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MANUEL
DES
ANTIQUITES ROMAINES
VI. 2.
IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CHA.TILLON-SUR-SEINK. — M. PEPIN
LE
DROIT PUBLIC ROMAIN
PAR
THÉODORE MOMMSEN
TRADUIT DE L'ALLEMAND AVEC l' A Û"T OR I 9 A T I 0 H DE l'aDTEUR
Paul Frédéric GIRARD
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE DROIT BEPAR
TOME SIXIÈME — 2e PARTIE
PARIS
ERNEST THORIN, ÉDITEUR,
LIBRAIRE DU COLLÈGE DE FRANCE, DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE
DES ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES ET DE ROME
DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES HISTORIQUES
7, RUE DE MÉDIGIS, 7
1889
LE
DROIT PUBLIC ROMAIN
Par Tu. MOMMSEN
VI, 2.
MANUEL
ANTIQUITÉS ROMAINES
PAR
THÉODORE MOMMSEN ET JOACHIIYI MARQUARDT
TRADUIT DE L'ALLEMAND SOUS LA DIRECTION DE
M. Gustave HUMBERT
Professeur honoraire à la Faculté de Droit de Toulouse, ancien Procureur Général
près la Cour des Comptes, ancien Garde des Sreaux, Vice-Président du Sénat.
TOME SIXIEME — 2" PARTIE
LE DROIT PUBLIC ROMAIN
Par THÉODORE MOMMSEN
RADLIT DE L ' A L L E M A X D , AVEC L ' A V T 0 R I S A T I O N DE L ' A U T E U 15
PAR
Paul Frédéric GIRARD
Professeur agrégé à la Faculté de Droit de Paris
TOME SIXIÈME - 2mc PARTIE
PARIS
ERNEST THORIN, ÉDITEUR,
LIBRAlItE DO COLLÈGE DE FRANCE, DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE
DES ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHENES ET DE ROME
DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES HISTORIQUES
7, RUE DE MÉDICIS , 7
1889
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L.Jo
ptâ.2
LITRE TROISIÈME
LE PEUPLE ET LE SÉNAT
(suite).
LE
DROIT PUBLIC ROMAIN
LIVRE TROISIÈME.
LE PEUPLE ET LE SÉNAT.
(suite)
LE DROIT DE CITÉ INFÉRIEUR, ET EN PARTICULIER
CELUI DES AFFRANCHIS.
(SVRMI,i S. 420-4-S7)
L'affranchissement a été, d'après son fondement, sa forme condition
politique des
et ses effets juridiques, classé avec raison par les Romains affranchis.
dans le droit civil. Ceux qui exposent aujourd'hui le droit pu-
blic doivent, surtout lorsqu'ils con naissent eux-mêmes ce droit ci-
vil, s'abstenir d'y copier des renseignements qui ne peuvent
être suffisamment développés dans un tableau du droit public
et qui lui sont, par leur nature, étrangers. Mais, d'autre part,
la description de la libertinité et des infériorités légales qu'elle
implique, de ce véritable droit de cité de seconde classe, etdes
variétés voisines, ne peut pas non plus être faite, d'une ma-
nière satisfaisante, par le droit civil. Et elle rentre d'autant
mieux dans le domaine du droit public que la condition primi-
mitive des plébéiens nous est probablement représentée d'une
façon plus énergique et plus vive par ces affranchis, qui sont en
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. \
DROIT PUBLIC ROMAIN.
Définition du
hbcrtituis.
quelque sorte leurs successeurs, que par l'image, encore plus
artificielle qu'effacée, que notre tradition nous offre de la plèbe.
La demi-liberté qui existait, à l'origine, dans l'État patri-
cien a été décrite plus haut, dans la mesure où le caractère
(5.43*/ hypothétique des institutions primitives a semblé le permettre.
Nous ne reviendrons pas sur elle. Ce que nous devons exposer
ici, c'est la condition juridique des personnes sorties de l'escla-
vage qui se trouvaient comprises parmi les personnes à moitié
libres, telle qu'elle s'est constituée à l'époque historique, c'est
la condition des liber tint au sens ordinaire du mot (i) ou, pour
employer une expression plus exacte, la condition de ceux qui
servitutem servierunt (2). Nous écartons d'abord les individus
qui ne sont parvenus qu'à la liberté de fait et qui, par consé-
quent, sont encore esclaves au sens strict du mot, les indivi-
dus « affranchis entre amis » (3), quoique cet acte produise cer-
taines conséquences juridiques dans le droit récent. Nous
écartons encore ceux qui, bien qu'affranchis par un citoyen
romain, n'ont pourtant acquis qu'un droit de cité latine ou
même la liberté sans aucun droit de cité : ce sont là des con-
ditions individuelles contraires à la nature de l'institution, que
l'ancien droit ne connaissait pas et qui n'ont été appelées
(1) L'expression ordo Ubertinus familière aux écrivains de l'époque impé-
riale (Tite-Live, 42, 27, 3. 43, 12, 9. 45, 15, 3. c. 49, 19; Suétone, De gramm.
18 ; Aulu-Gelle, 5, 19, 12 ; De viris M. 73, 3) est évitée à la bonne époque,
bien qu'elle pénètre parfois dans le langage (Gicéron, Cat. 4, 8, 16), et elle
n'est pas correcte ; car les affranchis ne forment pas une corporation appe-
lée à agir collectivement (p. 48, note 1).
(2) Cette désignation des affranchis se rencontre chez Tite-Live, 40, 18, 7,
(là précédée de cives Romani). 45, 15, 5, et, comme celle des antiqui, chez
Quintilien, lnst. 7, 3, 26. Dans la loi Gincia .de Fan 550 (p. 10, note 4) les
affranchis s'appellent même encore servi ; mais les gens sortis d'une injusta
servitus s'appellent qui pro servis servitutem servierunt. L'expression qui
servitutem servierunt a été choisie, parce que Yingenuus manumissus peut
lui-même être nommé Ubertinus (p. 3, note 2).
(3) La manumission sacrorum causa (Festus, v. Uanumitti, p. 158. 159 et
v. Puri, p. 250) rentre elle-même dans cette catégorie. L'esclave ainsi con-
sacré au service des Dieux n'est pas libre au sens juridique ; le maître s'o-
blige seulement, par un vœu, à payer dix livres d'or s'il enlève cet esclave
à ce service ; au point de vue du droit civil, il n'y a donc pas une manu-
mission, mais une promesse d'argent conditionnelle.
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 3
à l'existence que par les limitations apportées aux affranchis-
sements au début de l'Empire (1). Enfin nous écartons les per-
sonnes qui possédaient, avant l'affranchissement, la cité et
l'ingénuité et qui, en sortant de puissance, perdent leur droit de
gentilité, mais non leur ingénuité (tome VI, 1, p. 79). On appli-
que bien à ces personnes, en droit civil, la notion de l'affranchis-
sement et la terminologie faite pour elle (2), mais politiquement
elles n'appartiennent pas à la catégorie dont nous nous occu-
pons ici. Au contraire, nous devons étudier, en même temps
que la condition inférieure des citoyens sortis de l'esclavage,
ce qui nous a été transmis et ce que l'on peut conjecturer sur
l'infériorité analogue de leurs enfants, des individus nés hors
mariage et des autres variétés de personnes soumises à des
dégradations symétriques.
h% libertinus, au sens politique, est celui qui, depuis sa nais-
sance, est légalement affecté de la tache d'une origine servile. Le
mot libertinus est corrélatif au mot ingenuus (VI, 1 , p. 79), c'est le
terme qui lui est diamétralement opposé (3), et il a, comme lui,
(1) Ce qu'il y a à dire des libertini Latini Juniani viendra dans la partie
de la Latinité. Sur les libertini dediticiorum numéro, cf. tome VI, l,p. 158.
(2) Dans le droit des successions, les jurisconsultes appliquent indistinc-
tement patronus et libertus à la manumission exingenuitate et à celle ex ser-
vitute ; libertinus n'est employé que rarement pour le premier cas, mais il
l'est cependant (Tite-Live, 41 , 8, 10), et la rareté provient seulement de ce que,
dans le langage ordinaire, c'est le sens politique du mot qui prédomine. Au
reste il y a, même en droit civil, des différences de droit entre le manu-
missus exservitute et Yingenuus manumissus (cf. Inst. 1, 4, 1 ; Cod. 7, 14; Dig.
37, 12, 2).
(3) Gaius, 1,10.11 : Liberorum hominum aliiingenui sunt, alii libertini. Ingé-
nia sunt qui liberi nati sunt, libertini qui ex justa servitute rnanumissi sunt.
Marcien, Dig. 1, 5, 5. Horace, libertino pâtre natus, est, par suite, ingéniais
(Sat. 1, 6, 7). Cf. tome II, la partie de la Capacité d'être magistrat, sur l'incapa-
cité des affranchis et de leurs enfants. — Si ingenuus est bien rapproché de
patricius, mais ne lui est pas assimilé (VI, 1, p. 14, note 1), on peut encore moins
identifier libertinus et plebeius, et, tandis que la première qualité, si elle est
héréditaire, ne l'est qu'à la première génération, la seconde se transmet "au
contraire perpétuellement. — Il faut encore signaler, comme document an-
cien sur l'emploi du mot libertinus, la désignation comme colonie libertino -
rum (Tite-Live, 43, 3) de la colonie de droit latin de Garteia fondée en 583
dans l'Espagne Ultérieure. Les membres de cette colonie étaient les enfants
des Espagnoles qui avaient vécu sans conubium avec les soldats romains, ou
leurs (descendants et) affranchis (car c'est par une faute de l'auteur ou du
4 DROIT PUBLIC ROMAIN.
changé de signification. Les enfants des affranchis, bien qu'ils ne
soient pas des liberti, étaient anciennement compris sous le nom
de liôertini(l);et les individus nés hors mariage ou, ce qui est la
mêmechose,les individus nés de mariages irréguliers à raison de
la disproportion du rang des parties (p. 13), devaient, ainsi
que leurs enfants, leur être assimilés anciennement ; car,
l'éligibilité aux magistratures plébéiennes ayant longtemps
fait défaut aux fils d'affranchis aussi bien qu'aux affranchis, l'in-
dividu qui légalement n'a pas de père et son fils ne peuvent pas
avoir été d'une condition meilleure que le fils procréé en ma-
riage par un affranchi. La tache résultant de l'origine servile
ne s'est probablement jamais étendue plus loin dans la cité
patricio-plébéienne ; les petits-fils d'affranchis ont, de tout
temps, été comptés parmi les ingénia (2). Mais le fils d'affran-
copiste qu'il n'y a pas dans le texte genuissent vel avant manumississent).
Quant à leurs droits personnels, ils étaient pérégrins et pouvaient bien être
assimilés aux affranchis, mais non pas être eux-mêmes désignés comme des
affranchis.
(1) Suétone, Claud. 24 : Latum clavum... libertini filio tribuit... et Appium
Csecum censorem... libertinorum filios in senatum adlegisse docuit, ignarus
temporibus Appi et deinceps aliquamdiu libertinos dictos non ipsos,sed ingenuos
ex his procreatos. Suétone semble penser que les affranchis et les fils d'affran-
chis auraient été distingués en liberti et en libertini. Mais cela est philologi-
quement impossible ; car Ubertus n'est pas, en langage correct, employé
d'une manière indépendante ; il ne l'est qu'en ajoutant ou en sous-entendant
le nom du patron, pour désigner l'homme affranchi par celui-ci ou celui-là
(p. 5, note 1). Le texte de Suétone a introduit dans notre latin moderne
l'usage de libertinus par opposition à Ubertus pour désigner le fils d'affran-
chi; mais cet usage est aussi incorrect que trompeur.
(2) L'opinion contraire, celle d'après laquelle Appius aurait le premier
admis des petits-fils d'affranchis dans le sénat, est à la vérité soutenue par
Suétone, loc. cit.; mais il est seul de son avis. Tous les autres témoignages
considèrent la mesure d' Appius comme ayant consisté à faire entrer des fils
d'affranchis dans le sénat. Diodore, 20, 36, dit de l'élection comme édile cu-
rule de Gn. Flavius, qui est contemporaine de cette censure : IIpcoxoç 'Pw-
jxatwv Ta-jrr,; rf(; àp/f.ç Ttaxpoç wv SsSouXeuxotoç. Tite-Live, 9, 46, 1, dit du
même personnage : Pâtre libertino... ortus.V, 46, 10 : Senatum primus liber-
tinorum filiis lectis inguinavcrat. L'empereur Claude dans Suétone, loc. cit.
Tacite, Ann. 11, 24. Plutarque, Pomp. 13. L'allégation de Suétone selon la-
quelle libertinus a changé de sens est, avec la restriction indiquée plus haut,
pleinement digne do fui, et Appius lui-même peut fort bien avoir appelé li-
bertinus à la fois l'affranchi et le fils d'affranchi. Mais, d'un autre côté, il
n'est pas moins certain que, dans la littérature qui nous est connue, liberti-
nus n'a jamais ce sens largo, ni ingéniais le sens étroit corrélatif (VI,i,p. "Î9), et,
LE DROIT DE CITÉ INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 5
chi a lui-même cessé d'être appelé libertinus avant le temps où
commence notre littérature; il n'y a pas pour lui d'autre désigna-
tion que liber tini filius, en grec ^sXeuQepou ou ocTûe^suOépoi) -ou;*
Libertinus et libertus se confondent donc, dans ce langage, en
ce que les deux expressions désignent un ex-esclave; mais la
première le désigne dans sa condition générale de citoyen, et
la seconde le vise comme l'ex-esclave d'un maître déterminé (1).
Cette restriction du sens du mot est certainement la suite de
la restriction du cercle des personnes mises dans un état d'in-
fériorité quant au mariage, et elle est ramenée avec vraisem-
blance à l'égalisation quant au droit de suffrage des enfants
des affranchis, et sans doute en même temps des spurii et de
leurs fils, avec les enfants des ingénus opérée en l'an 565
(p. 21).
Les infériorités dont étaient frappés les affranchis ne nous
sont jamais rapportées dans un tableau d'ensemble, et notre
connaissance des particularités juridiques spéciales à cette
dernière couche du peuple est naturellement encore plus im-
parfaite que celle que nous avons des droits spéciaux des clas-
ses privilégiées. Nous allons rassembler ici ceux des renseigne-
ments que l'on rencontre qui ont un caractère politique ou qui
sont dans une relation étroite avec les choses politiques. L'in-
fériorité sociale des affranchis ne peut trouver sa place dans
cette exposition ; on peut seulement remarquer que, d'après
comme ce n'est pas le récit d'Appius que nous possédons, mais celui de l'an ■
naliste Tite-Live, il faut y comprendre libertinorum filii des fils d'affranchis,
et non, comme le veut Suétone, des petits-fils d'affranchis.
(1) C'est pourquoi, dans le langage correct, libertus, mais non libertinus
est en règle accompagné soit du génitif de propriété, soit du pronom
possessif, ou du moins ce dernier est sous-entendu. Lorsque, dans Salluste
(Cat. 59), Catilina prend place dans l'ordre de bataille cum liber tis, il s'agit
de ses affranchis ; cum libertinis désignerait l'ensemble des affranchis pré-
sents. Il n'y a pas d'intérêt pratique à suivre l'effacement progressif de
cette distinction rigoureusement observée chez les bons auteurs. — La langue
grecque ne connaît pas cette distinction et emploie dans les deux sens
àueXeuOspoç ou èfcXstfôepoç. Plutarque dit quelquefois àiteXeu0spix6ç (Sull. 1 ;
Cic. 7) ou è^eXsuôepixo; {Sull. 8. 33 ; Anton. 58), évidemment pour reproduire
le latin libertinus, mais c'est pour l'affranchi lui-même et non pour le fils
d'un affranchi.
(S.V24)
6 DROIT PUBLIC ROMAIN.
l'étiquette de la cour, un affranchi ne pouvait, au moins à l'é-
poque d'Auguste, être appelé à prendre place à la table impé-
riale (1).
peines Commele non-citoyen en usurpant le droit de cité (VI, 1, p. 225),
de rXgénuité? e le libertinus en usurpant l'ingénuité ou en exerçant l'un des
droits interdits aux affranchis, doit s'être, de tout temps, ex-
posé à la coercition du magistrat, et il se peut qu'il y ait eu,
dès l'époque de la République, une procédure criminelle spé-
ciale organisée contre cette infraction. Sous le Principat, la
répression a été renforcée, en première ligne relativement au
port illégal des anneaux d'or, par un sénatus-consulte de
l'an 23 après J. C. (2) et par une loi Visellia de l'année sui-
vante, qui fut provoquée par ce sénatus-consulte (3); il ne
manque pas non plus de témoignages qui montrent des pour-
suites judiciaires intentées dans des cas pareils (4).
1. DÉNOMINATION.
Prxnomen a. Les noms individuels romains, les prœnomina ont long-
temps été le signe distinctif de la plénitude du droit de cité, et
[S.+Tu')
(1) Suétone, Aug. 74.
(2) Pline, H. n. 33, 32, 2. Cf. la partie des Chevaliers.
(3) Dioclétien, Cod. Just. 9, 21, Ad legem ViselUam ; en partie reproduit
ibid. 9, 31, 1) : Lex Visellia libertinse condicionis homines persequitur (et cri-
minellement, comme il est dit expressément plus bas), si ea quse ingenuorum
suntcirca honores et dignitates ausi fuerint attemptare vel decurionatnm adri-
pere, nisi jure aureorum anulomm impetrato a principe sustentantur. C'est à
tort que j'ai contesté dans les Jahrbiicher des gem. deutsch. Rechts de Bek-
ker et Muther, 2, 535, que cette loi ait été proposée parle consul de l'an 24,
L. Visellius Varro ; elle constitue clairement la mise à exécution du sénatus-
consulte de l'année précédente.
(4) Pline, 33, 2, 33 : Adeo id (le port illégal de l'anneau d'or) promiscuum
esse cœpit, ut apud Claudium Cœsarem in censura ejus unus ex equitibus Fla-
vius Proculus quadringentos ex ea causa reos postularet. La preuve que c'était
là une véritable action, parfaitement intentée comme telle devant l'empereur,
résulte partie de la rédaction du texte, partie de ce que la nota du censeur
n'avait aucune efficacité à cette époque ni contre de telles personnes. Il
résulte des exemples cités plus loin, p. 39, note 3, sur les affranchis pour-
suivis pour usurpation des privilèges équestres, que la peine pouvait aller
jusqu'à la privation de la liberté.
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 7
c'est là, ainsi que nous l'avons déjàexpliqué (VI, 1 , p. 236 et ss.),
ce qui fait comprendre leur exclusivisme et leur nombre limité.
A la phase la plus ancienne où nous puissions connaître le sys-
tème de leurs noms propres, c'est-à-dire environ à la première
moitié du vne siècle, les affranchis romains, portent parfois
encore, à la place des prénoms officiels ordinaires, les dési-
gnations individuelles, tirées de l'origine, de caractères déter-
minés, ou encore arbitrairement choisies, qui sont données aux
esclaves. Il est probable que, dans les premiers temps de la
République, les premiers prénoms étaient portés, comme si-
gne distinctif de la plénitude du droit de cité, à côté des patri-
ciens, par les plébéiens éligibles, et que les affranchis et tous
les autres citoyens de la seconde classe étaient forcés de porter
un nom individuel différent. Cependant les débris du système
de dénomination des affranchis qui écartait les prénoms officiels
ont de bonne heure disparu, sans doute sous la pression de
cet effort fait parles affranchis pour arriver à la plénitude et à
l'égalité du droit de cité, qui domine l'histoire du vne siècle :
la limitation aux quinze prénoms leur est au moins appliquée
depuis l'époque des Gracques. Ce fut le cognomen qui vint
bientôt jouer pour eux le même rôle dans l'écriture. A la vé-
rité, les affranchis semblent n'avoir d'abord, après avoir ob-
tenu l'usage des prénoms officiels, pas plus porté officiellement
d'autre dénomination individuelle que ne font les plébéiens (1).
Mais, soit que cela ait été provoqué dans les grandes maisons
par une nécessité pratique, soit que, comme il est plus vrai-
semblable, une loi spéciale ait établi une séparation en ma-
tière de noms entre les ingénus et les affranchis, le cogno-
(1) Parmi les inscriptions datées des magistri de Campanie (C. 1. L. X,
3772 et ss.), qui nous permettent seules de comprendre ce développement,
celles qui se placent avant 660 ne donnent pas, pour la plupart, de cognomen
aux affranchis, et, lorsqu'elles leur en donnent un, il est écrit en règle par
une abréviation qui n'est pas communément intelligible, et souvent dans
une écriture plus petite, ce qui se reproduit aussi sur d'autres documents
anciens. L'addition du cognomen ainsi opérée parait avoir été faite exclusi-
vement pour arriver à une détermination plus précise, et il y a là un té-
moignage de l'absence légale de cognomen. Cf. Rœm. Forsch. 1, 58 et ss.
g DROIT PUBLIC ROMAIN.
men, et le cognomen simple (1), se présente chez les affranchis,
depuis l'an 650 environ, avec une telle constance qu'il trace
une ligne de démarcation entre eux et les plébéiens ordinaires
qui, en règle, ne portent pas de cognomen à cette époque (2).
Seulement, comme les noms de la nobilitas et ceux des affran-
chis se trouvaient par suite se confondre extérieurement, on
créa une séparation d'une autre manière : on défendit aux af-
franchis de porter les surnoms de famille qui étaient usités et
se transmettaient de génération en génération dans les vieilles
familles de la noblesse et de l'ordre équestre {cognomina eques-
tria,Yl, l,p. 235), eton les contraignit ainsi à se servir principale-
ment de cognomina grecs ou d'autres cognomina étrangers (3).
Cependant il ne semble pas avoir été très rare qu'on leur
permît de prendre, à côté de ce premier surnom, un second
surnom plus distingué (4). Des dispositions légales ont cer-
(1) La notion du cognomen n'implique pas qu'il soit simple ; et l'on ren-
contre en nombre suffisant des surnoms nobiliaires multiples tout aussi tôt
que des simples. Au contraire le principe de la simplicité est à peu près
aussi rigoureusement observé pour le surnom de l'affranchi que pour le
prénom du temps de la République : cela se fonde évidemment sur une
règle légale et doit servir de base à la distinction des deux catégories. Les
exceptions à cette règle se rapportent (en dehors des affranchis impériaux
qui conservent la dualité de nom des esclaves impériaux) presque absolu-
ment à la catégorie des cognomina equestria accordés aux affranchis réhabi-
lités ci-dessous, note 4).
(2) Tandis que les trois inscriptions de 642-643 et de 648 (C. /. L. X, 3774.
3778. 3179) nomment 17 affranchis sans cognomen et n'en nomment que 8
avec un cognomen (le plus souvent abrégé), il y en a, sur celles de 660 et de
683 (C. I. L. X, 3172. 3783), au moins 14 sur 15 qui en ont un, et le cogno-
men ne fait défaut que dans un 15e cas qui n'est même pas certain. Dans
l'inscription de Samothrace de 662 (C. I. L. III, 713), il y a aussi deux
affranchis sur trois qui ont le cognomen, et le troisième a la tribu. Dans
les inscriptions certaines de l'époque récente, les affranchis sans cognomen
sont très rares (cf. C. 7. L. IX, p. 810), cependant cela ne prouve pas
grand'chose, les non-afTranchis eux-mêmes ayant bientôt pris tous le co-
gnomen .
(3) Cette règle domine encore la nomenclature du Principat ; ceux qui vou-
dront pourront le vérifier dans les tables des cognomina du C. L L. qui
spécifient pour cette raison la qualité des affranchis. Les cognomina qui se
présentent principalement chez les ingénus se distinguent clairement
d'autres qui sont généralement propres aux aifranchis, et parmi lesquels
il y en a môme de latins, comme Fausta (et non Faustina), Félix, Salvius.
(4) Willmanns a rassemblé dans l'index de ses Exempta, È, p. 404, un
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 9
tainement été prises et même ont été appliquées sur ce point.
Les censeurs de Rome ne peuvent à la vérité avoir exercé de
contrôle sur les noms, puisque, depuis Sulla, il n'y en a eu en
fonctions que d'une manière extraordinaire. Mais il faut se rap-
peler que, depuis la guerre sociale, tout citoyen devait apparte-
nir à une cité municipale et que chacune de ces cités avait ses
censeurs municipaux et dressait ses listes de citoyens. Avec un
tel régime, il ne pouvait manquer d'y avoir des variations et
des exceptions. Mais néanmoins, le système des noms de l'Em-
pire, qui nous est bien connu, se conforme, sauf des exceptions
qui ne sont pas trop nombreuses, à ces règles. En particulier on
y discerne clairement que les fils d'affranchis ne sont pas sou-
mis à la défense de se servir des cognomina distingués,
et que par suite ils ne prennent pas en général les prénoms
de leurs pères et en prennent fréquemment d'aristocratiques.
Une autre innovation relative aux noms individuels des af-
franchis est intervenue sous Auguste, probablement encore par
une loi. Des deux noms individuels, le prénom et le surnom,
que porte désormais tout affranchi, le second continue à être
laissé à l'arbitraire de Pauteur de l'affranchissement ou de
l'affranchi ,• mais au contraire, au lieu du prénom jusqu'alors
arbitrairement choisi lui-même, l'affranchi doit désormais
porter le prénom de l'auteur de l'affranchissement, ou, si Paf-
franchissement est fait par une femme, celui du père de cette
certain nombre de ces doubles noms d'affranchis : Phileros AZquitas (C. I. L.
VI, 10 003), — Davos Calidus, — Salvius Gallus, — Philargurus Labeo, —
Bermias Naso, — Eros Mevula, — Nicepor Peccio, — Antiocus Tuscus. Il est
visible que le nom mieux porté, qui est toujours mis au second rang, leur
est accordé à titre exceptionnel, comme l'affranchi de Galba Icelus reçut, en
même temps que la concession de l'anneau d'or, le eognomen équestre Mar-
cianus. Mais ils n'ont pas pour cela reçu la restitutio natalium, puisqu'ils
continuent à se qualifier d'affranchis. Les exemples appartiennent pour la
plupart aux derniers temps de la République et aux commencements de
l'Empire. Si par la suite on rencontre plus rarement ces doubles noms,ilfaut
exclusivement en chercher la raison dans ce qu'alors le nom d'affranchi
était en règle mis de côté : c'est ainsi que certains affranchis, par exemple
le savant M. Verrius Flaccus, seront arrivés à porter de purs noms éques-
tres. Cf. sur les doubles cognomina des affranchis ma dissertation Her-
mès, 2, 156.
10 DROIT PUBLIC ROMAIN.
femme (1). Probablement on voulait exprimer par là, plus éner-
giquement qu'elle ne l'avait été jusqu'alors, la dépendance
dans laquelle est l'affranchi, quant à sa condition civile, en
face de son ancien maître.
Gentiiicium. b. L'affranchi appartenant nécessairement à la gens de son [S. 4Z") )
patron, gens qui hérite en cette qualité de lui comme de son
patron lui-même (2), il n'a jamais été fait, quant au nom de
famille également fixé par la loi pour eux tous, de distinction
entre Vingenuus et le libertinus (3).
Dénomination de c. Le lien de puissance dans lequel se trouve l'affranchi a /;
servus, plus tard
deiibertus. Sans doute été, à l'époque la plus ancienne, exprimé pour lui
tout comme pour l'ingénu (VI, 1 ,p. 233) par l'addition du nom in-
dividuel de celui qui l'a sous sa puissance mis au génitif de
propriété. Mais, lorsque le besoin se fît sentir de distinguer
Vingenuus et le libertinus, on y arriva pour le premier par
l'addition du mot filius, et de même pour le second par celle
du mot servus : telle était, nous en avons la preuve, l'expres-
sion officielle encore employée au temps de la guerre d'Han-
nibal ; ce n'est que dans le cours du vie siècle qu'elle a été rem-
placée par libertus (4). L'imperfection légale de Paffranchisse-
(1) Rœm. Forsch. i, 30. Nous ne connaissons cette innovation qu'exclusi-
vement par l'opposition des noms d'affranchis antérieurs et postérieurs à Au-
guste qui nous sont connus par les inscriptions. Tandis que pour les pre-
miers les prénoms du patron et de l'affranchi sont très fréquemment diffé
rents, c'est parla suite pour ainsi dire quelque chose d'inouï. Une évolution
analogue, mais cependant encore moins expliquée, s'est accomplie pour la
translation aux fils du prénom paternel (Handb. 7, 24).
(2) Sur le fait, il n'y a pas de doute ; on ne peut décider si les gentils
étaient appelés expressément à la succession de l'affranchi par le droit
civil, et, dans la classe unde légitima par le préteur. Cf. Huschke, Studien,
p, 109.
(3) Ce n'est que par une confusion que le M. Pomponius Dionysius de
Cicéron. Ad AU. 4, 15, 1, est regardé comme un affranchi de Gicéron, par
Borghesi, Opp. 5, 329, et, d'après lui, par Henzen, 6379, et dans le Handb.
7. 22; l'auteur de l'affranchissement était Atticus (Drumann, 5, 67. 6, 403),
et le nom arbitrairement choisi était le prœnomen et non le nomen.
(4) Dans le système des noms de l'époque ancienne de la République, il y
a tervuê où l'on a mis plus tard libertus. C'est une conséquence qui aurait
dû être tirée depuis longtemps des mots de la loi Gincia sur les donations
de 550 conservés Vat.fr. 307 : Si quis a servis quique pro servis servitutem ser-
vierunl accipit duit[ve] is\ Paul remarque : Servis liberti continentur; mais
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. ii
ment (VI, 1 , p. 146) trouve une expression énergique dans la con-
servation par l'affranchi de la dénomination propre de l'esclave.
Ce n'est que lorsque le mouvement tendant à l'émancipation
politique des affranchis eut gagné de plus en plus de terrain,
peut-être vers l'époque de la destruction de Carthage et de Co-
rinthe. que les affranchis ont été reconnus comme libres, même
dans le système des noms, et que leur rapport avec Fauteur
de l'affranchissement a été représenté comme le rapport avec
un maître dont le droit s'est éteint.
Le fils de l'affranchi ne pouvait être expressément signalé
comme tel dans sa dénomination que par l'addition au nom de
son père du nom de celui qui avait eu ce père en puissance
(Marci, qui est Marci servus — ou Iplus tard libertas, — fi-
lms) ; mais il est probable que l'absence de grand-père ne se
manifestait dans son nom que par l'omission du nom de ce
grand-père.
l'observation est inexacte en ce que la donation de l'esclave à son maître
n'est pas valable légalement et que le servierunt qui suit montre qu'il ne s'a-
git pas des servus et pro servo actuels, mais de ceux qui l'ont été. L'af-
franchi n'est par conséquent pas seulement compris dans l'expression servus
de cette loi, c'est de lui seul qu'il s'y agit. Cependant on n'a pas tiré cette
conclusion, et l'on n'en a pas davantage rapproché le fait que les anciens
noms des affranchis, Gaipor, etc (VI, i, p. 227, note 1) impliquent également la
persistance de la servitude. Mais il est venu au jour dans les dernières
années différents témoignages directs de cet usage du mot s&'vus, qui établis-
sent le fait révoqué en doute (cf. Eph. epigr. 1, 20. 4, 246). J'ai connaissance
des suivants :
C. Sextio V. s. — Vase d'argile de Rome, Eph. epigr., loc. cit.
Servio Gabinio T. s. fecit. — Flambeau d'argile de Gampanie C. I. L. X,
8054, 8.
Retus Gabinio (ou Gabinius) C. s. Calebus fecit. — Vase d'argile à figures
noires de Gales. C. I. L. X, 8054, 7.
C. Fladius Ban. f., Luccia V. s. — Inscription funéraire du Samnium,
C. /. L. IX, 2782.
Les trois premiers documents appartiennent sûrement à l'époque anté-
rieure à la guerre d'Hannibal, l'inscription funéraire samnite à peu près au
vne siècle ; il est probable que l'ancienne coutume s'est maintenue là plus
longtemps. Mais Gicéron, Ad farn. 5, 20, 2, dit encore : Librum accepi a meo
servo scriba, ce que l'on aurait bien fait de ne pas écarter par de fausses
corrections, et nous lisons dans une inscription espagnole (C. 1. L. II, 3495)
qui est sans doute des derniers temps de la République : Plotia L. et Fufix
l. Prune fixe vocitatast ancilla : heic sitast.
12 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d. Quant à l'indication du district dans le nom, il n'existe
pas de différence entre l'ingénu et l'affranchi, pourvu que ce
dernier appartienne à un district quelconque, question dont il
sera traité plus loin.
2. COSTUME.
Nous avons déjà remarqué (VI, l,p. 244, note 5) quelesaffran- \S. y2</(
chis ne diffèrent pas, quant au costume, des citoyens de la meil-
leure condition. S'ils se présentaient après l'affranchissement
les cheveux coupés et la tête couverte, ils ne faisaient par là
que prendre la tenue habituelle des citoyens. A la vérité, lors-
que la coutume changea et que les hommes libres ne parurent
plus le chapeau sur la tête, le maintien de cet usage, en parti-
culier pour la première apparition en public faite par l'ancien
esclave après qu'il avait obtenu sa liberté, se transforma d'un
signe de liberté en un signe de libertinité (1). On ne peut pas
tout au moins voir là une infériorité dont l'affranchi ait été
frappé dès le principe. C'en est au contraire une que la togaprœ-
totaportée par les enfants des ingénus (VI, 1 ,p. 245) ait été refu-
sée durant une certaine période aux enfants des affranchis (2),
et cette interdiction peut être rattachée avec vraisemblance à
ce qu'ils ont également été privés pendant longtemps du droit
d'arriver aux magistratures (3).
(1) Tite-Live, 45, 44, 19 : Polybius (30, 19, 3) eum regem (Prusias, roi de
Bithynie)... tradit pilleatum capite raso obviam ire legatis solitum libertumque
se populi Romani ferre : ideo insignia ordinis ejus gerere, termes par lesquels
il traduit : Toiaû-rr, Staa-xevyj -/.eypr^ivoç, olav ë/ouai ot Ttpoaçâxwç $j>ev8e-
pa)|iévot rcapà 'Pwjxatoiç, oOç xa^oua-i )a{i£pTOVç.
(2) Macrobe, Sat. 1, 6, 12.
(3) V. tome II, la partie de la Capacité d'être magistrat, sur l'incapacité
des affranchis et de leurs enfants.
LE DROIT DE CITÉ INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 43
3. DROIT DE SE MARIER.
La communauté du droit de mariage fut établie entre patri- (^. ^2cO
ciens et plébéiens par la loi Canuleia (VI, 1 ,p. 88); mais elle ne le
fut entre mgenui et libertini que par la loi d'Auguste sur le
mariage, de736 (1). Jusqu'alors l'union entre un ingénu et une
affranchie ou réciproquement n'avait pas le caractère d'un ma-
riage romain (2), et, par conséquent, puisque le droit romain
ne connaît pas de mariage qui ne soit pas conforme aux règles
sur le rang des époux et qui cependant soit légalement vala-
ble (3), elle était aussi nulle que le mariage patricio-plébéien
(1) Dion, 54, 16 (de même 56, 7) sur l'an 736: 'EtteiSy] Se tioXù to appev toû
ôtjXso; toO eÙyevoOç tjv, èirÉTpe<J/e xa\ è?eX£u0£paçToïç*è6éXo'J(TntXïjv twv Po-jXe'jovtwv
ayea-Oai, evvoaov xr\v Texvoiroic'av àuxâiv eïvai xeXevaaç. Gelse, Dig. 23, 2, 23 :
Lege Papia (de l'an 9 après J. G.) cavetur omnibus ingenuis pr&ter senatores
eorumque liberos libertinam uxorem habere licere.
(2) Dans le sénatus -consulte de 568 (Tite-Live, 39, 19, 5), il est, entre au-
tres faveurs, accordé par le sénat à la fille publique affranchie Hispalla Fe-
cenia, à raison des services qu'elle a rendus au peuple, uti et ingenuo nu-
bere liceret neu quid ei qui earn duxisset ob id fraudi ignominiseve esset. La relation
même implique, en dehors des indications que nous possédons au sujet de
la loi Julia sur le mariage, que l'empêchement au mariage dont elle était
exceptée ne tenait pas à son industrie honteuse, mais à sa qualité d'affran-
chie. Car, si les filles publiques avaient alors été frappées d'une incapacité de
se marier, le mariage leur eût été interdit d'une manière générale, et la dis-
pense n'aurait pas pu se rapporter exclusivement à l'union avec un ingenuus.
Si, d'après Scsevola (VI, 1, p. 67, note 3), les gentils en droit de succéder doivent
être ab ingenuis oriundi, cette exigence ne peut, comme on le fait d'habitude,
être rapportée aux père et grand-père ; car ce dernier est déjà visé par l'inci-
dente : quorum majorum nemo servitutem servit; il s'agit des père et mère
(cf. Golumelle, 1, 3, 5: Si modo liberis parentibus sit oriundus ; Salluste, Jug.
5 : Ortus ex concubina). Les mots de Tite-Live, 6, 40, dans un discours : Non
unus Quiritium quilibet, qui modo me duobus ingenuis ortum...sciam ont aussi
été jusqu'à présent, même par moi, rapportés à tort au père et au grand-
père ; la relation qui se présente la première à l'esprit est celle avec les deux
auteurs. Il mérite encore d'être remarqué qu'est incapable d'être vestale celle,
cuj us parentes alter ambove servierunt aut in negotiis sordidis versantur (Aulu-
Gelle, 1, 12, 15, rapproché de Sénèque, Controv. 1, 2, 1. 11. 13. 15).
(3) Le droit romain considère, on le sait, comme un concubinatus l'union
extérieurement semblable au mariage, d'un homme avec une femme qui, par
suite d'un empêchement tenant à son rang, n'est pas capable de l'épouser, ou
encore avec une femme dont il n'a pas voulu faire son épouse; et il est pro-
14 DROIT PUBLIC ROMAIN.
avant la loi Canuleia. Assurément une pratique plus douce ou
plus relâchée avaitdérogé à la règle légale dès avant Auguste (1),
et celui-ci, en modifiant le principe, ne fit que mettre de
côté une restriction déjà devenue inadmissible, ou plutôt que
la limiter à l'ordre sénatorial à propos duquel nous y revien-
drons. — Il n'y a pas de preuve que cette limitation de la ca-
pacité se soit jamais étendue aux enfants des affranchis (2).
4. DROIT DU PATRIMOINE.
En matière du droit du patrimoine, nous ne devons relever
que ce qui a une importance pour la condition générale des af-
franchis.
Exclusion des a. Le fait que les contrats conclus par l'État, soit pour
aPJubiliqutès.QS l'exploitation de ses droits productifs de revenu, soit pour l'ac-
complissement de travaux, apparaissent toujours comme un
monopole des chevaliers ne peut s'expliquer que d'une façon :
c'est par l'idée que, tandis que les citoyens pauvres n'avaient
pas le pouvoir d'y participer, les affranchis n'en avaient pas le
bable que cette notion n'a pas été introduite par la législation d'Auguste,
qu'elle avait déjà été développée du temps de la République pour les unions
de ce genre entre ingenuus et libertina. Mais cette union n'est, ni quant au
mot, ni quant à la chose, aucunement un mariage ; les enfants qui en nais-
sent n'ont pas plus de père que les vulgo quœsiti, et elle ne peut servir de base
à aucune prétention légale. L'idée en rentre essentiellement dans le droit cri-
minel, en ce sens qu'un pareil commerce n'est pas regardé comme un stu-
prum. — L'époux de rang moins élevé est souvent qualifié, par opposition à
celui du plus élevé, du nom d'inégal {impar) (Salluste, Jug. 11 ; Tite-Live, 6, 34,
9 ; Tacite, Ann. 1, 53. Hist. 2, 50) ; mais cette inégalité de fait n'a aucune in-
fluence sur la validité légale du mariage, et c'est incorrectement qu'un ma-
riage nul est appelé, dans Appulée Met. 6, 9, 23, du nom d'impares nuptix.
(1) Lorsque Gicéron, Pro Sest. 52, 110, dit d'un chevalier romain : Ut
credo, non libidinis causa, sed ut plebicola videretur, libertinam duxit uxorem,
il ne regarde une telle union que comme choquante ; or il se serait difficile-
ment borné à cela si l'ancienne prohibition avait encore été pratiquement en
vigueur de son temps.
(2) A la vérité, on est choqué du mariage d'un homme de l'aristocratie
avec la fille d'un affranchi, comme celui que Gicéron reproche à Antoine
(Phil. 2, 2, 3. 3, 6,17. 13, 10, 23; Ad AU. 16, 11, 1) ou avec la fille d'un client,
comme celui que contracta Gaton l'Ancien (Plutarque, Cato maj. 24).
(5.430
LE DROIT DE GITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS.
V6
droit; nous le démontrerons dans la partie des Chevaliers.
Les auteurs sont muets sur cette déchéance des affranchis, et il
est possible qu'elle ne fut pas inscrite dans la loi, mais que les
censeurs aient simplement fait usage dans ce sens de leur
droit d'admettre et de ne pas admettre qui ils voulaient aux
adjudications publiques. Il ne peut par suite pas non plus y
avoir de réponse à la question de savoir s'il en a toujours été
ainsi: depuis qu'il est parlé de tels contrats, ils sont conclus
avec les chevaliers. L'importance économique et politique de
cette exclusion est d'autant plus grande que c'est de ces con-
trats publics qu'est issu à l'époque postérieure le gros com-
merce de banque des Romains.
b. On ne peut pas démontrer, et il n'est même pas vraisem- Procédure civile,
blable que l'affranchi ait été, en matière de procédure civile,
soumis à des limitations d'une autre nature et d'une autre du-
rée que le client en général (VI, 1, p. 91). Depuis que le droit du
patrimoine lui a été reconnu, l'affranchi a dû être admis par le
préteur comme demandeur ou défendeur aussi bien que l'in-
génu.
c. Les affranchis furent-ils, lorsque la propriété privée du sol
eut été admise, mis sous ce rapport immédiatement sur le
même pied que les ingénus? On ne peut ni l'affirmer ni le nier.
Tout ce que nous savons, c'est que, lors du cens de 586, un
avantage fut fait aux affranchis propriétaires fonciers (VI, 1,
p. 282, note 1), et que par conséquentles affranchis pouvaient, au
moins à cette époque, être propriétaires d'immeubles. En fait, la
propriété foncière ne doit avoir existé chez eux qu'à une époque
relativement récente. En dehors des raisons qui résident dans
leur condition elle-même, ils ne peuvent en effet que difficile-
ment avoir participé aux partages des terres domaniales, même
à ceux qui étaient faits viritim. Ils doivent avoir plutôt
été admis à prendre part à l'achat de celles qui étaient
vendues.
d. L'ancien droit ne connaît pas, dans le droit du patrimoine,
d'aggravation de condition dont l'affranchi soit frappé au bé-
néfice du patron ; la règle honorable selon laquelle le client
Propriété
immobilière.
Droit de
succession.
i6 DROIT PUBLIC ROMAIN.
n'est pas destiné à enrichir le patron (1) régit aussi la con-
dition de l'affranchi. Le droit de succession ab intestat du pa-
tron s'applique sans modification essentielle au patronat exercé
sur les affranchis ingénus et n'est qu'un simple droit de pa-
renté : il s'efface tant devant le droit de succession testamen-
taire que devant le droit de succession ab intestat des descen-
dants, et ne produit effet qu'autant que le défunt ne laisse pas
d'héritiers du sang (2).
Droits du patron £• Les charges qui pèsent dans le droit privé moderne sur (S. 432.)
aeVaVraS? l'affranchi au profit du patron ont eu pour origine le droit de
faire des contrats établi par l'affranchissement entre le maître
et son ancien esclave. La législation ne s'est, en résumé, préoc-
cupée que de limiter l'abus frauduleux de ce droit. S'il n'y a
pas de lien juridique possible entre le maître et l'esclave et si
l'affranchissement postérieur lui-même ne rend pas valable la
convention antérieurement nulle, la promesse faite par l'affran-
chi à son ancien maître le lie précisément parce qu'il ne pouvait
pas* être contraint légalement à la faire (3); et, comme il se con-
çoit, on forçait les affranchis à prendre ainsi des engagements à
la suite desquels leur liberté était rendue pratiquement illu-
soire et probablement bien des fois plus intolérable que l'escla-
vage. Il fut remédié à ce mal par l'un des rares hommes in-
tègres et capables que présente le vne siècle, par le consul de
649, P. Rutilius Rufus, également distingué comme magistrat,
comme jurisconsulte et comme militaire (4). Ce fut principa-
(1) Aulu-Gelle, 20, 1, 40 : Neque pejus ullum facinus existimatum est quam
si cui yrobaretur clientem divisui habuisse. Cf. tome VI, 1, p. 92, note 3.
(2) Gaius, 3, 40.
(3) Il était d'usage de se faire garantir par serment avant l'affranchisse-
ment la prestation imposée à l'affranchi, et c'était une question contro-
versée de savoir si un pareil serment n'obligeait pas légalement l'affranchi
sinon à accomplir le serment (Venuleius, Dig. 40, 12, 44, pr.), au moins à
réitérer le serment après l'affranchissement (Gicéron, Ad Ait. 7, 2, 8), Mais
l'opinion la plus logique et la plus humaine prévalut. On reconnut seule-
ment que le serment de ce genre prêté après l'affranchissement devait par
exception avoir la même force légale que la stipulation.
(4) On ne peut, il est vrai, prouver positivement qu'il soit le préteur Ru-
tilius d'Ulpien (Dig, 38, 2, 1, 1); mais les conditions chronologiques et la
tendance de l'innovation s'accordent avec cette idée, et il est attesté que
Rufus fut un jurisconsulte éminent (Gicéron, Brut. 30, 113).
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. M
lement par lui que les obligations ainsi prises furent limitées à
des journées de travail personnel (opéras), c'est-à-dire à l'o-
bligation imposée à l'affranchi de travailler comme domestique
un certain nombre de jours par an ou de livrer au maître le
produit résultant de son travail d'ouvrier pendant le même
délai. Si le maître n'invoquait pas ce droit, il était, à l'origine,
considéré comme copropriétaire de la fortune de son affranchi,
et par conséquent la moitié des gains de ce dernier lui appar-
tenait. Plus tard ce droit fut limité : le maître ne fut plus au-
torisé à prendre la moitié de la fortune de l'affranchi qu'après
sa mort et seulement à condition qu'il laissât moins de trois
enfants et que son hérédité dépassât le chiffre de 100,000 ses-
terces (1); c'est ensuite devenu l'origine d'une supériorité
honorifique du liber tus centenarhis (2).
5. JURIDICTION DOMESTIQUE.
En droit criminel, les affranchis (3) sont sur le même pied
que les esclaves et les fils de famille en ce sens qu'à côté de
la puissance publique à laquelle naturellement ils sont aussi
soumis, la puissance domestique, fondée au sens strict sur le
droit de propriété, joue pour eux le rôle d'un second tribunal
également compétent, voire même d'un tribunal plus libre de
son action ; car on ne peut pas former de provocatio contre la
sentence du paterfamilias comme contre celle du magistrat.
(i) Gaius, 3, 42. Dig. 38, 2, 1, etc. Le développement rentre dans le droit
civil. Au point de vue politique, il est remarquable que, du moins selon le
droit des pandectes, aucunes operœ ne peuvent être imposées à Vingenuus
manumissus {Dig. 37, 12, 4. Ht. 15, ]0) et qu'au contraire la contra tabulas
bonorum possessio s'applique même à lui (Dig. 37, 12, i, 1).
(2; Il n'est pas seulement fait mention du libertus centenarius au sujet
du droit de succession (Ulpien, Dig. 37, 16, 14, pr. ; Cod. Just. 6, 4, 4, 9a) ;
l'inscription de Formiœ d'un C. Arrius C. I. Lucrio cent(enarius) (C. I. L. X,
6122) donne au moins à croire qu'une supériorité honorifique, et peut-être
mêmelégale, était liée à cette dénomination.
(3) Il faut ici entendre le mot même de Vingenuus manumissus, puisque
Vingenuus filius familias est soumis à la même puissance.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 2
Juridiction
domestique.
18 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Des peines capitales ont été ainsi prononcées contre des affran-
chis jusqu'au temps de César (1); ce n'est que depuis Au-
guste que les affranchis ont cessé d'être, sous ce rapport, trai-
tés comme les esclaves,
6. IMPOSITIONS
Sous le rapport des impôts, il n'a jamais été fait de diffé-
rence entre les ingénus et les affranchis : les derniers ont
sans doute été pour la plupart des œrarii, et, en tant que les
œrarii étaient plus fortement imposés que les citoyens astreints
au service, il en a été ainsi pour le plus grand nombre des
affranchis. Mais on ne rencontre jamais une trace d'une iné-
galité dont ils auraient ici été frappés comme tels. Les modifi-
cations apportées à leur préjudice àleur égalité de droit primi-
tive semblent être restées sans effet sur ce domaine, par suite
de la précoce disparition pratique de l'impôt civique. Lorsque
cet impôt fut levé à titre exceptionnel pendant les guerres ci-
viles, les affranchis y furent soumis dans des proportions si
démesurées que la sûreté publique en fut mise en péril (2).
7. INCORPORATION DANS LES SECTIONS DU PEUPLE ET DROIT
DE VOTE.
Egalité primitive Le droit de cité a certainement été étendu aux esclaves af-
quant^droïde franchis longtemps avant que la dénomination de servus eût
rote.
cessé de leur être appliquée, probablement en même temps
(1) Suétone, Cses. 48: Bomesticam disciplinant... diligenter adeo severeque
rexit, ut... libertum rjratissimum ob adulteratam equitis Romaniuxorem quanwis
nullo querente capitali pœna adfecerit. Val. Max. 6, 1, 4.
(2) En 723, on demanda aux affranchis qui possédaient plus de 5000 de-
niers la huitième partie de leur fortune et aux ingénus seulement le hui-
tième de leur revenu annuel (Dion, 50, 10. 51, 3. Plutarque, Ant. 58).
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS 19
qu'il l'a été à Yingenuas affranchi, en même temps qu'a été
été constitue l'Etat patricio-plébéien ; et, depuis lors, il a fallu
nécessairement que les affranchis prissent place dans les sec-
tions du peuple. Les différences de droit et les infériorités que
l'on rencontre ne sont que des dérogations récentes à l'égalité
première.
Les affranchis ont, dès le principe, appartenu aux curies en ce
sens que la curie de leur patron était en même temps la
leur (1), et, en tant que les plébéiens y ont obtenu un droit
de suffrage, il n'y a pas de raison de le refuser aux affran-
chis.
Il n'en est pas autrement, ainsi que l'atteste la tradition (2),
des tribus serviennes et des centuries patricio-plébéiennes qui
en sont issues. Ces tribus, qui n'étaient à l'origine que des di-
visions du territoire, excluaient par suite les citoyens qui n'y
étaient pas propriétaires. Les centuries comprenaient tout le
peuple, les citoyens propriétaires occupant exclusivement les
centuries des classes et les rares centuries qui existaient en de-
hors des classes restant seules ouvertes à ceux qui n'étaient
pas propriétaires fonciers. Les citoyens propriétaires ont donc,
dans ce régime, un avantage qui touche au monopole ; mais il
n'y a là rien qui implique ni que l'affranchi ait été admis à la
propriété foncière plus tard que l'ingénu, ni que, lorsqu'il y
était arrivé, il fut mis au dessous de ce dernier. Les affranchis
doivent donc, dans les temps anciens de la République, avoir
aussi bien appartenu aux tribus que les ingénus, à condition
qu'ils fussent propriétaires fonciers, et, en pareil cas, ils doi-
vent aussi avoir été admis dans les centuries des classes.
(i) La tradition qui rattache le début de l'affranchissement complet à
l'origine de la République, donne expressément au premier affranchi le
droit de vote dans les curies (tome VI, 1, p. 65, note 2) ; et les affranchis
sont aussi inscrits dans les curies d'après Denys (p. 24, note 2).
(2) Denys, 4, 22 : lO Sa TuXXtoç xa\ toTç èXeuOspoujjLÉvot;, twv 6spa7i6vTuv...
[tSTé*/eiv tt,ç to-oiroXÉTSia; (= civitas) àTtÉxpe^s. KeXeva-aç fàp ajxa toTç aXXotç
fiwaciv èXs-jOépoc; xa\ to-jtov; T'.jjL^crao-ôat tocç oùacaç ei« <puXàç xarÉTa^ev cc-jtoÙç...
xal TiavTwv a7ié8œxe xoov xotvâW ocÙtoTç (jt,s-|-/eiv wv toTç aXXotç 8y||aotixoÏç. Zona-
ras, 1, 9: Ka\ toùç So-jXou; èXeuôepoûaôai xal çuXereusaBai rcapea-xeuaaev. Cf. tome
VI, 1, p. 65, note 2.
20 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Les censures cTAppius (442) et de Fabius Maximus (430) ne
doivent pas non plus, quelque essentiellement qu'elles aient
modifié la condition politique des citoyens non-propriétai-
res (i), avoir, selon toute apparence, rien changé légalement
à celle des affranchis. La fortune fut mise à la place de la pro-
priété foncière comme condition du droit de vote, dans toutes
les tribus, d'après Appius, d'après Fabius, dans les quatre
tribus urbaines ; les citoyens riches qui n'étaient pas proprié-
taires fonciers gagnèrent par là, pendant le court espace de
temps durant lequel le système d'Appuis subsista, l'égalité de
droit avec les propriétaires dans toutes les centuries des classes
tirées de la totalité des tribus (2) ; ils la conservèrent même
ensuite, dans la mesure où les quatre tribus urbaines contri-
buaient à la formation de ces centuries. Or les affranchis occu-
paient sans nul doute la première place parmi les gens riches
qui n'étaient pas propriétaires fonciers. La réforme d' Appius
peut donc pratiquement être désignée comme la concession du
droit égal de vote aux affranchis (3) et celle de Fabius comme
l'exclusion de ces derniers des tribus (4). En fait, le rapport
des propriétaires et des non-propriétaires est dérangé par là.
Mais l'égalité théorique entre les ingénus et les affranchis
reste intacte.
Limitation des On ne peut établir avant le commencement du vie siècle
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tribus urbaines, l'existence d une infériorité dont les affranchis soient frappes
en face des ingénus quant au droit de suffrage, et il n'en a
probablement pas existé beaucoup plus anciennement. Mais,
peu de temps avant la guerre d'Hannibal,entre 520 et534,peut-
(1) Voir tome IV, la partie de la Censure, sur le classement des citoyens
d'après leur tribu personnelle.
(2) Tite-Live, 9, 46 : Humilibus per omnes tribus divisis forum et campum
corrupit. Cf. tome VI, l,p. 305 et ss.
(3) Plutarque, Popl. 7 : Toi; 8' à'XXo-.ç àraXeueipoiç o<\>î xaï (/.exà îtoXuv
/povov è^j-j-riav 'V^o'j (jr^aywywv eSwxev "Atttuoç ; c'est inexact en ce sens que
la concession de la cité à l'esclave par la manumissio vindicta constitue le
terme opposé et que la réforme d' Appius est indiquée sans autre détail
comme définitive. Les relations meilleures de Diodore, 20, 36, et de Tite-
Live, 9, 46 (d'où Val. Max, 2, 2, 9), sont exemptes de cette faute.
(i) De vint M. 32 : Censor libertinos tribubus amovit.
LE DROIT DE CITÉ INFÉRIEUR DES AFFRANCHIS. 21
être dans cette dernière année, en même temps qu'eut lieu la
transformation du droit de vote basé sur le service militaire,
qui fut alors accomplie par G. Flaminius (VI, 1, p. 318), on ne
fit pas une loi, mais les censeurs en fonction exercèrent, au pré-
judice général des affranchis, leur droit de distribuer les citoyens
à leur guise dans les districts de vote. Tous les affranchis et
fils d'affranchis propriétaires furent exclus des tribus des pro-
priétaires fonciers, et on leur assigna des places dans les quatre
tribus urbaines parmi les citoyens qui n'avaient pas de proprié-
tés (1). Lors delà censure de 565, cette déchéance fut supprimée
pour les fils d'affranchis à la suite d'une loi proposée par le tri-
bun du peuple Terentius Gulleo (2). Il est probable que la même
modification fut faite en même temps pour les enfants nés hors
mariage et pour leurs fils, et que l'idée de l'ingénuité se trouva
ainsi attachée, comme elle l'est restée depuis, à la liberté exis-
tant depuis le moment de la naissance. Mais, par rapport aux
({) Ij'EpUome du 20e livre de Tite-Live porte à la lia, d'après le manus-
crit (avec addition entre [ ] des compléments certains, dont le premier est
confirmé par Cassiodore) : Lustruma censoribus per (à changer en quater?)
conditum est : primo lustro censa sunt civium capita CCLXX CCXIII. Libei'tini
in quattuor tribus redacti sunt, cum antea dispersi per omnes fuissent, Esquili-
nam Palatinam Suburanam Collinam. [C. Flaminius censor viam Flaminiam] mu-
niit et circum Flaminium extruxit. Colonise deductse sunt inagro [de\ Galliscapto
Placentia et Cremona. Evidemment Vepitomator, qui a relevé le plus souvent
les lustres dans la 2e décade, réunit ici ceux qui tombent dans ce livre ; ce
sont ceux des années 520, 524, 529, 534. Le primum lusfrum ne peut être que
celui de 520; les indications concernant Flaminius se rapportent à 534. La
censure à laquelle il faut attribuer la mise à part .des affranchis ne peut
être déterminée par des preuves extérieures; l'adoption habituelle de l'an
534 a pour fondement une connaissance imparfaite et une interprétation
incorrecte du texte qui nous a été transmis; mais, en elle-même, elle
n'est pas invraisemblable.
(2) Plutarque, Flam. 18 : (les censeurs de 565, Flamininus ;et Marcellus)
ruooTcO^avTo 7:o).:7a; aTCoypaçojJilvouç uavTaç ôo-<n yovewv èXe'JÔépwv yjaav,
œ/xyv.xGÏÏivzez -jt:o xoO cr^dpyo'J Tspevn'ou KouXstovoç, oç è7rYipea£a>v toi; àpicTO-
xpaTixoTç l%zuji tov Syjjxov Ta-jta ^r,cp'!craa8at. Les fils des affranchis se trou-
vaient, tout comme eux-mêmes, dès le principe, dans la liste des citoyens ;
évidemment c'est de leur inscription avec égalité de droit qu'il est parlé
là sous le nom d'inscription sur la liste. Il est rendu certain par d'autres
preuves (VI, i, p. 79) qu'il a dû y avoir, à une époque quelconque, une
mesure de ce genre, séparant les libertinorum filii des libertini et les pla-
çant parmi les inqenui.
22 DROIT PUBLIC ROMAIN.
affranchis eux-mêmes, la déchéance a subsisté. Selon toute
apparence, elle ne vint pas surtout de la haute aristocratie qui
avait probablement ces couches de la population dans la main
et n'avait aucune raison de vouloir amoindrir le poids de leurs
voix (1), mais de la classe moyenne indépendante que l'éga-
lité légale avec les anciens valets atteignait dans ses intérêts
et blessait dans son amour-propre ; la même tendance qui fai-
sait exclure les affranchis des marchés de l'État j(p. ;14), a
aussi provoqué cette mesure plus directement politique (2).
Quant aux détails, les dispositions prises à ce sujet ont subi des
variations multiples ; les partis ont lutté sur ce terrain pen-
dant deux siècles avec un succès changeant, les uns voulant
le renforcement des mesures prises contre le droit égal de vote
des affranchis, les autres voulant la suppression de cette in-
fériorité ; mais il manque plus d'une feuille dans nos annales.
En 586, nous trouvons la déchéance des affranchis atténuée,
nons ne savons depuis quand, par deux limitations essentiel-
les : les affranchis propriétaires fonciers qui avaient un fils
âgé de plus de cinq ans, étaient tous et ceux qui n'en avaient
pas étaient eux-mêmes, si leur fortune foncière excédait 30.000
sesterces, c'est-à-dire rentrait dans la première ou la seconde
classe, traités de la même façon que les ingénus propriétaires.
Mais les censeurs de cette année, en particulier Ti. Sempronius
Gracchus, le beau-frère du second Scipion l'Africain et le père
des deux tribuns, renforcèrent de nouveau l'infériorité. Le
privilège attaché à la paternité fut maintenu ; quant aux au-
tres affranchis, Gracchus fut bien empêché par son collègue
patricien C. Glaudius Pulcher de les exclure complètemeut des
districts et de les dépouiller ainsi du droit de vote, mais ils ne
furentpas seulement tous placés dans les quatre tribus urbaines :
(4) Le roi Servius dit dans Denys, 4, 23 : IIoMà ôçeXn©n«ff6at to-j;
eÙTïopwTaTOv); 'Pwixatwv, èàv touç à7CE)>ev)6lpou; èûcrt Trjç ftoXcretac [A^é/eiv, èv
b/.v.ïr^'.x:; xi v.al •i/r^oçoptaiç xa\ tocÏ; cÉXXaiç 7CoX(Tixat< xpetauç 7°<ç '/Aplz<x* ^v
Ole [taXtara Blovrau irpay^aci xojjL-.^ojxévo-j; xai toù; ex twv à7ûeXe'j0épa)v yivojii-
vo*j; TCeÀaTa; toT; iyyovotç toi; èa'JTûv xaTaXeiTcovia;.
(2) La position des partis par rapport à cette question ressort, de la ma-
nière la plus claire, de l'attitude du père des Gracques.
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 23
on~ enleva en outre toute efficacité pratique à leur droit de vote
en décidant que, sur ces quatre tribus, il n'y en aurait qu'une
déterminée par le sort, — pour tout le lustrum, semble-t-il,
— à leur être ouverte (1). Il n'est plus fait allusion postérieu-
rement à l'avantage résultant de la paternité ni au tirage au
sort de la tribu, et ces deux institutions n'ont peut-être pas
subsisté. Mais la déchéance resta en vigueur dans sa portée es-
sentielle. La loi proposée sur cette question par M. ^Emilius
Scaurus comme consul de 639 (2) ne nous est pas connue
dans son contexte ; mais, d'après le parti auquel appartenait
son auteur, elle ne peut avoir fait qu'accentuer l'infériorité.
A la suite de la réception des Italiotes parmi les citoyens D™it de suffrage
r x «i des affranchis
Romains, la tribu fut liée au droit de cité, et les citoyens in- apréssoc*alfuerre
génus qui n'étaient pas propriétaires, furent, pour peu qu'ils
eussent le droit de cité complet, transférés des tribus urbaines
(1) Tite-Live, 45, 15, 1 : In quattuor urbanas tribus discripti erant libertini
praeter eos quibi/s filins quinqnenni major ex se natus esset (eos ubi proxumo
lustro censi essent, censeri j usserunt) et eos qui prœdium prsediave rustica pluris
sestertium XXX milium haberent. [Per Gracchum libertino nulli in ulla tribu]
censendi jus factura est. Hoc cum ita servatum esset, negabat Claudius suffra-
gii lationem injussu populi censorem cuiquam hominiy nedum ordini adimere
posse. Ils tombent finalement d'accord, ut ex quattuor urbanis tribubus unam
palam... sortirentur, in quam omnes qui servitutem servissent coicerent. Le sort
désigne l'Esquilina. Le texte a, quant au fond, été correctement complété
par Becker, Ie éd. de ce manuel, et sa restitution ne donne, en ce sens, lieu
à aucun doute. Le bene cœptum, pour lequel Gracchus est loué par le sénat
et qu'il avait d'abord exécuté dans la confection des listes, doit être quel-
que chose de plus que la limitation antérieure du droit des affranchis et que
le projet de compromis; ce ne peut avoir été que l'exclusion du droit de
vote de tous les affranchis, à l'exception de ceux qui étaient protégés par le
privilège de la paternité. — Tite-Live ne dit pas si la tribu Esquilina fut
assignée une fois pour toutes aux affranchis ou si le jtirage au sort devait
être recommencé à chaque lustre. Cependant la dernière hypothèse est in-
trinsèquement plus vraisemblable; carie tirage au sort fait par des censeurs
ne peut pas lier leurs successeurs, même à titre de précédent, et elle est
requise par d'autres témoignages dignes de foi selon lesquels les affranchis
furent mis alors dans les quatre tribus urbaines. Gicéron, De Orat. 1, 9, 38 :
(Ti. Gracchus) et saepe alias et maxime censor saluti reip. fuit: atque is... verbo
liber tinos in urbanas tribus transtulit, quod nisi fecisset, rem publicam... jam
diu nullam haberemus. De viris ill.51 : Censor libertinos, qui rusticas tribus oc-
cuparant, in quattuor urbanas divisit. La dernière relation est inexacte ; mais
la courte relation de Gicéron ne peut être conciliée avec la relation détaillée
de Tite-Live, qu'à condition que la tribu tirée au sort ait varié.
(2) De viris ill. 72: Consul legem de sumptibus et libertinorum suffragiis tulit.
24 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dans les tribus rustiques (1); mais les affranchis restèrent
comme auparavant enfermés dans les quatre tribus urbaines (2).
Leur infériorité fut par là essentiellement aggravée. Jusqu'a-
lors les affranchis propriétaires, et encore ni tous ni toujours,
avaient seuls eu un droit de suffrage moins avantageux ; dé-
sormais la grande masse composée de non-propriétaires fut
également mise au dessous des ingénus pour le droit de vote.
Par suite on commença, aussitôt après la guerre, une agita-
tion pour faire obtenir l'égalité des droits de citoyens tant aux
affranchis qu'aux nouveaux citoyens qui étaient également
mis dans un état d'infériorité. La motion faite en 666 par le
tribun du peuple P. Sulpicius (3) afin d'accorder à l'affran-
chi la tribu du patron et par conséquent le droit de suffrage
que ce dernier avait dans sa tribu rustique (I), fut adoptée, et,
bien que le parti contraire l'eût fait immédiatement casser, elle
fut appliquée en 670, après le triomphe de la démocratie qui
se produisit alors (5). Cependant ces succès éphémères du
(1) Cf. la partie des Institutions municipales.
(2) C'est attesté pour le temps de Gicéron aussi bien par Gicéron lui-
même, à la manière dont il s'exprime sur la conduite de Gracchus (p. 23,
note 1), que par Asconius (p. 25, note 2); en outre par Denys qui termina
son histoire en 747, 4, 22: (Servius) elç cp-jXàç xaxéxa^ev aùxoùç xàç xaxà xr,v
■rcôXiv xéxxapaç vTrap'/oucraç, sv alç xal fii^ pi twv xa6' ^pâç -/P<3va)V xaxxojxevov
BietéXe* xo ègeXeuOepwov <pûXov ôaov av r,. Ensuite, dans son curieux plaidoyer
en faveur du système romain de donner la plénitude du droit de cité aux
affranchis, il fait consister ce droit fxÉ-/pi xœv xaO' r.jxàç -/povwv w; sv xt xàiv
lepwv xal àxtvyjxtov vo{jl({xwv. La proposition qu'il fait ensuite de soumettre les
affranchis de chaque année à une révision des censeurs ou des consuls et de
n'accorder qu'à ceux qui seraient admis la curie et la tribu (o0; \ih av svpcacriv
à;:ouç 1% irôXeco; ovxaç, eî; çuXàç xcù çpàxpa; xaxaypà'j'o'jcriv) et la résidence à
Rome, suppose aussi que la curie et la tribu appartiennent à tous les affran-
chis.
(3) Tite-Live, 77 (VI, 1, p. 201, note 2). Asconius, In Cornel. p. 64 (p. 25,
note 1).
(4) Dion, 36, 25, dit de la loi Manilia, qui n'était pas autre chose qu'une
reproduction de la loi Sulpicia : T$ SGvet x& twv à«eXeuOlp«v... <J/r,?:<ya<T0ai
fxexà xtôv è^eXô-jOspwaâvTwv acpôcç eôwxev.
(5) Le consul Ginna demande, en 667, l'application de la loi Sulpicia (Schol.
Gronov. sur Gicéron, Cal. 2, 10, 24, éd. Orelli, p. 410: Cœpit Cinna deliber-
tinorum suffragiis agere); elle a lieu en 670 (Tite-Live, 84 : Libertini in guin-
que et XXX tribut dis/ribu/i mnt). Il ne semble pas avoir été proposé de loi
spéciale ; car Asconius, loc. cit. dit que Manilius présenta de nouveau la loi
LE DROIT DE CITÉ INFÉRIEUR DES AFFRANCHIS. 25
parti populaire s'évanouirent devant la victoire des armes
de Sulla. Les tribuns du peuple G. Manilius en 687-688 (1) et
P. Glodius en 695-696 (2) entreprirent bien de reproduire la
loi Sulpicia ; mais le plébiscite Manilien, si tant est qu'il y en
ait eu un, fut aussitôt cassé, et Clodius n'arriva même pas à
pouvoir faire une rogation dans ce sens. — Il est possible que
certaines catégories d'affranchis, par exemple les propriétaires
fonciers (3), soient restés exceptées ou aient été alors excep-
tées de cette infériorité; mais cela ne peut être affirmé avec certi-
tude pour aucune.
Postérieurement on ne s'abstint pas seulement d'accueillir J^S^dai
une seule des propositions d'améliorer la condition politique affrprinXXs h
des affranchis. Selon toute apparence, Auguste, s'il ne les
écarta pas des tribus lors de sa reconstitution des institutions
républicaines — nous démontrerons, au sujet des Libé-
ralités faites aux citoyens, qu'ils restèrent dans les tribus
urbaines, — leur enleva du moins définitivement le droit de
suffrage. Car c'est seulement par là que l'on peut expliquer que
les affranchis ne portent plus jamais dans leur nom, depuis le
de Sulpicius, et il aurait dû nommer là Ginna, s'il avait fait quelque chose
de plus que de faire appliquer la dernière loi. Cf. VI, 1, p. 202.
(1) Dion, 36, 25 (p. 24, note 4). Asconius, In Mil. p. 46 : Ut libertinis in
omnibus tribubus suffragium esset. Gicéron, Pro CorneL, chez Asconius, p. 64:
Legem de libertinorum suffragiis Cornélius C.Manilio dédit, et sur ce texte As-
conius, p. 64 : P. Sulpicium in tribunatu hanc eandem legem tu lisse jam signifi-
cavimus et p. 65 : (Lex) de libertinorum suffragiis... cum s.c. damnata esset, ab
ipso quoque Manilio [non] ultra defensa est. Gicéron, Pro Mur. 23, 47 : Confusio-
nem suffragiorum flagitasti, perrogationem legis Maniliœ, œguationem gratix
dignitatis suffragiorum.
(2) Asconius, In Mil. 52 : Fuisse inter leges P. Clodi quas ferre proposuerat,
eam quoque, qua libertini, qui non plus quam in tribubus [iirbanis I1II) suffra-
gium ferebant, possent in rusticis quoque tribubus, qux proprise ingenuorum
sunt, ferre ; Gicéron, Pro Mil. 33, 89 (cf. 12, 33 et, sur ce texte, Schol. Bob.
p. 346): De œre al. Milonis avec les Schol. Bob. p. 346.
(3) Lorsque Gicéron (VI, 1, p. 195, note 3) blâme l'infériorité dans laquelle
sont mis les tribules des tribus urbaines en face de ceux des tribus rustiques,
en disant que par suite ante rusticis (datur) ager qui habe?it, quam urbanis,
quibus ista agri spes et jucunditas ostenditur, il peut parler ainsi quand bien
même les rares affranchis propriétaires seraient dans les tribus urbaines ;
mais son langage acquiert une propriété plus énergique s'il n'y a, à son
époque, aucun propriétaire foncier dans les tribus urbaines.
26 DROIT PUBLIC ROMAIN.
commencement du Principat, l'indication de la tribu, regardée
avec raison comme le signe du droit de suffrage (1). Auguste
avait, sous d'autres rapports, essayé d'assurer dans les comices
l'influence de la meilleure portion du peuple (VI, 1, p. 447);
il est donc parfaitement croyable qu'il ait, relativement au
droit de suffrage des affranchis, réalisé la pensée de Gracchus
et qu'il ait enlevé le droit de vote aux affranchis non pas seu-
lement sans restriction dans les tribus rustiques (2), mais
(1) Le fait que la tribu fait défaut dans les inscriptions assez nombreu-
ses d'affranchis des derniers temps de la République, sauf l'unique excep-
tion relevée p. 27, note 1, ne peut être invoqué à rencontre des témoignages
précis qui attestent leur droit de suffrage à cette époque. Mais les inscrip-
tions du Principat existent en quantité et montrent d'une manière évidente,
notamment lorsqu'elles nomment à la fois des ingénus et des affranchis,
que non seulement la tribu n'est pas mentionnée pour les derniers, mais
même qu'ils ne l'ont pas. Pour relever seulement l'un de ces témoignages
innombrables, dans l'inscription de Tusculum C. 1. L. XIV, 2523, l'affranchi
n'a pas de tribu, tandis que ses fils appartiennent à la tribu Gollina et son
patron à l'Aniensis. Gela implique avec une nécessité impérieuse une limi-
tation du droit de suffrage des affranchis opérée postérieurement au temps
de Gicéron. Or cette épuration des comices peut parfaitement avoir été ac-
complie par Auguste, et elle ne pourrait l'avoir été par aucun de ses suc-
cesseurs.
(2) Les exceptions s'évanouissent devant la régie. La présence de la tribu
rustique se justifie chez l'affranchi qui prend du service en qualité de La-
tinus Junianus dans le corps des pompiers et qui est ensuite gratifié du
droit de cité {C. 1. L. VI, 220). Je cite les autres exemples qui me sont con-
nus, sans avoir la prétention d'être complet: Q. Octavio Q.I. Pob. Primus
(C. 1. L, V, 3415, de Vérone, avec la tribu locale de cette ville) ; M. Talicius
M. I. Pub. Jucundus (C. I. L. V, 7192) ; M. Servilius M. lib. Claudia Myrismus
{C. I. L. VI, 23636); [Tr]ib. Claudia [L.] jEbutius L. I. [F]austus (Eporedia;
C. I.L. V, 6786); C. Oppius C. l.Leonas honoratus in tribu Cl(audia) pat mm et
liberum clientium (Auximum, de 159; C. 1. L. IX, 5823) ; M. Abillius M. lib. Gai.
Silvanus (Narbo; C. I.L. XII, 4541), enfin les deux bizarres inscriptions ur-
baines de Smet. 65, 8 (aussi dans Ursinus..F/\/i^.p. 91) : Q. Trebonius. Q. I. Cla.
Gallus expatribus libertinis et Grut. 891, 8 : Q. Trebonius Q. I. (et non Q. f.)
Cla. Aristo ex patribus libertinis. Le L. Casperius L. f. Pal. Fab. Latinus, fils
d'un affranchi (environs de Rome, C. I. L. XIV, 2336) avec une double tribu,
une tribu rustique (peut-être de la ville de Rome) et une tribu urbaine consti-
tue un phénomène absolument isolé. De beaucoup la plupart des exemples
isolés de tribus d'affranchis réunis par moi, il y a des années dans mes Tri-
bus, p. 174, ont, depuis que l'épigraphie se meut sur un terrain plus ferme,
été écartés, soit comme des fautes de lecture, soit autrement. On ne peut dé-
terminer la mesure dans laquelle ceux qui restent doivent être attribués à
des fautes de lecture ou d'écriture, à des usurpations ou à des ignorances
à côté de lois spéciales. La fréquence relative avec laquelle on y rencontre
la tribu Claudia a quelque chose de surprenant (cf. tome VI, 1, p. 313,note 2).
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 27
même, sauf peut-être pour certains individus ou certaines ca-
tégories, dans les tribus urbaines (1).
En même temps on voit apparaître dans les tribus urbaines Les ingénus
, . j , , , de condition
certaines catégories de citoyens romains ingénus exclus des dégradée
tribules urbains
tribus rustiques pour des causes personnelles. Les tribus ur- sous îePrincipat.
baines ne sont par conséquent pas, comme les tribus rusti-
ques, dans un rapport fixe avec les cités d'origine; elles se con-
cilient avec tous les droits d'origine (2). Les tribules urbains
occupent, sous le Principat, une situation intermédiaire entre
les citoyens complets des tribus rustiques et les affranchis ab-
solument privés du droit de suffrage, et nous les retrouverons
frappés d'une infériorité symétrique, en nous occupant du ser-
vice militaire (p. 38). La date où ces mesures furent prises et
la manière dont elles le furent sont aussi incertaines que leur vé-
ritable portée. La question de savoir si l'on subissait seulement
(1) Parmi les affranchis placés dans les tribus urbaines, le seul à ma
connaissance que nomment les inscriptions du temps de la République (C.
/• L. III, 713, de Samothrace, de 662 — l'année 624 est exclue par les cogno-
mina — : P. Livius. M. f. Pal.; cf. p. 8, note 2) appartient à la Palatina.
Les autres affranchis de la Palatina sont presque tous de la Transpadane
(C. I.L.Y, p. 1183, seize exemples) ou des provinces des Gaules (Narbo, C.l.L.
XII, 5026 : C. Of[illi]us C. I. Pal. A... estus, et aussi sans doute XII, 4606,
4758 ; Nemausus, C. I. L. XII, 3525: M. Colio Ennsel l. Pal. Fausto, M. Colio
Fausti l. Pa[l.\ Attico; XII, 3809: Cn. Pompeio Cn. Sex. T. I. Pal. Lemisoni;
Ausci en Aquitaine, Allmer, Rev. épigr. du midi de la France, 1887, p. 257 :
L. Jul. L. L Pal. Se...). En dehors de cela, je ne trouve pas d'autres exem-
ples que C. I. L. IX, 1226 (où la tradition n'est même pas la meilleure) et deux
inscriptions de la ville de Rome (Grut. 836, 4 : C. Turranius C. I. Pal. Her-
mès, garantie seulement par Ligorius et Boissard; Mur. 1286, 2: C. Villuis
C. lib. Palatina Aper). — Pour la Gollina, je trouve trois exemples (C. 1. L.
V, 3625. X, 1046. 7967), un seul pour l'Esquilina (C. 1. L. VI, 9155; les ins-
criptions citées tome VI, 1, p. 314, note 1, ne peuvent pas être rapportées
avec certitude à des affranchis) et aucun pour la Suburana.
(2) Dans les inscriptions qui indiquent en même temps la tribu et Yorigo.
la Palatina se rencontre fréquemment pour Ostia et Puteoli (p. 28, note 6),
mais aussi pour Sutrium (C. /. L. VI, 3884. I, 27), pour Ganusium (C. L L.
X, 3958), pour Sassina (Cl. L. VI, 2382 b. 25), pour Fundi (C. I. L. V, 6881),
cités qui appartenaient notoirement aune tribu rustique. La Gollina se ren-
contre aussi, en dehors de son application aux Asiatiques (p. 29, note 1),
dans des inscriptions du temps de la première dynastie, auprès de Placen-
tia (C. I. L. VI, 24729 — Mur. 304, 3) et auprès de Dripsinum (C. 1. L. X, 1079).
Lorsque, comme c'est le cas ordinaire, les tribules des tribus urbaines n'in-
diquent pas la localité à laquelle ils appartiennent, ils appartiennent com-
munément à la circonscription qu'indique le lieu de la trouvaille.
2g DROIT PUBLIC ROMAIN.
une pénalité morale en votant dans la Palatina au lieu de vo-
ter dans la Pollia ou si au contraire le vote exprimé dans la
Pollia avait réellement plus de poids que celui exprimé dans
la Palatina peut d'autant moins être tranchée que ces disposi-
tions ne furent peut-être prises qu'à l'époque où le droit de
vote lui-même était supprimé de fait. Les causes de déchéance
peuvent être déterminées en partie et nous devons réunir ici
les faits de cet ordre qui ont déjà été observés :
a. Le fils d'un affranchi entre souvent dans la tribu rustique
du patron de son père (1) ; mais il entre aussi fréquemment
dans la Palatina (2), plus rarement dans la Gollina (3).
b. Parmi les habitants des deux grandes villes maritimes
d'Italie, Ostia et Puteoli, qui étaient placées la première dans la
Voturia (4) et la seconde probablement dans la Falerna (5),
la Palatina se rencontre avec une fréquence si extraordi-
naire (6) qu'il faut que des circonstances spéciales y aient
(1) Par exemple C. I. L. III, 2097, les trois fils d'un affranchi de Tibère
se rattachent tous trois à la Tromentina. Autres exemples, CI. L. VI, 1818 ;
Grotefend, lmp. Rom. trib. discr. p. 12.
(2) Des exemples particulièrement clairs en sont fournis par l'inscrip-
tion de Gorfmium, C. I. L. IX, 3184, des deux frères Q. Gœcilius, Q. f. Pal.
Optatus et Paelinus, fils de Q. Caecilius Q. et (mulieris) l. Hermès ; par celle
de Formiae de T. Flavius Palatina Fuscianus, fils de Tertiolus Aug. I. (C.
I. L. X, 6092). Voir d'autres exemples qu'on pourrait multiplier facilement,
C. 1. L. II, 4527 (L. Julius C. f.Pal. Silvanus, fils de G. PubliciusMelissus.)
V, 1000. VI, 1851. 15131. 15232. 15595. IX, 1618. 3524. X, 1807. XIV, 412.
415.
(3) C. /. L. VI, 9971. XIV, 2523.
(4) Il y a au moins une inscription qui réunit cette tribu à Ostia comme
origo (C. 1. L. XIV, 230 : L. Julius L. f. Vet. Victor Ost., récente) et de nom-
breuses anciennes et bonnes inscriptions d'Ostie de la même tribu qui
paraissent appartenir à des Ostienses de naissance (Dessau, C. I. L. XIV,
p. 4).
(5) Le môme phénomène se répète ici : nous n'avons pas encore, il est
vrai, d'inscription qui réunisse Vorigo de Puteoli avec une tribu rustique,
mais nous avons de nombreuses inscriptions paraissant appartenir à des
Puteolani de naissance avec la Falerna (C. I. L. X, p. 1138).
(6) Dans une longue liste de soldats des cohortes urbaines (C. I. L. VI,
2384+3884), qui sont principalement formées d'ingenui des tribus urbaines
(p. 38, note 4), les 23 soldats d'Ostia et les 9 pourvus d'une tribu de Puteoli
(pour trois autres la tribu manque) ont tous la Palatina. Elle se rencontre
en outre à côté d'Ostia comme origo (C. 1. L. VIII, 2825) et du decurionat
de Puteoli (C. I. L. VI, 1944) et, dans les deux endroits, sur de nombreuses
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 29
influé sur son attribution. La tribu rustique locale peut par
exemple avoir été refusée aux Grecs qui acquéraient le droit de
cité romaine en même temps que le droit de bourgeoisie de
ces villes, et même encore à leurs fils.
c. Les individus d'origine grecque auxquels était offert indi-
viduellement le droit de cité, recevaient fréquemment comme
tribu personnelle une tribu rustique; mais ils recevaient sou-
vent aussi une tribu urbaine, la Collina (1).
d. On ne rencontre qu'à titre exceptionnel des enfants nés
hors mariage dans une tribu rustique (2); on n'en trouve
même pas facilement dans la Palatina (3), mais au contraire
fréquemment dans la Collina (4), dans la Suburana (5), et
aussi dans l'Esquilina (6).
e. Les comédiens et les fils de comédiennes figurent avec une
fréquence relative dans l'Esquilina (7).
Aucune de ces règles ne s'applique sans réserves. Il est à
croire que des exception fixes étaient portées, pour des cas dé-
terminés, aux déchéances générales, et il doit aussi être fré-
quemment intervenu des faveurs personnelles. Le système
appliqué en principe après la guerre sociale, selon lequel tout
pierres qui y ont été découvertes. C'est là ce qui m'a amené à considérer
à tort la Palatina comme la tribu d'origine de Puteoli (C. 1. L. X, p. 183).
(1) C. 1. L. VIII, p. 1087; Eph. ep. V, p. 260.261; C. I. L. III, 1382.
1503. X, 770 (de Tan 68). 867, etc.
(2) M. Domitius Sp. f. Pom. Secundus (Bull, délia comm. mun. 1886,
374). Autres exemples, C. I. L. V, 5197. VI, 5163. La tribu est en principe
plus rare chez les spurii que chez les enfants qui ont un père ; on a des ins-
criptions qui ne leur donnent pas de tribu et qui en donnent une à leurs
enfants (C. 1. L. V, p. 1123).
(3) C. I. L. VI, 24025: P. Petronius Sp. f. Pal. Romanus. XIV, 2468:
G. Julius Sp. f. Pal. Carus.
(4) C. 1. L. VI, 445. 567 (le fils dans la Palatina ; cf. XIV, 2839). 5301.
7459 c. 16663. 20171. 24039. IX, 2280. 4269. 4967 (fils dans la Quirina). 6310.
X, 6490. XIV, 2058. 3380. Grut. 993, 11. Ces témoignages suffisent.
(o) C. I. L. VI, 392. 5754. 9897, par conséquent trois des six inscriptions
de cette tribu.
(6) C. I. L. VI, 2310 z= 4462.
(7) J'ai attiré l'attention sur ce point dans la remarque sur la pre-
mière des quatre inscriptions de cette espèce, C. I. L. VI, 10097. 10103.
10105. 10107. On ne connaît peut-être pas en tout plus de huit pierres de cette
tribu.
30 DROIT PUBLIC ROMAIN.
citoyen romain doit appartenir à une cité de citoyens, a dû
s'étendre aussi bien à ces tribules appartenant aux tribus ur-
baines qu'aux affranchis dépourvus de tribu ; on aura donc,
dans les municipes, en dressant les listes de citoyens, refusé la
tribu rustique municipale aux individus des deux catégories,et on
les aura inscrits dans la liste, les uns sans tribus, les autres,
soit d'après des règles fixes, soit d'après l'usage ou arbitraire-
ment, dans une tribu urbaine. Il ne manque pas parmi les tri-
bules urbains d'hommes de haut rang, même de rang séna-
torial (1), et du reste Ton sait que des fils d'affranchis et des
Grecs d'origine arrivèrent fréquemment, sous le Principat, aux
dignités et à la considération. Mais on ne trouve pas, chez les
citoyens de la seconde classe, d'hommes ayant des ancêtres,
c'est à peine si l'on en rencontre un qui puisse se nommer un
grand-père (2), et les tribules urbains paraissent n'avoir ja-
mais transmis leurs tribus à leurs fils, qui passaient au con-
traire dans la tribu rustique de la patrie de leurs pères (3).
VIII. PARTICIPATION DES AFFRANCHIS AUX LARGESSES FAITES AUX
CITOYENS.
participation des Le peuple romain recevait, comme on sait, dès le temps de
affranchis aux A L
fmSiïfnnes *a ^publique, mais en particulier sous le Principat, une cer-
taine quantité de grains à titre gratuit, à des dates fixes, et
l'on y joignit ensuite sous l'Empire, fréquemment et dans une
(1) Les exemples existent en foule pour la Palatina (par exemple C. I. L.
V, 4347); ils ne sont pas non plus absolument rares pour la Gollina (C. I. L.
V, 1812. IX, 4968. 4976. 5835. 5836). Il n'y en a pas pour les deux autres
tribus.
(2) On trouve dans une inscription de la Garthage Espagnole qui appar-
tient sans doute encore au temps de la République {C. 1. L. II, 3504) un
L. Sulpicius Q. f. Q. n. Col. Mais on conçoit parfaitement bien à cette épo-
que une tache s'étendant jusqu'au petit-fils. — On comparera la partie du
Droit municipal sur la tribu Palatina des iEmilii et des Manlii, qui se rat-
tache à d'autres causes.
(3) La présence du père comme spurius dans la Gollina et des fils dans
la Palatina (p. 29, note 4) ne fait que confirmer le principe.
LE DROIT DE GITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 31
large mesure, des libéralités en argent (1). Ce n'est pas ici le lieu
d'étudier en détail la limitation apportée sous l'Empire à ces
largesses par l'exclusion soit des sénateurs et des chevaliers
romains, soit des citoyens qui n'étaient pas domiciliés dans la
capitale, c'est-à-dire leur limitation à la plebs arbana, ni la
restriction nouvelle du nombre des bénéficiaires à un chiffre
fixe, par suite de laquelle les citoyens en droit de profiter de cet
avantage n'arrivaient à sa jouissance effective qu'en entrant
dans les places vacantes ; nous n'avons pas davantage à exa-
miner la répartition des grains entre les trente-cinq sections
de la plebs frumentaria ni la constitution progressive de ces Les tribus de u
sections en corporation en forme, encore existantes au ive siè- frumentaria.
cle (2), corporations (3) ayant leurs magistrats (4) et leurs
(1) Ce sont là les commoda et principales liberalitates attachés à la tribu, de
Scaevola(p.34,note2), les largesses extraordinaires faites aux tribules en sus
de leurs revenus permanents (Martial, 8, 15: Et ditant Latias tertia dona
Iribus; Pline, Paneg. 25, cite aussi, à côté de l'augmentation du nombre des
bénéficiaires réguliers — locupletatse tribus, p. 32, note 7, — le datum con-
giarium populo). Toutes les fois que les tribus figurent comme corporation,
il s'agit de celles de la plebs frumentaria; ainsi pour le legs d'Auguste
(Suétone, Aug. 101: Legavit populo R. quadringenties, tribubus tricies quinquies
sestertium ; cf. tome VI, l,p.220, note 2); pour la fête de l'anniversaire de la
naissance de l'empereur où elles sont nommées à côté du Sénat et des
chevaliers (Stace, Silv. 4, 1, 25: Ortibus tuîs gaudent turmseque tribusque
purpureique patres) . Lorsque la plebs urbana élève des monuments, la rela-
tion avec les tribus des donataires de grains se révèle aussi fréquemment
(p. 50, note 4). Par suite, ces corporations s'appellent, à l'époque récente, en
règle du nom de clientes, ainsi la tribus Claudia patrum et liberorum (C. 1. L.
IX, 5823, de l'an 159. XIV, 374), la tribus Palatina corporis seniorum {C. L L.
VI, 10215), la tribus Palatina corp(oris) juniorum (C. 1. L. VI, 1104 rapproché
de p. 844). Les clientes, que Pline, Paneg. 23, nomme à côté du sénat et des
chevaliers, sont aussi certainement les tribus.
(2) Ammien,14, 6,6: Olim licet otiosae sint tribus pacatœque centuriae. 15,7,
5, un plébéien puni par le préfet de la ville appelle, en 355, tribulium adju-
mentum. Ils recevaient encore des distributions en 356 (VI, l,p.213,note 1).
(3) Ce n'est pas à vrai dire la tribu elle-même qui s'appelle corpus,
mais bien la demi-tribu de seniores ou de juniores (VI, 1, p. 313, note 3) et
les corpora existant dans l'intérieur de la tribu, à côté de ces subdivisions,
semble-t-il, le Julianum dans la Suburana (VI, 1, p. 313, note 4) et VAu.
gustale dans la Palatina et l'Esquilina (VI, 1, p. 314, note 1). C'est par là
que s'expliquent les trib(ules) Su(burani) corp{orum) fœder(atorum) tome VI,
1, p. 314, note 2. Cf. Tertullien, Apolog. 37: Hesterni sumus et vestra omnia
implevimus, urbes insulas caslella municipia conciliabula, castra ipsa, tribus
decurias, palatium senatum forum.
(4) Il est traité des curateurs, tome VI, 1, p. 213,note 1 ; Yhonoratus se con-
32 DROIT PUBLIC ROMAIN.
appariteurs propres (1), qui célébraient des fêtes en com-
mun (2), qui dédiaient des monuments honorifiques (3),
qui procédaient à des élections et prenaient des résolutions (4).
Mais c'est un trait caractéristique du droit de cité de seconde
classe que l'infériorité des affranchis et leur exclusion des tri-
bus ne s'étendent pas à ces tribus et à ces largesses. La partici-
pation des affranchis aux frumentationes (o) et leur classement
dans les tribus de la plebs frumentaria (6) nous sont attestés.
La même conséquence résulte des listes de noms et des chif-
fres qui nous ont été conservés relativement aux donataires des
grains. Un tableau ne contenant que des chiffres (7), qui appar-
i, — ■
fond avec eux (VI, 1, p. 215, note 3). On rencontre à plusieurs reprises des
immunes : C. I. L. VI, 198: Cui populus ejus corporis immunitatem sex cen-
turiarum decrevit. Dans C /. L. VI, 200, il y a, dans Tune des huit centu-
ries de la liste, un immunis en tête après le chef, en dehors de Tordre alphabé-
tique. VI, 196. 197: Immunes perpetuo. VI, 10214; Bull. comm. 1886, p. 279.
(1) C. L L. VI, 10215 : Scriba et viator. VI, 10216: Viator.
<%) Tertullien, Apolog. 39 : Tôt tribubus et curiis (il s'agit de celles d'A-
frique) et decuriis ructantibus acescit aer. Présent d'une delphica serea à la
Palatina: C. /. L. VI, 10215.
(3) Statue dédiée à Hadrien par les tribules tribus Claudia[e] C. L L*
VI, 980; àGallus et Volusianus par la Palatina juniorum, C. 1. L. VI, 1104,
p. 844.
(4) Appariteurs élus par eux: C. 1. L. VI, 10215; immunité concédée par
le populus corporis :C. 1. L. VI, 198; pierre funéraire placée permissu tribu-
lium, C. I. L. VI, 10214. — Cf. encore Suétone, Aug. 57: In restitutionem
Palatinae domus incendio absumptœ veterani decuriae tribus pecunias con-
tulerunt.
(5) Il est déjà question, du temps de la République, d'affranchissements
faits en vue des distributions dont profiteraient par suite les affranchis (Dion,
39, 24); l'affranchissement a également lieu, d'après Denys, 4, 24, "va tov
8r(|xo(Tta 8t86[JLevov aïiov Xa^avovreç xaxà [x^va xal tX tcç <xhkr\ Tcapà tôjv rjo'jfxé-
vcùv YcyvoiTO toïç aTropot; twv -rcoXiTàiv cptXavôpwTica, cplpœat toTç SsStoxoa-i tt,v
èXeuôeptav. C'est confirmé pour les Juifs affranchis vivant à Piome par Phi-
Ion, Leg. ad Gaium, 23. Schol. Persil, 5, 73.
(6) Tacite, Ann. 13, 27 : Hinc (des affranchis ) plerumque tribus decurias
ministeria magistratibus et sacerdotibus. Symmaque, Or. pro pâtre, c. 7
Tribus... libertina ac plebeia fsece polluta.
(7) Dans la spécification du numerus tr[ibulium...'\, quibus locis [frumen-
tum accipiant] (C. I. L. VI, 10211), qui se rapporte sûrement aux distributions
de blé, il y a 4191 tètes {homines) pour la Palatina, 4068 pour la Suburana,
1777 pour l'Esquilina, 457 pour la Gollina ; au contraire, sur les deux tri-
bus rustiques qui nous sont conservées, la Romilia en compte 68,1a Volti-
nia 85. Le total des personnes indiquées s'élevant par conjecture, y compris
les chiffres perdus, à environ 13000, cette table ne peut pas avoir prétendu
relever la totalité des bénéficiaires des distributions, qui étaient environ
LE DROIT DE GITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 33
tient à ce cercle, et qui cependant ne donne certainement pas
le nombre complet des tribules ayant, pour le moment, droit
aux secours en denrées, accuse, pour la Suburana, sur laquelle
nous n'avons peut-être pas plus de six documents épigraphi-
ques (1), 4068 têtes (2), et la relation est la même pour l'Es-
quilina. Il faut donc qu'il y ait eu, dans ce temps-là, beaucoup
de citoyens qui n'avaient pas le droit de porter la désignation
de la tribu dans leur nom, d'inscrits dans les tribus urbaines.
Tandis que les tribules rustiques en droit de bénéficier des dis-
tributions, dont le même tableau permet de constater le chiffre
relativement faible, étaient, selon toute vraisemblance, des in-
génus (3), les urbains étaient non pas exclusivement (4), mais
principalement des affranchis. On peut invoquer, dans ce sens,
soit les noms de ce document et d'autres documents semblables
qui amènent communément à supposer des affranchis (5), soit
la manière dont la tribu est envisagée par Scaevola, juriscon-
200000, mais plutôt ceux qui étaient entrés parmi eux pendant une année.
— C'est à ces places et non à celles du cirque que Pline fait allusion, Pa-
neg. 51 : Populo... locorum quinque milia adjecisti (car il continue en disant:
Auxeras enim numerum congiarii; cf. aussi c. 25: Locupletatas tribus), et c'est
à elles que se rapporte l'inscription en l'honneur de Trajan, C. 1. L. VI,
955 : Tribus XXXV, quod... commoda earum (cf. p. 31, note 1) etiam locorum
adjectione ampliata sunt. Ce sont probablement là les 5000 places d'enfants
environ, dont parle Pline, Paneg. 28. — C'est aussi pour cela que Stace,
Silv. 3, 3, 100, cite les dépenses causées par les tribus parmi les dépenses
ordinaires impériales.
(1) C. /. L. VI, 392. 1881. 5754. 9405. 9897. XIV, 397. Kubitschek, De Rom.
trib. origine p. 41. C. i. L. VI, 2993=V1, 3613*, est une falsification faite sur
pierre de Ligorius.
(2) Il a déjà été démontré plus haut (VI, 1, p. 300) que le nombre nor-
mal des tribules de la Palatina et de la Suburana fut, jusqu'au me siècle,
de 1936 têtes ; il était par conséquent notablement dépassé pour les distri-
butions de blé dans toutes deux.
(3) C'est probablement à la tribu rustique qu'on fait allusion en attri-
buant à L. Aurelius Tychenianus, fils de L. Aurelius Stephanus, une tribus
ingenua {C. I. L. VI, 10220). L'existence d'un affranchi honoratus in tribu
Claudia (p. 26, note 2) montre seulement que ces règles tombèrent elles-
mêmes plus tard en décadence.
(4) On rencontre aussi des ingénus dans les tribus urbaines des bénéfi-
ciaires des distributions (C. /. L. VI, 199. 10215).
(5) Dans les listes de la tribus Suburana juniorum de l'an 70 après J. C .
(C. /. L. VI, 196-200) la tribu n'est adjointe à aucun nom. Parmi les huit
curateurs de n. 199, l'un se nomme P. f.y un autre Hermetis l.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2« p. 3
34 DROIT PUBLIC ROMAIN.
suite du temps de Marc-Aurèle : il la regarde en effet comme
une rente sur l'état aliénable et transmissible, qui est achetée,
tout comme les places d'appariteurs (1), par des personnes de
basse condition ou pour elles, et au moyen de laquelle le pa-
tron constitue très habituellement une rente viagère à ses af-
franchis dans son testament (2) : finalement la tribu n'a plus
exprimé dans la capitale que l'idée d'une institution de bien-
faisance (3).
Le système de protection de l'enfance établi sous le Principat
réclame l'ingénuité chez le bénéficiaire (4). Mais ce n'est pas
là une infériorité dont soient frappés les affranchis. Car ces
aliments sont donnés en considération des parents vivants ou
décédés, et il n'est fait, sous^ce rapport, aucune distinction en-
tre ingénus et affranchis. On n'avait pas de motif de faire par-
ticiper à ces privilèges les enfants qui seraient eux-mêmes af-
franchis.
(1) V. tome I, la théorie des appariteurs, sur la durée de leurs fonctions.
(2) Scsevola, Dig. 32, 35, pr. : Patronus liberto statim tribum emi petierat:
libertus diu moram ab herede patroni passus est et decedens heredem reliquit
clarissimum virum (au profit duquel par conséquent, puisqu'il n'appartenait
pas à la plebs urbana, la tribus ne pouvait être achetée) : qusesitum est, an
tribus œstimatio herediejus debeatur. Respondit deberi. Idemquâzsiit, anetcom-
moda et principales liberalitates, quas libertus ex eadem tribu usque in diem
mortissuse co?isecuturus fuisset, si ei ea tribus secundum voluntatem patroni sui
tune comparata esset, an vero usurse œstimationis heredi ejus debeantur. Res-
pondi quidquid ipse consecuturus esset (plutôt fuisset), id ad heredem suum
transmittere. Tertullien, De resurr. carnis 57 : (l'affranchi) et vestis albse nitore
et aurei anulihonore et patroni nomine ac tribu mensaque honoratur.'LQ rescrit
de 249, Vat. fr. 272, se rapporte-t-il à cela ou tribus y est-il une corruption
de scribis, c'est un point incertain. Tessera frumentaria est employé plus
fréquemment, exactement dans le même sens que tribus, semble-t-il (Dig.
5, 1,52,1.31, 49, 1. I. 87, pr.).
(3) Pline, H. n. 19, 4, 54 : Aliqua sibi nasci tribus negant caule in hortum
saginato, ut pauperis mensa non capiat. Martial parle, 9, 57, de la pallens
toga mortui tribulis.
(4) Le titre de Veleia établit 281 places dont 279 pour les legitimi et 2
pour les spurii. D'autres fondations alimentaires restreignent la répartition
aux ingenui (Pline, Ep. 1, 18 ; C. /. L. II, 1174). Il en est de même pour les
distributions faites dans la capitale dans la mesure où elles concernent les
enfants (Pline, Paneg. 28).
LE DROIT DE CITÉ INFÉRIEUR DES AFFRANCHIS. 35
9. SERVICE MILITAIRE.
L'obligation au service militaire a, de tout temps, été recon- E&alité primitive
u L des affranchis
nue comme pesant sur tous les citoyens sans exception, et par leTruvric
conséquent aussi sur les affranchis depuis qu'ils furent des mililaire-
citoyens. La différence profonde existant entre les citoyens par
rapport au service ordinaire est à l'origine complètement étran-
gère à l'affranchissement. Tant que l'on ne leva pour la légion
que les citoyens propriétaires, les affranchis ont difficilement
été frappés d'une infériorité légale au point de vue du ser-
vice militaire, précisément parce que les propriétaires fonciers
étaient rares parmi eux et que le magistrat qui faisait la levée
était libre d'omettre qui il voulait. Par conséquent, dans les
temps anciens delà République, l'armée régulière était formée
des citoyens propriétaires, y compris les affranchis proprié-
taires, tandis que les citoyens non-propriétaires, qu'ils fussent
ingénus ou affranchis, faisaient leur service dans les compa-
gnies d'ouvriers, de musiciens, ou d'hommes de réserve (VI, 1,
p. 320). — Mais, vers le milieu du ve siècle, à la suite des cen- service auxiliaire
sures d'Ap. Claudius et de Fabius Maximus, les citoyens non-pro- P°s1
priétaires furent assimilés aux propriétaires pour les levées
ordinaires. On traça alors, probablement en même temps, une
ligne de démarcation, et les affranchis furent exclus du service
régulier. A partir de 458, les annales témoignent de levées
d'affranchis qu'on emploie à un service inférieur ; ce n'est
qu'en cas de force majeure qu'ils sont appelés à servir dans
les légions (1), et, depuis qu'il y aune flotte, ils y sont em-
(1) Il en est question pour la première fois en 458 (Tite-Live, 10, 21, 4 :
Libertini centuriatï) ; c'est une allégation qui ne peut avoir aucune valeur
historique, mais qui doit avoir été rattachée par les anciens et savants anna.
listes à la censure de Fabius. La même chose est relatée en 537 (Tite-Live,
22, 11, 8 : Magna vis hominum conscripta Romœerat; libertini etiam quibus li-
beri et setas militaris in verba juraverant : ex hoc urbano exercitu qui minores
quinque et triginta annis erant, in naves impositi, alii ut urbi présidèrent re-
licti). L'affranchissement des pseudo-légions formées d'esclaves lors de la
36 DROIT PUBLIC ROMAIN.
ployés en principe (1) avec les ingénus du cens le moins
élevé (VI, J, p. 337). Cette règle n'a pas été complètement
étendue aux affranchis qui avaient des immeubles : tout au
moins ceux d'entre eux qui possédaient un immeuble valant
plus de 30 000 sesterces ou qui avaient un fils de plus de
cinq ans, de même qu'ils étaient encore en 586 les égaux
des ingénus pour le droit de vote, doivent aussi sans doute
avoir servi à leurs côtés dans l'armée; et les affranchis qui pos-
sédaient, à côté des immeubles, le privilège accordé à la pater-
nité doivent avoir conservé au moins alors l'égalité du droit de
suffrage et peut-être le droit de servir dans les légions (p. 22).
Par la suite, il n'est plus question de ces exemptions de catégo-
ries de personnes ; les affranchis ont probablement été écartés
des légions et ont cessé d'être employés pour le service de cam-
pagne ordinaire. Lors de la guerre sociale, on ne les admit pas
dans les légions, mais on employa, à côté des légions, des
cohortes faites de leurs volontaires (2).
Le service sous ie Sous le Principat, les affranchis ont de la même façon fait,
Principat.
en cas de nécessité, le service de campagne dans des cohor-
tes séparées (3). Ces cohortes sont désormais sur le même rang
que les cohortes auxiliaires composées de non-citoyens. Mais
guerre d'Hannibal n'est pas très différent (Tite-Live, 24, 14 rapproché de
22, 57, 11).
(1) C'est relaté pour la première fois en 537 (p. 35, note 1), mais comme
une mesure extraordinaire et restreinte aux seuls pères de famille. Posté-
rieurement, c'est la procédure ordinaire (Tite-Live, 36, 2, 15. 40, 18, 7. 42,
27, 3. 43, 12, 9); cf. Handbuch, 5, 500. Il est probable que cet emploi des li-
bertini est aussi ancien que les duoviri navales créés en 443 (v. tome IV, la
partie qui leur est relative), et que les anciennes annales n'ont relevé les
mesures prises en 537 que parce qu'elles eurent une étendue exception-
nelle et ne se limitèrent pas aux équipages de la flotte.
(2) C'est à cela que font allusion Tite-Live, 74 : Libertini twn primum
militare cœperunt et Macrobe, Sat. 1, 11, 32 : Bello sociali cohortium Xll ex
libertinis conscriptarum opéra memorabilis virtutis apparuit; Appien, B. c.
1,49.
(3) Les cohortes Italien civium Romanorum voluntariorum qui se rencon-
trent fréquemment sous l'Empire (Eph. epigr.V, p. 248. 249) ont pour source
les levées d'affranchis accomplies sur le modèle des levées faites par Au-
guste dans la guerre d'Italie (voir mon commentaire sur le Mon. Ancyr.
2« éd. p. 71).
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 37
les divisions ainsi formées qui subsistèrent furent plus tard
recrutées de préférence parmi les non-citoyens, et passèrent donc
à vraiment parler dans les troupes auxiliaires. En la forme, il
n'^ a pas de règle qui ait été appliquée sous l'Empire avec une
plus grande rigueur que l'exclusion des affranchis du service
militaire. Dans l'armée de terre, l'ingénuité était requise non
seulement chez les prétoriens et les légionnaires, mais égale-
ment dans les cohortes urbaines et les corps de troupe de na-
tionalité pérégrine. Les empereurs ont même renoncé au droit
de concéder l'ingénuité fictive pour ne pas ensevelir, à l'aide
de cet expédient, le principe fondamental de la composition de
l'armée (1). La flotte fut, il est vrai, armée en partie à l'aide
d'esclaves par Auguste, et elle fut encore, sous Néron, fré-
quemment commandée par des affranchis (2). Mais, après que
ce service fut lui-même devenu un service militaire, on y exi-
gea également l'ingénuité, qui à la vérité y était souvent fic-
tive (3). Ce fut seulement pour les pompiers de la capitale, qui
tiraient leur origine des escouades publiques chargées d'éteindre
les incendies (4), qu'Auguste se borna à exclure les esclaves ;
dans cette troupe, les affranchis ont toujours été admis à côté des
ingénus. Mais elle n'était pas à proprement parler comprise
dans l'armée, quoique ses chefs fussent traités comme des of-
ficiers (5). — Il est, en présence de tout cela, surprenant que LSLmiUtia vénale.
la milùia, qui est considérée dès le second siècle comme un
droit aliénable et transmissible, et qui est probablement la
(1) V. tome V, la partie de la Participation de l'empereur au pouvoir
législatif, sur la concession de l'ingénuité.
(2) V. tome V la partie de la Cour et de la maison de l'empereur, sur les
catégories de serviteurs impériaux.
(3) Plus tard, environ depuis Vespasien, les soldats de la flotte ne purent
plus, comme les vigiles, être des affranchis. Les inscriptions, qui sont
nombreuses, le montrent avec une évidence absolue. Mais, comme ils in-
diquent un père pérégrin ou n'en indiquent pas du tout, ceux de la der-
nière espèce doivent pour la plus grande partie être en réalité des affranchis
et leur ingénuité n'être qu'une fiction. Cf. Hermès, 19, 17. Ce ne sont proba-
blement ni des citoyens Romains, ni des pérégrins, mais des Latins.
(4) V. tome V, la partie de l'Administration de la ville de Rome, sur le
service des incendies.
(5) Handb. 5, 485.
seconde classe
dans les cohortes
urbaines.
38 DROIT PUBLIC ROMAIN.
qualité de membre d'un corps de troupe en garnison dans la
capitale, soit accessible aux affranchis. Cependant il peut s'a-
gir là du service dans les pompiers, ou bien encore l'admis-
sion des affranchis dans d'autres corps de troupes peut avoir
été rendue possible au moyen de la fiction de l'ingénuité dont
le domaine s'étendit de plus en plus (1).
Li«seern«fddees ^es tribules urbains, qui sont ingénus, mais qu'il faut re-
garder comme des citoyens de seconde classe (p. 27), occupent
une place à part dans l'armée. Ce ne peut être par un simple
hasard qu'ils sont presque complètement absents parmi les
prétoriens (2) et dans les légions (3) et qu'ils figurent en
grand nombre dans les cohortes urbaines (4). Auguste sem-
ble n'avoir pas admis ces citoyens de seconde classe à servir
dans l'armée proprement dite, mais au contraire en avoir com-
posé, pour la plus grande partie, les cohortes urbaines.
(1) Cette mililia, qui est citée fréquemment dans le Digeste et déjà à plu-
sieurs reprises par Scsevola, est accessible aux affranchis (Dig. 32, 102, 3.
34, 1, 18, 2; pas aux esclaves: Dig. 32, 11, 16). On ne voit pas clairement
de quelle espèce de services il s'agit : la mention du salarium {Dig. 19, 1,
52, 2) fait penser à des fonctions comme celles du médecin et de Yevocaius.
Il est probable que, dans le courant de l'Empire, une partie des fonctions
militaires de la garnison de la capitale sont devenues des biens héréditaires,
de la même façon dont cela s'est produit dans les clécuries des appariteurs,
si bien que leur titulaire avait la faculté de les transmettre et que l'acqué-
reur, après avoir justifié de sa capacité personnelle {Dig. 32, 102, 2 : Cum per
xtatem licebit) et avoir payé pro introitu {Dig. 32, 102, 2. 3), entrait en pos-
session des revenus attachés à la place.
(2) Le seul prétorien appartenant à une tribu urbaine qui me soit connu est
C. I. L. VI, 2382, b. 25 : M. Badusius M. f. Pal. Marcian{us) Sasi(na) ; le frag-
ment Eph. IV, 886, 9 peut appartenir aux cohortes urbaines.
(3) Je ne trouve qu'une exception certaine, le veteranus leg. Vil de la Pa-
latina C. /. L. III, 1813. Le centurio frwnentariusPal. Ostia, VIII.2825 et les
primipilaires V, 867. 3757 (XI, 386, il faut sans doute lire Palfuriano comme
VI, 2315, au lieu de Pal. Furiano) sont étrangers à la question, parce que la
carrière des centurions suit ses règles propres.
(4) La grande liste de soldats des cohortes urbaines (p. 28, note 6) donne
la tribu à 152 soldats et, sur ce nombre, la Palatina à 38.
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 39
10. DROIT AUX MAGISTRATURES, AU SIÈGE SÉNATORIAL ET AU CHEVAL
EQUESTRE.
Les affranchis et les fils d'affranchis étaient et restèrent ex-
clus des magistratures et de la curie sous la République et le
Principat, avons-nous montré au sujet de l'Eligibilité (1). —
Même dans le domaine religieux, en dehors de quelques cas
exceptionnels dont il sera question à propos des sacerdoces
équestres, il n'y a que la direction des compila Larum, ou, ce
qui est la même chose, des rues de la capitale, qui ait été ac-
cordée ou plutôt laissée aux affranchis par Auguste (2). — De
même, le cheval de chevalier n'a jamais pu être attribué à un
affranchi, et ce principe a été maintenu jusque sous le Prin-
cipat (3). Le nécessaire sera dit dans la partie des Chevaliers
sur les quelques cas où, par dérogation à cette règle, les droits
de chevalier ont été donnés à un affranchi au moyen de la
concession de l'anneau d'or. Les fils d'affranchis eux-mêmes
ne parvenaient pas, du temps de la République, au cheval
équestre, et ils ont encore été déclarés incapables de l'obtenir
par une disposition rendue sous Tibère en l'an 23 (4). Ce-
(1) V. tome II, la théorie des causes d'inéligibilité absolues, sur l'inca-
pacité des affranchis et de leurs fils.
(2) V. tome V, la partie de l'Administration de la ville de Rome.
(3) Suétone, Claud. 25 : Libertinos, qui se pro equitibus Romanis agerent,
publicavit. Vita Alex. 19 : Libertinos numquam in equestrem locum redegit.
Marcius Agrippa, advocatus fisci sous Sévère, fut poursuivi en justice parce
qu'il avait été esclave et s'était glissé parmi les chevaliers (Dion, 78, 13) ; cf.
p. 6. Avant toutes choses la règle se manifeste clairement en ce que, dans
les innombrables inscriptions de chevaliers romains, il n'y en a pas un
seul qui se désigne comme un affranchi.
(4) Pline, H. n. 33, 2, 32: Ne cuijiis id esset (celui de porter l'anneau d'or
nisi qui ingenuus ipse pâtre (sic le Ms. Bamb ; les autres : nisi cui ingenuo
patri) avo patemo HS CCCC census fuisset (lesMss. sauf le Bamb. : fuissent),
où patine avo patemo, c'est-à-dire habens patrem et avum paternum, exprime
l'ingénuité au second degré. La conjecture de Detlefsen: ingenuus ipse inge-
nuo pâtre avo patemo ne donne aucun sens.
40 DROIT PUBLIC ROMAIN.
pendant on dérogea déjà, sous Auguste, à plusieurs reprises (1),
à cette prohibition, et par la suite les exceptions sont si nom-
breuses qu'elles détruisent la règle (2). — Naturellement il
est, en vertu de ces prescriptions, interdit aux affranchis de
porter tous les titres et les insignes attachés aux magistratures
et aux rangs qui leur sont fermés.
11. LES MAGISTRATURES ET HONNEURS MUNICIPAUX.
Laugustaiité Les magistratures et les sacerdoces des cités de citoyens
municipale image
de la chevalerie comme leur sénat municipal sont fermés aux affranchis. Le
romaine. x
dictateur César a bien admis ces derniers comme magistrats
et comme décurions hors de l'Italie (3). Mais ce qui était ap-
proprié à la monarchie démocratique de César ne l'était pas au
compromis d'Auguste entre l'ancien gouvernement des Opti-
males et la domination d'un seul. La res publica restituta re-
vint à l'ancienne respectabilité, et elle exclut de nouveau ceux
qui avaient été esclaves de toute participation au gouvernement.
C'est le régime qui s'est maintenu (4). Mais Auguste a en
(1) Le chevalier Romain Vedius Pollio, mort en 739, était fils de parents
affranchis (Dion, 54, 23; cf. Pline, H. n. 9, 23, 72). Le fils d'un affranchi du
consul de Tan 20 après Jésus-Christ Gotta Maximus, M. Aurelius Gottanus
servit comme tribun militaire (C. 1. L. XIV, 2298).
(2) Tacite, Ann. 13, 27: Late fusum id corpus... plurimis equitum, plerisque
senatoribus non aliunde originem trahi. Assurément il n'est question ici que
de l'extraction en général, et relativement aux sénateurs on ne peut penser
au premier degré. V. tome II, la partie des Causes d'inéligibilité absolue,
sur l'inéligibilité des affranchis et de leurs fils.
(3) Statut municipal de Genetiva de César, c. 105: Si guis quem decurio-
n(um) indignum loci aut ordinis decurionatus esse dicet, prœterquam quod liber-
tinuserit,... Il vir...jus dicito. Exemples pour les villes d'Afrique Karthago :
C. L L. X, 6104, et Curubis : C. 1. L. VIII, 977. Cf. Eph. epigr. II, p. 132.
(4) C'est ce que montre avant tout l'absence de tout témoignage con-
traire parmi des inscriptions qui se comptent par milliers. Ce que le statut
municipal de Malaca, c. 53, prescrit pour cette cité latine, d'élire les magis-
trats ex eo génère ingenuorum hominum, de quo h. L caution comprehen-
sumque est (la partie à laquelle il est renvoyé nous manque), s'applique
à plus forte raison aux cités de citoyens. Sur l'influence du jus anulorum
et de la natalium restitutio, cf. tome V, la partie de la Participation de l'em-
pereur au pouvoir législatif, sur la concession de l'ingénuité.
LE DROIT DE CITÉ INFÉRIEUR DES AFFRANCHIS. 41
même temps assuré dans les municipes aux affranchis, tout en
les tenant rigoureusement à l'écart de l'administration commu-
nale proprement dite, certains honneurs propres restreints à eux
et une organisation correspondant jusqu'à un certain point à
celle des magistrats et du sénat municipaux, dans l'institution
des Angustales (1). Cette institution, qui emprunte son nom
au fondateur du Principat (2), a principalement été créée dans
l'intérêt pécuniaire des cités. Une des sources capitales des
finances des villes était dans les prestations qui étaient impo-
sées par le statut municipal aux magistrats et aux prêtres en-
trant en charge, soit qu'elles fussent directement versées dans
la caisse de la ville (samma honoraria), soit que ces person-
(1) L'institution des seviri augustales ne peut être ici ni laissée de côté,
ni exposée dans ses formations de détail partout différentes. Je me borne à
relever, — en partant des recherches soigneuses et raisonnables, quoique
à mon sens inexactes dans plusieurs de leurs résultats, de Joh. Schmidt (De
.sévi ris Augustalibus, Halle, 1878), — les points de cette institution qui se
rapportent à la condition générale des affranchis.
(2) Les honneurs rendus à l'empereur régnant et à l'empereur en géné-
ral ont déterminé le nom de l'institution, comme cela se montre dans l'ad-
jonction des Claudiales et çà et là dans quelques autres noms d'empereurs
plus récents; cependant cette organisation s'est fixée de si bonne heure, que
les empereurs qui ont suivi Auguste y ont de moins en moins obtenu l'ex-
pression de leur nom. Au reste rien n'a plus nui aux recherches sur la na-
ture du sévirat que la réunion qu'on a faite (même moi) entre les formes
infiniment multiples du culte d'Auguste, quand elles prennent un caractère
de collège et appartiennent à la plèbe, et l'organisation spécifique des sex-
viri augustales, ou du moins les efforts qu'on a tentés pour les mettre dans
une relation plus ou moins claire. Ainsi par exemple rien n'est plus habi-
tuel que d'identifier avec les sévirs les très équités Romani a plèbe et très li-
bertini qui, conformément au vœu fait par la plebs de la ville de Narbo en
l'an 11 de Jésus-Christ, doivent offrir des sacrifices commémoratifs annuels
en l'honneur d'Auguste (C. 1. L. XII, 4333) ; or rien n'est plus certain que
le caractère de représentants de toute la plèbe qui appartient au contraire
à ces habitants de Narbonne, les trois chevaliers représentant les ingénus
qui n'appartiennent pas au sénat municipal, les trois libertini représentant
les ex -esclaves desquels seuls les sévirs sont la représentation. — Les inagis-
tri Larum Augusti, les magistri Augustales, et tous les autres magistri analo-
gues sont également, comme au reste cela a déjà été justement remarqué,
notamment par Henzen, certainement différents des sévirs ; car ces derniers,
ne portant jamais cette dénomination sacerdotale, n'ont jamais de ministri
à leurs côtés comme en ont fréquemment les magistri, et le chiffre quatre
prévaut communément chez les magistri ; ces derniers paraissent être en
réalité une copie des magistri vici romains ; or ce n'est pas du tout le cas
des sexviri.
42 DROIT PUBLIC ROMAIN.
nages dégrevassent les finances de la ville en organisant des
fêtes publiques (ludi) ou en faisant d'autres dépenses équiva-
lentes (pro ludis, pro munere). Or, les libertini ne pouvant oc-
cuper de magistratures ni de sacerdoces, ces dépenses leur res-
taient étrangères, si aptes qu'ils fussent en partie à les suppor-
ter et si disposés qu'eussent été certains d'entre eux à les faire.
C'est pour cela que l'on appela à la vie une organisation mu-
nicipale fictive, dans laquelle il n'y avait rien autre chose de
réel que la pompe et les frais. Quant au fond, elle fut créée
par le gouvernement, la preuve en est dans la généralité et
l'uniformité essentielles avec lesquelles elle se présente dans
l'Italie et dans les provinces latines organisées de vieille
date, tandis qu'elle ne se rencontre que rarement en Afrique
et pas du tout dans les provinces grecques. Mais évidemment
elle ne fut pas créée par une loi générale : elle le fut par des
résolutions des diverses communes, que le gouvernement put
y amener d'autant plus facilement qu'au point de vue financier
la cité ne retirait de là que des avantages et des divertisse-
ments. L'établissement de l'institution vient d'Auguste et peut
remonter à ses premières années (1). D'après elle, les décu-
rions nomment annuellement, dans la plupart des villes exclu-
sivement et dans toutes principalement parmi les affran-
(1) Les deux inscriptions de sexviri de Verona (C. 7. L. V, 3404, cf. id. op.
p. 327) et de Narona (C. 1. L. III, 1769) ont, comme je l'ai remarqué sur
elles, été placées du vivant d'Auguste et sont invoquées avec raison comme
argument chronologique par Joh. Schmidt, p. 123. En outre, comme l'a
remarqué 0. Hirschfeld {Zeitschrift fur ôsterr. Gymnasien, 1878, p. 294), le
M. Cselius Phileros, qui fut accensus près du gouverneur d'Afrique T. Sex-
tius en 712-714 et qui fut plus tard augustale à Formias (C. L L. X, 6104),
ne peut avoir occupé cette dernière position que du vivant d'Auguste. Si
l'on ajoute qu'il doit y avoir eu un certain intervalle entre l'établissement
de l'institution et son apparition sur les inscriptions, on sera plutôt porté
à la placer dans la première période du règne d'Auguste que dans la der-
nière. Dans un fragment des fastes d'un collège qui n'est pas connu plus
précisément (Henzen, 7165), il est fait allusion, en l'an 22, à une visite des
VI vi[ri] et il est noté en l'an 23, que: II1I primi (les noms des quatre chefs
du collège et d'un prxco sont donnés auparavant) natale Juliœ August{se) in
pu[blico] cenam decurion{ibus) et Augu[stalibus] dederunt; eorum seviri [mu-
nus] familia fjladiat[oria ediderunt].
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 43
chis (I), des sixeniers (2) sex viri augustales (3). Cette po-
sition est une charge publique comme les véritables magistra-
tures (4), et celui qui s'est soumis une fois à la remplir, en
est en principe exempt pour l'avenir (5). Elle consiste, comme
nous avons déjà dit, dans le paiement d'un droit d'entrée à la
caisse de la ville et dans l'organisation de jeux. En la forme,
les sexviri sont des magistrats sans fonctions à peu près comme
ceux d'Albe et de Lavinium. Leur dénomination est une dé-
fi) La libertinité est le plus souvent, et même sans exception dans la
moitié méridionale de l'Italie, une condition absolue d'aptitude au sévirat.
Ailleurs il y a, mais constamment en minorité, des ingénus parmi les sé-
virs. Il est vraisemblable que certains ingénia, par exemple les spurii, n'é-
taient pas éligibles aux magistratures municipales et qu'ils auront avec le
temps été assimilés aux affranchis relativement au sévirat. Mais nous ne
savons jusqu'à quel point le cercle a été étendu par le droit municipal, et
les ingénia qui se présentent parmi les sévirs ne pourraient en aucun cas
être expliqués tous de cette manière. Car on en trouve parmi eux, en parti-
culier dans l'Italie du Nord, qui ont une tribu rustique ; le sévirat se trouva
même, à titre isolé, uni aux magistratures municipales, par exemple C. 1. L.
XI, 072 (Reggio) : C. Bienus L. f. Pol. Broccus VI viral(is), œdilicius, IIvir{a-
lis) Regio Lepido ; XI, 1058 (Parma) : L. Vettidius C. f. veteranus leg. XII pa-
ternse (par conséquent probablement du temps d'Auguste), sex vir, xdiilis)
et 1064 ('même lieu): L. Petronius L. f.Pol. Sabinus VI\vir, dec{urio), q(ussstor),
II vir, pontif(ex). La clef est fournie par les inscriptions de Milan; elles dis-
tinguent deux catégories de sexviri, les seniores, qui se conforment à la rè-
gle, et les juniores, qui sont ingénus, qui sont fréquemment arrivés aux ma-
gistratures, et qui par conséquent sont peut-être les fils des premiers, mais
qui en tout cas constituent une catégorie spéciale annexée à l'institution du
sévirat et n'y appartenant pas au sens propre. Il est vraisemblable que ces
deux classes auront également existé, sans y être séparées par les titres of-
ficiels, dans les localités plus petites de l'Italie du Nord.|
(2) On les trouve à titre isolé remplacés par des octoviri à Firmum et
Falerio, par des tresviri à Amiternum.
(3) Leur dénomination subit des variations multiples ; mais il est clai-
rement reconnaissable qu'en règle ceux qui sont chargés pour un an de
donner des jeux s'appellent sex viri Augustales pendant qu'ils sont en exer-
cice, et la corporation formée de ceux d'entre eux qui ont satisfait à cette
charge Augustales tout court. La distinction se montre en particulier à ce
que, lorsque Vordo s'organise en corporation et reçoit des magistrats, ces
quinquennales, questeurs, curateurs sont régulièrement rattachés aux au-
gustales et non aux sévirs. Les deux catégories sont donc dans la même
relation que le consul et le consularis, ou encore le magistratus et le senator.
(4) C. 1. L. X, 112 : Hoc nomine relevati inpensis facilius prosilituri hi qui
ad munus Augustalitatis conpellentur.
(5) La preuve en est dans la rareté relative de l'itération. Le terme
sexvir perpetuus exprime probablement le privilège de partager la prési-
dence avec les sévirs de chaque année.
44 DROIT PUBLIC ROMAIN.
nomination qui, dans les municipes, est exclusivement usitée
pour les magistrats (1), et ils ne remplissent jamais de fonc-
tions sacerdotales (2). De même que le sénat municipal, Yordo,
a pour source l'exercice des magistratures combiné avec l'ad-
lection, l'exercice de la magistrature fictive, du sévirat, égale-
ment combiné avec l'adlection donne naissance à Yordo des
Augustales. Le modèle copié par cette institution municipale,
ce sont les chevaliers romains. L'ordre équestre, dans lequel
les fils d'affranchis ne manquent pas (p. 40), contient, par op-
position à la noblesse de naissance et à la grande propriété
foncière, la classe des capitalistes et le gros commerce ; les col-
lègues de Trimalchio, représentent le même milieu dans un
cercle moins élevé; et les collèges des Mercuriales apparais-
sent à plusieurs reprises comme des précurseurs des Augusta-
les (3). La position qu'occupent les Augustales dans les muni-
cipes est aussi exactement celle des chevaliers (4). Ils sont
(1) La constitution municipale ne connaît pas de titres de prêtres ana-
logues à ceux des septemviri et des quindecemviri de Rome, tandis que les
noms de la magistrature y sont constamment composés de cette façon. Les
sévirs ne sont nulle part appelés sacerdotes ni magistri, ni d'aucune autre
désignation analogue ; au contraire on trouve assez souvent honos pour
désigner le sévirat.
(2) Car les arguments qu'invoque Schmidt, p. 72, l'obligation imposée
aux sévirs en vertu d'un legs d'accomplir un sacrifice à un jour déter-
miné (C. 1. L. V, 4203) et les sacrifices qui accompagnent les jeux (C. 1. L. V,
3386), s'appliqueraient également à tous les collèges de magistrats. Si l'on
a fait un prêtre au lieu d'un colonus de l'Augustale qui coluit annos XXXXV
(C. I. L. X, 1877), la faute n'en est pas à l'inscription.
(3) Les plus anciennes inscriptions qui nomment les Augustales le
montrent avec une fréquence relative, ainsi l'inscription de Narona citée
p. 42, note 1, d'un HIIHvir m(agister) M(ercurialis) ob honorem (alternant
avec la formule llllllvir ob honorem magisterii Mercurialis) et l'inscription
de Nola, certainement écrite, elle aussi, sous Auguste, d'après sa langue,
CI. L. X, 1272: L. Sattio L. I. Phileroti magistro Mercuriali et Augustalei.
On reconnaît là clairement à la fois que les Augustales sont sortis de col-
lèges religieux et qu'on a rejeté pour eux le magister religieux.
(4) Les équités Romani n'entrent pas, en cette qualité, en ligne de
compte dans l'organisation municipale. Ils appartiennent, s'il ne siè-
gent pas dans Yordo, à la plèbe, et ils y font parfois l'objet de distinctions
comme dans l'ara de Narbo (p. 41, note 2) et dans l'inscription C. I. L.
VIII, 8938, où les chevaliers Romains sont mis sur le même rang que les
décurions pour les largesses publiques. On a trouvé dans le théâtre d'O-
range un degré avec la légende : Eq{uitum) g{radus) III (C . I. L. XIV, 141) et
LE DROIT DE CITE INFERIEUR DES AFFRANCHIS. 45
comme reux une portion intégrante de l'état, mais ils ne
sont pas plus qu'eux, au sens juridique rigoureux, une corpo-
ration. Ils ne peuvent ni prendre des résolutions indépendantes
ni acquérir des biens (1), ils n'ont qu'exceptionnellement les
droits des corporations, et ce n'est qu'en ce cas qu'ils peuvent
avoir des chefs et une caisse (2). Mais ils ont, comme les che-
valiers, leur place particulière aux jeux et une situation inter-
médiaire entre le sénat et le peuple de la cité (3). L'ordo
des ingénus et Yordo des affranchis sont dans les municipes
ce qu'est à Rome Yuterqae ordo par opposition à la plebs urba-
na (4). La dénomination des sexviri et les ludi sevirales
les 14 bancs figurent même dans la caricature des institutions de la ca-
pitale faite à Gades (Gicéron, Adfam. 10, 32,2). Mais le statut municipal de
Genetiva qui connaît la proédrie des décurions ne connaît pas celle des che-
valiers. Ils ne se présentent pas comme collectivité dans les différents
municipes.
(1) Ce sont les décurions qui procèdent à la nomination des Augustales,
et les legs faits aux Augustales sont légalement des legs faits à la cité sub
modo. Il a peut-être existé des patronats spéciaux sur les Augustales, et ils
peuvent s'être basés sur une sorte de résolution prise par eux ; il y a aussi
une pétition des sex viri (p. 42, note 1) dans le document de l'an 22, et
encore certains autres détails semblables. Mais l'ordo equester Romain a
précisément cette situation pseudo-corporative liée à l'absence des droits
corporatifs, ainsi que nous le verrons dans la partie qui le concerne.
(2) Ainsi les Augustales de Puteoli sont appelés corporati et ont aussi
des quinquennales et des curateurs (C. L L. X, p. 1150), et, comme il est
permis aux augustales de Brixia ex permissu divi Pu arcam (par conséquent
pas un œrarium, mais simplement une caisse séparée dépendant de la
cité ; cf. tome III, la partie du Grand Pontificat, sur les caisses sacerdota-
les) habere, ils s'appellent socii et collegium (C. I. L. V, p. 1187), ce qui ne se
présente pas ailleurs chez les sévirs. Pour ceux qui ont des yeux, ces ex-
ceptions sont le miroir de la règle.
(3) Pour faire comprendre les droits liés à l'Augustalité, il suffira de
rapporter une résolution rendue à ce sujet en l'an 26 de l'ère chrétienne,
en faveur d'un affranchi impérial, par les centumvirs, c'est-à-dire par le
sénat municipal de Véies (Orelli, 4046= C. 7. L. XI, 3805) et où d'ailleurs ces
droits sont exceptionnellement augmentés : Ut Augustalium numéro habeatur
œque ac si eo honore usus sit liceatque ei omnibus spectaculis municipio nostro
bisellio proprio inter Augustales considère cenisque omnibus publicis inter cen-
lumviros interesse, itemque placere, ne quod ab eo liberisque ejus vectigal mu-
nicipii Augusti Veientis exigeretur. Tout Augustale a sa place au théâtre; le
bisellium proprium est une distinction fréquemment citée. Le droit de sié-
ger parmi les décurions et l'immunité sont également des privilèges indi-
viduels particliers (cf. C. /. L. X, 4760).
(4) h'ordo Augustalium correct ne doit pas être confondu avec Yordo li-
46 DROIT PUBLIC ROMAIN.
sont passés de la chevalerie romaine à sa copie municipale (i);
les sévirs des chevaliers ne sont certainement ni des prêtres
ni des officiers, mais ils figurent parmi les magistrats quoique
n'ayant tout aussi sûrement aucune attribution de magistrats; il
en est exactement de même pour les sévirs des municipes. Les
sexviri des chevaliers et les sexviri municipaux sont sans doute
aussi arrivés à la vie en même temps. Les deux institutions
sont étrangères à la République, et toutes deux sont nées dans
les commencements du Principat. Les sévirs à la tête des-
quels chevauchent les princes de la maison impériale sont sans
doute d'unjplus haut rang que ceux de Cumes représentés par
Pétrone. Mais entre les premiers et les seconds le rapport est le
même qu'entre Cumes et Rome.
bertinus (p. 2, note 1) qui est abusif. L'augustalité ressort surtout clairement
comme seconde classe dans les largesses municipales, qui sont tout à fait
habituellement divisées d'après ces trois classes (voir leur aperçu d'ensem-
ble C. I. L. IX, p. 792. X, p. 1161). Mais la différence des Augustales et des
collèges apparaît précisément là avec une lucidité frappante. Les Augus-
tales de Brixia y sont avec le collegium fabrum dans le même rapport
où Y or do equester est à Rome avec le collegium tibicinum ; quand la cité elle-
même est représentée, on ne tient pas compte des collèges, on tient compte
au contraire des Augustales.
(1) J'ai antérieurement (Archâol. Zeitung, 1878, p. 74) pensé à considérer les
sévirs comme une image de la magistrature municipale composée des trois
collèges ordinaires des duoviri, des édiles et des questeurs, et c'est assuré-
ment de cette façon que s'explique le plus facilement le pseudo-sénat des
augustales. Il n'est pas non plus impossible que cette conception ait influé
sur la constitution du sévirat. Mais l'analogie des institutions équestres
est plus immédiate, et l'on ne pourrait pas expliquer par là les sexviri des
chevaliers Romains.
LA N0B1LITAS ET L'ORDRE SÉNATORIAL.
(S*R»U,i S.45S-IV7S-)
Après que la noblesse héréditaire constituée par les anciens citoylns^ouî ia
citoyens eut perdu sa situation dominante primitive, l'égalité epu ique'
de droits politiques régna dans l'État patricio-plébéien. Il n'y
avait pas de citoyen qui ne put devenir consul ou pontife ; il
n'y avait pas d'ordre privilégié, de noblesse, le mot et la chose
manquaient également. Mais l'égalité du peuple patricio-plé-
béien, qui fut dès le principe plus nominale que réelle, dispa-
rut en fait dès le temps de la République et s'effaça, même
théoriquement, sous le Principat. Il se forma deux noblesses :
la noblesse héréditaire, la nobilitas ou, comme elle s'appela
plus tard, l'ordre sénatorial, formé par la magistrature et par
le sénat qui en sortait, et la noblesse personnelle, l'ordre éques-
tre, constitué par l'institution de la cavalerie civique et le
corps d'officiers qui en sortait. Le reste du peuple est opposé
à toutes deux.
La mise à part des ordres privilégiés commence extérieure- Développement
ment par la séparation de leurs sièges dans les spectacles. Le privilégiés.
début du gouvernement des optimates est caractérisé par la
proédrie accordée aux sénateurs en 560 ; la proédrie symétri-
que des chevaliers, probablement introduite du temps des
Gracques, caractérise également le début du gouvernement à
48 DROIT PUBLIC ROMAIN.
deux têtes. Mais cette opposition ne consiste pas seulement
dans des faits extérieurs. Le droit aux magistratures et aux
sacerdoces de la cité revient, non pas il est vrai théoriquement,
non pas non plus sans exceptions, mais eu fait, à la première
catégorie de personnes. La répartition des places entre le sé-
nat et l'ordre équestre remonte à C. Gracchus, et ce qui avait
été commencé par la démocratie fut achevé par le Principat.
L'ancien système, selon lequel toutes les fonctions publiques
étaient ouvertes à tous les citoyens, fut renversé : les magistra-
tures et les sacerdoces furent complètement fermés à ceux qui
n'appartenaient pas à l'une des deux noblesses, et, parmi les
deux noblesses, il n'y eut qu'une moitié des magistratures et
des sacerdoces d'accessible à chacune. La transformation fon-
damentale des institutions politiques se manifeste de la ma-
nière la plus énergique dans la façon dont fut traitée l'infamie.
Le droit de la République connaît une dégradation privée, qui
trouve sou expression dans l'incapacité portée par le préteur
de représenter une autre personne en justice, et une dégrada-
tion politique, qui a pour expression, dans la sphère de la
compétence du consul, le refus de l'éligibilité, dans celle de
la compétence du censeur, le refus des droits honorifiques des
citoyens, du siège au sénat, du cheval équestre, du droit de
suffrage complet (1). Cette double infamie existe encore sous
l'Empire. Mais l'infamie politique ne fonctionne plus qu'en ce
sens que le sénateur peut être expulsé de la curie et le chevalier
être privé de son cheval. L'idée que le plébéien n'a plus ni
droits ni honneurs civiques ne peut pas être exprimée plus
énergiquement que par le fait qu'il n'y a plus de forme pour
les lui retirer.
ordo senatorius Le mot s'accorde avec la chose pour la classe privilégiée.
et equester. * * °
Ordo, au sens propre, une rangée, et par conséquent une divi-
sion militaire comme une corporation civile (2), ne perd pas
(1) V. tome II, la partie de la Censure, sur l'infamie reconnue par le
censeur dans son rapport avec celle prononcée par les autres magistrats.
(2) Ordo, d'onVi, au sens propre la rangée, se rencontre dans son sens
concret de la façon la plus énergique, pour les rangées de rames des na
LA NOBILITAS ET L'ORDRE SENATORIAL. 49
cette acception large, môme à l'époque récente. Mais il est em-
ployé par excellence pour l'ordre sénatorial et les chevaliers;
l'idée de classes privilégiées s'exprime particulièrement en
toute clarté dans Yuterque ordo du Principat (1).
vires, les rangées de briques des toits (C. /. L. X, 1781, 2, 6), les bancs du
théâtre. En matière militaire, le mot n'est employé que pour l'infanterie,
et non pour la cavalerie (VI, 1, p. 286, note 1), sans doute parce que la première
avait pour base les rangs de la phalange, tandis que la seconde ne combat-
tait pas d'abord en rangs. Dans la langue politique, ordo désigne, confor-
mément à cela, un corps fermé ; ainsi en premier lieu le sénat : ses membres
sont régulièrement désignés à Rome .comme des membres ordinis sena-
torii (Cicéron, Pro Cluent. 37, 104 ; Salluste, Cat. 17, etc.), et, dans les mu-
nicipes, ordo est employé tout à fait habituellement pour désigner le con-
seil communal. En parlant de Yordo equester (voir les témoignages sur
cette expression, également très ancienne, dans la partie des Chevaliers), on
fait probablement allusion en première ligne à son apparition dans la
pompa. Mais ce sont aussi des ordines que les jurés inscrits sur l'album
{ordo judicum, Cicéron, In Pis. 39, 44; Pline, H. n. 33, 2, 34); que les cor-
porations (mais pas du tout les bureaux) des appariteurs (v. tome 1, la
partie des Appariteurs, sur leurs decurise et leur ordo), des haruspices
(Handb, 6, 415), de certains sacerdotes domus Augustse (C. I. L. VI, 2010) ;
que les associations de mariniers (par exemple les corporati lenuncularii
tabulant auxiliaires Ostienses, C. 1. L. XIV, 250. 251) et de comédiens (ainsi
les adlecti scaenicorum de Bovillaa, C. 1. L. XIV, 2408). Si ordo est aussi
employé fréquemment pour les publicains (voir, tome IV, la partie de la
Censure, sur la mise à ferme des biens de l'Etat), le caractère de corps fermé
ne leur fait pas non plus défaut. Où ce caractère manque, on peut bien
parler de genus hominum ( VI, i,p. 8, note 3); on ne peut pas parler à'ordo.
Les ex-tribuns militaires ne sont pas un ordo, dit Cicéron (Phil. 6, 5, 14: Sta-
tuerunt... tribuni militares qui in exercitu Csesaris... fuerunt. Quis est iste
ordo? niulti fuerunt multis in legionibus per tôt annos, cf. Phil. 7, 6, 16), en-
core moins les 130 censeurs des villes de Sicile (Cicéron, Verr. L 2, 55.
137 : Ordo aliqui censorum est? collegium? genus aliquod hominum ?) Si le
même auteur {Verr. I. 2, 6, 17) emploie ce mot pour les aratores, pecuarii,
mercatores, et si l'on dit souvent, à l'époque récente, ordo libertinus (p. 2,
note 1), la dernière expression en particulier est incorrecte ; et Yordo pe-
dester chez.Tite-Live, 5, 7, 7, ne peut être excusé dans une certaine mesure
que par l'antithèse avec census equester. C'est tout aussi incorrectement
que Pline (H.n.'X), 1, 29 : Anuli plane tertium ordinem mediumque plebi
et patribus inseruere) considère le sénat, les chevaliers- et le peuple comme
très ordines.
Uterque ordo se rencontre sans doute pour la première fois dans Vel-
leius, 2, 32. 100, plus tard fréquemment, par exemple dans le décret de Do-
mitien (C. I. L. IX, 5420 : Adhibitis utriusque ordinis splendidis viris), dans
Suétone, Aug. 15. Ner. 11. Vesp. 9, etc. La même conception dans une ins-
cription du temps d'Auguste, C. I. L. IX, 3158 : Usum... castresibus... Cse-
saris Augusti summis equestris ordinis honoribus, et jam superiori destinatum
ordini.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 4
50 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Lapais, par Avant de no«s consacrer à l'étude des deux noblesses, nous
opposition au
sénat et aux devons nous occuper du terme qui leur est opposé, de l'ensem-
chevaliers.
ble des citoyens qui ne sont pas nobles, qu'il nous faut étu-
dier au moins quant à la terminologie; car, pour le surplus,
cette catégorie, qui n'est caractérisée que négativement par
l'absence de droits politiques actifs, trouve sa description dans
celle des corps privilégiés qui lui sont opposés. La désignation
antithétique des citoyens qui n'appartiennent pas aux deux
ordres favorisés est le mot plebs, qui est traduit, dans ce sens,
du moins, par Dion Gassius, par o^iXoÇ tandis qu'il appelle
7wXr;9o; (1) la plèbe qu'on oppose aux patriciens (VI, 1, p. 2,
note 4). En partant de l'idée de multitude (VI, 1, p. 70, note 1),
le mot exprime, dès le principe, l'opposition avec les citoyens de
haut rang, et par conséquent plebs se rapproche sous ce rapport
depopulus pris dans son acception récente (VI, 1, p. 3, note 1):
seulement,— que l'on compare homo popularis et sermoplebeius,
pour s'en rendre compte, — l'idée de la multitude est prise dans
populus au sens favorable et dans plebs au sens défavorable (2).
Le sens moderne, dans sa portée précise, étrangère à la
langue de la République (3), se rapporte aux frumentationes de
la capitale, desquelles les sénateurs et les chevaliers sont ex-
clus. Les bénéficiaires urbains de ces distributions se désignent
eux-mêmes de ce mot, en y ajoutant urbana ou un qualifica-
tif correspondant (4). Cette division tripartite n'a pas été ap-
(d) Tome VI, 1, p. 163, note 2. Appien, B. c. 1, 30, traduit plebs urbana par
noXiTixbç ô'-/Xoç.
(2) L'esprit de parti influe aussi sur cette façon de s'exprimer. Salluste,
par exemple, emploie populus en général sans couleur et plebs en général
dans un esprit d'opposition en face de nobilitas, senatus, patres, pauci. La
différence de l'ancien patriciat et de la nobilitas moderne est le plus souvent
négligée.
(3) Gicéron, (VI, 1, p. 127, note 4) désigne la totalité des montant etpagani
comme la plebsurbana. Quant aufond,c'est la même chose que la factio forensis,
dontTite-Live, 9, 46, a sans doute emprunté le nom à d'anciennes annales. —
L'ancienne acception du mot plebs subsiste toujours à côté de celle-là, princi-
palement, il est vrai, lorsqu'il est question des institutions républicaines,
par exemple dans la définition du plebi scilum.
(4) Plebs quse frumenlum publicum accipiebat {Mon. Ancyr. 3, 20), plebs ur-
bana (id. 3, 16), plebs Romana (id. 3, 7) sont employés par Auguste comme
LA NOBILITAS ET L'ORDRE SÉNATORIAL. 51
pliquée, dans la langue officielle, à l'ensemble des citoyens de
l'empire. On les a appelés, comme sous la République, senatus
populusque; mais plebs est employé ailleurs fréquemment,
même sans corrélation avec les distributions, par opposition
au sénat et aux chevaliers, et, dans les municipes, par opposi-
tion aux décurions et aux sévirs (1).
Nous pouvons être brefs sur la nobilitas ; car elle trouve son NoMutas.
expression essentielle dans la magistrature et le sénat, et il
n'y a ici que peu de choses à expliquer relativement à elle-
même.
Nous n'avons pas de raison de douter que les différentes Lau"o6Satst
gentes aient été, les unes à côté des autres, sur un pied d'éga- élargi-
lité dans le sein du patriciat. Celles desquelles il était sorti des
rois et des consuls, doivent bien avoir joui dès le principe d'une
certaine préséance en face des autres familles patriciennes,
tout comme, dans la noblesse romaine contemporaine, les fa-
synonymes. Sur les inscriptions dédiées par ces bénéficiaires des distribu-
tions, ils s'appellent pleps urbana quse frumentum publicum accipit (C. 1. L.
VI, 943, du temps de Titus; à côté: et tribus ) ou pleps urbana quinque
et triginta tribuwn (C. 1. L. VI, 909. 910, du temps de Tibère) ; ailleurs
[pï\eps urbana [quseestïjn regione I vicorum (C. I.L. VI, 899, du temps
d'Auguste). Cf. p. 31, note 1.
(1) Horace, Epist. 1, 1, 58 : Sed quadringentis sex septem milia desunt:
plebs eris. Ovide, Fast. 2, 198 : Sancte pater patrise, tibi plebs, tïbi curia nomen
hoc dédit, hoc dedimus nos tibi nomen eques. Martial, 4, 2, 3: Plebs et minor
ordo maximusque. — Sans doute populus est souvent employé dans des
constructions analogues ; ainsi par Auguste, Mon. Ancyr. 6, 24 : [Senatus et
equ]ester ordo populusque Romanus universus appellavit me patrem patmse;
sur la monnaie Eckhel, 6, 126: Divus Augustus consensu senat{us) et eq{ues~
tris) ordin(is) p(opuli)q{ue) R(omani); dans Martial, 8, 15: Bat populus, dat
gratus eques, dat tura senatus, où suivent les tribus{^. 31, note 1). Dans les
inscriptions municipales, on nomme, même dans la langue officielle (ainsi
par exemple C. L L. IX, p. 788. 792. X, p. 1156. 1161), à côté des deux
classes privilégiées, ou lapZe6s,ou lepopulus,les municipes, les, coloni, les cives.
Voici comment il faut comprendre cela : plebs exprime l'opposition et par
conséquent les trois catégories s'excluent, dans les inscriptions municipales
de cette espèce ; au contraire populus et les expressions équivalentes
comprennent les classes supérieures, et, lorsqu'il s'agit de simples citoyens,
la désignation, qui s'applique à eux en même temps qu'aux décurions
et aux Augustales, leur est appliquée par politesse. Lorsque l'opposition
est en jeu, populus n'est jamais synonyme de plebs. Horace n'aurait pas
pu écrire : Populus eris.
52 DROIT PUBLIC ROMAIN.
milles papales ont une position à part; si le jus imaginant (1)
remonte à l'époque de l'Etat purement patricien, cette position
à part peut avoir eu dès cette époque son expression en forme.
Mais la classe privilégiée de laquelle nous nous occupons ne se
rattache pas aux différences de rang ainsi possibles dans le
patriciat ; elle se rattache à l'ancienne opposition des patriciens
et des plébéiens elle-même, les premiers étant seuls citoyens au
sens propre et les seconds étant au sens propre des clients des
citoyens, pour certaines catégories desquels le lien de clientèle
disparut à la vérité par la suite (VI, 1, p. 77, note 1). Ces
derniers furent séparés des plébéiens restés en clientèle et furent
regardés par les patriciens comuie'leurs égaux. Ce patriciat
élargi est désigné, en langue technique, comme le fait d'avoir
un nom; un homme qui a un nom, nobilis, de noscere, comme
nomen même (VI, l,p. 226), est celui qui appartient à ce milieu.
Les caractères du patriciat se transmirent naturellement à ce
pseudo-patriciat. La nobilitas n'est pas sans doute un droit de
gentilité comme le patriciat ; mais elle est aussi héréditaire :
elle est acquise à la personne, mais elle se transmet à la
descendance agnatique du premier acquéreur (2), ou plutôt
c'est chez ses descendants qu'elle commence ; car celui qui
n'entre pas dans ce cercle par droit de succession, Vhomo no-
vus, n'est pas lui-même nobilis (3), et il anoblit ses descen-
(1) V. tome II, la partie des Honneurs des ex-magistrats et de leur pos-
térité, sur le jus imaginum.
(2) Gela résulte du caractère fondamental patricien, c'est-à-dire gentilice
de l'institution. A la vérité, on fit postérieurement figurer dans les cortèges
funèbres mêmes les maisons qui n'étaient parentes qu'en ligne maternelle et
celles qui n'étaient simplement qu'alliées. Cf. tome II, la partie des Hon-
neurs des ex-magistrats, sur le jus imaginum.
(3) Cicéron, De l. agr. 2, 1, 3 : Me perlongo intervallo prope mémorise tem-
porumque nostrowm primum ho?ninem novum consulem fecistis et eum locum,
quem nobilitas prsesidiis firmatum atque omni ratione obvallatum tenebat, me
duce rescidistis, et ce qui suit. Salluste, Jug. 83 : Consulatum nobilitas inter
se per manus tradebat, novus nemo tam clarus neque tam egregiis factis erat,
quin is indignus Mo honore et quasi pollutus haberetur. Cette opposition faite
entre homo novus et homo nobilis se rencontre fréquemment, ainsi relative-
ment à Gaton l'Ancien (Tite-Live, 37, 57, 12. 39, 41, 1 : Hune... premebat no-
bilitas... indignabantur novum hominem censorem videre ; Plutarque, Cato
maj. 1), pour Marius (Salluste, Jug. 73, 85), pour Cicéron (Gicéron, Verr. 5
LA XOBILITAS ET L'ORDRE SÉNATORIAL. 53
dants (1). Nous allons chercher d'abord quel cercle de personnes
comprend la noblesse héréditaire élargie, la nobilitas ; puis
nous verrons quels sont les droits qui en résultent.
La nobilitas comprend trois catégories de personnes : les pa-
triciens, les personnes sorties du patriciat en conservant le
droit de cité et les plébéiens arrivés aux magistratures curules
ainsi que leurs descendants.
1. Le patricien ne peut, dans aucune circonstance, être un
homo 7iovus (2). Au sens strict, la nobilitas, notamment en
tant qu'elle est identifiée avec le jus imaginum (3), n'appar-
tient pas au patricien en cette seule qualité (4) ; car il n'a pas
forcément de magistrats curules parmi ses ascendants. L'idée
fondamentale de l'institution se révèle ici : les personnages
70, 180 ; Ad fam. i, 7, 8 ; Salluste, Cat. 23 ; Appien, B. c. 2, 2) etc. (Gicéron,
Pro Mur. 7. 8; Pro Cluent. 40 ; Velleius, 2, 128). Velleius, 2, 34: M. Cicero...
vir novitatis nobilissimse n'est qu'une fausse pointe.
(1) Cicéron, Verr. 5, 70, 180 : {M. Caio) cum ipse sui generis initium ac
nominis ab se gigni et propagari vellet. Gicéron appelle le plus ancien ma-
gistrat d'une famille indiqué dans les fastes le princeps nobilitatis (ainsi
pour les Junii et les Papirii, p. 54, note 1). Il n'est pas tout à fait exact
de qualifier avec Salluste (note 3) la condition de Y homo novus de nova
nobilitas. La nobilitas trouve son expression dans les images des an-
cêtres ; or il en laisse bien à ses descendants, mais il n'en a pas lui-même.
(2) Gicéron, Pro Mur. 7, 16, parlant de M. iEmilius Scaurus, consul en
639, qui était parvenu à memoriam prope intermortuam generis sui vir tut e reno-
vare, ne l'en appelle pas moins un Jiomo nobilissimus et l'oppose à Y homo
Q. Pompée. Asconius, In Scaur. p. 22, dit également : Scaurus if a
fuit patricius, ut tribus supra eum œtatibus jacuerit domusejus fortuna : nam
neque pater neque avus neque etiam proavus ... honores adepti sunt : itaque Scauro
œqueacnovo hornini laborandum fuit. Plutarque seul, De fort. Rom A, l'appelle
incorrectement un xàtvbç âÊvôpawcoç. Tite-Live dit également du premier
consul plébéien, 7, 1, 1 : Annus hic erit insignis novi hominis consulatu; le
premier consul plébéien est le premier novus homo; car un patricien ne peut
pas être novus homo.
(3) Salluste, Jug. 85, 23 : Quia imagines non habeo et quia mihi nova nobi-
litas est; Sénèque, Ep. 44, 'i : Non facit nobilem atrium plénum fumosis imagi-
nibus, et De benef. 3, 28, 2; Juvénal, 8, 19 : Totalicet veferes exornent undique
cerœ atria, nobilitas sola est atque unica virtus ; Tite-Live, 1, 34, 6 ; Cicéron,
De l. agr. 2, 36, 100.
(4) La qualification de nobilis est évitée pour le patricien ; il est noble
et par conséquent il n'est pas anobli. Tite-Live emploie fréquemment, à
proprement parler par anticipation (2, 56, 10. 4, 4, 7. 6, 42, 9. 11. 7, 1, 5,
10, 15, 8. 9), l'expression nobilitas pour le patriciat de l'époque où il n'y
avait pas encore de nobiles plébéiens.
Nobilit'is
et patriciat.
54 DROIT PUBLIC ROMAIN.
anoblis par les magistratures sont mis sur le même rang que
les nobles de naissance, mais le noble de naissance n'est pas
soumis aux conditions auxquelles les gens de l'autre catégorie
acquièrent la noblesse.
postérité 2. Le patricien sorti par émancipation de la puissance pater-
patriciens. neiie (yj? ^ p gg) et pareillement celui qui passe du patriciat
dans la plèbe (VI, 1, p. 153) perdent par là leurs droits nobiliai-
res, mais ils conservent leurs ancêtres (1), et eux et leurs des-
cendants agnatiques appartiennent à la nobilitas. L'émancipa-
tion qui est déjà sanctionnée par les Douze Tables et qui doit re-
monter encore plus haut dans le passé, a été sans doute le point
de départ de la fondation de la nobilitas. Au sens rigoureuse-
ment propre, elle constitue le pseudo-patriciat des maisons
plébéiennes qui se regardaient, à tort ou à raison, comme issues
de maisons patriciennes (2). Il est encore vrai pour ces maisons
qu'elles ne possèdent pas nécessairement le jus imaginum .
Anoblissement 3# Depuis que les magistratures curules ordinaires de la
par 1 exercice des x x u
macguruTesUres Cit(^ jusqu'à, l'édilité curule, qui avaient d'abord été réservées
aux patriciens dans l'Etat patricio-plébéien, devinrent accessi-
bles aux plébéiens, ce qui se produisit en premier lieu, en 387,
pour le consulat, le magistrat acquit avec la magistrature pour
lui et sa descendance agnatique les droits que nous allons avoir
à étudier et que l'on réunit sous le nom de nobilitas ; « l'homme
nouveau » créa dans sa postérité une nouvelle famille de no-
blesse romaine (3).
(1) C'est ce que montre le raisonnement de Gicéron (Ad fam. 9, 21 ; cf.
tome II, la partie des Honneurs des ex-magistrats, sur le jus imaginum)
relativement aux Papirii plébéiens de son temps. Ils revendiquent comme
le princeps de leurs imagines majorum le consul patricien de 310 et placent
parmi ces images tous les Papirii patriciens parvenus à des magistratures
curules. Le premier consul L. Brutus, qui est considéré comme patricien,
est également appelé, en s'adressantaux Junii plébéiens, princeps nobilitatis
vestrse (Gicéron, Brut. 14, 53).
(2) La simple similitude de gentilicium ne prouve rien pour la constitu-
tion d'un tel arbre généalogique. Gicéron dit expressément (Brut. 16, 02)
que les Tullii patriciens de Rome lui étaient étrangers, et il rattachait sa
famille aux rois des Volsques.
(3) Tite-Live, 10, 7, 7 : Numerarentur duces eorum annorum, quibus ple-
beiorum ductu et auspicio res geri cœptœ sint, numerarentur triumphi : jam
LA NOBILITAS ET L'ORDRE SÉNATORIAL. 55
Les conséquences juridiques de la nobilitas n'ont probable-
ment, pas plus que l'institution elle-même, jamais été réglées
par la loi, et, par suite, elles sont plutôt défait que de droit.
Elles comprennent le droit aux images des ancêtres, la libéra-
tion de la clientèle, le cognomen nobiliaire et la facilitation de
la candidature aux magistratures et aux sacerdoces. Toutes ces
conséquences n'ont, au sens strict, été tirées que pour la troi-
sième catégorie, et elles ne comportent notamment pas d'ap-
plication à la première, en ce sens que les patriciens possèdent
les droits en question ou d'une manière absolue, ou, comme
le jus imaginum, pourvu que les autres conditions en soient
réunies.
1. Le droit des descendants d'exposer dans l'atrium de leur Jus ima9inum.
maison les images de leurs ancêtres qui ont occupé des fonc-
tions curules et de les faire figurer en cas de mort dans leur
cortège funèbre a été exposé précédemment (1). Il devait
être permis de se glorifier de ses ancêtres au citoyen qui était
sorti du patriciat sans que son honneur fut atteint et qui était
resté dans la cité tout aussi bien qu'au patricien. Mais la fa-
culté qui était accordée à la postérité du consul patricien ne
put pas être refusée, depuis qu'il y eut de tels consuls, à la
postérité du consul plébéien.
2. Relativement à la libération de la clientèle qui résultait Dissolution deia
de l'anoblissement (VI, I , p. 77, note 1), on peut avant tout
penser à la suppression des égards qui sont dus par le client
au patron et qui trouvent leur expression juridique dans
l'inadmissibilité des procès privés et du témoignage en justice
entre patron et client (VI, 1, p. 90). Il s'agit encore, pour ce
droit, principalement de la troisième catégorie de la noblesse,
bien qu'il puisse aussi s'appliquer à la seconde.
ne nobilitatis quidem suse plebeios pœnitere. 22,34, 7 : M fœdus {belli trahendï)
inter omnes nobiles ictum, nec finem anle belli habituros, qaam consulem vere
plebeium, id est hominem novum fecissent. Nam plebeios nobiles jam eisdem ini-
tiâtes esse sacris et contemnere plebem, ex quo contemni patribus desierint,
cœpisse.
(1) V. tome II, la partie 'les Honneurs des ex-ma^istvats et de leur
postérité, sur le jus imaginum.
56
DROIT PUBLIC ROMAIN
Cognomen.
Eligibilité
privilégiée.
L'ordre sénatorial
du Principat.
3. Nous avons déjà expliqué (VI, 1, p. 235) que le cognomen
héréditaire était par lui-même le signe distinctif du patriciat,
mais que la noblesse plébéienne reçut, peut-être d'une loi, le
droit général de le porter et qu'une partie de cette noblesse le
portait.
4. L'avantage le plus important que procure la nobilitas est
aussi celui qui est le moins susceptible d'être déterminé juri-
diquement. 11 consiste en ce que les descendants de « l'homme
nouveau » sont, comme appartenant à la noblesse héréditaire,
sur le pied d'égalité avec les nobles pour la brigue des magis-
tratures et des sacerdoces. La noblesse héréditaire romaine
a, dans son exclusivisme, plus ou moins entravé l'admission
de tous les hommes nouveaux; mais elle n'a pas prolongé l'op-
position jusqu'au second degré contre le roturier une fois
entré dans son cercle. En droit, cette conduite de l'aristocratie
dominante, est condamnée par le principe de l'éligibilité égale
pour tous; mais, en fait, elle a généralement prévalu contre lui.
Auguste trouva les choses dans cet état, et il le prit pour
base de sa constitution nouvelle. L'éligibilité générale des ci-
toyens fut supprimée, et le privilège de fait appartenant à la no-
bilitas par rapport à la brigue des magistratures, et au siège
sénatorial, qui y resta lié après comme avant, fut transformé en
loi positive. La nobilitas devint par là un ordre sénatorial léga-
lement fermé (1), une pairie héréditaire. Tant que la brigue des
(1) Il n'y a pas d'expression technique pour désigner l'ordre sénatorial
avant Marc Aurèle. Ordo désigne, sous l'Empire comme sous la Républi-
que, le sénat ; il exclut les fils de sénateur, et cela à d'autant plus forte
raison qu'ils appartiennent, jusqu'à leur entrée dans le sénat, à Vordo
equester. Cependant la classe sénatoriale est aussi, faute d'expression
exactement juste, désignée par le mot ordo. Ainsi il est parlé de l'adlec-
tion in amplissimum ordinem d'un enfant de quatre ans (Henzen, 69:29),
parce que la concession du latus clavas, qui ne se prend qu'avec le cos-
tume viril, ne peut s'appliquer là, et Tacite, Ann. 13, 23, parle même d'un
homme senatorii ordinis, sed qui nondum honores capessisset, qui est appelé
plus correctement par Suétone, Ne?\ 26, quidam laticlavius ; cf. aussi Pline,
H. n. 33, i, 29. En règle, cette catégorie de personnes est désignée d'une
autre façon ; voir tome II, la partie de l'Ordre légal de succession
des magistratures. A l'époque récente, l'ordre sénatorial a un titre of-
ficiel, le clarissimat.
LA NOBILITAS ET L'ORDRE SÉNATORIAL. 57
magistratures de TEtat fut, dans les limites tracées par Tordre
obligatoire de succession des magistratures et les autres condi-
tions de capacité, ouverte à tous les citoyens, l'incorporation dans
Vàiiobilitas des citoyens qui n'y appartenaient pas par la nais-
sance dépendit des comices. Auguste supprima la liberté d'être
candidat et liale droit deTêtre, pour ceux qui n'appartenaientpas
par leur naissance à Tordre sénatorial, à leur admission dans la
classe des sénateurs, c'est-à-dire à leur nomination à la pairie.
Cette concession se faisait de deux manières différentes, selon
que la personne était apte à parcourir de bas en haut la car-
rière sénatoriale ordinaire ou qu'on ne pouvait pas lui deman-
der de le faire, en présence de son âge ou de sa position sociale.
Le prince s'attribua le droit de concéder à des jeunes gens le
rang sénatorial {latus clavus). La seconde faveur, plus élevée
et plus rare, l'admission à titre extraordinaire (adieclio) d'un
homme n'appartenant pas à la classe sénatoriale dans Tune des
trois classes hiérarchiques inférieures du sénat, était de la
compétence des censeurs, et elle en est restée tant qu'il y a eu
théoriquement une censure indépendante du Principat ; mais,
la censure étant constamment administrée, sous le Principat,
par les empereurs et leurs corégents, ce pouvoir était égale-
ment exercé en pratique par les empereurs. C'est pourtant seu-
lement depuis que la censure eut passé sous Domitien parmi les
attributions impériales, que la réception extraordinaire dans
le sénat a pu être classée légalement parmi les droits de l'em-
pereur. Il est traité de ces deux droits impériaux dans la théo-
rie du Principat (1). Les hommes de Tordre sénatorial appar-
tenant, dans le système d'Auguste, à la classe des chevaliers
tant qu'ils ne sont pas entrés dans le sénat, nous aurons à re-
venir sur eux à propos de Tordre équestre. Le principe de l'hé-
rédité de l'anoblissement fut appliqué à ces créations de pairs.
L'idée républicaine de l'anoblissement fut par là détruite en
théorie; car les patriciens et les plébéiens devenus nobles
(1) V. tome V, la partie de la Nomination des sénateurs, sur l'adlectiou
des non-sénateurs.
58 DROIT PUBLIC ROMAIN.
jusque-là qui n'appartenaient pas au sénat ou qui n'étaient pas
classés dans Tordre sénatorial, soit par eux-mêmes, soit par leurs
ascendants, au moment où ce système fut mis en vigueur, res-
tèrent en dehors de la pairie héréditaire (1). En pratique, les
homines nom furent comme Vambitus, essentiellement écartés
par la liste de candidats de l'empereur et par les adlections im-
périales (2). Le droit, appartenant par privilège aux familles
sénatoriales sur les magistratures, fut effacé matériellement
par les créations de pairs impériales, accomplies par le gouver-
nement avec le dessein bien calculé de faire perpétuellement
entrer dans la carrière des magistratures les familles équestres
riches et considérées. L'ancienne nobililas de la république se
maintient en fait à côté de Tordre sénatorial sous la dynastie
Julio-Claudienne (3). Mais les vieilles familles s'éteignirent ra-
pidement ou furent détruites ; avant tout, elles furent écrasées
sous la pression de la noblesse des fonctionnaires qui était lé-
galement sur le même rang, mais qui était moins homogène
et qui s'avançait derrière elle en nombre toujours plus consi-
dérable : à partir du temps des Flaviens, la nobilitas républi-
caine a, dans l'État romain, une place encore plus restreinte que
celle occupée par le patriciat à l'époque moderne de la Répu-
blique. La distinction énergique des deux aristocraties qui
caractérise l'agonie de la République n'a pas non plus long-
temps survécu à sa chute. Il reste bien deux catégories de no-
blesse, la noblesse héréditaire sénatoriale et la noblesse
personnelle équestre ; mais en général les chefs de la seconde
sont au seuil de la première.
(1) Il est possible qu'Auguste ait fait des exceptions générales en faveur
de ces personnes ; mais il est plus vraisemblable qu'il effaça par des ré-
ceptions individuelles les exclusions ainsi produites quand cela lui sem-
bla à propos.
(2) On pouvait sans doute qualifier encore d'homines novi les hommes
qui entraient dans le sénat par la concession du latus clavns ou par une
adlection, et Tacite, 4, 15, emploie cette expression pour Lucilius Longus,
consul en l'an 7 de J.G.; mais cette expression tomba en désuétude, parce
que l'on ne s'apercevait plus qu'à peine du passage du rang de chevalier à
celui de sénateur.
(3) Ce n'est que relativement à elle qu'il est encore question du jus ima-
ginum à cette époque.
LA NOBILITAS ET L'ORDRE SENATORIAL. 59
Relativement au rang sénatorial qui prend la place de la
noblesse, nous devons réunir ici le peu que l'on peut dire sur
l'acquisition et la perte de ce rang, en tant qu'elles ne se con-
fondent pas avec l'acquisition et la perte du siège sénatorial
lui-même. Nous devons en outre déterminer les droits qui ap-
partiennent aux membres de la classe sénatoriale en cette seule
qualité, tandis que c'est ailleurs que nous aurons à étudier ceux
des sénateurs.
Le rang sénatorial s'étend, en dehors des sénateurs eux- degré ^fS^du
mômes et des personnes auxquelles il est donné en vue de les ranssénatonal-
faire entrer dans le sénat, à leurs femmes et à leurs descen-
dants agnats jusqu'au troisième degré, mais pas au delà des
arrière-petits-fils (1). Les enfants nés ou adoptés avant l'ac-
quisition des droits sénatoriaux sont compris (2). Le rang de
la femme étant déterminé par celui du mari (3), la fille du
sénateur sort, à moins qu'il n'en soit autrement décidé par un
(1) La limitation des droits sénatoriaux aux fils, aux petits-fils par les
fils et aux arrière-petits-fils nés des petits-fils, est formulée soit relative-
ment aux mésalliances matrimoniales dans la loi Julia de 736 (p. 63,
note 3 ; Dig. 23, 2, 42, 1), soit par Paul relativement à l'exemption des
obligations municipales (p. 65, note 3), et leur portée générale est déter-
minée, en partant de là, dans Ulpien, 13, 1, et au Dig. 1, 9, 10. On peut
d'autant plus sûrement la considérer comme le fondement général de l'or-
ganisation romaine des rangs que l'empereur Marc-Aurèle (Cod. Just. 9, 41,
21) concède aussi plus tard les droits attachés au rang de chevalier usque
ad pronepotes. — Il n'est naturellement pas tenu compte de la descendance
cognatique. Si ex filia senatoris natus ait, dit Ulpien ( Dig. 1, 9, 10), spectare
debemus patris ejus condicionem ; au cas de naissance hors mariage, l'enfant
acquiert aussi par sa mère le droit de cité, mais non son rang.
(2) Paul, Dig. 1, 9, 6 ; Ulpien, h. t. I. 7 pr. L'émancipation (à l'excep-
tion de celle de l'enfant adoptif) et la dation en adoption n'enlèvent pas
à un fils le rang qu'il a une fois acquis; ce rang est acquis à l'enfant par
sa naissance ou plutôt par sa conception avant ou pendant l'existence du
rang sénatorial du père, de telle sorte qu'aucun acte du père ne peut plus
le lui enlever.
(3) Ulpien, Dig. 1, 9, 8 : Feminis dignitatem clarissimam mariti tribuunt,
parentes vero, donec plebeiis nuptiis fuerint copulatse : tamdiu igitur claris-
sima femina erit, quamdiu senatori nupta est vel separata ab eo... alii in fe-
rions dignitatis nonnupsit. Gela s'étend à la classe hiérarchique; mais on
ne trouve consularis femina (Ulpien, Dig. 1, 9, 1, 1 ; C. 1. L. VIII, 8993)
comme titre officiel, au moins dans la partie latine de l'empire, que tard
et peu fréquemment; on trouve plus fréquemment vnKïixri (C. L A. 3104.
3908. 4380, b. 2. 4774) dans la partie grecque.
00 DROIT PUBLIC ROMAIN.
privilegium impérial (4), de la classe sénatoriale par son ma-
riage avec un homme de plus base condition, et, à l'inverse, la
femme qui n'est pas d'origine sénatoriale entre dans cette
classe en épousant un sénateur.
perte du rang Celui qui a les droits et les devoirs attachés à ce rang soit
sénatorial.
de naissance, soit par une concession postérieure, reste dans
sa condition, même s'il n'entre pas ensuite dans le sénat,
comme il y entrait en règle d'après les institutions d'Auguste,
mais comme cependant cela pouvait ne pas avoir lieu, ainsi
qu'il arriva au futur empereur Claude. Les causes en vertu
desquelles le siège sénatorial était perdu, par exemple une
condamnation criminelle ou la perte de la fortune, entraînaient
toujours comme conséquence la perte du rang sénatorial, et ce
rang devait nécessairement être également perdu lorsque ces
événements se produisaient dans la personne d'un non-séna-
teur (2). La perte du rang sénatorial s'étend aux enfants nés
postérieurement de l'ex-sénateur (3) ; mais elle ne s'étend pas
aux personnes qui avaient antérieurement acquis ce rang par
son intermédiaire (4). Le changement de rang peut consister
(1) Un tel privilège fut accordé à Julia Mamœa, la fille du sénateur Ju-
lius Avitus, lorsqu'elle contracta avec Gessius Marcianus, homme de rang
équestre (Dion, 78, 30), le mariage duquel naquit le futur empereur Alexan-
dre Sévère (Ulpien, Dig. 1, 9, 12, pr. qui attribue ce privilegium concédé
par Sévère et son fils exclusivement au dernier sous lequel il écrit). Plus
tard Marcianus a même nécessairement reçu le rang sénatorial ; car nous
le trouvons, en 213, parmi les Arvales.
(2) On ne trouve pas de documents à ce sujet ; mais il n'en est pas non
plus besoin.
(3) Ulpien, Dig. 1, 9, 7. Mais le fils procréé après l'expulsion de son
père du sénat acquiert les droits sénatoriaux, si son grand-père est ou a été
sénateur, ut magis ei avi dignitas prosit quam obsit easus patris.
. (4) Ulpien, Dig. 1,9, 7. Si la cause à raison de laquelle le père est exclu
du sénat s'étend aux enfants, comme par exemple en général la ruine de la
fortune, la conséquence le fait naturellement aussi. Néanmoins la subsis-
tance des droits sénatoriaux pouvait, même en dehors de l'entrée de
leur titulaire au sénat, être incommode, et elle fut restreinte pour cela. On
ne devait pas non plus se faire scrupule de procéder à la radiation arbi-
traire de telles personnes. Cette radiation a fréquemment eu lieu, même
pour des sénateurs, bien que le prince ne revendique pas en théorie le
droit d'exclure du sénat (v. tome V, la partie de la Nomination des séna-
teurs, sur l'exclusion du sénat).
LA N0BIL1TAS ET L'ORDRE SENATORIAL. 61
en ce qu'un individu appartenant à l'ordre sénatorial passe
dans l'ordre équestre, par conséquent échange le latus clavus
contre le clavus angustus (1).
Comme droits et devoirs attachés au rang sénatorial, il faut
citer le droit de porter les insignes sénatoriaux, celui de porter
le titre sénatorial, celui d'assister aux séances du sénat ; cer-
taines limitations apportées à la capacité en matière de mariage
et de droit du patrimoine ; l'exemption des obligations muni-
cipales.
1. Les insignes du rang sénatorial, le soulier rouge (2) et la insignes du rang,
large bande de pourpre {latus clavus) sur la tunique (3) ap-
partiennent, en vertu de sa naissance, au fils de sénateur, et
ils sont portés par lui, le premier dès le principe (4), le second
depuis le moment où il revêt le costume viril (o).
(1) Tacite, Hist. 2, 86 : Procurator aderat Cornélius Fuscus... claris natalibus
prima juventa quietis cupidine senatorium ordinem exuerat. Le poète Ovide,
né en 711, arriva au latus clavus et au vigintivirat, vestibule du Sénat (v.
tome II, la partie de la Candidature et de la capacité d'èlre magistrat, sur
les mesures prises à rencontre du manque de candidats sous le Principat) ;
mais il n'entra pas dans la curie (Trist. 4, 10, 35 : Curiarestabat-.clavimensura
coacta est : majus erat nos tris viribus illud omis. Nec patiens corpus nec mens
fuit apta labori sollicitseque fugax ambitionis eram). Ces personnes ayant
antérieurement appartenu à la chevalerie du rang sénatorial, elles ne re-
çoivent pas, au sens propre, le cheval de chevalier; elles déposent seulement
les insignes sénatoriaux et sont effacées de la liste des candidats au vigin-
tivirat ou à la questure. Ce changement de rang peut aussi bien être opéré à
titre défaveur qu'à titre de peine. Pour Fuscus, il a eu lieu sur sa demande.
Quant à Ovide, l'empereur semble n'avoir pas trouvé dans le poète l'étoffe
d'un homme d'État et le poète avoir renoncé sans regret à la carrière poli-
tique.
(2) V. tome II, la partie du Costume des magistrats, sur leur chaus-
sure.
(3) Stace, Silv, 5, 2, 27 : Sic te, clare puer (Vettius Crispinus, fils de
Vettius Bolanus, consul probablement en l'an 68) genitum sibi curia sensit
primaque patricia clausit vestigia luna (cf. Rœm. Forsch. 1,255).
(4) Suétone, Aug. 38 : Liberis senatorum, quo celenus rei p. adsuescerent ,
protinus a virili toga latum clavum induere et curise interesse permisit. Stace,
loc. cit. continue en disant : Mox Tyrios ex more sinus tunicamque potentem
agnovere umeri. Il n'y a pas besoin d'autres preuves. Du reste, dès avant
Auguste, probablement ominis causa, les jeunes gens de l'aristocratie pa-
raissent, en revêtant l&toga pura et la tunica recta (Festus, p. 286, v. Regil-
lis; Pline, H. n. 8, 48, 194), avoir pris cette dernière avec une large bande
de pourpre (Suétone, Aug. 94; cf. Dion, 4o, 2).
(j) Dion, i>9, 9, dit à la vérité, pour l'an 38, de l'empereur Gaius : Kcu
62 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Titre officiel. 2. Les personnes de rang sénatorial qui ne sont pas entrées
dans le sénat ont les droits des chevaliers; mais elles ne por-
tent pas le titre officiel des chevaliers : eques Romanus equo
publico (1), parce qu'elles sont quelque chose de plus. Sous
les empereurs Marc-Aurèle et Verus (2) une loi hiérarchique,
embrassant en même temps les deux ordres privilégiés, attri-
bua comme titre officiel à Fordre sénatorial une qualification
honorifique depuis longtemps usitée pour les sénateurs (3),
Tiffiv ocûtûv (des chevaliers) xa\ xyj iabrpi ty] pouXeoTixvj v.oà 7ip\v api-at xivà
àpxr,v, ôV vjç èç tï|V Yepoviatav È<7£p-/6[i.E0a, ^pyjcrôa: ti èià ttj tyjç pouXî); eXutSt
eSwxe' Tipwxov yàp {Jiovotç, wç socxe, toïç èx toû [3ouXeUTtxou «pyAO'j y£Y£vr,[jL£voiç
touto tcoceTv â^v. Mais il donne cela lui-même comme une supposition. Et
même des chevaliers qui n'étaient pas nés dans l'ordre sénatorial por-
taient déjà, sous Auguste, la large bande de pourpre; car Ovide, qui n'était
pas d'origine sénatoriale, la prit avec le costume civil (Trist. 4, 10, 27 et
ss. : lnduiturque umeris cum lato purpura clavo) avant de revêtir le
vigintivirat. Il serait possible que Tibère eût restreint ce droit aux séna-
teurs de naissance et que Gaius eût rétabli le système d'Auguste.
(1) Les inscriptions du temps de l'Empire qui donnent la carrière complète
depuis le point du départ citent bien les fonctions équestres, comme le sévi-
rat, le vigintivirat, le tribunat de légion ; mais je ne trouve le rang équestre
lui-même mentionné que sur deux d'entre elles. Dans celle du jurisconsulte
connu du temps d'Hadrien et d'Antonin le Pieux L. Aburnius Valens (C. I. L.
VI, 1420), il y a à la fin eq(uo) piublico) et au-dessous, par suite d'une cor-
rection, semble-t-il, c{larissimo) jiuveni). Dans celle du consul de 155, G.
Julius Severus (C. 7. Gr. n. 4029) : IIsv;£xa:8Éxav§poç (sic !) xàiv Exor/.aÇovrwv
Ta irpay^-aTa, tWa> 8r,(jLoo-ia> Tt(xr|6£tç, l'ignorance du rédacteur se révèle encore
à une autre faute bien plus grossière.
(2) La date assignée à la loi est justifiée plus loin, p. 177, à propos du
titre équestre correspondant. Uoratio de Marc-Aurèle et Commode sur les
mariages entachés de mésalliance (Dig. 23, 1, 16. Ht. 2, 16) a un sujet voi-
sin; mais elle ne peut être la loi sur le rang elle-même ; car cette dernière se
place avant 168. Les témoignages qui attestent l'emploi de ces qualificatifs hié-
rarchiques à l'époque de Sévère et parla suite sont innombrables. Mais ils
ne font même pas complètement défaut pour l'époque précédente à partir
de Marc-Aurèle. L'inscription de Lavinium, C. I. L. XIV, 2070, qu'on ne
. peut qu'avec peine faire rentrer parmi les cas cités dans la note qui suit,
est du temps de Marc-Aurèle; C. I. L. VI, 8420 est de l'an 183; C. I. L. II,
4125, du temps de Pertinax.
(3) Le texte d'un sénatus-consulte de l'an 56 porte déjà (C. I. L. X, 1401)) :
Hosidio Geta et L. Vagellio cos. clarissimis viris; la qualification v ir clarissimus
ou clarissimus vir est également donnée aux sénateurs qui sont nommés dans
des titres des années 69 (C. 1. L. X, 7852, 13) et 101 (C. 1. L, VI, 1492) et de
sous Hadrien (C. /. L. VIII, 2532) et Antonin le Pieux (C. I. L. V, 532), le
plus souvent en toutes lettres, et seulement abrégée, avec les initiales,
comme ce fut plus tard l'usage, dans le titre africain d'Hadrien. C'est là
l'origine de la règle future; mais ce n'est pas encore elle.
LA NOBILITAS ET L'ORDRE SENATORIAL- 63
la qualification clarissimus, en grec Xa^poTaro; ou encore
™y>&7]Tix6; (1), qui fut désormais portée, avec une abrévia-
tion fixe, immédiatement après le nom propre par les hommes
(vir clarissimus), les femmes (femina clarissima),les jeunes gens
(juvenis clarissimus) et les enfants des deux sexes (puer clarissi-
mus, puella clarissimà). Cependant il n'est pas toujours fait
usage de ce titre ; il ne figure par exemple jamais dans les
actes du collège des Arvales. — Les classes hiérarchiques des
sénateurs subsistent naturellement dans le sein du claris-
simat.
3. Les membres de l'ordre sénatorial du sexe masculin ont, participation aux
après qu'ils ont pris le costume viril, la faculté d'assister aux
séances du sénat (2).
4. L'ingénuité du conjoint, qui, d'après l'ancien droit, était matJ?moniai
une condition générale de validité pour le mariage du citoyen
ou de la citoyenne de naissance libre (p. 13), ne l'est plus,
d'après la législation d'Auguste, que pour Tordre sénatorial (3).
Par conséquent, en l'absence de dispense accordée par l'empe-
(1) L'emploi comme titre officiel de o Xafi-TcpoTaxoç avyytXj\ït%6ç (ainsi dans
les inscriptions de la maison palmyréenne d'Odsenathe, C. I. Gr. 4491. 4507;
aussi C. I. Gr. 3979) ou «rupcXYVTHtôç tout court (C. 1. Ait. III, 1177. C. 1. Gr.
27S1 b. 2783. 2831. 2979. 3502. 3882 f.), usité surtout fréquemment pour ex-
primer la parenté ou l'alliance avec des personnes de rang sénatorial (par
exemple, C. 1. Gr. 2782), se présente surtout en grec, principalement en
Asie-Mineure. En latin, on rencontre parfois des désignations comme pater
senatoris (C. I. L. IX, 1006. 1587. X, 7237) ; mais on ne trouve jamais senator
ou senatorius dans de telles tournures.
(2) Suétone, Aug, 38 (p. 61, note 4). Zonaras, 10, 35 : 'O Auyoucrroç etç
toÙç ècpr.poTjç tov Tàtov Itafe xal èç xb pouXeuT^piov a[ia dar^aye. Pline, Ep. 8,
14, 5 : Honores petituri (désignation habituelle des laticlavii, v. tome II, la
partie de l'Ordre légal des magistratures, à la section des magistratures an-
nales, sur l'occupation du tribunat de légion avant la questure) adsistebant
curias foribus et concilii publiez speetatores ante quam consortes erant. Il ne
dit pas que cet usage soit supprimé, mais qu'il n'en a été fait aucune appli-
cation dans la triste époque de Domitien.
(3) Le texte de la loi Julia de 736 a été conservé (Dig. 23, 2, 44, pr.): Qui
senato) est quive filius neposve ex filio proneposve ex [nepote] filio nato cu-
jus eorum est erit, ne quis eorum sponsam uxoremve sciens dolo malo habeto
liber tinam... neve senatoris filia neptisve ex filio proneptisve ex nepote filio
nato libertino... sponsa nuptave sciens dolo malo esto neve quis eorum dolo
malo sciens sponsam uxoremve eam habeto, Ulpien, 13, 1. Les autres preuves
sont citées p. 13, note 1.
64 DROIT PUBLIC ROMAIN.
reur (1), les enfants nés d'un homme de rang sénatorial et
d'une femme affranchie ou d'un affranchi et d'une femme de
rang sénatorial sont considérés comme nés hors mariage (2).
5. En matière de droit du patrimoine, la disposition selon
laquelle les sénateurs Êsont, tout comme les affranchis (p. 14),
exclus des marchés des censeurs, s'est, sous la République,
malaisément étendue légalement à leurs enfants, lorsqu'ils
n'étaient pas en puissance et n'appartenaient pas eux-mêmes au
sénat. Mais, pour l'époque du Principat, le caractère hérédi-
taire de cette exclusion est assurément dans la logique (3). —
Les sénateurs eux-mêmes participaient, du temps de la Répu-
blique, aux libéralités qui étaient faites par le gouvernement
à tous les citoyens pris individuellement (viritim) (4). Au
contraire ces libéralités ne sont faites, en droit, sous le Princi-
pat, qu'aux citoyens qui n'appartiennent ni au sénat ni à l'or-
dre équestre (o). Nous avons déjà remarqué (p. 15) que la
distinction des deux ordres privilégiés en face de la plèbe ne
s'est manifestée nulle part ailleurs aussi promptement et aussi
(1) Ulpien, Dig. 23, 2, 31.
(2) C'est exprimé de la manière la plus formelle dans les Pandectes {Dig.
23, 1, 16. Ut. 2, 16, pr. 27. 42, 1. 24, 1, 3, 1), et ce doit nécessairement avoir déjà
été arrêté en principe par Auguste. Car, s'il n'avait pas refusé aux unions de
cette espèce la force légale, mais seulement l'effet relatif à la transmission
du rang, l'interdiction du mariage entre une fille de sénateur et un affranchi
aurait été sans objet, le rang de l'enfant étant déterminé par celui du père.
La proposition de Marc-Aurèle et le sénatus-consulte correspondant, sur
lesquels s'appuient les jurisconsultes, ne peuvent avoir fai tautre chose que
régler et peut-être renforcer ces dispositions.
(3) Il n'y a, à ma connaissance, pas de documents pour attester le main-
tien de cette exclusion sous le Principat.
(4) C'est ce que montre, de la manière la plus frappante, la réponse connue
de Pison à la question de C. Gracchus, sur le point de savoir pourquoi il se
présentait aux distributions de grains : Nolim mea bona, Gracche, tibi viritim
dividere libeat (on s'attendrait à liceat) ; sed si facias, partent petam (Cicé-
ron, Tmc.Z, 20, 48).
(5) Cela résulte de la façon la plus claire de ce que, d'après l'inscription
commémorative d'Auguste, toutes les distributions faites par lui le furent à
la plebs. Au reste, ces distributions sont, comme on sait, organisées de telle
sorte que les bénéficiaires en doivent être inscrits sur des listes où le nom-
bre des noms est limité; l'exclusion des classes privilégiées consistant en ce
qu'aucun de leurs membres n'est porté sur ces listes, on peut se demander
s'il y a eu une exclusion générale expresse.
LA NOBIUTAS ET L'ORDRE SENATORIAL. 65
énergiquement que par rapport à ces libéralités gracieuses de
l'empereur. Les deux ordres privilégiés du peuple romain
n'ont jamais reçu de ces présents faits aux citoyens indivi-
duellement par le pouvoir. Au contraire, les deux classes qui
correspondent, dans les municipes, au sénat et aux chevaliers, y
participent en général aux présents faits aux citoyens, et cela
pour un montant supérieur à celui des membres non-privilé-
giés du municipe (1).
6. Celui qui appartient à l'ordre sénatorial est par là même
exempt, d'après une décision d'Auguste, semble-t-il (2), des
obligations municipales, c'est-à-dire de toutes les prestations
personnelles, mimera proprement dits ou honores, envers la
cité à laquelle il appartient selon le droit relatif kYorigo dé-
sormais en vigueur (3): cette exemption ne s'étend d'ailleurs
pas aux prestations qui se rattachent au droit de propriété
foncière. Il conserve son droit d'origine lui-même et par suite
(i) Cf. en dehors des nombreux témoignages attestant la sportula des dé-
curions, des sévirs et de la plèbe, Papinien, Dig M, 2, 6, 1 : Minores viginti
quoique annorum decuriones facti sport ulas decurionum accipiunt, sed intérim
suffagium inter ceteros ferre non possunt. Cette sportula revient donc non pas
aux décurions, mais aux membres de la classe décurionale.
le privilegium n'est pas une conséquence de la logique du droit ; et la
similitude de limitation au troisième degré invite à rattacher cette disposi-
tion, au moins en tant qu'elle est héréditaire, à l'auteur de la loi Julia sur
le mariage. L'exemption personnelle du sénateur des obligations municipales
peut avoir déjà été comprise dans l'organisation municipale établie après
la guerre sociale.
(3) Paul, Dig. 50, 1, 22, 5 :Se?iatores et eorum filii fi liée que quoquo tempore
nati natœve itemque nepotes [etneptes ex filio, item] pronepotes et proneptes ex
[nepote] filio [nato] origini exirnuntur, licet municipalem retineant dignitatem.
La disparition des mots entre crochets est rendue évidente par l'attribution
de la disposition à l'ordre d'idées auquel elle appartient. Il n'est pas ques-
tion des charges de même nature qui résultent de la résidence parce que les
sénateurs sont obligés d'habiter à Rome et y ont par conséquent leur domi-
cile (Dig. 1, '.». 11. -50, 1, 22, G ; Cod. Just . 10, 40 [39], 8) ; la question de savoir
si elle n'est pas sujette à prestation comme incola pourrait sans doute être
soulevée pour une personne, ayant seulement le rang sénatorial, qui habite-
rait hors de Rome. — Paul dit (Dig. 1, 9, 11) : Senatores licet in urbe domici-
liant habere videantur, tamen et ibi,unde oriundi sunl , habere domicilium inlel-
leguntur, quiadignitas domicilii adlectionem potius dédisse quam permutasse vi-
detur ; c'est étrange, en ce sens que le domicile est plus de fait que de droit
et que l'on ne voit pas bien clairement quelle est la portée de cette fiction
pour le sénateur.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 5
66 DROIT PUBLIC ROMAIN.
aussi l'aptitude à revêtir, s'il le veut, des magistratures dans
sa cité d'origine (1). — Par connexité avec la façon dont le
sénateur est ainsi retiré du cercle municipal, le signe du droit
de bourgeoisie municipale, la tribu fait souvent défaut dans
son nom, même dans la formule officielle complète, ainsi
qu'il arrive en général pour les membres de la famille impé-
riale (2). — Il faut, semble-t-il, reconnaître aux personnes de
rang sénatorial un bénéfice de juridiction, en ce sens que, pas
plus en matière civile qu'en matière criminelle, elles ne sont
justiciables des tribunaux municipaux de leur cité d'origine (3).
Mais, quant au surplus, il n'existe pas, dans le temps antérieur
à Dioclétien, de privilège de juridiction pour Tordre sénatorial;
au civil et au criminel, il est soumis essentiellement aux règles
ordinaires de compétence. En matière civile, il n'y a absolu-
ment aucune juridiction sénatoriale propre, même dans la pé-
riode postérieure à Dioclétien : les deux capitales de l'empire
sont bien organisées en circonscriptions judiciaires distinctes,
et les sénateurs, y ayant leur domicile légal, sont en règle par
là même sous la compétence des autorités de ces capitales, mais
ils ne le sont ni plus ni moins que toutes les autres personnes
domiciliées dans les mêmes lieux. — En matière criminelle, les
quœstiones ordinaires sontcompétentes même pour les poursuites
criminelles contre des sénateurs (4). Les tribunaux provin-
ciaux pouvaient également être saisis de tels procès (5) ; mais
le principe que le gouverneur n'avait pas qualité pour statuer
(1) Hermogénien, Dig. 50, 1, 23 : Municeps esse desinit senatoriam adeptus
dignitatem quantum ad munera : quantum vero ad honores, retinere creditur
originem. Paul, loc. cit. On trouve des exemples en ce sens, par exemple C.
I. L. IX, 1123 et ailleurs encore fréquemment.
(2) V. tome V, la partie des Titres officiels du prince, sur la suppression
de la tribu.
(3) C'est dans la logique; mais la résidence doit, même pour la per-
sonne de rang sénatorial, avoir déterminé le tribunal dont elle était justicia-
ble, quand elle vivait hors de Rome.
(4) V. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle des
oonsuls à l'époque impériale.
(5) V. tome III, la partie des Gouverneurs de province, sur leur droit de
justice criminelle relativement aux citoyens romains.
LA" NOBILITAS ET L'ORDRE SÉNATORIAL. 67
en matière capitale sur un citoyen romain, était naturellement
observé en première ligne en face des sénateurs, et, même
lorsque l'empereur déléguait le jus gladii, les sénateurs étaient
au premier rang parmi les catégories de personnes excep-
tées (1). — Parmi les tribunaux extraordinaires les plus éle-
vés, le sénat organisé en cour de justice (2) n'est aucunement
une cour des pairs destinée à l'ordre sénatorial ; car tout che-
valier et même tout plébéien peut lui être déféré, et les séna-
teurs peuvent l'être à d'autres juridictions. La juridiction de
l'empereur (3) était en elle-même compétente relativement aux
poursuites contre des sénateurs ; pourtant,dès l'époque des Fla-
viens, il se fait sentir une tendance à lui soustraire tout au
moins les procès capitaux des sénateurs, et cette règle est arri-
vée, au troisième siècle, à être admise en théorie, mais seule-
ment en théorie. Le rang de l'accusé ne constitue pas non plus
une protection légale contre la juridiction criminelle, basée sur
une délégation impériale (4), des prœfeeti prsetorio et àuprœ-
fectus urbi, parmi lesquels le dernier notamment vit ses fonc-
tions devenir avec le temps, d'une autorité de police qu'elles
étaient au sens propre, la première juridiction criminelle de
la capitale (5). — On ne peut dire jusqu'à quel point a été
appliqué un principe que nous trouvons posé seulement sous
Hadrien et qui peut difficilement être beaucoup plus vieux : le
principe de n'admettre aucune personne étrangère au sénat
comme juge dans le procès capital d'un sénateur. Il ne s'ap-
plique pas à la procédure des qugestiones du temps de l'Empire,
(1) V. tome V, la partie de la Juridiction criminelle de l'empereur, sur la
délégation du jus gladii. Gela s'est maintenu en général, bien que Constan-
tin ait accordé, en 317, aux gouverneurs de provinces la compétence crimi-
nelle même sur les sénateurs (C. Theod. 9, 1, 1).
(2) V. tome II, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle des
consuls à l'époque impériale.
(3) V, tome V, la partie de la Juridiction criminelle de l'empereur, sur
son application aux sénateurs.
(4) V. tome V, la même partie, sur la Délégation de cette juridiction
au prœfectus urbi et aux praefecti pi*etorio.
(5) V. tome V la partie de l'Administration de la ville de Rome, à la
section de la police, sur la juridiction criminelle du prœfectus urbi.
68 DROIT PUBLIC ROMAIN.
où les sénateurs sont exclus de la liste de jurés. En partant de
lui, les membres de rang équestre du conseil de l'empereur ne
prennent dans l'exercice de la justice impériale, sous Hadrien
et Marc-Aurèle, aucune part aux débats concernant un séna-
teur (1). Afin de donner au prœfectus prœtorio compétence
sur les sénateurs, Alexandre Sévère lui a conféré le rang
équestre (2).
(1) Vita Hadriani, 8 (v. tome V, la partie du Conseil de l'empereur). Vita
Marci, 10 : Hoc quogue senatoribus detulit, ut, quoties de quorum capite esset
judicandum, secrelo pertractaret atque ita in publicum proderet nec pateretur
équités Romanos talibus intéresse causis.
(2) Vita Alex. 21 : Alexander idcirco senatores esse voluit praefectos prœ-
tono, ne quis non senator de Romano senatore judicaret. Cf. tome V, la par-
tie de YImperium ou de la puissance proconsulaire du prince, sur le com-
mandement de la garde.
LES CHEVALIERS.
civique.
La condition politique des chevaliers et de l'ordre équestre
a pour base l'organisation, militaire en première ligne, de la
cavalerie civique. Le nécessaire a déjà été dit sur cette der-
nière, soit dans la partie de l'État patricien (tome VI, 1, p. 118-
121), soit dans celle du Droit de vote basé sur le service de l'État
patricio-plébéien (VI, 1, p. 271-360). Nous devons ici expliquer
la façon dont l'institution politique est sortie de l'institution
militaire, la manière dont les chevaliers sont issus des ca-
valiers. La cavalerie
Il a été démontré précédemment que les cavaliers ne for-
maient pas une classe privilégiée dans la constitution primi-
tive de l'État patricio-plébéien : le service de cavalier y était,
selon toute apparence, ouvert à tous les citoyens, et c'était sur-
tout en matière militaire que l'on voulait maintenir l'égalité
des citoyens. Mais, si telle fut l'intention des fondateurs de
l'État romain, l'exécution ne lui a, sans doute dès l'origine,
correspondu qu'imparfaitement. En fait, la supériorité du ser-
vice de cavalier sur celui de fantassin s'est fait sentir dans le
développement de Rome comme dans celui de tous les États, et le
privilège du rang, l'idée de noblesse a trouvé un puissant levier
dans ce service plus permanent et plus pompeux. Le cheval
public pouvait bien en droit être donné à tout citoyen. Mais la
70 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tradition selon laquelle les citoyens distingués par la fortune
et la naissance servaient de préférence à cheval ne doit pas être
fausse (VI, 1, p. 292). En outre, la séparation qui existait
entre la capacité de servira cheval et celle de servir à pied fut
précisée, même en droit, vers le milieu duive siècle, par l'in-
troduction du service de cavalier equo privato.
cavaliers qui Dans les institutions serviennes, il n'y avait pas d'autre ca-
servent sur leur * • -i
propre cheval. vaierie civique que les 1800 cavaliers auxquels, depuis le
temps du roi Servius, la cité fournissait leurs chevaux, et leur
nombre est, avons-nous vu, resté le même jusqu'aux derniers
temps de la République (1). Il était suffisant pour les besoins
de l'époque ancienne. Sur les soixante turmge disponibles, il en
revenait dix à chaque légion; les deux tiers des cavaliers étaient
donc mobilisés, dans le système normal, pour les quatre légions
qui étaient levées en règle ordinaire. Les Romains ont difficile-
ment mis en campagne un plus grand nombre de troupes avant
les guerres d'outre-mer (2) ; et, lorsqu'ils en levèrent un plus
grand, la cavalerie de la légion fut fréquemment réduite d'un
tiers du chiffre normal, au moins à l'époque postérieure (3), si
bien que la cavalerie civique permanente suffisait pour huit lé-
gions, même en faisant les déductions indispensables dans
toute mobilisation. Cependant ce système doit forcément s'être
révélé de bonne heure comme impraticable. Parmi les déten-
teurs des chevaux publics, il y en eut, sans doute de tout temps,
une quantité, qui n'était pas relativement sans importance,
d'employés comme officiers dans l'infanterie. La pratique abu-
sive consistant à laisser les chevaux publics à leurs titulaires
au delà du temps où ces derniers continuaient à être propres
au service, peut bien aussi remonter à une époque précoce. Les
(1) Tome VI, I, p. 119, note 2, et p. 293. Valère Maxime, 2, 9, 6, appelle
400 cavaliers equestris ordinis bonapars.
(2) Il n'en a pas combattu davantage à la bataille d'Ausculum en 475
(Denys,20, 1).
(3) Le chiffre normal 300 est donné par Polybe, 1, 16, 2. 6, 20, 9 et ss. ;
mais la preuve que, dans la guerre d'Hannibal, la légion n'avait commu-
nément que 200 cavaliers résulte notamment de 3, 107, 10. Cf. Eandb. 5, 334.
LES CHEVALIERS. 71
vides produits dans les turmes par ces causes et par d'autres
accidents inévitables étaient nécessairement comblés par le gé-
néral qui présidait à la formation de l'armée par l'appel d'au-
tres individus astreints au service. Cette révision et ce complé-
ment des turmse qui partaient en campagne se seront progres-
sivement rapprochés du dilectus de l'infanterie. Les difficultés
de fait qui étaient provoquées soit par la nécessité de fournir des
chevaux à ces cavaliers improvisés, soit par leur défaut d'exercice,
et auxquelles on peut attribuer la proposition de Caton d'aug-
menter de quatre cents unités le chiffre de la cavalerie perma-
nente (VI, 1, p. 294) étaient amoindries par la possibilité de
prendre de préférence des personnes qui avaient des chevaux et
savaient s'en servir. En tout cas, les citoyens les plus fortunés
pouvaient seuls être appelés à ce service auquel ne s'appli-
quaient pas les émoluments légaux des 1800 détenteurs de che-
vaux publics. Aussi la règle s'établit-elle, d'après notre tradi-
tion, dès l'an 3o4 de Rome, (1) et certainement un certain
temps avant la guerre d'Hannibal (2), que tout citoyen dont le
(1) Tite-Live, 5, 7 : Quibus census equester erat, equipublici non erant adsi-
gnati, concilio prius inter se habito senatum adeunt factaque dicendi potestate
equis se suis stipendia facturas promit tunt... equiti certus numerus seris est
adsignatus. Tum primum equis suis (l'Epitome : suis ; manque dans les Mss.
de Tite-Live) merere équités cœperunt. Ce qui éveille des doutes sur la vé-
rité historique du récit, c'est qu'il est motivé par l'incendie des machines
de siège dirigées contre Véies, qui ne parait guère approprié à ce rôle et
qu'il semble destiné à célébrer l'esprit de sacrifice et de concorde de tout
le peuple. Une institution durable de cette espèce ne pouvait pas non plus
être introduite par une simple déclaration des intéressés immédiats. Ce-
pendant la transformation du service de la cavalerie peut bien appartenir
aux réformes de Camille et les détails du récit être seuls étrangers à
l'histoire. Il ne peut pas, d'après ce que nous montrerons plus bas, être
révoqué en doute qu'à l'époque récente le service sur un cheval privé était
tout aussi obligatoire que celui sur un cheval public. Lorsque M'. Valerius
Maximus, dictateur en 260, dit dans Denys, 6, 44 : flXecouç ïj Tsrpaxoacoi
£v$pec sx toO or^o'j to?ç ImteOfft icpoaxaTeXiYvjcrav èizi ttjç axpaxoXoycaç (3((ov eû-
■TTopr^avTEç, l'auteur de cette allégation singulière semble avoir antidaté de
cent ans le service equo privato.
(2) Tite-Live, 27, 11, sur l'an 545 : Mis omnibus — et multi erant — adempti
equi qui Cannensium legionum équités in Sicilia erant. Addiderunt acerbitati
etiam tempus, ne prœterita stipendia procédèrent, Us quss equo publico eme-
ruerant, sed dena stipendia equis privatis facerent. Magnum prseterea nume-
rum eorum conquisiverunt, qui equo merere deberent, atque ex Us qui prin-
72 DROIT PUBLIC ROMAIN.
cens avait été évalué comme supérieur à un certain taux pou-
vait, lors de la formation des légions, être pris par les géné-
raux pour la cavalerie. Nous avons déjà remarqué précédem-
ment (VI, 1, p. 293) que l'exigence de ce cens équestre, requis au
sens pror re seulement chez ceux qui servaient sur leurs che-
vaux privés, fut plus tard étendue aux possesseurs de chevaux
publics, qui étaient d'ailleurs certainement pris depuis long-
temps parmi les citoyens les plus fortunés. En 529, où les ci-
toyens romains astreints à ce service furent, par exception,
déduits de la liste des junior es, leur chiffre s'élevait à 22 100
têtes (1), mais sans doute en envisageant seulement l'obligation
civique et non pas l'aptitude personnelle effective,
solde Cette modification du mode de recrutement de la cavalerie
des cavaliers. . .
provoqua probablement 1 introduction de la solde des cavaliers
et le rôle différent que prit la formation de la cavalerie dans
l'ensemble de la levée. Si nue rémunération a sans doute du être
fournie dès le principe par leurs districts aux hommes appelés
au service actif (VI, 1, p. 121), il n'y a pas de preuve que les
cavaliers aient été avantagés sous ce rapport; il faut plutôt
admettre le contraire en face des profits différents attribués à
cet ordre de troupes permanentes. Mais, en même temps que le
service dans la cavalerie fut étendu en 354, non seulement le
fardeau de la solde fut transporté au trésor public, mais pro-
bablement aussi on prit la disposition en vertu de laquelle le
cavalier reçoit une fois et demie la solde du centurion (2) et
trois fois celle du légionnaire (3) ; ce qui fixe, au commence-
cipio ejus belli septemdecim annos nati fuerant neque milit avérant, omnes œ-
rarios fecerunt. Le service de cavalier apparaît indéniablement ici comme
une obligation générale pesant sur tous ceux qui y sont aptes légalement ;
par suite, ceux auxquels il n'est pas attribué de cheval public doivent
l'accomplir equis privatis.
(1) V. tome IV, la partie de la Censure, sur le calcul des individus as-
treints au service.
(2) Polybe, 6, 39, 12. C'est pourquoi Cicéron, Phil. 1, 8, 20, où il compare
Yordinem ducere et Yequo merere, dit en parlant du dernier : Quod est lau-
tius.
(3) Polybe, loc. cit. Tite-Live, 5, 7 (p. 71, note 1). c. 12, 12, sur l'an 353
(dans une corrélation visible avec le transfert opéré peu auparavant du
Levée des
cavaliers faite
avant celle des
LES CHEVALIERS. 73
ment du vne siècle, la solde annuelle du cavalier à 360 de-
niers (310 fr.) (1). C'est là évidemment un certain équivalent
des émoluments attribués au possesseur du cheval public; et
c'est pour cela qu'il fut décidé bientôt après que le montant
de la solde devrait être déduit de l'indemnité de fourrage (VI, 1,
p. 291, note 2). — Lorsque, en présence du développement
croissant de la puissance militaire de Rome, le nombre des ca- "ïantassÏDs
valiers servant sur leurs propres chevaux s'augmenta de plus
en plus, il fallut extraire des listes des censeurs les individus
qui satisfaisaient aux conditions de ce service à peu près de la
même façon que les légionnaires astreints au service complet.
C'est probablement par suite de cela que la formation de la ca-
valerie de la légion suivait celle de son infanterie à l'époque
ancienne et la précédait à l'époque moderne (2); car, tant
que cette cavalerie fut essentiellement tirée de la cavalerie
permanente, sa mobilisation fut indifférente pour le dilectus ;
mais, depuis qu'une grande partie des cavaliers provint du
dilectus, il fallut nécessairement commencer le dilectus par
la troupe pour laquelle les conditions d'aptitude étaient les
plus rigoureuses.
Il y a donc désormais, à côté des cavaliers pourvus du che- ExfenSion
val public, qui existaient seuls dans les premiers temps de la abdè7°uvtLrns?m
paiement delà solde au trésor public). 7, 41, 8 (tome VI, 1, p. 291, note 2).
On pouvait donc mettre sur pied trois fantassins à la place d'un cavalier
(Tite-Live, 29, 15, 7). Les cavaliers recevaient aussi dans les donationes,
parfois le double (Tite-Live, 10, 46, 16. 33, 23, 7), en règle le triple de ce
qui était attribué aux fantassins (Tite-Live, 34, 46, 3. c. 32, il. 36, 40, 13.
37, 59, 6. 39, 5, 17. c. 7, 2. 40, 43, 7. 41, 13, 7). Dans les fondations de co-
lonies, les lots de terrain sont dans une inégalité symétrique (cavalier 140
jugera centurion 100, simple soldat 50 : Tite-Live, 40, 34, 2.— Cavalier 70
jugera, simple soldat 50 : Tite-Live, 37, 57, 8. — Cavalier 60, et plus tard 40
jugera, simple soldat 30, et plus tard 20 : Tite-Live, 35, 9, 8).
(1) Polybe, 6, 39, 12.
(2) Polybe, 6, 42, 9 : Mexà xaSxa (après le dilectus de l'infanterie
légionnaire) toùç ImceXç xh [lïv TtaXoubv uorspouç sîcoôeaav 8oxi[ji.àÇsiv iiù xoîç ts-
Tpay.'.TyiÀto::; oiaxoa-Jocç, vûv Se irpoxepov, uXouTÎvôr,v aûxàiv yeYEVYifiivï]; ûuo xou
T'.[/.YjTO0 T7|Ç ÈxXoYYjÇ ' %Ct\ TTOIOÛCTI TpiaXOaîouÇ ECÇ EXOCOTOV OTpaTOTIsSoV. LeS Ca-
valiers sont aussi appelés en dernier lieu, dans le cens des censeurs (v.
tome III, la partie de la Censure, à la section de la confection des listes
des citoyens, sur l'ordre des divers cens).
74 DROIT PUBLIC ROMAIN.
République, et desquels seuls il est tenu compte en matière
électorale, même à l'époque récente, d'autres cavaliers servant
sur leurs propres chevaux. Et, les possesseurs de chevaux pu-
blics étant considérés comme étant toujours en service actif,
c'est par ces deux catégories de cavaliers qu'est fait en totalité
le service effectif de cavalerie. Mais à côté d'elles il y a une
autre catégorie : celle des citoyens qui sont aptes à servir à
cheval, mais qui ne le font pas. Dans le langage rigoureux, le
nom de chevalier n'appartient qu'aux possesseurs de chevaux
publics (1); il n'est appliqué que d'une façon plus ou moins
incorrecte aux deux autres catégories,pour lesquelles d'ailleurs
il n'y a pas de dénomination courante, exprimant clairement
leur distinction des possesseurs de chevaux publics. Sous
l'Empire, où ces deux catégories disparaissent de nouveau et
où il n'y a plus, comme dans les premiers temps de la Ré-
publique, d'autres chevaliers que ceux qui tiennent leur cheval
de l'Etat, l'extension abusive donnée à l'expression disparait et
Ton revient à la simplicité primitive. Il nous parait nécessaire
d'étudier d'abord les expressions employées pour désigner les
cavaliers.
Distinction Au point de vue de la terminologie, le nom de la ville ne
terminologique
des cavaliers et fait pas plus partie du nom des cavaliers que de tous les autres
des chevaliers. *■ * * x
titres civils et militaires des Romains : s'il en fallait une
preuve, elle serait suffisamment fournie par le magister equi-
tum (2). Mais, probablement dès une époque reculée, cer-
tainement bien du temps avant le Principat (3), on a fait fîgu-
(1) Pline, H. n. 33, 1, 30 : Equitum nomen subsistebat in turmis equitum
publicorum.
(2) Cf. en outre Festus, Ep. p. 81 : Equitare antiqui dicebant equum'pu-
blicum merere, où l'emploi barbare de l'accusatif doit être mis sur le compte
de Paul.
(3) Gaton parla, comme consul de 559, au camp devant Numance, apud
équités (éd. Jordan, p. 38). Mais Gicéron emploie déjà couramment eques
Rornanus à la manière moderne (cf. par exemple l'usage de ce titre dans
les recommandations Ad familiares, 13, 11. 14. 31. 38. 43. 45. 51. 62), le
qualificatif ethnique ne faisant défaut que lorsque l'ensemble du déve-
loppement ne laisse aucun doute. Tite-Live se conforme à l'usage de son
temps.
LES CHEVALIERS. 75
rer dans le nom des chevaliers l'expression de leur distinction
des étrangers. La raison en est sans doute que le service de ca-
valier proprement dit fut de plus en plus retiré aux citoyens
et mis à la charge des alliés italiques; si bien que Vécues de
la ville de Rome se rapprochait, dans le service militaire, de
l'officier, et que la distinction militaire et politique des Romains
et des Italiotes était plus profonde dans la cavalerie que dans
l'infanterie. Par suite, à l'époque moderne de la République,
Yeques et Yeques Romarins sont entre eux dans le même rap-
port que chez nous le cavalier et le chevalier (1), et la trans-
formation des institutions militaires influe ici terminologique- .
ment sur la condition politique. Cette façon de parler s'étend à la
langue grecque : Yeques Romanus y est appelé Iwwwcéç (2), l'ex-
pression 7] wercàç désigne l'ordre équestre (3) ; mais itc-su;, sans
autre qualificatif qui en détermine le sens, est toujours em-
ployé pour désigner un cavalier (4).
La formule eques Romanus equo publico, désignation com- Eques n>,manus
plète du possesseur du cheval public, peut avoir prévalu dans
la langue légale, au temps de la République (5). Sous PEm-
(1) Eques dans l'acception d'eques Romanus est pour ainsi dire quelque
chose d'inconnu dans les inscriptions. Des exceptions comme C. I. L. II,
4251. V, 75G7, sont des fautes de rédaction ou de copie.
(2) Eckhel, D. n. 4, 226. C. I. Gr. 2792. 2793. 2822. 3494. 4495. 4499. 4645.
6560. Strabon (p. 84, note 2) appelle les chevaliers Iwkixouç avSpa;. Plu-
tarque, Cic. 13. Dion, 63, 18 : Ilàv xb Irçwixôv (cf. 61, 17).
(3) Dion Gassius emploie souvent ce terme : fr. 11, 4. L 40, 57. 41, 55.
47, 7. 51, 4. 52, 19. 58, 17. 54, 30. 56, 42. 58 ,2. 59, 6. 11. 79, 9 ; oUv xrj \u-
«d8i êÇeTaÇ6(i.evot1 54, 2. On trouve également ïmzzvtàv, 49, 12. 60, 7. 78, 14.
(4) 'Iwraûç, sans addition, ne se trouve pas facilement dans ce sens dans
les écrivains, en d'autres endroits qu'en ceux où, comme dans Dion, 36, 25.
43, 23, le sens général indique la détermination. Fréquemment il y en a
une expresse. Ainsi Diodore appelle les chevaliers des Gracques, 34-35,
c. 31, éd. Wess. p. 599 : 'ItctisT? êvreXeTç xôW Tw^aîtov, Appien, B. c. 1, 22. 103.
4, 5 : Toùç xa)>ou[xévouç licnlaç ; les tournures de Dion rassemblées, p. 78,
note 3, sont analogues. Les [xéyi<rroc trarcï; de Denys, 6, 13, signifient la
même chose dans un sens incorrect (cf. p. 173, note 2). Lorsque chevaliers
et cavaliers sont nommés en même temps, on ajoute également des quali-
fications qui les distinguent. C'est ainsi qu'on trouve chez Dion, 74, 5, à
côté des chevaliers (f, Imcàç xb xéXoç), les frjwreïç arpattûrai, et c'est de même
qu'il faut comprendre, 56, 42, oï licmït oï iz H xoû téXouç -/où oc aXXo-..
(5) Il n'y a pas de témoignages de titres authentiques sur la dénomina-
tion des chevaliers à cette époque ; cependant les mots de Gicéron, Phil. 6,
7.6 DROIT PUBLIC ROMAIN.
pire, il n'est pas rare de la trouver dans les inscriptions de la
Gaule cisalpine (1) ; ailleurs elle n'est même pas usitée dans
les inscriptions et elle est étrangère au langage courant : il n'y
a pas non plus de formule grecque qui lui corresponde.
Equopubiico. La formule abrégée equo publico que l'on remplace aussi
par habens equura publicum, par equo publico honoratus, exor-
natus ab imper atore illo, est, sous l'Empire, d'usage général
comme titre officiel ; elle est inusitée dans le langage courant à
cause de sa roideur, et il n'y a pas non plus de formule cou-
rante qui la reproduise chez les Grecs (2).
Eques Romanus, Eques Romaiius peut se dire, au sens militaire, du cavalier
qui sert dans l'armée romaine, sans que l'on ait à tenir compte
de sa condition personnelle (3). Dans son acception politique
qui seule nous occupe, eques Romanus fut synonyme d'equo pu-
blico, tant qu'il n'y eut pas d'autre service de cavalier que celui
sur le cheval public; et cette façon de parler s'est maintenue
dans les centuriœ equitum Romanorum où le terme equo pu-
blico n'a jamais pénétré. Lorsque le service sur le cheval privé
s'introduisit, la même dénomination a nécessairement appar-
tenu en droit aux nouveaux cavaliers, quoique nous ne possé-
dions pas à ce sujet de titres justificatifs. Nous la trouvons même
étendue encore plus loin dans la langue courante, mais seule-
ment par abus, dans la période moderne de la République, où
5, 13, sur la statue élevée par eux à L. Antonius sur le Forum de Rome :
Altéra ab equitibus Romanis equo publico, qui item adscribunt « patrono » (cf.
op. cit. 7, G, 16 : Lacius... patronus centuriarum equitum Romanorum, où
cette désignation est prise de préférence à cause de la relation avec le
droit de vote), peuvent être rapportés d'autant plus sûrement à leur ins-
cription que cette formule complète est ailleurs inusitée.
(1) Des exemples nombreux en sont réunis C. 1. L. V, p. 1165.
(2) Philostrate, Soph. 2, 32 : (Garacalla) hwceàeiv aura ts (à Heliodoros
d'Arabie) ôr^oo-îa eowxe xai Ttcuaîv, ottôctovç e/oi. Le 8r([Ao<noç "71710c chez De-
nys, 6, 13 (p. 89, note d), Dosithée (p. 83, note 4) et dans l'inscription
p. 62, note 1, est un latinisme.
(3) Tite-Live l'emploie dans ce sens, 39, 31, 11. Lorsque par conséquent
le prince numide Gauda demande, dans Salluste, Jug. 63, une turma equi-
tum Romanorum comme garde d'honneur, on peut entendre par là toute
turma de l'armée Romaine, même une twvna italique. Cf. p. 147, note 2.
LES CHEVALIERS. 77
elle exprime probablement la simple capacité d'être cavalier (1).
Ce n'est qu'en partant de là qu'on peut comprendre comment
la qualité de chevalier est étendue à de si larges cercles de
personnes et comment elle peut être très habituellement regar-
dée comme étant en fait héréditaire (p. 99, note 3); car il ne
pouvait pas ne pas y avoir de solution de continuité du service
effectif dans la suite des ascendants. Quoique en droit il n'y
eut de chevalier que celui qui servait ou qui avait servi comme
cavalier, on doit, dans l'usage courant de l'expression, avoir
considéré la qualité de chevalier comme résultant de la capa-
cité de l'être. Lorsque le service sur le cheval privé fut sup-
primé sous Auguste, et que la concession immédiate du cheval
public résulta de la justification de ses titres, eques Romanus
equo publico et eques Romanus se confondirent de nouveau,
même dans le langage courant. La preuve en est que les equi-
(1) La terminologie se révèle de la manière la plus claire relativement
aux décuries de juges de la loi Aurélia ; la seconde appartient aux cheva-
liers, la troisième aux tribuni serarii ; mais les uns et les autres sont réu-
nis dans un langage moins rigoureux sous le nom d' équités Romani (tome VI
t, p. 217, note 2). Les juges de la seconde décurie sont les possesseurs de
chevaux publics de cette époque, les chevaliers des centuries de chevaliers ;
l'extension abusive de l'expression est donc ici hors de doute, et la supposi-
tion la plus naturelle est qu'elle fut étendue à ceux qui possédaient le
cens équestre et l'origine nécessaire pour être chevalier. Lorsque les
équités Romani figurent comme parti politique, par exemple dans Gicéron,
Pro Font. 12, 26 : llli équités Romani, quos nos vidimus, qui nuper in re pu-
blica judiciisque maximis floruerunt ; de même dans Salluste, Jug. 42, 1, et
dans beaucoup d'autres textes, il ne peut guère s'agir exclusivement des
1800 chevaliers des centuries. Lorsque les équités Romani sont cités ailleurs,
par exemple dans l'armée comme des officiers, Tite-Live, 7, 8, 7. 22, 14,
15. 39, 31, 46; César, B. c. 1, 23. 3, 71 ; dans les vers connus de Laberius
chezMacrobe, Sat. 2, 7, 3: Ego bis tricenis annis actis sine nota eques Romanus e
lare egressus meo domum revertar mimus ; en outre dans Salluste, Cat. 28,
1- 49, 4; Tite-Live, 25, 37, 2; dans les recommandations citées p. 74,
note 3, et encore assez souvent ailleurs, nous rie pouvons à la vérité
établir avec certitude pour aucune des espèces particulières s'il s'agit
d'un eques equoprivato ou d'un personnage ayant seulement qualité pour
être chevalier ; mais la fréquence de cette expression suffit à elle seule
pour rendre impossible de considérer les personnes désignées individuel-
lement du titre d'equites Romani comme étant toutes en possession de che-
vaux publics. Les proscriptions de Marius et Sulla atteignirent 2600 che-
valiers (Appien, 1, 103 ; cf. Rœm. Gesch., 2, 339 = tr. fr. 5, 351), alors qu'il
n'y avait que 1800 équités equo publico.
78 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tes Romani du temps de l'Empire, appartenaient tous, d'après
des témoignages exprès, aux turmœ dans lesquels ne figuraient,
sans nul doute, que les possesseurs de chevaux publics
(p. 125 et ss). C'est pour cela qu'iljn'est pas plus ajouté d'expres-
sion qui le détermine au nom des seviri equitum Romanorum
qu'à celui des chevaliers des centuries de chevaliers et qu'e-
ques Romanus tout court est employé dans les inscriptions de
l'Empire tout aussi souvent et tout à fait dans le même sens
qu'eqico publico (1). L'expression correspondante dans les ti-
tres officiels grecs est ircweî>$ 'Po)[xa(o)v(2).
ordo eguester. Ordo equester (3) ne peut s'appliquer au sens rigoureux
qu'aux équités equo publico ; car il n'y a qu'eux qui forment,
comme le réclame le mot ordo, un corps fermé (4), et il est
aussi employé par de bons écrivains dans cette acception res-
treinte (5). Mais en général ordo equester est employé tout
(1) L'inscription récente (Willmanns, 2097) d'un eqaes Romanus pater duo-
rum eq(uo) pub(lico) n'a pas l'intention de distinguer entre eques Romanus
et equo publico; elle est simplement rédigée dans une langue incorrecte.
(2) C. I. AU. III, p. 503 et n. 768 a. CI. Gr. n. 1436. 4017. 6189 b. 6548.
Bull, de corr. hell. 1886, p. 456. Les exemples d'imceùç Twfxaîoç {C. 1. Gr.
3497. 4016) sont indignes de foi.
(3) L'emploi ù'ordo equester ne peut pas être établi avant le temps de Ci-
céron (Verr. I. 1, 47, 124; De domo, 28, 74; Phil. 6, 5, 13, etc.), et il désigne
alors naturellement non pas la cavalerie au sens militaire, mais la cheva-
lerie au sens politique. Ïite-Live, 4, 13, 1, parle, dès l'an 314, d'un homme
ex equestri ordine (de même 9, 38, 8. 21, 49, 6. 24, 18, 7. 26, 36, 8) et Dion,
fr. 11, 4, cite déjà, sous les rois, xb xpcmo-xov x9jç (3oi>Xr)ç xal xt\ç focwàôoç; mais
ils usent là des façons de penser et des tournures de langage de leur temps.
Dion traduit communément ordo par xéXoç {fr. 11, 4 : Ta tIXtj èxetva pour le
sénat et les chevaliers; 38, 13 : "Ex xtvo; xéXou;; 52, 25: "Ex xoO ocùxoO xsXouç;
63, 4 : cO 8r,[j.oç xaxà xéXy)), et il désigne par suite Yordo equester par xo xûv
îutcwv xéXoç (48, 45. 55, 7. 59, 9), ^ l^uàç xo xéXoç (74 5), oi Imceïç toO xé'àouç
(42, 51. 59, 11), oî bnieTç oî ex toO tIXouç (56, 42. 61, 9. 63, 13), oc l«*et« oî èç
ty)v hwcaoa xeXoOvxsç (48, 33), expressions avec lesquelles se rencontrent les
îtïtoT; èvxôXeîç de Diodore (p. 75, note 4). Le traducteur grec du monument
d'Ancyre, 6, 24, l'inscription citée p. 103, note 2, et Hérodien, 4, 2, 4. 5, 7, 7,
emploient dans ce sens : Tb t7tuixbv Tay^a, le dernier aussi, 5, 1, 5 : 'II iimaç
(4) Il est traité, p. 48, note 2, du sens du mot ordo; il s'applique parfai-
tement aux équités equo publico, défilant dans la pompa.
(5) Gicéron, Phil. 6, 5, 13, après les mots reproduits p. 75, note 5 : Quem
umquam iste ordo patronum adoptavit? Tite-Live oppose expressément l'e-
quester ordo aux équités en indiquant, 21, 59, 9, comme ayant péri 300 équi-
tés parmi lesquels equestris ordinis aliquot et tribuni mititum quinque et prse-
LES CHEVALIERS. 79
comme équités Romani, pour désigner la totalité des personnes
qui possèdent le cheval public ou qui simplement sont aptes
à le posséder, en visant, semble-t-il, principalement les pre-
miers, mais en comprenant aussi la seconde catégorie : il ne
s'est pas non plus développé ici de terminologie distinguant
nettement les possesseurs des chevaux publics et ceux qui n'en
ont que l'expectative (1). Puisque, comme nous avons déjà
dit, il n'y a point sous le gouvernement impérial, d'autres
chevaliers que les équités eqao pubiico, Yordo equester se con-
fond de nouveau avec eux à cette époque (2). Si les sénateurs
et les chevaliers sont désignés sous la République comme les
deux ordres les plus élevés (3), il était d'usage, sous l'Empire,
en partant de la division des fonctions publiques entre les sé-
nateurs et les chevaliers et de l'exclusion des plébéiens de ces
fonctions, d'appeler les classes qui participaient à l'administra-
tion de l'empire « les deux ordres » ordo uterque (p. 49, note 1).
Pour accomplir cette tâche difficile qui consiste à exposer le
rôle politique de la chevalerie romaine, il convient de com-
mencer par étudier la façon d'y entrer et celle d'en sortir et
les conditions des deux actes.
fecli sociorum très; ailleurs encore où il emploie l'expression, en particulier
9, 38, 8. 24, 18, 7, elle alterne avec équités Romani (7, 8, 7) et elle désigne
les équités equo pubiico (cf. p. 173, note 2).
(1) L'expression est déjà employée dans ce sens général d'une manière
tout à fait habituelle dans Gicéron. Elle se trouve employée par opposition
et par conséquent incorrectement dans l'écrit électoral attribué ancienne-
ment à Q. Gicéron : les jeunes gens composant les centurise equitum y sont
déterminés par Yauctoritas de Yordo equester (p. 95, note 1), alors qu'ils
forment eux-mêmes au sens propre Yordo equester.
(2) Eckhel, 5, 251 : monnaie de Néron avec equester ordo principi juven-
t(utis), et souvent ailleurs. Partout où Dion parle des chevaliers, il pense
aux équités equo pubiico; la preuve en résulte avec une clarté spéciale des
textes 39, 9. 63, 13; il connaît bien à côté d'eux des cavaliers (p. 73, note 4),
mais il ne connaît pas d'autres chevaliers.
(3) Gicéron, De domo, 28, 74 : Proximus est huic dignitati (du sénat) ordo
equester, par correspondance à l'expression fréquemment employée pour le
peuple en général : Omnes ordines. Gette conception a pour base l'organisa-
tion des partis provoquée par le mouvement des Gracques, la lutte pour la
domination politique qui commença alors entre la classe moyenne riche et
la noblesse qui était au pouvoir (cf. Appien, B. c. 1. 22 et beaucoup d'autres
textes).
80 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Formation de la L'entrée parmi les chevaliers a été, en tant qu'elle résulte de
cavalerie par les x s
censeurs. ja concession du cheval public, déjà étudiée dans la partie de
la Censure. Cette concession fait partie du cens, et elle émane des
magistrats qui en sont chargés, à l'origine du roi (1), puis
des consuls (2), enfin, depuis l'établissement d'une magistra-
ture spéciale dans ce but, des censeurs. Depuis qu'à côté des
cavaliers qui servent sur les chevaux publics, il en existe d'au-
tres servant sur leurs propres chevaux, leur capacité est éga-
lement déterminée par le censeur, et leur appel au service ré-
sulte du dilectus fait par le général. Mais ce service privé dans
la cavalerie ne peut pas être absolument désigné comme
une entrée parmi les chevaliers, au moins en ce sens que, si
l'on acquiert par là le titre d'eques Romanus, les privilèges per-
sonnels des cavaliers, et en particulier le droit de suffrage
équestre, qui est le point de départ de la condition politique des
chevaliers, n'appartiennent qu'aux possesseurs des chevaux
publics. A ce point de vue, la chevalerie a le cens pour base
constitutionnelle.
Les fiis de Sulla n'a pas supprimé la censure; mais il l'a rendue super-
sénateurs
chevaliers de flUe pour le maintien du régime constitutionnel (3): et, bien
naissance depuis A ° \ t '
Sulla- qu'à la suite de la réaction démocratique qui se produisit con-
tre ses institutions, on ait depuis nommé plusieurs fois des
censeurs, que le census ait même été opéré une fois, en G84, il
n'y a pas eu, sauf cette unique exception, de cens de Sulla à
Auguste. Il ne put donc plus y avoir désormais d' équités equo
publico dans le sens antérieur; et c'est probablement pour
cela que la grande revue des chevaliers du 15 juillet a disparu
à cette époque et n'a été rétablie que par Auguste (p. 90,
(1) La meilleure tradition ne sait rien du concours de l'assemblée du
peuple ni pour l'institution, ni pour l'augmentation de la cavalerie. Le choix
des 300 premiers cavaliers par les curies, en nommant chacune dix, de De-
nys (2, 13) est contraire à toutes les analogies et n'est certainement qu'une
compréhension fausse de leur nomination curiatim, qui se trouvait dans le
schéma (tome VI, 1, p. 118).
(2) Je ne vois pas qu'il y soit fait allusion relativement au choix des ca-
valiers.
(3) V. tome V, la partie de la Censure, sur sa destinée depuis Sulla.
LES CHEVALIERS. Ni
note 1). Mais les centuries de chevaliers ont continué à voter,
môme d'après la constitution de Sulla, et la loi Aurélia de 684
sur la composition des jurys implique la subsistance des che-
valiers avec un effectif analogue à ce qu'il était précédemment.
11 faut donc que Sulla ait remplacé l'attribution du cheval pu-
blic qui émanait du censeur par quelque autre institution sub-
sidiaire. Quelle était cette institution, la tradition ne nous le
dit pas, et nous sommes réduits aux conjectures. Il n'est pas
vraisemblable que la fonction d'attribuer le cheval public ait
passé aux consuls comme ont fait les locations des censeurs (1).
Les censeurs n'ont jamais eu de représentants pour les opéra-
tions du cens. Une institution pareille aurait en outre laissé des
traces dans les sources que nous possédons. Il est probable que
l'acquisition du cheval public, et par suite de la place dans les
centuries équestres, aura été liée, de même que celle du siège
de sénateur l'était à l'occupation de la questure, à quelque con-
dition légale se réalisant sans intervention des censeurs. Le
fait que. sous le Principales fils de sénateurs sont chevaliers
de naissance (p. 62) correspond bien à ces données. Or nous
ne savons pas de qui vient cette institution, nous ne savons si
elle a été établie par Auguste ou s'il l'a trouvée déjà en vigueur.
Nous pouvons donc en réclamer la paternité pour Sulla et il est
parfaitement d'accord avec sa constitution de mettre ainsi les
centuries de chevaliers sous la puissance du sénat, tout en main-
tenant l'incompatibilité du siège sénatorial et du cheval équestre.
11 est possible que Sulla ne s'en soit pas tenu là. Sous le Prin- Ch!Tlse?vUicetre
cipat, on regarde comme chevaliers de rang sénatorial, à côté
des fils de sénateurs, les jeunes gens auxquels l'empereur aper-
mis de servir comme officiers à la manière sénatoriale et a ou-
vert la carrière sénatoriale (p. 57). Or dans la constitution de
Sulla, où le tribunat militaire était concédé par les comices ou
par les généraux (2), le jeune homme qui n'était pas d'ori-
(1) V. tome IV, loc. cit.
(2) On élisait alors annuellement 24 tribuns militaires (voir, tome IV,
â la partie des officiers magistrats, la section des tribuni militum a populo,
sur leur décadence et leur disparition), parmi lesquels, il est vrai, ceux qui
Droit Publ. Rom., t. VI, 2c p. q
d'officier depuis
Sulla.
82 DROIT PUBLIC ROMAIN.
gine sénatoriale peut aussi fort bien avoir acquis alors avec le
grade d'officier les droits de chevalier (1).
A ces conditions, on pouvait se passer de l'examen fait par le
censeur de la fortune, de l'origine et de l'honorabilité, qui
précédait la concession du cheval public. La fortune convena-
ble pouvait être supposée exister chez le jeune homme d'ori-
gine sénatoriale, et le coûteux service d'officier fait volontaire-
ment excluait par lui-même les individus sans fortune. Cepen-
dant la première condition en particulier n'était assurément
pas suffisante. Mais la loi Roscia votée pendant la réaction con-
tre les institutions deSulla, en 687, intervint sous ce rapport.
En même temps qu'elle rendit la proédrie aux chevaliers, elle
régla expressément le cens équestre et elle exclut les citoyens
dont le cens était inférieur à 4-00 000 sesterces (2) et des
places des chevaliers, et sans doute aussi des droits des che-
valiers en général. Dans le système antérieur, selon lequel les
siégeaient déjà dans le sénat (p. 153, note 1) et les fils de'sénateurs n'entrent
pasen ligne de compte pour notre question. Le nombre de tribuns militaires
nécessaires annuellement était alors notablement plus fort (Gicéron, Phil.
6, 5, 14, p. 48, note 2). En Tan 700, il y avait, en comptant à la vérité celles
des Gaules, 18 légions romaines sous les armes (CL. I. III, 6541 a); il y
avait donc à ce moment plus de 100 tribuns militaires en fonctions.
(1) Les ex-tribuns militaires jouent un rôle saillant dans la chevalerie
des derniers temps de la République avant la réforme d'Auguste. Des qua-
torze bancs des chevaliers, au théâtre, les deux premiers sont réservés aux
ex-tribuns militaires (p. 123, note 4). Lors du triomphe de César, en 708,
les tribuns militaires et les préfets reçurent un présent triomphal quadru-
ple, et il n'est rien dit des cavaliers (p. 148, note 2). Dans les partages de
terres italiques proposés par le tribun du peuple L. Antonius au printemps
de 710, les équités Romani equo publico étaient avantagés (Gicéron, Phil. 6, 5,
13: Agrum iis divisit; cf. 7, 6, 16); mais les tribuns militaires nommés là à
côté d'eux, qui avaient servi sous César (loc. cit.: Tribuni militaires, qui in
exercitu Csesaris duobus fuerunt... multi fuerunt multis in legionibus per tôt
annos, où plus annis ou quelque chose d'analogue doit avoir été omis avant
duobus) recevaient les terres les meilleures et les plus rapprochées de Rome
{loc. cit. : lis quoque divisit Semurium: campus Martius restabat; cf. Macrobe,
Sat. 1, 10, 16). Gela s'accorde bien avec l'acquisition à cette époque du che-
val équestre par l'occupation du tribunat militaire.
(2) Pour répondre à la question de savoir comment, en l'absence du cens,
la quotité de la fortune était déterminée, il ne faut pas recourir au cens
municipal, mais il faut plutôt répondre que la procédure de multa suffisait
(p. 97, note 4).
LES CHEVALIERS. 83
droits de chevalier n'appartenaient qu'aux possesseurs de che-
vaux publics désignés par le censeur, il n'y aurait pas eu be-
soin de fixer le cens ; sa fixation dans la loi est une nouvelle
preuve que la possession du cheval équestre ne reposait plus à
notre époque sur les mêmes bases.
En ce qui concerne la naissance et l'honorabilité, il n'y avait
pas besoin de plus ample constatation pour les fils de sénateurs,
et par rapport aux officiers, leur admission par le peuple ou
un général était une garantie suffisante.
En présence d'entrées constantes de cette espèce, les centu-
ries des chevaliers pouvaient subsister, même en l'absence
complète de cens. La répartition des membres entrant dans
les dix-huit centuries a nécessairement été réglée par une dis-
position législative. A la vérité, le nombre des jeunes gens
d'origine sénatoriale qui ne siégeaient pas dans le sénat et de
eux de famille non-sénatoriale auxquels leur service sur un
cheval privé était compté comme une acquisition du cheval pu-
blic ne peut pas, si largement que l'on veuille étendre la der-
nière catégorie, avoir facilement suffi à remplir les 1800 places
de chevaliers. Mais précisément il peut fort bien avoir été dans
les intentions de Sulla d'amoindrir le nombre des électeurs des
centuries de chevaliers pour mettre ces centuries dans la dé-
pendance complète du sénat. Le maintien d'un chiffre fixe
était, il est vrai, dans ces circonstances, aussi impossible pour
la chevalerie de Sulla qu'il Tétait pour son sénat. Mais, si l'on
indique cependant l'ancien système des 1800 places de cheva-
liers de Servius comme toujours en vigueur à cette époque,
l'explication en est que cette création de Sulla, comme beaucoup
d'autres, est intervenue seulement à titre complémentaire. De
même que la justice populaire subsistait toujours théorique-
ment, tout en étant en fait remplacée par la procédure des
quœstiones, les censeurs continuaient toujours à exister consti-
tutionnellement. Lorsqu'il y en eut en fonctions, comme cela se
produisit en 684, ils exercèrent leurs droits avec leur ancienne
étendue : l'assignation des chevaux publics et le chiffre normal
rentrèrent en vigueur. Cette censure de 684 a nécessairement
84 DROIT PUBLIC ROMAIN.
contribué à faire la situation politique et financière des cheva-
liers rester, du temps de Cicéron, ce qu'elle était, à l'empêcher
de s'évanouir selon les intentions de Sulla; mais la cause prin-
cipale de ce maintien a été la prédominance dans l'usage cou-
rant de l'extension abusive donnée au nom de chevalier.
sortie de ia II est également traité, dans la partie de la Censure, de la
chevalerie dans le °
temps postérieur sortie de la Chevalerie. En dehors du cas où cette sortie était
à Sulla.
provoquée par l'incompatibilité légale du cheval équestre et du
siège sénatorial, la perte du cheval équestre n'était pas moins
liée au cens que son acquisition. Elle fut donc également sup-
primée par la constitution de Sulla. S'il n'en a pas été disposé
autrement par une loi spéciale restée inconnue, le cheval
équestre doit désormais être resté à vie à celui qui l'avait ac-
quis, pourvu qu'il ne le perdit pas pour cause d'incompatibi-
lité légale, en entrant dans le sénat, ou qu'il ne lui fut pas en-
levé lors de quelque censure. Dans la mesure où cette dernière
hypothèse restait possible, on ne peut pas faire remonter, en
principe, aux institutions de Sulla le caractère viager qui ap-
partient à la chevalerie sous l'Empire; mais elles le prépa-
raient en tout cas.
concession par Le service d'officier issu du service de cavalier equo privato
chee%ïipeéquestrUe. qui vient d'être décrit, cessa d'exister, peut-être dès le temps
de la dictature de César (1), en tout cas dès le début du Prin-
cipal Désormais les fonctions d'officier furent, comme il sera
expliqué plus loin (p. 152), liées à la concession du cheval pu-
blic. Cette attribution est, dans la mesure où le cens a encore
lieu sous le Principat, faite encore alors par les censeurs (2),
(1) On ne sait dans quelle mesure la transformation de l'ordre équestre
opérée par Auguste repose sur des dispositions prises par César. Les ré-
formes faites par lui relativement aux tribunaux de chevaliers nécessitent
une augmentation du nombre des possesseurs du cheval public (p. 139).
(2) La preuve en est, en dehors de l'inscription relative à la censure de
Vespasien, C. I. L. XI, 3098, rapportée à la partie de la Censure, sur
l'examen de l'aptitude au service des cavaliers, dans Strabon, 3, 5, 3, p.
469 : "Hxo-jTa... sv p.:à twv xaô' Yjfxaç -n[rr|a-ea>v icevTaxofffovç avôpa; Ti|XY)6svTaç
ItciïixoÙ; Faoïxavoû:, et 5, 1, 7, p. 213 : Tô Ila-aoviov... vetoori XÉysrat Ttfnjaa-
aôat 7ievTaxoaîouç Imrixouc àvSpaç. Les indications de Suétone, Claud, IQ.Vesp.
9, peuvent aussi se rapporter aux censures de ces empereurs.
LES CHEVALIERS. 85
et ce n'étaient pas nécessairement les empereurs qui l'é-
taient (1). Mais, à côté d'elle à l'origine, et peut-être subsidiaire-
ment en théorie, mais en pratique principalement, dès le début
du Principat (2) et exclusivement depuis la disparition de la
censure, il y avait la concession par l'empereur du cheval
équestre (3), qui, autant que nous sachions, n'était subor-
donnée à aucune condition de temps et avait lieu, d'un moment
à l'autre, en général sur demande (4). Il y avait, pour les de-
mandes d'admission dans les chevaliers comme pour les de-
mandes d'admission dans le sénat, un bureau impérial spécial,
qui, la justification de lafortune entrant ici principalement en li-
gne décompte, s'appelait «ceraszte et formait une divisiondudé-
(1) Voir, tome V, le début de la partie des Censures impériales.
(2) Dion, 53, 17: 'Ex 8k 8tj tou Tijjwj*redet\i to-j; tî (3îo-jç xcù touç TpoTroviç
f,tj.à)v Vtz-A^o'jG'. xal aTioypacpàç 7tO'.ouv7a'. xal xoùç jjlsv xaxaXryovxn xal èç xr,v itz-
rAou. v.x\ i; to ftauXeurixàv, to'jç 8s xal àva)>sîtpo\j(7i, otcwç àv aùroï; ùô%rt. De
même dans le discours de Mécène, 52, 19 (p. 87, note 1). Ces témoignages
sont bien probants pour l'époque récente, mais non pas rigoureusement pour
celle d'Auguste, et les concessions du cheval faites par lui qui sont attestées
à titre isolé (Suétone, Aug. 27. Dion, 47, 7. 48, 45) peuvent être partie rattachées
à la puissance extraordinaire des triumvirs, partie rapportées à ces censures.
Il en est de même de l'allégation de Denys, 4, 24 : "û<ncsp ys to'jç twv ctuiécov xal
tovç tâv (îouXeurûv fHouç £gerd£owiv. Mais tant l'examen général des consti-
tutions impériales individuelles (v. tome V, la partie de la Participation de
l'empereur au pouvoir législatif, sur les leges datas impériales) que le sort
spécial des chevaliers ne laissent pas douter que la distraction de la con-
cession du cheval équestre des fonctions du censeur, ou, comme on peut
dire encore, le rattachement du census equitum au principat (v. au tome V,
la partie des Censures impériales) ne remonte à Auguste.
(3; Tibère ayant négligé de faire des concessions du cheval équestre (Sué-
tone, Tib. 41 : Reg)*essus ininsulam rei publics?... curant usque adeo abjecit,ut
postea non decurias equitum umqnam wpplerif), le nombre des chevaliers
était très réduit à sa mort, et Caligula fit par suite de nombreuses nomina-
tions (Dion, 59, 9). — Galba: Tacite, Hist. 1, 13. — Vitellius : Tacite, llist-
2, 57. — Titus: C. I. L. II, 4251 : Adlectus in équité a T. imperatore. — Tra-
jan: Orelli, 3049 : A divo Trajano ex militia in equestrem dignitatem transla-
tifs; C. I. L. II, 4211. III, 607. — A partir d'Hadrien, on trouve des exem-
ples nombreux chez les écrivains (Vita Marci, 4. Vita Alex. 19) et surtout dans
les inscriptions.
(4) Il y a, dans la collection derescrits d'Hadrien, une supplique adressée
à cet empereur pour lui demander la concession du cheval équestre et son
rejet motivé (Dosithée, 6 : "Oav.ç iWrcov atxet ortfj.6o-.ov, è£afAapTr,fjivoç elva1
86 DROIT PUBLIC ROMAIN.
partement des suppliques (a libellis) (1). Il était sous la direo
(1) Le chef du bureau impérial a censibus:
prœpositus a censibus, (puis commandant des deux flottes italiques, C. /.
L. V, 8659) ;
£7Ù' xrjvaov xoO Se6ar7XùO (C. I. Gr. 3497, parmi les qualifications honorifiques
d'un parent de ce magistrat) ;
eu! xrjvaov (puis proc. Mœsise inf.: C. I. Gr. 3751);
6 tocç Ttprja-eiç âYX£-/etptafxévoç (Dion, 78, 4; personne de confiance, qui in-
forme de Rome \e prsef. prsetorio absent) ;
èulTpoTroç à%o twv à7io[Tifjiïj]<7Ea>v SeëacToO (C. 1. Gr. II, n. 1813 6, p. 983,
selon la correction, qui à la vérité n'est pas certaine d'Hirschfeld; cf.
tome V, la partie de la Poste impériale, dernière note),
doit avoir été dans un certain rapport, d'une part, avecjle bureau a libellis :
a libellis et censibus dans une inscription de Lyon (Henzen, 6929) du
temps d'Antonin le Pieux (auparavant procurator de Lugdunensis et d'A-
quitaine) et une inscription d'Ephèse (C I. L. III, 259) ;
acensibus,alibellis Augusti(\}\iisprsef.vig .:H.enzen, 6947) du temps d'Hadrien ;
magister a li[bellis, md\gister a ce[nsibus] (puis prsef. vig. : Henzen, 6518,
= C. L L. VI, 1628).
et, d'autre part, avec l'ordre équestre et par conséquent avec le recense-
ment des chevaliers :
a census equit(um) Romaniprum) (auparavant prsef. class. Rav.: C.I.L. X
6657 = Orelli, 3180) ;
le nomenclator censorius d'un magistrat du temps [d'Auguste et proba-
blement aussi les nomenclatures a censibus (ou a census) impériaux étaient
également mêlés au recensement des chevaliers (v. tome I, la partie des
Appariteurs des magistrats, sur les Accensi et les Nomenclator es). Tout cela
s'explique parfaitement si ce bureau était chargé de l'examen des demandes
tendant à la concession du la tus clavus et du cheval équestre ; car ce sont
là précisément des libeUi (Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte, 1, 18 rapproché
de 207, semble l'avoir méconnu) ; et la justification de la fortune jouait,
dans les deux cas, le principal rôle. La mention expresse des chevaliers
peut être expliquée par le fait que les demandes de ce titre étaient de beau-
coup les plus fréquentes. La dénomination a censibus et libellis s'applique-
t-elle à tout le département appelé d'habitude a libellis ou les deux termes
a libellis et a censibus sont-ils dans un autre rapport quelconque, on ne peut
le décider. L'importance de cette fonction ressort du fait que la préfecture
des vigiles de Rome et celle d'une des deux flottes italiques, c'est-à-dire
deux des postes les plus élevés de la carrière équestre, sont concédées im-
médiatement après elle, et même la dernière une fois avant elle. — La con-
jecture d'Hirschfeld (loc. cit.), selon laquelle un bureau impérial central au-
rait été créé pour les recensements provinciaux après la suppression de la
censure, me paraît peu vraisemblable. Les magistrats qui ont à s'occuper
du cens des diverses provinces, comme Yadjutor ad census provinc. Lugdun.
(Orelli, 2156 = C. /. L. XII, 408) et aussi sans doute Yadjut(or) ad cens(us)
sans addition (Henzen, 6519) doivent être réunis aux legati ad census ac-
cipiendos des divers districts. Au contraire tous les indices qu'on peut rele-
ver quant au bureau central se rapportent au census equitum. S'il y avait
eu un tel bureau ayant le rôle que lui donne Hirschfeld, nous aurions de
son existence des témoignages nombreux .
LES CHEVALIERS. 87
tion d'un haut fonctionnaire de rang équestre (1). La barrière
élevée par le nombre limité des chevaux publics fut désormais
écartée. Que la concession eût lieu au cours du cens ou autre-
ment, le cheval équestre était, sous l'Empire, immédiatement
accordé à quiconque justifiait des conditions de capacité et
agréait à l'empereur (2) ; la distinction antérieure entre ceux
qui le possédaient et ceux qui l'attendaient disparut. Le nombre
des possesseurs du cheval public, en droit de voter dans les cen-
turies de chevaliers, s'accrut dans de telles proportions qu'il en
défilait déjàjusqu'à 5000, sous Auguste, dans la pompa à laquelle
ne participaient naturellement jamais tous les ayants-droit (3).
Et, comme la fréquence de plus en plus grande du titre de che-
valier sur les inscriptions de l'Empire le montre bien, le chiffre
alla toujours en croissant (4).
(1) En dehors des témoignages épigraphiques, ce fonctionnaire est men-
tionné dans Hérodien, 5. 7, 7 : "Exspov... itaiOEiaç xôov vécov xa\ eûxo<7|xcaç ty|ç
te 'JTiotTTdco-Ewç TYJç (Sylburg : èleràaEfoç tûv) èç ty)v c-uyxXyjtov (3ouXy]V r\ to for-
mxov rây^a xaTaTarco^svtov upoéaTrjirsv, texte d'où l'on peut conclure qu'il
participait aussi à Yequitum probatio et à l'examen de la conduite qui s'y
adjoignait. Mécène recommande aussi à Auguste, dans Dion 52,21 (cf. c. 24),
de prendre plutôt dans l'ordre sénatorial que dans l'ordre équestre un sous-
censeur (\iTzoT.\it\rfic) qui constate et surveille (è^Eràsscv xa\ èiua-xoraîv) la
naissance, la fortune et le genre de vie (xà te ysvyi xa\ xàç oùexîaç xouç te
xpoTio'jç) de tous les sénateurs, de leurs femmes et de leurs enfants, qui,
pour les petites choses, avertisse ceux qu'elles concernent et saisisse l'em-
pereur pour les importantes (xal xà (xèv aùxbç è7iavop8o0v ocra [xr,T£ Tifxa>p(aç
aE:à èari xal 7iapopw[/.Eva tcoXXwv xa\ [AsydXwv xaxaSv airia ysyvsTat, icc 8s ôyj
(o-ô^o) c-oi È7ctxotvoOcr8ai) et duquel on puisse porter plainte à l'empereur (52,
33). C'est certainement la fonction de cour signalée par Hérodien qui est
prise là pour point de départ, bien que l'écrivain ait aussi pu mêler à ses
développements l'expression de ses propres vœux politiques.
(2) Dion, 53, 17 (p. 85, note 2).
(3) Selon Denys, 6, 13, il défilait alors, à la pompa du 15 juillet, avSpsç
£otiv oie xal TiEVTaxtcryjXiot. C'est à cela que se rapportent, dans le discours
de Mécène chez Dion, 52, 19, les mots : Toùç rà SsuTspEÏa (après les séna-
teurs) r/aoror/oSi xal yévet xal àpexyj xai tcXoutw çspojxsvouç èç ttjv t7cira5a xara-
Xeçov, 700-0'jtouç... àvxEyypà^aç ôrcoaoi ttot' av àpécraxn (Ms.: EÛpr^tocc) cte {x.r,Sèv
7cep\ To-j icXtjOouç aùxâ>v àxpcpoXoyoujxsvoç. Les indications sur le nombre des
chevaliers romains à Patavium et à Gades (p. 84, note 2) sont d'accord
avec celles-là.
(4) Pline, H. n. 33, 2, 32 : Postea (après l'an 23) gregatim insigne id (l'an-
neau d'or) appeti cœptum.
88 DROIT PUBLIC ROMAIN.
caractère viager Auguste a supprimé en principe la sortie de la chevalerie.
des droits de , .
chevalier sous D'après l'ancien système de la République, la possession du
cheval public était limitée par l'aptitude effective au service,
et la conservation du cheval au delà de ce délai ou même
pendant toute la vie ne peut y avoir eu lieu qu'abusivement.
Au contraire, sans doute en partant de la désuétude de la res-
titution du cheval produite parles institutions de Sulla(p. 84),
Auguste décida, en 741, directement au sujet de la revue, (p. 89)
qu'après l'âge de 35 ans accomplis, le chevalier serait libre de
rester dans la chevalerie sans se mêler davantage aux fonctions
pratiques des chevaliers (1). Le caractère viager de la posses-
sion du cheval équestre était reconnu par là (2). Elle ne pou-
vait plus finir, en laissant de côté les condamnations pénales,
(1) Suétone, Aug. 38 : Mox (après les atténuations accordées aux vieil-
lards et aux infirmes, cf. p. 90, note 4) reddendi egui grattant fecit eis qui
majores annorum quinque et triginta retinere eum nollent. Gratiam f'acere ne
pouvant signifier que « dispenser » et non « permettre », il faut ou bien
écrire mallent, ou bien entendre retinere de la participation à la pompa, en
ce sens que ceux qui déclareraient ne plus vouloir faire usage du cheval à
cette fin seraient pourtant laissés libres de ne pas en faire la restitution
formelle, et par suite de rester parmi les chevaliers. Dion, 54, 26, sur l'an
741 : Toxe Se aùxbç icavraç aôxoùç (les chevaliers aptes aux charges sénato-
riales) i^-qztxae xa\ xà (xèv twv vizlp 7ilvxe xa\ xp:àxovxa exr, yeyovoxtov oùx È7io-
X'jTrpaYtxôvYjcrs, xoùç Se èvxoç xe njç f,Xcx:'aç xavxrfi ô'vxa; xai xb xî|A7)[xa (le cens
sénatorial d'un million de sesterces) è^ovra; povXeûaat xaxr(vây-/.a<7î, xwPl* ~ri
zï xtç àvaTTYipoç ^v • xai xà fxsv a-aj[xaxa xoù aùxci; rtov eaipa, wspl 8è xwv oùatûv
ô'pxotç eiucnroûxo. Les deux relations se rapportent évidemment à la même
constitution; les expressions finales de Dion montrent aussi qu'il manque
quelque chose avant -/WP^ soit par la faute de Dion, soit par celle du co-
piste, par exemple xai èv xrt Tro^ur, rcopeuso-ôat, et qu'il n'est ou ne devait pas
être question des chevaliers seulement au point de vue de leur entrée au
sénat ; car la paralysie et les autres infirmités physiques n'excluaient pas
de cette assemblée. Les deux témoignages réunis établissent qu'Auguste,
dans la recognitio des chevaliers, laissa dans l'ordre équestre tous ceux qui
avaient dépassé l'âge de trente-cinq ans, mais en les exemptant de toutes
les obligations des chevaliers, tant de l'obligation de figurer dans la pompa
que de l'obligation éventuelle d'entrer au sénat, et qu'au contraire, de ceux
qui se trouvaient au dessous de cette limite d'âge, il exigea l'accomplissement
de ces obligations, sauf pour la première le cas d'empêchement par une in-
firmité physique.
(2) Le titre equestris mémorise vir est même donné à des défunts (C. 1. L.
VIII, 4781), par correspondance à clarissimœ mémorise vir. Il n'y a aucun fond
à faire sur l'inscription C. I. L. III, 5652 invoquée par Hirschfeld, Verw.
gesch. 1, p. 273) en faveur à'eq(ueslris) m(emorix) p(uer).
LES CHEVALIERS. 89
que dans les cas, à étudier plus loin, où le chevalier changeait
de rang pour devenir sénateur ou centurion.
Si, par conséquent, tout citoyen ayant qualité était admis à ^"J^igJ0"9
acquérir le cheval équestre et à le conserver sa vie durant, Au- tilre dePeine-
guste prit des mesures pour exclure de la chevalerie les indi-
vidus n'ayant pas qualité. L'empereur revendiqua le droit de
retirer le cheval équestre aux sujets indignes ou impropres
(p. 85, note 2), et le bureau chargé de l'examen des conditions
nécessaires pour être chevalier avait aussi à surveiller la con-
duite des chevaliers (p. 87, note 1). L'exclusion devait se pro-
duire, lorsqu'une des conditions nécessaires pour obtenir le
cheval équestre, et que nous étudierons plus loin, venait à dis-
paraître, en particulier lorsque le chevalier se ruinait ou ve-
nait à perdre son honorabilité civique. Auguste organisa même
une révision spéciale de la chevalerie. D'après un vieil usage, desci£™ïersPar
dont l'origine est placée au ve siècle de la ville, les possesseurs lemPereur-
des chevaux publics défilaient en équipement militaire com-
plet, chaque année, aux ides de juillet, à travers la ville, du temple
de Mars de la porte Capène jusqu'au Forum, où ils offraient un
sacrifice aux Castors, leurs dieux protecteurs, et de là au Capi-
tule (1). Auguste, en rappelant à la vie cette pompa tombée
(1). De vir M. 32: Hic (Q. Fabius Maximus, censeur en 450) primus
instituit, uti équités Romani idibus Quinctilibus ab sede Honoris equis insiden-
tes in CapitoUum transirent. Tite-Live, 9, in fine, sur l'an 450 : Ab eodem
institutum dicitur, ut équités idibus Quinctilibus transveherentur; de même
Val. Max. 2, 2, 9. Selon Denys, 6, 13, la mémoire de la nouvelle de la vic-
toire du lac Régille apportée à Rome par les Dioscures en 258 de Rome est
conservée par les Ouo-ia: icoXureXefç, à; y.a6' bxccotov èvtauTov 6 S-^ixo? èicixeXe? 8cà
tgSv [tsytartùv imcécov èv ;j.r,v\ KuivrtXtca Xeyojiivw xaiç xaXov|i£vaic elooX^... ôicèp
OMcavra oï xaOxa yj (xsTarr,v ôua-tav èiciTsXoupivY] izo\nr}\ tôv ê^ivrwv tov Sr^oa-iov
fancov, oî xaxà puXdç rs xa\ ).o-/ov? (cf. p. 124, note 4) xexocr|&ii|Llvot Gioiyrfiov bt\
:œv Ttittov/ à^ou[tevoi 7copeuovrai icdtvtêç, to; èx y-àyy^ rjxovre; ètrcsçavcojtévot SaXXoïç
£>.aîa:, /.at wopçvpaç çoivixoTcapvçouç àtxTîî-/^--70'- TYi^fvVa? :à,' xaXoupiyac tpa-
£;a:, àpÇajievot jjlsv btco iepoG ttvoçirÀpeoç s^co tv-ç tcôaîoj: ISpupivou, 8te£t6vrec Sa
ttv te SXXtjv it6Xtv xa\ 8tce tîjç àyopa; Ttapà ~b :ùv Atooxouptov iepbv 7rap3p70[ji.svo&,
avopî; ett'.v 3t8 xal rcevraxto^Xtoi, çépovr8ç 6<ra Trapà twv r,yc|x6vcov àp'.TTôïa k'Xa-
(ïov èv TaT; aa/a:;, xocXtj xort àÇla to-j [xsyéOovç tîjç ^yejiovtaç otyiÇ- Zozime, 2,29 :
Tr(; Sa uairpîo-j -xaTaAa^o'jar,; lopr^ç (le 15 juillet 326 de l'ère chrétienne; cf. Go**
defroy, ad C. Th. 15, 14, 3), xaO' r,v àvayxïj to <rcpaT6we8ov f,v llvac èc to KauôTco-
Xcov... (Constantin) ~r^ lep&ç àyumiaç àico<rcaTïi<7a; etç [/.îa-o; <r xr,v yspo-jaîav xai
tov Kjpov àv£<rni<Tev. Pline, //. w. 15, 4, 19 (p. 125, note 2). Tacite, Hist. 2, 83
90 DROIT PUBLIC ROMAIN.
en désuétude (1), y lia une inspection, ou, comme l'expriment
les mots, la transvectio equitum de la République devint une
equitum probatio impériale (2). Les chevaliers défilaient de-
vant l'empereur, non pas, comme devant les censeurs, par tri-
bus, et en tenant leurs chevaux par la bride, mais en turmes
(p. 125, note 2) et à cheval (3); d'ailleurs, comme pour la revue
du censeur, ils étaient appelés par leurs noms, et, si leur con-
duite ou leur tenue militaire avait donné lieu à blâme, ils
étaient écartés de la chevalerie par l'omission de leur nom ou
expressément (4). La revue des cavaliers était, dans la période
récente de la République, devenue en général une forme
vaine, par suite du caractère discontinu de la censure et de la
négligence apportée par les censeurs dans l'exercice de leurs
fonctions disciplinaires militaires; on s'en était aussi plus
d'une fois servi abusivement dans des intérêts individuels de
(p. 125, note 2) TJlpien, Dig. 2, 4, 2 : In jus vocari non opor'tet.... eum qui equo
publico in Capitolium (sic Gujas ; le Ms. : in causa publica) transvehatur.
(1) Suétone, Aug. 38 : Equitum turmas fréquenter recognovit post longam
intercapedinem reducto more travectionis.
(2) Cette pompa est désignée par transvehere ou transire chez les écri-
vains latins de la meilleure époque, et encore dans l'inscription Orelli,
3052 = C. I. L. XI, 3024, d'un enfant de seize ans qui equo publico trans-
vectus est. Mais Dion, 55, 31. 63, 13, l'appelle une èléxao-tç et elle s'appelle
equorum probatio, dans le temps postérieur à Constantin, dans une addition
à Valère Maxime, 2, 2, 9 de Pabréviateur Julius Paris et dans le calendrier
de Philocalus écrit en 448, C. 1. L. I, p. 397.
(3) Suétone, Aug. 38 (note ci-dessous). Dion, 63, 13: Oi fowceïc oï iv. toO té-
Xou; hc\ aù-ro-j (Néron) upcoTov èyinnioiç èv tyj lvt\<sioi cçwv è^exacret èxpvia-avTo.
(4) Suétone, Aug. 38 : Senio vel aliqua corporis labe insignibus permisit,
prœmisso in ordine equo, ad respondendum quotiens citarentur pedibus venire...
impetratis a senatu decem adjutoribus unum quemque equitem rationem vitx
reddere coegit atque eximprobatis alios pœna, alios ignominia notavit, plures ad-
monitione, sed varia : lenissimum genus admonitionis fuit traditio coram pu-
gillarium, quos taciti et ibidem statim legerent. Gai. 46 : Equités Romanos se-
vere curioseque nec sine moderatione recognovit, palam adempto equo quibus
aut probri aliquid aut ignominiœ inesset, eorum qui minore culpa tenerentur
nominibus modo in recitatione prxteritis. Naturellement l'examen proprement
dit, comme les citations multiples suffisent à le prouver, précède la pompa,
et l'on ne faisait dans cette dernière que proclamer le résultat de l'examen
en lisant la liste des chevaliers. C'est à ces citations et à la récitation
finale que se rattachent les nomenclatures employés pour le census equitum
(p. 86, note 1).
LES CHEVALIERS. 91
parti; au contraire l'inspection de l'empereur pouvait et même
peut-être devait avoir lieu tous les ans(l), et l'empereur y parti-
cipait lui-même de la façon la plus sérieuse, avec le concours
de triumvirs ou de décemvirs de l'ordre sénatorial nommés
spécialement à cette fin (2). Mais, à vrai dire, cette institution
était, par sa base même, plutôt l'expression d'un souhait pieux
qu'une réforme pratique. On ne pouvait pas attendre de fruits
réels d'un système dans lequel tous les équités Romani equo
publico devaient se rendre chaque année, le 15 juillet, dans la
capitale, de toute l'Italie et en grande partie aussi bientôt des
provinces, pour se soumettre, avec des chevaux dont pour la
plupart ils ne se servaient pas plus que les chevaliers actuels,
à une inspection qui n'en était pas une, qui consistait tout au
plus en une réprimande impériale ou en une peine morale in-
fligée par l'empereur. Le défilé des cavaliers a subsisté, on
peut le démontrer, tout au moins jusque pendant le quatrième
siècle de l'ère chrétienne ( 3 ) . Cependant il n'est plus
question postérieurement des magistrats auxiliaires employés
par les empereurs. Selon toute apparence, l'inspection des ca-
(1) La pompa elle-même était une fête annuelle (Dion, p. 90, note 3, etc.)
et ne manquait que dans des circonstances exceptionnelles (Dion, 55, 31, sur
l'an 7 de l'ère chrétienne : Tr,v i\kxaav4 twv iTntéwv ttjv èv t*j àyopà ycyvofjtivYiv
àv£^'i).£To, remplacé dans les éditions par la correction fausse : àveXoc^eTo) ;
mais le fréquenter de Suétone (p. 90, note 1) montre qu'un examen appro-
fondi ne se liait pas toujours et nécessairement avec elle. Ovide, Trist. 2,
541, dit dans un sens identique: Te delicta notantem prseterii totiens inre-
quietus (Heinsius -.jure quietus) eques; de même, 2, 89 : Vitamque meam mo-
resque probabas illo quem dederas prœtereuntis equo. Les annales ne rappor-
tent d'examen des chevaliers que sous Auguste en 741 (Dion, 54, 26 ; cf.
p. 88, note 1), sous Caligula (v. la note qui précède) et sous Alexandre Sévère
(Vita, 15 : Senatum et equestrem ordinem purgavit). Cf. p. 84, note 2.
(2) Les très vin recognoscendi turmas equitum, quotiensque opus esset, sont
cités par Suétone, p. 125, note 2, les decemviri par le même, p. 90, note 4.
L. Volusius Saturninus, consul en 742 de Rome, censoria potestate legendis
equitum decuriis functus d'après Tacite, Ann. 3, 30, et appelé par adulation
censor dans les inscriptions de ses affranchis (cf. tome I, la partie des Ap-
pariteurs, à la section des Accensï et des Nomenclatures, sur le nomenclator
censorius) a été un de ces auxiliaires.
(3) La pompa eut encore lieu en 326 d'après Zosime, 2, 29 (p. 89, note 1);
elle est même encore notée dans la calendrier de 448 (p. 90, note 2). L'ins-
cription d'un nomenclator a censibus, C. 1. L. XIV, 3553, est de 224.
92 DROIT PUBLIC ROMAIN.
valiers n'a pas été faite plus sérieusement dans la période
postérieure à Auguste qu'à la fin de la République, et Yequoriim
probatio est bientôt redevenue, dans son ensemble, ce qu'elle
avait été à l'origine, un cortège de fête.
Destinations de ia Le but direct de la réorganisation de l'ordre équestre accom-
cheralerie ° x
de îEmpire. p}je par Auguste était un but militaire. L'ancienne cavalerie
civique privilégiée ne fut pas rétablie; elle fut plutôt définiti-
vement supprimée; car, si la légion reçut de nouveau une ca-
valerie, il ne fallut pas, pour y entrer, d'autres conditions de
capacité que pour entrer dans l'infanterie. Mais les grades d'of-
ficier, pour lesquels la cavalerie fournissait déjà le personnel
sous la République, furent, d'une manière que nous étudierons
déplus près à propos des droits des chevaliers, liés à la posses-
sion du cheval équestre. Les mesures prises relativement au
cens des chevaliers tendaient par conséquent, en première li-
gne, au relèvement militaire et moral du corps des officiers;
mais elles tendaient aussi à celui d'autres catégories de per-
sonnes chargées de fonctions publiques, soit des jurés, soit
d'une partie des personnes employées dans l'administration ;
on fit, en même temps , des chevaliers désormais nommés à
vie une noblesse personnelle fondée sur la concession impériale,
qui fut mise à côté de la noblesse sénatoriale héréditaire, et la
rivalité de l'aristocratie de naissance et de la haute bourgeoi-
sie, transmise en héritage par la République, fut mise au ser-
vice des intérêts du Principat, ainsi que nous l'expliquerons en
étudiant la répartition des honneurs et des magistratures entre
les deux ordres privilégiés.
La capacité et l'incapacité de servir dans la cavalerie, que
nous allons étudier simultanément toutes deux, sont, comme
nous l'avons vu, soumises aux mêmes conditions pour les pos-
sesseurs des chevaux publics et pour ceux qui servent sur leurs
chevaux privés. Il faut, à ce point de vue, tenir compte de l'âge,
de l'aptitude physique au service, de la fortune, de la naissance,
du domicile, de l'honorabilité et des incompatibilités de rang.
Il est conforme à la nature d'une institution qui fut d'abord
LES CHEVALIERS. 93
purement militaire et qui se transforma de plus en plus en une
institution politique générale qu'on ait, sous chacun de ces
rapports, considéré à l'origine surtout le cavalier et plus tard
surtout le chevalier. Mais il faut toujours avoir présent à l'es-
prit que les règles posées sur la capacité d'être chevalier sont,
soit en général, soit surtout sous l'Empire, plutôt des principes
directeurs que des restrictions légales, et qu'elles ont souvent
été arbitrairement écartées tant pour la concession que pour le
retrait des droits de chevalier. Il y a même, pour la concession
de ces droits à des individus qui n'y sont pas aptes légalement,
nommément à des affranchis, une forme légale propre : la
concession de l'anneau d'or. Ce qui doit être dit à ce sujet le
sera plus loin à propos de ce droit honorifique des chevaliers.
1. AGE.
Tant que le service de cavalier a été ce que veut dire son
nom, les enfants n'ont pas plus pu servir achevai qu'à pied;
et la limite d'âge minimum, fixée à dix-sept ans accomplis (1),
a été observée là comme ailleurs. Elle a même été main-
tenue, dans ses termes essentiels, à l'époque récente (2). C'est
seulement depuis le 11e siècle de l'ère chrétienne que l'on trouve
des cas dans lesquels il est fait allusion à des enfants gra-
tifiés par faveur spéciale du cheval équestre (3).
(1) V. tome II, la partie de la Capacité d'être magistrat, sur l'accom-
plissement du service militaire.
(2) Les fils d'Auguste, Gaius et Lucius ont été, non pas avant d'avoir re-
vêtu la prétexte, comme semble dire Tacite, Ann. 1, 3, mais immédiate-
ment après, dans le cours de leur quinzième année, acclamés principes ju-
ventutis, ce qui coïncide pour eux avec la concession du cheval équestre
(Mon. Ancyr. 2° éd. p. 52 et ss.)
(3) Vita Marci, 4 : (Hadrianus) ei honorem equi publici sexenni detulit. An-
tonin le Pieux accorde le cheval équestre à un enfant de cinq ans :
C. I. L. X, 3924. Inscriptions funéraires de chevaliers de quatorze ans
(C. /. L. VI, 1590), de treize ans (C. /. L. III, 4490) de douze ans (C. /. L. X,
7285), de huit ans (C. /. L. III, 4327), de quatre ans (C. 1. L. VI, 1595, iv* siè-
cle) ; un equo publico transvectus de seize ans, p. 90, note 2. Philostrate
parle d'une concession du cheval équestre faite en même temps à un père
94 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Quant à l'autre limite d'âge, nous avons déjà expliqué (VI, 1
p. 296), que la limitation à l'âge de quarante-six ans admise pour
l'infanterie convenait moins bien à la cavalerie (1). Elle ne fut
jamais appliquée aux cavaliers; il n'y a probablement pas eu
pour eux de telle limite légale, et il a anciennement été laissé
à l'arbitraire exclusif des censeurs de voir à quel âge ils
entendraient inviter chaque homme isolé à rendre son cheval,
soit de son bon gré, soit contre sa volonté. Cela devait en
règle avoir lieu de bonne heure (2), et la chevalerie devait
être la fleur de la jeunesse, de la. juventus (3). La participation
des chevaliers aux cortèges ordinaires et aux fréquents cortèges
extraordinaires qui défilaient dans la ville devait elle-même à
la fois attirer les jeunes gens de la noblesse et déterminer plu-
tôt les hommes mûrs à se retirer. Mais la chevalerie n'a pas
continué d'une manière durable à se composer de jeunes gens.
11 sera démontré plus loin (p. 105) que, jusqu'au temps des
Gracques, les sénateurs sont restés en partie, peut-être même
en règle, dans les centuries de chevaliers. Cette pratique, con-
traire au principe fondamental de l'institution, fut écartée par
l'incompatibilité du siège sénatorial et du cheval équestre por-
tée par la loi au temps des Gracques (p. 105), et la chevalerie
fut ainsi rendue à sa destination première. Si les chevaliers
sont, au temps de Cicéron, qualifiés en propres termes d'adulés-
et à tous ses fils (p. 76, note 2). — Gela s'étend même aux postes d'offi-
ciers. On félicite l'empereur Hadrien de n'avoir nommé tribun militaire
aucun jeune homme imberbe {Vit. 10); au contraire l'empereur Commode
concède la première militia à un enfant de quatorze ans (C. 1. L. XIV,
2947).
(1) V. tome II, la partie de la Capacité d'être magistrat, sur l'accomplis-
sement du service militaire.
(2) Si le cavalier était obligé à servir dix ans et le fantassin seize (voir
tome II, loc. cit.), la raison n'en était pas dans une faveur pour les person-
nes obligées à servir dans la cavalerie, mais dans cette considération mili-
taire que les personnes âgées étaient moins propres au service à cheval.
(3) Cette conception est celle de toute l'époque républicaine, et avant
tout l'institution du princeps juventutis, fixée seulement à l'époque d'Au-
guste, est la meilleure preuve de l'identité des chevaliers d'alors avec la
jeunesse aristocratique.
LES CHEVALIERS. 95
centuli (i), cela peut tenir un peu à ce que le fondement de
la chevalerie tiré de la censure avait alors pour ainsi dire dis-
paru, et que les centuries équestres se composaient alors des
fils de sénateurs qui n'étaient pas encore entrés dans le sénat
et peut-être encore d'autres jeunes gens qui avaient servi comme
officiers (p. 81). Cette expression qui ne vient pas d'une
source excellente ne doit pas d'ailleurs être prise dans un sens
trop strict : il suffit, pour le montrer, de rappeler que les places
de jurés, qu'on ne pouvait, semble-t-il, alors occuper qu'à
trente-cinq ans (p. 138, note 3), étaient pour la plupart tenues
par des chevaliers. Il doit y avoir eu beaucoup d'ex-officiers à
renoncer aux fonctions politiques proprement dites et à rester
dans l'ordre équestre. Les mesures par lesquelles Auguste ac-
corda aux hommes âgés des adoucissements par rapport à
l'obligation défigurer dans la. pompa (p. 90, note 4) et plus tard
dispensa d'y figurer tous les chevaliers ayant plus de trente-
cinq ans (p. 88, note 1) rentrent bien dans cette idée. La concep-
tion de la chevalerie regardée comme constituée par la jeunesse
aristocratique, que l'on rencontre encore néanmoins sous son
règne, vise probablement la portion des chevaliers qui figure
dans ces défilés. Nous avons déjà expliqué qu'il rendit le cheval
équestre légalement viager. Les junior es sont encore dis-
tingués après lui dans l'ensemble des chevaliers (2).
(1) Dans le Comm. petit, attribué àQ. Cicéron, 8,33, il est dit : Jam equi-
tum centuriœ multo facilius mihi diligentia posse teneri videntur. Primum co-
gnosce équités : pauci enim sunt. Deinde appete : multo enim facilius illa adu-
lescentulorum ad amicitiam œtas adjungitur, et inde (Mss. : adjungitur deinde)
habes tecum ex juventute optimum quemque et studiosissimum humanitatis. Tum
autem menant (Mss. : tum autem emi) quod equester ordo tuus est : sequuntur
aidera illi auctoritatem ordinis, si abs te adhibeatur ea diligentia, ut non or-
dinis solum voluntate, sed etiam singulorum amicitiis eas centurias confirmatas
habeas. Jam studia adulescentulorum.. . et magna et honesta sunt. Dans Cicé-
ron lui-même, Pro Mur. 35, 73, il est question de la necessitudo de L. Natta
summo loco adulescens avec les centurix equitum. L'opposition des centuris
juniorum et des celsi Ramnes dans Horace, Ars poet. 341 est connue.
(2) Puisque des deux (il y en avait difficilement plus) cunei, assignés au
théâtre aux chevaliers (Suétone, Dom. 8; Stace, Silv. 3, 2, 143) l'un s'appe-
lait, semble-t-il, cuneus juniorum jusqu'à ce qu'il tirât son nom de Germa-
nicus (Tacite, Ann. 2, 83), il faut qu'il y ait eu à cette époque une distinc-
tion de cette espèce entre les chevaliers. L'idée la plus naturelle est de rat-
96 DROIT PUBLIC ROMAIN,
2. APTITUDE PHYSIQUE.
pfyliqul Ce qui a été dit de l'âge s'applique également à l'aptitude
physique au service. Les infirmes sont exclus du service dans
la cavalerie. Mais, lorsque, dans la période récente de la Ré-
publique, l'institution devint politique, on laissa, ou même on
concéda le cheval à des personnes qui ne pouvaient s'en servir.
Auguste a commencé par user de ménagements dans l'inspec-
tion des chevaliers, envers ceux qui étaient infirmes, comme
envers ceux qui étaient âgés (p. 90, note 4), puis il a proba-
blement accordé en pareil cas, en vertu de laconstitution de741,
la conservation du cheval avec exemption des corvées individuel-
les (p. 88, n. 1). Mais, d'une manière générale, les chevaliers
qui défilaient dans les révisions prescrites par Auguste étaient
examinés au point de vue de leurs aptitudes physiques. Le con-
trôle du corps des officiers n'était pas le seul but de la réor-
ganisation de la chevalerie opérée par Auguste, mais c'en était
le premier but, et le plus important; or pour l'atteindre il
était essentiel que le souverain eût l'occasion de s'assurer per-
sonnellement chaque année de l'aptitude au service des officiers
et de ceux qui aspiraient à le devenir.
3. FORTUNE.
cens équestre. ^u moins depuis l'institution du service obligatoire fait aux
frais du cavalier, il y a eu un cens équestre fixé soit par la loi,
soit exclusivement par la coutume, différent de celui de la
tacher cette distinction à la ligne de démarcation placée par Auguste à
la 35e année, en opposant làjaventus qui iigure encore dans la pompa et les
vieux chevaliers.
LES CHEVALIERS. 97
première classe et s'appliquant aussi bien aux possesseurs do
chevaux publics (VI, 1, p. 292) qu'aux citoyens qui servaient dans
la cavalerie à leurs propres frais (1). Cependant nous n'avons
pas de témoignages anciens sur son montant. La loi Roscia
de 687 de Rome, qui eut pour but direct de régler le droit des
chevaliers à des places séparées au théâtre et qui appartient à
l'époque dans laquelle la constitution de la chevalerie n'avait
plus la censure pour fondement (p. 80), exigeait le décuple de
la fortune de la première classe, soit 400 000 sesterces (2).
Or la stabilité essentielle du cens de la première classe pendant
toute la durée de la République (VI, \ , p. 279 et ss.) et le silence
de nos sources sur une élévationjdu cens équestre sont favorables
à l'idée que ce chiffre, qui nous est seul connu, a aussi seul été
en usage dès le principe, quoiqu'il n'ait probablement été sanc-
tionné législativement qu'à la date de cette loi. Il a certaine-
ment été aussi maintenu sous l'Empire (3). Par conséquent, la
diminution de la fortune entraine la perte des droits de cheva-
lier (4). Néanmoins la loi accorde au chevalier ruiné sans sa
faute et forcé à donner un dividende à ses créanciers une place au
(1) Polybe (p. 73, note 2) en suppose l'existence ; de même Tite-Live,
déjà pour l'an 354 (p. 71, note 1) et 34, 31, 17, dans le discours de Nabis :
Vos a censu equitem, a censu peditem legitis. #
(2) Juvénal, 14, 323 et ss. désigne ce chiffre comme summam, bis septem
ordinibus quam lex dignatur Othonis ; 3, 159 : Sic libitum vano qui nos dis-
tinxit Othoni avec les scolies sur 3, 155 : Othonis lex, in qua jussit eos qui
quadringentorum sestertiorum habent reditus (fautif) in numéro equitum esse.
(3) Constitution de l'an 23 de l'ère chrétienne chez Pline, H. n. 33, 2, 32 :
Ne cui jus id esset (de porter l'anneau d'or) nisi qui ingenuus ipse pâtre avo
paterno, ES CCCC census fuisset et lege Julia theatrali in X1III ordinibus sedis-
set. Horace, Epist. 1, 1, 58 : Sed quadringentis sex septem milia desunt : plebs
eris. Les mentions postérieures sont nombreuses : Suétone, Cxs. 33 ; Mar-
tial, 4, 67. 5, 23. 25. 38 ; Pline, Ep. 1, 19 ; Juvénal, 1, Î05. 5, 132, et ce qui
est dit plus bas desjudices quadringenarii (p. 141, note 4).
(4) La preuve en serait, s'il en fallait une, dans l'épigramme piquante de
Martial, 5, 38, sur deux frères qui ont à eux deux une fortune équestre.
Il n'y avait évidemment pas de constatation officielle de l'abaissement de la
fortune au dessous du taux équestre. Celui qui usait des droits de chevalier
sans qualité était chassé des bancs des chevaliers, et il encourait les multx
fixées pour ce cas, au cours de la poursuite desquelles la preuve était faite.
Cf. p. 82.
Droit Pdbl. Rom., t. VI, 2e p. 7
98 DROJT PUBLIC ROMAIN,
théâtre inférieure, mais toujours privilégiée (1). Auguste
alla encore plus loin, mais sans doute seulement à titre transi-
toire, en décidant que la peine portée contre l'usurpation des
bancs équestres au théâtre serait remise à ceux qui auraient été
eux-mêmes ou dont le père aurait été en possession du cens
équestre (2).
4. NAISSANCE.
Hérédité de fait On n'est pas chevalier romain par la naissance (3) : on le
du cheval v '
équestre. devient par la concession du cheval. Mais, dans cette concession,
c'est principalement de la naissance qu'il est tenu compte. La
loi exige pour elle sans restriction, sous la République comme
sous le Principat, la naissance libre (p. 39). Les fils d'affran-
chis étaient également exclu s sous la République, et cette prohi-
bition fut encore renforcée sous Tibère. Mais, sous le Principat,
on ne l'a plus en général observée (p. 40). Nous avons précé-
demment expliqué (VI, 1, p. 288) que, dans la constitution pa-
tricio-plébéienne, les six plus anciennes centuries équestres res-
(1) Gicéron. Phil. 2, 18, 44 : Tenesne memoria prsetextatum te decoxisse ?...
illud... audaciœ tuse, quod sedisti in quattuordecim ordinibus, cum esset lege
Roscia decoctoribus certus locus, quamvis quis fortunse vitio, non suo decoxisset
(cf. Vita Iladriani, 18 : Decoctores bonorum suorutn, si sua? auctoritatis essent,
catomidiari — fustiger — in amphitheatro et dimitti jussit). Decoquere, c'est
faire un concordat ; c'est l'expression courante pour ce que la loi Julia mu~
nicipalis, lignes 113 et ss. exprime en langage juridique par : Quei sponso-
ribus creditoribusve sueis renuntiavit renuntiavent se soldum solvere non posse
aut cum eis pactus est erit se soldum solvere non posse. Appulée. Apol. 75 :
Negat posse [se] dissolvere, anulos aureos et omnia insignia dignitatis abjicit,
cum weditoribus depaciscitur.
(2) Suétone, Aug. 40 : Cum plerique equitum attrito bellis civilibus patrimo-
nio spectare ludos e quattuordecim non auderent metu pœnse theatralis, pronun-
tiavit non teneri ea, quibus ipsis parentibusve equester census umquam fuisset.
(3) Les inscriptions C. 1. L. VI, 1632 = Orelli, 3047 et C. I. L. X, 3674 =
Henzen, 6409, qui sont invoquées pour natus eques Romanus, sont mal com-
prises ; dans la première : Natus eques Romanus in vico jugario, il faut rap-
procher natus d'in vico ; la seconde appartient à un eq{ues) R{omanus), natus
eq{uite) R{omano).
LES CHEVALIER». 99
tèrent réservées aux patriciens jusque peu avant la guerre
d'Hannibal.
La loi n'est généralement pas allée plus loin. L'individu de
la plus basse naissance peut légalement recevoir les droits de
chevalier (1). Mais, dans l'usage, le cheval équestre était
donné de préférence aux enfants des vieilles familles (2), et
l'hérédité de fait du rang de chevalier se concilie avec le carac-
tère attribué en droit à la concession du cheval équestre (3).
Le droit et le fait subsistent sans changement sous l'Em-
pire (4) ; cependant l'expectative des places de chevaliers ayant
alors disparu (p. 87) et l'hérédité ayant par là perdu du ter-
rain, la qualité de chevalier devint désormais exactement
une noblesse personnelle conférée par lettres. — Les droits et
les devoirs du rang équestre sont logiquement étendus jusqu'à
un certain degré aux femmes et aux enfants des chevaliers (5);
(1) Juvénal, 3, 153 et ss. se plaint qu'on chasse des places des chevaliers
ceux dont la fortune est insuffisante et qu'au contraire on y laisse asseoir
lenonum pueri quocumque e fornice nati. L. Petronius, rapporte Valère
Maxime, 4, 7, 5, d'un homme mort en 667, admodum hwnili loco natus ad
equestrem ordinem et splendidœ mïlitise stipendia P. Cœli beneficio (sans doute
par le présent de la somme qui lui manquait pour avoir le cens) pervenerat.
(2) Les témoignages qui concernent la constitution de Servius sont ras-
semblés, VI, p. 292, note 2. Mécène conseille à Auguste, dans Dion, 52, 23,
de faire chevaliers touç zk oe'jxepzXtx ixaora-/60t xal yévei xal àpe-rv) xa\ tcXouto)
çepojiévouç. Dans le même auteur, 59, 9, l'empereur Gaius fait chevaliers
xoù; irpcoTO-Jç i\ àuàcrr,; xa\ Tr,ç ï\tù OLÇ>yr& toTç xz ylvecri xa\ xaïç 7cep'.ouo-caç.
(3) C'est dans ce sens qu'il faut entendre les familles équestres de la Ré-
publique, par exemple celle de Gn. Plancius (Gicéron, Pro Plane. 13, 32 :
Cum sit On. Plancius is eques Romanus, ea... vetustas equestris nominis, utpater,
ut avus, ut majores ejus omnes équités Romani fuerint), d'Atticus (Nepos, AU.
1 : T. Pomponius Atticus ab origine ultima stirpis Romarne generatas perpetuo
a majoribus acceptam equestrem obtinuit dignitatem), la propre famille de Gi-
céron {Pro Plane. 7, 17. 2i, 59, et ailleurs), celles d'Auguste (Vell. 2, 59 : Ut
non patricia, ita admodum speciosa equestri genitus familia), d'Ovide (Trist. 4,
9, 8 : Usque a proavis vêtus ordinis hères, non modo fortunée munere factus eques)
Ex Ponto, 4, 8, 17 : Seu genus excutias, équités ab origine prima usque per in-
numeros inveniemur avos; Amor. 3, 8, 9. 15, 6) et des infinités d'autres.
(4) V ita Severi, 1 : Majores équités Romani ante civitatem omnibus datam.
C. L. I. IX, 1540 : Equitis Romani adnepos. L'attribution du cheval équestre
à des enfants (p. 93, note 3) se rattache également à cela.
(5) Par exemple, il fut prescrit en l'an 19 ne qusestum corpore faceret, eu1
avus aut pater aut maritus eques Romanus fuisset (Tacite, Ann. 2, 85.)
100 DROIT PUBLIC ROMAIN.
mais le rang ne Pest pas. Il n'y a pas de titre équestre qui
corresponde au clarissimat des femmes et des enfants de sé-
nateurs (1).
Droits de Naturellement les fils de sénateurs sont de bonne heure ar-
chevaliers des fils
de sénateurs, rivés de cette façon, par préférence, au cheval équestre (2).
Postérieurement, probablement depuis Sulla (p. 81), ils sont
chevaliers de naissance, de sorte qu'il n'y a pas besoin pour
eux d'assignation du cheval public. Nous reviendrons plus loin
(p. 107) sur le rapport dans lequel ils sont avec le reste des
chevaliers.
5. RÉSIDENCE.
infériorité des fl va de soi, pour l'époque ancienne, qu'on n'y tenait aucun
compte de la résidence dans le choix des détenteurs des che-
vaux publics. Au contraire, sous lePrincipat, après l'extension
du droit de cité romaine non seulement à toute l'Italie, mais
encore à de nombreuses cités provinciales, les citoyens habi-
tant au loin et en particulier les provinciaux ne furent compris
qu'en moindre proportion dans les choix de chevaliers. On re-
marque, sur la grande opération faite sous Tibère afin de com-
pléter les chevaliers, que l'on y comprit même les étrangers,
c'est-à-dire les non-Italiens (p. 85, note 3). Cela n'avait donc
pas eu lieu en général, au moins jusque-là. La revue annuelle
invitait aussi à se préoccuper du domicile, et nous verrons
(p. 142) qu'on a la preuve qu'il a exercé une influence sur
l'emploi fait des chevaliers comme jurés.
(1) Les liberi equestris dignitatis pueri de l'inscription de Corfinium, C. /• L.
IX, 3160, correspondent peut-être aux clarissimi pueri, mais cette qualifica-
tion n'est pas un titre officiel. Filius equitis Romani : C. 1. L. IX, 1655. X,
7239.
(2) Tite-Live, 21, 59, 10 : Duo qusestores Romani... cum duobus tribunis mi-
litum et quinque equestris ordinis senatorum ferme liberis.
LES CHEVALIERS. 101
6. HONORABILITÉ.
11 en est de l'honorabilité requise chez les chevaliers comme de
la naissance. La juridiction exercée sur les mœurs par les cen-
seurs a sans doute eu pour idée première qu'il n'y a qu'une
honorabilité, l'honorabilité civique égale et commune pour tous,
et que l'exclusion du sénat, celle de la chevalerie, celle des
tribus sont identiques quant aux motifs et ne diffèrent que dans
les conséquences (1). Mais ce point de vue était déjà aban-
donné au vie siècle de Rome, et l'on était plus rigoureux pour
concéder ou pour laisser le cheval public que pour admettre à
servir dans les légions. Sous l'Empire, le contrôle public de
l'honorabilité, qui avait été antérieurement dans la main des
censeurs, ne subsista plus, avons-nous vu (p. 48), à rencontre de
l'ensemble du peuple ; il ne subsista plus qu'en face des deux or-
dres privilégiés. Son exercice appartient, sous le Principat, à
l'empereur, et au dessous de lui, par rapport aux chevaliers, au
fonctionnaire auxiliaire signalé plus haut (p. 87, note 1).
Nous ne savons rien de plus précis. Les renseignements du
temps de la République ou de l'Empire qui nous ont été trans-
mis sur le retrait du cheval équestre pour cause de mauvaise
conduite ont été rassemblés par nous dans la théorie des motifs
de notation des censeurs (2). Si nous connaissions les disposi-
tions spéciales des lois sur les théâtres, nous y trouverions
probablement organisée, à la fin de la République et sous l'Em-
pire, une infamie équestre de nature propre, tout comme celle
qui existe pour exclure des fonctions publiques et en matière
(1) V. tome IV, la partie de la Censure, sur l'examen des mœurs par les
censeurs. Il apparaît encore, en 582, comme correct et équitable que celui
auquel on retire le cheval soit aussi radié de sa tribu (Tite-Live, 42, 10,
4); mais il n'était pas rare que la première chose eût lieu sans la seconde
Tite-Live, 44, 16, 8).
(2) V. tome IV, la partie de la Censure, sur les causes de nota.
Honorabilité.
102 DROIT PUBLIC ROMAIN.
de représentation judiciaire (1). Les concordances et les diffé-
rences seraient intéressantes à relever notamment pour l'his-
toire des mœurs. Mais, en dehors de la disposition déjà citée
sur le chevalier tombé en faillite et exclu de ce chef (p. 98,
note 1), il ne s'en est conservé aucune connaissance.
7. INCOMPATIBILITÉ DE RANG.
Dans la période récente de la République et sous l'Empire,
c'est un caractère du chevalier de devoir n'appartenir ni au
peuple obligé à servir dans l'infanterie, ni au sénat. Il y a
donc incompatibilité entre les deux rangs les plus élevés, et
aussi entre eux et la qualité de membre du resfe du peuple. Les
deux incompatibilités sont également inconnues à l'ancienne
constitution; nous devons ici en exposer le développement.
Résignation du Si les services effectifs de cavalier et de fantassin s'ex-
cheval équestre , . . , , . . . ,., .
pour entrer dans cluaient, la plus ancienne organisation militaire ne connais-
sait cependant pas d'obligation exclusive de servir dans la cava-
lerie. L'obligation au service qui pesait sur le citoyen complet
pouvait, dans le système que nous avons précédemment déve-
loppé, le conduire aussi bien à l'un des deux services qu'à l'au-
tre, et le citoyen complet qui avait été employé dans la cava-
lerie pouvait même probablement être, après la restitution du
cheval, encore appelé à servir comme fantassin, au moins
parmi les seniores. Mais en fait la règle s'établit, dès une épo-
que reculée, après l'introduction du service obligatoire equo
privato, que l'obligation de servir comme cavalier impliquait
la dispense de servir comme fantassin. La tendance du déve-
loppement politique à la restriction de l'égalité entre citoyens,
qui se manifeste notamment par rapport à l'ordre éques-
tre, et la supériorité de rang essentielle reconnue dès l'époque
anciennne au simple cavalier sur le centurion d'infanterie lui-
(1) V. la même partie, sur le rapport de l'infamie prononcée par les cen-
seurs avec celle prononcée par d'autres magistrats.
LES CHEVALIERS. 103
même (p. 72) impliquent l'existence de ce principe, quoique l'on
n'en ait pas de preuves directes venant des temps anciens (1).
Lorsque, vers la fin de la République, les personnes riches fu-
rent expulsées de l'infanterie régulière par la réforme de Ma-
rius et que le service à cheval devint un service d'officier, la
différence de rang existant entre les chevaliers et les autres
citoyens devint une véritable différence militaire : celle qui
sépare l'officier du soldat, et les choses n'ont pas changé sous
le Principat. Non seulement le citoyen ordinaire n'est pas apte
à la militia equestris ; mais le citoyen appartenant à l'ordre
équestre est également incapable d'entrer en cette qualité dans
la légion. Pour participer, sous l'Empire, au service avantageux
des légionnaires, le détenteur du cheval équestre devait le ré-
signer. Cela s'est souvent produit sous la forme d'une conces-
sion immédiate du centurionat de légion faite aux personnes
qui sortaient pour cette raison de l'ordre privilégié (2).
(1) Il reste toujours remarquable que les possesseurs de chevaux publics
n'étaient pas, à titre de peine, astreints à servir dans l'infanterie, mais à
servir sur leurs chevaux privés (p. 71, note 2). On ne trouve pas un témoi-
gnage du temps de la République selon lequel un individu qui pouvait ser-
vir à cheval ait servi à pied. Les 80 sénateurs effectifs ou en expectative,
qui périrent à Cannes, sua voluntate milites in legionibus facti (Tite-Live, 22,
49, 17), peuvent avoir servi dans la cavalerie légionnaire, d'autant plus qu'au
moins beaucoup d'entre eux possédaient nécessairement le cheval public.
Au reste, il s'agit là exclusivement du droit et de l'usage; car on ne pouvait
pas refuser au cavalier la faculté de servir volontairement à pied.
(2) Les écrivains ne font pas mention de cela, en dehors de l'allusion de
Suétone, Galb. 10 : Delegit et equestris ordinis juvenes, qui manente anulorum
aureorumusu evocati appellarentur excubiasque circa cubiculum suum vice mili-
tum agerent. Stace, Silv. 5, 1, 94, est rapporté à tort à cela par Madvig, Kl.
Schriften, 539 et ss. (v. tome V, la partie de Vimperium ou puissance pro-
consulaire du prince, sur son droit de nomination des officiers). Il en est
au contraire souvent question dans les inscriptions. La formule est : Ordi-
nem accepit ex équité Romano in legione illa (ainsi, pour les points essentiels,
C. I. L. III, 1480. VI, 3584), centurio adlectus ex eq. R. a divo Pio in legionem
11 Aug. (Eph. ep. V, 506), centurio legionis III Italien ordinatus ex équité Ro-
mano ab imp. (C. 1. L. V, 7865. 7866), ï\ bt7uxou Tay^atoç Ixatovxapxoç Xeycw-
vàpioç (C. L Gr. 2803) ; autres exemples C. L L. III, 750. VIII, 1647. IX, 951.
La plus ancienne en apparence de ces inscriptions, C. I. L. VI, 3584, est
du temps de Trajan. Tous les ex-chevaliers entrent dans les légions comme
centurions. On peut rapprocher de là l'assertion de Dion, 52, 25. 78, 14,
selon laquelle l'ex-centurion ne peut devenir sénateur que s'il n'a pas servi
en qualité de simple soldat. Il n'y a qu'une forme différente de ce droit dans
104 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Les sénateurs Si la capacité d'être chevalier n'a guère jamais pu manquer
dan? les centuries -1 o o i. ±
équestres, à ua sénateur, la possession du cheval équestre est sans au-
cune relation avec le fait d'appartenir au sénat. On ne voit pas
théoriquement pourquoi le cheval équestre et le siège sénatorial
ne pourraient pas appartenir simultanément à la même per-
sonne, et empiriquement nous avons des preuves précises de
leur compatibilité en date du sixième siècle de Rome (1).
Il est même vraisemblable que non seulement ou s'abstenait
souvent de restituer le cheval équestre, — qu'il était surtout
désirable de conserver pour les hommes occupant une situation
politique, à cause du droit de vote plus avantageux des centuries
équestres, — mais que même une disposition exceptionnelle de la
loi permettait au sénateur qui avait revêtu une fonction curule,
de conserver le cheval équestre aussi longtemps qu'il lui plai-
rait (2). L'apparition, même à l'époque moderne, des séna-
la concession d'un second primipilat seulement formel (étudiée par moi
C. I. L. V, 867) à des hommes de rang équestre (C. I. L. Y, 867. 1838. VI,
1636. X, 5829. Orelli, 3444) ; cette pratique doit également avoir été légali-
sée par le retrait préalable du cheval équestre. Nous ne savons quel avan-
tage il résultait de cette concession; peut-être ne s'agissait-il là que d'un
seul donativum; car ces primipilaires paraissent, au moins en général, être
rentrés immédiatement dans l'ordre équestre. Si le cheval équestre est of-
fert au ine siècle à des centurions sans qu'ils quittent leur fonction (C. I.L.
X, 5064; Orelli, 3100 = C. I. L. XI, 1836), ce ne sont laque des dérogations
isolées à la règle.
(1) Entre ceux auxquels le cheval équestre fut retiré par les censeurs
figurent, à la censure de 550, les deux censeurs eux-mêmes M. Livius Salinator
et G. Glaudius Nero (Tite-Live, 29, 37, 8: Ambo forte censores equumpublicum
habebant; Val. Max. 2, 9, 6 : Cum equitum centurias recognoscerent et ips*
propter robur œtatis etiamnunc eorum essent in numéro) et, à celle de 570, le
consulaire L. Scipio (Tite-Live, 39, 44, 1 : In equitatu recognoscendo L. Sci~
pioni Asiageni ademptus equus).
(2) Lorsque, en 544, les sénateurs versèrent ce qu'ils avaient d'argent
au trésor public, ils retinrent, qui curuli sella sederunt equi ornamenta et
libras pondo ut salinum patellamque deorum causa habere possint, ceteri senato-
res libram argenti tantum (Tite-Live, 26, 36, 6) ; cela suppose que celui qui
a occupé une magistrature curule non seulement peut avoir le cheval
équestre, mais l'a en général et peut-être même nécessairement. Dans Cicé-
ron, De re p. 4, 2, le jeune Scipion dit (d'après l'auteur, en 625) : Quam com-
mode ordines descripti, setates, classes, equitatus, in quo suffragia sunt etiamse-
natus: nimis multisjam stulte hanc utilitatem tolli cupientibus, qui novam lar-
gitionem quserunt aliquo plebei scito reddendorum equorum. Avec la ponctua-
tion et l'interprétation d'abord proposées par Madvig, Opusc. 1, 74 et ss.e
LES CHEVALIERS. 405
teurs qui sont en deuil dans le costume de chevalier (1), qui
n'est pas quitté en pareil cas comme les insignes du sénat, ne
peut se comprendre qu'aune condition : à condition que les sé-
nateurs aient eu autrefois le droit général déporter ce costume.
Mais, lorsque G. Gracchus opposa à l'aristocratie de naissance Exclusion
des sénateurs de
au pouvoir, les chevaliers, parmi lesquels la classe moyenne ia chevalerie.
l'emportait, il fut de son intérêt d'écarter de leurs rangs les
sénateurs. Le cheval équestre fut donc retiré aux sénateurs par
une loi proposée par lui ou sous son influence ; le prétexte en
fut de satisfaire par la concession des chevaux équestres ainsi
rendus vacants les candidats, fort nombreux sans nul doute,
qui briguaient cette position (2); mais en réalité le but
direct était de n'avoir pas à admettre les sénateurs, même en
qualité de chevaliers, dans les jurys transportés du sénat aux
chevaliers (p. 134). Désormais celui qui obtient un siège au
sénat, résigne le cheval équestre entre les mains des censeurs,
depuis généralement admises, ces mots attestent que les sénateurs votèrent
régulièrement jusqu'au temps des Gracques dans les centuries de chevaliers.
Le forte de Tite-Live (note ci-dessus) et son amplification chez son copiste
n'ont pas de valeur en sens contraire. Si Denys, 10, 10, parle d'gÇcoTîfc pouXf,ç
imcetc, il pense à l'incompatibilité qui existe de son temps.
(1) Dion, 38, 14. 40, 46. 56, 31. 72, 21. Gf. tome II, la partie du Gostume
des magistrats, sur la prétexte comme costume ordinaire des magistrats su-
périeurs.
(2) Niebuhr a conclu avec raison des mots de Gicéron rapportés p. 104,
note 2, qu'une telle loi a été portée bientôt après l'an 625. Madvig, loc. cit.
cherche la liberalitas dans ce qu'une charge aurait été enlevée par là aux
sénateurs en possession du cheval. Mais si ce cheval constituait encore à
cette époque, comme il est assurément vraisemblable, une charge financière
(VI, 1, p. 292, note 1), une dépense relativement minime de cette espèce ne peut
être entrée en considération, pour le sénat de ce temps, dans des questions po-
litiques; si l'on admettait cette conception, le retrait du cheval à titre de peine
deviendrait inexplicable, et l'on pourrait encore moins concevoir que la res-
titution du cheval fût non seulement permise, mais, comme c'est ouverte-
ment le cas, commandée. On aura plutôt invoqué- comme raison nominale
du plébiscite les nombreuses demandes de concession du cheval public qui
ne pouvaient manquer soit à raison de la considération et de l'influence
qui y étaient liées, soit à cause des frais en tout cas encore plus grands
qu'entraînait le service equo privato. Le motif véritable ne peut avoir été
que dans la politique équestre de Gaius Gracchus; la cité ne pouvait pas ar-
river à avoir deux têtes ni une aristocratie faire échec à l'autre tant que
les sénateurs et les chevaliers voteraient ensemble dans les centuries des
chevaliers.
106 DROIT PUBLIC ROMAIN.
à la censure qui suit (1), et il y a, au dernier siècle de la Ré-
publique comme sous le Principat, une incompatibilité légale
entre le siège sénatorial et le cheval équestre (2).
Les droits de L'incompatibilité du siège sénatorial et du cheval équestre
chevaliers des > -1
futurs sénateurs, une fois établie, la chevalerie publique devint le marchepied
du sénat, en ce sens que le dernier se complétait à l'aide de
membres de la première (3), et que même fréquemment, sous
(1) C'est ce que montre l'exemple connu de Gn. Pompée, qui, entrant dans
le sénat comme consul en 684, en sautant par dessus les magistratu-
res inférieures, rendit son cheval équestre aux censeurs alors en fonctions
(v. tome IV, la partie de la Censure sur l'examen de l'aptitude au service
des cavaliers). Au contraire la défense de C. Gracchus questeur de 628 de-
vant les censeurs de 629 (v. tome IV, la partie de la Censure, sur les causes
de nota) peut difficilement se rapporter à cela, comme le veut Madvig (Op.
cit. p. 85); il s'agit difficilement là de la restitution du cheval, mais plutôt
de la réception ou du maintien dans le sénat. — Au reste l'incompatibilité
doit avoir produit effet au moment même où le siège sénatorial était acquis,
La comparution devant les censeurs ne peut être considérée que comme un
acte purement déclaratif de l'ex-chevalier.
(2) Il y a quelques cas exceptionnels où le tribunat de légion, le sévirat
et le vigintivirat. qui exigent tous le cheval équestre, sont occupés après la
questure. — Pour le tribunat, c'est très rare (cf. tome II, la partie delà
Capacité d'être magistrat, sur l'ordre de succession des magistratures
chez les magistratures patriciennes annales); Orelli, 2773. 5447 = C. I. L.
IX, 2456. — Nous rencontrons le sévirat après la questure, Vita Marci, 6 :
Adhuc quœstorem et consulem secum (pour l'an 140) Plus Marcum designavit
et Cxsaris appellatione donavit et sevirum turmis equitum R. jam consulem
designatum creavit et dans les inscriptions C. 1. L. V, 531. VIII, 7030. IX,
3154. X. 1706. Willmanns, 1193; après le tribunat du peuple, semble-
t-il, Henzen, 6488 = C. I. L. XI, 383. Celle d'un sévir prétorien C. I. L. III,
1458, est gravement suspecte d'interpolation. Ces exceptions doivent, en tant
qu'elles ne sont pas des fautes de rédaction, provenir de prolongations in-
dividuelles des délais. Le vigintivirat occupé après la questure est signalé
comme extraordinaire par l'inscription du temps d'Auguste, Henzen, 6450
:= C. I. L. IX, 2845. Les cas de ce genre sont rares (C. I. L. XIV, 2802 : au
contraire VI, 1360. X, 5182, sont sans doute des erreurs).
(3) Le recrutement complémentaire du sénat dans la chevalerie, depuis
qu'elle exista et tant qu'elle exista, est un fait qui tient à la nature de cet
ordre mis à la seconde place ; il est aussi bien rapporté pour l'époque la
plus ancienne (Festus, Ep. p. 7, v. Allecli ; p. 41, v. Conscripti) que pour la
période des Gracques et de Sulla, où le complément du sénat au moyen de
l'ordre équestre était un événement qui se reproduisait sans cesse, et que
pour celle du Principat, où l'empereur Alexandre Sévère (Vita, c. 19) appe-
lait encore les chevaliers le seminarium senatus. Mais, tant que le cheval
équestre et le siège sénatorial purent être associés, la condition de cheva-
lier ne put pas être considérée d'une façon générale comme le marchepied du
LES CHEVALIERS. 107
l'Empire, ce n'étaient pas les chevaliers qui entraient dans le
gênât, ou qui projetaient d'y entrer, mais les jeunes gens
de naissance sénatoriale qui, étant obligés moralement sous la
République, légalement sous le Principat (1), à prendre la
carrière sénatoriale, la commençaient en général en occupant
des fonctions équestres (2). Nous avons déjà expliqué que,
selon la constitution de Sulla, les fils de sénateurs doivent être
considérés comme étant chevaliers de naissance; nous avons
déjà dit encore que, peut-être aussi dès cette époque, des jeunes
gens de familles non-sénatoriales arrivaient, en servant comme
officiers, au cheval équestre et au droit de vote dans les centu-
ries de chevaliers, de manière à se voir ainsi facilitée l'entrée
dans la carrière des magistratures. Mais, en face de l'aristo-
cratie fermée de la nobilitas, cela ne peut, du temps de la Ré-
publique, s'être accompli que dans une faible mesure. Sous le
Principat au contraire, cela devint, ainsi que nous l'avons éta-
bli en étudiant l'ordre sénatorial (p. 57), une chose habituelle;
le gouvernement voyait probablement d'un bon œil et encou-
rageait dans leurs demandes les jeunes gens appartenantà des
familles non-sénatoriales, mais considérées, qui demandaient
leur réception dans Tordre sénatorial et qui étaient par là assi-
milés aux fils de sénateurs et mis comme eux en droit et en
devoir de parcourir de bas en haut la carrière sénatoriale en
commençant par les fonctions équestres. — Ces jeunes gens, qui
entraient parmi les chevaliers en qualité de fils de sénateurs
sénat; il n'en fut ainsi que depuis l'établissement de l'incompatibilité lé-
gale.
(1) Voir, tome II, la partie de la Candidature et de l'éligibilité, sur les me-
sures prises contre le défaut de candidats sous le Principat.
(2) Isidore, Orig. 9, 4, 12 : Quamvis senatoria quisque origine esset, usque
ad legitimos annos eques Romanus erat, deinde accipiebat honorera senatoria
dîgnitatis. Cette situation se révèle de la manière la plus claire pour le fu-
tur empereur Claude, qui, né en 744, mais exclu de la carrière publique,
resta chevalier jusqu'en 790=37 après Jésus-Christ. Suétone, Claud. 6 : Equester
ordo bis patronum eum perferendx pro se legationis elegit, etc. ; Gai. 15 : Pa-
truum Claudium equitem Romanum ad id tempus collegam sibi in consulatu
adsumpsit; Dion, 59, 6 . Outo; yàp r(v év toîç IwrceOeriv u.iyo'. tote èçsxaÇofxsvoç
v.x: irpe(xfieuTT)ç ~po; tov Tâ'.ov (xîtà tov toO Ti^spio'j ôâvatov urcèp tîjç tTnraôo;
*e{içôe\c totô TipiùTov.... %a\ uttdtTeuoTV S.\i<x xai èpou)>eu<rev.
108 DROIT PUBLIC ROMAIN.
ou en vertu de leur admission dans l'ordre sénatorial, mais
qui ensuite en sortaient par leur admission dans le sénat lui-
même, étaient, avons-nous montré (p. 61), bien qu'étant che-
valiers, assimilés pour les insignes à l'ordre sénatorial, et ils
formaient par suite, dans le sein de la chevalerie, une classe
L'entrée au sénat d'élite n'en faisant partie qu'à titre passager (1). — L'avan-
non-sénaToriaïx. cernent qui les faisait passer dans la première classe était donc
réglé d'une manière précise. Mais les concessions extraordinai-
res du siège sénatorial qui intervinrent fréquemment sous le
Principat, les adlections qui primitivement émanaient des cen-
seurs et qui, à partir de Domitien, sont passées dans les attri-
butions de l'empereur (2) ont en général eu pour objet des
membres de l'ordre équestre. Le commandement de la garde
donnait, au moins à l'époque récente, un droit de fait à cette
faveur : de même que le plébéien qui a parcouru toute la car-
rière militaire reçoit fréquemment le cheval équestre en qua-
lité de primipilus (p. 154, note 3), le chevalier est en géné-
ral élevé à la dignité de sénateur au moment où il quitte cette
fonction équestre qui est la plus élevée de toutes (3). D'ail-
leurs on ne peut poser de règles générales ni sur l'admission
des chevaliers dans le sénat, ni sur la classe hiérarchique dans
laquelle ils sont placés en pareil cas. Naturellement on a égard
(1) Les chevaliers de rang sénatorial sont spécialement signalés à côté de
Tordre équestre pour des jeux (Dion, 43, 13 : Kaî xivsç xoù tûv nruétov où-/ oti
twv aXXcov, àXXà xoù ÈaTpaTYiyYixoToçTivbç uîbç âfjt,ovo[Acr/r,<7av) et des cortèges (Dion,
55, 13 : Su"/vo\ tûv veavicxwv sx te tou Po-jXeutixoO xàx twv aXXwv litizibiv', de
même c. 2, où le corps de Drusus est porté ôiro :«v ctcttÉwv tûv te tç rr|v ImraSa
àpxijîâjç teXouvtwv — c'est-à-dire que ceux qui restent appartiennent à l'ordre
équestre — xoù tcdv èx toû poyXsytixoO ylvouç ôvtojv) ; ils sont aussi distingués
des autres chevaliers pour la défense de monter sur la scène (v. tome IV, la
partie de la Censure, sur les causes de notation, lettre /). Il ne faut pas confon-
dre les chevaliers de rang sénatorial avec les équités illustres (p. 173, note 2).
(2) V. tome V, la partie de la Nomination des sénateurs, sur l'entrée au
sénat par adlectio.
(3) V. tome V, la partie de Vlmperium du prince, sur le commandant de
la garde, et la partie de la Nomination des sénateurs, sur les classes hiérar-
chiques des adlecti. Ce changement de rang était sans doute employé pour
congédier poliment le préfet de la garde ; en pratique, c'était lui donner
une retraite honorable.
LES CHEVALIERS. 109
à l'âge et à la condition sociale (4). Les hommes qui ont pris
la carrière, distincte de la carrière sénatoriale, des fonctions
équestres proprement dites, sont difficilement invités à revêtir
la questure qui est la plus basse des fonctions sénatoriales pro-
pres (2). On les place en général dans l'une des trois classes hié-
rarchiques inférieures du sénat, dans celle des quaestorii,
dans celle des tribunicii, ou dans celle des praetorii. Au con-
traire l'admission par simple adlection dans la classe hiérar-
chique la plus élevée, n'a eu lieu que dans de rares cas
exceptionnels (3).
Pour exposer les droits et les devoirs civiques des chevaliers,
il convient d'abord de rappeler que leur dénomination est Les droits des
x x ± chevaliers.
prise tantôt dans un sens large et tantôt dans un sens étroit.
Il n'y a pas de privilèges politiques accordés aux citoyens
rendus aptes au service à cheval d'un côté par leur fortune et Lft^£/iS£.dM
leur naissance et d'un autre côté par leur absence du sénat.
Ils sont, dans le langage courant, comptés dans l'ordre équestre
(p. 76); mais on ne peut pas voir là un véritable droit propre.
Ils afferment, et ils afferment seuls de l'État la perception de
(1) Dans Dion, 52, 25, Mécène conseille à Auguste : "Ooriç 8' av xàiv ïu^étov
6;à KoXXàJv ô:e|e)v9ù)v èXXoyifxoç, âiors xai pouXeuaai ylvritai, [Lrfikv aùxbv r\ f,Xix(a
i|Mco8iÇ&ra> icpbç xo \ir\ où èç to auvISpiov xa-aXc-/6rjvat ; le conseil détournant
d'admettre dans le sénat ceux qui ont été simples soldats (p. 103, note 2),
donné évidemment par allusion à l'admission d'Adventus, vient ensuite.
Hirschfeld, Verw. Gesch. 1, 245, a rassemblé une série d'adlections de ce
genre en y joignant l'indication des fonctions équestres antérieurement occu-
pées et de la classe hiérarchique du sénat assignée aux bénéficiaires. Suivant
les cas, cet avancement de nom pouvait en fait être tout le contraire, comme
pour les préfets de la garde (p. 108, note 3) et dans le cas de Marcius Agrippa
relaté tome V.
(2) Statius Priseus, consul en 159, revêtit la questure après cinq grades
d'officier et une procuratèle (C. 1 L. VI, 1523). C'est le seul cas de cette
espèce qui soit connu. La carrière du futur empereur Sévère, qu 'Hirschfeld,
Verw. Gpsch. 1, 246, y ajoute, est plutôt la simple carrière sénatoriale : il
aurait dû, après la fonction préalable indifférente d'advocatus fisci, revêtir
le tribunat militaire, comme l'a fait en réalité un de ses contemporains (C.
/. L. III, 6075), et, au lieu de cela, il a passé par dessus pour devenir questeur.
(3) V. tome V, la partie de l'adlection des sénateurs sur les classes hié-
rarchiques des adlecti.
HO DROIT PUBLIC ROMAIN.
ses revenus et les travaux à faire pour son compte à titre oné-
reux, et cela a même été en fait la base de leur influence poli-
tique et du développement de l'ordre équestre; mais on ne peut
pas voir là davantage un privilège au sens propre. Les fermiers
des revenus publics et les fournisseurs de l'État, les publi-
cani (1) n'appartiennent à la portion des citoyens aptes à
servir dans la cavalerie qu'exclusivement parce que la conclu-
sion de pareils marchés avec le peuple est interdite aux séna-
teurs par la loi (2) et au moins par la coutume aux affran-
chis (p. 14). Il est difficile qu'une loi expresse ait écarté de
ces opérations les citoyens sans fortune; la limite en ligne des-
cendante a probablement été et est restée incertaine; le cercle
des personnes ayant qualité pour figurer dans ces contrats n'a
probablement pas été fermé dans la forme. Mais cependant la
nature des choses n'en ouvrait l'accès sinon qu'aux riches, au
moins qu'aux personnes aisées. Par conséquent il y avait bien
en droit une incapacité des sénateurs et des affranchis, mais il
n'y avait pas de privilège des citoyens aptes à servir dans la
cavalerie. Nous ne savons quand ces incapacités se sont arrê-
tées. Celle des affranchis peut avoir existé de tout temps; la
participation à de telles affaires peut aussi avoir de tout temps
donné un mauvais vernis aux sénateurs. Tout ce qu'il y a de
certain, c'est que Yordo publicanorum existait déjà du temps
de la guerre d'Hannibal, avec les caractères essentiels que nous
lui retrouvons par la suite (3). L'essence de la chevalerie
(1) V. tome IV, dans la théorie de la Censure, la section des vectigalia,
sur la définition des pablicanL
(2) Cette disposition résulte clairement pour les fournitures des excep-
tions qui y sont faites. Asconius, In tog. cand. p. 94 : Antonius redemptas
habebat ab xrario vectigales quad?ngas, quam redemptionem senatori habere
licet per kgem. Dion, 55, 10, parmi les privilèges du nouveau temple de
Mars Ultor : Tyjv 7rapào-/£(7'.v twv i'tttkov twv iç tyjv i7nto8po[Atav àyamou[xévtov xocl
ty|V toO vaoO cpuAaxYiv xoù fJouXeuraîç èp-foXaPsiv è^sîvai, xaGarap Ètù tetoO 'AttoX-
Xwvoç xaî èiti toO Aibç toû KarciTtoXîou èvevopioQé'r^To. Il doit en avoir été de
même pour la ferme des revenus de l'Etat, précisément parce que le publi-
canus est toujours eques. Mais la tradition est muette.
(3) La loi excluant les sénateurs des adjudications publiques ne peut
guère avoir été omise par Tite-Live, et il doit en avoir parlé dans la se-
conde décade ; car, dans les fournitures qu'il mentionne à plusieurs reprises
au cours de la guerre d'Hannibal (Tite-Live, 23, 48. 49. 24, 18. 25, 3), l'or-
LES CHEVALIERS. 441
postérieure, son caractère de classe moyenne fermée des deux
cotés existe déjà là, et la réunion de cette capacité spéciale avec
la capacité militaire de servir dans la cavalerie se trouve fon-
dée dans la force des choses; l'instrument politique avec lequel
C. Gracchus renversera le gouvernement des Optimates est déjà
prêt (1). Uordo publicanorum n'est jamais identifié avec
Yordo equester, et il ne peut pas l'être. Mais ils sortaient l'un et
l'autre de cette classe moyenne formée par l'exclusion des sé-
nateurs des marchés publics et par l'exclusion des centuries
équestres du sénat, et les chefs étaient, en grande partie, les mê-
mes dans les deux. En ce sens, la direction politico-commerciale
des chevaliers appartenait aux publicains, et en outre leur
unité les rendait aptes par excellence à la formation de grandes
compagnies de commerce (2). — Sous le Principat, la condi-
dre des publicains est visiblement déjà supposé occuper le même rôle qu'on
lui voit postérieurement. La disposition rendue en 536, qui défend aux sé-
nateurs de posséder de grands vaisseaux de mer (Tite-Live, 21, 63), conduit
an même résultat ; elle est également inspirée par le désir de fermer la
spéculation aux sénateurs, mais elle est certainement plus récente, et elle
ne s'est pas maintenue (Gicéron, Verr. 5, 18, 45), tandis que leur exclusion
des adjudications publiques a subsisté sans modification. Ce principe a même
passé dans les statuts des villes grecques rédigés sous l'influence romaine
(Gicéron, Verr. I. 2, 49, 122 : C. Claudhis leges Halœsinis dédit... de quaestu :
quem qui fecisset, ne legeretur).
(1) Il a probablement aussi fortifié les associations de publicains. Une
partie de celles qui existent encore sous l'Empire ont probablement été
organisées par lui (v. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction
administrative des consuls, et tome IV, la partie de la Censure, à la sec-
tion des Vectigalia, sur leur mise à ferme). La belle discussion de Polybe,
6, 17, véritable programme de la politique de Gracchus, est remarquable en
ce qu'il ne nomme nulle part les chevaliers et oppose l'un à l'autre le sénat
et le peuple (wXîjôoç).
<'<icéron, Pro Plancio, 9, 23 : Flos equitum Romanorum, omamentum
civitatis, firmamentum rei publicœ publicanorum ordine continetur. Le même,
De domo, 28, 74 : Proximus est huic dignitati (du sénat) ordo equester : omnes
omnium publicorum societates de mso consulatu... ornatissima décréta fecerunt.
Le même, Pro Rab. Post. 2, 3 : Princeps ordinis equestris, fortunatissimus et
maximus publicanus. Appien, 2, 13: Oî 8' XtztzzXc, ^eyo^Evot, xr\v piv à|sWiv xoO
or.u.o-j xa\ r?(ç po'j>,r]ç ovreç èv (jlÉo-w, SuvaTtoTOCTOi 8s èç a7uavTa ireptO'jaîaç ts ou-
vexa v.al |ua8to<rea>c xek&y xal çôpwv, oûç ùtco tûv èôvwv TsXoy[iévov)ç s^ejJuaôoOvTO.
Gicéron, Ad Ait. 1, 17, 8. 9; De imp. Pomp. 2, 4, et une infinité d'autres
textes. — Parmi les publicani, il y a encore ensuite les fermiers des dîmes,
les decumani principes et quasi senatores publicanorum (Gicéron, Verr. I. 2,
71, 175).
H2 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tion juridique des publicani est, dans l'ensemble, restée la
même (1); mais leur condition pratique se transforma com-
plètement. La réorganisation monarchique de l'État fit de la
chevalerie par ses chefs un ordre de fonctionnaires ; sa réorga-
nisation financière permit en principe à l'État de se passer des
intermédiaires pour la perception des recettes comme pour les
dépenses, et elle enleva par conséquent le terrain à la grande
spéculation pratiquée par les chevaliers sous la République. L'ex-
clusion des sénateurs et des affranchis des adjudications pu-
bliques qui subsistaient encore aura été maintenue. Mais
celles-ci gardaient trop peu d'importance pour continuer à
fournir un point d'appui à un second ordre de l'État. L'opposi-
tion de la noblesse et du commerce qui donne son caractère
distinctif au dernier siècle delà République, ne s'est pas main-
tenue avec la même vigueur sous le Principat, et en particulier
la propriété foncière est, plus largement qu'auparavant, deve-
nue l'assiette commune des deux ordres privilégiés.
Les privilèges de la chevalerie appartiennent essentiellement
aux équités Romani equo publico. C'est à eux seuls qu'appar-
tient le droit de vote privilégié dans les dix-huit centuries, qui
a été et qui est resté durant toute la République la base des
droits spéciaux des chevaliers; c'est à eux encore qu'appartient
la possession, exclusive ou partielle, des jurys judiciaires,
qui est devenue la base de leur position rivale du sénat posté-
rieure; c'est à eux enfin qu'appartient sous le Principat, qui
établit le premier un service d'officier légalement distinct du
service à cheval, le droit exclusif à tous les postes d'officiers et
à la moitié des fonctions et des sacerdoces désormais répartis
entre les deux ordres. Les droits honorifiques, celui de figurer
dans la pompa, le costume équestre, l'anneau d'or, les sièges
distincts au théâtre et au cirque, la situation de pseudo-corpo-
ration accordée à la chevalerie comme à un second ordre de l'É-
tat, sont aussi exclusivement ou principalement propres à ceux
(1) Tacite, Ann. 4, 6 : Frumenta et pecunias vectigales, cetera publicorum
fructuum societatibus equitum Romanorum agitabantur .
LES CHEVALIERS- i\3
qui ont le cheval public. Assurément chacune de ces institu-
tions a suivi son développement distinct et a pour partie ses
conditions spéciales. Tel de ces privilèges, en particulier le droit
à l'anneau d'or, est commun aux sénateurs et aux chevaliers
et a même été étendu des premiers aux seconds. Pour d'autres,
il est plus ou moins vraisemblable que, lorsque le cheval public
n'était pas donné à vie, du temps delà République, ils restaient
après sa restitution à l'ex-chevalier et qu'ils étaient également
accordés à ceux qui servaient sur leur cheval privé. Nous
devons, en tenant compte de ces différences et en laissant de
côté le droit de vote privilégié déjà étudié dans la partie des
Comices, décrire, dans les développements qui suivent, les
divers droits des chevaliers. Leur mise en commun est assuré-
ment, tout indispensable qu'elle soit, une réunion d'éléments
plus ou moins disparates. Par sa simple condition de classe
moyenne, la cavalerie se trouve déjà moins nettement délimi-
tée, soit dans le temps, soit dans son principe, que ne sont le
peuple et le sénat. Il faut, soit pour l'idée, soit pour son ex-
pression, tenir compte à la fois de l'unité et de la variété du
sujet. Il nous est donc impossible de nous soustraire aux consé-
quences de ce fait que l'institution remarquable que nous
avons à étudier est née de nombreuses racines enchevêtrées
entre elles et n'est jamais arrivée pleinement à une unité in-
time.
1. BANDE DE POURPRE.
Le costume militaire équestre, le court vêtement de dessus,
appelé trabea, du trabes, l'étroite bande de pourpre qui y est
tissée ou cousue (1), est porté par les chevaliers tant dans le
(1) Voir, tome II, la Théorie des causes d'inéligibilité absolue, à la
section du service militaire, sur le service du temps des Gracques, et tome
VI. 1, p. 244. Le texte de Pline invoqué là met la trabea en opposition avec
la toqa prétexta et le latus clavus; il met aussi clairement en lumière son
caractère de costume militaire ainsi que la portée de la bande de pourpre
étroite propre aux chevaliers.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 8
T.abea.
Cbivus.
H4 DROIT PUBLIC ROMAIN.
cortège du 15 juillet (p. 89, note d) que dans toutes les para-
des et les solennités dans lesquelles ils figurent officielle-
ment (1). La cavalerie, qui à la différence de l'infanterie est
permanente, est aussi la seule dont le costume militaire joue
un rôle en temps de paix.
Nous avons déjà dit (VI, 1, p. 246) que le cavalier, lorsqu'il
ne paraît pas en cette qualité, se présente en public dans le cos-
tume ordinaire des citoyens et que sa situation militaire ne se
révèle alors que par la bande rouge mise à sa tunique. Lorsque
la tunique masculine peut être aperçue sous le vêtement de
dessus, la bande de pourpre s'y étend du col à la ceinture (2).
Comme les sénateurs possédèrent le cheval public jusqu'au
temps des Gracques,cette bande se trouvait être l'insigne des deux
premiers ordres. Lorsque les deux ordres se séparèrent officielle-
ment l'un de l'autre dans le cours du septième siècle, la distinc-
tion trouva son expression dans la large bande de pourpre des
sénateurs et dans l'étroite bande de pourpre des chevaliers (3) :
Yangustas clavus a été, dans le dernier siècle de la République (4)
(1) Les chevaliers apparaissent en trabea lorsqu'ils font les fonctions
de garde noble (Suétone, Domit. il : Honorent,., recusavit, quo decretum erat,
ut quotiens gereret consulatum équités Romani quibus sors obtigisset trabeati
et cum hastis militaribus procédèrent) ou lorsqu'ils figurent dans les cortèges
funèbres (Tacite, Ann. 3, 1 : Ubi colonias transgrederentur, atrata plèbes, tra-
beati eguites ; cf. p. 105, note 1), ou encore dans les repas publics (Stace,
Silv. 4, 2, 32 : Romuleos proceres trabeataque Cosar agmina mille simul jussit
discumbere mensis).
(2) Cf. sur les détails extérieurs, l'exposition satisfaisante du Handbuch,
7, 545 et ss.
(3) Pline, H. N. 33, 1, 27 : Anuli distinxere alterum ordinem a plèbe, ut
semel cœperant esse célèbres, sicut tunica ab anulis senatum, quamquam et hoc
sero. Les lati clavi, anuli aurei positi figurent déjà, dans Tite-Live, 9, 7, 8, en
l'an 433, parmi les manifestations du deuil public, et, dans le même auteur,
30, 17, 13, Masinissa reçoit, en 551, avec d'autres présents sagula purpurea
duo cum fibulis aureis singulis et lato clavo tunicis. Mais le premier texte est
une simple description, et le second prouve tout au plus que le triompha-
teur portait la large bande de pourpre. Au début, la bande de pourpre était,
ainsi que le montre l'histoire du père de Stilo (cf. aussi Pline, //. N. 9, 39,
63) portée large ou étroite au gré de celui qui la portait, et la législation
n'a certainement fait que réglementer et légaliser l'usage existant.
(4) Le plus ancien témoignage relatif au double clavus est le portrait
du chef des esclaves de Sicile Athenio dans l'appareil d'un magistrat ro-
main, en 652, dans Diodore, 36, 7, 4 : Ty^ewocv te nepwiopçupov «epiepâXXeto xoù
LES CHEVALIERS. 1 1 •>
et durant tout l'Empire (I), l'insigne des possesseurs du cheval
public. Il n'est pas prouvé, mais il est probable que cet insigne
était également conservé par ceux qui avaient rendu le cheval
public. Au contraire le clavus ne doit pas appartenir légalement
à ceux qui servaient sur leurs propres chevaux; car cette dis-
tinction a probablement tiré son origine du service permanent;
mais il est fort possible, — la tradition est muette, — que le
port de la bande de pourpre ait, tout comme le nom de cheva-
lier, été étendu au cercle le plus large par une usurpation tolé-
rée. — On ne peut dire si le port illégal du clavus entraîne l'ap-
plication de peines établies par une loi positive; en tout cas,
il tombe sous le coup du droit de coercition du magistrat (VI,
1, p. 247).
2 . AN UL US A URE US ET B ULLA A UREA .
Dans la Rome ancienne, les femmes ont des bijoux d'or; mais Lesuneanxd'c
les hommes n'en ont pas. L'anneau-cachet que porte chaque ci-
tt\arj<n)[iov k'ou /-.-ûva v.x-.y. toj; -/p^uaT'.o-fi.o-jç. Lorsque les sénateurs revêtent
en signe de deuil le costume de chevaliers (p. 105, note 1), ce qui est men-
tionné pour la première fois en 696 (Dion, 36, 14), c'est aussi de Vangustus
clavus qu'il s'agit principalement. L'angustus clavus n'est pas, à ma connais-
sance, signalé expressément dans l'époque antérieure à Auguste.
(1) Parmi les nombreux témoignages du temps de l'Empire, relatifs aux
deux clavi, nous pouvons citer seulement celui d'Ovide (p. 61, note 1)
et celui de Velleius (2, 88 : C. Msecenas... vlxit angustl clavi [fi]ne contentus).
Quintilien, Inst. 11, 3, 138, donne des conseils pour le port de la tunique en
distinguant selon que l'orateur a ou non le lati clavi' jus. L'ordonnance
d'Alexandre Sévère, ut équités Romani a senatoribus clavi qualitate discerne-
rentur (Yita, 17), ne peut avoir eu qu'un rôle confirmatoire ou peut-être
augmentatif. La distinction se manifeste particulièrement chez les tribuns
militaires qui s'appellent laticlavii ou angusticlavii (Suétone, Qth. 10 et les
gloses de Cyrille) et en grec uXax-jar^oi (déjà dans Diodore,p. 114, note 4) ou
rrevitnjywH (Arrien, Diss. Epict. 2, 24, 12 et les gloses citées) selon qu'ils se
destinent à la carrière sénatoriale ou à la carrière équestre. La qualifica-
tion la plus élevée est même, en latin comme en grec (C. I. Gr. 1133. 3990.
4023. 4238 c), un titre officiel.
H6 DROIT PUBLIC ROMAIN.
toyen est en fer (1). La seule exception (2), est relative aux mes-
sagers envoyés par le sénat ou les généraux : on leur donne (3),
principalement comme titre de légitimation, notamment en vue
de leur droit à la gratuité des transports, un anneau d'or ou
plutôt des anneaux d'or (4). Par la suite, les grands se mirent
à se servir d'anneaux-cachets en or pour eux, leurs femmes et
leurs enfants (o), et à faire leurs enfants porter en or la bulla
que portaient les enfants (6). Quand cet usage s'est-il introduit,
les Romains postérieurs eux-mêmes ne peuvent le dire: ils citent
pour la première fois l'anneau d'or au cinquième siècle (7), en l'y
(i) Pline, H. N. 33, 1, 9 et ss.; Pline, Ep. 8, 6, 4 ; Stace, Silo. 3, 3, 144;
Appien, Pun. 104. Il n'est jamais question d'anneaux de cuivre.
(2) Cependant la présence de l'anneau d'or parmi les présents royaux
romains (Appien, Lib. 32) rend vraisemblable qu'il était aussi porté par
le triomphateur. Trimalchion jouissant, quand il donne des jeux, de cinq
anneaux d'or outre le tribunat et la prétexte (Pétrone, c. 71), l'anneau d'or
a peut-être aussi fait partie du costume du magistrat supérieur.
(3) V. Tome I, la partie des Emoluments des magistrats, sur l'anneau
d'ambassadeur.
(4) Le pluriel est employé même lorsqu'il s'agit d'une seule personne
(Tacite, Hist. 1, 13. 2, 57. 4, 3; Plutarque, Galb. 7 ; Suétone, Caes. 33. Galb.
14. Vit. 12 ; Dion, 48, 45. 53, 30; de même dans les deux inscriptions C. I. L.
VI, 1847. V, 4392, et dans le titre du Digeste, 40, 10), parce que l'on portait
souvent plusieurs anneaux (Horace, Sat. 2, 7, 9, etc.). Trimalchion en porte
cinq (Pétrone, c. 71).
(5) Tite-Live, 26, 36, 5 (note 6) ; Florus, 1, 22 [2, 6], 24.
(6) Les anuli aurei et la bulla aurea vont ensemble ; cela résulte du
fond des choses autant que du témoignage digne de foi sur l'an 544, selon
lequel les sénateurs livrent leur or àl'iErarium, ut anulos sibiquisque etcon-
jugi et liberis et filio bullam et quibus uxor filiâsve sunt singulas uncias pondo
auri relinquant (Tite-Live, 26, 36, 5). Où l'homme porte l'anneau d'or, l'en-
fant porte la bulla aurea, tout comme la toga prétexta de l'enfant correspond
au clavus de l'homme fait. Le développement confus de Macrobe, Sat. 1, 6, 10,
doit être compris en ce sens que la bulla et la prsetexta appartinrent au
début seulement aux fils de chevaliers, ensuite seulement aux fils d'ingénus,
enfin à tous les fils d'ingénus ou d'affranchis.
(7) 11 en est question pour la première fois dans nos annales sous la
date de l'an 433, dans la description du deuil national provoqué par la paix
de Gaudium (p. 114, note 3). Au contraire, la mention symétrique faite sous
la date de l'an 450, à l'occasion de l'élection d'un scribe comme édile curule
(Tite-Live, 9, 46, 12: Tantum Flavii comitia indignitatis habuerunt, ut pleri-
que nobilium aureos anulos et phaleras déportèrent), est, selon Pline, H. N. 33,
1, 18, la plus ancienne qui se trouve dans les annales antiquissimi, soit que
l'histoire de Gaudium y fût omise, soit que, comme il est fort possible, elle fût
en réalité un enjolivement postérieur. Les deux descriptions n'ont de valeur
LES CHEVALIERS. H7
signalant comme un insigne des sénateurs qui ont occupé des
magistratures curules(l): les ambassadeurs envoyés à l'étran-
ger appartenaient au reste d'ordinaire au sénat. Suivant une
indication peu digne de foi, les chevaliers auraient déjà porté
l'anneau d'or dans la première moitié du sixième siècle (2).
D'après un témoignage plus authentique, les tribuns militaires
se distinguaient en campagne des soldats par leur anneau d'or,
en l'an 600 (3). Ce n'est probablement que depuis l'époque
des Gracques, où l'ordre équestre a acquis sa condition nouvelle,
historique que comme preuve que les plus anciens annalistes admettaient
le port de l'anneau d'or pour cette époque.
(1) Pline, loc. cit. comprend en ce sens la notice des annales sur l'an
450 : Anulos... depositos a nobilitate (c'est-à-dire par les hommes de magis-
trature curule ou d'origine curule) in annales relatum est, non a senatu
universo. Selon Macrobe, Sat. i, 6, 11, (cf. Pline, H. n. 33, 1, 10), Tarquin
l'Ancien prescrivit, ut patricii huila aurea cum toga cui purpura prsetexitur
uterentur , dumtaxat illi quorum patres curulum gesserant magistratum
(sous les rois !). Tout indifférent que soit son habillement historique,
l'allégation sur la limitation primitive du droit semble digne de foi. On
peut invoquer dans le même sens la limitation correspondante du droit
au cheval public réservé aux s énateurs qui ont revêtu une magistrature
curule (p. 104, note 2).
(2) Pline, loc. cit. explique que les anuli abjecti de 450 des antiquissimi
annales ne se rapportent pas aux chevaliers : Fallit plerosque, quod tum et
equestrem ordinem id fecisse arbitrantur : etenim adjectum hoc quoque : « sed
et phaleras positas », propterque nomen equitum adjectum est. Cette inter-
prétation est-elle conforme à la pensée des annalistes, c'est un point dou-
teux ; mais, quant au fond, il est sûrement exact que l'anneau d'or n'était
pas encore porté alors par les chevaliers. Pline, loc cit., ne connaît déjà
pas d'autre témoignage, pour le promiscuus usus anulorum du temps d'Han-
nibal, que le récit connu selon lequel on aurait, en 538, ramassé sur le
champ de bataille de Cannes un boisseau (d'après une autre version, trois
boisseaux) d'anneaux d'or (Tite-Live, 23, 12, 1 ; d'où Val. Max. 7, 2, Ext.
16 et d'autres écrivains postérieurs). Mais, comme les sénateurs possédaient
dans ce temps-là le cheval équestre et qu'il y en eut plus de cent à participer
au combat comme officiers ou comme cavaliers et à y trouver la mort, les
anneaux trouvés sur leurs cadavres peuvent parfaitement avoir servi de
base au récit. Le Carthaginois qui porte ces anneaux à Càrthage ajoute à titre
d'explication dans Tite-Live, loc. cit. : Neminem nisi equitem (naturellement
y compris les sénateurs ; cf. p. 117, note 6) atque eorum ipsorum primores
id gerere insigne ; mais il sera démontré plus loin (p. 173, note 2) que les
chevaliers « de distinction » ne se confondent pas nécessairement avec les
possesseurs des chevaux publics et doivent être compris au sens matériel.
(3) Selon Appien, Pun. 104, les corps des tribuns militaires sont re-
connus, sur le champ de bataille, à leurs anneaux d'or : Xp-j<ro<popouai yàp
twv ffTpaTô-jo^évtov ot yiliapyo: :«v iXarrovtoV o-.S^po^opo-JVTfov. Cf. B. c. 2, 22.
118 DROIT PUBLIC ROMAIN.
qu'il a été appelé à participer à ce privilège jusqu'alors réservé
au sénat. Il en est de l'anneau d'or comme du clavus : le détenteur
d'un cheval public qui le rendait ne devait pas, môme du temps
où cette position n'était pas encore viagère, quitter pour cela
son anneau; mais ce n'était qu'à lui que ce privilège apparte-
nait légalement (1). Dans la période récente de la République
et sous le Principat, l'anneau d'or et la bulle d'or (2) étaient donc
le signe distinctif des deux ordres supérieurs par opposition
aux simples citoyens (3), quoique naturellement les sénateurs
et les chevaliers fussent libres de ne pas user de leur droit et
que, jusqu'au temps d'Auguste, il y en ait eu beaucoup à por-
ter l'anneau de fer selon l'ancienne coutume (4).
Le port illégal des bijoux d'or tombait comme celui du clavus,
sous le coup de la coercition du magistrat. Nous avons déjà vu
(p. 6) que les personnes incapables d'appartenir à l'ordre
équestre, en particulier les affranchis, usurpaient fréquemment
ces insignes et qu'un sénatus-consulte de l'an 23 et la loi Visel-
(1) Les anneaux d'or ne sont jamais attribués à ceux qui n'ont le che-
val équestre qu'en expectative. Dans Suétone, Cœs. 33: Existimatur... éques-
tres census pollicitus singidïs (militibus)... promissumque jus anulorum cum mi-
libus quadragenis fama distulit, rien n'empêche de penser à la concession
du cheval équestre. On peut entendre de même la formule equo merere
(note 2) employée pour- la bulla. Pline, H. n. 33, i, 30. c. 2, 33, paraît même»
dans un passage gravement inexact, il est vrai (p. 142, note 1), attribuer
Vanulus ferreus à ceux qui n'ont pas le cheval équestre. — On pourrait in-
voquer comme argument décisif que, sous l'Empire, ces bijoux en or étaient
certainement le signe distinctif des titulaires du cheval public et que par
conséquent, s'ils avaient antérieurement appartenu à ceux qui ne l'avaient
qu'en expectative, ce droit recherché leur aurait été enlevé par Auguste ;
or cela n'est pas vraisemblable, et, si cela avait eu lieu, les textes ne man-
queraient pas de nous le dire.
(2) Pline, 33, 1, 10 : Mos bullse duravit, ut eorum qui equo meruissent
filii id insigne haberent, ceteri lorion.
(3)Dion, 48, 45 : Oùgev\ tôjv tzxIoli cPw[xaiwv... Sav.T-jXîoi; xp'Jaoït; tcXyiv tûv
te 13o-j)>£-jtcov xafc twv îuttsiov -/priO-Oai... êfjtjv; Pline, H. N. 33, 1, 29: Anuli dis-
tinxere alterum ordinem a plèbe, ut semel cœperunt esse célèbres ; Horace, Sat.
2, 7, 53: Anulo equestri.
(4) Il en est de même des sénateurs. Marius, par exemple, n'a changé
l'anneau de fer contre l'anneau d'or que dans son troisième consulat, en
651 (Pline, H. N. 33, 4, 12. 21). C'est d'autant moins surprenant qu'il y a en-
core sous Auguste de nombreux chevaliers qui ne portent pas l'anneau
d'or (Pline, H. N, 33, 1, 30, p. 142, note 1).
LES CHEVALIERS. H9
lia essayèrent sans succès de réprimer cet abus. En pratique,
tout devait dépendre là de l'arbitraire des autorités chargées de
la police. C'est à cet arbitraire du magistrat, variable avec les
temps et souvent déterminé par des considérations de personnes,
qu'il faut rattacher le mode d'application des dispositions exis-
tantes et leur effacement par les extensions du jus anulorum
qui viennent d'être signalées.
C'est par là que s'explique un fait qui se présente déjà sous ^SauTàT"™
la République et qui s'est multiplié sous le Principat: la con- caKvaiier.tre
cession des anneaux d'or faite d'abord par un général, puis parie
prince à des personnes qui étaient incapables d'appartenir à l'or-
dre équestre. C'étaient le droit et le devoir des édiles de remettre
sous l'empire de la loi ceux qui portaient illégalement l'anneau
d'or; mais cependant il leur était impossible de faire abstrac-
tion de la qualité des personnes et du motif de la concession, par
exemple dans le cas où cette concession avait été faite par un
général à son scribe (1). Cette concession n'a pas du avoir d'autre
effet à l'origine ni peut-être jusqu'à la fin de la République; car
un général ne pouvait donner ni le cheval public, ni la capacité
de le recevoir ; un général ne pouvait pas habiliter le censeur à
l'accorder à une personne à qui la loi ne le donnait pas. Mais la
chute de la République amena un changement moins dans la
procédure que dans sa portée. Le général qui donnait l'anneau
d'or étant légalement en droit de concéder des dispenses per-
sonnelles des lois, la concession de l'anneau d'or devait logi-
quement être considérée comme une attribution des droits de
chevalier faite avec dispense des conditions légales de capacité.
La concession de l'anneau d'or devint le procédé employé dans ce
but, soit sous les gouvernements extraordinaires qui précédèrent
(1) C'est ainsi que Verres offre in contione à ses amici (Gicéron, Verr.
2, 11,20) et spécialement à son scribe des anneaux d'or (Gicéron Verr. 1,
«il, 157. 3, 70, 170. c. 80, 184). Une inscription du temps d'Auguste récem-
ment découverte à Saintes {Hermès, 1887) a montré que les anneaux d'or
pouvaient aussi être conférés par ses compagnons d'armes à un chef qui
n'était pas chevalier. Gela correspond essentiellement à la concession
par le général.
120 DROIT PUBLIC ROMAIN.
«
le Principat (1), soit sous le Principat lui-même: elle faisait
acquérir, quand elle émanait de l'autorité suprême, non seu-
lement les droits de chevalier dans leur intégralité (2), mais,
pourlesaffranchis,l'ingénuitéfictivequi enétaitla condition (3)
et qui, précisément pour cela, était passée sous silence dans les
titres officiels (4). Cependant les empereurs de la bonne époque
(1) Macrobe, Sat. 3, 14, 43 : L. Roscius... L. Sullse carissimus fuit et anulo
aureo ab eodem dictature donatus est. César restitua également de cette façon
à Laberius ses droits de chevalier qu'il avait perdus en montant sur les
planches, et Laberius reprit par suite sa place dans les quatorze ordines
(p. 77, note 1). Balbus copia cet exemple dans sa province : Ludis guos
Gadibus fecit, écrit Pollio dans Gicéron, Adfam. 10, 32, 2, Herennium Gal-
lum histrionem sammo ludorum die anulo aureo donatum in X11II session
duxit ; tôt enim fecerat ordines egnestris loci.
(2) Le jus anulorum donne la plénitude des droits de chevaliers, et il est
désigné comme une concession de Yequestris dignitas (Tacite, Hist. 1, 13. 4,
39 ; Suétone, Aug. 27). Il entraîne : l'acquisition d'un cognomen eguestre
(Tacite, Hist. 1, 13 ; Suétone, Galb. 14) ; le droit de s'asseoir au théâtre
sur les bancs équestres (note i) ; la capacité d'occuper les fonctions équestres
(Suétone, Galb. 14 : Liber tus Icelus paullo ante anulis aureis et Marciani co-
gnomine ornatus ac jam summse eguestris gradus candidatus) et les sacerdoces
équestres (note 4). Il n'est pas rare qu'il s'y lie d'autres faveurs, ainsi le droit
de se servir de litières (Suétone, Claud. 28; cf. tome II, la théorie des véhi-
cules des magistrats, sur le droit aux litières) et celui de donner des jeux
(Suétone, loc. cit. ; cf. Tacite, Ann. 4, 63).
(3) Le jus anulorum, dans sa portée primitive, anéantit les droits de
patronat. Le sénatus-consulte rendu sous Claude en l'honneur de Pallas
disant (Pline, Ep. 8, 6, 4) : Non exhortandum modo, verum etiam compellen-
dum ad usum aureorum anulorum, Pallas avait refusé ce droit pour rester af-
franchi de l'Empereur. — Sur la séparation postérieure du cheval équestre
et de l'anneau d'or et sur la substitution de la concession de l'ingénuité an
jus anulorum, cf. tome V, la tin du chapitre du Pouvoir législatif de l'Em-
pereur.
(4) L'ingénuité fictive, qu'elle soit accordée par la concession de l'an-
neau d'or, ou, comme ce fut plus tard la règle, par une concession directe,
a toujours pour conséquence la négation de la libertinité primitive, et,
par suite, elle ne se manifeste jamais telle qu'elle est dans les inscrip-
tions. Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte, 1, 244, a reconnu avecraisonM. Au~
relius Verianus, equo publico, fils d'^Elius Terpsilaus (C. I. L. VI, 3856)
pour un affranchi de Marc-Aurèle ou de Commode et son père pour un
affranchi d'Hadrien ou d'Antonin le Pieux. Mais c'est à bon droit que
l'inscription funéraire n'en dit rien. Même dans l'énumération des places
qui ont été occupées, celles qui impliquent la qualité d'affranchi paraissent
être constamment passées sous silence pour ces personnes. C'est tout au
moins dans la nature des choses, et nous n'avons pour ainsi dire pas de
témoignages de ces carrières mixtes qui ne peuvent guère avoir été d'une
rareté spéciale. Le précepteur (cité dans la Vita Veri, c. 2) de L. Verus
LES CHEVALIERS. 421
ont été très ménagers de la concession du jus anulorum (1).
Plus tard, sûrement dès une époque antérieure au commence-
ment du 111e siècle, les concessions des anneaux d'or ont été fré-
quentes; mais, ainsi que nous l'avons déjà montré (2), l'ac-
quisition de l'ingénuité complète et l'entrée dans l'ordre éques-
tre n'y étaient plus attachées. Pour obtenir ces droits, il fallut
désormais une concession expresse de l'Empereur.
3. PLACES RÉSERVÉES AU THÉÂTRE, AUX COURSES ET AUX JEUX.
L'égalité qui existe entre les citoyens de la République an-
cienne se manifeste dans l'absence absolue de places particuliè-
res permanentes aux spectacles publics. La proédrie accordée
Nicomedes (C. 1. L. VI, 1598) fait à cette règle une exception remarquable.
Bien qu'il ait revêtu des sacerdoces équestres (sacerdos Cxniniensis, pon-
tifex minor), qu'il ait obtenu des décorations militaires et de hautes fonctions
équestres, il n'omet pas de dire quel. Cœsaris fuit a cubiculo et divi Veri imp.
natr[itor], par conséquent qu'il fut autrefois esclave du père de son élève.
L'inscription incomplète ne permet pas de savoir s'il se qualifiait d'Au-
gusti libertus, ou s'il se donnait un père, ou s'il se taisait sur l'un et l'au-
tre point.
(1) L'ingénuité fictive s'est introduite avec la monarchie comme un
legs de la guerre des esclaves de Sicile. Elle fut d'abord accordée, en étant
encore voilée par une adsertio in liber tatem simulée, en 716 au chef de la flotte
de Sex. Pompée, Mena (Suétone, Aug.1±; Dion, 48, 45; Appien, B. c. 5, 80).
Elle est pendant un certain temps restée maintenue dans d'étroites limites
(Philopœmen sous Auguste : Suétone, Aug. 27 ; Dion, 47, 7, — le médecin
Antonius Musa sous le même empereur : Dion, 53, 30, — Icelus : Plutarque,
Galb.~\ Tacite, Hist. 1, 13; Suétone, Galb. 14, — Asiaticus : Tacite, Hist. 2,
■j1 : Suétone, Vit. 1*2, — un esclave de Verginius Capito : Tacite, Hist. 3, 77.
4, 3, — Hormus : Tacite, Hist. 4, 39, mais sans allusion directe à l'anneau
d'or). Sous les Flaviens, les concessions de ce genre devinrent communes
(Pline, 33, 2, 33 : Ut... passim ad ornamenta ea etiam servitute Uberati transi-
liant, quod antea numquam erat factum) ; ainsi Vespasien donna le cheval
éq îestre au vieux père du chevalier Glaudius Etruscus, qui à la vérité avait
occupé des postes importants et qui avait une femme de rang sénatorial, et
celso natorum œquavit hotiori (Stace, Silv. 3, 3, 143). — Le jus anulorum
n'appartient pas à l'affranchi sans concession expresse, alors même qu'il a
le rang prétorien (v. tome II, la partie des Honneurs attachés à le magistra-
ture fictive, sur la concession des ornamenta aux non-sénateurs).
(2) V. tome V, la partie du Pouvoir législatif de l'Empereur, dernier
alinéa.
Los qtuilorzc
bancs équestres.
122 DROIT PUBLIC ROMAIN.
aux sénateurs et ensuite à l'ordre équestre marque en revanche
le début du gouvernement des classes privilégiés (p. 47). La
seconde doit être plus récente que celle des sénateurs établie
en 550: l'introduction ne nous en est pas rapportée; mais elle doit
avoir été établie du temps des Gracques, en même temps que
fut constitué l'ordre équestre, et Sulla doit ensuite l'avoir
supprimée. Au cours de la réaction faite contre la restau-
ration de Sulla,'la proédrie des chevaliers fut rétablie, en 687,
par un plébiscite proposé par le tribun du peuple L. Roscius
Otho (1). Après son rétablissement, elle a été parfois vivement
attaquée (2). Mais cependant elle s'est non seulement mainte-
nue, mais élargie. Dans le principe, elle se limitait aux specta-
cles dramatiques, où les quatorze rangées de bancs les plus rap-
piaces équestres prochées de la scène étaient réservées aux chevaliers (3). Mais
cirque. Auguste, non content de la confirmer dans sa loi théâ-
trale^),l'étendit, en Tan S de l'ère chrétienne, aux jeux de chars
et de gladiateurs (5). Des places fixes y furent ensuite assignées
(1) Tite-Live, 99 : L. Roscius trib. pi. legem tulit, ut equitibus Romanis in
theatro XIIII graclus proximi adsignarentur ; Velleius, 2, 32 : Otho Roscius
lege sua equitibus in theatro loca restituit ; Gicéron, Pro Mur. 19, 40 : L. Otho...
equestri ordini restituit non solum dignilatem, sed etiam voluptalem ; Asco-
nius, In Cornel. p. 79 ; Dion, 36, 25; Plutarque, Cic. 13, qui fait faussement
d'Otho un préteur et qui indique la mesure comme une innovation (Trpw-oç
Siiy.p-.vsv xoùç C7i7réaç àno tùv aXXwv tcoXitgjv); cf. Rœm. Gesch. 2, 7e éd. p. 110
et 346 = tr. fr. 5, 59 et 360.
(2) Ainsi pendant le consulat de Gicéron en 691 (Plutarque, Cic. 13 ;
Gicéron, Ad AU. 2, 1, 3; Pline, H. N. 7, 30, 117. 33, 2, 34), et sous le premier
Gésar en 695 (Gicéron, Ad AU. 2, 19, 3). Naturellement cette proédrie déplai-
sait au bas peuple encore bien plus que celle des sénateurs.
(3) Pétrone, 126 : Usque ab orchestra quattuordecim transilit et in extrema
plèbe quœrit quod diligat; Senèque, De benef. 7, 12; cf. p. 120, note 1. Si les
places n'étaient pas occupées à un certain moment, elles étaient ouvertes
à la plèbe (Suétone, Gai. 26). Naturellement ces places réservées étaient
souvent usurpées par des personnes qui n'y avaient point droit : Suétone,
Dom. 8 et Martial dans beaucoup de ses épigrammes parlent des mesures
de répression prises par Domitien. L'existence au profit des sénateurs du
droit de s'asseoir aux places équestres ne peut pas être conclue de la sim-
ple mention de faits de ce genre au théâtre (Macrobe, Sat. 1, 3, 8) et au cirque
(Pline Ep. 9,23, 2).
(4) Pline, H. N. 33, 2, 32 (p. 97, note 3). La lex Julia thealralis appar-
tient plutôt à Auguste qu'à Gésar.
(5) Dion, 55, 22, sur l'an 5 : Ta; Î7T7roSpofjuaç */wp\ç jxèv ot (3ov),s-JTa:,
-/(op\ç Se ot Xktzeïç àub toO Xoi7co0 tcXtjÔouç etôov ' o xoù vjv yiyVcTat. Le même,
LES CHEVALIERS. 123
aux chevaliers par Néron (1). Des mesures analogues ont éga-
lement été prises çà et là pour les jeux municipaux (p. 44, note 4).
— Les lois théâtrales déterminaient les personnes auxquelles
appartenait le droit; et, comme, pour définir le jus anulorum,
on a invoqué plus tard expressément la proédrie (p. 97 note 3),
la délimitation précise de ce droit ou plutôt du rang éques-
tre a probablement eu son origine dans la fixation des places au
théâtre. L'étroite relation dans laquelle ce droit est mis avec les
fonctions de jurés (2) et d'autres raisons encore (3) ne per-
mettent pas de douter que la proédrie n'était, dès le temps
delà République, accordée qu'aux possesseurs du cheval public.
Parmi eux, l'on faisait encore des distinctions : les deux pre-
miers bancs étaient réservés aux chevaliers qui avaient déjà
occupé le tribunat militaire ou le vigintisexvirat (4), et des
60, 7 : 'Ev Ss Toi liciro8p6fia>.... stop tov \).kv cou npdrepov loly. '/.où -/.arà o-saç
w; ExaoToi ta ts pouXewov xal vo tanceuov xa\ o SpuXoç, àcp' o'JTcsp toOt' cvo(UoOyij
où (jlévtoi xa\ tsTaypiva erçîcrt */wpia àneÔéôeixTo, ce qui eut lieu alors pour le
sénat. La relation de Suétone, Claud. 21, s'accorde avec celle-là sur les
points principaux.
(1) Tacite, Ann. 15, 3:2, sur l'an 63 : Equitum Romanorum locos sedilibus
plebis anteposuit apud circum : namque ad eam diem indiscreti inibant (ce qui
est inexact ; voir la note ci-dessus), quia lex Roscia nihil nisi dequattuorde-
cim ordinibus sanxit. Suétone, Ner. 11 : Circensibus loca equiti sécréta a céle-
ris tribuit. Pline, H X. 8, 7, 21 ; (Euripos) Nero princeps sustulit equiti loca
addens. Cf. Galpurnius, note 4.
(2) Ainsi Gicéron dit, dans son discours pour Cornélius : Quamdiu gui-
dent hoc animoerga vos Ma plebserit, quo se ostenditesse, cum legem Aureliam,
cum Rosciam non modo accepit, sed etiam efflagitavit, ce qu'Asconius déve-
loppe, p. 78, dans une note lourdement corrompue.
(3) En particulier, le nombre de rangs parait tout à fait insuffisant pour
les cives quadringenarii de tout l'Empire. Lorsque l'institution fut organisée,
les quatorze bancs devaient être approximativement en état de contenir les
ayants-droit. Le maintien du nom après que ces bancs ne pouvaient plus
suffire cà la chevalerie, devenue plus nombreuse, n'a rien de choquant.
(4) Porphyrio note, sur la quatrième épode d'Horace, (écrite entre 718
et 723), qui est dirigée contre un tribun militaire se "carrant in primis sedi-
libus en qualité de magnus eques : Ex quattuordecim ordinibus, quos lege
Roscia Otho tr. pi. in theatro equestri ordini dédit, duo primi ordines tribuni-
ciis vacabant. Ovide et un de ses amis, qui a été tribun militaire, sont assis
l'un à côté de l'autre au théâtre, pour les Megalensia, et le second dit
au premier (Fast. 4, 383):tfanc ego militia sedem, tupace parasti inter bis qui-
nos usus honore viros; l'exercice d'une magistrature non-sénatoriale autori-
sait donc probablement, comme le tribunat militaire, à prendre place sur
les deux bancs réservés. Martial, 3, 95 : Vidit me Roma tribunum et sedeo
124 DROIT PUBLIC ROMAIN.
places spéciales étaient assignées à ceux qui se trouvaient rui-
nés sans faute qui leur fût imputable (p. 98, note 1). Les con-
trevenants ne s'exposaient pas seulement à être expulsés par
la police (1); ils pouvaient être poursuivis et frappés d'a-
mende (2).
4. l'organisation corporative de la chevalerie et les droits
du SECOND ordre.
organisation de îa La constitution militaire des chevaliers ne disparut aucune-
chevalerie en x
turmx, ment lorsqu'ils cessèrent de fonctionner comme un corps de trou-
pes. On ne rencontre plus, il est vrai, à l'époque récente, de tra-
ces de l'organisation des centuries en dehors delalustrationdes
censeurs (3) et de leur emploi pour les comices(VI, 1, p. 293), et,
si les 18 centuries de vote avaient encore peut-être leurs centu-
rions (VI, 1, p. 293, note 4), on ne les voit jamais en évidence.
Mais la division enturmae, en grec iXai, a subsisté (4). Quand
qua te suscitai Oceanus. Au cirque aussi, les équités et les tribuni en costume
de cérémonie enlèvent aux paysans les meilleures places : Nom quaecumque
patent sub aperto libéra caelo aut eqaes aut nivsi loca densavere tribuni (Cal-
purnius, Egl. 7, 28).
(1) Les affranchis impériaux chargés de la police théâtrale Oceanus et
Leitus sont familiers aux lecteurs de Martial.
(2) C'est la pœna theatralis de Suétone, Aug. 40 (p. 98, note 2).
(3) V. tome IV, la partie de la Censure, sur la lustration.
(4) Polybe, G, 2a, 1. c. 35, 8, emploie î'Xr, (incorrectement eî'Xr,) pour la
turma. En vertu de la même idée, le glossaire attribué à Cyrille, éd. Es-
tienne, p. 443, traduit elXr,86v par turmatim, et le sévir equitum Romanorum
turmis ducendis (p. 126, note 7) est appelé par les Grecs ïXap-/o; (àe\ lXap-/ouv-
tsç, Dion, 55, 10 ; iXap-/o: pvX%, Zonaras, 10, 35; l'[Xap-/oç r]Xr,; — difficile-
ment [çv]Xt)Ç — y'tTCTréwv 'Ptojwxtav, inscription de Tomi, Arch. epigr. Mittheil.
aus Oesterreich, 8, 20). Sans doute, on trouve aussi X6-/oç dans le sens de
turma : ainsi Xoyo:, irapàra^iç (opposé à Xo/oç, evs8pa) est expliqué par turma
dans le glossaire de Cyrille, p. 531, (cf. le même glossaire p. 496 : forcent^
-zâlic, turma, alà) et turma par Xôyoç, Sia8po[xr,, dans une relation visible avec
la pompa, dans celui attribué à Philoxêne, p. 219. Mais le mot technique
était i'Xr,. Lorsque, dans Denys, qui emploie ailleurs X6-/0; pour la centurie
de chevaliers (4, 18), les chevaliers défilent, pour cette pompa, -m-a. çuXiç
te xoù Xo^ouç (6, 13) et les enfants des personnages équestres xax' i'Xaç -zt
LES CHEVALIERS. 125
les chevaliers prennent part à des solennités, par exemple à des
funérailles publiques (1), et spécialement pour le défilé annuel
du 15 juillet, auquel Auguste rattacha sa revue, ils défilent en
ordre militaire, par turmse (2), et lorsqu'il est question de la
chevalerie publique, il n'est pas rare qu'on la désigne par ce
nom (3). S'il n'est pas dusage d'indiquer la turma pour les che-
xal xaTx àct/o-j; (7, 72), la pompa a sûrement lieu turmatim (p. 125, note 2 et
p. 90, note 1) et il en est probablement de même du défilé des enfants (cf. VI, 1,
p. 33, note 3). Il faut sans doute, comme le propose Willamowitz, changer
dans le premier texte çvXa; en tXaç et entendre >.6-/o; dans le sens de decuria,
d'autant qu'il y a à côté dans le second xa-rà c-jix[xoptaç ie xa\ tàÇeiç. Il est
impossible que çuXij soit mis pour turma, comme le pense Hirschfeld, Verw.
Gesch. 1.243 ; Zonaras ou plutôt Dion ajoute çuXïjç à tXap-/oç, pour distin-
guer le prœfectus alœ, qui s'appelle toujours Dap-/oç sous l'Empire, du sévir
eq. R. Mais je n'ose pas rattacher, en partant de cette addition, les sévirs
aux trois tribus ethniques, bien qu'il soit possible de combiner avec cette
idée le nombre six des sévirs (p. 127) et les trois turmas de la Troia (VI, 1,
p. 33, note 3). — Les téXT,des chevaliers, que Denys cite au sujet de la lus-
tration des censeurs (4, 22) et du combat (5, 46), sont peut-être simplement
des « divisions » ; il s'agit nécessairement dans le premier cas, des centu-
ries (v. tome, IV, la partie de la Censure, sur la lustration), dans le se-
cond, des turmse.
(1) Sulla : Appien, B. c. 1, 106. Nero Drusus: Dion, 55, 2. Auguste :
Dion, 56, 42. Drusilla : Dion, 59, 11. Pertinax : Dion, 74, 5.
(2) Pline, ff.JV. 15, 4, 19 : Oleae honorem Romana maj estas magnum perhi-
buit turmas equitum idibus Juins ex ea coronando. Tacite, Hist. 2, 83 : Equester
or do... instituit... uti turmse idibus Juliis imaginent ejus (Germanici) sequeren-
tur. Suétone, Aug. 37 : Excogitavit... triumviratum legendi senatus et alterum
recognosccndi turmas equitum, quotiensque opus esset. Le même, 38 (p. 90
note 1). Si, dans Denys, 6, 13, les chevaliers défilent xa-à?uXâ; tsxoù Xoxouç
xexoa(M)p£voi, dans la même pompa tcov è-//jvt«v tov ôt,(j.6c7iov i'uttov, c'est là,
comme il a été remarqué p. 124, note 4, une erreur de l'auteur ou du copiste.
— Quand Valère Maxime, 2, 2, 9, cite les lupercales comme seconde fête
équestre, ce n'est pas correct, parce que, si ce sacerdoce est principale-
ment équestre, les chevaliers n'y appartiennent aucunement tous. Cf. p. 178,
et Handbuch, 6, 445.
(3) Pline, H.N. 33, 1, 30 (p. 74, note 1). Stace, $/o. 5, 2, 17: Sanguine
cretus turmali trabeaque Rémi. On rencontre, sur des inscriptions africaines,
au lieu de la formule ordinaire de la concession du cheval public : Adlec-
tus in turmas eq.[R. a d]ivo Hadriano... t. Priores (inscription de Gergis, Rei-
nach et Babelon, Recherches archéologiques en Tunisie, 1886, p. 64 ; on ne
voit pas clairement si le dernier mot, qui rappelle le souvenir des an-
ciennes institutions patriciennes, est en rapport avec la chevalerie) ; allectus
in tunnlas] equitum Romanoram ab imperatoribus Cœsaribus Antonino et Vero
Augustis (C. I. L. VIII, 10501 ; de même VIII, 627. 1147) ; aussi ex eques-
tribus turmis (C. I. L. VIII, 9754).
126 DROIT PUBLIC ROMAIN.
valiers isolés (1), c'est le contraire pour leurs chefs. La cheva-
lerie de la République (2), n'en a jamais eu d'autres que les
trois chefs de la turma de 30 hommes, et leurs trois lieutenants
(optiones). Sous l'Empire le ou les principes juvenlutis ne sont
pas des commandants des chevaliers : il n'y a là qu'une primauté
d'honneurattribuée,audébutparuneacclamationdeschevaliers,
plus tard par une concession impériale, aux princes de la maison
impériale qui entrent parmi les chevaliers, sans être détermi-
née ni en elle-même, ni quant au chiffre de ses titulaires et pour
durer aussi longtemps que celui qui en est gratifié restera dans
la chevalerie (3). Mais on trouve, mis à la tête des chevaliers,
du commencement de l'époque d'Auguste (4) jusqu'au ni®
Sevirt equitum siècle, (o) les seviri equitum Romanorum, au titre desquels
est souvent ajoutée l'indication du chiffre de la turma allant
de un à six (6), et qui sont aussi appelés seviri turmis ducen-
dis ou turmarum equeslrium (7), en grec O.ap-pi (p. 124,
(1) Je n'en trouve que deux exemples : un enfant de douze ans de Pa-
normus n'appartenant pas aux classes élevées, eques Romanus [tu]rma prima
(C. I. L. X, 7285) et un homme de Gighthi dans la Tripolitaine, equo [jjublico
tu]rma 1111 (Reinach et Babelon, op. cit. p. 51).
(2) Y. tome III, la partie de la Maîtrise de la cavalerie, sur son rôle.
(3) V. tome V, la partie de la Maison impériale, sur le princeps juven-
tutis.
(4) La mention la plus précoce des sévirs se trouve en l'an 752 dans
Zonaras, 10, 35 (p. 127, note 5) et dans Dion, 55, 10 (p. 127, note 7).
(5) Le consul de 214, G. Octavius Sabinus a le sévirat dans deux de ses
inscriptions (C. /. L. VI, 1477. X, 5178), tandis qu'il l'omet dans la troi-
sième (C. I. L. X, 5398).
(6) Turma prima C. L L. V, 4347. VI, 1365 (plébéien). 1422 (patricien).
1530. 1573 (patricien). XII, 3167. Henzen, 6048=C. 1. L.XI, 3367. — Turma se-
cunda : C. L L. VI, 332. 1332. 1415. 1464. X, 8291 (1). — Turma tertia : C. I. L.
VI, 1529. IX, 3154 et l'inscription deTomi, p. 124, note 4. — Turma quarto:
manque jusqu'à présent. — Turma quinta : C. I. L. III. 2830. V, 6360. 6419.
VI, 1383. XI, 2106 = Willmanns, 1193. — Turma sexta : C. I. L. V, 7447. Il
n'est pas rare que l'ablatif soit remplacé par le génitif. On trouve aussi
fréquemment par exemple, C. 1. L. III, 6076, sévir turmse equitum Romano-
rum sans chiffre.
(7) Sévir turmis ducendis, C. /. L. V, 531, rapproché de III, 1458. Sevirtur-
marum equestrium, C. L L. X, 5178 ; sévir equeslrium turmarum, C. I.L. V, 1874.
6439. VI, 1578 ; sévir turmarum eq. R. C. I. L. VI, 1584. Sexvir turmis equi-
tum Romanorum, le biographe de Marc-Aurèle, c. 6. Sévir sans complément
(C. /. L. V, 2112. VI, 1502. 1503. X, 1706) ne se présente que rarement et
tardivement.
LES CHEVALIERS. 1 27
note 4). Ils sont nommés par l'Empereur (i) et changent
comme les magistrats chaque année (2). Quant au rang,
l'un d'entre eux, et même l'un des plus anciens qui nous soient
connus, appartient à la chevalerie proprement dite (3); les
autres sont des chevaliers de rang sénatorial (4) ; les princes de
la maison impériale apparaissent en particulier fréquemment
dans ces fonctions (5). Ils sont chargés d'organiser des jeux
annuels (6) et de conduire la pompa dans la fête dont la célé-
bration se rattache au temple de Mars Ultor consacré en 752 (7).
Chacun d'eux semble avoir commandé l'une des six turmss
qui seules sont nommées, et l'organisation des jeux équestres
et leur présidence semblent avoir appartenu à ces six comman-
dants de turmœ en qualité de chefs de tous les chevaliers (8).
(1) L'abréviateur de Dion le dit de la nomination de Gaius au sévi-
rat (note G) et le biographe de Marc-Aurèle de celle de Marc-Aurèle
(note 6).
(2) Gela résulte des mots de Dion, (note 7) : 'Tuo tûv àei D-apyo-jvxwv.
(3) Orelli, 732 = CI. L. XI, 1330, de l'an 6G après J. G. : la turma n'est
pas indiquée. Je ne trouve pas d'inscription plus ancienne parmi celles qui
nomment les sévirs; celle du futur empereur Nerva, consul en 71 (Henzen,
5i35) et celle de Valerius Festus, consul en la même année (C. 1. L. V,
531) sont à peu près contemporaines. Le sévir equitum entre magister
juvenum et prsetor juventutis d'une inscription de Nepet (C. L L. XI, 3215
= Willmanns, 2086) est difficilement un sévir eq. R.
(4) Sur les rares sévirs sénatoriaux, cf. p. 106, note 2.
(5) Zonaras, 10, 35, sur l'an 752 : 'O A-j'yo-ja-xoç el; touç è?r,6o"j; tov Tàiov
ï-xlz... -/.al npâxptrov &ité;pv)vs r?,; vz'j-t-.o' iÀap-/ôv -zz ipuX^c ytvéaÔat irii-pz-bz.
Vita Marci, 6 : (Plus Marcum) sevirum turrnis equitum Romanovum jam consu-
lem designatum (pour l'an 140) creavit et edenti cum collegis ludos sevirales
adsedit.
(6) Vita Marci, 6 (note 5). Ces jeux ne sont pas, à ma connaissance, cités
ailleurs. Cependant, parmi les jeux du cirque organisés en l'honneur de la
victoire d'Actium Z<A zz tôv Tialowv xal Btoc xûv àvSpàiv tùv eùyevœv (Dion,
53, i), la seconde fête peut avoir concerné les sévirs. — Il ne faut pas con-
fondre les jeux séviraux avec les jeux enfantins de la'Troia (VI, 1, p. 38,
note 3). Gaius donna ces derniers en 741 (Dion, 54, 26), et il ne fut sévir
qu'en 752.
(7) Dion, 55, 10, rolate, parmi les résolutions prises par le sénat à l'oc-
casion delà dédication de ce temple, xcà icocv^Yvph x'.vx Trpbç zoXç àva3a<x[Aoïç
otvroO C-o -,;>>, àz\ etXapxotfvTwv r.o'.zX'jbx'.. Cette fête avait lieu le 1er août
(Dion, 60, 5).
(8) La tradition elle-même n'établissant pas si le chiffre six se rapporte
à la turma isolée ou à la totalité de la chevalerie, j'ai précédemment adopté
128 DROIT PUBLIC ROMAIN.
On ne peut dire avec précision le rapport existant entre cette
institution, sur laquelle le sévirat municipal analogue et pro-
bablement contemporain n'est sans doute pas resté sans
influence, etPancienne organisation des larmse. La division par
turmse doit s'être étendue à toute la chevalerie d'Auguste,
ainsi que l'impliquent la pompa et la mention de la turma qui
se présente aussi fréquemment pour des chevaliers ordinaires
(pp. 125, note 3; 126, note 1). Mais on ne sait pas combien de
têtes comprenait la turma dans cette cavalerie d'Auguste bien
plus nombreuse que l'ancienne; on ne sait même pas s'il n'y
avait que six turmse d'organisées au lieu des soixante anciennes,
ou s'il y en a eu davantage sous le Principat et si l'on a seule-
ment distingué les six premières par la nomination d'un chef
particulier.
situation pseudo- La chevalerie romaine apparait là comme constituée de telle
corporative delà ... n .. . ,., .
chevalerie, sorte quelle ne ligure jamais elle-même, et quily a seule-
ment six jeunes hommes nommés par l'Empereur qui orga-
nisent des fêtes en son nom. Il en est de même partout ailleurs.
Elle se rapproche bien, en perdant son caractère militaire,
d'un corps politique : à l'issue de la République et sous la pre-
mière dynastie, elle élève des statues, par exemple à L. Anto-
la première opinion (Rœm. Gesch. 1, 7e éd. 786= tr. fr. 4, 51) pour pouvoir
rattacher cette institution à l'ancien système ; car la turma a trois décu-
rions et trois optiones. Mais, alors il faudrait admettre que l'organisation
des jeux appartenait exclusivement aux sévirs de la première turma ; or
cette supposition ne peut se concilier avec la rédaction des inscriptions
qui attribuent les sévirs à la première, à la seconde, à la troisième, à la
quatrième et à la sixième turma. En outre on peut invoquer en sens
contraire l'analogie parfaite des seviri eguitum Romanorum et des se-
viri Augastales municipaux organisés peut-être à la même époque. J'a-
dopte par conséquent aujourd'hui l'opinion d'Hirschfeld, Veinvaltungsge-
schichte, 1, 243. La création d'une forme complètement nouvelle pour une
institution empruntée par Auguste à un système depuis longtemps en vi-
gueur est un phénomène surprenant ; mais il s'explique peut-être par ce
fait que l'institution municipale devait être soutenue par son analogie avec
la chevalerie de l'Etat, et qu'il était impossible d'ouvrir aux sévirs des af-
franchis le vaste cadre ancien. Le point de savoir si le chiffre six est issu
de celui des chefs de la turma isolée, ou bien se rattache aux trois tribus
patriciennes (p. 124, note 4) doit être laissé indécis.
LES CHEVALIERS. 129
niusetà Séjan (1). Selon le propre témoignage d'Auguste, le
titre honorifique de père de la patrie lui fut conféré par le sé-
nat, les chevaliers et le peuple (2). Elle prononce la collation
d'autres distinctions honorifiques (3), fait des vœux (4) et envoie
des ambassadeurs (5). Mais ces actes sont tous des actes dé-
nués de formes. En particulier, l'attribution de surnoms
d'honneur est mise sur le même rang que l'acclamation du gé-
néral comme imperalor par les soldats : ce n'est pas là une dé-
cision sur la concession du titre, mais une manifestation de
l'opinion publique et une invitation à celui qui en est l'objet
de s'attribuer lui-même le titre. Peut-être est-il permis d'a-
jouter que tous ces actes sont complètement dépourvus de fon-
dement juridique régulier, et qu'ils n'ont été tolérés sous la
première dynastie qu'à cause de leur défaut d'importance pra-
tique et de leur tendance loyaliste : ils disparaissent après la
fin des Claudii (6). En pratique, les chevaliers n'ont ni orga-
(1) L. Antonius : p. 75, note 5. Séjan : Dion, 58, 2. Le futur empereur
Claude est aussi appelé patronus des chevaliers (Suétone, Claud. 6). Il ne
nous a été conservé aucune dédicace de ce genre ; pourtant C. 1. L. VI,
1584 peut avoir appartenu à un tel document.
(2) Auguste, Mon, Ane, 6, 24 : [Senatus et equ]ester ordo populusque Roma-
nus univérsus appellavit me patrem patriœ. Ovide, Fast. 2, 128 : Sancte pater
patriœ, tibi plebs, tibi curia nomen hoc dédit hoc dedimus nos tibi nomen eques.
On doit avoir procédé de même pour l'apothéose d'après le témoignage
de la médaille (Eckhel, 6, 126) : Divus Augustus) (Consensu senal(us) et
epuestris) ordin(is) p(opuli)q(ue) R(o?nani).
(3) Les chevaliers offrent un bouclier et une lance aux principes juven-
tutis Gaius et Lucius (Mon. anc. 3, 4, note 134; Dion, 55, 12) et Néron
(monnaie de ce dernier avec le bouclier portant la légende Equester ordo
principi juvent. : Eckhel, 6, 261). — Après la mort de Germanicus, equester
ordo cuneurn Germanici appellavit qui juniorum dicebatur instituitque uti
turmx idibus Juliis imaginera ejus sequerentur (Tacite, Ann. 2, 83) ; de même
après la mort du jeune Drusus, C. 1. L. VI, 912.
(4) Tacite, Ann. 3, 71, sur l'an 22 : Donum pro valetudine Augustœ équités
Romani voverant eques tri Fortunée.
(5) A Tibère, pour le transport du cadavre d'Auguste (Suétone, Claud. 6) ;
à lui encore, pour lui adresser ses souhaits après la mort de Séjan (Suétone,
loc. cit.); à Caligula, au commencement de son règne (Dion, 59, 6).
(6) Du moins les inscriptions de ce genre ne manqueraient pas, s'il n'é-
tait pas intervenu ici quelque limitation légale. Or on ne trouve rien autre
chose que la mention des chevaliers dans la masse pour les hommages à
l'empereur. Martial, 8, 15: Dat populus, dat gratus eques, dat tura senatus.
Stace, Silv. 4, 1, 25 : Ortibus... luis (Domitien) gaudent turmseque tri-
busque purpureique patres. Pline, Paneg. 23, nomme, dans la même relation,
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 9
130 DROIT PUBLIC ROM.UN.
nisation régulière appropriée au vote ni caisse distincte. Ce
qui a été dit sous ce rapport au sujet des augustales et de leurs
relations avec ïordo, s'applique parfaitement aux relations de
l'ordre équestre avec le sénat. L'emploi nominal des augusta-
les comme seconde catégorie de privilégiés sans action propre
coordonnée au sénat est calqué sur celui fait des chevaliers, ou
plutôt les deux institutions sont arrivées simultanément à
l'existence. Le principe impérial consistant à exclure les
corporations de la capitale a, comme il se conçoit (1), été ap-
pliqué en premier lieu aux chevaliers. Autant l'ensemble des
équités Romani equo publico, Yordo cquester a été clairement
mis, dans la Rome impériale, comme second ordre dirigeant
aux côtés du sénat, qui antérieurement existait seul à côté et
au dessus du peuple, autant ce second ordre est peu arrivé à
agir et à être regardé comme une corporation, à la façon du sé-
nat. Non seulement il n'a pas de pouvoir de représentation,
mais il n'est pas représenté à côté du sénat et du peuple. Les
résolutions prises par le sénat sont prises par lui comme repré-
sentant du populus Romanus et pour lui, mais non pas pour
l'ordre équestre : celui-ci est compris dans le populus (2).
le sénat, Yequester ordo, et les clientes, c'est-à-dire les tribus (p. 31,
note 1).
(1) La résistance aux lois d'Auguste sur le mariage, unique opposition
constitutionnelle à laquelle il se heurta pendant son long règne, vint princi-
palement des chevaliers. Suétone, Aug. 34: Abolit ionem ejus — legis de maritan-
dis ordinibus — publico spectaculopertinaciter poscente équité; Dion, bG, 1 : 01
iinreïç rcoXXrj èv a-JTat; — aux jeux de l'an 9 après J.-G. — ffitouôijj tov v6[aov
tov wepl xtôv (jlt) yafjLoûvrwv [itJts t6xvoijvt«ûv rtlJ.o-jy. Il n'aurait pas été sans
inconvénients que les chevaliers eussent eu, ne fût-ce que le droit de pétition-
ner dans ce sens.
(2) La pensée de Pline, H. N. 33, 2, 34 : Ab Mo tempore (c'est-à-dire de-
puis le consulat de Gicéron) plane hoc tertium corpus in re publica factum
est, cœpitque adjici senatui populoque Romano equester ordo : qua de causa
et nunc post populum scribitur, quia novissime cœptus est adjici, est, même
en laissant de côté le culte absurde de Ûicéron (cf. p. 122, note 2), incompré-
hensible; on ne trouve à ma connaissance, nulle part, la formule: Senatus
populusque Romanus et ordo equester. Tacite, Ann. 1, 7, commence bien le ré-
cit de la prestation de serment faite après la première transmission du
trône par les mots : Ruere in servitium consules patres eques. Mais, dans
l'énumération des serments, il ne mentionne pas les chevaliers ; il ne
mentionne que les principaux fonctionnaires sénatoriaux et équestres, le
LES CHEVALIERS. 131
Auguste a bien cherché un contrepoids contre le partage du
gouvernement avec le sénat dans l'emploi de chevaliers en
face des sénateurs. Mais il n'a pas opposé la chevalerie comme
corps au sénat.
O. LES POSTES DES JURÉS.
Nous avons déjà montré comment l'institution du jury do- L'organisation
mine la procédure civile (1). Le magistrat n'a généralement
qu'à régler et à préciser la prétention qui est soulevée ; la déci-
sion est prise, en dehors du concours ou de la présidence du
magistrat, par un ou plusieurs jurés. Mais la procédure a été
modifiée, en l'an 605 de Rome, pour les actions nées des con-
cussions de magistrats, envisagées en droit romain comme un
délit civil, et ensuite pour d'autres actions analogues : on a
mis, pour présider ces débats, à la tète du collège des jurés, dont
on a en même temps renforcé le chiffre, un magistrat, en gé-
néral un préteur (2). Ce genre de tribunal, dans lequel la
présidence du magistrat rappelle la première phase de la pro-
cédure criminelle et dans lequel le nombre considérable des
jurés appelés à statuer en rappelle la seconde, a bientôt été
employé même pour des délits non-privés, et la législation de
Sulla a transformé toute la procédure criminelle dans ce sens.
Par conséquent, l'activité des jurés qni se restreignait ancien-
nement aux procès civils, s'étend également, à la fin de la Répu-
blique et sous le Principat, aux procès civils et criminels (3).
sénat, les troupes et le peuple (de même 11, 30. 14, il). Dans les tauroboles
faits à Ostie sous Gallus, on prie pour les empereurs et leur famille, pour
le sénat, les quindecemvirs et Yordo equester (C. I. L. XIV, 42).
(1) V. tome I, la partie de la Juridiction civile et, tome III, celle de la Pré-
ture, sur les nominations de jurés.
(2) Voir tome III, la partie de la Préture, sur la présidence des quœs-
tiones, et, tome IV, la théoriede la Présidence du jury comme magistrature.
(3) La liste servait pour les deux catégories, disent de la manière la plus
nette Pline, H. N. 29, 1, 18 : Decuriae pro more censuris principum exami-
nantur, inquisitio per parietes agitur, et qui de nummo judicet a Gadibus...
arcessitur, de exilio vero non nisi XLV electis viris datur tabella, et l'inscrip-
du jury.
132 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Il s'agit d'ailleurs toujours exclusivement des procès sur
lesquels il est statué à Rome (1); les jurés dont nous nous
occupons ici n'ont rien à faire avec les tribunaux de l'Etat
existant en Italie ou dans les provinces, ni avec la juridiction
municipale, et l'ordre équestre a difficilement été mêlé aux
règles spéciales qui ont pu être établies à ce sujet (2).
ÏÎJlPdwL les ^a nomination du juré ou des jurés, lorsqu'elle n'était pas
rangs. rendue superflue par l'accord des parties, ainsi qu'il arrivait
d'ordinaire en matière civile, émanait du préteur de qui dé-
pendait la procédure préparatoire. Mais, comme nous lavons
déjà expliqué, il ne choisissait pas les jurés à son gré (3). Les
fonctions de juré n'appartinrent d'abord légalement qu'aux
sénateurs (4), et la liste des sénateurs dressée par décuries
servait en môme temps de liste de jurés, en ce sens que, lors-
que, d'après l'organisation judiciaire, des collèges de jurés
devaient entrer en exercice, ils étaient à chaque fois formés ou
fournis par une décurie de sénateurs (5). Sans doute des mo-
tion de Hasta du temps de Tibère, C. I. L. V, 7567 .: Judex de HII decuriis
eques selectorum publicis privatisque. Ulpien, Vat. ft\ 197.. 198, montre en
outre que les leges Juliae publicorum et privatorum déterminaient bien la ca-
pacité d'être juré chacune de son côté, mais probablement entérines symé-
triques. Seulement la quatrième décurie, qui n'était compétente que de
levioribus summis (p. 139, note -), et pareillement la cinquième étaient sans
doute complètement étrangères aux procès criminels (cf. p. 140, note 4).
(1) L'édit de Claude, C. I. L. V, 5050, ligne 33, le dit expressément : Ex eo
génère hominum... dicunlur... nonnulli [ajllecti in decurias Romae res judi-
care, et c'est confirmé par un certain nombre d'inscriptions, C. I. L. II, 4223
(p. 133, note 1). IX, 2600. Henzen, 6468. Bull, de Corr. Bell. 1886, p4 456
(Tralles) : 'Exasxtwv âv cPoj[j.r, S:xacT(ov.
(2) La liste des récupérateurs de chaque conventus (voir tome II, la
partie delà Préture, sur les liste de jurés) est bien dressée à l'imitation de
la liste de jurés de Rome (note 5), mais elle n'est pas composée d'après
les rangs.
(3) V. tome III, la théorie de la Préture, sur les listes de jurés.
(4) V. la même théorie. En dehors des preuves qui sont réunies là, les do-
cuments rassemblés p. 133, note 2, établissent que les procès civils y
compris les quaestiones perpetuae, restèrent aux sénateurs jusqu'en 632.
(5) Decuria désigne, comme on sait, une section de jurés, et dans l'orga-
nisation sénatoriale du jury (qu'à la vérité nous connaissons seulement telle
qu'elle fut restaurée par Sulla, mais qui ne peutguère avoir différé alors de
sa forme première) un groupe du sénat dont la composition ne changeait pas
(Gicéron, Verr. L 2, 32, 79 : Hic alteram decw-iam senatoriam judex obtinebit?
cf. Schol. Gronov. p. 392), et qui en général devenait le tribunal d'un procès
LES CHEVALIERS. 133
difications, qui certainement ont été nombreuses, ont été faites
sur ce point par des lois spéciales. Sans doute la force des choses a
amené à renvoyer à des jurés qui n'étaient pas sénateurs non
seulement les procès qui venaient au dehors de Rome devant les
autorités romaines, mais aussi une grande partie de ceux qui
ressortaient des tribunaux de la capitale (1). La règle elle-même
a cependant subsisté jusqu'à la loi judiciaire présentée par C.
Gracchus en 632 (2). Cette loi a mis le tableau dressé par le
particulier quand, après les récusations (très restreintes, Cicéron, Verr. I.
2, 31, 77), il restait réduit au nombre de juges prescrit pour le procès.
Gicéron, Verr. I. 1, 61, 118: Ego nisi... restitissem, ex hac decaria vestra, cujus
mihi copiam quam larglssimam factam oportebat, quos iste (Verres) annuerat,
(Q. Curtius judex quœstionis) in suum consilium sine causa subsortiebatur. Le
même, Pro Cluentio, 37, 103; Multa est petita... ab Junio, qaod non saae de-
curiœ munere neque ex lege sedisset. Dans le procès d'Oppianicus, jugé en
680, il y eut 32 jurés qui votèrent, (Gicéron, Pro Cluentio, 27, 74), et, puisque
l'accusé pouvait récuser trois personnes (Gicéron, /. 2, 31, 77), le chiffre
des membres de la décurie ne pouvait pas être inférieur à 35, ce qui s'ac-
corde d'ailleurs bien avec les témoignages que nous possédons sur le pro-
cès de Verres (Drumann, 5, 317). Ces décuries, dont Gicéron mentionne la
seconde, doivent être les dix anciennes décuries de l'interrègne (voir, tome
II, la théorie de l'Interrègne) ; il a fallu élever le chiffre de leurs membres,
parce que, tandis qu'au début la liste des jurés n'avait à fournir que le
judex unus et les petits collèges de récupérateurs, il y eut, depuis l'introduc-
tion de la procédure des quœstiones, à constituer des consilia plus nombreux.
— Les decuriœ de la procédure provinciale (Gicéron, Verr, 3, il, 28 : Praetor
jubet recuperatores rejicer?,: « Decurias scribamus ». Quas decurias ? De co-
horte mea, rejici?s, inquit ; cf. 3, 60,136) sont probablement constituées à l'i-
mage des décuries de jurés sénatoriales.
(1) On ne peut préciser avec quelle étendue cela avait lieu, ni dans
quelle mesure c'était l'arbitraire du préteur ou des prescriptions légales
qui décidaient. Il est certain seulement que le critérium n'était fourni ni
par la distinction juridique du judicium legitimum et de celui qui ne l'est
pas, ni par celle des procès soumis au judex unus ou à des récupérateurs
(v. tome I, la théorie de la juridiction civile, sur la distinction du judicium
legitimum et du judicium imperio continens). La poursuite pour concussions,
qui occupe ici le premier rang et à laquelle Polybe, 6, 17, pense en pre-
mière ligne en parlant des tribunaux sénatoriaux, ne pouvait pas, dans les
cas les plus nombreux et les plus importants, constituer un judicium legi-
timum déféré à un unus judex; cinq recuperatores ex ordine senatorio furent
donnés pour chacun des procès de même nature de 583 (Tite Live, 43, 2).
L'inscription de Tarraco, C. /. L. II, 4223 d'un adlectus in V decu[rias le]gi-
tumœ Romse judicantium ne peut donc pas être rapportée au judicium legi-
timum du droit civil. Le préteur pérégrin parait lui-même avoir pris ses
jurés dans l'Album (p. 143, note 5).
(2; Appien, B. c. 2, 22 : (G. Gracchus, tr. pi. II) rà S-.xaarrjpia à8o£o-JVTa
i-\ oojpooo-/.:a'.; ï; -oi; Ir.-ïxq àizo tô>v ^ou/ôutcov \LZ-zk$sç>z... xh ô'.xàÇsiv a-jToùç
134 DROIT PUBLIC ROMAIN.
censeur des citoyens arrivés à la possession du cheval éques-
tre (1), — duquel elle a probablement en même temps exclu
les sénateurs jusque là compris dans la liste des chevaliers
(p. 105), — à la place du tableau des sénateurs comme liste gé-
nérale des jurés (2); et par suite, en tant qu'il n'en était \ as
autrement décidé par des lois spéciales (3), toutes les autcii-
'Pwfj.ato'.; xoù 'ItocXicotouç aTraat xo» aùroïç pouXeutatç êicV nav?\ {jixpa> ypr^â.-
Twv ts rapi y.où àTt[xcaç xai cpuy^ç tou., j*èv Imcéac olâ ttvaç ap/ov-ra; aùrûv -jus-
pô7iy)pE, *roùç 8c pouXeuxàç îaa xal 5m}x6ouç ètcoîsi. Varron, chez Nonius,
p. 454 : Iniquius equestri ordini judicia tradidit ac bicipitem civitatem
fecit discordiarum civillum fontem. Diodore, 34 — 5, 25, Val. p. 119 ; Vel-
leius, 2, 6 ; Pline, H. N. 33, 2, 34 ; Tacite, Ann. 12, 60 ; Florus, 2, 5 [3,
17]. — La loi mentionnée par Tite-Live, Ep. 60, et Plutarque, C. Gracch.
6. (cf. Comp. 2) pour le premier tribunat de C. Gracchus, tendant à augmen-
ter le sénat de 300 chevaliers (Plutarque ; 600 d'après Tite-Live) et à corriger
ainsi l'organisation judiciaire, n'a certainement pas été appliquée ; mais
ce ne peut pas être une pure invention. Ce fut probablement là, comme je
l'ai déjà exposé, Zeitschrift fur Alterthumswissenschaft, 1843, p. 817, une ten-
tative d'accomplir moins violemment la réforme judiciaire, qui fat repoussée
ou qui fut dépassée l'année suivante. — Les propositions de même nature
attribuées à Ti. Gracchus (Plutarque, TL Gracch. 16; Dion, fr. 83, 7) ne se
sont certainement pas transformées en lois. C'est uniquement par une erreur
que Diodore (34 — 5, 2, 31, éd. Wess. p. 526. 599) fait les tribunaux équestres
des Gracques paraître dès Tan 620.
(1) Les juges de Gracchus ne pouvaient être pris que parmi les per-
sonnes qui avaient obtenu le cheval public, quoique peut-être en y com-
prenant même celles qui ne l'avaient plus. En effet, en premier lieu, la
substitution de cette liste de 1800 noms à la liste sénatoriale de 300 noms,
ou, en vertu de la première proposition de G. Gracchus, de 600, est appro-
priée aux circonstances, tandis qu'il serait impossible que l'on se fût con-
tenté de la reconnaissance, faite par le censeur à cette époque de la manière
la plus superficielle, de la capacité générale de recevoir le cheval équestre.
En second lieu, les chevaliers qui jugent en vertu de la loi Aurélia et ceux
qui le font sous l'Empire sont indubitablement les équités eqao publico ; or,
ces tribunaux équestres ne sont qu'une résurrection modifiée de ceux de
Gracchus.
(2) Aucun indice n'indique qu'on ait extrait de ce tableau une liste
générale des jurés, et on ne peut imaginer dans quel but on l'aurait fait.
(3) C'est ce qui se présentait notamment pour les tribunaux des décemvirs
et des centumvirs chargés des procès de liberté et d'hérédités (v. tome IV,
la partie du Vigintisex virât). Il y a encore quelques autres litiges tran-
chés dans la capitale pour lesquels la liste générale ne doit pas avoir
été applicable ou doit avoir été écartée par des dispositions spéciales.
Ainsi nous lisons dans la loi agraire de 643, ligne 37, les mots : [Recupera-
tores ex ci]vibus L. quel classis primse sient ; et la loi Plautia de 665 orga-
nise, pour les procès de haute trahison d'alors, une liste de jurés formée à
raison de 15 jurés par tribu, pour laquelle il est fait abstraction de toute
conditionde rang (Asconius, In Cornel. p. 79). Le jugement par Marius urca-
LES CHEVALIERS. 135
tés qui avaient à nommer des jurés, ou encore à dresser des
listes particulières de jurés pour certaines catégories de procù^
furent obligés de les tirer de cette liste (1). Des mesures quel
conques doivent avoir été prises afin d'empêcher les différents
choix d'entrer en conflit, par exemple en faisant les divers
magistrats qui avaient des listes à dresser les constituer suc-
cessivement et en excluant des choix postérieurs les personnes
déjà choisies pour une première liste. En dépit des essais de
Teuuv zr> exxov d'un procès dotal (Plutarque, Mar. 38) doit nécessairement*
si ce témoignage est exact, être entendu d'une décision arbitrale, puisqu'en
651, la liste des jurés était[composéede chevaliers et qu'en sa qualité de con-
sul il ne pouvait en tout cas être pris pour juré.
(1) C'est ce que montrent avant tout les procès extraordinaires soumis
en vertu de la loi Mamilia de 644, à des judices Gracchani (v. tome IV, la
théorie des Magistrats auxiliaires extraordinaires, à la section des
magistrats commis à des procès, sur l'objet des procès). Mais le règle-
ment qui a été fait, à cette époque, pour la catégorie de procès la plus
importante politiquement, pour les actions repetundarum, et qui nous
a été conservé en grande partie, doit aussi nécessairement s'accorder avec
cette régie. Il faut à ce sujet se rappeler, d'une part, que cette loi peut pré-
céder chronologiquement de quelques mois la loi sur les jurés de Gracchus,
et, d'autre part, qu'en dépit de sa double énumération [de CDLvireis in
hune arijnum legundl et de CDLvireis quoiannis [legundis], il y reste des
lacunes très importantes. Les dispositions suivantes y sont conservées, en
combinant les deux textes : Prœtor... facito utei CDLviros ita légat, qaei in
hac ceivit[ate]... [dum] ne quem eorum légat, 1) quei tr. pi., q., IHvir cap., tr.
mil. l. III1 primis siet fueritve: 2) queive in senatu siet fueritve; 3) quelve
merc[ede conductus depugnavit depugnaverit ;] 4)...; 5) [queive judicio publico
conde]mnatus siet, quod circa eum in sénat um legi non liceat ; 6) queive minor
anneis XXX majorve annosLX gnatus siet ; Ityqueive trans mare erit. Il ne pou-
vait pas y avoir d'invocation directe de la loi Sempronia, si celle-ci n'a été
votée que plus tard, et, quand bien même elle aurait été votée auparavant,
il pouvait ne pas y en avoir ; car ses clauses pouvaient facilement être tou-
tes reproduites. Or il nous manque la disposition principale, et elle doit ou
avoir nommé expressément la loi Sempronia (quei in hac civit[ate ex lege
quam C. Sempronius Ti. f. tr.pl. tulit judicet judicaturusve sit]) ou, ce qui est
plus croyable, avoir reproduit son principe (quei in hac civit[ale equum pu-
blicum habeat— ou habeat habuerit—habiturusve sit]). Quant aux principes,
cette loi est d'accord avec la loi Sempronia, spécialement pour l'exclusion
des sénateurs. Parmi les causes d'incapacité qui y sont énumérées, il y en
a certainement plusieurs qui rendent aussi incapables d'avoir le cheval
public; mais il était cependant nécessaire de les mentionner, quand bien
même la loi aurait expressément parlé du cheval équestre ; car, par exem-
ple, l'exercice salarié du métier de gladiateur ne faisait pas perdre de
plein droit le cheval équestre, mais amenait seulement son retrait à la pro-
chaine censure.
136 DROIT PUBLIC ROMAIN.
changement tentés, en 648, par le consul Q. Servilius Cœpio (1),
en 663, par le tribun du peuple M. Livius Drusus (2), et en
666, par le consul Sulla (3) , les tribunaux équestres se
maintinrent, sans interruption ou tout au moins avec de brè-
ves interruptions (4), jusqu'à la dictature de Sulla, qui, lors
de sa restauration de l'ancien régime, en 673, rendit aussi les
jurys au sénat accru en conséquence (5). Quand ensuite le
gouvernement aristocratique restauré s'écroula, au bout de dix
années, sa chute eut naturellement pour résultat le réta-
blissement des tribunaux équestres, qui revêtit d'ailleurs, con-
formément à la tendance de la politique d'alors, un caractère
transactionnel. Selon la loi présentée en 684 par le préteur
L. Aurelius Cotta, la liste des jurés fut désormais formée de
trois sections composées selon les rangs, auxquelles passa le
(1) Sa loi rendit, selon Tacite, Ann. 12, 60, les tribunaux au sénat, tandis
que les extraits de Tite-Live (Obsequens, 41 ; Gassiodore, sur l'an 648) par-
lent de senatomm et equitum judicia commwiicata. Cette dernière allégation
doit être comprise dans le même sens que la première loi judiciaire de G.
Gracchus (p. 133, note 2) qui fut évidemment reprise par Ceepio. La loi de
Gaepio n'a pas eu de durée (note 4); mais nous ne savons pas comment
elle a été abrogée.
(2) Appien, 1, 35, dit expressément que lui aussi, tout comme Cœpio, rendit
les tribunaux au sénat augmenté de 300 chevaliers et le De viris ill. 66, est dans
le même sens, ce que Velleius entend correctement d'une restitution de la
justice au sénat et Tite-Live, Ep. 71, incorrectement d'un partage entre le
sénat et l'ordre équestre. Drusus proposa en même temps d'ouvrir une ins-
truction pour corruption contre les juges équestres du temps antérieur (qui
rem judicassent : Gicéron. Pro Cluent. 56, 153; ob rem judicatam : le même,
Pro Rab. Post. 7, 16, où la fausse correction : ob rem judicandam a mainte-
nant pénétré dans le texte). Les lois Livise furent, comme on sait, immédia-
tement cassées par le sénat.
(3) Appien, B. c. 1, 59 : KaxéXe^av iç tô PouAcU-^pcov ôXiyavôpwno-aTov ôy|
tote [AaXicrTa ô'v... àôpoovi; èx tùv àptarwv àvopàiv xptaxoato-jç, où la restitution
des tribunaux est omise,mais doit être complétée sans nul doute. Ges lois
furent encore cassées, comme on sait.
(4) Gicéron, Verr. act. 1, 13, 38 : Cum equester ordo judicaret annos proj>e
quinquaginta (632-673) continuos. Velleius, 2, 32.
(5) La restitution de la justice au sénat par Sulla est attestée par Gicé-
ron, Verr. act. 1, 13, 37, Velleius, 2, 32 et Tacite, Ann. 11, 22; l'accroisse-
ment simultané du sénat de 300 chevaliers, par Appien, B. c. 1, 100 (VI, 1, p. 212,
note 3) ; cf. Tite-Live, 89. Le nombre des questeurs fut en même temps
augmenté pour renforcer le sénat d'une manière durable (Tacite, Ann. 11,
22 : Lege Sullae viginti creati supplendo senatui, cui judicia trad'derat).
LES CHEVALIERS. 137
nom de decuriœ. Comme chacune de ces sections fournissait
le tiers des membres de chaque grand jury, le principe de
la division tripartite entre les classes s'appliquait à tout ju-
gement important (l). La première de ces sections était cons-
tituée par les sénateurs, la seconde par les chevaliers equo pu-
blico, la troisième par les tribuni œrarii (VI, i,p. 212). Cesder-
niers ayant non pas, il est vrai, le cheval public, mais du moins
le cens équestre et appartenant, au sens large, à l'ordre éques-
tre, c'étaient encore les chevaliers qui composaient essentiel-
lement les jurys d'après la loi Aurélia (2). 11 est probable,
ainsi que nous l'avons déjà remarqué clans la théorie de la Pré-
ture, que ce fut cette loi qui entraîna la première la composi-
tion d'une liste spéciale des jurés, l'usage antérieur de prendre
le tableau des sénateurs ou celui des chevaliers pour liste
générale des jurés ayant disparu par suite de l'introduc-
tion de la division en trois classes et le besoin d'un moyen
de le remplacer s'étant fait sentir. La liste était dressée à nou-
veau chaque année; mais, en fait, elle devait être plus ou
moins permanente. Des témoignages certains attestent que,
parmi les sénateurs, qui étaient en moyenne 600, il n'y en
(1) Scolies de Bobbio sur Cicéron, Pro Flacco, 2, 4 (VI, 1, p. 217, note 2).
Aseonius, p. 16 (également p. 67. 78J : Legem judiciariam... tulit L . Aurelius
Cotta prstor, qua commit nicata sunt judlcia senatui et equitibus Romanis et
tribunis serariis. De nombreux témoignages de détail, par exemple dans As-
eonius, p. 30. 53. 54. 55, confirment que le principe de la division par tiers,
fondée sur le rang, dominait tant la nomination que la récusation des ju-
rés. Par exemple, la liste spéciale (album judicum, Aseonius, p. 39) que
Pompée tira de cette liste générale pour le procès de Milon et de ses parti-
sans;en702, contenait 360 noms, soit 3 X 120 membres (Plutarque, Pomp. 55 ;
Velleius, 2, 76 ; la correction: judices de trecentis sexaginta au lieu du chiffre
CCCL qui nous a été transmis dans Gicéron, Ad'fam. 8, 16, 2, est une restitu-
tion certaine) devant lesquels devaient avoir lieu les débats ; il en fut en-
suite tiré au sort 81, soit3 X 27, et après que chaque partie en eut récusé
15 = 3 X S, le verdict fut rendu par 51= 3 X 17 voix,
(2) VI, 1, p. 217, note 2. On s'explique par conséquent que Velleius considère
faussement la loi Aurélia comme un partage égal de la liste des jurés entre
les chevaliers et le sénat (2, 32 : Cotta judicandi munus... œqualiter inter
utrumque ordinem partltus est) et que Tite-Live y voie même une restitu-
tion de cette liste à l'ordre équestre {Ep. 97: Judicia per M. Aurelium Cottam
prœlorem ad équités Romanos translata sunt).
138 DROIT PUBLIC ROMAIN.
avait que 300 à remplir les fonctions de jurés (1); et aussi en
général, et en particulier pour la seconde et la troisième décu-
rie, qu'elles étaient composées par lectio, ce qui rend tout au
moins certain que les détenteurs de chevaux publics et les
tribani œrarii n'étaient pas tous sur la liste des jurés. En pré-
sence du principe d'équilibre numérique entre les trois classes
qui domine le reste du système, la liste générale des jurés
devait probablement contenir 300 noms de chacune, et la
dénomination nongenti, qu'on rencontre en cette matière,
devait désigner la liste de tous les jurés (2). L'âge de trente-
cinq ans parait avoir été fixé comme âge minimum, au moins
pour les chevaliers (3).
Les jurés sous le La loi Aurélia s'est maintenue, sans modifications essentiel-
Principat.
les (4), jusqu'à la dictature de César. Celui-ci, dans sa ré-
(1) Sénatus-consulte de j703 dans Caelius, Ad fam. 8, 8, 5 : Et, cum de
ea ad senatum referretur, a consiliis (a consulibus est une fausse correction)
qui eorum in CCC judicibus essent sine fraude sua (au lieu du texte : ses qui
nous a été transmis, selon l'excellente correction d'Hirschfeld, Hermès,
5, 297) adducere liceret.
(2) Pline, H. N. 33, 1, 31 : Decuriœ quoque ipsae (les quatre, plus tard les
cinq decuriœ judicum) pluribus discretœ nominibus fuere, tribunorum sens et
selectorum et judicum: prœter hos etiamnongenti vocabantur ex omnibus electi
(le Bamb. : les autres : selecti) ad custodiendus suff,-agiorum cistas in comi-
tiis: et divisus hic quoque ordo, cum alii>s se nongenfum, alius selectum, alius
tribunum appellarat. On trouve encore seulement dans un collegium fabrum
municipal, qui présente d'autres imitations des institutions romaines, un
nungentus ad subfrag(ia) comme magistrat corporatif (C. I. L. XIV, 2630), ce
qui confirme l'emploi des nongenti comme surveillants des urnes de scru-
tin (VI, 1, p. 467, note 3) et, dans une inscription pariétaire de Pompéi, C.I.L.
IV, 1136, les mots obscurs (cf. cependant l'explication proposée par moi dans
Bruns, Fontes, 5e éd. p. 271, note 5) : Balneum Veneriumet nongentum. Il va de
soi que la relation de Pline contient des confusions graves, que notamment
les dénominations selecti et judices ne s'appliquaient pas à des décuries
déterminées, mais à la totalité des jurés : nongenti peut donc avoir été éga-
lement un nom collectif de cette espèce.
(3) On peut le conclure des expressions de Suétone, p. 142, note o, si elles
nous ont été transmises exactement. Peut-être cette règle était-elle en rap-
port avec celle d'après laquelle le service équestre ne peut plus être imposé
à partir du même âge (VI, 1, p. 296, note 2 ; ci-dessus, p. 95). La loi repetun-
darum du temps des Gracques requiert l'âge de trente ans (p. 135, note 1);
cf. Diq. 4, 8. 41.
(4) La modification faite par la loi Pompeia de 699 laissa la justice aux
trois ordres ; mais elle restreignit l'arbitraire qui existait antérieurement
dans le choix des personnes. Cicéron, In Pison. 36, 94 : Ecquid sentis lege
LES CHEVALIERS. 139
forme du jury opérée en 708, écarta les tribuni œrarii et
attribua les postes de jures exclusivement aux sénateurs et
aux chevaliers (1). La tradition ne nous dit pas comment la
répartition était faite. Mais, les trois décuries ayant subsisté
jus [ii'au temps d'Auguste (2), l'innovation s'est probable-
mont restreinte à recruter la troisième décurie, comme l'était
déjà Ja seconde, parmi les possesseurs du cheval public, dont
le nombre a vraisemblablement été fort augmenté par César
(p. 84, note 1).
Auguste a exclu les sénateurs des fonctions de jurés, ou plu-
judiciaria lata quos posthac judices sîmus habituri ? Neque legeturquisquis vo-
lueriï nec quisquis noluerit non legetur : nulli conjicientur in illum ordinem,
nulli eximentur judices judicahunt ii, quos lexipsa, non quos hominum libido
delegerit. Asconius, p. J6, remarque sur ce texte : Po?npeius in consulatu
secundo.... promulgavit, ut amplissimo ex censu ex cenluriis aliter atque an-
tea lecti judices, seque iamen ex illis tribus ordininibus resj udicarent. Le main-
tiea du cens est confirmé par Cicéron dans les expressions discutées VI, 1,
p. 216, note4,et également par l'auteur, d'opinions radicales, des lettres attri-
buées à Salluste, De republica, c. 3, qui, pour sa part (c. 7. 12), voudrait
selon le système grec, quetousjles citoyens de la première classe fussent admis
comme jurés et que le chiffre des jurés fût augmenté. Asconius exige chez
tous les jurés le censas amplissimus, qui ne peut être que le cens équestre,
VIj 1, p. 216, note 4; et cela est exact; car il n'y avait pasencore alors de
cens sénatorial distinct du cens équestre, et les tribuni œrarii, au moins ceux
qui remplissaient les fonctions de jurés, avaient le cens équestre (p. 137,
noie 2). Los centuries dont ii s'agit doivent être les centuries serviennes;
caria seconde décurie était tirée des 18 centuries équestres, et les tribuni
œrarii ont nécessairement été dans un rapport fixe avec les 35 tribus et par
conséquent aussi avec les centuries. On ne peut découvrir de rapport exis-
tant entre les sénateurs et les conturies; mais il suffit que le choix ait été-
établi ex centuriis pour la plus forte portion des jurés. La tradition ne nous
a pas transmis les dispositions prises par la loi afin de donner une base
fixe au choix des jurés dans les diverses centuries et de restreindre l'arbi-
traire du magistrat qui y procédait. Cette loi n'atteignit pas sonbut(Pseu-
do-Salluste, De re publica, 2, 3 : Judicia lametsi sicut antea tribus ordiniôus
tradita suri, tamen iidem iUi factiosi regunt). Relativement à la loi sur le
jury, qu'Antoine proposa en qualité de consul, en 710', cf. VI, 1, p. 216,
note 4.
(1) Suétone, Cœs. 41 : Judicia ad duo gênera judicum redegit, equestris or-
dinis ac senaiorii; tribunos œrarios, quod erat tertium, sustulit. Dion, 43, 25,
sir l'an 708 : Ta ~z StxaarTJpta toi; — (iouXeuxatç xa\ rot; licicsOm jxôvotç èT.i'pi-
•I/sv, Swwç rb xaGaptoTCtTov 8ft fiaXiara àsl 8txâ£oc • rcpârepov yàp xa\ èx to-j ô\ii-
vèç t-jvv.3-,<'>'«'7-/.ov a-j-rotç. Cicéron, Phil. 1, S, 20 (VI, l,p. 216, note 4).
(2) .Suétone, Aug. 32: Ad très judicum decurias quartam addidit ex ïnfe-
riore censu, quse ducenariorum vocaretur judicaretque de levioribus summis.
140 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tôt il les a dispensés de cette lourde charge (1) en considération
de leurs autres occupations, et de leur faible nombre restreint
par lui (2). Les trois décuries subsistèrent, et elles furent par con-
séquent désormais exclusivement composées de chevaliers equo
publico(3). En outre, pour les affaires civiles de peu d'importance,
l'empereur Auguste créa une quatrième décurie(p. 139, note 2)
et l'empereur Caligula en créa une cinquième (4) qui étaient
composées d'hommes capables, n'ayant pas le cens équestre,
(1) Suétone, Aug. 32; Plerisque judicandi munus detractantibus vix conces-
sit, ut singulis decuriis per vices annua vacatio esset et ut solitœ agi Novembri
ac Decembri mense res omitterentur. Le même, Gains, 16 (note 4). Le même,
Galb. 14: Judicibus sextam decuriam adjici precantibus non modo negavit,
sed et concession a Claudio beneficium, ne hieme initioque an ni ad judicandum
evocarentur, eripuit. Au contraire, selon Pline, H. N. 33, 2, 33, on se dispu-
tait plus tard le titre de juré : Tantum enatum est f as tus, ut quœ sub divo
Augusto impleri non potuerant decur'uc non copiant eum ordinem. Cf. Suétone,
Tib. 51. Les deux faits sont parfaitement conciliables.
(2) L'exclusion des sénateurs ne nous est pas affirmée par la tradition ;
mais elle résulte de ce que les inscriptions ne nomment pas un seul juré
de rang sénatorial (les deux seuls jurés qui nomment leur décurie, laquelle
est la première, un Tolentinate, CI. L. IX, 5567, et un Tarraconensis, C. 1. L.
II, 4275, ne sont eux-mêmes point sénateurs) et de ce que les jurés sont
appelés decuriae equitum (Tacite, Ann. 14, 20 : Decurias equitum egregium ju-
dicandi munus expleturos ; également 3, 30; Suétone, Tib. 41), expression
dans laquelle on pouvait bien sans doute ignorer les ducenarii de condition
inférieure, mais non la classe supérieure des sénateurs . La présence
d'un sénateur parmi les centumvirs (Pline, Ep. 4, 29 rapproché de 5, 9) con-
firme l'opinion selon laquelle les centumvirs n'étaient pas pris parmi les
sélectif. 134, note 3). Si Pline, Ep. 1, 20, dit de lui-même: Fréquenter ju-
dicavi, c'est qu'outre les procès de la compétence des centumvirs, il y en
avait sans doute encore certains autres qui n'étaient pas déférés aux jurés
de l'album, et que, même dans les litiges de la compétence de ces derniers,
la sentence pouvait probablement être rendue par une personne qui n'é-
tait pas inscrite sur l'album avec le consentement des parties. On doit
comprendre dans le même sens la défense portée par Auguste de fixer à
un jour de séance du sénat le^ procès à la décision desquels des sénateurs
devaient participer (Dion, 55, 3).
(3) La connexité des deux positions se montre dans les inscriptions
aussi clairement que leur diversité juridique ; elles sont d'ordinaire réu-
nies.
(4) Suétone, Gaius, 16 : Ut levior labor judicantibus foret, ad quattuor priores
quintam decuriam addidit. Pline, H. N. 33, 2, 33 : Propter hœc discrimina (à
cause de la grande recherche) Gaius princeps decuriam quintam adjecit. La
cinquième décurie était comme la quatrième composée de ducenarii; car,
même depuis qu'il y eut cinq décuries, les trois premières restèrent les
plus considérées (p. 141, note 3).
LES CHEVALIERS. 141
mais en ayant plus de la moitié. Quand, ainsi que c'est l'u-
sage sous l'Empire, le titre de juré est porté comme titre offi-
ciel, les membres des trois premières décuries ajoutent à la
désignation générale de judex ex quattuor (1) ou plus tard
ex quinque decuriis (2) la mention complémentaire : ex tribus
decuriis (3) ou encore quadringenarius (4), tandis que les ju-
rés des deux dernières décuries qui ne sont pas équestres, les
ducenarii s'abstiennent de spécifier.
La liste des jurés est désormais dressée par l'empereur en
môme temps que celle des chevaliers (5), de laquelle les trois
(1) Outre l'inscription dellasta citée p. 131, note 3, qui cite deux jurés de
cette espèce, on trouve encore un judex dec. IV à Turin, C. L L. V, 7022, et,
ex quattuor decuris (sans judex), C. I. L. VI, 2169.
(2) Judex ex (rarement de : C. I. L. II, 2075 et l'inscription citée p, 131,
note 3) quinque decuriis (rarement decuriis quinque: C. I. L. III, 770, qui
doit être lu ainsi; IX, 411) est très fréquent; on trouve aussi ex quinque
decuriis judicum {C. I. L. II, 4617; Henzen, 6729= C. 1. L. XI, 393). Ex
(Orelli, 4949 : in) quinque decuriis tout seul se rencontre encore souvent.
Adlectus in quinque {quinque manque C. 1. L. II, 1180. X, 53) decurias (rare-
ment decuriis, C. 1. L. VIII, 9374. X, 53) est très fréquent, plus rare dans
la construction inverse (C. I. L. VIII, 1494. 1576. 1827. 6711) et est souvent
accompagné du nom de l'Empereur. Setectus n'est pas rare non plus : Ad-
lectus inter selectos abimp. Cses. Au g. (C. 1. L. X, 1685) ; adlectus in decurias
judicum selectorum a divo Tito (C. 1. L. III, 726) ; judex de selectis (C. 7. L.
X, 5128) ; judex ex quinque decuriis inter selectos (C. I. L. V, 7375; avec la
construction inverse, C. I. L. V, 7373) ; judex setectus ex quinque decuriis
(C. 1. L. IX, 5831. 5832. 5841) ; judex ex quinque decuriis selectus (C. I. L. VI,
1635) ; judex selectus decuriis quinque (C. I. L. IX, 5303) ; [inte]r selectos ju-
dices (C. /. L. IX, 4973) ; tov G-sXexTcov èv 'Poojjlt, oixocortov, Bull, de corr.
Hell. 1886, p. 456. On trouve rarement judex (Cl L L. VIII, 6958) ou se-
lectus (C. I. L.IX, 3023) sans complément. Le singulier adlectus in decuriam
judicum (C. L L. VIII, 1147) est également rare ; cf. p. 140, note 2.
(3) Ex quinque decuriis, dec(uriarum) III, C. I. L. VIII, 7986; judex selec-
tus decur{iis) trib(us), C. I. L. V, 5036.
(4) Judex CCl'C Romœ dec{uriarum) V (C. 1. L. IX, 2600) ; judex 7JCCC~ se-
lectus (C. l.L. X, 5197) ; [ex\ quinque decuriis judic(um) [selectorum inter'] qua-
drùu/enarios adlectus a divo Anto[nino Aug.] Pio (C. 1, L. X, 7507).
i'acite, Ann. 3, 30: (L. Volusius Saturninus, consul en 742 de Rome)
liapotestate legendis equitum decuriis f une tus. Tandis que Dion repro-
che à Tibère d'avoir négligé de compléter les cadres des chevaliers (p. 85,
note 3), Suétone rapporte la môme négligence au complément de la liste des
jurés (Tib. 41: Iiegressus in insulam rei p. curam usque adeo abjecit, ut postea
non decurias equitum umquam supplerit). Pline, //. .V. 29, 1, 18 (p. 131,
note 3). 33, 1, 30 : Divo Augusto decurias ordinante. Suétone, Aug. 27 : Quo loco
(dans le portique du temple d'Apollon du Palatin) jam senior decurias
judicum recognovit. Le'même, Claud. 16. — La radiation a lieu de la même
142 DROIT PUBLIC ROMAIN.
premières décuries de jurés sont extraites par un second
triage (i). De même que le cheval équestre est désormais con-
féré à vie, la nomination du juré reste valable jusqu'à la limite
dage qui dispense des charges publiques (2). La capacité
d'être juré ne suppose pas seulement la preuve de la fortune
requise (3), qui d'ailleurs n'a pas besoin d'être fournie à titre
spécial pour les trois premières décuries. Elle exige d'autres
conditions encore (4). En dehors de l'exigence d'un âge dé-
terminé, qui est dorénavant celui de trente ans (5), il est
remarquable, au point de vue politique, qu'on n'admit comme
jurés, sous Auguste, que les Italiens (6) et plus tard, parmi
les provinciaux, sauf de minimes exceptions, que ceux de la
façon. Suétone, Claud. 15: Cum decurias rerum actu (les décuries affectées
à l'administration de la justice) expungeret, eum, qui dissimulata vacatio?ie,
quam beneficio liberorum habebat, ut cupidum judicandi dimisit. — Les deux
actes n'étaient pas nécessairement liés ; mais ils l'étaient d'ordinaire.
(1) L'assertion de Pline, H. N. 33, 1, 30 : Divo Augusto decurias ordinante
major pars judicum in ferreo anulo fuit iique non équités, sed judices vocaban-
tur: equitum nomen subsistebat in turmis equitum publicorum, ne peut pas être
excusée par l'existence des ducenarii, ne fût-ce qu'à cause des mots : major
pars. C'est une confusion grossière provoquée par le fait que Pline s'occupe
directement des anneaux et qu'il confond leur port effectif avec le droit de
les porter.
(2) Le caractère permanent de ces fonctions résulte de Vannua vacatio des
diverses décuries (p. 140, note 1) ainsi que de la présence du titre de juré
dans les inscriptions et de l'absence de toute allusion à un terme d'expi-
ration ou à une itération. Il est remarquable que les fonctions de jurés
soient devenues viagères aussitôt que le pouvoir le fut devenu de son côté.
(3) Sénèque, De benef. 3,7: Non potest ad hœc sunû judex ex turba seleclo-
rum, quem census in album et equestris hereditas misit. Pline, H. N. 14, 1, 5:
Postquam senator censu legi cœptus, judex fieri censu. Quintilien, Inst. 4, 2,
45, oppose le judex que rura plerumque in decurias mittunt, à l'homme
ayant une culture littéraire.
(4) Le nombre des chevaliers doit, ainsi que le montrent les inscriptions,
avoir été beaucoup plus grand que celui des jurés, bien que ces derniers
comprennent encore parmi eux les ducenarii qui ne sont pas chevaliers.
(5) Suétone, Aug. 32 : Judices a tricensimo (les Mss. ; cf. p. 138, note 3)
setatis anno adlegit, id est quinquennio maturius quam solebant. On trouve,
C. 1. L. X, 53, l'inscription d'un homme qui reçut le cheval équestre d'Hadrien
et la qualité de juré d'Antonin le Pieux; C. I. L. 11,1180, celle d'un homme
qui fut nommé juré par Marc-Aurèle et Lucius Verus seulement après avoir
occupé plusieurs postes d'officiers.
(6) Pline, H. N. 33, 1, 30, en parlant du temps d'Auguste : Nondum pro-
vinciis ad hoc munus admissis. Hermès, 4, 117.
LES CHEVALIERS. 143
moitié latine de l'empire seulement (i), et encore seulement
roux qui avaient acquis le droit de cité par la naissance et non pas
par une concession postérieure (2). Il y avait en outre à appré-
cier dans ce triage les différents motifs de dispense (3). Le
chiffre total fut, sans nul doute au grand profit de la rapide
expédition des affaires, considérablement augmenté. Auguste
fixa le chiffre, normal des membres de chaque décurie à 1000,
et ce chiffre, qui était déjà approximativement atteint de son
temps, le fut plus tard complètement sans difficultés (4). La
relation existant entre ce tableau général des jurés et les di-
vers tribunaux de la capitale resta sans doute ce qu'elle était
auparavant : tout magistrat qui se trouvait dans le cas de nom-
mer des jurés les empruntait à cet album soit à chaque fois,
soit d'avance, en en tirant pour son usage une liste séparée (5).
Il n'y a que la relation des décuries de l'album avec chaque
comilium déterminé qui a du se modifier depuis la désuétude de
la formation des décuries par classes : on aura probablement
', faute de motif, de prendre à la fois dans plusieurs dé-
(1) Selon Pline, loc. cit., cela arrivait déjà fréquemment sous Vespa-
sien ; ailleurs (p. 131, note 3), il parait faire allusion à l'admission de jurés
espagnols, au moins en matière civile, par conséquent comme ducenarii.
Les inscriptions fournissent de nombreux exemples pour l'Afrique, l'Es-
pagne et la Gaule; elles en donnent peu pour la région du Danube et pour
ainsi dire aucun pour l'Orient grec. On avait encore naturellement par la
suite la même opiniouque Gicéron (Phil. 5, 5, 13 : Num Latine scit?) du juré
qui ne savait pas le Lai in. Suéîone, Claucl. 16 : Splendidum virum Graeciœque
pem, verum Lcitini se.-monis ignarum, non modo albojudi-
cum erasit, sed in pereç-Aaiiaien redegit.
(2) Pline, H . N. 33, J. 30 : Servalum in hodiernum est, ne quisenovis civi-
btu in Us (decuriis) judica: et. Cf. l'inscription de Pompéi, C. I. L. IV, 1943:
Non est ex albo judex paire Aegyptio. — Radiation pour cause d'inconduite
scandaleuse, Suétone, Dom. 8.
En premier lieu, le jus liberorum. Suétone, Claud. 15 (p. 141, note 5).
Ulpien, Vat. fr. 197. 198.
Pline, 33, 1, 30, en parlant du temps d'Auguste : Vix singula milia in
s inventa sunt nondum provinciis ad hoc munus admissis c. 33: Ut
ib divo Augusto impleri non potuerant decuriœ non copiant eum ordinem.
•. Aug. 29, sur les nouveaux bâtiments construits par Auguste
aûn d'assurer l'expédition plus rapide des nombreux procès.
Aulu-Gelle, 14, 1, 1 : A prœtoribus (probablement le préteur urbain et
le préteur pérégrin) lectus in judices sum, ut judicia quœ appellantur privata
susciperem.
144 DROIT PUBLIC ROMAIN.
curies le personnel de chaque consilium. Le seul renseignement
qui nous soit transmis est que, sur les trois premières décuries
respectivement égales , il y, en avait une qui était libre de
son service tous les trois ans, et que par conséquent leur ser-
vice était fait par deux d'entre elles (1).
La procédure par jurés s'est maintenue dans cette forme
pendant les deux premiers siècles de notre ère, sans subir, au-
tant que nous sachions, de modifications essentielles. Mais la
procédure extraordinaire (cognitio extra ordinem), c'est-à-dire
le jugement rendu par le magistrat seul, sans le concours des
jurés, n'a pas cessé de gagner de plus en plus de terrain en
matière civile comme en matière criminelle, et la rédaction de
la liste des jurés est tombée en désuétude avec la procédure
par jurés elle-même dans le cours du troisième siècle. Tout au
moins ne pouvons-nous signaler au troisième siècle de traces
de son existence (2).
6. SERVICE DE CAVALIER ET D'OFFICIER.
Les chevaliers ont d'abord été les cavaliers de la cité ; plus
tard ils en sont devenus le corps d'officiers. Pour comprendre
cette transformation, il est nécessaire d'avoir présente à l'esprit
la relation du service de cavalier avec le service d'officier.
(1) Suétone, Aug. 32 (p. 140, note 1). Sur les vacances judiciaires, cf.
Suétone, loc. cit., Claud. 23, Galb. 4, et Vita Marci, 10.
(2) Le dernier empereur dont les adlections de jurés soient attestées par
les inscriptions est l'empereur Marc-Aurèle {C.I.L. II, 1180. 111,4495.
VIJJ, 6711). L'homme âgé auquel est consacrée l'inscription de Perusia dé-
diée en 203, Orelli, 95 =C. L L. XI, 1926, peut avoir encore reçu les fonctions
de juré de cet empereur; au contraire le consul de 261 qui avait été inscrit
dans les cinq décuries au début de sa carrière, Orelli, 3100 = C. 1. L. XI,
1836) peut difficilement avoir reçu ces fonctions avant Sévère. Il est sur-
prenant que le nom de ce dernier ne se trouve nulle part rattaché à de
telles opérations.
LES CHEVALIERS. 145
La distinction des officiers et des soldats est, quant au fond, Relation du
ii •* i l li • .• »i»a « 9ervice équestre
faite de la manière la plus nette par 1 organisation militaire et du nervi
. d'officiei-.
romaine. Sont officiers, d'abord, dans l'armée primitive, la. legio,
ceux qui la commandent, c'est-à-dire parmi les magistrats, les
tribuns militaires ; sont soldats ceux qui y servent, y compris
les chefs de divisions de la légion, les centurions et les décu-
rions. Tous les corps de troupes composés de non-citoyens
sont, sous ce rapport, semblables à la légion; leurs chefs,
pourvu qu'ils soient romains, sont, tout comme les tribuns
militaires, des officiers romains. Il en est ainsi, au temps de
la République, des prœfecti socium, qui commandent Yala des
Italiens correspondante à la légion, et, depuis la guerre sociale,
des commandants mis à la tète des soldats non-romains qui sont
coordonnés à l'armée romaine et qui ont été l'origine des
auxitia de l'armée réorganisée par Auguste. Le prœfectus fa-
bruni, qui commande les ouvriers civils appelés au service, est
lui-même compté parles officiers.
Par un phénomène surprenant, il n'y a pas d'expressions
corrélatives à cette démarcation si fortement arrêtée en théo-
rie. La langue technique des Romains ne possède pas, à l'é-
poque ancienne, de terme collectif pour désigner ni le simple
soldat (1), ni en particulier l'officier. Tout ce qu'elle connaît,
c'est la distinction des magistrats attachés à l'armée comme
généraux ou comme auxiliaires des généraux, qui sortent de
l'élection populaire et qui ne reçoivent pas de rémunération (2),
et des soldats salariés, qui sont placés à leur rang par le dilec-
tus du général et qui reçoivent une rémunération, et, parmi
ces derniers, elle ne distingue pas les officiers et les simples
soldats, mais exclusivement les stipendia equestria in legione
(1) Miles est, comme on sait, le nom technique du fantassin, et, au sens
strict, il n'est employé qu'abusivement pour désigner le soldat en général.
(2) Le consul, le questeur n'est ni eques ni miles, et il ne reçoit pas de
stipendium, si bien qu'il ne meret pas (cf. merces, merx, meretrix). Il n'y a
pas à tenir compte des extensions postérieures (Tacite, Ann. 1, 64. 3, 33);
quant au tribun militaire, il n'est jamais magistrat dans l'ancien système
et il ne l'est pas toujours dans le nouveau : au moins en tant qu'il ne l'est
pas, il rentre sous l'empire de la régie générale.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2* p. 10
146 DROIT PUBLIC ROMAIN.
et les stipendia pedestria in legione (1) selon lesquels se règle
le calcul du temps de service, important sous de nombreux rap-
ports militaires et politiques (2). L'officier qui n'est pas magistrat
sert donc, selon la notion romaine, à pied ou à cheval dans la
légion.
Mais c'est une question de savoir si l'officier pouvait être
pris parmi les citoyens astreints au service de fantassin. Assu-
rément on ne peut pas démontrer que le cheval fût, d'une ma-
nière absolue et notamment à l'époque la plus ancienne, obli-
gatoire pour l'officier, quoique, par la suite, les tribuns de
légion et les officiers du môme genre fussent ordinairement
montés (3). En outre, tant que le service dans] l'infanterie fut
légalement égal au service dans la cavalerie, le général a sans
doute pu faire un officier de n'importe quel légionnaire, bien
que la préférence de fait donnée aux cavaliers puisse être
aussi ancienne que l'arme elle-même. Mais, depuis les trans-
formations de l'organisation militaire qui trouvent leur expres-
sion dans la solde triple des cavaliers (p. 72), le choix des
officiers s'est fait, avec une nécessité pour ainsi dire légale,
dans le cercle des cavaliers. La hiérarchie militaire s'oppose
tout au moins désormais au choix du tribun de légion parmi
les fantassins : car il est placé au dessus de toute la légion, et
par suite aussi au dessus des cavaliers de la légion. Les offi-
ciers étrangers à la légion peuvent avoir encore longtemps été
pris parmi les individus astreints au service de fantassin.
Mais le tribunat de légion était le type caractéristique de la
(1) La lex Jalia municipalis réunit, lignes 91 et 100, sous les mots : Quel
stipendia equo in legione III aut stipendia pedestria in legione VI fecerit, tout
l'ensemble du service des citoyens, en y comprenant nécessairement le ser-
vice d'officier. Il n'y a pas besoin d'autres textes.
(2) La loi Julia continue en disant : Quœ stipendia in castreis inve provin-
cia majorent partent sui quojusque anni fecerit aut bina semés tria quœ ei pro
singuleis annuels procedere oporteat.
(3) César, B. G. 7, 65: Quod minus idoneis equis utebantur, a tribunis mili-
tum reliquisque equitibus Romanis atque evocatis equos sumit Germanisque
distribua, et d'autres textes. Dans Ïite-Live, 44, 22, 13, le consul Paullus
promet à quiconque voudra le suivre au camp et l'y aider de bons conseils,
de le fournir ?iave, equo, labemaculo, viatico etiam.
LES CHEVALIERS. 147
condition générale d'officier. 11 est certain qu'à l'époque ré-
cente de la République tous les officiers des armées romaines
qui sont nommés par les généraux sont pris en principe dans
la cavalerie civique et que par conséquent les officiers de l'in-
fanterie sont, en droit, des cavaliers détachés dans les fonc-
tions d'officiers (1).
Le service d'officier est donc une partie du service de ca- cïtafe^dvlqùê
valier. Aucun vestige n'indique que les possesseurs du cheval COd5LSeT
public aient été avantagés sous ce rapport. Depuis que le gé-
néral a eu le droit d'employer au service de cavaliers d'autres
citoyens ayant la capacité requise, ils ont été pris comme offi-
ciers aussi bien que les équités equopublico. L'introduction pré-
coce de cette forme de service a peut-être été favorisée par le
fait que, d'une part, le général était ainsi rendu plus libre
dans le choix des officiers et que, d'autre part, les citoyens
propres à servir comme officiers et disposés à le faire pou-
vaient ainsi être choisis alors même qu'ils n'avaient pas le che-
val public.
La cavalerie civique de la légion, sur la décadence de laquelle
dut influer, moralement encore plus que numériquement, l'af-
faiblissement qu'elle subissait par suite de la sélection des
hommes propres au service d'officiers, disparut, comme troupe
distincte, dans le cours du septième siècle. Si, ce qui est dou-
teux, elle a subsisté jusqu'à la transformation de l'armée opé-
rée par Marius (2), elle a certainement été mise définitivement
(1) Il ne faut pas oublier que le service de cavalier n'a reçu aucun dé-
veloppement technique sous la République romaine et que sa distinction du
service de fantassin est plutôt hiérarchique que militaire. Aux hastati et
pilani de l'infanterie, qu'on peut assimiler aux fusiliers et aux grenadiers
modernes, correspondent, dans la cavalerie du temps de l'Empire, les ar-
chers à cheval (équités sagittariï), les lanciers (contariï) et les cuirassiers
(cataphractarii); la République ne connaît pas de formations de cavalerie de
cette espèce, et ce sont là essentiellement des dispositions étrangères em-
pruntées par les stratégistes romains de la période impériale.
(2) Nous sommes, absolument dépourvus de témoignages certains posté-
rieurs au temps de Polybe et relatifs à l'existence d'une cavalerie légion-
naire constituant un corps fermé. La turma equitum Romanorum mentionnée
par Sallustc, guerre de Jugurtha, c. G3, et les équités qu'il oppose, c. 46, aux
équités auxiliarii, qui sont regardés par Madvig, Kleinere Schriften, p. 502>
148 DROIT PUBLIC ROMAIN.
à l'écart depuis l'abandon du service obligatoire et le recru-
tement de l'infanterie de la légion fait au moyen de volontai-
res appartenant pour la plupart au bas peuple (1). A côté de
la légion démocratisée, il n'y avait plus de place pour la cava-
lerie civique aristocratiquement ordonnée. La capacité écartée
pour l'infanterie de la légion, elle ne pouvait pas être main-
tenue pour sa cavalerie, et on ne pouvait pas constituer une
cavalerie sans capacité civique. Mais le service équestre des
citoyens ne disparut pas pour cela. 11 se maintint soit dans le
service des contubemales , cavaliers qui sont des simples sol-
dats, mais qui ne servent pas dans les rangs et qui sont atta-
chés au quartier général où ils sont à la disposition du géné-
ral, soit, de la manière qui vient d'être expliquée, dans le
service d'officier. Auguste a sans doute retiré aux contubema-
les, que l'on rencontre encore dans les derniers temps de la
République, ce qui leur restait du caractère militaire (2). De-
comme une cavalerie légionnaire, peuvent être des cavaliers italiques
(p. 72, note 3) opposés aux Africains qui se trouvaient dans Farmée romaine.
(1) Puisque la guerre sociale fit disparaître les cavaliers italiques, et
qu'au point de vue militaire ce vide aurait dû être comblé par une aug-
mentation de la cavalerie de la légion, le silence au sujet de cette dernière
est d'autant plus significatif. Il est établi que les légions gauloises de
César n'avaient pas de cavalerie {Handbuch, 5, 440).
(2) Nous avons montré, dans la théorie de la Capacité d'être magistrat, au
sujet du service militaire, que le service en qualité de contubemalis s'est
maintenu jusqu'à César. Mais il doit avoir perdu de plus en plus son ca-
ractère militaire, non pas seulement parce que le service d'un cavalier qui
n'était plus dans les rangs n'était pas sérieux, mais parce qu'il y avait,
dans la cohors amicorum, de plus en plus de gens qui ne servaient même
pas nominalement. Les émoluments accordés à ces individus n'ont pas la
solde pour origine, avons-nous vu au sujet des Emoluments du magistrat,
et les comités de l'empereur et du gouverneur, qui viennent de ces contu-
bemales, sont constamment des civils, pratique dont les commencements
remontent sûrement au temps de la République. Dans l'armée des Gaules
de César, que par sa description nous connaissons jusque dans le détail, il
n'y a qu'une indication rui puisse être rapportée à cette institution (1, 39 :
A tribunis militum, prsefectis reliquisque, qui ex urbe amicitise causa Caesarem
secuti non magnum in re militari usum habebant). — Selon Appien, B. C.
2, 102, César, lors de son triomphe de 708, donna un présent double aux cen-
turions et quadruple aux tribuns militaires et aux préfets des cavaliers ;
comme le remarque avec raison Madvig, Kleinere Schriften, 1, 50J, la dernière
libéralité remplace celle du triple donné anciennement aux cavaliers ci-
toyens (p. 72, note 3); il n'est pas question de ces derniers. — La cohors prae-
ioria se composait, montre son nom, au moins principalement d'infanterie.
LES CHEVALIERS. 149
puis lui, le Romain de bonne naissance n'a plus pu servir que
comme officier (1), et le service équestre est devenu complè-
tement un service d'officier. Cette transformation trouve même
alors son expression terminologique. Du temps de la Répu-
blique, et encore du temps de César, l'année de service équestre
s'appelait stipendium équestre tout court (p. 146, note 1). Sous ^J^J^ J
le Principat, où le service de cavalier a été rétabli comme ser- Prfncii.au
vice ordinaire, cette expression désigne l'année de service du
simple cavalier (2), et au contraire la position de l'officier,
qui est toujours monté, est appelée militia equestris (3) ou
(1) La jeunesse aristocratique ne fait pas, sous le Principat, d'autre
Hrocinium que celui du tribunat militaire. Ce fut là, nous en avons la
preuve, tout le service militaire fait par Pline le Jeune.
(2) Stipendium est aussi bien employé pour ces cavaliers que pour les
fantassins. Le seul exemple qui me soit connu de stipendium équestre pris
dans ce sens est fourni par l'inscription de Garouge près de Genève, C. 1. L.
XII, 2602 : Cornicularius Comeli Gallicani leg. Aug. equestribus stipendis, item
Minici Ru fi leg. Aug.; le défunt a occupé cette fonction, comme soldat de la
première cohorte, de l'an 83 àFan88,pour devenir ensuite evocatus et centurie*.
Cet eques employé comme cornicularius était donc inférieur en grade au cen-
turion. Mais l' eques de la légion reçoit encore désormais 500 deniers alors
que le miles en reçoit 200 (C. I. L. VIII, 2551).
(3) Dans Velleius, 2, 111 : Finita eques trimilitia (tribunat et préfecture des
cavaliers, d'après le c. 104) designatus quœstor, c'est le service militaire
équestre en général qui est désigné par opposition au service sénatorial (cf.
encore 2, 118 : Arminius... adsiduus militiœ nos Iras prioris cornes, jure eticun
civitatis Romanae ejus — et non jus — équestres consequens gradus) ; dans la
langue propre des camps, qu'oublie cet écrivain, militia equestris est le
grade d'officier isolé. Le mot est employé dans ce sens d'abord par Pline le
Jeune (Ep. 7, 25, 2 : Terentius Junior equestribus militiis atque etiam procu-
ration Narbonensis provinciœ integerrime functus) et par Suétone (Claud.
25 : Equestres militias ita ordinavit, ut post cohortem alam, post alam tri-
bunaium legionis daret ; cf. Aug. 46 ; enoutre,dans la vie de Pline l'Ancien:
Equestribus militiis industrie functus, passage dont le commentaire est
aujourd'hui donné par l'inscription d'Arados, Hermès 19, 644). On trouve,
sur les inscriptions, omnibus equestribus militiis (ou mil. eq.) per functus
(functus, omatus)C. 1. L. III, 1198. 6053. 6054 (=Eph. ep. V, 53). V, 8659. VI. 8400,
aussi militiis equestribus perfunctus (exornatus), C. 1. L. VIII, 9760. XII,
on grec àizb o-rpa-rciàiv brjux[âSv], Waddington, III, 1179. Alfenus Ari-
gnotus de Thyatira, C. I. Gr. 3484. 3485, s'appelle, dans deux inscriptions,
.7ov yi/iapyo; ou àub rpiâiv y./.'.apy.olv. tandis que, dans une troi-
sième, Op. cit. 3497, ses divers grades sonténumérés : prœf. alœ, — prsepo-
situs alœ, — trib. coh., — prœpositus coh., — prœf. coh., — prœpos. coh. ; —
par conséquent, des prépositures extraordinaires sont omises dans les
premières inscriptions et les deux préfectures et le tribunat de cohorte y
sont inexactement regardés comme trois tribunats. — Tandis que là le
150 DROIT PUBLIC ROMAIN.
militia tout court (i), le calcul se faisant pour la militia comme
pour le stipendium (2). Il y a au inoins trois grades d'officiers
de cette espèce, qui sont dans un ordre hiérarchique fixe. Ce sont :
le commandement d'un détachement auxiliaire de cavalerie,
la prœfectura equitum ou alœ ; le tribu nat dans une légion ou
le tribunat d'une cohorte, qui sont égaux hiérarchiquement (3),
service est désigné comme achevé, un jeune homme de vingt-quatre ans
meurt ord(ine) equestr(is) milit(ise) comparato, C. 1. L. VI, 1615. — Exornatus
militise à côté de la préfecture de cohorte, dans l'inscription de Neapolis,
C. 1. L. X, 1493, doit sans doute viser sa concession par l'Empereur.
(1) On rencontre très fréquemment le titre a militiis : C. L L. III, 1181.
1486. 3240. 5652. VI, 1410. 2133. 3494. 3496. 3497. 3498. 3500. 3501. VIII, 2757.
2772. 5776. 7001. 7002. 9018. 9023. 9045. 9047. 9048. X, 4861 (4860, du même
personnage de Venafrum, au lieu de cela : trib. leg. VI,... I). Eph. ep. II,
413. Orelli, 3560. Brambach, 398 ; en grec, àrcb arparicôv, C. 1. Gr. 4499, ou
<7fpaTEU(ra[jLevoç, C. I. Gr. 5790 ; aussi vira militiis (car c'est ainsi qu'il faut ré-
soudre l'abréviation mill.) Henzen, 5816. A ducenariis (C. I. L. XIV, 2939) a
sans doute le même sens.
(2) Parmi les écrivains, Appien seul mentionne les trois militise, Diss.
Epict. 4, 1, 37 et ss. L'esclave souhaite la liberté, l'affranchi les anneaux
d'or, celui qui les a reçus les trois services [tiré yrpw : av \ùv crpaTs-jcrco-
fxat, àTr^XXayrjV Ttavtiov xàSv xaxwv. SxpaTE-JSTai. Ylâayzi ôaa [xaortyiaç xai oCSsv
t|ttov Ôeuxépav cdxzi crpa-ret'av xa\ rpcTT|v), puis enfin l'ambitieux souhaite
l'honneur suprême, le rang sénatorial. On trouve la militia prima (C. I. L.
XIV, 2947 : Quem imp. Cœsar — suivent les noms de Commode — agentem
setatis annum XIIII militia prima prœfecturae eqidt. Brauconum a\ — c'est-à-
dire quingenarise — exornare dignatus est), la militia secunda (C '. l.L. VI, 2131,
dédié en 240 à une vestale, pro conlatis in se beneficiis equestr. ordin., item
secundae militise, jEmilius Pardalas trib(unatu) coh. 1 Aquitanicœ petito ejus
ornatus), et la militia quarta (Brambach, 991 : Militise quarts : C. I. Gr. 4488:
Te-£i!XY][jtivo; Û7ib twv ôetoxàirtov aÙToxpa-opwv tetcxptïjç crpa-slaç), plus fré-
quemment a militiis tribus (C. 1. L. VIII, 2399; au lieu décela, a mili-
tiis,23%. 2397; prsef. coh., — trib. coh., — prsef. aise. — 2394. 2395, toutes
les cinq consacrées au Thamugadensis M. Plotius Faustus) ou tribus militiis
perfunctus (C. I. L. VIII, 9327), en grec xàç y' cn-paret'aç ê7ucpavâ>; aTpaT6uaa[XE-
voç (Melos, Bull, de corr. Hell. 2, 523) en outre a quattuor militiis (C. I. L.
VIII, 2732) ou quattuor militiarum (ainsi ou dans l'ordre inverse C /. L. VI,
1624. 3495. 3499). — On comparera les remarques faites tome I, dans
la théorie des Emoluments du magistrat, sur l'emploi semblable de sala-
rium. C'est Léon Renier (Mélanges d'épigraphie, p. 234) qui a le premier
établi que les très militise, dont le sens avait été longtemps controversé,
devaient être entendues de l'occupation des grades équestres d'officiers.
(3) Le prœstantior ordo tribuni, comme l'appelle Stace, 5, 1, 94 (voir
tome V, la partie de Vlmperium du prince, sur les nominations d'officiers)
par opposition à la préfecture de cohorte, comprend également le tribunat d<;
cohorte et le tribunat de légion. De nombreuses inscriptions le prouvent.
LES CHEVALIERS. 151
et le commandement non-tribunicien d'un détachement auxi-
liaire d'infanterie, la praefectura cohortis (1). A ces postes
s'ajoutait probablement encore la prgefectura castrorum (2),
et il y avait peut-être encore d'autres postes d'officiers égale-
ment réguliers et équestres (3). Au contraire les postes ex-
traordinaires, qui se rencontrent en grand nombre et avec une
grande diversité, sont bien traités d'une façon analogue, mais,
semble-t-il,ils ne s'appellent pas militiœ et ils ne comptent pas
comme tels (4). — Il faut distinguer de ces postes d'officiers
proprement dits les fonctions militaires plus élevées, non seu-
lement celles qui sont liées avec des fonctions de magistrats,
mais aussi les fonctions purement militaires importantes,
comme le commandement de légions et le commandement des
flottes. Ces fonctions, qui ne sont jamais appelées militiœ (5),
Voir surtout C. I. L. IX, 5835. 5836 : tribunatde la coh. XXXII voluntariorum
revêtu entre deux tribunats de légions. Ce n'est pas ici le lieu d'insister
sur la gradation existant entre les tribunats, en particulier sur la situa-
tion de ceux de la capitale en face des provinciaux.
(1) L'ordre hiérarchique suivi par Claude, d'après Suétone, p. 149, note 3 :
trib leg., praef. aise, praef. coh. ne peut avoir eu qu'une existence tran-
sitoire (Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte, 1, 2, 7) et est aussi signalé comme
une anomalie par Suétone. Stace, loc. cit. et, sauf de faibles exceptions, les
inscriptions attestent que le praef ectus alae est au dessus du tribun de légion.
(2) Cette préfecture figure communément parmi les militiœ et ne peut pas
être regardée comme une fonction extraordinaire.
(3) Le commandement des cavaliers de la légion (voir le tome V, au pas-
sage cité p. 150, note 1) parait aussi être une militia ; mais ce n'est pas
sur, et ce grade lui-même a disparu de bonne heure.
(4) Tels sont notamment tous les commandements des prsepositi que les
inscriptions d'Arignotus citées p. 149, note 3, excluent des militiae. Ce n'est
pas ici le lieu d'en faire une liste plus étendue.
(5) C'est ce que montrent soit la terminologie (C. I. L. V, 8659 : Omnibus
eques tribus militiis functus comme début delà carrière, et comme fin: praef.
classium praet. ; VIII. 9327 : Tribus militiis per functus, puis, après une pro-
curatèle, prsef. classis Germanicae), soit la réunion faite" partout, dans les
cursus honorum, des militiae ordinaires et des postes extraordinaires corres-
pondants, d'un côté, et, de l'autre, des fonctions publiques. Le classement
de la préfecture de la flotte parmi les militiae dans l'inscription de Lanuvium
antérieure à 734 d'un tr. mil., praef. eq. et classis, C. I. L. XIV, 2015, s'expli-
que par l'idée que cette préfecture n'était pas alors encore considérée comme
une fonction publique. Rien n'a plus nui à la conception correcte de ces
institutions que la méconnaissance de la démarcation profonde existant
entre les grades d'officiers et les fonctions publiques non-sénatoriales. — A
la vérité, les militiœ elles-mêmes sont comptées parmi les honores dans le
service
d'officier.
152 DROIT PUBLIC ROMAIN.
sont traitées absolument comme les fonctions civiles et sont
partagées comme elles entre les sénateurs et les chevaliers :
nous aurons à y revenir dans la section qui suit.
concession par Pour les grades d'officiers proprement dits, les militiae, c'est
l'empereur de la
capacité d'être exclusivement l'Empereur qui confère ou retire la capacité de les
officier. x x x
occuper, par la concession du cheval public désormais séparée
de la censure. Le service du citoyen equo privato disparaît;
et il en est de même de la nomination des tribuns de légions
par les comices (1). C'est pour tout officier une condition
préliminaire de justifier de son aptitude à être chevalier et
d'être admis parmi les chevaliers par l'empereur.
Exclusion dos Les sénateurs sont exclus, sous le Principat, de tous cesgra-
sénateursdu *■■•»*». -^ i in
des d officiers. Dans le système des Gracques, le tnbunat mili-
taire comitial (2) et sans doute aussi celui conféré par le gé-
néral leur étaient restés accessibles. Depuis qu'Auguste se fut
attribué la nomination exclusive des officiers et qu'il eut fait
du cheval équestre la condition nécessaire d'occupation du tri-
bunat militaire et des nouveaux commandements auxiliaires
mis auprès de lui, les futurs sénateurs ont bien, en leur
qualité de chevaliers et tant qu'ils le restaient, générale-
ment servi comme officiers (3) ; mais ils ne l'ont jamais fait
langage non-technique. Des inscriptions du temps d'Auguste disent :
Usus... castresibus Cœsaris Augusti summis equestris ordinis honoribus et
jam superiori destinatus ordini {C. I. L. IX, 3158) et [In] cas tris divi Aug.
s[ub] P.Sulpicio Qulrlnio le[g. Aug.] Cœsaris Syrise honoribus decoratus, {Eph.
ep. IV, p. 538), en faisant allusion aux deux préfectures de cohortes qui sui-
vent immédiatement.
(1) V. tome IV, la théorie des Officiers magistrats, sur la décadence et
la disparition des tribuni militum a populo. Chose caractéristique, ils survi-
vent sous Auguste, mais en inactivité, et ensuite ils disparaissent, proba-
blement sous Tibère.
(2) Gicéron, Verr. act. 1, 10, 30, indique comme étant jurés dans le procès
de Verres, par conséquent comme étant sénateurs, trois tribuns militaires
désignés.
(3) Voir tome II, dans la partie de l'Eligibilité, la section du service
militaire. Même pour le futur sénateur, c'est-à-dire pour le tribunus lati-
clavius, cela se comprend de soi et Velleius le dit expressément (p. 149,
note 3). Dion, 53, 15, fait ressortir de la manière la plus précisela distinc-
tion existant entre le service d'officier du futur sénateur et celui du cheva-
lier ordinaire : 'Ex 8i Syj tojv ïtctcécov totfç te x^tc*PXoyC xai T0U? PouXeûaovTa;
LES CHEVALIERS. <53
après être entrés dans le sénat. Par une nouvelle déchéance, ^^cheev™scide
qu'elle ait été fondée sur des motifs pratiques, sur des motifs rang sénatorial,
politiques ou sur les deux à la fois, les chevaliers de rang
sénatorial ont été exclus du commandement des troupes auxi-
liaires et restreints au tribunat de légion (1).
Si par conséquent il n'y a de pris comme officiers que ceux Nomination des
qui sont désignés comme en ayant l'aptitude par la concession l'empereur.
du cheval équestre, la nomination exclusive des officiers par
l'empereur est elle-même une conséquence nécessaire de ce
qu'il est le seul général ayant le commandement et qu'il n'y a
pas dans tout l'empire d'autres soldats que les siens, ainsi que
nous l'avons déjà montré en décrivant la puissance impériale.
Nous avons expliqué là que ces brevets étaient délivrés par
l'empereur lui-même avec l'aide de son secrétaire de cabinet,
et que les fonctionnaires pouvaient bien en fait exercer une
influence sur ces nominations, mais qu'officiellement ils n'y
participaient pas. Il n'y a pas de limites d'âge auxquelles ces
nominations soient subordonnées, et elles sont faites, au moins
à l'époque récente, avec le même arbitraire que la concession du
rang équestre elle-même (p. 93, note 3). Les limites tracées par
l'organisation hiérarchique des militiae sont observées pour ne
pas permettre à l'avancement de se transformer en dégrada-
tion. Mais le souverain n'a pas limité plus étroitement sa li-
x*\ to"j? Xotiiouç... 6 avToxpaxoop roùç jxèv èç ta 7ioXtTixà rsr/rj [xôva (c'est-à-dire
dans les camps permanents des troupes de citoyens, des légions et de la
garnison de Rome), xoùç Se xal èç ta i-evixà (les castra alarum et cohortium)
KTCoaréXXet, wo-rcep t6te (c'est-à-dire en 727) 7ipbç tou aùrou (Reiske : TcpcoTO'j
ou A.v>yoÛ<xtou) Kaiaapoç èvojxîtrOrj.
(1) Le fait de la déchéance impliquée par là n'est pas douteux ; car
la préfecture de la cavalerie est supérieure en rang au tribunat de légion,
et même pratiquement les commandants des aise et des cohortes, qui avaient
d'ordinaire des campements séparés, ont nécessairement une situation
plus importante que le tribun de légion qui est sous les ordres du légat et
a à ses côtés cinq collègues ayant des droits égaux aux siens. Quant au
motif, à côté de la tendance générale du gouvernement impérial à restrein-
dre le plus possible l'influence militaire des sénateurs, la considération
que les officiers de rang sénatorial suivant une carrière normale entraient
dans le sénat et par suite sortaient de l'armée à 25 ans peut avoir joué
un rôle.
154 DROIT PUBLIC ROMAIN.
berté d'action, et il n'a introduit ici aucun ordre d'avancement
proprement dit. Il est tout à fait habituel de voir plusieurs
postes de la même catégorie occupés l'un après l'autre (1), et
aussi de voir les fonctions de la seconde classe ou môme de la
troisième accordées sans occupation préalable de celles de la
première (2) : la carrière des officiers est donc bien, sous ce rap-
port, analogue à celle des magistrats de la République, mais
cependant avec des formes beaucoup plus libres.
Il n'y a pas d'avancement régulier qui conduise au grade
d'officier le plébéien obligé au service de simple soldat. Cepen-
dant non seulement le soldat qui a obtenu le poste le plus élevé
qui lui soit accessible dans l'ordre d'avancement régulier reçoit
fréquemment de la faveur impériale la concession du cheval
équestre (3); mais encore l'entrée de tels vétérans dans la
carrière d'officiers a été encouragée dès les premiers temps de
l'Empire (4). Plus tard, lorsque le gouvernement impérial
entra de plus en plus en conflit avec les hautes classes et s'ap-
puya contre elles sur les couches inférieures du peuple, une
institution propre fut établie à cette fin, celle des aspirants,
(1) Préfecture de cohorte occupée trois fois : C. I. L. V, 875. — Tribunat
occupé trois fois : C. 1. L. IX, 1835. 1836 ; il l'est fréquemment deux fois.
— Praef. eq. deux fois: C, L L. III, 5^11 — 5216. Par conséquent, tout chan-
gement de fonctions n'est pas ici nécessairement, comme pour les magis-
tratures, un changement de classe hiérarchique.
(2) La préfecture des cavaliers comme première militia est rare. L'ins-
cription citée p. 150, note 2, en fournit un exemple certain ; celle dePesaro
citée par Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte, 1, 125, en est un douteuse.
(3) Martial, 6, 58, appeJle expressément le cheval équestre pili prœmia,
Handbuch. 5, 377.
(4) L'emploi équestre de prsefectus castrorum est donné de préférence à
des primilaires, qui occupent encore souvent auparavant le tribunat de lé-
gion, Eph. ep. I, p. 91. Le primipilaire reçoit surtout fréquemment le tri-
bunat dans les cohortes urbaines (C. L L. II, 2424. V, 534. 8G7. 7003. VI,
1599. 1626. 1636. X, 1202. 4872. 5S29), plus rarement une préfecture de co-
horte (C. L L. X, 4862). — Dans la formule : Ordinibu équité Roman[o]
(C. I. L. X, 1127, où la restitution est défectueuse), qui se trouve entre les
postes non-équestres et les postes équestres, ce doit être la concession du
cheval équestre qui est exprimée; mais je ne trouve pas de restitution con-
venable de la lacune .
LES CHEVALIERS. 155
militiae petitores, pris non pas exclusivement, mais pour la
plupart, parmi les vétérans de l'armée (1).
Au droit exclusif des chevaliers d'occuper ces postes corres- obligation de
ii in . il T . , servir comme
pond leur obligation de les accepter. Le service d officier n étant officier.
à Rome qu'une forme du service de cavalier, il tombe sous la
règle générale du service obligatoire. A la vérité, cette règle
perd de sa rigueur à la fin de la République, soit en général
soit surtout pour le service d'officier qui, de sa nature, a une
tendance à être volontaire. Mais le principe que le service est
obligatoire pour les citoyens n'a pas été complètement oublié,
môme à cette époque, et il en a été fait, dans les moments de
crises, des applications pratiques (2); ce qui a dû être vrai
pour les officiers comme pour les autres. Dans l'organisation
militaire d'Auguste, le refus du cheval équestre lui-même
était peut-être inadmissible (3); en tout cas, pour celui qui
l'avait reçu, l'invitation d'occuper un grade d'officier n'était
pas moins un ordre que celle d'être juré. Des peines ont été
prononcées pour désobéissance à des ordres de ce genre (4).
0) Ainsi que je l'ai expliqué Bull. delVInst. 1868, p. 144, les militiae peti-
tores dont l'existence est attestée par des inscriptions sont ou des vétérans,
pour la plupart, peut-être tous des prétoriens (C. I. L. VI, 2485 et sans
doute aussi 35i9; en outre 2488. 3548), ou des jeunes gens de bonne famille
(C. /. L. VI, 3550. XIV, 2429 = VI, 2606 ; Eph. epigr. V, 1300) ; les der-
niers s'intitulent équités Romani, les premiers le sont aussi sans doute, et
tous sont des aspirants aux militiae équestres. Cette situation d'aspirant est
au moins, dès l'époque de Commode (VI, 3550, est de cette époque), devenue
l'objet d'un titre officiel ; il doit sans doute y avoir eu une certaine
activité rattachée à la candidature elle-même.
(2) Dans la guerre d'Italie, on infligea la peine capitale à un individu
qui s'était mutilé pour se soustraire au service militaire (Val. Max. 6, 3, 3)
(3) On ne peut tirer aucune conclusion relativement aux institutions
légales des difficultés auxquelles Auguste se heurta pour la formation de
la liste des jurés et de la recherche postérieure de la condition de chevalier
décrite par Pline. Si celui qui voulait servir en qualité de centurion pou-
vait résigner le cheval équestre, c'était naturellement toujours avec le
consentement du prince, qui donnait lui-même le centurionat.
(4) Suétone, Aug. 24 : Equitem Romanum, quod duobus filiis adulescentibus
(qui par conséquent étaient chevaliers romains ou destinés à le devenir)
causa detractandi sacramenti pollicem amputasset, ipsum bonaque subjecit
hasUe. C'est l'ancienne procédure contre Vincensus et ceux qui lui sont
assimilés.
156 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Le principe du service obligatoire est commun à la militia de
l'officier et au stipendium du soldat, c'est là le grand fonde-
ment de la distinction faite entre le service équestre d'officier
et les emplois équestres. Si le service fut déjà rendu par Au-
guste plus rigoureux pour les membres du second ordre qu'il
ne l'avait été antérieurement par suite de la noncbalance de
la République, la rigueur en fut encore accrue par la suite :
les officiers furent obligés de continuer leurs fonctions jusqu'à
un certain terme, de môme que les soldats doivent rester au
service pendant un temps déterminé. Peut-être depuis le règne
de Claude (\), certainement depuis le commencement clu se-
cond siècle, le chevalier est tenu d'occuper successivement un
certain nombre de grades d'officiers ordinaires, trois dans la
période antérieure à Sévère, quatre dans la période posté-
rieure (2). Après cela, de même que le soldat se qualifie de
(1) Les mots stipendiaque institua qui suivent, dans Suétone, Claud. 25,
ceux rapportés p. 149, note 3, ne peuvent, à la place où ils sont, être com-
pris dans un autre sens. Parmi les carrières peu nombreuses de ce genre
que nous avons pour le premier siècle, on peut citer le grand-père maternel
de Vespasien, tribun trois fois et prœf. castrorum (Suétone, Vesp. 1) ; du
temps d'Auguste et de Tibère, un trib. mil., prœf. levis armaturœ (sans doute
un emploi extraordinaire), prœf. castrorum (C. I. L.X, 4868); de celui de Ves-
pasien, un personnage qui ixx.tpraef.coh. trois fois, trib. leg., prœf. eq. (C. I.
L. V, 875).
(2) Garacalla accorda d'abord à un tribun militaire qu'il favorisait
les militiœ qui lui restaient (ocûtov tocÎç Xoiuaîç orpaTecaiç Èas[Avuvs), puis
il le fit sénateur (Dion, 77, 8). On ne pouvait parler d'accomplissement
de « toutes » les militiœ ou « des trois» (-à; y' arpaxeca;), militiœ, (p. 149, note
3; p. 150, notes 1 et 2) que parce qu'il pouvait en être exigé légalement un chif-
fre fixe; c'est absolument ainsi qu'omnibus honoribus functus se rapporte à
l'obligation des municipaux de revêtir les fonctions municipales imposées
par la loi. Les plus anciens témoignages sur ce langage sont ceux de Pline le
Jeune et de Suétone; dans les inscriptions, cette façon de parler est naturel-
lement plus récente comme expression technique ; le plus ancien exemple
restant est la militia prima du temps de Commode. — La différence des
très militiœ primitives et des quattuor militiœ postérieures correspond sans
doute à une augmentation du nombre d'années de service des simples soldats
accomplie dans le cours de l'Empire; les premières appartiennent visible-
ment à une meilleure époque que les secondes. Parmi les inscriptions des
quatre militiœ, il y en a deux de datées, C. I. L. VIII, 2732, de 211-212 et
VI, 1624, de 247-248; par conséquent, l'augmentation pourrait venir de
Sévère et il faudrait regarder comme le temps des trois militiœ peut-être
déjà le premier siècle de notre ère et certainement le second. — On a jus-
LES CHEVALIERS. 157
veteranns, il se qualifie d' omnibus equestribus militiis functus,
onde formules abrégées correspondantes, en ajoutant aussi par-
fois les chiffres trois ou quatre (1). Sous ce rapport, le service
qu'à présent regardé comme constituant les trois militiœ la préfecture de
cohorte, le tribunat et la préfecture des cavaliers. Mais c'est en contradic-
tion avec toutes les inscriptions qui énumèrent les militlse ; car, si on y
trouve assez fréquemment la série de toutes trois, il n'est pas rare qu'elles
y soient mises dans un autre classement ; ce sont les grades d'officiers ordi-
naires, de quelque espèce qu'ils soient, qu'on énumère. Ce système est en
outre condamné par de nombreuses objections de détail. La préfecture des
cavaliers est, pour l'officier qui commence par elle, la mililia prima (p. 150,
note 2). On rencontre un a militiis qui par exception n'a pas occupé la pré-
fecture de cohorle (C. L L. X, 4860. 4861, p. 150, note 1). La prœfectura cas-
trorum, qui serait exclue, est sûrement une militia equestris. Enfin il n'est pas
possible, dans ce système, de trouver une interprétation de la quatrième
militia ajoutée probablement sous Sévère ; le primipilat, que l'on considère
habituellement comme constituant cette quatrième militia, conduit bien fré-
quemment au rang de chevalier, mais il ne peut en aucune façon être con-
sidéré comme une fonction donnée en vertu du titre de chevalier.
(1) Le chiffre est seulement omis dans le titre amilitiis (p. 150, note 1), comme
le prouvent directement les inscriptions de Faustus, CI. L. VIII, 2396. 2397.
2399. Ce titre n'est rien autre chose qu'une . abréviation ; la preuve en ré-
sulte, d'une part, de sa présence fréquente dans les inscriptions où les titres
officiels complets sont remplacés par des indications sommaires, et, d'autre
part, de ce que nous possédons, dans trois cas (Thamugadi, C I. L. VIII,
2394-2399; Venafriim, X, 4860. 4861; Thyatira, CI. Gr. 3484. 3485.3497) des
inscriptions relatives aux mêmes personnes donnant à la fois l'énuméra-
tion des grades occupés et le titre abréviatif. L'inscription de Mayence
(Brambach, 991) d'un ex prœfecto exploratorum Divitensium, militiœ quartœ
n'est pas en contradiction avec la règle ; car il est plus que douteux que cet
emploi puisse être compté parmi les militiœ ordinaires. La contradiction
existe au contraire dans deux inscriptions d'Auzia, l'une (C. I. L. VIII,
9045) donnant l'ordre suivant : Trib. coh. IllI Syng(ambrorum), a mil., pri-
mus pilus, trib. coh. 1III vig., ex dec. aise Thracum, praepositus vex(illationi)
eq(uitum) Mauror(um), l'autre (C. I. L. VIII, 9047) de 260 ainsi conçue : Prœf.
coh., — trib. coll., — a mil., — praepositus coh. sing(ularium) et vex(illationi)
eq(uitum) Mauror(um) in territorio Auziensi prœtendentium. Mais ces inscrip-
tions sont en discordance avec toutes les règles connues sur la suc-
cession des fonctions, et la seconde en particulier parait faire complètement
abstraction de ces régies. — Les tentatives faites pour expliquer autrement
le titre a militiis me paraissent avoir été infructueuses. Henzen, Bull.
dell'inst. 1856. p. 92, objecte à la supposition que Servilius Fortunatus, a
militiis, C. l.L. VIII, 2778, ait revêtu les trois ou quatre grades d'officiers,
la présence de son frère, C. I. L. VIII, 2973, comme simple soldat dans la
légion ; mais la différence de rang est la même, quel que soit le nombre des
militiœ, et le pluriel employé suffit pour empêcher de les restreindre à un
seul grade. Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte, 1, 250, a conclu de ce qu'on ne
trouve pas de procurateurs avec le titre a militiis, que [les personnes ainsi
4 58 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d'officier se distingue de celui de soldat, et à son désavantage,
seulement en ce que la durée d'occupation des divers grades
d'officier est indéterminée : elle dépend, pour les officiers
comme pour tous les fonctionnaires impériaux, du moment où
ils seront relevés de leur poste par la volonté impériale (1).
D'ordinaire, les officiers des armées impériales restent plusieurs
années dans le même poste (2). Par conséquent, le titre de
tribun ou de préfet semestriel (semestris), c'est-à-dire le droit
de demander son congé au bout d'un an de service, ou plutôt,
la majeure partie d'une année comptant militairement pour
une année, au bout de six mois, constitue un privilège (3). Ad-
qualifiées avaient une situation militaire essentiellement nominale ; mais
cette omission s'explique plutôt par le fait que ce titre ne se présente dans
le cursus honorum que rarement et le plus souvent comme qualificatif hié-
rarchique.
(1) Ni le service de soldat, ni pareillement celui d'officier ne sont sou-
mis au principe del'annalité, et les conséquences de ce principe, l'itération
et la prorogation, y sont par suite inconnues. Le tribunat militaire co-
mitial lui-même commence bien le 1er janvier; mais il ne se termine pas
avec la fin de l'année (v. tome IV, sur sa durée, la partie qui lui est rela-
tive). Seulement la durée 'de fait du service se compte par lo nombre des
années de solde qu'on a reçues. Auguste, en enlevant au service des cheva-
lier le caractère de stipendium équestre (p. 149), l'a en même temps sous-
trait au calcul des années de service usité pour les simples soldats, et il a
fait par là la distinction du service d'officier et de celui de soldat se mani-
fester également dans la terminologie.
(2) De deux tribuns de légions, de l'ordre équestre, du premier siècle,
l'un a servi Alexandr{ex) ad JEgyptum ann. VII1I, l'autre in Hispania ann.
V (C. I. L. III, 399).
(3) Pline, 4, 4, 2 : G, Calvisium... rogo semestri tribunatu splendidiorem . . .
facias. Juvénal, 7, 89 : llle (l'influent pantomime Paris) etmilitiœ multis largi-
tur honorem semenstri (il faut sous-entendre, d'après le sens, tribunatu impe-
trato). Des inscriptions de Trebula Mutuesca, C. I. L. IX, 4883. 4886,nomment
un ducenar(ius) tri(bunus) sem{enstris) leg. XXII primig., prsef. semens{tris)
coh. I classicœ. Le légat de Lusitanie écrit, en 238, dans l'inscription de
Thorigny : Semestris epistulam, ubi propediem vacare cœperit, mittam ; cujus
militiœ salarium, id est (sestertium) XXV {milia) n(ummum), in auro suscipe.
Les tribuns de légions portent fréquemment dans les inscriptions ce quali-
ficatif honorifique (C. 1. L. III, 101. VIII, 258G). — J'ai déjà présenté l'in-
terprétation donnée ici du texte de Juvénal, dans mon commentaire de l'ins-
cription de Thorigny, Berichte der Sachs. Gesellschaft, 1852, p. 250, et elle a
généralement été admise. Vahlen dans les Sitzungsberichte de l'académie de
Berlin, 1883, p. 117G,a défendu la construction : Semestri digitos vatum ligat
auro, en entendant par semestre aurum l'anneau équestre du tribunat se-
mestriel. Mais il est incorrect d'appeler, à cause d'un poste équestre occupé
LES CHEVALIERS. 459
mettait-on ailleurs, au moins engendrai, une durée déterminée
pour la militia, c'est possible, mais cela ne peut pas être prouvé.
S'il n'y en avait pas, si par conséquent la limitation numéri-
que des trois ou quatre militiœ n'impliquait pas de limitation
chronologique, on ne voit pas bien à quoi il servait de les
compter et comment on pouvait parler, en cette matière, de
temps de service terminé. Ce singulier système vient probable-
ment de ce qu'on jugeait nécessaire de limiter théoriquement le
service à cause de son caractère obligatoire et que cependant le
gouvernement impérial ne voulait pas ici se lier réellement. C'est
pour cela que Ton fixa nominalement un certain nombre de
militim comme maximum du service et que l'on rendit cette
limite illusoire par la durée indéterminée de chacune. Ce chif-
fre est le maximum du service incombant au chevalier ; les
cas fréquents de service moindre le montrent (p. 170) et cela
se comprend de soi. Le gouvernement, qui donnait certaine-
ment le cheval équestre à beaucoup de personnes non pas
pour en faire des officiers, mais pour les employer comme jurés
ou tout simplement pour leur accorder une distinction honori-
fique, n'avait garde de s'imposer l'embarras de commissionner
à trois reprises un officier impropre ou désagréable; on aura
aussi sans doute considéré équitablement que l'occupation pro-
longée d'une seule charge pouvait à elle seule suffire à consti-
tuer la moyenne de service exigée des membres des hautes
classes. — On n'ajamais exigé des chevaliers de'rang sénatorial
qu'une seule unité de service. Une raison eut suffi pour empê-
cher de leur appliquer la règle générale; c'est qu'ils perdaient,
six mois, aurum semenstre l'anneau équestre qui est acquis à vie, et surtout
la concession d'une militia ecjuestris ne peut pas être considérée comme une
concession de l'anneau, puisqu'elle en présuppose la possession. En outre,
le second vers serait alors une simple répétition du premier, tandis qu'en
réalité Juvénal dit que Paris procure à ceux qui sont chevaliers des postes
d'officiers et à ceux qui ne le sont pas des anneaux de chevaliers. — Le
tribunat, qui est en fait de six mois, doit, conformément à la major pars
anni de la loi Julia municipale, être légalement regardé comme annal ; la
preuve en est la réapparition du chiffre d'appointements du tribunus se-
menstris comme appointements annuels du tribun dans la vita Claudii, 14.
Cf. tome 1, la théorie des Emoluments des magistrats.
160 DROIT PUBLIC ROMAIN.
par leur entrée forcée au sénat, c'est-à-dire en moyenne à vingt-
cinq ans, le droit d'occuper des postes d'officiers.
Nous ne savons rien de précis sur les grades nominaux d'of-
ficiers, qui ont été donnés depuis le temps de Claude (1). La
prœfectura fabrum, qui est, au sens propre, un grade d'officier
et qui est un honneur équestre fréquemment accordé sous
l'Empire, est étrangère à notre sujet, comme ayant perdu son
caractère militaire sous le Principat et comme n'étant qu'excep-
tionellement conférée par l'Empereur (2).
L'organisation donnée par Auguste au corps des officiers
s'est maintenue, nous en avons la preuve, jusqu'aux environs
du milieu du ine siècle (3). Le tribunat de légion a disparu
alors (4), et il n'est point passé dans les institutions mili-
taires de Dioclétien, qui ont au contraire conservé la préfecture
des cavaliers, le tribunat de cohorte et la préfecture de
cohorte.
(1) Suétone, Claud. 25 (après les mots cités p. 156, note 1) : Et imaginarix
militiœ genus (instituit) quod vocatur supra numeram, quo absentes et titulo
tenus fungerentur. Il n'est pas rare de trouver dans des inscriptions muni-
cipales le tribunat de légion sans indication de la légion et sans qu'il soit
lié à d'autres postes d'officiers (par exemple, C. I. L. X,337. 1065.4736.4749.
5186. 5401. 5581. 5582. 5713. 6228). L'indication de la légion ou le complé-
ment a populo peut être omis. Mais ces inscriptions peuvent aussi se rap-
porter aux militiœ surnuméraires de Claude.
(2) V. tome III, ce qui est dit des nominations des officiers dans la
théorie du Consulat.
(3) Le tribunat de légion se rencontre dans l'inscription de Thorigny de
l'an 238 et dans une autre inscription, C. 1. L. X, 7946, du temps de Phi-
lippe.
(4) Chose singulière, le complément militum, qui est propre au tribunat
de légion par opposition au tribunat de cohorte, se rencontre, à l'époque la
plus récente, chez un tribun des Jovii juniores (C. 7. L. V, 8753) et en par-
ticulier chez le tribunus et notarius. Orelli, 3161 = C. 1. L. VI, 1727 (vers
Tan 400) : Post juges excubias militix tribuno militum ; cf. Cassiodore, Var.
6, 3 : {Prœfectus prxtorio)militia perfunctis tribunorum etnotariorum honorem
tribuit.
LES CHEVALIERS. 161
/. LES FONCTIONS ÉQUESTRES.
C. Gracchus avait eu la pensée de mettre à côté de la no- Dstmction des
.,,».. . n . , , fies fonctions
blesse héréditaire en possession du pouvoir une seconde classe sénatoriales et
qui le partagerait avec elle et de diviser les fonctions publiques
en les confiant pour une partie exclusivement à la première et
pour l'autre partie exclusivement à la seconde. Auguste (1) reprit
la même pensée en l'étendant : il rendit à la seconde classe
la possession exclusive des tribunaux, comme elle l'avait
du temps des Gracques; en outre il attribua exclusivement à
la môme classe le service d'officier, dans la mesure où il était
regardé comme une prestation obligatoire; enfin il parta-
gea les fonctions publiques, c'est-à-dire tous les emplois pu-
blics qui n'ont pas le service obligatoire pour fondement, entre
les deux ordres privilégiés. Nous devons nous occuper ici delà
partie de ces fonctions qui revient à Tordre équestre. Le prin-
cipe directeur était que le prince confiait à l'ordre équestre, qui
pouvait être plus étroitement rattaché à la personne du monar-
que que les membres de l'ordre sénatorial, les circonscrip-
tions administratives et les branches de l'administration
qu'il considérait comme le concernant plus immédiatement.
Mais la possession a joué un rôle dans cette répartition. Si la
qualité de sénateur est requise sous l'Empire pour commander
une légion, c'est-à-dire pour occuper l'emploi purement mili-
taire qui était le plus considéré et le plus important parmi tous
ceux qui n'étaient pas liés avec les fonctions de magistrat,
ce commandement a pour origine historique la part que le
sénat prenait au commandement des armées par les délégués
permanents adjoints au général (2), et il est très probable
que cela a été une considération décisive. A plus forte rai-
son, les sénateurs ont conservé toutes les fonctions qui im-
(1) Et non pas seulement Claude, comme pense Hirschfeld, Verwaltungs-
geschichte, 1, 288.
(2) V. tome IV, la partie des Légats, in fine.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. \\
éque«tres:
162 DROIT PUBLIC ROMAIN.
pliquaient directement la possession de Yimperium du temps
de la République. Au contraire, c'est aux chevaliers qu'ont échu
les nouvelles provinces, les nouvelles troupes auxiliaires et les
flottes nouvellement constituées. L'exclusion jalouse de l'ordre
sénatorial des fonctions militaires, qui caractérise le Principat
depuis les Sévères, est étrangère au système d'Auguste. C'est au
sénat qu'y restent absolument les emplois civils et militaires
les plus élevés, la participation officielle au gouvernement et
au pouvoir législatif dans le conseil, la possession exclusive
des fonctions qui correspondent à nos postes de généraux et de
gouverneurs de provinces. Mais, en remarquant, d'autre part,
que toutes les places de jurés ou d'officiers, toutes les fonctions
financières et tous ceux des emplois administratifs et militai-
res qui, bien qu'occupant un rang moins élevé, ont un caractère
spécial de poste de confiance appartenaient à l'ordre équestre,
on peut se demauder qui, d'Agrippa ou de Mécène, avait le rôle
le plus important dans la constitution d'Auguste. Notre but
n'est pas d'étudier ici les fonctions équestres ni en elles-mêmes
ni dans leurs relations avec les fonctions sénatoriales (1). Mais
nous ne pouvons nous abstenir d'en donner, au point de vue
politique, un bref aperçu.
Gouvernements Parmi les circonscriptions administratives impériales, l'E-
équestres. _ ,
gypte, la province de beaucoup la plus importante au point de
vue des finances de l'empire et de l'influence sur la capitale, qui
était à la merci des flottes de blé d'Egypte, fut, dès la première
constitution du Principat, réservée aux chevaliers et par suite
absolument fermée aux sénateurs (2). De même les circonscrip-
(1) L'énergie avec laquelle était comprise la division de l'administration
entre Yuterque ordo est prouvée par la menace de Néron d'écarter le sénat
et de gouverner exclusivement avec les chevaliers et les affranchis (Sué-
tone, Ner. 37 : Se... eum ordinem sublaturum quandoque e re publica ac pro-
vincial et exercitus equiti Romano aclibertis permissurum). Cette division n'a
rien à voir avec le partage de la souveraineté entre le sénat et le prince ;
l'administration impériale s'étend bien au delà des limites de l'administra-
tion des chevaliers.
(2) Tacite, Ann. 2, 59 : Augustus inter alia dominationis arcana vetitis nisi
permissu ingredi senatoribus aut equitibus Romanis illustribus (cf. p. 173,
note 2) seposuit Mgyptum, ne famé urgueret Italiam quisquis eam provin-
ciam... insedisset. Cf. Hist. 1, 11.
Fonctions
militaires
équestres.
LES CHEVALIERS. 163
tions situées dans le voisinage immédiat de l'Italie, Raetie, No-
rique et petites provinces des Alpes, furent, toujours sous Au-
guste, placées sous l'autorité de gouverneurs del'ordre équestre.
Les fonctions militaires empruntées à la République et accom-
pagnées des pouvoirs de magistrats, restèrent en général aux
sénateurs. Mais c'est aux chevaliers qu'ont été attribuées tou-
tes celles qui s'exerçaient à Rome ou dans l'Italie, les comman-
dements de la garde impériale et du corps des pompiers créés
par Auguste lui-même dans ses dernières années et, depuis que
la marine militaire italienne fut sortie de la maison impériale
pour devenir une administration publique, les importantes
amirautés des flottes de Misène et de Ravenne.
Dans le cercle de l'administration, on réserva, en premier admSrXcs
lieu, aux chevaliers tous les postes de percepteurs d'impôts, et e(ïuestres-
il faut sans doute voir là une certaine compensation du préju-
dice causé aux chevaliers par l'introduction du système de
l'impôt direct, qui supprimait à proprement parler à leurs dé-
pens l'industrie des publicains (p. 112). L'administration de
la capitale et de l'Italie est, pour la portion en laquelle elle con-
cerne l'Empereur, partagée entre des agents auxiliaires séna-
toriaux et équestres; par exemple l'Empereur administre le tré-
sor public et les aqueducs urbains par l'intermédiaire de séna-
teurs, les subsistances de la capitale et la poste impériale par
l'intermédiaire de chevaliers (1). Le soin des routes italiques
et la surveillance de l'administration financière des cités impor-
tantes de l'empire (2) sont partagés entre les deux ordres, les
postes les plus élevés étant occupés par des sénateurs et les
moins élevés par des chevaliers. Les travaux du secrétariat
impérial et de la chancellerie impériale, la tenue des caisses et
des comptes impériaux qui ne sont pas dans un rapport direct
avec les impôts, l'administration des biens impériaux (3) ren-
(1) V. le tome V, sur l'administration de Yœrarium militare et de Yœra-
rium Saturni, sur les aqueducs de Rome et sur l'organisation de la poste.
(2) V. tome V, la théorie de l'administration de l'Italie, sur les curatores
viarum et les curatores rerum publicarum.
(3) V. tome V, la partie de la Maison de l'empereur, sur les différentes
catégories de serviteurs impériaux.
164 DROIT PUBLIC ROMAIN.
trent, dans le système d'Auguste, parmi les affaires personnel-
les de l'empereur pour lesquelles il n'emploie d'autre concours
que celai de ses propres serviteurs. Mais, lorsque la concep-
tion de ces fonctions comme des fonctions officielles, qui finit
par prévaloir, se fut fait jour, ce furent exclusivement des che-
valiers qui en furent chargés. L'emploi de chevaliers pour les
postes les plus élevés de la chancellerie commence sous Néron,
et il est devenu général sous Hadrien. Pour les caisses impéria-
les, la même innovation ne s'est, autant que nous sachions, pro-
duite que sous Marc Aurèle. Dans l'administration des domai-
nes impériaux, les places les plus élevées ont, jusqu'à une
époque récente, été données à la fois à des chevaliers et à des
affranchis (8).
(8) 11 en est ainsi particulièrement des grands domaines africains dont
l'administration est étudiée , Hermès, 15, 398. Les procurateurs des divers
saltus (comme par exemple, C. I. L. VIII, 587. XIV, 52) sont toujours des
affranchis. Mais l'administrateur de la regio Thevestina est tantôt un af-
franchi (C. I. L. XIV, 176 : M. Ulp. Augg. lib. Probus proc. provinc. Pan-
non, super, et Africss reg. Thevest. ; VI, 790 : Tyrrhenus lib. proc. reg. Theves-
tinae, item Pannoniae superioris), tantôt un chevalier romain et un ancien
officier (C. I. L. V11I, 7039 : M. Claudius Q. f. Quir. Restitutus proc. diœceseos
regionis Hadrumetinse et Thevestinae et ludi matutini et ad putandas rationes
Syriœ civitatium, trib. leg. VU gemmai, praef. coh. I Gastulorum; C. I. L.
VIII, 5351: T. Flavius T. f. Quir. Macer... praef. gentis Musulamiorum , curator
frumenti comparandi in annonam urbisfactus a divo Nerva Tra^ano, proc. Aug.
prsediorum saltum [Hip]poniensis et Thevestini, proc. Aug. provincias Siciliae ;
sur deux inscriptions encore inédites de Theveste : M. Aïmilius Clodianus
proc. Augg. n. patrimonii reg. Leptiminensis, item priatœ reg. Tripolitanœ, cf.
C. I. L. VIII, 7053) ; et il s'appelle, dans le premier cas, procurator, dans
le second, procurator Augusti. Nous connaissons, comme administrateurs de
la regio Hadrumetinay aux appointements de 100.000 sesterces, seulement
des chevaliers romains (C. I. L. VIII, "7039, v. plus haut, et Henzen, 6931
Cui divus Antoninus centenariam procurationem proc. Hadrumetinse dédit)
comme administrateur du tractus Carlhaginiensis seulement un affranchi
(C. /. L. VI, 8G08 : Bassus Aug. lib., prox. ab epistulis Grœcis, pi*oc. tractus
Carlhaginiensis). Hors de l'Afrique, on rencontre des affranchis comme pro-
curateurs (toujours sans le qualificatif Augusti) de Pannonie supérieure
^seulement dans les deux pierres citées plus haut pour la regio Thevestina),
de Belgique (C. I. L. VI, 8450, si son complément est exact), de Gaule Lug-
dunensis (C. i. Gr. 3888 ; Boissieu, p. 252) de Bretagne (C. I. L. III, 348) de
Phrygie (C. /. Gr. 3888; C. I. L. III, 348), de Crète (C. I. L. XIV, 51). Ils
doivent tous être considérés comme des administrateurs de domaines et être
distingués des percepteurs d'impôts des provinces; cependant les administra-
tions domaniale et fiscale peuvent avoir concouru dans certains de ces endroits,
en étant régies tantôt par le premier point de vue, tantôt par le second.
LES CHEVALIERS. i 65
Comme les places officielles ou purement administratives, Les ,;;hce™Jlers à
les places à demi -officiel le s d'amis, de conseillers, de compa-
gnons du prince ont été, sous le Principat, réparties entre les
deux ordres. La distinction en forme faite entre les amis selon
leur considération avait déjà commencé à se développer, chez
les grands, sous la République, par suite de l'usage connu
des audiences du matin. Mais il est tout au moins impossible
d'établir que les plébéiens aient été, sous la République, exclus
des réceptions particulières et qu'il y ait eu une distinction fon-
dée sur le rang entre la première et la seconde série de visi-
teurs (1). Au contraire, les membres des deux ordres privilé-
giés paraissent avoir été, dès les premiers temps du Principat,
seuls admis chez l'Empereur (2). Les sénateurs et les cheva-
liers étant ainsi seuls reçus à la cour, c'est également dans ces
deux ordres que se recrute le conseil impérial. Au m6 siècle,
les chevaliers y prédominent, c'est le fonctionnaire équestre du
rang le plus élevé qui y occupe la présidence comme représen-
tant de l'empereur, et c'est aux chevaliers seulement que se
rapportent, semble-t-il, les classes établies pour les appointe-
ments et la hiérarchie entre les membres du conseil; mais ce
sont là probablement des phénomènes étrangers aux commen-
cements du Principat et qui auront été produits par la tendance
croissante du gouvernement à tenir le sénat à l'écart (3). —
Les compagnons de voyage de l'Empereur (comités) sont aussi
toujours des sénateurs ou des chevaliers (4).
Sous le Principat, les sénateurs ne se trouvent pas facile- Â^eJe8po,Jîî0iJÎ
ment, dans la suite des magistrats, avec d'autres rôles que les chevaliers
postes officiels de questeurs ou de légats. Les autres person-
nes que les magistrats ont eu coutume d'emmener avec eux
(1) V. tome V, la partie de la Maison de l'empereur, sur les amici Augusti.
(2) V. même tome, la partie des Insignes, de la Suite et des Honneurs du
prince, sur les audiences impériales.
(3) V. tome V, la fin de la partie de Droit d'agir avec le sénat et la par-
tie du Conseil impérial. Huit sénateurs siègent à côté des deux prœfecti
prœtorio dans le conseil de Domitien décrit par Ju vénal.
(4) V. tome V, la partie de la Maison de l'empereur, sur les comités Au-
gusti.
*66
DROIT PUBLIC ROMAIN.
Caractère et
dénomination
des fonctions
équestres.
sans leur donner de grades fixes d'officiers (1), doivent avoir
appartenu principalement et peut-être exclusivement à l'ordre
équestre. — Le consilium dont l'avis conforme est exigé pour
certains cas d'affranchissement privé par la loi M\m Sentia de
l'an 6 après Jésus-Christ, est même formé à Rome de cinq sé-
nateurs et de cinq chevaliers (2).
La participation de la maison de l'Empereur aux affaires pu-
bliques n'apparaît que comme une simple extension de l'acti-
vité personnelle de l'Empereur. Au contraire le chevalier qui
est préfet d'Egypte n'est pas moins un fonctionnaire public que
le légat sénatorial de Syrie ; les actes de Pun et l'autre sont des
actes officiels, et les fonctions équestres sont échelonnées hié-
rarchiquement, comme les fonctions sénatoriales, bien qu'elles
ne le soient pas avec la même rigueur ni la même généra-
lité (3). Mais, lorsqu'un fonctionnaire de rang équestre pro-
cède à l'accomplissement d'un acte de magistrat proprement
dit, lorsque par exemple le préfet d'Egypte exerce la juridic-
tion volontaire, cela fait l'effet d'une anomalie, et l'accomplisse-
ment par lui de ces actes particuliers est légalisé par une loi
spéciale. C'est pourquoi les titres propres aux magistrats, en par-
ticulier le titre prétorien, ne sont jamais étendus aux personnes
de rang équestre, et tous les fonctionnaires de rang équestre,
même les premiers, sont opposés aux magistratus legitimi (4).
Leurs dénominations diverses rentrent, presque sans excep-
prxfectus, tion, dans deux catégories : celles de prœfectus, en grec
è'-ap^o;, et de procurato?*, en grec éutfrpwcoç, toutes deux se
rattachant à l'idée du mandat fondé exclusivement sur la libre
volonté du mandant.
(1) V. tome III, la partie des Gouverneurs de provinces, sur les legati
Augusti pro prœtore.
(2) V. tome I, la théorie du Conseil des magistrats, sur la demande de
conseil en droit privé.
(3) Suétone, Galb. 14 : Jam summae equestris gradus candidatus. On com-
parera sur cet emploi elliptique de summa, familier à tout le monde dans
d'autres acceptions, les renseignements réunis sur des titres analogues par
Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte,\, 34, et moi-même, Memorie dell'lnst. 2,322.
(4) V. tome V, la partie de la Nomination des magistrats, sur les nomi
nations de fonctionnaires équestres auxiliaires.
LES CHEVALIERS. 467
La première qualification, employée depuis les temps les
plus reculés pour le représentant nommé par un magistrat
en dehors des comices, soit pour le commandement, soit pour
la justice, (1), et aussi fréquemment pour les délégués im-
périaux de l'ordre sénatorial, est la désignation générale, et
elle est usitée pour toutes les fonctions équestres militaires (2)
ou administratives (3).
Le terme procurator est, au contraire, du temps de la Répu-
blique, étranger aux affaires publiques, et il ne s'emploie qu'en
droit privé, pour désigner le mandataire éventuellement chargé
d'intenter une action au nom du mandant (4). Rigoureusement
l'expression a gardé cette valeur même dans l'usage qu'en fait
le Principat. Elle n'est jamais appliquée à un homme de Tordre
sénatorial. En outre, elle est exclusivement employée pour ceux
qui représentent le prince en matière patrimoniale, et elle l'est
pour eux sans distinction, même pour les affranchis employés en
sous-ordre qui ne peuvent être regardés conmme des fonction-
naires : les esclaves seuls, n'étant pas capables déjouer le rôle
de représentants judiciaires, sont exclus de la procuratio.
(1) Cf. ce qui est dit, tome II, du praefectus urbi, dans la théorie de la Re-
présentation du magistrat et, tome V, des praefecti praetorio et aerarii Satumi
dans les parties de Vlmperium et du Trésor.
(2) Praefectas praetorio, vigilum, classis, castrorum.
(3) Ceci comprend, outre le prxfectus, annonœ, les gouverneurs des pro„
vinces non-sénatoriales auxquelles d'ailleurs les dénominations de praefec-
tus et de procurator conviennent également puisque les fonctions de gou-
verneur y sont réunies avec la direction de l'administration des finances.
Pour l'Egypte, on ne trouve que la première. Les gouverneurs des petites
provinces des Alpes s'appellent, du temps d'Auguste, prœfecti clvitatium ;
plus tard, on voit prévaloir le titre de procurateur (C. I. L. V, p. 809), qui
fut ensuite donné à tous les gouvernements provinciaux de cette catégorie
organisés désormais. Il n'y a que le gouverneur impérial de Sardaigne à
porter, en langage technique, la double qualification de procurator Augusti
et prsefectus (C.I..LX, p. 1121). Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte, 1,241, va
trop loin dans la voie de l'admission de telles dénominations doubles ;proc-
Aug., prsef. classis (C. I. L. V, 533) désigne sûrement deux fonctions.
(4) On trouve des procurâmes de particuliers, qui sont en général des
affranchis (C. I. L. VI, 1577. 7370. 9830—9838) ; ils seraient plus nombreux
si l'existence d'emplois permanents de ce genre n'avait probablement cho-
qué de la même façon que celle d'esclaves ab epistulis, etc. chez de simples
particuliers (Tacite, Ann, 15, 35. 16, 8).
Procurator.
168 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Nous avons déjà vu une conséquence de cette distinction entre
les fonctions proprement dites et les procuratèles qui sont es-
sentiellementprivées (!) : le traitement qui y est attaché est in-
diqué ouvertement pour toutes les procuratèles, aussi bien pour
celles occupées par des chevaliers que pour celles occupées par
des affranchis, et il y a même été debonne heure signalé dans le
titre officiel, tandis que les fonctions publiques, sénatoriales ou
équestres, furent bien également accompagnées d'une certaine
rémunération sous le Principat, mais n'en portèrent pas la
mention dans leurs titres. Le dualisme des procuratèles, parmi
lesquelles celles qui sont occupées par des chevaliers se rap-
prochent des fonctions publiques, tandis que celles confiées à
des gens de la maison de l'empereur appartiennent exclusive-
ment au droit privé, trouve même jusqu'à un certain point son
expression dans les titres officiels : on distingue en effet les pro-
curatores tout court, qui, au sens exact del'expression, sont pour
la plupart des affranchis impériaux et qui sont employés à
l'administration purement privée de la fortune du prince, et
les procurator es Augusti, qui appartiennent à l'ordre équestre
et qui ont notamment entre les mains la perception de tous les
impôts (2).
I'lqputudenaudx Comme condition de capacité pour occuper ces postes offi-
éqoïEesf'pai' c^s réservés à l'ordre équestre (3), la possession du cheval
fonctions
stres : p
le service
d'ofûcier,
(1) V. tome I, la théorie des Emoluments des magistrats, sur le traite-
ment des employés des finances impériales.
(2) Dion, 53, 15, fait également remarquer que les procurateurs sont
partie des chevaliers, partie des affranchis. La différence de titre des deux
catégories est étudiée C. I. L. III, p. 1131 et 1134 et dans Hirschfeld,
Verwaltungsgeschichte,\,±^ï. Naturellement les procurateurs de la catégorie
supérieure omettent parfois le qualificatif, et ceux de la catégorie inférieure
le prennent parfois (C. 1. L. III, 536. VI, 9008. 9015. 10233. XIV, 2104; ; ce-
pendant les derniers cas sont si rares que la règle consistant à ne permet-
tre qu'aux fonctionnaires de porter ainsi le nom impérial se dégage de la
manière la plus évidente.
(3) Pour les postes auxquels les affranchis impériaux sont admis en
même temps que les chevaliers, comme cela a été longtemps le cas pour la
préfecture de la flotte, dans la chancellerie impériale et dans l'administration
des domaines, la question de capacité ne se pose qu'autant qu'ils sont occu-
pés par des chevaliers. Il existait du reste aussi pour les postes occupés
par les affranchis des règles schématiques et un avancement réglé (Fronton,
Ad Marcum, 5,52 : Aride lus... liber tus vester est, procuravit vobis industrie..
LES CHEVALIERS. 169
équestre ne suffit pas en principe à elle seule ; on exige en ou-
tre communément que la personne ait fait son service d'offi-
cier (1). Naturellement, l'accomplissement du service n'en-
traînait pas pour le gouvernement la nécessité d'ouvrir à l'ex-
officier la carrière des fonctions civiles, — car l'accomplissement
du service n'était que l'exécution d'une obligation, — et cet ex-
officier n'était pas non plus tenu d'occuper une des fonctions
équestres. Les fonctions équestres, à la différence des fonctions
sénatoriales, sont, principalement à cause des appointements
élevés qui y sont attachés, considérées comme des avantages, et
l'idée du service obligatoire ne leur a, nous l'avons vu, ja-
mais été étendue (2). Il est arrivé très fréquemment que des
officiers, après avoir terminé leur service, ne sont pas entrés
dans la carrière des fonctions publiques (3). Mais le principe
petit mine procurationem ex forma suo loco acjusto tempore) ; mais ils n'a-
vaient rien de commun avec les conditions de capacité exigées pour les
fonctions équestres; car ni la carrière militaire, ni les postes civils qui
purent plus tard la remplacer comme condition d'entrée n'étaient (sauf tou-
jours la natalium restitutlo) accessibles aux affranchis.
(1) Sénèque, Ep. 101, 6 : Militiam et castrensium laborum tarda manipretia
procurationes officiorumque per officia processus. Pline, Ep. 7,31, désigne
Glaudius Pollio, auparavant proefectus aise, comme promotus ad amplissi?nas
procurationes. Inscription de Xanthos (Benndorf et Niemann, Reisen im sùd-
westlichen Kteinasien, 1, 92) : Tàç èv tmctxjj [xaÇet orpaxîc'aç ô'.sX6w]v [ii-/pi
ÈTiiTpoTiiy.fr,: àp'/r,;].
(2) Tacite, Ann. 16, 17 : Mêla... petitione honorum abstinuerat... adqui_
rendœ pecunise brevius iter credebatper procurationes administrandis principis
negotiis. Tacite, Hist. 2, 86 : Procurator... Cornélius Fuscus... prima juventa
quœstus cupidine senatorium ordinem exuerat. Fronton (Ad Anton. 9) recom-
mande à l'empereur Antonin le Pieux Appien pour une de ces places : Di-
gnitatis suas in senectute ornandee causa, non ambitione aut procuratorii (le
Ms. : procuratoris) stipendii cupiditate optât adipisci hune honorem (cf. Ap"
pien lui-même, Proœm. 15 : A:xaiç év Toojay) o-jvayopeuo-aç in\ tôv ficccnlioiv
(j(.é-/pi [xe crçwv èiux porce-jôiv r(^Wav). Gela s'applique naturellement aussi aux
procuratores liberti Augusti; l'un de ces derniers consacre une pierre commé-
morative (à Lanuvium C. I. L. VI, 246 = XIV, 2037) ob effecta sibi in hac
statione (on ne sait pas laquelle) annua centena, d'où il semble résulter
qu'une augmentation d'appointements pouvait être obtenue par une bonne
administration. — La procuratio privée durable, Valienorum bonorum mer-
cennaria procuratio (Sénéque, De brev. vit. 17,5) était aussi une occupation
lucrative.
(3) Par exemple, dans le C. 1. L. X, les personnes nommées aux n08 1129.
1131. 4619. 4872. 4873. 4876. 5382. 5399. 5583. 6015. 6555. 7348. 7600, parais-
sent ne pas être entrées dans la carrière publique après avoir terminé leur
170 DROIT PUBLIC ROMAIN.
du gouvernement fondé par Auguste était de lier le commen-
cement de la carrière équestre à l'achèvement du service mi-
litaire (1). Peut-être existait-il des règles précises sur la durée
du service d'officier requis ; peut-être aussi des avantages
étaient-ils attachés à un service plus prolongé ou plus brillant;
mais nous ne pouvons, à ce sujet, arriver à aucune conclu-
sion qui présente quelque sûreté. Le nombre des grades d'offi-
ciers qu'on avait occupés ne pouvait être pris comme principe;
la durée indéterminée d'occupation de ces grades (p. 159) suffi-
rait à l'établir, et nous en avons la preuve directe ; car la car-
rière civile est, autant que nous pouvons le voir, indifférem-
ment commencée après l'occupation soit d'un grade d'officier
soit de deux ou trois, soit mêmedeplus(2), et même la hiérar-
chie qui est rigoureusement observée entre les grades d'officiers
(p. 150) reste sans influence sur la carrière civile, dans laquelle
on ne voit pas que l'absence du grade supérieur, qui se présente
assez fréquemment, soit la source d'une infériorité appréciable ni
qu'un avantage appréciable soit attaché à sa possession,
parie service L'accomplissement du service d'officier a pendant longtemps
dans les rangs J x * " . *
été, sous le Principat, la seule voie donnant accès aux fonctions
équestres (3). On a fréquemment accordé, dès une époque
service militaire. Les cas particuliers peuvent facilement induire en erreur ;
car il y aurait des interruptions de la carrière produites par exclusion,
mort ou autres accidents, quand bien même le service d'officier conduirait
en principe à la carrière des emplois. Mais les anciens officiers qui n'en-
trent pas dans cette carrière sont trop nombreux pour que l'on puisse con-
sidérer le service équestre d'officier comme étant par exemple le prélimi-
naire des emplois équestres de la façon dont le tribunat de légion était celui
de la questure dans la carrière sénatoriale. C'était même la règle pour
la préfecture de camp, qu'il faut probablement regarder comme une militia
ordinaire (p. 151, note 2), qu'elle fût la fin de la carrière ; probablement
parce que ces officiers, pour la plupart sortis des rangs, étaient médiocre-
ment aptes à la carrière politique.
(1) L'accomplissement du service militaire postérieurement à l'entrée
dans la carrière civile (C. I. L. X, 1795 : tribunat de légion entre deuxpro-
curatèles ; 7587 : poste du service des routes entre la préfecture de cohorte
et le tribunat de légion) est pour ainsi dire quelque chose d'inouï et doit
sans doute s'expliquer par des dispenses individuelles.
(2) Hirschfeld, Verwaltungsgeschichte , 1, 247 et ss.
(3) Nous ne tenons pas compte des nominations de favoris, telles qu'elles
se sont notamment produites fréquemment pour la préfecture de la garde
(par exemple, Tacite, Hist. 2, 92).
LES CHEVALIERS. 171
précoce, à des soldats retraités, à des primipilaires, le grade
d'officier avec le rang équestre (p. 154) et par contre-coup l'ac-
cèsdelacarrièrecivile; mais il ne semble pas y avoir d'exemple
antérieur à Marc Aurèle où ils aient été directement admis
dans cette carrière, et même à l'époque postérieure cela n'a eu
lieu que rarement (1).
Avec le temps, il s'ouvrit, pour entrer dans cette carrière, à par &%?**
coté de la voie militaire, une voie civile. L'existence ne peut en
être établie au premier siècle; mais, depuis Hadrien, le service
administratif, commencé par le bas de l'échelle, peut conduire,
sans service d'officier, aux postes supérieurs (2). Les postes
de début étaient là de nature diverse (3). Cependant on aper-
(1) A une date certaine l'exemple du primipilaire T. Desticius Severus
qui passa de ce poste à la procuratèle de Rsetie en 166 (C. 1. L. V, 8660) ;
celui du primipilaire procurateur de Lusitanie, C. I. £,.11, 1178. 1267 est à
peu près contemporain. Dans d'autres cas (C. I. L. II, 484. III, 1919. X,
6657), il y a entre le primipilat et la procuratèle au moins des commande-
ments extraordinaires d'officiers, par exemple celui de praepositus vexillatio-
nibus. La carrière du temps de Claude rapportée C. L L. V, 1838, semble
anormale.
(2) Le plus ancien exemple certain d'une telle carrière que je connaisse
est celui de l'homme auquel sont consacrées les deux inscriptions C. 1. L.
III, 431 et Bull, de cor. Hell. 1879, p. 257 : ProcjoyzforM'Hadrien ad diœcesin
Alexandre.? , — procurator des bibliothèques à Rome, — ab epistulis Grœcis,
— procurateur de Lycie et des provinces combinées avec celle-là, — procu-
rateur d'Asie tant pour l'impôt des successions que pour la province même,
— procurateur de Syrie. Le savant G. Julius Vestinus fut, également sous
Hadrien, bibliothécaire à Rome, puis a studiis, enfin secrétaire de l'empe-
reur; mais les fonctions administratives proprement dites font chez lui défaut.
Les exemples de Lyon (Boissieu, p. 246) et d'Ariminum (Orelli, 3835 = C.
I. L. XI, 378) et les carrières de Nicomedes (p. 120, note 4) et d'Appien (p.
169, note 2) du temps d'Antonin le Pieux sont analogues ; de même l'exem-
ple romain du temps de Marc Aurèle (C. I. L. VI, 1564), celui de |Préneste
(C. LL. XIV, 2922) du temps de Commode et celui d'Apulum {C. L L. III,
1456) du temps d'Alexandre Sévère. Les autres documents qui me sont con-
nus paraissent appartenir à la même époque, principalement au ni0 siècle.
(3) Emplois inférieurs de l'administration alimentaire : C. 1. L. X, 3865.
Orelli, 769 = C. 1. L. XIV, 2922, comme premier poste , C. L L. II, 1085.
III, 1456. VI, 1634. VIII, 822, comme second poste ; — de l'administration
des chemins : III, 1456. 6575. VI, 1598. Boissieu, p. 246, comme premier
poste; — de l'administration de l'impôt sur les successions : Orelli, 3835 =
C. L L. XI, 378. Henzen, 6642, comme premier poste, VIII, 1174. Orelli,
769 = C. 1. L. XIV, 2922 comme second, Boissieu, p. 246, comme troisième ;
— dans les écoles de gladiateurs, de la capitale. II, 1085, comme premier
172 DROIT PUBLIC ROMAIN.
çoit la préférence donnée à l'instruction (1) et particuliè-
rement à l'instruction juridique (2). Les objections qui étaient
encore opposées du temps d'Antonio le Pieux aux nomina-
tions de scribes et d'avocats (3), s'effacent peu à peu; le temps
où une période préalable d'instruction militaire était imposée
aux fonctionnaires administratifs n'est plus.
Ce système s'est maintenu quant au fond jusqu'à l'époque de
Dioclétien. Le service d'officier notamment se rencontre encore
comme servant de porte d'entrée dans les fonctions équestres
à une période avancée du 111e siècle (4). Sans doute l'exception
est alors devenue la règle : rien n'est alors plus habituel que
l'attribution à des primipilaires de fonctions équestres, en
particulier des gouvernements de provinces et des commande-
ments militaires qui furent progressivement enlevés aux séna-
teurs ; la carrière civile doit aussi avoir gagné de plus en plus
de terrain et avoir fait tort aux titres tirés du service militaire.
Mais, si la condition de capacité requise est effacée pratique-
poste ; — procurator ad bona damnatorum, VI, 1634 ; — dans le recrutement,
Boissieu, p. 246, comme second poste.
(1) Outre les exemples cités p. 171, note 2, on trouve encore un emploi dans
les bibliothèques comme premier poste, C. I. L. X, 7580, et, comme second
poste, celui du sexagenarius studiorum adjutor, Cl. L. VI, 1704.
(2) Le titre d'advocatus fisci apparaît relativement très souvent à la pre-
mière place, C. L L. VI, 1704. VIII, 822. 1174. 1439. XIV, 154; cf. ce qui
est dit de cette fonction Memorie delV Inst. 2, 331. On trouve en outre à la
première, celui d'adsumptus in consllium ad IIS LX m. n. (X, 6662) ; à la
troisième, celui de sexagenarius a consiliis sacris (VI, 1704), consiliarius Au-
gustorum (Vi, 1634). On rencontre encore comme poste de début celui d'à
commentariis des praefecti prœtorio, C. L L. VI, 1564. X, 7585, qui, à cette
époque, avait sans doute une portée plutôt judiciaire que militaire.
(3) A la prière de Fronton d'accorder une procuratèle à Appien l'empe-
reur Antonin le Pieux répond, comme le lui rappelle Fronton (Ad Ant. 9),
futurum, ut cum Appiano... procurationem dédisses, causidicorum scatebra
exoreretur idem petentium : meministi etiam, quem de Grsecis propitius et ri-
dens nominaveris.
(4) Nous trouvons encore la carrière équestre ouverte par la préfecture
de cohorte à Temesitheus, beau-père de Gordien (Henzen, 5530) ; par le tri-
bunat des prétoriens, sous Philippe (C. L L. VI, 1695) ; par la prœfectura
aise, dans une inscription qui mentionne le procurator monetx Trevericae et
qui appartient donc probablement aux dernières dizaines d'années du ni»
siècle (C. 1. L. VI, 1641).
LES CHEVALIERS. 173
ment, il n'y a pas eu, dans cette période, de réforme qui Tait
supprimée en principe.
Il nous reste à étudier les classes hiérarchiques établies en-
tre les chevaliers par la carrière des fonctions publiques.
La différence de rang qui sépare les fils de sénateurs appar- inégalité de rang
o t. r rr des chevaliers.
tenant au premier ordre et les jeunes gens habilités à la
carrière sénatoriale par une décision de l'empereur du reste
des chevaliers trouve son expression dans la différence
du clavus. Mais il n'y a pas de titre officiel qui traduise cette
différence : on aurait pu dire eques laticlavius et eques angus-
ticlavius, en usant des termes qui sont en effet employés pour
désigner les deux catégories de tribuns de légions ; mais on ne
le fait pas ; car le laticlavius, qui ne fait partie des chevaliers
qu'à titre transitoire, ne se désigne pas du nom à'eques (1).
La différence de fait qui vient du plus ou moins de considé-
ration et qui se retrouve dans tous les ordres, existe avec une
vigueur spéciale parmi les chevaliers romains. Mais elle est,
à l'époque ancienne, aussi dépourvuededélimitationprécise que
de terminologie arrêtée. La distinction de Yeques illustris (2)
(1) P. 62, note 1. C'est depuis Juste Lipse (sur Tacite, Ann. 11, 4) une
opinion traditionnelle de regarder les équités Romani illustres de Tacite
(ci-dessous, note 2) comme des laticlavii, bien que les personnes ainsi qua-
lifiées par Tacite soient sans exception étrangères à cette catégorie.
(2) Tite-Live parle d'équités primores (23, 12, 2; de même 2, 1, 10) ou il-
lustres romains (30, 18, 15 : Duo et XX ferme équités illustres... cum centurio-
nibus aliquot perierunt ; ailleurs dans le même ordre d'idées, viri illustres,
33, 25, 9. c, 36, 5) comme de ducenli Carthaginienses équités... et divitiis qui-
dem et génère illustres (29, 34, 17) et à'equites CXll nobiles Campani (23, 47,
12). Cicéron, Verr. 3, 24, 00 : Equitibus Romanis non obscuris neque ignotis,
sed honestis et illustribus. Le même, De fin. 2, 18, 58 : A Gaio Plotio équité Ro-
mano splendido Nursino. Le même, Ad fam. 12, 27 : Sex. Aufidius... splendore
equiti Rornano nemini cedit. Bell. Alex. 40 : Ceciderunt eo prœlio splendidi at-
que inlustres viri nonnulli équités Romani. Vell. 2, 88 : C. Msecenas equestri, sed
splendido génère natus. Sénèque, Ep. 101, 1 : Senecionem Cornelium equitem
Romanum splendidum . Tacite parle des primores equitum (Hist. 1, 5) et donne
fréquemment à des équités Romani la qualification d'illustris {Ann. 2, 59. 4,
58. 68. 0, 18. 11, 4. 35. 15, 28) ou d'insignis (Ann. 11,5); il y a également dans
Pline, Ejt>.6,15, 1. Ep. 25, 1, splendidus eques /?.; dans Appien,B. c. 100, apiaxoi
\r.~v.ï (remplacé, Ep. 1, 59, par apioroi avSpe;) ; dans Dion, 57, 11 (cf. 41, 7),
iTCîTrj; :wv 7ipa>Twv. Cf. p. 75, note 4. Tite-Live peut songer principa-
lement aux titulaires de chevaux publics qu'il oppose ailleurs (p. 78,
onte 5) aux chevaliers; les écrivains postérieurs, en particulier Ta-
174 DROIT PUBLIC ROMAIN.
et de Vécues municipalis (1), par quelque nom qu'on veuille
l'exprimer, est étrangère au droit public. Ce fut seulement la
magistrature équestre qui fournit peu à peu un instrument de
délimitation et de détermination. Elle donnait, pour créer des
distinctions dans le sein de l'ordre équestre, le même fonde-
ment sur lequel on avait jadis élevé la séparation de la nobi-
litas du reste des citoyens. Autrefois les plébéiens qui parve-
naient aux magistratures acquéraient à leurs maisons une
situation prépondérante ; il en fut désormais de même pour
ceux des chevaliers qui, après avoir achevé leur service d'offi-
cier, entraient dans la carrière administrative et participaient,
dans la mesure où le permettait la forme du gouvernement d'a-
lors, à la gestion des affaires publiques. On parle déjà, du temps
de Trajan,de « noblesse équestre » (2). A la vérité, cette noblesse
de second ordre n'a pas la limite fixe, qui était donnée à l'an-
cienne par l'accès au sénat, ni sa gradation fixe des classes : il
est difficile que le cercle des fonctions administratives dont ré-
sultait cet anoblissement ait été rigoureusement fermé, et il est
encore moins possible qu'il y ait eu entre ces emplois une hié-
rarchie arrêtée comme celle des quatre classes du sénat, si cer-
tain qu'il y soit d'ailleurs qu'il a eu de tout temps une cer-
cite, pensent évidemment surtout à Vequestris nobilitas (ci-dessous note 3),
aux chefs de la noblesse des fonctions équestres. Si les équités illustres
comme les sénateurs ne peuvent entrer en Egypte qu'avec la permission
de l'empereur (p. 162, note 2) tout ce que cela veut dire, c'est sans doute
que les personnes aptes à exercer là des emplois ne peuvent s'y rendre
qu'autant qu'elles ont reçu ces emplois. Mais on ne peut tire aucune li-
mite fixe de ces désignations terminologiques elles-mêmes vacillantes,
ni soutenir que le nom de chevalier illustre appartienne seulement aux
chevaliers de rang sénatorial ou aux chevaliers fonctionnaires.
(1) Juvénal, 8, 236 : Hic (Gicéron) novus Arpinas, ignobilis et modo Romx
municipalis eques.
(2) Tacite, Agric. 4 : On. Julius Agricola vetere et illustri Forojuliensium
colonia ortus utrumque avum procuratorem Cxsarum habuit, qux equestris no-
bilitas est. L'habitude existante d'effacer la dernière qualification, qui n'est
certainement pas technique, mais qui porte 'en elle une pensée juste, est
pour notre philologie un véritable certificat d'indigence. Tacite, Ann. 16,17,
exprime la même pensée en disant : Mêla et Crispinus (tous deux précédem-
ment prxfecti prxtorio) équités Romani dignitate seriatoria. lllustris eques a en
général chez lui le même sens, avons-nous remarqué p. 173, note 3.
LES CHEVALIERS. *75
taine gradation entre les emplois équestres et que les postes
élevés, notamment les préfectures d'Egypte, de la garde, de
l'annone et des vigiles, étant les fonctions les plus hautes qui
fussent accessibles aux chevaliers, n'étaient atteintes qu'en
passant par de nombreux échelons et constituaient le couron-
nement de la carrière politique équestre.
Les traitements des fonctions équestres donnent certains élé- ^^uïments^'
ments pour leur classification. Les procuratèles assuraient,
avons-nous déjà vu, selon leur importance, à leurs titulaires
un traitement annuel de 200 000, de 100 000 ou de 60 000
sesterces (1) ; et les désignations du ducenarius, centenarius
et sexagenarius procurator, tirées de cette gradation, — dont
les grandes lignes remontent certainement jusqu'à Auguste, —
sont usitées comme qualifications hiérarchiques, au moins dès
le temps d'Hadrien, et sont même fréquemment employées
comme titres officiels au ine siècle. Les membres du conseil
impérial et les prœfecti vehiculorum étaient soumis à un
classement analogue ; on en rencontre aussi quelques traces
pour les officiers (2). Cependant ce procédé de classement
n'est pas susceptible d'une application générale; car, d'une
part, les inégalités de traitement existant dans tout le corps
des emplois non-sénatoriaux étaient probablement trop multi-
ples pour pouvoir servir de fondement à l'établissement de
classes hiérarchiques ; car, d'autre part et surtout, il est impos-
sible que le rang hiérarchique ait exclusivement dépendu des
appointements. Ceux qui portaient le même titre tiré du taux
des appointements comme membres du conseil impérial, comme
procurateurs et comme prœfecti vehiculorum, ont difficilement
été pour cela regardés comme égaux en rang, et les emplois
équestres nombreux et importants, dans le titre officiel des-
quels ne figure pas la mention des appointements, ont encore
(1) V. tome I, la théorie des Émoluments des magistrats, sur les traite-
ments des employés des finances impériales.
(2) V.tome V, les parties du Conseil impérial et de l'Administration des
postes et, tome I, la partie des Émoluments des magistrats.
176 DROIT PUBLIC ROMAIN.
moins pu avoir leur rang hiérarchique exclusivement déter-
miné par ces appointements.
Réglementation Afm de remédier à cette défectuosité dont souffrait la se-
hiérarchie des conde noblesse des magistratures par comparaison avec la pre-
fonctions par , .
Marc Aurèieet miere, les empereurs Marc-Aurele et Verus établirent le ta-
bleau général hiérarchique des magistratures, s'étendant à la
fois aux deux ordres, que nous avons déjà signalé (p. 62). Les
magistrats du rang équestre y sont divisés en trois classes (1) :
les membres de la première classe, qui ne comprend que les
préfets de la garde, portent désormais le nom de vir emi-
ne?itissîmus, en grec, el-o'/tÔTaTo;; ceux de la seconde, qui com-
prend les autres préfets avec les chefs de l'administration des
finances et du secrétariat, portent celui de vir perfectissimus,
en grec, Siacv^Toy/ro;; ceux de la troisième, à laquelle appar-
tiennent les autres fonctionnaires de l'ordre équestre, ont le
nom de vir egregius, en grec, xpaTurro; (2). Au dessous d'eux
sont les chevaliers qui ne sont pas entrés dans les fonctions
publiques (3), et au dessous de ces derniers sont les plébéiens.
11 s'attachait à ces titres un privilège important et même héré-
(1) Cette constitution ne s'étend pas aux officiers ; elle ne concerne, à côté
des clarissimi (p. 62), que la noblesse des fonctions de seconde classe, l'eques-
tris nobilitas de Tacite.
(2) Nous ne pouvons exposer ici les délimitations respectives ou géné-
rales des classes.
(3) Splendidus eques Romanus se rencontre employé comme un véritable
titre dans les inscriptions italiques (jamais, autant que je sache, dans les
inscriptions provinciales) de l'Empire (C. I. L.V, 3382. IX, 1006. 2232. 3314.
X, 22.223. 453. 1784. 1785.4590. Orelli, 3081 = C. L L. XIV, 2991). Parmi ces
inscriptions, qui appartiennent au moins pour la plupart au temps posté-
rieur à Marc-Aurèle, il n'y en a aucune qui donne cette qualification à un
chevalier arrivé aux emplois équestres ; l'inscription de Puteoli (C. I. L.
X, 1785) la donne même à des personnages municipaux et désigne au con-
traire un pvocurator summarum rationum par son titre officiel. Les plus
haut placés des chevaliers, qui n'avaient pas le droit de porter de titres tirés
de magistratures, semblent donc avoir porté comme distinction te nom de
splendidi. La démarcation nouvelle encore établie dans le sein de ce groupe
est une confirmation de plus de l'inégalité extrême qui prédomine dans
l'ordre équestre. Il n'y a rien de pareil parmi les sénateurs et les décu-
rions ; mais les splendidisshna municipia se séparent de même des villes de
campagne ordinaires. Les équités splendidi et les chevaliers ordinaires peu-
vent fort bien avoir été dans le même rapport que Gapua et Ulubrae.
LES CHEVALIERS.
177
ditaire. Le droit criminel romain tient compte de la différence
de rang tant pour la compétence que pour la procédure et Fé-
cholle des peines ; or la constitution citée faisait, sous ce rap-
port, une situation privilégiée aux fonctionnaires équestres
des deux premières classes et à leurs descendants jusqu'au
troisième degré (1).
8. LES SACERDOCES ÉQUESTRES.
Ainsi que nous l'avons montré dans la théorie du grand pon-
tificat, il n'y avait pas plus de condition de rang exigée par les
lois de la République pour les sacerdoces que pour les magis-
tratures. En laissant de côté les sacerdoces peu nombreux et
sans importance politique réservés aux patriciens, les sacerdo-
ces étaient comme les magistratures ouverts en droit au der-
nier des citoyens. En fait, il est vrai, c'était le contraire pour les
deux. Cependant nous sommes peu renseignés sur la mesure
dans laquelle les sacerdoces de la cité étaient alors entre les
mains de la nobilitas. C'était indiscutablement le cas pour les
quatre collèges sacerdotaux des pontifes, des augures, des quin-
decemvirs et des épulons, qui furent de bonne heure livrés à
la brigue des comices (2), et pour le poste de grand curion; il
Aptitude à
occuper les
sacerdoces
sous la
République.
(1) Dioclétien, Cod. Just. 9, 41, 11 : Divo Marco placuit eminentissimorum
nec non etiam perfectissimorum virorum usque ad pronepotes liberos plebeiorum
pœnis vel qusestionibus non subjici,si tamen propioris gradus liberos, per guos
id privilegium ad ulteriorem gradiun transgreditur, nulla violati pudoris
macula adsperserit. Cette assertion est précisée et confirmée par la présence
du titre de la première classe, écrit avec l'abréviation qui fut depuis constante,
dans un document de l'an 168 (C. 1. L. IX, 2438) ; ce qui montre, puisque les
classes sont dans un lien de corrélation, que toute l'organisation remonte à
une époque autérieure à cette date. L'égrégiat est mentionné, dans la no-
tation ordinaire, par l'inscription des premières années de Commode,
180—183, C. I. L. VIII, 10570, 4, 10, et par la liste de prêtres contemporaine,
C. /. L. VI, 2010. Par un phénomène singulier, ces témoignages indiscu-
tables n'ont pas obtenu créance, et l'on rattache le plus souvent (Hirsch-
feld, Wiener Studien, 6, 23, fait exception) cette création à Sévère.
(2) V. tome III, la théorie du Grand pontificat, sur la relation'hiérar
chique des magistratures et des sacerdoces.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2c p. 4 2
178 DROIT PUBLIC ROMAIN.
en était de même pour les fétiaux, sans doute à raison de
leur rôle politique (1). Les saliens furent toujours pris dans
l'aristocratie : c'était un résultat de l'exigence du patriciat qui
fut toujours maintenue pour eux. Parmi les prêtres isolés,
les trois grands flamines sont dans le même cas que les saliens;
mais les douze petits flaminats plébéiens sont eux-mêmes des
situations aristocratiques (2). Sur le recrutement des collèges
des curions, des titiens, des arvales, et des luperci sous la Ré-
publique, sur celui des sacerdoces qui furent transportés à Rome
d'un certain nombre de localités latines, comme sur celui
des fonctions auxiliaires supérieures, nombreuses notamment
à côté des pontifes, nous ne savons qu'une seule chose, il est
vrai, remarquable : c'est qu'à cette époque on rencontre des
affranchis comme luperci (3). Tant cette particularité que le
silence absolu des sources relativement à ces sacerdoces ren-
dent vraisemblable qu'au moins en fait une partie d'entre
eux étaient devenus ou étaient restés accessibles aux hommes
du peuple.
Les sacerdoces Auguste a fait, dans ce domaine, une réforme de mêmena-
equeslres sous le
principat. turey mais encore plus énergique que dans celui de la magis-
trature. D'abord le droit général des citoyens à l'occupation
(1) V. tome I, la section des Actes conclus entre l'état romain et un état
étranger, sur le fœdus et la sponsio. Les fétiaux étaient, selon Denys, 2, 72,
qui suit ici Varron, êx xô>v àpcaTtov oixwv; les noms qui nous sont transmis
de Sp. Fusius, Tite-Live, 1, 24, 6, et d'A. Cornélius Arvina, Tite-Live, 9,
10, 9, le confirment. Nous ne savons pas quand le collège fut ouvert aux
plébéiens. Sous l'Empire, il est accessible aux deux ordres.
(2) Le consul de 395, M. Popillius Lœnas était flamen Carmentalis (Cicé-
ron, Brut. 14, 56).
(3) Ce I. L. X, 6488 : Clesipus Geganius mag(ister) Capit(olinorum), mag(is-
ter) luperc(orum), viat(or) tribunicius, plutôt du temps de la République que
du commencement d'Auguste. L'inscription C. I. L. VI, 1933, de Q. Gonsi-
dius Q. L Eros lupercus Quinctial{is) velus peut parfaitement appartenir à
la fin de l'époque d'Auguste et la jeunesse de ce personnage être antérieure
à la réorganisation d'Auguste. — Il est conciliable avec ce fait que les Lu-
percales soient au sens propre une fête équestre (p. 125, note 2) : le carnaval
baisse facilement de niveau. Il n'y a pas de fête romaine dont l'origine anti-
que, à l'époque purement patricienne (qu'on se rappelle seulement les Fabii
et les Quinctii et leur prénom de Kaeso), soit mieux attestée que celle de la
fête des Lupercales.
LES CHEVALIERS. 179
des sacerdoces fut supprimé comme leur droit aux magistra-
tures (1), et les citoyens n'appartenant ni au sénat ni à l'or-
dre équestre en furent exclus, sans distinction d'ingénus et
d'affranchis (2) ; c'est entre les deux ordres privilégiés que
furent partagés les sacerdoces occupés par des hommes (3).
L'idée conçue et appliquée par Auguste de partager les places
officielles entre les deux ordres se manifeste peut-être encore
plus clairement pour les sacerdoces, moins importants en prati-
que, qu'elle ne le fait pour les magistratures. Les deux ordres
participent à la composition des collèges des curiones et des lu-
perci. Aux chevaliers seuls appartiennent les postes de prêtres
issus des fonctions de valets de temples, sauf les trois flaminats
patriciens, soit les fonctions des /lamines minores, des anciens
scribes des pontifes, appelés désormais ponlifices minores, et des
tubicines; enfin tous les anciens sacerdoces publics latins, en
particulier ceux d'Albe, d'Aricia, (p. 193, note 14). de Cœnina,
de Lanuvium, de Lavinium et de Tusculum. Il existe encore
là des différences de rang multiples (4). De tous les sacer-
doces accessibles aux chevaliers, le curionat paraît avoir été le
plus élevé ; il est le plus souvent accordé à des chevaliers de
rang sénatorial et forme par suite ordinairement un échelon
de la carrière sénatoriale (o); le grand curion était sans
(1) V. tome II, la théorie des Causes d'inéligibité absolue, n° 5, sur la
limitation apportée sous le Principat au droit d'occuper les magistratures.
(2) Il va de soi que le rang équestre fondé sur l'ingénuité fictive équi-
vaut à celui obtenu par les voies ordinaires (p. 120, note 2). D'autre part,
les places d'appariteurs religieux qui ne sont pas devenues de sacerdoces
(v. tome I, la fin de la partie des Appariteurs), même les plus considérées
d'entre elles, comme celle d'haruspice (un simple soldat de ce collège,
C. 1. L. VI, 2166) sont accessibles aux plébéiens. La démarcation est arbi-
traire : ainsi, par exemple, le tubicen sacrorum populi Romani est un prêtre
et les tibicines qui sacris publias prsesto sunt sont des appariteurs ; mais elle
est néanmoins fortement tracée, précisément parce qu'elle tient à la dis-
tinction des classes.
(3) Les vestales sont, en vertu de la loi Papia, prises e populo (Aulu-
Gelle, 1, 12, 11), et cela paraît avoir toujours subsisté: la distinction des
classes ne s'étendait pas précisément aux femmes.
(4) Elles ont été bien exposées par G. Wilmanns, De sacerdotiorum p. p.
R. quodam génère, Berlin, 1868, p. 46 et ss.
(5) Des dix curions mentionnés à ma connaissance par les inscriptions, il
y en a un (C. I. L. VI, 2174) qui ne s'attribue pas de magistrature ; sur les
180 DROIT PUBLIC ROMAIN
doute toujours un sénateur (1). Le collège des luperci est éga-
lement ouvert aux deux ordres ; mais nous n'y trouvons que
rarement des sénateurs ; on y rencontre en général plutôt des
hommes de l'ordre équestre, qui n'appartiennent même pas
pour la plupart à sa plus haute classe (2). Parmi les sacer-
doces personnels de rang équestre, les plus considérés sont les
petits flaminats (3), le petit pontificat (4) et le tubicinat (5).
Entre les sacerdoces latins, c'est celui de Caenina qui paraît
avoir obtenu le plus de considération (6). Celui de Lauren-
neuf autres, trois sont restés dans l'ordre équestre (C. 1. L. VI, 2169, cu-
rio minor, — VIII, 1174, — Henzen, 732= C. I. L. XI, 1330, en même temps
le seul sévir eq. R. qui ait plus tard parcouru la carrière équestre ; cf.
p. 127, note 3), six sont entrés dans le sénat ; le curionat est au début ab-
solu de la carrière chez quatre des sénateurs (II, 1262, curio minor, — IX,
2213, — X, 6439= VI, 1578, —XII, 4354); chez deux autres, il est après la
questure (VI, 3845 = Eph. ep. IV, 831, — X, 3761). Sur le curio minor, cf.
tome VI, 1, p. 112, note 3.
(1) Nous n'en connaissons pas d'autre sous l'Empire qu'Eprius Marcel-
lus, consul en 74 {C. 1. L. X, 3853).
(2) C. /. L. XI, 2106 = Wilmanns, 1193, de Clusium : M. Fabio M. f.
Quir. Magno Valeriano Xvir. stlitib. jud., trib. laticl..., XVvir. s. f., q. cand.,
VIvir.. ., tr. pi., pr., Luperco. L. Grepereius Rogatus.c. v., de l'inscription
C. I. L. VI, 1397 s'appelle pontifex dei Solis (par conséquent pas avant Au-
rélien), septemvir et insignis Lupercus, de même le fils de G. Julius Galerius
Asper consul en 212, nepos de G. Julius Asper bis co(n)s(ulis) également
en 212 [et prd\ef{ecti) [urbi] du fragment Notizie degli scavi, 1887, p. 72 (ici
d'après la copie meilleure de Gatti) : [Vll]vir epulonum, Lupercus. Mais, ces
deux derniers n'indiquant pas de magistratures, ils seront restés dans l'or-
dre équestre comme l'empereur Claude. En dehors de ces sénateurs et de
ces chevaliers de rang sénatorial, on ne trouve parmi les nombreux luperci
que des chevaliers ordinaires.
(3) C. I. L. VI 3720 =: Eph. ep. IV, 759. VIII, 10500. IX, 705. 3609. Handb.
6, 327.
(4) Vita Macrini, 7. Cl.L. VI. 1598. 1607. 1620. 1625 b. X, 3901. 5393. XIV,
2922. Orelli, 643. Henzen, 5769 = C. I. L. XIV, 2900. Henzen, 6642. Hand-
buch, 6, 244.
(5) C. I. L. IX, 3609. 5393. 6101. Handbuch, 6, 436.
(6) C'est ce que montre notamment le fragment de Falerii {C. 1. L. XI,
3103= Bull, dell'lnst. 1864, p. 111) :.... Cxniniensi a poi... (cf. tome III,
la partie du Grand Pontificat, sur la nomination des prêtres par les pontifes)
[Xviro stlitib]bus judicandis, trib.l..., selon lequel ce sacerdoce était parfois,
tout comme le curionat, occupé par des chevaliers de rang sénatorial. Ce
sacerdoce est également attribué Orelli, 90 = C. I. L. XI, 2699, à un séna-
teur, mais il y est mis à part de ses fonctions sénatoriales. Les autres
exemples comme C. 1. L. V, 4059. 5128. VI, 1598. IX, 4885. 4886. X, 3704.
XII, 671. C. 1. AU. III, 623. 624, appartiennent à des chevaliers distin-
gués de rang non-sénatorial.
LES CHEVALIERS. 181
tum, dans le sein duquel il existe des divisions et des grada-
tions multiples (p. 193, note 2), peut ne pas lui avoir été infé-
rieur pour ses degrés les plus élevés (1); pour les autres de-
grés, il est le plus vulgaire et le plus inférieur: on y trouve
fréquemment des chevaliersde la plus basse catégorie et, depuis
Commode, des personnes qui n'ont pas le rang équestre ou
môme des affranchis (2).
Les sacerdoces équestres n'étaient pas dépourvus de toute
valeur pratique: ils procuraient certaines immunités (3). Mais
c'étaient principalement des distinctions honorifiques analogues
à nos décorations. La relation plus intime dans laquelle le prince
est avec le second ordre se manifeste encore ici en ce que tout
au moins tous les sacerdoces personnels (4) et peut-être en
outre les places des collèges des curions et des luperci sont
donnés par l'Empereur, tandis que c'est la cooptation qui pré-
domine pour les sacerdoces sénatoriaux.
(1) On trouve encore ici un clarissimus vir quœstor designatus (C. L L. V,
7782), et la carrière du sénateur Ti. Glaudius Glaudianus du temps de Sé-
vère (C. /. L. VIII, 7978) s'ouvre également par cette place.
(2) Un affranchi parvenu au jus anulorum, mais non à la natalium resti-
tutio, du temps de Commode : C. 1. L. VI, 1847. — Un lictor proximus :
C. I. L. VI, 1883. — Seviri Augustales : C. 1. L. XIV, 295. 318. — Le père
d'un fils désigné comme chevalier : C. L L. III, 6270.
(3) C. I. L. X, 3704 : Cum privilegio sacerdoti Cseninensis munitus potuisset
ab honorib. et munerib. facile excusarl. Ulpien, Vat. fr. 173 a. Selon la cons-
titution de 385, C. Th. 8, 5, 46,1a position occupée dans le consortium Lauren-
tum doit avoir exempté pendant un certain temps des prestations relatives
au service de la poste. Peut-être est-il fait allusion à de tels privilèges par
les mots : Pro conlatis in se beneficiis equestr. ord. (p. 150, note 2).
(4) Cf. le tome V, sur la Nomination des prêtres par l'empereur.
LES CITES DE DEMI-CITOYENS.
Après avoir exposé la condition juridique du peuple et de
ses membres, il nous reste à étudier celle des cités qui dépen-
dent de Rome. L'Etat romain s'est transformé en empire uni-
versel, plus encore que par l'accroissement direct du nombre
de ses citoyens, par l'adjonction d'États clients dont le régime
se compose sans exception de deux éléments : de dépendance
légalement déterminée par rapport à l'État romain, d'une part,
et d'indépendance politique, d'autre part. La manière dont sont
mélangés et formulés ces deux termes opposés et rigoureuse-
ment incompatibles de la sujétion et de la souveraineté a fait
naître des formes très multiples, mais toujours hybrides : le
droit de cité sans suffrage, ou, comme nous l'appellerons, le
demi-droit de cité, et les différentes espèces d'alliance dépen-
dante que nous allons étudier successivement. Si l'empire
de Rome tel qu'il se manifeste ici peut être désigné comme
une fédération d'États, ou mieux, les institutions républicaines
de la cité dominante passant d'elle aux cités dominées, comme
une fédération de villes, la transformation du droit de cité de
la cité dominante en droit de cité de l'empire et de celui des
cités dominées en droit de cité municipale y a fait naître la
distinction, théoriquement et pratiquement nouvelle, de l'état
LES CITÉS DE DEMI-CITOYENS. 183
et de la ville, en a fait Pempire composé de cités de citoyens ro-
mains complets. Nous terminerons notre étude par le tableau de
la condition juridique de ces cités de citoyens romains com-
plets, c'est-à-dire par la théorie du droit municipal, considéré
dans ses traits généraux.
La cité de citoyens de condition inférieure, que nous dési- Cis3™Sioe
gnerons ici, pour plus de brièveté, du nom de cité de demi-ci-
toyens, est appelée par les Romains civitas sine suffragio (1),
ou encore municipium civium Romanorum (2), seconde expres-
sion au sujet de laquelle on se rappellera qu'au temps de l'in-
troduction de cette institution, il n'y avait pas encore de muni-
(1) Civitas sine suffragio : Tite-Live, 8, 14, 10. c. 17, 12. Velleius, 1, 14, 3 ;
civitas sine suffragii latione: Tite-Live, 9, 43, 24; municipes sine suffragii
jure: Aulu-Gelle, 16, 1 3, 7. Il n'y a pas d'expression, nettement frappée,
pour désigner le terme opposé, la cité complète. Civitas sans autre qualifi-
cation, est aussi souvent employé pour la demi-cité que pour la cité com-
plète. Il se rencontre comme désignant le demi-droit de cité même dans des
textes où civitas se trouve à côté de civitas sine suffragio. La civitas des Fun-
dani et des Formiani dans Velleius, lot. cit., est, sans discussion possible,
la civitas sine suffragio, qu'il mentionne en termes exprés immédiatement
auparavant pour les Samnites. Dans Tite-Live, 8, 14, on ne peut pas con-
clure de ce qu'il ajoute sine suffragio à civitas pour les Gampani, les For-
miani et les Fundani que, par exemple, la civitas des Tusculans et des
Lanuviens soit la cité complète (VI, l,p. 198, note 2). La civitas attribuée aux
Arpinates dans Tite-Live, 10, 1, ne peut être que la cité inférieure. — En
revanche, civitas ne désigne pas seulement, dans les textes cités de Tite-Live
et de Velleius, tantôt le demi-droit de cité et tantôt le droit de cité com-
plet ; les annales considèrent souvent ce dernier comme le seul droit de
cité ; car elles ignorent fréquemment le droit de cité théorique des demi-
citoyens et traitent ces derniers, irrégulièrement en droit et politiquement
avec raison, comme des alliés (p. 190, note 3). Cette incertitude de langage
vient-elle des écrivains qui nous sont parvenus ou n'y avait-il pas de ligne
de démarcation rigoureuse dans l'ancienne langue juridique elle-même,
c'est là une question dont la solution nous échappe. — La terminologie
grecque n'a pas d'expression pour la civitas sine suffragio ; nous montre-
rons dans la partie du Droit latin, qu' îcroTroXiTeca, comme en latin civitas,
se dit également du droit cité complet et du demi-droit de cité, mais ne dé-
signe pas du tout techniquement ce dernier.
{■!) VI, 1, p. 265. Nous étudions dans son ensemble la signification chan-
geante avec les temps, de manicipium, soit plus haut, au sujet des Corvées
et des impôts (VI, 1, p. 262 et ss.), soit plus bas, à propos du Droit municipal.
Dans notre terminologie à nous, il est préférable d'employer l'expression
seulement au sens restreint où l'emploie le droit romain moderne, c'est-à-
dire exclusivement pour les cités de citoyens complets en y comprenant les
colonies de citoyens.
184 DROIT PUBLIC ROMAIN.
cipium de citoyens complets ayant le droit de suffrage. C'est
une cité autrefois autonome qui est entrée dans le cercle des
citoyens romains, où ses membres sont soumis, bien qu'avec
des modifications, aux obligations des citoyens romains, mais
ne sont ni électeurs ni éligibles dans les comices romains, et où,
par suite, toute restriction durable et héréditaire du droit de
cité entraînant une certaine séparation entre ceux qui y sont
soumis et l'ensemble des citoyens, ils forment entre eux un
groupe plus ou moins distinct, personnellement et territoriale-
ment fermé.
Limites Ce droit de cité restreint n'a été créé que relativement tard,
Ceïïo2a°ifsqduS et il a de même disparu relativement tôt. Une raison suffirait
demi-droit de
cité. pour l'exclure de la constitution romaine primitive : c est que
la constitution ancienne n'admet pas de cercles séparés dans
le sein du peuple romain. Mais là précisément réside l'impor-
tance politique de l'institution. C'est la plus ancienne des for-
mes hybrides en partant desquelles le droit de cité local s'est
développé dans l'État. C'est, en un certain sens, le berceau des
futures institutions municipales romaines. Et, à ce point de vue,
plus encore que pour elle-même, elle mérite un examen atten-
tif (i).
La première cité (2) qui entra, dans cette condition, fut pro-
bablement la ville étrusque de Caere, de laquelle non pas il est
vrai le demi-droit de cité, mais l'une de ses deux formes prin-
cipales a tiré son nom (p. 198). Il n'existe pas de témoignage
(1) Gomme il y a, dans cette exposition, moins à tenir compte des témoi-
gnages généraux que des données relatives aux différentes villes, un aperçu
historique d'ensemble paraît indispensable. On ne peut arriver à se faire
un jugement sur la question qui nous occupe que par la connaissance
précise de l'histoire isolée des différentes villes ; les documents fondamen-
taux sont les deux listes de cités de demi-citoyens de Festus (VI, 1,
p. 265, note 1).
(2) Aulu-Gelle, 16, 13, 7 : Primos municipes sine suffragii jure Cserites esse
factos accepimus ; et il rattache ensuite la chose à l'incendie de Rome par
les Gaulois. Il ne faut pas attacher trop de poids à cette priorité, parce
qu' Aulu-Gelle, dans son exposition d'ailleurs confuse, s'occupe peut-être
non pas du demi-droit de cité lui-même, mais du droit des Cœrites qui en
est l'une des variétés.
LES CITES DE DEMI-CITOYENS- 185
digne de foi sur la date de l'entrée des Caerites dans cette con-
dition ; la tradition postérieure semble avoir rattaché le fait à
l'incendie de Rome par les Gaulois (1). Le demi-droit de cité a
en outre été conféré très tôt à un certain nombre de villes la-
tines, à Tusculum, selon la tradition, en 373 (VI, l.p. 198, note
2) ; puis après la grande guerre latine de 416, à toutes les an-
ciennes cités latines (2) sauf Préneste, ïiburet un petit nombre
(1) La tradition connaît deux faits concernant les Caerites : les services
qu'ils rendirent aux Romains lors de l'invasion des Gaulois et leur pré-
sence à la tète de la pire catégorie des cives sine suffragio. Le second fait
est attesté par la liste de Festus, VI, 1, p. 265, note 1, et avant tout par l'institu-
tion des tabulae Casritum (p. 200, note 2) ; les deux sont rapportés par Stra-
bon, 5, 2, 2, p. 220, et il fait ressortir la lacune existant dans le récit en
blâmant l'ingratitude des Romains (ol To>|xaTot... où-/ Ixavûç àuojxvr^ove-jo-at
tt,v -/apiv a-jTot; ôoTcoOa-iv). On ne trouve nulle part ailleurs la réponse à la
question de savoir comment les Gserites arrivèrent à cette situation. L'ex-
plication misérable du droit des Gserites par l'invasion gauloise donnée par
Aulu-Gelle (16, 13, 7 : Concessum Mis, ut civitatis Romanae honorem quidem
caperent, sed negotiis tamen atque oneribus vacarent pro sacris bello Gallico re-
ceptis custoditisque) montre que l'on se posait déjà vainement cette question
de son temps. La version des scolies de Cruquius sur Horace, Ep. 1, 6,
62. qui place entre les deux faits une défection des Caerites ([sacra] cum ser-
vassent intégra, pro eo beneficio Caerites civitate donati snnt municipesque facti;
at posteaquam ausi sunt Romanis rebellare, eis devictis iterumque civitate donatis
jussuffragiorum ademptum est censusque eorum in tabulas relati et a ceterorum
censibus remoti sunt) est sans doute rationnelle ; mais la double concession
du droit de cité est très problématique, et par dessus tout cette allégation
est dépourvue de toute autorité; c'est probablement l'invention d'un savant
postérieur, sinon même d'un savant moderne. La remarque des anciennes
scolies sur le texte : Victis Cseritibus Romani in percutiendo fœdere non dede-
runt suffragii ferendi jus, quod ignominiosum fuit, a dû servir de fondement
à cette amplification. Tite-Live, 7, 19, 20, rapporte, sous la date de 401, une
guerre contre les Caerites qui se termine par une trêve de cent ans ; Dion
(fr. 33; entre 364 et 481) une paix entre Rome et Caere, dans laquelle cellt-
ci abandonne la moitié de son territoire. Au moins selon la version de
Tite-Live, Caere aurait encore possédé et conservé son indépendance à
citte époque, et cette version est en contradiction avec celle d'Aulu-Gelle,
en ce qu'alors le demi-droit de cité des Caerites n'aurait pas pu encore exis-
er en 401. Mais il n'y a pas à se fier à ces relations dans lesquelles il
n'est pas fait allusion au demi-droit de cité. Il n'y a pas d'objection essen-
tielle contre la supposition la-plus naturelle, selon laquelle le demi-droit de
cité aurait été établi d'abord pour les Caerites etdèsleiv6 siècle de Rome.
(2) Tite-Live, 8, 14, nomme, outre Tusculum, qui conserve sa condition
antérieure, Lanuvium, Aricia, Nomentum et Pedum ; Velleius, 1, 14, Ari-
cia seulement. Velitrae doit aussi nécessairement avoir changé alors son
autonomie pour le demi-droit de cité (C. /. L. X, p. 651). L'idée qu'il s'agit du
demi-droit de cité est confirmée, en laissant de côté Tusculum (VI, 1, p. 198,
186 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d'autres qui furent admises à renouveler leurs traités (1) ; en
même temps, à Fundi et à Formiœ, dans le pays des Volsques (2),
et bientôt après à la plupart des autres villes des Volsques (3);
toujours en 416, en Campanie, d'abord à Capua, (4) et de même
à Gumae (5), à Teanum (6) et à un certain nombre de peti-
tes localités (7); en 448, à la ville hernique d'Anagnia(8); vers
la même époque, à la cité des ^Eques (9); enfin, en 464, aux
villes des Sabins (10). En même temps que le demi-droit de
cité était attribué à ces communes, on a fréquemment et par-
note 2) par la mention de Lanuvium et d'Aricia dans la liste de Festus. On
ne peut décider si l'inscription bilingue, probablement de Delos, Eph. ep.
V, n. 186, dans laquelle le défunt est appelé Lanuinus dans le texte latin, et
'Pwfjiaïoç dans le texte grec, appartient à l'époque où Lanuvium avait le
demi-droit de cité ou à celle où elle avait le droit de cité complet.
(1) Aux cités nommées (Tite-Live, 8, 14), il faut sans doute ajouter la
vieille cité latine de Gora (C. 7. L. X, p. 645).
(2) Tite-Live, 8, 14 ; Denys, 15, 7; Vell. 1, 14. Elles sont toutes deux dans
la liste de Festus. Cf. C. I. L. X, p. 602.
(3) Satricum non loin de Fregellse avant l'an 435 (VI, 1, p. 374, note 1),
Arpinum en 451 (Tite-Live, 10, 1).
(4) Tite-Live, 8, 14. Velleius, 1, 14. C. L L. X, p. 365.
(5) Tite-Live, loc. cit.; Festus, dans les deux listes; C.I.L. X, p. 350.
Dans la liste des présents faits pour les sacrifices à Delos rédigée en 574
(Homolle, Bull, de corr. Hell. 6, 45, ligne 147), il figure un M-vcctoç Mtvaxou
(S)TYjlOÇ lPa)[Jt.aÏ0Ç tv. KufJLYjÇ.
(6) C. 1. L. X, p. 471. La preuve décisive que les Sidicini ont eu le droit de
cité, malgré les doutes que pourrait faire naître l'absence de témoignages
exprès et leur droit de battre monnaie qui ferait plutôt penser à un rapport
d'alliance (p. 204), résulte de leur service dans les légions campaniennes (p.
201, note 6).
(7) Il faut signaler Acerrse à raison de l'intégrité spéciale de la tradi-
tion qui la concerne. Tite-Live, 8, 17, sur l'an 422 : Romani facti Acerrani
lege ab L. Papirio praetore lata, qua civitas sine suffragio data. Velleius, 1, 14:
lnsequentibus consulibus ac Sp. Postumio, Philone Publio censoribus, (an 422)
Acerranis data civitas. Festus cite également les Acerrani dans ses deux lis-
tes. Il en est de même, peut- on établir, d'Atella (Festus) et Suessula (Tite-
Live, 8, 14, 11) et sûrement encore de Galatia, Gaiatia (C. /. L. X, p. 444),
Gasilinum (C. I. L. X, p. 369) et d'autres localités de Gampanie.
(8) Tite-Live, 9, 43, sur l'an 448 : Anagninis... civitas sine suffragii latione
data, concilia conubiague adempta et magistratibus praeterquam sacrorum cura-
tione interdictum. C. I. L. X, p. 584.
(9) Ce sont les futurs JEquiculi, le Gicolano actuel, c'est-à-dire ce qui
restait encore de l'ancien territoire des ^Eques après la fondation des colo-
nies d'Alba et de Garsioli.
(10) Velleius, 1, 14. C. /. L. IX, p. 396. Gela se rapporte notamment à
Cures, à Reate et à Amiternum.
LES CITÉS DE DEMI-CITOYENS. 187
fois avec une grande largeur donné le droit de cité complet à
des citoyens isolés, qui n'en restaient pas moins membres de
la cité de demi-citoyens (I). Il y a eu une époque où la plu-
part des villes étaient incorporées de cette façon à l'État ro-
main, dans les pays des Latins, des iEques,des Sabins,des Herni-
ques, des Volsques et des Campaniens, c'est-à-dire en somme
dans l'Italie centrale proprement dite. Ce procédé a été employé
non pas exclusivement, mais au moins d'abord et principalement
en face des cités de race étrangère. Les cités de nationalité la-
tine auxquelles on a imposé le droit de cité romaine, ont en gé-
néral été admises aussitôt au droit de cité complet ou tout au
moins ne sont pas restées longtemps dans le demi-droit de cité
(VI, 1, p. 198). La différence de nationalité constituait un obstacle
à la communauté militaire complète, qui était la conséquence
forcée de l'admission parmi les citoyens avec égalité de droit,
et ce fut là probablement la première cause qui fit établir l'ins-
(1) Quand, selon Tite-Live, la civitas Romana est donnée, en 414, aux 1600
équités Campani restés fidèles (8, il, 15 : Eguitibus Campanis civitas Romana
data, monumentoque ut esset, aeneam tabulam in sede Castoris Romse ftxerunt)
et, en 416, le demi-droit de cité aux autres Campaniens (Tite-Live, 8, 14, 10 :
Campanis equitum honoris causa civitas sine suffragio data est), il ne peut
s'agir, pour les premiers, que du droit de cité complet. C'est pourquoi il
est dit plus bas, 23, o, 9 : Civitatem nostram magnx parti vestrum dedimus
communicavimusque vobiscum. En outre, il fut attribué à ces individus et à
leurs descendants une pension payée par le trésor de Capoue et liée, sem-
ble-t-il, à une obligation de servir à cheval dans la levée de Campanie
(Tite-Live, 8, 11, 16: Vectigal quoque eis Campanus populus jussus pendere in
singulos quotannis — fuere autem mille et sescenti — denarios nummos qua-
dragenos quinquagenos) . Les cavaliers campaniens cités p. 189, note 3, étaient
sans doute les descendants de ces Campaniens ayant la cité complète.
Peut-être cette pension était-elle une compensation des émoluments reve-
nant au civis Campanus en cette qualité et probablement enlevés à ces ca-
valiers par leur acquisition de la cité romaine complète. La disposition
selon laquelle la cavalerie campanienne se compose à titre durable de ci-
toyens complets est analogue à la concession du droit" de cité romaine faite
aux familles de magistrats des villes de droit latin. Ni les uns ni les au-
tres n'acquéraient en fait un droit de suffrage ayant une importance ; car
leurs immeubles se trouvaient en général en dehors des tribus. L'éligibi-
lité a peut-être aussi été enlevée à ces citoyens romains complets domiciliés
à Capoue, comme aux Latins admis au droit de suffrage. Mais leur privi-
lège gardait une valeur pratique au point de vue de la provocatio et d'au-
tres droits importants.
188 DROIT PUBLIC ROMAIN.
titution des cités de demi-citoyens. Mais, de même que topo-
graphique ment elle ne paraît pas avoir sensiblement dépassé
les limites indiquées (1), elle ne s'est non plus chronologique-
ment maintenue que peu de temps, sans doute en partie par
suite delà latinisation croissante de l'Italie. La concession de ce
droit faite aux Sabins en 464 est la dernière qui nous soit con-
nue, et la plupart des cités auxquelles il avait été conféré
semblent être parvenues assez peu de temps après à la cité
complète. Le cas le plus ancien que nous connaissions de trans-
formation du demi-droit de cité en droit de cité complet est
celui de l'admission des Sabins au droit de suffrage en 486 (2);
le plus récent dont nous ayons la preuve est celui de la con-
cession du droit de suffrage aux Fundani, aux Formiani et aux
Arpinates en 566 (3). La plupart des cités de demi-citoyens
sont, à moius d'avoir subi des catastrophes spéciales telles que
la destruction de Capoue en 544, probablement devenues des
cités de citoyens complets dès avant la guerre sociale; quel-
ques cités de Campanie seulement, par exemple Cumœ, n'ont sans
doute reçu qu'alors la cité complète. La cité de demi- citoyens
fut remplacée politiquement par la colonie latine et la colonie
(1) Au nord du Tibre, il n'y a sans doute eu, en dehors de Csere, que Fa-
lerii et Ferentium (p. 194, note 1) dans cette condition. La pars Samnitium
qui y entra en même temps que Gapoue (Velleius, 1, 14) doit comprendre,
outre Teanum (p. 186, note 6), les villes-frontières de Venafrum et d'Allifse,
qui ont sûrement eu le demi-droit de cité, puisqu'elles figurent parmi les
prxfecturœ.
(2) Velleius, l, 14. C. L L. IX, p. 396. Cela coïncide probablement avec
les assignations de terres à des citoyens romains, faites alors sur une très
grande échelle, mais sans déduction de colonies, sur le territoire sabin. Le
nombre des citoyens romains domiciliés là est nécessairement devenu dé-
sormais si considérable qu'il a semblé opportun d'assimiler quant aux droits
politiques tous les propriétaires de la population. — A la vérité, il est
surprenant que, dans la liste des hommes propres au service de 529 (Po-
lybe, 2, 24), les Sabins soient cités avec les Étrusques et les Gampaniens
réunis aux Romains. Mais cela s'explique parla considération que, parmi
les citoyens, les réserves de Rome et de Campanie n'étaient pas encore
complètement appelées, tandis que celles de la Sabine l'étaient déjà pour être
envoyées à la frontière avec la levée étrusque ; c'est en partant de là et
non pas directement de la condition politique que les divisions sont faites.
(3) Tite-Live, 38, 36.
LES CITES DE DEMI-CITOYENS. 189
de citoyens. Après la guerre contre Pyrrhus, les Romains ont
achevé la soumission de l'Italie par des fondations de colonies
et ont en principe laissé tomber l'ancien système.
Dans l'étude de l'organisation légale des cités de demi-
citoyens, il ne faut jamais perdre de vue que cette condition
juridique est fondée pour chaque cité sur une réglementation
spéciale, et que les dispositions particulières décos réglementa-
tions ont été très différentes. Il n'y a que deux caractères qui
se retrouvent également dans toutes les cités de demi-citoyens :
un caractère positif, qui est la possession du droit de cité ro-
maine, et un caractère négatif, qui est le défaut de l'électorat et
de l'éligibilité.
Le peuple romain et ses représentants sont souverains sur souveraineté de
x x * Rome sur les
les citoyens complets pris tant dans leur ensemble qe'individuel- . cltés, de
«J r r t. demi-citoyens.
lement ; ils le sont de même sur les demi-citoyens aussi bien
dans leur ensemble qu'individuellement. Le demi-droit de cité
a pour fondement juridique, d'une part, la dédition qui a en-
levé à la cité dont il s'agit son autonomie antérieure (1) et,
d'autre part, la résolution du peuple romain qui a réglé la si-
tuation de cette cité (2). Le rapport juridique est donc dépourvu
de tout élément contractuel, liant le peuple romain. Par suite,
le peuple peut par une loi donner le demi-droit de cité, tout
comme le droit de cité complet, soit à des communes soit à des
individus (3); il e'st également libre de transformer par un
(1) Cela se manifeste clairement dans le cas politiquement important de
la soumission de Gapoue. Après que les Romains ont refusé l'alliance sol-
licitée, les Gampaniens accomplissent leur soumission : Populum Campanum
urbemque Capuam agros delubra deum divina humanaque omnia in vestram,
patres conscripti, populique Romani dicionem dedimus (Tite-Live, 7, 31, 4), et
alors les Romains demandent à leurs alliés les Samnites, ut dediticiis suis
parcerent neque in eum agrum, qui populi Romani fac tus esset, hostilia arma
inferrent (7, 31, 9).
(2) Telle est la loi Papiria pour Acerrœ (p. 186, note 7). Il doit avoir été
fait des lois du môme genre pour toutes les villes de demi-citoyens ; mais
elles sont rarement citées, parce qu'elles n'avaient qu'une importance de
forme à côté de la dédition qui était politiquement la chose décisive.
(3) Les trois cents « chevaliers » de Gapoue qui servaient en 538 dans
l'armée de Sicile (Tite-Live, 23, 7, 2), probablement les descendants des
1600 mentionnés p. 187, note 1, restèrent bien en dehors de la chute de la
190 DROIT PUBLIC ROMAIN.
acte unilatéral le demi-droit de cité en droit de cité complet (i)
ou encore de le supprimer^). Sous tous ces rapports, les cités de
demi-citoyens sont exactement le contraire des cités fédérées(3).
poiïtïefdes Dans quelle mesure les droits personnels appartenant aux
avTcRmre!19 citoyens, appartiennent-ils également aux demi-citoyens ? C'est
là une question qui est en premier lieu tranchée pour chaque
cas particulier par la résolution des comices romains. — Le
droit de provocation peut ne pas avoir en lui-même appartenu
aux demi-citoyens; car il a pour fondement la participation aux
comices; mais on a tout au moins essayé de le revendiquer pour
les Campaniens (4). — Le conubium était accordé aux Campa-
niens (5) et refusé aux Anagnini (p. 186, note 8). — A l'ad-.
ville ; mais leur droit de cité complet fut mis en question par la destruction
de l'état campanien ; car il était lié à leur service à cheval dans les légions
de Gampanie (quorum hominum essent, scire se ipsi negabant). C'est pourquoi
une loi de 339 leur rendit leur droit de cité romaine, en leur transférant les
droits des membres de la cité de demi-citoyens de Gumes (uti municipes Cu-
mani essent pridie quam populus Campanus a populo Romano defecisset, Tite-
Live, 23, 31).
(1) C'est ce que montrent notamment les lois de 566 (p. 188, note 3).
(2) C'est ce qui arriva en 435 pour Satricum près d'Arpinum (VI, 1,
p. 374, note 1) et en 544 pour Capoue. On remarque à cette dernière occasion
(Tite-Live, 26, 33, 10) per senatum agi de Campanis, qui cives Romani sunt,
injussu populi nonposse. Cf. VI, 1, p. 156.
(3) Sans doute ce rapport est, comme nous l'avons déjà remarqué (p. 183,
note 1), souvent regardé dans les relations des annales, comme un rapport
d'alliance. Ainsi de la façon la plus précise dans Tite-Live, au sujet de
Capoue, 23, 5, 9 : Fœdus œquum... dediticiis dedimus, de même 9, 6, 5. 8. c. 7,
1. c. 10, 1. 23, 5, i. c. 10, 1. 25, 18, 5. 31, 31, 10 ; relativement à Cumes, 23,
36, 8, etc. C'est pourquoi Aricia, cité de demi-citoyens de la catégorie la
plus inférieure, est appelée laudativement par Cicéron, Phil. 3, 6, 15, mu-
nicipium vetustate antiquissimum, jure fœderatum ; la dénomination mu-
nicipium appartient en droit à la cité de demi-citoyens, et sa loi constitu-
tive pouvait par politesse être regardée comme un fœdus. Au point de vue
politique, on peut soutenir que les cités de demi-citoyens sont plutôt fé-
dérées qu'incorporées ; au point de vue de la forme, c'est une conception
défectueuse. — Le traité de réparation conclu entre Rome et Lavinium se
place à l'époque de l'autonomie de Lavinium et trouvera sa place dans l'é-
tude de la Ligue latine.
(i) L'exécution des légionnaires de Gampanie pris à Rhegion et conduits
à Rome a lieu M. Fulvio (?) Flacco denuntiante, ne in cives Romanos adversus
morem majorum animadverteret (Val. Max. 2, 7, 15).
(5) Tite-Live, 23, 4, 7 : Conubium vetustum multas familas claras ac p 'j-
tentes Romanis miscuerat. Cf. c. 2, 6. 26, 33, 3.
LES GITES DE DEMI-CITOYENS. 194
mission du commercium, on peut objecter qu'il a pour base natu-
relle la communauté de langue, et qu'elle n'existait pas avec les
plus anciennes et les plus importantes cités de demi-citoyens
telles que Caere et Capua; ensuite que la conception des cités de
demi-citoyens comme des municipia (VI, 1, p. 265) implique bien
leur participation aux impôts et aux corvées du peuple romain,
mais que cette participation n'amène pas, comme celle des La-
tins, à faire inscrire les contribuables sur les rôles de l'impôt fon-
cier, que les cités de demi-citoyens satisfont à l'impôt dans des
formes divergentes étudiées plus bas. Certainement la circons- Exclusion des
,,,.■, •■ tribus.
cnption reste en dehors des tribus, quant au sol et quant aux
personnes (I). Donc les conséquences de droit privé qui sont
liées à la tribu ne peuvent pas se produire; ainsi par exemple,
l'immeuble situé à Formiœ ne pouvait pas être présenté comme
sûreté à l'État dans les locations publiques. Mais sans doute les
demi-citoyens auront eu la propriété sur leur sol, d'après
leur droit propre, sinon d'après le droit romain, et les fonds
campaniens ne doivent pas avoir été regardés, ainsi que furent
plus tard les fonds provinciaux, comme non-susceptibles de pro-
priété privée ou même comme appartenant à l'État. On ne peut
dire en principe si le sol qui n'appartenait pas aux particuliers
était regardé comme étant sous la propriété de la cité de demi-
citoyens ou sous celle de l'État. L'accomplissement par des
magistrats du peuple romain de la procuration des prodiges
constatés sur le sol public dans des cités de demi-citoyens (2)
pousserait à se prononcer dans le dernier sens. Au contraire,
(1) La preuve en est, d'une part, que les demi-citoyens qui sont recen-
sés à Iiome ne sont pas inscrits sur les listes des tribus, mais sur le
tableau spécial des xrarïï (p. 198, note M) et, d'autre part, que la concession
de la tribu accompagne l'accès de cités de demi-citoyens à la cité com-
plète (Tite-Live, 38, 36).
(2) Le groupement des cas que j'ai donné en tête de l'Obsequens de Jahn,
p. XVIII et ss., montre suffisamment, en dépit des corrections qu'il y au-
rait à y faire par suite des progrès de ces recherches, que la nuntiation
allait en principe à Rome des cités de citoyens et de demi-citoyens, mais
non des villes alliées. A la vérité, il ne manque pas d'exceptions, et on ne
pourrait pas tirer de la nuntiation une conclusion certaine sur la condi-
tion des diverses cités.
192 DROIT PUBLIC ROMAIN.
on peut invoquer, comme preuve qu'au moins dans le territoire
de Gapoue les terres non-privées étaient la propriété de la ville
de Capoue, le fait que les Romains établirent ià des douanes
peu après la destruction de la cité (i), et que ce fut par consé-
quent seulement cette destruction qui leur fit revenir la pro-
priété des terres publiques campaniennes. Il peut facilement
y avoir eu à ce sujet des dispositions différentes dans les di-
verses cités.
L'exclusion de la tribu est la première cause de la condition
politique distincte, indépendante du domicile et durable et héré-
ditaire comme le droit de cité lui-même, qui est celle dupeuple
de toutes les cités de demi-citoyens. En effet, leur participation à
l'impôt est attestée par leur désignation du nom de municipia,
et leur participation au service militaire peut être établie, au
moins pour une partie d'entre elles; or, généralement c'est par
tribus que se font la levée des impôts et des soldats. Nous
allons essayer ici de rassembler ce que l'on sait ou ce que l'on
peut conjecturer sur la condition politique distincte des cités de
demi-citoyens.
Les sacra des Les institutions religieuses des cités de demi-citoyens sub-
cités de ^ J
demi-citoyens sistent sans modifications après l'absorption de ces cités dans
l'État romain; mais elles sont transportées à la cité romaine,
dans une forme ou dans une autre (2). Les institutions religieu-
ses des villes de demi-citoyens de même nationalité passent di-
rectement parmi les institutions religieuses romaines : on peut
(1) Tite-Live, 32, 7, 3, sur l'an 555, douze ans après la prise de Capoue :
Censores portoria venallcium Capux Puteolisque... fruendum locarunt. Ca-
poue est nommée ici, évidemment à cause de la côte appartenant au ter-
ritoire de la ville de Capoue (C. /. L. X, p. 356) ; son partage provoqué par
la fondation de Volturnum et de Liternum eut lieu quelques années après.
(2) Cela s'étend aux états complètement incorporés dans l'État romain,
à l'époque la plus ancienne, avec maintien des anciens temples, et par suite,
sous ce rapport, du nom de l'état disparu : il en fut notamment ainsi d'Albe
et de Cœnina. Plus tard on transporta les temples à Rome, usage dont l'é-
vocation de la Juno regina de Véies (Tite-Live 5, 22; Denys, 43, 3) est le
paradigme. Entre les trois classes de sacra romains, les publica au sens
étroit, les municipalia (p. 194, note 1) et les peregrina (Festus, s. v., p. 237;
Verrius, dans Pline, H. n. 28, 2, 18), ceux-ci appartiennent à la troisième.
LES CITÉS DE DEMI-CITOYENS. 193
l'établir pour Tusculum (1), Lavinium (2), Lanuvium (3),
Aricia (4). Les prêtres de ces sacra continuent à être pris dans
la cité de demi-citoyens intéressée, ou du moins pour Lavinium,
après son incorporation dans la cité desLaurentins, parmi les
Laurentins. Mais, lorsque des magistrats y participent, ce sont
les magistrats romains (5). La direction religieuse de ces sa-
(1) Le sodalis sacrorum Tusculanorum (C. I. L. V, 5036) et le sacerdos
Tusculanus fanitalis (C. 1. L. IX, 2565) ; l'sedilis lustr(a!is) (C. I. L. XIV, 2603,
sénateur du temps de César, et 2628 ; œdilis, C. I. L. XIV, 2580) ; le monitor
sacrorum (C. 1. L. XIV, 2603 ; monitor, C. 1. L. XIV, 2580) et le prœfectus sa-
crorum (C. I. L. XIV, 2580) sont certainement des prêtres romains, sous
l'Empire, des prêtres de rang équestre.
(2) Tous les prêtres qui sont en quelque rapport avec les sacra de La
vinium et de Laurentum, — on trouve nommés les pontifes, les augures, les
Gamines de Jupiter et de Mars et un flamen lucularis, les saliens, le pater
patratus des f étiaux, — sont des prêtres romains, à l'époque récente, des prêtres
de l'ordre équestre (p. 179). Lavinium même a probablement été supprimé,
en 416, de la même façon qu'Albe, et l'administration de ses sacra a été
transportée à la cité de Laurentum, ainsi que l'expriment énergiquement et
clairement les sacra principia populi Romani quiritium nominisque Latini quai
apud Laurentes coluntur (C. I. L. X, 797). La cité de Laurentum subsista au
point de vue politique, tandis qu'au point de vue religieux elle s'amalgama
avec Lavinium. Cette question est bien traitée p. 9 et ss. dans la dissertation
deWilmanns citée p. 179, note 4; au contraire, Dessau, Cl. L. XIV, p. 186,
n'a pas donné la solution juste. — Il est remarquable que, d'après cela, toute
l'histoire des origines de Rome a pour fondement les institutions politiques
du commencement du cinquième siècle; si ce sacerdoce n'était pas alors
devenu romain, Enée aurait difficilement fondé Lavinium.
(3) Tite-Live, 8, 13, 2, sur l'an 416 : Lanuvinis civitas data sacraque sua
reddita cum eo, ut sedes lucusque Sospitae Junonis communis Lanuvinis muni-
cipibus (= aux demi-citoyens, p. 183, note 2) cum populo Romano esset. Sur
le sacerdoce romain, plus tard de rang équestre, cf. p. 179. Cette dis-
position doit, une communio au sens strict du mot ne pouvant exister
entre le peuple romain et une cité de demi-citoyens, être interprétée dans
ce sens que les sacra passent intégralement au peuple romain, mais que le
collège pontifical prend leurs prêtres parmi les cives Romani Lanuvini, tan-
dis qu'en revanche les magistrats qui participent au culte de Juno Sospita
sont les consuls romains (ci-dessous, note 5).
(4) Le culte de Diana Nemorensis dans le bois sacré d'Aricia doit avoir
été soumis à un régime analogue à celui du culte de Juno Sospita à Lanu-
vium; les fonctions du flamen Virbialis, qui y appartient, constituent un
sacerdoce équestre (C. L L. X, 1493).
(5) C'est un point certain pour Lavinium (cf. tome II, ce qui est dit du
sacrifice de Lavinium, dans la théorie de l'Entrée en charge) et pour Lanu-
vium (Gicéron, Pro Mur. 41, 90 : Nolite a sacris patriis Junonis Sospitse,
cui omnes consules facere necesse est, domesticum et suum consulem potissimum
avellere). Les magistrats supérieurs nécessaires aux sacra faisant défaut aux
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 13
Autorité
judiciaire.
194 DROIT PUBLIC ROMAIN.
cra appartient, comme celle des sacra romains, dès le principe,
au collège des pontifes de Rome, et les sacerdoces de ces cités
de demi-citoyens entrent, en qualité de catégorie nouvelle co-
ordonnée aux plus anciennes, parmi les sacerdoces romains. —
Les sacra des villes de demi-citoyens de nationalités différentes
sont également subordonnés aux pontifes romains sous le nom
de sacra municipalia (1). Mais, comme il se conçoit, ils sont res-
tés en fait dans le cercle auquel ils appartenaient à l'origine, et,
quand des magistrats ont à y concourir ce ne sont pas les ma-
gistrats romains; ce sont comme pour Anagnia, les magistrats
antérieurement existants, maintenus seulement ad sacra (2).
L'autorité judiciaire, qui est l'expression propre de la souve-
raineté de l'État, appartient également en principe ici à la
cité romaine, à ses magistrats et à leurs représentants (3). Il
cités de demi-citoyens (p. 198), il fallait procéder ainsi ou recourir à l'ex-
pédient d'une magistrature fictive (ci-dessous, note 2).
(1) Festus, Ep. p. 157 : Municipalia sacra vocantur quse ab initio habuerunt
ante civitatem Romanam acceptam, quae observare eos voluerunt pontifices et
eo more facere quo adsuessent antiquitus. Le plus ancien municipium civium
Romanorwn est la cité de demi-citoyens. — Ce cercle de la haute surveil-
lance des pontifes sur les sacra qui n'étaient pas romains d'origine est dé-
terminé plus précisément par les calendriers italiques, dont les archéolo-
gues romains avaient connaissance, d'après les renseignements conservés
par Ovide, Fast. 3, 87 et ss. 6, 57 et ss. et Censorinus, 20, 1.3. 22, 6 ; car
ces renseignements peuvent être rattachés à cette haute surveillance qui ne
pouvait être séparée de la connaissance du calendrier. En laissant de côté la
notice, visiblement ajoutée, sur le temps de Junon à Tibur et à Préneste
dans Ovide, 6, 61. 6:2, et les Paeligni, qui viennent certainement de lui, on
trouve nommés les calendriers des ^Equiculi, — d'Albe, — d'Anagnia (car
c'est à elle que fait allusion la mention des Herniques, Fast. 3, 91), — d'Ari-
cia, — de Cures chez les Sabins, — de Falerii, — de Ferentium (car c'est
Ferentium et non Ferentinum qu'il faut découvrir dans le ferenti „ du texte
de Censorinus, 20, 1), — de Lanuvium, — de Lavinium, — de Laurentum,
— deTusculum (il doit aussi y être fait allusion, Fast. 3, 92). Toutes ces loca-
lités ou n'ont subsisté qu'ad sacra, comme Albe et Lavinium, ou ont été
des cités de demi-citoyens. Il n'y a que pour Falerii et Ferentium (près de
Viterbe) que nous n'ayons pas dans ce sens d'autre témoignage confirmatif ;
mais rien n'empêche de rattacher leur entrée dans cette condition à la guerre
de 513.
(2) Cela est attesté pour Anagnia (p. 186, note 8) et il n'y a pas à en
douter pour Caere et les autres lieux mis sur le même pied. Cf. p. 199,
note 3.
(3) Tout au moins Festus n'accorde pas de magistrats (neque tamen ma-
gistratus suos habebant) aux préfectures, qui comprennent de beaucoup la
LES CITÉS DE DEMI-CITOYENS. 195
n'y a probablement eu d'exception que pour Capoue qui
était encore privilégiée à d'autres points de vue : la juridiction
y était, selon toute apparence, divisée entre les magistrats
romains et le Meddix tuticus (1). Quant à l'exercice de cette
juridiction, il n'y a pas de différence de principe entre les
cités de citoyens et celles de demi-citoyens. Dans les unes et
les autres elle a pour organes le préteur romain et ses
représentants en Italie, les prœfecti. Dans le Latium propre-
ment dit, la justice était sans doute rendue par le préteur
romain lui-même aux Tusculans et aux habitants d'autres lieux
mis sur le même pied; cela ne faisait pas plus de difficulté
pratique que la soumission à la même juridiction des colonies
de citoyens d'Ostie, d'Antium et de Terracine, qui est hors de
doute. Le régime organisé pour les localités plus éloignées,
consistant à ne faire venir devant le préteur que les affaires
les plus importantes et à faire décider les moins importantes
par des représentants locaux de ce préteur (prœfecti) (2),
a fonctionné aussi bien pour les cités de citoyens complets (3)
que pour des cités de demi-citoyens. Mais, notre forme
plupart des cités de demi-citoyens ; il peut d'ailleurs s'agir là seulement
des magistrats au sens éminent du mot, des titulaires de la juridiction.
(1) Tite-Live, 23, 35. 24, 19. V. mes Unteritalische Dialekte, p. 278. A Ca-
poue, il n'y en avait probablement qu'un : le principe romain de la collé-
gialité n'était donc pas observé. Où l'on trouve deux meddices comme à
Messana, c'est sans doute un résultat des influences romaines. La juridic-
tion du meddix est attestée par le reproche fait au summus magistratus de
Capoue : Ei semper parti adesse, secundum eam litem judices dare, qux magis
popularis... esset (Tite-Live, 23, 4, 3). On ne peut même pas formuler une
supposition sur la délimitation de compétence.
(2) Il nous est seulement rapporté que prœfecti mittebantur quotannis, qui
ius dicerent ; mais il est très vraisemblable qu'ils n'avaient qu'une compé-
tence limitée et que le préteur se réservait les procès importants. Les tri-
bunaux propres de la juridiction municipale postérieure ont pris partout la
place des préfets, et la délimitation de compétence qui existait pour les pre-
miers a difficilement été créée seulement pour eux; elle a probablement été
empruntée à ce qui existait précédemment pour les préfets et ensuite géné-
ralisée.
(3) Les colonies de citoyens de Puteoli, de Volturnum, de Liternum et
de Saturnia étaient, nous en avons la preuve, des prsefecturse. Parmi les
fora civium Romanorum, il n'y en a qu'un dont nous puissions établir le
caractère de prsefectura : c'est Forum Clodii près du Bracciano moderne,
qui en était une tant d'après Pline, H. N. 3, 5, 52, que d'après l'inscription
ro nains.
196 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d'annexion ayant été principalement appliquée à des pays
éloignés, c'est sans doute aussi pour les cités de demi-citoyens,
pnefecti probablement en premier lieu pour Caere, que les prœfecti ont
été introduits, et, en laissant de côté le Latium proprement
dit, toutes les cités de demi-citoyens, y compris Capoue, ont
probablement eu chacune son pi*œfectus jure dicundo (1). La
disposition relative à ce point a probablement constitué une
partie essentielle de toutes les lois constitutives de cités de
cette espèce (2). Au reste, la localité de citoyens complets
récemment découverte (Gatti, Bull, délia comm. arch. di Roma, 1887, p. 105
= C.l. L. XI, 3310 a) des Claudienses ex prœfectura Claudia. — Si les sièges
de ces préfets étaient désignés, techniquement, semble-t-il, du nom de loca,
cette expression, la plus générale de toutes, a sans doute été choisie pour
manifester l'indépendance du statut local dans laquelle est cette institution.
Ce principe fut appliqué notamment pour la Capoue postérieure à Hanni-
bal. Elle resta une préfecture. Or, les cives Romani Campani perdirent
leur droit de cité romaine, et par conséquent cette circonscription se composa,
pour sa population indigène, de pérégrins. Mais il a déjà été expliqué qu'un
certain droit de cité fut irès vite accordé aux dediticii campaniens (VI, 1,
p. 158), et il faut par suite compter la Capoue d'après Hannibal parmi les
cités de demi-citoyens de la pire condition; au reste les anciens Campa-
niens disparurent postérieurement dans le sein du peuple romain.
(1) Sont attestées (où il n'y a pas d'autre indication, par la liste donnée
dans Festus, s. v. p. 233), outre les quatre cités de citoyens qui vien-
nent d'être nommées et Forum Clodii, les prœfecturœ suivantes : en Étru-
rie, * Csere; — dans le pays des Sabins, Nursia, — Amiternum {CI. L. IX,
p. 399), — Reate (Festus; C. I. L. IX, p. 438); — chez les Vestini, Peltuinum
(C. /. L. IX, p. 324) ; — dans le pays des Herniques,* Anagnia; — dans ce-
lui des Volsques, * Fundi, — * Formiae, — * Privernum, — * Arpinum, —
Atina (C. /. L. X, p. 499), — Frusino; — en Campanie, Venafrum, — Allifse,
— * Capua, — * Cumas ; — en outre les cités soumises avec elles aux prse-
fecti Capuam Cumas : Casilinum, — * Atella, — Calatia, — * Acerrae, —
* Suessula. Sur ces 21 cités, les 11 qui sont marquées d'une étoile, sont ex-
pressément désignées comme des civitates sine suffragio, et la même condi-
tion juridique est très vraisemblable pour les autres. Festus ajoute qu'en
dehors des 22 endroits cités nominativement par lui, il y avait encore quel-
ques localités (loca) qui étaient des préfectures.
(2) Festus, loc. cit. : Prœfecturae ea? appellabantur, in quibus et jus diceba-
tur et nundinae agebantur et erat qusedam earum res publica, neque tamen
magistratus suos habebant: in quas (le Ms. : Quahis) legibus (c'est-à-dire
d'après leur loi constitutive, telle qu'était la loi Papiria pour Acerrae,
p. 189, note 2) prœfecti mittebantur quotannis qui jus dicerent. Après avoir
étudié les prsfecti Capuam Cumas élus par les comices, il ajoute: Alterum
(genus fuerat) in quas ibant quos praetor quotannis in quseque loca miserat le-
gibus.
LES ITES DE DEMI-CITOYENS. 197
pouvant elle-même être une praefectura, le prœfectus ne
disparut pas forcément avec la concession du droit de suffrage;
probablement il ne fut supprimé qu'après la guerre sociale,
à la suite de l'accroissement de l'autonomie communale qui se
produisit alors (1), et même en Gampanie seulement après la
fondation de la colonie de César.
L'existence d'un droit propre, fondé sur l'autonomie et stades9citi>sédeUX
maintenu vivant par elle, tel que le possède la ville fédérée, dernicit°yens-
est incompatible avec la nature de la cité de demi-citoyens.
Mais, de la même façon dont les Romains ont concédé des
statuts locaux aux colonies de citoyens et plus tard aux muni-
cipes de citoyens, des lois propres ont pu être données aux
cités de demi-citoyens. Pour Capoue, on peut établir que cela
a eu lieu dès le moment même de sa fondation, mais natu-
rellement d'une certaine façon : le préteur romain qui nomma
le premier prœfectus pour Capoue, régla en même temps, sans
doute en vertu d'une loi romaine, le statut local, de sorte
que le droit antérieurement existant aura pu être pris pour
base quand au fond, mais que, quant à la forme, ce statut local
était une loi romaine médiate (2). De la sorte le demi-citoyen
campanien a peut-être eu le pouvoir de tester selon son droit
propre. Il est possible que la même procédure ait été suivie
même pour les cités de demi-citoyens laissées moins libres.
Si à Arpinum les sacra ne sont pas liés aux biens (3), cela
(1) Ce point est traité à propos de la juridiction municipale. La déno-
mination prœfecturse s'est maintenue, au moins pour des cités isolées, jus-
qu'au temps de l'Empire ; mais il ne s'ensuit aucunement que les prsefecti
aient subsisté aussi longtemps : la prœfectura Amiternina a à sa tête des
octoviri et des édiles (C. I. L. IX, 4182).
(2) Ce sont là des leges datas, Tite-Live, 9, 20 ; cf. tome IV, dans la théo-
rie du Vigintisexvirat, la section des Vrxfecti Capuam Cumas. Le fait que
la codification a lieu sur la demande des Campaniens n'y change rien léga-
lement; ce n'est d'ailleurs sans doute qu'une formule palliative. La chose
sainement entendue, il est parfaitement digne de foi que les Romains aient
laissé leur droit aux Campaniens (Tite-Live, 23, 5 : Leges vestras dedimus).
(3) Caton, Orig. I. II, fr. 61, éd. Peter (VI, 1, p. 21, note 2). Arpinum reçut
le droit de cité sans suffrage en 451, le droit de suffrage en 566; Gaton songe
probablement à l'état juridique primitif, quoiqu'une anomalie de cette es-
pèce ne soit pas inconciliable avec le droit de cité complet.
198 DROIT PUBLIC ROMAIN.
peut tenir au statut local; mais cela peut aussi tenir à ce qu'ils
n'y étaient liés à Rome qu'exclusivement par une pratique
pontificale en contradiction avec la loi (VI, 1, p. 22). Il ne peut
y avoir eu de changement des institutions existantes opéré d'une
manière autonome qu'à condition que le statut de fondation
romain en eut donné le pouvoir à la cité de demi-citoyens.
Selon que les cités de demi-citoyens conservèrent ou non
cités de demi- leur administration, la jurisprudence romaine en distingua
citoyens avec ou t t .-...,-..
sans autonomie deux catégories : la civitas sine suffraqio ordinaire et le droit
administrative ° '
(droit des attribué d'abord à Caere, puis à Aricia dans le Latium et à
Cœntes.) ' r
Anagnia, la ville des Herniques, et probablement encore à
d'autres localités (1).
Les cités de la première classe ont une chose publique (res
publica) (2), c'est-à-dire leurs magistrats propres, leurs co-
mices propres (3) et leur sénat local propre (4). Les magis-
trats étaient, en laissant de côté ceux probablement exception-
nels de Gampanie, les magistrats de second ordre que Ton
rencontre à Rome comme édiles curules (5) ; la constitution
(1) Nous avons expliqué, VI, 1, p. 265, que, dans la glose de Festus, v. Muni-
cipium, les deux variétés du municipium civium Romanorum relatives à la cité
de demi-citoyens (la troisième concerne la cité de citoyens complets) sont sé-
parées par cette distinction. Sans doute nos sources ne mentionnent pas un
» droit des Caerites »; elles mentionnent seulement, à propos du cens, les
tabulx Gseritum (p. 200, note 2); mais cependant cette expression s'accorde
avec la situation. — Les trois villes nommées dans le texte sont signalées
par Festus, loc. cit. ; son témoignage est confirmé pour Anagnia par celui
des annales (p. 186, note 8). Tite-Live, 8, 14, réunissant la civitas accordée
aux Aricini et celle de Nomentum et de Pedum, le demi- droit de cité de ces
dernières doit également avoir été de l'espèce inférieure.
(2) Festus, loc. cit. : Cives Romani (qui) semper rem publicam separatim a
populo Romano haberent. Il est également permis de rapporter à ceci la quœ-
dam res publica des préfectures (p. 196, note 2), quoique elle ne s'y applique
qu'a potiori ; car les cités inférieures de demi^citoyens sont aussi des pré-
fectures.
(3) Leur existence résulte de celle de magistrats ; car ces derniers ne
peuvent sortir que de l'élection populaire.
(4) Outre le sénat campanien (Tite-Live, 23, 2, etc.), le senatus Fundano-
rum est cité par Tite-Live, 8, 19. La table de patronat, C. L. I. X, n. 6231
est aussi dressée par les [consc]riptes de la prœfectura de Fundi, et elle ap-
partient sans doute, — elle a été faite entre 532 et 602, — à la cité de demi-
citoyens et non à la cité des citoyens complets établie en 566.
(5) Leur institution seulement en l'an 388 de Rome (v. tome IV, la théo-
LES CITES DE DEMI-CITOYENS. 199
postérieure de diverses villes parvenues du droit de tcité res-
treint au droit de cité complet en présente des vestiges (1),
et des institutions du même genre peuvent fort bien avoir été
établies dans toutes les cités de demi-citoyens de la classe
la plus élevée. L'étendue de leurs pouvoirs est déterminée
par là jusqu'à un certain point. Les cités de demi-citoyens de
la première classe peuvent avoir conservé l'administration de
leurs biens et spécialement la direction de leurs constructions;
tout au moins on ne connaît aucun cas dans lequel les censeurs
y soient intervenus en pareille matière (2). Nous ne pouvons
pas dire dans quelle mesure le fonctionnement de ces organes
locaux était restreint par l'action des organes romains, notam-
ment des préfets. En tout cas, les résolutions des comices
et les décisions du sénat ainsi rendues ne pouvaient produire
effet qu'en tant qu'elles ne se heurtaient pas à quelque règle
établie par Rome. L'unique document qui puisse être attribué
avec vraisemblance à une cité administrée de cette façon
(p. 198, note 4) paraît démontrer que son sénat local avait
besoin du consentement du préfet pour la nomination d'un
patronus; ce consentement peut avoir été requis en général
pour les actes importants d'administration.
Par opposition, les cités de la catégorie inférieure ont dû
nécessairement être dépourvues de tous ces droits, et leurs
magistratures n'avoir guère qu'un rôle religieux (3).
rie de l'Édilité, section II, au début) s'accorde bien avec l'idée que cette
édilité a constitué une portion essentielle des institutions des cités de demi-
citoyens créées à peu près vers la même époque.
(1) Le rôle de magistrats supérieurs joué postérieurement à Fundi (C. /. L.
X, p. 617), à Formiae {C. I. L. X, p. 603) et à Arpinum (C. I.L. X, p. 556) par
trois édiles, et àPeltuinum (C. I. L. IX, p. 324) par deux, amène à penser
que, du temps de la civitas sine suffragio, ces villes n'avaient que la magis-
trature inférieure et que, quand elles ont obtenu le droit de suffrage, on n'y
a "pas mis comme ailleurs des magistrats supérieurs auprès des magistrats
existants, mais on a attribué les fonctions les plus élevées à ces derniers.
(2) V. tome IV, la théorie delà Censure, sur les constructions des cen-
seurs dans les cités de citoyens. Les censeurs romains ont sans doute exé-
cuté des constructions à Fundi et à Formise en 570 (Tite-Live, 39, 44, 6) et en
580 (Ïito-Live, 41, 27, 11); mais ces constructions se placent à une date
postérieure à l'incorporation complète de ces cités accomplie en 566.
(3) C'est un point certain pour Anagnia (p. 186, note 8). Si Caere est plus
200 DROIT PUBLIC ROMAIN.
cens. La distinction des cités de demi-citoyens avec ou sans admi-
nistration communale se manifeste en premier lieu pour le cens
et pour les obligations à l'impôt et au service militaire qui eD
sont les conséquences. Nous avons déjà remarqué que le cens
ordinaire fait à Rome ne s'appliquait qu'aux citoyens complets
et que les demi-citoyens, étant tous hors des tribus, en étaient
exclus. Aucun témoignage ne nous a été transmis sur la forme
du cens dans les cités de demi-citoyens de la première classe;
il y aura été fait, au même moment que celui des citoyens
complets, sur l'invitation des censeurs romains, par les auto-
rités propres de la cité de demi-citoyens, peut-être avec le
concours et sous le contrôle du prœfectus romain, et aura
été ensuite enregistré par les censeurs romains (1). Au con-
traire les cités de demi-citoyens qui n'avaient pas de magis-
trats propres, étaient, quand il y avait un cens à Rome, recen-
sées là et par les censeurs romains ; mais leurs membres étaient
inscrits sur la liste particulière des citoyens exclus des tribus,
mais sujets à l'impôt (aérant), qui portait par suite le nom
de tabulœ Cœritum (2). Tant que la liste principale des
tard, en qualité de cité municipale, sous l'autorité d'un dictateur, ce dicta-
teur doit, exactement de la même façon, remonter à l'époque du demi-droit
de cité et même à celle de l'autonomie, comme c'est indubitable pour les
préteurs d'Anagnia. Les institutions municipales modernes rendirent leurs
attributions à ces magistratures. — En l'an 549, Csere figure, à côté de cités
alliées et débités de citoyens complets, parmi les villes italiques qui four-
nissent volontairement des secours à Scipion pour l'expédition d'Afrique
(Tite-Live, 28, 45, 15 : Polliciti Cserites frumentum sociis navalibus commea-
turnque omnis generis) ; mais il n'est pas démontré ni que la ville fût encore
alors une cité de demi-citoyens ni qu'il fallaitt pour cela une résolution du
peuple. Les Gaerites pouvaient, surtout s'ils avaient à fournir des rameurs
(p. 203, note 1), les équiper par des contributions volontaires.
(1) V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection des
rôles, sur l'étendue de l'obligation au cens. L'accomplissement de fonctions
censoriales par l'un des trois édiles deFormise sans le concours de ses collè-
gues (C. 1. L. X, p. 603) peut être un reste du temps du demi-droit de cité.
Mais il n'y a pas non plus d'objection théorique à la nomination de censeurs
propres dans les cités de demi-citoyens ; car la censure n'est pas en
elle-même une fonction plus élevée que l'édilité; cf. tome IV, les prélimi-
naires de la théorie de la Censure, sur le rang hiérarchique des censeurs.
(2) V. tome IV, dans la théorie de la Censure, la section de la confection
des rôles, où sont réunies les preuves : Strabon, 5, 2, 3, p. 220. Aulu-Gelle,
16, 13, 7. Horace, Sat. 1, 6, 62.
LES CITES DE DEMI-CITOYENS. 201
tribules obligés au service dressée par les censeurs ne s'éten-
dit qu'aux citoyens propriétaires fonciers, les citoyens com-
plets non-propriétaires et les demi-citoyens furent sur la même
liste. Depuis qu'à partir du milieu du cinquième siècle les
premiers furent inscrits dans les tribus urbaines, les demi-
citoyens restèrent seuls sur la liste des citoyens sans droit de
suffrage, à moins cependant que les citoyens complets eux-
mêmes ne pussent y être inscrits à titre de peine (1). Cette
liste accessoire disparut avec la suppression des demi-
citoyens. — Les demi-citoyens n'étaient probablement pas
compris dans le total des citoyens romains, qu'il était d'usage
de faire au moment du cens (2).
En ce qui concerne le service militaire, le service auxi- service militaire.
liaire, se basant sur l'autonomie, est exclu pour les cités de
demi-citoyens (3). Entant que les demi-citoyens étaient soumis
au service ordinaire, ils servaient dans les légions (4), et
les grades d'officiers qui n'étaient pas conférés par les comices
doivent leur avoir été accessibles (5). Mais, le recrutement
ordinaire ayant la tribu pour base, il ne pouvait par suite
aucunement s'appliquer aux demi-citoyens. On doit avoir
dressé pour Gapoue et les villes de Campanie soumises à la
même législation (6), une liste spéciale des individus propres
au service, et nous avons la preuve que des légions campa- ,
(1) V. la même théorie, section de la confection des listes, sur la tribu
personnelle après Fabius Maximus.
(2) V. la même théorie, section de la confection des rôles, sur l'étendue
de l'obligation au cens, et mes Rœm. Forsch. 2, 398 et ss.
(3) On ne trouve ni on ne peut trouver de cohortes ou de turmse qui por-
tent le nom d'une cité de demi-citoyens.
(4) Festus, VI, 1, p. 265, note 1 : In legione merebant. C'est pourquoi le
tableau des forces militaires disponibles en 520 (Polybe, 2, 24; Orose, 4, 13)
réunit « les Romains et les Gampaniens » par opposition aux alliés. Cf. Rœm.
Forsch. 2, 395.
(5) Decius Jubellius, le commandant de Rhegion, qui était campanien de
naissance et difficilement un citoyen complet, était tribun militaire (Tite-
Live, 28, 28. Diodore, p. 494. 562).
(6) La preuve qu'elles sont comprises dans la mention des Campani ré-
sulte, en dehors des observations faites Rœm. Forsch. 2, 395, de ce qu'il y
avait dans la legio Campana de Rhegion (p. 202, note 1) 800 Oampaniens et
400 Sidicini (Denys, 20, 4). Les autres soldats — ils étaient en tout 4000 hom-
mes — appartenaient sans doute aux autres localités çampaniennes ayant
202 DROIT PUBLIC ROMAIN.
niennes propres ont été formées sur cette base (1). Nous ne
pouvons dire dans quel rapport ont été ces légions avec l'orga-
nisation bien connue de l'armée romaine composée de citoyens
et d'alliés. Elles ne peuvent avoir eu une grande importance;
car les troupes campaniennes n'équivalaient guère qu'au
dixième du reste des hommes soumis au service romain à
cette époque (2). Depuis la suppression de Capoue, il n'est
plus question de telles légions; cependant elles peuvent avoir
subsisté jusqu'à la transformation du demi-droit de cité des
villes campaniennes en droit de cité complet. On n'a pas formé
de légions distinctes avec les Cœrites et les autres demi-
citoyens (3). Il faut laisser incertain le point de savoir s'ils
satisfaisaient au service ordinaire dans une forme qui nous
le demi-droit de cité romaine. Les exemples cités par Festus du droit des
demi-citoyens de servir dans les légions, les Gumani, les Acerrani, les Atel-
lani appartiennent au même cercle, sinon précisément à l'époque antérieure
à la suppression de Capoue; car, quoique Atella ait partagé le sort de Ca-
poue, elle fut peut-être reconstituée bientôt après {C. I. L. X, p. 359). Les
deux cavaliers de Formiae et des Sidicini dans l'armée consulaire de 538
(Tite-Live,22, 42, 11) y appartiennent précisément.
(1) La huitième légion envoyée en 473 àRhegion (Orose, 4, 3; legio : Fron-
tin, Strat. 4. 1, 38)étaitune legio Cam.pana (Tite-Live,£p. 12.15; cf. p. 201, note 6),
Les légions déjà sous les armes d'après le tableau de 520 doivent aussi être
considérées comme campano-romaines, puisque « les Romains et les Campa-
niens » leur correspondent dans la réserve (p. 201, note 4). L'absence surpre-
nante des auxilia dans les légions de Tarente et de Sicile (Rœm. Forsch. 2,
388) se laisse peut-être expliquer par l'idée que ces légions étaient cam-
paniennes et qu'il ne leur avait pas été attribué à.' auxilia.
(2) Nous avons exposé, Rœm. Forsch. 2, 399, les vraisemblances selon
lesquelles le peuple romain, sans les Campaniens, comptait, en 529. 291 300
hommes en état de porter les armes et les Campaniens en comptaient
34.000.
(3) Sans cela, Polybe et Orose n'auraient pas nommé seulement les Cam-
paniens à côté des Romains dans le tableau de 520 ; il n'est question nulle
part de légions volsques ou sabines. Dans la bataille d'Asculum, en 475, il
combat, selon Denys, 20, 1, quatre légions de citoyens et quatre bandes (fxépvj)
de sujets (ûttyjxooi) et il nomme parmi les derniers les Latins,'les Campaniens,
les Sabins, les Ombriens, les Volsques, les Marrucini, les Pseligni, les
Frentani, les Arpani ; mais cette description, qui est sans doute beaucoup
meilleure que les récits de batailles ordinaires des annales, mais qui n'est
aucunement l'égale du récit sur l'armement contre les Celtes, semble, en se
plaçant àun point de vue qui n'est pas injuste historiquement (p. 190, note 3)
et peut-être sous l'influence de sources grecques, réunir comme sujets les
cives sine suffragio et les socii nominis Latini.
LES CITÉS DE DEMI-CITOYENS. 203
est restée inconnue, ou si, comme cela s'accorderait bien avec
la qualification de municeps donnée aux demi-citoyens (VI, 1,
p. 265), ils en étaient exclus etétaient employés, à peu près delà
même façon que les affranchis, dans les services auxiliaires,
spécialement dans le service de la flotte (1).
Les demi-citoyens sont tous soumis à l'impôt romain : impôts.
leur désignation du nom de municipes en est la preuve. Les
demi-citoyens recensés à Rome avaient, comme les autres
eerarii, à acquitter l'impôt qui leur était fixé par les autorités
romaines; nous ne connaissons aucune aggravation spéciale
à laquelle ils aient été soumis; mais cela ne veut pas dire
qu'il n'y en ait pas eu. Quant aux cités qui ont une adminis-
tration propre, il résulte de leur cens spécial qu'elles doivent
fixer et percevoir d'après lui leurs impôts; les légions de Cam-
panie doivent avoir reçu leur solde des autorités campa-
niennes, et par suite les impôts de Gampanie, dont c'était là la
destination principale, doivent aussi nécessairement avoir été
versés dans le trésor campanien. La convocation de ces légions
dépendant du gouvernement romain, il pouvait se passer du
droit d'imposer lui-même ces demi-citoyens; mais cela ne
signifie aucunement que ce droit n'ait pas pu lui appartenir
àéraison de modalités des lois d'institution.
Voilà les grandes lignes du système, dans la mesure où
l'état fragmentaire de la tradition permet de les dessiner. Il
nous reste seulement, la position de questions sans réponses ne
servant à rien, à signaler quelques points particuliers sur les-
quels nous sommes quelque peu en état de délimiter l'une en
face de l'autre l'autorité de l'État romain et la personnalité
distincte de cités de demi-citoyens.
On pourrait théoriquement supposer que les cités de demi- Langue officielle.
citoyens devaient employer la langue latine comme langue
officielle; en réalité, c'était le contraire. La preuve en est dans
(1) Cependant on ne peut même pas conclure des mots de Tite-Live rap-
portés p. 204, note 2, que les Cserites aient servi régulièrement dans l'armée
romaine.
Droit de battre
monnaie
204 DROIT PUBLIC ROMAIN.
les inscriptions osques des pierres et des monnaies de Capoue,
dans l'inscription osque de Velitrae, et avant tout dans la
permission accordée en 574 aux Cumani par les Romains de se
servir de la langue latine comme langue officielle (4). Sa
langue était donc fixée à chaque cité, probablement par sa loi
constitutive, et elle n'avait pas le droit de la changer par
sa seule volonté. Il faut admettre la même chose pour les
endroits qui n'avaient pas d'administration propre, tels que
Caere (2). Cette institution a probablement eu, comme nous
l'avons déjà dit , pour premier but de rattacher à la cité
romaine les cités d'autre nationalité sans leur rendre la
subordination insupportable. La latinisation systématique qui
fut poursuivie par l'Empire pour les provinces non-grecques, et
qui trouva un si puissant instrument dans la concession des
statuts municipaux romains et latins, n'a été appliquée à
l'Italie que dans une mesure restreinte aux premiers temps
de la République. Le passage de l'institution de la demi-cité
au^système des colonies a été en même temps, comme nous
l'avons dit plus haut (p. 189), la transition à la latinisation de
l'Italie (3).
Le droit de battre monnaie, expression tangible de l'auto-
nomie, n'appartient pas en général aux cités de demi-citoyens ;
mais des exceptions existent : la ville des Sidicini, Teanum a
frappé des monnaies d'argent et de cuivre, en son nom propre;
il en est encore de même de Capoue avec ses villes voisines
d'Atellaet de Calatia: elles ont frappé d'abord au nom de Rome
(1) Tite-Live, 40, 42 : Cumanis eo anno petentibus permissum, ut publiée La-
tine loquerentur et prseconibus Latine vendendi jus esset. La langue officielle a
probablement été jusqu'alors la langue osque (Velleius, I, 4).
(2) Tite-Live, 9, 36, 3, sur l'an 444 : Consulis frater M. Fabius Cxre educa-
tus apud hospites Efruscis inde litteris eruditus erat linguamque Etruscam probe
noverat. Le même, 10, 4, 9 : Hœc cum legato Cserites quidam interpretarentur
et per omnes manipulas militum indignatio ingens esset.
(3) Tite-Live, après les mots cités à la note précédente : Habeo auctores
vulgo tum Romanos pueros sicut nunc Grœcis, ita Etruscis litteris erudiri solitos.
Il y a forcément eu une époque où la connaissance des langues italiques
n'était guère moins utile au Romain qui jouait un rôle politique que ne le
fut celle de la langue grecque après les guerres d'outre-mer.
LES GITES DE DEMI-CITOYENS. 205
des monnaies d'or, d'argent et de cuivre avec une légende la-
tine, puis en leur nom propre au moins des monnaies de cuivre
avec une légende osque (1). Le pied dont se servaient ces
villes était, lorsqu'elles mettaient aux monnaies leurs noms,
constamment le pied campanien; lorsqu'elles les frappaient au
nom de Rome, ce fut d'abord également le pied campanien mais
il fut plus tard remplacé par le poids du scrupule romain (2).
Les monnaies frappées au nom romain ont, malgré leur pied
campanien, d'abord eu cours à Rome, mais elles ont fini par le
perdre (3).
(i) Développé d'une façon plus précise Rœmische Mûnzwesen, p. 341 et ss.
= tr. fr. 3, 224 et ss.
(2) R. M. W. p. 213 = tr. fr. 1, 263.
(3) R. M. W. p. 213. 214 = tr. fr. 1, 263. 265.
ROME ET L'ÉTRANGER. O* m, ■ *1«-t>°*>)
Tout énergiquement et constamment que les Romains aient
eu le sentiment de l'unité et de l'exclusivité deleur constitution
propre, tant au point de vue des personnes qu'à celui du terri-
toire; tout énergiquement et constamment aussi que les fonds
de terre situés en dehors des limites de leur territoire et les
citoyens des autres villes, même voisines et amies, aient été re-
gardés et traités par eux comme leur étant étrangers, l'évolu-
tion politique a cependant principalement consisté à mettre
une certaine zone de l'extérieur dans la dépendance pratique de
Rome sans la faire pour cela rentrer dans l'intérieur : en fait
et en droit, l'empire romain a été formé par l'union de l'inté-
rieur du pays et de cet extérieur qui lui est coordonné dans
une forme déterminée. On ne peut donc s'abstenir, dans un ta-
bleau de la constitution romaine, de décrire les relations de
Rome avec l'étranger, soit avec l'étranger indépendant, ce qui
fera l'objet de ce chapitre, soit avec l'étranger lié à Rome à
titre durable de façons diverses, ce qui fera l'objet des deux cha-
,, A -A H pitres suivants.
Absence de droit *
et ^trS!^ Selon la conception du droit romain, ce qui constitue la règle
. ROME ET L'ÉTRANGER. 207
en face de l'étranger (1), c'est l'absence réciproque de droit (2),
considérée aussi parfois moins exactement comme un état de
guerre permanent; l'existence de rapports internationaux est
une exception, introduite seulement par un accord des deux
parties et ne s'étendant pas au delà des bornes de cette conven-
tion. Cette convention peut être conclue par la cité romaine
soit avec une autre cité, soit avec un étranger isolé, que ce
dernier appartienne à une cité qui n'est pas en traité avec
Rome ou qu'étant membre d'une cité alliée il reçoive par là
des avantages spéciaux (3). — Si le traité ne présente pas un
caractère transitoire, comme par exemple les trêves d'armes et
les alliances militaires conclues dans un but précis, s'il doit
rester perpétuellement en vigueur, il fait naître une relation
de droit international durable, selon les expressions romaines,
un droit d'hospitalité public [hospitium publicum), ou bien un
lien d'amitié [amicitià), qui se rapproche essentiellement de ce
premier droit.
(i) L'idée de l'étranger doit ici être entendue au point de vue du statut
personnel : est étranger celui qui ne fait pas à Rome partie des nationaux.
La distinction précédemment étudiée des patriciens et des plébéiens doit
sans doute, quant à ses débuts, être considérée comme la distinction des
citoyens et des non-citoyens. Mais, depuis que les seconds sont regardes
comme des hommes libres, on les regarde aussi comme des nationaux, et
par suite, s'ils ne sont pas citoyens, ils ne sont aucunement étrangers. C'est
là la base de tout le développement. Les notions de nationaux non-citoyens et
de citoyens de condition inférieure sont des idées voisines à se confondre.
(2) Pomponius, Dig. 49, 15, 5 : Postliminii jus competit aut in bello aut in
pace... in pace... si cum gente aligna neque amicitiam neque hospitium neque
fœdus amicitiœ causa factum habemus. Ri hostes quidem non sunt, quod autem
ex nostro ad eos pervertit, illorum fit et liber homo noster ab eis captus servus
fit eorum: idemque est et si ab Mis ad nos aliquid perveniat. Le bellum justum
implique, comme le procès un rapport de droit international antérieurement
existant et rompu (VI, 1, p. 390) ; en face des étrangers qui n'ont pas de traité
avec Rome, il n'y a pas besoin de fétiaux.
(3) Le texte qui fait le mieux connaitre le traité individuel du droit inter-
national, mentionné, au temps de l'incendie de Rome par les Gaulois, relati-
vement àTimasitheosdeLipara (Tite-Live, 5, 28, 5; Diodore, 14, 93), est le se-
natus-consulte rendu en 676 en faveur de trois capitaines de navires de
Carystos, Clazomènes et Milet qui avaient été employés pendant la guerre
sociale (C. 1. L. I, n. 203). Le traité conclu avec Astypalgea en 649 (C. I. Gr.
2485) semble aussi avoir accordé à l'ambassadeur, à titre spécial, un droit
personnel d1 'amicitià (C. L L. loc, cit. sur la ligne 10).
208 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Formes de îa Quant à la forme, la convention d'amitié est soumise aux
convention
d'amitié. mêmes règles que les conventions publiques en général. Une
convention exige une expression de volonté concordante des deux
parties et la connaissance par chaque partie de l'expression
de la volonté de l'autre. Ce caractère nécessairement bilatéral
du traité international a pour antithèse le caractère nécessaire-
ment unilatéral des règlements arrêtés entre l'État et une
portion de ses membres. Sans doute le caractère synallagmati-
que des dispositions s'efface de plus en plus à mesure que la
prédominance de Rome s'accentue, lorsqu'une dépendance
légalement formulée vient se greffer sur l'amitié : leurs lois
furent plus tard données par les autorités romaines aux cités
amies dont l'autonomie était limitée tout comme aux cités de
demi-citoyens et de citoyens complets. Mais, au moins jusqu'à
ce que Rome et l'Italie ne se fussent confondues, les traités
restèrent, même en face des pays étrangers soumis, le fonde-
ment de la constitution romaine.
La compétence pour faire cette déclaration appartient, du
côté non-romain, à quiconque est considéré par le représen-
tant de Rome comme capable de procéder à un pareil acte, en
son nom personnel ou au nom de son pays. Pour les traités
personnels conclus avec un étranger, on ne s'occupe de la cité
à laquelle il appartient que si, par exemple, il y a quelque
Traité avec un clause à ce sujet dans un traité conclu entre elle et Rome. La
roi. J
conclusion d'un traité d'amitié avec un monarque étranger
implique d'elle-même sa reconnaissance comme roi, ou comme
portant le titre quelconque qu'il se donne; suivant l'expression
romaine, elle implique l'attribution du titre royal. Il est alors
d'usage depuis un temps reculé, — la légende fait remonter
cette coutume au traité avec le roi Porsenna (1), — d'envoyer
au roi ainsi reconnu, avec d'autres présents, les insignes des
magistrats romains, en général (2) dans la forme la plus
(1) Denys, 5, 35. C'est la première convention d'amitié avec un roi,
qu'aient à mentionner les annales, et l'étiologie y a par suite attaché ses
fils.
(2) Si le rex reçoit le vêtement de pourpre, le regulus reçoit la prétexta
(Tite-Live, 27, 4 ; encore en 595 le roi de la petite Commagène, Gicéron, Ad
ROME ET L'ÉTRANGER. 209
élevée que connaisse la constitution romaine, par conséquent
dans celle où les portent les magistrats supérieurs pour le
triomphe (1); c'est une façon d'exprimer que Rome reconnaît
la souveraineté de ces princes comme aussi complète que la
sienne propre.
Du côté de Rome, est compétent pour la conclusion des traités
le magistrat supérieur dans les attributions duquel rentre le
règlement des rapports existants entre les deux cités. Après
que, comme nous l'avons précédemment expliqué, (VI, i, p. 392
et ss.), le concours, primitivement peu actif, des comices et du
sénat fut arrivé à tenir plus de place dans les actes interna-
tionaux, la déclaration du magistrat passa de plus en plus au
second plan, et elle se confondit en général avec le sénatus-con-
sulte et la loi, qui sont également tous deux des actes du magis-
trat. L'existence de formalités nécessaires est exclue par la na-
ture du droit public. La forme ordinairement employée était le
simple échange d'une interrogation et d'une réponse, se rap-
portant à un titre écrit, et lui-même rédigé par écrit et exposé
Q. fr. 2, 10). Rien n'exprime plus clairement que c'est la magistrature ro-
maine d'où se tire l'échelle de ces dons. On ^ajoute fréquemment des pré-
sents proprement dits, vases d'or, chevaux, armes; mais ce sont les insignes
de la magistrature, qui ne font jamais défaut, qui constituent essentiellement
les présents royaux romaius.
(1) Les présents royaux en usage chez les Romains (-/aptffx^pta ttjç (tm\i\iol-
-/:a,-, Appien, Lib. 32) sont, toutes les fois que l'on veut faire des honneurs de ce
genre, offerts de la même façon au roi ami, ainsi par exemple on les donna
au moins trois fois à Massinissa (Tite-Live, 30, 15. 17. 31, 11), mais naturel-
lement on les leur offre avant tout au moment de la formation des rapports
personnels. Tite-Live, 30, 15, il : (Scipio) Massinissam prlmum regem appella-
tion... aurea corona, aurea paiera, sella curuli et scipione eburno, toga picta et
palmata tunica donat. César, B. G. 1, 43 : Quod rex (Ariovistus) appellatus
esse t a senatu, quod amicus, quod mimera ampllsslmemissa. Tacite, Ann. 4,25:
Missus e patnbus (au roi de Maurétanie Ptolémée) qui scipionem ebumum,
togam pictam, antiqua palrum mimera, daret regemque et soeium atque ami-
curn appellaret (cf. les monnaies Millier, Num. de l'ajic. Afr. 3, p. 129). Une
ambassade de cette espèce suppose nécessairement la reconnaissance par
les Romains comme roi de celui qui la reçoit; mais elle n'est aucunement
la condition de cette reconnaissance qui peut aussi avoir lieu dans toute autre
forme; Denys, 3, 01: Kal vOv 'Piojjuxïoi ta <7XY}7rrpa xa\ ià StaSr^axa (le diadème
n'est cité nulle part ailleurs et se trouve ici à tort) Swpoûvxai xoîç paaiXeOac
pspaioOvTs; aùioïç xà; èSo-jataç, ireù xoù \ir\ Xa^ovreç ys ««?' âxeîvwv e'xouatv
aura.
Droit Pdbl. Rom., t. VI, 2e p. 14
convention.
210 DROIT PUBLIC ROMAIN.
au Capitole pour y rester dans une perpétuelle mémoire (1).
Le renforcement du traité par un serment d'exécration, le
fœdus (2), a souvent été pratiqué pour les conventions d'amitié,
notamment à l'époque ancienne (3). Ces conventions ont pour
effet propre l'inscription sur la liste officielle des amis (formula
amicorum, to tûv cpîXwv Siaray^a) (4).
Durée de ia La convention d'amitié est toujours conclue sans limitation
de temps (5), et, même lorsque Tune des parties est une
personne, elle n'est pas restreinte à la durée de la vie de
cette personne; car les droits d'hospitalité publique, comme
ceux d'hospitalité privée, passent aux descendants. Le traité
conclu avec un roi ou un prince, en raison de son titre, fait
cependant exception. Le droit public romain reconnaît bien la
royauté individuelle; mais le traité conclu avec un prince ne
s'étend pas à son successeur; car un traité de ce genre peut
sans doute être dressé en vue des descendants; mais le succes-
(1) V. tome I, la théorie des Actes conclus entre l'Etat et un Etat
étranger.
(2) V. la même théorie, sur le fœdus et la sponsio.
(3) Par exemple, le traité conclu avec Garthage après la guerre d'Hanni-
bal ne contient pas d'alliance militaire ; mais il est conclu par des fétiaux.
(4) La liste des cités alliées s'appelle, en langue technique, formula. Les
mots de Polybe, 21, 30, 4 : IIoXiv [xr,ôe[xcav e'-/ecv év tv) a^izalixtia sont traduits
dans Tite-Live, 38, 9, 10, par : Urbem ne guam formulas sui juris faceret (de
même Polybe, 18, 2, 4 = Tite-Live, 32, 33, 7), et le même Tite-Live dit,
39, 26, 2: Paracheloida, quse sub Athamania esset, nullo jure Thessalorum for-
mulée factum (de même 26, 24, 6). La formula provincise (Vell. 2, 38) rentre
dans la même acception. Galba ajouta deux districts à celle de la Narbo-
nensis, selon Pline, H. N. 3, 4, 37 (cf. Hirschfeld, C. I. L. XII, p. 49). Nous
parlerons plus loin de la formula togatorum et de la formula sociorum. —
Mais la formula s'étend également aux individus qui sont entrés dans ce
rapport de droit avec Rome. Le sénat déclare les trois capitaines çîXouç
7ipo<TaYopEu<ra'. et il adresse aux consuls l'invitation [utei]... eos in ameico-
rum formulam referundos curarent =. ottwç... toutou? elç to twv <p(Xwv 8ta-
TaYp.a àvevexô^voK cppovTÉatoo-iv. L'inscription avait sans doute lieu parles soins
du questeur (voir tome IV, la section des Quœstores urbani, sur la surveil-
lance des archives). Si Tite-Live, 44, 16, 7, dit, également par rapport à un
particulier : Senatus in formulam sociorum eum referrijussit, cette inexac-
titude d'expression s'explique par la similitude théorique des règles qui
concernent les simples socii et les socii et amici.
(5) Ainsi il est spécifié, dans la paix de 566, çiXlav uuapxetv 'Avtiox^ xai
cPwp.a!0',ç e'iç airavTa tov ypovov TOuoûvTa Ta xaTa Tac auv6r(xaç (Polybe, 21, 45,
1 = Tite-Live, 38, 38, 2)."
ROME ET L'ÉTRANGER. 244
seur du roi n'est pas nécessairement son descendant (1) et
son descendant n'est pas nécessairement son successeur (2).
C'est pourquoi l'alliance conclue avec un roi n'est pas, comme
la convention d'amitié, applicable aux descendants (3) et est,
selon les anciens principes de droit, regardée comme sans
terme fixe il est vrai, mais comme limitée au temps de la vie
du roi (4) ; en revanche, la mort du gouvernant romain n'y
apporte aucun changement; car, même sous le Principat, l'État
romain ne se considère pas lui-même comme une monarchie.
Le droit international romain ne fournit pas de forme pour faire
passer à un État le traité de son roi. La formation d'un traité
perpétuel entre une ville et un royaume est étrangère au droit
(1) La royauté du droit public romain a pour fondement l'élection, et
cette royauté élective a beau n'être au fond qu'une image de la République
reportée dans le passé, elle n'en a pas moins déterminé la conception ro-
maine de la royauté étrangère.
(2) On se demande même si le roi qui devient socius et amicus populi Ro-
mani transmet, comme les particuliers, le second titre à ses descendants ;
les deux semblaient sans doute inséparables, et l'amitié restait, comme la
société, attachée à la personne.
(3) Lorsque le second Tarquin prétend à un droit de suzeraineté sur les
Latins soumis par son grand-père, ceux-ci lui répondent, dans Denys, 4,
46 : Ta? o"uv6r,xaç aç èT:oir(<TavTO 7rpbç tôv Tràmrov aùxoO TtapaSiôovxeç ty|V f,ye{JLO-
vÉav XeXuarôai [astoctov èxeÉvou ôavarov otà zo jxy) Ttpoaysypaçôac xaTç ôjAoXoytaiçTYp/
ocÙtt|v elvai Scopzàv -xaù toi; Tapx-jvcou àyyôvoiç. Il y a quelque chose de plus
probant que ces réflexions de l'auteur grec, desquelles on pourrait conclure
que l'extension de pareilles conventions aux descendants était possible; c'est
le silence des sources véritablement historiques ; si cette extension avait
été en usage, nous en rencontrerions des traces multiples.
(4) Il n'y a pas grand poids à attacher aux récits de Denys, selon les-
quels, du temps des rois, les peuples voisins de Rome déclarent souvent
les traités conclus avec elle dissous par la mort du roi qui les avait conclus
(3, 23. 37. 49. 4, 27. 45. 46. 5, 40. 8, 64), d'autant plus que les Romains
n'appliquent jamais cette idée et qu'aucun écrivain latin ne rapporte
rien de semblable. Mais le roi Persée déclare expressément aux ambassa-
deurs de Rome qu'il n'est lié que par ses alliances propres et non par
celles de son père (Tite-Live, 40, 25, 10 : Fœdus cumjpatre ictum ad se nihil
pertlnere). Cette conception, qui est conforme à celle admise par le droit
privé en matière de société (Paul, Dig. 17, 2, 1 : Societas coiri potest vel in
perpetuum, id est dum vivunt, vel ad tempus; cf. le même, 17, 2, 70 : Nulla
societatis in xternum coitio est), est surtout confirmée par les principes qui
sont suivis à l'égard des princes clients et que nous étudierons dans la
partie qui suit. — La scolie de Virgile, JEn. 2, 161 : « Serves, Troja,fidem » :
quod rex promittit, videtur res publica polliceri ne fait que reproduire les
mots du poète.
212 DROIT PUBLIC ROMAIN.
public de Rome; le renouvellement de la convention, qui se
présente ailleurs fréquemment, mais seulement à titre con-
firmatif, est, lors delà mort du roi, juridiquement indispen-
sable.
Dissolution de îa Quoique la convention d'amitié ne puisse pas contenir de
convention. x L
terme extinctif, elle est susceptible de se dissoudre de la même
façon dont elle s'est formée. La promesse simple peut être
retirée, celle confirmée par un sénatus-consulte ou une loi
peut être supprimée par un sénatus-consulte ou une loi posté-
rieure, sans qu'il y ait là de violation du droit (1). C'est
seulement lorsque la formule d'exécration a été prononcée que
la cité romaine est liée par le traité tant que l'autre partie
l'observe, les autorités romaines décidant du reste seules
si l'autre partie l'observe ou non. On ne trouve plus, depuis la
paix avec Antiochus (2), d'exemple de l'emploi de cette for-
mule dans une convention d'amitié qui n'établisse pas en
même temps un rapport de sujétion; c'est un effet de la situa-
tion prépondérante de Rome qu'elle ne conclut plus avec
l'étranger indépendant d'engagement considéré par elle comme
perpétuel.
État de paix. La convention d'amitié conclue entre deux cités, la pax (de
pango) contient, en premier lieu, l'établissement d'un état de
paix durable entre les deux États contractants (3) et la recon-
(1) Pour justifier ce principe, il suffit de rappeler que, même dans les
rapports privés, la dénonciation de la convention d'amitié est possible.
Les droits conférés par le sénatus-consulte de 678 aux trois capitaines pou-
vaient leur être retirés à un moment quelconque.
(2) Tite-Live, 38, 39, 1 : Consul in hoc fœdus juravit, ab rege qui exigèrent
jusjurandum, profectù V. tome I, la théorie des Actes conclus entre l'Etat
et un Etat étranger, sur le fœdus et la sponsio.
(3) Le traité avec Gades stipulait une pia et œterna pax (Cicéron, Pro Balbo,
15, 35). Celui conclu avec Astypalaea en 649 (C. 1. Gr. 2485) commence par
les mots : [Tû or(jAw tô>v 'PiojAaécov xai] xà> orjpup, tûv 'Aa-rJTca/aiéwv elpr,vrjxal
[cpiXîaxoà oujxjxaxta] esrto xai xaxà Y7)vxa\ xatà 6aXaoaav [elç aTravxa tov )jp6vovJ
rcàXejxoç ok |xy| £ot(d,où. à la vérité les mots xat o-uji.ji.axta vont au delà du sim-
ple droit d'hospitalité. Le traité avec Rhodes, qui va également au delà de
ce droit, spécifie ouXa jjlt) çépeiv irci àXXrjXouc (Appien, B. c. 4, 66). La conven-
tion d'alliance conclue en 692 entre Rome et Mytilène, qui nous est arrivée
dans un état encore plus fragmentaire (Fabricius,^4^en. Mitth. 9, 83 et ss.),
est encore plus explicite ; on y trouve, entre autre clauses : c0 ôr,jxo; 6 'Pw-
ROME ET L'ÉTRANGER. 2i3
naissance réciproque de la liberté et des propriétés de leurs
citoyens (1). Elle contient en outre la convention que, dans le
cas où l'un de ces États serait engagé dans une guerre, Pautre
État s'oblige à ne pas fournir de secours d'armes, de navires
ou d'argent à l'ennemi de son allié, à ne pas permettre aux
troupes de cet ennemi de passer sur son territoire (2), enfin à
mettre en liberté les prisonniers de guerre faits à son allié, s'ils
parviennent sur son territoire (3). On peut adjoindre à la
(xastov touç 7ioXe(xc[o-j;] ... | alpou xa\ tyjç î8îaç È7cixpaTeîa[ç]... | mute tw 8^fxa> tw
MuTiXY|vaj'w[v]... xa\ xoXç, a-j[X[xà]-/o'.ç toO Sripiou xou MimXYjv[aîa>v]... | otcXoiç
-/pr,jjLa[«n vjavd (3o7)8[eïv], et il est fait une différence pour la guerre défen-
sive : 'Eav xtç upoTepoç iroXsjxov icot[r,(rY)J... xu> S-f,]|j.cp tw cPa)[xacwv... Pour un
troisième traité conclu en 660 avec Tyrrheion en Akarnanie (Bull, de corr.
hell. 1886, p. 165) il n'y a de conservé que l'en-téte. Le traité latin de 261 chez
Denys, 6, 95, estde même nature, et est seulement rédigé en style rhétorique.
(1) Si cela n'est pas dit expressément, c'est uniquement parce que cela
résulte de la nature de l'état de paix. Lorsque, dans une guerre entre Car-
tilage et Syracuse, un Piomain tombe entre les mains des Carthaginois, il
est aussi libre que s'il remettait le pied sur le territoire occupé par ses
concitoyens ; naturellement cela n'empêche pas que, s'il a commis un acte
donnant, d'après les lois de Carthage, lieu à poursuite criminelle même
contre un étranger, il pourra être puni de ce chef à Carthage. Cf. p. 216,
note 3.
(2) La clause très détériorée de la convention avec Astypalsea peut — assu-
rément seulement quant au sens — se restituer à peu près comme il suit :
'O Sr,fjtoç [à 'AoTUTiaXouétov oùx èôktei SiêXôeïv xoùç] 7coXs{ju'ouç xal ÔTtevavrfouç
[toO S-r^ov) toO 'Pcojjiacwv ôtà tîJÇ loioiç, y^paç xal f,ç àvxpaxy) o 8r,[xoç xai] pouX^
wote xû SrifAo) tm 'Piojxaîtov xal toÎç U7rb 'Pw^aîoiiç [xa,]aao\j.i^oiç u6X£{jlov èwr
çépwat, [atjte toTç uo[Xe(xcocç [rrjTe o7cXoiç] \iy\xe "/pr^acrtv P^5 vauaiv (3oy)6îct(o 6
8rj[xo; xa\ (SouX-r) 86X[a) uovripw.] f0 Srjfxoç 6 'Pwfxatwv [oùx èaasc 8teX0eïv] touç
uoXejjuo'jç xal vravocv-rcouç [t]o0 8r,[xou toO 'AarUTiaXailiov ôtot Tr|ç cSîaç ybiçixç, xa\
r(; àv [xpatîj 6] o^jxoç xal [îouXr,, [ôiaxe tw or,[xa) ;w] 'AaruTtaXaiétov xal toïç utc'
aù-oùç TaTTOfxévot? u6Xe[j!,ov èuiçépaxnv, [xr,Te [xoîç itoXejjuoiç [xrjTe] ottX[oiç] [ayJte
Xpr,[[Aa](7t [xr,T£ vavxrî (3o?i0£Î[tw 6 Syijj.oç xai (3ouXy)] 86X(p uovY)pâ). De même dans
le traitéjavec Antiochus(Polybe, 21,45) : Mr, 8nsvai (les Mss. : dSévai) paatXéa
'Avtso*/ov xai toÙç uTCOTaTTOjxévo'jç 8cà tï^ autûv -/^Pa? ^ ePa>fxacouç xai xoùç
r~ ".'.-'vo-j; TroXE^iouç [xrj8£ "/opY)y£tv aùxoiç (x^Slv • ùjxotcoç 8è xat 'Pwfxacouç xai
toùç au{x[xa-/o"jç âw' 'Avx:o-/ov xal toùç uu' èxeïvov Tarrofjtivouç, et dans la con-
vention latine de Denys, 6, 95.
(3) Dans le second traité avec Carthage (Polybe, 3, 24), cela est stipulé
dans les termes suivants : 'Eàv 8é tiveç Kap-/^oovîwv Xà^wcrt xcvaç irpbç ouç
clp^VT) |xév loTtv £yypa7ixo; ^Pwjxatotç, jjiy] ôicoraTTOVTat oi xt aùxoTç, [xy| xaxayÉ-
T0)Tav efç roùç fPw[xatwv Xijjiivaç • làv SI xaxayôÉvToç ÈTiiXa[3r,Tat (=zmanum inji-
ciat) o cPa)[j.aTo;, àçiÉcrôw. ^QaauTwç 8à |x^8' ot 'Ptofjuxc'oi 7rot£(TO)aav. La dif-
férence juridique des amici indépendants et des sujets latins ne se mani-
feste nulle part aussi énergiquement qu'ici. Dans le cas supposé note 1. îe
214 DROIT PUBLIC ROMAIN.
convention d'amitié une clause restrictive de l'autonomie
légale de l'Etat ami (1); mais, lorsque cette convention se
présente dans sa forme simple, elle contient plutôt l'expression
de l'égalité juridique des cités contractantes '(2).
Ambassadeurs. Lci convention d'amitié a encore pour conséquence nécessaire
la réglementation de l'échange des ambassadeurs entre les
parties contractantes (3). Les hôtes publics de cette espèce ne
sont pas seulement traités avec des égards spéciaux (4). Ils
ont légalement droit au logement (locus), à son aménagement et
à son approvisionnement convenables (lautia), et à des frais de
séjour, dont le montant est fixé une fois pour toutes dans le
traité, eu égard au rang des parties, et est spécifié sur la liste
Latin n'est, selon la régie établie, pas plus prisonnier de guerre que le
Romain, et il doit être mis en liberté, à moins qu'il n'ait à répondre cle
quelque crime devant les autorités de Carthage. Au contraire, les membres
des États qui sont seulement en relation d'amitié avec Rome ne profitent
du traité qu'autant qu'ils ont atteint le sol romain.
(1) Le droit public n'a pas à s'occuper de la subordination à Rome exis-
tant en fait. Sans doute cette subordination de fait peut s'étendre aussi loin
au cas de simple convention d'amitié qu'à celui d'hégémonie officielle. Mais
cependant les Romains ont alors l'habitude de provoquer la transformation
officielle de Yamicitia en societas. L'exemple classique à ce sujet est la
transformation provoquée par les Romains en 587 de la convention d'amitié
existant depuis cent quarante ans avec Rhodes en alliance militaire (p. 288,
note 2).
(2) Selon les formules romaines, ce sont là les amici populi Romani qui
ne sont pas en même temps socii à titre durable ; car, ainsi que nous le
démontrerons dans la partie qui suit, l'acceptation d'une alliance militaire
durable, qui résulte de la société, entraine une diminution légale de l'auto-
nomie. D'ailleurs tous les socii sont, sans doute, en même temps amici po-
puli Romani et possèdent tous les droits qui résultent de l'hospitalité pu-
blique.
(3) Au cas de convention d'amitié avec un particulier, le même honneur
est naturellement accordé à l'ami du peuple romain. Le sénatus-consulte
relatif aux trois capitaines dit : [Sei de rébus sueis legatos ad senatum mit-
(]ere lega[teive] veneire vellent, uti eis leibereis postereisque eorum legatos ve-
nire mittereque liceret.
(4) Les consuls proposent pour les capitaines cités p. 207, note 3 : "Otcw;
... xccTaAoyr) oc-jtwv yévy)tcu, et, dans Polybe, 22, 17, 10, le sénat conseille aux
Achéens toïç Ttpe<7|3eVTaïç toiç àe\ rcap' la'jxwv àx7i£u,7îO{xévoiç... irpooixeiv tov
voOv xal xcctocXoyV (les manuscrits ; les éditions à tort rxaxaScr/"^) 7r<Hsîa6ai
Trjv àp{J.osoy<rav, xaôauep xoù 'Pw^atoi ttoioOvto» tcov TcapaYivouivcov izpoç oc'jto'jç
Ttpe<7(kvTôiv. S. Bases ('Eçejju àp-/. 1886, p. 43) a vu que xara^oy?), que le glos-
saire de Philoxène explique par. respectus et qui, d'après Phrynichos, signifie
ttjv npo; uva aî8â> dans le langage non-classique, est la traduction d'honos.
ROME ET L'ÉTRANGER. 2iS
officielle des amis (1). En outre, ils ont, comme les séna-
teurs, une place d'honneur aux fêtes publiques (2); ils sont
admis à sacrifier au Gapitole; en cas de maladie, ils sont
soignés aux frais de l'État, et, en cas de mort, il leur est fait
des funérailles publiques (3).
Le règlement des relations privées des membres des deux Règlement des
, ° relations privées
Etats contractants est encore plus important que celui des re- i^^aonai1
lations des deux États eux-mêmes. Le non-citoyen ne peut ester
en justice à Rome qu'en vertu d'un traité, nous révèle notam-
ment la terminologie. L'ancien langage technique désigne par
le mot hostis, très probablement de la même famille que l'alle-
mand Gast (4), le citoyen d'un État allié protégé par une con-
vention d'amitié (5), tandis que la même dénomination peut
aussi être attribuée, après la rupture du traité, à l'hôte trans-
formé en ennemi et qu'à l'époque moderne elle n'est plus em-
ployée que dans ce dernier sens (6). Vhostis au premier sens
(1) C'est là le munus ex formula = i-évia xaxà to Stàtay^a du sénatus-
consulte de 678; de même dans le sénatus-consulte d'Astypalsea, ligne 9 :
"E8oi;£v oz'.... utcoctoç tùv xcc\lÎixv xoaà to Starayjxa [£svia SsSovai xJeXeûcr/i et dans
celui de Priene (C. I. Gr. 2905, in fine). Cf. Rœm. Forsch. 1, 345 = Hist.
Rom. 4, 405.
(2) Varron, De l. L. 5, 155 : Locus snbstructus sub dextra hujus (curiœ) a
comitio ubl nationum subsistèrent legati, qui ad senatum essent missi : is Grae-
costasis appellatus a parte ut multa. Selon Justin, 43, 5, 10, un locus spectaculo-
rum in senatu est datus aux Massaliotes à raison de leur concours après
l'incendie de Rome par les Gaulois.
(3) Cette question est traitée en détail, Rœm. Forsch. 1, 343 et ss. (résumé
Hist. rom. 4, 405 et ss.)
(4) Curtius (dans mes Rœm. Forsch. 1, 326 et 349, résumé Hist. rom. 4,
399) rattache le mot, comme notre Gast, au sanscrit ghas = edere; Corssen,
Ausspr. 1, 796, le rattache à hoslire, battre. Mais ni l'une ni l'autre des
étymologies n'explique suffisamment l'usage du mot. Uhostis n'est jamais
le convive, et l'acception ancienne, parfaitement établie du mot ne peut pas
hcîîeraent être dérivée de l'idée de celui qui frappe.
(5) La définition de Vhostis de l'ancienne langue dans Varron. De l. L. 5,
3 : Tum eo verbo dicebant peregrinum qui suis legibus uteretur correspond
exactement au langage des Douze Tables. L'ancienne formule d'invitation à
sortir (Festus, p. 82) : Hostis vinctus mulier virgo exesto, doit également sans
doute être entendue en ce sens que ceux qui sont en principe autorisés à
résider à Rome sont invités à sortir des fêtes des citoyens, ce qui s appli-
que aux femmes, aux esclaves et aux hôtes.
(6) Corssen, loc. cit., a raison de penser que le sens d'ennemi n'a pas été
pris par le mot seulement à une époque récente ; en réalité, on a peine à
216 DROIT PUBLIC ROMAIN.
est remplacé plus tard, à côté du Latinus, c'est-à-dire du non-
citoyen de même nationalité, par le peregrinus (1), c'est-à-dire
par « l'étranger » qui appartient à un Etat en traité avec
Rome (2). L'expression hostis et l'expression peregrinus, qui
sont toutes deux des termes techniques du droit privé, excluent
l'une et l'autre l'étranger qui n'appartient à aucun État allié ;
elles lui refusent donc le droit d'ester en justice à Rome. Au
reste, on ne voit pas comment il aurait pu, en l'absence de
traité, exercer cette faculté à Rome. Les Romains n'ont jamais
connu de droit international au sens actuel du mot, de lois gé-
nérales s'appliquant à toutes les personnes qui se trouvent dans
l'intérieur des frontières de l'État (3). Pas plus qu'ils n'ont
voir comment le mot, s'il n'avait primitivement désigné que l'étranger mis
sous la protection des lois, se serait plus tard transformé pour signifier
tout le contraire. Il faut se rappeler que la guerre est, elle aussi, un rap-
port juridique et qu'elle n'est possible, tout comme le procès, qu'à condi-
tion d'avoir été précédée d'une convention antérieure, et le rapprochement
du mot à'hostire = sequare me parait toujours la solution la plus vraisem-
blable.
(1) Varron, 5, 33 : Ut nostri augures publia disserunt, agrorum sunt
gênera quinque : Romanus, Gabinus (c'est-à-dire celui de cette ville ou d'une
autre ville latine ; ager Latinus serait incorrect; car il n'y a qu'un état à
pouvoir avoir un territoire), peregrinus, hosticus, incertus. Loi agraire de
643, ligne 29: [Quod ceivï] Roraano facere licebit, itemLatino peregrinoque... fa-
cere liceto. Les jurisconsultes romains reconnaissent que la distinction des
Latini et des peregrini n'a qu'une valeur terminologique, et qu'en droit les
Latini sont sur le même rang que les peregrini. Gaius, 1, 79 : (Lex Minicia)
ad alios Latinos pertinet qui proprios populos propriasque civitates habebant et
erant peregrinorum numéro. Varron, loc. cit. : Gabinus quoque peregrinus
(ager), sed quod auspicia habet singularia, abreliquo discretus. On trouve par-
fois, mais peu fréquemment et sans doute dans un langage proprement in-
correct, la pérégrinité attribuée expressément aux Latins. Ainsi on déclare
qu'un prodigium observé dans la colonie latine de Fregellse ne doit pas
faire l'objet d'une expiation de la part des autorités romaines, quod (factura
esset) in loco peregrino (Tite-Live, 43, 13, 6).
(2) La discipline augurale, relatée par Varron, 5, 33 (note ci-dessus) dis-
tingue Y ager peregrinus comme pacatus de Y ager hosticus ab hostibus. Le pe-
regrinus n'est donc pas tout étranger, mais celui qui est sous la protection
de la pax. Hosticus doit ici désigner par opposition tout le territoire avec
les possesseurs duquel Rome est en guerre ou n'a pas de traité. — La pré-
position est employée ici comme dans perjuriura, perendie ; on rapprochera
les anciennes expressions corrélatives dorai et peregri. Gorssen, Ausspr.
1, 776.
(8) Il ne faut pas oublier que le droit pénal public n'a ici rien à
voir. L'État punit le meurtre comme un crime commis contre lui, sans
ROME ET L'ÉTRANGER. 217
l'idée, ils n'ont de mot pour désigner l'étranger qui n'est pas
protégé par une convention spéciale. Exter (externus, extra-
neus) n'exprime qu'une exclusion topographique, sans considé-
ration du statut personnel et sans corrélation fixe avec un cer-
cle déterminé, et il est principalement employé, à l'époque an-
cienne, par opposition à l'Italiote (1).
La réglementation des relations entre les membres des deux COmmeraceétnab*ës
États ne doit avoir fait défaut dans aucun traité international; par les trailes*
mais elle y tendait fréquemment plutôt à l'exclusion qu'à la
concession de la communauté du droit privé. Dans le plus an-
cien traité conclu entre Rome et Carthage, les marchands ro-
mains sont invités à conclure leurs marchés avec l'assistance
d'un magistrat carthaginois et à s'adresser pour leur paiement
aux autorités carthaginoises (2) ; les relations commerciales
distinguer si la victime avait ou non une capacité personnelle. Par suite, ce
crime peut être commis même sur un esclave.
(1) La désignation exter {externus, extraneus) a en elle-même une portée
vacillante ; car la distinction de l'intérieur et de l'extérieur peut être com-
prise de plusieurs façons. A l'époque ancienne, on l'applique, d'une façon
caractéristique pour la situation politique du temps de la République, à la
distinction des Italiens et des non-italiens. Ainsi la loi repetundarum de
631-632 oppose aux [socii no]minisve Latini, c'est-à-dire aux alliés italiques,
les exterœ nationes ; et c'est sous l'influence de cette façon de parler que
Cicéron, dans les Verrines, parle sans distinction tantôt de socii et exterœ
nationes (Div. in Cœc. 3, 7. 5, 18. 19, 63. Act. 1, 2, 4. I. 1, 22, 59. c, 27, 68. c. 32,
82, etc.), tantôt de socii seulement, tantôt d'exterœ nationes seulement (Div.
in Csec. 20, 66. Act. 1, 14, 41. I. 1, 32, 82), quoique la distinction n'existât plus
de son temps. Tite-Live, Per. 72, oppose également aux Italiens insurgés les
auxilia Latini nominis exterarumque gentium et Tacite, Hist. 2, 55, blâme Vi~
tellius de Latium exteris dilargiri. Mais le mot se rencontre aussi pris dans
d'autres oppositions : ainsi relativement à la province pour ceux qui habi-
tent au dehors d'elle (Dig. 1, 18, 3) et par rapport au territoire de l'empire
pour les villes libres (Proculus, Dig. 49, 15, 7, pr.) et pour les royaumes
indépendants (selon le Dig. 48, 4, 4, pr., c'est un crime de majesté de faire
quo rex exterae nationis populo Romano minus obtemperet). Cette idée indé-
terminée en elle-même et essentiellement géographique n'a rien de commun
avec la condition des personnes.
(2) Polybe, 3, 22 : ToTç 8à xoct' sfrrcopiav irapayivofiivotç [XYjSèv serai téXoç
TtXr,v È7Ù oaqpuxi V) YpajJ-f-aTSt * o<ra 8' av toutwv uapovxwv 7ipa8yj, 8Y)fxocr:a tuotsi
&çetXé<r6co toi àuo8o[xévo). Cette disposition est relative aux marchands ro-
mains qui faisaient le commerce dans la portion du territoire de Carthage
qui leur était ouverte ; c'est sans doute simplement par suite d'une lacune
que le traité ne.contient rien de relatif aux Carthaginois commerçant sur le
territoire romain.
218 DROIT PUBLIC ROMAIN.
privées sont donc expressément interdites. Ces restrictions ap-
portées aux relations avec les États étrangers qui n'étaient pas
légalement dans la dépendance de Rome, se sont avec le temps
toujours renforcées davantage. Ainsi avant tout, sous le Prin-
cipat, le droit de pénétrer sur un territoire étranger indépen-
dant n'était accordé au Romain, et le droit de pénétrer sur le
territoire romain ne Tétait à l'étranger indépendant, même pour
affaires commerciales, que dans des conditions déterminées et
le plus souvent sous le contrôle de l'autorité (1). Sans doute
les traités qui excluaient en principe la liberté du commerce
privé ne pouvaient pas se dispenser de faire certaines excep-
tions absolument requises par la convention d'amitié elle-
même. Cette liberté est par exemple reconnue sans restriction
aux ambassadeurs (2), et elle existe également au profit des
otages et des prisonniers de guerre soumis au même régime
(1) Dans Tacite, Hist. 4, 64, les Germains d'an delà du Rhin disent dans
leur discours aux Agrippinenses: Ad hune diem... flum^naac terras... clause-
rant Romani, ut... inermes ac prope nudi sub custode et pretio coiremus, et
ceux-ci répondent, c. 65: Vectigal et onera commerciorum resolvimus : sint
transitus incustoditis et (et non incustoditi sed) diurni et inermes. Le même,
Germ. 41 : Hermundurorum civitas fida Romanis, eoque solis Germanorum non
in ripa commercium, sed penitus atque in splendidissima Raetiœ colonia (Augs-
bourg) passim sine custodia transeunt. Dion, 71, 11 : Où [liv-roi xal tt,ç èiujjuljiaç
TYJÇ (Ms. : xal) èv xa\ç àyopaïç Ixuyov (o\ KoùaSoi). 71, 15 : Totç 8s Mapxojxa-
voiç (Marc Aurèle) Ta -/a>p:a Taç Ter^épaç T7|çèTU|Ai!;:açàcpa>pi<ye " TtpoTspov yàp où
Stexsxptvro. Gela fut reproduit par Commode (Dion, 72, 2) : HpooeiàxoLU ayi-
<nv, "va [i.r,T£ itoXXaxiç h^te TCoXXaxoù ttjç x^Pa? àOpoîÇwvxai, àXX' oLtzixZ, èv èxàa-rto
[li\v\ xa\ èç touov eva èxaTOVTap^ou xivbç 'PtDfjiaiou -îiapovToç. Des conditions en-
core plus rigoureuses furent imposées aux Jaziges (Dion, 71, 16), mais elles
leur furent plus tard remises tiXy]v râv xaTtic Te Taç auvoSouç aÙTiov xa\ xatà
Taç èwijjLiÇtaç o-uyxetjAévwv (Dion, 71, 19). Lors de la paix de 297, les Perses
durent consentir à ce que le commerce entre les deux nations fût limité à
la ville romaine de Nisibis (Petrus Patrie, fr. 14, éd. Millier. Themistius,
Or. 10, éd. Petav. p. 135 : KatTOi to-j xépôouç v7ïapx<moç xotvoù toÎç ëôveaiv
àixçorépoiç (aux Romains et aux Goths) èx t^ç à|xot[3riç twv èv -/psïa auvaXXay-
liàxtov 8uo jxovaç rcoXeiç tûv 7C0Ta(jLa) ■rcpoa'a)Xicr|xévu>v èfjnropt'a xaTeo-xeuaaaxo (Va-
lens). Théodose II défendit, en invoquant des constitutions plus anciennes,
(Cod. Just. 4, 63, 6), aux.marchands romains de faire des opérations de com-
merce dans le royaume des Perses ailleurs que dans les villes de Nisibis,
Kallinikos et Artaxata ; les marchands perses étaient soumis à des restric-
tions analogues dans l'empire romain (Cod. Just. 4, 63, 4 ; cf. 4, 40, 2 ;
«Ml, 2).
(2; Cod. Just. 4, 41, 2, pr. ; tit. 63, 4, 3.
ROME ET L'ETRANGER.
U9
qu'eux (1). Les frontières romaines étant closes, d'une part,
aux étrangers indépendants et un statut personnel étant, d'au-
tre part, attribué par contrat aux étrangers qui franchissaient
ces frontières d'une façon légale, il a été possible d'arriver àmain-
tenirla règle que l'Etat romain ne reconnaît la capacité juridique
aux étrangers qu'en vertu d'un traité international tout en
parvenant cependant à faire qu'il n'y eut pas, en dehors de rares
exceptions, d'étrangers exclus de lajouissance du droit commun
dans le territoire soumis à la puissance romaine.
Mais plus on remonte dans le passé, plus la participation Liberté
A . commerciale
conventionnelle, plus ou moins libre, à la législation romaine établie par les
s'étend au delà des limites du territoire soumis à Rome. Dans
sa jeunesse, Rome est l'État du libre négoce. Les barrières
dressées en face de l'étranger marquent sa vieillesse. Les re-
lations établies dans le sein du Latium et fondées sur la com-
munauté de mœurs et de langage sont antérieures à l'hégémo-
nie romaine. Les relations analogues avec les États de nationa-
lité différente remontent également au passé le plus reculé. La
vente trans Tiberim, restée incorporée parmi les institutions
juridiques de Rome(VI, l,p. 49), nous en fournit un premier té-
moignage authentique. Nous en avons un autre dans le second
traité de commerce avec Garthage, qui n'ouvre pas à la vérité
tout le territoire aux étrangers, mais qui, dans la partie qu'il
leur en ouvre, leur donne le même droit de commerce qu'aux
citoyens (2). Ces relations avec l'étranger, autorisées, mais ce-
pendant différentes de celles qui existent entre citoyens, ont
pour sanction une procédurejudiciaire, la « restitution » reçu-
peratio (3), sur les particularités de laquelle nous ne sommes
(1) V. les textes p. 224, note 1. Les captivi nommés là ne peuvent, puis-
qu'ils ont des biens, être que des captifs traités de la même façon que le roi
Maroboduus.
(2) Polybe, 3, 24: 'Ev SsxsXîa... xal sv Kap^Sovi uàvra xoù uocsctw xa\ 7«d-
Xsîtw oo-a xai tôï tioX(ty) e^ecnriv ' cbaocuTtoç 8s xal 6 Kapx^Sovioç 7rots(x(o èv
•PcV,.
(3) Festus, p. 274 : Reciperatio est, ut ait Gallus Aïlius, cum inter populum
et reges nationesque et civitates peregrinas lex convertit, quomodo per reciperato-
res redderentur res reciperenturque resque privatas inter sepersequantur. Quand
la reciperatio est refusée, cela conduit à la rerum repetitio corrélative des
220 DROIT PUBLIC ROMAIN,
qu'imparfaitement renseignés, mais dont nous pouvons néan-
moins discerner les grands traits.
Droit d'ester en Le droit d'ester en justice des étrangers dans cette situation
justice des .
étrangers, n était peut être pas, à l'époque la plus ancienne, plus complet
que celui des clients (VI, 1, p. 91) ; ils avaient peut-être besoin,
pour l'exercer, de l'assistance de leur hôte, de leur hospes (1).
Tout au moins on ne voit pas bien en quoi aurait pu consister
l'importance légale de l'hospitalité privée (VI, l,p. 84, note 4),
si ce n'avait pas été dans cette assistance juridique donnée par
l'hôte à ses hôtes étrangers tout comme à ses clients qu'on en
rapproche. Les nombreuses difficultés pratiques soulevées par
la supposition d'un étranger demandeur sont également un ar-
gument en faveur de cette idée. D'ailleurs la dénomination pa-
tronus n'est pas appliquée à l'hôte (VI, 1, p. 72, note 1), et elle ne
lui convient même pas; car l'hospitalité n'est pas un rapport per-
manent,etelle ne crée pas,commelaclientèle, de statut personnel.
En tout cas, si les plus anciennes dispositions internationales, — .
sous ce rapport comme sous les autres, c'était naturellement le
texte du traité qui décidait en premier lieu pour chaque cas par-
ticulier, — n'ont accordé à l'hôte étranger le droit de comparaître
devant les tribunaux romains qu'avec le concours de l'hôte qui
le reçoit, les Romains ont certainement abandonné cette cou-
tume dans leurs traités postérieurs, et ils ont accordé à Phôte en
droit d'agir comme au client en droit d'agir la faculté d'ester
en justice sans aucune assistance. Mais le concours que \epa-
tronus donnait à son client pour ses procès d'après le droit ré-
cent, peut avoir également été dû alors à l'étranger par son
hôte, quand il en avait un (2).
Droit des La forme du procès et ses règles de fond dépendaient en
étrangers. .
premier lieu des dispositions du traité. Mais on doit avoir cher-
fétiaux (Handb. 6, 420) et ensuite à la guerre; la violation des droits privés
figure en tête des causes de guerre légitime.
(1) Léo Meyer (Vergleich. Gramm. 1, 603. 790) compare Sea-wiTTjç et le
slave gos-podi, maître.
(2) Le status condictus dies cum hotte peut être rapporté à Vhostis comme
partie adverse; mais il vaut peut-être mieux l'entendre de Vhostis ayant be-
soin d'être assisté en justice.
ROME ET L'ÉTRANGER. 224
ché dès le principe à établir une certaine uniformité entre les
clauses des différents traités. Par la suite, la 'création, en 512,
d'une seconde juridiction supérieure pour les procès à juger à
Rome qui n'étaient pas engagés entre citoyens(l), fournitl'instru-
ment nécessaire à la formation d'un droit spécial des étrangers.
Les procès engagés entre citoyens et Latins ne peuvent pas
avoir été déférés au prœtor qui inter peregrinos jus dicil; ils
sont nécessairement restés soumis au préteur gui inter cives
jus dicit. Car, en terminologie, les Latins ne sont pas comptés
parmi les pérégrins (p. 216, note 1), et, puisqu'ils sont au dessous
des citoyens et au-dessus des pérégrins, ils peuvent bien être
sous-entendus lorsqu'on mentionne les cives, mais une juridic-
tion instituée pour les Latins et les pérégrins aurait, en abré-
geant son titre, supprimé la mention de ces derniers. En outre,
les Romains et les Latins étant soumis aux mêmes lois privées,
il y avait un avantage pratique à donner pour fondement à la
séparation des deux juridictions la différence de droit positif.
A vrai dire, nous ne pouvons point établir l'existence d'une
procédure propre aux étrangers. La procédure suivie devant les
reciperatores, c'est-à-dire devant de petits collèges de jurés en
nombre impair qui statuent à la majorité, appartient assuré-
ment à la procédure internationale ; car ils tirent leur nom de
la reciperatio^tiz décision par un juré unique, qui prédominait
dans les procès entre citoyens, n'était pas en général usitée
quand les parties au procès avaient des législations personnel-
les différentes; dans ces procès, chaque partie doit avoir pro-
posé un ou plusieurs jurés et le jury avoir été complété par
l'adjonction d'un président (2). Mais la procédure par récupé-
rateurs s'est probablement développée en premier lieu dans les
relations avec les Latins, et, telle que nous la connaissons, elle
n'est pas réservée au tribunal des pérégrins; elle est également
(1) V. tome III, la théorie de la Préture, sur lepraetor inter peregrinos.
(2) Il ne résulte pas de là que le tribunal des récupérateurs ait été
composé à l'origine de membres des deux nations. Un magistrat romain
ne peut avoir eu le droit de nommer des jurés non-romains que si le traité
le prescrivait expressément.
522 DROIT PUBLIC ROMAIN.
employée comme seconde forme de procédure dans les deux
cours de justice, peut-être précisément parce que ies Latins
étaient soumis à la juridiction des citoyens.
jus gentium. Au contraire, nous rencontrons, en étudiant l'évolution du
droit privé, un droit opposé au droit civil fondé sur les coutumes
nationales latines ou sur la législation romaine {jus civile). Il
se rattache à une abstraction familière aux jurisconsultes
romains, à l'idée abstraite d'un droit privé commun à tous les
peuples {jus gentium) (1). C'est un ensemble de règles positives,
(1) Gaius, 1, 1 : Quod quisque populus ipse sibi jus constituit, id ipsius pro-
prium est vocaturque jus civile... Quod vero naturalis ratio inter omnes homi-
nes constituit, id apud omnes populos perœque custoditur vocaturque jus gen-
tium, quasi quo jure omnes gentes utuntur. Populus itaque Romanus partim
suo proprio, partim. communi omnium hominum jure utitur. Le jus gentium (où
gentium doit, selon la juste observation de Glarks dans Nettleship, Journal
of Philology, vol. XIII, p. 172, être compris de la même façon que dans
nusquam gentium, minime gentium), expression déjà familière à Cicéron,
n'est pas, d'après la conception romaine, — sans doute intimement influen-
cée par les théories grecques, — une invention spéculative; c'est le droit gé-
néral non écrit (Cicéron, Orat. part. 37, 130 : Propria legis et ea, quœ scripta
sunt et ea quse sine litteris aut gentium jure aut majorum more retinentur) et
il est identifié avec le jus naturœ (Cicéron, De off. 3, 5, 23 : Neque vero hoc
solumnatura, id est jure gentium, sed etiam legibus populorum... constituti/m
est; Tusc. 1, 13, 30: Omni in re consensio omnium gentium lex naturœ putanda
est), en ce sens qu'on entend par là l'ensemble des principes de droit en
vigueur partout ou à peu près, qui se trouvent parmi les règles de droit po-
sitif connues des Romains ou supposées implicitement par eux. On signale,
comme appartenant à ce droit universel, par exemple les règles du droit de
la guerre sur la protection des ambassadeurs et leurs saufs-conduits (Tite-
Live, 1, 14. 2, 4. 5, 36; Salluste, Jug. 35, 7), sur la légitimité de l'acquisition
du butin (Dig. 41, 1, 5, 7) ; le droit de légitime défense (Salluste, Jug. 22) ;
l'extension à l'homme de l'idée de propriété, l'esclavage (Gaius, 1, 52: Nam
apud omnes perœque gentes animadvertere possumus dominis inservos vitœ necis-
que potestatem esse) et l'attribution légale de la condition servile à l'enfant
né d'une femme esclave (Gaius, 1, 78-86); l'imprescriptibilité des choses ap-
partenant aux dieux (Cicéron, De har.resp. 14, 32 : Hoc si minus jure civiliper-
scriptum est, legetamennatur se, communi jure gentium sanctum est, ut nihilmor-
tales a diis immortalibus usu capere possint) ; l'acquisition par alluvion (Dig. 41,
1, 7, 1) et par tradition (Fragm. VatA7a.;Dig. 41, 1, 9, 3 ; naturali jure selon
Gaius, 2, 65); la génération d'une obligation par une numération de deniers
faite parle créancier (Gaius, 3, 132); la convention formée par interrogation
et par réponse, pourvu que l'on n'emploie pas les mots spondesne? spondeo
réservés au droit civil (obligation : Gaius, 3, 93; acceptilation : Dig. 46, 4, 8,
4); les contrats consensuels (Dig. 2,14, 7, pr., etc.); le droit de succession des
enfants à leur père (Quintilien, Inst. 7, 1, 46); la reconnaissance de l'inceste
en ligne directe ascendante et descendante (Dig. 23, 2, 68) en face de laquelle
ROME ET L'ÉTRANGER. 223
rattachées à cette idée (1), qui peuvent être regardées, à l'ori-
gine, comme constituant un droit subsidiaire aux règles fournies
par les traités spéciaux, puis plus tard, lorsque les traités
spéciaux non seulement échappent à nos regards, mais sont
dépouillés de leur vigueur par la prédominance de Rome, comme
formant un droit commun de l'empire applicable à tous les
procès qui étaient soumis à des tribunaux romains (2) sans être
exclusivement engagés entre citoyens, (3) droit dans lequel les
dispositions de la législation romaine qui n'étaient pas restreintes
le mariage entre frères et sœurs, défendu ou permis selon les différentes lé-
gislations, fournit un terme opposé d'une vigueur toute spéciale. L'extension
du jus naturale à tous les êtres vivants, avec la distinction ainsi obtenue
entre lui et le jus gentium (Ulpien, Dig. 1, 1, 1, 3), n'est qu'une subtilité mo-
derne. Il y a„dans Nettleship, loc.cit., un relevé utile des différentes appli-
cations de ce terme.
(1) Le jus gentium lui-même n'a pas, dans la notion romaine, de valeur po-
sitive intrinsèque; il s'efface devant les lois propres de l'État (Gaius, 1, 83:
Animadvertere debemus, ne juins gentium regulam vel lex aliqua vel quod legis
vicem obtinet aliquo casu commutaverit) ; son application subsidiaire elle-même
résulte, au sens strict, d'un acte de lalégislation; car, en interprétation ri-
goureuse, les dispositions du droit civil non seulement ne prescrivent pas,
mais excluent en général la faculté de le faire valoir en justice. 11 n'est de-
venu possible entre citoyens d'agir en exécution d'une simple convention de
vente que lorsque le préteur urbain a, en vertu de ses pouvoirs, admis cette
convention dans son album, et l'obligation naturelle, qui existe jure gentium,
est dépourvue d'action en droit civil {Dig. 50, 17, 84, 1). Le « droit commun à
tous les peuples » est pour les Romains une source du droit en ce sens que
le droit positif doit s'en rapprocher dans la mesure du possible, que, selon
l'expression de Gicéron (p. 225, note 2), le droit général devrait être le droit
positif. Mais il ne l'est pas toujours, et souvent il ne peut pas l'être sans
une détermination législative. Ainsi par exemple le droit de succession ab
intestat des descendants et la tutelle des impubères (Gaius, 1, 189) appar-
tiennent bien en principe au droit général; mais ils ne peuvent être mis en
application que par des dispositions spéciales.
(2) Pour le commerce des frontières avec les étrangers proprement dits,
les relations peuvent sans doute avoir toujours été réglées en première
ligne par les traités.
(3) A l'époque récente, où l'empire romain s'est fermé par rapport à
l'extérieur indépendant, le jus civile et le jus gentium, envisagés comme
ayant reçu la sanction positive de Rome, peuvent être considérés comme le
droit que les tribunaux de l'empire appliquent aux citoyens et celui qu'ils
appliquent aux sujets. Mais cela tient à ce que la Rome ancienne seule
connaît un extérieur à la fois indépendant et en commerce juridique avec
Rome ; par sa nature, le jus gentium est pris pour base dans tous les pro-
cès soutenus par des non-citoyens devant des tribunaux romains, que leur
cité soit dépendante de Rome ou ne le soit pas.
224 DROIT PUBLIC ROMAIN.
aux citoyens sont alors intervenues sous de nombreux rapports.
Mais ce droit subsidiaire pérégrin n'embrasse pas tout le droit
privé. Il ne s'étend qu'aux relations du commerce privé. Les
rapports juridiques qui ne rentrent pas dans cette notion n'exis-
tent pas pour lui. 11 est instructif, à ce point de vue, de com-
parer le développement civil de la donation avec celui de la
vente et du prêt par exemple. Mais avant tout cela s'applique
au droit du mariage et au droit des successions. Ni l'un ni
l'autre ne figurent dans ce droit subsidiaire. Le mariage et
les successions sont liés au droit de cité. Les personnes qui
n'ont pas de droit de cité et qui sont exclusivement réduites au
droit subsidiaire, comme les dediticii, les individus qui leur
sont assimilés et les otages, sont, dans la rigueur du droit, ex-
clues de l'un et l'autre (1). Quant au fond, ce droit subsidiaire
a emprunté ses dispositions en partie au droit civil lui-même,
c'est ce qui a eu lieu notamment pour le vol et les autres délits
privés (2). Pour partie, il a soustrait le commerce privé aux
(1) Sur les dediticii, cf. VI, 1, p. 156. Quant aux otages, Ulpien dit {Dig.
28, 1, 11): Obsides testari non possunt, nisi eispermittitur, et Marcien {Dig. 49,
14,31. 32): Divus Commodus reswipsit obsidum bonasicut captivorum (cf. p. 218,
note 1) omnimodo in fiscum esse cogenda : sed si accepta usu togœ Romanse ut
cives Romani semperegerint, divi fratres procuratoribus hereditatium rescrip-
sevunt sine dubitatione jus eorum ab obsidis condicione separatum esse beneficio
principali : ideoque jus eis servandum quod habent, si a legitimis civibus Roma-
nis heredes instituti fuissent (c'est-à-dire que l'institution d'héritier est va-
lable ou non selon qu'ils sont considérés comme des otages ou comme des
citoyens). Les otages ont donc en droit un patrimoine, mais ils n'ont pas
en droit d'héritiers. [Cassiodore, Var. 9, 14, pose encore le principe selon
lequel les biens du pérégrin mort dans l'intérieur du territoire reviennent
à l'État comme biens vacants et sans maître. La règle s'applique même, à
son époque, à une nouvelle catégorie de personnes inconnue dans la pé-
riode antérieure à Dioclétien : c'est aux soldats enrôlés à l'étranger, qui
tombent logiquement sous le coup des mêmes incapacités et en faveur des-
quels on dut précisément pour cela introduire des dispositions d'excep-
tion analogues à celles prises en faveur des otages. Il est possible qu'on
leur ait étendu le droit de tester des soldats, et ce sont peut-être eux qui
sont visés en première ligne parla constitution de Constance II, (C. Th. o,
4, 1), qui appelle à défaut d'autre héritier les corps de troupe à la suc-
cession des soldats. Cf. Neues Archiv fur altère deutsche Geschichtskunde, 14
(1888), p. 527, note 2, et 528, note 4.]
(2) Gaius, 4, 37 : Civitas Romana peregrino fingitur, si eo nomine agat aut
cum eo agatur, quo nomine nostris legibus actio constituta est, si modo justum
ROME ET L'ÉTRANGER. Î25
formules conventionnelles du droit civil et il a reconnu, en
s'inspirant du développement plus libre du droit relatif aux
biens de l'Etat (1), l'accord des volontés des parties comme
une source suffisante d'action. Il n'a pas créé de formations
indépendantes. Même où l'on pourrait croire en apercevoir,
ainsi dans l'hypothèque, c'est l'institution du droit du patrimoine
de l'État, le prœdium qui a fourni le point de départ , et la ré-
glementation seule appartient au droit commun subsidiaire.
Dans la suite de l'évolution, ce droit subsidiaire a supplanté
et remanié le droit civil à des points de vue multiples, et il y
a fait pénétrer les règles plus libres posées par lui pour le
commerce (2). C'est ce droit privé aussi parfaitement déna-
tionalisé que possible qui est devenu un droit universel et qui a
survécu des milliers d'années à la chute de l'État romain.
sit eam actionem etiam ad peregrinum extendi. Il cite comme exemples les
actions de vol et de dommage apporté aux biens matériels activement et
passivement. Il suit de là que les actions nées des délits privés ne pou-
vaient pas, en elles-mêmes, être intentées contre un pérégrin ni par lui ;
mais il n'en résulte aucunement qu'il n'y ait pas eu de voie de droit en
pareil cas, jusqu'à l'époque, sans doute relativement récente, où elles leur
furent étendues à l'aide d'une fiction. Nous trouvons au contraire les ac-
tions nées du vol intentées par des pérégrins contre des Romains jugées dès
le vie siècle par des récupérateurs (car le procès de 583 relaté dans Tite-
Live, 43, 2, n'est pas autre chose); sans aucun doute, il y avait dans ce but,
à l'époque ancienne, des actions spéciales, qui ont été plus tard rendues
superflues par l'introduction des actions lictices.
(1) V. tome I, la théorie de la Juridiction administrative, sur le droit du
patrimoine de l'État.
(2) C'est sans doute à cela que pense principalement Gicéron en disant,
De off. 3, 17, G9 : Majores allud jus gentium, aliud civile esse voluerunt : quod
civile, non idem continua gentium, quod autem gentium idem civile esse débet.
Les contrats consensuels sont certainement entrés dans le droit civil, parce
qu'il sembla inique de refuser une action aux citoyens dans des cas où on
en accordait une aux étrangers.
Droit Pdbl. Rom., t. VI, 2e p. 15
LA LIGUE NATIONALE LATINE. fStR Hl,i
5. 1*07- W)
L'aiiiance Entre l'intérieur et l'extérieur, il existe, dès le principe, un
territoire intermédiaire, qui sans doute n'appartient pas à l'in-
térieur, mais qui lui est lié d'une manière permanente aux
points de vue légal et militaire, et qui par conséquent n'appar-
tient pas non plus à l'extérieur, territoire intermédiaire dont
la délimitation légale est fournie matériellement par les
traités politiques, mais dont l'existence a cependant pour
origine et pour cause la similitude naturelle de la langue et des
mœurs.
L'étude de la condition juridique de ces alliés perpétuels qui
font en réalité partie de l'État romain, est un problème diffi-
cile ; en effet, d'une part, il n'y a pas au sens rigoureux de
règles théoriquement générales qui leur soient applicables, et
c'est dans les traités spéciaux qu'il faut découvrir ces disposi-
tions pratiquement générales ; d'autre part, l'idée de l'al-
liance dépendante s'est modifiée avec la suite des siècles,
et en particulier son fondement primitif, tiré de la natio-
nalité commune, a disparu. En somme, on peut distinguer
trois périodes à ce sujet : la première est celle de la ligue na-
tionale latine, s'étendant jusqu'à la dissolution de cette ligue
par la première guerre de 416; la seconde est celle de l'alliance
italique, allant jusqu'à la fusion de ces alliés dans le peuple
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 227
romaiD, par les lois de 664 et de 665; enfin la troisième est
celle de la dépendance de l'empire, qui se place dans les derniers
temps de la République et sous le Principat. Mais il y a deux
caractères qui se sont maintenus à travers les siècles et leurs
variations ; ce sont: d'une part, l'inégalité de l'alliance qui,
peut-être en laissant de côté la plus ancienne organisation des
rapports de Rome et du Latium, implique, non seulement en
fait, mais en droit, l'hégémonie de Rome, et, d'autre part, le
maintien d'une certaine souveraineté, sans doute restreinte,
mais jamais complètement supprimée, des cités soumises à
cette hégémonie. L'État romain n'a été, pendant tout ce laps de
temps, rien autre chose qu'une confédération des cités princi-
palement urbaines placées sous la direction de la cité romaine;
parmi les institutions modernes, le meilleur terme de compa-
raison serait encore la Ligue hanséatique. Au reste, l'alliance
inégale contient nécessairement en elle une tendance à l'absor-
ption dans le sein de la cité dirigeante, et nous verrons que
ce fut là son résultat dans les trois grandes périodes que nous
venons de distinguer.
La ville souveraine, qui est l'institution sur laquelle repose
tout le développement politique en Italie comme aussi chez les
Grecs, apparaît, lorsqu'on l'envisage au point de vue de l'his-
toire générale, comme une formation récente sortie de l'unité
politique primitive de la race. Il y a nécessairement eu une
époque où les habitants de même langue de l'Italie centrale,
qui se donnaient le nom de Latins, le nomen Latinum (1),
constituaient par leur réunion, sur le pied d'égalité, le seul État
(1) Nomen est aussi technique pour la race que populus pour la ville ; la
preuve en est spécialement dans l'emploi de nomen Latinum à côté de po-
pulus Romanus (C. 1. L. X, 797: Sacra principia p . R. Quirit. nominisque La-
tini quai apud Laurentis coluntur, et beaucoup d'autres textes). On sent là le
souvenir d'une époque où les Latini étaient avec les Romani et les Prxnes-
tinl ou plutôt avec les Tities et les Ramnes dans le même rapport que la
gens et ses maisons, où les populi étaient encore reconnus comme des
communautés gentilices. On rencontre bien aussi nomen Cseninum (Tite-
Live, 1, 10, 3), Albanum (Tite-Live, 1, 23, 4), Romanum (Tite-Live, 5, 39, 10.
23, 6, 3); mais, en face de la relation avec la race, cette dernière est rare et
sans doute incorrecte.
Rome ville
latine.
228 DROIT PUBLIC ROMAIN.
qui pût exister alors. Leur dispersion dans dés enceintes de
murs distinctes, entraînant leur organisation distincte pour la
défense de ces murailles, aura sans doute été la première cause
qui aura provoqué, d'abord en fait, puis en droit, la décom-
position de la race autonomeen un certain nombre de populations
armées souveraines (populi). Ces origines se placent à une épo-
que de bien loin antérieure à toute tradition historique, et ce n'est
que par voie de déduction que l'on peut en'restituer les grands
traits les plus généraux; mais l'influence en est restée détermi-
nante pour tous les temps postérieurs, en ce que la décomposi-
tion de l'armée commune n'a pas été complète et qu'elle s'est
transformée en une armée totale fédérale formée de l'ensemble
des nouvelles armées souveraines. Par suite, la ville italique,
comme la ville grecque, forme bien en général un État indé-
pendant; mais elle forme en même temps, non pas en vertu
d'un traité fortuit, mais en vertu d'une nécessité de son déve-
loppement, un élément d'une confédération politique.
Rome en face du II semble résulter de là que Rome elle-même a du autrefois
être une des villes du « nom latin» comme Albe et Préneste.
Mais c'est une idée contraire àla conception romaine. Non seule-
ment toute la préhistoire conventionnelle met Rome non pas dans
le Latium mais à côté de lui. La légende très ancienne de la fon-
dation de Rome est en outre expressément faite avec le parti
pris marqué de l'exclure de la réunion des États latins tout en
maintenant le principe de la communauté de nationalité (1).
Selon toute apparence, la logographie romaine s'est déjà effor-
cée, dans la constitution de ces légendes, de nier l'égalité pri-
mitive des divers membres de l'union nationale latine, qui au-
rait été en discordance avec l'hégémonie exercée plus tard par
Rome, et d'en effacer le souvenir. Elle y a pleinement réussi.
La ligue latine. Sans doute les annales romaines rappellent la ligue natio-
nale latine, qui exista, jusqu'à sa dissolution en 416, à côté de
Rome et au-dessous d'elle (2). Mais l'image qu'elles nous pré-
(1) V. aussi tome III, la théorie de la Royauté, au sujet de la nomination
du roi.
(2) Gincius, dans Festus, v.Prœtor, p. 241 : Alba diruta usgue ad P.Decium
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 220
sentent de la conformation des institutions romano-latines est
assez comparable à celle qu'elles nous donnent de la royauté
romaine. Il n'y a pas seulement dans les détails des obscurités
et des contradictions nombreuses. Les récits que nous possé-
dons sont, à des points de vue multiples, dépourvus de fonde-
ment réel, et ils se révèlent, quant aux faits aussi bien que
quant au droit public, comme des constructions artificielles, et,
ainsi que nous venons de le dire, comme des constructions de
tendance, faites par des écrivains relativement récents dont les
allégations ont été ensuite encore mutilées et défigurées par
des compilateurs ignorants et distraits. Cela n'empêche pas
la ligue nationale latine d'être le fondement de la théorie des
alliés comme la royauté est celui de la théorie de la magistra-
ture. Il faut donc essayer d'abord de trier les renseignements
que nous possédons sur le caractère de la ligue et sur ses rap-
ports avec Rome, puis de les combiner avec les règles qui peu-
vent être reportées avec quelque vraisemblance à l'époque
antérieure à 416, soit parmi les institutions de la communauté
latine qui survécurent à la dissolution de l'assemblée fédérale
latine, soit parmi les principes en vigueur après 416 pour les
rapports de Rome et des cités de droit latin. D'ailleurs, nous
ne devons étudier ici que les privilèges spéciaux des Latins et
non pas les droits généraux des alliés qui seront exposés dans
la partie qui suit.
La logographie romaine ne connaît la ligue nationale latine La situation
que subordonnée à Rome. Elle affirme moins l'hégémonie de dAibeetde
x Rome.
Rome sur le Latium qu'elle ne la présuppose. Pour elle, les
villes des Latins ont toutes été fondées par Albe, et Albe gou-
verne le Latium au moment de la fondation de la ville de Rome,
à peu près de la même façon dont Rome le gouverne aux temps
Murem cos. (an de Rome 414) populos Latinos ad caput Ferentinse, quod est sub
monte Albano, consulere solitos et imperium communi consilio administrare.
Tite-Live, 8, 13, 10, sur l'an 416: Ceteris Latinis populis conubia commerciaque
et concilia inter se ademerunt. Les renseignements de Tite-Live, sur l'organi-
sation d'alors des institutions politiques sont communément traditionnels
et peuvent être tenus pour en général dignes de foi, quoique son exposition
de la dernière guerre latine donne lieu à des objections multiples.
230 DROIT PUBLIC ROMAIN.
historiques (\). Ensuite Rome acquiert, sous le quatrième de ses
rois, l'hégémonie sur Albe par un combat singulier(2), elles'in-
corpore la ville bientôt après, et par là même elle acquiert de
plein droit l'hégémonie sur leLatium(3). Les villes latines sont
fréquemment paresseuses dans l'accomplissement de leurs de-
voirs, et elles tentent aussi la fortune des armes à plusieurs
reprises. Mais les traités conclus avec elles par les trois der-
niers rois et plus tard par Sp. Cassius ne sont essentiellement
que le renouvellement et la confirmation de liens déjà exis-
tants (4). La dépendance de la ligue latine, établie sous le rè-
gne de ïullus, subsiste sans modification jusqu'au jour où la
ligue elle-même est dissoute et où le lien se trouve en consé-
(1) Gincius (p. 228, note 2) : Albanos rerum potitos usque ad Tullum regem.
Les textes des annales rapportés note 3, conduisent au même résul-
tat. On ne nous dit nulle part ce qu'il faut entendre par rerum potiri. Les
historiens bien informés pensaient sans doute par là principalement à
l'hégémonie politique et religieuse, exercée plus tard par Rome sur le La-
tium, l'hégémonie religieuse étant exprimée par la présidence du Latiar,
r^z^ovloL Tàiv leptov (Denys, p. 233, note 3), et la politique par le droit de pro-
voquer les levées au cas de guerre fédérale.
(2) Tite-Live, 1, 24, 9: Utri utris imperent. c. 25, 3 : Ut... is — populus —
alteri populo... imperitaret. c. 25, 13: Imperio alleri auctl, alteri dicionis
aliénas facti. Cf. Denys, 3, 10.
(3) Tite-Live, 1, 52 : Tarquinius... verba fecit posse se quidem vetusto jure
agere, quod, cum omnes Latini ab Àlba oriundi sint, in eo (= eo nomine) fœ-
dere teneantur, quod ab Tullo res omnis Albana cum coloniis suis in Romanum
cessit imperium. Le Tullo régnante ictum fœdus avec les Latins de c. 32, 5,
est donc précisément le traité conclu par Rome avec Albe comme capitale
du Latium. Tullus envoie également, chez Denys, 3, 34, quinze ans après la
destruction d'Albe, xà; àuoîxouçTô xoù uu^xoouç aÙTrjç rpiaxovxa itoXeiç, et il
demande Trstôeaôat xotç uub 'Pa)fjioua>v èTUTarrofAÊvocç œç Tiapei^rjcpoxtov aùxâv
âaa toïç aÀXoi; otç er/ov 'AX[3avo\ xal tt,v r,y£[xovîav xou Aaxivwv eôvo-jç.
(4) Les variations historiques et par occasion juridiques, qui sont faites
sur ce thème fondamental dans les annales (par exemple la controverse sur
le point de savoir si le traité conclu avec Tarquin l'Ancien subsistait avec
le second Tarquin, p. 211, note 3) sont de médiocre intérêt et ne peuvent
pas être analysées ici. Le traité de Cassius est historiquement attesté, et il
se peut qu'il appartienne à l'an de Rome 261 (cf. Rœm. Forsch. 2, 159). La
meilleure rédaction des annales s'est probablement bornée, d'une part, à
le regarder comme renouvelant d'anciens traités et par conséquent à faire
remonter ce régime jusqu'à la période albaine, et,- d'autre part, à le consi-
dérer comme resté en vigueur pour le règlement des droits des cités et
des personnes, tant qu'il y eut des prisci Latini, c'est-à-dire jusqu'à la
guerre sociale (Gicéron, Pro Balbo, 23, 53).
LA LIGUE NATIONALE LATINE.
231
quence transporté aux différentes villes. Ce n'est pas là de l'his-
toire. Ce n'est qu'une exposition de droit, celle de la situation
qui précède immédiatement la dissolution de l'alliance latine,
et dans laquelle Rome exerçait son hégémonie sur le reste de
la nation réuni en face d'elle dans une alliance fédérative.
La ligue des Latins, à laquelle on transporte en droit public Étendue de
la désignation de la nation latine, nomen Latinum (1), com-
prenait primitivement, selon la version traditionnelle, toutes
les cités indépendantes de la nationalité à laquelle apparte-
naient les Romains, à l'exception de Rome. Ces cités sont,
avons-nous déjà remarqué, considérées comme ayant été fon-
dées par Albe,leur ancienne métropole, et elles sont désignées,
par opposition aux cités de nationalité latine fondées seulement
par Rome, comme les villes des « anciens Latins » (prisci La-
tinï). Mais, même en dehors de ces limites, les cités fondées
comme États indépendants de la même nationalité sont pendant
longtemps entrées dans la ligue ; une résolution fédérale a même
dû sans doute être exigée, à l'époque la plus ancienne, pour
Prisci Latini.
(1) Gincius (p. 240, note 2, rapproché de p. 227, note 1). Populi priscorum La-
tinorum dans la formule de déclaration de guerre, Tite-Live, 4, 32; populi
Latini, Tite-Live, 1, 45, 2 (dans d'autres textes, comme Tite-Live, 8, 13, 10.
23, 22, 5, il s'agit des diverses cités et non de la ligue) ; commune Latium,
Gincius (p. 240, note 2) ; xb xocvbv tû>v Aaxt'vtùv, Denys, .4, 45. 5, 61. 8, 15. — Le
rapport juridique est habituellement appelé jus Latii, sous l'Empire fré-
quemment Latium (Pline l'Ancien, Asconius, Tacite, Gaius) ; dans Gicéron,
dans la lettre ad Att. 14, 12, 1, et dans Suétone, Aug. 47, Latinitas. — Lorsque
on veut désigner le Latin envisagé en général, les titres parlent habituel-
lement de (l'homme) de race latine ; ainsi dans le sénatus-consulte des
Bacchanales: Nequis ceivis Romanus nevenominus Latini neve socium quis-
quam ; de même dans la lex repetundarum, ligne 1 : [Quoi socium no]minisve
Latini exterarumve nationum, et dans la loi agraire, lignes 21. 50 : [Civis]
Romanus sociumve nominisve Latini, quitus ex formula togatorum milites in
terra Italia inperare soient, aussi dans Salluste, Jug. 40, 2 : Per homines nomi-
nis Latini et socios ltalicos. Latinus ne se trouve que rarement dans les titres
anciens, ainsi dans la loi agraire, ligne 29: [Ceivi] Romano item Latino
peregrinove ; chea les écrivains, il se trouve partout. L'expression socius
nominis Latini ou socius Latinus est, montrerons-nous dans la partie qui
suit, étrangère à la langue ancienne, mais elle est fréquente chez Tite-Live.
Civis ex Latio se trouve dans Salluste, Jug. 69 ; civis Latinus est incorrect,
comme civis Grœcus ou civis Thrax; mais il se trouve dans le statut munici-
pal donné par Domitien à Malaca, c. 33.
232 DI.OIT PUBLIC ROMAIN.
chacune de ces fondations (1). Ce sont seulement les établisse-
ments de ce genre qui datent des derniers temps delà ligue, en
particulier ceux faits au delà du Tibre, qui sont restés en dehors
de la ligue (2). L'énumération des localités qui ont appartenu
à cette fédération, soit comme vieilles cités latines, soit comme
colonies latines de l'époque la plus ancienne, est en dehors du
cadre du droit public (3). — Il est difficile que des cités non-
latines aient jamais appartenu à la ligue (4); mais il existait
sans doute entre la ligue latine et la ligue analogue des villes
herniques une confédération plus large (p. 243 ; 293). — La
désignation propre de la cité est pour la cité latine, comme pour
la cité romaine, populus (p. 231, note 1). Au point de vue ro-
(1) La tradition, fidèle à son parti pris de refuser à la ligue toute égalité
avec Rome, ne connaît pas de fondations fédérales. L'admission par les
Romains de Latins et d'Herniques dans la prétendue fondation d'Antium
en 287 (Denys, 9, 57) est quelque chose de différent ; des événements sem-
blables se sont reproduits fréquemment depuis la dissolution de la ligue.
(2) Rœm. Gesch. 1, 347 = tr. fr. 2, 140. Les plus anciennes colonies latines
qui manquent dans la liste des villes fédérales sont Sutrium et Nepet fon-
dées en 371 de Rome. Elles restent en dehors de la ligue, d'abord sans doute
parce que ces établissements, les premiers faits au delà du Tibre, ne pou-
vaient pas être mis sur le même rang que les extensions du Latium dans le
pays des Volsques. La ville de Setia dans le pays des Volsques, fondée en
372, entra dans la ligue. Au contraire, Antium et Tarracina, qui selon toute
apparence reçurent le droit latin peu de temps après, n'en ont pas fait par-
tie. Cependant les renseignements sur la condition juridique de ces deux
cités avant qu'elles devinssent des colonies de citoyens sont vacillants et
incertains, et il est possible que l'ancien système soit resté en vigueur pour
la région cistibérine jusqu'à la dissolution de la ligue.
(3) J'ai exposé mon opinion sur ce point, Rœm. Gesch. 1, 7e éd. p. 347 =
tr. fr. 2, 139, et Hermès, 17, 42. Si le chiffre des membres de la ligue est et de-
meure de trente, cela doit sans doute être compris dans ce sens qu'il avait
été primitivement établi une fois pour toutes trente places pour certaines
cérémonies religieuses, et peut-être même anciennement pour le vote, et que
ces places étaient occupées selon les circonstances, sans que les cités qui
étaient adjointes aux autres ou même complètement omises là fussent
pour cela considérées comme faisant moins partie de la ligue. Cette com-
munauté était une amphiktionie.
(4) Ce que Denys, 4, 49, rapporte delà participation des Herniques et des
deux villes des Volsques Antium et Ecptra, n'est pas précisément incroya-
ble en soi (cf. C. 1. L. X, p. 660), mais est cependant sans doute une exten-
sion fausse d'anciens récits, relatant une simple alliance, à une commu-
nanté de cérémonies permanente.
LA. LIGUE NATLONALE LATINE. 23$
main, toute cité latine s'appelle municipium, ses citoyens
pouvant se trouver en communauté d'impôts et de corvées
avec ceux de Rome ; la cité latine qui a été fondée en vertu
d'une diécision fédérale ou plus tard d'une décision de Rome
s'appelle aussi colonia (VI, 1, p. 262, note 3). Mais les deux
dénominations ne sont certainement devenues d'un usage
général et spécialement ne sont devenues des titres officiels que
depuis la transformation de la fédération primitive en domi-
nation romaine.
Une pareille ligue de peuples ne pouvait rester sans repré-
sentation religieuse, sans fête fédérale revenant périodique-
ment. Cette fête était le Latiar, la fête célébrée sur le mont
Albain. Cette vérité a été sentie par les conteurs de légendes
qui ont attribué l'établissement de la fête aux « anciens Latins »
et qui l'ont rattachée au roi Faunus et au roi Enée (1). Mais
la version officielle des annales romaines transforme la fête
nationale latine en une institution romaine. Elle ne la rattache
pas à la nationalité latine des Romains, ni même à la destruc-
tion d'Albe, si clairement que les considérations de lieux indi-
quent que cette fête a été fondée et célébrée autrefois par l'an-
cienne capitale du Latium. D'après elle, la fête a été fondée
un certain temps après l'établissement de la domination de
Rome sur le Latium, à cause des victoires du premier ou du
second des Tarquins(2). L'organisation de la fête en vigueur à
l'époque historique implique l'hégémonie de Rome (3), et elle
peut fort bien avoir reçu cette forme après la chute d'Albe. Rome,
(i) Schol. Bob. in Cic. or. pro Plancio, éd. Orelli, p. 255 : Latinae ferise a
quo fuerint institutae, dissentiunt plerique auctores : alii ab L. Tarquinio Prisco
rege Romanorum existimabant, alii vero ab Latinis priscis, atque inter hos ipsos
causa sacrificii non convenit : nam quidam id initum ex imperato Fauni con-
tendunt, nonnulli post obitum Latini régis [ex] JEneae. '
(2) L'Ancien : Denys, 6, 95 ; Schol. Bob., loc. cit. Le Superbe : Denys, 4,
49. Viri ill. 8, 2. Comme origine de l'institution, un texte (Denys, 4, 49) in-
dique une victoire sur les Latins, un autre (Denys, 6, 95) une victoire sur
les Étrusques. Toute cette légende, assurément de date très récente, semble
éviter intentionnellement de rattacher le Latiar aux Latins.
(3) Denys, 4, 49 : ©vouai 8'vrcèp uâvriov xoù rrçv rjyetAovtav tô>v Upôv ÏXQVW i
*Pw{x«Tot.
Le Latiar*
134 DROIT PUBLIC ROMAIN.
étant maîtresse du territoire, apparaît aussi comme donnant la
fête, et ce sont ses magistrats qui partagent la chair des tau-
reaux sacrifiés entre les représentants des villes fédérées. Tant
que la ligue a existé, chacune des villes qui y appartenait par-
ticipa sans doute à cette distribution, et la présence au mont
Albain devait être considérée comme le signe extérieur de la
participation à la fédération. Après la dissolution de la ligue,
la cérémonie subsista, comme cela arrive d'ordinaire, sans mo-
dification; mais les villes parvenues au droit latin après cette
dissolution furent logiquement exclues de la distribution, et ce
sacrifice se trouva ainsi conserver l'image delà ligue latine telle
qu'elle était constituée au moment de sa suppression. — Si la lé-
gende romaine s'est, selon toute apparence, efforcée d'écarter du
Latiar son origine antérieure à Rome, elle considère au contraire
comme une expression de la domination de Rome sur le Latium
le temple de Diane élevé sous l'avant-dernier roi, aux frais
communs des villes latines, sur l'Aventin. Et cette conception
peut être juste dans l'ensemble (1). — On ne trouve pas dans
notre tradition de traces certaines d'une représentation reli-
gieuse indépendante de tout le Latium (2).
organisation de Une constitution écrite de la ligue, indiquant les villes qui
avaient le droit de s'en dire membres, les règles suivies pour la
fête fédérale et les rapports de droit existant entre ses mem-
bres, fut, selon les annales, exposée à Rome, pour y rester dans
un perpétuel souvenir, dans ce temple de Diane de l'Aventin que
(i) Vairon, 5, 43 : Aventinus ab adventu hominum, quod commune Latino-
rum ibi Dianœ templum sit constitutum. Selon Tite-Live, 1, 43, le temple est
construit par les populi Latini cum populo Romano : ea erat confessio caput
rerum Romam esse ; Denys, 4, 26, raconte les choses de la même façon (cf.
p. 235, note 1), et il lie également le temple avec la npoorao-ta des Homains
sur les Latins. Cf. De viris M. 7, 9 ; Zonaras, 7, 9.
(2) Strabon, 5, 3, 5, p. 232, mentionne un sanctuaire de Vénus ('Açpooî-
(rtov) (aussi cité dans Mêla, 2, 4, 71, et dans Pline, H. N. 3, 5, 57, auprès
d'Ardea), ôwou 7uavY|yup^ou<7i Aocrïvoi. Mais il ne peut guère y avoir eu là de
fête fédérale proprement dite. Le temple de Vénus de Lavinium, auquel
Strabon fait allusion peu auparavant en remarquant : 'ETU[j.eAouvTou S'oc-jtoO
8tà7tpo7tôX(ov 'ApSeàrai, est sans doute le même. Il peut avoir été situé entre
Lavinium et Ardea, mais sur le territoire d'Ardea ; car une fête latine ne
peut pas avoir été célébrée sur le sol romain, sous la direction d'Ardea.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 235
nous venons de signaler, à la suite d'un accord du roi Servius
et des députés des villes latines (1). Ce récit est, pour l'ensem-
ble, attesté et digne de foi, quoique le document qu'ont vu les
Romains postérieurs fut sans doute simplement le produit d'une
révision de ces dispositions faite après la dissolution de la ligue.
Il est difficile que la souveraineté des différentes cités ait reçu ^offirés?69
de la constitution fédérale d'autres limitations que celles rendues
absolument indispensables par les nécessités de la défense en
commun qui fut sans nul doute la cause de ce groupement natio-
nal. A ces limitations appartenait en première ligne la consti-
tution d'une armée fédérale sur l'appel de la capitale, probable-
ment en vertu d'une résolution fédérale. L'uniformité des ins-
Cens.
titutions relatives au cens qui existaient à Rome avant que la
censure n'eût été en 319 détachée de la magistrature suprême
et de celles qui ont fonctionné jusqu'aux temps les plus récents
dans les villes latines peut vraisemblablement être aussi ratta-
chée aux institutions primitives de la ligue latine ; le cens des
diverses cités est si bien le fondement de leur organisation mi-
litaire qu'on ne peut s'imaginer une association militaire du
genre de la ligue latine où il ne serait pas rendu uniforme. La 1°r ^erdree f^rdee
guerre reste possible entre membres de la confédération ; la seule
restriction qui soit apportée à sa possibilité est la trêve d'armes
qui doit être observée pendant la fête fédérale (2). Il en est
de même pour la conclusion des traités. A côté du pacte fédé-
(1) Denys, 4, 25. 26, compare à ces lois fédérales latines celle des am-
phiktionies grecques (v6[xou; e£oo tcôv î8(wv, wv ixdcaxr, tuoXiç £t*/e, xocvouç arca-
o-tv), et il représente Servius inscrivant sur une table de bronze touç v6[xo-j<;
tocïç TciXeert iipbç àXXrjXa; (ce qui doit faire allusion à la justice arbitrale éta-
blie pour les différends des villes fédérées mentionnée précédemment par
lui) xai xàXXa xà uspi rr,v £opTY]v xal rcavrjypiv ov ènnekeaQr^e'zai tpotcov... xal
ràç [XET£-/o-Jcraç ?r,ç <tjv68ov TiôXetç. D'après cela, on pourrait restituer le texte
de Festus, p. 165 : Nesi pro sine positum [est in fœdere Latino œdis] Dia?iœ
Auentinen[sis\. Le rituel de l'ara Dianae in Aventino, qui est souvent cité,
dans des inscriptions, comme servant de modèle pour des autels posté-
rieurs, peut aisément avoir fait partie de ce document. Denys réunit aussi
avec cela l'érection de ce temple et l'institution de sacrifices qui devaient y
être faits annuellement par tous les Latins.
(2) Macrobe, Sat. 1, 16, 16: Cum Latiar... concipitur... nefas est prœlium
sumere. Denys, i, 49 : *Ev.ç*/çioîa; elvai uàa-i npoç iravTaç.
traiter.
236 DROIT PUBUC ROMAIN
rai lui-même et de celui conclu entre Rome et la confédération,
duquel nous aurons à nous occuper plus loin, il en existe d'au-
tres entre Rome et diverses villes fédérées, par exemple Lavi-
nium (1) et Gabies (2). C'est sur de tels traités particuliers
plus que sur une résolution de la ligue que se fondait probable-
ment en la forme, — au fond elle venait de l'origine politique
nationale commune, — la communauté de droit existant
entre tous ses membres quant au commerce et entre certains,
quant au mariage (p. 256), Au contraire, les relations des an-
nales refusent aux cités latines le droit de guerre contre les
états non-latins (3) ; et, les Romains concluant le premier
traité avec Carthage pour eux et leurs alliés (4) sans le con-
cours de ces derniers, la ligue ne doit non plus, au moins dans
sa dernière période, avoir pu conclure aucun traité avec les
états non-latins. L'autonomie qui appartient aux diverses cités
après la dissolution de la ligue n'a certainement pas été trans-
portée de la ligue à elles, mais leur a appartenu dans la même
mesure du temps où la ligue existait.
(1) L'acte de fédération conclu entre Rome et Lavinium à la suite de
l'expiation du meurtre du roi de Rome commis à Lavinium (Tite-Live, 1,
14 : Ut expiarentur legatorum injurias regisque caedes, fœdus inter Romam La-
viniumque urbes renovatum est) passa aux Laurentins, avec les autres sacra
de Lavinium (p. 193, note 2), après la guerre latine de 416, à laquelle les
Laurentins n'avaient pas participé, et il fut, en vertu d'un oracle sybillin,
renouvelé tous les ans depuis ce temps-là jusque sous l'Empire (Tite-Live,
8, 11, 15 : Cum Laurentibus renovari fœdus jussum, renovaturque ex eo quot-
annispost diem decimum Latinarum; C. L L. X, p. 797: Pater patratus populi
Laurentis fœderis ex libris Sibullinis percutiendi cura p. R.).
(2) Ge traité conclu avec le dernier roi se trouvait encore, comme on
sait, à l'époque récente, dans le temple de Sancus (Denys, 4, 58 ; Festus,
Ep. p. 59, v. Clipeum; Horace, Ep. 2, 1, 25 ; fœdus p. R. qum Gabinis sur la
monnaie du temps d'Auguste, Eckhel, 5, 137, de G. Antistius Vêtus, descen-
dant de TAntistius Petro nommé au sujet de la prise de Gabies, Denys,
4, 57).
(3) Dans Denys, 8, 15, le sénat permet au xotvov tûv Aarîvwv tt,v èau-râW
crpaTiàv xaTOcypàçeiv xal Y^efiovaç tyjç ôuvajxewç l8tovç a7io8sï^ai, £a>; av aùxo\
iy.Tzi[L<\)(i><n Suvapuv • tv yàp tocTç <njv8r,xauç, alç £7ioiY|<7avTO 7tpbç aùrou; nzpi <pi-
Xîaç, à7ï6ppr,Tov f(V TcrJTwv IxaTepov. Le même, 9, 60. 67. Tite-Live, 2, 30, 8. c.
53, 4. 3, 19, 8. 8,4,8. La déclaration des Romains, Tite-Live, 8, 2, 13 : In
fœdere Latino nihil esse, quo bellare cum quibus ipsi velint prohibeantur, est
représentée (cf. c. 4, 8) comme une concession imposée aux Romains par
les. circonstances.
(4) Polybc, 3, 22.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 237
L'organisation de la ligue avait pour base rassemblée fédé- ^gJ|Jèée
raie, le concilium, et la suppression du concilium a entraîné la
dissolution de la ligue (1). La mémoire s'est conservée de la
tenue de cette assemblée sur le versant du mont Albain, dans
un bosquet voisin de la source Ferentina. Il est naturel de sup-
poser qu'elle était en rapport avec la fête annuelle permanente
du mont Albain, et, qu'Albe eut, tant qu'elle exista, la présidence
politique de Tune comme la présidence religieuse de l'autre.
Mais les descriptions qui nous ont été transmises de cette
assemblée n'en font pas ressortir le caractère permanent. Nous
ne savons même pas comment les érudits Romains y ont conçu
la représentation des confédérés. Ils regardent les Romains
comme ayant toujours participé aux délibérations; mais ils ne
semblent pas leur attribuer le droit de suffrage (2). Nous ne pou-
vons non plus résoudre la question de savoir si les magistrats
des diverses cités, délégués pour les représenter au sacrifice du
taureau (3), jouaient en même temps, à l'époque ancienne, le
rôle de députés politiques. Tant qu'Albe a existé, ses rois ont
eu la présidence de la ligue (4); ensuite elle appartint à deux
prœtores non-romains (5). Ce dernier renseignement a d'au-
(1) P. 228, note 2. D'après Denys, 5, 50, il fut Ysypa^évov èv tou; otjv-
6r(xa:; aTrdccraç 7iapîïvat xàç 7côXetç xaïç xoivaïç àyopaTç oaai toO Aocn'vwv el<j\ yk-
vo-j; 7:apoxy7£!ÀàvTtov ocjtoÎç tôjv upolSpoov.
(2) Denys, 5, 50 : Tîvsxai xoivyj tûv auvayo^évaiv eU «Êepsvtïvov àyopà tcXyjv
[i-.â; T7jç 'Pto^aicov tzôXswç * Ta'JTï] yàp oùx èizrfl-(v.la.v fxovr) 7tapeïvai, xaôausp
eîtôOeaav. Dans le récit de Tite-Live, 1,50, et de Denys, 4, 45, le roi de Rome
convoque le concilium et délibère avec lui, sans qu'il soit fait mention de
l'assistance en forme d'autres présidents. Mais les annalistes romains n'ont
que difficilement eu sur de telles questions des renseignements réels, et les
efforts manifestes faits par les Romains pour ne pas jouer le rôle de mem-
bres de l'alliance, fut-ce au premier rang, ne laissent même pas de valeur
juridique à ces assertions pseudo-historiques.
(3) La relation de Tite-Live, 41, 16, montre que les magistrats latins figu-
raient, tout comme les magistrats romains, dans le Latiar : la fête latine est
renouvelée aux frais des Lanuvini, quiu in una hostia magistratus Lanuvinus
precatus non erat populo Romano quiritium.
(4) Sur le roi ou dictateur albain, cf. tome III, la théorie de la Dictature,
in fine.
(5) Tite-Live, 8, 3, 9, sur l'an 414, les regarde évidemment comme per-
manents: Prœlores tum duos Latium habebat, L. Annium Setinum et L. Numi-
sium Cerceiensem. Denys, après la chute d'Albe (3, 34 : Atpouvtai Suo <rrpax7j-
238 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tant plus de poids qu'ainsi que nous l'expliquerons plus loin, la
confédération étrusque, maintenue quant aux sacra jusqu'aux
temps les plus récents, était probablement, comme les diverses
cités, sous l'autorité de préteurs et d'édiles se renouvelant tous
les ans. L'existence à la tête du Latiumde decem primions les-
quels il peut être représenté (1), donne à penser qu'il y avait,
à côté des magistrats fédéraux, une assemblée latine analo-
gue au conseil communal des diverses cités. En dehors d'un
récit peu digne de foi qui représente l'assemblée fédérale
comme ayant la justice criminelle (2), il n'y a pas de vestige
d'attributions des chefs et de l'assemblée relatives à d'autres
matières qu'aux matières militaires.
Hégémonie de La relation existant entre la ligue latine et Rome est à la
Rome. °
fois désignée comme une « alliance égale » (3) et comme une
subordination à Rome (4). C'est par conséquent, sous les deux
youç aÙToxpàxopaç £ipr,vY|ç te xa\ Tzolipov "Ayxov IIou7tX!xtov èx rcoXeioç Kopaç
xa\ E7rou<nov OùextXcov èx Aaoutv(ov)) et après l'expulsion des Tarquins (5,
61 : Toutou? aTiéSeilav arpax^youç aù-roxpaTopaç rapproché de 6, 4), représente
deux ^xpaT^yoi aùxoxpaxopeç comme marchant à la tète des Latins contre
les Romains; quoiqu'il emploie ailleurs cette expression pour désigner le
dictateur, le chiffre deux implique nécessairement qu'il s'agit ici des pré-
teurs (cf. tome III, la théorie de la Dictature, sur la dictature latine). Le
dictator Latinus de Tusculum, qui, selon Galon (chez Priscien, 4, p. 629), dé-
die le temple de Diane à Aricia, est certainement un magistrat de Tuscu-
lum et non un magistrat fédéral.
(1) Tite-Live, loc. cit. : Romani... decem principes Latinorum Romam evoca-
verunt.
(2) L'exécution de Turnus Herdonius indicta causa, Tite-Live, 1, 51, 9,
Denys, 4, 48, suppose la possibilité légale de suivre une procédure régulière
devant le concilium. Selon le même système, Appius Claudius,de la ville Sa-
bine de Regillum, est condamné pour haute trahison «par les autres villes»,
parce qu'il s'est opposé à la guerre contre Rome dans le concilium de la li-
gue sabine (Denys, 5, 40; Plutarque, Popl. 21).
(3) Tite-Live, 8, 4, 2 : Si etiam nunc sub umbra fœderis œqui servitutem
pati possumus. Cf. p. 291, note 2.
(4) Denys, 3, 54, sous Tarquin l'Ancien: Elvat <pft.ouç 'PwjxatMv xaî <TU[X|xa-
Xovç a-rcavra 7rpaTT0VTaç oaa av èxeTvoi xsXeûtoa-tv. Tite-Live, 1,45, sous Servius :
Caput rerum Romam esse. 1, 52, 4 : In eo fœdere (avec le second Tarquin)
superlr Romana res erat. Denys, 3, 49: T\j}(à>v tt|Ç Aocuvwv rje^oviaç (le même
roi). Tite-Live, 8, 2, 12, avant l'explosion de la dernière guerre : Fateri pi-
gebat in potestate sua Latinos jam non esse. Enfin par dessus tout, dans le
premier traité avec Garthage (Polybe, 3, 22), qui est certainement antérieur
à la dissolution de la ligue, les Carthaginois promettent de ne pas faire de
dommage aux villes latines qui seraient dans l'obéissance des Romains
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 239
rapports, essentiellement la même relation dans laquelle se
trouvaient les diverses villes latines avec Rome après la disso-
lution de la ligue. Les magistrats romains réclament chaque
année, en vertu des traités existants, son contingent militaire
de la ligue, comme, à l'époque postérieure, ils réclament le
sien de chaque cité (1); les annalistes semblent même s'être
figuré l'organisation de ces troupes comme ayant été alors
semblable à ce qu'elle fut par la suite (2), et c'est sans doute
(ôeroi av àrcYpcooi) et, quant aux insoumises, de ne pas les conserver s'il les
réduisaient, et de n'élever aucune forteresse sur le sol latin. Au contraire,
il est sans importance que, dans la rédaction phaséologique donnée à l'al-
liance de Cassius, Denys, 6, 95, la relation formée soit représentée comme
une simple alliance défensive.
(1) Tite-Live, 1, 26, 1 : Roganti Mettio (le roi d'Albe) ex fœdere icto quid
imperaret, imperat Tullius, uti jûventutem in armis habeat. 1, 52, 5 (sous Tar-
quin le Superbe) : Ita renovatum fœdus indictumque junioribus, ut ex fœdere
die certa ad lucum Ferentinœ armati adessent. 6, 10, 6, en 368 : Ab Latinis
Hernicisque... quœsitum, cur per eos annos militent ex instituto non dédissent.
7, 12, 7, sur Fan 396 : Magna vis militum ab (Latinis) ex fœdere vetusto, quod
multis intermiserant annis, accepta. 8, 4, 7 : Temptastis patientiam negando
militem; quis dubitat exarsisse eos, cumplus dncentorum annorum morem solve-
remus? Également, 3, 4, 10. c. 22, 4. 4, 26, 12.7, 25, 5. Denys, 9, 5: 'Acpcxero
8' aùxoïç icapà xoO Aaxtvtov te xa\ 'Epvcxcov eôvouç 8iirXà<nov tou xXy]6évtoç iizi-
xovpixov.
(2) Le plus souvent on reporte les institutions postérieures à cette épo-
que. Ainsi Tite-Live dit, en termes généraux, 8, 8, 14, après avoir parlé de la
levée annuelle faite parmi les citoyens de 4 légions composées chacune de
5000 fantassins et de 300 cavaliers : Alterum tantum ex Latino dilectu adjicie-
batur. Les armées consulaires de Denys, 9, 5. 16. 18, composées chacune de
deux légions et de troupes égales d'Herniques et de Latins, sont d'accord avec
cela. On rencontre aussi, dans Tite-Live, 2, 64, 10 (cf. Denys, 9, 57), une Her-
nicorum cohors dans une armée consulaire. Au contraire, on trouve dans
Tite-Live, 3, 22, 4. 5, une armée consulaire composée pour portions égales
de Romains, de Latins et d'Herniques et combattant divisée en ces trois
corps ; dans Tite-Live, 3, 4, 10. c. 5, 8. 15, un socialis exercitus également
consulaire composé seulement de cohortes Latinse Hernicœque (à côté des An-
tiates). L'organisation intérieure est absolument semblable à celle des Ro-
mains (Tive-Live, 8, 6, 15. c. 8, 15). — L'assertion de Tite-Live, 1, 52,6,
(d'où sans doute Zonaras, 7, 10) : (Latini) ubi ad edictum Romani régis (du
dernier) ex omnibus populis convenere, ne ducem suum neve secretum imperium
propriave signa haberent, miscuit manipulos ex Latinis Romanisque, ut ex bi-
nis singulos faceret (= qu'il formât un manipule de deux anciens — demi-
manipules romains et latins) binosque ex singulis (= qu'il fit deux manipu-
les de chaque ancien manipule romain) : ita geminatis manipulis centuriones
imposuit, est absolument isolée (car Tite-Live, 8, 6,15, est absolument étran-
ger à cette question). Il n'y a sûrement eu aucun Romain qui se soit figuré
cela comme ayant été un régime durable. C'est probablement le produit des
%40 DROIT PUBLIC ROMAIN.
avec raison, car la levée fédérale ne pouvait être composée
que des contingents des différente cités. Il n'y a pas trace
d'un commandement général de la levée fédérale (1) ; nous
trouvons seulement rapporté que, tant que la ligue exista, elle
faisait, avant de remettre les troupes fédérales aux généraux
de Rome, prendre les auspices romains par des Romains délé-
gués par elle (2). —'Selon les documents que nous possédons,
les profits de la guerre, qu'ils consistassent en terres ou en bu-
tin mobilier, étaient divisés par portions égales entre les trois
alliés, à l'époque où la ligue des villes herniques s'était adjointe
comme troisième terme à Rome et au Latium. La disparition
de ce partage fut une des conséquences de la dissolution de la
ligue (3).
réflexions d'un annaliste du temps de Sulla qui s'est demandé comment la
guerre sociale aurait pu être évitée et qui a déguisé ses idées sous l'aspect
d'une peinture du gouvernement du dernier roi à son déclin, en partant du
principe selon lequel l'organisation de l'armée dépend exclusivement de
l'arbitraire du général en fonctions.
(1) Sans doute on peut se demander comment était alors occupé le com-
mandement confié plus tard aux praefecti socium. Mais c'est une question à
laquelle nous n'avons pas de réponse.
(2) Gincius, dans son traité de consul um potestate (dans Festus, p. 241, v.
Prsetor ad portant) : Quo anno Romanos imperatores ad exercitum mittere opor-
teret, jussu nominis Latini complures nostros in Capitolio a sole oriente auspi-
ciis operain dare solitos : ubi aves addixissent, militent illum, gui a communi
Latio 7nissus esset, illum quem aves addixerant prsetorem salutare solitum, qui
eam procinciam optineret prœtoris nomine. Les mots du début peuvent, s'ils
sont exacts, uniquement être compris dans ce sens que la procédure décrite
était suivie les années où les Romains envoyaient des généraux ; mais,
puisque cela avait lieu tous les ans, il faut sans doute lire quando au lieu
de quo anno. En tout cas, il s'agit là exclusivement du départ du général
romain pour son commandement, et il n'y a aucune raison de voir dans ce
témoignage, avec l'interprétation reçue (Schwegler, 2,343), un roulement du
commandement entre Romains et Latins qui serait impossible. Prsetor dési-
gne naturellement le consul, puisqu'il s'agit du temps antérieur à 416, et
il faut aussi comprendre provincia dans son sens primitif.
(3J Pline, H. n. 34, 5, 20 : (C. Msenius) devicerat priscos Latinos, qui-
tus ex fœdere tertias prœdae populus Romanus prsestabat. Selon les annales,
le butin était, en vertu de l'alliance de Gassius, partagé pour portions égales
entre Rome et le Latium (6, 95 : Aacpûpwv te xaî Xeîaç tyjç èx iro)ifxa)v xoivûv
to laov XaY'/avÉTtoa-av (xépo? êxatepot; Tite-Live, 2, 41, 1), puis, à la suite de
l'adjonction des Herniques, il le fut par tiers (8, 77 : "Epvtxa;... -j-riç te xcù
Xetaç, fft av èx rcavroç xnqatovTat, ...ïzaU Xafipavgiv iplirp fj.ept8a ; cf. c. 69. 71.
74). Le récit de Denys, 9, 59, est incorrect.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 241
La dissolution de la représentation fédérale en 416 de Rome l& collectivité
latine après la
a sans doute laissé en principe aux différentes villes leur condi- dissolution de ia
tion antérieure; en particulier, leur autonomie n'a pas été li-
mitée plus étroitement qu'elle ne l'avait été par leur incorpora-
tion dans la ligue. Les pouvoirs que la ligue avait jusqu'alors
exercés sur les villes fédérées passèrent à la cité dominante.
La dissolution de l'union fédérale doit seulement avoir en-
traîné la suppression du droit des villes latines de coûclure des
traités particuliers entre elles, et le droit des villes latines
de conclure des traités se trouva désormais restreint à celui de
traiter avec Rome. Selon les textes mêmes, il n'a pu, depuis
416, y avoir d'alliance ni entre tous les peuples latins ni entre
certains d'entre eux (1), et la même conduite a, verrons-nous,
été suivie pour tout le reste de l'Italie. Par conséquent, les
villes latines perdirent alors le droit d'établir entre elles la
communauté du commerce et du mariage, et, selon toutes les
vraisemblances, les traités antérieurement faits dans ce but
furent en même temps abrogés.
Au contraire, l'union collective des cités reconnues par les Ro- 3 ^«««km
* du cercle de la
mains comme ayant des droits nationaux égaux ne cessa pas SaLïde*
d'exister à la suite de cette dissolution; elle perdit seulement colomes;
ses organes collectifs; ou plutôt les organes de la cité domi-
nante furent désormais regardés comme étant en même temps
ceux du Latium. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre
l'appel du contingent fait par les autorités romaines. L'admis-
sion de nouvelles cités dans l'union, qui subsista après comme
avant, fut aussi désormais prescrite par une décision législa-
tive des comices romains. De nombreuses communautés poli-
tiques nouvelles de nationalité latine ont été créées, dans
toute la péninsule jusqu'au pied des Alpes, par les Romains
depuis 416 comme auparavant par la ligue.
(1) Tite-Live. 8, 13 (p. 228, note 2) : Ceteris Latinis populis... concilia inter
se ademerunt. Cf. Tite-Live, 45, 29, 10 : Pronuntiavit... neque conubium neque
commercium agrorum œdificiorumque inter se placere cuiquam extra fines re-
gionis suae (des quatre Macédoines) esse. On rencontre encore souvent ail-
leurs des limitations pareilles (Handb. 4, 501).
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 1g
242 DROIT PUBLIC ROMAIN.
par la Mais l'extension du Latium s'est, dès la période ancienne de
latinisation de x
cités pérégrines. ja République, difficilement restreinte à cela. On semble aussi
avoir incorporé parmi les cités latines un certain nombre de
cités originairement pérégrines. Sans doute cela ne pouvait se
produire qu'en vertu d'une libre décision de la cité pérégrine,
d'une part, et de l'autorité romaine, de l'autre. Il n'est pas cer-
tain que les cités non-latines aient pu, en vertu de leur auto-
nomie, adopter la langue latine (1), la dualité des noms propres
latins (VI, 1, p. 240), la toge latine (VI, 1, p. 250) et d'autres
institutions qui dépendent en général de la libre décision du
peuple. Il se peut fort bien que, surtout à l'époque ancienne,
des limites aient été apportées, dans les divers traités, à cet
exercice de l'autonomie et que la nation dominante n'ait pas
permis sans réserve l'adoption de ses coutumes propres à ses
alliés inférieurs. Mais, lors même qu'il n'existait pas d'obstacle
sous ce rapport et que les citoyens des villes non-latines pou-
vaient et voulaient se ranger ainsi dans la nationalité latine,
la différence légale n'était pas effacée par là. La concession de
l'usage de la toge aux membres de toutes les cités appartenant
à l'armée italique n'en fit pas des Latins (2). L'usage de la
langue latine, qu'il reposât sur une décision prise par une cité
dans son autonomie ou sur une concession du gouvernement,
ne donnait pas davantage à la cité le droit latin. Il devait, en
tout cas, falloir en outre une concession des privilèges person-
nels aux Latins que nous étudierons plus loin, et cette con-
cession ne pouvait résulter que d'un acte législatif de Rome (3).
Mais il est probable que cela a eu lieu ainsi, et que des cités
qui n'étaient pas latines d'origine ont été mises par une na-
tionalisation légale sur le même rang que les vieilles cités
latines. La désignation Latium adjectum ou novum^e nous a
(1) De ce que les cités de demi-citoyens ne pouvaient pas changer arbitrai-
rement leur langue officielle (p. 204, note 1), il ne résulte pas nécessaire-
ment que les cités autonomes aient également eu besoin d'une permission
pour le faire.
(2) Il est traité des togati italiques dans la partie qui suit.
(3) C'est ce que montre par exemple le régime de la mancipation
(p. 251, note 3).
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 243
été transmise que comme désignation géographique du terri-
toire limitrophe du Latium au Sud et à l'Est, jusqu'au Liris
sur tout son cours ; c'est-à-dire du pays des Volsques et de»
Herniques (1). Mais elle a, sans aucun doute, primitivement
exprimé, en droit public, l'incorporation de ce territoire non pas
dans l'union religieuse qui célébrait la fête fédérale sur le mont
Albain (p. 232 notes 2 et 4), mais dans l'union politique des
Latins. Sans doute, la plupart des cités de l'ancien territoire des
Volsques auraient, d'après ce que nous savons par la tradition,
passé directement de la pérégrinité au droit de cité, spéciale-
ment au demi-droit de cité (p.* 186, notes 2 et 3), et n'auraient
jamais été latines. Mais quelques-unes d'entre elles, par exemple
Antium(2), paraissent avoir possédé le droit latin avant d'entrer
dans cette condition, et, sur les trois villes des Herniques qui
subsistèrent comme fédération particulière après que les autres
Herniques eurent reçu le demi-droit de cité (p. 186, note 8),
Ferentinum, Aletrium et Verulae, les Ferentinates sont plus
tard expressément comptés parmi les Latins (3). Peut-être la
même chose a-t-elle eu lieu en Italie sur une large échelle. Un
certain nombre de cités italiques qui n'étaient pas des colonies
latines, ainsi les Vestini, Larinum, Teate Apulum, Caiatia,
(1) Les limites du Latium adjectum sont étudiées Cl. L. X, p. 498. Les
témoignages sont vacillants. Les extensions successives du cercle juridique
de la Latinité peuvent avoir exercé là une influence.
(2) C. I. L. X, p. 660.
(3) Tite-Live, 34, 42, o : Novumjus eo anno a Ferentinatibus temptatum, ut
Latini qui in coloniam Romanam nomina dédissent, cives Romani essent. Pu-
teolos Saleimumque et Buxentum adscripti coloni qui nomina dederant [et] cum
ob id se pro civibus Romanis fêtèrent, senatus judicavit non esse eos cives Ro-
manos. Le citoyen d'une cité latine pouvant posséder des champs romains,
il n'y avait pas d'obstacle de principe à l'admettre sur les listes au mo-
ment de la fondation d'une colonie de citoyens sans que sa condition per-
sonnelle fût pour cela changée. Cf. tome IV, la section des Magistrats agris
dandis adsignandis et colonise deducendœ, sur l'assignation. D'ailleurs la loi
de fondation de la colonie permettait à l'auteur de la deductio d'inscrire un
certain nombre de non-citoyens en qualité de citoyens parmi les colons
(VI, 1, p. 151). Par conséquent les Ferentinates ne s'appelaient pas seule-
ment Latini ; ils avaient aussi les droits propres des Latins. Cf. C. L L. X,
p. 572. — Il est vraisemblable que c'est précisément en leur qualité de La-
tins que les Herniques font défaut dans le relevé des forces italiques de
l'an 529 (Rœm. Forsch. t, 396).
244 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Aquinum, ont frappé des monnaies avec légende latine. Or, on
ne peut sans doute pas dire avec certitude dans quelle mesure
ce passage de fait dans la nationalité latine a été accompagné
pour elles des privilèges juridiques de la latinité. Mais cependant
il est probable que ces privilèges ont été accordés tout au moins
à une partie d'entre elles. Car c'est seulement si la concession
du droit de latinité avait déjà été faite fréquemment, avant
la guerre sociale, à des villes non-latines d'origine, que l'on
peut s'expliquer que le droit de latinité ait été, après la guerre
sociale, accordé en bloc à toutes les cités pérégrines indépen-
dantes de la Gaule cisalpine. Le cercle des alliés italiques est
plus large que celui des Latins; mais il y a probablement eu
des passages constants du premier dans le second, et c'est ainsi
que s'est progressivement développée l'idée, assurément erro-
née, dont nous aurons encore à nous occuper dans la partie sui-
vante, selon laquelle les Italiens sont tous sans exception des
Latins et il n'y a pas de statut personnel italique différent du
statut personnel latin.
Le droit latin a été, selon la même méthode, conféré par César
et après lui, d'abord aux rares cités qui, par suite de leur défaut
d'indépendance politique, restèrent en dehors de la concession
du droit de cité faite aux Cisalpins en 705 (i); puis progressi-
vement aux cités des Alpes de la frontière nord de l'Italie (2),
et même, dans le cours des temps, aux cités pérégrines de
(1) Le Laiinum jus des gentes Euganese subordonnées à des municipes CBri-
xia et Bergomum), en particulier des Trumplini et des Gamunni, est attesté
par Pline, H. n. 3, 20, 133. V. les développements donnés par moi, C. I. L. V,
p. 519. Les Garni et les Gatali placés sous l'autorité de Tergeste ont
pareillement la latinité (p. 264, note 4; v. la partie des Localités attribuées).
Sur la conciliation du droit latin avec la dépendance des cités, cf. C. I.
L. V, p. 1195, et XII, p. 21.
(2) Avaient le droit latin, selon Pline, 3, 20, 135, qui décrit sans doute
ici pour l'ensemble les institutions du temps d'Auguste : dans le territoire
des Alpes maritimes, les Bagienni (plus tard compris dans la neuvième
région de l'Italie ; cf. C. I. L. V, p. 873) et une partie des Ligures Montani et
Capillati, desquels il fut ensuite étendu par Néron, en l'an 63, atout le ter-
ritoire des Alpes maritimes (Tacite, Ann. 13, 32; cf. C. L L. V, p. 903); en
outre, le territoire des Alpes cottiennes (cf. C. 1. L. V, p. 810); dans les
Alpes graies, les Geutrones; dans les Alpes pœnines, les Octodurenses, peut-
être aussi les Varagri et les autres peuplades.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 245
l'Occident en général (1). C'est pour une bonne partie par ce
procédé que s'est accomplie la romanisation de l'Occident.
Étudions maintenant les avantages qui distinguent le droit
des villes latines et la condition personnelle des Latins des
droits généraux des villes autonomes et de leurs citoyens.
Les statuts des villes latines. — il n'y a pas de droit latin Lesdeeg£t„"Mi
abstrait, — se divisent en deux catégories, l'une supérieure et m7auns*ux
l'autre inférieure en droit; ou encore, selon une distinction qui
se confond probablement avec la précédente, ces statuts se divi-
sent en statuts antérieurs ou postérieurs à l'an 486 de Rome (p.
258 et ss.). La tradition ne nous dit pas quels étaient les effets
particuliers de cette différence de droit. Puisqu'il nous est attesté
que le droit latin récent entraînait l'égalité complète avec les
citoyens romains en matière de droit privé, celui qui lui était
supérieur devait nécessairement conférer en outre des droits
politiques proprement dits (2) : c'est un point sur lequel nous
aurons à revenir au sujet delà faculté d'émigration. La catégorie
la mieux traitée des villes latines comprend en premier lieu les s.tatutTs <|?s
r r anciens Latins)
anciennes villes latines et en outre les plus anciennes des colo-
nies fondées par la ligue ou par les Romains. La catégorie in-
férieure est désignée comme ayant le droit d'Ariminum, ou
celui des « douze colonies », par lesquelles il faut entendre la (douze) colonies.
ville latine d'Ariminum, dont la déduction eut lieu en 486, et
les onze autres colonies fondées par les Romains en Italie entre
cette date et la guerre sociale (3). Mais il faut également comp-
(1) Les témoignages ont été réunis par Hirschfeld dans la Festschrift zur
Sbjahrigen Jubelfeier der arch. Instituts in Rom de Benndorf et Hirschfeld
Vienne, 1879, p. 8 et ss. = Revue générale de droit, 1880, p. 290 et ss. Ha-
drien encore Latium multis civitatibus dédit (Vita, 21). Lambsesis et Gemellae
en Afrique le reçurent en même temps (Eph. ep. V, n. 748).
(2) Il est remarquable que la frappe de monnaie romaine d'argent com-
mence au moment de la fondation d'Ariminum, et qu'aucune des douze co-
lonies les plus récentes n'a frappé de monnaie d'argent {R. M. W. p. 319
= tr. fr. 3, p. 191). Au reste, ces restrictions n'ont sans doute pas été réali-
sées par une loi générale, mais par les différentes lettres de concession,
parmi lesquelles naturellement c'étaient en général les dernières délivrées
qui servaient de modèle pour les suivantes.
(3) Cicéron, Pro Cœc. 35, 202 : Sulla... ita tulit de civitate (des Arretini et
des Volaterrani, cf. VI, 1, p. 156, note 4), ut non sustulerit horum nexa atque
246 DROIT PUBLIC ROMAIN.
ter dans la seconde classe toutes les cités qui ont reçu la lati-
nité dans les provinces. La condition supérieure et la condition
inférieure peuvent donc être désignées comme étant celles des
prisci Latini et des Latini coloniarii. En donnant la dénomina-
tion de colonise Latinse à la cité de Carteia, composée en 583
des enfants nés dans le camp de l'armée d'Espagne (1), et
aux cités gratifiées de la latinité en Gaule cisalpine après la
guerre sociale, on veut caractériser leur droit de latinité
comme appartenant à la catégorie inférieure; c'est d'autant plus
clair que la dénomination ne convient pas, au sens propre,
aux dernières cités tout au moins. La catégorie supérieure des
Latins disparut pour toujours à la même époque par l'arrivée
de toutes les cités italiques au droit de cité complet (2), et il
n'y eut plus, à la fin de la République et sous lePrincipat, d'au-
tres cités latines que les villes de province qui avaient reçu ou
qui reçurent le droit de latinité inférieure. Ce sont là les Latini
coloniarii des jurisconsultes du temps de l'Empire (3). Cette
hereditates : jubet enim eodemjure esse quo fuerint Ariminenses, qaos quis igno-
rât duodecim coloniarum fuisse et a civibus Romanis hereditates capere potuisse ?
Les nexa sont expliqués par la définition rapportée dans Varron, L. L. 7,
105 : Nexum Manilius scribit omne quod per librarn et ses geritur, in quo sint
mancipia (cf. Gaius, 2, 27 : Provincialis soli nexum non e[sf]... solum Italicum
mancipii est, provinciale nec mancipii est). Festus, p. 165, définit le mot dans
un sens large où il comprend les hereditates : Nexum est, ut ait Gallus JElius,
quodcunque per ses et libram geritur idque necti dicitur, quo in génère sunt
hœc : testamenti factio, nexi datio, nexi liberatio. Cf. Rœm. Gesch. 1, 7e éd.
421 = tr. fr. 2, 240.
(1) Tite-Live, 43, 3.
(2) Les prisci Latini peuvent avoir encore longtemps figuré dans la théo-
rie juridique. Mais nos sources de droit ne connaissent en dehors des La-
tini Juniani, dont la condition est purement individuelle, d'autre droit com-
munal latin que celui des Latini coloniarii. La distinction du Latium majus
et du minus (p. 263) n'a rien à faire avec la différence de droit étudiée ici.
(3) Gaius, 1, 22. 29. 79. 3, 56. Ulpien, 19, 4. Fragment de Dosithée, de
manumiss. 6 : Aaxc'vocç xoXtovapc'ocç, oc', ote rjaav TroXc-rac ePo)[xac'a)v àueXeuôepoc,
ô'vo[xa c'ôtov sic Tr,v xoXiovcav SeStoxecaav. Cette définition tirée du nom est vi-
siblement fausse. L'auteur peut avoir pensé hors de propos aux affranchis
qui étaient fréquemment mis dans les colonies de citoyens, ou même, comme
suppose Hirschfeld, aux Latini Juniani. — Gaius s'exprime, en termes
assez singuliers, comme s'il n'y avait de son temps aucune ville de droit
latin et comme s'il n'y avait pas d'autres Latins que les Juniani. Il n'y avait
pas de colonies latines dans l'Asie mineure où il écrit, et elles ne sont
mentionnées qu'accidentellement par les jurisconsultes romains.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 247
dénomination, qui vient probablement des douze colonies, s'ap-
plique même aux cités qui ont reçu ce droit de latinité sans la
qualité fictive de colonies. Vespasien le donna aux Espagnols.
Mais, comme la raison pour laquelle on avait qualifié de colo-
nial le droit de latinité conféré aux villes cisalpines s'était éva-
nouie avec la disparition du droit de latinité supérieur, il aban-
donna cette fiction, et, selon la méthode ancienne plus ration-
nelle, il fit des cités espagnoles des miinicipia latins (1).
La souveraineté théorique des diverses cités latines ne fut Décadence ia
* latinité sous le
pas atteinte par la dissolution de la ligue; mais son absence de Principat.
portée pratique rétroagit peu à peu sur les principes du droit
public. C'est en partant delà qu'après le soulèvement de la ville
latine de Fregellae en 629, on refusa le triomphe à son vain-
queur, en traitant par conséquent cette guerre comme une
guerre civile (2). Dans la dernière phase de ce développement,
qui est celle qui nous est le plus exactement connue, dans celle
des statuts municipaux espagnols concédés sous les Flaviens,
on n'emploie même plus pour la ville les mots populus et pu-
blions : on remplace le premier par municipinm et le second par
communis. La plénitude de la juridiction, qui, comme nous
montrerons dans la partie qui suit, était encore, au temps de
César, le signe caractéristique de la cité alliée souveraine en face
de la cité de citoyens romains, est retirée à ces villes latines
d'Espagne, et elles sont, sous ce rapport tout au moins, rappro-
chées des cités des citoyens (3). Nous aurons encore à nous
occuper dans la partie suivante, d'autres limitations apportées
sous l'Empire au droit latin.
Le droit latin individuel n'existe que comme conséquence des LatimJvmam.
divers statuts communaux latins. Le droit de cité de Préneste
(1) VI, i, p. 262, note 3 in fine. Dans le langage habituel, on évite cette
dénomination, parce qu'à cette époque municipium désigne par excellence la
cité de citoyens. On dit plutôt oppidum Latinorum.
(2) V. tome I, la partie du Commandement militaire, sur le bellum jus-
tum comme condition du triomphe.
(3) La limitation elle-même est exprimée dans le c. 69 du statut muni-
cipal de Malaca, qui n'est pas conservé intégralement ; les détails précis
font défaut.
248 DROIT PUBLIC ROMAIN.
est sur le même pied que le droit de cité de Rome, et l'exis
tence d'un droit de cité latin qui ne se rapporte pas à une ville
de droit latin déterminée est un non-sens (p. 216, note 1, et
p. 231, note 1). Mais la loi Junia vint, à la fin de la République
ou peut-être au début de l'Empire (1), attribuer à l'affranchis-
sement irrégulier en la forme et par conséquent nul d'un es
clave romain cet effet juridique de permettre à l'affranchi de
commercer pendant sa vie dans les formes romaines comme le
citoyen d'une colonie latine, de servir dans l'armée dans la
mesure où le pouvaient les affranchis latins quelconques (2)
et enfin d'acquérir dans les conditions établies pour les Latins
le droit de cité romaine, tandis qu'il était traité à son décès
comme un esclave; or cette condition personnelle, contre na-
ture sous tous les rapports, dont le sujet non seulement n'ap-
partenait à aucune cité, comme le dediticius, mais n'était un
homme libre que de son vivant et par conséquent était, au sens
propre, toujours un esclave, fut désignée, dans la langue récente
de l'école (3), par le nom de Latinus Junianus (4). Et, par
(1) La loi appelée partout ailleurs seulement Junia est appelée lex Junia
Norbana dans les Institutes de Justinien, 1, 5, 3, et elle appartient à l'an
19 après Jésus-Christ, si cettedésignation est exacte. Mais peut-être est-elle
interpolée par corrélation à la loi iElia Sentia, à côté de laquelle la loi est
nommée, car il y a de sérieuses raisons de fonds pour que la loi iElia Sentia
de l'an 6 après Jésus-Christ lui soit antérieure. Cf. mon étude dans les
Jahrbùcher de Bekker, 2, 333 et les dissertations récentes publiées sur cette
question, impossible à trancher avec certitude, par Schneider, Zeitschrift
der Savigny-Stiftung, Rom. Abth. 6, 186. 7, 31 et Hôlder, même revue, 6, 205.
7, 44, qui indiquent la bibliographie de la matière.
(2) Cela s'applique au service dans le corps des vigiles. Ulpien, 3, 5.
Gaius, 1, 32^.
(3) L'assimilation de ces personnes aux citoyens latins pendant qu'elles
vivent fut évidemment adoptée, d'une part, afin de les exclure de tous les
droits et les honneurs politiques et, d'autre part, attendu que leur classe-
ment parmi les dediticii aurait été gênant pour les gens en rapports d'af-
faires avec elles, notamment par suite de l'impossibilité de la mancipation.
La loi doit donc les avoir désignés comme des gens, qui dum vivunt sunt nu-
méro Latinorum, moriuntur servi. Mais le caractère irrationnel de la termino-
logie abrégée de l'école se manifeste dans le nom de Latinus mis à la place
de numéro Latinorum et dans l'absence de toute indication de leur mort
comme esclaves. Je ne peux qu'adhérer, à rencontre d'Hôlder, p. 211, à l'o-
pinion de Schneider, selon laquelle la loi ^Elia Sentia n'a pu employer cette
expression fausse et a encore moins pu désigner ces gens comme Latinorum
numéro ou comme Latini ; car ils ne le sont ni n'en portent le nom.
(4) Sur le Latinus Junianus, on comparera principalement Gaius. 1, 17. 22.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 249
suite de cette désignation trompeuse, cette institution hybride
figure, par un phénomène singulier, chez tous les jurisconsultes
anciens et modernes, comme une variété du droit latin, alors
qu'on ferait mieux d'y voir un esclavage qualifié. Cependant
cette institution, une fois affublée de l'étiquette que lui ont
donnée les jurisconsultes romains, a probablement contribué à
faire établir, dans la période récente de l'Empire, un droit in-
dividuel latin ne se rattachant à aucune cité. Il y a tout au
moins de grandes vraisemblances pour que les pérégrins enrô-
lés pour le service de la flotte aient, depuis Hadrien, reçu de
cette façon un droit personnel de latinité (1).
Les droits spéciaux appartenant en face de Rome aux ci-
toyens des villes latines en vertu de leur qualité n'ont, selon indi^t^s des
toute apparence, pas été touchés par la dissolution delà ligue
latine: ainsi par exemple, l'alliance qui avait existé jusqu'alors
a continué à déterminer la condition personnelle des citoyens
des anciennes villes latines, tant que ces cités ont subsisté
(p. 23 i, note 1). Par suite, les principes fondamentaux étant
toujours restés les mêmes, nous pouvons rassembler ici, sans
distinction de périodes chronologiques, ce que nous avons à
dire à ce sujet. Ainsi que nous avons déjà dit, nous réservons
pour la partie qui suit les privilèges que les Latins partagent
avec les Italiens, par exemple ceux qui sont liés au service mi-
litaire et la situation favorisée qui leur est donnée pour le
commerce avec les provinces. Nous avons ici à étudier : leur
droit de commercer et d'ester en justice; leur droit de se ma-
rier; leur droit de provocation; les modes privilégiés par les-
quels ils acquièrent la cité romaine; enfin leur droit de vote.
Il n'y a pas de communauté de droit entre Rome et le La- îatïn" etégâuté
latine.
29. 2, 195. 3, 56. Ulpien, 20, 14. Tacite, Ann. 13,27. Ulpien reconnaît expres-
sément qu'il n'est nullius certae civitatis civis, et il explique par là son inca-
pacité de tester. Je n'entre pas dans les détails; car ils ne présentent pas
d'intérêt pour le droit public. Les noms romains appartenaient même à ce
Latin, montre Pline, Ad Traj. 104. Les enfants nés en mariage entrent dans
la même condition ; mais pratiquement cela n'a pas d'inconvénient ; car ils
sont admis à la causse -probatio, même après la mort de leur père, (Gaius, 1, 32).
(1) Hermès, 16, 467.
250 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tium. Le principe exposé plus haut, selon lequel les comices
romains sont légalement l'organe du Latium, a sans doute pour
conséquence que la législation romaine peut s'étendre au La-
tium, et nous expliquerons, dans notre prochaine partie, que
cette conséquence du principe a été tirée par les Romains non
seulement en face des cités latines, mais de toutes les cités ita-
liques, tandis qu'on ne pouvait invoquer dans le même sens de
titre légal en face des États étrangers à l'Italie et que l'extension
de la législation romaine à ces États était considérée comme
une violation de leur autonomie. Mais, en face de l'Italie elle-
même, elle demeura une exception; il n'y a pas d'organe lé-
gislatif qui fonctionne régulièrement pour établir des lois ro-
mano-latines, notamment en droit privé (1). L'autonomie
existe au contraire à ce point de vue aussi bien pour Préneste
que pour Rome : le mariage, l'affranchissement (2), le testa-
ment, les successions ab intestat sont régis dans un endroit
comme dans l'autre par les lois locales. Dans toutes les villes
latines, y compris Rome, les règles du droit privé se fondent
sur l'autorité propre de chacune, même lorsqu'elles se trou-
vent concorder matériellement. Mais cette concordance maté-
rielle existe dans la plus large mesure, par suite de l'identité de
mœurs et de langage, et elle a les résultats pratiques les plus
importants. Il est bien vraisemblable que les limitations de
droit qui séparent probablement à l'époque ancienne l'étranger
comme le client du citoyen sont appliquées même aux étrangers
de la même nationalité que les Romains ; ainsi ils ne devaient
pas pouvoir plaider devant les tribunaux romains sans l'assis-
tance de leurs hôtes (VI, 1, p. 91); mais cette restriction de la
liberté du commerce disparut, avons-nous vu, dès une époque
(1) L'assemblée fédérale latine n'a sûrement jamais pris de mesure de
ce genre. La régie générale selon laquelle la prescription législative faite
pour les citoyens romains ne lie pas les Latins a subsisté jusqu'à la période
récente de l'Empire. Ad legitimam intestatœ matris hereditatem, dit Paul,
Sent. 4, 9, 3, filii cives Romani, non etiam Latini admittuntur.
(2) D'après le statut de Salpensa, c. 28, l'individu affranchi dans les
formes convenables par un municeps de droit latin doit être libre, uti qui
optumo jure Latini libertini liberi sunt erunt.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 251
très reculée, et les temps historiques accordent une capacité
de plaider complète à tous ceux qui possèdent le droit géné-
ral d'agir devant les tribunaux romains.
En outre, môme au temps où le Latin demeure étranger commerdum
71 o avec les Romains.
quant à la procédure, il est, quant au droit lui-même, essen-
tiellement assimilé au citoyen. Et cette idée trouve son expres-
sion dans la communauté du droit de commercer, dans le com-
mercium existant entre Romains et Latins (1). Ce sont préci-
sément les institutions dont le caractère national est le plus
vivement perçu, la puissance paternelle érigée en droit de
propriété absolu du père sur le fils (2), l'usage fait du métal
et de la balance en présence de témoins pour légaliser les paie-
ments de toutes sortes (3), qui sont attestées comme étant
communes aux Romains et aux Latins. Selon une règle augurale
remarquable, les auspices sont pris sur le sol de toutes les
villes latines de la même façon que sur le sol de Rome, et ils
sont pris autrement dans les pays étrangers de nationalité
différente (4). De là on tire, relativement au commerce privé,
cette conséquence qu'il n'est ouvert aux hommes de nationalité
étrangère qu'exceptionnellement, à condition qu'il existe des
conventions diplomatiques entre les deux cités et dans les
limites et les formes prescrites par ces conventions, mais qu'au
contraire il est ouvert aux hommes de même race, en principe
et dans les formes du droit local, à moins qu'il n'existe en
sens contraire des dispositions expresses (o). Tandis que les
(1) Ulpien, 19, 5 : Commerdum est emendi venclendique invicem jus, Tite-
Live, 45, 29, 10 : Commerdum agrorum sedificioramqae, c'est-à-dire 1' eyxr^atç
rôc xa\ obuaç des Grecs (Gilbert, Griech. Staatsalterth. 1, 173. 2, 295).
(2) C'est ce que montre de la façon la plus claire le statut de Salpensa,
c. 21. 22.
(3) VI, 1, pp. 40 et 146. Ulpien, 19, 4 : Mancipatio lecum habet inter cives
Romanos et Latinos coloniarios Latinosque Junianos eosque peregrinos, quibus
commerdum datum est. — Le Latin peut aussi être témoin dans l'acte per
ses et libram (Ulpien, 20, 8).
(4) Varron, L. L. 5, 33 (cf. p. 216, note i) : Peregrinus ager... qui extra
Romanum et Gabinum qaod uno modo in his servantur (Ms. : seruntur) auspi-
cia.... Gabinus quoque peregrinus, sed quod auspicia habet (Ms. : qaos a.
habent) singularia, ab reliquo discretus.
(5) Dans l'alliance latine attribuée à l'an 261, il y avait, selon Denys,
252 DROIT PUBLIC ROM1IN.
autres étrangers en sont réduits au droit des étrangers,
(p. 222), le droit national est présumé s'appliquer aux rela-
tions des citoyens des villes latines avec les Romains. Il n'est
ni nécessaire ni possible d'énumérer ici toutes les consé-
quences de ce principe ; mais cependant il convient d'indiquer
quelques-uns des actes juridiques les plus importants qui,
parmi les divers étrangers, ne sont possibles qu'aux Latins.
Adoption et 1. L'acquisition d'un Latin en qualité d'enfant par un Ro-
adrogation. . ,
main ou a 1 inverse d un Romain en qualité d enfant par un
Latin, par la transmission du droit de propriété sur l'enfant
opérée du père naturel au père adoptif, est possible; au con-
traire, un pérégrin ne peut ni adopter un Romain ni être
adopté par lui. — Le point de savoir si un Latin suijuris peut
également passer par adrogation clans une famille romaine et
conséquemment dans le peuple romain est un point douteux;
cependant l'affirmative est conforme à la logique du droit, et
il est possible que cela ait eu lieu (1).
6, 95 : Tojv [Siwtixwv o"jfjLj3oXaîo)v a't xptaeiç èv r,(jiépaiç YtyvéaOaxrav 8éxa, irap'
olç àv yevYjTai xb <7v>[j.po>>aTov. Festus p. 166, cite, du même traité, les mots :
Pecuniam qui nancitur (Ms. : guis nancitor), habeto et si quid pignoris nanci-
tur (le Ms. : nasciscitur), sibi habeto, sur lesquels il faut remarquer que le
pignus privé était probablement inconnu à l'ancien droit romain.
(1) Tite-Live, 41, 8, sur l'an 577, décrit de la manière suivante les es-
sais faits pour tourner la loi selon laquelle il n'y avait que les Latins gui
stirpem ex sese domi relinguerent à pouvoir devenir Romains: Gênera frau-
dis duo mutandse viritim civitatis indue ta erant... lege maie utendo alii sociis,
alii populo Rornano injuriam faciebant. Nam et, ne stirpem domi relinguerent,
liberos suos guibusguibus Romanis in eam condicionem ut manumitlerentur
mancipio dabant libertinigue cives essent, et guibus stirpes deesset quant relin-
guerent, ut [a cive Romano émancipa rentur, lege ab eo arrogatï] cives Romani
fiebant. Le premier cas ne peu^pas être rapporté à la simple mancipation ;
car alors la puissance paternelle renaît après l'affranchissement. Il s'agit
évidemment des trois mancipations de l'adoption qui détruisent la puis-
sance paternelle (cf. in adoptionem émancipa?^, Gicéron, De fin. 1, 7. 24) et
de la revendication fictive qui vient après elles. A cela s'ajoutait la con-
vention que le père adoptif romain affranchirait le fils, convention qui au
moins plus tard fut même génératrice d'une action (cf. Gaius, 1, 140). En
présence de cette procédure, le père restait Latin; mais sa maison périssait
avec lui pour sa cité. — Le second subterfuge, relativement auquel les
mots essentiels ont disparu du texte, ne peut pas avoir consisté, comme
on l'admet aujourd'hui habituellement, dans une adoption faite par l'indi-
vidu sans enfant qui se ferait ensuite Romain en laissant son enfant adop-
tif ; car, la loi exigeant une stirps ex sese, il n'y aurait pas là l'imago ju-
Jus Italicum.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 253
2. Le Latin a la faculté d'acquérir la propriété quiritaire du communauté du
x x ± j. ^ ^rojt ae propriété
sol romain, et réciproquement un citoyen peut acquérir la pleine foncière,
propriété d'un fonds de terre de Préneste, selon le droit local de
Préneste. L'immeuble romain restant en pareil cas redevable des
corsrées et des impôts romains, cela a pour conséquence, ainsi
que nous l'avons montré plus haut (VI, 1, p. 261 et ss.), l'exten-
sion des impôts romains aux Latins qui ont des biens sur le ter-
ritoire romain, le municipium Latinum. De là résulte l'exis-
tence d'un droit relatif aux biens fonds, commun au territoire
de Rome susceptible de propriété privée et aux territoires de
même nature de toutes les villes latines (1). Mais logiquement
on exclut toutes les cités de citoyens et les cités latines dont le
territoire n'est pas susceptible de propriété privée, dont le ter-
ritoire est, au sens légal, ager publiais populi Romani, et nous
verrons, dans la théorie de l'organisation municipale, qu'il en
est ainsi, en règle générale, pour tout le territoire d'outre-mer.
— Cette communauté de droit s'étendait, avant la guerre so-
ciale, aux territoires italiques de droit romain et de droit latin;
après la guerre sociale, elle s'est étendue à l'Italie proprement
ris, dont parle Tite-Live, mais une violation évidente du droit. En outre, il
n'y aurait pas là une illégalité lésant la cité romaine et cène serait pas d'ac-
cord avec la loi Claudia destinée à réprimer ces subterfuges (Tite-Live, 41,
8, 12 : Ne quis quem civitatis mutandœ causa suum faceret neve alienaret et si
quis ita civis R. fac tus esse t [civis ne esset]). Je ne vois pas de restitution pos-
sible, en dehors de la supposition assurément discutable (p. 148;, mais ce-
pendant admissible en théorie, que la communauté de comices existant en-
tre les Romains et les Latins (p. 267) s'étendait aux comices par curies, et
que lePrénestin sans enfants pouvait se faire adrogerpar un citoyen romain
dans de pareils comices romains, acte auquel s'adjoignait sans doute le plus
souvent une convention d'émancipation, impossible à formuler juridique-
ment. Il y avait là assurément un usage abusif d'un acte accompli par le
populus Romanus, et la loi Claudia s'applique aussi bien à cet acte qu'à celui
indiqué en premier lieu. Lorsque Tite-Live caractérise la progression de ces
abus par les mots : His quoque imaginibus juris spretis promiscue sine lege
sine stirpe in civitatem Romanam... transibunt, sine stirpe peut désigner la
première alternative, où le passage dans la cité romaine a lieu per stirpem,
et sine lege la lex adrogationis.
(1) Cette communauté de droit s'est nécessairement étendue aux locali-
tés, qui n'étaient pas elles-mêmes latines, mais qui étaient attribuées à des
cités latines, ainsi que nous le montrerons dans la partie qui leur est re-
lative ; car la communauté du commercium a nécessairement embrassé
out le territoire des villes latines.
Obligations de
sommes
d'argent .
254 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dite et à la Gaule cisalpine qu'on y comprend dans le langage
usuel, et, du moins à la dernière époque, elle est appelée dans
la langue technique, le « droit italique » (1), par corrélation
avec la désignation commune d'Italici sous laquelle il était ha-
bituel de réunir les Romains et leurs alliés au dernier siècle de
la République (2). Quand la Gaule cisalpine eut elle-même ac-
quis le droit de propriété immobilière romain, l'ancienne com-
munauté de droit foncier fut remplacée pour l'Italie par la pro-
priété quiritaire elle-même, et c'est pour cela que, sous le Prin-
cipat, le droit italique n'est plus attribué à l'Italie. Mais il est
toujours attribué au sol provincial qui est rendu susceptible
d'une pleine propriété immobilière, soit à la suite de privilèges
particuliers accordés à divers districts provinciaux voisins des
frontières de l'Italie (3), soit en vertu d'un privilège général
accordé à une certaine catégorie de villes provinciales de
citoyens et que nous aurons à étudier plus loin.
3. La constitution d'une dette d'argent et son extinction dans
(1) Jus Italicum désigne sans doute ordinairement, à côté du droit du
sol, d'autres privilèges accordés à la ville, qui sont étudiés dans la partie
du droit municipal. Mais, dans le texte de Pline l'Ancien cité note 3,
il ne désigne que le Droit du sol, et c'est de là que cette expression doit
avoir tiré son origine. — C'est chez Pline que nous trouvons pour la pre-
mière fois le jus Italicum ; mais son existence est attestée pour le temps
d'Auguste, en ce sens qu'on attribue à ce prince sa concession à différentes
villes. Cette dénomination convient bien à la dernière période de la Piépu-
blique; au contraire, elle ne serait pas exacte pour la période antérieure à la
guerre sociale, où ce droit n'appartient pas à toute l'Italie. Mais, comme il
n'y a pas d'autre expression pour désigner la réunion du droit foncier ro-
main et latin, on peut la faire remonter jusqu'à cette époque.
(2) On comparera à ce sujet la partie qui suit.
(3) Tel est le jus Italicum, que Pline, 3, 21, 139, attribue à la ville de Fla-
nona et à quelques autres districts de Liburnie, et qu'il cite également en-
suite dans la région limitrophe de l'Italie (3, 19, 139). En outre Antipolis, ville
de droit latin (Pline, 3, 4,35), est, sans doute pour cette raison, comptée par
Strabon, 4, 1, 9, p. 184, parmi les villes italiques (r) 8' 'AvtîttoXiç twv 'iTaXtw-
xîûtov HzxâX,zxa.'.). Dans les deux cas, le jus Italicum ordinaire lié aux privi-
lèges coloniaux est exclu. Mais les localités dont il s'agit pouvaient être
admises au commercium avec Rome, comme cela avait eu lieu autrefois pour
Préneste, de façon que l'Antipolitain pût acquérir la propriété quiritaire
du sol romain et le Komain également la propriété complète du sol anti-
politain. Ce sont là probablement les peregrini quibus commercium datum est
d'Ulpien (p. 251, note 3).
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 255
les formes rigoureuses du droit civil, étant liées à l'usage du
cuivre et de la balance (1), ne sont, parmi les non-romains,
possibles qu'aux Latins.
4. Le droit de laisser par testament des successions et des Testament.
legs à des citoyens romains ou d'en recevoir d'eux (2) est,
pour la même raison, un privilège des Latins. La succession
ab intestat est exclue entre Latins et Romains, dans la mesure
où elle repose sur l'agnation; car il ne peut y avoir d'agnation
entre citoyens d'États différents. En tant qu'il y est tenu
compte de la cognation, par exemple pour appeler le fils donné
en adoption à succéder à son père ou à son frère naturel, le
bénéfice de cette succession doit nécessairement être accordé
aux Latins.
5. JXous avons déjà vu que les Latins ont avec les Romains la Droit de plaider.
communauté du droit de plaider, par opposition aux pérégrins,
en ce sens que, depuis qu'il y a eu à Rome deux tribunaux civils
distincts, l'un pour les citoyens et l'autre pour les pérégrins,
les procès entre Latins et Romains et entre Latins qui étaient
jugés à Rome ressortaient probablement du tribunal des
citoyens.
La liberté des relations commerciales qui a existé de tous
Commercium
les temps entre Rome et les différentes villes du Latium, des Latins
s'étendait probablement à l'origine à tout le Latium, de ma-
nière à faire avoir à chaque Latin le commercium dans toutes
les villes latines. La logique exige que sa suppression en 416
(p. 228, note 2) ait enlevé aux Prénestins le droit d'acquérir des
immeubles sur le territoire de Tibur (p. 241). Mais, s'il n'y a
pas eu à ce sujet de disposition d'exception dès le principe,
la restriction rigoureuse ainsi apportée à la liberté du com-
(1) Festus, p. 165 (p. 245, note 3).
(2) Festus (p. 245, note 3) indique ce droit comme compris dans les nexa;
Gicéron (p. 245, note 3) l'indique à côté des nexa. Les ouvrages de droit, qui
négligent les institutions provinciales, n'expriment pas directement l'égalité
établie entre les Latins et les Romains en matière de successions ; mais ils
la reconnaissent en ramenant l'incapacité de succéder des Latini Juniani à
une disposition positive de la loi Junia (Gaius, 2, 110 : Cura alioquin pere-
grini quidem ratione civill prohibeantur capere hereditatem legataque, Latini
vero per legem Juniam; de même 1, 23. 2, 275. Ulpien, 20, 14. 22, 3).
entre eux.
Con< bium.
'256 DROIT PUBLIC ROMAIN.
merce n'a cependant pu que difficilement se maintenir pen-
dant longtemps. Il n'est pas question du commercium dans les
dispositions analogues prises par rapport aux Herniques en
448. D'ailleurs il est difficile que Ton ait de nouveau permis
la conclusion de traités particuliers; il est plutôt possible que
Rome ait, en vertu de son hégémonie, étendu le commercium
à tout le Latium.
Le droit au mariage, conubium, a malaisément pu constituer,
comme le commercium, un droit général romano-latin. Parmi
les nombreux témoignages pseudo-historiques ou historiques qui
mentionnent ou impliquent son existence dans des cas particu-
liers (1), il n'y en a aucun qui suppose un tel régime général, et
ce qui est rapporté par la tradition de la communauté de mariage
dans les temps anciens ou nouveaux (2) ne peut être entendu
(1) La sœur des Horaces fiancée de l'albain Guriace est bien connue (Tite-
Live, 1, 26, 2; d'où Strabon, 5, 3, 4, p. 231, sur Rome et Albe: 'E7riyafjuai ze
rio-av Tupbç àXXvftouç). Le second Tarquin marie sa fille au tusculan Octavius
Mamilius (Tite-Live, 1, 49, 9; Denys, 4, 45). Avant la bataille du lac Ré-
gille, le sénat prend des délibérations sur les nombreux mariages mixtes
entre Romains et Latins (Denys, 6, 1). Le seul Fabius, qui ait survécu à
la bataille de la Gremera, avait une femme de la ville non-latine de Male-
ventum, plus tard Bénévent (Festus, p. 170, v. Numerium). L'interdiction
des conubia lors de la dissolution de la ligue latine (p. 228, note 2) montre
qu'au moins une certaine quantité de villes latines avaient entre elles le
droit de mariage. Les trois villes des Herniques restées fidèles, Aletrium,
Verulœ et Ferentinum conservèrent, selon leurs vœux, en 448, leur droit
antérieur, y compris la communauté de mariage (Tite-Live, 9, 43 : Conn-
bium inter ipsos, quod aliquamdiu soli Hemicorum habuerunt) ; cette race pa-
raît donc l'avoir eue à titre général et l'avoir conservée tant que son indé-
pendance a subsisté et dans la même mesure. Diodore cite, parmi les
moyens par lesquels les Romains acquirent leur puissance, la concession
du droit de mariage à des cités particulières, èmyafuaç ayv£^t6pr(aav, Fr.
Vat. p. 130) et il dit, dans sa description de la guerre sociale, éd. Wess.
p. 590 : Su-/vouç 6s olxecouç xoù ctjyysvsTç xaTevooyv, ouç ô tyjç È7tiYa[xta; vofxoç
èTieiroL^xei xoivoov^o-ou xr]ç xoiaû-r,? cpiXtocç. — La communauté du droit au
mariage, qui existait au profit des anciens Gampaniens, est étrangère à ceci ;
ils la reçurent comme étant des citoyens romains, quoique de la qualité
la plus inférieure (VI, 1, p. 158).
(2) Gicéron, De re p. 2, 37, 63 : Bijunctis populis tribui soient conubia ;
Tite-Live, 4, 3, 4 : Conubium... finitumis externisque dari solet, tous deux
relativement à la communauté de mariage refusée aux plébéiens. Ulpien,
5, 4 : Conubium habent cives Romani cum civibus Romanis, cum Latinis autem
et peregrinis ita, si concessum sit. Gf. Gaius, 1, 65 et ss.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 257
que dans un sens : en ce sens que les mariages mixtes étaient
bien permis fréquemment, mais que c'était toujours en vertu
de privilèges personnels ou tout au plus en vertu de traités
particuliers conclus entre deux cités. Le refus du conubiumo^-
posé pendant longtemps par les Romains aux plébéiens (VI, 1,
p. 87) et tout au moins à une partie des demi-citoyens (p. 190)
n'autorise pas, il est vrai, à affirmer qu'ils aient, spécialement à
l'époque la plus ancienne, usé du même exclusivisme à ren-
contre des Latins. Mais on ne peut pas non plus fournir de
preuves qu'ils aient jamais accordé ce droit à titre général à
aucune cité latine.
Le droit d'en appeler aux comices romains de la sentence Droit de
a i provocation,
des magistrats romains n'est pas compris en principe dans le
droit latin ; au reste le défaut devait en être peu sensible à
l'époque la plus ancienne ; car la juridiction criminelle mili-
taire était soustraite à la provocation, et la juridiction crimi-
nelle civile sur les Latins appartenait, en règle générale, à
leurs magistrats propres (1), de la sentence desquels ils
pouvaient probablement faire appel devant leurs comices pro-
pres. Mais, depuis que le droit de provocation eut été étendu à
la justice militaire, ce fut pour les Latins une cuisante expres-
sion de la prépondérance de Rome que le général romain pût
faire tomber la tête du premier des officiers latins et ne pût
pas faire tomber celle du dernier des soldats romains (2).
C'est ce qui explique que la législation des Gracques ait ac-
cordé le droit de provocation tout au moins au Latin auquel
le droit de cité romaine avait été offert sans qu'il l'eût ac-
cepté (3), et qu'il ait même été question alors de l'accorder à
(1) Gela n'empêche pas que, selon les circonstances, le Latin ne puisse
être soumis à la juridiction criminelle romaine ou le Romain à la juridic-
tion criminelle latine.
(2) Un événement de ce genre, en date de l'an 646, est rapporté par Sal-
luste, Jug. 68 : Condemnatus verberatusque capite pœnas solvit : nam is civis
ex Latio erat. Cf. aussi la peine des verges prononcée en 703 par le consul
G. Marcellus contre les habitants de Gôme (p. 264, note 1).
(3) Lex repetundarum de 631-632, ligne 78 =85 : De provocatione... danda. Sei
quis eorurn, quel [nominis Latini sunt, quel eorum in sua quisque civitate dic-
tàjtor prœtor œdilisve non fuerint, adprœtorem... [ex h. I. alterei nomen deto-
Droit Publ. Rom., t. VI, 2* p. 17
258 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tous les Latins (1). La question fut bientôt après écartée par
l'incorporation des Latins dans le cercle des citoyens.
Acquisition du Un des privilèges les plus importants du Latin est la per-
droit de cité . • i • .
romaine: spective qui lui est ouverte par la loi d'acquérir à des conditions
déterminées un droit de cité romaine légalement illimité (2).
Sauf une seule et éphémère exception, (p. 266, note 2) il n'a jamais
été accordé aux pérégrins de tels privilèges généraux. L'acquisi-
tion du droit de cité exige toujours pour eux un acte législatif
distinct. La différence la plus profonde entre la -condition per-
sonnelle du non-citoyen de même race que les Romains et "celle
du non-citoyen de race différente est peut-être que la première
implique un droit conditionnel à la cité romaine. Pour les mem-
bres de certaines cités latines, ce droit est subordonné à un
simple changement de domicile ; pour ceux des autres, il l'est
à certaines conditions personnelles que nous aurons à spéci-
fier. Le premier régime est le régime primitif, établi pour les
Latini veteres ; le second est celui des douze colonies, et en gé-
néral des cités latines qui ont existé depuis la guerre sociale
et sous le Principat.
ehLatinsS, parLns 2 Les institutions romaines permettent à tout non-citoyen de
chdoSent de s'établir à Rome ou sur le territoire romain, sauf il est vrai à
pouvoir être expulsé à chaque moment au gré des magis-
trats (3); mais, dans le sein de la ligue nationale latine, le
lerit et is eo judicio condem]natus erit... [ei postea ad populum Romanum pro-
vocare liceto, tamguam sei ceivis Romanus esset]. Valère Maxime, 9, 5, 1, cite
une loi proposée par le consul partisan des Gracques de 629 de civitate danda
et de provocatioîie ad populum eorum qui civitatem mutare noluissent (Mb.;
cf. C. /. L. I, p. 71).
(1) Selon Plutarque, C. Gracch. 9, le concurrent de C. Gracchus, Livius
Drusus proposa otcwç uvr,8£ ivX orpaxeiaç è^ Tiva Aarlvwv papSocç a'ixîa-aaôat.
(2) Il est expressément question de l'acquisition de la tribu (pour les
non-citoyens en général) dans la loi Acilia repetundarum. Le fils d'un Latin
de rang élevé delà ville latine de Salpensa à aussi la tribu dans l'inscrip-
tion C. I. L. II, 1286 ; de même l'homme d'Ebrodunum arrivé au droit de
cité par l'occupation de magistratures, p. 264, note 4.
(3) V. tome III, la fin de la théorie du Consulat, sur le maintien de la
sûreté publique. Gicéron, De off. 3, 11, 47 : Esse pro cive, qui civis non sit,
rectum est non licere. . . usu vero urbis prohibere peregnnos sane inhumanum
est. La cité isolée pouvait donc se protéger contre l'immigration ; contre
l'émigration, elle n'avait pas de ressource, sauf peut-être l'intervention de
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 259
domicile entraîne même la qualité de membre de la cité : le Ro-
main qui émigré à Préneste sort par là de la cité romaine et
entre dans la cité de Préneste ; le Prénestin qui émigré à
Rome sort par là de son groupe d'origine et entre dans le
groupe romain. Ce changement éteint le droit de cité existant,
et. à ce point de vue, nous l'avons déjà étudié sous le nom
d'exilii(m(Yl,\, p. 53etss.), le nouveau droit ainsi fondé fut
d'abord un droit au patronat pour lequel nous avons également
déjà expliqué comment il nait de Yapplicatio (VI, 1, p. 63) ; à
l'époque historique, dans laquelle cette clientèle est devenue un
plébéiat, il constitue un droit de cité plébéien (VI, l,p. 147). Le
Latin qui émigré acquiert immédiatement et de plein droit le
droit de cité; la preuve en est qu'il peut faire un testament selon
le droit propre de Rome, que sa succession ab intestat est défé-
rée conformément au système romain (VI, 1, p. 63, note 1), et
qu'il est compté au cens parmi les capùa civium Romanorum(i).
Il n'y a besoin pour cela d'acte public ni dans la Rome an-
cienne ni dans la moderne ; carie changement de condition de
la personne a lieu en[vertu des traités. La forme habituellement
suivie pour invoquer ce droit est celle de la déclaration au cens
de Rome (2). Cette déclaration est également indiquée comme
la puissance supérieure de Rome. Fregellas, dit Tite-Live, 41, 8, 8, milia
quattuor familiarum transisse ab se Samnites Pselignique querebantur, neque
eo minus aut hos aut illos in dilectu militum dare.
(1) Tite-Live, 42, 10, 3, sur l'an 382 : Censa sunt civium Romanorum capita
CCLXVIHI milia et XV, minor aliquanto numerus, quia L. Postumius consul
pro contione edixerat, qui socium Latini nominis ex edicto C Claudi cos. (cf.
la note qui suit) redire in civitates suas debuissent, ne quiseorum Romœ et om-
nes in suis civitatibus censerentur.
(2) Tite-Live, 39, 3, sur l'an 567 : Legatis deinde sociorum Latini nominis,
qui toto undique ex Latio fréquentes convenerant, senatus datus est : his que-
rentibus magnam multitudinem civium suorum Romam commigrasse et ibi cen-
sos esse, Q~ Terentio Culleoni prœtori negotium datum est, ut eos conquireret
et quem C. Claudio M. Livio censoribus (an 550) postve eos censores ipsum paren-
temveejus apud secensum esse probassentsocii,ut redire eo cogeret, ubi censi es-
sent. Hac conquisitione duodecim milia Latinorum domos redieruntjam tum multi-
tudine alienigenarum urbem onerante. Lemème,41, 8, sur l'an 577 : Moverunt
senatum et legationes socium nominis Latini... summa querellarum erat cives
suos Romœ censos plerosque Romam commigrasse; quod sipermittatur, perpau-
cis lustris futurum, ut déserta oppida, deserti agri nullum militem dare pos-
tent. Après avoir ensuite décrit les limitations légales apportées par la lé-
260 DROIT PUBLIC ROMAIN.
source légale du droit de cité, et ce qui justifie cette façon de par-
ler, c'est que chaque cité considérait peut-être à l'origine comme
lui appartenant les Latins qui résidaient chez elle, mais qu'en-
suite le changement de domicile n'entraîna le changement de
condition personnelle qu'autant qu'on en avait eu la volonté. De-
puis qu'il n'y eut plus là qu'un droit d'émigration facultatif,
qu'un droit de libre circulation, et que le citoyen romain qui al-
lait à Préneste ne fut plus empêché de conserver son droit de
cité antérieur, il fallut pour le changement une manifestation
de volonté, et il n'y avait pas d'autre forme normale pour cette
manifestation de volonté que la déclaration faite au censeur et
l'inscription dans les tribus. Mais cette déclaration est, comme
on sait, de nature purement déclarative : elle ne peut que cons-
tater le droitde cité, elle ne peutpasle créer (1). Même pratique-
ment, les conséquences du changement de droit ne peuvent
pas avoir été subordonnées à l'accomplissement de la déclaration
à faire devant le censeur. Par exemple, la succession doit néces-
sairement avoir été déférée selon le droit de Rome, alors même
que l'émigrant mourait avant d'avoir fait cette déclaration,
lorsque le fait du changement de résidence et l'intention de
changer de droit étaient établis par d'autres preuves. C'est ici
surtout qu'on doit avoir appliqué aux listes du cens le correctif,
partout indispensable à leur emploi pratique, tiré du droit du
magistrat de les compléter (2).
gislation romaine au droit d'émigration et les tentatives faites pour les élu-
der, il continue en disant : Postea his quoque imaginibus juris spretis... in ci-
vitatem Romanam per migrationem et censura traasibant. 41, 9, 9: (C. Clauçlius
consul) edicit, qui socii ac nominis Latini ipsi majoresve eorum M. Claudio T.
Quinctio censoribus (an 565) postve ea apud socios nominis Latini censi essent,
ut omnes in suam quisque civitatem ante k. Nov. redirent : quseslio, qui ita non
redissent, L. Mummio prxtori décréta est.
(1) C'est ce que montre de la manière la plus frappante la manumission
faite devant le censeur, quoiqu'il y soit fait un emploi abusif de cet acte
de sa nature déclaratif. Si le Latin émigré à Rome ne le déclare pas au
cens suivant, on peut en tirer la présomption qu'il ne veut pas abandonner
son droit de cité antérieur. C'est seulement en ce sens qu'il n'était pas
soumis à l'obligation du recensement.
(2) V.tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection des
listes, sur leur force obligatoire.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 261
Ce large droit de libre émigration est un privilège exclusi- Limitation
vement latin : il n'a jamais appartenu au reste des alliés (i). droit
' J rr v J d'émigration.
Mais il ne peut pas avoir été accordé à toutes les cités latines.
Nous verrons plus loin qu'ilexistait, dèsle tempsdes Gracques,
un droit communal latin symétrique, mais accordé seulement
aux personnes parvenues dans leur patrie aux magistratures.
Où ce dernier droit existe, le premier, qui est plus large, est né-
cessairement exclu. Selon toute vraisemblance, la distinction
du droit latin d'émigration limité ou illimité correspond à une
distinction que nous avons déjà étudiée, à celle du droit des an-
ciens Latins et du droit des Douze colonies, et le premier droit
n'a par suite appartenu qu'aux anciennes cités latines et aux
colonies romaines de droit latin fondées avant l'an 486. Mais les
Romains ne se sont pas contentés de ne plus conférer ce pri-
vilège. La liberté complète de migration, qui avait été un des
plus puissants instruments de l'établissement de la domination
romaine sur l'Italie, fut, une fois cette domination établie, re-
gardée par le peuple dominant comme une anomalie incom-
patible avec sa situation prépondérante. L'égalité de droit des
Prénestinset des Tiburtins avec les Romains reposait autrefois
sur une indépendance approximativemenent égale; l'affaisse-
ment de la base fit à son tour chanceler l'édifice. En outre, cette
liberté de déplacement entraînait de graves inconvénients pra-
(1) Dans les textes cités p. 259, notes 1 et 2 , il est toujours question
de socii Latini nominis ou de socii ac Latini nominis. Nous montrerons,
dans la partie qui suit, que Tite-Live emploie* improprement ces expres-
sions et qu'il désigne par elles tantôt les Latins et les Italiens et tantôt,
même lorsque la conjonction manque, les Latins seulement. Nous sommes
ici dans le dernier cas, montrent notamment les mots, 39, 3, 4 : Legatis so-
ciorum Latini nominis, qui toto undique ex Latio fréquentes convenerant, et 39,
3, 6 : Duodecim milia Latinorum clomos redierunt. 11 est aussi caractéristique
que les Samnites et les Pœligni émigrants se rendent dans la ville latine
de Fregellse (p. 258, note 3) ; évidemment les Romains, qui voyaient avec
déplaisir la dépopulation des villes italiques, ne toléraient pas l'immigra-
tion des Italiens auxquels ils pouvaient légalement la refuser, et par con-
séquent les cités non -latines n'avaient aucune raison de formuler ce vœu
par rapport à lîome même. Il ne suit pas nécessairement de ce récit que la
liberté d'émigration ait existé entre la colonie latine de Fregellae et les vil-
les des Samnites et des Pieligni ; les Fregellani auraient peut-être pu ex-
pulser ces immigrants ; mais ils ne faisaient pas usage de ce droit, proba-
blement dans leur propre intérêt.
262 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tiques: la dépopulation des villes de campagne et l'accroisse-
ment de la population pauvre de la capitale. En conséquence,
une loi rendue avant 577 interdit aux Latins d'émigrer à Rome
s'ils ne laissaient pas un fils comme citoyen de leur cité pri-
mitive (1). Les Latins essayèrent par divers moyens de tour-
ner cette prescription (p. 252, note 1), et les controverses sur
le droit d'émigration ne cessèrent plus. En 577, le gouverne-
ment romain en vint à annuler les émigrations postérieures
à l'an 565 et à expulser comme non-citoyens les Latins dont
elles avaient fait des citoyens (p. 259, note 2). Ce fut là un
acte de violence administratif, et il peut avoir été suivi par
plusieurs autres actes analogues (2). Le plan de G. Gracchus
tendant à accorder la cité à tous les Latins (3) est la réponse
suppression do symétrique des radicaux à ces mesures. Mais les radicaux
dèurigration. commencèrent par être battus. Et, à la suite de leur défaite,
l'acquisition du droit de cité par le changement de domicile
fut supprimée dans toutes les formes légales par une loi pro-
posée par les consuls de 659, M. Crassus et Q. Scsevola, à la-
quelle on attribua probablement en même temps un effet ré-
troactif sur une série d'années déjà écoulées (4). La consé-
(1) Tite-Live, "41, 8, 9 : Lex sociis ac nominis Latini, qui stirpem ex sese
domi relinquerent, dabat, ut cives Romani fièrent (le Ms.' : ftebant). L'innova-
tion introduite par cette loi n'a certainement consisté que dans la subordi-
nation du droit à cette condition.
(2) Mais l'expulsion de tous les non-citoyens en 632 (Plutarque, C. Gracch.
12) n'a pas besoin d'être étendue à ceux qui étaient parvenus au droit
de cité par le cens. Gicéron, Pro Sest. 13, 30 : Nihil acerbius socii et Latini
ferre soliti sunt quam se id quod perraro accidit,ex urbe exire a consulibus ju-
beri, pense aussi aux expulsions faites en vertu d'édits consulaires (p. 258,
note 3) et non à la loi Licinia Mucia, comme le croit le scoliaste, p. 296 ;
car cette loi visait plutôt la question de droit (ci-dessous note 4).
(3) Appien, B. c. 1, 23 : *0 8s Tpax-/oç... toÙç Aartvouç ïizi uàvra huicXet ta
*Pa)[xacwv... Ttov xs STspwv <7'J|Xfj.or/(ov, o!ç oùx IÇtjv, ùfffov sv xaîç 'Pwjxaîwv yzi-
porovtatç çspsiv s8:8o"J àno to'jSs.
(4) La loi Licinia Mucia de civibus regundis (Gicéron, dans Asconius, in
Cornet, éd. Orelli, p. 67) ou redigendis (Schol. Bob. p. 296) a eu pour but propre
de préciser les limites du droit de cité romaine et d'exclure ceux auxquels
ce droit n'appartenait pas ou en outre ne devait plus appartenir. Esse pro
cive, dit Gicéron, De off. 3, 11, 47, qui civis non sit, rectum est non licere,
quamlegem tulerunt sapientissimi consules Crassus et Scxvola, et Brut. 16, 63 :
Lysias... est... Atticus, quamquam Timseus eum quasi Licinia et Mucia lege re-
petit Syracusas. Elle établit en outre une cour de justice à laquelle pour-
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 263
quence immédiate de cette loi fut la guerre sociale (1) puis la
transformation de tous les Latins en citoyens qui rendit sans
objet les controverses sur la liberté d'émigration. La loideScae-
vola périt sur le cliamp de bataille; mais elle se maintint, dans
la théorie juridique, comme la loi qui avait supprimé l'ancien
droit d'émigration.
A côté de la faculté d'acquérir la cité romaine par un dStde^té11
simple changement de domicile, qui est propre au droit mu- ïwSicePd"
nicipal latin le plus ancien, le même droit se rencontre, ainsi malitlneSu.res
que nous l'avons dit, comme restreint aux personnes (2) qui
sont parvenues dans une cité ou à occuper les magistratures
supérieures (3), ou à faire partie du conseil communal, et il est
alors appelé par les jurisconsultes du temps de l'Empire, le « pe-
tit droit latin » (minus Latium), dans le premier cas, le « grand
droit latin » (majus Latium), dans le second (4). Le premier
raient être déférés les délinquants (Gicéron, Pro Balbo, 21,48). Elle était spé-
cialement dirigée contre les Latins qui acquéraient le droit de cité par le
domicile et le cens, est-il indiqué Pro Balbo 24, 54 : Acerbissima lege Servi-
lia principes viri et gravissimi cives (c'est-à-dire le parti des optimates) hanc
Latinis... viamad civitatem (par l'exercice couronné de succès d'une poursuite
repetundarum) populi jussu patere passi sunt neque jus est hoc reprehensum
Licinia et Mucia lege. Le « droit » réprouvé par la dernière k i ne peut être
que celui d'acquérir la cité par la voie du domicile et du cens.
(1) Asconius, loc. cit.
(2) L'extension du droit aux descendants se comprend d'elle-même. Par
une anomalie, le statut municipal espagnol l'étend également aux ascen-
dants.
(3) Pour les Latins du temps des Gracques, la loi Acilia nomme le dicta-
teur, le préteur et les édiles (p. 257, note 3), et il faut comprendre de même
les passages d'Asconius, de Gicéron et d'Appien (p. 264, note 1) qui parlent
de magistratures en général. Strabon (p. 264, note 4) nomme aussi pour Ne-
mausus l'édile et le questeur. Les magistratures supérieures sont omises
comme ayant l'occupation des inférieures pour condition. La questure sem-
ble, d'après les inscriptions, avoir été une magistrature propre dans cette
ville et y avoir été occupée électivementavec l'édilité (Hirschfeld, C. I.L. XII,
p. 382). Au contraire, ce droit parait avoir été restreint aux duumvirs lors
de sa concession aux Espagnols (p. 264, note 4).
(4) Gaius, 1, 96: Qui Latii jure cum liberis suis ad civitatem Romanam per-
veniunt... horum in potestate fiunt liberi, quodjus quibusdam peregrinis civita-
tibus datum est vel a populo vel a senatu vel a Csesare. [Hujus autem juris
duœ species sunt : nara\ aut majus est Latium aut minas. Majus est Latium,
cum et hi qui decuriones leguntur et ei qui honorem aliquem aut magistratum
gerunt, civitatem Romanam consequuntur. Minus Latium est, cum hi tantum
qui magistratum aut honorem gerunt, ad civitatem Romanam perveniunt, idque
264 DROIT PUBLIC ROMAIN.
droit se trouve cité pour la première fois du temps des Grac-
ques (1); mais il est probablement né, selon notre remarque
antérieure, enl'an 486, lors de la fondation d'Ariminum. Quand
la cité de droit latin n'avait pas de magistrats propres, comme
cela arrivait sous l'Empirepour les localités attribuées, ses mem-
bres étaient admis à briguer les magistratures de la cité cen-
trale de droit romain et ils acquéraient par leur exercice le droit
de cité romaine (2). On a supposé, avec une graade vraisem-
blance, que le « grand droit latin», qui ne se rencontre que chez
un jurisconsulte du milieu du second siècle, est d'origine récente
et rentre parmi les mesures prises pour arrêter la décadence
des institutions municipales (3). Ce privilège s'est probable-
ment maintenu aussi longtemps que le droit latin lui-même (4).
compluribus epistulis principum significatur .Tous les témoignages particuliers
que nous aurons à citer visent seulement le droit le plus restreint ; le plus large
nous est connu exclusivement par Gaius, et encore seulement depuis que l'œil
exercé deStudemund a su déchiffrer ce passage. Ce doit être duminus Latium
qu'il s'agit, au moins principalement, quand Pline, Paneg. 37, parle de
nouveaux citoyens quiper Latium in civitatem seu bénéficie» principis venissent.
(1) La plus ancienne mention est celle de la loi Acilia de 631-632 citée p.
257, note 3. Il est attribué aux Transpadans par Asconius (In Pison. éd. Orelli,
p. 3) : Veteribus incolis manentihus jus dédit Latii, ut possent (?) habere (peut-
être Latini ut essenl et haberent) jus quod ceterse Latinse colonise, id est ut pe-
tendi (Buckeler :per) magistratus civitatem Romanam adipiscerentur , et Gicéron,
Ad AU. 5, il, 3 : Marcellus fœde de Comensi : etsi ilfe magistratum non gesse-
rit, erat tamen Transpadanus. Cela est dénaturé par Appien, B. c. 2, 26 (cf.
C. 1. L. V, p. 565), qui indique cependant exactement la situation légale
générale : TQv (des citoyens d'une cité latine) ôaoi xax' £toç -^p^ov, èycyvovTo
'Ptojxaîaiv 7ioXïrar t68s yàp layye'. to Aà-'.ov.
(2) Cf. la partie des Localités attribuées.
(3) Hirschfeld, p. 14 = tr. fr. p. 306, de l'ouvrage cité p. 245, note 1.
(4) Nemausus dans la Narbonnaise reçut (d'Auguste ?) zo xaXo-jjxevov Ad-
Ttov, iàvxz toÙç àlitoOévtaç àyopavojJLca; xal TatpueJaç èv Nefxa-ja-w 'Pcofxatouç îiicap-
Xeiv (Strabon, 4, 1, 12, p. 187). — Inscription d'Ebrodunum dans les Alpes
cottiennes, C. 1. L. XII, 83 : T. Vennonius Sm[e]rtulli fil. Quir... civitatem
[Romanam per honorem consecutus], selon la restitution exacte d'Hirschfeld.
— Sur des inscriptions funéraires africaines, la qualification civitatem Roma-
nam consecutus est attribuée à deux'ex-duumvirs et à une troisième personne
qui n'est pas autrement connue (Eph. ep. V, n. 809. 811. 812), probablement
aussi en vertu d'un statut municipal latin. — En Espagne, nous rencontrons
le même droit à Salpensa aux termes du chapitre 22, il est vrai mutilé, et du
chapitre 25 du statut donné par Domitien, où le duumvir est visé expressé-
ment. Dans un certain nombre d'inscriptions du temps des Flaviens, des
personnages se désignent comme civitatem Romanam per honorem Ilviratus
consecuti (C. 1. L. II, 1945, add.\ de même 2096) ou simplement per honorem
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 265
Ce mode de rattachement du droit de cité latine au droit de incompatibilité
priroiiive du
cité romaine ayant été introduit à une époque où l'incompatibi- j^^f^oit
lité du droit de cité latine et du droit de cité romaine était en- de cité romaine-
core en vigueur, (VJ, l,p. 145), le Latin auquel appartenait ce
droit ne pouvait en faire usage qu'en renonçant à sa patrie. Si le
transfert de fait du domicile à Rome avait été encore requis en
pareil cas en même temps que la renonciation à l'ancienne
patrie, ce droit se serait confondu, sauf quant à la restriction à
certaines personnes, avec l'ancien droit d'émigration. Mais le
changement de domicile n'a peut-être jamais été exigé de l'ex-
magistrat latin, ou tout au moins cette exigence a été de bonne
heure écartée; car il n'y a pas de domicile obligatoire imposé
aux citoyens romains, et par suite on ne peut pas, à l'époque ré-
cente, avoir attaché d'importance au transport de la résidence.
Le Latin qui, comme il en avait la liberté, ne faisait pas usage
de ce droit, était selon toute apparence mis par là dans la situa-
tion dans laquelle avaient été primitivement tousles Latins. Le
droit de latinité de lui et de ses descendants contenait en puis-
sance un droit de cité romaine éventuel, et lui ou ses descen-
dants oouvaient, soit en changeant de domicile, soit par une sim-
ple déclaration, changer leur droit de cité latine contre un droit
de cité romaine; ou, peut-on dire encore, il était considéré comme
étant entré dans le cercle des citoyens romains par l'offre du
droit de cité et comme en étant sorti par son refus pour rentrer
dans son droit de cité d'origine; de telle sorte que lui et ses des-
cendants avaient, à toute époque, la faculté de rentrer dans les
droits de citoyens romains en vertu du postliminium de la paix
(VI, 1, p. 152).
La situation se modifia lorsque l'ancienne incompatibilité 0^™^seiodn>un
fut remplacée par la règle que le citoyen romain doit né
double droit de
cité.
consecuti, C. 1. L. Il, 1631 ; de même 1610. 1635). — Les Tergestins remercient
l'empereur Antonin le Pieux parce qu'en permettant uti Carni Catalique at-
tributi a divo Augusfo rei public se nostrse... per œdilitatis gradum in curiam
nostram admitterentur ac per hoc civilatem Romanam apiscerenlur, et œrarimn
nos t rem ditavit et curiam complevit... admittendo ad honorum communionem et
usurpalionem Romanœ civitatis et optimum et locupletissimum quemque (C. I.
L. \, 532). Cf. Hirschfeld, p. 13 = tr. fr. p. 305.
266 DROIT PUBLIC ROMAIN.
cessairenient avoir, à côté de la patrie romaine commune, une
patrie particulière, et que cette patrie peut aussi bien être une
cité latine ou une cité sujette qu'une cité de citoyens romains
(VI, 1 , p. 242, note 4) . On ne peut déterminer l'époque où ce chan-
gement s'est accompli pour les cités latines. Nous avons encore
la preuve de l'existence de l'incompatibilité du temps des Grac-
ques (note 2), et il est difficile qu'elle ait été méconnue avant
la guerre sociale. Mais il se peut fort bien que, lors de la trans-
formation complète du régime municipal entraînée par cette
guerre, lescités de droit latin organisées alors,qui furent pendant
longtemps les seules titulaires de ce droit, aient eu leur autono-
mie restreinte par le principe que l'ex-magistrat de Brixia rece-
vrait le droit de cité de Rome, sans perdre celui de Brixia. Si
cette règle n'a pas été établie alors, elle l'a été, comme nous
montrerons dans la partie suivante, par Auguste. — Désormais
le Latin, acquiert le droit de cité romaine par la magistrature
sans devoir ni même pouvoir perdre pour cela sa patrie d'ori-
gine. Et nous rencontrons le droit sous cette forme dans la ju-
risprudence du temps de l'Empire.
indmdneiSeda Dans les derniers temps de la République et sous l'Empire,
droit de »ité par , . , . , .
d'autres causes, l'acquisition du droit de cite romaine a ete attachée pour les
Latins, par une série de lois spéciales, à un certain nombre de
moyens nouveaux autres que l'occupation des magistratures (1).
Il faut à ce point de vue remarquer les primes accordées aux
accusateurs dans la procédure des Qudestiones du vne siècle.
Tandis que la loi Acilia de 632 et peut-être déjà la loi qui in-
troduisit cette procédure en 605 promettaient, en matière de
repetundse, le droit de cité à tout non-citoyen qui formerait
une accusation et qui la ferait triompher (2), la loi Servilia
(1) Pendant la guerre d'Rannibal on pensa à concéder à deux membres
de chaque cité latine le droit de cité et le droit de siéger au sénat (Tite-
Live, 23, 22). La tempête de protestations, que la proposition souleva selon
Tite-Li ve, est caractéristique non pas tant pour cette époque que pour celle des
annalistes copiés par Tite-Li ve, qui sont ici sans doute dominés par l'influence
de la guerre sociale.
(2) Lex repet. ligne 76 et ss. = 83 et ss. Cette loi laisse aux Latins le
choix d'accepter le droit de cité romaine ou de rester dans leur ancienne
cité en obtenant le droit de provocation aux comices romains (p. 257).
LÀ LIGUE NATIONALE LATINE. 267
de 643 restreignit ce privilège aux Latins (1), Les 'privilè-
ges latins analogues qui furent établis sous l'Empire avaient
surtout leur source soit dans le désir d'encourager la repro-
duction, soit dans le souci de ralimentation de la capitale (2).
Ils ont d'autant moins besoin d'être énumérés ici que les ma-
nuels de droit privé ont l'habitude de les étudier.
Xous avons vu que le droit de cité de chaque ville latine con- Droit de suffrage
tenait éventuellement en lui celui d'une autre ville. Ce n'est
que par une nouvelle application de la même idée que les ci-
toyens latins ont déjà à ce titre le droit de voter dans les co-
mices de Rome et de toutes les villes latines (VI, 1, p. 262,
note 2), et qu'il leur est par suite désigné une section de vote
dans tous les scrutins (VI, 1, p. 457, note 1), ce qui conduit le
grec Denys à considérer la condition légale des Latins à Rome
comme un véritable droit de cité (3). Ce droit de suffrage au-
(1) Gicéron, Pro Balbo, 23, 24, rapporte la disposition de la loi Servilia
de "643, selon laquelle le droit de cité était accordé à l'accusateur latin qui
triomphait, et il conclut par les mots : Num fundos... factos populos Latinos
arbitramur aut Serviliœ legi aut ceteris, quitus Latinis hominibus erat proposi-
tum aliqua ex re prsemium civitatis ?
(2) Ulpien, 3 ; Gains, 1, 32 b et ss.
(3) Denys donne pour objectant au traité de Cassiusavec les Latins (7, 53:
OU vstoori xr(v Idonolizziav 8sScoxa[A£v ; de même 6, 63. 8, 70. 74) qu'à l'alliance
semblable avec les Herniques (8, 74. 11, 2), et même à celle possible avec
les Volsques (8, 35 z= Plutarque, Coriol. 30) la concession de l'icroTioXiTesa
ou de la tioXitscoc xotvYJ (8, 77), parfois aussi izolnzia. tout court (8, 69 : Toùç
vsw(7ti 7tpoaXr,cp6£VTaç elç tT|V uoXnret'av "Epvsxaç. C. 11 : ^Epvtxaç... ÏTzolr\GZ tcoXc-
toç... àvx\ "jttotsàûv), et ils s'appellent îo-orcoXiTai xa\ <j\)\i\Lxyot. des Romains
(8, 76). Leur droit de suffrage dans les comices romains en est la consé-
quence : McTî7tl(X7tîTO Aativcov te xoù 'Epvi'xoov oaoi); èôûvaxo tzIzIgzovç èttl ty]v
«fnrççoçopîav... èxéXeuffs XYiputteev Ttapatxéveiv toùç [lexiyovzaç xt{q tcrouoXcxscaç è'wç
àv è7cixupw0yj 6 vojaoç). Ailleurs (4, 22), il représente le roi Servius donnant
rtaoïroXiTEioc aux affranchis, et il désigne, 15, 7, le droit de cité sans suf-
frage des Fundani et des Formiani par le même mot. Strabon, 5, 1, 1, p.
210, etde même Appien, B. c. 1,21, emploient îctoicoXétïic alternativement avec
tïoXstt,? pour désigner le droit de cité complet des Italiens; le premier, 5,
2, 3, p. 220, emploie même l'expression synonyme icrovofiia en l'oppo-
sant au demi-droit de cité des Caerites. Par conséquent, io-oicoXiTeia ne dif-
fère pas de Tzokireia, et l'on voit de même, dans les titres grecs, deux villes
se promettre réciproquement tantôt la ™XcTsta, tantôt l'taouoXtTsca (Gil-
bert, Griech. Staatsalterthùmer, 2, 379). A la vérité, l'« égalité de droits » est
donnée à ceux qui ne l'ont pas au sens propre et qui sont inférieurs aux
citoyens complets existant jusqu'alors. Mais le mot n'indique pas nécessai-
rement une restriction de droits. Les Grecs emploient ce mot, au sujet des
268 DROIT PUBLIC ROMAIN.
que] ne s'adjoint pas l'éligibilité semble avoir appartenu à tous
les Latins, même à ceux de la catégorie la plus inférieure : non
seulement il n'est fait mention nulle part de sa limitation à une
catégorie deLatinsdéterminée; maisl'existenced'une telle limi-
tation est exclue par le projet de G. Gracchus d'accorder aux Ita-
liens en général le droit de suffrage antérieur des Latins après
qu'il aurait transformé les Latins en citoyens romains (p. 262,
note 3). Ce droit a encore été exercé dans les comices de
Rome, du temps de Cicéron, par conséquent après la disparition
des Latins de la catégorie la plus élevée, et il l'a môme encore
été dans les comices des villes latines, sous la dynastie des Fla-
viens (VI, 1, p. 457, note 1). A l'époque ancienne, le domicile du
Latin devait être indifférent à ce point de vue ; ce sont même les
personnes qui se rendaient à Rome, pour le vote, de Préneste,
de ïibur et des autres localités de même condition, qui doivent
principalement avoir voté de cette façon, à l'époque la plus an-
cienne, où le changement de domicile du Latin entraînait pro-
bablement son changement de droit de cité (1). Plus tard, au
contraire, lorsque le droit d'émigration complet fit défaut à la
plupart des cités latines, ce sont leurs citoyens domiciliés à
Rome qui doivent principalement avoir participé de cette façon
aux comices; les citoyens romains et latins ne sont même admis
à voter dans les comices municipaux dont nous venons de par-
ler qu'autant qu'ils habitent dans le lieu. Tout important que
ce droit de suffrage fût en théorie, il n'a jamais pu exercer
d'influence pratique; et c'est ainsi qu'on doit s'expliquer qu'il
n'en soit jamais question dans les discussions politiques et
qu'il n'ait, autant que nous sachions, jamais été attaqué.
institutions romaines, tout comme les Latins emploient civitas (p. 183,
note 1) tantôt pour désigner le droit de cité sans suffrage, tantôt et plus
fréquemment pour désigner le droit de cité avec droit de suffrage, spéciale-
ment des nouveaux citoyens et des affranchis. Denys, et lui seul, considère
comme un droit de cité la condition juridique des Latins pourvus du droit
de suffrage; ce n'est pas correct, mais c'est explicable. Cf. VI, l,p.261,n.4.
(1) L'expression qui Romam venissent (VI, 1, p. 262, note 2) convient
parfaitement à des électeurs qui habitent au dehors et qui viennent à Home
pour exercer leur droit de suffrage.
LES SUJETS AUTONOMES.
Après le droit spécial des alliés des Romains appartenant à
la même race qu'eux, vient le droit général des alliés, le droit
des États entrés par une union militaire perpétuelle dans la
dépendance de Rome, et par suite faisant partie de l'empire, à
propos duquel nous étudierons d'ailleurs les institutions com-
munes aux Latins et aux autres alliés.
Le droit public n'a pas pour tâche d'exposer dans son ordre vine3^aieiquee3.
historique l'extension progressive du cercle des alliés. Mais
cependant il nous faut encore ici marquer les étapes caracté-
ristiques de ce développement et en particulier l'origine et les
limites de l'union militaire italique. Le point de départ de la
fédération avec les alliés a été, comme nous l'avons déjà mon-
tré, l'union de la nation latine sous l'hégémonie romaine.
L'alliance militaire étendue au delà des bornes du Latium
aux cités non-latines d'Italie peut en un certain sens être re-
gardée comme un élargissement de la ligue latine. Parmi les ci-
tés de race étrangère, qui, tout en conservant leur autonomie (1),
(1) Les cités qui possèdent le droit de cité romaine, si limité qu'il soit,
comme Gapua et Cœre, ne font pas partie des alliés italiques. Il est possi-
hle que, dans certaines d'entre elles, l'annexion ait été précédée par cette
union militaire dépendante. Mais il n'y a pas d'indices précis qui indiquent
nulle part un tel développement.
270 DROIT PUBLIC ROMAIN.
sont entrées dans cette union militaire, les premières ont
été celles des Herniques; mais leur nationalité peut ne pas
avoir été trop éloignée de celle des Latins eux-mêmes, dans la-
quelle il y avait anciennement des degrés multiples, et nous
avons déjà expliqué (p. 243) qu'ils étaient, dès avant le milieu
du vie siècle de Rome, passés dans la nation dominante et
qu'ils ont depuis toujours été comptés parmi les Latins. La plus
ancienne cité incorporée parmi les alliés comme de race étran-
gère, qui est restée étrangère jusqu'à son absorption par
Rome et même après, a probablement été Neapolis, en Cam-
panie, qui entra dans cette condition en 428 de Rome, et qui
d'ailleurs ne fournissait aux Romains que des vaisseaux et des
marins (1). Le souvenir de la confédération romano-napoli-
taine s'est conservé dans la terminologie politique gréco-ro-
maine: les expressions §r,|i.ap^o;(VI, 1, p. 163, note l)etcjyxXv;-
to; (2) qui lui sont propres ont été empruntées par les Romains
aux Napolitains. — Parmi les cités de race étrangère obligées
seulement à fournir un contingent militaire, les plus anciennes
ont peut-être été les cités samnites, entrées dans la confédé-
ration en 464 (3). Dans la dernière partie du ve siècle, toutes
les villes de la péninsule, à l'Ouest jusqu'à l'Arnus, àPisœ, et à
l'Est jusqu'à l'iEsis, à Ancona, sont réunies en un seul tout,
comme redevables de contingents pour Farmée ou la flotte,
probablement en vertu d'un plan général rapidement mis à
exécution, et l'Italie se trouve ainsi politiquement constituée.
(1) La réglementation fixe de ces contributions navales peut n'avoir
eu lieu qu'en 487, lors de la création des quatre questeurs de la flotte ; cf.
tome IV, dans la théorie de la Questure, le début de la section des ques-
teurs italiques. Mais l'obligation elle-même est certainement aussi ancienne
que l'alliance.
(2) C. I. Gr. 5799 (sans nul doute authentique) ; cf. même recueil, 549!.
5752, et le volume du Sénat. Les autres expressions telles que crnaTTjVo;,
àyopàvoixoç, Ta|x!aç, sont du grec général, et sont aussi probablement toutes
et certainement la seconde, en même temps napolitaines.
(3) Assurément nous n'avons pas d'informations suffisantes sur les con-
ditions de soumission définitivement imposées aux Samnites, et il est pos-
sible que cette réglementation ne soit intervenue qu'en 482, après la guerre
de Pyrrhus.
LES SUJETS AUTONOMES. 271
Elle est opposée non seulement aux pays ennemis de l'étranger,
mais aussi aux alliés étrangers, par exemple aux Insubres et
aux Cénomans de la région celtique cisalpine. Les colonies de
droit latin fondées dans ces pays étrangers appartiennent
naturellement toutes à la confédération. Mais il y a en outre
plusieurs autres villes, par exemple Ravenna (1) et Genua (2)
qui, sans être des colonies, sont organisées selon le type
italique et font probablement partie de la confédération.
L'union militaire italique existait certainement dans cette
forme en l'an 529 de Rome, dans lequel nos annales nous en
rapportent la composition au sujet d'une levée en masse faite
contre les Celtes (3). L'armée de terre, formée par les villes
non-grecques de la péninsule, était complétée par la flotte, cons-
tituée, sous la direction de Rome, sur le modèle grec, en grande
partie par les villes grecques de l'Italie méridionale. Nous
voyons donc apparaître là pour la première fois dans l'histoire,
l'Italie unie, non pas, comme la fédération romano-latine, sur
le fondement d'une nationalité commune, mais sur celui d'une
organisation militaire homogène et commune, et ce devait être
là l'origine de cette pseudo -nationalité latino-hellénique dont
l'action a donné sa forme à l'ancien monde et, pour une
certaine part, au monde actuel.
L'Italie et les Italiens étaient par là créés quant au fond; ils Ddt™/7S°n
ne l'étaient pas encore quant au nom. Les soldats alliés réunis
sous le commandement de Rome étaient, verrons-nous (p. 302),
appelés togati, et les Grecs italiques n'y étaient pas compris.
La réunion des deux groupes sous le nom commun d'Italici
s'est d'abord opérée à l'étranger. Les Romains ne revendi-
quaient pas seulement pour eux la position privilégiée qu'ils
ont acquise dans les territoires d'outre-mer soumis à leur
autorité, et grâce à laquelle ils ont en quelque sorte monopolisé
(1) Ravenna était encore une ville fédérée en 665 (Gicéron, Pro Balbo, 22,
50). Cf. Hermès, 16, 33.
(2) C'est ce que montre la sentence arbitrale des Minucii de 637 (C. /. L.
I, 199).
(3) Cf. mon étude sur cette liste, Rœm. Forsch. 2, 382 et ss.
272 DROIT PUBLIC ROMAIN.
pendant des siècles le gros commerce de tout l'empire; ils la
réclamaient aussi pour tous leurs alliés italiques. Relativement
aux privilèges juridiques, — soumission exceptionnelle à la
compétence du gouverneur romain de la province (1) et de
juges romains (2), exemption des droits de douane, — comme re-
lativement aux avantages de fait qui peuvent, d'une manière
licite ou illicite, résulter des circonstances politiques pour les
gens d'affaires (3), il n'y avait pas de différence sensible
entre ceux qui portaient la toge comme Romains et ceux qui la
portaient comme alliés des Romains, ni môme entre eux et les
Grecs de l'Italie méridionale. C'est là que nous rencontrons
pour la première fois les Italici comme une collectivité légale-
ment fermée et privilégiée (4). Cette dénomination, tirée
d'une ancienne désignation purement géographique et vacillante
donnée particulièrement à la portion méridionale de la pénin-
sule, a sans doute été introduite par les gouvernés et adoptée
par les gouvernants, probablement d'abord en Sicile, puis dans
les provinces en général (5), surtout dans l'Orient grec, où ce
(1) Sénatus-consulte relatif aux. trois capitaines ( p. 207, note 3) de 676,
ligne 20 : 'Eàv... (3oû).o>VTat xpîvsaôai... iid tùv f^ETéptov àpxovxwv titi 'IiaXi-
xûv xpiTàiv.
(2) Dans le sénatus-consulte qui régla les relations avec Ambrakia en
567, par conséquent avant que cette ville appartint à l'empire, il était spé-
cifié, ut... portoria guse vellent terra marique caperent, dum eorum immunes
Romani ac socii nominis Latini essent (Tite-Live, 38, 44, 4).
(3) Le consul de 622, P. Popillius se glorifie (C. 1. L. X, 6950) de ce que :
Vrxtor in Sicilia fugiteivos Italicorum cGnquseisivei — c'est-à-dire d'avoir fait
la chasse aux esclaves des Grecs de l'Italie méridionale.
(4) La désignation officielle romaine nominis Latini ac socii n'était pas
seulement incorrecte en elle-même ; elle n'excluait pas clairement les
Athéniens et les autres alliés d'outre-mer étrangers à l'union militaire La
plus ancienne mention qui soit faite des Italici dans le sens postérieur,
comme les détenteurs du grand commerce dans les provinces, se trouve
dans l'inscription d'Halsesa, C. 1. L. X, 7459, si cette inscription appartient
réellement à L. Scipio, préteur en 561. Ils sont en outre nommés au sujet
de la guerre des esclaves de Sicile de 622 (CL L. X, 6950, ci-dessus, note 3;
Diodore, 34, 2, 27) ; à l'occasion de la guerre de Jugurtha en 643, à Girta
(Salluste, Jug. 26) ; dans l'inscription de Delos de 657 {Bull, de corr. hell. 4,
p. 190 : *Hpa>c)>eï xal 'IxaXixoïç). La réunion des Italici et Grseci quei in insula
negotiantur dans les inscriptions de Delos, Eph. epigr. IV, 77. V, 184, mérite
d'être remarquée.
(5) Salluste (note 1) et le continuateur de César (p. 273, note 5) les citent
en Afrique ; Diodore, 5, 20, 3, les cite en Gaule.
LES SUJETS AUTONOMES. 273
langage s'est si fortement ancré que, jusque dans les temps
récents de l'Empire, les Grecs donnent le nom d'italiques aux
monnaies romaines, aux poids et mesures romains (1) et à
d'autres coutumes romaines (2). La puissante insurrection de
664-665 mit l'une en face de l'autre sur le champ de bataille,
après de longues luttes politiques, ces deux grandes masses qui
n'apparaissaient comme unies qu'à l'étranger, celle des ci-
toyens de la ville maitresse et celle de ses alliés dépendants.
Ces derniers n'atteignirent pas le but qu'ils s'étaient assigné :
sinon la destruction des Romains, au moins leur fusion dans
l'ensemble des Italie et non des Italici, et la désignation de la
capitale du nom d'Italia (3); mais l'égalité de droit leur fut
acquise par l'incorporation dans le peuple romain des alliés
antérieurs, y compris sans doute les cités de droit latin qui
existaient dans la Gaule cisalpine (4). L'Italie antérieure
devint ainsi une extension de Rome. Cependant, la latinité
ayant été accordée en même temps aux cités jusqu'alors péré-
grines de la Gaule cisalpine et cette contrée devenant en fait de
plus en plus une portion de l'Italie, on réunit encore sous le
nom cYltalici les membres des cités de droit latin ou romain
situées dans la péninsule jusqu'aux Alpes (5). Mais, quand la
(1) Cf. Hermès, 21, 411 et ss.
(2) Les xaXixtot, mentionnés par Polybe, 30, 19, dans la description de
la tenue d'un affranchi romain, sont appelés 'juoSyj [xa-ra 'IraXixà par Appien,
qui reproduit ce passage, Mithr. 2.
(3) Les écrivains latins donnent la dénomination Italici aux insurgés de
la guerre des Marses ; mais ils s'appellent eux-mêmes, sur leurs balles de
fronde (Zangemeister, Eph. epigr. VI, p. 11), et ils sont appelés, chez les Grecs,
ltali ; leur nouvelle capitale est aussi appelée, sur les monnaies, Italia et,
chez les écrivains, Italica {Hermès, 21, 418, note 1).
(4) Hermès, 19, 29 et ss. Les cités qui n'avaient pas été fondées par Rome,
mais qui étaient organisées selon le type italique, comme Ravenna et
Genua, peuvent aussi avoir été alors admises au droit de cité.
(5) Des inscriptions datées des Italici, analogues aux anciennes, se ren-
contrent pour les années c. 668 (Eph. ep. V, n. 184) et 680 à Delos (Bull, de
eorr. hell. 8, p. 146), pour 683 (C. 1. L. III, 531) et G87 (C. I. L. III, 532 =
Eph. ep. V, n. 1426) à Argos. Les negotiatores Italici d'Afrique dans le Bell.
Afr. de César, 36, sont de même nature. Il faudrait aussi entendre dans le
même sens les eP«tj.a?o'. xal 'IraXot nommés par Appien, Mithr. 22, au sujet
du massacre de Mithradates, s'il ne fallait pas plutôt voir là une confusion
de l'auteur. Tous les autres historiens ne nommeni que les citoyens ro-
Dr»it Potl. Rom., t. VI, 2« p. {%
274 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Gaule cisalpine eut à son tour obtenu le droit de cité en 705,
les « citoyens romains » prirent, même à l'étranger, partout la
place des Italici (1), et il ne s'est conservé de vestiges de
l'ancienne terminologie que dans le droit du sol italique que
nous avons déjà étudié (p. 253) et dans le droit des villes itali-
ques que nous étudierons plus loin. Les citoyens romains et les
citoyens des villes provinciales de droit latin n'ont plus été
désormais réunis par la terminologie, d'un côté, parce que leur
ensemble ne présentait pas cette unité géographique qui
servait' de fondement à la dénomination complexe antérieure-
ment employée, et, d'un autre côté, parce que les Latins politi-
quement inférieurs de l'époque récente (p. 247) ne pouvaient
plus êtr.e mis, sur un pied d'égalité, à côté des membres de la
cité dominante.
Les aînés extra- Il n'y a pas besoin d'étudier de la même façon l'extension du
italiques.
cercle des alliés extra-italiques. Ici le point du départ a été
dans les anciennes relations avec les villes helléniques situées
à l'extérieur de la péninsule. Mais on ne peut pas distinguer avec
la même netteté qu'en Italie la convention d'amitié basée sur
l'égalité légale des parties et l'union militaire impliquant la
dépendance.
Les contributions en navires qui avaient d'abord été deman-
dées de Neapolis, furent ensuite étendues à la cité sicilienne
fédérée des Mamertins (p. 305), et si la marine romaine avait
suivi un développement analogue à celui de l'armée romaine,
il se serait constitué chez elle quelque chose de correspondant à
la formula togatorum. La transformation de Rhodes de cité
égale en cité dépendante opérée en 587 (p. 290, note 1) par
mains, et avec raison ; car la concession générale du droit de cité était alors
déjà accomplie. En tout cas, les Romains sont incorrectement nommés à
côté des Italiens ; car les premiers sont compris parmi les seconds.
(1) Les inscriptions non datées d'Italici semblent aussi être toutes anté-
rieures à César. C'est un point incertain de savoir si les «Romains » avaient
fait précédemment des dédications à DelosfC. 1. Gr. 2285b et à ce sujet Eph.
ep. V, p. 601) ; le plus ancien monument sûrement daté que je connaisse qui
nomme les Romains au lieu des Italici est Finscription des civeis Romanei
quel Mytileneis negotianlur de l'an 723 (C. I. L. III, 455).
Conclusion de
LES SUJETS AUTONOMES. 275
rétablissement à sa charge de l'obligation de fournir des vais-
seaux (p. 306, note 1) prouve que, dans les deux cas, le fonde-
ment juridique est le môme. Mais, par suite de la rapide déca-
dence de la marine militaire de la République romaine, on
n'en arriva point, en cette matière, à la constitution de contin-
gents réguliers, même alors qu'ils auraient pu être réclamés
en vertu de traités, et, par suite, la condition de ces États al-
liés n'est pas arrivée à se préciser bien nettement. — Par rap-
port aux cités étrangères à l'Italie qui n'étaient point grec-
ques, en particulier par rapport aux peuples celtes qui fai-
saient partie de l'empire, la République romaine est tou-
jours restée sur la réserve : elle les a bien admis en partie
à la fédération; elle ne les a point admis à une communauté
d'armes durable.
L'alliance qui établit l'union militaire perpétuelle est au fond
une convention de soumission : cela se montre avec une égale
clarté dans les formes de sa conclusion et dans ses conséquences
juridiques que nous étudierons plus loin. Si nous connaissions
mieux dans le détail les phases de l'évolution, notamment en
ce qui concerne le Latium, nous verrions plus nettement les
termes de transition par lesquels Rome a passé de la position
de ville occupant la première place au milieu d'alliés égaux à une
souveraineté officiellement affirmée. Dans la forme où elle nous
est parvenue, notre tradition ne nous permet de vue précise
que sur la phase où la soumission est complètement réalisée.
La convention de soumission est, quant à la forme, néces- Rap^Sr
sairement bilatérale. L'État qui entre sous l'hégémonie romaine
peut demander à être admis dans l'union militaire, et cette
demande peut être accueillie ou repoussée (1). Il suffît de ren-
voyer à ce sujet aux développements déjà donnés sur les trai-
tés publics en général, et en particulier sur les traités d'amitié
(1) Tite-Live, 4, 30, 1 : JEquorum legati fœdus ab senatu cum petissent et
pro fœdere dedltio ostentaretur. De même Capua, p. 189, note 1. Un autre
exemple dans Tite-Live, 31, il. A l'époque où la prépondérance de Rome
était reconnue, il était d'usage de former simplement la demande et d'atten-
dre de Rome la fixation des conditions (Tite-Live, 42, 6, 8. c. 25, 4. 11).
276 DROIT PUBLIC ROMAIN.
(p. 208 et ss.). L'inscription sur la formula amicorum est ici
remplacée par l'inscription sur la formula sociorum (1). Après
que cette partie s'est livrée à discrétion [in fidem), ou, ce qui
revient au même, après qu'il y a eu deditio (2), il n'y a pas
besoin de demande spéciale ; car, par cet acte, la cité vaincue
s'est soumise d'avance à toutes les mesures qui pourraient être
prises envers elle, et par conséquent aussi éventuellement à son
incorporation dans l'union militaire. Les dediti ne peuvent
donc pas refuser d'y entrer après la deditio. et la détermination
des conditions dépend alors exclusivement des Romains. Les
traités d'alliances des Romains qui nous sont connus ont en
général été conclus ou transformés plus tard de cette façon, et
ils sont moins convenus entre deux parties qu'imposés par
une partie prépondérante.
reges sodi. L'alliance ne peut pas, comme la convention d'amitié (p.208),
être conclue entre une cité et un particulier (3). Elle peut, dans
(1) Tite-Live, 43, 6, 10 : Lampsacenos in sociorum formnlam referre Q.
Mœnius prsetor (de la ville, comme représentant des consuls absents) jussus.
Cf. p. 210, note 4.
(2) Polybe, 20, 9, 12 : Ilapà 'Pw^alocç !cro8uva[xEî to te eiç ty]v tuotiv auxbv
èy/eipio-at xcù to ty)v imxpo'Kr^ Soùvou izepl ocjtoO tm xpaTOûvxi. Tite-Live, 8,
2, 13 : Ver deditionem in fidem venire.c. 19, 1 : Orantesutinfidemreciperenlur..,
se sub imperio p. R. fidellter atque obœdienter futuros. 37, 45, 2 : Asise civitates in
fidem consulis dicionemque populi Romani se tradebant. 42, 8 , le sénat réprouve
les mauvais traitements prescrits par le consul de 581,M.Popillius, contre les
Satielli deditos in fidem populi Romani. De même 8, 25, 3. 33, 38, 7. Dedere se
et Vin dicionem esse qui en résulte (p. 359, note 2) ne diffèrent pas juridiquement
d'in fidem se dare et de Vin fidem esse correspondant. On pense plutôt, dans
le premier cas, à la reddition d'un vaincu et, dans le second, à une soumis-
sion volontaire; dans le premier, à l'absence de droit des individus sou-
mis, dans le second, à la grâce du vainqueur ; c'est ainsi que, dans le droit
privé, fides s'emploie principalement pour le lien de clientèle (lex repetun-
darum, ligne 10 ; cf. VI, 1, p. 84). Si Cicéron dit, Verr. 3, 6, 15, en parlant des
Siciliens, in amicitiam fidemque populi Romani venire, c'est là une expression
voilée pour désigner la sujétion légale. Les deux notions peuvent également
ou se lier entre elles, ainsi que dans les textes cités plus haut, ou s'op-
poser l'une à l'autre. In fide populi Romani esse est employé par Tite-
Live, 8, 1, 10, en opposition à in dicione esse. Les Gaulois disent de même,
39, 54, 7 : Dédisse se prius in fidem quant in potestatem populi Romani. Le
consul de 513, Q. Gatulus fait dans le même sens traiter moins durement
les Falisques vaincus en invoquant l'idée Faliscos non potestali sed fidei se
Romanorum commisisse (Val. Max. 6, 5, 1).
(3) La relation établie entre la sociorum formula et le lien personnel
LES SUJETS AUTONOMES. 277
la notion romaine, être conclue à perpétuité entre deux villes,
ce que Rome est restée légalement même sous le Principat.
Quand un traité de cette espèce est conclu avec un prince, le
droit public, avons-nous déjà vu (p. 210) ne connaît pas de pro-
cédé pour transformer le traité personnel conclu avec le roi
en traité avec le royaume, pour lui donner la stabilité légale
d'une convention jurée conclue avec la République. L'autono-
mie des royaumes et des principautés entrés dans les liens d'au-
tonomie dépendante reste donc toujours précaire en ce sens
qu'elle disparait légalement à la mort du souverain et peut
bien alors être établie à nouveau par la puissance suzeraine,
mais qu'elle peut aussi être alors supprimée par elle. Nous
aurons ici à nous occuper, à côté des villes fédérées, des prin-
cipautés qui sont en clientèle; mais elles constituent une caté-
gorie irrégulière en face des villes alliées. Leur condition
légale est infiniment moins homogène que celle des villes dé-'
pendantes ; le principe en est que le royaume légalement dé-
pendant trouve la seule base de son existence dans la conven-
tion avec Rome, et qu'à chaque transmission du trône, ce
royaume peut être réduit en circonscription administrative or-
dinaire sans violation du droit ; ce qui fait que le gouverne-
ment romain attend en général la vacance du trône pour pro-
céder à de telles transformations (1).
Si transparente que soit la terminologie de la matière des Termùioioçi
rapports d'alliance, elle présente cependant des difficultés pro-
d'amitié dans Tite-Live, 44, 1G, 7, et dans le décret d'Oropos de 681 : 'Epjxo-
Swpoç... 8<mç TipoTôpov Û7tb tyjç a^vx^Tov) a-uv[xa^oç upoaYiyopsufJiÉvoç éortv est
une translation incorrecte (p. 210, note 4).
(1) La royauté vassale de Chypre fut retirée au roi Ptolémée par une loi
romaine, par cette raison que le titre de socius ne lui avait pas encore été
reconnu (Gicéron, Pro Sest. 26, 57). Un autre exemple frappant est fourni
par la saisie de la Gappadoce en l'an 17 après J.G. Auguste reproche au roi
des Nabatéens Aretas d'avoir pris possession du pouvoir sans l'aveu de
son suzerain (Josèphe, Ant. 16, 9, 4). Archelaos, fils du roi des Juifs Hérode,
attend, pour entrer en fonctions, qu'Auguste ait confirmé le testament de
son père (le même, 17, 8, 4 et ss.). Il n'est pas besoin de dire que la ca-
suistique qui considérait les traités des rois comme purement personnels
avait son côté très pratique.
278 DROIT PUBLIC ROMAIN.
près en ce que la condition, des alliés y est plutôt désignée à
des points de vue différents qu'elle n'y fait l'objet de subdivi-
sions distinctes. Les alliés dépendants sont appelés fœderati par
corrélation avec le caractère théorique de l'acte qui sert de
fondement à leur condition ; ils sont appelés liberi comme cons-
tituant des républiques urbaines par opposition aux royaumes
dépendants ; ils sont appelés socii principalement en considé-
ration du service militaire auquel ils sont obligés par leur
traité. Tous ces pointsdevue s'entrecroisent, de façons multiples,
et rien n'a plus contribué à produire la confusion d'idées exis-
tant en cette matière que l'habitude, dont les Romains avaient
au reste déjà donné l'exemple, de mettre ces différentes déno-
minations dans une opposition qu'elles ne comportent pas en
réalité et qui ne leur a été donnée que dans un langage relâ-
ché. Il nous semble convenable d'étudier, avant l'institution
elle-même, les trois désignations terminologiques qui lui sont
appliquées, et de déterminer en même temps quelle a été l'ap-
plication faite de cette terminologie aux Latins. Nous étudie-
rons ensuite un à un, sans les diviser d'après ces catégories,
les droits et les devoirs qui résultent de l'alliance militaire per-
pétuelle.
Fœderati. Le fœ^us est5 avons-nous vu ( 1 ) , le traité public qui
est [accompagné d'un serment d'exécration et qui est rendu
par là irrévocable. Les alliés sont, en leur qualité de fœ-
derati, liés à Rome par un tel traité. Mais les peuples dès
États qui ont conclu un fœdus avec Rome ne sont pas tous des
fœderati romains (2) ; cette dénomination ne s'applique qu'à
ceux dont le fœdus implique une autonomie à la fois restreinte
et assurée, établie à titre perpétuel, et l'expression ne s'étend
pas aussi loin que le serment. — Les cités latines sont assu-
(1) V. tome I, la théorie des Actes conclus avec un État étranger, sur le
Fœdus.
(2) Les traités avec Carthage étaient tous en la forme des fœdera (Po-
lybe, 3, 25 ; Tite-Live, 30, 43) ; mais ils ne fondaient comme effet durable
que Vamicitia (p. 210, note 3). Il en est de même des premiers traités avec
les Samnites (Tite-Live, 7, 19, 4. 8, 2, 1) et d'autres cas nombreux.
LES SUJETS AUTONOMES. 279
rément des cités fédérées (1); mais, dans le langage rigoureux,
on les met à côté et au dessus des fédérées (2). Les traités
latins, avec leur fondement national et nécessaire, sont distin-
gués des fédérations arbitrairement conclues avec les péré-
grins de l'Italie ou de l'extérieur. — Les princes et les rois
admis à faire partie de l'empire (3) ne sont pas en droit au
dessous des villes fédérées (4); mais on ne les appelle jamais
fédérés, on les appelle uniquement socii. La raison doit en
être que les traités conclus avec ces princes, ayant leur durée
légalement limitée à la vie de chacun d'eux, ne présentaient
pas le caractère de stabilité lié par les Romains à l'expression
fœderati, tandis qu'au contraire il n'y avait pas d'objection
à parler alors de la « communauté d'armes » qui peut être
temporaire. — A fœderatus correspond en grec èvcTùovào; ; mais
on n'attache dans l'emploi de cette expression, aucune impor-
tance à l'existence du serment, et on l'applique à toutes les
cités alliées par opposition aux cités sujettes (5). Elle n'est
(1) Gicéron, dans sa discussion du droit des cités fédérées, prend pour
exemple les Latins, mais en montrant clairement qu'on ne les appelle pas
de ce nom (Pro Balbo, 24, 54 : Latinis, id est fœderatis). Cf. p. 310, note 3.
(2) Dans les listes des villes de Pline, pour la Sicile (3, 8), la Bétique
(3, 1, 17), la Tarraconnaise en général et ses convenais (3, 1, 18. c. 23-25, cf.
3, 5, 77), la Lusitanie (4, 22, 117), la Maurétanie (5, 2) et l'Afrique (5, 4, 29),
les oppida Latinorum (Latina, Latii, Latinse condicionis, Latio donata) sont
sans exception après les cités de citoyens et avant les fœderata. Les der-
niers font donc partie des peregrini qui sont opposés aux Latins (p. 216,
note 1).
(3) Les reges avec lesquels Claude conclut un fœdus à Rome avec l'as-
sistance de fétiaux (Suétone, Claud. c. 25) sont probablement des rois de
Bretagne appartenant à l'empire, tels que Gogidumnus (Tacite, Agric. 14 ;
C. /. L. VII. 11) ; s'il était venu à Rome, à cette époque, des rois n'appar-
tenant pas à l'empire, nous le saurions sans doute. Pour l'époque de la Ré-
publique, il ne nous est rien rapporté de semblable.
(4) JSlius Gallus (dans Festus, v. Postliminium, p. 218) : Cum populis
liberis et cum fœderatis et cum regibus postliminium nobisest ita uti cum hosti-
I»ih [<• montre de la manière la plus énergique par l'opposition aux hostes et
L'assimilation aux républiques indépendantes en traités avec Rome: v. en
outre le texte de Strabon, cité p. 319, note 1. Quant au fond, la suite de nos
développements montrera cette idée confirmée sous tous les rapports.
(5) Dion, 54, 9, oppose aux svcttcovSch, qui sont administrés tw rcarpûp iryltn
-rpÔTtro, rûmrpcoov administré xaxà xk tûv 'Pœfjujucov eôy) (de même, 38, 36. 41,
55) ; ailleurs (47, 39. 52, 19. 53, 10. 69, 5) il oppose, dans le même sens, -b <ru[x-
280 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d'ailleurs jamais employée comme titre officiel, et, dans la
moitié grecque de l'empire, les villes fédérées portent en géné-
ral le titre de villes libres (1).
civitates mers. D'un autre côté,, on attribue à la cité autonome dépendante
la liberté, la libertas ou êXeu9epia. Cette expression désigne la
souveraineté exercée dans la forme républicaine (2). Le liber
populus est la cité urbaine se gouvernant elle-même par oppo-
sition à celles qui sont gouvernées soit par des rois, que ce soient
leurs princes propres ou des souverains étrangers, soit par les
gouverneurs de provinces de la République romaine, dont
l'administration a toujours été considérée comme l'exercice
d'une autorité souveraine, aussi bien par les gouvernants que
par. les gouvernés. En ce sens, les villes libres, même celles
fxor/ittov et xb ÔTcr,xoov. L'autonomie légale et l'autonomie précaire sont là
nettement séparées. Cependant précisément pour cela le cercle des evoTiovôoi
est plus large que celui des fœderati : non seulement ce mot est appliqué aux
reges socii (Dion, 40, 20. 41, 55. 52, 31); mais on y comprend même les villes
que Gicéron oppose aux fœderatse comme étant sine fœdere immunes et liberae
(p. 283, note 3). — "Evopxoç est aussi employé dans ce sens. Appien, B. c. 1,
102: ïloXeiç... oaai èauxàç ivsxsxeipfaeaav èi^i aov6r,xaiç svopxot. Polybe, 6, 14,
8 : (IloXeiç) Tipbç aç s'-/o-Jcrtv xà ôpxia.
(1) Le droit de ville fédérée d'Amisos est attesté (p. 283, note 2) ; mais,
d'après Strabon, 12, 3, 14, p. 547, elle reçut la « liberté » d'abord de César,
puis d'Auguste, et, sur ses monnaies, elle s'appelle fréquemment èXsuôépa
(Eckhel, 2, 348). Tyr s'appelle, sur une inscription latine (C. I. L. X, Î601),
fœderata, en grec, très fréquemment aùxovojxoç. Apbrodisiasen Carie avait
l'autonomie (C. 1. Gr. 2845 : Twv g-vvohxIcov xyj TCoXei t^ç aùxovofjuaç à7r6yovoç),
et il est expressément fait mention du traité juré par les Romains ; mais
le sénatus-consulte rendu à ce sujet (C. I. Gr. 2737) lui assure, en confir-
mant les droits qu'elle avait déjà, notamment ses lois et ses tribunaux pro-
pres, seulement la liberté et l'immunité légale la plus étendue (xbv Sr^ov...
xy]v èXeuôsptav xal xrjv àxéXeiav ovxwç 7tavxwv xâ>v irpay^axtov ïyv.v xa6]a7rsp xat
f,xiç woXixeîa xâ> xaXXîa-xo) Sixaiw xaXXsarw xe v6|xœ èaxîv, [ûirb xoO 8r,(xo[u xoO
tPa)[xaîtov xr|V ÈXs'JÔepcav xa\ xyjv àxéXeiav ïysi cpcX?) xs xal <rû[fj.(Aa-/oç ouaa]). —
Dans les listes de Pline, les villes fédérées de la moitié grecque de l'empire
sont communément citées comme civitates liberae, ainsi Athènes (4, 7, 24) :
Byzance (4, 11, 46) ; Aphrodisias (5, 29, 109) ; Amisos (6, 2, 6) ; Mopsos
(5, 27, 91 ; cf. p. 285, note 2). Quand il est question ailleurs de fédérés chez
les Grecs ou relativement au monde grec, par exemple dans la classifica-
tion de Strabon (p. 319, note 1), ou dans les récits du retrait de l'autonomie
(p. 317, note 2), c'est en général sous le nom de liberté que leur condition
est désignée.
(2) Proculus, Dig. 49, 15, 7, 1 : Liber populus est is qui nullius alterius po-
puli potestati est subjectus.
LES SUJETS AUTONOMES. 281
dont la liberté est reconnue par Rome, sont étrangères à notre
sujet actuel (1). Les villes et les ligues de villes grecques
existant en Europe ou en Asie, avec lesquelles les Romains, en
train de briser ou de repousser la royauté en Orient, nouèrent
des relations d'amitié, étaient par là reconnues par eux comme
des républiques, parfois même elles ne furent constituées en ré-
publiques que par eux (2), et elles étaient en fait essentielle-
ment sous le protectorat des Romains; mais, en droit, elles
étaient en dehors de l'union militaire romaine, et elles étaient
aussi étrangères aux Romains que toutes les autres villes
amies. Nous n'avons ici à nous occuper que des républiques
urbaines qui ont à la fois leur liberté reconnue et leur sou-
veraineté restreinte, qui font partie de l'empire. Elles com-
prennent, en premier lieu, toutes les cités fédérées, car une
alliance militaire jurée de la nature expliquée plus haut con-
tient nécessairement en elle la reconnaissance de la souve-
raineté républicaine, et, en second lieu, toutes les cités dont la
(1) Gela se comprend de soi. Mais cependant rien n'a produit de plus
grandes confusions dans l'exposition de ce régime que le mélange des ins-
titutions juridiques des États qui appartiennent à l'empire et de ceux qui
n'y appartiennent pas.
(2) C'est là le sens de la proclamation connue de 558, Polybe, 18, 46 (=
Tite-Live, 33, 32) : CH auyxXYjxoç y) 'Ptofxattov xal Tîxoç Kotvxioç a-xpaxYjyoç
uTiaxoç... àcp:à<nv IXeuôépouç àcpopoXoyr|xouç v6[xoiç -/ptoptivouç xoTç -rcaxpéotç Ko-
pivôco-jç x t X. L'organisation des ligues était nécessairement liée à la con-
clusion des traités d'amitié. C'est par là que s'expliquent des indications
comme celle de Polybe, 18, 47 : GsxxaXoïç \iexa xffi èXsuôspcaç xal xoùç 'A'/aiouç
xoùç <ï>6«oxa; 7:poG-£V£t[j(.av àç£X6(xsvot @r,Paç xàç $8''aç xai «ÊàpaaXov. Flamini-
nus régla même la constitution des différentes villes de Thessalie, d'après
les indications des titres de Kyretise (CL Gr.1770) et surtout de Narthakion
(Bull, de corr. hell. 6, 363 : Kaxà v6|xouç xoùç ©ea-aaXôv, olç vojaocç ea>ç xà vûv
-/pôovxat, oùç vououç Ti'xoç Koîyxxioç "u7iaxoç àiio xr]ç xûv Séxa Tipecr^euxàiv yva>[XY)ç
è'Swxsv). Nous possédons encore quelques titres de ce genre, la lettre du sé-
nat aux habitants de Teos en Lydie, de l'an 561 (C.i. Gr. 3045): Kptvo[x.£v eïvai
xr,v ïc6Xcv... bpàv...xa\ àcrjXov xal àcpopoXoyiyrov àub xou 8y][j.ou xàiv 'Pcafxacwv, et
celle adressée par le consul Cn. Manlius, en 566, à Heracleia en Carie (Lebas-
Waddington, n. 588) où il est dit : Suyxu>poO[Aev... ûfjuv t^v xe èXeuôepcav, xa-
06xt xal [xaïç àX]Xoaç ttoXôctcv, ocrai f,(juv xyjv È7uxpo7rr,v eScoxav, e^oucriv [xà irpây-
|Mc]t<x xà a"jxw[ji. uoXtxeueaôat xaxà xoùç ùpixepouç vofxouç. Senèque, De benef. 5,
16, c. 6 : (Roma) Achseis Rhodiis plerisque urbibus claris jus integrum liberta-
temque cum immunitate (=a9opoXoy7)xouç) reddiderat, pense aux mêmes ins-
titutions.
282 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dépendance et l'autonomie sont reconnues par les Romains par
un traité non-juré ou par une loi purement unilatérale. La
condition juridique des deux catégories de villes ne diffère pas en
elle-même (1), mais seulement par la possibilité de révocation
(1) C'est ce que montre notamment la façon dont est traité le postlimi-
nium chez le juriste yElius Gallus (dans Festus, v. postliminium, p. 218) :
Cum populis liberis et cum fœderatis et cum regibus postliminium nobis est ita
uti cum hostibus : quse nationes in dicione (Ms. : in opinione) sunt, cum his
[postliminium nullum est] ; car le postliminium ne peut fonctionner qu'entre
États indépendants. Proculus écrit (sous les Glaudiens) en se reportant par
la pensée à cette définition sûrement traditionnelle, Dig. 49, 15, 7, pr. :
No?i dubito, guamvis (Ms. : quin) fœderati et liberi nobis externi sint, nec inter
nos atque eos postliminium esse; etenim quid inter nos atque eos postliminio
opus est, cum et Mi apud nos et libertatem suam et dominium rerum suarum
œque atque apud se retineant et eadem nobis apud eos contingant? Il repousse
par conséquent la décision de Gallus. La même différence d'opinion repa-
rait au sujet d'une espèce concrète entre Gicéron, Pro Balbo, 11, 28 : Neque
sine causa de Cn. Publicio Menandro libertino homine, quem apud majores legati
nostri in Grœciam proficiscentes interprètent secum habere voluerunt, ad popu-
lum latum est, ut is Publicius si domum revenisset et inde Romani redisset, ne
minus civis esset, et Pomponius, Dig. 49, 15, 5, 3 : In quodam interprète Me-
nandro, qui posteaquam apud nos missus erat, missus est ad suos, non est visa
necessaria lex quae lata est de Mo, ut maneret civis Romanus, qui justifie
ensuite la solution. G*est à la même question que se rapporte Gicéron, De
orat. ï, 40, 182 : Si quis apud nos servisset ex populo fœderato seseque libe-
rasset et postea domum revenisset, quxsitum est apud majores nostros, num
is ad suos postliminio redisset et amisisset hanc civitatem. La théorie ancienne
se fonde sur l'indépendance réciproque des deux États. Ce Menander,
que son maître romain aurait pu avant l'affranchissement revendiquer
comme son esclave devant les tribunaux romains, n'aurait pas pu pour
cela être réclamé par lui avec succès devant les tribunaux d'Athènes. Au
contraire, même d'après les idées des Romains, son status devait, s'il re-
tournait dans sa patrie, être apprécié selon les lois de celle-ci, par consé-
quent sa condition d'esclave romain et son acquisition du droit de cité
romaine en résultant n'existaient pas légalement, le postliminium avait
procédé relativement à lui, quoique Rome et Athènes ne fussent aucu-
nement en état de guerre. De cette manière, un Romain devenu citoyen
athénien peut redevenir Romain en vertu du postliminium (VI, 1, p. 45) et
un Gaditan devenu citoyen romain (par exemple par une réduction en
esclavage romain suivie d'un affranchissement) redevenir Gaditan en
vertu du même principe (Gicéron, Pro Balbo, 12, 29). G'est là le postlimi-
nium in pace ; ce que le Dig. 50, 15, 5, 2, désigne de ce nom n'est ainsi
nommé qu'improprement. La volonté de la personne dont il s'agit, à
laquelle Pomponius, loc. cit., attache une valeur, importe bien pour le
postliminium in bello, mais non pour celui-ci ; car le droit de l'autre
cité est reconnu ici, même à Rome. Si les jurisconsultes postérieurs n'ad-
mettent plus ces solutions, cela tient à ce qu'ils ne considèrent plus
Athènes comme un État souverain égal en droit à l'État romain. Avec lin-
LES SUJETS AUTONOMES. 283
qui plane sur les villes de la seconde classe (1). En considéra-
tion de cette différence, on distingue, en droit public, les pppuli
liberi en fœderati et liberi (2) et en liberi tout court (3). Mais,
dépendance sa conséquence a disparu. L'idée d'un droit général de l'em-
pire a prévalu, et on exclut le postliminium partout où une poursuite légale
romaine était possible.
(1) La distinction de la révocabilité et de l'irrévocabilité n'est pas faite
expressément ici. Mais elle résulte de la nature de la liberté avec fœdus et
sine fœdere (Cicéron, ci-dessous, note 3). Ce n'est que par cette raison que les
cités fœderatse peuvent mieux se défendre contre le gouverneur que les cités
simplement libers, comme il résulte des témoignages de Cicéron sur le fru-
mentum imper atum (Verr. 4, 9, 20 rapproché de 3, 73, 170. 5, 12, 56).
(2) Suétone, Gains, 3 : (Germanicus) libéra ac fœderata oppida sine lictori-
bus adibat, où il pense à Athènes. Pline, Ep. 92: Amisenorum civitas libéra
et fœderata.
(3) La distinction est faite de la façon la plus énergique par le juriscon-
sulte Proculus: il définit le liber popu lus (p. 280, note 2), et il ajoute qu'il peut
aussi être fœderatus. Les catégories constituées par les États dépendants dont
la liberté est garantie par un serment, par les États dépendants dont
la liberté est reconnue, et par les cités sujettes sont fréquemment oppo-
sées les unes aux autres. Appien, B. c. 1, 102 : "E6vy) te yàp Ttavxa xa\ paai-
Xeïç ocroc <t'j\l\lx"/o'. xai rcôlf.ç où-/ ocrai (xovov -jtcotsXsTç (== stipendiante), àXXà
•/.al ocra', locuxotç èvexegeipixecxav stù <rjv6r,xaiç evopxoc {=fœderatœ) xai ocrât Scà
cr-ja[xa-/:av :f{ riva àperrjv a).Xr,v aÙTovojxo: te xat 9opiov rjcrav àizkzXz (=liberse et
immunes), tots -rcàcrat avvreXsïv èxsXsùovto xa\ ÙTiaxoùeiv. Servius, Ad AEn.3, 20 :
Apud majores {civitates) aut stipendarise erant aut fœderatae aut liberae. En Si-
cile, Cicéron, Verr. 3, 6, 13, distingue, relativement aux impôts, les deux civi-
tates fœderatae, quarum decumse venire non soleant, les cinq cités sine fœdere
immunes ac libéras et les autres cités soumises à la dime. En Bétique, Pline
cite, 3, 1, 7, après les villes de droit latin, libertate (donata) VI, fœdere III,
stipendiaria CXX (cf. 3,1, 12: oppida libéra Astigi vêtus, Ostippo, stipendiaria
Callet cet.), où c'est sans doute par une erreur que les villes libres sont mises
avant les fédérées. Dans la liste de Pline des trois provinces du nord de la
Gaule (3, 4), les peuples « fédérés » et «libres » sont distingués exactement;
il y en a quatre des premiers (Carnutes, Hœdui, Lingons et Rémi) et onze
des seconds d'énumérés. Les titres employés dans les inscriptions en Gaule
et en Espagne correspondent à ces indications : les Rémi sont souvent ap-
pelés fœderati (Orelli, 3841. Henzen, 5212), la ville des Helvètes colonia pia
Flavia constans emerita Helvetiorum fœderata (Inscr. Helvet. 175) d'autres
cités sont appelées liberœ en Gaule (civitas Vellavorum libéra '. Henzen, 5221 ;
civitas Turonor. lib. : Comptes rendus de l'Acad. 1877, p. 34) et en Bétique {mu-
nicipium Flavium liberum Singiliense: CI. L. II, 2021. 2025). Si Pline, 5, 4, 29,
cite, en Afrique, après les villes latines (parmi lesquelles il faut comprendre
d'après sa place Voppidum stipendiarium unum) oppida libéra XXX et leur
oppose les autres civitates ou nationes,\\ ne parait précisément y avoir eu là
aucune cité admise au fœdus. Les mêmes villes sont aussi désignées souvent
comme libres (par exemple, Utique est appelée par Cicéron, Pro Scauro, 44,
arnica populo Romano ac libéra civitas), et encore en même temps comme immu-
284 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dans la terminologie, les fœderati et liberi sont le plus sou-
vent appelés simplement fœderati, comme c'est naturel,
puisque la fédération implique nécessairement la libertas; il
n'est même pas rare, et, avons-nous vu (p. 280, note 2), il est
habituel dans la moitié grecque de l'empire qu'on les désigne
simplement comme des villes libres. En sens inverse, les cités
qui sont soumises au gouvernement de Rome, mais qui s'ad-
ministrent elles mêmes dans une forme républicaine, sont
parfois comptées parmi les villes libres; mais, ainsi que nous
l'établirons dans la partie qui suit, ce n'est que rarement et
abusivement et jamais à titre officiel.
jTovoixca. La désignation de la ville libre comme owtovo^o; ne se pré-
sente point d'une manière indépendante dans la terminologie
latine, bien que, dans les privilèges des villes, elle soit repré-
sentée par la concession des siœ leges (p. 323) permanente à
côté de celle de la liberté. Les termes aÙTovojua et èXeuOepia se con-
fondent en ce sens qu'ils se rapportent tous deux à la même con-
dition juridique, envisagée dans le second du côté de la souve-
raineté du peuple et dans le premier du côté de l'existence
d'une constitution distincte , et par suite ils sont souvent réu-
nis (1). Mais cependant les Grecs peuvent déjà avoir regardé
l'éXeuOepia comme l'antithèse de la royauté et l'auTovojua comme
nés (Acholla : civitas libéra et immunis, dans Bell. Afr. 33, 7, de même Leptis
minor, eod. loc. 7; Theudalis immune oppidum : Pline, 5, 4, 23); mais il n'y a
d'indiqués comme fédérés que les gens d'Utique, dans Cicéron, Pro Balbo>
22, 51, sans doute par une négligence d'expression. Cette division termi-
nologique tripartite ne s'applique pas à l'Orient.
(1) Polybe, 4, 27, 5. 21,19, 9. c. 22, 7. 25, 5, 3. Pale, dans l'île de Kephal-
lenia (C. /. AU. 3, n. 481) et les villes de Gilicie Mopsos (p. 285, note 2) et Se-
baste (Eckhel, 3, 81) portent les deux désignations dans leur titre officiel. Si
Polybe, 18, 47, 6, dit : MaxsSôvwv (xev o<jv xoùç 'Opéataç xaXouixévouç 8tà to
Tzporrx^pr^txi acpccu xaxà tov ■tcoXsjjlov aÙTOv6fi.oyç àçetaav, r)Xev6ép(j>a-av 8s Ilsppai-
(3oùç xai A6Xo7ta; xoù MayvrjTa? = Tite-Live, 33, 34, G : Orestis... leges suse red-
ditae : Magnétos et Perrhsebi et Dolopes liberi quoque pronuntiati, FaÙTovopua
n'est pas désignée par là comme étant différente de rè)eu6ep(a et comme
constituant une condition meilleure; mais Polybe relève pour les Orestes de
Macédoine la suppression de la domination royale et pour les Perrhaebi non-
Macédoniens celle de la domination étrangère; le régime juridique établi
chez les uns et les autres est donc le même (Willamowitz).
LES SUJETS AUTONOMES. 285
l'autonomie communale conciliante avec cette dernière (1);
et la terminologie romaine de la fin de la République et du
temps de l'Empire semble avoir, en s'attachant à cette idée,
fait une distinction entre les deux termes. Ce n'est sans doute
pas par un pur hasard que, dan s les titres officiels, Y ocjTOvojua pré-
domine en Syrie et dans les pays limitrophes et l' gXeuOeoîa dans
le reste de la Grèce (2). Ainsi que nous le montrerons plus loin,
il est probable que lVjTovojua n'entraîne pas la propriété du sol
et la soustraction à l'impôt romain qui en est la conséquence,
qu'elle constitue par suite une indépendance dépouillée de ses
effets essentiels, et qu'elle se rapproche plus de la sujétion
proprement dite que du droit des villes libres dépendantes.
Les sujets autonomes du peuple sont appelés bien plus
fréquemment que populi fœderati ou populi liberi , socii
populi Romani. Le mot socius qui, dans son sens primitif,
désigne le compagnon, l'auxiliaire (3) est, en matière de droit
public, comme le mot allemand «Bundesgenosse», appliqué à
l'idée de concours militaire : nous le voyons à la fois dans la
désignation semblable donnée à ceux qui se sont alliés aux
Romains pour une guerre isolée, dans le nom de socii navales
donné dès un temps très ancien aux membres des cités ita-
liques obligées à fournir des secours au cas de guerre mari-
(1) Seleukos II Kallinikos èpspaiaxrev tw 8%o) (Magnesia près du Sipy-
los) tyjv aùxovojAtav xa\ 8r,{j.oxpaT:'av (C. 1. Gr. 3137, ligne 10; cf. ligne 65).
(2) Les nombreuses villes de Syrie et de Gilicie qui s'attribuent le titre
a-JTovofj-oç sur leurs monnaies, sont énumérées par Eckhel, 4, 263. Sont attes-
tées par des inscriptions: en Syrie, Antioche (C.I.Gr. III, p. 1172, n. 4476;
cf. Porphyre, chez Eusèbe, éd. Sch. p. 262 : 'O Se — Pompée — Xapwv
Tiapà 'AvTicr/éoov -/p-r^ara.... ocùtovojjiov.... ty|v tcoXiv eiaas), — Balanea (Renan,
Mission de Phénicie, p. 107 : ...a-jTovo(xou[jtivtov, — Gaza (C. /. Gr. 5892, sous
Gordien), — Tyr {C. I. Gr. 5853, de Fan 174, après J. G. ; cf. Strabon, 16, 2,
93, p. 757 : Où-/ ûtto tûv fixer iXéwv 8'èxpi6T)<rav aÙTovofxoi [jlovov, àXXà xoù ùtto xà>v
cPa)[xata)v, [xr/pà àvaXcodavTsç, |3s[3aia)<7avTa)v tyjv èx£:'va)v*yv66(xr,v et Dion, 54, 7);
en Gilicie Mopsos (C. I. Gr. 5885, sous Antonin le Pieux : 'Ispà xal èXsuôépa
xal ât<ruXoç xcà aùxovo^o; xa\ çîXyjxal a-u^or/oç 'Pwfxacov). — En dehors de ces
limites, le titre est porté par Termessos en Pisidie, Tyana en Gappadoce, et,
réuni avec llvMpx, par Pale dans l'ile de Kephallenia (p. 284, note 1). Sur
Aphrodisias, cf. p. 280, note 1.
(3) Etymologiquement socius est parent d'as-secla, segui, secundus (Cors-
sen, Auss-prache, 2, 29. 153; Gurtius, Griech. Etym. 5e éd. p. 460).
Socii.
286 DROIT PUBLIC ROMAIN.
time (1), et enfin dans la traduction constante du mot par le mot
grec aû^cc/pi. La communauté d'armes conclue à temps est
étrangère à l'emploi qui en est fait en droit public: on ne regarde
comme alliés du peuple romain que les États entrés à titre
durable dans cette condition. Jusqu'à la guerre des Marses, le
mot est employé de préférence pour désigner les alliés itali-
ques (2), parce qu'ils étaient militairement unis aux Romains,
à titre permanent, dans des formes précises. Mais cependant la
qualité de socii populi Romani ne peut pas être refusée aux
peuples fédérés non-italiques. Peu importe pour la societas que
la cité autonome soit liée à Rome par un fœdus juré ou de toute
autre façon. L'extension du mot aux sujets qui ne sont pas au-
tonomes est abusive; mais cependant elle a été faite dans une
très large mesure, spécialement depuis que les anciens alliés
militaires italiques ont été absorbés dans le peuple romain.
(i) Nous ne trouvons assurément l'expression employée que pour les ma-
rins de la marine de guerre, sans qu'il soit fait de distinction selon qu'ils
sont Romains, étrangers ou esclaves, en général par opposition aux soldats
de l'armée de terre reçus à bord (Tite-Live, 9, 38, 2. 21, 49, 7. c. 61, 2. 22,
11, 7. c. 31, 3. 25, 48, 6. 32, 23, 9, etc.; Herm. Haupt, Hernies, 15, 154 et ss.),
parfois aussi par opposition aux rameurs (Tite-Live, 37, 10, 9). Mais cette
dénomination ne peut venir que d'une chose: c'est de ce que le gros de ces
matelots était fourni en temps ordinaire par les villes fédérées obligées au
service de la flotte.
(2) C'est ce que montrent avant tout les habitudes de langage militaire
bien connues du temps antérieur à la guerre sociale : les contingents des
socii sont constamment ceux des alliés italiques, en règle générale sans qu'on
ajoute de qualification pour préciser. Les socii nominisve Latini sont égale-
ment opposés aux exterœ nationes dans la lex repetundarum de 631-632
(p. 231, note 1); car, les choses considérées dans leur ensemble, les socii
étaient alors des Italiens et les non-Italiens des sujets. C'est aussi ce qui
justifie l'expression sociale hélium (Tacite, Afin. 6, 12, etc.), quoiqu'on dise or-
dinairement plutôt Italici populi et bellum Italicum. Tite-Live emploie ex-
ceptionnellement (p. 288, note 3) l'expression socii et Italici populi, tandis
que Salluste, Jug. 40, 2, dit, en paraphrasant la formule ordinaire, ho-
mines nominis Latini sociique Italici et qu'il met, 43, 4, les reges à côté des
socii nomenque Latinum. Dans le même sens, la loi agraire (p. 231, note 1)
détermine plus précisément les socii nominisve Latini par la mention delà for-
mula togatorum. On trouve encore également, dans les Verrines, les socii et
les exterœ gentes mis en opposition (p. 217, note 1); mais, à cette époque, les
socii sont certainement tous en même temps des exleri. Le langage ancien
continue là à faire sentir son influence.
LES SUJETS AUTONOMES. 287
Nous nous occuperons, dans la partie qui suit, de cette accep-
tion élargie de l'époque récente ; l'acception ancienne, selon
laquelle il n'y a d'autres socii que les peuples politiquement au
tonomes, s'est maintenue, à côté de celle-là, jusque sous l'Em-
pire (1).
Il nous reste à chercher dans quelle mesure la terminologie Nominis Litini
et socii.
a pu séparer les sujets autonomes non-latins des latins. Bien
que la ligue nationale latine ait été le germe et la semence du
régime des alliés romains et que, comme nous avons déjà re-
marqué (p. 242 et ss.), la fédération italique soit, en un certain
sens, une extension du Latium, les Latins ne sont cependant,
dans la terminologie rigoureuse, pas plus compris parmi les socii
du peuple romain que parmi les fœderati (p. 279, note 2); car la
confédération romano-latine ne fait pas autre chose que don-
ner une formule juridique à la communauté de nationalité,
elle est plutôt réglée que fondée par les traités, et au contraire
l'union militaire (socii), tout comme l'union fédérative (fœde
i%ati), présente, au sens strict, un certain caractère accidentel
Mais la terminologie rassemble les Latins et les socii italiques
les titres du sixième et du septième siècle nomment couram
ment les Latins et les alliés (italiques) les uns à côté des autres
Dans le langage correct, les deux catégories sont séparées ;
mais il n'y a que dans le titre le plus ancien, dans celui de 568
(p.231, note 1) que la catégorie la plus ancienne et la plus éle-
vée soit mise la première ; postérieurement elle n'est mise en
tête que lorsque l'écrivain veut opposer les deux classes (2), et
(1) Cicérori, Pro Balbo, 9, 24 : In praemiis... exc.lusos esse... socios, quae pa-
teant stipendiariis. Le même, In Cœc.3, 7: Socii stipendiariique populi Romani.
Suétone, Caes. 25: Omnem Galliam... praeter socios... civitates in provinciœ for-
mam redegit. Sous Marc Aurèle encore, le* arvales font des vœux pour voir
prospères: R[es publica populi Romani quiritium, imperium Roma]num, éxer-
citus, so[ci, natione]s, quae sub dicione p(opuli) R(o?nani)q(uiritium) sunt (Hen-
zen, Arv. p. clxxviii,clxxx).
(2) C'est le cas de la formule amplifiée de Salluste, Jug. 40, 2 (p. 286,
note 2) et de la relation de Tite-Live de la défection des villes fédérées dans
la guerre d'Hannibal : Tito-Live, 27, 9, y place le Latinum nomen ou les La-
Uni avant les socii, et il dit ensuite du refus de concours des douze colonies :
Idem alias colonias facturas, idem socios.
288 DROIT PUBLIC ROMAIN.
sans cela elle est toujours placée la seconde (1). Dans un lan-
gage moins correct, on substitue même aux « Latins et aux al-
liés » ou aux « alliés et aux Latins » « les alliés de la race la-
tine » (2) ou les « Latins » tout court, (3), en faisant ainsi
(1) Cette violation surprenante de l'ordre chronologique et hiérarchique
a sans doute exclusivement pour but de faciliter grammaticalement le dis-
cours : l'ordre socii nominisque Latini est plus commode que l'ordre inverse,
parce qu'il met le membre de phrase indéclinable le second. En dehors des
titres cités p. 231 } note 1, on trouve:
Socii ac nomïnis Latini, Tite Live, 41, 8, 9. c. 9, 9.
Socii ac Latinwn nomen, Tite-Live, 33, 26, 4. 37, 2, 6. 9. c. 39, 7. 40, 1, 6.
Socii ac nomen Latinum, Tite-Live, 35, 7, 5.
Homines nominis Latini et socii ltalici, Salluste, Jug. 40, 2.
Socii et nomen Latinum, Gicéron, Brut. 26, 99; De re p. 1, 19, 31. Salluste,
Jug. 39, 2. Tite-Live, 2, 41, 6. 39, 20, 3.
Socii et Latinum nomen, Tite-Live, 22, 27, 11. 34, 56, 5.
Latinum nomen sociique, Tite-Live, 27, 9, 1 .
Socii nomenque Latinum, Gicéron, De re p. 3, 29, 41. Salluste, Jug. 43, 4.
Tite-Live, 8, 3, 8. 10, 26, 14. 36, 3, 13. 41, 14, 10.
«Socii Latinumque nomen, Tite-Live, 22, 57, 10.
Latini sociique, Tite-Live, 27, 9, 2.
Socii et Latini, Gicéron, Verr. 5, 24, 60 ; Pro Sest. 13, 30 ; Pro Balbo, 8, 21 ;
Lxl. 3, 12.
Socii populi ac Latini, Gicéron, Pro Balbo, 8, 20.
Socii et Latium, Salluste. Hist. 1, 17. c. 41, 12, éd. Dietsch.
(2) On trouve très fréquemment, dans Tite-Live, socii Latini nominis ou so-
cii nominis Latini employé de telle sorte que le génitif y dépend forcément
de socii (29, 24, 14. 30, 41, 5. 38, 35, 9. c. 44,4. 39, 3, 4.40, 1, 5. c. 19,6. c. 36, 9.
c. 43, 7. c. 44, 12. 41, 5, 4. c. 9, 9. c. 14, 6. 43, 12, 7. 44, 21, 6); de même dans
Asconius, In Pison. éd. Orclli, p. 17 : Nominis Latini socios. Par conséquent
la formule, fréquente chez Tite-Live, socium Latini nominis (par exemple, 21,
55. 4. 26, 17, 1. 35, 20, 4. 37, 2, 2. 39, 3, 4. c. 20, 7. 40, 36, 6. 11. c. 44, 5. 43,
12, 3) ne peut pas non plus être considérée comme étant asyndétique dans
la pensée de l'auteur ; les deux termes ont sans doute été conçus comme
asyndétiques à l'origine; mais, en présence de l'indéclinabilité du second, il
était impossible de le manifester, et cela a fini par ne plus être senti. Get
obscurcissement du discours aura dénaturé le langage, en même temps que
les Latins et le reste de.; populations italiques se mélangeaient en fait.
(3) Tite-Live, 22, 37, 7 : Milite atque équité scire nisi Bomano Latinique no-
minis non uti populum Bomanum. 43, 12, l'un des consuls reçoit un certain
nombre sociorum nominis Latini, et à l'autre il est Latinorum major quam col-
lège decretus numerus. Per. 20 : Eo bello (pour la guerre des Celtes en 529)
populum Bomanum sui Latinique nominis DCCC armatorum [Fabius?] ha
buisse dicit (ensuite vient, comme on sait, l'énumération de tous les contin-
gents italiques). De même, 22,7, 5. c. 50, 6. 23, 17, 8 (où l'expression alterne
avec Latini nominis ac socii). 30, 43, 13. 37, 39, 7. 39, 20, 1. C'est pourquoi il
ne faut pas non plus changer, dans 22, 38, 1, la lecturequi nous a été trans-
mise: Dum socii ab nomine Latino venirent.lL' expression n'est là ni meilleure
LES SUJETS AUTONOMES. 289
rentrer les alliés italiques parmi les Latins. On peut ajouter
que la toge, qui donne son nom officiel à toute l'union militaire
italique (p. 302), est, au sens propre, le costume national latin
et que le nom de manicipium, qui, étant fondé sur la commu-
nauté de propriété foncière, ne convenait en face de Rome
qu'aux cités latines (VI, 1 , p. 262), est, après la guerredes Marses,
pris par toutes les cités italiques jusqu'alors autonomes. Cette
terminologie, dont nous ne pouvons établir l'existence que pour
l'époque postérieure à cette guerre, mais sans aucun doute seu-
lement parce que les anciens ouvrages en prose sont perdus, doit
avoir tiré son origine de cette latinisation croissante de l'Italie qui
a été opérée tant en fait qu'en droit dans les derniers siècles de
la République et que nous avons déjà étudiée précédemment
(p. 242). Ce qui s'était produit en droit pour les Herniques doit
s'être plus ou moins répété en fait pour toute la péninsule et
avoir amené un état de choses dont la législation provoquée par
la grande guerre fut la conclusion. Mais cependant il ne faut
pas que cette terminologie, qui se rencontre principalement dans
des énonciations d'ensemble et qui est au sens propre abusive,
conduise à regarder la distinction des Latini et des togati comme
écartée dès avant la guerre des Marses. Il se peut que cer-
taines cités italiques aient été de bonne heure légalement assi-
milées aux Latins ; mais il est certain que les alliés italiques
ni pire que dans tous les textes rassemblés ici. — Si les Latini sont une
quantité innombrable de fois compris parmi les socii, il n'y a pas là une in-
correction, mais seulement un emploi du mot fait dans un sens plus large que
le sens rigoureusement technique, tout comme pour le grec (r\)[i\ioiyoi. — - Ces
tournures se trouvant dans notre littérature exclusivement chez des écrivains
qui décrivent les institutions du passé, leur langage constant doit être ratta-
ché à la période ancienne; mais on ne peut pas peser chaque phrase parti-
culière au trébuchet, et il faut tenir compte des incorrections de langage.
Gicéron, Pro Balbo, 8, 21 : Julia... lege civitas est sociis et Latinis data, ne veut
pas, nous montre la suite du texte, identifier les deux catégories; mais il
réunit, par une négligence de langue, la loi Julia relative aux Latins et la loi
Plautia relative aux socii. La formule incorrecte: Socii et Italici populi dans
Tite-Live, Per. 72, peut être mise au compte de l'abréviateur. Tite Live, 41, 8,
9 : Lex sociis ac nominis Latini... dabat, ut cives Romani fièrent, est très cho-
quant, puisqu'il s'agit là indubitablement d'un privilège latin (p. 261, note 1).
Cependant il est cette fois difficile d'imputer la responsabilité de la faute aux
copistes.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2« p. i9
autonome.
290 DROIT PUBLIC ROMAIN.
en général, n'ont pas été fondus dans le Latium ; c'est dans
Rome qu'ils ont été fondus en même temps que le Latium.
Lasujéiion Quant aux effets, nous avons déjà expliqué que le rapport
d'alliance, qui doit être étudié ici, contient toujours un rapport
d'amitié (1) et ne peut pas plus être formé à temps que le
rapport d'amitié (2). Pour le surplus, il est de nature double:
il produit, d'unejpart, un assujettissement limité à Rome et,
d'autre part, une indépendance politique également limitée,
mais garantie par la puissance protectrice.
Le caractère de sujets des alliés est déjà exprimé dans les
monuments les plus anciens (3), et, dans les traités modernes
d'alliance, il est directement affirmé par la reconnaissance des
(1) P. 214, note 2. La distinction du simple traité d'amitié et de la relation
de société'ressort de la manière la plus énergique dans les négociations en-
tre les Romains et les Rhodiens en 587 (Polybe, 30, 5, 6 = Tite-Live, 45,
25; Polybe, 31, 1, 4. c. 7, 20) à la suite desquelles les seconds furent obligés
de renoncer à leurjamitié de 140 ans avec Rome et de se faire incorporer (<ruv-
8uaÇ£iv)^dans l'alliance militaire (au^axîa) (cf. Appien, B. c. 4, 66). Le roi
Philippe reçoit aussi le conseil, quoniam pacem impetrasset, ad societatem ami-
citiamque petendam Romam mitteret legatos (Tite-Live, 33, 35, 5).
(2) P. 210. Une conclusion révocable est inconciliable avec la nature de
l'autonomie limitée. Mais il est accordé une exemption révocable de diverses
charges pénibles qui y sont contenues (Appien, Hisp. 44).
(3) Dans le premier traité avec Carthage (Polybe, 3, 22), les Romains, qui
traitent pour eux et leurs alliés, se font promettre que les Carthaginois ne fe-
ront de dommage à aucun Latin, ô'aoi av ûirrjxoot 'èàv 8s tivsç (jlyj uxt-.v ûtctjxooi
xtà. ; et le second (Polybe, 3, 24) laisse, d'une manière analogue, aux Cartha-
ginois la liberté de prendre dans le Latium une ville non soumise aux Ro-
mains (uoX'.v Tivà [xr, oùaav ôinjxoov 'Pop-ouoiç) et d'en emporter les personnes
et les choses. Nous avons déjà signalé (p. 213, note 3) l'opposition énergique
qui est faite là entre, les sujets alliés et les amis indépendants (rcpbç ouç etpijvn
jxév èoriv £YYpa7iToç 'Pw^aîot;, jrr) urcoTàxTovrai Se xi av/Toï?). — On ne peut dire
avec certitude quelles expressions latines sont traduites par ôirqxooç et 0-o-
xâxxBtxbai Tivt ; peut-être parère. — On comprend que, dans un langage
rhétorique ou d'opposition, cette condition puisse être désignée comme une
servitude. C'est ainsi que dans un titre carthaginois (Polybe, 7,9, 13), les Ro-
mains sont désignés comme les maitres (yvpioi) des Kerkyréens, et que Ci-
céron (Verr. 1. 1, 32, 81) appelle les gens de Lampsaque condicione socii, fortuna
servi. Tacite, Hist. 2, 81, parle même, sans idée d'accentuation spéciale, de
reges inservientes.
LES SUJETS AUTONOMES. 291
droits de souveraineté du peuple romain (1). Cet assujettisse-
ment résulte avec une telle nécessité de la condition des alliés
que l'expression fœdus œquum, qui par elle-même exprime la
reconnaissance réciproque de l'égale souveraineté des États con-
tractants, est employée par la langue technique pour désigner
le traité qui implique également une dépendance, mais qui ne
l'exprime pas directement par la formule de majesté (2). —
(1) La clause majestatem populi Romani conservante est interprétée par
Cicéron, Pro Balbo, 16, 35, 36 : Ici habet hanc vimy ut sit Me in fœdere infe-
rior... cum alterius populi majestas conservari jubefut, de altero siletut, cette
ille populus in superiore condicione causaque ponitut, cujus majestas fœderis
sanctione defenditut; de même, peut-être en partant de cette interprétation
de Cicéron, Proculas, Dig. 49, 15, 7, 1: Hoc... adjicitur, ut intellegatut alterum
populum superiotem esse, non ut intellegatut alterum non esse liberum '. et
quemadmodum clientes nostros intellegimus libetos esse, etiamsi neque auctoti-
tate neque dignitate neque virib[us] nobis p[ai*es] sunt, sic eos qui majestatem
nosttam comitet consetvaredebent, libetos esse intellegendum est. On ne peut
établir que cette formule ait été mise dans le traité d'une ville italique, et
même ailleurs elle n'était pas dans tous les traités [quod non est in omnibus
fœderibus) ; nous la trouvons dans le traité avec Gades conclu en 548 et re-
nouvelé en 616 (Cicéron, loc. cit.) et dans le traité avec les iEtoli de 565 se-
lon Polybe, 21, 32, 2 : 'O 8t)(J.o< 6 •ïàiv Aît<o)>ô)v rr\v àp-/r]v xa\ tyjv Suvaareïav xoû
Bt,|xo-j :wv 'Pcopuxîcov (la suite manque) = Tite-Live, 38, 11, 2: lmperium ma-
j estât emque populi Romani gens JEtolotum consetvato sine dolo malo.
(2) Fœdus œquum peut signifier ce qu'indique le sens des mots, cela va
de soi ; dans une série de textes de Tite-Live, (9, 4, 4. c. 20, 8, où il est
opposé à in dicione esse. 34, 57, 8. 39, 37, 13) et dans Justin (43, 5, 10 : Fœdus
aequo jute petcussum, du traité conclu entre Rome et Massalia après l'in-
cendie de Rome par les Gaulois), il ne peut non plus être compris que du
traité public fondé sur la reconnaissance réciproque de la pleine souverai-
neté des parties. Mais le style officiel douceâtre désigne plutôt par là le
traité qui établit l'hégémonie romaine sans contenir directement la clause
de majesté. C'est ainsi que Proculus, loc. cit. les définit : Libet populus estis
quinullius oltetius populi potestati est subjectifs (il faut effacer sive). Is fœde-
tatusest item, sive aequo fœdete in amicitiam venit sive comptehensum est, ut is
populus altetius populi majestatem comitet consetvatet. Car, puisque l'expres-
sion populus fœdetatus ne peut être étendue aux cités qui ne font pas par-
tie de l'empire (p. 278) et que la clause de majesté ne se trouvait pas selon
Cicéron dans tous les traités conclus avec des cités fédérées de l'empire,
Proculus ne peut avoir entendu par fœdus xquum que le traité qui fonde
l'autonomie vassale sans clause directe de majesté et qui par conséquent
suppose en la forme la souveraineté réciproque des deux contractants. On
ne peut non plus comprendre que dans ce sens la désignation de l'alliance
avec Camerinum comme fœdus sanctissimum et aequissimum dans Cicéron,
Pro Balbo, 20, 46, et comme fœdus xquum dans Tite-Live, 28, 45, 20. C'est
aussi avec raison que lus Latins appellent, dans Tite-Live, 8, 4, 2, leur con-
dition umbta fœderis sequi (p. 238, note 3), et le traité avec Gapoue est éga-
lement considéré de cette façon dans Tite-Live, 23, 5, 9 (p. 190, note 3).
292 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Quoique dans ces relations internationales on ne puisse pas
absolument distinguer la question de fait de la question de
droit, l'autonomie légalement restreinte de la dépendance dans
laquelle l'État le plus faible se trouve en face du plus fort (1),
les développements qui suivent montreront que les Romains,
sans avoir peut-être fixé théoriquement la définition de l'au-
tonomie dépendante, entendaient cependant par là une condi-
tion déterminée: en premier lieu, la renonciation durable et
conventionnellement réglée aux droits de faire la guerre et de
traiter, qui sont compris avec une nécessité logique et pratique
dans la souveraineté et qui passent à la puissance suzeraine ;
ensuite l'obligation durable à la fourniture de secours militai-
res ou au paiement d'un tribut, qui est également inconcilia-
ble avec la souveraineté. Gomme nous avons vu, le rapport de
dépendance ne se révèle pas dans les noms. Les Romains,
fidèles à leur habitude d'éviter la dureté des mots sinon la du-
reté des actes, s'abstiennent, avant tout à l'égard des alliés, d'ex-
primer directement leurs rapports de maîtres et de sujets (2).
(1) Les traités que Rome conclut avec Garthage après la guerre d'Han-
nibal et avec le roi Antiochus après la bataille de Magnesia, restreignaient
leur souveraineté d'une manière sensible et durable et les mettaient, au
point de vue politique, dans la dépendance durable de Rome ; mais ces
États ne perdaient ni le droit de faire la guerre, ni celui de conclure des
traités, et ils n'entraient pas dans une communauté d'armes perpétuelle
avec Rome ; donc, au point de vue du droit public, ils ne peuvent être
comptés que parmi les amici et non parmi les socii populi Romani . Les villes
grecques sont également, après la défaite de la Macédoine, politique-
ment sous le protectorat de Rome ; mais la réponse de la ville de Ghalcis
au roi Antiochus selon laquelle elle ne veut conclure d'alliances que sur
les indications {ex auctoritate) de Rome (Tite-Live, 35, 46, 13), prouve que
légalement elle n'était pas empêchée d'en conclure.
(2) Le jurisconsulte Proculus (p. 291, note 1) compare très justement le
droit des Romains sur les populi fœderati et liberi à la clientèle ; Gicéron
dit, d'une manière analogue, De off. 2, 8, 27 : Illud (le gouvernement ro-
main antérieur) patrocinium orbis terrse verius quam imperium poterat no~
minari, et Tite-Live, 37, 54, 17, fait les Rhodiens parler du patrocinium
receptœ in /idem et clientelam v es tram universœ gentis (de même les Syracu-
sains, 26, 32, 8). Mais terminologiquement on n'emploie pas ici les mots
cliens et clientela. — La position de Rome en face des États dépendants est
encore moins considérée comme un palronatus, quoique ce droit soit attri-
bué, avec une précision technique, sur les colonies latines à celui qui les a
déduites et sur les cités arrivées au fœdus par une dédition aux magistrats
LES SUJETS AUTONOMES. 293
L'État autonome, qui entre dans l'union militaire romaine, Perte da droit de
' ^ conclure des
perd le droit d'être dans une relation juridique durable avec ^J^oLux.
un État autre que Rome, et tous ses traités antérieurs sont abro-
gés. Par suite, non seulement un pareil État ne peut con-
clure de traité avec aucun Etat qui se trouve en dehors de
l'empire ; mais, par une déduction logique de ce principe, tant
les ligues de peuples égaux que les liens de vassalité existant
entre cités différentes sont supprimés dans le cercle de l'hé-
gémonie romaine. — Les conventions dépourvues d'intérêt po-
litique conclues entre deux cités dans des buts spéciaux doivent
être restées permises aux cités autonomes malgré la supréma-
tie romaine. Ainsi par exemple, il nous a été conservé un
traité conclu entre les deux villes campaniennes de Nola et
d'Abella, relativement à un temple d'Hercule commun élevé à
la limite de leurs territoires.
Nous avons déjà étudié la suppression des ligues de peu- sa^yrewon des
pies dans son application la plus importante, dans celle peuple»,
qui fut faite au Latium. Nous avons vu là que ce point angu-
laire de l'hégémonie romaine n'en fut aucunement le point de
départ. Les villes latines ont été liguées entre elles jusqu'en
416, toutes les villes herniques jusqu'en 448, trois des villes
herniques encore plusieurs années après (p. 243). Mais, à partir
de cette époque, le principe de la dissolution des ligues de race,
des concilia^été rigoureusement appliqué aux cités autonomes.
En Italie, on ne peut y signaler d'autre dérogation que la sur-
vivance religieuse de la confédération des trente cités latines
dans la fête du Latiar célébrée sur le mont Albain (p. 233) et confédération
que la fête collective analogue des villes étrusques célébrée à
Volsinii sous la présidence des préteurs et des édiles du pays
L
helléniques
organisé à l'image des villes (1). Hors de l'Italie, on ne ren- Li-ues dc
qui ont reçu la dédition; l'obstacle paraît avoir été ici que la cité, comme
personne juridique, pouvait, dans l'ancien droit, difficilement exercer un
patrocinium autrement que par l'intermédiaire de ses magistrats.
(1) La subsistance religieuse de la ligue des villes étrusques même sous
la domination romaine est attestée soit par V Ara de Caere, sur laquelle sont
ou étaient représentées ces villes (sont conservées Tarquinii, Vetulonium,
Voici), soit par le remarquable rescrit adressé par Constantin aux Umbri
294 DROIT PUBLIC ROMAIN.
contre jamais d'organisation fédérative chez les États autono-
mes ayant quelque importance comme Massalia, Rhodes,
Sparte, Athènes. Au contraire les Romains ont souvent permis
ce groupement aux petits États, considérés comme restant en
dehors de l'union militaire romaine et comme n'appartenant
même pas aux alliés dépendants. Ils usèrent de cette méthode,
en premier lieu, dans la Grèce d'Europe: la transformation
du territoire abandonné par Sparte en ligue des vingt-quatre
villes des Laconiens, ou, comme ils s'appellent plus tard, des
libres Laconiens, est caractéristique sous ce rapport. Cette or-
(Hertzen, 5580), soit par divers titres de magistratures qui se rattachent à
cela : le prœtor Etruriae XV populorum (Vita Hadriani, 19 : In Etruria prse-
turam imperator egit. Sénateurs : C. I. L. IX, 3667. XI, 1432 [= Mur. 767, 7],
consul de l'an 168; XI, 2699 [= Orelli,96] ; autres: C. I.L. XI, 1941 [=Orelli
97]. 2114. 2115 [= Mur. 1039, 1]. Henzen, 6183. 6497 = C. 1. L. XI, 3364),
dont la fonction est susceptible d'itération (C. I. L. XIV, 172 cf. p. 479, de
l'an 1S4; C. I. L. XL 1432); en outre l'œdilis Etruriœ (C. L L. XI, 2116 [=
Willmanns, 2092]. 2120. 3257) ; un jurat{us) ad sacra Etruriae (C. L L. XI,
1848 = Orelli, 2182) ; un coronatus Tusciae et Vmbrix du temps de Constantin
(Orelli, 3866). D'après le rescrit de Constantin, les villes de Tuscie nom-
maient, selon l'ancien usage, chaque année un prêtre (sacerdos) et les villes
d'Ombrie en nommaient un second, qui organisaient en commun, à Vol-
sinii, la fête fédérale étrusco-ombrienne, accompagnée de spectacles et de
jeux de gladiateurs (mentionnés aussi dans Orelli, 6183), et ce rescrit sé-
pare la fête annuelle des Umbri de la fête étrusque et la transfère comme
fête indépendante à Hispellum. Le premier prêtre, le coronatus Tusciœ et
Umbriœ, ne doit pas être différent de celui que, selon les annales romaines,
les villes étrusques nommaient annuellement pour les jeux à célébrer ad
fanum Voltumnae (sans nul doute à Volsinii) (Tite-Live, 5, 1, 5 : Ob iram
repuisse, quod suffragio duodecim populorum alius sacerdos et prselatus esset).
Ce prêtre unique a forcément en à ses côtés les pseudo-magistrats dont les
noms mêmes indiquent le chiffre multiple; conclusion à laquelle amène
aussi la rédaction de l'inscription, C. I. L. XI, 2115 : Ex prsetoribus XV
populorum. Le pays lui-même doit donc avoir été organisé en populus, et
on a certainement élu chaque année au scrutin, dans l'assemblée du pays,
ses deux practores et ses deux sediles ainsi que son prêtre annuel. Nous
avons déjà remarqué (p. 238) que cette organisation trouve une analogie
dans les deux préteurs nommés par les villes du Latium jusqu'à la disso-
lution de leur concilium. Comme corps électoral, on ne peut penser qu'aux
députés des différentes villes ; les « dix premiers » latins (p. 238, note 1)
impliquent l'existence d'un sénat du pays correspondant à ces magistrats
et qui était peut-être formé des magistrats des différentes villes présents à
la fête (p. 237, note 2). On ne peut savoir si les XV populi sont les douze
villes étrusques augmentées de trois autres ou les douze villes étrusques
réunies à trois cités représentant l'Ombrie.
LES SUJETS AUTONOMES. 295
ganisation fut en grande partie supprimée après la guerre
d'Achaïe ; mais elle subsista cependant pour la ligue des villes
de Lycie; cette ligue possédait encore théoriquement le droit
de paix et de guerre au temps de Tibère (p. 299, note 2).
Le droit d'avoir soi-même des alliés dépendants se concilie suppression de
la clientèle.
encore moins avec l'autonomie laissée par les institutions de
Rome à ses alliés. Il y a sans doute, pour une telle dépen-
dance directe, une forme juridique nettement établie que nous
étudierons dans la partie des Lieux attribués. Mais nous mon-
trerons là que ces localités sont dépourvues de toute organisa-
tion politique indépendante, et que par conséquent elles ne sont
pas du tout avec leur chef-lieu dans le même rapport que Pré-
neste et Athènes avec Rome. Aucune ville italique n'a, à notre
connaissance, eu, sous l'hégémonie romaine, d'autres villes
dans sa clientèle (1). Parmi les villes fédérées non-italiques,
il y en a sans doute certaines qui ont possédé des terres éten-
dues en dehors de leur territoire (2), et il y a d'ailleurs même
eu des cités italiques qui ont eu de telles possessions (3). Il
s'est aussi constitué, à de nombreuses reprises, sur ces terres,
des localités ayant une administration locale : en particulier,
lorsque les cités alliées n'exploitaient pas leurs possessions en les
donnant à ferme ou d'une manière analogue et les remettaient
en propriété à leurs citoyens à titre de vente ou gratuitement,
(1) Les huit oppida sub dicione Praenestinorum (Tite-Live, 6, 29 ; Festus,
v. Trientem, p. 363) et les villes tiburtines d'Empulum et de Sassula
(Tite-Live, 7, 18. 19) ne pourraient pas être invoquées, lors même que les
récits seraient mieux avérés et que Ton ne pourrait pas les considérer
comme des vici ; car, dans ces récits, Préneste et Tibur sont en guerre avec
Rome. En temps de paix, il n'y a pas d'exception à la règle.
(2) Des cités qui devaient un tribut aux Romains ont été plus d'une fois
invitées à le payer en tout ou partie à une ville fédérée ; mais cela ne
change rien légalement au caractère du tribut, ni à la dépendance directe
de Rome seule. Nous reviendrons sur ce régime au sujet des lieux attri-
bués.
(3) Les grands saltus, qui sont cités comme propriété de la colonie de
Luca dans la table alimentaire de Veleia, se trouvaient en partie dans les
territoires de Veleia, Parma, Placentia et dans les montagnes environ-
nantes. Gicéron, Ad. fam. 13, 11: {Arpinatium) omnes... facultates consistunt
in Us vectigalibus quae habent in provincia Galliœ. Sur les possessions Cre-
toises de la ville de Neapolis, cf. C. 1. L. X, p. 3G8, n. 3938.
296 DROIT PUBLIC ROMAIN.
i] s'est ainsi créé des établissements pratiquement indépendants.
Mais jamais un de ces établissements n'a reçu de constitution
propre ni de magistrats propres, et on peut l'expliquer par la
maxime politique romaine de n'admettre l'autonomie dépen-
dante que par rapport à l'État dominant. Il ne sera pas super-
flu d'exposer ici la forme donnée à cette institution, sous l'hégé-
monie romaine, dans les États alliés dont la condition était la
meilleure.
Les possessions L'organisation la mieux connue est celle des possessions exté-
des Athéniens ; .. t . 1 .
rieures accordées aux Athéniens sous la suprématie romaine,
en particulier de l'île de Delos passée à Athènes en 588 par une
donation des Romains. Tandis qu'à l'époque de l'indépendance
d'Athènes les clérouquies attiques avaient fréquemment une
organisation communale propre modelée sur celle de la mère-
patrie et un droit de cité ou un pseudo-droit de cité propre à côté
du droit de cité attique (1), les Romains, lorsqu'ils prirent
définitivement possession du pouvoir, vers le temps qui suivit
la guerre d'Achaïe(2), firent les Athéniens remanier le régime
administratif de leurs possessions extérieures en y supprimant
la symmachie dépendante. Désormais les actes publics y sont
rédigés au nom du peuple athénien ou encore au nom des Athé-
(1) Gilbert, Gr^'ech. Staatsalterth. 1, 423. La distinction de ce système et
du système postérieur des épimélètes a été correctement faite par Kôhler,
Athen. Mitth. 1, 267.
(2) Une date approximative est fournie par le fait que l'inscription des
clérouques attiques de Lemnos gravée urclp Tr,ç yeyovsîa; èttI ■rifo cPw[xasa)[v
a'jyv.\riTO'j (k[3a'.u>a-£a); twv 7ipoT£po[v UTiap^ouaûv vr,awv tu Syjjjuo tm 'AÔ^vautov,
c'est-à-dire sans doute immédiatement avant l'an 588, C. I. AU. II, n. 593,
rapproché de p. 422) montre encore Fancienne organisation des clérouques
et qu'au contraire l'inscription de Paros, p. 297, note 3, de l'an 612 ou 637,
nomme les épimélètes. L'inscription de Lemnos du [SrjtxoçTôSv] 'AÔ^voucov tûv
èv 'Hçaioria (Bull, de corr. hell. 4, 543), qui appartient à la même organi-
sation ancienne des clérouquies, peut facilement se placer à un« époque
antérieure à l'organisation de la province d'Achaïe. C'est à la même époque
qu'appartiennent, ainsi que l'a démontré Bœckh, C. I. Gr. 2270, les réso-
lutions du conseil (PovXyj) et du peuple des Athéniens habitant à Delos
(ô orj|xo; o 'AOyjvatœv tùv èv AïjXa> xaTQixouvTwv) dont l'une se trouve dans le
C. I. Gr. loc. cit., et dont deux autres inédites m'ont été communiquées par
Th. Homolle. L'une de ces résolutions est présentée à la ratification du
conseil et du peupla d'Athènes.
LES SUJETS AUTONOMES. 297
niens résidant à Delos (1); les magistrats sont, à l'époque ré-
cente, envoyés d'Athènes (2), à commencer par l'épimélète
renouvelé chaque année qui est à leur tète et par le nom du-
quel on date les événements. Nous trouvons les mêmes épimé-
lètes à Paros (3) et à Haliartos (4), au commencement du
viie siècle.
Aucune des villes fédérées n'a eu de possessions territoriales des Massaliotes;
aussi vastes que Massalia, et aucune ne les a conservées aussi
longtemps. Les côtes qui s'étendaient depuis Agatha (Agde) jus-
qu'à Monœcus (Monaco) ont, pendant toute la durée de la Répu-
blique, été soumises aux Massaliotes, et leurs possessions de l'in-
térieur ont encore été considérablement accrues dans les der-
niers temps de la République (5). Même après qu'ils en eurent
perdu la plus grande part à la suite de la prise de la ville en
705, ils conservèrent, jusqu'à une époque avancée de l'Empire,
outre d'autres localités plus éloignées, la localité, faisant géo-
graphiquement partie de l'Italie, de Nikœa (Nice). Nous n'a-
vons aucun renseignement sur la façon dont ils gouvernaient
leurs possessions à l'époque ancienne. Mais l'absence dans ce
large domaine de tout vestige de constitution hellénique indé-
pendante (6) n'est pas favorable à l'idée qu'il y ait jamais
eu de symmaehie sous l'autorité de Massalia. Sous l'Empire,
on rencontre un episcopus Nicseensium massaliote analogue
aux épimélètes athéniens (7).
(1) Rassemblés par Homolle, Bull, de corr. hell. 1879, p. 371.
(2) Rassemblés par le même, Bull, de corr. hell. 1884, p. 139.
(3) Inscription de Paros dédiée par le Srjjxoç twv 'AÔYjvaîwv, par les soins
de Fépiméléte, à L. Gsecilius Q. f. Metellus (Ko hier, Athen. Mitth.ï, 258), qui
ne peut être que le consul de 612 ou celui de 637.
(4) Henzen, Ann. 1848, p. 55.
(5) César, B. c. 1, 35.
(6) Une exception est faite par Antipolis, qui, sans changer de nom, a
plus tard un statut municipal ; mais, en dehors de ce qu'il pouvait en être
donné un à un côme massaliote, l'assertion de Strabon, 4, 1, 9, p. 184 :
'H 'AvTtTroÀt; t«v 'iTaXcwTÎôœv èSsxà^îTac, xpiôsîaa Ttpbç xoù; Maa-aaXctoTac '/ai
£A£,j6cpa)6ôT<7a xàiv uap' èxeîvwv TTpoaTayîxàTwv semble indiquer un débat juri-
dique, suivi à Rome, dans lequel les Antipolitains auraient soutenu et fait
reconnaître qu'ils étaient indépendants de Massalia.
(7) C. 1. L. V, 7914. Strabon, 4, 1, 9, p. 184 : 'II Nîxaia fab to\« Ma«raaXtt6-
298 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d Rhodiens. Les Romains reconnurent la symmachie, c'est-à-dire les
droits de souveraineté des Rhodiens sur la Lycie etlaCaiie,
au début de leur intervention dans les affaires de l'Asie. Au
contraire ils ont soustrait ces pays à l'hégémonie de Rhodes
lorsque, après la guerre de Persée, ils commencèrent à traiter
l'Asie mineure comme un pays sujet (1). La distinction de l'au-
tonomie véritable reconnue par Rome et de la sujétion auto-
nome se manifeste pratiquement dans cette perte du droit de
clientèle. Les possessions que les Rhodiens conservèrent après
que l'hégémonie romaine eut été juridiquement précisée et
que la province d'Asie eut été organisée, furent probablement
traitées comme de simples possessions immobilières (2).
Droit de guerre. De l'incapacité où sont les États alliés de Rome d'être en
relations avec d'autres États, il résulte naturellement que toute
déclaration de guerre, tout traité de paix ou toute autre con-
xaiç [/ivEi xal xr,ç uuapxiaç (lesMss. ; puisque Massalia n'appartient pas à la
province, peut-être plutôt nç Û7rapyja que x^ç iTza.pyJ.xc) è<m. Cf. C. /. L. Y,
p. 916.
(1) Après la paix avec Antiochus, on discuta si les Romains avaient
attribué les Lyciens et les Gariens aux Rhodiens comme sujets ou comme
alliés (Polybe, 22, 5, 7. 30, 5, 12). Dix ans plus tard, en 577, le sénat décida
en somme dans le dernier sens (Tite-Live, 41, 6, 12 : Lycios ita sub Rho-
diorum imperio simul et tutela esse, ut in dicione populi Romani civitates
sociœ sint ; Polybe, 25, 4, 5 : Eupr,vxai Aûxtoi Ssôojjivoi 'Poocoi; oùx èv Stopsa, xb
Il itXeïov wç cptÀot xoù o-Tj[A[;.a-/ot, où l'ambiguïté de la réponse est relevée ;
cf. 25, 5, 1). Après dix autres années, en même temps que les Rhodiens
entraient dans la clientèle romaine (p. 290, note 1), le sénat les déclara
libres (Polybe, 30, 5, 12 ; cf. Tite-Live, 44, 15, 1. 45, 25), et les choses restè-
rent en cet état. Les Rhodiens sollicitent ensuite seulement que l'on protège
les propriétés privées qui appartiennent là à leurs citoyens (Polybe, 31, 15, 3 :
lP6oio'..... £7ïe[rrcov e'tç x-rçv 'Puifx^v ^pso-peuTàç.... uepi xâiv èxovxtov Èv Ttj Auxfoc
y.a\Kapia xxr,a-eiç aiTr|ao(i.£Vo,j; xyjv o-ûyxXr^ov, "va aùxot? ïyzw è£yj xa6à xa\ %pô-
xepov). C'est à l'époque où les Rhodiens avaient là des droits de suzeraineté
qu'appartiennent leur stratège hc\ xb rcepav et les trois àye^-ove; in\ Kavvou,
kx\ Kaptaç, t%\ Auxtaç, (Rohl, Mit th. des athen. Instituts, 2, 224).
(2) Dans les possessions qui restèrent aux Rhodiens, il ne se trouve,
ainsi que me fait remarquer Willamowitz, aucune localité dont l'existence
politique indépendante soit attestée. Il en est ainsi même pour Kalynda
(Polybe, 31, 15, 3. c. 16, 5). Les sacra ((xaaxpol) sont ceux de Rhodes. — Les
possessions accordées par Sulla aux Rhodiens au point de vue financier,
mais sans droit de suzeraineté, rentrent dans la catégorie indiquée p. 295,
note 2.
LES SUJETS AUTONOMES. 299
vention conclue par Rome s'étend par là même à ses alliés (1),
sans qu'il y ait, sauf dans des cas exceptionnels incertains,
même besoin de leur adhésion de forme (2). Dans les né-
gociations de Rome avec les États étrangers, il n'est jamais
question de la convocation de représentants des villes al-
liées (3). — En revanche, l'Etat allié ne peut déclarer la guerre
à un autre État; en principe, il ne peut même pas se défendre
lui-même (p. 236, note 3). A la vérité, cette dernière disposition
n'a pu être appliquée qu'imparfaitement, en particulier dans
les territoires limitrophes des pays étrangers. Les rois qui
appartenaient à l'union romaine avaient été communément
placés où ils étaient pour assurer la défense locale des fron-
tières, et par conséquent le droit de faire la guerre devait leur
être laissé dans de certaines limites (4). Il en est de même pour
certaines villes, par exemple pour Palmyre (o). Enfin, même
en dehors de la défense des frontières, il était probablement
permis à chaque ville d'avoir une certaine force armée dont elle
avait le droit de faire usage quand la sûreté publique était
troublée (6).
(1) Traité de 565 avec les MtolU Polybe, 21, 32, 4 (= Tite-Live, 38, 11, 3
rapproché de c. 8, 10) : 'Eàv TtoXefiôiac Trpoç xtva; o\ 'Pcojxaiot, 7ioX£[aectcd irpbç
aùrou; o ûr,ao; "wv AItcoXoov.
(2) Strabon, 14, 3, 3, p. 665, dit de la ligue des villes de Lycie : Koà nep\
710/ijj.o'j Se xcci îcpvy/r,; y.ai crv[x[j.a-/ca; iftauXeûovro Tcporepov, vOv 6' oùx ïîxo;, àXX'
lic\ toi; 'Ptojxaîot; tccOt' àvayxï) xstaôac, tcXyiv et èxecvwv iTzn:pz<l>6ivziùv r) "j^ep
aù-rùv ttr\ -/pr(o-:txov. Cette ligue avait donc encore théoriquement le droit de
paix et de guerre sous Tibère; et il peut en avoir été de même d'autres cités
spécialement favorisées. Mais naturellement c'était là un droit dont on ne
pouvait faire usage.
(3) Naturellement cela n'est vrai que pour les États entrés dans une
dépendance en forme. Les Rhodiens prirent une position différente dans
la guerre d'Antiochus ; mais ce ne fut qu'en 587 qu'ils entrèrent dans cette
dépendance.
(4) C'est pour le Bosphore que nous rencontrons le plus nettement le
droit de faire la guerre à l'époque récente (Rœm. Gesch. 5, 292 = tr. fr. 10,
87); mais il n'en était pas autrement pour la Maurétanie, la Cappadoce,
l'Arabie, etc.
(5) Rœm. Gesch. 5, 424=:tr. fr. 10, 271. Ce droit fut même accordé, lors de
leur constitution en 587, aux républiques de Macédoine, qui n'étaient pas
légalement autonomes. Tite-Live, 45, 29, 14 : Regionibus quse ad 'fines barbaris
essent — excepta autem tertia omnes erant — permisit, ut prxsidia armata in
finibus extremis haberent.
(6) Tacite, Hisi. 1, 08 : Rapuerant pecuniam 7/iissam in stipendium castelli.
300 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Droit de porter Le droit de porter les armes restait à l'État allié, puisque
les armes. * A x
l'union militaire avait pour but d'augmenter les forces romai-
nes immédiates à l'aide des forces alliées. L'obligation ainsi
imposée aux alliés de fournir leur contingent pour les armées
romaines était légalement aussi illimitée (1) que l'obligation
des citoyens au service militaire (VI, 1, p. 272). Il n'est que lo-
gique d'étendre ce principe à la communauté militaire établie
à perpétuité; l'État romain peut, dans la mesure du possible,
réclamer légalement de ses alliés comme de ses citoyens toute
espèce de service militaire. Mais ici aussi l'obligation au ser-
vice ordinaire est distinguée de cette obligation générale, et
c'est seulement la première que règlent les traités. Par consé-
quent, même où elle n'est pas stipulée et même où elle est con-
ventionnellement exclue, l'obligation générale au service et la
dépendance militaire pèsent néanmoins sur les alliés autonomes
de Rome.
de°fou?nir°des Le fondement de l'obligation au service ordinaire est qu'en
roupes- vertu du traité d'alliance, Rome a le droit, lorsqu'elle lève
elle-même des troupes (2), de demander en même temps leur
quod olim (depuis longtemps, et non: à l'époque ancienne) Helvetii suis mili-
tibus ac castellis tuebantur. Il ne faut pas omettre de remarquer que les
Helvetii appartenaient alors aux peuples fédérés de la meilleure condition
{Hermès, 16, 447).
(1) L'alliance latine, dans Denys, 6, 95 : BoriOsIxwadv te toÎç 7ro)>£[xou[xévoi<;
<xTTâcrr( ôyva[iet, le dit expressément, et c'est confirmé par la relation des
armements de 529, où la levée en masse fut en fait soit prescrite, soit pro-
jetée. Le silence des sources, en particulier pour la guerre d'Hannibal, est
encore plus probant : s'il y avait eu des maximums obligatoires, il devrait
nécessairement en être question, notamment à propos du. refus de service
des douze colonies. Et la preuve du contraire est qu'elles sont invitées, à
titre de peine, à fournir, comme infanterie, le double du nombre d'hommes
le plus élevé auquel se soit porté leur contingent depuis le début de la
guerre, et 120 cavaliers chacune (Tite-Live, 29, 15, 7). Même quant au fond,
il serait contradictoire de déterminer un maximum absolu (et ce n'est que de
celui-là qu'il peut être question) au moment de la fondation d'une colonie ;
car il était impossible de fixer légalement d'avance le nombre d'hommes
qu'elle aurait plus tard à fournir.
(2) Cette restriction se trouvait sans doute expressément dans les trai-
tés : les dérogations à cette règle se présentent principalement dans la
forme do congés donnés à des époques différentes (Tite-Live, 31, 8, 7. 10.
32, 1, 5. c. S, 7. V.\, '.i, 2).
LES SUJETS AUTONOMES. 301
contingent aux alliés. Le contingent ordinaire simple de chaque
cité doit avoir été fixé dans les traités. La charge était répartie,
selon ce schéma, dans la proportion des forces respectives (1);
et ce contingent ordinaire était probablement celui qui était
fourni habituellement. Une réquisition excessive était une vio-
lation du traité, et le magistrat qui y procédait arbitrairement
tombait légalement sous le coup des voies de poursuite inter-
nationales (2). Mais, quant au fond, c'était du gouvernement ro-
main qu'il dépendait de décider, dans chaque cas particulier, à
quelles cités (3) et dans quelle mesure des secours seraient de-
mandés, probablement en vertu de clauses des traités qui réser-
vaient le droit d'appel illimité pour le cas de guerres importantes
et qui laissaient à la puissance directrice le soin de décider
quelles guerres étaient importantes.
Les secours consistent soit en hommes pour l'armée de terre, contingents
ordinaires des
soit en navires pour la flotte. C'est la préoccupation d'aug- togati.
menter l'armée de terre qui a donné naissance à cette insti-
tution, et elle a d'abord pris la communauté de nationalité pour
fondement ; car les alliés primitifs sont précisément les frères
(i) Si, dans Tite-Live, 41,8, 8, en 577, les Samnites et les Paeligni se plai-
gnent des émigrations de leur patrie, qui n'empêchent pas qu'ils aient après
comme avant le même nombre de soldats à fournir (neque eo minus aut hos
aut illos in dilectu militum daré), il ne résulte de là que la stabilité de fait
du contingent dans ces années de tranquillité. Il en est de même de l'offre
des dix-huit colonies, dans Tite-Live, 27, 10, 3, de fournir plus de soldats
qu'il n'en était demandé ex foivnula, et de la déclaration des douze colo-
nies qu'elles sont à peine en état de fournir le simplum ex formula (Tite-
Live, 29, 15, 12). De la disposition du fœdus des Mamertins, ut novem dare
necesse sit (Cicéron, Verr. I. 5, 19, 50), or. peut tout au plus conclure que
Messana n'avait qu'un navire à fournir pour la flotte ordinaire, on n'a pas
le droit d'en déduire que non pas le gouverneur, mais le gouvernement de
Rome ne put pas en demander davantage au cas de nécessité. Il y a néces-
sairement eu une certaine classification des diverses cités obligées, quoi-
qu'il n'en soit jamais question expressément.
(2) Cicéron, Verr. 5, 19, 49: Omnes qui ante te fuerunt prœtores dedantur
Mamertinis , quod ils navem contra pactionem fœderis imper arint.
(3) C'est ce que prouveraient, s'il en fallait une preuve, les mots de
Polybe, 2, 24, 4: O: ràç ôuarouç àp-/à; lyovzzc, TrapaYysXXoucri toÏç ap^oxiai xoïç
àub Toiv (TJ[Jt.|xa-/iB(jùv TiôXewv xtov ï% Tr,ç 'ItaXcaç, Il »v av po-jXtovrat o-ycrpaTeueiv
toÙç G-j^ixâ'/o-jç, BtûtcaçoûvreÉ to ttXtjÔoç et la mobilisation de 529 (Polybe, 2,
24) ; toutes les cités de l'Italie du Nord, et elles seules, sont appelées en
même temps sous les drapeaux.
302 DROIT PUBLIC ROMAIN.
de race des Romains, les Latins. Si le cercle des alliés s'est
ensuite étendu au delà de la race latine, cela s'est produit par un
élargissement de la nationalité elle-même, par l'extension du
service militaire des Latins au cercle voisin des Italiens, ou,
selon l'expression du droit public romain, aux socii nominisve
Lalini, quibus ex formula togatorum milites in (erra Ilalia
imper are soient (1). Car le droit de porter la toge, qui est, au
sens propre, le costume national des Romains et des Latins, a
été étendu, avec l'obligation au service militaire, à toutes les
cités alliées qui doivent un contingent pour l'armée de terre
(p. 242). 11 a également fallu jusqu'à un certain point étendre en
vue du commandement l'usage de la langue latine à tous ceux
qui portaient la toge; car les officiers supérieurs sont romains
même pour les contingents alliés. — Ces raisons suffisaient pour
que l'organisation militaire et la disposition intérieure de ces
contingents dussent nécessairement correspondre à celles des
troupes romaines. L'uniformité militaire établie entre les contin-
gents et les troupes romaines aussi bien qu'entre les contingents
eux-mêmes, a été l'origine de l'unité de l'Italie, et c'est de cette
unité première qu'est venue à son tour l'unité politique (2). Le
corps d'armée romain, la legio, composée de dix cohortes d'in-
fanterie,qui constituent autant de petites légions, et de dix turmœ
de cavalerie, est avec la cohorte ou la turma isolée (3) fournie
(1) Loi agraire de 643, lignes 21. 50 (p. 231, note 1), textes qui, complétés
l'un par l'autre, donnent seuls la formule complète. Elle est abrégée dans
Tite-Live, 22, 57, 10 ; Ad socios Latinumque nomen ad milites ex formula ac-
cipiendos mittunt. 27, 9, 3 : Milites parafas ex formula esse. Dans Polybe,
(p. 301, note 3), ils sont appelés ai crv(i.ji.axî8eçic6Xetç at èx -z^c 'Iicùdaz. Les in-
dications particulières qui nous ont été conservées {Handb. 5, 397, note 3 ;
E. Marcks, De alis, p. 16) sont parfaitement d'accord avec cela: on ne trouve
pas parmi eux de troupes extra-italiques, et les cités anciennes ou coloniales
latines l'emportent; mais on trouve aussi des Perusini, des Étrusques, des
Lucani, des Samnites, etc. Sur les Formiani et les Sidicini, qui n'appar-
tiennent pas à ce cercle, cf. p. 201, note 6.
(2) Cette organisation ne peut être étudiée ici qu'au point de vue politi-
que. Ce n'est pas le lieu de s'occuper des particularités militaires.
(3) Sans parler de la nécessité intime des choses, l'identité se révèle
dans la similitude de terminologie. La cohorte de la légion est exactement
aussi ancienne que la cohorte alliée. De même que la cohorte de la légion est
une réductionde la légion, c'est-à-dire la réunion d'un manipule de chacune
LES SUJETS AUTONOMES. 303
probablement par chaque ville importante, — pour les contin-
gents plus faibles, il y avait forcément des modes de rassem-
blement divers (i), — dans le même rapport que Rome elle-
même avec Préneste. La symétrie est même poussée si loin que
l'on forme des divers contingents fédéraux des corps correspon-
dant aux légions (alcesociorum), dont chacun est commandé par
six officiers d'état-major romains (2), comme la légion par les
six tribuns militaires, et qui obéissent tous également au général
ou aux généraux romains. Dans la mesure où ces règles le per-
mettaient, on respectait pour le surplus l'autonomie de la cité
qui fournissait le contingent. Le recrutement romain ne s'é-
tendait pas au peuple des cités dépendantes; c'étaient les ma-
gistrats de chaque ville particulière qui y levaient les hommes,
en vertu d'un cens analogue au cens romain et en observant
les exemptions garanties par le traité (3). Chaque contingent
des lignes (triarii, principes, hastati) avec les individus armés à la légère qui
en dépendent, la cohorte auxiliaire en est également une. Le simple fait
que le recrutement des alliés se fonde sur le cens(Tite-Live, 29, 15, 7) et
est nommé d'un nom semblable au recrutement romain (Polybe, p. 304,
note 1) suffit pour impliquer une identité essentielle de disposition des
hommes.
(1) La colonie latine importante de Placentia fournit une cohorte (Tite-
Live, 41, 1, 6) et une turma (Tite-Live, 44, 40, 6). Il est possible que des
villes déterminées aient eu à fournir, à titre ordinaire, plusieurs cohortes ;
mais il n'y en a pas de preuves certaines. Les deux cohortes de Gamerinum
dans la guerre des Gimbres (Val. Max. 5, 2, 8 et ailleurs) ne prouvent rien,
en face du caractère national de cette guerre. — Nous n'avons pas de preu-
ves extérieures du rassemblement; ce peut être simplement par suite d'une
généralisation ou de l'emploi d'une formule d'ensemble qu'il est question
d'une cohors Pœligna (Tite Live, 44, 40, 5), à.' équités Latini (Tite-Live, 33, 36,
10). Mais, en présence de la nature des lignes de villes, un rassemblement
ne pouvait guère être évité. — On ne peut aucunement conclure de ces
tournures et de tournures semblables que le concilium des Pseligni par
exemple ait envoyé un contingent aux Romains.
(2) Et non trois, comme on a voulu conclure de Polybe, 6, 26, 5 (Handb.
S, 39G). Polybe, dans un langage assurément de nature à induire en erreur,
rapporte les douze prœfecti sociorum à l'armée consulaire simple : la preuve
en est dans la division des troupes qui sont sous leurs ordres en deux por-
tions, une aile droite et une aile gauche (c. 26, 9), tandis que l'armée con-
sulaire double a quatre aise (c. 34, 1).
(3) C'est là la vacatio (= vocatio) ex fœdere de la lex Julia municipalis, li-
gnes 93 et 103, qui a survécu même à la guerre sociale. Des cités alliées
ont pu être exemptées tout entières, par exemple de la façon dont l'é-
taient les colonies maritimes; mais nous n'en avons pas de preuves.
304 DROIT PUBLIC ROMAIN.
restait réuni et était conduit à l'armée par son magistrat propre
ou par un représentant de ce magistrat nommé par lui (1),
absolument comme les Romains par le consul ou son rempla-
çant. Les contingents alliés prêtaient le serment de fidélité à
leur chef, comme les Romains au consul (2). De même que le
consul romain est accompagné d'un questeur romain, chaque
chef de cité est accompagné d'un payeur distinct chargé de
payer la solde aux frais de la cité (3). Cette organisation poli-
tique est indépendante de l'organisation militaire proprement
dite: il n'y a, dans la légion romaine, rien qui corresponde aux
chefs et aux payeurs des divers contingents (4). — La pré-
pondérance assurée aux citoyens romains par l'habitude du
commandement et par leur unité d'une part, la supériorité du
nombre des Italiens non seulement au point de vue absolu,
mais dans la levée régulière (5) d'autre part, et enfin la com-
(1) Polybe, 6, 21, 5 : Ai 8o ttoXeiç TtapaTrXrja-iav •rcotYja-âfxevai xyj Tiposiprijjtivr,
rr]v èx),oyrjV xal tov opxov exTcéfATioua-iv ap-/ovTa cuaTTjaaa'ai xal (jlktôooot^v. Le
chef de la cohorte prénestine assiégée dans Gasilinum, Tite-Live, 23, 19, 17,
est le préteur de la ville ; l'inscription de Cora, C. I. L. X, 6527 : Q. Pompo-
nius Q. f. L. Tulius Se7\ f. praitores aère Martio emerut se rapporte sans doute
à ceci. L'attribution du commandement militaire qui peut exister dans les
cités de citoyens, faite encore au magistrat du lieu ou à son mandataire,
est une imitation de cela, de même que tout le régime municipal n'est qu'une
ombre de l'ancienne autonomie.
(2) Note 1. Il n'est jamais question d'un serment prêté au général ro-
main par les non-romains ; car il n'y a pas à tenir compte du serment
en sous-ordre du camp, qui est reçu même des esclaves (Polybe, 6, 33, 1 ;
Handb. 5, 386).
(3) Polybe, note 1 ; Tite-Live. 27, 9. — On peut rattacher à cela l'exis-
tence d'au moins trois questeurs dans la colonie latine de Venusia dé-
duite en 463 (C. L L. IX, 439) et d'au moins cinq dans celle de Firmum
déduite en 490 (C. /. L. IX, 5351).
(4) Les cohortes de citoyens romains n'ont pas de chefs, mais les cohortes
alliées en ont. Les chefs politiques des alliés exerçaient en même temps les
fonctions d'officiers, résulte-t-il à la fois de l'analogie des consuls et des
questeurs et des témoignages particuliers (Tite-Live, 25, 14, 4; Marquardt,
Handb. 5, 396, note 7). Il y a de nombreuses questions qu'il faut laisser
sans réponses : par exemple, la façon dont s'opérait le rassemblement
militaire de plusieurs contingents politiques; le rapport dans lequel étaient,
au point de vue des lois pénales militaires, les pouvoirs des officiers d'é-
tat-major romains et ceux des chefs locaux ; mais le principe est clair.
(5) Ce n'est pas ici le lien d'étudier ce point en détail (Cf. Marcks, De
alis, p. 21 et les auteurs qu'il cite). L'assertion de Polybe, 6, 26, 7, selon la-
quelle, au moins dans l'infante, ie, les Ptomains et les Italiens se balan-
LES SUJETS AUTONOMES. 305
muuauté de tactique et d'instruction militaire expliquent parfai-
tement que, lorsque les deux masses qui avaient si longtemps
combattu de concert tournèrent leurs armes l'une contre l'autre,
les Romains aient aussi bien capitulé devant les Italiotes que les
Italiotes devant les Romains.
La flotte de la République, depuis qu'il en existe une, a éga- J^SîTed
lement pour base le principe delà fédération. Cependant l'idée navigrreeCqueSvlilles
de nationalité, énergiquement observéepour l'armée de terre, a
été abandonnée pour elle, ou plutôt ne lui a jamais été appliquée.
Même comme romaine, la flotte resta essentiellement grecque.
Les conséquences s'en manifestent partout. Tandis que, dans
les armées de terre, les troupes alliées n'ont guère été em-
ployées toutes seules, les flottes romaines ont été composées
souvent principalement, parfois exclusivement de vaisseaux
non-romains (1). Les Italiens, de race grecque, forment le
noyau de la flotte romaine (2); mais les non-Italiens ne sont
pas exclus de la flotte de la même façon que de l'armée de
terre : les Grecs de Sicile en particulier (3), mais aussi ceux
çaient approximativement, exprime sans doute plutôt le principe politi-
que, admis par exemple par Scipion, que la réalité des faits. Dans les
exemples isolés, que nous trouvons en grand nombre dans Tite-Live pour
la seconde moitié du vie siècle, les seconds l'emportent communément en
nombre, sans pourtant que cela aille jusqu'à supprimer « l'égalité approxi-
mative.» On ne trouve pas déchiffres proportionnels fixes, et les essais de
découvrir en cette matière des règles précises ont été, à mon sens, infruc-
tueux. Il est probable que la surcharge des Italiens dans les levées s'est
plus tard accrue. Selon Velleius, 2, 15, les Italiens fournissaient deux
fois autant de fantassins que de cavaliers dans la dernière période qui pré-
céda la guerre sociale, et ce doit être la vérité.
(1) Handb. 5, 499. Il n'y a pas, dans le territoire habité par les citoyens,
de circonscriptions de recrutement delà flotte distinctes; on y prenait pour
ce service des individus astreints au service de l'armée de terre, et cela de
préférence dans les couches inférieures qui n'étaient employées au service
militaire qu'en cas deforce majeure (VI, l,p. 337; VI,2, p. 35). L'essai fait
par les colonies maritimes d'étendre leur vacatio rei militaris à la res navalis
(Tite-Live, 36, 3, 4) montre combien elles étaient étrangères au service
de la flotte.
(2) La liste des villes soumises à cette obligation qui nous sont connues
est donnée R. M. W. p. 322= tr. fr. 3, p. 197.
(3) Gicéron (p. 301, note 2). Les navires fournis par les cités non-fédé-
rées le sont, comme on le voit ici clairement, en vertu d'un autre principe
juridique.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 20
306 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d'Orient (i) fournissent également aux Romains des navires
et des marins ou en sont dispensés à titre spécial (2). L'or-
ganisation du commandement est la même que dans l'armée
de terre : c'est toujours un magistrat romain qui exerce le com-
mandement de la flotte; les capitaines des navires alliés doi-
vent avoir été considérés, de même que ceux des contingents
de l'armée de terre, comme des officiers romains.
Si leur traité d'alliance imposait la fourniture d'un contin-
Oblieations
militaires
ex des "aûtrl's68 gent fixe aux cités italiques et à quelques rares cités extra-ita
alliés.
liques, l'obligation au service militaire elle-même s'étendait,
ainsi que nous l'avons déjà remarqué, aussi loin que l'alliance,
et, dans des circonstances extraordinaires, des troupes pou-
vaient être réclamées pour l'armée romaine même aux autres
villes et pays fédérés (3) et aux reges socii (4). Mais le prin-
(1) Les Rhodiens ont fourni jusque sous l'Empire des navires pour
la flotte. Dion Chrysostome, Or. 31, p. 620, compare les charges du temps
de la République à celles du temps présent : Où yàp ojjioiov êxaxov veôv r)
xa\ TcXeiovwv otÔàov àuoaTsT).ai.... xal o vOv ècp'f,[xc5v tSstv eori [xia xaô' exaarov
èviauTov r, 8ua\v àçpâxTot; àTravxôcç sic Kop-.vOov. Les subsides en argent qu'Hé-
rode accorda aux Rhodiens eîç vocutixoû xaxacrxsuv (Josèphe, Bell. 1, 21, 11;
Ant. 16, 5, 3) doivent aussi nécessairement être rapportés à la flotte de
guerre ; car l'État, auquel allait cet argent, ne construisaitgpas de navires
de commerce. Cf. Rœm. Gesch. 5, 248 = tr. fr. 10, 26.
(2) Gicéron, Verr. I. 5, 19, 50 : Tauromenitanis nominatim cautum et exception
{est) fœdere, ne navem dare debeant; ce qui d'ailleurs ne fut pas observé et
ne s'opposait pas légalement aux réquisitions extraordinaires. Athènes et
Massalia peuvent avoir eu des privilèges semblables. Lorsque les traités
postérieurs, tels que ceux conclus avec Astypalaea et Termessos, ne di-
sent rien de pareilles prestations, il y a là une renonciation tacite, qui
d'ailleurs ne peut avoir plus d'effet que la renonciation expçesse. On ne
rencontre pas de telles exemptions pour l'armée de terre.
(3) Il n'y a guère eu de cités extra-italiques de droit latin à l'époque où
le système de contingents de la République était en vigueur. Cf. p. 245.
(4) Cette situation juridique se manifeste de la façon la plus claire
dans Appien, Hisp. 44 : Ti. Gracchus conclut en 575 avec les Belli et les
Titthi d'Espagne un traité juré, par lequel ils s'obligeaient notamment
à fournir des troupes aux Romains (tj o-uyxXr/toç.... çôpouç ryrei toùç ôpca-Oevraç
ItzX rpâx-/ou, orpaTsyscôac ts 'Pwfjiasoiç 7:poa£Taaa£• xai yàp to-jô' ai Tpaxyo'j
ff\jv6r,xat èxéXcVov) ; les Espagnols prétendent cependant que remise leur a
été faite des tributs et (selon le nom inexact donné à ce droit par Appien)
des Sevayta, avec raison, ajoute Appien, mais sans doute, selon l'usage ro-
main, seulement jusqu'à nouvel ordre (p. 290, note 2). Postérieurement il
n'est guère question de telles stipulations. Il n'était évidemment pas possi-
ble de donner, dans le territoire d'outre-mer,une application stable à l'obliga-
LES SUJETS-AUTONOMES. 307
cipal usage militaire fait par les Romains de ces sujets con-
sistait dans l'importante obligation qui leur était imposée de
défendre les frontières avec leurs propres forces. Ces contin-
gents étrangers, les auxilia externa (1), n'étaient pas mili-
tairement homogènes aux armées romaines de terre et de mer,
comme l'étaient les contingents italiques et ceux des Grecs
extra-italiques obligés à fournir des navires, et par suite ils ne
constituaient pas des éléments fixes du cadre de mobilisation
romaine. En outre l'autorité romaine a toujours répudié, pour
des motifs faciles à comprendre, les secours militaires immé-
diats des pays étrangers soumis et la communauté d'armes
avec ces éléments de nationalité plus ou moins étrangère. Pra-
tiquement il ne paraît avoir été fait usage, antérieurement à
la guerre sociale et en dehors de cas exceptionnels, des forces
militaires de ces fédérés que pour les guerres d'outre-mer et
encore dans une mesure limitée.
A côté de la transformation de l'armée opérée par Marius ^S^des
(VI, l,p. 336), lafusion de l'Italie dans Rome a mis fin au système ut^ii^i
de contingents de la République (2). Les villes latines de la
Haute Italie ne semblent pas avoir fourni à l'armée romaine
de contingents fixes, comme les Italici delà formula toyatorum.
Nous ne pouvons dire si les Latins des derniers temps de la
tion de fournir un contingent, et les arrangements conventionnels n'étaient
ni nécessaires ni obligatoires pour les circonstances extraordinaires.
(1) Auxilia est employé par Salluste, conformément au sens du mot,
pour toutes les troupes alliées (Jug. 43, 2. 84, 2), même lorsqu'il ne s'agit
que des italiques (Jug. 39, 2), et, lorsque Tite-Live veut parler des non-
italiques, il ajoute exterarum gentium (Per. 72), externa (22, 37, 7. 25, 33, 6)
ou provincialia (40, 31, 1). L'emploi du mot sans complément pour désigner
les troupes auxiliaires de nationalité étrangère, les alienigenœ (Varron,
5, 90), les socii Romanorum exterarum nationum (Festus, Ep. p. 17) ne s'est
sans doute introduit qu'après la guerre sociale, qui amena la disparition
des auxilia italiques. Au reste, c'est là un terme purement militaire, et il
désigne les divisions de non-citoyens sans que l'on distingue si ce sont des
contingents d'États autonomes ou des levées de sujets.
(2) Après la guerre sociale, les togati disparaissent de l'organisation mi-
litaire. Quand il est question, sous le Principat, du droit à la toga (VI,
1, p. 250 et 231), elle est opposée au pallium, et ce n'est pas tant aux pé-
régrins qu'aux Grecs qu'elle est interdite, si bien que l'Occident latin
prend dans une certaine mesure la place des togati de la République.
308 DROIT PUBLIC ROMAIN.
République ont été appelés à faire partie de l'armée, ni de
quelle façon (1). Les appels adressés aux alliés d'outre-mer fu-
rent accrus à cette époque, notamment parce qu'à la suite de
l'extension du droit de cité aux Italiotes, la cavalerie recrutée
jusqu'alors principalement parmi eux se trouva à manquer, et
que le gouvernement romain fut dans la nécessité de compléter
le vide soit par des enrôlements faits dans les pays étrangers
proprement dits, soit par l'appel au service des sujets d'outre-
mer. 11 ne recourut au premier procédé que dans une faible
mesure. Mais au contraire les royaumes vassaux en particu-
lier ont souvent été invités à fournir, pour l'armée romaine,
soit principalement de la cavalerie, soit même de l'infanterie lé-
gère, dont la légion deMarius manquait également. On ne peut
discerner, à cette époque troublée, de règles fixes relatives à ce
service auxiliaire, et il est difficile qu'il y en ait eu.
Les auxiiia L'organisation militaire introduite par Auguste n'a probable-
d'Auguste. ° a "
ment pas modifié la situation des anciens fédérés, en tant
qu'elle subsistait encore. Les rois alliés continuèrent à envoyer
leurs contingents. Parmi les cités extra-italiques peu nom-
breuses dont les obligations fédérales avaient déjà été réglées
du temps de la République, Massalia, Athènes et Sparte n'ont
probablement jamais été soumises à des obligations militaires
effectives ni sous la République, ni sous le Principat ; tout au
moins il ne nous en est rien dit. Rhodes continuait, sous le Prin-
cipat, à envoyer annuellement ses vaisseaux pour la flotte ro-
maine (p. 306, note i). Au contraire, les cités qui sont parve-
nues sous César et sous le Principat au droit de latinité ou à
un droit d'alliance quelconque, et dont par conséquent les obli-
gations fédérales n'ont été réglées qu'alors, semblent avoir été
soumises au système de conscription impériale établi par Au-
guste. On peut invoquer dans ce sens, outre des témoignages
(i) Dans les levées en masse des crises de la guerre civile, on n'a cer-
tainement pas omis d'incorporer dansles cadres romains les non-citoyens
propres au service; on aura usé pour cela du droit du général de conférer
la cité (VI, 1, p. 151) et peut-être en outre d'une méthode analogue à celle
qui donna naissance aux cohortes voluntarlorum d'affranchis (p. 36).
LES SUJETS AUTONOMES. 309
particuliers (1), l'étendue considérable des territoires en
question. Même dans certaines des principautés dépendantes,
par exemple en Thrace, il a probablement été fait des levées
pour Rome dès avant l'annexion (2). A moins d'obstacles ré-
sultant de traités anciens, on ne paraît pas, sous le Principat,
avoir fait de distinction pour le recrutement entre les mem-
bres de l'empire autonomes et les autres. On voit reparaître ici
le principe suivi par Auguste d'augmenter la dépendance chez
les cités fédérées et d'augmenter l'autonomie chez les cités
sujettes de manière à rapprocher les deux catégories.
Il n'a iamais été accordé aux États qui se trouvaient avec Participation au
J ^ butin.
Rome dans une confédération particulière de droit à une part
des terres conquises ou du butin, tel que celui qu'ont possédé,
d'après la tradition, les ligues des Latins et des Herniques
confédérées avec Rome (p. 240). Ce n'est que par faveur qu'ils
ont reçu une portion secondaire des gains produits par la
guerre. Les libéralités triomphales étaient faites également
aux non-citoyens et aux soldats non-citoyens, et en général
pour le même montant (3). Les objets venant du butin ornaient
principalement les places et les temples de Rome, mais il y en
a eu cependant aussi d'exposés hors de la ville (4). Des som-
(1) Uala, qui porte le nom de la cité fédérée des Vocontii doit avoir eu
pour première origine la conscription opérée dans ce territoire (Hermès, 19,
45). Les peuples fédérés de la Gaule du Nord, tels que les Hsedui et les Rémi
servaient aussi dans l'armée romaine. On ne peut pas tirer de conclusions
certaines de la présence de villes déterminées dans les inscriptions des
soldats ; car il peut y avoir eu au service des volontaires venant de villes
exemptes. Il y a encore moins à tenir eompte de la non-représentation de
certaines villes et de certains pays dans les inscriptions de soldats que
nous possédons.
(2) Hennés, 19, 49. Gela n'avait probablement pas lieu dans tous les États
clients.
(3) L'égalité des gratifications accordées aux citoyens et aux socii Latini
nominis est expressément indiquée en 574 (Tite-Live, 40, 43, 7) et 576
(Tite-Live, 41, 7, 3), sans doute aussi en 567 (Tite-Live, 39, 5, 17) ; il faut
sans doute comprendre dans le même sens toutes les relations anciennes
dans lesquelles il n'est pas fait de distinction; l'attribution d'une demi-
part seulement aux non-citoyens en 577 excita du mécontentement (Tite-
Live, 41, 13, 8).
(4) Nous connaissons une offrande faite avec le butin d'iEtolie de 565, qui
revint à Tusculum (CI. L. I, n. 534). Les inscriptions et les écrivains allés-
310 DROIT PUBLIC ROMAIN.
mes d'argent ont même été remises sur le butin aux divers con-
tingents pour leurs cités (1), probablement afin de rembourser à
leurs trésors comme au trésor romain, sur les profits de guerre,
la dépense de la solde des troupes faite pour la guerre. Quand les
terres conquises ont été partagées, les alliés ont été au moins
parfois admis au partage, mais toujours pour une quotité moin-
dre que les citoyens (2). Si elles n'étaient pas partagées,
elles restaient la propriété de la cité romaine; mais certaines
fractions en étaient données en jouissance aux cités alliées, de
sorte que ces cités pouvaient en permettre l'occupation à leurs
citoyens, comme Rome faisait en faveur des siens (3). Lorsque
la loi agraire de Gracchus proposa le partage de ces terres
communes, elle atteignit dans leurs intérêts les riches Latins
aussi bien que l'aristocratie romaine (4).
Exemption de L'obligation d'un État de verser de l'argent à un autre à ti-
l'impôt des
villes fédérées tre permanent peut être conçue de deux façons : ou bien ce peut
italiques.
être le versement d'une somme d'argent — en général fixée une
tent des dédications faites par Mummius avec le butin de Corinthe non seu-
lement à Rome, mais dans toute l'Italie et même à Parma dans la Gaule
cisalpine et à Italica en Espagne (C. /. L. I, n. 541-546). Il n'était, pour ces
présents du général, tenu aucun compte de la condition juridique des lieux
gratifiés.
(1) Inscription de la colonie latine de Gora, C. I. L. X, 6527 (p. 304,
note 4).
(2) V. tome IV, la théorie des Magistrats agris dandis adsignandis et
colonise deducendse, sur Yadsignatio.
(3) V. tome IV, eod. loc. Selon la loi agraire de 643, ligne 21, on indem-
nise, en qualité de vêtus possessov, pour la terre commune romaine qui lui est
enlevée, non seulement le citoyen romain, mais le membre d'une cité ins-
crite dans la formula togatorum; et il est question, ligne 31, du poplice deve
senati sententia ager fruendus datus aux colonies et aux municipes des Latins
et peut-être des Italiens en général. Gicéron, De re p. S, 29, 41 : Ti. Gracchus...
sociorum nominisque Latini jura neglexit ac fœdera. Gf. C. I. L. I, p. 90. Il
ne faut pas confondre avec ces terres les terres communes appartenant aux
cités alliées elles-mêmes, comme par exemple celles de Genua d'après la sen-
tence des Minucii. Dans les institutions municipales, les terres romaines
données en jouissance à la cité et les terres communes municipales existent
également les unes à côté des autres.
(4) Appien, B. c. 4, 36 : 0\ 'iTaXiûrai.... xal oî'8e irept tm vojjuo ty}ç àuotxc'aç
èSeSoîxeaav, u)ç zr\ç 6r,jioajaç 'Pwjjiactov yf,?, r(v àvé^Tov ouaav 'ii\ oc [xsv èx (3îaç
o\ 8s AavOàvovxeç (cela est inexact; cf. VI, 1, p. 93 et ss.) êyewpyouv, aùrîxa o-çûv
àçcupir)6T)aonévT)ç.
LES SUJETS AUTONOMES. 311
fois pour toutes — fait par le trésor de la cité soumise à celui
delà cité dominante, ou bien la première peut transporter à la
seconde son droit de percevoir l'impôt. Le dernier procédé est
aussi inconciliable avec une autonomie réelle, quoique res-
treinte, que le transfert du droit d'opérer les levées de troupes
à l'État qui exerce l'hégémonie. Le premier n'est ni plus ni
moins attentatoire à l'autonomie que la fourniture d'un
contingent. Mais, selon la conception ancienne des Romains,
l'alliance implique la prestation d'un contingent et exclut
le paiement d'une redevance pécuniaire avec une égale né-
cessité. Les États fédérés ne sont par conséquent soumis à
des charges pécuniaires qu'indirectement, en tant qu'ils doi-
vent subvenir aux dépenses occasionnées parleurs troupes (1).
Cette règle s'applique à l'Italie latine et en général à toute l'I-
talie alliée. Il n'est jamais fait allusion, pour une ville italique,
ni au paiement d'une redevance directe à la cité domi-
nante (2), ni au caractère exceptionnel de son immunité. La
concession du droit latin faite par voie de fondation de colonie
ou autrement entraîne par suite, à l'époque de la République,
lorsque le territoire était antérieurement soumis à une rede-
vance en. qualité de propriété publique de Rome, la suppres-
sion de cette redevance et l'exemption d'impôts.
Le même principe est posé pour les fédérés non-italiques (3),
Immunité ou
soumission au
tribut des alliés
extra-italiques.
(1) Pour les vivres qui sont fournis aux soldats, il est fait une 'déduc-
tion sur la solde des citoyens ; mais il n'est rien compté aux alliés (Polybe,
6, 39, 15). *
(2) Des contributions volontaires ont même été refusées, par exemple
celle des Neapolitani en 337 (Tite-Live, 22, 32). L'imposition, en 550, aux
douze colonies qui refusaient le contingent d'une contribution annuelle de
1 pour 1000 (Tite-Live, 29, 15, 9 : Stipendium prasterea Us coloniis in milia
œris asses singulos imperari exigique qaotannis) ne fait que confirmer la règle;
au reste, cette disposition pénale est difficilement restée en vigueur jusqu'à
la guerre sociale.
(3) Le type de la fédération extra-italique doit être cherché dans les re-
lations avec Massalia et les autres États semblables, et l'obligation au tribu*
n'y est pas plus prise pour fondement que dans les traités italiques. Partout
où il est tenu compte de l'obligation à l'impôt pour la classification des ci-
tés, les cités fédérées et libres apparaissent comme libres d'impôts, ainsi
par exemple dans Appien et Gicéron (p. 283, note 3).
312 DROIT PUBLIC ROMAIN.
et il est confirmé par de nombreux exemples (1). L'im-
munité ne fait pas l'objet d'un titre officiel (2), probablement
parce qu'on exprimerait trop crûment la dépendance de la ville
« libre » en célébrant son exemption des impôts. — Cependant
cette situation est, sous plus d'un rapport, dépourvue de base
naturelle ; en présence de l'exemption du service militaire effec-
tif, dont elles jouissent au moins en fait, l'exemption d'impôts
d'Athènes, de Sparto et d'Ilion apparaît dès le principe comme
une faveur politique. Aussi ne s'est-elle pas maintenue par
(1) Dans les cas où nous possédons les actes de fédération, pour Astypa-
lsea, Termessos, Aphrodisias (p. 317, note 4), ou il n'y est pas question de
tribut, ou, comme dans le dernier traité, l'immunité est spécifiée expressé-
ment. — L'existence de l'immunité est attestée expressément pour les cités
suivantes qui, en tant que nous connaissons leur condition légale, ont tou-
tes possédé l'autonomie : en Gaule, Massalia (Justin, 43, 5, 10, placée par
un anachronisme après l'incendie de Rome par les Gaulois) ; — en Afrique,
Theudalis (Pline, 5, 4, 23), citée comme ville libre dans la loi agraire de 643 ;
— en Achaïe, Sparte (Strabon, 8, 5, o, p. 365 : ^E^etvav IXeûOepot, wXfjv Tàiv <pi-
Xtxôov XsiToupyiwv aXXo auvTeXouvTeç où8sv), — Elateia en Phocide (Pausanias,
10, 34, 2 : 'Avti toutou 8ô toû epyou 'Pwfxatoi SeScoxaatv aÙTotç ÈXeuôépouçôvTaç
àTeXîj vsfxiaôai ttjv -/copav. c. 4 : 'Eir\ toÛtw 8è èXsuôépouç etvat x& epycp osgotocc
ffçiaiv \nzb cP(0{iaî(*>v), — Pallantion en Arcadie (Pausanias, 8, 43, 1 : 'Avrwvtvoç
o 7rpÔTepoç — Antonin le Pieux — rcoXiv te ocvti x(o[Ar,ç iizoir\<7e IlaXXàvTiov xa(
aç'.aiv èXeuôepîav xal ccTsXeîav ëScoxev eTvoci çopwv), — les Locriens Ozoles(Pline,4,
3, 7), — Amphisa (Pline, 4, 3, 8) ; - en Asie, outre les villes nommées au com-
mencement, avant tout Ilion. Piome lui fit obtenir déjà du roi Seleukos (proba-
blement, Seleukos IIKallinikos: Droysen, Geschichte des Hellenismus,3,i,Z&l
z= tr. fr. 3, 373) l'immunité complète (Suétone, Claud. 25: Recitata vetere epi-
stulaGrsecasenatus populigue R.Selenco régi amicitiam et societatem ita demum
pollicentis, si consanguineos suos llienses ab omni onere immunes prsestitisset).
En conséquence, la liste de Pline, 5, 30, 124, accorde l'immunité à la ville, et
Strabon, 13, 1, 27, p. 595, ttjv èXEuôspcavxai àXsiToupyrça-îav. S'il fut décidé, sous
Claude, ut llienses omni publico munere solverentur (Tacite, Ann. 12, 58) ou,
selon l'expression de Suétone, loc. cit., s'il tributa in perpetuum re?nisit aux
Iliens, cela ne peut s'entendre que d'une disposition confirmative et extensive;
lliensibus, dit Gallistrate, Dig. 27, 1, 17, 1, jam antiquitus et senatus consultis
et constitutionibus principum plenissima immunit as tributa est, ut etiam tutelx
excusationem habeant, scilicet eorum pupillorum, gui llienses non sint ; idque
divus Puis rescripsit; — Alabanda (une ambassade d'Alabanda renouvelle
l'amitié avec les Romains et rapporte un ô6y[j.a uepi Tr,ç àç>opoXoyr)criaç, selon
l'inscription Bull, de corr. hell. 10, 299; monnaie avec dcTsXstaç 'AXapavSewv,
Mionnet, 3, 306, 14, exemplaire net dans la collection Imhoof; Alabanda libéra,
Pline, 5, 29, 109) ; — Lycie, (octeXeïç çopwv, Appien, B. c. 5, 7) ; — en Gilicie,
Tarse (Appien, loc. cit. : 'EXEuÔspou; xal cxteXeïç tpopwv par Antoine; Lucien,
Macrob. 21 : °r<p' ou — Auguste, — t\ Tapascov ttoXiç çopov èxouçîaÔYi) ; — en
Syrie, Laodicée (Appien, loc. cit.).
(2) Les monnaies d'Alabanda (note 1) sont absolument isolées.
LES SUJETS AUTONOMES. 313
rapport à ces fédérés, bien que le changement de système ne
puisse pas être suffisamment suivi dans le détail de ses pha-
ses. Il a sans doute été opéré moins par l'établissement d'une
règle générale que par la fixation d'impôts à la charge de cités
antérieurement autonomes faite dans un cas après l'autre, soit
au moment d'une nouvelle concession de l'autonomie, soit comme
imposition additionnelle d'une redevance. Les cités qui n'é-
taient pas constituées en villes (1) et les principautés dépen-
dantes (2) payaient déjà, sous la République, des tributs annuels
fixes au gouvernement romain; l'obligation à l'impôt se ren-
contre aussi, pour diverses villes libres, au moins dès le com-
mencement de l'Empire (3), et le nombre de celles qui ont,
(1) Le traité conclu avec les Belli et les Titthi espagnols en 575 le
prouve (p. 306, note 4).
(2) Polybe, 2,12, 3, sur l'an 526 : 'H Teuxa... TCOteTxat <rjv6r(xaç, èv atç sù86-
%t\<n çôpo-j; ts xoù; o:a-:a-/6évxaç oî'asiv ; Tite Live, 22,33, 5; Josèphe, Bell.
8, 7, 6 (cf. Ant. 14, 4, 4) : (Pompée) xr, ts "/^P? xat 70^ 'IspoaoX'jjxoiç âirixaxxei
çopov, tribut qui fut plus tard remis par César (Rœm. Gesch. 5, 501 =
tr. fr.ll, 79). César donna au roi des Atrébates Commius l'immunité en
même temps que le pouvoir (César, B. Gall. 7,76). Antoine imposa des tributs
permanents aux princes institués par lui en Orient (Appien, B. c. 5, 75 :
"Ioty) Si t:y] %tù [3a<7i)ia; oflç Soxijxàceis, èiù çoposç apa TcTay^évoiç). Lucien,
Alex. 57: IIapa7i)iovxac sûpwv Bo<77ropiavouç xivaç 7ipéa-(3eiç irap' Eùuàxopoç xoû
paTi/iw; &c xr,v Bi6-jvîav cbrctâvrac sVi xojaiStj ttjç sTtexetoy (TJvxà^ewç.
(3) Lorsque en 53 remise est faite à la ville de Byzance des taxes {tri-
buta) pour cinq ans (Tacite, Ann. 12, 63), il peut difficilement s'agir là de la
part appartenant à Borne dans les taxes sur la pêche du détroit (Strabon,
7, 6, 2, p. 320). La ville était, depuis la dernière guerre de Macédoine, alliée
auxBomains, et elle n'avait sûrement pas été alors grevée d'un tribut; mais
elle eut sans doute sa condition définitivement réglée par Pompée lors de
l'organisation de la province du Pont et de Bithynie,'à laquelle elle appartenait
(Pline, Ep. 43. 44), et il peut lui avoir alors été imposé un tribut. — Parmi les
villes de la province d'Asie qui obtinrent, après le tremblement de terre de
l'an 17,1a remise des impôts avec d'autres faveurs (Tacite, Ann. 2, 47), il y en a
deux de libres, Magnesia près du Sipyle (Strabon, 13, 3, 5, p. 621) et Apollonidea
(Cicéron, Pro Flacco, 29, 71).— Si le roi Hérode msX-jae Xio>.ç (sur leur liberté,
cf. p. 323, note 1) xà 7ipb; xouç Kaîaapoç èTicxpoTiouç -/pr,[Aaxa xal xtov s'.açopwv ànr,X-
Xagev (Josèphe, Ant. 16, 2, 2), cela n'indique sans doute qu'une inobservation
temporaire et un rétablissement de la liberté d'impôts. — Il est surprenant
que l'immunité ne soit attribuée, dans les listes de Pline, qu'à quelques
rares villes de droit pérégrin, — Theudalis en Afrique, les Locriens Ozoles
et Amphisa en Achaïe, Ilion en Asie (p. 312, note 1). Mais on ne peut
Pas déduire du simple silence du négligent compilateur que toutes les villes
de ces provinces aient été soumises au tribut.
autonomes.
314 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dans le cours des temps, été imposées selon ce système n'a
probablement point été mince.
Application Si l'imposition d'un tribut annuel est conciliable avec la sou-
nSpositSn e veraineté limitée, il n'en est pas de mème,[avons-nous déjà dit,
directe même à ,,,...,.
des cités de 1 imposition directe, qui, comme nous montrerons dans la
partie suivante, est le véritable signe caractéristique de la cité
sujette et qui n'a, jusqu'à la fin de la République, jamais été
appliquée à une ville reconnue comme libre par les Romains.
Mais, lorsque Pompée, en organisant la Syrie (1), y accorda l'au-
tonomie à une série de villes, l'immunité ne fut, ainsi que nous
avons déjà vu, point tenue pour comprise dans cette auto-
nomie, et les Romains continuèrent, selon toute apparence, à
percevoir l'ancien impôt royal. 11 fut assurément ainsi intro-
duit dans les institutions romaines une catégorie de villes dont
l'autonomie ne peut plus être désignée comme une souveraineté
limitée et qui rentrent au sens propre parmi les cités sujettes.
— La même chose a probablement été faite plus tard également
pour la constitution latine, et, parmi les villes de l'Occident qui
sont parvenues au droit latin dans le dernier siècle de la Ré-
publique et sous le Principat, les plus récentes tout au moins
n'ont pas obtenu en même temps l'immunité. A la vérité, les
témoignages font ici pour ainsi dire complètement défaut. Dans
les listes de villes espagnoles de Pline, les villes d'Espagne
gratifiées du droit de latinité du temps d'Auguste sont opposées
aux villes stipendiaires ; il est possible, mais il n'est pas cer-
tain que l'exemption du tribut leur soit ainsi attribuée. Au
contraire, dans la liste relative à l'Afrique, il y a une ville la-
(1) Si divus Antoninus (le fils de Sévère) Antiochenses colonos fecit salvis
tributis (Paul, Dig. 50, 15, 8, 5), Antioche, qui a reçu l'autonomie de Pompée
(p. 285, note 2), a donc payé un tribut, étant ville autonome; et ici, dans une
province impériale, il ne peut s'agir que d'une perception directe. — La
concession par Sévère du droit colonial romain et de l'exemption d'impôts
(jus italicam) à Tyr et Laodicée en Syrie, qui sont également de vieilles vil-
les autonomes, ne prouve pas absolument qu'elles aient été antérieurement
soumises à l'impôt ; la nouvelle distinction pouvait consister exclusivement
dans la concession des droits de colonie, et d'autres témoignages attestent
l'exemption d'impôts antérieure de Laodicée (p. 312, note 4, in fine).
LES SUJETS AUTONOMES. 315
tine sur deux qui est signalée comme slipendiaire (1). Lors-
que ensuite, ainsi que nous montrerons dans la théorie du ré-
gime municipal, les cités de citoyens furent régulièrement sou-
mises à l'impôt dans les provinces et que l'immunité ne fut
qu'exceptionnellement accordée à des colonies isolées et pour
ainsi dire jamais à des municipes, il a été impossible que des
empereurs tels que Vespasien aient, en accordant la latinité à
toutes les villes espagnoles du territoire du Sénat et du terri-
toire impérial, entendu renoncer par là aux impôts directs de
ce vaste domaine. Il est probable que l'imposition des cités de
sujets qui reçurent le droit latin fut réglée selon le principe
que nous avons déjà rencontré pour les cités de citoyens d'outre-
mer. La transformation de Y ager publiais populi Romani en
ager privatus susceptible de propriété quiritaire est en géné-
ral impossible en dehors de l'Italie, et par conséquent le carac-
tère domanial du sol n'est pas supprimé par sa division. Or,
si le sol reste la propriété de l'État après la transformation de
la cité sujette de Malaca, soumise au paiement de la redevance
foncière, en cité de droit latin, il est rationnel que la rede-
vance foncière doive toujours être payée par lui.
Les villes libres qui ne sont pas sujettes à l'impôt n'en sont ^SS^S^
pas moins soumises à certaines obligations de bonne amitié fé-
dérale envers la cité dominante et ses magistrats : c'est une
chose qui résulte des rapports généraux. Même à leur égard, la
loi établissait et réglait, au profit des magistrats et des officiers
qui se trouvaient dans la province, un certain droit de réquisi-
tion pour les besoins personnels d'eux et de leur suite (2). Le
(1) L'oppidum stipendiai* ium unum (Castra Cornelia) que Pline, 5, 4, 29, indi-
que aprèsles 15 oppida civium Romanorum et l'oppidum Latinorum unique et
avant les 30 oppida libéra et les civitates tout court, doit avoir été d'une con-
dition supérieure à celle des simples oppida stipendiaria appelés ici civitates;
la place qu'il occupe implique le droit de latinité combiné avec la soumis-
sion à l'impôt.
(2) Dans le plébiscite relatif aux Termessiens de 683 : Neive quis magis-
tratus prove magistratu legatus neive quis alius facito neive inperato, quo quid
magis iei dent prœbeant ab ieisve auferatur, nisei quod eos ex lege Porcia (au-
trement inconnue) dare prœbere oportebit. A cela correspond, dans les lettres
de protectorat données par César aux Juifs (Josèphe, 14, 10, 2. 6), ?à xp^axa
d'impôts.
316 DROIT PUBLIC ROMAIN.
droit public n'a point à s'occuper de l'usage et de l'abus qui ont
pu être faits de pareils secours amicaux des alliés dans des cas
extraordinaires, notamment en temps de guerre.
Les droits Si nous passons maintenant à l'autre face de l'alliance dé-
de souveraineté ir-iii, . i . ^
des alliés pendante, a letude de 1 autonomie laissée aux Etats de cette es-
autonomes. x >
pèce, le droit public de la République romaine reconnaît en
principe les États fédérés comme ayant la souveraineté, en tant
que les traités particuliers conclus avec chacun d'eux n'en suppri-
ment pas telle ou telle conséquence. Tandis que les citoyens ro-
mains et les cités sujettes qui n'ont pas de traité avec Rome doi-
vent se soumettre sans autre forme à toutes les prescriptions de
l'autorité romaine, cette autorité ne peut réclamer des cités
alliées que l'observation de leurs traités. Si ce traité est violé
par la cité dépendante, le lien de droit est rompu (1); au reste
cette cité est libre de se gouverner et de s'administrer aussi
bien ou aussi mal qu'elle veut, d'user et d'abuser à sa guise de
sa souveraineté. Le principe a été, verrons-nous, plus d'une
fois atteint et limité du temps de la République, par suite des
privilèges spéciaux réclamés par l'Etat romain pour lui-même
et pour ses membres et des restrictions et des lésions apportées
par là à l'autonomie des alliés. Mais la République n'est guère
èo-icpaTTEffOat y] elç -rcapaxei^aatav v\ àXkio tivï ov6(j.a-u ; il est donc fait en
première ligne allusion aux réquisitions militaires. Mais cela comprend
également les fournitures faites moyennant indemnité pour l'entretien
du gouverneur et de sa suite (Gicôron, Vert. 4, 9, 20 : Tritici modium LX
milia empta populo Romano dare debebant — les Mamertins fédérés — et
solebant). Les dispositions connues de la lex repetundarum de César sur le
droit de réquisition du gouverneur et de sa suite dans les provinces (Gicé-
ron, Ad AU. 5, 16, 3, etc.) s'étendent, tout au moins, aux États libres. Ce
sont là les çtXixal Àeiroupyiat, qui, selon Strabon (p. 312, note 1), pouvaient
être réclamées même de la ville libre de Sparte.
(1) La question de savoir si cela a eu lieu, — si prior defexit, dit le ser-
ment (Tite-Live, 1, 24) — est tranchée non contradictoirement par les auto-
rités romaines, à l'époque ancienne, sûrement sous l'influence prépondérante
du collège des fétiaux. Le droit d'alliance de Fregellae a été cassé de cette
façon par les Romains en 629.
LES SUJETS AUTONOMES. 317
intervenue pour d'autres raisons dans l'administration indé-
pendante des villes libres. Au contraire, le gouvernement im-
périal, plus sérieusement préoccupé du maintien du bon ordre
que l'oligarchie des derniers temps de la République, sans doute
aussi plus d'une fois sous le coup de la nécessité pratique, a de
plus en plus transformé l'hégémonie de Rome en un gouverne-
ment véritable; en particulier, il s'est arrogé le droit non
seulement de réprimer à titre isolé les abus de l'autonomie (1),
mais aussi de la supprimer dans les cas graves (2).
Le fondement de l'autonomie est l'autorité exercée parla cité
fédérée ou libre (3) sur son propre territoire, c'est-à-dire, selon
la conception des Romains, l'existence à son profit de la propriété
publique — ou de la propriété privée dérivée de la propriété pu-
blique — sur le sol enfermé dans ses limites (4), le traité ex-
(1) Il est inutile de citer des preuves; la conduite de Trajan à l'égard de
la population d'Amisos (p. 319, note 1) est caractéristique àce point de vue.
(2) Suétone, Aug. 47 : Urbium quasdam fœderatas sed ad exitium licentia
prœcipites, libertate privavit, où il s'agit de Gyzique, de Tyr et de Sidon
(Dion, 54, 2). Des décisions pénales semblables sont rapportées pour Tibère
(Tacite, Ann. 4, 36; Suétone, Tib. 37; Dion, 57, 24); pour Claude (Suétone,
Claud. 25 ; Dion, GO, 17, 24); pour Vespasien (Suétone, Vesp. 8), pour Sévère
(Dion, 74, 14). Sans doute il n'est là question nulle part que de la libertas;
mais il s'agit clairement de celle qui se fonde sur un fœdus. L'autonomie ré-
vocable, accordée à titre unilatéral, pouvait être retirée sans violation du
droit théorique et être remplacée par l'administration municipale accordée
aux villes sujettes. Par un phénomène surprenant, ces cassations se limitent
presque absolument à la moitié grecque de l'empire; en Occident, où les
villes latines étaient cependant si nombreuses, on n'en rencontre que très
rarement (Dion, 54, 25). —Les cassations de l'autonomie survenues du temps
de la République, par exemple pour Fregellae (p. 316, note 1) et les villes
libres de Sulla (p. 375, note 2), procèdent d'autres causes.
(3) Il n'y a pas, sous ce rapport, de différence entre les deux espèces de
Tilles : la chose se comprend d'elle-même, et elle est expressément attestée
par la façon dont sont traitées les civitates liberœ d'Afrique dans la loi
agraire de 643.
(4) Ce principe est formulé, de la façon la plus énergique, dans la néga-
tion de l'autonomie, c'est-à-dire dans la deditio. Les vaincus livrent, dans
Tite-Live, 1, 38, urbem, agros, aquam, terminos, delubra; d'après Polybe, 36,
4, 2 (VI, 1, p. 61, note 4), -/copav ttjv uTrapxouaav aùxoïç xat 7i6Xetç xàç èv tocvty)...
ôjxoîwç uoTajxoùç Xtjxlvaç îepà xàçouç. A l'inverse, on trouve, dans toutes les
lettres de liberté et les relations qui s'y rapportent, la concession de la pro-
priété propre du sol ; cependant, dans les textes rédigés en langage rigou-
reux, on évite la formule usitée pour la propriété romaine (eorum esse) et
l'on emploie celle usitée pour la propriété pérégrine (habere possidere). Sur la
Territoires
propres.
318 DROIT PUBLIC ROMAIN.
ceptant par une clause expresse les terres domaniales de l'État
romain qui peuvent s'y trouver comprises (1). Ce n'est que par
demande des Thisbéens en 586 : LTepV '/^pa; xa\ rcepl Xi[jtiva>v xal rcpoo-oocov
(=vectigalia) xa\ 7ispl ôplwv (=saltus) a aùxàiv lyeyoveiaav, c'est-à-dire au sujet
des biens fonds de la cité, le sénat répond tocOtcc ftuwv |ièv Svexey à'-/siv èfceïvcci,
et, sur la nouvelle question icepl -/topa;, o'.xsûv xa\ râiv 'j7tap-/ov-tov ocvroîç, c'est-
à-dire au sujet de la propriété privée, ou hots ti aùrtov yéyovev, ottoç [toc]
èa-jTôiv aÙToTç e/scv è^. Les Romains assurent aux Carthaginois, après
les deux premières guerres, et urbem et agros (Tite-Live, 42, 24, 9) ; dans
les négociations qui précèdent la guerre de destruction de Garthage, ils leur
assurent rrjv '/topav airacav xal tt(v twv aXXwv \ntx.pyjjv~u>v xx^aiv xal xoivrj
xa\ xat' tôîav (Polybe, 36, 4, 4), où l'omission de la ville indique le projet
de la raser. Ces assurances données à Garthage et à Thisbee concernent des
villes qui n'appartenaient pas alors à l'empire. Mais, sous ce rapport,
elles ne sont pas dans une autre situation que les villes libres apparte-
nant à l'empire, auxquelles se rapportent les témoignages qui suivent. Plé-
biscite relatif à Termessos de 683 : Quei agrei quae loca œdificia publica
preivatave Thermenshim . . . intra fineis eorum sunt fueruntve L. Marcio Sex.
Julio cos. (an 663) quxque insulse eorum sunt, fueruntve ieis eonsulibus quei
supra scriptei sunt,... utei antea habeant possideant. Sénatus-consulte de l'an
710 environ (C. 1. Gr, 2737) "Otodç te yj tc6Xiç xa\ oe. tzoIbÏtoli oc IL\apaaicov
[xa\ 'AcppoSscacéiov jjlsô' w]v xwjxcov -/wpîwv ô-/upo)txaxtov [z=.castellorum) ôptov
(==. èpetov, Thisb.) 7rpoo-68a)v 7tpb; tyjv çcXc'av to[0 'Pto^actov or^ou Trpoc-îiXôov,
TaOxa £-/wcr]tv xpa^waiv ^pâ>VTac xapTU^iovrac ts 7tâvT(*>v TrpaytAaTwv aTôfXsïç
ô'vtsç, \it\oi xcva oopov 6]ta rcva a'crîav £x8tva»v 8c86vac {jlt,8î Çuveierçlpsiv ôçscXaxrcv,
[aXV a-JTOt Tuàa-t toutJoc; xax' oua-av ixeTà xaûxa èv lauxoî? xupwa-tv -/pô5v[xac]...
César, £e#. GaZZ. 2, 2S : tfertrâw (qui sont libres selon Pline, 3, 17, 106)
Csesar... suis... finibus atque oppidis uti jussit. Auguste donne à la ville libre
de Tarse -/wpav... è^ouacav xoO uoxafxoO xrjç OaXaxxrjç xrj? xa0' avixoûç (Dion
Chrysostome, 34, éd. Reiske, p. 36) La méconnaissance de cette propriété fon-
cièreest une violation du droit. Appien,B. c. 1, 102 :Xo6pa; telviat(des villes
libres) xal Xitxâvwv xaxà o-jvô^xa; o-çccrt Ss8o[/iviov à?r(po0vxo. Suétone, Tib.
49 : Plurimis civitatibus et privatis veteres immunitates et jus metallorum
ac vectigalia adempta se rapporte en partie à cela. — Nous nous occupe-
rons, dans la partie qui suit, de la concession du droit de propriété foncière
liée avec la sujétion, qui ne se rencontre qu'aux débuts du régime provin-
cial romain.
(1) Plébiscite relatif à Termessos : Quodque earum rerum (sol et édifices)
ieis eonsulibus (c'est-à-dire en 663) iei habuerunt possederunt usei fructeique
sunt, quae de ieis rébus locata non sunt, utei antea habeant possideant : quae-
gue de ieis 7'ebus agreis loceis œdificieis locata sunt, ac ne locentur sancitum
est sanctione, quae facta est ex lege rogata L. Gellio On. Lentulo cos. (en 682)
ea omnia Thermeses... habeant possideant; ieisque rébus loceis agreis œdificieis
utantur fruantur ita utei ante Mitridatis bellum, quod preimum fuit,
habuerunt possederunt usei fructeique sunt. Par conséquent, l'ager publicus
populi Romani reste dans cette condition, quand il est régulièrement affermé;
s'il ne l'est pas ou s'il l'est illégalement, son ususfructus (car c'est évidem-
ment à cela que se rapporte en première ligne cette expression) est accordé
aux Termessiens.
Exclusion de
l'administration
LES SUJETS AUTONOMES. 319
une autre formule de la même idée que les territoires de ces ci-
tés sont considérés comme ne faisant pas partie de l'empire (1).
Si, dans les cités de Syrie gratifiées de l'autonomie par Pompée
et dans les pays latins de la péninsule pyrénéenne, le sol a été,
comme il semble vraisemblable, considéré comme sous la pro-
priété du peuple romain (p. 314), il n'y a là qu'une nouvelle
preuve que cette autonomie et cette latinité sont plus voisines
de la condition des sujets que de celle des alliés. — De ce
principe découlent les corollaires suivants, pour lesquels nous
signalerons en même temps les limitations multiples qu'ils
ont reçues.
1. Le territoire des cités alliées est soustrait au gouverne-
ment des consuls, en Italie et dans le département administratif gouverneur.
qui en dépend (2), à l'autorité du gouverneur dans les pro-
vinces (3). Ce dernier ne peut pas y paraître en sa qualité of-
(1) Gela se manifeste plus clairement que partout ailleurs dans la décision
de Trajan (dans Pline, Ep. 92. 93) sur les clubs existant dans le Pont^ et
spécialement à Amisos, civitas libéra et fœderata : il faut les défendre dans
les cités qui font partie de l'empire (in ceteris civitatibus quse nostro jure
obstrictae sunt) ; à Amisos, cela ne peut être fait qu'en cas de force ma-
jeure,si legibus ipsorum, quibus beneficio (lit 0. Hirschfeld, Sitzungsberichte de
Vienne, tome 107, p. 243, au lieu de istorum quibus de officio) fœderis utuntur,
concessum est eranumhabere. Le compétent Strabon, 17, 3,24, p. 839, distin-
gue, comme divisions générales de l'empire romain : les èirap-/^'-» les provinces ;
les èXsûôepat wôXeiç ou (ièv i\ àpyr^ y.a-:à cpiXsav 7rpoo-sX9ouo-ai, tocçô' YjXe-jOépwcrav
a-jTo\ xaxà Ti^rjv, les villes fédérées ; enfin les S'jvaaxai, 9'jXap-/oc, tepsiç. Abso-
lument de même Gicéron, Pro Balbo, 4, 9 : Quern provinciae nostrae, quem liberi
populi, quem reg es, quem ultimœ gentes... viderunt. C'est pourquoi l'introduc-
tion du gouvernement provincial ne s'étend pas à ces villes (Suétone,
Cses. 25 \Omnem Galliam...praeter socicts... civitates in provinciae formant rede-
git). Proculus appelle, dans le même sens, externi les villes fédérées par
rapport aux Romains, et il admet le postliminium entre elles et les Romains
(p. 282, note 1) — Si Josèphe dit des villes de Syrie auxquelles Pompée
donna l'autonomie : ilao-aç dbr,xEv sXsuôepaç xa\ repooivE^s vn èuap-/îa (Ant.
14, 4, 4) ou à<peX6u.£voçToO e6vo\jç (twv 'IovSaîwv) xa\ tocç èv KocXy) SuptarcôXetç ôaa;
eîXev, Ô7céra£e tm xa-:' èxsîvo xaipoû 'Pœjxaîwv oxpanrff& xaTaTE-raYfiiva) xaî toTç
't5iot; Spoiç 7i£pi£xXeio"sv (Bell, i, 7, 7), cela doit peut-être être rapporté au
maintien du droit d'impôt (p. 314).
(2) V. Tome III, la partie du Consulat, relativement à la juridiction du con-
sul sur le territoire militiae.
(3) Sénatus-consulte relatif à Chios de l'an 674 (C. 1, Gr. 2222) : "Iva
U7ïb (xy|6' umv.[oOv] tjtco) uxyiv àp-/ovrwv r\ àvTapxovtwv. Strabon, 4,1, 5, p. 181 :
lO Katcap xoù ot ^et* èxeïvov rjYôjxôveç.... tyjv aùiovo[x:av ÈcpyXa£av (aux Massa-
320 DROIT PUBLIC ROMAIN.
ficielle (1) : avant tout, il ne peut y exercer sa juridiction (2).
Cependant, par dérogation à cette règle, les sièges des as-
sises romaines ont souvent été mis dans des villes libres,
dans les pays qui n'ont été ouverts que tardivement à la civili-
sation romaine (3). De même que la suppression de l'autono-
mie entraîne nécessairement l'incorporation du territoire dans
une province existante ou la création d'une province nou-
velle (4), la ville devenue autonome sort de la province, et,
lorsque des provinces tout entières reçoivent l'autonomie
comme cela arriva temporairement pour la Crète (5) et pour
l'Achaïe (6), le gouverneur y est en principe supprimé (7).
Exclusion du 2. Les troupes romaines ne peuvent pas davantage camper
campement de r r r ° r
troupes.
liotes).... ôia-TE [xy] u7iaxouetv tûv eîç rrjv êitap^iav 7re[A7ro[jivcov oTpaTTiyâJv fi^xe
ocùty)v fjLTjTe toÙ; u7iy]x6o-jç. Le même, 4, 1, 12, p. 187, après qu'il a expliqué que
le droit latin appartient aux 24 localités des Volques Arécomiques : Aià
Se toOto o-jS' ûub toTç TrpoaTàyfJuxai tô>v ex ttjç cPco[ay)ç a-xparr^ûv èari to eôvoç
to-jto. 4, 6, 4, p. 203 : 'AXXoPptyeç fi.sv ouv xoù Atyyeç \)izo toïç arparriYoîç toct-
tovto» toTç àcpixvo'Ju,évoiç ecç tyjv NappiovÎTiv, Oùoxovtioi 8e, xaOauep toùç 0'j6)xaç
eçajAev toÙç rap\ Néu.a'jaov, xaTTovrac xa8' aûxovç.
(1) Germanicus entra à Athènes avec un seul licteur, par conséquent
sans licteurs (v. tome II, la théorie des Faisceaux, sur leur caractère de si-
gnes de l'autorité souveraine).
(2) Gicéron, De prov. cons. 3, 6 : Omitto jurisdictionem in libéra civitate
(Byzance) contra leges senatusgue consulta. Plutarque, Pomp. 10 : IlapaiTO'juivcov
(tûv Mau,spTÎvwv) ocÙtoO to (3f,[xa xa\ SixaioSocriav œç vo[jlc[xo) naXaiâ) Pa>u.a:eov
à7iEcpr,[xéva. Parmi les villes de conventus de l'Asie, (Marquart, Handbuch, 4,
340) il n'y a qu'une ville libre, Alabanda, pour laquelle l'exception est signalée
(Pline, 5, 29, 109 : Alabanda libéra quae conventum eum cognominavit) .
(3) Utique, Hadrumète, Thapsus, en Afrique, Gades, en Espagne, sont des
villes libres qui sont en même temps le siège d'un conventus. Cf. Marquardt,
Eandb. 4, 80 = tr. fr. 8, 108.
(4) Suétone, Vesp. 8 : Achaiam Lyciam Rhodum Byzantium Samum libertate
adempta... in provinciarum formant redegit. Dion, 60, 17 : Toùç Avxîouç....
èSo'jXtocraTo te xa\ èç tov xffi Hx\l%"j1'kxç v6[xov èaÉypa^sv.
(5) Gicéron, Phil. 2, 38, 97 : Nuper fixa tabula est, qua civitates locupletis-
simae Cretensium vectigalibus liberantur statuiturque, ne post M. Brutum pro
consule sit Creta provincia.
(6) Pausanias, 7, 17, 2, raconte la proclamation de la liberté de toute la
province d' Achaïe par Néron, et il continue en disant : Ka\ crçaç owotçXeïç te
auôtç 6 OÙ£0"jraaiavbç slvat <p6pwv xal àxoustv èxéXeva'ev y]ys[J.6voç. Il faut donc
que le gouverneur ait été supprimé. Il aurait pu être maintenu pour les
deux villes de citoyens de Gorinthe et de Patrae ; mais on doit y avoir
pourvu autrement à la juridiction.
(7) A la vérité, cela n'a pas été étendu à l'Espagne, lorsqu'elle a reçu le
droit de latinité.
LES SUJETS AUTONOMES. 324
sur le territoire des confédérés (1). Cependant cette règle n'est
pas seulement mise de côté, comme il va de soi, en cas de
guerre et de péril de guerre : elle comporte en outre des res-
trictions multiples. Les troupes romaines avaient toujours le
droit de passer sur le territoire des alliés; dans les lettres de
liberté récentes, il est seulement spécifié que les officiers ro-
mains ne pourront prendre leurs quartiers d'hiver sur le terri-
toire de la ville libre à moins d'y être autorisés par un sénatus-
consulte spécial (2).
3. L'État romain n'a pas le droit de lever des impôts sur le DpeLp™i?rieese
territoire confédéré et d'empiéter ainsi sur les droits du gou- imp ts<
vernement local ; car les impôts, et notamment l'impôt fon-
cier, se fondent, endroit public, sur la souveraineté territoriale.
Cependant les Romains ont, dès l'époque de la République,
pénétré dans ce domaine en accordant à des citoyens isolés, de
villes latines notamment, l'exemption des charges publiques
de leur patrie en retour de services rendus par eux à Rome (3).
Nous avons déjà expliqué que le transfert du droit d'impôt à la
cité dirigeante est inconciliable avec l'essence de l'autonomie et
(1) La disposition selon laquelle les Romains ne pouvaient pas mettre
de garnison dans une ville alliée, doit avoir eu anciennement une grande
importance en Italie ; mais nous n'avons aucun renseignement sur son
application à cette région. Les annales rapportent sur l'an 555 (Tite-Live,
32, 3, 5) : Gaditanis petentibus remissum, ne pvaefectus Gctdes mitteretur,
adversus id quod Us in fidem Romanam venientibus cum L. Marcio Septimo
convertisse t. La suppression des garnisons de la Grèce à la suite de la pro-
clamation de sa liberté par Flamininus, proclamation dans laquelle cette
suppression est d'ailleurs expressément spécifiée, est d'accord avec ce prin-
cipe (Polybe, 18, 46, 5; cf. Tite-Live, 34, 50, 8. 35, 46, 10).
(2) Lettres de liberté de Termessos de l'an 683:M?ï quis magistratus...mei-
lites in oppidum Thermesum... agrumve... hiemandi caussa introducito,... nisei
senatus nominatim, utei Thermesum... inhibernaculame'ditesdeducantur,decre-
verit. Les lettres de protectorat données aux Juifs par César dans Josèphe,
Anl. 14, 10, 2. 6, sont rédigées en termes semblables (cf. Rœm. Gesch. 5, 501
= tr. fr. 11, 79).
(3) Tite-Live, 23, 20, 2, sur l'an 538 : Praenestinis militibus senatus Romanus
duplex stipendium et quinquennii militiae vacationem decrevit. Dans la lex re-
petundarum de 631-632, ligne 79, le choix est laissé au Latin qui poursuit
avec succès un citoyen romain pour concussion entre l'acquisition du droit
de cité romaine et la militiae munerisque poplici in su[a ceiv]itate [vacatio].
Cf. la partie des Sujets.
Dioit Publ. Rom., t. VI, 2« p. 21
322 DROIT PUBLIC ROMAIN.
que, lorsqu'il a lieu, l'autonomie latine ou pérégrine est en
fait supprimée (p. 314).
Douanes propres. 4. L'établissement de droits de douane maritime ou terrestre
est également considéré comme une conséquence de la souve-
raineté territoriale, et par conséquent c'est l'autorité locale qui
y procède sur le territoire des Etats alliés (1). Mais c'est sur-
tout sous ce rapport que l'hégémonie romaine a de bonne heure
et largement empiété sur les droits des cités autonomes. Les
biens de l'Etat romain, par conséquent en particulier les objets
expédiés par les magistrats romains (2) et les fermiers des impôts
romains, étaient probablement partout absolument soustraits
aux droits de douanes (3). Mais on ne s'en est pas tenu là. Si,
dans le cercle de la puissance romaine, on a imposé, en faveur
des citoyens romains et des Italiens qui leur sont assimilés,
des exemptions de droits de douane aux États voisins n'apparte-
nant pas à l'empire (4), on a dû le faire encore bien plus à ren-
contre des villes libres et des royaumes appartenant à l'empire.
(1) V. tom. IV, la théorie de la Censure, à la section des Vectigalia, sur
leur mise à ferme. Plébiscite relatif à Termessos : Quam legem portorieis ter-
restribus maritumeisque Termenses... capiundeis intra suos fineis deixserint, ea
lexieis portorieis capiundeis esto. Gicéron,De prov. cons. 3, 5, cite le vectigal ac
portorium Byrrachinorum. Les ports sont souvent mentionnés dans les
textes cités p. 317, note 4. C'est aussi à cela que se rattache le tarif de
douane de Palmyre, du temps d'Hadrien (Dessau, Hermès, 19, p. 486
et ss.).
(2). Les expéditions que Verres fait des ports de Sicile, entre autres de
ceux des villes libres de Messana et d'Halœsa (Cicéron, Verr. I. 2, 75, 185),
sans payer de droits de douane, sont représentées comme une spoliation des
fermiers de ces droits (op. cit. 70, 171 et ss.), mais c'est évidemment uni-
quement parce qu'il fait usage, dans les ports romains et non-romains, pour
son propre intérêt privé de l'exemption douanière attachée à ses fonctions
{op. cit. c. 72, 176. c. 74, 182).
(3) Plébiscite relatif à Termessos, après les mots cités note 1 : Dum nei
quid portori ab ieis capiatur, quei publica populi Romani vectigalia redempta
habebunt : quos per eorum fineis publicanei ex eo vectigali transportabunl
[fniclus, eorum portorium Termenses nei capiunto].
(4) Ainsi, en 567, à la ville d'Ambrakia 'p. 272, note 2), et avant tout aux
Athéniens, lors du transfert de l'Ile de Delos, qui leur fut fait, en 588, sous
la condition de la déclarer port libre ; les conséquences sont suffisamment
connues (Polybe, 31, 7). Le point jusqu'auquel les Romains allèrent dans cette
voie est attesté par l'ordre adressé aux Juifs, avant la constitution de la pro-
vince de Syrie, d'accorder la liberté douanière dans leurs ports au roi
d'Egypte (Joséphe, Ant. 14, 40, 22).
LES SUJETS AUTONOMES. 323
et c'est principalement par là qu'on est arrivé, dans les deux
derniers siècles de la République, à mettre, sur tout le territoire
de l'empire, le haut commerce de plus en plus dans les mains
de la nation dominante.
La cité fédérée conserve en outre l'organisation légale qu'elle Loi3 propres.
avait au moment de la conclusion de l'alliance et le droit de
modifier cette législation à sa guise suivant les formes éta-
blies par sa constitution propre, c'est-à-dire, selon l'expression
romaine, le droit de vivre selon ses lois propres (suis legibus
utî) (1). Il en est ainsi en particulier des territoires gouvernés
par des rois, des princes ou des prêtres, qui sont dans la clien-
tèle romaine : chacun d'eux conserve son droit national (2).
Comme applications de ce principe, on peut citer, en première
ligne, les assemblées communales organisées dans chaque
ville libre selon sa coutume et à son gré ; ensuite la législation
sur les fiançailles, différente de la législation romaine, des vieil-
les villes latines, qui a été abrogée par la concession du droit
(1) Parmi les nombreux témoignages qui montrent l'autonomie fédérale
fondée sur les sux leges, on peut relever les suivants. Sénatus-consulte de
673 relatif à Stratonikeia (Bull, de corr. hell. 9, p. 437), ligne 42 : [Aixouotç
x]a\ vofxoi? xai è8t(7{/,[oîç toi; ISIotç, ot; TtpoTspov È-/pûvTO,] oizinc, -/pûvra'., etligne
82 : [OIç]ts vôjxo:; é6t(7[xoT; ts îôc'otç 7tpoT£pov [èxptovTO, to Xocjtov touJtoiç xpaa--
6w<7av. Le sénat dispose, en 673, pour les habitants de Chios, ô'tuo; v6|xoiç
ts -/.ai eôeatv xal Sixatoiç [xpwv]xai [a] 'éV/ov ote tt] ePa)[xaî(ov çtXca •JipoaYjXôov
(C. 1. Gr. 2222). Plébiscite »de 683 relatif à Termessos : Ei... legibus sueis
ita utunto, itaque ieis omnibus sueis legibus Thermensis majoribus Pisideis utei
liceto, quod advorsus hanc legem non fiât (C. I. L. I, n. 204). Sénatus-consulte
relatif à Aphrodisias : Tû Sixaloi %a\ tociç [xpto-eaiv ? xaXç, êavTTjç Tr,v rcoXiv]...
•/pr,a8at, (G. I. Gr. 2737). Tite-Live, 9, 43, 23 : Hernicorum tribus populis
quia maluerunt quam civitatem suse leges redditœ. 29,21, 7: (Locrensibus) liber-
tatem legesque suas populum R. senatumque restituere. 45, 29, 4. Trajan à Pline
(p. 319, note 1): Legibus ipsorum quibus (les Amiseni) beneficio fœderis utuntur.
Dion, Or. 34, éd. Reiske, p. 36,: "Attç ocv ç(Xot; êfvrcûç xat/<rj[ji|xa-/o-.ç.... xàxetvoç
(Auguste) ûjitv (aux Tarsiens) TCapéer/2 X^Pavi voixou;, . Tt(xr,v, èi-oyo-sav toO
ico-cajxoO, tt(; 8aXarry)c t?,: xa6' a-jxo-jç. — Au reste la même formule se rencontre
à l'égard des États avec lesquels Rome est seulement en relations d'amitié,
par exemple dans la proclamation de Flamininus aux Achéens(p.281, note 2)
et ailleurs encore (Tite-Live, 9, 4, 4. 37, 32, 14. 38, 39, 12).
(2) Strabon dans le texte cité p. 319, note 1 : El<r\ 8k xal 8-jvaorat xcvèç
xal poXapx°( *at ΣP£^ '^' <xùtoîç (aux Romains)* outoc (iiv ôtj ÇôSc-sxaTà Tivaç
naTpiou; vojxouç. César rendit à Gommius, roi des Atrébates les jura legesque
de sa tribu (César, B. GalL 7, 76).
324 DROIT PUBLIC ROMAIN.
de cité (1); l'exclusion de la nomination des tuteurs par le
magistrat romain et du tuteur optif delà femme contenue pro-
bablement encore dans les statuts municipaux latins du temps
de l'Empire (2) ; la disposition contenue dans le statut com-
munal de Ségeste en Sicile selon laquelle aucun non-citoyen ne
pouvait acquérir de propriété foncière dans son territoire (3) ;
le droit de préférence accordé à la cité en matière de faillite par
le statut communal d'Antioche en Syrie (4). Pour que l'inno-
vation approuvée par les comices romains puisse s'appliquer
dans une ville latine (5) ou en général dans une ville fédé-
rée (6), il faut qu'elle y soit également adoptée par le peuple.
Selon toute apparence, les cités italiques n'ont pas fait un usage
étendu de leur autonomie ; elles sont restées à ce point de vue
principalement sous l'influence de la cité dirigeante, et elles ont
copié ses institutions sous plus d'un rapport (7).
({) Aulu-Gelle, 4, 4, 3 : Hoc jus sponsaliorum (muni d'une action en exécu-
tion, de bonne heure disparue en droit romain) observatum dicit Servius adid
tempus, quo civitas universo Latio lege Julia data est.
(2) Statut municipal de Salpensa, c. 22, et mon commentaire, p. 439. 459.
(3) Cicéron, Verr. 3, 40, 93 : Commercium in eo agro nemini est. Les Ro-
mains ne sont pas exceptés.
(4) Papinien, Dig. 42, 5, 37 : Antiochensium Cœlœ Syrise civitati, quod lege
sua privilegium in bonis defuncti debitoris accepit, jus persequendi pignoris du-
rare constitit.
(5) Gicéron, Pro Balbo, 8, 21 : Tulit apud majores nostros legem C. Furius
de testamenlis, tulit Q. Voconius de mulierum hereditatibus, innumerabiles alise
leges de jure civili latse sunt; quas Latinivoluerunt adsciverunt. Aulu-Gelle,
16, 13, 6, fait aussi entrer dans sa définition des municipes, qui à la vérité
mélange l'ancien et le nouveau, les mots : Neque ulla populi Romani lege
adsùicti, nisi in quam populus eorum fundus factus esset. La cité qui pos-
sède ce droit semble être appelée municipium fundanum à la fin de la loi Ju-
lia municipalis; tout au moins cette explication proposée par moi {Stadtrecht
von Salpensa, p. 409) me paraît préférable à celle de Savigny qui y voit la
cité entrée de son consentement parmi les citoyens. Sur le mot, cf. surtout
Festus, Ep. p. 89 : Fundus dicitur populus esse rei quam aliénât, hoc est auctor.
(6) Gicéron, Pro Balbo, 8, 20 : Fœderatos populos fieri fundos oportere...
non magis est proprium fœderatonim quam omnium lïberorum. 11, 27 : Est
illud imperitissime diclum de populis fundis, quia commune liberot^um est po-
pulorum, non proprium fœderatorum; ex quo intellegi necesse est aut neminem
ex sociis civem fieri posse aut etiam posse ex fœderatis.
(7) Des exemples remarquables à ce sujet sont l'agitation en faveur du
vote secret dans l'ancienne cité volsqued'Arpinum(VI, l,p. 466, note 1) et le
citoyen de la ville hernique d'Aletrium appelé Censorinus parce qu'il avait
deux fois revêtu la censure (v. tome II, la théorie des Causes d'inéligibilité
LES SUJETS \UTOXOMES. 325
En droit, cette autonomie est naturellement limitée en Rapports de ia
. législation
principe par la règle que toute disposition en contradiction romaine et de
r r L i-> i l l'autonomie.
avec la convention d'alliance est nulle. Mais en outre elle est
restreinte pour le Latium et pour l'Italie tout entière par le
pouvoir législatif suprême que la République romaine s'est ar-
rogé sur ces régions. Nous avons déjà remarqué (p. 241) que
la suppression de l'assemblée fédérale latine n'a pas fait dis-
paraître ses droits : ils ont passé aux organes corrélatifs de l'É-
tat romain, et par suite la loi romaine était légalement obliga-
toire pour les villes latines, et la prédominance politique de
Rome a donné de plus en plus d'efficacité à ce principe. Les re-
lations établies entre Rome et le Latium ayant servi de modèle
pour toute l'Italie, la même idée a dû être appliquée dans les
traités conclus avec le reste des cités italiques. Il peut bien sans
doute avoir été apporté une limitation aux pouvoirs de la cité
prépondérante: c'est l'impossibilité de supprimer l'État dépen-
dant par une décision unilatérale des comices romains (p. 330,
note 2). Mais, pour le surplus, il est probable que toutes les lois
romaines dont les dispositions étaient étendues aux cités ita-
liques avaient légalement force obligatoire pour ces dernières,
et de telles lois générales ont été rendues fréquemment, sans
que cela ait été aucunement un produit exclusif des empiéte-
ments de l'État dominant. Des vestiges multiples attestent l'in-
fluence exercée par la législation romaine sur l'organisation
des villes autonomes d'Italie.
L'identité de forme du plus ancien cens romain et de celui cens.
des constitutions des villes italiques remonte certainement à
l'organisation de la ligue latine primitive (p. 23o). Mais la con-
formation de cette institution et surtout son extension à toute
l'Italie appartiennent sûrement au gouvernement romain. En
présence du rôle fondamental qu'avait le cens dans l'organisa-
tion militaire de toute l'armée commune italique, l'adoption
relative, n. 5, sur l'interdiction de l'itération de la censure). Il est difficile
que la législation spéciale de ces cités ait constitué une anomalie sous ces
rapports.
Edililé.
326 DROIT PUBLIC ROMAIN.
d'un système uniforme a sans doute été imposée pour condi-
tion à toute cité qui entrait dans cette communauté. Dans la
constitution municipale osque de Bantia, la punition du ci-
toyen de Bantia qui omet de se présenter au cens devant les au-
torités locales est réglée sur le modèle romain (1), et la cen-
sure y apparaît, conformément aux institutions romaines mo-
dernes, comme la plus haute magistrature locale, accessible seu-
lement à l'ex-préteur. Dans le dernier siècle de l'autonomie dé-
pendante des Italiens, le cens est même centralisé à Rome
pour toute l'Italie par l'envoi dans la capitale des listes de recen-
sement des cités autonomes (2).
Une autre application de cette hégémonie est l'établissement
de l'édilité dans les cités italiques. L'agoranomie, telle qu'elle
a été introduite à Rome en 387 (3), se retrouve, dans toutes les
constitutions des États italiques, si parfaitement semblable à
elle-même et à l'agoranomie romaine que ce ne peut être
l'œuvre de législations particulières, même influencées par
Rome ; d'autre part, la réglementation et la protection du
commerce interlocal des marchés, qui constituent la destina-
tion propre de cette magistrature, rentraient en première ligne
dans la compétence de la cité dirigeante. Selon toutes les vrai-
semblances, l'édilité locale a pour origine une loi romaine, qui
obligea d'abord les villes latines à remanier leurs constitutions
municipales dans ce sens et à laquelle les autres villes
italiques furent ensuite également astreintes à se con-
former,
influence des Cette organisation donnée non pas seulement au Latium, mais
0insat!tutfoUns es à toute l'Italie par l'autorité romaine a disparu de la tradition
historique. Mais le souvenir en a été fidèlement conservé par
l'impartiale tradition du langage : les mots politiques originaire-
(1) V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection
des rôles des citoyens, sur la procédure suivie contre les défaillants.
(2) V. la même section, sur l'étendue du cens.
(3) V. tome IV, la théorie de l'Édilité moderne, sur le rang et les insi-
gnes des édiles curules, in fine.
italiques.
LES SUJETS AUTONOMES. 327
ment latins à'œdilis (1), quaestor (2), censor (3), impera-
tor (4), senatus (5), peut-être de lex (VI, 1, p. 331, note 2) et
même de prêt or (6) et de tribunus plebis (7) ont passé dans la
terminologie officielle des Ombriens, des Gampaniens et des Lu-
caniens, avec les abréviations usitées à Rome. Dans ce domaine
de la constitution politique, où l'indépendance de développe-
ment entraîne nécessairement des diversités de formations et
surtout des diversités de dénominations, les institutions des
villes italiques présentent, même hors des pays de langue la-
tine, des similitudes multiples et surprenantes avec les insti-
tutions romaines, et elles affirment la constitution et la trans-
formation de l'Italie opérées sous l'hégémonie de Rome.
On peut relever, comme applications spéciales du droit de la hos ep«eiaie?.
cité dominante d'intervenir dans l'autonomie des cités dépen-
dantes: le plébiscite sempronien de 561 qui assimila les Ita-
liotes aux Romains en matière de dettes d'argent (8) ; les dis-
(1) « La dérivation du latin de l'osque cudilis peut être établie indubita-
blement (Ascoli, Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung 17, 236). Car le
dh primitif (sanscrit idh, aiôw) est représenté, en osque, par un f, parexemple
dans méfiait, latin média, sanscrit madhya. » Joli. .Schmidt.
(2) L'origine des formes que l'on trouve à la place de quaestor, en om-
brien kvestur, en osque kvaîsstur, ne peut se déterminer linguistiquement
avec certitude. « Nous n'avons pas de preuve extérieure pour le latin quxrere;
le latin qu peut être le sanscrit çv, et il a pour correspondant régulier en
osque-ombrien kv ; exemples : sanscrit açva-s, latin equos, ombrien ekvine ;
sanscrit ddça, latin decem, decu-, ombrien tekvias, osque dekvkîariem. » Joh.
Schmidt.
(3) Censor se dit en osque keenzstur, censtur, kenzsur ; linguistiquement
Ton ne peut pas non plus ici fournir la preuve de l'emprunt, me fait remar-
quer Schmidt.
(4) Embratur sur les monnaies de la guerre sociale.
(5) Senatus aussi dans des textes osques et falisques.
(6) Dans le statut de Bantia.
(7) Il figure dans une inscription de la colonie latine de Venusia (C. I. L.
IX, 438) et dans le statut municipal de la ville fédérée lucanienne de Bantia
qui sont, le second sûrement et la première probablement, antérieurs à la
guerre sociale. Il a disparu du régime municipal postérieur.
(8) Tite-Live, 35, 7 : Plèbes scivit, ut cum sociis ac nomine Latino créditée
pecuniœ jus idem quod civibus Romanis esset. La loi Furia sur le cautionne-
ment, applicable seulement in Italia (Gaius, 3, 121 a. 122), concernait le même
cercle de personnes. En présence de la situation existante, notamment
après l'extension des privilèges commerciaux à tous les Italiens, des dis-
positions de ce genre devaient nécessairement être prises.
italiques.
328 DROIT PUBLIC ROMAIN.
positions connues qui étendirent à toute l'Italie les mesures
prises en 568 contre les associations de sectateurs de Bac-
chus (1) ; la loi Didia qui étendit en 611 aux Italiotes la loi
Fannia sur le luxe rendue en 593 (2). Nous ne sommes pas à
même de dire dans quelle mesure l'Italie voyait dans le peu-
ple romain un chef ou un tyran. Il n'y a, dans notre tradition,
d'ailleurs exclusivement romaine, aucun indice que les mesu-
res de cette espèce aient jamais été considérées comme un em-
piétement.
Empiétements La législation romaine fut donc étendue à toute l'Italie, dès
des Rom.uns sur o '
1 'autats°e™t?a?es avant que ses habitants fussent entrés légalement dans le
cercle des citoyens. Au contraire cette législation n'est pas di-
rectement intervenue dans l'autonomie des fédérés d'outre-mer.
Politiquement Massalia et Athènes ne dépendaient pas moins
de Rome que Préneste et Perusia. Mais la législation romaine
ne pouvait pas légalement s'immiscer dans les institutions des
premières comme dans celles des secondes, et les Romains
n'avaient pas là le même intérêt qu'en Italie à établir l'unifor-
mité. Sans doute, les cités dépendantes étaient, soit au moment
de l'alliance, soit par la suite, amenées par toute espèce de
contraintes à régler leurs institutions intérieures de la façon
qui convenait aux Romains, en particulier à remanier dans le
sens oligarchique leurs institutions démocratiques (3). Mais
c'est communément arrivé par voie indirecte et dans les for-
mes indiquées par la constitution de la cité dépendante : cela
rentre dans l'histoire politique et non pas dans le droit public
romain. Sans doute il ne manque pas de preuves que la Répu-
blique romaine elle-même se mit déjà au dessus du prin-
(i) V. Tome I, la théorie du Droit d'agir avec le peuple, sur le lieu de
publication des édits.
(2) Macrobe, Sat. 3, 17, 6 : {Legis Didise) ferundœ... fuit causa... ut universa
Italia, non sola urbs, lege sumptuaria teneretur, Italicis existimantibus Fanniam
legem non in se, sedin solos urbanos cives esse conscriptam.
(3) Par exemple le droit de cité s'achetait à Tarse pour 500 drachmes, et
les « tisserands » (),tvoupvo(, non Xi^o-jpyo:), c'est-à-dire la multitude sans for-
tune était wo-riEp eÇcoÔsv ttjç 7ro)>tTcîa; (Dion Chrysostome, Or. 34, éd. R. p. 43
et ss.)
LES SUJETS AUTONOMES. 329
cipe théorique de l'indépendance des alliés grecs. Sans parler
des privilèges des Romains et des Italiens, qui ont sans doute
été plus d'une fois introduits sans traités par un acte d'auto-
rité pur et simple, la dérogation au principe que les enfants
suivent la patrie du père, admise en faveur de la ville d'Ilion,
constituait par exemple une atteinte aux droits de toutes les
autres cités de l'empire (1). La législation générale de l'em-
pire a restreint dans une mesure toujours plus forte la lé-
gislation propre des cités autonomes (2), et, sous le Principat,
dont la tendance était d'anéantir l'autonomie et de l'assimiler
à la sujétion, il n'en est finalement pas resté grand'chose.
Mais ce qui s'était accompli en Italie dès les derniers siècles de
la République n'eut lieu pour le reste de l'empire que dans
la période impériale moderne, et, à l'époque dont nous nous
occupons ici, la distinction est en pleine vigueur.
Il nous reste à étudier une question : la cité romaine a-t-elle L'autonomie et
x le changement
le droit de conférer, par un acte unilatéral, son droit de cité decité-
au membre d'une cité alliée, de manière à ce qu'en l'acceptant
il perde son droit de cité antérieur, ou bien faut-il en outre pour
cela le consentement de la cité intéressée ? Naturellement il n'est
pas besoin de ce consentement quand il s'agit de l'application
de règles contenues dans les traités. Quand les traités latins
liaient l'acquisition du droit de cité romaine au transport du
domicile à Rome ou à l'exercice des magistratures de la patrie
latine, les cités alliées avaient parla même d'avance donné leur
consentement au changement de droit de cité. Si, à l'inverse,
les Romains s'étaient obligés dans certains traités à ne concéder
le droit de cité à aucun membre de la cité contractante, ils
(1) Ulpien, Dig. 50, 1, 1, 2 : lliensibus concessum est, ut qui matre Iliensi
est, sit eorum municeps. La loi Glodia donna d'une manière analogue au
gouverneur de Macédoine juridiction sur les dettes d'argent des cités auto-
nomes (p. 337, note 1). A l'époque récente, il est souvent arrivé qu'une
règle de droit romain fut étendue par une loi ou un sénat us-consulte aux
provinces (Gaius, 1, 47. 185. Ulpien, 11, 18.20).
(2) Ce que dit Gicéron, Pro Balbo, 8, 22 : Cum aliquid populus R. jussit, id
si est ejusmodi, ut quibusdam populis sive fœderatïs sive liberis permittendum
esse videatur, ut statuant ipsi... quo jure uti velint, tum, utrum fundi facti sint
an non, quserendum esse videtur, [doit être exact quant au fond.
330 DROIT PUBLIC ROMAIN.
étaient liés par cette clause (1). Lorsque on n'était ni dans
un cas ni dans l'autre, la logique du droit réclamait le consen-
tement des deux États intéressés, et ce principe a encore été ap-
pliqué pratiquement, dans le cas le plus important, dans celui
de concession du droit de cité romaine à tous les citoyens d'une
ville autonome (VI, 1, p. 150), aux résolutions de ce genre votées
à la suile de la guerre sociale pour toutes les cités italiques (2).
Même relativement aux individus isolés, les Romains semblent
avoir considéré le droit de cité romaine comme subsistant jus-
qu'à ce que les comices romains n'eussent statué sur sa dispa-
rition lorsque un citoyen romain passait dans une cité qui n'é-
tait pas en traité avec Rome (3). Quant aux cités alliées, la
nécessité de leur assentiment a été controversée dans les der-
niers temps de la République (4), et le droit de cité romaine
peut bien, en fait, avoir été conféré à leurs membres par un acte
unilatéral de Rome; mais l'opinion contraire est sans aucun
doute seule correcte. — Sous le Principat, on ne trouve aucune
trace de ce droit des fédérés.
incompatible Nous sommes partis, dans l'étude de cette question, de l'an-
du droit de cité
romaine et du cien principe de l'incompatibilité du droit de cité romaine avec
droit de cité alliée. L L L
un droit de cité de même nature. Cette incompatibilité est dans
la nature des choses, et elle a sans doute toujours été maintenue
par rapport à l'étranger indépendant. Le Carthaginois du
temps de la République, ou le Perse du temps de l'Empire,
(1) Cicéron, Pro Balbo (prononcé probablement en 698), 14, 32 : Qnœdam
fœdera exstant ut Cenomanorum Insubrium Helvetiorum lapudum, nonnullo-
rum item ex Gallialbai^barorum, quorum in fœderibus exceptum est, ne quis
eorum a nobis civis recipiatur. Peu importe naturellement que les cités fas-
sent partie de l'empire, comme les Génomans, ou n'en fassent pas partie,
comme les barbari ex Gallia.
(2) Cicéron, après les mots cités p. 324, note 5 : Ipsa denique Julia, qua
lege civitas est sociis et Latinis data, qui fundi populi facti non essent, civita-
tem non haberent : in quo magna contentio Heracliensium et Neapolitanorum
(cf. Cicéron, Ad fam. 13, 30) fuit, cum magna pars in lis c'witatibus fœderis sui
libertatem civitati anteferret.
(3) On ne peut comprendre autrement la concession An justum exilium (VI,
1, p. 54, note 1).
(4) Cicéron, Pro Balbo, 8, 19 : Accusator... negat ex fœderato populo quem-
quam potuisse, nisi is populus fundus factus esset, in hanc civitatem ventre.
LES SUJETS AUTONOMES. 331
qui reçoit le droit de cité romaine cesse sans doute par là, au
point de vue romain, d'être Carthaginois ou Perse. Mais relati-
vement aux États autonomes dépendants de Rome, le droit a
changé ; et l'on peut voir dans cette modification, comme dans
la modification symétrique relative au poslliminium (p. 282,
note i), l'expression transparente de la transformation de l'au-
tonomie dépendante en incorporation dans l'empire. Pendant
toute la durée de la République, c'est un principe établi que,
comme ditCicéron (VI, i, p. 52, note 1), aucun peritus nostri mo-
ris n'accepte le droit de cité d'Athènes s'il veut rester citoyen
romain. Cependanton voit déjà là qu'il était alors devenu vacil- compatibilité
postérieure.
lant au moins en pratique, et en fait il est bientôt après signalé
comme juridiquement controversé par Cornélius Nepos (toc. cit.).
Sous Auguste et depuis, la règle contraire est établie : le droit de
cité romaine est conciliable avec le droit de cité de toutes les ci-
tés de l'empire, qu'elles soient latines ou pérégrines autonomes
(VI, 1, p. 242, note 4); c'est-à-dire que les cités autonomes de
droit latin ou de droit pérégrin qui appartiennent à l'empire se
sont transformées d'États en villes. La tradition ne nous dit
pas quand et comment s'est opérée cette transformation, ni si
elle a eu lieu d'un seul coup ou successivement. Mais elle doit
se rattacher essentiellement à la guerre sociale, ainsi que nous
l'avons déjà expliqué au sujet des cités cisalpines de droit la-
tin (p. 265). En tout cas, elle est impliquée par l'organisation
militaire d'Auguste ; car c'est en vertu de ce principe que les
légionnaires peuvent indiquer comme leur patrie aussi bien Ne-
maususou Ancyra que Capua (VI, 1, p. 262, note 4). En théorie
comme en pratique, le droit de cité romaine est compatible, sous
le Principat, avec le droit d'origine de toutes les cités de l'em-
pire, et la concession du premier ne change rien au second. Ce
régime a abouti à permettre au fils de Septime Sévère d'accor-
der le droit de cité romaine à tous les non-citoyens de l'em-
pire (1) sans modifier par là les institutions existantes des di-
(1) Ulpien, Dig. 1, 5, 17 : In orbe Romani qui sunt, ex constitutione imp. An-
tonini cives Romani effecti sunt (d'où incorrectement Justinien, Nov. 78, a).
332 DROIT PUBLIC ROMAIN.
verses cités de non-citoyens, ainsi qu'on peut le voir notam-
ment par l'exemple d'Athènes (1).
statuts des villes L'entrée dans l'union militaire romaine avait souvent pour
autonomes. r r
conséquence la codification du droit local. Un statut de ce genre
se rattachant aux institutions des anciennes villes latines était
surtout nécessairement donné aux cités fondées comme cités
de droit latin ou plus tard gratifiées de ce droit. Quant au
fond, les statuts latins étaient semblables entre eux, pour les
points essentiels, et ils ne se distinguaient, à l'époque récente,
que par leur rattachement au nom de telle ou telle ville (2);
Dion, 77, 9. Vita Severi, 1 (p. 99, note 4). Augustin, De civ. dei, 5, 17 : Fac-
tura est, ut omnes ad Romanum imperium pertinentes societatem acciperent civi-
tatis et Romani cives essent. Sur le caractère personnel de cette constitution
et sur les catégories qui n'y sont pas comprises, cf. Hennés, 16, 474 et ss-
[Dans le système de la monarchie de Dioclétien et de Constantin, celui
qui appartient à une cité de l'empire organisée selon le type urbain est
par là même citoyen romain et, quelles qu'aient été la rédaction et la portée
primitive du texte d'Ulpien, c'est là certainement le sens dans lequel il doit
être interprété dans la compilation de Justinien. Mais il ne faudrait pas
croire que l'ancienne idée de la pérégrinité appartenant à l'empire eût dis-
paru à cette époque. Elle a seulement diminué d'étendue et changé de
nom. Les barbait ou g entiles d'un certain nombre de districts frontières
appartiennent à l'empire comme les anciens pérégrins, et, comme eux, ils
sont exclus des lois personnelles romaines et soumis à leur droit propre.
Dans un texte de la première moitié du ve siècle, Théodoret (CEXX. Ua-br^.
eEparauTixTj, tract. 9, éd. Gaisf. p. 337 et ss.) décrit l'unité de législation réa-
lisée en principe par les ïlomains sur tout le territoire, et il remarque no-
tamment que les Athéniens et les Lacédémoniens vivent eux-mêmes à
cette époque selon les lois romaines; mais il constate qu'il y a un certain
nombre de peuples des frontières, les ^Ethiopiens, les Saraceni, les Lazes,
lesSanni, les Abasgi et en général les Barbares soumis aux Romains qui
« ne concluent pas leurs conventions selon les lois romaines. » (cf. aussi
Themistios, éd. Dindorf, p. 257). Ce qui est vrai dans l'empire d'Orient
pour les Lazes et les Saraceni l'est dans l'empire d'Occident pour les Goths
qui vivaient également en Italie selon leurs lois propres à côté des citoyens
romains vivant selon les leurs, et leur statut personnel survécut même à
la conquête de Justinien, ainsi que l'atteste, d'une manière à la fois tardive
et frappante, un acte fait à Brescia en 769 par un certain Stavila, civis Bri-
xianus vivens legem Gothorum (Cod. dipl. Langob. n. 38, col. 72). V. Neues
Archiv, 14 (1888), p. 526, notes 2 et 4; p. 533 et 534.]
(1) Dittenberger a parfaitement établi l'effet de ce rescrit sur le titre
C. /. AU. III, 1187, écrit avant 222 : les noms romains, qui sont en mino-
rité dans les anciennes listes d'éphèbes, se trouvent dans celle-ci pour tous
et se rattachent pour la plupart à Caracalla.
(2) Gomme on sait, une partie du statut de Salpensa a été trouvée à Ma-
LES SUJETS AUTONOMES. 333
quant à la forme, chacun d'eux est la constitution municipale
d'une ville indépendante. Comme il se conçoit, cette codifica-
tion est faite en partant de l'identité essentielle du droit romain
et du droit latin, et elle se rapporte principalement aux points
sur lesquels on ne pouvait pas se contenter d'appliquer pure-
ment et simplement les institutions romaines, c'est-à-dire à
la constitution municipale et, en droit privé, surtout au droit
des personnes. — Il n'est pas invraisemblable qu'en Italie les
cités alliées qui n'avaient pas été fondées par Rome ont été elles-
mêmes, en entrant dans la confédération, invitées à faire une
codification analogue de leur statut local; car les institutions qui
devaient être communes à toutes les villes alliées n'auraient pas
facilement pu être introduites autrement. Un statut local de ce
genre, appartenant à'ia ville de Bantia en Lucanie et rédigé dans
la langue du pays, nous est parvenu en partie. Les magistratures
qui y sont énumérées sont : la censure, la préture, dont le titu-
laire peut être remplacé par un prœfectus, la questure et le tri-
bunat du peuple ; elles sont mises dans un ordre analogue à
celui de la loi Villia (1). On y trouve en outre réglés : l'in-
tercession ; le pouvoir judiciaire du peuple en matière capitale et
en matière de multa (p. 335, note 1) ; la procédure suivie en
matière de multa devant le préteur ; enfin le cens et la procé-
dure observée contre celai qui s'y soustrait. Partout on recon-
naît les institutions romaines, y compris même les plébéiennes :
lorsque on rencontre des divergences, elles semblent soit pro-
venir de coutumes locales, comme par exemple la substitution
du mois de trente jours au trinum nundinum, soit se rap-
porter à ce qui était prescrit à Rome plutôt par l'usage que par
la loi : ainsi l'éligibilité à la censure a ici pour condition en
forme l'occupation de la magistrature, et l'intercession, semble-
laca avec des tables du statut propre de Malaca; il n'y a qu'une explication
possible; c'est qu'une défectuosité du dernier exemplaire a été comblée par
l'acquisition de celui de Malaca.
(1) V. tome II, la partie de l'Ordre des magistratures, sur l'occupation de
l'édilité curule avant la préture et sur la relation du tribunat du peuple
avec l'ordre des magistratures patriciennes.
334 DROIT PUBLIC ROMAIN.
t-il, un sénatus-consulte. — La concession de ces statuts locaux
émanait, pour les colonies latines (1) et les cités qui n'avaient
pas été antérieurement autonomes (2), de l'autorité romaine,
qui avait à déterminer les modalités de la constitution locale
en même temps qu'elle l'accordait. Dans les cités déjà recon-
nues antérieurement comme autonomes, le contenu du statut
était sans doute théoriquement adopté par une résolution de
leurs comices (3).
t ribunnx Une autre conséquence de l'autonomie était l'existence de tribu-
propres : •î/i
naux indépendants. Nous avons d'autant moins à insister sur
le principe que, comme nous le montrerons plus loin, les tri-
bunaux propres ont été, en matière criminelle et plus encore
en matière civile, étendus aux cités qui n'étaient pas lé-
galement autonomes et aux cités de citoyens. Mais il y a
une question nécessaire à poser, quelque difficile qu'une réponse
satisfaisante soit rendue par l'état des sources : c'est la question
de la mesure dans laquelle Rome a, en vertu de son hégémomie,
empiété sur la souveraineté de juridiction civile et criminelle
appartenant aux cités alliées.
julien La justice criminelle est, dans les cités fédérées, encore rendue
criminelle; ,, K i t-» • • t ••
par elles-mêmes sous le Pnncipat (4). La constitution muni-
cipale de la ville de Bantia,en date du temps des Gracques, que
nous avons citée tout à l'heure, nous permet d'apercevoir à la
fois le libre exercice de cette souveraineté et l'influence exercée
par l'imitation du modèle romain : elle donne au peuple de Ban-
(i) Sans aucun doute, tous les magistrats chargés de la fondation d'une
colonie latine ont été chargés de faire cette codification, et la concession d'un
statut municipal latin rentre aussi bien dans la notion de la lex data ro-
maine que celle du statut local d'une cité de citoyens (VI, 1, p. 334, note 7).
(2) C'est pourquoi les statuts municipaux espagnols du temps des Fla-
viens se présentent comme des leges datse.
(3) Un pareil statut ne peut être considéré comme une lex data romaine
qu'en sacrifiant la continuité de la constitution antérieure de la cité et de
celle établie sous l'influence romaine. Lorsque Brixia changea sa qua-
lité d'alliée contre le droit latin, ce changement fut légalisé par une résolu-
tion des Brixiani.
(4) Cn. Piso a du ressentiment contre les Athéniens, quia Theophilum
quemdam Areo judicio falsi damnatum precibus suis non concédèrent (Tacite,
Ann, 2, 55).
LES SUJETS AUTONOMES. 335
tia juridiction sur la personne et les biens des citoyens exacte-
ment dans les formes ànjadicium populi romain (1). En prin-
cipe cette juridiction s'étend, comme celle de Rome(2), sur toute
la sphère d'autorité delà ville, c'est-à-dire sur tous les individus
qui se trouvent sur le territoire en question, sans distinction
de statut personnel. par conséquent même sur les ltalici qui s'y
trouvent. En droit, l'Athénien est justiciable des tribunaux ro-
mains pour le crime commis à Rome, et le Romain est justiciable
de l'Aréopage pour le crime commis à Athènes; et, lorsque le
Romain coupable se trouvait entre les mains des autorités alliées,
le droit de punir paraît avoir été exercé en fait contre lui par
les cités autonomes de la meilleure condition (3). Mais lorsque
le Romain était hors d'Athènes, il est difficile qu'Athènes en
ait obtenu l'extradition : en pareil cas, l'affaire était sans doute
déférée à un tribunal romain sur la demande des alliés. En
outre, il est probable que, par suite de la position prépondérante
de Rome, la juridiction criminelle a été, relativement aux ci-
toyens romains et au reste des Italiens, retirée par leurs trai-
tés à la plupart des cités fédérées en tout ou en partie. Si l'au-
tonomie a été retirée à plusieurs de ces cités sous le Principat
pour cause d'empiétements sur cette juridiction (4), le reproche
(1) Cf. VI, 1, pp. 406 et 407. La loi porte, lignes 8 et as.: Pis pocapit post exac
comono hafiest meddis dat castrid lov[frud] en eituas, factudpovs tovto deivatuns
tanginom deicans, c'est-à-dire Qui quandoque post hac comitia habebit magistra-
tusde capite (castr-ne peut signifier autre chose) \libero et pecunia, facito ut
populus juvati sententiam dicant (c'est-à-dire jurât us saffragium ferat). Puis
il est établi contre l'infraction à ces dispositions une multa fixe ou arbitraire
alternativement, selon le système romain (v. tome I, la théorie de la Juri-
diction criminelle, sur les pouvoirs judiciaires attribués aux magistrats en
général), et enfin les quatre délibérations préalables et la délibération défi-
nitive des comices judiciaires sont réglées comme il a été indiqué VI, 1, pp.
406 et 407, par les mots : Svas pis pru meddixud altrei castrovs avti eituas zi-
colom dicust = si qiàs pro magistratu alteri capitis aut pecuniae diem dixerit.
(2) V. tome I, la théorie de la Coercition, sur sa définition et son étendue.
(3) Si le sénatus-consulte de 674 (C. I. Gr. 2222) décide, relativement aux
Ghiotes, guoùç 01 7iap' aùrotç ô'vtô; cP(jù[[aocÏoJ'. toïç Xe-tov •jnaxo'jcoatv vofxotç,
cela doit sans doute s'entendre de la procédure criminelle. Je ne connais
pas à ce sujet de dispositions expresses.
(4) Cf. p. 317, note 2. On reprocha aux Rhodiens d'avoir mis en croix
des citoyens romains (Dion, 60, 24) : aux Gyziceni d'avoir mis aux fers des
336 DROIT PUBLIC ROMAIN.
peut s'être rapporté, à côté de la façon dont la juridiction
avait été exercée, au fait même de l'avoir exercé. Sous le gou-
vernement meilleur de l'Empire, la répression des infractions
des citoyens peut ensuite avoir été progressivement soumise
aux mêmes règles dans les cités autonomes que dans les cités
de citoyens. — A l'inverse, le gouvernement romain n'a pas
seulement soumis les citoyens des villes libres aux tribunaux
romains en vertu du principe de la souveraineté de l'autorité
du lieu; il est allé au delà de ce principe soit pour les sou-
mettre à la justice criminelle de l'empire à raison de certains
délits (1), soit pour les y soumettre arbitrairement d'une façon
générale (2). Les villes libres partageaient avec les cités de
sujets et celles de citoyens la possession d'une juridiction cri-
minelle propre; mais la leur avait théoriquement et pratique-
ment plus d'importance, et elle s'est sans doute aussi maintenue
plus longtemps. L'intervention des tribunaux romains, qui
rentrait pour le reste des habitants de l'empire dans le cours
légal et habituel des choses, était en face d'eux une violation
de leurs privilèges (3). L'absence de témoignages suffisants
ne permet pas d'étudier cette situation de plus près.
justice La justice administrative des villes libres était entre les
administrative; , _ . . ,
mains de leurs autorités. Le gouverneur romain commettait un
citoyens romains (Dion, 57, 24; additis violentiae criminibus adversum cives
Romanos, Tacite, Ann. 4, 37, de même Suétone, Tib. 37).
(1) Il ne faut pas rejeter le témoignage d'Appien, B. c. 1, 22, selon le-
quel les juges de Gracchus avaient compétence sur les Romains et les Ita-
liens, parce que nous ne pouvons pas établir à quelles gusestiones il se rap-
porte. La procédure repetundarum est étrangère à cela ; car elle ne peut être
dirigée que contre des citoyens romains.
(2) Proculus (sous les Glaudiens), Dig. 49, 15, 7, 2 : Et fiunt apud nos re
ex civitatibus fœderatis et in eos damnatos animadvertimus. Gela ne veut certai
nement pas dire seulement que l'Athénien pouvait être déféré à un tribunal
romain à raison d'un délit commis à Rome; car la simple application du
forum delicti commissi n'implique pas la mise à l'écart de l'autonomie fédé-
rale, que le jurisconsulte a visiblement dans la pensée. Sur l'intervention de
la justice impériale, cf tome V, la théorie de la juridiction criminelle de
l'Empereur.
(3) Ainsi Gicéron reproche au gouverneur de Macédoine Gn. Piso les
reducti exules Byzantium condemnati (Pro Sest. 26, 56) ou le rappel des rerum
capitalium condemnati in libéras civitates (op. cit. 39, 84).
LES SUJETS AUTONOMES. 337
empiétement en évoquant devant son tribunal une action en
paiement d'une dette dirigée contre une ville libre (1). Mais,
au moins sous le Principat, le pouvoir ceutial avait un droit
d'intervention. Des contestations existant entre la cité d'Athènes
et les propriétaires fonciers obligés à lui faire des fournitures •
sont tranchées, selon une constitution d'Hadrien, par la poiAv)
ourèx3cX7)(Jta; mais ou peut faire appel devant le proconsul
et l'empereur (2).
Si une cité sujette autonome ou l'un de ses citoyens a été PIailit*
lésé par la cité romaine ou par un citoyen ou un sujet romain,
la victime a, en dehors du droit d'agir devant les tribunaux
romains, nécessairement contenu dans un pareil traité, celui de
porter plainte au gouvernement romain, tel qu'il peut être
exercé notamment par l'envoi d'ambassadeurs (3) entre deux
États liés par un traité. Quoique la faculté de s'adresser, en
toute occasion, en passant par dessus la tête du gouverneur, au
gouvernement proprement dit ait sans doute eu, même prati-
quement, une importance, cependant ces communes n'avaient
naturellement qu'un droit de doléances, et elles devaient s'in-
cliner devant la décision des consuls et du sénat, quelle qu'elle
fut. En outre, le droit de guerre leur manquant d'ordinaire, elles
n'avaient, lorsqu'elles étaient lésées par un État dépendant de
Rome ou même par un État indépendant, d'autre ressource que
de se plaindre aux Romains, et elles étaient également responsa-
bles devant eux si un autre État se plaignait d'elles. Les deux cités
jouaient, surtout lorsqu'elles dépendaient toutes deux de Rome,
le rôle des parties, et les consuls et le sénat celui des au-
torités judiciaires (4). Cependant cette procédure a toujours
(1) Gicéron, De prov. cons. 4, 7 (cf. In Pis. 16, 37), reproche au gouverneur
de Macédoine de s'être fait attribuer, à titre extraordinaire, par une loi le
droit d'appeler devant lui en matière pécuniaire les 'populi liberi, malgré
l'interdiction expresse de la loi repetundarum de César (ut tibi de pecuniis
rreditis jus in liberos populos contra senatus consulta et contra legem generi
tui dicere liceret).
(2) C. I. AU. III, 18.
(3) P. 214. Sur la relation de ces ambassadeurs proprement dits avec les
envoyés analogues des cités de sujets et de citoyens, cf. la partie qui suit.
(4) Gela se présente particulièrement pour les conflits relatifs aux déli-
Deoit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 22
338 hB.O.IT PUBLIC ROMAIN.
eu plutôt pour caractère de soumettre uu débat survenu
entre deux États à l'arbitraire plus ou moins obligatoire
d'un troisième, et même elle n'a jamais reçu de limitations
précises (1) ni de formes procédurales arrêtées (2).
justice civile. En matière civile, les restrictions, que nous trouverons ap-
portées dans les cités de citoyens à la compétence des autori-
tés municipales au profit du préteur ou du gouverneur, ne
comportent aucune application aux cités autonomes. Le ci-
toyen d'une ville latine procède aux affranchissements et à
tous les autres actes légaux devant ses magistrats, tandis que
mitations de territoires. On en trouve de pareils mentionnés entre la ville
fédérée de Pisae et la colonie de citoyens de Luna en 586 (Tite-Live, 45, 13)
et entre la ville libre de Sparte et la cité de sujets de Messène peu après
la destruction de Corinthe (Dittenberger, Syll. n. 240). Les plaintes de pil-
lage adressées à Rome par les Oropiens contre les Athéniens (Pausanias,
7, 11, 4) et par les Leptitani contre le roi Juba (Bell. Afric. 97) sont de même
nature.
(1) Le gouvernement romain intervient absolument de la même façon
entre États légalement indépendants, mais qui se trouvent pins ou moins
dans la sphère de son autorité ; on sait le rôle joué par de telles plain-
tes dans les guerres avec la Macédoine et avec Carthage. On rencontre
aussi fréquemment une intervention, qui estjau fond de même nature, dans
les conflits entre cités de citoyens et de sujets. Le sénat intervient même,
le cas échéant, dans les difficultés soulevées dans le sein des cités auto-
nomes, pour lesquelles cependant il existe légalement une justice compé-
tente ; les plaintes formées par les lieux, attribués de Genua contre leur
chef-lieu (C. I. L. I, 199) sont caractéristiques : les tribunaux du chef-lieu
statuent ; mais, sur la plainte des lieux attribués, l'affaire est définitive-
ment réglée par un sénatus-consulte (cf. la partie des Lieux attribués). Il
n'y a pas ici de limites en forme : Rome peut intervenir pour concilier tout
différend survenu entre deux cités autonomes ou pseudo-autonomes, et le
sénat peut intervenir dans le même but partout où le gouverneur n'est pas
compétent pour les deux parties ou n'use pas de sa compétence.
(2) Dans le différend des Pisans et des Lunenses, le sénat envoie qui de
finibus cognoscerent statuerentque, quinque viros. Les bornes du territoire de
la ville fédérée de Genua et des localités qui lui sont attribuées sont éga-
lement réglées ex senatï consulte par une décision arbitrale (sententia) de
deux sénateurs après une instruction de l'affaire faite sur les lieux. Lors-
que des différends survenus entre deux villes grecques étaient soumis au
sénat, il en renvoyait souvent la décision à un tiers ; ainsi celle du litige
entre les Spartani et les Messeni aux Milésiens, celle du litige entre les
villes non-autonomes deThessalie Narthakion et Meliteia aux Samiens, aux
Golophonii et aux Magnetes (Bull, de Corr. hell. 6, 366), une affaire con-
cernant les Adramyteni, également non-autonomes, aux Andrii (C. 1. Gr.
2349, b). Cf. p. 387.
LES SUJETS AUTONOMES. 339
celui qui appartient à une cité de citoyens ne peut y procéder
que devant les magistrats de l'empire (1). Les limitations ap-
portées aux affranchissements romains ne s'appliquent pas,
en principe, aux affranchissements latins. Tandis que les procès
déférés aux magistrats des cités de citoyens ont, dans une cer-
taine mesure, le caractère d'affaires de justice de paix, par suite
delà compétence réservée sur les affaires importantes aux tribu-
naux de l'empire, les tribunaux des villes fédérées sont saisis
de tous les procès et ont qualité pour les trancher tous. Cette
distinction se manifeste avec m.o grande vigueur dans la limi-
tation apportée au droit de juridiction des cités de droit latin
de la Gaule cisalpine, lors de leur entrée dans le peuple Romain
en 705 (2). Cependant nous avons déjà remarqué (p. 247) que
lorsque Vespasien donna la latinité aux villes espagnoles, il ne
leur accorda pas la plénitude de l'autorité judiciaire. — La ré-
ciprocité internationale exige que les procès civils soient régis
par le droit du tribunal du lieu; et ce principe a été reconnu
par les Romains pour des cités particulières, par exemple pour
Chios (3). Le Romain ne pouvait poursuivre le Chiote domi-
cilié dans sa patrie que devant le tribunal de son domicile, et,
si lui-même avait établi à Chios sa résidence durable (consistit),
il pouvait être poursuivi devant le tribunal du lieu, décisions
qui avaient toutes deux une importance pour les nombreux
négociants romains et italiens qui se trouvaient dans les pro-
vinces. Mais il est probable que cette réciprocité n'était établie
que dans un petit nombre de traités d'alliance (4), et, même
(1) Statut de Salpensa, c. 22, et mon commentaire, p. 434.
(2) C'est ce que montre le fragment législatif d'Ateste (Bruns, Fontes
juris, 5e éd. p. 100); cf. Hermès, 16, 34.
(3) La disposition rapportée p. 335, note 3, ne dit pas, .pour les Romains
vivant à Chios, qu'ils seront traités de la même façon qne les Chiotes,
mais seulement que les règles posées à Chios pour les procès entre Chiotes
et étrangers s'appliqueront même aux étrangers romains, tout comme les
Chiotes vivant à Rome étaient soumis, comme demandeurs et comme dé-
fendeurs, aux règles posées par le préteur pérégrin.
(4) Dans la loi sur Termessos de 683, la pratique suivie en 663 est indi-
quée comme devant faire loi : Quae leges quodque jous quaeque consuetudo L.
Marcio Sex. Julio cos. inter civeis Romanos et Termenses majores Pisidas fuit,
340 DROIT PUBLIC ROMAIN.
lorsque c'était le cas, le principe a dû souvent être violé par des
dispositions d'exception et tel procès qui aurait été rigoureu-
sement du ressort du tribunal allié être déféré aux autorités
romaines et aux jurés italiques (p. 272, note 1).
En ce qui concerne l'application aux villes libres des règles
établies à Rome pour la division du temps, les poids et mesures
et les monnaies, la dispersion de ces reclierches en une infinité
de spécialités ne nous permet que d'iudiquer approximativement
les diverses catégories. En général, les règles romaines ne ré-
gissent pas les villes libres, notamment les villes libres ita-
liques, tant qu'il en subsiste. Mais cependant ici encore les
empiétements de la puissance exerçant l'hégémonie n'ont pas
été rares.
calendrier. Quant à la mesure du temps, les calendriers des villes
italiques divergents du calendrier romain n'ont disparu qu'avec
leur entrée dans le peuple romain: c'est un fait connu (1).
Les cités autonomes n'étaient pas non plus obligées de se con-
former au calendrier provincial romain dont nous nous
occuperons plus loin : la preuve en est dans les calendriers
divergents de diverses villes libres d'Asie (2) et de Syrie (3);
la présence d'un pareil calendrier à l'époque romaine est un
critérium d'autonomie (4).
eaedem leges eidemque jous eademque consuetudo inter ceives Romanos et Ter-
menses majores Pisidas esto.
(1) Les calendriers des cités italiques antérieurement autonomes con-
servés à Rome après leur disparition politique pour leurs sacra (p. 194,
note 1) confirment que l'autonomie implique un calendrier propre et qu'il
disparait avec elle. Le maintien religieux du mensis Flusaris (= Floralis) à
côté de la date romaine dans la dédication d'un temple appartenant à Pel-
tuinum de l'an 696 de Rome (C. 1. L.IX, 3313) est de même nature.
(2) Stratonikeia (C. 1. Gr. 2722), Aphrodisias (C. I. Gr. 2817, etc.) Cysi-
que (C. 1. Gr. 3664) ; la dernière ville a donc nécessairement recouvré
postérieurement la liberté qui lui avait été enlevée par Tibère.
(3) Selencie, Tyr, Sidon, Gaza, Ascalon, dont les hémérologies signa-
lent les calendriers particuliers, étaient, nous en avons la preuve, autonomes.
Héliupolis ne l'était pas ; mais ce calendrier, qui n'est pas, comme tous les
autres calendriers de Syrie, une modification du calendrier macédonien,
qui est un calendrier araméen, appartient sans doute au temple et non pas
à la série politique.
(4) Ainsi Tyra en Mésie doit être classée parmi les villes libres à cause
de la date : izpo iy' xaXav8ôiv MapTÎwv = A-rçveûvoç yi dans l'inscription
LES SUJETS AUTONOMES. 341
Le calcul provincial des années, se rattachant, comme nous
l'expliquerons dans la partie suivante, à une mesure générale
prise par les Romains lors de leur entrée en possession de
la province, ne s'impose pas davantage aux villes libres. Ce
n'est qu'exceptionnellement qu'elles calculent les dates d'a-
près l'ère de la province, et, lorsque cela a lieu, le mode de
calcul a probablement en droit une autre source. Les villes
libres de Syrie, qui se servent, comme les villes non-auto-
nomes, de l'ère des Séleucides (1), l'ont conservée depuis l'é-
poque antérieure aux Romains. Ailleurs, par exemple en Macé-
doine (2) et en Syrie (3), l'année de l'occupation romaine est
en môme temps celle de la délivrance à la ville de ses lettres de
liberté, et, par suite, le calcul des années à partir de la con-
cession de l'autonomie, fréquent dans les villes libres, se trouve
se rencontrer en fait avec le calcul par l'année de la conquête
romaine. Par conséquent, l'usage de dater par Tannée de la
conquête n'est pas à lui seul une preuve de l'absence d'indé-
pendance; à l'inverse, l'usage d'une ère qui ne part pas de
l'année de la conquête n'implique pas nécessairement la qua-
lité de ville libre; car, bien que les ères de ce genre qui se
rencontrent à l'époque romaine appartiennent en grande ma-
jorité à des villes libres, les villes non-autonomes elles-mêmes
C. /. L. III, 781, de Tan 201. Naturellement la réciproque ne serait pas
vraie ; de nombreuses villes libres d'Asie et de Syrie datent selon le calen-
drier provincial.
(1) L'usage de l'ère de Séleucides est attesté pour Antioche pour les
premières décades de la domination romaine ; on ne la rencontre plus après
l'an 713 de Rome (Eckhel, 3, 269). Je ne connais pas d'autres exemples.
(2) Thessalonique, que Pline, 4, 10, 3(i, appelle libéras condicionis, a
cc^e. liant employé, à côté de l'ère de la bataille d'Actium, celle de la fon-
dation de la province de Macédoine de 608 de Rome (Marquardt, Handbuch,
4, 318). Probablement la ville reçut alors l'autonomie.
(3) L'ère pompéienne de 690, fréquente en Syrie, appartient, comme on
sait, aux villes auxquelles Pompée donna l'autonomie lors de la prise de
possession du territoire par les Romains ; Euagrius, Hist. eccl. 2, 12, dit
expressément pour Antioche àyo'jo-T,? tîj; tJù.hùz, ï-.o- -.r{- aù-rovojjua;.
— L'ère de Tyra doit aussi, puisqu'à en juger par son calendrier c'était
une ville libre, dater de son autonomie, qui entra certainement en vigueur
au moment même de l'annexion de cette contrée à la province de Mésie.
Calcul
des années.
344Z DROIT PUBLIC ROMAIN.
comptent souvent les années en partant d'une autre date que
celle de la conquête (1).
Désignation Le droit de désigner les années d'après les magistrats locaux
des années par ° r o
des 'magnats. est naturellement compris dans l'autonomie; mais les cités
véritablement autonomes le partagent avec les cités sujettes
pseudo-autonomes et avec les cités d^ citoyens. — La désigna-
tion de l'année par les noms des magistrats romains n'est pas
seulement en conflit avec l'autonomie : elle exprime en outre
avec violence le lien de dépendance. Il est difficile qu'elle ait
jamais été employée par les alliés italiques. Dans les cités au-
tonomes extra-italiques, on date par les consuls et par les em-
pereurs tout comme dans le territoire proprement dit de l'em-
pire, au moins sous le Principat qui fit énergiquement ressortir
leur qualité de partie de l'empire. Au contraire, on évite en
principe les dates tirées du nom des gouverneurs de provinces,
quoiqu'on en trouve aussi des exemples, au moins en Syrie,
dès l'époque d'Auguste (2).
poids et mesure». Relativement aux poids et mesures, on n'aperçoit, au moins
dans l'état actuel de nos connaissances, aucune différence de
principes entre les membres de l'empire autonomes et sujets,
et nous ne pouvons que renvoyer à la partie qui suit.
(1) Par exemple, nous trouvons en Gilicie des ères partant de dates
certaines : àMopsuestia, de l'an 686 de Rome (Imhoof, Monn. grecques,
p. 362, et dans Sallet, Zeitschrift fur ISumismatik, 10,294) ; à Alexanclreiaprès
d'Issos et à Pompeiupolis (Imhoof dans la Zeitschrift de Sallet, 10, 296) de
l'an 689 de Rome ; à iEgeae, de 707 de Rome ; à Anazarbos, depuis Trajan,
de 735 de Rome; dans la même ville, sous Xéronet Domitien, et à Augusta
de l'an 20 de l'ère chrétienne ; à Irenopolis ou Xeronias, de l'an 52 après
J. C. ; à Flaviopolis, de l'an 74 après J. G. Parmi ces villes, il n'y a que
Mopsuestia et JEgeze qui aient eu sûrement l'autonomie, et les autres l'ont
eue difficilement. Mais aucune de ces ères ne peut être regardée comme
partant de la conquête romaine ; elles ont toutes nécessairement d'autres
causes ; certainement, pour Pompeiupolis (l'ancien Soloi) et pour Flaviopolis,
la nouvelle fondation de la ville et son changement de nom, En réalité, il
suffit de rappeler l'ère partant de la fondation de la ville qui se rencontre
même dans des cités de citoyens, pour réfuter l'opinion selon laquelle l'exis-
tence d'une ère distincte serait un critérium établissant la liberté de la ville.
(2) 'EtuI Oùapou, sur des monnaies d'Antioche, des années 748-750 de
Rome (Eckhel, 3, 275; Res Gestœ, 2c éd. p. 166). Je ne trouve pas de façons
de dater semblables dans les villes libres de la province d'Asie.
LES SUJETS AUTO NOM 3'*3
11 en est autrement pour l'argent et les monnaies de l'épo-
que ancienne. La liberté illimitée en cette matière est, au
sens propre, aussi bien en théorie qu'en pratique, le critérium
de l'autonomie, et il n'y a pas d'autre domaine où nous puis-
sions aussi bien suivre les progrès de l'hégémonie de Rome. Il
faut y distinguer, d'une part, l'exclusion des monnaies étran-
gères du cours forcé dans l'intérieur de l'État, et, d'autre part,
la restriction et la suppression du droit débattre monnaie.
Les plus anciennes règles relatives aux équivalents généra-
lement admis pour le commerce et à leur évaluation sont par
essence internationales: le commerce s'est certainement fait,
dans le sein de la ligue latine, dès ses origines, soit par suite
d'une coutume ancienne, soit en vertu de résolutions de la con-
fédération, en employant comme monnaie ou bien les moutons
et les bœufs que l'on comptait par tètes, ou bien le cuivre, l'ar-
gent et plus tard aussi l'or, que l'on pesait, un rapport officiel
fixe de valeur étant selon toute apparence admis entre les trois
métaux. Mais, lorsque le progrès eut conduit à faire des pièces
de monnaie marquées des armes des cités, ces pièces n'eurent
probablement de valeur légale que sur le territoire de l'État qui
les frappait et Tas romain ne valut probablement dans le reste
du Latium que son poids de cuivre, tout comme les monnaies
de cuivre latines à Rome. Il peut y avoir eu entre des cités
particulières des arrangements conventionnels sur la cir -u-
lation réciproque de leurs monnaies ; mais il n'y a pas eu
entre Rome et les villes latines de convention générale telle
que par exemple celles conclues entre les villes alliées
d'Achaïe et du Bruttium ; car il n'y a aucune concordance
de métal ni de valeur : Rome et un certain nombre d'au-
Ues villes, probablement latines pour la plupart, fondent ou
frappent du cuivre lourd au pied de dix onces, Hatria, Arimi-
num et d'autres villes de la côte orientale du cuivre lourd au
pied de quatorze onces, Cales, ïeate, Cora, Signia, Alba dans le
pays des Marses, de l'argent en pièces diverses (1). Selon toute
(1) R. M. W.p. 317 = tr. fr. 3, 180.
344
DROIT PUBLIC ROMAIN.
Limitation
de la frappe
aiitono:ne
de l'argent :
>n Italie;
h r? d'Italie.
apparence, les villes admises à l'alliance avec Rome ont gardé
leurs droits monétaires intacts jusqu'à la première guerre pu-
nique; dans ce temps-là, la monnaie n'était qu'une marchan-
dise en dehors du territoire où elle avait été émise (1), et
chaque cité indépendante qui frappait des monnaies en réglait
comme elle l'entendait le métal et la valeur.
Mais, vers le temps où commence à Rome la frappe de la
monnaie d'argent, vers l'an 486 de Rome, après la guerre de
Pyrrhus et peu avant la première guerre punique, on voit
commencer également la limitation de l'autonomie des alliés
en matière d'argent et de monnaie et la concentration des droits
qui s'y rapportent entre les mains de l'État dirigeant (2).
Le but poursuivi par le gouvernement romain était d'arri-
ver à monopoliser la frappe des monnaies de valeur dans
tout le domaine soumis à son autorité, et il Ta d'abord atteint
en Italie. La frappe de monnaies d'argent a nécessairement été
interdite, au moment de leur fondation, à toutes les colonies la-
tines fondées depuis cette époque, et le droit d'y procéder doit
également avoir été retiré à la même date aux autres villes al-
liées latines et italiques (3). Des mesures analogues paraissent
avoir été prises pour la frappe d'espèces de cuivre ; elle cesse
bientôt après, surtout comme frappe de monnaies de valeur.
Hors de l'Italie, Rome semble s'être d'abord préoccupée de
supprimer la frappe de monnaies d'or. Les Romains eux-mêmes
(1) Le trésor de Vicarello a montré que les monnaies des cités autonomes
ne circulaient pas à Rome. On y a trouvé des monnaies de frappe campa-
nienne avec la légende Bomano en grande quantité, et les autres monnaies
de Gampanie seulement à titre isolé ; c'est donc que les premières avaient
cours à Rome et les secondes non (B. M. W. p. 212 = tr. fr. 1, p. 262) Cf.
plus haut, p. 204.
(2) La concordance intime et la simultanéité approximative des mesures
développées ci-dessous, que j'ai exposées/fl. M. W.p. 319 et ss. = tr. fr. 3,
p. 490 et ss., sont évidentes. Il n'est pas nécessaire ni soutenu qu'il y ait
eu par exemple une simultanéité absolue entre la frappe du premier denier
et la fermeture du reste des ateliers monétaires frappant de l'argent en Ita-
lie ; au reste nous ne pouvons discuter ici les diverses données chronolo-
giques.
(3) La défense de la frappe propre n'empêchait pas naturellement l'ou-
verture d'ateliers monétaires romains ; il y en a eu, par exemple à Vibo et
à Grotone, pour la frappe des victoriats.
LES SUJETS AUTONOMES. 345
ne fabriquèrent pas, comme on sait, en général de monnaie
d'or avant César. Mais leur commerce se faisait déjà depuis
longtemps principalement à l'aide d'or en barres, et il est très
vraisemblable qu'ils ont, dès avant le temps où l'Orient fut, au
sens propre, réduit en provinces, interdit, dans le territoire
soumis à leur autorité, cette frappe de pièces d'or dont ils s'ab-
stenaient eux-mêmes (1).
La frappe de grandes monnaies d'argent est d'abord restée
permise aux cités autonomes extra-italiques sous la domination
romaine ou même n'y a commencé que sous cette domination.
La frappe de monnaies conformes au système du denier romain
leur a même, au début, parfois été permise. Au reste, tout doit
avoir dépendu là des clauses des traités. Athènes, Massalia,
Rhodes, les ligues de villes macédoniennes, les villes de l'Es-
pagne citérieure, qui peuvent certainement être classées à
cette époque parmi les alliés autonomes (2), ont, en qualité
d'alliés dépendants de Rome, soit continué à frapper des piè-
ces d'argent de grand modèle sur le type antérieur, soit, comme
les Espagnols, commencé à en frapper seulement depuis la
conquête et au pied romain. Ces monnaies n'avaient cours
légal que dans le territoire où elles étaient frappées, ainsi qu'il
va de soi et qu'il est attesté, même pour « l'argent d'Osca »
frappé au pied romain, par les lieux de trouvailles et par les té-
{[) R. M. W. p. 689 = tr. fr. 3, p. 277. La cessation de la frappe de l'or
dans les États des diadoques ne peut pas sans doute être ramenéee à l'in-
fluence romaine ; mais le défaut presque complet de monnaies d'or de Ma-
cédoine postérieures à Persée et en général de monnaies d'or des États au-
tonomes soumis àl'influence romaine ne peut que difficilement être une suite
du cours naturel des choses.
(/) R. M. W. p. 668= tr.fr. 3, p. 242. ZobeLdans les Monatsberichte de l'Aca-
démie de Berlin, 1881, p. 815 et ss. Ce ne peut pas être là une frappe mili-
taire romaine ; car les légendes sont toujours ibériques et les pièces se
rencontrent exclusivement en Espagne. Les monnaies seules nous fournis-
sent quelques renseignements sur la condition des villes espagnoles sous la
République. Toutes les villes admises à la frappe de grandes pièces d'ar-
gent avaient l'autonomie, qu'elles aient frappé, comme la plupart, des de-
niers et des quinaires ou, comme Sagonte, de même que Ivlassalia des vic-
toriats (cf. Zobel, loc. cit. p. 816).
346 DROIT PUBLIC ROMAIN.
moignages des écrivains (1). La concentration du gros com-
merce dans les mains des négociants romains aura pourvu à
la substitution pratique du denier romain au tétradrachme at-
tique dans son usage universel. — Mais, si les choses se sont
passées ainsi aux débuts de la domination romaine, Jes Ro-
mains ne s'en sont pas tenus là. Lorsque l'occasion s'en est
présentée, la frappe des grandes pièces d'argent a été limitée
entre les mains des cités fédérées ou leur a été enlevée. Se-
lon toute vraisemblance, la frappe de l'argent a cessé à Athènes
après la prise de la ville par Sulla (2), à Massalia après sa
prise par César (3); à Sagonte (4), à Apollonia d'illyrie (5),
et à Rhodes (6), elle n'a du moins pas duré jusqu'au
Principat. A prendre les choses en bloc, on peut poser en règle,
probablement déjà pour les derniers temps de la République et
certainement pour le Principat, que la frappe de monnaies de
valeur y a été retirée aux États autonomes dépendants et est
devenue un privilège spécial de l'empire. Sans doute les excep-
tions ne font pas complètement défaut. De grandes pièces d'ar-
gent ont été frappées, du temps des triumvirs ou sous Auguste,
par la ville autonome de Tripolis en Syrie (7),et par la confédéra-
(1) Les deniers espagnols, qui se rencontrent en général mêlés, peuvent
sans doute avoir eu cours dans toute la province citérieure, par conséquent
appartenir dans une certaine mesure à la ligue des villes, de même que les
monnaies d'une des confédérations macédoniennes devaient être reçues
dans toutes les villes y appartenant.
(2) R. M. W. 692 = tr. fr. 3, 283.
(3) R. M. W. 675 = tr. fr, 3, 253.
(4) Toutes les monnaies d'argent de Sagonte (cf. Zobel, Comm. Momm-
sen. p. 805 et ss.) ont seulement une légende ibérique ; on ne trouve de lé-
gende bilingue ou exclusivement latine que sur les pièces de cuivre. Par
conséquent la ville peut n'avoir acquis le droit de cité romaine qu'elle pos-
sédait sous Auguste, que peu de temps auparavant.
(5) R. M. W. 397 = tr. fr. 2, 100.
(6) R. M. W. 706 = tr. fr. 3, 305.
(7) Eskhel, 3, 376. La monnaie la plus récente est de l'an 32 de l'ère
pompéienne, = 722 de Rome. Le pied divergent du pied provincial syrien
(R. M. W. p. 37 = tr. fr. 1, 47 s'explique par l'autonomie de la ville. —
On rencontre aussi à Antioche, sous Auguste, une frappe cle même nature
très peu abondante (Pick, dans la Num. Zeitschrift de Sallet, 14, 311).
LES SUJETS AUTONOMES. 347
tion également libre de Lycie (1) sous Hadrien et Antonin le
Pieux, par la ville libre d'Amisos dans le Pont, et par celle de
Tarse et d'autres encore en Cilicie (2). Les royaumes de
Maurétanie, le royaume du Pont de Polemon, le royaume na-
batéen en Arabie et surtout le royaume du Bosphore ont, tant
qu'ils ont existé, frappé des pièces d'argent et même en partie
aussi des monnaies d'or (3). Frappe des
, petites monnaies.
Le droit de frapper de petites monnaies est resté aux Etats
autonomes : ainsi, par exemple, en Italie, les cités autonomes,
après avoir été dépouillées du droit d'émettre des monnaies
d'argent, continuèrent à émettre de petites monnaies de cuivre,
ou même commencèrent à le faire, comme les villes autonomes
de Copia et de Valentia fondées en Italie méridionale en 561 et
565. Mais le même droit fut accordé dans une large mesure
aux cités sujettes. Ou ne voit pas en principe en cette matière
de privilège accordé aux premières sur les secondes. Sous
l'Empire, il semble avoir fallu partout, pour de telles émissions,
une permission spéciale du gouvernement, à laquelle il est fait
allusion à titre isolé, même pour des villes libres (4). Gepen-
(1) R. M. W. p. 710 = tr. fr. 3, p. 311.
(2) Les monnaies d'argent d'Amisos (R. M. W. 709 = tr. fr. 3, 309), qui sont
toutes datées, se placent dans les années 130-136 et 156. Les grandes pièces
d'argent des villes libres de Cilicie Tarse (Mionnet, 3, 624, 422-424, etc.) et
Mopsuestia (Lôbbecke, Zeitschrift fiir Numismatik, 10, 80; Imhoof, Monn.
grecques, p. 361) sont contemporaines et analogues. C'est seulement à ces
émissions que se rapporte la question de droit rapportée parle jurisconsulte
Scaevola qui vit sous Marc-Aurèle (Dig. 46, 3, 102, pr.) : Creditor oblatam a
debitore pecuniam ut alla die accepturus distulit : mox pecunia, qua Ma res
publica utebatur, quasi serosa jussu prxsidis sublata est, d'autant plus que ces
pièces de Cilicie sont d'un argent étonnamment mauvais. La frappe de
grandes pièces d'argent provinciales semble avoir été alors accordée çà et
là aux villes libres de la province.
(3) Xous avons des monnaies d'or de Maurétanie et, avant tout, de l'em-
pire du Bosphore. Les grandes pièces d'argent du roi Brogitarus de Gal'a-
tie (p. 710 = tr. fr. 3, p. 312) et les émissions d'or et d'argent d'Amyntas
également roi de Galatie, (p. 709 = tr. fr.p.3, 311) sont de même nature. Les
grandes monnaies d'argent des Juifs insurgés du temps d'Hadrien se
rattachent à leur scission de l'empire.
(4) Les monnaies de la ville libre de Cercina (et non Gergis) en Afrique
(cf. Pline, H. n. 5, 7, 42) sont frappées perm{issu) L. Volusi procos. (Mûller,
Xum. de l'Afrique, 2, 35). Les noms de gouverneurs au nominatif, qui se ren-
contrent aussi à plusieurs reprises sur les monnaies de villes libres d'A-
frique, supposent sans doute également une telle permission, bien qu'elle ne
348 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dant il est remarquable qu'en Afrique, en dehors de quelques
cités de citoyens, le droit de battre monnaie n'a été exclusive-
ment exercé que par des cités autonomes (1). En ce qui con-
cerne l'empreinte, l'effigie de l'empereur et le nom de l'empe-
reur sont aussi plus fréquemment omis sur les monnaies des
villes autonomes que sur celles des villes sujettes et des villes
de citoyens (2).
Autres La limitation du droit de battre monnaie entraîne nécessai-
restrictions
de» pouvoirs rement après elle d'autres limitations de la souveraineté mo-
rnonetaires. *■
nétaire, soit l'admission légale des monnaies de l'État domi-
nant à la circulation dans les États alliés, soit la réglementation
et le contrôle des émissions de l'État dépendant par l'État do-
minant, en particulier l'introduction du pied romain dans le
monnayage autonome. Lorsque Athènes perdit le droit de
frapper des tétradrachmes et ne put plus émettre que de la
monnaie de billon, le denier dut nécessairement y être intro-
duit et la monnaie de billon être mise en rapport avec lui. Ce-
pendant ces mesures pouvaient aussi précéder la limitation du
droit de battre monnaie, et cela a probablement été le cas le
plus fréquent : à Athènes par exemple, on a de bonne heure
admis le denier au cours officiel et mis le poids et le titre du
tétradrachme en relation avec ceux de la monnaie romaine.
Nous ne savons que peu de chose sur ces réglementations. A
soit pas expressément affirmée. Les monnaies de la ville latine d'Ebora en
Lusitanie (cf. Pline, 4, 22, 117) portent permissu Caesaris Augusti p. m.
(Heiss, Monn. de l'Espagne, p. 408).
(1) Les ateliers monétaires sûrement attestés de la province d'Afrique
sont, en dehors de trois colonies, Girta, Carthage et celle qui frappe avec
la légende C. P. 1., et du municipe d'Utique, les villes d'Achulla, Gercina,
Hadrumetum, Hippo (probablement regius), Leptis magna, Leptis minor,
Oea, Thapsus. Parmi ces dernières, Leptis magna et Oea sont probablement
et les autres certainement des villes libres.
(2) Ils n'apparaissent jamais sur les monnaies attiques de l'Empire. Ils
' manquent aussi fréquemment sur les monnaies de Sparte, qui appartiennent
certainement aux premiers temps de l'Empire. Au reste, la tête et le nom de
l'empereur ne sont même pas obligatoires pour les cités de citoyens ou de
sujets. Il y a par exemple de la colonie de Gorinthe des séries de monnaies
soi-disant autonomes, et la colonie d'Auguste Alexandria Troas a jusqu'à
Trajan toujours frappé ses monnaies sans y mettre ni la tète ni le nom de
l'empereur.
LES SUJETS AUTONOMES. 349
Athènes, du temps où le denier était la seule monnaie ayant
cours légal et où il y avait à côté de lui unejmonnaie d'appoint
autonome, l'ancienne drachme de six oboles devint à son tour
l'obole du denier de l'empire, de sorte que ce denier se divisait
dans le territoire d'Athènes en 6 drachmes locales et 36 obo-
les (1). A cette drachme attique d' 1/6 de denier ou, peut-on
dire encore, au talent attique de 1000 deniers, correspondent
les types de monnaie d'appoint établis pour d'autres cités au-
tonomes également dépouillées du droit propre d'émettre des
monnaies d'argent : le talent de Neapolis de 6 deniers, celui
de Rhegion d'un 1/2 denier (2); de même celui qui sert de
' fondement à la désignation de la pièce de cuivre rhodienne du
nom de Siâpa^ov. La drachme provinciale des Romains étant
comme le denier d'empire divisée selon le système de l'as, il
y avait encore, dans ce maintien du système des drachmes et
des oboles, une conséquence de l'autonomie (3). — On peut
rattacher à la même idée le fait que l'État client du Bosphore,
de même qu'il frappe des monnaies d'or, suit, pour sa mon-
naie d'appoint, un système de division analogue mais non pas
identique à la division duodécimale romaine (4).
Il n'a jamais été accordé aux alliés dans leur ensemble de
privilèges personnels généraux tels que ceux qu'avaient les La-
tins relativement au commerciwn et à l'acquisition du droit de
cité romaine. Le droit d'exil sans réciprocité qui fonctionne pour
les États non-latins (VI, 1, p. 53) est un privilège des citoyens
romains : il assure au Romain qui déclare vouloir émigrer à
Naples, non pas sans doute le droit de cité de cette ville, mais
cependant l'entrée dans le peuple napolitain et par suite la
(i) Lapreuveen est dans le titre de fondation attique, C. I. AU. III, n. 61;
Hermès, 5, 134.
(2) Festus, v. Talentum, p. 359. R. M. W. pp.. 87 et 96 = tr. fr. 1, pp. 134
et 164. Il n'est pas impossible que ce soient là les talents et les litrse des
comptes tauromenitains.
^3) Eckhel, 2, 605. On peut aussi rapprocher de la liberté de l'île de
Ghios le fait que, parmi ses monnaies, il y en a une espèce désignée par
xpta àc-aapta, quoiqu'il soit assurément possible que la drachme d'Asie
admit une telle division.
(4) R. M. W. p. 700 et ss. = tr. fr. 3, p. 292 et ss.
350 DROIT PUBLIC ROMAIN.
sortie du groupe des citoyens romains. Mais, si un Napolitain
vient à Rome, il n'y devient pas pour cela membre de l'Etat
romain et son statut personnel n'est pas modifié. Un acte con-
clu dans les formes romaines avec un pérégrin est nul, Pins-
titution d'héritiers et le legs faits entre Romains et pérégrins
sont également nuls, que le pérégrin appartienne ou non a
une cité alliée. Des privilèges particuliers peuvent bien avoir
été accordés, quant au conubium (1), ou au commercium (2),
à des étrangers ou à des cités étrangères isolées, en particulier
dans la période antérieure à la guerre sociale pour favoriser
le commerce entre les Romano-Latins et le reste des Italiens
autonomes et par suite la fusion des races. Mais il n'y a cer-
tainement pas eu de dispositions générales de cette espèce.
Les avantages personnels accordés aux Italiens en matière mi-
litaire (p. 302), eu matière de douanes (p. 322), rapprochaient
leur condition de celle des Latins et ont essentiellement contri-
bué à faire entrer dans une seule nation politiquement unie
non pas seulement les cités latines, mais toute l'Italie; il n'a
jamais été accordé de telles faveurs aux membres des cités
dépendantes ordinaires.
(1) Ulpien, 5, 4. Nous connaissons seulement la concession faite d'une
façon permanente aux vétérans congédiés du droit de contracter un légi-
time mariage avec n'importe quelle femme pérégrine.
(2) Ulpien, 19, 4. Sur l'application aux cités voisines de l'Italie d'Anti-
polis et de Flanona, cf. p. 254, note 3.
LES SUJETS NON AUTONOMES.
(SHSlM.i Ub-lW-)
La soumission d'un État jusqu'alors indépendant à la do- Définition
o 3. i- de la sujétion,
mination de Rome entraîne l'annexion du pays et des person-
nes dans trois formes différentes. Ou bien le territoire et les
hommes sont confondus purement et simplement dans le ter-
ritoire et le peuple de Rome (VI, 1, p. 62 et 148), ou bien on en
constitue des cités de demi-citoyens (p. 183 et ss.), ou bien ils
sont adjoints à Rome en vertu d'un traité juré ou d'une simple
loi, comme États autonomes dépendants (p. 290 et ss.). 11 reste
à étudier la condition directement produite par la dédition jus-
qu'à ce que n'intervienne l'une de ces trois mesures définitives.
A l'époque ancienne, ce n'est exclusivement qu'une condition
intérimaire, qui par suite n'appartient même pas proprement
au droit public ; mais, dès le milieu de l'époque républicaine,
elle arrive à se perpétuer en fait, et, quoiqu'elle n'ait jamais
complètement perdu son caractère provisoire, elle ne peut être
exclue de cette étude. Pour plus de brièveté, nous la désigne-
rons du nom de sujétion.
Le maintien même provisoire de la liberté exige logique- ^S™'6
ment et pratiquement l'organisation d'une autorité gouver-
nante. Cette autorité est tantôt laissée ou donnée aux indivi-
dus soumis, tantôt prise en main par les Romains. Du temps
352 DROIT PUBLIC ROMAIN.
de la République, c'est en général le premier parti qui a été
adopté ; l'autonomie dépendante, étudiée dans la partie qui
précède celle-ci, a été transportée aux sujets en un certain sens:
tout en maintenant en principe les dediti dan s l'absence de droit
et de cité qui résulte de la d édition (VI, 1, p. 156), on leur
a accordé^pour le temps que durerait le provisoire, les facultés
qui appartiennent aux sujets légalement autonomes. La condi-
tion des sujets peut, en ce sens, être désignée comme une au-
tonomie tolérée. Si l'alliance dépendante amalgamait déjà deux
idées juridiques qui s'excluent au sens rigoureux, la sujétion
est encore à un plus haut degré une institution hybride, em-
pruntant à la dédition sa nature et à l'alliance son aspect ex-
térieur, et avec laquelle le meilleur terme de comparaison est
la liberté imparfaite, le morari in libertate du droit privé nou-
veau, un esclavage de droit accompagné d'une liberté de fait.
Gouvernement L'autre procédé consistant à prendre en mains propres l'au-
îmnipiiiat sous * r ri
le prneipat. lorjté sur les dediti après la dédition, n'a pas été employé par
les Romains, du temps de la République. Sans doute l'auteur
de la conquête se trouve fréquemment dans le cas de procéder,
par lui-même ou par des mandataires de son choix, à l'admi-
nistration de la justice et aux autres fonctions administratives
dans le territoire conquis. La position occupée par le général
dans la ville prise implique presque nécessairement de telles
mesures ; le gouvernement romain lui-même a dû dès le prin-
cipe, y recourir à titre transitoire et dans des cercles restreints.
Mais le droit public de la République ne connaît pas ce système
comme institution ; car, dans la mesure où il est appliqué, il
donne à celui qui l'applique des droits souverains et la cons-
titution républicaine n'admet pas chez une personne la réunion
des qualités de prince dépendant et de magistrat républicain.
Lorsque à cette époque une organisation de ce genre est établie,
le mandataire n'appartient pas au peuple romain, et par con-
séquent le rapport prend le caractère d'un rapport de clientèle
politique. L'autonomie conventionnellement établie ne pouvant
être refusée à l'État client, nous nous sommes déjà occupé de
cette organisation dans la partie qui précède celle-ci. A la vé-
LES SUJETS NON AUTONOMES. 353
rite, le principe de droit public selon lequel le traité conclu
avec un roi par la République romaine ne peut être fait que
pour la durée de la vie du roi (p. 276) rend ici en fait illusoire
le lien juridique qui fait la supériorité de l'autonomie conven-
tionnelle sur l'autonomie tolérée; et, par corrélation, les prin-
ces clients des Romains sont même politiquement, ainsi que le
montrent notamment les impôts (p. 313), plus près des sujets
non-autonomes de Rome que des sujets autonomes dans lesquels
ils sont compris théoriquement. Mais la République romaine est
restée, tant qu'elle a existé, fidèle au principe que le territoire
soumis doit être nécessairement organisé selon le type de l'au-
tonomie tolérée ou selon celui de la clientèle politique. Ce fut
seulement depuis qu'elle eut elle-même un maître qu'il devint
possible de combiner, dans la personne de ce dernier, cette
situation de maître et l'exercice des pouvoirs princiers sur les
territoires soumis. Gela s'est ensuite produit en Egypte, en Nori-
que, dans les principautés des Alpes et ailleurs encore, et c'est
devenu le fondement du régime des provinces impériales ad-
ministrées par des gouverneurs de rang équestre.
La sujétion étant issue, dans son développement historique, du J^SSi
régime provisoire produit par la conquête, elle a, comme nous
l'avons déjà dit, conservé un caractère légalement provisoire,
même lorsque en fait elle est devenue perpétuelle. Son fonde-
ment essentiel est qu'en cas de changement de gouvernement les
institutionsexistantes survivent jusqu'à l'organisation définitive
nouvelle, dans la mesure où leur maintien est conciliable avec
les nouvelles circonstances. C'est aussi delà que vient la diver-
sité de ces institutions: dans chaque pays, ce sont moins des
institutions romaines que les institutions antérieures à la domi-
nation romaine maintenues sous cette domination. Au point de
vue du droit public romain, le régime des territoires sujets ne
peut, si important qu'il soit pour la République récente et
pour l'Empire, être étudié que quant à l'intervention de l'au-
torité romaine dans ces rapports. Les particularités du gouver-
nement exercé sur l'Italie, la Sicile, l'Espagne, l'Orient grec,
l'Egypte doivent ici être plutôt supposées connues qu'exposées.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 23
des institutions
existantes.
384 DROIT PUBLIC ROMAIN.
conquêtes L'origine de la sujétion a été dans la position prise par les
italiques. Romains en face des Italiens de race étrangère; les différentes
cités qui accomplirent leur dédition, tombèrent d'abord par là
dans la situation juridique que nous avons expliquée. En gé-
néral, les Romains y trouvèrent organisées des fédérations de
cités urbaines de même race fondées sur le principe de l'au-
tonomie des villes. Les ligues furent partout dissoutes par les
Romains (p. 293) et les pouvoirs des autorités fédérales passè-
rent aux vainqueurs ; mais en revanche ils laissèrent ordinai-
rement aux villes jusqu'alors autonomes leur autonomie dans
la mesure conciliable avec l'hégémonie romaine, d'abord à titre
de tolérance, jusqu'à l'établissement d'une organisation défini-
tive conforme à l'un des trois types que nous avons indiqués
en commençant. Cette organisation ne se fit pas attendre en Ita-
lie : la sujétion n'y a, conformément à sa nature, apparu qu'à
titre provisoire et transitoire, et il résulte delà qu'il ne nous est
pas parvenu de tradition véritable relative à ces formations
éphémères et antérieures aux annales dignes de foi. Des ré-
gimes provisoires est sortie, dès une époque relativement pré-
coce, l'union des villes italiques, de laquelle faisaient égale-
ment partie les cités urbaines latines ou plus ou moins latini-
sées et celles de la Grande Grèce. Ce n'est que par exception
que des cités italiques sont restées longtemps en dehors de
cette ligue de villes : ainsi en particulier les derniers alliés
d'Hannibal, les villes des Bruttii et des Picentins près de Sa-
lerne (i) et sans doute aussi les Ligures installés en 575 dans
la région de Bénévent (2). Si au contraire le département con-
sulaire limitrophe de l'Italie, les tribus celtiques et ligures sont
restées d'une manière durable exclues de la ligue des villes ita-
ques, la principale raison en a été, à côté de la différence
de nationalités énergiquement accentuée, dans l'absence chez
eux de l'organisation urbaine qui était le fondement du sys-
tème, dans la nature propre, essentiellement opposée à la con-
(1) Y. tome I, la théorie des Appariteurs, sur les Bruttiani.
(2) V. tome I, la théorie du Conseil du magistrat, sur l'emploi du conseil
en matière administrative, dernière note.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 355
centration urbaine, de la cité celtique (1). La conquête semble
avoir là plus d'une fois entraîné la destruction des habitants
antérieurs. Quand cela n'a pas eu lieu, la sujétion ne semble
pas être intervenue comme transition.
Mais la sujétion durable n'est pas venue du pays cisalpin : siciie.
elle est venue des îles voisines de l'Italie tombées sous la domi-
nation romaine dès une époque antérieure, en particulier de
l'organisation donnée en 513 de Rome à la moitié orientale
de la Sicile. Lorsque les territoires d'outre- mer tombèrent sous
la domination romano-italique, on abandonna, pour ne pas dé-
nationaliser l'État dominant, le système suivi jusqu'alors, selon
lequel les pays soumis étaient, après un stage plus ou moins long,
admis dans la ligue de villes dirigée par Rome, et le système de
l'autonomie tolérée, jusqu'alors admis comme provisoire, fut
introduit comme institution durable. Le fondement en fut fourni
par la combinaison faite dans cette île de la constitution hellé-
nique des villes avec le gouvernement autocratique, par l'au-
tonomie dépendante des cités du territoire carthaginois et du
territoire syracusain qui s'y ajouta bientôt. C'est sur ce mo- L.0rient grec.
dèle qu'ont ensuite été annexés à l'empire romain tous les ter-
ritoires acquis par Rome, à l'époque de la République, dans
l'Orient hellénique ; on les a soumis à une puissance semblable
au gouvernement royal, et, sous cette puissance, on leur a ac-
cordé en même temps l'autonomie urbaine; pour certains
même, la base du régime n'a été introduite qu'alors, par
exemple lors de la transformation du royaume de Mithradates
en province romaine (2). L'idée de la confédération urbaine a
(1) La preuve la plus frappante en ce sens est fournie par l'organisation
des Vocontii dans la Narbonnaise, qui ont, en qualité de cité fédérée, gardé
de la façon la plus pure l'ancienne constitution de clan : Vocontiorum civita-
tis fœderatae duo capita Vasio et Lucus Augusti, oppida vero ignobilia XVII1I,
sicut XXI1II Xemausensibus attributa (Pline, H. n. 3, 4, 37). Aucune cité ro-
maine ou hellénique ne peut avoir deux capitales, c'est à-dire n'en avoir
aucune.
(2) La province étendue du Pont, dont l'organisation a été établie d'une
manière instructive par Niese (Rhein. Mus. 38, 577), n'était divisée qu'en
onze circonscriptions, qui avaient toutes pour point central des villes grec-
ques anciennes ou nouvellement fondées : leur étendue est montrée, par
356 DROIT PUBLIC ROMAIN
été maintenue sans restrictions dans tout le territoire soumis
à l'autorité romaine sous la République. Même sousle Principat,
le gouvernement direct du maitre n'a, en dehors de l'Egypte,
joué, nous l'avons déjà remarqué, qu'un rôle accessoire (1),
et même là il s'est finalement effacé devant l'organisation ur-
baine. Si ce système se manifeste d'une façon plus énergique
et plus fermée dans la confédération des villes helléniques,, il
n'a cependant trouvé son expression d'ensemble que dans l'or-
ganisation urbaine des provinces de l'empire du monde.
L'Occident. L'Occident n 'avait pas été, comme le territoire soumis en Orient
par les armes romaines, préparé à l'application de ce système
par le développement antérieur à la conquête. La ville gréco-
italique n'existait pas en deçà des Alpes, dans le pays des Celtes
que nous avons déjà cité; elle n'existait pas davantage au delà
des Alpes, en Sardaigne, ni en Espagne, ni en Afrique. Cepen-
dant, depuis que la sujétion ne fut plus regardée comme un
préliminaire de l'entrée dans la confédération dirigée par
Rome, mais comme une condition durable, la nature spéciale
des institutions tolérées jusqu'alors et leur plus ou moins
grande analogie avec les institutions hellénico-italiques perdi-
rent de leur importance. L'autonomie tolérée prit, en Occident,
principalement la forme que les Romains y avaient trouvée éta-
blie, celle d'une organisation politique qui n'était pas ordonnée
monarchiquement, mais qui n'était pas cependant l'organisa-
tion urbaine au sens romain (2). Les Romains ont laissé, selon
exemple, par le fait que Sinope était à l'ouest limitrophe d'Amastris et s'é-
tendait à l'est jusqu'à FHalys.
(1) Après que l'organisation du territoire sujet selon le type de gouverne-
ment royal fut devenue conciliable avec les institutions romaines, la con-
stitution urbaine ne fut plus sans doute aussi indispensable qu'elle l'était
encore à la fin de la République. Le rapprochement de la province de Cap-
padoce organisée sous Tibère avec la province du Pont de Pompée est ins-
tructive sous ce rapport : les dix stratégies royales subsistent dans la pre-
mière.
(2) Les Romains n'ont pas d'expression pour faire la distinction de la
cité pérégrine urbaine ou non-urbaine au point de vue politique. Natio est
bien employé de préférence pour les pérégrins qui ne sont pas arrivés à la
constitution en villes (Hennés, 19, 28), mais seulement au sens ethnologique.
On dit également natione Gallus et natione Sequanus, et le mot n'exprime pas
LES SUJETS NON AUTONOMES. 357
toute apparence, aux tribus celtiques transpadanes, lorsqu'elles
commencèrent à faire partie de l'empire, après la guerre d'Han-
nibal (1), leur organisation politique antérieure dans la mesure
où elle se conciliait avec les intérêts romains. Les traités conclus
par Ti. Gracchus en o7o et ss. avec diverses peuplades espa-
gnoles leur interdisent d'élever des villes, et l'on discuta même
plus tard le point de savoir si ces traités leur laissaient le droit
de fortifier leurs villages ouverts (2). Que cette mesure ait ou
non été inspirée plutôt par des motifs militaires que par des
motifs politiques, la ceinture des murailles est si étroitement
de la nature de la ville italico-hellénique qu'on doit forcément
voir là une interdiction d'adopter l'organisation urbaine. Mais
ce système n'a pas eu de durée. L'intervention de l'autorité
romaine dans l'administration des cités sujettes, sans laquelle
ni l'hégémonie ni la souveraineté ne pouvaient être exercées,
pouvait bien fonctionner en face des cités organisées à la
grecque, mais elle rencontrait les plus grandes difficultés en
face des cités celtiques, espagnoles et phéniciennes, par suite
delà différence des langues, des mœurs et des institutions. Il
y a eu longtemps, notamment dans l'ouest, un grand nombre
d'États qui n'étaient pas organisés en villes; l'organisation
l'indépendance politique. Les mots qui expriment cetteidée, popuîus et civi-
tas s'emploient indifféremment pour la cité urbaine ou non-urbaine. En grec,
l'opposition de tcoXiç (ou 'EXXt(ve?) et eôvoç vise la commune urbaine comme
exclusivement hellénique et l'établissement non-urbain comme barbare. Aris-
tote, Polit. 2, 2, p. 1261, 27 .'Aiofcret 8k tôj tolo-jto> xal -rcoXcç eôvouç, otocv \Lr\ xatà
xco^a; u>ai xe-/wp;<7[i£voi to kXvjOoç, àXX' olov "ApxaSeç. Ainsi dans le traité en-
tre Smyrneet Magnésie de l'époque pré-romaine, C. I. Gr. 3137, ligne 11 :
"Eypa'î/sv ùz y.a\ too; to'j; paaiXst; xal touç ôvivaora; xa\ tccç TioXei; xa\ xà
lôvij, et dans l'inscription d'Êphèse relative au dictateur César, C. I. Gr. 2957 :
['Eçeaûûv rj ^o-jXr, xal o or,tj.o; xa\ zùv aXXtov 'EXXtjvcov ai] 7i6Xe'.; al èv xyj 'Aa-(a
xaT[oixo-jaa:] xal -rà eôvr,. Droysen, Ilell. 3, 1, 31 = tr. fr. 3,32. En un certain
sens, il en est de même chez les Romains ; la cité non-urbaine est destinée
à devenir une ville.
(1) Hermès, 16, 483 rapproché de 19, 316. Les traités conclus après la
guerre d'Hannibal avec les Cenomans (Brescia) et les Insubres (Milan) ont
nécessairement fourni la base de ce régime.
(2) Appien, Hisp. 43. La destruction générale des fortifications opérée par
Gaton en Espagne et la décision du sénat selon laquelle il ne pourrait y
avoir de fortifié que la citadelle et non la ville des Thisbéens sont sans
doute exclusivement des mesures militaires.
358 DROIT PUBLIC ROMAIN.
militaire d'Auguste (p. 378) est encore fondée sur la distinction
de ces cités et des cités urbaines. Mais l'organisation des cités
selon le type italique se répandit toujours de plus en plus, et
elle a été le véritable instrument de la latinisation de l'occident.
Ce processus, dont nous sommes hors d'état de suivre les pha-
ses, a été accéléré, plus encore que par l'idée abstraite de la
confédération urbaine de l'empire, par la rigoureuse nécessité
des choses ; la nécessité que les gouvernants et les gouvernés
pussent se comprendre a introduit la langue latine dans les
provinces, et la nécessité pour les magistrats romains de rendre
la justice y a introduit le droit international. Une preuve re-
marquable que le gouvernement romain concevait les cités
sujettes exclusivement comme des cités urbaines est fournie
par leur titre officiel : on suppose toujours, soit dans les cons-
titutions, qui leur sont adressées, soit dans leurs documents
propres, qu'elles ont leurs magistratus, leur senatus et leur
populus, c'est-à-dire les éléments indispensables de l'orga-
nisation républicaine (1). C'était là sans doute une formule pro-
leptique; mais la formule proleptique devint une réalité. Pour
les Romains comme pour les Grecs, c'était « le trait caracté-
ristique des barbares de vivre sans État organisé en ville » (2).
Et ce qui avait été plutôt accompli que cherché sous la
République, l'achèvement de la confédération par villes, fut
entrepris par le Principat d'une façon pleinement consciente
et fut conduit par lui à ses fins dans la réorganisation de la
Gaule, de l'Espagne et de l'Afrique.
Terminologie. Nous chercherons tout à l'heure, en partant des institutions
des alliés véritablement autonomes, les analogies que présente
l'autonomie précaire avec celle conférée par lettres et les in-
fériorités qui séparent la première de la seconde. Mais il nous
(i) Rescrit de Vespasien aux magislratus et senatores des Vanacini en
Corse, C. 1. L. X, 8038. La formule senatus populusgue, qui n'est autrement
pour ainsi dire jamais employée par les cités provinciales, est emp'oyée
par des cités africaines absolument dénuées d'importance dans des décrets
de patronat du temps de César (C. I. L. VIII, 10525), d'Auguste (C. I. L.
VIII, 68) et de Tibère (C. J. L. V, 4920. 4922). Le conseil de Sulci en Sar-
daigne se nomme également senatus (C. 1. L. X, 7513).
(2) Droysen, Hell. 3, 1, 31. = tr. fr. 3, 32 (p. 356, note 2).
LES SUJETS NON AUTONOMES. 359
faut auparavant étudier la terminologie du sujet. Plus encore
que l'autonomie sujette, la sujétion absolue est dépourvue de
désignation simple et adéquate; cette situation claire est plutôt
dissimulée qu'exprimée dans des désignations obscures, dont
certaines signifient le contraire de la vérité.
Nous avons déjà (VF, 1 , p. I06 et ss.) traité de l'expression père- Peregnm
grini dediticii. Elle peut être appliquée aux sujets, l'autonomie
précaire n'en étant légalement pas une, tout comme Vin liber-
tate morans peut à bon droit être appelé esclave. Mais, dans la
langue politique, on n'emploie jamais, pour désigner la sujé-
tion permanente de fait, l'expression énergique du droit civil.
La sujétion s'exprime encore nettement dans la formule m /«</*«»
dicione esse et les nombreuses formules synonymes (1), d'au-
cune desquelles il n'est sorti un substantif correspondant. L'ex-
tension de ces formules aux alliés inégaux en droit est aussi
inusitée et probablement incorrecte (2). Mais l'allure discrète
(1) De la manière la plus nette dans le jurisconsulte Gallus (p. 282,
note 1). Le mot dicio, qui ne se rencontre que dans des formules arrêtées (et
auquel les anciens grammairiens refusent pour cette raison le nominatif),
se présente seul dans la formule paradigmatique : Deditis vos... in meam po-
pulique Romani dicionem, Tite-Live, 1, 38, 2, cumulé avec d'autres expres-
sions synonymes dans la loi : Dedere se in arbitrium dicionemque populi Ro-
mani, Tite-Live, 26, 33, 12, et dans la lex repetundarum, au début: In arbi-
tratu dicione potestate amicitiave populi Romani, à côté d'amicitia, dans Cicé-
ron, Div. in Csec. 20, 66, et dans des constructions analogues une quantité
innombrable de fois. — On rencontre comme synonymes potestas (seul,
Tite-Live, 1, 38, 2. 7, 31, 6. 24, 29, 12, etc. ; dicio ac potestas, Gicéron, De l.
agr. 2, 27, 74; potestas ac dicio, le même Verr. I. 1, 38, 97); manus (Tite-
Live, 5, 27, 4) ; imperium (seul, Tite-Live, 5, 27, 12. 8, 19, 2, etc. ; imperium
dicioque, Gicéron, Verr. I. 1, 21, 55 ; Pro Font. 5, 12 ; dicio imperiumque,
Tite-Live, 22, 20, 11. 29, 29, 10), qui au sens strict est cependant rapporté au
magistrat ; jus judiciumque (Tite-Live, 36, 39, 9. 39, 24, 8. 41, 22, 4) et jus
dicioque ou jus ac dicio (Tite-Live, 2!, 61, 7. 28, 21, 1. 32, 33, 8. 36, 14, 9.
38, 48, 3. 40, 35, 13 ; Salluste, Cat. 20, 7) ; arbitrium et arbitratus dans les
lois invoquées plus haut. — L'autonomie consiste à suse dicionis esse, Tite-
Live, 24, 29, 7, in sua potestate esse, Tite-Live, 1, 38, 2, etc.
(2) Tite-Live, 9, 20, 8 : Impetravere, ut fœdus daretur, neque ut aequo tamen
fœdere (cf. p. 291, note 2), sed ut in dicione populi Romani essent. 21, 60, 3 :
Omnem oram usque ad Hiberum ftumen partim renovandis societatibus, partim
novis instituendis Romanae dicionis fecit. 41, 6, 12: Lycios ita sub Rhodiorum
simul imperio et tutela esse, ut in dicione populi Romani civitates socix sint. Il
n'est pas iréquent que ces expressions soient rapportées spécialement aux
alliés comme dans ces textes ; mais on désigne souvent ainsi l'indépendance
en gériral, sans s'occuper de la distinction légale des alliés et des sujets.
360 Dl.OIT PUBLIC ROMAIN.
de la domination romaine (1) a également reculé devant son
emploi comme titre officiel. — En grec, l'idée est exprimée
par le mot uxtjxooi (p. 279, note 5), qui cependant est en outre
souvent employé dans un sens large comprenant le cercle de
l'autonomie dépendante (p. 238, note 4; p. 290, note 3).
stipendiant En tant qu'ils sont tenus de redevances, les sujets sont ap-
pelés stipendiarii populi Romani (2), en grec u-orsXatç (p. 283,
note 3), dénomination dont se servent les listes officielles des
villes des provinces conservées dans Pline (3). Mais il y a aussi
des villes sujettes exemptes d'impôts par un privilège spécial
(p. 375) et à l'inverse des villes autonomes soumises à l'impôt
(p. 313). En outre, cette dénomination est. encore empruntée
au côté passif du rapport, et par suite elle n'est pas fréquem-
ment appliquée aux personnes et elle n'est pour ainsi dire ja-
mais employée comme titre officiel (4).
5oc"« Les sujets non-autonomes sont appelés socii par suite d'une
extension abusive de la dénomination légale des alliés autono-
mes, en particulier des alliés italiques. Cette extension était
d'autant plus indiquée que l'autonomie tolérée vient d'un acte
qui est analogue à l'acte d'établissement de l'alliance accompli
dans l'autonomie réelle et auquel il manque seulement la
force obligatoire (p. 363). La cité dirigeante ayant intérêt à
cacher la sujétion dans la terminologie, cette dénomination
(i) Pour les affaires non-romaines, le mot est employé sans scrupules : Ux-
duos, dit César, B.G.i, 33, in servi tute atque dicione videbat esse Germanorum.
(2) Sur l'origine de cette dénomination, cf. p. 364. Des exemples
tirés de Gicéron en sont rapportés p. 287, note 1. — Vectigalis est
aussi employé dans le même sens pour les personnes (Gicéron, De prov.
cons. 5, 10 : Vectigales multos ac stipendiarios lïberavit; Tite-Live, 21, 41, 7),
ordinairement pour le sol (Tite-Live, 22, 54, 11. 24, 47, 5. 31, 29, 7. c. 31, 9.
37, 55, 6, etc.) — Tributarius n'est jamais employé dans ce sens à l'époque
de la République ; car le tributum y est l'impôt des citoyens. Au contraire,
il est, sous l'Empire, employé dans le droit des personnes comme synonyme
de stipendiarius (Pétrone, c. 57 : Malui civis Romanus esse quarn tributarius ;
Suétone, Aug. 40 : Pro quodam tributario Gallo). La distinction faite selon
que la taxe est versée à Yœrarium ou au fiscus est étudiée, tome V, au sujet
de la Puissance impériale.
(3) P. 283, note 3. C'est ce que fait aussi le scoliaste de Bobbio, in
Scaur. p. 375 : Alix civitates sunt stipendiant, alise libérée.
(4) Il n'y a sans doute pas d'autre exception que les civitates slipendiario-
rum pago Gurzenses, C. 1. L. VIII, 68.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 361
est devenue la dénomination courante, et elle est probablement
aussi ancienne que la sujétion elle-même (1); elle figure déjà
dans un acte officiel rédigé vers l'an 614 de Rome (p. 364,
note 1). Plus tard elle est généralement employée, non seule-
ment quand on réunit les cités autonomes et sujettes (2),
mais aussi quand il est question de cités isolées de la seconde
espèce (3), et elle est même employée, chez les modernes,
pour les cités non-autonomes par opposition aux cités autono-
mes envisagées comme cités fédérées (4).
Les cités que l'on tenait pour fédérées devaient aussi néces-
sairement être reconnues comme libres; d'autant plus que,
comme nous verrons, les conséquences de la liberté politique,
les magistrats propres et la juridiction propre, se présen-
taient aussi en fait chez les sujets non-autonomes. Il en est
ainsi aussi bien pour la Sicile (5) que pour la Macé-
(1) En Sicile, où il n'y a que deux villes fédérées, Messana et Taurome-
nion, celles qui doivent des redevances sont appelées liberi in societatem,non
servi in custodiam traditi Romanis (Henna, Tite-Live, 24, 37, 6 ; de même 25,
40, 4); et, des honneurs spéciaux étant rendus aux dix-sept villes restées tou-
jours fidèles aux Romains (Diodore, 4, 83 ; Gicéron, Verr. 5, 47, 124), la
qualité d'alliés ne peut tout au moins pas avoir été refusée à ces villes.
(2) Les Siculi en général sont très souvent appelés socii poputi Romani
dans les Verrines (Div. in Csec. 4, 12. 5. 17. 18. Act. 1, 5, 17. c. 14, 42. c. 18,
56. I. 3, 6, 15. c. 52, 122, etc.).
(3) Gicéron, Verr. I. 3, 23, 56. c. 34, 79. c. 43, 102. c. 45, 100.
(4) Tacite, Hist. 3, 55, emploie sans équivoques le mot dans co sens, en
reprochant à Vitellius fœdera sociis dilargiri. Mais même ailleurs il emploie
en générai le mot de la même façon, par exemple en appelant les Medio-
matrici (qui, autant que nous sachions, ne sont ni fédérés ni libres) une
socia civitas (Hist. 4, 70) ou en qualifiant les troupes auxiliaires du nom de
socii {Ann. 1, il. c. 49. 4, 73 ; Hist. 3, 46) et en citant le concilium sociorum
(Ann. 15, 22). Par conséquent, dans Ann. 15, 45: Pervastata ltalia, provincix
eversx, sociiqne populi et quse civitatium libérée vocantur, le troisième terme
désigne non pas les cités fédérées, mais les cités sujettes, de sorte que le
second terme est spécialisé dans le troisième et le quatrième. Suétone, Aug.
44, dit de même : Romse legatos liberarum sociarumque 'gentium vetuit in orches-
tra sedere. On ne peut pas toujours arriver pour ce mot à une complète sû-
reté d'interprétation ; car l'ancienne acception, où socius et fœderatus se con-
fondent, se rencontre encore dans Suétone, qui à la vérité suit peut-être là
une autorité ancienne (p. 283, note 3), et Tacite (Ann. 2, 53, fœderi socix urbis,
en parlant d'Athènes) n'exclut pas non plus toujours les fœderati des socii.
(5) A Syracuse, les Romains ne font qu'entrer dans les droits des rois,
et la ville garde finalement la liberté et l'autonomie. Tite-Live, 25, 28, 3 :
Abeenre
de mention
de la liberté.
362 DROIT PUBLIC ROMAIN.
doine (1) et l' Achaïe (2) . Lors de la chute du royaume de Pergame
en 621, la capitale entra dans l'empire romain comme ville li-
bre(3),et Éphèse adressa ses remerciements auxRomains après la
guerre de Mithradates, pour la reconquête de la « liberté de ses
pères » (4). Mais, dans tous ces cas, et surtout clairement dans
ceux de Pergame et d'Éphèse, la liberté est la âTi^oxpa-ria grec-
que (5), l'exclusion de la domination royale directe et l'admi-
nistration locale indépendante. Cette organisation des villes est
conciliable avec la domination royale et avec sa continuation
Cum haud ferme discreparet quin quae ubique regum fuissent Romanorum
essent, Siculis cetera cum libertate ac legibus suis servarentur ; cf. 24, 33. 6.25,
23, 4. c. 31, 5. c. 40, 1. Plutarque, Marcell. 23 : Ttjv èXeuÔepîav, ï^v aTréScoxev
aÙTotç, xat toÙç vôfiouç xat xâv xtthxcxtwv xà irspiôvra (3s3ata Tiapécr/ev f, o-vyxXiQTOç.
(1) Dans les proclamations de 587 (Tite-Live, 45, 29, 4. 12, rapproché de
c. 18, 1 ; Diodore, éd. Wess. p. 581; Vita Hadriani, c. 5) les États de Macé-
doine et d'Illyrie sont déclarés libres ; mais ils sont soumis au tribut et
par conséquent appartiennent à l'empire.
(2) Dans la lettre du proconsul Q. Fabius à la ville de Dyme (C. I. Gr.
1543), qui semble avoir été écrite peu de temps avant la guerre d' Achaïe, il
cite ttjç à7co8s8o(iivYiç xaxà xotvov toi; "EXXyjctiv iXeuôspîaç, en paraissant faire
allusion par là à la libération de l'autorité royale de Persée.
(3) Un des documents les plus remarquables fournis par les fouilles de
Pergame est une résolution de cette ville (encore inédite) qui m'est
communiquée par son futur éditeur, [fael] j3a<nXeùç "Attocaoç ^iXojxrjTwp xat
EùepYérr^ç {AeOto-JxajAevo; i% àv6pto7rwv àTcoXéXoiUEV Tr,[[A 7taTp]î8a r^àiv âXeuOépav,
la confirmation de cette disposition de dernière volonté par les Romains
étant encore attendue (8eÎ 8à èTux-jpwO^vat ty|v 8'.a6r,[xyi]v vizo 'Pwfjiattov),
de conférer aux classes d'habitants de la ville qui n'ont pas le droit de cité
ce droit ou une condition personnelle voisine. Les Romains ont sûrement
accepté la charge de ce legs avec l'hérédité. Mais il ne donnait à la ville que
sa libération du gouvernement royal direct ; selon Tite-Live, Ep. 59, les
Romains déclarèrent la guerre à Andronicus en partant de là, parce que
Asiam occupavit, cum testamento Attali régis legata populo Romano libéra esse
deberet. — Les habitants de Pergame honorent le proconsul d'Asie P. Servi-
lius Isauricus en 708, w; aTuoSsSor/.oTa tîj 7i6).et toùç 7taTpîouç vojxo-j; xal rr,v
SYiixoxpa-rtav àSo-jXwxov (Jahrbuch der preuss. Kunstsammlungen, 1880, p. 190).
(4) C. I.L. I, n. 588: Populus Ephesius [populum Romanum] salutis ergo-,
quod o\ptinuitmajorum] souom leibertatem i La guerre contre Mithradates
est faite, suivant un décret des mêmes Éphésiens(Lebas-Waddington, n. 136
a), ûirép te ttjç 'Ptojxattov ^yeixovc'aç xavt tt)ç xoivrj; sXsuôepta;.
(5) Les Ephésiens s'attribuent la majorum libertas (note 4), les gens de
Pergame la 8Y]u.ox?aTÎa (note 3). Cf. p. 285, note 1. Les Lyciens légalement
autonomes s'attribuent également une majorum libertatem, tt,v nôrptov 8r,(i.o-
xpaTÎotv (C. 1. L. I, p. 589). [V. encore sur la condition de Uberi attribuée aux
sujets à la même époque et dans le même sens, l'inscription citée p. 364,
note 3.]
LES SUJETS NON AUTONOMES. 363
par les gouverneurs romains, et cette liberté n'est par consé-
quent pas la liberté en face du gouvernement romain. C'est
pourquoi le droit public romain refuse le nom de villes libres
aux cités sujettes, même lorsque l'administration en est démo-
cratique. En particulier, depuis que la propriété du sol eut été
retirée, comme nous le verrons, du temps des Gracques, aux
cités dont l'autonomie était seulement tolérée, la reconnais-
sance nominale de la liberté, qui se rencontre jusqu'alors, dis-
parut elle-même. Ni Pergame ni Éphèse ne sont des villes li-
bres au sens romain, et ce titre est, comme nous l'avons déjà ex-
pliqué (p. 280), au contraire l'expression de l'autonomie légale.
Les auteurs n'attribuent non plus jamais expressémentla liberté
aux cités sujettes (I). Quand Cicéron dit que les Grecs croient
avoir la liberté parce qu'on leur permet de plaider selon leur
droit propre (p. 384, note 2), il leur dénie précisément par là
la liberté ; Philon (2) fait exactement la même chose en célé-
brant Auguste comme ayant donné la liberté à toutes les villes
de l'empire, sans aucun doute par allusion aux assemblées
provinciales instituées par lui (p. 383).
L'autonomie tolérée ne naît pas, au moins en général, ex- origine
.. ,, ., i n ■ t • . , de l'antouomu
clusivement d une tolérance de fait. Ici encore on peut prendre tolérée.
pour terme de comparaison l'affranchissement sans forme et
exiger, delà part de Rome, une déclaration de volonté analogue
(1) Josèphe, Ant. 17, 2, 2, viole cette règle: Ilap' uv (aux Hérodéens)
'Ptotxaïoi Ss^afjLsvot tyjv àoyjy (de Trachonitis) tou ykv èXeuOspou xa\ ourol TvtpoSat
rr,v àc.fwT'.v, è7u[3oXa?ç Si :àiv çopwv efç xo udjxuav im'saav aùxo-j;. Lorsque
Sulla dit, dans Appien, Mithr. 58, à Mithradates : Tr,v Maxsôovtav -e r^ExIpav
rôffocv iTzixpz'^ y-a\ tou? "EXXr,va; ttjv £Xî*j0Epiav àçrjpoO, il s'agit là des villes
légalement libres, notamment d'Athènes. Julien, Ep. 35: 'Pto[xaîotç 8è -jaTepov
oiy àXoÛTa [fcSXXov r, xarà ^j(xjj.a-/'!av v7ir,xou<7s (la ville d'Argos) xod too-rsp
oi[j.at [xsxcT/e xoti kvtï) xa6â-sp ac Xoiitaï rr,; èXeufaptac xai tùv aXXwv Sixacwv,
(hcoott vé{i.oy<n xoT? «ep\ ttjv 'EXXàôa tcoXsc-iv ot xpaTo-jvxs;, est étranger à ce
sujet; il s'y agit encore, inexactement pour Argos d'ailleurs (Ôio-Trepoljxai), de
la situation particulière faite aux villes de la Grèce libres en pratique sous
le gouvernement impérial (v. tome V, la partie de Vhnperium du prince, sur
les villes libres des provinces).
(2) Philon, Leg. ad Gaium, 21 : Outo; [èVriv] o ta; uôXec; âroxo-aç el< èXeu-
ôepîav èUX6(ievo;.
364 DROIT PUBLIC ROMAIN.
à celle qu'il impliquait (1). L'introduction de cette condition par
une loi est en contradiction avec sa nature provisoire et ne s'est
présentée qu'exceptionnellement (2). En général, ces cités sont
organisées par le gouverneur romain, au moment de la consti-
tution de la province, puis par le sénatus-consulte qui confirme
cette constitution (3), ainsi que nous le développerons plus
en détail en nous occupant de l'organisation communale. Quant
au fond, la déclaration faite du côté de Rome se résume en une
reconnaissance des droits contenus dans l'autonomie limitée,
faite sans garantie de durée, par conséquent sous réserve de la
faculté de retirer arbitrairement tous les droits ainsi accordés,
impôtjomain Le fooit de l'autorité supérieure d'établir des impôts est,
ded\TuÏÏe.tion avons-nous vu (p. 311), incompatible avec l'autonomie; il
rentre au contraire dans l'essence de la sujétion. Il a, dans la
conception romaine, la contribution militaire pour origine;
l'expression technique stipendiant en est la preuve. L'emploi
(1) Les deux cités, difficilement autonomes, de Thessalie Melitseaet Nar-
thakion, dont les contlits de frontières furent décidés par le sénat romain,
vers 614, sûrement après l'extension du lien de sujétion romaine à la Grèce
(Bull, de corr. hell. 6, 364), sont appelées amies et alliées (irapà 8y)[aou xaXoti
[xàya6o]0 xai çiXou <ru[i.[iàxov), et elles renouvellent à cette occasion leur o-yjji-
(xaxta avec les Romains.
(2) Cf. la note 3. Si, d'après Gicéron (Verr. I. 3, 15, 38), c'est contra
omnia jura Siculoinim, quse habent a senatu populogue Romano, qu'ils sont
déférés à un autre tribunal que le leur propre, et si, d'après le même au-
teur (Verr. 2,37,90), senatus et populus Romanus rendirent urbem agros leges-
que suas à la ville de Thermœ, il ne s'agit pas là de lois spéciales ; les sé-
natus-consultes sont seulement considérés comme exprimant eux-mêmes la
volonté du populus Romanus.
(3) On peut par exemple rappeler la constitution de la province du Pont
et de Bithynie après la guerre de Mithradates par une ordonnance de
Pompée (Pompeia lege quœ Bithynis data est, Pline, Ad Traj. 79) ; elle fut
soumise à la confirmation du sénat comme faisant partie de ses acta ;
mais, comme elle se trouvait en conflit avec les décisions de Lucullus et
qu'il en résultait des difficultés, elle fut confirmée par une loi, sous l'in-
fluence de César. [Le règlement de la condition des sujets par un décret du
gouverneur est aussi attesté par un décret classique quant à la condition des
sujets au vie siècle, par le décret du préteur d'Espagne Ultérieure L. Mm\~
lius Paulus en date du 19 janvier 565 de Rome (C. /. L. Il, 5041; cf. Hermès,
3, 261 et ss.) : L. Aimilius L. f. inpeirator decreivlt utei, quei Hastensium
servei in turrï Lascutana habitarent, leiberei essent. Agrum oppidumqu(e) ,
quod ea tempestate posedisent, item possidere habereque jousit, dum poplus
senatusque Romanus vellet.]
LES SUJETS NON AUTONOMES- 365
de cette désignation s'explique par la façon dont la sujé-
tion est issue de la dédition (p. 351). Celui qui est battu à la
guerre doit supporter les frais causés par la guerre au vain-
queur ; il doit môme déjà, pendant la trêve, fournir la somme
nécessaire pour payer la solde des troupes victorieuses (1).
C'est pour cela que la dénomination de la solde est aussi deve-
nue de bonne heure celle de la contribution de guerre (2). Le
fait que, d'après sa nature, cette contribution ne pouvait pas
être imposée à titre durable (3) correspond au caractère primitif
de la sujétion, qui n'est pas autre chose que l'état provisoire
établi par la victoire (p. 3o3). Mais, de même que la sujétion
permanente est issue de cet état, la contribution de guerre
s'est changée en perception des taxes qui étaient payées dans
le territoire conquis au souverain antérieur et que le vainqueur
revendique désormais en vertu de la même souveraineté. Il
est possible que des taxes permanentes aient ainsi été impo-
sées, dès l'époque où la politique romaine se bornait au terri-
toire italique, à diverses cités avant qu'elles ne fussent entrées
dans la confédération militaire italique, ou encore, à la fron-
tière du nord, à des tribus ligures, celtiques ou illyriennes ;
mais il est difficile que cela ait eu une étendue sérieuse (4).
Au contraire, les Romains semblent, au moins en Italie, avoir
évité l'imposition de taxes permanentes même à la charge des ci-
tés qu'ils n'admettaient pas à la communauté des armes. Parmi
les cités italiques punies à raison de leur attitude pendant la
guerre d'Hannibal,Capua et les villes voisines furent dissoutes,
les villes du Bruttium furent réduites au rang de villes sujettes,
(1) Tite-Live, 5, 27, 15. c. 32, 5. 9, 41, 7, etc. Eandbuch, 5, 93 = tr. fr. 10, 116.
(2) Selon la définition de Gicéron (p. 368, note 4), quasi victorise prsemium
ac pœna belli.
(3) Il ne faut pas confondre cela avec une contribution répartie entre plu-
sieurs années (exemples, Handb. 5, 183, note 4 = tr. fr. 10, 232, note 3).
(4) L'assertion de Tacite, Ann. 11, 22, selon laquelle l'institution des
quatre questeurs de la flotte a lieu, en 487, stipendiaria jam Italia, ne peut
sans doute être comprise qu'en ce sens qu'il leur incombait de recouvrer les
stipendia et que ces taxes s'étendaient alors aussi bien à l'Italie qu'aux pro-
vinces. Mais l'annaliste, qui se trompe fréquemment au sujet de l'histoire
ancienne, a dû être égaré ici par le nom des magistrats. Cf. p. 312.
366 DROIT PUBLIC ROMAIN.
mais on n'imposa à celles-ci, si notre relation est complète
(p. 354), qu'un service personnel moins honorable. Pour le fond,
il est certainement exact de dire, comme les Romains le font
à plusieurs reprises, qu'ils ont emprunté l'institution des con-
tributions militaires permanentes aux gouvernements qui les
ont précédés, et cela d'abord en Sicile (1), et que l'administra-
tion royale hellénico-orientale a été le fondement du système
provincial romain (2), qu'en particulier l'organisation fiscale
romaine, en Sicile comme en Macédoine, en Syrie comme dans
le Pont, n'est qu'une continuation de la perception des ancien-
nes taxes royales.
PLïbord îîSsée01 La condition du sol n'est pas en elle-même atteinte par la
x sujets, translation au maître étranger du droit à l'impôt. Une heu-
reuse circonstance nous fournit des renseignements suffisam-
ment précis et sûrs relativement à l'organisation de la Sicile en
matière de tributs. Certaines cités, par exemple celle de Leon-
tini, eurent leur territoire confisqué au profit du peuple romain,
et l'on n'en laissa aux propriétaires antérieurs que la jouissance,
sous forme d'admission à un louage contre une redevance (vec-
(1) Cicéron, Verrm l. 2, 6, 13 : Praeterea omnis ager Sicilise decumanus est
itemque ante imperium populi Romani ipsorum Siculorum voluntate et institu-
as fuit. 3, 6, 12 : Sicilise civitates sic in amicitiam fidemque recepimus, ut eo-
dem jure essent quo fuissent, eadem condicione populo Romano parèrent qua
suis ante paruissent. Gela est, il est vrai, inexact en ce sens que les institu-
tions romaines n'ont pas dû être organisées sur le modèle de Syracuse et de
ses six villes, auxquelles se rapporte la lex Hieronica visée ici en première
ligne, mais sur celui de la Sicile carthaginoise antérieurement conquise. Le
système carthaginois servit sans doute également de modèle direct pour
l'organisation de l'Espagne et de l'Afrique.
(2) Quand Cicéron écrit, Ad Q. fr. 1, 1, 11, 32 : Grœcis id quod acerbissi-
mum est, quod sunt vecligales, non ita acerbum videri débet, propterea quod
sine imperio populi Romani suis institutis per se ipsi ita fuerunt, il pense à
l'Orient grec et aux institutions de la monarchie d'Alexandre imitées de
la Perse. Nous en avons une image limpide dans les mesures prises après
la soumission d'Antiochus, Polybe, 21, 48 =Tite-Live, 38, 39. Des différentes
villes, les unes reçoivent sous l'autorité romaine l'autonomie et l'immunité,
d'autres voient réglementer leur obligation au tribut envers Rhodes ou Eu-
mène. Au reste, ce système est aussi essentiellement celui d'Athènes : la
division de Thucydide (7, 57) des membres de l'empire d'Athènes en aÛTovo-
\io: àub l'j[i[i.a.yla; ou, comme il les appelle encore, en vav<ù xai où çopotç
Ù7tr,xooi, et en Û7CTjxoot xal çôpou OfcoreXrfc peut être transportée sans autre
forme à l'Etat romain.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 367
tigal) (1), qui est elle-même affermée, à Rome, au plus offrant
par les censeurs, avec les autres revenus des domaines pu-
blics (2). Dans le reste des cités, les Romains levèrent assuré-
ment la même taxe qui avait jusqu'alors été envoyée à Carthage
ou à Syracuse, c'est-à-dire perçurent de chaque propriétaire
une quote-part du produit du sol (p. 366, note 2). Mais d'autres
allégations (3), et surtout la distinction faite pour les terres do-
maniales qui appartenaient antérieurement à Leontini, et le ré-
gime différent auquel sont soumises les quotes-parts des fruits
retirées de ces terres et des autres, prouvent indubitablement
que la dime, à laquelle s'élevait en général la redevance, était
un impôt et que la propriété du sol restait aux particuliers
telle qu'ils l'avaient eue précédemment.
Nous n'avons pas de renseignements précis sur les autres
territoires d'outre-mer soumis par Rome dans le cours du vie
siècle. Il est probable que les Romains se sont aussi bornés,
en Sardaigne, en Corse, en Espagne et en Orient, lorsqu'ils
n'accordèrent pas l'autonomie aux peuples soumis, à transfor-
(1) Gicéron, Verr. 3, 6, 13 : Perpaucae Sicilise civitates superiori bello a
majoribus nostris subactœ, quarum ager cum esset publions populi Romani
factus, tamen Mis est redditus (c'est-à-dire en possession précaire) : is ager a
censoribus locari solet. 5, 29, 53 : Qui publicos agros arant, certum est, quid ex
lege censoria debeant. Il s'agit là en première ligne du territoire de Leontini,
montrent les Philippiques, 3, 9, 22 : In agro publico campi Leontini duo milia
jugerum ; cf. 2, 17, 43. c. 39, 101. 8, 8, 26; ces champs sont mis sur le même
rang que ceux de Gampanie ; en outre, les terres d'Amestratos sont dési-
gnées, Verr. 3, 39, 89, comme étant en la propriété de l'État. Gela doit né-
cessairement remonter aux mesures prises en Sicile pendant la guerre
d'Hannibal ; mais la relation de Tite-Live, 25, 40, 4 : Qui ante captas Syra-
cusas aut non desciverant aut redierant in amicitiam,ut socii fidèles accepti culti-
que : quos metus post captas Syracnsas dediderat, ut victi a victore leges accepe-
runt (cf. 26,40,14), se rapporte plutôt aux droits honorifiques spéciaux des 17
villes restées fidèles (p. 361, note 1) ; la peine rigoureuse de l'expropriation
n'a évidemment frappé que peu de cités.
(2) V. tome IV, la théorie de la Censure, sur la mise à ferme des vecti-
galia.
(3) Gicéron dit de la ville débitrice de dîmes de Thermse, Verr. I. 2, 37,
90 : Cum,.. senatus et populus Romanus Thermitanis, quod semper in amicitia
fideque ?nansissent, urbem agros legesque suas reddidisset. Il en est ainsi in-
dubitablement de Syracuse même : comme on n'y avait confisqué que les
propriétés foncières royales et celles des ennemis du peuple romain (Tite-
Live, 26, 21, 11. c. 30, 11), la propriété privée du reste du sol ne fut pas
touchée.
368 DROIT PUBLIC ROMAIN.
mer en domaines de Rome soit les terres antérieurement pos-
sédées par le souverain vaincu lui-même, soit celles qu'ils en-
levaient, en vertu de raisons particulières, aux possesseurs anté-
rieurs (1), et que, pour le surplus, ils ont exclusivement
exercé le droit souverain d'impôt (2).
propriété Le principe opposé, consistant à traiter tout le territoire des
postérieure
de rÉtat. sujets (3) comme compris dans les domaines du peuple ro-
main (4), fut appliqué, pour la première fois, dans la loi pro-
posée en 631-632 par G. Grachus pour l'organisation de la
province d'Asie (o). Non seulement ce système fut alors une
fois pour toutes posé en principe pour l'avenir; mais on
(1) Même lorsque tout le sol provincial fut considéré comme appartenant
à l'État, on en a toujours distingué les fonds de terre dont la jouissance ap-
partenait à l'État lui-même. La liste des biens de l'État dont il avait la jouis-
sance, dressée par Auguste en 727, est étudiée, tome V, dans la théorie de la
Révocabilité des actes des princes, au sujet àesbeneficia. C'est à leur sujet que
Vespasien répond à une cité, de la Bétique (C. 1. L. II, H23):Vectigalia, quœ
ab divo Aug{usto) accepisse dicitis, custodio : si qua nova adjicere voltis, de his
proco(n)s(ulem) adiré debebitis, ego enim nallo respondente constituere nil pos-
swm.Par conséquent, une portion de ces biens de l'État était laissée en jouis-
sance aux cités, d'après des règles déterminées ; pour changer ces règles,
par exemple pour élever le droit de pâture perçu sur les prés de la montagne
ou pour en introduire un nouveau, les autorités locales avaient besoin de
l'autorisation du gouvernement romain.
(2) [L'inscription espagnole citée p. 364, note 3, montre également la pro-
priété du sol laissée jusqu'à nouvel ordre aux habitants selon le droit péré-
grin (possidere habereque: p. 317, note 4), mais en réservant expressément
pour l'avenir le droit de confiscation, qui est une conséquence de la deditio.]
(3) Le territoire des villes fédérées est naturellement étranger à cette rè-
gle ; car il ne fait pas partie de la province.
(4) Ce n'est pas ici le lieu de développer ce principe d'une façon plus ap-
profondie. Il apparaît clairement dans Gicéron, Verr. I. 2, 3,7: Quasi quaedam
prœdia populi Romani sunt vectigalia nostra atque provinciœ,et chez les juris-
consultes, par exemple chez Gaius, 2, 7 : In (provinciali) solo dominium populi
Romani est vel Cœsaris, îios autem possessioyiem tantum vel usum f?'uclum ha-
bere videmur. Cf. tome V, la partie de la fortune publique et des caisses pu-
bliques, sur les revenus tirés par le fisc des provinces impériales.
(5) Gicéron, Verr. 3, 6, 12 : Ceteris {provinciis) aut impositum vectigal est
certum quod stipendiarium dicitur, ut Hispanis et plerisque Pœnorum quas{
victoriae praemium ac pœna belli, aut censoina locatio constituta est, ut Asiae
lege Sempronia (cf. Fronton, Ad Verum, 2, 1 : Jam Gracchus locabat Asiam
et Karthaginem viritim dividebat ; Appien, B. c. 5, 4). Le régime établi en
Espagne et en Afrique se concilie mieux avec l'ancien système qu'avec le
nouveau ; la censoria locatio de l'Asie n'est possible qu'en partant de l'idée
de jouissance du domaine de l'État.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 369
lui attribua même progressivementun effet rétroactif à rencon-
tre des provinces antérieurement organisées (1). Ce fut là en
première ligne unecorrection théorique. Le principe de la dédi-
tion entraine fore 'ment en droit le transfert de la propriété
du territoire au nouveau maître (p. 317). L'état provisoire
de sujétion était, au sens strict, juridiquement inadmis-
sible, et la réunion des cités à Rome sous la forme d'une contri-
bution de guerre permanente était inconciliable avec la concep-
tion romaine du rapport légal. En particulier, la quote-part
des fruits, variable avec le produit annuel, perçue sur chaque
fonds dans les cités stipendiaires de Sicile, ne pouvait, au point de
vue des jurisconsultes romains, guère être caractérisée comme
une contribution de guerre; au contraire, elle pouvait l'être fa-
cilement et simplement comme un loyer du sol. Les provinces
établies selon le nouveau système furent, pour les points essen-
tiels, organisées comme la Sicile et laMacédoine.Les taxes qui en
étaient exigées étaient pratiquement des impôts, quoiqu'elles
fussent regardées dans la construction juridique, comme un
loyer du sol, et la dénomination fiscale stipendiwn est aussi
employée plus fréquemment que celle de vectigal qui désigne le
loyer du sol (2).
L'attribution à la puissance souveraine du droit de lever les
impôts rentre dans l'essence de la cité sujette comme le
(1) Gela s'applique à l'Afrique, montre la loi agraire de 643. La Sicile
est encore traitée théoriquement d'après la règle ancienne à la fin de la Ré-
publique romaine, et le territoire domanial de Rome est restreint au
territoire de Leontini et aux parcelles de terre de même nature, montrent
les Verrines; la République romaine n'a pas eu pour système de supprimer
directement les mesures qu'elle avait prises une fois. Mais elle avait déjà tiré
pour toute l'île les conséquences du droit de propriété de l'État sur le sol,
ainsi que le montrent le refus du titre de ville libre et la revendication par
elle de tous les droits de douane maritimes (peut-être à l'exception desvilles
fédérées de Mcssana et de Tauromenion). La colonisation d'Auguste prouve,
s'il en faut une preuve, que, tout au moins sous le Principat, il n'est fait
aucune distinction, au point de vue de la propriété foncière, entre la Sicile et
le reste des provinces.
(2) Cette dernière désignation se rencontre au reste assez souvent. Gomme
elle s'applique à toute rente du sol, on peut lier vectigales ac stipendiarii
(Gicéron, p. 360, note 2), et le tribut des sujets est appelé vectigal stipendia-
rium (Cicéron. p. 368. note 5).
Droit Pubu Rom., t. VI, 2e p. 24
370 DROIT PUBLIC ROMAIN.
droit propre de s'imposer dans celle de la cité autonome. Aussi
la transformation de l'impôt en loyer du sol, que nous venons de
faire connaître, a-t-elle été surtout un changement de forme; elle
n'a pas eu une importance pratique très profonde. La redevance
fixe payée par la caisse delà cité aux Romains est sans doute la
forme régulière du tribut conciliable avec l'autonomie (p. 310);
mais le gouvernement romain peut aussi donner cette forme
atténuée à l'impôt levé par lui, en transmettant à la cité elle-
même le droit de percevoir l'impôt contre un prix de rachat.
Par conséquent, l'impôt romain exclut bien l'autonomie tant que
l'idée d'autonomie a été une réalité (p. 321); mais on ne peut
pas à l'inverse conclure à l'existence de l'autonomie légale
parce que la redevance est fixe et est versée par Yaerarium
de la cité dépendante. Quant aux conséquences pratiques, la
faculté d'augmenter les taxes existe aussi bien quand elles sont
considérées comme un impôt que quand elles sont considérées
comme un loyer du sol (1). La transformation du sol en pro-
priété publique ou privée romaine était, dans l'ancien système,
également possible en droit, puisqu'il n'était laissé à ses pos-
sesseurs que jusqu'à nouvel ordre. Cependant il y avait à ce su-
jet une différence essentielle, selon que l'État exerçait le droit
qui résultait pour lui de la dédition après un long intervalle ou
qu'il faisait purement et simplement valoir son droit de pro-
priété, et les plans de fondations de colonies des Gracques se
liaient, sans aucun doute, avec cette théorie. Ce sont en outre pro-
bablement la rente foncière et le principe, dont elle implique la
reconnaissance, selon lequel tous les territoires des cités sujettes
sont la propriété de l'État romain, qui ont amené l'administra-
tion centrale à monopoliser tous les droits de douanes, comme
(1) Si de doubles dîmes sont demandées en Sicile et en Sardaigne (Tite-
Live, 36, 2, 12. 37, 2, 12. c 50, 9. 42, 31, 8} pour des raisons militaires, si par
la suite une seconde dîme est demandée régulièrement, sans doute contre
indemnité, en Sicile (Cicéron, Verr. I. 3, 70, 163), cela peut se concilier aussi
bien ou aussi mal avec un principe qu'avec l'autre. On perçut également en
Espagne, où la redevance était en principe fixée en argent, un vingtième
en sus contre indemnité (Tite-Live, 43, 2, 12).
de l'Etat
LES SUJETS NON AUTONOMES. , 374
fondés sur la propriété du sol (1) ; et ce fut là probablement en
pratique Tune des limitations de droit les plus précoces et les
plus importantes auxquelles les cités sujettes aient été soumi-
ses à la différence des cités autonomes.
L'inaliénabilité légale, dont ont été frappés les immeubles L-inaiiénabiiité
d'outre-mer appartenant à l'État, a beaucoup influé sur l'insti- deProvSIiete
tution de la sujétion : elle l'a rendue perpétuelle; elle en a em-
pêché la transformation en organisation italique, sous la Répu-
blique, et n'a permis cette transformation que dans d'étroites
limites, sous le Principat. En soi, le droit qui appartient à l'État
sur le sol à rencontre des cités sujettes, qu'on le considère
comme un droit de souveraineté ou directement comme un droit
de propriété, consiste essentiellement dans la faculté de trans-
former ce sol en propriété privée romaine. Cette conséquence des
principes en a été tirée pratiquement de tout temps, non seule-
ment dans l'Italie proprement dite, mais dans les pays du nord
qui continuent l'Italie jusqu'aux Alpes. La Gaule cisalpine n'é-
tait pas plus une partie de l'Italie que la Sicile ; cependant le droit
relatif aux terres qui fonctionne en Italie a été de tout temps
appliqué à la Gaule cisalpine, et l'assignation du sol en pleine
propriété quiritaire y a également été admise (2). Mais le sé-
nat qui gouvernait ne souffrit pas l'application pratique de
cette idée à la Sicile et aux autres territoires considérés comme
territoires d'outre-mer. Ainsi que le montrent le régime des
anciennes terres royales dans le territoire de Syracuse et celui
des terres de Leontini (3), on n'a jamais contesté le principe,
incontestable en théorie et avantageux en pratique, selon lequel
le sol d'outre-mer lui-même pouvait passer sous la propriété
de l'État romain. Mais, outre que ces possessions domaniales
furent limitées le plus possible, elles furent considérées comme
(1) V. tome IV, la partie de la Censure, sur la ferme des vedigalia.
(2) Les colonies de citoyens Séria Gallica. fondée vers 471; Pisaurum.
fondée en 570 ; Mutina et Parma, fondées en 571, étaient en dehors des limi-
tes propres de l'Italie. L'assignation faite en vertu de la loi agraire Fiami-
nienne en 52G s'étendait au pays gaulois jusqu'à Ariminum.
(3) Il a sûrement été procédé de même dans la partie de la Sicile enlevée
aux Carthaginois.
372 . DROIT PUBLIC HOM1IN.
intransmissibles, c'est-à-dire comme n'étant pas susceptibles
de passer en propriété quiritaire privée par une assignation, ni
de devenir par une consécration la propriété de divinités ro-
maines (1); et par suite l'extension du territoire romain d'ou-
tre-mer n'est pas regardée comme suffisante pour justifier le
recul du pomerium qui est subordonné à une extension du
territoire (2). Cette conception juridique existait déjà du
temps de la guerre d'Hannibal, et elle a été maintenue pen-
dant la durée de la République. A l'époque récente, au moins
sous le Principat, on s'en est écarté aux deux points de vue :
(1) La plus ancienne mention qui se rencontre de la différence du droit
foncier italique et de celui d'outre-mer est le principe, appliqué comme incon-
testé en 544 et 546, selon lequel le dictateur ne pouvait être nommé en Sicile,
mais seulement in agro Romano et il ne pouvait y avoir de tel sol qu'en Italie
(cf. tome III, la théorie de la Dictature, sur les formes de la nomination du
dictateur). Ager Romanus désigne, en langue technique, le territoire primitif
de la ville, et il peut être pris ici dans ce sens, si l'on admet, comme il n'y a
aucune difficulté à le faire, que le caractère du territoire primitif peut être
attribué à un autre fonds de terre par une des fictions familières au droit pu-
blic. Que l'on adopte cette opinion ou que l'on entende par ager Romanus Ya-
ger publiais populi Romani, il résulte toujours de là cette règle qu'il n'y a de
propre à la nomination du dictateur que le territoire italique, et que celui
d'outre-mer y est absolument impropre. Cette nomination devant être faite
dans le templum, la règle peut également être formulée en disant qu'il n'y a
que le sol italique susceptible de consécration romaine. Ce principe de
droit est toujours resté en vigueur. Pline demandant (Ep. 49) s'il y a des
objections au transfert d'un temple consacré à Nicomédie à la Grande mère
des dieux, Trajan (Ep. 50) répond négativement, cum solum peregrinx civi-
tatis capax non sit dedicationis quse fit nos tro jure. Quoique Nicomédie soit
appelée, dans des inscriptions du temps des Sévères (C. /. Gr. 1720. 3771),
<rj{i(jia-/o; àvwôi Toi 8r,(jLo) xcôv Ttojjuxlwv, la ville n'avait certainement pas l'au-
tonomie, et la peregrina civitas est donc ici une ville dont le sol est sou-
mis à la propriété publique de Rome.
(2) Sénèque, De brev. vitœ, 13, 8 (cf. tome IV, la partie des Pouvoirs cons-
tituants extraordinaires, sur l'extension du Pomerium) : Sullam... protu-
lisse pomerium, quod numquam provinciali, sed ltalico agro adquisito proferri
moris apud antiquos fuit. J'ai faussement rapporté ces mots {Rœm. Gesch.
2, 7e éd. 355 = tr. fr. 5, 371) à l'extension de la frontière de l'Italie; agrum
adquirere ne peut vouloir dire que « acquérir de la propriété foncière », et,
puisqu'il s'agit de l'État, c'est à l'extension de la propriété foncière de l'État,
en Italie ou dans les provinces, que se rapporte la distinction. Sulla aura par
exemple fondé son droit de reculer le Po m erium, sur la transformation du ter-
ritoire de Pompéi d'ager peregrinus en ager publicus populi Romani et ensuite
par assignation en colonia Veneria Coimelia. Je regrette d'autant plus mon
erreur que la combinaison proposée récemment par Detlefsen {Hermès, 21,
498 et ss.) au sujet du pomerium a cette confusion pour origine essentielle.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 373
on a admis, en des cas de force majeure, des consécrations du
sol d'outre-mer (1), et l'on a considéré le droit de reculer le
pomerium comme résultant d'agrandissements du territoire
d'outre-mer (2). — En fait, cette conception pouvait se défendre
en disant que le droit de propriété n'est pas supprimé par le
défaut du droit d'aliéner. Mais, en droit, il était impossible de
voir pourquoi les champs devenus romains au delà des mers
en vertu du droit de la guerre ne pouvaient pas aussi bien être
vendus ou assignés que ceux du Samnium ou du Picenum. Il était
impossible que les comices souverains, auxquels appartenait le
droit de disposer des terres de l'État (VI, 1, p. 387) en fussent
ainsi dépouillés par rapport au territoire d'outre-mer, et qu'il fut
tiré une telle ligne de démarcation entre les terres domaniales
des deux côtés de la mer. Plus le procédé est théoriquement
arbitraire, plus il révèle clairement le but politique pour-
suivi, qui était de mettre un frein légal à la formation de cités
de citoyens en dehors de l'Italie et à la dénationalisation du
peuple dominant. C'est autour de cette question, à peine con-
troversable en droit, que s'agite, au temps des Gracques, la
lutte des partis et des intérêts. Afin d'échapper à la conclusion
logique, le parti dirigeant avait restreint dans les limites les
plus étroites les conséquences de la dédition de la Sicile; le
parti contraire organisa l'Asie en tirant cette conclusion de
la manière la plus large, et il appliqua immédiatement le
(1) Gaius,2, 7a: Quod in provinciis non ex aurtoritate populi Romani con-
s-cratiim est, proprie sacrum non est, tamen pro sacro habetur. La consécra-
tion accomplie par les Pompéiens à Thessalonique (VI, l,p. 434, note 5) et la
consécration du soi accomplie à l'époque récente au delà des mers pour les aus-
pices du général (v. tome I, la partie des Auspices, sur les auspices du départ)
sont des applications de ce principe. Sans contestation possible, la dédication
du sol a été, en vertu de cette règle, accomplie avec une pleine efficacité dans
toutes les colonies de droit italique.
- L'extension du pomerium, à laquelle procédèrent les empereurs Claude
et Vespasien auctis populi Romani finibus (C. I. L. VI, 1231. 1232), ne peut
ôtre rapportée qu'à l'annexion de la Bretagne, pour le premier, et de laComma-
gène notamment, pour le second. Si, comme il semble, Sénèque, veut, dans
les mots cités p. 372, note 2, qu'il met du reste dans la bouche d'un érudit
chercheur de détails, attaquer l'extension de frontières de Claude, on voit sur
quoi il s'appuie en droit.
374 DROIT PUBLIC ROMAIN.
principe ainsi reconnu de la possibilité d'assigner le sol d'ou-
tre-mer, en fondant la plus ancienne des colonies d'outre-mer,
la colonie de Narbo. Mais ici comme partout la politique des
Gracques finit par avoir le dessous. Le principe de droit, qui
n'avait jamais été contesté dans son application restreinte, se-
lon lequel le sol provincial est, tout comme le sol italique, pourvu
qu'il n'ait pas été constitué en territoire d'un État allié, la
propriété du peuple romain, a été maintenu dans la large portée
que lui avaient donnée les Gracques. Mais l'intransmissibilité
des possessions domaniales d'outre-mer subsista, et il en fut
même probablement fait application en un certain sens à la colo-
nie des Gracques de la côte des Gaules : on la laissa bien subsister,
mais l'assignation fut considérée comme n'ayant pas donné le
droit de propriété quiritaire, comme ayant conféré seulement
cette possession héréditaire que les jurisconsultes romains te-
naient pour compatible avec le maintien de la propriété de
l'État (1). Le projet de Gracchus de fonder une autre colonie
en Afrique à Carthage fut retiré, et la fondation de colonies
d'outre-mer empêchée tant que dura la République (2). La
considération déterminante a été et est restée probablement
une considération financière. La propriété privée de droit qui-
ritaire est soumise, en droit, au tributum civique; mais, depuis
sa disparition précoce, elle est, en fait, exempte d'impôt; celui
qui jouit de Yager publions populi Romani paie, dans une
forme ou l'autre, la rente du sol. Par conséquent, dans la
mesure où cette propriété privée aurait été étendue au sol d'ou-
tre-mer, elle aurait entraîné la disparition de la rente; et c'est
là certainement la cause pour laquelle ce système a été ob-
(1) Narbo n'avait pas le droit italique : on peut le conclure de ce que
Paul, Dig. 50, 15, 8, 1, ne l'attribue in Narbonensi qu'à Vienne.
(2) La situation ne serait pas changée, quand bien même on pourrait éta-
blir l'existence d'exceptions isolées ; mais ce n'est pas le cas. Valentia en
Espagne, fondée en 616 de Rome (Tite-Live, Ep. 55), posséda plus tard le
droit italique {Dig. 50, 15, 8, pr.), mais il est douteux que cela ait été depuis
sa fondation"; elle a bien été fondée comme colonie, mais peut-être d'abord
comme colonie latine. Il n'y arien de connu sur la condition du sol dans la
colonie latine de Carteia fondée en Espagne en 583 ni dans la colonie de Ma-
rius de Mariana en Corse.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 375
serve, autant que nous sachions, sans exceptions, du temps de
la République. Même lorsque, sous la dictature de César et sous
le Principat, on a fondé outre-mer de nombreuses colonies de
citoyens, elles l'ont élé en général en procédant de la même
façon que pourïVarbo. Il n'y eut que la catégorie la mieux trai-
tée d'entre elles à recevoir, dans la forme du « droit italique »,
l'aptitude à la véritable propriété immobilière romaine et par
suite, de plein droit, l'exemption du vectigal, ainsi que nous
verrons en étudiant le régime municipal.
L'obligation au tribut n'est pas liée à la sujétion avec une telle ci^se^teel9tes
nécessité qu'il ne puisse y avoir des exceptions. Mais en gêné- d'impôts.
rai, quand la cité sujette est exemptée du tribut, c'est par une
modification de sa condition légale, ou par la collation du droit
de cité romaine de la meilleure catégorie ou par la concession
de l'autonomie (1). On ne rencontre pas fréquemment l'immu-
nité toute seule réunie à la sujétion, et alors elle ne peut être
considérée que comme une remise de fait de l'impôt qui existe
toujours en droit (2). La condition juridique des villes du Brut-
tium (p. 365) ne rentre pas directement dans cet ordre d'idées;
car pour elles le service militaire est remplacé par un service
inférieur. Mais, sous le Principat, les Bataves furent ainsi dis-
pensés des impôts en considération de la conscription qui pe-
sait sur eux avec une lourdeur spéciale (3).
(1) C'est pourquoi la fondation de colonies latines et celle de colonies de
citoyens sont toujours traitées parallèlement du temps de la République et
y sont toutes deux limitées à l'Italie et à la Gaule Cisalpine. Cf. p. 311.
(2) On rencontre fréquemment des remises d'impôts faites par le sénat
non seulement pour un temps déterminé, mais jusqu'à nouvel ordre; seule-
ment elles sont toujours révocables (Appien, Hisp. 44 : AïSoxri 8' yj [3o<jXy) tocç
TO'.ào-Ss Swpôàç àôt Tipoo-Ttôetca y.'jpîaç eaeaOoa, pi"/p'- °<v ayrîj xai tw 8yj£j.(j> 8oxv)).
C'est sans doute de cette façon que César arriva, selon le De belloHisp. 42, en
qualité de préteur, à faire remettre à l'Espagne citérieureles taxes (vectigalia)
qui lui avaient été imposées par Metellus. Lors de l'annulation des immuni-
tés concédées à des villes par Sulla, que le sénat prononça lorsqu'il était
encore sous la direction des optimates(Cicéron,Oe off. 3, 22, 87), il a certaine-
ment été tenu compte de ce qu'elles ne se fondaient que sur des sénatus-
con suites, quoiqu'elles eussent été sans nul doute conférées sous la forme
de véritables lettres de liberté.
(3) Tacite, Hist. 5, 25 (cf. 4, 17; Germ. 29) : Sibi non tributa, sed... viros
indici; proximum id libertati. La libertas doit être encore entendue ici au sens
376 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Droit de porter Relativement au droit de porter les armes, nous avons déjà
les armes. x °
remarqué (p. 299) que l'organisation en ville implique néces-
sairement l'existence d'une certaine force armée, et ce qui est
permis à ce sujet non seulement aux États fédérés, mais aux ci-
tés de citoyens légalement dépourvues d'indépendance, l'est
également aux cités sujettes. Ainsi que nous l'avons démontré
pour les premières et qu'il doit également être vrai pour celles-
ci, le chef local ou un représentant nommé par lui pouvait, le
cas échéant, appeler sous les armes les habitants de la cité pro-
pres au service et exercer sur eux les pouvoirs du tribun mili-
taire romain (1). En Sicile, une garnison permanente, qui d'ail-
leurs n'était que de 200 hommes, était même entretenue sur
l'Eryx par les provinciaux, peut-être par les dix-sept cités pri-
vilégiées (p. 361, note i), et c'était un Sicilien qui la comman-
dait comme « tribun militaire » (2); et, pendant le bref délai
durant lequel les quatre Macédoines furent soumises au gou-
vernement consulaire, le droit de défendre leurs frontières fut
accordé à trois d'entre elles (p. 299, note o).
Leur empio. Mais, tandis que l'obligation de fournir un contingent régu-
lier se lie en général à l'autonomie dépendante, on ne demande
pas ordinairement aux cités sujettes de fournir à titre régulier
des soldats ou des auxiliaires (3). Une cause peut y avoir con-
tribué; c'est que la composition du contingent incombait prin-
du droit public romain ; les populi liberi avaient légalement l'immunité
(p. 311). Je ne trouve pas d'autre exemple certain; cependant Amphisa et
les Locriens Ozoles rentrent peut-être dans cet ordre d'idées (p. 313, note 3).
(1) L'emploi pour le service de sûreté d'hommes armés, comme celui
des Diogmites en Asie Mineure, à l'époque moderne, n'a légalement rien de
commun avec le service militaire.
(2) Diodore, 4, 83. C. I. L. X, 7258. On ne peut pas confondre, comme le
fait le Handbuch, 4, 534, ces troupes municipales ou provinciales avec les
provinciaux appelés sous les armes par les magistrats romains.
(3) A tout le moins, on ne voit pas trace, dans aucune cité sujette, d'un
service militaire régulièrement établi. Sans doute on a pu, aux débuts de
cette institution et avant qu'elle ne se fût développée dans toute sa rigueur
juridique, considérer l'appel au service militaire dans la province des sujets
astreints au tribut comme l'application d'une obligation qui pesait réguliè-
rement sur eux; c'est probablement de là qu'est venue l'application qui leur
a été faite du nom desocii. Mais, en droit, ces réquisitions ne peuvent se jus-
tifier que par l'idée de force majeure.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 377
cipalement aux Italiens et que la plus grande partie des sujets
se compose de membres de l'empire qui ne sont pas italiens ;
le contingent ordinaire disparait également, avons-nous vu, chez
les alliés autonomes non-italiques. Mais cette raison ne peut
pas avoir été la seule. Car les rares cités sujettes italiques, no-
tamment celles des Bruttiens (1), ne fournissent pas de con-
tingent; en outre et surtout, le service permanent est nécessai-
rement dû en vertu d'un traité ou de quelque chose d'équivalent,
et, en l'absence de tout acte de ce genre, on ne peut trouver de
forme juridique de nature à fonder cette obligation. L'obligation
de porter les armes est toujours en même temps un droit de
les porter, et elle implique, comme l'alliance elle-même, la re-
connaissance de l'autonomie de l'État dépendant. Les Romains,
qui s'approprièrent relativement au tribut le système grec, ont
aussi sans doute, comme sous bien des rapports leurs prédéces-
seurs, d'abord justifié les taxes permanentes, auxquelles ils don-
nèrent plus tard le caractère d'un loyer du sol, en les considérant
comme une indemnité payée à la cité protectrice en retour de sa
protection armée. Naturellement le gouvernement pouvait, à ti-
tre extraordinaire appeler les sujets sous les armes, et le prin-
cipe de droit public qui prescrivait de s'abstenir de ce concours
a fréquemment dû céder devant la nécessité pratique. Ce qui
a été expliqué plus haut pour les cités autonomes d'outre-mer
(p. 306) est également vrai en principe pour les cités sujettes,
qui étaient même encore plus absolument soumises aux levées
romaines. Partout où les gouverneurs de province se trouvaient
sans forces suffisantes pour résister à l'émeute ou à la guerre
étrangère, ils formaient, pour cause de force majeure, des armées
romaines et des flottes romaines avec les hommes propres au
service et les navires des cités sujettes (2). On aura utilisé pour
(1) Aulu-Gelle, 10, 3, 19 : Postquam llannibal Italia deressit superatique
Pœni sunt, Bruttios ignominiœ causa non milites scribebant nec pro sociis habe-
bant, secl magistratibus in provinciam euntibus parère et prxmïnistrare servo-
rum vicemjusserunt. Voir, pour de plus amples détails, tome I, la partie des
Appariteurs, sur les Bruttiani.
(2) Un sénatus-consulte de l'an 562 invite, dans Tite-Live, 35, 23, le gou-
Terneurde Sicile, pour repousser le débarquement redouté des Macédoniens,
378 DROIT PUBLIC ROMAIN.
cela ce qu'il y avait de milices municipales et provinciales;
mais ces levées ne pouvaient recevoir leurs officiers que des
mains des autorités romaines, qui d'ailleurs confiaient ces pos-
tes, le cas échéant, même à des personnes appartenant à la
classe des sujets (1). Si, même à l'époque la plus récente, la
République romaine n'a appelé ies contingents des sujets sous
les armes que dans une faible mesure et rarement en dehors de
leur région, la raison en a été que les troupes organisées et
exercées qui se rencontraient chez une partie des sujets auto-
nomes, notamment dans les royaumes des princes clients de
Rome, faisaient là ordinairement défaut.
^servMce1 Auguste donna au service militaire une base légale nouvelle.
wo8°ie PiîISpat. Dans la dernière période de la République, il n'y avait pas d'au-
tres troupes de formation fixe que les légions de fantassins ci-
toyens, qui étaient formées en première ligne de volontaires;
à côté de cela, l'obligation générale au service subsistait, à titre
complémentaire, pour tous ceux qui appartenaient à l'empire,
et, par suite, en cas de besoin, tout citoyen pouvait être enrôlé
dans les légions, tout non-citoyen être forcé à servir dans les
divisions formées à titre extraordinaire. Auguste a maintenu
l'obligation au service pesant sur tous les membres de l'empire;
mais il l'a renforcée, en astreignant au service ordinaire même
les non-citoyens, et en les soumettant à la conscription forcée
lorsqu'elle était nécessaire. A côté des légions de citoyens de for-
mation fixe, qui subsistèrent, vinrent se placer, également avec
une formation fixe, de petits détachements d'infanterie et de
à mettre sous les armes, à titre extraordinaire, dans l'île même 12300 fantas-
sins et 400 cavaliers (placere senatui ad eum exercitum quem haberet, tumul-
tuariorum militum ad duodecim milia et quadringentos équités scriberet, qui-
bus oram maritimam... tueri posset : eum dilectum prsetor non ex Sicilia ipsa
tantuni, sed ex circumjacentibus insulis habuit oppidaque omnia maritima...
prœsidiis firmavit). De même, en Espagne, Tite-Live, 35, 2, 7. Les généraux
romains l'ont encore fait bien plus souvent sans autorisation du sénat dans
les provinces. Les Verrines montrent notamment que, pour la guerre des
pirates en particulier, les flottes furent formées exactement de cette façon.
(1) Parmi les auxilia externa employés dans la guerre sociale, on trouve
trois capitaines de navires des villes de Carystos,de Glazomènes et de Milet
dont aucune n'était, fédérée (p. 391, note 1). Ces officiers de marine ro-
mains pouvaient donc appartenir à des villes sujettes.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 379
cavalerie composés de non-citoyens et agrégés aux légions, les
ailes et les cohortes des auxilia qui rentrent désormais dans
la formation régulière de l'armée (p. 307, note i). Les légions
étaient levées dans toutes les villes de l'empire, sans distinguer
si c'étaient des villes de citoyens, des villes latines ou des villes
pérégrines, la recrue acquérant le droit de cité par l'entrée
dans la légion si elle ne l'avait pas auparavant; les auxilia
étaient tirés des cités non-urbaines forcément pérégrines de
l'empire, y compris les autonomes (p. 308), mais seulement
de celles des provinces soumises à l'administration directe
de l'empereur, tandis que les rares cités non-urbaines des
provinces du sénat ou bien étaient mises de côté ou bien
étaient comprises dans les enrôlements faits pour les légions.
Auguste écarta donc du recrutement urbain les distinctions
tirées de la condition personnelle; en même temps, il pré-
para, dans le recrutement non-urbain, la substitution à ces
conditions personnelles de la qualité générale de membre
de l'empire, en étendant le service obligatoire ordinaire
aux sujets. De même que le nom des socii leur avait passé dès
le temps de la Républi que (p. 376, note 3), Auguste leur donna
une formation par peuples analogue à celle des anciens peuples
italiques et les mit essentiellement dans la situation occupée
sous la République par les Italiens à coté des citoyens (1).
L'unification des statuts personnels, la transformation des cités
latines et pérégrines de l'empire en cités de citoyens n'est
arrivée à s'accomplir complètement qu'après des siècles; mais
elle est, dans ses grands traits, l'œuvre d'Auguste. C'est dans
le service militaire ordinaire obligatoire pour tous sans distinc-
tion essentielle tenant à la condition juridique de la personne,
que la qualité de membre de l'empire a pour la première fois
trouvé une forme précise et une portée pratique.
La cité sujette ne peut pas entrer avec l'État romain dans les Légations.
relations que les traités permettent d'avoir avec lui à l'Etat au-
tonome qui appartient à l'empire tout comme à celui qui n'y
(i) Hermès, 19, 69 et as.
Rclaf'ons
des cilés
entre elles.
380 DROIT PUBLIC ROMAIN.
appartient pas ; elle ne peut endroit ni envoyer ni recevoir
d'ambassadeur (p. 214). Sans doute la différence des ambassa-
deurs légalement qualifiés et des mandataires envoyés par les
cilés sujettes au gouvernement central ne ressort que peu (1);
le nom de legati est même appliqué aux seconds. Mais il n'en
est pas moins certain que les privilèges de droit des gens qui
appartiennent aux premiers ne s'étendent pas aux seconds (2),
et que le droit d'ambassade conféré par lettres se distingue,
même en pratique, essentiellement de celui qui n'est qu'exercé
en fait. Ni l'expédition ni la réception des ambassadeurs d'un
État ne dépendent de l'arbitraire des autorités romaines; au
contraire, la cité sujette a besoin, sans nul doute, pour envoyer
une députation à Rome, de l'autorisation du gouverneur, et les
consuls et le sénat peuvent également, sans violation du droit,
refuser de recevoir de telles députations (3). La conduite de Ver-
res à l'égard des Mamerlins, qui étaient la seule cité fédérée
notable en Sicile, a sans doute été motivée par le fait que ces
derniers avaient le droit de formuler leurs plaintes d'une au-
tre façon que le reste des villes de Sicile.
Une cité sujette ne peut pas davantage entrer en rapports
juridiques avec une autre cité appartenant à l'empire ou étran-
gère. Une cité sujette ne peut pas être dans la dépendance
(1) Des députations de cités non autonomes se sont adressées une quantité
incalculable de fois aux consuls (par exemple, celles de Sicile portant plainte
contre Verres: Cicéron, Ven\ 2, 4, 10. c. 59, 146 et ss.) ou aux préteurs (par
exemple, celles de l'Espagne citérieure au préteur César : Bell. Hisp. 42) et
par leur intermédiaire au sénat. Les séances du sénat, qui étaient, d'après
l'usage, consacrées, peu après l'entrée en charge des consuls, à la réception
des légations, servaient aussi à recevoir celles des sujets (Tite-Live, 41, 8, 5.
Gicéron, Verr. 1, 35, 90).
(2) C'est à cela qu'il faut penser lorsque Cicéron, De kar. resp. 16, 34,
parle du meurtre d'un legatus adsenatum a civitate libéra missus.
(3) Je ne connais pas de documents proprement dits dans ce sens ; mais
il n'y en a pas besoin en face de la dépendance absolue dans laquelle sont
les cités sujettes par rapport au gouverneur. Il est à remarquer que le sé-
natus-consulte rendu dans l'affaire des Adramyteni leur est transmis par le
gouverneur (C. 1. Gr. 2349 b) et que l'ambassade des Oropiens au sénat est
conduite par un homme qui avait personnellement le jus legationis (p. 276,
note 3).
LES SUJETS NON AUTONOMES. 381
d'une autre (1) ; mais la subordination de certaines couches
de la population à une classe dominante de citoyens se rencon-
tre même dans les cités sujettes (2). La confédération, qui
n'est permise qu'exceptionnellement entre cités autonomes
(p. 294), est encore bien moins tolérée entre cités sujettes (3).
Cependant, dans les commencements, le gouvernement romain
n'a pas tiré cette conséquence avec une rigueur absolue. En
Sicile, la petite garnison permanente de l'Eryx suppose l'exis-
tence d'une certaine organisation fédérative, au moins entre
les dix-sept villes privilégiées (p. 376). Les Romains annexèrent
le royaume de Macédoine en 589, en le transformant en qua-
tre confédérations de villes. Si le conubium et le commercium
furent supprimés entre ces ligues, ils subsistèrent au con-
traire dans le sein de chacune (4), et ces ligues elles-mêmes ne
furent supprimées qu'après le soulèvement du pays contre la
domination étrangère. En Grèce, les ligues de race, qui avaient
d'abord été maintenues, puisque le pays ne fut alors réuni qu'en
fait à Rome, ont été supprimées après la guerre d'Achaïe; mais,
par suite de leur défaut d'importance politique et de la puis-
sance du philhellénisme romain, cette mesure a été retirée peu
après, et les relations réciproques ont de nouveau été permi-
(1) [C'est ainsi que le décret de L. iEmilius Paulus cité p. 364, note 3,
montre les Romains écartant dans le cercle des sujets, auquel appartiennent
sûrement les Hastenses, les liens de dépendance qu'ils trouvent établis entre
eux et leurs clients (car c'est là la condition qu'il faut reconnaître à ces
servei, qui ont un oppidum et un ager).] L'attribution est au moins conceva-
ble ; cf. p. 408, note 4.
(2) Dans le décret cité p. 332, note 3, la cité de Pergame accorde, en atten-
dant l'installation de la domination romaine? le droit de cité complot aux
parèques et en général aux non-citoyens propriétaires fonciers et un droit
de cité inférieur à d'autres classes de personnes. Selon toute apparence, la
période intermédiaire a été utilisée par les radicaux niveleurs pour établir
la démocratie pure avant le commencement delà domination romaine.
[3] Les groupes de villages des cités qui ne sont pas arrivées à la cons-
titution en ville, par exemple des 22 cités des Asturi (Pline, 3, 3, 28 ; cf.
Hermès, 19, 25) ne peuvent pas être considérés comme des fédérations, pas
plus que les pagi des civitates gauloises.
(4) Tite-Live, 45, 29 : In quattuor regiones dividi Macedoniam... neque co-
nubium n»que commercium agrorum œdificiorumque inter se placere cuiquam
extra fine* regionis tuas esse.
382 DROIT PUBLIC ROMÀlIf.
ses (1). Mais pour le surplus, on ne trouve guère à l'époque
républicaine, d'autres traces de l'activité de la province, en-
semble de cités sujettes ou groupe de cités provinciales, que les
fêtes et les honneurs offerts par les provinces à leurs gouver-
neurs (2), ou encore par exemple certaines associations de vil-
les formées en vue de fêtes dès avant l'époque romaine (3). La
République romaine ne permit pas en résumé aux cités sujet-
tes de s'unir, sauf de faibles exceptions dépendant probable-
ment de l'arbitraire du gouverneur; au contraire Auguste or-
Les assemblées ganisa, semble-t-il, dans tout l'empire, des associations de vil-
provinciales .
des villes les, concilia, communia* en grec xoivà, dont les représentants se
sous l'Empire.
réunissaient tous les ans et qui étaient principalement des-
tinées à la célébration de fêtes et de sacrifices (4), mais qui
cependant avaient aussi tout au moins le droit de pétition
et de doléances (5). Elles étaient en général restreintes
(1) Pausanias, 7, 16, 9 : 01 xà '/p^piaxa £-/ovxeç èxooÀ-jovxo èv ta ùrcepopia
xxàaôai* auvsSpià xe xaxà k'Ovo; xà ixàaxu>v 'A-/aiû)V xal xo èv "^oùxeOctiv y, Boico-
xoïc r, IxIpioÔt 7rou xrjç 'E/XàSo; xaxsXsXuxo ôp.oîa>ç Tiàvxa. "Exîo-i cl où ttoXXoÏç
•jTxspov.... <Pa)[xarot....a,uvéôptâ xe xaxà eôvo; àTtoSiSôaaiv âxâcxo'.; xà àp-/oua
xa\ yrjv èv xrj ôwepopta xxaaôai. Cf. Rœm. Gesch. 5, 236 == tr. fr. 10, 10.
(2) Cicéron, Verr. t. 2, 21, 51 : Mithridates in Asia cum eam provinciam to-
tam occupasset, Mucia (en l'honneur du gouverneur de l'an de Rome 633, Q.
Mucius Scaevola) non sustulit. c. 46, 114 : Cujus (de Verres) nomine apud Si-
culos dies festi agitantur et praeclara Ma Verria celebrantur, cujus statuas
Romœ s tant inauratae a commuai Sicilise, quemadmodum inscriptum videmus,
datas.
(3) Le (TJvéopiov twv èwla ôrjfjuov (Schliemann, Troia, 1884, p. 256) ou
encore 'IXisï; xa'i w6X*tç ai xotvavoOaac xrjç ôuo-îaç xal xoO àywvoç xa\ xtjç rca-
vr^ûpstoç (op. cit. p. 254) existait déjà du temps d'Antigone (Droysen, Hell.
2, 2, 382 et ss. = tr. fr. 1, 783 et ss). Rœm. Gesch. 5, 317 = tr. fr. 10, 120.
(i) [Il a été récemmeot découvert à Narbonne un fragment du règlement
(lex) relatif à la Narbonnaise (C. I. L. Xlt, 6038). La partie qui en est con-
servée, règle la nomination du namine de la province et sa situation offi-
cielle, en particulier dans le condlium de la province. Ce règlement date
nécessairement de l'époque même d'Auguste, puisque le flamen Augus[ti\ y
est désigné sans indication de la consécration de ce prince.]
(5) Sur les concilia de l'Empire, cf. Handbuch, 4, 503 et ss. et mon His-
toire romaine, notamment pour la Gaule, 5, 84 et ss. = tr. fr. 9, 118 et ss.;
pour la Grèce, 5, 232 = tr. fr. 10, 3 ; 236 et ss. = tr. fr. 10, 10 et ss. ; 242 et ss.
= tr. fr. 10, 17 etss.; 283= tr. fr. 10,74; pour l'Asie Mineure 5, 31 6 et ss. =
10, 120 et ss. L'organisation des concilia, quoique procédant partout du
même principe, a pourtant reçu des développements différents selon les
lieux, et, notamment dans les régions helléniques, a toujours été déter-
minée par l'histoire antérieure. [Dans l'inscription précitée : [Eidem i]n
LES SUJETS NON AUTONOMES. 383
aux frontières de la province ; mais elles avaient pour fonde-
ment la communauté de nationalité (1), si bien que l'on ne
tenait pas compte de la condition légale des différentes cités et
que les cités sujettes y figuraient, avec les mêmes droits, à côté
des cités autonomes (2). Lorsqu'il est dit d'Auguste qu'il a
donné la liberté à toutes les villes de l'empire, (p. 363, note 2),
ce langage peut bien faire allusion en première ligne à la re-
présentation aux états ainsi accordée aux villes non-autonomes.
D'un autre côté, l'incorporation dans l'empire des villes auto-
nomes trouve une expression en forme dans leur participation
aux assemblées locales. Et nous voyons ainsi se manifester avec
une clarté spéciale dans ces assemblées de villes la tendance
au nivellement de la réforme d'Auguste.
L'autonomie véritable et l'autonomie tolérée se ressemblent
plus qu'en tout autre domaine, en ce qui concerne les lois, les
tribunaux et l'indépendance administrative ; ce qui résulte né-
cessairement pour les cités de la première espèce de leur con-
dition juridique a été accordé eu fait aux cités de la seconde.
L'organisation légale de la cité sujette a pour base l'ensem- Lois propres.
ble des règles en vigueur dans son territoire au moment où il
curia sua et concilio provincias Narbonesis inter sui ordinis secundum le\gem
civitatis suée maximo honore functos] sententiœ dicendse jus esto, le jus sententise
dicendae, qui est donné au flamine dans sa curie, lai est également attribué
dans le concilium provincise sans que la préposition soit répétée et de telle
façon que les mots intercalés : inter sui ordinis secundum le... se rappor-
tent à la fois à la curie et au concilium. Pour le comprendre, il faut ad-
mettre que le concilium provinciœ était une sorte d'assemblée générale des
curies et que tous les décurions de toutes les cités de la province avaient
le droit d'en faire partie; et cela n'a rien détonnant pour ceux qui savent
que ces concilia ont été organisés sur le modèle des institutions municipales.
Cf. la note sur ce passage, C. I. L. XII, 6038.]
(1) C'est elle que l'on considère en premier lieu, nous montrent la réu-
nion en une seule assemblée des trois Gaules divisées administrativement
tandis que la Narbonnaise romanisée en est séparée, la constitution de
l'amphiktionie grecque sous lo Principat {Rœm. Gesch. 5, 232 =tr. fr. 10, 3)
et le Panhellenion d'Hadrien (Rœm. Gesch. 5, 244 = tr. fr. 10, 20) comme
l'assemblée spéciale accordée aux villes grecques de la province de Mésie,
(Rœm. Gesch. 5, 283 = tr. fr. 10, 74).
(2; La participation des villes fédérées à l'assemblée provinciale est attestée
notamment par la composition de l'assemblée gauloise, qui est celle que nous
connaissons le mieux.
384 DROIT PUBLIC ROMAIN.
est entré dans l'empire. Le maintien du système fiscal du roi
Hiéron II dans le territoire de Syracuse (1) est typique sous
ce rapport. Ici encore ces règles sont désignées comme les «lois
propres » de la cité (2); seulement on évite de faire pour nos
cités la mention de la restitution de ces lois qui est constante
pour les cités fédérées (3) ; car on ne les leur accorde pas au
sens propre; on se contente de ne pas les leur retirer. Le cer-
cle du droit auquel cela s'étend n'est pas en principe plus étroit
que dans l'autonomie véritable. Les institutions que le jus gen-
tium romain ne connait pas et qui ne peuvent exister qu'en
vertu d'un droit local, le mariage, l'affranchissement, le testa-
ment, la succession ab intestat sont reconnues chez les su-
jets (4); le Syracusain et FÉphésien procèdent à l'accomplis-
sement de ces actes en vertu de leur droit local tout comme
l'Athénien et le Massaliote. Le pouvoir législatif doit même être
resté à ces cités; caria constitution de la cité et par conséquent
ses organes législatifs subsistaient, et il ne peut pas avoir été
de l'intérêt de l'autorité supérieure de rendre impossible toute
mutation du droit local. Il n'y avait pas de conflit possible en-
(1) Gicéron, Verr. I. 2, i2, 31 : lnter aratores et decumanos lege frumenta-
ria, quam Hieronicam appellant, judicia fiunt. 3, 6, 14 : {Majores) tanta cura
Siculos tueri... voluerunt... ut lege Hieronica venderent : voluerunt... eorum...
animos non modo lege nova, sed ne nomine quidem legis novo commoveri.
(2) Ainsi le sénatus-consulte de 676 cité p. 389, note 2, permet aux citoyens
de trois cités sujettes d'y plaider èàv èv xaïç Tzcnzpiaiv xarà -ol; îoio-jç v6|xoy;
£ou),a)VTai itplvcaOai. Cicéron, Verr. I. 2, 13, 32: Siculi hoc jure sunt, ut quod ci-
vis cum cive agat, domi certet suis legibus. c. 37, 90 (p. 387, note 4) ; cf. act. i,
4, 13. 1. 2,22, 53. Cicéron, AdAtt.b, 1,15: Sumsecutus Scaevolœ...illud, inquo
sibi libertatem censent Graeci datant... quod peregrinis judicibus utuntur.,. se
aÙTovotxiav adeptos putant. 6, 2,4: Omnes {civitates) suis legibus et judiciis usœ
a-j-rovofjuav adeptx revixerunt. Dion, 31, 20 : (Pompée) -rà 7i)>eiw s'6vr, xtov èv
T7] 'Aata.... vôjjiotç ze ISîo'.ç xai nolizzioaç xaxea-T^a-aTO xai S'.ey.ôo-jj-^a-ev, ûjote y.al
ÔEûpo aÙToù; toTç ôic' êxetvou voixiaOsto-t XP^0"- La ville non autonome de
Peigame célèbre le proconsul d'Asie de 708 P. Servilius Isauricus comme
aTToSeôtoxoTa ttj 7ro)vSt touç 7iaTpîo"jç v6[XO"Jç (p. 362, note 3.)
(3) Cicéron le dit des Thermitans (p. 387, note 5).
(4) Les jurisconsultes renvoient pour le mariage des pérégrins aux le-
ges moresque peregrinorum (Gaius, 1, 92), pour le testament, aux leges civitatis
du testateur (Ulpien,20, 14), pour les effets juridiques du serment aux singu-
larum civitatium jura (Gaius. 3, 96), pour la tutelle des femmes en Bithynie
à la lex de ce pays (Gaius, 1, 193). On retrouve souvent des décisions sem-
blables.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 38:i
tre ces lois et les lois romaines ; car les dernières effaçaient de
plein droit, pour peu que telle eût été la volonté du législateur,
les institutions des sujets, maintenues seulement à titre pré-
caire.
Il n'y a pas, dans les cités sujettes, comme dans les cités fé- Lois romaines.
dérées,de limitations conventionnelles apportées au pouvoir lé-
gislatif de Rome ; et il "ne peut y être question d'une acceptation
ou d'un refus des lois romaines (1). Mais, d'autre part, l'éta-
blissement d'un type uniforme de cités dépendantes d'outre-mer
conforme au type romain ne rentrait pas, pour les sujets non-
autonomes, dans les plans du gouvernement romain; il prit au
contraire pour principe le maintien du statu quo existant au
moment de la conquête. A ce sujet encore, les institutions sici-
liennes sont typiques. Si le système fiscal du roi Hiéron s'ap-
plique non seulement dans la petite région qui avait été sou-
mise à sa puissance, mais dans toute l'île, tout ce que cela
signifie, c'est que les Romains l'adoptèrent et retendirent à
toute la province, en lui faisant d'ailleurs en même temps sans
nul doute des modifications multiples (2). On rencontre même
en Sicile un remaniement général des institutions des cités fait
à l'imitation du type romain : c'est l'établissement dans les
villes de Sicile de magistrats chargés du recensement à l'exem-
ple des censeurs romains (3). Mais cette mesure prise à l'égard
de la province la plus ancienne ne s'est plus reproduite, et par
conséquent l'indifférence à l'uniformité s'est accrue dans le
cours des temps. Des statuts locaux destinés à des villes parti-
culières de Sicile ont été plusieurs fois rendus par des gouver-
neurs romains, ainsi pour Agrigente par P. Scipion en 547.
(1) Ce que dit Dion, 54, 9 : 'O Se Auyou<ttoç to jxàv utcyJxoov (c'est-à-dire
les cités de sujets, p. 259, note 5) xaxà xà tûv Ttofjuxîtov gôïj fiicoxei, tb fié
evaTCovfiov tû Trarpico açtac TpÔ7ra> £?a ap^saôai, ne peut vouloir dire qu'une
chose, à savoir que la législation romaine avait ici une liberté absolue.
(2) C'est ce que démontre Degenkolb {Dielex Hieronica, Berlin, 1861), no-
tamment au chapitre IV.
(3) V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection des
listes, sur le cens des provinciaux.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2* p. 2'*
386 DROIT PUBLIC ROMAIN.
pour Herakleia Minoa par P. Rupilius en 622 (1). Ce dernier
gouverneur publia en outre un règlement général applicable à
toute File, principalement relatif aux procès engagés entre
parties de nationalité différente (2). Des règlements semblables
sont encore mentionnés ailleurs (3). C'est dans les renseigne-
ments qui nous ont été transmis sur la constitution provinciale
donnée au Pont et à la Bithynie par Cn. Pompée que nous en
trouvons l'image la plus claire (4); cette constitution réglait
une fois pour toutes, pour toutes les cités appartenant à la pro-
vince les conditions de l'admission parmi les citoyens, de l'en-
trée dans le conseil communal et de l'exclusion de ce conseil,
de l'acquisition des magistratures delà cité, en somme toute l'or-
ganisation municipale. — Quant au fondement juridique, ces
institutions données par Rome ne venaient qu'exceptionnelle-
ment d'un vote des comices (o); au contraire elles étaient sou-
vent établies sur l'invitation ou avec la confirmation du sé-
nat (6) et soustraites par là à l'arbitraire des divers gouver-
neurs. Mais en général elles ne sont pas autre chose que des édits
de gouverneurs. Le système romain, selon lequel le magistrat
qui préside à l'administration de la justice rassemble et fait
connaître par écrit, à son entrée en charge, les règles qu'il
observera pendant son administration, a passé des tribunaux
romains à ceux de toutes les provinces et, quoique ces édits
se soient principalement rapportés aux affaires des citoyens
(1) Gicéron, Verr. I. 2, 50, 123 : Agrigentini de senatu cooptando Scipionis
antiquas habent... c. 125 : (Heracleam) colonos P. Rupilius deduxit leges-
gue similes... dédit.
(2) Gicéron, Verr. I. 2, 13, 32, après les mots cités p. 384, note 2 : Quod
Siculus cum Siculo non ejusdem civitatis (certet), ut de eo praetor judices ex P.
Rupilii decreto. quod is de decem legatorum sententia statuit (cf. tome IV, la
partie des Légats du sénat, sur les légations de dix membres envoyées pour
régler la paix), quam Mi legem Rupiliam vocant (VI, 1, p. 359, note 2), sortia-
tur. c. 16, 40 : Senatus... consulto P. Rupilius de decem legatorum sententia
leges in Sicilia constituerai. Val. Max. 6, 9, 8.
(3) Tite-Live, 45, 31, 1. c. 32, 7. Ep. 100.
(4) Dion, 37, 20. Pline à Trajan, Ep. 79. 80. 112. 114.
(5) Le régime établi en Asie mineure par Pompée constitue une excep-
tion de ce genre (p. 364, note 3).
(6) Le decretum de P. Rupilius pour la Sicile s'appuie sur des pleins
pouvoirs du sénat (note 1).
LE§ SUJETS NON AUTONOMES. 387
romains présents dans les provinces en question, ils s'étendaient
cependant aussi à celles des sujets (1), et, comme ils se trans-
mettaient d'ordinaire, de même que les édits de Rome, de ma-
gistrats eu magistrats, ils constituaient pour ainsi dire à cha-
que province un statut local sanctionné par l'autorité romaine.
C'est selon ces règles, les règles locales conservées et les règles ^™*n^£n
posées par les autorités romaines, que, dans la circonscription
qu'elles concernaient, le pays était administré et la justice était
rendue tant par les fonctionnaires et les tribunaux romains que
par ceux des différentes cités (2). L'autorité judiciaire devait
statuer entre deux Romains, d'après le droit romain, entre deux
Syracusains, d'après le droit syracusain, et en matière de droit
des personnes, par exemple d'affranchissement et de testament,
d'après le droit local du manumisseur ou du testateur (3);
en cas de diversité entre le droit des deux parties, on applique
d'abord les règles locales existant à ce sujet et à titre supplé-
toire le droit commun international romain. Ratione materiœ,
la compétence des autorités et des tribunaux locaux n'a guère
pu être plus étroitement limitée dans les cités sujettes que dans
les cités fédérées; nous voyons ces pouvoirs locaux fonctionner
en matière de juridiction administrative (4) et criminelle (5)
(1) Les deux parties de redit, celle qui concerne les Romains et Yedictum
provinciale proprement dit, sont distinguées et caractérisées par Gicéron,
gouverneur de Cilicie, Ad AU. 6, 1, 15. Son edictum tralaticium sur le maxi-
mum des intérêts, Ad AU. 5, 21, 11 ; cf. Adfam. 3, 8, 4.
(2) Il est dit de Prusa, après qu'elle a obtenu un statut local. (Dion, Or.
40, éd. Reiske, p. 175) : Kvî^ei touç aXXo'j; udvTaç,ÔTt ôfj xà; 8îxa; 'j[i.£TçàTTo8é*/£o-0£
xa'i Tiap ûjttv àvayxr, xpcveaOac. Plus tard, espère-t-il (p. 199), la ville obtiendra
peut-être rèXeuôepta.
(3) Ainsi le préteur protège l'individu affranchi par un pérégrin et firi
aXXw; vojxa) 'EXXrtva>v xe'P°YPa?ri^ iDosithée, Fr. de manum. 12). Gicéron,
Pro Flacco, 30, 74 : Tutor his Grsecorum legibus adscribendus fuit: Polemocra-
tem scripsisti.
(4) Cicéron, Verr. I. 2, 12, 13 : Quod privatus a populo petit aut populus a
privato, senatus ex aliqua civitate qui judicet datur, cum alternse civitates re-
jectae sunt. La procédure habituelle d'arbitrage par une cité étrangère au
débat se présente donc aussi pour les cités sujettes ; mais c'est le gouver-
neur qui désigne la cité arbitre; ce n'est qu'exceptionnellement que de pa-
reils litiges sont soumis au sénat (p. 338, note 2).
(5) Gicéron, Verr. I. 2, 37, 90 : Cum secum sui cives agant de litteris publi-
ais corruptis ejusque rei legibus Thermitanorum actio sit. La (3ovXyi de Gatina
388 DROIT PUBLIC ROMAIN.
aussi bieù que pour l'administration et la justice civile. Mais la
juridiction sur les Italiens et les Romains, qui, avons-nous vu
(p. 339), appartenait au moins en principe aux autorités des
cités autonomes, manque à celles des cités sujettes. Que des
Romains plaident entre eux ou que le procès ait lieu entre un
Romain et un sujet, l'affaire est là toujours déférée à un tri-
bunal romain (1), soit à celui du gouverneur, soit, si le gou-
verneur le veut, aux tribunaux de la capitale (2). C'est là la
première cause de la constitution des gouvernements de pro-
vinces (3) ; le préteur envoyé dans une province y exerce bien
sans doute, en cas de besoin, le commandement en chef; sa desti-
nation propre et régulière est de trancher les procès qui con-
cernent les Romains dans la province. Mais sa compétence n'est
pas restreinte à ces procès ; elle s'étend aussi aux procès des
sujets. En Sicile, le préteur romain était compétent pour tous les
litiges existant entre deux sujets appartenant à des cités diffé-
rentes; dans d'autres provinces, il parait même avoir eu le
droit d'évoquer devant lui tout procès déféré au tribunal lo-
cal compétent (4). Si le gouverneur ne pouvait prétendre
statue également sur le pillage du temple Catinensium legibus (Cicéron,
Verr. 4, 45, 100).
(1) D'après l'exposition de Cicéron, Verr. 1.2, 13, les procès entre citoyens
de la même ville ressortent seuls des tribunaux de cette ville (p. 386, note 2) ;
tous les autres, qu'ils aient lieu entre deux Sicilioles de cités différentes ou
entre un Siciliote et un Romain, sont de la compétence du préteur romain ;
seulement lejurénepeutpas être un Romain, lorsqu'un Siciliote est poursuivi
par un Romain : Quod civis Romanus a Siculo petit, Siculus judex datur,
quod Siculus a cive Romano, civis Romanus datur : ceterum (c'est sans doute
là ce qu'il faut lire pour ceterarum) selecti judices ex conventu civium
Romanorum proponi soient.
(2) La détermination du tribunal appartenait quant au lieu au gouver-
neur, qu'il voulût le choisir dans l'intérieur de son ressort (Cicéron, Ad
fam. 13, 53) ou renvoyer l'affaire aux tribunaux de la capitale (Cicéron, Ad
fam. 13, 26).
(3) Voir tome I, la théorie de la Juridiction civile, in fine, et tome III, la
théorie de la Préture, sur la juridiction civile.
(4) D'après le statut de Sicile (p. 384, note 2), cela lui était interdit pour
les procès entre citoyens de la même cité tout au moins; mais, puisque
en Asie et en Cilicie c'était par une faveur du gouverneur que les procès
des Grecs entre eux étaient tranchés par des juges grecs (p. 384, note 2), les
provinces créées plus tard ne devaient pas être à beaucoup près dans une
situation aussi favorisée.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 9
à rencontre des cités autonomes qu'aux droits qui lui étaient
expressément accordés dans le traité, les magistrats romains et
à plus forte raison le sénat romain pouvaient, en face des cités
sujettes et de leurs membres, intervenir à leur gré dans la
juridiction, à condition d'observer les statuts locaux reconnus
ou établis par les Romains (i). Le sénatus-consulte de 676
accordant à trois citoyens de cités sujettes différentes, en récom-
pense des services rendus par eux aux Romains, le droit de
plaider dans tous leurs procès, aussi bien comme demandeurs
que comme défendeurs, à leur choix devant les tribunaux de
leur patrie ou devant les tribunaux provinciaux romains ou
devant ceux d'une ville libre, donne une mesure delà licence
avec laquelle la compétence judiciaire était traitée par le gouver-
nement de la République (2). Sous le Principat, l'arbitraire
du gouverneur fut restreint dans une certaine mesure etl'orga-
nisation légale existant dans chaque ville mieux protégée que
du temps de la République (3) ; cependant la tradition ne nous
rapporte pas à ce sujet de mesures générales énergiques.
La cité suiette garde en général, de même que sa justice Administration
J o o * « communale.
propre, le droit de s'administrer elle-même. En dehors de la
part pour laquelle les Romains participent au commandement
militaire et à l'administration de la justice, le gouvernement
romain laisse en principe aux villes de l'empire le soin de
veiller au bien public et les fatigues et la responsabilité de
l'administration, tout en se réservant d'ailleurs la faculté
d'intervenir à son gré, dans chaque cas particulier, avec un
arbitraire absolu. sLe gouverneur ne fait qu'user de ses pouvoirs
(1) Une limitation pareille relative à la Sicile a été déjà citée (p. 388,
note 4). Les Chypriotes avaient le droit, lorsqu'ils étaient défendeurs, de
n'être poursuivis que dans leur île (Cicéron, Ad AU. 5, 21, 6 : Q. Volu-
sium... misi in Cyprum... ne cives Romani pauci qui illic negotiantur jus sibi
dictum negarent ; nam evocari ex insula Cyprios non licet).
(2) Sénatus-consulte relatif aux trois capitaines, p. 391, note 1.
(3) Par exemple, Trajan (Ep. 109) répond à la question de savoir comment
il faut se comporter à l'égard du privilège attaché aux créances des cités
en matière de faillite : Sive habent privilegium, quo ceteris creditoribus ante-
ponantur, custodiendum est, sive non habent, in injuriam privatorum id dari a
me non oportet.
390 DROIT PUBLIC ROMAIN.
en annulant une résolution du conseil d'une cité sujette (1) ou
en y interdisant la réunion d'une assemblée du peuple (2).
L'omnipotence romaine existe là en droit, et il est superflu de
montrer par d'autres exemples les applications qui ont pu en
être faites en bonne ou en mauvaise administration.
Finances Le. droit de la cité de faire valoir ses sources de revenus et
communale?*
d'imposer ses membres rentre nécessairement dans le droit de
s'administrer: il ne peut pas plus être refusé à la cité sujette
qu'à la cité autonome. En dehors de leurs propres besoins, les
cités dans lesquelles la redevance à payer au gouvernement
romain sort de la caisse de la cité trouvent, sous la Répu-
blique, et, dans les provinces du sénat, même encore sous le
Principat,dansle droit de s'imposer elles-mêmes dont on trouve
mentionnées quelques applications (3), le moyen principal de
solder la redevance annuelle due à Rome. Dans les provinces
impériales, où l'impôt était directement perçu par le gouver-
nement, les impositions locales ont dû avoir moins d'impor-
tance; on ne sait si elles y étaient perçues comme impôt indé-
pendant ou comme une taxe additionnelle ajoutée à l'impôt
d'état. — L'exemption héréditaire des charges de leur cité, qui
est fréquemment accordée à titre gracieux par le gouvernement
central à des personnes isolées, se présente même pour des
membres de villes libres; mais on en a sûrement usé plus
(1) Il est fait appel au gouverneur d'une résolution du conseil communal
de Syracuse concernant la dissolution d'un lien de patronat antérieurement
formé, et la résolution tombe par suite (Gicéron, Verr. 4, 65. 66, surtout §
149 : Negare esseillud senatus consultum, in quo prsetor appellatus esset). Les
recensements des cités de Sicile faits sous Verres furent cassés par son
successeur (v. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confec-
tion des listes, sur la force obligatoire des listes du censeur, dernière note) .
(2) Dion Ghrysostome, Or. 46, pr. invite les citoyens de Pruse à remercier
le gouverneur, on J3ouXo[xévoiç f,u,ïv èxxXY]<7iao-ac rcâXiv èç^xe où (xovov è-ot^coç,
àXXà xo» rjSétoç.
(3) Appulée, Apol. 101 : Pudentillse nomine pro eo agello tributum dependi :
prsesens est quaestor publicus eux depensum est Corvinus Celer vir ornatus. Ce
n'est pas là, comme le pense Hirschfeld, Verw. Gesch. p. 17, le questeur
provincial; c'est, comme le montre l'épithète vir ornatus et la présence même
du personnage, le questeur municipal de la ville d'Œa, qui peut parfaitement
être appelé publicus, ce magistrat municipal étant appelé d'une façon tout
à fait habituelle, quaestor pecuniae publics.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 391
fréquem ment et avec moins de scrupules à rencontre des cités
sujettes (1). Les exemptions personnelles (2), qui furent établies
par des lois d'empire pour certaines classes et certaines pro-
fessions, par exemple pour les négociants en grains et les bateliers
qui apportaient les grains, pour les médecins, les professeurs
de rhétorique et de grammaire (3), et qui atteignirent une
grande extension sous l'Empire, concernaient également en
première ligne les cités sujettes, quoique le nivellement effec-
tué entre elles et les cités autonomes ait pu également se faire
sentir ici.
L'administration et la justice propres, que nous étudions ici, r^vdeerrlgypte.
sont, nous l'avons déjà dit, absolument étrangères aux pays
(1) Diodore, 14, 93 :'0 Sr^o? tmv 'Pwfxaîwv.... ty}v Atuapav àçeXojxevoç xtov
Kap'/r^ovîwv (en 513) toÙçèyyÔvouçtou TtfxaatOlo'j tûv ts ela-qpopwv àreXei? àçïjxe
xa\ èXeueipouç inolr\az (cette « liberté » individuelle n'aurait, séparée de
l'immunité, aucun sens). Le sénat accorde, en 676, à trois capitaines de
navires des villes sujettes de Glazomènes, de Carystos et de Milet, à rai-
son de leur conduite pendant la guerre d'Italie, Ô7iax; ouxoi xéxva exyovot te
a*Jxc5v èv Taîç iaurùv uarptciv àXeiTO'jpYTjTO'. uavxcov xtov 7ipay[xaTcov xa\ àvsîa-çopoi
axriv (avec les développements qui suivent C. J. L. I, n. 203). Dans le décret de
Sulla concernant Oropos les revenus du territoire d'Oropos sont attribués
au dieu Amphiaraos à l'exception des possessions d'un individu qui a
témoigné de sa fidélité aux Romains (Hermès, 20, 272). Ces exemptions per-
sonnelles accordées par Sulla à ses fidèles {viri fortissimi) furent révoquées
sous le gouvernement des optimates (Gicéron, Verr. 3, 35, 81 : Unum hoc —
des décrets de Sulla — aliquot senatus consultis reprehensum decretumque est,
ut quitus Me de capite dempsisset, ii pecunias in serarium inferrent : statuit
senatus hoc ne Mi quidem esse Ucitum... a populo factarum quœsitarumque
rerum summas imminuere. Suétone, Aug. 40 : Liviœ pro quodam tributario
Gallo roganti civitatem negavit, immunitatem obtulit adfirmans facilius se
passurum fisco debahi aliquid quam civitatis Romanœ vulgari honorent. Ins-
cription de Norique, C. I. L. III, 5232 : Donatus civitate Romana viritim et
inmunitate ab divo Aug.; des^environs de Brixia, C. I. L. V, 4910: l[m]munis
Cœsaris (= Auguste). Ulpien, Dig. 50, 6, 1, 2. /. 5. — Les expressions de
Gicéron et de Suétone montrent que les immunités personnelles amoindris-
sent les recettes du trésor de Rome et que par conséquent les cités inté-
ressées n'ont pas à en couvrir le montant.
(2) Ulpien, Dig. 50, 15, 4, 3 : Quamquam in quibusdam personis bénéficia
(Ms. : Ben. pers.) data immunitatis cum persona extinguantur, tamen cum
generaliter locis aut cum civitatibus immunitas [datur~\, sic data videtur, ut ad
posteros transmittatur. L' immuni tas s'étend, semble-t-il, à toutes les presta-
tions que l'autorité qui la confère a le droit d'exiger, par conséquent, si
l'État la confère, même non héréditairement, à l'impôt foncier lui-même.
(3) C'est l'objet du titre De jure immunitatis du Digeste (50, 6).
392 DROIT PUBLIC ROMAIN.
organisés sous le Principat selon le système de la royauté.
L'Egypte surtout nous fournit une image de ce gouvernement
monarchique qui est exercé, sans le terme intermédiaire
fourni par l'existence de villes autonomes, directement par
le chef de l'État, et qui n'avait pas pu exister sous la République.
D'autres pays encore ont nécessairement été administrés de la
même façon : par exemple, le royaume de Norique antérieurement
à l'organisation en villes qui y fut introduite par Claude. En
Egypte même, l'ancienne organisation a fini par disparaître
devant l'organisation en villes ; mais elle ne l'a fait qu'à l'époque
de la décadence de l'Empire. Il ne sera pas superflu de carac-
tériser dans ses grands traits l'organisation de l'Egypte sous
Auguste, comme antithèse de l'organisation provinciale ur-
baine (1).
Sous le gouvernement des Alexandrides, et pareillement
bous celui des Empereurs romains, qui ne sont là qu'une nou-
velle dynastie, la vieille terre des rois est restée ce qu'elle était.
Le gouvernement royal de l'Orient, tel qu'il existait aussi sous
la souveraineté romaine dans les États clients de Judée et de
Cappadoce (p. 356, note 1), est le gouvernement de l'Egypte ro-
maine. La propriété foncière dérivée de la propriété de l'État,
reconnue dans le reste du territoire soumis à ladministration
impériale, a difficilement été étendue à l'Egypte; on aura sans
doute continué là, même à l'époque romaine, à distinguer seu-
lement la propriété domaniale et la propriété privée. Alexandrie
d'Egypte, qui dépasse en étendue et en influence toutes les
autres fondations des Macédoniens, est inférieure à la dernière
d'entre elles en ce qu'elle n'est une ville que de nom. Alexandre
avait mis, à côté de la nationalité antérieurement une des
Égyptiens indigènes, celle des étrangers parlant grec. Cette
dualité de condition des personnes a subsisté à l'époque ro-
(i)Nous n'avons pas ici à étudier les relations de compétence, en partie
très obscures, dans lesquelles sont entre eux, quant au fond et quant aux
lieux, les magistrats égyptiens. Je me borne d'autant plus volontiers à indi-
la quer brièvement les points principaux que les détails importent peu pour
notion générale du droitpublic. Gf . Rœm. Gesch. 5,554 et ss. = tr.fr. 11,154.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 393
maine: on distingue la condition personnelle des indigènes
inscrits dans les 36 districts de «la campagne» et celle des
citoyens sans droits de citoyen des cinq quartiers de ce qu'on
appelle la ville d'Alexandrie. Les « citadins » ne sont favorisés
qu'en ce qu'ils sont admis à servir dans les légions tandis que
les indigènes servent dans la flotte, en ce que certaines classes
de fonctionnaires sont recrutées exclusivement parmi eux,
enfin en ce que les impôts des Égyptiens et des Alexandrins
sont différents. Les citoyens romains, qui se trouvent dans le
pays comme soldats, comme fonctionnaires ou pour leurs
propres affaires, sont, en face de ces deux catégories de per-
sonnes, purement et simplement des étrangers. L'administra-
tion et la justice sont réunies, à l'époque romaine, entre les
mains du représentant de l'empereur absent, du pr&fectus
jEgypti, pour ainsi dire du vice-roi, duquel sont justiciables les
Romains qui se trouvent en Egypte (1). Au dessous de lui sont
deux autres fonctionnaires également nommés pour toute
l'Egypte, l'un chargé de la justice (2), l'autre des biens do-
maniaux (3), et un certain nombre d'agents subalternes em-
ployés notamment à la perception des impôts (4). Au dessous
(1) Cela résulte de ce qu'Auguste transféra au préfet la juridiction vo-
lontaire dans les formes romaines (Dig. 1, 17, 1 ; Tacite, Ann. 12, 60).
(2) Ce Ttov 7coM(3v xplaewv xvptoç, comme l'appelle Strabon, 13, 1, 12,
p. 797, n'était pas exclusivement destiné aux Alexandrins; Strabon le dit
expressément, et il y en a encore d'autres preuves (Rœm. Gesch. 5, 567,
note 1) ; mais il peut parfaitement être Vunus judex, quem Caesar dedisset,
dont, dit le biographe de Sévère, c. 17, les Alexandrins devaient se contenter
jusqu'à cet empereur, et ils peuvent avoir été ses principaux justiciables,
tandis que les procès des Egyptiens ne lui arrivaient sans doute que dans
des cas spéciaux. Parce que des parties se rendent d'Arsinoé à Alexandrie
pour plaider devant le juridicm, cela ne prouve pas, comme le pense
Wilcken (Obss. ad hist. Mrjypti provinciae Romanse, p. 8), que ces parties soient
des Égyptiens; leurs noms sont des noms grecs.
(3) C'est l'administrateur de lYôioç Xoyoç, appelé aussi en latin idiu
logu ou de noms analogues, un fonctionnaire de rang équestre de la classe
des ducenarii (Marquardt, Handb. 5, 311 = tr. fr. 10, 393).
(4) Ce sont là les procuratores usiaci (sans doute nombreux), qui sont au
moins en partie des affranchis impériaux (C. /. L. III, 43) ; c'est à eux que
Strabon pense principalement quand il dit : IlapéTrovTac ôà toutoiç (aux
trois fonctionnaires les plus élevés) à7te)>eu8epoi Kacaapo; xoù otxovôfiot jiec'Ça)
xal ÈXarcw -neTzia-cz'^éyo'. upây^aTa.
394 DROIT PUBLIC ROMAIN.
du préfet se trouvaient les fonctionnaires intermédiaires, les
présidents (s-icTpàmyot) des trois grands districts en lesquels
l'Egypte est divisée; puis, d'une part, les présidents delà
ville d'Alexandrie, parmi lesquels un grand juge (àp^iSwtaaTviç)
et, d'autre part, les stratèges des différents nomes ou, comme
on peut encore les appeler, des métropoles, avec les présidents
des cercles ruraux (twuoi) et des villages (xû[i.ai) subordonnés à
ces stratèges. Tous ces fonctionnaires étaient nommés ou du
moins confirmés, les plus élevés parmi les chevaliers par l'em-
pereur, les inférieurs parmi les Alexandrins et ceux du bas
de l'échelle parmi les indigènes par leurs supérieurs (1). Ce
n'est point ici le lieu de chercher comment leur compétence
respective était délimitée; mais toutes les affaires publiques,
en particulier l'administration de la justice et la levée de
l'impôt, étaient dans les mains d'agents du gouvernement. Ni
les Alexandrins ni les Égyptiens, après pas plus qu'avant, ne
se gouvernent eux-mêmes; ils sont gouvernés.
Il nous reste encore une question à résoudre pour le cercle
Teenpire.de étendu et divers des sujets: comment y ont été réglés, sous la
domination romaine, la division du temps, les poids et mesures,
la mesure de Pespace, celle des valeurs ? Il va de soi que ces
réglementations dépendaient ici exclusivement de l'arbitraire
du gouvernement et que par suite les institutions romaines éta-
blies à titre général s'appliquaient de plein droit dans l'inté-
rieur des pays sujets. Depuis qu'il y a eu une province d'Asie,
on a nécessairement pu y dater à la manière romaine, y mesurer
en milles romains (2) et y faire des paiements en deniers ro-
mains. Mais il n'a pas été accompli d'uniformisation proprement
dite, entraînant l'emploi exclusif de l'unede ces institutions dans
tout l'empire, pendant la République, et il n'en a été fait sous
le Principat lui-même que dans l'un des domaines, dans celui
(1) Édit de Ti. Alexander, ligne 34 : MeX-rjcrsi 8s fJ.cn xoù xàç <TTpaTr,y:a; pista
ôia>.oytcr(JLov7cpbç rpiextav èv/sipcÇeiv toiç xaxacrTaô^croixévot;. Nous ne savons qui
avait le droit de proposition.
(2) M'. Aquillius, consul en 625, inscrivit déjà les distances en milles ro-
mains sur les bornes milliaires de ses routes d'Asie mineure.
Institutions
LES SUJETS NON AUTONOMES. 395
de la monnaie ayant cours (1). Au contraire ces matières ont
été fréquemment réglementées par le gouvernement romain
dans les différentes provinces , naturellement en partant des
institutions existantes, et leur réglementation a môme formé
une portion essentielle des lois d'organisations provinciales
mentionnées plus haut (p. 364) : la pseudo-autonomie des
différentes cités ne s'est exercée dans ce domaine qu'à condi-
tion de n'être pas liée par les règles générales portées pour la
province. La délimitation des deux cercles se résout d'ailleurs
en de telles spécialités que nous nous contenterons ici de signa-
ler les distinctions sans les développer.
Pour le calcul du temps, le calendrier général de l'empire a Le calendrier.
probablement seul été en vigueur, dès le début de la domina-
tion romaine, dans les provinces non-grecques : du moins on
ne trouve nulle part d'allusion au maintien d'anciens ca-
lendriers en Espagne, en Gaule (2), en Afrique, sous la do-
mination romaine. Au contraire, dans la portion grecque de
l'empire, les calendriers que chaque peuple avait à son gré
constitués et remaniés jusqu'alors n'ont pas été supprimés;
mais ils ont été, sinon du temps de la République, au moins
sous le Principat(3), réglementés et simplifiés sous le contrôle
de l'autorité romaine (4). Ainsi par exemple, il y a, à cette
époque, deux calendriers en usage dans la province d'Asie: le
calendrier de Pergame, qui n'est autre chose que le calen-
drier macédonien introduit dans les monarchies d'Alexan-
(1) Lorsque, dans Dion, 52, 30, Mécène conseille à Auguste : Mfce 8è
vo[jU(7!J.a-:a 5j xcù oraOjxà yj jji-rpa i,'8tà tiç ocÙtôW (des sujets) èys-rw, àXXà xoïç
jjperépotç xa\ èxeîvoc itotvxeç -/p-rça-Gaxrav, ce n'est là, pour les monnaies comme
pour le reste, qu'un vœu politique ; les faits sont en désaccord.
(2) Les druides gaulois commencent le mois et l'année au sixième jour
du mois lunaire (Pline, 16, 44, 250) ; mais cela ne prouve rien pour l'usage
officiel.
(3) Les institutions qui nous sont connues supposent constamment
l'année julienne, et elles remontent sûrement à Auguste ; mais les chiffres
d'années des cistophores montrent qu'il a existé dés le temps de la Répu-
blique une année provinciale romano-asiatique commençant en automne.
(4) Nos hémérologies sont probablement une collection officielle, au
moins quant à sa base, des calendriers en vigueur dans l'empire romain
sous le Principat.
396 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dre (1) et le calendrier employé à Éphèse et à Smyrne qui cor-
respond essentiellement au calendrier délico-attique (2). Tous
deux sont dans une telle relation entre eux et avec le calen-
drier julien que la transposition des dates peut s'y faire facile-
ment (3). Le calendrier provincial syrien de l'époque romaine
se rattache encore plus étroitement au calendrier romain ; il
ne s'en distingue que par la dénomination des mois, qui sont
ici les mois macédoniens, et par le commencement de l'année,
qui est placé au 1er octobre : il régit toute la province. Il y
avait, d'une façon analogue, des calendriers provinciaux pour
la Bithynie, la Lycie, la Cappadoce, l'Arabie, la Crète, Chypre,
l'Egypte. Nous avons déjà remarqué (p. 340) que leur empire
ne s'étendait pas nécessairement aux villes libres ; au con-
traire les villes non-autonomes étaient obligées de suivre le
calendrier ou, comme en Asie, les calendriers de la province.
Désignation La désignation de l'année a été traitée par les Romains de
de 1 année. ° x
(1) Les hémérologies désignent ce calendrier comme le calendrier des
Éphésiens (Ideler, 1, 419), et il peut avoir porté officiellement le nom de la
capitale de la province, quoique les titres montrent qu'il n'était pas en
usage à Éphèse, mais à Pergame (inscription inédite) et que par conséquent
on s'attendrait plutôt à lui voir donner le nom de calendrier des Asiani et à
voir donner le nom de calendrier des Éphésiens à celui de ce nom. Dans
une inscription d'Éphèse (C. I. Gr. 2954a) une dénomination de mois de
l'année appelée éphésienne dans les hémérologies est désignée, par opposition
à celle usitée rcap' Yjfûv, comme employée 7rapà MaxsSocnv xal xoïç XoitcoÎ;
e&veaiv xoïç 'EXXyjvcxoïç xa\ touç èv àuxoïç 7r6Xecriv.
(2) Ce calendrier est appelé par les hémérologies celui des Asiani (Ideler,
1, 414) ; bien qu'il soit défiguré par le changement ou la corruption de sept
noms de mois, les cinq autres (Apaturios Poseideon, Lenaios, Artemisios»
Ilekatombaios) montrent clairement son origine. Les documents d'Ephèse
connus jusqu'à présent ont donné huit noms de mois qui jusqu'au Neokai-
sareon (duquel il faut rapprocher le Kaisarios de l'hemerologium des Asiani)
se reproduisent tous dans le calendrier délico-attique (ce sont, outre les
mois déjà nommés de Poseideon, Lenaios, Artemision, ceux d'Anthesterion,
Thargelion, Maimakterion, Metageitnion). Des mois pareils (Poseideon,
Lenaeon) sont cités chez les Smyrnéens par Aristide, Or. 23, éd. Jebb, p.
274 et ss.
(3) Le nombre des jours de l'année et le système de l'intercalation faite
de quatre ans en quatre ans sont communs aux trois calendriers. Les
quatre points séparatifs de l'année (25 mars, 24 juin, 24 septembre, 25 dé-
cembre) sont aussi les mêmes (Galien, In Hipp. epidem. 1, éd. Kùhn. vol. 17,
p. 21 ; Ideler, 1, 414). Le nouvel an est placé dans les deux calendriers de
la province d'Asie à l'équinoxe d'automne du calendrier romain.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 397
la même façon que le calendrier. Ils n'ont pas eu d'ère appli-
cable à tout l'empire. Dans les différentes provinces, en parti-
culier en Orient, il est fréquemment arrivé, lors de l'organisa-
tion ou de l'accroisement de la province, ou bien que Ton
conserva le mode antérieur de calcul des années, — ainsi l'ère
partant du commencement de la dynastie antérieurement ré-
gnante, en Syrie (1) et en Bithynie (2), — ou bien que Ton
ait pris comme année initiale l'année delà prise de possession
par Rome de ce pays ou de Gette portion de pays, — c'est ce qui
a été fait d'abord, en 608, lors de la création des provinces d'A-
chaïe et de Macédoine, puis ce qui s'est reproduit lors de l'occu-
pation de l'Asie en 620-62 1 et lors de l'accroissement de cette pro-
vince par Sulla, en outre lors de l'acquisition des villes du Pont
et de Cilicie, enfin lors de la fondation de la province de Mau-
rétanie sous Gaius et de la province d'Arabie sous Trajan (3).
Nous avons déjà remarqué (p. 341) que l'emploi de cette der-
nière ère se restreint aux villes sujettes, mais d'ailleurs que
les ères divergentes, qui se rencontrent surtout chez les cités
libres, ne sont pas rares non plus chez les cités sujettes.
La désignation des années par les gouvernants concorde
avec l'ère, à condition qu'on lui donne pour base un com-
mencement de l'année fixe, indépendant des transmissions du
pouvoir, et qu'une règle précise soit établie pour la désignation
des années dans lesquelles ces transmissions ont lieu. C'est de
cette façon que les années ont été comptées en Egypte depuis
(1) Cette ère commence comme on sait dans l'automne (depuis l'intro-
duction de l'année julienne en Syrie, au Ie' octobre) de l'an 312 avant J. G.
= 442 de Rome.
(2) L'ère romano-bithynienne part de l'an 281 avant J. G. = 473 de
Rome, tandis que l'ère royale bithynienne commence dans l'année 296 avant
J. G. = 458 de Rome ou peu auparavant (ainsi que je l'ai démontré
dans Sallet, Num. Zeitschrift, 11, 158). La dernière année paraît avoir été
considérée comme celle du commencement de la dynastie, la première
comme celle de la constitution du pays.
(3) Annus provinciœ est fréquent dans les inscriptions de Maurétanie (C.
1. L. VIII, p. 1062], ëto; ttjç èuapxia? dans celles d'Arabie ( Wadington,
dans Lebas, n. 2*63) ; ailleurs il n'y a que l'année. La première déno-
mination ne peut convenir où la formation de la province s'est faite
successivement.
398 DROIT PUBLIC ROMAIN.
un temps immémorial, et ce système a été conservé sous la
domination romaine, cependant avec une modification : l'an-
cienne année égyptienne sans jour intercalaire a été remplacée
par l'année julienne avec son jour intercalaire : les vingt-deux
années de 365 jours de Gléopàtre sont, dans la liste des sou-
verains d'Egypte qui sert de fondement à ce calcul, suivies par
les quarante-quatre années d'Auguste, en général de 365
jours et tous les quatre ans de 366; le premier jour de l'an tra-
ditionnel arrivant le 1er Thoth, qui, dans l'année sans jour
intercalaire, se déplaçait constamment par rapport à l'année so-
laire vraie, se trouva ainsi fixé pour l'avenir au 29 ou 30 août,
auquel il tombait à cette époque (1).
Nous avons déjà remarqué (p. 342) que les cités sujettes re-
cevaient, avec le droit de battre monnaie, celui de dater les an-
nées sur les monnaies par les noms de leurs magistrats pro-
pres. Les dates tirées des gouverneurs romains se rencontrent
non pas exclusivement (p. 342, mais principalement sur les
monnaies des villes sujettes.
poids et mesures. En matière de poids et mesures, les deux unités les plus
importantes sont à la fois romaines et helléniques; carie
pied romain concorde avec le pied attique de Solon (2),
et la livre romaine est avec la mine attique de Solon dans le
rapport simple de 1 à 1 Ij3, qui est même probablement admis
dans le système d'empire (3). Gela correspond au caractère bi-
(1) Cf. tome V, la partie de l'éponymie impériale, sur le commencement
de l'année impériale en Egypte. Le calcul par années impériales avec un
nouvel an fixe était possible partout où il y en avait un, et il s'est rencon-
tré avant Trajan, au moins en Syrie (v. tome V, la même partie, sur le
commencement de cette année en Syrie) ; mais il ne s'est vraiment déve-
loppé qu'en Egypte, et, après l'introduction de l'année fixe d'empire sous Tra-
jan, elle n'est probablement restée en usage que là.
(2) Selon la belle démonstration de Dorsfeld (Mitth. des Athen. Instituts,
7, 277 et ss.)
(3) La mine attique = 1 livre romaine i/3 = 437 gr. se présente à nous
non seulement dans les tables métrologiques de l'Empire, mais comme
poids employé par les pharmaciens (Pline, H. n. 21, 34, 185; Metrol. scr. I,
p. 240, 11) et comme poids employé dans le commerce à Pompéi (Hermès,
16, 317 et ss.). Dans le premier cas, elle est mise en relation avec le denier
romain d'un 1/34, plus tard i/96 de livre, et elle est par conséquent divisée
en 112 deniers, plus tard en 128. A Pompéi/elle se divise, selon l'usage grec,
LES SUJETS NON AUTONOMES. 399
national de l'Etat romain développé. Rome n'a pris sous ce
rapport de mesure générale à l'égard des sujets dépendants
autonomes et des sujets non-autonomes que pour mettre
impérativement d'accord toutes les dispositions locales avec
les poids et mesures officiels de l'empire. Cela doit avoir eu
lieu souvent pour des provinces tout entières (1); mais il
ne manque cependant pas de preuves de divergences exis-
tant dans l'intérieur de la même province (2). Les mesures
de distance font exception : pour elles, les Romains ne se sont
pas contentés de mettre les mesures antérieures dans un
rapport fixe avec les romaines (3) ; ils ont mesuré les routes
en 50 statères ou en 100 drachmes. Ce sont là vraisemblablement des poids
d'empire, soit d'après la relation intime du poids de pharmacien avec le
denier romain, soit parce que l'emploi de la mine attique comme poids
commercial à Pompéi serait sans cela absolument inexplicable, soit enfin
parce que les Romains appelaient en général en face des Grecs leurs poids
et mesures du nom d'attiques.
(1) Par exemple, Galien, IIep\ <ruv8. çapp. 1. 7, éd. Kûhn, vol. 13, p. 893,
blâme la recette d'un médecin formulée seulement en xoxûXat : 'J2«ei8*) uajx-
tcoXXy) S-.acpopà xaxà xb 7roabv èv aùxaTç èarxiv, è"/pviv aùtbv ecralv r^ioi ys on rrjv
'Att'.-xV Xéya) xotjXt)v y] tyjv 'AXe£av8pscoTtxr|V r, tyjv 'Ecpsac'av v\ xtva aXXriv
où le cotyle d'Ephèse appartient sans doute comme le calendrier d'Ephèse
à la province d'Asie.
(2) Dicitur in Germania, écrit Hyginus, éd. Lachmann, p. 123, in Tungris
pes Drusianus (sans doute àla suite du cadastre fait par le premier Drusus)
qui habet monetalem pedem et sescunciam. Epiphane, qui écrit en qualité d'é-
vèque de Gonstantia dans l'île de Chypre en 392, éd. Hultsch, p. 261 : Méôijxvo;
8s uap' aÙToïç tocç Kuupt'otç ôiaçopoç. Tbv yàp (xéScjavov SaXajjuvioi eirouv Kcov-
(TTavciot èx Ttévre {jloSjwv e^ouac, nàçcoi 8è xa\ SixsXol Teixcrapcov YijjLtaeoç (xoSc'aiv
aÙTov (xexpoîjo-tv.
(3) Il ne sera peut-être pas superflu de réunir ici dans une vue d'en-
semble les dispositions prises en cette matiire par le gouvernement ro-
main. Il a admis dans son système au moins trois mesures de distances
qu'il trouva déjà employées : la leuga, le stadion attique et le stadion égyp-
tien. Nous ne connaissons la leuga gauloise que par son évaluation romaine
à 1 mille et demi (Hultsch, Metrol. p. 691) ; il est probable que cette propor-
tion ne correspond qu'approximativement à la mesure celtique primitive ;
mais nous n'avons pas de moyen de contrôle. — Quant aux stades attiques
de 600 pieds attiques ou romains, il y en a 8 1/3 par mille. Pour corriger
cette proportion incommode, on substitua au stade attique le stadium ita-
licum (Gensorinus, c. 13) de 625 pieds romains ou i/s de mille (Hultsch p. 81),
ce qui fait qu'en général, dans la période moyenne de l'empire, les milles
sont calculés selon le procédé grec. Les Grecs récents emploient, au lieu de
cette mesure, probablement sous l'influence du mille égypto-romain dont
nous allons nous occuper,des stades de 666 pieds romains, 2/3, dont 7 1/2 'ont
400
DROIT PUBLIC ROMAIN,
Système
monéta re^
Frappe
provinciale
d'argent.
de l'empire en mesure de l'empire (1). Par exception, l'em-
pereur Sévère a, dans la construction des routes des Gaules,
substitué la leuga celtique au mille romain, probablement parce
qu'il ne pouvait mettre les habitudes locales d'accord avec la
mesure d'empire (2).
Le système monétaire a été réglé par le gouvernement romain
dans les provinces d'une façon très diverse selon les temps et
les lieux. Nous ne pouvons ici qu'indiquer les grands traits de
ces dispositions.
La monnaie d'or, depuis qu'elle a pénétré dans le monnayage
régulier romain, n'a été frappée qu'au pied d'empire et seule-
ment par le pouvoir central. Elle est par conséquent absolument
en dehors de la frappe provinciale. La frappe des espèces
d'argent a aussi, selon toute apparence, été interdite aux cités
sujettes dès leur passage sous la domination romaine (3). Il
n'était que logique, après l'avoir retirée aux cités autonomes
d'Italie, de ne pas la laisser aux cités non-autonomes extra-
italiques. Mais, sans doute à titre de compensation, non pas il est
un mille romain (Hultsch, p. 571). Le pied romain a donc été maintenu là,
et le stade remanié pour être mis avec lui dans une certaine congruence. —
Il a été procédé de la manière inverse pour le stade égyptien, aussi pris
pour unité en Syrie et probablement en Asie mineure, qui est de 600 pieds
locaux (à 1 pied romain Vs) ou de 720 pieds romain, ce qui en donne
6 i"/i8 pour un mille romain. Le stade est maintenu, et l'on désigne au con-
traire comme mille romain une mesure concordant avec lui, rapprochée le
plus possible du mille romain de 5000 pieds, soit une mesure de 5400 pieds
romains, c'est-à-dire de 1/4 du schœnus égyptien =7 1I2 de ces stades
(Hultsch, p. 365, 445), soit une mesure de 5040 pieds romains = 7 de ces
stades (Hultsch, p. 569).
(1) Même en Egypte et en Syrie, c'est le mille d'empire qu'on a employé
dans la construction des routes d'empire et non pas le mille romano-égyp-
tien, ainsi que l'a montré Kiepert, Hermès 3, 435.
(2) Hultsch, Metrol. p. 691;«œm. Gesch. 5, 93 = tr. fr. 9, 130.
(3) On ne peut produire de preuve directe qu'en dehors des monnaies
provinciales, toutes les grandes pièces d'argent frappées dans le territoire
provincial romain remontent à un temps antérieur à l'organisation de la
province, et, par exemple, à Syracuse, cette conséquence delà situation peut
ne pas avoir été immédiatement tirée dès les débuts de la domination ro-
maine et la frappe de grandes pièces d'argent avoir été encore tolérée quel-
que temps. Mais il n'y a pas d'objections certaines contre la fin simultanée
de la souveraineté et de la frappe de grandes pièces d'argent, et, mis en ba-
lance, le cours des faits historiques, d'une part, et le caractère des émissions,
d'autre part, ne laissent subsister aucun doute sur la liaison des deux faits.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 401
vrai dans l'Occident, mais dans les provinces de l'Orient qui
avaient appartenu autrefois au royaume d'Alexandre, les gou-
verneurs ont émis, pour circuler seulement dans l'intérieur
de leurs proviuces, à un pied différent de celui du denier, des
monnaies d'argent mises avec la monnaie d'empire dans un
rapport légal qui leur est défavorable. Ainsi, en laissant de côté
les provinces plus petites, on frappait pour la Macédoine et
l'Achaïe le tétradrachme du pied attique, ayant un poids nor
mal de 17 gr. 46 et valant au cours légal 4 deniers = 15 gr.
6 (1); pour l'Asie et les provinces voisines de Bithynie, de
Lycie et de Pamphyliele cistophore d'environ 12 gr. 64, ayant
cours légal pour 3 deniers = 11 gr. 7, et la drachme de Rhodes
qui en était le quart (2); pour la Syrie et la Gappodoce le
tétradrachme d'Antioche d'environ la gr. 28, ayant également
cours légal tpour 3 deniers et la drachme et le didrachme de
Gésarée qui en sont la moitié et le quart (3) ; pour l'Egypte le
tétradrachme de billon de Ptolémée égal en poids à 4 deniers
environ, valant en argent environ un denier et ayant cours
pour cette valeur (4). Ces monnaies provinciales ont été
introduites soit au moment même de la fondation de la province,
comme par exemple en Asie, soit peu après, comme par exem-
ple en Egypte par Tibère, et, sauf les monnaies macédoniennes,
disparues dès avant le Principat, elles ont continué à être émises
jusqu'au troisième siècle. Le caractère de ces émissions faites
légalement par le gouverneur pour sa province se révèle
surtout clairement dans les pièces macédoniennes qui portent le
nom du pays Maxsâovwv et à côté de lui celui du gouverneur;
habituellement la province n'est pas nommée, et, sous le Prin-
cipat, le nom du gouverneur disparaît aussi de ces monnaies,
sur lesquelles il ne reste donc en général que celui de l'em-
pereur. Mais la frappe même était sans doute faite constam-
ment par les autorités des villes. Les anciens cistophores por-
(1) R. M. W. 71. 691 = tr. fr. 1, 96. 3, 280.
(2) R. M. W. 703 = tr. fr. 3, 301.
(3) R. M. W. 712. 716 = tr. fr. 3, 315. 319.
(4) Rœm. Gesch. 5, 558. = tr. fr. 11,M61.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 26
402 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tent les monogrammes des villes qui les émettent dans la pro-
vince d'Asie et qui sont généralement les chefs-lieux de cir-
conscriptions ; lorsqu'une portion de cette province est soumise
à titre exceptionnel au gouverneur de Cilicie, les lieux d'émis-
sion restent les mêmes, et il n'y a de changé que le nom du
gouverneur. Sur les monnaies provinciales d'argent syro-
cappadociennes, qui sont principalement frappées dans les
deux chefs-lieux de province, on peut suivre les disgrâces
d'Antioche, pendant lesquelles la frappe est suspendue ou
transportée ailleurs. A l'époque ancienne, le lieu d'émission
n'est pas indiqué sur les tétradrachmes, quand c'est Antioche,
mais il Test au contraire, quand la frappe a lieu ailleurs par
exception; plus tard, le lieu d'émission est régulièrement in-
diqué sur les pièces d'argent provinciales syro-cappado-
ciennes (1). La langue de ces monnaies, qui tiennent le milieu
entre les monnaies de l'empire et celles des villes, est tantôt le
latin, tantôt le grec, assez souvent les deux ; ce n'est habituelle-
ment le grec qu'en Egypte. Le nom officiel de Punité moné-
taire donnée pour base à ces émissions est toujours Spa^ay;,
tandis que le denier d'empire est désormais toujours appelé
àvjvàpiov même parles Grecs. Le denier sert d'unité de compte;
mais l'Egypte fait encore ici exception: on y compte tou-
jours par drachmes et par talents, même sous l'Empire. La
drachme provinciale se subdivise selon le système romain, au
moin s dans la province d'Asie où elle se partage en 16 àccàpia (2);
au contraire, la drachme égyptienne se divise encore sous
l'Empire en 6 oboles et l'obole en 8 chalkus.
Frappe L'existence d'une frappe de monnaie de cuivre opérée par le
démontes gouverneur, analogue à la frappe provinciale de monnaie d'ar-
de cuivre.
(1) R. M. W. 712. 715. = tr. fr. 3, 314. 320. Le nom de la ville se ren-
contre fréquemment sur les pièces d'argent similaires de Crète (p. 721 == tr.
fr. 3, p. 330). Ces frappes sont en partie urbaines non pas seulement en fait
mais en droit (p. 347, note 2).
(2) C'est ce que montre la grande inscription d'Éphèse de Vibius Salu-
taris (cf. ma notice dans Sallet, Numismat. Zeitschrift, 14,40). Dans le com-
merce courant, on dit aussi opoXo; pour àaixapiov (Paul, Dig. 16, 3,26, 1).
LES SUJETS NON AUTONOMES. 403
gent, est attestée principalement (1) pour la Sicile, où elle avait
son siège à Panormos (2), pour l'Egypte, où elle l'avait à
Alexandrie, pour la Syrie, où elle l'avait à Antioche (3), et pour
la Gaule du Nord, où elle l'avait à Lugudunum (4); elle est
fréquemment caractérisée dans les pays grecs par une légende
partiellement ou complètement latine.
D'autres règles s'appliquent aux menues monnaies commu- Menues monnaie-
nales, aux pièces d'argent des villes inférieures au denier et à
leurs pièces de cuivre. Le droit de faire de telles émissions peut
être regardé comme un privilège avantageux, non pas seulement
parce que l'autorité qui fait l'émission gagne nécessairement
sur la petite monnaie, mais aussi parce que l'Antiquité n'était
pas arrivée à la notion juridique de la monnaie d'appoint et que
la menue monnaie pouvait être employée même pour des paie-
ments importants. Il est probable que la petite monnaie commu-
nale a joué à peu près le même rôle à l'époque romaine que de
nos jours en Italie les petites coupures de papier-monnaie émis
par les villes. Ce doit être là le motif pour lequel la relation
existant entre la souveraineté de la cité et le droit débattre mon-
naie s'efface pour ainsi dire complètement relativement à celui-
ci. Il est, selon les circonstances, accordé ou refusé à la ville
(1) La frappe de monnaies de cuivre de xocvà qui se rencontre à de fré-
quentes reprises dans les provinces grecques (R. M. W. 734 = tr. fr. 3,
350) est semblable; les monnaies de Sardaigae (R. M. W. 667 = tr. fr. 3,
240) et d'Afrique (Mùller, Num. de l'ancienne Afrique, 2, 2) avec le simple-
nom du gouverneur et celles des très Gallise avec l'autel du Rhône (R. M.
W. 613 = tr. fr. 3, 268) appartiennent aux émissions provinciales de
cuivre.
(2) R. M. W. 665 = tr. fr. 3, 237.
(3) R. M. W. 718 = tr. fr. 3, 324. La marque S. C, qui se trouve sur
ces monnaies de cuivre semblables aux tétradrachmes de la province de
Syrie et qui leur est commune avec la monnaie de cuivre de l'État, a évi-
demment pour but de les distinguer des pièces de cuivre communales et de
leur assurer une circulation plus étendue; mais ma supposition antérieure,
selon laquelle ce cuivre de Syrie aurait eu, comme celui frappé à Rome, cours
dans tout l'empire, ne concorde pas avec les trouvailles. Peut-être cette
marque caractérise-t-elle seulement la monnaie provinciale comme telle, et
cette monnaie n'a-t-elle été mise qu'en Syrie sur le même rang que les
pièces de cuivre de l'État.
(4) R. M. W. 683 = tr. fr. 3, 268.
404 DROIT PUBLIC ROMAIN.
elle-même, et il se rencontre également chez des villes autono-
mes, chez des villes non-autonomes et même, sous le Principat,
chez des cités de citoyens.
Il n'a été frappé dans les communes que peu de menue mon-
naie d'argent : ainsi à Syracuse, aux commencements de la do-
mination romaine (1) et surtout, à l'époque de César et d'Au-
guste, en Gaule (2).
La frappe communale de monnaies de cuivre a eu une
étendue bien plus large: elle se présente d'une façon très iné.
gale. Certaines cités n'avaient le droit de frapper que les plus
basses unités de la petite monnaie; d'autres étaient invitées à
employer un pied différent de celui de la monnaie de cuivre
d'empire et plus léger, évidemment pour empêcher le mélange
de fait de cette dernière avec la monnaie communale. Elle est
parfois absolument exclue. Sans parler de l'Egypte, où il n'y a
pas de villes et où son fondement fait défaut, elle n'a été admise,
sous la République, ni en Gaule cisalpine, ni en Gaule transal-
pine,^ enSardaigne, ni en Afrique, et elle l'a été dans les deux
Espagnes, en Sicile, en Macédoine, en Achaïe et dans tout l'O-
rient grec. La généralité avec laquelle elle se présente dans les
régions où elle apparaît implique une concession générale. Il est
probable qu'à l'organisation de chaque province on a posé à ce
sujet des règles d'ensemble ou qui excluaient d'un seul coup le
droit monétaire ou qui, sans l'accorder absolument à chaque
cité, en rendaient au moins la concession plus naturelle et plus
facile.
(1) R. M, W. p. 664 = tr. fr. 3, p. 236.
(2) Cette catégorie comprend certainement le quinaire d'argent de la co-
lonie de citoyens de Lugudunum de l'an 113 de Rome (Eckhel, 6, 38) ; la pe-
tite pièce d'argent de la colonie latine de Gabellio (R. M. W. 675= tr. fr.
3, 253) et les nombreux quinaires d'argent de la Gaule du Nord (R. M. W.
684 = tr. fr. 3, 270). C'est un point douteux de savoir si l'argent des
Volques et de la ville de Nemausus (R. M. W. 674 = tr. fr. 3, 252) rentre
dans le même ordre. Ce ne sont pas là des pièces fractionnaires, mais des
drachmes légères massaliotes ; peut-être César a-t-il donné à titre excep-
tionnel à ces cités le droit de frapper de grandes pièces d'argent. La condi-
tion juridique des lieux est, comme on voit, indifférente pour la conces-
sion du droit de battre monnaie.
LES SUJETS NON AUTONOMES. 405
Sous le Principat, le droit communal de battre monnaie a
été traité de même que sous la République et d'abord avec une
plus grande libéralité. Son application à la Gaule nouvellement
soumise, et en particulier son extension déjà citée à la petite
monnaie d'argent porte la marque des égards qui furent tou-
jours témoignés à ce nouveau territoire par son conquérant. Les
villes d'Afrique entrent aussi désormais parmi celles quibattent
monnaie, mais cependant, avons-nous déjà remarqué (p. 348), à
l'exclusion des villes sujettes. Pourtant la tendance opposée pré-
valut bientôt, au moins relativement à l'Ouest. D'une part, le dé-
sordre des finances communales que devait nécessairement en-
traîner ce système d'emprunts dissimulés doit avoir poussé le
gouvernementàdes restrictions; d'autre part, la tendance centra-
lisatrice doit avoir contribué à ne faire admettre qu'exclusive-
ment la monnaie de l'empire dans le territoire latin ou destiné à
être latinisé. La suppression de la frappe de monnaies dans les
pays limitrophes du nord de l'Italie et la non-extension du droit
de battre monnaie aux cités de citoyens d'Italie (1) et de Sicile
avaient déjà constitué un premier pas dans cette voie. Les hôtels
de monnaie communaux de la Gaule furent probablement fer-
més déjà par Auguste, lors de l'organisation définitive de cette
contrée (2); ceux de Sicile (3), d'Afrique (4) et d'Espagne ulté-
rieure (y) disparaissent sous Tibère, ceux de l'Espagne citérieure
sous Gaius (6), ceux de Tingitane sous Néron (7). — Tandis
que la frappe de petite monnaie communale disparaît ainsi en
Occident, comme en même temps celle de petite monnaie pro-
vinciale (8), elle se maintient dans les provinces grecques, à côté
de la frappe de monnaies provinciales de valeur, jusqu'à une
(1) La seule exception est Psestum.
(2) R. M. W. 677. 685 = tr. fr. 3, 254. 272.
(3) R. M. W. 667 = tr. fr. 3, 240.
(4) R. M. W. 671 = tr. fr. 3, 248.
(5) Zobel dans les Monatsberichte de l'Académie de Berlin, 1881, p. 830.
(6) Même art. p. 828. Je ne vois pas de preuves suffisantes de l'inter-
ruption de la frappe de monnaie de cuivre dans l'Espagne ultérieure pen-
dant le vue siècle de la République qui est admise par le même savant.
0) R. M. W. 734 = tr. fr. 3, 351.
(8) Celle des trois Gaules finit sous Néron. R. M. W. 683 = tr. fr. 3, 269.
406 * DROIT PUBLIC ROMAIN.
époque avancée du 111e siècle. Le retrait de la quantité énorme
de petites monnaies existant dans ces régions peut avoir excédé
les moyens financiers de l'empire, ou bien encore l'énergie de
son chef avoir reculé devant ce travail; les monnaies qui rem-
plissent nos musées ont contribué pour leur part à la banque-
route des communes plus profonde à l'Orient qu'à l'Occident.
Naturellement les petites pièces émises par les communes
et les provinces devaient être mises en relation avec l'unité
d'argent de laquelle elles dépendaient. Dans les endroits où le
denier supplanta une ancienne unité d'argent, on a procédé,
même dans les cités non-autonomes, comme à Naples et à
Athènes (p. 348). On a maintenu nominalement les dénomina-
tions et les divisions anciennes, et on a donné à ces anciennes
dénominations une valeur fixe se rapportant au pied du denier.
C'est sur ce procédé que reposent le talent de Syracuse de
trois deniers ou, en d'autres termes, la titra syracusaine de
la valeur d'1/40 de denier (1), à laquelle se rattachait la mon-
naie de cuivre émise là. Mais en général, il est probable qu'on
a, surtout dans les cités sujettes, abandonné les anciennes dé-
nominations et les anciennes divisions et émis les petites mon-
naies comme fractions soit du denier lui-même, soit d'une des
drachmes provinciales qui étaient dans une relation fixe avec le
denier ; ainsi par exemple les monnaies de la province d'Asie
doivent avoir été frappées d'après le type de la drachme pro-
vinciale de 16 assaries.
(1) Festus, p. 359, v. Talentorum. R. M. W. p. 116 = tr. fr. 1, p. 133. Le
talent de Sicile étant divisé en 120 litrae, la litra est d' 1/20 de sesterce =
1/40 de denier.
LES LIEUX ATTRIBUÉS.
(SfRlIIJ -?4>S-772)
Il nous reste encore à étudier les lieux subordonnés sans in-
dépendance à une cité de l'empire, les lieux qui lui sont « attri-
bués » (1) ou qui sont « contribués » avec elle (2). Il n'y a pas
(i) Cette expression est indubitablement technique. César, B. G. 7, 76 : Ipsi
(au roi des Atrebates Commius) Morinos attribuerai. B. G. 1, 9 : (Boios) Hœ-
duis attribuerai. Les Hseduens concédèrent des terres aux Boiens (B. G. 1, 28)
et ceux-ci leur durent par suite une redevance (B. G. 7, 10 : Stipendariis
Hœduorum). Décret de Claude de Tan 46 (C /. L. V, 5050: Quod ad condi-
cionem Anaunorum et Tulliassium et Sindunorum pertinet, quorum partent de-
lator adtributam Tridentinis, partem ne adtributam quidem arguisse dicitur,
tametsi animadverto non nimium firmam id genus hominum habere civitatis
Romanae originem, tamen.... patior eos in eo jure, in quo esse se existima-
verunt, permanere benificio meo. Pline, 3, 4, 37 : (Oppida) XXI1U Nemausensi-
bus attributa. c. 20, 134 : Latinijuris Euganese gentes,quarum oppida XXXIIII
enumerat Cato : ex his Trumplini venalis cum agris suis populus (cf. C. I. L.
V, p. 515), dein Camunni (cf. op. cit. p. 519) compluresque similes finitimis
attribidi municipiis (Brixia, Bergomum). c. 20, 138, après Ténumération
des peuples indiqués sur le trophée des Alpes d'Auguste : Non sunt adjectse
Cottianse civitates, quae non fuerunt hostiles, item attributse municipiis lege
Pompeia. D'après le décret de Tergeste (C. I. L. V, 532), Antonin le Pieux
accorda à la ville uti Carni Catalique attributi a divo Augusto rei publicae
nostrae.... per sedilitatis gradum in curiam nostram admitterentur ac per hoc
civitatem Romanam apiscerentur. — Strabon (p. 414, notel) emploie le terme
général qui désigne les sujets Û7rrjxoot, même pour les attribués.
(2) César, B. c. 1, 60 : Oscenses et Calagurritani, qui erant cum Oscensibus
contributi, mittunt.... legatos. Statut communal de Genetiva, c. 103: Colonos in-
colas contributosque (selon la correction de Huschke : Ja table : Incolasque con-
tribuas) quocumque tempore colonise finium tuendorum causa [(Ilvirum) arma-
DénomiQation.
408 DROIT PUBLIC ROMAIN.
de dénomination de lieu qui exprime nettement ce rapport ju-
ridique; et c'est pour une bonne raison ; car un tel lieu n'est
ni un État ni une circonscription. Par suite le nom de civitas (1)
et ses synonymes ne s'y appliquent pas exactement, ni encore
moins pagus et les autres expressions appartenant au môme
cercle (2). On recourt à des termes tels que cas te Hum, qui dési-
gne un établissement défendu par des murailles comme Yurbs,
mais plus petit et sans caractère urbain (3), et à d'autres mots
dépourvus de signification politique (4).
Définition. Tandis qu'on ne peut établir l'existence de localités attri-
buées à aucune cité sujette (5), nous en trouvons auprès de
villes latines (6) et en général de villes autonomes (7) et même
au moins depuis César auprès de cités de citoyens romains (8).
tos educere censuerint. Pline, 3, 3, 18 : Civitates provincia (Hispanise citerions)
prœter contributas aliis CCXCIIl continet. § 20 : Colonia Ilici... in eam contri-
buuntur lcositani... 4, 22, 117 : Contributa sunt in eam (la colonie de Norba)
Castra Servilia, Castra Cxcilia. Mais contribuere désigne en général le pas-
sage dans un autre cercle ; ainsi dans Golumelle, 3, 3, 2 : In Gallico (agro)
gui nunc Piceno contribuitur, et dans Pline, 3, 11, 99 : Contributa eo (avec la
ville grecque de Tarente) maritima colonia quœ ibi faerat. 14, 6, 62 : Urbanam
coloniam Sullanam nuper Capuse contributam, sans que, comme dans attri-
buere, cela implique la subsistance après le passage.
(1) Pline, 3, 3, 18. c. 20, 138. Civitas paraît être aussi employé de cette fa-
çon dans des inscriptions (C. I. L. V, p. 1195).
(2) La différence absolue des divisions agraires du territoire civil (VI, 1,
p. 130 et ss.) et des localités attribuées se montre même dans la terminologie ;
néanmoins leur identification est une chose traditionnelle.
(3) Castellum dans le décret de Genua et dans Frontin (p. 411, note 2); les
castellani Vervasses du val di Non {C. L L. V, 5059) rentrent aussi dans cet
ordre d'idées.
(4) Conciliabulum dans Frontin, loc. cit., à côté de castellum ; gens : Pline,
3, 20, 134, et Tarife, Hist. 3, 34; oppidum : Pline, 3, 4, 31. c. 20, 134. La xwjxyi
de Strabon appartient aussi à ceci ; car il ne lie à ce mot aucune idée politi-
que (VI, 1, p. 135, note 5).
(5) La sujétion romaine ayant la forme d'une pseudo-autonomie, ce régime
aurait pu leur être étendu. Et c'est peut-être par hasard que nous n'en avons
pas d'exemple. Lorsque Pompée organisa le Pont selon le type urbain, il eût
été naturel d'employer là la forme de l'attribution (p. 355, note 2); et les
Romains se sont trouvés bien des fois dans la même situation.
(6) Selon Pline, 3, 20, 138 (note 1), la loi qui donna la latinité aux villes
de la Gaule cisalpine partagea entre elles une certaine quantité de peu-
ples montagnards. D'autres exemples plus loin.
(7) Genua en donne un exemple (p. 409, note 1).
(8) Les attributions faites aux villes de la Gaule cisalpine lorsqu'elles
LES LIEUX ATTRIBUÉS. 409
Cette forme a été spécialement employée pour faire rentrer
dans la constitution urbaine de l'empire les petits districts im-
propres à l'organisation en villes; ainsi en particulier, dans l'or-
ganisation du territoire cisalpin selon le type italique, les peu-
ples montagnards furent placés de cette façon sous l'autorité
des différentes cités urbaines, soit dès le temps de la Républi-
que (i), soit sous Auguste (2). La cité qui n'est pas organi-
sée selon le système urbain, qui peut être sous la domination
directe de Rome comme cité autonome (p. 313, note 1) ou sujette
(p. 356 tt ss.), se présente ici à nous dans son organisation en
village, mise dans un rapport de subordination indirecte par
son attribution à une ville dépendant de Rome.
La localité attribuée est, quant à sa situation juridique, une indépendant
cité, en ce que l'on en dépend, comme on fait partie de tout
autre peuple, à titre durable et héréditaire, indépendamment
de la résidence ; elle est aussi une cité en ce que ses membres
ne sont ni des citoyens ni des habitants de la cité dominante,
mais ont leur statut personnel propre existant en lui-même.
Ainsi les membres de la colonie de Genetiva, en laissant de
côté les habitants qui ont ailleurs leur droit d'origine (incolas)
se divisent en cives et en contributi (p. 407, note 2), et Pline re-
reçurent la latinité leur sont restées même après qu'elles eurent reçu le droit
de cité en 705. Les attributions faites à Brixia, à Bergomum, à Tridentum, à
Tergesle, dans le territoire cisalpin, à Genetiva, à Norba, à Ilici, en Espa-
gne, en sont d'autres exemples.
(1) La plus ancienne application qui nous soit connue de ce système est
sans doute celle indiquée par Tacite, Hist. 3, 34, relativement à la colonie
latine de Crémone fondée en 536 : Adnexu conubiisque gentium adolevit flo-
ruïtque. Ensuite vient la sentence arbitrale de l'an 638 de Borne (C. I. L.
I;n. 199 = V, 7749), prononcée par les patrons romains de la ville de Genua
alors fédérée dans un litige relatif au droit à certaines terres survenu entre
elle et l'une de ses localités attribuées, les Castellani Langenses Vituri (actuel-
lement Langasco), où sont également cités incidemment quatre autres vil-
lages placées dans la même relation avec Genua (Odiates, Dectunines, Cavatu.
rines, Mentovines). Il a été appliqué avec une plus grande étendue lors de
l'organisation de la Gaule cisalpine en 665.
(2) Auguste a placé, sans doute à la suite de la soumission des peuples
des Alpes, les Garni et les Gatali sous l'autorité de Tergeste, les Trumplini
et les Camunni que le trophée désigne en même temps, sous celle de Brixia
ou de Bergomum.
410 DROIT PUBLIC ROMAIN.
marque, dans le compte des^cités espagnoles, que les cités
contribuées n'y sont pas comprises (loc. cit.), ce qui implique
chez elle une certaine indépendance et une certaine similitude
avec les cités qui sont comptées. Le statut personnel n'est pas
le même que dans la cité dominante, et il est inférieur (1); les
lieux attribués à une cité de citoyens romains ont fréquemment
le droit latin (2), ou sinon le droit pérégrin (3), et, si une
localité de cette catégorie parvient au droit de cité romaine,
elle sort en même temps de cette condition; elle est constituée
en cité propre de citoyens (4), ou bien son peuple se confond
dans celui de la cité qui la dominait antérieurement (5). C'est
exactement la même relation que nous voyons exister, dans la
Rome la plus ancienne, entre patriciens et plébéiens, un double
droit de cité dans le même État (6) : toute la différence est
que les plébéiens de la cité romaine nous apparaissent comme
une unité, tandis que les attribués des Genuates se divisent en-
tre un certain nombre de localités. Pour les attribués, la loca-
(1) Le fait que Nemausns, elle-même de droit latin (Pline, 3, 4, 36), com-
mandait à vingt-quatre localités également latines (p. 407, note 1 ; p. 414, note
1) n'est pas une objection; car le droit latin n'est qu'une expression abréviative
par laquelle on désigne un certain nombre de statuts municipaux plus ou
moins concordants. Les lieux attribués à Nemausus étaient de pire con-
dition que Nemausus même, montre leur défaut de magistratures propres.
(2) Gela est dit expressément des Trumplini et Gamunni placés sous
l'autorité de Brixia ou Bergomum (p. 407, note 1) et des vingt-quatre loca-
lités de Nemausus (p. 414, note 1).
(3) Le droit accordé par Antonin le Pieux aux Garni et aux Catali d'être
candidats aux magistratures de Tergeste étant absolument pareil à celui des
localités de Nemausus, il leur a évidemment accordé précisément le droit
latin; par conséquent, ils avaient été attribués par Auguste à Tergeste
comme sujets de droit pérégrin.
(4) Il en est ainsi de Galagurris, ville qui, contribuée avec Osca du temps
de César (p. 407, note 2), est cependant sans doute la Galagurris Nassica
citée par Pline, 3, 3, 24, comme cité de citoyens romains; probablement aussi
des Gamunni (p. 412, note 2).
(5) Il en est ainsi des Anauni et autres : Genus hominum, écrit l'empereur
Claude, ita permixtum cum Tridentinis, ut diduci ab is sine gravi splendi[di]
municipi injuria non possit.
(6) Par là est tirée la ligne de démarcation juridique entre la localité at-
tribuée et la simple possession située hors du territoire : les Athéniens de
Délos ne sont pas différents, quant au droit de cité, de ceux qui habitent dans
FAttique ; mais les Langenses ne sont pas citoyens de Genua.
LES LIEUX ATTRIBUÉS. 4H
lité attribuée joue légalement le rôle de cité d'origine (1); elle
a son territoire propre sur lequel elle statue comme la cité
dominante sur le sien et qui est susceptible de propriété com-
plète selon le droit de la ville dominante; mais, la localité n'é-
tant pas regardée comme un populus, ce territoire est désigné
comme un ager privatus (2).
La localité attribuée ne possède pas de droits de souverai- Absence
x des droits
neté. C'est par là surtout qu'elle se distingue de la cité cliente, de souveraineté.
mise avec son chef-lieu dans une relation qui, avons-nous vu
(p. 295) n'est admise dans le sein de l'État romain qu'avec
Rome même. En particulier, la localité attribuée n'a ni juri-
diction ni magistrats propres ; non seulement on ne trouve
(1) Parmi les indications de patrie qui se trouvent sur Jles inscriptions
militaires, trois nomment des lieux attribués : l'inscription d'Aquileia (C. 7.
L., V, 926) :... [legionis s]eptumx gem. dom. Sestestatio{ne) ; car Sextantio peut
être considéré avec une certitude suffisante comme un des vingt-quatre lieux de
Nemausus (p. 414, note 1) ; celle de Chàlons-sur-Saône {Hermès, 19, 71) : Albanus
Excingi f. eques ala Asturum natione JJbius ; car la forme de nom pérégrine,
inouïe dans les autres inscriptions d'habitants de Cologne, et la désignation
des Ubii au lieu de l'expression ordinaire Claudia Ara suggèrent cette idée ;
enfin une inscription du temps d'Auguste récemment découverte dans le voi-
sinage d'Œscus, en Mésie inférieure (Arch. Mitth. aus Œsterreich, 10, 504) :
L. Plinius Sex. f. Fab. clomo Trumplia mil. leg. XX, où l'on emploie la forme
de désignation de la patrie urbaine pour ce Trumplinus parce qu'il sert par
exception dans les légions; la tribu est la tribu Fabia, qui est celle des
Brixiani auxquels la localité était attribuée. Mais les soldats de nom ro-
main qui servent dans les divisions de non-citoyens et qui indiquent des
colonies comme leur patrie, ne peuvent pas être rattachés à des lieux attri-
bués, mais à des colonies de droit latin {Hermès, 16, 472. 19, 69).
(2) Les localités attribuées avaient un territoire tout comme celles dont
elles dépendaient : cela n'a pas besoin de preuve ; celui des Camunni, par
exemple, devient plus tard territoire de ville. C'est aussi ce que veut dire
Frontin, Grom. p. 35, quand il appelle le sol en Italie aut colonicus aut muni-
cipalis aut alicujus castelli aut conciliabuli aut saltus privati. La sentence ar-
bitrale de Genua donne même une termination précise sous le titre de Lan-
gatium fineis agri privati et la fait précéder par les mots : Qua ager privatus
casteli Veturiorum (= Langatium) est, quem agrum eos vendere heredemque
sequi licet, is ager vectigal{is) nei siet. Naturellement Y ager privatus casteli
n'est pas le sol tombé fortuitement sous la propriété des divers castellani,
qui est comme collectivité impropre à une termination durable ; il doit être
entendu comme Yager publicus populi Romani, ce sont les terres soumises au
statut local de ce cas te llum, qui sont possédées par la totalité des castellani,
ou transformées par eux en propriété privée.
412 DROIT PUBLIC ROMAIN.
jamais la mention de tels magistrats (1); mais, leur absence
est indiquée par le fait que, lorsque le droit latin est ac-
cordé à la localité attribuée, ses membres, pour pouvoir
user du mode d'acquisition de la cité romaine lié à ce droit,
sont admis à briguer les magistratures dans la cité domi-
nante (2). La justice ne peut avoir été rendue que par les
magistrats de la ville suzeraine. En général, les autorités qui
administraient la justice dans la ville peuvent avoir suffi à cet
office ; dans les grands territoires, il y avait,pour les représen-
ter, des prœfecli jure dicundo (3). Le cens ne peut également
avoir été fait que paries magistrats de la cité dominante;
mais, si cette cité était une cité de citoyens romains et si sun
cens était par suite une portion du cens général des citoyens,
il ne s'étendait pas aux membres de la cité attribuée et leurs
listes n'étaient pas envoyées aux censeurs de Rome (4). Dans
le litige entre Genua et ses villages, ce sont les autorités de
Genua qui statuent (5), tout comme les autorités de Rome
dans les différends existant entre elle et ses cités sujettes. Au
reste, la localité attribuée a, en pareil cas, le droit de recours
au sénat romain et plus tard à l'empereur (6).
(1) Le princeps TrumplinorumJC . 1. L. V, 4910, ne fait que le confirmer. Les
centonari Ugernenses (C. I. L. XII, 2824) ne font pas non plus obj action.
(2) Il en est ainsi des localités de Nemausus (p. 414, note 1) et de Ter-
geste (p. 407, note 1). J'ai admis le contraire relativement aux Gamunni
(C. 1. L. Y, p. 519); mais leurs duoviri jure dicundo doivent plutôt apparte-
nir à l'époque postérieure de leur indépendance.
(3) Inscription de Formiœ du commencement de l'époque d'Auguste,
C. /. L. X, 6104 : Carthag(ine) sed(ilis), prse(fectus) jiure) d(icundo) vectig(ali-
busque) quinq(uennalibus ?) locand(is) in castell(is) LXXXIIL Les prétendues
colonies dépendantes de Cirta, Rusicade, Chullu et Mileu, ont probablement
été à l'origine des préfectures de cette espèce (Hermès, 1, 62). C'est sans doute
aussi à elles que se rapporte Siculus Flaccus, p. 160 : Prœfecturae appellan-
tur... ex eo quod in diversis regionibus magistratus coloniarum juris dictionem
mittere soliti sunt.
(4) La restriction du cens municipal italique dans la loi de César, ligne
142, aux municipes quei cives Romanei erunt ne peut être rapportée qu'aux
lieux attribués. Il est moins certain qu'on puisse en conclure que leurs mem-
bres aient la qualité de municipes de la cité dominante.
(5) La sentence arbitrale des patrons invite les Genuates à mettre en li-
berté dans les six mois les habitants des villages condamnés et gardés en
prison ob injourias.
(6) P. 338, note 1. La sentence arbitrale des Genuates rendue par leurs
LES LIEUX ATTRIBUÉS. 413
Relativement au service militaire, tout ce que nous savons Service militaire.
pour l'époque ancienne, c'est que, comme l'indique le statut de
Genetiva (p. 407 note 2), les magistrats urbains peuvent ap-
peler ces sujets sous les armes comme les citoyens. On ne sait
pas s'ils sont compris dans le contingent fourni du temps de
la République. La conscription d'Auguste, qui s'adresse aux
personnes et non aux communes, s'est nécessairement étendue
aux attribués (1).
Quant à l'obligation au paiement de redevances, les villages obligation
de Genua étaient, d'après le plus ancien de nos documents,
en face de Genua exactement dans la même situation que les
cités latines en face de Rome (p. 3 11): ils étaient libres de la taxe
foncière quant à leur pseudo-territoire; mais il leur était remis
en possession et en jouissance, soit en vertu d'une libre déci-
sion de la cité suzeraine, soit sous l'influence de Rome, certaines
parcelles des terres communes de Genua, pour lesquelles le
village devait payer au trésor de la ville de Genua une taxe
foncière, soit en argent, soit en une fraction des fruits (2).
La disposition de ce sol appartient au village; seulement il ne
peut le donner à cultiver qu'à un membre du village ou à un
citoyen de Genua, et le détenteur a de son côté une rente fon-
cière à payer au village (3). Les villages apparaissent déjà là
patrons commis par le sénat finit en disant que, s'il renaît des difficultés
entre les parties, elles pourront s'adresser à eux de nouveau.
(1) Gf. p. 411, note 1. C'est encore établi par la cohors Trumplinorum
(C. 1. L. V, 4910), et en outre par le soldat de la 21e légion M. Gurisius Sabi-
nus, C. I. L. V, 5033, qui appartient certainement à une localité dépendant
de Tridentum (cf. Hermès, 4, 116).
(2) La redevance annuelle s'élève à 400 victoriats (=300 deniers = 250 fr.)
ou, en cas de non-paiement, au vingtième des céréales et aujsixième du vin.
(3) La sentence arbitrale commence par confirmer la possession de fait,
telle qu'elle existait au 1er sextilis de l'année en cours ; le droit de dispo-
sition du village entre en vigueur pour les fractions qui étaient alors libres
ou qui le seraient devenues depuis. La façon dont dispose le village, soit en
attribuant la possession à titre durable moyennant le paiement régulier de
la redevance foncière, soit en l'attribuant à temps, soit encore par exemple
en faisant de la terre une pâture publique, dépend de sa fantaisie: seule-
ment, dans le dernier cas, les règles générales établies pour les pâtures publi-
ques situées dans le territoire de Genua s'appliquent, et les Genuates sont
notamment admis à en jouir à côté des membres du village.
414 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dans une certaine mesure comme tenus au tribut envers la
ville de Genua; mais cette organisation a été plus tard généra-
lisée et le droit des sujets romains étendu à ces subordonnés
des sujets : il en est ainsi par exemple pour Nemausus (1).
Le droit de s'administrer eux-mêmes et les organes qu'il exige
ne peuvent donc pas avoir fait complètement défaut à ces vil-
lages : ils reçoivent de la cité suzeraine des fonds de terre en
jouissance, les attribuent à leur gré et soutiennent même des
procès avec cette cité (2). Il est aussi expressément reconnu
que l'assemblée des membres du village statue par des déci-
sions prises à la majorité (3). Mais nous ne savons qui préside
la réunion, ni qui exécute ses décisions; le village n'a pas de
magistrats propres. Les institutions religieuses ne leur ont cer-
tainement pas fait défaut; cependant il n'est question nulle
part de temples ni de prêtres leur appartenant.
Droit privé. En droit privé, les membres des localités attribuées ont pro-
bablement le commercium avec ceux du chef-lieu (4); il est
difficile qu'ils aient eu le conubium en règle générale (o); ici
(1) Strabon, 4, 1, 12, p. 186 : NefjLaya-oç.... v-rcïixoou; ïyei xcojxaç Terrapaç xal
eixoai xtov ô^osôvâiv e-javSpîa S-.açcpoûcraç, a-uvTcXo'Jaaç elç a-jxrjv, è'/ouc-aç (les
Mss ) xoù io xa),ou[X£vov Aâriov, mots xoùç àHia)6évTaç àyopavo^ta; xai xafjuei'aç
èv Netiaucrw TwjjLaio-jç vtizç'/zw . On peut rapporter à cela avec vraisem-
blance la liste trouvée à Nîmes de onze noms de lieux parmi lesquels Uger-
num, Sextantio et Ucetia sont connus par d'autres témoignages (C. I. L. XII,
3362 ; cf. Hirschfeld, même ouvrage, p. 346). Jjesvectigalia de quatre-vingt-
trois villages du territoire de Garthage, qui sont, semble-t-il, affermés de
cinq ans en cinq ans (p. 412, note 3), sont probablement des dîmes du sol.
Le Trumplinus immunis Cœsaris (C. I. L. V, 4910) appartient sans doute au
même ordre de faits.
(2) En dehors du litige entre la ville de Genua et les Castellani Langenses
c'est certainement encore le cas de celui entre la ville de Comum et les Ber-
galei (Val Pregaglia près de Chiavenna) cité dans le décret de Tridentum
(p, 407, note 1).
(3) La possession est concédée de majore parte (plutôt majoris partis)
Langensium Viturium sententla.
(k) Dans la sentence arbitrale de Genua, le même droit de possession est
accordé avec une telle constance aux Langenses et aux Genuates sur les
terres publiques genuates concédées aux Langenses qu'on ne peut douter de
leur assimilation quant à Yager privatus. Il est aussi incroyable que le ter-
ritoire des Camunni par exemple ait été exclu du droit foncier italique
alors que ce droit était accordé même à quelques peuples voisins non-ita-
liques.
(5) C'est dans la logique juridique; et ce que dit Tacite de Gremona
LES LIEUX ATTRIBUÉS. 413
aussi le rapport doit avoir été le môme qu'entre patriciens et
plébéiens.
Les cités de sujets romains cédées au point de vue financier camion
des rf*fl6Vcinc6s
à une ville fédérée, dont il a déjà été question dans la théorie des sujets à une
ville autonome.
des Alliés (p. 695, note 2), ne sont pas, au sens propre, de même
nature.Mais cependant nous devons les mentionner ici. Les cités
sujettes romaines, qui, sans préjudice de leur conditions, ont
déléguées avec leurs prestations à des villes alliées, se rappro-
chent plus des localités attribuées que les portions de terrain
qui sont directement données à des villes libres en dehors de
leur territoire et auxquelles manque la faible quantité d'indé-
pendance accordée aux localités données. Celât s'est produit
d'après des témoignages certains, pour les villes et les îles con-
cédées par Sulla aux Rhodiens (1) et pour les territoires don-
nés par lui à la ville de Stratonikeia(2). Les droits productifs
appartenant aux Romains par rapporta ces lieux, en particulier
les taxes basées sur la propriété du sol, qu'elles consistassent en
(p. 409, note 1) peut aussi bien et même mieux être entendu de cette façon que
d'une autre.
(1) Gicéron, Ad Q. fr. 1, 1, 11, 33: Non esse leniores in exigendis vectiga-
libus Grœcos quam nostros publicanos hinc intellegi pofest, quod Caunii nuper
omnesque ex insulis, quœ erant ab Sulla Rhodiis attributœ (cf. Appien, Mithr.
61), confugerunt ad senatum, nobis ut potins vectigal quam Rhodiis pender en t.
Strabon, 14, 2, 3, p. 652. Gicéron, Brut. 90, 312.
(2) Dans le sénatus-consulte rendu en faveur de la ville libre de Stra-
tonikeia, qui est du temps de Sulla (Bull, de Corr. hell. 9, 437), il y a, dans
la proposition, ligne 46 et ss. : Qzprpcrov, KspatJiov, -/topea [zwjxa: Xtpivac te
y.ai KpocôSouç] rcoXeiov, wv Aeuxioç Kopv[r,Xioç 5-jXXa;.... upoa-coptaev a"JV£^copr,a-£v
otmz r]a-jra aùtoï; e-/etv §Ç[ffl, et corrélativement dans le dispositif, ligne 86
et ss. "A; xi ttvaç.... [Aeuxioç 2vX]Xaç.... [avxjoïç Tipoa-copca-ev auv£-/wpr,o-ev ,
•jttoXiTecaçTCpoCToSo'jç y.w]pia -/.tôjj.aç Xijiivaç te, touto[iç ?va Ta-jra ïyv.v s;r(], en
outre, ligne 94 : ["OtiwJ; tô Aeâxtoç Kopv^Xt[oç SuX]Xaç.... oixtàxtop.... a; aùxbç
aÙTOxpctTwp ETpaTOVixeOfftv itoXijretac y.]to[j!.aç -/copaç Xtjiéva; tô upoo-copiasv, èTityvâS
SiataÇin, [uaaç Ixaarif)] rcpoor68ouc SrpaTovtxeOa-tv teX^ oaov Sa SiaraÇr}, Tipoç rauxaç
tàç icoXtTetaç, àç Sr^faTOvixewffiv] «po<rwpi<rev, YpaixjxaTa àrcoarsiX?], Tva too-otjtov
t[éXoç] SrpaTovixsOatv réXtoariv. Il faut entendre dans le même sens Pausanias
citani des villes de Laconie (rjvTsXouaaç èç SuàpTY)v xai oùx aÙTOv6(xou;
(3 ,21, 7 ; cf. 4, 30, 1).
416 DROIT PUBLIC ROMAIN.
une somme fixe ou en une quote-part des fruits, les droits de
douanes et les autres droits de même espèce passaient par là à
la ville fédérée, tandis qu'au point de vue politique l'adminis-
tration restait, après comme avant, partie aux autorités loca-
les et partie aux magistrats romains (1).
(1) Les Gaunii étaient soumis à la juridiction du gouverneur d'Asie,
montre la lettre de Gicéron, Ad fam. 13, 56, 3. C'est aussi pour cela que
Dion Chrysostome dit, Rhod. p. 349 M. : (Kauvioc) ôouXsuo'ja-i où/ ùfiïv
(xovocç, àX)>à xoù cPcù[xa:oi,', 81 ' 'jtcspPoXyjv àvotaç xai (xo-/6r,p!aç 8ntXr,v aÛTOÏ; rr|V
SouXecav xaTaaxe'jào-avTec.
LE DROIT MUNICIPAL ET SES RAPPORTS AVEC L'ETAT.
(SfR lll,» 773-2*3)
L'organisation municipale de l'État romain n'est pas une Lariiie
° * dans l'Etat
portion intégrante du droit public, et il n'y a pas à l'y expli-
quer (l). Mais cependant nous ne pouvons omettre d'étudier la
situation occupée par la cité municipale en face de l'État, de
caractériser l'action que l'État exerce par l'intermédiaire des
villes. Le développement du municipium dans le sein àupopu-
lus, ou, ce qui n'est qu'une autre expression de la même idée,
le développement de la ville en face de l'État, constitue l'essence
de l'histoire de Rome, et l'organisation municipale a été la
forme finale donnée à l'autonomie dépendante, la libération de
cette institution de sa double imperfection : la prédominance
d'une ville sur beaucoup d'autres et la souveraineté contradic-
toire d'États clients. De môme que la République fut conduite
finalement, par une nécessité logique, à substituer à la ligue
des villes italiques la Borna communis patria, le Principat
finit par transformer toutes les cités provinciales, d'abord en
villes en forme, puis en villes de citoyens.. Les résultats de
cette évolution, conservés dans les recueils juridiques, ont,
spécialement par l'intermédiaire de ces recueils, exercé une in-
fluence puissante et souvent bienfaisante sur le développement
(1) V. tome I, la partie préliminaire, sur les magistrats municipaux.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2e p. 27
418 DROIT PUBLIC ROMAIS.
de l'Etat et de la commune, qui est la base de notre civilisation .
Naturellement, puisque nous ne devons pas ici faire l'analyse
de l'organisation municipale, notre exposition se bornera aux
grandes lignes.
Nous devons d'abord étudier l'origine de la ville dans l'État
et la relatiou qui existe entre le fait d'appartenir à l'État et celui
d'appartenir à un lieu, en particulier la relation qui existe entre
la tribu de l'État et le lieu auquel on appartient, puis en outre
la terminologie employée pour exprimer l'idée de ville, qui est
étroitement liée avec l'origine même de la ville. Ensuite nous
chercherons avec quelle étendue l'autonomie de l'État a été
transportée à la ville, jusqu'à quelle mesure la ville possède un
territoire propre, un droit propre, les pouvoirs souverains en
matière militaire et judiciaire, a son indépendance financière,
ses poids et mesures et ses monnaies propres, en un mot jus-
qu'à quel point la ville, issue de la cité autonome, a continué,
après l'absorption de cette cité dans l'État, à participer à la
souveraineté. Du reste, nous ne nous occuperons jamais de l'or-
ganisation municipale en elle-même, mais seulement de la po-
sition du municipe dans l'État et par rapport à l'État.
unité primitive Le droit municipal est étranger à la constitution la plus an-
cienne. Le populus de Rome étant lui-même une commune, il
ne peut ni en logique ni en fait contenir dans son sein d'autres
communes. Les quartiers de la ville, les circonscriptions ru-
rales (pagï) du territoire peuvent bien se constituer en commu-
nautés religieuses analogues à nos paroisses et, comme toutes
les communautés, s'organiser plus ou moins sur le modèle de
l'État (1). Mais ils conservent en eux forcément le caractère de
fractions de l'État, et, par un résultat pratique, ils n'ont au-
cune de ses attributions. Les circonscriptions électorales for-
(1) Il faut remarquer la délimitation énergique faite entre la cité ur-
baine de Rome et les communautés extérieurement analogues. On ne con-
naît encore aucun cas où l'une des désignations techniques de la magis-
trature suprême se rencontre dans un vicus, un pagus ou un collegium ;
l'édilité elle-même s'y rencontre très rarement. Les exceptions provin-
ciales, qui se présentent sous l'Empire pour le décurionat, ne font que
confirmer la règle.
LE DROIT MUNICIPAL. 419
ment une communauté politique affectée à un but déterminé;
mais la nature et l'idée de fraction de l'État leur sont mainte-
nues encore plus énergiquement s'il est possible qu'aux circons-
criptions de la ville et des champs. L'extension des frontières
ne change légalement rien à ce régime. Les États qui survivent
dans les noms de terres et de personnes ne sont pas pour cela
moins supprimés légalement (1). Les besoins du commerce peu-
vent faire établir sur le territoire romain, en dehors delà ville,
des marchés (fora),des lieux de réunion iconciliabuld), ayant une
population stable; mais ces villages ne forment pas d'unité
juridique, et le fait d'y appartenir est un pur fait, qui ne fait
naitre aucun statut personnel et qui subsiste ou disparaît avec
la résidence elle-même.
C'est au cours du développement politique de Rome que Commencemenis
l'unité intime absolue du peuple a été brisée, que des delavllle-
collectivités plus étroites, limitées comme lui par l'existence
d'un statut personnel héréditaire, se sont développées, c'est-à-
dire que la cité — par laquelle nous entendrons toujours ici
la cité municipale — s'est développée en face de l'État. Quand
et comment cela s'est-il fait? La réponse à la question, en tant
qu'il peut en être donné une, n'est point simple ; car la dis-
tinction de la cité et de l'État peut également être faite au point
de vue du territoire et au point de vue des droits de souve-
raineté. Nous traiterons d'abord de la distinction relative au
territoire, qui est de beaucoup plus ancienne que l'autre, qui
est même, peut-on dire, aussi ancienne que Rome elle-même.
Le « port » de Rome, Ostie, est considéré par la tradition ro-
maine comme une création du quatrième roi. Il est probable- Le port.
(1) Les vieux cognomina patriciens locaux sont, pour partie, empruntés à
d'anciennes cités de cette espèce : ainsi les surnoms Camerinus des Sul-
picii, Medullinus des Furii, sans doute aussi Maluginensis des Cornelii et
certains autres pour lesquels le rapport local nous échappe; mais ils sont
mis absolument sur la même ligne que les surnoms Capitolinus, Aventinus,
Cseliomontanus, Sacraviensis, Vaticanus, et ils ne font que confirmer le fait
que ces localités ont légalement cessé d'exister; car le nom ethnique d'une
cité existante n'est jamais employé comme surnom patricien. Les Sulpicii
et les Furii peuvent parfaitement être entrés dans le patriciat romain lors
de la dissolution de ces anciennes cités, quoique naturellement la dénomi-
nation puisse aussi venir d'autres causes.
T rritorium.
420 DROIT PUBLIC ROMAIN.
ment aussi vieux que Rome, et il aura été appelé à l'existence,
avec la ville et comme elle, par la navigation du Tibre, il n'a
jamais été indépendant; mais il a toujours existé à côté de
Rome, comme le Pirée à côté d'Athènes. C'est la première des
colonies maritimes e! des colonies de citoyens, le modèle imité
dans la fondation de celle venues plus tard. Ces colonies sont
sans doute considérées comme des garnisons permanentes, ainsi
que le prouve l'exemption du service militaire accordée, pour
le service ordinaire, aux colons d'elles toutes et, sans restriction
aucune, aux colons des deux plus anciennes, d Ostie et d'Antium
(VI, l,p. 275). Mais pourtant, dès le principe, la colonie n'est pas
uniquement une garnison. Une étendue de terrain délimitée,
un tcrritorium a nécessairement été attribué déjà au premier
de ces établissements comme ensuite à tous les suivants. Par
exception au système de partage des champs entre les gentes
patriciennes, qui constituait le régime foncier de l'époque la
plus ancienne, il fut attribué, ainsi que nous l'avons déjà ex-
pliqué plus haut (VI, l,p. 25 et ss; p. 30), aux citoyens établis
à résidence fixe dans ce port, d'une part, à tous une fraction
du territoire, en possession commune, et, d'autre part, à cha-
cun, comme verger, comme heredium, deux arpents de terrain
en possession privée. Ces colonies étant, conformément à leur
but, établies dans une forme militaire et comprenant par suite
une ou plusieurs centuries de colons, les 200 jugera néces-
saires pour les vergers d'une centurie se rencontrent dé-
signés de ce nom comme mesure de superficie (VI, 1, p. 24,
propriété note 3). Tandis qu'ailleurs la possession collective s'est, dès les
de» colons, temps préhistoriques, effacée devant la propriété privée,
elle s'est maintenue relativement longtemps dans ces colonies,
et ce système a encore été mis en pratique en 425, lors de la
fondation de Tarracina, la troisième colonie de citoyens. Le but
dans lequel étaient établies ces colonies et l'exemption du ser-
vice qui s'y liait impliquaient le domicile forcé, dont on trouve
encore au moins des traces au temps de la guerre d'Hannibal
(VI, 1, p. 275, note 3), et qui est aussi facilement conciliable
avec la possession collective du territoire qu'il est incompatible
LE DltOI r MUNICIPAL. 421
avec la propriété foncière individuelle du droit privé récent.
— Le territoire accordé à Ja colonie de citoyens fournit donc le Patro»«tdis:mct
fondement de son existence distincte; cette existence distincte
est encore fortifiée par le changement de patronat qui se lie
à cette concession. Les colons étant pris, sans aucun doute dès
l'époque la plus reculée et par la suite toujours dans une plus
large mesure, parmi les plébéiens, ils étaient en général, avant
leur transplantation, sous le patronat des gentes âonl ils dépen-
daient; comme colons, ils entrent sous le patronat héréditaire
des magistrats qui ont fondé la colonie (1). — Leur existence Droit distinct
distincte a été garantie par un acte juré du peuple romain aux
colons d'Ostie, et, selon cet exemple, à ceux des autres colo-
nies (2). Cette assurance de l'irrévocabilité du rapport établi par
un serment du peuple, qui se rencontre fréquemment en droit
international, mais qui ne se présente guère ailleurs en face
de citoyens, marque la plus ancienne phase du développement
de la cité dans le sein de l'État.
Mais l'existence séparée, donnée par leur territoire propre ^bseDcededl"l?
* ' a i r de souveraine' c.
aux paysans installés sur lui, n'implique pas en leur faveur les
droits de souveraineté. Ostie s'est, selon toute apparence, trouvée
pendant des siècles dans cette situation, sans posséder aucun
droit de s'administrer elle même, ni môme de tribunaux pro-
pres. Il y a à Ostie, à l'époque récente, à côté de la magistrature,
plus tard accordée à toutes les cités de citoyens et qui ne fut
sûrement introduite à Ostie que tard, probablement après la
guerre des Marses, une autre magistrature visiblement plus
anciennetés préteurs et les édiles sac?*is Volkani faciwidis (3), Magistrature
c'est-à-dire que les Ostienses, dans le culte desquels Volcanus
(1) VI, 1, p. 72, note 1. En particulier, le statut de Genetiva a montré
que la colonie a ses fondateurs pou'- patrons nés, tout comme la cité dépen-
dante a pour patron celui dans les mains duquel elle a fait sa soumission,
tandis que les autres patrons viennent tous d'un choix (adoptio). Eph. ep. II,
p. 147.
(2) Ces conventions entre Ruine et les colonies de citoyens sont rédigées
par écrit (Tite-Live, 27, 38, 3), comme c'était depuis longtemps l'usage
dans les rapports internationaux. Naturellement cela n'empêche pas que
notamment celle d'Ostie n'ait pu être rédigée par écrit seulement plus tard.
(3) Rien ne montre mieux le caractère sacerdotal do ee> positions que
Commencement»
d'administration
422 DROIT PUBLIC ROMAIN.
jouait le même rôle que Jupiter à Rome(l), n'ont d'abord obtenu
de magistrature qu ad sacra, ou, peut-on dire encore, que leur
constitution est reconnue sous le rapport religieux (2), comme
celle d'Alba Longa a continué à l'être après la destruction de
la ville (3). Par conséquent, la plus ancienne des colonies de
citoyens n'a pas eu de droits politiques distincts jusqu'à une
époque relativement récente.
La genèse véritable de l'organisation municipale n'est pas
indépendante. dang i'existence distincte, mais dans l'indépendance adminis-
trative. Aussi se rattache-t-elle à la conservation partielle faite
par un Etat de sa souveraineté légalement supprimée à la suite
de sa fusion dans l'État romain. C'est même là le motif
pour lequel nous traitons du droit municipal à cette place ; il
n'est compréhensible que comme une modification de l'au-
tonomie. A la vérité, les voies qui ont conduit à ce but ont
été diverses. La cité autonome est devenue une colonie de
citoyens romains parla déduction d'habitants romains, ou bien
elle est parvenue sans déduction au droit de cité complet, ou bien
elle a passé du demi-droit de cité au droit de cité complet. Mais,
sous les formes les plus multiples, le processus consiste toujours
dans la conservation de certaines des conséquences de la souve-
l'enfant de quatre ans pr(œtor) pr(imus) sacr{orum) Volk(ani), CI. L. XIV,
306. Ce point est développé plus longuement, Eph. epigr. III, p. 326.
(1) Le prêtre le plus élevé d'Ostie est le pontifex Volcani et œdium sacra-
rum qui est, comme les pontifes de Rome, directement affecté au culte- du
dieu le plus élevé, mais en même temps à celui de tous les dieux (cf. tome III,
la théorie du Grand Pontificat, aux préliminaires, sur la représenta-
tion de tous les dieux par les pontifes).
(2) Il est impossible qu'Ostie ait d'abord eu des préteurs et des édiles
ayant la plénitude des droits, et qu'ils aient ensuite été maintenus ad sacra
après l'introduction du système duoviral; c'est d'autant plus impossible
que cette cité n'est guère dans un autre rapport avec Rome que le Palatin
avec l'Esquilin, qu'elle n'a pas eu d'histoire propre, et que la préture a été
et est restée, dans tout le Latium, l'autorité suprême. Cette institution
est évidemment un compromis entre l'inadmissibilité théorique de magis-
tratures distinctes dans une communauté de citoyens et la similitude de
fait d'Ostie et de Tibur ou Tusculum.
(3) Gela nous est rapporté d'Anagnia en l'an 448 (p. 186, note 8) ; mais
c'est là certainement l'application la plus récente plutôt que la plus an-
cienne d'une procédure qui a assurément été fréquente.
LE DROIT MUNICIPAL. 423
raineté qui est supprimée par l'entrée de la cité dans l'État
romain. L'autonomie dépendante dépouille, dans le droit mu-
nicipal qui en sort, son caractère hybride, tout en restant pour
le surplus de la même nature.
Une des plus anciennes et des plus remarquables formations Anlium
de cette espèce est la seconde des colonies de citoyens, fondée
d'ailleurs chronologiquement bien des siècles après Ostie, la
ville des Volsques Antium. Elle fut constituée, selon la tradi-
tion des annales, en l'an de Rome 416, partie par des colons
romains, partie par les habitants antérieurs admis dans le
corps des citoyens (1). D'une cité autonome ayant son histoire
propre qui n'avait pas été sans gloire, elle devint une localité
romaine, et cela d'abord, comme Ostie, semble-t-il, sans cons-
titution distincte ni magistrats propres. Mais elle reçut, dès l'an
437, des lois propres et des magistrats propres (2); et cette
relation, fondée sur un statut écrit, est, si cela peut être dit de
l'une quelconque des allégations relatives à cette époque,
digne de foi. C'est là le plus ancien témoignage qu'il y ait
pour l'existence de magistrats municipaux. Il est probable que
les colonies de citoyens fondées postérieurement ont toutes été
organisées sur ce modèle.
Les cités de demi-citoyens, que nous avons déjà étudiées, Dr°^ ^lsncts
conduisirent par une autre voie au même résultat. Leurs com- de derm-clt°yens
mencements sont, avons-nous vu (p. 184), à peu près contem-
porains de la colonisation d'Antium. Par le simple fait que
l'on déclarait les Cœrites citoyens romains, mais que l'on ex-
cluait leur territoire des tribus et qu'on leur refusait à eux-
mêmes l'éligibilité, Félectorat, et d'autres portions essentielles
du droit de cité complet, on leur donnait, dans l'intérieur du
peuple, une situation à part qui n'était pas moins durable et
héréditaire que le droit de cité complet, on les faisait appar-
(1) Tite-Live, 8, 14, 8 : Antium nova colonia (par opposition à celle plus
que problématique de 287, Tite-Live, 3, 1) missa cum eo, ut Antiatibus permit-
teretur, si et ipsi adscribi coloni vellent... et civitas data. Cf. C. I. L. X, p. 660.
(2) Tite-Live, 9, 20, 10 : Antiatibus... qui se sine legibus certis, sine magis-
tratibus agere rjuerpbantur, dati ab senatu ad jura statuenda ipsius colonix
patroni.
424 DROIT PUBLIC ROMAIN
tenir à un lieu, on violait la notion primitive du droit de cité.
Nous avons déjà expliqué (p. 198) qu'une partie de ces cités
ont eu des magistrats propres et une administration propre,
quoique sans préjudice des pouvoirs du bailli romain et au
dessous de lui.
commencements Lorsque plus tard ces cités de demi-citoyens ont obtenu le
des cités . « ! . , ,
de citoyens droit de suffrage, lorsque d'autres cités jusqu'alors autonomes
complets. o i j 1
ont obtenu immédiatement le droit de cité complet, l'indépen-
dance communale était probablement déjà trop développée
chez elles pour qu'on put, en changeant leur condition person-
nelle, retirer aux peuples admis au droit de suffrage romain ou
reçus dans l'union romaine les éléments de l'autonomie, leurs
magistrats propres, leur conseil communal propre et leurs
comices propres. Quelque limitée qu'ait pu être d'abord l'indé-
pendance admise pour les cercles séparés qui se constituaient
ainsi dans l'État, — point sur lequel nous reviendrons plus
loin, — ce qui importe ici ce n'est pas l'étendue, c'est l'existence
même d'une administration distincte.
influence du droit A l'origine, ce n'était que par exception que l'on appartenait
d6 cité local sur
ia tribu à une'localité particulière (1). Les cités de demi-citoyens étant au
personnelle. * x x 7 ^
sens propre en dehors du peuple et dépourvues de l'électorat et
de l'éligibilité en même temps que de la tribu, qui est le signe
du citoyen complet, cela ne se présentait, à l'origine, parmi
les citoyens complets, que pour les citoyens d'Ostie, et même
ensuite, pendant longtemps, que pour ceux de territoires isolés.
Le lieu auquel on appartenait restait sans aucun doute toujours
sans influence sur la tribu personnelle, lorsqu'elle se détermi-
naitd'après des règles fixes. Les affranchis et leurs enfants ap-
partenaient à la cité de leur patron (2) ; mais leur tribu per-
sonnelle se déterminait selon les prescriptions restrictives
établies à leur encontre (p. 25). Tant qu'il n'y eut en principe
(1) Kubitscheck, dont le travail attentif, De Romanarum tribuum origine
ac propagatione (Vienne, 1882), a éclairci ces faits sous beaucoup d'autres
rapports, n'a pas compris p. 126, leur côté juridique, en particulier la re-
lation de la tribus et de Yorigo.
(2) Ulpien, Dig. 50, 1, 1, pr. : Municipern aut nativitas facit mit manufnisêio
aut adoptio. Cod. Just. 10, 40 [39], 7.
LE DROIT MUNICIPAL. 425
que les propriétaires fonciers à voter dans les tribus rustiques,
le citoyen non- propriétaire, appartenant à une localité ne pou-
vait pas voter dans la tribu de sa localité, mais seulement dans
Tune des tribus urbaines. Mais, en dehors des règles générales
obligatoires pour le censeur, le lieu auquel on appartenait a
probablement influé de bonne heure sur la tribu personnelle.
On ne peut pas compter, parmi les preuves de cette influence,
le fait que, dans les lieux où un domicile forcé était lié à la qua-
lité de citoyen du lieu, le citoyen propriétaire du lieu était
nécessairement placé dans la tribu de son champ; car la tribu
personnelle est là toujours déterminée par la propriété foncière.
Mais les censeurs n'étaient pas obligés par la loi à ne tenir
compte que de cette propriété; en général, le choix de la tribu
dépend, en droit, de la volonté du censeur (1), et, en fait, il dé-
pend souvent de celle du citoyen lui-même. Or, depuis qu'il y
a eu un droit de cité local héréditaire, il doit avoir, à côté de la
propriété immobilière variable, déterminé la tribu personnelle.
Nous pouvons seulement conjecturer que les citoyens des
colonies, après la disparition du domicile forcé, étaient, s'ils le
voulaient et s'ils avaient des biens fonds, inscrits dans la tribu
de leur localité et non dans celle de leurs biens. Mais il est
certain qu'au vie siècle, c'était le lieu auquel on appartenait,
et non pas l'emplacement fortuit des biens, qui était, en vertu
d'une disposition légale, pris pour base de l'inscription dans
les tribus des membres des cités de demi-citoyens élevées à la
cité complète (2). La réunion stable des personnes apparte-
(1) V. tome IV. clans la théorie de la Censure, la section de la confection
des listes, sur la tribu individuelle après la guerre sociale.
(-2) VI, 1, p. 206. Lorsque ledroit de cité complet lut accordé, à ta place du
demi-droit de cité qu'ils avaient eu jusqu'alors, aux Fundani,aux Pormiani
et aux Arpinates, rogatio perlata est, ut in .Emiiia- tribu Formiani et Fundani,
in Cornelia Arpinates ferrent, atqae in his tribubus tum prima m ex Valerio
plebi scito ccnsi sunt (Tite-Live, 38, 30). On n'a pas le droit de conclure dé
là que tout individu ayant son droit d'origine à Arpinain put voter dans
la tribu Cornelia, même s'il ne satisfaisait pas aux conditions de capacité
requises pour appartenir à une tribu rustique selon le droit de l'empire.
mais seulement que l'Arpinate dont les propriétés foncières se trouvaient
ailleurs que dans la tribu Cornelia était cependant inscrit dans cette tribu.
426 DROIT PUBLIC ROMAIN.
nant au même lieu, qui résulta nécessairement de l'extension
contre nature du droit de cité de l'empire, doit ou bien avoir
trouvé son expression dans la loi, ou bien avoir déterminé les
censeurs à user de leur pouvoir arbitraire de former les sections
de vote de manière à faire voter ensemble les citoyens du
même lieu même dans les comices romains.
duTon^e^té A. mesure que les frontières se reculèrent, la cité locale se
ÎSSferteJlaiuhê développa de plus en plus. Alors que les citoyens de toutes les
cirresSoc'!aieg.uerre colonies et de toutes les cités entrées dans l'État en conservant
leur autonomie communale appartenaient à la fois à l'État et
à leur localité, les citoyens qui n'appartenaient qu'à l'État de-
vinrent probablement une "minorité, et ce qui avait été précé-
demment l'exception devint peu à peu la règle. A la fin, la cité
locale est liée d'une manière fixe au droit de cité de l'État, et il
n'y a plus en principe à être citoyens de l'État que ceux qui ap-
partiennent comme citoyens locaux à une cité de citoyens déter-
minée (1). Désormais le peuple romain est plutôt, légalement
une confédération de toutes les cités de citoyens, ou, selon la
formule des jurisconsultes romains, tout citoyen romain a, à
côté de la communis patria Roma (2), une patrie séparée, la
domus ou l' origo (3). Ce système existait dès le temps de Cicéron.
(1) Cicéron, Phil. 3, 6, 15 : Videte quam despiciamur omnes qui sumus ex
municipiis, id est omnes plane; quotus enim quisque nostrum (des sénateurs)
non est ?
(2) Modestin, Dig. 50. 1, 33: Roma communis nostra patria est, et 27, 1, 6,
i\ : Koivr,ç ou<ty|ç te xa\ vojj.isOiJ.svr,; TCarpcôo; ty|ç fiaa-iXeuouoT,;. Callis-
trate, Dig. 48, 22, 18, pr. Aristide, Laud. Rom. éd. Dind. p. 346 : "Ouep r,
uô).iç toTç auiTjÇ ôploi; xal ycôpaiç sort, toOÔ' rfiz f, T&kiç ttjç à*à<r»K o'rxov-
{jivr,ç, (o<77isp aï ttj? -/wpaç aar-j xoivôv à7roS£8eiy(j.£vy). Il résulte même de là
des conséquences juridiques : en tant que les prestations publiques peu-
vent être fournies à Rome (p. 433, note 3), l'obligé peut y satisfaire là
aussi bien que dans sa cité d'origine (Modestin, Dig. 27, 1, 6, 11). Au
surplus, cf. Savigny, System, 8, 55 et ss. = tr. fr. 8, 58 et ss.
(3) Domus et origo sont les deux expressions techniques pour désigner
la patrie romaine au sens étroit, tandis que civitas et patria s'emploient
également pour le cercle étroit et le cercle large. Domus, qui est fréquem-
ment employé par les Romains pour faire opposition à la capitale de l'em-
pire (par exemple, Cicéron, Verr. I. 1, 17, 45; Tite-Live, 8, 19, 4 : Vir non
domi solum, sed etiam Romse clarus) et qui notamment est appliqué dans
l'expression domum revocare (Dig. 5, 1, 2, 3, etc.) à l'exception déclinatoire
de compétence de l'individu appartenant à l'empire qui se trouve à Rome,
LE DROIT MUNICIPAL. 427
Il ne nous est rien rapporté sur l'introduction de cette réforme
également profonde en théorie et en pratique. Mais elle s'ac-
corde si bien avec la tendance de la guerre sociale, et elle est si
indispensable pour l'application de ses conséquences connues
qu'elle peut lui être rattachée en toute sécurité. Nous ne pou-
vons omettre ici de comparer l'ancien droit des choses et des per-
sonnes avec le régime juridique plus tard en vigueur sous les
deux rapports, afin d'acquérir un aperçu de la manière dont la
cité locale s'est intercalée dans l'organisation romaine, et en
particulier du rapport de cette cité locale avec la tribu.
Le droit du sol, ou, selon l'expression romaine, la tribu du
sol exclut, Lprès comme avant, Yagèr publiais populi Romani
(VI, i, p. 186), duquel du reste les fonds de terre appartenant
aux diverses cités de citoyens ne font pas partie : car ces
fonds sont aussi bien en propriété privée que le sol assigné à des
particuliers (1). Néanmoins il ne reste guère en Italie, après la
guerre sociale, d'autre grand espace de terrain en dehors de la
propriété quiritaire que l'ancien territoire de Capua (2); et i
entra lui même dans l'union municipale dès avant la fin de la
est placé, comme exposant, devant l'indication de la ville d'origine, dans les
listes de soldats du temps de l'Empire (Hermès, 19, p. 25, rapproché de
p. 28, note 3). — Les jurisconsultes, en dehors de la formule revocare do-
mum, désignent en général la patrie par opposition à Rome par le mot origo,
qui ne s'applique pas qu'à la ville et qui exprime l'idée juridique générale.
Parfois l'État et le lieu auquel on appartient sont indiqués l'un à côté de
l'autre, ainsi dans l'inscription d'Heddernhein (Brambach, C. I. Rh. 1444)
de deux frères c(ives) R(omani) et Taunenses ex origine patris. — Dans l'inscrip-
tion de 244, C. I. L. VI, 793, les noms des soldats sont indiqués cum tribu-
[bu]s et patriis. — Sur l'emploi de civis dans la désignation de la ville patrie,
cf. Hermès, 19, 25 et ss.
(1) Ulpien, Dig. 50, 16, 15 : Bona civitatis abusive publica dicta sunt ; sola
enim ea publica sunt q use populi Romani sunt. Inscription de Pompéi, C. I. L.
X, 787. C'est pourquoi commuais est toujours employé pour la propriété
communale aussi bien par Varron (5, 21) et Gicéron (Ad fam. 13, 11, 1 ; cf.
tome IV, la théorie de la Censure, à la section des Ultro tribut a, sur les
marchés relatifs à l'entretien des propriétés publiques) que constamment
dans le statut de Malaca (p. 247).
(2) C'est là sans doute aussi la cause pour laquelle les prœfecti Capuata
Cumas survécurent à la guerre sociale (cf. tome IV, la théorie des Vigin-
t'isexvirij sur ces préfets). Mais, puisqu'ils ne disparurent pas à la fonda-
tion de la colonie de Capua et que ce fut seulement Auguste qui les sup-
prima, ils ont forcément subsisté un certain temps in partibus.
428 DROIT PUBLIC ROMAIN.
République. Lorsque ensuite Domitien eut fait place nette des
subsiciva des grands territoires assignés en bloc, il ne resta
sous la propriété de l'Etat en Italie, en dehors des routes et des
choses de même nature, que de rares pièces de terres laissées
hors des territoires, notamment dans les montagnes ; celles
d'entre elles qui passèrent ensuite en propriété privée ne sem-
blent avoir été attribuées à aucune cité déterminée (1). Le
territoire provincial resta au contraire sous la propriété pu-
blique, à l'exception de territoires de droit italique peu nom-
breux.
Tout immeuble passé sous la propriété quiritaire soit avant,
soit pendant la fusion de l'Italie dans le cercle des citoyens ro-
mains, devait, si les censeurs avaient fait leur devoir, se trouver
inscrit dans l'une des 35 tribus. Dans la mesure où la cité locale
avait existé jusqu'alors, le territoire de chaque cité appartenait
sans doute à une tribu particulière déterminée lors de la fon-
dation de la colonie de citoyens ou de l'admission de la cité de
non-citoyens ou de demi-citoyens. Pour généraliser la cité locale
et la lier de la même façon à la tribu réelle, il était nécessaire
de prendre des mesures dans les endroits où la propriété qui-
ritaire existait sans cité locale, c'est-à-dire d'abord dans le ter-
ritoire primitif de la ville (VI, 1, p. 196), et ensuite dans les
(1) Selon Frontin, (p. 411, note 2), il y avait encore en Italie, sous le
Principat, des saltus privati qui étaient en dehors des territoires des villes.
Pline, 3, 15, 116, cite parmi les cités de la huitième région d'Italie, des
saltus Galliani qui cognominantur Aquinates (cf. le proe. at praedia Galliana
impérial, C. L L. III, 536 et C. 1. L. XI, p. 170). D'après la citation faite
dans la table alimentaire de Veleia, 6, 72, des grands s«/^s appartenant à
la colonie de Luca : Qui sunt in Lucensi et in Veleiate et in Parmense et in
Placentino et montibus adf(inibus), les territoires indiqués ne comprennent
pas les montes cités en dernier lieu, qui étaient cependant des possessions
privées. 11 y a de même des ensembles de terres qui se trouvent en dehors
des territoires des villes, en grande quantité dans les provinces, notam-
ment en Afrique {Hermès, 15, 391 et ss.). Au commencement, ils ont tous
été en la propriété de l'État, et même par la suite ils apparaissent pour la
plupart comme des possessions impériales; mais ils peuvent naturellement
être transmis à des particuliers, sans que celte mutation de propriété en-
traine leur entrée dans le territoire. 11 ne faut pas confondre avec ces sal-
tns les subsiciva, les pièces de terre restées indivises, et par conséquent
en la propriété de FKtat, dans l'intérieur des territoires.
LE DROIT MUNICIPAL. î-?V»
lieux où, comme par exemple dans le Picenum, il y avait eu des
assignations sans fondation de villes (VI, 1, p. 198), et où les ha-
bitants romains réunis en villages et en hameaux avaient tout
au plus des magistrats judiciaires propres nommés tous les ans
par le préteur urbain : il fallait ou bien attribuer ces champs
et ces groupes de champs aux territoires politiques voisins, ou
bien en former de nouveaux territoires politiques. Le premier
procédé a nécessairement été suivi pour le plus ancien domaine
de la ville (VI, 1, p. 200). Quant au second procédé, une trace de
son emploi nous a été conservée: c'est que les centres de fait de
citoyens romains jusqu'alors dépourvus de droits communaux,
les sièges de la justice (prœfectarae) se présentent, aprèsla guerre
sociale, comme une catégorie de cités (1). La tribu existante a
probablement été maintenue lors de cette opération ; car l'ins-
cription dans les différentes tribus a vraisemblablement eu lieu
d'ordinaire par grandes masses. Mais nous avons déjà remarqué
(VI, i, p. 200) que, comme l'on parait avoir en général pris pour
principe d'inscrire chaque territoire dans une seule et même
tribu, les tribus réelles ont probablement été changées en partie,
spécialement dans le plus ancien domaine de la ville. — Les
terres de Campanie ont plus tard été organisées de la même
façon en territoire politique, et, lors de la division des subsiciva,
ces pièces de terre ont été attribuées aux territoires les plus
voisins.
Dans la ville de Rome, les tribus réelles n'ont pas changé, ou
du moins elles ont changé seulement en ce sens que les quatre
tribus urbaines ne finissent plus comme antérieurement auPo-
(i) P. 455, Lex Julia mun. ligne 85 et ss. : Queiquomque in municipieis
colmeis prsefectureis foreis conriliabuleis c(ivium) R(omanorum) Ilvir(ei) II lie l-
r(e;, erunt, allove quo nomine mag(istratum) potestatemve sufragio eorum, quei
quojusque municipi colonise prxfeclurx fori conciliçibuti erunt, habebunt, nei
juis eorum, que m in eo munlcipio colonia prœfectura foro concUiabulo in sena-
tum decuriones conseriptosve legito...nisei in demortuei...locum. Il est attribué
là aussi clairement que possible (quoique cela soit nio par Marquardt,
Handb. 4, p. Il, note 6, et p. 12, note l = tr. fr. S, p. 14, notes 2 et 4) des magis-
trats propres et un conseil communal propre non seulement au municipium
et à la colonia, mais aussi à la prœfectura ; et de nombreux autres passages
de cette loi et de la loi Rubria s'expriment de même.
430 DROIT PUBLIC ROMAIN.
merium (VI, 1, p. 183), mais à la première borne milliaire; car,
ainsi que nous montrerons plus loin (p. 470, note 2) la juridic-
tion urbaine ou plutôt la juridiction de l'Etat, en tant qu'elle dé-
pend du lieu de l'infraction, s'étend déjà du temps de Sulla jus-
qu'à la première borne milliaire, et la juridiction municipale
commence au delà. Les territoires de toutes les cités de citoyens
formant dans leur ensemble celui de la communis patria, elle
n'a pas elle-même d'autre territoire séparé.
Extension Les prescriptions spéciales qui existaient relativement à la
de ia patrie tribu personnelle, en particulier pour les affranchis, n'ont pas
aux ingénus non- * ' A L 1
propriétaires, fag, touchées par ces mesures, Mais il en est autrement de celles
sur la propriété. Après la guerre sociale, la tribu personnelle a
été déterminée pour tous les ingénus par la cité locale, de telle
sorte que la tribu de Tusculum a été attribuée à tous les Tus-
culans, qu'ils fussent propriétaires fonciers à Tusculum ou ail-
leurs ou qu'ils ne le fussent nulle part. Dès letempsdeCicéron,
on indique, comme condition de capacité pour la tribu rustique,
l'ingénuité et non la propriété foncière (1) ; et, sous le Prin-
cipat, la tribu rustique appartient certainement aux munici-
paux non-propriétaires. L'enrôlement dans les légions exige,
avons-nous vu (p. 38), la tribu rustique, et il ne doit pas y
avoir servi beaucoup de propriétaires depuis Marius. En outre,
les inscriptions du temps du Principat nomment un relative-
ment petit nombre de tribules urbains, et elles sont pour la
plupart de telle nature que le statut personnel y comporte non
pas la libertinité, mais une ingénuité atteinte d'une tache
(p. 27); si les tribus urbaines avaient encore compris à cette
époque tous les citoyens non-propriétaires, leurs tribules se
rencontreraient dans une toute autre quantité, spécialement
dans les municipes. Il n'y a d'ailleurs qn'un développement
logique du droit de cité local à ce que tous les citoyens de la
localité, propriétaires on non, expriment leur vote dans la
(1) Asconius (p. 2o, note 2) appelle les rusticse tribus propriae ingenuorum.
De ce qu'au temps de Gicéron les citoyens propriétaires fonciers étaient dans
les tribus rustiques (p. 25, note 3; cf. VI, 1, p. 196, note 2), il ne résulte
pas que ces tribus fussent exclusivement composées d'eux.
LE DROIT MUNICIPAL. 431
même circonscription électorale. La tribu est désignée dans
ce sens comme un groupe de cités italiques (1). La tribu per-
sonnelle perd désormais son ancienne dépendance de la tribu
réelle, et elle devient l'expression de l'État multiple en dé-
signant le citoyen de l'un des États en sous-ordre qui le com-
posent.
Le citoyen de l'État romain est donc en règle en même
temps le citoyen de l'une des cités de citoyens romains, et sa
tribu personnelle se détermine, à moins que des prescriptions
spéciales n'en disposent autrement, d'après la tribu réelle de
son territoire d'origine. Mais les exceptions à cette règle ne
sont pas peu nombreuses. Aous devons tout au moins ras-
sembler ici les différentes catégories des citoyens qui n'ap-
partiennent pas à des lieux munis de tribus réelles, quoique
fréquemment l'on ne puisse pas arrivera des résultats certains
sur leur relation avec les tribus. Ils peuvent appartenir ou
bien à une cité de citoyens sans territoire, ou bien à une cité
de non-citoyens, ou même n'appartenir à aucune cité.
La cité de citoyens, qui n'a pas de territoire au sens légal ojés de oitoyena
ni par conséquent de tribu réelle, n'en a pas pour cela moins
appliqué chez elle l'idée de la cité locale, et cette idée y a
même la tribu pour expression légale ; seulement cette tribu
est alors exclusivement personnelle. C'est en ce sens que les
citoyens de Narbo (p. 374) appartiennent à la Papiria, et il en
est de même de toutes les cités du même genre.
Si le membre d'une cité latine ou pérégrine organisée en w^3^fSJBSlfc
ville (2) obtient personnellement le droit de cité romaine, sa
(i) Oicéron, Pro Mur. 20, 42 : Multas sibi tribus, quœ municipiis Umbriae
conficiuntur cidjunxit. [Q. Gicéron], Comm. pet. 8, 29: Totam Italiam fac ut in
animo ac memoria tributim discriptam comprensamque habeas, ne quod muni-
cipium, coloniam, prsefecturam, locum denique ltalise ne quem esse patiare, in
quo non habeas firmamenti quod satis esse possit.
(2) Le droit de cité romaine ne peut pas être conféré à un Égyptien ap-
partenant à un nome ; car il ne peut pas, comme citoyen, avoir le nome
pour patrie ; il faut par conséquent, pour lui faire acquérir le droit de cité
de l'empire, lui donner en même temps le droit de cité d'Alexandrie (Pline
Ep. ad Traj. 6). 11 en est probablement de même pour toutes les cités de
l'empire qui ne sont pas organisées sur le type urbain, et ce doit être la
raison pour laquelle les citoyens romains indiquent, dans les inscriptions,
de non-citovens.
4M'i DROIT PUBLIC ROMAIN.
tribu personnelle, ne pouvant pas être déduite de son droit de
cité local qui reste le même, est déterminée tantôt, semble-
t-il, d'après certaines règles générales, tantôt aussi sans
doute par une décision individuelle. Ainsi il semble avoir été
de règle de donner la Voltinia aux personnes arrivant au droit
decité personnel dans la province de Xarbonnaise, la Quirina ou
la Collina (p. 29) aux Asiatiques et aux Syriens; mais il est
probable que l'arbitraire a souvent prédominé dans ce domaine.
Ce serait sortir de notre cadre que d'insister davantage sur les
détails.
Les citoyens H y a enfin des citoyens qui n'ont pas de patrie spéciale. Cette
romains sans . _ . , , „
cité locale, patrie fait défaut:
a. Aux vieilles familles patriciennes (1) et aux familles plé-
béiennes qui ne sont pas d'origine municipale (2). Le fait que
les personnes appartenant à l'ordre sénatorial sont exemptées
des charges municipales, selon le droit de l'Empire et peut-être
déjà selon celui des derniers temps de la République (p. 65),
n'exerce aucune influence sur leur droit de cité local;
b. A la descendance juridique, si l'on peut dire, des personnes
de cette nobititas, en tant que cette descendance est susceptible
en elle-même d'avoir une tribu personnelle, c'est-à-dire à la
postérité de leurs affranchis;
comme patrie fréquemment des villes de non-citoyens, mais pour ainsi dire
jamais des cités non-urbaines. Ce point est développé plus en détail, Hermès,
19, 23 et ss.
(1) Les nouvelles maisons patriciennes ont la tribu du lieu auquel elles
appartiennent. M. Lollius Paullinus Valerius Asiaticus Saturninus, consul en
93 {C. L L. XIV, 2540) et Valerius Asiaticus consul II en 123 (Inscription de
Satnos, Monatsberichte de Berlin 18G2, p. 78) descendants de Valerius Asia-
ticus, consul en 4G, originaire de Vienne (Tacite, Ann. 11, 1), sont de la
Voltin a, qui p.st la tribu de cette ville; de même le patricien L. Eggius Am-
bibulus, consul en 126, a la tribu Cornelia, qui est celle d'/Ecianum, sa
patrie (C. /. L. IX, 1123).
(2) Telle est, par exemple, la famille des Pomponii qui font remonter
leur arbre généalogique au roi Numa et qui par suite sont comptés parmi
les Romains primitifs (Xepos, Ait. 1: Ab origine ultima ttirpis Rom anse gene-
ratus), telle est encore celle des Papirii plébéiens, parmi lesquels, sous le
Principat, les Carbones se trouvent dans la Glustumina (C. L L. VI, 1317) et
les Massones dans la Velina (C. /. L. VI, 1481).
Rome
comme pairie
LE DROIT MUNICIPAL. 433
c. A la postérité des esclaves publics affranchis (1);
d. Tout au moins à une partie des personnes affranchies en
dehors des formes légales (liberti Latini Juniani) et parvenues
au droit de cité romaine avec la tribu d'ingénus, à titre de ré-
compense pour leur service dans le corps des pompiers, en vertu
de la loi Visellia de l'an 23 après J. G. (2), et à leur descen-
dance;
e. Auxpérégrins gratifiés du droit de cité romaine et n'appar-
tenant à aucune cité de l'empire. suPPiétoire
La cité locale peut, dans certains de ces cas, avoir été attri-
buée par un expédient à l'individu en question; mais cela n'a
certainement pas eu lieu dans tous. Si les Julii et les Claudii
avaient appartenu à une cité municipale quelconque, cela ne
nous serait pas resté inconnu. Ces expédients n'ayant donc pas
été employés, au moins d'une manière générale, ou bien les per-
sonnes de la catégorie dont il s'agit n'ont appartenu à aucune
localité, ou bien Rome est demeurée pour elles, comme c'était
certainement le cas avant la guerre des Marses, non seulement
la patrie commune, mais la seule patrie. L'alternative est ré-
solue dans le dernier sens par le témoignage des jurisconsultes,
selon lequel il y a une dépendance de la ville de Rome différente
de la dépendance de la commanis patria et caractérisée comme
une origo (3). Ce témoignage est confirmé par des inscriptions
(1) V. tome I, la partie des Servi publici, sur leur condition juridique.
(2) Ulpien, 3, 5 : Militia jus Quiritium accipit Latinus si inter vigiles Romx
sex annis (plus tard, en vertu d'un sénatus-consulte, triennio) militaverit ex
lege Visellia (cf. sur cette loi les pp. 6 et 118). L'application de cette règle
s'aperçoit dans l'inscription commémorative dédiée par seize de ces soldats,
en 203, en souvenir de l'obtention par eux du droit de cité, ou plutôt de sa
conséquence, de leur admission aux frumentationes (C. I. L. VI, 220). Ce
n'est pas l'ingénuité qui est conférée, mais le droit de cité et en même-temps,
même pour les affranchis, la tribu rustique. Cinq d'entre eux se qualifient du
nom d'affranchis. Onze se donnent un père. Les premiers sont donc des Latini
Juniani, les autres probablement, puisque cette condition était héréditaire,
des enfants de tels Latins. Six, parmi lesquels deux affranchis, se donnent
la tribu Fab'ia et Rome pour patrie, dix indiquent d'autres villes ou d'autres
pays comme leur district d'origine. On ne voit pas clairement selon quelles
règles cette patrie se déterminait. Peut-être était-ce d'après le pseudo-
patron, et alors ceux attribués à Rome ont-ils été affranchis par l'État de
cette façon.
(3) Ulpien, Dig. 50, 4. o, pr. : Et qui originem ab urbe Roma habent, si alio
Droit Publ. Rom., t. VI, 2« p. 28
434 DROIT PUBLIC ROMAIN.
assez nombreuses qui désignent Rome comme origo. Cependant
on discerne un effort fait pour apporter des restrictions à cedroit
d'origine supplétoire, qui restait nécessairement sans effet par
suite du défaut d'organisation municipale de la capitale, et pour
mettre les personnes en question dans de véritables liens muni-
cipaux: si les fils d'un affranchi de l'empereur n'ont pas de cité
locale spéciale, on rencontre au contraire, chez ses petits-fils,
comme également chez les fils de l'affranchi d'un affranchi im-
périal, la cité locale et la tribu correspondante (1). Les com-
munes doivent avoir mis en pratique, pour ces personnes sans
patrie, leur faculté de conférer leur droit de cité, leur droit
d'adlection (2), qui en dehors de cela est à peu près exclu
(p. 451); l'empereur a peut-être en outre usé à leur profit de
Tribus son pouvoir de conférer le droit de cité local (3). La tribu ne
des citoyens ,
ayant cette patrie
supplétoire. loco domicilium constituer unt, munera ejus sustinere debent. Il n'y a aucun
obstacle à comprendre dans ce sens l'inscription de Bordeaux (Gam. Jul-
lian, Inscr. romaines de Bordeaux, 1, p. 135) d'un decurialis lictor, cives urbi-
cus ;le citoyen de l'État s'appelle toujours civis Romanus. — Le fait que la no-
tion de Yincola ne s'applique aucunement à la capitale — la femme mariée
qui ne vit pas au lieu où est sa patrie, satisfait à ses obligations munici-
pales personnelles à son domicile, sinon in urbe Ro?na maritus ejus constat;
dans ce dernier cas, n'y étant pas obligée par Pincolat, elle y satisfait dans sa
patrie (Cod. Just. 10, 64, 1) — s'explique par l'idée qu'il n'y a pas là de mu-
nera au sens municipal.
(1) Ainsi par exemple, dans l'inscription de Puteoli, C. I. L. X, 2569, le père
C. Julius Musogenis f. Menophilus, sans doute fils d'un affranchi impérial, est
dans la tribu impériale Fabia, et les deux fils sont dans la Falerna, qui est
probablement la tribu de Puteoli. Dans une autre inscription de Salonae
(C./.L.III,2097),G. Julius Sceptus, affranchi de l'affranchi impérial Admetus,
est en dehors des tribus, mais ses trois fils appartiennent à la tribu Tro-
mentina, qui est celle des Salonitains.
(2) M. iEmilius M. f. M. nep. Quirina Rectus est désigné sur trois ins-
criptions (C. 1. L. II, 3423. 3424 et Eph. ep. III, n. 35) comme domo Roma, qui
et Carthaginensis et Sicellitanics et Assotanus et Lacedsemonius et Argivus et
Bastetanus, et en outre, dans les inscriptions dédiées par lui à Karthago
nova, comme civis adlectus : il est par conséquent dit expressément là qu'il
changea de patrie par adlectio et qu'il prit la tribu de Karthago nova, la
Quirina, quoiqu'il continuât peut-être abusivement à se dire domo Roma. Le
cumul de six droits de cité locaux, qui se présente ici contrairement au
principe de l'unité du droit de cité local, doit s'expliquer par le fait que
l'adlection de telles personnes n'ayant pas de cité locale était par exception
permise aux cités, et que par suite il pouvait y avoir un concours; en droit,
c'était sans doute la priorité qui décidait.
(3) V. tome V, la partie de l'administration de l'Italie, sur l'intervention
de l'empereur dans l'administration municipale.
LE DROIT MUNICIPAL. 435
faisait pas non plus défaut à ceux qui n'avaient d'autre patrie
que Rome, montrent soit les témoignages exprès, soit les
vraisemblances (1); mais elle était pour eux très diverse. On
trouve des membres des anciennes maisons patriciennes dans
les tribus urbaines comme dans les tribus rustiques, des ^Emi-
lii (2) et des Manlii (3) dans la Palatina, des Claudii dans la
Quirina (4), des Julii dans la Fabia (5), des Sulpicii dans la
Lemonia (6), des Vaierii dans la Claudia (7); ces tribus sont,
nous en avons la preuve, fixes et héréditaires dans les maisons
impériales des Julii et des Claudii, et il doit probablement en
être de môme dans les autres maisons. Les tribus ne varient pas
moins chez les personnes de condition inférieure qui indiquent
(1) Gicéron, Phil. 6, 5, 22, aux Quintes : Num quisnam est vestrum, qui
tribum non habeat? certe nemo.
(2) Paullus JEmilius Paulli f. Pal. Regillus, questeur sous Tibère (C. /. L.
II, 3837).
(3) C. 1. L. VI, 2125 : L. Manlio L. f. Pal. Severo régi sacrorum.
(4) Kubitschek, De Rom. trib. origine, p. H8, a rendu très probable que les
empereurs claudiens appartiennent à la Quirina, attendu que de nombreu-
ses personnes qui tirent d'eux leur droit de cité appartiennent à cette tribu.
Nous ne savons pas à quel territoire appartenait, à l'époque récente, la
vieille localité sabine de Regillum, à laquelle cette famille rattachait son
origine ; Reate et d'autres cités sabines votaient dans la Quirina, et cette
tribu peut avoir été choisie en considération de cela.
(5) Les Julii appartiennent à la Fabia, ainsi que je l'avais conjecturé
Eph.ep. 111,]). 232, avec des arguments qui n'étaient pas à vrai dire décisifs
(d'après Suétone, Aug. 40 : Fabianis et Scaptiensibus tribulibus suis, où la
Scaptia doit appartenir aux Octavii, c'est-à-dire à la ville de Velitrse dont
la tribu n'est pas autrement connue) et que Kubitschek, p. 116, l'a établi
par de nombreux exemples de personnes dont le droit de cité se rattache à
des concessions personnelles des empereurs de la dynastie julienne et
qui appartiennent à cette tribu. On ne discerne pas de rapport spécial
entre les Julii albains et les Fabii de l'ancienne Rome; la tribu des Albani
Longani Bovillenses, dans le territoire desquels était placé l'ancien sanc-
tuaire de la famille (C. 1. L. XIV, 2387), n'est pas connue. Dans la liste de
sénateurs d'Adramytos(.Epfc.*p. IV, 212), on trouve un Aeuxioç'Io-jXioçS^tou....
va, par conséquent tribule d'une autre tribu que la Fabia; mais ce titre se
place vraisemblablement à l'époque antérieure à Sulla, où la tribu était
encore mobile.
(6) Gicéron, Phil. 9, 7, 15. Josèphe, Ant. 14, 10, 10, où le vieux manus-
crit de Leyde lit : Eepovîvto; Trauiuvioç ve^wvla xuivtoç.
(7) Deux Vaierii Poplicolae, assurément récents, mais patriciens, se pla-
cent dans la Glaudia (C. /. /,. VI, 1531. 1532;.
436 DROIT PUBLIC ROMAIN.
comme patrie la ville de Rome (1). Cette patrie est souvent unie
à la tribu Fabia (2), mais aussi à la Palatina (3), à la Clau-
dia (4), à la Quirina (5). Par conséquent, la communis patria,
fonctionnant à titre supplétoire comme cité d'origine, peut après
comme avant se concilier avec toutes les tribus urbaines et rus-
tiques. Les règles, selon lesquelles la tribu était déterminée, ne
peuvent se discerner qu'en partie. Les hommes de la nobilitas
non-municipale peuvent, lors de l'introduction du nouveau ré-
gime, ou avoir choisi leur tribu, ou avoir conservé celle dans
laquelle ils se trouvaient alors; mais ensuite la tribu est deve-
nue pour eux aussi fixe et aussi héréditaire dans les familles
que l'était celle déterminée par la cité locale. Si deux des plus
anciennes gentes apparaissent dans la Palatina (6), cela prouve
seulement que la tribu des maisons patriciennes suivait ses lois
propres ; les iËmilii et les Manlii, qui pouvaient à plus juste titre
que les Julii et les Claudii se qualifier du nom de Romains des
origines, ontpu facilement mettre leur orgueil nobiliaire à choisir
une des tribus de la Rome royale. Pour les autres catégories, la
tribu doit avoir été déterminée par des dispositions spéciales.
Quoique, selon l'ancien système, la tribu ne passa aucunement
(1) Il n'y a pas de documents qui attestent cet usage de Roma chez les
patriciens, et il ne peut y en avoir ; car la domus ne figure jamais dans le
système des noms de la noblesse.
(2) On trouve, outre celles citées, p. 433, note 2, une quantité d'inscriptions
de la tribu Fabia avec l'indication de Rome comme patrie : la plus an-
cienne est de l'an 74 (C. /. L. III, p. 852); la plupart appartiennent à des
soldats des vigiles ou des cohortes urbaines (C. I. L. VI, 14. 221. 477. 2384
4- 3884. 2896. 2902) ou à d'autres soldats {Bph. ep. II, 357. 683. Orelli, 1646
= C. I. L. XI, 3057), quelques-unes à des chevaliers romains (C. I. L. III,
435. 3646).
(3) Ti. Memmius Ti. f. Palatina Ulpianus Roma, chevalier, romain {€. 1. L.
VIII, 2623 et Eph. ep. V, 761); cas analogues C. 1. L. VIII, 2535 (de l'an
144). 9359. La liste de prétoriens de l'an 144 (C. I. L. VI, 2375) indique dix
soldats ayant la même patrie; la tribu n'est pas ajoutée.
(4) Un enfant Q. Sulpicius Q. f. Cla. Maximus domo Roma participa à
l'Agon du Gapitole de l'an 94 (Kaibel, Epigr. Graec. n. 618) ; son père Q. Sul-
picius Eugram(m)us est évidemment un affranchi.
(5) Outre l'exemple cité p. 434, note 2, C. 1. L. II, 2600.
(6) A la vérité les Nummii, patriciens de création récente, appartiennent
aussi à la Palatina, C. I. L. V, 4347. On trouve même dans la Gollina un
patricien de la maison des Matii [C. I. L. V, 1872) qui a reçu le patriciat
au plus tôt de César.
LE DROIT MUNICIPAL. 437
au gratifié, comme le nom de famille, aux cas de présent de la
liberté ou de la cité, nous la voyons traitée sous le Principatde la
mêmefaçon que le nom de famille: celle des Julii et desClaudii
passe aux nouveaux citoyens introduits par eux dans le peuple
et aux descendants de leurs affranchis qui ont droit à la tribu
des ingénus. Si môme les soldats qui arrivent au droit de cité en
vertu de leur service dans le corps des pompiers sont tous attri-
bués à la Fabia, la raison peut en être que la loi qui leur con-
céda ce privilège fut rendue sous l'empereur Tibère qui ap-
partenait à cette tribu.
La ville opposée à l'État est étrangère à la constitution pri- ^^Ime™
mitive de Rome; le droit public ancien n'a pas non plus pour
la désigner d'expression technique primitive.
L'idée de ville dans son opposition au territoire remonte bien vrbs, oppidum,
aux origines, et elle y est exprimée par les dénominations
connues à'urbs et d'oppidum, qui se rattachent toutes deux à
l'acte juridique de la construction des murailles (1); les deux
expressions se confondent quant au sens, et elles ne diffèrent qu 'en
ce que la première appartient à la terminologie plus relevée et
la seconde à la terminologie plus humble, urbs allant avec prse-
(1) La corrélation des deux mots avec l'acte de la fondation de la ville,
qu'affirment les grammairiens romains (Varron, De l. L. 5, 141 et ss.) est
rendue certaine par l'usage. Pour urbs, elle n'a pas besoin de preuve. Pour
oppidum (anciennement oppodum), il faut rappeler l'emploi du mot relative-
ment aux carceres du cirque. L'étymologie des deux est controversée (Cur-
tius, Griech. Etym. p. 79. 245; Corssen, Aussprache, 1, 170. 2, 870) ; mon col-
lègue J. Schmidt fait venir avec vraisemblance oppidum de la préposition
et de la racine d'où est sorti le germanique fat, l'allemand Fass, ce qui
donne le sens primitif de clôture. — 11 s'agit toujours,' même pour oppidum,
de l'enceinte de murs du droit public, et non des fortifications militaires.
Le sens politique du mot, l'opposition dans laquelle il est aussi bien avec
la forteresse sans commune (castrum, castellum) qu'avec la commune sans
point central, ressort de la manière la plus claire dans les listes employées
par Pline, en particulier 3, 1, 18, où l'Espagne citérieure est représentée
comme composée de 294 civitates ou populi indépendants, parmi lesquels
193 sont des oppida.
438 DROIT PUBLIC ROMAIN.
tor et senatus, oppidum avec duoviri et decuriones. La dis-
tinction primitive s'est toujours maintenue dans les noms de
personnes dérivés des deux mots : l&plebs urbana et les oppi-
dani, ce sont les cives intramurani, les citoyens delà ville, par
opposition à la plebs rustica, aux membres de la cité vivant en
dehors des murs (1). L'opposition avec ager s'est aussi con-
servée pour urbs; mais elle s'est effacée davantage dans oppi-
dum, et c'est pour cela que ce dernier mot est la seule expres-
sion générale par laquelle la langue latine récente puisse ex-
primer, en quelque mesure, l'idée de la commune urbaine, par
opposition à celle qui n'est pas constituée en ville (2). Cette
idée étant commune aux trois cercles juridiques reconnus
dans le sein de l'État romain, on peut aussi bien parler d'un
oppidum civium Romanorum que d'un oppidum Latinorum ou
Latinum et d'un oppidum peregriaorum (3). Cependant l'u-
sage de pareils déterminatifs n'est pas fréquent : la langue
officielle ne fait usage du mot dans le sens qui vient d'être in-
(1) V. des exemples épigraphiques de ces expressions surtout C. I. L.
V, p. 1196. IX, p. 788. X, p. 1157 ; Orelli, 3706 = C. L L. XI, 3807.
(2) Si,danslaloiRubria qui est rédigée avec soin, les cités de citoyens sont
constamment désignées par la formule : 0{ppidum) m(unicïpium) c[olonia)
p(rœfectura) f[orum) v(eicus) c(onciliabulum) c[astelluin) t(erritorium)ve, c'est
évidemment parce qu'oppidum est le nom général embrassant toutes les ca-
tégories qui suivent. Il est encore dit d'une manière analogue dans Paul,
Se?it. 4, 6, 2 : Testamenta in municipio (Mss. : municipiis) colonia oppido (Mss. :
oppidis) prxfectura vico caslello conciliabulo fada. — S'il est dit au contraire
dans l'ancienne loi repetundarum, ligne 31 : In terra Italia in oppedeis fo?*eis
conciliab[oleis, ubei jure deicundo prsesse soient, aut extra ltaliam in oppe-
deis foreis con]ciliaboleis , ubei jonre deicundo prœsse soient, il s'y agit des
villages dépourvus de statut communal dans lesquels la justice n'est pas
rendue forcément, mais est rendue en pratique, certainement des prœfecturae
qui existaient encore dans leur caractère primitif à l'époque de la confec-
tion de cette loi. Il y a également dans la loi agraire, ligne o : In urbe
(c'est-à-dire dans la ville de Rome), oppido (dans une circonscription ur-
baine) vico (dans une parcelle de terre qui ne fait partie d'aucune circons-
cription urbaine). Lorsque la ville de Genetiva est désignée dans son statut
communal comme étant oppidum coloniave (c. 73), ou oppidum colonia (c. 75.
76) ou colonia oppidum (c. 91), cela veut dire qu'elle est une colonie et qu'en
outre en tout cas elle est une ville.
(3) Ce langage se révèle de la manière la plus claire dans les listes de
Pline.. Naturellement les déterminatifs honorifiques y sont régulièrement
ajoutés et celui de la troisième classe en général omis; cependant oppidum
peregrinorum se trouve 5, 2, 19.
LE DROIT MUNICIPAL. 439
diqué que rarement et en général à titre d'expression collec-
tive; elle ne l'emploie pas pour désigner une catégorie particu-
lière, ni spécialement la cité de citoyens. — Il n'y a pas non
plus d'expression technique pour le terme opposé, pour la com-
munauté qui n'est pas arrivée à se constituer selon le type ur-
bain. L'expression ?iatio, qui semblerait la plus naturelle, aune
portée ethnologique et ne contient pas en elle l'idée de commu-
nauté politique (p. 356, note 2). — Au sens strict, il n'y a pas, pour
désigner cette communauté, d'autre expression que populus et
civitas (VI, 1, p. 1 et ss.), et la langue n'est pas en état de
donner à la distinction de la commune urbaine et de la com-
mune non-urbaine une formule d'une portée générale et
techniquement énergique.
A défaut d'un nom général qui puisse désigner la commu- Cumul des
noms
des diverses
nauté urbaine, on emploie, dans la langue technique, en les eu- catégoriel
mulant, différentes dénominations qui se rattachent à l'origine
des statuts des villes, et qui, puisque ces statuts peuvent être
fondés de différentes façons, ne peuvent être employées cha-
cune au sens propre que pour la catégorie particulière qu'elle
indique. Parmi toutes les formules complexes que l'on ren-
contre employées dans ce but, la plus correcte est celle de la
loi agraire de 643 : Colonise seive moinicipia seive quae pro
7noinicipieis colonieisvesunt(ï); elle met l'une à côté de l'au-
tre les deux catégories principales, et elle indique en même
temps qu'il y a dans chacune en outre des dénominations ex-
ceptionnelles mais équivalentes. Les autres formules techniques
portent aussi en tête ces deux noms principaux; mais elles es-
saient ensuite d'épuiser la liste des autres noms existants (2),
sans qu'elles arrivent au succès ni que le succès soit possible.
(1) Ligne 31 : [Quei coionieis seive moi]nicipieis seive quse pro moinicipieis
colo[nieisve sunt civium Rom.] soclumve nominisve Latini...ager fruendus datus
est. Plus loin : [Quei] pro colonia moinicipiove prove moinicipieis f 'ruent ur, où
pro est employé dans une double acception et où l'idée est: Pro colonia ?nu-
nicipiove prove oppido quod pro municipio est.
(2) La liste qui se trouve dans la loi Rubria et qui est la plus dévelop-
pée de toutes et la liste parente de Paul ont déjà été citées, p. 438, note 2.
La première loi dit, par abréviation, 1, 42, municipium colonia locus et, dans
le fragment d'Esté (s'il en fait réellement partie) municipium colonia pr&fec-
440 DROIT PUBLIC ROMAIN.
coionia. Étymologiquement et dans le langage usuel, de même que
le colonus est le paysan, la coionia est en première ligne l'ex-
ploitation agricole, par conséquent, dans l'économie rurale mo-
derne, la ferme isolée (i). Mais, l'agriculture primitive ayant
pour fondement une exploitation en commun organisée d'une
manière quelconque, la surface de terrain cultivée par tous les
coloni qui y participaient doit nécessairement aussi avoir été
appelée coionia à l'époque la plus ancienne (2), et le mot a
conservé cette signification dans la langue politique : la coionia
est la localité créée par l'État qui y établit un certain nombre
de paysans (3). La soustraction du territoire qui leur est attri-
tura. La loi Juliamunicipalis contient à peu près aussi fréquemment l'une
que l'autre la formule à cinq termes municipium coionia prœfectura forum con-
ciliabulum et la formule à trois termes que nous venons d'indiquer en dernier
lieu.LaloiJulia agraire réunit les diverses concessions de statuts de ville par
les mots (Lachmann,p. 263): Quœ coionia hac lege deducta quodve municipium
prœfectura forum conciliabulum cojistitutum erit (Lachmann, p. 263, 5; de
même, p. 263, 9. 264, 7. 10) et elle dit plus loin (p. 265, 5) : Quicumque ma-
gistratus in ea coionia muniçipio prœfectura foro conciliabulo jure dicundo
prseerit. [Q. Gicéron], Comm.pet. 8, 30 :Ne quod municipium, coloniam, pr se -
fecturam, locum denique Italiae ne quem esse patiare. La désignation à trois
termes municipium coionia prœfectura, que nous trouvons aussi dans les
lois de César, prédomine surtout dans Cicéron'(Pro Sest. 14, 32; Philipp. 4,
3, 7; [Q. Gicéron], loc. cit.; aussi Siculus Flaccus, p. 163, 23. — Municipium
prœfectura coionia, Gicéron, Phil. 2, 24, 58. In Pison. 22, 51. — Coionia muni-
cipium prœfectura, Siculus, p. 135, 2. 163, 27). La formule à deux termes se
rencontre aussi à l'époque ancienne (Gicéron, Phil. 3, 5, 13. c. 15, 38. De
domo, 28, 75 : Municipiorum et coloniarum et totius Italiae décréta) et elle est
plus tard seule employée — par exemple municipia et(atque) colonise, Salluste,
Cat 58, 9 ; César, B. G. 8, 3; Auguste, Mon, Ane. 4, 27. 29; colonise et muni-
cipia, Salluste, Cat., 17, 4; de même Auguste, Mon. Ane. 1,17, — évidemment
parce que les prœfecturœ commencent à l'époque récente à être appelées
municipia.
(1) L'emploi primitif de coionia pour désigner une exploitation rurale s'est
maintenu dans la langue technique, montrent la table de Veleia (par
exemple, 6, 40, saltum Dnisianum cum colonis duabus Magiana et Ferrania;
2, 89, fundum Julianum cum figlinis et coloniis Vllll) et l'usage qu'en font les
Gromatici ; dans le latin littéraire, il a été effacé par le sens politique du mot.
(2) VI, 1, p. 27. Il est avantageux de rapportera cette origine l'emploi fait de
coionia pour désigner la localité, soit parce qu'on obtient ainsi un sens plus
concret, soit parce qu'il est hasardeux d'attribuer au mot un double sens
primitif, ainsi qu'il faut le faire si on l'assimile à à?cotx:a.
(3) Naturellement il s'agit des hommes et non pas de la fondation
même: une localité, qui reçoit pour le tout ou du moins pour la plus
grande partie de nouveaux citoyens, est une coionia, alors même qu'elle
LE DROIT MUNICIPAL. 441
bué à l'exploitation des groupes gentilices locaux qui cultivent le
reste des terres, constitue même, ainsi que nous l'avons re-
marqué(VI, l,p. 27), l'origine de l'idée de colonia. La condition
juridique des hommes ainsi établis par les Romains n'étant pas
définie par là, il y a à la fois des colonies de citoyens romains
et des colonies de droit latin, et l'on ne peut même point con-
tester l'existence de colonies de droit pérégrin (1).
conserve son nom et ses murs. Un établissement fait sans constitution de
commune est parfaitement concevable, et certains conciliabula civium-Romano-
rum, certains villages de citoyens peuvent être nés de cette façon (V. Tite-
Live, 32, 7, 3 et la note sur ce texte, dans la théorie de la Censure, au sujet
de la mise à ferme des vectigalia) ; mais c'est seulement lorsque, dans l'assi-
gnation, on a l'intention d'établir une communauté durable entre les immi-
grants (dans les colonies de citoyens, d'abord pour mettre une garnison dans
les ports, p. 465 ), qu'il y a une colonia au sens légal et que les annales
en relèvent la fondation.
(I) J'ai antérieurement regardé les coloni que le gouvernement romain
fit conduire en 547 de oppidis Siculorum à Akragas (Gicéron,/n Verr. I. 2, 50,
123) comme des colons latins (R. M. W. p. 663 = tr. fr. 3, 235 ; cf. Handbuch,
4, 245,= tr. fr. 8, 235, où cette opinion est repoussée avec raison, mais où ^ques-
tion de savoir ce qu'était alors cette colonie n'est même pas posée). Mais l'uni-
que monnaie de cette ville avec la légende latine AERIGENT (sic) (Salinas,
Monete Sic. tav. XIII, 33, n. 350) remonte difficilement à un temps aussi
reculé et appartient sans doute à l'époque de la latinité générale de la Sicile.
Quella moneta, m'écrit Salinas, qui n'en connaît pas d'autre exemplaire que
celui de Paris, ha una grande analogia con la série segnata pure con la Trina-
cria (Landolina Paterne, letlera al Riccio) e con la moneta cesarea di Lilibeo.
D'autre part, il est établi qu'Agrigente n'avait pas, du temps de Gicéron, une
condition juridique meilleure que la masse des civitates stipendiariae de
Sicile. Cela conduit avec nécessité à y voir une colonia peregrinorum, et une
colonie de pérégrins qui se distingue des autres villes pérégrines seulement
par son origine et non par sa condition légale. — Peut-être cela donne-t-il
aussi la solution de l'aporie jusqu'à présent non résolue qui existe au sujet
des villes africaines de Curubis et d'Hippo. La première a, d'après des
témoignages épigraphiques, reçu une enceinte de murs sous César et s'ap-
pelle colonia Julia (C. /. L. VIII, 977. 980) ; mais la liste digne de foi de
Pline, 5, 4, 24, l'appelle oppidum Uberum, c'est-à-dire cité de pérégrins auto-
nome. Si César a déduit cette cité (et probablement en même temps Glupea)
comme ville (oppidum dans l'inscription 977) du dro'it pérégrin de la meil-
leur qualité, elle était à la fois une colonie et une ville autonome. De même
Hippo Diarrhytus s'appelle dans l'inscription C. I. L. VIII, 1206, colonia
Julia, sur ses monnaies (Miïller, Num. de l'ancienne Afrique 2, 167), Hippo
libéra. Le droit pérégrin ainsi accordé pouvait être contenu dans des lettres
d'alliance, comme celui d'Athènes, ou être simplement précaire comme
celui d'Éphèse. La seconde forme a été employée pour Akragas, la pre-
mière pour Curubis et Hippo.
442 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Vers la fin de la République et sous l'Empire, le nom de
colonia commence à être appliqué à des cités auxquelles la
qualité de colonies est attribuée, sans qu'il y ait eu d'envois de
nouveaux citoyens, exclusivement par une fiction juridique ou
une interprétation équivalente (1). Gela se produisit pour la
première fois lorsque les cités pérégrines cisalpines reçurent
la latinité comme droit colonial, en 665, à la suite de la guerre
sociale; cette forme fut, avons-nous vu (p. 246), cboisie alors
parce que certains des privilèges des villes latines primitives
faisaient défaut aux colonies latines postérieures et que l'on ne
voulait donner aux cités de la Haute Italie que le statut com-
munal inférieur des dernières. L'étendue des droits accordés
n'a pas été plus considérable dans les concessions de la latinité
faites depuis; mais on ne leur a cependant point étendu le nom
de colonies (p. 247). — Relativement aux colonies de citoyens,
il ne s'est rien produit de pareil à la bonne époque; c'est seule-
ment à l'époque de la décadence de l'Empire que la qualité de
colonie, considérée alors comme une supériorité honorifique (2),
(1) Condere coloniam peut à la rigueur désigner la fondation d'une cité
urbaine se confondant avec l'ancienne quant aux personnes qui la compo-
sent. La dissolution du peuple ancien et la création du peuple nouveau se
présentent même en l'absence de déduction.
(2) Aulu-Gelle, 16, 13, 3 : Existimamus meliore condicione esse colonias quam
municipia. La prière adressée par les Prénestins à l'empereur Tibère de
changer leur droit colonial venant de Sulla en droit municipal (Aulu-Gelle,
loc. cit.) semble être surtout une protestation faite après coup contre un
acte de violence et une demande de restitution dans leur premier état. Ti-
bère accueillit la demande, mais la ville resta cependant colonie {Hermès,
18, 161), probablement parce qu'il n'y avait pas de procédé légal pour faire
la transformation. Cette pétition prouve en tout casque que la supériorité
hiérarchique des colonies n'était pas encore établie du temps de Tibère.
Le premier rang occupé constamment par les colonies dans la loi agraire
du dictateur César et dans les listes de Pline n'est pas une objection; car
il s'explique, dans la première, par le but propre de la loi qui était la fon-
dation de colonies, dans les secondes, par le fait que, dans les listes de
villes du temps d'Auguste, ses colonies étaient surtout mises en évidence
(Hennés, 18, 196 et ss.). Mais la préséance postérieure des colonies se ma-
nifeste dans le premier rang qui leur est toujours donné chez Frontin et
les Gromatici postérieurs (Rudorff, Feldmesser, 2, 416). C'est probablement
par un phénomène corrélatif que les duumvirs, qui, à l'époque, ancienne,
sont surtout propres aux colonies, supplantent postérieurement de plus en
plus les quattuorvirs municipaux, et que ces derniers manquent notamment
LE DROIT MUNICIPAL. 441
a été concédée assez souvent, comme simple titre, sans fonda-
tion nouvelle (1).
Le mot mwiicipium apparaît ici, avons-nous déjà montré A/vnicipum.
(VI, 1, p. 261 et ss.), fortement détournéde son sens. Ilavaitdé-
signé primitivement, la cité de droit latin en communauté fon-
cière et par conséquent en communauté d'impôts avec Rome,
ensuite aussi la localité de citoyens inférieurs coordonnée aux
citoyens complets, avec communauté de service et d'impôt, mais
sans communauté de droits politiques, et il faisait par consé-
quent,danslesdeuxcas,oppositionàlaqualitédecitoyen complet.
Après que les municipes latins eurent été transformés en cités
de citoyens complets après la guerre des Marses, que les cités
de citoyens l'eurent été pour la plupart encore plus tôt, et que
les deux classes eurent disparu du droit public romain, la dé-
nomination subsista, abusivement et incorrectement, ainsi que
le savaient très bien les jurisconsultes romains (VI, 1, p. 264,
note 2), pour les cités qui, dans le droit antérieur, avaient été soit
des municipia latins, soit des cités fédérées (2), et qui avaient
donc été transformées d'États indépendants en cités de citoyens
romains. Les villes de droit latin fondées par Rome pouvaient par
suite s'appeler aussi bien municipia que colonise (VI, I, p. 262,
note 3). C'est à cette époque que parait s'être introduite, d'une
presque complètement dans les villes provinciales; si, comme le dit Aulu-
Gelle, la colonie semblait aux modernes se rapprocher plus étroitement
de la ville de Rome que le municipe, on devait pour la même raison et à
plus juste titre y donner la préférence au duumvirat sur le quattuorvirat.
(1) Hadrien (dans Aulu-Gelle loc. cit.) invoque comme exemples de tel-
les transformations, blâmées par lui, Italica en Bétique et Utique en Afri-
que, qui en effet prennent postérieurement la première (C. I. L. XII, 1856)
aussi bien que La seconde (C. L L. VIII, p. 149) le nom de colonia jEUa.
(2) C'est là dans la définition de Sarvius (VI, 1, p. 265, note 1) la troisième
de trois espèces de municipia civiumRomanorum. Dans les exemples, on ne
trouve aucun e'ancienne localité le demi-citoyens. Au contraire on y voit soit
les municipia latins, tant les vieilles cités latines (Tibur et Préneste) que
les colonies latines (Sutrium, Nepet, Placentia, Bononia), soit les villes
fédérées de droit non latin (Locri, Pisse, Urvinum, Nota). Les dernières
ne sont pas assurément des municipia dans l'ancien sens du mot; mais la
fusion des Latins et des autres fédérés d'Italie (p. 287 et ss.) explique que
toutes les cités italiques passées de l'indépendance dans le corps des ci-
toyens aient pris la dénomination de municipium .
444 DROIT PUBLIC ROMAIN.
part, l'opposition des deux dénominations, par suite de laquelle
l'une des deux seulement peut être prise comme titre (i), et
que, d'autre part, il semble s'être attaché à la première une
supériorité honorifique, par suite delaquelle toutes les cités en
droit de prendre les deux titres se qualifient de municipia (2)
et il n'y a à s'appeler colonise que celles fondées sans indépen-
dance par Rome qui n'ont jamais été des États. Cette définition
rétrospective, tirée de l'état légal autérieur, est la seule qu'on
puisse donner du municipium postérieur à la guerre sociale (3).
La cité de citoyens complets, fondée par Rome par voie de dé-
duction sans collation des droits souverains, comme la colonie
de citoyens, ou par concession d'un statut communal à une
localité jusqu'alors dépourvue d'organisation corporative,
(1) Municipium et colonia s'excluent dans l'ancien régime tout au plus
dans le langage. Il n'est pas en contradiction avec l'exclusivisme légal
qui existe postérieurement entre les deux catégories que l'on rencontre
parfois sous le même nom et dans la même ceinture de murailles des mu-
nicipes et des coloni les uns à côté des autres, comme à Pompéi (C. I. L.
X, p. 89), à Interamnia des Praetuttii (C. 1. L. IX, o074), à Arretium, tantôt
avec un ordo simple, tantôt avec un conseil communal pour chacun.
(2) C'est ce que prouvent, outre la définition de Servius, les institutions
urbaines de toutes les anciennes colonies latines. Lorsque Asconius dit,
éd. Orelli, p. 3 : Magnopere me hsesitare confiteoi\quid sit guare Cicero Placen-
tiam municipium esse dicat, nous ne pouvons que nous étonner de l'igno-
rance juridique d'un homme aussi instruit en philologie et en histoire.
(3) La définition donnée par Aulu-Gelle, 16, 13, 6, du municeps de son
temps : Municipes sunt cives Romani ex municipiis, legibus suis et suo jure
utentes, muneris tantum cum populo Romano honorant participes, a quo munere
capessendo appellati videntur, nullis aliis necessitatibus neque ulla populi Ro-
mani lege adstricti nisi in quam populus eorum fundus factus esset, est un vé-
ritable chef-d'œuvre de confusion historico-juridique et de mélange de l'an-
cien et du nouveau langage. Ce qui y est dit s'accorde avec l'ancien lan-
gage, en en supprimant les mots du début, (car l'ancien municeps n'est pas
citoyen), et la transposition de la participation au munus, c'est-à-dire aux
charges publiques, en une participation honorifique à ce munus, qui, si
elle veut dire quelque chose, ne peut signifier que le droit aux magistratu-
res, précisément fermées à l'ancien municeps. Les municipes de l'époque
récente sont à la vérité des cités de citoyens romains. Mais ils n'ont ni plus
ni moins de droit propre que les colonies ; l'assertion selon laquelle les
lois romaines ne s'appliqueraient à eux qu'autant qu'ils les auraient ac-
ceptées est une bévue inexcusable même chez un non-jurisconsulte ; et le
peuple récent de l'empire se composant notamment de ces peuples de villes,
il est plus que faux de mettre, comme ce texte, le municipe sur la même
ligne que le peuple de l'empire.
LE DROIT MUNICIPAL. 445
ainsi que nous allons le voir bientôt, n'est pas un municipium.
Cette dénomination contient en elle une réminiscence des an-
ciens droits de souveraineté, un écho de ce soulèvement des
alliés contre l'État dominant duquel est sortie la guerre sociale.
Le mot prœfectura désigne, au sens propre, le siège d'un Pnefeetura.
juge envoyé par Rome et plus ou moins permanent, et il est
par conséquent en opposition avec l'autonomie urbaine; car
on n'envoie de pareils juges que dans les localités qui sont
complètement dépourvues d'autonomie, ou qui tout au moins
n'ont qu'un droit limité de s'administrer elles-mêmes (1). La
transformation de ces arrondissements judiciaires en cités de ci-
toyens, a eu lieu, tout comme la déduction des colonies de
citoyens, par un acte unilatéral du gouvernement romain, pour
une partie dès une époque précoce, par exemple pour Fundi, For-
miae, Arpinum en 566 ; pour le grand nombre plus tard, sans
doute à la suite de la guerre sociale (p. 429) ; lorsqu'enfin Cé-
sar eut donné à Capua une constitution urbaine, il n'y eut plus de
prdefecturœ au sens primitif du mot. Ces cités n'ayant pas été à
l'origine autonomes, la dénomination de munie ipium ne leur
convenait pas légalement; pourtant un certain nombre d'entre el-
les l'ont prise de bonne heure; ainsi, par exemple, Cicéron appelle
toujours ainsi Arpinum, sa ville natale. Peut-être étaient-ce cel-
les qui avaient déjà possédé, en qualité àQprœfecturœ, une cer-
taine indépendance administrative. Mais une partie des anciens
sièges judiciaires conservèrent leur vieille dénomination; en
particulier, les villes sabines deReate, de Peltuinum et d'Ami-
ternum ont porté ce titre officiellement jusque sous l'Em-
pire (2). Le mot indiquant désormais la possession d'un statut
(1) P. 195. Forum Glodii, dans FÉtrurie méridionale, à l'emplacement
actuel de Bracciano, situé au bord de la voie Glodia conduisant de Luca
par Arretium et Glusium à Rome, est sans doute. né en qualité de marché
en même temps que la route, mais il s'appelle plus tard dans la liste
d'Auguste (Pline, 3, 5, 52, classé sous la lettre p) praefectura Claudia
foro Clodi, et ses citoyens s'appellent dans une inscription récemment
découverte (p. 195, note 3) Claudienses exprxfectura Claudia.
(2) C. 1. L. IX, p. 787. Les magistrats des anciennes prsefecturae ont
aussi fréquemment des titres divergents; si les lois visent, à côté des duum-
virs et des quattuorvirs, ceux qui alioguo nomine magistratum potestatemve
-H6 DROIT PUBLIC ROMAIN.
communal aussi bien que municipium et colonia, il est habi-
tuellement placé à côté des deux premiers, comme troisième
catégorie, dans la désignation cumulative des cités urbaines
(p. 439, note 2). La jurisprudence des derniers temps de la Ré-
publique exprime collectivement l'idée nouvelle de la cité de
citoyens, en rassemblant la cité entrée par un acte d'autonomie
dans le corps des citoyens, celle fondée par Rome et celle gra-
tifiée par Rome d'un statut municipal.
Dénominations ^es autres dénominations des communautés urbaines qui se
deTTiîï. rencontrent dans les lois ne sont pas sur la même ligne que les
premières. La langue technique des jurisconsultes romains,
qui souffre assurément d'une surabondance d'expression, em-
ploie, pour exprimer l'idée de ville, à côté du terme général
oppidum et des trois expressions municipium, colonia etprâe-
fecturœ que nous venons d'étudier, encore les mots vicus, cas-
tellum, territorium, locus (p. 439, note 2). Dans leur acception
propre, toutes ces expressions sont étrangères au sujet. Les
fora, les marchés, dont la naissance fut principalement provo-
quée par le tracé des grandes voies de l'empire, ont, non pas
absolument comme les prœfecturœ, — Forum Appii, près de
Terracine, est par exemple toujours resté un simple hameau,
— mais pour la plupart, spécialement en Gaule cisalpine, ob-
tenu des statuts municipaux (1), sans avoir droit cependant à
l'une des trois dénominations techniques. On rencontre aussi
un cas semblable pour le conciliabulum (2). En considération
de cela, on pouvait à bon droit, en l'absence de terme général,
pour exprimer d'une manière complète le droit de fonder une
communauté urbaine, ajouter la mention de la constitution d'un
sufragio habent, il est sans doute fait par là principalement allusion aux
trois édiles de Fundi etFormise et aux octovirs d'Amiternum, d'autres lieux
sabins.
(1) Marquardt,J/andÔMcM,p.42,note 3 = tr. fr.8, 15, note 2. Hermès, 16,32.
(2) Interamnia des Praetuttii, dit Frontin, éd. Lachmann, p. 19, concilia-
bulum fuisse fertur et postea in municipii jus relatum. Cette cité n'a donc
droit à aucun des trois noms légaux, et elle n'est pas non plus née comme
marché romain; mais le nom de conciliabulum civium Romanorum muni de
magistrats et de décurions (qui n'a ' probablement jamais été employé
comme titre officiel) lui convenait bien.
LE DROIT MUNICIPAL. 447
forum ou d'un conciliabulum muni du droit de juridiction.
Mais ces deux noms ne cessent point pour cela d'être plutôt la
négation que l'expression de l'idée de ville. — Le viens rural,
— il n'y pas à penser ici au vicus urbain, — est le village dé-
pourvu de statut communal (VI, 1 , p. 134), et le caslellum se dis-
tingue du viens seulement au point de vue militaire, en ce qu'il
est mis en état de défense. Il y avait des vici pourvus du droit
de juridiction (1), et c'est d'eux seulement qu'il peut être ques-
tion dans cette énumération ; mais on ne peut dire avec certi-
tude ce qu'il faut entendre par là. Peut-être s'agit-il de la con-
cession d'un statut communal faite à un viens sans changement
de sa dénomination (2) ; mais il se peut aussi qu'un droit com-
munal imparfait ait été conféré à un vicus sans qu'il fut com-
plètement séparé de la ville de laquelle il dépendait (3). — En-
fin locus et territorium sont certainement ajoutés seulement
pour parer à l'hypothèse toujours possible dans laquelle au-
cune des dénominations indiquées ne conviendrait à une com-
mune urbaine déterminée (4). — Toutes ces dénominations
ne sont pas légales pour désigner la communauté urbaine, et
elles ne s'emploient que dans de certaines circonstances et à
titre exceptionnel.
Sous l'Empire, la terminologie s'est simplifiée en ce que
l'idée positive de l'autonomie antérieure s'efface dans le nom
(1) Festus, p. 371: Ex vicis partem habent rem publicam et jus dicitur,
partim nihil eorum et tamen ibi nundlnse aguntur negolii gerendi causa et ma-
glstri vici, item magistri pagi quotannis fiv.nt. Mais, clans le texte cité p. 411,
no'e 2, et p. 456, note 4, qui remonte sans doute à Frontin, Vager alicujus
castelli aut conciliabuli nommé à côté de Vager colonicus et municipalis doit
sans doute être rapporté à la localité attribuée qui n'a pas de juridiction.
(2) Je ne connais pas à ce sujet de texte justificatif appartenant à l'Ita-
lie de la République; plus tard le vicus Augustanus près d'Ostie est devenu
le municipium (C. I. L. XIV, 2043. 2049) Laurentium vico Augustano ou Lau-
rentium Viciaugustanorum (C. I. L. XIV, p. 183).
(3) Les pagi ou castella d'Afrique qui ont des dédirions (C. 1. L. VIII,
p. 1100) sont de cette espèce, mais ils sont plus récents. Je ne connais pas
en Italie d'analogie certaine; cependant le pr(œtor) ou pr{œfectus) j{ure) d(i-
cundo) montis Dianae Tif(atinse) (C. I. L. X, 4564; cf. le même ouvrage, p. 367)
peut se rattacher à cela.
(4) La singulière désignation de Peltuinum comme pars Peltuinatium en
fournit un exemple.
448 DROIT PUBLIC ROMAIN.
du municipium civium Romanorum, et que par suite il est
donné, par opposition à colonia civium Romanorum, à toutes
les cités de citoyens dont l'existence ne se fonde pas sur une
déduction réelle ou fictive. Cette simplification se manifeste
notamment dans la disparition du nom de prœfectura et dans
son remplacement par l'expression générale; au reste, à cette
époque, toute localité arrivée à la condition urbaine en qualité
de forum ou sous un autre nom est appelée municipium sans
scrupules (1). La dénomination individuelle municeps est
même employée désormais pour le citoyen d'une ville romaine,
alors même qu'il appartient à une colonie (2), tandis que l'on
continue à ne pas avoir, en dehors d'oppidum civium Roma-
norum, d'expression corrélative pour désigner la ville en géné-
ral, et que par suite on cumule toujours, dans le langage cor
rect (3), les mentions de la colonie et du municipe.
Grands traits Le rôle politique de la cité de citoyens se détermine en sré-
de la constitution A x , * °
des villes, néral d'après celui de l'Etat. La ville fédérée est un Etat dont
l'autonomie est limitée ; la ville sujette est un pseudo-État au-
torisé jusqu'à nouvel ordre à l'exercice d'une autonomie encore
plus limitée. De même la ville de citoyens est, quant à sa ca-
(1) Le changement de dénomination, duquel il est superflu de donner
d'autres preuves, peut notamment se suivre sur les inscriptions des ancien-
nes prœfecturœ.La. dénomination Forum subsiste, mais uniquement comme
nom propre; car la détermination la plus fréquente, faite par le nom du ma-
gistrat qui avait créé la route, ne pouvait se passer d'un sujet; la qualité
juridique du lieu est, à côté de cela, désignée selon les circonstances par
colonia ou par municipium.
(2) Aulu-Gelle, 16, 13, 2 : Quotus fere nostrum est, qui cum ex colonia po-
puli Romani sit,non et se municipem et populares suos municipes esse dicat,quod
esta ratione etaveritate longe aversum? Ulpien exprime sans doute la même
pensée, Dig. 50, 4, 1, 1: Nunc abusive municipes dicimus suse ci/jusque civita-
tis cives, ut puta Campanos Puteolanos ; car les deux villes sont des colonies.
L'habitude de langage blâmée là est suivie par de nombreuses inscriptions.
(3) Par abréviation, la colonie est souvent comprise dans l'expression
municipium ; ainsi pour les stationes municipiorum du Forum romain (Sué-
tone, Ner. 37).
LE DROIT MUNICIPAL. i 40
tégorie la plus importante qui a déterminé son développement
général, quant au municipium civium Romanorum,\& cité main-
tenue, lors du retrait de son autonomie, en possession des at-
tributs de l'autonomie que l'on pensait pouvoir théoriquement
et pratiquement laisser à la partie dans l'intérieur du tout.
La République a sans doute, dès avant la guerre des Marses,
établi une certaine indépendance dans diverses communes
de citoyens. Mais l'introduction générale de la commune auto-
nome dans l'État romain a été la réalisation partielle de la
pensée politique qui a suscité la guerre sociale, l'application
limitée du principe fédératif en face de la tendance centralisa-
trice des premiers temps de la République. La cité locale est,
avant tout, de même que le plébéiat (VI. 1 , p. 144; p. 164), un
droit héréditaire et exclusif comme le droit de cité de l'État
(VI, 1, p. SI). Elle se transmet, selon les mêmes règles que le droit
de cité romaine, du père ou, à son défaut, de la mère aux enfants.
Pas plus que le Romain ne peut appartenir à aucun autre État,
le Tusculan ne peut appartenir à aucune autre cité locale (1).
Le changement du droit de cité local, comme celui du droit de
cité de l'État, se fonde toujours sur une cause légale exception-
nelle (2). Les principes fondamentaux de la constitution ro-
(1) C'est ce que montre par dessus tout l'unité de Yorigo et de la tribu
mise en pratique dans la masse de nos inscriptions. L'exception isolée d'un
homme ayant sa patrie à Neapolis en Afrique et résidant à Balsa en Lusi-
tanie qui s'attribue à la fois l'Arniensis de sa patrie et la Galeria de sa ré-
sidence (C. I. L. II, 105 : G. Blossins Saturninas Galeria Neapolitanus Afer
Areniensis, incola Balsensis; cf. le mémo vol. p. 4. 691) ne prouve que l'igno-
rance de ce provincial. Il en est de même des cas, qui ne sont guère moins
rares, où l'incolat est assimilé à Yorigo; ainsi lorsque Yordo de Singilia en
Bétique à un affranchi ayant sa patrie à Gorduba recipi[endo] in civium nu-
merujn quantum cui plurimum libertino decrevit (C. I. L. II, 2026). — Les re-
cueils de droit sont en général d'accord avec ces principes. S'ils admettent
par exception un double droit d'origine au cas d'affranchissement par deux
patrons ayant un droit d'origine différent {Dig. 50, 1, 7. L 27, pr.) et au
cas d'adoption (Dig. 50, 1, 15, 3. /. 17, 9), la première décision est évidem-
ment un expédient forcé et la seconde a sûrement été donnée pour empêcher
de se soustraire aux charges municipales en changeant de patrie.
(2) Nous ne pouvons établir avec une sûreté complète l'existence du
changement de cité locale autrement qu'en vertu d'une concession de l'em-
pereur ; il doit donc avoir fallu une loi sous la République. Le cas principal
se rattache à la constitution d'une cité de citoyens nouvelle ou à l'accroisse-
Droit Pdbl. Rom., t. VI, 2' p. -29
4S0 DROIT PUBLIC ROMAIN.
mairie (1), le populus avec ses comices, le conseil de la cité, la
magistrature, le territoire, le droit de cité (2), le cens, la ju-
ridiction se retrouvent tous dans la constitution des villes. Les
modifications générales tendent essentiellement, d'une part, à
mettre les institutions de l'empire en harmonie avec ce cercle
plus étroit, ainsi que le montre l'exemple du cens sénatorial
ment d'une pareille cité déjà existante ; les citoyens romains ayant une cité
locale, qui sont pris pour en faire partie, perdent leur cité locale et leur tribu
ancienne par l'acquisition des nouvelles (C. /. L. IX, 4684 : C. Julio C. f.
Longino domo Voltinia Philippis Macedonia... deductus ab divo Augusto Vespa-
siano Quirin. Reate, etc.). La concession par l'empereur du droit de cité locale
d'une cité de citoyens se rencontre aussi comme privilège individuel (v.
tome V, la partie de l'administration de l'Italie, sur l'intervention de l'em-
pereur dans l'administration municipale). —En dehors des privilégia de cette
espèce, le changement de la cité locale (de citoyens oupérégrino-latine) n'est
mentionné qu'extrêmement rarement dans les recueils de droit et dans les ins-
criptions. L'adlection dans le peuple, c'est-à-dire la concession du droit de
cité locale parla cité elle-même (èdit d'Hadrien, dans Dioclétien, Cod. Just.
10, 40, 7 : Cives quidem origo manwnissio adleclio adoptio, incolas vero... do-
micilium facit ; la seule mention qui en soit faite dans les ouvrages juri-
diques), se rapporte, au moins dans un cas, à la substitution d'une cité
locale ordinaire à ^la cité locale supplétoire de la capitale (p. 434, note 2).
Orelli, 3711 = Cl. L. XI, 1617: C. Umbricius C. f. Sca. Canso colon(us)
adlect(us) d(e^reto) d(eeurionum ) Florent(inorum) est peut-être de la même
espèce. Une autre situation exceptionnelle doit avoir servi de motif dans
le cas de l'inscription de Lyon, Henzen, 6991 : llliomari Aqui... ex civitate
Veliocassium sublecto in numéro colonor. Lug. et dans un cas où, sur deux fils
d'un père appartenant à la tribu de Salonae, à la Tromentina, l'un, decurio
Salonis et lssœ, appartient également à la Tromentina, mais l'autre, decurio
Jssae, appartient à la tribu de cette île, à la Sèrgia (C. L L. III, 2074).
(1) Les institutions plébéiennes sont exclues ; la constitution municipale
ne connaît pas, à la différence de celle des Italiens autonomes (p. 327), d'au-
tres édiles que les édiles curules (v. tome IV, la théorie de l'édilité moderne,
sur le rang et les insignes des édiles curules, dernière note, et Hermès,
1, 66), ni de tribuns du peuple. La plebs des municipes doit s'entendre dans
le sens expliqué p. 51, note 1, et le tribunus plebis de la colonie de Claude
Teanum Sidicioum (C. LL.X, 4797) est sans doute une invention de son fon-
dateur amateur d'archéologie républicaine. Dans la recommandation élec-
torale récemment mise au jour à Pompéi (Notizie degli scavi, 1887, p. 38) : L.
Magium Celerem II(virum) v{irum) bonum C. Tampium Sabeinum tri(bunum)
ple{bis) v(irum) b[pnwn) o{ro) v(olo?) vos faciat(is), qui est écrite sur stuc par
dessus une inscription sur pierre certainement rédigée sous l'empire, un
petit bourgeois d'opinions démocratiques peut avoir voulu présenter à ses
concitoyens le futur édile comme un nouveau Gracchus.
(2) Il est caractéristique à ce sujet que le poste d'appariteur requiert,
dans la colonie Geneti va , le droit de cité locale (c. 62 : Ex eo numéro, qui
ejus colonise coloni erunt) comme, dans l'administration romaine, le droit de
cité romaine (v. tome I, le commencement de la partie des Appariteurs).
LE DROIT MUNICIPAL. 454
d'un million de sesterces réduit pour le décurion à 100.000
sesterces (1), d'autre part, à différencier, par une terminologie
plus relevée, les institutions de l'Etat des institutions municipa-
les correspondantes. Le principe que la ville italique n'est pas
autre chose que l'État romain en raccourci ne se manifeste peut-
être nulle part aussi énergiquement que dans la constitution
du second ordre par Auguste : en môme temps que l'ordre
équestre dans l'État, il introduisit dans les municipes d'Italie
le sévirat qui en est la copie (p. 44).
Ce n'est que dans un tableau spécial du droit municipal que
peuvent être exposés les développements infiniment multiples
de ce principe simple et les limitations qui lui sont apportées
par la règle élémentaire selon laquelle l'autonomie urbaine
s'efface devant celle de l'État et ne se meut que dans les bor-
nes générales tracées par ce dernier. Mais même ici il ne suffit
pas de renvoyer, au sujet de l'organisation des villes, à l'ana-
logie de l'État. Il y a des rapports divers sous lesquels l'orga-
nisation de l'État ne pouvait pas servir de modèle pour celle
des villes, et il paraît nécessaire de jeter un coup d'oeil sur les
plus importantes des institutions municipales plus ou moins
indépendantes.
Les relations des cités de citoyens entre elles n'ont pu être
réglées sur le modèle de la situation de Rome, ni de la situation
qu'elle occupait en face des États voisins pleinement indépen-
dants, car le droit public romain n'est jamais arrivé à développer
un rapport légal de réciprocité conventionnelle, ni de la situation
prépondérante qu'elle avait en face des cités dépendantes, car
là c'était son autorité souveraine qui prédominait. La consé-
quence en est que la faculté de concéder le droit de cité, dont
l'État use à sa guise, est presque absolument enlevée à la ville.
Le peuple d'une localité ne pouvait concéder le droit de cité Adiectio.
(1) Pline, Ep. 1, 19: Esse tibi centum milium censum sutis indicat quod
apud nos decurio es. Pétrone, c. 44, en parlant d'un édile : Jam scio unde ac-
ceperit denarios mille aureos. C'est à ce taux que se lie l'idée d'homme ayant
de la fortune ; 100000 sesterces sont la limite des petites successions tant
d'après la loi Voconia ou du moins son interprétation usuelle (VI, 1, p. 282,
note 3) que pour l'affranchi (p. 17, note 2).
Relations
des cités
de citoyens
entre elles.
452 DROIT PUBLIC ROMAIN.
local que sans préjudice des droits des autres cités de citoyens
et même en général des autres cités appartenant à l'empire. Et
le droit de concession est supprimé par là en ce sens qu'il est,
par suite du caractère exclusif qui appartient au droit de cité
local lui-même, restreint aux individus qui ne font partie d'au-
cune cité locale (p. 434). Peut-être même exigeait-on encore que
le concessionnaire appartînt à l'empire ; car il ne pouvait pas
dépendre de l'arbitraire de chaque cité locale de rendre un in-
dividu membredeTempire (VI, 1, p. 152). —Mais ce quele peuple
ne pouvait pas faire pour les hommes, il pouvait en principe
le faire pour les dieux; quoique l'État put intervenir dans les
affaires religieuses des diverses cités par des ordres etdes défen-
ses, chaque cité d ('terminait en principe le cercle de ses dieux.
Les villes de l'Italie ont, les unes après les autres, admis l'empe-
reur Auguste parmi leurs dieux de son vivant et lui ont consa-
cré des temples et des prêtres, tandis que l'État ne connaissait
pas ce dieu (1).
soumission Nous rencontrons encore, en matière municipale, un dévelop-
des propriétaires
aux charges pement indépendant relativement à l'extension des droits et des
publiques. L L
devoirs politiques aux membres de l'empire qui n'ont pas le
droit de cité locale, relativement à l'appel des citoyens d'une
cité locale aux magistratures et aux charges d'une autre. A la
vérité, en ce qui concerne les prestations patrimoniales, les mu-
nera patrimonii etpersonœ(Yi, l,p.2o3),lespouvoirsque lacité
romaine avait dans l'ancienne organisation en face des latines
ont été essentiellement transportés aux villes de citoyens. Tout
citoyen romain ayant ledroitde devenir propriétaire foncier dans
le territoire de Capua, le propriétaire foncier non-campanien est,
comme municeps, au sens primitif du mot, de la cité de Capua,
soumis aux charges locales dont est frappé le possesseur d'im-
meubles en cette qualité (2). Quant aux prestations demandées
(i) Hovnes, 17, 640 et ss. Cela se montre particulièrement dans le Feriale
de Gumes.
(2) iElius Gallus (VI, 4, p. 264, note 2): Municeps est... qui ex alio génère
(VI, 1, p. 8, note 3) munus functus est. Quant au fend, c'est d'accord avec le
statut municipal de Genetiva, VI, 1, p. 259, note 3. La jurisprudence romaine
LE DROIT MUNICIPAL. 453
à la personne, il y a moins eu modification théorique du droit
qu'extension du principe à notre cercle. Nous ne pouvons point
établir que l'État romain ait exigé des prestations personnelles
des non-citoyens (VI, 1, p. 263), mais naturellement il pouvait
en exiger. Les cités locales font un large usage de cette fa-
culté, et elles attachent cette charge au domicile (domici-
lium) ; selon la formule employée d'ordinaire, elles assimi-
lent sous ce rapport l'habitant au citoyen, Y incola au civis. On
ne s'occupe même pas là du droit de cité romaine : l'Athénien vi-
vant à Capua y a sans aucun doute été aussi bien soumis aux
mimera que le Nolanus.
Cette faculté de soumettre comme on l'entend l'étranger domi-
cilié dans l'Etat aux prestations publiques est un simple corollaire
delà souveraineté. Mais l'exercice des droits politiques, enparti-
culier de l'électorat et de l'éligibilité, est en principe lié au droit
de cité. Cependant la constitution romano-latine a admis les
non-citoyens à la communauté du droit de suffrage, au moins
à condition qu'ils fussent domiciliés dans le lieu du vote (p. 267);
et il est probable que les comices municipaux ont, sous ce rap-
port, suivi l'exemple des comices romains en appliquant le pro-
cédé de tirage au sort usité à Rome comme dans les villes latines
(VI, 1, p. 456). Les Campaniens pouvaient difficilement refuser
au Latin dans leurs comices le droit qu'il avait à Rome et qu'ils
avaient eux-mêmes dans toutes les cités latines ; ils pouvaient
encore moins refuser au Nolanus, qui appartenait au groupe des
citoyens, ce qu'ils accordaient au Latin dépourvu du droit de cité.
Mais sans doute cette communauté du droit de suffrage n'a été
ici, conformément à l'organisation que nous lui voyons donnera
l'époque récente dans les villes latines (p. 268), accordée qu'au
citoyen romain ou latin qui était domicilié dans la cité inté-
ressée. Il n'y avait pas de raison de l'étendre aux pérégrins
appartenant à l'empire.
moderne n'a plus d'expression technique pour HyxTtjffic grecque, depuis que
municeps a pris un sens plus large ; incola est toujours rattaché au domicile
[Dig, 50, 16, 239, 2).
Communauté
de droits
électoraux.
454 DROIT PUBLIC ROMAIN.
communauté L'analogie des institutions de l'État est favorable à l'exten-
m^tràlure?. sion de l'électorat des comices locaux aux propriétaires de
droit romain ou latin. Au contraire, elle plaide contre l'exten-
sion du droit d'occuper les magistratures aux individus étran-
gers à la localité (p. 268); cette extension ne se rencontre en effet,
jusqu'au temps des empereursFlaviens,qu'àtitreexceptionnel et
dans des cités italiques isolées (1). Mais postérieurement l'évo-
lution municipale s'émancipe ici du modèle de l'État. Le droit d'é-
ligibilité, ou plutôt, puisque les magistratures deviennent, à
cette époque, de plus en plus une charge, le devoir de revêtir
les magistratures, et, par une conséquence essentielle, d'entrer
dans le conseil communal, est généralisé sous le Principat, et
les charges des citoyens sont allégées par l'extension des ma-
gistratures et du décurionat aux propriétaires n'appartenant
pas au peuple de la cité (2).
'gade6s cités™1 II n'y a pas de catégories légalement différentes de cités de
de citoyens. •
citoyens, ou tout au moins nous ne pouvons en discerner. On
trouve souvent mentionnés des privilèges particuliers, par exem-
ple la concession de la juridiction volontaire (p. 468, note 1), le
droit de vote privilégié des colonies fondées par Auguste en Italie
(VI, l,p. 447). La différence existant entre les municipes, arrivés
au statut municipal en venant de l'autonomie, et les colonies, qui
n'ont jamais été autonomes, constitue une supériorité honorifique
à l'avantage des municipes à l'époque ancienne (p. 444), à celui
des colonies à l'époque récente (p. 442, note 2), et elle trouve
son expression dans certaines particularités de l'organisation
communale. Ainsi la magistrature, dans ses deux degrés cor-
(1) Frontin, éd. Lachmann, p. 52: Sed et (Mss: sedae) quaedam colonie
aut beneficio conditorum perceperunt , ut Tudertini (Tuder est une colonie du
temps des triumvirs : Hermès, 18, 182) aut postea apud principes egerunt,
ut Fanestres (également une colonie julienne : Hermès, loc. cit.), ut incolas
etiam si essent alienigenœ, qui intra territorium cotèrent, nihilo minus (Mss. :
cotèrent alii hominibus) honoribus {oneribus est une mauvaise correction) fungi
in colonia deberent. Hoc Fanestres nuper impetraverunt, Tudertini autem benefi-
cio habent conditoris.
(2) Rescrit de Garacalla, Cod. 10, 40[39], 1 : Non tibi obest, si cum incold
esses, aliquod munus suscepisti, modo si ante quam ad alios ho?iores vocareris
domiçilium transtulisti. Inscription de Dea Vocontiorum [C. I. L. XII, 1585):
AdUcto in curiam. Lugudunensium nomine incolatus; de même C. /. L. II, 1055.
LE DROIT MUNICIPAL. 455
respondant au consulat et à l'édilité, se désigne ordinairement
du nom de quattuorvirat dans les municipes ; dans les colonies,
d'une façon plus voisine de la façon romaine, la magistrature
la plus élevée se désigne du nom de duoviratet la moins élevée
de celui d'édilité. Mais il ne semble pas y avoir de différence
juridique essentielle liée à cette différence de mots.
Au contraire, il y a une différence importante entre les cités de Ré^™ecuéScier
citoyens, peut-être dès les derniers temps de la République, cer- de cer-
tainement sous l'Empire, selon que leur territoire est suscepti-
ble de propriété quiritaire ou doit la rente foncière comme
terre domaniale. Dans l'ancien système, la première catégorie,
existe seule ; dans le système nouveau, les cités de citoyens
des provinces appartiennent en général à la seconde catégorie,
et les cités provinciales ayant la plénitude de la propriété
immobilière sont désignées du nom de cités italiques. La
propriété quiritaire du sol a d'abord été la condition néces-
saire de toute constitution d'une ville de citoyens. En Italie (1)
et en Gaule cisalpine, ce principe a été maintenu sans restric-
tions, et la conséquence a été que le sol y est resté exempt de re-
devance jusqu'au rétablissement de l'ancienne imposition des
citoyens par Dioclétien (VI, 1, p. 258, note 2). Mais, dansles ter-
ritoires d'outre-mer, c'est le contraire, avons-nous vu (p. 368):
non seulement la possession domaniale s'étend à la totalité du
sol à l'exception des territoires des cités autonomes, mais ce
sol y est déclaré inaliénable, de sorte que l'usufruitier, même
si l'usufruit devient héréditaire et se rapproche en fait de la
propriété, sans distinction de statut personnel, à payer la
redevance foncière (2). Parmi les cités d'outre-mer qui sont
par suite soumises à la rente foncière, la plus ancienne est
Narbo, la colonie des Gracques (p. 374), et c'est probablement
la seule chez laquelle les deux caractères aient été réunis du
(1) Uager privatus vecligalisque italique de la loi agraire de 643 est une
anomalie éphémère, provoquée par le désordre agraire du temps des Grac-
ques, qui ne fait que confirmer la règle.
(2) C'est pourquoi Antoine a établi à titre spécial l'immunité pour les
lots qu'il a assignés à ses favoris dans le territoire de Leontini (Gicéron,
Phil. 3, 9, 22; cf. p. 367, note 4),
456 DROIT PUBLIC ROMAIN.
temps de la République. Au contraire, les cités de citoyens d'ou-
tre-mer créées en grand nombre sous la dictature de César et
ensuite sous le Principat ont été, en règle générale, constituées
de cette façon. Elles étaient, nous en avons la preuve, soumises
à la taxe foncière, aussi bien dans les provinces du sénat de
Sicile (1) et d'Afrique (2) que dans la province impériale de
Syrie (3), de sorte que la forme ne faisait pas de différence et
que l'ancien stipendium des provinces sénatoriales et le tribu-
tumàes provinces impériales atteignaient également les ci-
toyens.
Cli£i?qiie™1 Mais cette règle a reçu des exceptions, peut-être déjà sous Cé-
sar, certainement depuis Auguste, parfois sous la forme de la
concession de l'immunité (4), plus fréquemment, et dans les
(1) Les listes de Pline, venant du temps d'Auguste et dignes de foi en
dehors d'interpolations isolées, citent diverses villes de Sicile comme colo-
nise, oppida civium Romanorum, Latinse condicionis et les autres comme sti-
pendiantes (3, 8, 91) ; cela prouve, en tout cas, que les taxes subsistaient
alors, au moins en grande partie, malgré la concession générale du droit de
cité faite à toute l'île. Il se peut que les trois catégories signalées soient
désignées par là comme libres d'impôts: cependant il n'est guère permis
d'interpréter aussi strictement l'opposition.
(2) Puisque ce fut Sévère qui donna le premier le droit italique à Car-
thage, à Utique et à Leptis Magna, qui étaient alors toutes des colonies de
citoyens (Dig. 50, 15, 8, 11), il faut bien qu'elles aient été jusqu'alors sou-
mises à l'impôt.
(3) Antioche reçut le droit colonial salvis tributis (p. 314, note 1).
(4) L'immunité est, en ce qui touche les provinces sénatoriales, attestée
pour toutes les coloi.ies de Bétique par l'inscription de Tucci, C. L L. II,
1663 : Flamen col{oniarum) immunium provincise Bœtic{se) et par Pline, H. n.
3, 1, 12, qui cite les quatre colonies de Tucci, Iptuci, Ucubi, Genetiva
comme alise colonise immunes. L'immunité de la colonie provinciale n'est pas
la même chose que le droit italique, montre la discussion assurément gra-
vement altérée qui nous a été conservée dans le délayage postérieur d'A-
gennius TJrbicus et que Lachmann attribue avec raison pour l'ensemble à
Frontin, Grom. p. 35, 13 et ss. (cf. p. 62, 19). Prima enim condicio possidendi,
dit le manuscrit, hsec est ac per Italiam, ubi nullus ajugerum (Lachmann :
ager est) tribiitar'ats , sed aut colonicus aut municipalis aut alicujus castelli aut
conciliabuli aut saltus privati (cf. à ce sujet p. 428, note 1) ac (Lachmann :
at) si ad provincias respiciamus , habent agros colonicos quidem (Trekell : Ita-
lici, Rudorff, Grom. 2, p. 374 : ejusdem) jw*is, habent et colonicos stipendiarii
(Rudorff efface stip.) qui sunt in communem (Rudorff : immunes), habentem
(Lachmann : habent) et colonis (Lachmann : colonicos) stipendiarios. Habent
autem provincise et municipales agros aut civitatium peregrinarum. Par consé-
quent, le sol était, dans les colonies provinciales, ou de droit italique, ou
LE DROIT MUNICIPAL. 457
provinces impériales peut-être exclusivement (1), sous celle de
la collation du droit italique (2). Xous avons déjà rencontré ce
droit (p. 253) appliqué à certaines cités pérégrines voisines de
immunis, ou stipendiais (ou tributaire), dans les municipts de citoyens
et les cités sujettes, en général stipendiaire (ou tributaire).
(1) Je ne trouve l'immunité mentionnée pour des cités de citoyens des
provinces impériales que dans Pline, pour Caesaraugusta dans l'Espagne
citérieure (3. 3, 34) et Ilici dans la même province (3, 3, 19) et dans le
Digeste, 50, 15, 8, pr. pour Barcino; en outre, pour la colonie d'Auguste de
Saldse en Mauritanie (C. /. L. VIII, 8931. 8933 : Colonia Julia Augmta Sal-
dantium Seplimanorum immunis). Mais Ilici avait le droit italique [toc. cit.),
et, pour Barcino, c'est également sans doute à ce droit que pense le juris-
consulte qui change seulement d'expression.
(2) Une liste des colonies de droit italique, et aussi des colonies im-
munes, qui me sont connues, ne sera pas superflue.
Provinces du sénat :
Afrique : Cartilage (p. 456, note 2),— Leptis Magna (même note),— Thamu-
gadi (inscription de Marsyas, p. 460, note 1), — Utique, (p. 456, note 2),
— Verecunda (inscription de Marsyas).
Asie, toutes les colonies : Parium (Dig. 50, 15, 8, 9 : monnaies de Marsyas,
p. 460, note 1), — Troas {Dig. 50, 15, 7. I. 8, 9 : monnaies de Marsyas).
Bétique : toutes les colonies sont immunes (p. 456, note 4).
Macédoine : Gassandria {Dig. 50, 15, 8, 8), — Dium {Dig. 50, 15, 8, 8), —
Dyrrachium (Dig. 50, 15, 7. I. 8, 8), — Philippi (Dig. 50, 15, 6. /. 8,8).
Narbouensis : Vienna (Dig. 50, 15, 8, 1).
Provinces impériales :
Arabie : Bostra (monnaies de Marsyas).
Dacie : Apulum, — Napoca, — Potaissa,— Sarmizegetusa, — Zerne (toutes
Dig. 50, 15, 1, S. 9).
Galatie : Antioche de Pisidie (Dig. 50, 15, 8, 10).
Gallia Lugdunensis : Lugdunum (Dig. 50, 15, 8, 1).
Gerinania inferior : Colonia Agrippina (Dig. 50, 15, 8, 2).
Hispania Tarraconensis : Acci (Pline, 3, 3, 25), —Barcino (immunis, Dig.
50, 15, 8, pr.) — Caesaraugusta (immunis, Pline,3, 3, 24), — Ilici (Dig.
50, 15, 8, pr. ; Pline, 3, 3, 19) — Libisosa (Pline, 3, 3, 25), — Valentia
(Dig. 50, 15, 8, pr. ; cf. p. 374, note 2).
Lusitanie : Emerita (Dig. 50, 15, 8, pr.) — Pax (loc. cit.).
Mauritanie : Saldœ (immunis, note 1).
Syrie : Berytus (Dig. 50, 15, 7. I. 8, 3 ; monnaies de Marsyas), — Césaréeen
Palestine (p. 459, note \J, — Capitolias (Dig. 50, 15, 8, 7), — Damascus
(monnaies de Marsyas), — Helioupolis (p. 458, note 2), — Hemesa (Dig.
50, 15, 1, 4. /. 8, 6), — Laodicea, Dig. 50, 15, 8, 3 ; monnaies de Mar-
syas), — Neapolis en Samaria (monnaies de Marsyas), — Palmyre
(monnaies de Marsyas), — Sidon (monnaies de Marsyas), — Tyr (Dig.
50, 15, 1, 2. I. 8, 4; monnaies de Marsyas).
Thrace : Deultus (monnaies de Marsyas ', — Constantinopolis (Cod. Theod.
14, 13; Cod. Jus t. 11, 21).
458 DROIT PUBLIC ROMAIN.
l'Italie, pour lesquelles il n'est, selon toute apparence, que la
concession à la commune intéressée du commercium tel qu'il
est contenu dans le droit latin, c'est-à-dire de la faculté pour les
Romains d'acquérir la pleine propriété dans le territoire de cette
cité et pour les membres de cette cité de l'acquérir dans celui
de Rome. Mais le même droit se présente aussi comme un pri-
vilège accordé à des cités isolées de citoyens romains, et ex-
clusivement à des cités provinciales, évidemment parce
que pour les cités italiques le droit italique va de soi. Ces
cités sont, à peu d'exceptions près (1), des colonies (2). Pour
elles aussi, le point de départ et le grand point est la pleine pro-
priété du sol (3), qui va de soi pour les cités italiques, qui
est exceptionnelle pour les cités provinciales, la possibilité
d'acquérir, d'avoir et d'aliéner selon le droit quiritaire l'im-
meuble situé dans le territoire en jeu (4) et l'immunité qui
en résulte. L'exemption aussi bien de la rente foncière pro-
prement dite que de l'impôt de capitation lié avec elle (VI, 1,
p. 268, note 2) est contenue dans le droit italique : cela résulte
avec précision des témoignages des jurisconsultes du temps de
(1) Stobi en Macédoine, qui s'appelle encore sur ses dernières monnaies
frappées sous Elagabal municipium Stobensium (Mionnet, i, 489, 296. Suppl.
3, 116, 726-731), avait, selon Paul, Dig. 50, 15, 8, 8, qui écrit également
sous Elagabal, le droit italique. Il faut ajouter le municipe de Cœla dans
la Ghersonèse de Thrace, dont les monnaies montrent un Silène (Eckhel, 2,
50).
(2) C'est pourquoi Ulpien, Dig. 50, 15, 1, pr. ouvre cet exposé par les mots :
Sciendum est esse quasdam colonias juris ltalici. Il dit également plus loin
d'Hemesa (50, 15, 1, 4 ; de même 50, 15, 8, 6) : Jus colonise dédit jurisque
ltalici eam fecit, et d'Helioupolis (50, 15, 1, 2) \Ualicx colonias rempublicam
accepit et, par opposition, de Ptolemaïs en Phénicie (50,15,1, 3) : Nihil prsc-
ter nomen colonias hdbet.
(3) Lorsque Paul dit, Dig. 50, 15, 8, 3 : Laodicia in Syria et Berytos in
Phœnice juris ltalici sunt et solum earum, il fait allusion par là à ce que,
dans toutes les autres cités provinciales (dont les cités fédérées ne font pas
partie), y compris les cités de citoyens qui n'ont pas le droit italique, la
propriété du sol appartient à l'État ou à l'empereur.
(4) C'est ce qui doit avoir été dit dans Gaius, 2, 27, où les débris por-
tent: Provincialis soli nexum non e[sse]...significationem solum ltalicum manci-
pii est, provinciale nec mancipii est (cf. 1, 120 : Prœdia... quae... mancipii
sunt, qualia sunt Italica ; 2, 14 a : Mdes in ltalico solo ; 2, 31. .63).
LE DROIT MUNICIPAL- 459
l'Empire (i), et cela a été naturellement de beaucoup le privi-
lège le plus important des villes de droit italique. Mais elles
possèdent en outre certains honneurs communaux. La statue
d'un Silène nu avec une outre sur l'épaule (2), qui portait le
nom de Marsyas et qui était déjà sur le grand marché de Rome
au temps de Sulla, a du nécessairement être considérée comme
l'emblème caractéristique de la capitale (3). Or les colonies de
citoyens de droit italique élevaient également cette statue sur
leurs marchés, non pas sans doute en Italie, où aucune ville ne
pouvait s'attribuer sous ce rapport une prérogative, mais dans
(1) Paul dit, au sujet do Césarée en Palestine, (Dig. 50, 15, 8, 7) : Divus
Vespasianus Caesarienses colonos fecit non adjecto ut et juris ltalici essent, sed
tributum his remisit capitis : sed divus Titus etiam solum immune factum inter-
pretatus est, tandis que, .selon Ulpien (Dig. 50,15,1,6), cotte ville était bien une
colonie, mais non une colonie de droit italique. Elle n'avait pas reçu ex-
pressément le droit italique, et c'est à cela que pense Ulpien. Mais, si elle
l'avait reçu, elle aurait été libérée de l'impôt foncier comme de l'impôt de
capitation, et après quelle eut obtenu l'exemption de l'impôt foncier, sa
condition revint à celle des villes de droit italique, et c'est à cela que
pense Paul. La place occupée par les listes dans les traités de censibus,
l'indication des Barcinonenses immunes, Dig. 50, 15, 8, pr. dans la liste des
villes de droit italique, et l'opposition faite, Dig. 50, 15, 8, 5 : Divus Antoni-
nus Antiochenses colonos fecit salvis tributis, montrent encore que l'immunité
est comprise dans le droit des colonies italiques.
(2) Nous en trouvons déjà la représentation sur les monnaies de L.
Marcius Gensorinus, au temps de Sulla (fi. M. W. p. 602 = tr. fr.2, p. 431).
Cf. sur la statue, Jordan, Topogr. 1, 2, 264. 303). Peut-être n'était-elle pas
autre chose qu'une œuvre d'art grecque transportée à Rome et était-elle
pour Rome quelque chose d'analogue à ce qu'est l'Homme aux Oies pour
Nuremberg.
(3) Les érudits romains récents voyaient là une image de la liberté des
villes sur le témoignage des scolies de Virgile,^n.3,20 : In liberis civitatibus
simulacrum Marsyae erat, qui in tutela Liberi patris est ; 4, 58 : Marsyas ejus
(du pater Lyaeus) minister est in civitatibus in foro positus liber tatis indicium,
qui erecta manu testatur nihil urbi déesse. Mais, sans parler de ce que la li-
berté de la ville ne pourrait être représentée qu'ironiquement par cette
image, la conclusion qu'on en déduit est fausse ; car ce ne sont pas les
villes libres, mais les villes de droit italique dans lesquelles se rencontre
le Marsyas ; toute l'explication n'est donc qu'une mauvaise plaisanterie ou
un sérieux encore pire. Pausanias, en disant de la colonie de citoyens de
Patrae,7, 18,7: Avyo-JTToç.... soar/.s [xsv èXe-jôepoiç 'A-/ouwv jjlovoiçtoïç ïlarpsCo-tv
elvat, KScdxe oï xai lç '% aÀ>.a yepa c-cpiaiv, oiroa-a toïç a7rocxoiç vé(xetv o\ Tw-
{xatoi vojx^ouaiv, pourrait donner à croire qu'il fait allusion au Marsyas et
que par suite il lui a donné le mémo sens que les scoliastes. Mais la pré-
sence du Marsyas sur les monnaies de cette ville (Eckhel, 2, 238) est une
assertion d'Arigoni et est difficilement exacte (Imhoof).
460 DROIT PUBLIC ROMAIN.
les provinces, et elles se servaient du Marsyas en quelque sorte
comme d'un insigne de leur statut municipal privilégié par
opposition aux autres cités de citoyens qui ne leur étaient pas
assimilées quant au droit de propriété foncière et aux cités pro-
vinciales de non-citoyens (1).
La cité italique de citoyens était privilégiée par rapport à la
cité provinciale de citoyens, au point de vue territorial. Elle
l'était peut-être aussi au point de vue personnel, quant au droit
d'occuper les magistratures. Ainsi que nous l'avons expliqué
dans la théorie de la Capacité d'être magistrat, le droit d'occu-
per les magistratures de l'État faisait défaut, dans les premiers
temps de l'Empire, aux membres des cités de citoyens des Gau-
les, et cette infériorité était peut-être alors commune à toutes
les provinces. Or, si les citoyens ayant leur cité locale en Ita-
lie ont eupendant un certain temps le privilège d'arriver aux
magistratures de l'État et par elles au sénat, les communes pro-
vinciales de droit italique peuvent fort bien avoir encore été as-
similées sous ce rapport auxcommunes italiques. Mais cette infé-
riorité, qui, sauf pour Narbonne, ne peut avoir commencé à
exister avantla dictaturede César, fut déjà effacée pour la Gaule
par l'empereur Claude, et, si elle a existé ailleurs, elle ne peut
guère y avoir subsisté beaucoup plus longtemps ; car sans cela
nous en trouverions les traces.
condition légale Les cités de citoyens romains sont soumises aux magistrats
de citoyens.
(1) Eckhel, 4, 493, l'a depuis longtemps parfaitement démontré. Nous
trouvons le Marsyas romain sur des monnaies des villes suivantes : *Ale-
xandreia Troas — *Berytus, — Bostra, — Gœla en Thrace, — Damascus,
— Deultus en Thrace, — *Laodicea en Syrie, — Neapolis en Samarie, —
Palmyre (De Saulcy, Mélanges de numismatique, tome II, 1877, p. 335, plan-
che 13, 1. 2), — *Parium (sans doute seulement sous Valérien ou Gallien :
Mionnet, Suppl. 5, 393, 689), — Sidon, — *Tyr. En outre, d'après les ins-
criptions, la statue de Marsyas fut érigée sur le Forum, à Thamugadi, en
Afrique, lorsque Trajan fit de cette ville une colonie {Eph. ep. Y, n. 1269) et
dans deux autres endroits d'Afrique, dans une ville dont le nom nous est
inconnu, sous Commode (Eph. ep. V, n. 264 : Statuant quoque in foro Mar-
syas...) et. à Verecunda sous Valérien (C. /. L. VIII, 4219). La qualité de co-
lonie est certaine pour toutes ces villes à l'exception de Cœla et de Vere-
cunda; l'existence du droit italique l'est également pour les cinq que nous
avons désignées plus liant par une étoile.
Abseme
de souveraineté
militaire.
LE DROIT MUNICIPAL. i-GI
romains, et ce qu'on appellera liberté des villes ne peut pas y
exister (1). Toute l'Italie étant placée sous le gouvernement
des autorités de la capitale, dont les attributions sont réglées
autrement que celles des gouverneurs, les communes italiques
ne subissent pas de contrôle administratif essentiel des orga-
nes du pouvoir. Mais les cités de citoyens qui sont dans les pro-
vinces ne se distinguent pas en principe à ce point de vue des
cités sujettes. Ce semble être par une exception isolée que la
colonie julienne d'Àpameaen Bithynie était dégagée par un pri-
vilège de l'obligation de présenter ses comptes municipaux au
gouverneur (2).
Il ne peut naturellement pas être question pour les cités de
citoyens d'une souveraineté militaire proprement dite (3).
Mais l'institution du commandement militaire motivé par la
force majeure s'étend à elles, et en pareil cas le magistrat ou le
représentant nommé par lui a les pouvoirs de l'officier romain
[tribunus militwn) (4).
La cité de citoyens n'a pas de droit propre différent de Absence de
J r jt r jr0lt propre.
celui de l'empire. Les actes de droit privé qui ont pour con-
(1) Nous avons remarqué p. 441, note 1, que les villes libres de Curubis
et d'ilippo n'ont pas été en même temps des cités de citoyens. Une faut pas
considérer comme des preuves du contraire que Pausanias, 7, 18, 5, attribue
rèXeuôepîa à la colonie de Patrae; que la ville d'Askalon soit appelée xoXama
wmtoi xa\ èXeuôepa dans un titre de l'an 359 après J. G. (Hermès, 19, 418); et
que l'on rencontre, sur une dédication africaine à l'empereur Gratien, un
municipium (à cette époque cependant sans doute civium Romanorum) Septi-
miam liberum Aulodes (Gagnât et Reinach, Comptes-rendus de VAcad. des
lnscr. 1883, 256).
(2) Cum vellem, écrit Pline à Trajan, Ep. 47, Apamex cognoscere publicos
debitores et reditum et impendia, responsum est mihi cupere quidem universos
ut a me rationes colonise legerentur, numquam tamen esse lectasab ullo procon-
sulum, habuisse privilegium et vetustissimum morem arbitrio suo rem publicam
administrare ; et l'empereur, Ep. 47, se borne à faire faire l'inspection pour
cette fois suivis piwilegiis.
(3j Les soldats fournis, parmi les villes italiques qui donnèrent des
secours à Scipion en 549 pour son expédition d'Afrique, par les cités sabi-
nes de citoyens complets de Nursia, de Reate et d'Amiternum (Tite-Live,
28, 45, 19), n'impliquent aucunement l'existence d'un dilectus municipal.
(4) Selon le statut de Genetiva, c. 103, le duumvir ou son prsefectus
peut finium defendendoi*um causa appeler sous les armes les membres de la
cité, tique... idem jus eademque animadversio esto uti tr(ibuno) mil(itum)
p. R. in exercitu p. R. est.
Staluîs locaux.
46*2 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dition la souveraineté politique et qui, comme le dit la for-
mule du testament romain, doivent être accomplis secundum
legem publicam, sont accomplis dans les cités autonomes et dans
les cités quasi-autonomes selon leur droit local. L'Athénien
teste selon le droit athénien, le Syracusain selon le droit de Sy-
racuse ; le Préneslin depuis la guerre des Marses teste selon le
droit romain. Non seulement cela n'exclut pas l'existence de
statuts locaux; mais la colonie d'Antium en reçut déjà un en
l'an 437 (p. 423, note 2), et, au moment de l'organisation de
toutes les colonies de citoyens et de beaucoup des autres cités
de citoyens, une loi spéciale était rendue qui réglait la consti-
tution de la cité et qui posait plus ou moins de principes de
droit, parfois même en s'écartant du droit romain géné-
ral (1). Le statut local ainsi donné se fonde nécessairement,
en droit, sur une résolution des comices romains; mais, en fait,
il émane sans doute habituellement, comme nous le montre
celui delà colonie Genetiva de César qui nous est parvenu, de
l'autorité d'un magistrat auquel cette affaire était confiée en
même temps que le soin de constituer la cité. Ce statut pouvait
même concéder à une cité de citoyens le droit de se donner
ses institutions à elle-même; ainsi, lorsque l'agitation démo-
cratique pour l'établissement du vote secret remua la capitale,
des rogations semblables furent présentées au peuple d'Ar-
pinum et probablement à celui de beaucoup d'autres villes
de citoyens (VI, 1, p. 466, note 1); les mouvements politiques
de la capitale devaient ainsi fréquemment se répercuter
dans ces villes. La limite posée à l'autonomie des associations
dum ne quid ex publica lege corrumpant (VI, 1, p. 353, note 2)
s'appliquait naturellement aussi aux cités; pour le surplus, la
compétence de leurs comices, c'est-à-dire leur pseudo-souve-
raineté s'étend aussi loin que le leur permet leur statut.
(1). Le système d'Arpinum, différent du système romain, qui lie aux
biens la charge des sacra (VI, 1, p. 21, note 2) se ramène de la façon la plus
simple à un statut local donné par Rome. Le point de savoir si l'auteur du
statut avait le droit d'y admettre de telles anomalies dépendait de la rédac-
tion de la loi qui le chargeait de la confection du statut.
Juridiction
LE DROIT MUNICIPAL. 463
La juridiction municipale, Yimperium judiciaire (1) est,
puisque Yimperium militaire restait au pouvoir central, la seule im,mc,Pale-
expression possible des droits de souveraineté des municipes ; et
c'est pourquoi leurs magistrats supérieurs se nomment, dans
leur titre officiel, jure dicundo (2). L'autre face du rapport est
exprimée théoriquement et pratiquement par les limitations
apportées au droit de juridiction des cités de citoyens (3).
D'après la constitution primitive de l'État romain, il n'y avait
pour le citoyen romain de tribunal national compétent qu'à
Rome. Mais ce principe fut limité, à deux points de vue, sous la
République. 11 le fut, en premier lieu, par l'institution de tribu-
naux de l'État hors de la ville, ceux des représentants du pré-
teur urbain {prœfecti) (4) en Italie et ceux des préteurs provin-
ciaux hors d'Italie. Il le fut, en second lieu, par le transfert de
la juridiction à des magistrats communaux issus comme les ma-
gistrats romains du vote de leurs concitoyens.
L'institution des préfets locaux et des préteurs provinciaux
n'est pas une restriction de la juridiction de l'État; c'est seule-
(1) Dans les lois de la fin de la République, les magistrats municipaux
se voient attribuer expressément imperium potestasve (v. tome 1, la partie
préliminaire, sur les mots imperium etpotestas; cf. plus bas, p. 466, note 2).
Habituellement du reste imperium n'est pas employé dans le sens général
de pouvoirs du magistrat supérieur comprenant la juridiction, mais, par
opposition à la juridiction, pour désigner Fautorité militaire et d'une façon
générale toutes les attributions du magistrat supérieur qui ne font point
partie de la juridiction proprement dite (v. tome I, le commencement de la
partie de la Juridiction civile).
*t &) A. la vérité, le complément ne se présente pas avec une généralité
absolue. Il fait défaut non seulement, comme il convient, dans les titres
municipaux tels que dictator et prœtor qui contiennent en eux-mêmes l'in-
dication des fonctions de la magistrature supérieure, mais aussi dans les
cas où ces fonctions ont été, au moment de la délivrance du statut, excep-
tionnellement attachées à l'édilité (C. I. L. X, p. 1157; cf. IX, p. 789). Le
complément est aussi omis non seulement à titre isolé, mais même en rè-
gle générale dans certaines cités, par exemple dans la colonie de Capua,
sans qu'il y ait de raison de supposer une différence de droit.
J $ La loi qui accorda le droit de cité aux cités latines de la Gaule ci-
salpine, disposa que l'ancienne juridiction illimitée resterait en vigueur
pour les procès alors pendants (fragment d'Ateste, lignes 10 et ss).
(4) V. tome I, la partie de la Nomination des agents auxiliaires, sur la
juridiction déléguée en Italie, et, tome IV, la théorie du Vigintisexvirat, sur
les prœfecti Capuam Cumas.
464 DROIT PUBLIC HUMAIN.
ment un changement de son mode d'exercice, pour lequel il
n'y a pas à distinguer si ces agents ont dans leur circonscrip-
tion une compétence illimitée, comme c'est le cas des préteurs
provinciaux élus par les comices (1), ou si leur compétence est
limitée quant au fond, comme il arriva probablement pour la
juridiction des prœfecti italiques d'abord investis d'une déléga-
tion du préteur. Il nous est seulement rapporté que les parties
pouvaient convenir de renvoyer la décision d'un litige déter-
miné au préteur de Rome (2).
Théoriquement la juridiction communale est aussi légitimée
par l'intervention des comices romains, et elle est probablement
considérée comme une délégation réglée par la loi de la juri-
diction prétorienne (3). Quant au fond, elle est un vestige
pratique de l'autonomie légale et le critérium de la quasi-auto-
nomie de la cité.
Les origines Les origines de la juridiction communale restent dans l'obs-
de la juridiction
municipale, curité. L'organisation communale n'a pas débuté, avons-nous
vu, par la formation d'une magistrature, et même, après que la
magistrature s'y fut constituée, comme nous en trouvons le
premier exemple connu dans la colonie d'Antiumen 437, cette
magistrature a, selon toute apparence, d'abord restreint son rôle
juridiction à l'administration en y adjoignant peut-être la juridiction des
marchés. Nous avons vu (p. 326) quel'édilité curule,qui existait
à Rome depuis 388, fut peu de temps après introduite, sous
l'influence romaine, dans les institutions municipales des cités
italiques autonomes; nous avons vu également (p. 198) que,
dans certaines localités de demi-citoyens, des édiles nommés
par les cités étaient en exercice à côté des prœfecti jure dicundo
(1) V. tome I, la partie de la Juridiction civile, sur les circonscriptions
judiciaires, et tome II, les parties de laPréture et du Gouvernement de pro-
vince, sur la juridiction civile.
(2) La formulaire de contrat dans Gaton, De r. r. 149, finit par les mots :
Si quid de ils rébus controversiœ erit, Romsejudicium fiât. 11 est probablement
fait allusion par là à la double autorité judiciaire romaine du praefectus et
du praetor ; la juridiction alliée pouvait difficilement être exclue de cette
façon, lorsqu'elle était compétente.
(3) V. tome I, la théorie de la Nomination des auxiliaires, sur la
juridiction déléguée en Italie.
LE DROIT MUNICIPAL. 46r>
romains. Il n'est pas invraisemblable que la magistrature des
cités de citoyens complets a de môme eul'édilitépour origine et
qu'en dehors de la justice des marchés elle n'a point d'abord
restreint la juridiction des autorités romaines. Puisqu'un
prcvfectus a encore été envoyé aux colonies de citoyens de Pu-
teoli, de Volturnum et de Liternum fondées en 560 et même
encore à celle de Saturnia fondée en 571 (p. 105, note 3),
les magistrats municipaux semblent n'avoir pas encore eu à
cette époque la juridiction proprement dite; car, comme disent
les jurisconsultes romains (p. 196, note 2), la praefectura est
bien jusqu'à un certain point une commune, mais elle n'a pas
de magistrats propres. Les attributions des autorités locales
se sont probablement accrues, à la suite de l'augmentation du
nombre des colonies de citoyens, qui se place précisément à
cette époque. Jusqu'alors on n'avait recouru à cette forme d'é-
tablissement que pour assurer la défense des côtes. Toutes les
anciennes colonies sont des garnisons permanentes établies
dans des ports d'Italie et en général de peu d'importance. Les
plus anciens territoires plus considérables et situés dans l'in-
térieur des terres qui aient été organisés en colonies ont été
les villes de Pisaurum, de Parma et de Mutina fondées en Italie
du nord en même temps que Saturnia. A la vérité, on ne peut
pas établir pour elles-mêmes qu'elles aient reçu dès le moment
de leur fondation l'autorité judiciaire qui appartint plus tard
aux cités de citoyens complets. 11 n'y a aucun argument positif
en faveur de l'existence d'autorités municipales munies de la
juridiction antérieurement à la guerre sociale (I). Et, quand juridiction
. • i i i i communale après
bien même les origines en remonteraient plus haut dans le ia guerre sociale,
passé, il ne peut y avoir de doute que c'est la réaction éner-
gique contre la suprématie de la cité romaine, dont la guerre
sociale fut l'expression, qui a créé la juridiction communale
dans sa généralité postérieure. La preuve en est particulière-
ment dans la disparition totale des préfectures, sauf dans le ter-
(1) Le marché de constructions de Puteoli de 649 (C. I. L. I, n. 577)
prouve bien que cette colonie avait alors des duoviri; il ne prouve pas
qu'ils y aient possédé la juridiction inter privatos.
Droit Publ. Rom., t. VI, 2" p. 30
466 DROIT PUBLIC ROMAIN.
ritoire de Capoue, survenue sans aucun doute à la suite de cette
guerre (p. 4i5): la juridiction municipale remplace dorénavant,
pour les petits procès, ces tribunaux de l'État établis à un siège
fixe, probablement avec une compétence limitée. La suppres-
sion complète de tous les agents locaux du pouvoir central doit
venir de ce que l'on supportait plus volontiers la juridiction loin-
taine du préteur ou du gouverneur que le juge local romain
présent sur les lieux. D'ailleurs on restreignit en même temps
la juridiction jusqu'alors illimitée des États auparavant auto-
nomes. Il y eut une détente des deux côtés. Par l'entrée des
Italiens dans le cercle des citoyens, d'une part, et par la conces-
sion d'une juridiction propre aux cités de citoyens en même
temps que par la suppression des baillis judiciaires envoyés de
Rome, d'autre part, par ce compromis de fait entre la puissance
souveraine de la cité romaine et l'autonomie des villes fédérées,
la paix a été conclue entre les unitaires et les particularistes.
Limites La limitation ne se fit pas au moyeu de l'institution de l'ap-
de la juridiction ^ *■
municipale civile. pe}5 étrangère à l'ancienne législation; elle se fit par une di-
vision de compétence, pour laquelle on prit peut-être comme
base la ligne de démarcation antérieurement tracée entre la
compétence du préteur et celle de ses représentants locaux d'I-
talie désormais supprimés. Les pouvoirs nécessaires à l'admi-
nistration de la justice, par exemple celui de procurer l'exécu-
tion sur la personne par l'addiction du débiteur, ne pouvaient
pas être refusés aux magistrats municipaux (1). Il en était de
même du droit de coercition exercé au moyen d'amendes et de
saisies de gages (2). Mais tout ce qui n'est pas exclusivement
et proprement justice inter privatos reste réservé aux tribunaux
(1) C'est ce que décide expressément la loi Rubria, 2, 19, et, la ductio
ayant existé aussi longtemps que la procédure ordinaire, (cf. par exemple
Gaius, 3, 199), elle est nécessairement restée aux magistrats municipaux.
(2) Javolenus, Dig. 2, 1, 2 : Cui jurisdictio data est, ea quoque concessa
esse videntur, sine quibus jurisdictio explicari non potuit. C'est ce que Paul,
Dig. 1, 21, i,tn fine, appelle Yimperium quod jurisdictioni cohaeret, Ulpien, Dig.
2, 1, 3, Yimperium mixtum. Application à la multa, lex Malacit. c. 66 (d'où
il résulte en même temps que les édiles municipaux, qui participent comme
les édiles romains à la juridiction, ont, comme eux, le droit d'amende) et
Dig. 50, 10, 131, 1 ; à la saisie de gages, Dig. 9, 2, 29, 7. 27, 9, 3, 1.
f.E DROIT MUNICIPAL. 467
de l'État; ainsi déjà la procédure à suivre contre le défendeur
qui reconnaît la prétention du demandeur ou qui ne la con-
teste pas comme il convient; car, en pareil cas, cette justice
disparait (1); ensuite les actes de manumission, d'émancipa-
tion, d'adoption ; car il n'y a là qu'une justice fictive {legis ac-
tio) (2) ; puis tous les actes officiels qui impliquent un exer-
cice arbitraire de la puissance du magistrat : le mode moderne
d'exécution par saisie du patrimoine (3), la provocation
à fournir une sûreté en présence d'un dommage immi-
nent (4), l'organisation d'une poursuite civile extraordinaire
pour cause de violation de leur propre autorité (5), la restitu-
tio in inlegrum (6), actes qui se ressemblent tous parce carac-
tère négatif de ne pas consister en la constitution d'un procès
civil régulier. La compétence des magistrats municipaux a été
(1) C'est là l'objet essentiel des chapitres 21 et 22 de la loi Rubria; il est
seulement fait une exception pour Faction relative à une pecunia certa cré-
dita, — correspondant pratiquement à notre action en paiement d'une let-
tre de change, — naturellement à condition qu'elle pût être déférée au juge
local.
(2) Paul, 2. 25, 4 : Apud magislratus municipales, si habent legis actionem,
emancipari et manumitti potest. Constantin, Cod. Just. 7. \. 4: Apud....
magislratus.... earum civitatum, quibus hujusmodi jus est, adipis ci potest
servitus libertatem. Pline, Ep. 7, 16.
(3) Dig. 50, i, 26, 1.
(4) La loi Rubria, en déclarant par une disposition spéciale les magistrats
municipaux de la Gaule cisalpine compétents en matière d'operis novi
nuntiatio (c. 19) et de cautio damni infecti (c. 20) jusqu'à un certain degré,
atteste en même temps que ces droits ne rentraient pas dans leur compé-
tence générale. Le droit des Pandectes est encore plus clair pour le dernier
cas; d'après lui, ce pouvoir est transporté avec certaines restrictions aux
magistrats municipaux par un mandat spécial du préteur (Dig. 39, 2, i : Cum
res releritatem desideret. I. 4, pr. | 2-4. 9). Cf. Lenel, Zeitschrift der Savigny-
Stiftung, 2,24.
(5) Ulpien, Dig. 2, 3, 1, pr. : Omnibus magistratibus, non tamen duumviris,
secundum jus potestatis suse concessum est jurisdictionem suam defendere
pœnali judicio. C'est pour cela que le préteur promet,' dans son édit, comme
l'a montré Lenel [loc. rit. p. 17) une action pénale à raison de la désobéis-
sance aux magistrats municipaux. Si, d'après la loi Rubria, c. 21, in fine, le
magistrat municipal lui-même peut organiser une action devant des récupé-
rateurs contre celui qui ne fournit pas le vadimonium de comparaître à Rome,
cela n'est pas, comme le croit Lenel, p. 35, en contradiction avec la décision
(fUlpien ; le magistrat municipal défend ici ]£ juridiction de l'État, mais,
pour défendre sa juridiction propre, il n'a d'autre arme que la multa.
(6) Dig. 50, 1, 26, i.
468 DROIT PUBLIC ROMAIN.
fréquemment étendue par les statuts locaux; en particulier la
justice fictive leur a été fréquemment conférée (1); mais les
exceptions ne font que confirmer la règle.
La justice proprement dite elle-même n'est d'ailleurs confiée
aux tribunaux locaux que dans des limites d 'terminées, et les
affaires civiles les plus importantes restent réservées aux tri-
bunaux de l'Etat (2). La démarcation peut avoir été très va-
cillante. Nous n'avons, en cette matière, de connaissances préci-
ses que relativement à la législation césarienne de 70o sur l'ad-
mission des habitants de la Gaule cisalpine parmi les ci-
toyens (3). Cependant le principe qui y est appliqué et qui
consiste à déclarer les autorités locales compétentes sans li-
mites pour certaines catégories de procès et pour les autres au
contraire seulement si l'objet de la demande ne dépasse pas
15000 sesterces, peut, sauf le montant de la somme qui a pro-
bablement comporté beaucoup de variations, avoir été pris pour
règle générale (4). Il en est de même d'autres prescriptions de
la loi, selon lesquelles les procès de liberté (5) et toutes les
(1) Les textes cités p. 467, note 2, montrent que la legis actio était fré-
quemment concédée aux autorités locales, mais peut-être seulement à celles
des municipes et non à celles des colonies (v. mes Stadtrechte, p. 435).
(2) Sans doute ces tribunaux sont dans les provinces ceux des gouverne-
neurs. Le préteur romain a bien à la vérité été l'autorité judiciaire supérieure
pour la Gaule cisalpine tant qu'elle a été un gouvernement distinct. Mais
cela tient certainement à ce que, lors de l'introduction du système, ce territoire
faisait partie du département des consuls, et on ne peut pas conclure de lui
aux autres provinces.
(3) Une partie de cette législation est contenue dans la quatrième table
de la loi Rubria trouvée à Veleia et dans le fragment d'Ateste qui appartient
probablement à la même loi {Hermès, 16, 24 et ss.). L'intervention du pré-
teur contre les autorités municipales qui excèdent leur compétence paraît
avoir été réglée par une loi Miia (C. I. L. I, p. 263).
(4) Paul, Sent. 5, 5a, 1 : Res judicatœ videntur a magistratibus munici-
palibus usque ad summam qua jus dlcere possunt. Le même, Dig. 59, 1. 28 :
lnter convenientes et de re majori apud magistratus municipales agitur. Cf.
Ulpien, Dig. 5, 1, 1. Les textes Dig. 2, 1, 11. I. 19, 1. /. 20, qui traitent de la
limite de la compétence, se rapportent aussi à ceci. Cf. tome V, la partie de
l'Administration de l'Italie, sur les juridici.
(5) Isidore, Orig. 15,2, 10 : Libérales et famosissimae causse et quse ex prin-
cipe proficiscuntur ibi (in municipio) non aguntur. On trouve aussi des tra-
ces de cette disposition dans l'édit (Lenel, op. cit. p. 37).
LE DROIT MUNICIPAL. 468
actions infamantes nées de contrats ou de délits (1) ressortent
des tribunaux de l'empire. Lorsque la justice municipale est
compétente, il n'y a pas concurrence entre elle et celle de l'em-
pire : la revocatio à Rome ou au gouverneur est exclue (2).
Lorsqu'elle n'est pas compétente, l'introduction du procès lui
incombe cependant en ce sens que le demandeur peut faire
contraindre par elle le défendeur à donner sûreté {vadimo-
nium) de sa comparution à Rome dans un délai déterminé (3).
La réponse à la question de savoir quelles étaient chez les
Romains les relations réciproques de la ville et de l'État depuis
leur séparation doit être cherchée principalement dans les ins-
titutions du droit civil, desquelles nous avons une connaissance
relativement précise. Elles montrent le principe de l'unité de
l'État continuant la lutte contre l'autonomie fédérative, même
aux dépens de l'utilité pratique. Les Mucius et les autres juris-
consultes influents du temps de Cicéron peuvent n'avoir pas
accueilli avec sympathie cette innovation, étrangère et hostile à
l'ancienne notion romaine de l'État. La législation et l'inter-
prétation ont également travaillé à abaisser la juridiction lo-
cale. Si la première a réduit les tribunaux municipaux, en tant
qu'ils n'intervenaient pas simplement pour préparer l'action
des tribunaux d'empire, aux procès de peu d'importance, la
seconde a l'ait tout ce qu'il était possible dans la voie de l'in-
terprétation restrictive de la juridiction municipale, assurément
exceptionnelle du reste. Lorsque plus tard, évidemment en vertu
de considérations pratiques, l'action des magistrats municipaux
est étendue, par exemple en matière de sûreté à fournir en vue
d'un dommage imminent (p. 467, note 4), en matière d'hérédi-
tés (4) et de nominations de tuteurs (5), il n'y a pas le plus
souvent une véritable extension de compétence; on recourt au
(1) La loi en question excepte le cas où le montant de l'action n'excède pas
10000 sesterces et où le défendeur consent. Il se trouve encore des vestiges
visibles de cette disposition dans Fédit (Lenel, op. cit. p. 37).
(2) Fragment d'Ateste, ligne 17; Ulpien, Dlg. 5, 1, 2, 3.
(3) Loi Rubria, c. 21 in fine. Lenel, op. cit. p. 35.
(4) Un exemple dans Paul, 4, 4, 2. tit. 6, 2.
(5) Inst. Just. 1, 20, 4, etc.
470 DROIT PUBLIC ROMAIN.
procédé indiqué par l'organisation du vadimonium: ces affaires
sont confiées aux tribunaux des villes par des mandats spéciaux
des autorités de l'empire, de sorte que les autorités locales agis-
sent là, comme les anciens prœfecti, par délégation des auto-
rités de l'empire. L'idée de l'unité de l'État a conservé sa pré-
dominance dans le domaine de la justice civile.
J,,Smuenrci^]eelle Les autorités municipales étaient aussi compétentes en ma-
tière criminelle, au moins en Italie, sous la République et au
début de l'Empire (1). En particulier, les poursuites pour
cause de meurtre étaient nécessairement déférées en principe à
la justice du lieu, puisque, dans l'organisation de Sulla, il n'y
avait que les crimes commis dans la ville de déférés à la justice
de Rome (2). Il est douteux que les cités de citoyens aient eu
dans les provinces le même droit en face de la justice du
gouverneur. On ne peut rien discerner de plus sur la divi-
sion de compétence existant entre les tribunaux des villes et
les tribunaux d'État de la capitale ou des provinces (3) ;
on ne peut pas davantage établir quelles ont pu être les for-
mes de cette procédure. A l'époque récente de l'Empire, les
autorités municipales n'ont pas de compétence criminelle (4).
(1) Selon la loi municipale de César, lignes 417 et ss., est exclu du sénat
municipal tant celui qui a été condamné à Rome, judicio publico, quo circa
eum in Italia esse non liceat, que celui qui a été condamné judicio publico
dans sa cité d'origine.
(2) Loi Gornelia de sicaiiis (Collât. 1, 3, 4) : Ut is praetor judexve qusestio-
nis, cui sorte obvenerit quœstio de sicariis ejus quod in urbe Roma propius[ve]
mille passus factmn est. Des traces de cette disposition se révèlent dans le
procès conduit contre A. Gluentius (Gicéron, Pro Cluent. 62, 475). L'arresta-
tion et la punition de brigands rapportées des Minturnenses (Appien, B. c.
4, 28) peuvent aussi être rapportées à cela. Mais il y a nécessairement eu
des exceptions, comme suffiraient à le montrer les débats sur la mort de
Germanicus (v. tome III, la théorie du Consulat, sur la juridiction crimi
nelle des consuls sous l'Empire) ; peut-être les tribunaux de la ville étaient-
Us exclusivement compétents au cas de meurtre d'un sénateur romain.
(3) Il n'y a pas de conclusion à tirer de la mise en croix d'un esclave
coupable de vol par ordre des autorités de Larinum (Gicéron, Pro Cluent.
66, 487). La procédure suivie par les gens de Minturne contre Marius pros-
crit (Velleius, 2, 49) n'est pas un procès ordinaire, et celle suivie par les ma-
gistrats de Philippes contre l'apôtre Paul (Acta ap. 46) n'est pas un procès
criminel, mais une mesure de police, dans laquelle il n'y[a légalement à tenir
compte que des coups donnés à un citoyen romain.
'4i Ulpien, Dig. 2, 1, 12: Magistratibus municipaUbus svpplicium a servo
LE DROIT MUNICIPAL. 471
Il en est de l'autonomie des finances municipales comme de
l'autorité judiciaire municipale. Nous avons déjà traité la
question, relativement aux constructions, dans la théorie de la
Censure (i). A la fin du vie siècle encore, les cités de citoyens
de l'origine la plus récente, et par conséquent probablement de
la meilleure condition, dépendaient à ce point de vue des cen-
seurs romains, et ce fut une concession des censeurs de 587
d'employer à une construction désirée par l'une de ces cités
les deniers versés par elle. A l'inverse, nous possédons un
marché de construction conclu en l'an 649 par les duumvirs
de la cité de citoyens de Puteoli avec le concours du sénat
municipal. La tradition ne nous apprend rien de plus. La cité
de citoyens peut bien avoir eu, dès le principe, l'aptitude à
posséder un patrimoine propre; certaines portions du terri-
toire assigné sont nécessairement restées, lors de l'assignation,
la propriété de la collectivité. Mais la cité de citoyens n'a
certainement pas eu, à l'origine, d'administration financière mu-
nicipale, ni surtout de droit de s'imposer elle-même. Les
commencements de l'autonomie financière doivent être cher-
chés dans les constructions affermées aux frais de la cité par
les censeurs et, peu avant la guerre sociale, par ses propres
autorités. L'autonomie financière du régime municipal mo-
derne n'est, selon toute apparence, arrivée à la vie, comme le
droit de justice, qu'après la guerre sociale et par son effet (2).
Des cités comme celles de Neapolis et de Suessa, qui jus-
qu'alors avaient eu la liberté complète de s'administrer elles-
mêmes, ne purent pas, en obtenant le droit de cité romaine,
être mises sous la tutelle qui avait jusqu'alors été normale.
L'administration des finances municipales a alors reçu, ou
plutôt conservé la forme qu'elle avait prise dans les cités
sumere non licet, modica autem castigatio eis non est deneganda. Cf. Dig. 47,
10, ].'), 39. I. 17, 2. Ils sont souvent mentionnés comme agents auxiliaires des
magistrats de l'empire pour la poursuite des criminels.
(1) V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section du règlement de la
fortune de l'État, sur les constructions faites dans les cités de | citoyens.
(2) V. tome IV, la même théorie, à la section de la confection des rôles
itoyens, sur \c cen? municipal.
Autonomie
financière.
472 DROIT PUBLIC ROMAIN.
autonomes italiques. La censure a alors passé, avec l'intervalle
de cinq ans et la liaison à la magistrature supérieure qui lui
servent de bases, dans les institutions municipales. La cen-
tralisation du cens réalisée par l'envoi des listes aux censeurs
romains, qui fonctionnait déjà pour les cités autonomes de
l'Italie (1), s'est perpétuée dans l'organisation municipale du
cens des citoyens, dans l'inscription au cens de chaque citoyen
par les censeurs de sa patrie (2). Au commencement, le cens
général des citoyens résultait de la réunion de tous les cens
municipaux; mais, le cens général n'ayant été accompli depuis
la guerre sociale que d'une façon exceptionnelle, ce système
n'a pu arriver à un fonctionnement durable. Les cens munici-
paux eux-mêmes sont opérés dans les différentes cités sans
qu'ils concordent rigoureusement quant au temps ni qu'on en
fasse une réunion. Nous n'avons pas de renseignements sur la
procédure suivie dans ces recensements municipaux ni sur les
buts qu'ils servaient à atteindre. Ils devaient essentiellement
reproduire en petit l'ancien cens des citoyens, donner dans
chaque cité la liste de ses citoyens et régler l'administration
de ses biens; un tribut local paut aussi avoir été levé, pour les
besoins de la cité, en partant des données du cens municipal.
Disparition L'autonomie municipale, modelée sur celle de la Rome répu-
de l'autonomie .... . . . . _, . _
municipale blicaine, en a suivi le sort sous le Principat. Les comices mu-
sous le Principat,
nicipaux, qui étaient théoriquement l'organe essentiel de cette
autonomie, ont peut-être survécu en droit, mais n'ont guère
survécu en fait aux comices du peuple romain : nous l'avons
déjà expliqué plus haut (VI, 1 , p. 399 et ss.). Le gouvernement du
sénat, qui remplace dans les deux endroits celui des comices, a
peut-être eu relativement plus d'importance dans le municipe
que dans l'État, où il était essentiellement effacé par celui du
prince; il en est spécialement ainsi pour l'Italie, où les cités
(1) V. la même théorie, même section, sur les personnes soumises t au
cens.
(2) V. la même théorie, même section, sur le cens municipal, et à la sec-
tion des confections de listes, sur la tribu personnelle après la guerre sociale
et sur le cens des citoyens en Italie sous l'Empire.
LE DROIT MUNICIPAL. 473
de citoyens n'étaient sous l'autorité d'aucun gouverneur. —
Mais, ainsi que nous le montrons ailleurs, l'autorité du prince
qui mit immédiatement fin au gouvernement du sénat, mit
aussi fin plus tard à la liberté d'administration des sénats
municipaux, non sans qu'il y eut beaucoup de leur faute, et elle
accrut dans de telles proportions le contrôle de l'administration
communale que l'autonomie des villes ne fut plus qu'un mot
vide de sens.
Dans les institutions relatives au calcul du temps, aux poids
et mesures et aux monnaies, l'autonomie municipa1 3 n'a qu'un
champ d'action restreint.
Le calendrier romain s'étend à tout le territoire hrbitû* par Mesure duteupi
les citoyens (l). Il n'y a qu'une seule exception : la ville italique
de Neapolis indique encore, sous les Flaviens, dans ses décrets
les mois et les jours d'après son ancien calendrier sans y ajouter
l'équivalence romaine (2). — Il n'y a pas de procédé de calcul
des années de l'empire qui soit politiquement en usage. Le calcul
fait par une ville en partant de l'année de sa fondation se
rencontre, quoique peu fréquemment, aussi bien chez des co-
lonies (3) que chez des municipes (4). — Pour l'usage de
(1) Le maintien religieux de calendriers supprimés (p. 340, note 1) est sans
importance politique. Si, d'après Suétone {Aug. 59), quaedam ltallse. civitates
diem, quo prùnum (Augustus) ad se venisset, initium anni fecerunt, cela doit
être entendu dans le même sens qu'à Gumes où l'année du culte d'Auguste
commence le jour où il a acquis son premier consulat. Aucune ville n'avait
le droit de supprimer le calendrier de l'État.
(2) Mois de Panthéon : C. I. Gr. 5783; mois de Lenseon (mai ou juin) : C. I.
Gr. de l'an 71 après J. G. Gela provient certainement d'une réserve expresse
faite lors de l'entrée des Neapolitani dans le peuple romain. Cf. p. 330,
note 2.
(3) Le marché de constructions de la colonie de citoyens dePuteoli de l'an
649 de Rome (C. I. L. X, 1781) est daté ab colonia deducta anno XC et tant
par les duumvirs que par les consuls. La colonie césarienne de Sinope date,
depuis Auguste jusqu'au commencement du in8 siècle, de l'année de la fon-
dation de la colonie, 709 de Rome, et plus tard de l'an G84 de Rome, qui est
l'année de l'occupation romaine opérée par Lucullus (Eckhel, 2, 392). L'an
240 après J. G., en partant duquel les monnaies de Viminacium comptent les
années (C. /. L. III, p. 264), peut aussi avoir été celui de la transformation
de cette ville de municipe en colonie.
(4) Inscription religieuse du municipe Interamna Xahartium de l'an 32
après J. G. anno post lnteramnam conditam DCCIIH (Oreili, 689).
474 DROIT PUBLIC ROMAIN.
dater par les magistrats romains, les mêmes règles sont en
vigueur dans les colonies et les municipes de citoyens qu'à
Rome même. — Les cités de citoyens étaient certainement,
dès avant la guerre sociale, libres de dater par leurs ma-
gistrats propres (1), et on peut voir là un élément es-
sentiel de leur quasi-autonomie. Il y a sans doute une rela-
tion entre ce fait et celui d'après lequel, même dans les
provinces, les villes de citoyens, quoique aussi bien soumises
au gouverneur que les villes sujettes, ont évité de dater par
son nom.
poids et mesures. La tolérance ou l'indifférence manifestée par les Romains, en
matière de poids et mesures à l'égard des membres de l'empire,
peut s'être exercée en partie relativement aux anciens usages
des cités qui avaient été autonomes avant d'entrer dans
le corps des citoyens; cependaut cela n'a guère pu durer
longtemps. A Pompéi, ville fédérée osque transformée en
colonie par Sulla, les mesures indigènes de longueur (2)
et de capacité (3) ont, nous en avons la preuve, été sup-
plantées par les mesures romaines; mais la dernière transfor-
mation tout au moins semble ne s'être opérée que sous
Auguste.
Régime Le droit de battre monnaie n'appartenait pas, du temps de la
République, aux cités de citoyens complets, — nous nous sommes
déjà occupés (p. 204 et ss.) des cités de demi-citoyens, — sauf
uneexception unique faite pour la ville italique de Pœstum, qui,
nous ne savons pourquoi ni depuis quand, a frappé des monnaies
de cuivre jusqu'au temps de Tibère (4). Le régime est resté le
(1) Nous trouvons cet usage à Puteoli dès l'an 649 de Rome (p. 473,
note 3).
(2) Nissen Ta démontré (cf. Hultsch, Métrologie, p. 672).
(3) Les mesures de capacité osques sont transformées en mesures
romaines sur une table de mesures de Pompéi (C. I. L. X, 792), au début
de l'époque d'Auguste.
(4) C. L L. X, p. 53. Cette frappe doit sans doute se fonder sur un com-
promis conclu par cette colonie latine avec l'État lors de son entrée dans
le cercle des citoyens. Il est possible, mais il n'est pas vraisemblable que
d'autres conventions de ce genre aient encore été conclues ailleurs à cette
époque.
monétaire.
LE DROIT MUNICIPAL. 475
même pour l'Italie souslePrincipat. Mais le droit débattre mon-
naie a été accordé à des villes extra-italiques, par des privilèges
uix, sinon déjà sous la dictature de César, au moins sous le
triumvirat et ensuite sous le Principat (i), par l'empereur ou
par le gouverneur, tantôt à titre permanent (2), tantôt pour une
émission isolée (3). Le nombre des colonies et des municipes
parvenus au droit de battre monnaie est restreint; mais les ci-
tés de citoyens qui ont eu ce droit en ont pour la plupart fait
usage amplement et longtemps.
(1) Les monnaies frappées par des cités de citoyens les plus anciennes
dont on puisse établir l'existence, sont, en dehors de celles de P;estum,
l«'s quinaires de Lugudmmm probablement désignés par l'année de l'âge
d'Antoine et par conséquent frappés en 713 (Eckhel, 6, 38). Les monnaies
de cuivre de Gorinthe avec la tète d'Antoine (Mionnet, 2, 172. 180. ."..
371 et ss.) sont antérieures à la bataille d'Actium. Les monnaies de la co-
lonie de Sinope commencent en l*an 731 (Eckhel, 2, 302). La plupart des
cités de citoyens qui ont battu monnaie ont commencé à le faire sous
Auguste.
(2) C'est ce que prouvent la légende perm(issu) divl Aug{ustï) sur les mon-
naies d'Italica et de Romula en Bétique ornées de la tète de Tibère (Eckhel,
4, 497), et en outre la légende indulgentia Aug. moneta impetrata sur des
monnaies de Patrse (Mionnet, 2, 192, 326).
(3) Les monnaies de Berytus avec perm(issu) Silani et les monnaies sem-
blables d'Afrique (Mûller, Num. de l'anc. Afr. 2, 35. 155) ne peuvent se com-
prendre autrement. Au reste, cette formule se rencontre principalement sui-
des monnaies de cités de citoyens du commencement de l'empire (p. 347,
note 4), sans «toute parce que c'est à elles que ce droit appartient le moins
en principe.
L'EMPIRE DE ROME.
L'État romain se fonde à la fois sur le sol et sur les person-
nes, ainsi que l'exprime juridiquement le double caractère
personnel et réel de la tribu. Nous l'avons jusqu'à présent
étudié surtout comme réunion de citoyens (popalits) ; il nous
faut maintenant aussi l'envisager — sommairement, car pres-
que tous les points particuliers ont déjà été traités, — dans son
ensemble territorial.
Dénomination II n'y a d'expression exacte pour désigner le territoire qu'à
du territoire. ,, , , , . r _ .. ... . -i , ,
1 époque Ja plus ancienne. Le territoire de la ville, considère par
les Romains postérieurs comme son territoire primitif (1), est
AQer- appelé par eux ager Romanus (2) ou antiquus (3). Certains actes
(1) Peu importe pour le principe jusqu'où s'étendaient ces limites. Nous
ne sommes pas en état de déterminer les localités nommées par Strabon, 5, 3,
2, p. 230 : MsTaiju xoO uéjxirTO'j xai toO Sxtou ).!9o-j twv xà u.i).iao iaar,|xaivôvTCt)v
tyjç 'Pwfj-r,? xa/siTa: tôtto: ^tjotoi'toOtov 8'Sptov CMtofaÉvouert -rtz tots 'Pwjxalœv
yrjç, oî' 8' ispO[Xvr([juov£ç 6uacav btrreXoO<7tv âvtaOOà tô xai èv aXXoïC t6tïoiç tùsIotiv
(i)ç ôpsocç a-j6r|[Asp6v, r,v xaXov<rtv 'ApPapouiav (cf. Handb. 6, 200). Les terri-
toires de Crustumerium et de Véies étaient en dehors de Y ager Romanus
(noto 2).
(2) Varron, De l. L. 5, 33: Ut nosfri augures publici dissertait, agrorum sunt
gênera quinque : Romanus Gabinus peregrinus hosticus incertus (de même
Festus, p. 245, v. Peregrinus ager). 5, 55 : Ager Romanus primum divisus in
partis tris. Tite-Live, 44, 19, G, distingue dans l'indication des prodiges
Y ager Romanus de Y ager Veiens, tout comme il cite, 41, 19, 4,fdes prodiges in
agro Crustumerino, bien que Véies et Crustumerium se fussei-t depuis long-
temps confondus dans Rome. Uager Romanus est donc toujours, dans le lan-
gage augurai, Yager antiquus, et la définition augurale prise pour pi incipe reste
conforme au point de vue de Ptomulus, le premier et le meilleur des augures.
Cela est confirmé par le fait que les auspices du départ doivent être pris
légalement in agro Romano (p. 477, note 2).
(3) Trebatius, De religionibus l. VU (dans Servius, Ad Mn. il, 316) : Luci
L'EMPIRE DE ROME. 477
solennels, la prise des auspices du départ par le général (1),
la réunion des comices par centuries (2), en particulier la
nomination du dictateur (3), ne peuvent être accomplis que
dans l'intérieur de ces limites les plus anciennes; cepen-
dant tout morceau de terrain susceptible de consécration ro-
maine peut recevoir fictivement l'aptitude requise pour ces
actes (4). Par suite de cette habitude de langage, le territoire réel
de l'Etat n'est pas désigné, en langage technique, par le nom
d'ager Romanus qui lui conviendrait en lui-même (5) ; et il n'y
a aucun autre terme qui comble parfaitement la lacune. Ter-
qui sunt in agris qui concilio (peut-être qui noviter) capti sunt, hos lucos
eadem caerimonia moreque conquiri haberiqae oportet, ut ceteros lucos qui in
antiquo agro sunt, sur quoi Servius remarque : Antiquum agrum Romanum
cogit inlellegi.
(1) V. tome I, la théorie des Auspices, sur les auspices du départ. Cepen-
dant ils doivent rigoureusement être pris au Gapitole, c'est-à-dire dans la
ville même; il n'est question, à leur sujet, de l'ager Romanus que parce que
1 habilitation fictive du sol à l'acte, qui a lieu pour Y ager Romanus, s'applique
aussi à ces auspices. L'allégation de Servius, selon laquelle, tant que la
guerre S3 fit en Italie, le général serait toujours revenu à Rome pour la
rénovation des auspices, quand elle était requise par le droit augurai, et
notre fiction n'aurait commencé à être employée que pour les guerres d'ou-
tre-mer, doit être rectifiée en partant de l'analogie de la nomination du
dictateur : la vérité est qu'il a été fait usage de la fiction d'abord en Italie
et ensuite dans le territoire d'outre-mer.
(2) De même que les auspices du départ, les comices par centuries ne sont
pas proprement attachés à l'ager Romanus, mais, dans son intérieur, au
rayon de la première borne milliaire, et l'ager Romanus n'est pas nommé
à leur sujet. Mais leur tenue au delà àe la première borne milliaire (VI, 1,
p. 436) n'a pu être rendue légalement possible que par la transformation fic-
tive du sol en question en ager Romanus.
(3) V. tome III, la théorie de la Dictature, sur les formes de nomination
du dictateur.
(4) Si ce'te fiction n'était admise, à l'époque républicaine, qu'en Italie,
cela tient à ce que le territoire d'outre-mer était inaliénable et que la con-
sécration du sol requise pour cet acte était une aliénation. Plus tard on ne
s'est plus soumis à cela (p. 372, note 1).
(5) Varron emploie il est vrai (De r. r. 1, 10, l : Metiuntur... apud nos in
agro Romano ac Lathio jugeris ; cf. De L L. 5, 32) ager Romanus dans ce sens ;
et le primum, p. 476, note 2, conduit à la même conclusion. Mais la réunion
avec l'ager Latinus, dont politiquement l'existence est aussi impossible que
celle du dois Latinus (p. 231, note 1), suffit à établir que cela ne doit pas être
compris au sens politique. Si le territoire de l'État pouvait être désigné de
ce nom, nous ne manquerions pas d'en trouver de nombreuses applications.
Fines.
478 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Territorium. ritorinm (1) a bien exactement ce sens; mais il appartient à la
terminologie municipale, et il est au territoire de l'État ce que
le décurion est au sénateur. On se sert, pour exprimer l'idée,
ou de la circonlocution fines (2), ou de dicionis esse et d'autres
tournures analogues empruntées à l'idée de souveraineté (p. 359,
imperium. note 1), entre autres surtout du mot imperium, qui désigne pro-
prement l'autorité du magistrat, mais qui est employé fréquem-
ment pour le territoire soumis à cette autorité (3). Les terri-
toires des sujets autonomes étant regardés comme étant en de-
hors des frontières romaines et comme n'étant pas soumis à
l'autorité des magistrats de Rome (p. 318), ils sont exclus par
là en langage exact. Il n'y a pas d'expression correcte pour dé-
signer l'empire romain tel que nous le concevons, en y com-
prenant à la fois les territoires soumis à la domination directe
et à la domination indirecte de Rome, et en excluant d'une façon
précise les pays insoumis de l'extérieur : ou l'on emploie dans
ce sens, a potiori, le mot imperium, qui ne désigne proprement
(1) Pomponius, Dig.oO, 16, 239, 8 : Territorium est universitas agrorum in-
tra fines cujusque civitatis, quodab eo dictum quidam aiunt, quod magistratus
ejus loci intra eos fines terrendi, id est summovendi jus habent, — philologi-
quement puéril, mais exact quant au fond et correspondant à imperium.
L'emploi technique du mot se manifeste surtout énergiquement dans la
controversia de jure territorii des Gromatici (éd. Lachmann, p. 52 ; cf. Ru-
dorff, 2, 454).
(2) Les bornes du pomerium de Claude et de Vespasien portent : Auctis
populi Romani finibus (p. 373, note 2). Fines Romani, Tite-Live, 39, 17, 4.
Fines propag are (Gicéron, De re p.3, 15, 24 : llla laus in summorum impera-
torum incisa monumentis « fines imperii propag avit »). pro f erre' sonl connus.
(3) C'est pourquoi l'extension de la propriété romaine sur laquelle l'em-
pereur Claude fonde son droit de reculer le pomerium est désignée par
l'empereur lui-même par les mots fines populi Romani augere (note 2), par
Tacite, Ann. 2, 23, par imperium pro ferre : également imperium augere Val.
Max. 2, 8, 4. Je n'aperçois pas comment on peut voir, dans ces deux ex-
pressions parfaitement claires et simples, une distinction de l'extension
du territoire italique et de celle du territoire extra-italique (Detlefsen,
Hermès, 21, 502) ; ni l'analyse des idées ni le langage ne donnent à cette
supposition le moindre appui. A l'époque où la propriété de l'État sur le
sol d'outre-mer n'existait pas encore avec son étendue postérieure (p. 366),
le territoire de Leontini était peut-être dans les fines populi Romain, tandis
que le reste de la Sicile n'y était pas et était dans Y imperium. Mais cette
distinction ne nous est pas attestée, et elle ne peut pas l'être ; car la juris-
prudence moderne est dominée tout entière par l'idée de l'extension de la
propriété de l'État à tout le territoire des sujets.
L EMPIRE DE HOME. 479
que les territoires soumis à la domination directe de l'autorité
romaine, ou bien l'on parle alors du monde terrestre. C'est une
Conception familière aux Romains qu'ils ne sont pas seulement
la première puissance de la terre, mais en un certain sens la
seule. De même que l'ensemble du droit positif de l'État ro-
main qui n'a pas pour condition d'application le droit de cité
de la partie est déjà, pour les Romains du temps de la Républi-
que, le jus gentium (i), le territoire soumis à la puissance ro-
maine est pour eux absolument Yorbis terrae ou terrarum (2), orbiste,-,-*.
ou, comme on dit à l'époque récente, Yorbis Romanus ou nos-
ter (3). Cela tient notamment à la forme donnée par les Ro-
mains à l'idée d'alliance. La coexistence d'États également sou-
verains en droit, que nous prenons aujourd'hui pour point de
départ est, au sens strict, inconnue aux Romains; ce qu'ils ap-
pellent alliance est à proprement parler un protectorat : dans
leur conception, il n'existe politiquement qu'eux et ceux qui sont
sous leur protection, et, en ce sens, Yorbis terrarum est ou
romain ou res nullius (4).
Le territoire romain comprend le sol qui est en la propriété daD[^ j***
(i) P. 222. C'est également une conception courante des Romains d'attri-
buer au genus humanum ce qui se rapporte aux Romains en général. Ainsi
Gai as est empereur pour la joie du populus Romanus vel dicam humanum
genus (Suétone, Gai. 13), Galba est empereur par le consensus generis humani
(Tacite, Hist. 1, 30) et comme adsertor generis humani (Suétone, Galb.9).
(2) Gicéron appelle l'État romain palrocinium orbis terrée vérins quant im-
pèrium (De off. 2, 8, 27), le sénat amplissimwn orbis terrœ consilium (Phil. 3,
14, 34), et il dit ailleurs (De re p. 3. 15, 24) : Noster hic populus... cujus
imperio jam orbis terrœ tenetur; il fait Pompée, Pro Sest. 31,67, omnibus bellis
terra manque compressas imperium populi Romani orbis terrarum terminis defi-
nire. Cette conception est officielle sous le Principat. L'autorité d'Auguste
est représentée sur ses monnaies par le capricorne, signe de son mois de
naissance, auquel se soumet le globe terrestre (Eckhel, 6, 109). Lui-même a
fait, d'après son inscription cominémorative (Mon. Ancyr. 1, 13), bella...
tot.o in orbe terrarum ; d'après le titre de la même inscription, il a soumis
orbem terrarum imperio populi Romani ; dans l'inscription votive de Narbo
de l'an 11 après J. G. (C. I. L. XII, 4333) il est célébré comme rector de
Vorbis terrarum, et le jour où il a pris les faisceaux comme celui où impe-
rium orbis terrarum auspicatus est.
(3) Ulpien, Dig. 1, •>, 17: In orbe Romano qui sunt ex constilutione imp.
Antonini cives Romani effècti sunt.
(4) La formule du biographe impérial (Vita Taciti, 16) est caractéristi-
que : (Probus) si diutius vlrisset, orbis terne barbares non haberet.
480 DROIT PUBLIC ROMAIN.
de l'État, Yager publicus populi Romani, et celui que l'État a
assigné à des particuliers, ager privatus ex jure Quiritium (1).
Ces différences internes n'entrent pas, en droit public, en ligne
de compte, et la dédition quand elle se produit, embrasse éga-
lement les deux classes (p. 317, note 4). La distinction, si im-
portante pour les relations internes, du sol italique et du sol
provincial, au sens précis, du sol transmis ou transmissible à
des particuliers et des terres publiques inaliénables, est indif-
férente à la notion du territoire. Le droit sur le sol du droit
public a un autre fondement que celui du droit privé. Le pre-
mier tire son origine de l'occupation (2); le second la tire de
l'assignation. Selon les expressions techniques des arpenteurs
romains, le premier porte sur un ager arcifinius, le second sur
un ager limitatus (3). Quant à l'État, le territoire s'étend jus-
qu'à la limite jusqu'à laquelle la volonté souveraine du peuple
attribue l'autorité à lui ou à ses membres et exclut et repousse
au besoin les étrangers. Quant à la propriété privée, il n'y a pas
primitivement d'autres limites de la propriété foncière que les
(1) La question de savoir si FÉtat romain a eu une phase antérieure, dans
laquelle l'idée de FÉtat se serait fondée sur la gens isolée, est en dehors du
cercle du droit public romain, qui prend pour point de départ FÉtat composé
de gentes. La réponse dépend du point de savoir si les terres gentilices des
Gornelii ont été considérées comme ayant été assignées k'\a.gens par le popu-
lus, ou comme un territoire qui a aussi bien contribué à constituer le popu-
lus primitif que le territoire de Préneste à constituer le populus postérieur,
ou encore, peut-on dire, si les terres gentilices des Gornelii étaient consi-
dérées comme un domaine limité ou comme un domaine arcifinien. Au
point de vue romain, nous ne pouvons pas aller au delà de la position de
la question. Les études grecques fourniront peut-être un jour la réponse,
lorsqu'elles auront pris plus qu'elles ne Font aujourd'hui, l'habitude des
raisonnements suivis.
(2) h'ager occupatorius et Yager arcifinius sont la même chose, et le pre-
mier a pour orig ne l'occupation par FÉtat ; cela résulte des textes, il est
vrai, très mutilés des Gromatici, 2, 19 (= 115, 4). 5, 22. 124, 3. 137, 19 — 138,
10. h'ager occupaticius (Festus, p. 180. 181) est autre chose.
(3) Le principe que Yager publicus est toujours arcifinius et Yager privatus
toujours limitatus est vrai sans réserves dans le système primitif. Le déve-
loppement des groupes urbains séparés dans l'intérieur du corps des
citoyens a heurté la règle, en ce que le territoire des cités antérieurement
autonomes reste ager arcifinius. C'est pourquoi les Gromatici restreignent
les te rres limitées aux colonies (Frontin, p. 2, etc.).
L EMPIKK DE aOME. 481
lignes quadrangulaires dans lesquelles sont enfermés les lots
de terre vendus ou donnés par la cité.
La limite du territoire est mobile. Mais, pour faire avancer Déplacement
{proferre, propagare, angere) ou reculer (referre) la frontière de
du pays, un acte du peuple ou des magistrats compétents
est toujours exigé. Le citoyen romain peut, en quelque lieu
quelle se trouve, mettre sous sa puissance de fait et ensuite,
parle bref délai de l'usucapion, sous sa puissance de droit (1)
toute chose mobilière qui n'appartient ni à l'un de ses conci-
toyens ni au citoyen d'un État allié. Mais le sol ne change de
cercle juridique que par une convention de paix ou de sou-
mission conclue entre les deux cités, ou par la fusion des deux
cités en une seule, ou enfin par une occupation émanant de
TEtat (2). Le territoire annexé passe par conséquent toujours
d'abord à la cité, et ce n'est que par son intermédiaire qu'il ar-
rive, si elle le veut, par voie d'assignation, aux divers citoyens.
C'est également vrai lorsque la concession du droit de cité aux
personnes et l'extension du territoire ont lieu en même temps,
quoique alors la marche des choses soit obscurcie par la simul-
tanéité des deux actes.
Les frontières du territoire, les fines ont primitivement été de\nafl^0Qnctj,.ie
corrélatives à la ceinture des murailles, au pomerium (3). surle p°mer"tm
L'extension de la cité s'étant opérée par voie de synœkisme,
soit que la ville soumise fut rasée et ses citoyens conduits à
Rome, soit que deux cités se réunissent pacifiquement au même
lieu, l'extension de la ville était la conséquence nécessaire de
l'accroissement du territoire. Des annales rédigées avec plus de
(1) L'occupation des res nullius suivie de leur usucapion (car, dans le
droit primitif, l'occupation ne peut pas avoir jamais fait à elle seule acqué-
rir la propriété complète) appartient aux idées fondamentales du droit privé
romain et s'applique principalement aux choses mobilières des ennemis.
Si le soldat doit rendre le butin, cela tient à la situation de mandataire
qu'il occupe en face du peuple.
(2) L'occupation durable d'un territoire sans acte de cession, par exem-
ple l'occupation d'une île inhabitée, a nécessairement eu le même effet
qu'un acte de cession.
(3) Tacite, Ann. 12, 23 (cf. tome IV, la théorie des pouvoirs extraordi-
naires constituants, sur l'éloignement du Pomerium). Vita Aureliani, 21.
Detlefsen, Hermès, 21, 501.
Droit Publ. Rom., L VI. 2' p. 31
482 DROIT PUBLIC ROMAIN
soin que celles que nous possédons ne manqueraient pas de lier
aux conquêtes plus nettement que ne font les nôtres les exten-
sions successives reçues par la ville sous les rois (1). Mais
bientôt l'accroissement du territoire a exclu la méthode du sy-
nœkisme, et en même temps la puissante muraille de Servius
a exclu le recul des limites de la ville (2). Par suite, la mémoire
de l'ancienne corrélation des fines et du pomerium s'est bien
conservée à l'époque historique; mais il n'a plus guère été fait
d'application pratique de ce système (3).
mJES? ^e nest Pas au ^ro^ PUDnc d'exposer les déplacements de la
de rempire. fronlière ^ l'État. Le territoire de l'État s'élargit à chaque dé-
dition qui n'aboutit pas à un rétablissement de l'autonomie, à
chaque occupation durable d'un territoire qui jusqu'alors n'é-
tait pas romain, à chaque transformation d'un État précédem-
ment autonome en province ou en partie de province. Nous
pouvons seulement rappeler ici, relativement aux limites des
provinces, si importantes pour la situation du gouverneur (4),
que la ligne de défense militaire contre l'étranger ne doit pas
être confondue avec la ligne politique de démarcation jusqu'à
(i) Aulu-Gelle, 13, 14, 2 i Antiquissimum pomerium, quod a Romulo institu-
tum est, Palatini montis radicibus terminabatur. Sed id pomerium pro incre-
mentis rei publicœ aliquotiens prolatum est et multos aditosque colles circum-
plexum est. Tacite, Ann. 12, 24.
(2) L'établissement en dehors des portes, s'il était permis à Fépoque
ancienne, ce qui est très douteux, ne rentre pas légalement dans l'immigra-
tion dont nous nous occupons ici, qui exige précisément l'établissement de
la résidence dans l'intérieur des murs.
(3) Le droit de reculer le Pomerium était un droit royal qui faisait
défaut aux magistrats de la République. Mais ce n'aurait pas été un ob-
stacle à son exercice : il pouvait, comme le droit d'assigner les terres publi-
ques et comme tous les droits réservés au peuple, être exercé par des magis-
trats spécialement délégués à cette fonction. Si, autant que nous sachions,
il n'a jamais été fait de telle délégation pendant la République, c'est parce
que le recul du Pomerium était pratiquement impossible. Quand il y a été
procédé par les magistrats ayant le pouvoir constituant (v. sur ce point,
tome IV, la partie qui les concerne) et depuis Claude, par les empereurs
(v. tome V, la théorie de l'administration de la ville de Rome, n° 6), ce
paraît n'avoir été que nominalement, afin d'exprimer par là la plénitude de
l'autorité.
(4) V. tome III, la théorie du Consulat, sur le droit de faire la guerre. 11
n'y a nulle part, aux frontières de l'empire, de bornes frontières comme on
en trouve dans l'intérieur.
L'EMPIRE DE ROME. 483
laquelle le territoire est réputé romain et dans l'intérieur de
laquelle le gouverneur peut se mouvoir sans sortir de sa pro-
vince. A la fin de la République, lorsque la domination romaine
en Syrie s'arrêtait en fait à l'Euphrate, la frontière de l'empire
était tracée à 375 kilomètres à l'Est du passage de l'Eu-
phrate de Commagène (\). La large bande de terrain que l'em-
pereur Marc Aurèle défendit aux Marcomans d'habiter sur la
rive gauche du Danube doit certainement être considérée comme
terre d'empire (2). Nous avons appris depuis peu qu'en Ger-
manie supérieure, le territoire situé au delà de la ligne de dé-
fense était soumis à un procurateur romain (3).
Au citoyen romain l'on oppose le non -citoyen d'un État latin L'élr«eer-
ou du moins allié et l'étranger qui n'est dans aucune re-
lation juridique avec les Romains. De même le territoire situé
hors des frontières de Rome (4) est fédéré ou ne l'est pas.
Le territoire fédéré appartient à son tour ou à une cité latine,
et alors il est appelé, sous forme d'exemple, en langage techni-
que ager Gabinus, ou à un État de nationalité étrangère, et
alors il est appelé ager peregrinus (5). Tous les traités inter-
nationaux contiennent, comme première clause, la reconnais-
sance réciproque de la possession du territoire, c'est-à-dire que
les Romains reconnaissent la propriété foncière de Gabie comme
(i) Pline, H. n. 6, 26, 120 : Ductu Pompei Magni terminus Romani imperii
Oruros, a Zeugmate CCL.
(2) Dion, 71, 15 : Toïç Mapxofxavoiç.... to f([xt<ru t^ç •/t^Pa» **£ (xeOopîa;
àvYjxev, âiare aùtouç 6xiu> Trou xal rpiàxovra araStou; àrco toO "Icrpou dbcotxsîv.
Des mesures analogues furent prises contre les Jazyges (Dion, 71, 16, rap-
proché de 19) et les Bures (Dion, 72, 3).
(3) Inscription de Bithynie, qui peut être du temps de Domitien, publiée
par moi dans le Korr. Blatt dcr Westdeutschen Zeitschrift, 1886, p. 260 :
[*E7c:Tpoirov.... Se^aarjoû x^Pa? L^]°fX£A0Xevv1QCT-aÇ (= Sumelocenna, aujour-
d'hui Rottenburg sur le Neckar) xcù [OJirepXifiiTavrjç. Gela justifie l'indication
connue, selon laquelle le territoire romain s'est étendu, jusqu'à Gallien, à
80 lieues à l'Est, au delà de Mayence (Rœm. Gesch. 5," 137 = tr. fr. 9, 190).
(4) Il y avait des enclaves ; cf. la p. 318, note 1, sur les fonds de
terre de droit romain qui se trouvaient dans le territoire de Termessos.
(5) Varron, p. 470, note 2, dit expressément que Y ager Gabinus et Y ager
■peregrinus se confondent en droit, et que le premier ne se distingue du
second qu'au point de vue religieux par ses auspices semblables à ceux de
Y ager Romanus et par conséquent particuliers.
484 DROIT PUBLIC ROMAIN.
existant légalement selon le droit de Gabie, et réciproquement.
Le traité peut en outre permettre aux Romains de devenir pro-
priétaires fonciers à Gabie d'après le droit de Gabie et aux Ga-
bini de le devenir à Rome d'après le droit quiritaire, comme
c'est établi dans les traités latins; une pareille propriété fon-
cière peut aussi être exclue réciproquement ou n'être admise
qu'à titre unilatéral; ainsi, par exemple le traité avec Athènes
permettait probablement aux Romains d'acquérir des immeu-
bles d'après le droit athénien, mais non aux Athéniens d'en ac-
quérir d'après le droit romain. Le signe caractéristique de
cette relation internationale est le poslliminium de la paix que
nous avons étudié plus haut (p. 282, note 1) : la question de
savoir si une personne est libre ou esclave, membre d'une cité
ou étrangère se tranche, dans la conception romaine, selon les
lois du lieu où elle se trouve, pourvu qu'il soit situé dans le ter-
ritoire d'un État allié, et en ce sens la condition de la personne
peut changer selon le lieu qu'elle habite. La fusion récente des
cités autonomes dépendantes dans l'État romain peut même se
remarquer là : les jurisconsultes du temps d'Auguste recon-
naissent encore que les cités fédérées n'appartiennent pas à
l'empire romain, et ceux du temps d'Hadrien le nient (p. 336).
Au delà de la frontière du territoire de Rome et de ses alliés,
sur le territoire de l'État qui a rompu ses traités et qui est en
guerre avec Rome ou qui simplement n'a pas de traité, sur
Yayer hosticus, qui peut d'ailleurs être créé par une fiction ju-
ridique, tout comme le territoire primitif de Rome (1), ce
(1) Servius, Ad Mn. 9, 53, après avoir parlé de la déclaration de guerre
hasta in fines hostium missa, continue en disant : Cum Pyrrhi temporibus
adversum transmarinum hostem bellum Romani gesturi essent nec invenirent
locum, ubihanc sollemnitatem per fetiales indicendi bellum celebrarent, dede-
runt operam, ut unus de Pyrrhi militibus caperetur, quem fecerunt in circo
Flaminio locum emere, ut quasi in hostili loco jus belli indicendi implerent •
denique in eo loco ante sedem Bellonae est consecrata columna. La coutume
subsista. Ovide, Fast. 6, 205. Festus, Ep. p. 33, v. Bellona. Dion, 50, 4. 71,
33 : (Marc-Aurèle) to 86pu to alfxaTôSsç 7capà tô> 'Evueta> èç 7toXé[juov àr\
-/wpcov.... àxovxtcraç è^wppLr^r,. — Si du reste on constituait un ager hosticus
par le procédé qu'indique Servius, on ne prenait pas là les choses à la
rigueur, et pratiquement il n'aurait pas pu en être autrement : un fonds de
L'EMPIRE DE ROME. 485
n'est pas le droit qui domine, mais le fait. Il n'y a pas là d'État
au sens juridique pour les Romains. Le Romain ne peut pas y
acquérir la propriété du sol ; car le droit quiritaire ne s'étend
pas à ce sol, et le droit local n'existe pas pour le Romain. — Le
signe caractéristique de ce territoire est le postliminium de la
guerre. La liberté romaine et la propriété romaine y existent
jusqu'où s'étend la puissance romaine, et le citoyen est esclave
ou libre selon qu'il tombe en la puissance de l'ennemi au delà
des lignes romaines ou qu'il se soustrait à sa puissance en fran-
chissant ces lignes.
terre romain ne perd pas le droit foncier romain, parce qu'il est acheté par
un étranger qui n'a pas le commercium.
ERRATA
P. 131, no 5, au lieu de : des jurés, lire : de jurés,
P. 150, note 2, au lieu de : Appien, lire : Arrien.
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE TROISIÈME.
LE PEUPLE ET LE SÉNAT (Suite)
Pages.
LE DROIT DE CITÉ INFÉRIEUR ET EN PARTICULIER CELUI
DES AFFRANCHIS. 1-46
Condition politique des affranchis, i. — Définition du liberti-
nus, 2. — Peines de l'usurpation de l'ingénuité, 6.
1. Dénomination, 6-12. — Prœnomen et cognomen, 6. — Gen-
tilicium, 10. — Dénomination de servus, plus tard de libertus,
10.
2. Costume, 12.
3. Droit de se marier, 13.
4. Droit du patrimoine, 14-17. — Exclusion des adjudications
publiques, 14. — Procédure civile, 15. — Propriété immobi-
lière 15. — Droit de succession, 15. — Droits du patron sur la
fortune de l'affranchi, 16.
5. Juridiction domestique, 17.
6. Impositions. 18.
7. Incorporation dans les sections du peuple et droit de
vote, 18-30. — Égalité primitive des affranchis quant au droit
de vote, 18. — Limitation des affranchis aux tribus urbaines,
20. — Droit de suffrage des affranchis après la guerre sociale,
23. — Infériorité politique des affranchis sous le Principat, 25.
— Les ingénus de condition dégradée tribules urbains sous le
Principat, 27.
8. Participation des affranchis aux largesses faites aux
Citoyens, 30-35. — Participation des affranchis aux frumenta-
tiones urbaines, 30. — Les tribus de la plebs frumentaria, 31.
0. Service militaire, 35-39. — Égalité primitive des affran-
chis quant au service militaire, 35. — Service auxiliaire posté-
488 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Pas-es.
rieur, 35. — Le service sous le Principat, 36. — La militia
vénale, 37. — Le service des ingenui de seconde classe dans les
cohortes urbaines, 38.
10. — Droit aux magistratures, au siège sénatorial et au
cheval équestre, 39-40.
h. les magistratures et honneurs municipaux, 40-46. — l'au-
gustalité municipale image de la chevalerie romaine, 40. — Le
sévirat des augustales, 42.
LA NOBILITAS ET L'ORDRE SÉNATORIAL. 47-68
Égalité des citoyens sous la République, 47. — Développe-
ment des deux ordres privilégiés, 47. — Ordo senatorius et
equesîer, 48. — La pleb s par opposition à ces deux ordres, .".0. —
La nobilitas est un patriciat élargi, 51. — Nobilitas des patri-
ciens, 53; — de la postérité plébéienne des patriciens, 54;
anoblissement par l'exercice des magistratures curules, 54. —
Conséquences juridiques de la nobilitas : jus imaginum, 55; —
dissolution de la clientèle, 55: — cognomen, 56; — éligibilité
privilégiée, 56. — L'ordre sénatorial du Principat, 56. — Le
troisième degré limite du rang sénatorial, 59. — Perte du rang
sénatorial, 60. — Insignes de ce rang, 61 ; — titre officiel, 62;
— participation aux séances du sénat, 63; — droit matrimonial,
63; — droit du patrimoine, 64; — exemption des obligations mu-
nicipales, 65.
LES CHEVALIERS. 68-181
La cavalerie civique, 68. — Cavaliers qui servent sur leur
propre cheval, 70. — Solde des cavaliers, 72. — Levée des cava-
liers avant celle des fantassins, 73. — Extension abusive du
nom des cavaliers, 73. — Distinction terminologique des cava-
liers et des chevaliers, 74, — Eques Romanus equo publico, 75;
— equo publico, 76; — eques Romanus, 76. — Ordo equester,l%. —
Formation de la cavalerie par les censeurs, 80. — Les fils de
sénateurs chevaliers de naissance depuis Sulla, 80. — Cheval
équestre et service d'officier depuis Sulla, 81. — Sortie de la
chevalerie dans le temps postérieur à Sulla, 84. — Concession
par l'empereur du cheval équestre, 84. — Caractère viager des
droits de chevalier sous le Principat, 88. — Leur retrait à titre
de peine, 89. — Revue des chevaliers par l'empereur, 89. —
Destination de la chevalerie sous l'Empire, 92.
Capacité d'être chevalier, 92.
i. Age, 93-95.
2. Aptitude physique, 96.
TABLE DES MATIERES. 489
.
3. Fortune, 97-98.
4. Naissance, 98-100. Hérédité de fait du cheval équestre,
98. — Droits de chevaliers des fils de sénateurs, 100.
5. Résidence, 100.
6. Honorabilité, 101.
7. Incompatibilités de rang, 102-109. — Résignation du che-
val équestre pour entrer dans l'infanterie, 102. — Les séna-
teurs dans les centuries équestres, 104. — Leur exclusion, 105.
— Les droits de chevaliers des futurs sénateurs, 106. — L'en-
trée au sénat des chevaliers non-sénatoriaux, 108.
Droits des chevaliers, 109. — Condition des publicani, 109.
1. Bande de pourpre. 113-115. — Trabea, 113. — Clavus, 1.14.
2 Anulus aureus et bulla aurea, 115-121. — Les anneaux
d'or, 115. — Le jus anulorum tenant lieu de la capacité d'être
chevalier, 119.
3. Places réservées au théâtre, aux courses et aux jeux,
121-124. — Les quatorze bancs équestres, 121. — Places
équestres au cirque, 122.
4. L'organisation corporative de la chevalerie et les droits
du second ordre, 124-131. — Organisation de la chevalerie en
turmœ, 124. — Seviri equitum Romanorum, 120. — Situation
pseudo-corporative de la chevalerie, 128.
5. Les postes de jurés, 131-144. — L'organisation du jury,
131. — Composition des jurys d'après les rangs, 132. — Les
jurés sous le Principat, 138 i.
6. Service de cavalier et d'officier, 144-160. — Relation du
service équestre et du service d'officier, 135. — Disparition de
la cavalerie civique comme troupe distincte, 147. — Le service
d'officier sous le Principat, 149. — Concession par l'empereur
de la capacité d'être officier, 152. — Exclusion des sénateurs
du service d'officier, 152. — Service d'officier des chevaliers de
rang sénatorial, 153. — Nomination des officiers par l'empe-
reur, 153. — Obligation de servir comme officier, 155.
7. Les fonctions équestres, 161-177. — Distinction des fonc-
1. L'opinion exprimée là, selon laquelle Auguste aurait exclu les sénateurs
des d écuries judiciaires, est inexacte. Dans le sénatus-consulte de 743, les
curatores sénatoriaux obtiennent que, dans certaines limites, judiciis vacent
privatis publicisque (Frontin, De aqu. 101). Dion. 53,20, fait également dire
à Mécène que la direction des procès doit rester aux anciens magistrats
urbains et les tribunaux être composés du reste des sénateurs et de cheva-
valiers. La circonstance singulière, par laquelle les décuries de jurés appa-
raissent dans les inscriptions exclusivement et fréquemment au sujet de
chevaliers, doit tenir à ce que l'album des sénateurs formait une partie
intégrante de la liste des jurés et que par conséquent tous les sénateurs,
mais non point tous les chevaliers appartenaient aux décuries.
490 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Pages.
tions sénatoriales et équestres, d6i : — gouvernements éques-
tres, 162; — fonctions militaires équestres, 163; — fonctions
administratives équestres, 163. — Les chevaliers à la cour, 165.
— Autres positions occupées par les chevaliers, 165. — Carac-
tère et dénomination des fonctions équestres : prsefectus, 166;
— procurator, 167. — Acquisition de l'aptitude aux fonctions
équestres: par le service d'officier, 168; — pa'r le service dans
les rangs, 170; — parle service civil, 171. — Inégalité de rang
entre chevaliers, 173. — Classification par les traitements, 175.
— Réglementation générale de la hiérarchie des fonctions par
Marc-Aurèle et L. Verus, 176.
8. Les sacerdoces équestres, 177-181.— Aptitude à occuper les
sacerdoces sous la République, 177. — Les sacerdoces éques-
tres sous le Principat, 178.
LES CITÉS DE DEMI-CITOYENS. 182-205
Civitas sine suffragio, 183. — Limites chronologiques et loca- S^P-(,o(,
les du demi-droit de cité, 184. — Autorité souveraine de Rome
sur les cités de demi-citoyens, 190. — Rapports politiques des
demi-citoyens avec Rome, 190. — Leur exclusion des tribus,
191. — Les sacra des cités de demi-citoyens, 192. — Autorité
judiciaire, 194; — prœfecti romains, 196. — Statuts spéciaux,
197. — Cités avec ou sans autonomie administrative (droit des
Cœrites), 198. — Cens, 200. — Service militaire, 201. — Im-
pôts, 203. — Langue officielle, 203. — Droit de battre monnaie,
204.
ROME ET L'ÉTRANGER. 200-2*5
L'étranger sans traité et l'étranger avec traité, 206. — For- ^
mesdelaconventiond'amitié,208. — Convention avec un roi, 208. *°
— Durée de la convention. 200. — Dissolution de la conven-
tion, 212. — État de paix, 212. — Ambassadeurs, 214. — Rè-
glement des relations privées selon le droit international, 215.
— Limitations au commerce établies par les traités, 217. —
Liberté commerciale établie par les traités, 219. — Droit d'ester
en justice des étrangers, 220. — - Droit des étrangers, 220. — Jus
gentium, 222.
LA LIGUE NATIONALE LATINE. 226-^8
La ligue nationale est une alliance perpétuelle, 226. — Rome
ville latine, 227. — Rome en face du Latium, 228. — La ligue
latine, 228. — La situation prépondérante d'Albe et de Rome,
TABLE DES MATIERES. 491
229.— Étendue de la ligue, 231. — Prisci Latini, 231. — Le Latiar,
233. — Organisation de la ligue, 234. — Obligations des confé-
dérés, 235. — Gens, 235. — Droit de faire la guerre et de trai-
ter, 236. — Assemblée fédérale, 237. — Hégémonie de Rome,
238.
La collectivité latine après la dissolution de la ligue, 241. —
Élargissement du cercle de la latinité par la fondation de colo-
nies, 241 ; —par la latinisation de cités pérégrines, 2*2. — Les
deux classes de statuts municipaux latins : statuts des anciens
Latins, 245; — statuts des (douze) colonies, 245. — Décadence de
la latinité sous le Principat, 247. — Latini Juniani, 247.
Privilèges individuels des Latins, 249. — Autonomie et égalité,
249. — Gommer 'cium avec les Romains, 251, — Adoption etadroga-
tion, 252. — Communauté du droit de propriété foncière, 253.
— Jus Italicum, 253. — Obligations de sommes d'argent, 254.
— Testament, 255. — Droit de plaider, 255. — Commercium
des Latins entre eux, 255. — Conubium, 256. — Droit de pro-
vocation, 257. — Acquisition du droit de cité romaine chez les
anciens Latins, par le changement de domicile, 258; — limita-
tions postérieures du droit démigration, 26 1 ; — suppression
du droit d'émigration, 262. — Acquisition du droit de cité
romaine par l'exercice des magistratures latines, 263. — In-
compatibilité primitive du droit de cité latine et du droit de
cité romaine, 265. — Leur compatibilité postérieure. 265. —
Acquisition individuelle du droit de cité pour d'autres causes,
266. — Droit de suffrage des Latins dans les comices romains,
267.
LES SUJETS AUTONOMES. 269-350
La ligue des villes italiques, 269. — Dénomination des ltalici,
271. — Les alliés extra-italiques, 274. — Conclusion de l'al-
liance, 275. — Rapport avec la deditio, 275. — Les reges socii,
276 —Terminologie, 277 : — fœderati, 278; — civitates liberae,
280; — KWTOvopia, 284; — socii, 285; — nominis Latini et socii,
287.
Les limitations de droit impliquées par la sujétion autonome,
290. — Perte du droit de conclure des traités internationaux,
293. — Suppression des ligues de peuples, 293 : — confédé-
ration étrusque, 293; — ligues de villes helléniques, 293; —
suppression de la clientèle politique, 295. — Possessions exté-
rieures des Athéniens, 296; — des Massaliotes, 297; — des
Rhodiens, 298. — Droit de guerre, 298. — Droit de porter les
armes, 300. — Obligation de fournir des troupes, 301. — Con-
tingenta ordinaire» des togati, 301. — Concours ordinaire en
492 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Papes .
navires des villes grecques, 305. — Obligations militaires ex-
traordinaires des autres alliés, 306. — Charges militaires des
alliés à la fin de la République, 307. — Les auxilia d'Auguste,
308. — Participation au butin, 309. — Exemption de l'impôt
des villes fédérées italiques, 310. — Immunité ou soumission
au tribut des alliés extra-italiques, 311. — Application posté-
rieure de l'imposition directe même à des cités autonomes, 314.
— Prestations des alliés exempts d'impôts, 315.
Les droits de souveraineté des alliés autonomes, 316 : — ter-
ritoires propres, 317; — exclusion de l'administration di gou-
verneur, 319; — exclusion du campement de troupes, 320; —
droit propre de percevoir les impôts, 32 ; — douanes propres,
322. — Lois propres, 323. — Rapports de la législation romaine
et de l'autonomie, 325. — Gens, 325. — Édilité, 326. — In-
fluence des Romains sur les institutions italiques, 326. — Lois
spéciales, 327. — Empiétements des Romains sur l'autonomie
des États extra-italiques, 328. — L'autonomie et le change-
ment de cité, 329. — Incompatibilité du droit de cité romaine
et du droit de cité alliée, 330; — leur compatibilité postérieure,
331. — Statuts des villes autonomes, 332. — Tribunaux propres,
334 : —justice criminelle, 334; — justice administrative, 336 ; —
plaintes au sénat, 337; — justice civile, 338. — Calendrier, 340.
— Calcul des années, 341. — Désignation des années par les
noms des magistrats, 342. — Poids et mesures, 342. — Limi-
tation de la frappe autonome de l'argent, 344: — en Italie, 344;
— hors d'Italie, 344. — Frappe des petites monnaies, 347. —
Autres restrictions des pouvoirs monétaires, 348. — Privilèges
personnels, 349.
LES SUJETS NON AUTONOMES 351-406
Définition de la sujétion, 351. — Autonomie tolérée, 351 . —
Gouvernement immédiat sous le Principat, 351. — Maintien
provisoire des institutions existantes, 353. — Conquêtes d'Ita-
lie, 354; — de Sicile: 355; — l'Orient grec, 355; — l'Occident,
356. — Terminologie, 358: — peregrini dediticii, 359; — in di-
cione, 359; — stipendiant, 360; — soàii, 360. — Absence de
mention de la liberté, 361.
Origine de l'autonomie tolérée, 363. — Impôts romains issus
des contributions de guerre, 364. — Propriété du sol d'abordlais-
sée aux sujets, 366 ; — plus tard transférée à l'État romain, 368. —
Inaliénabilité de la propriété de l'État sur le sol provincial, 371. —
Cités sujettes exemptes d'impôts, 375. — Droit déporter les armes,
376. — Emploi militaire des sujets, 376. — Leur appel au service
ordinaire sous le Principat, 378. — Legationes, 379. — Relations
des cités entre elles, 380. — Les assemblées provinciales sous
• TABLE DES MATIERES. 493
Pages.
l'Empire, 382. — Lois propres, 383; — lois romaines, 385. —
Justice, 387. — Administration des cités, 389. — Leurs finances,
390. — Administration royale de l'Egypte, 391. — Institution-
générales d'empire, 394. — Le calendrier, 395. — Calcul des
années, 396. — Poids et mesures, 398. — Monnaies : frappe
provinciale de pièces d'argent, 400; — de pièces de cuivre,
402; — monnaie de billon de villes, 403.
LES LIEUX ATTRIBUÉS 407-416
Dénomination, 407. — Définition, 408. — Existence indépen-
dante, 409. — Défautde droits de souveraineté, 411. — Obliga-
tion au service militaire, 413 ; — à redevance, 413. — Droit
privé, 414.
Cession des redevances de cités sujettes à des villes autono-
mes, 415.
LE DROIT MUNICIPAL ET SES RAPPORTS AVEC L'ÉTAT 417-475
La ville dans l'État, 417.— Unité primitive de l'État, 418. —
Commencements des villes, 419. — Le port, 419. — Terri-
toire, 420. — Propriété collective des colons, 420. — Patronat
distinct, 420. — Droit distinct juré, 421. — Absence de droit de
souveraineté, 421. — Magistrature ad sacra, 421. — Commence-
ments de l'indépendance administrative, 422 : — Antium, 423;
— droits distincts des cités de demi-citoyens, 423. — Commence-
ments des cités de citoyens complets, 424. — Influence du droit
de cité local sur la tribu personnelle, 424. — La cité locale et la
tribu réelle en Italie après la guerre sociale, 426 ; — extension de
la tribu d'origine aux citoyens non-propriétaires, 430; — patrie
des affranchis, 431 ; — cités de citoyens sans tribu réelle, 431 ;
— les citoyens romains appartenant à des cités de non-citoyens,
43 1 ; — les citoyens romains sans cité locale, 432 ; — Rome comme
patrie supplétoire, 443; — tribu des citoyens ayant ce droit
supplétoire d'origine, 434.
Dénomination de la ville : urbs, oppidum, 437 ; — énumération
cumulative des différentes catégories de villes, 439 : — colonia,
440; — municipium, 443; — prdefectura, 445 ; — dénominations
impropres données aux villes, 446.
Grands traits de la constitution des villes, 448. — Relations des
cités de citoyens entre elles, 451 : — adlection, 451 ; — contribu-
tion aux charges publiques, 352; — communauté des droits
électoraux, 453; — communauté du droit aux magistratures,
454; — égalité de droit des cités de citoyens, 454;— leur
régime foncier, 455; — cités de droit italique, 456.
Condition légale de la ville de citoyens, 460. — Défaut de
liberté, 461; — de souveraineté militaire, 461 ; — de droit pro-
494 DROIT PUBLIC ROMAIN.
Page*.
pre, 561. — Statuts locaux, 462. — Juridiction municipale, 463 ;
— ses origines, 464. — juridiction édilicienne,464; — juridiction
communale après la guerre sociale, 465; — ses limites en ma-
tière civile, 466; — justice criminelle municipale, 470. — Auto-
nomie financière, 47t. — Décadence de l'autonomie municipale
sous le Principat, 472. — Mesure du temps, 473. — Poids et
mesures, 474. — Régime monétaire, 474.
L'EMPIRE DE ROME. 376-485
Dénomination du territoire, 476 : — ager, 476 ; — territo-
rium, 478; — fines, 478; — imperium, 478; — orbis terne, 479.
— Définition du territoire, 479. — Déplacement de la frontière,
481. — Influence de son déplacement sur celui du Pomerium, 481.
— La frontière postérieure de l'empire, 482.— L'étranger, 483.
Imprimerie Générale de Châtillon-sm-Seine. — M. PEPIN.
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