- 
tations privées,  les  édifices  publics  et  les  ouvrages  militaires  (\). 

(1)  Voy.  p.  138,  llg.  20  cl  p.  IGl,  fig.  35. 

{i)  J'ai  retrouvé  à  renlice  de  plusieurs  portes,  en  parUculier  à  ceUe  de  la 
porte  F,  une  masse  d'argile  (|ni  provenait  sûremenl  des  parUcs  liautes  du 
rempart.  De  même  à  l'Intérieur  de  certjiines  tours. 

(3)  yill,8,  4. 

(4)  Exemples  à  Troie,  Mycènes.  Tirynilie  (Voy.  IVrrol.  Ilist.^  de  /M;7, 
t.  Vï.  p.  72Î)),  àOlyinpic  (riléralon),  à  Allicnes  et  ivirnsis  (Clioisy.  /:(.  t'pifir.),' 
Nous  avons  retrouvé,  M.  Bérard  et  moi,  un  frajîinent  de  rempart  de  Té^ce 
tout  à  fait  semt>lable  à  celui  de  Mantinée.  En  Asie,  Xénophon  {Anab.,  111, 
4,  7,  10)  décrit  les  murs  de  la  ville  de  Larissa,  sur  irs  bords  du  Tigre. 
Us  avaient  2î5  pieds  (7",70)  d'épaisseur  sur  i(K)  de  liauteur  (30'"),  et  deux 
parasanges  (60  stades  de  tour).  Ils  étaient  en  briques,  mais  leurs  {oiidenienls 
étaient  en  pierre  de  taille  jusqu'à  la  hauteur  de  20  pieds  (0"'16).  Un  peu  plus 
loin,  il  donne  sur  la  citadelle  de  Mespila  des  indications  analogues.  La  base  du 
mur  était  en  pierre  co(iuillière  ;  elle  avait  JiU  pie<1s  (15"/i0)  d*é  «aisseur  et 
autant  de  hauteur.  Sur  ce  soubassement  sëlevait  un  mur  de  briques  de  50  pieds 
(1H",40)  de  largeur  sur  100  do  hauteur.  Le  circuil  était  de  six  parasanges 
(180  sUidcs).   Cf.    le   mur    des    Plaléens  décrit  par   Tliucydide  (111,  21). 

.Maiiliiiée.  —  II. 


146 


MANTINKB   KT   L  ARCADIK   0R1KNTALK. 


\a\  coupo  ci-joiiilc  fait  ressortir  l»i  façon  dont  on  dut  procéder 
pour  rélahlisscmcnt  du  rempart.  On  commença  par  creuser  un 
fossé  de  4  ni.  70  environ  de  largeur  sur  une  profondeur  de 
J  m.  \/2.  à  2  m.  Oji  élai)lit  ensuite  contre  la  berge  extérieure  le 
parement  de  froni,  en  manière  de  soutènement;  on  remplit  le 
vide  de  blocage  el  l'on  borda  la  hev^e  intérieure  avec  le  contre- 
parement.  Sur  la  plaie-forme  ainsi  obtenue  ou  superposa  le 
massif  de  briques  crues. 


Figr.  2Î. 

Schéma  de  1a  coiistriicUon  du  rempnrt. 


Tours  Les  leurs  de  llanquement  sont  elles-m^mes  de  dimensions 

de  nnnruicnieni.  (i(\s  inégalcs,  c'oiiime  on  en  jugera  d'après  le  tableau  de  la 
page  150.  Le  front  mesure  en  moyenne  de  G  m.  50  h  6  m.  80, 
et  la  saillie  en  <leliors  <le  la  ligne  externe  des  courtines  de 
4  m.  oO  à  5  m.  Toules  les  tours  de  (lanquement  sont  carrées. 
Elles  ne  doiveni  pas  être  confondues  avec  les  tours  ou  les 
bastions  des  portes,  dont  les  formes  sont  très  variées. 

On  peut  s'élonner  que  la  forme  circulaire,  adoptée  pour  le 
tracé  général,  ait  élé  abandonnée  dans  les  tours  deflanquement. 
Elles  sont  toutes  carrées.  Les  tours  rondes  font  partie  de  la 
défense  des  |)orles.  Les  auteurs  de  traités  spéciaux  recomman- 
dent cependant  iiou  ries  tours  le  tracé  circulaire,  demi-circulaire, 
penlagonal  ou  bexagonal,  <le  préférence  ù  la  forme  carrée. 
Vilruve  niolive  ainsi  son  opinion:  «  Turres  itaque  rolundœ  aut 
polygonix  sujit  Jaciendx  ;  quadratas  enim  maclfinœ  cckrius 
dissipant,  quadrangulos  arietes  tundendo  frangunt  »  (I,  5,  44). 
Les  leurs  convexes  avaient  donc  l'avantage  de  résister  mieux 
aux  coups  de  bélier  ou  aux  projectiles,  qui  poussaient  vers  le 
centre  les  [lierres  taillées  en  coin.  Déplus,  elles  permettaienl, 
pour  les  macliines  qu'elles  abritaient,  le  tir  dans  toutes  les  direc- 
tions. Si  donc,  on  leur  a  souvent  préféré  les  tours  carrées, 
malgré  leurs  inconvénients,  c'est  uniquemenl,  comme  l'observe 


L*ASSIETTE   DE   LA   VILLE.    —   L*KNCELNTE   KOUTIKIKK. 


147 


M.  de  Roclias  d'Aiglun  (1),  parce  que  leur  ronslniclion  était 
plus  facile,  plus  rapide  et  plus  économhiuo.  îl  sullie-.ait  d'cpan- 
neler  la  surface  extérieure  des  blocs,  sans  qu'on  fût  obligé  de 
les  tailler  eu  coin. 

Le  plan  et  la  structure  des  tours  llanquanlcs  [)résenlcnt  iU)s 
particularités  qui  méritent  d*étre  signalérs.  Il  y  a  deux  sortes 
de  tours  :  les  tours  simples  et  les  tours  à  |)olernc.  Je  ro|)arlerai 
plus  tard  decclles-ci.  ha  construclion  est  la  même:  leurs  dimen- 
sions seules  et  l'existence  de  la  poterne  lalérab^  les  dislinguent. 
Le  croquis  ci-contre  donne  un  spécimen  de  lour  ordinaire,  ([ui 
me  dispensera  de  longues  explications. 


«.-'-       .    .ÈJ  '\'    î^'  -     ï   '    \. 


l-ig.   23. 
Tour  snns  poterne  (f.igiie  B  G  :   la  4*  à  l'E.  À  partir  de  la  \nulc  H). 

On  remarque  que  le  front  saillant  des  tours  se  compose  d'assi- 
ses redoublées  en  [)ieiTes  de  laille,  d'une  épaisseur  lri|)le  rie  la 
ligne  externe  des  courtines.  De  plus  cha(|ne  lour  communique 
avec  l'intérieur  de  la  ville  par  un  couloir  élroil  |»cr(é  à  travers 
le  rempart.  Il  résulte  clairement  de  ce  disposilif  el  dos  dimen- 
sions restreintes  de  l'inlérieur  au  re/.-de-cbausséc  (\  m.  50  sur 
2  m.  45)  que,  au  dessus  de  la  porte  et  de  la  cou  ri  i  ne,  les  élages 
su|)érieurs  de  la  toui*  étaient  à  cheval  sur  le  chemin  de  ronde. 

La  terrasse  de  la  tour  formait  un  reclangle  de  tS  m.  35  de  (lanc 
sur  G  m.  70  de  froni,  soit  de  55  "'•'»  885.  Comme  celles  des  cour- 
tines, les  parois  des  tours  étaient  en  briques  crues,  reposant 
sur  un  socle  de  pierres. 


(1)  Foi'lif.  anliq.,  p.  18. 


148  MANTINKE  KT   L'ARCADIK  ORIRNTALK. 

l/inl6ricur  rcsiail  creux.  Or,  ces  [)arois  d'argile  de  1  m.  60 
«l'cpaisseur  sur  le  fronl  peuvent  seinbier  bien  minces,  compa- 
rées au  rempart  de  4  m.  30;  on  serait  tenté  de  croire  que  ces 
saillies  ne  constituaient  que  des  renforcements  apparents  , 
dissimulant  autant  de  points  faibles.  Le  bélier,  en  les  ébranlant 
et  renversant  comme  des  châteaux  de  cartes,  aurait  eu  vite  fait, 
semble-t-il,  de  les  transformer  en  brèches.  Mais,  ù  y  regarder  de 
près,  on  s'aperçoit  que  les  constructeurs  ont  tout  prévu  et  ont 
obvié  à  tout  par  des  moyens  très  simples.  D'abord,  ils  se  sont 
bien  gardés  de  diminuer  l'épaisseur  du  rempart  pour  augmenler 
l'espace  intérieur  <les  tours  au  rez-de-chaussée,  comme  l'ont  fait 
ceux  de  Mégalo|)oIis  (1),  où  l'on  observe  la  disposition  suivante  : 


FIg.  24. 

Ce  dispositif  est  1res  défectueux,  parce  qu'il  évide  le  rempart 
et  qu'en  cas  de  chute,  la  tour  entraîne  avec  elle  la  portion  de 
courtine  à  laquelle  elle  est  soudée  (2).  A  Mantinée,  le  rempart 
gardait  toute  sa  [luissance  derrière  la  tour.  Quant  à  la  porte 
et  au  couloir  d'entrée,  en  cas  de  chute  de  la  tour,  ils  se  seraient 
vite  trouvés  bouchés  par  les  décombres  et  n'eussent  offert  aucune 
ressource  h  i'ennejni.  Un  autre  avantage  de  cette  construction 
était  de  barrer  le  chemin  de  ronde  en  le  faisant  passer  par  de 
petites  portes,  aisément  défendables,  ouvertes  aux  flancs  de  la 
tour  à  hauteur  des  courtines;  par  suite,  d*isoler  la  courtine 
contiguc,  au  cas  où  elle  serait  escaladée  par  l'ennemi:  celui- 
ci,  pris  sur  le  chemin  de  ronde  entre  deux  tours,  n'aurait  guère 
pu  bénélicier  de  son  audace.  D'ailleurs,  ce  dispositif  correspond 
exactement  à  celui  que  décrit  Thucydide  à  Platées  (III.  21).  On 
peut  donc  reconstituer  le  rempart  de  Mantinée  comme  le  montre 
la  figure  21),  tout  en  reconnaissant  que  la  restauration  de  la 
superstructure  est  tout  à  lait  arbitraire  et  reproduit  surtout 
celle  des  remparts  de  Messène  (3). 

(1)  Loring,  Excavations  al  Megalopolis,  p.  108,  fig.  L. 

(2)  Pour  remédier  à  cet  Inconvénient,  on  imagm»  des  tours  siinplerneiit  appli- 
quées contre  le  reinparl,  et  non  attenantes  à  lui.  J>n  al  encore  vu  à  Nicée  (|uî 
se  sont  peu  à  peu  d6lacl)C4*s  de  la  courUne  sans  l'entraîner  dans  leur  ruine. 

(3)  Voir  aussi  la  superstructure  du  rempart  de  Lépréon,  décrite  par  Doutan. 
Uénioire  sur  la  TriphtjUe, 


LA88JKTTR  DE   LA   VILLK.    —  L  KNCKINTK   FORTTFIKK. 


140 


L'intérieur  des  tours  renfermait  les  escaliers  de  bois  qui  con- 
duisaient au  chemin  de  ronde,  aux  paliers  correspondant  aux 
meurtrières  et  à  la  terrasse  supérieure.  L'étage  inférieur,  resserré 
entre  le  rempart  et  le  front  delà  tour,  ne  pouvait  guère  contenir 
que  les  escaliers;  mais,  au  dessus  de  la  courliuc,  les  chambres 
devenaient  plus  spacieuses  et  pouvaient  abriter  un  certain  nom- 
bre de  tireurs  et  d'engins  de  défense. 


nTLn 


Fiff.  25. 


Tour  reslnurcc 
(vnr  |)nse  A  l'inléncur  du  i-eui|»Arl). 


HJ^-fin 


Tour  ji  |iolr>ri)e  ri'shiurée 
(|Holil  oxlorlrur  avrr  r«»u|»f  du  lempnrl). 


Sur  le  nombre  des  tours  de  flanquemcnl  h's  voyageurs  ne 
sont  pas  d'accord.  Ross  en  complait  12i)  on  130,  Gell  110, 
Leake  118,  Curtius  environ  120  d'après  Pnillon-Hobhiye  (I). 
Ces  divergences  s'expliquent  par  les  lacunes  du  tracé  en  certains 
points,  et  parce  que  l'on  n'a  pas  nettement  dislingué  les  tours 
de  flanquement  de  celles  qui  apparlienncnl  à  la  défense  des 
portes.  Sur  plusieurs  points,  entre  autres  aux  environs  des 
portes  E  et  1,  le  tracé  est  devenu  pres{|ue  invisible.  I^es  lours 
y  sont  complètement  ruinées  ;  nous  n'avons  pu  en  fixer  les 
emplacements  qu'en  étudiant  de  près  les  levées  de  terrain  pro- 
duites j)ar  leurs  arasements.  Le  tableau  ci  conln^  donne  tous  les 
cliillres  intéressants,  le  nombre  et  les  dimensions  des  sections, 
courtines  et  tours. 


(!•  Reck.  géographiques,  p.  139. 


^•iO  MANTINKE   BT   L*ARCADIR  0I11P.NTALE. 

Statistique  de  Tenoeinte  de  Mantinée. 


— 

SECTIONS 

COURTINES 

TOURS 

£ 

1 

DiitieiiMioiis 

S 
>? 

Dimensions 

1 

des  porles 

diniensioiu  du  front 

AU 

400- 

H 

25-90  —  24«35 
25  40  —  26  96 

10 

1  ronde  A 
1  ronde  B 
1  CArrée  B  interne 

6-60  —  6-90  -  6-50 

BG 

245 

/  25  50  —  26  45 
*  (  25  86 

.  1  ronde  B 

Ml  (^  c 

660 

CD 

350 

j   20  23  —  26  70 
*  1  26  23  —  26  30 

1  c*rr*eC 
^  \  1  ronde  D 

6  60  -  6  70 

\m 

550  (environ) 

i   25  35  —  25  45 
'*  1  25  80    -  25  65 

1  ronde  D 

'M.  m  E 

6  76-7    n 

EK 

410 

a6  45   -  24  15 
***      33  45  —  25  25 

8  J  •      <"     " 
(  1  penUigonale  F 

4  95  -  7  30  -  9     » 
8  76  —  6  70 

FG 

396 

.  25  50  —  25  65 

1  ronde  F 
1  cnrr*e  G 

7    »  —  6  60  ~  7  50 

Gif 

235  (environ) 

,  25  10  —  24  80 
M  23  40 

1  ciiriée  G 
'      1  entrée  (?)  H 

7    »  — 6  60  -    9    » 

III 

300      (i(l.) 

,   24  40   -  25     i> 
'  t   25  65 

1  carrée  II 
i      (?)     I 

7  40  -  6  15  —  7  15 

IK 

820      (iil.) 

r  25  80  —  23  35 
"•'  (25     »  —  30  20 

23  i*     ^'^      ' 
\  1  riirrée  K 

6  55   -  6  70 

KA 

358 

10 

3i  20  —  33  75 
25  85  —  25   15 
27  85  —  37  70 

g 

1  carrée  K 
1  ronde  A 

6  60  —  6  70 

10 

4063 

Y  runipris  les» 

CfVlés  douilles 

<le«  portes 

114 

105 

21 

On  relève,  en  somme,  105  loiirs  carrées  de  flanquement  et 
21  tours  de  formes  variées  pour  la  défense  des  portes,  vsoil  une 
couronne  de  12G  tours  (1). 

LKsouvK«n:nEs:       La  placc  (Ics  porics  était  délerminée  par  la  direction   des 
ories  et poiernes  principales  loutcs  rayonnant  î»  l'extérieur,  et  leur  disposition 

(l)Ces  chiffres,  oblcnus  nprès  des  recherches  plus  minutieuses,  corrigent 
ceux  que  j'avais  in(ll(|iié.s  (imis  mon  arUcle  du  BuU,  de  Corr,  hellén  ,  XI.  p.  7G. 


l'assiette  de  la   ville.    —   L'EiNCElNTK   KOUTIFIKE.  151 

par  les  besoins  du  tracé  général.  Elles  sont  presque  toutes  com- 
prises entre  les  deux  extrémités,  Tune  rcniraute  et  Tautre 
sortante,  des  sections.  Elles  font  ainsi  dans  l'épaissseur  du 
rempart,  autant  de  coupures  obliques,  dont  la  direction  est 
la  même,  malgré  la  variété  des  dispositifs  adoptés  pour  cbacune 
d'elles.  J'ai  expliqué  comment  la  nécessité  (raniortir  les  angles 
aux  courbures  du  tracé  et  de  ramener  à  Tellipse  les  cùlés 
divergents'  avait  imposé  cette  orientation  uniforme:  toutes  les 
portes  s'ouvrent  vers  l'intérieur  dans  le  sens  d'une  llèchequi 
ferait  le  tour  du  rempart  comme  le  montrent  les  lig.  19"  et  20. 

Une  œuvre  logiquement  conçue  se  trouve  répondre  à  plusieurs 
nécessités  à  la  fois.  Nulle  part,  ce  caractère  ne  ressort  mieux 
que  dans  la  construction  des  portes  de  Manlinée.  En  appropriant 
d'abord  le  plan  de  ces  ouvertures  nécessaires  aux  exigences  du 
tracé  circulaire,  les  ingénieurs  de  371  ont,  du  même  coup  et 
sans  autres  rechercbes,  obtenu  pour  elles  le  maximum  d'efTct 
défensif. 

Ils  avaient  moins  à  se  préoccuper  de  faciliter  les  communica-  Principes  de  imn 
tions  du  dedans  au  dehors  que  d'empêcher  l'ennemi  de  forcer  consuucUon. 
l'entrée  du  dehors  au  dedans.  Ce  problème  avail, depuis  les  temps 
les  plus  anciens,  inquiété  les  constructeurs  de  remparts.  La 
solution  qu'ils  avaient  trouvée  et  qui  a  [)révHlu  durant  toule 
l'antiquité  consistait  à  rendre  aussi  défavorable  que  possible  à 
l'assaillant  l'approche  du  point  faible.  Pour  cela,  on  (lis|)Osait  la 
porte  dans  un  flanc  G  U  regardant  la  campagne  (lig.  2()),  de  façon 
à  obliger  l'ennemi  à  présenter  au  défenseur  placé  sur  A  H  le 
côté  découvert,  c'est-à-dire  le  coté  droit  (|ue  ne  protégeait  pas 
le  bouclier.  «  lia  circumdandum  ad  loca  priv.cipitifiy  et  cxcorjilan- 
dum  uti  portarum  iliiiei^a  non  sint  direcla,  sed  <7xxia.  Nanique  cum 
ita  ((ictum  fuerit,  tune  dcxtrum  latus  accedmlibus,  qnod  sailo 
non  crit  cectnm,  proximum  erit  muro  (1).  » 


Pig.  26. 


Cette  question  du  côté  couvert  ])ar  le  bouclier  est  capitale 
dans  la  fortification  antique.  Elle  expli(|ue  la  plu|)art  des  dis- 


(I)  Vllnive,  I,  5,  41. 


1î>0  MANTINKK   BT  L*ARGADIP.  ORIKNTALE. 

Statistique  de  Tenoeinte  de  Mantinée. 


SECTIONS 

COURTINES 

TOURS 

ë 

ë 

nimoiHioiiH 

'/T, 

Diiiittnsions 

1 

des  portes 

dimensions  du  front 

AH 

400- 

H 

25-00  —  24-35 
25  40  ~  26  05 

10 

1  ronde  A 
1  ronde  B 
IcArr^eB  interne 

6-60  —  6-90  -  6-50 

DC 

245 

/  25  50  —  ÎB  45 
M  25  85 

.  1  ronde  B 
M*     (^    C 

650 

CD 

350 

20  23  —  25  70 
^      20  23  —  25  30 

1  carrée 
^  }  1  ronde  D 

6  60  -  6  70 

DK 

550  (environ) 

25  35  —  25  45 
'*      25  80    -  25  65 

,  1  ronde  D 

6  75  —  7    n 

EK 

410 

j  26  45   -  24  15 
''^  1  23  45  —  25  25 

^      1     (?)    E 

1  penUigonale  F 

4  05  -  7  30  -  0     » 
8  75  —  6  70 

FG 

395 

f  25  50  —  25  65 

1  ronde  F 
1  cnrréc  G 

7    »  «  6  60  —  7  60 

Gif 

Î35  (environ) 

,  25  10  —  2^  80 
^  \  23  40 

.   1  cariée  G 
^  1  1  cnrrée  (?)  H 

7»  —  6  60-0» 

III 

300      (i(l.) 

,   24  40   -  25     » 
'  t   25  05 

,  1  carr^  H 
Mi      (?)     I 

7  40  -  6  15  —  7  15 

IK 

820      (id.) 

f  25  80  —  23  35 
23  / 

(25     »  —  30  20 

23  i*      <'^      ' 
\  1  rarr«e  K 

6  55   -  6  70  " 

KA 

358 

•0 

3_>  20  —  33  7B 
25  85  —  25   15 
Ï7  85  —  37  70 

0 

1  carrée  K 
1  ninde  A 

6  60  —  6  70 

10 

4053 

Y  ronipris  le» 

cAli^s  douille» 

(les  porte» 

114 

105 

21 

On  relève,  en  somme,  105  tours  carrées  de  flanquemenl  et 
21  tours  de  formes  Vciri(3es  pour  la  défense  des  portes,  soit  une 
couronne  de  J20  tours  (1). 

usouvic«ri:«es;      La  placc  (Ics  |)orlcs  était  délerininée  par  la  direction   des 
.ortcs  cl  poternes  principales  loutcs  layonnant  à  Textérieur,  et  leur  disposition 

(i)  Ces  chiffres,  oblciius  iiprès  dus  recherches  plus  minutieuses,  corrigent 
ceux  que  j*avals  in<ll(|ués  d^ns  mon  article  du  Bull,  de  Corr.  hellén  ,  XI.  p.  70. 


l'assiette  de  la  ville.  —  l'enceinte  fortifiée.  151 

par  les  besoins  du  tracé  général.  Elles  sont  i)res(îuc  toules  coin- 
prises  entre  les  deux  extrémités,  Tune  reniranle  et  l'autre 
sortante,  des  sections.  Elles  font  ainsi  dans  l'épaissseur  du 
rempart,  autant  de  coupures  obliques,  dont  la  direction  est 
la  môme,  malgré  la  variété  des  dispositifs  adoptés  pour  cbacune 
d'elles.  J'ai  expliqué  comment  la  nécessité  d'amortir  les  angles 
aux  courbures  du  tracé  et  de  ramener  à  l'ellipse  les  cùtés 
divergents  avait  imposé  cette  orientation  uniforme:  toutes  les 
portes  s'ouvrent  vers  l'intérieur  dans  le  sens  d'une  flècbequi 
ferait  le  tour  du  rempart  comme  le  monlrcnt  les  lig.  19»  et  20. 

Une  œuvre  logiquement  conçue  se  trouve  répondre  à  plusieurs 
nécessités  à  la  fois.  Nulle  part,  ce  caractère  ne  ressort  mieux 
que  dans  la  construction  des  portes  de  Mantinée.  En  ap[)ropriant 
d'abord  le  plan  de  ces  ouvertures  nécessaires  aux  exigences  du 
tracé  circulaire,  les  ingénieurs  de  371  ont,  du  même  coup  et 
sans  autres  rechercbes,  obtenu  pour  elles  le  maximum  d'elTot 
défensif. 

Us  avaient  moins  à  se  préoccuper  de  faciliter  les  communica-  ivimipcs  de  lei» 
lions  du  dedans  au  dehors  que  d'empêcher  l'ennemi  de  forcer  consuuciion. 
l'entrée  du  dehors  au  dedans.  Ce  problème  avail,(le|)uis  les  tem|)s 
les  i)lus  anciens,  inquiété  les  constructeurs  de  remparis.  La 
solution  qu'ils  avaient  trouvée  et  qui  a  prévalu  durant  toute 
l'antiquité  consistait  à  rendre  aussi  défavorable  que  possible  à 
l'assaillant  l'approche  du  point  faible.  Pour  cela,  on  dis|)osait  la 
porte  dans  un  flanc  G  B  regardant  la  campagne  (lig.  2()),  de  faron 
i\  obliger  l'ennemi  à  présenter  au  défenseur  [)lacé  sur  A  H  le 
côté  découvert,  c'est-à-dire  le  coté  dioit  (|ue  \u\  protégeait  pas 
le  bouclier.  «  Ita  circumdandum  ad  loca  privcipiil'ty  et  excogiian- 
dnm  uti  portarum  iliiiera  non  suit  direcla,  sed  <7xxii.  Nanique  cum 
ita  fiictum  fuerit,  tune  dcxtrum  latus  accednitihus,  qitod  sculo 
non  erit  tectnm,  proximum  erit  muro  (1).  » 


Porlc 


Kip.  26 

Cette  (luestion  du  côté  couver!  par  le  bouclier  est  (•a|)ilale 
dans  la  fortification  antique.  Elle  explicpie  la  |)lupart  des  dis- 

(I)  Vilnivc,  I.  5,  41. 


I;V2  MANTINKK   KT    L'ARCAmi*:  ORIKNTALK. 

positions  défensives  de  rarchileclure  inililaire.  «  Toutes  les 
<lisj)osilions  des  inji:rnieurs,  dit  M.  de  Rochas,  étaient  calru- 
lécs  en  vue  de  ce  colé  nu  qu'il  fallait  frapper  chez  l'ennemi  et 
|)rotéger  chez  Tanii  (I)  ». 

Par  là  s'explif|iient  les  rampes  d'accès  des  portes  de  Tirynthe 
et  de  Mycèncs.  A  Mantinée,  on  remarque  que  le  flanc  A  B  se 
Irouve  toujonis  enjçagé  à  Tinlérieur  du  double  rem[)art  :  par 
là,  le  défenseur,  qui  harcèle  le  cùlé  faible  de  l'ennemi  empri- 
simné  devant  la  porte,  est  lui-même  abrité  contre  les  projectiles 
lancés  du  dehors  par  la  ligne  extérieure  qui  le  couvre. 

Ce  n'était  pas  toul.  Les  constructeurs  de  la  grande  porte  de 
Tirynthe  s'étaient  contentés  d'obliger  l'ennemi  à  se  présenter 
par  le  cùté  nu,  sans  assurer  à  l'ami  qui  sortait  le  bénéfice  de  la 
|)Osition  inverse.  A  Mantinée,  la  prévoyance  est  double  ;  elle 
calcule  à  la  fois  ce  qui  convient  à  la  défensive  et  aussi  à  l'oflen- 
sive,  car  elle  sait  qu'une  garnison  ne  doit  pas  se  réduire  à  un 
rôle  passif,  mais  qu'elle  doit  elle-même  agir  vigoureusement  par 
des  sorties.  Par  conséquent,  si  l'on  oblige  l'ennemi  à  se  présen- 
ter découvert,  on  veillera  à  ce  que  l'ami  à  sa  sortie  soit  accom- 
[)agné  d'un  mur  |)rotecteur  jusqu'au  moment  où  il  pourra  se 
risquer  en  campagne  protégé  par  son  bouclier.  Enfin,  une 
troisième  préoccupation  se  laisse  clairement  deviner  :  celle 
d'accumuler  autour  et  à  l'intérieur  des  portes  les  obstacles, 
les  dilFicultés  et  les  défenses  renforcées. 

Ces  [)rincipes  et  ces  précautions  générales,  les  constructeurs 
de  Mantinée  ne  les  ont  pas  appliqués  d'une  manière  uniforme. 
Ils  leur  ont,  au  contraire,  adapté  des  dispositifs  variés,  aj)|)ro- 
priés  aux  nécessités  locales  du  tiacé.  Chaque,  point  du  circuit 
pourvu  d'une  ouverture  se  trouvait,  en  eiîet,  dans  des  conditions 
j)arliculières,  suivant  que  le  périmètre  dessinait  une  courbure 
plus  ou  moins  i)rononcée,  que  le  terrain  ambiant  permettait  ou 
défendait  à  l'ennemi  certains  déploiements.  Ils  ont  tenu  compte, 
dans  l'application  de  règl(»s  absolues,  de  la  valeur  relative  des 
différents  points  de  l'enceinte.  C/cst  pouiquoi  aucune  |)orte  ne 
ressemble  exactement  aux  autres,  bien  qu'elles  soient  toutes 
construites  d'a|)rès  les  mêmes  principes.  Ils  n'ont  laissé  aucun 
détail  à  l'arbitraire.  Ce  n'est  j)oint  par  j)ur  amour  de  l'art  ni 
|)our  faire  étalage  d'ingéniosité  qu'ils  ont  diversifié  leurs  modè- 
les :  il  y  a  dans  cette  |)artie  de  leur  œuvre  plus  de  raisonnement 
et  de  science  pratique  (|ue  de  fantaisie. 

(1)  Fortif,  antiq,  p.  If). 


LASSIETTK  DE  LA  VILLK.    —  L  KNCKINTK   FORTinKK. 


11)3 


L'examen  détaillé  (le  chacune  des  portes  i)erinetlra  d'étudier 
ces  combinaisons  et  les  intentions  auxqucllos  elles  répondent. 
Je  m'aiderai,  pour  combler  certaines  lacunes,  des  i)etits  [)lans  de 
Gell  (1)  :  quoique  très  peu  exacts  en  général,  ils  peuvent  lournir 
d'utiles  indications  pour  des  parties  que  l'auteur  a  trouvées  en 
bon  état.  Je  joindrai  une  copie  de  ces  croquis  à  ceux  que  j'ai 
dressés  sur  place. 

La  porte  A  est  très  originale.  Située  sur  une  courbure  tiès 
allongée,  son  ouverture  se  présente  par  exception,  perpendi- 
culaire et  non  oblique  au  rempart,  les  exlréuiités  des  deux 


rorlc  A. 


Porte  A 
(d'aprèii  GcII). 


Fig.  27. 

Porte  A 
(restauration  prolmlilr). 


"^im 


JdL 


JOL 


Porte  n 
((l'nprès  Gell). 


sections  se  trouvent  dans  le  prolongemeni  l'une  de  l'autre,  au 
lieu  de  s'emboîler  parallèlement  comme  les  ttMes  d'une  mor- 
taise. La  porte  se  composait  de  deux  cours  :  une  avant-cour 
en  demi-lune  concave,  commandée  par  deux  tours  rondes.  Une 
premi(M*e  porte  ou  une  lierse  fermait  l'issue  dv  cet  onlonnoir. 
L'assaillant  qui  avait  forcé  cette  entrée  se  trouvait  ensuile 
enfermé  dans  une  petite  cour  rectangulaire  d'où  les  trails  plcu- 
vaient  sur  lui  de  tous  les  c()tés.  La  fojme  dt's  portes  devait 
rappeler  celles  de  Messène  ;  je  n'ai  retrouvé  ni  linteaux  ni 
montants  de  pierres.  Les  tours  ou  les  massifs  des  portes  n'ont 
point  de  petites  entrées  du  c(M,é  de  Tintérieur,  romme  les  tours 
de  Jlanquement.  D'où  l'on  peut  conclure  ([uVIles  étaient  pleines 
jusqu'à  la  hauteur  des  courtines;  les  étages  supérieuis  étaient 
seuls  casemates  et  l'on  y  accédait  par  le  chemin  de  ronde.  La 
porte  de  Mégalopolis  à  Messène  présenl(;  un  dispositif  analogutî  : 
seulement,  l'avant-cour  et  les  tours  sont  carrées,  et  la  cour  inté- 
rieure est  circulaire. 
La  porte  B,    très  inexactement  restituée  par  Gell  (flg.  27),       porte  u. 


{i)Probe8tûeke  nmi  Stàfitetnaurm,  18.'it.  Ces  peUls  pians  acrompagnenl  le 
plan  général  reprodiiil  plus  loin,  p.  P.)o,  flg.  48. 


:V2 


MANTINKK    KT   L  AI\(1AJ)IK  ORIKNTALK. 


positions  défensives  de  l'arcliileclure  militaire.  «  Toutes  les 
<lis|)osilions  <ies  in«;rnieurs,  dit  M.  de  Rochas,  étaient  calrii- 
lées  en  vue  de  ce  cùlé  nu  qu'il  fallait  frapper  chez  l'ennemi  et 
protéger  chez  Tami  (1)  ». 

Par  là  s'expliquent  les  ram|)es  d'accès  des  portes  de  Tirynthe 
et  de  Mycènes.  A  Mantinée,  on  remarque  que  le  flanc  A  B  se 
Irouve  toujours  enjçagé  à  l'intéiieur  du  double  rempart  :  par 
là,  le  défenseur,  (jui  harcèle  le  c(Hé  faible  de  l'ennemi  empri- 
simné  devant  la  porte,  est  lui-môme  abrité  contre  les  projectiles 
lancés  du  dehors  par  la  lifçne  extérieure  qui  le  couvre. 

Ce  n'était  pas  tout.  Les  constructeurs  de  la  grande  i)orte  de 
Tirynthe  s'étaient  contentés  d'obliger  l'ennemi  à  se  présenter 
par  le  cùté  nu,  sans  assurer  à  l'ami  qui  sortait  le  bénéfice  de  la 
position  inverse.  A  Mantinée,  la  |)révoyancc  est  double  ;  elle 
calcule  à  la  fols  ce  qui  convient  à  la  défensive  et  aussi  à  l'olTen- 
sive,  car  elle  sait  qu'une  garnison  ne  doit  pas  se  réduire  à  un 
rôle  passif,  mais  qu'elle  doit  elle-même  agir  vigoureusement  par 
des  sorties.  Par  conséquent,  si  l'on  oblige  l'ennemi  à  se  présen- 
ter découvert,  on  veillera  à  ce  que  l'ami  à  sa  sortie  soit  accom- 
pagné d'un  mur  protecteur  jusqu'au  moment  où  il  pourra  se 
risquer  en  campagne  protégé  par  son  bouclier.  Enfin,  une 
troisième  préoccupation  se  laisse  clairement  deviner  :  celle 
d'accumuler  autour  et  à  l'intérieur  des  portes  les  obstacles, 
les  difficultés  et  les  défenses  renforcées. 

Ces  principes  et  ces  précautions  générales,  les  constructeurs 
de  Mantinée  ne  les  ont  pas  appliqués  d'une  manière  uniforme. 
Ils  leur  ont,  au  contraire,  adapté  des  dispositifs  variés,  a|)pro- 
priés  aux  nécessités  locales  du  tracé.  Chaque  point  du  circuit 
pourvu  d'une  ouverture  se  trouvait,  en  eiîet,  dans  des  conditions 
particulières,  suivant  que  le  périmètre  dessinait  une  courbure 
plus  ou  moins  prononcée,  que  le  terrain  ambiant  permettait  ou 
défendait  à  l'ennemi  certains  rléploiements.  Ils  ont  tenu  compte, 
dans  rap|)li(ation  de  règles  absolues,  de  la  valeur  relative  des 
différents  j)oints  de  l'enceinte.  C'est  pourquoi  aucune  porte  ne 
ressemble  exactement  aux  autres,  bien  qu'elles  soient  toutes 
construites  d'a|)rès  les  mêmes  principes.  Ils  n'ont  laissé  aucun 
détail  à  l'arbitraire.  Ce  n'est  point  par  pur  amour  de  l'art  ni 
j)our  faire  étalage  d'ingéniosité  qu'ils  ont  diversifié  leurs  mode 
les  :  il  y  a  dans  celle  partie  de  leur  œuvre  plus  de  raisonnement 
et  de  science  pratique  que  de  fantaisie. 

(1)  Fnrtif,  antiq.  p.  15. 


LASSIRTTB   DE  LA  VILLK.    —  L  KNCKINTK   FORTIFIKK. 


1;)3 


L'examen  détaillé  de  chacune  des  portes  [)ermetlra  d'étudier 
ces  combinaisons  et  les  intentions  auxquelles  elles  répondent. 
Je  m'aiderai,  pour  combler  certaines  lacunes,  des  [)etits  plans  de 
Gell  (1)  :  quoique  très  peu  exacts  en  général,  ils  |)euvent  fournir 
d'utiles  indications  pour  des  parties  que  l'auteur  a  trouvées  en 
bon  état.  Je  joindrai  une  copie  de  ces  croquis  à  ceux  que  j'ai 
dressés  sur  place. 

La  porte  A  est  très  originale.  Située  sur  une  courbure  très 
allongée,  son  ouverture  se  présente  par  cxceplion,  perpendi- 
culaire et  non  oblique  au  rempart,  les  extrémités  des  deux 


l*oiic  A. 


Porte  A 
(dnprè!!  Gril). 


Fig.  27. 

Porte  A 
(reslAU ration  prolNililc) . 


Poitc  II 
(«lapri^s  Gell). 


sections  se  trouvent  dans  le  prolongement  l'une  de  l'autre,  au 
lieu  de  s'emboîter  parallèlement  comme  les  tètes  d'une  mor- 
taise. La  porte  se  composait  de  deux  cours  :  une  avant-coui* 
en  demi-lune  concave,  commandée  par  deux  tours  rondes.  Une 
premiw^e  porte  ou  une  lierse  fermait  l'issue  de  cet  enloniioir. 
L'assaillant  qui  avait  forcé  cette  entrée  se  trouvait  ensuilc 
enfermé  dans  une  petite  cour  rectangulaire  d'où  les  trails  pleu- 
vaient  sur  lui  de  tous  les  cotés.  La  forme  ilcs  portes  devait 
rappeler  celles  de  Messène  ;  je  n'ai  retrouvé  ni  linteaux  ni 
montants  de  pierres.  Les  tours  ou  les  massifs  des  portes  n'ont 
point  de  petites  entrées  du  cùté  de  l'intérieur,  comme  les  tours 
de  ilanquement.  D'où  l'on  [)eut  conclure  (|u>lles  étaient  pleines 
jusqu'à  la  hauteur  des  courtines  ;  les  étages  supérieurs  étaient 
seuls  casemates  et  l'on  y  accédait  par  le  chemin  de  ronde.  La 
porte  de  Mégalopolis  à  iMessèneprésenleun  dispositif  analogue  : 
seulement,  l'avant-cour  et  les  tours  sont  carrées,  et  la  cour  inté- 
rieure est  circulaire. 
La  porte  B,    très  inexactement  restituée  par  Gell  (fig:  27), 


Porte  B. 


{{  )Probe8tueke  non  Slàdtemauern,  la'îl.  Ces  petits  plans  accompagnent  le 
plan  général  reproduit  plus  loin,  p.  11)5,  flg.  48. 


154  MAXTINKK   KT   L'ARCADIK  ORIKNTALK. 

s'ouvniil  eiilrr  deux  lonrs  rondes,  dont  l'une  a  disparu.  Le 
couloir  inlrricur  élail  commandé,  du  coté  de  la  place,  par  un 
bastion  carre  silué  à  la  droite  de  rassailiant  et  dont  la  terrasse 
pouvait  recevoir  un  j^rand  nombre  de  défenseurs  abrités  contre 
les  (îou|)S  <lu  tiehors  |)ar  le  mur  opposé. 

,  'êtt    , , 


Kig.    28. 
Porte  n  (étnlarliiel). 

roiie  c.  L'état  aciuel  de  la  [)orte  C  ne  rappelle  en  rien  celle  que  Gell 

présente  sous  la  même  lettre  et  qui  lui  correspond  pour  la 
position.  Il  subsisie,  de  Tavant-cour,  le  tenon  saillant  d'une 
tour  [)robablemenl  ronde,  qui  a  disparu  :  elle  dominait  la  droite 
de  l'assaillant  et  devait  élre  d'autant  plus  proéminente  que  le 
tracé  décrit  ensuile  un  coude  brusque  vers  le  S.  E.  ;  il  fallait 
donc  couvrir  plus  fortement  cette  brèche  située  sur  un  an^le. 
La  tête  du  sefçment  externe,  en  grande  partie  détruite,  ne  laisse 
plus  voir  qu'un  fragment  de  bastion  ;  celui-ci  se  terminait  sans 
doulepar  une  |)oinle  airondie.  Dans  le  vestibule  compris  entre 
les  deux  |)orles,  j'ai  retrouvé  les  restes  du  dallage  de  la  rue.  On 
remarque  ainsi  (|ue  la  courtine  extérieure,  comprise  entre  la 
dernière  tour  ilanciuante  et  l'extrémité  du  tronçon,  est  parfois 
écbancrée  en  crémaillère.  Cette  disposition  a  pour  but  de  fournir 
un  liane  saillani,  capable  de  battre  le  pied  de  la  courtine,  deve- 
nue trop  longue,  et  cela  sans  installer  de  tour. 

orie  n.  La   porte    I),   qui  répond  à   la    [)orte  C  de  Gell  et  à  celle 

dont  riCxpédilion  de  Morée,  Ross  et  Curtius  ont  donné  des 
croc|uis,  a  frappé  les  voyageurs  par  sa  belle  ordonnance  et  sou 
remarquable  élal  de  conservation.  L'avant -cour,  commandée 
|)ar  deux  belles  touis  rondes  de  7  m.  50  à  8  m.  de  diamètre  et  la 
cour,  dont  les  ouvertures  entre  montants  mesurent  5  m.  et 
4  m.  60,  sont  enfermées  entre  deux  lignes  de  rempart  renfor- 
cées. Ces  renforcements  ménagent  à  bh  garnison  deux  larges 
plates-formes  en  communication  avec  les  tours.  Peut-être  une 
partie  de  ces  saillies  servait-elle  de  rampe  ou  d'escalier  pour 


L'ASSIBTTK  DR   LA   VILLK.    —  L'KNCKINTK    KOUTÎFIKK.  155 

monter  au  cJicmin  de  ronde?  On  a  cru  reniaiMpuM-,  dans  leliMion 
qui  relie  au  mur  la  tour  Nord  (à  gauche)  le«  ouvertures  de  deux 
petites  poternes  ;  mais  la  destruction  du  mur  à  cet  endroit  rend 
ce  détail  peu  clair,  llfaudrait  alors  admettre  (|uMl  existait  une 
porte  d'entrée  au  rez-de-chaussée  de  la  tour,  du  coté  de  la  place. 
A  vrai  dire,  je  crois  plutcH  qu'on  n'accédait  à  hi  tour  (lue  pai-  le 
chemin  de  ronde. 


__.-.,-rT*3j.~J^^M^  lia  «<  III  yprnCT;iraajLULij!rjacxaaa3i>  ,->• 


Fig.  29. 
Porte  D  (élnt  nrliirl). 

L'existence  d'une  porte  dans  le  voisinage  de  la  source  p«h»i.  f.. 
Varéli  ne  peut  fçu«îre  se  déduire  de  l'aspect  des  lieux,  (^esl 
le  point  de  l'enceinte  le  plus  ruiné;  tours  et  courtines  ont 
également  disparu,  sans  même  laisser  d'arrachements.  Les  habi- 
tants du  hameau,  dont  Leake  et  (îell  ont  encore  vu  quehiues 
masures,  ont  tout  démoli  pour  construire  leurs  cabanes.  Cepen- 
dant mes  recherches  pour  retrouver  la  diriMlion  du  circuit  à  cet 
endroit  et  combler  cette  lacune  m'ont  convaincu  (ju'il  existait 
une  porte  faisant  directement  face  à  l'Alésion. 

Des  raisons  subsidiaires  peuvent  aussi  être  invociuées  :  l**  la 
longueur  inusitée  <lu  segment  1)F,  si  l'on  suppiime  la  |)orte  H  ; 
2^*  l'existence  d'une  rue  antique  partant  du  coin  S.-K.  de  l'Agora 
juste  dans  la  direction  de  la  source  Varéli;  .1"  l'existence,  en 
face  de  cette  source,  d'un  sentier  qui  gravit  le  ravin  de  l'Alé- 
sion où  devait  être  installé  le  Stade  et  traverse  obliciuement  la 
colline  pour  aller  rejoindre  la  roule  de  Neslané-Argos.  Ce 
raccourci  de  montagne  évitait  aux  piétons  et  aux  mulets  le 
détour  par  la  [)ointe,  et  ce  devait  être  le  chemin  direct  du 
sanctuaire  de  Déméter  sur  l'Alésion.  Knlin  un  autre  ari^unient 
serait  fourni  i)ar  la  source,  si  l'on  |)ouvait  démontrer  (lu'elle 
existait  dans  l'antiquité.  J'ai  maniué,  sur  1(*.  plan  généial,  hi 
restauration  probable  de  cette  partie,  avec  la  position  de  la 
porte  et  des  tours  disparues. 

C'est  un  couloir  droit,  défendu  sur  le  coté  nu  de  l'assaillant       ''•"**•  •'- 


I5G  MANTINÉE   ET   l'aRGADIE  ORIENTALE. 

par  une  belle   lour  pentagonale,   tlonl  les  puissantes  assises 
sont  bien  conservées.  J'y  ai  retrouvé  les  restes  du  dallage. 


^^~ir 


Fig.  30. 
i^orlc  K  (dapi-ès  G  de  (Itll).  Porte  F  (état  actuel). 

Poiir  (î.  Elle  est  comprise  entre  une  tour  carrée  à  g.  de  8  mètres  40 

(le  front  et  un  basiion  rectangulaire  de  8  m.  20  d'épaisseur. 
Les  moulants  et  le  dallage  de  la  rue,  avec  les  ornières 
creusées  par  les  roues  sont  encore  conservés.  Comme  celle 
qui  lui    correspond  au   N.-E.,    cette  porte   est   placée   à  un 


Hq_ 


FiK.  31. 
Porte  G  (F  de  Gcll).  Porte  G  (état  actuel).  Porte  I  (?)  (d'après  II  de  Gcll). 

(•oude  brusque  du  tracé.  Ses  défenses  sont  aussi  simples  que 
puissantes  :  on  a  jugé  inutile  d'établir  une  tour  proéminente 
de  couver! ure,  à  cause  du  voisinage  de  la  première  tour  (lan- 
({uante,  distante  seulement  de  14  m.,  large  de  7  m.  50  et  munie 
d'une  poterne  ainsi  que  ses  voisines  de  la  môme  section. 
Portes  II  et  I.  L'existence  trune  ouverture  en  H  est  indiquée  par  la  position 
en  crémaillère  des  tronçons  du  tracé.  Gell  ne  s'en  est  pas 
rendu  compte  et  omet  de  placer  une  porte  à  cet  endroit. 

De  même  pour  la  porte  î,  que  les  travaux  de  la  route 
moderne  cmt  emportée  avec  plusieurs  tours  et  courtines.  La 
porle  G  de  (îcll  lui  corres[)ond  pour  la  position,  mais  je  doute 
qu'elle  en  reproduise  les  dispositions  authentiques  (voy.  fig. 
3J,  c).  Peut-éire  son  croquis  île  la  porte  II,  dont  l'équivalent 
n'existe  plus  aujourdUiui,  peut-il  en  donner  une  idée  ? 
Porte  K.  Peut-être  K   de  (îell  ?  —  Elle   se    composait    d'un  double 

couloir  coupé  à  angle  droit  :  la  première  partie  comprise  entre 
deux  grosses  tours  avancées,  dont  l'une,  à  g.  de  l'assaillant. 


l'assiette  de  la  ville.    —    L'ENOKINTK  K(»UTIKIKK.  157 

formait  un  bastion  carré  et  l'autre  une  saillie  proémiiienle,  au 
Iront  peut-être  arrondi,  comme  l'indique  le  croquis  de  Gell.  A 
rintérieur,  la  tête  de  la  section  se  tcrniinail  au  ras  du  sol  par 
une  ligne  de  bornes  en  demi-cercle,  comme  répiue  d'uusladc. 


l'oiic  K  (t'ial  Rt-liii'I). 

Les  chars  pouvaienl  ainsi  tourner  court,  sur  le  dallage  de  la 
rue,  qui  se  dirige  perpendiculairemeni  vers  le  ci'ulre  de  la  ville. 
On  aperçoit  encore,  au  tournant,  les  entailles  cieusces  dans  ces 
pierres  à  la  hauteur  du  moyeu  des  chars. 

Les  voies  qui  sortaient  de  la  ville  dans  le  piolongcnioiil  des  soiUcaps  portes. 
grandes  rues  dallées  ou  empierrées  desceudaioni ,  entre  les 
tours  avancées,  le  faible  talus  de  Tescarpe  cl  franchissaient 
à  quelques  mètres  du  mur  le  fossé  de  rO|)his  sni*  des  pouls  de 
pierre  ou  de  bois.  La  place  de  ((uatre  de  ers  pouls  est  encore 
visible  en  face  des  portes  B,  (],  M,  K.  Les  pouls  aciucîls,  très 
étroits,  sont  de  fort  médiocres  remanicmenls  byzantins,  lurcs 
ou  modernes. 

Outre  ces  sorties,  larges  en  moyenne  de  ^  à  ;>  mètres  cuire  r«»tcrne.s de soiiu-. 
montants,  points  de  départs  des  grandes  rouh^s  (|ue  suivaient 
les  armées  et  les  chars,  il  y  avait  d'autres  issues  ménagées  dans 
Tenceinte  pour  les  besoins  de  la  défense.  Leur  exiguïté  et  leur 
positionne  leur  permettaient  pas  de  servir  aux  communicalions 
régulières:  elles  n'avaient  donc  qu'une  vahnir  puremeni  mili- 
taire. Elles  débouchaient  sur  la  bande  de  lalus  comprise  cnire  la 
base  du  mur  et  l'Ophis  et  qui  est  large  en  moy(Muie  de  iO  à  2,') 
mètres.  On  les  trouve  surtout  grou|)ées  dans  In  partie  orientale 
du  circuit,  en  face  de  l'Alésion.  Dans  la  section  I)  K,  il  y  en  a  à 
toutes  les  deux  tours;  dans  la  section  K  K  elles  sont  nu)ins 
visibles  et  paraissent  moins  régulières  et  moins  nombreuses; 
dans  la  section  F  G  toutes  les  tours  en  sont  pourvues.  Ce  sont 
de  petites  ouvertures  de  1  m.  de  large,  |)crcées  au  ras  du  sol 
dans  le  ilanc  droit  des  tours  pour  qui  regarde  la  campagne 
(iig.25,/>.).  Elles  sont  donc  orientées  en  sens  contraire  des  portes 
parce  que  leur  destination  était  absolumiîul  dilTiirente.  Tandis 


158 


MANTINKK    KT   LARCAOIR  OHIKNTALB. 


((uc  les  porles  se  présentaient  de  la  façon  la  plus  défavorable  à 
rassaillani,  les  iiolcrnes  étaient  disposées  dejnanièreà  favori- 
ser les  sorties  des  assiégés,  en  leur  permettant  de  se  défiler  au 
pied  de  la  courtine  et  sous  sa  f)rotection,  sans  [uésenterà  Tenne- 
mi  leur  coté  nu.  Pour  cela,  les  Jiles  années  se  formaient  d'avance 
à  rinlérieur  de  l'enceinte  comme  le  montre  la  ligure  suivante, 
et  débouchaient  rapidement,  homme  par  homme,  encourant  le 
long  de  la  courtine  (lig.  33). 


Fig.  33. 
Tour  n  ]K>leriie  «le  .Mniiliiirc   {"i*  lonr  h  portir  de  la  porte  K,  segment  K  Cî)   (I). 

Quand  cette  mancruvre  s*oi)érait  en  même  tem])s  à  toutes 
les  tours  pourvues  de  poternes,  à  raisoji  de  20  à  30  hommes 
par  tour,  des  loches  entiers  pouvaient  en  un  instant  s'aligner 
au  pied  du  rempart,  sauter  le  fossé  et  opérer  en  ordre  de 
bataille  un  mouvement  tournant  :  la  conversion  se  faisait 
autour  du  rempart  à  droite  ;  oji  pouvait  prendre  à  dos  l'en- 
nemi massé  à  l'entrée  d'une  porte,  déranger  ses  travaux 
d'aijproche,  surprendre  son  camp.  On  rentrait  soit  par  une 
des  grandes   |)orl(^s,  soit  par  les   poternes,  en  ayant  soin  de 


(i)  Celle  tour  a  le  froiil  très  épais,  parce  que  la  cliambre  intérieure  du  rez- 
de-ctiaussée  esl  prise  sur  In  masse  du  rempart.  l\  n'y  a  qu*une  cloison  el  une 
porlc  du  côlô  de  l'Inirtleur,  sans  couloir. 


L  ASSIETTE  DK  LA   VILLK. 


L'KNCKINTK   FUHTI  Kl  KE . 


liiO 


faire  face  ù  rennemi  et  le  côté  droit  louniô  vers  le  rempart. 
Cette  dernière  manœuvre  présentait  plus  de  danger  ;  aussi 
IMiilonde  Byzance  recoinmande-t-il  de  niéna^^er  dans  les  lianes 
opposés  des  tours,  deux  poternes,  l'une  pour  la  sorlie,  Taulre 
])Our  la  rentrée  (1),  de  façon  qu'à  aucun  moment  oJi  ne  soit 
forcé  de  montrer  à  l'ennenii  le  côté  droit.  Pareille  précaution 
n'a  pas  été  prise  à  Maiilinée,  sans  doute  pane  qu'on  comptait 
surtout  sur  les  grandes  portes  pour  effectuer  la  rentrée.  (Juant 
aux  poternes,  leurs  faibles  dimensions  les  rendaient  aisément 
défendables  par  la  garnison  des  tours.  Comme  un  homme  seul 


wm€K 


^ f<Jflt,„^-„r.*J^^-* 


Fiff.  33. 
Tour  A  iM)lernc.  Sert.  N.  E.  \jt  2«  an  S.  ().  «le  la  porlr  l). 


(1)  Encycl.  mécan,  Irad.  Granx  et  do  Roclias,  VI.  Voy.  à  re  sujet  les  obser- 
valioos  de  M.  de  Roctias.  Fortif.  antiq.yp.  2X  Los  poltM- nés  sont  appelées 
8to8ot  dans  le  devis  des  fortifications  d*Atliftnes.  Voy.  Cliolsy.  Kl.qngr.,  p.  231. 
On  trouve  des  tours  à  polcrnfs  analogues  .^  celles  de  Maiiliiu'r  d.iiis  le  unir  do 
la  plaine  de  ïhria  (de  Uochas,  Fortif.  anlui,,  p.  23). 


IGO  .MANTINKK  KT   L'AHGADIK  ORIENTALE. 

pouvait  s'y  engager  à  la  fois,  il  n'y  avait  pas  à  craindre  que, 
leurs  portes  enfoncées,  l'ennemi  fit  irruption  dans  la  ville  par 
CCS  étroits  passages. 

L'accumulalion  de  ces  internes  de  sortie  sur  le  côté  oriental 
de  Tenceinte  s'explique  par  la  proximité  de  TAlésion.  L'examen 
des  batailles  de  Manlinée  fait  ressortir  l'importance  lactique 
de  ce  coleau  djins  les  conllils  contre  une  armée  venue  du  Sud. 
Or,  les  dispositions  défensives  de  Mantinée  étaient  surtout 
combinées  en  vue  d'une  attaque  des  ennemis  les  plus  redou- 
tables, ceux  du  Sud,  les  Tégéales  et  les  Spartiates.  La  bataille 
de  418  et  la  campagne  d'Agésilas  contemporaine  de  la  recons- 
truction de  Manlinée  (automne  370)  prouvèrent  combien  il 
pourrait  cire  utile  de  se  saisir  de  l'Alésion  pour  dominer  le 
ilanc  droit  de  l'ennemi.  De  plus,  il  importait  de  pouvoir  surve- 
nir à  l'improvisle  sur  la  grande  route  de  Tégée,  la  Xénis,  par 
où  l'ennemi  recevait  ses  convois  et  ses  renforts,  de  profiter 
des  abris  qu'offrait  la  nécropole  qui  bordait  cette  voie,  de  déga- 
ger au  besoin,  pour  aller  au-devant  des  secours  d'Argos,  la 
route  de  Neslané  qui  aboutissait  à  la  porte  F,  enfin  de  protéger 
l'aqueduc  de  Mélangeia,  qui  entrait  en  ville  dans  les  environs 
de  la  porte  F)  ou  de  la  [)orte  K 
(-)rrp>pominncc  j]  restc  à  délernïincr  à  quelles  joutes  correspondaient  ces  dix 
des  purus  pories.  Suivant  l'ordre  des  chemins  décrits  par  Pausanias,  il  est 
facilede  reconnaître  la  pi uj)art  d'entre  elles.  Au cheminduKlimax 
par  iMélangeia  et  la  sounie  des  Méliastes,  répond  la  pojte  D;  à 
celui  de  Neslané,  venu  d'Argos  i)ar  le  Prinos,  la  porte  F(l);  au 
XEoxpôpoç  de  ïégée,  dont  la  partie  suburbaine  comprise  entre  le 
temple  de  Poséidon  et  la  ville  s'appelait  la  Xénis,  correspond  la 
l)orle  G  ;  au  Xecoï^ôpoç  de  Pallantion,  la  porte  I,  par  où  entre  à 
Manlinée  la  roule  actuelle  venant  de  Tripolis  ;  à  la  route  de  Méthy- 
drion  par  la  plaine  Alcimédon,  la  j)orte  K,  ouverte  juste  en  face 
du  défilé  de  I\a|)sia  ;  à  la  route  d'Orchomone  par  Maira,  en  lais- 
sant à  droite  le  tombeau  de  Pénélope  (butte  de  Gourtzouli)  et  le 
jnamelon  de  la  Ptolis,  coirespond  la  porte  B  ;  à  la  route  directe 
]»ar  l'Aucbisia,  la  porte  A,  qui  fait  lace  exactement  au  col  de 
l'Ancbisia.  Les  autres  portes,  qui  ne  répondent  à  aucun  chemin 
décrit   i)ar   Pausanias,   peuvent   être  identifiées  d'après    leur 

(1)  Lfl  tieslination  doreUc  porle,  ainsi  que  la  direction  de  la  XéniSj  a  soulevé 
quelque»  diifcussions.  Nous  avons  rcfulé  plus  liuul.  p.  94  el  suiv.  le  syslcnie 
de  Curtiuti.  (Cf.  Hursian.  Grofjr.  r.  (iriech.  Il,  p.  ii:i,  ii.  2). 


L  ASSIETTE   I)K   LA   VILLK.    —  L  KNCKINTE   FOIITIFIKK. 


IGi 


orientation  :  H  s'ouvrait  sur  un  chemin  de  pclite  communica- 
tion destiné  à  doubler  les  deux  grandes  roules  de  Té^ée  et  de 
Pallantion  qui  laissaient  libre  le  milieu  de  la  plaine.  E  desser- 
vait le  chemin  du  Stade  de  TAlésion  et  du  bois  sacré  de  Démê- 
ler; C,  le  chemin  qui  longeait  à  TOuest  la  bulle  de  Gourlzouli 
et  aboutissait  au  fond  de  la  plaine  à  la  desrente  du  sentier 
muletier  venu  d'Aléa  par  le  col  de  Phrosouua.  Le  tableau 
suivant  résumera  nettement  ces  remarques  : 


A.  Porte  d'Orchomène  et  Kleitor 

par  rAnchisia. 

B.  Porte  de  Maira-Orchoinènc. 

C.  Porte  d'Aléa  (Stymphale). 

D.  Porte  de  Mélangeia-Argos(Kli- 

inax). 

E.  Porte  de  l'Alésion. 


F.  P"  de  Neslané-Argos  (Prinos). 

G.  Porte  de  Tégcc  (Xcnis). 
H.  Porte  de  MaïUbyréa. 

I.    Porte  de  Pallantiou  (Mégalo - 

polis). 
K.   Porte    de    Mélhydrion     (Mc- 

nale).  (I). 


(1)  Ces  résutlats  diiï^renl  des  idenUflcaUons  précédommrnt  admises,  d*iipr^s 
Leake  et  Curllus,  et  de  celles  que  J'avais  moi-inGnie  adoplros  dans  mon  article 
du  liuU,  de  Carr.  hcUén.  XIV  (1890),  p.  76  et  suiv.  et  dans  le  Guide  Joanne, 
Grèce,  II,  p.  374. 

Mont  Arménia.  Aloioii. 


-^^sisa?  S^  *•  "i»^  ^ 


Rempart  de  Manlinée.  I^orle  G  (d'après  une  pholopraphic  de  Iliisliliil  iinhùologique  allenmnd). 


Muilincr.    —   iïï. 


CHAPITRE    IV. 


LA    VILLE  ;    LES   RUES  ;    l'aGORA  J    LES   MONUMENTS. 


iniim-iice  iiiiiiacô  On  3  VU  les  raisoRS  qui  imposaient  aux  constructeurs  du  rem- 
BuriAiopot(rii|>hie  pj^^^  \q  tracé  clliptique  divisé  en  10  sections  par  les  ouvertures 
iniéncuic.  ^i^g  portes.  Ccttc  disposition  du  périmètre  devait  forcément 
influer  sur  la  topograpliie  de  la  ville  ;  le  plan  intérieur  résultait 
de  la  figure  générale.  Mais,  malgré  la  régularité  que  permettait 
un  terrain  presque  uniformément  plat,  la  Nouvelle  Mantinée 
échappait,  grûce  à  sa  forme  circulaire  et  allongée,  à  la  monotonie 
des  villes  géométriques  dont  les  rues  se  coupent  à  angles  droits. 
On  peut  en  reconstituer  les  grandes  lignes  comme  suit. 
Liiiuivaiiiim.  D'abord,  quand  on  avait  franchi  les  portes,  on  débouchait  sur 
un  boulevard  circulaire  ou  intcrvallum,  qui  longeait  intérieure- 
ment le  mur  et  reliait  entre  elles  les  portes  de  la  ville,  celles 
des  tours  et  les  escaliers  ou  rampes  donnant  accès  au  chemin  de 
ronde.  La  néccssilé  d'une  pareille  voie  pour  le  service  du  rem- 
part n'a  pas  besoin  d'être  démontrée  :  l'ouverture  de  toutes  les 
portes  (les  tours  en  prouve  surabondamment  l'existence.  Elle 
seule  rendait  possible  l'utilisation  de  Mantinée  comme  camp 
retranché  et  i)ermcttait  la  sortie  simultanée  de  forces  considé- 
rables, soit  par  les  poternes  des  tours  soit  par  les  portes  de  la 
ville.  C'était  là  que  se  préparaient  les  manœuvres  comme  celle 
qu'exécuta  Philopœmen  en  192,  et  que  les  troupes  s'ordonnaient 
avant  de  passer  en  plaine, 
i^s  secicurs  ^y  dclà  dc  chaquc  porte,  les  voies  suburbaines  se  jprolongaient 
ciiw  qiiiiriicnî.  j^  l'intéricur  par  10  rues  principales,  qui  devaient  aboutir  à  une 
grande  place  publique  située  au  centre  de  l'ellipse*  Telle  était  la 
disposition  logique,  rîprtort,  et  tellç  est  celle  que  les  fouilles 


LA  ville;  les  rues;  l'agora;  les  monuments.  163 

oui  permis  de  constater.  Ces  rayons  convergents  divisaient  l'aire 
intérieure  en  10  secteurs,  dont  récartenient  correspondait  à 
la  longueur  de  Tare  respectif  du  rempart  ;  ces  arcs,  déter- 
minés par  la  répartition  des  portes  sur  les  points  où  abou- 
tissaient les  routes,  étant  inégaux,  les  dimensions  des  secteurs 
variaient  en  conséquence.  Une  inscri|)tion  nous  apprend  Texis- 
tence  de  5  tribus  qui  représentent  les  5  quartieis  de  la  ville (I); 
peut-être  chacun  de  ces  quartiers  comprenail-il  <leux  secteurs  : 
le  plus  vaste  de  ces  secteurs ,  limité  par  les  |)ortes  I  et  K, 
renfermait  sans  doute  des  espaces  inhabités,  jardins  ou  terrains 
vagues. 

Nous  avons  retrouvé,  dans  le  voisinage  des  portes  et  suivi  sur  Rues. 
un  parcours  plus  ou  moins  long  les  traces  de  quelques  dallages 
de  rues.  L'intérieur  de  la  porte  G  est  complètement  dallé,  et  l'on 
remarque  encore  les  lignes  d'ornières  creusées  par  les  chars  (2). 
De  même  à  la  porte  K,  l'angle  du  mur  intérieur  portait  la  trace 
d'entailles  produites  par  les  moyeux  des  chars.  Les  dallages  de 
l'intérieur  se  réduisent  en  général  à  une  faible  largeur  de  0  m.  73 
à  1  m.  ;  les  roues  les  débordaient  des  deux  côtés  ;  ils  paraissent 
à  certains  endroits,  comme  au  centre  de  l'agora,  légèrement 
creusés  au  milieu  pour  l'écoulement  des  eaux  du  théâtre.  D'au- 
tres amorces  de  chaussées,  près  de  l'agora,  sont  simplement 
empierrées  et  l'une  d'elles  est  bordée  de  trottoirs  sur  une 
trentaine  de  mètres.  Vu  les  remaniements  qui  ont  bouleversé 
Mantinée,  on  ne  saurait  prétendre  que  ces  dallages  représentent 
un  travail  hellénique. 

Les  vestiges  de  ces  voies,  tels  que  nous  les  iudiquons  sur  le 
plan,  prouvent  bien  que  les  rues  parties  des  portes  venaient 
aboutir  à  l'agora.  Cependant,  le  dallage  de  la  porte  G  se  dirige 
vers  la  porte  D  sans  passer  par  l'agora.  Cela  nous  permet  de 

(I)  Foucart,  Incr.  du  Pélop.,  n®  352  p.  Les  tribus  sont  énuuiéiées  dans  rordro 
suivant,:  Épaléa^  Ényalia,  HopMmia,  Posoidnia  (voy.  p.  280  287),  Anakisla. 
Comme  ra  n-ronnu  M.  Foucart,  ces  noms  correspondent  h  l'cii.x  des  sanctuaires 
situés  dans  chaque  quartier  :  la  pusition  suiuirbaine  du  temple  d(3  Poséidon 
donné  remplacement  de  la  Posoldaia,  au  Sud,  entre  les  portes  F  et  H.  Pour 
les  autres,  on  peut  remarquer  ceci  :  le  temple  de  Zeus  Iloplodmios  se  trouvait 
peut-être  dans  la  partie  septentrionale  de  la  ville,  du  cùlê  de  Méthydrion,  qui 
posséclail  un  culte  d'IIopladamos  (voy.  plus  bas,  p.  21)7)  ;  on  placerait  alors 
rHoplodmia  entre  les  portes  U  et  K  ;  do  môme  l'Épalêa  se  placerait  du  côté  de 
lâ'pôrie  'd'Al6â;  entre  les  portes  B  et  D:'La  place  des  deux  autres  pourrait  se 
déduire  de  l'ordre  de  rénumération. 
-  (2)  Ces  ornières  indiquent  une  largeur  entre  roues  de  1"50. 


164  MANTINKE  ET   L*ARCADIE  ORIENTALE. 

retrouver  la  place  de  2  carrefours  où  cette  rue  s'embranchait 
avec  les  rues  conduisant  à  Tagora.  (V.  le  plan).  Sur  la  disposition 
des  rues  plus  ou  moins  concentriques  reliant  entre  elles  les 
voies  rayonnantes,  le  terrain  ne  nous  a  fourni  aucune  indication. 
Agora.  Si  Ton  rcjoiut  sur   le  plan,  par  des  diagonales,  toutes  les 

portes  de  la  ville,  ces  lignes  viennent  se  croiser,  avec  autant 
de  précision  que  le  comporte  Tirrégularité  de  la  figure  générale, 
en  un  point  situé  un  peu  à  TEst  du  centre  géométrique  de 
la  dite  figure.  Seule  la  ligne  UB  reste  en  dehors  du  point  de 
croisement,  mais  celle  ligne  n'est  pas  une  diagonale  :  le  grand 
axe,  qui  joint  II  et  G,  traverse  au  contraire  exactement  le  point 
de  croisement.  C'est  donc  ce  carrefour  des  diagonales  aboutis- 
sant aux  imrles  qui  a  déterminé  le  centre  politique  de  la  ville  ; 
ce  n'est  pas  le  rentre  géométrique  de  l'ellipse,  qui  se  trouve  à 
environ  60  mètres  de  là.  Telle  est  l'explication  certaine  de  la 
position  légèrement  excentrique  de  l'Agora.  Mais,  de  toutes 
façons,  cette  Agora  devait  être  cherchée  vers  le  centre  et  non 
dans  la  région  septentrionale,  comme  Curtius  l'avait  admis 
d'après  l'ordre  ap|)arent  de  la  description  de  Pausanias  (1). 
L'emplacement  réel  était  donc  le  mieux  approprié  aux  besoins 
de  la  circulation  par  les  voies  les  plus  fréquentées,  la  voie 
carrossable  qui  allait  de  G  (porte  de  Tégée)  en  B  (porte  d'Orcho- 
mène  par  Maira)  et  les  chemins  muletiers  de  Nestané-Argos 
ou  de  l'Alésion  (porte  E)  à  l'Arcadie  septentrionale  (porte  A). 
Golncidence  qui  n'a  rien  de  fortuit  :  les  limites  de  l'agora  sont 
exactement  comprises  entre  les  lignes  FA,  GB,  GC,  EA. 

Les  agoras  des  villes  grecques  aflectaient  d'ordinaire  une 
forme  rectangulaire.  C'étaient  des  places  irrégulières  entourées 
de  portiques  et  de  bûtiments  publics  entre  lesquels  pénétraient 
les  trouées  des  rues.  C'est  ce  que  Pausanias  appelle  le  type 
archaïque  ;  il  en  cite  des  exemples,  l'agora  d'Élis  et  celle  de 
Pharai,  en  Achaïc  (2)  ;  l'agora  du  Céramique,  à  Athènes,  rentrait 
aussi  dans  la  même  catégorie  (3).  Les  agoras  modernes,  dites 
de  type  ionien,  étaient  construites  de  toutes  pièces  ;  c'étaient 

(1)  Pelop,  I,  p.  238. 

(2)  {VI,  24,  2):  Ml  oe  àyooà  toÎç  'nX6{oiç  où  xaTa  tolç  Iwvwv  xai  ocrai 
TTpbç  *Ia>via  TCoXeiç  clffiv  'EXXi^vtuv,  xpoTCo)  8à  7ce7Co(ir|Tai  tw  ap^^aiOTcpco, 
ffToalç  TeaTTo  àXX'i^Xcov  BteaTcovatç  xal  àyuiatç  8i*  auxwv.  —  {/&.,  VU,  23,  2)  : 
IlepffioXoç  Se  aYopaç  ucyaç  xaTa  Tp<57rov  tov  àp;(ai(jT£p6v  6<jtiv  èv    <^apaTç. 

(3)  Curtius,  SladLgeschichte  Àtfiens,  p.  17t.  Pausan.  I,  éd.  UUzfg  et  Blûmner 
(18%),  pi.  Il  cl  8uiv. 


LA   ville;   les  rues;   l'agora;  les  MOiNUMENTS.  IGd 

moins  des  places  publiques,  que  des  cours  ou  péristyles,  for- 
mant un  parallélogramme  régulier  entouré  d'une  bordure 
continue  de  portiques  (1). 

L'agora  mantinéenne  se  rattache  au  premier  groupe,  dont  elle 
est  actuellement  le  plus  complet  spécimen.  Quoique  reconstruite 
en  partie  à  l'époque  romaine,  elle  reproduit  encore  les  disposi- 
tions primitives  signalées  par  Pausanias  :  un  périmètre  irrégu- 
lier, bordé  de  portiques  non  continus,  entre  les(iuels  débouchent 
les  rues.  L'ensemble  du  rectangle  mesure  environ  150  mètres 
de  longueur  sur  85  de  large.  Comme  le  Forum  romain,  cette 
place  semble  s'être  substituée  à  un  ancien  marais,  qui  a  reparu 
dans  les  temps  modernes  (2). 

L'agora,  cœur  de  la  cité,  rendez-vous  des  citoyens  qui  venaient 
y  discuter  les  aflaires  publiques,  et  des  mnrchands  qui  y 
apportaient  leurs  denrées,  devait  être  aménagée  de  façon  à 
satisfaire  à  sa  double  destination,  comme  lieu  de  réunion  des 
assemblées  populaires  et  comme  marché.  A  cela  s'ajoute  le 
caractère  sacré  qu'elle  tient  de  la  présence  des  dieux  et  des 
héros,  protecteurs  ou  fondateurs  de  la  ville,  souvent  invoqués 
dans  les  débats  publics.  Tous  ces  éléments  se  retrouvent  sur 
l'agora  de  Mantinée.  Les  constructions  de  l'époque  romaine 
avaient  sans  doute  renouvelé  le  cadre  de  l'agora  contemporaine 
de  Lycomèdes,  mais  elles  respectèrent  l'emplacement  et  les 
édifices  les  plus  vénérés. 

Parmi  les  constructions  destinées  à  la  vie  publique,  nous  cite-  ThéAne 
rons  d'abord  le  théâtre.  C'est  lui  qui  ferme  à  l'Ouest  l'aire  de  la 
place.  A  Mantinée  comme  à  Tégée,  on  avait  préféré  construire 
le  théAtre  en  pleine  ville,  plutôt  que  d'aller  chercher  au  loin 
l'appui  économique  d'une  colline  naturelle.  On  y  trouvait  l'avan- 
tage de  faire  servir  le  théûtrenon  pas  seulement  aux  représenta- 
tions dramatiques,  mais  aussi  aux  assemblées  i)opulaires.  C'est 
pourquoi  le  théâtre,  dans  ces  villes,  devient  partie  intégrante  de 
l'agora  et  organe  essentiel  de  la  vie  publique. 

!•  Vanalemma.  —  Le  théAtre  de  Mantinée,  édifié  sur  terrain 
plat,  est  une  œuvre  toute  artificielle.  Pour  étayer  les  gradins,  on 
commença  par  élever  un  monticule  appuyé  sur  un  gros  mur  de 
soutènenient  ou  àvàXTr|p.p.a.  L'appareil  de  ce  mur,  en  gros  blocs 

(i)  Voy.  Saglio.  DicL  des  Àniiq.  art.  Agora. 

(2)  La  profondeur  de  certaines  (ondaUons  nous  fait  croire  à  Texistence  1res 
ancienne  de  ce  marais. 


106  MANTINKE   ET   l'aRCADIE  ORIENTALE. 

polygonaux,  rappelle  celui  des  remparts.  Il  est  demi-circulaire  et 
la  concavilé  regarde  vers  TEsl.  Celle  orientation  faisait  que  les 
spectateurs  tournaient  le  dos  au  soleil  couchant,  dont  les  rayons 
obliques  sont  particulicrementgônants.L'arcdécrit  par  ràviXTf)(i.u.a 
décrit  un  peu  plus  d'une  demi-circonférence,  avec  un  rayon  de 
33  m.  50,  aulour  d'un  centre  situé  à  4  m.  05  à  l'ouest  du  centre  de 
l'orcliestre.  Le  tracé  de  cette  circonférence  présente  aujourd'hui 
quelques  irrégularités,  dues  sans  doute  aux  déplacements  des 
blocs  qui  ont  cédé  sous  la  poussée  de  la  cavea.  Le  mur  s'est  écroulé 
avec  la  plus  grande  partie  du  blocage  intérieur  et  des  gradins.  Il 
ne  s'élève  plus,  au  point  le  moins  endommagé,  près  de  l'escalier 
Ouest,  qu'à  3  m.  (52  au-dessus  du  sol  antique,  dont  l'empierre- 
ment est  rec(mnaissable.  Lii  hauteur  primitive  devait  être  4  fois 
plus  grande.  Peut-être  doit-on  admettre  que  la  parlie  subsistante 
représente  un  socle  de  pierres  analogue  à  celui  du  rempart,  et 
que  la  partie  supérieure  était  en  brique  crue,  suivant  l'usage 
courant  à  Mantinée. 


Pro3cénion 


„j|<. je   10 > 'v^'ikl  :U7  •Ml-yok 


*.    22.     SP*       f»)'  tM*       Ô* 


Tig.  M. 
(>)ii|»<*  en  profil  du  IbéAlre  (rUl  nctitcl). 

Dans  la  |dui»art  des  théâtres  grecs,  les  gradins,  du  c(Mé  de  la 
scène ,  sont  limités  par  deux  murs  latéraux  (TrapacrTiSsç)  qui 
convergent  vers  le  centre  de  l'orchestre.  Ici,  la  disposition  de 
ces  ailes  est  très  irréguliere.  L'àvxXir|}jLp.a  ne  forme  parastade  que 
pour  la  partie,  supérieure  de  la  cavea,  située  au-dessus  du 
oiàÇu)|xa.  De  plus,  il  y  a  manciue  de  symétrie  entre  l'aile  Sud  et 
l'aile  Nord.  La  première  déborde  la  seconde  et  s'avance  à  l'Est, 
en  dessinant  une  saillie  brisée  en  un  angle  obtus,  dont  les  côtés 
sont  parallèles  au5c  murs  de  deux  édifices  voisins. 

Ces  deux  balinicnls  existaient  sans  doute  antérieurement  à  la 
construction  de  Tanalemma  :  comme  c'étaient  deux  temples,  on 
n'osa  pas  y  loucher,  et  l'analemma  de  l'aile  S.  dut  épouser  leurs 
contours. 

D'autre  part,  les  deux  parastadcs  figurées  sur  notre  plan  (fig. 
37)  par  deux  lignes  noires  portéJit  la  marque  d'iiiie  construction 


LA  villk;  les  ruks;  l*agora;  les  monuments. 


167 


plus  récente  faite  avec  des  matériaux  disparates,  ainsi  que  les 
deux  escaliers  N.-E.  et  S.-E.  Toutes  ces  parties  ont  été  évidem- 
ment remaniées  à  la  hâte,  sans  homogénéité,  et  de  la  manière  la 
plus  économique,  puisque  dans  Tescalier  N.-E.,  par  exemple, 
on  encastra  une  coionnelte  ayant  appartenu  ;ï  quelque  édicule, 
peut  être  aux  Propylées  voisins. 


2*>  LcxotXov.  —  Les  mêmes  disparates  se  remarquent  dans  la 
construction  du  xoTXov.  Certains  gradins  sont  en  marbre,  d'autres 
en  .calcaire  blanc.  Les  gradins  reposent  sur  un  blocage  noyé 


IC8 


.MANTINKK   KT   l'aRCADIK   ORIENTALE. 


dans  (le  la  terre  et  de  la  chaux.  Mais  les  gradins  taillés  pour 
servir  de  sirj;es,  ne  [mrlent  pas  du  niveau  môme  de  Torchestre. 
Ils  en  sont  séparés  par  trois  marches  lisses  de  0'n40  de  hauteur. 
Les  petits  escaliers  (jui  divisent  les  gradins  en  xepx(8eç  ne  com- 
mencent qu'au-dessus  de  la  troisième  marche,  sans  descendre 
jusqu'à  la  xovi<7Tpa.  11  est  évident  que  ces  trois  marches  ne  ser- 
vaient pas  de  sièges,  mais  de  soubassement  destiné  à  exhausser 
les  gradins  an-dessus  de  la  conistra.  Ainsi  les  spectateurs  assis 
sur  le  preuiier  rang  des  sièges  avaient  les  pieds  posés  sur  la 
troisième  de  ces  marches.  Le  premier  rang  de  gradins  était 
réservé  aux  autorités;  une  inscription  gravée  sur  la  troisième 
marche  indique  Tendroit  au-dessus  duquel  les  membres  de  la 
gérousia  devaient  s'asseoir  (10  à  12  places)  :  ils  avaient  donc  les 
pieds  posés  sur  ladite  inscription. 


Fig.  ns. 

Socle  el  gradins  inlcrieurs  du  théâtre 
d'nprt'i  une  phoioji^rAphie  de  l'Institut  archéologique  allemand. 


11  n'y  avait  pas  de  sièges  à  dossier,  comme  à  Athènes  ou  à 
Kj)idaure.  Les  gradins  sont  tous  semblables,  et  d'une  extrême 
simplicité.  Ils  se  divisent  en  deux  parties  :  l'une  postérieure 
et  creuse  dcslinée  aux  pieds  du  spectateur  placé  au-dessus, 
l'autre  un  peu  exhaussée  et  servant  de  siège  (lig.  39).  Sur  l'un 


LA  ville;  les  rues;  l'agora;  les  monuments. 


169 


d'entre  eux,  malheureusement  brisé  et  déplacc'î,  nous  avons  lu 
des  lettres  de  Talphabel,  qui  servaient  prol)ablemcnt,  comme  à 
Athènes,  à  désigner  les  places.  Elles  se  lisent  MeO,  peul-ôtre  le 
début  de  MeOuBpicwv,  d'où  Ton  pourrait  conclure  que  des  places 
d'honneur  étaient  réservées  aux  habitants  ou  aux  métèques  de 
Mélhydrion?  (fig.  396). 


.  0.35 


5^ 


Surface  siipèrinire  d'un  gradin  avec 
inscription. 


Fig.    39. 


Profil  d'un  gradin  i  l'angle  d'un 
escalier. 


Nous  avons  retrouvé  les  marches  inférieuresTdes  huit  petits 
escaliers  qui  divisaient  les  gradins  en  7  x£px''8£<;.  Aux  angles 
de  ces  escaliers,  le  gradin  est  orné  d'un  grossier  relief  simulant 
le  pied  d'un  siège  {r\fr.  39,  a).  Toute  trace  de  Sia^wp-a  a  disparu. 
S'il  y  en  avait  un,  il  élait  au-dessus  de  la  i)arlic  aciuellcuicnt 
subsistante  du  xoTXov. 

3<>. —  Escaliers  cxlMenrs. —  Ce  qu'il  y  a  de  parliculicr  dans  la 
construction  du  théâtre,  c'est  le  système  des  escaliers  exté- 
rieurs. Il  y  en  avait  un  attenant  à  chaque  ail(\  Celui  de  l'aile  N, 
dont  il  ne  reste  i)lus  en  place  que  cinq  marches  et  c(ui  semble 
avoir  été  ajouté  à  la  construction  primitive,  élait  compris  entre 
ràvaÂYifxjxa  et  un  murde  renfort  coupé  à  aiigle'droit.  Il  condui- 
sait de  l'entrée  N.-O.  de  l'agora  au  Bia^oj^-a  et  de  là  aux  gradins 
supérieurs.  Celui  de  l'aile  S.  dont  nous  n'avons  retrouvé  que 
deux  marches  montait  de  la  TràpoBpç,  dans  l'cîspace  réservé  entre 
la  saillie  de  ràvàXT,fjL|ia  et  la  masse  des  gradins.  {Par  suite  de 
cette  disposition,  s'il  manquait  du  cùlé  N.  une  1/2  kcrkis  à  la 
zone  supérieure  des  gradins,  l'aile  Sud  de  la  même  zone  avait 
1/2  kerkvi  supplémentaire. 

A  rOuest,  dans  la  partie  convexe  de  ràvaXY)|i.|i.a,  un  escalier 
pénétrait  par  derrière  le  théiUre  dans  l'épaisseur  du  mur.  Nous 
en  avons  retrouvé  la  cage,  construite  en  très  bel  a|)pareil  poly- 
gonal. D'abord,  deux  marches  partant  du  niveau  de  la  chaussée 


170 


MANTINKE   KT   L'ARCADIK  ORIENTALE. 


antique,  dont  le  mncadam  subsistait  en  partie,  conduisent  à  un 
premier  palier  dallé.  Puis,  l'escalier  tourne  à  angle  droit  vers 
le  Su(L  Cette  seconde  partie  comprend  12  marches,  dont  la 
dernière  aboutit  à  la  terrasse  demi-circulaire  qui  couronne  ces 
ruines.  Nous  supposons  que  cet  escalier  menait,  par  un  passage 
couvert  pratiqué  sous  la  masse  des  gradins,  au  oiâ^wp-a. 


Anchisin. 


Gourtxouli. 


Kîg.  10. 
Vue  (lu  théAtre,  prise  de  l'aile  Sud. 


,  Il  en  était  de  mémo  d'un  autre  escalier  trouvé  à  la  partie  S.  0. 
(lu  périmèhe.  11  contournait  le  parement  extérieur  de  ràvàXYifXfjLa 
et  s'enfonçait  aussi  sous  les  gradins  pour  déboucher  dans  le 
xotXov.  Il  n'en  rosie  que  4  marches.  Une  petite  chapelle  de  la 
Vierge  avait  été  inslailée  à  cet  endroit  par  les  modernes.  Aussi 
les. paysans  désignaient-ils  sous  le  nom  de  «  Panaghia  »  la  butte 
du  théàlre.  Ou  voil  (lue  ces  diverses  issues  assuraient  avec,  une 
certaine  facilité  le  dégagement  des  gradins  et  la  sortie,  des 
spectateurs.  , 

..,  4",  -r  Orchcslrc,  —  Le  pourtour  de  l'orchestre  est  une  fraction 


LA  ville;  les  rues;  l'agora;  les  .monuments. 


171 


de  circonférence  crun  rayon  tic  10  m.  80,  avec  un  cenire  particu- 
lier. L'aire  intérieyire  devait  être  simplement  sablée  (xo7i<TT/,piov)  ; 
nous  n'y  avons  trouvé  trace  ni  de  dallage  ni  i\v  lliymélé. 


Fig.  il. 
Gage  do  l'escnlicr  Ouesl  ((rnprcs  iino  phoUif,'rapliie  «Ir  riii.sliliil  ;inlirol»igi«ni('  niieniand). 


Deux  rues,  dont  le  dallage  a  été  retrouvé,  aboutissaient  entre 
les  angles  de  la  scène  et  ceux  du  xoïXov.  Kl  les  servaient  sans 
doute  d'wopaY(i>YÊîa,  car  nous  n'avons  retrouvé  ni  dans  rorcliestre 
ni  dans  les  iziooooi  de  traces  de  disposi lions  spéciales  pour 
assurer  l'écoulement  des  eaux.  Il  est  vrai  ([ue  tout  cela  a  été 
encombré  et  bouleversé  par  des  construdions  ultérieures. 

50.  —  Scène.  —  Nous  avons  dégagé  les  fondations  des  trois 

murs  de  la  s<'ène.  LcTtpoTxrjviovcst  1res  irréiiulicrenuMil  cohsiruit 

et  bizarrement  orienté.  Le  second  mur  se  Irouve  bien,  comme 

le  veut  Vitruve  dans  son  diagramme  du  Ibéàlre  grec,  sur  la 

'tidngènte  de  là  circonférence  de  l'orcheslie,  mais  cetle  tangente 


172  MANTINÉK   ET   L'ARCADIE  ORIENTALE. 

n'est  point  parallèle  à  la  ligne  des  àvaX-/ifjL[i.aTa.  Elle  oblique  sen- 
siblement vers  le  Sud-Est,  en  sorte  que  l'angle  N.  de  la  scène 
n'est  éloigné  de  l'angle  de  l'orchestre  que  de  2  m.  35,  tandis  que 
l'angle  Sud  est  distant  de  l'angle  correspondant  de  l'orchestre 
de  4  m.  65.  Cette  étrange  disposition  qui  place  la  scène  de  travers 
l)ar  rapport  aux  gradins  est,  sans  nul  doute,  la  conséquence  du 
défaut  de  symétrie  dans  la  construction  des  ailes  du  théâtre. 
Comme  l'aile  Sud  déborde  sur  l'aile  Nord,  il  était  nécessaire 
d'obliquer  la  scène  du  côté  du  plus  grand  secteur. 

Le  mur  du  Trpoerxvjviov  mesure  21  mètres  07  de  longueur.  Il  se 
compose  de  deux  assises  de  calcaire  blanc,  de  formes  et  de 
provenances  diverses,  ajustées  après  coup  et  probablement 
empruntées  à  des  édifices  plus  anciens.  L'assise  inférieure,  la 
plus  large,  repose  sur  des  fondations  peu  profondes  (l).  Elle  est 
conservée  dans  toute  sa  longueur.  L'assise  supérieure  ne  sub- 
siste que  dans  la  moitié  Sud.  On  y  remarque  les  trous  de  scelle- 
ment et  les  traces  des  bases  de  colonnes  qui  décoraient,  comme 
à  Épidaure  et  à  Oropos,  le  mur  du  irpo^xT^viov  tourné  vers  les 
spectateurs.  Elles  étaient  distantes  de  1  m.  35,  ce  qui  porte  leur 
nombre  total  à  IG.  Neuf  seulement  ont  laissé  des  traces. 

Au  milieu  de  ce  mur  est  une  entaille.  Ui  était  la  porte.  La 
trace  des  montants  est  encore  visible  sur  le  côté  gauche.  Cette 
porte  avait  environ  1  m.  50  de  largeur.  Elle  existe  à  Épidaure  à 
la  môme  place.  Elle  mettait  en  communication  l'orchestre  et 
rOTTOffXT^v'.ov.  Sur  l'assise  inférieure,  à  gauche  de  la  porte,  on  lit, 
gravée  sur  la  pierre  en  lettres  de  0  m.  08  l'inscription  suivante, 
EI1IS0,  dont  le  sens  nous  échappe. 

J)errière  le  irpo^xv^viov,  il  y  avait  une  vaste  salle  qui  repré- 
sente la  axY,vv5. 

Tous  ces  murs  sont  construits  en  moellons  ajustés  avec  de  la 
terre  et  de  la  chaux.  Ils  ont  été  faits  à  la  hâte,  sans  soin,  avec 
des  matériaux  quelconques  ;  on  a  voulu  bâtir  vite,  par  le  procédé 
le  plus  économique.  Si  l'àvàXyjiJLfjLa  paraît  bien  être  de  l'époque 
grecque,  contemporain  des  murs  d'enceinte,  les  parastades,  une 
partie  des  gradins,  les  œuvres  de  la  scène  et  des  escaliers  latéraux 
sont  des  remaniements  plus  récents. La  présence  de  la  chaux  dans 
le  blocage  qui  sert  de  soubassement  aux  gradins,  la  forme  des 
lettres  relevées  sur  plusieurs  de  ceux-ci,  enfin  la  nature  même 

(i)  Le  AtXtiov  àp/aioX.  (Mars  i890),  annonçait  que  MM.  Gardner  et  Lorlng 
avaient  mis  à  nu,  jusqu'ù  une  profondeur  de  3  mètres,  les  fondations  de  la  scène 
de  ManUnée  :  c'est,  en  réalité,  de  Mégalopolis  qu'ii  devait  s'agir. 


LA  ville;  les  nuES  ;  l'agora;  les  moiNUments.  173 

des  matériaux  employés  en  sont  autant  de  preuves.  Seul,  l'esca- 
lier postérieur,  dont  les  parois  polygonales  sont  ajustées  sans 
ciment,  avec  une  admirable  précision,  appartenait  à  la  cons- 
truction de  ràvàX7)(jL[i.a  primitif  (voy.  fig.  41). 

Toutefois,  s*il  est  dilïicile  de  reconstituer  le  plan  originel,  on 
peut  admettre  que  les  remaniements  concordent  en  partie  avec 
la  théorie  exposée  par  M.  Dœrpfeld  sur  la  construction  de  la 
scène  à  Tépoque  romaine  (1).  M.  Dœrpfeld  soutient  que,  dans 
les  théâtres  grecs,  les  acteurs  parlaient  au  niveau  de  Torchcstre, 
en  avant  du  proscénion,  qui  servait  de  fond  décoratif.  Quand 
on  voulut,  à  l'époque  romaine,  les  établir  sur  une  estrade  sur- 
élevée, on  le  fit,  dit-il,  en  creusant  Torcheslre  tout  autour  des 
gradins  et  en  ménageant  en  avant  du  proscénion,  une  manicre 
de  terrasse  qui  se  trouvait  ainsi  située  au  même  niveau  que  les 
gradins.  Or,  à  Mantinée,  l'orchestre  paraît  avoir  été  cITective- 
ment  creusé,  mais  l'existence  d'une  terrasse  ou  estrade,  en  avant 
du  proscénion,  me  semble  impossible,  parce  que,  si  étroite  qu'on 
la  suppose,  elle  serait  venue  complètement  intcrce[)lcr  les  paro- 
doi,  qui  mesurent  seulement  2  m.  35  de  largeur,  comptée,  à 
l'aile  N.  entre  l'angle  du  proscénion  et  la  parastade,  au  Sud 
entre  l'angle  du  proscénion  et  l'escalier  S.  E.  Les  choses  au  con- 
traire s'expliquent  d'elles-mêmes,  si  l'on  adinni  que  les  acteurs 
parlaient  en  haut  du  proscénion,  sur  le  XoyeîovIoI  qu'on  se  l'était 
toujours  figuré.  Je  ne  crois  pas,  à  vrai  dire,  (|uc  le  proscénion 
de  Mantinée  ait  été  construit  avant  l'époque  hellénistique.  Peut- 
être,  au  IVo  s.,  les  acteurs  jouaient-ils  soit  sur  le  sol  même  de 
l'orchestre,  soit  sur  une  estrade  basse,  en  avant  de  la  scène 
s^ors  située  à  la  place  du  proscénion  actuel.  La  construction  du 
proscénion  en  pierre,  dont  le  plancher  supérieur  servait  de  scène 
au  sens  moderne  du  mot,  c'est-à-dire  de  AoysTov  où  parlaient  les 
acteurs,  fut  obtenue  par  un  procédé  original.  On  creusa  le  sol 
primitif  de  l'orchestre,  et  l'on  disposa  sous  le  premier  rang  des 
gradins  inférieurs,  un  soubassement  de  trois  marches,  de  faroii 
à  mettre  les  spectateurs  de  ce  gradin  au  niveau  de  la  scène  nou- 
velle. Les  trois  marches  représentent  une  hauteur  de  1  m.  22  au- 
dessus  du  niveau  de  l'orchestre,  laquelle,  ajoulée  à  la  hauteur 
du  premier  gradin  (0  m.  40)  et  à  celle  du  buste  du  spectateur 
(0  m.  75  environ),  mettait  Tœil  de  celui-ci  à  2  m.  40  au-dessus 
de  la  conistra.  Par  suite,  on  peut  évaluer  à  2  m.  îiO  environ  la 

(1)  Dorpteld  cl  Reisch.  Der  griech.  Thcater,  p.  :J88. 


174 


MANTINKE   ET  L  ARCADIE  ORIENTALE. 


hauteur  du  prosréiiion  :  c'est  justement,  à  quelques  centimètres 
près,  celle  du  proscéuion  dans  les  théâtres  d'Oropos  et  d'Épi- 
daure  (1). 

('es  explicalions  ne  préju{»;eiit  en  rien  la  solution  de  la 
fameuse  théorie  de  Texistcnce  ou  de  l'absence  du  ÀoyeTov  à 
répoque  classique.  iNolre  théàlre  ne  nous  fournit  aucun  indice 
malérjel  à  ce  sujel.  Mais  le  (Iis|)osilif  ci-dessus  décrit  me  paraît 
exclure  rexislence  d'une  terrasse  qui  aurait  empiété  sur  le  sol 
de  Torchestre  en  avant  du  proscénion. 


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Z9hi±±Ml 


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BOULEUTERION 


Li^mii: 


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Fig.  42. 


Le  théâtre  servait  aux  réunions  de  l'assemblée  jmpulaire.  Le 
local  où  siéf^cait  le  Sénat  mantinéen  élaît  également  situé  sur 
l'Agora,  à  78"»  au  Sud-lîlst  de  l'angle  méridional  de  l'analemma. 
Cet  édifice,  le  mieux  conservé  et  le  mieux  construit  de  tous  ceux 
([ue  nous  avons  défçagés,  se  présente  comme  un  grand  rectangle 
de  35™  de  long  sur  lî)"»  de  profondeur.  Sa  façade  est  tournée  vers 
le  Nord,  et  donne  sur  l'Agora.  Elle  se  décompose  en  un  corps  de 
bâtiment  central  ilan(|ué  de  deux  ailes  en  saillie,  le  tout  clos  vers . 
le  Sud  |)ar  un  gros  mur  de  fond.  L'entrée  était  au  milieu  du. 
corps  do  bAlimeiit  ;  à  droite  et  à  gauche  se  trouvaient  des  statues 
tournés  vers  l'Agora  et  dont  plusieurs  hases  ont  été  retrouvées: 
en  place  (voy.  fig,  42).  •       ;  ;  .    • 


(1)  lhu\.  |»L  VI. 


LA  villk;  les  rues;  l'agora;  les  monuments. 


175 


Les  fondations  de  la  partie  centrale  et  des  ailes  présentent  un 
très  bel  appareil  hellénique,  en  blocs  quadrangulaircs  à  bossages 
de  1°»  de  long  (Voy.  l'appareil  représenté  par  la  lig.  43).  La  ma- 
tière de  ce  soubassement  inférieur  est  un  conglomérat  de  petits 
cailloux  agglutinés  dans  de  la  terré  dure,  mais  (|ui  se  détachent 
facilement.  Cette  matière  abonde  dans  le  sous-sol  de  Mantinée 
qui,  à  certains  endroits,  ressemble  à  un  lit  de  rivière.  Prise  en 
masse,  elle  oflre  une  certaine  consistance  et  pouvait  élre  em- 
ployée dans  les  constructions. 

Voici,  du  côté  de  TOuest  où  il  est  le  mieux  conservé,  l'appa- 
reil du  mur  extérieur  : 


^Tî 


^ 


Fig.  43. 
Appareil  du  Boiileulérioh  (cAlé  Oiicsl). 


i^vjr*^;^^?^ 


Ici  encore,  on  retrouve  le  môme  mode  do  construction  (|ue 
pour  les  remparts  et  pour  THéraion.  Les  parois  latérales  et  le 
mur  de  refend  intérieur  étaient  en  briques  crues  sur  un  socle 
de  pierre.  La  masse  d'argile  retrouvée  à  l'intérieur  de  l'édilice 
ne  laisse  aucun  doute  à  ce  sujet. 

Au-dessus  de  ces  fondations  reposaient  des  assises  de  belles 
plaques  en  calcaire  blanc  de  Mantinée,  taillées,  ajustées  el  parées 
avec  le  plus  grand  soin.  II  ne  subsiste  que  des  f raclions  de 
la  plus  inférieure  de  ces  assises,  à  Taile  E  ;  mais  les  trous  de 
scellement  creusés  à  la  partie  supérieure  prouvent  (ju'une 
seconde  et  peut-être  une  troisième  assise,  en  reirait  les  unes  sur 
les  autres,  se  superposaient  à  la  première.  Il  est  très  rcgrellable 
qu'aucun  fragment  de  l'assise  supérieure  n'ait  pu  être  retrouvé, 
car  on  y  eût  certainement  observé  les  traces  (Tune  colonnade. 
Toute  cette  partie  antérieure  du  corps  central  et  des  ailes  for- 
mait un  péristyle  ouvert  sur  l'agora.  Le  mur  n'était  plein  (|ue  sur 
les  côtés  et  dans  le  fond.  Le  mur  latéral  était  sans  doute  en 
brique  crue,reposant  sur  une  double  ligne  de  pierres  polygonales. 


(1)  Voy.  plus  hciul.  p.  21-22. 


176  IVIANTINÉE    KT   L^ARGADIE  ORIENTALE. 

Ce  socle  reposait  lui-môme  sur  des  fondations  en  grosses 
pierres  non  équarrics. 

A  cette  construction,  comprenant  seulement  le  corps  de 
l)îUiment  central  et  les  ailes,  s'ajoutait  (1)  un  portique  rectan- 
gulaire avec  colonnade  ouverte  vers  le  Sud.  Un  double  escalier 
mil  en  communication  cet  arrière-corps  de  bâtiments  avec  la 
partie  antérieure.  Les  colonnes  de  ce  portique,  dont  il  ne  sub- 
siste que  les  bases  et  la  naivsçance  du  lût,  étaient  en  conglo- 
mérat. La  partie  inférieure  du  fût  devait  être,  comme  celles  de 
la  Stoa  PhilippeioH  à  Mégalopolis,  ù  cannelures  rudentées  entre 
arélcs  aplaties,  et  le  chapiteau  probablement  d'ordre  ionique.  Un 
revêtement  de  sluc  dissimulait  les  aspérités  de  la  matière.  La 
colonnade  actuelle  n'a  plus  que  huit  colonnes  :  deux  pilastres 
la  terminent  à  droite  et  à  gauche.  Il  semble  que,  à  l'origine,  il 
devait  exister  dix  colonnes  sur  toute  la  largeur  du  bûtiment. 
En  eUet,  un  remaniement  postérieur  a  bouleversé  toute  la  partie 
occidentale  de  Tédifice,  afin  d'y  installer  une  longue  salle  orien- 
tée du  S.  au  N.  La  porte  était  précédée  de  deux  colonnes  avan- 
cées dont  on  voit  les  bases  et  qui  supportaient  sans  doute  un 
fronton  décoratif.  Le  seuil  de  la  porte  ii  deux  battants  a  conservé 
ses  gonds  de  bronze. 

Au-delà  d'un  étroit  vestibule,  on  franchissait  une  seconde 
porte  intérieure  et  l'on  entrait  dans  une  grande  salle,  divisée 
en  deux  par  une  barrière  en  bois  ou  une  grille  dont  on  distingue 
les  scellements  sur  une  ligne  de  dalles.  Il  y  avait  à  l'intérieur 
contre  la  paroi  orientale,  une  statue  dont  la  plinthe  inférieure 
subsiste  en  partie.  Au  centre,  un  dallage  quadrangulaire 
marque  sans  doute  la  place  d'une  autre  statue  ou  d'une  tribune. 
(Juclle  était  la  destination  de  cette  pièce  ?  On  penserait  à  l'olxoç 
d'Antinous,  orné  de  statues  de  ce  personnage  et  de  peintures. 
Mais  Pausanias   dit  expressément  que  cet  okoç  était  dans  le 

(1)  Dans  notre  premier  rapport  sur  nos  fouilles  {BuU  de  Corr.  hellén.j  XI, 
p.  48G)  nous  avions  écrit  que  le  style  de  la  colonnade  ajoutée  était  romain. 
Nous  ne  connaissions  pas  alors  les  colonne;  du  Ptillippieion  d*0lympie.  L'année 
suivante,  M.  Dôrpfeld,  étant  venu  voir  nos  fouilles,  fut  cimsuUé  par  nous  sur 
ce  point.  U  nous  dit  que  de  semblables  colonnes  pouvaient  très  bien  être  attri- 
buées à  l'époque  macédonienne  ;  il  nous  cita,  comme  exemple,  la  colonnade  du 
Ptillippidlon.  Quelques  temps  après,  étant  allé  à  Olympie,  nous  eûmes  Toccasion 
de  vérifier  l'exaclituiJe  du  rapprochement.  Nous  rectifions  donc  notre  première 
assertion.  Les  fouilles  dj  Mégalopolis  ont  aussi  fait  connaître  des  colonnes 
toutà-fait  semblables  à  celles  que  nous  décrivons,  dans  la  Stoa  Philippeio. 
{lîncav.  ut  Megalop,  pi.  XVI). 


LA  ville;  les  rues;  l'agora;  les  monuments.  177 

gymnase.  Or,  le  bâtiment  que  nous  décrivons  ne  rappelle  un 
gymnase  ni  par  sa  forme  extérieure  ni  par  ses  dispositions 
intérieures.  Mais,  si  le  nom  d*Antinous  doit  iHrc  écarté,  il  nous 
paraît  néanmoins  assez  plausible  de  voir  dans  cette  pièce  un 
sanctuaire  aménagé  à  l'époque  romaine  en  Flionneur  d'un  per- 
sonnage important,  peut-être  un  empereur  divinisé.  Peut-être 
aussi  servait-elle  h  des  réunions  fermées  ou  à  un  tribunal. 

Quant  à  l'édifice  tout  entier,  ni  son  orientation,  ni  son  plan  ne 
permettent  de  lui  attribuer  un  caractère  religieux.  C'était  viii 
bâtiment  civil.  Nous  ne  pouvons  le  comparer  à  aucun  des  monu- 
ments connus  de  la  classe  des  palestres  ou  des  gymnases.  L'bypo- 
thèse  d'un  portique  purement  décoratif  n'est  |)as  davantage 
justifiée  :  la  simple  inspection  dii  plan  montre  une  intention 
particulière  du  constructeur.  Trop  fermé  et  trop  étroit  pour  être 
un  simple  lieu  de  promenade,  le  bûtiment  convenait  très  bien  aux 
réunions  d'une  assemblée,  tribunal  ou  sénat.  Aussi  la  quali- 
fication de  BouXeuTTiptov  nous  paraît-elle  convenir  mieux  que  toute 
autre  à  cet  édifice.  Il  fallait  au  Sénat, aux  démiurges  mantinéens, 
un  local  pour  leurs  délibérations.  A  Olympie  et  à  Eleusis,  il  y 
avait  un  Bouleutérion  :  le  plan  de  ces  monuments,  surtout  celui 
d'Eleusis  (1),  présente  des  dispositions  intérieures  très  particu- 
lières, mais  le  tracé  général  n'est  pas  sans  analogie  avec  celui 
de  notre  bâtiment  :  il  consiste  aussi  en  deux  ailes  enfermant 
un  corps  central,  le  tout  flanqué  en  arrière  d'une  colonnade. 
La  comparaison  et  l'assimilation  nous  semblent  tout  indiquées, 
en  l'absence  d'inscriptions  qui  résolvent  nettement  le  problème. 
En  tout  cas,  le  style  architectural  et  le  soin  a|)porté  à  la  cons- 
truction du  portique  antérieur,  font  de  cet  édifice  un  des  débris 
les  plus  intéressants  de  la  Nouvelle  Mantinée  au  1V«  siècle. 

Toute  agora  comporte,  à  côté  des  édifices   consacrés  aux      roniqucs 
assemblées  ou  aux  administrations,  des  locaux  servant  aux  tran-     "^^  marchés. 
sactions  commerciales  ou  au  bien-être  des  promeneurs,  c'est- 
à-dire  des  portiques  et  des  marchés. 

Les  portiques  et  autres  constructions  qui  bordaient  l'Agora 
mantinéenne  au  Nord,  à  l'Est  et  à  l'Ouest  sont,  sauf  le  Bouleu- 
térion, d'époque  romaine.  Néanmoins,  il  n'est  pas  douteux  que 
l'espace  qu'ils  enfermaient  ne  correspondît  à  remplacement  de 
l'agora  à  l'époque  grecque.    C'est  ce  que  prouvent  matériel- 

(i)  llpaxTixà  TYjç  àpy.  ETaipe^aç.  1895,  pi.  I.  —  Sur  lo  Bouleulérion  de  Del- 
phes, voy.  BulL  de  Corr.  hellèn.  XXI  (1897),  pi.  XVI. 

Mantinée.   —  13. 


nS  MANTINKE   ET  l'ARGADIE  ORIENTALE. 

lemenl  rorionlalion  de  la  façade  du  Bouleutérion,  qui  dut  tou- 
jours donner  raligncment  du  côté  Sud  de  la  place,  les  bases  de 
slalucs  (toutes  assez  anciennes)  tournées  vers  cette  place,  enfin 
le  groupe  des  petits  monuments  situés  à  Tangle  N.-E.  du  rec- 
tangle et  incontestablement  antérieurs  à  la  construction  des  por- 
tiques circonvoisins  (1). 

Une  inscription,  trouvée  dans  le  portique  Nord,  nous  parle  des 
grands  travaux  exécutés  autour  de  Tagora,  à  l'époque  romaine, 
par  Eupbrosynos,  fils  de  Titos,  et  sa  femme  Épigonè,  fille 
d'Artémon.  Le  décret  des  Anligonéens  et  des  négociants  romains 
en  Tbonneur  de  ces  deux  personnages  énumère  avec  une  com- 
plaisance empbatique  leurs  nombreux  bienfaits  et  leurs  titres  à 
la  reconnaissance  de  la  ville  (2).  On  voit  qu'ils  avaient  fait  cons- 
truire à  leurs  frais  des  temples  (vaoùc  [xev  r^ysi^a^  tUlha^^oq  Y)p6i(j[i.6vouç 
—  peut-être  les  deux  édifices  situés  derrière  la  scène  ?)  —  des 
salles  de  festins  et  des  trésors  pour  des  associations  (BciTcviaxT^pià 
T£  7rpo<r6[jL*^xuvav  ûÊtTtvidT'/jpfoiç  xoà  Ta[JLieTa  9uv($oo(ç  l/apiaavTo).  Epigonè 
fit  bAtir  de  toutes  pièces  un  marché  entouré  de  boutiques, 
avec  une  exèdre  au  centre  (jjiaxeXXoç  kx  OcjjlcXiwv  O'J/outo  TioXuTeXTjç, 
6pya(XT*/)piwv  aùxaûXT^  8(aYpa^ô[JLevoç  xaXXovi^v.  ^viSpuETO  8'aÙTOÎç  i^éSpa 
[jLé(j7],  8uva[jL£v7j  xat  (JLÔVT,  TTôXecuç  x()(X|Aoç  elvai),  —  un  hangar,  offrant 
un  abri  précieux  dans  la  mauvaise  saison  (TrpoffCfjLïjxuveTo  8'  «utoTç 
xal  paiTTj^  Euyp'/jorTo;  àTioXauaiç,  )ri[jL£p(Ov  xaTctffTY|ji.a  vixa)ff7)ç),  —  enfin, 

un  péristyle  à  colonnade  de  marbre  qui  contribuait  merveilleu- 
sement à  rembellissement  de  l'agora  (7cep(<xTuXov  (xapfjLapivoiç  âwepi- 

8Ô[JL£V0V  X£lO(TtV,    (OV  •/)  XaXXoVV)    xal  TO    X£l7cbv   lizi    TY|Ç    àyOpS;    XEX($9(X7|Xe). 

Les  renseignements  que  nous  donne  ce  texte  pour  la  topographie 
(l'une  partie  de  l'agora  sont  très  précis  et  très  clairs.  L'inscrip- 
tion ne  peut  être  rigoureusement  datée.  Mais  l'intitulé  :  tj/<vpi<r|xa 
'AvTiYovÉwv  prouve  ([ue  le  nom  de  Mantinée  n'avait  pas  encore 
été  restitué  à  la  ville.  Le  décret  est  donc  antérieur  à  Hadrien. 
D*autre  part,  la  gravure  ne  permet  guère  de  le  faire  remonter 
au  delà  de  l'ère  chrétienne.  Les  travaux  dont  il  est  question  ont 

(1)  Un  marais  occupait  le  centre  de  l'Agora.  Bien  que  le  niveau  du  fond  en 
lût  sensiblement  inlcrirur  au  niveau  des  fondations  des  édifices  les  plus  proches, 
dès.  le  début  des  travaux  nous  l'avons  fait  sonder  en  plusieurs  points,  alors 
t^ue  les  chaleurs  de  l'été  l'avaient  mis  complètement  à  sec.  A  une  faible  profon- 
deur, on  rencontra  partout  une  couche  de  fange  noirâtres  Jugeant  toute  exca- 
vaUon  à  cet  endroit  impossible  et  dan^^ereuse  à  cause  des  miasmes,  nous  i^avons 
comblé  avec  nos  déblais. 

(SS)  Fougères,  !iuU.  de  Corr,  hellcn,  XX  (1896),  p.,  126,  I.  35  et  sulv. 


Il 


ngora, 


LA  ville;  les  rues;  l'agora;  les  monumknts.  179 

dû  être  exécutés  vers  la  lin  du  l^^  siècle  après  J.-C,  probable- 
ment sous  le  règne  de  Titus. 

jo  _  Propylées  et  ancien  portique.  —  Au  pied  inèinc  de  l'àvaX-rifi.-      côiô  Nord 
[i.a,  à  Tangle  Nord  du  théâtre,  se  voit  un  dallage  avec  traces  de  '** 

colonnes.  Il  forme  un  petit  rectangle.  Cette  construction,  qui 
servait  probablement  d'entrée  à  Tagora,  est  antérieure  à  Fescalier 
N.-E.  du  théâtre,  puisque  les  dernières  marclies  de  celui-ci  la 
recouvrent  en  partie.  Après  la  construction  de  l'escalier,  ces 
propylées  devinrent  iosuffisants,  et  l'entrée  de  Tagora  dut  être 
reportée  un  peu  plus  à  l'Est,  ù  l'autre  extrémité  du  portique 
adjacent  (fig.  44). 

La  ligne  antérieure  de  ce  portique  subsiste  sur  une  longueur 
de  31  mètres.  C'est  un  gros  dallage  en  calcaire  blanc.  On  y 
remarque  une  série  de  9  trous  circulaires  destinés  à  recevoir 
les  fûts  d'une  colonnade  dorique.  Il  n'y  a  plus  trace  ni  d'un 
mur  de  fond  ni  d'une  aile  orientale.  La  forme  massive  du  sou- 
bassement nous  paraît  être  une  preuve  d'ancienneté.  Nous 
pensons  que  cette  colonnade  est  un  reste  fie  l'agora  primitive, 
et  qu'elle  est  antérieure  aux  reconstructions  lomaines  d'Eu- 
phrosynos  et  d'Epigonè. 

Entre  ce  portique  et  les  suivants  débonciiait  la  rue  dont 
Taulre  terme  était  la  porte  de  Méthydrion. 

2®. —  Exèdre  d'Épigonè  et  vieux  marché, —  La  ligne  des  [)orli- 
ques  se  prolongeait  vers  TEst  sur  une  longueur  de  38  mètres, 
par  un  soubassement  à  trois  assises.  L'assise  supérieure,  sur 
laquelle  reposait  la  colonnade,  a  disparu,  en  sorle  qu'il  est 
impossible  de  déterminer  le  nombre  et  l'ordre  des  colonnes. 
Derrière  ce  péristyle,  ouvert  sur  l'agora  et  aménagé  en  prome- 
noir, nous  avons  dégagé  un  monument  d'une  disposition  assez 
curieuse.  C'est  un  hémicycle  de  37  mètres  de  diamètre  attenant 
au  portique  et  divisé  en  plusieurs  comparliments  dont  la 
fig.  44  montre  l'aménagement.  Le  mur  circulaire  est  en  briques 
cuites  sur  des  fondations  en  petites  pierres;  il  a  1  m.  80 
d'épaisseur.  Un  mur  droit  de  2  m.  03  d'épaisseui-,  en  moellons 
fortement  cimentés,  paraît  avoir  été  destiné  à  soutenir  les  plus 
puissantes  pesées.  Des  escaliers  intérieurs  metlent  en  communi- 
cation les  différentes  chambres.  Dans  le  mur  de  fond  du  j)orti- 
que,  une  porte,  indiquée  par  un  dallage,  pénélraitdansla  partie 
intérieure  de  la  rotonde.  Aucun  fragment  d'architecture  n'a  élé 
retrouvé. 

Cette   construction  circulaire   de  briques  cuites,  coupée,  à 


180 


MANTINKE  ET  L  ARGADIE  ORIENTALE. 


l'inléricur,  de  imirs  en  petites  pierres,  en  briques  cuites  et  en 
briques  crues,  est  crépoquc  romaine.  Elle  paraît  s*ôtre  super- 
posée à  une  cour  rectangulaire  dont  nous  avons  retrouvé  les 
traces  sous  les  murs  plus  récents.  Un  premier  mUr  exté- 
rieur (1)  présente  à  TEst  un  appareil  polygonal  assez  soigné, 
garni,  à  la  cnMe,  d'un  dallage  de  pierres  hétéroclites.  Il  était 
probablement  le  socle  d'un  mur  en  matériaux  plus  légers.  Un 
second  mur  intérieur  plus  mince  est  revêtu  d'une  couche  de 
stuc.  Les  deux  murs  entouraient  une  colonnade  dorique  dont 
nous  avons  retrouvé  en  i)lace  (jnelques  fragments.  Les  fûts  sont 


ËxÀdra 
d'Epi  gOTLÔ 


Fig.  4i. 
Pliiii  (le  l'Agorn  de  Manlincc. 

à  20  cannelures,  en  conglomérat  stuqué,  lourds  et  trapus.  Il  y 
avait  donc  primitivement  une  cour  de  27  mètres  de  côté,  avec 
trois  colonnes  au  coté,  distantes  les  unes  des  autres  de  {}  m.  80. 
Comme  le  slyle  de  ces  colonnes  est  très  ancien,  elles  ont  pu  être 
rapportées  d'un  monument  détruit  pour  être  employées  à  la 
construction  de  celle  cour.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  péristyle  qua- 
draugulaire  est  antérieur  à  Tédification  de  rhémicycle.  Trop 
restreint  pour  être  un  gymnase,  il  peut  avoir  été  une  dépen- 


(1)  Marqué  en  li|;nt>s  noires  sur  le  plan  (fig.  44)  et  représenté  par  la  fig.  45. 


LA  ville;  les  rues;  l agora;  les  monuments. 


181 


dance  de  rancicnnc  agora,  peut-être  un  vieux  marché  remplacé 
parie  (xàxeXXoç  d'Epigonè. 

Quanta  la  rotonde,  elle  avail  surtout  un  caraclî're  décoratif  ; 
son  plan  ne  convient  ni  à  des  thermes  ni  à  un  och'^on.  Il  ra])pelle 
surtout,  toutes  proportions  gardées,  celui  do  hi  Tribune  du 
stade,  dans  le  Palais  des  Césars  au  Palatin  (l),  ou  de  l'excdre 
d'ilérode  Atticus  à  Olympie. 


lijf.  45. 
A|>pnml  du  imrr  Ksi  rin  Vieux  Mnrclir. 

L'épaisseur  du  mur  circulaire  et  du  massif  parallclc  au  mur 
de  fond  du  portique  ijidique  qu'elle  devait ého  voiUée.  Il  y  avait 
deux  éinges,  le  rcz  de  chaussée  avec  les  divisions  visibles  sur  le 
plan  et  un  étage  supérieur,  ayant  vue,  au-dessus  du  portique, 
sur  l'agora  :  on  y  accédait  |)ar  un  perron  à  dcuihic  rampe  d'esca- 
lier placé  derrière  la  construction.  La  demi  voùh»,  orientée  vers 
le  Sud,  faisait  face  au  BoulcutérioUf  et  |K)uv;iit  élre  ornée,  à 
l'intérieur,  de  statues,  de  caissons  et  (rornemcnisen  tene  ruile 
peinte.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  celle  voùle  et  les  ])arois 
latérales  étaient  construites  en  briques  crues,  sur  le  socle  de 
briques  cuites.   L'intérieur  de  la   rolonde  ('lail  complètement 


(1)  V.  U.  Oeglane.  Le  stade  du  Palatin,  Mélanges  de  rKcole  de  Home,  IX, 
p.  208  et  210,  pi.  IV,  V,  VI. 


182  MANTIMÔK   KT   l'ARCADIE  OIUENTALE. 

rempli  crime  masse  argileuse  de  plusieurs  mètres  d'épaisseur, 
et  le  niveau  supérieur  du  socle  de  briques  cuites  se  maintient 
partout  à  la  mùme  hauteur,  comme  celui  des  remparts. 

Je  n'iiésile  pas  à  identifier  ce  monument  avec  Texèdre  d'Epî- 
gonè,  émergeant  avec  sa  masse  imposante  au  milieu  des  bou- 
tiques du  marché.  Le  rédacteur  de  Tinscription  citée  plus  haut, 
dans  son  enthousiasme  lyrique,  en  a  célébré  les  splendeurs  ;  il 
prétend  quï»  clic  seule  elle  pouvait  faire  Tornement  de  toute  la 
ville.  Ce  panégyriste  est  bien  de  son  temps,  en  ce  qu'il  admire 
surtout  Tampleur  des  dimensions,  le  caractère  colossal  des  édi- 
fices bien  plus  que  la  finesse  du  travail  et  la  qualité  des  maté- 
riaux. Il  est  vrai  qu'alors  les  pauvres  villes  grecques  n'avaient 
plus  à  se  montrer  bien  dilliciles  sur  le  choix  de  leurs  atours. 
Au  rebours  de  Home,  après  avoir  été  vêtues  de  marbre,  elles 
s'estimaient  heureuses  de  survivre  dans  un  vulgaire  manteau 
de  briques. 

30.  —  MxxeXXoç  c(  6pYa<rTV)(iia  d'Épigonè.  —  Contiguês  à  l'exèdre 
sont  les  constructions  d'Épigonè  énumérées  par  notre  inscrij)- 
tion.  Une  cour  rectangulaire  dallée  occupe  le  centre  d'un  en- 
semble de  petites  pièces,  au  Nord  d'un  long  portique  à  double 
colonnade  intérieure. 

Le  Marché  d'Kpigonè  (fjLxxeXXoç)  avait  son  entrée  à  l'Est,  der- 
rière un  vestibule  en  partie  détruit.  Les  boutiques  -  ateliers 
lEpYa<iropta)  où  travaillaient  les  artisans,  à  la  manière  des  bazars 
d'Orient,  étaient  réparties  autour  de  l'atrium.  Ces  comparti- 
ments font  un  dédale  de  murs  de  refend,  en  matériaux  légers, 
la  plupart  noyés  de  terre  en  guise  de  ciment.  Dans  l'un  d'entre 
eux,  arrondi  en  abside  à  l'angle  S.-O.,  le  plancher  était  fait  d'une 
mosaïque  à  figures  blanches  sur  fond  noir  représentant  des 
animaux  (1)  [iig.  40]. 

40.  —  HaiTT)  (rÉpifjonè. —  La  galerie  (PaixT))  d'Epigonè  faisait  suite 
aux  portiques  de  l'agora  et  en  complétait  le  périmètre  septen- 
trional. Elle  devait  être  fermée,  au  N.,  par  un  mur  plein,  pour 
être  bien  protégéejcontre  le  froid  et  les  coups  de  vent,  ce  qui  est 
cx[)rimé  en  ces  termes  par  le  rédacteur  de  l'inscription  :  y}if.i^m 
xaTà(jT7)[jLa  vixiudTjç.  Ce  inur  était  percé  de  trois  portes,  dont  deux 
ouvertes  en  avant  du  MàxsXXoç,  la  3«  sur  une  rue, dallée,  qui 
partait  de  l'angle  N.-E.  pour  aboutir  à  la  2®  porte  d'Orchomène. 

(1)  On  y  disUngue  un  liovre  suspendu  par  un  lacet  à  une  branche  d*arbre, 
et  un  cliien^l?)  escaladant  un  rocher  au-dessus  d*un  anlre. 


LA  ville;  les  nuES  ;  l'agora;  les  monumknts. 


183 


Du  côté  de  l'agora,  les  traces  des  j)ortcs  ont  disparu,  mais  il 
est  peu  vraisemblable  qu'il  n'y  en  eût  aucune  s'ouviant  sur  les 
trottoirs  ou  dallages  qui  bordaient  les  porti(jues  et  dont  {|uel- 
ques  vestiges  ont  été  retrouvés. 

A  l'intérieur,  une  double  rangée  de  bases  grossières,  failcs  de 
moellons  cimentés  portant  une  dalle  de  pierre,  indique  la  |)lace 
des  colonnes.  Celles-ci  devaient  être  de  simples  poutres  en  iiois 
supportant  la  charpente  du  toit.  Il  n'y  a  pas  trace,  sur  les  dalles, 
de  colonnes  en  pierre.  D'ailleurs,  le  rédacteur  de  notre  inscrip- 
tion, à  qui  les  travaux  d'Epigonè  ont  inspiré  un  enthousiasmes 
que  la  réalité  ne  justifie  guère,  n'eût  pas  man(|ué,  si  les  coU)n- 
nes  de  la  paitT)  eussent  été  en  pierre  ou  en  marbre,  de  célébrer  en 
termes  pompeux  cette  splendeur  nouvelle. 


Fig.  46. 
MosnT(|iic  rc|>rf sentant  une  scène  de  rliassp  (.'). 


A  l'intérieur  de  cette  galerie,  devant  la  chambre  à  la  m()saï(|ue, 
se  trouvait  une  colounette  surmontée  d'un  chapiteau  aviîc  cotte 
inscription  ; 

Mc[JL[JL(a  'A(JxX'/)7rit5  T7)v  îoiav  eyYOvov  ex  to>v  i8îo)v.  — •]/.  p  (1). 

5oj  —  Péristyle  d'Epigonè.  —  Le  périmètre  ch».  l'agora,  à  TE.,  est 
constitué  par  un  portique  à  colonnade  médiane,  (|ui  fait  suite  à  la 
patTT).  Une  double  porte  est  percée  dans  le  nnir  de  fond  ;  elle  com- 
muniquait avec  l'extérieur  de  l'agora.  Du  colé  de  l'agora,  nous 


Côlô  Est. 


(i)  Deux  restes  de  sarcopliages  composés  de  daUcs  assoz  mal  associées  et 
retrouvés  près  de  là,  attestent  qu'à  une  époque  assez  basse  divers  personnages 
furent  enterrés  sur  ragora. 


184  MANTINKE   ET   l'aRGADIR  ORIENTALE. 

ne  saurions  décider  si  le  mur  élait  plein  sur  toute  sa  longueur. 
Cela  est  peu  probable.  Il  était  bordé  d'un  trottoir  dont  on  voit  la 
Irace.  Extérieurement,  à  Tangle  N.  E.,  il  était  flanqué  d'un 
groupe  de  constructions  rectangulaires  en  briques  et  moellons, 
peut-être  les  ociTcviaxT^pia  de  l'inscription.  Quant  au  portique  lui- 
m6me,il  nous  semble  répondre  au  TteptffTuXov  [xap^iapivoiç  é7repi8o[i.cvov 
xeioffiv,  situé  sur  l'agora  même.  Nous  n'avons  pas  retrouvé  de 
fragments  des  colonnes  elles-mêmes;  d'après  l'examen  des  bases 
elles  devaient  être  en  pierre  ou  en  marbre. 

A  l'angle  Sud-Est,  le  péristyle  ne  rejoignait  pas  les  construc- 
lions  Sud  de  l'agora.  11  en  était  séparé  par  une  rue  empierrée 
et  carrossable,  qui  aboutissait  à  la  poterne  de  l'Alésion. 
oMéSud.  1».  —  Portique  et  loggia  (TEuryclès.  —  Une  autre  rue  pénétrait 

dans  l'agora  par  le  même  coin,  en  venant  du  Sud,  de  la  porte  de 
Tégée.  Avant  de  déboucher  sur  la  place,  elle  longeait  un  long 
portique,  dont  11  colonnes  lisses,  en  pierre  calcaire,  ont  encore 
été  retrouvées  on  place.  Comme  elles  sont  d'un  faible  diamètre, 
et  distantes  les  unes  des  autres  de  4  m.  30,  nous  pensons  ou  que 
l'architrave  supportée  par  les  chapiteaux  était  en  bois,  ou  que 
les  entrecolonnements  supérieurs  étaient  des  voûtes  légères  en 
arcade.  La  chaussée  carrossable,  dallée,  aboutissait  à  une  porte 
centrale.  Du  côté  Est,  les  piétons,  après  avoir  cheminé  sous  la 
colonnade,  entraient  dans  l'agora  par  une  porte  spéciale.  De 
l'autre  côté,  à  TOuest,  un  autre  trottoir  conduisait  de  môme,  à 
une  petite  porte  latérale.  Derrière  la  colonnade,  à  l'E.  est  un 
grand  édifice  en  briques  et  matériaux  légers,  divisé  en  compar- 
timents. Nous  reconnaissons  dans  cet  ensemble  de  bâtiments  le 
portique  flanqué  d'cxèdres  dont  parle  la  dédicace  d'une  archi- 
trave trouvée  dans  les  murs  de  l'église  byzantine  voisine  : 

r,     'louXioç  EùpuxX-rjç   'llpxXavôç   A.   Où'.SouAXio;    Ileioç  tyjv  axoàv  aùv 

xaîç  iv  auTY)  k\iZ^onç  xyj  Mavxivéwv  TcôXei  xai  xco  iTciycopuo 

Oeo)  'Avx'.vÔ(.)  xaxc(Txcua<7e  oià  xbv  xX7)povô[jLOv. 

Caius  Julius  Euryclès  Uerculauns,  contemporain  de  Trajan  et 
d'Hadrien,  et  l'un  des  propriétaires  les  plus  considérables  du 
Péloponnèse  (1)  et  qu^stor  pro  prxtore  du  proconsul  d'Achaie, 
laissa  par  testament  à  son  héritier  le  soin  d'exécuterses  intentions. 


(1)  Voy.  le  commenlaire  de  rinscriplion,  l?u//.  de  Corr,  hellén.^  XX  (iSiiG), 
p.  Iîi5.  —Sur  le  personnage  et  sa  famiUe,  voy.  Foucart.  hiscr,  du  Pélop,  24Ô  I». 
-  Àlh,  mith.  VI.  188i,  p.  10  sq.  -  Bull,  de  Corr,  hellén.  XXI  (1897),  p.  209. 


LA  ville;  les  rues;  l'agora;  les  monumkiNts.  483 

Mantinée  venait  de  reprendre  son  ancien  nom  ;  Anlinoiis  était 
mort,  ce  qui  place  après  Tan  130  de  noire  ôrc  la  date  des 
constructions  d'Euryclès. 

L'architrave  de  marbre,  ornée  de  moulures  sur  laquelle 
l'inscription  est  gravée,  ainsi  que  d'autres  fraj^nients  d'épistyle 
de  môme  largeur  et  de  même  ordre  trouvés  au  même  endroit, 
ne  faisaient  pas  partie  du  portique.  Sans  j)arlcr  de  la  minceur 
des  colonnes  comparée  à  la  largeur  des  entrecolonuements,  qui 
s'oppose  à  ce  que  ces  colonnes  aient  supporté  une  architrave  de 
marbre,  le  style  du  portique  est  beaucoup  plus  simple  que 
celui  de  ces  fragments. 

Or,  nous  avons  dégagé  entre  la  porte  S.-E.  et  le  Bouleulérion 
un  petit  édicule  rectangulaire  à  trois  côtés  en  saillie  clans 
l'agora,  et  adossé  au  Sud  à  la  construction  ({ui  relie  la  rue  cl  le 
Bouleutérion.  Ce  qui  reste  de  cet  édicule  dilTiîrc  par  la  forme 
et  les  matériaux  des  murs  attenants,  qui  sont  d'un  fort  médio- 
cre travail.  C'est  un  petit  soubassement  de  marbre  assez 
soigneusement  paré  à  l'extérieur.  Il  y  avait  plusieurs  assises, 
peut-être  trois,  super|)osées.  Il  ne  reste  des  frafrments  (|ue  do 
l'assise  inférieure.  La  nature  du  marbre  et  sa  hugeur  (0  m.  12,) 
sont  identiques  à  celles  de  l'architrave  inscrile  et  des  aulrcs 
morceaux  de  l'épistyle.  Aussi  nous  estimons  que  tous  ces  mor- 
ceaux appartenaient  au  même  monument.  Nous  imaginons 
qu'Euryclès  avait  fait  construire  dans  l'agora,  lout  près  de  la 
porte  et  de  la  rue  qui  traversait  son  porli(|ue,  une  sorte  de  tri- 
bune décorative  dédiée  à  Antinous  et  peut-être  ornée  de  la  statue 
de  celui-ci  ou  de  celle  d'Euryclès.  La  dédicace  de  l'architrave 
rappelait  la  générosité  d'Euryclès.  Nous  n'avons  pas  de  frag- 
ments des  colonnes  de  ce  petit  monument.  Mais  les  chapiteaux 
ont  laissé  leurs  traces  à  la  partie  inférieure  de  l'épistyle.  Les 
entrecolonnements  étaient  de  1  m.  85  entre  diamètres.  Le  sou- 
bassement mesure  8  mètres  de  front  sur  ^  m.  HO  de  coté.  Il 
avait  donc  quatre  colonnes  en  façade  et  tn)is  sur  les  côtés  en 
comptant  les  colonnes  d'angle. 

En  face  du  portique  d'Euryclès  et  derrière  sa  tribune,  les 
bâtiments  compris  entre  la  rue  et  le  IJoulculérion  n'ont  laissé 
que  des  murs  en  briques.  C'étaient  probablement  des  boutifiues 
et  des  magasins.  Le  travail  en  est  fort  médiocre  ;  nous  n'y 
avons  trouvé  qu'une  petite  statuette  de  ïélesi)horos. 

Derrière  le  Bouleutérion,  c'est-à-dire  à  90  mètres  environ  au 
Sud,  la  ligne  fait  retour  vers  l'Ouesl,  parallèlement  au  côté  S. 


186  MANTINÉR   KT   L*ARCADIE  ORIENTALE. 

(le  Tagora.  Là  so  trouvait  sans  doute  une  autre  rue  :  quelques 
salles  avec  portes  déhouchent  sur  cette  rue,  puis  la  ligne  du 
mur  en  briques  s'interrompt  au  milieu  des  champs. 

Entre  le  Houlcutérion  et  l'entrée  S.-O.  de  l'agora,  nouvelle 
ligne  de  murs,  el,  prôs  de  cette  entrée,  deux  salles  rectangu- 
laires dont  je  ne  saurais  reconstituer  ni  le  plan  ni  la  destina- 
tion. Tout  cela  para  II  édifié  à  la  hâte,  avec  des  matériaux  dispa- 
rates. Il  est  fort  possible  que  le  Bouleutérion  ait  été  entouré 
d'un  grand  jardin  d'une  superficie  à  peu  près  égale  à  celle 
de  l'agora  ;  ))eut-étre  aussi  ce  vaste  espace  représente-t-il 
ren)[)laccment  du  gymnase?  Le  gymnase  est  mentionné  par 
Pausanias,  à  propos  de  l'olxoç  consacré  à  Anlinoiis,  et  qui 
])cut-(!'tre  est  rei)résenté  par  la  salle  occidentale  du  Bouleuté- 
rion. Dans  ce  cas  le  Bouleutérion  lui-môme  aurait  été  compris 
dans  les  bâtiments  qui  formaient  le  périmètre  du  gymnase.  A  ce 
gymnase,  comme  nous  l'apprend  l'inscription  d'Euphrosynos 
et  d'Épigonè  aliénait  une  rotonde  ou  une  exèdre  hémicyclique 
qui  fut  consumée  par  un  incendie  (ligne  17)  :  é{X7rp7)iOévToç  te 
Tou  xaxà  TÔ  y^iL^iiio^  xuxXou  (l).  Pour  réparer  ce  désastre, 
Euphrosynos  fit  don  à  la  ville  d'un  lot  de  briques  qu'il  avait  pré- 
parées pour  son  pro|)re  usage  :  xà;  et;  tvjv  io(av  eù/pY,<rTîo;v  /jToifJLs- 
<7{iév3ç  è/apiffaxo  ttXivOo'jî,  xY|Ç  xaxotxovo{xiaç  tôv  OT|(JLOff'.ov  xôfXULOv 
TTSoxpeîvac 

ÉDIFICES   KT  MONUMENTS   SACRÉS:    TEMPLES,   AUTELS, 
TOMBEAUX   ET  STATUES   DB  HÉHOS. 

Les  citoyens  se  réunissent  à  l'Agora  pour  débattre  les  affaires 
de  l'État,  pour  discuter  leurs  propres  intérêts,  pour  acheter 
leurs  vivres  ou  simplement  pour  prendre  l'air  :  elle  est  pour  eux 
un  club  national,  une  bourse,  un  marché,  une  promenade.  Mais, 
dans  la  séduction  (|u'clle  exerce  sur  eux,  il  n'y  a  pas  que  l'attrait 
d'un  local  spacieux  et  commode  pour  la  discussion  ou  pour  la 
flAneriè.  Elle  parle  aussi  à  leur  ûme,  parce  qu'elle  leur  offre 
l'image  léduile  de  la  patrie.  Là  Sont  groupés  leâ  fétiches  véné- 
rables de  la  cité  :  l'Agora  est  une  sorte  de  lieu  saint,  un  téménôs 
qu'habitent  les  dieux  protecteurs,  que  hantent  les  ancêtres 
légendaires  et  l'ombre  des  grands  citoyens  hérolsés  par  leur 

(1)  De  semblables  excUrcs  sonl  souvent  attenantes  aux  gymnases,  par  exem- 
ple h  Pergame.  Voy.  Saj^lio.  Dict.  des  antiq.  Art.  Gymnasium. 


LA  ville;  lks  hues;  l'agora;  les  monuments.  187 

dévoueraent.  Autour  du  foyer  commun,  symbole  de  la  solidarilc 
familiale  de  la  tribu  tout  entière,  on  respire  Tatmosplirre  du 
passé  lointain,  de  la  gloire  commune,  de  la  piété  palriolique. 
L'Agora  est  le  sanctuaire  de  la  patrie  et  le  musée  de  ses  souvenirs. 

Pausanias  nous  a  laisse  l'inventaire  exact,  mais  trop  som- 
maire, des  monuments  sacrés  et  historiques  ([ui  remplissaient 
l'Agora  de  Mantinée.  Ses  énuraérations  confuses,  surtout  (|uand 
il  décrit  une  ville,  sont  rarement  utiles  a  priori,  pour  orienter 
des  recherches.  Mais,  a  posteriori,  elles  apporlent  de  précieuses 
données  pour  identifier  des  découvertes.  L'exposé  suivant  four- 
nira de  nouvelles  preuves  de  cette  exactitude  approximative  (jui 
caractérise  sa  manière.  Nous  distinguerons  (rois  groupes  ;  les 
temples,  les  monuments  héroïques  et  les  slatues. 

i<*  Temple  de  Zeus  Soter  et  Héraioii(?}  —  Parallèles  aux  deux  ivmph's. 
côtés  de  l'angle  obtus  formé  par  l'aile  S.-K.  <le  ràv7.XY|u.aa,  sont 
deux  édifices  fort  mutilés!  Le  plus  endommagé  des  deux  est 
celui  du  Sud.  Il  dessine  un  rectangle  de  12  m.  10  de  longueur 
sur  6.75  de  largeur,  orienté  du  Sud  au  NoimI.  Le  soubassement 
se  compose  d'une  assise  inférieure  en  grandes  plaques  de  cal- 
caire, qui  tient  lieu  de  fondations,  et  d'une  seconde  ligne  en 
plaques  rectangulaires  bien  travaillées,  un  peu  en  retrait  sur  la 
précédente.  Sur  la  marche  supérieure  n»posait  le  mur,  en 
grosses  plaques  de  calcaire  posées  d'éfiuerrc.  Trois  de  ces  pla- 
ques ont  été  retrouvées  debout  en  pla(;e.  La  surface  (îxléiieure 
en  est  seule  parée;  l'autre  est  simplement  dégrossie.  La  dispo- 
sition des  trous  de  scellement,  réi)aisseur  de  ces  pierres  qui 
n'occupent  que  la  moitié  de  la  largeur  du  mur,  nous  font  croire 
qu'il  y  avait  une. seconde  ligne, de  pierres  analogues  disposées 
parallèlement  sur  la  même  assise  à  celles  (|ue  nous  venons  de 
décrire.  La  grosseur  de  ces. pierres  ne  permet  pas  d'admeltre 
que  le  mur  tout  entier  était  construit  suivant  le  même  ai)[)areil. 
Nous  supposons  donc  (et  M..  Dôrpfeld  a  bien  voulu  .ai)prouver 
•sur:  les  lieux  cette  supposition)  que  celle  double  rangée  de 
plaques. servait  .comme  de  socle  à  la  parlie  supérieure  du  n)ur, 
bAtie  oni  matériaux  plus  légers,  moellons  ou  briques  crues  (1). 
Il  ne  paraît  pas  qu'il  yeùlni  péristyle  ni  coloniuule,  du  moins 
sur  le  front 'Nord.  :  Des»  jtrouî?  de. porte  retrouvés  sur  l'assise 
isupérieure  du  cùtéN..  semblent  avoir  ai)i)arlcnu  à  un  jremanie- 
ment  d'une  autre  époque;  d'après  leur  disposition,  cette  porte 

(i)  Voy.  un  appareil  de  ce  ^enfo  dans  Perrol,  Ilisl.  de  l'Art,  VI,  p.  729.   '  > 


188 


RIANTINKK   ET   L  ARCADIR  ORIENTALE. 


n'eut  pas  occupé  le  milieu  de  la  façade.  D'ailleurs  rentrée  eût 
été  bien  près  du  Imlimenl  voisin  et  comme  voilée  par  lui.  II 
est  plus  logique  de  la  reporter  sur  le  côté  Sud,  qui  est  presque 
complètement  arraché.  —  A  l'intérieur  on  observe  des  traces  de 
dallage  en  pierres  non  dégrossies. 

Cet  édilice  est,  suivant  toute  apparence,  de  construction  hellé- 
nique. Etait-ce  un  tcmi)le  ?  Son  orientation  contredirait  cette 
liypolhèse,  mais,  à  la  rigueur,  ne  serait  pas  péremptoire  contre 
elle. 


FIg.  47. 
Temple  d'Héra. 


Le  monument  voisin  a  plus  soulîert  encore  des  remaniements 
qui  ont  réduit  à  f[uch|uos  fragments  à  peine  reconnaissables  la 
consiruclion  i)rimitivc.  C'est  un  rectangle  orienté  de  TO.  à  TE. 
Le  soubassement  repose  sur  un  lit  de  moellons  servant  de  fon- 
dations à  trois  assises  de  dalles  en  calcaire,  en  retrait  Tune  sur 
l'autre  (flg.  47).  La  troisième  assise  est  indiquée  par  le  martel- 
lemcnt  des  dalles  de  la  seconde.  Il  ne  subsiste  d'elle  qu'un  petit 
fragment  isolé,  sur  le  C(Mé  N.,  près  duquel  se  lit,  sur  l'assise 
inférieure,  un  E  (probablement  une  lettre  d'assemblage).  La 
])artie  antérieure  diî  l'édifice  est  beaucoup  plus  récente,  recon- 
struilo  avec  des  malériaux  médiocres,  mais  vraisemblablement 


LÀ  ville;  les  nuBs;  l'agora;  lks  monuments.  189 

sur  le  plan  des  substructions  priniilives.  Une  liî^ne  de  fondalions 
traverse  en  refend  toute  la  largeur  et  semble  imliqucr  les  limiles 
du  pronaos.  En  somme,  cet  édifice  a  toutes  les  np|)aren('es  d'un 
petit  temple  proslyle  m  antw,  sans  opisibodonie.  C'est  entre  le 
soubassement  au  Nord  et  le  mur  de  la  scène  qu'a  été  découvert 
le  bas-relief  de  la  Femme  au  foie. 

En  Tabsence  de  tout  document  épigraplnque  précisant  la 
destination  de  ces  deux  monuments,  nous  sommes  réduits  à 
des  identifications  de  pure  conjecture.  Celle  qui  se  présente  le 
plus  naturellement  à  Tesprit  est  suggérée  par  ce  passage  de 
Pausanias  (VIII,  9,  3)  :  Kal  "Ilpaç  irpbç  tw  Oeaxpo)  v«bv  èÔ£a(Ta(i.T,v. 
IIpa^tT^XT^ç  Se  xà  ky<i\\ML'va  «Ûti^v  xe  xaOTr)(xév7)v  èv  Opôvc)  xal  Ttaps^jxcoaaç 
eico(T|9€v  'AÔTjvav  xa\  "HPtjv  iraïSa  "Hpaç.  De  ce  groupe,  j'ai  en  vain 
chercbé  les  débris.  Mais  les  présomptions  en  laveur  de  Tiden- 
tification  du  second  temple  avec  l'IIéraion  s'appuient  sur  les 
termes  de  Pausanias  :  ils  indiquent  évidemment  que  l'IIéraion 
éi^il  devant  le  théAt^^e,  puisqu'un  peu  plus  loin,  il  est  faitmen- 
tion  derrière  le  théâtre  (tou  ôeaTpou  Bï  O7ti<y0ev)  du  sanctuaire 
d'Aphrodite  Symmachia.  Enfin,  Pausanias  cite  (ib.  2)  ttgoç  5è 
T7|ç  "Hpaç  T<j>  pu>(xùi  xal  *Apxà8oç  xa^oç  xou  KaXXi<yxou;  caxi.  Ce  tom- 
beau symbolique  d'Arcas  n'était  autre  qu'un  double  autel  du 
Soleil  :  *HX{ou  pcojxouç.  Or,  à  environ  60  m.  à  l'Est,  c'est-à- dire 
devant  l'entrée  de  l'IIéraion  supposé,  en  pleine  agora,  nous 
avons  découvert  un  monument  qui  réporuJ  aux  Autels  du 
Soleil  (1). 

Quant  au  premier  temple,  contign  à  cet  Héraion,  on  ne  trouve 
pas  dans  Pausanias  les  éléments  d'une  identilicaticm  |>ré(!ise. 
S'il  a  insisté  sur  le  sanctuaire  d'iïéra,  c'est  à  cause  du  groupe  de 
Praxitèle.  L'autre  édifice  ne  présentant  rien  de  renianjuable, 
il  l'a  passé  sous  silence,  ou  s'est  contenté  de  rénumérer  parmi 
les  autres  édifices  religieux  de  Mantinée.  Tonlefois,  on  doit 
relever  dans  Thucydide  (VH,  47,11)  la  mention  du  tem|)ie  de 
Zeus  àv  xTj  àyopa,  OÙ  fut  déposé  le  traité  de  \'1\.  Sans  être  en 
état  de  décider  à  quel  Zeus  ap|)art(mait  rc»  sanctuaire,  au 
Zeus  Soter  ou  au  Zeus  E|)idolès,  dont  |)arl(î  Pausanias,  ou  an 
Zeus  Eubouleus,  dont  nous  avons  retrouvé  un  opoç  avec  dédi- 
cace (2),  la  place  d'un  temple  aussi  imj)orlant,  où  les  Manti- 
néens  du  V®  siècle  conservaient  leurs  arcliivcs,  n'a  i)as  dû  être 

(1}  Voy.  p.  316. 
(t)  Voy.  p.  30t-304. 


190  MANTINKE   ET   LARCADIE  OniKNTALK. 

modifiée  après  la  reconstruction  de  371,  ni  même  pendant  les 
remaniements  de  l'agora  ù  Tépoque  romaine.  Or,  il  ne  subsiste 
dans  ladilc  ajçora  aucun  autre  vestige  d'édifice  religieux  qui 
convienne  mieux  au  temple  que  le  monument  voisin  de  Tangle 
S.-O  du  théâtre.  La  proximité  de  Zeus  et  d'IIéra  est  si  natu- 
relle qu'elle  peut  presque  servir  d'argument.  Je  n'hésite  donc 
[)as  à  reconnaîlre  à  côté  de  Tlléraion  le  lemple  de  Zeus,  cité 
l)ar  le  traité  de  421,  et  j'incline  à  croire  qu'il  appartenait  à  Zeus 
Soter,  adoré  comme  dieu  protecteur  de  la  cité. 

2»  Autrefi  temples,  —  Deux  autres  édifices  rectangulaires  s'ali- 
gnent parallèlement  derrière  la  scène,  orientés  à  l'Est,  comme 
des  temples.  Leurs  murs,  construits  partie  en  moellons  noyés 
dans  le  mortier,  partie  en  briques  cuites,  partie  avec  des  frag- 
ments de  marbre  et  d'inscriptions  du  III®  siècle  avant  J.-C.  (la 
dédicace  à  Antigone  Doson)  reposent  sur  des  fondations  pro- 
fondes de  plus  de  deux  mètres,  dont  la  racine  se  perd  dans  le 
sol  boueux.  Tout  le  sous-sol,  compris  entre  les  parois  des  fon- 
dations, est  cimenté  comme  une  citerne.  Ce  détail  s'explique 
par  la  nature  marécageuse  du  terrain  à  cet  endroit  II  y  avait 
la  un  ancien  marais  qui  fut  comblé  ;  quand  on  bâtit  la  scène 
et  ses  deux  édifices,  on  dut  les  élever  sur  de  hautes  substruc- 
tions  et  mettre  l'intérieur  du  sous-sol  à  l'abri  des  infiltrations. 
Les  matériaux  disparales  dont  sont  bAtis  ces  deux  temples  pro- 
styles  m  antis  indiquent  une  basse  époque.  Leur  état  civil  ne 
peut  être  reconstitué  que  par  le  texte  épigraphique  qui  célèbre 
les  bienfaits  (rEu|)hrosynos  et  de  sa  femme  Epigonè.  Parmi  les 
nombreux  embelUssomenls  dont  ces  évergètcs  gratifièrent  Anti- 
goneia,  figurent  des  temples  solidement  appuyés  sur  le  sol  :  vaoùç 
\lU  /JYeipav  eU  ISa^oç  Y)pei(r(xévou(;  (ligne  34).  Ces  termes  emphati- 
ques ne  sont-ils  |)as  une  allusion  en  beau  style  aux  profondes 
substructions  des  deux  édifices?  Cela  paraît  bien  probable,  sur- 
tout si  l'on  remarque  que  les  lil)éralités  d'Euphosynos  et  de  sa 
femme  ont  i)arliculièrement  enrichi  l'Agc^ra  et  ses-  environs. 
Les  deux  édicules  en  question  représentent  donc  des  chapelles 
de  confjéries  élevées  au  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne,  mais 
on  ne  sait  â  quelles  divinités.  •  •  ••   ;         :•      m  î;    :. 

Héron.  ■  Vodaréion.  —  L'édicule  situé  au  N-E.  de  la»  scène  est  plus 
ancien.  C'est  un  rectangle  orienté  de  l'O.  à  l'E,  Les  fondations 
sont  en  moellons.  Le  mur  se  divise  en  deu^c  parties  construites 
suivant  un  système  difTérent.  La  partie  postérieure  est  formée 
de  pierres  bien  éciuarries  et  soigneusement  ajustées,  sans  pare- 


LA  ville;  les  rues;  l* agora;  les  monuments.  191 

ment  à  Tintérieur.  La  largeur  moyenne  est  tle  0  m.  50  environ. 
Elle  comprend,  sur  le  côté  Sud,  deux  marclies  en  retrait  l'une 
sur  l'autre  de  0  m.  04.  Un  martelage  et  une  rangée  de  trous  de 
scellement  à  la  surface  supérieure  semblent  indiquer  qu'elle 
était  surmontée  d'une  3™^  assise,  aujourd'hui  disparue.  — 
L'autre  partie  se  compose  d'un  dallage  large  de  0  m.  70,  débor- 
dant extérieurement  le  mur  précédent,  et  enveloppant  un  mur 
intérieur  plus  étroit  et  plus  haut  de  0  m.  28.  Le  martelage  et  les 
trous  de  scellement  observés  à  la  surface  du  dallage  attestent  la 
présence  d'une  autre  assise  en  retrait,  sur  le  front,  de  0  m.  25, 
et  de  0  m.  11  sur  les  côtés.  Cet  édifice  était  dépourvu  de  colon- 
nade latérale,  mais,  comme  semble  l'indiquer  la  largeur  plus 
grande  du  front,  il  pouvait  avoir  des  colonnelles  ou  des  demi- 
colonnes  sur  la  façade.  —  Les  murs  étaient  sans  doute  eu  bri(|ue 
crue  (1  m.  80 et  1  m.  20  de  long). 

En  avant  du  front  se  trouvaient  deux  pierres  rectangulaires 
munies  à  la  partie  supérieure  de  trous  de  scellement,  destinés 
sans  doute  à  maintenir  une  stèle. 

Cet  édicule  est  une  construction  hellénique.  C'était  vraisem- 
blablement un  de  ces  Tjpwa  que  Pausanias  avait  vus  dans  l'Agora. 
La  découverte,  dans  le  voisinage  immédiat  de  ce  monument,  de 
deux  fragments  de  tuile  portant  les  insciiplions  suivantes  : 
no  A  API  — 110  A  APKOS  A  A  (jAciaioç)  ne  nous  mettrait-elle  pas  sur 
la  voie  d'une  identification  probable?  On  a  trouvé  sur  les  tuiles 
de  certains  sanctuaires  le  nom  de  la  divinité  à  (fui  l'édifice  était 
consacré  (1).  Pausanias  cite  le  hérôon  de  Podarès  sur  l'Agora, 
immédiatement  après  la  statue  en  bron/.e  de  Déoméneia  :  Mav- 
Tiveuai  8k  ev  TT^  àyopx  yuvaixoç  re  elx(i)v  yaXx-Tj,  xai  Mavxivsîç  xaXou(7i 
Aio(X6veiav  'ApxàSoç,  xal  -yipoi^v  è<TTi  Ilooàpou  (Vlll,  9,  U).  Il  est  évident 
que  les  mots  iv  t/j  àyopa,  renforcés  par  te  et  par  xal,  dominent 
toute  la  phrase.  Ce  Podarès  était  le  polémarque  mantinéen  tué  à 
la  bataille  de  3G2  et  hérolsé  en  souvenir  de  sa  belle  conduite..  Le 
monument  qui  le  classait  parmi  les  tlemi-dicuix  locaux  sur  la 
place  publique,  près  d'Arcas  et  d'Autonoé,  était  à  la  fois  une  cha- 
pelle et  un  mausolée  (tou  Ta<pouT6  £ir(Ypa(X(i.a  etc.)  Une  dédicace,sans 
doute  gravée  sur  l'architrave,  rajipelait  son  nom  à  la  mémoinî 
de  ses  compatriotes.  Mais  Pausanias  raconte  que  trois  généra- 


(1)  Rapport  de  M.  Léoriardos  sur  les  fouilles  d«  Lycosura  en  Arcadie  : 
*Ev  TTj  àvaffxa^r,  Se  tou  6\oij  0(xo8ofi.'^fi.aTOC  eOpidxovxai  x£sa[JLOi  ^épovtsç 
eirÎYpa^irjv  AedTTOivaç  (Ae^Tk  àp/.,  1889,  p.  \W), 


192  mantinkf/et  l'arcadik  orientale. 

lions  avant  lui,  cVst-à-dire  vers  la  fin  du  l^^  siècle  après  J.-C, 
les  Manlinéens  changèrent  Tinscription  de  façon  à  l'attribuer  à 
un  descendant  de  Podarès  TAncien,  qui  portait  le  môme  nom  et 
(|ui  avait  mérilé  leur  reconnaissance  en  qualité  de  citoyen 
romain,  sans  doule  ])arce  qu'il  avait  obtenu  des  autorités  romai- 
nes quelque  faveur  [)our  sa  ville  natale  (1).  Il  faut  croire  que 
rinlérieur  même  du  monument  subit  aussi  certaines  retouches 
et  qu'on  déposa  auprès  de  Podarès  l'Ancien  les  corps  de  deux 
membres  de  la  famille,  probablement  le  Podarès  dont  parle 
Pausanias  et  un  de  ses  parents.  En  effet,  j'ai  retrouvé  dans  la 
cella  de  l'hérôon  trois  tombes  garnies  chacune  d'une  grosse 
urne  ressemblant  à  un  mortier  en  pierre  poreuse  et  disposées 
comme  iafig.  44  l'indique.  Les  trois  urnes  ne  contenaient  plus 
que  de  la  boue  ;  les  deux  tombes  rangées  contre  les  parois  laté- 
rales de  la  cella  étaient  effondrées  et  ne  renfermaient  plus 
d'autres  objets  que  l'urne.  Celle  qui  touche  au  mur  de  fond, 
aménagée  en  sarcophage  avec  des  dalles  de  pierre,  avait  mieux 
résisté.  En  guise  de  couvercle,  elle  portait  une  plaqué  rectan- 
gulaire de  marbre  dérobée  à  quelque  monument  plus  ancien  ; 
sans  doute  une  plinthe  de  statue  équestre,  car  elle  montrait  une 
moulure  et,  sur  la  face  supérieure,  qualre  trous  de  scellement 
disposés  comme  pour  recevoir  les  sabots  d'un  cheval  de  marbre 
ou  de  bronze.  Autour  du  squelette,  dont  les  os  tombaient  en 
poussière,  étaient  entassés  divers  objets  d'assez  pauvre  appa- 
rence :  neuf  ampoules  de  verre  plus  ou  moins  allongées,  2  dis- 
ques de  miroirs  en  bronze  sans  ornements  ;  —  1  fragment  de 
couronne  en  feuille  d'or,  trouvée  près  du  crûne,  au  N  ;  — 3  tablet- 
tes d'ivoire  de  15  c.  de  lonçsur  8  de  large,  creusées  à  l'intérieur 
d'un  petit  cadre  saillant.  Evidemment  c'étaient  là  des  tablettes 
à  écrire,  dont  l'intérieur  devait  être  rempli  d'une  couche  de 
cire;  —  2 stylets  en  bronze,  terminés  d'un  côté  par  une  pointe, 
de  l'autre  par  une  spatule  (longueur  0,20  c.)  creusée  en  cuiller 
ou  plate;  —  2  strigiles  en  bronze;  —  2  objets  plats  en  os  (peut- 
être  des  amulettes  ?)  ;  —  8  petits  cylindres  creîix  en  ivoire,  qui 
servaient  sans  doule  d'enveloppe  à  une  canne  ;  —  10  vases  en 
terre  sans  peintures.  —  Quoique  dépourvu  de  faste,  ce  mobilier 
funéraire  n'en  est  pas  moins  antique,  et  prol^ablement  d'époque 
romaine.  Je  ne  saurais  avec  certitude  revendiquer  la  tombe 


(1)  Voy.  une  dédicace  en  l'honneur  d*une  descendante  de  ce  Podarès,  Bull, 
(te  Corr.  hellén,  XX  (189G),  p.  151.  N«  17. 


LA  ville;  les  rues;  l'agora;  les  monuments. 


193 


elle-même  et  le  squelette  poudreux  qu'elle  conicnait  pour  Po- 
darès  le  Jeune.  La  présence  d'une  plinthe  de  travail  hellénique 
employée  comme  couvercle  de  sarcophage  atteste  qu'au  1^^ 
siècle  de  notre  ère  plusieurs  édifices  de  l'époque  grecque  étaient 
déjà  tombés  en  ruines  et  qu'on  n'hésita  pas  à  faire  entrer  leurs 
débris  dans  les  misérables  constructions  destinées  à  les  rem- 
placer. 

Quelques  fragments  de  chaînes  de  lampe  en  bronze,  retrouvés 
au  même  endroit,  provenaient  sans  doute  d'une  petite  chapelle 
byzantine  qui  paraît  s'être  substituée  à  l'ancien  Podaréion. 

Quant  à  la  statue  de  Déoménéia,  je  n'oserais  affirmer  que  la 
base  située  à  gauche  de  l'entrée  du  Podaréion  en  faisait  partie. 

A  la  môme  période  appartiennent  quelques  petits  monuments  Tombcmi  ûatcm 
de  construction  probablement  hellénique  que  nous  avons  retrou-  (Auici.-*  duSoicii). 
vés  en  diflérents  points  de  l'Agora. 

1®  Vers  le  centre,  à  19  m.  au  N.  de  l'aile  0.  du  Bouleutérion,  à 
68  m.  à  l'Est  de  l'entrée  de  l'Héraion,  un  édicule  rectangulaire 
de  8  m.  de  long  sur  3  m.  47  de  large.  C'est  un  soubassement 
composé  d'une  assise  en  calcaire  blanc.  On  y  distingue  deux 
parties,  comme  s'il  y  avait  eu  deux  monuments  contigus  :  le 
rectangle  est  orienté  du  S.  au  N.  ;  la  partie  septentrionale  est 
enlevée.  Trop  petit  pour  être  un  hérôon,  cet  ôdicule  a  tous  les 
caractères  d'un  autel  monumental  ;  il  m'a  rappelé  l'autel  de 
Zeus  Polieus  que  j'avais  vu  à  Délos.  De  plus,  sa  position  con- 
corde avec  les  données  de  Pausanias  sur  le  prétendu  tombeau 
d'Arcas,  qui  était  en  réalité  un  autel  double  do  Pan  et  d'ilélios. 
On  l'appelait  les  Autels  du  Soleil  :  xb  oï  ycoptov  toOto,  évOa  6  ricpoç 
i(n\  Tou  'ApxiBoç,-  xaXouaiv  'HXiou  P(d(xouç  (Paus.  Vlll,  9,  4).  Or, 
l'aspect  des  ruines  justifie  ce  pluriel  en  nous  montrant  deux 
soubassements  diflérents  accolés  l'un  contre  l'autre.  Les  fouilles 
n'ont  rien  découvert  à  l'intérieur  de  ce  monument.  En  réalité  il 
n'y  avait  rien,  car  le  transfert  des  restes  crArcas  à  cet  endroit 
n'était  qu'une  légende  patriotique,  qu'explique  le  caractère 
solaire  du  héros  arcadien,  hypostase  de  Pan  (i). 

Il  en  est  de  môme  du  prétendu  tombeau  d'Autonoé,  la  légen- 
daire fondatrice  de  l'Ancienne  Mantinée.  Elle  s'était  identifiée 
avec  Heslia,  et  le  Foyer  commun,  synibole  du  synœcisme,  pas- 
sait pour  être  aussi  son  mausolée.  Voici  en  quels  termes  Pau- 
sanias le  décrit  (Vlll,  9,  5),  aussitôt  après  le  tombeau  d'Arcas  : 


lle^tia   Kuiné 

(Tombenti 
d'Autonoô). 


(1)  Voy.  p.  310  318. 


Mantinée.  —  li. 


194  MANTINÉE  ET   l'ARGADIE  ORIENTALE. 

Tou  Oeaxpou  81  ou  Troppco  (jLVT^aaxa  ■rcpoT^xovTa  êariv  Iç  Sd^av,  to  p.kv  *EffT(a 
xaXoup.6VT|  xoiVT),  irepKpEpeç  <TyT||i.a  e^^ouaa*    'AvTivdir|V  5k  auT^ôi   IX^ycto 

xeîdOai  TV  KT,(péoK.  A  ce  signalement  répond,  comme  type  et 
comme  situation,  une  sorte  de  tholos  circulaire,  formé  d'un 
dallage  en  plaques  de  calcaire  rangées  en  zones  concentriques 
autour  d'une  belle  meule  ronde  qui  occupe  le  centre.  Le  dia- 
mètre est  de  6  m.  10.  Vers  le  côté  Nord  de  la  dernière  zone  est 
une  marche  isolée  en  marbre.  Des  trous  de  scellement  parais- 
sent sur  une  autre  plaque  de  la  même  zone.  Je  ne  pourrais 
qu'émettre  des  conjectures  arbitraires  sur  la  superstructure  de 
cet  édicule.  Régnait-il  sur  le  pourtour  une  colonnade  circulaire, 
comme  celle  du  temple  de  Vesta  à  Rome,  ou  comme  à  la  tholos 
d'Épidaure?  Les  faibles  dimensions  du  soubassement  n'auto- 
risent guère  un  pareil  dispositif.  Je  croirais  plutôt  à  un  autel 
circulaire  placé  au  centre  et  entouré  d'une  balustrade.  Sous 
le  dallage,  les  fouilles  n'ont  retrouvé  que  des  fondations  en 
petites  pierres  sans  aucune  trace  de  tombeau. 
stèle  de  r.ryiic».  Tout  près  dc  ce  monument,  vénérable  débris  de  l'Ancienne 
Mantinée  et  que  les  remaniements  postérieurs  ont  en  partie 
respecté,  Pausanias  cite  la  stèle  de  Gryllos  :  rœ  Zï  <nr{k-r\  i<pé(rr7jx€, 
xal  àvTjp  lirireùç  éTreipYaaugvoç  Édxlv  licl  tv^ctt^Xt),  FpùXXoç  o  Scvo^wvtoç. 
On  a  vu  (1)  que  cette  stèle  ne  devait  pas  être  confondue  avec  le 
tombeau  de  Gryllos,  enterré  aux  frais  des  Mantinéens  à  l'endroit 
môme  où  il  était  tombé,  c'est-à-dire  très  probablement  aux  en- 
virons du  temple  de  Poséidon.  Le  bas-relief  qui  lui  fut  consacrée 
sur  l'agora  n'élail  donc  pas  un  monument  funéraire;  je  ne 
pense  pas  qu'il  faille  attribuer  ce  sens  précis  au  mot  |xvT|ixa 
employé  par  Pausanias.  Or,  à  environ  13  m.  à  l'O.  du  Foyer 
cominnUy  j'ai  retrouvé  en  place  un  fort  beau  piédestal,  formé 
d'un  bloc  quadrangulaire  dont  la  partie  inférieure  est  seule 
conservée.  Le  style  de  la  moulure  et  le  soin  du  travail  indi- 
(fuent  une  œuvre  hellénique,  qui  peut  très  bien  être  attribuée 
à  la  première  moitié  du  IV©  siècle.  Malheureusement,  il  m'a 
été  impossible  de  retrouver  sur  les  faces  du  bloc  rongées  par 
le  temps  les  moindres  traces  d'inscription  (2). 

En  résumé  celle  agora  mautinéeune,  servant,  au  cœur  de  la 
ville,  de  trait  d'union  à  tous  les  quartiers,  avec  ses    issues 

(1)  P.  100-101.  Voy.  Pausan.,  VIII,  11,  6. 

(2)  A   vrai  dire,  la   largeur  de  ce   piédestal  paraît  insuffisante,  si  l'on  se 
figure  le  monument  de  Gryllos  d'après  celui  de  OexiléoSt  &  Athènes. 


LA  ville;  les  rues;  l agora;  les  monumknts. 


195 


rayonnantes  au  delà  des  frontières,  son  Ihéalre  et  son  Bouleutù- 
rion,  sa  bordure  de  longs  portiques,  ses  marchés,  ses  temples, 
ses  édicules  et  ses  statues,  peut  être  c<»nsidérre  comme  un 
modèle  du  genre.  On  y  trouvait  concentré  tout  ce  qui  était 
nécessaire  à  l'existence  matérielle  et  morale  de  la  cité.  Le 
citoyen  pouvait  y  discuter,  y  acheter,  s'y  récréer  sous  le  regard 
favorable  de  ses  dieux  et  de  ses  héros  protecteurs.  Simple  et 
grandiose,  le  plan  s'adaptait  avec  une  convenance  si  parfaite 
aux  besoins  de  la  vie  publique  à  Mantinée  qu'im  ne  peut  guère 
le  concevoir  autrement.  Il  est  comme  le  noynu  de  tout  le  sys- 
tème d'État  dont  nous  venons  d'étudier  ragciicement  logi([ue. 


h. 


TVSS 


|«w  »••  t  — 


I«ig.  i8. 
Plan  fie  Mnnlinér  pnr  rîcll.  {Prohoffurkc  v.  Stotftrtnfturrn). 


CHAPITRE  V. 


LES      HABITANTS. 


OrigiiiPM 
nrcadienncs. 


I/aulochlhonie. 


(Comment  s'élail  formé  le  peuple  qui  se  pressait  sur  Tagora 
de  Manlinée  autour  du  tombeau  d*Arcas  et  du  Foyer  Commun  ? 
Dans  ce  bassin  clos  de  la  Mantinique,  étant  donné  sa  position 
et  son  entourage,  (jucls  apports  etimograpbiques  sont  venus 
se  déposer,  et  quels  éléments  distinguaient  sa  population  des 
aulies  clans  de  TArcadie? 

La  théorie  des  origines  arcadiennes  se  posait  chez  les  anciens 
avec  une  extrême  simplicité  :  «  Les  Arcadiens,  écrit  Pausanias, 
ont  occupé  dès  Torigine  et  occupent  encore  aujourd'hui  le 
même  pays.  ))(l).  La  plupart  des  peuples  grecs  affirmaient  leur 
aulochthonie,  mais,  sur  ce  chapitre,  aucun  n'égalait  en  convic- 
tion les  Arcadiens.  Ceux-ci  avaient  réussi  à  accréditer  comme 
un  dogme  leurs  titres  au  droit  d'aînesse  :  quand  il  s'agit 
d'eux,  les  historiens  ne  manquent  pas  d'employer  les  épithètes 
d*aÙT(5/0ov£ç,  d'àp/aioxaToi,  de  TcaXaioTaxot  (2)  ;  dès  le  VU®  siècle,  les 
poètes  célébraient  l'Arcadie  comme  le  berceau  de  l'humanité, 
comme  la  patrie  de  l'ancêtre  commun  Pélasgos,  «  issu  de  la  terre 
noire  parmi  les  forêts  chevelues  (3)  )).  L'Arcadie  était  réputée 
comme  une  province  essentiellement  pélasgique, .     •., 


(1)  V,  1,  1.  —  Cf.  Iléiod.  VIII.  73. 

(2)  Xénoph.  neUén.  VU,  1,  23,  —  Démosth. 


De  falsa  légat,  p.  424.  —  Slrab. 


VIII.  8,  1,  p.  388.  —  Joseph.  C.  Apioii.  I.  —  Pausan.  VIII,  o,  1.  —  Cicéron.  De^ 
rep.  III,  p.  95.  —  Cf.  la  dédicace  consacive  à  Delphes  vers  ,369,  par, les  Arca-, 
diens  :  aÙTo^^Oojv  Upaç  Xabç  à[7c'  'Apxa8(aç].  —  V.  Poniii^w.  Ath.  Mith.  XIV,, 
(1889),  p.  17  it  llomollc.  BiUl,  de  Corr.  heilcn.  XX!  (1897),  p.  227  et  suiv.  .  \ 
(3)  Asios  ap.  Pausan.  VIII,  1.  4.  —  Apollod.  II,  1,  1  —  111,  8,  1.  Serviiis  ad. 
Aifieid.  II,  83.  —  Cf.  Ilésiod.  ap.  Strab.  V,  2,  4,  et  Bergk.  Pof^L  lyr.  grœc,  Ul! 
adcsp.  84.  .    ,    ':: 


LES  HABITANTS.  197 

Ce  dogme  de  rautochlhonie  arcadienne,  personnifiée  par  Pé-  inxégruà 
lasgos,  avait  pour  corollaire  la  croyance  à  rinlégrilé  de  la  race.  <ïe  la  rac«. 
Hérodote,  Thucydide  et  d'autres  afTirment  que  TArcadie  est 
restée  indemme  (1)  des  bouleversements  causés  par  le  retour  des 
lléraclides.Quand  toute  la  Grèce  s'était  renouvelée  autour  d'eux, 
les  Pélasges  arcadiens  semblaient  identiques  à  eux-mêmes, 
dépositaires  d'anciens  rites,  oubliés  môme  par  ceux  qui  les  leur 
avaient  appris  (2).  Telle  était  l'opinion  courante  au  V®  siècle. 
Habilement  entretenue  par  les  artifices  de  légendes,  qui  ratta- 
chaient à  Pélasgos  tous  les  héros  du  cycle  local,  elle  faisait  aux 
Arcadiens  une  situation  à  part.Eux  seuls,  parmi  les  Hellènes,  ne 
semblaient  pas  dater  ;  ils  avaient  vu  naître  les  États  jeunes  qui 
entouraient  leur  âge  mûr,  et  qui,  adultes  à  leur  tour,  les  véné- 
raient comme  des  patriarches.  De  plus,  leur  isolement  de  mon- 
tagnards, la  simplicité  de  leur  vie  pastorale,  les  formes  rudi- 
mentaires  de  leurs  communautés,  leurs  idoles  étranges,  leur 
mythologie  singulière,  leur  dialecte  archaïque,  tout  cela  leur 
donnait  un  air  de  primitifs,  un  peu  sauvages,  un  peu  inquié- 
tants, mais  vénérables  comme  le  débris  d'un  monde  disparu. 
L'Arcadie  éveillait  chez  l'Hellène  civilisé  du  V^*  siècle  ce  senti- 
ment de  crainte  superstitieuse  qui  s'attache  au  mystère  et  qui 
entretient  encore  en  France  le  prestige  de  la  terre  des  Druides,de 
la  vieille  Armorique  celtique.  L'Arcadie  n'était  d'ailleurs  guère 
mieux  connue  des  Grecs  anciens,  que  la  Bretagne  ne  l'a  long- 
temps été  des  Français  modernes.  On  se  souciait  peu  d'aller 
vérifier  sur  place  les  titres  de  noblesse  de  ces  Pélasges  «  plus 
vieux  que  la. Lune  (3)  »  et  «  mangeurs  de  glands  (4)  ». 

Les  conflits  de  races  qui  avaient  pu   troubler  l'Arcadie  se 
perdaient  dans  la  légende  ;  depuis  l'échec  de  l'invasion  dorienne 
le  repos  de  cette  province  ne  paraissait  pas  avoir  été  troublé. 
Si  la  lointaine  enfance  des  Arcadiens   avait  connu  la  turbu- 

(1)  Hérod.,  II.  171.  -  Thucyd.  I,  2.  —  Strab.  VIII,  1,  2,  p.  133.—  Pausan. 
Il,  13,  1.  —  Dlod.  Fragm.  VII.  9. 

(2)  Ilérodot.  Il,  171. 

(3)  Les  7cpo<j£X'^vaiO(  ou  7cpo<réX7)voi  ont  lait  couler  beaucoup  d'encre.  SchoU 
ArIstolJ  iVufr.  397.  -  Aristot.  ap.  Schol.  Apollon  Hhod.  1,  2G3.  —  IV,  264.  — 
Lycôphf.  482.'  ^  Ilippys.  Rheg.  ap.  Sieph.  Byz.  'Apxa;.  —  IlpodeXavaïoç 
IléXaayoç  ':  Bergli.  Poet.  lyr.  grœc.  111.84.  —  Ovid.  Fastes.  I,  470.  —  Stal. 
T/icfr.  IV,  27o:,«  Arcades  ve^erps  aslris  lunaque  priores.  »  —  Cf.  Grotelend. 
Ençt/ciop.  Ersck  et  ,Grub**r.  art.  Arcadia  7-9.  —  UurinskI.  ZeiUchr.  fiir 
VàLkseiymoL,  a^  2, 

(4)  Paus.  VIII,  1,  2. 


KIrnicnIs  i-Ms 
du  foIk-I«r« 


198  MANTINKR   ET  L'AIIGADIR  ORIENTALE . 

Icnce,  eux  seuls  s'en  souvenaient  :  leur  araour-propre  spécu- 
lait sur  ce  mystère  pour  en  faire  accroire.  A  Texception  de  Tégée 
etde  Mantinée,  ils  i>rirent  une  part  peu  active,  jusqu'au  IVosiccle, 
aux  (îénK^lés  ries  ï)ouples  grecs.  Leur  existence  ultérieure  s'ajou- 
tait comme  un  monotone  appendice  à  une  période  de  vitalité 
préco(;e  qu'ils  racontaient  à  leur  façon.  Dans  leurs  annales,  la 
légende  est  comme  une  aube  incertaine  aussitôt  suivie  d'un 
hmg  crépuscule.  On  comprend  donc  que  les  historiens  du  V« 
siècle,  et  même  Pausanias,  aient  cru  à  l'intégrité  de  la  race 
arcadienne,  qu'ils  se  soient  figuré  celte  province  comme  le 
domaine  im|)erturl)al)le  d'un  ])euple  privilégié  qui,  depuis  la 
création  de  la  primitive  Pélasgie,  s'était  développé  sur  place, 
])ar  le  progrès  spontané  de  sa  propre  personnalité,  restée  in- 
demne de  toute  modification  ethnographique. 

Hérodote  ignorait  sans  doute  le  folk-lore  araidien  ;  Thucy- 
dide était  lro[)  |)ositif  pour  s'attarder  à  des  exégèses  mytho- 
arcadieii.  logiques  ;  Apollodore  et  Pausanias,  plus  curieux  de  fables,  ont 
montré  dans  leur  enquête  plus  de  diligence  que  de  critique. 
L'érudition  moderne  se  flatte  de  tirer  de  ces  contes  et  de  ces 
fictions  poétiques  des  faits  réels;  mais,  les  conclusions  ethno- 
graphiques déduiles  de  la  mythologie  manquent  de  solidité, 
f^es  philologues  qui  ont  laborieusement  tissé  dans  le  vide  leurs 
toiles  d'araignée  ont  rendu  le  vservice  de  coUiger  et  de  mettre 
en  valeur  des  textes  intéressants,  mais  que  de  fois  ils  ontoublié 
qu'un  mythe  n'est  le  plus  souvent  qu'une  ombre  vaine,  une 
enveloppe  creuse  dont  Tinlérieur  ne  recèle  aucune  réalité  !  (1). 
L'analyse  critique  du  folk-lore  arcadien  nous  fait  entrevoir 
une  réalité  bien  dilTérenle  du  mirage  dont  Pausanias  a  été  dupe. 
Pas  plus  que  les  autres  peuples,  les  Arcadiens  n'ont  échappé 
aux  convulsicms  cjui  marquent  fatalement  l'enfance  des  races 
historiques.  Notamment  dans  la  Haute-Plaine,  placée  sur  le  che- 

(1)  PnrmI  les  mythographes  reslés  fldôtesà  la  méthode  des  raccords  et  qui  se 
Font  occupés  de  l'Arcadie,  nous  aurons  à  citer  U.  D.  Mûller,  Tûmpel,  Schullz, 
WIlamowilz-MŒllendorf,  linmerwahr  ;  la  réaction  contre  cette  école  a  pour 
coryphées,  en  Allemagne,  M.  Moyer,  dans  ses  rorsehungmi  der  alten  Ges- 
cMchte  et  dans  sa  Geschichte  des  Àllerthums  ;  en  P'rnnce,  MM.  Clermont- 
Ganneau,  Philippe  Berger,  Paul  Fourart,  Salomon  Reinach,  Victor  Bérard.  Ch<'K 
ces  derniers,  l'analyse  des  réalités  du  culte,  descriptions  et  teprcscntations 
dMdoles,  attributs,  rites,  symboles,  invocations,  s'associe  aux  combinaisons 
étymologiques  et  prend  décidément  le  pas  sur  la  discussion  toute  formelle  et 
abstraite  des  récits  mythiques  considérés  par  fancienne  école  comme  des  témoi- 
gnages valables.  î      • 


LES   HABITANTS.  199 

min  des  tribus  en  marche,  désignée  par  sa  fertilité  aux  convoiti- 
ses des  bandes  en  quête  d'un  gite,  les  bouleversements  extérieurs 
se  sont  répercutés  sous  la  forme  d'invasions  ou  d'infiltrations. 
Mais  ce  n'est  pas  une  tâche  aisée  que  d'identifier  les  éléments 
divers  qui  constituaient  la  population  compo.site  de  ce  district. 
Le  point  le  plus  délicat  du  problème  est  de  discerner,  parmi  les 
héros  du  cycle  arcadien,  tel  qu'Apollodore  et  Pausauias  l'ont 
résumé,  les  figures  purement  mythiques,  tels  que  les  dieux 
héroïsés  nés  sur  le  sol  môme,  ou  bien  transplantés  en  Arcadie 
par  le  colportage  des  traditions  épiques,  ou,  pins  tard,  par  les 
combinaisons  des  généalogistes  et  annalistes  olïlciels.  La  ])ré- 
sence  de  ces  personnages  dans  les  légendes  locales  n'est  nulle- 
ment l'indii.  ^.  d'une  migration  effective  :  il  no  s'agit  que  d'em- 
prunts d'ordre  littéraire  et  abstrait,  que  la  dillusion  de  l'épopée 
homérique  et  de  la  cosmogonie  hésiodiquc  au  Yl|o  siècle,  puis, 
au  IV®,  les  mythographies  politiques,  ont  incorporés  aux  tradi- 
tions des  villes  arcadiennes.  En  second  lieu,  il  faut  distinguer 
les  héros  qui  semblent  personnifier  de  véritables  groupes  ethni- 
ques, et  retrouver  le  nom  et  la  provenance  des  tribus  ainsi 
représentées.  Ces  personnages,  fabuleux  en  tant  qu'individus, 
mais  réels  en  tant  que  personnalités  collcclives,  se  sont  installés 
sur  le  sol  par  droit  de  conquête  ;  leur  i)ré8ence  équivaut,  pour 
la  race  qu'ils  symbolisent,  à  un  titre  de  propriété  foncière. 
Toutefois  la  fusion  entre  les  divers  occupants  du  même  canton 
est  souvent  si  complète  qu'il  devient  très  malaisé  d'identifier 
tel  héros  avec  un  groupe  déterminé. 

En  tête  du  cycle  arcadien  paraît  Pélasgos,  aulochtlione,  père       Péiasgos 
de  Lycaon,  aïeul  de  Nyctimos  et  des  éponynics  des  principales  «^^  '"  p^iasges 
villes  arcadiennes,  bisaïeul  d'Arcas  et  trisaïeul  des  trois  fils      «••"'i»«'»»- 
d'Arcas,  Azan,  Elatos,  Apheidas.  De  cette  fallacieuse  généalogie 
on  doit  tout  d'abord  éliminer  les  épouymcs  des  villes,  donnés 
comme  fils  de  Lycaon,  tels  que  Manlineus,  Tègéatès,  elc.  Ces  per- 
sonnages fictifs  ont  été  inventés  de  toutes  pièces  par  les  villes  de 
la  Ligue  arcadienne  désireuses  de  régulariser  leur  état  civil;  ce 
sont  de  simples  rubriques  officielles,  des  raccords  imaginés  par 
les  annalistes  et  restés  sans  prise  sur  les  imaginations  populaires, 
car  ces  héros  n'ont  laissé  que  des  traces  insignifiantes  dans  les 
cultes  locaux.  Quant  à  la  triade  Pélasgos,  Lycaon,  Nyctimos, 
deux  de  ses  membres  représentent  des  éléments  naturels  :  Ly- 
caon est  le  dieu  de  la  lumière,  Nyctimos  celui  des  ténèbres  (1). 

(I)  Cf.  Lykos  et  Nykteus  du  cycle  béotien  (ApoU.  111,  :>, .')). 


200  MANTINKE   ET  L'ARCADIE  ORIENTALE. 

Le  caractère  de  Pélasgos  reste  indécis,  l'étymologie  du  nom 
élant  énigmatique.  Pour  les  anciens,  Pélasgos  personnifiait  un 
élément  ethnique,  le  peuple  des  Pélasges.  Si  les  Argiens  fai- 
saient nallre  Pélasgos  en  Argolide  (1)  afin  de  s'attribuer  la 
priorité  sur  leurs  voisins,  en  général  on  considérait  les  Pélas- 
ges arcadiens  comme  les  premiers  occupants  du  pays  :  le  ber- 
ceau de  la  Pélasgie  était  aux  environs  du  Lycée,  dans  le  district 
appelé  Pélasgie,  puis  Lycaonie,  puis  Parrhasie.  Ils  avaient  en- 
suite été  soumis  par  Arcas  et  ses  Arcadiens  qui  changèrent 
le  nom  du  pays  (2). 

Cette  théorie  très  simple  n'a  pas  trouvé  grâce  aux  yeux  des 
savants  qui  ont  tenté  d'élucider  la  question  des  Pélasges.  Certains 
réduisent  à  néant  les  données  d'Hésiode  et  d'Hérodote.  Loin 
d'être  nés  dans  le  Péloponnèse,  les  Pélasges  n'y  auraient  jamais 
mis  le  pied  :  leur  prétendue  installation  dans  le  pays  résulterait 
(lu  fait  que  les  Hellènes  qualifiaient  de  pélasgiques  les  races  très 
anciennes.  Les  seuls  Pélasges  authentiques  se  réduiraient  à  une 
peuplade  de  la  vallée  du  Pénée,  où  les  Hellènes  Phthiotes  l'au- 
raient connue  (3).  Mais  on  a  peut-être  tort  de  récuser  le  témoi- 
gnage d'Hérodote  au  sujet  des  Pélasges,  sous  prétexte  qu'il  est 
contradictoire.  On  ne  saurait,  en  effet,  méconnaître  le  fait  sui- 
vant :  il  subsiste  dans  les  cultes  arcadiens  des  traces  d'une  reli- 
gion naturaliste  qui  offre  une  anah)gie  remarquable  avec  les 
données  d'Hérodote  sur  la  religion  des  Pélasges  (4).  Ces  cultes 
paraissent  être  un  legs  des  populations  primitives  que,  sur  la 
foi  des  auteurs  anciens,  on  était  convenu  d'appeler  les  Pélasges 
arcadiens.  ' 

Lorsque  M.  Meyer  (5)  nie  la  présence  des  Pélasges  en  Arcadie, 
sous  prétexte  que  Lycaon,  donné  comme  fils  de  Pélasgos,  n'a 
rien  de  commun  avec  l'ancôtre  mythique  célébré  par  Hésiode, 
il  oublie  que  dans  les  habitudes  de  la  fable,  ces  filiations  ne 
symbolisent  le  plus  souvent  qu'un  lien  de  succession  dans  le 
temps,  non  une  parenté  ethnique.  Lycaon  présenté  comme  fils 

(l)Strab.  y.  24.— SchoI.Eurfp.  Orcst.  1646.-ÉI.  Byz/  '\7ta  et  riappfltcr/a. 
—  Acusilaus,  fr.  11  etl2(Fr.  Ilist.  Grœc.  I,  p.  101).  '\        '.  .  ,    .'. 

(2)  Paus.  VIII.  4.  —  Isld.  Orig,  XIV,  c.  4,  p.  158.  —  Syncelle.       .  , 

(3)  Meyer.  torsch.  zur  ail.  Gesch.  c.  II,  III,  ly.  —  Gesph.  desAllerih.AL  i 
p.  56.  —  Cf.  Bruck.  (Jux  vct.  dePelasg^  iradid.  1884,—  Hesselroayer.  Difi  PeloJi", 
gerfrage.  imi.  •  •  -      .    ..ji.     •    .  ; 

(4)  Ilérod.  II,  52.  —  Voy.  plus  bas,  p.  221  q.  .      .;   ï  .  .         .  .     i* 

(5)  Forsch.  zur  ait.  Gesch,^  p.  64 •    '    ••   »•  '•••('  -  ••  •  - 


LES   HABITANTS.  201 

(le  Pélasgos  peut  sifçnifier  qu'une  race  nouvelle  est  venue  sup- 
planter celle  des  Pélasges  :  de  fait,  si  Ton  sort  de  la  discussion 
abstraite  et  littéraire  pour  essayer  de  rccoiisliluer  les  réalités 
possibles,  c'est-à-dire  la  manière  dont  les  clio.ses  ont  pu  se 
passer,  la  théorie  ancienne  paraît  encore  la  plus  plausible. 
Admettons  même  que  les  Hellènes  du  V^  siècle  ont  abusivement 
appliqué  le  qualificatif  de  Pélasges  aux  populations  primitives 
dont  ils  ne  savaient  presque  rien,  sinon  qu'elles  avaient  occupé 
le  sol  avant  eux.  Admettons  que,  dans  la  plupart  des  cas,  le 
vocable  de  Pélasges  est  un  terme  de  convention.  Poumons,  cela 
ne  change  rien  au  fond  des  choses,  puisque  nous  n'avons  aucun 
renseignement  sur  la  langue,  la  race  et  la  provenance  des 
Pélasges  authentiques,  s'il  y  en  a  jamais  eu.  Il  n'en  faut  pas 
moins  admettre,  à  l'origine  du  peuple  arcadlen,  l'existence  de 
tribus  aborigènes  très  anciennes,  celles  que  d'autres  tradi- 
tions désignent  sous  le  nom  caractéristique  de  prélunaires, 
TipoaEX-iQvaioi  (1),  c'est-à-dire  plus  vieux  que  la  lune.  Tel  est  le 
premier  fond  ethnique  de  l'Arcadie.  Faute  d'autre  terme,  nous 
continuerons,  à  l'exemple  des  auteurs  anciens,  à  le  qualifier  de 
pélasgique.  Nous  ne  nous  préoccuperons  pas  s'il  est,  ou  non,  ap- 
parenté à  ses  homonymes  d'Argolide,  d'Attique  et  de  Thcssalit;, 
parce  que  cette  question  est  insoluble.  Ce  sont  ces  aborigènes 
qui  ont  installé  sur  le  Lycée  le  culte  primordial  de  Pan  et  de 
Séléné  (2),  qui  ont  pratiqué  ces  cultes  naturalistes  dont  il  sera 
question  plus  loin,  et  qui  ont  donné  aux  tribus  isolées  de  la 
Parrhasie  et  du  Ménale  leur  caractère  patriarcal  et  pastoral  (3). 
Fondus  avec  les  races  subséquentes,  ils  ne  disi)arurent  jamais 
complètement:  des  émigrations  successives,  celle  d'CEnotros, 

(1)  Voy.  p.  197,  noie  3. 

(2)  Voir  les  textes  dans  Immerwalir.  Kulte  Arkad.,  p.  192  et  suiv,  et  p. 
205.  —  Porphyr.  De aritr.  20.  —  Virg.  Georg.,  îll,  391. 

(3)  Je  n*insiste  pas  sur  le  rôle  civilisateur  prêté  à  Pélas«j:os  et  à  ses  successeurs 
par  la  légende  arcadienne.  Il  n'a  rien  d'original  :  ce  sont  les  mêmes  personnages 
et  les  mômes  inventions  qu*on  retrouve  dans  le  tableau  dos  origines  humaines 
dû  à  rimaginaUon  d'autres  peuples  :  Oannès  chez  les  Chaldéens,  Ilypsouranios 
chez  les  Ty riens,  Prométhée  chez  les  Hellènes,  Inachos  et  i^lioroneus  chez  les 
Argiens,  etc.  (Voy.  Lenormant.  Les  prein.  civiUs.,  Il,  p.  1.  —  Bérard,  Orig.  des 
cultes  arcad.^  p. 245  et  suiv.). Ces  rapprochements  nltestonl  que  les  éléments  de 
la  cosmogonie  arcadienne  venaient  du  dehors,  sans  doulc  d'Orient.  Le  Pélasgos 
de  Paùsanibs  ressemble  à  une  doublure  de  l'Hypsouranios  cl  do  l'Aion  dont 
parle  Sancbonialhon  (éd.  Orelli.  p.  16).  Toutefois  un  détail  topique,  la  découverte 
du  gland  doux,  mdique  que  ces  plagiais  ont  été  adaptés  anx  usages  locaux  :  il  y 
a  eu  transposition  du  mythe  exotique  sur  le  mode  arc^idion. 


202  MANTINKK   KT   L'ARCADIK  OHIRNTALK. 

de  Peucétios  et  d'Evandre  en  Italie  et  celle  des  Pélasges-Arca- 
diens  en  lonie  ne  vidèrent  pas  le  pays  de  tous  ses  éléments 
pélasgifjues,  mais  en  dérivèrent  seulement  le  trop  plein  à 
I  etranj^er,  au  moment  où  l'arrivée  de  nouveaux  immigrants 
leur  faisait  la  place  trop  étroite. 

A  Pélasgos  succède  Lycaon,  «  son  fils,  »  père  de  Nyctimos  et 
des  49  éponymes  des  villes  arcadiennes.  La  légende  attribue 
aussi  à  Lycaon  un  nMe  civilisateur  :  il  aurait  bâti  Lycosoura,  la 
première  ville  éclairée  par  le  soleil  (1).  Mais  son  nom  est  par- 
liculièremcnt  associé  à  la  fondation  du  culte  et  du  sanctuaire 
do  Zeus  Lykaios  au  sommet  du  Mont  Lycée  et  à  Tinstitution 
des  jeux  lycéens  (2).  Lycaon  aurait  le  premier  offert  au  dieu 
un  enfant  pour  victime  :  telle  aurait  été  l'origine  des  sacrifices 
humains  qu'on  continua  de  célébrer  sur  le  Lycée  (3).  La  fonda- 
lion  de  ce  sanctuaire  et  de  ce  culte  sanglant  est  ce  qu'il  y  a  de 
plus  réel  dans  la  légende  de  Lycaon.  Quant  au  personnage,  son 
caractère  se  laisse  facilement  deviner.  Lycaon  est  le  nom  pri- 
mitif du  dieu  du  Lycée,  dieu  de  la  lumière;  il  fut  plus  tard  iden- 
tifié au  Zeus  hellénique  ;  le  nom  primitif,  converti  en  épithcle, 
devint  le  qualificatif  de  Zeus  Lykaios.  L'ancien  dieu  local  tomba 
piisuile  au  rang  de  héros,  hypostase  et  serviteur  du  dieu  nou- 
veau qui  l'avait  supplanté.  La  légende  en  fit  le  grand  prêtre  et 
le  fondateur  du  culte  de  Zeus  Lykaios,  suivant  une  habitude 
courante  dans  la  mythologie  grecque  :  en  Attique,  Érechtheus, 
dieu  marin  local,  dépossédé  par  l^oseidon,  devient  le  grand 
prêtre  et  le  fondateur  du  culte  de  Poséidon  dit  Érechtheus.  En 
Arcadie,  Kallislo,  dépossédée  par  Artémis  dite  Kallisté,  tomba 
au  ning  de  nymphe  et  de  suivante  de  la  déesse.  En  Laconie, 
llyakinthos,  supplanté  par  Apollon,  devient  le  favori  d'Apollon 
dit  llyakinlhios.  Ce  culte  sanglant  de  Lycos  ou  Lycaon,  dieu 
solaire,  remplaça  sur  le  Lycée  celui  de  Pan,  que  les  aborigènes 
atloraient  peut-être  sous  la  forme  d'un  bouc  dans  une  caverne 
du  Lycée  et  qu'ils  associaient  à  Séléné  (4). 

(1)  Pausan.,  VIII,  :«.  C(.  dans  Sanclionlathon  (Orel.  p.  i4  et  28)  le  rôle  de  Kro- 
nos,  Généos,  Gcnéa  et  Ousôos. 

(2)  Pausan  VIII,  2. 

(3)  Plat.  Min.p.  315c.  —7?^p.  «(tô  d.  —  Théophr.  ap.  Poiphyr.  de  Àhstin,  II, 
27.  -  Varro  ap.  Sl-Augiisl.  Civ,  Dei.  XVIII,  17.  — Polyb.  XIII.  13,  7.  —  Paus.. 
VI,  8,  2.  —  VllI.  2.  3,  6,  38,  7.  —  Plin.  VIII.  3^.—  Md.Etym.  VIll,  9.  p.  370. 

(4)  Ilerod.  II,  46  :  alYOTipô^wicov  xcà  TpaYoaxeXca.  Oenys  d'IIallc.  I,  32.  — 
Pausan,  VIII,  38,  5.  —  Porphyr.  de  anlr.  20.  —  Immcrwahr.  KuUe  Àrkad,  p. 
1U9  et  sulv.  C*est  à  mon  sens,  à  ce  culte  primurdial  de  Pan  que  se  rapporte  le 


LES   HABITANTS.  203 

•  Les  rites  sanguinaires,  Fabaton  impénétrable  du  Lycée,  les 
deux  colonnes  tournées  devant  l'autel  du  coté  de  Torient  et 
décorées  ou  surmontées  de  deux  aigles  dorés,  tous  ces  détails 
concrets  révèlent,  comme  Ta  démontré  M.  Bérard  (1),  une  ori- 
gine exotique.  Lycaon  =  Zeus-Lykaios  a  toutes  les  allures  d'un 
Haal-Molocb,  de  même  que  les  déesses  de  Lycosoura  et  de  Phi- 
gaiie  rappellent  Ashtoret  et  Derceto.  Eu  fait,  la  i)ossibililé  d'une 
occupation  de  la  région  lycéenne  par  des  concpiéranls  sémitiiiues 
ou  Syro-Grecs,  Phéniciens,  Gariens,  Lélrges,  v.i\\\o  le  XV^  et  W. 
XllI*'  siècle  avant  J.-G.  n'est  pas  inadmissible.  Les  îles,  les  coles 
et  môme  l'intérieur  de  la  Laconie,  de  la  Messénie(2)  et  de  l'Élidcî 
révèlent  dans  leur  toponymie,  leurs  cultes  et  leurs  légendes  trop 
de  traces  d'une  influence  sémitique  pour  ([ue  l'extension  de 
cette  influence  à  la  vallée  supérieure  de  l'Alphée  semble  para- 
doxaie(3).Maisde  quelle  manière  s'est  imposée  aux  masses  jjélas- 
giques  la  domination  des  étrangers,  c'est  ce  qui  Jious  échappe 
complètement  (4).  En  tous  cas,  la  diflusion  des  cultes  sémitiques 
en  lut  le  résultat  immédiat.  Le  rayonnement  des  croyances  nou- 


mythe  de  la  Lycanthrople  ou  métamorphose  en  loups,  associé  ensuite,  en 
Grèce.  &  cause  delà  similitude  entre  les  radicaux  Xux  (luinière)  et  Xux  (loup), 
au  mythe  de  Lycaoo  el  aux  fêles  de  Zeus  Lykalos.  La  (T'idilion  latine  disait 
qu'Kvnndre  avait  rapporté  d'Arcadie  le  culte  de  Paii^  a|>pelc  Lupercus  par  les 
ilomains.  et  ils  rapprochent  les  fôlcs  de  Pan  Ly  écn  des  Lupercjiles  (Llv.  1.  5. 
Virg.  iEn.  Vni,  :U3.  -  Justin,  43,  1.  6.  —  Plut.  Caes.  «1.  —  Quaest  roni,  fiS. 

—  Schol.  Dion  Perieg.  318).  D'après  Meyer  la  lycanthropie  s'expliquerait  par 
un  ancien  culte  animalier,  celui  du  loup,  forme  primitive  de  Zeus  Lykaios 
{Forschùngen  zur  ail,  Geach.  p.  61). 

(1)  Orig .  des  cultes  arcad.,  ch.  I  et  II.  Toutefoiâ,  rinlerprclalion  proposée 
de  àerol  Se  ctt  'aÙTOîç  Ta  ve  Iti  TrarXaioTEpa  eTre7ro''Y|VTO  me  semble  disculabk*. 

(2)  On  relève  des  rapports  mythiques  entre  les  Lclè^'es  mossénieiis  et  Lycjion  : 
leur  ancêtre  s'appelle  Lycos  (Paus.  iV,  1,  6.  —  Philip.  Théan^.  Fr  IlUt.  Gr.  IV, 
p.  475)  Le  fondateur  des  mystères  d'Andanie  et  du  culte  de  Zeus  Ilhomathas  (A 
qui  l'on  sacrifiait  aussi  des  victimes  humaines)  est  un  lils  de  Lclex,  appelé 
Polycaon  (Pausan.,  IV,  1-2).  Cuucon.introducteur  en  Mcssénie  des  mystères  des 
grandes  déesses  et  éponyme  d'une  race  apparentée  aux  LéUV^^es,  est  donné 
comme  fils  de  Lycaon  (IlécaL  Fr,  UisL  Gr.  I,  31.  —  Apollod  III,  8, 1). 

(3)  Sur  celle  question,  voy.  Benlœw.  La  Grèce  auant  les  Grecs,  p.  29.  — 
Clermonl-Ganneau.    Le   dieu  Satrapes.  —  Bérard.  Orig.  des  cultes  arcad.  ; 

—  Pottier.  CataL  des  vases  antiq.  du  Louvre,  p.  li-i  et  Ii8.  —  Meyer.  Gesch 
des  Allerthums,  I,  p.  230.-  Philippe  Berger.  Orig.  orient,  de  la  Mytii.  grecque. 
Ilev.  des  Deux-Mondes,  189f^  2,  p.  395  et  suiv. 

(4)  Suivant  Denys  d'IIaliciiruaâse  (1. 11.  12.  —  11,  1)  la  région  voisine  du  Lycée 
aurait  pris  le  nom  de  Lycaonie.  habitée  par  le  peuple  des  Lycaoniens.  Cf.  Eus- 
lalh.  ad  Dion.  Perieg.,  8ij7.—  Bertrand.  De  antiquissimia  Arcadix  fabulis. 


204  MANTINÉE   ET   l'aRGADIE  ORIENTALE. 

velles  aurait  môme  atteint  la  Haute  Plaine,  si  Ton  doit  reconnaître 
dans  Tantique  Poséidon  Hippios  de  Mantinée  le  déguisement 
hellénique  d'un  dieu  phénicien,  Dâm  ou  Dow,  et  dans  son  épouse 
Déméter,  la  déesse  Dam-at  (1). 
Arcas  Le  cycle  d'Arcas  succède  a  celui  de  Lycaon  pour  résumer  une 

cucs  Aicftdiens.  troisième  étape  des  Arcadiens  dans  la  voie  du  progrès.  Arcas 
leur  aurait  enseigné  la  culture  du  blé,  la  fabrication  du  pain  et 
le  lissage  des  vêtements.  Mais  il  est  facile  de  deviner  —  Pausanias 
Vil  fait  —  dans  ce  rôle  civilisateur  un  simple  reflet  de  la  légende 
de  Triptolème.  En  réalité,  Arcas  n'est  important  que  comme 
éponyme  général  de  la  nationalité  arcadienne.  S'ensuit-il  que 
ce  personnage  personnifie  un  élément  ethnographique  original 
et  qu'il  faille  conclure  à  l'existence  d'une  peuplade  indépen- 
dante, celle  des  Arcadiens  ?  Raoul  Rochette  (2)  et  Curtius  (3) 
l'ont  pensé.  Ils  nous  présentent  les  Arcadiens  comme  une  tribu 
de  race  hellénique,  qui  serait  venue  subjuguer  les  populations 
de  la  Parrhasie  et  de  l'Azanie,  et  qui  aurait  imposé  son  influence 
et  son  nom  au  pays  tout  entier,  à  la  manière  des  races  conqué- 
rantes, comme  firent  les  Ioniens  en  Attique  et  les  Doriens  en 
l^conie  (4).  Pour  déterminer  la  provenance  de  cette  race,  Cur- 
tins  s'inspire  du  rôle  agricole  attribué  par  la  légende  à  Arcas  ; 
comme  les  Thraccs  passaient  pour  avoir  été  les  instituteurs  de 
la  Grèce  en  matière  agricole,  il  conclut  à  l'origine  Thrace  des 
Arcadiens  et  les  fait  venir  de  Phrygie  et  de  Bithynie. 

Cette  théorie  soulève  plusieurs  objections  :  1®  Une  tribu 
conquérante  aussi  importante  que  les  Arcadiens  n'aurait  pas 
tiaversé  toute  la  Grèce  sans  laisser  en  route  des  traces  de  son 
passage.  2»  Les  rapports  ethniques  constatés  entre  l'Arcadie,  la 
Bithynie  et  la  Phrygie  prouvent  qu«  l'Asie  mineure  a  reçu  des 
colons  arcadiens,  et  mm  l'inverse  (5).  3®  Le  rôle  civilisateur 

(1)  Philippe  Berger.  Revue  des  Deux-Mondes,  1896  î,  p.  385  et  395. 

(2)  I.  p.  331.  " 

(3)  Peloponnesos  II.  p.  160  et  sulv.  —  fJist.  gr,  trad.  Bouché- Leclercq.  L  ^ 
p.  197.  '  .  , 

(4)  Paosnn  VIH,  4,  1.  iirb  toutou  8e  paaiXeù<javTOç,  'ApxaBia  te  àvTt 
rieXacTYiaç  •/)  y<6pa  xal  àvTl  IlèXacrYÛv  'ApxaSeç  IxXT^OTrjaav  ol  àvOpwTrot. 

(5)  Le  nom  d'A/^nic  désignait  un  canton  de  la  Phrygie,  aux  environs  de  l'antre 
Steunos  et  du  fleuve  Pcnkalas  (Paus.  Vlll,  4,  3.  —  X/,3i2/3.'' .— 'Et.  Byz.  \ 
'AÇavia,  'AÇavoi).  On  connail  aussi  la  ville  (rj!:zanoi.  Seulement  les  Azaniens 
d'Arcadie  s'attribuaient  à  Tégard  de  ceux  d'Asie  des  titres  de  paternité  ;  de 
même  Mantinée  se  donnait  comme  la  métropole  des  Bithyniens  (PaOsan.  VIII. 
9,  7).  De  fait,  on  retrouve  en  Bithynie  une  localité  appelée  ïfaHdWton,  une 


LES   HABITANTS.  205 

attribué  à  Arcas  ne  mérite  pas  plus  de  créance  que  les  inven- 
tions de  Pélasgos  et  celles  de  Ljxaon.  Celle  cosmogonie  est  la 
partie  la  plus  banale  du  folk-lore  arcadicn;  les  Grecs  en  ont 
reçu  les  éléments  principaux  de  TOrient  et  les  Arcadiens  les  ont 
eux-mêmes  empruntés  à  l'Argolide,  à  la  Bcolic,  à  TAtliquc.  La 
légende  d'Arcas  dérive  directement  de  celle  de  Triplolème.  Peul- 
ôtre  ce  plagiat  date-t-il  d'une  époque  où  l'amitié  d'Athènes  pré- 
valait en  Arcadie  ? 

En  réalité,  le  personnage  d'Arcas  a  moins  d'envergure  que  ne 
Ta  cru  Curtius.  On  remarquera  d'abord  que  scm  afTiliation  à 
Lycaon  a  lieu  d'une  manière  tout  artificielle,  pai*  rinterniédiaire 
de  sa  mère  Callisto,  ensuite  que,  en  dehors  du  rôle  d'emprunt 
signalé  plus  haut,  sa  place  dans  la  légende  et  dans  le  culle  est 
des  plus  minimes. 

Il  faut  aller  dans  la  ville  de  Ménalos,  l'une  dos  plus  anciennes 
d'Arcadie,  au  dire  de  Pausanias,  mais  aussi  une  de  celles  qui  dis- 
parurent le  plus  vite,  pour  retrouver  son  tomlu^an.  C'est  là  que 
les  Mantinéens,  au  IV®  siècle,  prétendirent  l'exhumer,  sur  l'ordre 
d'un  oracle;  c'est  donc  dans  ce  coin  perdu  du  Mrnale,  (fu'il  est 
chez  lui,  non  loin  de  Kallisto,  également  honorée  d'un  Icrlre 
dans  un  lieu  voisin  (1).  Originairement,  Arcas  est  un  petit  dieu 
local,  de  la  région  du  Ménale,  où  pullulaient  les  ours.  Son  nom 
môme  le  désigne  comme  le  dieu  Ours,  soit  qu'il  ait  été  primi- 
tivement adore  sous  la  forme  de  cet  animal  (2),  soit  que  l'ours 
ait  été  son  animal  symbolique,  comme  l'aigle  pour  Zeus,  le  bouc 
pour  Pan,  la  biche  pour  Artémis.  Sa  voisine  Callislo  fut  elle- 
même  une  déesse  Ourse,  puisqu'on  souvenir  de  sa  forme  origi- 


autre  appelée  Mélangiaf  comme  In  bourgade  mnnUnéennc  (Pholius,  Uib.  éd. 
Bekker.  476  b.  31.  —  Le  Qiilen.  Oriens  Christ,  I,  23G.  —  Hamsay.  Hist.  Geogr. 
of  Asia  Minof\  p.  194).  Mais  ces  rapports  s'expliquent  iinlurpilement  par  lV.x- 
pansion  nu  dehors  de  la  race  arcadienne,  par  rémigration  el  les  colonies  de  mcr- 
cenaires.On  connaît  encore  la  colonie  arc^dienne  fondée  à  Chypre  par  A^apcnor 
(Pausan.  Vill,  5, 2),  celle  des  Pélasges- Arcadiens,  chassés  du  Péloponnè.se  par  le 
reflux  des  Achéens  devant  les  Doriens(Hérod.  I,  146.  —  D'Arbois  de  Jubainville. 
Hah,  priin.  de  l'Europe,  I,  p.  135)  el  celle  des  Arcadiens  de  Crèle.  Dans  tous 
ces  exemples,  les  prétenUoos  des  Arcadiens  paraissent  fondées  ;  ce  n'est  pas  le 
cas  d'invoquer  la  loi  des  légendes  rétrogrades,  conslaléc  par  II.  D.  MûUer.c'est- 
à-dires  des  légendes  qui  suivent  a  rebours  le  chemin  des  émigrations  et  du  point 
de  départ  éfTeclif  font  le  terme  de  l'arrivée. 

(i)  Pausan.  Vli,  3,  4.  —  Vlll.  9,  3.  —  35,  7  —  36.  «. 

(2)  .Arcas  est  ûgurè  avec  des  oreilles  d'animal  sur  un  bas-relief  du  musée  de 
Latran.  noscher,.  Philo logm,  LUI  (1894),  p.  304. 


206  AIANTINKK  I-TT   l'aHCADIK  OHIKNTALE. 

nelle  elle  occupe  nu  ciel  la  place  de  la  constellation  de  l'Ourse  (1). 

Sous  celle  forme  animale,  elle  (ut  d'abord  un  aspect  de  la  grande 
déesse  de  la  Naluio,  invoquée  comme  la  Très-Belle  (KaXXidTvi)  ; 
elle  s'idenlilia  ensuite  avec  Arlémis  et,  tout  en  lui  donnant  son 
nom,  tomba  elle-mrmeau  raniç  de  demi -déesse  (Kallisto).  Arcas, 
dieu  des  bois  et  des  montagnes,  devint  aussi  une  liypostase  de 
Pan  et  de  Zeus  Lykaios,  et,  par  là,  un  béros  solaire  (2). 

Par  quelles  circonstances  ce  couple  singulier  s'est-il  écbappé 
de  son  repaire  pour  s'élever  à  la  dignité  de  béros  nationaux  de 
l'Araulie  entière  ? 

l^a  métauïorpbose  d'Arcas  en  béros  éponyme  des  Arcadiens 
n'a  pu  se  produire  (|u'à  une  époque  assez  récente,lorsque  les  déno- 
minations partielles  de  Parrbasiens,  d'Azaniens,  d'Apidanéens 
ou  Apbeidantes,qui  désignaient  les  groupes  divers  de  l'Arcadie, 
furent  tombées  en  désuétude,  et  que  le  vocable  général  d'Arca- 
diens  entra  en  vigueur  pour  désigner  l'ensemble  de  ces  groupes 
mélangés  et  fondus.  Il  est  probable  que  le  terme  pittoresque 
d'Arcadie  et  d'Arcadiens  a  d'abord  été  employé  dans  les  paj's 
côtiers,  peut-être  cbez  les  Achéens  d'Argolide  et  de  Laconie 
pour  désigner  le  district  du  Ménale,  où  vivaient,  au  milieu  des 
bois,  les  hommes  vêtus  de  peaux  d'ours  et  adorateurs  des 
dieux  ours  (3).  Dans  Timagination  des  gens  du  littoral,  l'Arcadie 
s'identifiait  avec  le  pays  des  ours.  Par  extension,  le  terme  lut 
appliqué  à  toute  la  contrée  centrale  du  Péloponnèse,  et  les 
habitants  de  ce  pays  le  reçurent  tout  lait  de  leurs  voisins.  Le 
massif  péloponnésien,  non  entamé  par  l'invasion  dorienne, 
apparaissait  aux  Hellènes  comme  un  bloc,  beaucoup  plus  unifié 

(1)  Paiisan.  VIII,  3.  G.  —  Son  portrail  avec  une  peau  d^ours  à  Delphes  (Pau- 
san.  X.  31,3).  —  L'ours  des  monnaient  de  Manllr.ée  peut  symboliser  aussi  bien 
Arcas  que  Callisto  (P.  Oardner.  Catal.ofGreek  coins.  Pelopon,  p.  184,  pi  XXXV, 
i8  et  snlv.  — Franz.  Lcipz.  Stud,  XII  (18110),  p.  242-251  ).0n  ne  doit  pas  s^élonner 
que  les  montagnards  du  Ménale  aient  incarné  un  élément  divin  d.ins  le  corps 
du  fauve  qui  éUilt  pour  eux  un  objet  de  terreur  el,  par  sa  fourrure,  un  être 
bienfaisant.  Sur  les  Arcadiens  vêtus  de  peaux  d'ours,  voy.  plus  haut,  p.  58,  n.  4 
Ce  fétichisme  ne  nous  choque  pas  chez  les  Orientaux;  nous  admettons  la  ména- 
gerie du  panthéon  égyptien.  II  faut  aussi  nous  habituer  au  grossier  naturalisme 
de  la  religion  primithe  chez  les  Grecs.  Sur  les  Ourses,  dans  les  fêtes  d'Artémis, 
h  Brauron,  â  Munychie,  etc.,  voy.  Schol.  Aristoph.  Lysislr.  646.  —  Hesychius, 
Suidas,  llarpocraUon,  s.  v.  àpxreia,  apxroi,  àpxTeû<Tai. 

(2)  Voy.  plus  loin,  p.  316-317. 

(3)  Les  noms  d'Arcas  el  d'Arcadie  dérivent  delà  formé  apxoç.Cf.  'Apxôvrjaoç 
el  le  grec  moderne  àpxouâa,  apxouSt,  'Apxou8(JppeujjLà  et  PArkansns  d'Amé- 
rique. Les  étymologies  de  Grotelend  (du  sanscrit  aïka  (ÎJ,  Soleil)  et  do  Sickler 
{Alte  Geogr,,  p.  202  —  d'àpxew.)  ne  sont  pas  soutenables. 


LBS   HABITANTS.  207 

qu'il  ne  Tétait  en  réalité.  Ce  doit  être  vers  le  XI^  ou  le  X^  siècle 
que  les  peuplades,  appelées  arcadienncs  par  les  Achéens  et  les 
Doriens,  prirent  conscience  des  liens  qui  les  unissaient,  eu 
voyant  les  nationalités  qui  se  constituaient  tout  autour  d'elles: 
Argiens,  Achéens,  Eléens,  Lacédémoniens.  Les  lenlatives  des 
Doriens  pour  envahir  TArcadie  déterminèrent  dos  groupements 
défensifs,  qui,  sans  aboutir  à  l'unité  politique,  [)réparèrent  du 
moins  Tunification  morale.  Arcas  dut  ù  la  dilîusion  des  noms 
d'Arcadie  et  d'Arcadiens  d'être  promu  à  la  dip^nité  d'éponyme 
commun.  Ce  fut  le  résultat  et  le  symbole  de  la  fusion  arcadienne 
proclamée  d'abord  par  Tégée  en  face  de  l'ennemi  commun  (I). 
Pour  se  métamorphoser  en  personnage  ofTiciel,  Tancien  dieu 
du  Ménale  devait  naturellement  dépouiller  sa  peau  d'ours  et 
même  renier  son  repaire  originel.  L'éponyme  commun  devant 
entrer  de  plain  pied  au  panthéon  arcadien,  il  fallut  lui  fabriquer 
une  généalogie  illustre  et  le  caser  en  bonne  place,  sans  toutefois 
troubler  les  situations  acquises.  Le  Lycée  était  le  sommet  sacré  où 
Pan  et  Lycaon  trônaient  comme  des  parvenus,  oublieux,  l'un  de 
ses  cornes  de  bouc,  l'autre  de  sa  peau  de  loup.  Arcas  fut  donc 
rattaché  à  Lycaon  par  sa  compagne  Callisto,  qu'on  lui  attribua 
pour  mère  et  qu'on  présenta  à  Zeus  Lykaios  comme  une  fille  de 
Lycaon.  Comme  père  d'Arcas,  Zeus  Lykaios  était  tout  indiqué, 
Arcas,  hypostase  de  Pan,  étant  lui-môme  un  dieu  solaire.  Pour 
assurer  aussi  à  Callisto  une  position  honorable,  comme  il  se  trou- 
vait aii  ciel  une  constellation  de  l'Ourse,  on  identifia  Callisto  à  la 
constellation.  Arcas  lui-môme,  personnifiant  tous  les  rameaux 
de  la  race  arcadienne,  dut  endosser  la  paternité  des  éponymes 
secondaires  qui  représentaient  les  principaux  groupes  de  cette 
race,  c'est-à-dire  d'Azan,  d'Élatos,  d'Apheidas,  auxquels  furent 
adjoints  Triphylos,  et  le  bâtard  Autolaos.  On  supposa  qu'Arcas 
avait  partagé  son  empire  entre  ses  fils.  Grâce  à  ces  combinaisons, 
le  héros  anobli  devenait  le  commensal  des  hôtes  souverains  du 
Lycée.  Le  souvenir  de  ses  obscurs  débuts  se  perdit  dans  le  rayon- 

(1)  CeUe  intention  prit  une  (orme  concrète  dans  l'ofTrande  d'un  groupe  dédié, 
à  Delplies,  par  la  Ligue  Arcadienne  après  la  dévastalion  de  la  Laconieen  370- 
369.  Ce  groupe  représentait  Apollon  et  Nilié,  et  les  liéros  nrcadicns  :  Callisto, 
Arcas  et  ses  Ois,  Élalos,  Apheidas,  Azan,  plus  Triphylos,  (ils de  Lnodnnile,  Olle 
d^Amyclns  et  Érasos,  flls  d*Amilo,  fille  de  Gongylos.  P.iusanias  attribue  par 
erreur  cette  offrande  aux  Tégéates  (X,  9,  3).  Une  bonne  partie  de  la  dédicace 
originale  a  été  retrouvée:  Pomtow.  Àth,  Milh.  XIV  (18S!)),  p.  15  cl  suiv.  — 
Beitràge  zur  Topogr.  von  Delphi,  p.  54-56,  114,  pi.  XIV,  39.  —  llonioiie,  Dull. 
de  Corr.  hellén.  (1897),  p.  276-284. 


208  MANTINKE  ET   L*ARCADIR  ORIENTALE. 

iiement  de  TOlympc  arcadien.  Fils  de  Zeus  Lykaios  et  nourris- 
son des  nymphes  lycéennes,  il  faisait  bonne  figure  à  côté  de 
l*élasgos  et  de  Lycaon.  Mais,  outre  le  mérite  de  la  naissance,  il 
lui  restait  à  acquérir  des  titres  personnels  à  l'admiration  et  à  la 
faveur  du  vulgaire.  Pélasgos  et  Lycaon  s'étaient  signalés  par  des 
inventions  bienfaisantes.  Pour  être  digne  de  ses  prédécesseurs, 
Arcas  devait  poursuivre  leur  œuvre  civilisatrice  et  contribuer 
|)our  sa  part  au  bonheur  de  l'humanité.  On  ne  manqua  pas  de 
lui  attribuer  son  lot  de  découvertes,  dont  la  complaisance  de 
Triplolème  fit  tous  les  frais.  —  Et  c'est  ainsi  que  d'un  ours 
ménalien  savamment  léché,  les  Arcadiens  se  façonnèrent  un 
ancêtre  présentable. 

Toutefois,  malgré  cette  dépense  d'imagination,  les  généalo- 
gistes ne  réussirent  pas  à  faire  vivre  d'une  vie  propre  leur 
créature.  Comme  les  éponymes  des  villes  arcadiennes,  la  per- 
sonnalité d'Arcas  était  un  produit  de  la  raison  d'État,  une  figure 
conventionnelle  et  froide  que  l'adoration  populaire  abandonna 
aux.mylhographcs  olliciels.  Solennellement  inscrit  au  nombre 
des  grands  patrons  du  pays,  il  représentait  moins  un  principe 
vivant  qu'un  programme  politique,  celui  de  la  fédération  panar- 
cadienne.  Or,  cette  idée  abstraite  ne  fit  que  très  tard  son  che- 
min dans  les  esprits,  à  une  époque  où  il  devenait  difficile  d'in- 
fuser la  vie  à  des  personnage  divins,  n'ayant  pas  de  longue 
date  pris  racine  dans  le  cœur  des  hommes.  Le  particularisme 
invétéré  des  tribus  arcadiennes  fut  fatal  à  la  popularité  d'Arcas. 
En  fait,  le  héros  semble  n'avoir  recueilli  que  des  hommages 
littéraires.  Sauf  le  tertre  qui  gardait,  dans  un  repli  du  Ménale, 
hî  souvenir  de  son  humble  origine,  Pausanias  ne  mentionne  ni 
temples,  ni  autels  d'Arcas.  Seule  la  ville  la  plus  intéressée  à 
exploiter  à  son  profit  l'idée  de  l'union  arcadienne  tenta  de  res- 
susciter ce  fantôme  de  héros  national.  La  Ligue  arcadienne,  en 
lui  consacrant  un  monument  à  Delphes,  se  proposait  de  le  pré- 
senter solennellement  à  la  Grèce  entière.  Au  même  moment, 
les  Mantinéens  le  confisquèrent  en  l'installant  sur  leur  agora. 
Mais  ces  essais  de  résurrection  ne  survécurent  pas  aux  circon- 
stances qui  les  avaient  i)rovoqués.  Malgré  la  pompe  d'un  trans- 
fert prescrit  i)ar  l'oracle  de  Delphes,  la  présence  d'Arcas  ne  put 
(lésalTecter,  dans  la  dévotion  du  peuple  mantinéen,  les  autels 
de  Pan-Hélios. 
fils  (lArcos.  Les  noms  d'Arcas,  d'Arcadie  et  d'Arcadiens  sont  donc  des 
étiquettes  générales  apposées  après   coup    sur    un    mélange 


LES   HABITANTS.  209 

ethnographique  dont  la  composition  reste  à  délerniiner(l).  Les 
noms  des  «  fils  ))  d'Arcas  sont  plus  instructifs.  En  elïet,  ces  fils. 
])lus  anciens  que  leur  prétendu  pore,  personnifient  les  éiénicnts 
du  mélange.  Il  y  en  a  trois  :  Azan,  Élalos,  Aphcidas,  représen- 
tant chacun  un  groupe  particulier,  pourvu  d'un  domaine  propre. 

Le  groupe  Azanien  occupe  les  hautes  berges  du  Ladon,  au  Azaneiien 
nord  de  la  Lycaonie.  Il  possède  des  villes  importantes,  Thcl- ^""'*'"''^*pp«''*» 
pousa  ou  Telphousa  et  Kleitor.  Il  honore  spécialement  Erinys 
de  Thelpousa,  appelée  aussi  Déméter  cv  'O^xsuo  et  Apollon 
Onkeiatcs  (2).  Ces  noms  et  ce  culte  nous  reportent  en  Béotie,  où 
Ton  trouvait  une  déesse  Onka,  équivalent  phénicien  d'Atiiéna  (3), 
un  ancien  Ladon  (Isménos),  une  source  Telphousa  et  un  mont 
Tilphousion  (4).  Si  Ton  rapproche  ces  noms  béotiens  de  ceux 
de  Delphes,  de  la  nympiie  Delphoussa,  de  Téiéphaé  et  Télé- 
phassa,  Tune  femme,  Taulre  mère  de  Kadmos,  on  concluera 
qu'ils  ont  été  importés  en  Béotie  par  les  Kadméens,  c'est-à-dire 
par  une  race  vejiue  d'Orient  :  la  tradition  présentait  Kadmos 
comme  un  Phénicien,  et  la  tradition  semble  fondée,  quand  on 
constate  la  parenté  du  nom  de  Téléphassa  av(^c  celui  de  Délé- 
phat  ou  Dilbat,  Tétoile  consacrée  à  TAstarté  sémiliquc,  et  celle 
de  rOnka  béotienne  avec  TOnka  phénicienne  (î>). 

Nous  voilà  donc  en  présence  de  la  môme  inlluence  sémitique      Linnuenco 
constatée  en  Béotie  et  en  Azanie.  En  Béotie,  elle  s'explique  par   p'^éniciennc en 
l'occupation  kadméenne.  Pour  l'Azanie,  deux  solutions  sont  à     ^•^«^'«eiscs 

11         1       !»•  propagnicurs  en 

exammer  :  1  hypothèse  de  linfluence  directe  et  celle  de  lin-       Arcadie. 
Iluence  indirecte. 

Dans  le  premier  cas,  il  faudrait  supposer  Torcupalion  clîective 
de  TAzanie  par  un  groupe  de  Sémites  qui  auniicnt  agi  sur  le 
pays  de  la  même  façon  que  les  Kadméens  en  Béotie.  C'est  la 
solution  que  nous  avons  admise  plus  haut  pour  expliquer  l'ins- 
tallation sur  le  Lycée  du  sanctuaire  et  des  rites  de  Zeus  Lykaios. 

Les  rapports  étroits  constatés  entre  la  légojule  de  Lycaon  et 

(1)  Cf.  les  noms  de  Béotie  et  d*Eubée,  qui  signiflent  «  le  pays  des  bœufs  ». 

(2)  Pausan.  VIII,  254.  — Caliimach.  ap.  Tzelzès.  Lycoph.  153.  —  Immerwahr. 
Kulte  Arcad.,  p.  110,  129. 

(3)  Pausan.  IX,  12,  2.  —  Ph.  Berger,  ibid.,  p.  194. 

(4)  Pausan.  IX,  10.  5.  —  33, 1.  —  Slrab..  IX,  2,  20. 

(5)  P.  Berger,  Rev,  des  Deux  Mondes,  189G  2,  p.  394.  —  Lôwy.  Semit. 
Lehnw.  im  Griech.  251.  —  0.  Mûller  (KL  Schrifl.  II,  19i)  dérlvail  Onka  de 
"Oyxoç,  cî/Oo;,  buUe.  —  Sur  rinflucnce  orlenlalu  sur  les  rivages  de  l'Euripe, 
voy.  Gruppe.  Griech.  Myih.  p.  61 . 

.Mniilince.   —  15. 


210  MANTINÉE  ET  L^ARGADIE  ORIENTALE. 

celles  des  Lélèges  messéniens  nous  ont  permis  de  conclure  à  une 
occupation  effective  de  la  Parrhasie  par  des  bandes  venues  de 
Laconie  et  de  Messénie(l).  Le  bassin  de  TAlphée  supérieur  cons- 
titue le  passage  naturel  entre  la  Laconie  et  TÉlide.  Pourquoi  les 
Phéniciens  n'auraient-ils  pas  songé  à  s'assurer  de  ce  passage 
pour  éviter  les  caps  du  Sud,  en  reliant  par  une  voie  terrestre 
leurs  comptoirs  laconicns  à  ceux  du  littoral  éléen,  et  en  faisant 
garder  cet  hinterland  par  des  postes  de  Cariens  ou  de  Lélèges  ? 
Mais  ce  qui  est  vraisemblable  pour  la  plaine  parrhasienne  Test 
beaucoup  moins  î)our  les  ravins  du  Ladon.  On  ne  comprend  pas 
pourquoi  les  Phéniciens  se  seraient  aventurés  dans  ce  laby- 
rinthe quand  ils  i)ouvaieut  si  aisément  contourner  TÉrymanthe 
par  la  grève  éiccnne  et  achéenne.  L'audace  de  ces  trafiquants 
se  réglait  d'après  leurs  intérêts.  Or,  on  voit  ici  le  danger  et 
l'imprudence  d'une  occupation  de  l'Azanie  :  on  n'en  voit  pas  le 
profit.  Enfin,  aucune  tradition  ne  la  justifie. 

D'autre  part,  les  coïncidences  relevées  plus  haut  entre  les 
noms  de  lieux  et  de  divinités  en  Arcadie  et  en  Béotie  ne  sont 
pas  les  seules.  Il  y  a  en  Arcadie  comme  en  Béotie,  non  seulement 
une  Erinys  Tilphossa  et  un  Ladon,  mais  aussi,  dans  la  Haute 
Plaine,  une  ville  d'Orchomène,  une  nymphe  Alalcoménéia,  une 
Arné,  un  Elatos,  un  Aréïthoos.  On  remarquera  :  i^  que  certaines 
de  ces  coïncidences,  telles  que  la  possCsSsion  commune  d'une 
Orchomène,  d'une  Arné,  d'un  Elatos  et  d'un  Arelthoos,  ne  sau- 
raient s'exi)li(|uer  par  une  infiuence  sémitique.  2*>queces  rap- 
ports portent  sur  des  points  si  précis  et  d'un  caractère  si  local 
qu'on  aurait  bien  de  la  peine  à  les  expliquer  par  une  môme 
action  parallèle,  s'exerçant  dans  le  môme  sens  en  Arcadie  et  en 
Béotie.  Il  faudrait  que  les  propagateurs  de  cette  influence  pa- 
rallèle se  fussent  donné  le  mot  d'ordre  pour  laisser  chacun  de 
leur  côté  des  vestiges  identiques  de  leur  séjour. 

L'hypothèse  de  l'influence  directe  soulève  donc  trop  d'invrai- 
semblance; de  plus,  elle  n'est  appuyée  par  aucune  tradition. 
Les  faits  s'expliquent  au  contraire  le  mieux  du  monde  par  la 
seconde  hypothèse,  celle  de  l'action  indirecte  par  un  ou  plu- 
sieurs intermédiaires  qui  auraient  colporté  en  Arcadie  un  coin 
de  Béotie.  Vu  le  mélange  des  éléments  importés, ^^on  doit,  en 

(1)  LMiypercriUcisme  de  Meyer  {Gesch.  des  ÀUerthunis,  II,  p.  GO  e^  61)  en 
ce  qui  concerne  la  présence  des  Lélèges  en  Laconie  et  ço ,  Messénie,  n*esl  pas 
mieux  fondé  que  ses  doutes  sur  l'origine  sémitique  des  Kadméens(II.  p.  152, 
189).  .».'.. 


LES   HABITANTS.  211 

dernière  analyse,  découvrir  un  ou  plusieurs  peuples  non  sémi- 
tiques qui  auraient  quitté  la  Béotie  pour  s'installer  en  Arcadie  ; 
de  leur  séjour  en  Béotie,  ils  auraient  rapimrlé,  outre  le  l)a{j^age 
de  leurs  traditions  personnelles,  des  souvenirs  de  rinfluence 
prépondérante  des  Kadméens,  combinée  avec  ceUe  des  peuplades 
béotiennes  dont  ils  avaient  aussi  subi  le  conla<:t. 

La  tbéorie  d'une  ou  de  plusieurs  migrations  béotiennes  en 
Arcadie  est  donc  la  seule  plausible  à  priori.  (l'est  la  seule  éga- 
lement dont  le  principe  concorde  avec  la  tradition  antique  : 
mais  rembarras  commence  avec  Tapplicittion.  Kn  elTet,le  bassin 
du  Copaîs  recueillait  tous  les  courants  de  peuples  descendus  du 
Nord.  Là  on  vit  se  déposer,  se  mêler  et  fermenter  ensemble 
nombre  de  races,  de  civilisations  et  de  mytbolojî^ies.  Quand  un 
nouvel  alHux  déterminait  un  épancliemenl  du  réservoir,  le  Ilot 
qui  s'en  échappait  contenait  des  éléments  de  toutes  sortes, 
Minyens,  Aones,  Kadméens,  Thessaliens,  Phléj2:yens,  Phocéens, 
parce  que  toutes  ces  tribus  avaient  réagi  les  unes  sur  les  autres. 
l*eut-on,  dans  le  chaos  des  cultes  et  des  légendes  d'An!a(iie, 
retrouver  la  part  de  chacun,  et  désigner  par  leurs  noms  les 
colporteurs  de  l'influence  béotienne  en  Arcadie  (1)  ? 
'  Le  groupe  représenté  par  Azan  parait  le  plus  ancien,  A/an  A^n 
étant  donné  comme  l'aîné  des  fils  d'Arcas.  Sa  principale  divi-  «i  u»  Minycn?. 
nité,  Érinys  Tilphossa,  se  retrouve  en  Béotie  (2),  chez  les  Aones 

(1)  On  doit  se  prémunir,  dans  ces  recherches,  contre  toule  illusion  :  l'nrl 
d^apparenter  les  races  à  l'aide  de  leurs  mythes  et  de  leurs  cultes  est  très  déce- 
vant. Des  raccords  souvent  plus  spécieux  que  réels  constituent  moins  un  sys- 
tème de  faits  logiquement  liés  qu*un  bouquet  d'apparences  vorltaics.  Ces  faibles 
indices  servent  de  prétexte  à  certains  savants  pour  jouer  avec  les  peuplades.La 
mai'ché  des  tribus  se  laisse,  en  effet,  aisément  régler  sur  le  papier,  avec  un  peu 
d'imagination.  Il  est  donc  prudent  de  n'accepter  ces  essais  de  logistique  rétros- 
pective qu'à  Ulre  d'hypothèses  et  d'explications  provisoires  d'un  caractère  tout 
subjectif.  .Voir  ^n  particulier,  :  Otf.  Mûlier.  Humenid,  p-  108  et  sulv.  —  II.  D. 
Mûller.  îlfy^Ao^  cf.  griech,  Stàmme.  li,  p.  269  et  suiv.— TûMipelj/lrcsii./lp/iro- 
cfilc.'iahrb/f.  kias.  philoi.  1880.  If  suppiem.  band.  cl  CXXXII,  p.  58.  —  Schuitz. 
Phlëgyèrsàge.  Jahrb.  f.  klas.  philoi.  1882,  p.  345  et  suiv.  —  Wilaniowltz-Moîllcn- 
dorU ]I$yllo8i  (Philoi.  Untersuchungen,  1880).— Studniczka,  Kyrene.  —  Le  résul- 
t^at  deces.ctudefs  çst  résumé  dans  le  répertoire  si  utile  d'Immerwahr.  Auffe  v. 
ityiheii  Arkadieti8f(\u\  appartient  à  une  série  de  recueils  de  mytiiologie  régio- 
nale destinée  à  rendre  les  plus  grands  services  (Cf.  Sam  VVide.  De  sachs 
Trmzeniorum.  —  Die  lakoniscfien  KuUc).  —  Les  combinaisons  personnelles 
d'Imm'erVâhr  sont  ingénieuses,  peut-être  même  le  sont-elles  trop  :  la  chninc 
de  'ses  dédu(;tions'h'a  'souvent  I  air  dé'  tenir  que  par  un  cheveu  coupé  en  quaire. 

'  (2)  Ou  Âiûllcr. 'i:iimc/arf;  p.  1G8. 


212  MANTINKB   ET   l'ARCADIE  ORIENTALE. 

tliohains, qu'on  croit  ôlre  d'origine  thrace  (l).Pausanias  rapporte 
(|uc  les  Aones  se  fontlirent  avec  les  Kadméens  (2)  :ce  qui  expli- 
(|ue  la  combinaison  de  leur  Érinys  avec  la  Tilphossa  (Déléphat) 
kadméenne. 

S'ensuit-il  que  les  Aones  aient  transporté  eux-mêmes  leur 
culte  composite  en  Arcadie  ?  Les  arguments  étymologiques 
invoqués  en  faveur  de  l'identité  des  ethniques  Aones-Abantes- 
Azaniens  sont  loin  d'ôtre  concluants.  De  plus  les  Aones  s'étaient 
fondus  avec  les  Kadméens.  Mais  il  y  avait  en  Béotie  un  peuple 
qui  résume  a  lui  seul  toute  la  civilisation  béotienne  et  qui 
semble  mieux  désigné  comme  intermédiaire  entre  ce  pays  et 
l'Arcadie  :  ce  sont  les  Minyens  d'Orchomcne.  Leurs  migrations 
les  portèrent  en  Triphylie,  en  J^conie  et  de  là  à  Tbéra  et  à 
Gyrène  (3).  Les  souvenirs  béotiens  relevés  en  Arcadie,  l'Érinys 
Tilphossa,  le  nom  du  Ladon,  celui  d'Onkos,  si  proche  parent  de 
rOnka  kadméenne,  le  nom  d'Orchomcne  d'Arcadie,  la  nymphe 
Alalcoméneia  et  la  source  Arné  aux  environs  de  Mantinée,  la 
légende  d'Aganiédôs  et  de  Trophonios  constructeurs  de  l'abaton 
de  Poséidon  Ilippios  à  Mantinée,  ces  personnages  eux-mêmes 
incorporés  dans  la  généalogie  arciidienne  (4),  Aréïthoos,  héros 
béotien  d'Arné  enterré  près  de  Mantinée,  enfin  le  nom  d'un 
ancêtre  minyen  Azeus  devenant  sous  la  formé  Azan  l'éponyme 

(1)  Tûmpcl.  Ài'es  u.  Aphrod.  p.  58.  —  Immerwahr  KuUe  Àrkad,  p.  115, 
idcnliîie  les  Aont-s  avec  les  Abanles  et  voit  dans  le  nom  des  Azaniens  une  Iroi- 
siômc  forme  du  mônic  nom.  Les  anciens  dérivaient  'A^ccvia  d^a^a,  sécheresse. 
(EustaUi.  ad  Dionys.  Pcrieg.  Didol.  Gfogr.  minor.  li,  p.S93).C(.  Zenob.  11,54. 
Dio};cnian.  1,24.—  .Macar  l.  M .  —  WdunuBy  {Gengr,  ofÀsia  l^Hnor,,  p.  147)  invoque 
le  Phrygien  àCcva,  barbe.  Gôrres  {SLud,  zur  griecfi.àïylhol.  1889»  I,  p.  48)  me 
parall  avoir  raison  d'insisler  sur  ie  caractère  funéraire  d*Azan  ;  les  premiers 
Jeux  funèbres  furent  célébrés,  dit  Pausanias  (V,  I,  8)  à  la  mort  de  ce  héros. 
'A-C^v  me  parait  être  une  forme  dialectale  do  'A-2[£uç(Zeuç=  Zav).  et  uq 
doublet  de  ''A(B'/)ç.  Un  héros  'AÇcùç  figure  dans  la  généalogie  des  Minyens 
(Paus.  IX,  37,  1  et  7).  Cf.  à  Trœzène,  'AÇTjata,  surnom  de  Koré  (Soph.  fr, 
894  N 2.  —  Suidas  et  llesych.  x.  t?.),  AlCeiôç,  pére  de  Lycaon  (Den.  Ualic. 
1,  11),  et  la  forme  Aizeus,  éponyme  des  Aizaniens  (Azanitis)  de  Pbrygle  (Et.  Byz.) 

(2)  IX,  5,1. 

(3)  Ilérod.,  IV,  148  —  VIII.  73.  ~  Meyer  {ibid.,  p.  195)  aUribue  à  ces  récita 
une  origine  purement  mythique,  le»  Minyens  désignant  les  Argonautes.  Mais  la 
parenté  des  Minyens  avec  les  Tripbyliens  est  déjà  attestée  par  ïOdyssée,  A, 
281  (Nélée  de  Pylos  épouse  Chloris  d*0rchomène)  et  par  l'Iliade^  A,  7^,  où 
entre  Pylos  et  TAIphée  est  un  fleuve  Mivui^ioç.  D'autre  part,  la  parenté  des 
Tripbyliens  et  des  Arcadiens  est  symbolisée  par  Tripbylos,  Als  d'Arcas. 

(4)  Agamédès,  fils  de  Slympliélos  (Paus.  VIll,  4,  8)  et.  Lébados,  fondateur  de 
Lébadée,  siège  de  l'oracle  de  Trophonios,  fils  de  Lycaon  (Plut.  Quœzt.  gr.^). 


LES   HABITANTS. 


213 


du  plus  considérable  des  groupes  arcadiens,  ensuite  les  rap- 
ports étroits  et  difllcilement  explicables  autrcjneiit  entre  Cyrène 
et  Mantinée,  toutes  ces  coïncidences  constituent  auUmt  de  pré- 
somptions en  faveur  de  cette  hypothèse. 

Le  nom  du  second  fils  d'Arcas,  Élatos,  nous  re|)orte  encore  à  f''»'»'* 
la  Grèce  centrale  et  même  en  Tlicssalie,  si  \\m  adopte  son  '"^ '«  N»i'»cs. 
récent  état  civil  (1).  D'après  le  cycle  arcadicn,  Elatos,  né  on 
Arcadie,  avait  poussé  ses  conquêtes  jusqu'en  IMiocide  où  la  ville 
d'Élatée  garda  son  nom  (2).  Mais  cet  ordre  assez,  anormal  de  la 
légende  prouve  que  les  Arcadiens  préféraient  le  rnle  d'envahis- 
seurs à  celui  d'envahis  :  la  marche  réelle  de  la  migration  devait 
être  inverse.  Le  point  de  départ  d'Élatos  est  au  pied  de  l'Ossa, 
chez  les  Lapithes  (3),  dans  la  ville  d'Élatée  thessalicnne,  la  pre- 
mière en  date.  On  le  retrouve  ensuite  en  Phocidc,  où  il  fonda 
la  seconde  Elatée,  et  enfin  en  Arcadie  où  il  occu|)e  la  région  du 
Cyllène  et  la  Haute-lMaine  (4)  :  sa  statue  se  voyait  sur  l'agora 
de  Tégée  (5).  Les  légendes  thessaliennes,  celle  du  combat  des 
Lapithes  et  des  Centaures  en  particulier,  ont  envahi  TÉlide.  On 
a  aussi  soutenu  que  le  culte  si  important,  dans  le  Péloponnèse 
central,  à  Thelpousa  et  à  Mantinée,  de  Poséidon  lli|)pios  y  avait 
été  introduit  par  les  Lîipithes  :  Élatos  serait  une  hypostase  du 
dieu  (6).  Mais,  on  le  verra  plus  loin,  ce  point  est  loin  d*étre 
établi  :  c'est  déjà  beaucoup  d'admettre  la  présence  des  Lapithes 
au  cœur  de  la  péninsule,  à  Phénéos  (7),  à  Tégée  et  au-delà. 

On  a  voulu  aussi  faire  jouer  un  rôle  considérable  à  une  tribu   ï-c»  Phu-pyens. 
de  même  origine  que  les  Lapithes,  celle  des  Phlégyens.  Les 
deux  peuplades  voisinaient  en  Thessalie  :  les  Phlégyens  étaient 
répartis  autour  de  Gyrton  et  honoraient  spécialement  Asklépios, 
né,  disaient-ils,  chez  eux,  dans  la  plaine  dotienne,  des  amours 

(1)  Schultz.  PMegyersagen,  —  Wllarnowllz-Môllendorn.  Isyllos. 

(2)  Pausan.  VIII,  4,4. 

(3)Strab.  IX.  5.19. 

(4)  Il  avait  reçu  Orcliomène,  ManUnée  et  la  Cynurie,  suivant  les  uns  (Fluslatii. 
ad  Dion.  Perlog.  Uidol.  Geogr.  min.  II,  p.  417);  tout  l'enipire  d'Arcas,  suivant 
d'autres  (Apoliod.  III,  9,  2). 

(5)Pau8.  VIII,  48,6. 

(6)  Immerwahr.  KuUe  Arcad,,  p.  40. 

(7)  Sur  les  LapUbes  à  Phénéos,  DIod.  IV,  70. 


214  MANTINKE  ET  L'aRCADIR  ORIENTALE. 

d'Apollon  et  de  Koronis,  fille  de  Phlégyas  (1).  Ischys,  fils  d'Éla- 
los,  intervenait  dans  cette  légende  comme  séducteur  de  Koro- 
nis. Phlégyas  et  sa  bande  descendent  ensuite  en  Béotie;  on  y 
retrouve  Koionis,  masculinisée  en  Koronos,  comme  cponyme 
dcKoronée.  Les  JMilégyens  s'imposèrent  aux  Minyens  :  Phlégyas 
ligure  dans  les  généalogies  avant  Minyas  (2):  Ils  portèrent  secours 
aux  Tliébains,  attaqués  par  TArgien  Adrastos  et  ses  mercenaires 
arcadiens  (3).  Leur  humeur  batailleuse  les  poussa  en  Phoçide; 
ils  s'attaquèrent  au  temi)le  de  Delphes  et  à  leurs  anciens  voisins 
deThessalie,  les  Lapithes  d'Élatée,  fixés  eu  Phocide(4),  car  tel 
doit  être  le  sens  de  la  légende  qui  représente  Élatos  accourant 
d'Arcadie  au  secours  d'Élatée.  Ensuite,  on  les  retrouve  en  Argo; 
lide,  où  ils  apportent  leur  dieu  Askiépios  (5),  qui  se  répand  de 
là  par  toute  TArcadie,  à  Thelpousa,  à  Kleitor,  à  Gortys:  le  nom 
même  de  cette  dernière  semble  un  ressouvenir  de  la  métropole 
|)hlégyenne,  (îyrton  (0). 

Ces  trois  rameaux  béotiens,  les  Minyens,  les  Lapithes  et  les 
Phlégyens  durent  fusionner  leurs  races  et  leurs  légendes  :  Azan 
est  censé  avoir  épousé  une  femme  lapithe,  Hippolyle,  fille  de 
Dexaménos,  symbole  de  l'union  des  Azaniens  et  des  Lapithes  (7). 
Une  union  semblable  se  produisit  entre  les  Azaniens  et  les 
Phlégyens,  caria  lillede  Phlégyas,  Koronis,  est  qualifiée  d'Azà- 
niennc  dans  l'Hymne  Pythien  (8).  Enfin,  Ischys,  lils  d'Élatos  et 
séducteur  de  Koronis,  figure  dans  la  généalogie  arcadienne  des 
Élatides,  entre  KylleJi  et  Stymphélos  (9),  établissant  un  trait 
d'union  entre  les  Lapithes  et  les  Phlégyens.  '  '     ' 

(!)  Frngment  147  des  Grandes  Éées,  ap.  Slrab,  XI,  5,  22.  XIV,  1,  40.  Sur 
cette  légende,  voy.  Wilamowilz-MôUendorf.  Isyllos.  (Philol.  Unters^ichungen. 
1880,  p.  58  et  70)  et  Schullz.  Phlegyersagen  {Neue  Jahrbiich.  f,  klas,  philol. 
1882,  p.  345  sq.).  —  Lechal-Delrasse. /ipidaurc,  p.  17-32.  *  I 

(2)  Pausan.  IX /J.  2.  .       '    

(3)Pausan.  IX,  î),  2.  —  X,  7,  1.  ,  •,...'....'!.?,,      .,    ,   ,;.,". 

(4)  iôtd.,  IX,3G,  2.  ~X.  7.  1.  .',   .,.;';   V  ,   '.'     :'  ...m'i'!;'" 

(5)Paus.  1I,2G,  4.  :  i       .     :     ..  î.        m.  m-  .    •  , 

(6)  Wilamowilz-MôUendorf.  Isyllos.,  p.  55.'  L*Asl«léplélon  flè  Titenô^  bour- 
gade perdue  dans  le  ravin  de  l'Asopôs,  rappelait  ses  origines  phlégyenriès  phr 
plusieurs  détails  :  le  culte  des  Asklépiades  Àléxanor  et  Évhaniérlon|  le 
surnom  de  PopTÙvioç  donné  à  Askiépios,  et  le  nom .ipêaielde  ,Tit*inos,  dérivé 
do  la  Titane  tliessalienne.  ..    ;  i    ,.,.,,,.■».».,-  .^ , 

(7)  Diod.  IV,  33.  '  .    .  h.   ..s  .  '    M.,    •.  ,  u 
■     (8)  V.31[209].                      "      '           ■     '"''t  "«•  '•"'-'•Mî  nlMv.î    ,.,...  ■;. 

(9)  Paus.  Vin,  4,  49,  -  X,  4,  3.  -  Pindaré,'  Pythl'lll^tl-dà.'  '      '     '''' 


LES  HABITANTS.  215 

Le  groupe  azanien  étendit  son  influence  jusqu'au  sud  du 
Lycée,  à  Phigalie  :  Kleitor,  fils  d'Azaii,  s'inslnlle  à  Lycosoura. 
Sous  la  rubrique  générale  d'Azanie,  Etienne  de  Byzance  énu- 
mère  trois  provinces  :  TAzanie  propre,  la  Trapézonlic  et  la 
Parrhasie  avec  un  total  de  17  villes  (1).  L'ellini(|ue  Azanien  est 
toujours  resté  en  usage  (2). 

Les  groupes  lapithe  et  phlégyen  représentés  par  Elatos  occu- 
pèrent surtout  l'Arcadie  du  nord-est  et  de  Test,  depuis  Piiéjiéos 
jusqu'à  Tégée  ;  mais  en  réalité  ces  trois  groupes  durent  se 
pénétrer  et  se  fondre  par  d'incessants  échanges  de  population 
et  de  religion. 

Les Lapithes installés  dans  la  région  du  CylK'Jie  durent  céder  ïpyios. 
le  pas  à  un  groupe  représenté  par  riniportaiitc  personnalité 
d'iEpytos.  yEpytos,  donné  comme  fils  d'Elatos,  avait  son  loin- 
beau  sur  le  mont  Sépia,  près  des  sources  sacrées  d'Hermès,  les 
Tricrènes(3).  Ce  héros  est  certainement  une  hyposlasc  (rilerniès, 
car  outre  son  tombeau  voisin  du  Cyllène,  la  montagne  sacrée  de 
l'Hermès  Arcadien,  Pausanias  cite,  à  Tégée,  une  statue  d'Ilermès- 
/Epytos  (4).  Etant  donnée  d'une  part  la  liaison  entre  lleiinès 
et  iEpytos,  d'autre  part  l'identité  de  l'.Epylos  du  Cyllène  avec 
son  homonyme  messénien  (5)  étant  alléguée  par  l'inlermédaire 
de  l'yEpytis,  région  mitoyenne  entre  la  Messcjîie  et  l'Arcadie 
méridionale,  on  en  a  déduit  l'origine  messénienne  des  yEpylides 
arcadiens  et  du  culte  du  Cyllène  (G).  A  vrai  dire,  la  i)riorité  des 
yEpytides  messéniens  sur  ceux  d'Arcadie  est  allirmée  par  cer- 
tains savants,  plutôt  que  démontrée  (7).  Aucune  preuve  péremp- 

^   (1)  Paus.  VIII,  4,  3.  — Et.  Byz.  s,  v.,  'AÇavia. 

(2)  Un  oiympionique  sequollllo  d'Azanîen  de  PcU^ne  (Pausan.  VI,  8,  5). 

(3)  niad.  II,  60i.  —  Hésiod.  Ir.,  133.  — Paus.,  VIII.  10.  2. 

(4)  Pausan.  VIII,  47,  4. 

(5)  Paus.  IV,  3,  8.  —  9,  5.  —  Diod.  Vllï.  8.  —  ApoUod..  II,  8.  5. 

(6)  Immerwalir.  Kulte  Arcad.^  p.  8'»  el  suiv.  —  Mcycr.  (ieack.  d.  Alterth., 
II,  p.  263.  —  D'après  Immerwahr.  les  étapes  de  nicrinès  messénien  avant 
d'arriver  au  Cyllène  seraient  ryEpytis,  PÉlIdo  et  rAcliaïcî. 

(7)  Immerwahr  invoque  pour  cela  {ib.  p.  80)  :1»  le  fait  qir/Kpylosel  Myrlllos, 
nis  d*llermès  (dont  la  légende  se  retrouve  n  Olympia)  sont  enterrés  à  Pliénéos. 
2*.  l'absence  du  nom  de  Cyilène  en  Arcadie,  au  nionicnl  du  partage  entre  les 
.fils  fl^Arcas  (Paus..  VIII,  4,  3)^  —  A]  quoi  l'on  peut  rép«)iidrc  ;  i<>  1/altribulion 

,;d*un  tombeau  à  un  héros  Indique  souvent  rautor.hlhoiiio  et  1(3  caractère  chlho- 
nien  de  ce  hé;ros  (Sur  le  tombeau  d'Agamemnon.à  Amycléos.  Pausan.  III,  19,  H. 
Sam.  Wide.  Lakon.' k'ûUé,  p.  333!-^  Meyer.Gesch.  d.  yl//rr(/f.,  p.l87).— 2°  Li 
présence  de  Myrtilos  à  Phénéos  peut  s'expliquer  par  h*  culte  do  Poséidon 
Ilippios  et  l'élevage  du  cheval  à  Phénéos. Sa  légende  peut  être  d'origine  argienne. 
3»  Le  prétendu  transfert  du  nom  de  Cyllène,  port  d'Élide,  à  la  montagne  arca- 
dienne,  n'a  rien  .de. commun  avec  le  culte  d'Hermès. 


cl  les  Achôens 
d'Argolule. 


216  MANTINKK  KT   l'ARCADIB  ORIENTALE. 

loire  ne  peut  (Hre  opposée  à  la  thèse  contraire,  qui  fait  de 
i*yEpylosdu  Cyllcjic  I  ancêtre  du  Mess6nien(l).  Dans  le  sacrilège 
d'/Epytos  lï,  puni  pour  avoir  tranché  le  fil  qui  barrait  l'entrée 
du  sanctuaire  de  Poséidon  Ilippios  à  Mantinée,  on  peut  recon- 
naître rindice  d'un  conflit  entre  les  sectateurs  d'Hermès  et  ceux 
de  Poséidon  (2).  Mais  le  fait  ne  nous  renseigne  pas  sur  l'origine 
des  uns  et  des  autres.  En  somme,  les  théories  nouvelles  n'annu- 
lent pas  celle-ci  :  l'Hermès  du  Cyllène  serait  un  dieu  local  d'ori- 
gine pélasgique,  fortement  influencé  par  les  cultes  argiens. 
Aphcidns  C'est  sûrement  à  l'Aigolide  que  nous  ramène  îe  nom  d'Aphei- 

das,  le  cadet  des  fils  d'Arcas,  celui  à  qui  échut  le  pays  de  Tégée, 
le  lot  d'Aphcidas,  l"A<p6t8àvT6ioç  xX^poç  des  poètes  (3).  La  légende 
locale  de  Tégée  attestait  l'arrivée  tardive  des  Apheidanles,  le 
plus  récent  des  neuf  dèmes  tégéates.  D'où  venaient-ils?  On  peut 
rapproclier  ce  vocable  de  l'épithète  d'Apidanéens  donnée  par 
les  poètes  aux  Arcadiens  :  'Apxaoeç  'AwiSaviieç,  'ATriBavetç,  'Atci- 
oôveç,  'ATciBovTieç  (4).  Or,  les  noms  d'Apia  et  d'Apidanéens  dési- 
gnaient plus  spécialement  l'Argolide  et  ses  habitants  (5).  Apis 
était  un  des  plus  anciens  rois  d'Argos  (6). 

Les  rapports  étroits  des  desceudants  d'Apheidas,  Aléos, 
Képheus,  Aéropos  avec  les  légendes  argiennes  attestent  une 
étroite  parenté  entre  cet  élément  et  l'Argolide  (7).  C'est  ici  le 
cas  de  se  rappeler  les  traditions  très  précises  relatives  à  l'éta- 
blissement des  Achéens  en  Arcadie,  à  une  époque  qu'on  peut 
placer  vers  la  deuxième  moitié  du  XIllo  siècle  avant  Jésus-Christ. 
Le  roi  de  Tégée  Eciiémos  avait,  disait-on,  pour  femme  Timandra, 
fille  de  Tyndareus,  et  cette  union  l'alliait  à  Ménélas  et  ù 
Agamemnon  (8).  Quand  l'Héraclide  Hyllos  tenta  la  première  fois 
de  forcer  le  passage  de  l'isthme  avec  ses  Doriens,  Atrée,  roi  de 
Mycènes,  réunit  toutes  ses  forces  argiennes  et  celles  des  peuples 

(1)  Niese,  Bcrmés.  XXVI,  p.  7  et  suiv. 

(2)  Cesl-A-dire,  suivant  Iinmerwahr,  ib,,  p.  85,  entre  les  il^pylides  (messe- 
niens  ?)  et  les  Élatides  (Lapithes?).—  Paus.  Vin,  18,  3  —  Voy.  plus  bas,  p.  238. 

(3)  Paus.  VIII,  14,  3.  —  4S,  I. 

(4)  Apoll.  Rhod.  IV,  262.  —  El.  Byx.  s.  V.  'Aicfa.  — .  Eustath.  ad  Dionys. 
Perieg,  1-30.  Didot.  Geogr,  min.  II,  p.  293. 

^5)  Strab.  VIII,  6.  9.  —  /Eschyl.  Suppl.  260  sq.  —  Agam.  296.  —  Sophocl. 
(Ed.  Col.  1301. 

(6)  El.  Byz.  8.  V.  *AmcL.  ..;..' 

(7)  immerwahr.  Kulte  Arkad.,  p.  65. 
(8j  Paus.  Vni,  5.  -  Apollod.  111,  10,  7.  •::       .       ; 


LES    HABITANTS.  217 

qui  reconnaissaient  sa  suzeraineté  :  les  Ioniens  dVEgialcc  et  les 
Ârcadiens  delà  Haute-Plaine,  commandés  i)ar  Ecliémos.  On  sait 
que  ce  dernier,  choisi  comme  champion  des  conlédérés,  tua 
THéraclide  en  combat  singulier  (1).  Un  peu  plus  tard,  la  parti- 
cipation des  Arcadiens  h  la  guai-re  de  Troie,  sous  le  règne  du 
Tégéate  Agapénor,  successeur  d'Echémos,  et  leur  embarquement 
sur  la  flotte  d'Agamemnon,  est  un  nouvel  acte  de  vassalité  à 
regard  de  la  puissance  argienne.  Ensuile,  sans  doute  au 
moment  où  les  Doriens  commencent  à  pénétrer  en  Argolidc,  les 
Achéens  refluent  sur  TArcadie.  Oreste  quitte  iMycèncs  et  con- 
quiert la  plus  grande  partie  de  rArcadie(2).  Il  est  roi  de  Si)arlc 
et  réside  à  Tégée,  où  le  Spartiate  Lichas  rcirouve  vers  530  son 
tombeau  (3).  La  Parrhasie  même  conserve  des  souvenirs  de  lui, 
la  ville  nommée  Oresthasion  (4)  ou  Orestéion,  et  le  monument 
Rppe\é  Doigt  d' Oreste  (^).  Par  une  coïncidence  significative  au 
moment  où  Oreste  prend  possession  de  la  Tégéalide,  TAphci- 
dante  Hippothoos,  successeur  d'Agapénor,  émigré  de  Tégée  à 
Trapézous  (G)  :  ce  transfert  de  capitale  a  toules  les  apparences 
d'une  défaite  ou  d'un  recul.  Avant  d'en  arriver  à  une  lutte 
ouverte,  l'élément  apheidante,  représenté  par  Echémos  et 
Agapénor,  fraternise  avec  les  Argiejis.  On  en  i)eut  (H)nclure 
qu'il  était  lui-même  d'origine  argienne  :  il  y  eut,  peut-être  au 
XIV®  siècle,  une  première  colonisation  de  la  Maute-Plaine  par 
des  bandes  achéenncs  :  c'est  l'expédition  dile  crApheidns.  Puis, 
à  mesure  que  l'infiltration  progressive  des  Doriens  en  Argolide 


(i)  ApoUodore  (II,  8,  4)  a  confondu  cel  épisode  avec  celui  de  la  deuxième 
tentative  faite  par  les  UéracUdes,  sous  Tisamène,  fils  d'Orcsle.  Pausanias  aussi 
rectifie  au  liv.  VIII,  5,  la  chronologie  qu'il  avait  adoptée  au  liv.  I,  40.  Il  est 
d'ailleurs  évident  que  Tlnvasion  dorienne  se  produisit  par  petits  paquets, 
comme  celle  des  Francs  en  Gaule.  Cf.  Hérod.   IX,  2G. 

(2)  Pau».  VIIÏ,  5,  14.  —  II,  18,  5  et  6. 

(3)  Hérod.  I,  67,  68.  —  Pausan,  III,  3.  6.  —  11,  10.  —  VIII,  54,  4. 

(4)  Paus.  VIII,  27,  3  et  4i,2.  Cette  ville  avait  invente  un  cponyme  Oresthcus, 
fils  de  Lycaon.  D'après  Meycr.  (iesnh,  d.  Àlterlh,,  II,  p.  187,  Orestès  est  un  dou- 
blet d'Oreslheus;  tous  deux  désignent  le  môme  licros  local,  dont  rOreste  argien 
ne  serait  qu'une  adaptaUon  épique,  comme  Agamemnon,  roi  de  Mycènes,  ne 
serait  qu'une  adaptation  du  dieu  amycléen  Agamemnon.  Cela  est  fort  possible. 
Il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que  l'interversion  de  la  légende  au  profil  de  l'Orcste 
argien,  présenté  comme  conquérant  de  i'Arcadie,  atteste  la  prédominance  de 
l'élément  acbéen  dans  ce  pays. 

(5)  Paus.   VIII,  34,  2. 

(6)  Pauà.  VIII,  5,  4. 


218  MANTINKF.  KT   l'aRCADIB   ORIENTALE. 

rendait  aux  Acliéeusla  vie  plus  difliciie  en  ce  pays,  les  colonies 
acliéenues  alIlucrenL  sur  le  lo!  d'Apheidas.  Les  Apheidantes 
dépossédés  par  leurs  frères  plus  jeunes  éinigrent  en  Parrhasie  : 
Argos,  eu  refluant  sur  Tégée,  oblige  celle-ci  à  se  replier  sur 
Trapézous.  Tel  serait  le  sens  du  transfert  de  la  capitale  d'IIip- 
pothoos  au  pied  du  Lycée,  dans  une  ville  nouvelle  rivale  de  la 
vieille  Lycosoura  des  Lycaonides  (i). 

L'Arcadie  septentrionale,  la  Mantinique,  TOrchoménie,  la 
région  du  Cyllône  rcsiaicut  toujours  au  pouvoir  des  Élatides. 
Pausanias,  parlant  d^Oreste,  roi  de  la  plus  grande  partie  de 
l'Arcadic,  ajoute  :  «  il  avait  pour  alliés  les  Phocéens,  toujours 
préls  à  venir  à  son  secours  »  (2).  Ces  Phocéens  ne  sont  autres 
c|ue  les  bandes  d'Klatides  et  de  Phlégyens  dont  nous  avons  déjà 
parlé.  On  aurait  aussi  bien  pu  les  désigner  sous  le  nom  de 
Béotiens  :  la  légende  du  combat  fabuleux  d*Aréïthoos,  héros 
Béotien  d'Arné,  et  de  Lycurgue,  roi  de  Tégée  et  fils  d'Aléos, 
combat  que  les  Mantinéens  disaient  avoir  eu  lieu  sur  leur  terri- 
toire, contient  peut-être  une  allusion  à  quelque  conflit  entre  les 
Apheidantes  de  Tégée  et  les  Phocéens-Béotiens  de  la  plaine  sep- 
tentrionale. Dans  ce  cas,  la  Mantinique  se  trouvait  sur  les  con- 
fins des  deux  domaines,  et  c'est  pour  cela  que  Phérécydes,  dans 
le  récit  de  ce  combat,  a  écrit  cette  phrase  qui  ne  peut  contenir 
aucune  invraisemblance  :  ^Hv  yàp  àj/ifxa/ia  tiç  Ixeî  'Apxàcn  xe  xa» 
Boio>Toîç...  TTcpi  opo)v  Yo;  (3).  Plus  tard,  les  Apheidantes  relégués 
à  Trapézous,  paraissent  avoir  tenté  contre  les  Achéens  un  retour 
ofTcnsil.  Ne  pouvant  reconquérir  Tégée,  ils  auraient  essayé,  sans 
succès,  de  prendre  position  à  Mantinée  :  yEpytos  II,  successeur 
d'Hippothoos,  viole  Tabaton  de  Poséidon  Hippios,  perd  la  vue  et 
meurt  bientùt  après  (4).  Son  fils  Kypsélos  reprit  la  lutte  contre 
les  envahisseurs,  cette  fois  avec  Taide  des  Doriens.;  L'Achéen 
Tisaménos,  fils  d'Oreste,  régnait  à  Argos^  à  Tégée  et  à  Sparte, 
quand  les  Héraclides  tentèrent  derechef  de  rentr.erdans  lePélq- 
ponnèse*  Ce  prince  représentait  évidemment  en  Arcadiejunparli 
opiK>sé  àcelui  de  Kypsélos,  roi  de  Trapézous.  Aussi  î  Kypsélos, 
l')ris< entré  deux  dangers,  jugea-t-il  prudent  de  pactiser,  avec  les 
Héraclides.  11  accorda' donc  aux  bandes  de  Téménos;  de  Rres- 

.  (1).Voy.  une  au  Ire.  interprétation  dans  Uillerv.  GSiTi^^ïï^eny^tfrarkad,  Ku- 
niglisle,  (Feslsch.  d.  Gymn.  zu  Jauer.  IS-'O,  p.  153  sq.). 

(2)  Paus.  II.  18,  5. 

(3)  Plierec.  ap.  Scliol.  Hom.  //.  VU,  9  (Fr.  hisVgr.  I,  p.' 92.  n«  87)v  ;  .  ? 

(4)  Paus.  VIII,  î),  5-10,  3.  —  Voy.  plus  loin,  p.  258.  .;.  ,-»  .U   .  m    :  ^  , 


LES   HABITANTS.  219 

plionlcs  et  (rArislodémos,  conduites  par  rElolieu  Oxylos,  le 
libre  i)assage  par  ses  États.  11  maria  sa  lillo  Mérope  à  Kres- 
plioiitcs  et  ce  fut  son  petit-fils  i^pytos  III  (|ui  rt'^gna  en  Messé- 
nie  (1)  :  d'où  la  sympathie  ultérieure  des  Arcadiens  pour  les 
Messéniens.  Quant  à  ïisaménos,  chasse  de  l'Argolide,  de  la 
Té^eatide  et  de  la  Laconie,  il  se  rejeta  avec  ses  Achéens  sur 
TiÈgialée,  ce  qui  obligea  les  Ioniens  iV  s'expalrier  en  Asie  (2), 
avec  un  groupe  de  Pélasges-Arcadiens,  probablement  des  mon- 
tagnards qui  avaient  espéré  se  fixer  en  Elide  et  qui  en  furent 
empêchés  par  Oxylos. 

Tels  étaient  les  récits  qui  avaient  cours   dans   l'antiquité.        Krsnmd. 
Dans  le  détail  de  ces  traditions,  il  faut  faire  la  plus  large  part 
à  la  fiction.  Mais  Tensemble  paraît  contenir  un  fonds  d'hisloire 
api)roximative  qu'on  peut  résumer  de  la  façon  suivante  : 

Pendant  les  quatre  siècles  antérieurs  à  l'invasion  doriennc, 
TArcadie  a  reçu  la  visite  de  peuplades  de  provenances  et  de 
races  diverses.  Deux  grands  bassins  de  dépôt  s'olTraient  aux 
migrations  :  celui  de  la  Parrhasie,  ouvert  aux  aventuriers  de  la 
mer  par  les  vallées  de  l'Alphée,  du  Pamisos  et  de  l'Eurotas,  ])ar 
cette  dernière  surtout,  terme  de  l'étape  qui,  des  stations  insu- 
laires et  Cretoises,  aboutissait  aux  facloreries  de  Cythère  et  de 
Gythion.  Aussi  est-ce  par  là  que  durent  pénélrer  les  (^ariens- 
Lélèges-Lyciens  personnifiés  en  Lycaon.  Le  second  bassin,  celui 
de  la  Haute  Plaine  fermée,  paraît  surlout  (Uîstiné  à  recevoir,  par 
ses  débouchés  du  Nord-Est  et  de  l'Est,  le  tro[)-plcin  de  la  plaine 
argolique.  Celle-ci,  située  au  confinent  de  la  voie  maritime  et 
'de  la  voie  terrestre  qui  lui  déversait  les  apports  des  vallées  de 
la  Grèce  centrale  (Béotie,  Doride  et  Phoc-ide),  les  disiribuail 
entre  leî^  Hautes  Plaines  du  Nord  et  les  cantons  de  la  Thyréa- 
tide,  de  la  Gynurie,  de  la  Laconie  inférieure.  C'est  sans  doute 
par  PArgoIide  que  les  Pélasges  se  répandirent  dans  le  reste  du 
Péloponnèse;  C'est  par  l'Argolide  que  les  l)andes  composées  de 
Miiiycns-Lapithes-Phlégyens,  personnifiés  par  Azan  et  i)ar  Élatos, 
se  dispersèrent  daiis  les  districts  de  Tel|)liousa,  de  Kleitor,  de 
Stympliale,  do  Phénéos,  d'Orchomène  et  de  Mantinée.  C'est  |)ar  la 
grande  route  d'Argos  à  la  Tégéatide  que  les  Aciuîens  d'Apheidas 
et'  ceùk  d'Orestè  màrclVèrent;  çV  la  conciucte  de  VAplividaniélos 

(1)  Paus.  IVv  3i  6.1-^  VUI,5,6.  •— 29,  5.      »     •  .,..    ,. 

(2)  Paus.  II,  18.  8. --38,:1.' i'i    .i  :    .  ..'. 


220  M\NTINKE   ET  L'ARGADIR  ORIENTALE. 

Klèros,  Môme  aprrs  l'invasion  dorienne  cette  route  de  l'Est  reste 
toujours  ouveiie  (1).  Les  liens  intimes  qui  unirent  TArgolide  et 
rArcadife  orientale  dis  Tépoque  d'Atrée  se  continuent  dans  les 
temps  historiques.  Les  convulsions  de  TArgolide,  après  Fins- 
tailation  des  Doriens,  provoquent  des  expulsions  et  des  émigra- 
tions de  familles  (jui  prennent  le  chemin  de  la  Haute  Plaine. 
Les  bassins  d'Aléa,  de  Mantinée,  de  Tégée  sont  autant  de  refuges 
hospitaliers,  autant  d'asiles  où  les  victimes  des  partis  viennent 
chercher  la  sécairité.  La  Mantinique  représente  donc,  sous  le 
double  rapport  de  l'ethnographie  et  de  la  mythologie,  un  terrain 
pélasgique,  recouvert  de  bonne  heure  par  des  couches  béotiennes, 
auxquelles  se  superposent  une  série d'alluvions  argio-achéennes. 
11  semble  qu'à  certains  moments  la  barrière  de  l'Artémision  se 
soit  abaissée  et  que  l'Argolide  se  prolonge  jusqu'au  pied  du 
Ménale.  Quand  Aratos  incorpora  la  Mantinique  au  territoire 
argien,  il  ne  fit  que  consacrer  officiellement  l'œuvre  patiente 
des  siècles.  Mais  cette  pénétration  des  cantons  orientaux  de 
l'Arcadie  par  l'Argolide  se  produisit  lentement,  sans  Superpo- 
sition brusqué  d'une  tribu  conquérante  à  une  race  asservie. 
Aussi  les  Arcadiens  n'ont-ils  pas  connu  les  distinctions  de 
castes  qui,  dans  les  pays  dorieUvS,  dressaient  leurs  barrières 
entre  les  divers  éléments  de  la  population. 


(1)  D'après  un  fragment  de  Diodore  {Fr.  EisL  Graec,  II,  p. VIII,  fr.  Y)  on  voit 
qu'un  roi  d'Argos  fut  expulsé  par  le  peuple  pour  avoir  rendu  aux  exilés 
arcadiens  des  terres  arcadiennes  reconquises  par  les  Argiens  sur  les  Lacédé- 
moniens,  au  lieu  de  les  avoir  alloties  entre  les  citoyens  d'Argos.  Il  est  vrai 
qu'on  ignore  de  quel  territoire  il  s'agit;  il  est  probalile  que  c'est  de  la  Cynurie 
(Cf.  dans  Pausanias,  l'iiistotre  de  Meltas.  II,  19,  2). 


.M<     1    M    .  « 


CHAPITRE  VI. 


LA    RELIGION     MANTINRENNE. 


Sur  le  territoire  ainsi  constitué,  ainsi  peuple,  plane  une 
atmosphère  reiigieuse  où  se  combinent  les  émanations  du  sol, 
les  apports  des  races  diverses  et  les  inlhienres  étrangères. 
La  mythologie  locale  nous  apparaît  comme*  le  produit  de  la 
terre  et  du  climat,  des  conditions  géographl(|ues,  des  immigra- 
tions, des  transactions  commerciales  et  des  événements  poli- 
tiques. Dans  cet  inventaire  des  cultes  et  des  mythes  manli- 
néens  nous  aurons  d'abord  à  rechercher  l'élément  physique 
ou  ethnique  que  chacun  d'eux  représente,  à  établir  comment 
il  a  pris  droit  de  cité  sur  le  territoire;  —  puis  à  les  classer  tous 
d'après  leurs  caractères,  leurs  provenances  cl  leur  situation 
topographique,  à  retracer  leur  rôle  dans  la  vie  commune  de  la 
cité;  —  enfin  à  tirer  de  celte  étude  particulière  des  conclusions 
générales  sur  la  formation  et  le  développement  de  Télément 
religieux  dans  les  pays  grecs,  enfin  des  indications  sur  la 
méthode  qu'il  convient  d'applicjuer  à  ce  genre  de  recherches. 


I.    Fonds  primitif  aborigène  (Pélasgique?) 

Nous  réservons  en  tète  de  tous  une  place  à  part  à  ce  Zeus  zcu»  Kérauno^ 
Kéraunos.  Il  n'est  pas,  comme  les  suivants,  lié  au  dévelop- 
pement historique  de  la  cité.  C'est  un  rulli^  de  circonslante 
et  d'exception.  Mais  il  apparaît  comme  le  survivant  prescjue 
isolé  d'un  passé  très  lointain  et  d'une  race  cionl  la  légende  et 
l'histoire  n'ont  conservé  qu'un  souvenir  confus.  Il  plonge  dans 


222  AlANTINÉE  ET   L^ARGADIE  OHIENTALË. 

les  couches  profondes  des  croyances  spéciales  aux  aborigènes 
arcadiens,  à  ces  ]K)pulalions  primitives  que  les  anciens  et  les 
modernes  dcsij^nent  sous  le  nom  de  Pélasges.  Il  n'a  donc  rien 
de  particulinretnent  manlinécn,  puisque,  par  ses  antécédents, 
il  appartient  sans  doule  à  la  période  antérieure  à  la  constitu- 
tion de  rÉtat  mantinécn.  S'il  nous  apparaît  localisé  en  cet 
endroit,  la  cause  en  est  tout  accidentelle. 

En  18G8,  M.  Foucart  découvrait  à  Mantinée  une  borne  sacrée 
portant  rinsrri])tion  :  AIOS  KKPATNO  en  lettres  de  la  première 
moitié  du  V"  siècle.  Dans  le  commentaire  qui  accompagne  sa 
l)ublication  (1),  il  a  fait  ressortir  l'intérêt  de  ce  document  et 
l'originalité  de  la  concepticm  religieuse  représentée  par  le 
Dieu-Foudre  des  Arcadiens.  C'est,  en  effet,  le  phénomène  lui- 
même  qui  est  dieu,  au  lieu  d'être  séjiaré,  comme  attribut,  de 
la  personnalité  divine:  il  est  l'apparition  et  le  mouvement  de 
la  divinité  elle-même.  ' 

Ce  culte  naturaliste  de  la  Foudre  semble  antérieur  à  la  mytho- 
logie homérique.  Dans  Homère  et  dans  Hésiode,  la  foudre  est 
l'arme  de  Zcus,  conception  elle-même  très  ancienne  en  Orient, 
puisque  la  foudre  en  forme  de  trident  apparaît  entre  les  mains 
d'un  dieu  sur  les  plus  anciens  cylindres  chaldéens.  '  On  ne 
saurait  encore  i)réciscr  quels  pouvaient  être' les  types  orien- 
taux du  dieu  foudre  dans  les  mythologies  sémitique,  assyrienne 
et  égyptienne.  Mais  l'adoration  du  phénomène  désigné  par 'son 
nom  en  tant  que  Dieu  n'est  pas  sans  équivalent  dans  la 
mythologie  préhellénique  dont  les  Pélasges  ont' pu  être  les 
col|K)rteurs.  Kéraunos  a])partient  à  la  même  famille  que  Go,' 
Oiiranos,  Pan,  Séléné.  Le  génie  hellénique;  avec  sa  facilité  à 
ranthropomor])lnsme,  s'est  emparé  de  ces  formes  cosmiques 
pour  les  cbnvertir  en  êtres  vivants.-  Le  dieu  du  Lycée  n'était 
sans  doute  à  l'origine  que  Tespace  éclairé;  A'  Bathos,'  près 'de 
Trapézous,  Pausanias  (2)  signale  le  culte  également  liaturaliste 
des  Éclairs,  des  TonneÎTeâ,  des  Ouragan^  ('Arf-rfcticctf'  -BpovTd;» 
BùcXXai).  C'étaient  autant  de  bribes  des  croyances  primitives  en 
vigueur  chez  les  Pélasges:  «  Les  Pélasges,.  dit  Hérodote  (3), 
sacrifiaient  autrefois  aux  dieux  toutes  les  victimes,  et. leur; 
adressaient  (les  prières,  comme  je  l'ai  appris'à  Dodone.  Màis' 

,/';.♦  .  .........  .•■  •    .     »!    1,    •.;/    ^i    t   t,     .     .•   ...r.   }.    ' 

•   I  •■    ■     •    ■  •!.(    ...  •  •  li         •••    •       ,  :       ;.    •  •■•»»•••  \\  tj    i   '  •i;ii-  -1  i    -M    '. 

(1)  Inscr»  du- Pélop.  262n,     (•     ■•  u  ■  .-  -       .   •.;.    wp  \:>'n  «(,.•...••        •?  ..» 

(2)  VIII,  29,  1.  .  '     }   '.  ..::-/   .•!  ....,..'  ..!  .w.w.i   .,. 

(3)  11,5*2.  ,     •:?    •   E^.."  »   :-' 


LA  RELIGION  MANTINÉENNE.  2,2,3 

ils  ne  donnaient  à  aucun  d'entre  eux  ni  nom  ni  surnom,  ne  les 
ayant  jamais  entendu  nommer  ».  Ce  passaj^e  a  toujours  paru 
énigmalique.  Peut-être  les  exemples  cités  plus  haut  nous  en 
donnent-ils  la  clef?  Les  Pélasges  ignoraient  les  dieux  personnels. 
Ils  adoraient  les  phénomènes  physiques  à  Télat  l)rut,  et  sans  les 
désigner  autrement  que  par  les  termes  de  la  langue  courante. 
De  môme  ils  adoraient  sans  doute  certains  animaux,  en  qui 
s'incarnaient  des  forces  surnaturelles  ou  des  i)uissanccs  mys- 
térieuses, des  pierres,  des  arbres.  Ils  ne  connaissaient  pas  les 
vocables  spéciaux  qui  sont,  dans  la  mythologie  ultérieure, 
comme  les  noms  de  guerre  des  phénomènes  déguisés  en  per- 
sonnages divins.  Pour  eux,  le  Soleil,  la  Terre,  la  Mer,  la  Lune 
étaient  dieux  (1).  Certains  de  ces  dieux  subsistèrent  tels  quels 
enArcadie,  comme  les  Éclairs,  les  Tonnerres  et  les  Ouragans 
de  Bathos;  les  autres  confondus  dans  la  personne  du  souverain 
des  cieux,  Zeus,  comme  le  Zeus  Kéraunos  de  Manlinéc.  Ici 
le  phénomène  divinisé  cesse  d'être  isolé  :  il  apparaît  comme  la 
manifestation  d'une  personnalité  plus  vastc,rcllo  de  Zeus.  Eni-ore 
une  étape,  et  celle-ci  se  dégagera  de  toute  forme  naturaliste, 
prendra  la  haute  main  sur  les  phénomènes,  eu  fera  les  instru- 
ments dociles  de  sa  toute-puissance  et  les  signes  de  sa  volonté 
(AioaTip-eia).  Zeus  ne  sera  plus  Zeus  Kéraunos,  mais  Zeus  Kepaiivioç, 
à<rrpa7ïaToç,  PpovTwv,  c'est-à-dire  celui  qui  dispose  à  son  gré  de  la 
foudre,  des  éclairs  et  du  tonnerre  pour  témoigner  aux  mortels 
ses  sentiments  de  colère  ou  de  satisfaction. 

Au  restCii  la  conception  représentée  par  Zeus  Kéraunos  se 
retrouve  légèrement  modifiée  dans  le  culte  de  Zeus  Kalaibatès, 
c'est-:à-dire  qui  descend  en  personne  sous  une  forme  matérielle. 
Grxci  lulmen  adorayil,  dit  S*  Cyrille  (2).  En  ellcl,  les  Grecs  n'ont 
jamais  cessé  de  croire  à  la  présence  de  la  divinité  dans  le 
météore  tombé  du  ciel.  Ils  s'imaginaient  la  foudre  comme  un 
composé  de  matières  solides  ;  les  pierres  céraunites,  les  frag- 
ments d'aérolithes  étant  à  leurs  yeux  des  morceaux  de  foudre 


(1)  Cf.  lé^  expressions  Ix  tou  Oéou,  su&  Jove,  sub  Divo.  De  même,  dans  \n 
légende  arcadtenae,  Nyctimos  et'  Lycaon  semblent  dérivés  des  noms  do  la 
nuil  et  du  Jour,  tombas  du,  rang'  de  dieux  à  celui  de  héros.  On  peut  aussi 
rapprocher  du  texte  d'Hérodote  ce  curieux  passage  de  Platon  {Craiyle,  307  c)  : 
«  Les  premiers  habitants  de  la  Grèce  me  semblent  avoir  considéré  comme 
dieux  seulement  ceux  qu*adorent  maintenant  beaucoup  de  barbares,  le  Soleil* 
la  Lune,  la  Terre,  les  Astres  et  le  Ciel .  » 

(2)  CaUches.,i3. 


224  iMANTINKE   ET   l'ARCADIE  ORIëNTALB. 

représentaient  autant  tle  fractions  de  la  divinité.  Ils  en  faisaient 
(les  amulettes.  De  là  aussi  les  cérémonies  destinées  à  sanctifier 
les  lieux  frappés  de  la  foudre.  Les  terrains  foudroyés  devenaient 
les  lieux  d'élection  du  dieu  qui  se  les  consacrait  à  lui-môme  eu 
y  descendant.  On  les  convertissait  en  àpaTa,  58uTa,  on  les  entou- 
rait d'une  barrirre  (viXù'na,  âvTfjXucna)  et  on  les  dédiait  à  Zeus 
Kalaibatès  (1).  Sans  être  aussi  compliqué  qu'à  Rome,  le  rite  de 
l'enlcrrement  des  foudres  était  aussi  de  règle  dans  les  pays 
grecs.  Ainsi  s'explique  la  présence  de  Zeus  Kéraunos  à  Mantinée. 
La  pierre  qui  porte  son  nom  marquait  sans  doute  l'emplacement 
d'un  ivTf|Xu<Tiov  ou  xepauvôpXïïTov,  c'est-à-dire  d'un  lieu  frappé  par 
la  foudre  et  converti  en  un  de  ces  enclos  sacrés  que  les  Romains 
appelaient  bidenlal  ou  puteaL  Seulement,  au  lieu  de  Zeus  Katai- 
balcs,  les  Arcadiens,  héritiers  plus  directs  des  traditions  pélas- 
giques,  honoraient  Zeus  Kéraunos.  Le  caractère  indigène  de 
ce  dieu  est  de  tous  le  moins  contestable. 


II.    CULTES   DBMOTIQUES 

Pour  le  classement  des  autres  cultes  qu'on  rencontre  épars 
sur  le  sol  mantinécn,  une  observation  préalable  nous  fournira 
un  indice  chronologique.  Mantinée  a  débuté  par  une  longue 
période  de  décentralisation  où  l'état  xaxà  xwtxaç  a  précédé  le 
sj'nœcisme.  L'autonomie  politique  des  dcmes  a  pour  corollaire 
leur  autonomie  religieuse.  Le  synœcisme  ne  consistait  pas 
seulement  dans  le  ra[)prochement  matériel,  à  l'intérieur  d'une 
enceinte  fortifiée,  des  communautés  éparses  sur  le  territoire. 
Cette  opération  préludait  par  la  fusion  des  cultes  de  bourgades 
en  un  groupe  de  cultes  qui  constituait  la  religion  nationale 
de  la  cité.  Certaines  villes  comme  Sparte  en  sont  très  long- 
temi)S  restées  à  ce  synœcisme  tout  moral  :  la  centralisation 
religieuse  et  administrative  y  constituait  la  cité;  alors  que 
la  métropole  n'était  elle-même  qu'un  amas  de  bourgades.  Telle 
était  aussi  la  situation  d'Athènes  à  l'époque  de  Thésée.  La 
capitale  athénienne  s'établit  du  jour  où  les  prytanées  et  les 
bouleutéria  locaux  se  fondirent  en  un  prytanée  et  en  un  bou- 


(1)  Elym.  Magn.  ivY)Xu<yia  :  341.  5;  428,  30.  —  Hésych,  llXuffiov.  —  Cl. 
les  dédicaces  Atôc  KaTaif^âra  à  Mélos  {Joum,  of  hellm.  Stud,  Xyil,1897,  p.  9). 
Voy.  Fougères,  article  Fulmen  dons  le  Dicl,  des  Anliq,  de  SagUo. 


LA   RELIGION   MANTINKENNE.  225 

leutérion  central  (1).  Mais  les  clèmes  qui  représentaient  à  l'épo- 
que historique  les  débris  des  anciennes  coninuinautés  indépen- 
dantes (2)  conservaient  encore  des  brihes,  souvent  méconnais- 
sables, des  vieux  cultes  locaux  de  l'époque  prinutive.  Pausanias 
constate  ce  lait  avec  étonnement,  et  n'en  saisit  pas  la  raison  (3).  11 
rencontre  dans  les  dèmes  des  légendes  très  diflérentes  de  la 
tradition  en  quelque  sorte  officielle  de  la  capitale,  des  dieux 
inconnus  aux  cultes  urbains.  Môme  les  paysans  qui  les  hono- 
rent n'en  comprennent  plus  le  caractère  et  en  ignorent  l'histoire. 
Ce  sont  comme  les  témoins  énigmatiques  d'un  passé  oublié. 

De  môme,  à  Mantinée,  les  plus  anciens  cultes  doivent  être 
répartis  extra  m «iros, 'auprès  des  bourgs  (4).  En  sorte  que 
l'emplacement  des  xcojxai  antérieures  à  la  fondation  de  la  ville 
nous  permet  de  discerner,  dans  la  description  de  Pausanias,  les 
sanctuaires  primitifs,  et  réciproquement  ceux-ci  nous  préciseut 
la  position  des  communautés  rurales.  Mythologie  et  topogra- 
phie vont  ici  de  pair  et  se  prôtent  une  assistance  mutuelle.  C'est 
pourquoi  nous  divisons  cette  étude  en  deux  parties,  d'abord  les 
cultes  démotiques,  puis  les  cultes  urbains. 

1<>  Région  de  VAlésion-Nestané, 

Contrairement  à  l'adage  ab  Joveprincipium,  c'est  par  Poséidon  Posmlon  iiimos 
qu'il  faut  ici  commencer.  Son  importance  dans  la  cité  est  pré- 
dominante. Son  prôtre  est  encore  à  l'époque  impériale  l'éponyme 
annuel  (5)  ;  son  trident  sert  d'épisèmc  au  bouclier  des  hoplites 
mantinéens  (6)  et  aux  monnaies.  Lui-môme  encourage  par  sa 
présence  les  guerriers  au  combat  (7)  ;  il  donne  son  nom  à  la 
tribu  Posoidaia  (8)  et  à  la  fôte  des  Ilo^reiSaia  (î)). 

(1)  Tliucyd.  Il,  15. 

(2)  Phiiochoros  ap  Strab.  IX,  1,  20. 
(3|  Pausaii.  I,  H,  7.  -  29,  2.  -  31,  5. 

(4)  A  Tégée,  le  cuUe  suburbain  de  Démêler  a  garde  le  nom  du  dèmc  prlmiUf  : 
ATjixi^TTfip  6v  KopuOeîiai.  Pausan.  Vlll,  54,  4. 

(5)  Voy.  plus  loin,  ch.  VII,  Institutions  politiques. 

(6)  Bacchylide  ap.    Schol.,  Pindar.   Olymp.,  XI,  aj. 

(7)  Pausan.  VIII,  10,  4. 

(8)  Le  nom  arcadien  est  TloioiSav  (Foucîirl.  Inscr.  du  Pclop.^  N'  3^35*), 
forme  primIUve  dont  le  IIobiBav  du  Ténare  (ibid.  N»2r)î>",  2o5^.  Rœhl.  Inscr. 
grœc.  antiquis.  79),  est  un  dérivé:  la  forme  doricnno  ulléricure,  en  I^conie. 
est  noT£i5av  (Xén.  Hellén.  HI,  3,  2.  —  Eupoiis.  fr.  ^lO.  Ivock). 

(9)  IIo«îe{oaia...  xà  £v  'AvxcYOvc'a  oiauXov.  Cavvadias.  Kpidanre,  I,  p.  78, 
N"  240. 

Mantinée.  -  10. 


220  AIANTINKK   ET  L^ARGADIK  ORIENTALE. 

n  est  le  plus  niH'ien  el  le  plus  vénéré  des  dieux  indigènes. 
D'après  la  Iradilion  lorale,  le  lerritoire  manlinéen  a  été  son 
berceau.  Il  esl  né  près  de  TAlésion,  au  bord  de  la  source  Arné, 
de  même  que  Zeus,  d'après  la  légende  arcadienne,  est  né 
sur  le  Lycée  près  de  la  source  Ilagno  (1).  Il  habite  un  adyton 
primitif  en  Ircmcs  de  chênes  assemblés  par  les  soins  de  deux 
héros,  Agamédès  el  Trophonios,  les  constructeurs  du  vieux 
lemple  de  Delphes  (2).  C'est  un  sanctuaire  inviolable,  où  nul  ne 
peut  mettie  le  ])ied,  où  l'œil  même  ne  doit  pas  pénétrer. 
L'exemple  d'yKpylos,  aveuglé  par  un  jet  d'eau  pour  avoir  coupé 
le  cordon  de  laijie  (fui  en  barrait  l'entrée,  tenait  les  indiscrets 
à  dislance,  mais  non  les  brigands.  Il  fut  pillé  par  les  Éloliens 
en  220.  Depuis,  il  élait  tombé  en  ruines.  Hadrien  le  fit  res- 
laurer  avec  les  précautions  que  l'on  sait.  C'était  donc  un  dieu 
vraiment  nalional,  aj^ant  ses  racines  dans  le  pays  même. 
KUniniis  rons-  L'aualysc  des  légendes  relatives  à  Poséidon  Ilippios  permet 
lii.iiifs  de  ,|g  décomposer  l'unité  apparente  de  ce  personnage  divin  en 
ippios.  p|m,JQm.j5  éiémcnls  <*onstilutifs.  On  peut  le  démonter,  pour 
ainsi  dire,  pièce  par  pièce,  et  refaire  l'histoire  du  travail 
d'assemblage,  dont  cet  être  complexe  est  le  résultat.  Son  cas, 
particulièrement  remarquable,  nous  édifiera  sur  la  façon  dont 
se  sont  élaborées  d'autres  personnalités  divines. 
J*  La  principale  fonction  de  Poséidon  Ilippios  est  de  présider 

à  l'élevage  du  cheval.  Il  est,  par  essence,  le  dieu  Cheval.  Ce 
caractère  ne  ressort  |)as  seulement  de  Tépithète  qui  le  sym- 
pusiorai.  bolise,  mais  surtout  de  la  forme  animale  en  laquelle  ce 
dieu  aime  à  s'incarner;  il  s'y  révèle  en  son  aspect  original 
et  primitif  de  divinité  indigène.  Le  mythe  mantinéen  de 
ràTTXTYi,  ou  supercherie  de  Ilhéa,  hualisé  près  de  la  source  Arné, 
ne  laisse  aucun  doute  sur  l'ancienneté  et  la  réalité  de  cette  con- 
ception. ((  Voici,  dit  Pausanias,  ce  que  les  Arcadiens  racontent. 
Lorsque  la  déesse  eut  enfanté  Poséidon,  elle  le  plaça  dans  une 
bergerie  pour  qu'il  y  fût  élevé  au  milieu  des  agneaux,  et  l'on 
donna  le  nom  iVArifé  i\  cette  fontaine,  parce  que  les  agneaux 
(àpvEç)  venaient  paître  autour.  Puis,  elle  dit  à  Kronos  qu'elle 
élait  accouchée  d'un  cheval,  et  elle  lui  donna  un  poulain  à 
dévorer  en  place  de  son  enfant  (3)  ;  de  même,  dans  la  suite, 

(1)  Pans.  Vlll,  38,  2-:i. 

(2)  Sur  rhisloire  des  temples  de  Delphes,  voy.  Homolle,  Bull,  de  Corr.  hellén. 
XX  (18!KÎ),  p.  G41. 

{•A)  Cf.  Paul  niac,  p.  101,  Mfillor.  -  Prob.  Schol.  Vir^.  Georg,  I,  12. 


Ix»  <rirn  Chrvnl 

lIi|)|Kis. 
Son  c;irnrl<»re 


LA   RELIGION   MANTINKKNNE.  227 

elle  lui  fit  avaler  une  pierre  emmailloUco  à  la  place  de 
Zeus  (i)  »  Sous  cetlelorme,  voilù  une  fable  puieineiil  arca- 
dienne.  Partout  ailleurs,  sur  le  Lycée  (2),  à  iMt'îlhydrion  (3),  à 
Chéroiiée  de  Béotie  (4),  le  mythe  de  Vonzi-z-ri  ou  troni[)eric  de  Uhéa 
s'applique  à  Zeus.  Mais,  à  Manlinée,  Poséidon  est  i)lus  ancien 
que  Zeus  (5).  Le  détail  du  cheval  soi  disant  enfanté  par  Uhéa  et 
du  poulain  présentée  Kronos  dérive  à  coup  sur  du  culte  voisin 
d'ilippos.  Ces  traits  constitueut  la  légende  propre  du  Poséidon 
arcadien  ;  ils  ne  viennent  pas  du  dehors.  Donc,  le  sens  pri- 
mitif de  ce  mythe  local,  unique  en  son  genre,  revient  à 
ceci  :  le  dieu  adoré  aux  environs  de  la  source  Arné  élait 
indigène,  plus  ancien  que  Zeus,  et  il  avail  le  corps  d'un 
cheval.  11  existait  donc,  au  pied  de  TAlésion,  dans  la  plaine 
fécondée  par  la  source,  un  culte  animalier  du  cheval,  analogue 
au  culte  de  Tours  Arcas,  adoré  dans  les  bois  du  Ménale.  De 
même  que  Callisto,  compagne  d'Arcas,  représente  la  déesse 
Ourse,  la  Déo  Ilippoléchès  de  Phigalie,  épouse  de  Poséidon 
Hippios,  représente  la  déesse  Cavale  (6).  Mêmes  détails  dans 
la  légende  de  Thelpousa  :  Poséidon  Hippios  se  métamorphose 
en  cheval,  se  môle  aux  troupeaux  d'Onkos,  et  s'unit  à  Érinys- 
Déméter,  métamorphosée  en  jument  :  de  leurs  amours,  nait 
le  cheval  Areion  (7). 

L'identité  de  Poséidon  llîppios  avec  le  dieu  Cheval  est  donc 
certaine  :  le  nom  même  du  dieu  primitif  devait  se  confondre 
avec  l'animal  en  qui  il  était  incarné;  le  dieu  Cheval  s'appelait 
Hippos,  comme  le  dieu  Ours  s'appelait  Arcas,  et  le  dieu  Loup 
Lykos  ou  Lykios  (8).  Dès  l'origine,  il  présidait  à  l'élevage  et  au 
dressage  du  cheval.  Lorsque,  plus  tard,  il  eut  été  assimilé  à 


(i)  Paus.  VIII,  10,  1.  —  VIII,  2. 

(2)  Paus.  Vill,  U,  3.  —  Callimach.  Uynm.  in  Jor.  i  rt  sulv. 

(3)  Paus.  VIII,  3G,  2. 

(4)  X,  41,  6.  Sur  la  lôgcnde  bôoUonnc  d'Arnfi,  voy.  plus  loin,  p.  2154-2:15. 

(5)  Vlil,  8,  2.  xaOà  xai  u<rTepov  àvTl  tou  Atôç. 

(6)  Paus.  VHI,  42,  1-7. 

(7)  Paus.  VHI,  25,  5.  —  AnUmach.  fr.  28,  ap.  Pausnu. 

(8)  Il  y  avail  à  AUiènos  un  endroit  appelé  "Ittttou  y.3Ei  Kopy,;.  On  rxpli(|u<'iil 
ceUe  appcllaUon  en  disaul  que  la  fUle  d'IIippomcne  y  avait  élô  emniurôe  avec 
un  cheval.  (Kscli.  C.  Timarch.  18i.  —  Suidas  s,  v.  *lTr7rou.îvY|Ç  et  Tcap'  "Itittov. 
—  ï^ekkQr.Ànrcd.graec.  I.  2ÎK)).  Ce  lieu  dcvail  répondrr  à  un  ancien  sanctuaire 
du  dieu  Cheval  et  do  sa  compagne.  L'expression  ulliM'iiMMV  du  culte  primitif 
se  retrouve  en  AtUque  dans  le  couple  Poséidon  IIi|»pios  el  Atlicna  llippia. 
(Pausan.  I,  :30,  4). 


228  MANTINKB  ET   l'aRCADIE  ORIENTALE. 

Poséidon  et  que  son  nom  propre  fut  accolé  en  épithète  à  celui 
du  dieu  marin,  de  faron  î\  constituer  Poséidon  Hippios,  d'autres 
vocables,  synonymes  d'IIippios,  furent  inventés  pour  désigner 
le  caractère  spécial  de  cette  divinité,  tels  que  8a|xaîoç,  lirTuopoTTiç, 
iTUTToxoiipioç,  iTTTTOffOsvYiç,  TfjL'j/ioç  (1).  Gc  uc  sout  là  quo  des  variantes 
ou  des  doublets  poétiques  du  qualificatif  originel  :  la  person- 
nalité du    dieu   reste  identique    sous  ces   rubriques  variées. 
En  fait,  le  Poséidon  Hippios   mantinéen   est  bien   le   patron 
des  chevaux  et  des  amis  du  cheval  :  l'hippodrome  mantinéen 
avoisine  son  temple;  la  première  victoire  à  la  course  des  qua- 
driges est  attribuée  à  un  Mantinéen, Séraos,  fils  d'Halirrhothios, 
héros  hypostase  de  Poséidon  (2).  Les  propriétaires  de  grandes 
écuries,  tels  qu'Onkos,  à  Thelpousa,  et  Ulysse,  dans  les  cantons 
de  la  Haute  plaine  arcadienne,  sont  étroitement  associés  à  son 
culte.  Or,  Thippotrophie,  dit  Aristote  (3),  suppose  la  grande 
propriété  aristocrati(|ue  et  la  richesse  foncière.  Onkos  et  Ulysse 
sont  de  rang  royal. —  Ainsi,  Hippos  ou  Poséidon  Hippios  rentre 
dans  la   catégorie    des  dieux   pastoraux,   avec    Pau,   Apollon 
Nomios,   Hermès.    Mais   tandis   que  ceux-ci  régnent   sur  les 
pâturages  montagneux,  où  paissent  les  bœufs  et  le  menu  bétail, 
son  domaine  propre  se  compose  des  plaines  les  plus  fertiles,  où 
abondent  les  herbages  saturés  d*eau.  Hippos  représente  l'aris- 
tocratie des  dieux    pastoraux,  parce  qu'il  incarnait  la  plus 
noble  des  créatures,  celle  dont  la  possession  était  un  signe  de 
richesse  et  d'aristocratie  guerrière. 
uri;;inr  riii         Cc  dlcu  a  pHs  uaissancc  et  a  régné  dans  les  cantons  arca- 
(H(Mi  cfiev.li.     (liens,  plaines  fermées  et  vallées  fluviales,  où  la  nature  favorisait 
l'élevage  du  cheval.  On  le  trouve  à  Manlinée,  à  Phénéos,  où  il 
s'associe  à  Artémis  lleurippa,  à  Aséa,  à  Pallantion,  où  l'on  célèbre 
les  fêtes  dites  Hlppocratéia  (4),  à  Méthydrion,  à  Thelpousa,  à 
Lycosoura.  Ce  culte  se  répartit  donc  entre  deux  groupes,  celui 
de  l'Arcadie   orientale,   où   le  sanctuaire  mantinéen  apparaît 
comme  le  principal  foyer,  et  celui  de  l'Arcadie  occidentale,  avec 
Thelpousa  pour  centre.  Où  est  exactement  son  berceau?  Man- 
tinée  et  Thelpousa  se  disputaient  l'honneur  d'avoir  vu  naître 

(1)  Hosycli.  .s.  V.  "J-TTTretoç.  Sur  Poscidon  Hippios,  voy.  Burnouf.  do  A'fj^^uno 
(leo,  —  Ovcrbcck.  Ucrirhle  der  sàchsischen  Ges.  d.  Wiss.  1875,  p.  2-5. 

(2)  Pind.  OL  XI.  iVX  vX  Schol.  ad  /i.  loc.  CI.  Pausan.  VII,  21,2. 

(3)  Polit,  VI,  7,  p.  i.Jil  a,  11.—  Voy.  plus  haut,  p.  UO. 

(4)  DcD.  d'Ilalic.  I.  Xi, 


LA  nfiUGION   MANTINKENNE.  22^) 

le  dieu  sur  leur  territoire.  Mais  les  prétentions  de  Tliclpousa 
semblent  les  moins  fondées  :  dans  la  légende  thelpousieuue, 
le  mythe  de  Poséidon  Ilippios  apparaît  encliovùlré  avec  ceux 
d^Érinys-Déméter  et  d'Apollon  Onkeialès,  non  pas  comme  le 
support  primitii  de  toute  la  combinaison,  main  plutôt  comino 
une  adaptation  complémentaire  (1).    Quant  aux   mythes   de 
Lycosoura  et  de  Phigalie,  relatifs  à  l'union  do  Poséidon  Ilippios 
et  de  Déméter,  ils  sont,  de  toute  évidence  et  de  l'aveu  môme  de 
Pausanias,  un  reflet  des  légendes  theipousiennos(2).La  question 
de  priorité  reste  donc  limitée  entre  Thelpousa  et  Mantinée.  Or, 
à  Mantinée,  le  culte  du  dieu  Cheval  ne  s'est  pas  ajouté  comme 
une   végétation  parasite  à  un  élément  antérieur;   il   est,   au 
contraire,  le  noyau  de  la  combinaison  cultuollc  d'où  est  sorti 
Poséidon  Hippios.  Toutes  les  apparences  concourent  à  repré- 
senter l*abaton  mantiuéen  comme  le  métropolitain,  non  seule- 
ment des  sanctuaires  du  groupe  occidental,  mais  aussi  de  ceux 
du  groupe  oriental  :  la  localisation  sur  ce  territoire  du  mythe 
de  1  aTraTVj  de  Rhéa,  le  prestige  et  l'ancienneté  de  VabiUon  qui 
porte  de  bonne  heure  ombrage  aux  Élatides  de  Phéuéos,  comme 
le  prouve  l'anecdote  d'yEpytos   IL    Les  petits  sanctuaires   de 
Pallantion,  d*Aséa,  de  Méthydrion,  ne  sont  que  des  succursales 
du  temple  mantinéen  (3).  Reste,  en  face  de  Mantinée,  comme 
concurrent  au  point  de  vue  de  l'ancienneté,  le  Poséidon  Ilippios 
de  Phénéos.  Sa  statue  en  bronze  était,  disait-on,  un  cadeau 
d'Ulysse,  fondateur  de  l'hiéron  d'Artémis  Ileurippa  sur  l'acro- 
pole de  Phénéos  (4).  De  cette  statue,  M.  Iminurvvahr  prétend 
tirer  un  grand  parti  (3).  D'après  lui,  l'IIippios  phénéate,  père 
de  tous  ses  congénères  arcadiens,  serait  d'origine  Ihossalicnue, 
parce  qu'au  dire  de  Diodore  (6),  les  Lapithes  auraient  cherché 

[i)  Paus.  vin,  25,  4. 

(2)  Pans.  VIII,  42,  1-7. 

(3)  Le  culte  pallanlien  or  les  f<Hes  Ilippocratéia  ne.  sont  p.is  inrnlioiiiièes 
par  Pausanlas.  Donys  (rilalicariiasse ,  qui  les  «!oinp;jrr  ;in\-  Cnnsnalift 
romaines,  ne  les  a  peut-être  attribuées  à  Pallantion  que  |)our  ilrcouvrir  un 
nouveau  lien  entre  Uomc  et  le  berceau  Ic^geniialre  il'Kvandre.  Le  l»os»»l(lon 
(l'Aséa,  quoique  revendiquant  Ulysse  pour  fondateur,  n'rst  pas  qualiQé  d'JJip- 
pios  par  Pausanlas  (VIII,  44,  4;.  Quant  à  Méthydrion,  srs  iéi^i^ndes  révèlent 
une  inllucnce  inantinéenne  :  (voy.  plus  loin  ce  «pii  nuirrrur  llopladanios).  — 
Cf.  àTégée,  le  héros  Ilippothoos  et  Athéna  llippia  (Paus.  Vlll,  i»,  '.I.  ~  'i7,  I). 

•  (4)  Paus.  VIII,  14,  4. 
(a)  KuUe  Arkait.,  p.  4-). 
((»}  Oiod.  IV,  70. 


230  MANTINKK   ET  L'ARCADIE  ORIENTALE. 

refuge  dans  cette  ville.  Or,  Élatos,  le  héros  lapithe,  est  le  père 
de  Polyplième,  lequel  est  aussi  présenté  par  un  scholiaste 
comme  fils  de  Poséidon  (1)  ;  d'où  il  résulterait  qu'Élatos,  étant 
une  hypostase  de  Poséidon,  aurait  été  la  principale  divinité,  le 
Stamnif/ott,  des  LapitJies  et  aurait  suivi  sa  tribu  en  Àrcadie.  Cette 
argumentation  trop  ténue  n'entraîne  pas  la  conviction.  D*abord, 
Pausanias  ne  parle  pas  d'un  sanctuaire  de  Poséidon  Hippios  à 
Phénéos,  mais  d'une  simple  statue  en  bronze,  qui  a  pu  être 
qualifiée  de  Poséidon  Hippios  à  cause  d'Artémis  Heurippa, 
souveraine  du  sanctuaire.  Cette  Ileurippa  représentait  une 
ancienne  divinité  chevaline  locale,  associée  au  dieu  local  Ulysse; 
celui-ci,  comme  on  le  verra  plus  loin,  a  été  ensuite  absorbé 
par  le  Poséidon  Hippios  mantinéen.  C'est  donc  en  partant  de 
Mantinée  et  par  l'intermédiaire  d'Ulysse  que  s'est  accomplie  à 
Phénéos  l'union  de  Poséidon  Hippios  avec  Artémis  Heurippa. 
Quant  à  l'origine  lapithe  de  Poséidon,  elle  paraît  très  sujette 
à  caution;  car  le  scholiaste  qui  présente  le  Lapithe  Polyphème 
comme  fils  de  Poséidon  a  pu  le  confondre  avec  le  Cyclope 
i.  Polyphème,  celui-là  fils  de  Poséidon. 

Son  carnctère  Le  dlcu  Clicval  cst  aussi,  par  nature,  autant  qu'un  dieu 
aqiiatùiiie.  pastoral,  un  dieu  aquatique.  Les  eaux,  surtout  les  sources, 
entretiennent  la  fraîcheur  des  pAlurages  nourriciers  ;  les  trou- 
peaux puisent  dans  leur  onde  pure  un  principe  de  vie.  C'est 
pourquoi  Hippos  s'est  identifié  avec  Poséidon.  Mais  le  Poséidon 
arcadien  n'est  pas  le  classique  souverain  des  mers,  l'époux 
d'Amphitrite,  le  dieu  hostile  à  la  terre  qu'il  ébranle  avec  furie. 
De  hautes  barrières  interceptent  aux  Arcadiens  la  vue  de  la 
mer  :  ils  ne  la  conçoivent  pas  forcément  comme  le  refuge 
commun  de  toutes  les  eaux  courantes.  Leurs  rivières  ne  suivent 
pas  la  loi  générale  :  à  peine  sorties  des  entrailles  de  la  terre, 
et  après  avoir  détrempé  le  fond  de  la  plaine,  elles  se  replongent 
dans  les  gouffres  montagneux.  Il  faut  à  cette  nature  d'exception 
un  dieu  spécial.  Aussi  le  maître  des  eaux,  en  Arcadie,  est-il  un 
être  plus  continental  que  marin  ;  il  ne  connaît  ni  les  vagues  ni 
les  tempêtes.  Son  rôle  à  lui,  c*est  de  faire  jaillir  l'onde  claire  où 
s'abreuvent  le  cheval  et  les  autres  animaux,  de  présider  à 
l'épanchement  des  eaux  vives  et  des  ruisseaux  à  travers  les 
herbages.  Aussi  réside-t-il  près  des  sources,  comme  ù  Mantinée, 

—  au  bord  des  marais,  comme  à  Pallantion,  à  Aséa,  à  Phénéos, 

—  le  long  des  rivières,  comme  à  Thelpousa  et  à  Méthydrion. 

(1)  Schol.  Apol.  UIuhI.  I,  40. 


LA   REUGION  MANTINRENNE.  231 

Son  aoimal  favori,  le  cheval,  devient  ainsi  le  symbole  de  la 
source  jaillissante  (1). 

Cette  source  sourd  de  la  terre.  Elle  retourne  presque  aussitôt  3» 

à  la  terre.  Entre  la  source  et  le  katavothre,  Feau,  en  Arcadie,  s«n  rarad^ro 
forme  avec  la  terre  un  élément  mixte,  le  marais  fangeux.  Sou-  <^>>*»">n'cn- 
terraine  avant  et  après  son  apparition,  elle  reste,  môme  à  l'air 
libre,  en  contact  intime  avec  ce  sol  où  la  rattachent  ses  orignes 
et  sa  fin  mystérieuses.  Son  action  n'est  jamais  indépendante 
comme  celle  de  la  mer;  elle  n'existe  pas  à  Tétat  d'élément  isolé. 
Mais  son  asservissement  la  rend  bienfaisante.  De  son  union 
fécondante  avec  la  terre  naît  le  pâturage,  qui  assure  la  subsis- 
tance des  animaux.  Le  dieu  pastoral  et  aquatique  de  l'Arcadie 
prend  donc  fatalement  les  allures  d'un  dieu  chthouien  et  s'appa- 
rente aux  divinités  infernales,  à  la  fois  souterraines  et  nourri- 
cières. De  là  les  rapports  ultérieurs  de  Poséidon  llippios  avec 
Déméter  à  Mantinée,  avec  Érinys- Démêler  à  Thelpousa,  avec 
Déméter  et  Despoina  à  Lycosoura.  De  là  aussi  le  rôle  du  cheval 
dans  la  religion  mortuaire  et  sa  présence  sur  tiuitde  monuments 
comme  symbole  .funéraire. 

Le  cheval,  manifestation  vivante  de  cette  triple  nature  de  hi      i^,  loi  do 
divinité  pastorale, aquatique  ctchthonienne,a  recules  hommages   rmumpsychoso 
insconscienls  des  Arcadiens  bien  avani  qu'ils  eussent  pénétré   "'yu»"K''«ii»«' : 
les   mystères    de  la  conception   symholisée   plus   tard   par  le  *^"""'*"*"'i>j>«s 
mariage  de   Poséidon    llippios    avec    Déméter.    Les    hommes  |»„sei,ion  ïiippio^ 
primitifs  ont  commencé  par  adorer  sous  une  forme  concrète  les 
apparitions  qui  les  frappaient,  sans  raisonner  le  choix  des  objets 
de   leur  culte.    Le  fétichisme  animalier  ne  comporte  pas  la 
moindre  métaphysique  :  c'est  l'œuvre  du  respect  instinctif  qui 
s'attache  aux  choses  redoutables  ou  précieuses.  Les  animaux, 
utiles  ou  malfaisants,  amis  ou  ennemis,  objets  de  crainte  ou  de 
sollicitude,  ne  pouvaient  laisser  les  premiers  hommes  indilTé- 
rents  :  les  entourer  d'une  dévotion  intéressée,  c'était  apaiser  les 
uns;  conserver  les  autres.  En  adorant  chez  eu.x  le  dieu  cheval 
Hippos,  les  plus  anciens  Mantinéens  traduisaient  simplement 
leur  affection  pour  le  plus  noble  produit  de  leur  sol.  Ils  l'ins- 
tallaient, sans  autre  arrière-pensée,  dans  son  milieu  favori  de 
verdure  et  d'eaux  vives. 

L'anoblissement  de  cet  ôtre  de  nature,   ral)sorption  de  ce 

(1)  Ex.  In  source  Hippocr^nc  ("Itcttou    xpY,v7))   et  les  trois  chevaux    Areion, 
Skyptiios,  Pégase  dont  Poséidon  est  le  père. 


232 


MANTINKE   ET   L'ARCADIE   ORIENTALE. 


iitoniK'Mlinircs 

dp  celle 
rUmorphojJe  : 
Ifs  .Mitivenii. 


produit  local  par  une  personnalité  abstraite,  symbole  de  Taction 
complexe  des  puissances  dont  le  cheval  était  la  créature  et  la 
forme  vivante  autant  qu'admirée,  résultent  d'une  série  d'assi- 
milations où  les  préoccupations  rationalistes  n'entraient  d'abord 
pour  rien.  Le  jeu  des  migrations  ou  le  rayonnement  des  civili- 
sations plus  avancées  mettaient  en  contact  des  divinités  hétéro- 
gènes. Il  en  résulte  très  souvent  que  les  personnalités  divines  les 
plus  compréhensives  et  les  plus  abstraites  absorbent  les  plus  res- 
treintes et  les  plus  concrètes.  Les  dieux  locaux  qui  ne  person- 
nifient encore  que  des  phénomènes  ou  des  concepts  locaux 
sont  dépouillés  par  ceux  qui  représentent  des  idées  plus  géné- 
rales et  des  puissances  vraiment  cosmiques.  L'assimilation  est 
d'ordinaire  motivée  par  une  certaine  identité  de  nature  entre  le 
dieu  absorbé  et  celui  qui  l'absorbe,  celui-ci  apparaissant  tout  à 
coup  comme  le  tout  dans  lequel  la  partie  doit  se  confondre. 
Cette  évolution  mythologique,  qui  va  du  particulier  au  général, 
aboutit  non  pas  à  une  suppression  totale  de  l'élément  parti- 
culier, mais  à  une  spécialisation  de  l'élément  général.  Le  plus 
faible,  tout  en  passant  dans  le  plus  fort,  lui  impose  son  caractère 
personnel;  il  s'installe  en  lui  comme  le  génie  directeur  de  son 
activité.  Le  nom  propre  du  dépossédé  s'ajoute  comme  épithète  à 
celui  du  spoliateur.  Ainsi  Kéraunos,  absorbé  par  Zeus,  préside 
aux  fonctions  de  Zeus  Kéraunos.  ilippos  se  convertit  en  Poséi- 
don Hippios,  mais  il  survit  dans  cette  personnalité  plus  vaste: 
d'une  part,  il  proRtc  de  la  notoriété  et  des  relations  de  Poséi- 
don; d'autre  part,  il  prend  en  quelque  sorte  sa  revanche  d'être 
absorbé  par  lui,  en  le  rapetissant  au  rang  de  spécialiste,  en 
continuant  sous  le  masque  de  Poséidon  les  gestes  et  l'ancien 
métier  d'Hippos. 

Telle  est  la  loi  de  métempsychose  mythologique  dont  nous 
constaterons  plusieurs  fois  les  applications.  Tous  les  dieux 
locaux  n'eurent  pas  le  bonheur  de  faire  une  fin  aussi  honorable. 
Beaucoup  d'entre  eux  sont  restés  dans  les  limbes  ;  ce  déchet  est 
représenté  par  un  certain  nombre  de  héros,  ex  dieux  locaux, 
qui  vaguent  dans  l'épopée  ou  végètent  obscurément  dans  le 
folk4ore  de  leur  pays.  Nous  en  retrouverons  en  chemin  quelques- 
uns,  à  commencer  par  Ulysse. 

Il  nous  reste  à  découvrir  les  intermédiaires  de  la  métamor- 
phose du  dieu  indigène  Ilippos  en  Poséidon  Hippios.  Quel 
peuple  a  mis  en  contact  ce  dieu  Cheval  avec  un  dieu  des  eaux 
apparenté  lui-môme  aux  divinités  infernales?  La  réponse  à 


LA   RELIGION   MANTINKENNK.  233 

cette  question  se  déduit  des  origines  légendaires  de  Tabaton 
manlinéen  et  de  la  liaison  du  Poséidon  arcadien  avec  Érinys- 
Déméter.  La  fable  attribuait  la  fondation  du  sanctuaire  inanti- 
néen  aux  héros  minyens  Agamédès  et  Trophonios,  fils  d'Ergiiios, 
roi  d'Orchomène  (1).  Ceux-ci  passaient  préciséineat  pour  avoir 
aussi  édifié  le  temple  de  Delphes  (2).  Or,  on  sait  que  le  culte 
apollinien  de  Delphes  s'est  substitué  à  un  ancien  oracle,  le 
/pTjfTTi^piov  de  Poséidon  et  de  Gé-Thémis(3).  Ce  Poseidou  delphique 
a  toutes  les  allures  d'un  dieu  iufernal  :  il  a  pour  compagne  les 
Moires  (4). 

On  constate  d'autre  part  une  parenté  élroile  entre  Poséidon 
Onchestios  et  l'ancêtre  minyen  Klyménos  (5),  père  d'Erginos  et 
hypostase  de  Poséidon.  Ce  nom  de  Klyrnénos  reparaît  en  Argo- 
lide,  pour  désigner  le.  dieu  des  enfers.  A  Uermione,  il  est  eu 
contact  avec  Poséidon  et  avec  Déméter  Chthonia  ;  il  y  a  dans  leur 
sanctuaire  un  marais  et  un  gouffre  souterrain  (6). 

Le  personnage  de  Poséidon,  considéré  comme  souverain  des 
eaux  terrestres,  des  marais  et  des  rivières  absorbées  par  les 
gouffres,  c'est-à-dire  comme  uue  sorte  de  Plulon  aquatique,  est 
donc,  comme  on  devait  s'y  attendre,  originnire  d'une  région  à 
katavothres.  11  s'est  formé  dans  ce  bassin  du  Copaïs,  chez  ce 
peuple  minyen  dont  les  travaux  hydrogéiqnes  peuvent  encore 
être  admirés.  Là,  il  s'associe  à  une  déesse  cl>lhonienne,Gc-Thémis. 
Dans  TArcadie  où  rayonne  l'influence  niinyeune,  notamment 
dans  les  bassins  fermés  dont  la  structure  physique  rappelle 
celle  de  la  Béotie,  il  se  combine  avec  les  dieux  locaux,  pastoraux, 
aquatiques  et  chthoniens.  A  Mantinée,  il  absorbe  llippos,  et, 
sous  le  nom  de  Poséidon  Hippios,  il  voisine  avec  Démêler.  La 

(1)  Paus.  IX,  37,  4. 

(2)  Paus.  IX,  37,  2. 

(3)  Paus.  X,  5,  4.  -  2i,  4.  Le  berceau  do  la  lô^oinlr  jI'Agaiiu'ulôs  et  de 
Troplionios  est  bien  en  Héotic,  où  leur  culte  piTsisle  vl  où  se  placent  huirs 
principaux  travaux  (Paus.  IX,  H,  1-37,  3.  —  X,  (î,  1.").  Après  In  chute  de 
la  puissance  minyenne,  leur  l<^gende  fut  eonfisqur»»  au  profit  du  culte 
apollinien  :  on  les  prcisenla  corninc  fils  d'Apollon  (Pans.  IX,  'H,  2).  Ils  pas- 
sèrent ensuite  en  Arcadie  où  ils  prirent  ranf;  parmi  les  hMatides.  On  les 
retrouve  îi  Mantinée,  puis  en  Élide  aup^^s  d'Auj^ias  (Paus.  VIII,  4,  8. 
—  10,  2). 

(4)  Paus.  X,  37,  4. 

(5)  Paus.  IX,  37,  1.  —  Pind.  (H.  XIV,  2.  —  Tzetz.  in  Lf/cophr.  vS7i. 

(lî)  Paus.  II,  3iî,  4,  îj,  7.  On  le  retrouve  assimilé  à  Tliémis  par  la  forme 
féminine  Klyméné,  doublet  de  Thémisto  (Paus.  X,  2î,  V). 


Uhi'n  :  son 
irigine  Itéuliennc. 


234  MANTINKK  KT  L'ARCADIE  ORIENTALE. 

même  conception  se  propage  en  Azanie,  où  le  couple  Poséidon- 
Hippios  et  Démétcr-Tliémis  s'adjoint  au  couple  Oûkos-Érinys  ; 
de  là  elle  passe  à  Lycosoura,  où  Poséidon  Hippios  est  donné 
comme  époux  de  Déméter  et  père  de  Despoina  (1). 
a  hvpn.ie  a Arnc  Eu  définitive,  Poséidon  Hippios  est  le  résultat  d'une  combi- 
K  FaTrâTT)  de  naisou  du  dieu  local  Hippos  avec  le  Poséidon  clithonien  importé 
en  Arcadie  par  les  iMinyeus.  Un  autre  détail  de  sa  légende 
reporte  encore  notre  pensée  vers  la  Béotie  :  c'est  l'iolervention, 
dans  son  cycle,  de  la  nymphe  Arné  associée  à  Rhéa.  Dans  la 
fable  mantinéenne,  Arné  joue  indirectement  le  rôle  de  nourrice 
du  jeune  dieu  cheval.  Comme  personnage  mythologique,  Arné, 
fille  d'iËolos,  appartient  au  cycle  des  iËoliens  de  Béotie,  origi- 
naires, disait-on,  de  Thessalie.  C'est  une  héroïne  posidonienne; 
de  ses  amours  avec  Poséidon  naît  le  héros  Bœotos  (2).  Elle  donne 
son  nom  à  la  ville  thessalienne  d'Arné,  plus  tard  Kiériou  (3). 
Dans  le  bassin  du  Copals,elle  reparaît,  comme  éponyme  d'Arné, 
appelée  auparavant  Sinoessa,  ensuite  Chérouée  (4).  Elle  est  la 

(t)  Le  Posoidsin  minyen  descend  d'Arcitdic  jusqu'au  Tônarc.  La  Ualson  est 
prouvée  par  la  forme  de  Polioidan,  qui  se  mainUcnt  contre  la  forme  dorlennc 
Foteidan,  et  par  In  liaison  de  ce  Polioidan  avec  Eupiiémos  d'Hyrla,  héros 
minyen,  fils  do  Poséidon  (IMnd.  Pyth.  IV,  76.  —  Hérod.  IV.  150  :  —  Plut.  Ser. 
nutn.  vind.  17,  p.  500  K.  —Sam.  Wide.  Lacan.  KulL,  p.  42).  Il  passe  aussi  k 
Cyrène  (Scbol.  Pind.  Pyth.  IV,  1)  où  11  a  pu  être  Importé  soit  par  les  Mlnyens 
de  Théras  (Ilérod.  IV,  IWi),  soit  par  le  Mantinéen  Démonax  avec  Zcus  Lykalos 
(llérod.  IV,  203.  —  Mûllcr.  Numism,  de  l'Afr.  ancienne.  I,  07.  —  Studniczka. 
Kyrene^  p.  15).  —  Le  caractère  clithonien  de  Poséidon  se  retrouve  ailleurs. 
Poséidon  Gaiaokhos  associé  ii  Déméter  (Paus.  Ifl,  21,  8)  désigne  un  Poséidon 
souterrain  (Sam.Wide.  Uikon.  KuUe,  p.  38).  Poséidon  est  gardien  du  Tartarc 
dans  Hésiode  [Th^ng,  732).  Nestor  lui  sacrifie  des  tiiure;iux  noirs  {Odys,  III, 
0).  —  Quant  i\  rhypothès<i  d'une  Influence  sémitique,  rien  n'empéxhe  de 
l'accepter  en  principe.  M,  Philippe  Ijergcr  propose  (iîcw.  fies  Denx-Moiides, 
I8î)0-,  p.  395)  de  rapprocher,  par  l'Intermédiaire  de  l'éplthôte  Damalos,  le 
Poséidon  Hippios  mantinéen  du  DAm  ou  Dôm  phénicien,  dont  l'épousé  serait 
DAin*at,  grérlséo  en  Déméter.  Nous  n'avons  aucune  raison  de  repousser 
cette  théorie.  Mais, si  le  DAm  sémitique  a  influé  sur  Poséidon,  c'<îst  en  Béotie: 
et  le  contre-coup  de  celte,  action  ne  s'est  propagé  en  Arcadie  que  par 
l'intermédiaire  des  Immigrants  béotiens,  comme  on  l'a  vu  plus  haut  (page  211). 

(2)  Schol.  IL  H,  49i,  îî07.  —  Dlod.  IV,  07. 

(3)  Et.  Hyz.  "/VpvTj  et  Boiwxia.  —  Paus.  IX,  40,  3.  La  question  de  priorité 
entre  les  Béotiens  de  Thessalie  et  ceux  de  BéoUe,  généralement  tranchée  en 
faveur  des  premiers,  est  discutée  par  Meyer.  Gesch.  d.  Allerth.  II,  p.  190. 
il  y  a,  en  tout  cas,  parenté  entre  les  dialectes  thessallcn,  béotien  et  arcadlen. 
(Coilitx.  Vcrwandtschaftsverh.  d.  griech.  Dial.  1885). 

(4)  Theseus  ap.  Tzetz.  in  Lycophr.  044.  —  Etym.  Mag.,  p.  145,  47  :  "'ApVYj. 
Tliucyd.  1.  12.  —  Slrab.  IX,  413.  —  Paus.  IX,  40,  3.  —  Et.  Byz.  Xaipcivcia. 
—  Schol.  //.  II,  507. 


LA   RELIGION   MANTINKENNE.  235 

nourrice  de  Poséidon  ;  on  explique  son  nom  parce  qu'elle  avait 
refusé  (à7r7jpv7î<ïaTo)  de  livrer  son  nourrisson  à  la  voracité  de 
Kronos.  Ainsi  dans  ce  mythe  béotien,  Vk-izirri  de  Rhéa  s'applique 
à  Poséidon.  Par  une  coïncidence  remarquable,  le  môme  mythe, 
appliqué  à  Zeus,  était  également  localisé  à  Chéronée  :  la  roche 
Pétrakhos,  qui  dominait  la  ville,  représentait,  disait-ou,  le 
caillou  offert  par  Rhéa  à  son  époux,  en  place  de  Zeus  (1).  —  l^a 
filiation  de  ces  mythes  est  facile  à  établir  :  la  roche  Pétrakhos  a 
fait  localiser  à  Arné-Chérouéo  la  légende  de  V^iziTr^  de  Rhéa  et  du 
caillou  ;  le  nom  d'Arné  a  donné  naissance  à  une  glose  étymolo- 
gique, où  la  nourrice  de  Poséidon  suit  à  sa  farou  Tcxeinple  de 
Rhéa.  C'est  ainsi  que  Rhéa  entre  en  rapports  avec  Arné  et 
Poséidon.  Le  sens  de  celte  fable  béotienne  réside  dans  le  carac- 
tère pastoral  et  aquatique  de  Poséidon.  Arné,  la  déesse-brebis, 
est,  comme  l'Heurippa  phénéate  et  THippos  mantineeu,  une 
personnification  locale  des  animaux  vivant  de  la  pâture  ;  en 
celle  qualité,  elle  s'unit  à  Poséidon,  dieu  des  eaux  terrestres  qui 
fécondent  le  pâturage  (2).  La  Béotie  a  connu,  sons  uue  autre 
forme,  la  même  conception  que  symbolise  en  Arcadie  Poséidon 
Hippios.  Seulement,  en  Béotie,  il  n'est  pas  question  du  cheval. 
Des  amours  de  la  déesse-brebis  et  du  dieu  aquali([ue  naît  le  héros- 
bœuf,  Bœotos,  autre  personnification  du  même  genre.  11  faut 
enfin  se  souvenir  que  Poséidon  lui- môme  prend  parfois  la  forme 
du  bélier  (3).  On  conçoit  dès  lors  comment  s'est  faite  l'adaptation 

{{)  Pausan.  IX,  41,  3. 

(2)  Cf.  'd  Athônos,  l'AUn^na  Ilippia  (Pans.  I,  30,  î),  associro  à  Posolilon 
Hippios,  h  Sparte  Artô.mis  Atyivaia  cuinpai^nn  th;  Posciilun  Uippocuiirios 
(Pausan.  III,  14,  t). 

(3)  Uygin,  Fab.  3  et  188.  —  Panofka.  Arc/i.  Zeit,  ISVIi,  p.  38.  —  Tous  c<'s 
rapports  ont  6ch:ippc  ii  WiMilzel,  dans  son  article  HoteîOîovo;  yovai  {Jahrh. 
f.  Kl.  Pkilol.  1891,  p.  38;)).  L'auteur  nie  à  tort  rinlluruec  broticnne  sur 
la  k'gende  arcadicnne.  Dans  Sinocssa,  nom  priinilif  d'Arn«\  Il  vrut  roconnaltn* 
un  doublet  de  Sinoé,  nourrice  arcadienne  de  Pan  (Paus.  VllI,  30,  3).  Mais  on 
a  peine  h  coFnprendre  co  qu'il  en  veut  conclura.  Au  n-sle,  ridentilicatitMi  de, 
Sinoessa  et  de  Sinoô  est  très  problématique;    lo.   nom   «Ir   Sinor,    donm''   par 

,  certains  manuscrits  de  Pausanias,  a  été  corrige  dans  l«'s  éditions  modernes 
en  OInoé,  d'après  les  seboliastes  de  Tlié<»crile  (I,  3  et  121)  ot  d'Kuripide 
(Rfies.  30),  et  d'après  le  contexte  même  de  Pausanias,  <iui  faisait  d'()ino«'>, 
mère  ou  nourrice  de  Pan,  l'éponyme  du  bourg  d'ninor.  A  <|uoi  \Ventz«'l 
oljjccte  qu'il  y  avait  deux  personnages  dilTrn^nls,  Oinoô,  la  mère,  et  Sinoè,  la 
nourrice  de  Pan.  Kt  après,  quoi?  —  Immerwalir  (Kiillr  Arkail.^  p.  220),  a 
soutenu,  sans  la  juslilier  par  une  analyse  sullisanlr,  l'origine  béotienne  du 
mythe  mantinéen  d'Arné  et  de  Ubéa. 


230  MANTINEE  ET   L  ARCADIE  ORIENTALE. 

de  tous  ces  éléments  au  culte  du  dieu  Cheval,  à  Mantinée.  La 
légende  béotienne  transportée  au  pied  de  TAlésion  par  les 
adorateurs  de  Poséidon  s'est,  au  contact  du  dieu  indigène, 
enriciiie  d'un  détail  topique,  celui  du  poulain.  Alors  se  constitue 
la  légende  de  Poséidon  Hippios,  élevé  parmi  les  agneaux  près  de 
la  source  Arné,  dévoré  sous  la  forme  du  poulain  enfanté  par 
Rhéa,  et  dont  Tabaton  est  fermé  par  un  fil  de  laine  (1). 
L'àXï)  de  Ainsi,  le  nom  d'Agamédès  et  de  Trophonios,  constructeurs  de 
hrnoi  Démêler.  Fabaton  mantlnéeu,  celui  d'Arné  donné  à  la  source  de  l'Alésion, 
le  mythe  arnéeu  de  riTtax-rj  de  Rhéa  adapté  au  culte  de  Poséidon 
Hippios,  confirment  l'origine  béotienne  de  toute  la  combinaison 
d'où  il  est  sorti.  Toutefois,  quoique  de  même  provenance,  ce 
mythe  d'Arné  et  de  Rhéa  représente  un  élément  moins  ancien 
que  la  métamorphose  d'Hippos  en  Poséidon  Hippios  et  que  son 
union  avec  Déméter.  Celles-ci  devaient  être  consommées  quand 
Rhéa  vint  se  fixer  sur  l'Alésion.  En  s'introduisant  dans  la 
légende,  Rhéa  ne  réussit  pas  à  s'implanter  dans  le  culte.  Elle 
trouvait  Déméter  déjà  installée  eu  souveraine  sur  la  montagne  et 
dans  la  plaine.  Tout  ce  qu'elle  put  faire,  ce  fut  de  s'approprier, 
aux  dépens  de  sa  rivale,  le  mythe  de  laXir)  ou  course  errante.  Les 
Mantinéens^  au  dire  de  Pausanias  faisaient  dériver  le  nom  de 
l'Alésion  de  l'aXv)  de  Rhéa  (2).  Mais  c'était  Déméter  qui  possédait 
le  bois  sacré  situé  sur  la  colliue.  On  a  justement  fait  observer 
que  ce  mythe  de  raXv)  de  Rhéa  n'est  mentionné  nulle  part 
ailleurs,  tandis  que  les  vagabondages  de  Déméter  sont  bien 
connus.  On  doit  donc  conclure  à  une  transposition  locale  du 
mythe  de  Déméter  en  laveur  de  Rhéa.  La  métastase  de  Rhéa  et 
de  Déméter  est,  d'ailleurs,  assez  commune  en  Arcadie  (3).  Ici,  elle 
pourrait  s'expliquer  par  la  tendance  des  Arcadiens  à  vieillir  les 
mythes  courants  en  les  rapportant  aux  divinités  les  plus 
anciennes. 
•  idon  Hippios  Une  fois  constitué  souverain  des  eaux  douces,  terrestres  ou 
.upiingicn:  soulciTaines,  Poséidon  Hippios  ne  pouvait  pas,  en' tant  que 
iniiuoncf  Poséidon,  ne  pas  entretenir  des  rapports  de  voisinage  et  de 
«rgicime.       f,.aiernité  avec  le  dieu  de  la  mer.  La  nature  lui  en  faisait  une 

(1)  Pnusan.  VIH,  10,  2:  jaitov  Biaxeivouenv  épeouv 

(2)  VIH,  10,  1.  —  Sur  rélymologlc  (le  l'AIrsion,  voy.  p.  204,  note  3. 

(3)  linmcrwîihr.  h'ulle  Arkari.,  p.  221.  —  Rheasage  u.  RheakuU  in  Arkad. 
nonnorstudicn  f.  Kekiilr,  ISÎM),  p.  188-199.  Sur  ridcnUté  de  Rhéa  et  Dcmétcr 
à  Sjiinolhrace,  voy.  Prorl.  !n  Plat.  Cralyl.  9(ï  :  tyjv  AiqfXTjTpa  'Opçeùç  [xkv 
TY,v  aÛT/|v  Xeyov  tti  'Vi%,  Cf.  Lucien.  Dea  Syr,  15. 


LA   REU6I0N  MANTINKKNNt:.  237 

obligation.  La  corrélation  intime  entre  les  eaux  de  la  Haute- 
Plaine  et  leurs  débouchés  côtiers  avait  pu  échapper  à  ses  adora- 
teurs primitifs.  Mais  leurs  descendants  ne  manquèrent  pas 
de  s'en  aviser  :  la  Mantinique  et  TArgolide  communiquaient 
entre  elles  par  les  voies  souterraines.  Fidèle  à  son  rôle,  la 
mythologie  des  deux  pays  traduisit  ce  phénomène  naturel  en 
rites  et  en  légendes.  Les  Argiens  expliquaient,  non  sans  appa- 
rence de  raison,  le  tourbillon  sous-marin  de  Diné  comme  le 
débouché  des  katavotiires  de  l'Argon  Pédion.  L*eau  douce  du 
Haut  pays  venait  sous  leurs  yeux  se  mêler  aux  flots  salés  : 
c'était  comme  Poséidon  Hippios  qui  reparaissait,  après  un 
parcours  souterrain,  pour  fraterniser  avec  le  Poséidon  mnrin. 
Aussi  rhonoraient-ils  en  lui  sacrifiant  des  chevaux  tout  bridés 
qu'on  noyait  dans  le  tourbillon  (1).  Inversement,  au  dire  des 
Mantînéens,  le  dieu  de  la  mer  remontait  chez  eux  sous  la  forme 
d'une  source  salée,  jaillissant  dans  leur  adyton  Çl).  Pour 
compléter  l'illusion,  on  crut  reconnaître  dans  le  bruissement 
du  bois  de  chênes,  autour  de  l'adyton,  comme  un  écho  du 
mugissement  de  la  mer,  et  le  bois  fut  appelé  PéJfn/os  (1).  Ce 
prétendu  filet  d'eau  salé,  que  nul  n'avait  pu  goilter,  ce  faux 
bruit  de  la  mer,  entouraient  d'un  cadre  pseudo-pélagien  le  dieu 
continental,  finalement  travesti  en  Poséidon  de  Trœzène  ou  de 
Calaurie.  Ce  nouveau  masque  est,  sans  nul  doute,  d'importation 
argienne.  Peut-être  faut-il  chercher  dans  le  nom  de  l'Argon 
Pédion,  qui  alimentait  le  tourbillon  de  Diné,  une  preuve 
complémentaire  de  cette  liaison  mythologique  enire  la  Haute- 
Plaine  et  l'Argolide.  Peut-être  aussi  le  jet  d'eau  salée,  qui  aveugle 
le  sacrilège  yEpytos  If,  symbolise-t-il  un  fait  historique  :  le 
Poséidon  argien  accourant  au  secours  de  son  congénère  arcadien 
signifie  peut-être  que  les  Argiens  aidèrent  leurs  frères  Aphei- 
dantes  à  repousser  une  agression  venue  de  l'Ouest  (4). 

En  somme,  Poséidon  Hippios,  né  de  la  comhinnison  du  dieu    Type  .uiiniiir 
Cheval  indigène  avec  le  Poséidon  chthonien  introduit  par  les  ,w, 

Poscidoii  Ilippio 

(1)  Paus.  Vin,  7,  1.  —  Le  mùine  rile  exisUût  on  Hlyric.  Prob.  ail  Viri;. 
Georg.  I,  12.  —  Paul  Dlac,  p.  101,  MOner. 

(2)  Paus.  VIII,  10,  2.—  Voy.  sur  les  traces  d'une  source,  p.  51  et  l(Xî.  Pau- 
sanias  rappelle  des  légendes  analogues  sur  l'Acropole  d'Athènes  et  i\  Mylasa 
(Paus.  VIII,  10).  AuTénare,  il  y  avait  une  source  où  l'on  pnHcndait  ap^Tccvoir 
l'image  des  ports  et  des  navires  (III,  2ii,  7). 

(.3)  Cf.    l'expression  inverso  d'Eschyle  :  Ttôvrtov  àXaoç,  pour  désigner   la 
mor.  f Perses,  111). 

(4|  Voy.  plus  loin,  p.  iiiS. 


238  MANTINKK   ET  l'ARCADIE  ORIENTALE. 

Minyeiis,  puis  déguisé  en  Poséidon  marin  sous  Tinfluence  de 
i'Argolide,  finit  par  prendre  tous  les  traits  du  dieu  classique  de 
la  mer.  Les  monuments  figurés  le  représentent  avec  le  type  et 
les  attributs  du  Poséidon  commun.  Sur  les  monnaies  frappées 
au  IV«  siècle,  tantôt  il  apparaît  debout  et  dans  une  attitude 
de  combat,  lançant  de  la  main  droite  son  trident  comme  un 
javelot  ;  tantôt  assis  sur  un  rocher,  les  genoux  couverts  d'un 
himation,  il  s'appuie  du  bras  gauche  sur  son  arme  embléma- 
tique, comme  sur  un  sceptre,  dans  l'attitude  de  Zeus  Olympien; 
de  son  bras  droit  étendu  il  saisit  un  dauphin  (1).  Le  bas  relief 
votif,  trouvé  dans  les  ruines  du  sanctuaire,  le  représente  dans 
cette  dernière  posture  assis  sur  un  siège  à  dossier,  les  jambes 
et  les  genoux  couverts,  la  main  gauche  reposant  sur  la  cuisse, 
le  bras  droit  plié  et  tenant  le  manche  du  trident  (2). 

DKMHTMi  A  Poséidon  Ilippios,  dieu  pastoral,  aquatique  et  chthonien, 

de  Ncsinnô     s'associc  une  déesse  de  même  nature,  la  Déméter  de  Nestané  et 
de  lAiésion,  ^j^  TAlésiou. L'cxistencc  du  couple  conjugal  Poséidon  Hippios  = 

ompngne  de  «r  #     «  r  r 

ieidon  Ilippios.  l>éméter  n'est  pas  attestée  à  Mantmée,  comme  elle  1  est  ailleurs, 
par  une  légende  formelle.  Pourtant  elle  est  réelle.  Implicitement, 
elle  est  contenue  dans  l'étroite  association  de  Rhéa  et  de  Poséi- 
don, puisque  Khéa  reproduit,  par  certains  traits,  le  personnage 
de  Déméter.  Elle  résulte  ensuite  de  l'état  même  des  choses.  Peut- 
être,  à  l'époque  où  Pausanias  a  fait  son  enquête,  cette  liaison 
cultuelle  était-elle,  en  pratique,  tombée  en  désuétude.  Pausanias 
lui-même  a  pu  omettre  ou  ne  pas  saisir  ce  détail.  En  tout  cas, 
son  silence  n'est  pas  une  preuve  négative.  On  constate,  en  fait, 
que  Déméter  ne  se  présente  pas  isolée.  Sa  liaison  avec  le  dieu 
souverain  résulte  de  la  position  de  ses  sanctuaires.  Elle  en  avait 
deux  dans  le  voisinage  du  Poseidion  :  un  bois  sacré  sur  la  pointe 
de  l'Alésion  (3)  et  un  temple  auprès  du  bourg  de  Nestané  (4).  Ce 
sanctuaire  démotique  de  Nestané   éUiit  le  centre  d'une   fête 


(i)  Porcy  Gnrdnrr.  Grcek  coins.  Pelopon.  pi.  XXXV,  4  et  0. 

(2)  Voy.  fif;  14,  p.  iO;».  —  Ccî  bas-rclicf  nn  peut  ôtro  une  œuvre  antérieure 
au  IV  siècle. 

(3)  Signalé  {mc  Pausanias  iinmédialcincnt  avant  le  Poseidion,  VIII,  10,  1. 
AYjULTjTpoç  àXffoç  6v  TU)  opEi'  wapà  Se  tou  opouç  Ta  ea^^ata  too  lIo(reiS(ïJvoç 
è(TTl  TOU  *Itc7ciou  to  Upôv.  Cf.  une  stèle  votive  do  Pilterni.  Inscr,  duPélop, 
.352  c.  Ce  bois  se  trouvait  sans  doute  au  fond  du  ravin  qui  coupe  le  dos  de 
rAlésion  (voir  la  carte). 

(i)  Paus.  VIII,  8,  1.  Sur  la  position  do  cv  temple,  voy.  p.  93. 


LA   RELIGION   MANTINBENNE.  239 

annuelle.  Il  a  donc  son  existence  propre,  sans  rapport  direct 
avec  le  culte  urbain  de  Déméter,  qui  est  plus  récent. 

La  déesse  de  Nestané  et  de  TAlésion  ne  se  distingue  par  aucune 
épithète  caractéristique.  Sur  le  culte  lui-même,  sur  la  fête 
annuelle,  nous  ne  savons  rien.  Aussi  le  classement  de  cette  déesse 
se  déduit-il  de  considérations  générales  plutôt  (juc  de  caractères 
intrinsèques.  La  présence  du  culte  de  Démétcr  dans  le  dème  de 
Nestané,  sur  les  confins  de  TArgolide,  pourrait  permettre  d'in- 
voquer l'influence  de  ce  dernier  pays,  eu  particulier  de  penser  à 
une  action  de  la  DéméterChlhonia  d'ilermioue  sur  le  culte  man- 
tinéen.  Mais  il  n'y  a  là  qu'une  présomption  sans  preuve.  D'autre 
part,  aucun  indice  n'autorise  à  supposer  une  action  quelconque 
de  la  religion  éleusinienne  sur  ce  canton.  Il  faut  chercher 
ailleurs  des  termes  de  comparaison. 

On  doit  reconnaître  dans  la  Déméter  de  Nestané  une  parente 
de  la  déesse  infernale  dont  l'union  avec  le  dieu  des  eaux,  union 
originaire  de  la  Béotie  (1),  s'affirme  plus  nettement  dnns  les 
autres  cantons  de  TArcadie.  Comme  l'Érinys  Tiiphossa  de  Thel 
pousa  (2),  comme  la  Déo  ou  Déméter  Noire  de  Phigalie  (3),  elle 
est  une  déesse  de  la  Nuit,  de  la  Mort  et  de  la  Désolation.  Elle 
habite  près  d'un  gouflre  caverne,  au  bord  de  la  triste  plaine 
ArgoSf  à  jamais  frappée  de  stérilité  (4).  Sou  culte  s'est  ciïacé 
devant  le  culte  urbain  de  Kora  (5j.  11  serait  assez  teutant  de 


(1)  A  L6badéc,Trophonios,  hypostasc  do.  Posoklon-Uadcs  s'associe  à  Dcinêtor- 
Europé,  sa  nourrice  (Paus.  IX,  39,  5).  Son  caractrrr  posidonlon  est  corroboré 
par  ce  fait  que  les  sources  do  la  rivière  Ilercyne  jaiilissrnl  de  son  leinpïe- 
cavcrne.  A  Alalcomenai,  mémo  union  du  héros  Uippolxités  (Poséidon  Ilippios) 
avec  la  déesse  Infernale  AUiéna  Aialcoménéis.  Et.  Hyz.  'AXxXxofJisvtov.  — 
Ot.  MûUer,  Orchomenos^  p,  213.  Le  couple  Déméter  «Poséidon,  on  Arcadio, 
siège  non  seulement  à  Thelpousu,  à  PhigaliCi  à  Mantinéi>,  mais  aussi  à  Pal- 
lantion  (Don.  Ualic.  I,  33),  et  à  Méthydrion  où  se  trouvent  un  temple  de 
Poséidon  Ilippios  ot  une  caverne  de  Rhôa-Déméter  (Pansan.  VIII,  3(»,  3)  ;  en 
Liaconie,  au  Tônare  et  à  Ilélos  (Wldc.  Lakon.  Kallf,  p.  lii  et  180). 

(2)  Paus.  VIII,  25,  4. 

(3)  Paus.  VIII,  42,  1-7. 

(4)  Sur  le  yé.a\i.OL  ou  fjL^Yapov,  séjour  de  la  déesse  au  Tllpliossion  béotien, 
auTénare,  ii  Phigalie,  à  ïhclpousa,  etc..  voy.  W'uW.Lakoin^che  KnUr^p.  179.— 
Bérard,  Orig.  des  cultes  arcadiens,  p.  217.  \jS\  grotte  deïsipiana,  envahie  par 
les  eaux,  était  d'ordinaire  impraticable  :  c'est  pour  cela  (pu)  le  sanctuaire  fut 
établi  à  quelque  distance.  De  même,  à  Phénéos,  le  templr  de  Tlirsmia  était 
voisin  d'un  ;(à(i|ia  (Paus.  VIII,  15,  1,  4)  qui  passait  pour  être  une  entrée  des 
enfers  (Conon,  Narrai.  XV). 

(53)  Voy.  plus  loin,  p.  30.). 


240  MANTINKE   ET  L'aHGADIE  ORIENT ALE. 

retrouver  dans  la  Kora  mantiDéenoe  la  déesse  Fille  arcadieone, 
Dcspoioa,  qui,  à  Tlielpousa  et  à  Lycosoura,  constitue  une  triade 
avec  Poséidon  Uippios  et  Déméter  (1).  Mais  les  origines  du  culte 
de  Kora  à  Manlioée  sont  des  plus  obscures  ;  sa  liaison  avec 
Poséidon  Hippios  serait  tout  à  fait  arbitraire. 

Ulyssk,  Nous  devons  reconnaître  un   doublet  du  couple  Poséidon 

hyposUic  de    Hippios  =:  Démétcr  dans  le  couple  Ulysse  =  Pénélope,  égale- 
iwidon  iiippius.  ^^^^  localisé  à  Manlinée. 

En  Arcadie,  Ulysse  n'apparaît  pas  comme  la  légendaire  vic- 
time de  Poséidon.  C'est  lui,  au  contraire,  qui  colporte  et  qui 
fonde  dans  les  cantons  arcadiens,  à  Âséa  et  à  Phénéos,  le  cuite 
de  Poséidon  Hippios(!2i).  Nous  avons  là  un  nouvel  exemple  du  fait 
déjà  constaté  à  propos  de  Lycaon,  celui  d'une  personnalité 
divine  qui  passe  à  l'état  de  héros  et,  sous  cette  forme  secondaire, 
devient  fondatrice  de  son  propre  culte  :, tel  Lycaon,  hypostase 
et  grand-prêtre  de  Zcus  Lykaios,  Énée  d'Aphrodite  Aineias  (3), 
Érechtheus  de  Poséidon  Ërechtheus  (4);  Agamemnon  de  Zeus 
Agamemnon  (5).  La  plupart  des  personnages  de  ce  genre  repré- 
sentent d'anciens  dieux  locaux  absorbés  par  les  grandes  divi- 
nités helléniques,  ou  bien  des  héros,  simples  émanations  des- 
dites divinités  dont  ils  personnifient  un  surnom  :  tel  est  le  cas 
d'Énée,  issu  de  l'épilhèle  Aineias. 
OriKinnirc  L'idcntilé  primitivc  d'Ulysse  et  de  Poséidon  Hippios  est  sur- 
ric  Phriicos.  ^^^y  attcstéc  à  Phénéos,  où  la  statue  du  dieu  avait,  disait-bn, 
été  consacrée  par  le  héros  dans  le  sanctuaire  d'Artémis  Heu- 
rippa.  Il  semble  qu'ici  on  ait  affaire  à  un  ancien  culte  local, 
celui  d*Odysseus,  Olytteus,  Oulirès  (Ulyxes),  dont  le  nom,  dérivé 
de  oX,  désigne  un  dieu  infernal  et  chthonien.  Associé  à  la 
déesse  Heurippa,  l'équivalent  féminin  à  Phénéos  de  TUippos 
mantinéen,  il  s'est  naturellement  laissé  absorber  par  le  Poséidon 
Hippios  de  Mantinée,   dont  le  caractère  à  la  fois  aquatique, 

(1)  Pnus.  VIH,  37,  2,  10.  —  A  Thclpousa,  le  nom  de  la  FUle  restait  secret. 
Vni,  25,  4.  —  Cf.  le  couple  attlque  Uippos  — Korô,  cité  p.  227,  n*  8. 

(2)  Pausan.  VIII,  14,  4.  —  44.  4. 

(3)  nild.  Légende  fVÉnée  avant  Virgile.  1883. 

(4)  CIA.  ni.  27G.  —  llcsycb.  s.  v.  'EpeyOedç.  —  Vit.  X  orat.,  p.  843  B.  — 
Fausan.,  1,  26,  5. 

(o)  Clem.  Alex.  Protrcpt.,  p.  3:3  (Poil.).  —  Athenag.  Presh.  1.  —  TzeU.  in 
Lycophr.  335,  1123,  12G9.  Cf.  Dcneken,  dans  le  Myth.  Lexic.  de  lioscher,  art. 
Agamemnon^  et  Wide.  Lakon,  kuUc,  p.  12. 


LA   RELIGION   MANTINËENNE.  241 

pastoral  et  chthonien  contenait  tous  les  éléments  personnifiés 
par  le  couple  phénéate  Odysseus  =  Heurippa.  Il  descend  au 
rang  de  héros  posidonien  et  chthonien.  En  cette  qualité,  il 
passe  dans  le  canton  d'Aséa,  puis  émigré  en  Laconie,  où  il 
s'introduit  dans  la  légende  achéenne  d'icarios,  qui  devient  son 
beau-père.  Dès  lors,  l'imagination  des  poètes  épiques  s'empare 
de  sa  personne.  11  entre  dans  le  cycle  de  la  guerre  de  Troie  avec 
Ménëlas  et  Âgamemuon  ;  mais,  à  travers  toutes  ses  vicissitudes, 
il  se  souvient.de  son  double  caractère  originel  :  comme  héros 
posidonien,  il  vague  à  travers  les  mers;  comme  héros  chthonien, 
il  visite  les  régions  infernales,  converse  avec  les  morts,  et  règne 
sur  une  lie  lointaine,  dans  le  Couchant  (1).  L'épopée  Ta  huma- 
nisé et  transplanté  à  Ithaque.  Quand  le  bruit  de  ses  vagabon- 
dages, porté  par  la  voix  multiple  des  aèdes,  revient  à  Phéuéos, 
sa  patrie  d'origine,  les  générations  nouvelles  ne  peuvent  plus 
s'expliquer  par  quel  miracle  cet  aventurier  populaire,  que  les 
rivages  les  plus  mystérieux  ont  recueilli,  se  trouve  installé 
à  demeure  chez  elles,  côte  à  côte  avec  Poséidon  Ilippios  et 
Artémis  Chevaline.  Le  souvenir  de  ses  débuts  sest  obscurci 
chez  ses  compatriotes  arcadiens.  Ulysse  indigène  leur  semble 
plus  qu'une  énigme,  une  impossibilité.  Ils  n'osent  pas  invoquer 
en  sa  faveur  leur  dogme  favori  de  l'autochthonie.  Aux  fictions 
merveilleuses  que  tout  le  monde  répète,  ils  ne  savent  plus 
opposer  leurs  droits  réels.  Le  pouvoir  souverain  de  la  poésie 
avait  dénationalisé  Ulysse  ;  les  faits  durent  s'accommoder  a 
ses  fantaisies.  Ici,  comme  en  maint  autre  cas,  l'énigme  fut 
résolue  par  un  calembour.  Par  une  glose  ingénieuse,  l'antique 
nom  de  la  déesse  Cavale,  Uippa  ou  peut-être  Euhippa  ou  Artémis 
Hippia^  fut  complété  ou  modifié  de  façon  à  signifier  Celle  qui  fait 
retrouver  les  chevaiix  égarés  (eup-i7C7ra).  On  raconta  donc  dans 
Phénéos  qu'Ulysse,  ayant  perdu  ses  chevaux,  avait  parcouru  la 
Grèce  entière  à  leur  recherche  ;  il  les  avait  enfin  retrouvés  à 
Phénéos,  où  il  les  laissa  en  pâture.  En  souvenir  de  cet  heureux 
dénouement,  il  fut  censé  avoir  consacré  un  temple  à  Artémis, 
qu'il  aurait  surnommée  Heurippa  pour  la  circonstance,  et  à 
Poséidon  Hippios  une  statue  de  bronze,  sur  le  socle  de  laquelle 
il  aurait  fait  graver  ses  instructions  à  ses  palefreniers.  —  A  ce 


(1)  D'après  Mcyer  {Gesch.  d,  Alterthums,  II,  p.  103),  il  personniOe  le  dieu 
mourant  de  la  Nature.  Ithaque  lui  est  attribuée  pour  patrie,  parce  que  c'est  la 
dernière  lie  visible  du  Péloponnèse. 

.M.intince.   —  17. 


242 


MANTINÉE'  ET   l'aRCADIE  ORIENTALE. 


Ulysse 
h  Mnnlinée. 


récit  deS'Phénéates,  rérudition  de  Pausanias  (1)  entre  enconflît 
avec  sa  crédulité  :  le  fond  de  Thisloire  lui  paraîti  plausible-, 
sauf  le  détail  de  la  statue  de  brouze.  Comment  être  dupe  dé 
cette  assertion,  quand  on  sait  pertinemment'  qu'à  l'époque 
d'Ulysse  on  ignorait  l'art  de  fondre  les  statues  d'un  peul  morceau} 
invention*  due  au  génie  des  Samiens  Théodorois  et  iRhœcos, 
contemporains  de  Polycrate?  •  '  »  ïm.i.  ..:,  ■  i  -i. 
Cette  fable  des  chevaux  retrouvés  était  particulière  à  Phénéos; 
A  Aséa,  on  contait  simplement  qu'Ulysse' avait,  à» son  retour 
d'ilion,  apporté  dans  le  pays  le  culte  de  Poséidon  et  d'Atbénâ 
Soteira,  sans  expliquer  d'ailleurs  la  présence  du  héros  dans  le 
pays.  .  ;     : 

•  Enlre  le  Poséidon  de  Phénéos  et  celui  ,d*Aséa  s!inferpose 
celui  de  Mantiuée  ;  or,  Pausanias  n'a  pas  noté  la  présence 
d'Ulysse  dans  cette  ville.  De  ce  silence  surprenant,  on  ne  devait 
rien  arguer  :  Pausanias  ne  pouvait  tout  savoir  ni  tout  dire. 


/K 


î 


Fig.    49. 
Monnaies  manlinéenncs  représentant  Ulysse. 

Toutefois,  on  devait  s'étonner  de  ne  pas  retrouver  auprès  du 
principal  Poséidon  llippios  de  l'Arcadie  son  compagnon  ordi- 
naire. En  réalité,  on  l'y  retrouve,  comme  M.  Svorouos  a  eu  le 
mérite  de  le  reconnaître  le  premier  (2),  d'après  un  type  de 


(1)  Pausan.  VIII,  14.  4. 

(i)  Ulysse  chez  1rs  ArcaiHeiis.  Gaz.  arch.  XlII  (1888),  p.  262  sqq. 


•  I  /    LA*  iRBUGION  :  M  ANTINKENNE .  243 

tn6nnaie>mantinëeDne  précédehimenl  incompris  (1).  Le  person- 
nage,» figuré  suricelle  monnaie,  n'est  autre  qu'Ulysse  tenant  de 
là*  main  gauche  uneramCj^  qu'il  s'apprôle  à  planter  en  terre, 
de^la  imain  c^roiteun"  javelot:  ou  un  harpon.  Son  accoutrement 
bizarre,"  son  pilod{  sa  tunique  retroussée,  ses  longues  crépides 
rostrilormes  désignent  un*  marin. ou  un  pôchcur.  Par  une  remar- 
quable coïncidence,  c'est  sous  ce  costume  qu'est  figuré  Charou, 
lenautotaier  des  enfers,'sur  un  lécythe  attîquc  (2).  L'explication 
de  Cette  étrange  figure  doit  ;étre  cherchée  dans  un  passage  de 
la?  Néxuibt,  l'un  des  morceaux  les  plus;  anciens  de  V Odyssée  (^), 
L'Ame  de  Tirésias  y  dit  à  Ulysse  : 

«  Après  avoir  tué  les  prétendants,  tu  parcourras  les  terres  en  portant 
ùiiè'ramc  facile  à  manier  jusqu'à  ce  que  tu  parviennes  chez  un  peuple 
ign'^rant  des  choses  de  la'  mer,  ne  mêlant  point  de  sel  à  ses  aliments, 
ne  sachant  ce  que  c'est  qu'un  vaisseau  aux  flancs  coloriés,  ni  Une 
ramle,  aile  d'un  navire.  Je  vais  te  dire  à  quoi  tu  reconnaîtras  ce  peuple  : 
souviens-t  en.  Tu  rencontreras  un  autre  voyageur  qui  croira  que  tu 
portes  sur  ton  épaule  une  pelle  à  vanner  le  blé  (4)  ;  à  ce  moment  tu 
planteras  ta  rame  en  terre  et  tu  sacrifieras  solennellement  à  Poséidon 
Anax  un  bélier,  un  taureau  et  un  sanglier,  puis  tu  retourneras  en  ta 
demeure  et  tu  immoleras,  selon  leur  rang,  à  tous  les  dieux  immortels, 
de  saintes  hécatombes.  » 

Ce  voyage  doit  être  interprété  comme  une  expiation  et  une 
réparation  due  par  Ulysse  à  Poséidon  :  Tirésias  entend  que, 
pour  apaiser  le  dieu  de  la  mer,  Ulysse  introduise  son  culte 
chez  un  peuple  où  Poséidon  ne  soit  pas  encoi^e  connu.  Il  y  a, 
semble-t-il,  dans  ces  prescriptions,  un  vague  ressouvenir  de 
l'origine  continentale   d'Ulysse,  le  mythe,  comme  cela  arrive 


(1)  La  flg.  49  reproduit,  d'après  ]a  planche  de  la  Gaz.  arch.,  les  principaux 
exemplaires  de  cette  monnaie.  N«  1.  AK,  19".  Gr.  5,  M.  MANTI.  Ulysse  plan- 
tant la  rame.  —  l^.  Autel  surmonté  des  bustrs  des  Dioscures.  Dans  le  champ, 
le  monogramme  |7l  —  N"*  2.  yE,  i(i"".  Tôle  de  Pallas.  collTi»c  du  casque  corin- 
thien. —  i>.  MANT,  derrière  Ulysse.  —  N«  3.  Exemplaire  provenant  do  nos 
fouilles  et  déposé  au  Musée  numismatique  d'Athènes.  .K,  14"".  An  droit 
même  type.  —  i^  Autel  rond  (de  Poséidon  Ilipplos  ou  Ilestln  Koiné?)  orné  d'une 
guirlande  d'olivier.  M  -  A  -  N.  —  N»4.  /E.  I4"".  Au  droit,  môme  type.*—  i>. 
Autel  rond;  dans  le  champ  au-dessus»  un  casque  sans  aigrette.  MAM.  —  Les 
descriptions  antérieures  de  ces  monnaies  sont  citées  par  M.  Svoronos. 

(2)  Benndorf.  Griech.  Vasenh.,  pi.  27. 

(3)  XI.  121-134.  -  XXIU.  2G9-270. 

(4)  M.  Svoronos  traduit  àOir)ÇT|Xo'.YOv  par  fléau,  mot  rorlainemcnt  impropre. 
Une  rame  ne  se  confond  pas  avec  un  fléau. 


244  MANTINÉE  ET   L'aRCADIE  ORIENTALE. 

souvent,  reprenant  les  choses  à  rebours.  Par  suite,  le  devin  n'a 
pu  envoyer  le  héros  que  dans  un  pays  où  Poséidon  et  lui 
étaient  réellement  installés,  mais  où  leur  association  constituait 
une  énigme  :  le  mythe,  d'abord  écho  lointain  de  la  réalité, 
en  devient,  par  la  suite,  la  justification  ou  la  glose  popu- 
laire :  c'est  aussi  le  cas  pour  la  légende  d'Énée. 

Nul  autre  peuple  que  les  Arcadiens  laboureurs,  mangeurs  de 
glands,  et  signalés  dans  Vlliade  pour  leur,  ignorance  des  choses 
de  la  mer  (1),  n'était  mieux  qualifié  pour  commettre  Terreur 
annoncée  par  Tirésias.  Comme,  en  outre,  Ulysse  se  rencontrait 
chez  eux  associé  à  Poséidon  Hippios,  il  est  permis  de  croire,  à 
première  vue,  que  le  devin  a  voulu  les  désigner.  Pourtant,  les 
anciens  tranchaient  la  question  en  faveur  des  Épirotes.  Déjà 
dans  VOdyssée  (2),  il  est  question  d'un  premier  séjour  d'Ulysse 
chez  les  Thesprotes;  c'est  une  partie  du  récit  mensonger 
que  le  héros  débite  à  Euniée.  Cet  épisode,  développé  iso- 
lément dans  un  autre  poème  appelé  la  Tliesprotis,  parut 
continuer,  sous  cette  forme  nouvelle,  YOdyssée  :  on  en  conclut  à 
un  deuxième  voyage  du  héros  en  Thesprolie,  voyage  postérieur 
au  massacre  des  prétendants,  et  que  l'on  rattacha  à  la  prédiction 
de  Tirésias.  C'est  ce  qui  résulte  du  récit  des  aventures  d'Ulysse, 
tel  que  le  présentent  les  nouveaux  fragments  d'Apollodore  (3), 
où  sont  combinées  les  données  de  VOdyssée,  de  la  Thesprotis  et 
de  la  Télégonie.  «  Ayant  sacrifié  (aussitôt  après  le  massacre  des 
prétendants)  à  Hadès,  à  Perséphone  et  à  Tirésias,  Ulysse>  tra- 
versant à  pied  l'Épire,  arrive  chez  les  Thesprotes;  il  y  accomplit 
les  sacrifices  prescrits  par  le  devin  Tirésias  et  apaise  Poséi- 
don (4).  »  Évidement,  d'après  la  Thesprotis,  Ulysse  avait  ren- 
contré son  homme  en  Épire.  C'est  dans  ce  sens  qu'ont  opiné 
les  commentateurs  anciens  :  Pausanias,  Eustathe,  Tzetzès, 
Etienne  de  Byzauce  (5)  ;  ils  reconnaissaient  dans  les  localités 

(1)  Iliad.  11,  612.  —  Eustatli.  in  h,  loc. 

(2)  Odys.  XIV,  315sqq. 

(3)  Découverts  en  1887,  à  Jérusalem,  dans  le  couvent  de  Sainte  Sabba,  par 
Papadopoulos-Kérameus  (Rhein.  Muséum.  XLVl.  1891,  p.  163  et  sulv.  -—  CC. 
ibid.,  p.  378  sqq.  Wagner.  Die  sabbaitiscàen  ApoUodor fragmente.  —  Wagner. 
Myihogr.  grœci^  t.  I,  p.  237.  —  Celte  publication,  postérieure  à  Tarticle  de 
M.  Svoronob,  en  corrige  certains  détails. 

(4)  Kaxà  xàç  TfiipEcfou  [xavxefaç  ôudiàdaç  éÇiXàffxexai  IIoŒciBwva.  I.  121*>. 
(.S)  PauFan.,  1.  12.  5.  —  Euslnth.  in  Odyxs.,  XI,  v.  122.  —  Tzelz.  in  Lycophr. 

Àlexandr.,  v.  799.  —  Et.  Byz.  s.  v.  Bouvetfxa.  Strabon  (XIV,  5,24)  n'avance 
aucun  nom. 


LA  RELIGION   M ANTINÉENNE.  245 

de  Bôuneima,  ou  Kelkéa,  ou  Trampyia,  le  culte  de  Poséidon 
fondé  par  Ulysse  (1).  D'autre  part,  la  Télégonie  d'Eugammon  de 
Cyrène,  continuateur  de  VOdyssée  (2),  présentait  une  version 
différente,'  dont  la  Chrcstomathie  de  Proclus  nous  a  conservé  le 
résumé  (3)^  Après  le  massacre  des  prétendants,  le  héros  visitait 
rÉlide,  pour  y  remonter  en  bœufs  ses  étables  (4);  puis  veuaieut 
«  les  histoires  relatives  à  Trophonios,  Agamédès  et  Augias»; 
ensuite,  de  retour  à  Ithaque^  il  accomplit  les  sacrifices  com- 
n)andés  par  Tirésias.  Après  cela,  il  se  rend  chez  les  Thesprotes, 
épouse  leur  reine  Kailidice,  et  finit  sous  la  lance  de  son  fils 
Télégonos. 

Donc,  d'après  la  Télégonie,  Ulysse  avait  dû  rencontrer  son 
homme  après  le  voyage  en  Élide  et  avant  le  retour  à  Ithaque, 
c'est-à-dire  dans  une  région  du  Péloponnèse:  or, l'Arcadie, com- 
plètement isolée  de  la  mer  (5),  est  le  seul  pays  répondant  d'une 
manière  satisfaisante  au  signalement  de  Tirésias. 

Ni  le  résumé  d'ApoUodore  ni  celui  de  Proclus  ne  font  allusion 
à  un  voyage  d'Ulysse  en  Arcadie.  Le  silence  de  la  Thesprotû;,  à 
ce  sujet,  s*explique  :  ce  poème  développait  un  épisode  parti- 
culier de  la  légende;  pour  justifier  le  second  séjour  d'Ulysse  en 
Thesprotie,  l'auteur  imaginait  que  le  héros  avait  entrepris  ce 
voyage  en  exécution  des  ordres  de  Tirésias  (6).  Quant  à  la 
Télégonie  d'Eugammon,  le  sommaire  très  sec  de  Proclus  ne  nous 
laisse  pas  deviner  s'il  y  était  réellement  question  du  voyage  en 
Arcadie.  Un  seul  détail  est  certain  :  d'après  ce  poème,  la  ren- 
contre d'Ulysse  avec  son  homme  n'avait  pas  eu  lieu  en  Thes- 
protie. La  divergence  des  poèmes  cycliques  n'a  rien  qui  doive 
surprendre;  chaque  auteur  brodait  à  sa  façon  sur  le  canevas 
légendaire.  Le  rédacteur  de  la  Télégonie  n'était  pas  tenu  à  se 
mettre  d'accord  avec  celui  de  la  Thcsprotis.  Il  est,  en  outre, 
évident  que  l'élaboration  des  légendes  n*était  pas  le  monopole 
des  poètes  de  profession.  L'imagination  populaire  travaillait  de 

(1)  Ce  culte,  s'il  a  réellement  existé  cliez  les  Thesprotes,  est  secondaire  pnr 
rapport  au  Poseidun  arcadien.  Cf.  les  offrandes  d'Oulixès  dans  le  sanctuaire  des 
Déesses  Mères  à  Engyon,  en  Sicile  (Plut.  Marcell.  20). 

(2)  Vers  la  53»  Olympiade  (568-563),  d*après  Euseb.  Praep.  rvang.^  X,  2. 

(3)  Ap.  Phat.  Bihl.  2.'ÎU  (Dindorf.  Homeri  carm.  Didol,  p.  584). 
14)  Cr.  Pausan.  VIII,  H,  6,  et  Odys.  IV.  634.  —  XXIII,  v.  354. 

(5)  Pausan.  VIII,  1.  'ApxâBeç  xà  ivToç  olxou<yiv  aTTox^Eidaevoi  OaXaddYjç 
TtavTa/cJOev. 

(6)  Odyss.  XXni,  260-270. 


246  MANTINKE   ET   i/aRCÂDIE'  ÔRtENTALE . 

son  côté,  en  dehors  des  traditions  versifiées.' Il-  ekistait'ainbi, 
.dans  les  cantons,  nombre  de  variclntés  locales, 'qui  ûe  tfouvèreûtî 
pas  leur  expression  poétique,  niais  qui,  plu^  pëut-ôtré  quelles/ 
chants  dés  aèdes,  serraient  dé  près  certaine^  réâliték' t'est  ainsi 
que  Pàusânias  relève  là  contradiction  entré  lé  fôllc-lore  marï-- 
linéeri  relatif  à   Pénélope  et  la  version  dé*  là   ï'/ieAproïw  (1).' 

Donc,  puisque  d'une  pâi*t  la  TéLégônic  place  danâ  le  Péloponnèse 
la  rencontre  d'Ulysse  avec  son  homme;  que; •d'autre 'part,* 'lès 
traditions  de  Phénéos  et  d'Àséà  nous  montirent  Ulysse  installe 
en  Arcadie,  on  est  autorisé  à  conclure  que*  lôs'Arcadiens  se' 
considéraient  comme  le  peuple  désigné  par  Tirésias.  Si<les 
commentateurs  anciens  ont  adopté  la  Version  de  la  Thesprotis; 
c'est  ()ue  la  tradition  arcadicune  n'avait  pas  trouvé  d'interprète 
poétique.  Par  suite,  identification  avec  Ulysse  du  personnage 
étrange  figuré  sur  les  monnaies  mautinéeunes  devient  accep*' 
table;  elle  est  même  la  seule  interprétation  plausible  de  ce  type 
monétaire.  Elle  précise  là  version  arcadieune  en*  localisant  sur 
le  territoire  mantinéen  l'épisode  d'Ulysse  plantant  ba  rame  dans 
le  sol  et  sacrifiant  à  Poséidon.  C'est  là  que  le  héros  rencontre  le 
paysan  capable  de  prendre  cette  rame  pour  une  pelle  à  vanner 
le  blé.  Cette  erreur  était  vraisemblable  de  la  part  d'un  peuple 
terrien,  qui  ne  connaissait  la  mer  que  soûs  l'aspect  du  bois 
Pélagos.  Une  inscription  du  L'^  siècle  après  J.-C.  nous  montre 
que,  depuis  Homère,  les  Mantinéens  ne  s'étaient  guère  fami- 
liarisés avec  la  navigation  :  ils  louent  en  termes  emphatiques 
un  de  leurs  compatriotes  d'avoir  a  /ut,  continental^  eu  le  courage 
de  traverser  deux  fois  cette  Adriatique  que  les  riverains  eux-mêmes 
appréhendent  de  traverser  une  fois  (2).  » 

Ainsi,  à  Mantinée  aussi  bien  qu'à  Phénéos  et  à  Aséa,  Ulysse 
apparaît  comme  Tassucié  de  Poséidon  Hippios.  Le  rapproche- 
ment est  confirmé  par  un  autre  détail  de  la  Télégonie.  Le  poème 
mettait  Ulysse  en  contact  avec  Agamédès  et  Trophonios,  les 
héros  minyens  introduits  dans  les  généalogies  arcadiennes,  les 
fondateurs  de  l'abaton  de  Poséidon  Hippios  à  Mantinée  et  du 
trésor  d'Augias  en  Ëlide.  Malheureusement,  le  résumé  de 
Proclus  nous  laisse  tout  ignorer  du  développement  donné  à  cet 
épisode  (3). 

(1)  Paiisan.,  VIII.  12,  3. 

(2)  ''Ov  8à  TcaoixTioi  ttXeîv  'A8p{av  xav  otTcaÇ  eùXapouvTat,  toîîtov  6 
jAsaoyaio;  xai  Ôeutsoov  7îXÊU(j[aiJ  xaT£<jpp6v'^ae.  Voy.  Appendice  (Inscr.). 

(3)  M.  Svoi'onos  en  conclut,  avec  beiiucuup  d'ingéniosUé,  qu'Ulysse  est  aUé  à 


,  ,  ;  |,A  .  RELIGION  ,  MANTINÉRffNR.  247 

,rEn- résumé)  Ulysse,;à  Mantinéev.De  paraît  pas  iodigèpe.  Sa 
présence  résulte  d'une,  réaction  du.  cycle,  phénéate  de  Poséidon 
Hippios.  Ce  dieu,  parti  de.Maotinée,  s'est  iustallé  à  Pliéuéos  et 
s'y  est  substitué  a  Ulysse,  compagi>on  d'Artéinis  Chevaline.  A 
son^tour,  Ulysse»  descendu  au  .rang  de  héros  posidonien,,  a 
reflué  sur  Mantinée  pour  prendrç  place. auprès  du  Poseidoo  cje 
TAlé^ion.'Là,  sa  légende  s'e^t  complétée  ultérieurement  à  l'aide 
d'éléments  I  vulgarisés  pan,, l'épopée  :  c'est  l'importance  .du 
Poséidon  Hippios  mantinéen.qui  a  fait  localiser,  en  .cet  endroit, 
la  rencontre  du  i  héros  avec  l'homme  désigné  par  Tirésias.  11 
s'ensuivait  qu'Ulysse  aurait  dû  être  considéré,  à  Mantinée, 
comme  un  fondateur  du  culte.  d|e  Poseidou.  Mais  leç  .origines 
lointaines  de  ce  cul  te.  n'ont  pas  permis  à  la  légende  du  héros  de 
se  développer  dans  ce  sens  :  son  association  à  Poséidon  est  ici 
plus  discrète  et  plus  secondaire  qu'à  Phénéos  et  à  Aséa.  Ici» 
c'est  le  dieu  qui.  a  porté  son  porteur  attitré.  Nous  voyons  dans 
ce  fait  une  nouvelle  preuve  de  .la  priorité  du  Poséidon  de  Man- 
tinée sur; celui  de  Phénéos.  :     • 

11  y  avait  une  autre  raison  pour  qu'Ulysse  ne  fût  pas  absent       iHytjjon, 
des  légendes  mantinéennes  :  c'est  que  Pénélope  était  installée  à       hypoaias© 
demeure  sur  ce  territoire.  En  dehors  de  l'attraction  exercée  par 
Poséidon  Hippios,  Pénélope  a,  de  sou  côté,  contribué  à  accré- 
diter Ulysse  dans  le  folk-lore  mantinéen. 

Le  tombeau  de  Pénélope  est  signalé  par  Pausanias  à  la  sortie 
de  la  ville,  sur  la  route  d'Orchomène;  c'élîjil,  dit-il,  un  tertre 
élevé.  Nous  l'avons  identifié  avec  la  colline  de  Gourtzouli  (1),  eu 


Lébadée  consulter  Trophonios  pour  savoir  où  11  Irouverait  l*homino  signalé  par 
Tirésias,  —  que  Trophonios  Ta  renvoyé  à  Mantinée.  —  que  le  ridicule  costume 
d'Ulysse  sur  la  monnaie  manUnéenne  reproduit  celui  des  consultants  de  Tro- 
phonios (Lucien.  I,  p.  140.  —  Pausan.,  IX,  .'Kl,  8),  celui  que  Trophonios  lui- 
même  portail  lorsqu'il  apparut  aux  Thébains  avant  la  balnlUede  Lruclres  (Diod., 
XV,  53.  —  Pausan.,  IV.  32,5.  —  Cic.  De  divinat.  I,  'M),  —  par  conséquent  que 
la  frappe  de  cette  monnaie  a  eu  lieu  aussitôt  apr^s  371,  lors  de  la  reconstruc- 
tion de  Mantinée,  symbolisée  par  Tautel  :  le  costume  trophonicn  d'Ulysse  serait 
une  aUusion  &  la  balaUle  de  Leuctres  et  un  symbole  de  ralliancc  arcado-lhé- 
baine.  —  Gruppe  {Griech.  myth.,  p.  78)  admet  que  la  Télégonie  faisait  con- 
sulter Trophonios  par  Ulysse  à  Lébadée. 

(1)  Voy.  p.  117,  note  2.  —  Peut-ôlre  le  sommet  de  la  colline,  aujourd'hui 
encore  couronné  d'une  chapelle,  portait-il  un  petit  sanchialre  d'ArtémIs,  omis 
par  Paus^mias.  La  butle  désignée  comme  le  tombeau  dcKallistoélait  surmontée 
d'un  hiéron  d'Arlémis  Kalllslé. 


(lAitéinis  Callist 
—  originnire 
de   Mniilinée. 


248  MANTINKK  ET   l'aRGADIE   OIUBNTALE. 

nippelant  à  ce  propos  la  butte  consacrée  à  Artémis-Kallisto 
dans  le  Ménale.  La  présence  de  Pénélope  à  Mantinée  proposait, 
aux  esprits  pénétrés  de  la  tradition  homérique,  une  énigme  de 
môme  nature  que  celle  d'Ulysse  à  Phénéos.  Elle  (ut,  en  somme, 
résolue  par  le  môme  procédé.  Il  se  forma  sur  place  une  de  ces 
légendes  explicatives  où  se  trahit  le  désir  de  concilier,  avec 
un  fait  embarrassant,  les  fantaisies  des  aèdes.  Le  Ta^oç  n7)veX($iT7,; 
représenté  un  culte  primitif  :  tel  est  le  fait  sur  lequel  s'est 
greflée  la  glose  rapportée  par  Pausanias.  Laissons  donc  celle-ci 
de  côté  pour  l'instant,  et  essayons  de  reconstituer,  en  dehors 
d'elle,  le  personnage  original  de  Pénélope.  En  Arcadie,  Pénélope 
nous  apparaît  comme  une  divinité  ou  comme  une  nymphe  de 
la  Nature,  comme  un  doublet  de  TArtémis  arcadienne  ou  de 
Kallisto.  Elle  est  localisée  à  Mantinée,  où  son  tertre  avoisine 
un  sanctuaire  démotique  d'Artémis  et  le  stade  du  coureur 
Ladas.  Elle  a  une  légende  purement  arcadienne,  qui  s'est 
développée  en  dehors  de  la  tradition  épique  et  où  s'affirme  son 
caractère  naturaliste  et  pastoral.  En  effet,  elle  constitue  une 
triade  avec  les  principales  divinités  pastorales  du  pays  : 
d'Hermès,  déguisé  en  bouc,  elle  a  engendré  Pan  (1).  Évidem- 
ment, cette  maternité  résulte  d'un  jeu  de  mots,  dont  la  forme 
Ila/eXoTraa  fourni  le  motif.  Mais,  si  cette  fable  a  pu  trouver 
crédit  en  Arcadie,  c'est  que  le  caractère  personnel  de  Pénélope 
n'y  répugnait  pas.  Pan  et  Arcas  sont  donnés,  par  les  légendes 
lycéennes  (2),  comme  jumeaux,  fils  de  Callisto.  Il  en  résulte  que 
Pénélope,  mère  de  Pan,  d'après  les  légendes  du  Cyllène,  est  une 
hypostase  d'Artémis-Kallisto.  En  cette  qualité,  sans  qu'on  soit 
en  état  de  préciser  davantage  ses  fonctions,  elle  rentre  dans  la 
catégorie  des  personnifications  agrestes  ou  pastorales,  du  geni-e 
d'Arné,d'Artémis  IIeurippa,d'Artémis  Aiginaia,d'Athéna  Hippia. 
C'est  ainsi  que  l'a  célébrée  Nonnos,  dans  ses  Dionysiaques  (3)  : 

TOV     5s    VOfiaîÇ    0'(»)V    NôjXîOV    ^tXoV,    StCTTOTE    VOtX^TjÇ 

8£p.viov  àypaOXoio  ôisçti/e   flT^veXoTrciTiç, 
7rotp.£  ."//|  lupiyY'  {-«.6{A'f)XÔTa. 
I/infatigable  fileuse  d'Ithaque  ne  semble-t-elle  pas  se  souvenir 

(1)  Hérod.  II,  î6,  145.  —  Theocr.  Syr,  1  et  Schol.VII,  100.  —  Cic.  Denat.  deor. 
III,  22,  56.—  Hygln.  Fab„  224.  —  PIul.  de  dcf.  or,,  17.—  Lucien.  Dial.  deor., 
22.  —  Servius  in  Vlrg  Jiti.,  II,  44  et  Georg  ,  I,  i6.  —  Schol  VhUc.  in  Eurip. 
nhes.,  30  {Fr  hisl.  gr.,  IV.  p.  318).  —  Cf.  Hoscher.  Die  S'igeti  von  der  Geburl 
des  Pan.  [Phiiologus,  LUI  (1P94),  p.  3<58].. 

(2)  Scliol.  in  Eurip  Rhes.,  36. 

(3)  Dionys.  XIV,  87  sqq. 


',•'..  ^A   nELIGIpN.MAriTINÉENNR:.  249 

'du  temps  OÙ,  comme  nymphe  arcadienoe,  mère  de  Pan  Nomios, 
elle  régnait  sur  les  troupeaux  de  botes  à  laine  (1)?      $ 

D'Arcadie,  Pénélope  passa  par  le  môme  clieniiu  qu*Ulysse,  dans 
la  Laconie  supérieure;  elle  s'y  combina  avec  le  culte  d*Aidos  (au- 
cienne  déesse  chthonienne,  forme  féminine  d'Haiçlcs?.)  tombée 
ensuite  au  rang  de  personnification  secondaire  de  la  Pudeur.  Les 
légendes  achéennes  Tassocièrent,  avec  Ulysse,  au  cycle  des  héros 
tyndarides,  en  particulier  à  celui  d'ikarios,  frère  de  Tyndaréos. 
L'épopée  les  unit  définitivement  et  leur  fit  de  nouvelles  destinées. 
Pausanias  recueillit,  sur  les  bords  de  TEurotas,  une  fable  où  se 
retrouvent  les  principaux  éléments  de  cette  association  (2)  : 

a  La  statue  d'Aidos  se  voit  à  trente  stades  à  peu  près  do  la  ville. 
C'est,  dit-on,  une  offrande  d'Ikarios»  consacrée  dans  les  circonstances 
suivantes  :  Lorsque  sa  fille  Pénélope  eut  épouse  Ulysse,  Ikarios  fil 
tout  ce  qu'il  put  pour  décider  son  gendre  à  s'établir  à  Lacédémone,  et 
n'ayant  pas  réussi  à  le  décider,  il  eut  recours  à  sa  fille  elle-mônie,  la 
suppliant  de  rester  avec  lui..  Quand  elle  partit  pour  Ithaque,  il  pour- 
suivit son  char  en  continuant  de  la  solliciter.  Ulysse  qui  avait  patienté 
jusque-là  finit  par  dire  à  Pénélope  ou  de  la  suivre  de  bon  cœur  ou  si 
cela  lui  convenait  mieux,  de  retourner  avec  son  père  à  L.acédéinonc. 
On  dit  qu'elle  ne  répondit  rien,  mais  qu'elle  se  couvrit  le  visage. 
Ikarios,  comprenant  qu'elle  voulait  suivre  Ulysse,  ne  s'eflorça  plus  de 
la  retenir,  et  érigea  une  statue  à  la  Pudeur,  à  fendroil  de  la  route  où 
Pénélope  s'était  couverte  de  son  voile.  » 

Par  une  coïncidence  remarquable,  le  souvenir  de  Pénélopo, 
identifié  à  Aidos,  se  trouvait  ici  localisé,  comme  à  Mantinée, 
près  d'un  sanctuaire  d'Artémis  et  près  du  tombeau  du  coureur 
Ladas.  Celui-ci,  fatigué  par  sa  victoire  aux  jeux  olympiques,  était 
mort  à  cet  endroit,  sur  la  route  conduisant  en  Arcadie  :  il 
retournait  en  son  pays,  c'est-à-dire  à  Mautiaée,  où  était  son 
stade  d'exercice.  Ce  détail  confirme  la  provenance  mantinéenne 
du  groupe  Pénélope,  Artémis,  Ladas  (3). 

(1)  Ici  encore  Tincvitable  calembour  ne  perd  pas  ses  droits.  Les  noms  de  Pan 
el  de  Pénélope,  rapprochés  de  TCYjvfov  (fil)  et  de  Xcottoç  (tissu)  ont  inspiré  anx 
philologues  anciens  et  modernes  d'ingénieuses  scholics.  (Schol.  in  lliad,,  XXIII, 
y62.  —  in  Odys.,  IV,  797.  —  Euslath.  in  Odys.,  p.  H21,  63.  —  Cf.  Curtius. 
Grundziige  d.  gr.  Etym.,  276).  —  Pénélope  voilée  dans  Odys.  1,  356. 

(2)  Paus.,  m,  20,  iO.  —  Sur  remplacement  de  la  slaluc  d'Aidos,  voy.  Loring. 
Joum.  ofhellen,  Stud.,  1895,  p.  42.—  Sur  Aidos  «  naïdè»,VVide.  iak.  culte.  p.270. 

(3)  l.e  coureur  Ladas  me  paraît  être  un  héros  artéinisien,  une  hyposlase 
mantinéenne  de  Meilanion.  Pâmant  de  TAtalanlc  arcadienne.  Or,  Alalantc  est, 
en  Arcddle,  une  forme  primitive  de  TArtémis  du  Ménale.  On  montrait  près  de 
Mélhydriun  lu  stade  d'Atalanle  (l^ausan.  VUi,  3;),  10). 


250  MANTINKE   ET!  L'ARCADIH  ORIENTALE. 

Lorsque  Pénélopft  revint  en  Arcadie  transfigurée  par  Tépopée^ 
il  fallut  trouver  un  lien  entre  sa  première  et  pa  seconde  incar-! 
nation,  entre  la  nymphe  arcadienne  restée i, sur 'place  étoile 
personnage  exotique  de  la  reine  d'Ithaque.  ,J)emême,t  Ulysse 
s'était  représenté  aux  Phénéates  aussi  méconnaissable  pour  eux 
qu'il  Tavait  été  chez  lui  pour  le  fidèle  Eumée^  De  là.  naquît,  à 
Mantinée,  une  légende  mixteioù  rhéroïnejhomérique  rentrait 
tant  bien  que  mal  —  plutôt  mal  -^  dans  son  i ancienne  peau; 
Celte  version  suit  naturellement  Tordre  inverse  de  laimarch^ 
réelle  des  choses.  Les  Mantinéens  racontaient  qu'Ulysse,  ayant 
convaincu  Pénélope  d'avoir  introduit  des  amants  dans  sa  mai- 
son, l'avait. répudiée;  elle  s'était  retirée  à  Lacédémone  et  de.  là 
à  Mantinée,  où  elle  finit  ses  jours  (1).  A  n'en  pas  douter,  cette 
explication  maladroite  et  puérile  est  l'œuvre  d'exégètes  locaux^ 
désireux  de  justifier  à  Mantinée  l'existence  d'un  îtombeau  de 
Pénélope.  Les  nouveaux  fragments  d'Apollodore  viennent  ici 
compléter  Pausanias  (2).  Après  avoir  résumé  les  données  de  la 
Thesprotis  et  de  la  Tëlégonie  (3)  sur  les  aventures  dîUlysse  après 
son  second  séjour  chez  les  Thesprotes,  Apollodore  ajoute  : 
«  Au  dire  de  quelques  uns,  Pénélope,  séduite  par^  Antinoos,  fut 
renvoyée  par  Ulysse  chez  son  père  Ikarios;  elle  se  rendit 
ensuite  à  Mantinée,  en  Arcadie  (4)  et  mit  au  monde  Pan,  des 
œuvres  d'Hermès.  D'autres  disent  qu'Ulysse  la  tua  de  sa  propre 
main,  après  qu'elle  eut  été  séduite  par  Amphinomos,  car  tel 
serait,  d'après  eux,   le  nom  du  séducteur  (5).  »  Toutes  ces 

(1)  Pausan.  Vlll.  12,  3. 

(2)  nhein.  Mus.,  XLVI  (1891),  p.  181,  10. 

(3)  D'riprôs  la  Thesprotis,  PéncIopR,  pendant  l'absence  d*Uly8se.  aviiit  mis  au 
monde  un  fils,  Pl«diporlhës,  d'>nt  tJIysse  était  père.  Cette  donné<!,  comme  le 
remarque  Pausanias,  est  en  désaccord  hvpc  la  légende  mantioéenne.  La  Télé- 
gnnie  racontait  comment  USysse  nvait  péri  par  la  main  de  Télégonos.  le  fils 
qu'îl  avait  eu  de  Circé,  et  qui,  OËdipe  d'un  autre  genre,  épousa  la  femm*: 
de  son  père. 

(4)  Le  manuscrit  porte  :  yivoiilyr^^  5e  Tf|ç  'ApxaStaç  xarà  jjLavTCiav,  t; 
*Epp.ou  TÊxeîv  llava,  \Jk  correction  xarà  MavTiveiav  s'impose.  (Voy  plus  bas 
une  confusion  analogue  entre  [lavrixTiç  et  |jLavTivix'r|ç  dans  les  textes  relatifs 
à  Diotima).  Mais,  ta  leçon  nouvelle  une  fois  adoptée  doit  se  substituer, 
non  s'ajouter,  à  la  leçon  corrigée  :  Wagner  {Rhein.  Mus.,  XV Ll,  p  415)  con- 
Unue  cependant  à  parler  de  Voracle  qui  conduit  Pénélope  à  Mantîivée, 

(5)  Une  autre  version  représente  Pénélope  comme  s'étanl  livrée  à  tous  les 
prétendants  (Traai  toîç  \l  rr^GT'f\ù(ji  )  ;  Pan  aurait  été  le  produit  collectif  de  cette 
union.  (Tzéizés  in  Lykophr.,  772.)  Nous  avons  là  une  nouvelle  glose  étymolo- 
gique des  noms  de  Pan  et  de  Pénélope,  dérivée  des  fsiblcs  relatives  h  la  séduc- 
tion. Mais  je  ne  crois  pa^  qu'elle  soit  proprement  d'origine  mantioéenne,  comme 
le  soutient  llosclier  [Philologus.  LV  (189G),  p.  6l]. 


<  •  •  tïA'  aCUG tOK   AI ANTINÉRNNH .  251. 

VèMJotis'ont'  poùf  poiûfc^dé'dépîirt'rèxîsteiîce  d*nn  culte  mari- 
tliiéeù  de'Pébélope  et' le' désir  de  concilier  ce  fait  avec  les 
dODhées  déirépopée.-'Enes'âô  sbot  formées  sur  place,  probable- 
toedt  en' dehors  de  toute' cdmpositioii  poétique.  Par  rapport  à 
Vlliadé '^l  h' V Odyssée,  elleâ  représentent 'une  conception  déca- 
dente! î ''elles''  procèdent'  'dé  'l'esprit  réaliste  des  homerici 
mtno)*^.ç  et'îlppattieiinent  à'ia'  période  de  réaction  contre  ridéîl- 
liâinë  homérit|ue.''  î^es' continuateurs  d'Homère  ont,  en'efTet, 
pris  plaisir  à  travestir  \es'  liéroë'de  Tépopée.  Chez  eux,  l'immo- 
tMië  Iriomjphe,  la»  passion  ^prédomine  sans  vergogne.  C'est 
sôits  leur' ihfluènce;'  sans -'doute  au  Vl»  siècle,  que  la  chaste 
Pénélope  s'est  •  transformée  en  (une  Clytemncstre  encore  plus 
éhodtéei'Cel  indice  nous  prouve  aussi  la  priorité  de  la  légende 
laconienne  citée  plus  haut  :  l'héroïne  y  conserve  le  caractère  de 
dignité 'et  de  pureté  popularisé  par  l'épopée  primitive.  En 
altérant  "grossièrement  ces  traits,  la  légende  mantinéenne 
ti^ahit  une  époque  plus  basse  et  marque  le  terme  extrême  do  la 
carrière  de  Pénélope.-—  En  somme,  le  couple  mantinéen  Ulysse  ~ 
Pénélope  répond  au  couple  phénéate  Ulysse  (Poséidon  Hippios) 
i=  Artémis  Chevaline.  Pénélope  s'associe  au  héros  Posidonieu 
comme  hypostase  de  la  déesse  de  la  Nature.  Leur  groupement 
unit  le  dieu  de  TAlésion  à  la  déesse  du  Ménale. 

Aux  divinités  de  Peau  et  de  la  terre,  au  couple  Poséidon  = 
Démêler  sadjoint,  et  s'oppose  souvent^  Tclémeut  solaire  :  à 
Delphes,  Apollon  s'ajoute  à  Poséidon  =  Gè-Thémis;  de  même  à 
Onchestos,  puis  à  Thelpousa,  où  Apollon  Onkeiatèsse  combine 
avec  Poséidon  =  Érinys-Déméter.  A  Manlinée,  ce  troisième 
éliment  intervient  aussi,  approprié  aux  conditions  locales  du 
climat,  sous  le  nom  de  Maira.  Comme  agent  de  la  lumière  et  de 
la  chaleur,  il  complète  racliou  fécondante  de  l'eau  sur  le  sol; 
comme  agent  de  sécheresse,  il  assainit  les  plaines  inondées  ou 
les  stérilise.  De  toute  façon,  il  ne  peut  se  séparer  des  autres 
principes  qu'il  secondeou  qu'il  annihile.  Le  pays  ne  subsiste  que 
par  l'harmonie  de  ces  forces  équilibrées;  mais  cet  équilibre 
idéal  est,  la  plupart  du  temps,  précaire.  Les  habitants  d'une 
plaine  à  katavothres  sont  exposés  à  passer  de  l'extrême 
sécheresse  à  l'extrême  humidité  :  ils  invoquent  l'une  comme 
remède  à  l'autre,  espérant  un  bien  dans  ces  contraires  et  n'y 
trouvant  qu'un  mal.  Ils  assistent  à  leur  conflit,  subissent  leurs 
triomphes  alleruatifs,  mais  jouissent j*arcmont  de  leur  accord  : 
aussi  les  conçoivent-ils  comme  toujours  en  duel. 


252  MAiNTlNKE   ET   L'ARCADIE  ORIENTALE. 

C'est  à  la  lisière  de  la  plaine,  au  pied  de  la  bordure  mon- 
tagneuse, (\\iG  les  deux  puissances  se  neutralisent.  Il  y  a  là 
une  zone  intermédiaire,  qui  n'est  déjà  plus  le  bas-fond  détrempé 
et  nVst  pas  encore  la  roche.  C'est  le  lieu  d'élection  de  là 
sécheresse  productive  et  salubre;  Il  échappe  à  Poseidod,  sans 
échapper  à  Démêler.  Il  contraste  avec  le  marécage,  surtout 
aux  abords  de  la  Plaine  Inculte  (Argon  Pédion),  Au  milieu, 
celle-ci  présente  le  spectacle  le  plus  attristant.  Poséidon  Hippios 
s'y  déchaîne  ;  Déméter  s'y  désole  dans  la  stérilité/  auprès  d'un 
katavothre  impuissant,  sans  que  la  fête  annuelle,  célébrée  dans 
son  sanctuaire,  au  pied  de  l'Acropole  de  Nestané,  réussisse 
à  réveiller  son  inertie.  Mais  Poséidon  perd  ses  droits  dès. les 
premières  pentes  de  l'Alésion.  Aussi,  ce  domaine  privilégié  de 
la  sécheresse  féconde,  région  neutre,  entre  les  bas-fonds  sub- 
mergés et  la  roche  abrupte,  est-il  placé  sous  la  protection  d'une 
divinité  spéciale,  Maira.  C'est  là  qu'elle  s'ébat  comme  en  un 
champ  de  danse  (yo^hç  Maipaç)  (1). 

Maira  est  une  héroïne  arcadienne,  sœur  de  Maia,  la  nymphe 
du  Cyllène,  et,  comme  elle,  fille  d'Atlas,  le  plus  ancien  roi 
d'Arcadie  (2).  Atlas,  porteur  du  ciel  (3),  personuifle  le  haut 
massif  arcadien  et  ses  soumets  les  plus  élevés,  colonnes  de  la 
voûte  céleste.  Lui-même  est  devenu  une  hypostase  du  ciel 
lumineux,  de  Zeus  ou  d'Hélios  (4).  Sa  tille  Maira  occupe,  au 
ciel,  la  place  de  la  Canicule  ou  de  Sirius.  Elle  personnifie  donc 
la  chaleur  extrême  de  l'été  et  la  saison  la  plus  sèche.  Ennemie 
de  l'eau,  elle  siège  aux  endroits  où  sa  présence  s'impose  pour 
assainir  le  sol  détrempé.  Trôoant  à  mi-côte  sur  les  versants 
cultivables,  elle  surveille  les  plaines  marécageuses.  Son  regard 


(1)  Sur  ce  Ueu-dil,  voy.  p.  93.  —  Ce  qui  suit  confirme  remplacement  que 
nous  lui  aUribuons,  conirairpment  à  l'opinion  de  CurUus.  C'est  une  porUon, 
mais  plutôt  desséchée,  de  TArgon  Pédion. 

(2)  Apollod.,  III.  10,  1.  —  Denys  d'IIal.,  1,  6i. 

(3)  De  TXa,  supporter.  CI.  le  nom  de  TàXcTOv  donné  au  sommet  du  TaygMe 
(Pausan.,  III,  20,  4).  Le  môme  radical  se  retrouve  dans  Tantalos,  héros  pélo- 
ponnésien  (Wlde.  Lak.  KuUe^  p.  tS),  dans  Talaos,  héros  argien,  et  dans  le 
géant  Cretois  Talos,  idenUfié  au  Taurus. 

(4)  Hésych  :  TàXa)ç'Ô7)Xioç.  Cf.  Zeus  TaléUlas  (Fourart.  Inscr,  du  Pélop., 
p.  1U).  Talliiios  (G.  1.  0.  2254.  -  Cauer.  DeL  inscr  diaL,  II,  120, 12t),  quHI 
faut  peut-être  rapprocher  du  Zeus  Télesios  de  Tégée  (Pausan.,  VIII,  48,  6)  :  à 
côté  du  monument  de  Zeus  Télesios,  sur  Tagora  de  Tégée,  Pausanias  signale  le 
tombeau  de  Maira,  fille  d'Atlas,  épouse  de  Tégéatès. 


<;  LA   RELIGION   MANTINÉENNE.  2.*33 

dévoraut  embrase  le  domaine  de  Poséidon.  C'est  ainsi  qu'elle 
s'installe  sur  le  revers  de  l'Alésion  aux  confins  de  la  Plaine 
inculte  et  sur  une  terrasse  de  l'Anchisia,  à  la  lisière  de  la 
grande  plaine,  dans  une  bourgade  qui  portait  son  nom  (1). 

Les  Tégôates  symbolisaient  le  conQit  de  ces  deux  éléments,  Maira 
Taride  et  l'humide,  parle  mythe  des  deux  frères  ennemis,  fils 'i'«"'y"^«^<'?^'«'' 
de  Maira  (2)  :  Skdphros,  c*esl-à  dire  VJH.scarpemcnt  desséché  ^^^^^^J^*^' 
(Cf.  scaher-  Sxap(p6(a),etLctmon  ou  la  Prairie  humide.  Leimon  lue 
son  frère,  ami  d'Apollon,  et  périt  lui-môme  sous  les  flèches 
d'Artémis.  Dans  cette  fable,  Leimon  représente  évidemment 
une  hypostase  de  Poséidon  Hîppios,  Sképhros  une  hypostase 
d'Apollon.  Maira,  leur  mère  à  tous  deux,  sert  de  Irait  d'union 
entre  ces  deux  éléments  irréductibles.  En  effet,  Maira  repré- 
sente la  sécheresse  bienfaisante,  amie  de  la  culture.  Elle  favo- 
rise la  conquête  des  champs  cultivables  sur  le  marais.  Elle  ne 
s'isole  donc  pas  sur  les  roches  improductives,  apanage  de 
Sképhros.  Mais,  régnant  sur  les  terres  exhaussées  qui  relient 
la  base  des  monts  aux  fonds  marécageux,  elle  aspire  à  étendre 
son  domaine  aux  dépens  de  la  plaine  humide.  Son  action  subit 
des  alternatives  de  succès  et  de  revers.  Tiindîs  que  sou  auto- 
rité sur  Sképhros  est  entière,  Leimon  se  montre  un  fils  incons- 
tant et  rebelle,  subissant  parfois  l'influence  de  sa  mère,  mais 
plus  souvent  acquis  à  l'ennemi  Poséidon.  Quand  il  tue  Sképhros, 
comprenez  que  le  marais  a  tout  noyé  et  bloque  jusqu'aux  rochers, 
comme  cela  arrive  souvent  dans  la  Korylhéis  et  au  lac  d«  Taka. 
Quand  lui-môme  meurt  sous  les  flèches  d'Artcmis,  concluez  à 
un  retour  offensif  du  soleil  et  à  un  recul  de  l'élément  humide, 
car  ici  Artémis  intervient  comme  auxiliaire  d'Apollon.  Ainsi, 

(1)  Polygnole  Tavail  représentée,  dans  la  Lesclié  de  Delphes,  assise  sur  un 
rocher  (Pausan.,  X,  30^  5).  —  Peut-être,  à  l'origine  élait-elle  adorée  sous  la 
forme  du  chien,  l*anlmal  que  la  saison  brûlante  exaspère  et  rend  hydrophobe  : 
en  Altique,  Maira  est  le  chien  d'Érigoné.  En  Argolldo,  elle  est  fille  de  l'rœlos, 
père  des  vierges  égarées  dont  la  rage  est  contagieuse  (Phcrecyd.  in  Odys.,  XI, 
326.  —  Eusiath.  in  llomer.,  p.  1688,  62.  •— Hesych..  5.  v.).  La  légende  attique 
conflrme  notre  interprétation  :  Maira  est  le  chien  d'RrIgonc,  flile  dMkarios,  le 
premier  mortel  à  qui  Dionysos  ait  octroyé  le  vin.  Elle  conduit  sa  maîtresse  à 
rendroit  où  le  vin  nouveau  a  déjà  répandu  sa  démence.  Érigoné,  afîolée  à  son 
tour,  se  pend.  On  célèbre  en  son  honneur  une  fête  lors  des  vendanges.  Maira, 
associée  à  Iliarios  et  à  Érigoné,  personnincation  du  l\uisin  et  de  rivresse, 
symbolise  la  chaleur  propice  à  la  vigne,  plante  amie  des  terres  sèchps,  et 
en  même  temps  signifie  que  l'Ivresse  engendre  la  mémo  rage  que  la  Canicule. 

(2)  Pausan.,  VIII,  48,  4. 


254  MANTINISE  ET  '  L'ARGADIB:  ORIENTALE . 

dans  icellelégedde  tégéate,  Mairai apparaît  nettement  coiD^ie 
une)  divinité  solaire  iodigèoe  ^^acée;'pa^'>lesi^Lét.()ïdè8^  puig 
reléguée' au' rang  des  6toiles(l).  »»/  •■./i;  toi  ••/  .-.i  shf:  i/. 
'^  r^es  Tégéates  et  les  MànlinéenSî'au/dire  derPausanias;' se 
disputaient' son  tombeau(2)i  Lenom  de'  Mairai!rdonné\à  un 
bourg  de  la  Mantinir^ue  (3)  et  celui  du>'XopôciN(a':pa<ii;indiquent 
que  Maira-  était  chez  elle  a  ManlinéeJ.  DeHlà;.ielle'  .passa' en 
T^géatide,<où  les  conditions  îdeniiqueS' du  sôlijuâtinalent  sa 
préscilcei  Elle  y  devint  mère  des  ;héros'. locaux j;Sképhrosie^ 
Leinion,  puis  fut  absorbée  par  eux  -dans  > le  culte  apollinienl 
Comme  protectrice  du  territoire  tégéate,'  ellea  prife  placfe  aux 
côtés  de  réponyme  de  la  ville,  Tégéatès.;  Mais,  ce  mariage 
officiel  atteste  sa  déchéance,  car  Tégéalès  n'estiqu-une  abstraC^ 
lion.  Dans  ce  rôle  tutélaire,  Maira  s'est  encore  laissé' dépasser 
par  Athéna  Aléa,  dont  le  nom,  interprété  à  laifois  dans  le  sens 
dé  Cluileur  et  d^Àsile^  était  un  titre  suffisant  pour  déposséder 
sa  rivale.   •  ...  ,..;;  ,  .,.•    ..  i  >^   ..,  ,,i  ,,-  ..■  ; 

)<ici  d'Ar^rthoos      Au  mythe  tégéate  de  Sképhros  et  de  Leimon  équivaut  la 

le  Koiynèie     légcode  mautinécnne  du   duel  d'Aréïthoos  le  Korynète.  etide 

',êros,K.sHionien)  Lycurguc,  Toi  do  Tégéc  et  fils  d'Aléos.  Cette  légende  était  pré- 

Acxufiue  çjg^j^PQ^  localisée  dans  le  district  voisin  de  la  Source  Arué  et 

du  Poseidion  :  c'est  dans  le  défilé  situé  à  l'extrémité  de  TArgon 

Pédion  et  du  bois  Pélagos  que  doit  être  cherché,   comme. on 

l'a  vu  plus  haut,  le  tombeau  du  Korynète,  signalé  par  Pau- 

sanias  (4). 

Cette  légende  nous  est  seulement  connue  sous  la  forme  de 
récit  guerrier  que  lui  a  donnée  l'épopée.  Nestor  raconte  un 

(1)  Celle  interpréta  lion  du  mylhe  de  Slcéphros  et  de  Leimon  renforce  celle 
qu'a  proposée  Ou rtius  {Pelop.,  I,  p.  253). 

(2)  Pausan.,  VIll,  12,  4. 

(3)  Ce  nom  élonne  Pansnnias,  qui  forge  à  ce  propos  une  légende  toute  de 
son  invention.  A  mon  sens,  il  y  a  dnns  sa  phrase  :  cl  Sy)  èvTaûOa,  xqlX  (JLT) 
iv  TYi  TsysaTiov  eTXcpYj,  une  première  supposition  :  à  savoir  que  le  nom  de 
Maira,  donné  au  village,  indiquait  que  l*bérofne  y  était  enlerrée.  Était-ce  là 
une  tradition  locale?  l\  est  permis  d*en  douter.  Les  Tégéates  montraient  le 
tombeau  de  Maira  sur  leur  place  publique.  Ce  souvenir  a  suggéré  à  Pausanias 
l'idée  d'une  prélenliou  rivale  chez  les  Mantm^ens,  mais  il  ne  dit  pns  expres- 
sément qu'on  lui  ail  signalé  à  Maira  une  sépulti>re  de  lu  demi-déesse.  Obsédé 
par  (-elle  idée  d'un  tombeau  imaginaire,  11  invente  une  autre  ÛUe  d'Atlas, 
soi-disant  enlerrée  là. 

(4)  Pausan.,  VIH.  il,  3.  -  Voy.  sur  ce  tombeau  et  sur  le  (jTeivwTc^  68ôç, 
p.  108-110,  et  la  carte  de  la  Mantinique. 


r héros    yolnire). 


•    '  LA  RELIGION   MANTINÉENNE.  2515 

exploit  de  sa  jeunesse '(l).C*était  sur  les  bords  du  Jnrdanos^ 
autour  de  Phéia,  pendant  une  bataille  entre  les  Pyliens  el.  les 
Arcadiens.  Nestor  avait  tué  le  géant  arcadien»  Éreuthalion» 
revêtu*  de  > l'armure  id'Aréîthoos  le  Korynèle  ou  P Homme  à' la 
massue.  Éreuthalion  Tavait  reçue  de  son  maître,  le  roi  Lycurgue, 
qui' en  avait  dépouillé  leKorynète  après  Tavoir  tué  en'combat 
singulier.  Le  surnom ' de  Korynète  venait  de  ce  qu'Areithoos  se 
servait^  au  lieu'de  lance,  d'une'  massue  de  fer.  Lycurgue  l'avait 
percé  de  sa  lance  en^le  surprenant  dans  un  chemin  étroit  où  le 
Korynète  n'avait  pu  déployer  son  arme.  —  Un  aulre  passage 
de  l'i/tadc  (2),'  noué  apprend  que  le  Korynète  habitait  Arné, 
et  nous  savons  par  Pausanias  qu'il  était  enterré  près  de  Mau- 
tinée.  C'est  donc  là  qu'on  plaçait  la  rencontre. 

Certains  scholiastes  ont,  avec  raison,  identifié  la  pairie  du 
Korynète  avec  Arné  de  Béotie;  pour  expliquer  son  duel  avec 
un  roi  d'Arcadie,  ils  invoquent  ce  témoignage  de  Phérécyde  (3)  : 
les  Béotiens  et  les  Arcadiens  se  disputaient  au  sujet  de  leurs 
frontières;' Aréïthoos  envahit  l'Arcadie  à  la  tête  d'une  troupe 
et  finit  dans  l'embuscade  où  l'attendait  Lycurgue  (4). 

Dès  qu'on  se  rappelle  les  attaches  mythologiques  de  la  Béolie 
et  de  l'Arcadie,  les  difficultés  cessent  et  le  mythe  devient 
transparent.  Aréïthoos  le  Korynète  est  elTeclivemeot  venu  de 
béotie  à  Mantinée  avec  le  Poséidon  miuyen  et  la  nymphe  Arné. 
Son  caractère  posidonien  éclate.  Son  nom  ressemble  à  celui  du 
cheval  Areion,  fils  de  Poséidon  et  de  Déméter-Érinys  à  Thelpousa. 
Son  armure  passe  à  Éreuthalion  (5),  fils  d'Hippomédon  ou  de 
Xanthippos,  puis  à  Nestor,  le  cavalier  de  Gérénia.  Aréïthoos 
appartient  donc  à  la  lignée  des  héros  issus  de  Poséidon 
Hippios,    tels   que    THippoménès    d'Onchestos    et    d'Athènes 

(1)  Iliad.,  VII,  134-156.  Cf.  un  ricil  du  combat  de  Nestor,  d'après  AriaiUios 
de  Tégée  daos  les  Schol.  YeneU  Iliad.  8'  319.  {Fr.  hist.  graec,  IV.  p.  318). 

(2)  Iliad.,  IV.  8. 

(3)  Pherccyd.  ap.  Schol.  in  Iliad.,  VII,  9  (fr.  87.  Fr.  hist.  ffiaec.,  I,  p.  i)2). 

(4)  Wentzel  soutient  au  contraire  que  TArné  dési(;nce  par  Homère  n'est 
pas  celle  de  BéoUe,  mais  celle  de  Mantinée  {Jahrb.  f.  kl.  Philol.,  1891,  p.  385). 
—  Cependant  les  termes  d'Homère  indiquent  clnircmenl  une  ville,  non  une 
source. 

(5)  Iliad.,  IV,  319.  -  VII,  134.  -  D'après  le  scholiaslc  d'Apollonius  de 
lUiodes,  Éreuthalion  s'identHhTait  avec  Aréïthoos  lui-même  :  la  victime  de 
Lycurgue  serait  Éreuthnlion.  Mais  celle  version  résulte  d'une  conTusion  entre 
le  combat  de  Nestor  et  celui  de  Lycurgue.  (Schol.  Apol.  lUiod.,  I,  lOi.  — 
Fr.  hist.  gr.,  IV,  p.  3:I6.) 


256  MANTINÉE   KT   l'aRCADIE  ORIENTALE. 

et  l'Hippothoos  téfçéate.  Mais  il  n'est  pas  lui-même  un  héros  cava- 
lier. 11  personnifie  Télément  posidonien  sous  Taspecl  silvèstre. 
Son  attribut  favori,  In  massue  noueuse  (xo(>uvir))syniboliseici  le  bois 
tout  entier  (1).  De  même  que  le  cheval  est  un  don  et  un  symbole 
de  la  puissance  posidonienne,  de  même  l'arbre,  dont  Teau  ali- 
mente la  vie.  Le  Poséidon  mantinéen,  pasteur  de  chevaux,  est 
aussi  un  dieu  silvestre(2).  Son  abaton  s'abrite  sous  le  mystère 
des  grands  chênes  ;  leurs  troncs  ont  fourni  les  matériaux  de  son 
temple  primitif  à  Agamédès  et  à  Trophonios.  Sous  cette  nappe 
de  verdure,  dont  la  couleur  et  le  bruissement  donne  Tillusion 
(le  la  mer  à  ceux  qui  la  contemplent  des  hauteurs,  Poséidon 
habite  comme  en  son  domaine  familier  :  c'est  sa  mer  à  lui. 
Ainsi,  Aréîthoos  le  Korynète  apparaît  comme  la  personnifica* 
tion  locale  du  bois  Pélagos,  don  de  la  terre  humide.  Il  est  le 
congénère  du  Leimon  tégéate,  qui  représente  la  Prairie  fleurie. 
Ce  même  concept,  la  végétation  considérée  comme  un  produit 
de  l'union  de  la  terre  et  de  l'eau,  c'est-à-dire  du  couple  Poséi- 
don Hippios=  Déméter,  se  manifeste  en  chacun  d'eux  sous  un 
aspect  approprié  à  la  nature  locale 

Dans  l'adversaire  du  Korynète,  atteudons-nous  donc  à  retrouver 
un  personnage  solaire.  De  fait,  la  parenté  de  tous  les  Lycurgues 
légendaires  avec  les  dieux  de  la  lumière  est  depuis  longtemps 
proclamée  (3).  Le  Lycurgue  tégéate  a  de  qui  tenir  :  il  s'afliiie 
à  Zeus  Lykaios-Lycaon,  dont  il  est  une  hypostase  pour  les 
Êléens  comme  pour  les  Arcadiens  (4),  à  Athéna  Aléa  par  son 
frère  Aléos  et  par  sa  sœur  Auge,  prêtresse  d'Aléa.  Son  duel 
avec  Aréîthoos  a  le  même  sens  que  la  lutte  de  Sképhros  et  de 
Leimon.  Qu'est-ce  que  le  Korynète  serré  par  Lycurgue  dans  un 
défilé  où  il  ne  peut  déployer  sa  massue,  sinon  l'image  épique 
du  bois  Pélagos,  de  plus  en  plus  réduit  par  le  rapprochement 

(1  )  Dans  VIlickdet  la  massue  du  Korynète  est  en  fer.  Le  choix  de  cette  ma- 
tière s'expliqtie  par  la  Iransform-ition  du  folklore  local  en  récit  épique.  Le 
poète,  en  faisant  du  Korynète,  dieu  agreste,  un  héros  de  combat,  devait  lui 
meltre  entre  les  mains  une  arme  de  guerre  à  la  (ois  eflicace  et  noble.  Le  vul- 
gaire bftton  noueux,  terminé  par  une  masse  de  fer,  devenait  une  arme  rare 
et  originale.  La  m;issue  d'Iiercule  a  conservé  sa  forme  rustique,  parce  que 
son  origine  silvestre  nippelalt  ses  luttes  avec  les  fauves  des  bois.  ~  Cf.  les 
paysans  Korynéphores  de  Sicyone(Théop.  fr.  195;  PoUux.  IIL 83.  —  Et.  Uyz. 
s.  V.  Xfoç. 

(t\  Cf.  Poséidon  cpurâXaioç,  Dionysos  AevopiTTiç  (Plut    Symp.  5). 

(3)  Voy.  liosclier.  ihjth.  Lexic.  Arlicle  Lykurgos. 

(4)  WilamowilzMœllendorf.  Uom,  Untersuch.,  p.  285.  C'est  par  l'intermé- 
diaire de  Tcgée  que  le  mythe  du  duel  avec  Aréîthoos  a  passé  en  Triphylie. 


LA   RELIGION   MANTINÉENNE.  257 

des  terres  arides  et  des  promontoires  rocheux  ?  La  lance  du 
héros  tégéate  joue,  à  son  égard,  le  même  rôle  que  les  flèches 
d'Arlérais  sur  Leimon  ;  c'est  le  rayon  solaire  vainqueur  de 
l'élément  humide. 

Aréithoos  est  un  héros  béotien  d*Arné,  localisé  à  Mantinée, 
près  de  la  source  du  môme  nom.  Son  adversaire  est  de  race 
apheidaute,  c'est-à-dire  Achéen.  Leur  duel  symbolise-t-il  l'anta- 
gonisme de  deux  races?  La  phrase  de  Phérécyde  autoriserait 
cette  hypothèse,  dont  nous  avons  signalé  déjà  la  vraisem- 
blance (1).  On  aurait  tort,  en  efiet,  de  dénier  à  la  mythologie 
toute  valeur  historique.  Les  dieux,  en  tant  que  concepts  natura- 
listes, sont  nés  sur  un  sol  et  dans  un  milieu  déterminés;  ils  ont 
une  patrie  et  une  nationalité.  Leurs  voyages  décèlent  souvent 
des  migrations  réelles.  De  plus,  la  préhistoire  tend  à  se  trans- 
poser en  langage  mythologique.  Les  peuples  primitifs  identifient 
les  choses  humaines  à  celles  de  la  nature;  riinagination  popu- 
laire simplifle  son  travail  en  confondant  Thistoire  des  hommes 
avec  celle  des  éléments;  elle  applique  aux  conflits  humains 
l'explication  qu'elle  a  trouvée  pour  les  conflits  naturels.  Les 
personnifications  des  forces  cosmiques  s'adaptent  ainsi  au  rôle 
d'acteurs  dans  le  drame  humain;  elles  ûnissciit  par  incarner  les 
passions  et  les  intérêts  des  sociétés.  Les  héros  de  la  nature, 
métamorphosés  en  chefs  d'États,  deviennent  alors  des  person- 
nalités pseudo-historiques.  C'est  pourquoi  certains  mythes  com- 
portent deux  explications  également  valables,  l'une  naturaliste, 
l'autre  humaine  et  quasi-historique. 

Le  duel  d'Aréïthoos  et  de  Lycurgue,  originairement  symbole 
d'une  antinomie  naturelle,  celle  de  l'élément  posidonieu  et  de 
l'élément  solaire,  a  fini,  sous  la  forme  guerrière  où  1  épopée 
l'avait  fixé,  par  symboliser  l'éternel  conflit  entre  Mantinée  et 
Tégée  sur  la  question  des  eaux.  Aréithoos  est  le  champion 
de  Mantinée,  Lycurgue  celui  de  Tégée  :  la  victoire  du  Tégéate 
est  un  dénouement  conforme  aux  conditions  naturelles,  qui 
assurent  l'avantage  à  Tégée. 

Un  autre  exemple  d'une  semblable  adaptation  se  retrouve     Légende  du 

sacrilègo 
d'^^pytos  II. 

(1)  Voy.  p.  218.  Les  sclioliasles  expliquent  dans  les  mûmes  termes  le  duel 
Nestor-bircuthalion.  Un  conflit  cnlrc  les  Arcadiens  et  les  l^viiens,  au  VIII*  ou 
au  VU*  8.  (Stiab.  VllI,  3,  l!2!),  sur  une  question  de  fronliùres,  est  plus  vraisem- 
blable qu'entre  ivs  Uéuliens  et  it'S  Arcadiens^  même  en  leiuint  compte  de  i'Iuter- 
pi'élution  donnée  p.  21b.  Le  scboliusle,  en  citant  IMiércc^de,  a  pu  attribuer  len 
causes  du  combat  entre  Nestor  et  Kreuthalion  au  duel  Aréithoos- Lycurgue. 

Mantinée.  -     18. 


258 


MANTINEE  ET  L  AHGADIE  ORIENTALE. 


dans  la  légende  d'^Epytos  II  violant  Tabaton  de  Poséidon 
Hippios.  iEpytos  II  personoifieà  la  fois  un  élément  naturaliste  et 
une  race  :  il  est  la  montagne  escarpée,  opo<;  aliru,  c'est-à-dire  le 
Cyllène  où  repose  son  ancêtre  (1).  Son  nom  le  présente  donc 
comme  un  équivalent  de  Sképhros,  comme  l'élément  hostile  à 
l'eau;  le  tombeau  de  son  ancêtre,  comme  un  représentant  des 
/Epytides  du  Cyllène,  lesquels  s'installèrent  à  Tégéeoù  l'ancêtre 
yEpytos  avait  sa  statue  sur  l'Agora  (2).  Son  père,  Hippothoos, 
avait  régné  à  Tégée,  mais  il  dut  transférer  sa  capitale  à  Trapé- 
zous,  juste  au  moment  où  l'Argien  Oreste  occupait  TArcadie  (3). 
Que  son  successeur  ait  tenté  de  reprendre  une  partie  du  domaine 
perdu  en  attaquant  Mantinée,  qu'il  ait  échoué  devant  les  secours 
venus  d'Argos,  rien  de  plus  plausible.  La  traduction  mytholo- 
gique de  ces  faits  s'est  inspirée  du  mythe  de  la  lutte  entre  Télé- 
ment  solaire  et  l'élément  posidonien  ;  iEpytos  est  une  réminis- 
cence de  Sképhros  et  de  Lycurgue.  En  regard  du  thème  his- 
torique, on  peut  placer  la  transposition  mythique  : 


Histoire 

1°  Les  maîtres  du  Cyllène  occu- 
pent Tégée. 

2'»  Ils  refluent  sur  TArcadie  occi- 
dentale 

3**  devant  une  invasion  argienne. 

4'  Ils  tentent  un  retour  oITensif 
sur  Mantinée. 


5'  Ils  échouent 


6°  devant   des    renforts    venus 
d'Argos. 


Mythologie 

1*  Statue  d'iEpytos- Hermès  à 
Tégée. 

2»  Hippothoos,  roi  de  Tégée,  émi- 
gré à  Trapézous. 

3®  Oreste  conquiert  l'Arcadie. 

4»  vËpytosII  [V Escarpé j  réminis- 
cence de  Sképhros]  viole  Ta- 
baton  de  Poséidon  Hippios 
[réminiscence  du  stratagème 
de  Lycurgue  contre  Arei- 
tboos]  (4). 

5»  -^pytos  II  est  aveiiglèy  [donc, 
il  personnifiait,  comme  Ské- 
phros-Apollon,  l'élément  so- 
laire; 11  esta  la  fois  VEscaiyé 
et  le  LumineuXy  c'est-à-dire 
Sképhros  et  Lycurgue.  Mais 
le  dieu  ehlhbnien  l'emporte 
sur  lui]  *'     '      '     ''.,', 

6^  par  un  jet  d'eau  salée  [voy. 
.   p.  237].    .  .  .    .  .:        .   ...    - 


(!)  liiad,,  H,  003. 

(2)  Pflusan.,  VIII,  47,  3.  ''[      '      ;' 

(3)  Pausan.,  VIII.  5,  4.  —Voy!  p.  217-218.  .  ,  ,.  ^[.   '][ 

(4)  Lycurguf,  dans  la  généalogie  arcadiennc,  csl  plus  ancien  qu'iEpytos  11. 


Lk   RËUGION   MÂNTINKENNE.  259 

Cette  fois,  la  lutte  des  deux  principes  se  termine  par  la  défaite 
de  rélément  solaire.  Poséidon  Hippios,  c*est  à-dire  Mantinée, 
par  la  punition  d'iËpytos  II,  a  pris  sa  revanche  du  meurtre 
d'Arélthoos,  c'est-à-dire  a  triomphé  de  Téjçée. 

Les  Arcadiens  célébraient,  en  souvenir  du  combat  de  Lycur-  u  fête  des 
gue  et  d'Aréïthoos,  une  fête  appelée  (i.(oXe(a,  de  [xioXoç,  combat  (1).  (xcoXeia. 
Il  est  probable  que  cette  fête  se  célébrait  à  Mantinée,  aux 
environs  du  tombeau  d'Aréllhoos.  Celui-ci,  à  Torlgine  héros 
posidooieu»  s'était  métamorphosé  en  héros  guerrier  :  son  nom 
semblait  contenir  celui  d'Ares;  sa  massue  de  dieu  silvestre  était 
devenue  une  arme  oflensive.  L'épopée  avait  achevé  sa  trans- 
formation en  fixant  à  jamais  sa  légende  sous  la  forme  d'un  récit 
de  bataille.  Les  termes  même  de  Vlliadct  où  l'expression  (xcoXoç 
"'ApTjoç  parait  dans  ce  récit  (2),  ont  pu  contribuer  à  préciser  le 
caractère  de  la  fête  et  à  lui  donner  une  allure  toute  militaire  (3). 
Peut-être  même  le  souvenir  de  quelque  combat  réel,  livré  à 
cet  endroit  entre  les  Tégéates  et  les  Mantinéens,  est-il  aussi 
intervenu  dans  le  même  sens.  Mais,  à  Torigine,  il  ne  s'agissait 
que  d'une  fête  rurale,  symbolisant  la  dispute  des  éléments 
naturels  et  le  travail  pénible  ({jlwXoç)  imposé  à  Thomme  pour 
gagner  à  la  culture  un  sol  ingrat.  Elle  étnit  localisée  en  un 
point  où  la  plaine  est  rétrécie  et  comme  étranglée  par  les 
montagnes.  En  ce  sens,  plusieurs  cantons  arcadiens  pouvaient 
célébrer  cette  fête,  car  il  n'y  avait  pas  de  plaine  fermée  où  Ton 
ne  put  dire  : 

C'est  ici  le  combat  du  Sec  et  de  ïlluviide  (4). 

(1)  Schol.  Ap.  Rhod.  I,  1G4  :  aysTai  MoiXcia  60pTY|  TTxçà  'A&xiTiv,  eTteiSir) 
Auxoupyoç  Xov'^caç .  xaxà  p.a/7|v  eiXev  'liîpEuOaXuova  (lisez  'ApTjiOoov)* 
fJLùjXoç  Se  y\  [t-OL/'fi. 

(2)  Iliad.f  vil,  140.  Lycnrgue  dépouille  Aréïllioos,  donl  il  porle  ensuite 
Tarmure  dans  les  combils. 

,,,        ,     Ttô'/ta,  S'Içevapi^E,   xa  ol  Tcopc  /dcXxeoç   "ApY|Ç, 
,.,'        xal.xà  [JL6V  aÙToç  eTceiTa  ^(Jpei  p-exà  itioXov   "ApY|Oç. 

(3)  lOn  pourrait  m Uacher  à  ceUe  (6lc  led  IradiUons  relntives  à  la  danse 
armée,  dont  il  sera  question  plus  loin.  Gruppe  (^'/7cr7/.  myihol.  I,  p.  \\^) 
soutient  que  cette  danse,  inventée  par  Saon,  faisait  partie  du  culte  manllnéen 
de'  Poséidon  Àlésios  (?),  parce  que  les  Saiiens  dansaient  en  Thonncur  d'Alésos, 
fils  de  Poséidon  (Interp.  Serv.  Virg.  jEn,  VIII,   285).  Voy.  plus  loin,  p.  2GÎ>. 

(4)  Le  texte  vrai  du  vers  de  V.  Hugo  : 

C'est  ici  le  combat  du  Jour  et  de  la  Nuit, 

traduirait  avec  non  moins  de  vérité  le  sens  de  ces  mythes,  car  le  caractère 
clithonien  ne  se  sépare  pas  de  l'élément  posidonien.  Sur  les  légendes  héollenne 
et  laconienneoù  Lycurgue  lutte  avec  le  dieu  chthonien,  voy.  VVide.  Lak.  KuUc, 
p!'283-284.     .    '•  ••    »  '•       •'■•"  "  '     • 


260  MANTINÉE   ET   l'aRGADIE  ORIENTALE. 

Li»  vtukua       Au  cycle  de   PoseîdoD  se  rattachent  aussi  les  Péliades.  On 
ctiorociepriiniiir  rencontrait  leurs  tombeaux  à  cinq  stades  à  l'est  du  Poseidioo, 
du  Péiagof.     en  plein  bois  Pélagos.  Les  filles  de  Pélias  s'étaient  laissé  abuser 
par  Médée.  La  magicienne,   après  avoir  fait  cuire  sous  leurs 
yeux  un  bélier  et  l'avoir  retiré  de  la  chaudière  vivant  et  rede- 
venu agoeau,  leur  persuada  d'appliquer  à  leur  vieux  père  le 
même  traitement.  Pélias,  découpé  et  cuit,  non  seulement  ne 
recouvra  pas  la  jeunesse,  mais   sortit  du  chaudron   dans  un 
tel  état  qu'il  ne  put  être  enseveli.  Ce  forfait  involontaire  obligea 
ses  filles  à  quitter  lolcos;  el^es  se  réfugièrent  à  Mantiuée  (1). 
Leur  venue  dans  ce  pays  s'explique  par  la  diffusion  de  la 
légende  des  Argonautes  et  sa  localisatioo  à  Argos.  On  ne  peut 
qu'y  voir  un  nouveau  larcin  de  Poséidon  Hippios  à  son  con- 
frère pélagien  :  après  lui  avoir  emprunté  son  flot  salé,  son 
'    Pélagos,  son  Halirrhotliios,  il  lui  prenait,  avec  les  Péliades,  un 
fragment  de  sa  légende  la  plus  populaire,  celle  des  Argonautes. 
Les  filles  de  Pélias  étaient,  par  leur  père,  petites-filles  de  Poséi- 
don. C'est  par  la  route  d'Argos  qu'elles  ont  trouvé  asile  auprès 
de  leur  divin  aïeul. 

D'autre  part,  les  liens  mythologiques  entre  les  Minyens  et 
les  Argonautes  sont  si  étroits  que  Pindare  désigne  les  Argo- 
nautes par  l'expression  Mivuai  'ApY0'«"f«i(2).  La  fable,  originaire 
du  bassin  du  Copaïs,  colportée  à  lolcos  par  les  navigateurs  de 
Chalcis,  y  a  produit  une  combinaison  du  Poséidon  minyen  avec 
le  Poseidon-Pélias  de  la  Magnésie  thessalienne.  Elle  revint  à 
Argos  sous  cette  forme  composite.  Originaires  d'iolcos,  les 
Péliades,  grâce  aux  relations  du  Poséidon  argien  avec  celui  de 
la  Haute  Plaine,  se  sont  affiliées  au  dieu  minyen  de  Mantinée, 
fusion  qui  n'est  qu'une  réplique  inverse  de  la  combinaison 
thessalo-minyenne  opérée  à  lolcos.  On  y  reconnaît  les  mêmes 
éléments,  originaires  de  Béotie.  A  Arné  et  dans  le  cycle  minyen 
d'Athamas  et  de  Phrixos,  le  bélier  est  un  animal  posidonieu;  il 
reparaît  à  lolcos  pour  se  substituer  à  Poseidon-Pélias,  et  aussi 
dans  la  légende  mautinéeuue  de  la  source  Arné.  Ces  analogies 
nous  expliquent  comment  les  Péliades  ont  pu  trouver  auprès 
de  Poséidon  Hippios  un  accueil  hospitalier.  Mais  pourquoi 
ont-elles  subi  l'attraction  de  Mantinée?  Ne  le  demandons  plus 
à  la  légende. 

(1)  Pausan.,  VIII,  11,  2.  —  Voy.  plus  hnul,  p.  108-109. 

(2)  Pyth,  IV,  69  et  Scliol.  —  Schol.  Pind.  Islhm.  I,  79.  —  ApoL  Rbod.  I,  229. 


LA   RELIGION   MANTINKBNNR.  261 

Les  poètes  tragiques  ont  poussé  au  noir  le  personnage  de 
Médée.  Mais,  si  on  le  compare  à  Circé,  il  devient  sympa- 
thique. La  science  de  Médée  apporte  aux  humains  des  soulage- 
ments ;  elle  leur  procure  Tamour,  la  santé,  la  jeunesse,  In 
richesse;  elle  connaît  les  philtres  bienfaisants,  les  herbes 
salutaires,  les  sortilèges  contre  les  piqûres,  les  coups,  le  feu; 
elle  munit  les  héros  de  talismans  vainqueurs  des  monstres, 
de  secrets  pour  découvrir  les  trésors.  Circé  n*use  de  ses  charmes 
troublants  que  pour  abêtir  l'humanité.  Aussi  Médée  est-elle  la 
patronne  des  magiciennes  dont  l'humanité,  inquiète  ou  souf- 
frante, implore  les  pouvoirs  surnaturels.  On  l  invoque  dans 
les  villes  où  les  hétaïres  joignent  à  la  pratique  de  Tamour 
celles  des  incantations  et  le  don  de  seconde  vue.  Corinthe  et 
Athènes  lui  ont  fait  une  place  dans  leurs  cultes.  Les  Péliadcs, 
disciples  maladroites,  mais  bien  intentionnées  de  la  grande 
magicienne,  pouvaient  donc  prétendre  aux  hommages  d'une 
cité  où  les  prophétesses  étaient  en  honneur.  En  Arcadie,  la 
sorcellerie  ne  parait  pas  s'être  nettement  séparée  de  l'art  de 
guérir  et  du  don  de  lire  l'avenir.  Les  voyantes  de  ce  pays 
savaient  prophétiser,  jeter  ou  conjurer  des  sorts,  et  môme 
philosopher.  Pan  et  Érato,  femme  d'Arcas,  avaient  été  les 
premiers  prophètes  de  TArcadie  (1). 

Or,  Mantinée  possédait  une  école  divinatoire  renommée;  elle 
remontait  sans  doute  à  une  lointaine  époque,  au  temps  des 
Pélasges.  Hérodote,  toujours  égyptomane  quand  il  recherche 
les  origines  de  la  civilisation  grecque,  raconte  que  les  filles  de 
Danaos  avaient  initié  les  femmes  des  Pélasges  arcadicns  aux 
mystères-  de  la  Déméter  égyptienne  et  que  ces  femmes  en 
gardèrent  le  secret  (2).  La  femme  a  toujours  été  reconnue  par 
les  peuples  primitifs  comme  l'instrument  par  excellence  de  la 
révélation.  Son  inspiration  reflète  la  pensée  divine;  elle  com- 
munique par  intuition  avec  le  monde  des  esprits  et  des  dieux  ; 
elle  est  même  capable  d'influer  sur  les  puissances  supérieures 
pour  changer  l'ordre  des  choses.  Mantinée  paraît  avoir  recueilli 
à  cet  égard  le  legs  des  traditions  pélasgiques.  La  plupart  de  ses 
héroïnes  possèdent  le  don  fatidique.  Mantinée,  elle-même, 
signifie  :  la  Devineresse  (MavrfvEia  =  Mavxi-vooç);  sa  fondatrice 
s'appelle  V Intuitive  (Aùtovot))  ;  elle  honore  une  fille  d'Arcas  sous 

(1)  Pausan.,  VUI.  37,  9. 

(2)  Hérod.  II,  171.  -  Cf.  Pausan.   VIII.  37,  G.  —  Dcniclei-  Pélasgis  à  Argos. 
(Pausan.  II.  22,  2.) 


262  MANTINÉE  ET   l'ARCADIE   ORIENTALE. 

le  nom  de  la  Pensée  de  Zem  (Aïo^jisvEta).  Les  oracles  jouent,  dans 
son  histoire,  un  rôle  important;  le  dieu-oracle  Trophonios  a 
construit  son  Poseidion;  c'est  chez  elle  qu'Ulysse  réalise  la 
prédiction  de  Tirésias.  Elle  possède  un  yp-rjcyT-qpio/  dont  la  clair- 
voyance est  invoquée  par  la  justice  humaine  (1)  ;  deux  monu- 
ments figurés,  trouvés  dans  ses  ruines,  représentent  Tun  une 
devineresse,  l'autre  une  scène  d'ornithomancie  (2). 

Nous  étudierons  plus  loin  cette  école  divinatoire  de  Mantînée. 
il  suflît  ici  d'en  sii^naler  l'existence  en  parlant  des  Péliadés,  car 
c*est  elle  qui  a  déterminé  leur  présence  dans  le  bois  Pélagos.  Il 
serait  bien  tentant  d'invoquer  à  ce  propos  les  fameuses  Péléiades 
(TceXeiàBeç)  de  Dodone,  ces  trois  vieilles  qui  interprétaient  le  vol 
ou  le  cri  des  colombes  (iziXtioLi)  posées  sur  les  chênes  sacrés  (3), 
ou  simplement  le  murmure  des  arbres  (4).  Le  bois  Pélagos  était 
aussi  un  bois  de  chênes  (BpufjLoç),  symbolisé  par  le  gland  des 
monnaies  mantinéennes  (5).  Dans  le  culte  pélasgique,  la  forêt 
de  chênes  est  la  demeure  mystérieuse  de  la  divinité.  A  Dodone, 
Zeus  itfiXacTYixôç  hante  les  arbres  séculaires;  en  Arcadie,  le  sou- 
venir de  l'ancêtre  Pélasgos  se  lie  à  la  découverte  du  gland 
doux  (6).  Les  rites  de  Dodone  pouvaient  également  avoir  cours 
en  Arcadie,  terre  aussi  pélasgique  que  la  Thesprotie.  Les  Selloi 
et  les  Péléiades  percevaient,  dans  le  murmure  des  chênes  agités 
par  le  souflle  aérien,  le  Verbe  fatidique  de  Zeus  ;  les  Mantinéens 
reconnaissaient  de  même  la  grande  voix  de  Poséidon  dans  le 
mugissement  du  Pélagos  (7).  Poséidon  Hippios  est,  chez  eux,  le 
dieu  souverain.  Pourquoi  le  Pélagos  n'aurait  il  pas  eii  aussi  ses 
Péléiades,  chargées  de  recueillir  la  pensée  de  Poséidon  ?  L'hy- 
pothèse d'un  ancien  oracle  attaché  au  culte  de  Poséidon  Hippios 
n'a  rien  d'invraisemblable.  Le  Zeus    dodohéen    parait  avoir 

(1)  Voy.  la  grande  inscripUon  arcliaïqoe  à  TAppendice.       '*  ■    <  •  .    ' 

(2)  La  Femme  au  foie  el  le  vase  reproduit  par  la  flg.  6,  p.  24.         < 

(3)  Pausan.  VII,  21,  2.  —  X.  12, 10.  —  Hérod.  II.  5i-57»  —  Strab.  VII,  fr. 
1-2.  '-  llesycb.  s.  v.  TcéXecai.  —  Sur  les  Péléiades,  voy.'  Bouché- Leclercq . 
Hist.  de  la  divination,  H,  p.  280  et  suiv.  •  '  •    ' 

(4)  Les  Péléiades  remplacèrent  les  Selloi.  (Slrab,  Vil,  7,  12.)=  '• 

(5)  Le  fruit  du  ^Yiyoç  {fagnsj  est  aussi  représenté  sur  des  couronnes  en 
bronze  de  Dodone.  (Carapanos.  Dodone,  p.  220.)  .'     *  '' 

(6)  Sur  le  ^Innd  comme  (ruitodert  aux  dieux  en  Arcadie,  voy.  Schol.  /H^scliy).,- 
ProméiK,  450.  ,. 

(7)  Cf.  le  héros  mnntinéen  Ilalirrhotbios,  celui  qui  gronde  comme  la  tiier, 
hyposlase  de  Poséidon  Hippios.  [Schol.  Pind.  0<.,  XI  (10),  83]. .   ,       .  . ,,  ,, 


LA  RELIGION   MANTINRENNE.  263 

supplanté  tous  les  anciens  (xavTcïa  pélasgiques.  Déchu  et  absorbé 
comme  celui  de  Scotoussa  (1  ,  le  (j.avT£(ov  manlinéen  se  serait 
survécu  à  lui-même  sous  la  forme  anonyme  d'une  école  de 
magiciennes  et  de  prophétesses.  Aux  Péléiades  oubliées  se 
seraient  alors  substituées»  dans  Tesprit  populaire,  à  la  place 
même  où  celles-ci  avaient  donné  leurs  consultations,  les  Pé- 
liades,  héroïnes  de  la  magie,  montées  de  la  côte  argienne  avec 
la  légende  des  Argonautes  (2).  Le  rituel,  la  méthode  et  le 
sacerdoce  de  l'antique  institut  une  lois  disparus,  les  magi- 
ciennes et  les  devineresses,  dont  Diotime  est  le  type  idéal, 
recueillirent  l'héritage  du  génie  fatidique  de  Mantinée,  la 
Prophétiqiie. 

Le  district  mythologique  que  nous  venons  d'explorer  se  R»^»"'"*. 
dislingue  par  l'unité  de  conception  et  par  la  cohésion  remar- 
quable de  toutes  ses  parties.  C'est  le  noyau  religieux  de  la 
Mantinique.  On  n'y  rencontre  aucun  élément  disparate,  aucun 
détail  parasite  :  tout  gravite  autour  de  Poséidon  Mippios  et 
relève  de  l'idée  maîtresse  qu'il  personnifie.  Les  expressions 
variées  de  cette  conception  dominante  s'adaptent  étroitement 
aux  multiples  aspects  de  la  nature  locale.  L'eau  est  ici  le 
principe  souverain  et  créateur.  Son  union  avec  la  terre  engendre 
jj  vie  des  plantes  et  des  animaux.  Là  où  cesse  le  pouvoir  fécon- 
dant de  l'eau,  commence  le  domaine  de  la  sécheresse  impro- 
ductive. Par  suite,  le  troisième  élément,  le  soleil,  qui  détient 
ailleurs  la  souveraineté,  se  réfugie  dans  1  opposition.  Ce  rôle 
ingrat  lui  vient  de  son  impuissance  à  assurer  la  salubrité  du 
canton.  Incapable  de  lutter  avec  succès  contre  Poséidon  et  de 
rendre  l'Argon  Pédion   à  la  fertilité,   il  ne  règne  en  maître 

(i)  Sirab.  VII.  7,  12.  Frag.  2.  —  IX,  5,  20. 

(2)  L'élymologle  la  plus  accréditée  dérivait  le  nom  des  Péléiades  dodo- 
néehnes  de  ireXeiai,  colombes.  Ces  oiseaux  divins  venus  d't^gyptc,  au  dire 
d'IIérodole  (II,  5i-57)  faisaient  partie  de  la  légende  de  Dioné,  déesse  parèdrc 
de  Zeus,  ii  la  loisGiua  et  Aplirodite.  Ce  caractère  inixlc  s'accorderait  très  bien 
avec  In  nature  amphibie  de  la  Déméter  arcadienne,  panMire  de  Poséidon  Ilippius. 
Suivant  Strabon  (VII,  fr.  3),  le  nom  des  Péléiades  venait  de  TréXiai  et  TrsXiot, 
qui  signifiait  dans  les  diiilecteslhesprute  et  molosse  les  viritles  et  les  vieillards. 
(Cf.  le  macédonien  TieXiyovEç,  les  anciens,  les  Pelifpii  de  l'Apennin,  le  mot 
7reXia(  où  7CoXiâ{  dans  le  sens  de  cheveux  blancs  ù  Cos,  et  i-nfin  le  grec  commun 
itaXai^ç.  —  Scliol.  Sopb.  Trach.  172.—  Hesych.  s.  v.  -ÉXsiai.  —  Scrv.  l!:clog. 
IX,  J3).  Cette  élymolpgle  peut  s'ada;)ter  au  nom  et  à  la  fable  des  héritières 
supposées  des  Péléiades  niantiiiéennes,  les  Péliades  ou  lilles  du  veci//ar(/ Péiias. 


264  MANTINKR   RT  l'ARCADIE  ORIENTALE. 

incontesté  que  sur  les  roches  arides.  Si  Poséidon  se  déchatne, 
c'est  à  Démêler  d'y  pourvoir  :  c'est  aux  issues  souterraines 
qu'il  faut  s'en  prendre.  Le  soleil  n'est  alors  d'aucun  secours. 
Au  contraire,  son  intervention  aggraverait  le  mal  :  l'action 
solaire  sur  la  terre  détrempée  produit  le  miasme  et  répand  la 
mort.  Or,  la  mythologie  aime  à  exalter  les  forts:  Poséidon 
relègue  au  second  plan  Zeus  et  Apollon,  parce  qu'il  est  tout 
puissant,  et  que  sa  loute-puissance  s'impose  à  l'adoration  par 
ses  effets  terribles  et  surtout  bienfaisants.  Poséidon  Hippios 
reçoit  les  hommages  dus  au  dieu  père  et  nourricier. 

Pausanias  semble  avoir  soupçonné  le  sens  caché  de  ces 
mythes.  Après  avoir  relaté  la  supercherie  de  Rhéa,  la  substi- 
tution du  poulain  à  Poséidon  et  l'élevage  du  dieu  parmi  les 
agneaux,  il  ajoute  (1)  : 

«  En  commençant  à  recueillir  les  fables  des  Grecs,  j'étais  surtout 
frappé  de  leur  niaiserie;  mais,  arrivé  à  celles  des  Arcadiens,  je  pres- 
sentis qu1l  y  avait  autre  chose  :  ceux  des  Grecs  qu'on  honorait  du 
nom  de  sages  enveloppaient  leurs  discours  sous  des  énigmes  et  ne  les 
énonçaient  jamais  ouvertement.  J'ai  donc  supposé  que  la  légende  de 
Kronos  recèle  quelque  idée  philosophique,  et  nous  devons  en  penser 
autant  de  tout  ce  qu'on  débite  sur  les  dieux.  » 

Voilà  qui  est  parlé  d'or  !  Mais,  heureusement  pour  nous,  le 
Périégète,  après  cette  sage  affirmation  de  ses  principes  rationa- 
listes, a  encore  eu  le  bon  sens  de  ne  pas  insister. 

2®  Région  de  l'Alésion-Mélangéia, 

Le  trait  d'union  mythologique  entre  ce  district  et  le  précédent 
est  fourni  par  la  Déméter  de  l'Alésion  (2).  Le  nom  de  cette  mon- 
tagne était  rattaché  au  cycle  de  Poséidon  Hippios  et  Déméter-Gè 
de  Nestané  par  le  mythe  de  l'àXir)  de  Rhéa,  évidemment  em- 
prunté à  la  légende  de  Déméter.  Mais  cette  étymologie  n'a  que 
la  valeur  d'un  jeu  de  mots,  mis  au  service  d'une  combinaison 
toute  artificielle.  Alésion  dérive  d  aXéa  et  signifie  le  mont  du 
refuge  ou  de  Vasile  (3).   Il  existait  sans  doute  sur  l'Alésion, 

(1)  Pausan.,  VIII,  8,  2. 

(2)  Sur  son  aXao;,  voy.  p.  102.  —  Sur  le  myUie  de  VoLk'f\  de  Rhéa,  p.  Î36. 

(3)  C'est  dans  le  sens  de  reluge  ou  d*abri  que  doit  être  inlerprôlô  le  nom  de 
quelques  IocjIUcs  situées  sur  des  hauteurs,  leUes  que  TAlésion  ou  Aleision 
d'Éllde,  acropole  des  Épéens  [Iliad.  II,  GI7.  —  XI,  757),  r'AX«i<nov  ouSaç 


LA   RELIGION   MANTINKENNE.  àhl) 

autour  du  bois  sacré  de  Démêler,  un  ancien  asile,  reconnu 
comme  terrain  neutre  par  les  cinq  dèmes  de  la  Mantinique, 
avant  le  synœcisme.  Plus  tard,  cet  asile  fui  supplanté  par  le 
sanctuaire  urbain  d'Alhéna  Aléa.  La  présence  de  Démêler  sur 
cette  colline  du  refuge  nous  la  fait  entrevoir  ici  sous  l'aspect 
primitif  de  Thémis  :  elle  est  la  gardienne  du  droit  sacré;  les 
meurtriers  qui  Tout  oflensé  sont  obligés  de  Tapaiser  pour 
obtenir  leur  réintégration  dans  la  cité.  Par  là  aussi  elle  s'iden- 
tifie aux  Ërinyes  (1). 

Le  premier  culte  qu'on  rencontre  ensuite  sur  TAlésion  est 
celui  de  Dionysos  et  d'Aphrodite  Mélainis  (2).  Ils  demeurent 
au  pied  de  la  colline,  près  de  la  source  des  Mclinstes,  à  quelque 
distance  du  bourg  de  Mélangéia.  Ce  couple  est  en  liaison  étroite 
avec  Poséidon  Hippios  et  Démêler.  Pour  en  comprendre  le  vrai 
caractère,  ainsi  que  ses  rapports  avec  les  puissances  telluriques, 
il  faut  bannir  de  son  esprit  les  idées  qu'éveillent  d'ordinaire  le 
nom  du  joyeux  éphèbe,  fils  de  Zeus  et  de  Sémélé,  et  celui  de 
l'aimable  Aphrodite.  En  général,  le  vieil  Olympe  arcadien 
manque  de  gaité;  les  divinités  les  plus  riantes  du  panthéon 
hellénique  s'assombrissent  au  contact  des  anciens  dieux  indi- 
gènes et  leur  empruntent  un  certain  air  funèbre.  La  religion  arca- 


de Béolle  (Paus.  IX,  14,  3),  et  peut-être  TAlésia  du  Mont  Auxois.  Ailleurs,  ce 
nom  dérive  d'àXéo),  moudre,  par  allusion  aux  pierres  meulières  qu'on  lirait 
de  la  montagne  :  tel  est  le  cas  pour  'AXedfai,  au  pied  du  Taygcle  ;  on  y  loca- 
lisait la  légende  de  Mylës,  inventeur  de  la  meule  (Pausan.  Ul,  ^,  2).  I^  Com- 
mission de  Morée  y  a  constaté  l'existence  d'anciennes  carrières  d'un  grès 
rugueux  très  apte  à  fournir  des  meules  (Puillon-Boblayc.  Hech,  géogr,,  p.  83). 
Cette  étymologie  ne  pourrait  guère  s'appliquer  à  TAiésion  mantinécn,  dont  le 
calcaire  dense  et  liese  est  tout  à  (ait  impropre  à  la  meunerie.  Citons  enfin 
l'Alésion-Pédion  d'Épire,  qu'il  faut  probablement  écrire  Ilalcsion  ;  son  nom  lui 
venait  de  ses  blocs  de  sel  gemme,  c'est-à-dire  de  aXç.  (Et.  Byz.  s.  v.).  Cf.  la 
ville,  de  llalaisa  et  ïllalesns,  Nepluni  fllius  honoré  par  1rs  Salicns  (Serv.  in 
Virg.  j£n.  VIII,  285),  Apollon  Ilalasiotès,  à  Chypre  (Der.  Berl.  Àcad.  d.  Wias., 
1887,  p.  122).  Gruppe  {Griech.  My th. f  I,  p.  19t))  veut  établir  un  lien  entre  ces 
deux  derniers  personnages  et  TAlésion  mantincen,  par  l'intermédiaire  d'un  pré- 
tendu Poséidon  Aléslos.  Ces  rapprochements  ne  me  semblent  pas  justifiés  :  la 
liaison  des  Saliens  avec  le  soi-disant  Halesus  s'est  faite  par  un  calembour  sur 
le  radical  Sal  :  (salire,  daXeùu),  (ràXoç,  rapprochés  i\  tort  de  aXç.) 

(1)  La  déesse  chlhonienne  s'idcnlifie  avec  Thémis  dans  le  culte  delphique  de 
Gé-Thémis,  et  à  Thelpousa  dans  celui  de  Démêler  Érinys  ou  Lousia  {l'expia- 
irice),  dont  la  statue  passait  pour  une  image  de  Thémis  (Pausan.  VUl,  25,  4). 

(2)  Pausan.,  VIII,  6,  2.  —  Voy.  la  description  des  sanctuaires,  p.  86  et  suiv. 


266  MANTiNÉR  ET   L*AUGADIE   ORIENTALE. 

dienne,  d'origine  essentiellement  rurale  et  agreste,  a  gardé  de 
son  intimité  avec  Tâpre  nature  du  pays  et  des  habitants  une 
gravité  farouche,  dont  les  cultes  urbains  des  provinces  plus 
civilisées  se  sont  plus  tôt  départis.  Le  Dionysos  et  TAphrodite 
de  Mélangéia  confirment  cette  remarque. 
Dionysos.  Cc  qui  prédominc  dans  le  Dionysos  arcadien,  c'est  le  caractère 

chthonien.  11  est  le  dieu  de  l'ombre  et  de  la  nuit.  A  Aléa,  les 
Dionysiaques  sont  les  fêtes  de  l'ombre  (dxUpeia)  ;  à  Phigalie,  le 
pain  qui  a  servi  aux  banquets  dionysiaques  sert  d'amulette 
contre  les  génies  nocturnes  (2).  A  Mégare  (3),  Dionysos  est 
invoqué  sous  l'épithète  de  NuxTsXtoç;  son  temple  est  voisin  de 
l'oracle  de  la  nuit  (vuxtoç  (tavTeïov).  A  Mégalopolis  enfin,  le  Zeus 
adoré  sous  le  nom  de  Philios,  épithète  euphémique  comme 
Eubouleus,  n'est  autre  qu'un  Uadcs.  Or,  à  lire  la  description 
(le  Pausanias  (4),  ou  le  [^rendrait  pour  un  Dionysos  (Aiovudo» 
i|i<pEp6ç).  11  porte  les  cotliurnes,  le  gobelet,  le  thyrse,  la  couronne 
de  laurier  (5).  Dans  cet  exemple  ressort  l'identité  du  Dionysos 
arcadien  avec  le  Zeus  infernal  (6).  Par  là  môme,  il  se  rap- 
proclie  de  Poséidon,  le  dieu  des  eaux  souterraines.  A  Mélan- 
géia, comme  à  Mégalopolis,  il  habite  près  d'une  source  (7),  et 
son  sanctuaire  est  un  {jiéyapov  (8).  On  trouve  d'autres  indices 
de  son  véritable  (^jiractère  dans  l'étymologie  de  Mélangéia,  les 
Tenrs  noires,  c'est-à-dire  ombreuses,  et  dans  le  nom  de  ses 
l)rélres,  les  Méliaslcs,  qui  peut  être  dérivé  de  (xeXia,'  frêne. 

(1)  Pans.  VIII,  23,  I.  ' 

(2)  Athôn.  IV,  p.  148.  .  •  ;        .      • 

(3)  Paus.  I,  40,  U. 

(4)  VIU,  31,  4.  ... 

(5)  Mionnct,  II,  249,  n"  37-42-44.  SuppL  IV,  281,  n*  Îi5.  Cf.  le  Dionysos  dos 
monnaies  de  Cyrônc,  dont  le  sceptre  aôtophoro  est  entouré  d'un  rameau  de 
vigne.  Mûilor.  Numism.  de  VAfriq.  anc.  1,  p.  67. 

(0)  Les  Arcadiens  n'iionorent  point  Uadès,  qui  n'a  chez  eux  ni  temple  ni 
li^gondc.  (Bôrurd.  Orig.  des  cuites  arcad.,  p.  2:J4.)  <    »    .(     "  »/ 

(7)  Paus.  VIII,  32,  3.  —  Viil,  G,  ii.  .         ..       /     .  . 

(8)  Ce  mot  désigne  on  principe  le  temple-caverne  des .  divinités  xhtlio- 
nionncs.  Mais  la  voiUe  ombreuse  des  arbres  valait,  une  j^rottc.  L'abaton  tie 
Poséidon  lllpplos  devait  ôlre  en  forent  :  Agaméd^s  et  trophonlos  t'avalent 
construit  avec  les  ch/înes  du  P(^lagos.  De  m<^me  i\  T<^g6o,  le  temple  de  DiSmétcr 
était  soud  lcS'chén««s  (Paus.  VIH,  fi,  44).  I^s  sources  de  Triplchl  sont' encore 
bordées  de  grands  arbres.  Il  n'y  a  pas  do  grottes  aux  environs^  mais  on  peut 
admettre  qu'il  existait  jadis  au  pied  de  l'Alésion  un  éixiis  bosquet  de.  frênes 
(uLÉAiai).  —  Or,  le  frêne  était  l'arbre  Jminicide  d'où  l'on  Uralt  les  hampes  des 
lances  (lléslod.  Théôg.  170  sq.  —  Uoucl.  U'Herc.  42Ô.  .—  lliad.  XVI,' 143).  — 
Lc;s  MeXiai  Nùp.<pai,  nymphes  des  frênes,  étaient  des  divinités  meurtrières 
(voy.  Uoscheri  i/i/(/i.' /^cxtc.  Melih,' 9).  *  =  '   ■  •    -'     '•  .!■   ••:    u»-    < 


LA   RELIGION   MANTINÉENNE. 


267 


Dionysos  de  Mélangéia  est  donc  bien  le  dieu  de  Tombre,  le 
NuxTeXioç  de  Mégare,  le  SxiavOfaç,  le  Kpù'i/ioç  (l),  le  MEXavOîSTjç  ou 
McXdtvaiYtç  d'Hennione  et  de  TAltique  (2).  (^esl  un  dieu  teliu- 
rique  envisagé  dans  ses  rapports  avec  la  végétation  touffue 
qui  produit  Tombre,  et.  par  là  un  équivalent  du  Dionysos 
sylvestre  (AcvBpîTTiç)  (3)  :  on  retrouve  en  lui  la  conception  sym- 
bolisée par  le  Poséidon  du  Pélagos  et  par  Aréïthoosle  Korynète. 

Le  culte  de  Dionysos  était  orgiasiique.  Un  collège  de  prêtres, 
les  Méliastes,  faisait,  comme  h  Phigalie,  oflice  de  Bacchants  (4), 
tandis  qu*ù  Delphes,  à  Élis,  en  Attique,  ce  rôle  était  dévolu  aux 
femmes  (Thyiades).  Alhénée  nous  a  décrit,  d'après  Harniodios, 
le  caractère  gastronomique  des  orgies  dionysiaques  de  Phi- 
galie (5).  Le  banquet  sacré  s'appelait  p.iÇo)v  ;  les  chœurs  s'y 
régalaient  de  fromage,  de  viande*  do  vin  cl  d'une  galette  appelée 
(xaÇa,  le  tout  fourni  par  la  ville  et  par  le  cJiorègc.  Ces  agapes 
étaient  le  triom[)he  de  le  polyphagia  ou  goinfrerie  arcadicnne. 
Elles  se  terminaient  par  un  péan.  Polybe  a  trouvé  plus  noble 
de  faire  valoir  le  caractère  artistique  des  Dionysies  arcadiennes. 
Avec  lui,  on  passe  à  un  ordre  d'idées  moins  matériel.  Ce  ne  sont 
;plus  qu'hymnes,  danses,  concerts  et  spectacles  harmonieux  (6). 
La  réputation  musicale  des  Mantinéeus  nous  induit  à  penser 
qu'ils  cherchaient  plus  dans  ces  solennités  à  satisfaire  les  oreilles 
et  les  yeux  que  l'estomac.  Mais,  à  vrai  dire,  nous  ne  savons  rien 
des  mystères  célébrés  par  les  Méliastes  auprès  de  leur  source 
sacrée  (7). 

Au  sombre  Dionysos  de  Mélangéia  s'adjoint  comme  déesse 
parèdre  une  Aphrodite  qui  rappelle  plulôt  la  Irisle  Érinys  de 
Thelpousa  et  de  Phigalie  que  la  mère  d'Kios.  1511e  est  sur- 
nommée la  Noire  (MEXaivîç).  Le  commentaire  erotique  de  cette 


,.,  (l)  Gori,  Inscr.  aiUiq.,  I,  ;j.  —  Orph.  Uijni.  30,  :J,  ;j2,  :».  —  Immorwahr, 
KuUe  Arkad,,  ^.  \m. 

(2)  Schol.  Aristoph.  Àchani,  UG.  —  Conon,  ynrr.,  XV. 
"(3)  Plut.  Sympos,,  5.  --  Ci.  Dionysos  "AvOioç  (Pjius.  I,  31,. 2).  , 
(4)  Voy.  p.  72,  fifç.  S,  le  satyre  ithyphalliquo  à  l'outn^  troiivô  dans  l.^soiirqe 
jiles, Méliastes.  ~  Sllènç  épouse  Mélia  {Rosclier.«  Mijlh.  Lee.  s.  v.). 
.„.(;)).Allion,  IV,  148  F.  -  Sur  lo  cri  (pitia  MeXiat,  voy.  Poli.  IX,  127.       -  '  • 
•'•  (0)  Polyb.  IV;  20,  8.  Voy.  plus  bas.  ''  ,       '    ' 

''(7)  Lé  Dionysos  dr.»  Mi^.liaslos  no  fifçuro  pns  dans   la   numisinatwine  inan- 
'  Il  néon  ne. .  Le  personnage  décrit,  par  Mionnrl  (Siippl.   IV,  27î),  .n"  (J)  coiiiine 
«,BaccliusMôliaslQ, debout,  la  Jl^Xq  couverte,  du  pileus,  vùtu  d'un  liabit  court 
et  armé  de  deux  lances  »,  n'est  autre  qu'Ulysse  sa  rame  à  la  main.     ! 


268  MANTINÉE  ET  l'arGADIE  ORIENTALE. 

épilhcte,  recueilli  par  Pausanias  (1),  ne  saurait  être  pris  au 
sérieux  :  «  la  seule  raison  en  est,  dit-il,  que  les  unions 
sexuelles  entre  liommes  et  femmes  n'ont  pas  lieu  le  jour  comme 
celles  des  animaux,  mais  principalement  la  nuit  ».  Le  rappro- 
chement de  ce  qualificatif  avec  le  nom  de  Mélangéia,  avec  les 
Méliastes  de  Dionysos  et  la  Mélaina  phigalienne  nous  met  sur 
la  voie  d'une  interprétation  plus  exacte,  sinon  plus  aimable. 
Le  Dionysos  Nyctélios  de  Mégare  est  conjugué  avec  Aphrodite 
Episirophia.  Éi)islrophia,  c'est-à-dire  Celle  qui  revient,  est  une 
altération  euphémique  d" A7ro<rT()0(p(a ,  celle  qui  s'en  va  (2). 
Or,  Aphrodite  Apostrophia  succède  directement,  à  Thcbes,  à 
Érinys  Tilphossa  (3)  et  l'on  sait  par  Pausanias  la  place  que 
tient  dans  la  légende  de  Déméter  Érinys  à  Phigalie,  comme 
dans  celle  de  sa  réplique  phénéate,  Déméter  Ëleusinia,  l'épisode 
du  départ  de  la  déesse,  disparue  dans  son  antre  (4).  Ainsi 
AphroditeMélainis,  par  l'intermédiaired'Apostrophia,  se  ramène 
à  Déméter  Erinys.  Les  preuves  subsidiaires  de  cette  identité 
d'Aphrodite  avec  la  déesse  infernale  ne  manquent  pas  :  c'est  à 
Delphes,  Aphrodite  Épitymbia  (5)  ;  à  Migonion,  l'alliance 
d'Aphrodite  Migonilis  avec  Praxidiké-Némésis  (6)  ;  à  Naupacte, 
l'Aphrodite  à  la  caverne  (7).  A  Thespies,  Aphrodite  Mélainis 
est  figurée  sur  les  monnaies  avec  le  croissant  lunaire  (8);  à 
Corinthe,  elle  est  adorée  avec  Bellérophon  dans  un  bois  de 
cyprès  qui  abrite  aussi  le  tombeau  de  Laîs  (9).  Ce  dernier 
exemple  prouve  à  l'évidence  le  caractère  funéraire  de  la  déesse 
et  réduit  à  néant  Texégèse  de  Pausanias  (10). 

Ainsi,  de  même  que  Dionysos  de  Mélangéia  se  rapproche  de 
Poséidon  Hippios,  de  môme  sa  compagne  Aphrodite  Mélainis 

(1)  VIII,  0,  5. 

(2)  ïûmpcl.  Ares  v.  Aphrodite  (IV.  Jahrh.  f.  Kl.  Philol.  Suppl.  Band.  XI, 
p.  GOÎ)).  —  0.  Mûllor,  Eunirn,  p.  108  et  sulv. 

(3)  Tflmprl,  ib. 

(4)  Fausan.  VHI,  42,  1,4.  —  Conon.  Narr.  XV. 

(5)  Vlui.^Qnœst.  mm.  '2.3. 
(«}  Paus.  III,  22,  I,  2. 

(7)  X,  38,  12. 

(8)  Pausan.  IX,  2,  :>.  —  Iloari.  Bist.  rrum.,  p.  300. 
(9)11,2,4. 

(10)  Et  aussi  colhî  d'Alln';nOo(XIII,  p.  ^SS**),  Inspirée  du  raftmo  esprit.  D'après 
lui,  Mélainis  apparaissait  la  nuit  à  la  courtisane  pour  lui  annoncer  la  venue 
do  riclics  amants.  Ce  sont  là  des  gloses  poétiques  inspirées  par  une  littéra- 
ture spéciale:  cela  fait  songer  à  la  Ballade  à  la  lune,  d'Alfred  de  Musset. 


LA   RELIGION  AIANTINKENNE. 


269 


semble  un  doublet  de  Déméter  Érinys.  Leur  liaison  avec  le 
couple  de  Nestané  et  avec  la  Déméter  (Thémis)  de  TAIésion 
n'est  donc  pas  une  simple  aflaire  de  voisinage  ;  elle  procède 
de  réelles  affinités  de  nature. 

Or,  cette  triade  mantinéenne  n'est  pas  unique  en  son  genre.  origine 
On  en  retrouve  ailleurs  des  équivalents.  C'est  encore  en  Béolie  *^*  ^  groupe. 
qu'il  faut  chercher  le  prototype  de  cette  combinaison.  L'asso- 
ciation cultuelle  de  Dionysos,  d'Aphrodite  et  de  Thémis  se 
présente  telle  quelle  à  Tanagra,  d'où  elle  est  originaire  (1).  De 
là,  elle  passe  ù  Mégare,  où  Dionysos  Nyclélios  et  Aphrodite 
Épistrophia  vivent  aussi  dans  le  voisinage  du  mégaron  de 
Déméter  (2).  A  MégalopoHs,  le  Dionysos  à  la  Source  est  presque 
contigu  au  temple  de'la  triple  Aphrodite,  Ourania,  Pandémos 
et  là  troisième  inconnue,  probablement  Ai)ostrophia,  c'est-à- 
dire  Érinys  (3),  comme  dans  la  triade  thébaine  unie  à 
Ares  (4).  Enfin,  à  Migonion  en  Laconie,  se  groupent  autour  du 
mont  Larysion  Dionysos,  Aphrodite,  Thémis  et  Praxidiké  (5). 

L'adjonction  de  Praxidiké,  au  mont  Larysion,  renforce  tout     aialcoméku. 
le  système  d'un  élément  particulièrement  énergique.  Il  est  hors 
de  cloute  qu'il  y  ait  encore  là  un  legs  de  la  Béolie,  d'où  les 
déesses  Praxidiques  sont  originaires  (6).  Mais,  comme  intermé- 
diaire entre  ce  pays  et  la  Laconie  méridionale,  voici  qu'apparaît 


(1)  Pausnn.  IX,  22,  1.  Apollon,  Lélo  ot  Artômis  y  soiil  ;nljoinls. 
(È)  Pausan.  I,  40,  G. 

(3)  VIIl.  ,12,  3. 

(4)  IX,  IG,  3. 

{l'y)  Paus.  III,  22,  1-3.  Wide,  Lakon.  Kulle,  p.  143,  n'"  3.  Los  mômos  com- 
binaisons 80  rolrouvonl  en  d'atiltTS  endroits,  plus  ou  moins  compIiMrs,  suivant 
que  réicmcnt  féminin,  au  lii;u  de  former  une  Iriadc,  apparaît  dédoublé  ou 
unifié.  A  Tégéc,  il  ne  reste  plus  en  présence  que  Dionysos  Myst(>s  et  Déméter 
èv  .KopuOeuai  (Pausan.  VIII,  54,  5).  Le  Dionysos  Saôtès  et  l'Aphrodite  marine 
(ÊTcl  OaXâaenr))  de  Lerne  sont  des  divinités  péla^iennes,  v.n  dehors  de  cette 
ciitégorie.  Cependant  on  les  trouve  eux-mêmes  dans  le-  voisinage,  du  couple 
Démôtcr-Dionysos  (Paus.  II,  37,  1).  Dionysos  Saétés  est  adoré  avec  les  Tliémides 
ù  Trœzènc  (Paus.  II,  31,  o).  Pour  Pldgalie,  Pliénéos,  Psophis,  on  ne  peut 
constater  d'une  manière  aussi  formelle  l'accouplement  «le  Dionysos  avec  Dé- 
méter Érinys  ou  Éleusinia  :  on  la  déduit  de  leur  présence  simultanée  dans  la 
môme  ville  (Bérard,  Orig,  des  cultes  arcad.^  p.  23:)). 

(6)  Wide  {Lakon,  KuUCf  p.  165)  rapproche  le  nom  du  Uirysion  laconien  de 
Larymna,  ville  de  Béotlc,  siège  d'un  culte  Important  de  Dionysos  (Paus.  IX. 
23,7.) 


270  MANTINÉE  ET  l'aRCADIK  ORIENTALE. 

Mantinée  avec  son  Alalcoménia,  installée  sur  TAlésion  (1),  à 
rextrémilé  opposée  à  celle  qu'occupe  Déméter  (Thémis).  Le 
couple  Dionysos-Aphrodite  est  comme  encadré  entre  elles  deux. 
1^9  PrnxHiiquca  Lc  cullc  Originel  des  Praxidiques  était  localisé  au  sud  du  lac 
du  Tiiphousion.  Copaïs,  au  mout  Tili)housion  ou  Tilphossion,  à  50  stades  à 
Touest  d'ilaliarlo.  Là,  contre  la  montagne  (irp^ç  tw  opei'Tw 
TiX<pou(jui)),  elles  possédaient  un  sanctuaire  à  ciel  ouvert  (Upovlv 
unaîOpw);  la  source  Til[)housa  et  le  tombeau  de  Tirésias  se  trou- 
vaient aussi  dans  le  voisinage  (2).  Les  habitants  d'Haliarte 
juraient  par  les  Praxidiques  un  serment  aussi  solennel  que 
relui  des  Arcadiens  par  le  Slyx.  Le  nom  de  ces  divinités,  qui 
signilie  les  Justicièrcs,  la  gravité  de  ce  serment,  prouvent  le  carac- 
tère infernal  des  Praxidiques.  Ce  sont  les  Euménides  ou  les 
Erinyes  béotiennes.  Elles  sont  trois,  dont  Suidas  (3)  nous  a  con- 
servé les  noms  :  Alalkoménia,  Thelxineia,  Aulis.  Cette  triade 
est  évidemment  une  hypostase  de  la  triade  béotienne  Érinys- 
Tilphossa-Thémis  (Déméter  Thesmophoros  de  Thèbes)  (4),  qui, 
transposée  sur  un  autre  nom,  apparaît  comme  le  prototype  de 
la  triple  Aphrodite  thébaine  et  mégalopolitaine.  Au  mont  Lary-  ' 
sion,  il  n'y  a  qu'une  Praxidique,  installée  auprès  de  Thémis  en 
manière  d'assesseur,  avec  un  rôle  semblable  à  celui  de  la 
Némésis  attique.  De  même,  à  Mantinée,  Alalcoménia  est  seule; 
mais  lu,  i\  ses  attributions  de  Praxidique,  elle  ajoute  celles  de 
divini(,é  poliade,  conformément  au  double  Caractère  qu'elle  a 
rapporté  de  son  pays  d'origine,  la  Béotie.  i  . 

.\uifonKnin  L'origine  béotienne  d'Alalcoménia  est  certifiée  par  l'existence, 
cnBéoiic.  j^yx  environs  immédiats  du  mont  Tiiphousion,  du  bourg  sacré 
d'Alalcoménai  et  du  temple  d'Athéna  Alalcomènéis.  On  attri- 
buait au  village  et  au  temple  un  fondateur  mythique  (5),  mais 
le  véritable  épojiyme  de  l'un  et  de  l|autre  était,  la  déesse 
Alalcoménia  descendue  du  mont  Tilphossion.  Voici  comment 
peut  s'expliquer  son  identification  d'une  part  avec  les  Praxi- 
diques,d'autre  part  avec  Athéna.  '  "      '    ' 

(1)  Psiusiin.  VIII,  1*,  i.  —  Sur  hi  position  do  la  source  Aldtconiéhln,  voy. 
p.  118.-   '     '   •   ■  ..,,.'  ....     ...r    •••    îi    '.'  '••.!    • 

(2)  Pîinsan.  IX,  ai,  2.  —  Strab.  IX,  2,  i7.      "  .•      '    '.  •    i' 

(3)  Suiflas,  S.  V.  ric-aîioixYj.  ,       •       - 
|t)  Tûiiipcl.  Ares  ï/.  yl/;//rmh£c,  p.  080.  —  Pans.  IX,  lÔ,  ïii 

(d)  Pausan.  IX,  .T3,  V.  —  Tout  près  coulait  la  .rivière  Triton,  prôs  duquel 
Athéna,  'disalt-on,  avait  (H<S  (Mcv(^c  piir  Alalcomcneus.  Cf.  S' Phônéos,  Athôna 
Tritonia  (Pans.  VU!,  H,  4),  autre  souvenir  de  la  Bêollc. 


LA   RELIGION  MANTINÉENNE.  271 

Le  nom  Alalcoménia  signifie  Celle  dont  la  force  repousse 
(l'ennemi)  —  àXaXxeiv  (1).  —  Ce  nom  personnifiait  Tacropole 
installée  sur  le  mont  Tilphousion,  promontoire  abrupt  qui 
barrait  la  route  d'Orcbomène  à  Thcbes  et  la  réduisait  à  un 
étroit  passage  entre  les  escarpements  du  rocher  à  pic  et  le 
bord  du  lac  Copaïs  (2).  C'est  une  position  inaccessible,  qu'il 
était  à  peine  nécessaire  de  fortifier.  Son  occupation  conférait  à 
ses  détenteurs  une  garantie  absolue  de  sécurité,  en  leur  per- 
mettant d'inlercepter  le  passage.  On  conçoit  donc  que  les 
Orchoméniens  l'aient  vénérée  comme  le  bouclier  protecteur  de 
leur  territoire  contre  les  attaques  des  Théhnins  et  qu'ils  raient 
dénommée  en  conséquence.  A  l'origine,  Alalcoménia  n'était 
autre  chose  que  la  personnifiai tion  guerrière  de  la  puissance 
défensive  du  mont  Tilphousion  et  de  son  acropole  (3).  Sous  son 
abri  s'installa  en  plaine,  du  côté  d'Orchomcne,  un  bourg  qui 
s'appela  Alalcoinénai  ;  les  habitants  adoraient  la  déesse  Prolec- 
trice dans  un  temple,  l'Alalcoménion,  indépendant  du  sanc- 
tuaire des  Praxidiques  qui  était  attenant  au  Tilphousion.  En 
elTel,  la  sécurité  du  lieu  l'avait  de  bonne  heure  désigné  comme 
refuge  aux  fugitifs  et  aux  meurtriers.  A  cùlé  de  l'acropole  s'ins- 
talla sur  ce  mont  sacré  un  asile.  Les  meurtriers  y  attendaient, 
suivant  la  coutume  du  droit  primitif,  que  le  temps  de  l'expiation 
fût  passé,  que  leurs* parents  fussent  entrés  en  composition  avec 
ceux  de  la  victime  et  que  les  mânes  de  celle-ci  fussent  apaisés. 
Les  Praxidiques,  déesses  de  la  malédiction  et  de  la  poursuite 

(1)  Sur  l*étymoloj?lo  soi-disnht  carlonno  (rAlalcomônia  {Alkmene^  In  Forlt* 
Môrc !  voy.  Gôrrcs.  ^/yf Ao^  Stxid.  II,  p.  tl9otsuiv). —  Snr  le  cultn  d'Alkmènc 
&  llaliarto^  voy.  Plut.  Lys,  28,  8.  —  De  dem,  Socr.  5. 

(2)  L'idcnliûcaLion  du  mont  Tilphousion  avec  la  colline  a])polôo  aujour- 
d'hui Pélra  est  contcsiôc  à  tort  par  Conze  ol  Mifliaôlls  {Rapporto^  p.  8;i.  — 
Voy.  Rursian.  Geogr,  v.  Griech.  I,  p.  23'*).  Son  aspoct  rrpond  parfailoincnt  à 
la  dcscrlpUon  de  Strabon  {IX,  2,  36).  C'est  une  bultn  rondi*,  escarpée  de  toutes 
paris,  sauf  du  côté  où  elle  se  rattache  aux  contreforts  de  l'ilêlicon.  La  carte 
de  l'État-Major  français  au  200000"  ne  la  représente  pas  avec  sa  vraie  forme; 
au  contraire,  sur  la  minute  spéciale  du  lac  Topolias,  au  50000'  (Dépôt  de  la 
guerre),  l'exactitude  des  détails  fait  ressortir,  d'une  manière  frappante,  le 
rôle  défensif  de  cette  colline.  La  distance  d'IIaliarle  concorde  avec  les  50  stades 
Indiqués  par  Pausanias;  enfin,  les  sources  qui  Jaillissent  au  pied  du  mont 
Pétra  correspondent  à  la  fontaine  Tilphousa.  Des  ruines  ont  été  remarquées 
sur  le  sommet  (temple  d'Apollon  Tilphousaios  ou  forlt^resse  7  ).  En  1829,  le 
passage  a  été  vigoureusement  défendu  par  les  Grecs. 

(3)  Cf.  le  talisman  que  les  Tégéa tes  app|elaicnt  le  iZe m j[;a;'^  (epufjia).  Pausan. 
Vi",  47,  5.     '  ,    "..  ,.  ',:.'!"....'.   '  !-     '     ,  ..     1 


272  MANTINKE   ET   L'ARCADIE  ORIENTALE. 

vengeresse,  vinrent  donc  prendre  place  auprès  d'Alalcoménia, 
et  finirent  par  l'attirer  dans  leur  triade.  De  même  à  Athènes» 
les  *Apa(  prirent  possession  d'un  contrefort  de  l'Acropole,  auprès 
d'Athéna  Polias,  gardienne  de  la  citadelle.  Cet  endroit,  appelé 
l'Aréopage,  était  encore  au  V^  siècle  un  asile  placé  sous  l'invo- 
cation des  Érinycs  :  les  criminels  y  venaient  accomplir  des 
rites  expiateurs  (1). 

La  transformation  d'Alalcoménia  en  Praxidique  la  mettait 
on  contact  avec  la  gardienne  du  droit  sacré  et  du  droit  civil, 
c'est-à-dire  avec  Tliémis  ou  Démêler  Thesmophoros  ;  c'est  pour 
cela  que,  sur  le  mont  Larysion,  qui  devait  être  aussi  un  asile, 
Praxidiké  figure  aux  cùtés  de  Thémis,  auprès  des  dieux  chtlio- 
niens  Dionysos  et  Aphrodite.  Mais  là  ne  devaient  pas  s'arrêter 
ses  métamorphoses.  Athéna,  prolectrice  indigène  d'Athènes, 
dut  à  la  céléhrité  de  sa  ville  natale  un  rayonnement  précoce. 
De  honne  heure,  elle  passa  pour  la  divinité  poliade  (2)  par 
excellence.  En  cotte  qualité,  elle  ahsorba,  dans  les  autres 
villes,  nombre  de  Protectrices  locales,  dont  elle  ajouta  le  nom 
au  sien  en  manière  d'épithète.  Au  pied  du  Tilphousion,  Alalco- 
inénia  se  convertit  en  Athéna  Alalcoménéis  (3),  comme  à  Tégée 
Aléa,  la  Tutélaire,  se  changea  en  Athéna  Aléa.  Mais,  suivant  une 
loi  déjà  constatée  (4),  le  [)ersonnage  absorbé  dans  ces  conditions 
réagit  sur  son  vainqueur  et  lui  impose  en  partie  sa  personnalité. 
Alalcoménia  lit  donc  d'Athéna  une  espèce  de  Praxidique  : 
l'ancien  Alalcoménion,  devenu  temple  d'Athéna  Alalcoménéis, 
jouissait,  comme  asile,  d'un  prestige  inviolable.  Sans  avoir 
besoin  de  la  garantie  matérielle  d'une  position  inexpugnable, 
il  supplanta  très  tôt,  par  sa  seule  force  morale,  l'ancien  asile 
des  Praxidiques  sur  le  mont  Tilphousion.  Cette  inviolabilité 
l)arait  s'être  étendue  à  tout  le  territoire  d'Alalcomenai,  sans 
doute  considéré  comme  état  neutre  entre  Orchomène  et  Thèbes. 

(1)  Wachsmuth  (SUuU  Ath.  1,  428)  soutient  avec  raison  que  TAréopage  n'a 
rien  de  commun  avec  hî  culte  d'Ares  :  c'est  In  colline  des  'Apa(.  On  y  jugeait 
les  causes  de  meurtre  volontaire  (DemosUi.  XXIII,  22.  —  Aristot.  'AO.  iroX. 
LVII,  3).  —  Cf.  Arisloph.  Thesm,  2i4  et  Schol. 

(2)  IIôXiç,  primillvenieni,  a  le  sens  d'acropole.  C'est  l'enceinte  fortifiée  et 
sacrt'^e,  sltut^e  sur  un(;  hauteur,  par  opposition  à  l'à(TTu,  la  ville  basse  (Thucyd. 
II.  ir>.  —  V,  18,  57).  L'oiseau  vigilant,  la  chouette,  qui  hante  tous  les  recoins 
du  rocher  tutélaire,  est  le  symbole  do  la  sollicitude  toujours  en  éveil  d'Athéna. 

(3)  Déjà  citée  dans  VIliade  IV,  8.  —  Cf.  Strab.  IX,  2,  30.  —  Et.  Byz.  s.  v. 
•AXaXxo(i.éviov.  —  Cf.  Athéna  Alkis  à  Pclla.  (Llv.  XLII,  54). 

(4)  Voy.  p.  232. 


LA   RKLIOION   MANTINÉENNE. 


273 


Les  traditions  de  la  guerre  des  Épigones  rapportaient  que  les 
Thébains  fugitifs  y  avaient  trouvé  un  refuge  aussi  sûr  que  les 
escarpements  du  Tilphousîon  (1). 

Les  conditions  où  se  présente  Alalcoménia  à  Mantinée  rap- 
pellent trop  celles  qui  viennent  d'ôtre  exposées  pour  laisser  le 
moindre  doute  sur  son  origine  et  son  identité.  Elle  occupe,  là 
aussi,  une  position  limitrophe,  à  mi-chemin  entre  Orchx)mène 
d'Arcadie  et  Mantinée.  Elle  détient  le  passage  si  important  de 
Kakouri,  sans  doute  défendu  par  une  forteresse.  Elle  est  là, 
adossée  à  un  promontoire  avancé  de  TAlésion,  pour  surveiller 
la  frontière  et  garantir  la  sécurité  de  l'antique  Ptolis  (2).  Son 
nom  reste  attaché  à  une  source,  souvenir  de  la  fontaine  Til- 
phossa.  Comme  Praxidique,  elle  s'adjoint  à  Thémis  (Déméter 
Thesmophoros  de  TAlésion)  auprès  du  couple  chthonien  Dio- 
nysos et  Aphrodite,  au  bout  de  la  colline  dont  le  nom  signifie 
Refuge,  Dans  ce  double  rôle  de  Protectrice  poliade  et  de  déesse 
de  VAsile,  elle  dut  céder  le  pas,  comme  en  Béolie,  à  Athéna  (3). 

La  conclusion  de  cette  analyse,  c'est  que  le  groupe  Dionysos- 
Aphrodite-Thémis,  originaire  de  Tanagra,  après  s'être  complété 
en  Béotie  môme  par  l'adjonction  de  l'élément  Praxidique  (4), 
s'est  transporté  à  Mantinée  et  de  là  en  Laconie.  Mais  l'analogie 
va  encore  plus  loin.  A  Tanagra,  à  la  combinaison  susdite  s'ajoute 
le  culte  des  Létoïdes.  Or,  à  Mantinée,  nous  voyons  aussi  inter- 
venir l'élément  solaire  représenté  ici,  comme  à  Nestané,  par 
Maira,  qui  s'est  installée  aux  environs  immédiats  de  la  fontaine 
Alalcoménia. 


Alalcoménia 
à  Mantinée. 


Maira. 


Une  coïncidence  aussi  précise  entre  les  cultes  mautinécns  et 
ceux  de  la  Béolie  nous  ramène  une  fois  de  plus  à  l'hypothèse 
d'une  migration  béotienne.  Le  groupe  de  l'Alcsion  contient 
moins  d'éléments  autochtones  que  celui  de  Nestané.  Sans  doute 
le  couple  Dionysos  et  Aphrodite  Mélaiuis  représente  bien  aussi, 
comme  le  couple  Poséidon  Hippios  =  Déméler-Gè  de  Nestané, 
un  principe  chthonien,  mais  ses  liens  avec  le  sol  indigène  sont 
moins  étroits.  Il  trahit  davantage  ses  origines  étrangères.  D'ail- 


RésuRié. 


(i)  Slrub.  IX,  2,  36. 

(2)  Ceci  est  un  argument  de  plus  en  faveur  de  la  position  attribuée  (p.  il8) 
à  la  Ptolis. 

(3)  Voy.  plus  loin  Athéna  Aléa. 

(4)  Cf.  à  Delphes,  près  de  Poseidon-Gô  (Thémis),  les  Moin-s  (Pausan.  X,  37, 4). 


Mantinée.  —  10. 


^^^i  MANTINÉB  ET  l'arCADIE  ORIENTALE. 

leurs  son  caractère,  moins  naturaliste  et  en  quelque  sorte  plus 
abstrait,  ne  comportait  pas  une  adaptation  aussi  précise  à  la 
nature  locale.  Ce  groupe  symbolise  surtout  l'énergie  des  puis- 
sances clithonicnnes  dans  leurs  rapports  avec  la  source  invi- 
sible de  la  sève  productrice.  Comme  principe  générateur,  il 
préside  à  la  transmission  et  à  Tépanouissement  de  la  vie  ;  tel 
devait  être  le  sens  des  mystères  célébrés  par  les  Méliastes. 
Comme  principe  tellurique,  il  s'associe  aux  divinlés  infernales, 
vengeresses  des  morts  criminelles  et  des  lois  violées  par  le 
meurtre.  Rien  de  plus  logique  que  cette  liaison  :  quand 
l'homme  a  brutalement  détruit  l'œuvre  d'amour  de  Dionysos 
et  d'Aphrodite,  il  doit  des  comptes  aux  Justicières  qui  repré- 
sentent la  protestation  des  âmes  précipitées  dans  THadès  contre 
la  volonté  des  dieux.  (  , 


3«  négion  de  l'Anchisia  et  du  Ménale. 

AiiinoDiTR  Nous  avons   retrouvé  dans   le  couple  Ulysse-Pénélope    un 

KT  Awciiiw.  doublet  du  couple  Poséidon  Hippios-Déméter,  avec  cette  diflé- 
rence  que  Pénélope  personnifie  plutôt  un  aspect  de  l'Artémis 
arcadienne.  Il  en  est  de  même  du  couple  Ancliise- Aphrodite» 
installé  sur  la  roule  de  Mantinée  à  Orchomène,  au. pied. de 
l'Anchisia.  .    , 

«  On  y  trouve,  dit  Pausanias  (1),  d*abord  le  mont  Anchisia  et  vers 
le  pied  de  ce  mont  le  tombeau  d*Anchise;  lorsque  Énée  allait  en  Sicile, 
il  aborda  avec  sa  flotte  dans  la  Laconie,  où  il  fonda  les  deux  villes 
d*Aphrodisias  et  d'Étis.  Anchise»  son  père,  étant  venu^  je  ne  sais  à 
quelle  .occasion,  jusqu'à  l'endroit  dont  il  est  question,  ly  unit,  ses  jours 
et  y  fut  enterré;  c'est  de  lui  que  la  montagne  a  pris  le, nom  d'Anchisla. 
Ceux  des  Éqliens  qui^  occupent  maintenant,  Ilion  semblent  conûcmçr 
celte  tradition^  car  ils  ne  montrent  nulle  p^rt  dans  |eur  pays  le, tom- 
beau d'Ânchise.  On  voit,  près  ide  ce  tombeau,  les  ruines  d'un  temple 
cl'Aphi^odite.  >;  •.."•-       ••!    /•   '»'i^-i  ..m:   ..'-.•..r^ 

La  présence  d'Anchise  en  cet  endroit  s'explique,  comme  celle 
rt'Énée,  par  la  dilïusion  du  culte  de  l'ApliJcçdite  syrienne  et  de 
l'Aphrodite,  énéenne  dans  les  cantons  arcad,ien$.^  Son  cas  .ne 
.rappelle  en  rien  celui  de  Pénélope,  divinité  indigène,  pourvue 
d'une  légende  toute  locale.  C'est  donc  ù  tort  qu'on  a  voulu  pré- 

..    |. ,,,...!     .       ..  >•       !       .  •  Il  ••      .       ■'  ;  ■.      •     M!  ■    .!..»'•-    !  » 

..,..•,./,         •'      ,         .     .  •   ..  »        !     •  .     .  ■'    Mi.  .  1/    !,    ..,.\.'»».» 

(1)  VIII.  1£,  8.  —  Cf.  m,  22,  1.  .    .•     •         /•» 


LA    RELIGION   MANTINKRNNE.  275 

senter  Anchise  el  Énée  comme  des  dieux  locaux  de  l'Arcadie  (1). 
Sans  doute,  TArcadie,  étudiée  de  près,  apparaît  comme  une 
pépinière  héroïque  dont  le  personnel  s'est  de  bonne  heure, 
grâce  à  la  précoce  expansion  de  la  race,  répandu  au  loin  dans 
les  traditions  populaires  qui  constituent  la  trame  première  de 
répopée.  Mais  cette  théorie  doit  rester  dans  les  limites  de  la 
vraisemblance.  La  légende  d'Anchise  parait  bien  localisée  au 
Mont  Ida.  Là,  il  se  présente  comme  un  dieu  de  la  nature,  qui 
préside  à  l'élevage  des  troupeaux  et  des  clievaux  de  race.  11 
emprunte  à  d'autres  dieux  phrygiens  ce  caractère  de  beauté  et 
de  jeunesse  qui  le  désigne  à  l'amour  de  la  grande  déesse 
asiatique,  Aphrodite.  Il  est  l'équivalent  Iroyen  de  l'Adonis 
syrien.  De  son  union  avec  Aphrodite  naît  Énrc,  le  héros  «  favo- 
rable »,  dont  le  nom  n'est  autre  qu'une  épithète  de  la  déesse 
marine  des  Pélasges  Tyrsènes,  combinée  par  l'intermédiaire 
d'Anchise  avec  la  grande  déesse  de  l'Ida.  La  légende  fait  d'An- 
chise  et  d'Enée  les  compagnons  inséparables  de  celte  Aphrodite 
nomade,  qui  se  confond  en  maint  endroit  avec  l'Astarlé  installée 
Sur  toutes  les  côtes  par  les  navigateurs  phéniciens.  Associés 
à  elle,  et  transformés,  suivant  l'habitude  mythologique,  en 
servants  de  la  déesse  et  en  fondateurs  de  son  culte,  ils  appa- 
raissent presque  partout  où  elle  s'est  fixée,  tantôt  ensemble, 
tantôt  isolés.  En  réalité;  c'est  elle  qui  les  a  portés.  C'est  ainsi 
qu'en  Arcadie  l'itinéraire  du  culte  d'Aphrodite  est  jalonné  par 
les. noms  des  deux  héros. 

.  I  Le  souvenir  d'Énée  s'attache  aux  rivages  de  Thrace,  de  Macé- 
doine, de  Samothrace,  de  Délos,  de  Crèle,  de  Cythèrc,  de 
Zacynthe,  deLeucade,  d'Actium,  d'Ambracie,  d'Epire,  de  l'Italie 
méridionale,  de  Sicile,  de  Carthage,  de  la  cote  lyrrénienue,  de 
l'Étrurie;  dé  la  Sardaigne,  etc.  Il  traverse  aussi  le  Péloponnèse 
lie  part  en  part.  Le  héros  arrive  en  personne  à  Mantinée  où  il 
recrute  l'inventeur  dé  la  danse  armée,  Salius  (2).  H  s'installe  à 

.•  'M.        f       •.      t     I  ■       -       I      I  ...  »        ' 

Orchomène,  fonde  Kaphyai  ou  Kapyai,  à  qui  il  donne  le  nom  de 
son  compagnon  Kapys  (3).  De  là,  le  mythe  bifurque  ;  d'une  part 

•Hl    »»"!■:  If  Mil        t"i.    •'!  •  !l-.  i  :•.;.•.■.      ' 

^  \i)  MayGv^'desch.d.  AUerth.  Ii;  p.  100.—  Iiiimçrwîilir.  KuUe  Àrkad.,  p.  171. 
''''(2)'Festus:  /i>tï.,  p:  3i8,  Mullcr.  —  Sorvlus  m  Jincùi.  VllI,  28;).  —  Plut. 

JVii/Mrt;'i3.  —  Vlrgild  [Avn\  v.' 298)!  rêpr6s(!ntc  Salins  comme  originaire' do 

T6g<^0i'll'• ,    r   ■•".  I  |.   I  n  '    •      >...•!•    ..•.    '       '•  '        «    ' 

(3;  Stral).  XIII,  1,  53.  —  Dcnys  d'IIulic.  I.  49.  Los  sourc-os  tio  Donys  sont  les 

Arcadica  d'Ariaithos  de  T6gôc  et  les  poèmes   d'A^'athyllos   l'Arcadion.   Kt. 

Dyz.  s.  V.  Ka^ûai.  • 


276  MANTINÉE   ET  L*ARCADIE  ORIENTALE. 

il  s'insinue  clans  les  cantons  occidentaux  par  la  vallée  de  TÉry- 
manthos  :  Énée  séjourne  à  Nésos  ou  Nasoi,  sur  le  Tragos, 
aflluenldu  Ladon  (1),  descend  à  Psophis,  où  Ton  trouve  un  culte 
d'Aphrodite  Érycine,  et  de  là  aboutit  à  Zakynthos,  colonie  de 
Psophis,  où  Aphrodite  est  invoquée  sous  Tépithcte  d'Aineias{2). 
D'autre  part,  de  Kaphyai,  il  remonte  au  N.  par  Phénéos  où 
passe  Anchise  (3)  cl  aboutit  à  Sicyone  où  le  nom  d'Énée  s'associe 
sur  les  monnaies  h  la  colombe  d'Aphrodite  (4). 

Les  temples  d'Aphrodite  marquent  les  principales  étapes  de 
cette  route  intérieure,  à  commencer  par  l'Aphrodision  de  Cy- 
thcre,  et  en  continuant  par  ceux  d'Aphrodisias  (5),  peut-être 
de  Sparte,  de  Tégée,  de  Mantinée  (Anchise),  d'Orchomène,  de 
Psophis,  de  Sicyone. 

Mais  tous  les  établissements  arcadiens  d'Aphrodite  auxquels 
correspond  un  séjour  d'Énée  ou  d'Anchise  n'ont  pas  forcément 
la  môme  provenance.  11  semble  qu'on  doive  distinguer  deux 
lignées,  l'une  qui  part  de  Cythère  —  comme  Ta  reconnu  Pau- 
sanias,  —  l'autre  de  Zakynthos.  L'origine  sémitique  du  sanc- 
tuaire cythéréen  est  attestée  par  Hérodote,  qui  le  fait  dériver 
d'Ascalon  (6).  L'Aphrodite  de  Tégée,  dérivée  de  celle  de 
Cythcre,  se  rattacha  ensuite  à  la  ïl<x<^i<x  de  Chypre  par  la  colonie 
arcadienne  d'Agapénor  (7).  De  même  l'Aphrodite  Érycine  de 
Psophis  paraît  bien  être  une  déesse  sémitique,  dont  les  rapports 
de  Psophis  avec  Zakynthos  et  de  celle-ci  avec  la  Sicile  pour- 
raient expliquer  la  présence  (8).  Ces  deux  courants  en  sens 
inverse  se  sont  rejoints  au  cœur  de  l'Arcadie.  Il  est  donc  évi- 
dent que  l'Aphrodite  sémitique  a  frayé  la  voie  à  l'Aphrodite 
Aineias  et  à  la  légende  d'Énée  et  d'Anchise.  Le  domaine  propre 
de  l'Aineias  paraît  avoir  été  le  bassin  septentrional  de  la  mer 
Egée,  la  région  de  Samothrace  et  les  côtes  ambiantes  de  la 

(1)  Denys  d'Ilallc.  I,  49. 

(2)  Ib,  et  Paus.  VIII,  24,  2.  ,  '  . 

(3)  Vlrg.  jEncid,  VIII,  103.  —  Dcnys  d'Halle,  I,  42  et  GO. 

(4)  MIonnct.  Suppl.  IV,  102,  n-  10(35,  1099-1101. 

(5)  A  défaut  d'aulro  preuve,  le  nom  seul  témoigne  d'un  culte  d'Aphrodite. 
Les  villes  fondées  par  Énéc  lurent  absorbées  par  la  colonie  dorienne  de 
Boiai  (Paus.  III,  22,  11;.  •  : 

(6)  Ilérod.  I,  105.  " 

(7)  Pausan.  VIII,  53,  7. 

(8)  Immcrwahr  {Kulte  ArkaiL,  p.  173),  conclut  à  une  importation  dés  Pé-  . 
lasges-Tyrsèncs.  Mais  l'origine  punique  de  l'Érycine  sicilienne  ne  semble  pas 
contestable  (Dérard.  Orig,  des  cultes  arcad.,  p.  148).' 


LA   RELIGION   MANTINËENNE.  277 

Troade  et  de  la  Thrace,  c'esl-à-dire  le  berceau  maritime  des 
Pélasges  Tyrsènes.  De  là,  la  légende  énéenne  se  raccrocha  à 
la  série  des  Aphrodîtes  sémitiques  égrenées  le  long  des  côtes 
où  les  Phéniciens  et  les  Carthaginois  avaient  installé  des  comp- 
toirs et  rejoignit,  par  leur  intermédiaire,  les  établissements  des 
Pélasges  Tyrsènes  dans  l'Adriatique  et  sur  la  cùte  tyrrhénienne. 
C'est  ainsi  qu'à  Cythère,  qui  est  un  établissement  phénicien,  et 
dont  les  cultes  laconiens  d'Aphrodisias  et  d'Étis  sont  des 
succursales,  Énée  intervient  comme  fondateur,  après  avoir 
quitté  Délos  (1).  Il  contourne  le  Péloponnèse  et  va  se  fixer  à 
Zakynthos,  où  Tépithète  d'Aineias  se  combine  avec  une  Astarté 
sémitique,  intermédiaire  entre  TÉricyne  de  Psophis  et  celle 
d'Éryx. 

A  l'intérieur,  môme  combinaison.  L'Aplirodite  Paphia  de 
Tégée  se  rattache  indirectement  à  TAphroditc  énéenne  par  la 
généalogie  de  Laodicé,  fille  de  Priam  (2),  ainsi  que  celle  de 
Sicyone,  dont  les  rapports  avec  Golgoi  sont  connus  (3). 

Quant  à  Anchise,  il  est  à  remarquer  que  son  souvenir  s'arrête 
dans  les  cantons  arcadiens  où  fleurit  le  culte  de  Poséidon 
Ilippios,  c'est-à-dire  à  Mantinée  et  à  Phénéos  (4).  Avec  lui  et 
avec  Énée,  d'autres  héros  dardaniens,  Dardanos  et  Kapys,  se 
fixent  en  Arcadie.  Mais  ces  particularités  nous  sont  révélées 
par  la  légende  romaine,  intéressée  à  confondre  dans  une 
parenté  commune  les  deux  rameaux  mythiques  auxquels  Rome 
rattachait  ses  origines,  la  branche  arcadienne  représentée  par 
Évandre,  et  la  branche  troyenne  représentée  par  Dardanos. 

L'Aphrodision  mantinéen,  situé  sur  la  route  d'Orchomène, 
c'est-à-dire  dans  le  prolongement  de  la  voie  commerciale  qui 
rejoint  la  vallée  de  l'Ëurotas  à  celles  du  haut  Ladon,  parait 
devoir  être  rattaché  à  la  lignée  de  Cythère.  Le  nom  primitif 
de  la  montagne,  al  'A^fyKjion,  c'est-à-dire  les  deux  Voisines  ou 
les  deux  Jumelles  (de  ay^^i,  proche),  par  allusion  aux  deux 
croupes  séparées  par  le  col  de  la  route,  a  pu  servir  de  pré- 
texte à  localiser  au  pied  du  col  le  souvenir  d'Anchise,  le 
héros  pastoral,  époux  d'Aphrodite. 

(1}  Pausan.  III,  22,  1.  —  Dcnys  d'Haï.  I,  JK). 

(2)  Ilygin.  fab,  101. 

(3)  Et.  Byz.  s.  t?.  —  Gruppe  {Griecfi,  Myth.,  p.  lîXi)  suppose  que  la  légontlo 
d'Anchise  et  d'Énéo  s'est  propagée  du  N.  au  S.  par  Chalcis,  Sicyone,  Pli6- 
nôos,  etc. 

(4)  Virg.  ASn,  VIll,  156.  —  A  Sicyone,  Anchise  est  pore  d'Écliépolos,  l'élo- 
veup  de  chevaux,  lliad.  XXIII,  296  et  Schol. 


278  MANTINKE   ET   L'ARGADIE  ORIENTALE. 

aiithmis  Voici  peut-ôtre  la  plus  vieille  des  déesses  arcadiennes,  être 

arcadienne, déesse  lYïulti pie,  parco  Qu'clle  personnific  tous  les  aspects  de  la 
de  u  Nature,  ^ature.  Eii  elTct,  avant  de  la  reconnaître  comme  fille  de  Léto  et 
sœur  d'Apollon,  les  Arcadiens  ont  adoré  une  divinité  féminine 
dont  les  noms  divers  sont  ensuite  devenus  autant  d'épithètes 
d'Artémis.  C'était  l'universelle  souveraine  de  la  Nature  agreste 
et  indomptée,  de  celle  qui  échappe  à  la  dominalion  de  l'homme. 
Elle  domine  sur  les  sommets  (1),  vague  dans  l'ombre  des  bois  (2), 
chasse  et  dompic  les  fauves  (3),  règne  sur  les  marais  (4)  ; 
farouche  et  vierge,  elle  impose  à  ses  desservants  le  vœu  de 
chasteté  (5)  ;  à  I^ousoi,  elle  est  la  jeune  fille  idéale,  comme 
Hermès  est  l'idéal  éphèbe  (6);  elle  guérit  les  folles  passions  (7), 
et  se  complaît  aux  chœurs  et  aux  hymnes  chantés  par  des  voix 
virginales  (8). 

Elle  a  la  beauté  et  l'éternelle  jeunesse  de  la  Nature.  Déesse 
femme,  elle  est  la  plus  belle  (xaXX(<jT7|),  aimée  de  Zeus  Lykaios; 
elle  devient  mère  des  Arcadiens  (9).  Sous  le  nom  de  Pénélope, 
elle  représentera  dans  l'épopée  la  femme  pudique  et  fidèle  (10). 

Telle  on  la  retrouve,  céleste,  terrestre  et  vierge  dans  les  cultes 
mantinéens.  Du  faite  isolé  de  l'Artémision,  elle  plane,  aérienne 
et  solitaire,  sur  les  monts  et  sur  les  plaines  d'Argolide  et  d'Ar- 

'   ••  'l'  •     •.     •■    Il        ."   .  .'!  •     I  , 

(i)  Koputpaïa  h  Épldauro  (Pnus.  lï,  28.  2.  —  Et.  Byz.  s.  v.)  —  'Axpfa 
i\  Argos.  Hcsycli.  s.  v.  —  SwTeipa  st  Plilgalio  (Paus.  VIII,  39). '  '  ' 

(2)  SxWTiç  sur  la  route  de  Môgalopolls  à  Méthydrion.  Paus.  VIII,  35,  5.  '^ 
KeSpeaTiç  ù  Orchomônc.  Paus.  VIII,  13,  2.,  •  ,      i:    i^   if...  .  •     ,. 

(3)  KvaxcaTiç  h  Tcgôe,  VHI,  53,  il.  —  KvaxaX7|<T(a  àiKa^ihlai  (VIII,  23,  3), 
de  xvàÇ.  —  'AypOTEpa  h  MégalopoHs,  (VIII,  32,  4).  —  Déesse  Ourse  dans  le 
Méoalo  (Voy.  p.  20G)  et  l'Artômis  Eiipiitira  de  Phônôos  (Pausan.  VIII,  14,  5). 
A  Lycosoura,  Démctcr  la  reconnaît  pour  sa  fille' et  rihstallo  li  ses  cdlôs,  au 
mC.me  titre  que  Dcspoina  (VIII,  37,  4).  ; 

(4)  AipaTtc  h  Tcgéc  (VIII,  53,  H).-  "EXeia  à  Alorion  (Strab.  VIII,  35oi. 

(5)  Mont  ParthCnlon.—  Célibat  des  prêtres  d'Artémis  Uymnla!  Paus.  V III,  13, 1 . 
'  (G)  Kopia.  Gillimach.  Dian.  223  et  sch.  In  Dlan,  3G.—,  La  .conception  d'Ar- 

témis  comme  déesse  lunaire  n'est  pas  .primitive^  Voy.;, Pauly ^/{cafencyc/. 
1893.  Art.  ArLémis.  ,         ..,...,'  ,,    ..     ,  \,    ,  . 

(7)  *n|JL6pa(T(a,  à  Lousol.  Paus.  VIII,  18,  8.  —  *Hfi.6pa.  IIe^y<}h.  .  ,  ,     . 

(8)  *r|jLvfa,  voy.  plus  bas.  !    .'.li'/    ;•■    n»  !  •.  i 

.  (9)  Pour  mettre  d'accord  cette  maternité  avec  le  caractère  virginal  de  la 
déesse,  on  fit  d'Artémis  Kallisté  la  nymphe  Callisto.       .  \   .\    .  «•  ,  !  ;.  •.    /  \\ 

(10)  Homère  compare  Pénélope  à  Artômls  {Odys,  XVIÏ,  36.  —  XIX.,=54Kj  On 
croit  reconnaître  Artémis  en  Aidés  sur  une  amphore  du  .Louvre  (Gerhard. 
Aiiserles.  Vascnbild.  I,  22.  —  0.  Jahn.  Àrch.  Atifs,  13Q).  ,    !ii  /     „,.  i  <- 


LA  RELIGION   MANTINÉENNE.  279 

cadie  (1).  Chasseresse  infatigable,  elle  liabite  en  plaine  auprès 
du  stade  où  Ladas,  le  grand  coureur  olympique,  s'entraîne  à  son 
exercice  favori  (2). 

Enfin  sous  le  nom  d'Hymnia,  elle  possède  un  temple  vénéré  Anémia  nymni» 
sur  le  penchant  de  TAnchisia  qui  regarde  Orchomène.  Par  sa 
position,  ce  sanctuaire  appartient  aux  Orchoméniens,  mais 
par  le  culte  il  est  mitoyen  entre  Orchomène  et  Mantinée  (3). 
M.  Immerwahr  (4)  nie  la  haute  antiquité  de  ce  sanctuaire. 
D'après  lui,  Artémis  Hymnia  est  la  lillc  de  Léto  venue  là  en 
môme  temps  qu'Apollon.  Le  caractère  musical  et  la  diasteté  de 
la  déesse  lui  semblent  des  raisons  probantes  à  ra[)pui  de  son* 
opinion.  Pour  nous,  le  culte  de  la  déesse  des  Hymnes  entre 
dans  la  catégorie  des  vieux  cultes  démotiques.  Il  est  isolé 
en  un  coin  de  la  plaine  orchoménienne,  à  égale  dislance  des 
deux  villes.  Pour  trouver  un  compagnon  à  Ilymnia,  il  faut  aller 
chercher  Apollon  bien  loin,  à  Mantinée,  dans  un  temple  où  il 
n'est  môme  pas  le  maître,  où  il  est,  avec  sa  sœur,  l'hôte  de 
Léto  (5);  à  Orchomène,  il  apparaît  seulement  sur  une  monnaie 
du  temps  de  Septime-Sévère  (6).  De  plus  la  tradition  locale 
représentait  l'union  cultuelle  de  Mantinée  et  d'Orchomène  dans 
le  sanctuaire  d'Hymnia  comme  le  souvenir  d'une  antique  am- 
phictyonie  panarcadienne  :  «  depouttiv  èx  itaXatoTaTou  xal  ol  TrâvTeç 
/Apxàèeç  *T|jLv(av''ApT6|jLtv  (7)  M.I^ourquoi  contester  ce  témoignage 
si  précis  de  Pausanias  ?  Ici,  on  allègue  que  le  culte  d'Artémis 
Ilymnia  ne  se  retrouve  pas  dans  les  autres  régions  de  TArcadie. 
Cet  argument  pourrait  aussi  bien  ôtre  invoqué  contre  le  carac- 
tère pailarcadien  de  Zeus  Lykaios  :  le   dieu  du   Lycée   n'est 

(1)  Pausan.  II,  2;),  3.  —  VIII,  6,  0.  .VYiçèp  Se  ttiç  OivdY,ç  opoç  édxiv  'Apxc- 
(jL((Tiov,  xai  Upbv  'ApxijjLiSoç  kiû  xopu^Tj  tou  opouç.  Il  ne  subsiste  aucune 
trace  ,clU' vaôç.ni  do  ràyocXfJLa  do  rArtémision.  Kn  revanche,  nous  avons 
rotrouYÔ  un  pcUt  sanctuaire  d'Artémis  caché  ii  rextn'inlté  Sud  de  hi  mon- 
tagne sur  un'  petit  ravin  torrcntiei  en  (ace  do  Pahuo-AIoukIilL  Quelques 
bronzes  cl  db  petits  marbres  avec'  le  nom  de  la  déesse  proviennent  de  lu. 
^  ^2)  Voy.'plii^haut,  p.''249,  iià'tc'3.  ''^  .    •■  ...     •  .   ' 

(3)  Pausan.  V,  5,  11.  —VIII,  13,  1,  —  Diod.  XIX,  «.X  '         '     '  "'* 

m  KtUt:'Àrkad./p.và\  '     '    ""     "*  '  '.      ' 

(5)  Pausan.  VIII,  9,  1.  .      - 

'  (é)  Mibttnct.  SUppl.  IV,  283,  û"  64.  -»-  Pausanias  ne  lui  connaît  pas  de  temple. 
Il  y  avait  près  de  la  ville  (Tcpbç  hï  xy^  TioXei)  uri  hiéron  d'Artémis  Kédréatis 
•(VIII,  13,'2)";  les  monnaies  représentent  plusieurs  types  de  la  déesse  (Gardner, 
Nuniismal.  comment,  of  Pausanias:  Joum.  of  hellcii.  Slud..\U,  100).    -  • 
(7)Paus.  VIII,  5,  11'.'    '-^     ••■"5    ...Il    •!        •      •  ..-:      .^...1 


^0  MANTINKE   ET   l'ARCADIB  ORIKNTALE. 

guère,  que  je  sache,  descendu  de  sa  monlagne  pour  aller  colo- 
niser chaque  ville  d'Arcadie  en  particulier  (1).  La  popularité 
d'un  culte  ne  se  mesure  pas  toujours  au  nombre  de  ses  succur- 
sales. 

Il  n'y  a  pas  de  bonnes  raisons  pour  nier  la  haute  antiquité 
d'Artémis  Hymnia.  Est-on  mieux  fondé  à  lui  refuser  le  titre  de 
divinité  indigène?  Vierge  et  musicienne,  dit-on,  c'est  bien  la 
sœur  d'Apollon  :  «  Elle  est,  dit  Pausanias  (2),  desservie  par  un 
prêtre  et  par  une  prêtresse,  qui  sont  pour  toute  leur  vie  non 
seulement  astreints  à  une  chasteté  sévère,  mais  encore  assu- 
jettis à  beaucoup  d'autres  obligations.  Les  bains  leur  sont 
interdits  et  leur  manière  de  vivre  pour  tout  le  reste  n'est  point 
la  môme  que  celle  des  autres  ;  ils  ne  peuvent  entrer  dans  la 
maison  d'aucun  particulier.»  Cette  règle  ascétique  rappelle  à 
Pausanias  celle  des  Essènes  ou  prêtres  d'Artémis  Éphésienne 
chargés  de  la  présidence  des  repas  sacrés  dans  le  temple.  En 
ellet,  ces  pratiques  viennent  peut-être  d'Orient.  Elles  ont  pu  se 
grefler  sur  le  culte  primitif  de  l'Artémis  arcadienne  au  moment 
où  l'Artémis  Éphésia  fit  son  entrée  dans  le  Péloponnèse  (3).  Les 
exemples  d'une  semblable  fusion  des  rites  étrangers  et  des  cultes 
indigènes  sont  si  nombreux,  en  particulier  pour  Artémis,  qu'il 
n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner  (4).  Au  reste,  cette  obligation 
de  la  chasteté  comportait  des  accommodements,  puisqu'après 
la  séduction  de  la  prêtresse  d'Artémis  par  le  roi  Aristocrates, 
les  Arcadiens  changèrent  le  règlement  religieux  et  confièrent 
le  service  de  la  déesse  à  une  femme  sachant  ce  que  c'était  = 
que  le  commerce  des  hommes  (5).  L'anecdote -mérite- 1- elle  = 
créance  ?  question  secondaire  (6).  En  tout  cas,  ces  traditions 
contradictoires  attestent  certaines  fluctuations  dans  le  rite  : 
du  caractère  virginal  de  la  déesse,  on  ne  saurait  déduire  son 
origine.  ... 

Reste  l'épithète  d'IIymnia.  Artémis  est  souvent  représentée 

(1)  Sauf, A  Tôgéo,  où  il  possédait  un  simple  autel,  près  do  celui  de  Pan,  son 
prédécesseur  (Pausan.  Vlll,  53,  II).  •.,»....;.. 

(2)  VIII,  13,  I.  ..,..'         i, 

(3)  Artémis  Kphosia  à  Aléa  (Paus.  VIII,  23,  1),  k  MégalopoUs  (VIII,  30,  6).  • 
Cf.  la  régie  des  Sellol  de  Dodone  {lUad.  XVI,  233).         .  .   .-  .. 

(4)  Rosclier.  Myth.  Lex.  Artémis  Eplicsia,  p.  590.        .•  • 

(5)  VIH,  5,  11.  '  •      .  *     , 
(G)  IliliervonGârtringcn.  Zur  Arkadisch.  Kimigsliste  von  Pau$ani(iSy  1890,  ' 

p.  92.  —  Immcrwalir.  Kult,  Àrkad.  p.  158.  ,>  »  / 


LA   RELIGION   MANTINKENNE.  281 

une  lyre  à  la  main.  Elle  aime,  dit  Thymne  homérique  à  Aphro- 
dite  (1),  le  son  des  phorminx  et  les  chœurs.  Mais  ce  goiU  lui 
vient  d'Apollon.  Aussi  Artémis,  comme  divinité  musicale, 
paraît-elle  rarement  seule.  Elle  escorte  le  plus  souvent  Apollon 
ou  Hermès  et  il  lui  arrive  d'assister  en  simple  comparse  à  leujs 
exercices  artistiques  sans  qu'elle  y  joue  sa  partie  (2).  Dans  la 
légende  des  Létoldes,  le  caractère  musical  d'Artémis  n'est  donc 
qu'un  reflet  d'Apollon  sur  elle.  Il  est  si  peu  un  trait  de  sa 
nature  personnelle  qu'elle  ne  reçoit  chez,  les  poètes,  aucune 
épithète  spéciale,  telle  que  eCîjjLoXTtoç,  eù^pôpjxiY;,  -/jouêtç-j^ç,  xûouaiXupvjç 
(3)  et  autres,  si  souvent  appliquées  à  Apollon.  L'exemple 
d'Hymnia  est,  je  crois,  unique.  Il  ne  se  rencontre  pas  ailleurs 
qu'à  Mantinée  ni  dans  la  littérature,  ni  dans  les  inscriptions  (4). 
Comment  alors  affirmer  sa  provenance  étrangère,  surtout  si 
l'on  tient  compte  qu'ici  elle  se  présente  solitaire  et  dégagée  de 
toute  parenté  avec  Apollon  ? 

En  résumé,  Artémis,  invoquée  sous  le  nom  d'Hymnia,  est  une 
forme  locale  de  l'Artémis  arcadienne,  sans  attache  avec  Apollon. 
Peut-être  même  Hymnia  était-elle  une  divinité  champêtre  indé- 
pendante, identifiée  ensuite  à  Artémis.  Elle  serait  alors  l'équi- 
valent de  la  nymphe  Hymno,  qui  complétait  avec  Moucra  et  Sii  la 
triade  musicale  primitive,  d'après  Mnaséas(5). 

Un  autre  culte  démotique  est  celui  deZeus  Charmon,  c'est-à-  zbo»  cnAnsion. 
dire  Zeus  Charmeur,  situé  dans  la  partie  sud  de  la  plaine,  près 
des  confins  de  la  Tégéatide,  sur  la  route  de  Pallantion  (6).  On 
pourrait  reconnaître  dans  cette  épithète  une  antiphrase  euphé- 
mique qui  rappellerait  les  qualificatifs  tels  que  Géléon,  Philios, 
Euhouleus,   Meilichios,   appliqués  au  Zeus-Dionysos  ou   dieu 

{{)  Hymne  à  Àphr.y.  19. 

(2)  Paris,  Art.  Diana,  dans  le  Dict.  des  Antiq.  de  Sa^Hio,  p.  139.  —  Roscher. 
Myth.  Lex,  Artémis,  p.  574,  3.  —  Braun.  Artémis  Ilymnia.  Rome,  1842. 

(3)'Voy.  Bruchmann.  Epiiheta  deorum  quœ  apud  poêlas  /e^tw^wr  (Supplé- 
ment au  lexique  de  Roscher). 

(4)  On   n'est  pas  d'accord   sur  le  sens  de  l'épi théto   yeXuTiç,  de  l'Artémis 
laconienne,  citée  par  Clément  d'Alexandrie  {Protrcpt,  p.':«,  Pot't).  Est-ce  une  ' 
déesse  de  la  lyre,  parente  d'Hymnia,  comme  le  veut  Wolckcr  (Gricch,  G'ôl- 
terLeb;  I,  pli 580)  ou  une  déesse  à   la  tortue,  symbole  tellurique   analogue  bu 
serpent,  comme  le  propose  Maass  (VVide,  Lakon.  Kulte,  p.  130,  1).  '  ' 

(5)  Cf.  la  Afyeia,  l'une  des  Trois  Sirènes  (Voy.  dans  Rérard,  Cultes  arcad, 
p.  186  et  suiv.  la  comparaison  de  la  triple  Sirène  et  de  la  triple  Muse  avec 
la  Baaiat  sémitique),  et  le  hameau  lycéato  Méy^eia  (Paus.  VUI,  38,  8). 

(6)  Paus.  Vin,  12,  1.  '     •    * 


282  MANTINKR  ET  L'aRCADIE  ORIENTALE. 

infernal.  Toutelois  la  position  de  ce  petit  temple  sur  le  chemin 
(le  Pallantion  suggère  une  autre  interprétation.  Charmas,  héros 
pallantien,  était  père  crÉvandre  le  Pélasge  (1).  Or,  Évandre 
passe  d'ordinaire  ])our  fils  dUermès.  Charmas  serait  donc  un 
équivalentou  une  hypostasedlïermès. Évandre  lui-môme,comme 
son  nom  Tindique,  est  un  héros  bienfaisant  et  civilisateur  (2).  Il 
a  pour  mère  la  nymphe  arcadienne  Carmenta  qui  s'expatrie 
avec  lui.  Il  enseigne  aux  rustiques  habitants  du  Latium  Tusage 
des  instruments  (le  musique,  la  lyre,  le  triangle  et  la  flûte,  en 
môme  temps  qu'il  importe  en  Italie  les  cultes  arcadiens  de 
Déméter,  de  Poséidon  Hippios  et  de  Pan  Lykaios.  Charmas, 
(îharmon,  Zeus  Charmon  est  donc  un  dieu  musical  agreste, 
l'héritier  de  Pan  (3),  le  doublet  mantinéen  d'Hermès  qui  ne 
semble  pas  avoir  pris  i-acine  sur  le  sol  de  Mantinée.  C'est  l'exact 
pendant  d'Artémis  Hymnia  au  pied  du  Ménale.  L'association 
de  Zeus  et  d'Artémis  se  retrouve  dans  la.  légende  lycéenne  de 
Zcus-Kallisto. 
Aicimédon,  Eu  chcminaut  de  Mantinée  vers  Phigalie  par  Méthydrion,  le 
•hiaio.  ih-rndès.  voyagcur,  à  son  entrée  dans  les  défilés  du  Méiiale,  rencontrait 

une  jolie  légende  :  Pausanias  la  raconte  ainsi  (4)':  ' 

. '      .      ■  ..     .    .     ■        t   .  .•  ,  ' 

u  Au  bout  de  30  stades,  il  y  a  une  plaine  appelée)  Alcimédon  que 

domine  le  Mont  Ostrakina.   Cotte  montagne  recèle  une  (taverne  ou 

babitail  Alcimédon;  un  des  héros.  Cet  Alcimédon  avait  une  ûlle;  Phiaio, 

avec  qui,  au  dire  des  PhigalieDS,  Hercule  avait  eu  c<!)mmerce.  Ouand 

Alcimédon  apprit  qu'elle  était  accouchée,  il  Texposâ  pour  la>  (aire  périV 

sur  la  montagne,  elle  et  son  enfant.  Celui-ci,  à  qui  les  Arcadiens  ont 

donné  le  nom  d'Aichmagoras  (qui,  crie  fo;'t),  se  init.àiyagir,:une  fois 

exposé.  Un  oiseau,  une  pie,  réussit  à  contrefaire  ses  cr,^s  de  douleur, 

si  bien, qu'Hercule,  passant  par  là  et  ayant,  oui  la  piç,  pi^it.^a  plainte 

pour  celle  d'un  enfant.  Il  se  détourna  du  côté  ,de  la  voix,  reconnut 

Pbialp,  la  délivra  de  ses  liens  et  sauva  j'enfant.  Ainsi  s'explique^Je 

nom  de  la  source  voisine  ':  Kissa,  la  Pîe  (5)  >>.  ,     '  '  '         ," 

.  ;        ,  •     .  I  I  ;  !      ■  :  ■    .       ,       <■•.•>•••;■■■      • .     '  ■    <  «  ;  )  I  ••  .  i  ;  i ,  »  •..  ;  t  •  i  «  '  »  i  / . 

,.,  Ce.  rfîçit.  a  toutes  les  allures  d'une  cantilène,  p,opùlaire.,.Les 

"i"  '!tfi  »!,.■'  !•  •  •  ■  .1  .  ;  t  -.li  r  .'  !  jl'  :t:i;'l  ■"'  mI;ii«î ''  '••»  /t■ 
..^(^).Sjcllolr}ad,Diony8.,Pc^lng.  348.;  .  .1,  I,  ...,i  )  .h  J  ,o.,I  ->}|  »'.  «Mf 
,..i2)  Éyaxxdrp  est  idnnUaô  à  Faunu^,j|FayiDus),  le  bon  gi^i^ie,:  o^pos^  à|Q^c\is, 
lo  mauvais  (iômon  (Plut.  Z'ara//,  38).                                           *\,\.\,    •    .,i 

13)  Serv.  ad  jEn,  Vilï,  336.  —  Strab.  V,  .3,  3.  —  Sur  réquïvalcncc  do  Car- 
menta et  do  Thômis,  voy.  Dcnys  d'IIuJic.  I,  31,  1.  —  Cf.  Dionysos  Melpoménos 
(Pausan.,,1, 31,^6).  .     :       ,"      ,.     v  .•,...-,v,.\     y  v.^    b,:r,:i  «t. 

(4)  Paus.  .yni,  12,  2.     .  .  .  .|.  :..., .|:..j    .!j......     „.r 

(5)  Le  nom  do  la  fontaine  Kissoussa  en  Béotie  (Plut.  Lysand,,!28,  .6}  .vient 
do  x(<T(TOç,   lierre.  De  iii(>iiie  l'épitiièto  d'Atbéna  Kissaia  (Paus.  H,  29,  1). 


LA   RELIGION   MANTINKENNR.  283 

pâtres  avaient  observé  que  les  pies  du  bois  venaient  s'abreuver 
à  cette  source.  Le  nom  qu'ils  lui  donnèrent  insi)ira  à  qucltjue 
Tityre  local  un  conte  renouvelé  des  mésaventures  d'Auj^^é  et  de 
Téléphos  sur  le  Parthénion  et  agrémenté  d'un  emprunt  h  celle 
du  corbeau  qui  dénonce  à  Apollon  les  amours  d'Ischys  et  de 
Koronis.  Hercule  intervient  ici  en  chevalier  sentimental,  juste 
à  propos  pour  réparer  ses  torts  :  d'ordinaire  la  légende  se  soucie 
moins  de  la  moralité  de  ses  dénouements.  Cette  invention  de  la 
pie,  du  passage  d'Hercule  et  de  la  délivrance  d'Aiclimagoras 
paraît  donc  un  ornement  ajouté  par  quelque  bel  esprit  à  la  fable 
primitive  d'Alcimédon  et  de  Phialo.  Quant  à  ceux-ci,  leur  pro- 
venance et  leur  caractère  sont  également  énigmatiques.  Pbialo 
ne  peut  être  qu'une  nymphe  des  eaux,  celle  des  sources  où  l'on 
s'abreuve,  peut-être  une  hypostase  de  l'Artémis  arcadienne  ou 
de  Callisté,  analogue  à  l'Augé  tégéate,  qu'Hercule  posséda  auprès 
d'un  puits.  La  source-coupe,  l'antre,  les  liens,  l'oiseau  rappellent 
les  attributs  de  la  déesse  noire  de  Phigalie  et  de  ses  congénères  (  t). 
D'après  Pausanias,  d'après  le  nom  de  la  nym|)he  et  sa  ressem- 
blance avec  la  déesse  phigalienne,  sa  localisation  sur  la  route  de 
Phigalie,  il  semble  qu'on  ait  là  une  transposition  des  légendes 
phigaliennes.  Quant  à  Alcimédon,  sa  personnalité  est  des  plus 
obscures.  «  C'était,  dit  Pausanias,  un  des  héros.  »  Le  fait  d'avoir 
élu  domicile  dans  une  caverne  le  désignerait  comme  un  dieu 
ilocal  de  la  montagne,  comme  une  sorte  de  Salyie,  hypostase  du 
Pan  ménalien.  Aichmagoras  paraît  personnifier  les  oiseaux 
chanteurs.  Quant  à  Hercule  lui-même,  il  possédait  un  sanc- 
tuaire dans  la  plaine,  mais  l'emplacement  n'en  est  pas  absolu- 
ment certain  (2).  "'••'•■  !  .  -  '.  . 
"  Le  charihë  poétique  du  Ménàlé  se  reflétait  dans  ses  cultes  et 
dans  ses  légendes.  Ces  déités  inusicales,  Artémis  Hymnia,  Zeus 
Charmon,  —  ces  gracieusqs  personnificalions,  Kissa,  Phialo. 
Aichmagoras,  —  Alcimédon,  le  Faune  à  la  caverne,  Hercule,  le 
héros  'débonnaire,  '  tbiis  ccî^' perstihiiâges  d'idylle  côhlraétcnt 
avec  les  sombres  figures  de  l'Alésion.  Ils  nous  apportent  comme 
un  écho  léger  des  chants  et  des  airs  de  (liUe  dont*  lés  '  patres 
joyéùic  éga^àiéiit  leur  retraite,  "près  des  sources  6mbreu.4es  et 
des  antres  touffus. 

•fi    ■     '1'.     »'«i|-.!.   ri;i;-     .    •■'.  -  ;     .,;      /.!,,..  ..  ;  ;  -!..,,.--: 

(I)  Bôrard,  Orig.  des  ciilles  arcad.,  p.    21;).    Poul-«Hrc   Alcimédon  était-il 
une  divioité  Jocnlo  de  la  montagne,  absorbée  ensuite  par  flercule.       '  " 
"■' (2)  Thucyd;  V.  04:     '"''''  •'"•"'''    ''     "•   '"•:'••     '  "  '  =  '    •'•'»:•"    ^'  '" 

■  t   .•/.•     n      •!"•«,  I..!.     h]    i.'i  ).!i/    '      ■>•    ti'i     •     ,         ..       !        -:■'...-■    .^     •'. 


284 


MANTINKE   ET   L  ARGADIE  ORIENTALE. 


En  résumé,  les  cultes  ruraux  du  territoire  mantinéen  se 
répartissent  d'eux-mêmes  et  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'y  intro- 
duire une  symétrie  factice,  en  une  triade  de  couples  divins  : 
Poséidon  lïippios  et  Déméter,  Dionysos  et  Aphrodite  Mélainis, 
Zeus  Charmon  et  Artémis  llymnia.  Le  l^"^  groupe  gouverne  la 
terre,  les  eaux  terrestres,  la  végétation,  la  vie  animale  ;  —  le 
2'î  groupe  comprend  les  divinités  de  la  puissance  génératrice  et 
les  gardiennes  de  la  vie  humaine;  —  le  3®,  celles  qui  gouvernent 
et  purifient  les  ûmes  par  la  musique.  On  serait  tenté  d'affirmer 
que  ces  trois  groupes  représentent  trois  aspects  d'un  seul  et 
môme  être,  d'un  dieu  conjugué  originel,  sur  le  patron  de  Baal- 
Astarté  des  Sémites  et  de  l'Osiris-Isis  des  Égyptiens.  Mais  les 
preuves  à  l'appui  de  ce  syncrétisme  primitif  appartiennent  à 
la  pure  spéculation.  Les  Grecs  ne  s'en  sont  avisés  qu'assez  tard, 
sous  l'eflort  des  tendances  philosophiques  qui  cherchaient  à 
unifier  le  dogme  et  sous  l'influence  de  la  théologie  égyptienne  (1). 
Si  l'on  peut  ériger  en  théorie  que  le  polythéisme  n'est  que  «  la 
mise  en  scène  de  l'être  unique  dans  ses  différents  rôles  »  (2), 
il  faut  admettre  qu'en  pratique  les  adorateurs  de  cet  être  mul- 
tiple lui  reconnaissaient  autant  de  personnalités  différentes  qu'il 
portait  de  noms. 


111.  Cultes  urbalns 

Le  synœcisme  (3)  provoqua  à  Mantinée  de  nombreuses  fonda- 
tions religieuses.  Les  vieux  dieux  indigènes  ne  suivirent  pas  les 
habitants  des  bourgades  dans  leur  exode  à  l'intérieur  des  nou- 
veaux remparts.  Ils  demeurèrent  attachés  aux  lieux  où  ils 
s'étaient  fixés  en  prenant  possession  du  pays.  Restés  campa- 
gnards, ils  eurent  un  peu  à  souffrir  de  l'isolement  ;  on  les 
révérait  sans  doute  autant  que  par  le  passé,  mais  on  négligeait 
peut-être  un  peu  plus  leurs  sanctuaires.  L'inabordable  Poséidon 
lïippios,  victime  d'une  vénération  séculaire,'  dut  attendre 
qu'une  piété  nioins  passive  s'avisût  de  son  délabrement.  Ce 
n'est  pas  aveb  leurs  seules  ressources  que  lè^  Mantinéens 
improvisèrent  leur  spacieuse  et  brillante  cité.  Fondée,  avec  le 


(1)  La  Fayo,  Culte  des  divinités  d'Alexandrie^  p.  19  et  sulv. 

(2)  Pierrot,  Dict.  d'archéol.  égypt.,  arUcIe  Religion  et  divinité, 

(3)  Entre  404  el  450.  Voy.  plus  bas,  llv.  IIl,  ch.  3.  '  '    '  '       ' 


LA   RELIGION   MANTINÉBNNE.  285 

concours  politique  et  l'appui  matériel  des  puissances  étran- 
gères, en  particulier  d'Argos,  Manlinée  dut  voir  aflluer  dans 
ses  murs  nombre  de  métèques  argiens.  Les  relations  antérieu- 
res de  bon  voisinage  entre  les  deux  républiques  amies  devin- 
rent plus  étroites  et  plus  fréquentes,  à  tel  point  que  les  Manti- 
néens,  comme  on  le  verra,  confièrent  un  jour  à  une  troupe 
argienne  la  garde  de  leurs  remparts.  CetJe  influence  persistante 
et  répétée  d'Argos  sur  les  destinées  de  sa  voisine  est  attestée 
non  seulement  par  l'histoire,  mais  par  la  mythologie  de  Man- 
tinée.  Les  dieux  et  les  héros  de  l'Argolide  franchirent  de  bonne 
heure  les  cols  de  l'Artémision  pour  s'installer  à  demeure  au 
centre  de  la  Haute-Plaine.  Ils  y  obtinrent  bien  vite  droit  de 
cité  et  supplantèrent  dans  le  cœur  de  la  population  urbaine 
les  cultes  un  peu  vieillis  des  divinités  démotiques.  Ce  n'est  pas 
à  dire  que  tout  soit  de  provenance  argienne  dans  la  religion 
ultérieure  au  synœcisme.  D'autres  influences  s'y  manifestent 
et  l'élément  arcadien  y  tient  encore  une  grande  place.  Mais  lui- 
même  y  semble  plus  récent  que  le  fond  primitif  des  cultes  de 
bourgades  où  nous  avons  reconnu  comme  les  assises  mytholo- 
giques du  paj's  mantinéen.  A  peine  la  nouvelle  enceinte  eut- 
elle  dressé  dans  la  plaine  la  couronne  de  ses  créneaux,  les 
dieux  étrangers  vinrent  de  toutes  i)arts  s'y  abriter  en  des 
temples  parfois  luxueux.  Les  uns  arrivaient  d'eux-mêmes, 
introduits  on  ne  sait  par  qui,  colportés  peut-être  par  quelques 
prêtres  ambulants  qui  débutaient  modestement  en  attendant 
la  faveur  populaire.  Les  autres,  sollicités  i)ar  les  habitants 
eux-mêmes,  autorisés  par  un  oracle,  recevaient  les  honneurs 
d'une  installation  ofTicielle  et  pompeuse,  car  les  Mautincens 
comprenaient  qu'au  prestige  matériel  de  leur  puissance  nou- 
veau-née il  fallait  ajouter  le  prestige  moral  que  confère  la 
présence  de  divins  protecteurs.  C'est  pourquoi  ils  imaginèrent 
la  cérémonie  du  transfert  des  restes  d'Arcas.  De  toutes  façons, 
la  ville  s'enrichit  de  sanctuaires,  sans  qu'il  soit  toujours  possible 
de  déterminer  la  date  exacte  de  chacune  <lc  ces  fondations. 
Mais,  en  dehors  des  murs,  le  développement  mythologique  était 
arrêté,  pour  toujours.  Les  dèmes  se  contentèrent  de  leurs  anti- 
ques Çôava  de  bois  ou  de  pierre  grossière  et  ne  songèrent  ni  à 
rajeunir  leurs  dieux  ni  à  leur  donner  de  nouveaux  confrères, 
taillés  dans  le  marbre  par  Alcamène  ou  Praxitèle,  comme  ceux 
de  la  ville.  La  capitale  centralisera  désormais  toute  l'activité 
religieuse  aussi  bien  que  l'activité  politique. 


286  MANTINÉE   ET  l'aHGADIE  ORIENTALE. 

L««  A  vrai  dire,  parmi  les  cultes  que  nous  allons  passer  en  revue, 

„nc,  pr^urb....»  plusieurs  ont  du  exister  avant  le  V«  siècle.  Il  est  difficile  d'ad- 

ou  du  dème  .  ,  .  .  .    ,  » 

ci-ninii.  mettre  a  cetle  cpocfuc  un  synœcisnie  religieux  partiel,  consé- 
quence du  ,synu3cisme  politique.  On  ne  se  figure  pas  Athéna 
Aléa  émigrant  de  son  dème  pour  venir  s'installer  aux  bords  de 
rophis,  sans  que  Pausanias,  qui  signale  le  fait  pour  Tégée  (1), 
en  ait  été  informé.  Aléa,  comme  Poséidon  Hippios,  était  de  ces 
divinités  qu'on  ne  dérange  pas.  La  solution  de  cette  difficulté  me 
parait  être  la  suivante.  Parmi  les  dèmes  centralisés,  celui  de  Man- 
tinée  proprement  dit  devint  le  noyau  de  la  capitale  fortifiée  (2). 
Si  les  autres  cultes  démotiques  ont  subsisté  sur  place,  auto- 
nomes et  intacts,  ceux  du  bourg  principal  se  sont  naturellement 
fondus  dans  la  nouvelle  ville,  sans  avoir  à  se  déplacer.  Il  y  ia 
donc  un  certain  fonds  démotique  dans  les  cultes  urbains,  fonds 
antérieur  au  synœcismc,  mais  dont  il  n'est  pas  toujours  aisfe  de 
discerner  tous  les  éléments. 

Athéna  Aléa  était  la  souveraine  de  ce  groupe.  Autour  d'elle, 
il  faut  distinguer  un  groupe  de  dieux  qu'on  pourrait  appeler 
préurbainSy  c'est-à-dire  appartenant  à  l'époque  où  le  bourg  de 
Mantinée,  sans  constituer  à  lui  seul  l'état  mahtinéen,  était  déjà 
le  chef-lieu  des  dèmes.  A  ce  titre,  il  devint  de  très  bonne  heure 
le  rendez-vous  des  mélèques  divins  oîi  héroïques,  aussi  bien 
que  des  simples  mortels  attirés  par  son  agora  bii' par  l'asy lie 
de  ses  sanctuaires.  On  a  vu  qu'Argos  servait  d'intermédiaire 
entre  le  monde  oriental  et  l'Arcadie  fermée.  Les  'marchés  de 
Tégée  et  de  Mantinée  restèrent  tributaires  du  bazar  d'Argos 
))Our  la  plupart  des  produits  exotiques.  Même 'cette  influence 
civilisatrice  d'Argos  avait  survécu  à  la  suprématie  achèenne. 
Les  Aicadiens de  l'  'A<p6i8àvT6io(:  xXrjpoç  la  subirent'  piesqiie  îîisén- 
siblement;  par  longue  accoutumance,  en' recevant' che^"  eux 
les  cultes  que  l'Argolide  leur  apportait,  soil  qu'elle  les  tirât 
de  son  fonds  propre,  soit  qu'elle  les  eût  elle-même  reçus  du 
dehors.  '  ■      ■  .     ' 

Us  8«nriii.nires      Pour  l'étudc  dc  cc  groupc  primaire,  la  liste  des  tribus  manti- 
rponyims de«    uéeiines  UGus  fouiuit  les  plus  précieuses'  àorihé'es!,'yL'intér^^^ 

(i)  VIII,  47,  1.  Lîi  slîiliic  d'Athcna  Hippla  fut  transportée  du  dèmô-dôs 
MantliynicDs  rt  înstJilJtHî  flans;  \\\  tomplQ  d' Aie», .  J)our,Tom placer,  la  'statue 
qniçvcç  par  Augustr.  ..  ,     .j   .i.       :       i."  ■    m"       ^   i  iMiiH  •    ii'iil    ■-.'' 

,(2)  C'ost.saiis  doutii  une  consid^'^ralion  anHloguo  qui  ii  (aU  supposer  à  KhU  (tiio 
ce  drmc  contrai  portait  lo  nom  dU/('a  {A'ac/ir.  (L  (ies.  Ht- Wiss.  Gott.  189;3l 
p.  ao9). 


riliiis     miminry. 


LA   RELIGION   MANTINBENNE.  287 

principal  de  ce  document  réside  dans  la  mention  des  divinités 
éponymes  des  tribus,  lesquelles  correspondent  aux  quartiers  de 
la  ville,  dénommés  d'après  leurs  sanctuaires  rcspeclits,  comme 
à  Tégée  el  sans  doute  aussi  à  Mégalopolis  (1).  11  reste  à  préciser 
pourquoi  on  a  choisi  tel  parrain  plutôt  que  tel  autre.  Tout 
d'abord,  on  remarquera  que  le  nom  local  des  divinités  éponymes 
est  religieusement  conservé  dans  Tonomastique  des  tribus. 
Épaléa  dérive  d'Aléa  (et  non  d'Athéna,  comme  l'Épalhanaia  ou 
l'Athanéatis  de  Tégée),  Ényalia  d'Ényalos,  lloplodmia  d'Uoplod- 
mos  ou  lloplodamos,  Posoidaia  (2)  de  Posoidan,  Anakisia  de 
Anakes.  Mais  Manlinée  possédait  d'autres  sanctuaires  que  ces 
cinq  là.  Ils  n'étaient  même  pas  les  plus  importants,  puisque 
deux  d'entre  eux,  celui  d'Hoplodmoset  d'Ényalos  sont  omis  par 
Pausanias.  Si  l'on  attribue  une  valeur  topofçraphiquc  à  la  des- 
cription de  Pausanias,  le  temple  double  d'Asklépios  et  de  Léto 
devait  occuper  le  quartier  de  la  tribu  Posoidaia,  tandis  que  le 
sanctuaire  de  Poséidon  Hippios  se  trouvait  à  7  stades  hors  des 
ipurs.  Or,  le  noni  de  Poséidon  a. prévalu.  On  s'est  donc  inspiré, 
pour  la  désignation  des  tribus,  moins  des  considérations  topo- 
graphiques que  des  ^traditions  sacrées.  Ce  sont  les  sanctuaires 
indigènes  les  plus  anciens  qui  ont  été  choisis  pour  éponymes, 
j'entends  ceux  du  dôme  principal  de  Mantinéc  |)ropre,  le  noyau 
de  la  ville  future.  Nous  avons  donc  dans  cette  liste  des  tribus 
une  indication  préalable  pour  le, classement  chronologique  des 
cultes  urbains.  Le  groupe  des  cinq  sanctuaires  éponymes 
préexistait  au  synœcisme(3).  Quanta  l'ordre  dans  lequel  ils  sont 
énuméré^,  il  dépend  de  causes  secondaires,  telles  que  l'impor- 
tance relative  de  chacun  des  quartiers  sous  le  rapport  de  la 
population,  du  nombre  de  guerriers  fournis,  etc. . .  L'inscription 
datant,  de  la  première  moitié  du  IV,®  siècle,  la  hiérarchie  primi- 
tiy,e  .avait  pu  être  bouleversée  en  l'espace  d'un  siècle. 

Cette  divinité  est  une  des  plus  anciennes  et  des  plus  considé- 

I  (  1), Inscriptions. de  |Vl<'ignlopoli^,,  dans  Iqs  Excavations  al  Mcgahpolis^  p,  lii. 
Tribu  Ilavaôxvaia. 

(2)  Plutôt  que  Posoidlia   (Rôhl,    ÀLhen,  Miith,  l,  234).    -    Sur  la    forint* 
IlodoiSav,  ,voy.  Foucart.  Inscr.  du^Félop.  SmX'}  ab,  n"  3i).')  a.  r-  /    ! 

•"'(3)'Jo  crois  l'inscription  contemporaine  de  la  bàlaillo  de  302  (Vôy.  p.  I(X)). 
Les  tribus  énumérccs  sont  donc  celles  de  la  ville  apri's  sa  reconstrilctlôn  en 
371.iMals  leur  nombre' et  leurs  noms  doivent  être  restés  les  tnômeâ  que  dans 
TAnclenne  Mantlnée.  •'•         "       '  j       »  '     ,  i        ■    -       .     ;.    ••    . 


288  MANTINÉE  ET  l'ARCADIE  ORIENTALE. 

rables  après  Poséidon  Ilippios.  Le  texte  de  Pausanias  ne  laisse 
f^ucre  deviner  son  importance  réelle.  D'ailleurs,  sauf  pour  le 
temple  de  Poséidon,  cet  auteur  est  sobre  de  détails  sur  les 
sanctuaires  mantinécns.  11  se  borne  à  une  énumération  assez 
sèche  et  assez  confuse.  c(  Les  Mantinéens,  dit-il  (1),  adorent 
aussi  Atliéna  Aléa  ;  elle  possède  chez  eux  un  temple  et  une 
statue.  ))  En  revanche  les  inscriptions  et  les  monnaies  suppléent 
à  rinsuffisance  de  cette  brève  mention.  C'est  d'abord  le  nom 
(V  lw"AX6a<;  porté  par  une  des  tribus  urbaines,  l'équivalent  de 
r  l7t"A0avafav  tégéate  (2),  puis  le  fragment  d'inscription  archaïque 
qui  règle  les  satisfactions  dues  à  ia  déesse  pour  violation  de 
son  asile  à  la  suite  d'un  meurtre,  enfin  les  monnaies  où  la  tète 
d'Athéna  s'oppose  h  Dionysos,  ou  à  Poséidon,  ou  bien  à  Kallisto. 
Bien  qu'étouffée  par  Poséidon,  Aléa  n'en  est  pas  moins  à  Man- 
tinée  un  personnage  divin  des  plus  importants  et  des  plus 
anciens. 

Le  nom  de  la  tribu  mantinéenne  et  l'intitulé  de  notre  inscrip- 
tion (Fo<pXca(ii  oV8e  h  *AXéav)  concordent  pour  nous  donner  le 
vrai  nom  de  la  déesse,  dans  la  première  moitié  du  V«  siècle. 
A  cette  époque,  elle  s'appelle  à  Mantinée  Aléa  tout  court  (3). 
Elle  est  la  déesse  Aléa,  à  Oebç  à  'AXea,  pure  de  toute  assimilation 
avec  une  divinilé  étrangère.  Dans  le  cours  de  la  môme  inscrip- 
tion, elle  est  désignée  :  la  déesse,  à  OecJç.  Évidemment  l'identifi- 
cation avec  Athéna  de  cette  divinité  indigène  s'est  accomplie 
après  coup,  sous  une  influence  qui  reste  à  déterminer.  Arca- 
(lienne  de  naissance,  elle  s'est  hellénisée  sur  le  tard,  du  moins 
à  Mantinée,  suivant  la  môme  loi  qui  opéra  la  fusion  de  plu- 
sieurs divinités  cantonales  avec  d'autres  personnalités  plus 
importantes  ou  plus  célèbres. C'est  ainsi  que  l'antique  Hagémoné 


(1)  Paus.  VIII,  9,  6. 

(2)  Appelée  aussi  'AOaveaTiç  (Pnusan.  VIII,  53,  6)  ou  plus  correctement 
'AOavaiaxiç  (Foucart.  Inscr.  du  Pëlop,  p.  191). 

(3)  Dans  les  tcxtos  antérieurs  à  Pausanias,  Athéna  est  une  apposition  à 
Aléa.  —  Hérod.  I,  GO  :  nt^X  tov  vtjov  t7|;  'AXItiç  *A6Tr|vaf7|;.  Cf.  IX,  70.  — 
Ménandrc,  Frag.  corn.  grœc.  éd.  Melncclte,  IV,  p.  323,  n*  4G2  a  :  'AXÉaç 
*A07|vaç.  —  Slrab.  VIÏI,  p.  388  :  to  Upbv  Ty\<;  'AXéaç  'A67|v5<;.  Cf.  Melsler 
Derickte  der  K.  aàchs.  (ie^ellschaft.  d.  Wissens,  1889,  p.  83,  et  mon  article 
dans  le  Bull,  de  Cnrr,  hell&n.,  1892,  p.  573  et  Inscr,  du  Pélop,  337.  Dédicace 
de  l'épociue  impériale  à  Tégée  :  KXcowaTpa  Upaffa|JL6va  'AXéqt  *A6ava.  La 
forme  'AOava^a  {Inscr,  du  Pélop,  352  d)  se  trouve  à  Mantinée,  en  lettres  de  la 
bonne  époque,  sur  un  simulacre  de  la  déesse  de  forme  pyramidale. 


LA  RELIGION   MANTINKENNE.  289 

d'Aséa  (1)  est  devenue  Artémis  Hégémoné,  l'Ilymnia  du  Ménale 
s'est  transformée  en  Artémis  Hj^mnia,  Gallislo  en  Artémis 
Callistc,  Alalcoménia  en  Alhéna  Alalcoménéis.  L'origine  de  ces 
noms  isolés  doit  être  cïierchée  dans  les  invocations  adressées 
primitivement  ù  un  être  divin,  sinon  un,  du  moins  conçu  comme 
réunissant  en  lui  un  certain  nombre  de  qualités,  telles  que 
la  Beauté,  rilarmonici  la  Souveraineté,  la  Vertu  protectrice. 
Les  épithctes  spéciales  ont  conduit  à  la  personnification  auto- 
nome de  ces  diflérents  aspects  de  la  divinité  anonyme  (a  06<5ç)(2). 
La  Toute-Belle  s'est  distinguée  de  rHarmonieuse,  de  la  Souve- 
raine, de  la  Protectrice.  Les  cantons  arcadicns  ont  appliqué  en 
toute  candeur  l'adage  nomina  numina,  et  créé  nombre  de  per- 
sonnalités divines  avec  des  attributs  moraux  ou  des  qualités 
physiques.  Quand  les  dieux  helléniques  pénétrèrent  dans 
l'abrupte  province,  ils  absorbèrent  peu  à  peu  ces  divinités 
locales,  impuissantes  à  défendre  leur  individualité  et  leur  nom. 
Cette  métamorphose  dut  avoir  souvent  pour  complices  les 
prêtres  et  les  exégètes  locaux  qui  pensaient  rehausser  le  pres- 
tige des  idoles  indigènes,  en  leur  prêtant,  grAce  à  des  analo- 
gies plus  ou  moins  fondées,  les  attributs  et  le  nom  de  dieux 
plus  fameux.  C'est  le  résultat  de  ce  travail  déjà  lointain  que 
Pausanias,  imbu  d'idées  modernes,  a  consigné  dans  son  livre. 
Sous  ses  assimilations  savamment  banales,  il  est  souvent  impos- 
sible de  retrouver  la  rubrique  originelle  des  vieilles  divinités. 
Ainsi,  dans  les  passages  relatifs  à  TAthéna  Aléa  de  Tégée,  de 
Mantiuée  et  d'Aléa,  rien  ne  nous  avertit  que  nous  avons 
affaire  à  un  personnage  étranger  par  ses  origines  et  son  carac- 
tère.à.  la  Pallas  classique.  Et  pourtant  Aléa  n'était  ni  un  reflet 
ni  une  émanation  de  celle-ci.  Il  est  heureux  que,  sur  place,  les 
idées  anciennes  aient  parfois  résisté  aux  essais  centralisateurs 
des  mylhographes,  et  qu'on  retrouve  la  trace  authentique  de 
ces  idées  dans  certains  monuments  figurés  ou  épigraphiques. 
Aléa  ressemble  beaucoup  à  l'Alalcoménia  du  Tilphousion. C'est 
une  Protectrice,  Son  nom  signifie  à  la  fois  abri,  refuge,  asile  et 


(1)  ^Ayt^LM  a  le  inAnic  sens  qu'TjyeiJLoiv  et,   par  suit*',  ([u'avaÇ,   àvaaaa, 
qualificaUfs  plus  iisuols. 

.  (2)  Cf.  les  textes  cliyj)riotes,  où  la  déesse  tlo  Paphus  (y.  llaopia)  est  de 
inômc  simplement  appelée  i  Oeoç,  a  Favacjcra,  avant  son  absur])tlun  par 
l'Aplirodile  grecque.  Collllz-neclitel,  Gricch.  Dialect.  Inachrifi^  Chypre,  n"  1. 


.Mnntînêe.   —  20. 


290  MANTINBB  ET  L*ARGADIE  ORIENTALE. 

éloignement,  secours  (1).  Elle  accueille  les  fugitifs  et  lient  les 
ennemis  à  distance.  A  Tégée,  son  temple  est  un  asile  célèbre  ; 
on  y  accourt  d'Argos  et  de  Sparte  (2).  Elle  est  aussi  le  rem- 
part de  la  cité.  Elle  acaipare  le  rôle  de  divinité  poliade,  et 
reçoit  en  ex-voto  les  entraves  des  captifs  ou  les  dépouilles 
(les  ejinemis  (3).  Son  Jiom  ayant  un  double  sens,  elle  devait 
forcément  bénéficier  de  l'équivoque  (4).  A  Mantinée,  dans  la 
première  moitié  du  V^  siècle,  comme  le  prouve  notre  inscripr 
tion  arcliaïque,  c'est  surtout  l'idée  de  refuge  qui  s'associait  au 
nom  d'Aléa. 
Le  culte  d'Aléa  est  indigène  en  Arcadie.'  On  ne  le  trouve 


(1)  Hesycli.:  'A.X67)  'àXaÇiç,  6  âtrriv  6xxXi(riç.  —  Cf.  Homère.  ïl.  XXII,  :W0  sq  : 
vuv  8e  o-r\  èyyuOi  |JLOt  OavaTOç  xaxbç  où^i  T'aveoOev,  oûB'àXeiri.  '—  Hcslod.' 
Trav.  et  joursim sq.:  ScpjxaTa  vuppàuTciv  veupo)  pooç,  'ocpp  'iicl  vcStu  ùetou 
àjjLtpipiXy)  àXeYjv.  —  'AXé  Fo>  =  àXsuw  veut  dire,  fuir  cl  éloigner..  H  se 
retrouve  dans  le  nom  des  Alcuudes  UicssallcDS.  Un  équivalent  d'  'AXea  est 
'AXeEàvSpa,  éplUièlo  d'IIéra  d'Argos.  ''llpa;  tr^^  xaXou(JLévT,ç  'AXeÇdvopaç 
lepôv,  TÔ  5è  <puYttv  TiVÊÇ  àXavOai  (ovojjLaÇov.  Schol.-  ad  Pindar.  Nem:  IX,  30i 

{i)  Pausan.  Il,  i7,  7.  —  Ul,  5,  6;  7;  9.  ^  Plut.  ly*.  30.    «i     '      <!!;».•!    ■' 

(3)  Uérodot.  I,  00.  —  Pausan.  VIII,  47,  È  et  5,  *-  IXi  70.  m,    .  -         !•    • 

(4)  Un  3*  sens,  indiqué  par  les  lexicographes,  améme  .servi  do  point  dii 
départ  à  une  Uiéorlc  mythologique.    'AXéa  signiliant  çhaleur,on  en,  a, déduit, 
le  caractère  igné  et  solaire  do  la   divinité.   Jlerodian.  ap.  Steph.  Byz.  s.  v. 
'AXéa  :  'HptoSiavbç  oé  ^'/^crtv  «  àXea  km  t"tjç  06p{Aa(T{àç  xai  oitôxe  BtjXôï  t'/jv' 
^uy/jv   papuvÊiai,    inl   ht  ttjç    'AOtjvqcç  o^uverai.  »    'Hî^rO^  ^^'  '^^^  touto 
papûvetv.  Cf.  Ktyin.  Magn.  'AXea.  —  Proclus    in.  llcsiod.    op.    491.-  D'aprêâ 
0.  MùUor  (A7.  Sc/ir.  Il,  177),    Atliéna   AkSa   est,  l'incarnation  do  la  chaleur 
féconde  de  l'été.   Klaustm  {Jîncâs  u.  d.  Penalen.  I,  p.  309,.  n"  010)  rappro-, 
ciie    d'Aléa    le  nom   d'Augù,   hypostase  de  la  déesse  ;    Immcrwarir    {KiiUe 
Àrkady  p.  02)    invoque    l'épisode  de  Sitépbros  et  do  Loi  m  on,  '  raconté",  par 
Pausan.  (VIII,  !>3)  pour  opposer  le  culte  d'Aléa,  déesse  dof  la  sécheresse  blcn-^' 
faisante,  i\  celui  de  Poséidon,  qui  épand  les  eaux  «i  trayprs  la  plaine  maréoa-, 
geuse.  Mais,  outre  que  le  mythe  do  Sképhros  et  de  Lçlmo,n  .n'aaucy^  rapport; 
avec  Athéna   Aléa,  on   ne  trouve,   ni  dans  les  légendes  do  Tegéc  ni  dans, 
celles  de  Mantinée,  ni  dans  cellos  d'Aléa,'  aucune  preilve  d'une  rivalité  entre 
Alé4i  et  Poséidon  liippios.  Le  mythe  athénien  do  Ja  lutte  entrO  les  deux  Uivi-' 
nilés  ne.  semble  pas  s'être  implanté  en  Arcadie.  C'est)  Mu  ira  «la  ,Ullo  d'Atlas,' 
qui  personnifie  dans  ce^pitys  lu  chaleur  solaire.  L'assimilation , d' Athéna.  Alési  . 
avec  une  divinité  ignée  est  l'œuvre  de  commentateurs,  qui  se  pont  plu  à 
joiîcr  sur   les  mots.   Mais  cette  idée   n'a  pas  influencé  le' culte.   I^  théorie 
d'Immerwahr  osi  donc  plus  ingénieuse  et  plus  savante  quo  solide.   Le  fait 
qu'Athéna  et  Poséidon  figurent  de  chaque  cété  de  cerlainos  monnaies  manti- 
néenncs  (Millingon.  une.  coina.  IV.  23i,  n'est  pas  un  argument  suflisf^nt,  Les 
divinités  associées  sur  les  monnaies  n'oint  pas  forcément  entre, elles  un  lien 
étroit  :  sur  d'autres  pièces,  Athéna  s'oppose  i\  Dionysos  ou  &  Caïlisto.  C'est  en , 

ciualité  de  Polias  (lu'Athéna  casquée  figure  sur  les  monnaies  mantinéefançs. 

'  .!    ;>•    II!  /      .t  'I 


LA   RKU6I0N   MiU«TIN£ENNE.  291 

ailleurs  qu'en  Laconie,  où  il  est  descendu  de  Tégée  (1).  Il  est  né 
de  la  création  d'un  asile  arcadien.  Pendant  la  période  troublée 
qui  suivit  l'installation  des  Doiiens  dans  le  Péloponnèse,  la 
Haute  Plaine  s'oilrait  comme  un  |)ays  neutre  où  les  bandes 
fugitives  et  les  familles  dépossédées  trouvaient  refuge.  Dans  la 
légende,  Oreste,  les  Péliades,  Pénélope,  Aphcidas  et  sa  bande, 
trouvent  asile  à  Tégée  ou  à  Mantinée.  Plus  tard,  Apbeidas, 
quoique  venu  d'Argolide,  fut  rattacbé  à  Arcas.  Son  fils  Aléos 
passait  pour  être  le  fondateur  du  culte  d'Aléa,  ce  qui,  sans 
doute,  signifie  qu'Apbeidas  ouvrit  un  asile  aux  réfugiés  de  sa 
race.  C'est,  en  eflet,  l'Argien  Mélampous  qui  dresse  l'autel  de 
la  déesse.  Le  même  Aléos  était  oIxkttt^ç  de  la  ville  d'Aléa, 
c'est-à-dire  qu'un  autre  asile  fut  ouvert  dans  celle  ville.  De 
plus,  le  fils  d'Aléos,  Képheus,  installé  dans  un  c^mton  voisin, 
accueille  les  suppliants  attiques  chassés  par  Egée  (2).  Mantinée 
devint  aussi  un  lieu  de  refuge.  De  ces  trois  asiles,  d'Aléa,  de 
Mantinée  et  de  Tégée,  placés  sous  la  sauvegarde  de  la  déesse 
Aléa,  quel  était  le  plus  ancien  ?  Le  nom  de  l'asile  devenu  dans 
la  première  le  nom  môme  de  la  ville,  l'importance  de  son  enclos 
sacré  attestée  par  un  règlement  religieux  de  la  première  moitié 
du  IV®  siècle  et  déposé  à  Tégée  (3)  semble  créer  une  présomption 
en  faveur  d'Aléa.  Son  territoire  confine  à  celui  d'Argos.  Ce  n'est 
qu'un  vallon  exigu,  encaissé,  isolé  de  toulos  parts.  Il  n'était 
guère  appelé  à  de  brillantes  destinées,  mais  plutôt  voué  à  la 
dépendance  à  l'égard  de  Stymphale  ou  d'Argos. 

Au  tempsJ  de  PauSîinias,  il  avait  fait  retour  à  l'Argolide  (4). 
De  très  bonne  heure,  ce  canton  dut  servir  de  cachette  aux  fugitifs 
qu'.un  crime  ou  des  raisons  politiques  chassaient  de  l'Argolido. 
11. est  donc  possible  que  les  Apheidantes  s'y  soient  établis  tout 
d'abord,  pour  de  répandre  ensuite  dans  les  plaines  prospères  de 
la  MàntihiqUe  et  delaTégéatide,  où,  renforcés  par  les  recrues  qui 
leur  arrivaient  de  leur  pays  d'origine,  ils  se  seraient  bientôt 
trouvés  en  bonne  position.  Tégée,  avec  ses  neuf  dèmes,  devint 
alors' là  puissance  de  l'Arcadie  orientale,  le  centre  des  échanges 
côlhmérciàux  et  religieux  entre  l'Argolide  et  l'intérieur  du  Pélo- 
l>onnese.  La  renommée, 'et  l'importance  de  son  asile  s'accrurent 
li- 1  •.»     ■'■  ' ■      .■'."■• 

(l)  Pausan.  III,  lî),  7.  ^  Xcnoph.  HcUm.  Vj,  ;i,  27. 
(2J  Pausan.' VIII,  2i3,  3.    '  ' 

(3)  nérard.  Buil,  de  Cor.  hellén.  XIII,  p.  281,  et  Mclstor,  lier,  sa  dis,  GeseL^ 

i88i),^p."«3.";_"'"  '     '■/  \  '"[.  \./ 

(4)  'Paus'.'vïli,  23,  j.'      '      '    '" 


\  . 


292  MANTINÉE  ET  l'ARCADIK  ORIENTALE. 

au  point  de  relé^u(3rdaiis  Tombré  ceux  d'Aléa  et  de  Mantiiiée(l). 
C'est  alors  que  l'Atliéna  argieime  s'installa  à  Téç;ée.  Elle  y  vint 
d'abord  indépendante.  Les  traces  de  son  culte  subsistent  dans  le 
nom  de  la  tribu  éir'  'AOavatav,  dans  le  culte  d'Athéna  Poliatis 
el  le  sanctuaire  de  r^EpyiJia  (2),  où  se  trouvait  déposé  le  talisman 
de  la  ville,  un  cIkîvou  de  la  Goriçone  donné  à  Képbeus  par  la 
déesse  (3).  Mais  rc  culte  indépendant  ne  réussit  pas  à  se  déve- 
lopi)er  ;  le  prêtre  n'entrait  qu'une  fois  par  an,  au  dire  de  Pau- 
sanias,  dans  le  temple  d'Atbéna.  C'est  que,  de  bonne  beure, 
Albéna  s'élait  fondue  avec  la  toute-puissante  Aléa.  La  déesse 
Protectrice  était  devenue  d'abord  la  Protectrice  semblable  à 
Athéna('AXca  'AOavî),  et  finalement.  Aléa  passant  du  rôle  de 
substantif  à  celui  de  qualificatif,  Athéna  la  Protectrice  ('AOTjva 
*AXéa).  Les  deux  personnalités  de  la  i^rotectrice  et  de  la  Poliatis 
se  combinèrent  en  une  intime  union.  La  déesse  issue  de  ce 
mélange  gardait  de  l'antique  Aléa  le  droit  de  l'asile  et  y  ajou- 
tait les  attributions  guerrières  de  l'Athéna  Polias  d'Athènes,  qui 
devint  le  modèle  de  la  plupart  des  déesses  poliades. 

Le  règlement  religieux  de  Tégée  laisse  deviner  l'existence, 
avant  371,  d'une  amphictyonie  arcadienne  dont  le  culte  d'Aléa 
était  le  lien  religieux  et  Tégée  le  centre  (4).  Elle  réunissait  les 
anciens  asiles  placés  sous  la  sauvegarde  de  la  Protectrice, 
c'est-à-dire  les  sanctuaires  d'Aléa,  de  Mantinée  et  de  Tégée, 
peut-être  aussi  celui  de  Kaphyai,  lié  par  Képbeus  à  la  légende 
d'Aléos  (5).  Le  point  de  départ  de  cette  association,  suivant 

(1)  Se  réfugièrent  h  rasile  de  Tc^gôo  :  Mcltas  (?),  roi  d'Argos  (Dlod.  fr.  VII, 
o).  Clïryséls  d'Argos  (r»jnis.  H,  17,  7),  Léotyclildc  de  Sparte  {ib.  III,  7,  9), 
Uêgésistralos  d'Élis  (Ilôrod.  IX,  37),  Pausaiiias  (X6n.  Ilellen.  V,  2Î5.  —  Paus. 
lïl,  .'5,  6.  —  Plut.  Lys.  :\0). 

(2)  D'après  Mcislcr  (Ouv.  cité,  p.  83)  ce  culte  dériverait  de  celui  de  la  déesse 
Aléa,  dont  le  nom  mal  compris  aurait  été  traduit  par  ëpujxa  (to  tou  'EpufxaTOc 
Updv).  Cette  interpréUilion  me  semble  peu  motivée.  —  L'épithètode  'Aa^ruo^oç 
(Kôhl.  Ins.  gr.  ant.  9i.  —  Collltz.  1,  1218),  semble  se  rapporter  à- la  Poliatis. 

(3)  Pausan.  VHI,  47,  (î.  Voy.  une  autre  version  dans  Apollodore,  II,  7,  3.  La 
tête  de  la  Gorgone  était,  disait-on,  enterrée  k  Argos,  prés  du  temple  d'Athéna 
Salpinx  (Pausan.  Il,  21).  La  légende  tégéate  d'Augé,  prétresse  d'Athéna, 
enfermée  dans  un  coffre  (Rurlp.  ap.  Strab.  XIII,  G15)  avec  Télôpbo,  rappelle 
le  mythe  arglcn  de  Danaé. 

(4)  Ce  point  a  été  très  nettement  dégagé  par  Meister  (ont?,  cité,  p.  84).  Il 
compare  le  rôle  de  la  ville  d'Aléa  dans  cette  association  à  celui  d'Anthéla 
supplantée  par  Delphes  dans  la  direction  de  l'amphictyonie  pyliennc.  Cet 
ingénieux  rsipprochemenl  n'est  p;is  s;ins  valeur. 

(5)  Le  culte  d'Athéna  à  Kaphyai  est  attesté  par  les  monnaies  (Gardnor.  Calai, 
of  gre.ck  coins  in  thc  Urit.  mm.  Pelop.  pi.  XXIII,  4). 


LA   RELIGION   MANTINÉENNE.  203 

M.  Meisler,  aurait  été,  dans  les  temps  primitifs,  la  ville  d'Aléa. 
Tégée,  à  l'époque  de  son  épanouissement,  la  supplante,  mais 
Aléa  conserva  pour  son  enclos  sacré  des  privilèges  dont  le 
détail  est  spécifié  dans  l'inscription.  Les  villes  ampUictyoniques 
se  trouvaient  représentées  par  des  hiéromnéinons  qui  perce- 
vaient, au  profit  de  la  caisse  commune,  la  moitié  de  certaines 
amendes,  lisse  réunissaient  à  Tégée  au  moment  de  la  Tripana- 
(forsis  ou  triple  panégyrie,  sans  doute  ainsi  nommée  parce  que 
la  fôte  en  l'honneur  d'Aléa  avait  lieu  à  la  fois  dans  les  trois 
villes,  centres  du  culte  de  celte  déesse  (1).  Celle  solennité  s'ac- 
compagnait de'  grands  sacrifices,  de  banquels,  de  jeux  :  à 
Tégée,  dans  un  stade  spécial  voisin  du  temple,  on  célébrait  les 

'AXeata. 

L'assimilation  d'Aléa  et  d'Atliéna,  commencée  à  Tégée,  illus- 
trée par  la  popularité  du  sanctuaire  le  plus  riche  de  l'Arcadie, 
passa  dans  le  langage  courant.  Le'  nMe  historique  de  Tégée 
contribua  à  la  diffusion  du  nom  d'Aléa-Alhéna  ou  Alhéna-Aléa, 
appliqué  par  Pausanias  à  tous  les  sanctuaires  d'Aléa.  Mais  à 
Mantinée,  et  sans  doute  aussi  à  Aléa,  la  liturgie  demeura  long- 
temps rébelle  à  cette  combinaison.  La  divinité  primitive  y 
défendit  jusqu'au  V®  siècle  son  nom  et  sa  personnalité.  Cepen- 
dant, à  Mantinée,  l'Alhéna  argienne  s'était  aussi  introduite  sous 
le  patronage  d'IIéra  :  elle  figure  avec  Héhé  aux  côtés  d'IIéra 
dans  un  groupe  sculpté  par  Praxitèle  (2).  D'autre  part,  un 
petit  hennés  de  marbre,  terminé  en  pyramide  et  accom|)agné 
de  l'inscription  'AOavata  en  lettres  de  la  bonne  époque,  a  élé 
retrouvé  par  M.  Foucart  (3)  ;  c'était  la  reproduction  même  de 
la  déesse  sous  la  forme  télragonale  chère  aux  Arcadicns  (4). 
Finalement,  la  Protectrice  manlinécnnc  suivit  l'exemple  de  sa 
voisine  et  se  convertit  en  Polias.  Elle  figure,  tout  à  fait  hellé- 
nisée, avec  le  casque  corinthien,  sur  les  monnaies  de  la  ville 
postérieures  à  Épaminondas  (5).  On  pourrait  supposer  que  ce 

(1)  Ou  parce  qu'elle  flurait  trois  jours?  A  côté  du  Consril  des  300  »'i  Tvm'v, 
intervient  un  Conseil  des  50  dont  i'idenUflcntion  est  incrrlainc.  M.  Hrrard  y  voit 
l'antécédent  do  la  Houle  des  50  démiurges  du  Kotvôv  'AûxaBixôv  ;  M.  Meisler 
pense  qu'il  se  coniposnit  de  50  hiéromnémons.  Sur  les 'AyeaTa,  Paus.  Vill, 
47,  4.  -  Schol.  Pind.  Olg.  VII,  153.  -  C.  I.  G.  1515.  -  Frànkel.  Insclir.  v. 
Pergamon,  i5G.  —  Cîivvadias.  Épidaure.  n»  78. 

(2)  Paus.  Vlil,  913. 

(3)  Imcr.  du  Pclop.  352<ï. 

(4)  Paus.  VIII,  35,  6. —  48,  6. 

(5)  Gardner,  CataL  ofgreek  Coins,  pi.  XXXV,  1,  2,  4,  5,  0. 


294  MANTINKR   ET  L*ARCADIR  ORIENTALE.     ' 

lyi)e  se  rapporte  à  une  divinité  indépendante,  comme  l'Athéna 
Foliatis  de  Tégée.  Mais  Pausanias  ne  mentionne  aucun  temple 
spécial  a  Alhéna.  Il  est  plus  plausible  d'admettre  que  la  fusion 
d'Aléa  etd'Alhona  s'est  faite  dans  la  Nouvelle-Mantinée  après  371. 
Le  désir  de  faire  concurrence  à  la  rivale  tégéate  ne  fut  peut-ôtie 
pas  étranger  à  celte  combinaison. 

Le  sanctuaire  d'Aléa  avait,  dans  la  première  moitié  du  V«  siècle, 
une  importance  qu'il  perdit  sans  doute  plus  tard,  à  l'époque 
romaine.  Une  grave  alTaire  d'iiiérosylie,  dont  une  inscription 
nous  a  conservé  le  souvenir  (1),  mit  en  jeu  la  justice  humaine 
associée  à  la  justice  divine,  et  un  /pTjCTTT^piov  qui  est  peut-être 
l'ancien  oracle  de  Poséidon  Hippios  transformé  comme  il  a'  été 
dit  plus  haut. 

L'épilhète  de  la  tribu  'EvuaX(a  est  tirée  de  'ËvuxXioç,  dieu 
guerrier  et  destructeur  qu'honoraient  les  jeunes  Spartiates' (2) i 
Ce  nom  est  tantôt  isolé  (3),  tantôt  accolé  comme  eurnom  à  celui 
d'Ares  (4).  Le  poète  Alcman  les  séparait  parfois,  parfois  leà 
réunissait  (5).  L'identité  d'Ényalios  et  d'Ares  soulevait  déjà  un 
])roblème  pour  les  anciens  (6).  Certaines  légendes  attribuaient  à 
Ényalios  une  généalogie  tout  a  fait  indépendante  d'Ares,  en  le 
donnant  pour  fils  de  Kronos  et  de  Rhéa  (7),  ou  comme  originaire 
de  Thrace  (8),  ou  comme  issu  de  Poséidon  et  de  Libye  (9).  il 
est  donc  malaisé  de  décider  si  nous  avons  affaire  ù  un  dieu  pri- 

■;  .;;!,■   !•"!'.  /i     .',.;».:  ■■  ] 

(1)  Voy.  le  texte  et  In  traduction  de  ce  documénl  aux  Appèhîtices. 

(i)  Paus.  III,  ii,  9  et  10,  —  20,  2.  Sur  l'étymoiogic  d*'Evu(o,'d6osse  des 
massacres  et  des  combats,  <'issoci6e  s'i  Ares  comme  rature  où  nourrice,  compagne 
ou  flile,  Yoy.  Suidas,  s.  v.,  et  Roscher,  Mytk.  Lexic,  ^.v.  Enyb  Strabon  iXII, 
2,3.)  assimile  iï  Knyo  la  déesse  Ma,  adorée  à  Comana  de  Cappadocc  (XII,  5,  35). 

(3)  Itiad.  II,  Gol.  —  XIII.  519.  —  XVIH,  309.  —  Tbucyd.  IV;,  07,  ;-r7  Pausan. 
111,  14,  9,  10;  —15,  7.  —  20,  2.  —  Plut.  QuaesL  gr,  ,111,. 290  D.  —  ,lftrfu|. 
mulier,  IV. 

(4)  II.  XVII,  211.  —  Voy.  Roscher.  J/y«A.  Icxici's.  V.  Èriyàlios.'—  wîiieî 
Lakon.  Kuïte,  p.  \t^9.  '  '        I  •■  .  n.      i;i.       m  .;M 

(5)  Scliol.  Aristopb.  Pac.  457.  •  '\      «i    !*  '•.       .(     iîl-'j 
J6)  Ib»  •  -Kpbç  Toù;  oiO|xév6uç  '  tuiv  '  vecot £pa)v  tbv  '  (xxtiW  elvai    *'Apti'  '  xal 

'l«]vuxXtov,    xaT'^èiciOeTOv.   Le  serment  des  éph^bcs  athéniens 'dahsi  Polliik, 
(Vlll,  106)  laisse  la  quesUon  douteuse  :  ^Ay^avXoK,.  'l!ivp,dX(Oc;  "'ApTjç  pçut  a^9Si 
^  s'écrire  sans  virgule.     .,  <  .     ,;.      .      .:,.,,,,,,,..,■,»./ ,i     '•im  J 


(8)  EusUth.,  p.  G73,  50. 


"I" 


(9)  loann.  Anlloch.  fr.  (îlîi.  Fr.  hisL  On  IV,'  p.  i>4i.' 


ir.'.l  iiMMM'   ^Ir'iîii 


LA    REUOION   MANTINKRNNE.  295 

mitif  absorbé  par  Ares  ou  bien  à  une  éinanalion  de  celui-ci. 
Cette  indécision  s'explique  par  la  double  Icndance  en  sens 
contraire  qu'on  constate  dans  les  mythes  grecs.  La  première 
est  la  tendance  à  l'anoblissement.  11  n'est  guère  de  héros  local 
qui  ne  possède  l'étoHe  d'un  grand  dieu  et  ne  puisse  aspirer  à 
siéger  sur  l'Olympe.  Il  lui  suffit  de  prendre  le  nom  d'un  des 
Olympiens  et  d'y  ajouter  le  sien  propre  en  manière  de  surnom 
ou  d'épithcte.  C'est  par  ce  procédé  synthétique  que  les  villes, 
sciemment  ou  non,  faisaient  monter  en  grade  leurs  divinités 
indigènes  et  rehaussaient  le  prestige  de  leur  Panthéon.  La  méta- 
morphose de  l'Aléa  tégéate  en  Athéna,  celle  du  Charmas  palian- 
tin  en  Zeus  Charmon,  du  Kéraunos  mantinéen  en  Zeus  Kéraunos 
en  sont  des  exemples  typiques.  Il  y  a,  en  pareil  cas,  augmenta- 
tion de  la  qualité.  C'est,  en  général,  la  transformation  la  plus 
ancienne,  parce  qu'elle  s'est  produite  au  moment  où  les  canlons 
jusqu'alors  isolés  ont  pris  contact  avec  les  mylhcs  helléniques. 
Le  mouvement  contraire  indique  une  date  plus  récente.  11 
marque  une  tendance  analytique  et  particularisle.  On  prend 
dans,  le  domaine  commun  l'un  des  grands  dieux  et  on  le 
confisque  sous  forme  de  héros  local.  Pour  cela,  on  fait  abandon 
de  son  nom  propre  et  l'on  donne  l'autonomie  à  sa  personnalité 
secondaire  caractérisée  par  son  surnom,  lequel  devient  le  nom 
du  héros.  Par  exemple,  d'Ares  Ényalios  on  tirera  Ényalios, 
(le  jZeus  Epidotès  le  démon  Épidotès,  d*Arlemis  Kallisié  la 
nymphe  Kallisto,  d'Artémis  Hymuia  la  nymphe  llymno.  Parfois 
ce  second  avatar  n'est  qu'un  retour,  sous  une  forme  secondaire, 
au  morcellement  primitif  de  l'être  divin  en  aulant  d'individus 
qu'il, y  avait  d'invocation$  rituelles. 

Il  La  distinction  entre  ces  deux  genres  de  mélamorphoses  n'est 
pas  toujours  possible  :  car  rien  ne  ressemble  davantage  à  un 
héros' divinisé  qu'un  dieu  liéroïsé.  Ares  lOuyalios  est-il  un 
Ényalios âiiobli,  ou  bien  Ényalios'est-il  un  Ares  ICnyalios  déchu? 
Cette  question  reviendra  plusieurs  fois  dans  les  mêmes  termes. 
Pausanias  sur  ce  point  ne  donne  que  peu  de  lumière.  La  décom- 
position des  grandes  personnalités  divines  en  i)eiilcs  divinités 
était  un  procédé  de  rajeunissement  mythologique  dont  les 
Alexandrins  ont  beaucoup  usé.  Aussi  quand  Pausanias  signale 
quelque  part  le  culte  d'un  héi'os  dont  le  nom  sert  en  inénfc 
temps  de  surnom  à  un  dieu  de  l'Olympe,  la  ([ucstion  reste  dou- 
teuse. Les  textes  épigraphiques  sont  plus  probants,  pour  peu 
qu'ils  remontent  à  une  époque  assez  ancienne  où  la  foi  tradi- 


lléros  divinisés 
el  dieux  hcroTsés 


296  MANTINKE   ET   l'aRGADIE  ORIENTALE. 

lionnelle  était  encore  assez  naïve  et  robuste  pour  ne  pas  s'énerver 
en  de  décadentes  sublililés. 

A  l'époque  où  furent  constituées  les  tribus  mantinéennes, 
c'est-à-dire  dans  la  |)reinicre  moitié  du  V®  siècle,  les  cultes 
cantonaux  avaient  conservé  toute  leur  vitalité  native.  Or,  en 
Arcadie,  le  culte  d'Arcs,  pur  de  tout  alliage  avec  Enyalios,  exis- 
lait  en  Azanie  (1),  à  Lycosoura,  à  Mégalopolis,  à  Tégée,  tandis 
(|uc  la  présence  d'Knyalios  en  Arcadie  n'est  attestée  que  pour 
Mantinée.  D'autre  i)art,  on  ne  peut  refuser  à  l'Enyalios  de  Sparte, 
représenté  par  un  vieux  Çôavov  aux  pieds  enchaînés  (2),  les 
caractères  de  la  plus  haute  antiquité.  S'il  s'associe,  dans  le 
culte,  à  Ares,  rien  n'indique  qu'il  se  soit  confondu  avec  lui.  Au 
contraire,  il  vit  dans  une  intimité  peut-être  plus  étroite  avec 
Poséidon  Gaiaochos  et  Athéna  (3).  Le  môme  groupe  se  retrouvé 
dans  l'ancienne  Mantinée  où  Enyalios  serre  de  près  Aléa  et 
l'oseidon  inp|)ios.  Enyalios  semble  donc,  primitivement,  avoir 
été  un  dieu  guerrier  indépendant  de  l'Arès  hellénique,  puis 
combiné  avec  lui  pour  en  être  séparé  de  nouveau,  puisque 
l'épithète  d'Ényalios  se  présente  aussi  sur  le  tard  accolée  aux 
noms  de  Zeus  et  de  Dionysos  (4).  A  Argos,  la  légende  de 
l'héroïne  Télésilla  (fin  VI®  siècle)  s'associait  au  culte  d'Énya- 
lios (5).  Mais  le  culte  d'Argos  paraît  être  une  copie  de  celui  de 
Sparte.  Les  Argiens  vainqueurs  (G)  n'installèrent  Enyalios  chez 
eux  que  pour  démentir  la  légende  laconienne  qui  le  représen- 
tait, comme  la  Niké  Aptéros  d'Athènes,  hors  d'état  de  s'échap- 
per de  Sparte  (7).  Il  en  résulte  que  c'est  très  probablement  par 
l'intermédiaire  d'Argos  qu'il  est  venu  s'établir  à  Mantinée 
associé  à  sa  voisine  dans  le  même  esprit  d'opposition  anti-iaco- 
nienne. 


(1)  Le  cheval  Arelon  de  la  légende  Uiclpouslcnnc  est  fils  do  Poâcidon  et 
d'Krinys.  L'origine  béotienne  de  ce  mythe  est  soutenue  par  Tûmpel.  Ares  u. 
Aphrodite.^  p.  G39)  et  Immerwahr  {KuUe  Arkad.  p.  1(>3  et  suiv.):  1 

(2)  Paus.  IFI,  15,  7.  —  Voy.  dans  Rérard  une  explication  de  ces  idoles  enchaî- 
nées {Orig.  des  cultes  arcad.,  p.  100). 

(3)  Wide  {Lak.  Knlte^  p.  151)  croit  reconnaître  dans  la  description  de  Pau- 
sanias  une  répéUtiun  (Paus.  III,  15,  G  et  IH,  20,  2). 

(4)  Joseph.  Ant,  Jud   I,  4,  3.  —  Macrob.  Sat.  f,  19. 

(5)  Plut.    Virtut.  È!ulfei\  4.  De  même  h  Tégée,  celle  de  l'hérolno  Marpessa' 
se  lie  au  culte  d'Ares  Gynailcolhoinas  et  d'Aléa  (Pausan.  YIH;  47,  2). 

(G)  De  Cléomène,  fils  d'Anaxandridas  (Plut,  ibid),  .         ' 

(7)  Pausan.  III,  5,  7.  '  .  , 


ou 

/kUS    ]I(II'I^!(MI05 


LA   RELIGION   MANTINKENNK.  297 

La  forme  arcadienneWop/odmia  équivaut  à  l'épitlièle  IIoplos-  nopf.on«os 
mios  (1),  Tun  des  surnoms  les  plus  rares  de  Zeus  et  même  de 
Héra.  Héra  Hoplosmia  était. adorée  en  Élide  (2)  et  Zeus  IIoplos- 
mios  en  Arcadie  (3).  11  possédait  à  Métbydrion  un  temple  assez 
riche  qui  renfermait  une  table  en  or  (4).  Il  est  donc  naturel  de 
conclure  avec  M.  Foucart  à  Texistence  d'un  culte  de  Zeus  IIoplos 
mios  à  Mantinée.  Mais  ce  personnage  divin  est  encore  de  ceux 
donton  ne  saurait  dire  avec  certitude  s'il  a  débuté  par  la  qualité 
do  dieu  ou  par  celle  de  héros  local.  Une  tradition  recueillie  à 
Métbydrion  parPausanias  (5)  racontait  que  Ubéa,  grosse  de  Zeus 
et  poursuivie  par  Kronos,  se  réfugia  sur  le  Mont  Tbaumasion  où 
les  géants  conduits  par  liopladamqs  se  firent  ses  gardes  du 
corps.  A  Mégalopolis,  où  une  partie  des.Mélbydriens  avait  dû 
émigrer,  on  montrait  dans  le  sanctuaire  d'AsklépiosEnfant  des 
squelettes  gigantesques^  .  dont  Tun  était  attribué  au  mémo 
Hopladamos  (6).  Le  nom  d'IIopladamos  n'est  qu'une  altération 
d'iloplodamos  ou  Iloplodmos,  dont  Jioplodniios  est.  l'épitlièle. 
Le  géant  Hopladamos  de  la  légende  méthydrienne  n'est  donc 
pas  sans  parenté  avec  Zeus  lloplosmios.  Bien  qu'il  se  présente 
comme  un  personnage  distinct,  M.  Foucart  (7)  propose  de  les 
identifier,  et  l'on  ne  peut  que  le  suivre  dans  cette  voie.  Mais  on 
manque  de  données  précises  pour  décider  si  Hopladamos  dérive 
d'une  épithète  de  Zeus  ou  si  c'est  un  dieu  local  absorbé  par 
Zeus.  Les  rapports  mythologiques  entre  Mantinée  et  Métbydrion 
présentent  assez  d'analogie  pour  qu'on  puisse  admettre  entre 
les  deux  villes  un  échange  soit  de  la  légende  d'Hopladanios,  soit 
du  culte  de  Zeus  llo[)Iosmios.  Les  Méthydriens  avaient  reçu  de 
Mantinée  Poséidon  Hippios.  Ils  localisaient  aussi  sur  leur  terri- 
toire le  mythe  de  l'àTcàTTj  ou  subterfuge  de  H  béa  au  bénéfice  de 
Zeus,  tandis  que  les  Mantinéens  l'avaient  adai)té  à  la  légende  de 
Poséidon  Hippios.  L'association  d'Hopladanios  à  la  légende  de 
Rhéa,  sa  conversion  en  géant,  semblent  cire  l'œuvre  des 
Méthydriens.  Mais  le  prototype  du  personnage  pouvait  exister  à 

(1)  Exemples  de  rassibil.iUon  du  S  dans  le  dialecte  arcadien  :  ^épsOpa  pour 
BcpcOpa..  Voy.  Meister,  Qricch,  J)ial.,  H,  p.  IOj-KJC». 

(2)  Lycophr.  Alc^andr.  v.  61i.  Tzetzès.  ad  Lycoph.,  t.  SriS. 

(3)  Arlstot,  Départ,  animal,  III,,  10,  673  a,  19. 

(4)  Foucbrl,  Imcr.  du  Pélop.,  353,  1.  18. 

(5)  Pausan.  VIII,  3G,  2. 

(6)  Pausan.  VIII,  32,  3.  •' 

(7)  Revue  archéol.,  187G,  II,  p.  102. 


298  MANTINI^.R  KT   l'ARCADIE  ORIENTALE. 

Aîanlinée  sous  la  figure  d'un  dieu  indigène,  patron  de  ces 
danseurs  armés  dont  la  réputation  était  aussi  ancienne  que 
répandue.  Nous  établirons  Torigine  cultuelle  de  cette  fameuse 
oirXtTixT)  oG/Yier-ç  de  Mantinée,  qui  reporte  la  pensée  aux  rites 
pélasgiques  de  Samolhrace  et  de  Tlda,  aux  cérémonies  des 
Curôles,  des  Coryl>anlcs  et  des  Sao»,  ancêtres  des  Saliens. 
On  sait  aussi  que  Dardanos,  le  colporteur  du  culte  de  la  Mère 
<lcs  dieux  et  des  Kahires  pélasgiques,  passait  pour  originaire 
d'Arcadie  et  que  le  nom  du  Dardanien  Kapys,  éponyme  de 
Kaphyai,  équivaut  à  celui  de  Képhéus,  fils  d*Aléos,  et  père 
d'Autonoé,  fondalricc  de  Mantinée.  De  toutes  ces  indications,  il 
résulte  que  Manlinéc  fait  partie  de  cette  zone  mythologique  qui 
s'élcnd  du  l*élo|mnnèse  central  et  de  la  Béotie  jusqu'en  Asie 
Mineure,  en  passant  par  les  îles  de  Lemnos,  d'Imbros  et  de 
Samothrace,  les  derniers  refuges  de  la  population  pélasgique, 
au  dire  des  anciens,  et  les  foyers  de  l'antique  religion  cabirique. 
Nous  ne  saurions  dépasser  cette  affirmation  très  générale  sans 
tomber  dans  la  fantaisie.  En  particulier,  la  question  de  priorité 
en  ce  qui  concerne  les  cultes  qu'on  qualifie  de  pélasgiques, 
résolue  en  faveur  de  la  Béotie  par  l'école  d'Otfried  Mullcr,  en 
faveur  delà  FMirygie  et  de  Samothrace  par  François  Lenormanl, 
peut  encore  être  discutée!  1).  En  tout  cas,  étant  donné  la  liaison  de 
i'iiopladamos  méihydricn  avec  la  Mère  des  Dieux,  compagne 
des  Cabires,  des  Corybantes,  des  Dactyles  et  deleurscongénèresi 
sa  qualité  de  chef  des  Géants,  alors  que  les  Cabires  de  Pèrgame 
et  de  Samothrace  sont  aussi  qualifiés  de  Dieux  fôrts'ei  apparen- 
tés aux  Titans,  la  confusion  constante  des  Géants  et  des  Titans, 
on  peut  souiH'onncr  dans  Tlloplodmios  mantiriéèn  un  démon 
cabirique  transformé  en  un  de  ces  desservants  guerriers  dont 
le  Saos  ou  Saon  <le  Samothrace,  à  la  fois  dieu,  héros  local  et 
ministre  du  culte,  est  le  spécimen  le  plus  complet.  A  Mantinée, 
lloplosmios  rons(»rve  son  originalité  comme  dieu'(,le  la  danseen 
armes;  mais,  comme  cette  danse  s'associait  aux  légendes  du 
Zcus  de  rida  el  du  Ly^^êe,  il  n'est  pas  surprenant  que  les  Arca- 
diens  se  soient  figuré  le  dieu  lui-même  dansant  en  armes  et 
qu'ils  aieiif  créé  ain.si  leur  Zeus  Hoploémios,  àqui  les  Eléens 
donnèrent  pour  compagne  leur  HéralIoplosmiàV  Ces  divinités 
guerrières  n'avaient  pas  le  caractère  violent'  et 'sanguinaire 

•  I    '     ..•         .  i  .      .        X  ..I   •  .....      I      .         f 

(1)  Voy.  Crusius,  Frogr.  (1er  Leipzig,  T/winasschule^.i^lS&t  et  ce  qui  a  été 
dit  plu^  haut  sur  le  culto  d'Aphrodite  en  Arcadie  (p.  27Qr277).  ,,;.  ..    f  ,  .. 


LA   RELIGION   MANTINBKNNE.  290 

d'Enyalios.  Elles  présidaient  moios  aux  massacres  et  aux  com- 
bats qu'aux  parades  militaires  et  aux  savantes  évolutions  dos 
danses  d'hoplites. 

Le  nom  de  la  tribu  Favaxtafa  complèlo,  en  la  prccisanl,  la  ^"  anak«s. 
mention  d'un  temple  des  Dioscures  par  Pausanias  (l).  Ce  cuUe 
dans  le  Péloponnèse  avait  pour  foyer  la  Laccuiie,  où  le  couple 
hitélaire  des  Tyndarides  tient  une  si  grande  place  dans  les 
légendes  achéennes  (2).  En  Arcadie,  leur  présence  n'est  aUeslée 
qu'à  Kleitor(3)et  à  Mantinée.  Dans  la  première  de  ces  deux 
villes,  ils  se  rattachent  par  leur  nom  de  Oeol  [jLsyxXoi  aux  Cabires 
de  Samothrace,  qui  se  confondirent  en  maint  endroit  avec  les 
Tyndarides  (4)  ;  dans  la  deuxième,  aux  "Avaxeç  ou  "Avaxxe;. 
surnom  des  Tyndarides  à  Argos,ù  Athènes  (5)el  ailleurs.  Comme 
à  Sparte;  le  culte  des  "Avaxeç  en  Argolide  semble  anlérieur  à 
l'arrivée  des  Doriens  (6).  La  légende  de  sa  fondation  par  Hélène 
le  fait  entrer  dans;lo  cycle  traditionnel  des  Achéens-Lacuniens. 
Les  statues  des  Tyndarides  remonlaieni  à  des  temps  très  loin- 
tains: celles  qu'on  voyait  à  Argos  même  élaient  attribuées  à 
Dipoinos  et  à  Skyllis,  les  vieux  maîtres  crélois  ;  à  Trœ/ène,  un 
autre  primitif,  llermon  de  Trœzène,  avait  sculpté  leurs  Çôava 
en  bois  (7).  Certaines  inscriptions  en  leur  honneur  (8),  nous 
ramènent  à  la  forme  manlinéenne  Favaxiata.  Dans  ces  condi- 
tions la  provenance  argienne  du  cuUe  des  Fxvaxe;  à  Mantinéo 
est  tout  indiquée., On  peut  môme  en  marquer  comme  une  élapc, 
au  sanctuaire  à'.p<Txo6^(û>*  àvaxxtov  d'Asina,  sur  la  roule  d'Argos  à 
Lerne  (9).,  ...■,!; 
,    Les   "Avaxeç  ,argiens  ont  reçu  des  Tyndarides   laconiens  .  le 

I  5(1)  Paus.  VIÏI.  9,  12.  .  , 

,  (2) , Voy.  AVidc;  Lakpn,.  KuUe,  p.  304. 
.,  (3)  Hérod,  VI.  \£1.  —  Pausan.  VIII,  21,  i.  Monnaie,  du  V's.  dans  Jonrn,  of 
h f lien.  SLud,  VII.  102. 

*ii)  Voy.  Rosclicr.  Mxjih.  Lexicon^  àri.  Diosc(mn)i^  l'articlo  DinacureA  i\v 
Lchbrnriaht  dîins  lo  Dict.  desi  Antiq.  do  Sajçllo,  rt  rarllclo  Kahciroi  dans 
VEncyçl.  d'Ersch  el'Grubcr.  Peul-cHro  doit  oh  rapporlcr  à  colle.  nôrW.  des  ciillos 
cnbiriqtics  Jcs.  Dieux  Purs  (KaOotpoî)  de  Pallantion  (Pausan.  VIIF,  4'i,  l'))-  .,;, 
-•  (^).Vpy.  les  to-\tçs  dans.Curtjus,  ;5t(irffflfcsc/ï.  Àlfirns,  p,  XFAI.  , 

.,,|6|.  Pausan.  11,22,15..,.  ,^    ' , .  .,'..,..'...     ..  ._  ..'        .      .  ",  ...  , 

(7)  Pausan.  II,  31,  6. 

(8)  Tc5v  Faviwv  {Àrcfi.  Zeitung,  1882,  p.  383);  xoî  F7.vaxo'.  (Rœld.  laser. 
ryr.  Xn(i^«i>.  43  a.',  p.  173).     •'     i  i    ■ 

(9)  Pausan.  II,  30;  7.  I    '  ■      •      "'  .        .    •     .  i.,   :    . 


300  MANTINKR   ET   l'ARGADIE  ORIENTALE. 

caractère  de  divinités  agonistiques  et  éphébiques  (1).  A  Argos 
à  llcrmione  (2)  ils  possédaient  un  stade;  de  même  à  Athènes, 
où  ils  s'établissent  par  l'intermédiaire  de  Thésée  (3).  Mais  ils  se 
présentent  aussi  avec  le  serpent,  symbole  des  dieux  chtoniens 
et  des  dieux  guérisseurs:  à  Mantîuée,  leur  temple  est  nommé 
parPausanias  entre  celui  de  Zeus  Epidôtès  et  celui  de  Déméter 
et  de  Cora. 

On  reconnaît  reffigie  des  Anakcs  sur  une  monnaie  manti- 
néenne  du  1V«  siècle  (4)  ;  ils  sont  figurés  par  deux  bustes  coiflés 
du  pilos  et  armés  d'une  lance,  et  surmontant  un  vaste  autel.  Ils 
sont  ici  assimilés  à  des  dieux  protecteurs,  ercoxYipcç,  surnom  qui 
leur  est  assez  souvent  attribué,  comme  à  Athènes. 

nésimié.  Tels  sont  les   cultes  des  divinités  éponymes  des   cinq  tri- 

bus urbaines,  l'Epaléa,  TÉnyalia,  Tlloplodmia,  la  Posoidaia, 
TAnakisia.  Toutes  ces  divinités  sont  guerrièreSi  car  Poséidon 
Ilippios  lui-même,  comme  on  l'a  vu,  revêt  aussi  uii  caractère 
belliqueux  :  il  assiste  les  Mantinéensaii  combat,  son  trident  sert 
d'emblème  aux  hoplites  mantinéens,  par  son  hypostase  Aréï- 
thoos  il  se  métamorphose  en  guerrier,  enfin,  dans  la  légende  du 
sacrilège  d'^ilpytos  II,  il  pcrsonnilie  la  résistance  aux  envahis- 
seurs. Lé  choix  de  ces  éponymes  n'est  évidemment  pas  fortuit. 
Il  confirme  l'hypothèse  de  M.  Foucart,  d'après  laquelle  ces 
tribus  ne  sont  pas  à  confondre  avec  les  anciens  dèmes.  Leur 
création  ne  remonte  pas  au-delà  du  premier  synœcisme.  Leurs 
noms  reflètent  les  ])réoccupations  stratégiques  qui  ont  déterminé 
la  concentration  de  l'état  mantinéen  à  l'intérieur  d'une  grande 
enceinte  fortifiée.  Chaque  quartier  de  la  nouvelle  forteresse 

(1)  PnusiiD.  IV.  27,  I.  On  Iriir  attribuail  ù  Sparte  rinvcntlon  de  révoTrAtoç 
opyT,(ri;.  Cf.  Plat.  J.eg.  VII.  p.  7%  b.  —  Lucien,  de  Sallat.  10.  —  WidcLakon. 
Ku'lte.  p.  :WI9. 

(2)  Paus.  II,  3i,  10. 

(3)  Pour  le  rôle  de  Thésée  dans  la  légende  des  Tyndaridcs,  Paus.  II.  22,  5. 
—  Plut.  Thésée.  3.3,  2. 

(4)  Voy.  p.  2ii,  flg.  40.  I.  Gardner.  Catal,  of  greck  Coins,  pi.  XXXIV.  23. 
Svoronos  (Gazet.  archéoi.  ttSSU),  croit  cette  monnaie  contemporaine  de  la 
reconstruction  de  Mantinée  en  'MO  et  veut  voir  dans  cet  autel  celui  de  Poséidon 
Anax,  h  qui  Ulysse  devait  sacrifier  suivant  les  ordres  de  Tlréslas.  Je  croi- 
rais plutôt  que  cet  autel  est  celui  des  Dloscuros  Sauveurs:  sur  certains  bas- 
reli<*fs  représentîint  les  Dloscures,  un  autel  est  placé  entre  eux.  Voy.  la 
description  d'un  bas-relief  de  Tripolitza  dans  Milchhôfer.  Àtheii.  Mith.  IV, 
p.  IH,  2. 


LA   RELIGION   MANTINI<:KNNK.  301 

fut  placé  sous  le  patronage  d'une  divinité  tulélaire,  que  ces 
attributions  belliqueuses  désignait  au  rôle  de  gardien  de  la 
défense  nationale. 

Le  dieu  souverain,  à  Mantinéc,  est  Poséidon  Ilippios  associé     z^us  sôtkh 
à  Déméter.  Le  couple  Zeus-Héra  est  relégué  au  second  plan.       «*  """*• 
Cependant    les    Mantinéens    invoquent    Zeus    sous    plusieurs 
épithctes,  dont  les  unes  lui  appartiennent  en  propre,  dont  les 
autres  représentent  pour  ainsi  dire  les  dépouilles  des  divinités 
locales  absorbées  par  lui. 

Au  Vo  siècle,  Zeus  était  installé  sur  Tagora  (1).  Son  temple 
servaitdedépôtauxarcbives  diplomatiques.  J.e  texte  de  Talliance 
de  420  y  fut  exposé.  En  raison  de  son  caractère  offîciel,  ce  culte 
peut  avoir  été  inauguré  à  l'époque  du  synciM-isinc  et  associé  à 
celui  d'Héra.  Après  la  renaissance  de  371,  on  donna  à  ce  Zeus  le 
nom  de  Sauveur  ;car  le  temple  de  Zeus  Soler  mentionné  par 
Pausanias  (2)  dans  son  énumératiou  si  confuse  des  édifices 
religieux  de  Mantinée  est  bien  probablement  le  même  que  le 
précédent.  Les  seules  villes  arcadiennes  où  ZcusSôler  soit  adoré 
sont  Mantinée  et  Mégalopoli3,  deux  villes  nouvelles  :  à  Mégalo- 
polis  le  sanctuaire  bordait  l'agora  (3).  Le  dieu  y  était  figuré 
entre  Artémis  Sôteira  et  la  Ville  personnifiée.  Si,  à  ces  exemples, 
on  ajoute  celui  de  Messcne,  qui  possédait  sur  son  agora  une 
statue  de  Zeus  Sôter  (4),  on  reconnaîtra  dans  cette  triple 
coïncidence  un  indice  sérieux.  Les  trois  villes  sœurs  créées  ou 
régénérées  par  Epaminondas  ont  placé  leurs  esi)érances  sous  la 
plus  liante  sauvegarde,  celle  du  souverain  des  dieux  considéré 
comme  Sôler,  c'est-à-dire  conservateur.  Ces  cultes  sont  nés 
d'une  idée  politique.  Le  qualificatif  Sôter  n'est  pas  ici  une  allu- 
sion à  la  nature  ouranienne  du  dieu  qui  entretient  la  vie  par 
l'air  et  la  lumière  (5).  Il  doit  être  entendu  au  sens  positif  de  la 


(1)  Thucyd.  V,  M.  ~  Voy.  p.  189. 

(2)  vin,  9,  12. 

(3)  Pausan.  Vin,  30,  10.  Il  a  été  retrouvé  par  los  fouillos  de  TÉcolc  anglaise, 
Excavat.  al  Megalopnlis  1892,  pi.  XIV  et  p.  58.  riillopœmon  héroisé  est 
associé  à  Zeus  Sôter  (Foucart.  Jnscr.  du  Pélnp.  n«  3^U). 

(4)  Pausan.  IV,  31,  G. 

(5)  De  même  à  Mégaîopolls  i'épitliètc  de  Sôteira  appliqui'e  à  Artémis,  patronne 
de  la  ville  avec  Zeus.  En  I^conie,  Zeus  Sôter  est  un  <liru  rôlii'r,  protecteur  des 
navires  (Wido,  Lnkon.KuUe,  p.  22).  Pausanias  signale  un  temple  de  Zeus  Sôter 
à  Argos  (II,  20,  6). 


302  MANTINÉe  ET  l'ABGADIE  ORIENTALE. 

protection  ettlcace  et  de  l'appui  moral  sollicités  par  la  ville 
naissante.  Dès  lors,  il  serait  superflu  de  rechercher  la  prove- 
nance de  ce  cuUe  :  il  a  été  tiré  du  domaine  commun  de  la  mytho- 
logie panhellénique.  Au  surplus  cette  plantation  artificielle  ne 
semble  pas  avoir  été  très  vivace.  En  420,  la  tradition  créée  près 
(le  50  ans  auparavant  se  maintenait  encore  :  Zeus  est  cité  sur  les 
actes  publics,  et  figure  sur  les  monnaies  avec  Athéna  (1).  Mais, 
en  pratique,  il  dut  se  contenter  des  homm?iges  ofiiciels,  sans 
prétendre  à  la  popularité  de  son  (rère  Poséidon  ni  même  à  celle 
d'AskIépios. 
iiirn.  Zeus  Sôter  a  pour  compagne  Héra  :  leurs  temples  se  touchent 

sur  la  place  publique  (2).  Les  Mantinéens,  après  371,  voulurent 
embellir  leur  lléraion,  sans  doute  pour  le  rendre  plus  digne  de 
celui  d'Argos,  son  ancêtre.  Praxitèle,  chargé  d'exécuter  la  statue 
de  la  cella,  leur  laissa  un  groupe  au  milieu  duquel  Héra  était 
représentée  trônant  entre  Athéna  et  Hébé,  sa  fille.  Ce  dernier 
détail  a  son  inlérêt.  Déjà,  par  la  répartition  toute  extérieure  des 
sanctuaires  d'Héra  sur  le  pourtour  de  rArcadie,.on  pouvait 
préjuger    l'origine    argienne    de    PHéraion  .  màntinéeh."  La 
déesse  n'a  pénétré  nulle  part  au  cœur  de  la  cbritréé';  elle  s'est 
arrêtée  aux  districts  frontières,  à  Héraia,  à  "Tr'apézoùs,  à  Stym- 
phale  et  à  Mantinée  (3).  il  est  donc  présumablé  à  première  viiè 
que    les   deux  premières  Pont  reçue    d'01ymt)ie,  et' lès  ideûx' 
autres  d'Argot.  Pour  Mantinée,  Pauéaniâs  fournil  là   preuve 
directe  de  cette  provenance.  Dans  l'Héraion  'ârgien,'lés  éiatuefe  ' 
chrysélëphantines  d'IIéra  et  d'IIébé  se  voyaient  côte  à  côte  (i).  " 
Or  Ilébé  ne  figure  dans  aucune  ville  cl^çadieniiè  autre' que  Màh- 
tinée.  Le  culte  dHéra  argienne  com{)oi*tait  des  iiiyàtères,  entre 
autres  celui  de  la  virginité  de  la  déesse  :  elle  \a  récupérait  tous, 
les  ans  i»ar  un  bain  à  la  fontaine  Kànalh6s'(5).L*ëternellê  jeunesse  ' 
était  aussi  Ijn  privilège  d'IIéraJ  La  réunion  à  ses  côtés  d^Athèidà 
et  d'JIébé  dans  le  groupe  de  Praxitèle  symbolisait  ces  deiii' 
atlributs,  la  pureté  virginale  et  la  perpétuelle  jeunesse. 

'..       •■     i.    ,      :      i    .'.II.    I'  i:  ..(> '. /iMiil  II  ..'   "i  r.'M' 

-   «:  ,n  /  «:  ; 

(1)  Mlonnet,  II,  248,11- 32.  _  j     ,|...i|    1. 

(2)  Thucyd.  V,  47.  —  Pausan"  VJIi;  9,  3.,r- Vvy/sup  riibraion,  p.  l??.,  ]',[ 

(3)  ImfnèrwJiiîr/ X'tt/fc  il rcaci.,  p.  ;«.  —  Bérard^  Or ig/des^^^^ 

p/l25,  —  L'iicîràion  de  Mégalopolis  jPaus,  yill,.3i,  9J,cst|,trppi^odornep^ 
ontrbr  en  jlgnc  de  complc.  |..  .m-  ...i  .,«.     .!'.i  •!:.!•     r   ii 

(4)  Paus.  liy  17,  4  rt  II  —  Sur  rilôrn  chrysclôphantinè  de  Polyciètc,voy.  jPa^ls  :y 
Polyclète,  p.  i9  cl  s\\\\.      ,  ,      ,    .     .    .„...,;  .,,    n.-     ,.-.  .1    <»  : 

(n)  Paiisaii.  Il,  .'W,  î. 


LA   RELIGION   MANTINKENNK.  303 

La  réunion  de  Zeus  et  d'Héra  sur  Fagora  mantiuéenne  est 
exceptionnelle  pour  TArcadie  (i).  On  peut  la  conv«^idcrer  comme 
une  conception  assez  récente,  probablement  contemporaine  du 
synœcisme.  Les  Argiens  poussèrent  avec  insistance  les  Manti- 
néens  à  s'enfermer  dans  une  enceinte.  En  tout  cela  leur  iniluencc 
est  indéniable.  Ils  ont  fourni  leur  toute-puissante  Héra  et  ils  pos- 
sédaient Zeus  Sôter.  Le  couple  Zeus-Héra,  d'autre  part,  régnait 
à  Olympie,  dans  un  autre  pays  ami.  Il  représentait  alors  la  plus 
haute  personnification  de  la  souveraineté  divine.  Son  installation 
au  cœur  d'une  ville  neuve  et  ambitieuse  élait  comme  un  acte 
d'orthodoxie  presque  imposé  par  les  idées  du  temps  ;  c'était 
aussi  une  marque  de  gratitude  envers  les  deux  peuples  dont  les 
sympathies  avaient  permis  aux  Mantinéens  de  s'unifier. 

On  lit  dans  Pausanias  (2)  :  Mavxiveudi  Se  cdxt  xcd  «XXa  Upà,  to  divinités  isrtn. 

[JL6V  2a)TT,poc  Aîbç,  TÔ  8è  'EiciBtoTOu  xaXou(xevov  •êiriSiBôvat  yàp  ov)  àyaOà  walm 

aÙTov  Toïç  àvôpwTrotç.  »  Il  est  admis  par  les  commentateurs  que,  épidôtks. 
dans  cette  phrase,  le  mot  'EtiiBwttjç représente,  comme  SwTop,  un 
surnom  de  Zeus.  Parlant  du  culte  de  ce  dieu  à  Mantinée,  Pausa- 
nias a. youlu  indiquer,  dit-on,  que  Zeus  y  était  adoré  comme 
Sôter  et  comme  Épidôtcs.  Opinion  soutenable,  après  tout,  si 
l'on  ne  clierche  pas  dans  le  rapprochement  de  ces  deux  surnoms 
la  trace  d'une  liaison;  cultuelle. 

L'indécision. du  texte  de  Pausanias  sur  Epidôtès  n'est  pas 
dissipée  par  les  autres  auteurs.  Chez  les  uns,  il  est  assimilé  à 
Zeus  (3),  chez  les  autres,  il  paraît  comme  une  personnalité 
héroïque  indépendante.  U  y.  avait  à  Lacédémone  un  culte 
d'Épidôtas,  Zeus  suivant  llésychius,  simple  démon,  suivant 
Pausanias  (4).  En  tout  cas,  Zeus.  ou  non,  le  nMe  d'Epidôtès  se 
laisse  entrevoir.  Son  nom  signifie  le  «  Dispensateur  ».  Il  est 
l'équivalent  d'  Aû$(ty)ç,  AùÇTrjdioç,  KxT^aioç,  IlXoijatoç,  surnoms  euphé- 
miques de  .Dionysos-Hadès  (5).  Il  rentre  dans  le  groupe  des 

(1)  On  ne  la  retrouve  qu'à  Mégulopolis.  Pausan.  Vil  1,  31,  U. 
.  (2)  VII,  9,  2. 
13)  Ilcsych.  'EiriBcyTaç*   Zeùç^lv  Aaxe8a{[xovi. 

(4)  Pausan.  III,  17,  9.  Voy.  dans  Wido,  Lakon.  KuUe^  p.  1i,  d'autres  exem- 
ples de  personnages  (îésignés  tantôt  comme  dieux,  tnnlcM  coninie  héros  ou 
démons  (Allicna  Kôleuthéia,  Poséidon  Ilippocourios).  Plularque  {Confr,  Kpic. 
tiy  3)  énumère  Épiddtôs  parmi  les  divinités  bienfaisjinlrs,  avec  Meilichios  et 
Alexlkakoà.     '     •   '        •       •  '    '■  !  '     ' 

(5)  Cf.  AojT'r,p  sur  une  inscription  de  Tcrmessos  [Àunnli.  XXIV,  p.  177.) 


304  MANtlNÉE   ET  L'ARCADIE  ORIENTALE. 

divinités  chthoniennes  à  caractère  bienveillant:  comme  tel,  il 
dirige  les  cérémonies  expiatoires  destinées  à  apaiser  le  courroux 
des  dieux  contre  les  meurtriers.  Après  l'exécution  sacrilège 
du  roi  Pausanias  dans  le  temple  d'Athéna  Khalkiœkos,  Zeus 
Jlikésios  oflensé  réclamait  des  satisfactions:  ce  fut  Épidôtas  qui 
réussit  à  conjurer  la  colère  du  dieu  (1). 

On  le  trouve  aussi  associé  à  Asklépios.  11  dispense  avec  lui  le 
sommeil  réparaleur  et  les  songes  dorés  :  les  6eol  'EiciSwTai  ont 
leur  autel  dans  Thiéron  d'Épidaure  (2),  et  Ilypnos,  hôte  d'Escu- 
lapeà  Sicyoue,  était  surnommé  Épidôtès  (3).  Le  culte  d'Épidôtès 
paraît  indigène  à  Mantinée. 
^eiis  Eiiiiouieiis.  Co  Zcus  Epidôtès  vSC  rapproche  d'un  autre  dieu  infernal,  Zeus 
Eubouleus,  c'est-à-dire  Pluton.  Celui-ci  peut  être  adjoint,  comme 
en  maint  autre  endroit,  au  couple  des  déesses  infernales,  Démé- 
ter-Kora.  La  triade  se  présentait  complète  à  Herînione,  où  Pluton 
était  adoré  sous  le  nom  de  Klyménos  (4).  Eubouleus,  le  Bon 
Conseiller  ou  le  Bimveillant  (5),  appartient  à  la  catégorie  des 
qualificatifs  euphémiques,  comme  Philios  et  Géléon,  'attribués 
au  dieu  des  enfers  (6).  Iladès  manque' tiu  panthéon  arcadien. 
L'union  culiuclie  de  Zeus  Eubouleus  avec  Démétfer'et  Kora  se 
présente  dans  les  liés  ioniennes,  à  MyconôS  (7),  "à  Délos  (8), 
Amorgos  (9),  I^aros  (10),  tandis  qu'à  Eleusis  comme  à  Athènes  il 
n'est  plus  qu'un  héros  (11),  Eubouleus  ou  EubdUlos,  analogue  à 
celui  des  légendes  argiennes  (12).  La  présence  simultanée  de 

(I)  Pausiin.  ibid.  Les  Spartiates  coupabios'do"  iacrilôKC  avaient  consulté 
l'oracle  de  Delphes;  il  leur  dit  d'tMever  doux  stàlùcs  de  bronze  â  PaUsanias. 
Wlde  {Laknn/knUf,  p.  10)  conjecture  qu'il  put  aussi  leur  conseiller  d'emprun- 
ter aux  Mantinéoas  le  culle  d'Kpldôlès. 

{±\  Pausan.  H,  27,  G. 

(3)  Pausan.  10,  2. 

(4)  Voy.  p.  209.  n'«  I. 

(5)  Diod.  V.  72,  2. 

(G)  llcsych.  EùpouXeùç  'b  IUoûtwv.  Uapà  oï  toïç  icoAAoî'ç  b  Zeùç  êv 
KuprjVTj.  Voy.  SaRlio.  Dicl  desanliq.  art.  Eubouleus,  Euboulos.  —  Foucart. 
Bull,  de  Corr,  helL  VÏI,  p.  400  et  suiv. 

(7)  'AO-rivaiov  ".  P-  ^37,  1.  16.  Ail  BouXcî. 

(8)  JhUL  de  Corr.  hellén.  XIV  (1890),  p.  ^505,  n»«  4. 

(9)  Alh.  Miiih.  1. 

(10)  'AO-^vaiov,  V,  p.  1:5. 

(il)  Foucart,  ibid.  —  Bcch.  sur  les  Uyst.  d'Eleusis,  p.  78. 
(12)  Pausan.  II,  ii,  2.  —  Scliol.  incd.  de  Lucien.  Rhein.  Mus.  XXV,  p.  5i8. 
—  Cloin.  Alex.  Proirrpt.  vu.  Pottcr,  p.  14,  17. 


LA  REUOION   MANTINÉENNE.  305 

Zeus  Eubouleus  à  Cyrëne  et  à  Mantinée  s'ajoute  aux  autres  liens  ' 

mythologiques  entre  les  deux  villes. 

A  vrai  dire,  la  dédicace  Aibç  EùpwXéwç,  en  lettres  du  IV«  siècle, 
trouvée  à  Mantinée  (1),  indiquait  seulement  remplacement  d'un 
terrain  consacré  à  ce  dieu.  Rien  ne  prouve  qu'il  fût  en  relation 
avec  les  déesses  chthoniennes.  La  pierre  provient  du  Bouleu- 
térion.  Peut-être  pourrait-on  tirer  de  ce  lait  une  autre  conclu- 
sion. Zeus  Eubouleus,  d'après  Diodore,  reçoit  son  nom  8la  ttjv  tv 
Tù)  pouXeueaOoci  xaXiuç  cruveaiv  (2).  Il  serait  alors  l'équivalent  du 
Zeus  Boulaios  d'Athènes  (3)  et  de  Pergame  (4). 

Les  rites  égyptiens,  au  dire  d'Hérodote  (5),  avaient  fait  dans  sérapis. 
le  Péloponnèse  une  première  entrée,  aux  temps  lointains  où  les 
filles  de  Danaos  enseignèrent  aux  femmes  pélasges  les  mystères 
d'Isis  ou  Déméter  Thesmophoros.  Abolis  par  l'invasion  dorienne, 
ces  cultes  se  réfugièrent  en  Arcadie,  où  il  serait  assez  malaisé 
d'en  retrouver  la  trace.  Mais  à  l'époque  alexandrine,  Isis  et 
Sérapis  reprirent  possession  du  monde  grec  (6).  En  Argolide, 
ils  s'associent  à  Hermione  aux  cérémonies  secrètes  de  Démê- 
ler (7)  ;  en  Arcadie,  le  Sérapis  figuré  sur  les  monnaies  de 
Phénéos  représente  à  n'en  pas  douter  un  dieu  infernal,  comme 
le  prouve  le  Cerbère  couché  à  ses  pieds  (8).  C'était  le  seul 
exemple  connu  d'un  culte  semblable  en  Arcadie.  Une  dédicace 
retrouvée  par  nous  prouve  que  Sarapis  prit  aussi  place  à  Man- 
tinée (9).  Était-ce  en  qualité  de  dieu  guérisseur,  ou  comme  suc- 
cédané d'IIadès  ?  la  question  reste  douteuse. 

«  Il  y  a  aussi,  dit  Pausanias  (10),  un  sanctuaire  de  Déméter  et  D*«*r«K  et  Koh* 
de  Kora.  On  y  entretient  du  feu  et  Ton  pourvoit  à  ne  jamais  le 
laisser  s'éteindre.  »  Les  inscriptions  publiées  par  M.  Foucart 
complètent  d'une  manière  très  intéressante  ce  maigre  rensei- 
gnement. 

Déméter  et  sa  fille  étaient  adorées  dans  un  mùme  temple,  le    u  Koragion. 

(1)  Fougères.  Bull,  de  Corr,  hellén.  XX  (1896),  p.  133. 

(2)  Diod.  V,  72,  2. 

(3)  Voy.  les  textes  dans  Gurtius.  Stadtgesch,  Àtkens,  p.  XL. 

(4)  Inschrift  v.  Pergam,  n»  246,  p.  159. 

(5)  II,  171 . 

(6)  Voy.  la  statistique  de  ces  cultes  dans  Rosclier.  MyUi.  Lexic.  Isis,  p.  390. 

(7)  Paus.  Il,  34,  10. 

(8)  Mionnct  II,  233,  n»  55.  Supp.  II,  287,  n-  86. 

(9)  4>iXoxXYif<;]  ïapaTci  tûyàv.  Hull.  Corr.  hellen.  XX,  p.  158. 
(10)  Pausan.  VIH,  9,  2. 

.Mantinée.   —  21. 


306  MANTINÉB  KT  L*ARCADIE  ORIENTALE. 

Kopaytov  qui  appartenait  à  la  ville  et  non  à  des  associations 
particulières  (1).  Mais  les  deux  déesses  avaient  chacune  leur 
culte  et  leur  clergé  particulier.  Le  plus  important  des  deux 
cultes  était,  semble-t-il,  celui  de  Koré  (à  Ocdc)  ;  elle  avait  donné 
son  nom  au  temple  et  ses  fêtes  avaient  plus  de  solennité.  Dans 
le  culte  éleusinien,  Koré  demeure  au  second  plan,  eflacée  par 
sa  mère  et  par  lacchos.  En  Arcadie,  au  contraire,  la  déesse 
fille,  sous  le  nom  de  Despoina  et  sous  un  nom  mystique  que 
Pausanias  n'a  pas  osé  révéler  (2),  est  Tobjet  d'une  adoration 
plus  fervente.  On  ne  saurait  aflirmer  que  la  Kora  mantinéenne 
émane  de  la  Despoina  parrhasienne,  d'autant  plus  qu'à  Hermione 
Déméter  et  sa  fille  possédaient  plusieurs  sanctuaires,  entre 
autres  celui  de  Déméter  Chthonia,  dont  les  fêtes  ne  sont  pas 
sans  analogie  avec  les  Koragia  de  Mantinée.  Kolontas  l'Argien 
n'avait  pas  voulu  recevoir  chez  lui  la  déesse,  malgré  les  objur-, 
gâtions  de  sa  fille.  Il  périt  dans  un  incendie  et  Déméter  se 
transporta  à  Hermione  sous  le  nom  de  Chthonia.  Tous  les  ans, 
on  célébrait  en  son  honneur  une  ico(i.ivi^  solennelle,  conduite  par 
les  prêtres  des  déesses  et  par  les  magistrats  (3).  .  i     .... 

\m  Kopayot.  A  Mantinée,  Kora  avait  pour  ministres  un  collège  de  prêtres, 
annuels,  les  Kopayoï.  Cette  société  offrait  les  sacrifices,  rendait 
des  décrets  obligatoires  pour  ses  membres,  infligeait  des  amen- 
des aux  contrevenants,  invitait  ses  bienfaiteurs  aux  repas  sacrés 
ou  leur  envoyait  des  parts  de  victimes.  Les  prêtres  sortis  de 
charge  formaient  un  conseil  qui  avait  à  pourvoira  la  célébration 
des  Kopàyia.  La  préparation  de  cette  fête,  l'entretien  de  la  déesse. 

(1)  Gela  résulte  de  l'intcrvontion  des  magistrats  de  la  cité  pour  autoriser  le 
dépôt  d'une  stèle  dans  le  temple.  (Foucart,  Inscr.  du  Pélop.,  352*.  1.  il).;  .  i 

(2)  Pausan.  VIII,  37,  G.  ,      .  .    ,, 

(3)  A  Hermione,  la  prôtrlsc  était  exercée  par  dos  fcmmos  (Paus.  II,  35,  8). 
Immervahr  {KuUe  Àrkad.  p.  125)  prétend  que  le  collège  propre  (das  eigentli- 
che  Kollcgium)  était  composé  de  prêtres.  Pausanias  déclare  seulement  que  la 
procession  était  conduite  par  les  Upcû  T(5v  Oecov  soit  par.  les,  prêtres  des 
dieux  en  général,  comme  le  traduit  Clavier,  soit  plutôt  par  les  prêtres, des. 
déesses,  c'est-à-dire  ceux  des  autres  cultes  de  Déméter  et  de  Kora,  si.  nom- 
breux à  Hermione  (Paus.  II,  35,  5).  La  Ciithonia  adorée  sur  le  mont  Pron 
était  une  Déméter,  mais  indépendante  à  l'origine  de  Kora  et  de  Ciyménos. 
Les  dédicaces  s'adressent  tiintôt  à  Clitlionia  et  à  Ciyménos,' sans  Kora,  tantôt 
à  la  triade  infernale.  (Voy.  C.  I.  G.  1194  à  i200.  —Foucart.  Imcr,  du  Péiop. 
159  n,  1»,  c.  ^  Jamot.  Bull,  de  Corr.  hellen.  i889.' p»  198,  24). 'La  flllatlon 
carienne  de  ce  culte  a  été  soutenue  par  M.  Foucart.  j/fr^  p-.'74i  Wide  (de 
Sacrts  irœz&nonumj  lui  attribue  ui^e  origine  dryopermlnycnne.,eti  le i  rap- 
proche du  mythe  de  llyakinthos.  i.-    (j    /     i     i    .<• 


LA  RELIGION  MANTlNÉENNti.  307 

et  de  son  cosmos  devaient  être  supportés  par  le  prêtre  en 
charge,  mais  il  pouvait  être  assisté  dans  les  dépenses  de  cette 
liturgie  par  un  personnage  de  bonne  volonté,  comme  cette 
Nikippa,  fille  de  Pasias,  dont  les  Koragoi  récompensent  la 
générosité. 

La  cérémonie  des  Kopàyia  (1)  commençait  par  une  procession, 
par  un  sacrifice  suivi  d'un  banquet  sacré  et  se  terminait  par 
des  mystères.  Ceux-ci  consistaient  en  une  représentation  sym- 
bolique du  retour  fàvo8o<;)  de  Coré  sur  la  terre  (2).  La  statue  de  la 
déesse,  parée  d'un  péplos  de  cérémonie,  jouait  un  rôle  dans 
cette  action  mystique.  Puis  elle  était  promenée  ù  travers  la 
ville  et  recevait  provisoirement  l'hospitalité  dans  la  demeure 
d'un  mortel  pour  qui  cette  laveur  était  très  honorifique.  Après 
quoi  elle  rentrait  au  sanctuaire,  accessible  au  public  pour  la 
circonstance. 

Le  culte  mantinéen  de  Koré  rappelle  ceux  de  Syracuse  (3),  de 
Sélinonte  (4),  d'Alexandrie  (5),  de  Cyzique  (6),  de  Smyrne  (7). 
Mais  oh  ne  peut  de  ces  analogies  conclure  à  une  parenté  com- 
mune. De  même  le  voisinage  de  la  Chthonia  d'IIermione  n'est 
pas  une  raison  suffisante  pour  la  considérer,  avec  Immerwahr  (8), 
comme  le  prototype  de  la  Kora  mantinéenne.  Ce  qu'on  peut 
avancer  est  purement  négatif  :  il  n'y  a  pas  de  rapports  entre  les 
mystères  de  Mantinée  et  ceux  d'Eleusis,  où  l'on  représentait 
surtout  les  courses  de  Déméter  à  la  recherclie  de  sa  fille  (9).  Il 
est  possible  que  Kora  ait  pris  à  Mantinée  la  place  d'une  déesse 
Fille,  de  caractère  infernal,  analogue  à  la  Despoiua  arcadiennc, 
fille  de  Poséidon  Hippios  et  de  Déméter  Érinys,  ou  à  l'antique 
Daeira  éleusinienne,  dont  le  nom  devint  par  la  suite  une  épithète 
de  Kora  (ty^  K6^y\  xfi  Aae(pa)  (10). 

Le  culte  urbain  de  Déméter,  subordonné  à  celui  de  Kora,       Déméter 

iiî.' ,         ;»   •.        ■...-..    i  •••  5        • 

(1)'  Sur  KopayéTv,  Kopayôç.  ,v6y.  Ebert,  SixcXtwv,  1830,  p.  36. 
{i)  Cf. "une  Ihscr.  (l'origine  incerlaino.  C,  I.  G.  IV.  (WiKJ  A.  —  De  Prott.  Frtsfi 
Sdcri:  1896;  p.  40.  ,        ..     .        ,. 

i3\p\o(\,y,L-'P\ui/D^  ... 

,(5)  pAi/o/oflT.  XVI,  p.  355.      .    .        .       ' 
(6)  Strab.  11,3,  4.5... 
,(7)  Àthen-mth,  XIV,  p;  95,  n*  25. 
iS)  Kulte  Arkad,  p.  i2îS: 

{9)FoucaiTi,Rech.'surles  Mystèreé  d'Eleusis,  p.  47  et  73. 
(10)  C.  I.  A.  IL  741. 


308  MANTINEB  ET  L*AilCADIE  OHIENTALB. 

avait  moins  tréclal  que  le  culte  démolique  delà  Déméter  deNes- 
lan<^,  liéritière  de  la  Gè  pélasgique?  La  déesse  était  desser- 
vie par  des  pn^trcsses  probablement  annuelles.  Les  prêtresses 
eu  charge  et  les  prôlresses  honoraires  formaient  un  collège  — 
«xuvoBoç,  xoivov  Tav  Upeiav  —  qui  disposait  de  ses  revenus,  votait 
des  décrets,  invitait  aux  sacrifices  et  aux  repas  sacrés.  La  déesse 
habitait  un  (xéyapov,  sans  dou(e  attenant  au  temple  de  Kora, 
mais  indépendant  de  lui,  puisque  le  décret  des  prêtresses  doit 
être  déposé,  avec  Tautorisationdes  magistrats,  dans  le  Koragiou. 
Les  sacrifices  étaient  accompagnés  de  (xiTap/iai  ou  distributions 
de  vivres  faites  par  les  soins  des  ministres  de  la  déesse  qui 
joignaient  à  leur  titre  de  prétresses  celui  de  a(Tap/oi.  Cette  céré- 
monie symbolisait  le  présent  que  Déméter  avait  fait  aux  hommes 
en  leur  donnant  le  blé  (iîtoç).  Elle  indique  nettement  le  carac- 
tère agricole  de  Déméter  considérée  comme  xapico<popo<;  ou 
fxaXo<popoç  :  l'épi  est  son  attribut,  tandis  que  la  torche  est  celui  de 
Kora,  déesse  des  enfers. 

Achciôo».  L'inscription  AXIiîAOIO  trouvée  dans  les  ruines  deMantinée(l) 

parait  appartenir,  comme  celle  de  Zeus  Kéraunos  et  de  Zeus 
Eubouleus,  à  une  borne  provenant  d'un  enclos  sacré.  On  doit 
songer  à  un  culte  du  fleuve  Achélôos  divinisé,  peut-être  intro- 
duit à  Mantinée  en  souvenir  de  la  participation  des  Mantinéens 
à  la  campagne  d'Awirnanie,  en  426.  Le  type  des  lettres  semble 
convenir  à  cette  date  (2). 

Achélôos,  filsd'Okéanos  et  de  Thétys,  était  adoré  en  plusieurs 
endroits  (3)  comme  le  fleuve  par  excellence  et  comme  le  père 
de  toutes  les  sources;  en  même  temps,  on  lui  reconnaissait  un 
pouvoir  apaisant  (4).  Comme  divinité  fluviale  et  chthonienne, 

(1)  Publiée  par  Milchhôfer  [Ath.  Mith,  IV  (1879),  p.  146]  avec  les  iodications 
suivantes  :  «  Inucrbalb  dos  Stadtringes  aufrecbt  im  Bach  Ophis  (7)  stehende 
Kalksteinplattfî.  Breit  cingograbeuc  und  wohl  erhaltene  Buchétaben.  »  —  Je 
n'ai  plus  retrouvé  cette  pierre. 
'^      (2)  Voy.  Rœhl.  Inscr.  graec  antiquisa,  104. 

(3)  Sur  le  culte  du  fleuve  Achélôos,  voy.  Roscher.  Lex.  der  Mythol.  et 
Pauly.  Real.  Encycl.  (1803),  8.  v,  Àkhelôos. 

(4)  *Aye-XoMOç  =  i-no  tou  tS  a/irj  Xueiv  (Schol.  Iliad.  XXIV.  616).  —  II  y 
a,  semble-t-il,  liaison  entre  ce  nom  et  celui  de  r'A;r^Xifj;  du  Slpyle  (ihid,), 
près  de  Smyrne  où  existait  un  •AyiXXetov(Et.  Byz.  «.  v.).  Aussi,  en  peut-on 
déduire  un  rapproche  m  rnl  entre  Aciiéléos  et  Achille,  fils  de  Pelée  et  do  Thétys- 
Achille  aurait  été,  originairement,  un  dieu  fluvial  de  Thessalie,  la  personnifl- 
ration  du  torront  do  montagne  qui  disparaît  dans  le  fleuve  do  la  plaine,- (Cf. 


LA   RELIGION   MANTIiNÉENNE.  309 

il  avait  donc  tous  les  titres  pour  fraterniser  avec  Poséidon  Ilip- 
pios  (1).  Peut-être  aussi  d'autres  raisons  expliquent-elles  que 
les  Mantinéens  aient  tenu  à  le  localiser  chez  eux.  Pausanias 
cite  un  Achélôos  arcadien,  torrent  issu  du  versant  N.  du  Lycée 
et  affluent  de  TAlphée  (2).  Il  traversait  la  ïheisoée  du  Lycée  qui 
faisait  jadis  partie  du  territoire  parrliasicn  et,  du  temps  de 
Pausanias,  appartenait  à  la  Mégalopolitide  (3).  La  rivière  Aché- 
lôos, et  peut-être  Timportante  ville  de  Theisoa,  firent  partie  des 
possessions  mantinéennes  pendant  la  durée  de  la  domination 
de  Mantinée  sur  le  district  parrhasien,  à  la  fin  du  V^  siècle.  J^c 
culte  de  TAchélôos,  lié  au  souvenir  de  la  nymphe  Theisoa, 
nourrice  de  Zeus  Lykaios,  fut  sans  doute  transporté  à  Mantinée 
au  moment  de  la  conquête  de  la  Parrhasie,  qui  suivit  immédia- 
tement la  campagne  d'Acarnanie  (4). Rappelons  enfin  la  tradition 
argienne  dont  Sophocle  s*est  fait  Técho  :  Tlnachos  argieu  serait 
descendu  du  Pinde  par  Tlnachos  acarnanieu  et  se  serait  mêlé 
à  TAchélôos  avant  de  réapparaître  en  Argolide,  au  Lyrkéion  (5). 
Comme  les  sources  de  Tlnachos  sont  en  territoire  raanlinéen, 
le  culte  de  TAchélôos  trouvait  dans  cette  tradition  une  autre 
justification. 

Le  culte  d'Asklépios  en  Arcadie  n'est  pas  le  même  dans  les  nirux  ou*ri88ei 
cantons  orientaux  que  dans  ceux  de  l'Occident.  A  Thelpousa,  à       Askiépioi 
Kleitor,  à  Lousoi,  à  Gortys,  il  semble  très  ancien.  Certains  mylho-     *'  Apollon, 
logues  le  considèrent  comme  le  produit  direct  d'une  émigration 

(Inns  sa  légcnile,  son  caractère  bouillant,  sa  fin  priunatun^e,  lu  vulnérabi- 
llt(';  de  son  talon,  partie  non  atteinte  par  l'ciiu,  c'est- ji-<liro  symbole  du  haut 
ravin  montagneux, desscclié  des  qu'il  ne  pleut  pas,  enfin  sa  lutte  avec  le  fleuve 
Xanthe). 

(1)  L'oracle  de  Dodonc  prescrit  des  sacrifices  à  AchrlAos  (Macr.  Sat.  V,  18, 
8.  —  Schol.  iliad.  XXI,  194.  —  XXIV,  «Ki.  —  Carapanos.  Dodoue^p.  133).  — 
A  Mantinée,  peul-ôtrc  le  culte  do  l'AchôIdos  s'associait-il  ix  celui  du  Pélagos  ? 

(à)  Pausan.  VIII.  38,  D-IO  — CurUus  {Pelop.  Il,  p.  3:iS)  l'identifie  avec  la 
rivière  de  Dragmanou.  Rangabé  {Excurs.  en  Arcudic^  p.  80)  place  Theisoa  ii 
Andritsaina. 

(3)  Ce  district,  y^  irpoç  Auxauo  (Paus.  VIII,  27,  4),  inh  p.£v  Bei^roaç  irôXiç 
(oxeiTO  6v  TT)  riappaffia  (VIII,  38,  3)  se  dislingue  d'une  autre  Theisoa,  située 
aux  sources  du  Gorlynios,  près  de  la  frontière  de  Mèthydrion  (Pausan.  VIII, 
27,  4  et  7  ;  28,  3  et  4).  Elle  relevait  d'Orchomènc  (Vlll,  27,  7).  On  l'Identifie 
avec  le  moulin  de  Karkalou,  dans  une  petite  plaine  voisine  do  Zatouna. 
(Rangabé.  ibid.  p.  70). 

(4)  Voy.  plus  loin,  p.  380. 

(5)  Soph.  ap.  Strab.  VI,  2,  4. 


310  MANTINKE   RT   L*ARGADIE  ORIENTALE. 

thessalienne,  celle  des  Lapitlies-Phlégyens  (1).  Pour  les  cultes 
de  la  Haute-Plaine,  au  contraire,  Thiéron  d'Épidaure  est  Tinler- 
mcdiaire  indiqué  entre  la  Thessalie,  où  la  légende  d'Asklépios  a 
pris  naissance,  et  les  sanctuaires  de  Mantinée  et  de  Tégée.  C'est 
à  Épidaure  que  s'accomplit  l'union  de  TAsklépios  thessalien  avec 
TApollon  Dorien,  union  caractéristique  du  culte  épidaurien  (2). 
L'Apollon  delphique  s'attribuait  à  l'égard  du  dieu  de  TArgo- 
lide  des  droits  de  paternité  (3).  AUvSsi  voit-on  dans  l'hiéron 
d'Épidaure  les  deux  divinités  étroitement  unies.  Artémis  elle- 
même  s'installe  auprès  d'Asklépios  dans  un  temple  voisin  et  Léto 
s'adjoint  à.  eux,  comme  cela  résulte  des  inscriptions  (4).  Cette 
association  d'Asklépios  et  des  Létoldes  se  propage  en  beaucoup 
de  sanctuaires,  succursales  d'Épidaure  (5).  Ainsi  s'explique  à 
Mantinée  la  cohabitation  dans  la  môme  cella  d'Asklépios  et  de  la 
famille  d'Apollon  :  les  deux  cultes  n'étaient  séparés  que  par  une 
cloison.  ((Il  y  a  à  Mantinée,  dit  Pausanias,  un  temple  double 
coupé  par  un  mur  de  refend.  Dans  l'une  des  chapelles  on  voit  la 
statue  d'Asklépios  par  Alcamène  ;  l'autre  est  consacrée  à  Léto  et 
h  sa  famille  (6)  ». 
Aski^pios.  Le  culte  d'Asklépios  était  assuré  par  un  collège  de  prêtres 
(UpciçTou  'A<TxX7)iciou)  dont  nous  possédons  un  décret  honorifique 
de  l'époque  romaine  en  faveur  d'une  bienfaitrice,  Julia  Eudia, 
fille  d'Eutéleinos  (7).  Us  célébraient  des  festins  appelés  yi^an, 
t(Tixà  xal  Tcupo^opixà  oeiTrva  (l.  25)  (8).  Les  prêtres  seuls  assistaient  à 

(1)  Wllamowilz-MôUondorf.  Isyllos  von  Epidanroa,  p.  44  et  suiv.  —  Immer- 
walir.  Kulte  Àrcad.  p.  180.  —  Lcchatcl  Dofrassc.  Épidaure,  p.  17-32. 

(2)  Wllamowltz,  ibid.  —  DuTrasse  et  Lcchat.  Épidaure,  ihid:  Coinmo 
preuve  do  celte  union,  on  peut  alléguer  le  poème  d'Isyllos,  péan  en  l'hon- 
neur d'Askl<^pios  et  d'Apollon  Malwilas,  de  nombreuses  inscriptions  d'Épi- 
daure (Kavvadias,  Fouilles  d'Épidaure),  lo  temple  d'AsIiIépios  et  d'Apollon 
Égyptiens  (Paus.  H,  27,  G). 

(3)  Pausan.  II,  2G,  7.  '    n    ; 

(4)  Foucarl.  Inscr.  du  Pélop.  n»  144i.  —  C.  I.  G.  1173.      - 

(î))  A  Sicyone  (Pausan.  II,  10,  2;,  à  Tégée  ^Vll,  U,  5),  à  Môgalopolis  (VIU, 
32,  5),  k  Messène  (IV,  31,  8),  k  Agrlgente  (Clc.  Verr.  IV,  43,  93).  •  ^ 

(6)  Pausan.  VTII,  9  1.  :      :  .       l         .  .'        . 

(7)  Foucarl. /iKsrr.  rfw  P(f/op.  352j.  '     . 

(8)  M.  Foucarl  propose  deux  in lerpn'îla lions  do  ce  mot,  suivant  qu'on  lo 
dérive  de  irup,  fou,  ou  de  irupoç  fronicnl.  Dans  le  premier  cas,  on  aurait 
un  sacrifice  analogue  k  celui  qui  s'olTrail  à  Tilhorëa,  en  Pliocldc,  ofi  les 
victimes  étalent,  durant  la  fêle  d'Isis,  brûlées  sur  un  bûcher  (Pausan.  X,  32, 
9);  dans  le  second,  on  penserait  plutét  k  une  cérémonie  rappelant  les 
aiTapv(ai  du  culte  de  Démêler.  .     ;  .  i  •  .     ».     r  •     .    l    . 


LA  RELIGION  MANTINI^^ENNE . 


311 


ces  derniers.  Isis  était  placée  par  les  Grecs  au  nombre  des  divi- 
nités médicales  ;  aussi  certains  rites  de  son  culte  avaient-ils 
pénétré  dans  celui  d'Asklépios.  Les  décisions  du  collège  étaient 
subordonnées  à  celui  de  r^ic(Yvu>(jLa,  magistrat  de  la  cité,  chargé  de 
percevoir  les  amendes  au  nom  du  collège. 

Des  monnaies  de  l'époque  romaine  représentent  Asklépios 
dans  l'attitude  traditionnelle,  debout,,  appuyé  sur  un  bâton. 
Alcamène  avait  dû  s'y  conformer  (1). 

L'inséparable  compagne  d'Asklépios  figure,  dans  l'inscription 
citée  plus  haut,  et  sur  un  type  monétaire  à  reffigie  de  Julia 
Domna  (2). 

Je  crois  aussi  la  reconnaître,  dans  la  tôte  féminine  reproduite 
par  la  figure  54,  p.  404,  et  par  la  planche  VI. 

Télesphoros,  petit  génie,  parèdre  d'Asklépios,  se  joint  souvent 
au  couple  précédent.  Nous  le  reconnaissons  dans  la  statuette 
représentée  par  la  planche  VII  et  qui  devait  être  déposée 
dans  l'Asklépieion.  Le  culte  de  Télesphoros,  originaire  d'Asie, 
s'est  propagé  en  Grèce  vers  le  II<î  siècle  de  notre  ère,  par  l'inter- 
médiaire de  Pergame.  Représenté  d'ordinaire  sous  la  figure  d'un 
enfant  frileux,  qui  grelotte  sous  un  épais  manteau  à  capuchon, 
il  avait  paru  d'abord  personnifier  le  Génie  de  la  Convalescence. 
Mais  cette  interprétation  ne  trouve  dans  Tétymologie  Téles- 
phoros :  Celui  qui  procure  la  (juérison^  qu'une  apparente  justifi- 
cation. En  somme,  le  rôle  précis  du  personnage  reste  mal 
connu  (3);  mais  il  venu  à  Mantinée  par  E|)idaure. 
,  L'idée  de  réunir  Léto  à  ses  enfants  en  une  triade  associée  au 
culte  d'Asklépios  représente  un  des  éléments  les  plus  jeunes 
des  cultes  mantinéens.  L'influence  de  l'art  n'y  est  peut-être  pas 


llygic. 


(1)  Mionnct.  II,  249,  33.  Sept.  Sev.  —  Asklépios  debout. 

Id.    a').  Caracalla.  —  id. 

Lôbbeck,  p.  XV,  Julia  Domna.  —  id. 

Calai,  of  Coins,  pi.  XXXV  9.  Plautllla.  -      id. 
i!    '   Numismatic  commcntary  of  Pausanias. /oMn^.  nf  iiellen.  Stud,,  VU,  97. 
Cf.  la  pctito  sUituo  représentée  plus  loin  par  la  Pif^urc  ;k>,  p.  4G9. 

(2)  Mionnct  II,  249,  34. 

(3)  Voy.  Warwick  Wrolh.  Journ.  of  hellen.  Slnd,  III,  283.  —  Scbcnk. 
De  Telesphoro  deo,  1888.  —  Fougères.  Il  m  U.  de  corr.  hellen.  XIV.  p.  59;5,  pi. 
y  m.  —  Pausanias  (II,  11,  7)  idcntlGo  rÉvamérion,  héros  parcdrc  d'Asklépios 
à, Titane  et  l'Akésios  d'Épidauro  avec  le  Télesphoros  ptTganiénicn.Prcuncr 
{Jaht cuber. de  Burslan,  25*  vol.  Suppicm»  B»,  p.  187)  so  dmiandc  si  celui-ci  ne 
serait  pas  d'origine  celtique,  jo  suppose,  colporté  par  les  Galatcs.— Sur  le  culte 
do  Télesphoros  ix  Épidaurc,  Kavvadias,  Fouilles  dlîpitlanre,p,  49  (1)8)  et  suiv. 


312  MANTINKK  ET   L'AIIGADIE  ORIENTALE. 

étrangère.  Un  Polyclète  (rAncien  ?)  était  l'auteur  d'un  groupe 
d'Apollon,  de  Léto  et  d'Artémis  placé  dans  le  temple  d'Artémis 
Ortlîia  sur  le  mont  Lycone  (1).  Praxitèle  avait  sculpté  pour  le 
Létôon  d'Argos  une  statue  de  Léto  (2)  ;  les  Mantinéens  lui  com- 
mandèrent vers  366  un  groupe  analogue  à  celui  de  Polyclète. 
Mais  le  culte  délien  d'Apollon  et  de  Léto  avait  déjà  pénétré  à 
Mantinée,  comme  le  prouve  le  palmier  du  bas-relief  de  la  Femme 
au  foie,  11  s'y  combina  avec  l'Apollon  Pythaeus  d'Argolide,  qui 
avait  ses  prophétesses  (3). 

Depuis  longtemps  déjà  Apollon  devait  être  fixé  dans  le  pays. 
Mais  on  ne  saurait,  avec  les  données  actuelles,  reconstituer, 
môme  approximativement,  l'histoire  de  ses  débuts  dans  l'Arca- 
die  orientale.  Le  caractère  primitif  du  dieu  se  rapprochait-il  du 
dieu  pastoral,  vrfjxioç,  gardeur  de  chevaux,  adoré  à  Thelpousa  et 
à  Phénéos,  ou  de  l'Apollon  Pythien  de  Tégée  et  d'Argos  (4)?  Au 
V«  siècle,  il  est  le  dieu  secourable,  auquel  on  dédie  la  dîme  du 
butin  fait  sur  les  ennemis  (5),  et  le  dieu  guérisseur  associé  à 
Asklépios.  Puis,  au  IV^  siècle,  h  ces  caractères  s'adjoint  celui 
de  l'artiste,  du  citliarède,  de  l'ami  des  Muses  :  Praxitèle  repré- 
sente en  bas-relief,  sur  la  base  de  son  groupe,  l'épisode  du 
concours  entre  Apollon  et  Marsyas  avec  les  Muses  pour  arbitres. 
Les  monnaies  du  temps  de  Julia  Domna  et  de  Plautilla  le  figu- 
rent en  long  chiton  talaire,  le  plectrum  dans  une  main,  la  lyre 
dans  l'autre,  peut-être  dans  l'attitude  que  lui  avait  donnée 
Praxitèle  (6).  Dans  ce  rôle  de  représentant  de  la  musique 
classique,  il  tint  à  distance  l'Hermès  du  Cyllène  et  l'empêcha 
de  s'implanter  à  Mantinée. 

Artémis  la  Lctoïde,  inséparable  de  son  frère,  n'est  pas  de 
môme  race  que  l'antique  déesse  arcadienne  que  nous  avons 
rencontrée  solitaire  au  sommet  ou  au  flanc  des  monts.  Elle  rap- 
|)elle  la  Phœbé  classique  dans  toute  sa  banalité.  Les  monnaies 
la  représentent  en  chasseresse  accompagnée  de  son  chien  (7). 

(1)  Paus.  II,  li,  î).  —  Paris,  Polyclète,  p.  28. 

(2)  Paus.  11,21,10.—  Dans  le  Pôloponnôsc,  Pausanias  signale  d'autres  groupes 
analogues  ù  Sparte  (III,  11, 9)  et  à  Olymple  (V,  17,  3). 

(3)  Pausan.  II,  24, 1  ;  35, 1.—  Voy.  aux  Appendices,  la  note  sur  la  planche  V. 

(4)  Paus.  Vin,  25,  4,  9, 11.  —VIII,  15,  5.  —  VIII,  54,5. 

(5)  Foucart,  //i>c.  du  V  Inp,  352  •.  —  Uœhl.  Inscr,  graec.  aniiquU^  100. 
■G)  Gardncr.  CaUiL  ofgreek  Coins.  PeUtpon.  pi.  XXXV,  7,  8. 

(7)  Mionnct.  Suppl.  IV,  280,  n.  47,  52.  —  N»  53.  Diane  Lucifera  tenant  dans 
chaque  main  un  flambeau.  —  Immerwahr  {KuUe  Arkad.,  p.  144).— Sur  Arté- 
mis en  forme  de  pyramide  votive,  voy.  Appendices.  Épigr.  n«  4. 


LA  RELIGION   MANTINÉENNE.  313 

En  somme,  les  éléments  du  groupement  de  la  triade  Létoide 
et  d*Asklépios  sont  venus  à  Mantinée  par  Argos,  et  leur  réunion 
définitive  s'est  peut-être  produite  à  Tépoque  du  synœcisme. 

((  Derrière  le  théâtre,  dit  Pausanias  (1),  subsistent  les  débris 
d'un  temple  et  d'une  statue  d'Aphrodite  surnommée  Syinma- 
chia.  L'inscription  gravée  sur  la  base  porte  que  la  statue  a  été 
consacrée  par  Nikippé,  fille  de  Paséas.  Les  Mantinéens  ont 
construit  ce  temple  en  commémoration  de  la  bataille  navale 
d'Actium,  où  ils  furent  les  auxiliaires  des  Romains.  »  Dans  ce 
culte  de  circonstance,  il  y  a  deux  choses  à  distinguer  :  le  choix 
d'Aphrodite  et  l'épithcte  de  Symmachia.  Aphrodite  est  la 
divinité  familiale  de  la  gens  Julia,  héritière  des  traditions 
d'Énée  (2).  Or,  la  légende  mantinéenne  associait  étroitement  le 
souvenir  d'Anchise  au  culte  de  la  déesse  adorée  au  pied  du 
M^  Anchisia.  Aussi,  quand  les  Mantinéens  voulurent  perpétuer 
par  une  fondation  religieuse  le  souvenir  de  leur  participation  à 
la  victoire  d'Octave,  une  heureuse  coïncidence  entre  leurs  tra- 
ditions locales  et  celles  de  la  famille  du  vainqueur  devait  les 
déterminer  à  placer  sous  le  patronage  d'Aphrodite  le  souvenir 
de  cet  épisode  de  leur  histoire.  A  Actium  môme,  il  y  avait  un 
sanctuaire  d'Aphrodite  Alveiaç  (3).  L'épitliètc  de  Syramaciiia 
rappelait  dans  un  symbole  flatteur  l'alliance  de  l'Aplirodite  de 
l'Anchisia  avec  la  Venus  Victrix  figurée  sur  les  monnaies  des 
Jules  (4|.  Le  sanctuaire  urbain  d'Aphrodile  fut  donc  une  suc- 
cursale du  sanctuaire  démotique  de  l'Anchisia.  Mais  il  ne  sur- 
vécut guère  aux  événements  qui  avaient  dctormiiié  sa  fondation. 
Un  enthousiasme  passager  suscita  de  généreuses  donations, 
comme  celle  de  Nikippa,  fille  de  Paséas  (5).  Puis  l'indifférence 
et  l'oubli  réduisirent  au  dénûment  la  malheureuse  déesse,  dont 
la  statue  et  le  temple  ne  lardèrent  pas  à  tomber  en  ruines. 

(1)  VIII,  0,  ÎG. 

(2)  Klauson.  ASnea^  u.  die  Venaten,  H,  p.  10(>8. 

(3)  Dcnys  d'ilallc.  I.  îiO  et  53. 

(4)  Vaillant.  Julla.  3,  ;j.  —  Plut.  Pompée,  (W. 

(Î5)  C'est  bien  ii  tort  que  Klauscn  (ouv.  cité.  I,  p.  3(»G,  note  (KX)  I.)  prétend 
retrouver  dans  ce  nom  un  arjçument  en  faveur  do.  sa  tliéorie  sur  les  rapports 
de  la  légende  d'Anchise  avec  l'élevage  du  cheval.  Nikippa,  fille  de  Paséas, 
évergète  pieuse  et  fortunée, n'avait  pas  sans  doute  la  libéralité  aussi  érudile. 
On  a  vu  «lue  Kora  et  ses  prêtres  avaient  eu,  en  01  avant  J.-C,  c'est-à-dire 
30  ans  auparavant,  ti  la  remercier  de  ses  largesses.  (Foucart.  Inscr,  duPélop, 
352  h  ) 


314 


MANTIN^E  ET  L*ARCADIB  ORIENTALE. 


Niké. 


Tych*, 


«  Il  y  a,  à  Olyrapie,  près  de  celle  Alhéna  (de  Nîcodamos  de 
Mainalos),  une  Niké  dédiée  par  les  Mantinéens,  à  l'occasion  de 
quelle  guerre  on  ne  le  dit  pas.  On  Tattribue  à  Kalamis,  qui  Ta 
représentée  sans  ailes,  à  Timitation  du  xoanon  de  la  Victoire 
Aptère,  à  Athènes  (1)  ».  Je  croirais  volontiers  cette  dédicace 
discrète  contemporaine  du  synœcisme.  C'était  une  victoire  pour 
les  Mantinéens  que  le  succès  de  cette  opération.  Mais  la  prudence 
leur  recommandait  de  ne  pas  trop  attirer  sur  cet  épisode  glo- 
rieux l'ombrageuse  attention  de  Sparte.  On  place  l'activité 
artistique  de  Kalamis  dans  la  première  moitié  du  V®  siècle  (2), 
ce  qui  coïncide  avec  notre  conjecture.  Si  l'on  songeait  à  la  con- 
quête de  la  Parrhasie,  il  faudrait  descendre  jusqu'en  425,  date 
trop  basse.  Le  culte  de  Niké  à  l'époque  romaine  est  encore 
attesté  par  des  monnaies  (3). 

On  reconnaît  Tyché  sur  des  monnaies  de  Septime  Sévère  (4). 


IV.   Cultes   héroïques 


AOTOKO* 

l'I  le 
oYF.n  Commun. 


«  Aux  environs  du  théâtre  on  voit  des  monuments  qui  ont  une 
grande  célébrité:  le  premier  qu'on  nomme  le  Foyer  Commun 
{*li<iTîa  xoïvtq)  est  en  (orme  de  rotonde.  On  dit  qu'Autonoé,  fille 
de  Képheus,  y  est  enterrée  (5)  ».  Il  y  avait  (\  Tégée  un  Foyer 
commun  des  Arcadiens,  avec  une  statue  d'Héraklès  (6)  :  c'était, 
sans  doute,  un  souvenir  de  l'antique  suprématie  de  la. capitale 
d'Aléos  (7).  A  Mantince,  V'Evxla  xoivtq  symbolisait  la  réunion  des 
dèmes,  dont  tous  les  loyers  particuliers  s'étaient  groupés  en  un 
prytanée  unique.  De  môme,  à  Athènes,  le  synœcisme  opéré  par 
Thésée  avait  eu  pour  conséquence  la  suppression  des  Bouleuteria 
et  des  Prytanées  locaux  (8).  i 


(1)  Pnusan.  V,  26,  0.  ,     «  . 

(2)  CoJlIgnon.  Sculpt.  gr.  I,  p.  397. 

(3)  Journ.  nf  helien,  Slud,  VU.  p.  99.  M.  PlauUUa-Nikc  rummlng  :  holds 
wrcath.  Berlin.  •  i 

(4)  InUtulés  de  décrets  :  àyaGaï  Tu^ai,  dans  Foucarl.   Inscr.   du  Pélopl 
3:52  h.  et  j.  —  Monnaies  dans  : 

Mionnet.  IL  249.  n"  m.  Suppl.  IV.  280.  n-  48  à  5i. 

Joiirn.  of  hellcn.  SLud.   VII.  99.  Plautllla.    «    Tycho  :'  holds  paiera  ànd 
corniicopiœ  nt  altar  ».  »i»'     . 

(;•))  Pîius.  VIII,  9,  5.  —  Sur  le  monument,  voy.  p.  193. 
(G)  VIII,  53. 9.  .  f    .  '   .    «• 

(7)Pau8.  VIII,  4,  ?>.  .  H    t      «>     \      ...I- 

(8)  Thucyd,  1, 15. 


LA   RELIGION   MANTINBENNE.  315 

.  Toutes  les  villes  attribuaient  leur  établissement  à  un  héros 
fondateur  ou  xTf<xTifjç.  La  Mantinée  primitive,  dont  Torigine  élait 
inconnue,  passait  pour  être  l'œuvre  du  Lycaonide  Mantincus. 
Nous  avons  vu  que  cet  être  mythique  n'est  qu'un  nom.  Plus 
tard,  les  habitants  de  la  Manlinique,  longtemps  vassaux  des 
seigneurs  de  Tégée  et  d'Orchomène,  s'émancipèrent  après  le 
déclin  de  ces  deux  puissances.  C'est  sans  doute  à  ce  moment 
que  les  habitants  de  l'antique  Ptolis  quittèrent  l'abri  tutélaire 
de  leur  étroite  acropole,  pour  s'étendre  sur  un  domaine  plus 
riche  aux  bords  de  l'Ophis.  Leur  exode  vint  grossir  le  hameau 
voisin  du  (xavTeîov  de  Poséidon  Hippios.  Cet  accroissement  équi- 
valait à  une  fondation.  Le  bourg  nouveau  ne  devait  j)as  tarder 
h  devenir  le  centre  effectif  de  l'État  mantinécn.  De  là  une  légende 
dont  le  nom  de  la  rivière  et  celui  de  la  bourgade  ont  fourni  les 
premiers  éléments,  avec  certains  emprunts  aux  traditions  de 
Tégée  qu'on  altéra  de  parti-pris,  par  une  sorte  de  manifestation 
d'indépendance.  La  fondation  de  la  ville  fut  attribuée  à  une  fille 
de  Képheus,  Autonoé,  qui,  sur  l'ordre  d'un  oracle,  passait  pour 
avoir  conseillé  l'émigration  :  un  serpent  avait  guidé  les  émigrants 
vers  leur  nouvelle  résidence.  Évidemment,  le  nom  de  Mantinée 
a  fourni  le  détail  de  l'oracle,  l'Ophis  celui  du  serpent.  Quant  à 
la  fille  de  Képheus,  son  rôle  rappelle  celui  d'Aéropé,  sa  sœur 
tégéate.  La  légende  de  Tégée  racontait  qu'Hercule  avait  donné 
à  Aéropé  (1),  fille  de  Céphée,  fils  d'Aléos  et  roi  de  Tégée,  ou, 
suivant  une  autre  version  (2),  à  Céphée  lui-même,  une  boucle 
de  la  chevelure  de  la  Gorgone,  renfermée  dans  une  hydrie  de 
bronze  :  ce  talisman  devait  rendre  la  ville  imprenable.  Or  les 
cheveux  de  Gorgo  étaient  des  serpents.  Les  Mantinéens  croyaient 
posséder  aussi  dans  leur  Ophis  un  talisman  analogue  :  il  fallut 
Agésipolis  pour  les  désabuser.  Pour  n'être  pas  en  reste  avec 
les  Tégéates,  ils  créèrent  à  leur  usage  personnel  une  fille  de 
Képheus  et  lui  donnèrent  le  nom  significatif  d'Aulonoé,  c'est- 
à-dire  Celle  qui  suit  sa  propre  impirntion  (3).  Ils  l'honorèrent 
en  qualité  de  fondatrice  et  lui  attribuèrent  pour  tombeau  le 
Foyer  Commun,  symbole  du  synœcisme. 

.,(1)  Apollod.;  Ili  7,  3.     »              !         . 
(2)  Pausan.  VIII,  47,  55.                                                               • 
(3i  Cf.  le  nom  d'Aulolaôs,  bAtard  d'Arcas  'Paus.  VIII,  i,2  —  25  G),  à  qui  sont 
attribuées  ics  populations  non  comprises  dans  l'hcrita«^o  des  trois  (lis  légitimes 
(CurUus.  Pélop.  I,  1(J4).  


316  MANTINKE  ET  L'àRCADIE  ORIENTALE. 

Il  est  vrai  que  dans  les  deux  passages  où  il  est  question  d'elle, 
le  texte  de  Pausanias  se  contredit.  Dans  le  récit  de  la  fondation, 
le  nom  est  écrit  'Avtivoyj  (1),  et  'Autovotj  dans  la  description  de 
rilestia  Koiné.  Je  crois  l'une  et  l'autre  variante  également 
authentiques  ;  les  éditeurs  de  Pausanias  ont  eu  tort  de  le  corri- 
ger. Aulonoé  est  la  leçon  la  plus  ancienne,  celle  qui  avait 
cours  à  Mantinée  avant  l'époque  d'Hadrien.  Pausanias  l'a 
copiée  dans  quelque  ancienne  périégèse  locale,  à  qui  il 
empruntait  la  description  des  petits  monuments  qu'il  n'avait 
pas  eu  le  temps  de  voir  ù  loisir  en  passant  à  Mantinée.  Antinoé, 
au  contraire,  figure  dans  le  préambule  historique  dont  il  a  réuni 
certains  traits  sur  |)lace.  C'est  donc  une  leçon  plus  récente,  con- 
temporaine du  voyageur.  Si  Autonoé  est  devenue  Antinoé,  c'est 
sans  doute,  comme  Ta  remarqué  Curtius  (2),  sous  l'influence 
(lu  culte  d'Antinous.  Les  Mantinéens,  en  veine  de  flatterie 
intéressée,  s'étaient  découvert  une  ancienne  parenté  avec  les 
Bithyniens.  Ils  durent  aussi  s'aviser,  par  une  altération  légère 
du  nom  de  leur  fondatrice,  de  rendre  ces  liens  plus  étroits. 
Antinoé  et  Antinous  ne  pouvaient  plus  être  que  de  la  même 
famille.  C'était  là  un  prétexte  à  de  nouvelles  adulations  et  une 
façon  de  les  justifler  :  tous  les  hommages  semblaient  légitimes, 
s'adressant  à  un  descendant  de  la  Fondatrice. 

Pausanias  a,  par  inadvertance,  laissé  subsister  dans  son  texte 
cette  double  leçon. 

Lorsqu'ils  transportèrent  ou  prétendirent  avoir  transporté  de 
Mainalos  dans  leur  ville,  avec  l'autorisation  de  Delphes»  les 
restes  d'Arcas  (3),  les  Mantinéens  obéirent  surtout  à  une  pensée 
politique.  Pour  eux,  comme  pour  l'oracle,  Arcas  était  le  chef 
éponyme  de  la  race(à<|>'ou  Sv)  itàvreç  é7ttxX7|(Ttv  xaXéovrai):  la  posses- 
sion de  SCS  restes  devait  être  pour  la  cité  le  plus  glorieux  des 
talismans  et  un  titre  à  exercer  l'hégémonie  panarcadienne. 
Mais  le  fait  que  le  tombeau  du  héros,  avec  son  téménos  et 
son  autel  (4),  s'appelait  aussi  les  Autels  d'Hélios  (*HXioi>  pa>fi.oi) 
donne  un  indice  précieux  sur  sa  personnalité  mythologique. 
Déjà  Grolefend  avait  aflirmé  le  caractère  solaire  d'Arcas,  dont 

(I)  Paus.  VIII,  8,  4.  —  Antinoé  était   lo   nom   d'une  des   Péllades  (Paus. 
VIII,  11,3). 
(i)  Pelop.  I,  p.  267,  n'o  8. 

(3;  Pausan.  VIII,  9,  3.  Voy.  plus  haut,  p.  193  et  205-208. 
(4)  évOa  TC  8y|  Tepievoç  tc  Ou-ir|Xàç  t'  'ApxctSi  xeôyeiy.  Paus.  VIII,  9, 3. 


LA   RELIGION   MANTINÉeNNE.  317 

le  nom  dérivait,  suivant  lui,  du  sanscrit  arka,  soleil  (1).  Plutôt 
que  cette  étymologie  contestable,  les  détails  de  la  légende 
d'Arkas  fournissent  des  arguments  pour  l'identifier  à  un  mythe 
solaire  sans  recourir  au  sanscrit.  En  Arcadie,  la  divinité  solaire 
par  excellence  est  Pan,  le  plus  ancien  des  dieux  arcadiens,  le 
prédécesseur  de  Zeus  Lykaios  au  sommet  du  Lycée  (2).  Or, 
Arcas,  ancien  dieu  fauve  et  sylvestre  du  Ménale,  fut  de  bonne 
heure  associé  à  Pan  le  dieu  solaire  et  pastoral  du  Lycée,  en 
qualité  de  frère  jumeau,  et  par  là  affilié  à  Zcus  Lycaios  (3).  Sa 
femme,  la  nymphe  Érato,  était  prophétesse  à  Lycosoura,  où  Pan 
rendait  autrefois  des  oracles  (4).  Arcas  est  donc  ainsi  devenu 
une  hyposlase  de  Pan  et  lui  a  emprunté  son  caractère  primitif 
de  personnage  solaire  (5),  tandis  que  sa  mère  Kallislo,  devenait 
une  hypostase  de  Séléné,  compagne  de  Pan.  Comme  dieu  solaire. 
Pan  avait  en  Arcadie  une  position  trop  forte  pour  qu'llélios, 
le  jeune  dieu  venu  de  Rhodes,  pût  entrer  en  concurrence  avec 
lui.  Hélios  a|)paralt  seulement,  et  tout  à  fait  au  second  plan, 
dans  les  cantons  du  Nord  où  rayonnait  rinffuenre  de  Corinthe 
et  de  Sicyone  (6),  dans  la  ville  moderne  de  Mégalopolis  (7)  et  à 
Mantinée.  Ici,  Hélios  s'était  probablement  introduit  par  l'inter- 
médiaire de  l'Argolide  (8).  Quand  les  Mantinéens  prétendirent 
montrer  chez  eux  le  tombeau  d'Arcas,  ils  ne  trouvèrent  rien  de 
mieux  que  de  l'identilier  avec  leurs  Autels  d* Hélios.  Ce  pluriel 
signifie  sans  doute  qu'à  cùté  d'un  ancien  autel  consacré  à  Pan, 
Hélios  avait  obtenu  le  sien;  à  Tégée,  l'autel  de  Zeus  Lykaios 
était  aussi  contigu  à  celui  de  I^an  (9).  Arcas  vint  donc  naturel- 
lement à  Mantinée  se  substituer  au  vieux  Pan,  dont  le  soleil 

(1)  Kncyclop.  d'Ersch  et  Grubcr.  s.  v.  Àrkadia,  7. 

(2)  Dcnys  d'Ilalic.  I,  3i.  Iinmerwahr,  KuUe  Àrkad.,  p.  193.  —  Bérard, 
Orig.  des  cultes  arcad.y  p.  j2GÎ).  —  «  Pan  ipsc  solcin  so  osso  prudenlloribus 
pcrmiltit  inlclligi.  »  Macrob.  Saturn.^  1,  2i. 

(3)  Epimcn.  a  p.  Scbol.  Thcocr.  1,  3». 

(4)  Pausan.  VIII,  37,  11. 

(5)  Arcas  est  aussi  donné  comme  (Us  d'Apollon  Parrhasios  (Tzetz.  In 
Lycophr.  480). 

(G)  Monnaies  de  Kleltor  et  de  Thelpousa.  Immerwahr.  Kxille  Àrkad.,p.îff7,  Di 
place  d'Hclios  A  Corinthe  est  des  plus  importantes.  Paus.  II,  110  —  3,2  —  4,0 
—  y,  l;àSicyone,  II,  11,  2. 

(7)  Paus.  VIII,  31,  7. 

(8)  Autels  d'IIéllos  à  Argos  (Paus.  II,  18,  3)  ;  à  TrOBzône  {II,  31,  5)  ;  temple  à 
llermlone  (II,  34, 10). 

(9)  Pausan.  VIII,  53,  il. 


318 


MANTINÉE  ET  L'ARGADIE  ORIENTALE. 


CaJlisto. 


DioménetA. 


Podarcs. 


Rome. 


avait  déjà  été  éteint  par  celui  d'IIélios.  —  On  croit  reconnaître 
Arcas  sur  quelques  monnaies  de  Manlinée  (1). 

Avec  Arcas,  sa  mère  Callisto  prit  place  dans  les  cultes  manti- 
néens.  On  croit  la  reconnaître  sur  quelques  monnaies.  Sur 
d'aulres  plus  anciennes,  le  type  de  Tourse  rappelle  la  métamor- 
phose de  la  nymplie  (2). 

«  Il  y  a,  sur  Tagora  de  Manlinée,  une  statue  de  femme  en 
bronze  ;  elle  repiésenle,  suivant  les  Mantinéens,  Dioménéia, 
fille  d'Arcas.  »  (3)  Cette  héroïne  locale  est  inconnue  autrement. 
Peut-être  appartient-elle  ù  la  catégorie  des  devineresses  manti- 
néennes,  comme  Aulonoé,  Diolima,  Lasthénia,  Axiothéa,etn'a- 
t-elle  été  rattachée  que  plus  tard  à  Arcas,  dont  le  tombeau  était 
voisin.  Elle  serait  alors  une  hypostase  locale  d'Érato,  la  prophé- 
tesse  de  Pan  sur  le  Lycée. 

La  famille  des  Podarcs  avait  gagné  les  Iionneurs  divins  sur  le 
champ  de  bataille  de  Mantinée.  En  3G2,  Podarès  l^^  tomba  eu 
combaltant  Epaminondas.  Les  Mantinéens  lui  donnèrent  le 
troisième  rang  pour  la  bravoure,  après  les  deux  Athéniens 
Gryllos  et  Képhisodoros  (4).  Us  lui  élevèrent  un  hérôon  sur 
l'agora.  Trois  générations  plus  tard  (en  245),  un  descendant 
du  héros  était  censé  avoir  commandé  les  Mantinéens  contre 
Agis,  fils  d'Eudamidas  (S).  On  ne  dit  pas  s'il  fut  associé  aux 
honneurs  rendus  à  ses  ancêtres.  Enfin,  trois  générations  avant 
Pausanias,  c'est-à-dire  vers  70  après  J.-C,  on  substitua  sur  la 
dédicace  de  l'hérùon  au  nom  de  Podarès  I^r  celui  d'un  de  ses 
descendants  qui  avait  obtenu  le  droit  de  cité  romaine  (6). 

Une  dédicace  d'Épidaure  signale  l'existence,  à  Antigoneia, 
d'une  lôte  de  Rome,  les  *Pu>{jLa(a  (7),  qui  fut  probablement  insti- 


(1|  Gardner.  CaL  of,  gr,  Coinf.  Felop.  p.  IK),  pi.  XXXIV,  29. 

(2)  Gardner.  CaiaL  of  greek  Coiwt.  Pelop.  p.  185  et  186.  N««  15  et  16. 
Pi.  XXXIV,  9  et  XXXV,  1  et  2.  Monnaies  du  IV  et  III»  s.  Monnaies  très 
anciennes  antérieures  «'i  471  avant  J.-C.  ibid.  p.  184.  Cf.  Rheinhold  Franz, 
D  e  Callislus  falnila.  {Lolpzig,  Siu(\,  X\-Xll). 

(3)  Pausan.  VIII,  9,  ;">.  Le  nom  est  ultért)  dans  les  manuscrits  :  As(i)fi,év£(av 
ou  Asofi-eveiav.  C'est  par  Inadvertance  que  Sloll,  dans,  le  Myih.  Lexicon  de 
Roscher,  la  présente  comme, fille  d'Atlas.  t.  < 

(4)  Pausan.  VIII,  9,  15. 
(5). VIII,  lOj  5. 

(0)  Sur  une  dédicace  à  une  fille  de  ce  Podarès  et  sur  les  ruineà  du  Poda- 
reion,  voy.  p.  192.  »  .  \  ■ 

(7)  Cîivvadlas.  Fouj/Zf»*  d'^^îXtfurr,  I,  p.  78,  n*  2i0.  '     '    ' 


LK  ReUOION  MANTINÉENNE. 


319 


luée  dans  le  courant  du  1"  siècle  avant  J.-C.  Il  y  eut  donc  à 
Manlinée  un  culte  de  la  déesse  Rome. 

L'impérial  bienfaiteur  de  Mantinée  y  possédait  une  statue       iiadrien. 
avec  un  temple,  élevés  par  la  reconnaissance  d'un  affranchi, 
A.  Maikios  Phaidros  (1).  A  Tégée,  Hadrien  est  qualifié  de  Soter, 
de  Fondateur  et  d'Olympien  (2). 

Les  circonstances  qui  ont  fait  élever  ù  Mantinée  Antinous  au  Antinons. 
rang  de  Oebç  êici/a>pioç  seront  relatées  plus  loin.  Celait  le  temple 
le  plus  récent  de  tous  au  moment  où  Pausanias  visita  la  ville  (3). 
Hadrien  en  fit  les  frais.  Il  avait  aussi  dans  le  gymnase  une  riclie 
chapelle.  Antinous  était  assimilé  à  Pan.  H  figure  sur  les  mon- 
naies (4). 

On  célébrait  à  Manlinée,  en  l'honneur  d'Antinous,  une  céré- 
monie {tcXctV))  annuelle  et  des  jeux  quinquennaux.  Ces  derniers 
prirent  rang  parmi  les  grands  concours  pentétéri(|ues  institués 
sur  le  modèle  des  jeux  olympiques.  On  les  appelait  xà  \keyi\aL 
'AvTivoeta,  pour  les  distinguer  de  la  fête  annuelle  (5). 

Un  autel  portant  la  dédicace  Oeaç  'louXiaç  Sep^^xaç  était  consacré    j„iia  Augusu. 
sans  doute  à  Julia  Sabina,  fille  de  Titus,  plutôt  qu'à  Julia  Domna, 
femme  de  Septime  Sévère  dont  l'efTigie  figure  sur  les  monnaies 
de  Mantinée  (6). 

Les  analyses  précédentes  des  cultes  mantinéens  peuvent  être  Récapiiuiation. 
récapitulées  dans  le  tableau  suivant  : 

t.  —  Fonds  aborigène  (pélasgique  ?). 
Kôraunos,  Hippos,  Gè  (plus  tard  Dôméter-Rhéti),  Arcas,  Kallistô. 


(1)  Foucart,  Inscr.  du  Pélop.  352g. 

(2)  Ibid,  340. 

(3)  Pau8.  VIII,  9,  7.  -  Voy.  plus  haut,  p.  184. 

(4)  Immcrwahr,  Knlte  Àrknd.,  p.  261.  —  Gavvadias  {CcUal,  }tus,  nat.  d'Ath., 
n'*  G98|  signale  uno  statue  d'Antinous  trouvée  h  Krôlcouki,  près  Vancienne 
Mantinée,  Or,  11  n'y  a  pas  un  seul  village  de  ce  nom  ni  aux  environs  de  Man- 
tinée ni  dans  toute  l'Arcadie  ;  11  y  a  un  Kriékouki  près  d'Olympie  et  un  autre 
en  Bôotie. 

(5)  Pausan.  VIII,  9,  4.  —  Inscr.  d'Olympie.  Arch,  Zeit.  XXXV  (1878),  p.  192, 
n*  98.  —  Bull,  de  Corr,  hellén.  XX  |1896),  p.  152150. 

(6)  Ifull  Corr.  hellén,  XX  (189G),  p.  151.  —  Voy.  plus  loin,  fig.  57,  p.  522. 
-—  Gardner  Greek  Coins,  Pelop.  p.  187. 


320 


MANTINKE   ET  L  ARCAOIE  OHIENTALB. 


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322  MANTINKË  ET  L*ARCADIE  ORIENTALE. 

u  religion  locale.  Cette  étude  (le  mythologie  locale  nous  a  révélé,  fondues  et 
pourtant  discernables,  deux  religions  difîérentes  :  Tune  res 
treinte  et  locale,  l'autre  commune  et  pauhellénique.  La  pre- 
mière rappelle  les  cultes  primitifs  des  anciens  nomes  égyptiens. 
Klle  s'est  formée  dans  le  canton,  au  sein  de  la  peuplade.  Elle  est 
le  résultat  de  l'adaptation  d'une  tribu  à  un  sol,  à  un  climat  déter- 
minés; elle  exprime  les  rapports  d'un  groupe  d'hommes  avec 
leur  habitat.  Aussi  persounifle-t-elle  surtout  les  aspects  de  la 
nature  cantonale  et  les  manières  d'être  d'une  société  limitée, 
telles  que  les  a  déterminées  le  milieu  :  à  cette  catégorie  appar- 
tiennent, à  Mantinée,  les  cultes  animaliers  d^Hippos,  d'Arcas; 
les  cultes  pastoraux  d'Ilymnia  et  de  Charmon;  celui  d'Aléa, 
déesse  de  l'Asile  et  du  Rempart,  ceux  d'IIoplodmos,  dieu  des 
hommes  d'armes,  et  les  mythes  qui  symbolisent  le  conHit  vital 
des  éléments  naturels  dans  les  conditions  spéciales  à  l'habitat, 
telle  que  l'opposition,  dans  la  Mantinique,  de  la  plaine  humide 
et  de  la  roche  aride.  Ces  créations  locales  sont  souvent  d'un 
symbolisme  transparent,  clairement  exprimé  par  leurs  noms, 
simples  vocables  de  nature,  empruntés  à  la  langue  courante. 
Mais,  parfois,  elles  portent  des  surnoms  qui  font  allusion  à  leur 
rôle  particulier  et  qui  restent  pour  nous  énigmatiques  :  le  rôle 
du  personnage  se  laisse  encore  deviner  grâce  à  la  légende  où  il 
parait  en  action,  ou  au  culte  dont  il  est  lobjet;  mais  le  sens  de 
son  nom  demeure  obscur  :  tels,  par  exemple,  Ulysse  (1),  Péné- 
lope, Aréïthoos. 
u  religion  L'autrc  religiou  comprend  les  personnifications  des  puissances 
commune,  cosmiqucs,  dout  l'actiou  souveraine  s'exerce  sur  l'ensemble  du 
monde  et  des  hommes.  Les  habitants  primitifs  de  l'Arcadie 
paraissent  avoir  d'abord  adoré  sur  le  même  pied  tous  les  phéno- 
mènes naturels;  mais  vint  un  moment  où  ils  apprirent  à  les 
classer  par  ordre  d'importance  en  subordonnant  aux  entités  les 
•  ])lus  générales  celles  qui  n'en  étaient  réellement  que  des  mani- 
festations passagères.  Ainsi,  tous  les  phénomènes  connus  furent 
ramenés  à  trois  principes  ou  à  trois  catégories  d'éléments  natu- 
rels :  ceux  de  l'espace  aérien,  lumineux  et  igné;  ceux  de  la  terre 
et  ceux  de  l'eau,  chacun  de  ces  principes  étant  conçu  comme 
directeur  des  phénomènes  secondaires  de  même  ordre  que  lui  : 
c'est  ainsi  que  le  dieu  du  ciel  devint  le  divin  maître  de  la  foudre, 

(1)  Le  nom  d'UlysHe  parait  signifler  :  Celui  qui  disparait.  Peut-être  était-il, 
a  Phéncos,  la  personnilication  spéciale  du  marais  ? 


LA   llELIGlON  MANTINtlENNK.  323 

le  dieu  des  eaux  devint  le  souverain  des  sources  et  des  animaux 
qui  s'y  abreuvent.  La  répartition  des  grandes  divinités  hellé- 
niques en  triades  résulte  donc  de  la  nature  même  des  choses  : 
pas  n'est  besoin  d'y  voir  le  reflet  d'un  corps  de  doctriue  venu 
d'Orient,  d'Egypte  ou  de  Phénicie  ;  car,  pour  l'Égyple,  et  surtout 
pour  la  Phénicie,  l'existence  très  ancienne  d'un  dognie  prédo- 
minant n'est  nullement  établie.  Les  idées  syncrétiques,  qui 
trouvèrent  crédit  au  IH^^  siècle  dans  les  écoles  théologiques 
d'Alexandrie,  ne  sauraient  être  invoquées  quand  il  s'agit  du 
XVI«  ou  du  XVo  siècle  avant  J.-C.  (1). 

Quant  à  Torigine  et  au  sens  des  noms,  qui,  bien  avant  l'épopée  AtinpuiUon 
homérique,  avaient  prévalu  chez  les  Hellènes  pour  désigner  les  <»«•«  iiiviniié» 
grandes  divinités,  ils  restent  impénélrables.  On  entrevoit  ton-  ^'''^^^^^ 
tefois  que  certaines  de  ces  personnalilés  ont  eu,  dans  le  principe, 
un  caractère  local  :  tel  Zeus  à  Dodone,  Athéna  en  Attique,  liera 
à  Argos,  Apollon  chez  les  Ioniens,  Poséidon  peut-être  en  Béotie 
et  Hermès  en  Arcadie.  Donc,  en  tant  que  noms,  les  personnages 
divins  qui  composent  l'assemblée  des  dieux  dans  Homère  n'ont 
pas  tous  été  adoptés  en  même  temps  dans  tous  les  pays  grecs  : 
les  Arcadicns  Ignorent  Héphaistos  et  Iladès;  Héra  ne  pénètre  pas 
chez  eux  au  cœur  du  pays.  Mais,  en  tant  qu'entités,  la  plupart 
d'entre  eux  étaient  adorés,  sous  des  noms  divers,  presque  par- 
tout :  il  y  avait  partout  des  dieux  de  la  lumière,  de  la  terre  et  de 
Teau.  Mais  la  séparation  de  ces  trois  ordres  de  phénomènes  est 
toute  théorique;  dans  la  réalité,  l'homme  les  perçoit  enchevêtrés 
les  uns  aux  autres.  Il  en  résulte,  pour  les  divinités  qui  les  per- 
sonnifient, des  caractères  complexes  :  tel  dieu  peut  êlre  à  la  fois 
aquatique  et  chlhonien,  comme  Poséidon  Hippios  et  Aphrodite. 
De  plus,  dans  l'application  des  noms  nouveaux  aux  divinités 
anciennes,  on  constate  beaucoup  d'incertitudes  et  l'absence  d'une 
méthode  uniforme  :  cela  lient  à  ce  qu'il  n'y  avait  point  en  Grèce 
d'institut  théologique  chargé  de  déterminer  exactement  la  nature 

(1)  L^hypolhèse  de  la  difTiision  d'un  pareil  dogme  en  terre  péiasgique  est 
donc  subordonnée  à  une  hypoUièse  préjudicielle,  celle  de  l'existence  de  celle 
doctrine  chez  les  anciens  Sémites.  Puissent  les  Sémitisants  apporter  cette  conflr- 
malien  aux  séduisantes  conclusions  du  livre  de  M.  Bérard  (Ortg.  dex  cuit,  arcad,, 
ch.  V)I  Car  ce  n'est  pus  en  Grèce  que  doit  être  cherchée  la  solution  de  cette 
question  de  principe.  L'analyse  des  cuUes  grecs  pourra  révéler  de  nouveaux 
points  de  contact  enlre  la  Grèce  et  la  Phénicie,  analogues  ù  ceux  que  M.  Bérard 
a  su  découvrir  en  Arcadie,  mais  la  théorie  générale  ne  sera  confirmée  que  par 
une  enquête  vraiment  historique  sur  les  culles  phéniciens  in  sUu  et  dans  les 
dilTérentes  phases  surrt'ssives  de  leur  dévoluppeinent. 


324 


MANTINEE  ET  L  AUGADIE  ORIENTALE. 


locale. 


de  chaque  dieu.  Les  populations,  livrées  sans  guide  à  elles- 
mômes,  ont  opéré  leurs  ideutilications  avec  une  entière  liberté. 
Objet  des  éludes  Los  études  dc  mytliologio  locale  doiveut  donc  se  proposer  de 
de  mythologie  dégager,  dans  les  divers  cantons  de  la  Grèce,  le  fonds  primitif  du 
fonds  commun;  de  suivre  les  destinées  des  dieux  cantonaux,  les 
uns,  absorbés  par  les  divinités  plus  puissantes,  dont  ils  devien- 
nent de  simples  aspects;  les  autres  décbus  au  rang  de  héros  et 
déversés  comme  tels  dans  lefolk-lore  et  dans  l'épopée.  Il  importe 
aussi  de  reconnaître  les  circonstances  qui  ont  préparé  ces  com- 
binaisons et  les  intermédiaires  qui  en  ont  fourni  les  éléments. 
Alors,  seulement,  pourra-ton  reconstituer  dans  son  ensemble 
l'histoire  des  religions  grecques.  Il  n'y  a  pas  à  distinguer,  dans 
la  tradition  religieuse,  les  cultes  d'avec  les  mythes  :  les  uns 
et  les  autres  sont,  eu  réalité,  une  même  substance.  La  matière 
mythologique  est  une,  et,  comme  dans  la  nature,  rien  ne  s'en 
perd  :  le  Grec,  inventif  en  métamorphoses,  lorsqu'il  congédiait 
ses  dieux,  a  toujours  su  leur  faire  un  sort. 


V.  Le  sI':ntiment  religieux  a  Mantinée. 


Piété 
des  Manlincens. 


Parles  cultes  très  anciens  de  Poseidon-llippioset  (Gé)  Déméler- 
Rhéa  (le  TAlésion,  de  Dionysos  et  Aphrodite  Mélainis,  de  Zeus- 
Charmon  et  Arlémis  llymnia,  la  mythologie  mantinéenne  avait 
ses  racines  dans  le  sol  mi^ine  du  [lays  et  des  attaches  avec  les 
races  les  plus  vieilles  du  monde  grec.  De  là  le  caractère  original 
et  vénérable  de  celle  religion,  qui  a  frappé  Pausanias  lui-même. 
Aussi  rinducncede  la  religion  à  Manlinéc  sur  les  mœurs  et  sur 
les  institutions  a-t-elle  été  profonde.  Au  milieu  de  celle  Arcadie, 
dont  la  dévotion  était  légendaire  (1),  ce  peuple  se  distinguait 
par  sa  piété.  Il  en  donna  deux  preuves  caractéristiques  :  une 
première  fois,  en  364,  lorsqu'il  refusa  de  toucher  aux  fonds 
sacrés  dérobés  à  Olympie  (2),  et  une  autre  fois,  en  220,  lorsque 
les  habitants  de  Kynaitha,  tristement  célèbres  en  Arcadie  par 
leur  sauvagerie  et  leur  irréligion,  après  le  sac  de  leur  ville 
par  les  Ëtoliens,  sollicitèrent  l'hospitalité  de  Mantinée.  Par 
respect  pour  leur  traditionnelle  philanthropie  (3),  les  Manti- 
néens  n'osèrent  pas,  comme  firent  toutes  les  autres  villes  où  se 


(1)  T7JV  ciç  To  Oeîov  eûcieêeiav  (Polyb.  IV,  20,  1). 

(2)  Xénoph.  llellén.  VII.  4,  33.  —  Voy.  plus  bas,  p.  452. 

(3)  Polyb.,  ib.  (piXoÇevta  xoà  ^iXavôpojîcia. 


LA   RELIGION   MANTINKBNNR.  325 

présenlorent  les  députés,  leur  fermer  Tcnlréc  do  la  ville.  Mîiis, 
des  qu'ils  furenl  partis,  on  procéda  à  une  luslration  générale, 
en  immolant  des  victimes  qu'on  promena  autour  des  remparts 
et  h  travers  tout  le  territoire,  pour  le  puriïier  de  la  souillure  (1). 

Un  des  traits  distinctifs  de  cette  religion,  c'est  la  [)rédominancc  i/éiinieiii  féminin 
de  l'élément  féminin.  Dans  les  rapports  cnire  les  hommes  et  les  ***"'  '*  religion, 
dieux,  le  rùle  d'intermédiaire  semble  dévolu  do  préférence  aux 
femmes.  On  reconnaît  là  un  élément  très  primitif,  dont  l'origine 
est  obscure,  et  que  Hachofen  (2)  attribue  à  l'iniluence  des  rites 
pélasgiques  et  du  culte  de  la  Terre-More.  Dans  ces  rites,  la 
femme  joue  le  nMe  actif  et  l'homme  le  rùlo  passif.  La  supersti- 
ticm  primitive  s'inclinait  devant  la  science  mystérieuse  attribuée 
à  la  femme  :  la  femme  était  dépositaire  de  l'inspiralion  divine 
et  la  transmettait  aux  hommes  par  l'initiation.  D'après  Héro- 
dote (3),  ce  sont  les  (illes  de  Danaos  qui  ont  enseigné  aux  femmes 
dos  Pélasges  les  riles  de  Déméter  Isis,  et  les  Arcadiennes  en 
avaient  gardé  le  secret.  Sans  parler  des  grandes  déesses,  les 
héroïnes  abondent  dans  les  légendes  mantinéennes  :  les  Péliades, 
Alalcoménia,  Maira,  i^énélope,  Phialo,  Déoménéia,  fille  d'Arcas, 
Autonoé,  fondatrice  de  Mantinée,  paraissent  attester  la  survi- 
vance des  idées  primitives.  Dans  les  pays  dorions  et  attico- 
iouiens,  ces  souvenirs  d'une  antique  gynécocratie  s'étaient 
affaiblis.  Peut-être,  à  Mantinée,  la  persistance  des  affinités 
pélasgiques  s'explique- t-ellc  par  l'éloignemcnt  de  l'élément 
Lycaonide,  confiné  autour  du  Lycée.  Les  inscriptions  trouvées 
à  Mantinée  n'ont  pas  infirmé  les  vues  de  Bachofen.  Elles  nous 
montient,  au  contraire,  les  femmes  des  grandes  familles  man- 
tinéennes, mêlées  d'une  manière  très  active  aux  cultes  de  la 
cité.  C'est  Nikippa,  fille  de  Pasias,  qui  dédie  une  statue  à 
Aphrodite  Symmachia  (4)  et  qui,  suivant  les  termes  du  décret 
des  Kopayoi,  se  distingue  par  sa  piété  envers  Ions  les  dieux, 
en  particulier  enveis  Kora,  dont  elle  célèbre  chez  elle  les 
Mystères;  elle  est  investie  du  service  (OEpaTcéia)  et  de  la  toilette 
(xôdfjLTjiiç)  de  la  déesse  (5).  C'est  Phaènna,  fille  de  Damatrios, 
également  louée  de  sa  piété  envers  tous  les  dieux  (eùde^wç  wpbç 

(1)  Polyb.  IV,  21,  9.  — Cité  pnr  M\\(m,  XIV,  p.  «jM;».  —  Voy.  plus  bas,  p.  îKKÎ. 

(2)  Hiichofon,  Dus  Miiterrecht,  p.  ;i:>3  et  358.  —  Cf.  HimiIu-w.  La  Grèce  avant 
les  Greca,  p.  18(5  et  suiv. 

(3)  llcîrod.  Il,  171.  —  Voy.  plus  haut,  p.  201. 

(4)  Paus.  Vni,  9,  3. 

{;J)  Koucart.  Inscr,  du  P(*lop,  3;)2h. 


3^ 


MANTINKB  RT   L  ARCADIE  ORIENTALR. 


Diotimn 

d«  Mnntinée  et 

l'écoli»  de* 

I     devineresseï 

philosophes. 


wàvTaç  jjLÊV  Toùç  Osoùç),  iiolainmciit  envers  Démêler  et  Koni;  elle 
fut  prêtresse  de  Démêler  el  accomplit  généreusement  les  litur- 
gies et  autres  charges  de  son  sacerdoce;  sa  fille  Tliéodora  et  sa 
[)etile-liilc  IMiacnna  sont  engagées  à  continuer  ses  traditions  de 
dévotion  et  de  bienfaisance  à  l'égard  du  Koragion  (1).  C'est 
encore  Julia  Eudia,  lille  d'Euleleinos,  qui  donne  six  plcthres  de 
vignes  aux  prêtres  d'Asklépios  et  participe  à  leurs  festins 
sacrés  (2).  C'est  Épigonc,  femme  d'Eu plirosy nos,  qui  est  louée 
d'avoir  accepté  toutes  les  iH'étrises  qu'on  lui  proposait  ;  sa 
générosité  fut  inépuisable  {*J)  ;  c'est  Polycrateia,  descendante 
de  Podarès,  dont  le  nom  se  substitue  sur  la  dédicace  du  Poda- 
reion  à  celui  de  son  ancêtre  (4)  ;  Mcmmia,  à  (jui  la  ville  élève  un 
monument  sur  l'agora  (S)  ;  [Thé]  ophaneia,  archi-prôtresse,  qui 
est  louée  par  un  décret  honorilique,  etc..  (0).  Ces  faiLs  ne  s'ex- 
pliquent pas  seulement,  comme  ailleurs,  par  la  dévotion  natu- 
relle aux  femmes  de  tout  temps  et  de  tout  pays.  On  doit  y 
reconnaître  le  (uolongement  d'idées  très  ancieimes  qui  attri- 
buaient aux  femmes  un  rôle  prépondérant,  fondé  sur  leur  don 
de  prophétie.  Il  existait  à  Mautinée  une  classe  de  femmes  adon- 
nées à  la  divination,  et  qui  exerçaient  au  nom  de  la  religion  un 
f)ouvoir  mystique  considérable.  Le  rôle  d'Autonoé  et  le  nom  de 
Mantinée  en  sont  les  témoignages  légendaires  :  d'autres  sont 
plus  probants  encore. 

11  y  a  dans  le  Bmiquet  de  Platon  (7)  un  jiersonnage  dont 
l'énigmatique  apparition  a  beaucoup  exercé  la  sagacité  des 
érudits  :  je  veux  dire  la  Mantinéenne  Diotima.  Les  doutes  émis 
sur  la  réalité  de  cette  femme  (8)  et  sur  sa  nationalité  ne  me 
semblent  guère  justifiés.  La  (|uali(ication  de  MavnvixY)  Çév^i 
répétée,  ai)rès  Platon,  f)ar  de  nombreux  rhéteurs  (D)  est  gramma- 


(1)  Ib,  352*.  —  Ces  donations  sf>  font  sans  assisUinco  do.  Inlr^ur. 

(2)  Ib,  352j.  —  Voy.  Gulraud.  Propr,  loue,  p.  251.  , 

(3)  BulL  de  Cnrr.  hellén,  XX  (181)0),  p.  Ii(î,  I.  M). 

(4)  Ib.  p.  151.  N»  17. 
(K)  Ib.  p.  157.  N»  21. 

(6)  Ib.  p.  151.  N»  20. 

(7)  Plat.  Sympoa,  ch.  XXII  rt  siilv.  —Voy.  Crniiznr.  Annal.  Vindnb.  t.  LVI, 
(IKH),  p.  liî). 

(8)  Ast.  Platnns  Lehen  u.  Schrifien,  p.  312,  n.  2.  —  Cf.  Bacliofcn.  AhUtn- 
rerJity  p.  3;>.'J  11. 

<!))  Max.  Tyr.  DmerL,  XXIV,  4  (I.  451)).  —  XXXVIII  (II.  iX^).  —  lUmorius, 
Orat.  1. 18.— ThomIsllusXm.  IG2n  ol  lai.— CInn.  Alox.  Strom.  I.  2r.S.— Aris- 
tide. Oral.  40,  212.  Dans  le  Cmilra  DemosUi.  (Anj;olo  Mal.  Vet.  Vallc.  Col- 
Icct.   il.   p.  30;  Il   l'appelle  t7)v   ex    MiX/jTOu,    par  une  confusion  cvldeiito 


LA  REUGION  MANTINÉRNNR.  327 

ticalemenl  correcte  et  seule  exacte  (1).  Pourquoi  Oiotima  serait- 
elle  un  personnage  de  fantaisie,  créé  de  toutes  pirces  par  l'ima- 
gination de  Platon?  Parce  que  Platon  seul,  parmi  les  auleurs  de 
la  bonne  époque,  en  a  parlé  ?  Mais  l'obscurité  de  Diotima  s'ex- 
plique par  l'élrangeté  de  son  caractère  sacerdotal  et  peu  mon- 
dain. Dans  une  société  où  les  bétaîres  comme  Aspasie  tenaient 
le  premier  rang,  une  simple  prophétessc  arcadioniic,  de  conduite 
austère  et  modeste,  quoique  d'esprit  sublime,  devait  être  assez 
eflacée.  A  supposer  même  que  Platon  ait  inventé  Diotima,  l'idée 
de  la  présenter  comme  Mantinéenne  serait  un  hommage  rendu 
aux  propliétesses  de  cette  ville  et  une  preuve  de  leur  existence. 
Mais  pour(|uoi  ne  pas  reconnaître  en  Diotima  un  personnage  réel 
et  dans  sa  venue  à  Athènes  un  fait  vraisemblable  ?  «  C'est  sur 
ses  conseils,  dit  Socrate,  que  les  Athéniens  accomplirent  les  sa- 
crilicesqui  empêchèrent  pendant  dix  ans  la  pcsie  d'éclater  (2).» 
Cette  donnée  place  en  440  av.  J.  C.  l'accomplissement  de  ces 
rites.  La  peste  a  toujours  régné  à  l'état  plus  ou  moins  aigu  dans 
la  mer  Egée,  au  V«  siècle.  Avant  de  faire  à  Athènes  l'apparition 
foudroyante  que  Thucydide  a  décrite  (3),  le  lléau  s'était  déjà 
manifesté  environ  dix  ans  avant  les  guerres  médi(|ues  (4).  C'est 
même  à  cette  occasion,  suivant  des  auteurs  dignes  de  foi  (5), 
qu'Épiménide  fut  ap[)elédeCrète  pour  purider  la  ville.  Avant 430, 
la  peste  exerçait  ses  ravages  sur  les  ccMes  d'Asie,  les  Cyclades 
et  un  peu  partout,  dit  Thucydide.  Les  Athéniens,  avertis  par  ces 
symptômes,  eurent  recours,  pour  conjurer  le  mal,  aux  lumières 
de  Diotima,  comme  ils  avaient  fait  a|»pel  à  celles  d'Kpiménide 
GO  ans  plus  tôt.  Au  point  de  vue  religieux,  les  Cretois  et  les 
Arcadiens  jouissaient  d'un  égal  prestige  dans  les  imaginations 

«voc  Asp;isi«\  —  Prochis.  Tn  Plat.  Rnnp.  p.  iiO.  —  \j^  sroliasto  irAristith) 
jVoy.  Chmizit.  Àiiml.  Vindob,  LVI.  I8:îl,  p.  iWK)  <Hl  mir  Diollinn  était  pn^- 
Irnsso  (le  Z<'us  Lycalos.—  Cf.  Lucien,  dn  Imagin,  IS. 

(1)  L«i  toçon  yuvatxô;  MavTivixfi;  AîOTÎjxaç  est  diuinrc  par  la  majorité  dra 
manuscrits.  Dos  comincntatcurR  roni  rorrif^r'MMlans  l'ialon  ot  dans  Irsanlrurs 
qui  l'ont  copîrHCIom.  Ali'X.  pas.  cit.  ôd.  Mi^mc,  on  |i.avTtxf,<;,  sous  prclrxto  quo. 
rothniquo  féminin  do  MavTiveùç  est  Mavxivi;  (Kt.  Hyz.  s.  v.  MavTi'veia).  Mais 
los  doux  stôlos  C.  I.  A.  Iî,.3,  n"  3172  et  3173  prouvent  quo  le  possessif  MavTivixvj 
était  usité  comuK*,  etlmiqut^  au  IV"  s.  De  plus,  l'ohjoction  s'appliquerait  avec 
plus  de  force  à  l'adjectif  [xavTix"^  substitué  à  jjLavtiç. 

{i)  xoù  'AOir|va{oiç  Ttotè  Ouiafiévotç  itpo  tou  XotfJLOu  8éx  '  lxi\  àvapoXvjv 
l7coi7|(Te  TYjç  vô(TOu.  Plat.  Sywpos.  22.  '  .  - 

(3)11,47.  *  .       ■ 

(i)  C.  I.  A.  1.  47').  —  Plat.  leg.  II.  Gii. 

{l'y)  Plat,  ifrtd.— DloK.  Liicrt.  1,107.  — Cf.  Arlstot.  'AO.  tcoX.  1.— Plut. So/. XII, 


328  MANTINRE  ET   l'ARCADIE  ORIENTALE. 

helléniques  :  Minoset  Épiménide  sont  aussi  sorciers  que  grands- 
prélres.  Les  prêtresses  inantinéeniies  devaient  joindre  au  don  de 
prophétie  celui  des  incantations  magiques  :  les  Péliades  étaient 
venues  finir  leurs  jours  dans  la  Mautinique  et  les  magiciennes 
d'Arcadie  se  flattaient  de  faire  descendre  la  lune  sur  terre. 
Socrate  admire  en  Diotima  la  <To;pia,  c'est-à-dire  la  science  des 
choses  divines  et  humaines  (1)  ;  il  lui  découvre  un  profond  génie 
philosophique,  et  Platon  la  fait  parler  en  conséquence.  Diotima 
enseigne  à  Socrate  une  admirahle  doctrine  de  l'amour  idéal. 
Puisqu'on  admet  que  les  prêtres  égy[jliens  possédaient  une 
science  profonde  des  choses  supérieures,  on  pourrait  consentir 
aussi  à  ce  qu'une  prétresse  arcadienne  fût  instruite  et  capable 
de  haute  spéculation  autant  qu'une  hétaïre  de  Milet.  N'admet-on 
pas  la  réalité  de  Lasthéneia,  cette  hétaïre  mantinéenne,  qui  suivit 
les  leçons  de  Platon  et  fut  aimée  de  Speusippos  (2)  ?  Toutefois,  je 
suppose  que  les  entretiens  de  Diotima  et  de  Socrate  sur  l'amour 
sont  une  fiction  dont  Platon  s'est  servi  pour  donner  à  cette  par- 
tie du  dialogue  le  piquant  d'une  initiation  mystique  et  d'une  ré- 
vélation inspirée.  Aussi  m'absliendrai-je  de  discuter  les  théories 
de  la  Mantinéenne,  de  la  comparer  avec  Sapho  et  Théano,  pour 
lui  donner  le  premier  rang,  à  l'exemple  de  Lucien  (3),  enfin  de 
rechercher  la  part  de  philosophie  pythagoricienne  que  contient 
sa  doctrine.  Il  me  suffit  de  constater  que  le  personnage  a  pu 
exister  et  qu'il  appartient  à  cetle  classe  de  femmes  inspirées, 
dont  la  réputation  s'étendait  hors  de  Mantinée  :  nous  pouvons 
restituer  à  Platon  sa  belle  méditation  sur  l'amour,  mais  laissons 
à  Diotima  son  rùle  de  prophétcsse  (4)  et  d'hiérophante. 
,^  On   a  prétendu    reconnaître  renlrctien  de  Diotima  et   de 

Femme  au  foie.  Socratc  sur  plusicurs  mouumenls  figurés  représentant  des 
scènes  d'initiation  (5).  Mais  de  ces  exégèses  décevantes,  aucune 
conclusion  certaine  n'est  à  retenir. 

(1)  7)  TauTa  T6  ao^Tj  -îjv  xaî  àXXa  'JtoXXà,..  tq  Sy|  xàjxé  xà  IpwTixà  eSiSa^ev 
[Symp.  22).  —  Où  jievtav  al,  w  Aiotijia,  lôaùjxaÇov  iid  (jo®(a  xal  t^oixcov 
Tcapà  96,  aura  TauTa  {Â.aO-r)9duevoç  (ib.  25). 

(2)  Anon.  Vita  Plat.  135.  Diographi  grœci.  Wcslormnnn,  p.  .3îK).  —  AUion. 
VII.  279  0.  5iC  d.  —Clcm.  Alex.  Strom.  IV,  22t.  —  Diog.  Laôrt.  Plat.  III,  40. 
Sur  Axlolhôa,  cf.  ThcmisUus  XXIII.  29.'>  c.  Elle  cacha  longtemps  son  soxc. 

(3)  Luc.  de  Imagin.  18. 

(4)  Socrato  semble  faire  nllusion  A  la  science  divinatoire  de  Diotima  quand  il 
lui  dit  :  MavTeiaç,  -riv  S'^yw,  Scttai  S  xi  -ïroxe  Xi^eiç,  xal  où  |jLavOivu>. 
iSympos.  25).  Proclus  (in  Plat.  Remp.  p.  420;  classe  DloUma  parmi  les  disciples 
do  Pythagore. 

^5)  Voy.  Bachofen.  MutterrecM,  p.  357. 


LA  RPXIGION   MANTINÉENNR.  329 

C'est,  au  contraire,  ici  le  cas  de  produire  un  monument  qui 
provient  de  Manlince  môme.  A  la  rareté  du  sujet,  il  joint  un 
certain  mérite  plastique,  qui  doit  le  défendre  contre  l'oubli.  Je 
l'ai  déjà  décrit  dans  le  Bulletin  (le  Correspondance  hellénique  (1) 
et  il  est  connu  des  archéologues  sous  le  nom  de  la  Femme  au 
foie.  C'est,  en  elTet,  un  loie  qu'il  faut  reconnaître  dans  l'attribut 
épais  et  mou,  divisé  en  deux  lobes  inégaux,  que  tient  dans  sa 
main  gauche  cette  belle  femme  aux  formes  pleines.  On  trouve 
un  foie  représenté  sur  le  ventre  d'un  taureau  dont  les  entrailles 
sont  ouvertes,  dans  le  bas-relief  de  l'examen  des  entrailles  qui 
est  au  Louvre  (2).  Sur  la  surface  du  foie,  dans  notre  bas-relief 
mantinéen,  est  appliqué  un  objet  long  maintenu  sous  le  pouce 
du  personnage.  Je  n'ai  plus  du  tout  l'impression  que  cet  attri- 
but fait  partie  intégrante  du  précédent,  comme  une  vésicule 
biliaire  avec  son  canal.  Il  n'a  pas  l'aspect  mou  d'une  pièce  ana- 
tomique,  d'un  organe  animal.  Ne  serait-ce  pas  plutôt  un  objet 
fabriqué,  soit  une  sorte  de  cuiller  pointue  munie  de  son  man- 
che, soit  plutôt  une  manière  de  lancette  triangulaire,  semblable 
à  CCS  gros  grattoirs  d'acier  dont  se  servent  les  copistes  de  nos 
administrations,  bref  un  outil  spécial  en  métal  ou  en  os  (3),  un 
couteau  sacré  qui  servait  à  la  dissection  des  organes  mantiques? 
Quelle  que  soit  d'ailleurs  la  nature  de  cet  accessoire,  le  carac- 
tère du  personnage  figuré  ressort  clairement  :  c'est  bien  une 
devineresse,  une  fxavT^ç,  qui  nous  est  représentée  revenant  du 
sacrifice  avec  le  foie  qu'elle  se  propose  d'examiner  suivant  les 
rites  de  son  art.  Si  nous  n'avons  pas  sous  les  yeux  le  portrait  de 
Diolima  elle-même  (4),  c'est  une  de  ses  congénères  attachée 
au  service  d'Apollon  (l'ythaeus  ?)  comme  semble  l'indiquer  le 
palmier  figuré  devant  elle.  Je  crois  qu'on  doit  aussi  reconnaître 

(1)  XII  (1888),  pi.  IV,  p.  377-380.  —  Voy.  la  planclio  h  la  fin  de  ce  volume. 

(2)  Je  crois  que  l'objot  est  en  grande  parllo  restauré.  Voy.  Clarac.  3lnsce  de 
sculpture,  II,  p.  I9i).  Cf.  Calclias  consultant  un  foje.  Gerhard.  Elr.  Spiegel.  233. 
Sur  les  divisions  liiérati(|ues  du  foie,  voy.  nouchc-Leelercq,  art.  Divinatin, 
dans  le  Dicl.  des  Ànliq.  de  Sajçllo.  I^  flg.  2i73  reproduit  le  foie  en  bronze 
trouvé  à  Plaisance  en  1877:  c'est  une  représenUilion  du  temple  hépatique.  — 
ITn  autre  monument  intéressant  pour  le  culte  a  été  rapporté  do  Mantinée 
par  M.  Colllgnon  et  publié  par  lui  [Bull,  de  Corr.  hellén.  VIII,  p.  39G,  pl.  XXII). 
C'est  un  très  joli  bronze  du  III"  siècle,  ayant  servi  d'applique  de  miroir  :  il 
représente  un  cadmile. 

(3)  Voy.  un  coute^iu  analogue  en  os,  du  Musée  de  Toulouse.  Sagllo,  Dici.  des 
Anliq.  fig.  2126  (art.  cuUer). 

(4)  Le  monument  se  rapproche  plutôt  de  la  fin  du  V*  siècle  que  du  milieu. 


330  MANTINÉB   RT   L*ARGADIE  ORIENTALE. 

une  scène  d'initiation  ou  d'ornithomancie  sur  le  petit  bas-relief 
reproduit  plus  haut  (1)  ;  on  voit,  sous  un  cep  de  vigne  chargé 
de  grappes,  une  tête  de  femme  et  la  queue  éployée  d'un  oiseau 
qui  s'envole. 
La  Si  l'on  est  embarrassé  dos  qu'on  cherche  à  préciser  l'origine 

otxato<Tuvn  ^iq  çgi^j^g  école  divinatoire,  la  réalité  de  son  existence  ne  fait  donc 
pas  doute.  Mantinee  signifie  bien  la  ville  des  devineresses.  Cette 
cité  avait  l'âme  très  religieuse.  Il  y  a,  dans  sa  mythologie,  un 
fond  de  gravité  qui  a  pu  conduire  quelques  intelligences  d'élite 
à  une  philosophie  élevée  et  entretenir  dans  la  masse  une  cer- 
taine sagesse  laite  de  conviction  morale  et  de  sens  pratique.  Les 
anciens  reconnaissaient  dans  les  Mantinéens  un  peuple  inspiré 
par  l'esprit  divin.  Au  début  du  Vl^  siècle,  les  Scillontiens  en  dis- 
corde réclamèrent  à  Mantinéo  un  pacificateur.  Quelques  années 
plus  tard,  le  Mantinéen  Démonax  fut  désigné  par  la  Pythie  pour 
donner  à  Cyrène  une  bonne  constitution  (2).  L'œuvre  des  légis- 
lateurs mantinéens  du  V^  siècle  était  partout  citée  en  exemple; 
Socrate  salue  en  Diotima  un  esprit  supérieur;  le  démagogue 
Lycomèdes,  au  IV^  siècle,  essaye  d'éveiller  chez  les  Arcadiens 
incultes  et  demi-sauvages  le  sentiment  de  la  dignité  et  de  trans- 
former ces  brigands  en  citoyens;  Aristoxène  deTarcnte,  au  dire 
de  Suidas,  étant  venu  à  Manlinée  pour  y  étudier  la  musique,  en 
repartit  philosophe  (3)  et  lui  consacra  un  livre  (4).  Lasthénia, 
une  courtisane,  se  met  à  l'école  de  Platon. 

Une  race  antique  et  de  bonne  heure  unifiée,  une  religion 
simple  et  sérieuse,  où  les  élémenls  locaux  se  fondent  avec  les 
éléments  adof)tifs  venus  de  pays  voisins  et  amis,  une  existence 
honnête  et  laborieuse  entretenaient  dans  ce  peuple  le  culte  de  la 
solidarité  et  de  la  liberté.  Aussi  ne  sera-t-on  pas  surpris  do 
retrouver  dans  leurs  institutions,  dans  leur  patriotisme  et  dans 
leur  politique,  cette  générosité  de  cœur  et  cette  philosophie  à  la 
fois  idéaliste  et  pratique  qui  leur  valurent  chez  les  anciens  le. 
titre  de  gardiens  de  la  justice  :  Sixtjç  (puXaxsç  ((}),  <        ,     ! 

I  'l'-i"    '.       ;    '  •   •  ,...••  -,.•'!,.       •    •.     .   .         .    , 

(Ij'Voy.  p.  24,  np.  (J.  ;.        :  ...     . 

.,(2)  Yoy.  plus  loin,  p.  302  cl  suiv;  ,,   .   .    ,|.,.,     ,     :  ...     .    ., 

,(3)6\  ».i'Api<TTd;£vo;.  ., 

(4)    Le  xà   MavTivÊtov   eO*/),   nirnUonno  par  Pliilodômos.   IIeçI    Eiiae^.  Cf., 
Phaedr.  Oe  nat.  deor,  23.  —  Osanii.  Ànecd,  Rom,  .'JOG. 
(GJKÛslatli.adHom.p.  18(30.  '■       '  • .  .•      i:     -        ^     . 


la  démocratie 
de  Mantinée. 

1*  Caraclère 
flgrîcolf!  et  jmstoi'nl 


CHAPITRE  Vil. 


Le  gouvernement  ;  les  institutions. 


I.  Les  constitutions  de  Mantinkk. 

Le  couple  Poséidon  Ilippios  et  Déméter,  qui  doinine  toute  l<n  Rnisons 
mythologie  inanliiiéciiue,  re[irésenle  ruiiion  de  deux  divinités  qui  ont  favorisé 
agricoles  :  Poseidou  Hippios  protège  l'élevage,  Démêler  les  mois- 
sons. De  lait,  labourage  et  pAturage  étaient  les  deux  mamelles 
de  la  Mantinique.  Les  cinq  dèmes  se  partageaient  les  domaines 
de  la  grande  plaine.  Le  peuple  manliuéen  rentre  donc  dans  °  ,,„' 
la  catégorie  des  populations  agricoles  et  pastorales  dont  Aristote  ppupienmniiiiéen. 
a  si  heureusement  délini  les  besoins  et  les  préoccupations  :  à 
ces  peuples  il  faut  des  institutions  spéciales,  correspondant  à 
leurs  habitudes  rustiques.  Le  gouvernement  qui  leur  convient 
le  mieux  c'est,  d'une  manière  générale,  la  démocratie,  parce 
que  leurs  mœurs  sont  égalitaires,  et,  d'une  manière  plus  parti- 
culière, une  démocratie  compatible  avec  la  vie  en  plein  air  dans 
des  domaines  souvent  éloignés  du  centre  de  TEtal.  «  Le  meilleur 
de  tous  est  le  peuple  agriculteur  et  la  meilleure  démocratie 
s'éUiblit  dans  une  population  qui  vit  de  labour  ou  d'élevage. 
Comme  elle  n'a  pas  grosse  fortune,  elle  manque  de  loisir  et  n'a 
pas  le  temps  de  s'assembler  souvent.  Pour  acquérir  le  nécessaire, 
elle  s'absorbe  en  son  labeur  et  y  borne  ses  désirs  :  elle  aime 
mieux  le  travail  que  la  politique  et  l'autorité,  dont  elle  n'aurait 
pas  grand  profit  à  tirer  :  car  le  peuple  recherche  le  gain  plutôt 
((ue  les  honneurs.  Après  la  population  agricole,  le  meilleur 
peuple  est  le  peuple  pasteur  qui  vit  de  ses  troupeaux.  Il  mène 
une  existence  analogue  à  celle  des  agriculteurs,  y  acquiert  un 
tenipérament  merveilleusement  préparé  aux  exercices  de  la 
guerre,  des  corps  vigoureux  et  endurcis  au  bivouac...  Presque 
tous  les  autres  éléments  dont  se  composent  les  diverses  démo- 
craties sont  très  inférieurs.  Leur  genre  de  vie  est  dégradé.  La 


332  MANTINKE  ET  l'aRGADIB  ORIENTALE. 

yortu  n'a  rien  à  faire  avec  les  occupations  des  artisans,  des 
marchands  et  des  salariés.  De  plus,  à  circuler  autour  de  l'agora 
et  dans  les  rues,  tous  ces  gens-là  prennent  facilement  l'habitude 
de  se  réunir  en  assemblée,  tandis  que  les  cultivateurs,  dissé- 
minés dans  les  terres,  n'ont  pas  l'occasion  de  se  rencontrer  et 
n'éprouvent  pas  le  même  besoin  de  s'assembler.  Lorsque  le 
pays  est  constitué  de  telle  sorte  que  les  terres  sont  à  grande 
distance  de  la  ville,  il  est  aisé  d'établir  une  démocratie  et  un 
gouvernement  excellents  :  car  le  peuple  est  forcé  d'émigrer 
aux  champs  (1).  S'il  y  a  une  plèbe  urbaine,  il  lui  sera  interdit, 
dans  de  pareilles  démocraties,  de  former  des  assemblées  sans 
le  concours  de  la  masse  des  campagnards  (2)  ». 

Dans  sa  Politique,  Aristote  juge  les  gouvernements  plutôt  en 
théoricien  qu'en  historien;  ses  définitions  ont  un  caractère 
général  et  idéal,  mais  les  lignes  essentielles  en  sont  eminuntées 
à  des  exemples  particuliers.  En  esquissant  le  tableau  de  la 
démocratie  rurale,  Aristote  avait  dans  l'esprit  un  modèle  réel 
qu'il  est  aisé  de  reconnaître,  puisqu'aussi  bien  il  le  cite  lui- 
m^me  :  c'était  la  république  do  Manlinée.  Les  traits  parti- 
culiers qui  devaient  déterminer  la  forme  politique  de  cet  Etat 
se  déduisent  des  recherches  précédentes  sur  la  constitution  du 
sol,  et  sur  Torigine  de  la  population.  Ce  sont  exactement  les 
mêmes  qu'Aristote  a  signalés  comme  des  facteurs  de  la  bonne 
démocratie. 

Le  peuple  mantinéen  réunit  le  caractère  agricole  et  pastoral. 
Le  sol  morcelé  en  petits  domaines  [lar  les  chaînons,  par  la 
diversité  des  terres  et  par  la  réjiartition  des  eaux  se  prèle  à  la 
culture  variée  et  à  la  petite  propriété  (3).  L'absence  de  capital 
industriel  et  commercial  oblige  le  citoyen  a  travailler  pour 
vivre.  Il  vit  d'ordinaire  loin  de  l'agora  parce  que  son  domaine 
réclame  de  lui  une  vigilance  assidue  :  cultivateur,  il  lui  faut 
défendre  sa  terre  contre  le  caprice  des  eaux,  faire  boire  son 
champ  sans  détremper  du  môme  coup  ni  assolfler  celui  du 
voisin.  Seul  le  citoyen  libre  et  responsable  peut  mener  à  bien 
cette  tAche  délicate.  Propriétaire  de  troupeaux,  il  doit  leur 
assurer  de  bons  pAturages,  les  protéger  contre  les  vols  et  les 
botes  fauves,  diriger  ses  bergers,  surveiller  ses  laitages  et  la 

(1)  Voy.  sur  la  vio  ruralo  on  Grftcc,  Guiraud.  Propriété  fonc.  en  Grèce,  p. 
G9  et  8uiv.  cl  p.  4i8. 

(2)  Aristote.  Politique  6x1.  Susemlhl.  VII  (VI),  4,  p.  13I8»>  cl  I3i9«. 

(3)  L'inscription  archaïque  publiée  aux  appendices,  mentionne  des  lots 
(Xp7)|JLâT(ov  TÔ  Xâ/oç),  qui  représentent  les  domaines  iiéréditiiires. 


LE  GOUVERNKMBNT  ;    LES  INSTITUTIONS.  333 

fabrication  de  ses  fromages,  désigner  les  hèles  à  luer,  celles  à 
vendre.  Ici  encore  Toeil  du  niaîlre  doit  toujours  rcslcr  ouvert. 
Celle  vie  rustique  entretient  la  vigueur  des  corps  et  crée  les 
aptitudes  guerrières  ;  elle  entretient  aussi  la  simplicité  des 
goûts  et  des  m(r.urs,  elle  maintient  Tégalilé  sociale:  le  labeur 
commun  rapproche  les  rangs  ;  le  maître  se  distingue  à  peine  de 
Tesclave  ;  à  plus  forte  raison  de  citoyen  à  citoyen  les  distances 
disparaissent.  Dans  ces  conditions,  la  plèbe  urbaine  n'a  pas 
(rexistencc  propre  ;  elle  vit  par  et  pour  les  campagnards  pro- 
ducteurs ;  son  influence  n'est  pas  prépondérante  et  elle  doit 
subir  la  loi  de  la  masse  rurale. 

A  ces  traits,  ajoutons  en  d'autres  qu'Aristole  iiidi(|ue  ailleurs,  s»  mwgriié  de  la 
On  peut  lui  objecter  (|ue  tous  les  peuples  agricuUcurs  n'ont  pas  ''^* 
aimé  la  démocratie  (1)  :  par  exemple,  les  Thessaliens,  les 
Béotiens  et  les  Lacédémoniens.  Cela  se  comprend  :  dans  ces 
pays,  surtout  en  Tliessalie,  l'étendue  des  terres  cultivables 
favorisait  la  grande  propriété;  de  plus,  la  sujétion  d'une  race 
vaincue  à  une  tribu  guerrière  avait  créé  le  servage.  Ces  deux 
causes  ont  donc  aidé  h  la  formation  d'une  aristocratie  militaire 
et  terrienne  et  divisé  la  population  en  deux  classes  :  les  nobles 
et  les  serfs.  Rien  de  semblable  en  Arcadie,  et  parliculièrement 
à  Mantinée,  où  les  migrations  n'ont  pas  été  assez  brusques 
j)our  altérer  l'unité  primitive  de  la  race  et  créer  des  distinc- 
tions de  castes  entre  les  indigènes  et  les  envahisseurs. 

La  démocratie  était  donc  le  régime  normal  de  la  Mantinique.  u  démocmiie  au 
Elle  était  un  produit  du  sol  comme  les  moissons  et  les  vignes      vi-  siècle. 
du  terroir.  Elle  parait  d'ailleurs  s'y  être  épanouie  de  très-bonne       i>*"»"n" 
heure,  puisque  dès  le  Vl®  siècle  elle  avait  acquis  assez  de       "   ^"^  "** 
prestige  pour  être  proposée  comme  modèle  aux  Etats  en  quéle 
d'une  bonne  constitution  (2).  C'est  ce  qu'il  est  permis  d'inférer 
du  rôle  joué  vers  550  à  Cyrène  par  le  Mantinéeii  Démonax,  que 
l'oracle  de  Delphes  désigna  au  choix  des  (pyrénéens  pour  mettre 
un  terme  à  leurs  discordes  et  réformer  leurs  institutions  (3). 

(1)  Arlst.  Politique.  Id.  Ii69».  »».—  De  la  Coulonche,lf^m.sMr  l'Arcadie.p,  180- 

(2)  Hi^rml.  IV,  Kil.  —  Diod.  VIII,  'SO. 

(3)  nérodoto  écrit  A7j{i.(ova^;  mais  la  vraie  formo  du  num  ptiratt  s'Otrc 
consf^rvéc  dans  io  nom  d'un  magistrat  monôlairn  do  Cy iv.no  au  III*  s. 
AajJLojvaxToç.  {Zcilschr.  f,  Numism,  III,  pi.  VII,  3,  4).  —  H.  Weil.  ib.  IX, 
p.  20.  —  Imiioof  Blumor.  Mon.  gr,  p.  iîK).  —  Voy.Stuniczka.A:yrCTic  p.  15  et 
î>8.  —  L'autlionUciié  do  l'oracle  de  Delphes  est  niée  par  Uencdict.  De  oracul, 
ab  Herod.  commem.  p.  35. 


334  MANTINÉe   ET   l'aHCADIË  ORIENTALE. 

L'œuvre  de  Démonax  avait  un  cîiraclcre  en  quelque  sorte 
démocratique.  Appelé  en  qualité  de  conciliateur  (xaTapTi<TTr,p  (1), 
SiaiTT^TTj;)  (2),  le  légivSlateur  jugea  que  le  mal  dont  soutiraient  les 
Cyrénéens  provenait  des  prérogatives  exagérées  de  la  royauté, 
de  la  contusion  et  de  Timpuissance  du  peuple.  Aussi  usa-t-il 
de  ses  pleins  pouvoirs  pour  dépouiller  la  couronne  de  ses 
attributions  politiques  (3)  :  il  ne  laisse  à  la  royauté  qu'un  rôle 
honorifique,  en  lui  octroyant  en  guise  de  compensation  les  reve- 
nus de  certaines  propriétés  sacrées  et  l'exercice  de  quelques 
sacerdoces.  La  souveraineté  lit  retour  au  peuple,  organisé  en 
trois  tribus  correspondant  aux  divers  éléments  de  la  popula- 
tion (4).  Hérodote  (î))  représente  Démonax  comme  un  des 
citoyens  les  plus  notables  de  Mantinéc.  D'autre  part,  l'oracle 
avait  trop  de  tact  politique  pour  confier  une  pareille  mission 
à  un  personnage  qui  fût  en  mauvais  termes  avec  le  gouver- 
nement de  son  pays.  Il  choisit  donc  l'homme  que  les  sulTrages 
de  ces  concitoyens  proclamaient  comme  le  représentant  le  plus 
autorisé  de  la  cité  tout  entière,  de  son  esprit  et  de  sa  consti- 
tution. D'où  l'on  peut  conclure  sans  témérité  que  Mantinée 
jouissait  déjà  d'une  démocratie  sagement  établie,  à  une  époque 
où  la  plupart  des  cités  grecques  traversaient  une  crise  de  crois- 
sance marquée  par  les  dernicres  c(mvulsions  de  l'oligarchie  et 
les  premières  exigences  du  S-riiioç,  crise  qui  profitait  en  fin  de 
compte  aux  tyrans  démagogiques. 

En  dehors  de  cet  hommage  rendu  par  la  Pythie  au  bon  sens 
du  législateur  mantinéen,  ce  que  nous  savons  de  positif  sur  les 
institutions  de  Mantinée  avant  le  V»  siècle  se  réduit  à  peu  de 
chose.  La  république  en  était  encore  à  la  forme  primitive  du 
audTTifjia  8v](i.a)v  (G),  c'est-à-dire  qu'elle  n'était  pas  centralisée,  tout 
au  moins  matériellement  et  h  l'intérieur  d'une  ville  fortifiée.  Cet 
état  n'implique  pas  forcément  l'absence  d'un  lien  politique  entre 
lès  cinq  dèmes  mantinéens.  Entre  le  régime  classique  de  l'État 
grec  concentré  dans  les  remparts  d'une  capitale  et  le  régime 

(l)  Ilérod.  IV,  m.  '  ..*;.; 

•  •7i)nio(i.  vni,  ;k).  ;    •     '  !'    :  .  .  . 

(3)  M.  (Juiraud  {Propriété  fonc.  en  Gr.  p.  37)  n  réfuté  ropinion  qui  atlrl- 
bunit  U  Démonax  un  partage  des  terres.        '  "      - 

(4)  Cf:  Aristole.  Polit.  VII.  2,  10/ il.  i 

^  (3)  lîérod.  Ih,  "AvSpa  T(ov  àtTxtov  8ox'.|X(oTaTOv.  Cf.  Ilcrmippos  KaIlimacheio.s 
ap.  Attion.  IV.  p.  i;>4.  —  U"  nom  même  de  Démonax  est  earactérlstlque.  D'ail- 
leurs la  racine  Sir||jL  tient  une  grande  place  dans  l'onomasUque  manUnéenno. 
((>)  Strab.,  p.  337.  Voy.  sur  les  5  dèmes  mantinéens,  p.  iil  et  suiv. 


LE  gouveiinbmknt;  lbs  institutions. 


:j3î) 


Consliliition  de 
Nicodorus. 


rudimentaire  des  peuples  subdivisés  en  groupes  isolés  et 
autonomes,  sans  autre  lien  qu'une  vague  conniniuaulé  do 
race  et  d'intérêts  (d),  il  y  a  i)lace  pour  un  système  intermé- 
diaire, le  <TujTYi(i.a  oT^jjLwv,  qui  est  un  véritable  Etat  (TroXtTcfa).  Ce 
système  sui)pose  un  gouvernement  commun  :  chaciue  dème  reste 
maître  de  son  administration  intérieure  sous  Taulorité  du 
démiurge  (oafjnopYÔç),  magistrat  qu'llésycbius  compare  aux 
démarques  des  communes  attiques  (2).  Les  alTaires  communes 
sont  sans  doute  discutées  par  deux  assemblées,  Tune  composée 
de  la  masse  des  citoyens,  Tautre  comprenant  un  nombre  plus 
restreint  d'élus  et  le  pouvoir  exécutil  est  confié  au  collège  des 
démiurges. 

Entre  404  et  461,  la  situation  politique  du  Péloponnèse  et    i^^synœcisme 
riidluence  d'Argos  (3)  déterminèrent  les  Mantinéens  à  concentrer  '"'  *•*  ^**"|<»*^™"° 
leurs  cinq  dèmes  en  une  ville  fortifiée. 

L'agglomération  des  babitants  de  la  Mantini(|ue  eut  pour 
conséquence  le  développement  de  la  classe  ouvjière  et  commer- 
çante :  celle-ci  prit  dans  l'État  une  place  que  les  propriétaires  et 
paysans  durent  trouver  tiop  considérable.  Car  le  synœcisme 
n'entraîna  pas  la  désertion  complète  des  anciennes  bourgades, 
nécessaires  comme  centres  d'exploitation  agricole  :  il  était 
impossible  de  supprimer  les  fermes,  les  étabics  et  les  parcs  à 
bestiaux  avec  leur  personnel.  Les  citoyens  que  les  travaux  de 
la  terre  retenaient  aux  cbamps  se  trouvaient  dans  une  situation 
désavantageuse,  au  point  de  vue  politique,  par  rapport  aux 
habitants  de  la  ville.  Les  nécessités  de  la  vie  risquaient  de  faire 
tort  au  devoir  civique.  S'ils  négligeaient  leurs  cultures  jiour 
suivre  les  assemblées,  ils  s'appauvrissaient;  s'ils  s'abstenaient 
de  voter,  ils  abandonnaient  la  direction  de  l'Elat  aux  firoprié- 
laires  aisés,  qui  pouvaient  résider  à  la  ville  sans  inconvénients 
pour  leurs  intérêts.  D'autre  part,  les  gens  qui  ne  vivaient  pas 
de  la  terre,  mais  de  leur  industrie  et  du  négoce,  dcvaicnl, 
comme  partout,  aspirer  à  faire  partie  de  la  TtoXiTeia  au  même 
titre  que  les  détenteurs  du  sol.  L'ancienne  constitution  ne 
répondait  donc  plus  aux  besoins  de  la  situation  nouvelle  :  une 
révision  s'imposait.  Il  s'agissait  d'une  part  d'ouvrir  le  corps 


(I)  Arlst.  VoUL  (Ml.  Suscmlhl,  liOl».  29. 

(È)  Lr8d(';miiirgo8  figurent  sur  une  inscripUon  nrcluilquodc  ManUnôo  {Dull. 
de  Corr.  hellén,  1892,  XVI,  p.  577)  sans  qu'on  puisse,  exactement  déterminer 
leur  rôle. 

(3)  Slrab.,  p.  3;)7. 


336  MANTINÉE   ET   l'aRCADIIS  ORlEiNTALB. 

électoral  aux  citoyens  dépourvus  de  biens  fonds,  et  d'autre  part 
de  dispenser  les  agriculteurs  de  déplacements  trop  fréquents, 
sans  leur  faire  perdre  leur  part  légitime  d'influence  dans  la 
conduite  des  aflaircs  publicfues.  Sur  ces  deux  points,  la  réforme 
devait  avoir  un  caractère  démocratique.  C'est  pourquoi  on  dut 
profiter,  pour  procéder  à  ces  changements,  du  moment  où  l'at- 
tention de  Sparte  était  distraite  par  les  embarras  de  sa  situation. 
Le  chef  du  parti  démocratique  était  alors  l'ancien  athlète  Nico- 
doros,  devenu  un  personnage  influent  depuis  qu'il  avait  dans  sa 
jeunesse  remporté  le  prix  du  pugilat  aux  jeux  olympiques  : 
((  Nicodoros  le  pugiliste,  dit  Élien  (1),  un  des  Mantinéens  les 
plus  considérables  sur  la  fin  de  sa  vie,  ayant  renoncé  à  l'athlé- 
tisme, devint  le  législateur  de  ses  compatriotes,  en  quoi  il  fit 
œuvre  bien  plus  utile  à  sa  patrie  qu'en  obtenant  pour  elle  les 
proclamations  du  héraut  dans  les  stades.  On  dit  que  Diagoras 
de  Mélos,  qui  l'avait  aimé,  collabora  ù  ses  travaux  législatifs. 
J'en  aurais  plus  long  à  dire  au  sujet  de  Nicodoros  ;  mais  comme 
je  ne  voudrais  pas  lui  associer  dans  mes  éloges  Diagoras,  car 
Diagoras  étîiit  un  ennemi  des  dieux,  et  qu'il  ne  convient  pas  de 
parler  de  lui  davantage,  restons  en  là.»  Sans  ces  malencontreux 
scrupules  du  trop  pieux  Élien,  peut-être  aurions-nous  le  secret 
de  celte  œuvre  si  intéressante  et  tant  prônée  du  nomothète 
mantinéen.  Ce  fut  dans  les  premières  années  de  la  guerre  du 
Péloponnèse,  vers  425,  qu'eut  lieu  la  réforme  (2).  De  cette 
époque  datent  les  institutions  qui  valurent  aux  Mantinéens  la 
réputation  d'cûvofi-okaToi  (3)  et  de  Sixtjç  (pùXaxeç  (4). 
Les  cAicgorics  Tous  Ics  autcurs  ancicns,  au  dire  de  Polybe  (5),  et  Polybe  lui- 
dciccieurs      môme  ont  vanté  l'excellence  de  la  constitution  de  Mantinée, 

(1  iiprès  Arislole. 

(1)  Var.  IlisL  II,  2i,  23. 

(i)  L'inUmitc.  de  Diagorns  ot  de  Nicodoros  doit  dater  do  leur  jeunesse  et 
précéder  l'olymp.  î)l,  2  |4l;i/4),  année  où  Dlaj^oras  fut  proscrit  d'Atliènos  pour 
avoir  révélé  et  ridiculisé  les  Mystères  d'Eleusis,  (l)iod.  XIII,  0.  —  Scliol. 
Arlstoph.  Aves,  1072.  —  Ran.  'tfôO.  A  cette  épocjue,  Mantinée,  par  la  paix  de 
30  ans  conclue  en  417,  était  vassale  de  Sparte  qui  n'eut  pas  autorisé  une 
réforme  déniocrati(iue.  Il  faut  remonter  U  une  dizaine  d'années  avant  lo 
traité,  jusc{u'â  la  période  d'émancipation  qui  précède  l'alliance  avec  Atlièncs 
pour  trouver  un  moment  favorable  aux  réformes  de  Nicodoros.  Lîi  phrase  «le 
Thucydide  :  (V,  2î))  or,|jL0xpaTOU[JL6v/jv  (Argos)  t6  oxiTTEp  xal  aûtoi  (ManUnée) 
s'applique  à  l'an  421.  —  Voy.  plus  loin,  p.  37i). 

(3)  Klien.  ibid. 

(4)  Eustath.  ad.  Hom.  p.  1800. 

5}  Polyb.  VI,  43,  I.  2]yeSbv  5*/j  Ttàvreç  o\  lUYYpa^eîç  Tccpl  toùtcov  Tjjxtv 
Twv   7:oXiTeufi.dTtt>v    icapaSeStoxaffi    tyjV    in     apeTvi  ^T^[i.ir|v,    Tiepi    xe   tou 


LB  GOUVBRNEMKNT  ;   LES  INSTITUTIONS.  337 

supérieure  à  celle  d'Athènes  et  de  Thèbes.  Malheureusement, 
elle  nous  est  plus  connue  par  leurs  éloges  que  par  leurs  des- 
criptions. Arislole,  I^olyhe,  Élieii,  Maxime  de  Tyr,  quand  ils 
parlaient  de  la  sagesse  des  législateurs  mantinéens,  savaient 
sans  doute  à  quoi  s'en  tenir;  mais  ils  nous  réduisent  un  peu 
trop  à  admirer  de  confiance,  se  dispensant  de  nous  donner  leurs 
preuves.  Aristote  seul  nous  permet  d'entrevoir  un  coin  de  la 
réalité.  Son  o[)uscule  sur  la  Mavxivéwv  TcoXiTefa  csl  perdu  ;  mais 
l'auteur  en  a  extrait  une  courte  note  qui  a  passé  dans  la  Poli- 
tique. Après  avoir,  dans  le  passage  cité  j)lus  haut,  proclamé  les 
aptitudes  du  peujde  laboureur  et  pasteur  pour  la  démocratie,  et 
montré  que  ce  peuple  laborieux  a  peu  de  goût  pour  les  vaines 
discussions  politiques,  Aristote  ajoute  :  «Le  droit  d'élire  ses 
magistrats  et  de  les  contrôler  comble  tous  ses  désirs,  pour  |)eu 
qu'il  ait  d'ambition.  Car,  dans  certaines  démocraties,  le  peuple 
se  contente  d'attrii)utions  encore  plus  réduites  :  il  abandonne  le 
droit  de  nommer  ses  chefs  à  quelques  électeurs  choisis  à  tour 
de  rùle  dans  la  masse  entière,  comme  à  Mantinée.  i^our  lui,  le 
droit  de  délibérer  souverainement  lui  suflit.  Et  c'est  encore  là, 
on  peut  le  dire,  une  variante  de  la  démocratie,  comme  celle 
qui  existait  autrefois  à  Mantinée  (1).  »  Cette  brève  indication  est 
un  précieux  témoignage.  Le  législateur  mantinéon  avait  trouvé 
la  conciliation  entre  les  intérêts  et  le  devoir  de  ses  concitoyens, 
dans  la  restriction  du  droit  d'élire  les  fonctionnaires,  le  plus 
absorbant  de  tous.  Le  démos  déléguait  à  une  fraction  de  lui- 
môme  l'exercice  de  ce  droit,  et  cela  par  roulement,  de  manière 
([ue  l'ensemble  des  citoyens,  au  bout  d'un  certain  temps,  eût 
passé  par  le  jury  d'électeurs.  Les  déplacements  fréquents  exigés 

AaxeSai(JLOvi(i)v  xal  I\p*/|T(5v  xal  MavTivéwv,  exi  8è  Kap^*/|8ovio>v.  Maxime 
fIcTyp  {Dissert.  XXlll,"  4  [1.429])  s'insplrant  crArlstotc  et  de  PoIyI>C3,  sans  les 
bien  cuinprcndro,  attribue  à  la  conslitulion  de  Mantinée  un  caractère  aristo- 
crati<|ue  ;  il  l'éinunùrc  à  côté  de  celles  de  Sparte,  de  la  Crèt<*,  de  Pellône  et  de  la 
Tlicssalie:  layupà  p-év  tiç  xal  TrpaxTixv)  xarà  T*r|v  AaxwviXYjv,  -î^  Kp-r)TiXYjv, 
vj  MavTcvixYjV,  r^  lleXXïjvixYjv,  v]  ©eTTaXixïjv  iroXiTCiav  IffrajJLevTj, 
cpiXÔTijioç  0£  ayav  xai  ^iXôveixoç  xal  Bu^cpiç  xal  tzoXuiz^iy^ni}^,  xal  Ittjtix'/j, 
xal  OapaaXéa.  Ce  luxe  d'épithètcs  dissimule  assez  mal  l'ifçnoranco  des  faits. 

(1)  Arlsl.  Polit,  éd.  Susciiillil.  1318*»  22.  "Eti  8k  to  xuptouç  eïvai  tou  êXéffÛai 
xaî  6Ù0ÛV61V  àvaiiXTipoî  ttjv  ev8eiav,  eF  ti  ^iXoTip.{a;  eyouaiv,  cTreÎTrap  '  Ivioiç 
8'^[i.0[ç,  xav  [xv)  |i.6Tê/w(Ji  TYjç  alp6a6(i>ç  Twv  àp/cov,  àXXi  Tiveç  alpexol  xaxà 
[i-époç  Ix  TiâvTwv,  <V)<j7t£p  Iv  MavTiveiQt,  TOU  Se  pouXeûscOat  xûpioi  uxjiv, 
ixavoiç  lyzi  toTç  tcoXXoT;,  xal  8et  vo[i.iÇeiv  xal  tout'  sîvai  <T;^iijAa  ti 
SirifiOxpaTiaç,  oxTTrep  ev  MavTivefa  "ïtot  '"îîv. 

.Matitîiiée.  •>  Ti. 


338  MANTINEE  ET   L^nCADtË  ORIENTALE  ; 

par  la  nomination  des  magistrats  ne  gênaient  qu'un  nombre 
restreint  do  citoyens,  électeurs  au  2«  degré.  Aucune  condition 
(le  cens,  semble-t-il,  n'était  exigée  pour  faire  partie  de  ces 
asseml)lées,  ainsi  que  l'indique  l'expression  d'Aristote  :  ix 
7ràvT03v(l).  Quelle  élait  la  proportion  des  électeurs du2<^  degré  par 
rapport  à  l'ensemble  du  corps  électoral,  Aristote  ne  le  dit  pas. 
Comment  étaient-ils  désignés  ?  Sans  doute  à  l'élection  (alperoO. 
Avec  ce  système,  les  paysans,  les  pAlres  de  la  montagne  n'avaient 
à  prendre  le  chemin  de  la  ville  qu'au  jour  des  grandes  assem- 
blées populaires,  quand  le  démos  avait  à  se  prononcer  sur  la 
j)aix  ou  la  guerre,  ou  à  légiférer,  car  il  conservait  la  souve- 
raineté, ou  bien,  quand  il  se  réunissait  en  assemblée  primaire 
pour  désigner  les  électeurs  du  2'*  degré  (2). 
Ut  pouvoirs  Le  texte  du  traité  de  420,  entre  Argos,  Élis,  Athènes  et  Man- 
puwics.  iinée,  que  Thucydide  (3)  nous  a  conservé^  contient  quelques 
renseignements  sur  les  pouvoirs  publics  k  Mantinée. 

Outre  l'assemblée  plénière  et  l'assemblée  secondaire,  déléga- 
tion de  la  première  pour  la  nomination  des  magisti^ats,  il  y 
avait  à  Mantinée  un  Conseil,  pouX-^,  chargé,  dans  le  texte  du  traité 
de  420,  de  prêter  le  serment  après  les  démiurges.  Les  attiibu- 
tions  de  ce  Sénat  ne  nous  sont  pas  autrement  connues.  Ces  sortes 
d'assemblées  avaient  en  général  pour  attributions  la  prépara- 
tion des  projets  de  loi,  de  l'ordre  du  jour  de  l'assemblée  popu- 
laire, les  relations  diplomati(iues  et  le  contrôle  financier.  Ou  ne 

(1)  Le  nom  do  cos  (Sloctours  no  nous  est  pas  connu.  On  no  saurait  leur 
appliquer  rexprosslon  do  Xénoplion  (lli-ll.  V,  2)  xoùç  h  MavTiveia  tou  8-^(aou 
icpoo'TàTaç,  ({ui  désigne,  non  pas  dos  nia^islrals,  mais  dos  dômagoguos  (Cf. 
ibid.  I,  7,  i).  J'ai  rolrouvé  A  Manlinéo,  dans  le  tliéiUro  ot  dans  les  portiques 
do  l'Agora,  une  centaine  de,  tessère.s  en  terre  cuite,  les  unes  lenticulaires, 
l(»,s  autres  roctangulaires,  [)ortant  des  noms  proi)res,  en  caractères  assez 
anciens,  et  suivis,  en  général, du  psitronymique,.  Pcut-élro  ces  tcssércs  sonl-cllos 

'  dos  tabhîttes  d'él(*cteurs  du  second  degr<i  qui  avaient  ù  les  présenter  pour 
entrer  à  l'assembléo?  Dans  la  constitution  du  xoivbv  lycien,  les  villes  délô- 

.  guaient  à  l'assombléo  des  citoyens  <iui  prenaient  lo  nom  d'électeurs  de^<magis- 
tnits  :  àp/ôaraTai  (Voy.  Fougères.  De  Lyciorum  cnmmunU  parsll,  Ciip.  III). 
Go  qui  faisait  l'originalité  du  système  mantinéon,  c'éUdt  le  principe  du  rou- 
lement. On  ne  saurait  parler  à  ce  propos  de  système  représentatifs  ni  ni6mc 

•  Invoquer  les  électeurs  des  Constitutions  de  1791  et  de  1793. 

'  '  (2)  Kn  371,  quand  Agésllas  vint  protester  contre  la  reconstruction  du  rempart, 

'  les  démiurges  (ol  ap/ovxeç)  lui  objectèrent  qu'il  n'y  avait  pas  à  revenir  sur 

un  vote  du  peuple  :  oti  àSuvaTov  etTi  eTiKJ/eïv,  BôyiAûtTOç  YeYevT,fi^vou  iràdv) 

'   TY)  tcôXei  rfifi  TEi/iÇeiv  (Xen.  Ilcllen.  VI,  5,  3).  —  Sur  l'absentéisme  des  paysans 

de  l'Attique  aux  assemblées,  voy.  Guiraud.  Prop,  fonc.^  p.  140. 

(3;  Tliucyd.  V.  47. 


LE  gouvernement;  les  institutions.  339 

sait  rien  sur  le  mode  de  nomination  des  sénateurs  mantinéens. 

Le  pouvoir  executif    était  représenté    par    le    collège    des  Les  di^miurgc». 
démiurges  (8aji.iopYoO.  Dans  Fancienne  constitution  antérieure 
au    synœcisme,   ces   magistrats  devaient  être  les   chefs   des 
dèmes.  Dans  le  traité  de  420,  ils  sont  nommés  en  première 
ligne,  avant  la  Boulé  et  les  autres  autorités.  Dans  le  traité  du 
Koivov  arcadien  en  Tlionneur  de  Phylarchos,  ils  représentent 
Mantinée  au  Conseil  fédéral  des  cinquante  délégués  des  villes 
fédérées  (1).  A  n'en  pas  douter,  ils  sont  les  autorités  supérieures 
de   la  cité,   comme  les  archontes  à  Athènes  (2).   Le  titre  de 
démiurges  (8ï){JLtoupYo{,   BajxioupYof,   8a|JLia)pYo(,    8ap.iopYOi,    BajxiepYOt, 
2;a{i.i(i>PYoO  existait  dans  nombre  de  cités  grecques  ;  mais  leurs 
attributions  sont  imparfaitement   connues.    Ils    convoquaient 
l'assemblée  populaire  et  se  réunissaient  eux-mêmes  en  Conseil 
exécutif  :  ce  sont  eux  qui,  en  371,  reçoivent  Agésilas  et  écou- 
tent les  doléances  de  Sparte  au  sujet  de  la  reconstruction  du 
rempart  (3).  Xénophon  les  appelle  ol  àp;(^ovT6ç.  L'assimilation, 
dans  Uésychius,  des  démiurges  doriens  avec  les  démarques 
attiques,  le  nombre  de  cinq  démiurges  mantinéens  sur  Tius- 
criplion  du  xoivbv  arcadien,  permet  de  supposer  que,  même 
après  le  synœcisme,  ce  chiffre  de  cinq,  correspondant  aux 
cinq  dèmes  anciens  ou  aux  cinq  tribus,  fut  conservé  pour  la 
composition  du  collège  exécutif.  Après  Tabolition  de  la  division 
territoriale  des  cinq  dèmes,  les  cinq  démiurges  durent  dépouil- 
ler, comme  individus,  le  caractère  de  magistrats  ruraux  que 
(conservèrent  toujours  les  démarques  attiques. 

Après  les  démiurges  et  la  Boulé,  le  traité  de  420  stii)ule  que 
le  serinent  sera  prélé  par  les  autres  autorités  :  xal  al  aXXat  ipxa^. 
Mais  les  titres  de  ces  magistrats  ne  sont  pas  spécifiés  :  il  s'agit 
là  sans  doute  des  fonctionnaires  de  Tordre  judiciaire  et  sacer- 
dotal. Parmi  ces  derniers,  le  prêtre  de  Poséidon  llippios,  qui 
figure  sur  les  actes  d'affranchissement  de  la  période  romaine 
comme  éponyme  annuel  de  la  cité,  devait  déjà  occuper  une 
place  prépondérante. 

(1)  Foucart.  Inscr.  du  Pélop,  340».  —  Sur  Ja  cIhIc,  voy.  plus  loin,  p.  480. 

(2)  TUo  Llve  (XXXVIII,  'M))  dit  des  démiurges  aclu^cns  :  «  Damlurgis  civila- 
tiuin,  qui  su  minus  est  magistratus.  »  A  Andanic,  les  déiniurgos  convoquent 

.  l'assemblée  du  peuple  (iwsc.  dii,  Pélop.^  351).  Uésychius  :  AY,p.ioupYÔç*    xal 
. 'Trapà  Aiupieuaiv  ot   apyovteç,  rà  5*ri[i.6<ita  -ïrpàTTOVTEç,  ôWirep    'AÔT^vYiaiv 
ol  8i^[i.ap/ot.   Cf.  Etym.  Magn.  :  ol  nepl  ta  TéXv|. 

(3)  Xén.  'Hpllcn.  Vi.  ii.  4.  * 


340 


MANTINEE   ET   L  ARCADIE  ORIENTALE. 


Théores. 


Polémarques. 


Les  dèmes 
«t  les  tribus. 


Le  serment  devait  ôtre  reçu  par  les  Théoirs  (Oewpoi,  Oeapof)  et 
les  Polémarques,  Les  Tliéores  doivent  être  les  représentants  de 
l'État  aux  grands  sanctuaires  panhelléniques^  à  Delphes,  à 
Olympie,  à  Tlsthme  et  dans  les  fêtes  panarcadiennes,  au  Lycée, 
aux  fêtes  d'Aléa.  Mais  on  voit  dans  Xénophon  les  Ôeapoi  tégéates 
jouer  un  rôle  politique  actif,  au  milieu  des  luttes  des  factions. 
Vu  l'analogie  des  institutions  dans  la  plupart  des  villes  arca- 
diennes,  il  est  permis  d'attribuer  aussi  aux  théores  mantinéens 
une  certaine  compétence  politique  (1). 

Quant  aux  Polémarques,  sans  qu'on  sache  combien  ils  étaient, 
il  ne  subsiste  aucun  doute  sur  leurs  fonctions.  Ils  possédaient 
les  attributions  militaires  des  stratèges  dans  toutes  les  républi- 
ques, la  direction  du  recrutement  et  de  l'entretien  des  troupes, 
la  surveillance  du  territoire  en  temps  de  paix,  et,  en  temps  de 
guerre,  le  commandement  de  l'armée  mantinéenne  et  de  ses 
alliés,  quand  les  opérations  avaient  lieu  dans  les  limites  de  la 
Mantinique. 

Xénophon  d(mne  le  titre  de  irpo^xàTai  tou  oT^jtou  aux  chefs  du 
parti  démociatique  expulsés  par  Agésipolis  en  385  et  qui  durent 
se  réfugier  à  Athènes.  Bien  que  ce  titre  soit  officiel  a  Tégée,  il 
semble  avoir  ici  un  sens  général,  et  désigner  les  personnages 
les  plus  influents  de  la  faction  populaire. 

Quant  aux  citoyens,  après  le  synœcismc,  la  population  des 
cinq  dèmes  fut  répartie  en  cinq  tribus,  mais  il  est  peu  probable 
qu'il  y  eût  corrélation  entre  l'ancienne  division  par  dèmes 
et  la  nouvelle  division  par  tribus.  Celle-ci  était,  sans  doute, 
purement  urbaine  et  topographique  (2).  La  division  en  tribus 
suppose-t-elle  des  cultes  et  des  magistrats  particuliers,  comme 
à  Athènes?  Rien  ne  prouve  que  le  culte  de  la  tribu  eut  aucun 
rapport  avec  celui  de  la  divinité  dont  elle  portait  le  nom.  Enfin 
les  rapports  entre  les  bourgs  ruraux  et  les  tribus  ne  sont  pas 
connus.  La  xcuixyi  était-elle  une  subdivision  de  la  tribu  comme 
le  dème  attique  ?  Les  gens  de  Nestané,  de  Mélangeia,  de  Maira, 


(Il  Cf.  (les  collêsos  analogues  à  Kginc,  ù  Trœzène,  etc...  Leur  influence 
polUique  était  capable  de  pousser  les  ambitieux  à  la  tyrannie  (Arlst.  Polit.^ 
p.  217,  4  :  t6  yàp  àp/aîov  oi  5-ri[i.oixa0i(JTa(jav7roXuypovtouçTàç8Tr||xioupY(aç 
xal  Oea)p(aç).  Ils  étalent  les  (iépositaircs  du  droit  divin,  dénonçaient  les  infrac- 
tions aux  règles  communes  des  dieux  panhélléniques,  et  veillaient  à  l'exé- 
cution des  ordres  de  la  Pytbie,  en  ce  qui  concernait  l'expulsion  des  criminels 
et  les  relations  internationales. 

(2)  Voy.  plus  haut,  p.  163  et  287. 


LE  GOUVEHNEMENT  ;   LES  INSTITUTIONS. 


341 


par  cxcm|)le,  olaionl-ils  inscrits  dans  une  dos  ciiiff  Irilnis  ? 
Chacune  de  ces  bourgades  avait-elle  ses  magistrats  locaux  ? 
lire!,  quel  était,  à  côté  de  celle  de  l'Etat,  l'organisation  muni- 
cipale ?  Nous  n'avons  là-dessus  aucune  donnée.  Il  semble, 
d'après  les  noms  des  tribus  mantinéenncs,  que  cette  division 
ne  dépassait  pas  les  limites  de  l'enceinte  fortiliée.  D'ailleurs, 
elle  avait  beaucoup  moins  d'importance  dans  les  villes  arca- 
diennes  qu'à  Athènes,  où  elle  était  la  base  à  la  fois  religieuse 
et  familiale  de  toute  l'organisation  politique.  A  Tégée,  les 
métèques  se  réparlissaient  entre  les  quatre  tribus.  Celles-ci 
n'avaient  plus  alors  que  le  caractère  de  circonscriptions  admi- 
nistratives, comme  les  arrondissements  ou  les  quartiers  de 
nos  villes  modernes. 

Telle  était,  d'après  les  renseignements  que  nous  possédons,  la 
constitution  démocratique  de  Mantinéc  au  V'-  siècle  jusqu'en 
38îi,  celle  à  laquelle  se  rapportent  les  indications  de  Thucydide 
et  d'Aristote. 

Nous  décrirons  plus  loin  le  régime  imposé  par  le  diœcisme, 
de  385  à  371,  et  que  Xénophon  qualifie  d'aristocratique. 

Après  le  second  synœcisme  et  la  reconstruction  de  la  ville  en 
371,  la  démocratie  présidée  par  Lycomèdes  reproduisait-elle 
l'ancienne  constitution  ?  On  ne  saurait  se  prononcer  sur  ce 
point.  Quelles  moditications  subit  cette  démocratie  après  la 
mort  de  Lycomèdes,  en  36(5  ?  Y  eut-il  une  restauration  aristo- 
cratique, sous  l'influence  du  parti  laconieu,  comme  l'a  pensé 
(]urtius,  ou  seulement  une  atténuation  des  tendances  démagogi- 
(|ues  après  la  disparition  du  brillant  stratège?  Nous  inclinons 
vers  celte  dernière  hypothèse,  bien  que  les  tcxles  laissent  planer 
une  grande  obscurité  sur  l'évolution  de  la  politiiiue  intérieure 
de  Mantinée  jusqu'à  la  conquête  achéenne  en  222  (1). 

Aratos  et  Antigone  Doson  abolirent  la  Constitution  manti- 
néenne,  et  remplacèrent  le  nom  de  Mantinée  par  celui  d'Anti-  répo<iiie  achéenne 
gonéia.  Les  cultes  locaux  subsistèrent  seuls.   Les  institutions     «'  romaine, 
achéenncs  elles-mêmes  furent  retouchées  par  les  Romains,  qui 
substituèrent  dans  plusieurs  villes  un  régime  timocratique  à  la 
démocratie  (2).  Le  départ  entre  les  institutions  propres  à  la 


rH)riSTITUTIOK 
Kftik9     Ml. 


Conslitution  A 


(l)L<'.s  UTinrs  «rAristotn  :  (Z*o/if.  ni.  SusomUil.  p.  l.'USi'iT);  oeî  vofXiÇeiv  xal 
TOUT  'eïvai  <f'/y\lL7.  ti  07)y.oxpaTtaç,  «oaTrep  cv  MavTiveia  ttot  '"^v  indiquent 
bionquo  l'orK»nisa lion  qu'il  loue  n'exisUiit  plus  de  son  trmps. — Voy.  p.  473. 

(2)  Polyb.  XL,  8-10.  —  Paus.  VIH,  16,  6.—  CIG.  15«.  Lettre  de  Flaminlnus  aux 
habiUinls  de  Dymê  1.  9  et  19. 


342  MANTINKE   KT   l'AHGADIE  ORIRNTALR. 

période  achéennc  et  les  remaniements  de  l'époque  romaine 
n'est  pas  aisé  à  établir  pour  Antigouéia,  les  textes  épigraphi- 
ques  dont  nous  pouvons  grouper  les  données  paraissant  tous 
postérieurs  à  Tan  140.  On  y  relève  d'abord  :  1«  Un  collège  do 
magistrats  (àpyovxeç)  nommés  en  première  ligne  (1).  Ils  étaient 
sans  doute  réunis  en  auvap/ia,  (j'cst-à-dire  en  conseil  de  gouver- 
nement pour  préparer  les  résolutions  à  soumettre  aux  assem- 
blées délibérantes  (2)  ;  2»  Les  SuvcSpot.  Dans  beaucoup  de  villes 
d'Achaïe,  le  (ruvéSpiov  prit  la  place  de  l'ancienne  pouXi^  (3).  Les 
séances  des  synèdres  étaient  fixées  par  la  loi  (<iuvvo|i.oi  luvaYtoyaC 
ou  ixxXY|(r(ai),  comme  l'altestent  des  inscriptions  d'Andanie  et 
d'Ëlatée.  Us  discutaient  les  mesures  qui  leur  étaient  soumises 
par  les  àp^'ovxeç  ou  qui  provenaient  de  leur  propre  initiative  et 
les  présentaient  sous  forme  de  TtpopouXeuixaxa  à  l'assemblée  du 
peuple.  Le  cruveBpiov  avait  un  YpajjL(i.aT6uç.  Cette  charge  donnait  à 
son  titulaire  une  importance  considérable  dans  la  cité.  Un  secré- 
taire des  synèdres,  qui  devait  sa  place  à  l'empereur  Hadrien,  lui 
témoigne  sa  reconnaissance  en  lui  élevant  a  ses  frais,  à  Mantinée, 
une  statue  et  un  temple  (4).  Toutes  ces  fonctions  étaient 
annuelles  (5)  ;  3»  La  ^epoueria.  Cette  assemblée  est  signalée  à 
Mantinée  par  une  inscription  gravée  sur  un  gradin  du  théâtre 
(TEPOTCIAC).  Les  places  réservées  aux  membres  de  la 
Gérousia  étaient  de  10  h  12.  Cette  institution  est  mentionnée  à 
Andanie  en  même  temps  que  les  synèdres  (G).  Certains  épigra- 
phistes  n'ont  pas  voulu  admettre  l'existence  séparée  de  ces  deux 
assemblées,  qui  leur  ont  semblé  faire  double  emploi.  D'après 
Sauppe  (7)  et  Dittenberger  (8),  le  titre  de  auvcBpot  était  porté 
par  les  membres  de  la  yEoouaia,  Mais  rien  ne  le  prouve,  et 
M.  Foucart  (9)  admet   que  le  conseil  des  synèdres  s'appelait 

(1)  Cf.  C[G.  1:)W,  I.  4:   A'jp.ata)v  toi;  àp/ouffi  xai  aivsopoi;  xa»  t7|  ttoXei 
yaipfiiv. 
'  (2)  Inscr.  du  Pélop,  352i,  I.  42. 

(3)  Par  ex.  à  Môgalopolis  {Inacr.  du  PHop.  332.  —  Excavation^  al  Megalo- 
polis^^.  12Gctsulv.),  Thourla  {Inscr.  du  Pf'lop.  'Mi  «.),  Andanie  |f7;.  32»>a.); 
Coronée  ('AOYivaiov,  IV,  p.  104)  ;  Pagnl  {th.  lî,  p.  iSl),  Dyniô  {CIG,  15i3).  É\al^o. 
|C.  I.  G.  S.  IIP.  120-127).   Leurs  décisions  siml  appelées  SÔYH'-a'ca. 

(4)  Inscr,  du  Pélop,  352  g. 

(5)  Ih.  352i,  I.  42. 
((î)  Ih.  326»,  I.  47. 

(7)  Mysterieninschrift  aus  Àndania,  Gûlting.  IhMK). 

(8)  SyIloge,n-388,  N'e2. 

(9)  Inscr.  du  Pélop.,  p.  IWî. 


LE  60UVBRNEMKNT  ;   LES   INSTITUTIONS.  343 

<Tuv»5piov  OU  PouXt^  (1);  4»  L'assemblée  du  peuple  :  elle  n'est  plus 
désignée  par  le  terme  de  It\\lo(;,  mais  par  ceux  de  ol  Xonzoi  itoXîTai 
[A^Soy0cc(  Toeç  SuvéSpoiç  xaX  toîc  XoticoTç  TcoXiTatç]  (2). 

Les  magistratures  et  fonctions  dont  on  trouve  la  mention  sur  Mngisimis. 
les  inscriptions  de  basse  époque  sont  les  suivantes  :  1**  Le  prêtre 
de  Poséidon  llippios  (Upeùç  toC  Iloaeiowvoç),  éponyine  annuel  de 
la  cité  sur  les  actes  d'aflranchissement  (3)  ;  2°  L'eriyvcoixa  (b  in 
YvcujjLa)  ou  imywiû}ko^e6ts}w^  second  éponyme  annuel.  La  nature  de 
ses  fonctions  est  inconnue  (4);  3^  Le  oexrv^p,  analogue  à  ràicôoo/eûç 
ou  receveur,  d'après  Ilésychius  (5).  Il  perçoit  des  esclaves,  au 
nom  de  la  ville,  le  droit  d'enregistrement  de  Tacte  constatant 
leur  aflranchissement;  4<>  L'agoranoine  (G). 

L'ère  d'Achaïe,  qui  commence  en  octobre  146,  fut  adoptée  à 
Antigonéia  après  la  conquête  de  rAchaïe  par  les  Romains.  Quatre 
inscriptions  (7)  sont  datées,  de  l'an  85  (Gl  av.  J.-(3.),  de  l'an  103 
(43  av.  J.-C),  de  Tan  406  (260  ap.  J.-C),  407  (2G1   ap.  J.-C). 

Les  mois  sont  désignés  par  des  adjectifs  numériques  (8).  La 

(1)  7frtd..352".  La  qucsUon  est  Irancliéc  p;ir  une  inscTtpUuii  de  Mégaloporis, 
où  ron  volt  un  secrétaire  dos  Syn^dros  distinct  de  la  Tepouaia.Ko  Asie  mineure, 
la  Gérousia  forme  un  corps  distinct  de  la  Houle  et  de  rKcclésia,et  dont  Ui  carac- 
tère D'est  pas  encore  nettement  d6flnl  [Voy.  LKJvy.  Éludes  sur  la  vie  niunicip. 
de  l'Asie  Mineure,  nev.  Et.  gr.  VIII  (1895  )  p.  231  et  suiv.].  M  Lôvy  ufllrme 
{ib,  p.  231,  n.  7)  qucla  Gérousia  du  type  asiatique,  c'est-à-dire  une  corpora- 
tion mi-privéo,  ml-olllcielie,  resta  Ignorée  «le  la  Grèce  européenne  :  pouniuoiV 
'  (i)  Nous  devons  ces  renseignements  à  un  décret  des  Antigonéens  en  l'hon- 
neur d'un  Argien,  rendu  en  198  et  140.  Voy.  DulL  de  Corr,  liellén,,  XX  189(i, 
p.  liO.  NM,I.  14. 

(3)  Inscr.  du  Pélop.  352  i.  1. 32  et  352- 1. 2. 

(4)  /ft.  3îi2i.  1.32. -3i)2o.  1.2. 

(5;  Ib.  352n  I.  4.  —Le  mode  d'aflranchissemont  dese,sclaves,fi  Mantinée,  n'était 
pas  l'hiérodouilsme  ou  vente  k  la  divinité  ;  il  n'avait  aucun  caractère  religieux, 
du  moins  d  l'épociue  impériale  à  laquelle  appartiennent  les  actes  étudiés  pat 
M.  Foucart  {Inscr,  du  l'élop,  dlM  li-©,  p.  218-220).  Les  fi»rmalités  indi<iué<'s 
pour  que  l'alTrancliissement  devienne  dénnitif,  stmt  la  lecture  trois  lois  réix';- 
téc  de  l'acte  constatiint  la  volonté  du  maître  et  la  proclamation  par  le  héraut 
du  nom  des  esclaves  alTranchis.  (Cf.  Mitteis.  ReicksrrclU.  p.  37G).  il  semble 
que  l'esclave  adranchl  avait  à  payer  une  redevance  pour  que  son  nom  fiU 
inscrit  sur  les  listes  publiffue^  d'afTratiehIs  que  la  ville  faisant  graver  chaque 
année  {Inscr.  du  Felop  352  n.o}.  La  liberté  était  accordée  par  le  maître  à  titre 
gratuit  ou  contre  paiement  d'une  rançon  (^352"),  avec  ou  siins  restriction  (par 
ex.  k  la  condition  de  rester  au  service  du  maître  jusqu'à  sa  mort). 

(0)  ttulL  Corr,  hellén.,  XX,  1895,  p.  157,  n-  23. 

(7)  Inscr.  du  Pélop,  352»»,  l.  10.  —  352',  I.  42.  —  3JJ2n,  l.  5.  —  352",  1.  3. 

(8)  Inscr,  du  Pélop,d6i  J.  1.  20.  YfivéOXiov  7)|i.6pav  àel  tou  iréiiLTCTOu  «xyjVoç. 

352  n.  1.  9.  (XTivoç  Tpixou  Tpiaxâ8i. 


344  MANTINKR  KT   L'ARCADIR  OllIRNTALK. 

Ligue  achéeiine  avait  répandu  ce  genre  de  notation  uniforme 
pour  évitei*  les  confusions  qui  naissaient  de  la  diversité  des 
calendriers  locaux.  L'administration  romaine,  pour  les  mêmes 
raisons,  encourageait  cette  habitude  et  en  fit  la  règle  générale 
en  Asie-Mineure. 


II.  Moeurs  et  éducations. 

u  soririé.  Ce  serait  une  entreprise  puérile  et  lantaisisle  que  de  vouloir 
retracer  un  tableau  de  la  vie  et  de  la  société  mantinéennes,  en 
se  fondant  sur  les  vagues  données  des  auteurs  anciens.  On  a 
vu  que  les  mœurs  et  coutumes  de  Mantinée  avaient  paru  assez 
intéressantes  à  Aristoxcne  de  Tarente  pour  qu'il  en  fît  un 
Iraité  (1). 

Les  Mantinéens  possédaient,  avec  la  piété,  les  vertus  arca- 
diennes  par  excellence,  la  simplicité,  l'hospitalité,  la  philan- 
thropie (2).  Les  mœurs  patriarcides  et  accueillantes  de  l'Arcadie, 
le  rapprochement  des  classes  dans  une  familiarité  laborieuse, 
l'absence  de  morgue  dans  les  rapports  entre  maîtres  et  servi- 
teurs avaient  frappé  les  Grecs  (3).  Tandis  qu'en  I^conie  l'hosti- 
lité, tantôt  sourde,  tantôt  déclarée,  des  classes  inférieures 
tenues  à  l'écart  dans  une  étroite  sujétion,  mettait  en  danger  la 
sécurité  de  l'Élat,  on  voyait  en  Arcadie  maîtres  et  esclaves  s'as- 
seoir îi  la  môme  table  rustique,  où  les  galettes  de  gros  pain 
(jtàÇa),  la  viande  de  porc,  le  cratère  de  vin  et  le  fromage  salé  se 
trouvaient  à  la  portée  de  toutes  les  mains,  indistinctement.  Ils 
travaillaient  en  commun.  La  terre  rapprochait  ceux  qu'elles 
nourrissait  et  supprimait  entre  eux  toute  hiérarchie,  l'ériclès, 
parlant  en  Athénien,  relève  comme  une  infériorité  l'obligation 
où  sont  les  hommes  libres  du  Péloponnèse  de  mettre  eux- 
mêmes  la  main  à  la  charrue  et  de  faire  œuvre  servile  (4).  Chez 
les  plus  distingués  des  Arcadiens  le  travail  manuel  était  en 
honneur  :  Philopœmen  se  faisait,  à  ses  heures,  laboureur  et 
ouvrier  des  champs,  vivait  au  milieu  de  ses  gens,  et  coucliail 
sur  un  grabat  (;>).  L'égalité  démocratique  était  alors  dans  les 

(1)  Voy.  plus  liaiil,  p,  'XM). 

(2)  ^iXo;6via  xai  ^tXavOpwTria  Polyb.  IV,  20,  I. 

(3)  Thoop.  ap.  AUicn.  IV,  p.  W3.  -  llraitôe,  ib.,  p.  148. 
(4|  Thucyd.  I,  142. 

(5)  Plut.  P/iilop.  IV,  3,  4.  -  Phllostr.  VU.  Apnii.  Tyan,  p.  1(52  (Kayser).  - 
De  la  Coulonchc.  Mém.  sur  l'Arcad.,  cité  p.  IHO  ot  sulv. 


LE  OOUVEnNEMBNT  ;   LES  INSTITUTIONS.  345 

mœurs  comme  dans  les  iiislitufious.  Mc^no  sous  les  régimes 
poliliques  les  moins  libéraux,  quand  la  classe  des  riches  pro- 
priélaires  ou  pÉXxidToi,  détenait  à  Manlinée  la  TroXîTsta  à  l'exclu- 
sion des  citoyens  plus  pauvres,  les  citoyens  de  la  classe  moyenne 
Irouvaienl  quelque  douceur  dans  le  travail  en  |)lein  air.  Ils  sup- 
portaient beaucoup  mieux  que  les  Athéniens  la  privation  de 
Tagora.  Sans  doute  Xénophon  exagère  en  disant  (pills  accueil- 
lirent avec  une  sorte  de  soulagement  d'être  rendus  à  leurs  bour- 
gades. Mais,  en  fait,  cet  amour  de  la  campagne  était  en  eux  un  goût 
inné  autant  qu'une  nécessité  vitale.  L'histoire  de  leur  constitu- 
tion, à  la  plus  belle  époque  de  son  développement,  prouve  chez 
ces  descendants  des  Pélasges  un  attachement  i)rofond  aux  habi- 
tudes patriarcales.  Ils  subissaient  la  vie  urbaine,  par  raison, 
parce  qu'elle  leur  garantissait  l'indépendance  nationale  ;  mais 
leurs  instincts  personnels  les  attiraient  hors  des  murs,  dans 
leurs  champs,  au  milieu  de  leurs  fermes,  de  leurs  troui)eaux  et 
de  leurs  vignobles. 

Cette  organisation  sociale  donnait  une  base  solide  aux  com- 
munautés arcadiennes.  Malgré  le  nombre  considérable  des  serfs 
{iztXixon)  employés  comme  cultivateurs,  ou  comme  bergers  (l), 
porchers,  chevriers  ou  bouviers,  l'Arcadie  craignait  moins  (jue 
la  Laconie  ou  l'Argolide,  les  soulèvements  d'esclaves.  Le  danger 
était  d'autre  nature.  La  prédilection  de  TArcadien  pour  son 
domaine  aggravait  en  lui  la  tendance  à  l'isolement.  Déjà  jnédis- 
posé  par  la  structure  du  pays  A  se  cloîtrer  dans  ses  gorges  et  ses 
vallées,  la  vie  pastorale  achevait  de  le  rendrez  insociable.  A 
l'écart  de  toute  civilisation,  cet  enfant  de  la  nature  retournait  à 
l'état  sauvage  (2).  Le  dédain  de  la  vie  poliiîée,  de  la  culture» 
intellectuelle  le  rejetait  de  plus  en  plus  en  dehors  du  jirogrès  et 
des  lois  humaines.  Dans  les  cantons  montagneux  du  Ménale, 
dans  les  grandes  plaines  de  la  Parrhasie.  la  rac(»  semblait  rebelle 
à  tout  ceejui  faisait  l'orgueil  des  cités  helléniques.  Aujourd'hui 
encore  les  populations  de  la  dortynie  ont  la  réputation  méritée 
d'être  farouches  et  peu  maniables.  Dans  l'antiquité,  les  habitants 
de  Kynaitha  s'étaient  mis  parleur  barbarie  et  leur  impiété  au 
ban  de  TArciulie  ('!).  Hors  des  grandes  villes,  il  n'y  avait  ni 
instruction  ni  culture.  Le  jiaysqui  a  inspiré  tant  de  poètes  en  a 
fort  peu  ju'oduit. 

(I)  Philostr.  i7)/(/.  —  CurUus.  retop.  l,  p.  182.  n'*  29. 
{t)  'II  KuvaiOéoïV  àypiOTTjç.  Polyb.  IV,  20,  2. 
(3)  w|i.0TrjTt  xai  7rapavo|j.ta.  Polyb.  ib.  3. 


346 


MANTINKB  KT  L'AHCADIE  OIHKNTALB. 


RAlo  rtlncateiir 

de  1a  muM'que 

en  Arrndie. 


Progrniiime 

de  l'éducation 

musicale. 


Au  dire  de  Polybe,  les  anciens  législateurs  s'étaient  préoccu- 
pés de  cet  état  de  choses  inquiétant.  Ils  avaient  cherché  dans  la 
musique  un  dérivatif  à  la  rudesse  et  à  la  fougue  brutale  du  tem- 
pérament national.  C'était,  avec  la  danse,  le  seul  art  qui  pût 
faire  concurrence  à  la  i)assion  de  la  chasse  et  de  la  gymnastique. 
Ce  n'est  qu'à  coups  de  règlements  que  TArcadien  est  devenu  un 
personnage  idyllique.  Nous  devons  là  dessus  nous  en  rapporter 
à  Polybe,  qui,  apparemment,  connaissait  bien  ses  compatriotes. 
Jusqu'à  TAge  de  30  ans,  les  lois  rendaient  la  culture  de  la  musi- 
que obligatoire  pour  les  jeunes  gens  :  «  Ils  croient  pouvoir  sans 
honte  ignorer  tous  les  autres  talents,  mais  ils  ne  peuvent  ni 
refuser  d'apprendre  à  chanter,  ni  s'en  défendre  sous  prétexte  de 
le  savoir,  parce  qu'ils  croiraient  par  là  se  déshonorer.  »  La  belle 
musique  n'était  pas  pour  eux  un  art  de  simple  agrément,  mais 
une  nécessité  :  Polybe  le  démontre  par  la  théorie  du  milieu  (l)  : 
((  C'est  parce  (jue  nos  pères  avaient  étudié  le  naturel  des  Arca- 
diens  et  qu'ils  voyaient  que  leur  vie  dure  et  laborieuse  avait 
besoin  d'être  adoucie  par  quelque  exercice  agréable.  Une  autre 
raison  en  fut  la  rudesse  des  mœurs  de  ce  peuple,  défaut  qui 
lui  vient  de  la  rigueur  et  de  la  tristesse  du  climat  dans  la  plu- 
part des  cantons  de  cette  contrée.  Ce  fut  donc  pour  adoucir  et 
tempérer  la  dureté  et  la  férocité  des  Arcadiens  qu'ils  introduisi- 
rent les  chansons  et  les  danses  et  qu'ils  établirent  en  outre  des 
réunions  et  des  sacrifices  publics  tant  pour  les  hommes  que  pour 
les  femmes,  et  des  chœurs  d'enfants  de  l'un  et  l'autre  sexe.  En 
un  mot,  ils  mirent  tout  en  œuvre  pour  cultiver  les  mœurs  et 
humaniser  le  caractère  intraitable  de  leurs  concitoyens.  »  Les 
dieux  de  l'Arcadie  semblaient  avoir  donné  l'exemple  :  Pan  avec 
.  sa  llùte,  Hermès  du  Cyllèneavec  sa  chélySy  Artémis  Ilymnia  et 
Zeus  Charmon  avec  leurs  chansons  incarnaient  les  aptitudes 
musicales  de  la  race  et  égayaient  les  solitudes  des  bois  et  des 
rochers.  On  s'explique  que  les  Mantinéens  aient  accueilli  et  fait 
glorifier  par  Praxitèle  le  mythe  du  concours  musical  entre  Ajml- 
lon  citharède  et  Marsyas  le  joueur  de  flûte,  concours  où  les 
Muses  figuraient  comme  arbitres. 

Le  programme  de  l'éducation  musicale  de  la  jeunesse  arca- 
dienne  nous  est  retracé  par  Polybe.  Dès  Page  le  plus  tendre  les 
enfants  commençaient  par  le  répertoire  ancien  du  plain-chant 
classique,  composé  d'hymnes  et  de  j)éansen  l'honneur  des  héros 


{{)  IV,  20-21.  Ce  paswi^o.  l'sl  Inoxactomont  ciU*,  par  AlliônOc,  XIV,  p.  (îiG  a. 


LE  GOUVERNBMENT  ;   LK8  INSTITUTIONS.  347 

et  des  dieux  locaux.  Plus  tard,  ils  abordaient  la  musique 
moderne,  plus  compliquée  et  plus  troublante,  les  dithyrambes 
de  Philoxénos  de  Cythère  et  les  nomes  de  Tiniothéos  de  Milet, 
Tami  d'Euripide  (1).  La  méthode  de  ces  deux  réformateurs  de 
la  musique  aniique,  vers  la  (lu  du  V'-  siècle,  avait  beaucouji 
de  peine,  dans  Sparte  et  dans  Athènes,  à  vaincre  l'opposition 
des  partisans  du  chant  liturgi(|ue  apolliuien  et  de  rorchesti(|ue 
oflîcielle.  Il  est  cui-ieux  de  constater  que  TArcadie  retardataire 
avait  accueilli  ces  innovations,  réputées  ailleurs  dangereuses 
pour  les  mœurs,  comme  un  bienfait  pour  elle  :  peut-être  les 
radinements  (lui  pouvaient  être  un  dissolvant  pour  les  Athé- 
niens délicals  et  les  Spartiates  décadents,  n'avaient-ils  qu'une 
heureuse  influence  sur  des  nerfs  plus  obtus.  Chaque  année, 
dans  les  villes,  pendant  les  Dionysies,  il  y  avait  au  IhéAtre  des 
chœurs  avec  accompagnement  de  flûte,  des  concours  d'enfants 
et  d'adolescents.  (Uia(|ue  année  aussi,  les  jeunes  gens  exécu- 
taient au  théâtre  des  figures  militaires  (i\Lfixfr^oi<x],  des  danses 
armées  au  son  de  la  flûte.  L'État  faisait  les  frais  de  ces  sortes 
de  carrousels  (lïci(TTpo(pT|). 

Mieux  avisés  que  les  habitants  de  Kynaitha,  les  Mantinéens  i/écoïc  mnsicAie 
n  avaient   point  négligé    les   sages  prescriptions  des  anciens    **^  Maminée. 
législateurs.  Sans  doute  Démonax  ne  fut  ])oint  étranger  a  toutes 
les  mesures  qui  devaient  contribuer  à  l'adoucissement   des 

mœurs,  à  rassouplissemeiit  des  c<iractères  et  à  la  joie  de  la 
cité.  11  y  avait  à  Mantinée  une  école  célèbre  de  musique  et 
d'orchcstique. 

D'après  le  traité  sur  la  àitmque,  attribué  à  Plularque,  les  ten- 
dances conservatrices  dominaient  à  l'école  musicale  de  Man- 
tinée. Cet  ouvrage  cilele  nom  d'un  maître  inanlinéen,  Tyrtaios, 
qui,  comme  Amlréas  de  Corintlie,  Thrasyllos  de  Phlious  et 
beaucoup  d'autres,  i)roscrivait  de  parti-pris  le  genre  chronia- 

.  tique,  les  changements  de  ton,  les  instruments  à  cordes  iioni- 
breuses,  et  quantité  de  rythmes  alors  en  honneur,  d'harmonies, 
cl'expressions,  de  mélodies  et  d'interprétations.  On  s'en  tenait 
sans  doute  au  genre  diatonique  et  aux  modes  de  caractère 
dorien,  dont  la  simplicité  et  la  grandeur  paraissaient  exercer 
la  meilleure  influence  :  «  On  ne  doit  pas,  dit  le  traité  en  ques- 

(1)  Polyl).  ibid.  —  Sur  PlûIox«'*nos,  voy.  AnUphanc,  «p.  Athcn.  p.Gi3  d.  Sur 
Tiniothéos,  liocth.  de  àtusic.  I,  1.  —  Plicrrrral.  np.  PluUircli.  de  Music.  30. 
Molncko,  Fràg.  comte.  II,  320.  —  Sur  lu  inuslqu»^  on  Aicatlio.  cf.  Do.  1h  Goulon- 
cUe,,  Mém.  sur  VArcad,,  p.  11)3. 


348  MANTINKR  KT  l'ARGAUIR  ORIENTALE. 

lion,  apprendre  aux  débutants  tous  les  modes.  D'ordinaire,  on 
les  enscij^ne  et  on  les  apprend  au  hasard  des  goûts  du  maître 
ou  de  lïMôve.  Au  contraire  les  sages  excluent  leliasard,  comme 
faisaient  autrefois  les  Lacédémoniens,  les  Mantinéens  et  les 
Pelléniens.  Us  bornaient  leur  choix  à  un  seul  mode  ou  à  un 
très  petit  nombre  de  modes,  qu'ils  jugeaient  convenir  à  une 
œuvre  de  moralité,  et  par  là  ilsusaientdela  vraie  musique  (1).  » 
L'auteur  dit  :  «  autrefois,  »  On  sait,  en  elîet,  par  Polybe,  que, 
avec  le  temps,  l'intransigeance  des  principes  fléchit  devant  les 
goûts  nouveaux.  Toutefois,  à  Mantinée,  vers  le  milieu  du  IV® 
siècle,  il  semble  que  la  doctrine  classique  triomphait  encore  : 
on  reirouve  dans  le  bas-relief  exécuté  par  Praxitèle  l'écho  des 
querelles  qui  mettaient  aux  prises  les  différentes  écoles  et  leurs 
théoriciens.  Dans  l'Apollon  majestueux  et  serein,  on  peut  voir 
une  personnification  de  l'art  de  Tyrtaios,  et  du  mode  doricn, 
vainqueur  de  la  musique  passionnée  venue  de  Phrygie  et  de 
Lydie  et  qu'incarne  l'impétueux  satyre  (2). 

L'école  mantinéenne  brillait  alors  d'un  très  vif  éclat,  puisque 
c'est  précisément  à  cette  époque  (vers  343)  qu'elle  attira  le 
fameux  Aristoxénos  de  Tarente,  auteur  de  nombreux  ouvrages 
sur  l'harmonie,  la  rythmique,  l'orchestique  et  les  différents 
instruments,  et  l'autorité  la  plus  considérable  de  toute  l'anti- 
quité en  matière  de  musique  (3).  Suidas  semble  dire  que  son 
séjour  à  Mantinée  liii  suggéra  sa  vocation  de  philosophe  et  de 
musicien  (4).  C'est  sans  aucun  doute  une  erreur.  Caria  présence 
d'Aristoxéuos  a  Mantinée  me  paraît  s'expliquer  surtout  par  le 
désir  d'étudier  sur  place  la  musique  et  l'orchestique  manti- 
néennes,  à  titre  de  documents  pour  ses  ouvrages  didactiques  et 
historiques  (5).  Comme  critique  d'art,  Aristoxénos  réservait  ses 
prédilections  à  la  musique  classique  (6). 

(1)  Plut.  De  musiCy  32. 

(2)  Voy.  la  discussion  rohiUvo  au  monumoiil,  à  l'Appondiro. 

(3)  Voy,  Fr.  llisl.  graec.  H,  p.  2M»Î)  et  sulv.  —  (îovjuTt,  IHs(.  de  la  Mimique^  ï. 
p.  îjO.  —  Pauly.  Rmi-tmcycl.  (ISÎKi),  art.  Arisloxrnos,  7. 

(4)  Suidas. 'Api*jTÔ;Evoç...  AîaTpt'j/a;  èv  Mavxtveia  çpiXoaô^pç  yiyo'^t  xal 
[i.ou«JiXY|  ItciOêulevoç  oÙx  ri<Tx6yt\(jey . 

(5)  Dans  un  cataloguo  a^onisfiquo  (postôriour  à  Hadrien)  ilos  jeux  Plola,  au 
sanctuaire  d'Apollon  Ploios,  un  Manllnécn  est  vainqueur  au  concours  des 
xoxXiwv  aùXfiTwv.  Le  nu^nie  avait  aussi  pris  p«irt  au  concours  de  cithare  en 
solo  (tov  uTTÊp  Tou  'j/EiXou  xiGapi^TOu  àywva  TtXiqptoffaç).  Ilollc^iux.  ISuU.  de 
Con\  hellén,  XIV,  p.  191. 

(6)  Tlicmlst.  Oral,  XXXIII  :  àyaittov  xà  àvBptxwTepa  rwv  xpoojxaTwv.  x.t.X. 


LK  OOUVËIINKMENT  ;   LES  INSTITUTIONS.  349 

Mais,  la  répulalion  de  l'école  orchesli(|ue  île  Mantiuée  sur-  torchesUque 
passait  celle  de  son  école  musicale.  Les  aucicns  lui  accordent  •»*"''n<^""«- 
le  mérite  de  roriginalité.  La  Mavrtvtx-n  opyT,(Tiç  se  distinguait  sur- 
tout par  le  mouvement  des  bras,  et  c'est  pourquoi  Arisloxénos  dq 
Tarente  lui  donnait  la  préférence  sur  les  autres  (I).  Cette  danse 
nationale  rentrait  dans  la  catégorie  des  danses  armées  (êvô:TX'.o; 
op/Y|<jcç)  ;  ses  succès  furent  nombreux,  à  en  juger  par  les  récits, 
les  témoignages  d'admiration  et  les  légendes  qui  Tout  [)opula- 
risée  dans  le  monde  ancien.  Pendant  la  fête  mililairc  donnée  en 
l'honneur  des  Paphlagoniens  par  les  Dix-Mille  de  l'Anabase  (2), 
des  soldats  de  diflérents  pays  exécutèrent  de  curieuses  danses 
armées,  qui  ressemblaient  à  des  pantomimes.  Celle  des  Manti- 
néens  avait  un  autre  caractère  :  couverts  de  leurs  plus  belles 
armes,  ils  s'avancent  en  cadence,  au  rythme  d'une  marche  guer- 
rière jouée  sur  la  flûte;  ils  entonnent  un  péan  et  dansent  comme 
il  est  d'usagedans  les  cérémonies  religieuses  (irpôToSo*.).  L'analogie 
de  cette  danse  armée  avec  celle  des  Saliens  à  Rome  frappa  les 
Uoiuains.  Comme  ils  se  plaisaient  h  rapporter  à  TArcadie  une 
partie  de  leurs  origines,  certains  auteurs,  comme  Pokémon  le 
Périégète  et  Servius,  prétendaient  que  Salins  était  un  Manti- 
néen  emmené  en  Italie  par  Énée  :  c'est  lui  qui  aurait  ap|)ris  à  la 
jeunesse  romaine  l'art  de  danser  en  armes,  au  son  de  la  lliite  et 
en  chantant  (3).  De  même,  une  antre  tradition  (4)  attribuait  à 
Évaudre  l'importation  en  Italie  de  la  musique  arcadienne.  Mais, 
d'après  Critolaiis,  cité  par  Plutarque  et  par  Festus,  l'inventeur 
de  la  danse  salienne  était  un  certain  Saon,  originaire  de  Samo- 
thrace,  et  dont  Énée  fit  la  connaissance.  D'après  une  légende 
bithynienne  rapportée  par  Lucien  (5),  Ares,  afin  de  régler  les 
écarts  de  sa  force,  avant  d'apprendre  l'escrime,  se  lit  donner 
par  liera  des  leçons  de  danse.  Entre  tous  ces  guerriers  dan- 
seurs, il  existe  une  indéniable  parenté,  qu'ils  s'appellent  Dac- 
tyles de  l'Ida  dardanien  ou  crétois,  Kourèles,  Korybantes,  Ka- 

(1)  'Op/'^creiç  06  cOvixal  aî'Be  *  Aaxcov.xal,  T(>oiÇY|Vixai,  'EmÇsîpûpioi, 
Kp-fjTixal,  'Ifovtxat,  MavTtvtaxal,  aç  upoxpivfit  'Ap'.TTÔ;£vo;  oià  tyjv  tcov 
yeipwv  xivrjfftv.  Alh«n.  I,  p.  ii,  b.  —  t'r,  hisUjrœc,  II,  p.  iSt,  4î). 

(2)  Xcn.  Àimb.  VI,  I. 

(:i)  Polcin.  Fr.  Ilist.  Gr.  Il,  p.  121»,  37.  -  Servius  ad  VIrg.  .ICn.  VIIF,  2a*;.— 
Fostus.  Epil.  p.  238  éd.  Mûllcr.  —  Plutarch.  Numa,  XIII,  i.  —  Voy.  plus  haut, 
p.  205,  noie. 

(4)  Dcnys  d'Hnncarnnssc,  I,  p.  2(>. 

(5)  Luc.  Sali,  21.  —  ApoHod.  II,  2,  I.  —  Bachofen.  ÈîulterrecM,  p.  339* 


350 


MANTINÉK  ET  L'ARGADIB  OBIENTALE. 


L'escrime 
(b7rXo|xa/{a) 

et    le    duel 

(p.ovo|JLa;(^ia) 


bires,  Telchincs  (1).  Ce  sont  les  défenseurs  de  Zeus  enfant,  sur 
l'Ida,  sur  rilliùmc  et  sur  le  Lycée,  et  Jes  ministres  inspirés  de 
Rhéa-Cybcle.  A  Manlinée,  la  légende  de  Uliéa  et  de  Zeus  s'est 
transposée  dans  celle  de  Poséidon  llipi)ios.  Le  «iraclère  religieux 
de  la  danse  armée,  originaire  de  Plirygie  et  propagée  avec  les  rites 
des  Cabires  de  Saniothrace  dans  le  monde  pélasgique,  se  justi- 
fierait à  Mantinée  soit  parle  culte  de  Poséidon  Ilippios  (2),  soit 
par  celui  des  Anakes,  soit  par  celui  d'Ényalios,  soit  enfin  par 
celui  d'Uoplodamos,  (Zeus  lloplosmios,  patron  des  hoplites). 
Les  législateurs  empruntèrent  au  culte  cette  pratique  où  ils 
voyaient  des  avantages  pour  Péducation  militaire  de  la  jeunesse. 

Les  anciens  attribuaient  volontiers  à  un  peuple,  par  esprit  de 
simplification,  Pinvention  des  armes  ou  des  exercices  où  il 
excellait.  La  danse  en  armes  supposait  un  équipement  militaire, 
d'un  genre  particulier,  qu'on  appelait  Varmure  inanlinéenne  : 
oTcXidiç  jxavTivtxT^.  E|)liore,  cité  par  Athénée,  s'exprimait  ainsi  : 
((  Les  exercices  militaires  étaient  en  faveur  à  Mantinée  et  en 
Arcadie.  Aujourd'hui  encore,  l'équipement  guerrier  et  l'arme- 
ment archaïque  s'appellent,  du  nom  de  ceux  qui  les  ont  décou- 
verts, Parmure  mantinéenne  (3)  ». 

Ce  n'était  pas  tout  ce  que  Pon  devait  aux  Mantinéens  dans  cet 
ordre  d'idées.  La  danse  en  armes  pesantes  s'accompagnait  de 
combats  simulés  (6TrXop.a/ia).  L'escrime  en  armure  d'hoplite 
élait,  disait-on,  née  à  Mantinée  ;  l'école  deshoplomaques  manti- 
néens se  reconnaissait  pour  chef  un  nommé  Déméas,  si  toutefois 
le  texte  d'Éphoje  relatif  à  ce  personnage  n'est  |)as  altéré  (4). 

Cette  institution  de  l'escrime  hoplilique  nous  apparaît  liée 
à  une  aulre  invention  mantinéenne,  celle  du  combat  singulier 
(|i.ovo|jLa/(a). .  Au  dire  d'ilermippos  Kallimacheios  (5),  c'est  le 


(I)  Strab.  X,  p.  100. 
*  (2)  Un  Saon  figure  dans  le  cycle  de  l'oracle  de  Trophonios  (i*au.san,  IX.  40, 
1).  Ct*  nom  appartient  aussi  h  l'onomasti<iue  mantinéenne.  Voy.  l'Appendice. 

(3)  Mil.  IV,  p.  154,  D.  —  Fr.  hisl.  gr.,  I,  p.  m\,  fr.  97.  —  ■'E<popoç  8'ev 
'èxTY)  *IcTopiwv'  "Hdxouv,  (pY|(jl,  Ttt  7roXe|xixà  oi  Mavxivetç  xal  'ApxaBeç* 
TYjV  TÊ  (iToX7)V  TT,v  tcoXêjxixtjV  xat  TTjv  OTiXtcTiv  TTr|V  àp/afav,  o)ç  eupdvTwv 
exfeiVûjv,  6Ti  xal  vuv  MavTtviXT,v  ixTcoxaXoucTi.  ~  Cette  àpyaïa  57rXt<ji<  devait 
'ôtro  une  armure  conipR'tc  d'hoplite.  .'      •    • 

•    (4)  Eph.  ibid,  irpô;   Bk   toutoc;   xai    ô-ïrXoiJLa/iaç  jxaOV,<ieiç   Iv   Mavxtveia 
irpojTOv  cup60y,(yav,  Ay,|X60u  to  Ts^^vTrjfjLa  xaTa8£(;avT0ç. 

'(5)l  Aiitcur  d'un  livre  -irepl  No[i.oOéTcov.  l\  vivait  dans  la  dcu.xième   moitié 
dii  III»  è.  av*  J.-C.  Sur  1'èTriji.sXeia  et  l'àxoiêetâ  d'iiermlppds,  voy.  Joseph,  c. 
"/IjHok  !.  22.  —  Denys  il'llalic.  r/r /."<«?.•>.  l.'  "     *' 


LB  GOUVERNEMENT  ;   LES  INSTITUTIONS.  ^1 

législateur  Démonax  qui  aurait  fait  adopter  à  ses  compatriotes 
la  coutume  du  duel;  il  l'aurait  ensuite  implantée  à  Gyrcne  (1). 
Qu'étaient  au  juste  ces  |xiovo|xa/(ai  ?  S'il  s'agissait  de  combats 
de  gladiateurs,  on  ne  comprendrait  guère  l'admiration  d'iler- 
mippos  pour  une  innovation  si  contraire  au  génie  grec.  On 
comprendrait  moins  encore  que  le  nom  du  pacificateur  Démonax 
y  lût  associé.  Si  l'on  ï)ense  à  des  tournois  à  armes  courtoises, 
on  peut  juger  l'institution  peu  digne  de  la  sollicitude  d'un  légis- 
lateur. On  est  donc  induit  à  une  autre  supposition.  Ia\  coutume 
du  combat  singulier,  en  temps  de  guerre,  remontait  à  l'âge 
héroïque  de  la  Grèce.  Les  poèmes  homériques  et  les  légendes 
locales  sont  remplies  de  ces  duels  épiques  entre  héros  de 
marque  (2).  On  vit  parfois  deux  peuples,  désireux  de  vider 
leur  querelle  sans  une  grande  ellusion  de  sang,  confier  leur 
cause  i\  un  nombre  limité  de  champions  (3).  C'était  faire  œuvre 
de  législateur  que  de  transporter  cette  coutume  dans  le  droit 
juive,  de  façon  à  restreindre  les  représailles  entre  particuliers. 
Il  est  fort  probable,  en  effet,  que  dans  l'Arcadie  primitive, 
prototype  de  la  Corse  et  dti  Magne,  la  vendetta  était  en  honneur. 
11  y  avait  dans  le  tempérament  arcadien  un  fonds  de  violence 
indomptable.  On  le  vit  à  l'œuvre  à  l'époque  d'Epaminondas  et 
de  Lycomèdes;  plus  tard  encore,  comme  Polybe  nous  l'apprend, 
il  exigeait  une  surveillance  attentive  de  la  part  des  législateurs. 
La  rudesse  native  des  caractères,  les  instincts  pillards  devaient 
multiplier  les  rixes  et  entretenir  les  haines  de  clans  (4).  Même 

(1)  Ap.  Athen.  IV,  p.  i'ôi  1).  —  Fr,  hisL  grœc.  III,  p.  ;JG  ;  'Ep|xi7r7ro;  o'ev 
TcpioTi»)  llspï  Noi^oOeTtov  T(ov  [i.ovojji.a;(ouvT(ov  cupeTaç  aTro^aivei  MavTive?;, 
A'/||xc6vaxT0ç  evbç  xoiv  tioXitwv  fjo^^ouXeÙGOL^xo^'  xat  ^Y|X(uTà;  toûto'j 
YevéaOai  Kup'r|Va(ouç.  Suit  le  pussa^o  cité  plus  haut,  où  Kpluiru  allrlbuc.  A 
l)(';mciis  l'invcnUon  do  l'oscrimo.  On  soupçonne  que  l'Invention  de  Déinciis  cl 
celle  de  Démonax  n'en  font  qu'une  :  reste  à  savoir  si  le  nom  de  Déméas  est 
authentique  et  ne  doit  pas  être  remplacé,  dans  le  text(*-  d'KpIiore,  par  celui 
de  Démonax,  ou,  au  contraire,  si  llernilppos  n'a  ptis  arbitrairement  mis  au 
compte  du  fameux  législateur  Démonax  l'œuvre  d'un  autre.  Ou  sait  tout  ce 
que  les  anciens  ont  fait  endosser  à  Lycurgue. 

(2)  Voy.  plus  haut,  p.  254  et  suiv.  le  duel  d'Arélthoos  et  do  Lycurguc. 

(3)  Par  exemple,  le  fameux  combat  de  Thyréa  entre  les  trois  cents  Argicns 
et  les  trois  cents  Lacédémoniens  (llérod.  1, 82.—  Homolle.  DulL  de  Cor,.heUén: 
XXI,  p.  29G).  Cet  cpisodo{vcrs  547  av^  J.-C)  était  contemporain  de  Démonax. 
Cf.  la  légende  du  combat  des  Iloraccs  et  des  Curiaces. 

(4)  Les  Arc4idiens  modernes,  si  respectueux  de  l'étranger  et  si  accueillants, 
no  se  ménagent  pas  entre  eux.  Nous  avons  assisté,  en  quelques  mois,  A  plu- 
sieurs rixes  entre  indigènes.   Un  jour,  notre  champ  de,  fonilli's,  envahi  par 


352.  MANTINKB   KT   L'AHCADIE  ORIKNTALE. 

dans  une  ville  pieuse  comme  Manliuée,  et  cela  durant  la  pre- 
mière moilié  du  V^'  siècle,  un  épouvantable  forfait  ensanglanta 
les  lieux  saints  :  plusieurs  lioninies  et  une  jeune  (illc  furent 
massacrés  dans  Tasile  d'Aléa  (1).  Un  meurtre  engageait  toute  la 
famille  de  la  victime  à  recouvrer  sur  celje  du  meurtrier  le  prix 
du  sang.  Les  réparations  en  argent,  prévues  par  le  droit  {nimitif, 
ne  sulTisaienl  pas,  dans  la  pratique,  à  apaiser  les  ressentiments 
et  à  satisfaire  rhonncur.  Il  n*esl  donc  pas  im])ossible  qu'au  VI" 
siècle,  un  législateur  prudent  ait  eu  la  pensée  de  couper  court 
à  ces  mœui's  déplorables  par  l'institution  du  duel  légal  :  ou 
mettait  aux  prises,  loyalement  et  devant  témoins,  deux  cham- 
pions qui  représentaient  les  familles  ennemies.  Le  résultat  du 
duel  devait  mettre  (in  à  la  querelle,  étant  accepté  comme  un 
signe  delà  volonté  divine.  Ainsi  comprise,  l'institution  attribuée 
à  Dénionax  marquait  un  progrès  sur  le  désordre  des  coutumes 
antérieures.  Elle  ne  procède  pas,  comme  l'a  cru  Bacbofen  (2), 
du  môme  esprit  que  le  duel  judiciaire  au  moyen  Age.  Ou  ne 
sollicitait  pas  de  la  divinité  une  sentence  qui  fit  reconnaître 
l'innocent  du  coupable.  C'était  une  simple  mesure  de  préser- 
vation sociale,  et  une  application  au  droit  privé  de  la  cou- 
tume guerrière  des  combats  singuliers.  Elle  avait  pour  but 
d'obliger  les  familles  à  régler  d'un  seul  coup  leurs  mauvais 
comptes  ;  elle  supprimait  en  même  temps  les  traîtrises,  les 
perfidies  de  l'aveugle  vendetta,  habituée  à  frapper  au  gré  de 
ses  inspirations  haineuses  (3). 

deux  bandos  adverses,  présenta  le  spectacle  d'un  champ  de  bataille  avec 
fusillade.  Une  autre  fois,  on  apporta  k  notre  khani  un  jeune  berger,  le  ventre 
«mvert  d'un  coup  de  couteau  :  il  mourut  sous  nos  yeux.  Nous  vîmes,  sur  la 
place  de  Tripolls  (c'était,  il  est  vrai,  en  pleine  période  électorale),  un  individu 
décharger,  son  revolver  sur  un  groupe  d'adversaires  :  il  y  eut  morts  et  blessés. 
I^  maire  et  l'adjoint  d'un  des  gros  villages  de  la  Mantinique  avaient  chacun 
perdu  un  œil  à  la  bataille.  Les  vols  de  moutons  et  de  vendanges,  les  contesta- 
tions ù  propos  de  pAturcs  entraînent  souvent  de  sanglantes  querelles  :  il 
s'organisait  autour  de  nous  des  expéditions  nocturnes  pour  l'enlèvement  des 
troupojiux  et  des  marcs  de  raisin.  \\  n'est  pas  rare  de  lire,  sur  les  stèles 
funéraires  dans  les  cimetières  de  Ljiconlc,  du  Magne  et  de  Messénie,  sous  U\ 
nom  du  mort,  la  mention  :  (pov£«jOe{ç.  Les  paysans  do  ces  pays  circulent 
toujours  le  fusil  sur  l'épaule. 

(1)  Voy.  l'Inscription  archaïque  aux  Appendices. 

{i)  Muttcrrecht,  p.  ytîO.  —  Sur  le  droit  de  vengeance  privée,  voy.  Guiraud. 
Prop,  fonc,  p.  £'). 

(3)  On  pourrait  interpréter  dans  un  sens  analogue  le  mythe  de  la  Lykan- 
thropie.  L'homme  qui  a  goûté  de  la  chair  humaine,  c'est-à-dire  le  meurtrier, 
est  méUniiorphosé  en  loup,  autrement  dit,  Il  4*st  rejeté  hors  do  la  société  ;  il 


LK  gouvernement;  les  institutions.  353 

Tous  ces  exercices  et  ces  parades  (onnaieiil  un  art  co!ni)lexe,  l©s  parades. 
à  la  fois  musical,  poétique,  orcliestîque,  g:ymnasti(|ue  et  guerrier, 
où  toutes  les  aptitudes  de  TArcadieu  trouvaient  leur  emploi. 
Tous  les  Arcadiens,  nés  guerriers,  cultivaient  aveiî  ardeur  les 
exercices  du  corps,  comme  en  font  foi  les  catalogues  d*oIympio- 
niques  où  les  vainqueurs  originaires  de  Mantinée  abondent  (1). 
Mais  il  appartenait  en  propre  aux  Mantinéens,  estimés  entre 
tous  pour  leur  bravoure  (2),  d'avoir  fait  de  la  préparation  à  la 
guerre  un  élément  d'éducation  artistique.  Par  Tiieureuse  asso- 
ciation de  la  musi(|ue  vocale,  de  la  danse  et  de  Tescrime,  ils 
avaient  imaginé  un  geni-e  de  spectacle  où  se  combinaient  les 
effets  divers  de  chacun  de  ces  exercices  :  l'adresse,  la  vigueur, 
la  souplesse  individuelle  développée  par  Fescrime  en  armes 
pesantes,  la  discipline  et  la  précision  collectives  acquise  par 
les  évolutions  des  chœurs  d'hoplites  manœuvrant  en  cadence 
comme  une  petite  armée  ;  enfin  l'émotion  ])rofonde  des  chants 
graves,  religieux  ou  patriotiques,  scandant  les  pas  guerriers  et 
soutenus  ])ar  le  choc  rythmé  des  boucliers  et  des  glaives.  Ce 
symbole  de  la  force  i)liée  aux  lois  harmonieuses  de  l'eurythmie 
devait  charmer  entre  tous  l'imagination  des  Grecs.  Et  comme,  à 

devient  bandit.  l\  ne  trouve  de  sccuriLé  qu'en  clierclinnt  asilo  au  sommet  du 
Lycée.  SI,  pendant  dix  ans,  il  n'a  pas  commis  de  nouveau  meurtre,  la  pres- 
cription couvre  son  crime;  il  redevient  homme,  H  peut  rentrer  dans  la  société. 
Sinon,  il  reste  bandit  à  perpétuité  (Pausan.  VI,  8,  2.  —  VIII,  i,  C.  --  Varron  ap. 
August.  Civ,  Dei.  XVIII,  17.  —  Plin.  H.  N.  VIII,  .14).  —  Sur  les  hommes  sèpa- 
r(f«,  v.  Guiraud.  Vrop,  fonc.^  p.  82. 

(1)  Krause.  Gymn,  d.  Helleii,,  p.  7.TI.  —  ()lympioni(|ues  mantinéens: 
Samos  ou  Séros^  (ils  d'Malirrliolios  et  premier  vain(|ueur  à  la  course  de 

chars  à  quatre  chevaux  à   la   fête  héracléenne    d'Olynipie,    cité    par 

Pindare.  01.  XI,  Oî)-70.  Cf.  Schol.  fuL  h.  lac. 
PyUiarcluin  (course  des  enfants)  Olymp.  incertaine.  Paus.  VI,  7,  I. 
Kyuiskos  (pugilat  des  enfants)  ;  sa  statue  en   l)ron7.e  fut  exécutée  par 

Polyclête.  (I>aus.  Vi,  4-II).  Cf.  l'inscription  de  la  hase.  Arvh.  ZeiL,  1882, 

XL,  p.  ilK)  : 

liuxTaç  [tov  8*]  àvéO-fjxev  àw'eùooçoio  Kuvîdxoç 
MavTivéaç  vix*6v  Tiarpoç  tyov  ovofia. 
Prololaos,  fils  de  Dialcés.  (Pausan.  VI,  6,  1).  SUituo  par  Pythagoras  de 

nhégium. 
Àgaméior  (Paus.  VI,  \).  î)). 

Épicradios,  statue,  par  Ptollchos  d'Églnc.  Paus.,  VI,  40,  î). 
Nicodoros,  pugiliste  (le  législateur).  —  italien.  Var.  Hist.  II,  Èi,  23. 
Dromeua^  qui  remporte  le  prix  du  pancrace  àxoviTi,  dans  l'Olympiade  75 

(480).  Paus.  VI,  11,  2. 

(2)  Diod.  XV,  12. 

Mnntinét;.    —  24. 


3t)4  mantiNke  et  l'argadie  ohientalb. 

leur  goiit,  lîi  suprAme  beauté  se  composait  d'ordre,  la  plus  belle 
vision  qu'ils  eussent  de  la  patrie  prenait  l'apparence  d'un  chœur 
de  guerriers  évoluant  aux  sons  de  la  llûte  en  chantant  les  dieux 
nalionaux.  Comme  TAriîS  bithynicn,  l'hoplite  mantinéen  disci- 
plinait sa  fougue  dans  ces  tournois  où  la  force  pacîQéo  glorifiait 
la  cité  tout  en  égayant  les  yeux, 
u  pruVip,  les  Ainsi  les  arts,  à  Manlinée,  marchaient  de  pair  avec  la  religion 
leiirM  et  io«  Aris.  et  avcc  Ics  goûts  d'un  peuple  agricole  et  pastoral.  Us  étaient 
surtout  un  instrument  d'éducation.  I^  poésie  jouait  son  nMe 
dans  cette  œuvre  d'édification.  En  effet,  le  chant  choral  suppose 
forcément  l'existence  d'une  poésie  hymniqùe.  Les  hymnes 
religieux  ou  moraux  qui  servaient  de  support  aux  mélodies  d'un 
Tyrtaios  devaient  ressembler  h  ces  chants  doriens  eu  honneur 
à  Sparte.  On  y  célébrait  les  «lieux  et  la  patrie,  on  y  mettait  en 
vers  des  règles  de  conduite,  des  sentences  morales,  des  préceptes 
de  sagesse*  Photius  nous  a  transmis  le  nom  d'un  auteur  d'hym- 
nes originaire  de  Mantinée  :  le  poète  Philostéphanos.  Tout  ce 
qu'il  en  sait,  c'est  que  de  sa  vie  il  ne  porta  de  manteau  (1).  Ce 
trait  nous  fait  surtout  connaître  en  ce  poète  un  Arcadien 
endurci;  mais  on  peut  présumer  que  le  mérite  littéraire  d'un 
Arcadien  comportait  moins  de  délicatesse  que  de  force  et  d'élé- 
vation dans  la  i)ensée. 

En  dehors  des  législateurs,  des  hommes  politiques  et  des 
hiérophantes-i)hiIoso|)hes  dont  nous  avons  déjà  parlé,  on  ne 
cite,  en  fait  de  littéralcur  mantinéen,  que  Kydippos,  auteur 
d'un  traité  des  inventions  :  irepl  cùpv^aàTCDv  (2),  c'est-à-dire  encore 
un  de  ces  esprits  pratiques  qui  abondaient  en  Arcadie  :  Thistorien 
Polybe  en  est  le  ty[)e  accompli. 

.  Les  arts  qui  n'avaient  pas  au  môme  degré  que  les  précédents 
le  caractère  sacré  et  moralisateur,  qui  comportaient  plus  de 
«  dilettantisme  »,  n'y  trouvaient  pas  un  terrain  favorable  à  leur 
éclosion.  La  poésie  bucolique  a-t-elle  fleuri  en  Arcadie  autant 
que  l'a  cru  Virgile  ?  Elle  semble  nécessaire  et  facile  à  des  ber- 
gers, déjà  pourvus  d'aptitudes  musicales,  qui  ont  à  distraire  les 
loisirs  de  leur  vie  nomade  et  qui  ont  des  sensations  et  des  élans, 
plutôt  que  des  idées,  à  exprimer.  Les  Arcadiens  du  Ménale 
savaient-ils  donc  chanter  l'amour  et  la  nature  aussi  bien  que 

(1)  Pliotlus  od.  IJokkcr.  I,  p.  190,  41*  Extrait  de  Plolémcc.  —  Le  nom  du 
ciUiarôdc-aulèto  cité  p.  348,  note  5,  doit  ôtro  A.  Oùev[ou(rcoç  Eù^pjdffuvoç. 

(2)  Clem.  Alex.  Slrom.  1,  p.  308. 


LR   GOUVERNEiMBNT  ;    LES   INSTITUTIONS.  3;)5 

les  pfi  très  Siciliens?  On  le  suppose,  mais  on  n'en  sait  rien(l). 
'Quant  aux  arts  .plastiques,  ils  ne  pouvaient  prétendre  en 
Arcadieà  roriginalité  des  écoles  dorieimes  et  atliro-ioniennes. 
I^' religion,  pas  plus  que  la  société,  ne  favorisait  leur  essor.  Ce 
sont  Heurs  de  serre  chaude  qui  veulent  une  civilisation  raffinée 
et  une  imagination  inventive.  Le  syinl)olisnie  naturaliste  des 
..divinités  arcadiennes,  moins  personnel  et  moins  vivant  que 
•  ranthropomorphisnie  hellénique,  s'accommodait  d'emblèmes 
plus  grossiers,  d'idoles  frustes  (2),  de  simples  pieires  pyrami- 
dales (3)  ou  de  représentations  monstrueuses  dépourvues  de 
caractère  esthétique  (4).  Les  sanctuaires  les  plus  vénérés  étant 
«impénétrables,  les  statues  n'y  servaient  de  rien.  Zeus  Lycaios, 
Poséidon  llippios  se  passaient  d'effigies.  Aussi,  bien  qu'on 
puisse  citer  trois  ou  quatre  noms  de  sculpteurs  arcadiens  (5), 
dont  deux  élèves  de  Polyclète,  n'y  eut-il  pas  d'école  arcadienne 
originale.  Ce  sont  des  étrangers  (G),  surtout  des  sculpteurs  et 
des  architectes  d'Kgine,  d'Argos  et  d'Athènes  qui  se  chargèrent 
de  l'éducation  artistique  de  l'Arcadie  et  durent  la  pourvoir  de 
temples  et  de  statues.  Quand  les  alliances  eurent  noué  entre 
Athènes  et  Mantinée  des  rapports  d'intimité,  l'art  altique  lit 
dans  la  Haute  Plaine  une  entrée  triomphale  avec  les  œuvres 
d'Alcamène,  de  Praxitèle  et  d'Euphranor  (7). 

Les  malheurs  de  la  démocratie  ne  furent  pas  étrangers  à  ce 
mouvement.  En  exilant  en  385  les  démagogues  mantinéens, 

(1)  Voy.  De  la  Coiilonclic.  Mém,  sur  l'Arcadie^  p.  197.  Sur  GtTcldas  de 
Mégalopoli^,  tfr.,  p.  200. 

(2)  Les  colonnes  de  Zeus  Lycaios  (Paus.  Vin,38,  G;  30,  2);  lo  doigt  d'Oresto 
(VIII,  34). 

(3)  Paus.  VIII,  3ii,  C;  48, 0.  —  !nscr.  du  PHop.  352s  3:>2J.  —  Dull.  de  Corr. 
hellén.,  XX  (180(i),  p.  1{)8,  n*  2(î.  —  Voy.  plus  loin  flg.  iKJ,  p.  3S8. 

(i)  Eurynomé  (Paus.  VIII,  41 -i)  et  D(^jn<\ter  chevaline  de  Phlgalie  (Paus. 
VIII,42,4,7)  ;  Bérard.  Orig,  de$  cultes  arcad.  cli.  2.—  Cf.  (Kavvadias.  FouilUi 
de  Lycosoura)  les  flgures  reprêsonlécs  sur  lo  inantojiu  sculpte  par  Dainoplion 
de  Messène. 

(5)  Daméas  et  Athênodoros  de  Kleitor,  élôves  de  Polyclète  (Paus.  X,  9,  7)  ; 
Nicodamos  cl  Malnalos,  vers  420  (Paus.  VI,  G,  1)  ;  Samolas,  vers  3<»9  (Paus.  X, 
9,  {}).  Voy.  sa  signature  sur  le  monument  des  Arciidlens  à  Delphes  {Bull,  de 
Ctyrr,  hellen.  XXI,  1897,  p.  281.  —  Une  dédicace  do  l'époque  Impériale  (Bull. 
Corr,  hellén.,  XX  (189G),  p.  103,  n"  31),  trouvée  A  Mantinée,  fait  connaître 
un  sculpteur  nommé  Kpllynchanos  (jui  exécuta  la  slalue  en  hronxe  de  son 
fils. 

(G)  Ictinos  h  Hassa*,  Scopas  h  Tégée.  Voy.  p.  3:>3,  n.  2,  les  noms  des  sculp- 
teurs qui  ont  exécuté  les  sUilues  d'olympionlqucs  mantinéens. 

(7)  Paus.,  VIII,  9. 


35G 


MANTINKB   ET   L  AUCAOIR  OIUKNTALE. 


Agésipolis  ohliiçea  toul.  un  groupe  (riioinmcs  iniclligciils  à 
pîisscr  hors  de  leur  milieu  ordimiire  uu  la[)s  de  leuifis  assez 
long.  La  plupart  des  bannis  se  réfugièient  à  Argos  et  à  Athènes. 
Ils  revinrent  ensuite  dans  leur  patrie  renouvelés  par  Texil, 
alFinés  i)ar  le  cont<ict  des  plus  beaux  esprits  de  la  (irèce,  ou- 
verts désormais  à  des  idées  plus  larges  et  plus  modernes.  De 
ce  nombre  était  Lycomrde,  en  qui  s'allient  Ténergie  morale  de 
TArcadien  et  les  <lons  intellectuels  de  TAthénien. 


Les  institulions 
el  rhistoiro. 


Les  institutions  que  nous  venons  de  retracer  n'étaient  pas 
une  œuvre  artilicielle  et  de  pure  spéculation  comme  tant  d'autres 
constitutions  grecques.  Elles  nous  ont  ap])aru  comme  le  produit 
naturel  du  sol,  de  la  race  et  de  la  religion.  Cette  démocratie 
modérée  et  si  heureusement  é(iuilibrée  faisait  corps  avec  la 
cité.  Elle  s'ada[)tait  si  bien  à  la  tournure  d'esprit  et  aux  besoins 
de  la  population  qu'elle  était  comme  le  moule  de  la  patrie.  On 
s'explique  que  les  Mantinéens  Tait  défendue  avec  acharnement, 
également  réfractaires  à  rop[)ression  lacédémonienne  ou  thé- 
baine  et  à  ranarchie  des  montagnards.  Les  péripéties  de  cette 
lutte  remplissent  son  histoire  et  déterminent  ses  inimitiés  et 
ses  sympathies.  Tandis  que  Tégée  suivait  une  politique  d'intérêt 
bien  entendu  et  achetait  son  repos  au  prix  de  sa  dignité, 
Mantinée  mit  plus  d'idéal  dans  les  ambitions  qui  lui  valurent 
tant  de  soulTrances. 


a.  l'ig.  50.  b. 

T(*ssërcs  en  lerre-cuilo  (Voy.  Apiicnd.  Kpigr.  3»). 
a.  Dinm.  0.05.  —  Kp.  0.02  '  IlavTlvaç  'Eperpiavo.  —  b.  Dinm.  0.045.  —  Kp.  0.02  : 

"AVTITOÇ. 


LIVRE  IIL 


HISTOIRE. 


CllAlTfRE  l. 


LKS   OIUGINIlS    DE   L  ETAT   MANTINEEN. 


Tout  ce  qiron  sait  de  positif  sur  lesorigiues  des  deux  grandes  sudcs  «iircessir» 
ré]>ui)li(|ues  de  la  Haute  Plaine,  c'est  (fu'elles  débutèrent  par  le  <ie 

régime  (fue  les  Grecs  appelaient  xatà  xoîfjLàç  et  xaxà  oY,fjLouç.  Ou  a     **  rormaiion 
vu  (|ue  les  dèuies  niantinéens  étaient  au  nouihre  de  cinq,  dont  *'^    ^^  ^^'' 
les  noms  nous  sont  inconnus.  Il  semble  qu'il  y  ait  unegradation    ju^J^aTa 
dans  la  formation  des  |)etits  États  grecs,  et  dans  leur  marcIie       ovitAtuv, 
vers  la  centralisation.  utôXsiç. 

Tout  à  fait  à  Torigine,  on  distingue  le  régime  des  bourgades 
xcofiae  (p/d).La  xiojjltj  n'est  qu'un  hameau, résidence  de  la  famille 
(yévoç)  (]ui  exploite  son  domaine  collectif,  sous  l'autorité  patriar- 
cale du  chef  de  famille.  (Jette  agglomération  ne  se  rattache  à  ses 
voisines  par  aucun  lien  politique,  mais  tout  au  plus  par  des 
liens  moraux.  La  communauté  de  race  se  manifeste,  en  certains  I 

jours  de  fête,  par  la  réunion  des  habitîints  de  plusieurs  bour- 
gades autour  d'un  sanctuaire  vénéré.   Tel  est  l'état  primitif  / 
x(o|x7^oôv,  xocrà  xtofiaç,  (|u'Aristote  considère  comme  l'embryon  de  ; 
la  vie  politique  (1). 

(t)  Arisl.  PoHL  I,  1,  8.  —  Cf.  Slralwn,  ^37. 


358  MANTINÉR   KT  l'aRCADIE   ORIENTALE: 

Le  second  stade  est  représenté  par  Tétat  xo^xà  BiijiJLooç.  Le  dèriie  ' 
Ipagua)  résulte  de  Taugineutatioa  des  famillëè',  obligées  de  'se' 
démembrer  :  c'est  une  association  familiale,  tantôt  concentrée 
sur  un  même  point,  dans  une  agglomération  unique,'  dévelop-  ' 
pement  de  la  xo'>fi.Y|  primitive,  ou  bien  répartie  iwi  dehors  en  un'* 
certain  nombre  de  xwfxai  secondaires.  Le  dème  porte  on  général,'' 
soit  le  nom  du  chef-lieu  primitif,  soit  celui  de  Tancétre  commun  • 
dont  tous  ses  membres  sont  issus  :  tels  les  dèmes  tégéates  des  ' 
Botachides  et  des  Apheidantes(l).  Le  dème  forme  déjà  une  coni-'* 
mune,  dont  le  chef,  le  démiurfje,  est  i>robablemèiit  assisté  par  un  ' 
conseil.  Il  s'administre  lui-même,  sans  souci  de  ses  voisins  :  tel  i 
est  du  moins  le  régime  que  les  Lacédémoniens  restaurèrent- 
dans  la  Mantinique  après  le  diœcisme  de  385  (2).  ' 

Cependant  Tisolement  des  dèmes,  les  uns  par  rapport  aux 
autres,  les  mettait  dans  de  mauvaises  conditions  d'existence. 
Dans  ces  bassins  étroits  de  TArcadic  orientale,  le  régime  des 
eaux  imposait  Tenlenteaux  culti  valeurs  des  diiîérentes  parcelles 
du  territoire.  De  plus,  les  nécessités  de  la  défense  contre  les 
ennemis  voisins  devait  conduire  les  dèmes  à  Tassociation.  11  se 
forma  ainsi  de  petites  confédérations,  des  <ru<rT-^{i.aTa  Bti^jjlwv  ou  syn- 
télies  :  chaque  dème  conservait  son  autonomie  pour  les  affaires 
intérieures,  mais  tous  se  concertaient  en  vue  de  la  défense  du 
pays,  participaient  aux  charges  communes  de  la  milice  et  de 
quelques  travaux  publics,  et  reconnaissaient  des  chefs  communs 
en  cas  de  guerre.  A  dater  de  ce  moment,  si  ce  n'était  pas  encore 
la  cité,  c'était  du  moins  une  personne  morale  qui  naissait  a  la 
vie  historique.  Le  plus  souvent,  l'autorité  était  accaparée  [jar  une 
puissante  famille,  installée  dans  une  forte  position,  sur  une  hau- 
teur dominant  tout  le  pays.  Le  maître  du  chateau-fort  assurait 
la  protection  du  canton  et  donnait  asile  aux  habitants  si  le  ter- 
ritoire était  envahi.  Cette  citadelle  (htôXi;,  TcxoXteOpov,  uôXiç)  (.1) 

(1)  Puusan.  VIII,  45, 1.  —  Cf.  Guiraud.  Prop.  /bnc,  p.  09. 

(2)  Tel  est  aussi  le  slado  où  i)araissc^nt  sNMro  att«ird(^.cs  quelques  peuplades 
arcadiennes  qui  n'arrivèrent  pas  i\  s'unifier,  mais  restèrent  à  l'i^Uitsporadiquc 
(97copdS7)v)  jusiju'à  la  fondation  de  Mégalopolis.  Les  dèmes  des  groupes  ellinî- 
ques,  dôsignôs  par  les  noms  de  Ménaliens,  d'Eutrèslens,  de  Parrhasicns,  de 
Cynurlens,  formaient  autant  do  communautés  indépendantes  les  unes  des 
autres.  Existait-il  entre  elles  un  lien  politiiiue,  une  civitas?  On  ne  saurait  l'af- 
firmer. (Voy.  Busolt  :  Griech,  Gesck.  I,  p.  701.) 

13)  Thucyd.  II,  Iii  :  'II  àxpôïroXiç  yj  vuv  ouda,  ttoXiç  yiv.  —  Cf.  Pausan. 
I,  2(î,  G.  —  Plut.  PélopiiL  18,  l.  xà;  yxo  àxpOTïôXeiç  eTcieixo);  o'i  totê  tcôXciç 
(i>vdp,a^ov. 


LB8  ORIGINES   DB  L'ih'AT  MANTINKBN.  3Î)9 

était,  en  général,  le  noyau  de  la   ille  future  qui  devait  se  déve- 
lopper autour  d'elle. 

Nous  avons  analysé  plus  haut  les  éléments  dont  se  composait  u  dèm»  primitif 
la  population  de. la  Mantinique.  Quand  et  sous  quelle  influence,    <«•  ManUné*. 
de  ce  mélange  pélasgique,  béotien, achéen,  la  nationalité  man- 
tinéenne  s'est-eile  dégagée?   On  peut,   semble- t-il,   tirer  des 
légendes  et  des  traditions  locales  les  fails  suivants  :  l^  l'exis- 
tence d'un  abaton  primitif  de  Poséidon  Hippios,  situé  en  plaine, 
à  l'extrémité  de  l'Alésion,  sous  un  bois  de  chênes.  Ce  sanctuaire  . 
pélasgique,  transformé  par  les  occupants  ininyens,  était  très 
probablement  pourvu  d'un  oracle  ou  (xavretov  :  de  très  bonne 
heure,  il  se  forma  aux  environs  de  l'oracle  et  sur  les  bords  de 
rOphis  une  petite  agglomération,  appelée  MayT(vfita,  MavTivévj, 
MavT^vTi  (1),   c'est-à-dire  V   l^endroit  oh   l'on  interprète  les  ora- 
cles (2)  M.  De  ce  nom  a  été  dérivé  celui  du  londaleur  mythique, 
MavTtvooç,  MavTivouç  ou  MaTivreuç  (3). 

(1)  MavTtveta  est  la  forme  clnssiquo  d»ns  Thucydide,  Xônnpbon,  Polybo 
PluUinfun,  clc...  Homère  (II,  007)  ci  Ucrodotc  IIV,  101)  omploient  lu  fornio 
MavTcvi7|,  qui  devient  MavTivca  en  dorien  (l'Indare.  Olijmp,  II,  73.  —  Tlieo- 
Knostos.  Oin.  p. 103-20  ot  gramin.  Cram.  Anal.  II,  p.  300,28).  La  fonneHhK'gôo 
et  sans  doute  populaire  MavTtvT)  est  citée  par  Kt.  de  Ryzance  d'après  Ilcciiléo 
dcMileti'AY^p-piEia'  XéyeTai  xal  Mocvtivtj  xaxi  (TuvaXoi^-r|v  Trap  '  'Uxarafco. 
L'autour  des  Fr.  hist,  gr. i\o  Didot  semble  avoir  conclu  de  ce  passa)<c  qu'  'AyafA- 
\LtiOL  avait  été  le  nom  primitif  de  Mantinéc.  Etienne  de  llyzance  a  seulement 
voulu  rapprocher  deux  exemples  do  synalèphe,  et  diro  qu'^AyilAî^sta  est 
devenu  'Ayi^Lr^  comme  MavTiveta  MavT(v7).  Cf.  'EpuOeia,  VuxTaXéta,  et 
Kustath.  Coin  m.  ad  Hom.,  302.  —  L'ethnique  est  MavTiveuç  au  masculin, 
MavTtviç  et  MavTivixT^  au  féminin  (C.  I.  A  II  3,  3172-38.  -  Et.  Byz.  s.  V, 
MavTtveia).  En  latin,  on  trouve  les  deux  formes  M antinca  {Viïn,  IV,  î),  1. — 
Corn.  Nep.  Epam,  d)  et  Maniinia  (Ammlan.  2i5,  3,  7);  comme  ethnique 
Mantinienitis. 

(2)  Plutôt  que  «  la  ville  fondée  sur  l'ordre  d'un  oracle  »,  élymolo^'lc  tirée  do 
la  légende  de  la  fondation  xcltol  {ÀàvT£U{i.a  par  AutonwS.  Voy.  plus  haut,  p.  31?). 
—  Cf.  Etymol.  Magn.  s.  v.  Mavrfvcta.  —  Tozer.  Lectures  on  the  geographij 
of  Greece.  Londres,  1873,  p.  :J3;>.  -  Panofka  {PMtol.  u.  hhtor.  Abhandl.  der 
llerliner  Àkad,  4839,—  Berlin,  484 1,  pp.  H,:);)),  tire  aussi  MavTiveta  do 
jxâvTiç  et  l'interprète  dans  lo  sons  do  Seherstadt^  la  vlllo  du  devin.  Nadrowskl 
{^eue  Schtaglichter  atif  dunkrln  Gebielen  dr  griech.  u.  latein.  Etymol. 
Herlin,  1^88,  p.  \)i)  rapproche  ManUncia  et  Mantua,  tous  deux  dérivés  de  motis. 
Gra8b<»rger  {Stùdien  zu  den  griech.  Ortsnamen,  1888,  p.  27î))  critique  ces 
élymologles  Siins  en  proposer  aucune.  Les  autn^s  Interprétations  tirées  de  la 
racine  jiav  (ManUiyréa,  Mandyrion,  mansio)  n'ont  aucune  valeur. 

(3)  Sur  Ahiiilinr  us,  porc  d'Okhaleia»  femme  d'Abas  et  mère  d'Acrislos  et  do 
Pr.Tlos,  voy.  Apollod.  Ifibl.  Il,  2,  1.  Dans  la  liste  des  Lycaonldcs  {ib.  VIII, 
1,  3  ,  Il  est  appelé  Mantinous  iCf.  Tzctzôs,  Àd  Lycophr,  iHi.  —  NaUil.  Comm. 
IX,  9,  dans  les  fr.  hist.  gr.  I,  p.  31.—  Eustatb.  Comment,  ad  Itiad.),  302, 1. 


960  MANTINéR   ET  l'aRCADIR  ORIENTALE. 

2<>  Dans  la  partie  seplentrionnle  de  la  plaine,  en  face  le  dé- 
bouché du  bassin  d'Orcbomùnc,  s'élevait,  sur  une  colline  basse, 
une  acropole  antique,  appelée  IItoXiç  (1).  Celte  citadelle  était- 
elle,  à  Torigine,  une  dépendance  des  seigneurs  minyens  d'Or- 
choinène?  Cela  n'est  pas  improbable.  La  première  occupation 
étrangère  qui  parait  s'être  superposée  dans  la  Mantinique,  aux 
Pélasges  aborigènes,  est  une  occupation  minyenne  :  les  origines 
minyennes  du  culte  de  Poséidon  Hippios  et  de  Déméter-Gè  ne 
paraissent  pas  contestables.  La  Mantinique  aurait  donc  subi,  A 
l'origine,  la  dominai  ion  d'Orcbomène.  Ensuite,  après  l'instal- 
lation des  Ai)heidautes  dans  la  Haute  Plaine,  elle  aurait  été  dis- 
putée par  les  nouveaux  venus  et  soumise  dès  lors  à  l'influence 
acbéenne.  Argos  et  Tégée  auraient  tour  à  tour  dominé  dans  ce 
canton.  Le  déclin  de  l'hégémonie  d'Orcbomène  dans  la  Manti- 
nique au  profit  d'Argos  ou  de  Tégée  eut  pour  conséquence 
l'abandon  de  l'ancienne  Ptolis  :  la  bourgade  de  Mantinée,  située 
près  de  l'abaton  de  Poséidon,  giiV,e  à  la  célébrité  du  sancluaire 
et  à  sa  position  privilégiée  sur  le  carrefour  des  roules  d'Argos  et 
de  Tégée,  prit  un  développement  considérable;  elle  devint  le 
centre  effectif  de  la  région;  son  nom  servit  d'ethnique  commun 
à  tous  les  habitants  du  canton.  C'est  elle  qui  est  désignée  dans  le 
Catalogue  de  Vllitide  sous  le  nom  de  Mantinée  Vaimahle,  MavTivev^ 
ipaTfiivYi  (2).  On  peut  supposer  que,  dès  le  IX®  siècle,  la  popu- 
lation de  la  Mantinique  formait  un  Etat  composé  de  cinq 
dèmcs,  avec  Mantinée  pour  chef-lieu  et  Poséidon  Hippios  pour 
dieu  principal  (3). 

Toutefois,  avant  le  VI'-  siècle,  Mantinée  ne  joue  aucun  rôle 
personnel  dans  riiistoire  primitive  de  l'Arcadie;  elle  ne  figure 
pas  parmi  les  capitales  des  rois  arcadiens;  on  pourrait  conclure 
qu'elle  subit  assez  longtemps  l'hégémonie  de  Tégée,  comme 
semblerait  rindicjuer  la  légende  du  duel  d'Aréîthoos  et  de 
Lycurgue  (4).  A[)rès  quoi,  Orchomène  reprit  po.ui*  un  temps,  avec 

(i)  Voy.  plus  liant,  p.  118. 

(i)  IL  II,(i07:  xal  Tsy^Tiv  ei/ov  xat  MavTiVÊTjV  êpaT6tvr,v.  —  RusUith.  m 
h.  /.,  302  :  Si^Ti  TtcBiocç  ian  xal  itoXuàjxTteAoç.  —  Mc^niMas  auniit  parcouru 
l'Arcadio  pour  y  lover  des  Iroupos  (Paus.  VUI,  ÏTJ,  3).  On  en  a  conclu  quo 
l'Arcadlo  était  sous  la  suzoralnotô  dos  anaklos  d'Argos.  Par  conlro-roup, 
les  divinités  localf!S  di;  la  Haute  Plaiiii;,  liiyssr.,  Pênôlopo,  Ar6Uli(N)S,  p:i8S(*nt 
dans  les  légendes  actiéenne^. 

(3)  D'après  Phylarque,  cité  avec  ironio  par  Polybc  (II,  1)0,  2),  Mantinée  aurait 
été  une  des  villes  les  plus  anciennes  de  l'Arcadie. 

(4)  Schwcdier  (De  reb.  Mantin.  1)  pense  ({ue  la  légende  d'Autonoé,  fille  de 
Cépliée,  flls  d'AIéos,  indlifue  que  Ins  Apbeidantes  de  Tégée  ont  aidé  les  débuLs 
de  la  cité.  Nous  avons  interprété  dilTéreniment  cette  légende  (voy.  p.  315). 


LRS  OnifîINKS    OR   l'ÉTAT   MANTINKKN.  361 

Aristocrates,  Tallié  des  Messéniens  dans  la  seconde  guerre  de 
Mcsséiiie  (vers(îW),  et  avec*  son  fils,  Aiistodéinos,  la  dircctiondo 
rArcadieentière  (1).  Il  n'est  [)as  non  plus  question  de  Mantinée 
dans  les  événenïents  (|ui  accompagnèrent  la  clnile  de  Pliidon 
d'Argos,  ni  dans  les  luttes  (lue  soutint  Tégéeconlie  les  Spartiates 
au  Vll«etau  Vl«  siècles  (2). 

(1)  Strnb.  VIII,  p.  .T.2.  —  Pausan.  IV,  17,2;  VIII,  ",,  13.  CVst  pout-Mroaprrs 
la  cliulo  d'Arl8locrat<Ss  qiio  Irs  ManUn<^nns  oX  los  Orclioinriilrns  concluront 
une  convmUon  rolaUvuA  l'ailiiiinlstration  cuiiimumMJu  siinrluairo.  il'Artéinis 
llymnia.  (Pausan.  Vlil,  13,1.) 

(2)  Un  passage  de  Polyalnos  (11,  13)  fait  allusion  îi  une  prise.  ii<>  ManUnée  par 
le  roi  (le  Sparte  Kurypon,  vers  le  X'  si«V|e.  1^^  fait  est  absolument  Invraisem- 
blable, h  cette  (^p<M|ue,  surtout  dans  les  circonstances  relatées,  puisque  Mantinée 
n'exisUiit  pjis  encore  comme  place  fortiliée.  Polyainos  a  confondu  avec  qucU|ue 
épisode  dc^s  guerres  d'Agis  et  de  Cléomène  (v«»y.  plus  bas,  p.  4îW).  La  leçon 
Aïyivav  vjp-rjxÔTaç,  qui  suppose  une  prise  d'Kgine  par  bîs  Arradiens,  a  Induit 
en  erreur  Dt.  Mftiler  et  d'autres  historiens  (De  la  Coulonclie.  Mémoire  sur 
l'ArCfid^  p.  138)  ;  elle  doit  être  corrigée  en  ^Ayiv  àv/jpTjxôxaç  —  Cf.  Ilolm. 
Cwriech,  Geschichlc,  I,  p.  211,  et  Dusolt.  GrUch.  Gesch.l  p.  (RXt,  note  3. 


l-ig.   51. 
Tessère  en   terre  ciiilp. 

Dinm.  o.o«5.  —  f:|).  0.01.  -  'IjxJ.Tfiôia;  [TfiXa  VJîT'au. 


CUAPITHK   II. 


MANTÎNÉE  au    VI®  SIÈCLE  ET   PENDANT  LES  GUERRES   MÉDIQUES. 


Arbilrage 

des  Manlinéens 

à  Scillonte 

(avant    570). 


Uabstenlion  de  Mantinée  dans  un  conflit  où  Tindépendauce 
commune  était  en  jeu  prouve  déjà  l'acuité  du  dissentiment  entre 
les  deux  peuples.  La  question  des  eaux  les  avait  déjà.brouii-. 
lés.  Ils  devaient  songer  à  prendre  des  précautions  l'un  contre 
Tautre.  C'est  pourquoi  les  Tégéates  vaincus  acceptèrent  si  faci- 
lement et  respectèrent  si  longtemps  la  convention  qui  leur 
assurait  la  paix  du  côté  du  Sud  avec  un  appui  éventuel  contre 
leur  ennemie  du  Nord  (1). 

Peut-être  aussi  l'attitude  des  Manlinéens  s'explique-t-elle  par 
la  prudence.  L'absence  d'une  enceinte  fortifiée  les  rendait  cir- 
conspects. Mais  déjà,  dès  les  premières  années  du  VI®  siècle,  à 
défaut  de  puissance  matérielle,  ils  avaient  dans  le  monde  grec 
une  situation  morale  excellente.  Avant  570,  les  Scillontiens,  se 
trouvant  dans  une  situation  troublée,  firent  appel  à  l'arbitrage 
des  Manlinéens,  invoqués  en  qualité  de  xocxadTâTai  (2).  Cette 
démarche  fut  inspirée  aux  Scillontiens  par  la  sagesse  reconnue 
des  Mantinéens  et  par  leur  indépendance  à  l'égard  de  Sparte  (3). 


(1)  Le  traitiS  qui  faisait  de  Tégôo  le  satellite  do  Sparte  <Arist.  ap.  Plut. 
Quaest.  grœc.  î>  et  quœst.  rom,  Hi)  suivit  l'expédition  deç  rois  Ariston  et 
Anaxandrldas,  vers  5:i0.  Il  ne  fut  rompu  que  vers  479-454  (I16rod.  IX.  35). 

(2)  CoUItz-Rechtcl.  1151,  1.  17  :  int  (lie)  erpaicov  :  TOtf)  MavTtv7i<ri.  —  La 
destruction  de  Scillonte  vers  570  (Pausan.  V,  0,  4.  —  VI,  22,  4)  marque  le 
terminus  an  te  quem. 

(3)  En  eflet,  les  Scillontiens  avaient  pris  parti  pour  Pise  contre  Élis  (Pausan. 
V,  6,  4).  Leurs  troubles  étaient  sans  doute  fomentés  par  la  faction  éléenno, 
appuyée  par  Sparte.  En  elîet,  c'est  avec  le  concours  de  Sparte  que  les  Klécns 
purent  écraser  Plse  en  572,  et,  peu  après,  Scillonte  (Eph.  ap.  Strab.  VIII,  358, 
355,  357.  Pour  la  chronologie,  voy.  Busolt.  Griech.  Gesck,  I,  p.  604,  n.  4.)  11 
faut  aussi  se  rappeler  que  les  Argiens,  les  Arcadiens  et  les  Pisates  avaient  été 
les  alliés  de  la  Messénie  contre  Sparte. 


MANTINKR  AU   VI*  SIRCLK   RT  PENDANT   LRS   GURRRKS   MKDIQUES.      363 

C'est  la  môme  réputation  qui  désigna,  quelques  années  plus  R^monM 
lard,  vers  tî50,  leMantinéen  Démonax  au  sullrage  de  la  l'ylliie,  *',,  f^nxinét, 
consultée  i)ar  les  Cyréuécns  sur  le  choix  d'un  réformateur  (1).  de cyréuc  (r»5o ?). 
En  désignant  l'obscure  et  sage  Mantînée  à  l'imitation  des 
Cyrénéens  l'oracle  prouvait  l'indépendance  de  sou  jugement  et 
son  sens  jmlitique.  Sparte,  alors  maîtresse  de  la  [ïIus  grande 
partie  du  Péloponnèse,  était  reconnue  pour  la  piemirre  puis- 
sance du  monde  grec.  Ses  traditions  rappoitaient  ;i  des  colons 
d'origine  lacédémonicnne  la  fondatitm  de  Cyrène.  Les  éléments 
péloponnésicns  composaient  le  tiers  do  la  po|)ulation  cyré- 
néenne.  L'arbitrage  de  S[)arte  paraissait  donc  indiqué  de  piélé- 
rcnce  à  tout  autre  dans  les  allaires  de  Cyrcnc.  Pourtant  la 
Pythie,  qui  se  plaisait  parfois  à  faire  la  leçon  aux  ])uissants, 
mit  en  avant  le  nom  d'une  petite  république,  d'humeur  libre 
et  pacifique,  qui  n'avait  pas  encore  eu  l'occasion  de  faire  parler 
d'elle.  La  sagesse  de  ses  lois  semble  avoir  été  la  seule  recom- 
mandation de  Mantinée,  car  les  rapports  religieux  cntie  Cyrène 
et  PArcadie  relevés  par  les  mythologues  sont,  ou  bien  douteux, 
ou  postérieuiî^  (i  la  missicm  de  Démonax  (2).  D'ailleurs,  les  Grecs 
n'exportaient  le  [)lus  souvent  dans  les  colonies  que  des  consti- 
tutions éprouvées.  A  cet  égard,  la  sanction  de  Delphes  constituait 
une  garantie  des  plus  honorables. 

Le  pacte  conclu  entre  Tégée  et  Sparte  devait  entraîner  l'adhé-  .suuniion politique 
sion  volontaire  ou  forcée  des  autres  villes  d'Arcadic.  Dcsoimais,  •*«  Mnniim-e 
la  position  de  Mantinée  devenait  bien  nette;  déjà  toutes  les 
causes  qui  détermineront  sa  politique  ultérieuie  entrent  en 
jeu.  Son  antipathie  contre  sa  voisine  du  Sud  s'accroît  de  la 
sympathie  de  Tégée  pour  Sparte.  Sa  rancune  contre  le  voisin  du 
Nord  ne  désarme  pas,  même  après  le  déclin  de  la  puissance 
d'Orchomène.  Sans  doute  les  Orchoménieus  avaient  renoncé  à 
toute  tentative  sur  la  Mantinicjue.  Mais  il  leur  restait  de  l'ancien 
empire  des  Élatides  la  suzeraineté  surquel([ues  communautés 
ménaliennes,  sur  Méthydrion,  Theisoa,  Teuthis,  c'est-à-dire  sur 
le  massif  central  d'Arcadic  jusqu'aux  confins  d'iléraia  et  de 
Psophis  (3).  A  mesure  que  la  république  mantinéenne  croissait 
en  forces,  elle  éloulTait  dans  son  étroit  bassin.  Or,  la  suprématie 

(1)  KaTapTiffTv^p.  Urrod.  IV.  1(H.  —  Diod.  VIII.  30  :  (TTXdewç    BiaiTTiT'/jç.. 
—  Voy.  plus  liHut,  p.  333.  —  Coia  se  passait  sous  le  r^gne  de  Battos  III. 

(2)  Voy.  Sludnic7.ka.  Kyrenc.  —  D'après  lui  Cyréné  serait  une  hypostase  de 
l'Arlf'^iiils  arcadirnno  ou  Kyllcné. 

(3)  Pausan.  VIH,  27,  4. 


AU   VI«  el  AU    V« 

siècle. 


3G4  MANTINKE   ET   l'ARCADIF.  ORIENTALE. 

(rOrchoinène  sur  les  canlons  limitrophes  gôuait  ses  velléités 
<rex])ansion.  Taid  venus  clans  le  (U)llège  des  puissances  arca- 
(liennes,  les  Mantiuéens  trouvaient  les  meilleurs  lots  adjugés  à 
des  compétiteurs  plus  anciens  et  mieux  armés.  Car,  si  la  vie  en 
dèmes  convenait  à  leuis  instincts  de  peuple  agriculteur,  en 
revanche  Tabsence  de  ville  nuisait  à  leur  sécurité  et  à  leur 
ambition.  Il  leur  man(|uait  la  base  stratégique  d'une  place  forte. 
Entre  Tégée,  depuis  longtemps  uniliée(l}  et  appuyée  par  Sparte, 
et  Orchomène,  soutenue  par  ses  possessions  ménaliennes,  Man- 
tinée  se  trouvait  isolée,  sans  autre  es[)oir  de  renlort  que  du 
côté  de  TAigolide.  Argos,  encore  puissante  malgré  ses  revoi's, 
persévérait  <lans  sa  résistance  à  Sparte,  avec  d'autant  plus 
d'énergie  que  la  soumission  de  Tégée  assurait  aux  armées 
Spartiates  l'entrée  de  la  Thyréatide  et  isolait  la  Cynurie  (2). 
Aussi  la  haine  du  même  enneuii  dut-elle  rapprocher  de  bonne 
heure  Argos  de  Mantinée.  Au  siècle  suivant,  après  le  triomphe 
de  la  démo<!ratie  à  Argos  (vers  4(50),  la  communauté  des  consti- 
tutions allait  s'ajouter  à  celle  des  intérêts  extérieurs.  D'Argos 
venaient  aux  Mantinéens  l'appui  moral  et  les  renforts  matériels. 
Les  Argiens  comptaient, en  retour, sur  les  recolles  et  sur  la  cons- 
tan(!e  de  leurs  amis  arcadiens.  L'alliance  tégéalico-laconienne 
trouvait  son  contrepoids  dans  <etle  combinaison. 
Mantinée  Cependant,  a])rès  550,  les  Mantinéens,   faute  de  remparts, 

dansiARynimachic  n'cussenl    poiut  tcuté  (l'enraycr  les  progrès  de  l'hégémonie 
lacédémonienne.  Spartiate.  Lcur  bou  vouloir  pour  Argos  ne  pouvait  être  que 
platonique.  Ils  s'abstinrent  de  concourir  à  la  défense  de  la 
ïhyréatis. 

Il  leur  fallut  suivre  Tégée  <lans  la  symmachie  qui  gagnait 
tout  le  Péloponnèse;  seules  l'Argolide  et  l'Achaïe  s'en  préser- 
vèrent. D'ailleurs,  le  régime  que  Sparte  imposait  alors  à  ses 
alliés  valait  mieux  (|ue  celui  qu'elle  inaugura  j)lus  Uird.  Klle 
traînait  les  Péloponnésiens  à  la  gueire,  mais  n'exigeait  que 
leurs  milices,  n'imposait  pas  de  contributions  régulières  (3), 

(1)  Lo  synœcisinc  dns  neufs  dtSincs  t(\g(^iloâ  pnratl  romontor  hu  IX*  ou  au 
VIII'  8lftclc. 

(2)  Os  doux  provinces  furent  enlevions  ft  Argos  vers  le  nilllou  du  VI*  siècle, 
(llérod.  I,  «2, 83.  —  Busolt.  Griech,  Çesck,  II,  p,  :W0). 

^3)  Les  dépenses  dos  expéditions  étalent  parta^'î^s  entre  les  alliés  au  prorata 
de  leurs  moyens  (Thucyd.  I,  10;  II,  7.  —  Plut.  Àrist.U,  —  DIcmI.  XIV,  17.  — 
Àpopht.  Lac.  7).  On  a  trouvé  .'i  Tégée  un  relevé  des  sommes  versées  aux 
Lacédémoniens  en  vue  d'une  guerre.  {Inscr.  graec,  antiquis.  r>9). 


MANTINÉE  AU  VI*  8IËGLK   ET   PENDANT  LES   GUERnES   MKDIQUES.      365 

intervenait  avec  ménagement  dans  leurs  aJTaiies  intérieures, 
en  usant  de  son  influence  plutôt  que  de  son  autorité,  en  faveur 
des  partis  oligarchiques  (1).  Toutefois  Mantinée,  foyer  de  démo- 
cratie, était  une  alliée  fort  suspecte.  Tégée  la  surveillait  de 
près,  et  Sparte  trouvait  dans  l'impuissance  des  Mantinéens  la 
meilleure  garantie  de  leur  fidélité  ou  de  leui*  lésignalion.  Ce 
n'est  certes  point  alors  qu'elle  eût  permis  à  leurs  dèmes  de 
se  grouper  en  une  ville  entourée  de  murailles.  C'était  répo(|ue 
la  moins  favorable  h  un  synœcisme.  L'ajournement  de  cet 
épisode  capital  de  Tliistoire  mantinéenne  était  commandé  par 
les  circonstances  :  aussi  ne  saurait-on  lui  assigner  une  date 
antérieure  au  V«  siècle  (2). 

La  participation  des  alliés  aux  expéditions  de  Sparte  durant 
la  deuxième  moitié  du  VI®  siècle  et  le  début  di  V«  fut  très  irré- 
gulière et  non  exempte  de  défections  (3). 

La  sanglante  défaite  d'Argos,  qui  coûte  à  cette  ville  6.000 
hoplites  (4)  laissait  le  Péloponnèse  désarmé  contre  Sparte. 
Quand  éclata  la  premièi-e  guerre  médique,  Sjïaile  surprise  par 
l'appel  tardif  d'Athènes  n'eut  pas  le  temps  de  lever  les  milices 
péloponnésiennes.  Quand  ses  2.000  S[)artlates  arrivèrent  en 
Attique,  Marathon  était  déjà  un  fait  accompli  (5). 

(1)  Tliucy«l.  F,  10.  Isocrnlf^  oxji^^mto  {Panalhen.  40  ot  l'iCi)  ht  brutîilUô  du 
nVj^lmc  spiirUato  avant  la  ^uorro  <lu  Pôluponnèso.  O  Tut  colto  f^uorro  (jiii 
oxaspôni  lo8  caracU'ircs  ol  roinlil  plus  pesant  \v  joug  du  vainqueur  (Tluiryd. 
I,  7(>).  Kn  fait,  avant  la  KH<*rrr  du  Pôloponnrsr,  il  n'y  avait  pas  do  llguo.  pro- 
prcMUont  dite  dans  ta  Péninsule  :  c'était  plutAt  une  série  d'alliances  p:irti- 
culièros  ciu'un  système  fédéral  ré«?ullêreinent  organisé  en  xo'.vôv.  Il  n'y  avait 
pas,  seinl)ln-t-il,  tic  synédrion  péloponnéslrn  sous  la  présidence  de  Sparte  : 
les  aillés  étaient  parfois  convoqués  il  Sparte  (llérod.  V,  î)l).  D'ordinaire 
Sparte  réclamait  les  troup(*s,  sans  toujours  dire  ce  qu'elle  en  viuilait  faire 
(IlénHi.  V,  7t).  Les  mesures  d'exécution  n'étalent  pas  prises  vn  commun  par 
les  représentants  des  Klals.  Il  s'ensuivait  des  Incohérences,  drs  divisions,  des 
défections.  Les  CorinthiiMis,  entraînés  par  Cléomêni^  contre  Alliènes,  doutent 
de  la  justice  de  celte  démarche  et  abandonnent  le  i>oi  (llérod.  V,  75). 

ii)  Busolt,  après  avoir  soutenu  (L'ikei  timonier,  p.  121»)  l'ancienneté  du 
synoîclsme  de  Mantinée,  vient  de  rectTrT  son  opinion  {Gricc/i,  Gesch.  III, 
1897,  p.  119).  —  Voy.  plus  loin,  p.  372  etsuiv. 

(3)  Par  ex.  celle  des  Corinthiens  en  507  (llérod.  V,  7o);  et  celle  des  chefs 
Arcadlens  soulevés  par  Cléomêne  entre  490-i80  (Hérod.  VI,  74  et  84).  La  cam- 
pagne do  Cléoméno  contre  Argos  vers  494  fut  conduite  avec  les  seuls  Spar- 
Uales  (llérod.  VI,  7(>).  C'est  c'i  tort  que  Pausiinlas  (III,  4,  l)  y  mélo  des  con- 
Ungents  alliés. 

(4)  lléro«l.  VI,  80.  —  VII,  148.  —  llusoU.  Griech.  Gesch,  II,  p.  562. 
V6)  llérod.  VI,  lOu  cl  120.  —  Ilauvclto,  HèrodoU,  p.  255. 


,  366  .   MANTINKE   KT   L*AIICADIE  ORIENTALE.*      ...«M'        v 

u  2«  guerre    ..•  A  i'approche  (le  la  seconde  invasion  mé(|ique  en.480,  môme 
médique.      lenlcuT  (Ic  la  part  de  Sparte,  mi^nie  hésitation  de  la  î part  ides 
Thermonyio»  cl  h  P^l^ponnesicns.    Argos,  aifi^ne  par  ses  desastres,  et.  toujours 
risihme       incapable  de  marcher  sous  les  ordres  de.  Sparte,  préfère  médi- 
(*80).        ser;  chez  d'autres,  le  médisme  opère •  sourdempnt  (1).  Sparte 
prend   le  temps  de  célébicr  la  fêle. «l'Apollon  iCarnéios  ;  'les 
alliés,  à  son  exemple,  allaient  s*al)andonner  aux  joies  de  la  pa- 
négyrie  olympique  (10  au  20  août  480))  (2).  Sparte.se  décida 
enfin  à  I expédier  aux  Thermopyles  ses  300  Spartiates  et  1000 
Périèques  (3).  ..■.'/       •     ;:      .'     ■.  »/ 

!  Les  villes,  réglant  leur  eflort  sur  le  sien,  promirent  beaucoup 
et  donnèrent  peu.  Chacune  d'elles  adjoignit  à  Léonidas  une 
petite  troupe  avec  ses  cadres  (4).  Il  y  eut  en  tout  1120  auxiliaires 
ai'cadiens,  dont  500  Tégéales,  500  Mantinéens,  î  120  Orçhomé- 
niens,  et  1000  hommes  des  autres  cantons,  qu'Hérodote  ne 
désigne  pas  nommément.  Ces  chiffres,  reproduits  par  Pausa- 
nias  (S),  représentent  une  faible  partie  des  effectifs  que  chacun 
des  Etats  contribuants  eiH  pu  mettre  en  ligne  avec  jdus  de  bonne 
volonté.  Mais,  comme  ils  sont  proportionnés  à  l'ensemble  des 
hommes  ca|)ables  de  prendre  les  armes,  ils  donnent  une  idée  de 
la  puissance  respective  des  cités.  •  ' 

On  constate  que  les  deux  villes  de  la  Ilaule-Plaine  sont  sur  le 
pied  d'égalité  ((>).  Leurs  contingents  réunis  équivalent  à  ceux 
du  reste  des  Arc^idiens,  moins  Orchomène.  L'infériorité  d'Or- 
chomène  éclate.  En  somme,  malgré  la  faiblesse  de  TeiTort, 
Sparte  avait  obtenu  plus  qu'elle  ne  donnait  elle-même.  Dans 
les  épisodes  ([ui  suiviient,  le  contingent  de  Mantinée  dut  faire 
comme  les  autres  :  le  deuxième  jour  de  ratta(iue,  aux  Thermo- 
pyles, clia(|ue  coi]»s  auxiliaire  donna  à  tour  de  rùle  (tin  août 
480)  (7).  Mais  quand  ils  se  virent  tournés,  leur  zèle  faiblit.  Plu- 
sieurs chefs,  au  Conseil,  proclamèrent  la  nécessité  du  déi)art  et 
reprirent  le  chemin  de  leur  ville.  Léonidas,  les  voyant  si  mal 


(1)  Ilrroil.  VIII,  7:î. 
(i)  Héroil.  Vin,  2(». 

(3)  Hi-rcMl.  VII,  i05.  —  Diod.  XI,  V. 

(4)  llôroil.  VII,  20i-20t;  2*8. 

(i>)  X.  20,  2.  —  Ilauvollc,  Hérodote,  p.  358. 

((>)  A  Platôo,  les  TégÔHlos  sont  1;K)0,  los  Orclioriu^nlons  (KX)  (llérod.  IX,  28). 
(7)  lli^rod.   VII,  212.   01    U  "EXXt,v£<;   xaTa  xàÇeiç   tc   xal   xatà    lOvca 
X6XOff{i.T,pL€vot  Tjffav  xtti  8v  jJLfipei  6xa(TT0i  l|xâyoyTO. 


MANTIN^E  AU   VI*  SIÈCLE  ET   PENDANT  LES  GUERRES  MÉDIQUES.      367 

disposés,  désirant  peut-élre  ménager  le  sang  gre<',  renvoya  les 
autres  d'olTice  (1); 

La  mort  de  Léouidas  rappela  les  Pélo|)onnésiens  inconscients 
au  sentiment  de  la  réalité.  Cette  fois,  les  milices  sortirent  des 
villes  au  complet.  Cléombrote,  frère  de  Léonidas,  les  concentra 
à  risthine  sous  son  commandement.  Il  y  en  avait  plusieurs  my- 
riades, au  dire  d'Hérodote.  Ils  élevèrent  un  mur  en  ti*avers  du 
passage,  convaincus  qu'ils  allaient  réellement  faire  du  Pélopon- 
nèse Tacropole  de  la  Grèce  (2).  Personne  ne  manquait  parmi  les 
Arcadiens  (3);  les  Mantinéens  figuraient  donc  au  nombre  des 
travailleurs.  Argos,  TAchaïe  et  d'autres,  n'avaient  cure  du  Mède, 
étant  en  bonne  intelligence  avec  lui  (4).  Mais  la  victoire  de  Sala- 
mine  (27  ou  28  sept.  480),  en  coupant  aux  barbares  le  chemin 
de  la  péninsule,  rendit  inutiles  les  travaux  des  uns  et  la  dupli- 
cité des  autres  (U). 

Cependant  le  mur  ne  fut  pas  abandonné.  L'année  suivante,     M«niiiié«*  * 
au  moment  où  Mardonius  campe  sur  les  ruines  d'Athènes,  où        ruirr» 
les  Athéniens  aux   abois  couchent  à  Salamine  et  sur  leurs        <^^^)- 
navires,   Sparte  prend  encore  son    temps  pour  célébrer   les 
llyakinthia  (mi-juin  479).  Les  éphores   aflichenl  sans  pudeur 
l'égoisme  de  leurs  desseins.  Le  rempart  de  l'isllime  terminé,  le 
Péloponnèse  rassuré  déclarait  ne  se  soucier  ni  de  ses  promesses 
ni  du  reste  des  Grecs  (G).  Mais  un  homme  de  sens,  le  Tégéate 
Chiiéos,  représentai  que  le  mur  de  l'isthme  ne  barrait  pas  la 
vaste  étendue  des  côtes,  et  qu'il  valait  mieux  mettre  le  barbare 
hors  d'état  de  débarquer.  Sans  la  crainte  salutaire  que  produi- 
sit son  raisonnement,  le  Péloponnèse  eût  de  sang-froid  laissé 
les  Athéniens  succomber  ou  se  rendre  (7).  Les  Lacîédémoniens, 
enfin  décidés  à  agir,  se  concentrent  à  l'isthme,  sous  Pausanias. 
Leurs  alliés  les  y  rejoignent,  mais  sans  empressement  (8).  Ue 

(1)  Hcr.  Vil,  219,  220,  222.  L'historien  R*ost  inspirô  do,  la  vorsion  ofriclolle  de 
Spiirtc,  qui  s'clTorcait  (i'opposr.r  h  l'inorlic  ot  au  mauvais  vouloir  des  alliés  la 
bonne  volonté  du  gouvrrneinont  lacédétnonien. 

(2)  Hérod.  VllI,  71.  —  IX,  8.  —  Diod.  XI,  1(5. 

(3)  Hérod.  VIII,  72:  oi  Zï  poYjO/jdavTfiç  iç  tov  'IdOp-bv  TravBYijjLsl  oÏSê  "/iffav 
*EXXi^va)v,  AaxeSaip.ôvtot  Te  xal  'ApxxSeç  nàvreç. 

(4)  Hérod.  VIII,  73. 

(5)  Hérod.  VIII,  71.  —  Thucyd.  I,  73. 

(6)  Hérod.  IX,  7,  8. 

(7)  Hérod.  IX,  9.  —  Thucyd.  I,  74.  —  llauvctte,  Hérodote,  p.  451  sqq. 

(8)  Hérod.  IX,  19. 


368  MANTINÉE   ET   l'aHCADIE  OltlKNTALE. 

fait,  i)oui'(|uoi  les  vassaux  auraieiil  ils  déployé  plus  de  zèle  (|ue 
leur  suzerain?  La  luobilisalion  se  fit  sans  ordre;  il  y  eut  des 
lenteurs  el  des  relards.  I^i  haute  diieelion  avait  été  défectueuse; 
Sparte  n'avait  pas  voulu  se  résoudre  a  temps  ni  su  provoquer 
un  mouvement  unanime.  Des  peuples  arcadlens,  seuls  les  Té- 
géates  et  les  ()i(!lioméniens  avaient  sans  hésiter  suivi  leurs  alliés 
et  amis.  A  IMalées,  les  Tégéates  purent  disputer  aux  Athéniens 
la  place  d'honneur  après  les  Spartiates  (1).  Mais  les  villes  moins 
inféodées  aux  volontés  de  Sparte,  comme  Mantinée,  n'avaient 
pas  les  mômes  raisons  de  se  hâter.  La  notion  de  leur  devoir,  en 
ces  circonstances,  leur  avait  été  fort  obscurcie  par  l'attitude  am- 
biguë de  Sparte  depuis  le  début  de  la  guerre.  Les  Mantiuéens 
voyaient  leurs  amis  d'Argos  pactiser  avec  l'ennemi  (2)  ;  les  Éléens 
se  mettaient  à  peine  en  route.  L*artout  des  discussions,  des  lon- 
gueurs, un  mauvais  vouloir  évident.  11  y  eut  sans  doute  du 
temps  perdu  en  vains  discours.  Quand  enfin  on  eut  décidé 
l'envoi  du  contingent,  les  chefs  ou  bien  ne  firent  pas  diligence, 
ou  ne  surent  i)as  retrouver  à  temps  le  gros  de  l'armée.  Bref, 
en  arrivant  à  Platées,  les  Mantiuéens  ne  purent,  comme  les 
Spartiates  à  Marathon,  que  constater  la  glorieuse  besogne 
accomplie  sans  eux  (début  d'août  479).  Us  tombèrent  en  plein 
triomphe.  Leur  confusion  en  fut  extrême  ;  ils  avouèrent  leur 
faute  et  sollicitèrent  le  châtiment.  Ce  qui  dut  surtout  les  mor- 
tifier, ce  fut  de  voir  le  brillant  butin  conquis  par  les  Tégéates, 
d'entendre  les  ex|)loits  de  leurs  rivaux  qui  avaient  les  premiers 
enlevé  et  pillé  la  tente  de  Mardonius.  Tant  jiour  échapper  aux 
sarcasmes  des  vainqueurs  (jue  pour  se  réhabililer  par  un  com- 
mencement d'expiation,  ils  se  lancèrent  dans  un  excès  de  zèle 
inutile  el  tardif.  Les  règlements  mililaires  de  Sparte  interdi- 
saient la  poursuite  des  fuyards  (3).  Malgré  cela^  les  Manlinéens 
ayant  ap|)ris  la  fuite  du  corps  d'Artabaze  en  Phocide  (40.000  h.) 
partirent  à  ses  trousses  jusqu'en  Thessalie  (4),  espérant  rappor- 


(l)  Uôrod.  IX.  ici. 

{i)  \j\s  i;>.(XX)  liommos  do  PnusHnins  (Uôrod.  IX.  28)  uviiicnl  dû  Inivorsor 
l'Argoliflc  pour  Kii^nor  risllimo  on  loulo  liAto.  I^^s  Arglons,  no  [Kniviint  les 
arrêter,  avalent  Informé  Mardonlus(ncrod.  IX.  12).— Hauvotto,  Ilerod,^  p.3!)!>. 

(3)  Hcrod.  IX.  77.— Thucyd.  V.  73.  —IMut./.j/c.  22.— Co  n'éUilt  iwis,coinino 
l'avanco  Plulaniuo,  pour  inônagoi*  un  onuonii  on  d«'routo  ;  mais  pour  no  pas 
oxposor  sans  prolil  los  hoplilos  lourdonionl  arinôs  dont  la  cohésion  falsail  la 
principale  forco.  I^t's  a rmôos  Spartiates  c^lalont  alors  pauvres  on  ravalorio. 

(i)  nérodolo  (IX,  77)  dit  :  èSutixov.  I^'i  poursuite  fut  donc  elTectivo  ;  la 
phrase  qti  suit  ne  s'applique  (|u'aux  Lacédêmoniens  (Cf.  Diod.  XI,  32,  33). 


MANTINKK   AU   VI*   SIKCLK   BT  PKNDANT   LES   GUERRES   MÊD1QUE8.      369 

ter  quelque  trophée.  Après  quoi,  ils  rentrèrent  chez  eux.  La 
cité  ressentit  vivement  son  humiliation,  d'autant  plus  cuisante 
que  Tégée  et  Orchomcne  revenaient  couvertes  de  gloire.  On  s'en 
prit  aux  ollicicrs,  qu'on  rendit  responsables  et  (Iu'oji  bannit. 
Môme  mésaventure  arriva  aux  Éléens.  Ils  n'apparurent  sur  le 
terrain  qu'après  les  Mantinéens  et  se  trouvèrent  si  penauds 
qu'ils  repartirent  aussitôt  sans  rien  tenter  pour  racheter  leur 
faute  :  les  généraux  lurent  aussi  condamnés  à  l'exil  (1). 

(Certes,  en  cette  conjoncture,  les  Mantinéens  manquèrent  d'à- 
propos.  Leurs  guerriers  s'étaient  mis  dans  une  situation  ridi- 
cule, au  milieu  do  Tallégresse  générale,  exclus  des  péans  et  des 
dîmes  qui  enrichirent  même  les  Uilotes  (2).  C'était,  semble-t-il, 
une  punition  suflisante,  t^int  leurs  remords  avaient  été  sin- 
cères. Mais  Sparte  ne  se  piquait  ni  de  charité  ni  de  justice 
dans  ses  rapports  avec  le  [)rochain.  Elle  n'imita  pas  la  noble 
indulgence  des  Athéniens  après  Marathon.  Sa  mauvaise  volonté 
à  préparer  la  victoire  n'avait  d'égale  (|ue  son  îlpreté  ù  vouloir 
en  confisquer  tout  l'honneur  (3).  Avec  la  dîme  du  butin,  on 
dédia  à  A|»oli6n  Delpliien  un  trépied  d'or  monté  sur  un  triple 
serpent  de  bronze  ;  à  Zeus  Olympien,  une  statue  de  10  cou- 
dées (4).  Les  noms  des  peuples  vainqueurs  lurent  gravés  sur 
ces  deux  monuments.  Or,  si  les  Mantinéens  n'avaient  guère 
droit  à  une  mention  aussi  honorifique,  les  Éléens  méritaient 
encore  moins  d'être  cités.  Les  premiers  avaient  du  moins  payé  de 
leur  personne  aux  ïhermopj>les.;  ils  avaient  dé|)éché  toutes  leurs 
troupes  à  l'isllnne  au  moment  de  la  bataille  de  Salamine  ;  après 
Platées,  ils  avaient  voulu  poursuivre  l'enuenii.  Le  seul  titre 
militaire  des  Eléeus  se  réduisait  à  leur  rùle  pil(»ux  à  Platées. 
Pourtant,  les  Kléens  figurent  sur  les  dédicaces  des  deux  ex-voto; 
les  Mantinéens  n'y  sont  pas.  De  toutes  les  explications  que 
celte  injustice  a  suscitées,  la  plus  plausible  est  suggérée  par 
Thucydide  (;')).  (le  sont  les  Lacédénioniens  (|ui  ont  procédé  à 
la  gravure  des  iiiscriptions.  Ce  sont  donc  eux  qui  en  ont  proscrit 
les  Arcadiens,  les  anciens  «complices  de  Cléomène,  à  l'exception 
d'Orchomène  et  de  Tégée,  dont  l'amitié  et  les  services  étiiient 

(i)  Ilôrod.  IX.  77.  —  A  p'iUs,  comme   h  Mantinro,   ccUo  condamnaUon   fui 
pciil-<Mro  exlgôo,  pjir  le  parti  avanci*. 
(2)  UcroM.  IX. «0,  «I. 
(.J)  TluicjMl.  I.  73.  —  DiimI.  XI,  El,  !kJ. 

(4)  n<  rml.  IX.  81.  —  Thuoyd.  I.  132.  —  Pausan.  X.  13,  !K~  V.  23,  l. 
(ii)  Thuryd.  I.  132.  —  \\i\uvclU\  néro(lotc,  p.  4(îl,  noto4. 

Mnniiiiée.   —  ^~t. 


370  MANTINÉE  ET  L^ARCADIE  ORIE^ITALE. 

indiscutables.  On  peut  môme,  sans  témérité,  supposer  que 
l'exclusion  des  Mantiiiéens  fut  prononcée  à  rinsligaliou  des 
Tégéates.  Quant  aux  Éléens,  comme  ils  détenaient  Tiniluence 
de  Zeus  Olympifiue,  Sparte  les  protégeait.  Elle  récompensa  leur 
liypocrite  (idélité  par  un  passenlroit. 

Défait,  descelle  époijue,  Tanlagonisme  de  Tégée  et  de  Man- 
tinée  détermine  celle-ci  à  une  politique  d*o[)positiou  anti-laco- 
nienne. 
u  Ligne  Ainsi,  Torage  médique  s'était  fondu  avant  d'atteindre  le  Pélo- 

pcioponnésienne  ponnosc.  La  Péuinsulc  semblait  avoir  pour  longtemps  barré  sa 
après  les  guerres  j,q,.|ç  j^y^  iuvasionsdu  Nord.  Mais  elle  renfermait  en  elle-même 
1  ennemi  de  son  indépendance  et  de  son  repos.  Ui  suprématie 
lacédémouienne  s'était  affirmée  eu  s'allribuant  la  direction  des 
opérations  contre  les  Mèdes.  Pausanias  s'intitulait  généralis- 
sime ou  archège  des  Grecs.  Après  Platées,  Spai'le  distribue  ù 
ses  associés  le  blâme  et  l'éloge  ;  elle  exploite  l'œuvre  commune 
de  la  victoire.  Thucydide  écrit  (ju'elle  possédait  les  trois  cin- 
quièmes du  Péloponnèse  et  qu'elle  dirigeait  tout  le  reste  (1).  Ce 
reste,  c'était  le  groupe  des  Elats  evçitovSoi  ou  Çu|X|xayoi,  qu'elle 
traînait  à  sa  remorque,  il  n'élait  guère  possible  alors  à  une 
république  de  subsister  dans  risolemeut,  en  dehors  de  tout 
système  d'alliance  et  de  tout  groupement  :  la  symmachie  repré- 
sentait pour  les  Etats  grecs  une  manière  d'assurance  dont  ils 
payaient  la  prime  en  nature,  sous  forme  de  contingent  mili- 
taire (2).  Dans  le  sein  de  la  Ligue  hellénique  (3K  entreprise  de 
défense  nationale  contre  le  barbare,  et  dont  Sparte  revendiquait 
la  prnstasie,  deux  systèmes  concurrenls  se  disputaient  le  patro- 
nage des  inléréts  particuliers  :  la  symmachie  lacédémonieiine 
el  la  symmachie  athénienne.  1/organisation  de  ces  deux  partis 
rivaux,  celui  des  Doriens  oligarclii(|ues  el  celui  des  Ioniens  dé- 


(\)  Thucyd.  I.  10.  lUXoTCOvvYjdO'j  TwvTrévxe  (Lnconlo,  M<\ss(Snlo,  Arcîulir- 
Élldo,  ArKolklo,  AclisiTo)  ràç  8ùo  fioipaç  (Lsironlr,  Mrssrnij^)  véfJLOvxat,  ttjç 
8ê  Çu|XiiX(JY|ç  VjYOuvTai.  Thucydiilo  opposi^  loiijoiirs  rn  bl«»c  1rs  allié»  do  Sparto, 
sousio  nom  do.  IVioponiicsions,  aux  Athriiiriis  ot  à  lours  ailirs. 

(2-  Cïîlalt  une  j^Tavr  Imprévoyance  que.  <hî  rrstcr  âdTTOvooi  (Thucyd.  I.  31, 
3jS),  parce  quVn  cas  dn  Illico  avec  un  voisin,  on  n'avait  pas  à  faire  à  lui  seul, 
mais  k  son  groupe.  L'abstention  pouvait  devenir  la  plus  dangereuse  des  atti- 
tudes et  la  prudence  bien  comprise  exigerait  qu'on  se  compromit  dans  une 
alliance.  Corcyrc  s'en  aperçut  trop  tard.  (ïhucyd.  ib.), 

(3)  Constituée  en  4S(),au  Congrès  do  Corintiie,  et  renouvelée  apr^s  Platées. 
(Hérod.  VH,  17G.  —  DhmI.  XI,  i,  I). 


MANTINKK  AU   Vl'   SIÈCLK   ET   TENDANT   LKS   OUKIltlKS   MKDIQUKS.      371 

morrales,  occupe  le  deuxième  et  le  troisième  quart  du  V^  siècle; 
leur  duel  remplit  le  dernier  (|Ufirt. 

Pîir  leur  position  centrale  les  Mantincens  se  Irouvaient  incor 
pores  dans  les  rangs  lacédémonieus.  Leurs  sympathies  pou- 
vaient les  attirer  ailleurs:  Talliance  péloponnésicnne  était  pour 
eux  une  nécessité  sans  conire-poids.  H  y  avait  dans  ces  coali- 
tions forcées  des  fervenls  et  des  tièdes  ;  les  alliés  n/élaient  pas 
tous  des  amis  ;  ils  devenaient  même  lout  le  conlraire,  dès  ((ue 
la  politi(|ue  de  Talliance  les  obligeait  à  se  bathe  jjour  des  causes 
étrangères  à  leurs  intérêts.  C'est  alors  (|ue  sévissait  parmi  eux 
cette  maladie  si  bien  caractérisée  par  Thucydide  :  l'âppiodxfa  tou 
<yTpaT6Û£iv(1).  Ils  maudissaient  TKlat  directeur  et  ne  s'associaient 
qu'avec  ennui  à  la  gloire  de  triomphes  imijosés.  Le  moindre 
revers  leur  apparaissait  comme  un  écha|)paloire  plein  de  pro- 
messes, au  bout  duquel  ils  entrevoyaient  les  joies  de  la  défec- 
tion. On  demeure  elïrayé  et  douhmreusement  ému  en  songeant 
à  l'existence  d'angoisses  et  de  misères  que  réservait  à  leurs 
alliés  la  lyrannique  protection  de  Sparte  ou  d'Alhènes.  L'impi- 
toyable précision  de  Thucydide,  exempte  de  lout  attendrisse- 
nient  et  de  tout  pessimisme,  nous  met  à  nu  les  Iristes  cotés  de 
cette  (îrèce  si  brillante  et  si  vivace,  mais  où  la  crainle  et  la  dé 
fiance  empoisonnent  les  rares  instanis  de  répit  et  de  Ijonheur. 

(\,  Thiiryd.   NI.   Ih'i. 


ï.W-fe 


^  ^' 


Wm: 


Kijf.  5S.  —  KriifpariiLs  dr  cérniiiii|iic  («ii  Iws,  nn  iiiilifii,  un  liurpuifiiin). 


CHAPITRE  111. 

LE     SYNOECISME. 

(«4;i-45t)). 


Ou  ii<;  sait  dans  (|iielic  inosurn  les  Maiiliiiéciis  parUcipcrciil 
aux  campagnes  des  Péloponnésieiis  entre  479  et  431.  S'ils  suivi- 
rent leurs  maîtres,  ce  fut  sans  doute  à  contre-cœur,  avec  Je 
secret  désir  de  s'émanciper  pour  ne  plus  suivre  que  leur  [iropre 
inspiration  et  leurs  sympathies.  Ils  en  trouvèrent  enfin  l'occa- 
sion, cpiehiues  années  après  les  guerres  médiques.  Ils  cessèrent 
dès  lors  de  liginer  comme  com])arses  dans  le  drame  qui  se 
jouait  autour  d'eux  et  purent  aspirer  aux  premiers  rùles.  Les 
événements,  (|ui  donnèrent  à  leur  puissance  une  assiette  solide 
et  des  garanties  sérieuses  à  leur  autonomie,  ouvrent  une  ère 
nouvelle  dans  l'histoire  de  cette  cité.  Ils  se  résument  en  un 
mot  :  lesynœcisme. 
Des  syna^ciKiiies  ^'^^  Grccs  désignaient  d'ordinaire  par  ce  ternie  le  passage  de 
engénérni.  Kl  vie  x(.)|XYioôv  OU  xaxà  B'^|xouç  à  la  vic  urhaine,  le  groupement 
des  bourgs  ouverts  en  une  agglomération  dans  une  vaste 
enceinte  fortifiée.  C'était  la  centralisation  politique,  religieuse  et 
matérielle  de  toutes  les  forces  d'un  Etat.  Les  communes  rurales 
jus(|u'alors  disséminées  autoiii*  de  la  utoXiç  émigraient  en  un 
point  choisi  du  territoire,  généralement  s'absorbaient  dans  la 
plus  importante  d'entre  elles.  En  elTet,  il  y  en  avait  toujours  une 
que  sa  situation  désignait  comme  chef-lieu  (1)  :  «î'était  souvent 
le  marché  situé  au  carrefour  des  |)rincipales  routes.  On  s'était 
habitué  à  s'y  rendre  de  tous  les  points  de  la  contrée  pour  les 
échanges  et  les  a|)provisioiinements.  Cet  endroit  devenait  peu  à 
peu  le  groupe  le  plus  po|)uleux  du  pays.  Parfois  la  présence  d'un 

(I)    KoULOTCÔXtÇ  . 


LR  SYN(f-X18MR.  373 

sancluairc  vénéré  y  atllrait,  surloul  aux  jours  {\r.  [nmvv^yv'm,  un 
grand  roncours  do  piMiple.  Par  le  fait  du  synircisnio,  le  (TuffTY,p.a 
o%(i>v  cessait dVlre  scMilenient  la  personne  morale  de  TÉlal;  il 
prenait  corps  en  une  ville.  Chaque  bourgade  conlrihuail  pour 
sa  quole-])arf  à  la  population  de  la  nouvelle  cajutale,  sans  pour 
cela  disparaître  elle  même.  Elle  subsistait  comme  rentre  d'ex- 
ploilali(m  agricole  dans  tel  ou  tel  coin  de  la  région,  mais  son 
Ame  habitait  dés(H*mals  les  murs  de  la  ville.  (Àmime  la  citadelle 
primitive,  la  ville  avait  ses  murailles,  et  possédait  en  outre  tous 
les  organes  de  la  vie  publi(|ue  en  Grèce  :  agora,  prylanée,  bou- 
leutérion,  théâtres,  gymnase,  stade,  hippodrome,  temples 
divers.  Le  palriotisme  s'y  (oitiliait  |)ar  h»,  contact  (|uotidien  des 
citoyens;  resf»rit  original  et  la  vie  intellectuelle  pouvaient  s'y 
dévelop|»er  dans  la  sécurité  d'une  existencre  assurée  du  lende- 
main; l'esprit  particulariste  des  dèmes  isolés  se  fondait  en  un 
sentiment  commun  pour  la  patrie  unifiée.  Enfin,  le  rempart 
protecteur  favorisait  l'acîcumulation  de  la  richesse  en  réserves 
durables.  J^'État  synoM'isé  cessait  dcmc  d'être  le  jouet  des  forces 
environnantes.  Si  la  fondation  d'une  tctôXk  manjuait  la  première 
étape  des  sociétés  flottantes  de  la  période  primitive  vers  l'orga- 
nisation politi(|ue,le  syna^cisme  symbolisait  l'essor  définitif  des 
unités  historiques. 

Selon  les  pays  et  les  circonstances,  cet  acte  imjiortant  avait 
lieu  plus  ou  moins  tcM.Sous  ce  rajtport  Athènes  fut  un  des  Etats 
les  plus  précoces.  Dans  les  riches  plaines  ouvertes  sur  la  mer 
ou  mal  fermées  par  la  nature,  l'insunisance  des  citadelles  primi- 
tives se  faisait  vivement  sentir  :  le  groupement  des  habitants  en 
une  ville  close  s'y  imposait  de  bonne  heure.  Au  «ontraire,  les 
vallées  intérieures  dotées  d'un  rem|)ai't  montagneux  pouvaient 
se  fier  à  leurs  défenses  naturelles  et  ajourner  le  syna»cisme  :  ce 
que  lit  Sparte  (t).  De  même  les  tribus  numlagnaides  en  Arcadie, 

(1)  n  y  ml  «tnns  In  vjill<^r  de  l'Rurotns  une  série  île  synierismes  pnrliels 
qui  linireiit  psir  ^rou|>erenune  seuleciuninunnuténrhéo-dorienne  les  ancien- 
nes principiiulés  laconionnes  |l')pliore  ;ip.  Slrnb.  VIII.  IWà).  —  Pnusan.  IX. 
ii,  11).  Mais  Thucydide  (I.  10)  dit  expressément  que  Sparte  élait  InUie  h  l'an- 
cienne manière,  c'esl-à-dire  formait  une  a^glumêration  de  bourgades  ouvertes  : 
ouTÊ  $uvoixi(rOei(T7jç  TrôXeioç  ,  où'xe  Upotç  xal  xaTadxeuaiç  TzoXuxiktai 
vpY|(TafJLév7jç.  xaxà  xtojjLaç  ok  to)  TcaXauo  ttiç  *EXXâ8oç  tcôtku  olxi9^tia'f\q. 
Lîi  ville  n'était  pas  enclose  (Plut.  Apopht.  Lnc.  Afçesilàus. 'iîl.  —  Senec. 
Suasor.  i,  .1).  Vers  :M(î,  on  éleva  des  forlilîcaUons  partielles  (.lustln.  U,  5) 
qui  furent  renforcées  en  '«MJ  el  en  372,  Nahis  compléta  ces  travaux  pjir  des 
lif^Dos  de  rcmiNirts  et  des  fossés  (Pausan.  VII.  K,  4.  —  Plut.  Pyrrhuat^  il)  ; 
mais  l'encoinle  no  fut  Jamais  complète  (lit.  Liv.  XXXIV,  27)  ;  les  psirUes  ouvertes 
étalent  jfardées  par  des  postes,  O'SOÛsta  (Pausan.  lit,  l.'î,  8). 


374  MANTINKE  ET   L*ARCADIR  ORIENTALE. 

en  Elolie,  dans  le  Piiide,  coulinuèrenl  longtemps  à  vivre  à  l'an- 
cienne manirre,  dans  des  hameaux  non  forliliés  :  des  tours 
surveillaient  les  défilés,  des  fortins  se  dressaient  sur  les  hau- 
teurs; mais  les  villages  s'éparpillaientà  de  grandes  dislances  (i). 
Les  Arcadiens  relardataires  du  Ménale  et  de  la  Farrhasie  ne 
furent  synœcisés  qu*à  Tépociue  d'Ép^'^îï^^^^^is  (2).  D'autres, 
comme  les  Mantinéens,  a[)rès  s'être  laissé  devancer  par  leurs 
voisins,  patienlèreni  jusqu'au  moment  favorable,  éi)iant  l'occa- 
sion de  procéder  à  une  mesure  devenue  nécessaire  à  leur  sécu- 
rité et  à  leur  indéjiendance.  A  Tégée,  l'imminence  du  j)éril  dorieu 
avait  liAlé  cette  solution,  des  le  IX^  siècle.  Les  Mantinéens,  à 
cette  époque,  n'étaient  pas  mûrs.  Plus  tard,  quand  ils  se  recon- 
nurent désarmés  en  face  des  puissances  synœcisées,  celles-ci 
avaient  Irop  intérêt  à  les  maintenir  en  état  d'infériorité  pour 
lolérer  ou  favoriser  leur  concentration.  I^i  politique  de  Sparte 
s'opposait  avec  vigueur,  en  Arcadie,  a  la  créaticm  de  villes 
susceptibles  de  servir  de  quartiers  généraux  aux  idées  démo- 
cratiques. L'émietlement  des  forces  arcadiennes,  la  dislocation 
des  Elals  en  dcmes  favorisait  au  contraire  ses  vues.  Aussi  des 
républiques  <M)mme  Elis,  lléraia,  Mantinée  sont-elles  restées  si 
longtemps  dépourvues  d'iiiitiative  politique,  en  quelque  sorte 
bâillonnées  par  la  jalousie  inquiète  de  Sparte  (D), 

(1)  Dnns  une  oxploraUon  ilu  Pindo,  cm  1889,  j'sil  rotrouvcS  les  ruinos  de 
quelques  xo>p.a(  de.s  Dolopes  el  des  Allia  mânes,  {\)ii  doininaicnl  les  ravins 
escarpés  du  haut  Acli6li)os(lnachos)  el  de  sesadluenls.  L!i  seule  qui  puisse  (Mre 
idcntiQée  avec  vraisrMnblanceest  Ar^illlôa,  prrs  Knissovon.  On  r(^connait  sous 
l>oi8  les  murs  de  soutènement  des  terrasst^s  el  his  soubassements  des  mai- 
sons, n  n'y  a  pas  traces  de  remparts.  Ces  localités,  vrais  repaires  de  brigands, 
étaient  presque  inaccessibles.  En  revanche,  à  l'entrée  des  jçorjçes,  les  tours  de 
garde  se  multiplient. 

(2)  Le  synircisme  complet,  qui  n'était  pas  réduit  à  une  centralisation  admi- 
nistrative, mais  qui  impliquait  la  construction  «l'une  ville  fortiluV'.,  avait 
souvent  pour  conséquence  i'aliandon  de  la  citiideile.  Tantét  l'antique  ttoXiç 
tombait  en  ruinas  ave«  les  habitations  qui  l'entouraient:  on  lu  montrait  aux 
amateurs  d'tmti((uilés,  comme  TraXatà  tcôXiç  ;  tantùt  elle  subsistait  comme 
chôleau-fort  de  la  ville  basse  et  prenait  le  nom  de  Ville  haute  ou  Acropole 
et  le  nom  de  irôXtç  était  alors  réservé  à  la  ville  bassf\  En  Arcîuiie,  Pausanias 
mentionne  des  TcaXaial  TcôXeiç  ou  TrpOTÊpxi  tcoXeiç  à  Orchoméne,  Mantinée, 
Slymphale,  Phlfçalie,  Lycosoura. 

(3)  Le  synœcisme  do  l'Élide  fut  la  conséquence  de  la  révolution  démocra- 
tique de  472  (Strabon.Vin,337.— Diod.  XI,  (ii.  — CurUus.  Ueher  den  Synoik, 
mn  Eli}i.  Ber.  d.  Berl.  Akad.  d.  Wiss.  18ÎK5,  p.  7î)3-80l*>.  Toutefois  la  Nouvelle- 
Élls  n'est  pas  murée  (Xén.  llellén.  Hl,  2,  27).  ■—  Le  syniecismc  d'Iléraia  fut 
provoqué  par  Sparte  (Strab.  ib.)  ;  mais  cette  excrpllon  confirme  la  réjjjle.  En 


de  Manlin6«. 


LK  SYNIKCISMK.  37Î) 

La  date  du  sj'nœcisme  mnnlinéen  n'est  pas  exacleineiit  connue. 
Toutefois  on  peut,  avec  quelque  vraisemblance,  la  fixer  d'après 
les  faits  eux-mômes,  plutôt  qu'en  se  fondant  sur  le  témoignage 
de  textes  incomplets. 

La  tradition  locale  du  déplacement  de  l'antique  Mantinée         Haie 
dirigé  par  Autonoô  sur  l'ordre  d'un  oracle,  n'est  (|u'une  légende    **"  syncBcisme 
sans  valeur,  agrémentée  de  l'inévitable  vaticinium  post  eoen- 
tum  (1).  Le  synœcisme  mantinéen  ne  doit  pas  remonter  au-delà 
du  V®  siècle  pour  les  raisons  suivantes  (2)  : 

i^  Après  des  siècles  d'elïacement,  tout  à  couj»  Mantinée,  au 
V«  siècle,  entre  en  scène  et  devient  l'Ame  d'une  coalition  contre 
Sparte.  Le  contraste  entre  ces  deux  attitudes  ne  peut  s'expliquer 
que  par  une  métamorphose  de  l'État  mantinéen,  tel  que  le  pas- 
sage du  régime  rural  à  la  forme  urbaine. 

2'  En  38a,  les  I^icédémoniens  détruisent  la  ville  et  forcent  les 
habitants  à  repeupler  leurs  anciens  dénies.  Ce  retour  au  passé 
n'était  possible  qu'en  supposant  la  ville  encore  assez  jeune  pour 
que  son  existence  pût  être  remise  en  ([uestion.  On  n'aurait  pas 
songé  à  revenir  sur  un  synœcisme  datant  de  plusieurs  siècles  : 
il  y  aurait  eu  prescription.  Mais  si  l'on  admet  (|ue  Sparte  avait 
dû  tolérer,  moins  d'un  siècle  plus  tôt,  la  concentration  des 
dèmes  mantiuéens  sans  pouvoir  alors  l'empi^cher;  (|u'une  fois 
tirée  d'embarras,  elle  s'était  trouvée  en  face  d'un  fait  accompli, 
on  comprend  (|i]'elle  ait  saisi  la  première  occasion  de  détruire 
une  œuvre  édifiée  cîontre  sim  gré.  Dans  sa  pensée,  le  diœcisme 
expiait  le  synœcisme.  Les  deux  faits  ne  |)euvcnt  donc  être  sépa- 
rés par  un  laps  <le  temps  qui  rendrait  inintelligible  la  vengeance 
des  S|)artiates. 

.>  Le  choix  du  site,  à  l'endroit  le  plus  bas  de  la  plaine,  loin 
de  toute  acropole,  ne  dénote  pas  une  haute  antiquité.  11  indique 
une  époque  où  le  vieux  système  de  fortification  était  délaissé. 

4"  Enfin,  le  texte  de  Strabon,  sans  être  décisif,  renferme  une 

clTot,  flans  \o.  2*  quart  du  IV  siècle,  los  Lac^^dï'îiTionlcns,  on  pr<^scncc  dos  vel- 
U\iiv.H  unilairos  do  rArcadio  cl  des  alluros  indr'ipondanlos  i\r  rKlido,  favorise- 
ront ri^labllssoinont,  aux  conflns  dos  doux  Ktals,  d'un  contro  uligarcliiquo 
soIidcin<Mit  consUlu6  par  la  concontralion  dos  douions  liôrôons. 

(<)  Voy.  plus  haut,  p.  .315. 

(i)  On  ne  doit  pas  prendre  au  pied  de  la  loUrolos  tornios  où  Polybe  appoUo 
ManUn<')0  ty|v  àpyaiOTctTY|v  xal  t*/jv  (teYîffTTjv  TtoXiv  tcov  xaxà  t*/jv  'ApxaS^av 
(II,  00,  G).  Il  y  a  dans  ces  liyporbolos  une  parodie  do  Pliylarquo  et  une  Ironie 
tant  i\  l'adresse  do  l'iilslorion  ({uo  tlos  Manlinroiis.  On  vrrra  plus  loin  pour- 
quoi Polybe  les  détestait  (p.  V.K)). 


37(>  MANTINKK   KT  l'AIICADIK  OIUKNTALK. 

indication  précieuse.  Les  villes  dont  parle  Ilomôre,  dit-il, 
n'ctîiient  pas  des  villes  proprement  dites,  mais  des  systèmes  de 
dèmes,  qui  en  se  réunissant  plus  lard,  ont  formé  les  dilTérentes 
villes  connues  :  Élis,  Manlinée,  dont  le  synœcisme  eut  lieu  à 
rinstigalion  (les  Argiens,  lléraia,  yEgion,  Patrai,  I)ymé(l). 

u  ciémorrMie       Exaniinous  donc  à  (|uel  moment,  dans  quelles  ci rccmstances 
*Arg,>s       les  Mantinéens  purent  éluder  la  surveillance  de  Sparte,   de 

ei  riiifhicnco  de  Tégéc  ct  d'Orcliomène,  les  ciladelles  de  roligarchie,  et  mettre  à 
Thémisiocic.     p,.()|i(  leç  conseils  et  l'appui  d'Argos. 

La  conduite  et  le  premier  pnx'ès  de  Pausanias  en  478/7  avaient 
ébranlé  le  preslige  de  Sparte.  Avec  la  confiance  de  ses  alliés, 
l'Etat  directeur  perdit  leur  (idélité.  Athènes  ne  fut  pas  seule  à 
profiter  de  ces  défaillances.  Argos,  pendant  les  guerres  médi- 
ques,  avait  pu  réparer  ses  forces  ;  elle  s'appliqua  ensuite  à 
achever  l'uniflcalion  de  TArgolide  par  la  soumission  des  villes 
autonomes,  comme  Tirynthe,  Mycènes,  Ilysiai,  Ornéai,  Mideia 
(2).  Elle  dépeuple  les  communes  rurales  et  s'annexe  leurs  ha- 
bitants (402).  Elle-même  se  changea  en  une  ville  spacieuse, 
capitale  de  l'Argolide.  lledevenue  la  seconde  puissance  du  iV^ 
loponnèse,  il  lui  fut  permis  de  reprendre  ses  anciens  rêves  de 
domination.  Après  l'absorption  îles  éléments  achéens  el  ioniens 
en  une  vaste  agglomération  urbaine,  la  fraction  dorienneet  aris- 
tocratique se  trouvait  en  minorité.  Vers  4G0  la  déinocratie  l'em- 
portait. Dans  cette  élévation  ra|)ide  d'Argos  au  rang  de  grande 
capitale  et  de  foyer  démocratique,  on  reconnaît  l'inlluenced'un 
esprit  politique  de  premier  ordre.  Thémistocle,  banni  d'Athènes 
entre  474  et  472,  s'était  réfugié  à  Argos.  De  là,  il  voyageait  dans 
le  reste  du  Péloponnèse  (3),  observait  la  situation,  lisait  l'avenir 
dans  le  présent  avec-  celle  clairvoyance  intuitive  admirée  par 
Thucydide  (4).  Traqué  par  les  Lacédémoniens,  l'Athénien  ne 
pouvait  excursionner  qu'en  territoire  ami.  Il  est  plus  que  pro- 
bable qu'il  futriiùle  des  Mantinéens.  Leurs  institutions  devaient 
l'intéresser  et  leurs  ambitions  provocjuer  sa  sympathie.  Lui  qui 
avait  mis  sa  patrie  hors  de  page  en  la  murant  ne  pouvait  que 
leur  conseiller  le  synœcisme.  Peut-être  pesa-t-il  dans  le  même 


(1)  iÇ  wv  u(TTeoov  ai  Yvci)piÇ<5(X6vat  Tr<JXsiç  T'jvci)X!(T07|Tav,  ovov  ty|ç  'ApxaSia; 
MavrCvcia  fxev  Ix  TcévTS  $-^(jl(ov  un*  'Aoyetcov  «ruvcox^ff^T).  VIII,  XH. 

(2)  Pausan.  VIII,  il,  t. 

(3)  Thucyd.  I,  li"). 

(4)  Ib.  I,  138. 


LK  SYN<IKC1SMK.  '^Vll 

sens  sur  les  Éléeiis  :  le  syiicBcisme  et  ravèncmenl.  de  la  démo- 
cratie à  Klis  sont  contemporains  de  la  réfi^énéralion  d'yVrgos.  U 
semble  qu'une  nu^nie  pensco  inspire  au  mémo  moment  les  trois 
Étals  libéraux  du  Péloponnèse  :  Aijj^os,  Manlinée,  Elis.  Tbé- 
mistocle  fomenta  i)eutélre  une  <*oalition  de  res  Irois  jeunes 
puissances  sous  la  direction  dVMbènes.  Après  son  départ  (1),  les 
esi>rits  étaient  éclairés,  le  |)lan  d'action  dressé.  Restait  à  ^ueller 
rinslaut  propice  pour  passer  à  rexé<'uti(m. 

Les  intrigues  d'Argos  provo(|uèrent  un  soulèvement  de  TArca- 
die.  Elle  sut  raviver  «lès  473  les  sentiments  d'amitié  qui  Tavaienf 
jadis  reliée  aux  Tégéales  :  les  plus  lidèles  alliés  de  Sparte  chan- 
celèrent. Les  I^cédémoniens  inquiets  se  luUenl  (rac<'ourir  con- 
tre Tégée  :  l'armée  aigéo-tégéate  y  est  battue  (472?)  (2).  Alors 
les  Tégéates  appellent  à  eux  l'Arcadie  qui  rép(md  à  leur  a|)pel, 
sauf  Manlinée,  retenue  par  sa  haine  implacable  contre  sa  voi- 
sine. La  défaite  de  Dipaia  dans  le  Ménale  brise  l'insurrection 
(vers  471)  (*A).  Mais  pendant  plusieurs  années  Sparte,  ruinée  par 
le  tremblement  de  terre  de  464,  est  absorbée  par  la  révolle 
des  llilotes  et  des  Messéniens.  Ininudiitisés  au  siège  d'ithome, 
les  Lacédémoniens  sont  réduits  à  subir  les  secours  d'Athènes. 
Ils  le  font  de  si  mauvaise  grAce  que  les  Athéniens  s'en  retour- 
nent, à   jamais  brouillés  avec   eux  (4). 

C'était  bien  le  moment  où  les  avis  de  Thémistocle  pouvaient 
le  mieux  porter  leurs  fruits.  Les  Mantinéens  emlormirent  la 
vigilance  d'Archidamos  en  lui  prêtant  un  concours  empressé 
contre  les  llilotes  (3).  Dans  un  danger  si  grave,  Sparte 
avait  d'aulres  soucis  que  d'approfondir  les  arrière-pensées  de 
ses  alliés.  Lui  voyant  les  mains  liées,  les  Mantinéens  s'émaii- 


(1)  Apr^s  l'oxoriiiion  ilo  Piiusaniiis  on  472/1.  los  Lncriiiîmonlons  nrriisrri'nl 
TlK^nistoclr  (In  iiK'MJisino  et  oiitinrent  des  AtlH'micns  ({u'on  tn  poursuivit.  H 
dut  s'rnfulr  du  Prioponnrso  «tans  l'<Mô  470.  (ïliucyd.  I,  135.  —  HusoU.  Griech. 
Gesch,  m,  p.  124). 

(i)  IhSrod.  IX,  :c>. 

(:j)  Urrod.  IX,  :]•>.  -  Pnusan.  III,  il,  17.  —  VIII,  H,  4;  4:»,  i.  Arpos,  alllôo 
do  T4^(((Sn,  mnifl  sans  doute  retenue  par  la  guerre  dt*.  Tiryiiltic,  manquait  aussi 
^  Dipaia.  En  rovanclie,  on  vit,  vers  /.(»5,  los  Tégéates  aider  les  Armions  A  sé- 
duire Mycènes.  Strab.  p.  377.  —  Dio<:.  XI,  (15. 

(4)  Tluicyd.  ï,  iOi.  —  U\  clironoloiclo  de  ces  rtvrtnemenls  est  In^s  discutiSc. 
(Voy.  Busolt.  Griech,  Gesch.  III,  p.  200,  %]0  et  2î)8}. 

{■'))  Xén.  Ilell^n.  V,  2,  3.  —  Printemps  462  (?). 


378  MANTINKR   RT   l'AHCADIK  ORIENTALE. 

cipèrent.  Les  Argiens  les  y  ])oussaienl  (1).  Le  syiiœcisme  eut 
donc  lieu,  suivant  toute  probabilité,  entre  4G4  et  459(2),  sans 
soulever  (ropî)osition.  ïéji^ée  troublée  par  sa  défaite  et  brouillée 
avec  Sparle,  laissa  croître  aux  bords  de  TOphis  une  formidable 
forteresse.  L'opéralion  dut  éhe  nïonée  rapidement  :  le  dôme 
principal,  celui  qui  portait  proprement  le  nom  de  Mantinée, 
reçut  Tappoint  des  quatre  aulres  dcmes  de  la  plaine,  l'our 
économiser  le  tem|)s  et  Targenl,  on  se  conicnta  d'un  mur  en 
briques  crues  :  TOpbis  passait  au  milieu  de  la  ville.  Un 
Foyer  commun,  installé  sur  l'agora,  symbolisa  la  fusion  des- 
cinq   dcmes  (îl). 


(1)  H  y  avait  probablomoiil  à  Mantinn>  un  parU  dcmocra tique  avancé,  déjà 
lié  avoc  les  (Icniorratos  d'Argos  (àpYoXiÇovTCç.  Xcn.  Ueltén.  V,  2,  C»),  cl  qui 
rêvait  un  rajeunissement  de  la  constitution.  Toutefois,  conimo  on  l'a  vu  p. 
3!)(),la  réforme  constitutionnelle  de  Nicodoros  est  postérieure  au  synœcisme. 
Celui-ci  ne  semble  pas  avoir  été  le  résultat  d'une  révolution  intérieure,  comme 
.'i  Klls.  Peut-être  y  eut-ll  concomitance  entre  le  mouvement  démocratique  qui 
triompha  k  Athènes  pendant  l'absence  de  Cimon  et  un  mouvement  analogue 
i\  Mantinée,  lequel  se  serait  prononcé  tandis  que  le  contingent  manUnéen 
opérait  en  Messénle?  Dans  ce  cas,  la  date  du  syncoclsme  serait  limitée  entre 
4C2  et  469.  —  Keil  (Nachr.  d.  k.  Gesellsch.  d.  Wiss.  zu  G'ôUing.  Ulsl.  Kiasse. 
189:>,  p.  359)  limite  entre  4(^V4  et  VK),  année  où  Argos  conclut  avec  Sparte 
une  paix  de  30  ans  (Tliuryd.  V,  14,  28),  la  date  du  synœcisme.  Cette  limite 
est  tn)p  large.  L'envoi  d'un  contingent  auxiliaire  A  l'ithéme  n'indique  pas 
forcément,  comme  le  croit  Keil,(|ue  Mantinée  n'était  pas  encore  amie  d'Argos. 
Le  refus  do  ce  secours  eût  été  un  acte  de  rébellion  caractérisé;  en  toute  cette 
alTaire,  Mantinée  a  dû  procéder  avec  ménagemenLs.  —  Sur  la  Niké  de  Kalamis 
consacrée  à  Olympie  (à  l'occasion  du  synœcisme  ?)  voy.  plus  haut,  p.  314.  — 
Les  plus  anciennes  monnaies  mantlnéennes  attribuées  par  les  numismates  au 
début  du  V*  siècle,  doivent  avoir  été  frappées  au  moment  du  synœcisme.  Elles 
portent  d'un  côté  un  ours,  de  l'autre  un  ou  plusituirs  glands.  (Gardner.  Cat. 
of.  greek.  Coimt.  Peloptmnesns^  p.  184,  pi.  XXXIV,  18.  —  llead.  Hist,  num. 
p.  37<)i. 

(2)  Date  de  la  capitulation  des  Me^sénions,  d'après  Busolt.  {Uriech.  Gesch. 
III,  p.  298). 

(3)  Pout-èlre  la  division  de  la  ville  en  5  tribus  fut-elle  adoptée  pour  corres- 
pondre avec  l'ancienne  répartition  en  5démes? —  C'est  sans  doute  pour  com- 
mémorer leur  synœcisme  que  les  Mantlnéens  consacrèrent  dans  l'Altisd'Oiym- 
pie    la  statue  de  Niké,  exécutée  par  Calamis  (Voy.  plus  haut,  p.  314). 


CHAPITRE  IV 
l'expansion,  la  conquête  de  la  parriiasie. 

(425-422). 


Une  force  nouvelle  venait  de  s'organiser  en  Arcadie.  Toule- 
fois  la  prudence  conseillait  aux  Manlinéens  de  ne  point  rompre 
ouvertement  en  visière  avec  Sparte.  Le  plus  sage  était  de  faire 
oublier  par  une  apparente  soumission  le  fait  accompli  sans  Tas- 
sentiment  de  rÉtat  suzerain,  de  ne  point  user  du  synœcisme 
comme  d'une  machine  de  guerre  contre  lui.  L'abslenlion  des 
Manlinéens  à  la  bataille  de  l)ipaia,  leur  attitude  contre  les  Ifi- 
loles  (1)  élaiont  des  titres  à  Tindulgence.  Sparte  laissa  reposer 
ses  foudres.  Elle  avait  plus  besoin  que  jamais  de  ramener  à  elle, 
à  défaut  de  sympalhies,  le  concours  des  résignés.  Athènes,  Ar- 
gus et  la  Thessalie  avaient  conclu  en  402  la  première  alliance 
séparatiste  (2).  Mantlnée  se  garde  de  toute  démarche  compro- 
mcltanlc.  Il  est  possible  (ju'clle  ait  été  forcée  d'adjoindre  ses 
milices  aux  iO.OOO  alliés  qui  partirent  avec  les  Sjiartiates  au 
secours  de  la  Doride  et  contribuèrent  à  la  victoire  de  Tanagra 
(Mil)  (3).  On  sait  peu  de  chose  de  Thisloire  intérieure  du  Pélo- 
pcmnèse  jusqu'à  la  réunion  des  Congiès  de  Sparte  (nov.  432),  où 
la  majorité  des  alliés  vota  la  guerre  (4).  Sparte  avait  mis  à  pro- 

(1)  Busoll  (Laked^  p.  l'M))  oxpliquo  le  bon  vouloir  des  Mantin(Sons  dans 
colin  circunsliincc  ic  psircc  <|u'ils  avalent  lo  in<^tnc  InlônM  quo  les  I^icédé- 
inonlons  à  m;  pas  laisser  la  populalion  servllo  prcndro  lo  dessus.  »  Colle  sup- 
position est  tout  il  fait  arbilrairo.  H  n'y  avait  pas  d'ililolos  on  Arc;idio;  sur- 
tout dans  un  (Mat  démocrali({uc  comme  Manlinéo,  la  légendaire  égaillé  entre 
niallros  ot  serviteurs  n'avait  rien  d'oppressif  pour  ceux-ci. 

{t)  lUenlAt  grossie  par  l'accession  de  Mégare  (Tliucyd.  I,  lOi-103). 

(3)  Thucyd.  I,  107-108. 

(4)  AprtiS  la  première  convocation  des  alliés  do  Sparte  (Thucyd.  I,  (îG|,  les 
Corinthiens  vont  de  ville  en  ville  solliciter  des  adhésions  ;  le  congrès  général  des 
alliés  a  lieu  en  novembre  (Thucyd.  I,  119).  Le  vole  eut  lieu  piir  vUlcs,  grandes 
cl  polilcs  (Thucyd.  I,  12.5). 


en  Acni-nnnie 
(hi%er  4SG) 


380  MANTINKK    KT   L  AllGADIE.  ORIKNTALK. 

fit  la  Irèvc  (le  30  ans  (1)  pour  forlifier  sa  domination  sur  los 
villes  en  appuyant  les  partis  aristocratiques  (2).  Mantinée  subit 
alors  une  pression  qui  dut  avoir  j>our  effet  de  fortifier  riiez 
elle  le  sentiment  palriolique. 
1^  Mnniiiiéens  Entre  louips,  la  guerre  était  déclarée.  Tout  le  Péloponnèse, 
sauf  Argos  el  l'Acliaïe  toujours  réfractaires,  devait  suivre  bon 
gré  mal  gré  les  hoplites  s|)artiates.  Le  règlement  de  la  Confé- 
dération laissait  en  réserve  dans  chaque  ville  un  tieis  du  con- 
tingent pour  le  maintien  de  l'oi-dre  et  les  travaux  agricoles  (3). 
Les  deux  autres  tiers  se  rendaient  à  Tlsthme,  désigné  comme 
point  de  concentration.  Quel  fut  le  riMe  personnel  des  Manti- 
néens  dans  les  expéditions  des  I*éloponnésiensde4tUà426,nous 
rignorons.  Us  ne  sont  Tobjel  d'aucune  meailion  particulière  ni 
chez  Thucycide  ni  chez  Diodore.  Mais  la  sixième  année  de  la 
guerre  (hiver  42(5),  ils  sont  distingués  parmi  les  alliés,  pendant 
la  campagne  dlillolie,  au  combat  d'Oli)ai,  près  d'Argos  Amphi- 
lochique. 

Les  deux  armées  en  présence  étaient  celle  des  Lacédémo- 
niens  sous  Eurylochos  avec  les  Péloponnésiens  et  les  Ambra- 
ciotes,  et  celle  des  Amphilochiens  et  Awirnanes,  commandée 
par  le  stratège  athénien  Démosthènes,  escorté  de  200  hoplites 
mcsséniens  de  Naupacle,  de  40  archers  d'Athènes  et  d'une 
escadre  de  20  navires.  Les  Mantinéens  pendant  l'action  se 
tenaient  à  Taile  gauche  entre  les  Spartiates  d'Eurylochos  et 
les  autres  Pélopounésions,  en  face  des  Mcsséniens  de  Démos- 
tènes.  Seuls  ils  se  re|)lièrent  en  bon  ordre  dans  la  déroute 
des  Péloi)onnésiens(4).  Le  lendemain,  Démosthènes  leur  accorda 
par  convention  secrète,  à  eux,  aux  officiers  lacédémoniens  et 
pélopimnésiens,  la  permission  de  se  reliier.  11  pensait  discré- 
ditei-  Sparte  aux  yeux  de  ses  alliés  irAmbracie,  que  cet  abandon 
allait  livrera  la  mer(!i  des  ennemis.  L'exemple  éililierait  aussi 
les  autres  peuples  trop  confiants  en  Sparte.  De  fait,  les  Manti- 
néens et  autres  bénéficiaires  de  l'armistice  sortirent  du  camp 
comme  pour  ramasser  du  bois  et  des  légumes,  el  s'éclipsèrent 
par  petits  grou|)es  en  emportant  ostensiblement  les  |)rovisious 


(I)  Concliio  entre  Sparte  et  Atliènes  pendant  riiivcr  4U»/5  (Tliucyd.  I,  115). 
{£)  Tliucyd.  1.70.    TjjlsÎç    yovy    Taç  Iv  tT)   lUXoTrovvYjdw  icoXeiç  ewV  xô 
up-tv  (b^éXi|jLov  xaTaTTTjffaixfivoi  eÇ'/iYCÏffOc. 

(3)  ïhucyd.  II,  10. 

(4)  Thucyd.  III,  108,  109,  111,  s 


l'expansion,    la   (X)NQUlVrK   DK   LA   l'ARUIIASIK.  381 

qu'ils  avaient  fail  semblant  d'aller  rliercJier.  Hne  fois  à  dis- 
tance, ils  aiMTléiTi'onl  leur  allure.  Ariïîlés  un  inslanl  par  une 
troupe  d'Acîarnanes,  ils  s'e.\|)rKiuùrent  et  purenl  sVloiî^ner  sans 
plus  tUre  inquiétés  (i). 

Dans  cet  épisode,  on  remarque  le  traitement  de  faveur  accordé 
par  le  stratog:e  athénien  aux  jçens  de  Mantinée  :  ils  obtiennent 
un  sauf-conduit  pour  toute  leur  troupe,  oUiriers  et  soldats, 
tandis  que,  [nnir  les  autres  Péloponnésiens,  seuls  les  chefs  et 
autres  personnajçcsde  nianjuesont  admis  au  même  privilège (2). 
Sans  doute  on  connaissait  à  Athènes  les  senlinuuits  intimes  de 
lacitéarcadienne  :  on  lui  témoignait  une  bienveillance  particu- 
lière, comme  à  une  alliée  que  l'ennemi  aurait  confis(|uée. 

Tandis  que  Sparte  guerroie  sans  tiève  et  sans  succès,  les     consiuuUoi» 
Arcadiens  de  la  Haute  IMaine  ne  perdent  pas  de  xwo  leurs  inté-  d^"";*-"'"'!»' '•• 
rets.  La  première  lutte  se  terminait  mal  pour  les  î^acMMlemoniens  :      ^,,.„  4^5, 
il  y  avait  trop  (rincoliérence  et'lrop  de  lenteur  dans  leurs  opé- 
rations. Ils  avaient  laissé  la  guerre  se  transporter  [jrès  de  chez 
eux,  eiiMessénie.  Us  étaient  menacés  sur  leurs  lianes  par  cette 
forteresse  de  Pylos,  une  des  idées  les  plus  heureuses  de  Thabile 
Démosthènes.  Tous  les  mécontents  de  la  Messénie  et  du  Félo- 
]>onnèse  avaient  roûl  sur  le  théâtre  des  prouesses  militaires  de 
Cléon.  Les  embarras  de  Sparte  et  son  découragement  permet- 
taient aux  indisciplinés  une  certaine  liberté  d'allures.   11  leur 
devenait  loisible  d'agir  pour  eux-mêmes.  - 

C'est  à  ce  moment  ((ue  le  parti  avancé  de  Mantinée  dut 
compléter  l'œuvre  du  synœcisme  par  une  réhirme  de  l'antifiue 
C(mstitution  dans  un  sens  plus  démo(*Tati(|ue.  L'ceuvre  légis- 
lative si  vantée,  due  à  la  (collaboration  de  Nicodôros  et  de 
Diagoras,  vit  le  jour  aux  environs  de  Tan  42;î  (l\),  dette  réforme 

(1)  C'osl  pcMit-ôtnî  rnsouvïnilr  dn  cnt  ôpismlo  ((un  fut  insUilIn  {\  Mantlnt^n  un 
culliîiln  l'AchrliWs  (Voy.  p.  308). 

(2)  ThucyU.  111,  101).  MavTivsuai  xat  MivsSaito  (Ir^'iirral  himlôinuDiun  qui 
rciiiplaçiiil  Ruryloclios  lur)   xal  toT;   àXXoi;  àp/oudi  tcov    rieA07rovvTr|(Juov, 

Xai  S<JOt  tt'JTWV  Y|(Tav  0L\l0X0*[OtT0LT0l. 

(:t)  D'apirs  Tliurydifln  (V,  iM  -  Cf.  plus  liant,  p.  33(>)  l'inslitnUon  dn  la 
<lrin()craUo  ôtail,  en  4>il,  un  fait  accompli.  C'est  là  le  lenniinis  aille  qncm, 
D'autro  part  l'association  do  Diagoras  (oxllé  d'Athènes  en  iL'i/i)  à  l'œuvre  de 
Nicodùros  euipt'^clic  dC' remonter  jusffu'a  la  date  protjabio  du  synœcisme,  entre 
4Gi  et  4;)î).  \a\  début  île  la  période  d'émancipation  eomprisi^  entre  425  i«l  ii3  et 
signalée  par  ia  con<|uéte  do  la  Parrliaslc,  est  donc  i'épiHjue  qui  convi(>nt  le 
mieux  à  la  réforme  démocraUque. 


382 

élnil,  cominn  on  Vi\  vu  plus  liant,  nécossciire  pour  concilier  les 
vieilles  habitudes  que  la  vie  eu  dèines  avait  enracinées  dans  la 
])Of)ulalion  rurale,  avec  la  nouvelle  situation  matérielle  résultant 
du  synœcisnie.  L'ingénieuse  combinaison  imaginée  par  le  légis- 
lateur atteste  la  sagesse  et  la  modération  de  Fesprit  public  à 
Mantinée.  Il  y  avait  peu  de  villes  jouissant  alors  d'une  situation 
intérieure  aussi  enviable.  Les  luttes  des  jKirtis  n'y  atteignaient 
pas  cette  intransigeance  (|ui,  partout  ailleurs,  mettaient  aux 
|»rises,  sans  espoir  de  conciliation,  les  aristocrates  et  les  démo- 
crates. Il  seml)le  (jue  l'opinion  moyenne  se  soit  tenue  entre  ces 
deux  extrêmes.  Le  sentiment  patriotique  avivé  par  la  haine 
traditionnelle  de  Tégée  et  de  Sparte,  étouITait  les  préoccu- 
pations égoïstes.  Les  intrigues  de  Sparte  n'avaient  |)as  encore 
réussi  à  pervertir  les  consciences  et  à  créer  entie  les  citoyens 
des  divisions  irréf)arables.  Le  parti  ccmservateur,  composé  des 
principaux  propriétaires,  ne  pouvait  laconiser  par  principe  : 
en  elTet,  ranticjue  division  de  la  population  en  cin(|  «lûmes 
n'avait  pu  monopoliser  la  possession  du  sol  entre  les  mains 
d'une  classe  privilégiée  (|ui  eiU  exploité  le  travail  d'aulrui, 
puisque  les  propriétaires  résidaient  la  plupart  sur  leurs 
domaines  et  les  cultivaient  eux-mêmes;  de  plus,  l'intérêt  rural 
desdits  propriétaires-cultivateurs  les  obligeaient,  pour  les  rai- 
sons déjà  exposées,  à  traiter  en  ennemis  naturels  le  voisin 
Tégéate  et  son  allié  le  Si)artiate.  Le  rai)prochement  qui  se  (Il 
partout  ailleurs  entie  les  intérêts  <'onservateurs  et  la  politi(|ue 
laconienne  n'était  don(^  pas  de  mise  à  Mantinée,  à  peine  née  à 
la  vie  urbaine.  Les  prof)riétaires  niantinéens  ne  se  posaient  pas 
en  adversaires  intraitables  de  ceux  qui  leur  proposèrent,  dans 
l'intérêt  supérieur  de  la  sécurité  nationale,  de  quitter  leurs 
dômes  pour  s'enfermer  à  l'intérieur  d'un  rempart.  D'autre  part, 
les  novateurs,  en  s'avisant  de  cette  transformation,  ne  la  conce- 
vaient pas  comme  une  mesure  vexatoire  à  l'égard  d'adversaires 
politiques,  mais  comme  une  nécessité  patrioticfue.  Entre  les 
conservateurs  et  les  novateurs,  il  n'y  avait  ni  haine  ni  incom- 
patibilité absolue  d'ofûnion  et  d'intérêts.  Aussi,  le  syn«rcisnic 
s'accomplit-il  sans  que  la  constitution  fût  d'abord  modifiée. Mais, 
l'expérience  de  quelques  années  lit  reconnaître  que  la  vie 
urbaine  et  la  vie  rurale  avaient  des  exigences  contradictoires. 
Cette  constatation,  au  lieu  d'envenimer  la  situation  et  d'amener 
un  antagonisme  entre  les  partis,  aboutit  à  une  entente  qui  trouva 
sa  formule  dans  la  constitution  si  pratique  de  Nicodôros. 


l'expansion,  la  oonquêtb  dk  la  paiiiiiiasik.  383 

La  nouvelle  Constilulion,  complément  chi  sj  iKrcisnie,  élar-  ^  poiii«q»w 
gissait  la  puissance  de  Manthiée  cl  lui  permoltail.  un  peu  iram-  «^'«^p*»»»'®»- 
bilion.  Plusieurs  raisons  (levaient  lui  inspirer  une  politique 
d'expansion  et  de  conquête  :  le  besoin  do  s'assurer  au  dehors 
des  points  d'appui  pour  les  condils  qu'on  prévoyait,  la  nécessité 
de  compléter  vers  l'ouest  la  défense  du  lerriloire,  déjà  proléjiçé 
à  l'est  j)ar  l'amitié  d'Arjços.Ace  point  de  vue,  Tenvoi  du  contin- 
gent auxiliaire  à  Tlthôme  avait  pu  ouvrir  les  idées  sur  le  ]mrll 
qu'on  pouvait  tirer  des  i>opulations  limitrophes  de  la  Messénie 
dans  une  lutte  contre  Sparte.  Mantinée  voulait  faire  acte  de 
puissance  en  se  créant  des  sujets  et  des  alliés  parmi  les  peu- 
plades non  encore  inféodées  a  Sparte.  Ensuite,  l'idée  de  procurer 
des  terres  vacantes  à  sa  population  toujours  croissante  et  de 
plus  en  plus  à  l'étroit  dans  les  limites  de  la  Mantinique,  ne  fut 
pas  sans  <loute  étrangère  à  ses  velléités  de  con(|uéle  :  la  nouvelle 
constitution  permettait  d'établir  au  dehors  des  (citoyens,  à  une 
certaine  distance  du  sol  natal  ;  ils  ne  perdaient  rien  de  leurs 
droits  civiques,  la  masse  populaire  n'ayant  à  intervenir  qu'à  de 
rares  intervalles.  Mantinée  était  donc  imf)atiente  de  briser  ses 
entraves  pour  déborder  au  dehors.  Depuis  (|u*elle  ne  forniait 
plus  un  simple  gioufie  de  bourgades,  les  cantons  ruraux  des 
environs  l'attiraient  comme  une  proie  facile.  Elle  rêva  de  leur 
imposer  sa  tutelle.  Les  Etats  centralisés  résistaient  mal  à  la 
tentathm  de  s'adjoindre  les  cantons  encore  mal  unifiés.  ÎMus 
d'une  grande  ville  annexa  à  son  territoire  quehpies  dèmes  isolés 
ou  simplement  confédérés.  Orchomène  possèdent  le  district 
ménalien  entre  le  Mont  IMialanthon  et  le  Ladon  ;  elle  y  avait 
fondé  Méthydrion  (1).  Kleitor  conquit  Lousoi,  et  Phénéos  les 
Aroania  avec  Nonacris  (2).  Ces  ct)nï|uctes  n'entraînaient  pas 
l'annexion  directe,  mais  le  protectorat  sous  forme  de  symma- 
cliie  :  le  territoire  vassal  fournissait  des  trou])es  et  conservait  sa 
nationalité;  parfois,  pour  le  garantir  contre  lui-même  et  contre 
l'étranger,  l'Etat  su/xrain  installait  dans  le  pays  des  garnisons 
et  des  fortins. 

Les  Mantinéens  ne  trouvaient  le  champ  libre  que  vers  l'Est,       Conqiiéie 
dans  la  région  du  Ménale,  au  Sud  du  Mont  Plialanlhon,  el,  plus    ^'^^  '*  M«n«i««'' 
loin,  par  la  gorge  de  l'ilélisson,  dans  la  belle  vallée  de  la  Par- 
rhasie,  arrosée  par  l'Alphée.  Bien  qu'aucun  texte  ne  spécifie 

(1)  Piiiisan.  VIII,  3G,  1. 
(i)  //;.  VIII,  18,7. 


't84  MANTINKK   KT   LAItCADIK  OIIIKNTALK. 

qu'ils  aient,  assujelli  les  villes  de  la  Ménalie,  la  vraisemblance 
de  leurs  opéralions  ullérienros  Texigc.  La  haute  vallée  enfermée 
enlre  le  revers  orienlal  du  Ménale  (1)  et  la  chaîne  centrale  d'Ar- 
cadie  rejoi£j;nail  la  Manlinii|ue  au  bassin  de  rAli)hée.  D'après  les 
traditions  du  droit  international  chez  les  Grecs,  aucune  troupe 
armée  ne  pouvait  traverser  un  lerriloiie  élianger  sans  Taulori- 
saticm  de  ses  habilauts  (2).  Or,  ni  les  Orchoméniens  ni  les  Té- 
géales  (3)  n'eussent  accordé  aux  hoplites  de  Manlinée  le  libre 
passaj^e  par  les  roules  du  N.  et  du  S.,  qu'ils  commandaient  (4). 
Il  (allait  qu'une  convention  avec  les  peuplades  ménaliennes 
permit  aux  Manlinéens  de  j^î^afçner  directement  soit  la  goijçe  de 
rilélisson  par  le  délilé  de  Kardara,  soit  celle  du  Haut  Elaphos 
par  les  chemins  de  montagne  qui  contournaient  au  S.  de  la 
])laine  Alcimédon  le  massif  d'Apano-Khrépa  et  reliaient  Man- 
tinée  à  Mainalos,  Davia,  Triodoi  et  Soumaleion.  Pour  être  dura- 
ble, celle  convention  impliquait  une  quasi-soumission  de  la 
Ménalie.  1^  légende  du  transfert  des  restes  d'Arcas,  soi-disant 
enlevés  à  Mainalos  pour  él:re  inhunu^sdans  l'agora  de  Mantinée, 
«luoiqu'elle  ait  été  fabriquée  après  la  reconstitution  de  la  ville 
en  371,  paraît  impliquer  que  les  Mantinéens  avaient  pleins  droits 
sur  Mainalos  (.*>). 


(1)  MatvâXlOV  TTEOIOV. 

(2)  Thur.  IV,  78  :  xotç  tzolgI  ye  ôp.oi(u;  "EXXYjaiv  uttotitov  xaOfidTi^xgi  tyjv 
Ttov  TcéXaç  |JL-/)  TteidavTaç  Buevxi. 

(3)  Uno  pîirUo  do  la  M<'>naii(^  avnU  apparlcnii  an  lot  d'Aplioldas,  cVst-à-dlro 
k  IVgnc.  Mainalos,  Tôj^'ratns  vi  Mantincns  sont  rapprochés  dans  la  fçônôalogic 
des  Lycaonidcs  (Paus.  VIH,  3,  4). 

(4)  Ui  roulo  la  plus  commode,  mais  la  plus  longue,dn  Mantinée  à  la  plaine 
parrliasicnne  passait  par  la  Tégéalide,  Pallanllon,  Asvai  (Houle  A  de  la  c^rte 
do  Loring.  Journ.  of  hellen  Stud.  XV  (IHÎIii),  pi.  I  et  II). Le  MaivxXiov  tïeSiov 
communique  avec  la  vallées  de  l'AIpliée  par  un  cluMnin  qui  emprunte  on 
pjirUc  le  ravin  de  la  rivière  de  Liingadia.  C'était  la  voie  la  plus  directe  pour 
aller  de  Mantinée  au  Lycée  par  Mainalos,  Dlpîiia,  Trikolonoi.  Oe  plus  cette 
roule  évitait  le  territoire  légéiite.  .le  suppose  que  co  fut  le  parcours  lo  plus 
souvent  suivi  par  les  troupes  manUné(>nnes.  Les  ravins  de  l'iléllsson  et  de 
l'Élaphos  ne  livrent  passage  k  aucun  chemin  praticable  ;  tout  au  plus  (je  no 
l'ai  pas  vérifié  par  moi-même)  pouvait-on,  dans  la  belle  saison,  suivre  comme 
piste  les  lits  do  ces  torrents,  comme  on  le  fait  pour  le  SarandaPolamos. 

(îi)  On  peut  tirer  de  Thucydide  un  autre  argument  i>our  attester  la  conquête 
de  la  Ménalie  [aw  Manlinée.  Après  la  piiix  de  4il,  Spsirle  enleva  aux  Manti- 
néens la  Parrhasie  (V.  3,')).  Cependant,  en  418,  Mantinée  combat  ctmtrc  Agis 
avec  ses  alliés  propres  l/ovreç  xoî^ç  ff^exspouç  Çu'/aa/ouç  (V.  "kS).  0»s  alliés 
ne  peuvent  être  que  les  Ménalions  du  canton  septentrional.  Pendant  la  méino 


L*KXPANS10N.    LA   CONQUETE  DE  LA  PAIllUIASlK.  385 

Au  S.-E.  de  la  Méiialie,  le  cours  de  rUclisson  débouchait  sur  Conq«èi« 
le  vaslc  bassin  de  FAlphée,  occupé  par  des  peuplades  rurales  qui  ^^ l^^^^j^J^.^^^^ 
ne  subissaient  encore  la  loi  d'aucun  Etat  centralisé.  Le  plus 
important  de  ces  groupes  était  celui  des  Farrhasiens,  enire  les 
Cynuriens  au  N.,  les  yEgytieus  et  les  Oreslliasiens  au  S.,  les 
Eutrésiens  h  TE.  Ils  occupaient  la  partie  de  la  plaine  comprise 
entre  la  rive  gauche  de  TAlphée  et  le  versant  oriental  du  Lycée. 
Hien  déchue  de  son  antique  splendeur  du  lemps  des  Lycao- 
ni<les,  la  Parrhasie,  au  V«  siècle,  vivait  dans  Tisolement  el  le 
calme  de  la  vie  cantonale.  Les  communes,  dont  (juelqucs-unes 
avaient  été  le  siège  de  la  royauté  arcadienne,  n'étaient  plus 
que  des  bourgades  de  cultivateurs  isolées  ou  groupées  autour 
de  leur  antique  citadelle.  Thucydide  (1)  les  appelle  :  xàç  Iv 
Ilappa(Tio(c  TtôXeiç.  Mais  le  mot  tcoXiç  doit  être  entendu  dans  le 
sens  de  xwixai,  qui  est  employé  par  Diodoro(2).  Le  synœcisme  de 

camptiKnc,  des  Ménalirns  figurcnl  dans  les  rangs  d(*s  Uimléinonicns  (V.  (j7)  : 
ce  sont  ceux  du  canton  méridional  inféodô  à  Tégéc  :  les  Pallantlons,  los 
Aséates,  les  Orcsthasicns.  Après  ilK,  la  llauto-MénalU*  fut  soiislralle  à  l'auto- 
rité de  Mantinée  (V.  81  :  o\  MavTtV7)Ç...  ttjV  ^p/T|V  à<peîaav  twv  ttoXcwv.).  U' 
prétendu  ratUicliemont  d'Aléa  au  district  ménallen,  d  où  Curtius  conclut  qui*, 
la  [population  d'Aléa  constituait  le  fond  primitif  de  la  Mantini(|ne  (Pelopov.  \, 
p.  312}  repose  sur  une  faute  de  texte.  Il  faut  substituer  dans  la  liste  de,  Pausanlas 
(VIll,  i7,  '\)  le  nom  d'Aséa  à  celui  d'Aléa.  D'ailleurs,  au  point  de  vue  ethnogra- 
phif|ue,  mythologique  et  politique,  Aléa  est  une  dépendance  de  l'Argolide 
(Paus.  VIll,  23,  i).  On  |)eutreconsUtuer  ainsi  qu'il  suit  l'histoire  ile  la  Ménalic. 
Les  cantons  ménaliens  formaient  un  7ÛaT'<||xa  oyjIKov  désigné  en  bloc  par 
l'ethni(|ue  MatvxXtoç.  Mais  ce  lien  politique  était  très  lAclie.  Oresthasion, 
Palianticm  et  Asé^i  a|)parti^naient,  de  nom,  à  la  Ménalie  (Pausan.  Vlll,  27,  3) 
et  cependant  étaient  libres.  Lors  de  la  fondation  de  Mégaiopcdis,  la  Ménalie 
fut  dé|N;uplée  et  son  territoire  annexé  à  la  MégalopoliUde.  Mais  au  III'  siècle, 
les  Ménaliens  avaient  sans  <loute  en  |Kirtle  reconquis  leur  autonomie,  puis- 
qu'ils sont  représentes  is(déinent  dans  la  Houle  de  la  Confédération  arca- 
dienne pîir  trois  «lémiurges  (Décret  en  l'honneur  de  Phylarrhos.  Koucart.  Inacr. 
du  Pélop,  340n.  Cf.  Ililler  vcm  Gârlringen.  art.  Arkadia  dans  la  Real-Encycl. 
do  Pauly-Wissowa,  p.  1132.  —  Paus.  VIII,  27,  4). 

(1)  v.  33. —  Voici,  d'apWîs  Pausiinias  (VIII,  27,  3),  les  localités  et  les  dèmes 
de  la  Parrliasift  :  IIappaa{(ov  Se  Auxodwpetç,  ©wxvetç,  TpaTteCoùvTioi, 
ripo9E(ç,  *Axax'^(nov,  'Axôvxtov,  Maxapta,  AavÉa.  On  y  ajoute  Biisilis  et 
Urenthé.  On  attribue  aux  Parrhasiens  une  monnaie  avec  une  tête  de  Zeus  et 
la  iégende  II.  Ilap.  (Imlmof  Hlumer.  Mon.  gr.  p.  204.  —  Cardner.  Cat,  of 
greek  Coins.  Pclop.  p.  192,  pi.  XXX,  22,  propose  de  l'attribuer  A  Paroreia). 

(2)  XV, 72,4.— Si  Thucydide  (V. 39)  prolonge  la  IlappaTCx/j  jusqu'aux  confins 
de  la  Laconie,  en  y  comprenant  l'/Kgytis,  c'est  jKir  une  simple  synthèse  géogra- 
phique dont  l'Iliade  donnait  iléjâ  l'exemple  (II,  CiOS)  :  les  districts  de  la  vallée 
de  l'Alphée  coexistaient  sans  se  confondre  en  un  xoivov. 

MaiiUnée.   —  l^ft. 


386  MANTINKE   ET   L'aIICADIE   ORIENTALE. 

Méfçalopolis  Los  absorba  tous;  los  noms  de  Panliasieiis,  crEutré- 
siciis,  (IMCfi^y lions,  disparuronl  du  vocalmlaire  polili([n«  ;  il 
semble  (|uc  les  eLhni<fues  do  Monalions  el  de  Cynuriens  subsis- 
lorenl,  ces  pays  n'ayanl  pas  été  complètemcnl  dépeuplés  au 
profil  de  Mé^aIo])olis  (l). 

Les  Manlinéens descendirent  dans  celle  plaine.  Leur  plan  ne 
mancpiailpas  d'audace.  Maîtres  delà  Parrbasie,  ils  fermaienlle 
seul  passage  (|ui  restai  ouvert  au  centre  de  la  péninsule.  Appuyé 
d'une  parla  TAi-j^olide  el  de  Taulre  à  la  Triphylie  éléenne  (2), 
leur  lerriloire  agrandi  complétait  la  barrière  d'états  anti-laco- 
niens  opposée  à  Sparte.  Une  zone  continue  traversait  le  milieu 
du  Péloponnèse  d'une  mer  à  l'autre  :  suivant  le  plan  de  Thémis- 
tocle,  Sparte  se  trouvait  Isolée  dans  le  Sud.  De  plus,  ils  pou- 
vaient lendre  la  main  aux  Messéniens,  les  appuyer,  comme 
Athènes  faisait  à  Pylos,  inquiétera  poste  lixc  l'arrière-pays  laco- 
nien  cl  ses  débouchés  du  cùté  de  l'Elide. 

D'après  les  termes  <le  Thucydide,  la  concfuéle  de  la  Pairhasie 
eut  lieu  entre  Ml)  et  422.  J/absence  de  ville  el  le  morcellemenl 
politique  de  la  région  la  rendirent  facile  et  prompte  (3). 
CK>iiniinvccTog('c  î^a  «listance  de  Manlinée  à  la  Parrhasi«»  est  de  8  à  î)  heures  de 
Hnuiiic  marche.  )\)ur  intercepter  les  communications  du  pays  avec  la 
Laconie,  les  Manlinéens  avaient  construit  un  ft)rtà  Ky[)séla,  sur 
les  confins  de  la  Skiritis,  et  y  enlrelenaienl  une  garnison  (4)i 
Peut-êlre  curent-ils  un  instant  l'illusion  que  celle  con((uète 
allait  les  élever  au  rang  de  gran<le  puissance  militaire  et  terri- 
toriale. Mais  il  me  semble  dillicile  ([u'ils  aient  fait  grand  fond 
sur  la  solidité  de  leur  nouvel  élablissement. Celte  cimquéte  por- 

(1)  Kounirl.  Inacr.  du  /V/o/;.  .JW).,.  —Si  l'inscTi pilon  est  «lu  IV"  s.;  sinon,  il 
faufirnit  aduirltrcnviT  M.  Koucart,  uno  restauration  do  ccspcuphuiosau  ill"  s. 

(2)  I>prôon  ôlall  lril)Utairn  «l'Klis  (Tliiir.  V.  iU)  cl  dispuln*  pjir  Sparte. 

(3)  Toîç  yxp  JMavTiveudi  ;AÉpoç  ti  tyj;  'Apxaoîa;  xaxio-TcaTrro  u7ty,xoov,  sxi 
Tou  Ttpo;  'A07)vaiou;  TuoXifxou  ^vtoç^  xoti  feVoaiÇov  où  Trepto-j/eiOai  ff?p5ç  Toù; 
AaxcSxi[XOvioy;  ap/eiv,  k-KiiBr^  xai  (r/oX^jV  vjyov.  (en  Mi.  —  Tliui;.  V,  iîl). 

(4)  'AjiaSî  xotl  TO  èv  Ku-j/ÉXoiç  xeîj^oç  dvaipTfJaovTeç,  -^v  5uvo)vTït,  3  eTei/taav 
MavTiVTJ;  x«l  a^Tol  l^pouoouv,  êv  t9j  îlappaaixvj  xetijievov,  iiti  tyj  ^xipixi^i  xvjç 
Aaxo>vixyjç.  (Tluicyd.  V.3.X  —  Cf.  Sli'pli  Hyz.  Ku-j/sXa,  ^poiiptov  xexet;^tff;x£Vov 
Iv'ApxaSiqt  UTTO  Mavxiviojv.  Houxu^târjç  irijJLTrxT)).  D'après  l'inilication  do  Tliu- 
cydiilo,  la  placn  riait  siluro  au  S.,  sur  la  roule  îU\  Lsiconie,  dans  la  n^^ion  do 
L<'3ondarl,  comme  l'admollont  ("urtius  {Velop.  I.  \W))  et  Hursian  [Geotjr,  r. 
Gnech.  II,  p.  iW).  Pausanias  n'i^n  pnrie  pas.  O.  Mfillor,  rappolant  cfue  Kypsêlos 
avait  fondé  Hasilis  (Paus.  VIII,  21),  i)  propose,  |)our  rette  raison,  d'idenliUi^r 
HasIUs  el  Kypsélos  {D  irier.  I,  p.  (»i,  n"  2);  mais  il  roconnalt  lui-même  quo 
celle  hypothèse  s'iiccorde  mal  avec  le  text  ■  de  Tinicyilide. 


de    I^doliéion 
(hiver  423). 


L*E\PANS10N.    LA   CONQUbTK  DE  LA   PAIUUIASIK.  387 

tait  ombrage  à  Tégée,  qui  considérait  sans  douUî  les  cantons 
méridionaux  delà  vallée  d(î  TAIiihée  connue  roiupris  dans  sa 
sphère  d*inllucnce  (1),  et  à  Sparte,  à  (\u\  elle  fermait  rentrée  de 
TArcadie  occidentale.  Kn  't2'3,  tandis  (|ue  Sparle,  surmenée  par 
la  guerre  de  Tlirace  et  par  les  succès  même  de  Brasidas,  se  désin- 
téresse un  instant  des  alTaires  du  ]*éloponnèse  (2),  les  T<'*géates  se 
chargent  de  la  police  intéiieure  de  la  |)éninsule.  Tégéales  et 
Mantinéens,  avec  leurs  alliés  respectifs,  se  livrent  un  combat 
indécis  dans  la  plaine  de  TAlphée,  à  Ladokéion,  localité  de 
rOresthis  (hiver  42.1)  (3).  Chacune  des  deux  armées  mit  en  fuite 
l'aile  ennemie;  après  des  pertes  considérables  des  deux  cùlés,  le 
combat  ne  fut  interrompu  (pie  par  la  nuit.  Ou  s'attribua  la  vic- 
toire de  part  et  d'autre;  les  uns  et  les  autres  dressèrent  un 
trophée  et  envoyèrent  des  dépouilles  à  Delphes.  Cependant  les 
Tégéates,  semble-t-iU  avaient  obtenu  un  léger  avantage;  ils 
bivouaquèrent  sur  le  champ  de  bataille,  où  ils  se  liAtèrent 
d'élever  leur  trophée,  tandis  que  les  Mantinéens  se  retirèrent  à 
Boucolion  (4) avant  de  dresser  le  leur.  Un  monument  commémo- 
ratif  de  cet  événement  fut  consacré  à  Apollon  avec  la  dlme  et 
érigea  Manlinée  dans  le  Téméuos  d'Apollon  (5). 

Ce  combat  arrêta  les  juogrès  des  Mantinéens  vers  le  Sud,  aux  u^iruii^stu-wi. 
confins  de  l'Oiesthis.  Ils  ne  scmgèrent  plus  (|u*à  se  maintenir 
sur  leurs  conquêtes.  La  conservation  de  la  Parrhasie  devint  le 
grand  souci  de  leur  i)oliti([ue.  Au  congrès  de  S|)arte  (avril  421), 

{\)  Le  l)our^  (le  l^il(»k(Mui),  (l;ins  l'OrosUiLs,  rrroniinissaU  pour  fomliilcur 
L;i(lf)koSf  lils  (ri'VliriuoSf  roi  do  IV^co.  (Paus.  VUl,  4i,  1). 

[i)  Tliucyd.  IV,  117. 

(3)  Thmyii.  IV,  1:H.  O^londroildovinl  plus  tard  un  raul>ourKdrM('^^';ilo|M>lis, 
situ(S  au  S.-K,  sur  la  routo  do  IV^ôn,  iwr  Al<^a  ot  Pallantlon  (Pausiin.  VIII, 
U,  1.  —  Polyb.  Il,  iil,  :J;  "m,  2)  :   Pausanlas  cl  Pcdyho  (Vrivont  xk  AaSoxeta. 

(i)  lloucoliun  devait  rtro  à  piru  do  dIsUinco  au  N.  ou  au  N.-K.  du  champ  do 
hatalllo.  Plhio  v'ilv  ttudlium  parmi  lo8  vlllos  d'Arradlo  ontrr  lo  Ciortys  et  1o 
Karnion  (//.  iV.  IV,  (i,  20).  —  Los  alilôs  dont  parlo  Thucydidr  ôtalont,  du  crttô 
dos  ManUnôons,  les  Mônallrns  ot  los  Parrhaslons  ;  du  cùlô  des  TÔK^ates,  los 
l*:illanlions,  los  Asôales  ot  los  Orostliasions. 

(:>)  Voy.  Kouoart.  ïuscr.  du  PHop.  N«.Tii  ^.  p.  *(JÎ).  I/allrilMilion<looo  monu- 
ment à  la  halallledo  Liidokêion  est  ronlirmôe.  par  dos  raisons  paléo^rniphlquos  ot 
par  la  ronséeration  à  Apollon,  (fu'on  doit  rappriM'Iier  do  l'envol  dos  dôpoulllos 
à  Oolphos.  1^',  monument  do  Delphes  était  prohahlemont  l'Aixdlon  i\o  hronzo 
qun  clto  Pausanlas,  aux  environs  du  trésor  des  (>)rinUdons  :  èx  Sk  MavTivetaç 
T7|ç  'Apxxoiov  'AitôXXcov  yaXxouç  Icrriv  àvâOY|{jLa  (Pausan.  X,  13,  4).  On  peut 
dono  supposer  quo  la  hase,  trouvco  h  Alantlnéo  supportait  aussi  une  sUitue  (*\\ 
bronze  d'Apollon. 


388 


MANTINÉE  ET  l'aRGADIE  ORIENTALE. 


ils  votèrent  la  paix,  avec  la  plupart  des  alliés,  par  crainle  des 
représailles  (1);  mais  roppositiondeThobes,  de  Coriutlie,  d'Elis 
et  de  Mégare  rendit  cette  i)rudciice  inutile.  La  Ligue  péloponné- 
sienne  se  disloqua;  la  paix  de  Nicias  fut  aussitôt  convertie  en 
une  alliance  ollensive  et  défensive  (67tt|xa;^ta)  de  50  ans  entre 
Sparte  et  Athènes  (2).  La  délectation  niantinéenne  revint  du 
Congrès  avec  cette  in([uiétante  nouvelle  :  Sparte,  délivrée  d'une 
guerre  écrasanle,  allait  régler  ses  comptes  arriérés.  Ceux  des 
alliés  dont  Tatlitude  au  cours  des  dernières  années  avait  été 
suspecte  commençaient  à  treu\lder.  Entre  tous,  les  Mantiuéens 
étaient  les  moins  tranquilles.  Le  synuîcisme,  leur  démocratie, 
la  Ménalie  et  la  Parrliasie,  les  mettaient  dans  un  mauvais  cas. 
ils  sentaient  que  Theure  de  Texpiation  approchait  (.'J). 

(1)  Thucyd.  V,  17,  18  cl  iO. 

(2)  Thucyd.  V,  ti.  —  Manlinéc  iidliéra  aussi  h  ci*,  second  Uîxln  (fu'on  apjxda  la 
Paix  Alti((uo  :  Iv  xaTç  (ncov8aT<;  xaTç  'AmxaTç  (Tluiryd.  V,  20).  Mais  icsaliics 
qui  in  sign^.ronl  sn  rondaicntcomplo' qu'ils  n'y  trouvaionl  aucuno  gsininllc  : 
on  ciTpt,  uno  clause  pcrmellait  aux  LactSilcmonions  ol  aux  AUiéninns  d'y  re- 
trancher ol  d'y  ajouter  ce  qu'ils  jugeraient  convenahle.  Ijos  ailiers  prétendaient 
se  faire  adinellrc  au  bênérire  de  celle  clause  et  qu'aucun  amendement  ne  se 
fit  stins  leur  approbation.  Us  commençaient  à  soupçonner  un  danger  dans 
l'entente  des  deux  grandes  puissances;  de  là  îles  protestations  et  des  défec- 
Uons  :  Sparte  semblait  trahir  le  Péloimnnêse.  Il  sullisait  »  son  <Sg<»1sme  d'avoir 
obtenu  la  reddition  de  Sphuctérie. 

(3)  Thucyd.  V.  29. 


|OTffQf|orl     j  /\ 


H.oAo.-L.o.n- 


U.o.olf  L   .  O    lk\ 


Kig.  53.  —  Tulles  Avrc  iiiscriplioiisf  el  pyramides  votives. 
(Vuy.  AUX  A|i|i«iiiliLT>.  i''.|M{(i-H|»liie  5"). 


CHAPITRE  V. 

LA  RÉVOLTE.    LA  LIGUE   ATTICO-ARGIENNE. 

(421-417). 


Des  agents  corinthiens  faisaient  alors  de  la  propagande  en  Traité 
faveur  d'une  contre-ligue  dont  Argos  recevrait  la  prostasie  (1).  '"*"'  Argos,  En* 
La  prospérité  d'Argos  n'avait  fait  que  s'accroître.  Elle  se  trouvait  '^  Jl^n"** 
prête  à  de  grandes  choses  au  moment  où  sa  trêve  avec  Sparte 
allait  expirer  (2).  Le  renouvellement  de  ce  pacte  dans  les  mômes 
conditions  n'étant  pas  possible,  la  guerre  semblait  imminente. 
Les  Argiens  laissèrent  venir  à  eux  toutes  les  adhésions.  Les 
Mantinécns  avec  leurs  alUés  Ménaliens  et  Parrhasiens  se  firent 
inscrire  les  premiers  dans  la  nouvelle  symmachie.  Argos  deve- 
nait le  refuge  contre  Tinévitable  rancune  de  Sparte.  L'initiative 
des  Mantinéens  donoa  le  branle  au  reste  du  Péloponnèse  (3)  : 
les  plus  hésitants  se  décidèrent  à  rompre  leurs  liens,  persuadés 
que  les  Mantinéens  en  savaient  plus  long  qu'eux.  Du  coup, 
l'ancien  système  politique  de  la  péninsule  était  bouleversé  : 
Argos  supplantait  Sparte  dans  la  direction  des  États  ;  Sparte 
était  honnie  et  méprisée. 

Les  Éléens,  en  guerre  ouverte  avec  Sparte  à  propos  de  Lépréon, 
entrèrent  dans  l'alliance  (4)  ;  ils  furent  suivis  par  Corinthe  et 

(1)  Tluicyd.,  V,  27. 

(2)  Ib.  V,  28,  il. 

(3)  Ih.  V,  i\l  MavTiVTJç  8'auTOtç  xal  oî  (ua}xa}^oi  aôrwvicpwTOc  icpoffe;^wpifjaav, 
SeSiôxeç  TO'jç  AaxeSaifxoviou; . . .  "ilazt  à(T|jLevot  Ttpoç  toIiç  'Apyeiouç  cTpaTiovro, 
ndXtv  xe  jjLeyaXirjv  vojjLiÇovTeç  xal  Aaxe8ai[JLOv{ocç  àel  Sta<popov,  5Yj|jLOxpaTOUfi.6vr|V 
xe  w(mep  xal  aOxot. 

(4)  Ib.  V,  3i. 


390 


MANtlNËK  KT  L  AllCADIK  ORIENTALE. 


Perle 

de  la  Parrhasie 

(421). 


Intervention 

d'Alcibiade  et 

d'Athènes. 


par  les  villes  de  Chalcidique  (1).  On  essaya  en  vain  de  séduire 
la  Béotie  et  Tégée  :  la  vieille  rivale  de  Mautînée  se  montra 
inébranlable  dans  soo  ressentiment.  Elle  n'oubliait  pas  l'absence 
des  Mantiuéensà  Dipaia.  Alors  Sparte,  encouragée  par  la  fidélité 
des  Tégéales,  se  décide  à  ToITensive. 

Les  Lacédémoniens  en  niasse  conduits  par  le  roi  Pleistoanax, 
fils  de  Pausanias,  euvabirent  en  masse  la  Parrbasie  (été  42t). 
Le  pays  supportait  avec  impatience  le  joug  de  Mantinée;  les 
cantons  avaient  appelé  Sparte  en  Ul)ératrice  (2).  D'ailleurs  le 
fort  de  Kypséla  importunait  Torgueil  laconieu.  Les  Spartiates 
firent  porter  contre  lui  leur  principal  elTort.  Tandis  qu'ils  assié- 
geaient la  garnison  mantinéenne  tout  en  ravageant  le  pays,  les 
Mautinéens  confièrent  la  garde  de  leur  ville  à  des  troupes  ar- 
gienoes  et  accoururent  en  Parrhasie.  Mais,  repoussés  du  fort  et 
des  bourgades,  ils  durent  rétrograder.  Les  Lacédémoniens  rasè- 
rent Kypséla  et  rendirent  aux  Parrhasiens  leur  autonomie  (3). 

Les  débuts  de  la  ligne  argienue  n'étaient  guère  heureux. 
Les  alliés  s'étaient  crus  capables  d'improviser  un  nouvel  ordre 
de  choses  avec  beaucoup  d'illusions,  des  moyens  médiocres  et 
une  préparation  insuffisante.  Leurs  échecs  diplomatiques  et 
leurs  revers  militaires  les  firent  réfléchir  sur  ce  que  l'entreprise 
avait  de  prématuré.  Pour  avoir  voulu  jouer  à  la  grande  puis- 
sance, Mantinée  tombait  de  son  rêve  dépouillée  de  ses  conquê- 
tes :  exemple  qui  prouvait  aux  États  secondaires  l'inanité  des 
ambitions  trop  vastes.  De  son  côté  Argos,  depuis  si  longtemps 
isolée,  avait  perdu  l'habitude  de  diriger.  Son  rôle  nouveau  la 
déconcertait.  Elle  ne  sut  pas  inspirer  aux  autres  États  la  con- 
fiance qui  eût  provoqué  la  défection  générale  du  Péloponnèse, 
ni  persévérer  dans  ses  vues.  En  face  de  l'alliance  attico-laco- 
nienne,  elle  se  troubla.  La  faction  dirigeante  avait  plus  de 
bonne  volonté  que  d'expérience  politique.  II  manquait  alors  un 
homme  d'État  de  la  trempe  de  Phidon.  Aussi  Argos  se  disposait- 
elle  à  abdiquer  pour  rentrer  dans  l'orbite  de  Sparte  (4),  qui 
l'eût  accueillie  avec  joie  (5),  quand  Athènes  intervint,  poussée 


(1)  C'est  sans  ilouto  A  co  moment  quo>  fut  conclue  entre  Klls,  Argos  et  Man- 
tinée Talliance  ofTenslvc  et  défensive  ii  laquelle  Thucydide  fait  allusion  (V.  48). 
Les  Corinthiens  se  contentaient  d'une  alliance  défensive  avec  Ar^^os  :  t7)v 
irpcoTjfjv  Y6vo{j[.£VY|v  tTri|xay^iav.  (V,  4«.  —  Cf.  V,  31.) 

(2)  Thucyd.  V,  rw. 

(3)  Thucyd.  V.  27-35. 

(4)  Thucyd.  V,  40. 

(5)  Ib.  3G, 


LA   UKVOLTE.    LA   LIGUE  ATTICOAIIGIENNE.  îft)l 

par  Alcibiade.   Soo  ardeur  raniiMa  les  rélopoiiDésiens  décou- 
ragés et  sa  clairvoyance  les  remit  dans  le  bon  chemin.  Avec 
une  remarquable  finesse,  Alcibiade  perça  à  jour  la  diplomatie 
ambiguë  des  éphores  qui  se  jouaient  d'Argos  (1),  et  dissipa  les 
malentendus  qui  empêchaient  les  Argiens  de  tendre  la  main  à 
Athènes  (2j.  La  paix  de  Nicias  était  pour  Athènes  une  duperie  : 
rincident  du  fort  de  Panacton,  démantelé  par  les  Laccdémo- 
niens  et  les  Béotiens  avant  d'être  rendu  aux  Athéniens,  venait 
d'indisposer  les  esprits    contre    Sparte  et  contre  le  parti  de 
Tailiance   personnilié  par  Nicias.    Alcibiade,  jeune,  avide  de 
jouer  un  rôle,  se  fit  un  tremplin  de  cette  (fueslion.  H  dénonça 
le  Traité  Atlique,  envoya  de  son  chef  des  agents  à  Argos»  à  Man- 
tinée  et  à  Élis  pour  les  engager  à  solliciter  Tamitié  d'Athènes 
et  leur  promettre  son  concours  personnel   (3).     Argos  n'avait 
renoncé  que  par  impuissance  au  patronage  des  intérêts  anti- 
laconiens.  Mais  du  moment  qu'un  État  ami   de  longue  date, 
sympathique  aux  vœux  des  Péloponnésiens  séparatistes,  démo- 
cratique et  habitué   à    l'hégémonie,  s'offrait  pour  prendre  la 
direction    dont   elle-même   se  sentait  incapable,    elle  n'avait 
plus    qu'à    se  laisser    mener.    Les    combinaisons  d'Alcibiade 
se  rencontraient  avec  celles   de  Thémistocle    :    Argos,    unie 
à   Mantinée  et  à  l'ÉLide,   deviendrait  dans  les  mains  d'Athè- 
nes un  instrument  contre  l'omnipotence  Spartiate.  Le  Pélo- 
ponnèse cessait  de  former  un  bloc  inaccessible  aux  hoplites 
athéniens.  Jusqu'alors  Athènes  n'avciit  pu  que  l'assaillir  exté- 
rieurement avec  ses  escadres  ;  pour  la  première  fois,  elle  allait 
l'entamer  à  l'intérieur.  Les  trois  États  envoyèrent  donc  à  Athènes 
une  délégation  (4)  ;  elle  y  rencontra  celle  des  Lacédémonicns  qui 
venait  proposer  au  peuple  un  arrangement.  Il  était  à  craindre 
que  le  parti  de  l'alliance  ne  remportât.  Mais  Alcibiade  sauva  la 
situation  à  force  d'intrigues,  malgré  l'opposition  de  Nicias  et  de 
ses  partisans  (5).  Enfin  le  peuple  conclut  avec  les  plénipoten- 
tiaires d'Argos,  d'Elisetde  Mantinée,  le  traité  fameux  copié  par 

(I)  Thmytl.  V,  aï),  44. 

{i)  Ar^os  s'inqiiirtail  d'un  Inûlv  ronclu  oiilrn  Spjirlr  i*l  Irs  Rôoticns  rt, 
priis.iU-rlIi',  approuva  par  Allu>nns.  Au  cimlralro,  i\  Atlidics,  on  le  ju^'oail 
coiiimn  uno  infrarlion  à  la  paix  «In  Nicias  (Thucyil.  V,  40). 

(3)  ïliiicyd.  V,  W. 

(4)  Thucytl.  V,  4i. 

(ii)  Thucy.l.  V,  4;i.  — Cf.  Dlod.  XII,  7;).  —  Pliil.  Àicib.  H,  h"».  —  O'S  (lou.x 
ilcrnifTs  lo.\los  n'ajuulciU  rioii  à  Tliuryiliilo. 


I^.)2  MANTINÉK   ET   L*AHCADIE  ORIENTALE. 

Thucydide  et  dont  un  fragment  authentique  a  été  retrouvé  sur 

TAcropole  (printemps  420)  (1).  Il  était  stipulé  dans  ce  document  : 

Le  traita  avec       1"  Lcs  Athéniens  d'une  part,  les  Argiens,  les  Mantinéens  et  les 

Aihènos,  Argos  ÉlécHS  dc  Taulre  s'engagent  pour  cent  ans  à  se  respecter  et  à  se 

et  tva        défendre  mutuellement  sur  terre  et  sur  mer,  eux  et  leurs  alliés 

<**"^" '"*"'-'>  respectifs. 

2r  Les  parties  contractantes  s'interdisent  toute  attaque  les 
unes  contre  les  autres. 

3*  En  cas  d'attaciue  d'Atlioncs  par  un  ennemi,  les  trois  autres 
États  sont  tenus,  en  cas  d'appel,  de  lui  porter  secours. 

4®  L'agresseur  sera  déclaré  ennemi  des  trois  États,  dont  aucun 
ne  pourra  traiter  avec  lui  sans  l'assentiment  des  autres. 

5^  Ces  clauses  sont  réciproques  et  engagent  également  Athè- 
nes, en  cas  d'attaque  par  un  ennemi  de  Tun  des  trois  Etats 
contractants. 

6^^  Les  États  contractants  interdisent  le  passage  des  hommes 
d'arme  par  terre  ou  par  mer  sur  leur  territoire  et  sur  celui  de 
leurs  alliés,  à  moins  de  décisions  spéciales  prises  à  l'unanimité. 

1"*  L'État  qui  enverra  des  troupes  auxiliaires  leur  fournira 
30  jours  de  vivres  à  compter  du  jour  où  ces  troupes  seront 
entrées  sur  le  territoire  de  l'État  demandeur. 

8o  Au-delà  de  30  jours,  l'entretien  des  auxiliaires  incombe  à 
l'État  demandeur,  à  raison  de  trois  oboles  d'Égine  par  jour  et  par 
hoplite,  par  psile  et  par  archer,  d'une  drachme  par  cavalier (2). 

9®  L'État  demandeur  exercera  le  commandement  des  troupes 
auxiliaires  sur  son  territoire.  Dans  le  cas  d'une  expédition  exté- 
rieure entreprise  en  commun  par  les  contractants,  chacun  aura 
part  égale  au  commandemenL 

10"  Les  Athéniens  jureront  pour  eux  et  leurs  alliés  ;  les 
Argiens,  Mantinéens,  Éléens  jureront  par  villes,  tous  par  le  plus 
fort  serment  de  leur  pays,  d'après  la  formule  suivante  :  «  Je 
serai  fidèle  aux  clauses  du  traité,  sans  dol  ni  dommage  ;  je 
ne  chercherai  à  l'enfreindre  par  aucun  artifice  ni  d'aucune 
manière.  » 

(1)  Thucyd.  V,  47.  —  C.  I.  A.  IV  suppl.  I  i(5l..  —  Cf.  KirchofT.  Herméit.  XII,  30  cl 
suiv. —  Scbûnc.  ib.  p.  47i.  —  Los  di(T6rcncos  de  rcdacliori  entrn  l'original  et  la 
copie  dc  Thucydide  sont  légères;  elles  sont  impiit;ii)ies  soit  à  Thucydide  lul- 
môme  soit  au  secnHalrc  qu'il  chargea  dc  lui  transcrire  lo  document,  soit  aux 
copistes  des  manuscrits,  llicks.  Greck  liistor.  inscr.  52.  —  Classen.  Thucyd. 
Vorbemerk.  VIU,  p.  XXV.  —  Slahl  ai  Thucyd.  lib.  V. 

(2)  Voy.  Dœckh.  StaatshanshaUung.  H,  p.  G  et  sulv. 


LA   RISVOLTË.    LA   LIGUB   ATTICO-ARGIENNi:. 


Ml 


Coiisé(|tiencrs 
du  Irnité. 


Ho  Le  serment  sera  prêté  à  Athènes  par  le  Conseil  et  les  auto- 
rités év^fxoi,  et  reçu  par  les  Prytanes  ;  à  Argos,  prêté  par  le 
Conseil,  les  80  et  les  Artyues,  reçu  par  les  80;  à  Mantinée,  prêté 
par  les  Démiurges,  le  Couseil  et  les  autres  aulorilés,  reçu  par  les 
Théores  et  les  Polénianiues  (1)  ;  à  Élis,  prêté  par  les  Démiurges, 
les  magistrats,  les  600,  reçu  par  les  Démiurges  et  les  Tliesmo- 
pliylaques.  Les  sermeuts  seront  renouvelés  par  une  délégation 
athénienne  qui  se  transportera  à  Élis,  à  Mantinée  et  à  Argos 
30  jours  avant  la  fête  Olympique,  et  par  des  délégations  argienne, 
éléenne  et  mantinéenue  qui  se  rendront  à  Athènes  dix  jours 
avant  les  Grandes  Panathénées. 

12"  Les  clauses  relatives  au  traité,  au  serment,  à  Talliance, 
seront  gravées  sur  une  stèle  de  marbre  exposée  à  Athènes  sur 
l'Acropole,  à  Argos  sur  Pagora,  dans  le  temple  d'Apollon,  à 
Mantinée  dans  le  temple  de  Zeus  sur  l'agora.  Une  stèle  de  bronze 
sera  placée  à  frais  communs  à  Olympie  pendant  la  fête  Olym- 
pique qui  va  s'ouvrir  (Olymp.  90,  1  =  420). 

13°  Les  amendements  seront  l'objet  d'une  décision  commune 
qui  fera  loi. 

La  portée  de  cet  acte  ne  pouvait  échapper  à  Sparte.  C'était  la 
rupture  de  la  Paix  Attiquc(â).La  guerre  allait  reprendre  de  plus 
belle.  L'équilibre  des  forces  hel1éui(|ues  se  trouvait  déplacé  : 
voici  qu'Athènes  s'ingérait  dans  les  allaires  du  Sud  et  dirigeait 
une  ligue  péloponnésienue,  situation  nouvelle  grosse  de  sur- 
prises pour  Sparte.  Celle-ci  voyait  l'œuvre  lente  du  siècle 
précédent  remise  en  question  par  la  dislocation  de  l'ancienne 
symmachie  péloponnésienue.  La  barrière  centrale,  tracée  par 
Phidon  et  par  Thémistocle,  se  dressait  par  les  soins  d'Alcihiade, 
avec  un  front  de  trois  villes  puissantes  :  Argos,  Mantinée,  Elis. 
L'ellort  de  Sparte  pour  se  dégager  porterait  sur  cet  obstacle.  Il 
lui  fallait  s'ouvrir  une  trouée  au  cœur  du  Péloponnèse.  Ainsi  le 
théâtre  des  hostilités  allait  descendre  de  la  (îrècc  centrale  en 
pleine  péninsule  ;  la  guerre  attique  (3)  se  changeait  en  guerre 
mantinéenne  (4). 

Le  premier  acte  de  la  quadruple  allinnce  fut  de  mettre  les    Les  hn»tiiité!i. 
Lacédémoniens  hors  la  loi,  en  leur  interdisant  l'accès  de  l'Altis  ^«"M'-Kn»'  «rAici- 

liiade  (rtr  i*0). 

(1)  Voy.  plus  haut,  p.  340. 

(2)  Oflicicncinont,  Ifs  traités  antôriours  nn  furent  pas  annulés  (Thucyd. 
V,  48). 

(3)  àxTixo;  KÔXcixoç.  Tliuryd.  V,  31. 

(4)  0  MavTivixoç  7TÔXep.0(;.  Thucyd.  V,  20. 


{il  9- il  8). 


394  MANTINÉK   KT   l'AUCADIK  OHIISNTALK. 

Guerre        Olyiîipicfiie  (1).  Udg  Iroupc  de  nulle  Argiens,  de  mille  Manli- 
d f.|)i.iiiiire      ncens  renforcés  par  de  la  cavalerie  alhénienue  vinrent  aider  les 

/<io  iia\  .  '^ 

Kléeus  à  faire  respeclcr  l'excomnuinication.  Un  Lacédémonien 
fut  même  bàlonné  dans  rilippodromc  :  Sparte  ne  bougea  pas 
(été  420)  (:2j.  On  tenta  eusuile  une  démarciie  collective  auprès 
des  Corinthiens,  mais  sans  succès  :  un  tremblement  de  terre 
interrompit  les  pourparlers.  D'ailleurs  rentrée  en  scène  d'Athè- 
nes était  plutôt  faite  pour  éloigner  Corinthe  de  la  Ligue  et 
riucliuer  vers  Sparte  (3).  Athènes  pril  ses  mesures  pour  parer 
à  ces  mauvaises  dispositions.  Après  avoir  établi  une  ligne  d*atta- 
(|ue  intérieure,  il  lui  restait  à  compléter  Tinvestissement  des 
cales  pélôponnésiennes  (4)  en  s'assurautd'un  port  sur  le  littoral 
Sud  du  golfe  de  Corinthe,  en  facede  Naupacte,  de  façon  à  boucher 
rentrée  de  celte  mer  close.  Alcibiade,élu  8tragège{été  419),entra 
dans  le  Péloponnèse,  à  la  tète  d'une  poignée  d'hoplites  et 
d'archers  athéniens,  ([ue  grossirent  bieutùtles  contingents  des 
trois  républiques.  Il  promena  les  troupes  alliées  pour  cousoliier 
sur  son  passage  les  affaires  de  la  Ligue  (5).  11  aboutit  à  Patraiet 
décida  les  Patréens  à  prolonger  leur  mur  jusqu'à  la  mer  (6). 
Patrai  acquise  à  Palliance,  Corinthe  pouvait  être  bloquée  au  fond 
de  son  immense  rade.  De  lautre  côté  de  Tisthme,  sur  le  golfe 
Saroniqiie,  Athènes  et  Argos  se  ^im^^lag^'^i^i^l  '^  souveraineté. 
Seule  t'oligarchique  Épidaure  tenait  pour  Corinthe  et  pour  Sparte. 
La  possession  de  celle  escale,  outre  qu'elle  permettait  de  com- 
pléter le  blocus  des  ports  orientaux  de  la  Corinthie  assurait  les 
communications  rapides  entre  Athènes  et  les  membres  de  la 
Ligue.  La  roule  de  terre  entre  Athènes,  Argos  et  Mantinée 
appartenait  aux  Corinthiens.  La  voie  de  mer  obligeait  les  navi- 
res chargés  d'hoplites  à  doubler  le  cap  Scyllaion  au  bout  de 
PArgolide.  La  route  mixte,  maritime  du  Pirée  a  Épidaure  par 
Egine,  terrestre  à  partir  d'Épidaure,  coupait  le  massif  argotique 
par  le  milieu.  (]'était  la  plus  directe  de  toutes  (7).  Alcibiade, 

(1)  Tliucyd.  V,  4iK 

(2)  Thucyd.  V,  l\[).  —  Xéii.  Ilellôn.  III,  i. 

(3)  Thm-yd.  V,  iH-.iO. 
(i)  Alliriii's,  jKir  la  Qua<irii])l('  Alllaiico,  voyait,  s'ouvrir  à  sos  rsracircs  li's 

iwrls  d'ArffOS,  do  Pylos,  <Ip  IMicla,  de  Kyllrno.  Omtre  (>)riiitlir,  elle  disposait 
do  Naiipjicle,  de  i'Arariianie  et  d'Ar&;os  ani])hilorhi(]uc. 

{5}  Thucyd.  V,  \M. 

((>}  Il  Umta  vaiiKinent  de  for(in|r  lUnnn  (Thuryd.  V,  ;>2). 

(7)  Los  lrl<^res  pouvaient  elTerluer  le  trajet  du  Pirée  h  Kpidaure  en  8  ou 
9  heures  et  même    moins  par  un  bon  vent.  D'Kpi<laure  i\  Ar^os,  on  compte 


LA   HKVOLTB.    LA   LÏGUK  ATTlCO-AROIKiNNE.  395 

péoélré  lie  rimportimce  stratégique  dM!;i)idaure,  voulut  Tiic- 
quérir  à  la  Ligue  fl).  La  ville,  serrée  de  près  parles  Argiens, 
appela  Sparte  à  sou  secours  (été  419)  {2,).  Eu  uK^me  temps,  sur 
riuvilalion  des  AUiéniens.  un  congrès  se  réunissait  à  Manlluée 
pour  régler  la  situation  de  la  Ligue  à  Tégard  de  Corinllie  (3). 
Les  députés  de  Corintho,  par  ia  houclni  (fEupliaundas,  protes- 
tèrent contre  l'expédition  d'Épidaure,  alléguant  (juou  ne  |)ou- 
vait  traiter  de  la  paix  alors  qu'on  faisait  la  guerre.  Ils  réclamè- 
rent, avant  tous  autres  pouiparlers,  la  suspension  des  liostilités  : 
elle  leur  fut  accordée.  11  y  eut  aussitôt  une  seconde  coutérence, 
mais  sans  résultat.  Les  Argiens  retournèrent  ravager  VKpi- 
danrie,  soutenus  par  les  mille  hoplites  d'Alcibiade.  Les 
Lacédémoniens  s'avancèrent  jusqu'à  Caryai  l\),  puis  chacun 
rentre  cliez  soi  vers  la  fin  de  Tété  (5).  Les  Argiens  tentèrent 
sans  succès  le  siège  d'Épidaure  durant  l'hiver  de  419/418  (6). 

Nonobstant  ces  hostilités,  la  paix  de  50  ans  entre  Sparte  et  Action  de  simito. 
Athènes  n'ayant  pas  été  dénoncée  formellement,    subsistait  ;  CaminKne  aAgi» 
mais  les  deux  alliés  se  traitaient  en  ennemis.   Thucydide  (7)  a     ••" '^'-k"'"»^- 
raison  de  compter  cette  période  pacifique  dans  l'histoire  de  la    ''j|^i)',*/i  ^i^^**^ 
guerre  du  Péloponnèse,  car  c'est  vraiment  alors  que  la  lutte 
devint  péloponnésienne.  Les  guerres  d'Épidaure  et  de  Mantinée 
marquent  les  premiers  épisodes  de  cette  seconde  phase.  Sparte, 
voyant  le  Péloponnèse  en  feu,  comprit  qu'il  fallait  agir  avec 
vigueur,  à  peine  de  déchéance  définitive.  Au  milieu  de  l'été  418, 
elle  fil  donc  appel  à  toutes  ses  forces  valides,  incorpora   sous 
les  ordres  du  roi  Agis  les  hilotes  et  les  prisonniers  de  Pylos 
réhabilités.  Elle  réclama  contre  les  séparatistes  le  concours  de 

10  liourrs  «lo  marrlio.  Du  Plrrn  à  Naiiplio,  on  coiitniirnaiil  rArf;oli<t(%  Irs  viits- 
soijiix  ninioiii'8,  iliiiis  les  riixîonstaiirns  los  plus  fnvorabirs,  dovaioiil  roiiiptrr 
au  muins  .'K)  li(Min\s  dn  rouln  conliniin  (tN)  iiiillos  marins,  à  l\  nùWvnii  riiciii'e). 

(1)  Tlniry«l.  V,  l\;\. 

(2)  Tliiicyil.  V,  .'i'K 

{'A)  I^*  cliuix  (inMantiiirc  romnio.  Vivu  do  rôiinion  s'<^\ptif|iii^  par  sa  position 
au  fc^nlro  dos  Étais  allies.— Voy.  une  uUusion  à  crtlo  confôronco  dans  In  discours 
d'AIrlblado  (Tluicyd.  VI,  10). 

(i)  Une  première  «lémonsl ration  avait  dôjà  été  faite  par  Af^is  du  ^^t^^  de. 
l'Klid«*  et  lie  la  Parrhasio  ;  mais  il  s'était  arrêté  à  Leuclra,  sous  prétexte  (|ue  les 
présages  n'étaient  pas  favorables  (Thucyd.  V,  Gi). 

(!>)  Tbueyd.  V,  îi.'». 

((î)  lit.  V,  Iji't.  niodore  (Xll,  7«)  substitue  Tnezéne  i\  Kpidaure  :  c'est  une  erreur 
manifeste. 

(7)  V,  iMi. 


3tK>  MANTINKE  KT   l'AHCADIK  OHIKNTALE. 

tous  ses  alliés  péloponnésiens  et  autres.  Entre  autres  Arcadiens 
fidèles,  les  Tégéales,  les  Méiialieus  du  Sud,  les  Orchoméniens, 
les  Pliliasicns  au  complet,  puis  Sicyone,  Pellëne,  Épidauro, 
Corinlhe  (2000  hoplites),  Mégare  mireut  sur  pied  leurs  uïilices. 
La  Héotie  fit  un  grand  clTort  :  5000  hoplites,  3000  psiles,  SOO 
cavaliers,  500  hamippos  vinrent  renforcer  ce  qui  restait  de 
l'ancienne  syinuiachie  péloponnésienne.  L'objectif  était  Argos. 
Agis  avait  désigné  aux  corps  auxiliaires  comme  point  de  con- 
centration la  plaine  de  Phlious,  contîguë  à  TArgolide.  Lui- 
môme,  à  la  tôle  des  Lacédémoniens,  prit  pour  s'y  rendre  la 
route  de  Tégée,  puis  contourna  le  territoire  mantinéen  par  la 
Ménaiieet  Méthydrion,  possessions  d'Orchomène.  Il  y  rencontra 
les  troupes  séparatistes  qui  avaient  de  leur  côté  fait  de  grands 
préparatifs  ;  les  Argiens  comptaient  auprès  d'eux  3000  hoplites 
éléens  et  presque  autant  de  Alantinéens  accompagnés  de  leurs 
alliés  ménaliens  (1).  Leur  plan  consistait  à  attaquer  Agis 
isolément  avant  sa  jonction  avec  ses  auxiliaires  et  ù  lui 
couper  la  route  de  Phlious.  Mais  Agis  les  déjoua  en  se  déro- 
bant à  la  faveur  de  la  nuit  et  gagna  rapidement  son  point  de 
concentration  (2).  Au  matin,  les  ennemis,  le  voyant  échappé, 
crurent  qu'il  marchait  sur  Argos.  Ils  se  hâtèrent  de  courir  au 
secours  de  cette  ville  (3),  puis,  quand  ils  surent  les  Lacédé- 
moniens a  Phlious,  ils  s'attendirent  à  les  voir  déboucher  par 
la  route  la  plus  commode,  celle  de  Némée.  Ils  commirent  l'im- 
prudence de  s'y  embus(fuer  sans  surveiller  les  autres  passages. 
Agis  les  trompa  derechef.  Il  divisa  son  armée  en  3  corps,  en 
assignant  à  chacun  une  direction  dillérente,  qui  les  ferait 
converger  dans  la  plaine  d'Argos  (4).  Les  troupes  de  la  Ligue, 

(1)  Tliiiry(IUIfî(V,  JiSj  illt  soiijoinont  :  èpOY,0Y)«xav  5*aÙT0Îç  xal  MavTtVTJç,  e/^ovreç 
TO'jç  ff^CTÉpouç  Çuaftâyou;,  xal  MIXsuov  Tp«r;^iXwt  ôwXTxat.  Dlwloiv  (XH,  78)  on 
a  conclu  qiio  les  clfiix  rontinjçriits  nlliôs  <Haii'nl  à  pou  prôs  i^k»«^-  Kn  comptant 
10  f'i  12.()00  lioplilos  pour  IVITiM'tlf  d'Argos,  rariiirr  sïSparatlsto  peut  «Mro.  (évaluée 
A  environ  18.000  hoinnirs  de  grosso  infanterie.  Voy.  rAppcndice. 

(2)  Sans  doute  par  Orelïonn'ne  (lyîvûli),  Kan<lyln,  Scotini  (marche  de  20 
heures). 

(3)  Par  Manllnée  et  la  route  du  Prlnos  (Tsiplana). 

(4)  ïhucyd.V,  (W.  Quatre  routes  franeliissent  les  montagnes  limitrophes  do  la 
Phliasicetde  l'Argolide  :  I"  si  l'K.  par  Némée,  Cléonal,  Ténéa  et  les  Kontojwreia 
(route  ancienne  de  (lorlnthe  à  Argos);  2"  au  N.  par  Némée  et  leTréton  (route 
moderne  iwir  le  délllé  de  Dorvénalti);  3"  plus  îi  l'ouest,  par  les  défilés  du  Poly- 
phengl  (ancien  Kélousa.—  al  Tcapi  KtjXoïïcrav  cupoXai.  Xcn.  IlelL  VII,  7)  et  du 
Karnéatés.  Ck^tte  route  venue  directement  de  Phlious  rencontre  la  précédente 


LA   névOLTE.    LA    LIGUK  AÎTICO-ARUIICNNR.  397 

tournées  par  les  habiles  manœuvres  d'Agîs,  cernées  par  Tannée 
grecque  la  plus  magnifique  qui  se  lût  jamais  réunie,  se  Irojii- 
vaient  fort  compromises,  prêles  pourtant  à  se  battre  avec 
aclinrnenienl.  Agis  eut  peur  sans  iloulo  de  celle  elTroyable 
môlce.  Deux  Argîens  sans  mandat  étant  venus  le  trouver,  il 
conclut  avec  eux  de  son  propre  chef  un  armislice  de  4  mois; 
puis  il  ramena  par  Némée  ses  troupes,  fort  méf^ontentes  de 
se  voir  frustrées  d'uue  victoire  certaine  (1). 

A  Sparte  aussi,  ce  dénouement  imprévu  fut  très  mal  accueilli.       imimMon 
On  avait  espéré  infliger  aux  séparatistes  une  rude  le<;on  ;  et      «l'Argo»; 
voilà  que  la  politique    sentimentale  d'Agis  avait  fait  avorter  "•'^"•"**^^^^^^^^^ 
les  promesses  de  cette  belle  entrée  en  campagne  (2).  A  Argos,    .lorebomènc. 
le  peuple  désavoua  TiDitiative  des  deux  citoyens  qui  Tavaient  (i«r  «n  is  août 
engagé  sans  son  ordre  (3).  Il  craignait  surtout  les  reproches         ^is). 


on  conlrc-lw8  do  Mycônes;  4"au  s.  0.  pur  Ornôai  (Palaio-U'ondi),  Lyrkria  cl 
rinac'lios.  L'annôo  d'Af^is  so  diviso  on  truis  corps  :  1"  los  Hootitins-M  ôga  riens - 
SIcyonlons  prennent  la  route  directe  do  Némée  par  \v  Tréton  (rouh*  suivie 
aussi  par  Agésii^olis  on  ÎKK).  Xén.  Uell.  VII,  7);  i"  A^rls  avec  les  I^cédénu»- 
nions,  les  Arcadicns  et  les  Kpidauriens  (aXXir)v  l/wpYjcre  ^/(ÂAt^z■r^y^  xal  xottipr\ 
CiÇTo  'ApYEUDV  iteSiov).  0.  Mûilor  (/ioricr,  M,  p.  wi)  et  Hoss  {Reisen,  p.  27)  ont 
pensé  qu'il  s'agissait  do  la  route  du  Kol«>usa.  (^urtius  {l'rltipon^  11,  (i.  ;")8.'t) 
opine  pour  la  rciute  do  Cléonai.  Mais  c'est  ini|M)ser  un  hien  long  détour  au 
chef  de  l'armée,  [>ressé  de  couper  aux  Argiens,  emlMis(|ués  sur  la  route  de, 
Némée,  le  chemin  de  leur  ville  et  «le  les  prenilre  à  revi'rs  entre  ses  propres 
trt)U|)es  et  son  i"  corps.  Je  jM'nso  donc  qu'Agis  prit  le  chemin  d'Ornéai  et  t|ue 
le  hameau  do  Saminthos  se  place  entre  Skala  et  Kout/.o)MNli.  Do  plus,  les 
tormos  de  Thucyiiide.  c(uivienuent  mieux  à  un  ciiemin  ili*  montagne  qu'à  la 
grande  route  do  CorinUuv,  ;i"  les  (Corinthiens,  Pellénéens,  Phliasiens  prennent 
élpOiov  CTEpav,  c'est-îi-dire  une.  autre  route  escar|)ée,  sans  aucun  doute  ct»ll<; 
du  Kélousii,  entre  les  deux  précédentes.  En  elTet,  les  Argii'ns,  dès  qu'ils  stmt 
avertis  de  ces  dispositions,  reviennent  en  arrière  sur  la  route  tie  Némée,  ren- 
contrent ce  3*  corps  d'armée  qui  les  a  dépassés  par  une  marche  parallèle,  et 
ont  avec  lui  un  engagement. 

(!)  Thucyd.  V,  (K). 

(2)  Agis  n'avait  pas  réuni  le  conseil  fie  guerre.  U  avait  seulement  commu- 
niqué sa  décision  à  l'un  des  deux  éphores  chargés  de  contrôler  en  sil(*nce  les 
actes  du  roi,  MiaMreahsolu  des  opérations  militaires  ('rhuryd.V,li<i).  Depuis  lors, 
on  Jugea  hou  de  resfrclridrf  ces  poiivoln:  llllriiMéi:  m  iidJol/Miniil  mu  loi  un 
f>ms(>il  do  10  SparUates  (5Éxa  ÇufJLpouXot.  Thucyd.  V,  l'CI).  Agis  ne  fmuvait  plus 
conduire  une  armée  au  dehors  sans  ce  comité  consulUitif.  Au  siècle  suivant,  il 
y  a,  autour  du  roi,  .'M)  conseillers  choisis  par  lui  (Plut.  Lya.  2.').  Agt^s.  .'M5.  — 
DIod.  XIV,  79.  —  Xén.  Uell.  V,  3,  8).  Le  commandant  <n  chef  devait  prendre 
leur  avis,  mais  II  restait  maître  et  res|)on8{ibIe  de  sa  décision. 

(3)  Thucyil.  v,  l'M 


398  MANTINKl!:  ET  i/aHCADIK  OllIENTALE. 

de  ses  alliés,  Iroinpés  et  trahis  par  celle  brusque  çouclusioo  (1). 
Mais  d'aulre  pari  le  formidable  déploiement  des  forces  adverses, 
la  scieuce  consommée  du  commandant  sparliale  avaient  pro- 
duit une  impression  profonde.  Au  contraire,  malgré  leur  bra- 
voure, les  troupes  de  la  Ligue  argienne  avaient  été  conduites 
avec  une  impéritie  notoire.  I^a  lutte  paraissait  inégale.  Ces 
rêllexions  poussèrent  les  Argiens  à  la  prudence  :  le  Irailé  ne  fut 
pas  rompu.  Aussi  quand  les  nouveaux  stratèges  athéniens, 
I^achès  et  Nikoslralos,  arrivèrent  avec  un  renfort  de  1000 
hoplites  et  de  300  cavaliers  et  Alcibiade  comme  envoyé  diplo- 
mali(|ue,  on  refusa  d'abord  de  les  recevoir.  11  fallut  Tinsislance 
des  Manlinéens  et  des  Eléens,  qui  ne  voulaient  à  aucun  prix 
abandonner  la  partie  ni  subir  seuls  les  risques  de  celte  équipée. 
Alcibiade  déclara  qu'un  Irailé  conclu  sans  l'aveu  des  alliés 
éliiit  nul  et  non  avenu;  il  fit  valoir  les  intérêts  delà  l^igue, 
réclama  une  action  immédiate  et  collective,  alors  que  toutes 
les  forces  fédérales  se  trouvaient  rassemblées.  Le  séduisant 
Athénien  n'avait  qu'à  parler  pour  convainci-e.  Il  avait  pour  lui 
le  charme  de  l'éloquence  et  le  prestige  de  l'intelligence  : 
les  alliés  sentaient  en  lui  un  chef  digne  de  confiance.  Son  plan 
se  présentait  clair,  logique,  impérieux.  11  fallait  abattre  l'une 
après  Tautre  les  forteresses  de  Tinfluence  lacédémonienne, 
Orchoniène,  Tégée,  puis  entraîner  avec  soi  toute  TArcadie. 
Les  alliés  étaient  tout  feu  tout  flammes.  Les  Manlinéens  s'exal- 
taient à  l'idée  d*assouvir  leur  vieille  haine  contre  leurs  rivales  ; 
lesEléens  calculaient  qu'on  irait  pour  eux  reprendre  Lépréon, 
occupé  par  une  garnison  lacédémonienne.  Mais  cet  enthou- 
siasme mettait  les  Argiens  dans  une  fausse  position.  Au  fond, 
ils  avaient  envie  de  suivre  Alcibiade:  mais  un  reste  de 
scrupules  et  de  (imidilé,  sans  doute  aussi  l'iniluence  du  parti 
lacouien  qui  avait  fait  survivre  l'œuvre  des  négociateurs 
improvisés  à  l'indignation  populaire,  paralysaient  leur  élan. 
Ils  laissèrent  donc  les  alliés  aller  surprendre  Orchomène, 
et  ne  les  rejoignirent  qu'un  peu  plus  lard.  La  ville,  après 
plusieurs  assauts,  se  rendit  et  fut  obligée  de  s'adjoindre  à 
ses  nouveaux  maîtres.  Le  bénétice  de  cette  recrue  était 
déjù    considérable    en    lui-même;    mais   Alcibiade    en   avait 

(1)  Lo.  rjiiiip  dos  si'iKirjitislrs,  ilo  son  nXr,  nv.  inanquiiit  pas  do  ronfinnco.  : 
ns  s'imagiiiairiit  <|uo  jamais  la  parUo  no  sVtail  prôsmlro  plus  hollo,  puisqu'on 
(lovait  conihalli'o  à  pruxintitô  do  la  villo,  avoc  dos  Iruupos  aussi  nonibrcusos 
quo  bravos.  (Tluioyd.  V,  IXH'm). 


LA    HÉVOLTE.    LA   LIUUK  ATTIGO  AUGIBNNK.  3UU 

escompté  un  profit  encore  plus  étendu.  En  elTet,  les  Lacédé- 
moniens  avaient  confié  aux  habitants  d'Orchomènc  la  garde  des 
otages  qui  leur  garantissaient  la  iidélité  des  cantons  arcadiens 
englobés  dans  leur  symmachie  (1).  Depuis  le  serment  prêté  à 
Cléomëne  (2),  Sparte  jugeait  prudent  de  prendre  certaines  cau- 
tions. La  capture  de  ces  otages  était  un  coup  de  maître.  La  ligue 
argienne  tenait  par  eux  les  niaius  liées  aux  États  de  TArcadie  du 
Nord  et  de  TOuest.  Pour  plus  de  sûreté,  ce  précieux  gage  fut 
confié  aux  Mantinéens.  Comme  l'exemple  de  Sparte  était  bon  à 
suivre,  on  y  ajouta  des  enfants  pris  parmi  les  Orchoménieus 
eux-mêmes  et  des  otages  parmi  les  Ménaliens  suspects  (3). 

Le  rôle  de  Mantinée  grandissait.  Ce  premier  triomphe  la  ren-      Lafruerr^ 
dait  plus  impatiente  d'obtenir  une  satisfaction  suprême,  Tavilis-     *'®  MmuimHî 
sèment  de  Tégée.  Quand,  dans  un  conseil  tie  guerre  tenu  à  ^*"'""  ""*^'  "*^' 
Mantinée,  les  alliés  délibérèrent  contre  quelle  place  ils  mar- 
cheraient d'abord,  les  Mantinéens  insistèrent  pour  Tégée.  C'était 
leur  intérêt  et  celui  delà  Ligue  :  aussi  ceux  d'Argos  et  d'Athènes 
se  rangèrent-ils  a  leur  avis.  Mais  les  Éléens,  las  de  ne  rien 
récolter,  réclamaient  la  prise  immédiate  de  Lépréon.  Ils  s'obsti- 
nèrent dans  celle  prétention  déraisonnable.  Quand  ils  virent  la 
majorité  décidée  à  ajourner  leur  récompense,  le  dépit  l'emporta 
et  ils  rentrèrent  chez  eux.  Leur  départ  affaiblissait  l'armée  nota- 
blement, en  lui  enlevant  3.(HX). hoplites  k  un  moment  critique. 
Tégée,  épouvantée  par  la  chute  d'Orchomène  et  par  les  prépa- 
ratifs des  troupes  concentrées  à  Mantinée,  songeait  à  se  ren- 


(i)  Tliurydidr  nr  iioinnic  |);is  les  pciipirs  iimiilicns  ipii  :i\;ii(Mil  suivi  OitIk»- 
nirnc.  rt  Tr^ôr.  Il  y  avîiit  prolKiliInnrnl  parmi  ces  otages  «los  p^'rns  dn  Slym- 
pli'.ilo,(l(*  IMn''niM»s,  «II»  Kh'ltnr,  ol  cli's  Ktnls  clo  l'Airadio  soplcnlrioiiiilr.  Tliiicydido 
(V.77)  rilrpHniii  1rs <dap's,ipn*  1rs  Armions sVnjjjifçriit  à  r('sUlitrr,df'Si>fônali('n<«. 
Il  rsl  prolmlilo  t\\iv  la  Alrtialii*  avail  voulu,  coiniiio  la  Parrhasif,  s'alTraiictiir  do 
la  duniinaliou  inanliurmur  i-l  tjuf  Manliurc  s  rlail  assui'<^  des  ^^ip's  parmi  eux- 

(i)  lliriMl.  VI,  74. 

(IJ)  Tliucy»!.  V,  r>l  cl  77.  Huv:€r|(iav  (o(jtc  Çua{i.a/ot  ts  eivat  xai  ô(i'/ipou;  (jîp(îiv 
Te  auTÔiv  Sauvai  xotl  MavTivsuai  oOç  xotTÉOevTO  Aaxe8ai|jLOvioi,  TrapocSoUvat, 
<»u  bien  :  Souvai  MavnvEuçi  xal  ou;  xaxÉdsvTO  AaxeSoiiuoviot  TrotpaSouvott 
(Voy.  Tluicyd.  trad.  Kirmiit-Didol,  II,  p.  7()i).  Li*s  commciilalfurs  n'cmt  pas 
conipris  pimniuoi  les  Ma  ni!  nôr  ns  ôlainilsruls  qualilirs  pour  nri'voir  liMlrpOl 
désolâmes.  Us  ont  supposa  f|u'il  s'a^^dssait  dos  aurions  snjols  do  Mantinôo,  dos 
Parrliastons.  Mais  la  Parrhasio  ôlait  alTranoIdo  :  ollo  avait  sollioilô  ollo-mômo 
di*Sparlt^sN  lilNTation.  Si  Spart«*  avait  ou  dos  ^a;;(*s  à  prondro  sur  los  cantons 
])arrliasions,  c'ost  il  Tômîo,  noua  Ordiomôno  qu'ollo  los aurait  ocmUés.  A  mon 
avis,  il  n'y  a  aurun  rapport  onlro  los  Parrliaslons  ol  los  ota^os  onquostion. 


400  MANTINÉK  KT  L'AnCADIK  ORllâNTALB. 

dre  (1).  Mais  il  fallait  se  hâter,  eo  présence  des  armements  de 
Sparte.  Agis  brûlait  de  prendre  sa  revanche.  Il  avait  promis  de 
se  réhabiliter  d*une  faiblesse  qui  avait  failli  lui  coûter  sa  fortune 
et  sa  maison  (2).  Sparte  fit  des  prodiges  d'activité  pour  recons- 
tituer rarmcc  péioponnésienne.  Spartiates,  Périèques,  Uitotes, 
toute  la  population  fut  mise  sur  pied  avec  une  incroyable  promp- 
titude. Celte  fois  l'objectif  était  Tégée,  mais  c*est  à  Oresthéion 
qu'Agis  alla  concentrer  ses  premières  troupes,  afin  d'entraîner 
la  Parrhasie.  Sou  armée  organisée,  il  en  élimina  les  éléments 
trop  jeunes  et  trop  vieux,  soit  environ  le  sixième  de  ses  forces 
et  les  envoya  en  Lacouie  garder  le  pays.  Puis  il  entra  à  Tégée 
par  la  route  d'Aséa-Pallantion  ;  ses  auxiliaires  Arcadiens, 
Uéréens  et  Ménaliensdu  Sud,  vinrent  Ty  rejoindre  (3).  De  là,  il 
lança  des  convocations  aux  alliés  du  Nord,  Corinthiens,  Béotiens, 
Phocidiens,  Locriens  en  leur  donnant  rendez-voub  devant  Man- 
tinée.  Mais  il  ne  pouvait  guère  compter  sur  leur  concours  immé- 
diat :  Tordre  de  mobilisation,  allait  les  surprendre  à  Timpro- 
viste  ;  il  leur  faudrait  s'attendre  les  uns  les  autres,  pour  ne  pas 
s'aventurer  isolément  sur  le  territoire  ennemi  d'Orchomène, 
qu^ils  étaient  obligés  de  traverser  avant  d  opérer  leur  jonction 
avec  le  roi.  Agis  s'empressa  de  couvrir  la  place,  eu  prenant  posi- 
tion sur  le  territoire  mantinéen,  qu'il  ravagea. 
HHUiiifl  Les  troupes  séparatistes  s'installèrent  sur  les  pentes  de  l'Alé- 

de  Maiitinôe  gj^^.  Agis  dut  cuiploycr  la  ruse  pour  les  en  déloger  (4).  Puis  les 
(fin  Aoiit  418).  j^^^  armées  se  rangèrent  en  bataille  dans  la  plaine.  Avant  d'en 
venir  aux  mains,  les  généraux  haranguèrent  leurs  soldats  de 
part  et  d'autre  (5).  Les  polémarques  de  Mautinée  rappelèrent  à 
leurs  concitoyens  que  cette  bataille  allait  décider  le  sort  de  leur 
patrie,  lui  assurer  la  domination  dont  ils  avaient  joui  ou  les  faire 
tomber  en  esclavage.  Après  les  discours,  on  en  vint  aux  mains. 
Dans  cette  mémorable  journée  (6),  la  moitié  de  la  Grèce  était 
engagée  :  «  Ce  fut,  dit  Thucydide  (7),  qui  en  a  soigné  le  récit  avec 
une  attention  particulière,  la  plus  grande  rencontre  qui  eût 

(1)  Tliucyd.  V,(îi,G*. 

(2)  Thucyd.  V,  (W. 
(:i)  Thucyd.  V,  (Mi. 

(4)  Voy.  IVxplicalion  do  su  inami'.uvrc  plus  liaul,  p.  44. 
(i))  Alribiado,  rriivinlpiisdccoiumHndoin<Mil(Tliucyd.V,(îl).  DitMiorocn  coiiclul 
qu'il  so  Irouvall  dans  lc8  rangs  uUiônions  comme  simple  soldai  (Diml.  XII,  79). 
(0)  Voy.  l'étude  détaillée  de  la  bataille  ellc-mônic,  aux  Appendices. 
(7)  Thucyd.  V,  74. 


LA   RéVOLTK.    LA  LIGUE  ATTIGOAIlUieNNE.  401 

encore  mis  aux  prises  des  forces  grecques  et  les  Klats  les  plus 
considérables.  »  Elle  se  termina  par  la  déroute  des  séparatistes, 
(yen  était  fait  pour  longtemps  de  riudépendancepéloponnésienne. 
Atlicues  fut  reléguée  cliez  elle.  Sparte  redevenait  ce  qu'elle  était 
avant  la  guerre,  la  souveraine  maîtresse  de  la  Péninsule  (1). 
C'était  aussi  une  délaite  pour  la  cause  démocratique.  Partout,  les 
partis  laconieus  se  redressèrent.  Le  faisceau  des  (|uatre  Étals, 
qui  devait  durer  cent  ans,  se  rompait  au  bout  de  deux  ans  à 
peine. 

Ce  qui  avait  triomphé  dans  cette  bataille,  c'était  le  nombre,  la  campagne 
discipline  et  la  ténacité  lacédémoniennes.  Agis  avait  commis  «l'Épidanre  (sept, 
des  fautes.  Les  Mantinéens  et  leurs  amis  d'Argos  montrèrent  ^'^^' 
plus  de  bravoure  et  d'audace  que  de  résistance.  Les  Athéniens  et 
les  Éginètes,  trop  peu  nombreux,  s'étaient  débandrs  en  laissant 
leurs  stratèges  sur  le  terrain.  En  tout,  la  Ligue  perdait  1100  tués, 
dont  200  Mantinéens.  Malgré  ces  pertes  et  l'écrasaote  alTirmation 
de  la  supériorité  militaire  de  Sparte,  les  confédérés  ne  jugèrent 
pas  la  situation  tout  à  fait  perdue.  A  peine  les  Lacédémonieus 
s'élaienl-ils  retirés  pour  célébrer  les  fêtes  carnéennes  que  les 
Éléens,  repentants  de  leur  défection,  accouraieut  a  Mantinée  avec 
leurs  3000  hopliles;  Athènes  envoya  un  renfort  de  1000  hommes. 
L'armée  séparatiste,  reconstituée,  marcha  sur  Kpidaure,  qui 
avait  prolité  de  l'absence  des  troupes  argieunes  pour  ravager 
TArgolide.  Le  siège  ne  fut  bien  conduit  que  par  les  Athéniens. 
Les  autres  alliés  s'ac(|uittèrent  mal  de  leur  tâche  :  il  s'agissait 
d'élever  un  mur  autour  de  la  ville.  L'opération  fut  abandonnée; 
chacun  fournit  son  contingenta  la  garnison  qu'on  laissa  dans  le 
fort  bâti  par  les  Athéniens,  puis  on  rentra  chacun  chez  soi  vers 
la  fin  de  l'été  418  (2). 

Alors,   les  Lacédémoniens  s'aperçurent  qu'ils  n'avaient  pas     Troii^emre 
recueilli  tout  le  bénéfice  de  leur  victoire.  Ils  se  remirent  en  cam-  simrie  et  Argos 
pagne  dès  rhiver418el  s'installèrent  à  Tégée  pour  mieux  diriger    {oct.-noT.-dcc. 
les  événements  qui  se  passaient  à  Argos.  La  démocratie  argienne        ^**^- 
subissait  le  contre  coup  de  la  défaite.  On  lui  reprochait  de 
n'avoir  tenu  aucune  de  ses  promesses.  L'opposition  oligarchique, 
([ui  avait  déjà  afTirmé  son  influence  par  l'étrange  conclusion  de 
l'armistice  avec  Agis,  profita  du  désarroi  de  ses  adversaires  et  de 

(1)  Ello  sïiUiit  ri^habilitôc  aux  youx  des  Grecs  qui  hii  reprochaient  son  apathie, 
son  imprévoyfinee  et  si»s  lenteurs  {Thucyd.  V,  71)). 
(î)  ThurytI.  V,  T.\. 

.MniitinAe.    —  il. 


402  MANTINKË  K-r   l'auCADIK  OUIENTALK. 

l'appui  des  Lacédéinonicns  pour  tenter  un  rapprochement  défi- 
nitif avec  Sparte  (1).  Le  débat  fut  très  cliaud.  Aux  menées  des 
partisans  de  Sparte,  Athènes  opposa  les  siennes.  Alcibiade  revint 
à  la  charge.  Mais  Tarmée  réunie  à  Tép;ée  faisait  tort  à  son  élo- 
quence. Aussi  l'assemblée  adopta  le  principe  de  Taccord  sur  les 
bases  suivantes  (2)  : 

l""  Restitution  aux  Orchoméniens,  aux  Ménaliens  et  aux  Lacé- 
démoniens  des  otages  et  prisonniers  enfermés  à  Mantinée. 

2<'  Rupture  de  la  trêve  avec  Athènes  si  les  hoplites  athéniens 
n'évacuaient  pasËpidaure. 

3"*  Autonomie  de  toutes  les  villes  du  Péloponnèse,  tant  grandes 
que  petites,  laissées  libres  de  se  gouverner  à  leur  guise. 

4''  Coopération  des  armées  argienne  et  lacédémonienne  en  cas 
d'invasion  du  Péloponnèse. 

Bientôt  après  Tadoption  de  ces  préliminaires,  les  oligarques 
remportèrent  un  succès  plus  décisif.  Ils  firent  dénouer  l'alliance 
avec  Mantinée,  Élis  et  Athènes,  et  conclure  un  traité  avec  Sparte 
aux  conditions  que  voici  (3)  : 

lo  Les  deux  villes  sont  sur  le  pied  d'égalité. 

2°  Indépendance  des  villes  péloponnésiennes  signataires  du 
traité  et  leur  égalité. 

3®  Statu  quo  pour  les  alliés  de  Sparte  et  d'Argos. 

4^  En  cas  de  contestation  entre  les  villes  alliées,  ou  recourt  à 
l'arbitrage. 

50  Sommation  aux  Athéniens  d'évacuer  le  Péloponnèse. 

6®  Engagement  de  ne  faire  la  paix  et  la  guerre  avec  qui  que  ce 
soit  que  d'un  commun  accord. 

Sans  plus  tarder,  les  nouveaux  alliés  entrèrent  en  pourparlers 

avec  le  roi  de  Macédoine  Perdiccas  dont  la  famille  se  rattachait 

aux  Téménides  d'Argos  et  avec  les  villes  de  la  Chalcidique  pour 

les  alTilier  à  leur  Ligue. 

Isolement         La  défcctiou  d'Argos  créait  une  répartition  nouvelle  des  forces 

de  Maatin^e.     poHtiques  du  Pélopounèsc.  Les  alliés  abandonnés  se  trouvaient 

Poix  de  30  Rns  ^rjjjg  „jj^  situatlou  dcs  plus  déUcates.  Le  premier  mouvement 

(a^Mi?)*     ^®®  Mantinéens  fut  de  tenir  tôte  à  l'orage,  avec  l'appui  d'Athènes. 

(i)  Arist.  Polit,  V,  3,  5  :  Kal  ev  "Apy^i  *>^  Y^iopijxoi  eù§oxt[i.v^(ravT€;  irepl  tyjv 
év  MavTivefot  |jLâyT)v  tY|V  irpoç  AaxeSaijJLOvtouç  èire/etpyiffav  xaTaXueiv  tov  ôtijjlov, 
Cr.  Thucyd.'  V,  7(i. 

(2)  Thucyd.  V,  77.  Le  texte  est  en  dialecte  laconien. 

(3)  Thucyd.  V,  78  et  71).  Texte  en  dUilccle  hiconicn. 


LA   HKVOLTK.    LA   LIGUK  ATTIGO-AHGIENNK:. 


4o:{ 


Mais  ils  ne  tardèrent  pas  à  reconnaître  leur  impuissance  et  leur 
isolement.  Ils  se  résignèrent  donc  à  abdiquer  encore  une  fois  : 
ils  firent  la  paix  avec  Sparte,  en  renonçant  à  la  domination  de 
la  Parrhasie  et  de  la  Ménalic  (1).  Leurs  rêves  de  grandeur  s'écrou- 
laient. La  courageuse  cité,  vaincue  par  la  mauvaise  fortune,  sut 
du  moius  conserver  son  honneur  au  milieu  des  trahisons  qui  se 
tramaient  autour  d'elle.  Elle  restait  fidèle  de  cœur  à  la  cause 
séparatiste.  Tandis  que  Lacédëmoniens  et  Argiens  intriguaient 
de  concert  en  faveur  des  restaurations  oligarchiques,  elle  se 
renferma  dans  une  abstention  pleine  de  dignité.  Elle  attendit 
avec  patience  des  jours  meilleurs  :  la  crise  n'était-elle  point  pas- 
sagère (2),  les  plus  solennelles  alliances  bien  précaires  et  Tamitiè 


(1)  Thucyd.  V,8I.  l\  importe,  pour  la  suite  «les  faits,  «le  fixer  «vec  pn^clsion 
la  date  (le  cet  êvcnement  diplomatique.  Il  ressort  île  Tliurydide,  <|uelesex|Wv 
dltions  militair(*.8  avaii'iit  lieu  Télé,  les  négociations  et  les  préparatifs  remplis- 
saient l'hiver.  Voici  le  ])rogramme  do  la  14*  année  iJ8-il7  : 


Milieu  de  l'été  418 
(Oépouç  p.eaouvTOç) 


Kin  fie.  l'été 

(to  Oipoç  ÊTeXfiUTa) 

Hiver 

(/ctpuvoç  dp/ojjLÉvou) 


Fin  de  l'idver 
(yetfjLwvoç  XyjYovtoj;) 
CoiiimenrtMnent  dn  printemps 
(irpoç  eap).   Kin  de  la  li*"  année 


2'  quinz.  juillet  :  eampaf<ne  de  Phlious 
et  d'Argollde;  armistice  d'Agis.  Les 
armées  se  flis|)ersent. 
i'*  quinz.  aoiU.  Alcibiadcà  Argus.  Siège 

et  prise  d'Orclioméne. 
i"  quinz.  aoiU.  Omrentration  à    Man- 
linée.    Va  et  vh^nt  entre   Mantinée, 
TégéeetSparlr. 
Fin  août  :  bataille  de  lMa^tiné(^ 
septemb.  Siège  d'Kpidaure.  Fêles  car- 

nécnnes. 
fK'.tobre       I^'s  Liicédém (miens  à  ïcgéc. 
IVopositions  à  Argos. 
Débats  conlradicloires  cnti'c 

Liclias  et  Alciblade. 
1''  traité  argéo-laconicn. 
Rtîprises  des  relations  entre 
les  deux  peuples, 
déccmb.    )  2*  tndté  argéo-laconien. 

Négociations  avec  la  Thrace, 

IVrdiccas,  etc.. 
llésislanee  de  Mantinée. 


janv.- 
mars 
417. 
avril 


A 1 1 ia n<*.e    Alan ti néo  -  Liicéd é  - 

monienne. 
(^impagnede  Sicyone. 
(2)  Alcibiade,  dans  W.  discours  où  il  pousse  les  Athéniens  «'i  l'expédition  de 
Sicile,  se  vante  d'avoir  soulevé  contre  Sparte  les  Fiais  les  plus  puissants  du 
Péloponnès(^  el  d'avoir  forcé  l(*s  Uicédémoniens  à  jouer  leur  fortune  dans  la 
journée  (II*  Mantinée  :  «  HIen  qu'ils  aient  eu  l'avantage  dans  le  combat,  certes 
Ils  n'ont  plus  aujourd'hui  la  même  cimliancc  dans  leur  audace.  »  (Thucyd.  VI,  I. 
—  l»lnl.  .l/ci/;.,  XV,  2). 


404 


MANTINEE   ET  LAllCADIE  0IUENTALI5. 


d'Argos  et  de  Sparte  anormale  et  anli-traditionnelle(l)  ?  Aussi, 
bien  que  s(yicieusc  d'éviter  les  actes  d'hostilité  déclarée,  elle 
gardait  iutactes,  avec  sa  foi  en  sa  mission  et  son  amour  des 
institutions  libérales,  ses  sympathies  pour  la  démocratie  athé- 
nienne, alors  la  meilleure  sauvegarde  des  constitutions  popu- 
laires contre  la  violence  des  partis  rétrogrades. 


(I)  Elle  se  rompit,  on  oITct,  l'annexe  suivanln  :  uno  réaction  démocraliquo 
rcjotii  Ar^os  dans  l'alliance  athénienne  (ïliucyti.  V,  82). 


Tëto  féminine  (llygie?)  trouvée  dans  le  Boiiieiilérion  (Haut.  0  m.'  35).'  • 
Voirie  profil,  PI.  VI,  el  sur  leculte  d'IIygie  à  Mautinéo,  plus  haut,  p.  3l(K3il. 


CHAPITRE   VI. 


L  ALLIANCE   DE   TRENTE   ANS   AVEC   SPARTE    t 
SOUMISSION    ET  OPPOSITION. 


(417-487). 


Le  pacte  subi  par  Mantinée  l'engageait  pour  trente  ans  (1),  luucs  des  partis 
trente  ans  d'efiacement  et  d'obscurité  voulue,  mais  non  de  ser-       dons  le 
vilité.  II  n'était  plus  permis  aux  Mantinéens  de  se  désintéresser     P«'i«»p«nnèse. 

de  ce  qui  se  passait  autour  d'eux  :  même  abattus,  ils  n'étaient  .^  '^^^^^^i»" 

.»  «.  .1*.       fA  ■••!  #  démocrnliïjiie  A 

plus  une  quantité  négligeable.  Si  1  intérêt  leur  dictait  de  mena-  Argos(éiê4i7). 
ger  le  présent,  le  devoir  leur  ordonnait  de  préparer  l'avenir. 
Or,  après  les  premières  efiusious  de  leur  liaison  avec  Sparte,  les 
Argiens  s'en  dégoûtèrent  vite.  Les  défaillances  et  les  incohé- 
rences de  la  politique  extérieure  dans  les  villes  grecques  étaient 
presque  toujours  l'œuvre  des  factions,  qui  vivaient  à  l'état 
d'équilibre  instable.  Les  mœurs  admettaient  qu'un  parti  vaincu 
cherchât  à  ressaisir  le  pouvoir  par  tous  les  moj'^eus.  Aussi  les 
relations  des  cités  suivaient-elles  les  fluctuations  des  discordes 
intestines.  Les  amitiés  se  nouaient  ou  se  dénouaient  avec  une 
étrange  désinvolture.  Ces  revirements  subits  ne  scandalisaient 
personne;  on  n'en  rendait  pas  l'ensembledescitoyens  responsable. 
Chacun  des  deux  camps  entretenait  des  intelligences  au  dehors. 
S'il  survenaitunedéfcction,  comme  elle  n'engageait  qu'un  parti, 
l'autre  parti  conservait  les  sympathies  de  la  nation  trahie.  11 
semblait  qu'Athènes  et  Mantinée  ne  dussent  jamais  pardonner  à 
Argos  de  les  avoir  abandonnées.  Au  contraire,  les  démocrates 
mantinéens  et  athéniens  n'en  furent  que  plus  indulgents  pour 

(I)  X6n.  //c//.,  V,  i,  2  :  Al   <T7C0Vûa\.  .  .    al  [xeTk  tY|V  êv  MavTivg^a  (xa/Tr|v 
TpiaxovraeTeîç  Yevo[j.£vai.  —  (Diod.  XV,  î>). 


400  MANTINÉE   ET  l'aRCADIR  ORIENTALR. 

ceux  de  leurs  amis  qui  ne  s'étaient  pas  laits  complices  à  Argos 
des  menées  oligarchiques.  Le  malheur  rapprocliait  par  delà  les 
frontières  les  gens  de  môme  opinion.  On  se  promettait  ollicieu- 
sèment  un  fraternel  appui;  on  mettait  en  commun  ses  espé- 
rances; on  complotait  ensemble  uue  révolution,  et,  si  Ton  réus- 
sissait à  renverser  la  faction  adverse,  ces  sentiments  de  solidarité 
se  traduisaient  aussitôt  par  une  alliance  d'Élat  à  Ëtat.  Or,  les 
démocrates  d'Argos  n'avaient  pas  désarmé.  A  peine  les  Lacédémo- 
niens  eurent-ils  tourné  le  dos,  que  le  peuple  massacra  et  expulsa 
les  oligarques.  Il  s'attendait  ensuite  à  être  assiégé  par  les  Spar- 
tiates, qui,  au  premier  bruit  de  ce  mouvement,  étaient  accourus 
à  Tégée,  d'où  ils  menaçaient  les  révolutionnaires.  Ceux-ci  se 
hâtèrent  de  rejoindre  par  de  longs  murs  leur  ville  a  la  mer,  de 
façon  à  se  tenir  en  contact  avec  les  escadres  d'Athènes.  Certaines 
villes  du  Péloponnèse,  dit  Thucydide  (1),  les  assistèrent  dans  la 
construction  de  leurs  murailles.  Il  n'est  pas  douteux  que  Man- 
tinée  et,  peut-être,  Élis  aient  joint  sans  bruit  leurs  ouvriers  aux 
maçons  venus  d'Athènes  (été  417).  Ainsi  l'ancienne  alliance  revi- 
vait de  fait.  La  réconciliation  était  complète.  Plutarque  (2)  a 
raison  de  dire  que  les  Lacédémoniens  n'avaient  tiré  aucun  avan- 
tage réel  de  leur  victoire  à  Mantinée. 
Coups  de  main  Aussi  bicu  l'habituelle  apathie  de  Sparte  encourageait  l'audace 
desArgicns  dc  SCS  enuemis.  En  pleine  paix,  les  Athéniens  installés  à  Pylos 
et  des  Mniutnérns  dirigeaient  des  incursions  armées  en  Messéuie  et  sur  les  côtes  du 
Péloponnèse.  Des  Argieus  et  des  Mantinéens  collaboraient  à  ces 
coups  de  main  (3);  ce  n'était  pas  uue  guerre  ouverte,  mais  des 
actes  de  brigandage  sans  caractère  oITiciel.  D'ailleurs,  ces  cor- 
saires n'osaient  se  risquer  sur  le  territoire  laconien;  en  vain  les 
Argiens  sollicitèrent  les  Athéniens  d'opérer  une  descente  subite 
en  Laconie  et  de  se  retirer  après  en  avoir  ravagé  quelque  coin 
isolé.  Les  Athéniens  refusèrent,  jusqu'à  l'été  de  414,  où  ils  sur- 
prirent certaines  échelles  laconiennes  :  Épidaure-Liméra,  Prasiai 
et  autres;  mais  alors  ils  n'avaient  plus  à  compter  sur  la  longa- 
nimité de  Sparte  (4). 


(i)  V,  82. 

(2)  Plut.  Àlcib.  XV,  2.  \a*s  ftlcons  firont  acto  d'opposition  à  Spartn  :  Ai?ls, 
sur  l'ordre  d'un  oniclc,  était  venu  sncrlUer  îi  Zcus  olympique  on  l'honneur  de 
sa  victoire.  Les  Ëlécns  lui  fcnnèrcnl  l'entrée  de  l'Allis.  (Xén.  HelL  111,  2). 

(3)  Thucyd.  VI,  10;). 

(4)  Ihid. 


contre  la  l.nconie 
(4i7-4U). 


L'ALUANCE   de  90  ANS   AVEC  SPARTE  :  SOUMISSION    ET  OPPOSITION.      407 

Malgré  ces  incidents,  le  moment  n'était  pas  fort  propice  à  une  Les  MAntinéens 
rentrée  en  scène  des  séparatistes.  Athènes,  après  avoir  dépéché  *  ^^«p^*»"'®» 
Alcibiade  au  secours  des  démocrates  argieiis  (1),  eut  d'autres  (liV^m 
projets  en  télé.  L'expédition  de  Sicile  servit  de  dérivatif  aux 
affaires  du  Péloponuèse.Quaut  à  Sparte,il  lui  suffît  de  n'être  plus 
harcelée  sur  ses  domaines.  Déjà  l'eilet  moral  de  la  défaite  de  418 
était  en  grande  partie  évanoui.  Ainsi  la  peur  de  déplaire  à  Sparte 
n'empêcha  pas,  en  415,  Mantinée  de  répondre  aux  demandes 
d'Alcibiade.  Le  brillant  stratège  jouissait  dans  cette  ville  et  en 
Arcadie  d'une  grande  popularité.  Son  crédit  détermina  environ 
250  citoyens  à  se  joindre  au  corps  expéditionnaire  des  Athéniens 
en  Sicile  (2).  Argos,  de  son  côté,  fournit  500  hoplites.  Cette 
attitude  amicale  flatta  le  peuple  athénien.  La  situation  person- 
nelle d'Alcibiade  en  fut  améliorée  (3).  On  savait  que  les  Pélopon- 
nésiens  l'avaient  suivi  par  attachement  à  sa  personne;  on  craignit 
de  les  voir  déserter  si  on  lui  retirait  le  commandement  après 
ralFaire  des  Hermès  et  des  Mystères  (4).  Cependant,  grâce  aux 
précautions  dont  on  usa  pour  séparer  Alcibiade  de  son  armée, 
le  départ  du  chef  favori  eut  lieu  sans  indisposer  les  auxiliaires. 
On  les  voit  participer  à  la  bataille  de  Syracuse  placés  à  l'aile 
droite  (été  415).  Nicias,  dans  sa  harangue,  leur  réserve  un  mot 
aimable.  Que  devinrent-ils  après  le  désastre  de  l'armée  athé- 
nienne? s'échappcrent-ils?  lurent-ils  vendus?  Thucydide  les 
a  perdus  de  vue  dans  l'infortune  de  ses  compatriotes. 

(1)  Sur   l:i   ili'failo  drs  î^iirrdôinonir.iis  à  Oinoi';   on  Ornrni    p;ir  les  lroup<^S 
:irgco-laroni<Min(>K  rn  :W«,  voy.  p.  412,  noU^  4. 

(2)  Tliucyilidi;  complr  vn  bUtc  i'M)  ManlîiirriiK  ot  iin*rn»naiiM's  armilicns  • 
MavTivscov  xal  (XtaOo^popcov  (VI,  4,'»,  (îl.  —  VII,  -M)  :  iMavTivrj;  ôà  xai  àXXoi 
'Apxg($o)v  (jiid)(Kpopoi,  êitt  Toùç  àel  iroXeiLtou;  a^piaiv  à7roo£ixv'jji.£vou;  euoOotc; 
Uvai.  O^lto  plirasc  assinilln  Irs  Manllnôons  aux  autres  iiirrrriiain^s.  I^\s 
liuplllrs  iiianliiHH'iis  parti  mil  à  lllro  privô,  nnhaui^lK's  par  Al<*il)ia(i<\  Sparlo 
n'y  pouvait  trouver  à  rodirr.  D'auLros  slipriiilirs  Arcailii-iis  li^^'urali'iit  dans 
l'arMiro  ennomio,  au  srrvico.  ilc  Corinlho  (Thucyd.  VII,  21»,  ."»7).  Le  conlinîxi'nl 
argion  rlail.,  au  contraire,  cxpédin  par  l'ÉUil.  Il  doit  èlrr  i'oiii|)(.é  parmi  les 
alliés  indé|M>ndants  (ol  B'aTib  ^u[x(JLa/taç  aùxovd'jLOt).  Les  deux  autres  rlasse,s 
d'auxiliaires  fonnaient  les  &Tiy,xooi  et  les  (jnaOo^opoi.  (Tlineyd.VI,  ;i7.)  —  Sur 
les  oldlftallons  iniliUdres  d'Ar^'os  envers  Athènt's,  voy.  ih.  VIII,  2»).  —  Peut- 
Hro.  le  Praxitèle,ancien  Mantinéen  devenu  ciloy<'n  de  Syraeuse  et  de  Ciimarina, 
qui  consacra  à  Olynipio  une  statue  exécutée  pjir  lo  lils  d'Ilagéialdas,  était-il 
un  de  ces  mercenaires  mantinéens  fixés  en  Sicile?  (Arcii.  Zeii.  1877,  p.  4î).— 
Collitz-Bcchtcl.  IHaL  Inschr,  1200). 

(:i)  Tliuryd.  VI,  2$). 

(4)  Tlimyd.  VI,  01.  —  VI,  (W.. 


408  MANTINKB   BT   l'aUCAOIK  OIUBNTALK. 

Manvftis  vouloir      Durant  Ics  années  suivantes,  si  Mantinée  disparaît  de  This- 

des  MnniinAciis  A  j^qJ^^  active,  On  saît  que  ce  ne  fut  point  aux  dépens  de  sa  dignité. 

legnid        Sparte  avait  profité  des   revers  d*Atiiènes   pour  reconstituer 

de   S|Nirtc.        ,,.  ••  ,i  ,.  .  *. 

(413-403).  *  ancienne  synimacnie  péloponncsienue,  mais  celte  fois  avec 
quelques  tempéraments  (1).  Après  413,  avec  la  guerre  de 
Décélie,  la  (îièce  revenait  en  arrière  aux  temps  antérieurs  à  la 
paix  de  Nicias.  Des  auxiliaires  péloponnésiens  suivent  les 
armées  laccdéiiioniennes  en  Attique,  dans  les  lies,  en  Asie  (2). 
Mais  la  participation  personnelle  des  États  alliés  à  ces  expédi- 
tions lointaines  n'est  pas  mieux  connue  que  pour  les  périodes 
précédentes.  D'une  manière  générale,  Mantinée  remplit  de  fort 
mauvaise  grâce  les  obligations  de  son  pacte.  Était-elle  requise 
de  partir  en  campagne,  tous  les  prétextes  lui.  semblaient  bons 
pour  refuser  le  service.  Suivant  en  cela  l'exemple  souvent  donné 
par  les  Spartiates,  elle  soulevait  fort  à  propos  des  cas  de 
conscience,  invoquait  rèxc/eip(a  ou  trêve  sacrée  olympique, 
etc..  (3).  Lorsqu'enfin  elle  se  trouvait  à  court  d'échappatoires 
et  qu'il  lui  fallait  s'exécuter  bon  gré  malgré,  ses  troupes 
s'acquittaient  à  dessein  si  mal  de  leur  service,  que  les  Lacédé- 
moniens  osaient  à  peine  se  fier  à  de  pareils  auxiliaires.  Arrivait- 
il  à  Sparte  quelque  mésaventure,  les  Mantinéens  ne  savaient 
pas  se  défendre  d'une  joie  mal  dissimulée.  En  revanche  les 
succès  de  Sparte  ne  leur  inspiraient  que  du  dépit  (4),  Cette 
attitude  eut,  à  la  longue,  le  don  d'.exaspérer  les  Lacédémoniens. 
Ils  patientèrent  pourtant.  Même  après  l'écrasement  d'Athènes, 

(i)  Thucyd.VIII,.'3.  — Colto.  soconcio  lîj^nic  fut  orfçanisro,  avec  plus  do.  m<^th(Mln 
que  par  lo  passi^,  ii  l'iinilalion  du  syslfîmo.  allico-dclion.  Pour  payer  leur 
flotte,  les  Liioédénioniens  imposèrent  à  leurs  alliés  des  Uixos  représentant  la 
valeur  des  vaisseaux  de  jçuerre.  Les  Arcadleus  furent  tiixés  en  bloc  avec  les 
Pellénlcns  et  les  Si<'yoniens,  pour  10  vaisseaux.  Les  villes  pouvaient  aussi, 
moyennant  indemnité,  se  racheter  du  service,  en  cas  d'exi)éilitlon  lointaine 
(Xén.  Hell.  VI,  2.  10). 

(2)  Sievers,  Geschichte  Griech.^  p.  HO,  anirnie  la  participation  des  Manti- 
néens h  l'expédition  d'Agésflas  en  Asie.  Mais  aucun  texte  ne  les  désigne  nom- 
mément; ils  se  confondaient  dans  les  rangs  des  auxiliaires  Arcadiens. 

(3)  Les  I^iccdémoniens  se  laissaient  facilement  duper  par  des  prétextas  de 
cet  ordre.  Les  Argiens  abusèrent  souvent  de  le.ur  crédulité  en  déplaçant  le. 
mois  sacré  Oirnéen  :  ils  le  faisaient  tomber  juste  au  moment  où  les  I^irédé- 
monlens  allaient  les  envahir,  et  ils  obtenaient  un  armistice.  Les  T^icédém»)- 
nlcns  se  retiraient,  par  peur  du  sacrilège.  A  la  fin,  comprenant  qu'on  les. 
bi;rnRit,  Ils  se  firent  autoriser  par  Zeus  olympique  A  passer  outre  (Xén.  Hell, 
IV,  7).  .         '  . 

(i)  Xén.  HelL  V,  2. 


L*A.LUANCB  l>B  3()  ANS   AVEC  SPARTB  *.  8OUMISSIO4N   ET  OPPOSITION.       400 

ils  n'osent  s'immiscer  dans  les  aflaires  intérieures  des  villes 
alliées  pour  leur  imposer  des  lois  à  leur  gré.  C'est  ce  que 
Lysias  constate  formellement  dans  son  discours  sur  la  Consti- 
tution de  Phormisios,  prononcé  en  403  après  la  chute  des 
Trente  (1).  La  terreur  des  Lacédémoniens  inspirait  alors  à 
plusieurs  Athéniens  le  désir  de  certaines  concessions.  Quelques 
démocrates  paraissaient  disposés  à  transiger  pour  une  consti- 
tution semi-démocratique  où  Ton  sacrifiait  à  la  peur  de  recom- 
mencer la  guerre,  les  principes  d'égalité  absolue.  Lysias  s'élève 
contre  ces  lâches  capitulations  :  il  leur  oppose  l'attitude  indé- 
pendante d'ArgosetdeMantinée.  Ue  ces  deux  villes,  la  i^  n'est 
pas  plus  forte  qu'Athènes»  1a2>n«n'a  guère  plus  de  3000  hommes 
à  mettre  sur  pied  ;  leur  territoire  est  à  portée  de  leur  puissant 
ennemi,  et  cependant  elles  Toblsgent  à  compter  avec  elles  et  à 
les  ménager  pour  n'avoir  pas  à  les  anéantir.]  Les  faits  connus 
confirment  celte  éloquente  antithèse,  mais  pour  aboutir  à  une 
conclusion  pratique  bien  différente  de  celle  qu'indique  l'orateur. 

A  la  fin,  Sparte,  voyant  que  l'opposition  dans  le  Péloponnèse  ne  ExpédiUon  contre 
désarmait  pas,  se  résolut  à  faire  un  exemple.  Ce  fut  aux  Éléens  ti»» (♦oi-aw». 
qu'elle  s'en  prit  tout  d'abord.  Ce  peuple  s'était  montré  non  moins 
réfractaire  que  les  Mantinéens;  comme  il  mêlait  Zeus  olympique 
à  ses  affaires,  les  Spartiates,  très  respectueux  des  choses  reli- 
gieuses, se  voyaient  avec  peine  frappés  d'excommunication, 
exclus  des  fêtes  et  voués  au  mépris  public.  De  plus,  la  démo- 
cratie, à  Élis,  sous  Timpulsion  d'un  homme  hardi  et  intelligent, 
Thrasydaios,  n'était  guère  disposée  à  pactiser  avec  les  fauteurs 
de  l'oligarchie.  Élis  arrondissait  son  territoire  aux  dépens  des 
villes  voisines,  réduites  à  l'état  de  périèques.  Agis  reçut  l'ordre 
de  réunir  Tarmée  fédérale  et  de  la  mener  contre  Élis.  Les  Athé- 
niens eux-mêmes  durent  se  joindre  aux  alliés:  Corinthiens  et 
Tliébains  refusèrent  leur  concours.  Les  Mantinéens  furent  con- 
traints de  marcher  contre  leurs  amis   (2).  Élis,  réduire,  fut 

(1)  Lysias.    Ihpl  rqç  EloAiTeta;.  7. 

(2)  Sur  c«;lln  oxiMulition,  \vn.  HelL  III,  2,  ii.  —  Dlod.  XIV,  17,  3i.  — 
Pausaii,  III,  8.  —  Xi^nopli()n«lll:(IIl,  2,  2;*))  :  ouvsar^awuovTo  tw  'Ayioi  ttXtjv 
lîotwTwv  xal  KopivOwv  oT  ts  àXXot  auaaa/ot  irivTs;  xat  oi  'AO/jvaîoi.  Il  y  eut 
<loux  caiii|),'i^m^s  succosslvns  1ns  KIcons  après  liMlôpart  d'A^Ms,  arrôln  par  un 
Ircmblcincnl  do  Icrro,  onvoyôrcrit  dos  dôputôs  îi  iDutcs  los  vilhîs  qu'ils  savaient 
mal  disposées  envers  Sparte.— Au  m(^nie  moment,  des  niencnaires  mantinéens 
guerroyaient  en  Asie,  parmi  les  Dix-Mille;  dans  une  fête  donnée  à  Kotyora 
par  l«*s  slralèges  en  l'honneur  des  Paphlagoniens,  leur  danse  nationale  fit 
sensation  (Xén.  Ànab.  VI,  I.  — Voy.  plus  haut,  p.  :)i9). 


410 


MANTINEE  ET  L  ARCADIE  ORIENTALE. 


Soulèvement 


annexée  à  la  Ligue  lacédémonienne  (39S).  Cette  rigoureuse  exé- 
cution coupa  court  aux  velléités  indépendantes  des  petits  États; 
mais  la  terreur  n'était  pas  un  bon  moyen  de  se  concilier  leur 
aflection  et  de  ranimer  leur  zèle  chancelant. 
L'autorité  de  Sparte  ne  fit  aucun  progrès.  En  395,  les  Thé- 
coDireS|>arte(3»5).  |)ains  Ic  Constataient  quand  ils  tentèrent  d'entraîner  les  Athé- 
Compngnc      nig^g  ^r^^^  |a  coalitîon  corinthienne  :  «  Quel  peuple  reste  encore 

contre  llièbes  -^  i        r 

deLy*andro  attaché  aux  Lacédémonicns?  Les  Argiens?  Mais  n'ont-ils  pas  été 
et  de  PansAniQs.  dc  tout  tcmps  Icur  ennemi?  Les  Ëléeus?  Mais  ne  viennent-ils  pas 
de  se  les  aliéner  en  leur  enlevant  des  villes  et  une  grande  partie 
de  leur  territoire?  Que  dirons-nous  des  Corinthiens,  des  Arca- 
diens,  des  Achcens?  Cédant  à  leurs  instances,  ils  ont  partagé, 
dans  la  guerre  qu'ils  nous  faisaient,  leurs  travaux,  leurs  dangers 
et  leurs  dépenses;  mais,  dès  qu'ils  curent  exécuté  les  volontés 
de  Sparte,  quelle  part  ont-ils  eue  à  la  puissance,  aux  honneurs, 
aux  richesses  (i)?  »  La  coalition,  subventionnée  par  le  satrape 
Tithraustès,  réunissait  des  forces  imposantes  :  celles  d'Athènes, 
de  Tlièbes,  de  Coriuthe,  d'Argos.  Il  y  eut  en  Grèce  une  levée 
générale  de  boucliers  :  Sparte  fit  marcher  ses  auxiliaires.  En 
395,  Pausanias,  à  la  télé  d'une  armée  dirigée  contre  Thèbes, 
installa  à  Tégée  son  quartier  général  et  lança  des  convocations 
aux  villes  voisines  :  Mantinée  dut  obéir  (2).  Arrivé  trcp  tard  à 
à  Haliarte  au  rendez-vous  fixé  par  Lysandre,  le  loi  fut  condamné 
à  mort.  Il  s'échappa  de  Sparte,  trouva  un  refuge  dans  l'asile 
d'Alhéna-Aléa  à  Tégée,  où  il  Unit  ses  jours.  De  là  il  entretint  des 
intelligences  avec  ceux  que  Xénophon  appelle  les  prostates  du 
peuple  de  Mantinée  :  ces  relations  devaient  lui  servir  plus  tard  (3). 
L'année  suivante,  les  Mantinécns  ngurcnl  avec  les  Tégéates 
dans  l'armée  d'Aristodémos,  parent  et  tuteur  du  jeune  Agésipolis. 
Mais  ils  ne  prennent  point  part  à  la  bataille  de  Némée,  ayant 
sans  doute  invoqué  comme  cas  de  dispense  une  fête  reli- 
gieuse (4).  On  les  retrouve  mêlés  aux  opérations  des  Lacédé- 
moniens  autour  de  Coriiithe,  contre  les  mercenaires  d'Iphi- 
crate  (5).  Cette  guerre  devait  être  pour  eux  une  pénible  corvée. 
Quoique  braves  et  reconnus  pour  tels  entre  tous  les  Arcadiens  (6), 


Guerre 

de    Corinthe 

(394-387). 


.(I)  Xi^n.  Hell.  m,  :». 

(2)  Soiilr,  C<»rinlhc  so  démba  (Xrn.  llell.  II!,  ;i,  17). 

(3)  Xôn.  Jlell.,  V,  2,  3. 

(4)  C'était  le  cas  des  Pliliasiens  (Xén.  HeU.  IV.  2,  IGj. 

(5)  /&.  IV,  4.  1  et  17. 
(0)  Dloil.  XV,  12. 


l'aLUANGR  DR  30  ANS  AVRC  SPARTR  :  SOUMISSION   ET  OPPOSITION.      411 

il  leur  répugnait  déverser  leursung  pour  une  cnuso  odieuse.  Un 
jour  que  les  confédérés,  assiégés  dans  Léchéon  ('H)2),  faisaient 
une  sortie  contré  les  admirables  peltastes  du  stratège  athénien, 
les  Mantinéens,  assaillis  par  une  grôie  de  traits,  se  replièrent 
aussitôt  et  prirent  la  fuite  eu  laissant  quelques  morts.  Les  Lacé- 
démouiens  en  firent  des  gorges  chaudes,  disant  que  les  alliés 
avaient  aussi  peur  des  (leltastes  que  les  enfants  des  Croque- 
mitaines  (1).  Xénophon  répète  avec  joie  cette  bonne  facétie.  H 
refuse  d'admettre  à  cette  opportune  reculade  un  autre  motif  que 
la  poltronnerie.  Il  lui  parait  inouï  que  des  gens  aient  eu  quelque 
répugnance  à  se  faire  tuer  sans  raison  pour  ses  chers  Spartiates, 
et  n'aient  pas  méprisé  les  troupes  d'élite  de  sa  patrie  I  Un  mas 
sacre  de  peltastes  athéniens  eiït  fait  bien  plutôt  son  aflaire  I  Si 
quelqu'un  mérite  un  jugement  sévère,  n'est-ce  pas  l'historien 
laconomane  qui  en  est  venu  à  cet  oubli  du  patriotisme  et  de 
l'impartialité? 

Au  reste,  les  bravades  lacédémoniennes  réservaient  à  leur  Passniyc 
admirateur  une  forte  déconvenue.  Les  «  Croquemîtaiues  »  s'avi-  «i'Agrsïias 
sèrent  à  quelque  temps  de  là  (390)  (2)  dé  faire  trembler  l'orgueil-  *  *'""""^  ^'•"^* 
leux  Agésilas,  l'idole  des  laconomanes.Une  morelacédémonienne 
tomba  sous  leurs  coups  victime  de  son  imprudence.  Très  rou- 
tiniers, les  Spartiates  n'avaient  pas  assez  de  souplesse  pour 
s'adapter  à  la  nouvelle  tacti([ue.  Bien  qu'ils  ne  fussent  pas  «  des 
enfants  »,  ce  désastre  les  terrifia.  Ce  fut  an  tour  des  iMantinéens 
de  railler  leurs  railleurs.  Ils  ne  s*en  firent  pas  faute.  A  tel  point 
qu'Agésilas,  ayant  jugé  prudent  de  rapatrier  les  débris  de  sa 
troupe,  repartit  pour  Sparte  en  suivant  la  route  d'Orchomène  et 
de  Mantince.  Il  régla  ses  étapes  de  façon  à  n'entrer  dans  les  villes 
où  il  devait  cantonner  qu'à  la  nuit  tombante,  pour  en  repartir 
au  lever  du  soleil.  A  Mantinée,  il  s'attendait  à  être  accueilli  par 
des  sarcasmes  mérités.  Pour  épargner  à  lui-même  et  à  ses  sol- 
dats cette  dure  épreuve,  il  consacra  un  jour  entier  à  la  marche 
entre Orchomène  et  Mantinée,  distantes  au  plus  <le  trois  heures, 
il  arriva  dans  la  ville  la  nuit  et  prit  soin  d'éviter  tout  contact 
avec  la  population  (3).  La  joie  des  Mantinéens  devant  cette 

(I)  X('n.  Bell.  IV,  i,  17.  (oç  ol  ffv5jjL}xa/oi  ^poTvxo  tou;  TifiXTaffriç  (o;7:ep 
(jLOp|iova;  itaiWp'.a. 

(i)  Toulo  la  cliroiiologir  de  cva  évéuctiicnls  oITrc  peu  do  cortUude.  Voir  la 
discussion  des  dates  dans  Peter.  Zeitlajeln  der  griech.  Gescliickle,  p.  lOS, 
n'«  ia3. 

(3)  Xén.  lîeU.  IV,  ."»,  14  et  18. 


412  MANTINKE   KT  L'AIIGADIB  ORIENTALB. 

troupe  dccoDfite  maoquait  de  prudence.  Ils  ne  surent  pas  exulter 

avec  hypocrisie.  C'était  un  grave  forfait  :  on  le  leur  fit  bien  voir. 

Gftini»«Kne         Bientôt  après   (été  388),  Sparte,  avant  de  partir  en  guerre 

dAgésipoiis     çQQipg  Athènes  et  la  Béotie,  entreprit  de  réduire  Argos.  Cette 

on  Arffoiiuo  .'    If» 

Mantinéens  P^^^®  ennemie,  maltresse  de  Corinthe,  menaçait  les  armées  dont 
ravitAiiient  Ar^os  cllc  coupait  la  retraite,  et  la  Laconie  qu'elle  pouvait  harceler 
(388).  après  le  départ  des  hoplites  lacédémoniens.  Déjà  en  391,  Agésilas 
avait  poussé  une  pointe  en  Argolide  (1)  :  Agésipolis  réunit 
l'armée  fédérale  à  Phlious  et  tenta  de  refaire  les  campagnes 
d'Agis  et  d'Agésilas  (2).  Les  Mantinéens  firent  passer  du  blé  aux 
Argiens,  réduits  à  la  disette  par  la  destruction  de  leurs  récol* 
tes  (3).  Ils  n'y  mirent  pas  assez  de  mystère  et  les  Lacédémoniens 
eurent  vent  de  cette  fraude.  L*expédition  manqua.  Agésipolis, 
découragé,  déclara  les  présages  défavorables  et  se  retira  (4), 

(Il  X6n.  HHl.  IV,  4,  lî». 

(2)  Xén.  Hell.  IV,  7,  È  ot  siilv. 

(3)  Xc^n.  Hell.  V,  2,  2. 

|i)  CurUus  (//is^  gr.  trad.  Ho.ucliiWl^rlorrq,  IV,  p.  2M))  ailinot  qu'il  y  cul  dans 
cctfo  c«mpHf;no  uno  bnlnillo  sj^riiMisc  m\ro  i(*s  LiUM^dônionions  nt  Jos  Armions 
Hssis((\s  par  1rs  Atlirnions  à  Olnoô,  vHla{{i>  siliir  sur  la  route  do  Mantinôo  à  Arf^os 
(Prinos),  dans  la  gorge  du  Charadros.  Pausan.  I,  lîJ.  I.  X,  10,  i  —  (et  pnul- 
^tn^  Plut.  Àpopht.  laœn,  var.  7}  parle,  en  elTct,  d'un  combat  à  Olnoé.I^'s  Ath*'*- 
niens  l'avaiont  fait  poindre;  le  tableau  se  voyait  au  Pmcilc;  les  Argiens  en 
avaient  consacré  des  olTrandos  h  Delplies.  C'était  donc  une  victoire  célèbre. 
Or,  plusieurs  objections  ptmvent  être  faites  contre  l'attribution  si  OInoé  d'une 
bataille  do  cette  importance.  I"  Ni  Xénoplion,  ni  DIodore,  ne  mentionnent  le 
fait;  Pausanias  n'en  dit  rien  dans  sa  de.scrlption  du  village  d'Oin(M>  (11,  2;i,  2|; 
ir  la  situation  d'Oinoé  dans  la  montagne  n'est  guère  favorable  î^  une  bataille 
rangée  (Ross.  Rciaen,  p.  l.'W);  3*  tm  ne  volt  pas  comment  ni  ji  quelle  épmpie 
les  Lacédémoniens  auraient  pu  se  rencontrer  dans  la  gorge  du  Charadros  avec 
leurs  ennemis;  tandis  qu'ils  atUiquérent  souvent  l'ArgoUde  en  partsint  <le 
Phlious.  Or,  Thucydide  (VI,  7)  et  l)io<lore  (XII,  81)  donnent  des  renseignements 
très  précis  sur  un  autre  bourg  d'Argollde,  Ornéal,  situé  entre  Phlious  fît  Argos 
(au  S.  du  village  de  L(''onfli,  ilans  le  ravin  de  l'Ornéas).  Il  fut  choisi  à  «luse 
.  du  voisinage  de  Pldious  (ville  alliée  de  Sparte)  en  il7  par  bvj  I^icédémimiens 
comme  place  de  refuge  des  oUganjnes  argiens  bannis  d'Argos;  ils  les  y  instal- 
lèrent avec  une  forte  garnison.  I^s  Argiens  et  it^s  Athéniens  (Athènes  v(^nait 
d'ex|)édier  à  Argos,  40  trirèmes  avec  1200  hoplites),  vinrent  ensuite  attaquer 
la  place;  Us  tuèrent  ou  chassèrent  et  la  garnison  lacédémonlenne  et  ceux 
qu'fdie  devait  proléger.  Ce  succès,  survenant  après  la  défaite  de  Mantinée, 
dut  exciter  beaucoup  d'enthousiasme  ù  Athènes.  Je  crois  donc  k  une  confushm 
dans  l'esprit  de  Pausanias,  ou  h  une  erreur  île  copiste^  (lu'explique  la  ressem- 
blance des  deux  noms.  11  faudrait  donc,  à  mon  avis,  lire  Ornf'uil  au  lieu 
d'Oinoé  aux  livres  I,  15,  1  et  X,  10,  i,  et  rayer  de  l'histoire  la  légen<laire 
bataille  d'Oinoé.  —  [Depuis  là  rédacthm  île  cette  note  a  paru  le  tome  111  «le  la 
(iriechUche  Gcschicliie.  de  Husolt.  Le  savant  auteur  s'ap|>li(iue,  après  tant 
d'autres,  à  résoudre  cette  énigme  (p.  32,%  note  3).  Pour  lui,  la  bataille  d'Oinoé 
se  place  en  4;j0.  Or,  Thucydide  n'«m  dit  mol.  Je  ne  crois  donc  pas  devoir 
retirer  mon  hypothèse.]  ,  .  , 


CHAPITRE  Vil 
l'expiation,  dicecisme  de  385. 

I3S7-37I) 


L'année  suivante  (juillet  387)  la  paix  crAntalcidas  et  le  cougrës  oiurs 
de  Sparte  terminaient  la  guerre  de  Coriuthe.  Il  y  eut  uu  désar-  de  spniie 
mement  général  en  Grèce  (1).  Tout  le  monde  était  fatigué  d'une  ^""*'^  Waminéc. 
lutte  stérile.  Les  Laccdémoniens  sentaient  leurs  alliés  leur 
échapper;  la  police  de  risthme  les  surmenait.  Débarrassés  de 
tant  de  gros  soucis,  ils  songèrent  de  nouveau,  comme  en  421,  à 
régler  leurs  comptes  de  rancune.  Us  passèrent  sévèrement  en 
revue  la  conduite  équivoque  de  leurs  alliés  (2).  De  toutes  les 
villes  dont  ils  avaient  à  se  plaindre,  Mantinée  possédait  le  dos- 
sier le  plus  chargé.  Elle  était  au  cœur  du  Péloponnèse  uu  foyer 
de  lèse-laconisme.  Elle  avait  défendu  avec  entêtement  sa  cons- 
titution libre  contre  toute  ingérence  despotique.  Aux  actes 
d'insubordination,  s'étaient  ajoutées  les  avanies  dont  les  guer- 
riers d'Agèsilas  et  leur  chef  gardaient  le  cuisant  souvenir.  Aussi 
la  mesure  était-elle  comble  et  la  fureur  de  vengeance  d'autant  plus 
âpre  que  l'amour-propre  Spartiate  avait  été  blessé  à  vif.  On  vou- 
lait à  Sparte  une  guerre  d'extermination,  une  répression  radicale 
qui  mit  à  jamais  l'impertinente  cité  hors  d'état  de  donner  le 
mauvais  exemple  au  troupeau  des  sujets  plus  dociles. 

L'alliance  de  30  ans,  conclue  au  printemps  de  417,  venait     Luiiimaïuni 
d'expirer  en  387,  quelques  mois  avant  la  paix  d'Antalcidas  (3).       cie  3876. 
Ce  n'était  là  qu'un  mauvais  prétexte,  puisque  Mantinée,  par  son 
accession  au  traité  d'Antalcidas  acquit  le  bénéfice  d'un  pacte 

(1)  Xcn.  HeU.  V,  I. 

(2)/ft.  V,  2,8.  , 

(3)  Ib.  V,  t.  —  Voy.  plus  haut,  p.  40:>. 


414  MANTINKK   KT   l'ARCADIK  OIUICNTÀLK. 

nouveau.  Mais  les  Lacédémoiiiens  ne  se  crurent  pas  tenus  à 
tant  de  ménagcmeuts.  Deux  ans  ne  s'étaient  pas  écoulés  qu'ils 
avaient  déjà  remis  la  Grèce  en  feu,  au  mépris  des  contrats  (i). 
Leur  attention  fut  d'abord  sollicitée  de  divers  côtés  par  une 
série  de  mouvements  populaires,  dans  les  cités  où  ils  avaient 
installé  des  gouvernements  oligarchiques.  Plusieurs  d'entre  elles 
avaient  pris  au  pied  de  la  lettre  la  clause  du  traité  qui  posait  en 
principe  l'autonomie  des  villes  grecques,  grandes  et  petites.  Dio- 
dore  rapporte  qu'en  plusieurs  endroits  les  chefs  du  parti  laco- 
nien  furent  mis  en  accusalion  et  sommés  de  rendre  compte  de 
leurs  abus  de  pouvoir.  11  y  eut  de  ce  fait  des  bannissements. 
Naturellement,  les  exilés  se  réfugièrent  à  Sparte  et  les  Lacédé- 
moniens  procédèrent  d'autorité  à  la  restauration  des  partis 
déchus,  lisse  procurèrent  ainsi  des  triomphes  faciles.  Xéoophon 
les  a  passés  sous  silence,  car  ces  mesures  arbitraires  et  illégales 
constituaient  une  odieuse  exploitation  de  la  paix  d'Antacidas 
aux  dépens  des  faibles.  L'hiver  387/6  marque  donc  une  période 
de  tension  diplomatique  entre  Sparte  et  Mantinée  :  la  chancel- 
lerie lacédémonienne  se  répand  en  notes  acrimonieuses  et  en 
sommations  sous  la  forme  de  celles  qu'Agésilas  avait  adressées 
ù  Thèbes,  à  Corinthe  et  à  Argos  après  le  premier  congrès  de 
Sparte  (2).  Dans  les  premiers  mois  de  386,  les  Mantinéens  reçu- 
rent, par  des  envoyés  spéciaux,  un  factum  virulent  où  tous  les 
griefs  antérieurs  de  Sparte  étaient  rappelés.  Xénophon  (3)  se  fait 
l'écho  complaisant  de  ce  réquisitoire  :  envoi  de  blé  aux  Argiens, 
refus  de  troupes,  négligence  dans  le  service,  mauvais  esprit  à 
l'égard  de  Sparte,  tout  y  était.  On  rappelait  que  la  garantie  du 
traité  de  417  était  prescrite  depuis  moins  d'un  an  (4)  ;  on  ter- 

(1)  Diml.  XV,  Il 

(2)X6n.  HelLV.i. 

(3)  Ib,  V,  2. 

(i)  'EXêyovto  Se  xal  al  qtkovW  èÇtXrjXuOsvai  toTç  Mavrivcufft  tout<o  tw  Itei 
a\  (xexa  ttjv  ev  Mavrtvcia  fi.ayTjv  TpiaxovTacxeîç  Ycvô|4.€vai  {Hell.  V,  2,  2).  G<Hto 
phrase  schiI^vo  tinr  polilo  (liniciiltc  rlnM)n«>logh|ui\  Oimloro  (XV,  î>)  mot  on  :ji%, 
{f»L  î»8,  :\)  sous  l'ai-cliunlnt  do  Mysllchldns  [on  rôalllô  TluSodolos  <^Ult  oncoro 
arcbontc—  (Voy.  sur  cotto  pnrti(MiIaritô  ilo  la  clironologiodo  DIodoro,  Droyson, 
Hist.  deVUellén.  trad.  nouchc-LccIorcq,  I,  p.  801)]  les  proiniorsdéinôlôs  do  Sparte 
et  do  Mantinée,  et  la  siillo  on  'Mi  (XV,  12).  I»<»iu*  accorder  le  to,xlod(î  Thucydide 
(V,81)  avec  ceux  doXc^nophon  et  do  DIodoro, lier tzhorg  {.\gey'tlan$^p.'M3)mp\wsG 
ayant  l'alliance  de  .10  ans  un  arnilslico  préalable  conclu  après  la  baUiillo  de 
Mantinée  (hiver  4I8-il7)  :  c'<'8t  celui  dont  parle  Thucyili^le  ;  le  pacte  dôflnitif 
daterait  sculonicnlde  l'année  sulvanli',soit  tMî;  Scluioider  {(Hl  Xen.  ib.)  croUquo 


L^KXPIATION.    I)U»:G1SMK   hK  'M).  415 

mionit  par  rinjonctioii  d'abattre  les  remparts  de  la  ville.  Ainsi 
désarmée,  ajoutait-on,  elle  ne  serait  plus  iawU'v.  de  s'allier  aux 
euneniis. 

A  ce  ton  rogue,  on  reconnaît  les  façons  do  Taltier  A^ésilas. 
Sparte  comprenait  que  la  prospérité  et  laudace  de  Manlinée 
dataient  du  synœcisme.  Dans  sa  pensée,  la  dispersion  des  habi- 
tants et  le  retour  à  la  vie  cantonale  devaient  suivre  le  déman- 
tèlement de  l'enceinte  (i). 

Aux  formes  de  cette  brutale  et  cassante  injonction,  les  Man* 
tinéens  n'avaient  pas  à  se  faire  illusion  sur  leur  sort.  Soumission 
ou  résistance,  l'une  ou  l'autre  attitude  les  conduirait  au  même 
résultat:  la  ruine  de  leur  influence  politique,  de  leur  existence 
nationale  et  leur  radiation  de  l'histoire.  Ils  retomberaient  au 
rang  des  groupes  impersonnels,  tels  que  les  Parrhasiens  et  les 
Ménaliens.  Aucun  secours  extérieur  à  attendre  :  Athènes,  pres- 
sentie sur  ses  intentions,  répondit  par  une  fin  de  uon-recevoir  : 
elle  ne  voulait  pas  violer  la  paix.  Argos  était  Tesciave  du 
parti  laconien  et  d'ailleurs  intimidée  par  les  menaces  d'Agé- 
silas  (2).  lléduite  à  ses  forces,  Mantinée  accepta  courageusement 
une  lutte  inégale.  Mieux  valait  défendre  l'honneur  jusqu'au 
bout,  puisqu'aussibien  la  capitulation  immédiate  n'offrait  aucun 
avantage.  Les  démocrates  argieus,  qui  avaient  cherché  asile  à 
Mantinée, et  leurs  partisans  durent  peser  de  toute  leur  influence 

Xrnoplion  (:iîl  p«irUr  l'a  i  lia  iico  do.  l'été  410,  c.Vsl-à-fliro  du  nuMiicnt  où  rrsso  la 
campagne d'Alriblado  dans  le  IVdopoDnèso  (Thiiryd.  V,8i,  1 1."»).  CurUus  ( Wwt.  gt\ 
tr.  Hourlié-Loch'iT.fi,  [\\  p.  2KH)|  admi'l,  ronlro.  Xènoplion,  un  intervalle  de  2  ans 
entre  l'expiration  du  traite  et  le  di^'hut  de  la  guerre.  11  me  sfMubh^  qu'il  n'y  a  pas 
lieu  ici  d'inrrimiiiei*  Texartitude  d'aucun  des  .')  auteurs.  L'expiration  du  traité 
tombe  en  avril  ;W7  ;  l'ultimatum  des  l^u'édêmimiens  est  doue  envt»yé  vers 
la  lin  dii  l'année  (comptée  de  printemps  à  printemps),  soit  dans  l'hiver  «387.  \j's 
tlémarclies  des  Mantinéens  auprè.s  do  leurs  amis,  les  négoeiations  avec  S|Kirle 
leur  pornK^tent  de  gagner  l'hiver  suivant.  On  sait  que  les  Lacédémoniens 
éUiient  très  lents  à  se  décider  et  à  agir  ;  Thucydide  en  fait  souvent  la  remar- 
que; naturellement,  Xénophon  s'abstient  de  toute  appréeialion  de  ce  genre. 
Après  le  refus  de  Mantinée,  ils  ne  mettent  leur  armée  en  mouvement  qu'au 
[irintemps  'Mu  L<'s  iq)éra lions  ccmtre  Mantinée  durent  liuit  l'été  :W.'i,  et  le 
«lénoucment  n'a  lieu  qu'en  hiver.  11  Importe  de.  <iistinguer  deux  |>t'<ri(Hl(%s, 
collo  des  négociations  et  celle  du  siège.  Dans  ces  conditions,  la  phrase  de 
Diodorc  :  (XV,  5,  3)  :  «  Les  Lacédémoniens  ne  passèrent  pas  deux  ans  sans 
violer  lu  paix  »  ne  soulève  aucune  objection.  —  La  chronologie  de  Beloch 
{Griec/i.  Gesch.  U,  p.  iii),  qui  place  le  siège  île  Mantinée  en  ;i84,  ne  me 
semble  piis  juste. 

(1)  Diodorc  (XV,  5,  4)  introduit  l'obligation  du  diu^'isme  dans  l'uKImatum. 

(i)  Xén.  Uell.  V,  I,  :»\. 


R^istance 

de  Mniilinm*. 

(386-5). 


commnndn 
r«x])ëdilion 
conlro 


4IG'  MANTINKK   KT   L'AUCAniK  oniKNTALK. 

sur  celle  grave  décision.  L'excellence  des  remparts  inspirail 
toute  confiance  ;  on  necroyail  sans  doute  pas  les  Lacédémoniens 
très  habiles  à  la  guerre  de  siège;  enfin  le  vif  senlimenl  de  la 
liberté  menacée,  la  haine  des  Spartiates  et  de  leurs  procédés 
comminatoires,  le  souvenir  des  eîlorts  tentés  depuis  près  de  100 
ans  pour  émanciper  la  ville,  tous  ces  mobiles  exaltèrent  les  fiers 
démocrates  jusqu'aux  résolutions  extrêmes  :  ruitimatum  fut 
rejeté. 
AgésiHis  Aussitôt  les  éphores  déclarèrent  la  guerre.  Mais  à  propos  de 

la  désignation  du  commandant  en  chef  la  rivalité  des  deux 
maisons  royales  éclata.  Agésilas,  qui  avait  été  l'instigateur  de  la 
Mnntîné<-(*ié385).  politiquc  do  Tcprésailles  ct  qui  semblait  avoir  à  venger  sur  les 
Mantinéens  des  offenses  personnelles,  se  récusa,  sous  le  prétexte 
que  Mantinée  avait  rendu  de  grands  services  à  son  père  pendant 
les  guerres  de  Messénie  (1).  L'excuse  ne  parait  guère  sérieuse, 
car  si  les  Mantinéens  avaient  jadis,  dans  un  but  intéressé, 
secondé  i^rchidamos,  ils  s'étaient  dédommagés  sur  son  fils.  11 
est  plus  probable  queTingrate  mission  de  châtier  en  pleine  paix 
une  ancienne  alliée,  de  lever  le  masque  et  d'endosser  la  respon- 
sabilité d'une  exécution  sans  gloire  tentait  peu  le  vainqueur  des 
Perses.  La  pénible  campagne  contre  Corinthe  avait  dégoûté 
Agésilas  des  expéditions  contre  les  Grecs.  Elles  ne  lui  avaient 
rapporté  qu'impopularité  et  mécomptes.  11  ne  lui  déplaisait  pas 
(le  passer  la  férule  à  son  rival  Agésipolis,  à  qui  ce  rôle  répugnait 
encore  davantage  :  Agésipolis,  héritier  des  traditions  généreuses 
et  libérales  des  Agiades,  semblait,  comme  son  père  l^ausanias, 
opposé  à  la  politique  violente  et  anti  hellénique  de  Lysaudre.  Il 
professait,  à  rencontre  d'Agésilas,  le  respect  du  droit  des  na- 
tions (2)  ;  il  n'estimait  pas  que,  pour  être  Spartiate,  on  dût  se 
faire  le  bourreau  des  autres  Grecs.  A  plus  juste  titre  que  son 
collègue,  il  pouvait  aussi  alléguer  des  relations  personnelles  et 
actuelles  avec  Mantinée  :  Pausanias,  réfugié  à  Tégée,  s'était  lié 
d'amitié  avec  les  démagogues  mantinéens  (3).  Agésopolis  reçut 
le  commandement  sans  plaisir.  Mais,  une  fois  en  route,  il  ne 


(1)  Voy.  plus  luiiil  p.  377.  (Xôii.  HrU.\\i,  A.  —  VI,  ;i,  4).  U  phrase  de 
X(>noplion  mal  comprise  a  probablement  Inspirée  Dlodore(XV,  12) cette aflir- 
mation  surprenante  :  ol  AaxcSaijJidvioi  Tupdrepov  eioiOeiaav  êv  Tatç  fiLï;^atç 
TOUTOuç  (les  Mantinéens)  TiapaffTxTaç  eyciv  xai  TctaTOTaxouç  twv  au[jL{xa;^(ijv. 

(2)  DIod.  XV,  iU.  —  Xén.  Hell,  V,  3,  iO. 

(3)  Xon.  Bell.  V.  i,  3. 


L* EXPIATION.    DlUKaSME  DE  385. 


41'7 


Les  ThèbAins. 


songea  plusqu'ù  déjouer  les  espérances  malignes  d'Agésilas.  La 
campagne  fut  menée  avec  autant  de  vigueur  que  dliabiletc. 

Parmi  les  alliés  de  Sparte  figurait  un  corps  de  troupes  thcbai- 
ues;  dans  leurs  rangs,  suivant  une  tradition  diflicile  à  contrôler, 
Ëpaminondas,  âgé  d'environ  33  ans,  et  Pélopidas,  de  quelques 
années  plus  jeune,  nouèrent  les  premiers  liens  de  leur  camara- 
derie militaire  (1). 

Agésipolis  commence  par  détruire  les  récoltes  (2).  LesManti-  combni  et  «ège 
néeus  se  risquent  à  l'attaquer  en  plaine.  Après  un  vif  engagement 
qui  faillit  coûter  la  vie  à  Épaminondas  et  à  Pélopidas  (3),  ils 


de  Manlinée 
(été  385). 


(i)  Lii  p:irticipntion  des  Thnhalns,  attost<Sc  par  Pausanias  (IX,  13,  1)  et  par 
Plutan]uc  (Pe/opid.  IV,  5)  a  ôtô  nlôo.  p«ir  plusieurs  historiens,  dont  (îrolc  {Hisl. 
gr.  trad.  Sadous,  t.  XIV,  p.  273,  3).  Les  arKumcnls  de  Grolo  n'ont  convaincu 
ni  Pomlow  (Epameinnndus^  p.  22),  ni  GurUus  {Hist,  gr.  Irad.  ^oucll(^-LecIe^cfl. 
IV,  p.  330,  4),  qui  s'en  tiennent  à  l'afllrmatton  très  nette  de  PtuUirquo  : 
(rwcarpsTegaavTO  Aaxe^ta.uovtoiç  Itt  cpiXoeç  xal  au[X(jL2tyoi;  oua(  7re;xQpOei(n)ç  ex 
0r)pwv  por,Oe(aç,  et  au  P/aiaïco»  d'IscM'.rate.  Pausanias  et  PIutarf|ue  rapportent 
une  tradition  béotienne.  Xénoplion  l'a  omise,  comme  il  a  laissé  do  côté  tout 
détail  sur  la  force  et  la  composition  do  l'arméo  d'Agésipolls. 

(2)  L'entrée  en  campagne  d'Agésipolls  a  donc  eu  lieu  en  plein  été  (vers  juin- 
juillet  38;>). 

(3)  Pausiin.  VIU,  8,  îî  :  wç  Bï  €xpàT7|«Tev  6  'AyriafiroXc;  t9)  (xi/r)  xal  £ç  tb 
TCÎyoç  xaTÊxXciffc  toÙç  MavTiveaç.  Va\  combat  n'est  menlifmnô  ni  par  Xéno- 
plion ni  |Kir  I)io<lon\  0^|)ondant  Pausanias  y  fait  allusion  dans  un  autre  plissage 
(IX,  1.3,  I)  où  il  relate  le  sauvetage  de  Pélopidas  |Mir  Épaminondas.  Plulaniue 
{réiop.  IV.  îî  et  sulv.)  raconte  ainsi  cet  épisode  :  «  U*ur  étroite  amitié  ne  prit 
naissance,  d'après  la  tradition  la  plus  répandue,  que  dans  l'expi'dition  do 
Mantinée,  où  ils  lirenl  partie  d'un  corps  auxiliaire  que  Tliébos  envoyait  aux 
LiicfMlémoniens,  qui  éUdent  encore  ses  amis  et  ses  alliés.  Ils  rlalrnt  près  l'un 
de  l'autre,  <lans  les  rangs  de  l'infantorie  opposée  aux  Arcadicns.  Il  arriva  (|uc 
l'aile  des  I^icéilémoniens,  dans  la(|Ufdle  ils  se  trouvaient,  recula,  ni  prcs(|ue 
tous  prirent  la  fuite;  pour  eux,  ils  joignirent  ensemble  leurs  boucliers  et  ils 
soutinrent  le  choc  dr  r<'nnemi.  Pélopidas  reçut  sept  blessures,  toutes  par 
devant,  et  il  tomba  sur  un  monceau  de  cadavres  amis  <*t  ennemis.  Épami- 
nondas le  crut  mort  :  il  s'éiançji  et  se  tint  lu,  debout,  couvrant  le  corps  et  les 
armes  de  son  compagnon,  lutUint  seul  contre  une  foule,  et  résolu  de  mourir 
plulétque  d'alisindonner  Pélopidas,  gisant  dans  la  poussière.  Déjà  lui-même  11 
avait  reçu  un  coup  de  lance  dans  la  poitrine  et  un  coup  d'épée  dans  le  bras,  et 
sa  position  était  des  plus  critiques,  lorsqu'arriva  <le  l'autre  aile  Agésipolis,  roi 
des  Spjirtiates,  qui  les  sauva  tous  \vs  deux  contre  toute  espérance  ».  Grotc 
{ib.  p.  274)  révo<|ue  en  doute  ce  que  dit  PluU(n{ue  de  cette  prétendue  bataille 
de  Mantinée,  p^irciMiue  Xénoplion  n'en  parle  p;«s;  il  ailmet  toutefois  qu'Kpami- 
nondas  a  pu  sauvcT  la  vie  de  Pélopidas  dans  quelque  combat  antérieur  à  la  paix 
d'Antalcidas.  Pausanias  (IX,  13,  1)  place  en  elTet  l'épistNle  en  question  avant  le 
congrès  de  Sparle  en  ;J87.  Mais  la  mention  d'AgésIpolls  dans  Plularque,  celle 
d'une  guerre  contre  Mantinée  dans  Plutartiue  et  dans  Pausanias  lui-même, 
était  à  cette  indication  chronologique  toute  valeur.  Ih'puis  la  paix  de  .'K)  ans 
(417)  on  ne  connaît  aucune  expédition  de  Sparte  contre  Manlinée  avant  celle 
do  3Hi).  11  faut  donc  admettre  qu'Kpaminondas  a  fait  dés  383  connaissance  avec 
le  champ  de  bataille  où  il  devait  succomber  cj  3G2. 


Mantinée.  —  28. 


418  MANTINÉK  ET   l'aUCADIE  OiUENTALE. 

(lurent  se  renfermer  dans  leurs  murs.  Là  ils  se  jugeaient  inexpu- 
gnables. Ils  avaieut  fait  leurs  approvisionnements  en  vue  d*un 
long  siège.  La  récolte  précédente  ayant  été  bonne,  le  blé  abondait 
dans  la  ville. Les  habitants  n'eurent  garde  de  se  laisser  intimider, 
ni  de  risquer  à  nouveau  une  bataille  rangée  avec  des  forces 
inférieures.  Le  roi  fit  alors  creuser  autour  de  la  ville  un  fossé 
circulaire  ;  la  moitié  des  troupes  était  occupée  à  la  tranchée, 
sous  la  garde  de  l'autre  moitié  qui  se  tenait  en  armes  auprès  des 
travailleurs  pour  les  protéger  contre  les  sorties  (1).  Le  fossé 
terminé,  on  put  en  toute  sécurité  élever  un  contre-mur  circu- 
laire, pour  empêcher  les  sorties  :  Agésipolis  pensait  réduire 
Tennemi  par  la  famine.  Mais  Tinvestissement  ne  produisait 
aucun  résultat;  Tété  se  passa  (2)  sans  que  les  assiégés  parussent 
souflrirdu  blocus.  Leur  résistance  ne  faiblissait  pas.  Déjà  Agé- 
sipolis s'inquiétait  de  voir  les  forces  de  Sparte  et  de  ses  alliés 
immobilisées  sans  profit  autour  de  la  place.  Faute  de  machines, 
le  siège  menaçait  de  s'éterniser.  C'est  alors  qu'Agésipolis  s'avisa 
d'un  stratagème  qui  lui  fut  sans  doute  suggéré  par  les  Tégéates, 
habitué^  de  longue  date  à  associer  les  cours  d'eaux  à  leurs 
manœuvres  contre  les  Mantinéens  (3).  Ils  en  avaient  déjà  donné 
la  preuve  en  418.  La  nature  fournissait  le  meilleur  bélier  contre 
le  rempart  deMantinée.  Cette  fois  on  mit  à  contribution  l'Ophis 
qui  traversait  la  ville  du  Sud-Est  au  Nord-Ouest.  Peu  considé- 
rable en  temps  ordinaire,  il  s'était  grossi  à  la  suite  des  grandes 
pluies  qui  inondent  la  Haute  Plaine  vers  la  fin  de  septembre  (4). 
Les  Lacédémoniens  construisirent  un  barrage  en  amont  de  la 
ville.  Les  eaux,  arrêtées  à  leur  sortie  refluèrent  dans  l'intérieur, 
inondèrent  les  rues,  les  fondations  des  maisons  et  du  mur  d'en- 

(1)  «  Agrslpolis  îissIj'^tmII  Maiillnôc  îivmt  1rs  altirs,  qui  hion  dlsposÔH  ciivits 
l(^s  MHnUiKM'iis,  iiviiMMit  suivi  à  la  ^micitc  les  LiicOdiMnonicns,  iiiallrcs  il<)  la 
tir(*c<%  mais  faisaient  passer  en  secret  la  nuit  aux  Mantinéens  tout  ce  dont 
Ils  avaient  besoin.  A^^ôsipolis,  mis  au  courant  de  ces  faits,  lAelia  autour  du 
camp  de  nombreux  cidens,  en  plus  grand  nombre  du  cAlé.  de  la  ville,  afin  «lue. 
jpersonnc  nv.  j)ût  déserter,  cmpéclié  do  fuir  par  lu  surveillance  dos  chiens.  » 
Folyainos,  II,  £j. 

(2)  Diodoro  :  tô  jjlêv  Oepoç  ôteTÉXe^av  o\  Mavxivetç  yÊVvaiwç  iyo>yi^6[LÙoi 
Ttpbç  TÔ'jç  7coX6[i.'Ouç  (XV,  lï).  Daus  Xénophon  et  dans  Pausanias  la  durée  du 
siège  est  plus  vague.  '  '  ,  . 

|3)  Hcstarbitraire,  commclefaitCurtius  (Uisti  gr,,  iV,  p.  191)  d'attribuer 
cette  idée  à  Pausanias,  père  irAgésiiKilis.  ,  ,  -^ 

(4)  aTiÊ/wae  xbv  péovra  TCOTaabv  Stà  tyJ;  iroAetoç  |xiX*  ovrot  eùy.e^iOr^ 
(Xen.  Helien,  V,  î,  4).  —  Diod  :  toO  5k  yu[LMVOç  IvdTxvxoç,  xat  xou  Tcapà 
T-/|v  MavTiVÊiav  7:oTaji.ou  (xeyâX'/iv  au5Y|<nv  kx  twv  ofxppwv  Xapovxoç  (XV, li). 


l'expiation.  DiœCISMB  DE  385.  419 

ceinte.  Pour  augmenter  le  débit  de  la  rivière,  ou  dOlourna  peut- 
être  d'autres  cours  d'eau,  tels  que  rémissaire  de  la  plaine  de 
Louka.dans  TOpliis.  L'intérieur  de  la  ville  dut  être  promptement 
détrempé.  Mais  pour  comprendre  les  eilets  destructeurs  de  Tinon- 
dation  sur  le  rempart,  il  faut  admettre  que  les  travaux  d'inves- 
tissement y  contribuèrent.  En  dehors  du  fossé,  dont  les  terres 
durent  être  rejetées  extérieuremeot,  les  assiégeaots  avaient  élevé 
un  retranchement.  Il  y  avait  ainsi,  entre  le  rempart  et  le  contre- 
mur,  une  zone  concentrique  occupée  par  le  fossé  :  il  était  très 
facile  d'inonder  en  tout  ou  en  partie  cette  zone,  où  TOphis, 
entravé  à  sa  sortie,  devait  refluer.  Cette  rivière  artificielle  avait 
pour  berges  d'un  côté  le  rempart,  de  l'autre  le  retranchement, 
et  la  ville  se  trouvait  à  la  fois  entourée  d'un  cercle  d'eau  et 
changée  en  lac  à  l'intérieur  (1).  Or,  les  murs  établis  en  briques 
crues  sur  des  fondations  très  basses  en  menues  pierres  pouvaient 
très  bien  résister  sans  se  disjoindre  aux  chocs  des  lithoboles  et 
autres  engins  de  siège  ;  mais  ils  n'étaient  pas  assez  surélevés  sur 
leur  socle  pour  être  à  l'abri  de  l'inondation  (2).  On  se  rappelle  la 
hâte  et  l'économie  apportées  à  la  construction  de  l'enceinte  au 
moment  du  synœcisme.  Sur  un  sol  aussi  détrempé  et  maré- 
cageux que  celui  de  Mantinée,  l'absence  de  précaution  contre 
l'humidité  constituait  une  faute  très  grave.  Toutes  ces  construc- 
tions d'argile  furent  vite  diluées  à  la  base  et  minées.  Les  assises 
inférieures  ramollies  cédèrent,  entraînant  des  pans  de  courtines 
avec  leurs  tours.  Il  en  advint  autant  pour  les  maisons.  Bientôt  la 
ville  et  son  enceinte  menaçaient  de  n'être  plus  qu'un  tas  de  boue. 
L'Ophis  en  quelques  jours  avait  causé  plus  de  dégâts  que  des 
mois  de  siège.  L'œuvre  dont  les  Mantinéens  se  montraient  si 
fiers  s'elTondrait  par  leur  imprévoyance  :  leur  belle  forteresse  se 
transformait  en  ville  ouverte  abîmée  dans  un  marécage.  En  vain 
les  défenseurs  teutèrent  de  conjurer  le  désastre.  Ils  étayaient  les 
murs  chancelants  ou  lézardés.  Ils  imaginèrent  tous  les  moyens 

(1)  Il  n'est  pas  nécossairo  <lo  supposer  que  la  cliule  elîrctlve  du  mur  fut 
romplète.  C'est  à  la  sortin  do  la  rlvIèiT,  auN.  ().  tXv  la  ville,  que  I Va u  it foulée 
exerça  sur  le  ronipart  Ivs  «légAts  les  plus  considéra  Mes.  Xônophon  {HfilL\\  i,  l}) 
ptirin  d'une  porlîon  de  nuir  ou  courtine  qui  s'écroula  la  preniiêre,  puis  d'une 
tour  qui  s'cbranin  et  que  les  Mantinéens  essayèrent  d'élayer.  Mais  de  prwhc 
en  proclie  l'eau  gagnait  le  pourtour  tout  entier  :  SeiaavTeç  [i.Y|  7C6<rovTOç  tty) 
Tou  xuxX(o  Tet'youç.  C'est  ù  tort  que  Gell  prétend  avoir  retrouvé  les  restes 
de  la  digue  d'Agéslpolls    Voy.  son  plan,  p.  195. 

(2)  Xén.  ib.  £(jL^pa^6ei<i7|ç  Bï  tf^ç  àicopcoiaç  "{ipeTO  xb  liBiop  uTcep  tc  roiv 
uTcb   Taïç  oixtaiç  xal  uTcsp  xtov  uitb  tm  "itiyei  Oe(;.eX((ov. 


420  MANTINÉE  ET  l'arGADIE  ORIENTALE. 

possibles  pour  obvier  à  la  chute  des  tours.  Rien  ne  réussit  : 
Teau  pénétrait  partout  à  la  fois,  et  faisait  son  œuvre  sûre- 
ment. Les  ressources  ordinaires  de  la  défense  étaient  impuis- 
santes contre  ce  nouvel  ennemi.  Il  ne  restait  plus  aux  Man- 
tinéens  qu'à  sauver  leurs  personnes.  La  brèche  ainsi  faite, 
Tassant  n'était  plus  qu'un  jeu  pour  les  assiégeants  ;  ensuite, 
suivraient  le  massacre,  le  pillage,  toutes  les  misères  d'une  ville 
enlevée  de  haute  lutte.  Agésipolis  ne  serait  plus  maître  d'em- 
pêcher ses  troupes  d'user  du  droit  de  la  guerre.  Les  Mantiucens 
éludèrent  cette  extrémité  en  se  hâtant  d'entrer  en  pourparlers.  Ils 
déclaraient  se  soumettre  aux  ordres  de  Sparte  et  consentir  à 
raser  leurs  murs.  Mais  Agésipolis  estima  que  ce  dernier  résultat 
était  déjà  presque  obtenu  par  sa  tactique.  Une  capitulation  aussi 
illusoire  ne  satisferait  pas  les  esprits  à  Sparte.  Le  loyalisme  des 
Mantinéens  n'inspirerait  confiance  qu'une  fois  leur  puissance 
brisée,  leur  synœcisme  disloqué  et  tous  les  rouages  de  leur  État 
rompus  et  dispersés.  Les  éphores  et  le  comité  qui  accompagnaient 
les  rois  Spartiates  à  la  guerre  rappelèrent  sans  doute  à  Agésipolis 
la  faiblesse  d'Agis  envers  Argos.  Bref,  on  exigea  le  retour  des 
Mantinéens  à  la  vie  cantonale.  Mantinée  accepta  le  diœcisme 
comme  un  suicide  nécessaire.  La  justice  de  Sparte  avait  pro- 
noncé (1)1 
Capitiiiniion  ^  fa ut  reconnaître  la  modéralion  d'Agésipolis  :  il  s'abstint  de 
et  exil  toutes  représailles  sur  les  personnes.  Son  père  et  lui  s'enten- 
de» Argoiisanis  dircut  pour  évitcr  Teffusion  du  sang.  Le  parti  laconien  n'était  que 
trop  disposé  à  abuser.de  la  présence  de  ses  patrons  pour  se 
livrer  aux  pires  excès,  l^ausanias  employa  son  crédit  en  faveur 
de  ses  amis  les  démocrates.  D'accord  avec  lui,  son  fils  régla  de 

(1)  Nous  possi^ilons  trois  n^cits  de  cor  faits  :  roux  dn  X(Snnphon  (V,  2,  4  et 
sulv.),  de  Dlodorc  (XV,  12)  et  do  Paiisanias  (VUI,  8,  7).  Le  premier,  dans  son 
impitoyable  et  froid  laconisme,  est  le  mieux  informe.  Dlodorc  y  ajoute  un 
détail,  sans  doute  emprunté  à  Épliorc,  la  demande  de  secours  à  Atliénos 
{XV,  5),  et  plusieurs  Inexactitudes  tirées  do  son  crû,  telle  que  la  clause  du 
diœcisme  contenue  dans  l'ultimatum  de  Sparte.  Que  le  démembrement  de 
l'état  mantlnéen  fiU  prémédité  par  Sparte,  ct^la  semble  probable;  mais  elle 
compUilt  l'obtenir  c'i  la  suite  du  démantélemeut  et  non  l'imposer  a  priori. 
L'opération  du  barraf^e  de  l'Ophls,  si  claire  dans  Xénoplion,  est  dénaturée  p;ir 
Diodore  :  il  la  confond  avec  la  mancBuvre  d'Agis,  en  418;  d'après  lui  la 
rivière  fut  déiournàe  à  l'aide  de  praniles  digues  et  forcée  de  traverser  la 
ville,  d'où  résulta  l'inondation  de  l'intérieur  et  des  environs.  Diodore  écrit 
l'histoire  en  rhéteur,  sans  expérience  des  réalités.  I^ausanias,  toujours  sou- 
deux  d'étaler  sou  érudition,  démontre  ({ue  la  manœuvre  d'Agéslpolls  avait  un 
précédent,  le  stratagème  célèbre  de  Clmon  au  siège  d'Éionc. 


et  des  démocrates. 


l'kXPIATION.    DIORCISMB  DB  385.  421 

la  façon  la  plus  correcte  la  situatioQ  des  réfugiés  argiens  et  des 
démagogues  mantioéens.  Soixante  de  ces  persuu nages,  les  plus 
compromis,  s'attendaient  h  servir  de  viclimes  expiatoires;  mais 
Agésipolis  leur  accorda  la  libre  sortie  delà  ville.  Leur  départent 
lieu  avec  un  certain  apparat.  Au  delà  des  portes,  les  troupes 
lacédémoniennes  formaient  la  haie  des  deux  côtés  de  la  route, 
sans  doute  celle  d*Athèues  par  Aléa  (1),  la  lance  au  poing  : 
«  malgré  leur  haine,  ils  ont  moins  de  peine  à  s  abstenir  d'of- 
fenses envers  eux  que  les  nobles  mantinéens  :  ceci  soit  cité 
comme  un  bel  exemple  de  discipline  (2).  n 

Le  parti  démocratique  décapité  par  l'exode  do  ses  chefs,  on  l«  <»œci»me. 
procéda  au  diœcisme.  L'enceinte  fut  rasée;  les  habitants  durent 
eux-mêmes  démolir  la  plus  grande  partie  des  maisons.  On  ne 
laissa  subsister,  autour  des  temples,  qu'un  groupe  insignifiant 
d'habitations  (3).  La  capitale  de  la  Mantinique,  réduite  à  lelat  de 
bourgade,  n'était  plus  que  le  squelette  d'elle-même.  Ceux  des 
habitants  qui  n'étaient  pas  autorisés  à  rester  sur  place  furent 
répartis  entre  les  quatre  xiojxai,  comme  avant  le  synœcismo.  Us 
se  construisirent  de  nouvelles  maisons,  non  sans  pleurer  les 
demeures  aimées,  qu'une  impitoyable  consigne  leur  avait  fait 
abattre  de  leurs  propres  mains  (4).  Dès  lors,  une  existence  nou- 

(1)  Xônoplion  (Hell.  V,  2,  (>,)  ilc^slgno,  comme  oxllés,  les  arguUsanls  et  Ira 
prostiites  du  pîirll  dt'ïmocraUqno  :  on  pourrait  croire  qu'ils  clierclièrent  un 
ri'fuge  à  Arj^os,  mais  celte  ville  «Hait  (lomln(^e  par  \v.h  ollfçar«|urs  et  leur  ciU 
(ait  mauvais  accueil,  sV.tiint  rerus4\o  à  les  secourir.  C'est  à  Atli6ues  qu'Us  durent 
trouver  asile  (voy.  p.  423,  notiî  3). 

(2)  Xén.  ïïelL  V,  2,  G.  —  On  volt  par  cette  phrase  de  Xénophon,  que  h»« 
dissensions  intérieures  avalent  Uni  par  s'exaspérer  h  Mantinéc  comme  ailleurs. 
Il  y  avait  dans  relie  ville  un  parti  laconlen  oligarchique  et  un  parti  argolisant, 
soutien  de  la  ilémocralle.  I>es  revers  de  Mantlnée,  lu  perte  <!<•  la  Purrhasie,  la 
défaite  d«*  4IK.  le  développrment  fie  la  plèbe  urbaine,  et  surtout  les  intrigues 
de  Sparte,  avaient  modifié  l'ancienne  sltuiitlon  des  partis. 

(3)  T>es  éiliricesdu  culte,  lesàvaO/JixaTa  et  les  monuments  publics  ne  pou- 
vaient être  détruits  parce  qu'ils  étairnl  consacrés. lueurs  débris  sr  siml  retrouvés 
dans  la  ville  nouvelle  (v.  p.  ISH).  I>es  inscriptions  qui  rappelaient  les  succès 
des  Mantinéens  sur  l(*s  bicédémimiens,  les  Tégéales  et  leurs  alliés,  furent 
martelées,  comme  la  dédicace  de  la  statue  olTertc  i\  Apollon  après  la  bataille 
de  Udokelon,  en  Mi  (Voyrz  p.  3K7).  Pausanias  (Vlil,  8,  \))  :  'LU  8è  ilXtTf^y 
MavTiveiav,  ôXiyov  jxcv  ti  xaTÉXiirev  otXÊÎaOai,  tô  TcXeîaxov  oc  iç  eoa^oç 
xaxapaXcov  aÙTfj;  xaxà  x<o|xaç  xoyç  àvOpcoirouç  Sicoxiae,  indique  que  la  ville 
ne  fut  pas  complètement  évacuée. 

(i)  Xén.  Hell.  V,  2, 7.  Tô  jxcv  TcpoiTOv  -^/Oovto,  Sti  xà;  ji-év  'jTcas/O'JTaç  oîxtaç 
ISêi  xaOatpetv,  aXXaç  5k  olxooofxetv.  —  DimI.  XV,  M  :  àilizio  y|vayxà<rOTj<Tav 
XYjv  jjLêv  îBiav  TiaxsiBa  xaxa<xxaTtxeiv.  —  Sur  le  chilTre  des  dèmes  de  Man- 


422  MANTINKR  ET   l'ARGADIR  ORIENTALK. 

velle  commence  pour  eux.  La  turbulente  cité  n'existe  plus.  Dans 
ses  membres  mutilés  et  dispersés,  la  vie  nationale  s'éteint.  La 
démocratie,  Ame  de  ce  corps  jadis  vigoureux,  estbâilioDuée.  Sur 
TAgora  silencieuse  et  déserte,  la  voix  des  démagogues  n'ira  plus 
au  loin  dans  le  monde  grec  porter  le  nom  de  la  vaillante  ennemie 
de  Sparte.  La  Haute  Plaine,  rendue  au  calme  de  la  vie  rustique, 
à  régoïsmedes  intérêts  particuliers,  cessera  d*être  Tasile  de  Tin- 
dépendance  péloponnésienne.  Les  conservateurs,  pour  la  plupart 
riches  propriétaires,  se  trouvaient  dans  les  dèmes  ruraux  plus 
rapprochés  de  leurs  domaines.  Le  diœcisme  servait  donc  leurs 
intérêts,  les  laissant  libres  de  se  consacrer  sans  autres  soucis  à 
l'exploitation  de  leurs  terres.  Les  bénéfices  de  la  servitude 
leur  en  faisait  oublier  la  honte.  Xénophon  se  porte  garant  de 
leur  satisfaction.  Sparte,  de  son  coté,  n'avait  qu'à  se  louer  de  leur 
attitude  :  ils  furent  désormais  des  alliés  modèles,  dociles  aux 
convocations  et  ne  murmurant  plus  contre  leurs  obligations 
militaires  (i).  Comment  l'ordre  n'eut-il  pas  régné  dans  les  cinq 
bourgs  ?  Sparle  avait  pris  soin  de  les  isoler  les  uns  des  autres. 
Il  n'y  avait  plus  entre  eux  de  communauté,  de  xoivov.  Chacun 
d'eux  formait,  non  plus  une  subdivision  de  l'État,  mais  un  État 

tlnéc,  X6nopIi<m  ilifTt^ro  dos  autres  iiulours  :  Atu)x((r07)  5 '7;  MavTivsia 
TCTpayTî,  xaOxTTcp  xo  àp/aîov  wxouv  {Hell.  V,  2,  7),  toi  ost  In  tcxtn  fonda- 
inonUil.  Le  sons  en  est  chiir  :  l:i  population  de  Mantinc^e  (ut  divisée  en  quatre, 
et  répartie  coinmi;  autrefois.  C(^  qui  veut  dire  qu'en  deliors  de  la  capitale,  il 
y  avait  quatre  dénies  ruraux.  Mais  le  chlfîre  total  de  cinq  démes,  y  compris 
les  débris  du  chef-lieu  (Pausan.  VUl,  8,  9),  est  Indiqué  par  Kpliore  :  eiç  i 
x<6[i.a;  T7JV  MavTivéo^v  Sicoxiffav  TtôXiv  AaxcSaijxdvioi  (Kphore,  20"  liv.  d'ap. 
Ilarpocration  :  Mavtivécov  8ioixi<x(xôç.  Cf.  Pholius,  J.cxic)^  et  conArmé  par 
Diodorc  et  Strabon  qui  le  lui  ont  sans  doute  emprunté  :  Aùtoùç  5ê  [i.£toix7|- 
(59.1  itâvxaç  elç  ràç  àpyaiaç  irévre  xto|/a<;»  t\  <ov  elç  ttjv  MavTivciav  xb  iraXaiov 
(Tuv(f»X7)aav  (Diod.  XV,«,4);  Strabon  (Vlll,  3,  2,  p.  337).  olov  xTiç  'Apxao(a; 
MavxivE'.a  (JL£v  ix  Tcévre  orjfAoïv  Otc  "Apyeuov  ffuv<i)x(<TO/|.  (lomme  co  même 
ehlITrc  se  retrouve  ilans  la  division  d(^  la  ville,  après  le  synœcisme,  en  cin»i 
tribus  ou  quartiers,  il  me  panilt  bien  établi.  Hursian  suppose  {Gcogr.  Gricch. 
II,  p.  211.  note  i)  qu'Kpbore  et  ceux  qui  l'«>nt  suivi  se  sont  laissé  induire  en 
erreur  par  quelque  fausse»,  tradition  relative  h  la  fondation  do  la:  ville  (?). 
Sur  lo  diœcisme  des  Mantinéens,  cf.  Pausan.  IX,  14,  2  et  4.  —  Isocr.  de  Pace, 
100.;  Panégyr,  12G.  —  Polyb.  IV,  27,  G.  —  L'allusion  au  diœcisme  de  Mantinéo, 
<lu'on  croyait  relever  dans  le  Hnnquet  d(î  Platon  (193^)  et  qu'on  attribuait  à 
UQ  anachronisme  voulu,  est  niée  par  v.  Wilamowitz-Mœllcndorf  (JJcrmes. 
XXXII,  p.  i02). 

(1)  Xén.  Ilelt.  V,  2,  7.  auveffxpaxcuovxo  o'exxcwv  xa>(X(ov  izoVo  zpoOyfJLOxepov 
>J  ô't€  l$Y^|xoxpaTouvxo.  —  VI,  4,  18  :  4pp(i>j/.6V(oç  81  xal  ol  Mavxivetç  ex  xcov 
xwjiwv  ffuv6<jxpax8ÛovTO*  àpt<xxoxpaxou[jL6voi  yàp  âxuYy^avov.         '     '        "' 


L* EXPIATION.    DiœCISMK  DK  385.  423 

autonome,  avec  des  magistrats  recrutés  parmi  les  excellents 
(pATKTToi).  Sparte  avait-elle  besoin  de  troupes,  on  leur  envoyait 
à  chacun  en  particulier  un  Çevay^ç,  officier  recruteur  des  milices 
auxiliaires  (i).  L'optimisme  officiel  des  créatures  de  Sparte 
s'explique  de  soi,  puisqu'elles  régnaient.  La  décentralisation  de 
rËtat  mantinéen  leur  donnait  la  haute  main,  multipliait  pour 
elles  les  profils.  Le  peuple  ne  comptait  plus. 

Dans  le  monde  grec,  on  jugea  ces  faits  avec  moins  d'indul-  impression iinns 
gence  que  Xénophon.  Au  lieu  de  l'idylle  esquissée  par  l'histo-  '*  "'""*'*  »'^^*'- 
rien,  l'opinion  commune  ne  vît  qu'un  déteslahle  altental. 
L'exécution  de  Mantinée  n'inspire  à  l'auteur  des  Helléniques 
que  la  réflexion  suivante  :  a  Voilà  ce  qui  se  passa  à  Mantinée  : 
cet  exemple  apprit  aux  hommes  à  ne  pas  laisser  ])asser  de  fleuve 
dans  leurs  murs  (2)  ».  Cette  leçon  saugrenue  valait  bien  la  vie 
d'un  peuple,  sausdoutel  Tandis  que  la  conscience  de  Thistoricn 
laconomane  se  mettait  aussi  allègrement  à  Taise,  toutes  les 
âmes  en  qui  survivait  le  sentiment  de  la  dignité  hellénique 
furent  douloureusement  affectées.  Athènes  s'empressa  d'assurer 
à  ses  anciens  alliés  un  généreux  asile,  en  conférant  aux  bannis, 
qui  vinrent  s'installer  chez  elle,  des  privilèges  honorinques  et 
des  avantages  matériels,  tels  que  Vi-réXtioL  (3).  En  effet,  Athènes 

(i)  Sur  ces  ÇcvaYOi,  v.  Tluicyil.  Il,  7;».  —  X(>n.  Hrll.  III,  ;i,  7.  —  V,  1,  X\.  — 
Resp.  lac.  13,  4.  ^eviov  arpaxtap^oi.'  —  Il  y  en  HViiil  un  pour  cliaquc  villn  : 
ol  Çevayol  éxàoT'uç  icôXaiç  Çuve^effTwre;  (Thuc.  H,  7;>).  Li^  fait  «renvoyer  cliez 
les  Mantinéens,  non  plus  un,  mais  c'ttui  de  ces  ollielers,  iinpli(|uait  l'auto- 
nomie  île  chaque  xo>[JL7).  l\  n'y  avait  plus  d'Étal  mantinéen  (Xén.  I/W/.VI,  5,  3). 

(i)  Xén.  UelL  V.  2,  7. 

(3)  C'est  du  moins  ce  qui  parait  résulter  des  fragments  «l'une  inscription 
(C.  1.  A.  Il,  4)  ingénieusement  restituée  par  Ad.  \Villi«*.lm  (Eran.  vindobo- 
uensis,  iSKJ,  p.  241,  s<i.).  M.  Foucart  (liull.  dn  Corr.  hellrn.  XII,  p.  Uii)  avait 
fléjà  reconnu  dans  ce  texte  le  décret  cité  par  Démosthéne  (Contre  Leptiue^  VA) 
et  suiv.)  en  l'honneur  des  réfugiés  thasicns  qu'une  réarlion  oligarchique 
avait  expulsés  comme  coupables  de  sympathies  athénii^nnes  (cTi'àxTtXKJiJLo)). 
I^.  peujde  leur  octroyait  riTeXeta,  comme  aux  Maniuièpns,  et  chargeait 
leurs  chefs  N  (aumarhos  ?)  et  Ecphantos  (cité  par  DémosMiène)  do  dresser 
la  liste  de  leurs  noms.  D'après  Wilhelm^  la  lecture  MavTtvsuaiv,  vérifiée 
sur  l'original,  semble  très  probable,  quoiqu'inconiplète.  Dans  cw  cas,  la  mesure 
concernant  les  Mantimums  avait  dû  être  prise  après  le  l)annissenicnt  des  GO  par 
Agésipolis.  Ce  décret  aurait  servi  de  modèle  aux  mesures  analogues  votées  par 
le  peuple  athénien  en  faveur  des  partisans  d'Athènes  expulsés  de  différents 
pays  par  le  pjirti  laconicn,  dans  les  années  (|ui  suivln^nl  la  paix  d'Antalcidas. 
Les  Mantinéens  exilés  par  .Agésipolis  l'ont  été,  «raprès  Xéuojdion,  en  qualité 
A'argUisanls^  et  non  iM)Ur  cause  d'atticisme.  Toutefois,  on  doit  remarquer 
ceci  :  !•   les  deux   termes  sont  équivalents,  comme  deux   variantes  d'un 


424  MANTINÉE   ET   l'aRCADIB  ORIENTALE. 

seule  pouvait  offrir  un  refuge  aux  démocrates,  puisque  Argos 
n'était  plus  libre  et  le  crime  que  Sparte  leur  reprochait,  c'étaient 
surtout  leurs  sympathies  pour  Athènes,  leur  alticisme,  comme 
disaitune  expressionénergiqueet  concise.  Isocrate(l)  fit  entendre 
une  protestation  aussi  indignée  que  le  lui  permettait  sa  douce  et 
souriante  sénilité.  Si  obscurcies  que  fussent  après  tant  de 
conflits,  de  ligues  et  de  contre-ligues,  après  l'immixtion  de 
Targent  perse  dans  les  affaires  de  la  Grèce,  les  notions  sur  le 
droit  des  peuples  à  se  gouverner  eux-mêmes,  un  acte  d'aussi 
odieuse  brutalité  révoltait  les  consciences  et  inquiétait  les 
esprits.  Le  Grec  ne  concevait  pas  l'individu  en  dehors  de  la  cité  ; 
sans  cité,  l'homme  lui  semblait  une  épave  dans  le  monde.  Toute 
son  activité  se  dépensait  pour  le  développement  et  la  splendeur 
de  la  cité.  Créer  des  cités  nouvelles,  c'était  donc  vraiment  faire 


m^mo  sentiment,  ranti-lnconismo.  L'inlluonco  argienne  h  Mantlnt^o  a  prfS- 
domlnô  depuis  le  synœcisme,  et  le  parti  argolisant  a  trlomphi^  en  420,  au 
moment  do  la  ligue  sépara  liste.  Pour  les  Arcadiens,  jusqu'en  38;"),  Athènes 
n'apparaît  que  dans  le  recul,  derrière  Argos,  et  quand  elle  intervient  en  leur 
faveur,  c'est  pour  soutenir  Argos,  chef  de  file  de  la  résistance  anti-sparUate. 
Mémo  en  ses  Jours  d'abdication,  Argos  reste  déposiUiire  de  la  connance  et 
de  l'espoir  des  Muntinéens;  ses  démocrates,  quand  lo  vent  souille  k  l'oli- 
garchie,  trouvent  refuge  à  Mantinée.  Les  deux  villes,  quand  leurs  gouver- 
nements ont  les  mêmes  idées,  fraternisent  dans  l'Intimité.  Le  terme  d'argo- 
lisant  était  donc  devenu  à  Mantinée  synonyme  de  démocrate,  d'anti-laconien  ; 
il  continuait  h  être  employé,  mémo  lorsqu'Argos  lacouisait,  comme  c'était  le 
cas  en  385  et  que  les  démocrates  n'avalent  plus  d'espoir  qu'en  Athènes.  Xéno- 
phon  se  sert  du  terme  local,  tout  A  fait  de  mise  dans  son  récit  des  choses 
péloponnésiennes.  Mais  le  peuple  aUiénlen,  qui  se  posait  en  patron  de  tous 
les  ennemis  de  Sparte,  ne  pouvait  que  reconnaître  des  clients  dans  les 
martyrs  de  l'anti-laconisme,  surtout  quand  ces  exilés  lui  rappelaient  leurs 
titres  à  sa  sympathie  :  l'alliance  avec  Aicibiad(%  les  luttes  soutenues  ensemblo. 
pour  la  bonne  cause,  etc.  Aussi  les  Mantlnéens  furent-ils  honorés  commodes 
victimes  do  l'atticisme.  H  en  eût  été  de  même  pour  les  Kléens  et  les  Argiens, 
le  cas  échéant;  c'était  la  mémo  politique  qui  avait  fait  accueillir  les  Platéens. 
2*  les  mots  Itz  aTTtxiafxwi  s'appliquent  aux  Thasiens;  il  n'est  fait  allusion 
aux  Mantlnéens  que  pour  mémoire.  On  ne  serait  donc  pas  fonilé  A  opposer 
les  termes  de  Xénophon  qui  les  concernent  ii  ceux  d'un  décret  qui  ne  les 
concerne  pas.  3*  Si  Démosthènc  a  omis  de  parler  des  Mantlnéens,  c'est  que 
ceux-ci  étalent  de«  amis  Indépendants  :  ils  s'étaient  servis  de  l'alliance  attique 
pour  la  défense  de  leur  autonomie  et  non  pour  changer  de  patrie;  ils  vivaient 
en  communion  d'idées  avec  la  démocratie  athénienne,  mais  Us  ne  se  seraient 
jms  livrés  ii  elle  pieds  et  poings  liés,  comme  firent  les  Thasiens  en  acc!ueillant 
Thrasybule  après  avoir  chassé  la  garnison  Spartiate.  Leur  atticisme  était  l'ex- 
pression do  leur  anti-laconisme,  mais  non  une  marque  de  sujétion. 
(1)  Paneg,  i^.  —  De  Pace,  100. 


l'kxpiation.i  dkkgismb  de  3H5.  425 

œuvre  de  Grec  ;  perfeclioiioer  sans  cesse  cet  organisme  délicat, 
c'est  à  quoi  les  esprits  les  plus  profonds  de  lu  tirèco  appli(|uaicnt 
leur  pensée.  Au  contraire  démembrer  une  cité,  ravaler  le 
citoyen,  l'homme  idéal,  libre,  conscient  de  ses  droits  et  de 
ses  devoirs  civiques,  au  rang  de  villageois,  c'était  commettre  un 
crime  de  lèse-culture  dont  un  tyran  ou  des  barbares  seuls 
semblaient  capables.'  Les  (actious  elles-mémc,  dont  Sparte 
faisait  ses  instruments  de  domination,  pouvaient,  dans  leur  soif 
du  pouvoir,  rêver  les  représailles  les  plus  subversives,  massacres, 
exils,  confiscations  ;  mais  elles  n'auraient  jamais  médité  une 
pareille  mutilation  do  la  patrie,  dépecée,  dégradée,  réduite  à  un 
obscur  ramassis  de  cabanes  et  de  métairies. 

Il  devenait  évident  pour  tous  que  Sparte  s'apprêtait  à  pousser 
h  ses  deruiëres  conséquences  la  politique  anti-hellénique  de 
Lysandre  et  d'Agésilas.  Sa  fureur  ne  connaissait  plus  de  frein. 
Après  Élis  et  Mantinée,  il  n'y  avait  plus  en  Grèce  de  sécurité. 

L'arbitraire  de  Sparte  (1)  allait  peser  lourdement  sur  les  Grecs, 
alors  qu'on  venait  d'annoncer  bien  haut  une  ère  de  paix  répara- 
trice. Ces  sombres  pressentiments,  Sparte  prit  à  tâche  de  les 
confirmer  :  le  siège  de  Phlious  et  la  prise  de  la  (^admée  montrè- 
rent à  tous  les  patriotes  comment  Sparte  respectait  l'autonomie 
des  villes  (2).  Mais  il  y  avait  encore  assez  de  forces  en  Grèce 
pour  que  ces  excès  fissent  lever  à  point  nommé  un  libérateur. 

Quelle  que  fût  la  réprobation  soulevée  contre  Sparte  par  ses      Le  régime 
violences,  elle  n'en  subit  que  plus  tard  les  conséquences  fAcheu-  si>art«nie  de  385 
ses  (3).  Tout  d'abord,  le  châtiment  de  Mantinée  produisit  sur  les 

(1)  Tronto  uns  aiiiKiravant,  après  In  cnm|ii4>tn  tU)  la  Parrhasio,  Sparte 
s'était  conlontôr.  de  r(^n(ernior  Mantinée  dans  les  Iimii(«s  de  son  district.  Si 
depuis,  Siins  f[uo  Mantinéo  riU  fait  acte  de  rélM'Iliun  positive,  sans  que  la  dênio- 
eratie  mantinéenne  fût  devenue  moins  miHlérée  dans  ses  aspirations,  elle 
af^grave  le  traitement,  n'est  «pie,  dans  leurs  rap|wirls  avec  la  l»erse,  ses 
Immmesd'Kljit  avaient  de  plus  en  plus  perdu  lu  notion  des  droits  et  des  senti- 
ments lieilénitiues. 

{i)  hii  politique  Spartiate  est  alors  celle  du  fait  accompli.  Xênoplion  s'incline 
devant  elle  et  ne  la  ju^e  pas.  Il  est  curieux  d'opposer  a  son  silence  bénévole 
la  vigoureuse  diatribe  de  Polyl>e,  pourtant  bien  mal  disposé  pour  les  Manti^ 
néens  :  IV,  27,  0  :  Mavxiveïç,  ^iXooç  Ôvxaç  xal  cujXjJiâ/ouç ,  àvaaTxxouç 
'TTOc^davTeç,  oùx  l^aaav  àSixeTv,  éx  [i.iaç  TcôXecuç  ei;  T^Xeiouç  aùroùç  Stoixt- 
<xavT6ç.  *Avo(a  {icrà  xax(aç  ypoSuevot,  Stà  xb  Boxeîv,  lâv  xi;  à'jxbç  âTrijjiuy), 
[XTiSk  Toùç  ueXaç  bpavl  Cf.  liv.  x'xVITI,  4  (éd.  Ilultscli.  I.  IV,  p.  l.Hi). 

(3)  Xénophon  est  obll^^é  d'en  convenir,  mais  cet  aveu  tardif  ne  lui  est  arradiô 
(|ue  par  rêcbcc  de  la  politique  Spartiate  à  Tiièbes.  {IleU.  V,  4,  I.  —  VI,  3,  11.) 
Il  ne.  trouve  pas  en  lui-même,  ilans  le  sentiment  de  la  justice  violée,  des  rai- 
sons sudisantes  de  blâmer  :  il  lui  faut  attendre  la  sanction  des  faits. 


h  371. 


426  MANTINKR   P.T   L'AIIGADIR  OIURNTALR. 

autres  alliés  Teflet  attendu.  Les  ^evayoi  n'eurent  qu'à  se  présenter 
dans  les  villes  terrorisées  pour  obtenir  sans  discussion  les  milices 
réclamées.  L'obligation  du  service,  à  laquelle  Mantinée  avait  si 
souvent  dérogé,  apparut  comme  un  devoir  inéluctable.  C'est 
alors  que  Sparte  emprunta  à  Athènes  son  système  du  rachat  : 
les  alliés  recevaient,  moyennant  finances,  la  faculté  de  s'exempter 
de  la  prestation  en  hommes  d'armes.  Chacun  y  trouvait  son 
compte  :  l'état  directeur  qui  améliorait  son  armée  nationale  avec 
l'argent  de  ses  vassaux  et  à  leur  détriment,  puisqu'il  affaiblissait 
ainsi  leurs  ressources  militaires  et  leurs  moyens  de  résistance  ; 
—  et  les  alliés,  qui  pouvaient  rester  chez  eux,  quand  ils  le 
jugeaient  préférable  (1).  Au  moment  où  Sparte  allait  se  lancer 
dans  des  expéditions  lointaines  en  Thrace,  il  était  très  habile  de 
supprimer  entre  elle  et  ses  alliés  cette  cause  de  dissentiment  (2). 
On  ignore  dans  quelle  mesure  les  5  bourgs  mantinéens  ont 
profité  de  cette  faculté  du  remplacement,  pendant  les  campagnes 
de  Sparte  dans  le  Péloponnèse  et  au  dehors  de  38o  à  371.  Durant 
cette  période,  ils  sont  pour  ainsi  dire  absents  de  l'histoire  : 
simples  soldats  dans  les  rangs  auxiliaires,  leur  conduite  est 
obscure.  Le  duel  s'engage  entre  Sparte  et  Thcbes  :  Athènes  y 
assiste  comme  témoin  de  Sparte,  depuis  la  paix  de  371,  conclue  à 
l'exclusion  deThèbes.Les  Lacédémoniens  s'engageaient  à  licen- 
cier leurs  armées  de  terre  et  de  mer  et  à  reconnaître  l'autonomie 
des  villes  (3).  Mais  ces  clauses  restèrent  lettre  morte,  car  à  la 
nouvelle  de  leur  défaite  à  Leuctres  (6  juillet  371)  les  Lacédé- 
moniens appelèrent  le  ban  et  l'arrière-ban  des  auxiliaires. 

Les  Maolinéens  sortirent  avec  empressement  de  leurs  bourgs 
pour  se  joindre  à  Archidamos,  filsd'Agésilas.  Ils  obéissaient  donc 
toujours  à  Sparte  comme  à  un  maître  et  vivaient  encore  sous  la 
coupe  de  leurs  olifçarques  (4).  D'ailleurs  Archidamos  ne  mil 
guère  à  profit  leur  boime  volonté. 

(1)  Xon.  JleÛ.  V,  2,  K).  —  Lo  tarif  «'-îliilt,  par  jour,  «le  3  obolos  d'I^glnc  par 
hoplilo  (0  fr.  (î7);  t\v.  M  olxilos  ou  d'un  stat4>rr<!  <r«rpMit  ((lidradnnn  ^  i  îr.  70) 
IKir  Cavalier.  L'anirndn  (exigible  des  Klnl»  rc^fnicliilros  so  monlalt  .'i  un  stat^n» 
par  lionitnc  et  par  jour. 

|2)  Co  qui  scnitïlalt  atix  alliés  lo  plus  voxat(drc,  c'cHait  do.  marchor  conlr/^ 
dos  onnomls  (|un  Sparlo  sVtail  faits  sans  1rs  consullnr  (Xrn.  Jîclf.  VI,  3,  8). 

(3)  X«'U.  nrlL  VI,  3,  18-lî)  cl  'M\.  —  Ix  Gongns  s'ôlail  nhmi  à  Spartn.  \}i\v 
clause  ajoutait  qu'en  cas  d'oppression  d'une  ville  par  une  autre,  celui' qiii 
voudrait  aurait  le  droit  d'Intervenir.  C'est  en  vertu  de  cet  article  (|uc  Sparte 
intervint  en  370  conln»  Mantinée  pour  Tê^ée.  Voy.  plus  loin,  p.  4:)8. 

(4)  Ib.  VI,  4,  IH.  .  ••    I    I  •  .'    .•..  .•:     f. 


CHAPITRE  VIII. 


PÉRIODE     THRBAINE. 


(:ni-3U2) 


(élc-atilomne, 
371). 


La  journée  de  Leuctres  marquait  pour  Sparte  le  commeoce-  Conséquences  de 
meut  de  Texpiatioii.  Tlièbes  allrancliie  deveoalt  le  ceatre  des  '*  iwwne  <»• 
espérauces  de  quiconque  avait  une  patrie  à  délivrer.  Depuis 
qu'Alhèues  avait  désappris  les  généreuses  traditions  de  Périclès, 
les  faibles  et  les  opprimés  n'avaient  plus  d^autre  appui  que 
Tlièbes.  L'entrée  en  scène  d'Épaminondas  promettait  à  la  Grèce 
une  ère  de  renaissance  politique  (1).  Sans  doute  les  vastes 
desseins  du  patriote  thébain  portaient  atteinte  aux  situations 
acquises,  contrariaient  Tégoîsme  des  deux  vieilles  nations 
jusqu'alors  investies  du  privilège  exclusif  de  riiégémouie.  Aussi 
ni  les  Spartiates  ni  les  Alliénieus  ne  lui  ont  rendu  pleine  justice. 
Ils  ont  essayé  de  faire  le  silence  sur  son  œpvre.  Xénoplion  le 
rapetisse  aux  proportions  d'un  aventurier  malintentionné  :  Iplii- 
crate  lui  parait  être  un  plus  grand  homme. 
,  Mais  Épimanondas  dominait  de  toute  sa  pensée  la  coalition 
des  intérêts  particularisles.  il  rêvait  une  transformation  radicale 
du  Péloponnèse,  une  répartition  des  forces  de  la  péninsule  telle 
que.  la  suprématie  politique,  définitivement  enlevée  à  Sparte, 
fût  déférée  au  centre  même  du  pays.  11  n'était  plus  seulement 
question,  comme  à  l'époque  de  Phidon,  de  Thémistocle,  d'Aici: 
biade,  de  tendre  derrière  Sparte  une  chaîne  d'éléments  résistants, 
il  s'agissait  d'une  véritable  création.  L'esprit  moderne  encoura- 
geait l'éveil  des  nationalités.  C'était  un  résultat  de  l'oppression 
maladroite  de  Sparte.  En  piétinant  les  sentiments  patriotiques 
des  peuples,  elle  avait  fait  germer  au  fond  des  consciences  ces 


Pfojels 
d'K|>Afninon(Ins. 


|1)  Polyb.  VIII,  I,  (î.  —  Plut.  Ages,  27,  ;). 


428  MANTINKR  ET   L*ARGADIR  ORIENTALE. 

forces  refoulées.'  Les  souffrances  de  la  faiblesse  deviennent  un 
levain  d'énergie.  C'est  à  ce  Iravaiilatcntqu'étaitdueréclosionde 
la  puissance  tliébaine;  peu  à  peu,  gagnées  par  la  contagion  de 
l'exemple,  les  nationalités  surgirent  du  sol  grec  tout  armées, 
Phocidiens,  Arcadiens,  Thessaliens,  Achéens,  Macédoniens, 
Étoliens  apparurent,  pour  jouer,  avec  un  succès  inégal,  les  nou- 
veaux rôles.  Déjà,  après  la  paix  de  374,  un  souffle  révolution- 
naire avait  agité  dans  le  Péloponnèse  certains  sujets  de  Sparte, 
leurrés  parle  vain  mot  d'aulonomin  (1).  Ces  tentatives  avnrU^MMil, 
faute  de  cohésion.  Ce  (ut  niétlio(li(|uemeut  qulOpauiinoudas 
entreprit  la  restauration  de  la  liberté  dans  la  Péninsule.  Il  refit 
une  patrie  h  ceux  qui  n'en  avaient  plus,  il  en  créa  de  nou- 
velles pour  ceux  qui  n'en  avaient  pas  encore.  La  politique 
rétrograde  de  Sparte  avait  fait  tant  de  victimes  depuis  des 
siècles I  11  y  avait  deux  catégories  d'opprimés:  les  peuples 
qu'elle  avait  tués,  comme  les  Messéniens,  et  ceux  qu'elle  avait 
empêchés  de  naître  à  la  vie  politique,  comme  les  Arcadiens.  Il 
fallait  donc  tout  reprendre  en  sous-œuvre:  ressusciter  les  nations 
mortes  et  éveiller  les  énergies  engourdies  dont  Sparte  entre- 
tenait le  sommeil  léthargique.  Le  premier  soin  d'Épaminondas 
fut  de  rassembler  les  membres  cpars  du  peuple  messénien: 
c'était  là  une  œuvre  de  résurrection  bienfaisante.  Mais  le  cas  de 
TArcadie  n'ollrait  pas  moins  d'intérêt. 
Réveil  Cette  souche  la  plus  ancienne  et  jadis  la  plus  vigoureuse  du 

de  la  nationiJii^  Pélopounèsc  u'avaît  ricn  produit  depuis  les  beaux  jours  de  la 
arcadienno.  période  protobistoriquc.  La  bravoure  arcadienne  se  laissait 
toujours  exploiter  'sans  gloire  et  sans  dignité  par  l'étranger  :  le 
peuple  arc<idien  ressemblait  à  un  grand  corps  sans  âme,  louant 
sa  force  à  prix  d'argent  et  mû  par  le  caprice  du  plus  offrant. 
Comme  l'ilercule  de  la  Fable,  il  s'épuisait  en  besognes  ingrates 
etserviles,  étant  de  taille  à  se  faire  respecter.  Ceux  que  l'émi- 
gration et  le  service  mercenaire  n'entraînaient  pas  au  dehors 
végétaient  dans  un  état  d'infériorité  entretenu  systématique- 


(1)  Mouvemonls  di'unocrnlUiucs  il  Phigallo,  à  Sicyone,  k  Phllous,  à  Corin- 
Iho,  plus  lard  à  Arjços  {Diod.  XV,  40).  Diodorc  place  la  plupart  de  cos 
révolutions  aprfts  .'Hi.  Curllus  {llist.  gr.  Irad.  (".,  IV,  p.  3ÎI9)  suit  son  opi- 
nion. Grotc  (XV,  p.  31,  n»«  I)  et  von  Slorn  (Gcsch.  der  spartan.  tt.  thehan. 
Hegrni'inie,  p.  9î))  so  sont  elTorcôs  do  prouver  que  Diodorc  avait  confondu 
la  paix  de  37i  et  celle  de  371,  et  attribué  à  la  première  les  consckiucnccs 
de  la  seconde.  Mais  leur  argumentation  repose  sur  des  probabilités  peu 
décisives. 


PKiUODB    THÉBAINE.  429 

inoQt.  La  moitié  de  l'Arcadie  se  trouvait  mise  au  séquestre.  Il 
fallait  développer  chez  ces  incomplets  la  notion  d'une  existence 
moins  rudimeutairc  que  le  régime  cantonal,  moins  humiliante 
que  la  domesticité. 

Épaminondns  rêva  de  les  initier  au  mouvement  des  sociétés 
civilisées,  de  les  helléniser.  De  quel  poids  ils  pouvaient  peser 
dans  les  destinées  de  la  Grèce,  il  le  comprit  ;  aussi  voulut-il  les 
organiser  logiquement  en  fondant  Mégalopolis.  Le  synœcisme 
du  Ménale  et  du  bassin  de  TAlphëe  avec  la  constitution  d'une 
grande  ligue  arcadienue,  devait  mettre  en  train  cette  force 
dorroantQ  et  jusqu'alors  inconsciente. 

Les  projets  du  Thébain  trouvèrent  dans  Mantinée  un  agent     i„iervenUon 
intelligent   et   actif.  Quoi  qu'en  dise  Xénophon,  l'ambitieuse      d'Athènes 
démocratie  ne  s'était  nullement  résignée  au  genre  de  vie  imposé      (**•»  ^^i). 
par  Sparte.  Les  Mantinéens  n'attendaient  qu'une  occasion  favo- 
rable pour  passer  outre  au  veto  de  leurs  tyrans  et  s'échapper  de 
leurs  bourgades. 

Quatorze  ans  de  vie  rurale  n'avaient  tué  en  eux  ni  l'ancien 
esprit  d'entreprise  ni  le  patriotisme  vivace.  Cette  occasion, 
Athènes  la  leur  offrit  au  lendemain  de  Leuctres.  Après  avoir  fort 
mal  accueilli  la  victoire  de  leurs  voisins  (1),  les  Athéniens  com- 
prirent qu'ils  en  pourraient  confisquer  le  bénéfice  à  leur  profit 
on  devançant  habilement  les  projets  des  Réotiens. Sparte  abattue, 
ils  se  hâtèrent  d'offrir  leur  protection  à  tous  les  peuples  que  la 
victoire  d'Épaminondas  venait  d'émanciper.  Les  Béotiens  n'é- 
taient pas  des  sauveurs  sympathiques;  on  se  défiait  de  leurs 
arrière-pensées,  on  ne  leur  pardonnait  pas  leur  abstention  pen- 
dant la  guerre  médique.  Si  l'on  acceptait  d'être  délivré  par  leurs 
armes,  on  se  croyait  dispensé  de  toute  reconnaissance,  et  surtout 
on  ne  se  souciait  pas  de  les  subir  comme  maîtres.  Lors  donc  que 
les  Athéniens  eurent  convoqué  en  Congrès  les  États  du  Pélopon- 
nèse pour  leur  proposer  la  conclusion  d*un  traité  sur  les  bases  de 
la  paix  d'Antalcidas,  ils  accoururent  tous  et  prêtèrent  le  serment 
suivant:  «  Je  resterai  fidèle  au  traité  que  le  roi  a  dicté  et  au 
décret  des  Athéniens  et  de  leurs  alliés.  Si  l'on  attaque  une  des 
villes  qui  auront  prêté  ce  serment,  je  la  secourrai  de  toutes  mes 
forces.  »  (fin  371).  Les  villes  petites  et  grandes  devaient  être 
également  indépendantes.  Dans  chacune  d'elles,  les  magistrats 

(I)  Xên.  Uell,  VI,  4,  19. 


430  MANTINÉE   ET   L'ARGADIE  ORIENTALE. 

prêtèrent  serment  devant  une  commission  d'Athéniens  et  des 

autres  signataires  (1). 
Renaissance  cl       La  poix  conclue  à  Sparte  20  jours  avant  Leuctres  avait  à  peine 
rcconsirndion  de  ^^^  observée.  Elle  subsisîait  néanmoins,  et  les  nouveaux  amis 
....   r^'"  *o-,i,  d'Athènes  restaient  toujours  liés  à  Sparte.  Forts  de  leur  nouvel 

(élé-oiitonine371).  '  ■ 

appui,  les  démocrates  mautinéens  pouvaient  en  toute  légalité 
réclamer  pour  leur  pays  la  fiu  du  régime  de  coercition  (2).  Mais 
il  y  avait  peu  à  attendre  du  bon  vouloir  de  Sparte,  plus  entêtée 
que  jamais  à  ne  rien  céder.  D'ailleurs  les  exilés  de  385  reve- 
naient, pressés  d*agir  et  de  reprendre  la  conduite  des  aflaires. 
On  se  passa  donc  du  consentement  problématique  de  Sparte.  Les 
oligarques  n'avaient  sans  doute  pas  attendu  qu'on  leur  signiliAt 
leur  congé  pour  aller  se  réfugier  en  Laconie.  A  l'appel  des  déma- 
gogues, le  peuple  des  5  bourgs  se  réunit  en  assemblée  générale 
pour  la  première)  fois  depuis  14  ans.  11  décréta  un  nouveau  synoî- 
cisme  et  la  construction  d'une  nouvelle  enceinte.  Mantinée  allait 
renaître  de  ses  ruines  et  recommencer  son  histoire  interrompue. 
On  se  mita  l'œuvre  sans  délai  (été-automne  371).  Des  villes  d*Ar- 
cadie  envoyèrent  des  ouvriers  pour  aider  à  la  construction.  Élis, 
quoique  n'ayant  pas  encore  signé  le  pacte  d'Athènes,  comprit 
ses  intérêts.  La  resUmration  de  la  puissance  mantinéenne  la 
touchait  de  près.  Elle  contribua  de  ses  deniers  et  lit  don  de 
3  talents  (3).  En  même  temps,  les  Mantinéens,  en  gens  avisés 
soupçonnant  que  l'appui  d'Athènes  serait  plus  sentimental  qu'ef- 

(I)  Xén.  Hell,  VI,  5,  1  sqq.  Los  Klôoiis  sonls  n^fiison-nl  di»  s'cngnj^iT 
pour  ne  pas  adrancliir  leurs  sujols  <lo  Mnrgiina,  de  Scinonlo  et  do.  lu  Tri- 
phyllo.  Husoll  {(1er  zweile  Atheii.  Bund.^  p.  7(>i)  suppose  que  les  LacéiUS- 
monièns  oux-mt^mos  prcMôront  le  serment  cl  reconnurent  l'indépendance  des 
villes.  Sur  le  premier  point,  X<^noplion  manciue  de  précision.  L'adhésion 
onicieilc  des  Lacédémoniens  ne  parait  pas  une  condition  nécessaire  de  la 
reconnaissance  tacite  do  l'autonomie  des  villes  sous  l'éi^idc  d'Athènes.  L'opi- 
nion de  Busolt  sur  le  sens  du  mot  opxot,  par  lequel  Xénophon  désigne  co 
pacte,  est  trop  systémaUque.  Li\  distinction  des  termes  opxoi  et  (Tu(JLpt.ayia, 
•jzovSai  et  £lpr|V7j  est  dénuée  de  fondement.  "Opxoi  s'applique  h  toute  espiîco 
de  pacte  ou  traité  ((jrâlzel.  De  pactioiium  inter  grwcai  civitaUs  appella- 
lionibvBf  Halle,  I88i)).  Rn'provoquant  la  réunion  du  Congrès  de  371,  Athènes 
voulait  faire  entrer  les  États  péloponnésiens  dans  la  seconde  Ligue  maritime^ 
reconstituée  dès  ^t77,  avec  participiition  au  Synédrion  fédéral.  L'adhésion  de 
Sparte  à  celte  Ligue,  dont  les  statuts  étaient  rédigés  contre  elle,  est  donc 
invraiscmhlahle.  —  Voy.  Swohoda.  Der  hellen.  tiund  des  Jahres  37/  (Rhcini 
'  MuS.XLIX.  1894.  p.  325sq.).  .  i 

(i)  Xcln.  Ueli.  VI,  o,  3.  *Uç  'v^8y|  aùtovojjioi  TrotvTaTiaaiv  ovtcc.      •  '        ! 

(3)  Xén.  BelL  VI,  îi,  3,  4,  5.  '       '  '   '         ' 


PKniODE    THÉBAINB.  431 

ficace,  durent  s'assurer  Tapprobalion  (rÉpamiiioudas.  L'appui 
moral  de  Thèbes  leur  était  acquis  d'avance.  Pausauinsd)  préleud 
inôme  que  riuitlalive  du  synœcisme  revient  au  Théhaiu.  Ce  point 
reste  obscur;  car  Pausanias  reproduit  la  tradition  bùolieniie.  Les 
événemenls  s'étaient  succédé  si  vile  que  Thèbes  n'avait  pas 
encore  eu  le  temps  d'intervenir  dans  le  Péloponnèse  (2).(]ependaut 
on  peut  admettre  qu'après  l'appel  adressé  par  Athènes  aux  sujets 
de  Sparte,  elle  s'empressa  de  regagner  le  terrain  perdu.  Xéno- 
phon  n'en  dit  mot.  Mais  la  collaboration  au  moins  technique 
d'Épaminoudasaux  travaux  de  reconstruction  est  très  probable. 
La  grandeur  du  phjn,  l'admirable  adaptation  des  ouvrages  à  la 
naturedu  terrain,  l'analogie  des  dispositifs  avec  ceux  de  Messènc, 
indiquent  qu'une  même  pensée  a  dirigé  toutes  ces  savantes 
conceptions.  ' 

A  la  nouvelle  de  ces  faits,  Sparte  s'émut.  C'était  encore  l'incor-  iniervmiion  de 
rigible  Mantinée  qui  donnait,  au  premier  revers,  le  signal  cle  ^•""'*^<""  ^''^^^ 
l'insurrection  !  Mais  les  temps étîiient  changés.  Il  ne  pouvait  plus      ^j-^élnr» 
être  question  d'une  punition  exemplaire;  derrière  Mantinée, 
Sparte  apercevait    tous    les  signataires    du  pacte  d'Athènes, 
Athènes  elle-même,  Épaminondas  et  les  sympathies  de  tous  les 
Hellènes.  Les  vaincus  de  Leuctres  n'avaient  plus  (e  verbe  si 
haut,  ni  la  main  si  lourde  qu'en  385.  L'essentiel  était  de  sauver 
les  apparences.  Sparte  consentirait  à  laisser  faire,   mais  elle 
désirait  qu'on  sollicitât  son  consentement.  Ce  ne  serait  d'ailleurs 
((u'une  formalité  :  non  seulement  les  Mantinéens  obtiendraient 
l'autorisation  de  rebâtir  leurs  murs,  mais  Sparte  en  prendrait 

(1)  Piiusun.  VIII,  H,  10;  MavTivia;  os  Ix  Toiv  X(ou.o)V  xaràçsiv  e;  TrjV 
TraxpiSa  efJLeXXov  HviPaîoi  p.£Tà  tô  epyov  tô  év  AsùxTpotç.  —  IX,  li,  2. 
MavTivéaç  ht  xaTot  X(6|i.aç  ùitô  'AYTjatTrôXiBoç  8t(ox'.9{JLévouç  k^  tvjv  apyatav 
<yuvT,YaYev  auûiç  -JcoXiv. 

(2)  Kpaminomlns,  h  co  moment,  riait  occupa  lians  la  Grôcr  centrale  ;  dans 
le  Péloponnèse,  la  fcmilation  de  Mégalopolis  devait  l'être  sou  premier  souci. 
11  semble  donc  dilTlcile  c|u'il  ait  pu  dirlj^cr  en  personne  l(^  $yn(ec!sme  et  la 
reconstruction  de  Mantinée.  Lîi  clironolof^le  de  ces  événfinents  n'oilre.  pas 
toute  lu  précision  désirable  dans  Xénopbon  et  dans  Pausanias.  11  semble  bien 
que  les  travaux  do  reconstruction  ont  précédé  l'arrivée  d'Kpaminondas  dans 
le  Péloponnèse  et  la  resUiuration  de  Messèno  à  la  fin  do  370.  D'autre  part, 
de  co  qu 'Épaminondas  n'était  pas  présent,  de  sa  personne,  l'i  tous  ces  faits, 
il  ne  s'ensuit  pas,  comme  le  soutient  von  Stcrn  {Sparian,  u,  thehan,  Hegem^ 
p.  VM\)  qu'il  ne  le^  ait  ni  inspirés,  ni  encouragés.  Sa  campagne  en  Arcadie, 
vn  370,  devait  être  la  consécration  de  ses  (iesseins  antérieurs,  qui  avaient 
déjà  reçu,  grâce  à  l'initiative  du  parti  démocratique  et  peut-être  de  Lyco- 
mèdes,  un  commencement  d'exécution. 


f 

432  MANTINÉE   ET  L'AIIGADIE  ORIENTALE. 

les  frais  à  sa  charge.  Ces  concessious  extraordinaires  prouvent 
combien  Sparte  tenait,  pour  le  principe,  à  éluder  l'humiliation 
d'une  désobéissance  formelle,  qu'elle  prévoyait  impunie  (i). 
N'ayant  plus  la  réalité  du  pouvoir,  elle  en  poursuivait  l'ombre 
avec  désespoir.  Le  plus  piquant  de  la  situation,  c'est  qu'Agésilas 
en  personne  fut  chargé  de  cette  pénible  démarche  :  il  allait,  en 
somme,  supplier  ses  victimes  d'épargner  à  leur  bourreau  un 
suprême  allrout.  Agésilas,  chargé  d'une  mission  conciliatrice, 
était  un  spectacle  étrange  pour  la  Grèce,  une  belle  revanche  pour 
Mautinéc  et  une  mortification  cuisante  pour  l'arrogant  vainqueur 
de  la  Perse  !  Naïvement,  les  Spartiates  avaient  pris  au  mot  le 
prétexte  allégué  par  lui  en  385  pour  éviter  la  campagne  de  Man- 
tinée  (2).  Au  nom  de  ses  liens  personnels  avec  les  Mantinéens, 
ils  le  chargèrent  de  cette  amicale  négociation,  espérant  sans 
doute  qu'Agésilas,  n'ayant  pas  détruit  Mantinée,  recevrait  un 
meilleur  accueil  que  son  collègue.  L'illusion  était  un  peu  naïve. 
Mais  les  Mantinéens  avaient  la  partie  trop  belle  pour  consentir 
à  procurer  à  leurs  ennemis  môme  une  simple  satisfaction 
d  amour-propre.  Ce  fut  à  leur  tour  de  se  montrer  intraitables. 
Agésilas  méditait  sans  doute  quelque  mise  en  scène  solennelle. 
11  comptait  faire  impression  sur  la  multitude  en  rappelant  les 
titres  de  Sparte  et  les  siens  propres  à  la  déférence,  les  liens  de  sa 
famille  avec  certaines  familles  mantinéennes  et  user  de  tous  les 
moyens  propres  à  éblouir  le  public  populaire  de  l'assemblée. 
Mais  il  éprouva  un  premier  mécompte.  Les  démiurges  (ot  àp;^ovT6ç) 
refusèrent  de  convoquer  l'assemblée  pour  lui.  L'ambassadeur 
Spartiate  dut  communiquer  ses  propositions  on  petit  comité,  au 
collège  des  démiurges.  A  ses  promesses  qui  ressemblaient  fort  à 
des  supplications  (3),  la  réponse  fut  ce  qu'elle  devait  être  :  ferme 
etilère  :  «  La  république  tout  entière  avait  ordonné  par  décret 
la  reconstruction  immédiate  des  murs.  Les  magistrats  n'avaient 
pas  le  pouvoir  de  suspendre  l'exécution  d'une  mesure  natio- 

(i)  X6.n.  Uell.  VI,  ;>,  4  :  o\  8'au  AaxeBatjJLÔvioi  Tj^ouvro,  el  touto  aveu  tt^ç 
c^eTÉpaç  Y^^V'I?  effOVTO,  j^aXeirôv  laeaOai. 

.  (2)  Xrn.  Uell.  VI,  !>,  i.  Il  est  possibio  niissi  qiio  riiiipopulariln  rruissaulo 
«l'Aj^c^sllîis  il  Spnrliî  ail  cunlribué  à. le  iirîsigncr  au  choix  des  cpliorcs. 

(3)  Il  pruinil<|uo,  si  l'on  arrèluit  la  conslruclion,  il  forait  en  sorlo  d'oblenir 
i'asscnliiiicnt  du  gouverneiiicnl  sparllalc  cl  des  subsides  qui  couvriraient  les 
frais.  On  peut  se  demander  si  Agésilas  prenait  de  son  chef  un  scniblablo  cnga- 
geinont,  dont  la  sincérité  reste  douteuse,  uu  s'il  se  conformait  aux  instructions 
des  éphoros. 


PÉRIODE   THÉBAINE.  433 

nale.  »  Ainsi  Mantioée  se  refusait  à  accepter  de  Sparte  une  auto- 
nomie octroyée  à  titre  gracieux.  Elle  entendait  ne  tenir  que 
d'elle-même  sa  liberté.  La  politique  du  diœcisnie  avait  rendu  le 
patriotisme  intransigeant.  Pour  la  seconde  fois,  Agésilas  quitta 
Mantinée  amoindri  et  plein  de  colère  :  Sparte  expiait  sur  le 
théâtre  même  de  ses  pires  méfaits.  Elle  dut  dévorer  son  affront 
silencieusement,  s'abstenir  de  toute  campagne  contre  la  ville 
récalcitrante;  elle  n'osa  pas  contester  à  Mantinée  Tautonomic 
proclamée  au  Congrès  de  Sparte  sous  ses  propres  auspices  et 
que  la  Ligue  athénienne  entourait  de  sérieuses  garanties  (au- 
tomne 371)  (I). 

La  Nouvelle  Mantinée,  construite  en  ellipse  d'après  les  der-  u  Nouvelle 
niers  progrès  de  la  fortification  (2),  acheva  de  s'installer  durant  Mantinée. 
l'hiver  371  370,  sur  le  site  agrandi  de  Tancienne  ville.  Avertis 
par  la  cruelle  expérience  de  38o,  les  Mantinécns  coupèrent  en 
deux  le  cours  de  TOphis  à  son  entrée  dans  la  ville  et  obligèrent 
les  deux  bras  à  contourner  Tenceinte  :  la  leçon  de  Xénophon 
s'adressait  donc  à  des  convertis.  De  plus,  ils  assirent  le  rempart 
de  brique  crue  sur  un  socle  assez  élevé  de  grosses  pierres,  dont 
le  niveau  supérieur  ne  pouvait  plus  être  atteint  par  aucune 
inondation.  Les  édifices  ruinés  furent  restaurés;  les  maisons  en 
pisé  et  les  portiques  s'alignèrent  le  long  de  rues  régulières  abou- 
tissant en  rayons  convergents  à  une  vaste  agora  rectangulaire, 
située  au  centre  de  la  ville,  devant  le  théâtre  L'ensemble  oilrait 
un  coup  d  œil  imposant;  la  nouvelle  fille  d'Épaminondas  se 
montrait  digue  de  ses  sœurs,  Messène  et  Mcgalopolis.  Toutes 
trois,  assises  au  milieu  des  trois  grandes  plaines  de  la  Pénin- 
sule, devaient  se  tendre  la  main;  fraternisant  avec  Argos,  elles 
semblaient  des  garnisaires  échelonnés  autour  de  Sparte  pour 
veiller  à  la  garde  du  Péloponnèse  (3). 

(t)  Xén.  Uellen.  VI,  5,  5  :  uxpaTeuetv  yc  jjlêvtoi  Itt  'aùtoùç  où  Buvatbv 
eSoxec   eïvat   in  'auTOvo|4{a   T7|ç   6Îp'^vY,ç   Y6YevY,|i.£VY,;. 

(2)  Voy.  p.  130  cl  suiv. 

(3)  La  bnrri^rc  de  forteresses,  Argos,  Mantinée,  Mrgalupulis,  Messène,  Pylus 
traversait  obliquement  le  Péloponnèse  du  N.  E.au  .S.  K., presque  en  ligne  droite. 
Kilc  en  fermait  tous  les  passages,  bien  plus  étroiteiniint  (|ue  l'ancienne  ligne 
Argos,  Mantinée,  Élis,  dont  les  mailles  étaient  trop  ouvertes  et  qui,  tendue 
do  I^K.  à  VO.  laissait  aux  Liicédéiiioniens  toute  la  moitié  Sud  de  la  Péninsule. 
Sparte  blo<|u6e  n'avait  plus  de  débouchés  que  sur  la  mer.  C<*tte  situation  devait 
avoir  pour  conséquence  le  développement  de  Gythiou  et  de  la  marine  lacô- 
démonienne. 

Mniitinée.  —  39. 


434  MANTINÉE  ET  L*ARCAOIK  ORIENTALE. 

Lycomèdes  Lcs  MaiitinéeDs  nvaient  à  se  dédommager  de  quatorze  ans 
et  le  'nouvcmcni  j|»j„jj(.|JQ„  j^j^jp  (ièvro  gagiiu  loiirs  voisiiis.  A  peine  éclose,  la 
"  A"*"d-  j<^uiie  Maiilîiiée  redevint  un  foyer  de  propagandH  démocratique  et 
(priiiienip*  ^70).  î^nHlaconienne.  C'est  aussi  de  lî'i  (|ue  se  propagea  le  mouvenieot 
nationaliste  qui  devait  aboutir  à  la  constitution  de  la  Ligue 
arcadienne.  Cette  cause  nouvelle  trouva  un  défenseur  ardent 
dans  un  personnage  dont  la  courte  destinée  ne  fut  pas  sans 
éclat,  dans  Lycomèdes,  rAlcibiadeniantinéen.  Cet  aristocratique 
démagogue,  de  haule  naissance,  de  grande  fortune,  ambitieux  et 
éloquent,  acquit  sur  ses  compatriotes  un  incroyable  ascen- 
dant (1).  On  le  voit  apparaître  aussitôt  après  la  reconstruction 
do  sa  patriecomme  l'âme  du  parti  démocratique  et  panarcadien. 
Son  influence  dépassait  les  limites  du  territoire  mantinéen.  Sa 
propag.-inde  en  faveur  de  Tunion  des  forces  arradieunes  trouva 
vite  un  écbo  dans  l'âme  des  montagnards.  Il  leur  prêchait  en 
paroles  ardentes  la  haine  de  l'oppresseur  commun  et  leur  mon- 
trait ce  qu'ils  pourraient  accomplir  en  se  groupant.  Le  mirage 
de  riiégémonie  agit-il  sur  ces  esprits  où  l'ambition  se  traduisait 
en  appétits,  où  le  désir  de  liberté  s'aiguillonnait  surtout  de  con- 
voitises plus  ou  moins  avouées?  L'exemple  de  la  Béotie  ôlait  aux 
idées  de  Lyconiédes  ce  qu'elles  auraient  puavoirdetrop  abstrait 
et  de  chimérique  pour  des  intelligences  bornées,  de  rebutant 
pour  des  populations  trop  longtemps  confinées  dans  leur 
égolsine.  Lycomèdes  sut,  en  tout  cas,  trouver  le  chemin  de  leurs 
cœurs  :  ils  le  chérissaient,  n'avaient  confiance  qu'en  lui  et  le 
regardaient  comme  seul  digne  du  nom  d'homme  (2).  Il  était  en 
passe  de  devenir  le  héros  de  l'Indépendance  arcadienne. 

Par  la  production  d'hommes  de  cette  valeur,  la  démocratie 
mantinéenue  recueillait  le  fruit  de  sa  longue  sagesse  et  de  sa  foi 

(1)  X6n.  7/e/r  VII,  i,  2,  3,  2i.  Auxoijl-i^Btjç  MavTiveiiç,  yévci  t£  où^evbç 
êvSeYjç  /Gr,(JLa<7i  te  7rpoY|X(ov  xa\  aXXojç  ^tXoTtfAOç.  Diodoro  (XV,  59i  le  qualiflc 
de  Tt^^éalc,  erreur  qu'il  rccUfic  lul-inôinc  un  peu  plus  loin  'XV,  G2,  G7).  Puusa- 
nlas  VIII,  27, 2)  cite  un  Lyconièiles  de  Ti'^éo,  parmi  les  comniissiilrcs  fondateurs 
de  MégalopoUs.  Mais  rexistonce  de  ce  personnage  me  parait  ne  reposer  que 
sur  une  erreur  de  copiste  (V.  p.  WT).  Hachofen  {MnUerrecht^  p.  300)  altribui^ 
à  ce  nom  une  oriffine  pélasgiffue  et  une  parcntô  avec  lo  culte  de  Démêler;  il  le 
rapproche  des  Lycomides  athéniens  et  messënlens  (Paus.  IV,  1,  4  —  Plut. 
ThemUU  1)  et  des  Lucomedi  ou  Lucumons  étrusques  (Fostus.  Lwcomeeit). 

(2)  Xén.  VII,  1,  2t  :  ol  [ilv  8v^  'Apxaoeç  xauxa  àxoûovxeç  àve^o^oivTO  xe 
xaî  ÛTreic^OvOu/  xôv  Auxo[X'/,8y,v  xaX  [aôvov  àvSpa  "fjyouvxo.  Il  est  possible 
que  Lycomèdes  ail  élé  au  nombre  des  démagogues  exHés  en  ;t85,  etqu'U  ait 
passé  à  Athènes  W  temps  de  son  exil.  '        ' 


PÉRIODE   THÉBAINE.  435 

persistante  en  l'avenir.  Par  sa  réputation  bien  établie,  par  ses 
souflrances  récentes,  Mautiuée  jouissait  alors  d'une  autorité  sans 
égale  en  Arcadie.  Nulle  ville  n*étalt  mieux  préparée  pour  donner 
le  branle  à  la  race  tout  entière,  pour  ouvrir  aux  idées  nouvelles 
les  rudes  iulelligences  arcadiennes  et  les  faire  vibrer  à  des  sen- 
timents inconnus.  De  la  mutilation  de  leur  patrie,  les  démo- 
crates mantinéens  avaient  tiré  cette  conclusion  qu'une  nation 
mnllieureuse  ne  doit  pas  commettre  la  folie  de  désespérer.  C'est 
une  honte  pour  Xénophon  de  n'avoir  pas  compris  la  grandeur  de 
ce  sentiment  et  de  ne  pas  l'avoir  soutenu  de  ses  sympathies. 

Ce  fut  sans  doute  quoique  temps  après  la  reconstruction  et 
sous  rinfluence  de  Lycomèdes  que  la  jeune  et  ambitieuse  cité 
imagina  de  frapper  l'esprit  superstitieux  des  Arcadiens  par  un 
symbole  qui  légitimût  ses  prétentions  à  Thégémonie  arcadienne. 
Elle  obtint  ou  affirma  avoir  obtenu  du  dieu  de  Delphes  l'oracle 
suivant  :  «  //y  aunevillr.,  Mainatox^  froide  en  lnvn\  où  sont  les 
restes  d*Arc(is,  épomfmedu  peuple  tout  entier.  Je  t'ordonne  d*y  aller, 
d'y  enlever  pii'U.\ement  les  cendres  d'Arais  et  de  les  rapporter  dans 
l'ai7nable  ville,  coupée  par  trois,  quatre,  cinq  routes,  de  lui  consa- 
crer une  enceinte  et  des  sacrifices,  »  En  effet,  les  Mantinéens  mon- 
traient à  Pausanias  sur  leur  agora  le  tombeau  du  patriarche 
arcadien(l). 

Au  moment  où  elle  renaissait  à  la  vie,  la  vaillante  cité,  déjà  udcmorrniie 
prête  à  la  conquête  morale  de  l'Arcadie,  ne  disposait  pRS  de  ^  légi-e. 
moyens  matériels  en  rapport  avec  ses  vastes  desseins.  Les  cré- 
neaux qui  devaient  abriter  ses  espérauces  n'étaient  pas  encore 
debout.  La  ville  sortait  à  peine  de  terre  ;  elle  oiTrait  l'aspect 
d'un  chantier  encombré  de  maçons  et  d'ouvriers.  Les  hommes 
d'État  s'y  trouvaient  fort  mal  à  l'aise  pour  discuter  commodé- 
ment et  recevoir  les  délégués  des  autres  cités.  Aussi  les  séances 
où  les  partisans  du  fédéralisme  étudiaient  la  formation  d'une 
ligue  de  tous  les  États  arcadiens  (printemps  370)  et  la  création 
d'une  capitale  fédérale,  se  tenaient  elles  à  Tégée.  Depuis 
Leuctres,  la  situation  des  partis  dans  cette  ville  n'était  plus  la 
môme.  Rien  de  plus  plausible  que  d*attribuer  à  Lycomèdes  les 
progrès  de  la  faction  démocratique (2)  sur  l'ancien  parti  laconien 
tout  à  fait  ébranlé  après  les  revers  de  Sparte.  Les  démagogues 

(1)  Pausan.  VIII,  9,  4-;Kî,  8.  —  Voy.  p  3IG. 

(2)  Dioduro  (XV,  5U)  le  liùsigno  comme  l'instigntcur  dos  troubles  de  Tégée  : 
d'aiMciirs,  lo  récit  dr»  Ijiodon*,  iissoz  vague  ot  iDcobcront,  n'a  qu'une  valeur 
sccondairi».  iiupi'ês  du  texte  de  Xénophon  {Hell.  VI,  i>,  (i). 


4:)G 


MANTINÉB   ET  L'AUGADIK  OIUENTALK. 


tégéates  n'étaient  que  les  disciples  et  les  clients  de  ceux  de 
Mantiuée.  Ils  ne  pouvaient  rien  sans  leur  concours,  et  les 
Mautinéensse  montraient  trop  heureux  de  les  soutenir  et  de  les 
encourager.  Il  en  résulta  un  rapprochement  entre  les  deux  villes  ; 
elles  oublièrent  dans  la  communion  démocratique leursancîennes 
querelles  de  voisinage.  Naturellement  les  idées  alors  préconisées 
dans  les  clubs  démocratiques  dont  Lycomèdes  était  le  plus  bril- 
lant interprète,  sur  la  nécessité  d'un  groupement  des  États 
arcadiens.  pénétrèrent  à  Tégée.  Là,  les  chefs  du  parti  populaire, 
Callibios  et  Proxénos,  s'en  firent  les  patix)ns.  L'adhésion  déclarée 
de  Mantinée  au  programme  nationaliste  était  un  fait  acquis  (1), 
tandis  qu'à  Tégée  la  conviction  d'une  bonne  partie  des  citoyens 
restait  à  faire.  La  lutte  devait  être  très  vive  contre  les  traditions 
du  loyalisme  laconien.  Or,  le  refus  de  Tégée  entraînerait  un 
grave  échec  pour  les  fédéralistes.  Matériellement,  c'était  la  ville 
la  plus  prospère  et  la  plus  importante  de  l'Arcadie.  Elle  tenait 
les  ciels  de  la  Haute-Plaine.  Sans  elle,  Pœuvre  de  concentration 
serait  précaire  ;  elle  gagnée,  le  reste  de  l'Arcadie  se  laisserait 
vite  entraîner  par  le  spectacle  nouveau  d'une  entente  tégéatico- 
mantinéenne. 

Massacre  Lcs    couservatcurs  tégéatps,  ayant  à  leur  tôte   Stasippos, 

des  oligarques  réagissaient  dc  toutcs  Icurs  forccs  (2).  La  création  d'un  Koinon 
arcadien  impliquait  la  soumission  de  toutes  les  villes  de  la  Ligue 
aux  décisions  d'un  Couseil  fédéral,  c'cst-à  dire  une  dérogalion 
au  principe  de  l'autonomie,  et  de  plus  une  émigration  tout  au 
moins  partielle  de  leurs  habitants  pour  peupler  la  capitale 
projetée.  Stasippos  et  les  siens  excitaient  leurs  compatriotes  à  se 
rebi (1er  contre  ces  comlitions  :  la  ville  resterait  telle  quelle  et 
garderait  ses  lois  intactes.   Cependant  (milieu  370)  le  synœ- 


tégéates 
par  les  cicmoi'ralcs 

<le  Mantinée 
cl  de  Tégée  (370). 


(1)  Les  principulrs  li{;nos  do  ce  programme  si'iublonl  avuir  été  arrôlées  d» 
bonne  heure,  sur  les  conseils  d'Épaniinondas.  l*>'ConstituUon  d'un  xoivov  T(ov 
'ApxaStov  avec  Conseil,  assemblée  et  milices  fùdôralcs.  2"  Synœcismc  des 
cantons  de  l'Alphée,  en  une  ville  nouvelle,  par  absorption  des  localités  les 
moins  importantes  du  reste  do  l'Arcadie  et  par  des  prélèvements  sur  la 
population  des  grandes  villes.  3"  Choix  de  cette  ville  comme  capitale  fédérale, 
pour  éviter  l'antagonisme  des  villes  anchîunes,  telles  i|ue  Tégée  et  Mantinée. 
Sur  rhlstoiro  du  xotvôv  arcadien.  voy.  Herthum.  De  èleual'ipolitarum  rtbux 
gcstis  et  de  Commiini  Arcadum  repabUca.  Connu,  phll.  lencns  V.  I89i,  p. 
49.  sq.,  239  sq.  —  Uiller  v.  Grirtringcn.  art.  Arkadia  dans  la  Realencycl.  de 
Pauly-Wissowa.  Il  i ,  p.  1128  et  sulv. 

(2)  Xén.  HelL  VI,  i,  18. 


PÉRIODE    TUBBAINE. 


437 


cîsine  de  l'Arcadie  fut  décidé  (1).  Une  commission  de  10  oIkkjtxI 
ou  fondateurs  fut  désîguée  par  cinq  États  pour  poser  la  première 
pierre  de  la  Grande  Ville.  Pausanias  nous  donne  leurs  noms  (2): 
Mautinée  délégua  Lycomèdes  et  Uopoleas,  Tégce  Timon  et  Pro- 
xénos.  Celui-ci  ne  devait  pas  jouir  longtemps  de  son  titre.  En 
ellet,  à  Tégée,  la  question  s'envenima.  Callibios  et  Proxénos 
n'eurent  pas  la  majorité  dans  le  conseil  des  Oea&o':  où  dominaient 
les  oligarques.  Ils  espéraient  un  meilleur  résultat  dans  l'assem- 
blée populaire.  Pour  l'intimider,  ils  s'y  rendent  eu  armes.  La 
faction  adverse  en  fait  autant.  Le  nombre  se  trouve  égal  des 
deux  côtés  ;  le  vote  ne  devant  pas  trancher  la  question,  on  en 
vient  aux  mains.  Proxénos  est  tué  avec  quelques-uns  des  siens. 
Le  reste  de  ses  partisans  se  dérobe  sous  la  conduite  de  Callibios 
et  va  se  réfugier  au  pied  du  rempart,  au  Nord,  à  portée  des 
portes  qui  s'ouvrent  du  côté  de  Mantinée.  Stasippos,  ne  vou- 


(!)  Paiisan.  VIII,  27,  0.  Suvcoxé^Oy)  Be  y\  Mtyi\y\  IloXtç  Êvia-jxw  xe  aùxo) 
xal  îAYjffi  Te  ôXîyotç  u^repov  y^  ro  TCTatafia  lycveTO  Aaxeoai'/oviwv  xo  êv 
Aeùjctpoiç,  <l>aaixXet5ou  (jlcv  'AOTjVVjaiv  apyovtoç,  BeuTÉpoj  8c  exet  Tvjç 
ÉxaxodTTjç  oXu(jL7C(a,8oç  xai  BEuxépaç  (01.  102,  t  —  371/0).  —  I-rf»s  antres  dates 
(lunnôcs  d'autre  part  sont  :  Marbre  de  Paros,  archonUit  do  Dyskinctos  (01.  102, 
3  —  370/00)  —  Plutar<[ue  {Pélopidas,  2i,  8)  dans  la  campagne  de  Liiconie 
(hiver  370/3U9)  ;  —  DIodorc  (XV,  72)  sous  Tarchonte  Nauslgén^s  (ol.  103,  i 
—  3<j8/7).  Les  dates  e.xtrftinc8  comprennent  un  intervalle  de  3  ans.  On  peut 
les  considérer  toutes  comme  exactes  et  se  rapportant  cliacune  à  une  phase 
dUIcrente  de  celte  longue  opération.  La  présence  du  Théhain  Pamménès  avi'c 
1000  hommes  pour  surveUlcr  la  construction  est  un  fait  très  discuté.  (Slern. 
Gescti.  de  Spart,  u.  theb.  liegew.  p.  Î5I).  —  Voy.  plus  loin,  p.  4()8. 

(2)  La  listo  telle  que  la  donnent  les  mss.  de  Pausanias  est  la  suivante  : 
VIII,  27, 2  : 


TÉGÉE 

MANTÏNÉE 

KLEITOn 

MAINALOS 

PARRHASIE 

Lycomédôs 
Hopoléas 
Timon 
Proxénos 

Lycomédés 
Hopoléas 

Kiéolaos 
Aicriphios 

Eukampidas 
Hiéronymos 

Pasicratés 
Tliéoxénos 

Il  y  a  «ne  erreur  évidente  du  copiste  dans  la  liste  de  Tégée,  dont  les  deux 
premiers  noms,  qui  appartiennent  à  Mantinée,  doivent  être  rayés.  D'ailleurs, 
il  n'y  avait  aucune  raison  pour  que  Tégée  eût  à  elle  seule  4  commissaires.  L<^s 
raisons  tirées  de  ce  passage  pour  expliquer,  par  l'exislrnce  d'un  Lycomèdes 
tégéate,  la  méprise  de  Diodore  (XV,  50)  [Voy.  Ilertzl^crg.  AifcsiUios  p.  351  — 
Schiller,  Stamme  «.  Stadte  der  Griec/un,  I,  p.  21,  05  —  Von  Slern.  Gescfi,  der 
Spartan.  u.  Iheh.  IJrgemonie,  p.  158]  sont  tout  à  fait  dénuées  de  fondement. 


438 


MANTINKK   KT  LARCADIIS  ORIKNTALK. 


lant  pas  de  carnage,  les  laisse  en  repos  :  on  entre  en 
iiôgociations.  Mais  Callibios  avait  précisément  (ait  appeler 
ceux  (leMantinée  à  la  rescousse.  Voilà  que  ceux-ci  sont  signalés. 
A  l'annonce  de  ce  renfort,  les  démocrates  montent  sur  le  chemin 
de  ronde,  crient  aux  Mantinéens  de  se  presser;  déjà  d'autres 
vont  leur  ouvrir  les  portes.  Slasippos  et  les  siens,  sentant 
l'ennemi  dans  la  place,  déguerpissent  par  la  porte  de  Pallantion 
et  se  réfugient  dans  un  temple  d'Artémis  (1).  Mais  ceux  qui  les 
poursuivent,  sans  respect  pour  la  sainteté  du  lieu,  montent  sur 
le  toit  du  temple,  en  arrachent  les  tuiles  et  les  jettent  dans 
l'intérieur  de  la  cella  sur  les  réfugiés.  Accablés,  ceux  ci  se 
rendent.  On  les  saisit,  on  les  ligotte,  on  les  entasse  sur  un  chariot 
et  on  l 'S  ramone  à  Tégée.  Là,  d*accord  avec  les  Mantinéens,  ou 
les  condamne  et  on  les  exécute  (2). 
iniervcni.on  Ccpeudaut  800  olIgarqucs  avaient  réussi  à  gagner  Sparte,  où 
(le  sp«ri«  leur  présence  et  leur  récit  causèrent  une  chaude  émotion.  Les 
(novembre  370)  ^^pjiores  voicut  quc  Tégée  leur  échappe  et  s'alarment  de  l'audace 
croissante  de  Manlinée;  ils  se  décident  à  agir.  Mantinée  est 
accusée  d'avoir  violé  la  paix  de  371  par  son  agression  contre 
Tégée  (3);  on  lui  déclare  la  guerre;  on  lève  des  troupes  et  on  en 
donne  le  commandement  à  Agésilas.  Des  deux  côtés  on  convoque 
les  alliés  :  tous  les  Arcadiens,  sauf  Orchomène  (4) se  solidarisent 


(1)  Pausanias{VIII,  t>3,  il)  mcnUonno  h  9  aUidcs  do  IVgôo,  sur  In  routo  do 
Laconic,  lo  tomplo  d'Arli'Miils  LimnaUs.  Il  ne  signale  aucun  Arlémision  sur 
la  route  de  Pallantion.  D'après  Dlo<lore  (XV,  (3!))  les  fuyards,  au  nombre  de  liOO, 
se  réfugieront,  les  uns  sur  Sparte  (8U0  d'après  Xcnoplion),  les  autres  sur  Pallan- 
tion (soit  (KK)).  Os  derniers  furent  livrés  par  les  Pallantins.  Il  faut  supposer 
qu'un  petit  groupe  de  ceux-ci,  voulant  dépister  les  poursuites,  aura  gagné  par 
un  chemin  de  traverse  la  route  de  Lîiconie  et  l'Artémision.  Xénophon  s'est 
attaché  à  cet  épisode  du  temple,  comme  plus  caractéristl(|ue,  pour  montrer 
que  la  fureur  des  démocrates  n'avait  pas  reculé  devant  un  sacrilège.  Cf.  Xén. 
Àgé.^.  II,  23. 

(2)  Xén.  Fdi.  VI,  5,  10. 

(3)  Xén.  Jlellen.  VI,  5,  10  :  toÎç  Aax£8ai;xovioiç  iS<^xei    Po'/|Or,T€Ôv    eîvaî 
'  xaxà  Toîiç    Ôpxo'j;   toî;  TeOvewai  tcov    TeYeaxcov   xal    IxncicTODxdvt'    xai 

oiIto)  (TTpaTeuoudtv  èitl  xoùç  Mavxiveaç,  wç  iiapà  Toù;  opxouç  ciiv  oirXoiç 
èXTjXuOoxwv  aûxwv  kizX  xo-jç  Tcyeàxaç  (Cf.  ibid.  30).  —  Ces  opxoi  désignent 
la  paix  conclue  en  371  à  Sparte  avant  L(Hictrcs(voy.plus  haut,  p.  430)  et  non 
la  Ligue  atliquo,  que  Xénophon  désigne  par  le  singulier  opxot,.  (Swoboda. 
Rhein.  Mus,  XLIX,  I88i,  p.  330) 

(i)  La  haine  d'Orrhomène  contre  Mantinée  s'était  accrue  depuis  371  ;  'de 
plus,  elle  s'opposait  à  la  Ligue  arcadicnne,  craignant  do  perdre  ses  cantons 
occidentaux  au  profit  de  Mégalopolis.  i      •    •    '»      »    • 


PERIODB    THÉBAINE.  439 

avec  les  MaiitinëoDS.  L'année  de  la  jeuuc  Li^ue  arcadienue  allaîl 
débuter.  Les  Aigiens,  les  Éléens  el  les  Thébains,  égaleineut 
solliciléb,  devaient  arriver  plus  tard  (i).  Sparte,  de  sou  côté, 
pouvait  compter  sur  lesPliliasiens,  les  lléréeus,  les  Lépréates  et 
les  Orchoinéuieos  reuforcés  par  un  corps  de  merceujiires  corln- 
thif*ns  sous  les  ordres  de  Polylropos(2). 

Au  début  de  la  campigne  (hiver  370)  les  fo  ces  arcadiennes     Expédition 
élaienl  disséminées.  Le<*  troupes  de  la  Ligue  devaient  se  rassem-    rf  Agé»iUs  en 
bler  à  Aséa  dans  le  bassin  inlermédiaire  entre  les  cantons  de  AiT«iiie(dffc.370;. 
TAIphée  et  Tégée,  tandis  que  les  Maulinéens  se  voyaient  immo- 
bilisés chez  eux    par  les  armements  des  Orchoméuiens.  Les 
premières  opérations  s*engag^rentà  la  fois  aux  deux  extrémités 
de  la  Haute  Plaine.  Au  S.  Agésilas,  aussitf^t  eutré  en  Arcadie, 
avait  occupé  Eutaia,  Une  des  dernières  places  de  la  Ménalie, 
daus  le  voisinage  d'Aséa  (3).  La  ville  était   presque  déserte, 

(1)  D'nprA^  DlcNlnrc  (XV,  G2)  Athènes  nvait  rcpoassé  la  domandn  do  secours 
(les  Arcadions.  —  Voy.  Swoboda.  iihcin.  mus.  XLIX,  189's  p.  338.  —  Los 
Arcadlcns  durent  conclure  avec  Thèbcs  un  traité  on  r(Sf<io  (Xén.  Helleii,  VII, 
1,   18,  35;  Î5,  5n 

(  )  D'apn^s  Dlodore  (XV,  Ci),  ce  personnage  était  un  offlcier  lacédémonlen  que 
Sparto  mit  A  la  této  de  KXJO  lioplltcs  Spartiates,  de  (MX)  rrru^iôs  arjj^ions  et 
lMu>lions,  et  qu'elle  envoya  occuper  Orchomène.  C'est  une  erreur  manifeste.  SI 
Sparte  avait  été  en  cUt  do  mettre  sur  pied  deux  armées,  Xénophon  l'aurait 
fait  valoir.  Ces  Iroupi'S  appartenaient  î\  l'armée  d'A^ésilas  ((ui  comprenait  en 
outre  les  8IM)  réfu^'iés  logeâtes  el  <ies  Périèquos.  Quant  à  Polylropos,  si  l'on 
lient  A  juslilier  la  méprise  de  Diodore,  on  pt^ut,  ave<!  Ilertzlx^rjç  (,4(7^.f'./ao.N\ 
'M\if  I2I>)  admellre  que,  chargé  par  Sparte  d'aller  recruter  des  mercenaires  i\ 
(>)rintlie,  Il  fut  provisoirement  mis  î'i  la  disposition  d'Orcliomén»',  si  la  demande 
de  celle-ci.  Au  re^te,  tout  ce  récit  de  Diodoro  n'est  qu'un  tissu  de  Imjvucs  ;  Je 
texte  de  Xénophon  mérite  seul  confiance. 

(.i)  On  n'a  d'autre  donnée  sur  l'emplacement  do  celte  localité  que  Tépithéte 
de  Xénophon  (VI,  (5,  ÎÈ  :  tcôXiv  ô'fxopov  oucrav).  Voisine  de  la  Skiritlde,  elle 
appartenait  h  la  Ménalie  méridionale.  Ses  habitants  contribuèrent  h  peupler 
Mégalopolis  (Paus.  VIII,  2!7,  3)  T^rlng  l'identine  avec  les  ruines  de  la  colline 
d'Ilagios  CtmstanUnos  (village  moderne  do  Lianou?).  Kn  la  reportant  au  N. 
d'Aséa,  comme  le  propose  llertzbcrg  (  igesitatpfi^  3ii2,  1281»)  on  lui  fait  perdre 
sa  situation  do  ville  frontière.  D'autro  piirl,  comme  Agésilas  attendait  à  Kutaia 
i<'s  troupes  de  Polylropos,  Il  n'eût  pas  laissé  entre  elles  et  lui  l'arméo  arca- 
dlenne  d'Aséa,  qui  l'eût  facilement  coupé.  (Voy.  U)ring.  Jonrn.  of  hell  Sludt 
XV.  I8Î>:).  fig.  î),  et  la  e^irte  pi.  I,  oii  est  figuré  ritlnéraire  d'Agésilas}.  — 
Plutarque  (/Igf/^x.  XXX,  ,'i),  résumant  cotte  campagne  d'après  Xénophon^ 
désigne, sans  la  nommer, Kutaia  en  ces  termes:  eXwv  8k  iroXi'/v7|v  rivà  toîv 
MavTivÊuiv.  Je  ne  crois  piis  que  cette  attribulion  d'Eutala  aux  Mantinécns  ait 
la  moindre  valeur:  Plutarque  l'a  faite  au  hasard, p;ir  ignorance  de  la  position 
exacte  de  cette  bicoque,  dont  le  nom  lui  était  inconnu.  Il  est  donc  inutile  de 


440  MANTINÉE  KT  L'ARCADIR  ORIENTALE. 

tous  les  hommes  valides  ayant  rejoint  Tarmée  fédérale  à  Aséa.  Il 
ne  restait  que  les  vieillards,  les  femmes  et  les  enfants.  Agésilas 
se  montra  débonnaire,  ne  fit  de  mal  à  personne  et  obligea  ses 
soldats  à  payer  tout  ce  qu'ils  prenaient.  Il  poussa  la  complai- 
sance jusqu'à  réparer  les  murailles  en  attendant  l'arrivée  de 
Polytropos. 
Aitnqiie  Cependant  les  Manlinéens,  ayant  à  leur  tête  l'entreprenant 

de.Lycomèdes  Lycomèdcs,  prennent  Toflensive  contre  Orchomène.  Un  assaut 
rc  om  ne.  ^^^  muraillcs  cst  repoussé  avec  perte.  Ils  battent  en  retraite 
jusqu'à  Élymia  (Lévidi)  sans  être  poursuivis  par  les  hoplites 
orchoméniens,  mais  seulement  par  les  peltastes  de  Polytropos. 
Serrés  de  près  et  harcelés  de  traits,  ils  veulent  prendre  de  l'air, 
se  retournent  contre  les  mercenaires,  les  repoussent  avec  vigueur 
et  leur  tuent  Polytropos.  C'est  alors  à  eux  de  poursuivre  l'ennemi 
en  déroute.  Mais  au  moment  où  ils  vont  l'achever,  surviennent 
les  cavaliers  de  Phlious  qui  les  ont  tournés  par  derrière.  Les 
Mantinéens  alors  s'arrêtent,  se  reforment  et  rentrent  chez  eux  (l). 

Agésiiaa  dans  la  Agésllas,  privé  dc  SCS  mercenaires,  entre  en  Tégéatis,  où  il 
Maniinique  prend  Ic  rcpas  du  soir.  Le  lendemain,  il  s'engage  dans  la  Manti- 
(début  nique  et  va  asseoir  son  camp  au  pied  des  collines  ouest  ;  de  là,  il 
ravage  le  pays.  Aussitôt  les  milices  fédérales  se  hâtent  de  quitter 
Aséa  et  de  passer  à  Tégée,  d*où  elles  s'avancent  vers  le  Nord,  eii 
occupant  les  hauteurs  entre  Tégée  et  Mantinée,  avec  l'idée  de  se 
joindre  aux  Mantinéens  (2).  Le  lendemain,  Agésilas  s'avance 
jusqu'à  une  vingtaine  de  stades  (3,700  m.)  de  la  ville  et  campe 


chercher  à  la  jusU6er,  en  supposant  contre  toute  vraisemblance  qa'Eutiia 
était  un  débris  dos  anciennes  conquêtes  dos  Mnntinées'  (ce  district  no  dut 
d'ailleurs  Jamais  leur  appartenir),  ou  bien  en  imaginant  que  la  Ligue  arca- 
dienno  leur  confia  cette  position,  maltresse  d'une  des  routes  stratégiques  qui 
conduisaient  do  la  Lîiconle  dans  la  Haute  Plaine,  cela  pendant  la  construction 
de  Mégalopolis.  Ëutaia  étiiit  simplement  alors  une  ville  aniliée  à  la  Ligue. 
Agésilas  la  traltii  avec  douceur,  espérant  la  ramener  à  Sparte. 

(1)  Voici  la  version  de  Dlodore  (XV.  62  :)  «  Lycomèdes  de  Mantinée,  stratège 
général  des  Arcadiens,  s'avança  sur  Orchomène  j)  la  tète  d'un  corps  de  5,000 
hommes,  appelé  l'élite  (eTciXéxToc).  Les  Lacédémoniens  firent  une  sortie,  et 
livrèrent  un  combat  acharné  dans  lequel  périrent  leur  chef  et  200  guerriers* 
Le  reste  fut  poursuivi  jusque  dans  la  ville  ».  Les  éiriXsxTOi  dont  il  est  encore 
question  au  liv.  XV,  07  sont  peut-être  identiques  aux  iitiptxot,  l'armt^  per- 
manente do  la  Ligue  arcîidiennc,  noyau  des  milices  fédérales  (Xén.  UelL  VII, 
4,  22,  33,  34,  30). 

(2)  Qui  avaient  grand  besoin  de  renforts,  car  les  Arglens  n'étaient  pas  venus 
au  complet  (Xén.  Heli  VI,  5,  16). 


de  décembre  370). 


PÉRIODE    THKBAINR.  441 

probablement  dans  la  goroje  de  Kipsia  (1).  Il  laisse  les  troupes 
de  la  Ligne  g;i^ner  Mmliuée,  de  peur  que,  s*il  s*engige  contre 
elles  dans  la  plaine,  les  Manlinéens.  par  une  brusque  sortie,  ne 
viennent  accabler  son  flanc  gauclie  et  ses  derrières  (2).  D'ailleurs, 
il  est  prêt  à  accepter  Irahchement  la  bataille,  si  les  ennemis 
veulent  en  venir  aux  mains  (3).  C*est  alors  que  les  renforts 
attendus,  peltaslés  mercenaires  et  cavalerie  pliliasienne, arri- 
vent d'Orcbomène  après  avoir  échappé  par  une  marche  nocturne 
à  la  surveillance  des  Mantinéens.  Âgèsilas  fait  prendre  à  ses 
troupes  le  repas  du  matin  et  leur  fait  traverser  la  plaine.  Il 
passe  Taprès  midi  entre  la  pointe  Sud  de  TAlésion  et  la  Kap- 
nistra,  pour  laisser  croire  qu'il  se  prépare  à  la  retraite  ;  puis,  le 
soir  venu,  il  s'engage  sans  être  vu  dans  rAr<;on  Pédiou  où  il 
établit  son  camp  i4).  Peut-être  se  proposait-il  d'en  sortir  comme 
d'une  embuscade  dès  que  ses  érJaireurs  lui  auraient  signalé 
que  les  ennemis,  le  croyant  parti,  s'étaient  répandus  hors  de  la 
ville.  Mais  son  stratagème  éventé  faillit  se  retourner  contre  lui. 
Le  lendemain,  au  point  du  jour,  lin  parti  dé  Mantinéens,  ayant 
franchi  l'Alésion,  apparaît  rassemblé  au-dessus  de  la  queue  de 
son  armée.  La  position  des  Lacédémoniens,  dans  ce  cul  de-sac, 
avec  l'ennemi  à  dos,  est  très  critique.  Agèsilas  comprend  qu'il 
lui  faut  en  sortir  au  plus  vite;  mais  s'il  prend  la  formation  de 
retraite  et  se  retire  en  tête  de  sa  colonne,  il  craint  une  attaque 
par  derrière.  Il  reste  donc  en  place,  fait  front  à  l'ennemi  (c'est- 
à-dire  à  l'Alésion),  commande  à  la  queue  (devenue  l'aile  droite), 
d'évoluer  par  le  flanc  à  droite  et  de  venir  s'aligner  derrière  les 
derniers  rangs  de  la  phalauge  :  le  front  se  trouve  ainsi  diminué 


(!)  Il  pouvait,  par  la  plaine  Alclmétlon  et  le  passage  de  Lévidl  (Élynila?) 
communiquer  avec  Orchomèno  cl  couper  l'urmée  arcadiennc  de  celle  de 
Lycomôdes. 

{2}  Xén.  llell.  VI,  5,  16  :  xarà  xspx;  te  xal  êx  lôi/  oiriiOcv  eriTcÉdotev  auTco. 
Ces  mots  déterminent  la  posiUon  de  l'armée  d'Agésilas,  dans  la  partie  occi- 
dentale de  la  plaine,  entre  Manlinée  et  les  contreforts  du  Ménale;  en  cas  de 
bataille,  le  front  tourné  vers  les  Arcadiens  du  S.  elle  avait  Manlinée  en  arrière 
à  gauche. 

(3)  Plutarque  {Agés.  30,  5)  dit  au  contraire  qu'Agésilas  évita  prudemment 
toute  rencontre. 

(4)  Xén.  VI,  5,  17.  eiç  tov  oTridOev  xoXttov  tti;  MavTivixY|;,  |jLiXa  <TuveyYuç 
xal  xùxXiu  op'r|  eyovra. 

(.*))  A  l'heure  où  Agèsilas  sacrinait  en  avant  de  son  armée. 


•442  MANTINÉB   ET   l'ARGADIE  ORIENTALE. 

(le  moitié  et  la  profondeur  doublée  (I).  Il  suffît  alors  d*uD  antre 
nv>uvenieDt  pnr  le  Amdc  gauche  pour  que  toute  la  colonne  ainsi 
ramassée,  avec  son  clief  eu  tôle,  pût  sortir  sans  encombre.  Une 
fois  dans  la  grande  plaine,  il  la  déploie  de  nouveau  en  ligue  de 
bataille  snr  la  profondeur  de  9  à  10  boucliers  (2). 
Rciraiie  Lcs  Maulinéens  n'allèrent  plus  Taltaquer.  Les  Éléens,  qui 

dAgésiias.  venaient  de  se  joindre  à  eux,  leur  avaient  conseillé  de  ne  pas 
livrer  bataille  avant  l'arrivée  des  Théhains,  arrivée  imminente, 
disaient-ils,  puisqu'Élis  leur  avait  avancé  10  talents  pour  les 
frais  de  l'expédition.  Les  Arcadiens  s'abstiennent  donc  de  toute 
sortie.  Âgésilas,  fatigué  do  parcourir  un  piys  détrempé  par  la 
pluie,  sous  un  climat  dont  la  rigueur  (on  était  alors  au  milieu  de 
l*hlver(3),  soit  en  décembre)  faisait  souffrir  ses  Larédémoniens 
habitués  à  la  température  plus  douce  de  la  Laconic,  songe  à 
rentrer  dans  son  pays.  Mais  pour  enlever  à  son  départ  toute 
apparence  de  précipitation  et  de  crainte,  il  reste  encore  Irois 
jours  dans  les  environs  de  Mantinée.  Le  quatrième  jour,  au  matin, 
après  le  déjeuner,  il  fait  mine  de  regagner  son  ancien  camp  au 
pied  du  Ménale  à  1  entrée  de  la  plaine  et  d'attendre  la  bataille. 
Comme  aucun  Arcndien  ne  se  présente,  il  gagne  à  marche  forcée 
Ëutaia,  malgré  l'heure  avancée,  de  façon  à  emmener  ses  hoplites 
avant  d'apercevoir  les  feux  de  l'ennemi  :  ainsi,  pensait-il,  cette 
retraite  ne  ressemblerait  pas  à  nue  fuite.  De  fait,  à  Sparte.  l'abat- 
tement était  tel  qu'on  lui  flt  une  gloire  de  cetle  campagne 
exempte  de  revers.  On  élait  fier  de  ce  qu'il  avait  ravagé  le  terri- 
toire arcadien  sans  que  personne  eût  osé  se  mesurer  avec  lui. 
Xénophon  s'associe  de  tout  cœur  à  ces  sentinents.  11  ne  veut  pas 
avouer  que  l'excuse  de  la  saison  était  médiocre,  puisqu'elle 
n'enjpéchait  pas  lesThébainsd'eutreron  campagne.  La  prudence 
la  plus  élémeutaire  conseillait  aux  Arcadiens  d*atteudre  ce  puis- 


(t)  Cf.  iino  manœuvre  analo^uo  Ànah,  IV,  3,  29.  Lo  mot  oùpà  dôsigno  la 
(lornièrc  file  do  railc  gniicbo.  Dune,  l'armée  d'Agcsilas  faisait,  dans  sa  position 
primitive,  face  au  Lyricéion,  dans  le  sens  de  la  longueur  de  la  plaine  :Agcsi las, 
placô  i\  l'aile  droite,  se  trouvait  plus  près  de  l'cntrùc.  Sa  préoccupation  fut  do 
.faire  face  à  l'ennemi  avec  son  aile  droite  par  la  man<cuvre  ap|)elée  kleXiy\i»6i^ 
et  de  diminuer,  au  profit  de  la  profondeur,  le  front  de  sa  phalange,  ta  mesure 
«lu'il  80  rapprochait  de  l'étroite  issue  de  la  plaine.  Le  danger  de  cette  marche 
était  de  présc»nter  à  l'ennemi  le  cùté  découvert. 

{i)  Leakc  {Uorm.  111,  p.  7iJ)  et  Loring  {Jnum  nf  hellen.  Stud.  XV.  189j, 
p.  80}  no  se  sont  pas  rendu  exactement  compte  des  opérations  d'Agésilas. 

(3)  Xén.  HelL  VI,  5,  20  :  xoà  yàp  "îiv  [xê<toç  /eiixoSv. 


PKRIOOE   THÉBAINE.  443 

sant  renfort  avant  de  livrer  b:it;iille.  Cela  ne  voulait  pis  dire 
qu'il  eussent  peur  d'A.:^ésilas.  Au  contraire  Agésilis  montrait 
une  prudence  excessive,  eu  s'esquivaut  avant  l'arrivée  des 
Thébains(l). 

Après  son  départ,  dès  qu'ils  surent  son  armée  licenciée,  les  ftiiaminondw  k 
Arcadiens  proHtent  de  ce  qu'ils  sont  réunis  et  mnrclient  contre     ''•'oi»»»»» * 
Iléraia,  pour  la  punir  d'avoir  refusé  d'a<lli6rcr  à  la  Lij^ue  et  . .  ••^" '"***• 

'    •  »  «^  |rt   rnittpignc  de 

d'avoir  fait  cause  commune  avec  Sparte.  Knirés  dans  le  pays,  ils       i.r,r»n,e. 
brûlent  les  maisons  et  coupent  les  arbres  (fin  déc.  370)  (2;.  (drcpmimv février 

En  leur  absence,  l'armée  Ihébaiue  el  ses  alliés,  Phocéens,  ^-o-^m. 
Eubéens.  lonieus  des  drux  Locridcs,  Acarnaniens,  IIôrarli»otes, 
Maliens,  pcUasies  el  cavaliers  thessaliens  arrivent  à  Mantinée, 
sous  la  conduite  d  Épaminondas  et  de  Pélopidas(3).  Aussitôt  les 
Arcadiens  abandonnent  Iléraia  et  viennent  rejoindre  leursalliés. 
L'armée  concentrée  à  Mantinée  présentait  un  des  plus  puissants 
rasseniblemenls  de  forces  helléniques  qu'on  eût  encore  vus.  Elle 

(1)  Voici,  d'après  X<^nophon,  l'emploi  du  tnmps  d'Aj^t^silas,  jour  par  jour,  i\ 
piirUr  do  son  premier  séjour  ft  Kutaia  : 

l"jour:  D'KuUiiH  on  TôgfViUs. 

2*  jour  :  mntln.  De  la  TégAntis  t'i  la  Mantiniqne. 

nuit.  Marclu^  des  Arcadiens  d'Aséii  à  Têgée. 

3*  jour  :  matin.  Oimp  do  Kapsia  :  ravage  du  pays.         .    , 

midi.  Jonction  dos  Arcadiens  et  des  M.intinéens. 

nuit.  Marche  des  Orchomêniens. 

4*  jour  :  maUn.  Arrivée  dos  Orchomoniens  au  camp  d'Agésilas. 
Ajçôsllas  traverse  la  plaine, 

soir.  Ciimp  de  l'Argon  Pédion. 

5'  jour  :  matin.  AtUique  des  Manlinéons  sur  l'Alésion. 

Manœuvre  d'Agésilas  pour  sortir  de  la  plaine. 

G*,  7"  et  8'  jour.  Agésilas  ro^tc  en  vue  de  Mantinée. 

9*  jour  :  matin.  Retour  simulé  «'i  l'ancien  camp. 

soir.  Départ  pour  Kutaia. 

10»  jour  :  Retour  ft  Sparte. 

(2)  Iléraia  avait  été  syncncisée  après  Lc^uctres  par  Cléombrotc.  (Strab.  VIlî, 
337.  —  Voy.  plus  haut,  p.  37i,  note  3. 

(3)  Milieu  de  décembre  370.  La  campagne  devait  être  très  courte,  parce  que 
les  pouvoirs  de  béoUirquc  d'Épaminondas  expiraient  au  solstire  d'hiver,  le  il 
décembre.  Aussi  ne  -trouvant  plus  ni  amis  ni  ennemis,  Kp:iminondas  voulait 
rentrer  en  Réotie  O'ulant  aux  instances  des  Arcadiens,  il  prit  sur  lui  do  pro- 
longer le  tonne  légal  de  son  commandement,  mais  il  .savait  que  ses  ennemis 
ùThèbes  exploiteraient  contre  lui  cette  illégalité:  cette  préoccup.ition  expli- 
que qu'il  ait  écourté  la  campagne. 


444  AIANTINÉE  ET   L'ARCAniR  ORIENTALR. 

comptait  70.000  hommes  dont  40,000  hoplites  (1).  Près  des  deux 
tiers  appartenaient  aux  pays  au-delà  de  l'isthme  :  jamais  force 
étrangère  aussi  cousidérable  n'était  encore  entrée  dans  le  Pélo- 
ponnèse. Épamiuoudns,  entraîné  par  les  Arcadiens,  se  décide  à 
envahir  la  Laconie.  Les  Arcadiens  forcent  brillamment  un 
passage  de  la  Skiritis,  à  Oion,  dôfendu  pac  le  Lacédémonien 
Iscliolaos.  Une  fois  eu  plaine,  ils  ravagent  les  villages  de  la 
Laconie,  avec  les  Argienset  les  Éléeus.  tandis  que  les  Thébains, 
renonçant  à  atla(|u»*r  Sparte,  vont  assiéger  Gylhion.  Sparte, 
acculée  dans  sa  vallée,  faillit  èlre  réduite  aux  abois,  et  la  cause 
première  de  celte  détresse  élait  Tatlenlat  contre  Mantinée. 

Cependant,  les  Arcadiens,  chargés  de  bulin,  rentrent  chez 
eux.  Épaminondas,  ayant  dépassé  la  limite  de  son  commande- 
ment, ne  pouvant  plus  subsister  sur  un  territoire  dévasté,  et 
averti  qu'Athènes  avnit  envoyé  Iphîcrate  pour  lui  barrer  le 
passage  de  Pisthme  (2),  reprit  en  hâte  le  chemin  de  la  Béolie 
(fév.  ?  369)  (3). 

Exaltée  par  ses  succès,  la  Ligue  arcadienne,  sans  doute 
inspirée  par  Lycomèdes,  décida  (mars-juin  369?)  do  proclamer 
aux  yeux  du  monde  grec  sa  vitalité  et  ses  exploits  précoces: 
un  ex-voto  consacré  à  Delphes  avec  la  dlme  du  butin  recueilli 
en  Laconie  devait  présenter  aux  Hellènes  sous  le  patronage 
d*Apollon  et  de  Nikè,  les  héros  de  toutes  les  tribus  arcadiennes 
alignés  aux  côtés  d'Arcas  (4). 

(1)  Co  sont  les  cliillrcs  de  Plutarque  {Agés,  31  —  Pélnp.  24,  4);  U  compte, 
outre  ces  pclUistcs,  les  gens  sans  arme,  qui  suivaient  pour  piUer.  Diodoro  (XV, 
G2)  compte  en  bloc  (30.000  h. 

(2)  En  effet,  Athènes  s'était  émue  des  succès  d'Épaminondas  en  Laconie. 
Dans  une  assemblée  ijanv.  ?  ^KSO  on  discuta  si  l'on  porterait  secours  aux 
Lacédémoniens,  d'après  ie  traité  de  371  conclu  avant  Leuctres.  La  conduite 
des  Mantinéens  A  l'égard  des  Tégé<itcs  (ut  l'objet  d'appréciations  contradic- 
toires les  uns  les  justifiant  d'avoir  secouru  les  partisans  de  Proxénos  tués 
par  ceux  de  Stasippos,  les  autres  déclarant  qu'ils  avaient  violé  le  traité. 
Enfin,  le  Phliasien  Proclcs,  dans  un  discours  plus  déclamatoire  que  solide- 
ment déduit,  enleva  les  suffrages  en  faveur  des  Lacédémoniens.  Xén.  Heli, 
VI,  5,  33-50. 

13)  Xén.  VI,  5,  22-33.  —  DIocl.  XV,  62-65.  —  Pausan.  IX,  14,  6.  —  cti  xal 
X6i[xwv^v  (Xén.  VI,  5,50}. 

(i|  Sur  co  monument,  voy.  Pausan.  X,  9,  3.  -  Pomtow.  Àlh.  Vith.  XIV, 
1889,  p.  15  et  suiv.  —  Beiirage  zur  Tof.ngr.  von  Driphi  ^  p.  5i-;)G,  114, 
pi.  XIV,  39.  —  Homolle.  HulL  de  Cnrr.  heiien.,  XXI  (1897),  p.  270  et  suiv. 
Sur  les  fragments  du  socle  se  sont  retrouvés  les  noms  de  la  plupart  des 
divinités  et  héros  cités  par  Pausanias,  avec  les  signatures  de  trois  des  artistes 


PKRIODE    THEBAINK. 


445 


Après  le  départ  des  Thébnins,  les  Arcadîens,  au  dire  de 
Diodore,  auraieDt  aussitôt  reDOuvelé  leurs  (ruclueusos  incur- 
sions en  Lciconio.  Lyconièdes,à  la  lôte  de  oOOO  iTrtXexToi.  auraient 
surpris  Pellène  de  Lacouie,  massacré  la  garnisson  lacédémo- 
uienne  de  300  hommes  et  saccagé  la  ville  et  son  territoire. 
Après  quoi  ils  seraient  rentrés  chez  eux  (I). 

Dans  le  courant  de  cette  même  année  369  (2),  Athènes  et 


qu'il  nomme.  Si  sn  dcscripUon,  sans  doute  empruntée  fi  quelque  périéj^cse, 
est  exacte,  l'interprétation  et  l'attribution  du  monument,  faites  par  à  peu 
près,  sont  tout  à  fait  erronées.  Les  vers  delà  dédicace  à  Apollon  Pytlilen 
(dont  le  ton  rappelle  justement  à  Pomlow  celui  des  discours  de  Lycomèdesj  : 
TtuvSe  aoi  exYCVfiTai  AaxeôaîjjLOva  ôY|[u6«TavT£ç 

'ApxiSeç  SdTTjTav  [xv-î^y.  'eTrivivoiJLâvo'.ç, 
rapprochés  par  Pomtow  des  expressions  de  Diodore  (XV,  05}  :  Ttaaav  Se  ty,v 
XaxwvtxYjv    87)c6<7avTeç  xtX  ;  ensuite,  le  distique  consacré  k   Arcas  [Bull. 
Corr,  helL  ibid,  p.  279)  et  qui  peut  être  reconstitué  ainsi  : 
'Apxiç  TOÛaB  'cTÉxvwa  'oï  toûto.[v  3ivâOr|{i.a 

aTT|(jav  IpEi'j/avTeç  ytjv  AaxeS7.[t(X0V(av, 
enfin  la  présence  de  Triphylos  à  côté  d'Arcjis,  ne  laissent  aucun  doute  sur  la 
date  de  la  consécration.  La  Niké  rappelait  la  victoire  des  Arcadiens  à  don 
sur  Ischolaos  (Xén.  Uellen.,  VI,  5,  ifi.  ^  Diod.  XV,  Gi).  La  Tripliylie  dut  se 
sépiirer  de  l'Élidc  et  s'adjoindre  à  l'Arcadie  dès  3GÎ).  —  Des  décrets  de 
proxénie  delphique  décernés  ù  des  Arcadiens  de  Stymphulo,  do  IMiénéos,  de 
Mégalopolls  furent,  au  IJi*  siècle,  gravés  sur  le  socle  du  monument.  — 
Sur  un  autre  ex-voto  des  Arcadiens  faisant  face  à  celui-ci,  voyez  plus  loin. 

(1)  Cet  épisode  n'est  relaté  que  {Kir  Diodore  (XV,  07,  t).  Il  ressemble  beau- 
coup, quant  au  fond,  au  récit  de  la  surprise  d'Asiné  de  Liiconie,  racontée 
par  Xénophon  (voy.  plus  loin  p.  4tô)  D'autre  ptirt,  Xénoplion  relate  l(^s 
opérations  des  Thébains,  des  Arcadiens,  des  Éléens  et  Argiens  contre  l^îllône 
d'Achale  [Hellen.^  VI,  I,  15-18).  Il  est  permis  de  se  demander  si  DicMlore  n'a 
pas  substitué  par  erreur  le  nom  do  Polièue  ii  celui  d'Asiné,  s'il  n'a  pas 
attribué  à  cette  Pellène  la  qualification  de  Laconienno  que  Xénophon  applique 
  Asiné,  et  créé  ainsi  de  toutes  pièces,  par  une  confusion  assez  vraisemblable 
chez  un  écrivain  aussi  étourdi,  une  surprise  de  Pellène  de  La*:onie  par  ie^ 
Arcadiens.  Il  est,  en  elTet,  étonnant  qu'il  ignore  complôtoment  les  opéra- 
tions des  Tbébalns-Arcadicns  contre  Pellène  dWc/iaic.  —  Sur  ia  topographie 
de  cette  campagne,  voy.  Loring.  Journ,  of  hellen,  Slad.  XV,  I8Î);>,  p.  00-63. 

(2)  Xénophon  {Uell.  VII,  1-14),  place  la  conclusion  de  la  paix  tvo  OarÉpto 
Itei,  compUmt  l'année  nouvelle  soit  à  partir  du  printemps  301),  à  la  manière 
do  Thucydide,  soit  à  partir  du  début  de  l'année  civile  A  Athènes  (10  juillet 
300,  d'après  Bœchh.  3limdryden.),  La  chronologie  des  événements  compris 
entre  la  bataille  de  Leuctres  et  celle  de  Mantinée  est  très-indécise,  Xénophon 
datant  rarement  ses  récits  et  Diodore  les  datimt  mal.  On  attribue  d'ordinaire 
ia  2*  campagne  d'Épaminondas  dans  le  Péloponnèse  à  l'été  .'109.  Je  crois  en  elTct 
que  les  événements,  qui  occupent  dans  les  ilrlléinqnes  le  début  du  Livre  VL 
(de  l  ù  22),  ont  rempli  l'été  et  l'automne  de  309  ({xcrà  xauTa  {xsvtoî  o\ 
^Tlpaîoi  àTCTjXOov  oixaoe,  xal  oi  àXXoi  5è  £xa(7Toç  oXxaZi). 


Surprise 

de  t^ellnna  par 

Lyromèdes 

(élé  360). 


3«   cnnipn?ne 

d'Épnminondas 

dins  le 

Péluponnësa 

(été  369). 


446  MANTINKE  KT  l'AUCADIE  OIllENTÀLK. 

Sparie  conclurenl  une  nlîiance  sur  le  pied  d'égalité.  Les  nou- 
veaux alliés,  renforcés  par  les  secours  de  Denys  le  Tyrau,  et  les 
Tliébciîns  assistés  des  Ârcadiens  et  de  leurs  autres  alliés,  guer- 
roient autour  dé  Coriulhe,  de  Sicyone,  de  Pellène  d'AcLaîe  et 
d'Épidaure. 
Réariion  anUihé-  c'csl  après  cclle  campaguc  que  se  manifesta  dans  le  Pélopon- 
iwineen  p,\gç^  ^^  particulièrement  en  Arcadie,  une  certaine  impatience 
a  regard  de  I  lie^emonie  llienaine. 

Cette  fols  Mantiuée  parait  à  la  l(He  du  mouvement  nouveau. 
Lycontèdes  se' multiplie  dans  une  campagne  de  propagande 
anti-thébaine,  qui  devait  aboutir  à  rejeter  l'Arcadie,  à  la  suite 
d'Albënes,  dans  les  rangs  auxiliaires  de  Sparte  contre  Épami- 
Dondas.  Depuis  Pausanias  (I),  ce  revirement  apparent  de  la 
politique  mauliuêeune  a  été  mal  compris  et  mal  jugé.  11  a  valu 
à  Mantinée  des  reproches  de  versatilité  tort  intméntés.  A  exa- 
miner les  cho.scsde  près,  on  doit  rcconnaitie  que  la  prévoyante 
cité  et  son  intelligent  conseiller  restaient  cnuséquenls  avec  eux- 
mémrs:  leur  nouvelle  attitude  était  déterminée  par  une  sagace 
entente  de  la  situation  que  TArc^ulie  devait  à  leur  iiiiliative. 
L'œuvre  rêvée  par  Lycomèdes  et  ses  compalrioles  était  accomplie. 
Ils  avaient  édifié  la  patrie  arcadienne,  envers  et  contre  Sparte. 
Ils  avaient  profilé  pour  cela  des  victoires  de  Thèbes  ;  ils  avaient 
même  accepté  la  collaboration  des  Thébains,  que  les  mêmes 
griefs  leur  associaient  dans  la  même  haine.  Mais,  une  fois 
délivré,  le  peuple  arcadieu,  conscient  de  sa  foi'ce,  croyait  avoir 
conquis  le  droit  de  vivre  libre.  11  n*enlendail  pas  changer  de 
maître.  Par  la  restauration  de  la  Mcssénie,  par  la  création  de 
Mégalopolis,  par  la  résurrecliou  de  Mantinée,  l'action  envahis- 
saule  de  Sparie  se  trouvait  enrayée.  La  Ligue  se  chargeait  de  lui 
tenir  tête  à  l'avenir  avec  Faide  des  alliés  dont  elle  n*avait  rien  à 
craindre,  Argos,  la  Messênie,  Alhônes.  Or,  voici  que  Thèbes 
s*avisait  de  prendre  des  allures  despotiques,  de  parler  en  mai- 
'  tresse  du  Péloponnèse.  Le  péril  thébain  sd  sutistiluait  au  péril 
lacédémonien.  Le  principe  nouveau  auquel  on  s'était  dévoué,  le 
Péloponnèse  aux  Péloponnésiens  et  chaque  peuplé  libre  dans  le 
Péloponnèse,  allait  être  compromis  par  Pambition  de  libérateurs 
prêts  à  prendre  la  place  de  crux  qu'ils,  renversîiieul"  Il  deve- 
nait  impossible  d*encourager  ni   même  de  tolérer  l'ingérence 


(i)  VIII,  8,  40. 


PKRIOOK   THÂBAINE. 


447 


constante  des  Béotiens  dans  In  pi'minsule.  La  patrio  arcadienne 
prétend  «it  se  suffire  à  elle  ini^ine  :  la  reconnaissance  dns  services 
rendus  entrait  en  conflit  avec  la  sauvegarde  de  Tindcpandance 
nationale  :  celle  ci  devait  remporter.  Les  villes  arcadiennes  les 
plus  influentes,  comme  Mantinée  et  Tégée,  avaient  subordonné 
leurs  ambitions  particulières  à  la  communauté,  en  renonçant  au 
titre  de  capitale  eu  faveur  de  Mê^î^lopolis.  Elles  pri^tendaieut 
avec  raison  n'être  pas  dupes  de  leur  désintéressement  ni  s'être  sa- 
crifiées au  profit  de  Télranger.  Mantinée.  le  cerveau  de  la  Ligue 
etledéfenseurclairvoyaotdes  idées d*autonomie.  jugea  opportuu 
de  dissiper  tout  malentendu.  Elle  signifia  aux  Thébains  la  volonté 
de  l'Arcadie  d*agir  pour  son  propre  compte  et  de  n'être  plus 
Tinstrument  de  personm*  (1). 

Pendant  les  deux  campagnes  précédentes,  la  cjunstion  du   rn.pngnnHe  de 
commandement  en  chef  avait  souvent  divisé  les  alliés.  Des  contes-     L>v'miftiw. 
tations  s'étaient  élevées  entre  les  généraux  arcadiens,  éléens,         de*^!**  *^ 
argiens  et  thébains  (2).  Mais  le  prestige  d'Épaniiuondas  et  de  ugue  arcAdienn« 
Pélopidas  l'avait  toujours  emporté  au  moment  décisif.  On  s*était 
mis  d'accord  pour  leur  laisser  la  direction  des  opérations.  Cette 
subordination  parut  à  la  fin  humiliante  et  dangereuse  à  Lyco- 
mcdes.  Il  piqua  au  vif  la  fierté  des  Arcadiens,  leur  disant  qu'eux 
seuls  avaient  le  droit  de  regarder  le  Péloponnèse  comme  leur 
patrie,  eux  seuls  étant  autochthoncs(3).  Les  Arcadiens  formaient 
la  plus  nombreuse  des  tribus  grec(]ues.  N'étaieut-ils  pas  réputés 
les  premiers  de  tous  par  la  vigueur  physique  et  par  la  bravoure? 


(1)  La  rupture  de  la  Ligue  arcadienne  avec  Thèbcs  est  racontée  par  Xéno- 
phon  {fieil:  VU,  t,  ti-23)f  hostile  au  parti  national  arcadioii.  Il  en  est  aussi 
question  dans  Pausanias  jVIIi,  8,  10)  et  dans  Plutarque  (/V»op.  iV,  7  —  Agés. 
3i,  3)  qui  représentent  la  tradition  thébaine.  Les  uns  et  les  autres  exposent  les 
(aits  do  (açon  à  (aire  ressortir  l'ingratitude  des  Arcadiens  envc^rs  Kpa ininondas. 
Mais  on  no  doit  pas  juger  toute  la  politique  bOotirnno  d'après  les  idées  person- 
nelles d'Épaminondas.  l\  y  avait  derrière  lui  un  parti  beaucoup  moins  motléré, 
qui  l'accusa  de  faiblesse  à  plusieurs  reprises,  réussit  à  le  (aire  destituer  et  dont 
les  ambitieuses  visées  menaçaient  la  liberté  des  autres  États.  Or  les  Mantinécns 
se  considéraient  comme  responsables  de  l'Indépendance  de  la  Ligue.  —  Les  faits 
compris  entre  le  diœcisme  de  385  et  la  batiiillo  de  3Gi  étaient  ex])osés  du  20'  au 
25«  liv.  dos  Bisloires  d'ÉpIiore. 

(2)  Plut.  Pêlnp,  24,  7.  Xénophon  ne  parle  pas  de  ces  dissentiments.  l\  dit 
seulement  que  les  aillés  0[xoOu(xaoôv  xal  eTcpaTTov  xal  cdTpaxeûovTo  rjYOuji,é- 
vojv    (rjT,paicov  (VII,  I,  22). 

(3)  Cf.  dans  la  dédicace  de  l'ex-voto  de  Delphes  l'aflirniation  de  cette  au- 
tochtbonie,  p.  1%,  n.  2. 


448  MANTINÉE  KT  L'AHCADIE  ORIENTALE. 

Quand  on  avnit  besoin  d'auxiliaires,  à  qui  avait-on  recours,  sinon 
aux  Arcadiens  ?  Sans  eux,  les  Lacédémoniens  n'auraient  jamais 
pu  envahir  l'Allique,  ni  les  Thébains  la  Laconie.  «  La  sagesse, 
leur  disait  il,  vous  conseille  de  ne  plus  obéir  aux  volontés  de 
n'importe  qui.  Vous  avez  fortifié  les  Lacédémoniens  en  marchant 
avec  eux.  Vous  allez,  en  suivant  les  Thébains  au  hasard,  sans 
réclamer  votre  pari  de  commandement,  retrouver  bientôt  en  eux 
de  nouveaux  Lacédémoniens  w.  L'ardeur  communicative  de 
Lycomèdes  enflamma  ces  montagnards  que  leurs  instincts  ren- 
daient impatients  de  tout  joug,  mais  que  leur  inexpérience 
livrait  à  la  discrétion  de  leurs  maîtres.  Ils  trouvaient  en  lui  un 
chef,  capable  de  les  mènera  la  victoire  et  au  profiL  Sa  popularité 
était  telle  qu'ils  lui  obéirent  aveuglément.  Ils  choisissent  pour 
officiers  tous  ceux  qu'il  leur  ^lésigne,  Des  paroles,  ils  passent  aux 
acte?^  avec  un  .entrain  qui  leur  vaut  de  brillants  succès.  Ils  déli- 
vrent ,les  Argiens,  cernés  par  les  pellastes  de  Chabrias,  par  les 
hoplites  athéniens  et  cqrinthiens.  Ils  poussent  une  nouvelle 
pointe  en  Laconie,  attaquent  Asiné  (368),  battent  la  garnison 
iacédémonienne, tuent  le  pqlémarque  Spartiate  Géranor  et  mettent 
à  sac  le  faubourg  d'Asiné  (1).  Ils  étaient  faits  pour  ces  coups  de 
main.  Ils  pratiquaient  la  guerre  suivant  leur  tempérament, 
comme  unç  manière  de  brigandage,  ei^  procédant  par  surprise. 
Xénophon  est  obligé  d'admirçr  leur  prodigieuse  endurance  et 
leur  audace  pour  ce  genre  d'exploits:  «  Quand  ils  veulent  aller 
quelque  part,  ni  la  nuit,  ni  le  mauvais  temps,  ni  la  longueur  de 
la  route,  ni  les  montagnes  impraticables  ne  les  arrêtent.  »  Ce 
sont  les  ancêtres  des  modernes  Palikares.  Leur  enivrement  ne 
connaît  alors  plus  de  bornes;  les  Thébains  commencent  à  les 
redouter.  Mais  il  leur  restait  à  acquérir  pour  les  batailles  rangées 
la  discipline  et  la  cohésion  des  troupes  régulières  :  ils  se  firent 

(1)  Xi^n.  Hellen.  VU,  1,25  :  el;  'AdfvTjVTTi;  Aaxa(v7)ç.  La  position  do  cette 
pl«ice,  an  S  de  Gytliion,  pnrnlt  bien  cloigni^c  pour  un  coup  de  main.  Pcut- 
6tro  les  Arcadicns  l'ont-ils  surprise  en  passiint  par  la  Messénio  et  par  lo  Tay- 
gète.  Cela  justUicrail  les  termes  de  Xénophon  :  oùx  op'/)  S-JapaTa  àitcxioXuev 
auToùç  (VI,  1.  21)).  C'est  peut-ôtre  à  l'occasion  de  cette  nouvelle  campagne  que 
.fut  élevé  h  Delphes  un  autre  ex-voto,  situé  en  face  de  celui  dont  il  a  été  pjirlé 
plus  haut  (voy.  p.  4U,  n.  4.  —  Uomolle.  DulL  de  Corr.  hellen.  XXI.  1897, 
p.  280).  Pausanias  l'a  omis  dans  sa  description  de  Delphes.  On  a  retrouvé  des 
fragments  du  socle,  long  de  12";  la  dédicace  même  est  perdue;  il  ne  reste 
qu'une  série  de  décrets  de  proxénie  en  l'honneur  d'Arcadiens  de  Mantinée,  de 
Mégalopolis,  de  Phénéos,  de  Stymphale,  décrets  gravés  ultérieurement,  suivant 
l'habitude  de-s  Delphiens  d'utiliser  li  cet  nsage  des  monuments  anciens. 


PERIODE    TUEBAINE. 


449 


battre  à  Mnléa  ou  Médéa  (1)  par  Archidamos,  fils  d'Agésilas. 
Sparte,  déshabituée  delà  victoire,  en  pleura  de  joie  (367). 

Il  y  avait  certes  une  turbulence  inquiétante  dans  le  déchaîne- 
ment de  cette  humeur  batailleuse.  Elle  déconcertait  les  calculs 
non  seulement  des  Béotiens^  mais  aussi  des  Éléeus,  jusqu'alors 
accoutumés  à  considérer  les  Arcadiens  comme  les  soldats  de 
leur  politique.  Cet  État  ne  perdait  jamais  de  vue  ses  intérêts.  Il 
s'était  séparé  de  Sparte  pour  conserver  Lépréon  et  comptait  sur 
l'Arcadie  pour  lui  garantir  la  possession  de  la  Triphylie.  Mais 
voilà  que  la  Ligue  arcadienne  improvisait  une  politique  nouvelle, 
celle  du  panarcadisme  !  Non  seulement  elle  prétendait  ne  plus 
relever  que  d'elle-môme,  mais  encore  faire  rentrer  au  giron  les 
rejetous  égarés  de  la  vieille  famille.  Or,  certaines  tribus  triphy- 
lieuues,  tels  que  les  C'iucones  et  les  Paroréates,  quoique  soumis 
d'une  manière  intermittente  à  la  domination  des  Éléens,  étaient 
sans  conteste  de  sang  arcadien  ;  les  autres  réclamaient  leur 
autonomie  à  l'égard  d'Élis  et  se  prétendaient  affranchis  par  la 
convention  d'Athènes  en  371,  bien  que  les  Éléeus  eussent,  pour 
cette  raison,  refusé  d'y  souscrire.  Tous  paraissent,  après  la 
constitution  de  la  Ligue  arcadienne,  s'être  adjoints  à  elle  dès 
370  :  la  parenté  de  la  Triphylie  avec  l'Arcadie  fut  solennellement 
aflirmée,  sur  l'ex-voto  de  Delphes,  par  l'inscription  d'un  héros 
Triphylos  parmi  les  fîls  d*Arcas  (2).  Il  n'en  fallut  pas  davantage 
pour  brouiller  les  Éléens  avec  la  Ligue  (3). 

Ce  fut  après  l'ambassade  de  Pélopidas  et  des  autres  Grecs  à 
Suse  (367)  que  le  coullit  arcadico  thébain  en  arriva  à  l'état  aigu. 
Le  délégué  de  la  Ligue  arcadienne,  Antiochos,  desservi  par  les 
Thébaius,  avait  été  reçu  assez  froidement  (4).  Quand  les  Thébains 
convoquèrent  les  Étals  pour  entendre  la  lecture  du  traité  reconnu 
par  le  roi  de  Perse  et  qu'ils  prétendaient  substituer  à  celui  d'An- 
talcidas,  les  députés  des  villes  ne  voulurent  pas  prêter  serment 


Conllit  avec 
rÉIide  (368). 


Congrès  de 
Thèlies  ;  opposi- 
tion   de  Lyconiè- 
des  (368). 


à  Tlièbes  et  demandèrent  qu'on  envoyât  des 


délégués 


dans 


(1)  Dans  la  Maléalis,  près  des  sources  de  l'Eurotas.  Ce  fut  la  victoire  dite 
«  sans  larmes,  »  à8axpuç  [xà/Tj.  Plut.  Agés,  33,  3.  —  Diod.  XV,  72.  —  Xén. 
Hell.  VU,  1.  28. 

(2)  Voy.  plus  haut,  p.  207,  444  et  Pausan.  X,  9,  5.  —  Cf.  Polyb.  IV,  77. 

(3)  Xén.  Uellen.  VII,  i,  20. 

(4)  Xén.  UelL  VII,  I,  38.  De  retour  6  Mégalopolis,  il  déclara  aux  Dix-Mille 
n'avoir  nullement  été  ébloui  par  les  splendeurs  trop  vantées  de  la  cour  royale. 
L'idée  de  mêler  le  Grand  Itoi  aux  aiïuires  do  la  Grèce  répugnait  aux  Arcadiens, 
et  Antiochos  se  rendit  bien  compte  qu'il  y  avait  peu  à  tirer  de  l'alliance  perse. 


MaiiUnce. 


30. 


mède»  &  Athènes 
Sa  mort  (366), 


450  MANTINBE  ET  l'aIICADIE  ORIENTALE. 

chaque  ville  pour  y  recevoir  les  serments.  Ils  refusaient  de 
reconnaître  Thèbes  comme  le  centre  des  affaires  grecques.  Lyco- 
mèdes  ajouta  môme  que  Thèbes  n'était  pas  désignée  pour  être  le 
siège  des  Cougrës,  que  ceux  ci  devaient  avoir  lieu  où  se  ferait  la 
guerre,  c'est-à  dire  au  lieu  où  larmée  des  contractants  se  trou- 
verait réunie.  Les  Tliébains  prolestent  et  l'accusent  de  vouloir 
faire  échouer  le  traité.  Là-dessus  Lycomèdes  quitte  la  séance, 
suivi  de  tous  les  députés  arcadiens  (3G7). 
Mission  dipioma-  Ccttc  attitude  des  Arcadiens  impressionna  péniblement 
tique  de  Lyco-  Épaminoudas.  Elle  pouvait,  par  la  contagion  de  l'exemple,  créer 
des  embarras  à  sa  patrie  ;  en  tous  cas,  elle  prouvait  que  Thégé- 
momie  thébainn  se  heurterait  à  d'énergiques  résistances.  Le 
traité  de  Pélopidas,  s'il  sanctionnait  la  chute  de  Sparte,  avait 
aussi  en  vue  de  désarmer  Athènes  au  profit  de  Thèbes.  Dès  lors 
uo  groupement  nouveau  de  forces  hostiles  à  Thèbes  s'imposait 
fatalement.  Après  la  3«  campagne  d'Épaminoudasdansla  pénin- 
sule (366),  où  les  Thébains  tentèrent  de  s'assurer  l'Achaïe comme 
contrepoids  à  la  fidélité  chaucelante  de  l'Arcadie,  Lycomèdes 
comprit  que  la  lutte  de  son  pays  avec  Thèbes  était  imminente  ; 
pour  l'y  préparer,  il  eutreprit  une  campagne  diplomatique  et 
chercha  des  alliances.  Il  commence  par  Athènes  (366).  Avec  1  au- 
torisation des  Dix-Mille,  il  va  solliciter  l'amitié  des  Athéniens.  Le 
traité  de  371  entre  Athènes  et  Sparte  n*avait  pas  été  dénoncé. 
Aussi  le  parti  laconien  à  Athènes  éleva-t-il  des  objections  contre 
l'admission  dans  la  Symmachie  d'une  république  ennemie  de 
Sparte.  Mais  l'ingénieux  Mantinéen  fit  valoir  que  Sparte,  aussi 
bien  qu'Alhènes,  était  intéressée  à  arracher  l'Arcadie  des  mains 
de  Thèbes,  qu'en  conséquence  il  n'y  avait  pas  incompatibilité 
entre  les  deux  alliances.  Il  sut  convaincre  les  Athéniens  et  sa 
proposition  fut  acceptée.  Mais  il  ne  devait  pas  porter  lui-même 
la  bonne  nouvelle  à  Mégalopolis.  En  quittant  Athènes,  il  choisit 
au  Pirée  un  bateau.  Pour  ne  pas  divulguer  à  l'avance  le  lieu  de 
son. débarquement,  il  convint  qu'il  le  fixerait, en. route.  La  pré- 
caution.se  tourna  contre  lui:  une  inspiration  malencontreuse  lui 
fit  désigner  un  point  de  la  côte  où  il  toniba  au  milieu  d!exilés 
.arcadiens,  ses  ennemis  politiques,  qui  l'assassinèrent, (1).  t.     .c 

.La  disparition  du  brillant  stratège  portait  un  coup  à:  la  cause 
arcadienne,  La  Ligue  s'inc^irnait  en  lui.  Jll  était  comme.la  per- 

ni    .■••.:  {    .  ■         .-••.''     •       j.i   ;'.      î   ?'.i  ■  !    '■•'■■.  • 

^;  (I)  Xén.  Ilcll.  Vil,  4,,  2-3. . Xénoplion  ne, désigne  pas  jcet  endroit.  Pcut-Ctre 


Conséquences 

de    celte    perte 

pour  la  Ligue 

arcadienne. 


PÉRIODB    THÉBAINE.  451 

sonniOcfition  passionnée  du  sentiment  nntional.  f^ul  seul  avait 
assez  de  cœur  et  d'esprit  pour  imposer  silence  aux  convoitises 
privées  au  profil  de  Tunion.  Depuis371,  il  avait  dirigé  les  affaires 
de  la  Ligue  avec  une  vigueur  et  une  netteté  de  vues  remarquables.  ' 
Épaminondas  trouva  tour  à  tour  en  lui  son  plus  actif  collabo- 
rateur et  son  plus  sérieux  adversaire.  Sa  mort  prématurée  ren- 
dait son  œuvre  précaire  :  une  Ligue  sans  cohésion,  compromise 
devant  Thèbes,  voilà  pour  Texlérieur;  au  dedans,  la  faction 
démocratique  désemparée  contre  les  représailles  des  exilés,  le 
pnrti  national  en  lutte  avec  les  tendances  parlicularistes  des 
villes.  Le  conflit  entre  la  Jeune  et  la  Vieille  Arcadie  allait 
s'ouvrir. 

Pour  Mautinée  surtout,  la  perte  était  irréparable.  Lycomèdes  impuimnce 
avait  non  seulement  ressuscité  cette  ville  comme  exécuteur  dcManUntHïconire 
prompt  et  sagace  de  la  pensée  d'Épaminondas,  mais  il  l'avait  **  démagogie 
poussée  d'emblée  à  la  tête  de  la  nouvelle  Arcadie.  Mantinée,  •»•«•<»»«""«• 
grâce  à  son  talent,  avait  donné  le  branle  au  mouvement  démo- 
cratique et  nationaliste;  elle  avait  inspiré  les  autres  cités  qui 
s'inclinaient  devant  la  supériorité  de  ses  lois  et  de  ses  hommes 
d'État.  Lycomèdes  disparu,  ce  beau  rôle  lui  échappa.  Les  déma- 
gogues mantinéens  qui  recueillirent  son  héritage  n'avaient  plus 
que  de  bonnes  intentions  à  opposer  à  la  pression  des  passions 
mauvaises  qui  agitaient  certains  membres  de  la  Ligue.  Ils 
n'avaient  ni  le  prestige  impérieux  de  l'éloquence  ni  la  souplesse 
diplomatique  qui  impose  ses  volontés  sans  contrainte.  L'in- 
fluence passa  à  d*aulres  chefs.  Avec  eux,  la  démocratie  arca- 
dienne  répudia  les  sages  principes  de  Lycomèdes  pour  verser 
dans  la  pire  démagogie.  A  côté  des  éléments  organisés,  stables  et 
modérés  de  la  Ligue,  il  y  avait  tout  ce  ramassis  de  peuples  arra- 
chés à  la  vie  rurale,  jetés  sans  préparation  dans  la  plus  violente 
mêlée.  A  ces  hommes,  Lycomèdes  avait  proposé  un  noble  but  :  la 
gloire  de  la  patrie  commune  ;  il  savait  contenir  en  de  certaines 
limites  leur  tempérament  demi-sauvage.  Mais,  au  fond,  ce  qui 
les  séduisait  le  plus  dans  les  expéditions  entreprises  au  nom  de 
la  Ligue,  C'était  l'appât  du  butin.  Chez  eux,  l'éducation  morale 
que  donne  aUx  peuples  organisés  la  pratique  d'un  patriotisme 
éclaire  leur  manquait.  Citoyens  improvisés,  ils  continuaient  à  se 
comporter  au  service  de  leur  patrie  comme  des  mercenaires. 
Tant  que  prévalut  l'autorité  de  la  sage  Mantinée,  la  Ligue  fut 
empêchée  de  dégénérer  en  une  institution  de  brigandage.  Mais, 
dès  que  le  gouvernement  passa  eti  des  mains  moins  scrupuleuses, 


452  MANTINÉE  ET   l'AHGADIB  OHIENTALE. 

les  traditions  d'honneur  furent  vite  reléguées  au  second  plan  par 
le  déchaiuemcnt  des  appétits.  Au  lieu  de  gloire  et  de  liberté,  on 
ne  rechercha  plus  que  le  profit.  Les  chefs  de  la  Ligue  n'eurent 
plus  qu'un  souci  :  s'enrichir  par  de  fructueuses  pilleries  et 
maintenir  leur  popularité  en  donnant  satisfaction  aux  instincts 
cupides  de  leurs  partisans.  L'année  fédérale  devint  une  bande  de 
Klephtes.  Alors,  ceux  que  dégoûtait  cette  exploitation  du  système 
national  s'isolèrent  avec  dédain.  La  grande  idée  arcadienne 
s'échoua  misérablement  sur  les  bas-fonds  de  la  politique  des 
intérêts  personnels. 
Us  Aroidiens  Ou  cut  la  manifcstatiou  immédiate  de  ces  symptômes  pendant 
pillent  l'expédition  contre  Élis.  La  guerre  avait  éclaté  en  363  à  propos  de 
^niTiTe™  ^^«sion,  localité  tributaire  de  la  Ligue  arcadienne,  et  que  les 
opposiiion  de  Éléens  avaient  occupée  (1).  Les  Arcadiens,  avec  les  auxiliaires 
ManUn6e(été304).  d'Argosct  d'Athèues,  avaicut  cuvahi  TÉlide,  soutenue  par  TAchaie 
et  même  par  une  armée  lacédémouienne  commandée  par  Archi- 
damos.  Ils  s'étaient  emparés  d'Olympie  et  installés  dans  l'Altis 
convertie  en  camp  retranché.  Ils  enlevèrent  aux  Éléens,  au  profit 
des  Pisates,  la  présidence  de  la  fôte  olympique  de  la  104®  olym- 
piade, année  1  (juillet  364)  (2).  Maîtres  du  sanctuaire  et  de  ses 
trésors,  les  magistrats  de  la  Ligue  crurent  pouvoir  en  user 
comme  d'un  butin  ordinaire  pour  payer  l'arriéré  de  la  solde  dû 
aux  Épariles.  Mais  cette  question  soulevait  trop  de  difficultés 
pour  être  tranchée  avec  tant  de  sans-façon.  Les  fonds  sacrés 
n'étaient  pas  la  propriété  des  Éléens,  mais  celle  de  Zeus  et  de 
ses  donateurs  ;  les  Ëléens  n'en  étaient  que  les  dépositaires  et  les 
intendants.  Quelque  commode  que  fût  le  procédé  pour  assurer 
à  la  Ligue  des  ressources  financières  inépuisables,  il  répugnait  à 
bien  des  consciences,  car  il  soulevait  la  réprobation  de  tous  les 
États  grecs  dépouillés  des  offrandes  accumulées  par  leur  piété.  11 
pouvait  aussi  attirer  sur  les  spoliateurs  la  malédiction  divine. II  n'y 
a  aucune  raison  de  suspecter  la  sincérité  de  ces  scrupules  reli- 
gieux et  d'en  méconnaître  la  puissance,  surtout  chez  un  peuple 
aussi  superstitieux  que  les  Arcadiens  (3).  Il  est  donc  superflu 
de  mettre  en  jeu  des  influences  politiques,  d'ailleurs  contesta- 

(i)  Xôn.  Bell.  Vil,  12.  —  Dlod.  XV,  77. 

(2)  Monnaies  on  or  do  la  Ligue  avec  Ilcaa  dons  Woil.  Zeitschr.  /*.  Nûmism, 
IX.  1882.  30. 

(3)  Cf.  sur  la  dt'Hlicaco  de  Delphes  :  lepaç  Xaoç  à[ic  '  *Apxa8i]aç,  Upou  8à 
yevouç  'A(ix[a8]  *l<^\j(Tt. 


PÉHIOOE    TIIKBAINE.  4:Î3 

bles,  et  de  supposer,  par  exemple,  à  Mantinée,  après  la  mort  de 
Lycomèdes,  unereslauratiou  du  parti  conservateur,  pour  expli- 
quer Tattitude  des  Maatiuéeos  en  cette  occurrence  (1).  Eu  ellet, 
dès  qu'elle  connut  remploi  attribué  aux  fonds  sacrés,  la  ville 
défendit  par  un  décret  de  louchera  cet  argent,  et,  pour  répudier 
toute  solidarité  avec  les  sacrilèges,  elle  envoya  aux  chefs  de  la 
Ligue  sa  part  de  contribution  régulière  pour  Tentretien  des 
Épariles  fournis  par  elle.  Par  là,  Mantinée  faisait  acte  solennel 
d'opposition  au  gouvernement  fédéral.  Celui-ci,  se  sentant  mal 
soutenu,  ne  veut  point  paraître  faiblir.  Il  cite  les  magistrats  de 
Manlinée  à  comparallre  devant  les  Dix-Mille.  Les  Mantinéens 
refusent  ;  on  les  condamne  par  défaut  et  Ton  charge  un  corps 
d'Ëpariles  d'aller  se  saisir  d'eux  et  de  les  amener.  Mais  les 
Mantinéens  ferment  leurs  portes  aux  troupes  fédérales  et  ne  les 
laissent  point  entrer  (3G4)., 

La  rébellion  de  Mantinée  et  l'impuissance  du  pouvoir  central     Germes  de 
à  la  châtier  font  rélléchir  les  autres  membres  de  la  Ligue.  Beau-  désunion  dans  u 
coup  sont  frappés  de  Tinjustice  de  l'accusation  inteiilée  à  la  ville        '-'p"*"* 
réfraclaire,  simplement  coupable  de  respect  à  Tégard  du  patri- 
moine commun  de  la  Grèce  et  de  ses  dieux.  Ils  jugent  odieux  de 
pousser  les  choses  à  l'extrême  et  de  s'associer  par  une  lâche 
complaisance  aux  méfaits  d'un  parti  rapace  jusqu'au  sacrilège. 
Ils  craignent  de  faire  peser  sur  leurs  descendants  l'expiation  de 
leur  impiété.  Aussi,  stimulée  parla  dévotion,  l'iionuôteté  groupa 
tout  un  parti.  La  majorité  des  voix  se  déplaça  dans  les  Dix-Mille: 
l'assemblée  décida  qu'on  ne  toucherait  pas  aux  fonds  sacrés. 
Alors,  tous  les  aventuriers  qui  escomptaient  lo  bénéfice  de  la 
guerre  et  ne  pouvaient  se  passer  de  solde  se  voient  contraints 

(1)  CiirUus.  Hist,  gr,  t.  IV,  p.  459.  La  modcraUon  traditionnoUe  de  In  dcSino- 
rratio  inanUiicSi'nno  suffît  A  justifier  son  opiiosition  aux  oxcrs  sacrilègrs  do  la 
Ligue.  Dioilorç  (XV,  8i,  1,  2),  on  desaccord  avec  Xénoplion  (VII,  4,  3.1)  qu'il 
semble  avoir  mal  compris,  souUent  que  les  Mantinéens  firent  usage  d'une 
bonne  partie  des  oflfrandes  sacrées  (!Ni;))  et  qu'ils  désiraient  entretenir  la  guerre 
rentre  les  Kiéens,  alin  d'éviter  toute  reddition  de  comptes.  Ainsi  présentés,  les 
faits  deviennent  inintelligibles.  Mantinée  désirait  le  foncticmneinent  régulier 
des  institutions  fétléniles;  en  matière  (inaneière,  elle  réprouvait  les  expédients 
illicites  et  donnait  le  bon  exemple  en  ptiyant  ses  milices.  Curtius  déclare  qu'il 
n'exisUiil  pas  do  trésor  public  do  la  Ligue  et  qu'on  en  était  réduit  au  gain  des 
oxpédilions.  Qu'était-ce  donc  que  la  part  que  chaque  ville  avait  à  payer  pour 
la  solde  de  la  troupe  permanente  des  Éparites?  (xb  yiyvoiJLévov  [xépoç  elç  toÙç 
lilTtaptTOuç.  —  Xén.  Uell.  VU,  4,  33).  Les  dlfflcultés  venaient  des  Klephtes  do 
la  LiguOy  réfraetaires  par  nature  â  toute  obligation  onéreuse*. 


454  MANTINÏCE   ET  l'aRGADIB  ORIENTALE. 

(le  déserter.  Les  plus  aisés  restent  ou  engagent  leurs  amis  à 
s'enrôler  comme  volontaires.  Cette  manœuvre  habilement  con- 
duite par  les  modérés  eut  pour  eflet  d'éliminer  de  la  force  armée 
rélément  irrégulier  et  de  réduire  à  la  dépendance  les  démagogues 
eflrénés  qui  compromettaient  Tlionneur  de  la  Ligue. 
Schisme  eniro  ir     La  communauté  arcadienne,  encore  neuve  et  mal  cimentée, 
parti  de  Mantinêe  était  mcnacéc  d'uu  schismc  entre  deux  groupes  dissidents  (1)  : 
et  celui  deT^i^.  ^jçjyjj  jg  Mantlnéc  et  celui  de  Mégalopolis  et  de  Tégée,  dirigé  par 
(3«*-3).       j^g  ultra,  compromis  dans  le  maniement  des  fonds    sacrés. 
Comme  les  chefs  craignaient  pardessus  tout  d*avoir à  rendre  des 
comptes  et  d*étre  exécutés  pour  malversations,  il  leur  fallait  une 
diversion  pour  se  tirer  d'afluire.  Ils  mettaient  en  avant  la  peur 
d*une  restauration  laconienne  en  Arcadie;  ils  excitèrent  Thèbes 
à  intervenir  en  libératrice  pour  défendre  son  œuvre  contre  leurs 
adversaires.  Ceux-ci  se  groupaient  autour  de  Mantinée,  restée 
fidèle  à  ses  traditions  de  libéralisme  modéré  (2).  Ils  avaient 

(i)  Diocl.  XV,  82,  2  :  revofxévcov  ouv  Suoïv  eTaipeuov,  auvéëaive  T7|ç  [xev 
Toùç  Te^eàraç,  ttjç  Se  xoù;  MavTivcîç  'qyei<yOoL'., 

(2)  Grotc  (XV,  181-187)  et  GurUus  (IV,  4(K))  supposent  qu'une  réaction  olifjar- 
chiquc  avatt  concerte^  h  Mantlnéc  un  rovlromcnl  complet  de  la  politique  arca- 
dienne, sur  les  bases  suivantes  :  1"  alKindon  de  la  politique  nationaliste;  2" 
retour  aux  traditions  particularistcs  do  la  Vieille  Arcadie;  .l'antagonisme 
avec  Tégée;  4"  appel  au  patronage  oligarchique  de  Sparte.  Ce  n'est  pas  ainsi 
que  Xénophon  présente  les  faits  :  ce  sont  Diodorc  (XV,  8i},  Piutarquc  (Àoés, 
34,  3)  et  Pausunlas  (VIII,  8,  G)  qui  se  sont  mépris  sur  l'altitudo  de  Mantlnco 
après  Louctres.  Ils  n*ont  été  frappés  que  de  ce  fait  :  9  ans  après  sa  recon- 
struction, la  ville  d'Épaminondas  s'est  retournée  contre  son  bienfaiteur  et 
négocie  avec  Sparte.  Pausanias  se  montre  le  plus  injuste  :  <c  Après  leur  retour 
dans  leur  ville,  les  Mantinéens  ne  se  conduisirent  pas  toujours  avec  éifuité,  car 
on  les  surprit  négociant  avec  les  L^icédémonicns  et  chercliant  à  faire  ieur  paix 
en  particulier,  î\  l'écart  de  la  Ligue  arcadienne.  Se  voyant  découvert,  In 
crainte  des  Thôbains  les  porta  ft  se  ranger  ouvertement  du  cété  des  Lacôdé- 
moniens  ».  Ce  jugement  n'est  qu'un  (^lio  de  la  version  béotienne,  qui,  cUc- 
méroc,  s'était  inspirée  des  rapports  du  parti  tégéate,  o(i  l'on  dénonçait,  avec 
une  exagération  malveillante,  les  prétendues  perfidies  des  Mantinéens  (Xén. 
Hell,  VII,  4,  34).  La  plupart  des  historiens  modernes  ont  emboîté  le  pas  h  Pau-^ 
sanias  et  incriminé  k  l'envl  la  politique  tortueuse,  la  versatilité, 'l'ingratitude 
de  Mantinée.  Toutefois,  les  '  faits  non  dénaturés  suggèrent  les  remarques  sui- 
vantes :  !•  Loin  de  s'isoler  de  la  Ligue,  les  Mantinéens  entraînent  l'adhésion  de 
la  majorité  dans  l'assemblée  des  Dix-Mille.  Ce  n'est  pas  au  nom  des  Manli-> 
néens  et  de  leurs  alliés,  mais  au  nom  des  Arcadiens,  que  sont  envoyées  les 
délégations  k  Thèl)es  (Xén.  HeU.  VII,  4,  .3"»),  que  sont  conclues  les  alliances  avec 
Athènes,  l'Éllde,  l'Achaïe,  Phlious  (G.  I.  A,57i»),  et  probablement  aussi  le  rappro^ 
chemcnt  avec  Sparte  (Xén.  ib.  .*>,  3).  Dans  le  traité  d'alliance  de  362  (voy.  plus 


de  rhnrmoste 

thébain  A  T6gée 

(3G3). 


PiRlODB    THÉBAINE.  455 

horreur  de  rîiilervenlîf)D  béolîenne  et  sonp^enient  à  lui  opposer 
ralliance  athénienne  conclue  par  Lycomèclos,  et,  au  besoin,  un 
rapprochement  avec  Sparte  beaucoup  plus  inoflensif  pour 
l'indépendance  nationale  que  la  tulelle  de  Thèbes.  Ce  parti 
réussit  d'abord  à  parer  le  danger  d'une  invasion  béotienne  en 
lui  enlevant  tout  prétexte.  Les  chefs  de  la  Ligue  avaient  cru  faire 
un  coup  de  maître  en  mettant  la  main  sur  les  trésors  d'Olympie. 
Par  une  opportune  réconciliation  avec  TÉlide,  le  groupe  manti- 
néeu  fit  cesser  le  scandale  qui  avait  attristé  le  monde  grec.  L'Altis 
fut  restituée  au  peuple  qu'une  tradition  séculaire  avait  investi  du 
sacerdoce  et  de  l'intendance  olympiques.  On  pria  les  Thébains 
de  rester  chez  eux,  et  d'attendre,  pour  intervenir  en  Arcadie, 
qu'on  les  y  conviât. 

Toutefois  la  paix  avec  l'Élide,  bien  que  jurée  avec  joie  par       L«ffnire 
toutes  les  villes,  n'apportait  qu'une  solution  illusoire  à  cette 
crise  de  désordre.  Elle  ne  dispensait  pas  les  magistrats  concus- 
sionnaires de  rendre  compte  de  leur  gestion.  Par  suite,  ils  se 


bas,  p.  44H),  les  Arcadiens  s'engagent  à  défendre  la  démocratie  athénienne. 
ir  Pourquoi  Mantinée  aurait-ello  renié  tout  à  coup  son  passé  démocratique, 
pourquoi  ses  alilés  d'Allirnos  et  d'Argos  se  seraient-ils  prêtés  ii  une,  resUiu- 
ration  oligarchique?  Xénophon  désigne  le  groupe  mantinéen  parées  termes  : 
(VII,  5,  35)  ol  8è  Ta  xpiTicxTa  ttj  IleXoTrovvv^cxo)  pouXeuôfxevoî,  et  (VII,  5,  1) 
MavTivecç  Te  xal  twv  aXXoiv  'ApxàSwv  ol  xir|$ôfJL£vot  t-^ç  lleXoitovvY|ffou. 
Ce  sont  l:i  des  p<>riphrasc8  assez  vagues,  qu'on  a  tort  d'interpréter  comme 
signifiant:  les  oligarques.  S'il  s'était  produit  une  révolution  oligarchique,  Xé- 
nophon l'eût  raconté  :  or,  il  ne  signale  aucun  mouvement  dans  les  villes  arra* 
diennes.  I^s  expressions  citées  plus  haut  s'appliquent  an  parti  démocratique 
honnête  et  modéré,  représenté  par  Mantinée,  en  op|M)silion  av<^c  la  fraction 
extrême. qui  dominait  à  Tégée  et  i\  Mégaloi)olis,  non  sans  l'appui  de  Thèbes. 
3*  Quant  à  l'allianco  sptirtiatc,  les  partisans  de  Thèbes  en  Arcadie  avaient  beau 
jeu  d'en  tirer  argument  pour  prédire  le  retour  de  l' Arcadie  au  régime  ancien, 
si  Thèbes  n'y  mettait  bon  ordre.  Mais  ils  n'étaient  guère  de  bonne  foi.  Tout  ce 
que  lo  parti  mantinéen  demandait  ii  celte  alliance,  comme  à  celle.  d'Athènes, 
c'était  un  renfort  militaire,  afin  de  parer  i\  la  supériorité  numérique  des  trou- 
pes IxSotlenm^s.  Toute  arrière-pensée  do  vassalité  et  de  réforme  consti lu tiour 
nelle  en  était  exclue.  Les  temps  avaient  changé  :  demander  secoura  à  Spiirte, 
s'était  s'assurer  un  auxiliaire,  non  plus  un  protectorat.  L'amitié  des  Spartiates 
était  désormais  sans  danger,  alors  que  celle  de  Thèbes  dev<'nalt  de  plus  en 
plus  menaçante.  En  s'alliant  h  eux,  les  Mantinéens  faisaient  non  pas  acte 
d'adhésion  au  régime  et  aux  ambitions  Spartiates,  mais  seuiemcnt  acte  d'oppo- 
sition à  Thèbes;  et,  ce  faisant,  ils  persévéraient  dans  leur  politique  tradlT 
tionnelle  d'autonomie.  Tout  ce  ([u'on  peut  .avancer,  c'est  que  les  partis  aristo-; 
cra tiques,  aussi  bien  ù  Tégée  qu'à  Mantinée,  durent  se  rallier  aux  modérés 
et  leur  prêter  leur  concours.:  .    .     •         ,         •.   ,  .     h  : 


4î)6  MANTINKK   KT   L'ARCADIK  OIUENTALK. 

voyaient  toujours  réduits  à  chercher  dans  une  guerre.ou  dans  un 
coup  d'état  une  échappatoire.  Le  centre  de  Tinfluence  béotienne 
en  Arcadie  résidait  alors  à  Tégéc.  Thèhes  y  avait,  comme  dans 
d'autres  villes,  en  Achaïe  par  exemple  (1),  installé  un  harmosto 
avec  300  hoplites  pour  y  soutenir  les  démocrates.  Le  traité  éléen 
n'avait  pas  Tassentiment  de  Thèbcs.  Les  auteurs  de  la  paix  ne 
mirent  que  plus  d'obstination  à  faire  reconnaître  leur  influence 
et  ratifier  leurs  actes  en  exigeant  le  serment  du  commandant 
thébain  de  Tégéc.  Cette  adhésion  suprême  était  une  victoire  pour 
le  groupe  manlinêen.Tous  les  commissaires arcadiens  qui  avaient 
été  de  ville  en  ville  recevoir  les  serments  des  autorités  locales  se 
trouvaient  en  dernier  lieu  réunis  h  Tégée.  On  y  organisa  de 
grandes  fêtes  pour  célébrer  la  conclusion  définitive  de  la  paix. 
Peut-être  même  ces  réjouissances  devaient  elles  être  suivies 
d'une  assemblée  fédérale  où  la  conduite  des  magistrats  sortant  de 
charge  serait  examinée.  Les  ultra  jugèrent  l'occasion  propice 
pour  le  coup  de  main  qui  les  tirerait  d'embarras  (363).  Ils  repré- 
sentèrent sans  doute  au  commandant  thébain  que  son  adhésion 
au  traité  ne  plairait  pas  à  son  gouvernement;  que,  compromis 
par  son  imprudente  faiblesse,  il  n'avait  plus  qu'à  tenter  un  coup 
(le  force  pour  sauver  sa  situation,  que  l'attitude  arrogante  du 
parti  adverse  lui  fournissait  un  prétexte  excellent  à  user  de 
représailles,  qu'on  lui  saurait  certainement  gré  à  Thèbes  d'un 
acte  de  fermeté  destiné  à  réhabiliter  le  prestige  béotien.  L'har- 
moste,  convaincu,  ordonne  la  fermeture  des  portes  et  fait  saisir 
la  nuit,  en  plein  banquet,  les  aristocrates  de  Tégée  et  les  Arca- 
diens du  parti  anti-béotien.  La  prison  et  la  maison  commune  (2) 
regorgent  de  prisonniers.  Mais  les  Mantinéensn'y  figuraient  qu'en 
petit  nombre.  En  effet,  la  plupart  d'entre  eux,  après  la  tournée 
des  commissions,avaient  dû  rentrerdans  leurs  foyers,la  proximité 
des  deux  villes  leur  permettant  de  venir  siéger  au  moment  voulu. 
Or,  c'était  précisément  leur  capture  qui  intéressait  le  plus  le 
gouverneur  et  ses  conseillers.  Le  coup  était  h  moitié  manqué. 

Le  lendemain  matin,  quand  la  nouvelle  de  ces  faits  se  répandit 
à  Mantinée, l'émoi  fut  grand.  Les  autorités  expédièrent  aussitôt 
aux  autres  villes  d'Arcadie  l'avis  de  prendre  les  armes  et  de 
surveiller  leurs  portes.  Elles  mirent  Mantinée  même  en  état  de 
défense,  puis  envoyèrent  à  Tégée  des  hérauts  réclamer  l'élargis- 

(i)  Xcn.  vu,  1,  43. 

(2)  Y|  S-niioaia  oix(a  (X6n.  Ilellén.  VII,  i,  m). 


PKRIODR    THÉBAINR. 


457 


sèment  de- tous  les  Mnntiuéens  détenus.  On  protestait  en  outre 
contre  Tarrestation  ou  Texécution  arbitraire  d'un  Arcadien 
quelconque  ordonnées  sans  jugement  régulier.  Ou  réclamait  la 
juridiction  du  tribunal  fédéral  :  TÉtat  manlînécn  se  portait 
garant  de  la  comparution  devant  rassemblée  de  tous  ceux  qui  y 
seraient  cités  comme  accusés. 

Au  reçu  de  ce  message,  le  gouverneur  s'aperçoit  qu'il  s'est 
mis  dans  un  mauvais  cas  en  violant  sans  succès  la  paix  et  les 
formes  légales.  Il  ne  sait  comment  arranger  l'afFaire  et  rclAche 
tout  le  monde.  Le  lendemain,  il  convoque  une  assemblée,  donne 
des  explications  embarrassées  et  déclare  à  sa  décharge  qu'il  a 
été  trompé  :  on  lui  avait  dénoncé,  dit-il,  un  complot  lacédé 
monien;  les  ennemis  attendaient  en  armes  à  la  frontière,  de 
connivence  avec  des  aristocrates  de  Tégée  qui  devaient  leur  livrer 
la  ville.  L'assemblée  ne  fut  pas  dupe  de  ce  mensonge  (1). 
Cependant,  elle  préféra  suivre  à  Tégard  de  l'harmoste  une 
procédure  régulière.  Elle  envoya  une  délégation  porter  à  Thèbes 
un  rapport  contre  lui  et  réclamer  son  exécution  :  il  est  très 
probable  que  des  Mantinéens  dirigeaient  l'ambassade  (2). 

Cette  démarche  eut  le  don  d'irriter  vivement  Épaminondas. 
Déjà  les  affaires  précédentes  du  Péloponnèse  l'avaient  fort 
mécontenté.  Il  voyait  avec  amertume  son  œuvre  se  retourner 
contre  lui.  En  vain,  il  avait  tenté  de  fonder  dans  la  péninsule  un 
régime  d*équilibre  stable,  en  compensant  par  un  savant  système 
de  contrepoids  l'antique  prépondérance  de  Sparte.  Au  lieu  de 
l'ordre  rêvé,  tout  n'était  plus  que  chaos.  L'Arcadie,  et  Manlinée 
en  particulier,  n'avaient  guère  répondu  à  son  attente.  Au  lieu  des 
instrumeuts  dociles  qu'il  avait  cru  tenir  en  main,  il  n'entrevoyait 
que  méfiance  et  ingratitude  à  l'égard  de  Tlièbes.  L'orgueil 
béotien  ne  recueillait  qu'avanies  eu  guise  dliommages.  On 
s'explique  que,  malgré  sa  modération  ordinaire,  Épaminondas 
n'ait  pu  maîtriser  sa  colère.  La  situation  lui  apparaissait  si 
tendue  que  Thèbes  n'avait  plus  d'autre  alternative  que  d'abdi- 
quer ou  de  réprimer  sans  merci.  Il  lit  donc  sentir  aux  députés 
arcadiens  que  Thèbes  n'acceptait  pas  l'état  de  choses  qu'ils 
prétendaient  substituer  à  sis  combinaisons.  Dans  une  réponse 


Aléconlenlenionl 

et  mmarfs 
d'fiipAminoïKlas 


(1)  Grotc  (XV,  p.  l84)adinclquolc  prclcndu  complot  n'était  pas  ilo  tous  points 
une  invention,  et  qu'Épaminondas  y  crut.  Mais  ses  arguments  no  mo  paraissent 
pas  convaincants. 

(2)  Xén.  Ilelleti,  VII,  4,  3(}-40. 


en  A  raidie. 


458  MANTINKB  BT   L*ARCADIE  ORIENTALE. 

cassante  et  menaçante,  il  couvrit  son  subordonné,  ne  lui  recon- 
naissant qu'un  tort  -  celui  d'avoir  relâclié  ses  prisonniers  :  «  Vous 
vous  êtes  conduits  en  traîtres,  ajoula-t-il.  Vous  commencez  par 
nous  entraîner  à  la  guerre  et  vous  faites  ensuite  la  paix  sans 
notre  aveu.  Eh  bien  I  nous  irons  en  Arcadie  combattre  avec  nos 
fidèles  partisans  (1)  I  ». 
Émotion  Cette  violente  sortie  souleva  en  Arcadie  une  vive  émotion.  On 

y  vit  à  bon  droit  une  provocation.  Le  sage  béotarque  s'était 
emporté  comme  un  Spartiate  :  on  eût  cru  entendre  Agésilas.  La 
situation  du  Péloponnèse  exigeait-elle  une  intervention  armée  ? 
Le  parti  modéré  dirigé  par  Mantinée  avait  réussi  à  imposer  ses 
vues  à  la  majorité  de  l'assemblée  fédérale.  H  avait  (ait  jurer  la 
paix  par  toutes  les  villes.  La  fin  des  hostilités  contre  l'Élide 
avait,  en  général,  reçu  un  accueil  enthousiaste  en  Arcadie  et 
ailleurs.  La  faction  des  brouillons  et  des  concussionnaires, 
discréditée  et  poussée  dans  ses  derniers  retranchements  après 
l'échec  du  coup  de  main  de  Tégée,  semblait  perdue.  L'élément 
pacifique  et  honnête  l'emportait.  Sparte  n'était  pas  plus  redou- 
table qu'après  Leuctres.  Si  l'Arcadie  voulait  se  défendre  avec  ses 
seules  forces,  elle  le  pouvaiL  Le  but  suprême,  raflranchrsseraent 
de  la  péninsule,  avait  été  atteint  (2).  Quel'  besoin  pour  Thèbes 
d'obéir  aux  sollicitations  intéressées  d'une  faction  aux  abois,  de 
compromettre  sa  cause  avec  celle  des  turbulents,  de  se  solidariser 
avec  les  excès  d'un  subalterne  maladroit  ?  En  souillant  sur  le 
feu  à  peine  éteint,  elle  ne  pouvait  guère  prétendre  agir  en  bien- 
faitrice du  Péloponnèse  Elle  démasquait  au  contraire  ses  ambi- 
tions: l'Arcadie  serait  thébaine  ou  elle  ne  serait  pas,  voilà  ce 
que  signifiait  l'ultimatum  d'Épaminondas  (3).  Ainsi  les  prévisions 
•■     •    •  •''•/• 

(1)  X6d.  neU.Wi,  4.  40.        <  •        ,    i 

(2)  A'JTOvoixo;  B'  *  liXXàç  irîç'  Iv  ileu()ezir\,  (Usait  \v  dernier  vers  d'une 
épigrammc  gravée  sur  une  sUitue  d'KjMiminoniias  (Paus.  IX,  15,  3). 

(3)  Oit  le  comprit  de  suite  ii  M{^nlin<*e,  d<'is  que  la  r^^ponse  d'Kpa  ni  inondas  y 
fut  connue.  I^s  ri';nexions  que  Xénophon  pn^te  aux  ManllniSens  et  :i  leurs  par- 
tisans  montrent  avec  quelle  justesse  de  coup  d'œil  ils  jug^vrent  I4  situation  :^ 
(VII,  J),*l-2.)  «Quand  ces  paroles  furent  rapportées  k  la  Ligue  arradlenno  et 
aux  villes,  les  Mantinéens  et  ceux  des  Arcadiens  qui  avalent  éoucl  du  Pélo- 
ponnèse, ainsi  que  les  Éléens  et  les  Arliéens,  en  conclurent  que  les  Thébains 
ne  cachaient  plus  leur  désir  de  voir  le  Péloponnose  R'afTnlbiir  le,  plus  possible, 
ann,de,  |)OUvoir  plus  aisément  l'asservir.  «  Kn  elTit,  disaient- ils,  poun|noi 
nous  veulent-ils  en  guerre,  sinon  pour  qu'après  s'élrc  réclj»r(M|uement  mal- 
traités, les  deux  partis  aient  besoin  d'eux?  Pourquoi,  quand  nous  leur  alllr- 
moiis  n'avoir  p{is  b«*.soin  d'eux  actuellement,  se  dîsposeHt-lls  A  marcher?  n'est- 
il  pas  évident  que  c'est  pour  nous  faire  quelque  mal  qu'ils  préparent  cette 
campagne?»    -     •       ■   ■"•    •< -i   »     '       '•'    ••  ..!•..'.!:••,':  rsi      •••■.! 


PÉRIODE    THIÈBAINE.  459 

de  Lycomëdes  se  réalisaieut.  Les  libérateurs  prenaient  des  allures 
de  tyrans.  En  somme,  la  nécessité  de  celte  guerre  ne  s'imposait 
qu'aux  partisans  de  l'absorption  de  la  Grèce  dans  la  puissance 
béotienne.  Sans  doute,  Texclusion  signifiée  par  les  Dix  Mille 
mortifiait  Torgueil  thébain.  Mais  on  peut  s'étonner  qu'Épami- 
nondas,  raisonnant  plutôt  en  chauvin  qu'en  ami  de  la  Grèce, 
n'ait  pas  reculé  devant  un  conflit  sanglant  pour  sauver  l'amour- 
propre  de  sa  patrie.  Il  risqua  sa  vie  dans  cette  entreprise.  Tlièbes 
avec  lui  tomba  du  haut  de  ses  rêves:  elle  perdit  tout  pour  avoir 
voulu  recommencer  Leuctres. 

La  déclaration  de  guerre  contenue  dans  la  réponse  d'Épami-    co«mion  dw 
nondas  n'intimida  personne.  Elle  provoqua  au  contraire  la  coali-       ^niiemi» 
tion  Immédiate  des  ennemis  de  Thèbes.  Au  nom  de  Timportante     ^^,  "^" 
fraction   dont  elle  était   Tinspiratrice,   Manlinée   organisa  la  Aibènes,  Phiious, 
résistance.  Vite  elle  essaya  de  grouper  en  faisceau  ses  amis    Èiis.rArhnrc. 
anciens  ou  récents.  La  première  pensée  fut  pour  Athènes,  liée        i^^*^--) 
avec  l'Arcadie  anti-thébaine  depuis  la  mission  de  Lycomèdes.  Il 
suffisait  de  lui  rappeler  ses  engagements  et  de  lui  demander  son 
concours.  L'amitié  de  FÉlide et  de  TAroadie  devait  naturellement 
profiter  au  groupe  manlinéen,  fauteur  de  la  réconciliation  entre 
les  deux  pays.  L'Achaïe.  placée  sous  le  protectorat  de  Thèbes 
depuis  la  campagne  de  367,  avait  trouvé  mO)'en  de  réduire  à 
Timpuissance  les  harmostes  thébains.  Le  parti  conservateur  qui 
triomphait  dans  les  villes  achéennes  avec  l'appui  de   Sparte 
faisait  des  vœux  pour  la  chute  de  l'influence  thébriine  en  Arcadie. 
Ses  sympathies  lattiraif'nt  doue  vers  le  groupe  mantinéen.  Il  y 
avait  aussi  la  ville  de  Phiious  dont  les  démêlés  avec  Argos  et 
l'Arcadie  et  la  fidélité  à  Sparte  ont  ému  Xénophon.  Elle  avait 
signé  la  paix  avec  Thèbes  en  366  à  condition  de  ne  pas  être 
obligée  de  faire  la  guerre  à  Sparte.  Les  troupes  phliasiennes 
n'ayant  pas  combattu  a  Mantinée,  Xénophon  a  omis  do  citer 
Phiious  parmi   les  alliées,  de   Mantinée  ;   mais  laccession  de 
cette  ville  à  l'alliance  arcadico- athénienne  est  attestée  par  uue 
inscription  à  qui  nous  devons  de  précieux  détails  sur  les,  préli^' 
rainaires  du  grand  conflit  (1). 

(I)  C.  I.  A.  H,'  112  et  57«>.  —  nicks.  Gr(»^k  hisinr,  imcr.  w  Oi.  —  Los  doux' 
fragments  sonl  réunis,  avec  dos  rcstilutions  plus  complôlos,  dans  Dillcn- 
borgnr  iSy linge,  n"  K\).  CVsl  lo  toxlo  quo  J'ai  suivi  pour  la  Iraduclion.  La, 
slôlo  ost  surinonléo  d'un  bas-rollof  :  Zcus  est  assis,  la  foudro  on  main;  une. 
fcmmo  s'approche,  (levant  son  voile  (po.rsonnKicatlon  du  Pél(»ponnôsc,  suivant 
Kcehler,  do  la  Syinmacliio,  suivant  Hicks),  tindls  qu'Athéna  se  tient  auprès 


celte    allionco 
(juillet  362). 


460  MANTINKE   ET   L'ARGADIE  ORIENTALE. 

Décret  athénien  Ce  texto  iious  lenscigoe  sur  la  campagne  diplomatique  alors 
ratifiiint  entreprise  par  Manlinéc.  Elle  réussit  sans  doute  à  décider  les 
Éléens,  les  Achéeus  et  les  Phliasicns  à  joindre  leurs  dépulations 
à  celle  de  rArcadie  pour  solliciter  une  alliance  en  bonne  forme 
avec  Athènes  et  ses  alliés.  U  s*agissaitde  reconstituer  une  symma- 
cliie  anti-thébaine.  En  efTet,  au  début  de  Tarchontat  de  Molon 
(olymp.  104,  4.  —  362/1),  vers  la  fin  de  juillet  362,  le  peuple 
athénien,  dans  une  première délibération,adopta  les  propositions 
des  Péloponnésiens,  les  soumit,  conformément  aux  statuts  de  la 
seconde  Ligue  athénienne,  à  Tapprobation  du  synédrion  des 
alliés,  lesquels  les  ratifièretit  par  un  dogma  (1).  Celui-ci  fut 
retourné  au  Conseil,  confirmé  par  un  probouleuma  et  finalement 

d'elle.  Oulre  la  pri^^sonce  do  PhUous  et  l'adjonetion  de  ces  alliances  au  sys- 
tème do  la  seconde  Ligue  athénienne  avec  garantie  des  constitutions,  ce 
document  ajoute  aux  textes  des  historiens  une  Importante  donnée  chrono- 
logique :  1*  le  décret  est  antérieur  k  la  bataille  :  d'après  la  formule  dublUitivo 
de  la  ligne  G,  le  peuple  attend,  pour  glorifler  les  dieux,  que  la  fortune  des 
armes  se  soit  prononcée;  2*  la  bataille  a  donc  eu  lieu  sous  l'archontat  do 
Molon,  c'est-«1-diro  après  le  22  ou  le  23  Juillet  302,  datQ  de  son  entrée  en 
charge  d'après  les  cjiIcuIs  de  Bœckh  {Znr  Getckickle  dur  Motvdcyrlen,  p.  Ci  et 
sulv.)  et  avant  la  fln  de  la  moisson  (Xén.  Ilcll.  VII,  5,  14),  dont  la  date 
extrême,  dans  lu  plaine  do  Mantlnée  ne  peut  être  reculée  au-delA  de  lu  pre- 
mière quinzsiine  d'août.  Il  n'est  pas  nécessaire  de  supposer  que  le  décret  a 
précédé  de  bciiucoup  la  batsillle;  les  renforts  athéniens  ne  piirtircnt  qu'au 
dernier  moment  et  la  cavalerie  se  battit  le  jour  même  de  son  arrivée  ti  Man- 
tlnée. Pour  exprimer  en  chiilrcs  les  dates,  à  mon  avis,  les  plus  vraisemblables, 
je  placerais  le  décret  entre  le  23  et  le  20  juillet,  et  la  bataille  dans  les  pre- 
miers jours  d'août.  Encore  faut-Il  admettre  que,  cette  année,  la  moisson  était 
fort  en  retard,  car  il  résulte  des  termes  de  Xênophon  non  pas  qu'elle  touchait 
à  sa  Gn,  mais  qu'elle  battait  son  plein.  La  date  de  milieu  août,  proposée  par 
Kœhler  d'après  les  observations  insu  frisantes  d'A.  Mommsen,  me  parait  trop 
tardive  :  j'ai  toujours  vu,  dans  la  Mantlnlque,  les  blés  coupés  dès  la  fin  de 
juillet  (Voy.  p. .')()).  A  plus  forte  raison,  llicks  se  trompe-t-il,  en  écrivant  celte 
phrase,  d'ailleurs  contradictoire  :  a  The  inscription  proves  it  to  hâve  been 
early  in  the  autuum  of  302,  soon  oflcr  Molon's  archonship  began  ».  Co  que 
Kœhler  a  fait  ressortir  {Ath,  MUh.  1, 18  6,  p.  lî)7),  c'est  l'inexacUtude des  dates 
Indiquées  par  IMutanfue  (Vit,  X  oral.  p.  Hi;')  E)  et  par  Dlodoro  (XV,  82)  :  tous 
deux  placent  la  IkiUiIIIo  sous  l'archontat  de  Charikleidès,  prédécesseur  de 
Molon.  Dans  un  autre  passtige  {De  glor.  Àthen.  p.  350  A).  Plutarquc  écrit  : 
TYjv  ht  8(oSExâT7)v  Tou  ^xipo^opiMVOç  UpoiTepav  iTtoiT^aev  ô  MavTiveiaxbç 
àywv.  Or,  le  12 Skirophorlon,  olymp.  lOi,  3,  tombe,  d'après  }\ivck\\{HonUi'ycL 
p.  28)  entre  le  3  et  le  5  juillet  3()2.  D'après  l'Ingénieuse  expllcJiUon  de  Kœhler, 
cette  date  désigne,  non  pas  le  jour  de  la  bataille,  mais  celui  de  la  cérémonie 
commémoratlve  qui  se  trouve  reportée  à  la  fin  de  l'année  civile,  au  début  de 
Skirophorlon,  de  façon  k  correspondre  avec  la  fête  des  Skirophoria, 
(1)  Sur  cette  procédure,  voy.  Lenz.  d.  Synedrinn  Oer  Bundesgenossen.  p.  33. 


PÉRIODE    THÉBAINE.  461 

représenté  aux  suffrages  de  rAsscniblcc  populaire,  qui,  sur  la 
niotiou  de  Périaudros,  lui  douue  la  sanctiou  défmilive,  doul  la 
teneur  suit  : 

Archontat  de  Molon. 

«  Alliance  des  Athéniens,  des  Arcadiens,  des  Achécns,  des 
Éléens  et  de^  Phltcuiens.  Décret  da  Conseil  et  du  Peuple,  l'Oinéis 
ayant  la  prytanie.  Aqatharchos,  fils  d' Agntharchos ,  du  dème 
d*Oéa,  secrétaire.  XanthippoSy  du  dème  d*Uermos,  président, 
àîotion  de  Pénandros. 

Le  héraut  invoquera  sans  délai  Zeus  olympien,  AthMa  Polios, 
Déméter  et  Koré,  les  Douze  Dieux,  les  Déesses  vénérables,  si  la 
décision  relative  à  Vaillance  a  tourné  à  l'avantage  du  peuple  athé- 
nien ;  il  fera  un  sacrifice  et  une  prière  quand  ces  cérémonies  auront 
été  accomplies  suivant  la  décision  du  peuple.  Ces  invocations  ont 
eu  lieu. 

D'autre  part,  vu  le  dogma  soumis  au  Conseil  par  les  alliés 
approuvant  l'alliance,  aiu!  conditions  proposées  par  les  Arcadiens, 
les  Arhéens,  les  Éléens  et  les  Phliasiens....  Dans  le  cas  où  ion 
envahirait  l'Altique,  où  ion  renver.serait  la  démocratie,  oà  l'on 
rétablirait  la  tyrannie  ou  l'oligarchie,  les  Arcadiens,  les  Achéens, 
les  Éléens  et  les  Phliasiens  porteront  secours  aux  Athéniens  dans 
toute  la  mesure  de  leurs  moyens,  à  la  requête  des  Athéniens. 
Dans  le  cas  oà  Von  envahirait  le  Péloponnhe,  oà  Von  renverserait 
la  démocratie  à  [Phlious?],  oà  Von  renverserait  ou  changerait  la 
constitution  des  Achéens,  des  Arcadiens  ou  des  Éléens,  oà  Von 
procéderait  à  des  expulsions,  les  Athéniens  porteront  secours  dans 
toute  la  mesure  de  leurs  moyetis  et  en  tout  temps  aux  parties  lésées, 
sur  leur  requête. 

Chaque  peuple  exercera  le  commandement  sur  son  territoire. 

Les  serments  seront  prêtés  aux  envoyés  du  Pébponnèse  par 
le  Conseil,  par  les  stratèges,  par  les  taxiarques,  par  les  hipparques, 
par  les  phylarques  et  par  les  chevaliers. 

Prêteront  sermeiU,  au  nom  des  Arcadiens,  des  Achéens,  des 
Éléens  et  des  Phliasiens,  les  envoyés  qui  sont  à  Athènes.  » 

Il  est  à  remarquer  que,  dans  ces  négociations,  la  fraction 
mantinéenne  traite,  non  pas  au  nom  des  Arcadiens  dissidents, 
mais  au  nom  delà  Ligue  entière  :  il  représente  ofllciellempot  la 
légalité,  il  s*attribue  la  garde  de  la  Constitution  fédérale  et  eu 
fait  garantir  Tintégrité  par  les  autres  signataires.  Bref,  il  se  fait 


462  MANTINÉB   ET   L^ARCADIE  OIUENTALE. 

reconnaître,  non  pas  comme  un  groupe,  mais  comme  TArcadie 
entière.  De  plus,  les  parties  contractantes  traitent  sur  le  pied 
d'égaillé  eu  s'atlribuant  le  commandement  en  chef  chacune  sur 
son  territoire. 
Importance  Quaut  à  Plilîous,  SOU  entrée  dans  la  coalition  n'était  pas  sans 
de  rncccMioii  importauce.  Athènes  et  Mantinée  y  devaient  attacher  un  grand 
dcPhiious  pj-ix^  ^  cause  de  la  valeur  stratégique  du  territoire  phliasien.  II 
à  la  Ligue,  ^j^^j^  certain  que  Mantinée,  foyer  de  la  résistance,  serait  le  point 
de  ralliement  des  coalisés,  et  Tégée  le  quartier  général  des 
ennemis  :  la  iJaule  Plaine  allait,  une  fois  de  plus,  servir  d  arène 
aux  deux  moitiés  de  la  Grèce.  Or,  Argos  s'était  détachée  de  Man- 
tinée.. Elle  restait  fidèle  au  traité  conclu  avec  Thèbes  en  366  (1), 
escomptant  sans  doute  l'appui  de  Thèbes  pour  satisfaire  ses 
ambitions  sur  Phlious  et  sur  Sicyono.  De  plus,  il  ne  lui  plaisait 
pas  d'entrer  dans  un  groupe  qui  sollicitait  en  môme  temps  Tal- 
liance  de  Sparte.  Cette  hostilité  d'Argos  créait  un  gros  embarras 
aux  Athéniens  en  leur  coupant  le  meilleur  chemin  de  Mantinée. 
Deux  voies  demeuraient  plus  ou  moins  praticables  aux  renforts 
d'Athènes  :  celle  du  Sud  obligeait  Athènes  à  convoyer  ses  troupes 
par  mer  jusqu'à  Gythion  pour  les  joindre  aux  Lacédémoniens(2). 
La  route  du  Nord  plusdirecteétait  hérissée  d'obstacles.  A  l'Isthme, 
la  cavalerie  de  Corinthc  escarmouchait  :  il  fallait  forcer  les  passes. 
Au-delà  de  Cléonai,  le  chemin  se  croisait.  Du  côté  de  l'Argolide, 
les  défilés  étaient  trop  faciles  à  fermer  pour  qu'on  pût  songera 
prendre  cette  voie  (3).  Restait  Tem branchement  par  Némée, 

(1)  Xén.  NelL  VU,  4,  H. 

(2)  Pour  déplslcr  Épaminundas,  qui  faisait  lo  ^'ucl  à  Némco  (Xén.  HelL  Vil, 
5,  7),  les  Atliônicns  annonci^rcnt  l'inlcnlion  d'oxpcdicr  leurs  rcnforls  par  voie  de 
mer;  mais  ce  fut  une  simple  ruse  de  guerre,  non  suivie  d'cllet,  car  rintantorio 
ut  la  cavalerie  suivirent  ensemble  la  mùme  route,  mais  la  cavalerie  arriva  la 
première.  —  Yoy.  aux  Appendices,  lo  récit  do  la  bataille. 

(3)  Épaminondas  comptait  sur  les  Argicns  pour  barrer  la  route  de  l'Argolide 
entre  Cléonai  et  Mantinée  par  les  cols  de  l'Artémision.  Lui-même  se  poste  i\ 
N'émèe,  cl  n'en  part  que  sur  le  faux  bruit  que  les  Atbéniens  ont  renoncé  à  la 
Vole  de  terré.  C'est  alors  seulement  <[ue,  la  route  devenue  libre,  les  Atbéniens 
peuvent  lancer  ù  marclies  (orcc'ïcs  leur  infanterie  et  leur  cavalerie.  Celle-ci, 
partie  d'Eleusis  au  matin,  arriva  le  soir  â  l'Isllimeou  elle  prit  son  repas.  Elle 
dut  être  barcelée  soit  la  huit,  soit  le  lendemain  matin,  par  les  Corintblcns,  et 
subir  quelques  pertes  (Xén.  //  //.  Vil,  5,  10  :  xal  cv   KôpfvOto  B'j(XTu/y,(taTO<; 

.  YâYèv7)}iiévou  Toiç  iTCTceGffiv)  en  traversant  l'Isthme;  elle  fît  uhe  seconde  lut Uc 
à  Cléonai,  et  do  là  passa  k  Némée  et  (i  Phlious,  en  éviUmt  l'Argolide  (Xéb.  UelL 
VH,  5,  15)  pour  arriver  à  Mantinée  le  troisième  jour  à  midi,  kiii  même  temps 
que  la  cavalerie  tliébalne  (Polyb.  IX,  8,  0).'       '    ■'  '•  '^ 


PERIODE    THBBAINB.  463 

Phlious  et  Ailéa.  Si  Phlious  s'oppôsiit  au  pass^s;e  avec  son 
excelleute  cavalerie,  toute  jonction  devenait  impossible  :  c*est 
pourquoi  les  Mantinéeus  durent  insister  pour  ga;;ner  à  leur  cause 
ce  vaillant  peuple,  dont  les  circonstances  faisaient  le  portier  des 
monts.  La  haine  d'Argos  et  Tamitié  de  Sparte»  plus  que  sa 
sympathie  pour  les  Arcadiens,  le  décidèrent  à  sortir  de  sa 
neutralité  (1). 

La  plus  délicate  de  toutes  ces  démarches  (ut  celle  que  les  RApprochem«nt 
Mantinéeus  tentèrent  auprès  de  Sparte.  Elle  leur  a  été  reprochée  ^^  ManUnée 
comme  une  indigue  palinodie,  par  Pausanias  et  par  les  historiens  ^'  ^"^  ^^^' 
modernes  (2).  11  est  vrai  que,  pour  beaucoup  d'esprits,  l'indi- 
gnation est  la  première  forme  de  la  surprise.  Toutefois,  les 
historiens  de  la  Grèce  savent  qu'en  ce  pays  moins  qu'ailleurs  les 
traditions  diplomatiques  étaient  loin  d'être  immuables,  et  que, 
pour  rétablir  l'équilibre  de  la  balance,  on  n'hésitait  pas  à  déplacer 
les  poids  d'un  pLiteau  à  l'autre.  Les  prétentions  de  Thcbes  à 
l'hégémonie  avaieut  amené  ses  aflranchis  à  défendre  contre  elle 
la  liberté  qu'ils  lui  devaient  en  partie,  et  cela  avec  l'aide  de  leurs 
anciens  oppresseurs  assez  affaiblis  pour  n'être  plus  redoutables, 
assez  forts  pour  rester  de  précieux  auxiliaires.  Le  groupe  qui 
avait  pris  en  main  la  cause  de  l'indépendance  arcadienne, 
n'entendait  la  livrer  à  la  discrétion  de  personne,  pas  plus  à  celle 
de  Thèbes  qu'à  celle  de  Sparte.  11  devait  en  bonne  logique  faire 
appel  aux  Lacédémoniens.  La  tournure  de  la  requête  atteste  à 
quel  point  les  idées  sur  le  rôle  de  Sparte  avaient  changé  :  il  n'en 
est  que  plus  injuste  de  juger  une  situation  nouvelle  avec  les  idées 
appropriées  à  l'ancien  état  de  choses  (;{).  L'histoire  du  rappro- 
chement de  Mantinée  et  de  Sparte  ne  nous  est  connu  que  par  une 
phrase  de  Xénophon  (4).  On  envoya  à  Lacédëmone  une  déléga- 
tion des  Éparites.  Ils  avaient  mission  de  faire  valoir  les  intérêts 
du  Péloponnèse  menacé  de  servitude,  et  de  convier  les  Lacédé- 

(1)  Us  semblent  s'ôtre  confinés  dans  le  rôle  de  gardions  des  dcUlés  :  ils  ne 
paraissent  pas  sur  le  champ  de  bataille.  PeutnHre  étaient-ils  retenus  par  la 
crainte  d'une. surprise  des  Argicns. 

;(2)  Cursus. /m  jjfr.  IV,  p.  467. 
.  (3),  Il  y  ,a  des  événements  qui  marquent  une  sorte  do  prescription  dans  les 
faits:  telle  la  bataille  de  Lcuclres .  pour  les  prétentions  lir^éinoniques  de 
Sparte.  Cette  prescription  devrait  aussi  s'appliqur.r  aux  (oruiules  des  histo- 
riens. On  ne  saurait  apprécier  l'état  des  partis  dans  le  Péloponnèse  de  362 
avec  les  jugements  applicables  dix  ans  plus  tét. 

(4)  i/d/.VlI,  y,  i-3.  —  DIod.  XV,  82i3-4i     :        ' 


464  MANTINÉE   ET  l'aUCADIË  OHIKNTATE. 

moniens  à  Tœuvre  d'affranchissement.  Le  langage  des  députés 
s'adressait  aux  Lacédémouiens  non  pas  comme  aux  maîtres 
passés  ou  éventuels  du  pays,  mais  comme  à  une  tribu  pôiopon- 
nésienne,  intéressée  au  même  titre  que  les  autres  à  la  défense 
commune.  Le  souci  de  ne  pas  faire  acte  de  sujétion,  de  ne  pas 
invoquer  le  secours  des  Lacédémoniens  comme  un  patronage, 
mais  comme  une  collaboration,  se  traduisit  par  une  réglemen- 
tation nouvelle  du  commandement  en  chef. On  stipula  que  chaque 
État  exercerait  le  commandement  sur  son  territoire.C'était  mettre 
tout  le  monde  sur  le  pied  d'égalité  :  plus  de  hiérarchie  entre  les 
alliés,  ni  de  subordination  à  un  État  protecteur  comme  dans 
Tancienne  symmachie.  Le  traité  conclu  avec  Sparte  ne  différait 
pas  au  fond  du  traité  signé  avec  Athènes  :  ou  est  donc  mal  fondé 
à  rinterpréter  comme  une  avance  humiliante  pour  Mantinée, 
comme  une  sorte  de  renonciation  aux  principes  démocratiques 
et  nationalistes.  Au  contraire,  la  clause  finale  allait  assurer  aux 
polémarques  niantinéens  (fait  jusqu'alors  sans  précédent),  la 
direction  des  armées  de  Sparte  comme  de  celles  d'Athènes.  Les 
Lacédémouiens  n'ignoraient  pas  que  le  champ  de  bataille  désigné 
était  le  territoire  de  Mantinée  et  qu'il  leur  faudrait  combattre  en 
sous  ordre  du  peuple  qu'ils  avaient  démembré  23 ans  auparavant. 
C'est  un  signe  des  temps  qu'ils  aient  consenti  avec  empressement 
à  cette  déchéance.  Le  résultat  de  la  campagne  diplomatique  se 
terminait  par  un  triomphe  pour  Mantinée  i  l'hégémonie  morale 
dans  la  coalition,  à  défaut  de  la  suprématie  matérielle,  lui  appar- 
tenait sans  conteste. 
Bataille  de  362.  Lcs  États  coalisés  déployèrciU  tant  d'activité  que,  malgré  la 
prompte  entrée  en  campagne  d'Êpaminoudas,  ils  purent  se 
concentrer  à  Mantinée  dès  les  premiers  jours  (1).  Mais  au  moment 
de  faire  face  à  la  crise  suprême,  les  généraux  niantinéens  ne  se 
montrèrent  pas  à  la  hauteur  du  péril.  A  la  hardiesse  d'un  ennemi 
fertile  en  surprises,  ils  n'opposèrent  qu'un  plan  défensif  sans 
audace  et  sans  originalité.  Tandis  qu'Épaminondas  s'ingéniait  à 
les  tromper  par  des  feintes  et  des  fugues  imprévues,  ils  s'attar- 
daient dans  la  routine  de  la  tactique  classique,  étalaient  au  grand 
jour  leurs  formations  de  combat,  se  préparaient  lentement  à  une 
attaque  qui  se  dérobait,  pour  se  montrer  désemparés  quand  elle 
survenait.  Ils  ne  savaient  ni  rien  prévoir  ni  rien  parer.  Mal 
renseignés,  ils  laissent  d'abord  l'ennemi  s'échapper:  il  était  déjà 

(1)  X6n.  Hc//.Vn,:>,  7.— Voy.lc  rc^clt  détaillé  delà  bataille  aux  Appendices. 


PERIODE    THÉUAINK.  465 

sur  Sparte  quand  ils  apprennent  son  départ.  Ne  le  voyant  plus, 
ils  négligent  les  plus  élémentaires  précautions,  s*éclairent  mal, 
laissent  la  population  se  répandre  dans  les  champs  pour  enlever 
les  moissons.  Lorsqu'il  reparaît  inopinément,  ils  ne  doivent  leur 
salut  qu*à  Tintervention  inespérée  de  1^  cavalerie  athénienne. 
Le  hasard  seul  et  Tintrépidilé  de  leurs  alliés  les  tirèrent  d'aflaire. 
Dans  la  mêlée,  autant  l'adversaire  (il  preuve  de  précision  et  de 
vigueur,  autant  ils  lui  opposèrnnt  d'incohérence  et  de  timidité. 
La  fatalité  réservait  à  Épaminondas,  après  l'échec  de  deux  plans 
admirables,  le  coup  de  grâce  Onal.  Cette  mort  équivalait  pour  les 
siens  à  une  défaite  en  pleine  victoire.  Par  là,  tout  était  sauvé;  le 
résultat  demeurait  indécis.  La  joie  de  ce  dénouement  provi- 
dentiel (  i)  fit  sans  doute  oublier  les  récriminations.  Mais  les  alliés 
de  Mantinée  auraient  eu  le  droit  de  se  plaindre  de  leurs  chefs. 
Leur  impéritie  avait  failli  tout  perdre.  Mantinée,  en  organisant 
Talliance,  avait  pensé  du  même  coup  organiser  la  victoire.  Ses 
généraux  ne  valaient  pas  ses  diplomates.  Us  n'éUiient  pas  dressés 
à  la  grande  guerre  :  tout  ce  qu'ils  montrèrent,  en  assumant,  aux 
termes  du  traité,  le  commandement  suprême,  ce  fut  une  insuffi- 
sante présomption.  Force  fut  d'en  convenir,  après  la  bataille. 
Quoique,  pour  la  bravoure,  tout  le  monde  eût  fait  son  devoir,  la 
légende  mantinéeune  s'abstenait  de  vantardise.  Si  elle  disputait 
aux  alliés  la  gloire  du  coup  de  lance  sauveur,  elle  cédait  les 
palmes  de  la  vaillance  aux  Athéniens  Gryllos  et  Képhisodoros  : 
le  héros  local,  Podarès.  n'obtenait  que  le  troisième  rang,  même 
dans  l'opinion  de  ses  compatriotes  (2). 

L'éclat  de  cette  mémorable  journée  a  préservé  de  loubti  le  nom 
de  Mantinée.  Mais  celle-ci  a  perdu  en  réputation  ce  qu'elle  y  a 
gagné  eu  notoriété.  Dans  l'histoire,  le  meurtre  d'Kpaminondas 
s'attache  comme  une  flétrissure  au  nom  de  la  ville  parricide.  Les 
motifs  du  conflit  ont  été  trop  vite  oubliés.  Rien  ne  contribue 
comme  une  antithèse  sentimentale  à  la  fortune  d'une  légende. 
Des  faits  complexes  que  nous  avons  racontés,  la  mémoire  des 
hommes  n'a  retenu  qu'un  contraste  :  un  héros,  le  type  le  plus 
achevé  que  ia  Grèce  ait  produit,  tombe,  victime  do  ses  bienfaits, 

(1)  A  prop<»îjdr  rollo  drrnli>ro.  mnipagno,  Xcnoplion  {UellA'W,  îî,  lî))  s'arraclio 
il  liii-mriiic;  un  nsspz  iiiai^rn  ('lo^c  clos  talonts  mililairrs  (rKpaiiiinomlas.  Jl 
S(Miil)]u  quo.  lu  morl  prochaine;  du  licros  incline  son  jujçe  â  la  bicnvoillann*. 
Dans  cet  lioniniago  in  extremis,  U  y  a  coninin  la  saltsfaction  d'une  oraison 
fnnébrr. 

(î)  Pausan.  VIII,  U,  10. 

Miiiiliiiée.    —   Kl . 


466  MANTINKE   ET   l'aRCADIE  ORIENTALE. 

en  atlaquant  la  ville  ressuscitéepar  lu  {.Admirable  thèmeponr  les 
moralistes  !  LMiistorien,  à  moins  de  s  associer  à  leurs  lameula- 
tations,doil  renoncer  à  leur  disputer  cette  proie.  Que  de  touristes 
anciens  ont  dA  improviser, près  du  modeste  cippe  du  Tliébain,un 
thrëne  sur  Tingratilude  des  peuples  I  Sachons  du  moins  gré  à 
Pausanias  de  s*en  être  abstenu  (1). 


Embciiiiixcmcnis  Cette  période  de  dix  ans  marque  pour  la  Nouvelle-Manliuée 
(le  u  ^QQ  ^pç  d'essor  et  de  prospérité.  Sous  la  vigoureuse  impulsion  de 
TelTrl'TGr^  Lycomèdes,  la  ville  s'embellit  rapidement.  Ou  eflaça  les  traces  des 
ruines  accumulées  par  les  Lacédémoniens  en  385.  Après  lus  beaux 
ouvrages  de  défense  militaire,  on  se  consacra  à  la  restauration 
des  temples,  à  lornement  des  édifices  sacrés  et  civils.  C*est  dans 
ce  temps  que  lut  appelé  Praxitèle,  sans  doute  déjà  célèbre.  On 
lui  confia  d'importants  travaux  de  sculpture,  le  groupe  de  Léto 
et  de  ses  deux  enfants  et  la  décoration  du  piédestal  (2),  dans  le 
Létôon  coutigu  au  vieil  Askiépieion  pour  lequel  Alcamène  avait 
exécuté  une  statue  d'Asklépios.  Praxitèle  composa  aussi  pour 
rUéraion  situé  sur  Tagora,  près  du  théâtre,  un  autre  groupe  de 
trois  personnages.  Dans  l'intermède  pacifique  qui  suivit  362,  ces 
préoccupations  ne  furent  pas  oubliées  :  une  copie  du  tableau  de 
la  bataille,  exécutée  pour  le  portique  du  Céramique,  par  le  peintre 
athénien  Enphranor,  contemporain  de  l'événement,  fut  installée 
dans  une  saille  du  gymnase  de  Mantinée.  Des  monnaies  nouvelles 
furent  frappées  (3). 

Si  Mantinée  n'avait  pas  à  offrir  à  l'admiration  des  étrangers  un 

édifice  aussi  somptueux  que  le  temple  d'Aléa  à  Tégée,  ses  trésors 

artistiques  n'étaient  point  méprisables.  De  cette  époque  datent  les 

plus  beaux  édiiices  dont  nous  ayons  retrouvé  les  restes  :  le 

théâtre,  le  Bouleutérion,  un  marché  à  colonnade  dorique  et  un 

hérôon,  celui  de  Podarës.  Le  Bouleutérion  en  particulier  présente 

un  spécimen  remarquable  de  l'architecture  civile  au  milieu  du 

IV«  siècle  (4). 

f'ifltdc  In  Gme      La  joumée  (le  362  clôt  un  des  plus  courts,  mais  des  plus  éton- 

après  In  mort    nauts  chapitrcs  de  l'histoire  grecque  :  celui  de  la  puissance 

dÈpainiDondns.   ^h^^aine.  Lcs  précédents  s'arrêtaient  sur  iEgos-Potamos  et  sur 

|1)  Pausan.  VIH,  H,  8. 
.  (2)  Voy.  aux  appcadiccs,  la  discussion  sur  lVp<x|uc;  des  Iravaux  de  Praxitèle. 
(3)  Pausan.  Vlll,  9.  —  Sur  les  monnaies,  v.  p.  242. 
(i)  Voy.  plus  liaul,  p.  2(3i  et  suiv. 


l*KIUUbK    TIIKHAINK.  4G7 

Lenctres;  les  suivants  finironl  sur  Chéronée  et  sur  Corinthe.  Ce 
qui  succombe  avec  Épamiiiondas,  sur  le  cluinip  de  baUulle  de 
Manlinée,  c'est  le  régime  de  riiégémouic  exercée  par  le  moyen 
d'alliances  oOensives  el  défensives  au  profit  exclusif  d'un  État. 
Les  grandes  tribus  helléni(|ues  se  sont  usées  à  la  poursuite  de 
celte  cbimère.  Après  un  eM)brasement  d'un  long  siècle,  il  ne  reste 
plus  eu  Grèce  que  des  scories.  L'impuissance  d'une  race  quel- 
conque de  la  jGrèce  propre  à  une  domination  durable  est  démon- 
trée :  des  forces  extérieures  vont  désormais  entrer  eu  jeu.  Les 
ligues  de  formation  nouvelle  n'auront  plus  le  caractère  des 
symmachies  de  l'ancien  système.  Ce  seront  surtout  des  groupe- 
ments défensifs  où  les  dernières  énergies  s'associeront  dans  une 
lutte  suprême  contre  l'envahisseur  étranger.  Dès  lors  la  Grèce 
n'a  plus  sou  équilibre  en  elle-même  :  elle  n'est  plnsqu*un  conire- 
poids.  C'est  hors  de  l'Ilellade  que  réside  le  centre  vital.  Les  cités 
helléniques  sont  passées  à  l'état  de  réllexes.  D'une  manière 
générale,  l'ère  de  l'activité  ésotérique  est  révolue  en  362.  Dès 
l'antiquité,  de  bons  esprits  l'avaient  compris  :  aussi  plusieurs 
historiens  avaient  ils  adopté  cette  date  comme  terme  de  leurs 
Helléniques  (1). 

La  fatigue  et  le  dégoût  des  vastes  et  stériles  ambitions  s'empare    uf^„^rcgniion 
des  Etats  grecs  après  le  grand  effort  de  3()2.  Les  Thébaius  abdi-         ,i,.k 
quèrenc  les  premiers  :  leur  victoire  matérielle  les  amena  à  une  Ligm- Airadinnie. 
défaite  morale.  Tel  fut  le  résultat  le  plus  net  de  la  s  mglante       «""«^'''fnt 
journée  de  362.  A  ce  point  de  vue,  les  Manlinéens  pouvaient  se 
féliciter  de  leur  politique  ;  ils  avaient  voulu  s'affranchir  de 
Thèbes:  c'était  fait.  11  est  vrai  que  leurs  adversaires  arcadiens 
demeuraient  intacts.  La  direction  de  la  Ligue  échappait  à  Man- 
tinée.  Le  schisme  entre  elle  et  Mégalopolis  était  définitif.  Comme 
elle  ne  voulait  pas  plus  subir  le  joug  de  la  fraction  avancée  que 
celui  de  l'étranger,  il  ne  lui  restait  en  bonne  logique  d'autre  parti 
à  prendre  que  de  s'absorber  dans  la  défense  de  son  autonomie. 
Elle  allait  vivre  pour  elle-même,  se  désintéresser  des  luttes  exté- 
rieures, satisfaite  de  n'imposer  et  de  ne  subir  aucune  contrainte. 
.Ce rêve  d'existence  égoïste  et  casanière  hantait  tous  les  esprits, 
sauf  à  Sparte  où  l'on  ne  pouvait  se  résigner  ù  ce  statu  quo  sans 
les  plus  douloureux  regrets.    La  paix  générale  qui  suivit  la 


(I)  Eiiliv  îiulrrs,  Diiuloro  (XV,  8î))  file  Xéiiupliuu,  An:i\iiiii>nc>  tli*  Lampsaqur, 
IMiiliRtos  f|p  Svnimsr. 


4G8  MANTINKE   KT   L*AltCAPlK  OlUeNTALE. 

bataille  donna  satisfaction  ù  ce  désir  de  repos  (1).  Elle  sanclion- 
naitlcs  tendances  particularistcs,  puisqu'elle  avait  pour  principe 
l'autonomie  de  toutes  les  républiques,  égales  sur  le  pie<l  d'amitié. 
Seuls  les  Spartiates  s'en  exclurent,  ne  voulant  pas  reconnaître 
l'indépendance  de  la  Messénie.  Le  Péloponnèse  revint  avec  joie  à 
ses  vieilles  habitudes  d'isolement. 

L'union  périclitait.  Par  un  revirement  bien  explicable,  c'était 
maintenant  à  la  patrie  de  Lycomédes  que  recouraient  les  pnrti- 
cularistes,  les  dissidents  et  les  déserteurs  de  la  grande  idée. 
Une  clause  de  la  paix  de  302  stipulait  que  tous  ceux  qui  avaient 
pris  part  à  la  bataille  rentreraient  dans  leurs  foyers.  Les  habi- 
tants des  x(o{jux(,  transplantés  pour  le  synœcisme  de  Mégalopolis 
et  qui  s'accommodaient  mal  de  leur  métamorphose  en  Méga- 
lopolitains,  s'en  autorisèrent  pour  réintégrer  leurs  anciennes 
demeures.  Les  Mégalopolitains  voulurent  les  faire  rentrer  dans 
leurs  murs.  Il  s'ensuivit  un  conflit  sérieux,  f^es  réfractaires 
demandèrent  du  secours  aux  Maulinéens,  à  leurs  alliés  arca- 
diens,  aux  Ëléens  et  à  tout  le  groupe  des  coalisés  de  362.  On 
s'aperçut  alors  que  la  mêlée  de  Tannée  précédente  n'avait  rien 
tranché  :  la  désagrégation  continuait.  Probablement  les  États 
invoqués  mirent  quelque  mollesse  à  intervenir.  Mantinée  avait 
oublié  la  Parrhasie.  Thcbes,  au  contraire,  suppliée  par  les 
Mégalopolitains,  n'en  mit  que  plus  d'empressement  à  jouer 
de  la  férule  pour  essayer  de  rétablir  son  prestige.  Elle  dépêcha 
Pamménès  avec  3000  hoplites  et  «KK)  cavaliers»  et  tout  rentra 
dans  l'ordre  1301)  (2). 
Obscurité  de  Une  période  d'assoupissement  succéda  à  cette  échauflourée. 
MAniinéc  Mantinée  s'éclipsa  de  la  scène  politique.  Tandis  que  la  guerre 
sociale,  les  premières  conquêtes  de  Philippe,  puis  la  2<*  guene 
sacrée  enfièvrent  Athènes,  elle  mène  une  vie  paisible  de  bourgade. 

(i)  Polyb.  IV,  aJ,  «.  —  DIcmI.  XV,  «)  ot  \)i.  ~  Plut.  i4<7''.<.  'SI  —  i>  Inùlv  nous 
est  mal  connu.  Où  vi  quaiui  (ul-il  conclu?  A  ManUiicc,  aussiltU  apivs  l:i 
bsitnillo,  ou  bien  dans  une  autre,  ville  et  (|uel(|iie  temps  après,  connue  le  veut 
Clinton  (Fasli  hrltenici  .  :U\[  av.  .I.-C.)?  On  ignore  aussi  la  situation  de  Man- 
tinée dans  la  Llpue  arcadl(*nne.  (>»ntlnua-t-e||i«  ti  envoyer  des  délégués  au 
Conseil  des  Dix-Mille  ou  se  tint-elle  tout  à  (ait  a  l'écart  du  groupe  niêgHio- 
poli  ta  in  7 

(2)  Dlrklore.  XV.  îli.  \jO  texte  porte  que  les  Mégalopolitains  recoururent  aux 
ÀtkénieiUf,  C'est  uni»  erreur  évlilente  (|ue  les  éditeurs  récents  ont  eu  raison 
de  corriger.  (Voy.  (Jrote.  Ilisl.  gr.  XV,  p.  ii'l.  Note  I}.  —  C'est  h  tort  enraie- 
ment que  Pausanias  rapporte  l'envoi  de  Paniménés  à  la  ftmdalwn  t\o.  Mégalo- 
polis  (Paus.  Vlll,  ::7). 


de  361  A  359. 


PKItlODK    TIIKBAINK.  4GD 

Kpliore,  rapporte  Strabon  avec  malice  (1),  oe  trouvant  rien  à 
raconter  sur  Cymé,  sa  patrie,  et  ne  voulant  pas  la  passer  sous 
silence, écrivit:  «  Pendant  ce  temps,  les  habitants  de  Cymé  se 
tenaient  tranquilles.  »  Nous  voilà  réduit  au  njôme  expédient 
que  le  naïf  Cyméen  par  le  silence  de  Diodore  sur  le  rôle  de  Man- 
linée  de  3Gi  à  31)2.  Mais  cette  dernière  année  vit  le  réveil  de 
l'ardeur  guerrière  de  Sparte,  sous  Archidamos.  Messène  et 
Mégalopolis  menacés  par  les  Lacédéniouieus,  qui  se  posaient 
alors  en  libérateurs  de  la  nation  arcadienne,  reçurent  assistance 
deTlièbes.  d'Arj^os  et  de  Sicyone  (2).  Archidamos  III  avait  pour 
auxiliaires  3000  hoplites  de  Phocide  et  150  cavaliers  des  anciens 
tyrans  de  Phères,  Lycophron  et  Peitholaos,  En  allant  attaquer 
Argos  avec  cette  année,  il  vint  camper  près  de  Mantinée,  afin  de 
gagner  Ornéai  parla  route  du  Klimax  (3).  Ce  fait  prouve  qu'il 
comptait  sur  la  neutralilé  d'une  ville  demeurée  fidèle  à  ralliauce 
Spartiate  conlreThcbes.  Mais^en  celte  occurrence, les  Mantinéens 
ne  furentquelesspeclaleursbénévolesd'un  déploiement  militaire 
sur  leur  territoire:  témoignage  d'amilié  bien  platonique  I  Mais 
Sparte  avait  désappris  l'exigence. 

(I)  Slrab.  Xni,  3,  Ti. 

(i)  AUi<'*nrs  s'iibsUnt,  iiuilf^n'' IiMlisnMirs  <Ip  Driiiostliriii'  pour  les  Môfjaln- 
poli  la  nia. 
CJ)  DIoilon».  XVI,:JîK 


l'îjr.   s-i.  —  Slnliiflle  (H.  0.:iO)  <rAsklo|Mos  (?)  hoiivre  «Uns  Ir  Hoiilciilérinn. 


CHAPITRE   IX. 

PÉRIODE    MACÉDONIENNE. 
(314-245). 


Abstention  de 

l'Arcadie 

à  Chéronéc  (338) 


Après  la  prise  (roiynthe  en  318,  TArcacIie  presque  entière  se 
refusa  à  considérer  comme  un  péril  n'itional  la  marche  Iriom- 
phante  de  Philippe.  Le  parti  (PEuboulos,  à  Athènes,  frappé 
d'une  subite  clairvoyance,  décréta  l'envoi  de  délégués  chargés 
d'aller  par  les  villes  plaider  la  cause  du  patriotisme  hellénique. 
Eschine,  délégué  pour  le  Péloponnèse,  dépensa  en  vain  des  tré- 
sors d'éloquence  pour  entraîner  les  Dix-Millecontre  le  «  Barbare, 
TExterminateur.  »  ((  L'Arcadie,  écrivit-il  à  son  retour  dans  son 
rapport  aux  Athéniens,  voit  avec  joie  Athènes  se  réveiller  et 
s'occuper  de  la  Grèce.  )>  (1)  Ces  dispositions  étaient  excellentes, 
sans  doute,  mais  elles  ne  valurent  à  Athènes  ni  un  hoplite,  ni 
un  cavalier.  La  première  ambassade  (3U)  de  Démosthène  dans 
le  Péloponnèse  ne  parait  pas  avoir  été  plus  elîicace  (2).  Tiré  en 
sens  contraire,  le  parti  mégalopolitain  se  laissa  protéger  contre 
Sparte  par  le  successeur  d'Épaminondas. 

Mais  la  propagande,  renouvelée  en  343  par  Démosthène, 
Polyeuctos,  llégésippos,  obtint  de  meilleurs  résultats  (3).  Man- 
tinée  avec  le  gioupe  des  Arcadiens  du  Nord,  suivit  Mégalopolis, 
Messène  et  Argos  dans  l'alliance  athénienne  conclue  en  342, 
sans  rompre  pour  cela  avec  Philippe  (4).  Les  Arcadiens  firent 

(1)  Démosth.  Dp  faim  leg.,  M),  il,  .304.  —  Kschin.  Und.  79.  Lo  passngo 
«rÉscliino  il  Mi'inUnno,  au  cours  do  sa  ti>iirnôo(Dnilo{rc,  n'rst  pas  corlain,  niais 
tn>s  pr()l)a))lr.. 

(2)  Drrn.  PhiL  II,  19,  2(î  ;  Pro  Cor.  (Ji,  7Î),  29:»  ;  De  falna  Irg.  2(»l.  —  Polylw^ 
(XVII,  H)  drti'nd  avec  vlgurur  la  polilitiuc  an*atiicnii4*  contre  les  accusations 
irc^golsino  et  (le  Iraliison  lancées  par  Déiiioslhène  sur  certains  personnages. 
—  Cf.  Pausanias  :  Vllï,  (î,  2.  —  27,  10.  —  Kn  :»'*:»,  Philippe  pmlégeail  rKlifle,la 
Mcssénie,  Mégalopolis,  Argos,  et  conliuail  Sparte  en  Laeonie. 

(3)  I)em.  Phii.  III,  72.  —  tiiog.  X  Or.  H%{\ 

(4)  Scliol.  Kscli.  C.  Cles^  Ki  iScliultz)  :  'AOr^vatoi  iiû  IlyOoBÔTO j  àp/ovTOç 
Tio  p'  etei  TT|ç  pO  oX'jfjLTçiiBoç  (109,2 «3^,2)  . .  .eTtcfJL'j/av  icoXXayoO  t'/jç 
*EXXa8oç  Tcp6(ifl£iaç  tus  pi  a'jfxjAay  a;  . . ,  'EysvovTO  [xàv  ouv  avroîç  rôre 
<j6[LixoLyoi  *A/aiol,  'ApxàBsç  ol  [xeTa  MavTivscov,  'Ap^eioi,  MeYaXoicoXîrai, 
.Meç^/iV'.oi.  Le  témoignage  du  sciioliaslc  est  confirmé  par   un  décret  altiquo 


h  MnntiiK^ 
(Automne  33^<) 


PKRIObE   MACKDONIENNE.  471 

de  nouvelles  promesses  à  Démoslhène,  cd  mission  pour  la  3»  fols 
en  340  (1)  ;  mais,  Iravaillôs  par  les  «^missaîrrs  macédoiiiiMis,  ils 
n'osèrent  suivre  jus'iu'au  bout  Allièiies  clans  sa  lutte  contre 
Philippe.  Jugeant  la  situation  en  Péloponnésiens,  ils  ne  vou* 
laient  se  défier  que  de  Sparte.  Philippe,  en  se  donnuilàeiix 
comme  un  protecteur,  obliiit  leur  neutralité.  De  (ait,laGrècedut 
constater  l'absence  des  Arcadiens  à  Chérouée,  dans  Tun  comme 
dans  Tautre  camp  (338)  (2). 

Vainqueur,  Philippe  voulut  se  faire  reconnaître  arbitre  des  Philippe  ci  Spmie 
États  grecs.  Il  entreprit  un  voyage  à  la  fois  de  conquête  et  de  i^^)- 
pacification,  dans  le  double  but  de  réduire  les  dernières  opposi- 
tions et  de  réglerles  vieilles  querelles  qui  auraient  retardé  Tunion 
des  villes  sous  sa  suzeraineté.  Sparte  constituait  rirrésistible 
obstacle  à  ces  desseins  Pour  en  venir  à  bout,  Philippe  pouvait 
comptersur  l'aide  des  voisins  intéressés  à  l'écrasement  de  Sparte, 
sur  Mégalopolis,  Messène,  Tégée  et  Argos  (3).  Ces  quatre  États 
désiraient  le  coup  de  grâce,  précurseur  de  la  curée. 

Ce  fut  pour  dissiper  toute  prévention  chez  tous  les  groupées  rassngid^Pbiiippo 
d'Arcadieus  et  aussi  pour  les  intimider,  que  Philippe  en  quit- 
tant Argos  (automne  338),  suivit,  au  lieu  de  la  graude  voie 
militaire  d'Argos  à  Sparte  ou  à  Mégalopolis  par  Tégée,  le  chemin 
de  Mantinée.  Il  déboucha  par  l'âpre  route  du  Prinos  à  Nestané, 
au  pied  de  TArtémisiou.  Il  planta  sa  tente  près  de  la  petite 
acropole  de  cette  bourgade,  sur  un  roc  qui  domine  l'Argon 
Pédion.  Ses  troupes  cantonnaient  sans  doute  dans  le  village,  à 
proximilé  d'une  source  abondante,  qui  reçut,  en  souvenir  de 
l'hôte  royal,  le  nom  de  Fontaine  Philippeios  (4).  Cet  hommage 
courtois  semble  indiquer  que  Mantinée  subit  par  nécessité  et 
tout  au  moins  provisoirement  la  loi  de  sou  puissant  visiteur. 
Touteiois  le  fait  de  sa  soumission  reste  indécis.  A  en  croire 
Diodore  (5),  les  Arcadiens  refusèrent,  seuls  de  tous  les  Grecs,  de 
reconnaître  l'hégémonie  de  Philippe  et  d'Alexandre.  Il  faut  aussi 
y  ajouter  Sparte,  restée  intraitable  malgré  sa  mutilation  (6).  Si 

(C.  T,  A.  IV,  IH^c),  (alsnnt  allusiun  ù  ralHaoccdc  Mossôno  (Kr  pryt.  Pytlio- 
dolos  —  juin  :i42;.  [Voy.  Boloch  ^Ul:(C^e  Poltltk,,  p.  ^)7  sqq.  —  Scala.  \'er- 
handl.  d.  â5  PhxloL  Vers,  in  Kôln,  1895,  p.  174.  —  Bnlocli.  Griecfi.  Gesch. 
Il,  p.  54i|. 

(i)  Avec  CaUias  de  Chalcls.  Esch.  C.  Clés.  9:i-î)8.  —  ttiog.  I  Oi\  8.t0«.  — 
EpiH.  Phil.  6. 
(2)  Pausan.  Vlïl,  6,  2.  —  27,  10. 
(:i)  Polyl).  IX,  28,  aT  —  XVII,  14. 
|4)  Pausan.  VIII,  7,  4.  -  Voy.  p.  92. 

(5)  XVII,  3. 

(6)  Plut.  Apophtegm.  lacwi.  p.  218%  233«. 


/" 


472  MANTINKK   BT   L'AIK^ADIK  OniRNTALK. 

l'on  veut  discuter  le  témoignage  de  Diodore,  il  est  nécessaire 
d*en  restreindre  la  portée.  Il  ne  peut  être  ici  question  des  Arca- 
diens  en  général,  puisque,  de  toute  évidence,  certains  d'entre 
eux  devaient  retirer  de  beaux  bénéfices  de  l'ingérence  macédo- 
nienne (1).  Il  s'agit  donc  d'un  groupe  d'Arcadiens  dissidents 
sympathiques  à  Sparte,  et  ce  parti  n'a  pu  être  que  celui  de 
Mantinée,  demeurée  fidèle  à  la  politique  de  gouvernement 
autonome.  Une  couclusiou  s'imposerait  :  ce  groupe  ne  serait 
pas  entré  dans  le  xoivôv  panhelléoique  et  dans  le  syuédrion  de 
Corinthe  (337). 

II  est  très  probable  que  Mantinée  participa  à  la  manifestation 
d'indépendance  organisée  par  le  parti  anti-macédonien  de  l'Arca- 
die,  après  la  mort  de  Philippe  en  336,  avec  le  concours  de  Sparte, 
d'Élis  et  d'Argos  (2). 
Coalition  Diodore  (3)  nous  renseigne  aussi  mal  sur  la  levée  de  boucliers 

contre Antipater  dc  l'hivcr  332/1,  lorsqu'Agis  III  entraîna  Sparte  et  nombre  de 
(33S-0).  Péloponnésiens  à  l'insurrection  ouverte  contre  le  régent  Anti- 
pater. Les  coalisés  débutèrent  par  une  attaque  contre  Mégalo- 
polis  (printemps  331).  Parmi  les  alliés  de  Sparte,  on  connaît 
les  Éléens,  les  Achéens,  l'Arcadie  entière,  sauf  Mégalopolis  (4), 
c'est-à-dire  les  membres  péloponnésiens  de  l'ancienne  coalition 
contre  Épaminondas.  Il  n'e&t  pas  douteux,  vu  ralTirmation  for- 
melle d'Eschine  et  l'attitude  antérieure  de  Mantinée,  que  cette 
ville  ait  envoyé  son  contingent  pnrmi  les  20,000  hoplites  auxi- 
liaires d'Agis.  Antipater,  vainqueur  d'Agisà  Mégalopolis  (automne 
331),  s'il  ne  supprima  pas  les  débris  do  la  Ligue  arcadienne, 
imposa  aux  vaincus  de  dures  conditions  (5)  et  installa  à  xVIègalo 

(1)  Le  tribunal  arbilral  constilutS  par  Philippe^  pour  fixer  les  frontières  de  la 
Laconie  remit  à  T(^g(^e  la  SItiritis  avec  Karyai,  à  Mégalopolis  la  Heiminalis 
(Polyb.  IX,  33.  —  Strab.  VIII,  301,  3(w.  —  Pausan.  II,  20,  1.  -  Niese.  Orsch. 
d.  Griech,  u.  Hiaked.  Staaien.  I  p.  37.  —  Lcî  poinnn  d'Isyllosil'Kpirlaurc  (Wila- 
mowitz-MôUendorr.  PhiloL  Vntfirs.  IX,  23,  3i.  —  Ciivvadias.  Fouilies  d'Épi- 
daure.  I,  p.  30, 1.  .7.),  sq.)  contient,  une  allusion  aux  projets  que  Philippe  aurait 
eu  d'abolir  ii  Sparte  la  royauté  :  ÔxaS/iarpaTOvàye  «l>.Xi7ÇTro;  |  et;  i^itxpT-/|v, 
lOéXcov  àveXeïv  paciÂVjiôa  Tt[i.Y|V. 

(2)  Alexandre  renouvela  ft  Corinthe,  en  33;'),  la  Lij?ue  panliellénique;  les 
Liicédéinoniens  s'abstinrent.  Après  la  destruction  de  Tbèbe^,  les  villes  qui 
s'éUiient  souleviVs  punirent  les  insti{;ateurs  de  la  révolte  (Arrien.  I.  10.  I.  — 
Dinarch.  hv.  Denwistn.  IH  sqq.  —  C.  I.  A.  H,  100). 

(3)  Diod.  XVll,  Oi. 

(4)  Ëscliinc.  Conira  CteMph,  KKi.  —  Sur  la  date  de  ce  mouvement,  Niese. 
Gesch.  d,  Griech.  u,  Maked,  Staaten,  I,  p.  lOii  et  107. 

\n)  Diod.  XVII,  Q,  3.  -  XVIII,  08.  -  Hyper,  in.  Dnn.  fr.  XVI.  —  Voy.  Pauîy- 
Wissowa.  Realencycl.  art.  Agis  111  et  Arkadia,  p.  1131. 


PERIODE  MACKUONIISNNK. 


473 


polis  une  constituUoD  oligarchique.  C'est  peut-cire  à  ce  moment 
que  la  couslitulion  deManlinée  fut  modifiée.  Aristote,  dans  la 
Politùiue,  terminée  après  la  mort  de  Philippe,  la  décrit  comme 
n'étant  plus  en  vigueur  (1). 

L'échec  de  cette  tentative  rendit  les  Arcadiens  plus  prudents. 
En  323,  ils  restèrent  sourds  aux  exhortations  des  patriotes  athé- 
niens, Hypéride,  Polyeuctos,  envoyés  officiels,  et  Déinosthène, 
alors  exilé,  qui  s'adjoignit  ù  eux.  Ces  orateurs  reprirent  dans 
les  villes  la  propagande  d*Eschine  en  faveur  d'une  levée  eu 
masse  contre  la  Macédoine.  Mais,  en  dépit  de  leurs  ellurts, 
combattus  par  les  agents  d'Antipater,  TArcadie  n'alla  pas  grossir 
l'armée  de  Léosthènes  (2). 

Après  la  guerre  lamiaque,  Anlipater,  à  l'instar  de  Lysandre, 
avait  établi  dans  la  plupart  des  villes  des  décarchies  oligar- 
chiques, soutenues  par  des  garnisons  macédoniennes.  Après  sa 
mort,  son  fils  Cassandre.  chiliarque  de  l'empire,  devint  le  pro- 
tecteur de  ces  gouvernements,  qui  échappaient  ainsi  à  l'autorité 


Cassnndre 

cl  P(»lype»rchon 

dans  le 

l'élo|M)iin^sp 

(310-7). 


(!)  L»  K'fonnc  so  placc^rail  apn'îs  3i!i,  date  approximative  du  voyage 
d'Aristoxénos  do  TaronU;  ii  Mantincc,  où  il  pul  «Micorr  voir  en  vigueur 
rancicnnc  constitution,  et  '130. 

(2)  Plut.  Démosih.  il.  —  L'opinion  de  Droyscn  {HisL  de l'Iieliénisme.  Il,  p.  îil, 
note  2)  qui  préfère  à  l'assertion  si  nette  de  Pausanias  (Vlll,  (î,  i)  celle  du  Hio- 
grapho  des  dix  orateurs  (UK,  p.  SUW)  ne  m'a  piis  convaincu.  Pausanias  afllrnie 
(|ue  les  Arcadiens  ne  combattirent  pas  avec  les  Grecs  contre  Antipater,  en 
Thessalle,  mais  qu'ils  n'entreprirent  rien  contre  eux.  1^  Hiographo  raconte 
que  l'éloquence  de  Polyeuctos  avait  échoué  devant  les  Dix-Mille;  arrive  alors 
Démostliène  qui  entraîne  aussitôt  leur  adhésion.  Ses  compatriotes  le  récom- 
pensèrent en  le  rappelant.  Il  est  à  peine  besoin  d'insister  sur  le  caractère 
a|M>cryplie  de  cet  épismie.  Plutanfue  {Démostfi.  21)  rapporte,  d'après  Phy- 
larque,  une  heureuse  répartie  de  Démostliène  à  une  plaisanterie  de  Pytliéas, 
orateur  du  parti  macédonien.  Mais  il  ne  dit  pas  que  ies  Dix-Mille  votèrent 
l'alliance.  De  fait,  comment  Mégalopolis  se  serait-elh^  armée  contre  Antipater? 
L'opinion  de  Pausanias  est  plus  conforme  à  l'état  d'esprit  traditionnel  du  Pélo- 
ponnèse et  aux  précédents.  U^s  AiTadicns  ne  recevaient  pas  volontiers  le  mot 
d'ordre  du  dehors.  Ils  l'avaient  pnmvé  ii  Kschine.  S'iis  s'étaient  soulevés  en 
332,  c'était  à  l'instigation  de  Sparte,  puissance  p<Mop<mnésienne,  qui  se  posait 
alors  en  libératrice  de  la  pc'minsule  contre  la  tyrannie  étrangère.  Au  reste, 
Droysen,  après  avoir  allirmé,  sur  la  fol  du  Biographe,  l'adhésion  des  Arcadiens 
à  la  Ligue  nttique,  admet,  (lour  ne  pus  rejeter  le  témoignage  de  Pausanias* 
qu'ils  ne  sortirent  pas  de  chez  eux,  sous  prétexte  peut-être  que  Ctu-lnthe  h'ur 
barrait  le  passage.  Malgré  l'autorité  de  l'historien,  on  ne  saurait  approuver 
un  éclectisme  qui  aboutit  à  fausser  deux  témoignages  formels  et  contradic- 
toires sans  en  tirer  une  certitude. 


474 


MANTINÉE  ET  l'aHCAUIK  OIIIëNTALE. 


Mantinfo 

Poliorcète 
(prinlriii|ii  3U3). 


de  Polyperchoii,  le  gouverneur  général.  Celui-ci,  pour  recon- 
quérir la  Grèce  à  son  influence,  décréta  eu  318  Tautonoinie  des 
villes  grecques  et  le  rétablissement  des  démocraties.  Seuls,  les 
Mégalopolilnins  restèrent  attachés  à  Cassandre,  et  Polyperclion 
résolut  de  les  réduire  (t). 

Ce  triste  tableau  de  la  péninsule  en  319/8  a-t-il  une  portée 
générale?  Entre  les  deux  partis,  n'était*il  pas  loisible  à  quel- 
ques-uns de  ne  passe  prononcer?  On  ne  saurait  discerner  ni  si 
Mantinée  avait  reçu  d'Antipater  un  épimélète  macédonien,  ni  si 
elle  changea  momentanément  son  personnel  politique,  ni  si  elle 
passa  à  Polyperchon  pour  Tabandonner  après  son  échec  devant 
Mégalopolis  (318).  Bientôt  après,  Cassandre  descendit  dans  le 
Péloponnèse  pour  chasser  de  certaines  villes  les  troupes  que 
Polyperchon,  malgré  son  libéralisme  de  parade,  avait  jugé  bon 
d'y  laisser  derrière  lui.  En  316  on  trouve  le  chiliarque  occupé  au 
siège  deTégée  :  Mantinée,  soit  qu'elle  se  fût  soumise,  soitqu'elle 
eût  réussi  à  faire  accepter  sa  neutralité,  ne  semble  pas  l'avoir 
arrêté,  lien  futde  même  pendant  les  deux  campagnessuivantes(2). 

C'était  une  époque  féconde  en  coups  de  théâtre  et  en  change- 
ments à  vue.  Les  diadoques  et  leurs  généraux  se  succédaient 
sans  trêve  à  l'assaut  des  malheureuses  villes,  sous  prétexte  de  les 
délivrer.  Les  Péloponnésiens  n'avaient  jamais  vu  tant  de  bonnes 
volontés  préoccupées  de  leur  bonheur.  Mais  les  libérateurs 
défendaient  leurs  protégés  avec  une  main  de  fer,  et  les  bienfai- 
teurs apparaissaient  le  plus  souvent  sous  forme  de  garnisaircs. 
Si  les  oppresseurs  changeaient  souvent,  l'oppression  était  conti- 
nue (3j.  En  304,  Cassandre  commandait  par  les  postes  éparpillés 


(t)  t)\oi\.  XVIII,  r.8,  sqq.  —  XIX,  Il  et  Xy. 

(2)  Co  (ut  alurs  un  chtissô-cniisé  des  doux  ptirlis  macédoniens  dnns  le  P6lo- 
punnèso.  Diod.  XIX,  :i'-,  54,  04.  —  Niose.  Ges'h.  d,  griech.  u.  Alaked.  Staalen. 
I,  p.  270-281.  —  Par  la  piiix  de  311,  Oissnndre  était  reconnu  seul  maître  du 
Péloponnèse. 

(3)  Polyperchon  avait  promis  la  liberté  aux  Gnxs  contre  Cassandre  ;  Anli- 
f<one  avait  repris  celte  promesse  ii  son  compte  en  315;  la  paix  de  311  entre 
Qissandre,  Ptolémée,  Lysimaque,  Anli^one,  proclame  le  principe  do  l'auto* 
nomie  des  cités  lielléniffues,  sans  que,  d'aitliMirs,  un  seul  hoplite  fût  retinSdes 
villes  occupées.  Aussi  Ploiémée  Ljifçide,  en  3(J8,  put-Il  débantuer  h  Corinthe  en 
nouveau  libérateur  :  il  commence  son  œuvre  de  libération  en  s'assurant  de 
CorInUie,  de  Sicyoue  H  de  Mégare  (Dio<l.  XIX,  37  —  Diog.  Uuîrt.  II,  iVô.  — 
Droysen,  II,  p.  38i).  Les  villes  cétiércs  d'Achale,  d'Éiide,  do  l'Isthmo  étaient 
les  plus  exposées  aux  coups  de  main  des  condotticrcs.  L'Arcjidlo  oITrait  moins 
do  prise  à  ces  tyrans  de  hasard,  qui  n'avalent  januils  le  temps  de  s'engager 
dans  une  campagne  à  fond. 


PKUIODE  MACÉDONIKNNE.  475 

dans  riiitérieur,  l*ArgoIide  et  rArcadie(l).  Polyperchon  détenait 
une  partie  de  rAchaïe  et  de  TÊlide.  Entre  temps,  Dëmétrios 
Poliorcète  venait  gagner  la  Grèce  à  la  cause  de  son  père  Antigoue  : 
déjà  les  Athéniens,  leurrés  par  ce  mol  de  liberté  qui  agissait  sur 
les  âmes  grecques  comme  un  sortilège,  Tavaient  accueilli  en 
sauveur  (2).  Les  bandes  de  Polyperchon  et  de  (]!assHndre  rava- 
geaient libremeut  tout  le  pays.  Au  printemps  de  303,  Démétrios 
entreprit  d*aller  en  plein  Péloponnèse  exécuter  les  promesses 
jadis  faites  par  son  père.  D'Argos,  il  passa  en  Arcadie,  où,  dit 
Plutarque,  il  entraîna  toutes  les  villes  dans  son  parti,  sauf  Man- 
tinée.  Cetle  résistance  isolée  a  lieu  de  surpendre,  si  Ton  songe 
que  jamais  Theureux  capitaine  ne  justifia  mieux  que  dans  cette 
campagne  son  nom  de  Poliorcète.  De  fortes  i»laces,  occupées  pfir 
d'importantesgarnisons,commeSicyone,Corinthe,.'£gion,  furent 
enlevées  d'assaut.  En  l'absence  de  détails  sur  le  traitement  de 
Mantinée  depuis  rétablissement  de  Cassandre  en  Arcadie,  on 
pourrait  être  tenté  d'expliquer  par  une  situation  privil<^giée 
l'extraordinaire  îndulgeuce-  de  Démétrios  envers  cette  ville. 
Peut  être  était-elle  restée  exempte  de  toute  garnison  macédo- 
nienne? Le  Poliorcète  n*aurait  pas  voulu  s'acharner  à  triomt)her 
d'une  opposition  en- quelque  sorte  toute  morale,  et  par  consé- 
quent précaire,  puisqu*aucuue  force  étrangère  n'empêcherait  les 
citoyens  de  se  donner  à  lui  un  jour  ou  l'autre.  Ou  bien,  comme  il 
se  présentait,  aussi  lui,  en  restaurateur  de  l'autonomie  démocra- 
tique, estima-t-il  superflu  d'imposer  ses  bo;isot1ices  à  la  fière  cité 
qui  avait  su  échapper  à  la  tyrannie  des  précédents  libérateurs. 
En  tout  cas,  ces  faits  restent  obscurs  et  le  silencedes  textes  n'auto- 
rise pas  de  plus  amples  conjectures. 

La  mission  de  Démétrios  aboutit  à  la  création  d'une  Ligue    Dêmi-trius  nu 
hellénique,  sur  le  modèle  de  celle  (|ue  Philippe  avait  élablie  en  p«"«fir«  d"  Mom 
337.  Les  ICtats,  déclarés  tous  autonomes,  le  reconnurent  pour  ^y'^*'®"^-^')- 
généralissime  et  défenseur  de  leurs  franchises  contre  les  usur- 
pateurs oligarchiques  patronnés  par  Cassandre.  Mais  la  mort 
d'Autigone  et  la  défaite  d'Ipsos  (301)  compromirent  gravement 
son  œuvre  et  sa  situation.  Les  Athéniens,  et  uo  nbrc  de  Grecs  dont 
la  fidélité  n'était  guère  plus  sincère,  se  déclarèrent  contre  lui. 

(1)  Il  est  probsibli*  qu'il  nvait  l:iiss(V  on  'Mi  dos  giimisuns  isolnrs  i\  M(^ga- 
lo|)(»lls,  Ti\ii^c,  Slymplwlo,  <)iTliomôno  (I)mmI.  XIX,  ai). 

(2)  DIoiI.  XX,  lOî),  lOi,  \m.  -  Plut.  Déméir.  27.  —  Uî  récit  do  Dlodorc, 
qnolfpio  plus  drvoloppi*,  ost  moins  complet  :  Il  omet  les  opérations  do  Dômé- 
trios  on  Aroadio  ot  on  Ar^tdido. 


47G  MANTINÉE  ET   L'ARCADIE  OIUENTALE. 

Des  mouvcineuts  inquiétants  aiçilnicut  le  monde  hellénique  et 
le  Péloponnèse.  Spnrte,  annihilée  depuis  330,  relève  la  lôte  grâce 
aux  subsides  du  Lagide,  et  pousse  le  Péloponnèse  &  la  défection. 
Déinétrios  accourt,  dompte  Athènes  en  295  et  fond  sur  la  pénin- 
sule. Argos,  semble-l-il,  était  de  connivence  avec  les  Lacédé- 
moniens  (1).  Déinétrios  trouva  sans  doute  la  route  militaire  de 
Tégée  barrée  par  les  ennemis.  Aussi  prit-il  un  chemin  détourné, 
celui  du  Klimax  par  le  Mont  Lyrkéion,  de  façon  à  déboucher  sur 
la  Mantinique  et  de  là  marcher  sur  Sparte.  Mais  les  Macédoniens 
se  trouvaient  fort  embarrassés  au  passage  de  Tâpre  montagne, 
sans  guides  dans  des  sentiers  perdus  sous  les  broussailles. 
Archidamos  IV  et  son  armée,  probablement  accourus  au  secours 
d'Argos,  les  surprirent  dans  cette  position  dilTicile  (2).  C*est 
alors  que,  au  dire  de  Polyainos  (3),  Tiogénieux  capitaine  s'avisa 
d'un  stratagème  qui  le  tira  d'allaire.  Le  vent  du  Nord  soufflait 
avec  rage.  Les  Macédoniens  mirent  le  feu  aux  arbustes.  Comme 
ils  se  trouvaient  sous  le  vent  au-dessus  des  ennemis,  ceux  ci 
reçurent  eji  plein  visage  une  fumée  aveuglante  et  un  air  embrasé  : 
ils  durent  rebrousser  chemin  ;  le  courage  et  Tépée  des  Macédo- 
niens acheva  leur  déroute  (295)  (4). 

Cette  seconde  campagne  de  Démétrios,  interrompue  par  les 
événements  extérieurs  qui  le  rappelèrent  en  Macédoine,  se  ter- 
mina par  une  retraite  semblable  à  une  fuite.  Sparte  appuyée  par 
rÉgypte,  redevint  assez  menaçante  pour  empêcher  les  Arcadiens, 
au  dire  de  Pausanias  (5),  d'aller  en  279  se  joindre  à  Tarmée 
grecque  massée  aux  Thermopyles  en  face  des  Celtes  de  Brennus, 
Comme  toujours,  le  Péloponnèse  abandonnait  ù  leur  sort  les 
États  trans-isthmiques. 
Les  lyrnnniw  ^^«^  cliule  dc  DémétHos  cu  285  laissa  le  parti  macédonien  dans 
iiiAcédonieiines.   Ic  Pélopounèsc  fort  déscmparé,  tandis  que  s'organisaient  des 

(1)  Athônc'C.  X,  p.  ilii. 

(2)  Plut.  Déwétr.  XXXV. 

(3)  Polyjiln.  IV,  7,  0. 

(4)  D'apW's  Plulnnnio,  la  iviirontro  a  on  Immi  prôs  do  Mnnliiiôo  (icefi 
MavTivetav).  Or,  lo  iiuinuscrit  ilo  KIoronco,  arcliôlypo.  du  toxlo  i\v,  Pulyaimis, 
donne  pour  le  nom  do  la  nionla^^no  Auxaiov.  Il  osl  (Wldommcnt  impossible 
que  le  Lyoï^e  ait  joué  un  rOle  (|nelcon<|ue  dans  un  combat  aux  environs  do 
Mantinée.  Aussi  Molber  (lahnii  annal,  suppi.  XIV,  p.  i\:\È)  proiwse-t-il  avec 
raison  la  correction  Aupxetov  qui  s'im|H)se  et  (|u'il  adopte  dans  son  «édition.  \a} 
récit  de  Droj-sen,  rédlfjé  d'après  l'ancienne  lovon,  est  Inintellijrible  topo^ra- 
phi<|uement  (llisL  de  VllcUén.  II,  p.  iJi.'»). 

(5)  VIIÏ,  (î,  2. 


PKaiODK   MACKDONIENNE.  477 

forces  hostiles  de  plus  eii  plus  puissantes.  Spnrtc,  avec  ralliauce 
égyptienne,  tentait  de  ressaisir  les  bribes  de  son  anti(|ue  hcgé- 
noniie  (1).  Les  villes  achéennes  avaient,  en  270,  expulsé  leurs 
garnisons  macédoniennes  et  jeté  les  bases  d'une  fédération  indé- 
pendante, destinée  à  devenir  une  force  prépondérante  dans  les 
destinées  de  la  Grèce.  Dans  le  reste  de  la  Péninsule,  la  souve- 
raineté d'Antigone  Gonatas,  fils  de  Démétrios,  s*éiniettait.  Son 
influence  ne  s'exerçait  plus  qu'indirectement  par  l'intermédiaire 
des  tyrans  locaux  qui  s'installèrent  dans  nombre  de  villes,  entre 
272  et  268,  après  l'expédition  de  Pyrrhos,  à  la  faveur  des  troubles 
intérieurs  (2).  Ces  tyrannies  s'opposaient  aux  partis  aristocra- 
tiques, dont  Sparte  paraissait  vouloir  ressaisir  le  patronage,  et 
comptaient  se  maintenir  par  la  protection  du  roi  de  Macédoine. 
Il  ne  restait  plus  à  celui-ci  qu'une  possession  immédiate,  Corin- 
the.  La  garnison  de  TAcrocorinthe  devait  prêter  main-forte  aux 
tyrans  menacés  :  là  était  le  donjon  de  l'influence  macédonienne 
et  la  clef  du  Péloponnèse.  Nous  ignorons  si  Mantinée  vit  fleurir 
chez  elle  une  de  ces  tyrannies  populaires  en  qui  s'incarnaient 
les  aspirations  égalitaires  et  niveleuses  du  parti  des  pauvres. 
Que  devinrent  dans  cette  période  confuse  de  compétitions  et  de 
bouleversements  subits  les  institutions  et  l'autonomie  de  Man- 
tinée? J'incline  à  croire,  contre  l'hypothèse  de  Droysen,  que 
cette  ville  demeura  indemne  de  toute  occupation  étrangère  et 
de  toute  nouvelle  réforme  constitutionnelle  (3j. 

(I)  Vers  27K,  r\W.  nvnit  insliiMé  un  linrinostn  i\  Xr^as. 

{!)  Polyb.  H,  41,  10. 

{'A)  Droyson  (III,  p.  iUS)  :  «  A  psirl  (>»rlnthi%  Anlifrom*  n'jivîiit  prol);ibl(Mnont 
011  8»  |M>ssrssion  ImiiKMlialo  siiiruno  l()C4inic,  si  t*o  nVst  inmiIhUit.  Trtp^snnr  cl 
MaiiUnrc  ».  DaiiH  iiri(^  noli^,  Taiilo.ur  (k'îclare  qui%  (I(m;os  drux  liypotlièsos,  la 
priMiiiriT  lui  smililo  la  pins  vrai.soîiiblablo.  Or,  io  Ic.xlo  sur  in|u«»I  so  foiiiin 
(Tllr  opinion  «hiliiljilivr,  rxif;«^  une.  ninchision  catr^^oriiiur  tians  un  srns  ou 
dans  l'autre.  Il  s'agit  tU*  la  phrase  de  Pausaiilas  :  II,  K,  (i  :  a  Aratos  amena  .\ris- 
toniarlios,  tyran  «l'Arj^os,  à  rétablir  dans  retlc  ville  la  dêniorraUe,  MavTiveiav 
TC  Maxedôviov  e^ôvKov  eiXsv.  »  I^i  leçon  Maxe8ôv(ov  a  paru  à  bon  droit  sus- 
perte  à  la  plupart  des  (Hliteurs  qui  l'ont,  d'après  les  meilleurs  manuscrits, 
rorri^éi»  en  iVaxEOa'.fXOViojv,  persuadés  qu<*  re  passage  faisait  allusion  à  la  pri.<«e 
iW  Mantinée  par  Aratos  en  iîi].  Dans  ces  conditions,  quelle  que  soit  la  leçon 
adoptée  par  rbistorien,  il  y  doit  pleinement  acquiescer,  sans  plus  mohlter 
dans  le  récit  des  faits  Io  moindre  souci  de  la  leçon  rejetée.  On  ne  saurait 
approuvj'r  un  écb'cllsme  timoré  qui  préfère  deux  aflirmations  contradictoires 
à  une  allirmation  même  contestable.  L:i  cuntradicU(m  diuible  l'rrreur,  au  lieu 
de  l'annub'r.  C'est  te  cas  pour  l'édition  Dldol,  qui  donne  Aaxsoxtaovfwv  dans 
le  texte  «;rec,  et  3fanrdonibus  dans  la    traduction  laliiie.   Abiis  la  confusitm 


478 


MANTINKK   KY   LAItCADIK  OltlKNTALR. 


autour 
de  Spnrte. 


Un  erre  de 

Cbrénionidès 

(270-263). 


coniilion  Derrière  elle,  en  efïel,  Sparte  et  l'Egypte  s'armaieut  pour  l'ex- 

«nUmorédoninme  pulsion  (Ju  Mucédonicn.  Spaito  reprit  avec  zèle  son  rôle  de 
patron  des  intérêts  conservateurs  contre  les  tyrans.  Les  princi- 
paux États  du  Péloponnèse  se  groupèrent  autour  d'elle  dans  une 
coalition  plus  redoutable  encore  que  celle  qui  avait  eu  raison 
d'Épaminondas.  Tout  attirait  Mantinée  dans  cette  ligue,  dont  le 
but  était  noble  et  le  succès  probable,  étant  donné  la  confusion 
actuelle  des  afîaires  macédoniennes.  Il  s'agissait  d*arracher  le 
Péloponnèse  à  ranarchie  tyrannique,  de  rétablir  dans  les  villes 
les  régimes  traditionnelseld  assurer  lelibre  jeudes  constitutions 
antiques. 

Au  même  moment,  Athènes,  sous  l'impulsion  d'un  ardent 
patriote,  Chrémonidès,  le  Tbrasvbule  malheureux  de  l'émanci- 
pation anti-macédonienne,  tentait  un  suprême  cl  honorable  effort 
pour  reconquérir  sa  liberté.  Dés  lors,  la  fusion  des  deux  tentatives 
s'imposait.  Au  delà  comme  en  deç:i  de  Tisthme,  le  dessein  était 
le  même  et  les  iutéréls  identiques.  Sparte,  seroble-t-il,  prit 
l'initiative  des  négociations  (1)  :  Chrémonidès  accueillit  avec  joie 
ses  propositions  d'alliance.  Mais,  par  l'accession  d'Athènes,  la 
lutte  devait  prendre  aussitôt  une  plus  large  envergure.  Ce  n'était 
plus  ni  du  Péloponnèse  ni  d'Athènes  seulement  qu'il  sagissait, 
mais  de  la  Grèce  entière.  Les  sentiments  panhelléniques  de 
l'Athènes  de  Démoslhone  revivent  dans  ce  décret  de  Chrémonidès 
qu'une  heureuse  découverte  nous  a  rendu  (2).  L'àme  du  stoïcisme 
naissant,  dont  l'orateur  était  un  des  plus  fervents  adeptes,  vivifie 
les  froides  fi^rmules  du  protocole  et  communique  à  ce  document 
la  flamme  d'un  éloquent  manifeste.  Le  nom  de  Mantinée  ne 
pouvait  être  associé  à  un  réveil  plus  méritoire  et  plus  généreux 
de  l'hellénisme  agonisant.  Je  cite  en  entier  ce  texte  curieux  : 
Dieux,  Archonlat  de  Pcithidémos,  Deuxième  prylanie,  celle  de  la 


Hltclnt  l'absurde  qiuind  Droyscn  (III,  p.  iii)  afllrmc  que,  dix  ans  apn>s  la 
cluilo  d'Agis  IV,  c'iîst-A-diro  en  'iSIU,  ManUnéo  l'iait  occupée  par  les  Marr- 
donions.  II  se  fondr  encciro  sur  le  mAmo  passage  de  Pausanias,  sans  éprouver 
aucun  scrupule  «'i  l'appliquer  «'i  des  é|K)ques  si  dilTérenl(*s.  De  plus,  dans  la 
même  page,  il  approuve  en  noie  la  correction  AaxeSatfXovicjv  ! 

(1)  Pausan.  III,  G,  5. 

(2)  G.  I.  A.  II,  3^2.—  Ditlenberger,  Sylloge,  n"  163.  —  Hicks.  Uistoricnl  inxcr. 
n"  KîO. —  1m  ciironologle  de.  la  guerre  de  Clirénionid(>s  est  un  peu  flollante.Pour 
l'arcliontat  de  Pelllndémos  la  date  la  plus  probable  e^sl  5*08/7  av.  J.-C  (Wlla- 
mowitz.  Antifjonos^  p.  £u\).  Areus  fut  tué  à  Coriiilhe  au  prinlemps  H'iij.  \m 
prise  d'Atbènes  par  Anligono  (îonatas  ri  la  lin  de  la  guerre  dalenl  df*  iî(i3. 


PÉRIODE  MAGÉOONIBNNK.  479 

trilm  Érechthéfs,  le  9  de  Mitagitnion,  {h  jour  de  la  prytanie. 
Asxemhlée  plénière.  Prémlence  du  président  den  proèdrra  Sosisiralos, 
fils  de  Kallistratos^  du  dème  d^Erchëia,  et  de  ses  collègues.  Décret 
du  peuple  sur  la  proposition  de  Chrémonidés,  fUs  d'Kléoclès,  du 
dème  d'Aithalia. 

Considérant  que  précédemment  les  Athéniens  et  les  Spartiates, 
ainsi  que  leurs  alliés  respectifs,  ayant  conclu  amitié  et  alliance  réci- 
proque^ ont  combattu  ensemble  nomlfre  de  bons  combats  contre  ceux 
qui  entreprenaient  d*asservir  les  villes,  ce  qui  leur  valut  d'accroître 
leur  propre  gloire  et  de  restaurer  la  liberté  des  autres  Hellènes,  — 
que,  actuellement,  la  Grèce  entière  se  retrouvant  dans  les  mêmes 
conditions  du  fait  de  ceux  qui  entreprennent  de  rencerser  les  lois  et 
les  constitutions  traditionnelles  de  chaque  État,  —  d*une  part,  le  roi 
Ptolémée  (1)  suivant  lapolitique  de  ses  ancêtres  (2)  et  de  sa  sœur  (3), 
se  montre  plein  de  zèle  pour  la  liberté  commune  des  Hellènes^  et  que, 
d'autre  part,  le  peuple  athénien  ayant  conclu  une  alliance  avec  lui, 
a  décrété  d'inviter  aussi  le  reste  des  Hellènes  à  adopter  la  même 
politique,  —  que,  pareillement,  les  Lacédémoniens  drvrnus  les  amis 
et  //»  alliés  du  roi  Ptolémée,  ont  aussi  décrété  de  s'allier  an  peuple 
athénien  avec  les  Éléens,  les  Achéens,  les  Tégéates,  les  Mantinrens, 
les  Orchoméniens,  les  Phliasiens,  les  Kaphyéens  et  ce^ix  des  Cretois 
qui  font  partie  de  F  alliance  des  Lacédémoniens,  d'Areus  et  des 
autres  alliés  ;  —  qu'ils  ont  député  au  peuple  une  ambassade  de  synè- 
dres,  —  que  ces  envoyée  proclamant  les  bonnes  dispositions  des 
Lacédémoniens,  d'Areus  et  des  autres  alliés  envers  le  Peuple  et  qu'ils 
apportent  leur  adhésion  commune  à  l'alliance;  — 

Afin  donc  que  les  Hellènes,  réunis  dans  un  sentiment  unanime 
contre  les  oppresseurs  actuels  des  villes  et  tes  violateurs  des  conven- 
tions, entreprennent  ardemment  la  lutte  d*accord  avec  le  roi 
Ptolémée,  dans  le  but  que  cette  entente  soit  à  l'avenir  la  règle  des 
gouvernements, 

Ce  qu'à  Bonne  Fortune  soit  —  le  peuple  a  décrété  : 

Il  est  conclu  un  traité  d'amitié  et  d'alliance  entre  les  Athéniens, 
les  Lacédémoniens  et  les  rois  de  Lacédémone,  les  Éléens,  les  Achéens ^ 
les  Tégéates,  les  Mantinéens,  les  Orchoméniens,  les  Phliasiens,  les 
Kaphyéens  et  ceux  des  Cretois  qui  font  partie  de  l'alliance  des  Lacé- 

(!)  Ptolcm<^.lI  Philailclplic,  roi  depuis  2a*>. 

{i)  Allusion  H  l'alliance  antérieure  de  Ptolêiiiêc  I"  uvre  Sparte. 

{'\)  Arslmw  Pliiladelplic,  sœur  vl  fominp  do  IHolénifV  II. 


480  MANTINKK   KT   l/AltCAlIlK  OIUKNTALK. 

(fémoniens  (1),  dWrms  et  des  autres  alliés,-- traité  valable  à  pet-pé- 
fuite,  conformément  aux  conditions  apportées  par  les  ambassadeurs. 

Le  traité  sera  gravé  par  tes  soins  du  secrétaire  de  la  prytanie  sur 
une  stèle  de  bronze,  et  exposé  sur  l'Acropole  près  du  temple  d'Athéna 
Polias,  Les  autorités  prêteront  aux  ambassadeurs  qui  se  sont  pré- 
sentes  le  serment  relatif  à  l'alliance,  suivant  les  rites. ...  (2). 

Le  succès  ue  répondit  pas  aux  espéraoces  des  coalisés  :  les 
adaires  publiques  sortireot  de  cette  lutle  pluscoutuses  et  plus 
instables  que  jamais  (3).  Il  ne  semble  pas  néanmoins  qu'Ânti- 
gcrnc  ait  usé  de  représailles  contre  Mautinée  à  cause  de  sa  parti- 
cipation à  la  guerre  de  Chrémonidès.  Quant  h  Sparte,  elle  ne 
désarma  pas  tout  d*abord  :  mais  ses  forces  s^épuisèrent  dans  un 
duel  sanglant  avec  Aristodémos,  tyran  de  Mégalopoiis  (4).  La 
Ligue  Arcadienne  n'existant  plus  (il  n'est  pas  question  des 
Arciidiens  dans  le  décret  de  Chrémonidès)  (5),  seule  la  Ligue 
achéenno,  après  la  reforme  de  sa  magistrature  suprême  (6), 
devenait  susceptible  d'une  action  puissante.  Avec  Aratos,  elle 
allait  afiirmer  ses  droits  à  la  prééminence.  Le  subtil  Acliéen 
se  substitua  à  Sparte  dans  la  lutte  contre  les  tyrans,  contre 
la  Macédoine  et  dans  Talliance  égyptienne  (7),  avec  cette  dilîé- 
rence  qu'il  réservait  ses  sympathies  aux  démocraties  régulières. 
C'était  donc  en  lui  que  les  villes  devaient  chercher,  surtout 
après  la  délivrance  de  Coriuthe  en  248,  le  point  d'appui  de  leur 
liberté.  C*est  ce  que  fit  Mantinée. 

(i)  Arcus  r%  roi  de  Sparte,  éUiit  allr,  en  jî7i,  coinbaltro  en  Crète  pour  les 
(ierlynicns.  (Plut.  Pyrr/ios,  il). 

{i)  Voy.  pour  les  serments,  le  n"  'Xi  tlu  C.  I.  A.  II. 

CI)   Droysen.  Hisl  Ue  VlleUên.  III,  p.  iW). 

(4)  Pausîin.  VIII,  il,  8.  —  Plut.  AgH.  .1. 

(i>)  Klle  avait  peut-Atre  été  supprimée  après  '^t\.  Mais  on  ne  saurait  invo- 
quer, en  faveur  d'un  renouvellement  ultérieur  de  la  Lif^uc  arcadienne,  le 
décret  des  Dix-Mille  en  i'lionn(*ur  de  Pliylarrhos.  Ui  date  de  cette  inS4*ription 
est  encore  incertaine.  Il  y  a  plusieurs  systèmes  :  celui  do  M.  Fouc4irt,  qui 
tient  pour  l'année  ti^  {Inscr.  du  Vélop.  3W>«),  celui  de  Klutt  (For.scA«»i(?eu. 
p.  89,  sq.)  qui  conclut  jwur  une  liate  Incertaine,  antérieure  à  i;i8,  celui  de 
Droysen  {/Jellënisnie.  III,  p.  ;ï(il),  qui  propose  la  période  i-jl-HV^  :  il  avait 
d'abord  été  appr<»uvé  par  Dittenher^'cr  {Sylloge,  p.  2I»I},  qui  s'est  ensuite 
{Ibid  p.  Gtîl)  prononcé  pour  le  IV«  siècle.  {Cf.  Swidxula  Rhein.  Mua.  XLIV, 
p.  :)37,  2). 

(G)  A  partir  de  2;).'»,  ou  n(^  nomme  plus  qu'un  stratège,  au  lieu  de  deux. 
C'était  renforcer  la  direction  de  la  Ligue  en  la  cfmcentrant.  (Polyh.  H,  W,  il 
-  Stral).  p.  ;«:»). 

(7)  Plut.  Aratus.  ii. 


CIIAPITHE  X. 

PÉRIODE   ACIIÉENNE. 


Le  fait  de  ralliance  de  Mantinée  avec  Aratos^  avant  245,  est,  uite 
comme  on  le  verra,  très  sujet  ft  caution.  On  ignore  les  circons-  <•«  "«=*»" 
tances  qui  auraient  préparé  cette  évolution  vers  rAchaïe  de  «*<*''' p»"^*"» 
la  politique  manlinéeiine,  au  détriment  du  pacte  couclu  avec  aumîneTdu 
Sparte.  Il  y  eut  sans  doute  alors,  à  Mantinée,  comme  dans  toutes  3*  siècle. 
les  villes  grecques,  des  convulsions  intérieures  entre  le  parti 
des  pauvres  et  celui  des  riches.  Un  vent  révolutionnaire  pous- 
sait partout  les  masses  démocratiques  contre  les  classes  aisées 
de  la  bourgeoisie  qui  avait  pris  la  place  de  l'antique  aristocratie 
de  naissance.  Dans  un  pays  d'exploitation  rurale,  comme  la 
Maotinique,  la  propriété  foncière  couslituaitla  principale  source 
de  revenu.  Peut-être  les  privilèges  censitaires  attachés  ù  la  pos- 
se.ssion  du  sol  étaient-ils  devenus  le  monopole  d'une  catégorie 
de  plus  eu  plus  restreinte  de  propriétaires  fonciers,  tandis  que 
croissait  le  nçmbre  des  citoyens  exclus,  par  le  manque  de  res- 
sources, des  cadres  de  la  TtoXiTeia.  Les  révolutions  à  Mantinée 
devaient  forcément  se  ramener  à  une  question  agraire.  Les  villes 
de  la  Haute  Plaine  n'étaient  ni  des  centres  industriels  comme 
Sicyone  ou  Corinthe,  ni  des  marchés  comme  les  villes  de  la 
côte.  En  Arcadie,  les  indigents,  qui  ne  trouvaient  pas  dans  le 
travail  de  la  terre  des  moyens  d'existence,  émigraient.  Dans  un 
territoire  exigu,  insuffisant  pour  nourrir  tous  ses  habitants,  la 
misère  et  l'exil  voloutaire  étaient  le  lot  d'une  partie  notable  de 
la  population.  Les  déshérités  essayaient  d'abord  de  tromper  leur 
détresse  en  empruntant  aux  riches.  Le  poids  de  leurs  dettes 
deveuant  de  plus  en  plus  écrasant,  il  n'y  avait  plus  de  remède 

Mantinée.  ~  33. 


482  MANTiNée  ET  l'arcadië.ouikntale. 

que  dnns  une  expropriation  violente  destins  au  profit  des  autres. 
De  là  les  crises  périodiques,  épisodes  ordinaires  de  Thistoire  des 
villes  grecques  au  llh  et  au  II<^  siècle  avant  J.-C.  (1).  Â  Mantinée, 
ces  confiscalions,  accompaguées  d'expulsions,  étaient,  au  II1« 
siècle,  la  règle  du  parti  vainqueur,  comme  le  prouve  l'exemple 
de  Cléandros,  tuteur  de  Philopœinen.  C'était,  au  témoignage  de 
Polybe  et  de  Plutarque  (2),  un  des  Maulinéens  les  plus  considé- 
rables par  la  richesse  et  la  naissance.  Exilé  de  sa  patrie,  il  alla 
chercher  un  retuge  à  Mégalopolis,  chez  Crausis,  qui  appartenait 
lui-même  a  Tune  des  familles  les  plus  puissantes  et  les  plus  an- 
ciennes d'Arcadie.  Après  la  mort  do  son  hôte,  Cléandros  se  char- 
gea, par  reconnaissance,  d'élever  le  fils  orphelin  de  Crausis, 
Philopœmen,  né  en  253.  C'est  donc  vers  celte  époque  que  se  pro- 
duisit à  Mantinée  une  révolution  populaire,  dpnt  le  bannisse- 
ment du  noble  Cléandros  est  un  incident  particulier  (3). 

De  ce  changement  de  régime,  on  ne  saurait  conclure  à  un 
abandon  immédiate  de  Talliance  Spartiate,  car  les  faits  où  Ton 
avait  cru  voir  une  vengeance  de  Sparte  ne  mérite  aucune  créance. 

Si  Ton  en  croit  Pausanias,  Agis  IV,  fils  d'Eudamidas,  voulut 
préluder  à  ses  réformes  sociales  par  la  restauration  du  prestige 
extérieur  de  Lacédémone  La  réalité  des  expéditions  militaires 
d'Agis  est  un  des  points  les  plus  obscurs  de  l'histoire  grecque. 
Plutarque,  dans  sa  Vie  d'AgiSf  n'a  retracé  que  Tœuvre  socialedu 
roi  réformateur.  Il  affirme  même  que  son  lôle  militaire  fut  nul,  à 
l'inverse  de  Cléomène(4).  C'est  seulement  par  quelques  maigres 
données  éparses  dans  Pausanias  (li)  que  nous  apprenons  le  conflit 
qui  aurait  mis  aux  prises  Sparte  avec  le  Péloponnèse,  soutenu 
par  la  Ligue  achéeune.  Les  incohérences,  les  lacunes  et  les  erreurs 
manifestes  de  Pausanias  ont  mis  à  la  torture  les  érudits.  C'est 
en  vain  qu'ils  ont  ressassé  ce  texte  suspect  pour  le  mettre 

{\\  Fustcl  de  Coulangos.  Cité  anliqup,  p.  397.  —  Questions  historiques^  p. 
122  et  8ulv.  —  P.  Guiraud.  La  propriéié  foncière  en  Grèce,  p.  400  et  sulv., 
C07  et  sulv. 

(2)  Polyb.  X,  i2.  —  Plut.  Philop.  1.  Plutarque  ujoutc  que,  comme  Phénix 
à  Achille,  Cléiindros  donna  à  son  élève  une  éducation  noble  et  royale.  —  Cf. 
Suidas,  s.  V.  Philopœmen. 

(3)  On  ne  peut  savoir  si  ce  mouvement  était  dirigé  par  un  tyran. 

(4)  Comparaison  d*Àgis  de  Cléomène  avec  lesGracques  IV,  2.  Il  est  vrai 
qu'on  peut  mettre  en  doute  la  valeur  de  ce  morceau,  rédigé  d'après  les 
seules  données  des  Vies  comparées. 

(ii)  II,  2,5.  ~  Vil,  7,  i.  —  VlIT,  8,  11  ;27,  14;  3fi,  6. 


I^KRIODE  ACHÉENNi!:.  483 

d'accord  avec  lui  hiéme  et  avec  Plutarque.  De  ce  travail  n'est 
sorti  aucun  résultat  définitif.  L'explication  et  la  chronologie  des 
faits  demeurent  toujours  un  problème  (1). 

-  Sur  le  compte  d'Agis,  Pausanias  semble  avoir  recueilli  des    tescampognes 
traditicms  orales  plutôt  que  compulsé  des  textes  écrits.  Quant  à      dAgisi  iv, 
Plutarque,  son  silence  dans  les  Vies  d'Agis  et  d'Aratos  sur  les    ">*^«  sp»"^"; 
événements  relatés  par  Pausanias,  qu'il  tienne  de  l'ignorance  ou  ***p'*'  '''""•"'** 
du  pnrti-pris,  est  tout  à  fait  étrange. 

Pausanias  attribue  à  Agis  trois  campagnes  :  i^  une  tentative 
de  siège  contre  iMégalopolis  (2),  qui  aurait  eu  lieu  après  Tabdi- 
cation  du  tyran  Lydiadas.  Or,  d'après  Polybe  (3),  Lydiadas  se 
démit  dé  la  tyrannie  alors  que  Démétrios,  fils  d'Antigone 
Gonatas,  vivait  encore,  c'est  à  dire  un  peu  avant  229,  date  de  la 
mort  de  Démétrios;  —  2**  Une  attaque  contre  Pellène  d'Achaïe(4), 
repoussée  par  Aratos,  cela  après  la  prise  de  Corinthe  par  les 
Acliéens  en  243.  Or,  Plutarque  (5)  mentionne  entre  245  et  239  (G) 
une  attaque  des  Ëtoliens  sur  Pellène  :  Agis  était  venu  au  secours 
des  Achéens,  mais  Aratos  refusa  la  bataille,  renvoya  son  allié 
avec  force  compliments  et  se  réserva  de  tomber  sur  l'ennemi  au 
moment  où  il  saccageaitlaville.il  est  très  probable  que  Pausanias 
a  confondu  et  complètement  dénaturé  les  faits  et  le  rôle  des 
personnages.  Car  on  ne  saurait  facilement  admettre,  sans  un 
merveilleux  concours  de  circonstances,  que  la  môme  ville  ait  été 
à  deux  reprises  le  théâtre  d'un  épisode  identique  où  Spartiates 
d'abord  et  Étoliens  ensuite  se  seraient  trouvés  aux  prises  avec 
les  Achéens,  et  que  chacun  de  ces  épisodes  nous  soit  connu  par 
un  historien  différent.  —  3**  Une  attaque  contre  iM^ntinée  suivie 
d'une  grande  bataille  qui  aurait  coûté  la  vie  à  Agis.  Or,  le  récit 

{{)  Manso  Sparta.  111,2,  123.  —  Ncumaycr.  Agis  wid  Klen menés,  1880/ \,  ne 
discute  pas  ces  questions.  —  Proiss.  Neue  lieitrage  znr  Geschichie  Agis  111 
(IV)  Pillau,  1882,  est  contredit  par  KUiii  {Chronologische  Beilrage  zur  Ges- 
chichie de.i  Achàischcii  Bundes,  p.  12.  Berlin.  I88:<)  dont  l'argumentation 
toute  négative  ne  manque  pas  de  force.  —  Cf.  Gollz.  Quibus  fontibus  Piu- 
iarchusxnvilis  Arati,  Agidis,  Cleomenis  enarrandis  usus  sit.  Innsbruck. 
1883.— NIese.  art.  Agis  iK, dans  In  Realencyci.  de  Pauly-Wissowa.  l*.  p.  821. 

—  Hillor  von  Gârtringcn.  art.  Arkadia.  ibid.  12,  1131  et  1133. 

(2)  Paus.  VIII,  27,  12-15;  -30,  6. 

(3)  Polyb.  II,  4*,  5. 

(4)  Pausan.  II,  8,  5.  -  VII,  7,  3.  —  VIII,  27,  4. 
(Î3)  Plut.  Aral.  31  -  Agis.  15. 

(G)  L;i  première  date  est  colle  de  la  première  stratégie  d'Aratos,  la  deuxième 
celle  de  l'alliance  entre  les  Acliéens  et  les  Étoliens. 


484  MANTINKE  ET   L'ARCADIB  OIIIKNTALK. 

très  circoDStancié  de  PluLirque  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  fin 
du  fils  d'Eudamidas:  il  est  tnort  à  Sparte,  en  prison,  étranglé  par 
ordre  des  épbores.  Donc  Pausanias,  quand  il  aflinne  deux  fois 
qu*Agis  est  tombé  sur  le  champ  do  bataille  de  Mautiuée  n'a  fait 
que  répéter  une  légende  à  laquelle  il  a  ajouté  une  erreur.  Dans 
sa  mémoire  ou  dans  les  souvenirs  de  celui  dont  il. tenait  le  récit 
du  combat,  le  nom  d'Agis  IV  s*est  confondu  avec  celui  du  frère 
d'Eudamidas  l'^,  Agis  III,  tué  en  331  dans  la  bataille  de  Méga- 
lopolis  contre  Anlipater  (1).  ,     .  ^ 

Ainsi,  autant  d'informations,  autant  de  bévues.  La  i^^  et  la  3® 
sont  entachées  de  grossières  erreurs  ;  la  2^  parait  bien  être  une 
méprise  ;  nous  considérons  le  fait  comme  non  avenu.  Que  sub- 
sistet-il  en  dernière  analyse?  Sans  nous  attacher  à  l'épisode  de 
Mégalopolis,  il  nous  reste  à  reproduire  les  curieux  détails  de 
cette  bataille  de  Mantinée.  Le  récit  de  Pausanias  (2),  avec  la 
précision  apparente  de  certains  détails,  paraît  très  suspect  dès 
qu'on  l'analyse. 
Ugcndo  de  la  Agis,  pour  dcs  ralsons  inconnues,  se  serait  porté  contre  Manti- 
baiaiiic  de  néc  avcc  SOU  aimée.  Les  Mantiuéens  se  trouvaient  prêts  à  le  rece- 
M«niinéc  mire  ^^ij,^  gyaut  mobilîsé  toutes  leurs  forces  valides  et  fait  appel  à  de 
dM*Mn'Iiirérns  iio™breux  auxiliaires.  Ils  avaient  pour  alliés  :  1*  les  Éléens,  qui 
(245?)  leur  avaient  envoyé  un  devin  d'Olympie  de  la  race  des  lamides, 
Thrasyboulos,  fils  d'iEnéas.  Ce  personnage  avait  pris  tellement 
à  cœur  la  cause  des  Mantinéens,  que,  non  content  de  les 
enflammer  par  de  flatteuses  prédictions,  il  était  sorti  de  ses 
attributions  sacerdotales  pour  payer  de  sa  personne  dans  la 
mêlée  ;  2"  tous  les  peuples  d'Arcadie  (irav  xb  àXXo'ApxaSixdv),  cha- 
cun sous  les  ordres  de  ses  chefs  respectifs,  entre  autres  les 
Mégalopolitains,  commandés  par  Lydiadas  et  Léokydès  ;  3°  les 
Achéens  ayant  à  leur  tête  Aratos  étaient  accourus  avec  les  Sicyo- 
niens,  sur  la  demande  expresse  des  Mantiuéens.  D'après  les 
précédents,  et  si  Ton  çn  juge  par  la  place  d'honneur  qu'ils  occu- 
paient à  l'aile  droite,  le  commandement  suprême  revenait  aux 
Manlinéens  et  à  leur  stratège  Podarès.  En  réalité,  ce  fut  Aratos 
qui  dirigea  les  mouvements  des  coalisés  sur  le  terrain.  Par  une 
feinte  habile,  il  décida  de  la  victoire  (3).  L'action  aurait  eu  lieu 
aux  environs  de  Poseidion.  La  légende  locale  voulait  que  le  Dieu 

.•  •    Il  '    '■ 

(1)  Dlotlor.  XVII,  02-03.  —  Voy.  plus  haut,  p.  472. 

(2)  Pausan.  VIII,  10,  5. 

(3)  Voy.  l'analyse  de  cotte  manœuvre,  aux  Appendices. 


PKKIODE  AGIIÉENNE.  485 

fût  înterveDu  en  faveur  des  Manlinéens  ;  ceux-ci,  par  reconnais- 
saoce,  lui  auraieut  élevé  uq  trophée. 

Ce  récit  a  toutes  les  allures  d'un  roinao.  L'intervention  du 
devin  lamide,  l'apparition  de  Poséidon,  la  réapparition  d*un 
poléinarque  Podarès,  inspirée  par  les  souvenirs  de  362,  tous  ces 
détails  rappellent  les  procédés  et  le  style  hiératique  dont  on 
retrouve  la  trace  dans  le  récit  de  la  seconde  guerre  niessénienne. 
La  tactique  même  du  combat  a  quelque  chose  d'archaïque  :  elle 
serait,  pour  Tannée  245,  un  anachronisme  militaire.  Cette  bataille 
est  une  invention  de  prêtres.  On  peut  hardinieut  lui  dénier 
toute  réalité,  et  la  reléguer  au  nombre  des  légendes  qui  se  fabri- 
quèrent à  Sparte  au  sujet  d'Agis  et  de  Cléoniène. 

Quant  au  détail  de  la  mort  d'Agis,  il  aura  été  suggéré  à  Pau- 
sanias.par  la  vanité  patriotique  de  quelque  exégète  local,  dési- 
reu.x  dé  prendre  à  sa  manière  une  revanche  sur  la  victoire 
d'Agis  II  en  418.  Les  Mantinéens  avaient  la  fierté  de  leur  champ 
de  bataille  où  s'étaient  mesurés  à  tour  de  rôle  tant  d'illus- 
tres capitaines.  Depuis  la  mort  d*Épaniinoudas,  ils  s'imagi- 
naient de  bonne  foi  que  leur  plaine  était  le  cimetière  désigné  des 
plus  grands  hommes  de  guerre.  La  légende  au  temps  dePausauias 
avait  multiplié  les  nobles  victimes;  les  guides  prenaient  plai- 
sir, comme  celui  de  César  à  Troie,  à  faire  fouler  au  touriste  des 
ossements  de  héros.  Pausanias  aura  noté,  sans  le  contrôler,  ce 
fait  de  la  mort  d*Agis  IV  ;  il  l'aura  accepté  d'autant  plus  aisé- 
ment que  le  souvenir  vague  de  la  mort  d'Agis  lll  sur  un  champ 
de  bataille  prédisposait  sa  mémoire  à  une  contusion. 

Quant  au  trophée  de  marbre  signalé  par  Pausanias,  s'il  exis- 
tait, c'était  sans  doute  quelque  souvenir  de  la  bataille  de  418  (1). 

Ces  conclusions  s'affermissent  si  l'on  cherche  à  s'expliquer  le 
silence  de  Plutarque.  Comment  le  biographe  d'Agis  et  d'Aratos 
a-t-il  pnssé  sous  silence  un  fait  aussi  important  pour  ses  deux 
héros?  Pourquoi  ne  nous  les  montre-til  jamais  aux  prises,  mais 
faisant  assaut  de  courtoisie  et  marchant  presifue  la  main  dans  la 
main?  Il  semble  extraordinaire  qu'Aratos  n'ait  rien  dit  de  cet 
épisode  si  glorieux  pour  lui  dans  ses  Mémoires,  une  des  sources 
de  Plutarque  (2). 

(1)  Pausan.  VIII,  10,4. 

(2)  Dans  cos  cimililions,  il  serait  oiseux  de  discuter,  rentre  Droysen  {Hisl.  de 
VUcUen.  III,  p.  4(Xî,  1),  la  date  de  cet  événement  fantaisiste,  et  de  reclierclier 
si  la  présence  de  tuus  ces  Arcadiens  à  cette  prétendue  iKitaillc  indique  une 
reconstitution  de  la  Ligutî  arcudiennc  vers  2i5. 


486  MANTINÉK   ET   L'aKCADIE   ORIENTALE. 

Mimiin*«,  arbitre     i|  semble  quc  Mmtinécait  réussi  assez  lonp;temps  à  se  tenir 

entre  apoioi»     ^  égîUe  clisUince  de  Sparle,  de  TAcliaïe  et  de  la  Macédoine  (1). 

ctieiypandArgos  ^^^^^  tfailô  particulier  ne  la  liait  avec  la  Ligue  achéeune. 

Anstippos  ....  .  •  .... 

(240-239).  Cette  indépendance,  reconnue  de  tous  les  partis,  lui  valut  d  être 
choisie  pour  arbitre  en  240/239  dans  un  différend  entre  Aralos 
ei  le  tyran  d'Argos,  Aristippos.  Voici  comment  Plutarque  raconte 
le  fait  (2)  :  «  Arislîppc,  homme  plus  atroce  encore  qu*Aristonia- 
chos,  s'empara  de  la  tyrannie.  Aratos,  donc,  à  la  tête  de  tous 
ceux  des  Argiens  (|ui  étaient  en  âge  de  porter  les  armes,  se  hâte 
de  marcher  au  secours  d*Argos,  ne  doutant  point  de  trouver  les 
Argiens  disposés  à  le  recevoir.  Mais  l'habitude  avait  façonné  ce 
peuple  à  Tesctavage,  et  personne  ne  se  déclara  pour  lui  :  il  se 
retira  sans  autre  profit  que  d'attirer  aux  Acbëens  le  reproche 
d'avoir  fait  en  pleine  paix  un  acte  d'hostilité  :  ce  qui  les  fît 
citer  vn  justice  devant  les  Mantméens.  La  cause  fut  plaidée  sans 
qu'Aratos  comparût;  et  Aristippos  la  poursuivit  avec  tant  de 
chaleur  qu'il  lit  condamner  les  Achéens  à  30  mines.  » 

Il  y  a  plusieurs  points  dans  cette  affaire  qui  ont  semblé 
obscurs.  D'abord  le  choix  du  juge.  Aristippos,  d'après  Plu- 
tarque (3).  était  un  abominable  tyran,  suppôt  d'Anligone 
Gonatas.  Comment  expliquer  qu'il  ait  plaidé  et  gagné  sa  cause 
devant  les  Mautinéens,  sinon  parce  que  cette  ville  était  ((  elle- 
même  sous  la  dépendance  macédonienne  »?  Ainsi  raisonne 
Schorn  (4).  Son  imagination  l'emporte  même  plus  loin.  Il 
pense  que  Mantinée  était  le  siège  de  la  haute  cour  de  justice 
macédonienne  établie  dans  le  Péloponnèse  pour  tenir  en  bride 
les  petits  tyrans  (5).  Hypothèse  triple,  puisqu  elle  suppose  :  1*  la 
main  mise  de  la  Macédoine  sur  Mantinée,  *2P  sa  reconnaissance 
par  l'Achaïe,  3<>  le  fonctionnement  particulier  de  ce  régime. 
D'après  une  autre  théorie,  la  sentence  aurait  été  rendue  par 

(1)  Droyscn  (II!,  p.  422)  admet  qtr.'iprcs  1»  chute  d'Agis  en  241  clic  se  mllln 
k  Sparte  et  à  la  Macédoine.  Mais  aussllôt  (note  1)  il  anirinc  qu'elle  conserva 
son  indépendance.  Lu  ville  éUill  en  démocralle;  elle  n'avait  donc  rien  à 
allcndrc  du  libéraliRnie  d'Agis.  Iax  réaction  oligarchique  que  Droysen  suppose 
après  In  chute  du  roi  réformateur  n'est  nullement  altcslée. 

(2)  Plut.  Àrat.  2;>.  —  CI.  Bérard.  De  arbiirio  inter  libéras  Graecorum  civita- 
tes,  p.  17. 

(3)  Ih.  2r». 

(4)  Gesch.  Griec/i,  p.  94,  n.  ;>. 

(;>)  <(  Zu  Mantinea  muss  der  h<'H*.hsle  (rerichLsIiof  der  Makedonier  im  Pelo- 
I)onnes  gewesen  sein;  dlescm  unterwarlen  sich  dio  Idcinen  Tyrannen  und 
wurdcn  dadurcli  ini  ZauMic  gclialten  )>. 


PRRIODE  AGHKENNE.  487 

l'Assemblée  fédérale  arcadieDoe,  les  Dix-Mille,  qui  se  seraient 
précisément  alors  trouvés  réunis  à  Mantinée  (i). 

Ce  sont  là  d'inutiles  complications.  Le  fait  en  lui-même 
n*avait  rien  que  de  très  usuel  dans  la  pratique  de  l'arbitrage  entre 
cités  grecques  (2).  Deux  États  défèrent  leur  litige  à  une  tierce 
ville,  rexxXTjToç  TTôXti;,  dont  ils  acceptent  à  l'avance  la  décision. 
Tel  fut  le  rôle  de  Mantinée  en  celte  occurrence.  Ou  la  choisit 
d'un  commun  accord  parce  qu'elle  était  indépendante  et  neutre, 
et  que  son  impartialité  n'était  pas  suspecte.  Quant  au  jugement, 
il  ne  faisait  aucun  doute.  Si  peu  sympatliique  que  fût  Aristip- 
pos,  l'entreprise  d*Aratos  ne  pouvait  se  défendre  au  nom  du 
droit.  C'était  un  de  ces  coups  de  main  que  le  succès  seul  justi- 
fie (3).  Au  reste,  TAchéen  s'en  rendait  si  bien  compte  qu'il 
s'abstint  de  toute  pression  sur  ses  juges  et  se  laissa  condamner 
par  défaut.  L'arbitre  fit  preuve  d  une  extrême  indulgence.  Le 
chiffre  insignifiant  de  l'indemnité  équivalait  à  un  acquittement. 
Et,  de  fait,  Aratos  s'empressa  de  recommencer. 

Cette  sentence  équitable  était  de  plus  un  acte  d'habile  diplo- 
matie. Le  juge  demeurait  en  bons  termes  avec  tout  le  monde, 
car  l'Achaïe  ne  pouvait  lui  faire  un  sérieux  grief  d'une  aussi 
faible  condamnation,  et  la  Macédoine,  représentée  par  Aristip- 
pos,  n'avait  qu'à  se  déclarer  satisfaite.  Il  fallait  bien,  d'ailleurs, 
contenter  tout  le  monde,  à  peine  de  perdre  son  repos. 

Sous  Déméirios,  successeur  d'Antigone  Gonatas  (239-229),  les       Maniinéc 
alTaires  macédoniennes  dans  le  Péloponnèse  se  relevèrent,  mais  »<>"«  Déméirios 
la  situation  de  Mantinée  resta  ce  qu'elle  avait  été.  Droysen  (4)       (239-229) 
soutient  qu'elle  était  occupée  en  2<34  par  Déinétrios.  Mais  cette 

(1)  I^vonksimp.  De  rébus  Spartanoruin  inter  annos  iôo  et  200,  p.  i,  L'oxis- 
Icncc  (lo  l>i  Ligue  arcadionnn  îi  cette  «époque  est  trtSs  invrniseinbliiblo. 

(2)  Voy.  Sonne.  I?P  arbilris  cxternis  quoa  Graect,  vU\.,  UOnml.  De  arbi- 
trio,  p.  84. 

(3)  Il  semble  bien  quAnitos  ne  fut  inAme  pjis  approuvé  du  Conseil  fédéral 
des  Acbécns,  qu'il  n'avait  peut-être  pas  consulté. 

(4)  m,  p.  ^tt.  —  Levenkamp  {de  reb.  Sparlau,  p.  21,  n.  I)  renchérit  un  peu 
à  la  légère  sur  cette  afllrmation  et  défend  la  levon  de  la  vulgate  MaxeSovcjv 
ê/ôvT(i)v  «  Hanc  Icctionein,  quae  est  codicum,  merllo  tuetur  Droysen,  adversus 
conjccturain  Clavieri  teinerc  factam  et  arguinenlis  curenleni  :  Aaxs8xt(jL0Vta)V. 
Or,  celte  variante  est  celle  des  deux  meilleurs  manuscrits  do  Pausanias.  l\ 
sunit  de  lire  la  note  jusUilciitive  de  Clavier  (Irad.  de  Paus;inlas.  VI,  p.  72) 
|M)ur  être  convaincu  que  sa  correction  est  tout  à  fait  juste  au  point  de  vue 
paléographique  et  historique.  Au  demeurant,  les  plus  récents  éditeurs  l'ont 
adoptée.  —  Voy.  p.  477,  note  3. 


488 


MANTINKR  ET  L  AIICAUIR  OIUKNTALE. 


opinion  ne  repose  que  sur  une  leçon  fautive  de  Pausanias.  Il 

est  probable  que  la  ville  persista  dans  son  attitude  indépen- 

.,  dante,  favorable  aux  Âchéens,  sans  que  cette  sympathie  fût 

'  ,  .  !  '        pour  elle  un  lien  de  sujétion,  en  môme  temps  libre  d'allure/ 

.1    .        :      mais  sans  impertinence^  envers  le  Macédonien.  Mais,  après  la 

solennelle  démission  de  Lydiadas  et  son  entrée  dans  la  Ligue 

achéenne,  vers  234,  les  autres  villes  arcadiennes  mirent,  d'après 

Pausanias  (1),  beaucoup  d'empressement  à  suivre  l'exemple  de 

Mégalopolis.  Mantinée  se  fit  achéenne  :  c'était  fatal. 

Acre»ioii  L^  réunlou  de  Mantinée  à  la  Ligue  est  attestée  par  des  textes 

de  Mantinée  à  u  formcls  (2).  Mais  la  date  n'en  peut  être  fixée  qu'approximative- 

Uguenchéenne  ment,  qucIquc  temps  après  celle  de  Mégalopolis,  c'est-à-dire 

(«3*)         yg|.g  234  (3).  Orcliomène  et  Tégée  paraissent  s'être  décidées  au 

même  moment.  Les  termes  employés  par  Polybe  indiquent  que 

Mantinée  entra  dans  la  Ligue  en  qualité  de  ville  <Tii(jL7roX(Teuou<ra  et 

non  comme  simple  (ni^ifia/tç.  Les  habitants  recevaient  le  droit  de 

cité  achéenne  et  prenaient  le  nom  d'Achéens-Mantinceus  (4). 

Ils  adoptaient  le  culte  des  divinités  fédérales,  Zeus  Amarios, 

Athéna-Amaria  et  Aphrodite  (5).   Leurs  obligalions  militaires 

et  financières  envers  la  Ligue  (G)  et  leurs  devoirs  de  citoyens 

achéens  ne  leur  faisaient  pas  perdre  l'autonomie  municipale. 

La  Constitution  de  la  Ligue  semble  même  avoir  admis  le  droit 

de  dénoncer,  par  voie  légale  et  pacifique,  le  paote  conclu.  Une 

ville,  après  s'être  donnée,  pouvait  se  reprendre,  pourvu  qu'elle 

le  fit,  sans  violence  et  sans  révolte  (7).  Mantinée  en  fut  un 

exemple  ;   car,  à  peine  entrée  dans  le  parti  achéen,  elle  fit 

défection  pour  passer  aux  Ëtoliens.  Polybe  (8),  qui  signale  le 

(1)  vin,  0. 

(2)  Pausan.  VIII,  8,  10.  —  Polyb.  Il,  57,  1. 

(3)  Lydiadas  ost  stnilùgc  des  Achetons  au  printemps  234. 

(4)  Sur  la  condillon  dos  villos  conriHicrcos,  voy.  Dulxds.  Ligue  ach.  et 
éloL,  p.  170  et  sulv.  et  179,  note  I.  On  ne  possède  psis  do  monnaies  dcd  Man- 
tinéens-Acliéens,  ik  cette  époque. 

(5)  L'impt»rtanle  inscription  d'Orcliomcne,  trouvée  pîir  M.  Foucart  {hiscri 
du  Pélop,  n*  3:>3)  nous  donne  un  mo<léle  de  l'acte  de  réunion  qui  était,  pour 
les  recrues  de  la  Lif(uc,  leurs  lettres  de  naturalisation  acliôennc.  < 

(6)  Polyb.  XXV,  li  L  —  XL,  3,  3.:   .                    5.    w.»,.|     .       '       ."         | 
'             {!)  Dubois,  Lig,  éloL  el  ach:,  p.  iTS.'     '        "     '     '"  J '     '    •   '      "' 

(8)  Polyb.  II,  4(î,  2.  Beiopcov  (AfMus)   toÎ>ç'  AîtwXÔ'jç*.  .1    <j)Oôvouvtaç   tÔi'ç  '' 
'A/aioîç  iizi  TOdOuTOv  ô)(TTe   KX£0[i.£vouç  Tr67rpa;ixoTt7|xoTOc    Œ'jtoÙç    xai 
7capTr)p7|[i.svou  Teyeav,  Mavxfvetav,   'Op/0[i6vbv,    xàç   AîtwXoÎç   où   fiôvov 
aupt.(jLX/(8aç  u-ïçapyoïi^raç,   àXXà  xoà    <Tu|X7côXiTeu6[i6vaç   Toxe    irôXe'.ç;   ôùy 


'       ''     PÉRIODE  AGHKICNNE.  489 

fdit,  ne  le  jii/çe/à  ce  qu*il  semble;  ni  anormal  ni  répréhehsible. 
Ce  n'était  pas  une  forfaiture,  niais  une  sépiralion  ré;;uUëre: 
^A  quel  mobile  les  Mantinéens  obéirent-ils  en  se  détachant  de  Mantinée  pasne 
la  Ligué  presque  auséîtôt  après  s'y  être  adjoints?  Polybe  ne  le      a  la  ti^ue 
dit  pas;  Il  atteste  seulement  qpe  la.  défection  fut  volontaire  «toiienne  (sio). 
(êOeXovO^v),  c'est  à-dire  qu'elle  ne  fut  la  conséquonce  d'aucune  de 
ces  surprises  dont  les  Étoliens  .avaient  l'habitude  (1).  Si  donc 
Mantinée  s'est  ralliée  de  son  plein  gré  à  un  autre  régime,  et 
même  à  un  régime  adverse,  ce  n'est  pas  cette  fois  pour  des 
motifs  de  politique  extérieure.    '  . 

Il  faut  se  rappeler  qu'à  l'époque  delà  mort  de  Démétrio8(229),  RnUonsproUbies' 
la  Ligue  acliéenne  se  débattait  dans  les  embarras  de  sa  situation         ^^^^ 
intérieure.  La  direction  élroite  et  anti-libérale  d'Aratos  portait     '^^'"^"»*"*- 
ombrage  à  beaucoup  de  membres  de  la  Ligue  :  notamment  la 
question  du  droit  de  cité  et  de  la  participation  au  corps  électoral 
(iroXtTefa)  entretenait  les  plus  fâcheuses  discordes  entre  les  censi- 
taires et  les  pauvres.  Aratos  personnifiait  la  politique  de  la' 
classe  bourgeoise  des  propriétaires  ou  clémaliqnes.  Bien  qu'on' 
ait  exagéré  jusqu'au  système  le  caractère  aristocratique  de  la 
Ligue  achéenne  (2),  il  n'est  pas  moins  réel  que  les  riches  exer-  ' 
çaient  dans  le  gouvernement  la  prépondérance,  au  moins  à  celte 
époque  (3).  Or,  l'esprit  des  masses  était  de  plus  en  plus  avide' 
d'égalité  et  impatient  d'émancipation.  Il  y  avait  à  Mantinée/ 
comme  dans  toutes  les  villes,  un  pirti  turbulent  en  perpétuelle 
insurrection  contre  les  privilèges  attachés  à  la  richesse.  De  plus,  * 
pour  renforcer  dans  les  villes  annexées  réléinent  fédéral;  la 
Ligue  encourageait  l'établissement  de  colons  achéens,  dont  la 
situation,  dépendant  étroitement  de  la  Ligue,  était  pour  elle  un 


oFoy  àyavaxTouvTaç  ItzI  toùtoiç,  àXXà  xal  ps^aiouvraç  olÙtio  tTjv  TrapxXTrj'j/iv . 
—  11,57,1.  Mavxeveîç  toîvuv  to  [lev  Tipoitov  £yxaTaXî7rovT£ç  tï|V  ji-srà 
Ttov  'A/aioiv  -TcoAtTefav  iOfiAovTViv. AÎTtoXotç  evs/eipi^av  aurojç  xaliTY|v 
TTttTpiSa,  fiera  oï  xaura  KXeojJLevet. 

(1)  TliirKvall,  suivi  par  Dubois  {Lig.  ach,Héinl.  p.'  .32)  donne  l'annôc  2i3/l 
comme  la  riato  probable  de  rcnlt-ée  de  Tr^g<^e,  de  Mantinôe  et  d'Orchomènc 
dans  la  Ligue  iHollcnrie,  h  la  suite  dt)  l'invasion  des  Ktoliens  dans  le  Pélopon- 
nèse en  242.  Sans  parler  d'autres  Invraisemblances,  cela  supposerait  que  Man- 
tinée est  restée  ctolienne  jusqu'à  sa  prise  par  Cléom^ne  en  i28,  ce  qui  est 
impossible,  d'après  les  termes  do  Polybe. 

(2)  Voy.  à  co  sujet  les  Justes  observations  de  Dubois  (Lig.  ach.  et  Hnl,  p.  90 
et  sulvj.    ,         .        . 

(H)  Polyb.  XXIV,  ^,  0.  — .  XXXVIÏI,  4,  5.         .  .         , .  > .    ,  «  ■  ■ 


490  MANTINKE  ET   L'aRGADIE  ORIENTALE. 

gage  de  fidélité  (i).  Mais  ces  métèques  ne  devaient  pas  ôtre  bien 
accueillis  de  la  population  indigène.  C*esl  dans  cet  ordre  d'Idées 
qu'on  doit  chercher  la  cause  de  la  désaffection  de  Mantinée  à 
regard  du  ré<;imetimocratiquedelaLigue.  Elle  n'avait  pas  cessé 
d'être  une  ville  foucièremeut  démocralique.  Or,  il  n'y  avait  pas 
d'existence  possible  en  dehors  des  groupes  qui  se  disputaient  la 
suprématie  du  Péloponnèse.  Plus  que  jamais,  la  Péninsule  était 
retombée  sous  le  joug  du  système  fédératif.  Spaite,  encore 
inféodée  à  ses  institutions  oligarchiques,  après  la  réaction  qui 
suivit  la  chute  d'Agis  et  avant  les  réformes  de  Cléomène,  n'était 
pas  le  soutien  qui  convenait  à  Mantinée,  non  plus  que  la  Macé- 
doine. Au  contraire,  la  Confédération  étoliehue,  à  tort  ou  à 
raison,  avait  la  réputation  de  soutenir  les  démagogies  (2).  La 
rivalité  des  deux  Ligues,  suspendue  par  leur  union  contre 
Démétrios,  ^'accentuait,  à  la  grande  joie  et  sans  doute  à  l'insti- 
gation d'Antigone  Doson,  son  successeur.  Déjà  les  Éloltens 
avaient  pris  pied  dans  TÉlide,  leur  alliée  depuis^?!,  et  à  Phigalie 
vers  237  (3).  En  s'ofTrant  à  eux,  Mantinée  pouvait,  le  cas  échéant, 
leur  fournir  au  cœur  de  l'Arcadie  un  point  d'appui  d'autant  plus 
précieux  qu*Orchomène  etTcgée  la  suivirent  dans  son  évolution. 
Ce  fut  une  adhésion  pleine  et  entière  à  la  Constitution  étolienne, 
non  pas  une  simple  alliance  (4).  Aratos  laissa  passera  l'ennemi, 
sans  s'émouvoir,  ces  trois  importantes  recrues  (5).  Par  cette 
étrange  mansuétude,  il  semblait  reconnaître  les  torts  de  la 
Ligue  achéenne  à  l'égard  de  ses  adhérents.  Pour  n*avoir  pas  su 
les  retenir,  il  faut  qu'elle  n'ait  pas  été  sans  reproche.  Delà  aussi 
le  silence  de  Polybe,  d'où  l'on  peut  conclure  qu1l  a  reculé  devant 
liue  justificalion  trop  pénible  de  la  Ligue  et  des  procédés  d*Ara- 
loâ.  Les  griefs  des*dissidenls  étaient  sans  doute  trop  fondés. 

•  (1)  Cf.  les  clauses  de  l'Inscription  d'Orchomènc  (Foucart.  Inscr.  du  Pélop, 
n*  340)  ot  l'ôtabiisscmcnt  d'une  colon.e  achéenne  à  ManUnéc  en  222.  .. 
,,.(2)  Dul)oi8  {Lig.  ach  et  etol,  p.  KNî)  démontre  que,  chez  les  ÉloUcns,  la 
propagande  démagof^iquo  n'était  piis  le  ressort  de  la  politique  extérieure.  Ils 
n'avaient  pas  la  dessus  d'idée  arrêtée  ni  de  système:  ranlillièse  souvent 
répétée  '  par  les  historiens  de  deux  ligues  incarnant  deux  partis  polîtiqu«'^ 
rivaux  est,  en  eflet,  souvent  contredite  par  les  faits.  :  i  '  •  •  ^      i      ::    ,    - 

(3)  Droysen.  III,  p.  217. 

(4)  Polyb.  11,46,2.  m 

;;(:*))  Ces  faits  ont  pnxédé,  au  direde  Polyhe  (II,  57,  1)  l'attaque  de  Cléomène. 
Cclloci  date  du  printemps  228,  avant  la  fin  de  la  9*  stratégie  d'Aralos  (mai  228). 
C'est  donc  vers  la  fin  de  229  que  les  trois  villes  ont  dû  passer  dans  le  camp 
étolien.  ,         1.     «i      *    ..  ! 


PERIODE  AGHÉKNNK. 


491 


A  la  suite  de  ces  faits,  les  rapports  entre  les  deux  Ligues  se 
tendirent  davaotage.  Polybe  (1)  soupçonne  les  Ktoliens  d'avoir 
d'ores  et  déjà  entretenu  des  relations  secrètes  avec  Sparte.  Ce 
qui  arriva  à  quelque  temps  de  là  lui  donne  raison.  Eu  eQe.t» 
Sparte  et  TÉlolie  voyaient  avec  une  égale  jalousie  les  progrès 
des  Acliéens.  Les  Ëtoliens,  gônés  par  les  services  qu'ils  avaient 
reçus  d'Aratos,  n'osaient  entrer  en  lutte  ouverte  avec  leurs  amis 
de  la  veille.  Ils  s'étaient  contentés  d'accueillir  avec  joie  les  villes 
transfuges,  surtout  parce  que  cette  défection  alîaiblissait  leurs 
rivaux,  mais  ils  ne  semblent  pas  l'avoir  provoquée.  D'ailleurs 
ces  trois  avant-postes, isolés  au  milieu  des  possessions  achèennes, 
ne  pouvaient  rendre  à  leurs  lointains  détenteurs  des  services 
immédiats.  Il  importait  moins  aux  Étoliens  de  les  détenir  eux- 
mêmes  que  d'en  voir  les  Achéens  dépouillés. 

Au  contraire,  ces  trois  villes  étaient  un  appât  des  plus  tentants 
pour  l'entreprenant  Cléomène.  La  Haute  Plaine,  prolongement 
naturel  de  la  vallée  lacouienne.  une  fois  au  pouvoir  de  Sparte, 
formait  comme  un  coin  enfoncé  dans  les  domaines  de  la  Ligue. 
C'était,  de  plus,  une  proie  facile,  puisque  les  trois  places  se 
trouvaient  ainsi  dépourvues  de  défense  sérieuse,  sous  la  tutelle 
plus  nominale  que  réelle  de  l'Étolie. 

A  l'égard  de  l'Acliaîe,  la  situation  de  Cléomène  était  plus 
franche  que  celle  des  Étoliens.  Ayant  repris  à  son  compte  les 
plans  d'Agis,  il  voulait  comme  lui  préluder  aux  réformes  sociales 
par  une  série  de  conquêtes  :  il  lui  fallait  avant  tout  faire  voler  en 
éclats  la  puissance  achéenne.  Son  génie  de  capitaine  lui  suggéra 
pour  son  coup  d'essai  une  manœuvre  hardie  (2).  11  tomba  à 
l'iiflproviste  sur  les  trois  villes  et  les  enleva  d'emblée.  Ce  fut  pour 
tout  le  monde  une  surprise,  mais  plus  désagréable  à  coup  sûr  à 
Aratos  qu'aux  Étoliens.  En  elTet,  ceux-ci  comprirent  que,  comme 
arme  ollensive  contre  la  ville  rivale,  les  trois  places  décuplaient 
de  valeur  en  passant  dans  la  main  du  Lacédémonien.  Le  mal  des 
Achéens  devenant  pour  eux  lesouverain  bien,  ils  oublièrent  vite 
ce  que  le  procédé  avait  d'incorrect  et  d'oilensant  pour  n'en 
considérer  que  )es  conséquences  avantageuses.  Au  lieu  donc  de 
protester,  ils  reconnurent  à  Cléomène  une  acquisition  qui   le 


Prise  de  Tégéc, 
M  an  li  née  et 

Oirhoinène  par 

(îl^omène 

(début  Si8). 


H)  11.  40,  2. 

(2)  Cette  rapide  campagne  se  place  (oui  au  début  de  2i8,  avant  la  con- 
struction par  Cléomène  du  fort  d'Atlicna ion,  près  de  Môgalcjpolis,  c'est-ii-diro 
avant  l'expiration  de  la  9*  stratégie  d'Aratos,  en  mai  221  (Plut.  C^éoin.  4,  9  — 
Polybe.  11,  4(i,  2  et  ii). 


(printemps   SS7). 


492  MANTINKR   ET  l'AHCADIR  OUIENTALE. 

forlifinit  contre  Tennemi  commun  (1).  La  mansuétude  pourtant 
n'était  pMs  le  propre  de  cette  race  ù  qui  tous  les  casus  biiii,  réels 
ou  imaginaires,  semblaient  bons  dès  qu*il  y  avait  prétexte  à 
pilleries.  Aussi  leur  altitude  surpril-ellc  Aralos,  et  lui  apparut 
comme  une  manière  do  complicité.  Il  ouvrit  enfin  les  yeux  sur 
un  péril  que  son  collègue  et  rival  Lydiadas,  plus  clairvoyant,  lui 
avait  en  vain  dénoncé.  Le  conseil  de  la  Ligue  décida  de  s'opposer 
désormais  à  toute  conquête  dé  Sparte.  Aussitôt  après,  la  guerrei 
dite  de  Cléomèoc  éclatait  (printemps  228). 
Guerre  de  Giéo-  D'abord  Cléomèue  pénètre  sur  le  territoire  de  Mégalopolis, 
mône (228-331).  timidement  suIvi  par  Aratos.  Celui-ci  n'osant  attaquer  de  front 
ManUnéc  surprise  ((  le' Jion  de  Sparte  M  se  jette  sur  Orcliomène  et  sur  'IVgée.  Cléo- 
^!!î-™*7«-r.  niène  survient  et  l'oblige  à  làcïier  prise.  L  année  suivante,  Aratos 
revenant  d'Élide,  est  arrêté  aux  passages  du  Lycée  et  baltu 
(printemps  227  )  Tandis  que  court  le  bruit  de  sa  mort,  il 
s'échappe  et  tombe  sur  Mantinée.  Cette  diversion  ranimerait, 
pensait-il,  son  prestige  ébranlé  par  les  prodigieux  succès  de 
Cléomène.  Assez  médiocre  sur  le  champ  de  bataille,  l'astucieux 
Achéen  excellait  dans  les  surprises  de  villes,  où  l'esprit  d'intrigue 
avait  plus  de  part  que  le  géuie  militaire  (2).  Quand  il  appliquait 
ses  échelles  aux  murs  d'une  place,  il  savait  que  des  amis 
l'attendaient  de  l'autre  côté.  La  surprise  de  Mantinée,  après  celle 
de  Sicyoue  et  de  Corinthe,  compte  parmi  les  plus  savant<;  coups 
de  main  du  stratège  diplomate.  Le  moment  était  propice  à 
pareille  tentative.   La  ville  se  trouvait  sans' défense,  l'armée 

■  r    ■  ■ 

(1)  Polyb.  II,  4(),  t  et  3.  —  Droyson  (ÏII,  p.  îilO)  suppose  qu'un  arrangement 
préalable  avec  les  villes  olles-mômcs  favorisa  leur  occupation.  C'est  possible. 
Lesviiics  en  question  brouUlées  avec  les  Acliéens,  ne  pouvaient  espérer  des 
Ktoliens,  occupés  en  Tlicssalio,  un  secours  cfTlcace.  Cléomône  n'avait  qu'à  so 
présenter  pour  les  gaj^ncr.  L'expression  de  Polylje  (II,  46,  2)  :  KXEO(A.évouc 
w67rpaÇvXOit7|xÔT0ç  auTOuç  (Ip^  Étollens),  parait  Indiquer  que  Cléomône 
prépara  son  coup  de  main  avec  l'un  des  partis  en  lutte  dans  les  villes.  Mais 
quel  parti?  Les  pauvres  auraient  pu  être  séduits  par  les  promesses  du  roi 
socialiste,  si  Cléomr^nc  s'éUiit  posé  dès  ce  moment  en  démagogue.:  ce  qui 
n'est  pas  prouvé.  Au  contraire,  il  semble  avoir  voulu  donner  le  change  sur 
ses  intentions  et  les  avoir  tenues  secrètes  jusqu'en  227  (Voy.  Dubois.  Lig. 
ach.  et  étoL,  p.  00).  Ce  serait  donc  avec  le^  riches,  conformément  à  l'antique 
tradition  de  Spsirte,  qu'il  aurait  pu  s'entendre  pour  leur  ofTrir  un  programme 
conservateur  moins  timoré  que  la  politique  décousue  d'Aratos.  La  phrase  de 
Polybe  (II,  57,  2)  :  ytyO'fÔTO^  8  'lui  T0iaÙT7|ç  Trpoaipeaetoç  xcà  jiExéyovTeç  t-ï^ç 
Aaxe8ai(xov{(ov  iroXiTeiaç  confirme  cette  interpréUition  :  roligarcliio  dominait 
encore  à  Sparte  en  228. 

(2)  Voy.  le  portrait  d'Aratos  dans  Polybe  (IV, 8).  .      i 


PÉRIODE  AGHKENNE.  493 

sparliate  étant  au  loin.  On  croyait,  après  la  dé^aite  du  Lycée,  les 
Acbéens  en  déroule  et  privés  de  leur  chef.  Aussi  le  succès  fut-il 
prompt  et  complet.  Polybe  (1)  seul  emploie  un  mot  qui  caracté- 
rise bien  la  tactique  ordinaire  d'Aratos  :  'Apxxou  7cpa;ixo7CTrj<TavToç 
T7)v  TToXiv.  Au  reste,  TAchéeu  n'en  fut  pas  quitte  pour  une 
simple  démonstration  :  il  y  eut^  après  Tescalade,  des  batailles 
de  rues  où  les  Mautinéens  perdirent  du  moude.  Ils  se  défendirent 
en  désespérés,  convaincus  que  le  vainqueur  serait  sans  merci. 
Mais,  à  en  croire  Polybe,  les  représailles  attendues  leur  furent 
épargnées,  et  cette  cbaude  allaire  se  termina  par  de  fraternels 
banquets.  Voici  son  récit:  «  En  cette  occurrence,  il  est  si  peu 
vrai  que  les  Mantinéens  eurent  à  éprouver  les  suites  fâcheuses 
de  leur  précédente  défection  que  cet  événement  devint  fameux 
par  la  vivacité  du  changement  d*attitude  des  deux  peuples  Tun 
envers  l'autre.  Aussitôt  maître  de  la  ville,  Aralos  défendit  à  ses 
troupes  de  touchera  rien  de  ce  qui  ne  leur  appartenait  pas  ; 
puis,  ayant  assemblé  les  Mantinéens,  il  leur  recommanda  de  ne 
point  prendre  peur  et  de  rester  comme  ils  élaieut.  Leur  union 
avec  les  Achéens  leur  garantirait  toute  sécurité.  Un  bienfait  si 
peu  espéré  et  si  extraordinaire  changea  complètement  les  dispo- 
sition des  esprits  chez  les  Mantinéens.  Tous  oublient  qu'ils 
viennent  de  combattre  ces  hommes,  qu*ils  ont  perdu  dans  la 
lutte  nombre  de  leurs  parents,  que  beaucoup  d'eux-mêmes  se 
sont  relevés  criblés  de  blessures.  Ces  ennemis,  ils  les  intro- 
duisent dans  les  maisons  ;  ils  les  attablent  avec  le  reste  de  leur 
famille  et  n'oublient  aveceux  aucun  échange  de  bons  sentiments. 
Et  ils  avaient  bien  raison.  Car  je  ne  sache  pas  que  jamais 
enuemis  aient  montré  plus  de  douceur  que  les  Achéens  et  que 
jamais  on  aiteu  moins  à  pûtir des  revers  réputés  les  plus  terribles 
que  ne  firent  alors  les  Mantinéens  grâce  à  Thumanité  d'Aratos  et 
des  Achéens  à  leur  égard.  » 

Ici,  Polybe  parle  en  Achéen.  Dans  ce  besoin  d'apologie  un  peu 
diffuse  on  devine  l'inspiration  des  mémoires  d'Aratos.  Le  nom  de 
Mantinée  devait  éveiller  diins  l'àme  du  stratège  le  plus  affreux 
remords  de  sa  vie,  si  tant  est  que  la  conscience  d'Aratos  se  soit 
jamais  rien  reproché.  11  savait,  en  rédigeant  ses  Mémoires,  qu'il 
ne  passait  guère  pour  le  bienfaiteur  de  cette  malheureuse  ville. 
Le  panégyriste  du  magnanime  vainqueur  de  227  apparaît  donc 
comme  le  témoin  à  décharge  du  bourreau  de  liiL 

(I)  Polyb.  H,  :>7.  —  Cf.  Plut.  Cléom,  •;,  I,  vl  Aratns,  :jlî. 


494  MANTINÉE   KT  L*ARGAblK  ORIENTALK. 

•  Il  est  permis  de  ne  pas  croire  tout  à  fait  Polybe  sur  parole. 
Quaud  il  s'agit  d'Arntos,  il  manque  de  franchise.  Sa  complai- 
sance à  nous  reprêseuter  les  Mautinéens  baltud,  mais  contents, 
vaut  le  jugement  de  Xénophon  sur  la  joie  des  victimes  de  385. 
Cette  idylle  atlendrissante  des  vaincus  célébrant  leur  défaite,  la 
coupe  eu  main,  eu  compaguie  des  vainqueurs,  ressemble  fort  à 
de  Thistoire  sentimeutale.  Si  Polybe  avait  lu  ce  récit  dans 
Phylarque,  quelle  diatribe  iuterminable  cela  ne  nous  eût-il  pas 
valu  contre  cet  auleur? 

Aussi  bien,  Polybe  lui-même  est  obligé  d'assombrir  aussitôt 
ce  touchant  tableau  de  coucorde.  Loin  d'être  accepté  d'un  con- 
sentement unanime,  le  traitement  imposé  à  la  ville  par  Aratos 
eut  pour  effet  de  déchaîner  la  guerre  civile.  Le  parti  populaire 
s'insurgea  contre  le  nouveau  régime  et  se  mi  tàcomploteravec Cléo- 
mèneetlesÉtoliens.  La  faction  achéenne,  inquiète,  envoya  deman- 
der du  secours  à  la  Ligue  et  représenta  aux  autoi'itês  fédérales 
qu'uhe  garnison  était  nécessaire  au  repos  de  leurs  amis  :  «  Alors, 
dit  Polybe,  les  Achéens  tirèrent  au  sort  parmi  eux  300  hommes, 
qui  partirent  en  abandonnant  leurs  propres  patries  et  leui*sbieus, 
et  s'installèrent  à  Mautinée  pour  y  défendre  la  liberté  et  la  sécu- 
rité des  habitants.  On  leur  adjoignit  entre  autres  deux  cents 
mercenaires  qui  devaient  aider  les  Achéens  à  maintenir  la  situa- 
tion établie  par  eux  (I)  ».  L'envoi  de  ces  trois  cents  Achéens, 
chargés  de  défendre  leurs  partisauset  escortés  d'une  garde  pour 
leur  pro|)re  protection,  est  en  lui-même  assez  équivoque.  Heu- 
reusement Plutarque  (2)  noiis  donne  sans  réticence  le  mot  de 
l'énigme  :  «  Aratos,  après  avoir  pris  la  ville,  y  mit  une  garnison 
et  donna  le  droit  de  cité  aux  métèques  ».  Ainsi  ces  trois  cents 
patriotes  qui  immolent  leurs  plus  chères  affections  au  devoir 
d'aller  au  loin  défendre  des  alliés,  ne  sont  autres  que  des  colons 
installés  par  décret  sur  le  territoire  niantinéen,  et  naturalisés 
citoyens  (3). 

(1)  Polyb.  II,  58.  ... 

(2)  Plut.  Aral.  3(i.  —  Plutonium  s'éloigno  m  dessein  d'Aratos  et  de  l^lybo. 
Pcut-ôtrc  doU-il  celte  information  a  Phylaniuo?  Voy.  Goltz.  Quibus  fontibus 
Plutarchiis  in  vilis  Arati,  Agidis,  Cieomenis  usm  sit,  p.  24  ot  2:5. 

(3)  Les  informations  de  Plutarque  et  de  Polybe  se  nipportent  au  môme  fait. 
Droyscn  llll,  p.  512  et  5fô)  les  disjoint,  en  donnant  la  priorité  à  la  cn^aUon 
des  métèques  et  h  l'établissement  de  la  garnison  qu'il  croit  contemporains  de 
la  prise  de  la  ville  Ce  serait  k  la  demande  des  nouveaux  citoyens  que  les 
renforts  auraient  été  expédiés  quelque  temps  après*  Mais  alors  le  Uibietiu  de. 


da  Cléomine. 


,       ,        PKRIODE  ACnKBNNR.  495 

Les  garnisaires  étrangers  ont  pour  mission  de  leur  garantir  la 
tranquille  possession  des  terres  et  des  charges  qui  leur  sont 
attribuées.  Dans  ces  conditions,  le  dévouement  des  3()0  Acliéens 
se  ramenait  à  une  bonne  affaire.  La  situation  de  ces  nouveaux 
citoyens  se  faisait  au  détriment  des  indigènes,  propriétaires 
dépossédés  de  leurs  biens  ou  prolétaires  frustrés  de  leurs  espé- 
rances. 

La  présence  des  mercenaires  n'était  pas  de  nature  à  calmer  les 
mécontents.  Ils  s'apercevaient  de  plus  en  plus  que  la  Ligue  en 
revenait  au  système  des  harmostes  lacédémoniens  et  macédo- 
niens. Ce  grand  organisme  libérateur  finissait  par  l'oppression. 
Assurément  les  bourgeois  de  fraîche  date,  improvisés  par  Aratos, 
se  déclaraient  enchantés  du  nouvel  état  de  choses,  mais  il  serait 
naïf  de  prendre  leur  satisfaction  pour  Texpression  du  sentiment 
général  (i). 

La  Ligue  par  ces  mesures  vexatoires  envenimait  l'opposition        ''rojeu 
populaire.  Lies  Mantinéens  non  intéressés  à  l'opération  d'Aratos 
se  jurèrent  d'en  finir  au  plus  vite  avec  ce  régime  d'accaparement 
Juste  à  cette  époque,  Cléomène  réussit  enfin  à  faire  prévaloir  à 

Polybe  ne  serait  plus  une  nmplillcatlon  do  ccrtiiins  fnlts  rf'^els,  mais  un  mcn- 
songn  grossier  Je  ne  le  pense  psis.  Polybe  a  gc^.nf^.rdlisé  la  joie  du  parti  achc^on, 
qui  éUilt  à  ses  yeux  la  ville  tout  entière.  Quant  aux  3()(j  Acliéens^  11  n'a  pas 
expliqué  assez  clairement  ce  qu'ils  venaient  faire  à  Mantinée.  Mais  ce  sont 
bien  1rs  mômes  que  les  métèques  de  Plutarque.  La  phrase  de  colui-cl  est  un 
sommaire  de  tous  les  faits  connexes  à  l'occupation  de  la  ville,  sans  que  les 
Intervalles  entre  ces  faits  nient  été  marqués  avec  aubmt  de  précision  que 
dans  le  récit  plus  clrconsltincié  de  Polybe. 

(1)  La  date  de  l'entrée  d'Aratos  à  Mantinée  se  déduit  de  Polybe.  II,  57,  1. 
6T61  Texâpro)  Ttûdxesov  T*r|ç  'AvTiyovoi»  irapoudiaç  éaXcjaav  xarà  xpzTo;  Onb 
T(oy  *A/ai(îîv.  La  campagne  d'Antlgone  Doson  dans  le  Péloponnèse  se  place 
vers  la  fln  de  l'été  223  (olymp.  1:I9,2).  La  prise  de  Mantinée  tombe  vers  le 
début  de  l'été  227.  Unger  [Strutegenjafir,  p.  154)  adopte  pour  point  de  départ 
l'hiver  223,  puis  épiloguant  sur  l'indication  pourUint  bien  claire  de  Polybe, 
réduit  les  4  ans  ft  moins  de  2  ans  1/2,  et  conclut  en  plaçant  l'épisode  de  Man- 
tinée dans  l'été  22.'î.  Voici  son  raisonnement  :  Polybe  calcule  par  années  olymr 
piques,  en  arrêtant  l'année  h  la  fln  dos  fêtes  olympiques,  c'est-à-diro  en  août 
(15  métagltnion).  On  a  ainsi  : 

déc.  août   223,  I"  année. 

août  223  —  août    224,  2«  année. 

août  224— août   221),  3' année. 
.      août  22;')  —  Juillet  225,  4«  année 
Klatt  {Chronol.  Ucilràge,  p.  35)  critique  avec  raison  cette  chronologie  et 
maintient  la  date  précédemment  proposée  jKir  lui  dans  l(>s  ForsrJiungm  s. 
fJfKCh.  d.  Ark,  ffutiflrn,  p.  W, 


4%  MANTINKE   KT  L'AKCAOiE  OUIKNTALK. 

Sparle  ses  idées  réformatrices  (1).  Cette  subversion  totale  de 
l'IClat  conservateur  par  excelleoce  excita  daus  le  monde  grec  un 
enthousiasme  ou  une  terreur  sans  bornes.  Les  éléments  révolu- 
tionnaires en  fermentation  depuis  plusieurs  générations  s*agitë- 
rent  de  plus  belle  (2).  Tout  ce  qui,  dans  les  États,  souffrait  de 
Tinégalité  des  conditions,  de  la  défectueuse  répartition  de  la 
richesse  foncière  et  des  privilèges  attribués  au  cens,  tourna  les 
yeux  vers  le  hardi  novateur.  Une  immense  aspiration  de  justice 
montait  de  celte  terre  péloponnésienne,  désespérée  par  les  falla- 
cieuses promesses  des  faux  libérateurs.  La  loyauté  convaincue  du 
Spartiate  offrait  des  actes  et  non  de  perfides  paroles.  Combien 
odieuse  ou  mesquine  paraissait  en  regard  la  politique  achéennel 
Cléomène  avait  pour  lui  les  cœurs  de  tous  les  déshérités,  Aratos 
les  intérêts  d'une  coterie.  D*un  côté  les  masses  populaires,  déjà 
soulevées  par  un  frémissement  d'espérance,  de  Tautre  la  caste 
arrogante  des  tyranneaux  ou  des  notables  endurcis  par  l'habitude 
de  la  possession  exclusive.  Après  l'épreuve  de  la  verge  de  fer 
macédonienne  et  celle  de  Tégoîsme  achéen,  n'était-ce  pas  le  salut 
pour  les  serfs  de  la  pauvreté  qu'un  régime  rationnel  où  le  droit 
civique  cesserait  d'être  pour  le  plus  grand  nombre  une  illusoire 
vanité,  mais  deviendrait,  par  l'admission  à  la  propriété,  un  litre 
solide  et  précieux  ?  Cléomène  appartenait  à  ces  êtres  d'exception 
en  qui  certaines  tendances  éparses  et  assoupies  se  concentrent, 
se  réveillent,  puis  s'exal lent  en  énergies  pour  une  action  décisive. 
Les  temps  n'étaient  plus  où  la  simple  et  claire  raison  d'État  suf- 
fisait à  guider  les  gouvernants.  Au  mécanisme  rouillé  des  tradi- 
tions, le  siècle  voulait  substituer  le  jeu  rationnel  des  idées  et  des 
principes abstraits.L'antique  conception  delà  cité  paraissait  alors 
trop  étroite.  I^a  majorité  des  citoyens  se  passionnait  moins  pour 
les  intérêts  de  la  patrie  que  pour  les  droits  des  individus.  De  là 
ces  grandes  ondes  qui  dépassaient  les  frontières  pour  aller  sou- 

(1)  L'opinion  dr.  Droyson  III,  îilîl)  et  de  I^vmkîinip  {De  rebtts  Spartnn,  p.  61) 
que  la  prise  do.  Mantinée  cxploil<^e  contre  Cléoni6ne  par  les  <Sp1iore-s  fut  la 
cause  do  la  Guerre  de  Cl<^.oinène  est  excessive.  Quand  Plutarque  (Cléom.  0) 
dit  que  les  Lacôdêmoniens  so  montrèrent  fort  découragés  par  cet  échec  et 
refusèrent  de  continuer  la  guerre,  il  ftuit  entendre  quo  les  oligarques  cher- 
chèrent dans  cet  épisode,  exagéré  à  dessein,  un  terrain  d'opposition.  Mais  la 
guerre  était  nécessaire  aux  projets  de  Cléomène  et  le  sort  do  Mantinée  restait 
accessoire. 

.  (2)  Sur  l'état  économique  et  social  de  la  Grèce  au  lU*  s.  cl  sur  les  réfor- 
mes d'Agis  et  de  Cléomène,  voy.  (îuiraud.  Propriété  foncière  en  Grèce, 
p.  607-611. 


1>ER10DE  ACllKENNl':. 


497 


lever  d'uD  bout  à  l'autre  du  monde  grec  tous  ceux  qui  se  disaient 
concitoyens  dans  la  souflrance  et  la  misère.  Il  ne  s'agissait  plus 
de  savoir  à  quel  État  reviendrait  Thégémonie.  La  politique 
nationale  était  périmée.  La  lutte  s'ouvrait  entre  les  deux  classes 
de  la  société  :  ceux  qui  possédaient  et  ceux  qui  aspiraient  à  la 
possession.  Dans  le  Péloponnèse,  les  Achéens  se  faisaient  les 
champions  de  la  politique  de  réaction,  et  Cléomène  l'apôtre 
militant  des  théories  révolutionnaires. 

Le  passé  démocratique  de  Mantinée  la  désignait  comme  une 
des  premières  recrues  du  parti  novateur  (1).  La  Sparte  socialiste 
n'était  plus  l'épouvantail,  mais  la  sauvegarde,  des  villes  sou- 
cieuses de  leur  liberté.  Dans  le  trouble  de  la  nouvelle  situation, 
chaque  État  cherchait  su  voie,  ballotté  entre  les  tendances  con- 
traires des  deux  partis.  De  là  des  soubresauts  qui  peuvent 
('^tonner  un  observateur  superficiel.  Pour  une  ville  comme  Man- 
tinée, placée  au  centre  d'un  milieu  politique  étrangement  mobile, 
les  transformations  extérieures  se  traduisaient  par  des  volte- 
faces  plus  apparentes  que  réelles.  Au  fond,  elle  n'était  pas  si 
désorientée  ni  si  capricieuse  que  le  ferait  croire  la  simple  énu* 
mération  de  ses  amitiés  successives  et  contradictoires.  Son  his- 
toire, au  contraire,  est  une,  son  orientation  fixe;  seulement,  elle 
restait  lidèle  plutôt  aux  principes  qu'aux  individus  :  elle  ne  s'as- 
sociait pas  aux  inconséquences  de  ses  amis;  lorsqu'ils  abandon- 
naient la  ligne  de  conduite  qui  leur  avait  attiré  la  confiance  des 
Mantinécns,  ceux-ci  n'éprouvaient  aucun  scrupule  à  les  quitter 
|)0ur  se  donner  à  d'autres,  quelquefois  à  des  ennemis  de  la  veille 
venus  à  résipiscence.  C'est  ainsi  que,  ferme  dans  sa  politique 
libérale,  elle  s'allie  eu  si  peu  de  temps  aux  champions  successifs 
de  cette  politique:  aux  Achéens^  aux  Ktoliens,  à  Cléomène.  Les 
autres  tournent;  elle  demeure  fixe.  Ceux  qui  ont  interprété  ces 
combinaisons  diplomatiques  comme  des  palinodies  et  ont  flétri 
la  versatile  déloyauté  de  Mantinée,  se  sont  mépris  (2).  Car  l'his- 
toire, réduite  aux  faits  bruts,  de  même  qu'un  texte  isolé  du 
contexte,  devient  souvent  le  contraire  d'elle-même. 

Un  an  environ  après  l'entrée  des  Achéens  (mai  22G),  Cléomène, 
opérant  contre  Aratos  dans  la  Haute  Plaine,  avait  dû  ravitailler 
Orchoniène,  serrée  de  près.  Pour  dégager  cette  place,  le  Spar- 

(I)  IIpcoTOv  [jLsv  ouv  ù\  MavTiveî;  auTov  k'K'r^yiyovTO.  Plut.  Clcom,  14. 
(i)  C'est  lo  Cris  (le  Pausaiiias,  parmi  les  anciens,  et  de  Uursian  {Geogr,  v, 
(iriec/ieulaïut,  H,  p.  i\i)  pjiniii  les  nioclernes. 


Contnifliclions 

apparentes  el  fixité 

réelle 

de  la  politique 

manlinéennc. 


Mttssiirrr 

(U*s  Achéens 

el  délivriiiice  de 

Mantinée 

par  Cléomène 

(printemps  S26) 


Mantinée.    —  33. 


49S  MANTINÉR   ET   L'AKCADIK  ORIKNTALK. 

tiate  vient  camper  devant  Mantinée  (1),  espérant  sans  doute  y 
attirer  son  adversaire  :  ce  n'était  qu'une  manœuvre  sans  consé- 
quence. Mais,  à  quelque  temps  de  là,  l'occasion  se  présenta  pour 
Cléomène  de  reutrer  à  Mantinée  en  libérateur.  La  ville  était  en 
pleine  émeute.  Le  parti  anti-achéen  lit  appel  à  Tintervention  des 
Lacédémoniens.  Suivant  un  plan  concerté  d'avance,  Cléomène 
arriva  la  nuit.  Tandis  qu'il  attaquait  à  Timprovisteles  murs,  les 
Mantiuéens  tombèrent  sur  les  Âchéens  domiciliés  et  sur  la  gar- 
nison, et  les  massacrèrent  (2).  Puis  ils  remirent  la  ville  aux 
Spartiates  (3).  Cléomèue  agit  avec  eux  comme  on  devait  s'y 
attendre.  Il  leur  rendit  leurs  lois  antérieures  et  leur  Constitution 
démocratique  avec  leur  autonomie.  C'était  une  restauration 
franche  et  sans  restriction  de  Tancien  État  mantinéen,  tant 
admiré  des  législateurs  et  de  Polybe  lui-même.  Par  ces  mesures 
libérales,  Cléomène  affirmait  son  intention  de  venir  affranchir 
et  non  subjuguer  les  peuples  (4).  Sparte  ne  voulait  plus  être 
que  la  protectrice  d'Étals  indépendants.  Pour  tout  esprit  non 
prévenu,  cetle  délivrance  apparaît  comme  un  bien  pour  la  ville 
soumise  à  l'indiscrète  ingérence  de  l'Àchaïe.  L'acte  des  Mauti- 
néens  n'avait  rien  que  de  légitime;  les  violences  commises 
auraient  passé  inaperçues  en  ces  temps  de  massacres  et  de  sédi- 
tions, si  la  vertueuse  indignation  de  l'historien  achéen  n'avait 
cru  devoir  en  faire  à  leurs  auteurs  un  crime  impardonnable. 

(1)  MavTivefx   TrapsGTpaTOTreBeuçE  dit  PluUirquc  (C<eo/ii.  7,3).  11  no  s'agit 
pns  d'uQ  slègr,  coinmo  l'a  cru  Droyscn  (III,  511)). 

(2)  Plutarquc(t6. 14)tllt sculcinrnt  :  tT|V  cppoupàv  tcSv  'A/aiwv  auvexpaXôvTeç. 

(3)  C'est  pcut-<vtrc  ù  ces  faits  que  se  ratlarlie  l'^'pisodc  rapporté  par  Polyainos. 
«  Euryiwn?),  roi  «les  l-incédémonlens,  voyant  qu(^  la  guerre  contre  les  Arc^i- 

diens  traînait  m  longueur,  s'ingéniant  A  leur  créer  des  dissentiments,  leur 
envoya  un  héraut  pour  leur  annoncer  «  les  Uicêdémonlens  cesseraient  la  guerre 
si  vous  clïassez  les  hoL^tî^.  »  Ceux-ci  étalent  les  meurtriers  d'Agis.  Ceux 
qui  ôUiient  accusés  du  meurtre,  prévoyant  qu'ils  seraient  exilés  pjir  le  peuple 
par  désir  de  la  paix,  étant  arrivés  ave.c  des  poignards  massacrèrent  tant  qu'ils 
purent.  Ils  s'adjoignirent  comme  partisans  de  nomi^rcux  esclaves,  en  leur 
promettant  lu  liberté.  Ceux  qui  désiraient  la  paix  se  groupèrent;  Us  se  divi- 
sèrent en  deux  partis,  s'armèrent  et  en  vinrent  aux  mains.  Les  démocrate* 
ayant  été  battus,  se  réfugièrent  sur  une  partie  du  mur,  ouvrirent  les  portes 
et  reçurent  les  Lsicédémonicns.  Ceux-ci  occupèrent,  grAco  à  la  discorde,  Man- 
tinée, dont  la  guerre  n'avait  pu  les  rendre  maîtres  ».  Polyaln,  II,  13. 

(4)  Sur  ces  faiU,   Polyb.  II,  58,  4.  —  Plut.  Clcom.  7,  3  ;  14.  —  Àrat,  3îK  — 
La  reprise  de  ManUnéc  par  Cléomène  se  place  dans  l'été  2i0,  pendant  la  stra- 

,  tégie  d'Hyperbatas,  avant  la  bataille  de  Dymé.  (Plut.  Cleom.  14).  Voy.  Klatt. 
Forschunyen,  p.  56. 


A  ce  sujet. 


PÉRIODE  AGHÉENNE.  499 

Polybe  jette  feu  et  flamme  à  ce  sujet,  accumule  les  gros  mots 
et  les  malédictions  les  plus  emphatiques,  et  oublie  qu'Aratos 
en  avait  fait  bien  d'autres  sans  le  moindre  scrupule.  Mais  ce 
qui  était  glorieux  de  la  part  des  Achéens,  il  le  juge  infâme 
venant  de  leurs  victimes.  Ce  réquisitoire  n'est  un  modèle  ni 
de  style  ni  d'impartialité.  Nulle  part  les  défauts  de  Polybe 
comme  écrivaiuet  comme  patriote  ne  ressortent  plus  nettement. 

((  Peu  de  temps  après,  une  sédition  s'étant  élevée  parmi  eux,  indîpnaUon  de 
les  Mautinéens  sollicitèrent  les  Lacédémonieus  et  massacrèrent  roiyi)» 
les  Achéens  domiciliés  dans  la  ville.  On  ne  pourrait  citer  une 
perfidie  plus  grande  et  plus  criminelle.  Car,  puisqu'il  leur  plai- 
sait de  méconnaître  leur  devoir  de  reconnaissance  et  d'amitié 
envers  la  nation  achéenne,  il  leur  fallait  du  moins  épargner  ses 
sujets  et  les  renvoyer  avec  un  sauf-conduit.  C'est  ce  qu'on  a 
coutume  d'accorder  même  à  des  ennemis,  d'après  les  principes 
du  droit  des  gens.  Mais  pour  donner  à  Cléomèoe  et  aux  Lacédé- 
monieus un  gage  de  fidélité  eu  vue  de  l'entreprise  projetée,  ils 
commirent  sciemment,  en  violant  les  lois  communes  de  l'huma- 
nité, la  pire  des  impiétés.  Le  fait  de  s'être  constitués  les  meur- 
triers et  les  bourreaux  de  ceux  qui,  auparavant,  après  avoir 
pris  leur  ville,  les  avaient  laissés  sains  et  saufs,  et  qui  alors 
étaient  les  gardiens  de  leur  liberté  et  de  leur  sécurité,  quelle 
indignation  ne  mérile-t-il  pas  ?  Quel  châtiment  leur  infliger, 
qui  paraisse  proportionné  à  leur  forfait?  On  dira  peut  être  :  il 
fallait  les  vendre  avec  leurs  enfants  et  leurs  femmes  après  leur 
défaite.  Mais  c'est  un  traitement  que  les  lois  de  la  guerre  auto- 
risent envers  ceux  qui  ne  sont  coupables  d*aucun  attentaL 
C'était  donc  une  punitiou  plus  radicale  et  plus  cruelle  qu'il  leur 
convenait  de  subir!  Lors  même  donc  qu'ils  auraient  souflert 
tout  ce  que  dit  Phylarque,  les  Grecs,  au  lieu  d'en  être  émus  de 
pitié,  auraient  dû  applaudir  à  la  punition  qu'on  aurait  faite  de 
ce  criuie.  » 

On  serait  tenté  d'être  impitoyable  pour  Aratos  et  très  sévère 
pour  son  admirateur  trop  complaisant,  si  Ton  songe  que  cette 
déclamation  virulc»nte  tend  à  noircir  les  Mantiuéens  pour  jusli- 
fler  l'épouvantable  exécution  de  222,  un  forfait  authentique  et 
sans  excuse  celui-là  I  H  faut  relire  ensuite  la  belle  page  où 
l'âme  honnête  de  Plularque  s'est  émue  jusqu'à  l'éloquence,  au 
souvenir  de  la  honte  qui  s'attache  à  la  mémoire  d'Aratos  pour 
avoir  appelé  Antigone  Doson  et  les  Maccdoniers  en  Grèce,  lui 
i(  qui  les  fit  entrer  en  armes  dans  son  foyer  et  jusque  dans  son 


500  MANTINÉE   ET   l'ARCADIE  OlllENTALE. 

gynécée,  et  cela  pour  empêcher  qu'uu  Ucraclide,  uu  roi  de 

Sparte ne  prît  le  lîlre  de  stratège  des  Sicyonieus  et  des 

Trikkéens,  un  roi  qui  voulait  supprimer  la  richesse  et  remédier 
'  à  la  pauvreté.  De  peur  de  passer  pour  obéir  à  Cléomène,  il  se 

soumettait,  lui  et  toute  TAchaîe,  au  diadème,  à  la  robe  de 
pourpre  des  Macédoniens  et  aux  volontés  de  leur  satrape  (1)  ». 

Campagne         Du  jour  OÙ  Ic  brutal  Macédonien  eut  foulé  le  sol   pélopon- 

'*^""Tn/'''^"  "^^'®^'  c'en  était  fait  des  beaux  rêves  d'indépendance  et  de 

Je  Péloponnèse   justico.  Lcs  Achécns  se  promettaient  une  revanche  exemplaire 

(223-îîi).  sur  Manlinéc.  Dans  Tété  223,  Cléomène  accourt  pour  barrer 
rentrée  du  Péloponnèse.  Mais  la  trahison  d'Argos  ouvre  à  Anti- 
gène un  débouché  vers  le  cœur  de  la  péninsule.  Le  Spartiate 
craignant  d'être  tourné  se  rabat  sur  Mantiuée  (2)  et  sur  Tégée 
et  s'en  va  couvrir  Sparte.  L'hiver  interrompt  les  opérations. 
Antigone  avait  assigné  à  ses  troupes  Sicyone  et  Corinthe 
comme  cantonnements.  Au  début  du  printemps  (ttjç  5'lapivTf|ç 
wpaç  èvt<jTaji.6V7|(;  —  fin  mars  222)  (3),  il  se  propose  d'envahir  la 
Laconie.  Mais  d'abord  H  donne  rendez-vous  à  ses  auxiliaires,  les 
Achéens,  sous  les  murs  de  Tégée.  Le  projet  d'Antigoue  étiiit  de 
tirer  au  plus  court  sur  Sparte,  défendue  par  Cléomène.  Mais  il 
ne  pouvait  laisser  sur  ses  derrières  les  trois  grandes  places  de 
la  Haute  Plaine  et  s'exposer  à  être  pris  entre  deux  ennemis,  si, 
comme  c'était  probable,  ces  villes  dévouées  à  Cléomène 
essayaient  de  seconder  le  S[)artiate.  D'autre  part,  Antigone  ne 
voulait  pas  s'attarder  au  siège  de  chacune  de  ces  places.  H  se 
jette  donc  sur  Tégée,  dont  la  position  méridionale  lui  permettait, 
avec  une  forte  garnison,  de  couper  Orchomène  et  Mantinée  de 
leurs  communications  directes  avec  Sparte.  Tégée  prise,  il 
cherche  à  forcer  les  passes  de  la  Laconie.  Mais  il  y  rencontre 
sans  doute  quelque  diflicullé;  d'ailleurs  ses  éclaireurs  lui 
signalent  l'arrivée  des  milices  d'Orchomène.  Il  comprend  qu'il 
lui  faut  pour  sa  sécurité  s'assurer  de  cette  place  et  de  Mantinée. 
Il  revient  sur  ses  pas,  enlève  Orchomène  d'assaut  et  met  aussitôt 
le  camp  devant  Mantinée  (222)  (4). 

(1)  Plut.  Cléom.,  10. 

(2)  Plut.  Aral.  U,  2.  —  PoJyb.  Il,  53,  (î. 

(3)  Polyb.  11,  5i,  î). 

(4)  Polyb.  n,  !ii,  IL  —  Plut.  Aralos.  45.  —  Clêom.  23.  —  Pour  les  dates,  je 
suis  la  chronologie  do  Kialt.  Farsc/iang en.  p. ^^^hion  que  d'après  Nicsc(J!irt«(or. 
Zeitschr.  XLV,  1881,  p.  489),  la  date  de  Sellasie  doive  6tro  maintenue  en  222, 
ce  qui  placerait  en  2231a  prise  de  ManUnée.  —Cf.  Kialt.  Chroiiol.  neilràge, 
1883,  p.  33,  et  Strcbl.  Die  chronol.  Dalen  hei  Polybius,  1879,  p.  10  et  11. 


PKRIODK  ACIIKRNNK.  501 

En  arrivant  à  l'isthme  l'armée   d'Antigone  comptait  20000         ivi«« 
fantassins  et  1400  cavaliers  (1).  Les  garuisous  laissées  ù  Corintlie  ^*'"'  ^"^  **""""^' 
et  dans  les  autres  villes  l'avaient  diminuée;  mais  comme  les  ,/"   ^'^^ 

'  et  Aiiti^onc  D08011 

troupes  achéennes  étîiienl  venues  la  renforcer  de  3  ou  4000  (610222) 
hommes  (2),  et  que  l'armée  macédonienne  ne  marchait  pas  sans 
un  excellent  matériel  de  siège  et  un  corps  d'ingénieurs  mili- 
taires passé  maître  dans  l'attaque  des  places  (3),  Manlinée, 
réduite  à  ses  seules  ressources,  ne  pouvait  se  faire  illusion  sur 
rcfficacité  de  la  résisUmce.  Elle  se  vit  promplement  lorcée  de 
capituler.  Aratos  tenait  enfin  sa  vengeance  !  Ce  qui  se  passa 
ensuite  prouve  qu'il  avait  prémédité  et  qu'il  exigea  d'Antigone 
l'anéantissement  de  la  malheureuse  ville.  On  autorisa  la  solda- 
tesque achéo-macédonienne  à  exercer  dans  son  exlrôme  rigueur, 
et  mémo  à  outrepasser,  le  droil  de  la  guerre,  (le  n'est  pins  au 
démemhrement  de  385,  mais  aux  pires  catastrophes  de  l'histoire 
grecque,  aux  destructions  de  Platées,  ù  la  dispersion  des 
Samiens,  à  la  ruine  de  Thèbes  par  Alexandre  que  les  Hellènes 
émus  d'horreur  purent  comparer  le  sort  de  iMautinée. 

Laissons  d'abord  la  parole  à  Plutarque  (4)  :  «  La  conduite  des 
Achéens  à  Mantinée  ne  se  ressentit  nullement  de  l'humanité 
naturelle  aux  Grecs.  En  elîet,  ils  flrent  périr  les  preniiers  et  les 
plus  illustres  des  citoyens.  Quant  aux  autres,  ils  furent  ou 
vendus  ou  envoyés  en  Macédoine  chargés  de  fer.  l^es  Achéens 
réduisirent  en  servitude  les  femmes  et  les  enfants,  les  vendirent, 
partagèrent  entre  eux  le  tiers  de  l'argent  provenant  de  cette 
vente  et  répartirent  les  deux  autres  tiers  entre  les  Macédoniens  ». 
Tel  était  le  jugement  du  biographe  pourUmt  bienveillant 
d'Ara tos  :  tout  ce  qui  n'était  pas  Achéen  pensait  de  même  en 
Grèce.  Mais  Polybe(5)  s'efîorce  d'atténuer  l'odieux  de  ces  actes 
sauvages,  et  par  suite,  la  responsabilité  d'Aralos.  Il  s'en  prend  h 
Phylarque  :  ce  serait  celui-ci,  lui  avec  sa  manie  d'exagération, 
((ui  aurait  donné  aux  faits  les  plus  simples  une  allure  pathétique  : 
((  Phylarque  est  un  esprit  faux,  un  écrivain  de  mauvais  goût, 
un  historien  indigne  de  confiance.  Quoi  pourtant  de  plus  naturel 

(D^Plut.  Arat.  43. 

(2)  n  y  cul  à  Sfîllasic  :KXJ0  (anLissins  ot  :îOO  cavaJIors  nrbrons  et  1000  Méga- 
loHilains.  Polyb.  II,  (Ri,  (i. 

(3)  Polybc  dit  qun,  devant  les  moyens  «l'attaque  îles  Macéiluniens  et  les 
mines  «n  particulier,  les  Tégcates  perdirent  vite  tout  espoir  (H,  53,7). 

(i)  Aratos,  4r». 

(ii)  Pnlyb.  II,  IkJ,  3. 


ÎÎ02  MANTINKE   KT   L'ARCAniB  ORIKNTALK. 

que  ce  qui  arriva  aux  Manlinéens?  On  ne  leur  fit  rien  autre 
chose  que  de  niellre  leurs  biens  au  pillage  et  de  vendre  les 
hommes  libres.  Malgré  cela,  cet  auteur,  dans  sa  passion  du 
merveilleux,  a  fabriqué  un  récit  qui  est  non  seulement  un  roman 
de  toutes  pièces,  mais  encore  un  roman  invraisemblable.  » 

Voici,  au  dire  de  Polybe,  quelle  était  cette  fable  :  «Voulant 
démontrer  la  cruauté  d'Antigone  et  des  Macédoniens,  el  aussi 
celle  d'Aratos  et  des  Achëens,  il  dit  que  les  Mantinéens,  après 
leur  capitulation,  tombèrent  dans  une  adreuse  catastrophe  ;  que 
la  plus  ancienne  et  la  plus  grande  des  villes  d'Arcadie  fut  affligée 
de  si  horribles  calamités  que  tous  les  Grecs  en  furent  émus  jus- 
qu'aux larmes.  Il  n'omet  rien  pour  toucher  ses  lecteurs  de 
compassion  et  les  attendrir  par  son  récit.  Il  met  en  scène  des 
femmes  qui  s'embrassent,  les  cheveux  et  les  seins  au  vent  ;  il 
nous  représente  les  sanglots  et  les  lamentations  des  hommes  et 
des  femmes,  des  enfants  et  des  vieux  parents,  le  tout  en'evé 
pôle-môle.  » 

En  vérité,  la  réfutation  de  Polybe  ne  vaut  pas  graid  cho^e: 
«  Telle  était  l'étourderie  de  cet  homme  qu'il  ne  rélléchit  pas  à  ce 
qui  se  passa  à  côté  et  que  les  mômes  Achéens,  dans  le  môme 
moment,  devenus  maîtres  des  Tégéales,  ne  leur  firent  rien  subir 
d'analogue.  Et  cependant  si  la  cruauté  était  le  mobile  des  vain- 
queurs, il  était  naturel  qu'ayant  soumis  ensemble  les  uns  et  les 
autres, ils  leur  lissent  souffrir  le  môme  traitement.  Si  donc  ils  ont 
été  plus  rigoureux  pour  les  Mantinéens,  évidemment  la  cause 
de  cette  rigueur  doit  ôtre  attribuée  à  ceux-ci.  »  Voici  ce  qui  est 
évident  :  Si  Phylarque,  entraîné  par  ses  habitudes  de  style  et  par 
son  enthousiasme  pour  Cléomène  (l),a  dramatisé  les  faits,  Aratos 
les  avait  par  trop  simplifiés  dans  ses  Mémoires,  et  Polybe,  entre 
ces  deux  témoignages,  ne  s'est  pas  montré  impartial.  Cependant 
il  ne  peut  s'em pocher  de  compter  le  malheur  des  Mantinéens 
parmi  les  actions  criminelles  :  ràç  Tcapavôjxouç  xàiv  TrpàÇewv  (2), 
sur  lesquelles  un  historien  doit  éviter  d'insister.  Plus  loin,  un 
autre  argument,  que  Polybe  croit  sans  réplique,  se  retourne 
contre  sa  thèse  :  «  Au  dire  de  Phylarque,  les  Mantinéens  ne  le 
cédaient  en  puissance  et  en  richesse  à  aucun  peuple  d'Arcadie. 
Or,  après  leur  siège  et  leur  reddition,  toutes  les  mesures  ayant 
été  prises  pour  que  personne  ne  pût  s'échapper  ni  rien  emporter 

(I)  Plut.  Aral.  :w,  :;. 

(i)  Polyb.  Il,  (il,  I. 


PÉniODR  ACHKRNNR.  503 

60  cachette,  tout  le  butin,  y  compris  le  produit  des  personnes 
vendues,  ne  dépassa  pas 300  talents  (1. 708. 200  fr.)  ».  D'abord  ce 
chiOre  doit  être  fort  au  dessous  de  la  vérilo.  Aratos,  à  qui  Polybe 
Ta  emprunté,  s*est  elTorcé  de  diminuer  ses  torts  en  diminuant  la 
somme  de  ses  monstrueux  bénérices.  En  tout  cas,  Polybe  et  lui 
aggravent  par  cet  arlifice  le  méfait  des  Achéens  :  si  le  produit  de 
la  vente  est  si  faible,  c'est  qu'apparemment  épées  et  sarisses 
avaient  trop  bien  travaillé.  La  passion  politique  a  toujours  eu  la 
prétention  de  travestir  ses  excès  en  actes  do  justice.  Mais  Aratos 
et  Polybe  y  ont  perdu  leur  peine.  Plutar(|ue  s'est  montré  bon 
juge  et  psychologue  avisé  quand  il  écrit  :  «  En  vérité  toutes  ces 
injustices  se  commettaient  par  esprit  de  vengeance,  car  bien 
qu'il  soit  aflreux  de  traiter  ainsi  par  colère  des  hommes  de  même 
mition  et  de  même  origine,  néanmoins  dans  la  nécessité,  c'est 
comme  dit  Simonide,  douceur  et  non  dureté  d'accorder  ce  sou- 
lagement à  un  cœur  ulcéré  par  le  ressentiment.  »  (1). 

Nous  devons  aussi  à  Plutarque  un  détnil  dont  Polybe  s'est  bien  ManUnée  devien 
gardé  de  faire  mention.  La  ruine  matérielle  de  Mantinée  parut  Antigonéia. 
une  expiation  insudisante  à  l'acharnement  des  justiciers  achéens. 
Il  leur  fallut  abolir  jusqu'au  souvenir  de  la  ville  maudite  et 
eOiicer  à  jamais  son  nom  de  Thistoire.  Ils  osèrent  ce  que  la  haine 
des  Spartiates  n*aurait  pas  tenté.  Ce  nom  de  Mantinée,  désornifiis 
synonyme  d'infortune  et  do  misère,  ne  trouva  pas  grâce  à  leurs 
yeux;  il  leur  était  si  odieux  qu'ils  décidèrent  de  ne  pas  l'infliger 
comme  ethnique  aux  habitants  nouveaux  importés  p.ir  eux  : 
«  Ce  qu'Aratos  fit  ensuite  contre  la  même  villp,  ajoute  Plutar(|ue, 
ne  saurait  se  justifier  par  aucun  prétexte  honnête  ni  s'excuser 
par  le  moindre  motif  de  nécessité.  Car,  nprcs  qu'Antigone  eut 
donné  Manliuée  aux  Argiens  et  que  les  Argions,  ayant  résolu  de 
la  repeupler,  l'eurent  choisie  pour  y  établir  de  nouveaux  habi- 
tants, Aratos,  leur  stratège,  désigné  comme  fondateur  (2),  fit 
décider  que,  dorénavant,  la  ville  quitterait  le  nom  de  Mantinée 
pour  prendre  le  nom  d'Antigonéia,  qu'elle  porte  encore  aujour- 
d'hui. C'est  donc  Aratos,  ce  semble,  (jui  fut  cause  que  Yaimable 
Mantinée  ne  subsiste  plus  et  qu'à  sa  place  ou  a  une  ville  qui 
porte  le  nom  de  ceux  par  qui  elle  a  été  abolie  et  qui  en  ont 
exterminé  les  habitants.   »  Aratos  était  conséquent  en  faisant 

(i)  Plut.  AraL  45,  4. 

[i)  Aratos  avait  6t6  élu  stratège  d'Argos  l'annér.  pri;fiHlrntc.  Plut.  Arat, 
44,  3. 


J)04  MAiNTINKK   KT   L'ARCADIK  ORIENTALK. 

table  rasodu  passé.  Qu'avaient  de  commun  les  colons  argîens  et 
acbéens  avec  les  compatriotes  de  Lycomëdes?  Ces  métèques 
n'étaient  pas  les  héritiers  de  leurs  prédéci'sseurs.  L'ancien 
vocable  historique  ne  leur  convenait  plus.  A  une  situation  nou- 
velle, il  fallait  une  nouvelle  expression  géographique.  Le  nom 
choisi  devait  attester  la  vanité  d'Anligone  et  la  servilité  d'Aratos  : 
une  ville  grecque  était  traitée  comme  une  bourgade  barbare;  le 
nom  banal  d'Antigonéia  ne  la  distinguait  plus  de  ces  colonies 
macédoniennes  essaimées  en  Orient  (1). 

Avec  le  nom  de  Mantinée  disparaissait  un  reste  vénérable  de  la 
Grèce  antique,  un  témoin  glorieux  des  luîtes  séculaires  du  Pélo- 
ponnèse, un  champion  vivacede  l'indépendance  communale.  Les 
Hellènes  n'avaient  plus  alors,  pour  se  consoler  do  leur  déchéance, 
que  les  souvenirs  de  leur  passé.  L'esprit  de  la  Grèce  survivait» 
la  Grèce  elle-même,  qui  s'edritait  peu  à  peu.  Les  unes  après  les 
autres,  Thèbes,  Sicyone,  Mantinée,  Mégalopolis,  sombraient 
dans  le  tourbillon,  ne  laissant  que  des  épaves  méconnaissables. 
Les  Grecs  éclairés,  en  qui  toute  solidarité  avec  les  vieilles  géné- 
rations n'était  pas  morte,  ressentaient  douloureusement  ces 
pertes  du  vieil  hellénisme.  Polybe  lui-même,  par  une  protestation 
inavouée  de  sa  conscience  de  Grec  et  d'Arcadien,  se  refuse  à 
consacrer  les  innovations  do  la  nomenclature  officielle  (2).  Pour 
lui,  Mantinée  n'est  pas  Antigonéia.  Dans  sa  persistance  à 
employer  l'ancien  nom  de  la  ville  dans  la  suite  de  son  histoire, 
il  y  a  sans  doute  un  peu  de  fausse  honte  et  la  peur  de  rappeler  un 
épisode  infamant  pour  la  mémoire  d'Aratos.  Il  sentait  que  le  nom 
de  Mantinée  avait  droit  de  cité  dans  les  âmes  grecques,  tandis 
que  celui  d'Antigonéia  n'était  qu'un  métèque  macédonien. 

Antigonéia         L'auncxion  d'Antigonéia  au  territoire  àrgien  combla  de  joie 
Annexée       j^jg  Acliéons  (3).  Pausanias  (4),  qui  n'est  pas  précisément  un  his- 

*  *Argohcie  ^^pj^^  judlcicux,  enregistre  avec  une  candeur  inelîable  la  recon- 
naissance des  prétendus  Mantinéens  envers  leur  bienfaiteur 
Antigone.  «  Entre  autres  hommages,  dit-il,  ils  changèrent  le 

(1)  Cf.  SIryono  appoIiSc  DéincHrius. 

(2)  Polyb.  IV,  Èi,  î).  —  IX,  II  (9),  .H,  10.  -  XI,  II.— I)«  Im^moSt^abon  nn 
connaît  4110  l'ancion  nom.  Cf.  Pliitarqno.  Philnp.  10. 

(3)  Elle  no  fut  sans  (ioiito.  (]<Minilivo  qu'après  la  balaillc  <lc  Sollasin  (tin  juillet 
221). 

(4)  VIII,  8,  11.  J'ai  retrouvé  la  (lé<llc»ce  d'une  statue  élevée  k  Anlij^'one 
•Doson  et  un  fraf^ment  île  la  (liMliaieo  d'un  monument  élevé  par  lui.  Vny.  BulL 

de  Corr.  hellén.  XX  (I8î)(i),  p.  i3:>  et  i;MÎ. 


PKHIODE   AGIIKKNNR.  'M'} 

nom  de  leur  ville  en  celui  d'Antip;onéia.  »  Comment  les  colons, 
dotés  d'une  belle  résidence  et  d*uu  riche  territoire  auraient-ils 
protesté  (1)?  Les  auteurs  ne  disent  pas  que  la  ville  fut  détruite; 
il  y  eut  pillages,  massacres,  vente  à  Tencan  et  dispersion  des  . 
anciens  citoyens,  mais  les  murs,  les  édifices  publics  et  les 
maisons  furent  épargnés.  La  mesure  prise  par  Aratos  et  par 
Âutigone  ressemblait  à  une  désaffectation  plutôt  qu'à  une  nou- 
velle fondation.  La  colonie  achéo-argienne  trouvait  à  son  arrivée 
une  installation  toute  prête.  Cependant  ou  observa  les  rites 
ordinaires  d'une  fondation  véritable,  puisque  Aratos  est  dési- 
gné comme  Voîkistès  d'Antigonéia,  dont  Antigène  devenait  le 
héros  éponyme  (2). 

Pendant  24  ans  environ,  Antigonéia  resta  sous  la  dépendance     Pnssngedi 
d'Argos  (3).  Elle  n'a  plus  alors  d'existence  individuelle  et  ne  Kynniihicns . 
bat  plus  monnaie;  ses  magistrats  sont  soumis  à  Taulorité  du  ^  j7iN,$picioi 
stratège  argien  (4).  Désormais  Mantinée  ne  fait  plus  que  de  rares  p^r  les  Boii* 

(2*0  ?  ) 

(1)  Dubois  [Lig.  (icfi.  et  élol.  p.  ili)  a  bion  (IrHiii  cr  f^ciiro  d'approbalioii  qui 
suivait.  1rs  r.x('u!ut!ons  diî  la  Li^uc  acli(V*nnr.  «  C'est  cv  quo  l*oIyl)iî  (II,  :W,  7) 
appelle  :  cons(^ntemenl  apn'îs  un  euipbii  jKissaf^er  de  la  foree.  C'est  exact; 
seulement  la  force  était  employée  contre  les  citoyens,  (»t,  après  l'expulsion  do 
tous  les  opfjosunts,  lo  consentement  venait  des  exilés  rétablis  et  des  colons 
ucbéens  mis  en  iK)sscssion  ». 

(2)  I^'s  ti^xtes  ({ui  attestent  le  cban)[,MMnent  de  nom  de  Afantinée  sont,  outre 
Plutarqueet  I»ausanias,Ptolémée  (III,  14,  ^)  :  'AvTtyovâia  7)  xal  MavTiveta 
et  Ktiennc  de  Hy^ance  :  'Avxtyoveia'  eaxi  xal  TtoXtç  ' ApxaSî'aç,  Y|  TCpÔTepov 
MavTivcia.  Pline  (IV,  5))  croit  que  ManUnée  et  Antif^onéia  sont  deux  villes 
dilTérentes.  î^  nom  d'Antigonéia  llgun?  ofliciellement  snrjdusieurs  inscriptions: 
Fouc^irt.  .T>il»:  *A  irôXtç  T(ov  'AvxîyovÉoiv.  Fougères.  IfuU.  de  Corr,  hellen. 
XX  (18ÎK)),  p.  I2Î0  (Décret  des  Antigonéens  en  l'Iionneur  de  l'Arpien  Apbro- 
dislos,  entre  lîW  et  IWî  av.  .1.  C.)  —  il),  p.  \±\  (Décret  des  Antigonéens  en 
riionneur  d'Kuplirosynos  et  d'Kpigoné.  sous  Titus?) —  ib.  p.  1;")1  (dédicace  des 
Antigonéens  (M1  l'Iionneur  de  Polycratéia,  descendante  de  Podarès).  —  Oivva- 
dias.  Fouilles  dlipidanre,  I,  p  78,  N"  2M)  (inscripli<»n  du  1"  siècle  av  J.  C. 
où  se  trouve  la  menticm  dos  j«uix  IIo«j£ioaia  et  INoaata  à  Antigonéia)  ««t  sur 
le  sénatus-ccmsulle  «le  l^igina,  rendu  sous  la  dictai ur«^  de  Sylia  en  81  av. 
J.  C.  {ftiUL  Cnrr.  hclleti.  IX,  p.  i:>0  et  473),  où  Avtîyovit)  figure,  entre 
SIcyono  et  .lilgion,  parmi  les  villes  qui  ont  promis  iU\  respecter  l'asylie 
du  temple  d'Hécate.  L'etbnique  féminin  'AvTiyovîxi  se  trouve  dans  //i.scr. 
du  PHop.  :i;ï2i.  On  possèdi»  aussi  des  monnaies  d'Antigonéia  :  (AXAlUN 
ANTirONlîîQN.  —  Eckbel.  Doct.  Num,  II,  i3t—  Percy  Gardner  (ra<r*/.  of 
grerk  Coitm.  Peloponnesus.  p.  9  et  ii).  Sur  les  monuments  où  lo  nom  de 
Mantinée  reparaît  à  l'époque  d'Iladricn,  v.  p.  514. 

.    (3)  Voy.  p.  î)()8,  note  4. 

(4)  C'est  peut-être  pour  cela  qu'AnUgonéia  ne  ligure  pas  parmi  les  villes 
arcadienncs  sur  le  décret  en  l'honneur  de  Kassandros,  fils  de  ftféne^theus. 
(Dittenberger.  Sylloge.  N»  211). 


506  MANTINBE  KT   L'ARGADIK  ORIF.NTALE. 

apparitions  dans  les  liisloriens  anciens.  Après  le  sac  de  Kynaitha 
en  220  par  les  Étoliens  de  Dorimachos,  les  KynaithéeQS,  que 
leur  sauvagerie  et  leur  impiété  avaient  fait  mettre  au  ban  de 
TArcadie,  envoyèrent  des  députés  à  Lacédémone.  Dans  les 
villes  arcadienues  où  se  présentèrent  leurs  députés,  on  les 
éconduisit  sans  égards  :  «  Les  Mantinéens.  dit  Polybe(l),  après 
leur  passap:e  procédèrent  à  une  puriiication  en  promenant  des 
victimes  égorj;ées  autour  de  la  ville  et  du  territoire.»  Le  Pélo- 
ponnèse traversait  alors  de  terribles  épreuves,  sans  autre 
protection  que  la  main  débile  d'Aralos.  Pendant  3  ans  (220-2] 7) 
(2),  les  bandes  éloliennes,  avec  la  complicité  de  Sparte, 
ravagèrent  la  Péninsule  d'un  bout  a  Tautre,  ne  respectant  pas 
même  les  sanctuaires  les  plus  vénérés.  Dans  la  liste  de  leurs 
méfaits  figure  le  pillage  de  labalon  de  Poséidon  Hippios  à 
Mantinée,  par  un  de  leurs  chefs,  Polycritos  (3). 

Bataille  de  207  C'était  eucorc  duus  Ics  champs  de  Mantinée  que  cette  épou- 
entre PbiioïKcnien  vautablc  auarchie  devait  finir  par  un  grand  conflit.  La  paix  de 

et  Machanidos.  Naupactc  (217),  cu  cousHcraut  les  résultats  des  victoires  de 
Philippe  V,  avait  soustrait  le  Péloponnèse  aux  convoitises 
étoliennes.  Mais  elle  n'avait  pas  réglé  d'une  manière  définitive 
le  duel  de  Sparte  et  de  TAchaîe.  Entre  Machanidas  et  Pliilo- 
pœmen,  la  situation  était  la  même  qu'entre  Cléomène  et  Aratos. 
J)ansce  Pclopouuèse  où  tout  était  sans  cesse  à  recommencer, 
se  préparait  déjà  un  nouveau  Sellasie,  14  ans  après  le  premier. 
Pbilopœmen.  qui  avait  tant  contribué  au  succès  de  la  victoire 
d*Antigonp  en  221,  pouvait  alors  vaincre  seul.  Les  préliminaires 
de  la  lutte  sont  mal  connus.  L'adversaire  de  Philopœmen  est 

(1}  Pf)lyb.  IV,  21,  î>,  cm  psir  Alliénôo  XIV,  p.  G2Gn. 

(i)  Pcndanl  la  Guerre  mciale^  lullc.  cic  In  fôilôration  gr6co-niac(Slonlcnno, 
roiilrc  les  Klollcns  suutcnus  par  Sparte,  Élis,  cl  l'argent  d'Attalc  1,  roi  de 
Pcrgamc. 

(3)  Discours  do  l'Acarnnnlcn  Lykiskos  ft  Sparte  contre  rÉtolion  Chlén^as. 
(Polyb.  IX,  Il  (3i,  10).)  Lii  date  de  l'incursion  de  Polycritos  sur  le.  territoire 
de  ManUnée  reste  îndrrise.  Elle  no  figure  pas  parmi  les  griefs  exposés  par  los 
Tilles  lésées  au  Congrès  de  CorInUie,  présidé  par  Philippe  V,  et  qui  déclara  la 
guerre  aux  Ktolicns  {hiver  2iO/2lî))  —  (Polyb.  IV,  &.  Cependant  elle  se  place 
vraisemblablement  pendant  l'expédition  de  Dorimachos  au  printemps  do  tH). 
L'Étolien  vint  c^imper  i\  Méthydrion.  De  Hi  un  de  ses  capitaines  put  être 
déUiché  sur  Mantinée  pour  aller  piller  le  sanctuaire  de  Poséidon  (Polyb.  IV, 
10,  25). 


PKHIODR  ACHKKNNK.  o07 

un  personnage  assez  obscur  (1).  On  ignore  comment  s*cst 
constituée  sa  tyranuie,  ainsi  que  la  formidable  puissance  qui, 
lui  permit  de  lancer  à  nouveau  les  Spartintes  à  Tassaut  de 
rAchaïe.  Pbilopœmen,  nommé  hipparqueà  son  retour  de  Crète, 
avait  remis  sur  pied  les  milices  acbéeunes  avec  autant  d'énergie 
que  de  promptitude.  Il  venait  d'êlre  porté  à  la  slralégie 
(automne  208  —  automue 307)  A  peine  TAsscmblée  qui  l'avait 
élu  était-elle  dissoute  qu'il  travailla  à  mettre  l'Achaïe  «n  état 
de  défense.  Il  parcourut  les  villes,  inspecta  les  contingents,  les 
réunit,  les  exerça.  Au  bout  de  8  mois  à  peine,  avec  un  tel  cbef, 
ils  se  croyaieut  iovincibles.  Le  tyran,  maître  de  Tégée,  mena- 
çait la  Mantinique.  Pbilopœmen  concentre  ses  Acbéeus  avec  les 
auxiliaires  dans  la  plaine  de  Mantinée  (2).  Le  tyran  présomp- 
tueux et  pleiu  d'ardeur  vint  l'y  rejoindre  avec  des  forces  consi- 
dérables et  tout  uu  matériel  de  guerre.  Polybe  a  raconté  celte 
mémorable  rencontre  avec  la  précision  topograpbique  de  quel- 

(1)  I^^rAloilo  ce  tyran,  intclligont  ot  résolu,  n'a  pu  rln»  «loflni  que  par  con- 
jecture et  par  analo^'ie  avec  celui  de  son  sucre,sseur  Nabis.  (Petit  de  Julleville. 
Hisl.  fie  la  Gn^ce  sonn  la  domin.  roin.)  On  le  représente  eoinnie  l'hérUler  de 
Cléomêne.'i  lu  liHe  du  {KirM  dênioera tique;  on  lui  attribue  des  réformes  sociales, 
telles  qu'a ITrancbissenients  d'Ililotes,  distributions  de  terres  aux  pauvres  {ih. 
otScborn,  Gesch,  Griechnif.  p.  I8i,  n'  i).  Polybe  lodésij^nie  siniplcuient  comme 
un  tyran  (XI,  10,  !>)  ayant  à  son  service  de  noml)reux  mercenaires  (XI,  13,  7.  — 
Pausan.  VIII,  50,  i.  -  IV,  i\),  lU).  Sur  ses  intentions  belluiueusi^s  :  Plut,  rhilofi. 
X,  I.  — Polyb.X, il, i.—  Tit.llv.  XXV1I,2!ÎI,U.— Ses  tentatives  contre l'ArgoIidc 
avalent  déterminé  les  AcIiéiMis  à  implorer  \v.  secours  de  Pbilippe  (20i)).  Madia- 
nldas  n'était  proi)ablement  (fu'un  cbef  de  mercenaires  (pii  s'empara  de  la 
tyrannie,  tandis  que  Nabis  st^  fit  reconnaître  le  titre  de  roi  (ilomolle.  buU,  de 
Cotr.  hellm.  XX.  ISîHi,  p.  "i)±-Ui), 

[t]  Il  n'est  pas  aisé  de  déterminer  lequel  des  deux,  de  PbilopdMnen  ou  de 
Macbauidas,  fut  l'aî^n^s-seur.  D'après  Polybe,  il  semblerait  que  Pliilop<LMnen, 
après  avoir  mis  b*s  forces  fédérales  en  ébit  île  prendre  l'olTensIve,  leur  asslp:na 
Mantinée  comme  ixdnt  de  concentration, sans  doute  dans  le  dessein  d'attaquer 
le  tyiiin  en  Laconle.  Macbauidas  prévt*nu,  serait  parti  (^n  toute  biUe,  aurait 
rassemblé  (*.t  barangué  ses  troupes  à  Tég6e,  puis  se  serait  j>orté  à  la  rencontre 
de  l'ennemi.  (Polyb.  XI,  lU,  9,-11,  1-::).  Plutarquc  (/Vj<7o/;.  X,  1-2)  présente 
les  faits  autrement,  bien  qu'en  général  il  s'inspire  de  Polyl»e.  Macbauidas,  avec 
sa  forte  et  nombreuse  armée,  menaçait  tout  le  Péloponnèse.  Il  s'avançait  sur 
Mantinée,  sans  doute  après  avoir  enlevé  Tégéc.  A  cette  nouvelle,  Pbilopœmen 
marcba  sur  lui  en  toute  lu\te.  Des  expressions  trop  vagues  de  Pausanias  on  ne 
saurait  rien  conclure  (Paus.  VIIl,  îiO,  2).  La  version  de  Piutan|ue  semble  la  plus 
claire.  D'abord  elle  est  confornu;  aux  antécédents  belliqueux  de  Maclianidas. 
Ensuite,  la  lin  du  récit  de  Polybe,  en  signalant  la  prise  de  Tégée  comme  consé- 
quence immédiate  de  la  victoire,  confirme  que  le  tyran  possédait  cette  place 
comme  un  poste  avancé  d'où  U  Infestait  les  provinces  achéenncs. 


508  MANTINKK   KT   L'AIlCAhlK  OIUKNTALK. 

^  qu'un  qui  s'est  renseigné  sur  place.  Phiîopœmen  enfonça  Ten- 

nemi  et  tua  Maclianidas  de  sa  propre  main  (mai  207).  Le  tyran 
tomba  à  quelque  dislance  de  l'endroit  où  Épaminondas  avait 
reçu  le  coup  mortel.  Tégée  fut  reprise  le  jour  môme;  le  lende- 
main, les  vainqueurs  campaient  aux  bords  de  l'Eurotas  et 
ravageaient  la  Laconie  (1). 

Quinze  ans  plus  lard  (192), sous  la  4cstratégie  de  Phiîopœmen, 
les  survivants  de  cette  campagne  se  cotisèrent  pour  consacrer  à 
leur  chef  un  monument  commémoratif  à  Mantinée  (2). 

Cette  mêlée  clôt  la  série  des  batHilles  historiques  de  Mantinée. 
Après  Técrasement  de  Sparte  par  Phiîopœmen  en  188  et  Tex- 
tcnsion  de  la  Ligue  jusqu'au  rivage  méridional  de  la  Péninsule, 
réquilibre  était  enfin  établi  entre  le  Sud  et  le  Nord  du  Pélo- 
ponnèse. Dès  lors,  la  Haute  Plaine  intermédiaire  cessait  d'être  le 
traditionnel  champ  clos  des  pnrtis  adverses.  Sparte  éteinte,  le 
Péloponnèse  unifié  dans  l'Achaïe,  les  sillons  de  la  Mantiniquene 
devaient  plus  boire  la  sanglante  rosée  dont  tant  de  générations 
leur  avaient  fait  une  libation  coutumière.  Une  vie  obscure  et 
douce  se  préparait  pour  les  habitants  d'Antigonéia.  Au  milieu 
de  leurs  vignobles,  déshabitués  des  scènes  de  carnage,  les  des- 
cendants de  Podarès  allaient  paraphraser  en  action  la  devise  de 
Sardanapale  : 

xoivà    Y^û    s^Ti    PpÔTOi;    Touxa  rà    «juvOsfxaxa. 

Cette  épitaphe  mantinéenne  (3)  résume  toute  la  philosophie  de 

la  vie  provinciale  en  Grèce  à  l'époque  romaine. 

Aniîgonéin         La  séparatiou  d'Antigonéia  et  d'Argos,  qui  eut  lieu  proba- 

«chéenne  (198).  biemcnt  cn  198  (4),  ne  changea  rien  à  l'existence  de  la  ville. 

Qu'elle  fût  achéenne  comme  membre  autonome,  ainsi  que  l'at- 

(1)  Voy.  l'étudo  dôlsiilhV  do  c«»tln  journrc,  ;iiix  Appondicos.  L'ôp<Miuo  do  la 
baUiillo  peut  Hro.  dcduilc  do  Polybo.  Il  n«».  s'Otait  pas  ccoulô  8  mois  cniro 
iV.IcctIon  do,  Pliilopœ.inon  à  la  slratc^jçlo  ol  la  rôiinlon  dos  troupes  fckh^ralcs  k 
MantiiK^'C.  Or,  la  noiiiinatioii  du  slrat^f^o  avait  lieu  dopuis  til  à  l'asscmblco 
d'automne,  soit  on  octobre  (Voy.  ft  ce  sujet  la  discussion  de  Klatt  contre 
Unger,  dans  les  JtrUràge  zur  Gesch,  des  Ach.  Hundes,  p.  42).  La  date  de 
la  bataille  de  207  tombe  ainsi  dans  les  premiers  jours  do  mai. 

(2)  Voy.  Fougères.  iUilL  de  Corr,  hellHi.,  XX  (I8ÎX»),  p.  13(î.  Sur  le.s  statues 
de  Pbilopœmon  dans  les  villes  acbôonnes  :  Plut.  Philop,  21,  9.  —  Polyb.  XL, 
8,  et  9.  —  Pausan.  Vili,  30,  4  et  37,  I. 

(3)  Foucart.  Inscr,  du  Pclnp,  3;j2  q. 

(4)  Fin  automne  198,  Pbiloclos,  général  de  Philippe,  enlève  Argos  aux  Achôons 
(TIL  Liv.  XXXII,  25.);  Scliorn  {Gesch.  Griecfi.  p.2G)  et  Hcrtzberg  {Hist.  de  la 
Gr,  sous  la  doinin.rom,  trad.  nouclié-Loclo.rctf,  I,  p.  71,  n.  2)  admettent  que 


PÉRIODK   ACIlKKiNNK.  ;>00 

testent  ses  nioouaies,  au  lieu  de  Tèti^  eu  (|ualité  de  bourgade 
argienne,  la  vie  historique  de  Mautiuôc  est  dose  désormais,  et 
ses  destinées  sont  accomplies. 

c'est  à  ce  moment  qu'A ntiKonôiH  rentm  dans  la  Hj^iio  arluVniio  comme  membre 
indépc*mlant.  C'est  il  dater  de  cett»^  épo<iuo  que  furent  frappêos  les  monnaies 
des  Achéens  —  Anti^onéens  [l>.  (iardner.  Cttl.  nf  grrek.  Coina.  Pelop.  p.  9, 
et  t.  14  (le  monogramme  des  n**  iOi,  185,  10<i  doit  (>tre  eidui  d'un  Po«lai'^s)], 
Antigonéia  ne  figure  p:is  sur  l'inseriptlon  de  Magnrsie  du  Misindre  qui  att<\sto 
une  reconstitution  do  la  Llgui*  areadienue  en  lOi/IÎ,  apW's  le  dôpart  do  Fiaml- 
ninus  (Kekulé.  Airh.  Jahrh.  IX,  fSîH.  Anzrlg.  78.  —  llillrr  v.  (JArtringen.  art. 
Arkadia  dans  la  Realencycl.  de  Pauly-WIssowa.  IH,  il.'ti  :i).  C'est  qu'Anti- 
gonêia  êUiit  alors  restée  aeliôeiuic^  et,  p<Mit-rtre  par  ii(»stiiitê  contre  IVgôr, 
n'avait  p:is  voulu  rentrer  dans  la  Ligue  areadienne.  (>lie-ri  n'eut  d'ailleurs 
qu'une  existence  éphômèrr,  et  les  vlllos  qui  en  faisaient  partie  retournèrent 
à  l'Acliale  en  192.  C'est  alors  que  Pliilop(emrn  ôrigra  «'n  mombres  autonomes 
delà  Ligue  onze  localités  dêtacbées.du  territoire  de.  M«''gah»|)olis  et  dont  on 
possède  des  monnairs,  entre  autres  Kllspbasioi  et  KalIlsUi,  dans  le  Mêniilo 
(Weil.  Zeiischr,  f.  Niim.  IX,  1882,  p.  22,  sq.  —  Ueud.  UisL  num,  p.  352.  — 
lllllcr  V.  Gfirtringen,  ibid,  —  Cf.  IMuL  Philop,  13). 


Kig.  5G.  —  SlalucU»  (la  jeune  fcniiiie,  trouvée  diin^  lu  l^uilnilcriun  (II.  u  «,  GO). 


Klle  lient  dans  In  main  gauche  une  colomi>c  ;  In  mnin  droilc,  p«»sre  sur  un  Vdil©  (xaXuTTTpa) 
replié  en  lx)ule,  s'nppuie  «ur  une  colunne.  Celle  sl.itucUe  éUil  pcul-clrc  un  ex-voto  consacre  par 
une  jeune  marié«  dons  le  tiMii|»le  d'Aphrodite  SjniuinchÎH,  li-,  jour  det  àvaxaXuTrTVÎOia 
(Cf.  nul.  Amtttor.  20.  —  .Iwhin.  Ep.  10).  ' 


CHAPITRE  XI. 

PÉRIODE   ROMAINE. 
(dkpuis   U{\  avant    .I.-C). 


}ji  Comniission 

sénnloriiile 

ot  Polylie 

A  Mnnltnte 


Anligum^ia 

prend  pnrlipour 

Octave 

A  la  bataille 

d'AcUuin  (  31  ). 


Après  la  prise  de  Corinthe  par  Muniiiiius  et  la  déroule  du 
parti  démagogique  en  Achnîe,  Anligouéin  eul  à  se  débattre  coutre 
Jes  difîTicultés  que  soulevait  partout  l'application  du  nouveau 
régime  imposé  aux  villes  grecques  par  le  Séoat.  Un  Grec  seul 
pouvait,  grâce  à  une  subtile  expérience  du  caractère  national  et 
(les  habitudes  locales,  mener  à  bien  cette  délicate  entreprise  de 
pacilication.  Aussi  le  concours  de  Polybe  fut-il  accepté,  à  la 
demande  des  villes  achéennes,  parla  Commission  sénatoriale  (1). 
Polybe  parcourut  les  villes,  v,eilla  partout  à  Texécution  des 
mesures  dictées  par  le  Séuat,  arrangea  les  différends  et  s'acquitta 
de  sa  mission  avec  tant  de  dextérité  qu'il  recueillit  partout  des 
remercîments  et  des  hommages.  Plusieurs  villes  d'Arcadie  lui 
élevèrent  des  statues,  de  son  vivant  et  après  sa  mort.  Antigonéia 
lui  consacra  dans  le  temple  double  d'Asclcpios  et  de  Léto  une 
stèle  sculptée  (2). 

Le  vide  et  la  monotonie  de  la  vie  politique,  à  dater  de  cette 
époque,  n'assoupirent  pas  comf»lètement  les  divisions  et  les 
vieilles  hainesdcs  villes  grecques.  En  particulier,  les  causés  natu- 
relles, qui  avaient,  de  temps  immémorial,  entretenu  l'antago- 
nisme deTégée  et  de  Mantinée,  subsistaient  toujours  :  les  conllits 
(le  ce  genre  échappaient  à  la  répression  de  la  discipline  romaine. 

(i)  Polyb.  XL.  10,  2  et  5.  —  Pausan.  Vllï,  30,  4. 

(2)  J'ai  retrouvé  un  fragment  de  l'inscription  de.  cette  stèlo;  c'était  une 
épigrarame  en  distique  analogue  6  celle  ({uc  possédait  Olymplo.  Fougên^s. 
hull.  de  Corr,  heUén.  XX  (IH90)  p.  140.  — Cf.  Dittcnbergcr.  ^rc/i./«(.  1877. 
N*  101  —  Inschr,  von  Olympia.  N-  449. 


PéuiOOK   ROMAINK.  .^11 

Sous  les  apparences  de  la  paix,  fermentaient  encore  les  passions 
locales,  prêtes  a  éclater  comme  jadis  en  opposition  violente  à  la 
première  occasion.  C'est  ainsi  que,  inconsciemment,  les  Antigo- 
néens  reprirent  à  leur  compte  la  tradition  mantinéenne  des 
sentiments  hostiles  aux  Tégéates.  Dans  TArcadie  entière  revivait 
Tantagonisme  contre  Sparte.  De  là,  pendant  les  luttes  des 
triumvirs,  des  courants  contradictoires  qui  entraînent  en  sens 
opposés  les  sympathies  du  Péloponnèse.  Pour  des  motifs  restés 
obscurs,  les  Spartiates  s'étaient  voués  à  la  cause  d'Octavien. 
2000  d'entre  eux  combattirent  pour  lui  contre  Bru  tus  à  la  première 
bataille  de  Philippes  (1).  Dans  son  duel  avec  Antoine,  ils  lui 
restèrent  fidèles.  Ce  fut  assez  pour  armer  en  faveur  d'Antoine 
les  Arcadiens  sur  qui  Tégée  parait  avoir  exercé  alors  une  grande 
infiuence  (2).  Par  haine  de  leur  voisine,  les  Autigonéens  firent 
bande  à  part  et  se  déclarèrent  pour  Octa  vien.  Même  leurs  guerriers 
se  battirent  sur  ses  vaisseaux  à  Aciium  (-i).  Attitude  d'autant 
plus  courageuse,  qu'Antoine  dominait  le  Pélopcmuùse  et  comp- 
tait avec  lui  l'immense  majorité  des  Hellènes  (31  avant  J.-C). 
Après  le  succès  d'Octave,  les  Antigonéens  bAtirent,  en  souvenir 
de  leur  alliance  heureuse,  et  sans  doute  avec  les  subsides  de 
l'empereur,  le  temple  d'Aphrodite  Symmachia,  situé  derrière  le 
théâtre.  Tégée,  au  contraire,  se  voyait  enlever  son  palladium, 
le  xoanon  d'Athéna-Aléa. 

Sous  l'Empire,  le  Péloponnèse  tomba  dans  la  misère.    Le  Kut  de  Mantin. 
pays  dépeuplé,  abandonné  aux  nomades,  se  déboise  rapide-      Aiépoque 
ment.  De  plus  en  plus  les  latifundia  réduisent  les  domaines     **'  simbon. 
de  la  petite  propriété.  La  prospérité  matérielle  émigré  vers  les 
échelles  maritimes  qui  jalonnent    la    route    commerciale  de 
rOrient  à  Ostie.  Les  vieilles  cités  de  l'intérieur  ne  vivent  plus 
que  de  souvenirs.  Ce  sont  objets  de  curiosité  pour  les  archéolo- 
gues et  les  touristes.  La  plupart  d'entre  elles,  tombées  au  rang 
de  maigres  bourgades,  flottent  dans  l'ample  ceinture  de  leurs 
murailles.  Tout  ce  monde  grec  disparaissait  lentement  et  Pausa- 
nias  vint  à  temps  pour  en  dresser  Tinventaire.  Encore,  pour 
certains  cantons  arcadiens,  était  il  trop  tard.  Des  terrains  vagues 
s'étendaient  à  la  place  de  mainte  bourgade,  et,  dans  mainte  ville, 

(i)  PJut.  nrut.  41  et  46. 

(£)  Elle  ùiiili  restée  la  ville  la  plus  considérable  et  la  plus  riche  d'ArcadIe 
(Strab.  vin,  8,  2). 

(3)  l'ausan.  VIU,  8,  12.  ~  9,  <».  —  44>,  1.—  Voy.sur  l'ex-volo  do  Cliarmladas, 
ciluycQ  de  Nicopolis,  la  nutc  aux  Appendices  {Jipigr,  2*). 


512  MANTINKE  ET  L'AHCADIE  UUIKNTALK. 

des  monuments  jadis  célèbres  étaient  en  ruinés.  Toutefois  Slra* 
bon  a  surfait  la  décrépitude  de  la  Grèce  de  son  temps,  pour 
mieux  faire  ressortir  sa  prospérité  à  l'époque  homérique.   Il 
classe  Mautinée  parmi  les  villes  qui,  si  elles  n*ont  pas  disparu 
tout  à  fait,  n'out  laissé  d'elles  que  de  faibles  et  rares  vestiges  (1). 
C'est  là  plus  qu'une  exagération  :  c'est  une  erreur  manifeste. 
J^ausauias  décrit  eu  détail  les  monuments  de  la  ville  et  les  trouve 
encore  en  assez  bon  état  (2).  Il  est  vrai  qu'on  a  récusé  le  témoi- 
gnage de  Pausanias.  On  l'accuse  de  n'avoir  pas  vu  ce  dont  il 
parle,  et,  à  sa  description  soi-disant  anachronique  de  l'Arcadie, 
on  oppose  l'assertion  précise  de  Strabon.  Or,  des  deux  auteurs, 
celui  qui  a  le  moins  bien  connu  l'Arcadie,  c'est  à  coup  sAr 
Strabon  :  il  n'avait  jamais  mis  le  pied  dans  certaines  régions  de 
l'intérieur.  De  plus,  des  inscriptions  dëdicatoires  assez  expli- 
*  cites,  des  bases  de  statues,  sans  parler  des  restes  d'édifices, 
prouvent  que  Pausanias  a  péché  par  omission  encore  plus  que 
par  hyperbole. 
AiitigonéiA         La  stagnation  des  affaires  publiques  explique  le  silence  des 
pciKinni  i«  iT  historiens  surdos  cités  qui  avaient  tant  fait  parler  d'elles.  Mais 
«jècieMeUrc    j^g  tcxlcs  épîgraphiqucs  trouvés  sur  place  permettent  de  com- 
Us  évergôiês.   bler  cette  lacune.  Ils  attestent  qu'entre  l'époque  de  Strabon  et 
Kiiphrusyiioscisii  celle  de  Pausanias,  la  vie  ne  fut  pas  suspendue  à  Antigonéia  ; 
feiiime  Kpigoiié.  elle  était  seulement  ralentie  et  transformée.  L'initiative  des 
riches  particuliers  suppléait  à  la  pauvreté  de  l'État.  Des  édifices 
où,  suivant  le  goût  de  l'époque,  l'étendue  des  dimensions  rem- 
place la  fmesse  de  l'exécution    et  la  qualité  des  matériaux, 
transfigurent  les  quartiers  frappés  de  vétusté  ou  détruits  par 
les  incendies.  Vers  l'époque  de  Titus,  un  couple  de  généreux 
bienfaiteurs,  Euphrosynos,  fils  de  Titos,  et  sa  femme  Épigoné, 
consacreut  des  sommes  importantes  à  l'embellissement  de  la 
ville  (3).  Les  hommes  d'affaires  romains,  banquiers  ou  négo- 
ciants, s'installent  dans  le  pays  pour  en  exploiter  les  ressources. 

(1)  Strab.  VIII,  8,  i  ot  i.  —  Cf.  Dion  Clirysost.  {Or.  33,  II,  p.  Il  R.).  Comme 
IlcrUbcrg  le  remarque  avec  riilson  {Uist.  fie  la  Gr.  f,  p.  457)  le  Uiblonii  iM»ssi- 
inisle  (le  Slraboii  n'a  (|u'une  valeur  ti*ansl(.oii*e  :  li's  ruines  accumulées  par  les 
jîuerres  récentes  se  relevèrent  peu  à  pru  sous  la  douiinalion  ifcs  Césars. 

(2)  Sauf  le  temple  île  Poséidon  lllppios  rt  celui  d'ApbnHlite  Symmachia, 
tombés  en  ruines.  —  Sur  l'Institution  des  *P(op.a(a,  v.  p.  318. 

(3)  Voy.  plus  liant,  p.  177  sqq.  et  l'inscr.  Ihili.  de  Cnrr.  heilén.  XX  (1897), 
p.  124.  Le  style  de  cette  Inscription  est  très  instructif  :  11  semble  qu'il  y  ait 
eu  alors  à  Antigonéia  une  écolo  de  rhétori(|uo  assez  florissante.  Voy.  le 
texte  aux  Appendices  (Épigr,  '3*). 


PEU  IODE   UOMAINË.  ol3 

Une  compagnie  de  ces  negotiatores,  comme  il  y  en  avait  dans 
beaucoup  devillesgrecquesorienlales,esl  signalée  à  Mantinée(l). 
Pour  flatter  leur  clientèle  indigène,  ils  se  montraient  libéraux 
envers  les  dieux  locaux,  et  contribuaient  de  leurs  deniers  à 
rembellissement  de  la  cité.  Sans  doute  il  y  avait  une  grande 
différence  entre  cette  existence  terre  à  terre  et  sans  éclat  et  les 
beaux  jours  de  l'indépendance.  Les  âmes  n'étant  plus  soulevées 
par  l'enthousiasme  des  rêves  de  grandeur  et  n'étant  plus  trem- 
pées par  le  souci  constant  de  la  défense,  se  rapetissaient  à  un 
patriotisme  à  la  fois  vaniteux  et  confit.  L'activité  que  stimulaient 
les  luttes  de  parti  se  tournait,  faute  d'aliment,  en  ferveur  reli- 
gieuse. La  bourgeoisie,  pour  tromper  sou  désœuvrement,  s'absor- 
bait en  des  œuvres  pies.  C'était  une  gloire  que  de  solliciter  les 
sacerdoces  les  plus  onéreux,  de  subventionner  des  confréries, 
do  multiplier  les  banquets,  les  distributions  do  blé,  de  viande, 
d'huile  et  de  vin,  et  d'obtenir,  à  force  de  libéralités,  l'inscription 
de  son  nom  sur  un  décret  où  les  concitoyens  satisfaits  ou  pieuse- 
ment émus  étalaient  en  termes  onctueux  leur  inellable  recon- 
naissance. La  dévotion  féminine  triomphait  dans  ces  manifesta- 
tions béates  d'un  paganisme  afiadi  et  doucereux.  La  littérature 
épigraphique  de  Âlantinée  offre  de  très  curieux  spécimens  de 
l'état  d'esprit  de  la  société  provinciale  à  la  fin  du  i^^  siècle 
avant  J.  C.  (2).  Les  magistratures  ne  comportaient  plus  qu'une 
oisiveté  solennelle.  La  plus  grande  affaire  était  d'assurer  l'appro- 
visionnement de  la  ville  en  blé,  soit  par  des  achats  au  dehors  ou 
par  des  prélèvements  sur  les  récoltes.  Puis  le  citoyen  désireux 
de  mettre  le  comble  à  sa  considération  entreprenait,  à  ses  frais, 
comme  cet  Euphrosynos,  l'impayable  époux  d'Kpigoné,  la  traver- 
sée de  l'Adriatique  u  naviguait  heureusement  jusqu'aux  augustes 
personnalités  »  (3),  débitait  au  «  très-divin  Sénat  »  l'éloge  des 
gouverneurs  romains  (4)  et  rentrait  dans  sa  ville  à  jamais  grandi 

(1)  Bull,  de  Corr,  hellen.^  ibid.  et  Koucart.  Inscr.  du  Pélop.  3ii2  I.  et  124. 

(2)  Koucart.  Inscr.  du  Pêlop.  3!>ih  ;  dvvvvX  des  Cora^oi  ((îl  av*  .1.  C.)  on 
rhoiuKMir  (le  Nikîp|N>,  IHlo  de  Pasias,  celle  qui  dédia  30  ans  plus  tanl  la  statue 
d'Ajdirodite  Syinmachia.  (Paus.  VIII,  îl,  3)  --  i^iii  :  décret  des  prêtresses  do 
Démcter  rendu  en  M  av.  .1.  G.  en  l'honneur  de  Pliacnna,  llMe  de  Damatrlos.— 
IHJÈ  j.  :  di'-icretdes  prétn»s  d'Asklépios  en  l'honneur  do  Julia  Kutlla.  Ajouter  le 
«lécret  des  Antigoiiéens  en  l'iionneur  d'Kuphrosynos  et  d'Kpi^oné. 

(3)  [J-i'/^i  Twv  i3£pa«JTeia)v  euTcXÔTjdev  yapaxTv^ptDV, 

(4)  TY,  0[eiOTaT]y)  i]uYxX/|T(o  {xY|  xo(i.tC(')V  xaTY|YO?îav  [ffxpaTJaYwv,  iXX' 
tTcaivov. 


.Maiiliiiée.    —   3i. 


314 


MAiNTINKK   KT   L  ARCADIK  OUIKNTALK. 


Hestaurntion 

du  nom 
(le  Manlinée. 


aux  yeux  de  ses  compatriotes  par  son  cœur  marin  et  par  sa 
belle  contenance  dans  la  capitale. 
Voyage  d'iiadrien  Lcs  Grccs  s'ennuyaicut  au  régime  de  la  paix  romaine.  Ils 
(i33ap.  j.  c?)  valaient  mieux  du  temps  où  ils  ne  songeaient  qu'à  s*entretucr. 
L'ennui  et  runiforniilé  les  décomposaient.  Aussi  ce  fut  une 
bonne  pensée  qui  poussa  Tempereur  Hadrien  à  parcourir  en 
personne  ces  provinces  délaissées  (1),  à  les  ranimer  de  sa 
présence  et  à  les  rattacher  à  lui  par  le  souvenir  de  ses  bienfaits 
et  les  preuves  de  sa  sollicitude.  Le  programme  dlfadrien  au 
cours  de  ces  visites  était  d'améliorer  la  situation  matérielle  des 
villes  grecques  par  des  travaux  d'utilité  immédiate  et  publique, 
de  rendre  populaire  le  régime  impérial  en  le  posant  en  restau- 
rateur éclairé  du  passé  glorieux  et  des  monuments  de  la  Grèce, 
enfin  dans  le  présent  de  relier  les  cités  i\  l'empereur  par  des 
attaches  actuelles  et  en  quelque  sorte  personnelles.  On  sait  que 
pour  rendre  plus  prompte  l'exécution  de  ses  volontés  le  sou- 
verain se  faisait  suivre  dans  ses  excursions  par  une  armée 
d'architectes,  d'artistes  et  d'ouvriers  (2).  Mantinée  fut,  entre 
toutes  les  villes  d'Achaîe,  l'objet  de  ses  prédilections.  S'il  ne  lui 
fut  point  attribué  de  travaux  publics,  pour  la  restauration  du 
passé  et  l'ornement  de  la  ville  l'initiative  bienveillante  de  l'em- 
pereur  ne  calcula  pas  ses  libéralités.  Il  commença  par  restituer 
à  la  ville  son  premier  nom  (3).  Antigonéia  fut  rayée  de  lanomen-  ' 
clature  officielle,  et  Mantinée  reparut  aussitôt  sur  les  inscriptions 
et  les  monnaies  (4).  Cette  mesure  fut  sans  doute  sollicitée  par 


(1)  Lii  chronologie  des  voy.'igos  d'Ihulrinn  a  stisciti^  do  nomhronx  travaux. 
(Voy.  la  bibliographie  dans  JlorUberg.  Hist.  de  la  Gr,  II,  p.  30J»,  n.  1),  mais 
elle  est  encore  Indécise.  On  s'accorde  toutefois  à  placer  entre  iti  et  132  les 
séjours  d'IladritMi  en  AchaTe  sans  être  d'accord  sur  le  nombre  et  la  durée  de 
chacun  d'eux  (Dûrr.  Reiscn  dêx  Kaisent  Hadrian.  1881.)  place  en  iHy  l'excur- 
sion d'Hadrien  dans  le  Péloponnèse.  Toutefois,  d'après  ûvs  inscriptions  d'Kpl- 
daure,  Cavvadias  propose  la  date  de  lii  jwur  le  prc^nier  séjour  en  Grèce  et  celle 
de  133  pour  le  serimd  {Fouilles  d'Épid'iurr,  nSKietâ^O.  —  AcXt(ov  àp^^aioX. 
1892)  Cf.  la  discussion  entre  Cavva<llas  et  IlonioUe  sur  les  ères  des  inscriptions 
d'Épidaure.  Bull,  de  Cnrr.  hellén..  XVIl  (18î)3),  p.  022.  En  tout  cas,  le  culte 
d'Antinous  ne  put  être  institué  à  Mantinée  qu'après  la  mort  du  favori  survenue 
en  130. 

(2)  Aurel.  Victor.  EpiL  H. 

(3)  Paus.  VIII,  8,  12. 

(4)  Voy.  CI  G.  5913,  I.  3λ;  —3208,  I.  20;  —  112V,  I.  13.  —  Ilollcaux.  Bull, 
de  Corr.  hellén.  XIV.  p.  191,  —  Kourart.  Inticr.  du  Pélop.  3î)2k,  —  la  d6«llcace 
du  porticiuf'  d'Kuryelès  (Kougères.  Unll.  de  Cnrr.  hellén.  XX  (I8ÎH>),  p.  V.yll), 


PÉRIODE  ROMAINE.  'MU 

les  habitants  eux-mêmes  :  depuis  350  ans  le  vocable  macédo- 
nien n'avait  pas  eu  l'occasion  d'eflacer  le  prestifçe  de  Taucien 
nom.  Les  haines  de  l'époque  achéenne  s'étaient  fondues  en  un 
culte  respectueux  du  passé  ;  l'humilité  de  leur  condition  actuelle 
avivait  l'adiniralion  des  Antigonéeus  pour  ceux  qu1ls  regar- 
daient comme  leurs  ancêtres  (1),  et  le  regret  de  n'avoir  pas 
môme  avec  eux  la  communauté  de  l'ethnique.  La  possession  des 
restes  d'Épaminondas  en  faisait  aux  yeux  des  Mantinéens  du 
1[«  siècle  après  J.-C.  un  héros  local.  Celte  précieuse  relique  ne 
laissa  pas  indifférente  l'ingénieuse  sollicitude  d'Hadrien  :  à  côté 
de  la  stèle  antique,  il  en  fit  dresser  une  seconde  avec  une  ins- 
cription composée  par  lui-même  (2). 

Mais  à  ces  marques  d'intérêt  dont  Teflet  était  surtout  moral,  Restnurmion  du 
il  en  joignit  d'autres  destinées  à  relever  la  situation  matérielle      icmpiede 
de  la  ville.  L'archaïque  et  vénérable  ahaton  de  Poséidon  Ilippios,  i*»»*-'*^»"  Hippios. 
pillé  par  les  Étolieus,  tombait  de  délabrement.  Par  une  délicate      ^^^^^ 
déférence  pour  les  ti*aditions  locales  qui  en  défendaient  l'accès     dAntinoûs. 
et  la  vue  aux  hommes,  l'empereur  interdit  à  ses  ouvriers  de 
regarder  dans  l'intérieur  du  vieux  temple  et  de  loucher  à  ses 
ruines,  et  il  préposa  des  surveillants  à  l'exécution  de  cette  con- 
signe durant  les  travaux.  Il  fit  bâtir  autour  de  l'édifice  écroulé, 
en  guise  de  barrière,  un  temple  nouveau,  de  façon  à  en  dissi- 
muler la  vétusté  et  à  le  défendre  contre  les  indiscrétions  sacri. 
lèges  (3).  Enfin  pour  rattacher  à  lui  d'une  manière  plus  intime 
et  plus  actuelle  la  ville  ainsi  restaurée,  il  se  laissa  persuader 
que  Mantinée,  comme  métropole  de  Bithynion,  la  patrie  d'An- 
tinoiis,  avait  des  titres  tout  particuliers  à  sa  faveur.  Il  est  assez 
vraisemblable  que  les  Mantinéens  eux-mêmes,  dans  un  excès  de 
flatterie  intéressée,  eurent  l'idée  d'exploiter  au  profit  de  leur 
ville  les  faiblesses  d'Hadrien.  C'était  une  bonne  aubaine  pour 


coUo  d'uno  stiituc  do,  Lucius  VciruH  ib.  p.  I:i(i,  vl  les  monnaies  du  tniips  de 
SopUinc-S^^v^ro,  nvoc  In  lf^.^'cnde  MANTlNl!ÎUN.  (Porcy  (iardn«»r.  Catal.  of 
greek  Coins.  IV-loïKiiinraos.  p.  tH7,  n""  2îï,  2(î,  27). 

(1)  Ainsi,  trois  ^ûiirra lions  ;ivant  l'ausanias,  cVsl-ii-dirc  v<m-s  170  aprrs.l.  G. 
un  l*odan>s  ko  disait  drsnondanl  dos  liôros  do  'MM  cl  tU\  til].  L'inscription  du 
Podaréion  fut  inodifioo  de  façon  à  se  rapporter  à  ce  personnage,  qui  avait 
obtenu  le  litre  de  ciloyen  romain  et  avait  siins  doule  use  do  son  innucnce  en 
faveur  de  la  ville  natale.  (Pausan.  VIII,  1),  1).  —  «îurlill.  Cher  Paus.  p.  iil.  — 
Sur  un  Podarc's,  magistrat  monétaire  d'Antigonéia  acliéenno.voy.  p.  jUi),  note). 

(2)  Pausan.  VIII,  11,8. 
(.1)  Pausan.  Mil,  10,2. 


516 


MANTINKB  ET  L  AIICADIK  OniKNTALK. 


J<eH  évcrgèles 

(le 

l 'époque 

impériale  : 

C.  JuliuM  F.tiryclès 

'    Hcrculanus. 


eux  que  cette  tradition  de  la  parenté  de  leurs  ancêtres  avec 
la  Uithynie.  L*espoir  de  quelque  exceptionnel  bienfait  leur 
enlevait  tout  scrupule  sur  le  choix  des  moyens.  Ils  firent  valoir 
que  l'impérial  favori  était  leur  compatriote  ;  ils  firent  montre 
d'une  telle  ferveur  pour  lui  qu'Hadrien  en  fut  touché.  Antinous 
prit  place  parmi  les  divinités  indigènes  et  l'empereur  régla  les 
détails  du  nouveau  culte  :  tous  les  ans  on  célébrait  des  mystères 
en  l'honneur  d'Antinous  et  dans  le  Stade  des  jeux  tous  les  cinq 
ans,  sans  doute  à  l'aide  de  sul)sides  impériaux  (1).  De  plus 
l'empereur,  en  veine  de  libéralité,  gratifia  la  ville  d'un  temple 
tout  neuf»  orné  avec  un  soin  particulier,  sans  compter  une 
élégante  chapelle  aménagée  dans  le  gymnase  et  également  con- 
sacrée à  Antinous.  Elle  contenait  plusieurs  statues  de  cetéphèbe 
idéal,  d'autres  sculptures  remarquables  et  des  tableaux,  pour 
la  plupart  des  portraits  d'Antinous  en  Dionysos  (2). 

Ces  manifestations  serviles  n'étaient  guère  dignes  de  la  cité 
la  plus  démocratique  et  la  plus  fière  d'Arcadie.  Les  Grecs  s'y 
étaient  façonnés  sous  la  domination  macédonienne.  Au  surplus, 
dans  l'esprit  des  Grecs  dégénérés,  la  passion  d'Hadrien  pour 
l'éphèbe  grécobithynien  était  comme  le  symbole  de  son  philheU 
lénisrae  :  ils  n'y  trouvaient  rien  de  repréhensible,  et  leur  vanité 
peu  exigeante  en  était  flattée  plutôt  que  scandalisée  (3). 
.  Les  effets  indirects  de  la  libéralité  d'iladrien  ne  furent  pas 
moins  profitables  à  certaines  villes.  L'exemple  de  l'impérial 
Resiitutor  Achaiœ  (4)  suscita  des  imitateurs.  De  riches  évergètes 
s'éprirent  d'un  beau  zèle  pour  les  constructions  fastueuses. 
C'était  une  façon  de  faire  sa  cour  au  souverain  et  de  se  rendre 
populaire  en  Grèce.  Athènes  connut  la  bienfaisance  d'Hérode 
Atticus;  Mantinée celle  de  C.  JuliusEuryclèsIIerculanus,le  plus 
grand  propriétaire  du  Péloponnèse  (5),  en  même  temps  fonction- 
naire romain  et  quœstor  pro  prielof^e  du  proconsul  d'Achaïe.  Par 
son  testament,  il  ordonna  la  construction  d'un  luxueux  portique 
de  marbre,  orné  d'exèdres,  qui  devait  transformer  la  physio- 
nomie de  l'Agora.  Un  autre  fonctionnaire,  Aulos  Maecios 
Phsdros,  qui  devait  sa  charge  à  Hadrieu,  lui  témoigna  sa  recon- 
naissance en  lui  dédiant  une  statue  et  un  temple  (G). 


{{)  Voy.  la  (liHliniiMMlii  portiquo  d'EurycIcs,  p.  18iot319. 
{i)  Paiisiin.  VIII,Î),4.  — 10,  1. 

(3)  Cf.  raUUudo  drs  AUic^iiions  û  régaril  (rHadricn  ot  d'AnUnoi'is  (Dion  Oiss. 
9,  li.  —  SparticMi.  Iladr.  fi,  îi). 
(i)  Monnaies  di>.  l'atras.  Pktkhol.  1).  N.  VI,  p.  W7  vl  sniv. 
(;•»)  Voy.  p.  m. 
((î)  Koucart.  Inscr.  tia  Pêlop,  3;>i  k* 


PKRIODE  ROMAINE.  l'Ai 

A  n'en  pas  douter,  tous  ces  travaux  dounèreiit  à  la  cité  déchue  i^»  AniiimôiA. 
un  regain  de  prospérité.  Ils  firent  affluer  des  capitaux  et  embel- 
lirent la  ville.  L'iustitution  du  culte  et  les  fêtes  en  Thonneur 
d'Antinous  ranimèrent  la  vie  intérieure  et  attirèrent  les  étran- 
gers. La  peutétéride  mantinéenne  eut  bientôt  pris  rang  dans  le 
monde  de  l'athlétisme,  après  les  grandes  solennités  de  la  Grèce 
et  de  l'Asie.  Les  Antinoéia  ne  manquaient  donc  pas  d'éclat, 
puisque,  à  plusieurs  reprises,  les  champions  les  plus  fameux  de 
l'époque,  qui  faisaient  métier  d'aller  de  fétc  eu  fête  et  de  concours 
en  concours,  d'un  bout  à  l'autre  du  monde  ancien,  pour  recueillir 
les  palmes  et  les  prix,  n'en  ont  pas  dédaigné  les  récompenses 
(Oe{AaTe(T7)ç).  Le  Stade  de  l'Alésion  attira  aiusi  coup  sur  coup, 
vers  182  ou  183  après  J.-C,  sous  Commode,  le  fameux  pancra- 
tiste  alexandrin  M.  Aurelius  Askiépiadès,  dont  une  inscription 
pompeuse  énumére  tous  les  succès  (1)  ;  puis  le  fameux  citharède 
de  Pergame,  Gaius  Antonius  Septimius  Poplius  qui  défiait  égale- 
ment toute  concurrence  (2).  Après  une  carrière  de  triomphes 
dans  tous  les  concours  possibles,  il  remporta  ses  derniers  succès 
à  Lacédémone  et  à  Mantinée. 

Citons  aussi  une  autre  inscription  d'Argos  ('i)  en  l'honneur 
de  T.  Statilius  Timocratos  Memmianès,  agonolhcte  dans  plu- 
sieurs jeux,  entre  autres  aux  Antinoéia  d'Argos  et  de  Mantinée; 
il  vivait  sous  Marc  Aurèle  et  Lucius  Vérus  (161-109). 

Ce  fut  une  renaissance  durable.  Quand  Pausanias  visita  la         uh 
ville,  il  la  trouva  assez  bien  conservée  et  en  partie  rajeunie.  La  ««eniifr»  momenis 
vitalité  de  Mantinée  se  prolongea  encore  sous  les  derniers  empe-    ^^  Mantinée. 
reurs.  Des  monnaies  mantinéennesdu  temps  de  Septime-Sévère 
soutà  Tefligie  de  Julia  Douma,  femme  de  Sévère,  et  de  Plautilla, 
femme  de  Caracalla  (4).  Ces  hommages  à  la  famille  impériale 
peuvent  être  interprétés  comme  des  remerciements  pour  quelque 
marque  de  bienveillance  accordée  à  la  ville.  Un  acte  d'affran- 
chissement est  daté  du  règne  de  Gallien  (261  après  J.-C,  an  407 
de  l'ère  d'Achale)  (5). 

(1)  C.  I.  Ci.  5913,  I.  3ij.  —  Kîilhd.  Inscr.  grâce.  Sic.  et  liai,  11.202.  CV^taU 
1111  olynipionf<|iio  dn  la  2iO*  Olyinp.  (181  »p.  J.-G.). 

(2)  C.  I.  G.  :J208.  I.  2G.  Vivait  sous  ScpUnn  Sôv^rc. 

(3)  C.  I.  G.  Il2i.  1.  13.  Cf.  Inscr.  d'Olympio.  Arch.  Zeit.  XXXV,  1878,  p.  192. 
CO  Aulcl  «le  .îulla  yVufsMisla,  la  (illo  ilo  Tiliis  (?)  (Fii;.  îw)  ;  (lédiciicc  à  Lucius 

Vrrus  {ItulL  Corr,  hcllen.  XX.  I8î)li,  p.  Kw),  inonnalo  de  Julia  Domna  [Calai, 
of  greck  Coins.  Pclop.  p.  187  n*  2.)),  do  Tulvia  PlauUlla  [ih.  n«»  26). 

(;i)  Foucart.  Inacr.  du  Pélop.  :)52n.  Il  y  avait  à  Manlincc  une  communaulc 
juive,  plac(Se  sous  l'autorité  d'un  TiaTTjp  Xaou  Sià  p{ou,  et  pourvue  d'une  syna- 
gogue {Uull.  Cnrr.  hellen.  ibid.,  p.  Ib9). 


.'ils 


MANTINKK  KT   L  AllCADlK  OIUK.NTALE. 


Manlinée 
A  l'époque 
byzAnlîne. 


Ce  sout  les  derniers  témoignages  qui  nous  sont  parvenus  sur 
rhistoire  delà  Manlinée  impériale. 

A  dater  de  celte  époque,  il  faut  sauter  trois  siècles  pour  retrou- 
ver le  nom  de  la  ville  sur  le  Sj/necdi^mos  d'Hiéroclès  (535  après 
J.-C),  où  il  est  inscrit  après  Argos  et  Thelpousa,  dans  Téparchie 
d'Uellas  ou  d'Acbaîe,  ressort  du  mélropolitaindeCorinthe.  Mais 
la  préseuce  de  Manlinée  sur  cette  liste  n*est  pas  une  preuve  de 
son  existence  réelle  au  temps  de  Justinien,  pas  plus  que  Tins- 
cription  d'un  Sqjjioi;  MavTtveiaç  dans  la  nomarchie  actuelle  d'Ar- 
cadie,  ne  lui  donne  droit  d*étre  comptée  parmi  les  bonnes  villes 
du  roi  Georges  I®"^.  Le  Synecdémm  d'Hiéroclès  n'a  pas  une  valeur 
absolue.  Les  Byzantins  ont,  jusqu'au  XV^^  siècle,  continué  à 
compter  dans  leurs  nomenclatures  oflicielles,  sous  des  noms 
antiques,  des  localités  disparues  ou  totalement  slavisées,  alors 
que  les  noms  slaves  étaient  depuis  longtemps  seuls  en  usage 
dans  la  langue  populaire.  Toutefois,  à  défaut  de  textes  sur  ce 
canton  d'Arcadie  à  l'époque  des  invasions,  l'état  des  lieux  après 
nos  fouilles  peut  nous  renseigner.  Le  site  de  Manlinée  n'a  pas 
cessé  d'être  habité  après  la  chute  de  la  ville  antique  et  l'exode 
de  la  population  grecque. 
Mais  alors  la  cité  hellénique,  dont  nous  avons  voulu  retracer 

occupée  p«r  les  Thisloire,  a  vécu  ;  le  nom  slave  de  Goritza  se  superpose  à  celui 
^^''''^        de  Manlinée  et  nous  avertit  que  nous  avons  affaire  à  une  autre 

'""coritaT  '^  ^^^^'  ^°®  Manlinée  nouvelle  surgit  aux  bords  du  golfe  de 
Messénie.  Les  Manlinéens,  en  effet,  fuyant  devant  les  barbares, 
ont  emporté  avec  eux  dans  un  refuge  lointain,  le  nom  et  les 
derniers  souvenirs  vivants  de  la  ville  gréco  romaine.  Désormais, 
Mantinée  n'est  plus,  dans  la  Mantiniqus,  qu'une  ruine  où  campe 
une  horde  sauvage,  jusqu'au  triomphant  renouveau  de  Thellé- 
nisme  byzantin.  Sous  les  huttes  barbares,  nichées  entre  les 
colonnades  antiques,  puis  sous  rentassoment  parasite  des  cha- 
pelles orthodoxes,  la  ville  d'Kpaniinondas  et  de  Lycomèdes  gît 
comme  un  grand  corps  inanimé,  méconnaissable  et  dépecé  sans 
merci,  jusqu'à  ce  qu'il  s'edondre,  lentement  enseveli  sous  la 
vase  noire  des  marais  (1). 


Mandnce 


(1)  Voy.  sur  l'iiisloiro  do  ManUncc  au  Moyon-Age,  la  note  do  l'appondicc. 


CONCLUSION. 


Nous  avons  achevé  la  reconstitution  de  la  république 
mantinéenne,  en  nous  attachant  à  démontrer  la  remar- 
quable unité  de  ce  petit  système  d'État  grec.  On  a  vu  les 
causes  qui  ont  déterminé  le  mouvement  et  la  vie  de  cet 
organisme,  les  influences  diverses  qui  ont  dirigé  ses 
destinées.  La  structure  du  sol  et  sa  position  relative  nous 
ont  expliqué  la  formation  de  la  race  et  de  la  nationalité, 
l'organisation  malériolle  et  morale  de  la  ville,  de  l'Ktat  et 
de  la  cité,  le  caraclère  des  cultes,  dos  institutions  et  de 
l'esprit  public.  Dr.  ces  éléments  combinés  résulte  l'histoire 
de  la  cité  el  son  rôle  personnel  dans  le  drame  général. 

Enfermée  dans  une  vasque  naturelle  où  elle  cohabitait 
avec  ïégée  dans  des  conditions  désavantageuses,  Mantinée 
était  d'abord  vouée  aux  qu(*rell(»s  de  voisinage.  L'état  de 
lutte  perpétuelle  contre  la  nature  et  contre  sa  rivale  déve- 
loppa en  elle  une  énergie  malheureusement  condamnée  à 
se  dépens(îr  en  résistance.  Son  genre  de  vie  lui  façonna  un 
régime  politique  qui  vint  ajouter  à  l'incompatibilité  des 
inléréls  matériels  une  profonde  antipathie  morale.  Ue 
toute  façon  Mantinée  se  trouvait  prédisposée  et  encouragée 
à  ropposition.  En  eflet,  Tégée  devait  fatalcMuenl  tourner 
dans  Torbile  de  Sparte,  parce  (|ue.  conlinanl  à  la  Laconie, 
et  incapable  d'entretenir  avec  Mantinée  des  rapports  ami- 
caux, elle  ne  pouvait  vivre  entre  deux  haines  :  elle  s'attacha 
donc  à  l'alliance  Spartiate,  d'abord  pour  ne  pas  devenir 
une  autre  Messénie,  ensuite  pour  se  ménager  un  appui 
contre  son  ennemie.  Mantinée,  démocratique  par  nature, 
ne  pouvait  pactiser  ni  avec  Sparte  ni  avec  Tégée  :  ses  inté- 


i)20  MANTINÉB   ET  L'ARCADIB  ORIENTALE. 

rèts  el  ses  goûts  la  jetaient  dans  l'autre  camp.  Sa  position 
était  étrangement  critique,  car  à  Thostililé  de  Tégée  s'ajou- 
tait celle  d'Orchomène.  En  eflet,  ces  petites  républiques 
arcadiennes,  toutes  minuscules  qu'elles  fussent,  étouffaient 
entre  les  parois  de  leurs  cellules.  Dès  qu'elles  atteignaient 
l'âge  de  croissance,  la  nécessité  do  nourrir  une  population 
plus  nombreuse  les  obligeait  à  chercher  des  annexes  à  leur 
territoire  primitif  ;  elles  étendaient  des  mains  avides  vers 
ces  tenac  nullius  de  la  région  ménalienne  et  s'en  dispu- 
taient les  lots  :  de  là,  concurrence  entre  Mantinée  et  Orcho" 
mène.  Il  ne  restiiit  donc  à  Mantinée  qu'une  ressource, 
l'amitié  d'Argos  renforcée  par  celle  d'Athènes.  Telle  était 
pour  elle  la  politique  vraiment  logique  et  nationale.  Elle 
s'y  adonna  d'autant  plus  résolument  que  son  éloignemcnt 
de  Sparte  la  garantissait  mieux  que  Tégée  des  brusques 
surprises  et  lui  laissait  une  certaine  liberté  d'allures.  Au 
IV*  siècle,  l'affaiblissement  d'Athènes  modifie  la  situation  : 
Thèbes  apparaît  conmie  la  seule  protectrice  efficace.  Mais 
Thèbes  ayant  brisé  l'omnipotence  spartiale  semblait  avoir 
à  jamais  affranchi  ces  peuples  péloponnésiens  si  longtemps 
comprimés  ou  paralysés.  A  ce  moment,  Mantinée  put 
aspirer  à  un  rôle  souverain,  auquel  la  préparait  tout  un 
passé  de  sagesse  el  d'énergie.  Elle  eût  sans  doute  gouverné 
le  Péloponnèse,  si  l'Arcadie  et  Thèbes  avaient  voulu  la 
comprendre  et  l'aider.  Mais  l'Arcadie  n'était  pas  mûre  pour 
l'unité  à  laquelle  Sparte  s'était  bien  gardée  de  la  préparer. 
Elle  usait  de  sa  liberté  comme  un  esclave  sauvage  brus- 
quement émancipé.  D'autre  part  Thèbes,  après  avoir 
arraché  à  Sparte  la  direction  des  affaires,  ne  conjptait  pas 
l'abandonner  à  d'autres.  Elle  avait  restauré  Mantinée, 
Messène  et  Mégalopolis  pour  monter  la  garde  autour  de 
Sparte  ;  elle  ne  leur  permettait  (pie  ce  rôle  passif.  C'est 
pourquoi  Mantinée  se  jeta  dans  une  coalition  anti-thëbaine  ; 
Sparte  y  fut  conviée,  parce  que  son  concours  était  jugé 
aussi  utile  qu'inoffensif. 

La  Macédoine,  en  se  substituant  à  Thèbes,  se  retrouve  en 
face  de  la  même  coalition.  La  guerre  de  Chrémonides  n'est 
qu'une  réédition  de  la  ligue  de  362.  La  résurrection  de 


CONCLUSION .  :)21 

l'esprit  de  conquête  à  Sparte  avec  Agis  et  Cléoineiie  rétablit 
les  positions  comme  au  Y''  siècle  :  rcnnenii  au  sud,  le 
sauveur  au  nord,  non  plus  Athènes  cette  fois,  mais  rAchale: 
Mantinée  fraternise  donc  avec  Aratos  (234).  Mais  voici  que 
FAchéen  libérateur  se  change  en  tyran,  comme  jadis  le 
Thëbain.  Nouvelle  interversion  :  le  Spartiate  reparaît 
comme  défenseur  de  Tautonomie  péloponiicsienno,  et 
Mantinée  Tadopte.  Dans  ce  duel  suprême,  où  Aratos  appelle 
à  la  rescousse  le  Macédonien,  Maulinée  et  «  le  lion  de 
Sparte  »  succombent.  Dès  lors  Téquilibreest  rompu  dans  le 
Péloponnèse  ;  l'union  se  fait  par  Tabdication  de  toutes  les 
indépendances  et  Mantinée  marche  comme  un  simple 
hoplite  à  la  voix  des  stratèges  achéens. 

Dans  toutes  ces  péripéties,  Mantinée  comi)rend  et  accepte 
vaillamment  les  devoirs  et  les  charges  de  sa  position  inler- 
médiaireau  centre  des  factions  adverses.  Les  succès  de  son 
parti  ne  lui  profitent  guère  ;  s'ils  lui  assurent  pour  un 
temps  rindêpcndance,  ils  ne  lui  procurent  i)as  la  souve- 
raineté, parce  que  la  nature  lui  a  refusé  rcspace  et  Ta 
entourée  de  barrières.  Elle  ne  peut  ni  rester  neulre  ni 
devenir  omnipotente.  Aussi  les  revers  relombcnt-ils  lour- 
dement sur  elle,  quand  elle  demeure  isolée  au  milieu  de 
ses  ennemis.  Ce  rôle  ingrat  auquel  (*lle  ne  peut  ni  ne  veut 
se  dérober  lui  a  valu  une  triste  réputation  :  son  nom  est 
devenu  synonyme  de  cimetière  des  armées  grecques.  Mais 
il  y  aurait  injustice  à  ne  pas  lui  reconnaître  d'anlros  titres 
à  la  gloire.  Dans  de  pareilles  conditions,  la  lullepour  la 
vie  équivalait  à  un  sacrifice  perpétuel  et  s'accompagnait 
d  eflroyables  angoisses.  Aussi  Mantinée  doit-elle  prendre 
place  parmi  les  plus  intéressants  martyrs  des  vices  poli- 
tiques de  la  Grèce.  Le  malheur  élait  nn  levain  d'héroïsme 
et  les  catastrophes  surexcitaient,  chez  les  viclimes,  Fâpre 
désir  de  revivre.  Mantinée  a  suppléé  à  sa  faiblesse  malé- 
rielle  par  d'admirables  qualités  morales  :  un  ressort 
merveilleux  ;  un  sens  de  la  dignité  et  de  la  justice  avivé 
par  la  menace  ;  un  amour  de  la  patrie  et  de  l'indépendance 
aiguisé  par  l'impossibilité  du  repos.  Au  milieu  de  ses  tracas, 
ce  peuple  n'a  pas  borné  son  ambition,  comme  les  Tégéates, 


:>22 


MANTIN#.e   KT   L*ARCADIR  OniENTALR. 


à  un  rêve  de  bonheur  inconciliable  avec  sa  liberté.  Ses 
mœurs  simples  cl  laborieuses,  ses  insUlulions  savamment 
pondérées,  sa  pi(Hé.  son  esprit  sérieux,  idéaliste  et  pratique, 
onl  rendu  sa  sagesse  légendaire.  Réfractaires  à  la  servitude 
comme  au  désordre,  ils  représentent,  dans  un  milieu  per- 
verti par  la  jalousie  et  par  l'abus  de  la  force,  un  élément 
moral,  la  saine  notion  du  bon  droit,  jamais  découragé. 
Il  leur  appartenait  de  donner  au  Péloponnèse  l'exemple  de 
l'inspiration  généreuse  et  à  la  Grèce  entière  celui  de  la 
conviction  et  de  l'honnêteté.  Ces  vertus  procurent  parfois 
aux  faibles  le  pouvoir  de  faire  hésiter  les  forts.  Les  souf- 
frances de  Mantinée  émurent  la  Grèce  qui  s'habituait  à  la 
brutalité.  Aussi  l'hislorien  ne  peut-il  se  séparer  de  ce 
vaillant  et  malheureux  peuple  sans  un  sentiment  d'estime 
et  de  pitié  ! 


h'ig,    67. 

Aiilel  m  m«rbrf,  troiiyé  dnn»  le  Mnrrhr  d'(^|>ifroné  (II.  0«».90.  —  Lnip.  o"».55.  —  fip.  Om.38). 

Sur  Iiiirbilrnvo  ■np^'Hcmc  :  Hsaç  \ou\'.OLÇ  ÎL^EpaTTaç  (probublemenl  Jiilia  Snl»iiin,  fille 
de  Tllii».  —  Voy.  plus  h«iil,  p.  319  ni  //«//.  th  Corr.  /irllen,  XX,  I89«,  p  «DO).  Dans  le  rhnrap, 
nn  Imcrnnc  flgiirô  par  un  Irianfçle  on  rollcf  entre  deux  branches  d'olivier. 


APPENDICES. 

I  —  Êpigraphie. 

h)  Affaire  d'hiérosylie  au  temple  (rAlea. 

Les  inscriptions  du  territoire  mantincen  doivent  être  réunies 
dans  un  nouveau  volume  du  Cor\ms  Itiscriptinnum  Gnvcarutn  (i*<'!o- 
ponnèse),  dont  l'Académie  de  Itorlin  a  confié  la  préparation  à  M.  Max 
Frânl(el.  Il  inc  semble  donc  inutile  de  surcharger  le  présent  ouvrage 
par  la  réédition  de  textes  déjà  groupés  dans  le  Recueil  do  M.  Foucart 
{Inscr.  du  Péloponnèse,  n**»  352«-3;)2v)  et  dans  celui  de  Collitz-Bechtol 
{Dialekt.  ImchrifL  I,  n"  1197-1207).  11  faut  ajouter  les  quatre 
fragments  retrouvés  par  Milchhôfer  (Àth,  Mith.  \\\  p.  I4G-148)  et 
les  textes  nouveaux  que  jai  publiés  dans  le  Bulletin  de  Correspon- 
dance fiellénique  (tome  XVI,  1892,  p.  568  et  sulv.  PI.  XIX-XX  et 
tome  XX,  1H9G,  p.  118  à  HU)).  Je  me  bornerai  à  reproduire  ici  une 
importante  inscription  arcliaT(|ue,  dont  le  texte  donne  encore  matière 
à  controverse,  bien  que  M.  Homolle  ail  le  premier  signalé  et  éclairé 
la  vraie  voie  aux  chercheurs.  Depuis,  plusieurs  savnnis  se  sont  appli- 
qués à  cette'  énigme  et  ont  apporté  de  notables  amendements  aux 
restitutions  pnMuières.  Mais  une  revision  de  mes  estampages  rend 
nécessaire  la  publication  d'un  nouveau  fac-similé  qui  reclille  ou 
corrobore  les  données  de  Tancien  (1).  l^s  intéressés  seront  ainsi  mis 
en  état  de  reconnaître  la  valeur  de  leurs  conjectures.  l*our  le 
détail,  je  renvoie  aux  travaux  qui  ont  résolu  ou  posé  les  dilTi- 
cultés  (2).  Toutefois,  le  texte  suivant  diffère  sur  maint  point  essen- 
tiel de  ceux  de  mes  devanciers;  je  comprends  aussi  le  sens  général 
et  la  marche  de  toute  FalTaire  d'une  manière  dillérenle.  La  traduc- 
tion jointe  à  mon  texte  me  dispensera  à  ce  sujet  d'un  long  commen- 
taire; les  savants  au  courant  de  la  question  reconnaîtront  facilement 
ce  que  je  prends  aux  autres  et  les  solutions  nouvelles  auxquelles  je 
me  suis  arnMé. 

(1)  Reproduit   dans   l^œlil.  Imagines  «,  p.  :\3,  n-  t». 

(2)  FouRères,  DulL  Corr.  Heil.,  XVI  (!8S)2),  5(i8;  Homolle,  ibid,,  580; 
Bréal.  Reo.  de  PMlol.,  XVII,  159;  Mém.  Soc,  Lingu.,  VIII,  252;  Hréal  et 
Dareste,  Bull.  Corr.  UcU.,  XVII,  202;  J.  Raimack,  lier.  d.  k.  sàchs,  Ges. 
d.  »K.,  1893,  «3;  Dltlenberger,  Hermès,  XXVIII  (1893),  472  sq.;  Dûmniler, 
Delphika  (Progr.  Bûlc,  1894),  27  sq.;  KcIL  GoUinger  Attc/ir.,  1895,  :M9  8(|.  ; 
Solmaen.  Zeitscfir.  f.  vgl.  Sprachf,, XXXIW  (1897),  444  sq.,  448  sq.;  Larfeld, 
Berichi  iib.  griech,  Kpigr.,  1888-94,  in  Bur8ian-Mûtler*8./a/ire«fr«r.  Bd.  87  (1896), 
li)3  sq.;  Danidsson,  Zu  griech.  Inschrift  (£rano.<?.  Anal. Suec.  Upsal.11,1897.) 


MANTINfe^K   KT  L*AIICAhIK  ORIKNTALE. 


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APPENDICES. 


«25 


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I}i6  MAtiTlSÈK  KT   L^AIICAIIIK  OIIIKNTALE. 

Traduction. 

A.  —  1)  Sont  redevables  à  Aléa  ceux  dont  les  noms  suivent... 

2)  Pbémandros  sera  redevable  si  Toraclc  le  condamne. 

S'il  a  été  jiislcincnt  condamne*  à  la  confiscation,  ses  biens  propres 
avec  ses  esclaves  (I)  seront  propriété  de  la  déesse  et  Ton  partagera  ses 
maisons  d'acquêt  (2). 

3)  Attendu  que  nous  avons  jugé,  la  déesse  et  le  tribunal,  que  les 
redevables  du  mi^me  cbef  seraient  dépouillés  de  leur  propre  part  de 
biens,  qu'il  soit  bien  de  les  exclure  à  jamais  du  sanctuaire,  eax  et 
leurs  descendants  en  ligne  masculine. 

4)  Si  (fuelqu'un  permet  quelque  chose  de  contraire  à  cela,  ce  sera 
sacrilège. 

B.  —  Voici  les  prescriptions  propitiatoires  applicables  au  criminel, 
i)  S'il  se  trouve  parmi  les  gens  réfugiés  au  sanctuaire  un  meurtrier 

des  personnes  alors  mortes,  soit  des  houinies,  soit  de  la  jeune  fille, 
soit  lui-môme,  soit  l'un  de  ses  descendants  en  ligne  masculine,  cela 
sera  sacrilège,  conformément  à  l'oracle  '3).  Sinon,  cela  sera  bien  (4). 
2)  Si  Pbémandros  est  meurtrier,  soil  des  hommes,  soit  de  la  jeune 
fille,  alors  morts  dans  le  sanctuaire,  et  que  cet  événement  n'ait  pas 
été  antérieur  (5),  dans  ce  cas  étant  sacrilège,  qu'il  soit  puni.  Si 
cet  événement  est  antérieur  et  qu'il  ne  soit  pas  meurtrier,  qu'il  soit 
indemne. 

L'affaire  d'hiérosylie,  débattue  dans  ce  texte  de  la  première  moitié 
du  V«  siècle,  peut  être  ainsi  interprétée.  Le  sanctuaire  d'Aléa  avait 
été  souillé  par  une  sanglante  bagarre;  des  hommes  et  une  jeune  fille 
avaient  été  assassinés.  Quels  étaient  les  acteurs  de  ce  drame?  Peut- 
être  des  réfugiés,  venus  dans  l'asile  de  la  déesse  après  quelque 
affaire   de  vendetta^  qui   les  exposait  aux  poursuites  d*unc  famille 


(t)  C'est-à-diro  son  domaine  liérédilaire,  xXripoç  ou  yp'/|[jL%TOJv  to  Xà/oç. 
Cf.  en  Locrtde  :  y^iu.oi'za  7ca(i.aTO^aYec(rOai,  to  (i.époç  (texà  FotxtaTav, 
(Daresle.  IlaussouiMer,  Ileinach.  Inscr.  jurid.  XI  b,  19.) 

y)  C'est-à-dire  ses  maisons  en  surplus  (àvo)oa)  du  Xà/oç.  (Voy.,  sur 
cette  distinction  des  propres  et  des  acquêts,  Guiraud.  Frop.  fonc.  en  Grèce, 
p.  9{>.  —  Le  partage  doit  être  compris  comme  un  partage  par  moitié,  nu  profit 
de  la  déesse  et  de  TKtat.  |(X  dans  rinscripllon  archaïque  de  Têgée  {Bull,  de 
Corr.  hellen.  Xllf.  1889,  p.  284, 1.22)  :  to  (jlev  euiau  xaî  Oewî,  to  8'e|Ai(ru 
Tocç  lliepO(i.vx(xovai,  et,  dans  une  autre  inscription  archaïque  de  Manlinée, 
retrouvée  dans  le  Bouleulérion  {Bull,  de  Corr.  hellen.  XVI.  189i,  p.  577,  pi. 
XX,  1.  Il  et  19)  :  ({jlktu  Iv  8a(i.ov.] 

(3)  C'est-à-dire  en  se  référant  à  la  liste  des  coupables  qu'aura  établie  Torarle. 

(4)  Les  réfugias  qui  ne  loml>cront  pas  dans  la  catégorie  des  enclus,  soit 
directement,  soit  indirectement,  seront  laissés  tranquilles. 

(5)  C'est-à-dire  que  Patientât  n*ait  pas  préccdc  son  entrée  dans  le  sanctuaire. 


AIM^KNUICKS.  l'y'll 

ennemie.  Leurs  adversaires  les  y  auraient  rejoints  et  massacrés;  les 
termes  ré|)été8  de  Tinscription  (twv  totê  à^uOavovtoiv  Iv  twT  Upwî) 
8eml)lent  vouloir  distinguer  celle  tuerie  sacriirge  des  meurtres  vul- 
gaires, où  la  sainteté  du  lieu  n'était  pas  coniproinise.  La  culpabilité 
notoire  de  quelques  individus  lut  aussitôt  proclamée  par  un  tribunal 
mixte,  composé  des  représentants  de  la  justice  civile  et  des  prôlres 
représentant  la  déesse  (a  te  Oebç  xàç  ol  8îxa<jcTai)  :  on  les  condanma 
à  la  conliscation  de  leurs  biens  au  profit  de  la  déesse.  Ce  sont 
leurs  noms  qui  occupent  les  premières  lignes  de  Tinscription.  A  la 
fin  de  la  liste  ligure  un  nommé  Pbémandros,  condamné  d'abord 
avec  les  autres,  mais  qui  avait  dû  protester  contre  la  sentence  et 
arguer  de  son  innocence,  sous  le  prétexte  qu'il  n'avait  pénétré  dans 
le  téménos  qu'après  la  perpctralion  du  crime.  Faute  de  preuves  pour 
contrôler  cet  alibi,  les  juges  décidèrent  de  remettre  le  cas  à  Tap- 
prédation  d'un  oracle,  soit  celui  de  Delpbes  ou  d'Argos  (Apollon 
Fythaeus),  soit  un  ypTjçT-^piov  local  (I).  Il  y  avait  aussi  dans  l'asile 
d'autres  réfugiés  plus  ou  moins  suspects  de  complicité  avec  les 
meurtriers  :  on  n'avait  pu  les  inscrire  au  nombre  des  coupables, 
mais  on  ne  possédait  contre  eux  que  des  présomptions,  et  l'oracle 
devait  aussi  être  consulté  à  leur  sujet. 

En  attendant  la  réponse  de  l'oracle,  qui  leur  permettrait  de 
dresser  la  liste  définilive  des  individus  impliqués  dans  l'aflaire  et 
d'augmenter  ou  de  restreindre  la  portée  de  leur  première  sentence, 
le  tribunal  rend  un  deuxième  jugement,  conditionnel  en  ce  qui 
concerne  Pbémandros  et  les  complices  présumés,  et  aggravant  pour 
tous.  En  eflet,  la  preniière  sentence  n'avait  prononcé  que  la  (tena- 
nte civile,  c'est-à-dire  la  conliscation  des  biens  des  coupables  ; 
la  seconde  y  ajoute  la  sanction  divine  sous  forme  d'interdiction 
définitive  du  sanctuaire.  La  peine  éventuelle  de  lUiémandros  est  ici 
aggravée  :  à  la  conliscation  de  son  xXtjsoç,  réparation  infligée  à  tous 
les  autres,  s'ajoute  le  partage  de  ses  acquêts  (2).  La  différence  de  ce 


(1)  Voy.  p.  ail  lU  32λ, 

(2)  Keil  et  Danieisson  écrivent  à  la  ll«nc  17  :  xaFoixia;  xtX.  el  interprètent  : 
«  auront  part  à  Vétahlissementquiesi  en^aul,  n  J'admcllrais.  à  la  rigueur,  ce 
sens  de  dtvcuSa,  et  j'Interpréterais  Foixiaç  xàç  àvwS 'eâia;  comme  désignant 
des  maisons  de  campaj^ne  dans  la  montagne.  Il  est  évident  que  les  proprié- 
taires de  la  Manllnique  possédaient  dans  le  Mcnalc  des  sortes  de  clialets  d*élé, 
soit  pour  leur  agrément  et  pour  leurs  chasses,  soit  pour  l'entretien  de  leurs 
bergers  et  de  leurs  troupeaux  :  les  Grecs  modernes  dési(;nent  ces  élublissc- 
ments  sous  le  nom  d'êSo/a(,  ou  àv(o(j.epia,  et  les  Turcs  de  idila.  Môme  ainsi 
comprise,  la  phrase  conserve  toujours  le  même  sens  :  il  s'agit  d'un  partage  des 
propriétés  ou  acquêts  en  dehors  du  xX-Y|poç.  J'avoue  ne  pas  comprendre  ce  que 
serait  cet  étahlissrmenl  d'en  hant  que  l'on  partagerait  an  profit  des  condam- 
nés !  C'est  un  véritable  pénitencier  que  l'on  crée  ainsi  de  toutes  pièces  (^r,  Il 
faut  que  le  domaine  en  question  soit  considéré  comme  bien  de  l'État  pour  qu'on 


liîS  MANTINKE   HT   L'AIICADIK   OUIKNTàLë. 

traitement  peut  s'expliquer,  soit  par  le  rôle  pré|)ood(5rant  attribué  à 
Phôinandros  dans  rexécutlon  du  forfait,  soit  comme  punition  anti- 
cipée de  ses  dcnrgutiuns  (i) 

Le  texte  est  divisé  vn  deux  colonnes,  correspondant  à  deux 
paragraphes  :  le  premier  traite  des  coupables  avérés,  déjà  condamnés 
par  le  premier  ju^'ement;  il  confirme  et  aggrave  ce  jugement,  et 
statue  sur  la  situation  générale  des  inculpés;  réserve  est  faite  en 
ce  qui  concerne  la  culpabilité  de  Iliémandros.  Le  deuxième  règle, 
par  rapport  au  droit  d'asile,  la  situalion  éventuelle  des  individus 
qui,  actuellement  réfugiés  dans  le  téménos,  pourraient,  à  un  titre 
quelconque,  une  fois  connue  la  décision  de  l'oraclo,  tomber  sous  le 
coup  de  rinterdiclion  générale  prononcée  contre  les  meurtriers  et 
leur  descendance  masculine 

Comme  Phémandros  est  parmi  eux,  il  est  naturel  de  le  retrouver 
ici  nommément  désigné.  II  ligure  à  la  fois  dans  la  colonne  des  cou- 
pables reconnus,  puisqu'il  a  été  condanmé  comme  tel,  et  dans  celle 
des  réfugiés,  présumés  susceptibles  d'exclusion,  puisque  sa  qualifé 
de  meurtrier  n'est  pas  enc(»re  eiîoctivo  (1). 

2°)  IHonument  de  Charmiadas, 

Le  chapiteau  représenté  par  la  ligure  18,  p.  124,  a  été  trouvé  dans  la 
même  église  byzantine  (lue  la  précédente  inscription  (3).  L'inscription 

puisse  ainsi  le  partager.  Ce  système  de  relégation,  et  celte  préoccupation  con- 
tradictoire d'assurer  un  bien  à  des  individus  qu*on  dépouille  Juridiquement, 
sonl-ce  des  traits  conformes  aux  habitudes  du  droit  primitif?  cela  me  parait 
une  conception  bien  moderne  ! 

(1)  Keil  et  Danielsson  reconnaissent  en  lui,  i\  cause  de  son  nom  ionien,  un 
étranger.  En  tout  cas,  ce  n'était  pas  un  esclave,  comme  Dùnunler  Ta  supposé, 
puisqu'il  est  propriétaire. 

(2)  Keil  distingue  entre  les  deux  colonnes  :  la  première,  celle  qui  concerne 
les  non-meurtriers;  la  seconde,  celle  qui  a  trait  aux  meurtriers.  La  dis- 
tinction n*est  pas  fondée  :  les  Fisyf'ky\x6Ttç  comprennent,  d'une  manière 
générale,  tous  les  individus  impliqués  dans  i'alTaire.  Une  môme  pénalité  leur 
est  appliquée  :  la  confiscation  et  l'interdiction  définilive  du  sanctuaire.  Les 
trois  termes  :  ^oviqç,  (V(i.oy^oç  et  Fcj^Xi^xojç,  ne  désignent  pas  trois  caté- 
gories personnelles  et  distinctes  de  coupables,  mais  le  même  coupable  envi- 
sagé quant  à  la  nature  de  sa  faute,  à  sa  re8|M)iisabilité  morale  et  à  la  forme 
de  la  sanction.  Du  meurtre  découle  la  silualion  do  ITvaov^o^,  que  la  divinité 
rejette,  et  celle  de  r(o^X'/)xa>;,  qui  doit  du  même  coup  réparation  &  la 
divinité  et  à  la  société.  Dans  une  affaire  comme  celle-ci,  la  souillure  était 
égale  pour  tous  les  individus  convaincus  d'avoir  participé  &  un  acte  de 
violence  dans  le  saint  lieu.  —  L.a  procédure  imaginée  par  Keil  esl^  en 
général,  trop  compliquée. 

(.'!)  et  non  dans  le  temple  de  Poséidon  Ilippios,  comme  l'indique  la  légende 
de  la  figure  18,  confondue  ù  l'impression  avec  celle  de  la  ligure  15.  —  Voy. 
liiilL  de  Corr.  heltni,,  XX,  18îKi,  p.  14'.). 


ÉPIGRAPHIE.  529 

supérieure  :  XapjxtaSa;  Nix(moXf[T7|ç]  allcsle  que  ce  chapiteau  portait 
une  statue  consacrée  par  un  certain  Damatrios.  Charmiadas  est  un  nom 
arcadien.  L*ctbnique  de  Nicopolitain  s*expliquo,  à  mon  sens,  par  la  par- 
ticipation des  Mantinéens  à  la  bataille  d*Actinm  (voy.  p.  £)11).Nicopolis 
d*Kpire  (ut  fondée  par  Auguste  en  souvenir  de  cette  victoire.  J*ai  donc 
supposé  que  Charmiadas  était  un  des  combattants  mantinéens  d*Actium 
qui  aurait  obtenu  le  titre  de  citoyen  et  des  terres  dans  la  nouvelle  ville. 
Le  monument  aurait  été  consacré  dans  sa  ville  natale  et  exposé  dans 
le  temple  d'Aphrodite  Symmachia  par  un  parent  ou  un  ami. 

3")  Déd'et  des  Antigonéens  et  des  negotiatores  romani  en  l'honneur 

d*Evphrosynos^  fils  de  Titos,  et  de  sa  femme  Épigoné, 

fi^lle  d'Artémon  f/«'  siècle  api'ès  J.-C), 

Ce  texte  est  important  pour  la  connaissance  de  la  topographie  inté- 
rieure, en  même  temps  que  do  Tesprit  public  à  Antigonio.  (Voy.  p.  177 
et  suiv.,  p.  512,  et,  pour  le  commentaire  épigraphique,  Bull,  de  Corr. 
hellen.,  XX,  18%,  p.  124  et  suiv.). 

*A    TtÔXlÇ    TWV     'AvTlYOVt- 

(ov  xoà  *P(o(jiaTot  o\  (ic)paY(i.a- 
Teu6[i.6voi  iv  aura    'Eiri- 

yOVTjV     *ApT6|ACOV0Ç, 

3  xàv  tauTwv  cûepy^'^iv. 

ViQ^i<j[i.a  'AvTiYOvewv. 
'EirciSiq  Eùçpôffuvoç  TiTou,  7coX(t7jç  -îiiAÉTepoç,  Tcpoyove- 
X7|v  clç  TY|V  7caTp(8a  8ia86;a[i.6voç  euvoiav,   où  [xôvov  où- 
X  ê(i,(b>(rév  Ti  TTjç  Tcaxptoaç  àpeTY,ç,   oîkXx  xal  auvaù;*/^(Tev, 
10    alel  xal  xaO'  7)|i.épav  eTrivowv  r-îjt  TcôXei  TcXeîdv  ti  TtapéysaOai, 
TT|V  [xàv  iTcctxeiav  t(ov  tpÔTttov  YeYevv7||JLévoç,  ty,v  ôk  'fti/V 
cùyevcvTépav  ttjÇ  ^ÙTecoç  TcXaTuvaç,  TcoXuTeXTjç  j^ev  ev 

TCpQtTTOUfflV   iveiAeffT^TOjç   Tca [T*]" 

15    vétrOat*  àÇiov  J' ext   xal  touto  twv   xaTopOb>(i.%[Ta>v  ini]- 
v^fj^e*   T>|v  yàp    itpô<ToSov  t7|ç  '/}^^^^  êU   eùOTjviav   <xit(o- 
vtaç   ivofjLoOtTYjae  to   àvevB[ekç]  tyjç  Tpo^TJç  alcDvtoi 
TcapaOéfievoç   àitoXaùcrci*  â|i.[7rp]7jffOévTOç  xe   tou  ^xaià) 
xaxà  TO  Y^H-vàtriov  xiixXou,    [Tà]ç  eiç  ttjv   IStav  eù;^pY|- 
20    ÇTiav    7|[T0i]ji.a<T|i.évaç    eyap[iaa]TO    TtXivOouç,    rqç  xax*  ot- 
xov  [w^cJXiaç  Tov  87|jA.ô<jiov  xotrfxov  Trpoxpeivaç.  nX7|- 
[ptojffaç  ouv  icoixtXTr|ç  cùepYiffiaç  ttiv  itoXiv,  OiçEpe- 
[T{jji.a]  Toùç  TTiç   *EXXà8oç  Oeoùç,  xal  fxé;^pe  twv  w6affTe(- 
cov  cùwXoTjaev  /apaxTy,ptov.    "(Jv  8'  ot   Tcapaxxioi  îcXetv 

AUiiliné«.   —  Hô. 


530  APPKNDICBS . 

2i)    *Aopfav  xSv  aTca;  eùXaêouvTat,  toutov  6  (AcaoYatoç 
xal  SeÙT£pov  itX£i>(y[ai]  xaTs^pôv7)(re'   Oappeïv  yàp  [aûj- 
Tov  TcaxpfBoç  eùe[pYe]T0'jjA.év7)ç  tùyaX  «poeTp^TîOvTO. 
AU  ouv,   xcà  TauT[a   Swjpeav,   Ttpeffêeucraç  uTtep  ttjv   iroXiv 
'ïrpo<n^v7|ç   iYév6[To]  xal  Tyj  0[eioTàT]7j  (tu^xX-j^tw  [xyj   xo- 

30    (A(l^a>v   xaT7)Y0p{av  [orpaTjaycov,   àXX'  iTcatvov.   Luvv^p- 
jA-ôffOifi    8'  auTco  xal   y[uvt^],  ttoXitiç  aTrb  yêvouç,    'Eiriy^^v/i 
'ApTé|i.a)VOç,  fàÇ'.oïçJ    yajiioiç  (TuvxepaaOeiffa.    'EÇeuyvuv- 
To  Y^P  P^oiÇ   3(]9(^  (r(i>[i,aatv   '{/u;^al,    xal  Tcap'  à{x^OTÉpoiç 
à|i.£p[Yjç  ofijôvoia,  ^ôàvovxeç  B'  àXXi^Xouç  raï;  tlç 

^    eù[epY6(yiav]  êirivotatç.   Naouç  ptàv   -yJYCipav  ctç  eBa^oç    Vj- 
p[et<TULév]ouç,    BeiTCViaTT^pia  te  'ïrpo<T£[i.-iQXuvav  Sfiiitvt- 
[ffTY|p(]oiç,  xal  TajA.£Îa   (XuvrfSotç  £;^ap(<TavTo,  7tap£y(J[i.€- 
[voi]  \Ly\  [xovov   ôsoTç  fiûdcêEiav,  àXXà  xal  tôtcoiç   xôa^JLOv. 
*'H   Y*  ffep.voTXT7|   xal    çtXavSpoç   'Bitiyôv/^  (i.£([xir)(ra{jLé- 

40    V7)  T^v  yoL^L-f^occtTOL  xolX  atJT*^,  TtaLaTr)   Oeco  ttjv  lic^xTa)- 
TaxTOv  lE p(o(rûv'r,v  àvaXa^ouaaf   |i.ETà  TcaaTjç   Sairà- 
VT|Ç   ttoXuteXouç  toÙç   [xkv   ôeoùç  lOpT^axEuv  EÙgE- 
6(oC}   Toù^   8'  àvOpb)7rouc   ein!>yy\fje  7cav8iQ[xa>ç.   ^'ESfit   Se 
xal  xà  TcpoiriYOuiAEva  toïç  |i.ETà  xauTa  owpoi;   uTCspêTjvai* 

45    (AXxeXXoç  éx  OefieXioiv  u'j/ouTO  TcoXuTeX-riç,   ÉpYa<TT'if|- 
p(a>v   auTapxTj  8iaYpa^<5p.evoç  xaXXovrjv,  IvtSpuETO  8'  aù- 
TOÏ;  I$é8pa  fiéav},  8uva[i.Év7)  xal  jjlovtj  tcoXeoiç  xô- 
(rpioç  elvai'  7cpoffe(A7^xuyeTO  8'  aùroîç  xal  paiT7|ç 
8uypT|(rT0ç  à7C(5Xau<n;,  /ifxéptov  xaTaffTTifxa  vixco- 

30    (T7|ç.   'lt>7re<T^paY((TaT0  ^  auTwv  tY|V  TroXuTÉXEiav  iv£p{- 
(îTuXov  |i.apaaûivotç  È7repi86îJi.£v(o)v  xeiociv,   wv  tj   xaX- 
XovTj  xal  TÔ  Xeittôv  eti  tyjç  àyopaç  xexôçulvjxs,   xal  Ta 
(XETpia  ô' aÙTo)v  fiïvai  ooxouvxa  Tcpo;  cuvxsîciv. .  . 

d**)  Tcssh'CH  m  Icnre  cuite. 

Nous  avons  retrouvé,  dispersées  un  peu  i)artoul,  près  de  deux  cents 
tessères  en  argile,  dont  quatre-vingts  environ  portaient  des  noms 
propres  plus  ou  moins  lisibles.  Les  doux  lots  les  plus  considérables  se 
sont  rencontrés  au  théâtre  et  dans  la  galerie  d'Épigoné.  Ces  tessères 
sont  en  terre  cuite,  de  teinte  rouge,  noire  ou  jaunâtre.  Les  formes  sont 
assez  variées  :  ce  sont  tantôt  dos  lentilles  bombées  des  deux  côtés 
(11g.  iK)),  ou  d'un  seul  côté,  l'autre  restant  plat  (fig.  ()1);  tantôt  des 
disques  plats,  dont  une  face  est  lisse,  tandis  que  le  revers  porte,  en 
légère  saillie,  une  sorte  de  cartouche  circulaire  à  peine  poli  (Gg.  51), 
tantôt  des  tablettes  plates  et  barlongucs,  aux  deux  faces  lisses;  parfois, 


ÉFIOUÀPUIK.  531 

des  demi-cylindres,  ou  des  amandes  aux  bouts  trùs  arrondis,  enfin  des 
demi-lenlilles.  Les  caraclères  ont  été  tracés,  en  gc^néral,  à  la  pointe, 
dans  l'argile  fraîche,  avant  la  cuisson,  et  plus  ou  moins  profondément. 
Très  rarement,  l'inscription  paraît  avoir  été  gravée  sur  la  terre  sèche, 
comme  sur  les  tessons  d'ostracisme,  trouvés  à  Athènes.  La  face  porte 
d'ordinaire  un  nom  propre  ou  nominatif,  soit  seul,  soit,  plus  souvent, 
suivi  du  patronymique  au  génitif.  Le  revers  porte,  en  plus  grandes 
dimensions  et  plus  légèrement  tracée,  une  lettre  de  Talphabet.  Nous 
avons  relevé  2  A,  2  »,  3  F,  1  A,  3  Ë,  1  F,3x,î)  H  (=  1  pour  le  distin- 
guer deX  =  Ç)  •,  1  e,  l  1,  G  K,  i  LM  A,  1  M,  I  N,  3  2,  3  0,  1  P,  1 
Set  2  (  ,2  T.  3  T,2  *,  2  X,  4  M*,  3  Û.  La  paléographie  des  légendes 
est  intéressante,  à  plusieurs  titres  :  on  retrouve  sur  quelques-unes 
les  formes  alphabétiques  révélées  pai  les  deux  inscriptions  mauti- 
nccnnes  les  plus  anciennes  (voy.  plus  haut,  et  Bull,  de  Corr.  hellén., 
t.  XVI,  pi.  XXI),  le  my  lunaire  ())  et  le  U.  Ces  formes  archaïques 
paraissent  être  restées  en  usage  à  Mantinée  jusqu'au  1V«  siècle;  elles  ne 
sauraient,  pas  plus  pour  nos  inscriptions  que  pour  certaines  tessères, 
être  invoquées  connue  un  signe  de  haute  antiquité.  Je  ne  crois  pas  les 
plus  anciennes  de  ces  tessères  antérieures  au  premier  quart  du  \* 
siècle.  On  trouve  aussi  des  formes  plus  récentes  :  C  (sigma  lunaire),  R, 
rieto),  qui  indiquent  le  111«  siècle.  L^usage  de  ces  tessères  parait  donc 
s'être  étendu  de  la  fin  du  V*  au  lU*  siècle.  La  nature  de  la  matière,  plus 
encore  que  la  rapidité  du  travail,  a  fait  adoi)ter,  en  vue  de  parer  aux 
ellets  de  la  cuisson,  un  certain  nombre  de  conventions  graphiques 
assez,  curieuses.  Elles  ne  s'observent  que  dans  l'écriture  des  noms 
propres,  qui,  faute  d'espace,  devaient  être  gravés  en  assez  petits 
caractères  ;  on  ne  les  retrouve  plus  dans  les  lettres  isolées  tracées  au 
verso,  parce  que  celles-ci  sont  deux  ou  trois  fois  plus  grandes.Ces  con- 
ventions consistent  en  dénaturations  et  en  abréviations  du  caractère: 
les  A,  au  lieu  d'une  barre  médiane,  n'ont  qu'un  point  ou  une  barre 
verticale  entre  les  jambages  ;  les  E  sont  réduits  à  un  simple  trait 
horizontal,  et  les  0  à  un  point. 

Quel  élait  au  juste  l'emploi  de  ces  tessères  ?  Ce  ne  sont  pas  de  simples 
bulletins  de  vole,  mais  des  jetons  personnels  permanents  servant  à 
établir  ridenlité  du  porteur,  et  probablement  destinés  à  servir  un 
certain  temps.  En  elTet,  s'ils  n'avalent  dû  servir  qu'une  fois,  on  se 
serait  contenté  de  tessons  (|nelconques  de  vases  ou  de  tuiles,  sur  les- 
quels oD  eût  rapidement  écrit  les  noms,  comme  faisaient  les  Athéniens 
pour  les  voles  d'ostracisme.  Au  contraire,  presque  chacune  des  tessères 
mantlnéennes  a  été  fabriquée  exprès  pour  son  propriétaire,  et  cuite 
seulement  après  avoir  reçu  l'inscription  du  nom.  Elles  rappellent  par 
là  les  tablettes  des  héliasles  athéniens,  mais  elles  en  di fièrent  par 
d*autres  particularités. 

*  La  confusion  élall  possible  quand  la  tessère  n^élait  pas  tenue  droite  ;  le  X 
redressé  aurait  eu  l'aspect  de  \-\, 


S32  APPKNDICKS. 

Remarquons  d'abord  la  variété  des  noms.  Quatre  seulement,  sur 
Tensomble,  se  lisent  sur  deux  jetons  dilTércnts  avec  les  m(^mes  patro- 
nymiques et  les  UH^mes  lettres  au  revers  :  ce  sont  'AyriGiaç  'AXxiau  (x), 
'AXxatoç  *AXxipi(o  (S),  'EÇafveroç  KXeaivéTw  (T  lisible  sur  un  seul  des 
deux  exemplaires),  SxTupoç  ZeuÇiau  (S  sur  Tune,  (sur  l'autre).  Évidem- 
ment le  détenteur  de  ces  exemplaires  doubles  n*était  qu'un  seul  et 
mt>mo  individu.  Mais,  ce  cas  est  Texception,  dans  la  proportion  de^Vo 
environ,  en  comptant  dans  rensemble  Je  stock  d'exemplaires  usés  dont 
je  n'ai  pu,  sur  place,  tirer  une  lecture  :  TÉphorie  des  antiquités  a  dû 
les  déposer  tous  dans  les  collections  publiques;  sans  doute,  avec  du 
temps  et  de  la  patience,  les  conservateurs  des  musées  d'Atbènes  pour- 
ront compléter  ma  liste.  Telle  quelle,  elle  comprend  plus  de  80  numéros, 
dont  4  noms  répétés.  On  est  donc  fondé  h  croire  que  le  nombre  des 
détenteurs  de  |)areilles  lessères  devait  être  très  considérable  et  com- 
prendre une  fraction  assez  étendue  du  corps  des  citoyens  Cette  opinion 
est  confirmée  par  le  nombre  dos  CJilégories  représentées  par  les  lettres 
gravées  au  verso  des  tessères.  Toutes  les  lettres  de  l'alphabet  sont 
représentées,  quelques-unes  avec  deux  types  différents  ;  seul  le  t^ 
manque  :  c'est  là,  sans  doute,  un  pur  hasard.  11  y  avait  donc  autant  de 
catégories  que  de  lettres  de  l'alphabet,  soit  2;k  y  compris  le  digamma. 
Si  les  catégories  sont  si  nombreuses,  c'est  ({ue  TelTeclif  des  citoyens  à 
répartir  entre  elles  était  très  considérable.  Une  autre  remarque  prouve 
que  le  sectionnement  obtenu  à  l'aide  des  seules  lettres  de  l'alphabet 
n'était  pas  encore  suffisant;  il  paraît  avoir  été  complété  par  la  variété 
des  types  de  tessères.  Kn  effet,  il  y  a  une  intention  dans  la  diversité 
de  ces  types  :  ils  n'étaient  pas  répartis  arbitrairement  et  ils  corrcs- 
l)ondent  à  une  classification.  La  preuve,  c'est  (|ue  les  jetons  sur  lesquels 
on  lit  les  mémos  noms  sont  des  doubles  non  seulement  par  la  légende, 
mais  aussi  par  la  forme  :  les  deux  tessères  au  nom  d^Ay/iT^aç  'AXxiau 
(x)sont  comme  les  deux  moitiés  d'une  lentille  qu'on  aurait  coupée  par 
le  diamètre,  celles  d'*AXxaîoç  'AXxipuo  (S)  et  de  i3iTupoç  Zeu^tau  (S 
et  (  )  pareillement,  tandis  que  celles  de  'l^îÇaivexoç  KXeaivéTw  (T)  font 
un  disque  complet.  Or,  dans  les  mêmes  séries  S,  ^,  nous  avons  des 
tessères  amygdaloTdes  et  dans  la  série  t*  une  tessère  mi-lenticulaire,  en 
ce  sens  que  la  lentille  aurait  été  coupée  h  l'intersection  des  deux  cônes, 
de  façon  qu'une  seule  face  est  bombée  et  l'autre  plate,  lilnfin,  les  mêmes 
types  représentés  par  les  jetons  doubles  se  reirouvent  dans  les  autres 
séries.  I*ar  consé(|uenl,  dans  la  même  série  alphabétique,  les  ty|)es  sont 
variés,  mais  Von  retrouve  les  mêmes  espèces  dans  les  autres  séries. 
Conclusion  :  chaque  série  alphabétique  élait  subdivisée  en  un  certain 
nombre  de  sections  diflérenciées  l'une  de  l'autre  par  un  type  particulier 
de  tessères;  de  plus,  la  gamme  des  types  élait  la  même  dans  toutes  les 
séries  alphabétiques,  autrement  dit  le  nombre  des  subdivisions  était 
aussi  le  même. 

Quel  élait  le  mécanisme  de  ce  système?  Je  ne  crois  pas  qu'on  doive 


KPIGRAPHIB.  533 

songer  à  un  système  de  contrôle  analogue  à  celui  que  décrit  Aristote  (1) 
pour  la  répartition  des  juges  athéniens  dans  les  tribunaux  de  THéliée. 
Les  indications  des  tessères  inantinéennes  sont  permanentes,  comme  le 
prouve  l'identité  des  types  et  des  séries  alplial)éti(|ues  dans  les  jetons 
doubles.  S'il  y  avait  tirage  au  sort,  c'était  au  début  :  le  citoyen  pouvait 
tirer  une  lois  pour  toutes  sa  lettre  et  son  type  de  tessère  ;  son  jeton  lui 
'  était  fabriqué  et  cliifîré  en  consé(iuen('«.  1^  srrie  représentée  par  la 
lettre  du  verso  constituait  une  tx^iç,  dont  la  subdivision  était  caracté- 
risée par  le  ty|)e.  Sur  une  rondelle  lisse,  on  ne  lit  d'autre  inscription 
que  le  mot  TASIS,  gravé  en  creux  le  long  du  iK)rd  circulaire,  en  haut, 
de  façon  à  réserver  tout  le  champ  du  disrfue.  Je  suppose  que  nous 
n'avons  pas  ici  un  nom  propre,  mais  une  simple  étiquette  destinée  à 
(>lre  complétée  à  l'encre;  la  lettre  de  la  Tà;iç  et  le  nom  du  titulaire 
devaient  être  peints.  l'une  sous  le  mot  TaÇtç, l'autre  sur  le  verso.II  n'y  a 
aucune  trace  d'autre  gravure  en  creux  sur  celle  tessère.  Cet  exemplaire 
est  exceptionnel.  11  y  a  pourlaut  un  autre  disque  où  se  lit,  gravé  en 
creux,  dans  les  mêmes  conditions,  le  mot  AIAI0()^,  qui  est  certaine- 
ment  un  nom  propre,  non  suivi  du  patronymique.  Au-dessous  le  champ 
est  resté  libre,  d'où  l'on  pourrait  conclure  que.  là  aussi,  la  lettre  de  la 
Tx^tç  avait  été  peinte.  Ce  mode  présentait  moins  de  ^^arantie  ({ue  celui 
de  la  gravure  intégrale  dans  l'argile  fraîche  ;  en  elTel,  la  cuisson,  en 
solidifiant  l'écriture  incrustée  dans  la  matière,  rendait  toute  altération 
impossible,  taudis  que  les  légendes  peintes  pouvaient  être  ma(|uillée8, 
elTacées  et  changées.  C'est  pourquoi  le  système  de  la  gravure  a  prévalu. 

Les  Tx;e(ç  alphabétiques  ne  correspondent  |>as  à  la  divisi<m  de  la 
population  mantinéenne  en  5  dèmes  ou  en  ;>  tribus.  Une  concordance 
de  cette  nature  pourrait  être  cherchée  dans  le  nombre  des  types,  qui 
peuvent,  à  la  rigueur,  être  ramenés  à  ;>  :  l<>  type  lenCille  complète  ; 
2*  demi-lentille  (demi-circulaire,  c'est-à-dire  coupée  par  le  diamètre); 
H"  demi-lentille  U'irculaire,  c'est-à-dire  coupée  à  Tintorsection  des  deux 
cônes);  4*  dis(|ue;  ;>"  tablette  bnrlongue.  La  forme  amygdaloTde  ou 
ellipsoïdale  rentrerait  dans  celle-ci,  l'arrondissement  des  angles  pou- 
vant être  un  elTot  de  Tusure.  Mais  je  n'oserais  insister  sur  ce  point, 
n'ayant  plus  les  originaux  entre  les  mains. 

Quant  à  la  destinati(m  de  ces  tessères,  plusieurs  hypothèses  peuvent 
être  émises: aucune  n'est  sérieusement  vériliable.  Si  l'on  voit  dans  ces 
jetons  des  billets  d'entrée  au  théâtre,  on  supposerait  que  les  lettres 
correspondaient  aux  xepxiôeç  et  les  types  aux  gradins  :  mais  le  théâtre 
de  Munlinée  ne  pouvait  avoir  plus  de  18  à  20  xepxiBsç  ;  le  nombre  des 
gradins  d'une  kerkis  dépasse  de  beaucoup  celui  des  types  de  tessères  : 
la  C/Olucidence  cherchée  s'évanouit  donc  à  Toxamen.  Ileste  l'hypothèse 
d*une  destination  en  rapport  avec  les  institutions  judiciaires  ou  poli- 
ticfues  de  Mantinée.  Sur  l'organisation  de  la  justice  à  Mantinée,  nous 
ne  savons  rien.  D'ailleurs,  si  Ton  veut  établir  un  parallèle  entre  les 

(1)  'A07|v.'«oX.,p.  XXXII  sqq. 


534  APPENDICES . 

tessères  mantinéennes  et  les  lablotles  des  héliastes  athéniens  ou  les 
tessères  de  bronze  ou  de  plomb  trouvées  en  Grèce  (1),  le  résultat  de 
cette  comparaison  ne  saurait  infirmer  la  valeur  du  rapprochement 
suivant.  Aristote  nous  décrit  le  fonctionnement  de  la  constitution 
mantincenne,  avec  ses  électeurs  au  second  degré,  chargés  de  nommer 
les  magistrats  au  nom  de  la  TcoXtTeta  tout  entière,  et  peut  être  do  remplir 
les  tribunaux.  Nous  avons  décrit  plus  haut  cet  organisme  (2).  Il  est 
possible  que  nos  tessères  aient  servi  à  ces  électeurs  du  second  degré  : 
ceux-ci  devaient  être  relativement  nombreux;  leur  répartition  en  ràÇet; 
et  en  subdivisions  de  ToL^eiç  n'a  donc  rien  d'étonnant.  La  fixité  des 
légendes  prouve  que  ces  jetons  avaient  un  caractère  permanent;  ils 
servaient  au  moins  pendant  une  année.  L'État  les  faisaient  peut-être 
fabriquer  à  ses  frais  d'après  des  modèles  oniciels  ;  il  les  distribuait  aux 
intéressés  comme  jetons  d'identité,  pour  leur  donner  accès  aux  séances 
des  assemblées.  Nous  ignorons  si  l'institulion  du  fJt.t<TObç  ixxX7)(rta<TTtxôç 
s'était  introduite  dans  la  démocratie  mantincenne. 

Nous  avons  constate,  d'après  la  paléographie  des  tessères,  que  leur 
durée  chronologique  va  du  V*  s.  au  III*  siècle.  Leur  usage  correspond 
donc  a  une  institution  traditionnelle.  La  constitution  mantinéenne, 
établie  vers  425  par  Nicodôros,  fut  suspendue  en  !{8;>,  restaurée  en  371, 
abolie  entre  340  et  330.  Elle  fut  sans  doute  remise  en  vigueur,  au  moins 
provisoirement,  à  l'époque  de  Cléomène,  en  226.  Ces  dates  sont  en 
parfait  accord  avec  l'aspect  de  nos  tessères  et  justifient  la  destination 
que  je  crois  pouvoir  leur  attribuer. 

o**)  Ofiomastique  mantinéenne. 

La  contribution  apportée  par  ces  tessères  à  l'onomastique  manti- 
néenne est  trop  importante  pour  être  négligée  dans  cette  monographie. 

De  plus,  le  recensement  des  onomastiques  locales  est  d'un  intérêt 
capital  pour  l'épigraphie;  les  récentes  inscriptions  de  Delphes,  où 
afiluent  les  ethniques  les  plus  varies,  en  démontrent  la  nécessité.  Le 
tableau  suivant  est  destiné  à  répondre  à  ce  besoin,  en  ce  qui  concerne 
Mantinée  (3). 

(i)  Pour  la  bibllognipliin  dos  tnssftrcs  en  général,  ]c  me  bornerai  :i  renvoyer 
aux  articles  de  Hlanchct  [Revue  archéol.  i8W),  XIII,  p.  225  et  3(Î9;  XIV,  p.  64 
243)  et  de  Graillot  [Mélanges  de  l'École  de  Rome,  XVI.  1896).  Je  reprendrai  la 
question  en  déUiil  dans  un  article  de  la  Revue  Nutnismalique  où  seront  publiés 
les  fac-similé  des  tessères  mantinéennes. 

(2)  Voy.  p.  ai6,  sqq. 

(3)  Les  références  cntn».  pîirenthftses  sont  les  suivantes  :  T  Indique  un  nom 
lu  sur  une  des  tessères  cl -dessus  étudiées.—  HCIl.  xx.  renvoie  aux  Inscriptions 
publiées  dans  mon  article  du  null.  de  Corr.  hellén.  XX.  1806,  p.  ilîMW»,  avec 
les  n»*  des  textes  dans  coi  article.  —  F.  renvoie  h  Foucart  :  Inscr,  du  Pélop,-^ 
Les  cliinrcs  seuls,  à  Collltz-Hechtel  :  Dtal,  Inschrift.  —  p.  désigne  un  patrcmy- 
mlquo  au  génitif.  —  lA  renvoie  h  l'Inscription  archaïque  publiée  plus  haut  (1*). 
—  Pour  les  noms  historiques,  voir  le  lexique  de  Pape-Benseler. 


EPIGRAPillE. 


535 


*AY3t6apyoç  Exe^avo)  (T). 
'AvajXYjTwp  (Pnu8.  vi.  9,  9). 
'Ayi^fiovoç  (p.  T). 
'AY-r,<xav8po;.  (BCII.  x.x.  7). 
'AyTifftaç  'AXxtau  (T.  T). 
*Ay/i<xiaç  'Aiivtoo  (T|. 
'AY"»i<ri8afia)  (p.  T). 
*Ay7|<jiv^  (p.  iS03). 
'ABatxaç  'Axa...  (T). 
'AOaWwv  (HCH,  xx.  7j. 
'AiyixXfjÇ  AoTÔvu)  (T). 
ArOiDV  «InXocrÔfiveoç  (F.  »»i»»). 
M.  A.  ArXioç  Ma':[xto«?]  (BCII.  xx.3i). 
Al)p.iXX([ou]  (p.  T|. 
Ab...  (BCII.  XX.  35}. 
Al]<x;^ùXo(;  nXet<XTiau  (T). 
Al;^fi.aioç  *AXx(7C7ca)  (T). 
'AXeÇfocç  MevàXxeoç  (T). 
'AXeÇCvixoç  'AX^Ïtovoç  (F.  :Ki2i»). 
'AXeçcoxo;  (p.  ib.), 
'AXxaioç  'AXxtpiw  (T.T|. 
'AXxap.év7|ç  Mavop7)x(8a  (F.  3iî2i»). 
*AXx(aç  (BCII.  XX.  132). 
'AXxiaç  'Api<rroÇévcu  (1203). 
*AXx(au  (p.  T.  T). 
*AXxip{(o  fp.  T.  T). 
'AXx({xa/oc  'iTCTiaiw  (T). 
'AXxiimw  (p.  T  et  1203). 
'A(i.f  {aç  'ApKXTOxpiTto  (T). 
*A|i.^(<TTpaTOç  Neàpyou  (T). 
'Av8poxXY|ç...  oxXéoç  (BGH.  xx.  (î). 
*Ave...Tîau  (p.  T). 
'AvOgpLiwvoç  (p.  T). 
'AvOejxoxpiTO'j  (p.  F.  XM^). 
'AvTîxpîToç  (BCII.  XX.  7). 
'AvTiXaiôaç.  (I.A.) 
"AvTivoç  (T)  *. 
A.  'AvTîTTioç  (BCII.  XX.  20). 
'AvTi^aç  TeXedivto  (T). 
ATToXXoBcopoç  'AvOejxtwvo;  (T). 
*AitoXX(6vioç  (BCII.  XX.  3(ï.  —  F.  352* ). 
'ApiavToç  (I.  A.) 


'Aoiff (BCII.  XX.  3G). 

'ApKTcaYopou  (p.  CIA.  II«  3172). 
'Ap(ffTapyoç  Mevtwirou  (F.  3o2i«). 
'AptdTea;  'Apt«TTo8à|xo)  (T). 
'Api<XT€{8a[ç]  (BCII.  XX.  4). 
*Apf«jTi7CTcoç  KXcoOoivoi  (T;. 
*AptaTo8a|i.oç  (1IN9). 
*ApiaTo8a[jioç  MevexpaxEOç  (T). 
*Apt<iTooi|xo)  (p.  T|. 
*Api<jTOxXeç  AoP'au  (T). 

*Apt<JTOXStTO)  (p.  T). 

*Apii<XT6jjLayoç  (I.  A.) 
'Apt<rTÔ|xa/o;  (BCII.  xx.  3;il. 
'Ap(9T($vtxoç  Aa[i.OTéXto;  (T). 
*ApiffToÇ€i8aç  KaXXiaOÉveoç  (T). 
'ApwToîévw  (p.  i2a3). 
*ApTép.(ov  *ApT£|xa>voç  (F.  3:32"). 
'ApT6fi.(ovo;  (BCII.  XX.  2). 
*Ap/taç  TpwiXau  (T). 
'ApyûXXoç  rXauxîSau  (1203). 
*Ap/wvt[8aç]  "Ac/wvoç  (T). 
"Ac/covoç  (p.  T). 
'A<xtv(ou  (p.  T). 
['A<r)xXa7ria8a;  (IIKÎ)). 
'A<rxX7|7cco>  (p.  BCII.  xx.  21). 
'AteX-o  (i205). 
AÙTapîffT[(D]  (p.  T). 
Aùxapxo,..  (BCII.  XX.  36). 
AÙTtaç  Nixi...  (T). 
AùxioLu  (p.  T). 
AÙtovù)  (p.  T). 

HoXeOoç  ropYiXoi  (T). 

ropY6(.»  (p.  T). 
PopyictSaç   Voùyito  (T). 
ropyiXw  (p.  T). 
ropytTtiroç  (F.  352".  —  T;. 
rdpyouOoç  (BCII.  xx.  7). 
ropyuOtwvoç  (p.  T). 
Popyupfwv  KXeidXd)  (T). 
Fopywv    (T). 


•  Unn  fnulft  d'impression  n  cliang<^  ce  nom  on  "Avtito;  dans  la  l(>gcnde  do  la 
lig.  .W,  p.  350. 


536 


APPENDICES. 


AaiXecov  NeatSau  (T). 
Aaifi.év7|ç  (BCH.  xx.  7). 
AafaTparo;  (F.  340«). 
AajjLaY(5paç  'Eîax(£)oç  (1203). 
Aa[iap;rîBaç  (nCH.  xx.  3G). 
Aa[iàp;((o  (p.  T). 
AajxaffCXa  (p.  F.  352'). 
AafxdtTpioçlBGII.xx.U).— {ou(p.F.352'). 
Aa|i.dTptoç  riffoxpéxeoç  (T). 
Aa(i.aTp(o)  (p.  HCII.  xx.  :M)). 
Aa[Aé(Xc  (HCII.  XX.  7). 
AafAOxXTJç  Kapaiffu)  (1203). 
Aa[A^Sevoç  *I:t7cdlp/ai)  (T). 
Aa(i.o(évou  (p.  UCn.  XX.  p.  292). 
AajJLOTEXeoç  (p.  T). 
Aa(i.u>v  (BGII.  XX.  4). 
A7)(i.éac  (Voy.  Papc-Bonscler). 
A7|(Xb>vaî  (id.). 
Aspxw  (p.  T). 
MoLioç  *Ayri^o^oç  (T). 

AtOtXxYjÇ  (PhUS.  VI.  (».  1). 

Ai8ù[X7j  (F.  352"). 
AtO[n^87|ç  Aio(x-i^8eoç  (T). 
A(ovua{(i>  (p.  1203). 
Ato^aveoç  (p.  T). 
AdÇfi  (BCH.  XX.  31). 
Apop-eùç  (Paus.  vi.  11.  4). 
Awpi'ç  (F.  352'). 
r.  'looXtoç  Awpoç  (t&.). 

'Eypex^ovoç  (p.  T). 

El<xo(8aç  (BCH.  XX.  7). 

Aûp.   'EXtc^Buç  (BCH.  XX.  27). 

'EXicfç  (F.  352fc). 

'E]Ça(veTO<;  KXeaivsTw  (T.  T). 

'EÇaiVÊTOu  (p.  CIA.  113.  3174). 

'EÇ(à)xeoç  (p.  12a3). 

'EÛxt,ç  (BCH.  XX.  4). 

'ESaxfôau  (p.  1204). 

'ETCTjpaTtBau  (p.  T). 

'ETuyovTi  'ApTÉjJLCDVO;  (BCH.  xx.  2). 

'EicixpaBioç  (Paus.  vi.  10.  9). 

'ETcixpateoç  (p.  1204). 

•EicixpaTTiç  'E$ax(8au  (1204). 

KopvT^Xioç  'E:ccTUY/av((ov  (F.  :fô2k). 


'EircTuvyavoç  (BCH.  xx.  31). 

'ETtiarpaxw  (p.  12Î03). 

'BpaTiau  (p.  T). 

'Epexpiavo  (p.  T). 

'EptÇiBaç  'EpaT(au  (T). 

'Epfxaio)    (p.  T). 

•Epixetaç    'Iouv(ou  (F.  352-). 

EùctYeoç  (p.  T). 

Euaiv6[ToçJ  (BCH.  xx.  6). 

EùaXxtSau  (p.  T). 

EuàXxic  EûaXx($au  (T). 

EûSa[i.fSac  (1181). 

EuSajxoç  (T). 

louX.  Eù8ia  E'iTfiXeivou  Ouy.  (F.  35^). 

EuSoÇoç  'I[X7reS6a[u]  (1203). 

EûéXTctaTOç  (BCH.  xx.  24). 

EuF...Aàvwp[o>]  (T). 

Eu0u8à|i.a>  (p.  T). 

EùxpxTeo[ç]  (p.  BCH.  xx.  28). 

EuX...  (T). 

Eu|X7|Xoç  (BCH.  XX.  7). 

Eûo8{a  Su|i.|xa/ou  (F.  352k). 

EdffTpaTOç  (BBii.  XX.  7). 

EÙTeXe(vou  (p.  F.  352i). 

EÙTeXTjç  (1203).  [p.  191). 

A.  OÙ6v[ouffTOç Eûçpjdauvoç (BCH.  xiv. 

"Hïo;  Eu^poauvoç  (F.  352"). 

Eù<pp(5auvoç  T(tou  (F.  aT2b.  BCH.  xx«). 

Eu/api8aç  lliaToÇévo)  (1203). 

Faxoç  (1181). 
F ixa8i(D  (p.  1203). 
rtffFd8ap.oç  IlavOio;  (T). 
FtffoxpeTeoç  (p.  T). 
Fi<XT(au  (p.  1283). 

Zax'ivOioç  SavOtau  (T). 
.  ..Ceaç  ...OT(au  (T). 
ZsuÇcau  (p.  T.  T). 

'îIpaxXetTOç  (BCB.  xx.  36). 

©cxYyeXoç  06Ofn^8eoç  (T). 

06aplç  *Api(JTayopou  (CIA.  m  3172). 

06|i.((jTia<;  (BCH.  xx.  30). 


KPIGRAPUIE. 


537 


(■^é(i«rroc  'Eirixpareoç  (1204). 
HEoSoSpa  (F.  352'). 
0c<J[x]o<r(j|xoç  (I.  A  ). 
0eo|xavTiç  (T). 

6e(;{xavT(c  0eo(xavT(oç  (1203*. 
8£0{i.i^Seoç  (p.  T). 
eeoîfivioç  (UCH.  XX.  3()). 
©eoTÉXfjç  . .  .apiffTO  (T). 
06o]a>av6ta  (nCII.  xx.  20). 
0eo^(Xfôaç  Aùriau  |T). 
0eô(p(Xo;  (BCIl.  xx.  :)G). 
06O)'atp7jç  'AyTiffiomw  (T;. 
0paaéaç  0pa(JoXau  (T). 
0ua)v(8aç  0u(i)ViBa  (F.  352^). 
[0jojpaxioaç  'AYVjffivôto  (1:20.3). 

'l6p[ap]/o;  (nCII.  XX.  :«î). 
'lepoxX-ric  *IepoT((xu>  (T). 
*l6poxX"riç  KXeijiiyoj  (T). 
*lepoTt[ia  Aa{xaTp{oi  (UCll.  xx.  30). 
*lepoTt(i.ai  (p.  T). 
'I|i.]7ceB6aç  [TeX?]e(Jiau. 
'IpireSéafu]  (1203). 
'lôX-n  (F.  3;)2*'i). 
*Ï7r7cai(.)  (p.  T). 

'iTCTlâp/O)  (p.   T). 

Kapaîaw  (1203).. 

KaXXtBafJLOç  KaXXi^afJLO)  (T). 

KaXXifxàyo)  (p.  T). 

KaXXiaOéveoç  (p.  T). 

KaXXi^a|xa)  (p.  T). 

'louXia  KàXXouaa  (F.  352'). 

KeXecrriviàvoç  IIoXwvoç  (F.  3')2"). 

KXeaiveTw  (p.  T.  T). 

KXeavSpoç  (Polyb.  x,  ii,-  Plut.  Phil.  i). 

KXeijxa/w  (p.  T). 

KXthxoç  TopyuOiwvoç  (ï). 

KXeiffxo)  (p.  T). 

KXeovixoç  Aafxapxw  (T). 

KXeov(xw  (p.  T). 

KXsoOoivo)  (p.  T). 


KXeo(pavTiç  llacorou  (C!A.  113.  3173). 
KXeùxpiTOç  1 1  epixXeîoç  (  HCII.  xxi.  p-  290) 
KX£(ov(ç  (HCII.  XX.  29). 
KXetovofJLOç  TtuaivETu)  (ï). 
Kvlixaç  (UCll.  XX.  15). 
Ko(i|xiêpoç   AÛTapiaT[(i>]  (T). 
KoffjuLtspo;  Aap.o^évou  (HCII.  xxi.  p.  &U) 
Kpivcoç  (p.  1200). 

Kû5iitiroç  (Clom.  Al.  Strom.  i,  308). 
Kuvtixoç  (Paus.  VI.  14,  11). 

Aivoaoç    Mt'xvsoeu    (T;. 

Aav7rp[o)]  (p.  T). 

AadOéveca  (Voy.  Papc-Bcnsclor). 

AeovTioç  lioXuvjpaTd!)  (T). 

AeovTuo  (p.  T). 

Aeùxiincoç  Tiji-OTcXeoç  (T). 

Aopiau  (p.  T). 

..  .Xuyaç  (1203). 

AuxaXfewv  (F.  :j;i2«j. 

AuxofX'^07|ç  (Voy.  Papc-HeiiseliT). 

MavopTjxiSa  (p.  F.  3;)2h). 

MavTiv[ôç]   iîaaTpaTio  (T). 

Mâpxoç  T^TOu  (F.  352f). 

MeJYaita;  ?  (I.  A). 

MeXiap/oç  Aépxo)  (T)  *. 

M  eau  ta  'AaxX'r,7ci(o  (BCll.  xx.  21). 

MevâXxeoç  (p.  T). 

MjcvexX-ri;  (F.  352"  . 

MevÉTijjioç  Mevoxp6T£o[çJ  (1189). 

MsvîTtTtou  (p.  F.  352'»). 

M£VEXpXT£0;  (p.   T). 

Al£voxpÉT£o[(;]  (U89). 
MTr|vaç  Mtjvî  (F.  3i)2*>). 
MifjLvÉau    (p.  T). 
MvaaêtXotç  KX£Ovix(o  (T). 
Mvafftiov  XaoYjfxovoç  (T). 

Nex[8]xu  (p.  T). 
Nfiipy/o  (p.  T). 
Ne«Ti8au  (p.  T). 


•  Ckîs  noms  me  paraissent  en  rapport  avec  le  culte  des  Môliastes  et  d'Aphrodite 
Mi'îlalnis.  Dcrcos  fournirait  un  argument  en  faveur  do  l'origine  sémitique  do  cette 
Aplirodite  (Dcrcéto).  —  Voy.  p.  205. 


538 


APPENDICKS. 


Nixiirwa  na<Jîa(F.352ï».  -  Paus.  vin,  9,0). 
Nixô8o>poc-(Klion.  -  KusUith.). 

îavOtau  (T|. 
Zcvtaç  Nsâp/cï  (T). 
Sévioç  (HCII.  XX.  :«;}. 
Zcvot^Xtiç  N6a[ô]zu  (T). 

Ola[v]eoç  (T). 
*Ov7|<ji^opoç  (F.  3;j2n). 
'OjcoXtaç  (rnus.  viii.  27,  i  . 
'OpiTcuovoç  (p.  !203). 

IIaYxp6T6[aç]  (llCH.  xx.  4). 

IlaXXaç  {ib,  36). 

IlivOioç  (p.  T). 

IlavTivaç  'Epexpiavo  (T). 

Iladia  (p.  F.  'Jl)2\  -  Pausan.,  vin,  î),  i\). 

Ila<x(aç  (BCII.  xx.  30). 

Ileoiapyo;  ne8io<XTpaT[(o]  (T). 

JUSlOffTpiTW  (p.  T). 

lUtOiaç    EïaiveTou  (CIA.  u\  MU). 

IléaxXapoç  (I.  A). 

Ili<XTo5évo)  (1203;. 

IltTuXoç  IloTciôîiricou  (F.  .'fôi"®). 

lIXeicrTfau  (p.  T). 

IIoSxpTjç  (Paus.  VIII,  9,  9.  -  10,  5). 

IloSxpeo;  (p.  HCn.  xx.  i7). 

IloXéaç  (BCII.  XX.  7). 

UoXeso;  «l>iXovt[xou]  (BCII.  xx.  17). 

IloXXtç  npoxp(T(D  (T). 

IloXu7|pàT(o  (p.  T). 

rioXuxXTjç  (1203). 

IIoXuxpaTCia  IloSxpeoç  (BCII.  xx.  17). 

lIoXuxàa[-r|ç]  (BCII.  xx.  4). 

lIoXu;^apY|ç  Aeovxdo  (T). 

IIoXO/app.oç  Ilupéau  (T). 

II<iXo>voç  (p.  F.  :J52-). 

no<Tei5(7iou  (p.   F.  3i)2n-n). 

Ilpa^ivooç  'Eypetiovoç  (T). 

npaÇiTcX7|ç  (Kpivioç  Huidç)  (l2fJ0). 

lipetfAOç  (F.  3i)2t). 

npoayopfEfauJ  (I18Î)). 

IlpoxpiTco   (p.  T). 

UpwToXaoç  (Paus.  vi.  6,  1). 


riûûapyo;  (Paus.  vi. 
liupéau  (p.  T). 


7.  i). 


ilaoxjxio  (p.  T). 

i]]axXY,;  (I20:i.  —  I.  A). 

iJa[xXY,(;?]  (BCII.  xx.  4). 

i^aix^oa  (p.  F.  3:i2*'). 

i]a|i.o;  (Pind.  OL  114,  84). 

i]a|xct)vt8aç  KàXXi[JLa/(o  (T). 

Sa^TpctTO)  (p.  T). 

Sàtupoç  Zeu5(ay  (T.  T). 

yiiifM  (F.  352"). 

Saov  Sxcovo;  (120!)). 

SawTa;  TeXecrtinrcu  (T). 

iîawTO'j  «p.  CIA.  ii3.  3173). 

i]-n|xoç  (Pind.  OL  11,  84). 

SOevuo  (p.  T). 

i^ijiiaç   'AvOejJLOxpiTOu  (F.  ;i*»2ii). 

^?(xoç  A'.oqpaveoc  (T). 

STaOîJt(a[u]  (p.  T). 

^Teipxvo)  (p.  T).  [chaclis). 

^pavpcoveîç  {RappoiLo .  Conzn  ot  Ml- 

i^TpaxiîXXoç   S06v(o>  (T). 

Taioç  louX.  SipopeiÀoç  (F.  :VM}). 

Sufi.{i.a/ou  (p.  F.  :i52k). 

.  .ffupvoç  (I.  A). 

StoTcatpo;  «l»tX(ovoç  (T). 

S(0(JixXy|ç  (BCII.  XX.  30). 

SoxxifftpaTOç  SwffiOTpaTOu  (BCII.  XX.  Il) 

EwTeXYjÇ  (BCII.  XX.' 33). 

[TeX?]6*i(au  (p.  T). 
TeXeaivoi  (p.  T). 
TsXtffiTrirw  (p.  T). 
TeXX[faç](BCII.  xx.  4). 
Ttfi...  SraÛfiiau  (T). 
TifiaivÉTO)  (p.  T). 
Ti|xap/oç    'E7C7|paTî8au  (ï). 

Tl|JLOTé'XT,Ç   (T). 

Ttfio^avToç    'AXxiTcitw  (1203). 
T(to;  (F.  352'.  n.  BCII.  xx    2). 
Tpkioç  FixaSîO)  (1200). 
TpojîXau  (p    T). 
TupTaioç  (Plut   àliis.  21). 
T](oei;(?)  (I.  A). 


ÉPIGRAPUIB.  539 

Ticav^poç  'Epfia'w  (T).  «|)tXo<jOévtoç  (p    h\  :m^). 

<l>a<TTé(|>avO(;  (Photliis.  Bih.   148,  41) 

<^aY|và  AafxaTpîOu  (F.  3î5i').  «tiXtovo;  |p.  T). 

«I»aï5poç  (HH9).  «l»o(pY,  (HCII.  xx.  ii). 

A.  Maîxtoç  «I>aîBpo;  (F.  :«»!«}.  «l»û]XaxTOç  (llHil). 
<I*]avdÇev<K   'Ave.  ..Ti'ay  (T). 

«l»éjxav8poç  (I.  A).  Xaipiyevii;  (HCII.  xx.  'M\). 

<I>iXéaç  Sa8ap.(t)  (T|.  Xacpiwv  Eûaytoç  (T). 

4>iX7||JLXTtov  (BCII.  XX.  32).  XaXx((i)v  {Aih,  Mith,  iv,  p    147). 

(I>'.X7i<noc  SotafSae  (F.  :^i^).  XapetSa;  (llHi). 

<l»îXi7cwo;  (BCIÎ.  XX.  »}).  Xapii|JLOvoç  (p.  T). 

♦l>'Xi7r7roç  EûÔuBafito  tT).  XacîJLiaoa[ç]Nixo7coXeiTT,ç(Bi:il.xx.i4» 

<i>iXoxX7|[çl  (Bcii.  XX.  ri-niî).  Xpîwvi'ç  (1201). 

<l>(]Xo[ieX{oac  (I.  A). 

•l»iXov([xo'j]  (p.  BCH.  XX.  17).  'Û^fXtfxoç  (BCA.  xx    33). 


6")    Tuile-^  avec  imcriplions^ 
(essohs  arec  marqtAea  de  fabriqW:   etc., 

La  lig.  ^J3  leprésenle  des  tuiles  inscrites.  On  reconnaît  sur  les  unes 
la  mention  llo8x[peoç],  (jui  a  rapport  au  nom  du  bàliment,le  Podaréion; 
sur  d'autres,  la  marque  ofTicielle  Aa[iô(Tioç  ou  le  monogramme  M 
(MavTtvétov).  La  petite  pyramide  en  marbre,  avec  la  dédicace  Kv((jLaç 
àvcOTjxe  gravée  sur  un  cAté,  et  le  nom  *ApT6jjLtç  est  intéressante  (1).  Ce 
nominatif  indi(|uc  que  la  pierre  est  bien  la  représentation  m(>me  de  la 
déesse;  ce  monument  conlirme  donc  ce  que  dit  Pausanias  de  la  prédi- 
lection des  Arcadiens  pour  ces  Idoles  en  forme  de  pyramide  (2).  On 
retrouve  encore  la  divinité  identifiée  à  Vex-ooto  dans  la  pyramide  en 
terre  cuite  avec  dédicace  en  boustrophcdon  :  'I^oiPyj  'Aotxjjliô  'àveOvjxev. 
Phoibé  est  le  nom  de  la  j)crsonne  qui  dédie;  'ApTâ(i.tSa  est  un  accusatif, 
et  non  un  datif,  Télision  Vi  au  datif  étant  exceptionnelle.  Cet  accusatif 
indique  que  Phoibé  a  voulu  consacrer  une  efYigie  de  la  déesse  repré- 
sentée |)ar  cette  pyramide  dédicatoire  (Cf.  la  pyramide  avec  le  nom 

d"AOavafa.Foucart.  Imcr.  du  Pélop.  3;i2c- <• Fougères.  HuU.  Cotr. 

hcUen.  XX.  1896,  p.  149  et  158.  —  Voy.  plus  haut,  p.  :i;5  et  le  chapi- 
teau-base du  monument  de  Cliarmiadas. 

(I)  Flln  provient  fin  potit  sanctuaire  d'Artémis  Iv  KopuOsuat,  situé  entre 
lo.  Kr(SoiM)lon  et  le  Parthénion,  près  de  la  route  carrossable  appelée  aujour- 
d'hui le  Gyros^  et  qui  correspond  peut-être  à  l'ancienne  route  carrossid)le 
d'Argos  A  Tégée  (Loring.  Jowii.  of  Uellen,  Stud,  XV.  p.  79). 

(*)  Pausan.  VIll,  X),  6;  48,  6. 


•540  APPENDICES. 


II.  Archéologie, 
lo)   La  f   Femme  au  foie  ».  (PL  V). 

Haut.  :  i-48.  —  Larg.  on  bas  :  0*80. 

Celle  belle  slèlc,  trouvée  entre  les  fondations  de  THéraion  et  celles 
de  la  scène,  n*a  pas  été  remarquée  comme  elle  le  méritait.  Son  intérêt 
n'est  pourtant  pas  médiocre,  tant  sous  le  rapport  de  la  facture  (|u*au 
point  de  vue  du  sujet.  Je  n*ai  guère  à  modilier  mes  conclusions  pre- 
mières sur  Tcpoque  et  le  caractère  de  cette  sculpture  (1).  11  ne  me  reste 
qu'à  les  préciser. 

Le  style  offre  un  mélange  de  simplicité  et  de  ralTincment  assez 
hizarre.  A  première  vue,  on  croit  voir  comme  une  projection  en  bas- 
relief  de  TEirénô  du  groupe  attribué  à  Cépbisodole  (2)  :  c'est  la  même 
manière  ample  et  sévère,  le  même  modelé  gras,  les  mêmes  formes 
matronales,  non  exemptes  de  pesanteur;  la  position  des  jambes,  le 
costume  (moins  Thimation  pendant  au  dos  de  rKiréné),  les  plis  de  la 
draperie  au-dessous  de  la  ceinture,  sont  analogues,  il  n'y  a  pourtant 
pas,  malgré  rétroitcsse  de  la  ressemblance,  identité  complète  de  fac- 
ture. I^  draperie  supérieure  de  la  stèle  manlinéenne  parait  être 
d'une  étoffe  plus  transparente  et  plus  légère  que  celle  de  l'Eiréné;  les 
plis  sont  aussi  plus  menus  et  plus  lins,  et  ràiuÔ7TTUY(xa  est  plaqué  sur 
la  poitrine  en  contact  plus  intime  avec  le  modelé.  Hien  que  le  costume 
ne  soit  plus  le  mt^me  que  celui  des  statues  de  Phidias,  il  semble  cim- 
server,  dans  sa  simplicité  voulue,  comme  un  faible  ressouvenir  des 
draperies  collantes  et  linement  plissé(;s  des  figures  du  Parlliéuon.  De 
plus,  le  chilon  s'arrête  au  coup  de  pied,  au  lieu  de  toucher  la  plinthe, 
comme  celui  d'Ciréné  et  des  autres  ligures  dont  notre  monument 
évoque  aussi  le  souvenir,  telles  que  la  ('aryatide  du  Vatican  (3),  cer- 
taines des  t<  dnnseusex  «  en  bronze  d'Ilerculanum  (4),  l'Eurydice  du 
bas-relief  de  Naples  (•>)  et  la  statue  Hreuvery,  au  Louvre  (G).  La  rigi- 
dité verticale  et  l'espacement  des  plis  tuyautés  du  chilon  au-dessous 
de  la  ceinture,  l'absence  de  contact  entre  le  bord  inférieur  de  la  robe  et 
.le  sol,  la  position  i\  plat  des  deux  pieds  sur  la  plinthe,  sont  des  carac- 

(i)  Voy.  Bull,  de  Corr.  hellén.  1888.  XII,  p.  37G-:W0,  pi.  IV.  —  Lopsius. 
Marmorsludien.  N^  188.  —  Oivvadins.  Catal,  du  klits.  nation,  N^iit». 

(2)  Arndt-Bnirkinann.  Denkmàler  d,  griech,  u,  rôni  SkulpL  N»  22lî. 

(3)  Ibid,  N-  177. 

(4|  Ibid.  N-  2î)i,  2îK>. 

(5)  a>llignon.  Hist,  de  la  sculpL  grecque,  U,  p.  14>3. 

(G)  Michon.  Bull,  de  Corr.  hellén.,  iSîKB,  p.  410-418,  pi.  XVI. 


AUClIKOLOr.lK.  ')41 

tcrescoiiiiiiunsànotreslèlectà  la  ii^urc  do  l)rnirler(l)siir  le  bas-relîof 
d'KIcusis.  On  remarque  aussi,  sur  ce  dernier  Ims-rclicf,  la  posilioQ 
analogue  d'un  des  bras,  qin,  en  s*ap|)ll(|uanl  an  corps,  comprime  les 
plis  de  ràitÔTCTUYjxa  cl  délcrminc  de  poliles  brisures  bien  plus  varices 
el  plus  babiles  sur  la  slèle  d'Eleusis  que  sur  colle  de  Maulinée.  Ce 
caraelère  mixte  de  ralTinement  el  de  simplicité,  ce  mélange  de  vir- 
tuosilé  ionienne  dans  In  parlie  supérieure,  de  sobriété  dorienne  el 
presque  d'arcbaTsme  dans  la  moitié  inférieure,  me  paraît  être,  par 
rapport  à  ITiiréné,  un  signe  d'ancienneté.  Le  système  de  draperie  de 
l'ICiréné  se  tient,  en  elTet,  de  haut  en  bas,  sans  oITrir  ce  contraste  si 
marqué  sur  le  bas- relief  d'Kleusis  et  encore  perceptible  sur  la  stèle  de 
Mantinée.  Mais,  d'autre  part,  le  canon  de  la  Munlinéenne  se  rapproclie 
plutôt,  avec  ses  formes  ramassées  et  un  peu  lourdes,  de  TlCiréné  que  de 
la  Déméter  éleusienne-  Celle-ci,  ainsi  r|uc  la  Koré,  est  plus  svelte;  sa 
vigueur  a  déjà  quelc|uecbose  d'un  peu  sénilo  et  dessécbé  ;  les  angles  du 
coude  et  du  genou  font  des  saillies  plus  aiguës,  Tavant-bras  est  plus 
long  et  plus  osseux  (2).  Voyez  aussi  les  membres  si  nerveux  des 
danseuses  d'ilerculanum.  La  Manlinéeune  parait,  comme  TKiréné, 
une  femme  arrivée  à  la  plénitude  de  son  développement;  elle  a  les 
contours  arrondis,  un  peu  empAlés  et  mous.  Je  crois  donc  que  la  stèle 
de  Mantinée  doit  se  placer  entre  celle  d'Eleusis  et  l'I^réné,  mais  plus 
près  de  celle-ci,  c'est-à-dire  vers  les  dernières  années  du  V*  siècle. 
Klle  appartient  à  une  époque  et  à  une  école  qui  essayait,  sans  y  avoir 
encore  complètement  réussi,  à  s'afTrancbir  de  la  tradition  phidiesque 
des  draperies  ioniennes  :  elle  cbercbait  à  substituer  à  la  virtuosité 
conventionnelle  des  étoiles  tourmentées,  tantôt  pla(|uées,  tantôt  bouil- 
lonnantes, une  formule  plus  simple  et  plus  voisine  de  la  réalité,  el, 
sans  doute  aussi,  plus  conforme  à  la  mode.  Nous  verrons,  à  propos  des 
reliefs  des  Muses,  les  progrès  de  cette  tendance  dans  la  première  moitié 
du  IV  siècle.  C'est  à  Albènes,  semble-l-il,  après  la  guerre  du  Pélopon- 
nèse, que  cette  réforme  produisit  ses  pleines  conséquences,  non  sans 
tAtonnen)ents  préalables.  11  n'est  pas  téméraire  de  supposer  que  ceux  des 
élèves  et  successeurs  de  Pbidiasqui  ne  se  bornaient  pas,  connue  Pa^onios, 
à  une  imitation  plus  ou  moins  brillante  du  maître,  ont  ouvert  celte  voie 
nouvelle.  Les  monuments  originaux  de  la  fin  du  V*  siècle  sont  peu  nom- 
breux :  il  y  a  toutefois  un  bas-relief  atti<|ue  daté,  ({ui  sert  d'eu-téte  au 
décrel  en  l'honneur  des  Samiens  (40.')/^),  et  dont  l'importance  est- 
considérable  (3).  On  y  voit,  en  efîet.  en  face  d'Albéna,  une  ligure 
drapée  <fui  n'est  pas  sans  analogie  avec  la  slèle  de  Mantinée,  el  qu'on 

(1)  C'(*.sl-à-(lire  la  lif^iire  k<iuc1io,  qui  lient  le  sccpln'. 

(i)  M.  (lollif^non  {Sculpt.  gr..  Il,  p.  liO)juKnau  nmlniire  que  les  formes  (1« 
la  DéinrttT  sont  plus  uiupliis  que  cellos  do  la  Koré  :  mou  iiu|u*essiou  <*sl  toute 
dilTérenl*». 

(3)  Colllgnon.  Scupl.  r/r..  Il,  p.  117. 


H42  APPËNhlCKS. 

croil  être  une  reproduction  de  l'IIéra  d'AIcaniène.  Outre  l'identité  des 
altitudes,  ce  sont  les  iiiônies  formes  nintronales,  la  môinc  allure  solide 
et  trapue,  et,  dans  le  traitement  de  la  draperie,  même  manque  d*unité. 
(^r,  tandis  que  la  ligure  est  droite  et  immobile,  rhimation  Hotte  au 
vent  avec  une  inipétuosité  un  peu  tumultueuse.  La  stèle  de  Mantinée 
n'est  pas*  comme  je  l'avais  pensé  tout  d'abord,  l'œuvre  d'un  artiste 
péloponnésicn,  mais  très  probablement  celle  d'un  Athénien  qui  aurait 
subi  rinfluence  d'Alcamènc.  On  peut  encore  aller  plus  loin  et  établir 
une  relation  entre  le  séjour  du  maître  à  Mantinée  et  rérection  de 
celte  stèle.  Alcamène  était  venu  à  Mantinée  pour  exécuter  la  statue 
d'Asklépios.  Le  travail  dut  être  accompli  avant  la  bataille  de  418»  entre 
430  et  4-20.  Le  Létéon,  c<mtigu  à  l'Asklépieion,  ne  reçut  ses  effigies 
divines  de  la  main  de  Praxitèle  que  vers  «tOO.  Ce  retard  s'explique  par 
les  événements  politiques  qui,  de  418  à  'Mi,  étoullèrent  l'essor  de  la 
puissance  mantinéenne.  Mais,  vers  l'époque  où  Alcamène  travaillait  à 
Mantinée,  il  est  fort  possible  (|ue  dos  particuliers  aient  entretenu  des 
rapports  avec  lui  et  se  soient  adressés  plus  tard  à  son  atelier  pour 
l'exécution  d*un  ex-voto  destiné  au  Lélùon.  En  tout  cas,  qu'on  attribue 
ou  non  cette  sculpture  à  un  élève  d'Alcamène,  on  ne  peut  que  répéter  à 
son  sujette  mot  de  ilayet  sur  la  statue  ilreuvery  :  «  OKuvre  de  pratique, 
si  Ton  veut,  mais  d'un  temps  où  le  sens  du  l)eau  courait  les  rues  et  où 
le  dernier  ouvrier  retenait  quel(|ue  chose  du  style  des  maîtres  (1).  » 

Les  monuments  de  la  lin  du  V^  siècle  ne  sont  pas  si  nombreux  pour 
qu'on  dédaigne  un  morceau  comme  celui-ci- 

Le  caractère  de  la  stèle  n'est  pas  douteux.  C'est  un  ex-voto  repré- 
sentant une  prêtresse  ou.  plus  exactement,  une  devineresse,  qui  tient 
à  la  main  le  foie  mantiquc  et  le  couteau  sacré,  instrument  de  rbiéros- 
copie  {tj.  \je  culte  auquel  appartient  cette  devineresse  est  symbolisé 
par  le  tronc  de  palmier,  l'arbre  sacré  de  Latone  et  d'Apollon  Délien. 
Les  divinités  déliennes  s'étaient  introduites  dans  l'Arcad le  orientale 
par  l'intermédiaire  d'Argos,  où  Apollon  delphique  était  aussi  adoré  et 
rendait  des  oracles  sous  le  nom  de  Pythaeus.  A  Argos,  une  prophétesse 
vierge  faisait  office  de  Pythie  et  vaticinait  après  avoir  bu  le  sang  d'un 
agneau  sacritié  (3).  Télésilla  était  comme  la  patronne  des  prophétesses 
argiennes.  C-c  culte  passa  d'Argos  à  Hermionc  (4).  Notre  stèle  prouve 
qu'il  y  eut  aussi  à  Mantinée  un /pY,(rTii^p(ov  apollinien;  le  dieu-oracle  y 
tenait  à  la  fois  du  dieu  de  Délos  et  do  celui  de  Delphes. 


(1)  EL  d'arch.  et  d'art,  p.  :m. 

(2)  Voy.  plus  haut,  p.  32î). 

(3)  PausuD.  II,  ii.  1. 
(i)  Paus.  II,  :W. 


AKCIIKOLOUIK.  .'>i3 


2^)  Les  btiS'VeUefs  de  la  base  de  h'oxiièle  *. 

iVoy.  Plniiclirs  I,  II,  IH.  )V.) 


Je  n'ai  plus  à  rappeler  à  rattcnMon  des  archéologues  les  bas-reliefs  Rut 

inantînéons,  dont  la  découverte  ufa  si  largement  récompensé  de  mes  de  la  quesin 
peines.  La  critique  s'en  est  occupée  à  plusieurs  reprises,  et  l'opinion 
que  j'avais  tout  d'aliord  exprimée  snr  le  caractère  et  la  date  de  ces 
sculptures  a  réuni  de  tiautes  adhésions.  Aujourd'hui,  les  dissidents  de 
ta  première  et  de  la  dernière  heure  se  sont  ralliés  à  elle,  soit  en  reve- 
nant bravement  i\  résipiscence,  comme  M.  Overbeck  ;  soit  par  des  aveux 


*  FouGÈHBs.  —  BulL  de  Cort\  hellén.  XI  (1887),  p.  Mt<. 

1(1.  ibid,  XII  (1888),  p.  1(H-128.  PI.  I,  II,  111. 

KoucAnT.  —  CoiupLe  rendu  de  VAcnd.  des  Ins^cr.  et  liellea- Lettres,  1887,  Il  nov. 
WoLTRRs.  —  Classicni  Revieic,  1887,  p.  .117. 

lUvAissoN.  —  Compte  rendu  de  VAcnd.  des  Inscr.  1888,  murs-avril,  p.  83. 
I>>8ciiKR.  —  Jahrbuv.h  des  K.  Instit.  1888,  p.  1)2,  anm.  7. 
KuRTWÂNOLBn.  —  Htrlin.  philoL  Woehenschr,  1888,  p.  1482. 
TiiKOD.  Ukinach.  —  Rev.  des  Et,  gr.  I  (1888),  p.  114.  Noto  3. 
OvEiinECK.  —  Ùber  die  in  Uantiiiea  gefundenen  Relie fe  (Bcriclit  dnr  Kûnigl 

sâchs.  Gcscllschaft  dcr  Wlss.  1888,  p.  28i-2i)i). 
OvEnoRCK.  —  Kunst mythologie.  III,  p.  421,  45ietoi7. 
Cavvadias.  —  CataL  du  Musée  central  d'Athènes  (1892).  N"»  215  à  217. 
IIauser.  —  Die  Keuattischen  Reliefs  [\?im],  p.  151  ctl7îl. 
WoLTEns.  —  Jahrbuch  des  K,  Instit.  18ÎK),  p.  228,  U). 
VVALOftTKiN.  —  The  Uantinean  Reliefs  (Amcric.  .loiirnal  of  .Vrcliool.  VU,  18i)0, 

pi.  Ici  11). 
PoTTiRM.  —  Les  statuettes  de  terre  cuite.  I8ÎK),  p.  112. 
Max.  Mater.  —  Athen,  Mitth.  XVil  (1892),  p.  »;i-2l»4. 
KuRTwÂNGLKH.  —  Ucislerwci'ke.  18113,  p.  70»,  r>47,  ;kJ3,  IKjl,  IJ82J. 
Prtersbn.  —  Le  Uluse  chiyiane»  —  Rom.  Miith.  VIII  (1893),  p.  72. 
OvKRnKCK,  —  Gricchische  Plastik,  4«  6d.  (1894),  p.  01  (planche)  et  400. 
Sal.  Heinacii.  —  Courrier  de  l'art  antique.  (îaz.  dos  H.-Arts,  18îK»,  p.  Iii8. 
Rosr.iiKn.  —  Lexicon  dcr  gr.  Mythologie,  art.   3larsyas  (.Icssrn)  «»t   Musen 

(0.  lUe). 
VValthrr  Amklunc..  —  Die  Rasis  des  Praxiteles  aus  Mantinea.  Munich,  l8'.Kj, 

in-4',  80  p. 
Th(^.od.  Rbinach.—  La  guitare  dans  l'art  grec  {Rev.  des  Et.  (7r.VllI(l8ÎK»),  p.  374. 
Prrcy  Gahdnkr.  —  The  mantinean  Basis  {Journal  of  hcllenic  Studies    XVI 

(1890)p.2W0-284,.etXVll  (1897)  p.  120-121). 
CoLLiGNON.  —  Hist.  de  la  sculpt.  grecque.  11,  p.  260. 
Lbciiat.  —  Rev.  des  Études  gr.  X  (1897),  p.  3i>5. 
Klein.  —  Praxiteles.  1898,  p.  354  et  suiv. 
Bruckmann-Arndt.  —  Denkmàlerd.  gr.  u.  rom.  Skulptur.  N*  4H8. 


.S44 


APPRNDICKS. 


Correcliun  nu 

texle 
tic  rniisnnios. 


confidentiels,  comme  M.  Ilauser  (1).  Au  début,  il  fallait,  seroble-t-il, 
quelque  courage  pour  associer,  môme  avec  réserve,  le  nom  de  Praxitèle 
h  ce  monument;  à  riicure  actuelle,  il  en  faudrait  davantage  pour  Ten 
séparer.  L'œuvre  est  désormais  classée  parmi  les  spécimens  les  plus 
caractéristiques  de  l'art  praxilélien  (2).  On  ne  se  demande  plus  si  les 
Muses  mantinéennes  révèlent  une  œuvre  originale  du  iV*  siècle  ou  une 
médiocre  copie  hellénistique  ou  gréco-romaine  (11).  Ceun  que  les  raisons 
de  goût  n'avaient  pas  séduits  df^  prime-abord  se  sont  laissé  convaincre 
par  les  savants  arguments  ou  môme  par  les  affirmations  sommaires 
des  mieux  avertis-  Sur  le  fond  du  débat,  Topinion  semble  donc  una- 
nime.  Toutefois  l'arbitraire  individuel  conserve  encore  la  ressource 
d'étendre  ou  de  restreindre  la  part  personnelle  de  Praxitèle  dans  tout 
l'ouvrage. 

11  serait  sans  profit  de  refaire  la  description  d'un  monument  que  je 
suppose  connu  du  lecteur.  Mais  le  moment  est  venu  de  résumer  la 
controverse  qu'il  a  suscitée,  en  signalant  les  éléments  récents  qui  sont 
intervenus  depuis  la  publication  de  mon  article  dans  le  JhiiUlin  de 
Correspondance  heliénique.  Celte  euquiHe  décidera  sur  quels  pointâmes 
conclusions  premières  doivent  (Hre  maintenues  ou  bien  modiiiées. 

En  premier  lieu,  la  nécessité  de  la  légère  correction  que  j'avais  pro- 
posée au  texte  de  Pausanias,  Mouaai  xal  Map<Tuac  aùXo>v,  au  lieu  de 
Mourra,  dépend  de  la  solution  qu'on  adoptera  pour  la  disposition  des 
plaques  autour  du  piédestal.  Avec  mon  ancienne  combinaisou  d'un  pié- 
destal carré,  décoré  d'une  plaque  sur  chacune  de  ses  faces,  on  pouvait 
admettre  à  la  rigueur  que  Pausanias,  après  avoir  fait  quelques  pas 
dans  la  cella  du  temple,  n^avait  jeté  qu'un  coup  d'œil  rapide  sur  le 
groupe  de  Praxitèle  et  sur  la  face  antérieure  du  socle,  éclairée  par  le 
jour  de  la  porte.  Sur  cette  face,  il  avait  aperçu  la  figure  du  satyre  et 
remanfué  son  attitude  caractéristique.  Aussi  Pavai t-il  reconnu  sans 
hésitation,  tandis  que  l'Apollon,  si  féminin  par  le  costume,  la  coiffure 
et  la  physionomie,  pouvait  le  tromper.  Sans  approfondir,  avec  sa  pré- 
cipitation coutumière,  il  aurait,  dans  ses  noies,  résumé  le  sujet  sous 
cette  rubrique  :  «  Muse  et  Marsyas  jouant  de  la  fiûte.  »  Dans  ce  cas, 
la  leçon  traditionnelle  du  texte  resterait  sinon  exacte,  du  moins 
autlientique.  C'est  l'hypothèse  à  laquelle  je  songeai  un  instant,  sans 
m'y  arrêter,  el  qui  s'est  aussi  présentée  à  Pesprit  de  M.M.  Robert  et 


(i)  W.  Aniolung.  Die  Basis  d.  Praxitcies,  p.  7,  noie  4. 

li)  Son  Importance  flovinndralt  mAnio  sans  rivale,  s'il  fallait,  comme  le 
propose  Miss  Scllcrs  {Gaz.  des  D.Àrts,  1897,  p.  119-130),  reprenant  une  ancienne 
opinion  de  Hayot,  onlevcr  à  Praxitèle  rilormôs  d'Olympie  pour  en  faire  hon- 
neur ft  Cêphlsodote  l'Ancien. 

(3)  Même  W.  Klein  qui,  dans  son  livre  récent  sur  Praxitèle,  exclut  toute 
participation  du  Maître  à  cette  œuvre,  ne  la  croit  pourUuit  pas  postérieure  ù 
l'exécution  du  j^roupe. 


ARCIIKOLOGIË.  ir^> 

Théodore  Reinach.  Mlle  implique  que  Pnusnnias  a  omis  de  signaler, 
pcut-èlre  iiiômc  de  regarder,  les  autres  faces  reprcsenlanl  les  trois 
groupes  de  Muses.  C'est  pour(|uoi  jo  l'avais  laissée  décote,  lui  préférant 
la  correction  Mouaai,  grAce  à  laquelle  Pausanias,  déjà  cou|)al)le  d'une 
fâcheuse  méprise,  était  du  moins  absous  d'une  impardonnable  incurie. 
Mais  si  Ton  admet  les  arrangements  proposés  par  M.  Waldstein,  c'est- 
à-dire  la  juxtaposition  sur  lenu^me  front  des  trois  plaques  ou  des  deux 
seulement,  l'une  au  moins  des  triades  de  Muses  ne  pouvant  échapper  au 
regard  du  touriste  le  plus  distrait,  le  singulier  iMou(Ta  n'aurait  plus 
aucune  excuse.  Le  pluriel  rétabli,  il  demeurerait  acquis  que  Pausanîas 
a  pris  l'Apollon  pour  une  Muse  et  n'a  pas  deviné  le  sujet  du  principal 
tableau  :  la  lutte  d'Apollon  et  do  Marsyas;  mais  au  moins,  tout  inintel- 
ligent (|u'il  paraisse,  il  ne  nous  ferait  plus  TefTet  d'un  aveugle.  Si  Pau- 
sanias  avait  réfléchi,  il  se  serait  demande  à  quel  mythe  o-orrespon/lait 
l'association,  sur  un  monument  sacré,  des  Muses  ef  de  Marsyns  ;  mais 
Terreur  visuelle  (|ui  lui  a  fait  prendre  l'Apollon  in  Umija  reste  pour  un 
personnage  féminin  (2),  n'infirme  en  rien  ridenlilicafion  de  nos  bas- 
reliefs  avecla  base  du  groupe  de  Praxitèle.  C est  un  point  que  personne 
ne  voudra  plus  contester  (3). 
Je  reviens  au  problème  de  l'arrangement  dos  plaques.  i)is|m>iiioii  de  i 

il  n'y  a  réellement  qu'une  solution  satisfaisante,  à  priori,  au  point  i><!»e. 
de  vue  logique  et  esthétique.  C'est  celle  que  j'avais  tout  d'abord  pro- 
posée, aussitôt  après  la  découverte  :  je  me  figurais  le  socle  du  groupe 
comme  une  base  carrée,  dont  chaque  côté  était  décoré  par  une  plaque; 
le  sujet  principal,  la  lutte  d'Apollon  et  de  Marsyas,  étant  placé  sur  la 
face  antérieure  du  socle,  deux  autres  plaques  sur  les  parois  latérales; 
le  quatrième  côté  (face  postérieure)  était  ou  n'était  pas  décoré,  suivant 
que  la  base  se  trouvait  isolée  ou  appuyée  au  mur  de  fond  de  la  cella. 
Par  conséquent,  l'existence  d'une  quatrième  plaque,  aujourd'hui  perdue, 

(1)  Th.  liclnacli.  Hev.  des  lU.  gr,  I  (ISSH)  p.  lii?  :  «  Pansa  nias  a  pris  tout 
sinipleinont  pour  luio  Musc  l'Apollon  CithariMlo,  dont  lo  cosliimo  vi  la  coillurc 
sont  en  oITet  très  féminins.  C'est  unn  prouve  de  l'ignoranco  du  Périégicto,  mais 
c'est  aussi  uni»  prouve  do  sa  sincérité  :  une  pareille  ornuir  no  peut  élrocommiso 
que  sur  les  lieux».  M  Salomon  Hoinach  rejette  aussi  la  corroction  [thruii, 
d'Orient,  t.  1,  p.  407.  Note  additionnelle). 

(2)  Jo  no  sais  pourquoi  M.  Wallher  Aniolun^;  {Die  Bnsis^  otc.,  p.  S)  semble 
m'attribuer  une  pjiroille  niéprlse  :  «  Daboi  l)o<r(>grioto  ihm  vielIoirlU  niK'l»  oino 
Vorwecliselung,  woIoIjo  sirJi  —  allerdin^s  untor  dom  KIndruclv  seinor  Worle  — 
hei  den  gelehrlen  Kuldeckenx  (ter  lirliefn  wicderhoU  hat  >»  Cetto  phraso 
reste  pour  moi  une  énigme  :  ou  jo  la  compronds  mal  ou  M.  Walther  Amo- 
lung  aura  mal  compris  quel([ue  passage  do  mon  article.  —  Un  prut  comparer 
l'Apollon  Citharéde  du  bas-relief  avec  celui  dos  monnaios  on  bronze  de  Man- 
tlnée:  Caial.  of  greek  Coins,  Peloponn.  p.  187,  pi.  XX.W,  7  et  8. 

(.3)  Je  crois  que  M.  0.  Hie  est  le  seul  ô  nier  cette  Idonlité  (article  Musep, 
dans  lo  .^Jytii.  I.fixic.  de  Rosrhor,  p.  32.'$i). 

Maiitince.   —  :Ui. 


04()  AlTENblCKS. 

ne  simpose  pas  :  le  nombre  de  neuf  Muses  n*claît  pas,  au  IV^  siècle, 
absolument  de  rigueur;  une  combinaison  où  n*inlerviennent  que  deux 
triades  de  Muses  resterait  très  défendable. 

Ce  projet  de  reconstitution  du  piédestal  a  été  critiqué  par  Overbeck 
comme  incompatible  avec  la  disposition  du  groupe  qu'il  supportait. 

Mais  la  justesse  de  ces  criti(|ues  dépond  de  la  restauration  du  groupe 
lui-même,  c  cst-à-diro  d*un  élément  tout  subjectif,  puisque  nous  igno- 
rons complètement  les  proportions  et  l'attitude  dos  trois  personnages 
sculptés  par  Praxitèle.  Overbeck,  suivi  par  M.  Gardner,  a  voulu  se  les 
représenter  alignés  c6teà  côte,  couuncdes  soldats  dans  le  rang,  d'après 
des  monnaies  de  Mégare,  où  ces  doux  archéologues  reconnaissent 
une  reproduction  d'un  groupe  praxitélicn  analogue  à  celui  de  Mantinée. 
Mais  cette  hypothèse  n'a  rien  d'impératif,  car  il  n'est  pas  prouvé  que  le 
groupe  do  Mégare  soit  du  même  Praxitèle  que  celui  do  Mantinée;  son 
allure  encore  archaT(|ue  l'a  fait  attribuer  par  Furtwfingler  à  Praxitèle 
l'Ancien.  De  plus,  fùt-il  du  grand  Praxitèle,  il  n'est  pas  obligatoire 
d'admettre  que  le  sculpteur  s'est  répété  servilement  :  le  mémo  Praxitèle 
a  pu  concevoir  et  exécuter  le  mémo  sujet  de  deux  façons  très  différentes. 
Par  conséquent,  le  témoignage  de  la  monnaie  de  Mégare  me  paraît 
rccusable  en  l'espèce.  On  peut  très  bien  imaginer  une  autre  disposiliou 
du  groupe,  Apollon  et  Artémis  étant  représentés  debout  aux  cétés  de 
leur  mère  assise,  comme  Atbéna  et  iiébé  dans  le  groupe  de  Tiléraion 
mantinéen,  dont  le  même  Praxitèle  était  l'auteur,  ou  comme  Artémis 
et  Anytos  à  droite  et  à  gauche  de  Démétor  et  de  Koré  dans  le  groupe 
de  Damophon  de  Messène,  à  Lycosoura.  On  connaît  aussi  la  combinaison 
du  groupe  attribué  à  Euphranor  :  Latone  debout  portaitsur  chaque  bras 
un  de  ses  enfants.  Cette  combinaison  n'exigeait  pas  une  base  spacieuse, 
mais  ce  motif  est  si  laid  que  nous  n'oserions  alléguer  que  Praxitèle  s'y 
soit  arrêté. 

En  réalité  (et  chacun  peut  en  faire  l'expérience)  une  plate-forme  de 
1"*3G  de  côté  est  assez  large  pour  supporter  un  groupe  de  trois  person- 
nages en  grandeur  naturelle,  dont  deux  enfants.  Même  en  prêtant  aux 
Létoldes,  comme  le  voulait  Overbeck,  la  carrure  de  grenadiers  pomé- 
raniens  (i),  on  arriverait  à  les  loger  avec  leur  mère  sur  un  front  de 
1"36.  La  profondeur  de  i"36  ne  paraît  ni  excessive  ni  hors  de  proportion 
avec  la  largeur,  si  l'on  veut  réserver  une  place  au  siège  où  il  est  pos- 
sible que  L.éto  ait  été  assise.  Le  point  faible  de  cette  combinaison,  c'est 
de  nous  obliger  à  compléter  les  éléments  archi tectoniques  du  piédestal 
par  des  pilastres  d'angle]qui  auraient  maintenu  et  encadré  les  plaques, 
bien  qu'Overbeck  ait  qualifié  cette  invention  des  pilastres  de  nicht 
ungesckickt,  j'avoue  qu'elle  me  contrarie  encore. 

(1) Overbeck.  Berielit  der  sàchs.  Ges.  fi.  Wiss.  f888,  p.  287.  «  Es  Imbo  fflr 
jodo  die  StamUlâcho  ciacs  crwac.liscnon  Mannes  (Soldatoa  In  dcr  Compagnie- 
front,  d.  h.  0"40)  ausgcrcicht.  » 


AIICIIKOLOOIK.  547 

Pour  remédier  à  cet  inconvénient,  M.  Dôrpfcld  m'avait  suggéré  Projet  WaMbiein. 
l'exemple  de  la  base  dii  Zcus  Olympiini<\  beaucoup  plus  longue  (pie  large, 
et  nie  proposait  de  disposer  sur  une  inênie  ligne  les  quatre  bas-reliefs, 
y  compris  celui  qui  niampic.  C*esl  TarrangiMnent  que,  de  son  cùté, 
M.  Waldslein  a  adopté  dans  un  projet  do  restitution  du  groupe  man- 
tinéen,  projet  qui  a  eu  Plieureusc  fortune  de  faire  trouver  à  Overbeck 
son  chemin  de  Damas.  Toutefois  Taspect  seul  ducrofpiisdeM.  Waldstein 
en  fait  ressortir  Tinvralsemblance-  Son  piédestal  présente  un  front  do 
5'"44.  Sur  ce  socle  monumental,  l'auteur  installe  un  groupe  massif, 
dont  les  personnages  mesurent  près  de  4  mètres  de  haut  au-dessus  de  la 
plinthe.  Malgré  leurs  proportions  colossales,  ces  ligures  ne  couvrent  pas 
toute  la  superficie  de  la  plate-forme.  A  droite  et  à  gauche  du  groupe, 
entre  le  piod  des  personnages  et  le  bord  de  la  plinthe,  subsiste  une  soli- 
tude d'environ  I'"o0.  Les  arlilicos  de  dessin,  hachures  et  ombres,  que 
le  restaurateur  multiplie  pour  remplir  ces  vides,  n'en  atténuent  ni  la 
laideur  ni  l'invraisemblance.  Il  faudiaitdonc,  sur  cette  base  énorme,  des 
figures  hautes  de  5  niètres  au  moins,  avec  des  draperies  très  meublantes. 
Les  capitales  modernes  de  l'ancien  et  du  nouveau  monde  pourraient 
s'adresser  h  M.  Waldstein  pour  garnir,  suivant  le  goût  du  jour,  les 
espaces  déserts  de  leurs  places  publiques.  Mais  je  doute  que  Praxitèle 
eût  adopté  cet  art  mégalomane  et  encombrant,  surtout  dans  un  temple 
de  dimensions  moyennes,  dont  la  cella  se  partageait  entre  deux  sanc- 
tuaires adossés  à  une  cloison  interne. 

M.  Waldstein  essaye  de  masquer  les  vices  de  sa  construction  par 
des  expédients  aggravants.  Comme  il  ne  peut  augmenter  la  hauteur  de 
sa  frise  sculptée  pour  la  mettre  en  rapport  avec  son  excessive  longueur, 
il  se  rattrape  sur  les  accessoires.  Les  plaipies  ont  1  mètre  de  haut,  et 
M.  Waldstein  arrive  à  hausser  à  2"'50  au-dessus  du  sol  le  |)ied  des 
personnages  du  groupe.  Pour  cela,  il  a  dû  imaginer  force  addenda  et 
encastrer  la  frise  dans  un  appareil  (|uasi-cycIopéen  de  soubassements, 
do  corniches,  d'entablements  et  de  plinthes.  Chacune  de  ces  parties 
supplémentaires  mesure  j^n  moyenne  0'"40  à  0™î)0.  La  corniche  fait  une 
saillie  d'environ  0"3I).  Quelle  valeur  conservent  sous  cet  auvent  nos 
faibles  reliefs  de  0'"04  de  saillie?  D'ailleurs,  ils  possèdent  leur  cadre 
réel,  dont  la  modestie  ne  justifie  guère  les  combinaisons  grandioses 
du  dessinateur.  En  bas,  la  plinthe  a  0"*07;  en  haut,  la  corniche  dorique 
a  0^4  de  saillie,  décomposée  en  une  échine  de  0'"02G  de  hauteur 
et  un  tailloir  de  0'"034.  C'est  cette  mince  moulure  de  C^OO  de 
hauteur  totale  que  M.  Wahistein  abrite  Sf)us  un  entablement  écrasant. 
Kt  pourtant  son  cray(m  s'est  mis  à  Taise  avec  ces  détails  trop  étri(|ués  : 
d'instinct  il  a  grossi  plinthe  et  moulure  de  façon  que  l'œil  non  prévenu 
n'aperçoive  |)as  la  disproportion.  Malheureusement,  dès  cpron  rétablit 
Téchelle  vraie,  la  maigreur  des  détails  réels  ne  va  décidément  plus  de 
pair  avec  l'imagination  du  restaurateur. 

Ces  objections  n'enlèvent  pas  à  M.  Waldstein  un  mérite  ;  celui 
d'avoir  représenté  ses  idées  sous  une  forme  concrète.  Une  esquisse  de 


î)48  Ari'KNmcKs. 

restauration  vaut  mieux  ((u'une  description.  Car  tout  s'arrange  avec 
dos  mois,  tandis  que  le  jeu  des  lignes  et  des  lonnes  exige  qu'on  serre 
de  plus  près  les  dirTicultés.  Les  autres  défauts  du  projet  Waldstein 
sautent  aux  yeux  :  il  n'y  a  plus,  dans  le  développement  du  sujet  ainsi 
étalé  sur  une  seule  frise,  la  moindre  suite  ni  la  moindre  harmonie  de 
lignes.  I^  disposition  des  personnages  eu  triades  distinctes  rend 
incompréhensible,  pour  ne  pas  dire  absurde,  l'absence  de  liaison  entre 
ces  groupes.  Le  sujet  principal,  qui  doit  être  le  centre  de  raclion.  se 
trouve  relégué  de  c6té.  entre  des  comparses  absolument  indifférents  à 
l'action.  11  suffit  de  comparer  ces  plaques  au  sarcophage  Chigi  et  au 
Putéal  de  Madrid  pour  être  frappé  de  la  différence  :  dans  le  premier,  les 
groupes  ex trcMnes  sont  répartis  symétriquement  de  chaque  côté  d'un 
groupe  central  parfaitement  ordonné,  avec  des  personnages  transitoires 
dont  les  attitudes  intermédiaires  enlèvent  à  l'ensemble  toute  Impression 
d'incoliérence  :  tout  ce  monde,  animé  et  vivant,  se  tient  d'un  bout  à 
Tautrc.  Lia  composition  du  F'utêal  do  Madrid  est  une  compilation  moins 
habile  et  moins  souple.  Mais  là  encore,  le  souci  d'établir  un  lien  entre 
des  personnages  sans  doute  copiés  sur  des  originaux  isolés,  est  évident. 
L'Héphaistos  et  l'Athéna  présentés  de  trois  quarts  s'essaient  tant  bien 
que  mal  à  ménager  les  transitions.  Sur  nos  plaques,  c'est  à  peine  si 
l'on  pourrait  discerner  une  préoccupation  de  cet  ordre  dans  l'attitude 
de  la  Muse  assise  et  dans  celle  de  Marsyas. 

C'est  pourquoi  l'arrangement  de  nos  plaques  sur  une  frise  continue 
ne  serait  défendable  qu'à  condition  de  s'en  tenir  aux  trois  panneaux 
retrouvés,  sans  faire  intervenir  cette  quatrième  plaque  dont  l'existence 
n'est,  après  tout,quUiypothéti(|ue  :  l'Apollon  et  le  Marsyas  occuperaient 
au  centre  leur  place  naturelle,  la  Muse  assise  viendrait  à  côté  de 
l'Apollon,  et  la  Muse  aux  ffùtes  derrière  le  Marsyas.  Le  malheur  est 
que  certaines  irrégularités  relevées  dans  la  coupe  de  la  tranche  gauche 
de  cette  dernière  plaque  et  dans  le  prolil  de  sa  plinthe  et  de  sa  corniche 
paraissent  s'opposer  à  cet  appareillage.  De  plus,  les  objections  tirées 
de  la  disproportion  de  ce  socle  avec  les  trois  ffgures  du  groupe  seraient 
à  peine  atténuées  par  la  réduction  de  la  largeur  à  4"08,  au  lieu  des 
5"44  admis  par  M.  Waldstein.  Kulin,  le  système  de  la  frise  continue 
laisse  sans  décoration  les  c<Més  du  socle  et  la  face  postérieure.  Pour 
colle-ci,  on  peut  soutenir  <|u'clle  était  adossée  au  mur  de  fond  de  la 
cclla  ;  mais,  pour  les  côtés,  l'absence  de  décoration  s'expliquerait 
moins  facilement,  à  moins  d'accumuler  les  hypothèses  arbitraires  sur 
la  structure  intérieure  d'un  temple  dont  aucun  reste  ne  subsiste. 
Projet  Ameiiiiig.  ''^  projet  nouvellement  présenté  par  M.  Amelung  paratt  éliminer  les 
objections  d'ordre  matériel.  C'est  un  com|)osédes  deux  précédents.  Au 
lieu  d'un  piédeslal  carré,  décoré  d'un  bas-relief  sur  chaque  face,  comme 
je  l'avais  proposé,  ou  d'une  longue  base  de  5'"44avec  une  frise  continue 
de  quatre  .pli(|ues  sur  la  face  antérieure,  comme  l'avait  imaginé 
M.  Waldstein,  Walther  Amelung  compose  un  socle  rectangulaire  dont 
le  front  mesure  environ  Ë'^TO  de  long  et  les  côtés  1"43. 


ARGHÉOLOUIK.  l'M 

11  dispose  en  avant  lo  panneau  1  (Marsyas)  et  IV  (absent)  ;  sur  le 
flanc  gauche,  le  N**  11  (Muse  au  volunienj,  et  le  N''  111  (Muse  assise)  sur 
le  flanc  droit.  La  face  postérieure,  adossée  au  mur  de  fond,  ne  compor- 
tait aucune  décoration.  Quant  à  la  position  respective  des  plafjues, 
M.  Walther  Amelung  la  déduit  d'observations  minutieuses  laites  avec 
le  concours  de  M.  Dorpleld.  Il  s'agirait  lu  d'indices  matériels,  dont  le 
témoignage  aurait  plus  de  poids  que  les  considérations  d'ordre  esthé- 
tique, lorcéuient  arbitraires.  Des  traces  de  marlelagc  observées  par 
M.  Dorpfeld  sur  la  tranche  droite  de  la  plaque  i,  un  haut  ou  en  bas, 
indiqueraient  que  la  moulure  supérieure  et  la  plinlhe  inférieure  fai- 
saient retour  sur  cette  tranche.  Ces  saillies  auraient  été  ravalées  par  les 
Byzantins  pour  faire  entrer  la  plaque  dans  le  dallage  de  leur  église. 

De  plus,  au  revers  du  même  panneau,  on  distinguerait  sur  la  surface 
simplement  repiquée,  une  zone  verticale  lisse,  large  de  6  à  7  centi- 
mètres, et  qui  longerait  l'arètc  précédente.  On  en  conclut  que  là  venait 
s'appliquer  eu  équerre  la  tranche  do  la  plaque  cfmtiguë,  dont  la  moulure 
et  la  corniche  auraient  continué,  sur  le  coté  droit  du  piédestal,  la 
moulure  et  la  plinthe  en  retour  d'angle  du  panneau  1.  Le  N*  1  aurait 
donc  occupé  la  moitié  droite  de  la  lace  antérieure  du  socle,  et  sa  tranche, 
pourvue  d'une  moulure  et  d'une  plinthe,  aurait  commencé  la  face  laté- 
rale droite.  Au  dire  de  M.  W.  Amelung,  aucun  des  N"  Il  et  III  ne  peut 
être  juxtaposé,  sur  le  Iront  du  piédestal,  à  gauche  du  N*  1,  parce  que 
leurs  prolils  inférieurs  ne  concordent  pas  tout  à  fait  avec  le  sien  :  ce 
sont  donc  des  panneaux  latéraux,  dont  les  détails  auraient  été  un  peu 
plus  accentués,  parce  qu'ils  ne  recevaient  pas  la  lumière  de  -lace.  La 
place  laissée  vide  sur  la  moitié  gauche  du  Iront  reviendrait  donc  au 
panneau  qui  manque,  lequel  devait  être  aussi  pourvu  d'ime  moulure  et 
d'une  plinthe  en  retour  d'angle  sur  sa  tranche  gauche. 

Ceci  posé,  lequel  des  deux  numéros,  Il  et  III,  appliquer  sur  le  côté 
droit,  lequel  sur  le  cùté  gauche  du  socle?  Une  ingénieuse  remarque  de 
M.  Amelung  résout  la  question.  Sur  lo  iV  111,1  intervalle  du  champ  lisse 
entre  la  xMuse  aux  fliUes  et  l'arête  gauche  est  plus  large  que  la  dislance 
entre  la  .Muse  assise  et  l'arèle  droite.  La  dilTérence  équivaut  à  3  ou 
6  centimètres,  c'est-à-dire  à  l'épaisseur  d'une  tranche  de  plaque.  Si 
donc  l'on  dispose  le  N'  Il  d'équerre  contre  le  revers  du  N*  111,  la 
compensation  se  fait  de  ce  cùté,  et  la  Muse  assise  se  trouve  reculée  à 
la  distance  voulue  de  l'aréte  latérale  du  socle.  La  même  constatation 
s'applique  au  N*  11  où  la  Muse  au  volumen  s  éloigne  de  l'arête  gauche 
beaucoup  plus  (jue  la  Muse  à  la  cithare  de  l'arête  droite.  On  en  doit 
conclure  que  le  N*  11  devait  se  placer  en  retour  d'angle  au  revers  du 
N°  IV  (perdu).  La  Muse  au  volumen  d'un  côté,  la  Muse  assise  de  l'autre, 
marquaient  les  termes  extrêmes  de  la  composition. 

Dans  cet  exposé  de  la  théorie  de  M.  Amelung,  je  n'ai  cessé  d'employer 
le  conditionnel  :  c'est  que  je  la  considère  moins  comme  une  solution 
délinitive  queconnne  une  hypothèse  nouvelle.  Sans  doute,  cette  combi- 
naison a,  sur  celle  de  M.  Waldstein,  l'avantage  de  ramener  le  piédestal 


•olfO  APPKNDÎCKS. 

à  des  proportions  plus  raisonnables  :  2'"70  de  long  sur  i"47  do  profon- 
deur (en  ajoutant  la  Irancbe  des  panneaux  de  front  à  la  longueur  des 
plaques  latérales).  Sur  une  plaie-forme  de  ces  dimensions,  les  trois 
personnages  du  groupe  pouvaient  tenir  à  l'aise,  sans  être  pour  cela 
colossaux.  De  plus,  la  décoration  des  ctUés  est  assurée.  Mais  je  crois 
devoir  niainlenir  les  objections  précédentes  contre  la  juxtaposition 
de  deux  plaques  contiguês  sur  le  front  :  cet  arrangement  ne  peut 
aboutir  qu'à  une  disbarmonie  des  plus  cboquanles.  Il  nie  semble,  à 
priori,  inacceptable  d'ôter  du  centre  le  sujet  principal,  la  lutte  de 
Marsyas  et  d'Apollon.  Cette  disbarmonie,  il  est  vrai,  est  ici  moins 
tangible  puisque,  par  une  heureuse  coïncidence,  In  plaque  supposée 
contiguë  à  l'Apollon  est  précisément  celle  qui  manque.  Mais  il  est 
impossible  de  se  la  ligurer  dilTérente  des  autres  :  elle  devait  aussi 
représenter  une  triade  de  Muses.  Or,  cbacune  des  plaques  existantes 
représente  visiblement  un  sujet  indépendant,  se  sufTisnnt  à  lui-môme 
et  composé  de  manière  à  être  vu  à  part.  Il  faudrait  donc  imaginer, 
pour  ce  panneau  privilégié,  une  composition  particulière,  non  autonome, 
avec  des  personnages  reliés  ()luft  directement  à  la  scène  voisine.  Or,  la 
posture  de  l'Apollon  n'est  guère  favorable  à  cette  hypothèse. 

I^t.  même  en  concédant  à  M.  Amelung  ((ue  tes  Muses  de  cette  plaque 
manifestaient,  par  leurs  altitudes,  moins  d'indiflérence  que  leurs  sœurs 
h  l'égard  des  acteurs  principaux,  l'ensemble  ne  peut  être  restitué  d'une 
manière  satisfaisante.  L'exemple  du  Putéal  de  Corintlie,'loitt  de  con- 
firmer les  vues  de  M.  Amelung  au  point  de  vue  esthétique,  en  est,  au 
contraire,  la  plus  frappante  négation.  Car,  bien  <|ue  ce  monument  fût 
rond,  il  a  une  face  principale,  et  la  composition  s'ordonne  autour  d'un 
IKTSonnago  central  :  TAlliéua.  Si  Ton  voulait  appliquer  cotte  frise 
circulaire  à  un  socle  carré,  on  la  décomposerait  en  doux  |ianncaux 
plans  :  In  fnco  antérieure  comprenant  le  Jupiter  assis,  l'Athéna  et  la 
Parque  assise,  la  face  postérieure  comprenant  les  doux  autres  Parques 
et  l'Hermès. 

Quant  aux  indices  matériels  allégués  par  M.  Amelung.  je  me  refuse, 
malgré  Tautorité  et  la  compétence  d'un  observateur  tel  que  M.  Dorpfcld, 
à  leur  attribuer  une  valeur  absolue.  Je  ne  me  rappelle  pas  avoir 
remarr|ué  rien  do  semblable,  au  moment  où  les  plaques  étaient  parfat- 
lenvnt  visibles  sur  toutes  leurs  faces.  Le  ravalement  des  corniches  et 
des  plinthes  d'angle,  en  saillie  sur  les  tranches  angulaires,  aurait  été 
opéré  par  les  Byzantins,  au  dire  de  M.  Amelung,  pour  faciliter  la  jux- 
taposition (les  plaques  employées  au  dallage  d'une  église.  Je  me  sou- 
viens très  bien  que  ce  dallage,  où  entraient  les  morceaux  les  plus 
disparates,  chapiteaux  renversés,  bas-retiefs  et  dalles  lisses,  était  loin 
d'être  un  travail  soigné.  Les  ouvriers  qui  auraient  alors  procédé  au 
ravalement  se  seraient  peu  souciés  de  |)olir  la  surface  des  tranches  : 
quelques  coups  de  ciseau  ou  de  marteau  auraient  parfaitement  fait 
l'alTaire,  et  les  traces  de  ce  travail  seraient  plus  ap|)arentes  et  plus 
grossières.  Si  donc  il  est  actuellement  possible  de  discerner  sur  la 


AROHROI.OGIR.  ÎkÎI 

tranche  de  certaines  plaques,  au  niveau  de  la  corniclie  et  de  la  plintlie, 
des  traces  d'épannelagc,  comme  elles  sont  très  peu  marquées,  je  les 
croirais  contemporaines  de  la  pose  des  plaques  sur  le  monument  pri- 
mitif :  il  s'agirait  d'un  travail  de  reclilicatiou  opi'Té  avec  soin  pour 
obtenir  plus  de  précision  dans  l'appareil iage.  Quant  aux  bandes  lisses 
observées  au  revers  des  plaques,  ic  long  des  arêtes  verticales,  je 
demeure  sceptique,  sinon  sur  leur  existence,  tout  au  moins  sur  la  des- 
tination qui  leur  est  attribuée.  Elles  s'expli([ueraient  aussi  bien  par  la 
nécessité  d'appliquer  les  plaques  à  ces  pilastres  d'angles  dont  j'ai 
admis  la  nécessité  dans  un  piédestal  carré.  Il  en  est  de  uirme  des  trous 
de  scellements.  Au  reste,  il  me  semble  que  ces  observations  n'ont  pu 
être  laites  dans  do  bonnes  conditions,  les  plaques  ayant  été,  aussitôt 
après  leur  transfert  au  Musée  central  d'Atlièncs,  scellées  contre  un 
mur.  Il  ne  serait  donc  pas  superflu  de  procéder  à  une  enquête  plus 
approfondie;  je  me  permets  d'attirer  sur  ce  point  la  bienveillante 
attention  de  l'Kpbore  général  des  antiquités.  Si  M.  Cavadias  veut  bien 
faire  desceller  les  plaques  et  les  soumettre  à  un  oxauicn  spécial,  je  me 
rendrai  à  I  évidence,  si  évidence  il  y  a.  Ku  attendant  pins  ample 
informé,  je  réserve,  comme  par  le  passé,  mes  prédilections  pour  le 
système  du  piédestal  carré  avec,  sur  chaque  face  ou  tout  au  moins  sur 
trois  de  ses  faces,  un  panneau  composé  pour  être  vu  isolément. 

11  me  reste  à  examiner  la  question  de  la  dateel  colle  de  raltribulion  „.^|^ 

à  Praxitèle.  A  vrai  dire,  ces  deux  (jueslions  ne  peuvent  être  complète- 
ment séparées.  Car  la  construction  du  piédestal  et  sa  décoration  doivent, 
à  priori,  être  considérées  comme  conlcn)p(U'aines  de  l'exécution  du 
groupe  par  Praxitèle.  L'hypothèse  que  le  Sï)cle  n'aurait  été  terminé  que 
longtemps  après  la  pose  des  statues  suppose  un  fait  anormal  :  elle  ne 
peut  se  produire  qu'autorisée  et  juslitico  par  des  arguments  péremp- 
loires,  et  non  par  de  vagues  impressions.  Il  s'ai^it  donc  d'oxaun'iier  si, 
oui  ou  non,  les  bas-reliefs mantinéens  portent  la  marque  du  IV' siècle; 
—  s'il  y  a,  au  contraire,  des  raisons  décisives  de  leur  attribuer  une 
date  postérieure  :  cet  examen  ne  préjuge  en  rien  rintcrvention  person- 
nelle de  Praxitèle  dans  cette  œuvre. 
Il  faut  d'abord  déblayer  le  terrain  d'une  controverse  sans  valeur.  Comp.ir.vson 
Le  premier,  Overbeck,  avec  une  salisfaclion  mal  dissimulée  et  une  Us 

ardeur  bien  imprudente,  s'inscrivit  en  faux  contre  mes  conclusions  et   bas  iriicfs 
se  lit  le  porte-voix  de  l'opposition  anii-praxitélienne.  11  s'appuyait       aitiqn^- 
alors  sur  le  témoignage  anonyme  d'un  «  guler  deutscher  Kenner  »  qui 
jugeait  les  Muses  mantinéennes  comme  une  copie  romaine  d'un  modèle 
grec  (1).  11  y  joignait  une  déclaration  de  M.  llirschfeld,  lequel  transi- 

(I)  M.  Wollcrs  {Clame,  Rcw.  loc,  cil.),  a  allégué  en  faveur  d'une  date 
postérieure  ii  Praxitèle  la  nature  des  trous  de  scellement.  Cet  argument  n'est 
pas  sérieux,  car  les  scellements  do  nos  plaques  n'ont  pas  une  forme  caractéris- 
tiipic  (pli  permette  de  les  dater. 


l'M  APPKNDICKS. 

geait  pour  le  2*  siècle  avaut  J.-C.  Quelque  temps  après,  Overbeck,  de 
passage  à  Alliénes,  me  déclarail  nellement  que  la  vue  des  marbres 
originaux  u'avail  en  rien  amélioré  son  impression.  Toutefois,  les  aflir- 
malions  en  sens  contraire  de  MM.  Furlwàngler,  C.  Robert,  Lôscbke  et 
Waldstein  ébranlèrent  sans  doute  sa  confiance  en  lui-même  et  en  ses 
premiers  oracles.  1^  quatrième  édition  de  la  Grùchische  Plastik  nous 
apporta,  sous  forme  d'une  complète  voile  lace,  le  résultat  de  ces  luttes 
intérieures.  L'aulcur  se  rallie  au  système  de  M.  Waldstein.  De  son 
côté,  M.  liausor,  Taulcur  des  Neu-Àttisclie  IMiefa,  parut  devoir  munir 
les  anti-praxitéliens  d'armes  perfectionnées  :  il  refusait  aux  Muses 
mantinéenncs  les  honneurs  du  IV*  siècle  et  leur  concédait  une  modeste 
place  dans  le  troupeau  des  bas-reliefs  nco  attiques,  c'est-à-dire  de  ces 
rejetons  abâtardis  qu'un  siècle  décadent  façonnait  avec  les  procédés 
du  grand  art,  sans  en  avoir  l'inspiration.  Toutefois  les  arguments  de 
M.  Hauser  reposent  sur  une  pétition  de  principe.  Ktant  donné  que  le 
style  néo-attiquc  est  en  partie  une  contrefaçon  du  style  du  IV*  siècle  et 
que  nous  possédons  de  ce  dernier  très  peu  d'œuvres  datées,  la  difliculté 
de  distinguer  la  copie  de  l'original  nous  oblige  souvent  à  suspendre 
tout  jugement.  L'essentiel  serait  d'abord  d'avoir  une  notion  claire  du 
style  propre  aux  bas  reliefs  du  IV*  siècle.  L'exemple  suivant  fait  res- 
sortir l'incertitude  de  cette  méthode  Parmi  les  œuvres  soi-disant  née- 
attiques  auxquelles  M.  Ilauser  compare  les  Muses  mantinéennes,  ligure, 
en  première  ligne,  le  Putéal  de  Madrid.  L'analogie  entre  les  deux  monu- 
ments le  détermine  à  les  classer  dans  la  môme  série.  Or,  M.  Walther 
Âmelung  se  sert,  au  contraire,  des  bas-reliefs  mantinéens  pour  attri- 
buer le  Putéal  de  Madrid  au  IV  siècle  (1)  De  même,  tandis  que  M.  ilauser 
va  rechercher  dans  certaines  stèles  funéraires  de  Ithénée  le  type  des 
Muses  mantinéennes,  avec  leur  visage  rond,  leurs  contours  gras,  leurs 
lèvres  épaisses,  aux  comnnssures  profondes,  et  leur  menton  court  et 
saillant,  M.  Walther  Amelung  reconnaît  à  tous  ces  traits  un  air  praxi- 
télien.  Au  reste,  M  Ilauser  s'est  avisé  do  rinsufTisance  de  ses  rappro- 
chements, puisqu'il  a  renoncé  depuis  à  classer  les  Muscs  mantinéennes 
parmi  les  œuvres  néo-al tiques. 

Ainsi,  tout  rapprochement  avec  les  bas-reliefs  dits  néo-altiques 
pèche  par  la  base  On  est  d'autant  plus  fo.:dé  à  exclure  ceux-ci  de  la 
discussion  qu'ils  forment  un  groupe  de  monuments  très  spécial  :  ce 
sont  des  autels,  des  bases  triangulaires  de  trépieds  ou  de  candélabres, 
des  putéals,  des  vases  en  marbre.  Us  représentent  des  danseuses,  des 
bacchantes,  des  silènes,  surtout  dos  scènes  d'orgie  et  de  mystères, 
r^ur  destination,  comme  leur  facture,  n'a  rien  de  commun  avec  notre 
monument.  Celui-ci,  par  sa  simplicité  et  la  gravité  sculpturale  de  son 
style,  par  l'allure  de  sa  composition  et  par  sa  nature  même,  détonerait  au 
milieu  de  cette  série  où  tout  esprit  non  prévenu  ne  saurait  lui  découvrir 

(I)  Die  Ifasis  v.  Praxitèle.^,  p.  H. 


AnCHKOLOGIK.  Vilui 

un  équivalent.  Car  ceux  que  M.  Hauser  mettait  jadis  en  parallèle  avec 
lui  ne  lurent  eux-mêmes  introduits  dans  ce  groupe  qu'à  grand  renfort 
d*hypotbèse8  (1).  Donc,  si  l'on  veut  se  placer  sur  un  terrain  solide, 
mieux  vaut  comparer  nos  plaques  avec  les  monuments  authentiques 
du  IV*  siècle,  constater  les  analogies  qu'elles  présentent  avec  eux  et 
discuter  si  les  dissemblances  sont  telles  qu'elles  doivent  motiver  leur 
exclusion  de  cette  série,  ou  si,  au  contraire,  elles  ne  doivent  pas  plutôt 
leur  assigner  dans  celte  série  une  place  à  part. 

De  tous  les  arguments  intrinsèques  que  j'avais  fait  valoir  en  faveur  CompunUon 
du  IV*  siècle,  en  particulier  la  faiblesse  du  relief,  la  simplicité  des  avec  les  œuvres 
moulures,  la  sobriété  de  la  composition,  l'absence  de  pittoresque  et  des  *  *'"  t^'*  ■• 
attributs  particuliers  aux  Muses  hellénistiques,  le  calme  des  ligures 
espacées  et  rinduence  évidente  des  modèles  du  Parthénon,  aucun  n'a 
perdu  sa  force.  La  publication  des  sarcophages  de  Sidon  est  venue, 
depuis,  nous  apporter  des  éléments  nouveaux  et  un  terme  de  compa- 
raison des  plus  démonstratifs.  On  ne  saurait  nier  Télonnante  analogie 
entre  les  attitudes  et  les  draperies  des  Pleureuses  et  celles  des  Muses 
mantinéennes.  L'importance  du  rapprochenieut  s'augmente  d'une 
donnée  chronologique  (2).  M.  Sludniczka  présumequele  sarcophage  des 
Pleureuses  contenait  les  restes  du  roi  de  Sidon,  Slralon  V  le  Philhel- 
lène,  proxcne  d'Athènes,  assassiné  par  sa  femme  vers  3()0.  Mais  tout 
porte  à  croire  qu'il  avait,  de  son  vivant,  une  dizaine  d'années  plus  tôt, 
commandé  son  sarcophage  à  un  artiste  athénien,  (^s  monarques  orien- 
taux, les  rois  de  Sidon  en  particulier,  prenaient  d'avance  leurs  précau- 
tions contre  l'incurie  et  la  parcimonie  de  leurs  héritiers.  Par  suite, 
l'exécution  du  sarcophage  des  Pleureuses  peut  Aire  placée  sans  invrai- 
semb'iance  au  plus  tard  en  l'an  370  avant  J.-C.  Les  Muses  de  Mantinée 
paraissent  à  M.  Sludniczka  plus  jeunes  de  quelques  années.  Kn  effet, 
chez  leê  Pleureuses,  les  formes  plus  massives  et  plus  malronales,  les 
draperies  traitées  en  grands  pnns  largement  plaqués,  laissent,  malgré 
le  fini  de\*exéculion  et  la  dignité  des  altitudes,  une  certaine  impression 
de  lourdeur.  î^s  visages,  avec  leur  coiffure  de  bandeaux  ondulés  et 
leurs  joues  pleines,  ne  sont  pas  exempts  de  mollesse.  On  relève  au 
contraire,  ch^.z  les  Muses  mantinéennes,  des  duretés,  de  ta  sécheresse 
dans  le  détail  des  draperies,  une  faclure  plus  expédilive,  bref  de  Tiné- 
galité  et  comice  de  l'indécision,  notamment  dans  les  ligures  de  la 
plaque  11  (Muse  à  la  Cilliare).  Mais  les  silhouettes  semblent  plus 
svelles  et  le  dessin  plus  dislingué.  Le  modelé  plus  discret  disparaît 
sous  l'étoffe,  dont  les  agencements  compliqués,  les  plis  multiples  et 
brisés  visent  à  l'elUt  pittoresque.  H  y  a  là  toute  une  science  nouvelle 
de  la  draperie  :  ce  n'«sl  pas  encore  la  co(|uetterie  des  ligurines  de  terre 
cuite,  où  les  jeux  de  ^'himation  et  du  voile  s'amusent  à  intriguer  la 

(1)  Uauscr.  Neti^allUche  Heliefs,  p.  150  et  suiv. 

(2)  Jakrb,  d,  K.  arch.  TnsML  1894.  L\,  p.  211,225. 


\m 


APPKNDÎCRS . 


curiosité.  Mais  c'est  déjà  la  recherche  de  rafDnements  intéressants 
pour  l'œil  :  rétode,  réduite  en  petits  plis,  contournée,  repliée  autour 
du  buste,  forme  au  corps  une  enveloppe  animée,  dont  Télogance  s'af- 
franchit des  conventions  du  placage  plastique  en  usage  à  l'époque  pré- 
cédente :  elle  ne  tire  son  charme  que  de  la  réalité  vivante.  L'artiste 
évite  avec  soin  la  monotone  retombée  des  grandes  surfaces  lisses  ;  il 
superpose  les  plans,  multiplie  les  lignes  brisées  et  les  torsades,  subdi- 
vise les  masses  en  menus  détails.  L'himation  s'enroule  autour  de  la 
taille  ou  sous  les  seins  comme  une  grosse  ceinture  ;  il  encadre  la  poi- 
trine et  laisse  à  découvert,  au  dessous  des  genoux,  le  chiton  aux  plis 
tuyautés.  I^s  lignes  verticales  du  chiton  partent  du  sol  sans  traîner  ; 
elles  dissimulent  le  mouvement  des  jambes  et  forment  à  la  masse  dra- 
pée un  support  h  la  fois  svcltc  et  solide. 


Fur.    îiO. 

Slèlo  dn  Klôônis  (1). 


rijf.  CO. 
Slèlf  funérnire  (2). 


(1)  Trouvée  dans  imo  cabane,  entre  la  porte  D  et  la  source  dos  Méliastcs.  Elle 
roprôscnto  une  femme  drapée  de  la  tunique  Uilaire  et  tenant  entre  ses  mains 
un  cofTrct  h  bijoux.  L'inscription  KXeoiv'ç  parait  s'^Hre  surajoutée  h  d'autres, 
qui  ont  été  martclées.mais  dont  quelques  Ilnôamenis  indistincts  subsistent. 

(2)  Trouvée  dans  les  ruines  d'une  chapelle  byztntlno  d'Hagios  Alhanasios,  à 
l'intérieur  de  l'encelnlo,  prés  de  la  sortie  de  la  route  nationale.  —  II.  0.97.—  L. 
0.45. —Ép.  0.18. 


An(:HKOix>niK.  .»•>•> 

Les  origines  do  celte  réaclion  dans  le  Iraileinonl  do  la  draperie  Les  iimpmrs. 
n'écliappcnl  peut  îVlrc  pas  à  nos  recherches.  Kniro  les  iMHiilloiineincnls 
un  peu  emphatiques  du  costume  ionien  avec  ses  envolées  de  Dues  étolTes 
chères  à  Técole  de  Phidias,  et  la  simplicité  un  pou  plalo  du  costume 
dorion,  tels  que  le  représentent  les  métopes  d'Olympie,  il  y  avait 
place  pour  une  écolo  du  juste  milieu.  On  pouvait  songer  à  restiluor  h 
la  draperie  son  rôle  de  vêtement  :  il  sudisait  de  la  traiter  à  Tétat  de 
repos,  d'en  user  sans  en  jouer,  de  proliler  de  ses  ressources  avec  modé- 
ration et  naturel,  c'est-à  dire  d'associer  la  souplesse  et  la  virtuosité 
alli(|ues  à  la  sobriété  dorienne.  Cette  fusion  paraît  sVire  accomplie 
vers  la  lin  du  V  siècle  ;  l'Kîréné  de  Céphisodole  nous  en  offre  le 
spécimen  le  plus  accompli  (1).  Rien  ne  nous  empêche  donc  d\'idmenre 
(|ue  cette  manière  plus  simple  et  plus  familière,  déjà  en  germe  dans  les 
œuvroï^  d'Alcamènc,  n'ait  trouvée  dans  Tart  de  Céiihisodote  sa  formule 
la  plus  nette.  Nous  en  avons  vu  dans  le  has-relief  mantinéen  de  la 
Femme  au  Foie  une  application  des  plus  intéressantes.  Les  succes- 
seurs (le  Ophisodole,  s'emparant  de  cette  fonnule,  s'appliquèrent  à 
la  moderniser,  à  la  dépouiller  de  son  austérité  un  peu  rigide,  sans 
abandonner  pour  cela  le  principe  du  retour  à  la  réalité.  IJéjà  les 
lUeureuses  et  plusieurs  bas-reliefs  funéraires  attiques  de  la  lin  du  V*et 
du  début  du  IV*  s.  nous  montrent  le  progrès  en  ce  sens.  I>es  Muses 
mantinéennes  viennent  clore  cette  série  et  en  ouvrir  uuo  nouvelle,  avec 
une  recherche  plus  marriuée  de  la  variété  et  du  piflorcsque.  On  peut, 
sans  imprudence,  faire  honneur  de  cette  seconde  rénovation  à  iVaxitèle, 
qui  aurait  ainsi  poussé  à  ses  dernières  consé(|uences  la  méthode  inau- 
gurée dans  latelier  paternel. 

Ce  qui  autorise  celte  supposition,  c'est  l'élude  très  suggestive  de  la 
draperie  dans  l'Hermès  d'Olympie.  Kilo  révèle,  en  elTel,  chez  l'arlisle, 
comme  l'a  remarqué  avec  beaucoup  de  pénétration  M.  Furlwiingler  (2), 

{{)  Cf.  le  Sophochî  (lu  inusc<î  do  L^itraD,  idcntilié  par  Klein  iivcc  le  Con- 
tionans  manu  (ojclata  do  Géplilsoiloto,  qui  serait  do  :\\n  niviroii  av.  J.-C. 
{liiauns  Yuuloh,  p.  142.  —  Plln.  XXXIV,  87.  —  Kloin.  l'raxiletcs^  p.  î)!);. 

(2)  MeiHcrwcrke,  p.  'o\2.  —  U\  draperie  do  rilonu.-s  iirsl  plus  dans  la 
manlèro  do  O'pliisoJotn,  tcllo  «ju'on  peut  lu  Ju.:,'(T  d'apr\s  Ir  {froui)0  d'Kiréné 
rt  Ploutos.  Il  y  a  la  un  arjcument  sérieux  conlro  l'allriliulion  de  rilcnnès  il 
G'plilsodolo.  Li  r.^ssomblanco  dtis  tétos  p-ut  ln\s  hirn  s"i«xi»li(pior  par 
rinducnco  sur  Praxitèle  des  traditions  paternollos.  Do  n*i|iio  Plino  altribuo  à 
Cf'ipliisodoto  l'oxocution  li'un  groupe  do  Morniro  ot  do  Hatchus,  il  no  s'onsuit 
pas  forcément  qu'un  groupe  analogue,  trouvé  à  Olynipio  sous  le  nom  do 
Praxitèlo,  doive  ètro  onlové  à  colui-ci  pour  être  mis  au  compte  de  son  p<>re. 
Céphisodoto  a  pu  sculptor  lo  fçroupe  signalé  par  Plin«»:  ri  son  fils  a  pu,  do 
son  côté,  traitor  Iiî  mémo  sujol,  on  prônant  do  r<ruvro  palcrnollo  co  qui  lui 
convenait.  Quanlàamrmor  rincompatihililé  do  la  farlun*  do  l'Ilormès  avoc  lo 
stylo  do  Praxitèle  jugé  d'après  dos  copi(î^  ou  d'après  drs  (ouvros  (lualiriécs 
d'originalos  ot  arbilrairounmt  attribuées  au  maître  par  comparaison  avec 
ledit  llormès,  c'ost  un  procédé  de  discussion  aussi  audacli'ux  qu'inconséquent. 


558  APPKiNmCRS. 

inaDièrc  la  plus  heuiTiiso.  Par  clic,  cl  par  les  PleuteuseSy  nous  possé- 
dons un  trait  d'union  cnire  l'art  du  V*  siècle  et  celui  des  Icrres-cuitcs. 
La  niéinc  pia([ue  nous  permet  de  suivre  les  phases  de  cette  évolution. 
Dans  la  Museaux  fliUos,  on  retrouve  un  dernier  rellet  des  ligures  du 
Parlhénon  ;  dans  la  ligure  centrale,  se  dessine  la  statue  drapée  à  la 
manière  praxiléliennc,  type  qui  lit  aussitôt  lortune  et  dont  nos  musées 
possèdent  tant  de  répli(|ues  ;  enfin,  dans  cette  charmante  Muse  assise, 
unique  dans  la  sculpture  grecque,  et  qui  a  déjà  la  grâce  toute  moderne 
d'une  ligurine,  on  peut  saluer  le  type  précurseur  des  plus  exquises 
créations  des  coro|)lastes.  Ainsi  sont  reconstitués  les  titres  de  propriété 
de  Praxitèle  dans  l'art  tanagréen  (i). 

Au  reste  la  comparaison  des  tôles  de  nos  M  uses  (2)  avec  celle  de  l'IIerniès 
d'Olympie  sufllrait  à  édilier  tout  œil  non  prévenu.  C'est  la  môme  incli- 
naison gracieuse  de  la  tôle,  le  môme  regard  baissé  et  comme  atténué 
par  une  expression  de  pudeur  et  de  joie  calme.  Les  yeux  longs,  le  front 
étroit,  la  base  du  nez  large,  l'ovale  aminci  de  la  figure,  les  paupières 
adoucies,  le  menlon  court  et  la  moue  caractéristique  de  la  lèvre  infé- 


(i)  La  main  posée  sur  la  hanche  passe  pour  être  une  trouvaille  de  Praxitèle. 
Elle  se  trouve  dèjft  dans  lo  Contionans  du  inusèo  do  Latran.  <Voy.  p.  5!k5.) 
Comparez  la  Musn  centrale  do  la  plaque  il  avec  l'atUtudo  du  Satyro  praxitô- 
lien,  et  celle  de  nombreuses  figurines  béotiennes.  M.  Max  MaycrM^^-  MiUh, 
XVII,  1892,  p.  2()l-2()i),  présume  que  lo  type  drapé  des  figurines  tanagréennes 
dérive  directement  do  i'raxitôle  par  rintermôdiaire  du  groupe  des  Thespiadcs. 
Cette  œuvre  mentionnée  par  Pline  (//.  iV.  XXIV,  (>î).  —  XXVI,  ôt))  parmi  les 
marbres,  puis  parmi  les  bronzes  signés  du  maître,  fut  enlevée  par  Mummlus  et 
cédée  à  Lucullus,  qui  la  dédia  au  temple  <le  la  Félicité.  Ces  Thcsplades,  d'après 
M.  Meyer,  ne  seraient  autres  que  dos  Muses;  le«s  bas-reliefs  de  Mantinéc  seraient 
en  quelque  sorte  une  première  ébauche  du  groupe  de  Thcspics.  finalement, 
la  présence  de  ces  statues  célèbres  en  Uéotio  expliquerait  la  prédilection 
des  coroplastes  tanagrécns  pour  le  type  de  la  figurlno  drapée,  si  voisin  des 
Muses  mantiuéennes.  —  M.  Walther  Amelung  rtîjettc  ces  conclusions  [wur  les 
raisons  suivantes  :  l"  Le  groupe  des  Thespiades  doit  être  reconnu  dans  les 
Muses  du  Vatican,  réplique  praxitélienne,  dont  la  parenté  avec  le«  terres- 
cuites  ne  parait  p;is  très  étroite  ;  2"  Praxitèle  a  plusieurs  fois  travaillé  en 
Béolle,  à  Platée,  à  Thèbes,  à  Thespies  deux  fols.  On  ne  saurait  donc  attribuer 
au  groupe  des  Thespiades  un  rôle  prépondérant  ;  3'  enfin  Tanagra  n'est  pas  si 
éloignée  d'Athènes  qu'on  ne  puisse  admettre  une  infiuence  directe  do  l'art 
attitfue  sur  celui  des  coroplastes  {\V.  Amelung.  Die.  Ifasia  des  Praxiteles, 
p.  31  et  47).  —On  sait  d'autre  part(Paus.  IX,  30,  l)  que Céphlsotlote  avait  exé- 
cuté trois  des  neuf  Muses  du  groupe  héliconlen  complété  par  Strongyllon  et 
Olympiostliénès. 

(2)  Les  tètes  groupées  sur  la  planche  IV  ont  été  reproduites  d'après  les 
moulages  du  Musée  d'archéologie  de  l'Université  de  Lille.  Lsi  photographie 
directe  sur  les  originaux  ne  m'avait  rien  donné  de  bon;  la  paroi  de  la  salle, 
à  Athènes,  est  échdrée  i>;ir  un  jour  de  côté  qui  produit  des  ombres  trop 
noires. 


AUCUÉOLOGIË.  5(iD 

rieure  un  peu  épaissie  rappellent  aulant  de  traits  familiers  aux  ligures 
praxitéliennes  (l).  ile  qui  complète  la  ressemblance,  c'est  le  sourire 
insaisissable  qui  flotte  autour  de  la  bouche,  netlement  limilée  par  les 
fossettes  des  commissures.  Cet  air  d'aménité  qui  éclaire  tout  le  visage 
d'un  reflet  de  bonté,  voilà  la  signature  de  IVaxilèle.  Par  cette  note 
nouvelle,  l'art  du  IV*  siècle,  de  plus  en  plus  avenant  et  naturel,  pré- 
lude aux  aimables  et  spirituelles  fantaisies  des  coroplastes. 

Ainsi,  les  nouveautés  des  bas- relief  s  mantinéens  sont,  pour  notre 
connaissance  imparfaite  de  l'art  du  1V«  siècle  dans  ses  débuts,  une 
surprise  et  une  révélation.  Mais  elles  ne  peuvent  être  invoquées  comme 
un  cas  d'exclusion.  Ne  nous  attardons  pas  à  noire  surprise,  mais  pro- 
fitons des  enseignements  que  cette  œuvre  nous  apporte. 

Si  nous  passons  maintenant  aux  arguments  extrinsè((ues,  nous  y  AivHnH'ii:! 
trouverons  des  preuves  subsidiaires  dignes  d'inlérôt.  Ouelle  (|uc  soit  la  ex«"n»*q«e«. 
chronologie  adoptée  pour  le  détail  de  la  carrière  de  Praxitèle,  le  texte 
de  Pline  en  demeure  l'élément  essentiel  :  c'est  dans  la  101*  Olynipiade. 
c'est-à-dire  aux  alentours  de  362,  (|ue  se  place  Vacmé  de  Praxitèle.  Ses 
travaux  à  Mantinée  ne  sont  certainement  pas  antérieurs  à  Tan  370, 
date  de  la  reconstruction  de  la  ville.  Car  il  faudrait  remonter  jus(|u'au 
delà  de  38o,  c'est-à-dire  avant  le  diœcisme,  pour  trouver  une  date  favo- 
rable :  or,  l'artiste,  qu'il  fiU  né  en  404,  comme  le  suppose  M.  Klein  (2) 
ou  vers  390,  comme  on  l'admettait  auparavant  (3),  était  alors  trop 
jeune,  et,  d'ailleurs,  la  situation  polili(|ue  de  Mantinée  trop  incer- 
taine. L'époque  la  plus  propice  à  l'activité  de  Praxitèle  à  Mantinée  se 
restreint  à  la  période  371-3G5.  C'était  juste  le  moment  où  le  jeune 
artiste,  déjà  célèbre,  allait  entrer  en  pleine  gloire;  en  elTet,  d'après 
les  calculs  de  M.  Klein  (4j,  1rs  Aphroditcs  de  Cos  et  do  (^nide  ont  dû 
être  exécutées  dans  les  années  qui  suivirent  le  syniecisme  de  Cos  en 
3G5.  Je  rattacherais  volontiers  la  commande  des  Mantinéens  au  voyage 
de  Lycomèdes  à  Athènes  on  3('>6,  lorsque  le  brillant  démagogue  alla 
solliciter  l'allianced'Alhènes  contre  la  tyrannie  menaça  nie  de  Thèbes  (o). 
A  ce  moment,  le  Letùon  contigu  à  l'Asclépieion  (0),  et  Tlléraion.  rebâtis 
depuis  371,  devaient  être  prêts  à  recevoir  les  groupes  commandés. 

(I)  Voy.  dans  W.  Aniolunf,'  {Die  Jfasis  v.  Prnxilelea,  p.  73),  uiio  analyse 
«MmiiKirèe  des  détails  de  la  ligure  chez  Skopas  vl  chez  Praxitèle,  —  Cf.  Klein. 
rraxUelcs,  ch.  XIII. 

{i)  rraxitelcs,  p.  U\. 

(3)  Collignon.  Ilist,  de  la  sculpt.  grecque^  II,  p.  255. 

(i)  Praxiteles,  p.  10,  17. 

(5)  Voy.  plus  haut,  p.  450. 

(0)  L'Asclépieion  avait  dû  être  terminé  un  j)eu  avant  4IS,  pour  recevoir  la 
statue  d'Alcumènc,  qui  florissaU  trois  générations  avant  Praxitèle  (Puusau. 
VIU,  î),  I). 


560  APPKNDIOKS. 

Un  autre  indice  chronologique  peut  être  tiré  du  sujet  même  des  bas- 
reliefs.  J'ai  rappelé  plus  haut  (I)  la  corrélation  entre  le  mythe  d'Apollon 
et  de  Marsyas  et  les  polémiques  musicales  qui  mirent  aux  prises,  à  la 
lin  du  V*  siècle,  les  partisans  de  la  cithare  et  ceux  de  la  tlùte.  Que  les 
innovations  de  Pbiloxônos  de  Cythère  et  de  Timotbée  de  Milet  aient 
inquiété  à  Sparte  et  à  Athènes  l'orthodoxie  des  admirateurs  du  chant 
apollinien  et  du  mode  dorien,  cela  se -conçoit.  Maison  ne  s'étonnera 
pas  d'entendre  jusqu'en  Arcadie  l'écho  de  ces  controverses  artistiques 
et  de  ces  (fuerelles  d'école,  si  1  on  se  rappelle  le  rôle  prépondérant  de  la 
musique  dans  l'éducation  et  dans  la  vie  du  peuple  montagnard  et 
pastoral  par  excellence.  I^s  règlements  qui,  au  dire  de  Pol'ybe,  rendaient 
obligatoires  dans  les  villes  arcadiennes  Fétude  et  l'exercice  de  la 
musique,  remontaient  à  une  haute  antiquité.  Or,  divers  témoignages 
nous  ont  appris  que  Mantinée  possédait  une  école  musicale  et  orches- 
tique  très-renommée.  Les  tendances  de  cette  école  avaient  été  netten)ent 
conservatrices  avec  un  maître  appelé  Tyrtaios  par  Plutarque  (2)  :  il 
proscrivait  la  musique  moderne,  l'emploi  du  genre  chromatique,  les 
changements  de  Ion,  les  instruments  à  cordes  nombreuses.  Il  s'en  tenait 
à  un  seul  mode  ou  à  un  petit  nombre  de  modes  choisis  parmi  les  plus 
calmes,  c'est-à-dire  au  mode  dorien  et  à  ses  dérivés.  La  célébrité  do 
cette  école  attira  à  Mantinée  le  fameux  Aristoxène  de  Tarente,  qui 
méditait  de  rendre  à  la  musique  son  antique  simplicité  (3).  Le  séjour 
d'Aristoxëne  dans  le  Péloponnèse  se  place  vers  Pan  343,  puisqu'il  s'y 
rencontra  avec  Denys  le  Jeune  retiré  à  Corinthe.  Il  est  tout  naturel  que, 
23  ans  auparavant,  alors  qu'ils  renaissaient  à  la  vie  poli  tique  et  rêvaient 
pour  leur  démocratie  intelligente  les  plus  brillantes  destinées,  les 
Mantinéens  aient  chargé  Praxitèle  de  symboliser  en  une  œuvre  durable 
les  mérites  de  leur  art  musical.  Apollon,  vainqueur  de  Marsyas  et 
entouré  de.son  chœur  de  Muses,  n'était  pas  déplacé  cher,  eux. 

Jajouterai  un  autre  argunieut.  Dans  ces  querelles  musicales  la 
politique  intervient.  M.  CoUignon  (4)  a  montré  l'antipathie  soudaine  des 
Athéniens  pour  la  llùte  béotienne  symbolisée  par  les  représentations 
du  mythe  d'Athéna  jetant  les  flûtes  de  Marsyas. 

L'art  de  Myron  s'était  mis  au  service  du  patriotisme  athénien.  Or,  les 
Béotiens  ne  sont  ils  pas  justement  les  ennemis  de  Mantinée  avant  et 
après  362?  Pourquoi  no  pas  supposer  une  intention  maligne,  analogue 
à  celle  qui  avait  inspiré  Myron,  dans  le  sujet  imposé. à  Praxitèle  pour 
ses  bas-reliefs?  On  notera  (|ue  les  groupes  sculptés  par  Partistu 
athénien  célèbrent  des  divinités  du  cycio  argien  et  attique,  Léto  et  les 


(1)  Voy.  p.;ii«. 

(2)  Plut,  de  Musica,  32. 

(3)  Sulilas.  Fr.  hist,  graec,  II,  p.  209.  —  Thomlstius.  Oral.  XXXIII,  p.  3Gi. 

(4)  nUL.  de  la  SculpL  gr.  I,  p.  Mît. 


auciiéolouii::.  561 

Létoldes,  Héra  avec  Atliéna  et  Hébé  (f).  C/ctait  la  glorification  par  le 
marbre  de  la  vieille  alliance  mantinéo-altico-ar^'ionnc,  ronouveléc  non 
plus  contre  Sparte,  mais  contre  Thobcs.  Pour  ces  raisons,  une  date 
coutem|)oraine  des  négociations  ((ui  ont  prcccdc  la  bataille  de  3()2  me 
parait  encore  s'imposer. 

La  précédente  discussion  a,  je  crois,  établi  deux  faits  :  i"  le  groupe  Ptriici|«iion . 

>  rnxilclc 

du  LclAon  a  été  exécuté  par  Praxitèle  vers  3(»t»;  2"  le  sujet  des  bas- 
reliefs  de  la  base  indique  une  date  contemporaine.  De  fait,  leur  com- 
position et  leur  manière  nous  ont  décelé  une  onivrc  de  répoc|ue  transi- 
toire comprise  entre  !W0  et  ÎMiO.  Donc,  le  groupe  et  sa  base  ne  peuvent 
être  séparés;  ils  ont  été  connus  ensen)ble  ;  ils  ont  fait  partie  du  même 
projet.  C'est  pourquoi  il  m'a  bien  fallu,  dans  celte  argumentation 
clironologi(|ue,  produire  certains  arguments  où  la  question  d'attribu- 
tion était  cfllcurée.  Il  me  reste  à  prendre  celle-ci  corps  à  corps  et  à 
mesurer  la  part  personnelle  de  Praxitèle  dans  ces  sculptures  :  s'agit-il 
d'une  simple  influence  ou  d'une  exécution,  partielle  ou  intégrale,  par  le 
ciseau  du  maître?  M.  Furtwungler,  avec  sa  nelfelé  ordinaire,  opine 
pour  ce  dernier  parti.  Les  bas-reliefs  mantinéens  seraient  de  la  main 
même  de  Praxitèle;  ils  se  placeraient  au  début  de  la  série  praxitélienne. 
Ce  serait  un  travail  de  jeunesse,  antérieur  d'une  vingtaine  d'années  à 
l'Hermès  d'Olympie,  œuvre  de  maturité  exécutée  en  34.'l,  au  moment  de 
l'alliance  entre  les  aristocrates  d'Élis  et  ceux  d'Arcadie.  Malgré  l'auto- 
rité d'un  juge  comme  M.  Furlwrmglur,  malgré  les  séduclitms  d'une 
hypothèse  qui  grandirait  singulièrement  la  valeur  de  notre  découverte 
en  nous  permettant  d'inscrire  sur  ces  bas-reliefs  la  signature  unique 
de  Praxitèle,  je  no  puis  me  résoudre  ni  à  les  placer  si  haut  dans  mon 
estime  ni  à  accepter  sans  réserves  la  chronologie  du  savant  archéo- 
logue. H  me  semble  impossible  de  désigner  Praxitèle  connue  un  débu- 
tant à  l'époque  précise  où  Pline  le  représente  en  pleine  possession  de 
de  son  talent;  il  me  semble  également  diflicile  de  fermer  les  yeux  sur 
les  lourdeurs  de  rilermès  d'Olympie  au  point  d'y  voir  une  œuvre 
d'impeccable  et  souveraine  maîtrise.  Je  crois  plutôt  que  l'Hermès  est 
un  travail  de  jeunesse,  et  je  lui  maintiendrais  l'ancienne  date  de  .')(>;), 
c'est-à-dire  une  date  voisine  de  l'exécution  du  groupe  manlinécn. 
Quant  à  nos  bas-reliefs,  il  faut  évidemment  les  apprécier  au  prorata  de 
leur  valeur  réelle,  ni  surfaite,  ni  méconnue. 

M.  Klein,  dans  son  livre  récent  sur  Praxitèle,  étude  pleine  d'aperçus 
ingénieux  et  de  jugemenis  finement  exprimés,  mais  d'une  logitjue 
parfois  flottante,  parafl  dispose  à  nier  le  caractère  praxitélien  de  ce 
monument.  Mais,  par  une  inconsé(|uence  dont  les  archéologues  sont 
assez  coutumiers,  il  reconnaît  ce  caractère  à  certaines  répliciues  signa- 
it )  Cotto  indication  piTmct  (i'altrihiicr  aux  drux  1,'rouprs  a  jm«u  près  la 
luèiiic  (latr. 

Miiiitiiice.    —  :i7. 


5<)2  APPENblCKS. 

lécs  comme  praxilélioDncs  par  W.  Amelung,  et  cela  par  comparaison 
avec  les  Muses  manlinéenocs.  En  efîcl,  le  processus  a  été  le  suivant  : 
les  Muscs  manlinécnncs  sont  praxiléiiennes,  donc  les  statues  qui 
ressemblent  à  ces  Muscs  le  soûl  aussi.  M.  Klein  voudrait,  de  ce  syllo- 
gisme, ne  retenir  ([ue  la  conclusion  et  rejeter  les  prémisses.  Le  rappro- 
chement de  rUrania  (Koré)  du  Vatican,  de  la  Koré  de  Vienne  avec  le 
nom  de  Praxitèle  a  été  suggéré  par  le  monument  de  Mantinéc  ;  par 
conséquent,  si  la  source  de  la  suggestion  est  éliminée  du  débat,  toutes 
les  conséquences  déduites  de  ces  analogies  doivent  s'annuler  ipso  facto. 

Mais,  si  les  circ^jnstances  qui  ont  provoqué  l'érection  du  monument 
mantinécn,  si  l'étude  des  draperies  et  des  têtes  comparées  à  l'Hermès 
d'Olympie,  nous  autorisent  à  maintenir  l'épilhèle  de  praxitélienne  à 
propos  de  notre  base,  qu'est-ce  donc  qui  nous  empêcherait  de  compter 
ces  sculptures  parmi  les  œuvres  originales  de  Praxitèle? 

Ici,  je  dois  reprendre  les  observations  premières  que  j'avais  jadis 
présentées  sur  la  pauvreté  et  la  sécheresse  do  l'exécution,  sur  la  gau- 
cherie de  certaines  attitudes,  notamment  dans  l'esclave  scythe  et  le 
Marsyas.  La  composition  des  panneaux  n'est  pas  exemple  de  reproches  : 
si  chaque  panneau  a  son  autonomie,  s'il  est  ordonné  de  façon  à  être 
vu  à  part,  c'est  que  le  sujet  ne  devait  pas  se  développer  sur  une  frise 
continue.  Mais,  à  Tinlérieur  de  chaque  panneau,  risolemcnt  des  per- 
sonnages les  uns  par  rapport  aux  autres  leur  donne  un  faux  air  de 
copies,  faites  d'après  des  originaux  séparés  :  ce  seraient  comme  autant 
de  statues  transportées  en  bas-reliefs  dans  un  essai  de  groupement 
assez  maladroit. 

On  reconnaît  quckpics-uns  des  modèles  antérieurs  dont  notre  auteur 
s'est  inspiré  en  les  adaptant  à  son  sujet.  Le  Marsyas  est.  quoi  (|u'en 
ait  dit  Overbeck  (1),  une  réminiscence  indéniable  de  celui  de  Myron  ; 
j'ai  noté  l'influence  de  la  frise  du  Parlhénon  sur  la  Muse  au  voluinen 
et  la  Muse  élevant  la  lyre.  D'autres  rapprochements  plus  étroits  encore 
s'imposent  avec  des  statues  telles  que  les  Korcs  de  Vienne  et  du  Vati- 
can (2),  répliques  d'œuvres  du  IV*  siècle,  probablement  praxitéliennes. 
Ces  œuvres  ont-elles  servi  de  modèles  à  notre  auteur  et  son  travail 
n'est-il,  en  déUnilive,  qu'une  compilation,  à  laquelle  Praxitèle  ne  saurait 
être  associé  (|ue  d'une  manière  lointaine,  comme  étant  la  source 
principale  où  le  compilateur  aurait  puisé?  Alors  Praxitèle  n'aurait 
pas  plus  collaboré  à  notre  monument  que  Myron,  à  qui  le  motif  du 
Marsyas  fut  euqirunté.  Une  opinion  aussi  absolue  suppose  que  nos 
reliefs  auraient  été  posés  longtemps  après  le  groupe,  ce  qui  est  peu 
plausible,  comme  je  Tai  montré  précédemment. 

(i)  Der.  d,  Sachs.  Gescll.  1888,  p.  iO."). 

(2)  Il  sunirait  sans  iloute  de  pjircourlr  la  coll<H;tion  «les  l*hotogr,  Einzelauf- 
nalimen  anttk,  ShulpL  de  .\rn(U  et  Ameliin^  (((uc  Je  n'ai  |vis  {i  ma  disimsilion) 
pour  en  rclfvei'  d'auti'cs. 


AlIClIKOLOiSIK.  :><)3 

Je  persiste  donc  à  croire  qu'entre  la  théorie  de  l'exôcution  intégrale 
du  monuipcnt  par  la  main  de  PrsixitèJc  et  celle  qui  exclut  le  Maître  de 
toute  participation  aux  bas-reliefs  de  la  base,  il  y  a  place  pour  un 
nif»ycn  terme.  J'estime  que  nous  sommes  en  présence  d'une  bonne 
œuvre  d'atelier,  avec  des  faiblesses  et  des  morceaux  de  premier  ordre, 
comme  le  dessin  de  FÂpollon,  la  figure  de  In  Muse  dé|)loyant  le  volumen 
et  celles  des  trois  Muscs  de  la  plaque  III.  L'énilnenl  sculpteur  Cbupu  se 
rangeait  à  cette  opinion.  Praxitèle,  j'imagine,  a  fourni  le  thème  général 
de  l'esquisse;  il  est  permis  de  retrouver,  dans  ragenccmenl  des  dra- 
peries, une  ébauche  rapide  et  comme  un  essai  de  figures  peut-être  déjà 
en  cours  d'exécution  dans  son  atelier,  ou  seulement  à  l'état  de  ma- 
quettes, flgures  dont  il  devait  tirer  soit  ces  Thespiades  dont  on  propose 
de  lui  attribuer  la  paternité,  soit  ces  Korai  dont  les  statues  de  Vienne 
et  du  Vatican  nous  offrent  des  répliques.  11  n'est  pas  iuipossible  que  le 
groupe  des  Muses  héliconiennes,  auxquelles  Cépliisodole  avait  colla- 
boré, lui  ait  fourni  un  modèle  qu'il  aurait  rajeuni  et  modernisé,  comme 
il  devait  reprendre  à  son  compte  Tllermès  portant  Dionysos  du  mèuïe 
Céphisodote.  En  tout  cas,  il  dut  confiera  un  disciple  la  tache  accessoire 
de  la  décoration  du  socle  de  Mantinée  :  le  grain  du  marbre,  qui  est  de 
Doliana  (1),  indique  une  exécution  sur  place  des  bas-reliefs.  Pour  la 
pose  de  l'ensemble,  deux  combinaisons  peuvent  être  admises,  suivant 
qu'on  suppose  les  statues  du  groupe  ciselées  à  Athènes,  dans  l'atelier 
du  Maître  ou  bien  sur  place.  Dans  le  premier  cas,  Praxitèle  les  aurait 
expédiées  à  destination,  en  confiant  à  un  élève  la  mission  de  les 
accompagner  et  de  les  dresser  sur  un  socle  dont  il  lui  aurait  remis  le 
projet  et  abandonné  l'exécution.  Dans  le  second  cas,  le  jeune  Maître  se 
serait  transporté  à  Mantinée  ;  après  avoir  achevé  le  groupe  du  UUêon 
(et  peut-être  en  même  temps  celui  de  Plléraion),  il  serait  reparti, 
laissant  à  un  disciple  les  bas-reliefs  soit  simplement  ébauchés  soit  en 
partie  conmicncés  de  sa  main.  Je  ne  puis  naturellement  pas  afTirmer 
qu'on  doit  reconnaître  la  touche  personnelle  de  Praxitèle  dans  l'une 
quelconque  des  têtes  de  nos  bas-reliefs,  bien  que  les  meilleures  et  les 
mieux  conservées  d'entre  elles,  celles  de  la  plaque  111,  puissent  pré- 
tendre à  cet  honneur.  Ceci  est  une  alîaire  d'impression  subjective. 
Pausanias  ne  dit  pas  formellement  que  les  bas-reliefs  soient  l'œuvre 
même  de  Praxitèle;  mais  il  est  permis  d'alïirmer  que  celui-ci  n'y  a  pas  été 
étranger.  La  base  sculptée,  récemment  découverte  à  Athènes,  avec  la 
signature  de  Bryàxis,  se  présente  dans  des  conditions  cerlaineinent 
moins  favorables;  l'auteur  des  reliefs  de  Vanthippasia  n'est  qu'un 
praticien  de  troisième  ordre,  à  coup  sûr  inférieur  à  la  réputation  de 
Rryaxis  et  à  l'auteur  des  bas-reliefs  mantinéens. 

11  n'est  guère  de  sculpteur  moderne  qui  ne  puisse  se  ralliera  notre 
solution  mixte  :  elle  est  d'usage  courant  dans  les  ateliers.  La  répu- 

(I)  Ivi'psiiis   (irirrh.  àlarmoratud.  f^'»  I.S7. 


504  APPKiNUICKS. 

gnanco  des  archéologues  à  l'adinetlro  imposerait  à  Tari  ancien  des 
rrglcs  de  Iravaii  contraires  à  l'expérience  et  aux  nécessités  pratiques. 
Si  l'on  songe  que  Praxitèle  avait  à  sculpter  pour  Manlinée  deux 
grands  grou[)cs  de  trois  personnages  chacun,  on  comprendra  quii  ail 
simplilié  sa  besogne  en  confiant  à  ses  élèves  la  décoration  d'un  piédestal. 
Qu'il  y  ait  présidé  comme  je  Tai  dit  plus  haut,  rien  de  plus  plausible. 
Mais  j*ai  aussi  l'impression  que  le  monument  a  éiô  terminé  sans  lui. 
peut-être  après  son  dé|)art,  sans  qu'il  lui  eût  fait  subir  la  retouche 
magistrale.  A  celte  œuvre  trop  (ôt  délaissée,  Praxitèle  a  apporté  les 
dons  divins  :  la  grandeur  de  l'inspiration  et  le  charme  d'un  génie 
juvénile  et  hardi.  Ceux  à  qui  11  conGa  son  ébauche  ne  surent  point  la 
parfaire  en  lui  imprimant  le  cachet  de  la  suprême  maîtrise. 


III«  Topographie. 

lo)  Plan  de  àîantinée  (pL  VIII). 

Ce  plan  a  été  établi  en  collaboration  avec  un  jeune  ingénieur  italien, 
M.  Felice  de  Uiili,  alors  au  service  du  gouvernement  grec  et  attaché  à 
l'ingénieur  en  chef  du  nome  d'Arcadie.  Avec  un  désintéressement  tout 
amical,  il  a  bien  voulu  relever  au  tachéomètre  le  périmètre  de  Manlinée. 
J'ai  complété  son  travail  par  l'indication  des  ruines  découvertes  au 
cours  des  fouilles. 

2»)  Carte  de  la  Tégéacide  (pi.  IX). 

La  base  principale  de  cette  carte  est  le  grand  plan  dressé,  sous  la 
direction  de  M.  Qucllcnnec,  ex-ingénieur  en  chef  de  la  Mission  fran- 
çaise des  travaux  publics  en  Grèce,  par  M.  Audrain,  conducteur  de 
ladite  Mission.  Je  dois  l'obligeante  communication  de  ce  document  à 
M-  Quellennec,  qui  l'a  accompagné  de  plusieurs  autres  dessins  complé- 
mentaires, également  établis  sous  sa  direction.  La  Mission  française 
avait  à  étudier  un  projet  de  dessèchement  de  la  Haute  Plaine  d'Arcadie. 
Elle  dut  pour  cela  procéder  à  un  nivellement  du  terrain  et  à  une  recon- 
naissance des  kalavothres.  J'ai  eu  aussi  communication  du  tracé  de  la 
voie  ferrée  de  Myli  à  Tripolis;  les  (Hudes  en  ont  été  faites  sur  le  terrain 
par  M  Chauvin,  sous  les  ordres  de  M.  Gotteland,  ex-ingénieur  en  chef  de 
la  même  Mission.  ICnfin,  j'ai  reporté  sur  cette  carte  le  plan  des  ruines 
de  Tégée,  publié  par  M.  Hérard  à  la  fin  de  ses  fouilles  dans  le  Uulletin 
de  Correspondance  hellénique  (WMy  t.  XVI,  pi.  Xlll),  comme  complé- 
ment de  SCS  deux  articles  sur  ïégée  et  la  Tégéatide  {ibid^  p.  529-049  et 
XVll,  p.  1-24). 


sur  les  soin* 
de  l'Alphéc 


TOPOGHAIMIll':.  5(>0 

Mon  inlenlion,  en  publiant  cette  carte,  est  de  fournir  aux  savants 
qui  les  ont  réclames  les  moyens  de  résoudre  délinilivcmont  une  ^|ucs- 
tion  géographique  depuis  hmgtemps  débattue  :  celle  des  véritables 
sources  de  l'ancien  Aipliée.  11  serait  temps  de  clore  ce  débat. 

Les  théories  anli(|ue8  sur  le  cours  de  l'Alpbce  étaient  des  plus  aven-  Théorie 
lureuses.  D'après  Pausanias  (Vlll,  ,S4,  4),  le  fleuve  prenait  sa  source  à  <»•  P»"»"»'' 
riiylaké,  à  la  limite  des  territoires  de  Sparte  et  de  Tégée  (Krya-Vrysis, 
source  du  Saranda-Polamos).  Il  entrait  sous  terre  dans  la  plaine  de 
Tcgée  (èç  To  Tceôi'ov  xaxéôu  to  TtytoLxixày/),  |)iiis  reparaissait  à  Aséa. 
Là,  ses  eaux  se  mêlaient  à  celles  de  TEurotas,  dont  la  source  était 
voisine  :  axaSîOuç  Be  ôaov  irévxe  àirb  'A^eaç  tou  'AXo-sjou  jjiev  oXfyov  aTrb 
Tf[^  ôBou,  TOU  Se  Eùpïoxa  Tiàp  'aûx/jv  Içxi  T^f\y'}\  xvjv  ôSôv  {ib,  44,  îl.  Cf. 
Strab.,  p.  275  et  'M\,  —  Dionys.  Perieg.  412i.  Les  deux  rivières  par- 
couraient dans  le  même  lit  environ  20  stades  et  se  précipitaient,  réu- 
nies, dans  un  second  goulTre  (xal  090v  ItzI  etxo<Ti  ^Txaoïoaç  xotv(*i  Tcpotaat 
Tcji  peû|jLaxi.  Paus.  ib,  —  Cf.  Strab.,  p.  211'}).  \je  chenal  souterrain  se 
fourchait  dans  les  profondeurs  de  la  montagne  et  chacune  des  deux 
rivières  avait  son  issue  :  TEurotas  près  de  Delniina  (Srab.,  p.  !I43), 
l'Alphéc  aux  Hoï^'^  dans  la  plaine  de  Mégalopolis  (Paus.,  VIN.  H.  *)), 
D'après  Polybe  (XVI,  IG),  PAIphée  disparaissait  tout  près  de  sa  source, 
reparaissait  après  un  parcours  de  10  stades.  Au-delà  de  son  embou- 
chure, TAIphée  était  encore  censé  traverser  la  mer  de  Sicile  pour 
rejoindre  la  fontaine  Aréthuse  (Srab.,  p.  '27;>). 

ïji  tradition  qui  faisait  ressortir  PAlphée  supérieur  des  confins  de  la 
Laconie  et  de  PArcadie  reposc-t-elle  sur  un  fait  réel?  Autrement  dit,  le 
cours  du  Saranda-Potamos  a-t-il  jamais  suivi  la  direction  de  l'Ouest 
pour  se  déverser  dans  le  katavothre  de  Taka,au  lieu  de  suivre  celle  de 
l'Est  et  de  s'absorber  au  katavothre  de  Versova?  H  y  aurait  eu,  dans 
ranliquilé,  au  lieu  d'une  rivière  uni(|ue  obliquant  à  l'Est,  deux  cours 
d'eau  indépendants  :  l'Alphée  supérieur,  constilué  par  le  Saranda- 
Polamos,  obliqué  h  l'Ouest,  soit  dès  sa  sortie  des  montagnes,  soit  après 
un  (larcours  plus  ou  moins  sinueux  autour  de  Tégée,  et  le  (Uiratès, 
identique  d'abord  au  torrent  issu  du  massif  de  Doliana,  et  ensuite  au 
Saranda-Potamos  actuel  à  partir  de  Magoula.  Depuis  que  le  soi-disant 
Alphée  supérieur  a  pris  la  direction  de  l'Est,  le  (jaratès  est  devenu  un 
aflluent  du  Saranda-Polamos;  d'autre  part,  cet  Alphée,  en  délaissant 
l'ancien  lit  qui  le  conduisait  à  l'Ouest,  a  dû  se  frayer  un  nouveau 
tronçon  à  la  sortie  des  montagnes  pour  aller  se  confondre  avec  le 
Garâtes  au  dessous  de  Magoula. 

Voilà  le  postulat.  La  plupart  des  voyageurs  modernes  en  ont  admis, 
d'après  Pausanias,  la  réalité.  Mais  il  faut  observer  que  Pau.^^anias, 
employant  l'aoriste  xaxé8u,  fait  allusion  à  un  fail  ancien  :  il  ne  constate 
donc  pas  un  fait  actuel;  il  ne  fait  que  relater  une  tradition.  Qu'il  ait 
recueilli  sur  place  ou  (|u'il  ait  de  lui  même  imaginé  cette  théorie^  peu 
importe.  Puillon-Hoblaye  (Kxpéd,  de  Marée,  11-,  p.  .'J28)  prétend  avoir 


î)6<ï  APPKNDICeS. 

pu  suivre  par  les  alluvious  schisteuses  et  micacées  le  cours  du  Saranda- 
Potanios  pendant  la  période  préhistorique,  et  il  conclut  que  la  rivière 
s'est  jetée,  à  une  époque  très-ancienne,  dans  le  gouffre  de  Taka.  Ross 
{Reiscn,,  p.  71)  recueillit  à  Piali  une  tradition  orale  d'après  laquelle  le 
cours  actuel  du  Saranda-Potamos  vers  Tliist  résulterait  d'un  travail 
de  dérivation  exécuté  par  un  bey  turc  au  XVll"  siècle.  Comninos 
( i3r|[i.eiu)(retç  àp/aioX.  —  'AOT,va?ov.  VllI.  1880.  p.  209)  attribue  aussi  ce 
travail  à  un  Olhoman,  Périalis  (éponyme  du  village  de  Piali);  l'ancien 
cours  du  Saranda-Potauius  aurait,  d'après  lui,  suivi  la  ligne  Kérasilza- 
Daniiri.  Curllus  (i*ehp>  I,  p.  2^\))  avait  adopté  la  théorie  de  Ross. 
M.  Rérard  Ta  reprise  et  précisée.  C'est  à  la  hauteur  de  Ttlot  du 
Saranda-Polamos  (au  N.-K.  d'AkIiouria)  que  la  rivière  aurait,  d'après 
lui,  tourné  vers  TOuest;  elle  aurait  fornié  au  Nord  de  Tégée  une  boucle, 
baignant  l'extrémité  N.  de  l'enceinte  sans  pénétrer  dans  la  ville;  de  là, 
elle  aurait  rejoint  le  marais  de  Taka  au-dessous  de  Kérasitza. 

Les  premières  objections  à  cette  théorie  ont  été  présentées  par 
Philippson  (1);  à  aucune  époque,  sinon  peut-être  à  une  époque  géolo- 
gique lointaine  où  tous  les  rapports  du  terrain  étaient  complètement 
autres,  le  Saranda  Potamos  n'a  pu  se  diriger  vers  l'Ouest,  parce  que, 
dit-il,  entre  la  rivière  et  IMali,  le  terrain  monte  sensiblement. 

M.  Loring  [Journal  of  liellen,  .S'furf.,  I8ÎK>,  XV,  p.  53  et  07-08)  s'ap- 
pli(|ue,  de  son  côté,  à  réfuter  Pausaniaset  M.  Bérard.  11  objecte  que,  si 
l'Alphée  avait  baigné  Tégée,  les  anciens  l'auraient  remanpié;  ensuite, 
que  le  tracé  de  l'ancien  lit  du  (leuve,  sur  la  carte  de  M.  Rérard,  va 
précisément  en  remontant  le  terrain,  au  rebours  delà  direction  actuel- 
lement suivie  par  le  ruisseau  qui  naît  au-dessous  de  Mertsaousi  pour 
finir  dans  la  Mantinique  (voy.  plus  haut,  p.  41  et  suiv.).  Do  fait,  au 
point  où  cette  rivière  connnence,  près  de  l'église  et  du  cimetière 
d'Ibrahim-Effendi,  on  constate  un  léger  relèvement  des  courbes  de 
niveau.  Il  y  a  là  un  seuil  très  adouci  (il  est  indiqué  sur  notre  carte), 
lequel  forme,  à  cet  endroit,  une  ligne  de  partage  des  eaux.  De  là,  les 
courbes  vont  en  descendant  constamment  du  côté  de  la  Mantinique  et 
de  Sténo.  Il  est  donc  certain  que  jamais  le  Saranda-Potamos  n'a  pu 
s'engager  dans  le  petit  ravin  (004"™2I)  enfermé  entre  le  site  de  Tégée 
(070"™)  cl  la  butte  de  Mertsaousi  (OîK)*"),  parce  que  ce  ravin  lui  pré- 
sentait une  voie  montante.  Si  la  rivière  a  jamais  eu  des  velléités  de 
quitter  son  lit  actuel,  à  la  hauteur  de  l'Ilot,  c'aurait  été  plutôt  pour 
s'engager  dans  la  direction  de  la  Mantinique,  comme  je  l'ai  expliqué  à 
propos  du  Lâchas  (p.  M .  Note). 

Reste  donc  la  partie  méridionale  comprise  entre  Tégée  et  la  sortie 
des  montagnes.  Là,  le  seuil  dont  parle  Philippson  n'existe  pas;  mais  la 
disposition  des  courbes  de  niveau  sur  notre  carte  montre  qu'en  débou- 


(1)  Pelopfmnes,  p.  i08.  —  Cf.  Martol.  Rev.  deGéogr,,  1892,  p.  3W  sqq.,  et 
Les  Abîmrti^  p.  WMJ. 


TOPOr.iiAPiiiK.  ÎWn 

chant  en  plaine,  la  rivière  est  ausitôt  entraînée  dans  un  sillon  oblique- 
ment dirigé  du  S.-O  au  N  -IC.  Ce  lit  n'a  rien  d'artificiel;  les  berges  en 
sont  adoucies,  et  il  a  toujours  existé  ainsi  dans  les  temps  historiques. 
On  pourrait»  matériellement,  diriger  le  Saranda  Potamos  dans  le 
marais  de  Taka  en  le  saisissant  dès  sa  sortie,  pour  le  dériver  vers 
Kamari.  Mais  alors  il  faudrait  l'enfermer  entre  des  levées  de  terre  ou 
dans  une  profonde  tranchée  pour  i'empôcher  d'inonder  turrcnliellement 
toute  cette  partie  de  la  plaine,  dont  la  déclivité  est  assez  rapide.  Si 
donc  M.  Audrain,  à  première  vue,  a  pu  concevoir  un  projet  de  ce  genre 
et  en  faire  part  à  M.  Hérard  {DuU.  de  Coir.  Iiellhi.  \VI,  p.  i)!14),  il  n'a 
pas  dû  tarder  à  y  renoncer.  En  fait,  étant  donné  celle  pente,  si  la  rivière 
avait  suivi  la  direction  de  Kamari,  la  force  du  courant  aurait  creusé  un 
lit  dans  le  talus  où  s'appuie  ce  village.  Or,  on  n'en  voit  aucune  trace 
sur  le  terrain. 

Une  autre  preuve  que  la  direction  naturelle  du  Saranda-Potamos  est 
bien  du  côté  de  l'Est,  c'est  que  le  katavolhre  de  Taka  est  un  exutoire 
des  plus  médiocres,  un  boyau  étroit  qui  ne  suffit  même  pas  à  évacuer 
les  apports  du  torrent  de  Valtetsi- L.a  vraie  solution  du  dessèchement 
de  la  plaine  consisterait  à  dériver  les  eaux  de  Takn  à  la  fols  dans  la 
boucle  de  Varsova  et  dans  la  Mantinique,  en  rejoignant  par  un  chenal 
ie  milieu  du  lac  et  le  ruisseau  do  Mertsaousi.  Ce  chenal  suivrait  le  lit 
du  ruisseau  de  Vouno  et  atteindrait  7  à  8  mèlres  de  profondeur  à  l'en- 
droit le  plus  élevé  de  son  parcours»  c'est-à-dire  au  seuil  d'Ibrahlm- 
Eflendi. 

Di  seconde  question  soulevée  par  le  texte  de  Pausanias,  à  savoir  la 
communication  entre  le  katavolhre  de  Taka  et  les  sources  de  Kranco- 
Vrysi,  se  résout  aussi  très  nettement  par  la  négative.  Le  fond  du 
katavolhre  exploré  par  MM.  Martel  et  Sidéridès  esl  à  G12"  d'altitude, 
et  les  sources  à  G54"  (1). 

Les  autres  questions  relatives  au  cours  comuiun  de  FAlphée  et  do 
l'Ëurulasont  été  examinées  par  M.  Loring  (our.  ciit\  p.  (»9-70;  carte  de 
la  plaine  de  Franco-Vrysi,  pi.  11;. 


3°)  Carte  du  territoire  de  Manlinée  (pi.  X). 

I^  base  de  celte  carte  est  un  agrandissement  au  double  de  la  carte 
de  l'Etat-major  français  au  200000*,  complété  avec  les  données  du 
Carton  spécial  de  la  plaine  de  Tégée  et  de  Manlinéo  au  l.')0  000*,  carton 
joint  à  l'atlas  de  V Expédition  de  Morée,  J'ai  aussi  eu  communiciUion  de 
la  minute  au  ;iOOOO*,  qui  est  au  Dépôl  de  la  Cuerre.  1^  plan  dressé  par 
la  Mission  française  des  travaux  publics  et  (|ui  comprend  toute  la  Ion- 

(1)  Les  Abîmes,  p.  !i()l.  —  I^»  képlinhiri  «Mirri'spoiul.inl  :iu  katnvolhro  osl 
poiii-^lro  criul  de  Konitlilsji,  à  ii  kll.  au  N.  ilo  Sparlr  :  il  rst  A  2;m"  d'al- 
titudo,  d'apW's  la  cotn  cjuc  m'a  communiquée  M.  Quciltnnnc. 


î)08  APPKNDICKS. 

gueur  de  la  Haute  Plaine,  depuis  Taka  jusqu'au  kliani  de  Hilal,  a  luuriii 
les  cotes  du  (und  de  la  plaine  avec  d'exactes  indications  sur  la  direction 
des  principaux  cours  d'eau.  Le  travail  de  nivellement,  subordonné  au 
projet  de  dessèchement,  est  complet  pour  la  Tcgéatide,  inondde  des  deux 
cdtés  ;  mais,  pour  la  Manlinique,  il  est  limité  à  la  partie  basse  contiguô 
au  Ménalc.  Le  site  môme  de  Manlinée  reste  en  dehors.  Je  n'ai  pu  figurer 
le  relief  en  courbes  de  niveau.  I^s  cléments  de  ce  travail  font  absolu- 
ment défaut,  et  je  n'avais  ni  les  moyens  ni  le  temps  de  l'entreprendre. 
1^  minute  du  Carton  spécial  de  F K ta t- major  est  bien  dessinée  en  courfties 
de  niveau,  mais  ces  courbes  ont  été  tracées  à  vue  d'œil  et  ne  correspon- 
dent pas  à  des  relevés  précis.  L'altitude  absolue  de  la  Haute  Plaine 
résulte  des  études  du  chemin  de  fer  de  Myii  à  Tripolis,ce  qui  a  permis 
à  la  Mission  française  de  substituer  des  cotes  exactes  de  nivellement 
aux  anciennes  cotes  barométriques.  Ainsi,  la  cote  de  Mantinée  est  de 
630  mètres  et  non  de  000,  comme  l'indique  la  Carte  de  l'Ktat-major  au 
200000*.  Ces  détails  ne  sont  pas  superflus,  il  fallait  les  établir  avec 
précision,  en  raison  de  l'importance  fondamentale  de  la  topographie 
sur  le  régime  des  eaux,  sur  l'habilabilité,  et,  par  suite,  sur  l'histoire, 
dans  un  bassin  fermé  à  faible  déclivité.  Knlin,  pour  les  noms  et  la 
répartition  des  katavothrcs,  j'ai  trouvé  de  précieuses  indications  dans 
les  rapports  et  les  croquis  de  M.  Sidéridès,  consignés  et  commentés  par 
M.  Martel  dans  son  livre  sur  LesÀbiines,  ch.  XXVill. 


IV.  -  Histoire. 

lo)  Statistique  de  la  population, 

T^  statistique  approximative  de  la  population  manlinécnne  peut  être 
tentée,  en  prenant  pour  base  les  chiffres  des  eflectifs  relevés  par  Héro- 
dote pour  les  guerres  médi(|ues  et  le  chifTre  maximum  de  3000  hommes 
indiqué  par  DIodore  pour  Tannée  411),  et,  plus  catégoriquement,  par 
Lysias  dans  son  discours  sur  la  Comtiiutinn,  pour  l'année  403. 

Aux  Thermopyles,  le  contingent  mantinéen,  égal  à  celui  de  Tégée,  se 
montait  à  500  hoplites  (t).  Mais  ce  clitlTre  ne  représente  qu'une  faible 
part,  le  tiers  au  plus,  des  troupes  que  chacune  de  ces  deux  villes  pou- 
vait mettre  en  ligne.  A  Platée,  où  l'elTort  fut  beaucoup  plus  considé- 
rable, puisque  les  Spartiates  mobilisèrent  iOOOO  hoplites,  Spartiates  et 
Laconiens,  et  3i>000  hiloles  armés  à  la  légère,  les  Tégéates  envoyèrent 
l  500  hoplites  doublés  de  l  500  psiles, selon  l'habitude  de  lever  les  trou- 
pes légères  suivant  la  proportion  d'un  psile  par  fantassin  pesamment 

(1)  DIod.  XH,  78. 

(2)  Ilérod.  VU,  202. 


IIISTOIRR.  r)G9 

armé  (1).  D'ordinaire,  on  ne  mettait  sur  pied  que  les  éléments  les  plus 
valides  et  les  mieux  exerces.  Les  classes  extrêmes  des  jeunes  recrues 
au-dessous  de  vingt  ans  et  les  hommes  Agrs  restaient  au  pays  pour  la 
garde  du  territoire  et  des  re^nparts.  Ces  éléments  représentaient  environ 
ï/()  de  la  levée  en  masse  (TcavSïjfjLe^)  (2),  ce  qui  donne  pour  Tégre  une 
somme  totale  de  :)600  guerriers  citoyens,  dont  la  moitié  d'hoplites, 
l'autre  moitié  de  psiles.  Les  milices  mantinécnnes  devaient  être  un  peu 
plus  faibles,  la  ville  ayant  moins  d'étendue  et  sou  territoire  étant  plus 
petit.  En  cfTet,  si  nous  ignorons  l'efTectif  du  contingent  qui  survint  à 
Platée  après  la  bataille  (3),  nous  savons  par  Lysias  (4)  qu'en  403  la 
ville  ne  pouvait  guère  mettre  sur  pied  que  3  (MK»  hommes.  L'orateur  n'a 
en  vue  ici  que  des  milices  de  citoyens  tant  hoplites,  que  psiles  et  cava- 
liers (5).  L'efTectif  de  3000  hommes  représente  donc  le  chitire  global  de 
la  population  mâle  valide,  et  il  doit  être  accepté  tel  quel  (6).  Dans  les 
républiques  grecques,  dont  les  institutions  militaires  calquaient  celles 
de  Sparte  et  d'Athènes,  Tobligation  du  service  pour  lous  les  hommes 
libres  de  vingt  à  soixante  ans  comportait  fort  peu  d'exemptions  (prê- 
tres, magistrats  financiers)  (7).  Les  États  modernes,  où  le  même  système 
est  appliqué  avec  rigueur  et  où  la  pratique  du  recrutement  se  conforme 
à  la  théorie,  comme  en  France,  fournissent  des  éléments  de  compa- 
raison précis.  L'armée  française  sur  le  pied  de  guerre  (troupes  de  terre 

(1)  llcSrod.  L\,  29. 

(2)  Toll«  o«t  la  proportion  dos  troupos  torritorialos  laissnc»»  on  Laconio  par 
ÀKis  on  418  (ïliucyd.  V,  04). 

(3)  Lo  clilITro  de  4H0  pro|x)sé  par  Curtius  n'nst  ni  fonilé  ni  vraisoinblablo. 
{Pelop.  î,  p.  17o}. 

(4)  IIcpl  TToXtTeiaç,  7.  Voy.  plus  haut,  p.  WK). 

(5)  Les  pi'Itastes  niantiniMMis  ruuiptainnt  parmi  h's  nieilloun^s  troupes  do  lu 
(îr^co  (F^urlon,  Dialog.  XIII).  Quant  à  la  cavalerie,  elle  tu\  joua  jamais  un  rùle 
brillant.  Les  Mantinéens  devaient  ^courir  à  celle  d'Alliènos,  d'Klis  ou  de 
Phlious. 

(G)  D'après  Mélélopoulo  z'rftV»  SchlacfU  hei  Mantinna^  p.  :i0},  Lysias  n'enten- 
drait par  là  que  les  lioplil.es  et  les  cavaliers;  il  double  alors  ce  chilTre  par  un 
cidfiro  (M{uivalent  ih*.  Iroujïes  léf^ères  et  obtient  ainsi  pour  Alantinée  une  force 
armée  d'environ  7(M)()  hommes  et  «le  7;îOO  pour  Tê^êe.  Ces  chiffres  sont  en 
contradiction  avec  IlénMiole,  qui  attribue  3(KK)  liommes  à  lej^ée,  hoplites  et 
psiles. Do  plus,  ils  suppos<'nt  une  population  lolnle  d'environ  42!0(X)  Ames  sans 
compter  h»s  esclaves,  ce  ((ui  est  excessif  pour  la  ManlinifpK».  Do  plus  Mêlélop<mlo 
invocfue  à  tort  un  pjissa^o  où  Xénoplion(V.  .'ï,  i(»)  eslime  à  -iaX)  hommes  la 
population  de  Phlious,  ville  moins  iniporUinle.  «jue  Manlinée.  Cîir  ce  chilTre 
représente  celui  d(!scltoy(;ns  qui  prennent  part  aux  assemblées  (èv  nîi  oavcs(o 
Toîç  6;iu  e;exX-/)T'aîov)  et  n<m  celui  do  la  force  armée.  La  preuve  que  les 
hommes  en  ctnt  de  pren<lro  les  armes  êUiient  bien  moins  nombreux,  c'est 
qu'Agésilas,  en  réunissant  les  meilleurs  éléments,  ne  put  en  former  qu'un 
corps  de  1000  soldats  (ibid.y  17). 

(7)  Art.  Exercilas.  Dict.  des  Antiq.  de  Saglio.  H,  p.  SÎMi. 


570  APPRNDIGES. 

et  de  mer,  en  bloc  4  260  000  hommes)  représente  exactement  le  1/9  de  la 
l^opulalion  totale  :  38  340  000  Ames.  Dans  la  môme  proportion,  les  3000 
guerriers  mantinéens  supposeraient  une  population  de  27  000  âmes. 
Mais  il  faut  tenir  compte  de  deux  catégories  considérées  comme  Indis- 
ponibles par  le  recrutement  moderne,  les  jeunes  gens  de  vingt  ans  et 
les  hommes  ayant  dépassé  quarante-cinq  ans.  De  plus,  le  rendement 
d'une  population  antique,  comme  celle  de  l'Arcadie,  rompue  aux 
exercices  athlétiques  et  aguerrie  par  les  travaux  de  la  terre,  dépassait 
de  beaucoup  celui  des  Ktats  modernes  ;  le  déchet  pour  cause  de  réforme 
et  do  faiblesse  do  constitution  et  la  proportion  des  malingres  y  étaient 
beaucoup  moindres.  On  doit  donc  admettre  que  la  milice  mobilisable 
représentait  une  fraction  plus  considérable  de  la  population  totale. 
Au  lieu  d'un  soldat  sur  neuf  habitants,  on  peut  adopter  comme  plus 
voisine  de  la  vérité  celle  d*un  soldat  ou  homme  valide  de  vingt  à 
soixante  ans  sur  six  habitants.  Les  3  000  hommes  de  Mantinée 
représentent  donc  la  fraction  militaire  d'une  population  de  18000 
Ames.  L'écart  entre  le  chiffre  obtenu  par  le  coellicient  moderne  et 
celui  qui  résulte  du  coellicient  antique  correspond  à  la  plus  longue 
durée  du  service  militaire  chez  les  anciens,  à  l'excédent  de  santé  et  de 
vigueur  des  hommes  d'autrefois  sur  les  générations  actuelles,  à  la 
supériorité  de  leur  éducation  corporelle  et  de  la  vie  en  plein  air.  Dans 
les  mêmes  conditions,  avec  ses  38  340  000  âmes,  on  avançant  d'un  an 
l'Age  du  service  et  en  le  prolongeant  de  quinze  ans,  la  France  gagnerait 
plus  de  deux  millions  de  soldats. 

Ce  chiffre  de  18 1  00  Ames  est  l'eflectif  global  de  la  population  libre, 
hommes,  femmes,  enfants,  dans  tout  l'État  mantinéen.  Celui  de 
13  000  âmes,  proposé  par  Clinton,  parait  beaucoup  trop  faible  (1).  On 
peut  s'en  convaincre  par  la  contre-épreuve  suivante. 

L'aire  de  Mantinée,  mesurée  sur  notre  plan,  correspond  assez  exac- 
tement à  celle  de  plusieurs  villes  modernes  de  la  région  du  Nord, 
entourées  d'une  enceinte  à  la  Vauban  (2).  Pour  Valenciennes,  par 
exemple,  ville  aux  maisons  basses  d'un  étage  en  général,  avec  de  petites 
rues  étroites  reliant  les  voies  plus  larges  qui  aboutissent  aux  portes, 
les  conditions  d'habitabilité,  avant  le  démantèlement  des  remparts, 
répondent  à  celles  d'une  forteresse  antique  comme  Mantinée.  La  popu- 
lation urbaine  intra  muros  de  Valenciennes  se  montait  en  189i  à 
18  136  habitants  (3).  Saint-Oroer,  dont  la  superficie  et  les  conditions 

(1)  Fasti  helhnici,  11,417. 

(2)  HtnlîiMe:  grand  aie  :  1340-  i  Viileaeieiiiiti  :  grand  ne:  12!50"  1  .Saim-Omer  :  grand  aie  :  1100- 

»        ptiii  aie  :  1080"  |         »         petil  aie  :  1100-1  »         ^lic  au  :  lOUO" 

(3)  D'après  los  docnmonts  consorvés  à  la  mairio  :  Population  totale  28  700 
hab.  —  Population  Intra-muros,  répartie  en  3  cantons:  \X  13G  lîab.  —  4îK>3 
maisons,  dont  430  sans  étage,  2  9i37  avec  un  1"  étage,  1  300  h  2  éUigcs,  Wyk 
3  étages,  31  c'i  4  éUif^'os. 


IIISTOIIIK. 


o7l 


sont  analogues,  fournit  à  peu  près  le  même  cliitiro.  On  serait  donc  bien 
près  de  la  vérité  en  évaluant  entre  17  et  19  000  Ames  la  population 
urbaine  de  Mantinée,  esclaves  compris. 

Pour  la  population  rurale,  éparse  dans  les  xfoaai  de  la  plaine,  le 
recensement  de  la  Grèce  en  \H%  fournit  d*utilcs  indications  (i).  Kn 
efTet,  le  site  de  la  ville  antique  étant  complètement  désert,  les  babi- 
tants  modernes  de  la  Mantinique  se  sont  établis  sur  les  points  du  terri- 
toire qui  correspondent  à  remplacement  des  anciennes  bourgades, 
anciens  centres  d'exploitation  agricole  qui  ne  cessèrent  jamais  d  être 
peuplés,  surtout  par  les  métayers  et  les  ouvriers  des  propriétaires 
roantinéens.  Aujourd'hui,  le  A-r^fioç  MavTtvefaç,  avec  ses  sept  villages 
et  ceux  du  Ménale,  compte  7  730  habitants.  I>es  bameaux  antiques 
ne  devaient  guère  être  plus  importants.  Kn  sorte  que  le  cbldre  de 
25  000  âmes,  dont  19  000  pour  la  ville  et  7  (KM)  pour  la  campagne, 
parait  assez  plausible. 

Sur  ces  25  000  habitants,  la  population  libre  comptait  18  00J  Ames, 
dont  environ  9  000  pour  l'élément  masculin  et  9  000  pour  l'élément 
féminin.  Sur  les  9  000  hommes,  les  citoyens  de  plein  droit  formaient  la 
majorité,  défalcation  faite  des  enfants.  Fn  estimant  entre  5  000  et  6  000 
le  nombre  des  citoyens,  on  aura  une  idée  approximative  de  la  ':coXiTe(a 
mantinéennc. 

Quant,  à  la  population  servile,  elle  n'atteignait  pas,  dans  les  villes 
d'Arcadie,  les  mêmes  proportions  qu'en  Attique,  en  Thessalie  ou  en 
Laconie.  D'abord,  les  hommes  libres  du  Péloponnèse,  ainsi  que  Périclès 
le  constate,  n'avaient  pas  honte  de  travailler  de  leurs  mains;  ensuite, 


(1)  *ltl^7||x.  TTfiç  KupepvT^dEwç.  StaTiTTixà  àTTOTsXÉdaaTa  r7|;  aTcoypacpYiç 
Tou  llX7)0ua(iou.  IH97,  p.  Oi. 

Ay|[ioç  MavTivetaç. 


nixépvT)  . 
KaxoupT)  . 

Aouxaç    . 

Sd^yxa.    . 

Taiirïava . 


"Appevcç 


42:i 

572 
472 
4(ii 
425 
217 
lOTJ 


3(>43 


0r,Xetç 

3;i2 
5."»7 
3î)i 

^m 

218 
1070 


3482 


^uvoXov 

777 
112!) 

!Kill 
821 

4;i:» 
214;) 


7127 


Il  fiiut  y  ajouter  aussi  les  districts  du  Mcnalo  qui  relevaient  de  Mantlnée 
(aujourd'hui  compris  dans  le  D^mc  de  Pbalanthos). 


KapSapa.    . 

'AXwvi<TTaiva 


104 
214 


1U3 


190 
407 


1)72 


AIMM':NniCF.S. 


il  n*y  avait  pas  eu  de  race  asservie  par  la  conquête,  comme  dans  les 
pays  doriens,  et  les  agriculteurs  arcadicns  n*élaient  ni  assez  ricbesni 
assez  fastueux  pour  acheter  des  esclaves  barbares,  comme  faisaient  les 
parvenus  d'Athènes  ou  de  Corinthe.  Tandis  qu'en  Lacopie  ou  en 
Attique,  le  groupe  des  citoyens  se  trouvait  noyé  dans  une  multitude 
sept  ou  huit  fois  plus  nombreuse  d'esclaves,  les  États  arcadiens 
maintenaient  la  supériorité  numérique  de  leur  population  libre  et 
m<>me  se  voyaient  obligés  d'en  déverser  au  dehors  le  trop  plein  par 
l'émigralion.  C'est  pourquoi,  ù  côté  des  18  000  habitants  libres  de  la 
Mantini(fuo,il  mo  paraît  difllcile  d'admettre  que  le  pays  ait  pu  nourrir 
une  population  servilc  supérieure  à  8  ou  10  000  bouclies. 

2°)  Batailles  de  Mantiiiée. 

J'ai  raconté  en  leur  temps  les  préliminaires  et  les  conséqucnccK  des 
grandes  môlées  dont  la  Mautinique  a  été  le  théAtre.  La  fréquence  quasi 
périodique  de  ces  conllits  atteste  que  ce  coin  de  terre  n'était  pas  un 
champ  de  bataille  occasionnel,  mais  l'arène  fatale  où  les  partis  adverses 
de  la  Grèce  devaient  vider  leurs  querelles.  I^  position  centrale  et 
dominante  de  la  Mantinique  entre  la  Laconie,  l'Klide,  l'Argolidc  et 
l'Achale  en  faisait  le  donjon  commun  des  principaux  États  de  la  pénin- 
sule. Sa  possession  intéressait  tout  le  monde,  étant  une  menace  pour 
les  uns,  une  garantie  pour  les  autres.  Les  plus  importantes  combi- 
naisons politiques  qui  mettent  en  jeu  l'influence  de  Sparte,  tantôt 
oflensives,  tantôt  défensives,  viennent  se  résoudre  dans  cette  plaine. 
C'est  le  creuset  où  s'élaborent  en  de  suprêmes  réactions  les  destinées 
de  la  Grèce.  Aussi  les  batailles  de  Mantinéo  apparaissent-elles  comme 
les  formules  des  antinomies  de  l'histoire  péioponnésienne.  On  y  peut 
lire,  aux  heures  les  plus  critiques,  résumé  en  de  claires  et  brèves  indi- 
cations, l'état  de  Tatmosphèrc  politique.  I>es  grandes  phases  du  conflit 
de  la  puissance  Spartiate  avec  ses  sujets  et  ses  rivaux,  cette  série  de 
courants  alternatifs,  d'actions  et  de  réactions  qui  remplit  les  fastes  du 
Péloponnèse  et  de  la  Grèce,  tout  cela  s'inscrit  en  sanglants  caractères 
sur  le  sol  mantinéon  connue  sur  un  cadran  :  d'un  côté,  toujours  S|mrte, 
de  l'autre  les  dilTércnts  coryphées  de  l'anti-laconisme,  tantôt  Athènes. 
Thèbcs,  la  Macédoine  ou  l'Achale.  Dans  ces  oscillations  de  l'équilibre 
général,  Mantinée  est  comme  l'aiguille  qui  marque  de  quel  côté  est 
l'indépendance  péioponnésienne  :  contre  Sparte,  avec  Argos,  Athènes 
et  rÉlide  en  418,  avec  Athènes  et  Thèbes  en  371,  avec  la  Ligue  arca- 
dienne  en  370;  —  atcc  Sparte  et  Athènes  contre  Thèbes  en  362;  contre 
Aralos  et  Anligone  Doson  en  222;  —  rojitre  Sparte  enfin  avec  Philo- 
pœmen  en  207. 

A  l'importance  historique  de  ce  champ  de  bataille,  s'ajoute  un  intérêt 
spécial  et  d'ordre  surtout  militaire,  il  est  le  champ  de  danse  d'Ares 
idéal,    le    type  classique   do   l'arène  pour   le    combat  de  pied  ferme 


iiisToiiiK.  573 

((STOLoloL  \Li/'f\),  Il  n'est  pas  sans  inlérèl  de  suivre  sur  ce  même  canevas 
lo|)ographi(|iic  les  variations  de  la  tacli(|uo  dans  les  armées  grec(|iies 
aux  ditlérenles  époques.  A  ce  point  de  vue  aussi,  la  série  des  trois 
grandes  môlées  de  418,  362  et  207,  mérite  d'alliror  l'attention.  Chacun 
de  ces  épisodes  est  un  chapitre  instructif  des  institutions  militaires 
chez  les  Hellènes.  Kn  suivant  de  près  les  récils  des  auteurs  anciens, 
nous  aurons  l'occasion  de  les  compléter  et  de  les  érlaircir  par  l'examen 
du  terrain,  et  de  rétablir  avec  plus  de  précision  (pi'on  ne  l'a  fait  la 
marche  de  l'action  et  les  positions  des  acteurs  (  I). 

Le  récit  de  Thucydide  (2),  puisé  à  bonne  source,  est  d'une  précision  ««uiiic  de  ii 
et  d'une  clarté  lumineuses.  Voici,  d'après  lui,  les  phases  de  l'action. 
Elle  eut  Heu  au  milieu  de  l'été  :  tou  $'£TctYiyvoîJL£vou  Osoouç  fXEaouvToç  (3), 
c'est-à-dire  dans  le  courant  du  mois  d'aotU  418.  Les  armées  en  présence 
étaient  d'une  part  celle  des  l.acédémoniens  et  de  leurs  alliés  arcadiens, 
Tégéates,  Héréens  et  Ménaliens,  sous  le  commandement  d'un  chef 
unique,  Agis  II,  fils  d'Archidamos  II  ;  de  l'autre,  celle  des  Mantinéens 
assistés  des  Argiens  et  de  leurs  alliés,  Cléonéens,  Ornéates,  Orchomé- 
niens,  Arcadiens  des  cantons  du  N.,  Athéniens.  Sur  les  forces  des  deux 
adversaires,  Thucydide  n'ose  pas  se  prononcer  par  chiffres  (4).  11 
explique  seulement  en  détail  la  composition  des  unités  de  l'armée 
lacédémonienne.  Sans  prétendre  à  plus  d'exactitude  que  le  mieux 
informé  des  historiens  anciens,  on  peut,  sur  ses  données,  tenter  un 
essai  de  8latisti(|ue  approximative  (5). 

Les  Spartiates  comptaient  7  loches  de  4  pentékostys  à  4  éuomolies  : 
l'énomotie  comprenait  4  h.  de  front  sur  8  de  profondeur,  plus  4  chefs 
de  lile  ('TipcoTÔTTaTai),  soit  en  tout  3G  hr>mi?ies  (6)  ;  ce  qui  donne  un 

(I)  L'ctucio  soininHirc  (esquissée  par  Loako  {Travrls  III,  p.  -M  ot  siilv.)  ne 
répond  plus  aux  donn6(*s  nouv<^ll(;s  cln  hi  lop^firapliif.  I^s  obsorva lions  do 
J^rlni<  {Jomn.  of,  heUeu.  Stwl.  XV  !«):>,  p.  8;»-X9  nMlilw'nt  Lcako  sur  «les 
points  do  détail).  — Cf.  («ulsdiardt.  Mémoires  milHairea,  v\\   X. 

(i)  V.  (»3  etsulv.  DicMloro  (XII.  71)),  tout  on  lo  rôsuiiiaiil,  l'oinbroulllc  jusqu'à 
l'absurdité. 

(3)  V.  57. 

(4)  V.  (W.  —  Ui  polillquo  mystôriouso  do  Sparto  un  s'orrupait.^uoro  do  satis- 
faire la  curiosité  dos  bisloi-ions:  TÔ  fjLÈv  yàp  Aa)t£OXi|xovi(.)v  tcXyiOoç  oià  ttj; 
TToXiTEia;  TO  xpuTTTÔv  "/jYvosÎTO.  Quant  à  lours  advorsalrrs,  loura  évaluations 
exagérées  sur  lours  propros  forces  no  môritaicMil  aucum»,  créance  :  TÙiv  o'au 
8ià  To  avOptoTteiov  xo(j.7ro)0eç  eç  Ta  olxeîa  TtX/jOTj  VjTriaTetTO.  Cependant,  à 
l'ceil,  l'annôo  lactHlôinonienno  panussait  plus  noniljrouso  :  to  aTpaTOTteôOv  twv 
Aaxeoa'.{jLoyio>v  jjieîÇov  I^xvY|. 

(ii)  Voy.  sur  ro  point  Môlôtopouio.  Dir  Sctiittclil  hri  Manlineu,  inshesondere 
liber  die  Slarke  der  heiden  fetndlicfieii  lleere.  CiôUiiiî:.,  tSIiS. 

(«)  Cf.  Xon.  IJeileit.  VI.  i.  ïiO.—  L(ï  De  rop.  Laced.  XI,  i  cl  .'i  si.^nalo  une  autre 
«ilvision  do  rarniôo  lacôdônionionnc  en  «  {lôpai  de  4  Imlirs  cliacuno,  soit  en  tout 
Vt  X  ^-^Oi  =  rj«i4  Lticoiiônioniens. 


;>74  ArPKNDlCia. 

total  de  4032  boplites  Spartiates  (1),  sur  un  front  de  44<)  hommes.  t)n 

y  ajoutant  les  300  liiTceiç  royaux,  et  tous  les  non-Spartiates,  llilotcs  et 

j^coniens,  suivant  les  proportions  indiquées  par  Hérodote,  600  Skirites, 

Brasidéens,  Néorlaniodes,  et  les  troupes  légères,  on  arrive  à  un  total 

voisin  de  49  000  b.  Les  contingents  arcadiens  peuvent  être  évalués 

à  9  000  il.  (5000  Tégéates,  4  000  Ménaliens  et  lléréens)  ;  la  cavalerie 

Spartiate  à  400  cavaliers,  celle  des  alliés  à  200,  cbitire  qu'il  faut  doubler 

par  un  nombre  égal  d*bamippes.  L'ensemble  de  l'armée  d'Agis  ne 

devait  guère  être  inférieur  à  58  000  combattants,  dont  environ  17  000 

boplites. 

L'armée  adverse  comptait,  d'après  des  calculs  analogues  : 

Argiens 22  500  (sur  une  armée  nationale  de  27  000  bommes) 

.....  wi  PAA  M  000  hoplites  doublés  de  1  000  ^iXoi. 

Athéniens 2  600  j      „^      ■  ,.       ^     i  ,x    j    onn  i^    . 

(      300  cavaliers  doublés  de  300  bamippes. 

Manlinéens —  3  000  boplites  et  '^iXoi  (2). 

Orcboméniens   et 

aut.   Arcadiens..     14  000  h. 

43  000  bommes. 

Ces  cbifTres  justifient  les  paroles  de  Thucydide  :  «  Ce  fut  la  plus 
grande  bataille  qui  ait  été  livrée  depuis  longtemps  entre  les  iiellènes  et 
où  se  soient  trouvées  engagées  les  forces  deâ  villes  les  plus  importantes  ». 

L'infériorité  numérique  des  séparatistes  avait  été  aggravée  par  le 
départ  des  3  000  boplites  éléens,soit  une  perte  d'environ  6  000  soldats  (3). 

Examinons  maintenant  les  préparatifs  et  les  péripéties  du  combat  et 
les  positions  des  combattants. 

Période  prélimhiaire.  —  1*  Apres  l'armistice  conclu  entre  Argos  et 
Sparte,  arrivent  les  Athéniens  sous  le  commandement  des  stratèges 
Lâchés  et  Nikostratos;  Àlcibiade  les  accompagne  comme  diplomate.  Dans 
un  conseil  tenu  à  Argos,  les  alliés  déclarent  ne  point  reconnaître  un 
traité  conclu  sans  eux  et  décident  d'aller  assiéger  Orchomène.  Les 
Argiens  ne  se  joignent  à  eux  qu'après  la  prise  de  la  ville. 

2*  Orchomène  tombée,  on  décide,  dans  un  second  conseil  tenu  à 
Mantinée,  d'aller  attaquer  Tégée.  Les  Kléens  mécontents  se  retirent.  Les 
troupes  alliées  concentrées  à  Mantinée  font  leurs  préparatifs  de  départ. 

(1)  Co,  chilTi-o  IIP  ropr<?soiilo  quo  Ips  :>/()  do  l'iinnéo  t«)tjilo;  b^  reste  du  con- 
lliigent  (environ  WO  liununes)  choisis  p:irmi  les  plus  vieux  et  les  plus  jeunes, 
étîiit  demeuré  ù  Spnrte  sous  les  ordres  de  Pleislonnax  pour  gnrdcr  la  ville. 
(Thucyd.  V,  6t). 

(2)  Ils  étaient  au  complet  (icavffTpaTiî),  le  rombat  ayant  lieu  sur  leur  Icr- 
rlloiro  (Thucyd.  V.ÎJ7,  !i).  Sur  les  forces  mlliUdrcs  de  Mantinée,  voy.  plus  haut. 

(3)  Les  auteurs  anciens  évaluent  d'ordinaire  la  force  d'une  armée,  d'après  le 
nombre  des  hoplites  et  des  cavaliers;  mais  il  faut  presque  toujours  doubler  ce 
cliilTn^  par  un  nombre  rj^al  iW.  •j/ÎAot  cl  d'Iuimippes. 


IIISTOIHK.  .')7.') 

3*  Agis,  informe,  accourt  de  Sparte,  s'arrête  à  Oresthéion  (i),  lance 
une  convocation  aux  alliés  arcadiens,  leur  donne  rendez-vous  à  Tôgée. 
De  là  on  convoque  les  États  du  Nord,  mais  ceux-ci  n*ont  pas  le  temps 
de  se  mobiliser  avant  la  bataille. 

4*  De  Tégée,  Tarmée  d'Agis  envabit  et  ravage  la  Mantinique.  Elle 
installe  son  camp  près  de  rHéracléton.  1^  position  de  ce  temple  est 
incertaine.  Curtius  le  place  aux  environs  de  Kapsia,  où  se  trouve  loca- 
lisée, dans  la  plaine  Alcimédon,  la  légende  d*Hercule.  Mais  cette  raison 
est  insuffisante.  La  position  de  Kapsia  est  trop  éloignée  et  dangereuse. 
Agis  pouvait  être  enfermé  dans  le  défilé,  tourné  par  celui  de  Simiadùs  et 
coupé  de  ses  communications  avec  Tcgée,  son  quartier  général.  La  seule 
position  logique  est  la  plaine  de  Louka.  Elle  lui  ofirait  un  camp  retranché 
admirablement  fortifié  par  la  nature;  le  circuit  en  est  formé  pnr  des 
hauteurs  Infranchissables,  sauf  du  cétô  Sud,  ou  quelques  passages 
communiquent  avec  la  Tégéatide.  Donc  aucune  surprise  à  craindre  ni 
sur  les  flancs  ni  sur  les  derrières  (2).  L'ouverture  de  la  plaine,  pour  une 
armée  aussi  nombreuse,  était  d*une  défense  aisée.  Knfin,  de  ce  poste, 
l'entrée  de  la  Tégéatide  |)ouvaitétre  surveillée  ;  bien  imprudent  eût  été 
l'ennemi  qui  se  serait  aventuré  sur  le  territoire  tcgéate  avec  l'armée 
d'Agis  sur  ses  talons.  Pour  ces  raisons,  rHéracléion  doit  être  placé  vers 
l'entrée  de  la  plaine  de  lx>uka.Dc  leur  côté  les  séparatistes  n'avaientqu'un 
parti  à  prendre.  Il  ne  fallait  plus  penser  à  s'engager  sur  la  route  deTét^éc, 
à  travers  le  Pélagos,i>our  aller  attaquer  la  place.fVélnIt  à  eux  à  se  tenir  sur 
la  défensive  pour  couvrir  Mantince.  Or,  l'A  lésion  forme  le  bastion  avancé 
de  la  défense  extérieure  de  cette  ville.  Les  pentes  extrêmes  en  sont  assez 
élevées  classez  douces  pour  qu'une  troupe  considérable  puisse  s'y  tenir 
en  bon  ordre  dans  une  position  avantageuse.  \J\  est  le  véritable  point 
tactique  de  la  Mantinique  et  le  boulevard  naturel  de  la  forteresse  inan- 
tinéenne.  Aussi  est-ce  là  que  s'établirent  les  Argiens  et  leurs  alliés  dès 
qu'ils  aperçurent  1  ennemi  :  xaTaXapovTsç  ^(optov  épufxvbv  xat  8uaTcpôffooov, 
icapfiTâÇavTO  wç  kç  p.i/*/|v. 

ils  étaient  là  en  excellente  posture  (x(i}'J.o't  xapTcpôv),  soit  pour 
soutenir  l'assaut,  soit  pour  tomber  en  avalanche  sur  l'adversaire  étendu 
à  leurs  pieds.  Agis  brûlait  de  relever  son  prestige,  ébranlé  par  sa 
faible  attitude  en  Argolido.  Un  matin,  il  songeait  à  tenter  Tassant,  mais 
une  voix  prudente  lui  fit  comprendre  l'insanité  de  cet  te  manœuvre  (3).  11 
opéra  une  brusque  évolution  et  se  déroba  par  rentrée  de  la  plaine  dans 

(1)  Sur  sa  route,  voy.  Luring  {Journ,  of  hrllcn,  Slnit.  XV.  181)5.  p.  il-'M). 

(2)  L'Argun  Péclion  no  possédait  pas  les  mèincs  avuntngcs.  AgésUas  y  fut 
tourné  par  l'A  lésion  (voy.  p.  440  sqq.). 

(3)  «  Un  <leH  plus  Agés  «le  l'armée,  dit  Thucydide  (V,  (l'i),  cria  à  Agis  qu'il 
voulait  n'-paror  un  mal  par  un  autre.  »  Dioiloro  rolato  un  autre  Inriilonl,  moins 
vraistMublahle,  «|ui  est  sans  doule  unr  viTsInn  altôrn'  tW  rrlul-ri.  Voyez  plus 
bas. 


1>7G  AiM>i£Nmci:s. 

le  territoire  Irgéatc.  Là,  connue  il  cherchait  les  moyens  de  déloger 
J'cnneini  do  ses  positions  sans  coup  frrir,  il  fut  sans  doute  avisé  par 
les  TégcatcK  d'un  stratagème  qui  leur  était  familier.  Il  s'agissait 
d'inonder  la  Mantiniquc.  Cotte  opération  était  des  plus  faciles.  L'hydro- 
graphie et  le  niveau  du  double  bassin  étaient  tout  à  l'avantage  de 
logée.  «  Arrive  sur  le  territoire  de  Tégée,  il  détourna  vers  la  campagne 
de  Mantinéc  les  oaux  qui  sont  un  sujet  de  guerre  entre  les  Mantinécns 
et  les  Tégéatfts.  parce  que,  de  quelque  ciité  qu'elles  se  portent,  elles  y 
causent  de  grands  dommages.  »  J'ai  expliqué  le  sens  de  ces  derniers 
mots  (I).  1^  manœuvre  d'Agis  consista  à  déverser  dans  le  Lâchas  le 
cours  toujours  abondant  du  Garâtes.  Pour  cela,  il  suffisait  de  creuser 
un  peu  au  Nord-I'^st  de  Tégée,  sous  la  hauteur  de  Mertsaousi,  un  canal 
de  800  mètres,  ("était  un  jeu  pour  une  troupe  de  58  000  hommes,  sur- 
tout si  l'on  songe  que  ce  travail  avait  été  préparé  de  longue  date  par 
les  ïégéates.  Toutefois,  rellct  de  cette  manœuvre  ne  pouvait  être 
instantané.  U  fallait  aux  eaux  détournées  au  moins  une  journée  et  une 
nuit  |)our  descendre  dans  la  Manlinique,  obstruer  les  katavothres  et 
refluer  sur  la  campagne  Les  travaux  de  dérivation  |)rirent  d'ailleurs 
le  reste  de  la  journée.  Ils  étaient  naturellement  cachés  par  les  mon- 
tagnes et  par  le  Pélagos  à  la  vue  de  l'ennemi.  Cela  fait,  Agis  regagna 
le  lendemain  son  camp  de  rilérarléion.  11  comptait  y  attendre  l'elTet  de 
ses  travaux;  à  la  vue  de  l'inondation,  les  Mantinéens,  pensait-il,  ne 
résisteraient  pas  au  désir  de  sauver  leurs  fermes  et  leurs  propriétés 
et  descendraient  en  rase  campagne  avec  toute  Tarmée  pour  arrêter 
l'envahissement  dos  eaux  à  l'aide  de  contre-tranchées.  Il  les  attaquerait 
alors  dans  dos  conditions  plus  favorables.  Mais  ce  résultat  eut  lieu 
sans  (|ue  les  eaux  y  fussent  pour  rien.  Après  le  départ  d'Agis,  la 
veille,  les  alliés,  ayant  vu  disparaître  Tannée  lacédémoniennc,  avaient 
cru  à  une  retraite;  après  queh|ues  discussions,  ils  se  résolurent  à  la 
poursuite  et  quittèrent  leur  position.  Mais,  comme  ils  s'étaient  sans 
doute  décidés  trop  tard,  la  nuit  les  obligea  à  camper  en  plaine  ("1).  Tx 
lendemain  matin,  ils  se  rangèrent  en  bataille,  prêts  à  Tattaque,  car 
ils  croyaient  l'ennemi  tout  proche.  Cx)mmo  ils  terminaient  leurs  pré- 
paratifs, Agis  revenait  de  la  Tégéatidc  et  débouchait  du  Pélagos  pogr 
regagner  son  aunp.  11  lut  tout  surpris  et  ellrayé de  rencontrer  renncmi 
au  bas  de  la  hauteur  et  étalant  à  peu  de  dislance  son  front  do  bataille. 
11  ne  lui  restait  qu'ù  passer  rapidement  do  l'ordre  de  marche  à  la  for- 
mation de  combat,  ce  qui  fut  fait  en  quelques  instants. 

La  position  des  deux  armées  sur  le  terrain  n'est  pas  douteuse.  Kilos 
s'étendaient  oblifiuoment  en  travers  de  la  plaine, de  Pentrée  de  la  plaine 


(I)  Voy.  p.  M  et  la  carlr  do  la  Tôf^ôatldo. 

(2j  ài'niyouGi'^  auTOÙç   cltzo   tou   Xô(pou,    xal  TrpoeXOovteç   €ç    to   ôjJLaXôv, 
IdTpaTOTrsoeuiavTO  (Tiiuryil.  V,  (m). 


lilSTOIRl::. 


577 


del^ukaau  kalavothrc  du  Tâchas,  sur  un  front  continu  de  3  à  4  kil.  (1), 
entre  la  lisière  N.  du  Pclagos  et  la  pointe  de  l*Aléslon.  Le  scli(^ma 
suivant  représente  la  place  des dlllérents  corps,  suivant  les  indications 
de  Thucydide. 

Aile  (Iruile.  Centre. 


Mniiliiiéens . 


Air.ndi«ns. 


1000 
Ai-giens. 


Argii*iis.  CkVincriis 

Ornéates. 


Aile  gauche. 
Aliiénirits.         Cavalerie 


alhén. 


Cave-     Soi-  Brasi-  Néocla- 
Icrie.    rites.  déetiH.  iitodeM. 


Héréens    Mena-        Tégéates    LacéU.    Cava- 


ierie. 


Spartiflles       300 

llipiieig  liens. 

(Ag]s)^ 
^Centre. 
Fig.  61. 

Pendant  la  1^*^  phase  des  opérations,  chacune  des  deux  lignes  appuie 
sur  sa  droite  :  un  mouvement  instinctif  entraînait  tes  hommes  à  abri- 
ter le  côté  droit  découvert  sous  le  bouclier  du  voisin.  11  en  résulte  que 
les  deux  fronts  glissèrent  l'un  devant  l'autre  et  se  débordèrent  à  leurs 
extrémités  de  la  manière  suivante  : 

Ma  lit. 

Scir. 
Kig.    6f. 

Agis  ordonna  aux  Scirites  débordés  par  les  Mantinéens  de  faire 
demi-tour  à  gauche  et  de  se  mettre  au  niveau  de  l'ennemi.  11  comptait 
remplir  le  vide  à  l'aide  des  deux  loches  de  l'aile  droite  qui  débordaient 
les  Athéniens.  Mais  ses  o^dres^  donnés  au  moment  de  l'attaque,  ne 
furent  pas  exécutés.  Il  en  résulta  qu'une  partie  de  son  aile  gauche  se 
trouva  séparée  du  reste  et  enfoncée  jusqu'aux  voilures,  tandis  que  le 
centre  et  l'aile  droite  culbutaient  le  centre  et  l'aile  gauche  ennemies  (2). 

2*  Phase  :  Alors  le  roi  lit  arrêter  l'élan  de  ses  divisions  victorieuses 
et  les  porta  en  masse  au  secours  de  la  partie  entamée.  Ce  mouvement 
lit  lAcher  pied  aux  Mantinéens,  aux  Arcadiens  et  aux  Mille  Argiens 
désormais  isolés  par  la  débandade  de  leurs  compagnons. 

Le  succès  des  Lacédémoniens  était  dû  moins  à  l'habileté  d'Agis 
qu'à  la  discipline  individuelle  el  à  la  cohésion  de  ses  troupes,  sur- 

(1)  Les  4U32  hoplites  sparllatt^s  se.  |n*rs4;ntiiicnt  sur  un  frunt  de  438  huiniiics, 
soit  k  70  c.  par  hoiiinir,  313  tnùtros.  On  peut  donc  lixer  iv  déploiomcnt  de 
l'arnié*»  hu'éiléinonlnuKî  à  plus  i\v.  i  kiloinèln^s.  U\s  rrsiTvrs  se  ti-naicnt  en 
seconde  Ilj^nr  auprès  dos  voitures.  L'aruuV  ennemie,  moins  nombreuse,  avait 
dû  sacrifier  la  profondeur  à  l'éliMulue,  pour  n'être  p<»int  dêbordtîe. 

(2)  Les  |M>lênian|ues  Ilipponoîdas  et  Aristoelès,  responsables  de  r«'lto  fausse 
mamiMivre,  furent  romlamnés  «'i  l'exil  (Thucyd.,  V.  72).  Au  reste,  l'historien 
constate  que  les  olllriers  lacédémoniens  furent  au-dessous  d'eu.x-nièmcîs. 


Mniitiiiée.   --  38. 


578  API>KNblGi£S. 

tout  à  Tuai  té  de  commandement  qui  permit  au  roi  de  réparer  assez 
promptement  ses  fautes  et  celles  de  ses  subordonnés.  De  l'autre  côté, 
chacun  agissait  pour  soi;  les  succès  partiels,  remportés  par  certains 
corps,  ne  compensaient  pas  les  faiblesses  dos  autres  ;  le  vice  fonda- 
mental de  ces  armées  fédérales,  Tabsencc  d'un  cbef  et  d'une  autorité 
supérieure,  leur  faisait  dépenser  en  pure  perte  des  trésors  de  valeur. 
Les  Mantinéens  et  les  Argiens  d'élite  (1  )  combattirent  avec  impétuosité; 
les  Athéniens,  paralysés  dès  le  début  par  la  mauvaise  contenance  de 
leurs  voisins,  les  Cléondens-Ornéates ,  et  des  milices  argiennes,  se 
trouvèrent  réduits  à  l'impuissance.  Les  plus  grosses  pertes  furent 
subies  par  le  centre,  qui  s'était  laissé  enfoncer  et  piétiner  sans  résis< 
tance  :  il  perdit  7<>0  Argiens,  Cléonéens,  et  Ornéates  (2);  200  Manti- 
néens, 200  Athéniens  et  %inètes  avec  les  deux  stratèges  restèrent 
sur  le  terrain  (3).  On  attribuait  aux  Litcédémoniens  300  morts. 

La  bataille  de  418  est  le  type  de  l'action  simple  et  de  la  tactique 
jusqu'alors  classique  dans  le  Péloponnèse.  Une  ligne  continue,  dont 
tous  les  éléments  se  tenaient  fortement  soudés,  l'eflort  d'attaque  et  de 
résistance  également  réparti  sur  un  front  rigide  et  sans  souplesse  au 
moment  du  choc,  le  rôle  prépondérant  dévolu  à  la  grosse  infanterie,  le 
peu  d'edicacité  de  la  cavalerie  et  des  armes  légères  ou  de  trait  pour 
préparer  l'attaque  ou  achever  la  défaite,  telle  était  la  routine  où 
s'attardait  encore  l'esprit  peu  inventif  des  Spartiates.  Être  fermes  à 
leur  poste,  mas.«ifs  et  inébranlables  comme  un  mur,  c'était  l'idéal  des 
soldats  et  des  chefs. 

La  solidité  leur  paraissait  être  la  première  vertu  de  l'hoplite.  La  mobi- 
lité, l'art  des  déplacements  rapides  leur  était  inconnu;  si  leur  ligue 
venait  à  être  rompue  sur  un  point,  ils  se  trouvaient  déconcertés  devant  la 
nécessité  d'une  manœuvre  inopinée.  Parfois,  comme  les  deux  polémar- 
ques  d'Agis,  ils  préféraient  s'y  soustraire,  dussent-ils  par  là  compro- 
mettre la  sécurité  de  l'armée  entière.  L'ennemi  culbuté,  ils  hésitaient  à 
poursuivre  leurs  succès  et  ne  savaient  pas  convertir  la  débandade  en 
catastrophe.  Même  timidité  dans  l'attaque  :  point  déformations  impré- 
vues, de  déplacements  savants,  destinés  h  inquiéter  et  à  tromper 
l'adversaire,  en  lui  laissant  ignorer  le  point  précis  ou  se  porterait  le 
grand  coup,  et  combinés  de  façon  à  le  trouver  toujours  plus  faible  sur 

(1)  D'après  Dio<l(»ro  (XIL  71)),  sur  l'avis  tic  l*harux,  l'un  de8  cunsmtk'rs  los 
plus  influents  qui  accompagnaient  Agis,  les  Lacédcinoniens  ouvrirent  dans 
leurs  rangs  un  passage  à  la  troupe  des  Mille,  pour  ne  pas  exaspérer  leur 
désespoir  Cotte  anecdote  mo  parait  4\trc  une  variante  apocryphe  do  l'épisode 
rapporté  par  Thucydide.  ^Voy.  p.  575,  Note  3),  et  confondu  par  Diodore  avec 
ce  fait  que  les  Aiille  et  les  Mantinéens  se  ruèrent  dans  le  vide  laissé  par 
les  Sciriles. 

(2)  Voy.  Aristoph.  Àves.  13  et  leScholiaste  ad  h.  loc. 

|.'5)  Los  .Athéniens  l<»ur  élovcrcnt  un  tonihc^tu  au  Céramique.  (Pausan.  I, 
2y,  10.) 


HISTOIRE.  579 

ce  poiiit-là.  Ces  mélhodes  surannées  avaient  pu  assurer  le  triomphe  de 
]a  discipline  grecque  sur  le  chaos  des  troupeaux  barbares.  Mais  en  face 
d'un  adversaire  non  moins  exercé,  non  moins  solide,  mais  plus  ingô- 
nieux  et  plus  improvisateur,  elles  devaient  aboutir  à  la  déroute.  La 
seconde  bataille  de  Mantinée  nous  montre  |)récisément  aux  prises  sur 
le  même  terrain  l'ancien  système  avec  le  nouveau. 

Cette  fameuse  mêlée  est  loin  de  présenter  la  clarté  et  la  simplicité  de  Bauiiie  de  362. 
l'action  précédente.  Déjà  dans  l'antiquité  le  récit  de  cette  bataille 
passait  pour  une  tâche  épineuse  dont  les  historiens  peu  versés  dans  la 
tactique  et  la  topographie  se  tiraient  maladroitement.  Polybe(l)  reproche 
à  Éphore  d'en  avoir  donné  une  description  absurde  qui  accusait  son 
incomfiétence.  L'insulTisance  du  narrateur  éclatait  d'autant  plus,  que 
cette  bataille,  au  dire  de  Polybe,  fut  un  modèle  d'action  variée  et  de 
combinaisons  savantes  :  ttjv  jxev  eii^aaiv  h/^ei  7rotxt>vY,v,  xal  <iTpaTr,Yixy,v. 
Kphore  n'avait  rien  compris  aux  manœuvres  compliquées  qui  ont  valu 
à  Épaminondas  les  éloges  tardifs  de  Xénophon  :  «  Cela  est  évident,  dit 
Polybe,  pour  tous  ceux  qui,  en  toute  connaissance  des  lieux,  voudront 
se  représenter  les  évolutions  par  lui  racontées.  »  A  défaut  d'Éphore, 
nous  possédons  la  relation  assez  précise,  mais  trop  écourtée,  de 
Xénophon.  L'historien  avait  envoyé  ses  deux  tils,  Diodoros  et  Gryllos, 
combattre  à  Mantinée  :  Gryllos  resta  sur  le  terrain,  mais  le  survivant 
dut  informer  son  père  des  moindres  circonstances  de  l'action  où  son 
frère  avait,  en  mourant,  acquis  une  gloire  impérissable.  Malheureuse- 
ment, Xénophon  s'est  montré  trop  sobre  de  détails.  Diodore,  confus  et 
inintelligent  h  son  ordinaire,  reflète  Kphore.  Quant  n  Polybe,  son  ton 
de  censeur  ne  doit  pas  nous  faire  illusion  sur  ses  propres  faiblesses. 
S*il  connaissait  h  fond  la  topographie  du  champ  de  bataille,  il  semble 
n'avoir  eu  sur  la  marche  générale  des  faits  et  sur  les  plans  d'Épaminon- 
das  que  des  notions  approximatives.  C'est  du  moins  ce  qui  ressort  de 
la  comparaison  de  ses  brèves  données  avec  le  texte  de  Xénophon. 
Quelques  détails  épisodiques  sont  fournis  par  Plularquc,  Justin,  Cor- 
nélius Népos,  Polyainos  et  autres  compilateurs.  Pour  la  topographie, 
qui  est  la  partie  la  plus  délicate  de  la  question,  Pausanias  seul  nous 
donne  un  repère  certain.  C'est  surtout  lui  qui  nous  permet  de  mettre 
au  point  les  récits  des  Helléniques  et  de  Diodore.  Quant  à  la  chronologie, 
on  peut  tirer  de  l'insciiption  citée  p.  4;»9  un  résultat  très  approxi- 
matif (2). 

1"  La  concentration.  —  Après  la  déclaration  de  guerre  faite  par 
Épaminondas  aux  délégués  arcadiens,  des  deux  cùtés  on  s'occupe  de 
mobiliser  le  ban  et  l'arrière-ban  des  alliés.  Pendant  que  les  Mantlncens 
allaient  solliciter  Sparte  et  Athènes,  Épaminondas  concentrait  à  Thèbes 

(1)  XU,  iij,  4. 

(2)  Voy.  Sfhâfrr.  Die  Schlacht  hei  Uantinea,  «lans  Drnioslfi.  m.  seine  ZeiL 
III.  HcllaK.  I- 


580  APPENDICES. 

les  néotiens,  les  Kubnens,  les  TlicssalieDS  d'Alexandre  et  autres,  les 
Locricns,  et  les  conduisait  à  Néinée,  où  il  comptait  surprendre  au  passage 
les  troupes  athéniennes.  C'est  là  sans  doute  qu'il  reçut  les  contingents 
péloponnésicns  d'Argos,  de  Sic3'onc,  de  Tégée,  de  Mégalopolis,  d'Aséa, 
de  Pallantion,  et,  comme  dit  Xénophon,  de  toutes  les  villes  à  qui  leur 
petitesse  et  leur  position  au  milieu  de  ces  États  ne  laissaient  pas  la 
liberté  du  choix.  Kn  même  temps,  le  camp  adverse  se  constituait  à 
Mantinée,  où  se  réunirent  tous  les  coalisés,  Achéens,  Arcadiens  du 
Nord,  Éléens  et  3  loches  (sur  12)  d'hoplites  Spartiates  avec  tous  les 
cavaliers  et  les  mercenaires  de  Lacédémone.  On  attendait  encore 
rinlantcrie  et  la  cavalerie  athéniennes  et  les  9  loches  lacédémôniennes 
qu'Agésilas  devait  amener. 

Tous  ces  préparatifs  occupèrent  une  bonne  partie  du  mois  de  juillet. 
L'adhésion  d'Athènes  à  l'alliance  mantinéenne  date  des  premiers  jours 
de  l'archontat  de  Molon,  nommé  le  22  ou  le  23  juillet,  d'après  les  calculs 
de  Bœckh.  C'est  donc  aussitôt  après  que  fut  décidé  l'envoi  des  troupes 
à  Mantinée (5  000  hoplites  sous  le  commandement  du  stratège  Hégésiléos 
et  i  000  cavaliers  sous  l'hipparque  Képhisodoros),  et  qu'Épaminondas 
s'embusqua  à  Némée  pour  les  surprendre,  soit  à  partir  du  26  juillet. 
Les  Athéniens  pour  le  dépister  firent  courir  le  bruit  qu'ils  expédie- 
raient leurs  renforts  par  mer  et  par  la  f^conie,  la  seule  voie  désormais 
libre,  puisqu'Argos  avait  pris  parti  pour  Thèbes.  C'était  le  premier 
mécompte  de  cette  catn pagne  qui  devait  en  réserver  de  plus  graves 
encore  à  Kpaminondas.  il  quitta  donc  Némée,  après  un  séjour  de  quatre 
ou  cinq  jours,  pour  aller  installer  son  quartier  général  à  Tégée,  où  il 
dut  arriver  vers  la  fin  du  mois  de  juillet.  Il  suivit  sans  doute  la  route 
d'Argos  par  Hysiai.  Sécurité  complète  à  Tabri  des  murs  de  la  place, 
faculté  de  dissimuler  ses  mouvements  (en  ce  sens  qu'il  pouvait  sortir 
pir  plusieurs  portes  à  l'insu  de  l'ennemi,  tout  en  ne  perdant  rien  des 
mouvements  de  celui-ci),  enfin  ressources  abondantes  pour  la  subsis- 
tance de  ses  troupes,  tels  sont  les  avantages  qui  font  approuver  à 
Xénophon  le  choix  de  Tégée  comme  cantonnement. 

2*  La  pointe  m  Laconie,  —  Il  attend  quelques  jours  à  Tégée  des 
adhésions  nouvelles  qui  ne  se  produisent  pas  (les  Messénieus,  les  Tri- 
phy liens  ?).  (^pendant  les  coalisés  sont  installés  auprès  de  Mantinée 
dans  une  bonne  position  défensive  (xaTep,àvOav£  Trept  p.£v  MavTivetav 
Toùç  àvTiTtaXou;  TTe^'jXayfjLivoyç)  (l),  sansdoule  en  arrière  du  grand  fossé 
transversal  décrit  plus  haut  (p.  4."i).  Ils  ont  envoyé  quérir  Agcsilas  et  le 
reste  .des  Lacédémoniens,  toujours  lents  à  se  mettre  en  mouvement  (2). 

(i)  Plut.  De  glor,  Athen,  40. 

(2|  C'ost  èvidoininont  piir  orroiir  qno.  Polylx»  rcprrsrnto  los  Lîimicinoiiions 
7rav5Y|îJL£l  TrapaYEYOvÔTa;  el;  Mavxive'.av  (IX,  H,  i).  Cf.  Justin,  VI,  7.  —  Polylic 
uilirniu  aussi  qu'Aj^rsilsis  se  trouvait  à  MaiitiiUH\  où  un  déserteur  alla  le  préve- 
nir. Le  fuit  du  déserteur  peut  être  vrai,  mais  il  n'est  pas  le  môme  que  celui  dont 


HISTOIRK.  l'iSi 

Cependant  ceux-ci  sont  en  route  :  ils  suivent,  afin  d'éviter  la  Tégéatide, 
non  pas  la  vallée  de  TOinous,  niais  celle  de  TKurotas  qui  les  conduira 
dans  la  Mantinique  par  un  chemin  dérobé  plus  long,  mais  plus  sur, 
à  travers  la  série  de  ravins  qui  relient  les  sources  de  TKurolas  aux 
cantons  occidentaux  de  la  Mantiniiiue  par  Aséa  et  rallanlion  (1).  Déjà 
ils  sont  parvenus  à  Pellana,  sur  le  baut  Kurotas  (2).  Épaminondas, 
renseigné  par  ses  espions,  conçoit  alors  un  plan  bardi,  celui  de  sur- 
prendre Sparte  sans  défenseurs.  Pour  cela,  il  compte  suivre  le  cbemin 
direct  de  Tégée  à  Sparte  qui  le  mènera  au  but  en  une  nuit  par  une 
marche  parallèle  h  celle  d'AgésIlas,  et  en  sens  inverse.  La  trahison  lit 
échouer  ce  beau  projet.  Malgré  la  rapidité  de  sa  marche,  un  transfuge 
Cretois  ou  Ihespien  (3),  sans  doute  parti  dès  la  sortie  de  Tégée,  eut  le 
temps  de  le  devancer,  de  rejoindre  Agésitas, lequel,  à  peine  averti,  put 
dépêcher  un  courrier  à  Sparte  et  rentrer  lui-mrme  assez  tut  pour  défendre 
et  sauver  la  ville.  Cependant,  au  dire  de  Potybe,  Kpaminondas,  qui 
s'était  mis  en  route  à  la  tombée  de  la  nuit,  était  arrivé  devant  Sj)arle, 
à  la  troisième  heure,  ayant  accompli  en  moins  de  dix  heures  avec  une 
armée  de  33000  hommes  (4)  et  par  des  chemins  médiocres, un  trajet  de 
60  kilomètres. 

3"  Retour  à  Tégée,  —  Il  renouvela  ce  tour  de  force  au  retour,  puisque 
dès  le  lendemain  vers  midi  ses  cavaliers  surprennienl  Mantinée  (.'î), 
tandis  que  ses  hoplites  se  reposaient  à  Tégée  de  leur  double  marche 
nocturne  aggravée  par  une  journée  de  combat.  Les  uns  et  les  autres 
avaient  du  moins  vaincu  la  fatigue.  Xénophon  rend  hommage  lui-même 


[Kirlo  Xônophon  ctco  n'est  pas  Ai^rslins  «iii'li  trouva  i\  Mîiiillnrr»,  mais  Ws  trois 
loches  spartIaUvs  ot  i'armiMM'oalist'ro.  Diodorr  préU^nd  f|irAi;(''silas  «Hall  vvsiv.  i\ 
SiNirtn  rt  (|iin  In  rho.f  dos  Iniupos  lacéflémoiiit^nnos  riait  A^is  (?).  On  Ui  voit, 
aucun  do  ers  m-lls  no.  inrrlU'.  confianct;  <»l  crlul  do  Xônoplion  est  à  la  fols  lo  plus 
précis  ni  lo.  (dus  plausibln. 

(1)  llouln  n"C"  sur  la  nmlo  d«i  Lorinj,'.  Joiirn,  nf.  hdlrn.  Stud.  XV.  ISÎKÎ, 
pi.  I,  p.  ÏH.  — VU\L  Ages. 3^^  :\  :  xal  aixpov  iùvr^fst  7rasa)vXi;a;  tôv  'AY'riTiXaov 
inflitpio  U'wn  r|u'Kpaminondas  prit  un  aulrn  cluMuln.  .In  suis  ici  la  version  de 
Xénophon  <'t  celle  de  Plutarque  qui  concordent  dans  l'ensemble. 

(2)  Vallon  de  Koniilitza,  à  12  kiloin.  de  Spar'e. 

(3)  Il  y  eut,  en  réalité,  deux  déserteurs,  l'un  qui  prévint  Aj^ésilas,  l'autre  qui 
courut  à  Manliuée  :  les  auteurs  anciens  les  ont  confondus,  ce.  qui  explique  leurs 
vershuis  dlITén^iles  sur  la  nalloualllé  de  ce  personiiaf^e,  versions  relevées  par 
Plutarque  {Ages.  ;J4).  ,Ie.  préfère  cette  explication  a  celle  de  Scliûfer  (I)in 
Sr.filachi  bri  Maulincia^  [y.\i:^v.-.f)y  (Vi\\}rv.s  qui  le  déserteur  qui  prévint  AKésllas 
aurait  été  Ihespien,  tandis  «pie  le  courrier  «lépéché  à  Sjiarto  par  A^ésllas 
aurait  été  crélols. 

(4)  Chl(Ire«leI)iod«»re::«)(XX)fanlassins«a30(K)«-avaHers(XV,84,  4).  -  Plu- 
tiirque  parle«le70()IX)  luimmes  ([>c  j^/or.  Àtfien.  40);  niais  il  confond  avec  Pef- 
feclif  d(*'  ta  prennère  «'auipa^ni*  en  î^ic«mie,  qu'il  a  Indi^nienl  méliV  .'i  la  stH'undc. 

(5)  P«dybe,  L\,  H,  î)  :  irpodéaKiYC  ty|  MavTivcia  tceoI  (X£fTOv  yjaspaç. 


i»82  APPKNDIGKS. 

au  chef  capable  d'obtenir  de  ses  soldats  un  eflort  aussi  prodigieux  et 
au  merveilleux  enlratnenient  de  ces  troupes.  En  effet,  le  coup  sur 
Sparte  manqué,  Épaminondas,  avec  une  souplesse  de  conception  digne 
d'un  meilleur  résultat,  tenta  de  suite  une  nouvelle  surprise,  il  semble, 
par  ces  tentatives  réitérées,  avoir  voulu  éviter  la  sanglante  môlée  que 
seul  un  concours  de  circonstances  fortuites  plus  puissant  que  sa 
prévoyance  lui  imposa  comme  une  fatale  nécessité. 

Après  avoir  en  vain  tenté  de  forcer  la  résistance  désespérée  des  Spar- 
tiates, Épaminondas,  voyant  Agésilas  et  ses  9  loches  revenir  à  la  res- 
cousse, sachant  que  le  reste  des  coalisés  concentrés  à  Manlinée  s'étaient 
eux-mômes  précipités  au  secours  de  Sparte  (1)  et  que  leur  arrivée 
imminente  en  Laconie  l'exposait  au  plus  grand  danger,  résolut  de  faire 
tourner  à  son  profit  la  situation.  Cette  fois  c'était  Mantinée  qui  se 
trouvait  dégarnie  de  troupes  et  qui  offrait  une  proie  facile.  Après  le 
départ  de  l'armée,  les  habitants,  s'imaginant  qu'amis  et  ennemis 
bataillaient  au  loin  dans  la  plaine  laconienne,  s'étaient  répandus  hors 
des  murs  pour  achever  en  hAte  leurs  moissons  déjà  fort  en  retard, 
puisqu'on  était  dans  la  première  semaine  du  mois  d'aoiU.  Tous  leurs 
troupeaux  pAturaient  au  dehors  ;  eux-mêmes,  hommes  libres,  ouvriers, 
presque  tous  enfants  ou  vieillards,  les  hommes  valides  étant  à  l'armée, 


(1)  Xénoplion  no  ropréso.nto.  pas  lo  dcipart  pour  Sparto  ilo  l'armcft  coalisée 
comme  un  fait  accompli,  mais  comoio  une  rvontuallté  dont  Kpaminondas 
suppute  le  danj^or  pour  liAtor  son  retour  à  Tc^éc  (VU,  îi,  14)  :  A,oyi^6iLE^o^ 
ô'xt  poTjOv^doiÊV  o\  'ApxàBeç  el;  rrjV  Aaxe8a{[Jt.ova.  I>es  termes  de  Polybc 
indiquent  (fue  les  coalisés  étaient  en  roule  et  (|u'Kpaminondas  le  savait  (IX, 
8,  8)  :  auX^oyiCôP'^voc  oxi  (jD[Lpy\(5tT0Li,  xoiv  Aaxe8ai(jLOvuov  xal  twv  aujifjixy  wv 
7capczf)epoT,07|x6T(ov  iiç  T*f|v  STTïpTTjV,  Tcx^iv  xaTaXet7ce(T0at  ttjv  MavTiveiaVo 
xal  (xuvtpT)  YevéffOai.  —  (Cf.lMuUm(ue.  Deglor,AUien,iO.)  —  D'apw'îs  Diodore 
(XV,  8i),  ce  furent  des  prisonniers  qui  apprirent  i'i  {«'paniinondas  la  marcliedt^ 
Mantinêens  sur  Sparte.  11  semijle  bien  qm^  les  auteurs  ])ostérieurs  à  Xénophon 
ont  eu  tort  <le  ne  pas  suivre  son  récit;  ils  n'ont  pas  tenu  compte  de  ce  dêtiiil, 
qu'Agésilas  n'était  pas  encore  à  mi-chemin  sur  lu  route  de  Mantinée  (fuand  il 
apprit  la  marche  d'Kpaminondas  sur  Sparte  et  ils  ont  ctmfondu  ce  (|ui  le 
concerne  avec  ce  qui  concerne  l'arMîé.e  concfînlrée  i\  Mantinée.  I>es  faits 
doivent  donc  être  rétablis  de  la  manière  suivante  :  \»  K|KtminondaR  pjirt 
«le  Tégée;  2®  Un  transfu^rn  avertit  Af^ésilas  «'i  Pidiana;  3'  Agésilas  «lêpéche 
un  courrier.'!  Sparte  et  se  met  (mi  roui»»,  lui-même;  4*»  Un  autn».  déserteur 
arrive  U  Mantinée  et  prévient  l'année  coalisé<^;  {*•  O» Ile-ci  se  met  elle-même 
en  route  par  le  chemin  d'Aséa,  espérant  sans  doute  rencontrer  AgésiJas 
qu'elle  ignorait  avoir  été  averti  de  s«>n  cêté;  (»«  Cette  armée  n'arrive  en 
Laconie  qu'après  Agésilas  et  la  retraite  d'I^îpaminondas,  c'esl-A-dire  en  pleine 
nuit.  (Ce  (|ue  dit  Polybc  :  IX,  8,  îi  :  xal  toiv  PoY|Ooûvt(ov  icapayevojjLévcov  eîç 
Tov  xaTaXi^'j/ecu;  xaipôv,  est  appliqué  à  tort  par  lui  aux  confédérés  partis  de 
Manlinée  ;  seuls  les  l^icédémoniens  partis  de  Pellaua  avaient  pu  revenir  à 
temps),  l'our  leur  dissimuler  son  départ,  É|Kiminondas  laisse  en  arriére-garde 
quelques  cavaliers  chargés  d'alhnner  des  Wux  de  bivouac  jusffu'au  matin. 
(Diod.  XV,  84.  —  Frontln.  Slrat.  111,  1,  îi). 


HISTOIRE.  *>83 

coupaient  et  rentraient  leurs  blés  en  toute  quiétude.  C'était  ce  qu'ltlpa- 
minondas  avait  prévu  et  ce  qui  iui  fut  confirmé  à  son  arrivée  à  Tégéc. 
Aussi  trouva-t-il  dans  l'exposé  de  cette  situation  un  encouragement 
d'une  force  singulière  pour  décider  sa  cavalerie  (I)  à  repartir  sans  tritve 
ni  répit  aûn  de  razzier  la  Mantinique  et  au  t)csoln  surprendre  la  ville 
sans  défense.  Lui-même  resta  à  Tégée  avec  ses  hoplites  à  qui  il  ne 
pouvait  raisonnablement  plus  rien  imposer  qu'un  repos  bien  gagné. 

4*  Engagfitnent  de  caoalerU,  —  Les  cavaliers  partirent  par  la  route 
de  Tégée  et  le  bois  Pélagos.  Ils  en  débouchaient  à  l'improvisle  vers 
midi,  au  moment  oii,  de  leur  cùté,  les  i  000  cavaliers  athéniens  de 
Képhisodoros  venaient  de  descendre  les  dernirres  pentes  de  l'AlésIon 
et  entraient  en  ville  pour  y  prendre  leurs  cantonnements.  Eux  aussi 
étaient  harassés,  et  à  jeun,  ayant  brûlé  les  étapes  depuis  leur  départ 
d'Athènes  et  rompu  quelques  lances  au  passage  de  l'isthme  contre  les 
Corinthiens,  ils  ne  songeaient  qu'à  se  réconforter  eux  et  leurs  mon- 
tures. Les  supplications  des  Mantinéens  leur  montrent  le  désastre 
imminent,  toute  cette  population  exposée  sans  défense,  tous  ces  trou- 
peaux perdus,  et  les  implorent  comme  des  sauveurs.  L.es  glorieuses 
traditions  de  la  cavalerie  athénienne  lui  donnèrent  le  cœur  de  s'atta- 
quer à  un  ennemi  deux  fois  plus  nombreux,  et  aux  cavaliers  les  plus 
émérites  de  la  Grèce,  Thébains  et  Thcssaliens  au  nombre  de  3  000  (2). 
Quoique  désemparés  et  fourbus,  ils  auraient  eu  honte  de  ne  rendre 
aucun  service  h  leurs  alliés.  Ils  chargèrent  donc  avec  vigueur,  repous- 
sèrent l'envahisseur  déjà  parvenu  à  la  hauteur  du  temple  de  i'oseidon 
Hippios  et  lui  indigèrent  quelques  pertes,  non  sans  en  subir  eux- 
mêmes.  Tel  fut  ce  premier  engagement  que  les  anciens  et  les  modernes 
ont  souvent  confondu  avec  la  mêlée  générale.  L.a  bravoure  athénienne, 
après  avoir  fait  merveille,  car  elle  avait  réellement  sauvé  la  ville, 
exalta  encore  ce  succès  et  voulut  le  changer  en  une  grande  victoire. 
Du  reste  les  Mantinéens  se  firent  ses  complices  par  leur  reconnaissance 
envers  leurs  sauveurs  et  par  les  honneurs  qu'ils  décernèrent  à  Gryllos, 
Iliade  Xénophon,  tombé  parmi  ces  braves  (avSpEç  àyaDot),  à  qui  l'histo- 
rien des  HeUéniques  a  rendu  un  hommage  dont  l'anonymat  relnusse 
encore  la  dignité  (3). 

(1)  Ispaminondas  nvaildù  marchera  plod  otcomhatlrr  r>)iiinio  .ses  fantassins, 
^lant  hii-ni(^nio  slratr^^o  dos  lioplilos,  ro  (|iii  (>xplii|u<'  (iii'il  n'ait  pn  dlrij^'rr  m 
pf^rsonno  la  pointe  (!<'.  sa  cavalerie  sur  Mantinôt*.  Ce  fut  son  liipparquo,  «lonl 
le  nom  no  nous  est  point  parvenu,  qui  fut  chargé  do.  coiio  mi.ssion.  CVst  ù  tort 
quo  Phi(arf|uo  rt  Pausanias  \o.  rrprcscnlrnl  assistant  à  r^ngagemcDl  de  cava- 
Irrle. 

(i)  Diod.  XV,  8i,  4  (moins  lo  détachement  resté  en  arrière  |>our  entretenir 
les  Iv.ux  du  Idvouac). 

(3j  11  est  très  vraisemblable  que  Gryllos  succomba  dans  ce  premier  onga- 
grmcnl,  ainsi  quo  Schàfer  le  suppo.se /'.Sc/i/dc/it  bei  àlaïUinea,  p.  I;i)  et  non 
dans  la  m«'^lée  générale  où  la  cavalerie  athénienne  n'eut  pas  à  donner  contre 


584  APPBNOICKS. 

Polybe  cl  iMiilarque  ont  peint  de  couleurs  très  rives  et  quelque  peu 
exagérées  l'émoi  des  Mantincens  à  l'aspect  de  la  cavalerie  tliébaine, 
lorsqu'elle  déboucha  du  L'élagos.  «  Déjà,  dit  Poiybe  (IX,  8,  20),  l'avanl- 
garde  thébainc  touchait  au  temple  de  Poséidon,  qui  est  A  sept  stades  en 
avant  de  la  ville,  lorsque,  comme  par  un  fait  exprès,  on  vit  paraître  les 
Athéniens  à  la  descente  de  la  hauteur  qui  commande  Manlinée.  A  la 
vue  de  ce  secours  inespéré,  les  Mantinéens  restés  dans  la  ville  prirent 
enfin  le  courage  de  monter  au  rempart  et  de  fermer  aux  Thébains 
l'accès  de  la  place.  »  On  sait  que  Polybe  a  toujours  gardé  rancune  aux 
Mantincens  de  leur  attitude  envers  Aratos.  11  veut  ici  les  accuser  de 
lâcheté.  iMais  il  omet  de  dire,  comme  Xénophon,  que  tout  ce  qui  pou- 
vait travailler  était  alors  épars  dans  la  campagne,  et  que  les  quelques 
débiles  gardiens  de  la  ville  se  trouvaient  dans  la  cruelle  alternative  ou 
de  fermer  les  portes  à  l'ennemi  et  d'assister  du  haut  des  murs  au 
massacre  de  la  population  occupée  à  la  moisson,  ou,  pour  la  sauver, 
de  livrer  à  une  poignée  de  hardis  cavaliers  l'une  des  plus  belles  forte- 
resses du  Péloponnèse.  Comme  ils  auraient  préféré  ce  dernier  parti,  — 
Épam inondas  y  comptait  —  l'arrivée  des  Athéniens  faisait  manquer  la 
surprise,  mécompte  presque  aussi  grave  que  l'échec  du  coup  de  main 
sur  Sparte. 

Quant  à  Piutarque  (1),  il  décrit  le  fameux  (ableau  du  peintre  Euphra- 
nor,  contemporain  de  la  bataille  de  362,  tableau  patriotique  commandé 
par  les  Athéniens  et  qui  représentait  le  combat  des  deux  cavaleries  : 
il  était  exposé  dans  le  portique  du  Pœcile  et  passait  pour  le  chef-d'œuvre 
du  mattre.  «  Les  Thébains  en  armes  et  pleins  d'ardeur  arrivent  et 
entourent  en  cercle  le  rempart.  La  surprise  des  Mantinéens  était  à  son 
comble  ;  ce  n'était  que  tumulte,  allées  et  venues  de  gens  se  sentant 
impuissants  à  refouler  une  masse  qui  les  assaillait  comme  un  torreut, 
et  ne  sachant  sur  quels  secours  compter.  Mais  à  ce  moment  inôme 

la  cavalnrio.  tlii'îhahic.  G'osl  une  faiisso  liilrirpnHalinn  ihi  lablciiu  (rRuphranor 
qui  donna  naissance,  à  Athènes,  à  la  lôgondo  d'après  laciuollc  Kpaminondas 
fut  tue  par  W,  (ils  t\o  Xcnoplion.  L'hipparquo  KV^phisodoroa  succombii  aussi, 
mais  il  est  dUTlcile  do  dire  si  ce  (ut  dans  la  preini(>i*p.  ou  dans  la  dcuxiiunc 
baUdllc  (Voy.  DIog. 
po;  o;  iTiTrap/oç  <ov 

—  Pausan.  Vlll,  9,  \).)  (irylios  fut  onlorré  aux  frais  des  Manlincîens,  comme 
Kpaminondas  et  lolaTdas,  :*i  l'endroit  où  il  était  tonihi^  [Paus.  Vllf,  11,  (t  : 
oaîvovTtti  5k  o\  MavTivct;  TpuXXov  jxcv  S-/)(xo«Tca  xe  Oa'j/avxeç  evOa  CTredev, 
d'après  la  correction  InVs  ingénieuse  de  Scliâfer],  et  eut  l'Iionneur  d'une  stèle 
commémora tive  sur  l'Adora  [xal  àvaOévteç  èix6va  kiii  axy^k'f^^  mç  ivBpoç 
àptffTO'j  T(5v  <ru(jL|JLà/(ov.—  Cf.  Vlll.  9,  5.  et  plus  tiaulp.  IQi-.—  Sansia  correc- 
tion  de  Scliflfcr,  il  faudrait  admettre  deux  statues  de  Gryllos,  l'une  sur  son 
tombeau  en  deliors  «le  la  ville.,  l'autre  sur  l'Agora,  ce  qui  cal  peu  vraisemblable. 
ha  tombeau  de  Gryllos  devait  être  voisin  du  temple  de  Poséidon  Ilippios. 
Voy.  plus  haut,  p.  lUO-lOI.] 
(t)  De  glor,  Athen,,  40. 


I-riiert.  Il,  \y\,  —  llarpocral.  îtepo;  5'àv  eiT)  lCir)a»t<rô$(o- 
€v  MavTiveta  fJLÊTa  TpùXXou  xou  Sevo^wvTO;  aTcéOavev. 


HISTOIRK.  Îi85 

Yoilà  les  Athéniens  qui  descendent  des  hauteurs  de  ia  Mantinique, 
ignorant  ia  situation  critique  et  l*ardcur  du  combat,  mais  chcininaiit 
en  toute  tranquillité.  Un  courrier  vole  leur  annoncer  le  péril  Quoiqu'en 
nombre  infime  par  rapport  à  la  multitude  des  ennemis  et  fatigues 
par  la  route,  comme  il  n'y  avait  pas  d'autre  allié  présent,  les  hoplites 
se  rangèrent  aussitôt  en  bataille.  Quant  aux  cavaliers,  ils  se  mirent  en 
ligne,  s'élancèrent  et  allèrent  jusqu'aux  portes  et  sous  les  murs  môme 
pousser  une  vigoureuse  charge.  Vainqueurs,  ils  enlevèrent  Mantinée 
des  mains  d'Épaminondas.  Tel  est  le  sujet  du  tableau  d'Euphranor  11 
a  représenté  le  choc  de  la  bataille,  l'acharnement  de  la  résistance, 
vigoureuse  et  brillante.  Mais,  je  |)ense,  nul  de  vous  n'accordera  plus 
de  mérite  au  peintre  qu'au  général,  ni  ne  préférerait  le  tableau  au 
trophée,  pas  plus  que  l'imitation  à  la  réalité.  »  A  cette  description  un 
peu  vague,  Pausanias  ajoute  quelques  Iraits  plus  précis  :  «  le  tableau 
représente  le  combat  de  cavalerie;  on  reconnaît,  entre  tous,  parmi  les 
Athéniens,  Gryllos,  fils  de  Xénophon,  et  Kpaminondas  sur  sa  jument 
béotienne.  »  (I).  Ailleurs  (t\  il  nous  apprend  qu'il  exislait  au 
gymnase  de  Mantinée,  dans  la  salle  d'Antinous,  une  copie  de  cette 
œuvre.  On  ajustement  contesté  l'exactitude  des  idontilications  présen- 
tées par  Pausanias.  D'abord,  Plutarque  ne  nomme  aucun  personnage 
en  particulier;  ensuite,  Épaminondas  n'assistait  pas  à  ce  combat,  et 
de  plus  il  combattait  à  pied,  comme  hoplite.  Il  est  donc  probable  ((ue 
Pausanias  s'est  laissé  induire  en  erreur  par  ses  excrètes  athéniens  ; 
sans  doute,  ta  scène  principale  représentait  le  corps  à  corps  de  deux 
chefs,  et  le  chauvinisme  populaire  se  plaisait  à  voir  ddiis  ce  groupe  le 
duel  du  héros  thébain  et  du  héros  athénien,  Gryllos.  Ainsi  s'accrédita 
avec  le  temps  la  légende  rapportée  par  Pausanias.  Aux  yeux  des 
Athéniens,  toute  ta  bataille  de  Mantinée  se  résumait  dans  ce  glorieux 
exploit  de  leur  cavalerie,  qui  n'était  pourtant  qu'un  iiréliminaire  de  la 
grande  action. 

Il  est  possible  que  le  tombeau  monumental  décrit  |).  99  et  l'inscrip- 
tion des  tribus  se  rapportent  à  ce  combat. 

5'  Les  manœuvres  d'iipamhiondus  et  Vordre  de  bataille,  —  Après  ce 
combat,  la  cavalerie  thébaine  dut  rentrer  à  Tégée  pour  se  refaire.  Deux 
ou  trois  jours  se  passèrent,  pendant  lesquels  Tarmée  d  Épaminondas 
acheva  de  se  reposer.  Knlre  temps,  les  troupes  coalisées  revenaient  de 
Laconie et  prenaient  position  dans  la  Mantinique(3).  La  m<^lée  générale, 

(1)  PjHisnn.  r,  :i,  i.  —  Cf.  IX,  t."),  "». 

(2)  Vlir  U,8.  —  fi,  (•>.  —  Cf.  Stophîini.  BiUlei.  de  l'Acad,  de  SainL-Pêters- 
bourg.   Mv\.  gr.  ot  roin.  I.  p.  170  et  suiv. 

(3)  Kllcs  élHleiit,  (l'îiprès  Dioiion*,  au  nombre  fin  20000  fjintnssins  ot  2  000 
cavaliers.  On  ne  sait  par  (pii  les  troupes  lafé<lêmonlennt»s  élaienl  comniandôcs. 
D'après  Plutarque,  (  ïpopht.  /acou.7;j)r*élait  par  Af^èsilas  en  personne, <»t  c'est  lui 
ipii  aurait  donné  à  ses  soldats  In  conseil  de  viser  Kpaminondas, disant  que  la  perte 
d'un  tel  iioinine  équivaufirait  îi  une  victoire.  Mais  ce  ténioi^naf^e  suspect  n'est 
pas  conliruHî  par  la  biographie  d'Agêsiias,  mais  seulenu-nt  par  Justin,  G,  7. 


'Î8G  APPENDICES. 

qu'Kpa  m  inondas  avait  touIu  éviter,  devenait  nécessaire.  Pressé  par  le 
temps  (1),  IcTbébain  résolut  d'en  finir.  Il  ordonne  à  ses  troupes  de  se 
préparer,  belles  obéissent  avec  allégresse,  fourbissent  leurs  armes  à 
Tenvi  et  les  Arcadiens  eux-mêmes  peignent  sur  leurs  boucliers  la 
massue,  emblème  des  Thébains.  L'ennemi  se  tenait  un  peu  au  Sud  de 
rétranglement  de  la  plaine,  en  territoire  tégéate,  sur  un  front  de  2000 
à  2  500  m.,  adossé  au  bois  Pélagos.et  allongé  obliquement  entre  l'épine 
de  Mytika  et  celle  de  Kapnistra  :  position  qui  lui  permettait  de  suivre 
les  mouvements  de  Tennemi  et  de  n^Hre  pas  débordé  à  droite  et  à 
gauche  par  le  nombre. 

Aussitôt  sorti  de  Tégée,  Épaminondas  fait  prendre  la  formation  de 
combat  (ttjxotov  |jl£v  (ruvETaxTCTo), comme  s'il  se  disposait  à  l'action  immé- 
diate Puis,  au  lieu  d'aller  droit  au  front  ennemi,  en  suivant  les  routes 
de  Tégée,  il  oblique  à  gauche  vers  les  hauteurs  qui  bornent  à  l'Ouest 
la  Tégéatide,  c'est-<^-dire  vers  le  Ménale  à  la  hauteur  de  la  moderne 
Tripolls.  Il  semblait  ainsi  être  revenu  sur  ses  intentions,  vouloir 
ajourner  le  combat  et  chercher  un  camp.  En  eflet,  il  fait  ranger  en 
phalange  (en  ordre  de  bataille)  sa  lèle  de  colonne  au  pied  des  montagnes 
et  ordonne  de  déposer  les  armes.  L'ennemi,  tranquillisé,  en  fait  autant, 
se  désarme,  rompt  ses  rangs,  se  détend.  Cependant  Épaminondas  fait 
faire  front  à  ses  colonnes  à  mesure  qu'elles  approchent  (^^l  xépcoç 
7rop£i>o|jt.evo'j;  Xô/ouç  TuapayaYwv  cl;  |jl6T(»>7:ov)  et  constitue  autour  de  lui  un 
éperon  solide  d'hoplites  massés  en  épaisse  colonne  d'attaque  sur  une 
profondeur  énorme  (envinin  50  hommes)  et,  tout  à  fait  sur  la  gauche, 
un  autre  éperon  de  cavalerie  entreuièléc  de  fantassins.  Telle  est  son 
aile  gauche,  portée  fort  en  avant  du  centre  et  de  l'aile  droite  et  qu'il 
dirige  en  personne.  I^  schéma  suivant  indique  les  positions  respectives 
et  la  composition  des  deux  armées,  d'après  les  données  de  Xénophon 
et  de  Diodore.  Au  dire  de  Diodore,  l'armée  thébaine  comptait  plus  de 
30  000  fantassins  et  3  000  cavaliers;  celle  des  coalisés  plus  de  20000 
hommes  de  pied  et  2000  cavaliers  [lig.  l'iO  (2)]. 


(1)  Xon.  HcAlen.  Vif,  5,  18.  èvOufJLOuuLEvoç  ox».  oXiycov  |jl£v  vjijLCpwv  àvxYXTi 
IffOiTO  àîtievai  ôtà  tô  kçf\x.tiy  T'7|  (TT^axe^x  xbv  yGÔyo"^.  Lrs  raisons  (fin  do  la 
béolarchi*^,  liiiiltaiioii  du  sorvieo  cirs  auxiliaires  tlicssallnis,  liostililô  dos  par- 
lis  adversrs  à  Tlirbrs)  alli'^KUiVs  [Mniv  oxpliquor  rc  |Kissagr  assoz  obscur  dr 
Xûnophon,  sont  tontos  roiijiTturalos.  Un  a  supposr'^  aussi  que  Xénophon  avait 
confondu  avec  la  campa^^nc  pivccdonlc,  cello  de  3(»9. 

(2)  Fig.  (M)  :  A.  Cavalorio  et  haniippos  thébains  olThossaliens. 

B.  Ailn  d'attaque  (erjLfioXov)  dos  liopiites  lliébains  (Épaminondas). 

C.  Arcadiens  ;  I)  Kul)éens,  l-.<M*rlf^ns,  etc.  ;  K.  Arjçiens;  V.  Cavalorio  ot  troupes 
légères  ;  G.  Eubéens  et  inorconaires,  hoplites  oX  cavaliers  sur  des  collines. 

Lu  cavalerie  V  vainc  a\  pousse  a'  en  «",  position  d'où  a"  atUiquo  avec  succès 
les  troupes  (î  et  G.  —  F'  position  de  la  cavalerie  victorieuse  F,  do  laquelle  elle 
attaque,  r,  A  ([ui  f  vli'iit  porter  secours. 


HISTOIRK.  .'>87 

Kpaminondas  se  place  au  premier  rang  à  droite  de  la  colonne  d'at- 
taque (ejxpoXov),  coinl)altant  à  pied  coui:ne  un  lioplile.  (>)ttc  colonne, 
flanquée  à  gauche  de  la  cavalerie,  se  trouvait  portée  en  avant  de  la 
ligne  générale,  qui  se  dérobait  en  retrait  jusqu'à  Taile  droite,  suivant 
une  ligne  oblique  transversale  à  la  plaine  du  N.-O.  au  S.-E.,  de.Mytika 
à  Parori.  Ainsi  s'explique  la  métaphore  de  Xénophon  :  «  Épaminondas 
conduisait  son  armée  comme  une  trirème,  la  proue  en  avant,  comptant 
enfoncer  les  ennemis  à  Fendroit  où  il  donnerait,  et  désorganiser  ainsi 
toute  leur  armée.  »  (1) 

f 

(wiv.  rlremir. 
Cav.      Manl.    I^c^il.  hlwiis,  Ach(>eii.«.  Iiir-tiit.  Cnv.il.      a 


1    1 


'/ 


'•/- 


Cet  éperon  en  bélier  d'attaque,  le  général  thébain  rarait  placé  à  la 
gauche  de  sa  ligne,  contrairement  aux  principes  de  l'ancienne  tactique, 
qui  renforçait  surtout  l'aile  droite,  la  plus  exposée,  parce  qu'elle  n'était 
pas  couverte  par  le  bouclier.  Aussi,  comme  eu  418,  était-ce  à  l'aile 
droite  que  se  plaçaient,  comme  à  un  poste  d'honneur,  les  troupes  les 
plus  solides.  Kn  général,  cette  aile  tirait  de  plus  en  plus  sur  la  droite 
pour  ne  pas  se  laisser  déborder  par  l'ennemi  (2)  et  pour  le  déborder  lul- 
mt^ine  en  le  prenant  en  flanc  :  l'attaque  se  produisait  d'ordinaire  par  la 
droite.  Déjà  à  Leuctres,  Epaminondas  avait  établi  sa  colonne  massive 
d'attaque  sur  la  gauche  de  son  front,  de  façon  à  écraser  la  droite 
ennemie,  c'est-à-dire  le  cùté  découvert  (3).  A  Mantinéc,  le  môme  dispo- 
sitif lui  était  imposé  non  seulement  par  ses  avantages  oflensifs,  mais 
aussi  par  le  terrain,  f^  bois  Pélagos  occupait  presque  toute  la  largeur 
de  la  plaine,  ne  laissant  entre  sa  lisière  occidentale  et  le  pied  du 
Ménale  qu'une  bande  de  terrain  libre  par  où  passait  la  route  de  Pal- 
lantion.  C'est  sur  cette  bande  qu'Epaminondas  établit  son  bélier;  l'at- 
taque eut  lieu  en  contre-bas  du  promontoire  Mytika,  près  de  la  route  de 
Pallantion,  à  trente  stades  de  Mantinée  (4).  Quant  à  l'aile  droite,  elle  était 

(1)  VII,  5,  23.  Cf.  —  mémo  compiralson.  Dt  rep.  Lac.  II,  10. 

(2)  Thucyd.  V.  71.  —  Voy.  p.  577,  flg.  (ii. 

(3)  Ces  principes  prévalurent  dès  lurs  on  tactique.  (Plut  Quaest.  rom., 
78,  40.) 

(i)  Ccst  aussi  l'opinion  de  Loring.  Journ.  of  hellcti.  Slud,  XV.  1895,  p.  88. 


i>88  APPENDICKS . 

composée  des  éléinenls  les  moins  solides,  les  troupes  argienoes,  dont  la 
fidélité  était  sans  doute  sujette  à  caution.  Quoique  placé  en  arrière  de 
l'éperon  —  to  8e  àfjOevsffTaTOv  Trôppw  àL^zéaxy^'Jt^f .  (Xcn.  Vil,  îj,  2;i),  —  ce 
(lanc  droit,  découvert,  courait  le  risque  d*étre  tourné  et  taillé  en  pièces 
par  la  cavalerie  athénienne,  qui  lui  faisait  face.  Pour  parer  à  ce  danger, 
Kpaminondas  installa  sur  quelques  hauteurs  isolées  un  parti  de  cava- 
liers et  d'hoplites,  prêt  à  fondre  sur  les  derrières  de  Fassaillant  s'il 
s'aventurait  trop  en  avant  de  sa  ligne  de  front,  soit  pour  attaquer  les 
Argiens,  soit  pour  venir  en  aide  à  ses  propres  amis  :  xat  otto);  [it) 
è7rcpoif)0(oaiv  oi  *AO-/ivatoi  àizo  tou  eùo)Vu(xoi>  xépaxo;  kizX  xo  6Xo|jLevov, 
xaTÉaTTjdev  iiû  yy^kô^it}'^  xivwv  ÉvavTiouç  aùxot;  xtX  ItzizIolç  xai  OTiXira;, 
^ô^ov  poukôyLt'fO^  xoà  toûtoi;  TcapéXstv,  o>;  el  poTjOi^aaiÊV,  oTTiaOev  ouTOt 
è7rix6(<xotvTo  auTOîç  (VII,  5,  24).  Ces  hauteurs  ne  doivent  pas  ôlre  cher- 
chées dans  la  bordure  montagneuse,  trop  abrupte  et  trop  éloignée; 
c'étaient  ces  petits  mamelons  qui  ondulent  le  milieu  de  la  plaine  au- 
dessous  du  village  de  Parori.  Il  y  avait  là  une  position  favorable  à 
tous  égards  aux  desseins  d*l!]paminondas,  assez  dominante  et  conliguô 
à  sa  ligne  de  balailie. 

Quant  à  Tcnnemi.  il  avait  disposé  sa  cavalerie,  non  pas  en  colonne 
d'attaque,  mais  en  phalange,  comme  un  corps  d'hoplites,  c'est-à-dire 
sur  une  profondeur  de  six  à  huit  chevaux,  sans  intervalles  entre  les 
files  pour  des  hamippcs.  Dans  ces  conditions,  cette  faible  ligne  ne  pou- 
vait soutenir  le  choc  de  la  cavalerie  adverse,  massée  en  bélier  à  la 
gauche  d' Kpaminondas. 

Toutes  ces  dispositions  prises  et  sans  doute  en  partie  dissimulées  par 
de  fausses  manœuvres  (1),  quand  Kpaminondas  eut  fait  reprendre  les 
armes  et  commandé  la  charge,  les  ennemis,  surpris  de  le  voir  survenir 
à  rimproviste.  essaient  de  réparer  leur  désordre,  regagnent  leurs 
rangs,  brident  leurs  chevaux  et  revêtent  leurs  armures. 

6»  Vaction,  —  I^  premier  choc  de  la  colonne  d'attaque  dirigée  par 
Épaminondas  avec  une  force  irrésistible  lit  brèche  dans  la  ligne 
ennemie.  Mantinéens  et  Lacédémoniens  écrasés  lâchèrent  pied,  entrat- 
nant  dans  leur  déroute  tout  le  centre  (2).  Kpaminondas  poursuivit  et 
blessa  de  sa  main  le  commandant  lacédémonien,  du  moins  au  dire  de 
Diodore,  qui  s'est  plu  à  dramatiser  les  faits,  mais,  reconnu  et  serré  de 
près  par  les  Lacédémoniens,  il  reçut  lui-même  un  coup  de  lance  dans 


(1)  C'est  à  quul  (ait  allusion  Polyainos  (H,  3,  i)  quand  il  raconte  qu'Kpami- 
nondas  opôra  ses  inouvoincnls  ilorriôro.  un  rideau  de  1  (KX)  cavaliers,  sans  cesse 
en  évolution,  et  qui  cachait  le  gros  de  l'année  derrière  un  nuage  do  poussière 
(Cf.  Frontin.  FI,  2, 12) 

(2)  Ce  fut  sans  doute  à  ce  moment  que  fut  tué  Podarès,  le  polémarquc  man- 
tinéen  (Paus.  VIII,  D). 


HISTOIRE.  ;)89 

la  poitrine  (t).  On  le  transporta  mortellement  frappe  sur  les  pentes  du 
coteau  voisin,  qu'on  aurait  appelé  depuis  lors  Scni)è. 

Il  y  expira  en  héros  après  avoir  revu  son  bouclier  et  avec  l'illusion 
d'avoir  donné  une  sœur  à  sa  victoire  de  Leuclres.  Après  la  chute  de 
leur  cher,  les  Thébains, éperdus,  ne  surent  plus  proliter  de  leur  premier 
succès. 

A  l'aile  gauche  extrême,  le  bélier  de  cavalerie  béotienne  et  thessa- 
lienne  avait  enfoncé  les  escadrons  mantinéenset  lacédémoniens  malgré 
leur  vigoureuse  résistance.  Mais  la  vue  des  hoplites  arrêtés  autour  du 
corps  d'Épnminondas  paralysa  de  môme  la  cavalerie  en  plein  élan  (2). 

A  l'aile  droite,  le  combat  fut  plus  complexe  et  plus  disputé.  Là,  la 
cavalerie  thébaine  entremêlée  de  nombreux  aconlistes,  archers  et 
frondeurs  thessaliens  avait  (ait  préparer  une  attaque  à  distance  par  les 
gens  de  trait.  Quand  elle  chargea  les  cavaliers  athéniens  qui  lui 
faisaient  face,  ceux-ci,  ébranlés  et  décimés,  se  dérobèrent  par  le  flanc, 
mais  en  bon  ordre,  laissant  les  escadrons  thébains  aller  se  buter  contre 
les  5  0()0  hoplites  athéniens  (3)  du  stratège  Hégésilcos  et  contre  la 
cavalerie  éléenne,  qui,  se  tenant  en  réserve  sur  la  seconde  ligne, 
intervint  à  temps  pour  repousser  l'assaillant  (;>).  Quant  aux  cavaliers, 

(t)  Dlixlorr,  XV,  S.'),  S.  Li  n:ition:illlr  du  moiirlrirr  (rKpaininondas  ('Uiil 
ronlrslô.o  «lôs  i'aiifitpiilf'.  Schân^r  {die  Schlacfit  bei  Manlinea^  p.  \'.\  sq.),  a 
(liscutf^  les  tnxtosà  en  siijrl.  Los  pn''lpnlli)ns  rivales  di's  Atliônlons,  «Ins  Man- 
tinrrns  ol  cirs  l^icf^déinonii^ns  t|tii  rrvfndiipiaioiit  t<Mis  |x>iir  un  drs  lours  l'hon- 
neur du  coup  fatal  ont  Musrllé  autant  do  fhanipions.  Los  Alhénions  et  los 
Tliôlxiins  tenaient  pour  (îryllos  (Paus.  VIII,  11,  1;>);  1rs  .\iantln<'>ons  pour  Jour 
conipiitrioto  Machôrion  ;  les  Laeédôinoniens,  pour  le,  Spartiate  Anlicratès, 
surnommé  Muchérion  (Plut.  Agësilaa,  II:"»),  d'après  Dioscourldès,  w;  [xa/atpa 
TraTxÇavTO;,  surnom  qu'il  transmit  à  ses  deseeudants.  OIU*.  derniêri'  expli- 
ration  contredit  les  témoi;;na^f^s  (|ui  attesU'nt  (|u'Kp:iminondas  rt>vut  un  coup 
de  lanc(;  ou  i\v  Javelot.  Kl  Pausanias  aflirme  que,  nia  .Manlinêe  ni  a  Sparte,  ii 
n'y  eut  un  personnai^e  nommé  Machérion  à  qui  l'tm  rendit  d<'s  lionn«Mirs 
particuliers  (VIII,  11,1')).  Kn  tout  cas,  il  faut  exclure  (îryllos  du  débat,  puisque, 
s'il  n'était  pas  mort  pendant  le  prejnier  combat,  il  devait,  dans  la  grande  nu^Jée, 
se  trouver  on  face  de  l'aib*  droite  de  l'armée  thébaine,  avec  la  cavalerie  athé- 
nienne, c'est-à-dire  bien  h»in  d'Kpaniinondas.  I^i  «piesiitm  reste  <lonc  pendante 
entre  les  Mantinéenset  les  LicrMlémoniens,  (fui  reçun-ut  vùlo.  à  côte  le  choc  de 
l'éperon  commandé  par  Kpaminondas.  Diodore  (XV,  M)  ri  Cornélius  Népos 
{l:pani.^  {)),  sans  <lésif;ner  un  n4»m  en  particulier,  disent  que  les  Liicédémoniens 
s'acharnèrent  contre  les  Thébains.  Avec  lui  moururent  deux  autres  Déollens, 
ses  hommes  de  coniiance  :  lollidas  ou  lolaldas  et  Dalphantos  (Plut.  Apnphl,  r  g.^ . 
tK.  —  Élien. //.    F,  XII,  3).. 

(2)  C'j'sl  évidemment  à  ces  escadrons  de  l'aile  r.  que  s'applique  le  récit  tie 
Xénophon,  Vif,  ;l,  2!i  :  ^jyôvtov  ô'aÙTO?;  xai  tcôv  lîrTrsoiv,  àngxTeîvav  «j/sv 

0'j8 'ol     tTTTTSÎÇ     SkÔXOVTE;     O'JTC     timéaÇ     OÎiO    ÔTTAlTaÇ  ,     (ÔtTIEO     OÏ     VjTTtOjJLSVOl 
TTE^OpYilXÊVWÇ  Olà  Tlfiv  ^£UYC>VT(OV  TToXEJJL'fOV  Ol£7C£(TOV. 

(3)  Parmi  lesquels  se  trouvait  l'orateur  Kschine(Z)tf  faha  leg.^  100). 
(i)  Diod.  XV,  8-;,  7. 


590  APPENDICES . 

ils  reviennent  à  la  charge  sur  les  bamippes  et  les  peltastes,  qui,  après 
avoir  préparé  l'attaque  des  cavaliers  thébains,  s'étaient  lancés  à  leur 
suite  contre  Taile  gauche  ennemie  (i).  D'après  Diodore,  les  mômes 
Athéniens  taillèrent  en  pièces  les  li)ubécns  et  les  mercenaires  postés  sur 
les  mamelons  voisins. 

En  somme,  victorieuse  à  gauche,  défaite  à  droite,  de  plus  privée  de 
son  chef,  l'armée  Ibébaine  ne  pouvait  prétendre  à  un  succès  sur  toute 
la  ligne.  Chacun  des  adversaires  étant  resté  maître  d'une  portion  de 
terrain  avec  les  morts  qui  la  couvraient,  avait  les  droits  du  vainqueur 
et  les  devoirs  du  vaincu  :  il  accordait  une  trêve  à  l'adversaire  et  lui  en 
demandait  une  pour  lui-môme  :  les  uns  et  les  autres  élevèrent  un 
trophée. 

Dans  l'armée  coalisée,  le  rôle  le  plus  glorieux  revenait  à  la  cavalerie 
athénienne.  Deux  fois  victorieuse,  dans  l'engagement  préliminaire  et 
dans  la  grande  môlée,  elle  avait,  seule  la  première  fois,  et  la  deuxième 
fols  avec  l'aide  du  l'bipparque  éléen,  sauvé  l'honneur  de  la  cause  manti- 
néenne.  Ces  deux  succès  se  confondirent  plus  tard  dans  Timaginalion 
populaire  ;  la  mort  héroïque  de  Gryllos  et  de  l'bipparque  Képbisodoros, 
rapprochée  de  celle  d'Épaminondas,  donna  lieu  à  la  légende  patriotique 
dont  on  prétendait  trouver  la  conllrmation  dans  le  tableau  d'iLuphranor. 
11  est  évident  que  si  Gryllos  avait  tué  Épaminondas,  Xénophon  n'eût 
pas  passé  sous  silence  cet  exploit  de  son  Hls  :  n'eût-ce  pas  été  pour  ce 
père  philosophe  une  consolation  moins  banale  que  la  certitude  d'avoir 
rois  au  monde  un  fils  mortel  ? 
BAtaiiie  Parmi  les  raisons  qui  nous  ont  fait  douter  de  l'authenticité  de  la 

légendaira  bataille  quI,  au  dire  unique  de  Pausanias,  aurait  mis  aux  prises  Agis  iV 
de  S45.  et  Aratos  (2)  vers  245,  nous  avons  signale  rinvraisemblanccdela  tac- 
tique attribuée  à  ces  deux  chefs.  Il  faudrait  admettre  que  ni  l'un  ni 
l'autre  n'avaient  beaucoup  profité  des  levons  d'Kpaminondas  et  des 
Macédoniens.  Car,  cette  rencontre  est,  à  peu  de  chose  près,  une  répé- 
tition de  la  bataille  de  418.  Qu'on  en  juge  d'après  les  positions  et  le 
thème  général  sommairement  indiqués  par  Pausanias  (VllI,  10,  5). 

D'une  part  à  Taile  droite,  tous  les  Mantinéens  en  âge  de  porter  les 
armes,  sous  le  commandement  du  stratège  Podarès,  descendant  à  la 
3iiie  génération  du  héros  de  362;  ils  avaient  avec  eux  un  devin  d'Élis, 
l'Iamide  Thrasyboulos,  fils  d'iKinéas,  qui  leur  prédit  la  victoire  et  paya 
de  sa  personne  ;  au  centre,  les  Sicyoniens,  incorporés  depuis  251  à  la 
ligne  Achéenne,  et  les  Achéens  commandés  par  Aratos,  stratège  pour  la 
première  fois  en  245  ;  à  Taile  gauche^  tout  le  reste  des  Arcadiens  rangés 
par  villes  sous  les  ordres  de  leurs  ofiiciers  particuliers: les  Mégalopoli- 
tains  étaient  commandés  par  Lydiadas  et  L^okydès. 

D'autre  part,  les  Lacédémoniens,  sous  Agis,  placé  au  centre  en  face 

(t)  Xi^n.  VII,  5,  r». 
{i)  V»y.  p.  Wi. 


HISTOIRE.  591 

d'Aratos.  Celui-ci  aurait  dirigé  les  oporatious,  bien  que  le  coin- 
inaadement,  d'après  tes  règles  ordinaires,  appartint  aux  Mantinéens, 
placés  au  posle  d'honneur  et  combattant  sur  leur  territoire.  La  tactique 
d'Aratos  se  résume  en  un  mouvement  tournant  d'une  extrême  simpli- 
cité. 11  faudrait  supposer  à  Agis  une  fougue  bien  juvénile  et  aux  Lacé- 
démoniens  une  routine  bien  naïve  pour  admettre  qu'ils  soient  tombés 
dans  un  piège  aussi  rudimentaire.  Les  deux  troupes  alignées  face  à 
face,  les  Lacédémoniens  attaquent.  Aratos  qui  avait  concerté  cette 
manœuvre  avec  les  Arcadiens,  fait  mine  de  lâcher  pied  avec  le  centre, 
comme  s'il  ne  pouvait  soutenir  le  choc  des  ennemis  ;  mais,  tout  en  se 
dérobant,  il  forme  insensiblement  son  armée  en  croissant.  Agis  avec 
les  siens,  déjà  sûrs  de  vaincre,  entraîne  son  centre  et  ses  ailes  à  leur 
poursuite.  La  pensée  qu'ils  ont  mis  Aratos  en  déroule  leur  fait  oublier 
toute  prudence.  Cependant  les  ailes  ennemies  se  reforment  sur  eux. 
Aratos  fait  volte-face,  les  cerne  complètement  et  les  anéantit. 

11  serait  oiseux  de  discuter,  au  point  de  vue  topographique,  un  récit 
de  pure  fantaisie. 

U  dernière  mêlée  de  207  mit  aux  prises  deux  belles  armées,  à  l'époque  Bataille  de  so: 
où  Tarmement  et  la  tactique  avaient  profilé  des  immenses  progrès  que 
l'art  militaire  avait  accomplis  depuis  Alexandre.  Pourvues  d'un  maté- 
riel perfectionné,  de  troupes  spéciales,  commandées  par  deux  tacticiens 
aussi  savants  qu'habiles,  elles  déployèrent  toutes  les  ressources  de 
l'école  nouvelle.  Le  récit  de  cette  mémorable  journée,  retracé  par  le 
meilleur  historien  militaire  de  la  Grèce,  qui  put  étudier  le  terrain  et 
recueillir  les  détails  de  témoins  oculaires,  par  Polybe,  constitue  un  des 
documents  les  plus  intéressants  sur  la  composition  et  le  maniement 
des  troupes  à  l'époque  hellénistique  (1). 

Les  efleclifs  en  présence  sont  inconnus  (2).  On  sait  seulement  que 
Philopœmen  avait  concentré  à  Mantinée  l'armée  achéenne,  réorganisée 
par  lui.  Elle  comprenait  une  phalange  pourvue  de  la  sarisse  macédo- 
nienne de  14  pieds  (4  m.  32)  et  du  bouclier  argien,  avec  une  armure 
d'hoplite  (.1),  des  mercenaires,  des  lllyriens*  des  evzùnes  ou  gens  de 
trait  (archers,  frondeurs,  acontistes),  des  cuirassiers,  ou  infanterie 
mixte  entre  les  evzônes  et  les  hoplites,  la  cavalerie  achéenne  et  merce- 

(i)  Polyb.,XI,  11  ot  suiv.  —  Lo  récit  de  Pluluniuo  {Philop.  10),  moins  précis  et 
plus  dramatique,  ne  contredit  cependant  pas  PoIybc,  dont  il  s'inspire.  Pausanias 
(Vlir,  51,  i)  résume  très  brièvement  le  thème  général  de  Taction,  d'après 
Polybe. 

[i)  Polyalnos,  VI,  4.  -  Pausan.,  VIII,  50,  1. 

(3|  Plutaniue  {Hhilop.^  10)  dit  que  les  deux  adversaires  avaient  au  complet 
leurs  milices  nationales  ot  de  nombreux  mercenaires.  L'année  achéenne,  sans 
les  mercenaires,  mnrcliait  sur  le  pied  de  30  à  40  000  hommes  (Polybe,  XXIX,  9 
24).  Celle  de  MachanidaséUiil considérable  :  aTco  ttoXXtj;  xai  pLey^^'^Ç  8i»vâ|JLe(uç. 
Le  chiffre  approximatif  de  JjO  000  hommes,  de  part  ot  d'autre,  parait  assez 
vraisciiibiabU*. 


592  ÂPPKNDIGES. 

naire  renforcée  par  des  cavaliers  à  la  larentine.  Le  conlingenl  inanti- 
néei)  élait  incorporé  dans  les  troupes  achéenncs. 

L'armée  de  Machanidas  s*élait  concentrée  à  Tégée.  Elle  comprenait 
une  phalange  de  troupes  lacédémoniennes,  renforcée  d'une  grande 
quantité  de  mercenaires  dévoués  à  la  cause  de  l'ambitieux  tyran,  un 
corps  de  cavaliers  tarentins  et  un  parc  d'artillerie  de  campagne,  com- 
posé de  voitures  portant  des  lithoboies  et  des  catapultes  avec  leurs 
munitions. 

Parti  de  Tégée  au  matin  (premiers  jours  de  mai  207),  le  tyran  entra 
sur  le  territoire  de  Mantinée.  Pbilopœmen,  renseigné  sur  ses  mouve- 
ments, fit  aussitôt  sortir  ses  troupes  de  la  ville.  Des  deux  côtés,  les 
dispositions  de  combat  furent  prises  en  même  temps.  Machanidas  se 
présenta  au  débouché  de  la  route  de  Tégée  avec  sa  phalange  en  colonnes, 
lui-môme  posté  à  la  droite,  ses  mercenaires  flanquant  de  chaque  côté 
sa  tète  de  colonne  et  les  machines  de  guerre  en  arrière. 

Pbilopœmen  avait  divisé  ses  troupes  en  trois  corps,  sortis  chacun 
par  une  porte  différente  :  1*"  les  lllyriens,  les  cuirassiers,  tous  les 
mercenaires  (cavaliers  et  fantassins)  avec  les  evzônes,  sortis  par  la 
porte  de  Tégée  et  par  la  roiite  Xénis,  qui  conduisait  au  temple  de 
Poséidon,  prirent  les  positions  suivantes  :  lesev7.ônessur  les  dernières 
pentes  de  TAlésiou,  d'où  ils  dominaient  la  route  elle  temple;  les  cui- 
rassiers, en  contrebas,  les  reliaient  au  temple,  et  les  lllyriens  les  conti- 
nuaient, face  au  Sud,  en  lignes  ininterrompues  (1)  ;  2*^  la  phalange,  sortie 
par  la  porte  de  Manlbyréa,  vint  s'aligner  sur  le  môme  front,  les  lignes 
des  cohortes  séparées  par  de  petits  intervalles  (2),  le  long  du  fossé  qui 
traversait  la  plaine  del'Iilst  à  l'Ouest,  à  partir  du  temple.  Philopœmen 
avait  soigneusement  reconnu  son  terrain  avant  d'adopter  ces  disposi- 
tions. Sa  ligne  de  front  se  trouvait  retranchée  derrière  ce  fossé,  dont 
les  berges  escarpées  devaient  briser  l'élan  de  l'ennemi.  Celui-ci,  igno- 
rant l'obstacle,  allait  donner  tète  baissée  dans  le  piège,  car  Pbilopœmen 

(1}  TOÙTOK  Bk  (xuveycîç  tou;  'iXXupiou;  TtaoevepaXe  :  c'est-k-dlre  sans 
intervalles  et  en  front  continu,  parce  qu'ils  avaient  à  protéger  lo  pont,  sur  la 
route  do  Tégée. 

(2  Je  comprends  les  termes:  j^exà  8è  tojtou;  iizX  ttjv  aûxvj^  euOeîav  t/jv 
^aXayva  xarà  TfiXvj  (en  lignes)  (nretp7)8ôv  (pjir  cohortes)  év  8ia<mQ|Jtaffiv 
(séparées)  île  la  façon  suivante  :  au  lieu  de  la  formation  profonde  en  cohmncou 
en  éperon,  comme  celle  qu'avait  adoptée  Kpaminondas,  ou  do  la  formation  en 
front  continu  ((tuve^^eiç),  à  la  manière  antique,  il  adopte  l'ordre  du  front 
crénelé  par  cohortes  séparées  (aTTCÎpai),  sur  une  profondeur  moyenne.  En 
effet,  le  fossé  rendait  inutile  la  première  formation,  bonne  pour  i'ollensive,  et 
la  seconde,  plus  solide,  il  est  vrai,  mais  moins  étendue  :  or,  il  pouvait  sacrifier 
l'ordre  continu  sans  danger,  puisque  le  fossé  devait  briser  raligiicment  ennemi 
au  moment  de  l'attaque,  et  il  gagnait  une  plus  grande  mobilité  pour  frapper 
l'ennemi  quand  celui-ci  sauterait  <lans  le  fossé.  La  aTreTpa  est  idenlitiée  par 
Polyl)c  (XI,  i3,  l)  à  la  cohorte. 


HISTOIRE. 


593 


coinplait  lui  laisser  Pollensive.  Le  clienal  élail  alors  à  sec;  mais,  si  les 
fantassins  pouvaient  le  traverser  en  y  descendant,  il  n*était  guère 
(ranchlssaljle  aux  cavaliers,  en  debors  des  ponts  situés  sur  le  par- 
cours des  trois  routes  du  Sud;  3**  la  cavalerie  acliéonne  dél}Oucha  par 
la  porte  et  la  route  de  Pallanlion,  sous  le  commandement  de  Thipparque 
Aristainétos  de  Dymé.  Elle  alla  se  placer  à  l'aile  droite  de  la  phalange, 
faisant  pendant  h  la  cavalerie  mercenaire  de  l'aile  gauche,  commandée 
par  rhilopœmen  lui-même.  Son  armée  rangée,  prête  au  combat,  Pbilo- 
pœmcn  parcourt  à  cheval  les  rangs  de  la  phalange  et  adresse  à  ses 
hommes  quelques  paroles  brèves  et  énergiques. 


2^  A.  IT  T  I  XT  lÉ:  s 


l'orle  lie 
l'nlUntion 


i    I 


l'iirlo  «le 
MiiiiUiyira 


l'urlo  (le 
T*K«^n 


\U.- 


Csw.  mh^cniie 


):(: 


Phnlmige  a7r6lpY|5Ôv 


Fossi' 


CaUpulles 


Cflv.  inerci'ii. 


rimliiiigo 


Miu-linn. 


Vïones 


Illyr.  Taiciil.       (^v.in«rc. 
CiiinisNicrii  riiilop. 

-n 


leinple 


i    I 


Qiv.  MKMC.  Mercfii. 

H  Tnirntins 


l'ig.  «4. 


Machanidas  litdabord  mine  de  vouloir  lancer  sa  phalange  sur  l'aile 
droite  de  Pbilopœmen  ;  c'est-à-dire  qu'il  marcha  obliquement  de  TICsl 
à  l'Ouest  ;  mais,  arrivé  à  bonne  distance,  il  commando  à  sa  troupe  de 
faire  front,  se  déploie  et  met  son  aile  droite  à  la  hauteur  de  la  gauche 
des  Achéens.  Il  fait  passer  en  première  ligne  ses  catapultes  et  ses 
lithoboles  et  les  échelonne  à  intervalles  réguliers  eu  avant  de  son 
front  .'innovation  hardie,  car  ce  n'était  pas  l'habitude  d'employer  les 
machines  de  guerre  en  rase  campagne.  Pbilopœmen  devina  que  l'ennemi 
complaît  préparer  la  charge  en  disloquant  à  coups  de  projectiles  la 
phalange  nchéenne.  Il  se  garde  de  lui  en  laisser  le  temps  et  lance  lui- 
même  ses  cavaliers  tarentins  contre  la  droite  ennemie,  sur  le  plat 
terrain  qui  avoisine  le  temple  de  Poséidon.  Machanidas  riposle  par  une 
contre-attaque  do  ses  pro[)res  tarentins  :  bientôt  la  mêlée  s'rchaufle 


Miintinéc.   -  39. 


!>94  At>t*CNDlCE8. 

sur  ce  point.  Les  evzùnes  accourent  à  la  rescousse  et  en  un  instant  tous 
les  mercenaires  sont  aux  prises  de  ce  côté.  Après  un  corps  à  corps 
acharné  et  longtemps  indécis,  les  mercenaires  de  la  Ligue  lAchent  pied 
devant  ceux  du  tyran,  qui  a  su  par  ses  promesses  enflévrer  leurs 
courages.  Cavaliers,  mercenaires,  lllyriens  et  cuirassiers,  culbutés,  se 
replient  à  toute  vitesse  sur  Mantince,  entraînant  toute  Taile  gauche 
dans  leur  débandade.  Si  Machanidas  eût  gardé  son  sang-froid,  ce  pre- 
mier succès  aurait  |)u  ôlrc  décisif  :  il  tournait  de  ce  côté  les  Âchéens 
et  les  |)renait  à  la  fois  à  revers  et  de  front.  Mais  il  commit  la  faute  de 
se  lancer  à  la  poursuite  des  fuyards  sur  la  Xénis,  laissant  derrière  lui 
sa  propre  armée  dépourvue  de  chefs  et  le  gros  de  Tennemi  ferme  à  son 
poste  et  libre  de  ses  mouvements.  Philopœmen,  après  de  vains 
efforts  pour  rallier  ses  mercenaires,  les  abandonne  à  leur  épouvante  et 
n'essaie  plus  d'arrêter  la  poursuite.  Mais  à  peine  fuyards  et  poursui- 
vants ont-ils  évacué  le  terrain,  qu'il  prend  place  à  l'aile  gauche  de  sa 
phalange,  commande  aux  premières  lignes  demi  tour  à  gauche  et  les 
mène  occuper  l'espace  abandonné,  le  reste  de  sa  troupe  conservant  ses 
positions  (1).  Par  cette  manœuvre,  il  coupait  la  retraite  à  l'imprudent 
ennemi  et  débordait  de  son  aile  gauche  improvisée  la  droite  dégarnie 
de  la  phalange  larédémonienne. 

iCn  outre,  Polybos  (2)  reçoit  l'ordre  de  rassembler  ceux  des  lllyriens, 
des  cuirassiers  et  des  mercenaires  qui  étaient  restés  ou  qui  s'étaient 
échappés  de  la  débandade,  et,  avec  cette  troupe,  de  se  porter  en  arrière 
de  l'aile  gauche,  face  à  la  ville,  pour  guetter  le  retour  de  l'ennemi. 

(1)  fjîi  manaîlivrr  iniliquôo  par  1rs  termes:  eùOéioç  toÎç  itjxoxoiç  tsaê^i  twv 
^aXaYY'-T<">v  èir  '  à«7irioa  xXivsiv,  Tcporiye  jxexà  hzôiL'jD,  t*/js(Ôv  xàç  xiçciç, 
(lut  consistor  en  r.(M'i  :  les  deux  prcmlrrs  r:in^8  i\r  front  (têX'/j)  <ln  chaqu<t 
(STzeiùCL  liront  sur  Iiî  liane  gauche  (eir  '  à(T'Tr(ôa  xXtveiv)  et  devinrent  ainsi  les 
Ta^eic,  files  de  marche  d'une  longue  colonne  qui  si*.  dirij^ea  au  pas  de  course 
([leTa  8po(xou)  sur  le  terrain  évacué.  Il  suffit  ensuite  de  lui  faire  faire  par  le 
flanc  droit,  sans  ini^nie  doubler  l(*s  11  les  (T'/|p(ov  ràç  xâÇeiç)  pour  allonger  du 
double  le  front  de  la  phalange.  I^ii  diminution  de  la  profondeur  à  la  suite  de 
ce  mouvement  ni^  présonUiil  par  d'inconvénient,  ii  cause  du  fossé  qui  ahriUiit 
les  cohortes  restées  immol)iles  et  l'aile  droite  ennemie  étant  eilc-ntéme 
dégarnie.  D'ailleurs  ces  premières  lignes  se  composaient  des  soldats  le^  plus 
éprouvés,  et  Philopoîmen  se  fit  renforcer  en  arrière  par  Polybos. 

(2)  Au  moment  de  la  bataille,  l'hislorien  Polybe  on  n'était  pas  né  ou  bien 
était  tout  à  fait  enfant.  I^i  date  tW  sa  naissance  Hotte  entre  il4  et  2()4.  (Voy. 
Verner.  de  Polybii  vita  et  itincribus.  1H77.  —  Mark  ha  user,  drr  ijcschichts- 
achreib.  PolybinsJ.  Le  nom  île  l'olllcier  aeliéen  qui  exécuti  retle  manœuvre 
est  écrit  dans  les  mss.  lloXùpioç  MeYaXo7roXiT'/)ç.  Ce  ne  peut  avoir  été  Polybe 
rh.islorien.  D'ailleurs,  comme  il  ne  lui  répugne  pas  de  se  mettre  en  scène  et 
de  faire  valoir  ses  services  et  ceux  de  ses  parents,  il  n'eût  pas  manqué  de  nous 
avertir  si  cet  onici«;r  avait  été  son  oncle,  connue  Lo;ike  l'a  supposé,  (les  rai- 
sons ont  déterminé  les  plus  récents  éditeurs  i\  corrifccr  le  nom  du  personnage 
en  lIôXupoç  au  lieu  de  IloXûêioç  (éd.  Huitsch.  IV.  addcnd.  P.  1400). 


,    I1I8T0IR1S.  i>lli) 

Cependant,  la  phalange  lacédémonienne,  exallée  par  le  succès  des 
troupes  légères,  sans  attendre  d'ordre,  abaisse  les  sarisst^s  et  s'ébranle 
au  pas  décharge.  Arrivée  au  fossé,  et  n'ayant  pins  le  temps  de  changer 
sa  marche,  elle  se  jette  dedans  sans  hésiter. 

C'était  le  moment  qu'attendait  Philopœmen.  La  charge  sonne,  les 

,  Achéens  se  ruent,  piques  baissées,  sur  l'ennemi  qui  a  di^  rompre  son 

alignement  pour  descendre  dans  le  chenal.  1^  plupart  des  I^cédémo- 

niens  restent  au  fond  du  fossé.  Les  autres  prennent  la  fuite,  serrés  de 

près  par  les  hoplites  achéens: 

r^essenliel  dès  lors  était  d'empôcher  le  tyran  de  s'échapper.  Comme 
il  était  du  côté  de  la  ville  avec  ses  mercenaires,  Philopœmen  l'attendit 
près  du  fossé.  Machanidas  revient  enfin,  voit  la  déroule  de  son  armée, 
comprend  sa  faute.  11  rassemble  autour  de  lui  une  poignée  d'hommes, 
comptant  traverser  le  fossé  et  s'ouvrir  un  p:issnge  au  travers  des 
Achéens  éparpillés  dans  la  plaine  à  la  poursuite  des  I^cédémoniens. 
Mais  la  troupe  de  Polybos  faisait  bonne  garde  auprès  du  pont  de  la  Xénis 
par  où  le  tyran  avait  passé  la  première  fois.  C'est  alors  un  sauve  qui- 
peut  généra]  autour  de  lui  :  chacun  songe  à  soi.  Ix  tyran  se  met  à 
longer  la  berge  à  la  recherche  d'un  passage  pour  son  cheval.  Philo- 
pœmen le  reconnaît  h  sa  pourpre,  au  harnachement  de  sa  monture.  Il 
laisse  à  Annxidamos  le  soin  de  veiller  au  passage  de  la  bande,  en  lui 
recommandant  de  ne  faire  quartier  à  aucun  des  mercenaires,  suppAls 
do  la  tyrannie  Spartiate.  Il  prend  avec  lui  Polyainos  de  Kypnrissia  et 
Simias,  ses  odiciers  d'ordonnance,  passe  le  pont  avec  eux  et  gagne  la 
berge  méridionale  du  fossé  à  la  rencontre  de  Machanidas.  Celui-ci, 
escorté  d'ArexIdamos  et  d'un  mercenaire,  finit  par  trouver  un  endroit 
praticable,  pique  des  deux  et  lance  son  cheval  dans  le  fossé.  Philopœmen 
survient  à  cet  instant  môme,  lui  allonge  un  coup  de  lance  mortel  et 
l'achève  d'une  estocade  avec  la  pointe  de  la  hampe  (t).  Ses  compagnons 

(I)  PliiUin(iir.  il  (lrain;itisr  rt'llr  sn'iic  avec  uiio  ccrlaiin'  fanlnisir  :  «  St'-paivs 
par  un  ftKssi».  lar^^o  cl  profond,  ils  so  mirrnl  à  rhi'vauclirr  vis-à-vis  l'un  do 
l'aulrr,  cliaruii  sur  un  Iwinl  du  fossr,  rliorrhant,  l'un  à  !<•  passer  pour  s'rnfuir, 
l'aulne  à  {'(Ml  (Muprrhrr.  On  rût  dit,  non  pas  deux  ^rnrra'ux  i|ui  siM'oinlialti.'nl, 
mais  une  bôlo  fauvo  n'thiilr  à  la  niVi'ssiU»  <lo  s«'  drfiMulrc,  l't  un  ciiasscur 
nilrrpido  (|ui  l'atlond  au  choc  :  Ir  chasseur,  c'clail  Pliilopn>in«'n.  Cependant,  le* 
cheval  jIu  tyran,  qui  était  vij;oureux  cl  pN'ln  d'ar<UMir,  «'xcitc  d'ailU'urs  par 
les  éperons  (|ui  lui  déchiraient  et  cnsan^'lanlaienl  les  llaitcs.  se  hasarda  à 
franchir  le  fossé  et  se  dressa  sur  les  pieds  de  tlerrièr»'  pour  laïu-er  d'un  bond, 
à  l'autre  Inird,  ses  pleils  de  devant.  Dans  ce  moment.  Simias  el  !N)lyainos, 
qui,  dans  les  haUilUcs,  se.  tenaient  toujours  à  cAté  de  Philo]Memen  et  joip^naient 
av**c  lui  leurs  boucliers,  accoururent  ensmibU*.  la  lanct^  baissée  conlro 
l'ennemi.  Pbilopœmen  les  prévint,  en  se  jetant  au  devant  de  Machanidas  ;  et 
comme  il  vit  que  Machanidas  éUiit  t«»ut  à  fait  couvert  par  la  télé  de  son  cheval 
(|ui  se  dressait,  il  jeta  le  sit^n  un  pou  décote,  et  prenant  son  jav<'lol  de  l'autre 
main,  il  le.  lança  de  toute  sa  forci»  et  renversa  riiomme  dans  le  fossé.  ]|  y  a 
une  statue  do  bronxe  à  Delphes  <|ui  repré.sente  Pliilopo>men  dans  cette  altilude  : 
c'est  un  monument  que  lui  érigèrent  les  AcIummis.  en  l'honneur  de  cet  exploit 
el  de  sa  belle  conduite  comme  jjénéral  dans  celle  joiirnéi'.  »  {Philop.  tO. 
—  Cf.  BnlL  de  Corr.  hvlUii.  XX.  isaj,  p.  i:«is(i.  —  XXI,  p.  iUi). 


[>96  APPENDIGISS. 

lucnl  Arexidaiiios;  le  Lroisiêino,  rcnoiuaiil  à  passer,  s'échapiH)  tandis 
qu'on  tuait  les  deux  autres.  Les  hommes  de  Simias  dépouillent  les  deux 
morts,  enlèvent  au  tyran  ses  armes,  lui  coupent  la  tète,  courent  la 
montrer  aux  troupes  qui  poursuivaient,  aliu  que,  convaincues  do  la 
mort  du  chef  ennemi,  elles  eussent  le  courage  de  pourchasser  les  fuyards 
sans  trêve  ni  merci  jusqu^à  Tégôe  :  ce  qui  fut  fait.  I^s  Acliéens  entrè- 
rent d'emblée  dans  Tégée  ;  le  lendemain,  ils  campaient  sur  TlCurotas. 
Ce  succès  leur  coûta  peu  de  monde.  L.es  Lacédémoniens  avaient  perdu 
4  000  h.  luôs,  un  plus  grand  nombre  de  prisonniers,  leurs  armes  et 
leurs  bagages.  Il  est  vrai  que,  comme  le  prétend  malicieusement  Pau- 
sanias,  leur  défaite  était  compensée  par  la  perte  de  leur  tyran. 

Polybe  s'est  chargé,  avec  sa  prolixité  ordinaire,  de  louer  Philopœinen 
de  son  coup  d'œil  stratégique  et  de  sa  science  topographique  (I). 
L'altitude  défensive  que  le  voisinage  de  Mantinée  imposait  trop  souvent 
à  ceux  qui  combattaient  pour  elle  sous  les  murs  avait  cette  fois  servi 
leur  cause.  On  ne  saurait  non  plus  marchander  à  Polybe  les  éloges  que 
mérite  sa  merveilleuse  exactitude.  Depuis  que  nous  avons  retrouvé 
remplacement  du  temple  de  Poséidon  Ilippios,  tous  les  détails  de  son 
récit  peuvent  être  vérlliés  sur  le  terrain  et  la  reconstitution  de  cet 
épisode  historique  est  aussi  facile  et  aussi  précise  que  possible. 


3®)  Mantinée  cl  Goritza  pendant  le  moyen-âge  et  les  temps  modernes. 

Depuis  les  livres  de  Fallmerayer  (2),  de  Stritter  (3)  et  de  Schafarik  (4), 
grAce  aux  travaux  de  llopf  ([>),  de  Paparrigopoulo  (6),  de  Rainbaud  (7), 
de  Drinov  (8),  de  Jircçek  (9)  et  de  Sathas  (10),  la  question  de  Pinvasion 
slave  dans  le  Péloponnèse  a  fait  quelques  progrès.  C'est  en  578  que  les 
Slaves  Avares,  au  nombre  de  100  000  hommes  pénètrent  dans  PUellade 

(!)  Cf.  les  mémos  rlof^rsdansTIt.  Liv.  XXXV,  28,  ot  Plut.,  Philop.  12. 

(2)  Geschichle  der  IlaUnnsel  Morca. 

(3)  Stritter.  Mémorise  populoruin,  etc.,  1771-1779. 

(4)  Slavisciic  Àllhertliumer.  184.'). 

(5)  Geschichle  Griechenlands  vont  Ueginnde^  ifittelallers  {Vlncycl,  iVhlrscXx 
et  Grubcr,  18G7,  t.  LXXXV,  p.  2()i  cl  273,  et  LXXXVI.  p.  74,  ICI,  184). 

(G)  Pnparrlgopoulo.  Recherches  historiques^  I8:ks. 

(7)  L'empire  grec  an  X'  siècle. 

,{H)  Drinov.  Colonisalion  de  la  péninsule  des  Balkans  par  les  Slaoes  (en 
russe),  1873. 

(î)|  Jireçck.  Gesch.  der  Uubjaren.  Pnigur.,  1870. 

(10)  Sathas.  Uonumvnla  historica  helleuica.  l.  préface,  p.  XVI.  Le  patrio- 
tisme do  l'autour  se  refuse  à  roconnaltro  «les  Slaves  dans  les  onva1ii.<;seurs  «lu 
PéIo{M)nnôse  :  d'après  lui,  eo  no.  sont  |nik  d(*s  ôtnini^o.rs  d'une,  race  diUôrenlc 
d<^s  Hellènes,  ntals  des  Macédoniens,  sujf*ls  du  grand  Cluizan  de  la  llunnie, 
étiibli  à  Pcsth. 


HISTOIRR.  .'597 

septentrionale.  Ils  ravagent  tout  le  pays,  jusqirà  rextrôme  mer,  trois 
ans  après  la  mort  de  Justinien  et  Tavènemcnt  de  Tibère  II  :  «  Ils  y 
séjournent  encore  aujourd'hui  et  sont  inslallés  dans  les  provinces 
romaines,  sans  souci  ni  crainte,  tuant,  incendiant.  Ils  sont  devenus 
riches,  possèdent  de  l'argent,  des  troupeaux  de  chevaux  et  beaucoup 
d'armes,  »  dit  la  Chroniqtie  de  Jean  d'ICphèse,  rôdigée  en  584  (i).  Ils 
inondent  le  Péloponnèse  sous  Maurice  en  587,  et  occupent  le  pays 
pendant  218  ans,  indépendants  de  Byzance  I^  colonisation  de  1  in  té" 
rieur  est  complète  au  Vil*  siècle  Les  Grecs  se  réfugient  dans  les  lies  et 
sur  les  côtes.  I^s  Slaves  vivaient  en  groupes  familiaux  ou  tribus  qui 
pourvoyaient  chacune  à  leur  sécurité  sans  èlre  groupées  sous  l'autorité 
d'un  chef  unique.  Ils  n'habitaient  pas  de  villes  fortifiées,  mais  des 
huiles  au  milieu  des  fleuves  ou  des  marais.  Les  traces  de  leur  domina- 
tion subsistent  surtout  dans  la  toponymie,  où  se  retrouvent  nombre 
d'éléments  slaves.  La  région  de  Mantinéc  fournit  des  exemples  irrécu- 
sables de  celle  slavisation  du  territoire  pendant  le  Vl*  et  le  VU*  siècles: 
c'est  dans  les  vieilles  cartes  ou  dans  les  noms  populaires  des  montagnes, 
des  rivières  et  des  hameaux  qu'il  faut  les  rechercher,  avant  que  la 
restauration  systématique  de  la  nomenclature  classique  en  ait  elTacé 
les  dernières  traces.  Un  relevé  complet  de  toutes  les  racines  slaves 
dans  les  vocables  géographiques  de  la  Grèce  rendrait  les  plus  grands 
services.  La  substitution  d'un  village  slave  appelé  (ioiitza  (diminutif 
de  (Jota,  colline)  (2)  est  attestée  par  le  cosmographe  vénitien  Domini- 
cus  Niger  :  ((  Manlinea  urbs  illa  est,  quam  nunc  (lorizam  vocant.  Inde 
Mantinea  urbs,  altéra  ab  eâ  quae  in  maritimis  est,('ujus  interilu  Goriza 
modo  dicta  renala  est  »  (3).  Goriza  ne  figure  pas  encore  sur  les  cartes 
du  XVl"  siècle,  mais  les  géographes  du  XVII*,  qui  s'inspirent  du  texte 
de  Dominicus  Niger  et  du  manuel  du  Jésuite  Hriet  (4),  ne  l'oublient  pas. 
Marbié  du  Bocage  et  Ixipie  l'inscrivent  aussi  à  cùlé  du  nom  néo-grec 
de  Paheopoli.  Kgalement  slave  ou  albanais  est  aussi  le  nom  de  Malévo, 


(1)  Tniduito  (lu  syriai|iin  par  Scliôntoldor.  Mûnlrh,  1S(î2. 

{i)  MIklosIrh.  Elymolngisches  Worlerbuvii,  Cf.  (îoritza  dr.  Liiconio,  i\o. 
Thrasîdii»  (prôs  d'Iolnjs),  (ïôritz,  olc.  et  l'ancicuiiu'.  lislo  d«»  Falhiierayor. 
Grsck.  d.  Jlalhiiis,  I,  p.  2;il.  —  On  pourrait  aussi  proposer  pour  Goritza  uno 
étyinolofçio  alhanaiso.  Iladzidakis  (%2.  Zeitschr.  II,  IM)  :  «  yxosîTcex  wolil 
aus  xopivOca,  sr.  aTuioç,  tlonn  aut  Ikaros  lirissl  sir  xopiOOs  und  xopiacé 
(d.  II.  xopivOea)  uiul  xopivOe.  »  Mi*ycr  {NrugriecU.  Stud.,  p.  (I.')),  coinbal  co 
rapproclu'nioiit  aviT  xopivO''a,ot  cit«;  l'albanais  (/«ri/se,  poirier  sauvage.  Cf. 
Etym.    Worterb.  d.  alhan.  Sprarhe.  s.  v. 

(3)  Doinlniri  Nl^rl  Veneti  Géographie.  Commmtar,  libri  I/,  BAIe,  1;)57, 
p.  \m, 

(i)  Hrirt.  Paralleta  gcographiœ  veleris  et  novae,  Paris,  llîi8-9.  —  Cartes 
iW.  V  de  Wil  :  C.oriza  et  Mandi  olini  Alaiilinea  ;  —  même  mention  sur  les 
cartes  de  Ointelli  délia  \Mgnola  (18G5),  de  Hossi  (1(W(»),  de  do  Fer  (1C>8G). 


.')08  APPRNDIGKS . 

donnn  à  rArléniision,  comme  celui  de  Kbelmo,  que  preuncnt  les  Monts 
Aroania  (1). 

Le  fait  que  les  Slaves  cbassèrenl  devant  eux  les  anciens  habitants 
de  race  grecque,  (jui  allèrent  cbercber  un  refuge  lointain  sur  les  pro- 
montoires ou  paruii  les  lagunes  de  la  côte,  ressort  de  la  fondation  de 
villes  ci^tières,  comme  Arkadia,  Moneuivasia,  Astros,  Mantinée  de 
Mess^nie.  Cette  dernière,  tout  à  fait  inconnue  à  l'époque  classique, 
offre,  avec  Koron,  un  curieux  exemple  du  transfert  d'un  nom  antique 
à  la  suite  d'une  émigration  ou  d'une  transplantation  des  habitants 
de  race  helléui(|ue,  contraints  de  céder  la  place  aux  envahisseurs. 
Suivant  toute  vraisemblance,  la  Mantinée  de  Messénie  fut  élevée  au 
VI'  ou  au  VU'  siècle  par  une  colonie  de  Mantinéens,  qui  emportèrent 
avec  eux  le  nom  de  leur  vieille  cité.  Klle  est  mentionnée  chez  les  chro- 
niqueurs byzantins,  comme  une  forteresse  importante  (2)  qui  eut  à 
subir  plusieurs  sièges.  Klle  s'élevait  entre  Kalamata  et  Giannitza,  ou, 
d'après  Dominicus  Niger,  entre  Tbouria  et  L«uctres  :  «  Ac  deinde  Man- 
tinea  in  excelsa  rupe,  unde  iEpea,  id  est  celsa,  nomen  fortia  est,  nunc 
Mantegna  ))  (3).  Ce  kastro  (igure  sur  les  catalogues  de  chAleaux  moraltes 
relevant  de  la  Seigneurie  sous  le  nom  de  Mantegna  in  braszo  (4).  Les 
'cosmographes  vénitiens  la  placent  sur  leurs  cartes  près  de  Kalamata 


(1)  Lr  nom  ilo  Ka'j/a  ou  Kà']/ix  pout  vrnir  du  slavi^  par  kapsa^  bolto,  cul- 
dn-Sîic  (hitln  capsn)^  ou  ilu  ^rov,  Hvrr  Ir.  nn^uic  sons  (co  mot  slgnllîr.  aussi  cha- 
leur). On  lit  dans  Kt.  di^  By/ancn  ;  Krj/a,  irôXiç  XaXxioixfjÇ  ywpaç.  I^i  mémo 
vllio  est  appolôo  KxjA'j/a  dans  llôrod.  Vli,î23.LV.tymoloj?ic  du  mot  (xzfXTCTeiv) 
désigne  un  croisement  de  route.  I^»s  noms  de  TatTCîava,  IltxépvT),  ^iyxa 
sont  sans  doute  albanais.  Voici  l'ctymologie  de  Kapoxpa  que  M.  Iladzldukis 
veut  bien  me  communiquer  :  «  Kapoxpa  £«7ti  XêÇiç  XaTivv)  ex  tou  ctfWariMwi, 
oOev  xapBap:  vuv  xal  jjlêys'^uvtixôv  xapoxpa  àyyeîov  ycLXaLyf,T0ù6/Q^  oï|Xoï' 
aTcb  Bk  TY|Ç  ô|xoir>T7|Toç  Xéysxai  outco  xal  Xô^oç  xal  irav  âXXo.  »  Malcvo  de 
ralbunnis  mal\  mont  ?  (Mt'yiir.  Elym.  Wiirlerb,  d.  alban,  Sprache.)  — 
Tsipiana  ûolsipa,  marc  de  raisin  dont  on  fait  l'i'au-de- vie  appelée  l^iipnuro  ? 
Pikerni  de  pike^  goutte,  cascade.  —  Kakimri  parait  grec  (xaxôv  opoç-oupoç?) 

(2)  (Clialcondyie.  De  reb  Tarde.  IX,  p.  iM  et  471.  Expédition  «ic  Mahmoud 
en  14:38  :  eîç  tY|V  MavTiveiav  Tf|C  Aaxti>vixY|ç  Tupb;  tvj  OaXâxT/).  —  Cf.  Phranzcs. 
Chron.  I,  p.  122;  II,  p.  133;  IV,  lu,  p.  388.)  —  Je  n'ose  espérer  que  c'est  i\ 
celte  Mantinée  cèlière  que  V.  Hugo  fait  aiiusion  (ChanU  du  Crép.  XII,  Un.)» 
quand  il  félicite  Kanaris  d'apercevoir,  du  milieu  de  ia  mer  : 

n  IrnvfM'N  la  vapeur  du  cignro 
DécroUre  à  l'horizon  Maniinér  ou  Mrffare! 

(3)  Comment.,  p.  329.  Dominicus  Niger,  p.  21(5,  cite  aussi  en  a)rse  une 
forteresse  du  nom  de  Manlimm,  et  Méléli«)s  des  Mxvtivoî  en  Tlirace. 

(4)  Extrait  des  yln?ia/i  Veneti  de  Slepliano  Magno  (14(>3,  Ii(>7,  li7l)  publiées 
par  llopf.  Cnroniq.  gréco-romanes,  p.  2()2,  2():J,  2(>:).  —  ManU^gna  est  aussi 
souvent  citée  dans  les  rapports  et  dépèciies  des  provédilours  de  la  Moréo  au 
Sénat  vénitien  (guerre  de  i4(>5-(>)  et  au  Conseil  des  Dix,  ainsi  ({uo  dans  les 
documents  slrathiotes  (Voy.  Salbas.  Monum.  hisiorim.  VI,  passim  et  Vil,  p.  13) . 


HI8T01RB.  OW 

et  rappellent  Mantineta,  Mantegna,  Motegia  (1).  Il  en  reste  encore  un 
souvenir  dans  les  hameaux  de  Palaio-Mantlneia,  de  Mégali  —  et  de 
Micra-Mantinela,  situés  dans  le  dème  moderne  d*Abia,  sur  la  berge  du 
Sandava-Potamos  (ancien  Choirios)  (2). 

Ce  sont  ces  foyers  permanents  qui  ont  permis  à  Thellénisme  ortho- 
doxe de  refluer  sur  l'intérieur  et  de  reconquérir  le  terrain  perdu,  par 
le  moyen  de  la  propagande  religieuse  et  par  lY^vangolisalion  des  Slaves. 
L'expédition  du  Stratège  Stavrakios  en  783  marque  la  déchéance  de  la 
domination  slave.  Pendant  le  IX^  siècle,  les  missions  établies  à  Hagios 
Pétros,  à  Christianou,  à  Nicli,  répandent  à  profusion  la  bonne  parole, 
convertissent  les  barbares,  multiplient  les  églises.  Les  Slaves,  en  accep- 
tant l'orthodoxie,  abdiquaient  aussi  leur  langue  et  leur  race  et  se 
métamorphosaient  en  Hellènes.  De  celte  époque  datent  ces  innombra- 
bles chapelles  byzantines  .que  les  archéologues  ont  la  surprise  de 
retrouver  mc^lées,  dans  le  sous-sol  des  villes  antiques,  aux  débris  do 
la  vloillc  Grèce.  Ni  Guritza  d'Arcadie  ni  Manlinéo  ne  figurent  sur  aucune 
liste  dcvAchés  jusqu'ici  connues,  mais  elle  fut  à  n'en  pas  douter  un 
centre  religieux  assez  important  et  bien  peuplé,  comme  le  prouvent 
les  nombreuses  et  spacieuses  ruines  d'églises  byzantines  que  nous  y 
avons  découvertes. 

A  côté  de  Gorilza,  les  ralalogues  de  Kastrns  vénitiens  signalent  une 
importante  forteresse,  celle  de  Droboiilza,  déjà  ruinée  en  14G7  (3). 
Les  cartes  du  XVI«  siôc-lo  placent  cette  Drnholit/.a,  Droboliz  ou  Dorbo- 
glitza  au  centre  la  péninsule  (4).  Il  semble  que  ce  chAteau,  distinct 
de  celui  de  Muukiili  et  do  la  ville  do  Nicli,  cl  dont  le  nom  est  à  conso- 
nance slave,  ait  précédé  Tinstallation  de  Tripolil/a  au  nu^me  endroit 
Le  nom  de  Tripoli t/a  (en  turc  Taraboloussa)  ne  serait  alors  qu'une 
adaptation  romaïiiue  du  vocable  slave  Droboglîlza  :  il  faudrait  attribuer 

(1)  Ciirlus  <l<*.  Dunalo  Mm>lollo,  Vcniflc,  1569.  —  ilo.  (iirohiino  Albrbszi.  Esalta 
nolizia  fiel  i'elupponneso .  Vcniso  !(587. 

(2)  Cui'liiis.  Pelopon.  II,  p.  lîiî).  .le  trouve  la  ccmtinnntlon  (le>  ces  IdéojJ 
ilans  uiiiî  iHudc  récento  iln  VahM  Duchesiio  sur  les  ;inciens  êv«>chc8  do  Ih  (jrr<-j« 
{MHnngex  de  VKcoU  de  Rome,  \mi,  p.  38;i)  :  «  Omis  h;  IVIoponnrsi»,  ln»is  ivô- 
cliés  lie  rinlcrieur,  Messine,  Môgalopolis,  lé^^'îo,  ont  <lis|»;ini.  A  Irur  plnrr  on  ru 
Irouvc  onze  dans  dos  localiti^s  c<Ui/^ros  :  Dainala  rrn'/.rno),  Aloiicmliasii*,  KIos, 
Zimalna,  MaTna,  Coron,  Modnn,  ViiUimih,  ou  dans  li>s  ilcs,  l':;;ini>,  CrplialiMilf, 
Fatras.  Piusicurs  de  w»  nouveaux  slrj^i'»  sont  allrslps  par  h*.  Concile  ilc  787. 
Ce  déplarenicnt  do  la  liirrarctiio  corrrs|M)nd  ôvidrniiucnl  aux  ni'cossitrs  de 
l'invasion.  (>>iuiui>  en  ll;di(>  ri  vn  Dalmalic,  on  dut  s'enfuii*  devant  los  liar- 
iNires  ;  les  villes  de  l'intérieur  furent  a  ban4  Ion  nées  ;  on  sr.  réfugia  dans  les  Iles 
et  dans  les  fortiTesses  de  la  côte.  » 

(:i)  Animli  Vrneli,  dans  Mopf.  Ctiron.  gr.  roniana,  p.  Mt. 

(4)  J^/nrea  Vetiinsula,  i:i70.  Cjtrte  vénitienne  anonyme  de  la  Biblioth.  natio- 
nale. Klle  ligure  aussi  dans  Porcacclii  :  Isa  Le  pin  famose  del  mnndo,  1570,  et 
sur  la  plupsirt  des  cartes  ilu  XVil"  siècles  cumpilé(>s  d'apn«s  li^s  cartographes 
vénitiens. 


600  APPENDICES. 

à  la  future  capitale  de  la  Morée  une  ancienneté  plus  grande  qu'on  ne 
fait  d'ordinaire  Le  nom  de  Trapolitza  apparaît  sur  une  carte  anglaise  de 
iOGO,  et  c'est  seulement  au  XVlll'^  siècle  que  Dorboglitza  se  transforme 
définitivement  en  Tripolitza. 

T^  silence  des  chroniqueurs  ofTiciels  et  des  lettrés,  comme  Constantin 
Porpbyrogénète,  Léon  VI,  Chalcondyle  et  les  rédacteurs  de  Notitim  sur 
ces  villes  récentes  de  création  barbare,  leur  persistance  à  n'user  que 
des  noms  classi(|ues  vides  de  réalité  (1),  s'expliquent,  soit  par  l'igno- 
rance du  gouvernement  byzantin  sur  l'état  du  thème  du  Péloponnèse, 
soit  par  un  sentiment  de  pudeur  à  l'égard  de  l'opinion  publique.  Comme 
les  empereurs  de  Chine,  le  Basileus  des  Romains  n'avouait  passes  pertes. 

Durant  la  domination  franque  en  Achale  (XII"  et  XIII*  siècles),  la 
région  de  Mantinée  vit  plusieurs  combats.  En  1296,  les  Hyzantins 
construisirent  près  de  Tsipiana  une  forteresse  du  même  nom  (Céptana), 
et  celle  de  Moukhii  (2).  Le  territoire  de  Mantinée  lit  sans  doute  partie 
de  la  baronnie  de  Nicli. 

Au  XV*  siècle,  au  moment  de  la  première  conquête  turque,  le  nom 
de  Mantinée  d'Arcadie  revient  plusieurs  fois  dans  le  récit  des  campa- 
gnes de  Tourachan  en  1452,  de  Mahmoud  en  1458(3).  Après  la  conquête, 
le  Péloponnèse  dévasté  n'est  plus  qu'une  ruine.  C'est  sans  doute  à  cette 
époque  que  Goritza  se  dépeupla  et  disparut.  Les  beys  et  les  agas  prirent 

(1)  Chalcondyle  continue  .'i  employer  le  nom  de  la  Mantinée  nrcndienne  et 
celui  do  lY^gée,  bien  que  ni  l'une  ni  l'autre  ne  sulisislassenl.  De  rébus  Turcicis, 
YIII,  p.  '381,  IX,  p.  4U5.  Il  ne  s'agit  d'ailleurs  que  de  passages  de  troupes  : 
8(à  MavTivetaç  ywpaç  à^ixero.  -  Aià  Ttyir^ç  xaî  Mavxivciaç  IXauvoiv 
(Mahmoud  en  iii)8.  —  Tourachan  m  li'M). 

(2)  Chronique  aragonaisc  aclievée  en  iitîKJ  ;i  Avignon,  par  ordre  du  firanil 
Maître  de  Suinl-Je^'in  lie  .lêrusiilem .  C'est  une  version,  rédigée  par  Juan 
Kernandez  de  llérêdia,  abrégée  et  qucliiuo  peu  niodinée  du  Livre  de  la 
Conqneste.  Puljllée  et  traduite  pjir  Morel-Fatlo.  p.  1(K»  :  «  Le  capitaine  des 
Grecs...  fit  deux  cliAleaux-forLs  là  auprès  sur  la  monUignc  [lour  commander 
toute  la  plaine  et  un  de  ceschAle^iux  eut  nom  Moucii  et  l'autre  Cépiana.  »  Il  est 
proliabicquc  le  village  de  Tchépiana  ou  Tsipiana  existait  déj«'i.  D'après  la  ver- 
sion en  vers  du  Livre  de  la  Conquête  (BipXiov  ty|ç  KouYxe-rraç  xou  Miopaicoç, 
V.  31H-2.—  Voy.  Citron,  étrangères  par  Huclion.  i810,p.  4i  et  le^  Recfi.histor. 
sur  la  prifie,  de  Morée  par  Buchon,  18i;),  t.  H,  p.  03),  un  combat  eut  lieu  en 
i20f)  entre  les  troupes  de  Doxapalris  et  celles  de  GeolTroy  de  Villehardouln, 
en  un  liou  appelé  Ka'J/ixia  (mss  de  l'aris)  ou  KaTfrjffxiavoi  (mss  de  Copenhague, 
h  l'endroit  dit  «  Ollvète  de  Koundouros  :  Koûvroupou  àXaiûva).  Zlnkeisen, 
Huchon  et  la  baronne  do  Guldonoronn  {Achaïe  féod,  p.  12),  sans  doute  psir 
analogie  avec  le  nom  do  Kapsia,  placent  cette  rencontre  aux  environs  de  Man- 
tinée, k  l'ouest.  Mais  comme  l'olivier  e^st  inconnu  dans  la  llaute-Plaino  d'Ai*ca- 
die.—  I  Voy. plus  haut,  p.l>!)),j'ai  peine  h  admellro  cette  idcntiflcnticm  ;  l'ondridl 
en  question  doit  plutiU  être  chepclié  on  Messi'tnie,  d'autant  plus  qu'il  est  dit 
que  les  Grecs  s'étaient  (ait  suivre  do  leur  llotln,  Si  l'on  peut  penser  à  uno 
Munllnéo,  dans  la  oirconstonce,  c'est  donc  d  hi  Mnnlinéo  ()o  Mossênin. 

(3)  Voy.  plus  haut,  p.  598,  n.  2. 


HI8T0IRK.  601 

la  place  des  «p/ovteç  byzantins  (1),  dont  les  Francs  avaient  respecté  les 
privilèges.  L'insalubrité  croissante  de  la  plaine  forç'ait  la  population 
décimée  à  refluer  vers  les  hauteurs,  dans  les  villages  établis  sur  le  site 
des  antiques  xMjiai,  à  Kapsia,  Tsipiana,  Pikcrni,  Kakouri.  La  plaine 
désertée,  infestée  par  la  malaria,  ne  retint  autour  des  cabanes  de 
Goritxa  qu'un  petit  groupe  de  cultivateurs.  Pendant  la  seconde  domi- 
nation turque,  au  XVli"  siècle,  ce  misérable  débris  do  Mantinée  dut 
lui-même  faire  l'ascension  de  la  petite  colline  au  Nord  de  l'enceinte  et 
se  réfugier  au  sommet  du  mamelon  dans  les  ruines  d'un  petit  monas- 
tère grec,  dernier  vestige  de  la  ville  byzantine  (2).  Le  nom  de  Goritza 
se  retrouve,  altéré,  dans  le  nom  turc  Gourtzouli  (3),  donné  à  cet 
éphémère  établissement.  Pendant  ce  temps-là,  le  nom  de  Mantinée 
était,  sur  les  lieux  mêmes,  tombé  dans  l'oubli  et  ne  survivait  plus  que 
dans  la  mémoire  des  érudits  d'Europe.  I^  tradition  locale  lui  avait 
substitué  le  vocable  anonyme  de  Paheopoli  (la  vieille  ville),  par  lequel 
les  Grecs  modernes  ont  souvent  désigné  les  ruines  dont  ils  ne 
savaient  rien,  sinon  qu'elles  remontaient  aux  temps  antiques  (k-Ko  toùç 
TraXaiouç).  (4) 

Au  début  du  XIX*  siècle,  les  voyageurs  n'ont  plus  retrouvé  qu'un 
tcbiflik  ou  ferme  turque  entourée  de  quelques  masures.  Aujourd'hui 
tout  a  disparu,  et  dans  ce  séjour  mortel  seules  les  puissantes  assises 
de  371  n'ont  pas  péri. 

Pendant  tout  le  moyen-Age,  l'intérieur  de  l'A rcadie  demeure  ferra  Géographes  «i* 
incofinita.  Iaîs  bandes  conquérantes  des  Francs  et  des  Turcs  ne  font  Rcnnissance . 
qu*y  passer.  Le  gouvernement  byzantin  ne  possède  aucune  notion  sur  xvniesiécie( 
ces  territoires  perdus.  L'insécurité  y  est  telle  (|n'aucun  voyageur  ne  s'y 

(1)  Ils  (Halont  nomiin'îs,  (Uins  cli?i([iic  district,  p;ir  In  Capitaiim  (xesaXr,) 
ou  strat«>;î»vproli>sj):itli{iiri*,  roprésonlanl  dn  l'ompj'nMir  dans  In  Péloponiiôso 
(Satiias.  Mon.  hislor.  IV,  p.  lxxxii). 

(2)  lloss.  Reisen  u,  Rciserouten.  p.  128. 

(3)  rxouçTCouXi  =  avec  la  .syllaho  qualilicallvc  la  on  /t,  si  friîqHrnto  dans 
la  toponymie  tnniuo.. 

(4)  MéUHios.  Geogr.  od.  1807,  t.  II,  p.  W)0  :  liyixoLi  xcopa  xaî  a'jTYj 
IlaXaiÔTioXiç,  îaîTOi  oXoreXw;  xpTr)avtT0£?7a,  si;  tôv  xx-attov  ty|;  Tp'TroXiTÇïç 
TTEpi  xà  TÇiTtiavâ. 

(;•))  J'ai  dépoulliô  ponr  ce  travail  la  colliTtion  des  cartes  anciennes  de  la 
iiibliothiMiuc  nationale,  rt  les  manuscrits  iniMlIls  des  v«>yageurs,  entre  autres 
ceux  de  Fauvel  et  îles  Fourmonl.  Ne  pouvant  énumérer  toutes  les  cartes  qui 
ont  passes  sous  mes  yeux,  je  signalerai  seulement  cellrs  qui  m'ont  donné  des 
rensrj^rncmcuits  nouveaux.  Pour  hîs  voyageurs,  II  siérait  oiseux  de  redresser 
leurs  erreurs  et  leurs  fausses  itlentillcatloiis.  Je  m'abstiendrai  donc  de  les 
prendre  û  partie,  «piand  mes  conclusions,  dilTérentes  des  leurs,  aboutissent  à 
des  certitudes*.  Mais  ((uand  II  s'agit  (l'byjMitlièses  encore  discutables,  ou  de 
doniH^j's  ([H'»)n  no  peut  plus  vérlller  sur  place,  leur  lrm«»lgnage  n'a  pas  moins 
d'Importance  que  celui  de  Pausanlas. 


002  APPENDICES. 

hasarde.  Aussi  les  premiers  géographes  de  la  Renaissance,  qui  s*applî- 
quèrenlà  reçonsliluer  pour  le  monde  érudil,  les  linéaments  de  Tancienne 
Grèce,  travaillent  dlmagination  d'après  les  textes  classiques.  Quand 
ilsesrayent  d'indiquer  remplacement  des  villes  antiques,  leurs  notions 
approximatives  flottent  en  pleine  fantaisie.  Sur  la  plus  vieille  carte  de 
Grèce,  celle  de  Nicolaus  Sophianus,  publiée  à  Rome  en  1480  (1), 
Mantince  descend  au  sud  de  Tégée  et  voisine  avec  Phigalie.  Avec  les 
Vénitiens,  qui  disputent  la  Morée  aux  Turcs  vers  la  fin  du  XVI«  siècle, 
la  science  commence  à  pénétrer  à  leur  suite.  Les  cosmographes  de  la 
sérénissime  République,  renseignés  par  les  rapports  des  capitaines, 
des  provéditeurs  et  des  ingénieurs  militaires,  commencent  à  lever  un 
coin  du  voile.  On  dresse  des  listes  de  châteaux  dépendant  de  la  Sei- 
gneurie ;  les  noms  modernes  prennent  place  sur  les  cartes  à  côté  ou 
aux  dépens  des  noms  classiques  :  on  sort  de  la  convention  pour 
entrevoir  la  réalité. 

Ainsi  Domiuicus  Niger,  dans  ses  excellents  Commentaires  géogra- 
phiques (Vô'M)  (2),  signale  Tcxistence  de  Goritza  à  la  place  de  Tancienne 
Manlinée,  et  précise  la  situation  de  la  Manlinée  de  Messénie.  Thomaso 
Porcucchi  (3)  introduit  Droboliz,  Carlena,  Mucli,  Londari  dans  sa 
carte  de  la  Morée,  1576.  A  vrai  dire,  les  positions  de  tous  ces  lieux 
sont  marquées  au  hasard,  entre  de  vagues  montagnes  et  sur  des  cours 
de  fleuves  tout  à  fait  fantaisistes.  Ajoutons  que  l'ignorance  des  graveurs 
brochait  sur  le  tout  en  défigurant  les  noms  propres  par  d'outrageuscs 
abréviations  et  des  maladresses  de  copistes.  Dorboglitza  devient  Dorbo 
(Mantinéa,  hodie  Dorbo,  dans  Laurenberg)  ;  Manlinée  s'écourte  en 
Mandi,  qui  se  travestit  lui-même  en  Mundi  ou  Moudi  et  se  confond  sous 
celle  forme  avec  Moucli.  1^  carte  de  laurenberg  (1557),  copiée  par 
Coronelli  (4),  malgré  ses  inévitables  imperfections,  marque  un  progrès 
sérieux  dans  Tétude  de  la  topographie  antique.  11  indique  à  |)eu  près 
à  leur  place  les  principaux  détails  de  la  région  mantînéennc  :  Elymea, 
Alalcomenia  Ions,  Mélangia,  Ladae  stadiiim,  Mantinéa  hodie  Dorbo, 
Argus  campus,  IMiiliiipcus  fons. 

Il  va  sans  dire  ((ue  ces  rechenhes,  fondées  sur  la  lecture  attentive 
de  Pausanids,  ne  supposaient  aucune  connaissance  réelle  du  pays. 
Mais  de   telles  caries  rendaient  les  plus  grands  services  eu  faisant 

(1)  Réc^dltôc  n  BAlo  on  1ÎH5  avec  un  ooinnif^ntalroilr  Nie.  Go.rholltus  (N.  0. 
in  dcscrlptlonom  Grarriao.  Sophinni  pnirfalio.  90  p.  in-f"),  puis  en  IîkîO  (300 
p   In-f*.  Hùlc.  —  Cf.  Gronovius.  Thésaurus  antiq,  graec.  IV). 

(2)  Comnwnlar.  XI,  p.  3;i9,  Voy.  plus  haut  p.  ;)07  note.  Malgré  l'avertis- 
sement do  Niger,  les  cartographes  suivants  ont  souvent  confondu  les  deux 
Manlinées. 

(3)  Thomaso  Porcacchi.  L'Isole  pin  farn ose  dp.l  Monda,  f;î70,  .p   101. 

(i)  Dans  V Allante  Venelo^  KiîM»,  p.  177,  eldaiis  (îronovius.  Thesanr,  antiquit, 
gr.  t.  IV. 


HISTOIRR.  603 

ressortir  rintérêt  d'uQ  pèlerinage  aux  pays  classiques,  en  promellant 
aux  futurs  explorateurs  une  ample  moisson  de  découvertes.  Toutes  ces 
trouvailles  de  Tcrudition  sont  réunies  dans  le  consrieucieux  ouvrage  du 
Jésuite  Hriet,  dont  les  Parallela  geo(jrai}hiae  veleris  et  novae  parus 
en  1648-1649,  accompagnés  d'une  carte,  mettaient  aux  mains  du  public 
studieux  un  instrument  de  travail  assez  utile  (I). 

Les  noms  des  localités  modernes,  connues  par  les  Vénitiens,  y  sont 
généralement  accompagnés  de  noms  antiques  correspondants.  Désor- 
mais, Mantinée  se  fixe  sous  les  noms  deGorit/.a.  Mandi,  et  Dorboglitza, 
entre  Orcliomène  et  Muclili.  Pendant  le  second  tiers  du  XVlil*  siècle, 
la  science  sur  ce  point  demeure  stationnaire  (2). 

La  conquête  de  là  Morée  par  les  Vénitiens  de  1648  à  1687  apporta 
quelques  éléments  nouveaux  dont  profitèrent  les  géographes.  Les 
luxueux  ouvrages  de  Goronelli  (3)  ne  tiennent  guère,  il  est  vrai,  les 
promesses  de  leurs  titres.  Le  c(>smogra,)hc  officiel  aime  mieux  dédier  à 
son  héros  Morosini  de  séduisants  tracés  bastionnés  à  la  moderne  que 
des  plans  de  bicoques  antiques.  Pourtant  ses  publications  n'ont  pas 
moins  contribué  que  les  bombes  du  doge  séréuissiine  à  attirer  sur  cette 
terre  oubliée  Tattention  du  public  savant. 

A  dater  de  ce  moment,  le  Levant  attire  les  antiquaires.  Malgré  les  Voyngedesh. 
conditions  défavorables  où  la  reprise  de  la  Morée  par  les  Turcs  en  I7i5  "^°"*  ^*''-''^ 
et  la  peste  de  1720,  avaient  replongé  la  péninsule,  Pabbé  Michel  Four- 
mont  et  son  neveu  Claude  osèrent  les  premiers  en  1729  aborder 
l'Arcadie  en  explorateurs  pacifiques  A  vrai  dire,  le  récit  de  ce  voyage 
entrepris  par  ordre  du  roi,  n'est  guère  de  nature  à  réhabiliter  la  répu- 
tation scientilîque  du  fameux  faussaire  On  savait  déjà  par  la  lettre 
légendaire  à  M.  de  Maurepas,  où  il  se  vante  d'avoir  exterminé  la  ville 
de  Sparte,  de  quelles  gasconnades  il  était  capable  (4).  Depuis  que  la 


(1)  3  vol.  in-V.  No.  Iraite  ipn»  tU\  rKuropi»;  lo  n\slr.  rst  on  manuscrit  à  la 
nihliotliôquo  nalionair  fl<*piiis  1811.  Sur  Mantinée,  t.  11.  p.  i.'U  :  «  iMantino» 
liodio  (àorizH  (Ni^roi.  Mundi  (Nanlu).  »  Suit  un  court  rôsuiné  do  l'histoire  do 
Manlinéo,  p  47î).  Manili  fij^Mirn  parmi  los  U)callt«'îs  ilo  la  Tsaconia  ou  Bras  ilo 
Maino  :  «  Mandi,  olim  Manlinoa,  tonuis  quoquo  vicus.  »  La  carte  do  (îrècc 
est  passable. 

(2)  Oirln  de  .h'an  niaev,  de  iNîcoIas  VissrIuT,  diî  Sanson  (Paris,  1670),  de 
de  Wltt. qui  distingue  i;orlza  et  «  Mandl.ollm  Mantinoa  w.ot.plus  au  sud,  Dor- 
hoKlina-Dorbogliza,  et,  on  Messf^nlo,  Mologia  (pour  Manlogna)  ;  carte  de 
Giacomo  Hossl  (Home.  KÎSI),  de  Cantolll  de  la  Vijçnola  (1085  et  1080),  de 
Dcllsic,  de  du  Val  (IGK(Î),  de  de  For  (KWCÎ-UiSS). 

(3)  Description  géographique  et  historique  de  ta  Morée  reconquise  par 
1rs  Véniliens,  par  le  P  Coronelli,  Cosmographo  de  la  srrénissimc  République. 
Paris,  1(^».  Venise,  l(J8H.  —  Isolario  det  Atlante  Veiieto,  !«'.%. 

(4)  On  ne  «toit  voir  en  ces  conlldences  que  balourdise  de  hâbleur.  Michel 
Fourmont  a  pu  faire  donner  quelques  coups  de  pioche  dans  des  murailles 
romainrs  ou  byzanlinc^s  pour  en  déchausser  des  inscriptions  antiques.  Tout 


Fourmont. 


G04  APPENDICES. 

sévère  ci  ilique  de  Dœckh  a  dénoncé  les  supercheries  épîgraphiques  du 
trop  lanlaisisle  abbo,  tout  ce  qui  émane  des  Schedae  FounnontU  est 
mal  famé-  La  relalion  de  son  voyage  en  Grèce,  rédigée  par  son  neveu, 
fait  l'efTet  d'un  roman  médiocre  où  l'ignorance  esl  en  perpétuelle 
rivalité  avec  la  sol  lise  et  la  hAblerle. 

Il  est  évident  que  les  doux  voyageurs  n'ont  pas  vu,  au  moins  pas 
regardé,  la  plupart  des  pays  qu'ils  se  vantent  d'avoir  traversés.  Aussi, 
en  refusant  à  cette  misérable  élucubration  les  honneurs  de  la  publicité, 
les  protecteurs  de  Fourmont  lui  ont  donné,  malgré  lui,  une  marque  de 
sollicitude  (1).  ïja  page  suivante,  exhumée  du  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque nationale,  fournit  moins  une  contribution  à  l'histoire  de 
Mantince  qu'à  celle  des  supercheries  pscudo-scientiliques. 
Descr.deManlinée  «  Aîusl  nous  continuàmcs  uotro  chemin  pour  nous  rendre  à  Mantinée, 
1"^'*  que  l'on  appelle  aujourd'huy  Sinano  (2).  Mais  nous  eûmes  le  malheur  de 

n'y  pouvoir  entrer,  la  Peste  la  ravageoit  depuis  deux  mois  la  plus 
grande  partie  des  habitants  s'étaient  renfermés  dans  les  maisons, 
beaucoup  étaient  sortis  de  l'endroit  ils  étaient  sous  des  cahutes  et  de 
mauvaises  tentes  fait  d'une  toile  de  crin  noir  dont  on  fait  des  focs. 
Nous  avons  appris  depuis  qu'il  en  était  mort  plus  de  1800  c'aurait  été 
trop  risquer  que  d'y  entrer,  et  d'y  faire  fouiller  comme  ailleurs  ainsi 
que  nous  nous  l'étions  proposé,  mais  alin  de  ne  pas  perdre  tout  a  fait 
nos  peines  nous  montâmes  sur  l'Anchisea  du  l'on  découvre  toute  la 
ville  et  ses  environs,  (^elté  ville  aujourd'hui  est  .bien  dillérente  de  ce 
qu'elle  étoit autrefois,  avoir  le  terrain  qu'elle  occupoit  anciennement  il 
s'en  faut  peu  qu'elle  ne  fiU  aussi  grande  que  Mavramalia  ou  Messene  a 
présent  il  n'y  a  qu'environ  800  maisons;  selon  Pausanias  Mantince 
était  ornée  d'une  grande  quantité  de  bâtiments  publics  de  toutes  espèces 

arduM»!!)»»;!!!^  ost,  à  l'ornislon,  rnvi  dVn  U\\vi\  nntsiiil.  Il  a  pris  trxto  de  cos 
tniVHUX  sans  ihiiigcr  vt  sans  consôtiur.ncc  (li^s  murs  do  Sparte  étant  de  Imssc 
époquo)  pour  anuiscr  son  j)roLcctfuir  jiar  do  fadi^s  galéjades,  lAis  brouillons 
de  la  phrase  incriniinéc,  joints  à  sa  lettre  dans  les  papiers  de  la  Bibiioth^fuo 
nationale,  attestent  la  peine  ipie  lui  a  coûtée  ce  maladroit  liadlna^i^  iranti- 
quatre  qui  joue  la  frivolité  pour  plaire  à  un  ^raud  scûgneur.  Mais  tout  ce  bel 
osj)rit  s'est  retourné  contn^  lui,  et  le  pédanlisme.  dont  il  avait  ou  trop  peur, 
s'est  trouve  en  (xissession  d'une  arme,  IcTrible.  Il  est  étrange  que  la  critique 
allemande  ait  i>riK  au  pied  île  la  lettre  ces  faeéth^s  d'une  lé^èreU't  lapidaire. 
Curlius  [Pelop.  I.  p.  14i,  Note  ii)  llétrit  «  la  démiMice  inouïe  dans  riitstolre 
delà  civilisation  humaine  »  dont  cette  malencontreuse  le>ltre  serull  l'expres- 
sion. Otte  erreur  d'un  savant,  d'ordinaire  si  avisé,  prouve  qu'on  pitul  rire 
do  tout,  sauf  de  soi-même  :  car  c'est  alors  vraiment  qu'on  risque  d'élro  pris 
au  sérieux.  I^irfeld  (Gricck,  Épigr.  p.  4^)  invo(iue  à  ce  propos  le  souvenir 
d'Krostrate! 

(1)  CliAteauhrIand  (/(mnatrc.  Introduc.)  exprimait  le  désir  qu'on  publiât  ce 
manuscrit.  On  peut  encore  s'assj)cier  ii  ce  vœu,  tout  en  l'estimant  trop 
bienveillant. 

(2)  Sinano  est  le  nom  du  village  voisin  de  Mégalopolls! 


IllSTOlllE.  OOo    "" 

les  uns  plus  superbes  que  les  autres  il  n'y  reslc  plus  de  hàtinienls 
publics  qu'une  mosquée  pour  les  Turcs  et  cin(|  ou  six  petites  Eglises 
pour  les  chrétiens,  rancienne  était  une  continuité  de  terrain  plus  long 
que  large  garnie  de  maisons  ce  que  les  débris  alleslent,  la  nouvelle  des 
petits  plotons  de  cahutes  rependue  ça  et  la  dans  Tintervalle  desquels  on 
laboure  :  Il  y  a  ccpoiidanl  des  jardins  assez  verdoyants  c'est  le  (leuve 
Ophis  qui  leur  donne  cette  fraîcheur.  Ce  Ibuivo  à  en  croire  Pausanias 
coulait  autrefois  le  long  des  murs  de  celte  ville  aujourd'hui  il  passe  au 
milieu,  il  prend  sa  source  au  bas  du  mont  Lycée  au  septentrion  à  deux 
lieues  deMantinée  serpente  de  la  jus(|u*à  la  ville  dans  un  vallon  fort 
agréable  et  quoy  qu'il  ne  reçoive  point  d'autre  eau  que  celle  de  sa 
source  il  en  est  cependant  assez  fourni  pour  rendre  probable  ce  que  dit 
Pausanias  de  Tusage  qu'en  Ht  Agesipolis  (ils  de  Pausanias  ou  des  lloys 
de  Lacédémone  :  il  détourna  le  cours  de  ce  (leuve  l'arrêta  par  des  digues 
au  dessous  de  la  ville  afin  que  Teau  en  ftt  tomber  les  murs  qui  n  étaient 
alors  que  de  torchis  :  Teau  détrauipa  la  terre  les  murs  tombèrent  et 
Mantinée  fut  prise  le  terrain  est  fort  propre  à  une  pareille  façon  de 
prendre  des  villes  aussi  peu  défendues  que  Tétait  alors  Mantinée,  il  est 
tout  plat.  Mantinée  a  eu  depuis  des  murs  de  pierres  on  en  voit  encore 
en  didérents  endroits.  Ce  qui  est  une  preuve  de  sa  richesse  ancienne 
car  dans  ce  c^inton  de  l'Arcadie  toutes  les  maisons  sont  encore  bâties 
de  terre  parce  qu'il  n'y  a  point  de  pierres.  Les  rochers  du  mont  Lycée 
sont  trop  dures  pour  les  couper  et  ce  n'a  pu  être  qu'à  des  frais  très 
considérables  qu'on  en  aura  fait  venir  d'ailleurs  pour  construire  les 
murs  d'une  si  grande  ville  Les  temples  même  comme  l'insinue  Pau- 
sanias n'étoient  que  de  terre.  C'est  donc  bien  après  que  ces  murs  ont 
été  construits  de  pierre.  Ce  n'est  qu'après  une  longue  puissance, 
qu'après  un  commerce  réglé  et  étendu  que  les  habitants  de  Mantinée 
auront  pu  faire  par  eux-mêmes  de  pareilles  dépenses,  qu'ils  auront  fait 
construire  un  stadium,  un  théâtre,  des  Portiques,  des  Arcs  triomphaux, 
des  temples  à  deux  nefs,  chose  extrêmement  rare  dans  la  Grèce  et 
beaucoup  d'autres  édifices  superbes  et  d'une  pierre  tirée  d'ailleurs  dans 
le  Péloponnèse  et  de  marbn^  de  Paros.  Nous  n'entrerons  pas  dans  le 
détail  de  tous  ces  bAtiments  puisque  nous  n'en  avons  vu  les  restes  ([ue 
de  loin.  Mais  de  l'Anchisea  on  découvre  un  petit  monticule  nous  avons 
cru  que  c'était  l'Alésium,  le  Stadium  était  proche  de  cette  butte  des 
monceaux  de  pierres  que  nous  avons  appen/us  proche  de  cette  butte 
peuvent  être  les  restes  d'un  Temple  que  l'ICmpereur  Adrien  y  a  fait 
biUir.  Il  était  sur  le  chemin  qui  conduisait  <le  Mantinée  à  Tégée  les 
chemins  étant  encore  les  mêmes,  les  lieux  sont  donc  aisés  à  recon- 
naître, nous  n'avons  soupçonné  n'être  (lue  celui  (jue  les  Mantinéens 
appelaient  Pélaguos  ce  nom  jiour  du  bois  de  chênes  était  des  plus 
extraordinaire,  mais  il  y  en  a  beaucoup  de  celle  espèce  dans  ce  paTs. 
Toutes  nos  recherches  étant  faites  dans  la  plaine  de  Tégée  el  la  pro- 
vince d'Arcadie  où  en  suivant  Pausanias  nous  y  avons   reconnu  la 


606  APPKNDICIâS. 

plupart  des  villes,  des  temples,  des  autels,  desstadium,  des  théâtres, 

qui  existaient  de  son  temps,  nous  primes  le  chemin  de  la  Laconie  »  (1). 

D'Anviiie et  Barbie     Après  les  Fourmont,  Tintérieur  de  ]a   Morée  ne  semble  pas  avoir 

du  Docjige  (1780).  tcnté  les  voyageurs.  Cependant  les  études  de  géographie  spéculative 

faisaient  avec  la  carte  de  d'Anville  un  remarquable  progrès  (2). 

Son  élève,  le  laborieux  Uarbié  du  liocage,  mit  ses  soins  à  doter  les 
hellénistes  d'instruments  de  travail  aussi  complets  et  aussi  précis  que 
le  lui  permettaient  ses  moyens  d'information.  Son  modeste  croquis  de 
TArcadie  antique  (3)  ne  prétend  pas  à  l'exactitude  géodésique;  Tabsence 
de  relevés  faits  sur  le  terrain  la  rendait  encore  impossible.  Mais  c'est 
Tétude  théorique  la  plus  judicieuse  el  la  plus  savante  qui  eût  paru  sur 
la  matière.  Pausanias  avait  pour  la  première  fois  trouvé  un  interprète 
au  jugement  sur,  familiarisé  avec  vSes  méthodes  de  descriptions.  Ija 
ceinture  du  bassin  mantinéen  est  ligurée  par  des  hachures  sommaires, 
mais  les  noms  de  l'Artémision,  de  l'Anchisia,  de  PAlésion,  de  TOstra- 
kina,  du  Ménale,  les  lignes  des  frontières  sont  mises  en  place  avec  une 
admirable  intuition.  Mème^ùrclé  de  coup  d'œil  dans  le  tracé  des  routes 
qui  divergent  de  Manlinée  vers  les  territoires  voisins  et  dans  Tindi- 
cation  des  détails  signalés  par  Pausanias,  Pclagus,  Ophis,  Plolis, 
Alalcomenia  et  Kissa,  etc. 

l.es  quelques  erreurs  inévitables,  vu  la  complète  ignorance  de  la 
topographie  réelle  du  pays,  sont  excusables  ;  ce  sont  celles  mêmes  que 
la  Commission  de  Morée  a  reproduites  (4),  bien  qu'elle  eût  à  sa  dispo- 
sition, outre  ses  souvenirs  de  visu,  un  calque  fidèle  de  la  région. 
Pouqiieviiie.         La  plaine  de  Tripolitza  devait  bientôt  trouver  un  explorateur  forcé  en 
(t7M).         ja  personne  de  Pouqueville,  interné  par  les  Turcs  à  Tripolitza  en  1799. 

|1)  Fourmont.  Voyage  fait  en  Grèce  par  les  ordres  du  Roi,  p.  i^Vl  llUh.  nal. 
Manuscrits,  fr.  Nouv.  nvq.  18î>2)  Soiis-litro  :  Voya^^'O  fait  on  GnVo  pcmlant  lc»s 
années  mil  sept  cent  vingt-ninif  cl  trente  par  los  onlrrs  du  Uoy  sous  les  auspices 
de  M.  te  Comte,  de  Maurejias  et  par  les  vives  sol lielUi lions  de  M.  V\\h\n\  Hignon, 
toujours  atlenlif  pour  le  bien  de  la  littérature.  —  On  n'imprima  que  rarticlo 
inllluiê  :  Heialion  abrégée  du  Voyage  lillcraire  (]ue  M.  l'abbé  Fourmont  a 
fait  dans  le  Levant  par  onln»  du  H«)y,  dans  bîs  années  1729  et  1730.  {Hist.  de 
l'Acad.  desln:<cr.  et  beUes-lettres,  t.  VM,  ITÏM,  p.  :»44-:J;>8.) 

Ui  lettre  au  comte  de  Maurepas  se  trouve  dans  les  papiers  de  Mleliel  Four- 
nïonl,  avec  une  autre  lettre  datét?  du  monastère  de  Vulcano  (Messènc)  (17  fév. 
17^10),  où  il  expose  son  itinéraire.  (Hil)l.  nal.  21K)-2*.)7.  r.orrespondance  el  papiers 
dt;  Michel  Fourmont,  relatifs  à  ses  vj»yages  en  (îrèet^  el  en  Kgypte.  Suppl.  gr. 
2iK>,t.  l,p.  28). 

(2)  Grœciœ  antiquœ  spécimen  geoffvaphicuw .  17G2. 

(3)  La  minute  ccmservée  à  la  Bild.  nationale  porte  la  mention  :  terminé  en 
avril  178(5.  Ce  croquis  éUdl  destiné  à  l'.MIas  du  Voyage  du  jeune  Anacharsis 
(1"  édlt.  en  1789.  —  Voy.  aussi  le  Xénoplion  de  Gail). 

(4)  Par  exemple  la  confusion  eidn^  le  chemin  de  Prinos  el  celui  duCllmax. 
Par  contre,  il  a  vu  plus  juste  que  Curlius  au  sujet  «les  roules  de  Tégée. 


iii8Toine.  607 

rendant  les  neuf  mois  que  dura  sa  captivité,  il  obtint  l'autorisation  de 
parcourir,  sans  escorte,  les  environs.  Il  nous  a  laissé  de  curieux  détails 
sur  la  capitale  du  pachalik  de  Morée  après  Tinsurreclion  de  1770.  Mais 
en  ce  qui  concerne  Mantinée,  ses  excursions  ont  été  peu  fructueuses 
pour  un  si  long  séjour.  Le  voyageur  brillait  plus  par  rbumour  que  par 
le  sens  topographiqua.  Cependant  ses  croquis  et  ses  indications  ont 
permis  à  Barbie  de  dresser  un  plan  de  la  plaine  deTripolitza,  qui  lut 
publié  dans  la  Voyage  en  Morée  et  en  Albanie  de  Pouqueville  (1805)  (I). 

La  description  de  Mantinée,  toute  imparfaite  qu'elle  soit  f2),est  à  ma 
connaissance  la  première  rédigée  de  visu,  car  on  ne  saurait  accorder  ce 
mérite  à  celle  de  Fourmont.  C'est  aussi  Pouqueville  qui  a  dû  fournir  à 
Barbie  du  Bocage  les  éléments  d*un  plan  spécial  et,  je  crois,  encore 
inédit,  des  ruines  et  des  environs  de  Mantinée.  I^  minute  en  est  con- 
servée à  la  Bibliothèque  nationale  (3).  La  forme  de  Tenceinte,  le  cours  de 
rOphis,  celui  de  la  rivière  de  Triplghi  sont  marqués  avec  une  approxi- 
mation suflisante  pour  un  relevé  fait  à  vue  de  nez  et  sans  Instrument. 
La  pauvreté  en  indic-a tiens  de  ruines  antiques  à  Tintérieur  de  la  ville 
prouve  que  de  bonne  heure  Mantinée  s'était  effondrée  dans  son  sol 
mouvant. 

L'Anglais  sir  W.  Gell  visita  Mantinée  en  1804-5.  il  dressa  de  l'en-  Geii  et Leakep 
ceinte  le  plan  détaillé,  mais  d'une  forme  plus  bizarre  qu'exacte,  repro-  isoi-isoe. 
duit  plus  haut  (i).  il  s'attacha  à  relever  le  tracé  des  portes  de  la  ville.  11 
crut  reconnaître,  en  amont,  les  restes  de  la  digue  d'Agési|)olis.  Pou  de 
temps  après  lui  (12  mars  1805)  arrivait  au  môme  endroit,  le  colonel 
Leake,  observateur  sagace,  dont  l'érudition  était  puissamment  aidée 
par  le  coup  d'œil  professionnel.  L.es  problèmes  essentiels  de  la  topo- 
graphie mantinéennn  allaient  être,  sinon  tous  résolus,  du  moins  posés 
avec  rigueur,  iieake  n'esquive  aucune  difllculté,  et  ses  conclusions 
môme  erronées  sont  toujours  nettes. 

Après  une  description  générale  de  la  plaine  et  de  son  aspect,  il  étudie 
le  tracé  de  l'enceinte,  lève  le  plan  d'une  porte,  résume  les  données  de 
Pausanias  et  visite  Pikerni  (;>).  Dans  une  seconde  excursion  (3  et  4  mars 

(1)  1,0  plan  original  on  couleur, ilrossc  m  I8<)t,  rsl  consiTvô  k  la  BibliotiuMfuo 
nationale  (()7M 7.  Bar.  IW).  Un  autre  plan  de  la  ville  et  des  environs  de 
Tripolitza  (0711^.  Bar  520}  se  trouve ft  côté  d'un  beau  plan  «le  Pcrganie  dressé 
en  180()  sur  les  indications  de  Cousinéry. 

(2)  Voy,  en  Morée.  I.  p,  81  et  suiv.  —  Pouqueville  l'a  reporté»»,  sans  l'ainé- 
liorer,  dans  son  ouvrage  intitulé  :  Voyages  dans  la  Grèce,  3  vol.  ln-8'.  18()o. 
Uéédité  en  u  vol  en  18^0-1822,  et  en  W  vol.  en  I82ri  7. 

(3)  Qirles.  Barbie  du  Bocage,  6710. 

(4)  Fig.  48,  p.  iOii.  —  Probestiicke  von  Stddlemanern  des  allen  Griechen- 
lands,  1827,  trad.  allcniande  de  18:J9.  —  Voy.  aussi  :  liinerary  of  ihe  Morea, 
1827,  p.  Hl  Itrailuit  tm  français  par  le  G»"  de  Tromelin).  —  Narrative  of  a 
journey  in  tlie  Morea^  i82  J,  p.  137. 

(5)  Travels  in  Ihe  Morca.  i,  p.  100  et  sulv. 


608 


APPENDICES. 


Dodwell,  IROG. 


■  Coiiiinission  de 
Morcc. 


1806),  il  parcourl  la  Mcnalie,  revient  h  Manlinée  par  Ka|)sia,  la  plaine 
Alcimédon,  Ideutllie  Scopc  avec  Mylika,  et  reconnaît  les  routes  du 
Prinos  par  Touniiki,  du  Klitnax  par  Mclaugéia  (Pikerni)(t).  Une  troi- 
sième fois  ('M  mars)  il  iHudie  les  champs  de  bataille,  reconstitue  les 
[)ositions  des  armées  |)eudant  les  quatre  mêlées  de  418,302,245,207,  et 
fait  d'intéressantes  observations  sur  l'hydrographie  de  la  plaine  et  sur 
le  réseau  des  roules  niantincennes  (2). 

Après  lui  les  voyageurs  qui  se  contentent  de  [)asser  n'ont  rien  de 
nouveau  à  signaler.  Doduell  (8  mars  1806)  remarque  à  l'entrée  de  la 
plaine  quelques  vestiges  de  gros  blocs,  constate  la  destruction  totale 
<lu  site  de  Pahi'opoli,  et  reconnaît  au  pied  de  l'Auchisia  des  fondations 
en  grosses  ])ierres  (3). 

Kntin  la  Commission  scimtilique  de  Morée  douna  à  ses  propres 
recherches  et  à  celles  de  l'avenir  une  base  solide  par  la  rédaction  de 
deux  excellentes  cartes,  celle  de  Grèce  au  200  000«  et  le  relevé  parti- 
culier des  territoires  de  Tégée  et  de  Mantjnée  au  11)0  000*  (4).  l^a 
dernière  surtout  est  de  tous  points  satisfaisante.  Seule  l'hydrographie 
de  la  plaine  est  quelque  peu  défectueuse;  il  eût  été  bon  également 
d'indiquer  les  chemins  modernes  et  de  repérer  les  fonds  de  vallées  par 
quelques  cotes  de  nivellement.  Mais  telle  qu'elle  est,  cette  petite  carte 
a  rendu  les  plus  grands  services  aux  voyageurs,  aux  historiens,  aux 


(1;  Ib.  II,  p.  27S.  Ciirlc  iW.  la  pialno  de  Tripolilxa  rt  do  ManUmu^  pi.  i. 

(2)  Ibid.  111,  p.  ^i'{)8.  (:i-(N]iii$  spoclal  do.  la  Maiiliidqun,  pi.  2.  Lrako.  place  à 
tort  l'Argon  POdioii  ilaiis  la  plaine.  iU\  I^iuka,  mais  II  a  raison  contre  tous  vn 
plaçant  Ptolis  sur  la  ilcuxirnic  rollinf^  au  N.  do  (jonrtzoult.  Il  a  ri^clilic  ou 
niahilonu  à  tort  plusieurs  d«^  sos  opinions  dans  srs  Pelnponnesiaca  {p.  ÎM57 
et  siilv.)  publiés  après  l(»s  travaux  do  la  Commission  do.  Morôo.  —  Nouvollo 
carto  de  la  Mantinlfjuo  o.l  do  la  Tôf;éathlo  où  lo  traci'î  i\v.  la  vouW.  du  Prlnosa  une 
alluro  paradoxale  qui  surprend  do  la  part  d'un  jugomont  aussi  sftr  que  le  sien. 

(3i  Clmaic.  and  topogr,  tour  in  Greece.  !8I9,  II,  p.  421.  —  Ui  tradition 
relative  à  rcxlstrncc  d'un  rempart  fermant  la  plalno(Voy.  p.  Ii6),  mepanilt 
80  retrouver  dans  le  nont  du  village  de  Bédénl(lurc  et  albanais:  bedéii,  rempart). 

(4)  Parues  en  18^)2.  I^  carton  di>  la  plaine  doTripolitza  est  dans  la  Section 
des  sciences  nalur.  Atlas,  première  série,  t.  IV.  Knlre  temps,  leDépùtdela 
guerre  avait  publié  en  1814  une  cartii  do  la  Moré<î  dressée  par  Harblé  du 
Docage  dès  18U7.  Kilo  signale  près  dcî  (ioritz;i  une  localité  qu'elle,  appelle  Arnl 
et  <{ul  n'a  sans  doute  jamais  existé  que  dans  l'imagination  de  Pouquevllle. 
Kn  1818,  parut  une  carte  de.  Vaudoncourl  (carte  générale  de  la  Turquie  d'Eu- 
ropj»  d'après  Harbié  du  Bwage  (»t  les  relevés  des  olllciers  envoyés  en  mission 
par  rKmporeur);  en  I82(î,  la  carte  physique,  bistoriipie  et  r«)ullère  de  la  Grèce 
au  400 (J(X)",  par  le  chevaru'r  Liipie,  d'après  les  matériaux  recueillis  parle 
lieutenant  général  doTromelin,  les  voyages  d«'-  Pouquevllle,  Gell,  Doilwell  etc. 
Ce  beau  travail  préparait  brillamine.nl  ct'.lui  do  la  Commission  de  Miiréo; 
niais  il  est  très  défectueux  en  cociui  concerne  la  plaine  de  Triptdilza.  IjU  mémo 
année,  Cîell  et  I^^ike  faisaient  j)arallre.  la  carte  tie  (irècj^  anni\\é«»  aux  Pelopou- 
nesiacay  pi.  VI  et  dont  s'est  inspiré  Cramer  dans  la  carte  qui  accomi>ttgne  sa 
Géographie  publié»;  en  1828. 


HISTOIRE.  .  609 

archéologues  el  inénie  aux  ingénieurs  uiodernes.  La  partie  la  plus 
faible  est  celle  des  identifications;  un  grand  nombre  en  sont  erronées 
ou  contestables  (1).  Toutefois  on  ne  saurait  sans  injustice  méconnaître 
le  talent  du  capitaine  PuillonBoblaye,  dont  les  belles  Rechercfies  géogra- 
phiqties  sur  les  ruines  de  la  Morée  (1836)  font  date  dans  Tbistoire  des 
travaux  sur  la  Grèce  antique.  L'énorraité  de  la  tâche  assumée  par  lui 
avec  tant  de  courage  et  si  rapidement  exécutée  Texposait  à  des  méprises 
de  détail.  Les  érudits  de  profession  n*y  ont  pas  moins  échappé.  Les 
pages  qu'il  a  consacrées  à  la  topographie  de  la  Mantinique  sont  encore 
bonnes  à  relire  (p.  139-143  des  Reclierches). 

ijQ  même  Puillon-Boblaye  a  traité  de  main  de  maître  la  géologie  de 
cette  région  ;  si  les  théories  générales,  inspirées  des  idées  d*Élie  de 
Beaumont,  ont  complètement  vieilli,  il  n*y  a  rien  à  retrancher  à  son 
élégante  description  des  kalavothres,  qui  reste  un  modèle  d'exposition 
scientifique  {Sciences  phys.^  t.  Il,  p.  318,  sqq).  Les  architectes  de  la 
Mission  n'ont  pas  fait  merveille  à  Mantinée.  Au  lieu  de  dresser  le  plan 
complet  de  la  ville,  sans  doute  moins  endommagée  ((u'aujourd'hui,  ils 
se  sont  bornés  à  donner  un  spécimen  de  l'appareil  des  murs,  à  lever 
le  tracé  d'une  porte,  plus  un  croquis  des  ruines  du  Théâtre  et  de  la  Tour 
de  Louka,  à  dessiner  une  vignette  infidèle  et  médiocre  d'une  vue  pano- 
ramique de  la  plaine.  On  peut  aussi  reprocher  aux  membres  de  la  Com- 
mission quelques  assertions  superflcielles.  Le  capitaine  de  Vaudrimey 
se  flattait  d'avoir  retrouvé  les  traces  du  Stade  {Rech.  géog,  p.  141)  et 
.  l'architecte  Vietty  celles  du  tombeau  d'Épaminondas  (i&.,  p.  143),  mais 
.  ils  ont  omis  l'un  et  l'autre  de  produire  leurs  preuves. 

Presque  toutes  les  ruines  apparentes  de  la  Mantinique  avaient  élé  '*®**  dwi). 
signalées  et  en  partie  relevées.  Mais,  même  après  les  travaux  de  Leakc 
et  de  la  D>mmissi<m  française,  la  question  des  routes  de  Pausanias 
restait  intacte.'  Les  recherches  des  explorateurs  suivants  tendront  à 
élucider  ce  point.  Ross,  le  27  mai  183i,  parcourant  le  pays,  traversa  le 
plateau  de  Varsai,  releva  à  son  tour  de  nouvelles  portes  de  l'enceinte, 
prétendit  retrouver  les  ruines  du  temple  d'Aphrodite  Symmachia  et 
les  traces  des  rues  de  la  ville,  reconnut  le  véritable  cours  de  l'Ophis, 
nia  l'existence  des  Élisphasiens,  et  finalement  eut  l'heureuse  idée 
d'explorer,  Pausanias  en  mains,  la  route  de  Mantinée  à  Argos  par  le 
ravin  de  l'inaclios.  11  conclut  à  l'identifier  avec  le  Klimax  et  il  lit  de 
cette  conjecture  plus  qu'une  probabilité.  {Reisen  u,  Reiscrouten  durcli 
GriecJienland,  1*'  Theil.  Peloponnes,  p.  121  sq.) 

Il  y  a  peu  de  nouveau  dans  les  relations  de  Klenze  {Reise  nach  Grie-        Curtiu» 
chenland,  1838,  p    652),  de  Fiedier  {Reise  durch  aile  Tlieile  des  Kôni-        (issi). 
greichs  G/icc/ien/am/.!?,  Leipzig  1840-41,  1,  p.   312).  Le  premier  délaie 
Pausanias,  le  deuxième  préconise  des  fouilles  dans  la  ville  et  désire 
qu'un  cèdre  du  Liban  soit  planté  en  l'honneur  d'Kpaminondas  sur  la 

{{)  Pnr  rx.  lii  |w>silion  t\o.  Nostané  «u  S.  de  l'AiOslon,  colle  de  la  fontaine 
IMiîlippoios   tic  ropliis,  (lu  Pi'inos  et  «lu  Climax,  «ht  Péiap)}«. 

Maiiliiiée.    -    Mt 


610  APPENDICES. 

colline  de  Gourtzouli,  où  U  s'imagine  que  le  héros  a  rendu  le  dernier 
soupir.  L'ouvrage  le  plus  substantiel  est  celui  de  Curtius  (PeloponJiesos, 
1851,  II.  p.  232  sq.).  Sur  le  point  qui  nous  intéresse,  sa  description 
apporte  peu  de  données  nouvelles.  Elle  contient  même  quelques  erreurs» 
telles  que  le  tracé  de  la  route  d'Argos  par  l'Artémision  au  sud  de 
Nestané,  ridentilication  du  sanctuaire  démotique  de  Déméter  avec  le 
monastère  de  Chrysouli  à  Tsipiana,  la  direction  de  la  Xénis  et  la  dis- 
cussion négative  sur  les  Klisphasiens.  Mais  cela  dit,  je  ne  puis  que 
rendre  hommage  à  la  science  attrayante  et  à  la  méthode  d'un  livre  à 
qui  je  dois  beaucoup  (1). 
Michaëiis  et  Gonxe     Mîchaëlis  et  Couze,  OU  18G0  (Rapporto  d'uti  viàggio  nella  Grecia  nel 

08«o).  1860).-  (Annali,  XXXIII,  1861,  p.  219  sqq.)  ont  renouvelé  avec  succès, 
sur  le  chemin  d'Argos  à  Mantinée  par  l'Artémision,  l'expérience  de 
Uoss  sur  le  Klimax.  11  ne  subsiste  plus  aucun  doute,  après  eux,  sur  le 
parcours  du  Prinos.  Ils  ont  aussi  compté  à  nouveau  les  tours  et  les 

KiHicnrt        portes  de  l'enceinte. 

(186R).  Jusqu'alors,  l'épigraphie  avait  tenu  peu  de  place  dans  les  préoccupa- 

tions des  visiteurs  de  Mantinée.  M.  Foucart,  en  1868,  combla  cette 
lacune  par  la  découverte  de  documents  auxquels  on  doit  d'importantes 
notions  sur  les  cultes  et  les  institutions  de  cette  ville  (2). 

Cettejongue  série  d'études  théoriques  et  pratiques  avaient  de  plus 
en  plus  restreint  le  champ  de  l'inconnu  à  Tenclos  lortiGé.  Pour  faire 
revivre  la  ville  morte,  il  restait  à  soulever  le  linceul  de  terre  qui  la 
recouvrait. 

(1)  A  signaler  d'après  leur  date  de  publlciition  : 

A  Ideiihoven.  Itinéraire  descriptif  de  t'A  itique  et  du  Véloponnhe,  1841 ,  AUicncs, 
p.  278.  Cest  un  guide  sans  originalité,  qui  paraphrase  la  Commission  de  Morée. 

Mure.  Journal  of  a  tour  in  Greece:  2  vol.  184i.  Edimbourg  et  Londres. 

Vischer.  Erinnerungen  u.  Eindrilcke  aus  Griechenland^  1857  (voyage  fait  im 
1853).  Contient  quelques  observations  justes,  en  particulier  sur  ridenlificatinn 
de  la  fontaine  Philippcios  avec  colle  de  Tslplana. 

Claric.  Peloponnesus .  Londres,  1858.  Peu  de  nouve?iu  ;  un  iiotll  plan  de 
l'acropole  de  Nestané. 

Wolcker.  Tagebuch  einer  griechischm  Rrise,  1805.  (Voyage  cilccluéen  \S%i). 

VVyse./4n  excursion  in  thePetopon)i€SU!i  in  ihe  year  18!38.  t  vol.  Londres,  18(k). 

Nous  avons  cité  dans  le  premier  chapitre  les  lectures  géographiques  de 
Tozer,  la  Géographie  de  Bursian,  le  livre  de  Philippson,  les  études  pratiques 
et  les  plans  de  la  Mission  française  des  Travau.\  publics,  dont  ont  profilé 
ringcnieur  Sldêridis  et  M.  Martel  dans  son  ouvraj^e  sur  le>s  Abiines,  —  Sur 
les  katavothrcs,  ajouter  :  Kraus,  IHe  Katabothren  Seen.  (Mith.  Wien.  Geogr, 
Gesell,  1892)  et,  sur  la  géologie  générale,  le  bel  article  de  Philippson  :  La  tecto- 
nique de  VÈgéide  (Annal,  de  Géogr,  15  mars  1898,  p.  140). 

(2)  Inscr.  du  Pélop.  N*«  3î)2  sqq.  —  Mllchhôfer  {Athen.  Mitth.  IV,  p.  146),  a 
publié  quatre  inscriptions  de  Alantinéc.  Komninos,  dans  r'AOïrjvalov  (VIII,  p. 
209),  a  discuté  la  question  de  l'emplacement  du  temple  de  Poséidon  Uippios. 
Enfin  M.  Loring,  on  1892,  a  soumis  à  une  minutieuse  enquête  les  itinéraires 
de  Pausanias  dans  l'Arcadic  intérieure,  précisé  certaines  positions,  celle  de 
l'Athénaion  de  Helmina,  celle  d'Orcstliasion  cl  d'Eulaia.  Pour  lu  Mantlnlque, 
ses  opinions  ont  été  disculées  plus  haut,  p.  121  sq.  (Journal  of  hellenic 
Studics,  XV,  I8Î)5,  p.  «0  sqii). 


INDEX. 


Aciirnanlo  (campagne  d')  380. 

Achale  4o9. 

Achéonno  (Ligue)  488. 

Achéiôos  306,  38t. 

Achilie  308,4. 

Actium  Mi,  521). 

iEgytiens  385. 

iËpytldes  215,  £58. 

iEpytos  215,  2:».   —  yKp.  II  218,  257, 

320.  —  Mp,  111  219. 
Aéropé  315. 
Aôropos  216. 

Agam^dès  212,  HG,  253,  245. 
Agamemnon  217.  (ZcusAg.  240.) 
Agésilas  27,  411,    415,  431  sq,  438   sq, 

580  sq. 
Agôsipolis  132,  412,  410,  418  sq.  (Digue 

d'A.  139,3  ) 
Agis  II  44,  395,  575  sq.  —  lïl  472,  485. 

—  IV  483,  .590. 
Agora  177  sq. 
Aiclnnagorus  282  sq. 
Aidos  (Pénélope)  24t). 
Aion  201,3. 
Alalcomônia  118,  210,  2G9  sq,  272,  289, 

320. 
AiHlcomcDion  272. 
Alcamène  4G6,  542. 

Aicibladc  39ï  sq,  .mi,  .m,  403,  407,  574. 
Alcimédon  20,  113,  282  sq. 
Aiéa  11,  288  sq,  290,  321,  322,  ;i2:ï. 
Alêaia  (fêtes)  «)3. 
Aicos  210,  256. 
AIrsion  18,  101,   lU,  157,  KKJ,  227,  i'JO, 

241,  264,592. 
Alphée  (sources)  55!). 
Amilo  207. 
Amilos  11. 

Analvos  299,  321.  :i50. 
Analiisia  (tribu)  163. 
Anaxidanios  595. 
Anclilsc  274,  ;)2I,  119. 


Anchlsia  120,  274,  277. 

Andréas  de  Corintho  347. 

Antigone  Ooson  KV),  489,  500  sq. 

Antigonéla  im  508. 

Antinoé  316. 

Antinocla  [IHos]  319,  517. 

Antinous  319,  515  sq. 

Antipater  472. 

Anvllle  (d')  606. 

Aoncs  211. 

Apano-Khrépa  19. 

Aplieldas  199,  216,  219. 

Aplieidanteios  Klùros  219. 

Aphcidantcs  206,  216. 

Aphrodite.  Aincias  274  sq,  3il.  — Apos- 
tropliia  268.  —  Dercéto  537.— Mélainis 
81,  85  sq,  265  sq,  320.  —  Symmaclila 
312  sq.,  509  (Iig.  5(»).  -Temple  119. 

Apidanéens  206,  216. 

Apollon  312  s(i,  321,348.  —  Nomios  228. 
—  Onliriatôs  20i).  —  Pylliaeus  312, 
329,  542. 

Aralos  133,  484  sp,  489,  1300  sq,  590  sq. 

Arcadiens  7rpo<j£XY,vo'.  197,201. 

Archidamos  II  377,  —  III  426,  469. 

Arcas  191,  193,  199,  204,  227,  316  sq. 
319,  321,322. 

Aréion  227,  25f». 

AréTllioos  108,  117,  210,  212,  2:i4,  320, 

322,  :m. 

Ares  (Enyalios)  295. 

Arc  us  479. 

Aroxidanius  iiOii. 

Argollsanls  (parti)  378,  420,  423. 

Argon  IVîdiun  91. 

Argonautes  260. 

Argos  364  sq,  377,  389,  391.  —  Sparte 
3(Î5,  401.  —  Élis  Pi  Mantinée  389.  — 
Démocratie  376,  405.  —  Mytiiol.  28.5, 
320  sq. 

Aristippos,  tyran  d'Argos  486. 

Aristodémos,  tyran  de  Mégalop.  480. 


612 


INDEX. 


Aristoxono  de  Tarent^  330,  348,  iiOO.. 

Armée  do  Mantlnée  titiS  sq. 

Arméniu  (M')  16. 

Armure  mantinécnno  'XV). 

Arné  47,  95,  210,  mi,  234. 

Aroanlos  3G. 

Artémis  117,  278  sq,  312,  321,  388,  539.— 

Ilcurippa  60,  228,  241.  —  II6gcmonô 

289.— Uippia241.—  llymnla  120, 321. 

—  Kalllstc  202. 
Artômlslon  |M»|  17,  80,  89. 
Arts  à  Mantinée  354. 
Asiné  445. 
AsklcpieioD  542. 
Asklépios  213,  309,  321. 
AUlanto  249. 
Athamas  2G0. 
Athéna  Aléa  286, 287  sq.  —  Alulcoménéis 

272.  —  Hlppia  227. 
Athènes  390,  459. 
Atlas  252. 

Atticisme  (politique)  423 
Auge  256,  283. 
AuCochthonic  196. 
Autolaos  207. 
AutoDoé  191,  193,  261,  314,  321,  326, 

360. 
Azan  199,  209,  211  sq.,  212,  219. 
Azanie  204. 
Azaniens  209. 
Azeus  212. 

Barbie  du  Bocage  606. 
Bassins  fermés  9  sq. 
Batailles  418  400  scf,  573  sq.  368 

101,    464,   579.    845  484,   590  sq. 

807  103,  206  sq,  591  sq. 
Bithynie  204. 
Bœotos  234. 
Bols  53  sq. 
Boulé  338. 
Boulcutérion  174  sq. 
Brlet  603. 
Bryaxls  563  sq. 

Cablrcs,  Dactyles,  Corybantcs  298,  350. 

Calcaire  Assuré  24. 

Calllbios  de  Tégée  437. 

Callisto,  Calllsté  117,  202,  205,  289,  318, 

319,  321. 
Carmenta  282. 


Cassandre  473. 

Caucon  203. 

Ccphisodote  440,  544,  555,  ;j63. 

Cépiana  600. 

Céréales  56. 

Chaîne  argolico-arcad.  13,  16. 

Chairéphanès  37. 

Charadros  79,  89. 

Charmas  282. 

Charmhidas  511,  528. 

Ciiarmon  (Zeus)  322. 

Chênes  55. 

Chéronce  234. 

Cheval  (dieu)  59  sq,  226. 

Chraimonidès  (guerre  de)  478  sq. 

Cléandros  482. 

Cléomène  36o    —  I!I  495  sq,  491,  497. 

Om  mission  de  Morce  608. 

Conze  610. 

Corinthe  65,  395,  410. 

Cols  67  sq. 

Courètos,  Corybantcs,  Cabires,  Tel- 
chines  350. 

Curtlus  609. 

Cynuriens  305. 

Cyrône.  (voy.  Démonax). 

Dalphantos  589. 

DAm  (dieu)  204. 

DAm-at  204. 

Défilés  67  sq. 

AexTiip  343. 

Delphes  (ox-voto  des  Arcad.)  207,  444. 

Delphoussa  209. 

Dêmcs  127,  340,  421. 

Déméter  102, 127.  209,  305,321.— Chtho- 
nla  306.  —  Gô  (do  NesUné)  93,  238.  — 
Noire  239.  —  Thémls  264,  320. 

Démiurges  335, 339. 

Déméas  351. 

Démétrlos  487.  —  Poliorcète  474  sq. 

Démocratie  333. 

Démonax  330,:i33,351,363. 

Démosthcne  (l'orateur)  470,  473. 

Démosthènes  (général)  380. 

Déo  239. 

Diagoras  381. 

Didyma  11. 

Dieux  liérolsés  295. 

Dilbat  209. 

Diœcisme  413  sq,  421. 


INUKX. 


613 


Dlocloros,  lUs  do  Xf'moplion  579. 

Dioméncia  19I,26SS,318. 

Dionysos  81,  85  s(f.  265,  3ii0. 

Dioscurcs  30(). 

Diotina  32G  sq. 

Dipiilu  377. 

Dlvinntlon  32C>  sq,  5i!S. 

Dix-Mille  (Muntinérns  en  Asie)  4». 

Dodwoil  608. 

Dollana  (marbre)  6t. 

])()m  204. 

Dorynachos  505  sq. 

Draperies  553. 

DroboliUa  59!). 

Eau.\  (régime  des)  41. 

Échémos  216. 

Éclairs  222. 

Kçino  70. 

Kiréné  (de  Ojpliisodotc)  540  sq. 

Élaphos  384. 

Klalos  199,  210,  213,  219,  230. 

Élcclcurs  du  2"  degré  :)37  sq,  534. 

Kh'.vage  [VX 

Élis  ;««,  374,  377,  389  sq,  ;^09.  40rî,  409, 

430,449,  459,  561. 
Klisphasiens  4(*),  ii.3,  120,  128. 
Klymia  120. 
Kmif^ration  5. 
Knée  ;iiO,  274  s<i. 
Knyalla  (tribu)  163. 
Knyalios  295  sq,  .321,350. 
Épaléa  (tribu)  1<>:). 
Kpamlnondas  Ml  sq,  133,  417,  427,  443, 

445,  457,  465,  580  sq. 
Kpsirites  4i0,  452  sq. 
Kpliore  (l'Iiistorien)  469,  579. 
Épidaure  3!)4,  401. 
Kpidôtès  303,  321. 
Épignùina  343. 

Kpigoné  178  sq,  326,  512,  529. 
Kplménide  327. 
Épitynclianos  355. 
Escliinc  470,  589. 
ÉniFOS  207. 
Érato  261. 
fere  d'AcliaTc  3i3. 
Érectbeus  (Poséidon)  2iO. 
Érigoné  25.3. 
Érinyes  272. 


Kriiiys.  —  DênuUor  227, 229.  —  Tilpbossa 

209  sq.  268. 
Esclaves  344,  572. 
ÉtoUenne  (ligue)  489. 
Euphranor  (tableau  d'j  585. 
Euphrosynos  178  sq,  512,  529. 
EuroUis  (sources)  5(kî. 
Euryclès,  184,  5I(Î. 
Eurypon  :M5I,  498. 
EuUiia  439. 
Kvandre  5,  202,  281  sq. 

Faune  ;». 

Femme  au  foie  329,  540  sq.,  555. 

Femmes   (dans  la    religion)  325.   Pro- 

pliôtcsses  325  scj. 
Fossé  transversal  37,  45,  139. 
Foucart  VI  sq.  610. 
Fourmont  ()03 
Frontières  124  sq. 

Garâtes  42,  565. 

Gô  (Démcter-HIiéa)  319. 

Gell  (MJ7. 

Gérousla  342. 

Gongylos  207. 

Goritza  518,  596  sq. 

Gourtzouli  lig.  2,  117,  138,601. 

Gryllos,  101,  19i,  57Î),  ikS-'J,  590. 

Gylbion  4.U  444. 

lladès  323. 

Hadrien  514. 

Ilalirrhotliios  60,  262. 

ilébé  302. 

Iléétionéia  144. 

Hégésiléos  580,  J589. 

Hélios  lai,  317,  321. 

Hélisson  116,  384. 

Ilnpliaistos  32.3. 

liera  301,  321,  323. 

Iléracléi<»n  44,  575. 

Héraclès  36  sq,  127,  282  sq. 

lléraia  374,  443. 

Iléraion  1K7. 

Ilerculanus.  Voy.  Euryclès. 

liormès  312.—  .Epytos  215.—  d'Olymple 

Héros  divinisés  2<.>5. 

Hestia  Kolné  193,  314  sq,  .321. 


614 


INDRX. 


Meurippa  230,  2il. 

Illloles  377,  379. 

Hippios  229. 

Hippocnitéia  (Côtes)  228. 

Hippodrome  61,  99. 

Hippobotès  239. 

Hippolyte  214. 

Hippos  (dieu  rhoval)  227,  2:31,  319,322. 

Hippollioos  217,  229,  258. 

Hlppotroplile  (X). 

Hommes  séparés  3!)3. 

Uopladamos  163,  297. 

Uoplodmia  (tribu)  i(>3. 

Iloplodmos  297,  322. 

Hoplomachic  300. 

Uoplosmios  321. 

Hyaldnthos  202. 

Hygic  311,  404. 

liyllos  21G. 

Ilymnia  279,  289,  322. 

Uypsouranlos  201. 

Ilyslaa  17. 

ikarios  249,  253. 
Inachos  79,  90,  201. 
lolaldas  101,  !584,  589. 
Ischolaos  444. 
Ischys  214. 
lUiômo  377. 

.Iulia  Augusia  319,  522. 

Julia  Domna  517. 

Juive  (communauté  ù  Mant.)  517. 

Kadmos,  Kadméens  209. 

Kaphyai  12. 

Kapnlslra  18. 

Kapsia  598. 

Kapsiliia  (KX). 

Kapys  275. 

Kapys,  Képhcus  216,  298. 

Karalilinou  11. 

Katavothres  28  sq. 

Képliisodoros  580,  583  Sif. 

Kéraunos  222,  232,  319. 

Klioros  Mairas  9.3. 

Kissa  (font.)  115,  282  sq. 

Klcitor  215. 

Kleénis  89,  554. 

Klimax  (route)  79,  ai,  4G9. 


Ko>|iai  357. 

Kondouros  (oHvèto  de)  600. 

Kora,  KoragioD  305,  321,  325.  —   Koré 

du  Vatican  562.  —  de  Vienne  662. 
Koronis  214. 
Korythéis  40  sq. 
Kréopélon  13,  17,  154. 
Krésion  118. 
Kronos  227. 
Kydippos  354. 
Kyllène  (port)  70. 
Klyménos  233. 
Kynaiiha  325,  a47,  505. 
Kypséla  386,  390. 
Kypsélos  218. 

Lâchas  (riy.)  41. 

Ladas  117,  249,  321. 

Ladolcéion  (1)at.  de)  389,  421. 

r^don  209. 

Uioilamle  207. 

Lapitlies  213,  219. 

bisthéncia  328,  330. 

\jPMko  607. 

Légumes  57. 

Leimon  253. 

Lélégcs  210,  219. 

A 6 0)^0 sot  90 

Lépréon  389. 

LcVto  311  sq,  321.         . 

Léléon  542. 

Loucte  C{impl  11.  . 

Lcuctres  426  sq. 

Ligne  arcadicnno  436  sq,  447,  451,  467. 

Ligne  péloponnésienne  364  sq,  370  sq. 

Loup  (dieu)  203. 

Lycantliropio  203,  332. 

Lycaon  199,  202  sq.  ^Zeus  Lykalos 

240. 
Lycée  202. 
Lycomédos  133,  341,  356,  434  sq,  4U), 

444,  447,  451. 
Lycurgue  (roi  de  Tégéo)  255,  256,  320. 
Lydiadas  483  sq,  488,  492,  590. 
Lyiios  203,  227. 
Lyrliéia  7(5  sq,  8:}. 
Lyrliéion  17,  83,  475  .scj. 

Maclianidas  10(î,  506,  .590  sq. 
Macliérion  589. 


INDKX . 


615 


MaivàXiov  TciSiov  19. 

Mainalos  384,  435. 

Malra  119,  123,  251,  320. 

Maléa  (bat.  de)  449. 

Malôvo  17,  597. 

MantincSc  de  Mcssénie  518,  597  sq. 

Mantinéia  (<^tym.)  261,  a">9. 

Mantinéion  204. 

Mantlneus  199,  31;). 

Mantinique  (carte)  56(î  sq. 

Marais  49. 

Marathon  (bat.  i\o)  'Mk'}. 

Marpcssji  42. 

Mnrsyas  312,  348,  ri()2. 

MàÇcov  207. 

Médéc  2(i0  sq.     . 

Mégnlopolis  133,  135,  433,  468. 

Môlalnfs  268. 

Môlangola  81,  8i,  129, 

Méllastcs  72,  81,  80,  266  sq,  537. 

MelUis  220. 

Memmia  320. 

Mônalc  13  sq,  5.3,  28:). 

Mônalic  383,  439. 

Mcrccuiiiros  li. 

Mcsscne  133,  135,  4:13. 

Mcss(^iilcns  377. 

Méthydrion  110. 

MichaAlis  610. 

Mlnycns  211  sq,  219. 

M61oiii  (fôte)  259. 

Monoinachie  350. 

Montagnards  7. 

Moukhli  599,  600. 

Mulets  59. 

Muscs  312,  543  sq. 

Musique  340  sq,  560. 

Myron  ÎJ60. 

Nabis  373,  ÎK)?. 

Negotia tores  roinsini  513,  519. 

Néinôe  580. 

Néo-attlques  (bas-reliefs)  552. 

Nestanô  03,  92,  129,  471. 

Nestor  2,-i5,  2i57. 

Nicodùros  ;);):),  .381,  îm. 

Niger  (Dominlcus)  597,  602. 

Nike  314. 

Nlkippa  325. 

Nonucris  38.3. 


Nostia  63. 
Nyctimos  199,  202. 

Oannès  201. 

Octave  511. 

Œnotros  5,  201. 

Olnort  70  sq,  89,  235,  412. 

Olon  444. 

Oliviers  55,  00(». 

Olpal  (combat  d')  3S0. 

Olyinple  452. 

Olymploniques  .3.'>3. 

Onka  209. 

Onkos  228,  234. 

Onomastique  5.34  sq. 

Ophls  41,  47  sq,  132,  145,  418  sq. 

Oracle  «'i  MAnllnée  r)25,  527,  542.  —  PA- 

lagos  21)2. 
Orchestlque  349. 
Orchomène  1 1, 210,  .'KiO,  304, 309,  383  sq, 

397  sq,  403,  4:38,  491,  497. 
Oreste  217. 
Oresthaslon  217. 
Ornait  81,  412,  409. 
Ostrakina  19,  20,  115,  282. 
Ouragans  (divinisas)  222.  . 
Oulixes  245. 
Ours  (dieu)  2(J<>. 
Oxylos  219. 

Pa  m  mènes  437,  4(>8. 

Pan  202,  228.  —   Uèlios  208.  —  Arcas 

317. 
Panarton  391. 

Parrhasie  4,  lU),  210,  385,  390,  40:i 
Partliènion  17. 
UaxTjpXaou  (juif)  517. 
Patrai  394. 

Pausanlas  (roi)  410,  41(). 
Pausanias  le  Prriégôte  (sa  môtliode)  73. 
Pélagos  d;»,  107, 110,  200  sq,  2:17,  254. 
Pêlasgos  199.  —  Religion  223. 
Pêléiades  202  sq. 
Péllades  107,  2(50. 
Pellana  i45. 
Pêlopldas  417,  44.3. 
Péloponnèse  (structure)!  8<(. 
Pénèiope  117,  247,  250,  321  sq.  360. 
Pcrgauie007. 
Pètrakhos  (roclie)  23.5. 


6IG 


INDKX . 


Pélrosacn  115. 

Pcucôtios  5. 

Phaenna  325. 

PliahiDthon  (M')  20,  116. 

Phémandros  525  sq. 

PhéiK^os  11,  36,  240  sq. 

Phlalo  114,  282  sq. 

Pliidippidès  m. 

Plilllppe  de  Maccdolno.  471. 

Philippios  (fontaine)  51,  93,  471. 

Phllopœmcn  162,  îOO,  îiOO,  500  s<i. 

Philoxénos  de  Cythi'iro  347,  560. 

Phlégyens  211,  213,  219. 

Phlioua  396,  459,  462,  509. 

Phocéens  (Phocide)  218. 

Pholzon  108. 

Phoroncus  201. 

Plirixos  260. 

Pliylarchos  480. 

Platt'^e  (bat.  de)  307  r(i,  5(». 

Plautilla  517. 

Pleureuses  (sarcoph.  des)  .553,  557. 

Pluies  26. 

Plularque  (.Jugements  de)  îiOl,  503. 

Podaréion  19»,  539. 

Podarès  191  sq,\318,  590. 

Poésie  en  Arcadie  354. 

IltJXeiç  374. 

Polémarqucs  340. 

Polyainos  525. 

Polybe  (Jn^emcnis  de)  488,  470,  493  sq, 

499,  501,  510,  i>84,  594. 
PolylK)s  1 94. 
Polycratéia  326. 
Polycrltos  506. 
Polyporclion  473  sq. 
Polytropos  439. 
Poinpos  70. 

Population  de  Mantin«'M'  ;>(>S. 
Portes  lîîO  s([. 
Posiïidaia  (ieu.x)  225. 
Poséidon.  —  Krechteus  202.  —  lllppios 

103,  212,  ?20,  225,  229,  233  sq,  237,  343, 

360. 
Posoidala  (tribu)  ir»3. 
Poternes  157. 
Pouquevilie  606. 
Praxldiques  269. 

Praxitèle  312,  348,  407,  WUÎ,  559,  ÎJOl. 
Prlnos  (route  du)  79,  89. 


Prométhée  201. 

Prophétcsses  261,  542. 

Proxénos  de  Tégôo  437. 

PtoHs  118,  129,  135,  273,  315,  357,  360. 

Ptolémée  II   Pliiladelpho  479. 

Pylos  4(XÎ. 

Pyramides  votives  388,  539. 

Religion  locale  322. 
Remparts  140  sq. 
Rhéa-Déméter  227,  236,  239. 
Riches  et  pauvres  481. 
Rome  (culte)  318. 
Rômaia  (fête)  512. 
Ross  609. 
Routes  commerciales  69  sq. 

Sallens  259,  26i$,*  275,  298. 

Samos  60. 

Saon  259,  349. 

Saranda-Potanios  40,  iHjl'}. 

Scillonto  362. 

Scopé  8,  111. 

Sculpteurs  arcadlens  355. 

Séléné  202. 

Sellaslo  (bataille)  500. 

Sémites  202  sq,  209  s(i,  323. 

Sémos  60,  228. 

Sera  pis  .'105. 

Séros  60. 

Sicile  (Mantinéons  en)  407. 

Simlas  5^5. 

Slnoé  234. 

Sképhros  253. 

Slaves  518,  597  sq. 

Sophianus  602. 

Sources  50  8f|. 

Sparte.  Arist(M*.ratle  3H3.  —  .\rmée  573. 
—  Illlotes  et  Messénlcns  377.  —  Olym- 
pie  394.  —  Paix  de  30  ans  402  sq. 

Stade  101. 

Stasippos  de  Têgée  4.'K>. 

Stavrakios  599. 

Straton  de  Pliilhcllénc  553. 

Stympiîalo  11,  33,  IKî. 

Synagogue  517. 

Synccdémos  d'Mléroclés  518. 

Synédres  342. 

SynœcIsme  284,  335,  372  sq. 

i^uçTYjixaxa  BrjjjLtuv  357, 


INDEX. 


617 


Tuka  (lac  el  katav)  40. 

TiiDagra.  Hat.  379.  -  Figurines  fôTsq. 

Tôgéalès  199,  254. 

TégéiUlde  (carte)  S64. 

Tégéc  7,  4i  sq,  300  sq,  308,  374,  377, 

:J84  sq.  4:fô,  454,  580.  :'i97. 
T('3l(Vgonie  244. 
Trléphaé  209. 
Télcphassa  209. 
Teipliousa  2U9. 
Tclpsplioros  311. 
Ti^lésilla  2!)n,  542. 
Tcssèros  en   terre  culte  338,  356,  361, 

5:K)  sq. 
Théâtres  105  sq. 
Th6nilsioclc  370. 
Thôophanôia  320. 
ïhéores  340. 
Thermopyl(î8  366,  5(î8. 
Tliesmla  239. 
Tlicspiadcs  558,  50.3. 
Thrasyboulos  484,  690. 
Tiirasyllos  de  Phlious347. 
Tllphossa  (Déléphat)  212. 
Tilphousion  209,  270  sq . 
TimollK^c  de  Milet  347,  500. 
TIrésias  243,  270. 
Tlsain<^nos  218. 
Tonnerres  (divinisés)  222. 
Tours  de  flcfcnse  120,  146. 
Traités  480  392.  418  401. 
Trafic  09. 


Trapézous  217,  258. 
Tribus  163,  287,  340  sq. 
Triodol  384. 
Triphylos  207. 
Tripolitza  599. 
Troclios  77. 
Trophonlos  212,  239. 
Tsipiana  599. 
Tyclié  314. 
Tyrans  474,  476. 
Tyrtalos  :U7,  .100. 

Ulysse  59  sq.  228,  230,  240  sq  ,244,  202, 
320  sq.  300. 

Vendetbi  351. 

Vénitiens  6a3. 

Venustus  Eupfirosynos  (Luc.)3i8,  354. 

Vignobles  5.5,  :WiO 

Villages  mo<lernes  571 

Xénagol  423. 
Xônis  103,  100,  592. 
Xénophon  (.luRemcnts  de)  411,  423,  425, 
414,  40^5. 

Zeus.  Channon  113,  127,  281,  321.  — 
Épidôtès  187.  -  Eubouleus  189,  304, 
321.  —  Iloplosmlos  103,  297.  -  Ka- 
laibal<>s  224.  —  Kéraunos  221.  — 
Lykalos  202.  -  SAter  189,  .101,  321. 


TABLE  DES  FIGURES  DANS  LE  TEXTE. 


Flg.  1  (fHUX-tItro>.  —  Ouvrîors  et  ouvrières  des  fouHles  de  Mantinécfp.  117.) 

—  2,  p.  XVI,  -^  Klmni  de  Kaloyéras,  à  une  demi-heure  au  S.  de  Mantinée. 

—  3,   p.   2.    — Carlo  hypsométrlque  du  Péloponnèse. 

—  4,   p.    8.    —  Entrée  de   la  Mantinique  entre  les  pointes  de  Mytlka 

(Scopé)  et  de  Kapnistra  (p.  110  sq.) 

—  5,  p.   14.   —  Coupe  géologique  de  la  Haute  plaine  et  de  sa  bordure. 

—  ^,   \>.  24.   —  Fragment  d'un  vase  en  marbre  à  reliefs  (p.  262, 2  et  330.) 

—  7,   p.   52.    —  Bétolr  du  Loukaltlko-Géphyrl  (p.  49.) 

—  8,  p.   72.   ^  Satyre  Ithypha  nique  du  sanctuaire  des  Méliastes  (p.  267, 2) 

—  î),   p.   85.  —  Vue  do  l'Aléslonet  du  téménos  do.  Dionysos  et  d'Aphro- 

dite Mélalnis. 

—  10,  p.    86.    -^  Source   des   Méllastes  et    sanctuaire    de  Dionysos  et 

d'Aphrodite  «Mélalnis. 

—  11,   p.    87.    —  Vue  do  la   source  des  Méllastes  et  du  téménos  de  Dio- 

nysos et  d'Aphrotlite,  prise  do  l'AIéslon. 
Fronton  du  tombeau  monumental  près  la  porte  G. 

—  Vue  de  l'AIéslon,  prise  du  théAtro. 
•—  Has-relief  votif  représentant  Poséidon  lltppios  (p.  %iH.) 

—  Chnpltcau  provenant  du  temple  de  Poséidon  lllppios. 

—  Tour  do  Mylika  (Scopé). 

—  Vue  du  Ménale,  prise  du  théâtre  de  Mantinée. 
124.  —  Chapiteau   du  monument  de  Charmiadns  (p.  528). 

—  a   Srliéma  du  tracé  général  de  l'enceinte .  —  b  Porte  C 
(état  actuel.) 

—  Rempart  de  Mantinée  (arc  B  C.) 

—  Appareil  d'une  courtine-rempart  sud-est. 
~  Scliéma  de  ta  construction  du  remplir  t. 

—  Tour  sans  poterne. 

—  Schéma  d'une  tour  de  Mégalopolis. 

—  Tour  restaurée,  —a.  Vue  de  l'Intérieur    —  b.  Avec 
poterne,  proûl  extérieur. 

—  Schéma  de  la  disposition  d'une  porte. 

—  Porte  A,  d'après  Gell.  —  Restaurée.  —  Porte  B,  d'après 
Gell. 

.  —  Porte  B  (état  actuel). 

—  Porte  D  (état actuel). 
>  a.  Porto  F.  d'après  G    de  Gell.  —  b.  État  actuel. 

,  —  a,  Porto  G  (F  do  Gell).  ^  b.  Porte  G  (étal  actuel).  — 
c.  Porte  I  (7),  d'après  A  do  Gell. 


«2, 

p. 

99 

13, 

P- 

102. 

1*, 

P 

io:i. 

15, 

P. 

106. 

16, 

P- 

112. 

17. 

P. 

114. 

18, 

P- 

124. 

19, 

p. 

137. 

20, 

P- 

138. 

21, 

P- 

142. 

22, 

P 

146. 

2:1, 

P 

147 

24, 

p. 

148. 

25, 

P- 

149. 

26, 

p. 

151. 

27, 

p. 

153. 

28, 

p. 

154. 

29, 

p. 

155. 

30, 

p 

156. 

31, 

p. 

156. 

620  TABLE   DES   FKSURES. 

Fig.  32,  p.  157.  -  Porte  K  (état  actuel). 

—  33,  p.  158.  —  Tour  k  poterne. 

—  3t,  p.  159.  —  Tour  à  poterne. 

—  35,  p.  101.  —  Rempart  de  Manllnôc,  porte  G. 

—  .'JC,  p.  HîG.  —  0)upc  on  prolil  du  théAtro 

—  37,  p.  107.  —  Plan  du  théîUre. 

—  38,  p.   108.  —  Socle  et  gradins  inférieurs  du  thdAtre. 

—  39,  p.  109    —  Gradin.  —  a,  Profll  d'un  gradin  d'angle.  —  b.  Surface 

d'un  gradin  avec  inscription. 

—  40,  p.  170.  —  Vue  du  tbéAtre,  prise  de  l'aiie  Sud. 

—  41,  p.  1-71.  —  Ciige  de  l'esca lier  Ouest  du  tiiéàtro 

—  42,  p.  174.  —  Plan  du  Bouleutérion. 

—  43,  p.  175.  —  Appareil  du  Bouleutérion  (côté  Ouest). 

—  44,  p.  180.  —  Plan  de  l'Agora  de  Mantinôo. 

—  45,  p.  181.  —  Appareil  du  mur  Est  du  Vieux  Marché. 

—  46,  p.  183.  —  Mosaïque  représentant  une  scène  de  chasse. 

—  47,  p.  188.  —  Temple  d'Uéra. 

—  48,  p.  195.  —  Plan  de  Mantinôe,  par  Goli. 

—  49,  p.  242.  —  Monnaies  mantlnéenncs  représentant  Ulysse. 

—  50,  p.  356.  —  Tessércs  en  terre  cuite  (p.  530;. 

—  51,  p.  301.  —  Tess«îre  en  terre  cuite  (p.  530). 

—  52,  p.  371    —  Fragments  de  céramique. 

—  53,  p.  388.  —  Tuiles  avec  inscriptions  et  pyramides  votives  (p.  539). 

—  54.  p.  W)4    —  'ViW  féminine  (llygie  ?),  do  face  (Cf.  pi.  VI  et  p.  311). 

—  55,  p.  409.  —  SUituettc  (d'AslcIépios  ?),  trouvée  dans  le  Houloutérlon. 

—  56.  p.  509.  —  SUituelte  de  jeune  femme  tenant  une  colombe. 

—  57,  p.  522.  —  Autel  de  .Iulia  Augusta. 

—  58,  p.  524.  —  inscription  archaïque. 

—  59,  p.  554.  —  StèhMie  lîiéénis. 

—  00,  p.  Î554.   -   Stèle  funéraire. 

—  61,  p.  577.  —  Schéma  de  la  position  des  armées  k  la  bataille  de  418. 

—  62,  p.  577    —  »  »         w 

—  63,  p.  >87.  —  »  »      do  362. 

—  04,  p.  593.  —  »  «      de  207. 


PLANCHES    HORS   TEXTE. 


/  I.  —  Apollon  et  Marsyas  (face  antérieure  de  la  hnso  de  Praxitèle),  p.  543  sq. 

'^II  —  Muses  (côté  gauche  id.  ). 

vin.  —  Muses  (côté  droit  id.  ). 

vIV.  —  Bas-reliefs  de  la  base  de  Praxitèle  (tète^  d'après  les  moulages). 

^  V.  —  La  «  Femme  au  foie  »  (p.  540  sq.) 

y  VI  —  Tôte  de  femme  (Ilygle  ?)  en  profil  (llg.  54,  p.  404  et  p.  311). 

•  VII.  —  Tclesphoros  (p.  311). 

•  Vin.  —  Plan  de  Mantinée  (p.  564). 

•  IX.  —  Carte  de  la  Tégéatide  (p.  {504). 

>/  X.  —  Carte  du  territoire  de  Mantinée  (p    fK57). 


ERRATA   ET  ADDENDA. 


Page  12,  ligne  2.  Au  lieu  de  :  Kaphyaio,  lisez  :  Kaphyai. 

—  70,    —   11.  Supprimez:  peut  être  d'oranges.  [Les  oranges,  con- 

nues par  les  anciens  comme  les  fruits  mythiques 
du  jardin  des  Uespérides,  ont  été  introduites 
en  Espagne  par  Icd  Maures  et,  de  là,  se  sont 
répandues  dans  le  reste  de  l'Europe  méridio- 
nales. —  Cf.  Guiraud.  Propr.  fonc.  en  Grèce^ 
p.  Î501]. 

—  107.  Le  lK>i8  Pélagos  se  prolongeait  en  Tégcatide  par  les  chênes 

de  la  Korytbéis  (Pausan.  Vill.  53,  4)  :  Katà  oà 
T7)v  cùôeïav  (d'Argos  à  Tégce),  aï  t«  opuç  elul 
TuoXXal  xal  Ai^(i.T|Tpoç  iv  Tto  àXcrei  t(j5v  opucov  vao; 
êv  KopuOeudi  xaXoujxévTjç. 

—  111,  note  1.  Au  lieu  de  :  en  Messénie,  lisez  :  eu  Libye. 

—  124,  fig.  18,  légende.  Au  lieu  de  :  Chapiteau  provenant  du  temple 

de  Poséidon  Hippios,  lisez  :  Chapiteau  trouvé 
dans  l'église  byzantine,  près  du  Bouleutérion 
(voy.  p.  528). 

—  129,  ligne  24.  Au  lieu  de  :  4*  Élisphasion,  lisez  :  4*  Élisphasioi. 

—  159,  au  lieu  de  :  Fig.  33.  lisez  :  Figure  34. 

—  184,  ligne  33.  Au  lieu  de  :  llerculauns,  lisez  :  Heiculanus. 

—  191,      —   27.  An  lieu  de  :  Déoinéneia.  lisez  :  Dioméneia. 

—  293,  note  1.  Au  lieu  de  :    'Ayeaîa,  lisez  :  'AXsata. 

—  333,  manchette.  Au  lieu  de:Démonax  de  Cyrène,  lisez  :  Démonax 

à  Cyrcne. 

—  3;>(»,  lig.  SO.  Au  lieu  de  :  Ëpigr.3*, lisez  :  Épigr.  4*. Voy.  p.  530. 

ib.  Au  lieu  de  :  "Avtitoç,  lisez  :  "Avtivoç. 

—  3Gi,  fig.  51.  La  ligure  a  été  retournée  à  l'impression.  Dans  la 

légende,  au  lieu  de  :  TeXa?]s(jia'j,  lisez  :  TsXeV] 
ciau. 

—  3b8,  iig.  53.  Au  lieu  de  :  Épigraphie.  5",  lisez  :  Épigraphie.  (>*. 

—  427^  ligne  15.  Au  lieu  de  :  Épimanondas,  lisez  :  Épaminondas. 

—  482,    —   9  et  12.  Au  lieu  de  :  Crausis,  lisez  :  Craugis. 
Planche  VIll.  Plan  de  Mantinée.  N.  B.  Au  lieu  de  :  /mr  le  Carton  spécial 

de  la  Commission  de  Morèe,  lisez  :  par  la  Carte 
de  VÈtat-major  au  200  000*, 
—      X.  Carte  de  la  Mantinique.  Au  lieu  de  :  Tombeau  d'Anckise, 
lisez  :  Tombeau  d'Anchise. 
ib.      Au  lieu  de  :  Sou|j.aT6iov,  lisez  :  Sou;jl7.t6'.ov. 


TABLE  DES   MATIERES. 


Avant-Propos I-XVI 


LIVRE  I.  —  Le  Pays. 

CnAP.  1.       — -  Topogrupliio  générale  du  Péloponnèse  et  zones  de  civilisa- 
tion   1 

CiiAP.  II.      —  La  région  des  liantes  plaines  fermées 9 

CiiAP.  m.    •—  L'tiydrographie  souterraine 23 

CiiAP.  IV.     --  L'hydrographie  superficielle 39 

Chap.  V.      —  Les  produits  du  sol .       .  83 

Cnap.  VI.     —  Rôle  économique  et  stratégique  de  la  haute  plaine,    — 

Déiilés  et  routes  naturelles 64 


LIVRE  II.  —  L'État  mantinèen. 

Chap.  I.       —  Les  routes  historiques  décrites  par  Pausanias 73 

Chap.  II.      —  Le  territoire  mantlnéen  ;  les  frontières  ;  les  dèmes.  .  .  .  125 

Chap.  III.    —  L'assiette  de  la  ville;  l'enceinte  fortifiée 130 

Chap.  IV.     •—  La  ville.  —  Les  rues,  l'agora  ;  les  monuments 162 

Chap.  V.       —  Les  liabitants 196 

Chap.  VI.     —  La  religion  mantinécnno 221 

Chap.  VII.    —  Le  gouvernement  ;  les  institutions 331 

LIVRE  III.  —  Histoire. 

Chap.  T.       —  "Los  origines  de  l'État  mantlnéen 357 

Chap.  II.      ^  Mantinée  au  VI*  siècle  et  pendant  les  guerres  médiques  .  .  362 

Chap.  III.    —  Le  synœcisme  (464-459) 372 

Chai».  IV.     -^  L'expansion.  —  Conquête  de  la  Parrhasie  (425-422).  ...  379 

Chai».  V.       —  U\  révolte.  —  Li\  ligue  attico-argionne  (421-417) 389 

Chap.  VI.     —  L'alliance  de  '^)  ans  avec  Sparte.  Soumission  et  opposition 

(417-:W7). 405 

Chap.  VII.    —  L'expiation.  —  Le  diœclsiue  do  385  (387-371) 413 

Cbap.  VIII.  —  Période  thébaine.  —  La  Nouvelle-Mantinée  et  l'union  arca- 

dienne  (371-362) - 427 

Chap.  IX.     —  Période  macédonienne  (344-245) 470 

Chap.  X.       —  Période  achécnne  (245-146) 481 

Chap.  XI.     —  Période  romaine  (depuis  146  av»J.-C.) 510 

Chap.  XII.    —  Conclusion 519 


TABLE  DES  MATIÈRES.  623 


Appendices. 

I.  Épioraphie a22-540 

1«  Affaire  d'hiérosylle  au  temple  d'Aléa 523 

2»  Monument  de  Gharmladas 528 

3»  Décret  des  Antlgonécns  et  des  negotiaiores  rowani  en  Thonneur 

d'Euphrosynos  et  d'Épifçoné 529 

4"  Tcssèros  en  terre-cuite 530 

5*  Onomastique  mantinéenne 534 

6**  Tulles  avec  inscriptions,  tessons  avec  marques  de  fabrique,  etc.  539 

II.  AncMÉoLOGiB 540-568 

!•  La  «  Femme  au  foie  ».  .   . 540 

2*  L.es  bas-reliefs  de  la  base  de  Praxitèle 543 

III.  TopoGRAPHiR 564-568 

!•  Plan  de  Mantinco 564 

2*  Carte  de  la  Tcgéalldc.  Les  sources   de  TAlphée  et  le  cours  du 

Sarnnda  Potamos 565 

3*  Carte  du  territoire  de  Mantinée 567 

IV.  Histoire ". 568^10 

1*  Statistique  de  la  population 568 

2»  Les  batailles  de  Mantinée 572 

3*  Mantinée  et  Gorltza  pendant  le  moyen-âge  et  les  temps  modernes.      596 

Index 61i 

Table  des  figures  dans  le  texte 619 

Table  des  planches  hors  texte 620 

Errata  et  Addenda 621 


l.illi',  Imprimerie  Lu  Hi<;ot  Frèrec»,  nie  Nirolns-Lehliiiic,  25. 


,'  '*:  1 


-30 


3  2044  058  216  318 


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