Skip to main content

Full text of "Manuel des antiquités romaines"

See other formats


u 


• 


*NîÉ 


g5jw 

3S 

-    1    A:MM    ft 

m 


^^ 


m 


■  § 


k    ^ 


t 


m 


^îaA^V- 


4 


v 


l& 


1 


I 


^ 


MANUEL 


DES 


ANTIQUITES   ROMAINES 

VI.  2. 


IMPRIMERIE  GÉNÉRALE  DE  CHA.TILLON-SUR-SEINK.  —  M.  PEPIN 


LE 

DROIT  PUBLIC  ROMAIN 

PAR 

THÉODORE  MOMMSEN 

TRADUIT  DE  L'ALLEMAND  AVEC   l'  A  Û"T  OR  I  9  A  T  I  0  H  DE  l'aDTEUR 


Paul   Frédéric    GIRARD 

PROFESSEUR  AGRÉGÉ  A  LA   FACULTÉ  DE   DROIT   BEPAR 


TOME  SIXIÈME  —  2e  PARTIE 


PARIS 
ERNEST    THORIN,    ÉDITEUR, 

LIBRAIRE   DU    COLLÈGE    DE   FRANCE,    DE    L'ÉCOLE   NORMALE    SUPÉRIEURE 

DES    ÉCOLES    FRANÇAISES   D'ATHÈNES   ET   DE   ROME 

DE   LA    SOCIÉTÉ   DES    ÉTUDES  HISTORIQUES 

7,     RUE    DE    MÉDIGIS,    7 

1889 


LE 

DROIT  PUBLIC  ROMAIN 

Par  Tu.  MOMMSEN 
VI,  2. 


MANUEL 


ANTIQUITÉS  ROMAINES 

PAR 

THÉODORE  MOMMSEN  ET  JOACHIIYI  MARQUARDT 

TRADUIT  DE  L'ALLEMAND  SOUS  LA  DIRECTION  DE 

M.   Gustave  HUMBERT 

Professeur  honoraire  à  la  Faculté  de  Droit  de   Toulouse,  ancien  Procureur   Général 
près  la  Cour  des  Comptes,  ancien  Garde  des  Sreaux,  Vice-Président  du  Sénat. 


TOME    SIXIEME   —  2"    PARTIE 

LE  DROIT    PUBLIC  ROMAIN 

Par  THÉODORE   MOMMSEN 

RADLIT       DE      L  '  A  L  L  E  M  A  X  D  ,      AVEC      L  '  A  V  T  0  R  I   S  A  T  I  O  N      DE      L  '  A  U  T  E  U  15 

PAR 

Paul  Frédéric  GIRARD 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Droit  de  Paris 


TOME  SIXIÈME  -   2mc   PARTIE 


PARIS 
ERNEST    THORIN,    ÉDITEUR, 

LIBRAlItE    DO     COLLÈGE    DE    FRANCE,     DE    L'ÉCOLE    NORMALE    SUPÉRIEURE 

DES    ÉCOLES    FRANÇAISES    D'ATHENES   ET   DE    ROME 

DE    LA     SOCIÉTÉ    DES     ÉTUDES    HISTORIQUES 

7,    RUE    DE    MÉDICIS  ,    7 

1889 


hGr 
11 

L.Jo 

ptâ.2 


LITRE  TROISIÈME 
LE   PEUPLE    ET    LE   SÉNAT 

(suite). 


LE 


DROIT  PUBLIC  ROMAIN 


LIVRE  TROISIÈME. 

LE  PEUPLE  ET  LE  SÉNAT. 

(suite) 


LE  DROIT  DE  CITÉ  INFÉRIEUR,  ET  EN  PARTICULIER 
CELUI  DES  AFFRANCHIS. 

(SVRMI,i  S. 420-4-S7) 

L'affranchissement  a  été,  d'après  son  fondement,  sa  forme      condition 

politique  des 

et  ses  effets  juridiques,  classé  avec  raison  par  les  Romains  affranchis. 
dans  le  droit  civil.  Ceux  qui  exposent  aujourd'hui  le  droit  pu- 
blic doivent,  surtout  lorsqu'ils  con naissent  eux-mêmes  ce  droit  ci- 
vil, s'abstenir  d'y  copier  des  renseignements  qui  ne  peuvent 
être  suffisamment  développés  dans  un  tableau  du  droit  public 
et  qui  lui  sont,  par  leur  nature,  étrangers.  Mais,  d'autre  part, 
la  description  de  la  libertinité  et  des  infériorités  légales  qu'elle 
implique,  de  ce  véritable  droit  de  cité  de  seconde  classe,  etdes 
variétés  voisines,  ne  peut  pas  non  plus  être  faite,  d'une  ma- 
nière satisfaisante,  par  le  droit  civil.  Et  elle  rentre  d'autant 
mieux  dans  le  domaine  du  droit  public  que  la  condition  primi- 
mitive  des  plébéiens  nous  est  probablement  représentée  d'une 
façon  plus  énergique  et  plus  vive  par  ces  affranchis,  qui  sont  en 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  \ 


DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 


Définition  du 
hbcrtituis. 


quelque  sorte  leurs  successeurs,  que  par  l'image,  encore  plus 
artificielle  qu'effacée,  que  notre  tradition  nous  offre  de  la  plèbe. 
La  demi-liberté  qui  existait,  à  l'origine,  dans  l'État  patri- 
cien a  été  décrite  plus  haut,  dans  la  mesure  où  le  caractère 
(5.43*/  hypothétique  des  institutions  primitives  a  semblé  le  permettre. 
Nous  ne  reviendrons  pas  sur  elle.  Ce  que  nous  devons  exposer 
ici,  c'est  la  condition  juridique  des  personnes  sorties  de  l'escla- 
vage qui  se  trouvaient  comprises  parmi  les  personnes  à  moitié 
libres,  telle  qu'elle  s'est  constituée  à  l'époque  historique,  c'est 
la  condition  des  liber  tint  au  sens  ordinaire  du  mot  (i)  ou,  pour 
employer  une  expression  plus  exacte,  la  condition  de  ceux  qui 
servitutem  servierunt  (2).  Nous  écartons  d'abord  les  individus 
qui  ne  sont  parvenus  qu'à  la  liberté  de  fait  et  qui,  par  consé- 
quent, sont  encore  esclaves  au  sens  strict  du  mot,  les  indivi- 
dus «  affranchis  entre  amis  »  (3),  quoique  cet  acte  produise  cer- 
taines conséquences  juridiques  dans  le  droit  récent.  Nous 
écartons  encore  ceux  qui,  bien  qu'affranchis  par  un  citoyen 
romain,  n'ont  pourtant  acquis  qu'un  droit  de  cité  latine  ou 
même  la  liberté  sans  aucun  droit  de  cité  :  ce  sont  là  des  con- 
ditions individuelles  contraires  à  la  nature  de  l'institution, que 
l'ancien  droit  ne   connaissait  pas  et  qui  n'ont  été  appelées 


(1)  L'expression  ordo  Ubertinus  familière  aux  écrivains  de  l'époque  impé- 
riale (Tite-Live,  42,  27,  3.  43,  12,  9.  45,  15,  3.  c.  49,  19;  Suétone,  De  gramm. 
18  ;  Aulu-Gelle,  5,  19,  12  ;  De  viris  M.  73,  3)  est  évitée  à  la  bonne  époque, 
bien  qu'elle  pénètre  parfois  dans  le  langage  (Gicéron,  Cat.  4,  8,  16),  et  elle 
n'est  pas  correcte  ;  car  les  affranchis  ne  forment  pas  une  corporation  appe- 
lée à  agir  collectivement  (p.  48,  note  1). 

(2)  Cette  désignation  des  affranchis  se  rencontre  chez  Tite-Live,  40,  18,  7, 
(là  précédée  de  cives  Romani).  45,  15,  5,  et,  comme  celle  des  antiqui,  chez 
Quintilien,  lnst.  7,  3,  26.  Dans  la  loi  Gincia  .de  Fan  550  (p.  10,  note  4)  les 
affranchis  s'appellent  même  encore  servi  ;  mais  les  gens  sortis  d'une  injusta 
servitus  s'appellent  qui  pro  servis  servitutem  servierunt.  L'expression  qui 
servitutem  servierunt  a  été  choisie,  parce  que  Yingenuus  manumissus  peut 
lui-même  être  nommé  Ubertinus  (p.  3,  note  2). 

(3)  La  manumission  sacrorum  causa  (Festus,  v.  Uanumitti,  p.  158.  159  et 
v.  Puri,  p.  250)  rentre  elle-même  dans  cette  catégorie.  L'esclave  ainsi  con- 
sacré au  service  des  Dieux  n'est  pas  libre  au  sens  juridique  ;  le  maître  s'o- 
blige seulement,  par  un  vœu,  à  payer  dix  livres  d'or  s'il  enlève  cet  esclave 
à  ce  service  ;  au  point  de  vue  du  droit  civil,  il  n'y  a  donc  pas  une  manu- 
mission, mais  une  promesse  d'argent  conditionnelle. 


LE   DROIT   DE   CITE    INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  3 

à  l'existence  que  par  les  limitations  apportées  aux  affranchis- 
sements au  début  de  l'Empire  (1).  Enfin  nous  écartons  les  per- 
sonnes qui  possédaient,  avant  l'affranchissement,  la  cité  et 
l'ingénuité  et  qui,  en  sortant  de  puissance,  perdent  leur  droit  de 
gentilité,  mais  non  leur  ingénuité  (tome  VI,  1,  p.  79). On  appli- 
que bien  à  ces  personnes,  en  droit  civil,  la  notion  de  l'affranchis- 
sement et  la  terminologie  faite  pour  elle (2),  mais  politiquement 
elles  n'appartiennent  pas  à  la  catégorie  dont  nous  nous  occu- 
pons ici.  Au  contraire,  nous  devons  étudier,  en  même  temps 
que  la  condition  inférieure  des  citoyens  sortis  de  l'esclavage, 
ce  qui  nous  a  été  transmis  et  ce  que  l'on  peut  conjecturer  sur 
l'infériorité  analogue  de  leurs  enfants,  des  individus  nés  hors 
mariage  et  des  autres  variétés  de  personnes  soumises  à  des 
dégradations  symétriques. 

h%  libertinus,  au  sens  politique,  est  celui  qui,  depuis  sa  nais- 
sance, est  légalement  affecté  de  la  tache  d'une  origine  servile.  Le 
mot  libertinus  est  corrélatif  au  mot  ingenuus  (VI,  1 ,  p.  79),  c'est  le 
terme  qui  lui  est  diamétralement  opposé  (3),  et  il  a,  comme  lui, 


(1)  Ce  qu'il  y  a  à  dire  des  libertini  Latini  Juniani  viendra  dans  la  partie 
de  la  Latinité.  Sur  les  libertini  dediticiorum  numéro,  cf.  tome  VI,  l,p.  158. 

(2)  Dans  le  droit  des  successions,  les  jurisconsultes  appliquent  indistinc- 
tement patronus  et  libertus  à  la  manumission  exingenuitate  et  à  celle  ex  ser- 
vitute  ;  libertinus  n'est  employé  que  rarement  pour  le  premier  cas,  mais  il 
l'est  cependant  (Tite-Live,  41 ,  8, 10),  et  la  rareté  provient  seulement  de  ce  que, 
dans  le  langage  ordinaire,  c'est  le  sens  politique  du  mot  qui  prédomine.  Au 
reste  il  y  a,  même  en  droit  civil,  des  différences  de  droit  entre  le  manu- 
missus  exservitute  et  Yingenuus  manumissus  (cf.  Inst.  1,  4,  1  ;  Cod.  7,  14;  Dig. 
37,  12,  2). 

(3)  Gaius,  1,10.11  :  Liberorum  hominum  aliiingenui  sunt,  alii  libertini.  Ingé- 
nia sunt  qui  liberi  nati  sunt,  libertini  qui  ex  justa  servitute  rnanumissi  sunt. 
Marcien,  Dig.  1,  5,  5.  Horace,  libertino  pâtre  natus,  est,  par  suite,  ingéniais 
(Sat.  1,  6,  7).  Cf.  tome  II,  la  partie  de  la  Capacité  d'être  magistrat,  sur  l'incapa- 
cité des  affranchis  et  de  leurs  enfants.  —  Si  ingenuus  est  bien  rapproché  de 
patricius,  mais  ne  lui  est  pas  assimilé  (VI,  1,  p.  14,  note  1),  on  peut  encore  moins 
identifier  libertinus  et  plebeius,  et,  tandis  que  la  première  qualité,  si  elle  est 
héréditaire,  ne  l'est  qu'à  la  première  génération,  la  seconde  se  transmet  "au 
contraire  perpétuellement.  —  Il  faut  encore  signaler,  comme  document  an- 
cien sur  l'emploi  du  mot  libertinus,  la  désignation  comme  colonie  libertino  - 
rum  (Tite-Live,  43,  3)  de  la  colonie  de  droit  latin  de  Garteia  fondée  en  583 
dans  l'Espagne  Ultérieure.  Les  membres  de  cette  colonie  étaient  les  enfants 
des  Espagnoles  qui  avaient  vécu  sans  conubium  avec  les  soldats  romains,  ou 
leurs  (descendants  et)  affranchis  (car  c'est  par  une  faute  de  l'auteur  ou   du 


4  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

changé  de  signification.  Les  enfants  des  affranchis,  bien  qu'ils  ne 
soient  pas  des  liberti,  étaient  anciennement  compris  sous  le  nom 
de  liôertini(l);et  les  individus  nés  hors  mariage  ou,  ce  qui  est  la 
mêmechose,les  individus  nés  de  mariages  irréguliers  à  raison  de 
la  disproportion  du  rang  des  parties  (p.  13),  devaient,  ainsi 
que  leurs  enfants,  leur  être  assimilés  anciennement  ;  car, 
l'éligibilité  aux  magistratures  plébéiennes  ayant  longtemps 
fait  défaut  aux  fils  d'affranchis  aussi  bien  qu'aux  affranchis,  l'in- 
dividu qui  légalement  n'a  pas  de  père  et  son  fils  ne  peuvent  pas 
avoir  été  d'une  condition  meilleure  que  le  fils  procréé  en  ma- 
riage par  un  affranchi.  La  tache  résultant  de  l'origine  servile 
ne  s'est  probablement  jamais  étendue  plus  loin  dans  la  cité 
patricio-plébéienne  ;  les  petits-fils  d'affranchis  ont,  de  tout 
temps,  été  comptés  parmi  les  ingénia  (2).  Mais   le  fils  d'affran- 


copiste  qu'il  n'y  a  pas  dans  le  texte  genuissent  vel  avant  manumississent). 
Quant  à  leurs  droits  personnels,  ils  étaient  pérégrins  et  pouvaient  bien  être 
assimilés  aux  affranchis,  mais  non  pas  être  eux-mêmes  désignés  comme  des 
affranchis. 

(1)  Suétone,  Claud.  24  :  Latum  clavum...  libertini  filio  tribuit...  et  Appium 
Csecum  censorem...  libertinorum  filios  in  senatum  adlegisse  docuit,  ignarus 
temporibus  Appi  et  deinceps  aliquamdiu  libertinos  dictos  non  ipsos,sed  ingenuos 
ex  his  procreatos.  Suétone  semble  penser  que  les  affranchis  et  les  fils  d'affran- 
chis auraient  été  distingués  en  liberti  et  en  libertini.  Mais  cela  est  philologi- 
quement  impossible  ;  car  Ubertus  n'est  pas,  en  langage  correct,  employé 
d'une  manière  indépendante  ;  il  ne  l'est  qu'en  ajoutant  ou  en  sous-entendant 
le  nom  du  patron,  pour  désigner  l'homme  affranchi  par  celui-ci  ou  celui-là 
(p.  5,  note  1).  Le  texte  de  Suétone  a  introduit  dans  notre  latin  moderne 
l'usage  de  libertinus  par  opposition  à  Ubertus  pour  désigner  le  fils  d'affran- 
chi; mais  cet  usage  est  aussi  incorrect  que  trompeur. 

(2)  L'opinion  contraire,  celle  d'après  laquelle  Appius  aurait  le  premier 
admis  des  petits-fils  d'affranchis  dans  le  sénat,  est  à  la  vérité  soutenue  par 
Suétone,  loc.  cit.;  mais  il  est  seul  de  son  avis.  Tous  les  autres  témoignages 
considèrent  la  mesure  d' Appius  comme  ayant  consisté  à  faire  entrer  des  fils 
d'affranchis  dans  le  sénat.  Diodore,  20,  36,  dit  de  l'élection  comme  édile  cu- 
rule  de  Gn.  Flavius,  qui  est  contemporaine  de  cette  censure  :  IIpcoxoç  'Pw- 
jxatwv  Ta-jrr,;  rf(;  àp/f.ç  Ttaxpoç  wv  SsSouXeuxotoç.  Tite-Live,  9,  46,  1,  dit  du 
même  personnage  :  Pâtre  libertino...  ortus.V,  46,  10  :  Senatum  primus  liber- 
tinorum filiis  lectis  inguinavcrat.  L'empereur  Claude  dans  Suétone,  loc.  cit. 
Tacite,  Ann.  11,  24.  Plutarque,  Pomp.  13.  L'allégation  de  Suétone  selon  la- 
quelle libertinus  a  changé  de  sens  est,  avec  la  restriction  indiquée  plus  haut, 
pleinement  digne  do  fui,  et  Appius  lui-même  peut  fort  bien  avoir  appelé  li- 
bertinus à  la  fois  l'affranchi  et  le  fils  d'affranchi.  Mais,  d'un  autre  côté,  il 
n'est  pas  moins  certain  que,  dans  la  littérature  qui  nous  est  connue,  liberti- 
nus n'a  jamais  ce  sens  largo,  ni  ingéniais  le  sens  étroit  corrélatif  (VI,i,p.  "Î9),  et, 


LE  DROIT   DE  CITÉ   INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  5 

chi  a  lui-même  cessé  d'être  appelé  libertinus  avant  le  temps  où 
commence  notre  littérature;  il  n'y  a  pas  pour  lui  d'autre  désigna- 
tion que  liber tini  filius,  en  grec  ^sXeuQepou  ou  ocTûe^suOépoi)  -ou;* 
Libertinus  et  libertus  se  confondent  donc,  dans  ce  langage,  en 
ce  que  les  deux  expressions  désignent  un  ex-esclave;  mais  la 
première  le  désigne  dans  sa  condition  générale  de  citoyen,  et 
la  seconde  le  vise  comme  l'ex-esclave  d'un  maître  déterminé  (1). 
Cette  restriction  du  sens  du  mot  est  certainement  la  suite  de 
la  restriction  du  cercle  des  personnes  mises  dans  un  état  d'in- 
fériorité quant  au  mariage,  et  elle  est  ramenée  avec  vraisem- 
blance à  l'égalisation  quant  au  droit  de  suffrage  des  enfants 
des  affranchis,  et  sans  doute  en  même  temps  des  spurii  et  de 
leurs  fils,  avec  les  enfants  des  ingénus  opérée  en  l'an  565 
(p.  21). 

Les  infériorités  dont  étaient  frappés  les  affranchis  ne  nous 
sont  jamais  rapportées  dans  un  tableau  d'ensemble,  et  notre 
connaissance  des  particularités  juridiques  spéciales  à  cette 
dernière  couche  du  peuple  est  naturellement  encore  plus  im- 
parfaite que  celle  que  nous  avons  des  droits  spéciaux  des  clas- 
ses privilégiées.  Nous  allons  rassembler  ici  ceux  des  renseigne- 
ments que  l'on  rencontre  qui  ont  un  caractère  politique  ou  qui 
sont  dans  une  relation  étroite  avec  les  choses  politiques.  L'in- 
fériorité sociale  des  affranchis  ne  peut  trouver  sa  place  dans 
cette  exposition  ;  on  peut  seulement  remarquer  que,  d'après 


comme  ce  n'est  pas  le  récit  d'Appius  que  nous  possédons,  mais  celui  de  l'an  ■ 
naliste  Tite-Live,  il  faut  y  comprendre  libertinorum  filii  des  fils  d'affranchis, 
et  non,  comme  le  veut  Suétone,  des  petits-fils  d'affranchis. 

(1)  C'est  pourquoi,  dans  le  langage  correct,  libertus,  mais  non  libertinus 
est  en  règle  accompagné  soit  du  génitif  de  propriété,  soit  du  pronom 
possessif,  ou  du  moins  ce  dernier  est  sous-entendu.  Lorsque,  dans  Salluste 
(Cat.  59),  Catilina  prend  place  dans  l'ordre  de  bataille  cum  liber tis,  il  s'agit 
de  ses  affranchis  ;  cum  libertinis  désignerait  l'ensemble  des  affranchis  pré- 
sents. Il  n'y  a  pas  d'intérêt  pratique  à  suivre  l'effacement  progressif  de 
cette  distinction  rigoureusement  observée  chez  les  bons  auteurs.  —  La  langue 
grecque  ne  connaît  pas  cette  distinction  et  emploie  dans  les  deux  sens 
àueXeuOspoç  ou  èfcXstfôepoç.  Plutarque  dit  quelquefois  àiteXeu0spix6ç  (Sull.  1  ; 
Cic.  7)  ou  è^eXsuôepixo;  {Sull.  8.  33  ;  Anton.  58),  évidemment  pour  reproduire 
le  latin  libertinus,  mais  c'est  pour  l'affranchi  lui-même  et  non  pour  le  fils 
d'un  affranchi. 


(S.V24) 


6  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

l'étiquette  de  la  cour,  un  affranchi  ne  pouvait,  au  moins  à  l'é- 
poque d'Auguste,  être  appelé  à  prendre  place  à  la  table  impé- 
riale (1). 
peines  Commele  non-citoyen  en  usurpant  le  droit  de  cité  (VI,  1, p. 225), 

de  rXgénuité?  e  le  libertinus  en  usurpant  l'ingénuité  ou  en  exerçant  l'un  des 
droits  interdits  aux  affranchis,  doit  s'être,  de  tout  temps,  ex- 
posé à  la  coercition  du  magistrat,  et  il  se  peut  qu'il  y  ait  eu, 
dès  l'époque  de  la  République,  une  procédure  criminelle  spé- 
ciale organisée  contre  cette  infraction.  Sous  le  Principat,  la 
répression  a  été  renforcée,  en  première  ligne  relativement  au 
port  illégal  des  anneaux  d'or,  par  un  sénatus-consulte  de 
l'an  23  après  J.  C.  (2)  et  par  une  loi  Visellia  de  l'année  sui- 
vante, qui  fut  provoquée  par  ce  sénatus-consulte  (3);  il  ne 
manque  pas  non  plus  de  témoignages  qui  montrent  des  pour- 
suites judiciaires  intentées  dans  des  cas  pareils  (4). 


1.  DÉNOMINATION. 


Prxnomen         a.  Les  noms  individuels  romains,  les  prœnomina  ont  long- 
temps  été  le  signe  distinctif  de  la  plénitude  du  droit  de  cité,  et 


[S.+Tu') 


(1)  Suétone,  Aug.  74. 

(2)  Pline,  H.  n.  33,  32,  2.  Cf.  la  partie  des  Chevaliers. 

(3)  Dioclétien,  Cod.  Just.  9,  21,  Ad  legem  ViselUam  ;  en  partie  reproduit 
ibid.  9,  31,  1)  :  Lex  Visellia  libertinse  condicionis  homines  persequitur  (et  cri- 
minellement, comme  il  est  dit  expressément  plus  bas),  si  ea  quse  ingenuorum 
suntcirca  honores  et  dignitates  ausi  fuerint  attemptare  vel  decurionatnm  adri- 
pere,  nisi  jure  aureorum  anulomm  impetrato  a  principe  sustentantur.  C'est  à 
tort  que  j'ai  contesté  dans  les  Jahrbiicher  des  gem.  deutsch.  Rechts  de  Bek- 
ker  et  Muther,  2,  535,  que  cette  loi  ait  été  proposée  parle  consul  de  l'an  24, 
L.  Visellius  Varro  ;  elle  constitue  clairement  la  mise  à  exécution  du  sénatus- 
consulte  de  l'année  précédente. 

(4)  Pline,  33,  2,  33  :  Adeo  id  (le  port  illégal  de  l'anneau  d'or)  promiscuum 
esse  cœpit,  ut  apud  Claudium  Cœsarem  in  censura  ejus  unus  ex  equitibus  Fla- 
vius Proculus  quadringentos  ex  ea  causa  reos  postularet.  La  preuve  que  c'était 
là  une  véritable  action,  parfaitement  intentée  comme  telle  devant  l'empereur, 
résulte  partie  de  la  rédaction  du  texte,  partie  de  ce  que  la  nota  du  censeur 
n'avait  aucune  efficacité  à  cette  époque  ni  contre  de  telles  personnes.  Il 
résulte  des  exemples  cités  plus  loin,  p.  39,  note  3,  sur  les  affranchis  pour- 
suivis pour  usurpation  des  privilèges  équestres,  que  la  peine  pouvait  aller 
jusqu'à  la  privation  de  la  liberté. 


LE    DROIT   DE   CITE   INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  7 

c'est  là,  ainsi  que  nous  l'avons  déjàexpliqué  (VI,  1 ,  p.  236  et  ss.), 
ce  qui  fait  comprendre  leur  exclusivisme  et  leur  nombre  limité. 
A  la  phase  la  plus  ancienne  où  nous  puissions  connaître  le  sys- 
tème de  leurs  noms  propres,  c'est-à-dire  environ  à  la  première 
moitié  du  vne  siècle,  les  affranchis  romains,  portent  parfois 
encore,  à  la  place  des  prénoms  officiels  ordinaires,  les  dési- 
gnations individuelles,  tirées  de  l'origine,  de  caractères  déter- 
minés, ou  encore  arbitrairement  choisies,  qui  sont  données  aux 
esclaves.  Il  est  probable  que,  dans  les  premiers  temps  de  la 
République,  les  premiers  prénoms  étaient  portés,  comme  si- 
gne distinctif  de  la  plénitude  du  droit  de  cité,  à  côté  des  patri- 
ciens, par  les  plébéiens  éligibles,  et  que  les  affranchis  et  tous 
les  autres  citoyens  de  la  seconde  classe  étaient  forcés  de  porter 
un  nom  individuel  différent.  Cependant  les  débris  du  système 
de  dénomination  des  affranchis  qui  écartait  les  prénoms  officiels 
ont  de  bonne  heure  disparu,  sans  doute  sous  la  pression  de 
cet  effort  fait  parles  affranchis  pour  arriver  à  la  plénitude  et  à 
l'égalité  du  droit  de  cité,  qui  domine  l'histoire  du  vne  siècle  : 
la  limitation  aux  quinze  prénoms  leur  est  au  moins  appliquée 
depuis  l'époque  des  Gracques.  Ce  fut  le  cognomen  qui  vint 
bientôt  jouer  pour  eux  le  même  rôle  dans  l'écriture.  A  la  vé- 
rité, les  affranchis  semblent  n'avoir  d'abord,  après  avoir  ob- 
tenu l'usage  des  prénoms  officiels,  pas  plus  porté  officiellement 
d'autre  dénomination  individuelle  que  ne  font  les  plébéiens  (1). 
Mais,  soit  que  cela  ait  été  provoqué  dans  les  grandes  maisons 
par  une  nécessité  pratique,  soit  que,  comme  il  est  plus  vrai- 
semblable, une  loi  spéciale  ait  établi  une  séparation  en  ma- 
tière de  noms  entre  les  ingénus  et  les  affranchis,  le  cogno- 


(1)  Parmi  les  inscriptions  datées  des  magistri  de  Campanie  (C.  1.  L.  X, 
3772  et  ss.),  qui  nous  permettent  seules  de  comprendre  ce  développement, 
celles  qui  se  placent  avant  660  ne  donnent  pas,  pour  la  plupart,  de  cognomen 
aux  affranchis,  et,  lorsqu'elles  leur  en  donnent  un,  il  est  écrit  en  règle  par 
une  abréviation  qui  n'est  pas  communément  intelligible,  et  souvent  dans 
une  écriture  plus  petite,  ce  qui  se  reproduit  aussi  sur  d'autres  documents 
anciens.  L'addition  du  cognomen  ainsi  opérée  parait  avoir  été  faite  exclusi- 
vement pour  arriver  à  une  détermination  plus  précise,  et  il  y  a  là  un  té- 
moignage de  l'absence  légale  de  cognomen.  Cf.  Rœm.  Forsch.  1,  58  et  ss. 


g  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

men,  et  le  cognomen  simple  (1),  se  présente  chez  les  affranchis, 
depuis  l'an  650  environ,  avec  une  telle  constance  qu'il  trace 
une  ligne  de  démarcation  entre  eux  et  les  plébéiens  ordinaires 
qui,  en  règle,  ne  portent  pas  de  cognomen  à  cette  époque  (2). 
Seulement,  comme  les  noms  de  la  nobilitas  et  ceux  des  affran- 
chis se  trouvaient  par  suite  se  confondre  extérieurement,  on 
créa  une  séparation  d'une  autre  manière  :  on  défendit  aux  af- 
franchis de  porter  les  surnoms  de  famille  qui  étaient  usités  et 
se  transmettaient  de  génération  en  génération  dans  les  vieilles 
familles  de  la  noblesse  et  de  l'ordre  équestre  {cognomina  eques- 
tria,Yl,  l,p.  235),  eton  les  contraignit  ainsi  à  se  servir  principale- 
ment de  cognomina  grecs  ou  d'autres  cognomina  étrangers  (3). 
Cependant  il  ne  semble  pas  avoir  été  très  rare  qu'on  leur 
permît  de  prendre,  à  côté  de  ce  premier  surnom,  un  second 
surnom  plus  distingué  (4).  Des  dispositions  légales  ont  cer- 


(1)  La  notion  du  cognomen  n'implique  pas  qu'il  soit  simple  ;  et  l'on  ren- 
contre en  nombre  suffisant  des  surnoms  nobiliaires  multiples  tout  aussi  tôt 
que  des  simples.  Au  contraire  le  principe  de  la  simplicité  est  à  peu  près 
aussi  rigoureusement  observé  pour  le  surnom  de  l'affranchi  que  pour  le 
prénom  du  temps  de  la  République  :  cela  se  fonde  évidemment  sur  une 
règle  légale  et  doit  servir  de  base  à  la  distinction  des  deux  catégories.  Les 
exceptions  à  cette  règle  se  rapportent  (en  dehors  des  affranchis  impériaux 
qui  conservent  la  dualité  de  nom  des  esclaves  impériaux)  presque  absolu- 
ment à  la  catégorie  des  cognomina  equestria  accordés  aux  affranchis  réhabi- 
lités ci-dessous,  note  4). 

(2)  Tandis  que  les  trois  inscriptions  de  642-643  et  de  648  (C.  /.  L.  X,  3774. 
3778.  3179)  nomment  17  affranchis  sans  cognomen  et  n'en  nomment  que  8 
avec  un  cognomen  (le  plus  souvent  abrégé),  il  y  en  a,  sur  celles  de  660  et  de 
683  (C.  I.  L.  X,  3172.  3783),  au  moins  14  sur  15  qui  en  ont  un,  et  le  cogno- 
men ne  fait  défaut  que  dans  un  15e  cas  qui  n'est  même  pas  certain.  Dans 
l'inscription  de  Samothrace  de  662  (C.  I.  L.  III,  713),  il  y  a  aussi  deux 
affranchis  sur  trois  qui  ont  le  cognomen,  et  le  troisième  a  la  tribu.  Dans 
les  inscriptions  certaines  de  l'époque  récente,  les  affranchis  sans  cognomen 
sont  très  rares  (cf.  C.  7.  L.  IX,  p.  810),  cependant  cela  ne  prouve  pas 
grand'chose,  les  non-afTranchis  eux-mêmes  ayant  bientôt  pris  tous  le  co- 
gnomen . 

(3)  Cette  règle  domine  encore  la  nomenclature  du  Principat  ;  ceux  qui  vou- 
dront pourront  le  vérifier  dans  les  tables  des  cognomina  du  C.  L  L.  qui 
spécifient  pour  cette  raison  la  qualité  des  affranchis.  Les  cognomina  qui  se 
présentent  principalement  chez  les  ingénus  se  distinguent  clairement 
d'autres  qui  sont  généralement  propres  aux  aifranchis,  et  parmi  lesquels 
il  y  en  a  môme  de  latins,  comme  Fausta  (et  non   Faustina),  Félix,  Salvius. 

(4)  Willmanns  a  rassemblé  dans  l'index  de  ses  Exempta,    È,  p.  404,  un 


LE    DROIT    DE   CITE    INFERIEUR   DES   AFFRANCHIS.  9 

tainement  été  prises  et  même  ont  été  appliquées  sur  ce  point. 
Les  censeurs  de  Rome  ne  peuvent  à  la  vérité  avoir  exercé  de 
contrôle  sur  les  noms,  puisque,  depuis  Sulla,  il  n'y  en  a  eu  en 
fonctions  que  d'une  manière  extraordinaire.  Mais  il  faut  se  rap- 
peler que,  depuis  la  guerre  sociale,  tout  citoyen  devait  apparte- 
nir à  une  cité  municipale  et  que  chacune  de  ces  cités  avait  ses 
censeurs  municipaux  et  dressait  ses  listes  de  citoyens.  Avec  un 
tel  régime,  il  ne  pouvait  manquer  d'y  avoir  des  variations  et 
des  exceptions.  Mais  néanmoins,  le  système  des  noms  de  l'Em- 
pire, qui  nous  est  bien  connu,  se  conforme,  sauf  des  exceptions 
qui  ne  sont  pas  trop  nombreuses,  à  ces  règles.  En  particulier  on 
y  discerne  clairement  que  les  fils  d'affranchis  ne  sont  pas  sou- 
mis à  la  défense  de  se  servir  des  cognomina  distingués, 
et  que  par  suite  ils  ne  prennent  pas  en  général  les  prénoms 
de  leurs  pères  et  en  prennent  fréquemment  d'aristocratiques. 
Une  autre  innovation  relative  aux  noms  individuels  des  af- 
franchis est  intervenue  sous  Auguste,  probablement  encore  par 
une  loi.  Des  deux  noms  individuels,  le  prénom  et  le  surnom, 
que  porte  désormais  tout  affranchi,  le  second  continue  à  être 
laissé  à  l'arbitraire  de  Pauteur  de  l'affranchissement  ou  de 
l'affranchi  ,•  mais  au  contraire,  au  lieu  du  prénom  jusqu'alors 
arbitrairement  choisi  lui-même,  l'affranchi  doit  désormais 
porter  le  prénom  de  l'auteur  de  l'affranchissement,  ou,  si  Paf- 
franchissement  est  fait  par  une  femme,  celui  du  père  de  cette 


certain  nombre  de  ces  doubles  noms  d'affranchis  :  Phileros  AZquitas  (C.  I.  L. 
VI,  10  003),  —  Davos  Calidus,  —  Salvius  Gallus,  —  Philargurus  Labeo,  — 
Bermias  Naso,  —  Eros  Mevula,  —  Nicepor  Peccio,  —  Antiocus  Tuscus.  Il  est 
visible  que  le  nom  mieux  porté,  qui  est  toujours  mis  au  second  rang,  leur 
est  accordé  à  titre  exceptionnel,  comme  l'affranchi  de  Galba  Icelus  reçut,  en 
même  temps  que  la  concession  de  l'anneau  d'or,  le  eognomen  équestre  Mar- 
cianus.  Mais  ils  n'ont  pas  pour  cela  reçu  la  restitutio  natalium,  puisqu'ils 
continuent  à  se  qualifier  d'affranchis.  Les  exemples  appartiennent  pour  la 
plupart  aux  derniers  temps  de  la  République  et  aux  commencements  de 
l'Empire.  Si  par  la  suite  on  rencontre  plus  rarement  ces  doubles  noms,ilfaut 
exclusivement  en  chercher  la  raison  dans  ce  qu'alors  le  nom  d'affranchi 
était  en  règle  mis  de  côté  :  c'est  ainsi  que  certains  affranchis,  par  exemple 
le  savant  M.  Verrius  Flaccus,  seront  arrivés  à  porter  de  purs  noms  éques- 
tres. Cf.  sur  les  doubles  cognomina  des  affranchis  ma  dissertation  Her- 
mès, 2,  156. 


10  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

femme  (1).  Probablement  on  voulait  exprimer  par  là,  plus  éner- 
giquement  qu'elle  ne  l'avait  été  jusqu'alors,    la  dépendance 
dans  laquelle  est  l'affranchi,  quant  à  sa  condition  civile,  en 
face  de  son  ancien  maître. 
Gentiiicium.        b.  L'affranchi  appartenant  nécessairement  à  la  gens  de  son  [S.  4Z")  ) 
patron,  gens  qui  hérite  en  cette  qualité  de  lui  comme  de  son 
patron  lui-même  (2),  il  n'a  jamais  été  fait,  quant  au  nom  de 
famille  également  fixé  par  la  loi  pour  eux  tous,  de  distinction 
entre  Vingenuus  et  le  libertinus  (3). 
Dénomination  de     c.  Le  lien  de  puissance  dans  lequel  se  trouve  l'affranchi  a      /; 

servus,  plus  tard 

deiibertus.  Sans  doute  été,  à  l'époque  la  plus  ancienne,  exprimé  pour  lui 
tout  comme  pour  l'ingénu  (VI,  1  ,p.  233)  par  l'addition  du  nom  in- 
dividuel de  celui  qui  l'a  sous  sa  puissance  mis  au  génitif  de 
propriété.  Mais,  lorsque  le  besoin  se  fît  sentir  de  distinguer 
Vingenuus  et  le  libertinus,  on  y  arriva  pour  le  premier  par 
l'addition  du  mot  filius,  et  de  même  pour  le  second  par  celle 
du  mot  servus  :  telle  était,  nous  en  avons  la  preuve,  l'expres- 
sion officielle  encore  employée  au  temps  de  la  guerre  d'Han- 
nibal  ;  ce  n'est  que  dans  le  cours  du  vie  siècle  qu'elle  a  été  rem- 
placée par  libertus  (4).  L'imperfection  légale  de  Paffranchisse- 


(1)  Rœm.  Forsch.  i,  30.  Nous  ne  connaissons  cette  innovation  qu'exclusi- 
vement par  l'opposition  des  noms  d'affranchis  antérieurs  et  postérieurs  à  Au- 
guste qui  nous  sont  connus  par  les  inscriptions.  Tandis  que  pour  les  pre- 
miers les  prénoms  du  patron  et  de  l'affranchi  sont  très  fréquemment  diffé 
rents,  c'est  parla  suite  pour  ainsi  dire  quelque  chose  d'inouï.  Une  évolution 
analogue,  mais  cependant  encore  moins  expliquée,  s'est  accomplie  pour  la 
translation  aux  fils  du  prénom  paternel  (Handb.  7,  24). 

(2)  Sur  le  fait,  il  n'y  a  pas  de  doute  ;  on  ne  peut  décider  si  les  gentils 
étaient  appelés  expressément  à  la  succession  de  l'affranchi  par  le  droit 
civil,  et,  dans  la  classe  unde  légitima  par  le  préteur.  Cf.  Huschke,  Studien, 
p,  109. 

(3)  Ce  n'est  que  par  une  confusion  que  le  M.  Pomponius  Dionysius  de 
Cicéron.  Ad  AU.  4,  15,  1,  est  regardé  comme  un  affranchi  de  Gicéron,  par 
Borghesi,  Opp.  5,  329,  et,  d'après  lui,  par  Henzen,  6379,  et  dans  le  Handb. 
7.  22;  l'auteur  de  l'affranchissement  était  Atticus  (Drumann,  5,  67.  6,  403), 
et  le  nom  arbitrairement  choisi  était  le  prœnomen  et  non  le  nomen. 

(4)  Dans  le  système  des  noms  de  l'époque  ancienne  de  la  République,  il  y 
a  tervuê  où  l'on  a  mis  plus  tard  libertus.  C'est  une  conséquence  qui  aurait 
dû  être  tirée  depuis  longtemps  des  mots  de  la  loi  Gincia  sur  les  donations 
de  550  conservés  Vat.fr.  307  :  Si  quis  a  servis  quique  pro  servis  servitutem  ser- 
vierunl  accipit  duit[ve]  is\  Paul    remarque  :  Servis  liberti  continentur;  mais 


LE   DROIT   DE   CITE   INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  ii 

ment  (VI,  1 , p.  146)  trouve  une  expression  énergique  dans  la  con- 
servation par  l'affranchi  de  la  dénomination  propre  de  l'esclave. 
Ce  n'est  que  lorsque  le  mouvement  tendant  à  l'émancipation 
politique  des  affranchis  eut  gagné  de  plus  en  plus  de  terrain, 
peut-être  vers  l'époque  de  la  destruction  de  Carthage  et  de  Co- 
rinthe.  que  les  affranchis  ont  été  reconnus  comme  libres,  même 
dans  le  système  des  noms,  et  que  leur  rapport  avec  Fauteur 
de  l'affranchissement  a  été  représenté  comme  le  rapport  avec 
un  maître  dont  le  droit  s'est  éteint. 

Le  fils  de  l'affranchi  ne  pouvait  être  expressément  signalé 
comme  tel  dans  sa  dénomination  que  par  l'addition  au  nom  de 
son  père  du  nom  de  celui  qui  avait  eu  ce  père  en  puissance 
(Marci,  qui  est  Marci  servus  —  ou  Iplus  tard  libertas,  —  fi- 
lms) ;  mais  il  est  probable  que  l'absence  de  grand-père  ne  se 
manifestait  dans  son  nom  que  par  l'omission  du  nom  de  ce 
grand-père. 


l'observation  est  inexacte  en  ce  que  la  donation  de  l'esclave  à  son  maître 
n'est  pas  valable  légalement  et  que  le  servierunt  qui  suit  montre  qu'il  ne  s'a- 
git pas  des  servus  et  pro  servo  actuels,  mais  de  ceux  qui  l'ont  été.  L'af- 
franchi n'est  par  conséquent  pas  seulement  compris  dans  l'expression  servus 
de  cette  loi,  c'est  de  lui  seul  qu'il  s'y  agit.  Cependant  on  n'a  pas  tiré  cette 
conclusion,  et  l'on  n'en  a  pas  davantage  rapproché  le  fait  que  les  anciens 
noms  des  affranchis,  Gaipor,  etc  (VI,  i,  p.  227,  note  1)  impliquent  également  la 
persistance  de  la  servitude.  Mais  il  est  venu  au  jour  dans  les  dernières 
années  différents  témoignages  directs  de  cet  usage  du  mot  s&'vus,  qui  établis- 
sent le  fait  révoqué  en  doute  (cf.  Eph.  epigr.  1,  20.  4,  246).  J'ai  connaissance 
des  suivants  : 

C.  Sextio  V.  s.  —  Vase  d'argile  de  Rome,  Eph.  epigr.,  loc.  cit. 

Servio  Gabinio  T.  s.  fecit.  —  Flambeau  d'argile  de  Gampanie  C.  I.  L.  X, 
8054,  8. 

Retus  Gabinio  (ou  Gabinius)  C.  s.  Calebus  fecit.  —  Vase  d'argile  à  figures 
noires  de  Gales.  C.  I.  L.  X,  8054,  7. 

C.  Fladius  Ban.  f.,  Luccia  V.  s.  —  Inscription  funéraire  du  Samnium, 
C.  /.  L.  IX,  2782. 

Les  trois  premiers  documents  appartiennent  sûrement  à  l'époque  anté- 
rieure à  la  guerre  d'Hannibal,  l'inscription  funéraire  samnite  à  peu  près  au 
vne  siècle  ;  il  est  probable  que  l'ancienne  coutume  s'est  maintenue  là  plus 
longtemps.  Mais  Gicéron,  Ad  farn.  5,  20,  2,  dit  encore  :  Librum  accepi  a  meo 
servo  scriba,  ce  que  l'on  aurait  bien  fait  de  ne  pas  écarter  par  de  fausses 
corrections,  et  nous  lisons  dans  une  inscription  espagnole  (C.  1.  L.  II,  3495) 
qui  est  sans  doute  des  derniers  temps  de  la  République  :  Plotia  L.  et  Fufix 
l.  Prune  fixe  vocitatast  ancilla  :  heic  sitast. 


12  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

d.  Quant  à  l'indication  du  district  dans  le  nom,  il  n'existe 
pas  de  différence  entre  l'ingénu  et  l'affranchi,  pourvu  que  ce 
dernier  appartienne  à  un  district  quelconque,  question  dont  il 
sera  traité  plus  loin. 


2.  COSTUME. 

Nous  avons  déjà  remarqué  (VI,  l,p.  244,  note  5)  quelesaffran-  \S.  y2</( 
chis  ne  diffèrent  pas,  quant  au  costume,  des  citoyens  de  la  meil- 
leure condition.  S'ils  se  présentaient  après  l'affranchissement 
les  cheveux  coupés  et  la  tête  couverte,  ils  ne  faisaient  par  là 
que  prendre  la  tenue  habituelle  des  citoyens.  A  la  vérité,  lors- 
que la  coutume  changea  et  que  les  hommes  libres  ne  parurent 
plus  le  chapeau  sur  la  tête,  le  maintien  de  cet  usage,  en  parti- 
culier pour  la  première  apparition  en  public  faite  par  l'ancien 
esclave  après  qu'il  avait  obtenu  sa  liberté,  se  transforma  d'un 
signe  de  liberté  en  un  signe  de  libertinité  (1).  On  ne  peut  pas 
tout  au  moins  voir  là  une  infériorité  dont  l'affranchi  ait  été 
frappé  dès  le  principe.  C'en  est  au  contraire  une  que  la  togaprœ- 
totaportée  par  les  enfants  des  ingénus  (VI,  1  ,p.  245)  ait  été  refu- 
sée durant  une  certaine  période  aux  enfants  des  affranchis  (2), 
et  cette  interdiction  peut  être  rattachée  avec  vraisemblance  à 
ce  qu'ils  ont  également  été  privés  pendant  longtemps  du  droit 
d'arriver  aux  magistratures  (3). 


(1)  Tite-Live,  45,  44,  19  :  Polybius  (30,  19,  3)  eum  regem  (Prusias,  roi  de 
Bithynie)...  tradit  pilleatum  capite  raso  obviam  ire  legatis  solitum  libertumque 
se  populi  Romani  ferre  :  ideo  insignia  ordinis  ejus  gerere,  termes  par  lesquels 
il  traduit  :  Toiaû-rr,  Staa-xevyj  -/.eypr^ivoç,  olav  ë/ouai  ot  Ttpoaçâxwç  $j>ev8e- 
pa)|iévot  rcapà  'Pwjxatoiç,  oOç  xa^oua-i  )a{i£pTOVç. 

(2)  Macrobe,  Sat.  1,  6,  12. 

(3)  V.  tome  II,  la  partie  de  la  Capacité  d'être  magistrat,  sur  l'incapacité 
des  affranchis  et  de  leurs  enfants. 


LE   DROIT   DE   CITÉ   INFERIEUR  DES   AFFRANCHIS.  43 


3.  DROIT  DE  SE  MARIER. 

La  communauté  du  droit  de  mariage  fut  établie  entre  patri-  (^.  ^2cO 
ciens  et  plébéiens  par  la  loi  Canuleia  (VI,  1  ,p.  88);  mais  elle  ne  le 
fut  entre  mgenui  et  libertini  que  par  la  loi  d'Auguste  sur  le 
mariage,  de736  (1).  Jusqu'alors  l'union  entre  un  ingénu  et  une 
affranchie  ou  réciproquement  n'avait  pas  le  caractère  d'un  ma- 
riage romain  (2),  et,  par  conséquent,  puisque  le  droit  romain 
ne  connaît  pas  de  mariage  qui  ne  soit  pas  conforme  aux  règles 
sur  le  rang  des  époux  et  qui  cependant  soit  légalement  vala- 
ble (3),  elle  était  aussi  nulle  que  le  mariage  patricio-plébéien 

(1)  Dion,  54,  16  (de  même  56,  7)  sur  l'an  736:  'EtteiSy]  Se  tioXù  to  appev  toû 
ôtjXso;  toO  eÙyevoOç  tjv,  èirÉTpe<J/e  xa\  è?eX£u0£paçToïç*è6éXo'J(TntXïjv  twv  Po-jXe'jovtwv 
ayea-Oai,  evvoaov  xr\v  Texvoiroic'av  àuxâiv  eïvai  xeXevaaç.  Gelse,  Dig.  23,  2,  23  : 
Lege  Papia  (de  l'an  9  après  J.  G.)  cavetur  omnibus  ingenuis  pr&ter  senatores 
eorumque  liberos  libertinam  uxorem  habere  licere. 

(2)  Dans  le  sénatus -consulte  de  568  (Tite-Live,  39,  19,  5),  il  est,  entre  au- 
tres faveurs,  accordé  par  le  sénat  à  la  fille  publique  affranchie  Hispalla  Fe- 
cenia,  à  raison  des  services  qu'elle  a  rendus  au  peuple,  uti  et  ingenuo  nu- 
bere  liceret  neu  quid  ei  qui  earn  duxisset  ob  id  fraudi  ignominiseve  esset.  La  relation 
même  implique,  en  dehors  des  indications  que  nous  possédons  au  sujet  de 
la  loi  Julia  sur  le  mariage,  que  l'empêchement  au  mariage  dont  elle  était 
exceptée  ne  tenait  pas  à  son  industrie  honteuse,  mais  à  sa  qualité  d'affran- 
chie. Car,  si  les  filles  publiques  avaient  alors  été  frappées  d'une  incapacité  de 
se  marier,  le  mariage  leur  eût  été  interdit  d'une  manière  générale,  et  la  dis- 
pense n'aurait  pas  pu  se  rapporter  exclusivement  à  l'union  avec  un  ingenuus. 
Si,  d'après  Scsevola  (VI,  1,  p.  67,  note  3),  les  gentils  en  droit  de  succéder  doivent 
être  ab  ingenuis  oriundi,  cette  exigence  ne  peut,  comme  on  le  fait  d'habitude, 
être  rapportée  aux  père  et  grand-père  ;  car  ce  dernier  est  déjà  visé  par  l'inci- 
dente :  quorum  majorum  nemo  servitutem  servit;  il  s'agit  des  père  et  mère 
(cf.  Golumelle,  1,  3,  5:  Si  modo  liberis  parentibus  sit  oriundus  ;  Salluste,  Jug. 
5  :  Ortus  ex  concubina).  Les  mots  de  Tite-Live,  6,  40,  dans  un  discours  :  Non 
unus  Quiritium  quilibet,  qui  modo  me  duobus  ingenuis  ortum...sciam  ont  aussi 
été  jusqu'à  présent,  même  par  moi,  rapportés  à  tort  au  père  et  au  grand- 
père  ;  la  relation  qui  se  présente  la  première  à  l'esprit  est  celle  avec  les  deux 
auteurs.  Il  mérite  encore  d'être  remarqué  qu'est  incapable  d'être  vestale  celle, 
cuj us  parentes  alter  ambove  servierunt  aut  in  negotiis  sordidis  versantur  (Aulu- 
Gelle,  1,  12,  15,  rapproché  de  Sénèque,  Controv.  1,  2,  1.  11.  13.  15). 

(3)  Le  droit  romain  considère,  on  le  sait,  comme  un  concubinatus  l'union 
extérieurement  semblable  au  mariage,  d'un  homme  avec  une  femme  qui,  par 
suite  d'un  empêchement  tenant  à  son  rang,  n'est  pas  capable  de  l'épouser,  ou 
encore  avec  une  femme  dont  il  n'a  pas  voulu  faire  son  épouse;  et  il  est  pro- 


14  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

avant  la  loi  Canuleia.  Assurément  une  pratique  plus  douce  ou 
plus  relâchée  avaitdérogé  à  la  règle  légale  dès  avant  Auguste  (1), 
et  celui-ci,  en  modifiant  le  principe,  ne  fit  que  mettre  de 
côté  une  restriction  déjà  devenue  inadmissible,  ou  plutôt  que 
la  limiter  à  l'ordre  sénatorial  à  propos  duquel  nous  y  revien- 
drons. —  Il  n'y  a  pas  de  preuve  que  cette  limitation  de  la  ca- 
pacité se  soit  jamais  étendue  aux   enfants  des  affranchis  (2). 


4.  DROIT  DU  PATRIMOINE. 

En  matière  du  droit  du  patrimoine,  nous  ne  devons  relever 
que  ce  qui  a  une  importance  pour  la  condition  générale  des  af- 
franchis. 
Exclusion  des  a.  Le  fait  que  les  contrats  conclus  par  l'État,  soit  pour 
aPJubiliqutès.QS  l'exploitation  de  ses  droits  productifs  de  revenu,  soit  pour  l'ac- 
complissement de  travaux,  apparaissent  toujours  comme  un 
monopole  des  chevaliers  ne  peut  s'expliquer  que  d'une  façon  : 
c'est  par  l'idée  que,  tandis  que  les  citoyens  pauvres  n'avaient 
pas  le  pouvoir  d'y  participer,  les  affranchis  n'en  avaient  pas  le 

bable  que  cette  notion  n'a  pas  été  introduite  par  la  législation  d'Auguste, 
qu'elle  avait  déjà  été  développée  du  temps  de  la  République  pour  les  unions 
de  ce  genre  entre  ingenuus  et  libertina.  Mais  cette  union  n'est,  ni  quant  au 
mot,  ni  quant  à  la  chose,  aucunement  un  mariage  ;  les  enfants  qui  en  nais- 
sent n'ont  pas  plus  de  père  que  les  vulgo  quœsiti,  et  elle  ne  peut  servir  de  base 
à  aucune  prétention  légale.  L'idée  en  rentre  essentiellement  dans  le  droit  cri- 
minel, en  ce  sens  qu'un  pareil  commerce  n'est  pas  regardé  comme  un  stu- 
prum.  —  L'époux  de  rang  moins  élevé  est  souvent  qualifié,  par  opposition  à 
celui  du  plus  élevé,  du  nom  d'inégal  {impar)  (Salluste,  Jug.  11  ;  Tite-Live,  6,  34, 
9  ;  Tacite,  Ann.  1,  53.  Hist.  2,  50)  ;  mais  cette  inégalité  de  fait  n'a  aucune  in- 
fluence sur  la  validité  légale  du  mariage,  et  c'est  incorrectement  qu'un  ma- 
riage nul  est  appelé,  dans  Appulée  Met.   6,  9,  23,  du  nom  d'impares  nuptix. 

(1)  Lorsque  Gicéron,  Pro  Sest.  52,  110,  dit  d'un  chevalier  romain  :  Ut 
credo,  non  libidinis  causa,  sed  ut  plebicola  videretur,  libertinam  duxit  uxorem, 
il  ne  regarde  une  telle  union  que  comme  choquante  ;  or  il  se  serait  difficile- 
ment borné  à  cela  si  l'ancienne  prohibition  avait  encore  été  pratiquement  en 
vigueur  de  son  temps. 

(2)  A  la  vérité,  on  est  choqué  du  mariage  d'un  homme  de  l'aristocratie 
avec  la  fille  d'un  affranchi,  comme  celui  que  Gicéron  reproche  à  Antoine 
(Phil.  2,  2,  3.  3,  6,17.  13,  10,  23;  Ad  AU.  16,  11,  1)  ou  avec  la  fille  d'un  client, 
comme  celui  que  contracta  Gaton  l'Ancien  (Plutarque,  Cato  maj.  24). 


(5.430 


LE   DROIT   DE   GITE   INFERIEUR  DES   AFFRANCHIS. 


V6 


droit;  nous  le  démontrerons  dans  la  partie  des  Chevaliers. 
Les  auteurs  sont  muets  sur  cette  déchéance  des  affranchis,  et  il 
est  possible  qu'elle  ne  fut  pas  inscrite  dans  la  loi,  mais  que  les 
censeurs  aient  simplement  fait  usage  dans  ce  sens  de  leur 
droit  d'admettre  et  de  ne  pas  admettre  qui  ils  voulaient  aux 
adjudications  publiques.  Il  ne  peut  par  suite  pas  non  plus  y 
avoir  de  réponse  à  la  question  de  savoir  s'il  en  a  toujours  été 
ainsi:  depuis  qu'il  est  parlé  de  tels  contrats,  ils  sont  conclus 
avec  les  chevaliers.  L'importance  économique  et  politique  de 
cette  exclusion  est  d'autant  plus  grande  que  c'est  de  ces  con- 
trats publics  qu'est  issu  à  l'époque  postérieure  le  gros  com- 
merce de  banque  des  Romains. 

b.  On  ne  peut  pas  démontrer,  et  il  n'est  même  pas  vraisem-  Procédure  civile, 
blable  que  l'affranchi  ait  été,  en  matière  de  procédure  civile, 

soumis  à  des  limitations  d'une  autre  nature  et  d'une  autre  du- 
rée que  le  client  en  général  (VI,  1,  p.  91).  Depuis  que  le  droit  du 
patrimoine  lui  a  été  reconnu,  l'affranchi  a  dû  être  admis  par  le 
préteur  comme  demandeur  ou  défendeur  aussi  bien  que  l'in- 
génu. 

c.  Les  affranchis  furent-ils,  lorsque  la  propriété  privée  du  sol 
eut  été  admise,  mis  sous  ce  rapport  immédiatement  sur  le 
même  pied  que  les  ingénus?  On  ne  peut  ni  l'affirmer  ni  le  nier. 
Tout  ce  que  nous  savons,  c'est  que,  lors  du  cens  de  586,  un 
avantage  fut  fait  aux  affranchis  propriétaires  fonciers  (VI,  1, 
p.  282,  note  1),  et  que  par  conséquentles  affranchis  pouvaient,  au 
moins  à  cette  époque,  être  propriétaires  d'immeubles.  En  fait,  la 
propriété  foncière  ne  doit  avoir  existé  chez  eux  qu'à  une  époque 
relativement  récente.  En  dehors  des  raisons  qui  résident  dans 
leur  condition  elle-même,  ils  ne  peuvent  en  effet  que  difficile- 
ment avoir  participé  aux  partages  des  terres  domaniales,  même 
à  ceux  qui  étaient  faits  viritim.  Ils  doivent  avoir  plutôt 
été  admis  à  prendre  part  à  l'achat  de  celles  qui  étaient 
vendues. 

d.  L'ancien  droit  ne  connaît  pas,  dans  le  droit  du  patrimoine, 
d'aggravation  de  condition  dont  l'affranchi  soit  frappé  au  bé- 
néfice du  patron  ;  la  règle  honorable  selon  laquelle  le  client 


Propriété 
immobilière. 


Droit   de 
succession. 


i6  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

n'est  pas  destiné  à  enrichir  le  patron  (1)  régit  aussi  la  con- 
dition de  l'affranchi.  Le  droit  de  succession  ab  intestat  du  pa- 
tron s'applique  sans  modification  essentielle  au  patronat  exercé 
sur  les  affranchis  ingénus  et  n'est  qu'un  simple  droit  de  pa- 
renté :  il  s'efface  tant  devant  le  droit  de  succession  testamen- 
taire que  devant  le  droit  de  succession  ab  intestat  des  descen- 
dants, et  ne  produit  effet  qu'autant  que  le  défunt  ne  laisse  pas 
d'héritiers  du  sang  (2). 
Droits  du  patron  £•  Les  charges  qui  pèsent  dans  le  droit  privé  moderne  sur  (S.  432.) 
aeVaVraS?  l'affranchi  au  profit  du  patron  ont  eu  pour  origine  le  droit  de 
faire  des  contrats  établi  par  l'affranchissement  entre  le  maître 
et  son  ancien  esclave.  La  législation  ne  s'est,  en  résumé,  préoc- 
cupée que  de  limiter  l'abus  frauduleux  de  ce  droit.  S'il  n'y  a 
pas  de  lien  juridique  possible  entre  le  maître  et  l'esclave  et  si 
l'affranchissement  postérieur  lui-même  ne  rend  pas  valable  la 
convention  antérieurement  nulle,  la  promesse  faite  par  l'affran- 
chi à  son  ancien  maître  le  lie  précisément  parce  qu'il  ne  pouvait 
pas* être  contraint  légalement  à  la  faire  (3);  et,  comme  il  se  con- 
çoit, on  forçait  les  affranchis  à  prendre  ainsi  des  engagements  à 
la  suite  desquels  leur  liberté  était  rendue  pratiquement  illu- 
soire et  probablement  bien  des  fois  plus  intolérable  que  l'escla- 
vage. Il  fut  remédié  à  ce  mal  par  l'un  des  rares  hommes  in- 
tègres et  capables  que  présente  le  vne  siècle,  par  le  consul  de 
649,  P.  Rutilius  Rufus,  également  distingué  comme  magistrat, 
comme  jurisconsulte  et  comme  militaire  (4).   Ce  fut  principa- 

(1)  Aulu-Gelle,  20,  1,  40  :  Neque  pejus  ullum  facinus  existimatum  est  quam 
si  cui  yrobaretur  clientem  divisui  habuisse.  Cf.  tome  VI,  1,  p.  92,  note  3. 

(2)  Gaius,  3,  40. 

(3)  Il  était  d'usage  de  se  faire  garantir  par  serment  avant  l'affranchisse- 
ment  la  prestation  imposée  à  l'affranchi,  et  c'était  une  question  contro- 
versée de  savoir  si  un  pareil  serment  n'obligeait  pas  légalement  l'affranchi 
sinon  à  accomplir  le  serment  (Venuleius,  Dig.  40,  12,  44,  pr.),  au  moins  à 
réitérer  le  serment  après  l'affranchissement  (Gicéron,  Ad  Ait.  7,  2,  8),  Mais 
l'opinion  la  plus  logique  et  la  plus  humaine  prévalut.  On  reconnut  seule- 
ment que  le  serment  de  ce  genre  prêté  après  l'affranchissement  devait  par 
exception  avoir  la  même  force  légale  que  la  stipulation. 

(4)  On  ne  peut,  il  est  vrai,  prouver  positivement  qu'il  soit  le  préteur  Ru- 
tilius d'Ulpien  (Dig,  38,  2,  1,  1);  mais  les  conditions  chronologiques  et  la 
tendance  de  l'innovation  s'accordent  avec  cette  idée,  et  il  est  attesté  que 
Rufus  fut  un  jurisconsulte  éminent  (Gicéron,  Brut.  30,  113). 


LE    DROIT    DE    CITE    INFERIEUR   DES   AFFRANCHIS.  M 

lement  par  lui  que  les  obligations  ainsi  prises  furent  limitées  à 
des  journées  de  travail  personnel  (opéras),  c'est-à-dire  à  l'o- 
bligation imposée  à  l'affranchi  de  travailler  comme  domestique 
un  certain  nombre  de  jours  par  an  ou  de  livrer  au  maître  le 
produit  résultant  de  son  travail  d'ouvrier  pendant  le  même 
délai.  Si  le  maître  n'invoquait  pas  ce  droit,  il  était,  à  l'origine, 
considéré  comme  copropriétaire  de  la  fortune  de  son  affranchi, 
et  par  conséquent  la  moitié  des  gains  de  ce  dernier  lui  appar- 
tenait. Plus  tard  ce  droit  fut  limité  :  le  maître  ne  fut  plus  au- 
torisé à  prendre  la  moitié  de  la  fortune  de  l'affranchi  qu'après 
sa  mort  et  seulement  à  condition  qu'il  laissât  moins  de  trois 
enfants  et  que  son  hérédité  dépassât  le  chiffre  de  100,000  ses- 
terces (1);  c'est  ensuite  devenu  l'origine  d'une  supériorité 
honorifique  du  liber  tus  centenarhis  (2). 


5.    JURIDICTION    DOMESTIQUE. 

En  droit  criminel,  les  affranchis  (3)  sont  sur  le  même  pied 
que  les  esclaves  et  les  fils  de  famille  en  ce  sens  qu'à  côté  de 
la  puissance  publique  à  laquelle  naturellement  ils  sont  aussi 
soumis,  la  puissance  domestique,  fondée  au  sens  strict  sur  le 
droit  de  propriété,  joue  pour  eux  le  rôle  d'un  second  tribunal 
également  compétent,  voire  même  d'un  tribunal  plus  libre  de 
son  action  ;  car  on  ne  peut  pas  former  de  provocatio  contre  la 
sentence  du  paterfamilias  comme  contre  celle  du  magistrat. 


(i)  Gaius,  3,  42.  Dig.  38,  2,  1,  etc.  Le  développement  rentre  dans  le  droit 
civil.  Au  point  de  vue  politique,  il  est  remarquable  que,  du  moins  selon  le 
droit  des  pandectes,  aucunes  operœ  ne  peuvent  être  imposées  à  Vingenuus 
manumissus  {Dig.  37,  12,  4.  Ht.  15,  ]0)  et  qu'au  contraire  la  contra  tabulas 
bonorum  possessio  s'applique  même  à  lui  (Dig.  37,  12,  i,  1). 

(2;  Il  n'est  pas  seulement  fait  mention  du  libertus  centenarius  au  sujet 
du  droit  de  succession  (Ulpien,  Dig.  37,  16,  14,  pr.  ;  Cod.  Just.  6,  4,  4,  9a)  ; 
l'inscription  de  Formiœ  d'un  C.  Arrius  C.  I.  Lucrio  cent(enarius)  (C.  I.  L.  X, 
6122)  donne  au  moins  à  croire  qu'une  supériorité  honorifique,  et  peut-être 
mêmelégale,  était  liée  à  cette  dénomination. 

(3)  Il  faut  ici  entendre  le  mot  même  de  Vingenuus  manumissus,  puisque 
Vingenuus  filius  familias  est  soumis  à  la  même  puissance. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  2 


Juridiction 
domestique. 


18  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

Des  peines  capitales  ont  été  ainsi  prononcées  contre  des  affran- 
chis jusqu'au  temps  de  César  (1);  ce  n'est  que  depuis  Au- 
guste que  les  affranchis  ont  cessé  d'être,  sous  ce  rapport,  trai- 
tés comme  les  esclaves, 


6.    IMPOSITIONS 

Sous  le  rapport  des  impôts,  il  n'a  jamais  été  fait  de  diffé- 
rence entre  les  ingénus  et  les  affranchis  :  les  derniers  ont 
sans  doute  été  pour  la  plupart  des  œrarii,  et,  en  tant  que  les 
œrarii  étaient  plus  fortement  imposés  que  les  citoyens  astreints 
au  service,  il  en  a  été  ainsi  pour  le  plus  grand  nombre  des 
affranchis.  Mais  on  ne  rencontre  jamais  une  trace  d'une  iné- 
galité dont  ils  auraient  ici  été  frappés  comme  tels.  Les  modifi- 
cations apportées  à  leur  préjudice  àleur  égalité  de  droit  primi- 
tive semblent  être  restées  sans  effet  sur  ce  domaine,  par  suite 
de  la  précoce  disparition  pratique  de  l'impôt  civique.  Lorsque 
cet  impôt  fut  levé  à  titre  exceptionnel  pendant  les  guerres  ci- 
viles, les  affranchis  y  furent  soumis  dans  des  proportions  si 
démesurées  que  la  sûreté  publique  en  fut  mise  en  péril  (2). 


7.  INCORPORATION  DANS    LES   SECTIONS    DU    PEUPLE   ET   DROIT 
DE   VOTE. 


Egalité  primitive     Le  droit  de  cité  a  certainement  été  étendu  aux  esclaves  af- 
quant^droïde  franchis  longtemps  avant  que  la  dénomination  de  servus  eût 


rote. 


cessé  de  leur  être  appliquée,  probablement  en  même  temps 

(1)  Suétone,  Cses.  48:  Bomesticam  disciplinant...  diligenter  adeo severeque 
rexit,  ut...  libertum  rjratissimum ob adulteratam  equitis  Romaniuxorem  quanwis 
nullo  querente  capitali  pœna  adfecerit.  Val.  Max.  6,  1,  4. 

(2)  En  723,  on  demanda  aux  affranchis  qui  possédaient  plus  de  5000  de- 
niers la  huitième  partie  de  leur  fortune  et  aux  ingénus  seulement  le  hui- 
tième de  leur  revenu  annuel  (Dion,  50,  10.  51,  3.  Plutarque,  Ant.  58). 


LE   DROIT   DE   CITE   INFERIEUR   DES   AFFRANCHIS  19 

qu'il  l'a  été  à  Yingenuas  affranchi,  en  même  temps  qu'a  été 
été  constitue  l'Etat  patricio-plébéien  ;  et,  depuis  lors,  il  a  fallu 
nécessairement  que  les  affranchis  prissent  place  dans  les  sec- 
tions du  peuple.  Les  différences  de  droit  et  les  infériorités  que 
l'on  rencontre  ne  sont  que  des  dérogations  récentes  à  l'égalité 
première. 

Les  affranchis  ont,  dès  le  principe,  appartenu  aux  curies  en  ce 
sens  que  la  curie  de  leur  patron  était  en  même  temps  la 
leur  (1),  et,  en  tant  que  les  plébéiens  y  ont  obtenu  un  droit 
de  suffrage,  il  n'y  a  pas  de  raison  de  le  refuser  aux  affran- 
chis. 

Il  n'en  est  pas  autrement,  ainsi  que  l'atteste  la  tradition  (2), 
des  tribus  serviennes  et  des  centuries  patricio-plébéiennes  qui 
en  sont  issues.  Ces  tribus,  qui  n'étaient  à  l'origine  que  des  di- 
visions du  territoire,  excluaient  par  suite  les  citoyens  qui  n'y 
étaient  pas  propriétaires.  Les  centuries  comprenaient  tout  le 
peuple,  les  citoyens  propriétaires  occupant  exclusivement  les 
centuries  des  classes  et  les  rares  centuries  qui  existaient  en  de- 
hors des  classes  restant  seules  ouvertes  à  ceux  qui  n'étaient 
pas  propriétaires  fonciers.  Les  citoyens  propriétaires  ont  donc, 
dans  ce  régime,  un  avantage  qui  touche  au  monopole  ;  mais  il 
n'y  a  là  rien  qui  implique  ni  que  l'affranchi  ait  été  admis  à  la 
propriété  foncière  plus  tard  que  l'ingénu,  ni  que,  lorsqu'il  y 
était  arrivé,  il  fut  mis  au  dessous  de  ce  dernier.  Les  affranchis 
doivent  donc,  dans  les  temps  anciens  de  la  République,  avoir 
aussi  bien  appartenu  aux  tribus  que  les  ingénus,  à  condition 
qu'ils  fussent  propriétaires  fonciers,  et,  en  pareil  cas,  ils  doi- 
vent aussi  avoir  été  admis  dans  les  centuries  des  classes. 


(i)  La  tradition  qui  rattache  le  début  de  l'affranchissement  complet  à 
l'origine  de  la  République,  donne  expressément  au  premier  affranchi  le 
droit  de  vote  dans  les  curies  (tome  VI,  1,  p.  65,  note  2)  ;  et  les  affranchis 
sont  aussi  inscrits  dans  les  curies  d'après  Denys  (p.  24,  note  2). 

(2)  Denys,  4,  22  :  lO  Sa  TuXXtoç  xa\  toTç  èXeuOspoujjLÉvot;,  twv  6spa7i6vTuv... 
[tSTé*/eiv  tt,ç  to-oiroXÉTSia;  (=  civitas)  àTtÉxpe^s.  KeXeva-aç  fàp  ajxa  toTç  aXXotç 
fiwaciv  èXs-jOépoc;  xa\  to-jtov;  T'.jjL^crao-ôat  tocç  oùacaç  ei«  <puXàç  xarÉTa^ev  cc-jtoÙç... 
xal  TiavTwv  a7ié8œxe  xoov  xotvâW  ocÙtoTç  (jt,s-|-/eiv  wv  toTç  aXXotç  8y||aotixoÏç.  Zona- 
ras,  1,  9:  Ka\  toùç  So-jXou;  èXeuôepoûaôai  xal  çuXereusaBai  rcapea-xeuaaev.  Cf.  tome 
VI,  1,  p.  65,  note  2. 


20  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

Les  censures  cTAppius  (442)  et  de  Fabius  Maximus  (430)  ne 
doivent  pas  non  plus,  quelque  essentiellement  qu'elles  aient 
modifié  la  condition  politique  des  citoyens  non-propriétai- 
res (i),  avoir,  selon  toute  apparence,  rien  changé  légalement 
à  celle  des  affranchis.  La  fortune  fut  mise  à  la  place  de  la  pro- 
priété foncière  comme  condition  du  droit  de  vote,  dans  toutes 
les  tribus,  d'après  Appius,  d'après  Fabius,  dans  les  quatre 
tribus  urbaines  ;  les  citoyens  riches  qui  n'étaient  pas  proprié- 
taires fonciers  gagnèrent  par  là,  pendant  le  court  espace  de 
temps  durant  lequel  le  système  d'Appuis  subsista,  l'égalité  de 
droit  avec  les  propriétaires  dans  toutes  les  centuries  des  classes 
tirées  de  la  totalité  des  tribus  (2)  ;  ils  la  conservèrent  même 
ensuite,  dans  la  mesure  où  les  quatre  tribus  urbaines  contri- 
buaient à  la  formation  de  ces  centuries.  Or  les  affranchis  occu- 
paient sans  nul  doute  la  première  place  parmi  les  gens  riches 
qui  n'étaient  pas  propriétaires  fonciers.  La  réforme  d' Appius 
peut  donc  pratiquement  être  désignée  comme  la  concession  du 
droit  égal  de  vote  aux  affranchis  (3)  et  celle  de  Fabius  comme 
l'exclusion  de  ces  derniers  des  tribus  (4).  En  fait,  le  rapport 
des  propriétaires  et  des  non-propriétaires  est  dérangé  par  là. 
Mais  l'égalité  théorique  entre  les  ingénus  et  les  affranchis 
reste  intacte. 
Limitation  des       On  ne  peut  établir  avant  le  commencement  du  vie   siècle 

affranchis  aux     .         .  »•#..#    -i  «.  i   •  •  «  r 

tribus  urbaines,  l'existence  d  une  infériorité  dont  les  affranchis  soient  frappes 
en  face  des  ingénus  quant  au  droit  de  suffrage,  et  il  n'en  a 
probablement  pas  existé  beaucoup  plus  anciennement.  Mais, 
peu  de  temps  avant  la  guerre  d'Hannibal,entre  520  et534,peut- 


(1)  Voir  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  le  classement  des  citoyens 
d'après  leur  tribu  personnelle. 

(2)  Tite-Live,  9,  46  :  Humilibus  per  omnes  tribus  divisis  forum  et  campum 
corrupit.  Cf.  tome  VI,  l,p.  305  et  ss. 

(3)  Plutarque,  Popl.  7  :  Toi;  8'  à'XXo-.ç  àraXeueipoiç  o<\>î  xaï  (/.exà  îtoXuv 
/povov  è^j-j-riav  'V^o'j  (jr^aywywv  eSwxev  "Atttuoç  ;  c'est  inexact  en  ce  sens  que 
la  concession  de  la  cité  à  l'esclave  par  la  manumissio  vindicta  constitue  le 
terme  opposé  et  que  la  réforme  d' Appius  est  indiquée  sans  autre  détail 
comme  définitive.  Les  relations  meilleures  de  Diodore,  20,  36,  et  de  Tite- 
Live,  9,  46  (d'où  Val.  Max,  2,  2,  9),  sont  exemptes  de  cette  faute. 

(i)  De  vint  M.  32  :  Censor  libertinos  tribubus  amovit. 


LE   DROIT  DE   CITÉ   INFÉRIEUR  DES   AFFRANCHIS.  21 

être  dans  cette  dernière  année,  en  même  temps  qu'eut  lieu  la 
transformation  du  droit  de  vote  basé  sur  le  service  militaire, 
qui  fut  alors  accomplie  par  G.  Flaminius  (VI,  1,  p.  318),  on  ne 
fit  pas  une  loi, mais  les  censeurs  en  fonction  exercèrent,  au  pré- 
judice général  des  affranchis,  leur  droit  de  distribuer  les  citoyens 
à  leur  guise  dans  les  districts  de  vote.  Tous  les  affranchis  et 
fils  d'affranchis  propriétaires  furent  exclus  des  tribus  des  pro- 
priétaires fonciers,  et  on  leur  assigna  des  places  dans  les  quatre 
tribus  urbaines  parmi  les  citoyens  qui  n'avaient  pas  de  proprié- 
tés (1).  Lors  delà  censure  de  565,  cette  déchéance  fut  supprimée 
pour  les  fils  d'affranchis  à  la  suite  d'une  loi  proposée  par  le  tri- 
bun du  peuple  Terentius  Gulleo  (2).  Il  est  probable  que  la  même 
modification  fut  faite  en  même  temps  pour  les  enfants  nés  hors 
mariage  et  pour  leurs  fils,  et  que  l'idée  de  l'ingénuité  se  trouva 
ainsi  attachée,  comme  elle  l'est  restée  depuis,  à  la  liberté  exis- 
tant depuis  le  moment  de  la  naissance.  Mais,  par  rapport  aux 


({)  Ij'EpUome  du  20e  livre  de  Tite-Live  porte  à  la  lia,  d'après  le  manus- 
crit (avec  addition  entre  [  ]  des  compléments  certains,  dont  le  premier  est 
confirmé  par  Cassiodore)  :  Lustruma  censoribus  per  (à  changer  en  quater?) 
conditum  est  :  primo  lustro  censa  sunt  civium  capita  CCLXX  CCXIII.  Libei'tini 
in  quattuor  tribus  redacti  sunt,  cum  antea  dispersi  per  omnes  fuissent,  Esquili- 
nam  Palatinam  Suburanam  Collinam.  [C.  Flaminius  censor  viam  Flaminiam]  mu- 
niit  et  circum  Flaminium  extruxit.  Colonise  deductse  sunt  inagro  [de\  Galliscapto 
Placentia  et  Cremona.  Evidemment  Vepitomator,  qui  a  relevé  le  plus  souvent 
les  lustres  dans  la  2e  décade,  réunit  ici  ceux  qui  tombent  dans  ce  livre  ;  ce 
sont  ceux  des  années  520,  524,  529,  534.  Le  primum  lusfrum  ne  peut  être  que 
celui  de  520;  les  indications  concernant  Flaminius  se  rapportent  à  534.  La 
censure  à  laquelle  il  faut  attribuer  la  mise  à  part  .des  affranchis  ne  peut 
être  déterminée  par  des  preuves  extérieures;  l'adoption  habituelle  de  l'an 
534  a  pour  fondement  une  connaissance  imparfaite  et  une  interprétation 
incorrecte  du  texte  qui  nous  a  été  transmis;  mais,  en  elle-même,  elle 
n'est  pas  invraisemblable. 

(2)  Plutarque,  Flam.  18  :  (les  censeurs  de  565,  Flamininus  ;et  Marcellus) 
ruooTcO^avTo  7:o).:7a;  aTCoypaçojJilvouç  uavTaç  ôo-<n  yovewv  èXe'JÔépwv  yjaav, 
œ/xyv.xGÏÏivzez  -jt:o  xoO  cr^dpyo'J  Tspevn'ou  KouXstovoç,  oç  è7rYipea£a>v  toi;  àpicTO- 
xpaTixoTç  l%zuji  tov  Syjjxov  Ta-jta  ^r,cp'!craa8at.  Les  fils  des  affranchis  se  trou- 
vaient, tout  comme  eux-mêmes,  dès  le  principe,  dans  la  liste  des  citoyens  ; 
évidemment  c'est  de  leur  inscription  avec  égalité  de  droit  qu'il  est  parlé 
là  sous  le  nom  d'inscription  sur  la  liste.  Il  est  rendu  certain  par  d'autres 
preuves  (VI,  i,  p.  79)  qu'il  a  dû  y  avoir,  à  une  époque  quelconque,  une 
mesure  de  ce  genre,  séparant  les  libertinorum  filii  des  libertini  et  les  pla- 
çant parmi  les  inqenui. 


22  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

affranchis  eux-mêmes,  la  déchéance  a  subsisté.  Selon  toute 
apparence,  elle  ne  vint  pas  surtout  de  la  haute  aristocratie  qui 
avait  probablement  ces  couches  de  la  population  dans  la  main 
et  n'avait  aucune  raison  de  vouloir  amoindrir  le  poids  de  leurs 
voix  (1),  mais  de  la  classe  moyenne  indépendante  que  l'éga- 
lité légale  avec  les  anciens  valets  atteignait  dans  ses  intérêts 
et  blessait  dans  son  amour-propre  ;  la  même  tendance  qui  fai- 
sait exclure  les  affranchis  des  marchés  de  l'État  j(p.  ;14),  a 
aussi  provoqué  cette  mesure  plus  directement  politique  (2). 
Quant  aux  détails,  les  dispositions  prises  à  ce  sujet  ont  subi  des 
variations  multiples  ;  les  partis  ont  lutté  sur  ce  terrain  pen- 
dant deux  siècles  avec  un  succès  changeant,  les  uns  voulant 
le  renforcement  des  mesures  prises  contre  le  droit  égal  de  vote 
des  affranchis,  les  autres  voulant  la  suppression  de  cette  in- 
fériorité ;  mais  il  manque  plus  d'une  feuille  dans  nos  annales. 
En  586,  nous  trouvons  la  déchéance  des  affranchis  atténuée, 
nons  ne  savons  depuis  quand,  par  deux  limitations  essentiel- 
les :  les  affranchis  propriétaires  fonciers  qui  avaient  un  fils 
âgé  de  plus  de  cinq  ans,  étaient  tous  et  ceux  qui  n'en  avaient 
pas  étaient  eux-mêmes,  si  leur  fortune  foncière  excédait  30.000 
sesterces,  c'est-à-dire  rentrait  dans  la  première  ou  la  seconde 
classe,  traités  de  la  même  façon  que  les  ingénus  propriétaires. 
Mais  les  censeurs  de  cette  année,  en  particulier  Ti.  Sempronius 
Gracchus,  le  beau-frère  du  second  Scipion  l'Africain  et  le  père 
des  deux  tribuns,  renforcèrent  de  nouveau  l'infériorité.  Le 
privilège  attaché  à  la  paternité  fut  maintenu  ;  quant  aux  au- 
tres affranchis,  Gracchus  fut  bien  empêché  par  son  collègue 
patricien  C.  Glaudius  Pulcher  de  les  exclure  complètemeut  des 
districts  et  de  les  dépouiller  ainsi  du  droit  de  vote,  mais  ils  ne 
furentpas  seulement  tous  placés  dans  les  quatre  tribus  urbaines  : 


(4)  Le  roi   Servius    dit  dans  Denys,    4,  23    :    IIoMà  ôçeXn©n«ff6at  to-j; 

eÙTïopwTaTOv);  'Pwixatwv,  èàv  touç  à7CE)>ev)6lpou;  èûcrt  Trjç  ftoXcretac  [A^é/eiv,  èv 
b/.v.ïr^'.x:;  xi  v.al  •i/r^oçoptaiç  xa\  tocÏ;  cÉXXaiç  7CoX(Tixat<  xpetauç  7°<ç  '/Aplz<x*  ^v 
Ole  [taXtara  Blovrau  irpay^aci  xojjL-.^ojxévo-j;  xai  toù;  ex  twv  à7ûeXe'j0épa)v  yivojii- 
vo*j;  TCeÀaTa;  toT;  iyyovotç  toi;  èa'JTûv  xaTaXeiTcovia;. 

(2)  La  position  des  partis  par  rapport  à  cette  question  ressort,  de  la  ma- 
nière la  plus  claire,  de  l'attitude  du  père  des  Gracques. 


LE   DROIT   DE   CITE   INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  23 

on~  enleva  en  outre  toute  efficacité  pratique  à  leur  droit  de  vote 
en  décidant  que,  sur  ces  quatre  tribus,  il  n'y  en  aurait  qu'une 
déterminée  par  le  sort,  —  pour  tout  le  lustrum,  semble-t-il, 
—  à  leur  être  ouverte  (1).  Il  n'est  plus  fait  allusion  postérieu- 
rement à  l'avantage  résultant  de  la  paternité  ni  au  tirage  au 
sort  de  la  tribu,  et  ces  deux  institutions  n'ont  peut-être  pas 
subsisté.  Mais  la  déchéance  resta  en  vigueur  dans  sa  portée  es- 
sentielle. La  loi  proposée  sur  cette  question  par  M.  ^Emilius 
Scaurus  comme  consul  de  639  (2)  ne  nous  est  pas  connue 
dans  son  contexte  ;  mais,  d'après  le  parti  auquel  appartenait 
son  auteur,  elle  ne  peut  avoir  fait  qu'accentuer  l'infériorité. 
A  la  suite  de  la  réception  des  Italiotes  parmi  les  citoyens  D™it  de  suffrage 

r  x  «i  des  affranchis 

Romains,  la  tribu  fut  liée  au  droit  de  cité,  et  les  citoyens  in-  apréssoc*alfuerre 
génus  qui  n'étaient  pas  propriétaires,  furent,  pour  peu  qu'ils 
eussent  le  droit  de  cité  complet,  transférés  des  tribus  urbaines 

(1)  Tite-Live,  45,  15,  1  :  In  quattuor  urbanas  tribus  discripti  erant  libertini 
praeter  eos  quibi/s  filins  quinqnenni  major  ex  se  natus  esset  (eos  ubi  proxumo 
lustro  censi  essent,  censeri  j usserunt)  et  eos  qui  prœdium  prsediave  rustica  pluris 
sestertium  XXX  milium  haberent.  [Per  Gracchum  libertino  nulli  in  ulla  tribu] 
censendi  jus  factura  est.  Hoc  cum  ita  servatum  esset,  negabat  Claudius  suffra- 
gii  lationem  injussu  populi  censorem  cuiquam  hominiy  nedum  ordini  adimere 
posse.  Ils  tombent  finalement  d'accord,  ut  ex  quattuor  urbanis  tribubus  unam 
palam...  sortirentur,  in  quam  omnes  qui  servitutem  servissent  coicerent.  Le  sort 
désigne  l'Esquilina.  Le  texte  a,  quant  au  fond,  été  correctement  complété 
par  Becker,  Ie  éd.  de  ce  manuel,  et  sa  restitution  ne  donne,  en  ce  sens,  lieu 
à  aucun  doute.  Le  bene  cœptum,  pour  lequel  Gracchus  est  loué  par  le  sénat 
et  qu'il  avait  d'abord  exécuté  dans  la  confection  des  listes,  doit  être  quel- 
que chose  de  plus  que  la  limitation  antérieure  du  droit  des  affranchis  et  que 
le  projet  de  compromis;  ce  ne  peut  avoir  été  que  l'exclusion  du  droit  de 
vote  de  tous  les  affranchis,  à  l'exception  de  ceux  qui  étaient  protégés  par  le 
privilège  de  la  paternité.  —  Tite-Live  ne  dit  pas  si  la  tribu  Esquilina  fut 
assignée  une  fois  pour  toutes  aux  affranchis  ou  si  le  jtirage  au  sort  devait 
être  recommencé  à  chaque  lustre.  Cependant  la  dernière  hypothèse  est  in- 
trinsèquement plus  vraisemblable;  carie  tirage  au  sort  fait  par  des  censeurs 
ne  peut  pas  lier  leurs  successeurs,  même  à  titre  de  précédent,  et  elle  est 
requise  par  d'autres  témoignages  dignes  de  foi  selon  lesquels  les  affranchis 
furent  mis  alors  dans  les  quatre  tribus  urbaines.  Gicéron,  De  Orat.  1,  9,  38  : 
(Ti.  Gracchus)  et  saepe  alias  et  maxime  censor  saluti  reip.  fuit:  atque  is...  verbo 
liber tinos  in  urbanas  tribus  transtulit,  quod  nisi  fecisset,  rem  publicam...  jam 
diu  nullam  haberemus.  De  viris  ill.51  :  Censor  libertinos,  qui  rusticas  tribus  oc- 
cuparant,  in  quattuor  urbanas  divisit.  La  dernière  relation  est  inexacte  ;  mais 
la  courte  relation  de  Gicéron  ne  peut  être  conciliée  avec  la  relation  détaillée 
de  Tite-Live,  qu'à  condition  que  la  tribu  tirée  au  sort  ait  varié. 

(2)  De  viris ill.  72:  Consul  legem  de  sumptibus  et  libertinorum  suffragiis  tulit. 


24  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

dans  les  tribus  rustiques  (1);  mais  les  affranchis  restèrent 
comme  auparavant  enfermés  dans  les  quatre  tribus  urbaines  (2). 
Leur  infériorité  fut  par  là  essentiellement  aggravée.  Jusqu'a- 
lors les  affranchis  propriétaires,  et  encore  ni  tous  ni  toujours, 
avaient  seuls  eu  un  droit  de  suffrage  moins  avantageux  ;  dé- 
sormais la  grande  masse  composée  de  non-propriétaires  fut 
également  mise  au  dessous  des  ingénus  pour  le  droit  de  vote. 
Par  suite  on  commença,  aussitôt  après  la  guerre,  une  agita- 
tion pour  faire  obtenir  l'égalité  des  droits  de  citoyens  tant  aux 
affranchis  qu'aux  nouveaux  citoyens  qui  étaient  également 
mis  dans  un  état  d'infériorité.  La  motion  faite  en  666  par  le 
tribun  du  peuple  P.  Sulpicius  (3)  afin  d'accorder  à  l'affran- 
chi la  tribu  du  patron  et  par  conséquent  le  droit  de  suffrage 
que  ce  dernier  avait  dans  sa  tribu  rustique  (I),  fut  adoptée,  et, 
bien  que  le  parti  contraire  l'eût  fait  immédiatement  casser,  elle 
fut  appliquée  en  670,  après  le  triomphe  de  la  démocratie  qui 
se  produisit    alors  (5).  Cependant  ces  succès  éphémères  du 


(1)  Cf.  la  partie  des  Institutions  municipales. 

(2)  C'est  attesté  pour  le  temps  de  Gicéron  aussi  bien  par  Gicéron  lui- 
même,  à  la  manière  dont  il  s'exprime  sur  la  conduite  de  Gracchus  (p.  23, 
note  1),  que  par  Asconius  (p.  25,  note  2);  en  outre  par  Denys  qui  termina 
son  histoire  en  747,  4,  22:  (Servius)  elç  cp-jXàç  xaxéxa^ev  aùxoùç  xàç  xaxà  xr,v 
■rcôXiv  xéxxapaç  vTrap'/oucraç,  sv  alç  xal  fii^ pi  twv  xa6'  ^pâç  -/P<3va)V  xaxxojxevov 
BietéXe*  xo  ègeXeuOepwov  <pûXov  ôaov  av  r,.  Ensuite,  dans  son  curieux  plaidoyer 
en  faveur  du  système  romain  de  donner  la  plénitude  du  droit  de  cité  aux 
affranchis,  il  fait  consister  ce  droit  fxÉ-/pi  xœv  xaO'  r.jxàç  -/povwv  w;  sv  xt  xàiv 
lepwv  xal  àxtvyjxtov  vo{jl({xwv.  La  proposition  qu'il  fait  ensuite  de  soumettre  les 
affranchis  de  chaque  année  à  une  révision  des  censeurs  ou  des  consuls  et  de 
n'accorder  qu'à  ceux  qui  seraient  admis  la  curie  et  la  tribu  (o0;  \ih  av  svpcacriv 
à;:ouç  1%  irôXeco;  ovxaç,  eî;  çuXàç  xcù  çpàxpa;  xaxaypà'j'o'jcriv)  et  la  résidence  à 
Rome,  suppose  aussi  que  la  curie  et  la  tribu  appartiennent  à  tous  les  affran- 
chis. 

(3)  Tite-Live,  77  (VI,  1,  p.  201,  note  2).  Asconius,  In  Cornel.  p.  64  (p.  25, 
note  1). 

(4)  Dion,  36,  25,  dit  de  la  loi  Manilia,  qui  n'était  pas  autre  chose  qu'une 
reproduction  de  la  loi  Sulpicia  :  T$  SGvet  x&  twv  à«eXeuOlp«v...  <J/r,?:<ya<T0ai 
fxexà  xtôv  è^eXô-jOspwaâvTwv  acpôcç  eôwxev. 

(5)  Le  consul  Ginna  demande,  en  667,  l'application  de  la  loi  Sulpicia  (Schol. 
Gronov.  sur  Gicéron,  Cal.  2,  10,  24,  éd.  Orelli,  p.  410:  Cœpit  Cinna  deliber- 
tinorum  suffragiis  agere);  elle  a  lieu  en  670  (Tite-Live,  84  :  Libertini  in  guin- 
que  et  XXX  tribut  dis/ribu/i  mnt).  Il  ne  semble  pas  avoir  été  proposé  de  loi 
spéciale  ;  car  Asconius,  loc.  cit.  dit  que  Manilius  présenta  de  nouveau  la  loi 


LE   DROIT   DE   CITÉ   INFÉRIEUR  DES  AFFRANCHIS.  25 

parti  populaire  s'évanouirent  devant  la  victoire  des  armes 
de  Sulla.  Les  tribuns  du  peuple  G.  Manilius  en  687-688  (1)  et 
P.  Glodius  en  695-696  (2)  entreprirent  bien  de  reproduire  la 
loi  Sulpicia  ;  mais  le  plébiscite  Manilien,  si  tant  est  qu'il  y  en 
ait  eu  un,  fut  aussitôt  cassé,  et  Clodius  n'arriva  même  pas  à 
pouvoir  faire  une  rogation  dans  ce  sens.  —  Il  est  possible  que 
certaines  catégories  d'affranchis,  par  exemple  les  propriétaires 
fonciers  (3),  soient  restés  exceptées  ou  aient  été  alors  excep- 
tées de  cette  infériorité;  mais  cela  ne  peut  être  affirmé  avec  certi- 
tude pour  aucune. 

Postérieurement  on  ne  s'abstint  pas  seulement  d'accueillir  J^S^dai 
une  seule  des  propositions  d'améliorer  la  condition  politique  affrprinXXs  h 
des  affranchis.  Selon  toute  apparence,  Auguste,  s'il  ne  les 
écarta  pas  des  tribus  lors  de  sa  reconstitution  des  institutions 
républicaines  —  nous  démontrerons,  au  sujet  des  Libé- 
ralités faites  aux  citoyens,  qu'ils  restèrent  dans  les  tribus 
urbaines,  —  leur  enleva  du  moins  définitivement  le  droit  de 
suffrage.  Car  c'est  seulement  par  là  que  l'on  peut  expliquer  que 
les  affranchis  ne  portent  plus  jamais  dans  leur  nom,  depuis  le 


de  Sulpicius,  et  il  aurait  dû  nommer  là  Ginna,  s'il  avait  fait  quelque  chose 
de  plus  que  de  faire  appliquer  la  dernière  loi.  Cf.  VI,  1,  p.  202. 

(1)  Dion,  36,  25  (p.  24,  note  4).  Asconius,  In  Mil.  p.  46  :  Ut  libertinis  in 
omnibus  tribubus  suffragium  esset.  Gicéron,  Pro  CorneL,  chez  Asconius,  p.  64: 
Legem  de  libertinorum  suffragiis  Cornélius  C.Manilio  dédit,  et  sur  ce  texte  As- 
conius, p.  64  :  P.  Sulpicium  in  tribunatu  hanc  eandem  legem  tu  lisse  jam  signifi- 
cavimus  et  p.  65  :  (Lex)  de  libertinorum  suffragiis...  cum  s.c.  damnata  esset,  ab 
ipso  quoque  Manilio  [non]  ultra  defensa  est.  Gicéron,  Pro  Mur.  23,  47  :  Confusio- 
nem  suffragiorum  flagitasti,  perrogationem  legis  Maniliœ,  œguationem  gratix 
dignitatis  suffragiorum. 

(2)  Asconius,  In  Mil.  52  :  Fuisse  inter  leges  P.  Clodi  quas  ferre  proposuerat, 
eam  quoque,  qua  libertini,  qui  non  plus  quam  in  tribubus  [iirbanis  I1II)  suffra- 
gium ferebant,  possent  in  rusticis  quoque  tribubus,  qux  proprise  ingenuorum 
sunt,  ferre  ;  Gicéron,  Pro  Mil.  33,  89  (cf.  12,  33  et,  sur  ce  texte,  Schol.  Bob. 
p.  346):  De  œre  al.  Milonis  avec  les  Schol.  Bob.  p.  346. 

(3)  Lorsque  Gicéron  (VI,  1,  p.  195,  note  3)  blâme  l'infériorité  dans  laquelle 
sont  mis  les  tribules  des  tribus  urbaines  en  face  de  ceux  des  tribus  rustiques, 
en  disant  que  par  suite  ante  rusticis  (datur)  ager  qui  habe?it,  quam  urbanis, 
quibus  ista  agri  spes  et  jucunditas  ostenditur,  il  peut  parler  ainsi  quand  bien 
même  les  rares  affranchis  propriétaires  seraient  dans  les  tribus  urbaines  ; 
mais  son  langage  acquiert  une  propriété  plus  énergique  s'il  n'y  a,  à  son 
époque,  aucun  propriétaire  foncier  dans  les  tribus  urbaines. 


26  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

commencement  du  Principat,  l'indication  de  la  tribu,  regardée 
avec  raison  comme  le  signe  du  droit  de  suffrage  (1).  Auguste 
avait,  sous  d'autres  rapports,  essayé  d'assurer  dans  les  comices 
l'influence  de  la  meilleure  portion  du  peuple  (VI,  1,  p.  447); 
il  est  donc  parfaitement  croyable  qu'il  ait,  relativement  au 
droit  de  suffrage  des  affranchis,  réalisé  la  pensée  de  Gracchus 
et  qu'il  ait  enlevé  le  droit  de  vote  aux  affranchis  non  pas  seu- 
lement sans  restriction  dans  les   tribus  rustiques  (2),  mais 


(1)  Le  fait  que  la  tribu  fait  défaut  dans  les  inscriptions  assez  nombreu- 
ses d'affranchis  des  derniers  temps  de  la  République,  sauf  l'unique  excep- 
tion relevée  p.  27,  note  1,  ne  peut  être  invoqué  à  rencontre  des  témoignages 
précis  qui  attestent  leur  droit  de  suffrage  à  cette  époque.  Mais  les  inscrip- 
tions du  Principat  existent  en  quantité  et  montrent  d'une  manière  évidente, 
notamment  lorsqu'elles  nomment  à  la  fois  des  ingénus  et  des  affranchis, 
que  non  seulement  la  tribu  n'est  pas  mentionnée  pour  les  derniers,  mais 
même  qu'ils  ne  l'ont  pas.  Pour  relever  seulement  l'un  de  ces  témoignages 
innombrables,  dans  l'inscription  de  Tusculum  C.  1.  L.  XIV,  2523,  l'affranchi 
n'a  pas  de  tribu,  tandis  que  ses  fils  appartiennent  à  la  tribu  Gollina  et  son 
patron  à  l'Aniensis.  Gela  implique  avec  une  nécessité  impérieuse  une  limi- 
tation du  droit  de  suffrage  des  affranchis  opérée  postérieurement  au  temps 
de  Gicéron.  Or  cette  épuration  des  comices  peut  parfaitement  avoir  été  ac- 
complie par  Auguste,  et  elle  ne  pourrait  l'avoir  été  par  aucun  de  ses  suc- 
cesseurs. 

(2)  Les  exceptions  s'évanouissent  devant  la  régie.  La  présence  de  la  tribu 
rustique  se  justifie  chez  l'affranchi  qui  prend  du  service  en  qualité  de  La- 
tinus  Junianus  dans  le  corps  des  pompiers  et  qui  est  ensuite  gratifié  du 
droit  de  cité  {C.  1.  L.  VI,  220).  Je  cite  les  autres  exemples  qui  me  sont  con- 
nus, sans  avoir  la  prétention  d'être  complet:  Q.  Octavio  Q.I.  Pob.  Primus 
(C.  1.  L,  V,  3415,  de  Vérone,  avec  la  tribu  locale  de  cette  ville)  ;  M.  Talicius 
M.  I.  Pub.  Jucundus  (C.  I.  L.  V,  7192)  ;  M.  Servilius  M.  lib.  Claudia  Myrismus 
{C.  I.  L.  VI,  23636);  [Tr]ib.  Claudia  [L.]  jEbutius  L.  I.  [F]austus  (Eporedia; 
C.  I.L.  V,  6786);  C.  Oppius  C.  l.Leonas  honoratus  in  tribu  Cl(audia)  pat  mm  et 
liberum  clientium  (Auximum,  de  159;  C.  1.  L.  IX,  5823)  ;  M.  Abillius  M.  lib.  Gai. 
Silvanus  (Narbo;  C.  I.L.  XII,  4541),  enfin  les  deux  bizarres  inscriptions  ur- 
baines de  Smet.  65,  8  (aussi  dans  Ursinus..F/\/i^.p.  91)  :  Q.  Trebonius.  Q.  I.  Cla. 
Gallus  expatribus  libertinis  et  Grut.  891,  8  :  Q.  Trebonius  Q.  I.  (et  non  Q.  f.) 
Cla.  Aristo  ex  patribus  libertinis.  Le  L.  Casperius  L.  f.  Pal.  Fab.  Latinus,  fils 
d'un  affranchi  (environs  de  Rome,  C.  I.  L.  XIV,  2336)  avec  une  double  tribu, 
une  tribu  rustique  (peut-être  de  la  ville  de  Rome)  et  une  tribu  urbaine  consti- 
tue un  phénomène  absolument  isolé.  De  beaucoup  la  plupart  des  exemples 
isolés  de  tribus  d'affranchis  réunis  par  moi,  il  y  a  des  années  dans  mes  Tri- 
bus, p.  174,  ont,  depuis  que  l'épigraphie  se  meut  sur  un  terrain  plus  ferme, 
été  écartés,  soit  comme  des  fautes  de  lecture,  soit  autrement.  On  ne  peut  dé- 
terminer la  mesure  dans  laquelle  ceux  qui  restent  doivent  être  attribués  à 
des  fautes  de  lecture  ou  d'écriture,  à  des  usurpations  ou  à  des  ignorances 
à  côté  de  lois  spéciales.  La  fréquence  relative  avec  laquelle  on  y  rencontre 
la  tribu  Claudia  a  quelque  chose  de  surprenant  (cf.  tome  VI,  1,  p.  313,note  2). 


LE   DROIT   DE  CITE   INFERIEUR   DES   AFFRANCHIS.  27 

même,  sauf  peut-être  pour  certains  individus  ou  certaines  ca- 
tégories, dans  les  tribus  urbaines  (1). 
En  même  temps  on  voit  apparaître  dans  les  tribus  urbaines     Les  ingénus 

,  .  j  ,  ,  ,  de   condition 

certaines  catégories  de  citoyens  romains  ingénus  exclus  des      dégradée 

tribules  urbains 

tribus  rustiques  pour  des  causes  personnelles.  Les  tribus  ur-  sous  îePrincipat. 
baines  ne  sont  par  conséquent  pas,  comme  les  tribus  rusti- 
ques, dans  un  rapport  fixe  avec  les  cités  d'origine;  elles  se  con- 
cilient avec  tous  les  droits  d'origine  (2).  Les  tribules  urbains 
occupent,  sous  le  Principat,  une  situation  intermédiaire  entre 
les  citoyens  complets  des  tribus  rustiques  et  les  affranchis  ab- 
solument privés  du  droit  de  suffrage,  et  nous  les  retrouverons 
frappés  d'une  infériorité  symétrique,  en  nous  occupant  du  ser- 
vice militaire  (p.  38).  La  date  où  ces  mesures  furent  prises  et 
la  manière  dont  elles  le  furent  sont  aussi  incertaines  que  leur  vé- 
ritable portée.  La  question  de  savoir  si  l'on  subissait  seulement 

(1)  Parmi  les  affranchis  placés  dans  les  tribus  urbaines,  le  seul  à  ma 
connaissance  que  nomment  les  inscriptions  du  temps  de  la  République  (C. 
/•  L.  III,  713,  de  Samothrace,  de  662  —  l'année  624  est  exclue  par  les  cogno- 
mina  —  :  P.  Livius.  M.  f.  Pal.;  cf.  p.  8,  note  2)  appartient  à  la  Palatina. 
Les  autres  affranchis  de  la  Palatina  sont  presque  tous  de  la  Transpadane 
(C.  I.L.Y,  p.  1183,  seize  exemples)  ou  des  provinces  des  Gaules  (Narbo,  C.l.L. 
XII,  5026  :  C.  Of[illi]us  C.  I.  Pal.  A...  estus,  et  aussi  sans  doute  XII,  4606, 
4758 ;  Nemausus,  C.  I.  L.  XII,  3525:  M.  Colio  Ennsel  l.  Pal.  Fausto,  M.  Colio 
Fausti  l.  Pa[l.\  Attico;  XII,  3809:  Cn.  Pompeio  Cn.  Sex.  T.  I.  Pal.  Lemisoni; 
Ausci  en  Aquitaine,  Allmer,  Rev.  épigr.  du  midi  de  la  France,  1887,  p.  257  : 
L.  Jul.  L.  L  Pal.  Se...).  En  dehors  de  cela,  je  ne  trouve  pas  d'autres  exem- 
ples que  C.  I.  L.  IX,  1226  (où  la  tradition  n'est  même  pas  la  meilleure)  et  deux 
inscriptions  de  la  ville  de  Rome  (Grut.  836,  4  :  C.  Turranius  C.  I.  Pal.  Her- 
mès, garantie  seulement  par  Ligorius  et  Boissard;  Mur.  1286,  2:  C.  Villuis 
C.  lib.  Palatina  Aper).  —  Pour  la  Gollina,  je  trouve  trois  exemples  (C.  1.  L. 
V,  3625.  X,  1046.  7967),  un  seul  pour  l'Esquilina  (C.  1.  L.  VI,  9155;  les  ins- 
criptions citées  tome  VI,  1,  p.  314,  note  1,  ne  peuvent  pas  être  rapportées 
avec  certitude  à  des  affranchis)  et  aucun  pour  la  Suburana. 

(2)  Dans  les  inscriptions  qui  indiquent  en  même  temps  la  tribu  et  Yorigo. 
la  Palatina  se  rencontre  fréquemment  pour  Ostia  et  Puteoli  (p.  28,  note  6), 
mais  aussi  pour  Sutrium  (C.  /.  L.  VI,  3884.  I,  27),  pour  Ganusium  (C.  L  L. 
X,  3958),  pour  Sassina  (Cl.  L.  VI,  2382  b.  25),  pour  Fundi  (C.  I.  L.  V,  6881), 
cités  qui  appartenaient  notoirement  aune  tribu  rustique.  La  Gollina  se  ren- 
contre aussi,  en  dehors  de  son  application  aux  Asiatiques  (p.  29,  note  1), 
dans  des  inscriptions  du  temps  de  la  première  dynastie,  auprès  de  Placen- 
tia  (C.  I.  L.  VI,  24729  —  Mur.  304,  3)  et  auprès  de  Dripsinum  (C.  1.  L.  X,  1079). 
Lorsque,  comme  c'est  le  cas  ordinaire,  les  tribules  des  tribus  urbaines  n'in- 
diquent pas  la  localité  à  laquelle  ils  appartiennent,  ils  appartiennent  com- 
munément à  la  circonscription  qu'indique  le  lieu  de  la  trouvaille. 


2g  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

une  pénalité  morale  en  votant  dans  la  Palatina  au  lieu  de  vo- 
ter dans  la  Pollia  ou  si  au  contraire  le  vote  exprimé  dans  la 
Pollia  avait  réellement  plus  de  poids  que  celui  exprimé  dans 
la  Palatina  peut  d'autant  moins  être  tranchée  que  ces  disposi- 
tions ne  furent  peut-être  prises  qu'à  l'époque  où  le  droit  de 
vote  lui-même  était  supprimé  de  fait.  Les  causes  de  déchéance 
peuvent  être  déterminées  en  partie  et  nous  devons  réunir  ici 
les  faits  de  cet  ordre  qui  ont  déjà  été  observés  : 

a.  Le  fils  d'un  affranchi  entre  souvent  dans  la  tribu  rustique 
du  patron  de  son  père  (1)  ;  mais  il  entre  aussi  fréquemment 
dans  la  Palatina  (2),  plus  rarement  dans  la  Gollina  (3). 

b.  Parmi  les  habitants  des  deux  grandes  villes  maritimes 
d'Italie,  Ostia  et  Puteoli,  qui  étaient  placées  la  première  dans  la 
Voturia  (4)  et  la  seconde  probablement  dans  la  Falerna  (5), 
la  Palatina  se  rencontre  avec  une  fréquence  si  extraordi- 
naire (6)  qu'il  faut  que  des  circonstances  spéciales  y  aient 


(1)  Par  exemple  C.  I.  L.  III,  2097,  les  trois  fils  d'un  affranchi  de  Tibère 
se  rattachent  tous  trois  à  la  Tromentina.  Autres  exemples,  CI.  L.  VI,  1818  ; 
Grotefend,  lmp.  Rom.  trib.  discr.  p.  12. 

(2)  Des  exemples  particulièrement  clairs  en  sont  fournis  par  l'inscrip- 
tion de  Gorfmium,  C.  I.  L.  IX,  3184,  des  deux  frères  Q.  Gœcilius,  Q.  f.  Pal. 
Optatus  et  Paelinus,  fils  de  Q.  Caecilius  Q.  et  (mulieris)  l.  Hermès  ;  par  celle 
de  Formiae  de  T.  Flavius  Palatina  Fuscianus,  fils  de  Tertiolus  Aug.  I.  (C. 

I.  L.  X,  6092).  Voir  d'autres  exemples  qu'on  pourrait  multiplier  facilement, 
C.  1.  L.  II,  4527  (L.  Julius  C.  f.Pal.  Silvanus,  fils  de  G.  PubliciusMelissus.) 
V,  1000.  VI,  1851.  15131.  15232.  15595.  IX,  1618.  3524.  X,  1807.  XIV,  412. 
415. 

(3)  C.  /.  L.  VI,  9971.  XIV,  2523. 

(4)  Il  y  a  au  moins  une  inscription  qui  réunit  cette  tribu  à  Ostia  comme 
origo  (C.  1.  L.  XIV,  230  :  L.  Julius  L.  f.  Vet.  Victor  Ost.,  récente)  et  de  nom- 
breuses anciennes  et  bonnes  inscriptions  d'Ostie  de  la  même  tribu  qui 
paraissent  appartenir  à  des  Ostienses  de  naissance  (Dessau,  C.  I.  L.  XIV, 
p.  4). 

(5)  Le  môme  phénomène  se  répète  ici  :  nous  n'avons  pas  encore,  il  est 
vrai,  d'inscription  qui  réunisse  Vorigo  de  Puteoli  avec  une  tribu  rustique, 
mais  nous  avons  de  nombreuses  inscriptions  paraissant  appartenir  à  des 
Puteolani  de  naissance  avec  la  Falerna  (C.  I.  L.  X,  p.  1138). 

(6)  Dans  une  longue  liste  de  soldats  des  cohortes  urbaines  (C.  I.  L.  VI, 
2384+3884),  qui  sont  principalement  formées  d'ingenui  des  tribus  urbaines 
(p.  38,  note  4),  les  23  soldats  d'Ostia  et  les  9  pourvus  d'une  tribu  de  Puteoli 
(pour  trois  autres  la  tribu  manque)  ont  tous  la  Palatina.  Elle  se  rencontre 
en  outre  à  côté  d'Ostia  comme  origo  (C.  1.  L.  VIII,  2825)  et  du  decurionat 
de  Puteoli  (C.  I.  L.  VI,  1944)  et,  dans  les  deux  endroits,  sur  de  nombreuses 


LE    DROIT   DE  CITE   INFERIEUR   DES   AFFRANCHIS.  29 

influé  sur  son  attribution.  La  tribu  rustique  locale  peut  par 
exemple  avoir  été  refusée  aux  Grecs  qui  acquéraient  le  droit  de 
cité  romaine  en  même  temps  que  le  droit  de  bourgeoisie  de 
ces  villes,  et  même  encore  à  leurs  fils. 

c.  Les  individus  d'origine  grecque  auxquels  était  offert  indi- 
viduellement le  droit  de  cité,  recevaient  fréquemment  comme 
tribu  personnelle  une  tribu  rustique;  mais  ils  recevaient  sou- 
vent aussi  une  tribu  urbaine,  la  Collina  (1). 

d.  On  ne  rencontre  qu'à  titre  exceptionnel  des  enfants  nés 
hors  mariage  dans  une  tribu  rustique  (2);  on  n'en  trouve 
même  pas  facilement  dans  la  Palatina  (3),  mais  au  contraire 
fréquemment  dans  la  Collina  (4),  dans  la  Suburana  (5),  et 
aussi  dans  l'Esquilina  (6). 

e.  Les  comédiens  et  les  fils  de  comédiennes  figurent  avec  une 
fréquence  relative  dans  l'Esquilina  (7). 

Aucune  de  ces  règles  ne  s'applique  sans  réserves.  Il  est  à 
croire  que  des  exception  fixes  étaient  portées,  pour  des  cas  dé- 
terminés, aux  déchéances  générales,  et  il  doit  aussi  être  fré- 
quemment intervenu  des  faveurs  personnelles.  Le  système 
appliqué  en  principe  après  la  guerre  sociale,  selon  lequel  tout 


pierres  qui  y  ont  été  découvertes.  C'est  là  ce  qui  m'a  amené  à  considérer 
à  tort  la  Palatina  comme  la  tribu  d'origine  de  Puteoli  (C.  1.  L.  X,  p.  183). 

(1)  C.  1.  L.  VIII,  p.  1087;  Eph.  ep.  V,  p.  260.261;  C.  I.  L.  III,  1382. 
1503.  X,  770  (de  Tan  68).  867,  etc. 

(2)  M.  Domitius  Sp.  f.  Pom.  Secundus  (Bull,  délia  comm.  mun.  1886, 
374).  Autres  exemples,  C.  I.  L.  V,  5197.  VI,  5163.  La  tribu  est  en  principe 
plus  rare  chez  les  spurii  que  chez  les  enfants  qui  ont  un  père  ;  on  a  des  ins- 
criptions qui  ne  leur  donnent  pas  de  tribu  et  qui  en  donnent  une  à  leurs 
enfants  (C.  1.  L.  V,  p.  1123). 

(3)  C.  I.  L.  VI,  24025:  P.  Petronius  Sp.  f.  Pal.  Romanus.  XIV,  2468: 
G.  Julius  Sp.  f.  Pal.  Carus. 

(4)  C.  1.  L.  VI,  445.  567  (le  fils  dans  la  Palatina  ;  cf.  XIV,  2839).  5301. 
7459  c.  16663.  20171.  24039.  IX,  2280.  4269.  4967  (fils  dans  la  Quirina).  6310. 
X,  6490.  XIV,  2058.  3380.  Grut.  993,  11.  Ces  témoignages  suffisent. 

(o)  C.  I.  L.  VI,  392.  5754.  9897,  par  conséquent  trois  des  six  inscriptions 
de  cette  tribu. 

(6)  C.  I.  L.  VI,  2310  z=  4462. 

(7)  J'ai  attiré  l'attention  sur  ce  point  dans  la  remarque  sur  la  pre- 
mière des  quatre  inscriptions  de  cette  espèce,  C.  I.  L.  VI,  10097.  10103. 
10105.  10107.  On  ne  connaît  peut-être  pas  en  tout  plus  de  huit  pierres  de  cette 
tribu. 


30  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

citoyen  romain  doit  appartenir  à  une  cité  de  citoyens,  a  dû 
s'étendre  aussi  bien  à  ces  tribules  appartenant  aux  tribus  ur- 
baines qu'aux  affranchis  dépourvus  de  tribu  ;  on  aura  donc, 
dans  les  municipes,  en  dressant  les  listes  de  citoyens,  refusé  la 
tribu  rustique  municipale  aux  individus  des  deux  catégories,et  on 
les  aura  inscrits  dans  la  liste,  les  uns  sans  tribus,  les  autres, 
soit  d'après  des  règles  fixes,  soit  d'après  l'usage  ou  arbitraire- 
ment, dans  une  tribu  urbaine.  Il  ne  manque  pas  parmi  les  tri- 
bules urbains  d'hommes  de  haut  rang,  même  de  rang  séna- 
torial (1),  et  du  reste  Ton  sait  que  des  fils  d'affranchis  et  des 
Grecs  d'origine  arrivèrent  fréquemment,  sous  le  Principat,  aux 
dignités  et  à  la  considération.  Mais  on  ne  trouve  pas,  chez  les 
citoyens  de  la  seconde  classe,  d'hommes  ayant  des  ancêtres, 
c'est  à  peine  si  l'on  en  rencontre  un  qui  puisse  se  nommer  un 
grand-père  (2),  et  les  tribules  urbains  paraissent  n'avoir  ja- 
mais transmis  leurs  tribus  à  leurs  fils,  qui  passaient  au  con- 
traire dans  la  tribu  rustique  de  la  patrie  de  leurs  pères  (3). 


VIII.  PARTICIPATION  DES  AFFRANCHIS  AUX  LARGESSES  FAITES  AUX 

CITOYENS. 

participation  des     Le  peuple  romain  recevait,  comme  on  sait,  dès  le  temps  de 

affranchis  aux  A        L 

fmSiïfnnes  *a  ^publique,  mais  en  particulier  sous  le  Principat,  une  cer- 
taine quantité  de  grains  à  titre  gratuit,  à  des  dates  fixes,  et 
l'on  y  joignit  ensuite  sous  l'Empire,  fréquemment  et  dans  une 


(1)  Les  exemples  existent  en  foule  pour  la  Palatina  (par  exemple  C.  I.  L. 
V,  4347);  ils  ne  sont  pas  non  plus  absolument  rares  pour  la  Gollina  (C.  I.  L. 
V,  1812.  IX,  4968.  4976.  5835.  5836).  Il  n'y  en  a  pas  pour  les  deux  autres 
tribus. 

(2)  On  trouve  dans  une  inscription  de  la  Garthage  Espagnole  qui  appar- 
tient sans  doute  encore  au  temps  de  la  République  {C.  1.  L.  II,  3504)  un 
L.  Sulpicius  Q.  f.  Q.  n.  Col.  Mais  on  conçoit  parfaitement  bien  à  cette  épo- 
que une  tache  s'étendant  jusqu'au  petit-fils.  —  On  comparera  la  partie  du 
Droit  municipal  sur  la  tribu  Palatina  des  iEmilii  et  des  Manlii,  qui  se  rat- 
tache à  d'autres  causes. 

(3)  La  présence  du  père  comme  spurius  dans  la  Gollina  et  des  fils  dans 
la  Palatina  (p.  29,  note  4)  ne  fait  que  confirmer  le  principe. 


LE   DROIT   DE   GITE   INFERIEUR  DES   AFFRANCHIS.  31 

large  mesure,  des  libéralités  en  argent  (1).  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
d'étudier  en  détail  la  limitation  apportée  sous  l'Empire  à  ces 
largesses  par  l'exclusion  soit  des  sénateurs  et  des  chevaliers 
romains,  soit  des  citoyens  qui  n'étaient  pas  domiciliés  dans  la 
capitale,  c'est-à-dire  leur  limitation  à  la  plebs  arbana,  ni  la 
restriction  nouvelle  du  nombre  des  bénéficiaires  à  un  chiffre 
fixe,  par  suite  de  laquelle  les  citoyens  en  droit  de  profiter  de  cet 
avantage  n'arrivaient  à  sa  jouissance  effective  qu'en  entrant 
dans  les  places  vacantes  ;  nous  n'avons  pas  davantage  à  exa- 
miner la  répartition  des  grains  entre  les  trente-cinq  sections 
de  la  plebs  frumentaria  ni  la  constitution  progressive  de  ces  Les  tribus  de  u 
sections  en  corporation  en  forme,  encore  existantes  au  ive  siè-  frumentaria. 
cle  (2),  corporations  (3)  ayant   leurs  magistrats  (4)  et  leurs 

(1)  Ce  sont  là  les  commoda  et  principales  liberalitates  attachés  à  la  tribu,  de 
Scaevola(p.34,note2),  les  largesses  extraordinaires  faites  aux  tribules  en  sus 
de  leurs  revenus  permanents  (Martial,  8,  15:  Et  ditant  Latias  tertia  dona 
Iribus;  Pline,  Paneg.  25,  cite  aussi,  à  côté  de  l'augmentation  du  nombre  des 

bénéficiaires  réguliers  —  locupletatse  tribus,  p.  32,  note  7,  —  le  datum  con- 
giarium  populo).  Toutes  les  fois  que  les  tribus  figurent  comme  corporation, 
il  s'agit  de  celles  de  la  plebs  frumentaria;  ainsi  pour  le  legs  d'Auguste 
(Suétone,  Aug.  101:  Legavit populo  R.  quadringenties,  tribubus  tricies  quinquies 
sestertium  ;  cf.  tome  VI,  l,p.220,  note  2);  pour  la  fête  de  l'anniversaire  de  la 
naissance  de   l'empereur  où  elles  sont  nommées  à  côté  du  Sénat  et  des 

chevaliers  (Stace,  Silv.  4,  1,  25:  Ortibus tuîs  gaudent  turmseque  tribusque 

purpureique  patres) .  Lorsque  la  plebs  urbana  élève  des  monuments,  la  rela- 
tion avec  les  tribus  des  donataires  de  grains  se  révèle  aussi  fréquemment 
(p.  50,  note  4).  Par  suite,  ces  corporations  s'appellent,  à  l'époque  récente,  en 
règle  du  nom  de  clientes,  ainsi  la  tribus  Claudia  patrum  et  liberorum  (C.  1.  L. 
IX,  5823,  de  l'an  159.  XIV,  374),  la  tribus  Palatina  corporis  seniorum  {C.  L  L. 
VI,  10215),  la  tribus  Palatina  corp(oris)  juniorum  (C.  1.  L.  VI,  1104  rapproché 
de  p.  844).  Les  clientes,  que  Pline,  Paneg.  23,  nomme  à  côté  du  sénat  et  des 
chevaliers,  sont  aussi  certainement  les  tribus. 

(2)  Ammien,14,  6,6:  Olim  licet  otiosae  sint  tribus  pacatœque  centuriae.  15,7, 
5,  un  plébéien  puni  par  le  préfet  de  la  ville  appelle,  en  355,  tribulium  adju- 
mentum.  Ils  recevaient  encore  des  distributions  en  356  (VI,  l,p.213,note  1). 

(3)  Ce  n'est  pas  à  vrai  dire  la  tribu  elle-même  qui  s'appelle  corpus, 
mais  bien  la  demi-tribu  de  seniores  ou  de  juniores  (VI,  1,  p.  313,  note  3)  et 
les  corpora  existant  dans  l'intérieur  de  la  tribu,  à  côté  de  ces  subdivisions, 
semble-t-il,  le  Julianum  dans  la  Suburana  (VI,  1,  p.  313,  note  4)  et  VAu. 
gustale  dans  la  Palatina  et  l'Esquilina  (VI,  1,  p.  314,  note  1).  C'est  par  là 
que  s'expliquent  les  trib(ules)  Su(burani)  corp{orum)  fœder(atorum)  tome  VI, 
1,  p.  314,  note  2.  Cf.  Tertullien,  Apolog.  37:  Hesterni  sumus  et  vestra  omnia 
implevimus,  urbes  insulas  caslella  municipia  conciliabula,  castra  ipsa,  tribus 
decurias,  palatium  senatum  forum. 

(4)  Il  est  traité  des  curateurs,  tome  VI,  1,  p.  213,note  1  ;  Yhonoratus  se  con- 


32  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

appariteurs  propres  (1),  qui  célébraient  des  fêtes  en  com- 
mun (2),  qui  dédiaient  des  monuments  honorifiques  (3), 
qui  procédaient  à  des  élections  et  prenaient  des  résolutions  (4). 
Mais  c'est  un  trait  caractéristique  du  droit  de  cité  de  seconde 
classe  que  l'infériorité  des  affranchis  et  leur  exclusion  des  tri- 
bus ne  s'étendent  pas  à  ces  tribus  et  à  ces  largesses.  La  partici- 
pation des  affranchis  aux  frumentationes  (o)  et  leur  classement 
dans  les  tribus  de  la  plebs  frumentaria  (6)  nous  sont  attestés. 
La  même  conséquence  résulte  des  listes  de  noms  et  des  chif- 
fres qui  nous  ont  été  conservés  relativement  aux  donataires  des 
grains.  Un  tableau  ne  contenant  que  des  chiffres  (7),  qui  appar- 
i,        —  ■ 

fond  avec  eux  (VI,  1,  p.  215,  note  3).  On  rencontre  à  plusieurs  reprises  des 
immunes  :  C.  I.  L.  VI,  198:  Cui  populus  ejus  corporis  immunitatem  sex  cen- 
turiarum  decrevit.  Dans  C  /.  L.  VI,  200,  il  y  a,  dans  Tune  des  huit  centu- 
ries de  la  liste,  un  immunis  en  tête  après  le  chef,  en  dehors  de  Tordre  alphabé- 
tique. VI,  196.  197:  Immunes perpetuo.  VI,   10214;  Bull.  comm.  1886,  p.  279. 

(1)  C.  L  L.  VI,  10215  :  Scriba  et  viator.  VI,  10216:  Viator. 

<%)  Tertullien,  Apolog.  39  :  Tôt  tribubus  et  curiis  (il  s'agit  de  celles  d'A- 
frique) et  decuriis  ructantibus  acescit  aer.  Présent  d'une  delphica  serea  à  la 
Palatina:  C.  /.  L.  VI,  10215. 

(3)  Statue  dédiée  à  Hadrien  par    les  tribules  tribus  Claudia[e] C.  L  L* 

VI,  980;  àGallus  et  Volusianus  par  la  Palatina  juniorum,  C.  1.  L.  VI,  1104, 
p.  844. 

(4)  Appariteurs  élus  par  eux:  C.  1.  L.  VI,  10215;  immunité  concédée  par 
le  populus  corporis  :C.  1.  L.  VI,  198;  pierre  funéraire  placée  permissu  tribu- 
lium,  C.  I.  L.  VI,  10214.  —  Cf.  encore  Suétone,  Aug.  57:    In  restitutionem 

Palatinae  domus  incendio  absumptœ  veterani  decuriae  tribus pecunias  con- 

tulerunt. 

(5)  Il  est  déjà  question,  du  temps  de  la  République,  d'affranchissements 
faits  en  vue  des  distributions  dont  profiteraient  par  suite  les  affranchis  (Dion, 
39,  24);  l'affranchissement  a  également  lieu,  d'après  Denys,  4,  24,  "va  tov 
8r(|xo(Tta  8t86[JLevov  aïiov  Xa^avovreç  xaxà  [x^va  xal  tX  tcç  <xhkr\  Tcapà  tôjv  rjo'jfxé- 
vcùv  YcyvoiTO  toïç  aTropot;  twv  -rcoXiTàiv  cptXavôpwTica,  cplpœat  toTç  SsStoxoa-i  tt,v 
èXeuôeptav.  C'est  confirmé  pour  les  Juifs  affranchis  vivant  à  Piome  par  Phi- 
Ion,  Leg.  ad  Gaium,  23.  Schol.  Persil,  5,  73. 

(6)  Tacite,  Ann.  13,  27  :  Hinc  (des  affranchis  )  plerumque  tribus  decurias 
ministeria  magistratibus  et  sacerdotibus.  Symmaque,   Or.  pro  pâtre,  c.    7 
Tribus...  libertina  ac  plebeia  fsece polluta. 

(7)  Dans  la  spécification  du  numerus  tr[ibulium...'\,  quibus  locis  [frumen- 
tum  accipiant]  (C.  I.  L.  VI,  10211),  qui  se  rapporte  sûrement  aux  distributions 
de  blé,  il  y  a  4191  tètes  {homines)  pour  la  Palatina,  4068  pour  la  Suburana, 
1777  pour  l'Esquilina,  457  pour  la  Gollina  ;  au  contraire,  sur  les  deux  tri- 
bus rustiques  qui  nous  sont  conservées,  la  Romilia  en  compte  68,1a  Volti- 
nia  85.  Le  total  des  personnes  indiquées  s'élevant  par  conjecture,  y  compris 
les  chiffres  perdus,  à  environ  13000,  cette  table  ne  peut  pas  avoir  prétendu 
relever  la  totalité  des  bénéficiaires  des  distributions,  qui  étaient  environ 


LE   DROIT   DE   GITE   INFERIEUR  DES   AFFRANCHIS.  33 

tient  à  ce  cercle,  et  qui  cependant  ne  donne  certainement  pas 
le  nombre  complet  des  tribules  ayant,  pour  le  moment,  droit 
aux  secours  en  denrées,  accuse,  pour  la  Suburana,  sur  laquelle 
nous  n'avons  peut-être  pas  plus  de  six  documents  épigraphi- 
ques  (1),  4068  têtes  (2),  et  la  relation  est  la  même  pour  l'Es- 
quilina.  Il  faut  donc  qu'il  y  ait  eu,  dans  ce  temps-là,  beaucoup 
de  citoyens  qui  n'avaient  pas  le  droit  de  porter  la  désignation 
de  la  tribu  dans  leur  nom,  d'inscrits  dans  les  tribus  urbaines. 
Tandis  que  les  tribules  rustiques  en  droit  de  bénéficier  des  dis- 
tributions, dont  le  même  tableau  permet  de  constater  le  chiffre 
relativement  faible,  étaient,  selon  toute  vraisemblance,  des  in- 
génus (3),  les  urbains  étaient  non  pas  exclusivement  (4),  mais 
principalement  des  affranchis.  On  peut  invoquer,  dans  ce  sens, 
soit  les  noms  de  ce  document  et  d'autres  documents  semblables 
qui  amènent  communément  à  supposer  des  affranchis  (5),  soit 
la  manière  dont  la  tribu  est  envisagée  par  Scaevola,  juriscon- 


200000,  mais  plutôt  ceux  qui  étaient  entrés  parmi  eux  pendant  une  année. 
—  C'est  à  ces  places  et  non  à  celles  du  cirque  que  Pline  fait  allusion,  Pa- 
neg.  51  :  Populo...  locorum  quinque  milia  adjecisti  (car  il  continue  en  disant: 
Auxeras  enim  numerum  congiarii;  cf.  aussi  c.  25:  Locupletatas  tribus),  et  c'est 
à  elles  que  se  rapporte  l'inscription  en  l'honneur  de  Trajan,  C.  1.  L.  VI, 
955  :  Tribus  XXXV,  quod...  commoda  earum  (cf.  p.  31,  note  1)  etiam  locorum 
adjectione  ampliata  sunt.  Ce  sont  probablement  là  les  5000  places  d'enfants 
environ,  dont  parle  Pline,  Paneg.  28.  —  C'est  aussi  pour  cela  que  Stace, 
Silv.  3,  3,  100,  cite  les  dépenses  causées  par  les  tribus  parmi  les  dépenses 
ordinaires  impériales. 

(1)  C.  /.  L.  VI,  392.  1881.  5754.  9405.  9897.  XIV,  397.  Kubitschek,  De  Rom. 
trib.  origine  p.  41.  C.  i.  L.  VI,  2993=V1,  3613*,  est  une  falsification  faite  sur 
pierre  de  Ligorius. 

(2)  Il  a  déjà  été  démontré  plus  haut  (VI,  1,  p.  300)  que  le  nombre  nor- 
mal des  tribules  de  la  Palatina  et  de  la  Suburana  fut,  jusqu'au  me  siècle, 
de  1936  têtes  ;  il  était  par  conséquent  notablement  dépassé  pour  les  distri- 
butions de  blé  dans  toutes  deux. 

(3)  C'est  probablement  à  la  tribu  rustique  qu'on  fait  allusion  en  attri- 
buant à  L.  Aurelius  Tychenianus,  fils  de  L.  Aurelius  Stephanus,  une  tribus 
ingenua  {C.  I.  L.  VI,  10220).  L'existence  d'un  affranchi  honoratus  in  tribu 
Claudia  (p.  26,  note  2)  montre  seulement  que  ces  règles  tombèrent  elles- 
mêmes  plus  tard  en  décadence. 

(4)  On  rencontre  aussi  des  ingénus  dans  les  tribus  urbaines  des  bénéfi- 
ciaires des  distributions  (C.  /.  L.  VI,  199.  10215). 

(5)  Dans  les  listes  de  la  tribus  Suburana  juniorum  de  l'an  70  après  J.  C . 
(C.  /.  L.  VI,  196-200)  la  tribu  n'est  adjointe  à  aucun  nom.  Parmi  les  huit 
curateurs  de  n.  199,  l'un  se  nomme  P.  f.y  un  autre  Hermetis  l. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2«  p.  3 


34  DROIT   PUBLIC    ROMAIN. 

suite  du  temps  de  Marc-Aurèle  :  il  la  regarde  en  effet  comme 
une  rente  sur  l'état  aliénable  et  transmissible,  qui  est  achetée, 
tout  comme  les  places  d'appariteurs  (1),  par  des  personnes  de 
basse  condition  ou  pour  elles,  et  au  moyen  de  laquelle  le  pa- 
tron constitue  très  habituellement  une  rente  viagère  à  ses  af- 
franchis dans  son  testament  (2)  :  finalement  la  tribu  n'a  plus 
exprimé  dans  la  capitale  que  l'idée  d'une  institution  de  bien- 
faisance (3). 

Le  système  de  protection  de  l'enfance  établi  sous  le  Principat 
réclame  l'ingénuité  chez  le  bénéficiaire  (4).  Mais  ce  n'est  pas 
là  une  infériorité  dont  soient  frappés  les  affranchis.  Car  ces 
aliments  sont  donnés  en  considération  des  parents  vivants  ou 
décédés,  et  il  n'est  fait,  sous^ce  rapport,  aucune  distinction  en- 
tre ingénus  et  affranchis.  On  n'avait  pas  de  motif  de  faire  par- 
ticiper à  ces  privilèges  les  enfants  qui  seraient  eux-mêmes  af- 
franchis. 


(1)  V.  tome  I,  la  théorie  des  appariteurs,  sur  la  durée  de  leurs  fonctions. 

(2)  Scsevola,  Dig.  32,  35,  pr.  :  Patronus  liberto  statim  tribum  emi  petierat: 
libertus  diu  moram  ab  herede  patroni  passus  est  et  decedens  heredem  reliquit 
clarissimum  virum  (au  profit  duquel  par  conséquent,  puisqu'il  n'appartenait 
pas  à  la  plebs  urbana,  la  tribus  ne  pouvait  être  achetée)  :  qusesitum  est,  an 
tribus  œstimatio  herediejus  debeatur.  Respondit  deberi.  Idemquâzsiit,  anetcom- 
moda  et  principales  liberalitates,  quas  libertus  ex  eadem  tribu  usque  in  diem 
mortissuse  co?isecuturus  fuisset,  si  ei  ea  tribus  secundum  voluntatem  patroni  sui 
tune  comparata  esset,  an  vero  usurse  œstimationis  heredi  ejus  debeantur.  Res- 
pondi  quidquid  ipse  consecuturus  esset  (plutôt  fuisset),  id  ad  heredem  suum 
transmittere.  Tertullien,  De  resurr.  carnis  57  :  (l'affranchi)  et  vestis  albse  nitore 
et  aurei  anulihonore  et  patroni  nomine  ac  tribu  mensaque  honoratur.'LQ  rescrit 
de  249,  Vat.  fr.  272,  se  rapporte-t-il  à  cela  ou  tribus  y  est-il  une  corruption 
de  scribis,  c'est  un  point  incertain.  Tessera  frumentaria  est  employé  plus 
fréquemment,  exactement  dans  le  même  sens  que  tribus,  semble-t-il  (Dig. 
5,  1,52,1.31,  49,  1.  I.  87,  pr.). 

(3)  Pline,  H.  n.  19,  4,  54  :  Aliqua  sibi  nasci  tribus  negant  caule  in  hortum 
saginato,  ut  pauperis  mensa  non  capiat.  Martial  parle,  9,  57,  de  la  pallens 
toga  mortui  tribulis. 

(4)  Le  titre  de  Veleia  établit  281  places  dont  279  pour  les  legitimi  et  2 
pour  les  spurii.  D'autres  fondations  alimentaires  restreignent  la  répartition 
aux  ingenui  (Pline,  Ep.  1,  18  ;  C.  /.  L.  II,  1174).  Il  en  est  de  même  pour  les 
distributions  faites  dans  la  capitale  dans  la  mesure  où  elles  concernent  les 
enfants  (Pline,  Paneg.  28). 


LE   DROIT  DE  CITÉ  INFÉRIEUR  DES  AFFRANCHIS.  35 


9.  SERVICE  MILITAIRE. 


L'obligation  au  service  militaire  a,  de  tout  temps,  été  recon-  E&alité  primitive 

u  L  des  affranchis 

nue  comme  pesant  sur  tous  les  citoyens  sans  exception,  et  par  leTruvric 
conséquent  aussi  sur  les  affranchis  depuis  qu'ils  furent  des  mililaire- 
citoyens.  La  différence  profonde  existant  entre  les  citoyens  par 
rapport  au  service  ordinaire  est  à  l'origine  complètement  étran- 
gère à  l'affranchissement.  Tant  que  l'on  ne  leva  pour  la  légion 
que  les  citoyens  propriétaires,  les  affranchis  ont  difficilement 
été  frappés  d'une  infériorité  légale  au  point  de  vue  du  ser- 
vice militaire,  précisément  parce  que  les  propriétaires  fonciers 
étaient  rares  parmi  eux  et  que  le  magistrat  qui  faisait  la  levée 
était  libre  d'omettre  qui  il  voulait.  Par  conséquent,  dans  les 
temps  anciens  delà  République,  l'armée  régulière  était  formée 
des  citoyens  propriétaires,  y  compris  les  affranchis  proprié- 
taires, tandis  que  les  citoyens  non-propriétaires,  qu'ils  fussent 
ingénus  ou  affranchis,  faisaient  leur  service  dans  les  compa- 
gnies d'ouvriers,  de  musiciens,  ou  d'hommes  de  réserve  (VI,  1, 
p.  320).  —  Mais,  vers  le  milieu  du  ve  siècle,  à  la  suite  des  cen-  service  auxiliaire 
sures  d'Ap.  Claudius  et  de  Fabius  Maximus,  les  citoyens  non-pro-  P°s1 
priétaires  furent  assimilés  aux  propriétaires  pour  les  levées 
ordinaires.  On  traça  alors,  probablement  en  même  temps,  une 
ligne  de  démarcation,  et  les  affranchis  furent  exclus  du  service 
régulier.  A  partir  de  458,  les  annales  témoignent  de  levées 
d'affranchis  qu'on  emploie  à  un  service  inférieur  ;  ce  n'est 
qu'en  cas  de  force  majeure  qu'ils  sont  appelés  à  servir  dans 
les  légions  (1),  et,  depuis  qu'il  y  aune  flotte,  ils  y  sont  em- 


(1)  Il  en  est  question  pour  la  première  fois  en  458  (Tite-Live,  10,  21,  4  : 
Libertini  centuriatï)  ;  c'est  une  allégation  qui  ne  peut  avoir  aucune  valeur 
historique,  mais  qui  doit  avoir  été  rattachée  par  les  anciens  et  savants  anna. 
listes  à  la  censure  de  Fabius.  La  même  chose  est  relatée  en  537  (Tite-Live, 
22,  11,  8  :  Magna  vis  hominum  conscripta  Romœerat;  libertini  etiam  quibus  li- 
beri  et  setas  militaris  in  verba  juraverant  :  ex  hoc  urbano  exercitu  qui  minores 
quinque  et  triginta  annis  erant,  in  naves  impositi,  alii  ut  urbi  présidèrent  re- 
licti).  L'affranchissement  des  pseudo-légions  formées  d'esclaves  lors  de  la 


36  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

ployés  en  principe  (1)  avec  les  ingénus  du  cens  le  moins 
élevé  (VI,  J,  p.  337).  Cette  règle  n'a  pas  été  complètement 
étendue  aux  affranchis  qui  avaient  des  immeubles  :  tout  au 
moins  ceux  d'entre  eux  qui  possédaient  un  immeuble  valant 
plus  de  30  000  sesterces  ou  qui  avaient  un  fils  de  plus  de 
cinq  ans,  de  même  qu'ils  étaient  encore  en  586  les  égaux 
des  ingénus  pour  le  droit  de  vote,  doivent  aussi  sans  doute 
avoir  servi  à  leurs  côtés  dans  l'armée;  et  les  affranchis  qui  pos- 
sédaient, à  côté  des  immeubles,  le  privilège  accordé  à  la  pater- 
nité doivent  avoir  conservé  au  moins  alors  l'égalité  du  droit  de 
suffrage  et  peut-être  le  droit  de  servir  dans  les  légions  (p.  22). 
Par  la  suite,  il  n'est  plus  question  de  ces  exemptions  de  catégo- 
ries de  personnes  ;  les  affranchis  ont  probablement  été  écartés 
des  légions  et  ont  cessé  d'être  employés  pour  le  service  de  cam- 
pagne ordinaire.  Lors  de  la  guerre  sociale,  on  ne  les  admit  pas 
dans  les  légions,  mais  on  employa,  à  côté  des  légions,  des 
cohortes  faites  de  leurs  volontaires  (2). 
Le  service  sous  ie     Sous  le  Principat,  les  affranchis  ont  de  la  même  façon  fait, 

Principat. 

en  cas  de  nécessité,  le  service  de  campagne  dans  des  cohor- 
tes séparées  (3).  Ces  cohortes  sont  désormais  sur  le  même  rang 
que  les  cohortes  auxiliaires  composées  de  non-citoyens.  Mais 


guerre  d'Hannibal  n'est  pas  très  différent  (Tite-Live,  24,  14  rapproché  de 
22,  57,  11). 

(1)  C'est  relaté  pour  la  première  fois  en  537  (p.  35,  note  1),  mais  comme 
une  mesure  extraordinaire  et  restreinte  aux  seuls  pères  de  famille.  Posté- 
rieurement, c'est  la  procédure  ordinaire  (Tite-Live,  36,  2,  15.  40,  18,  7.  42, 
27,  3.  43,  12,  9);  cf.  Handbuch,  5,  500.  Il  est  probable  que  cet  emploi  des  li- 
bertini  est  aussi  ancien  que  les  duoviri  navales  créés  en  443  (v.  tome  IV,  la 
partie  qui  leur  est  relative),  et  que  les  anciennes  annales  n'ont  relevé  les 
mesures  prises  en  537  que  parce  qu'elles  eurent  une  étendue  exception- 
nelle et  ne  se  limitèrent  pas  aux  équipages  de  la  flotte. 

(2)  C'est  à  cela  que  font  allusion  Tite-Live,  74  :  Libertini  twn  primum 
militare  cœperunt  et  Macrobe,  Sat.  1,  11,  32  :  Bello  sociali  cohortium  Xll  ex 
libertinis  conscriptarum  opéra  memorabilis  virtutis  apparuit;  Appien,  B.  c. 
1,49. 

(3)  Les  cohortes  Italien  civium  Romanorum  voluntariorum  qui  se  rencon- 
trent fréquemment  sous  l'Empire  (Eph.  epigr.V,  p.  248.  249)  ont  pour  source 
les  levées  d'affranchis  accomplies  sur  le  modèle  des  levées  faites  par  Au- 
guste dans  la  guerre  d'Italie  (voir  mon  commentaire  sur  le  Mon.  Ancyr. 
2«  éd.  p.  71). 


LE  DROIT  DE  CITE   INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  37 

les  divisions  ainsi  formées  qui  subsistèrent  furent  plus  tard 
recrutées  de  préférence  parmi  les  non-citoyens,  et  passèrent  donc 
à  vraiment  parler  dans  les  troupes  auxiliaires.  En  la  forme,  il 
n'^  a  pas  de  règle  qui  ait  été  appliquée  sous  l'Empire  avec  une 
plus  grande  rigueur  que  l'exclusion  des  affranchis  du  service 
militaire.  Dans  l'armée  de  terre,  l'ingénuité  était  requise  non 
seulement  chez  les  prétoriens  et  les  légionnaires,  mais  égale- 
ment dans  les  cohortes  urbaines  et  les  corps  de  troupe  de  na- 
tionalité pérégrine.  Les  empereurs  ont  même  renoncé  au  droit 
de  concéder  l'ingénuité  fictive  pour  ne  pas  ensevelir,  à  l'aide 
de  cet  expédient,  le  principe  fondamental  de  la  composition  de 
l'armée  (1).  La  flotte  fut,  il  est  vrai,  armée  en  partie  à  l'aide 
d'esclaves  par  Auguste,  et  elle  fut  encore,  sous  Néron,  fré- 
quemment commandée  par  des  affranchis  (2).  Mais,  après  que 
ce  service  fut  lui-même  devenu  un  service  militaire,  on  y  exi- 
gea également  l'ingénuité,  qui  à  la  vérité  y  était  souvent  fic- 
tive (3).  Ce  fut  seulement  pour  les  pompiers  de  la  capitale,  qui 
tiraient  leur  origine  des  escouades  publiques  chargées  d'éteindre 
les  incendies  (4),  qu'Auguste  se  borna  à  exclure  les  esclaves  ; 
dans  cette  troupe,  les  affranchis  ont  toujours  été  admis  à  côté  des 
ingénus.  Mais  elle  n'était  pas  à  proprement  parler  comprise 
dans  l'armée,  quoique  ses  chefs  fussent  traités  comme  des  of- 
ficiers (5).  —  Il  est,  en  présence  de  tout  cela,  surprenant  que  LSLmiUtia vénale. 
la  milùia,  qui  est  considérée  dès  le  second  siècle  comme  un 
droit  aliénable  et  transmissible,  et  qui  est  probablement  la 


(1)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Participation  de  l'empereur  au  pouvoir 
législatif,  sur  la  concession  de  l'ingénuité. 

(2)  V.  tome  V  la  partie  de  la  Cour  et  de  la  maison  de  l'empereur,  sur  les 
catégories  de  serviteurs  impériaux. 

(3)  Plus  tard,  environ  depuis  Vespasien,  les  soldats  de  la  flotte  ne  purent 
plus,  comme  les  vigiles,  être  des  affranchis.  Les  inscriptions,  qui  sont 
nombreuses,  le  montrent  avec  une  évidence  absolue.  Mais,  comme  ils  in- 
diquent un  père  pérégrin  ou  n'en  indiquent  pas  du  tout,  ceux  de  la  der- 
nière espèce  doivent  pour  la  plus  grande  partie  être  en  réalité  des  affranchis 
et  leur  ingénuité  n'être  qu'une  fiction.  Cf.  Hermès,  19,  17.  Ce  ne  sont  proba- 
blement ni  des  citoyens  Romains,  ni  des  pérégrins,  mais  des  Latins. 

(4)  V.  tome  V,  la  partie  de  l'Administration  de  la  ville  de  Rome,  sur  le 
service  des  incendies. 

(5)  Handb.  5,  485. 


seconde  classe 

dans  les  cohortes 

urbaines. 


38  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

qualité  de  membre  d'un  corps  de  troupe  en  garnison  dans  la 
capitale,  soit  accessible  aux  affranchis.  Cependant  il  peut  s'a- 
gir là  du  service  dans  les  pompiers,  ou  bien  encore  l'admis- 
sion des  affranchis  dans  d'autres  corps  de  troupes  peut  avoir 
été  rendue  possible  au  moyen  de  la  fiction  de  l'ingénuité  dont 
le  domaine  s'étendit  de  plus  en  plus  (1). 
Li«seern«fddees  ^es  tribules  urbains,  qui  sont  ingénus,  mais  qu'il  faut  re- 
garder comme  des  citoyens  de  seconde  classe  (p.  27),  occupent 
une  place  à  part  dans  l'armée.  Ce  ne  peut  être  par  un  simple 
hasard  qu'ils  sont  presque  complètement  absents  parmi  les 
prétoriens  (2)  et  dans  les  légions  (3)  et  qu'ils  figurent  en 
grand  nombre  dans  les  cohortes  urbaines  (4).  Auguste  sem- 
ble n'avoir  pas  admis  ces  citoyens  de  seconde  classe  à  servir 
dans  l'armée  proprement  dite,  mais  au  contraire  en  avoir  com- 
posé, pour  la  plus  grande  partie,  les  cohortes  urbaines. 


(1)  Cette  mililia,  qui  est  citée  fréquemment  dans  le  Digeste  et  déjà  à  plu- 
sieurs reprises  par  Scsevola,  est  accessible  aux  affranchis  (Dig.  32,  102,  3. 
34,  1,  18,  2;  pas  aux  esclaves:  Dig.  32,  11,  16).  On  ne  voit  pas  clairement 
de  quelle  espèce  de  services  il  s'agit  :  la  mention  du  salarium  {Dig.  19,  1, 
52,  2)  fait  penser  à  des  fonctions  comme  celles  du  médecin  et  de  Yevocaius. 
Il  est  probable  que,  dans  le  courant  de  l'Empire,  une  partie  des  fonctions 
militaires  de  la  garnison  de  la  capitale  sont  devenues  des  biens  héréditaires, 
de  la  même  façon  dont  cela  s'est  produit  dans  les  clécuries  des  appariteurs, 
si  bien  que  leur  titulaire  avait  la  faculté  de  les  transmettre  et  que  l'acqué- 
reur, après  avoir  justifié  de  sa  capacité  personnelle  {Dig.  32,  102,  2  :  Cum  per 
xtatem  licebit)  et  avoir  payé  pro  introitu  {Dig.  32,  102,  2.  3),  entrait  en  pos- 
session des  revenus  attachés  à  la  place. 

(2)  Le  seul  prétorien  appartenant  à  une  tribu  urbaine  qui  me  soit  connu  est 
C.  I.  L.  VI,  2382,  b.  25  :  M.  Badusius  M.  f.  Pal.  Marcian{us)  Sasi(na)  ;  le  frag- 
ment Eph.  IV,  886,  9  peut  appartenir  aux  cohortes  urbaines. 

(3)  Je  ne  trouve  qu'une  exception  certaine,  le  veteranus  leg.  Vil  de  la  Pa- 
latina  C.  /.  L.  III,  1813.  Le  centurio  frwnentariusPal.  Ostia,  VIII.2825  et  les 
primipilaires  V,  867.  3757  (XI,  386,  il  faut  sans  doute  lire  Palfuriano  comme 
VI,  2315,  au  lieu  de  Pal.  Furiano)  sont  étrangers  à  la  question,  parce  que  la 
carrière  des  centurions  suit  ses  règles  propres. 

(4)  La  grande  liste  de  soldats  des  cohortes  urbaines  (p.  28,  note  6)  donne 
la  tribu  à  152  soldats  et,  sur  ce  nombre,  la  Palatina  à  38. 


LE  DROIT  DE  CITE   INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  39 


10.  DROIT  AUX  MAGISTRATURES,    AU  SIÈGE  SÉNATORIAL  ET  AU  CHEVAL 

EQUESTRE. 


Les  affranchis  et  les  fils  d'affranchis  étaient  et  restèrent  ex- 
clus des  magistratures  et  de  la  curie  sous  la  République  et  le 
Principat,  avons-nous  montré  au  sujet  de  l'Eligibilité  (1).  — 
Même  dans  le  domaine  religieux,  en  dehors  de  quelques  cas 
exceptionnels  dont  il  sera  question  à  propos  des  sacerdoces 
équestres,  il  n'y  a  que  la  direction  des  compila  Larum,  ou,  ce 
qui  est  la  même  chose,  des  rues  de  la  capitale,  qui  ait  été  ac- 
cordée ou  plutôt  laissée  aux  affranchis  par  Auguste  (2).  —  De 
même,  le  cheval  de  chevalier  n'a  jamais  pu  être  attribué  à  un 
affranchi,  et  ce  principe  a  été  maintenu  jusque  sous  le  Prin- 
cipat (3).  Le  nécessaire  sera  dit  dans  la  partie  des  Chevaliers 
sur  les  quelques  cas  où,  par  dérogation  à  cette  règle,  les  droits 
de  chevalier  ont  été  donnés  à  un  affranchi  au  moyen  de  la 
concession  de  l'anneau  d'or.  Les  fils  d'affranchis  eux-mêmes 
ne  parvenaient  pas,  du  temps  de  la  République,  au  cheval 
équestre,  et  ils  ont  encore  été  déclarés  incapables  de  l'obtenir 
par  une  disposition  rendue  sous   Tibère  en  l'an  23  (4).  Ce- 


(1)  V.  tome  II,  la  théorie  des  causes  d'inéligibilité  absolues,  sur  l'inca- 
pacité des  affranchis  et  de  leurs  fils. 

(2)  V.  tome  V,  la  partie  de  l'Administration  de  la  ville  de  Rome. 

(3)  Suétone,  Claud.  25  :  Libertinos,  qui  se  pro  equitibus  Romanis  agerent, 
publicavit.  Vita  Alex.  19  :  Libertinos  numquam  in  equestrem  locum  redegit. 
Marcius  Agrippa,  advocatus  fisci  sous  Sévère,  fut  poursuivi  en  justice  parce 
qu'il  avait  été  esclave  et  s'était  glissé  parmi  les  chevaliers  (Dion,  78, 13)  ;  cf. 
p.  6.  Avant  toutes  choses  la  règle  se  manifeste  clairement  en  ce  que,  dans 
les  innombrables  inscriptions  de  chevaliers  romains,  il  n'y  en  a  pas  un 
seul  qui  se  désigne  comme  un  affranchi. 

(4)  Pline,  H.  n.  33,  2,  32:  Ne  cuijiis  id  esset  (celui  de  porter  l'anneau  d'or 
nisi  qui  ingenuus  ipse  pâtre  (sic  le  Ms.  Bamb  ;  les  autres  :  nisi  cui  ingenuo 
patri)  avo  patemo  HS  CCCC  census  fuisset  (lesMss.  sauf  le  Bamb.  :  fuissent), 
où  patine  avo  patemo,  c'est-à-dire  habens  patrem  et  avum  paternum,  exprime 
l'ingénuité  au  second  degré.  La  conjecture  de  Detlefsen:  ingenuus  ipse  inge- 
nuo pâtre  avo  patemo  ne  donne  aucun  sens. 


40  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

pendant  on  dérogea  déjà,  sous  Auguste,  à  plusieurs  reprises  (1), 
à  cette  prohibition,  et  par  la  suite  les  exceptions  sont  si  nom- 
breuses qu'elles  détruisent  la  règle  (2).  —  Naturellement  il 
est,  en  vertu  de  ces  prescriptions,  interdit  aux  affranchis  de 
porter  tous  les  titres  et  les  insignes  attachés  aux  magistratures 
et  aux  rangs  qui  leur  sont  fermés. 


11.  LES    MAGISTRATURES  ET  HONNEURS  MUNICIPAUX. 


Laugustaiité        Les  magistratures  et  les  sacerdoces  des  cités  de  citoyens 

municipale  image 

de  la  chevalerie  comme  leur  sénat  municipal  sont  fermés  aux  affranchis.  Le 

romaine.  x 

dictateur  César  a  bien  admis  ces  derniers  comme  magistrats 
et  comme  décurions  hors  de  l'Italie  (3).  Mais  ce  qui  était  ap- 
proprié à  la  monarchie  démocratique  de  César  ne  l'était  pas  au 
compromis  d'Auguste  entre  l'ancien  gouvernement  des  Opti- 
males et  la  domination  d'un  seul.  La  res  publica  restituta  re- 
vint à  l'ancienne  respectabilité,  et  elle  exclut  de  nouveau  ceux 
qui  avaient  été  esclaves  de  toute  participation  au  gouvernement. 
C'est  le  régime  qui  s'est  maintenu  (4).  Mais  Auguste  a  en 

(1)  Le  chevalier  Romain  Vedius  Pollio,  mort  en  739,  était  fils  de  parents 
affranchis  (Dion,  54,  23;  cf.  Pline,  H.  n.  9,  23,  72).  Le  fils  d'un  affranchi  du 
consul  de  Tan  20  après  Jésus-Christ  Gotta  Maximus,  M.  Aurelius  Gottanus 
servit  comme  tribun  militaire  (C.  1.  L.  XIV,  2298). 

(2)  Tacite,  Ann.  13,  27:  Late  fusum  id  corpus...  plurimis  equitum,  plerisque 
senatoribus  non  aliunde  originem  trahi.  Assurément  il  n'est  question  ici  que 
de  l'extraction  en  général,  et  relativement  aux  sénateurs  on  ne  peut  penser 
au  premier  degré.  V.  tome  II,  la  partie  des  Causes  d'inéligibilité  absolue, 
sur  l'inéligibilité  des  affranchis  et  de  leurs  fils. 

(3)  Statut  municipal  de  Genetiva  de  César,  c.  105:  Si  guis  quem  decurio- 
n(um)  indignum  loci  aut  ordinis  decurionatus  esse  dicet,  prœterquam  quod  liber- 
tinuserit,...  Il  vir...jus  dicito.  Exemples  pour  les  villes  d'Afrique  Karthago  : 
C.  L  L.  X,  6104,  et  Curubis  :  C.  1.  L.  VIII,  977.  Cf.  Eph.  epigr.  II,  p.  132. 

(4)  C'est  ce  que  montre  avant  tout  l'absence  de  tout  témoignage  con- 
traire parmi  des  inscriptions  qui  se  comptent  par  milliers.  Ce  que  le  statut 
municipal  de  Malaca,  c.  53,  prescrit  pour  cette  cité  latine, d'élire  les  magis- 
trats ex  eo  génère  ingenuorum  hominum,  de  quo  h.  L  caution  comprehen- 
sumque  est  (la  partie  à  laquelle  il  est  renvoyé  nous  manque),  s'applique 
à  plus  forte  raison  aux  cités  de  citoyens.  Sur  l'influence  du  jus  anulorum 
et  de  la  natalium  restitutio,  cf.  tome  V,  la  partie  de  la  Participation  de  l'em- 
pereur au  pouvoir  législatif,  sur  la  concession  de  l'ingénuité. 


LE  DROIT  DE  CITÉ   INFÉRIEUR  DES  AFFRANCHIS.  41 

même  temps  assuré  dans  les  municipes  aux  affranchis,  tout  en 
les  tenant  rigoureusement  à  l'écart  de  l'administration  commu- 
nale proprement  dite,  certains  honneurs  propres  restreints  à  eux 
et  une  organisation  correspondant  jusqu'à  un  certain  point  à 
celle  des  magistrats  et  du  sénat  municipaux,  dans  l'institution 
des  Angustales  (1).  Cette  institution,  qui  emprunte  son  nom 
au  fondateur  du  Principat  (2),  a  principalement  été  créée  dans 
l'intérêt  pécuniaire  des  cités.  Une  des  sources  capitales  des 
finances  des  villes  était  dans  les  prestations  qui  étaient  impo- 
sées par  le  statut  municipal  aux  magistrats  et  aux  prêtres  en- 
trant en  charge,  soit  qu'elles  fussent  directement  versées  dans 
la  caisse  de  la  ville  (samma  honoraria),  soit  que  ces  person- 


(1)  L'institution  des  seviri  augustales  ne  peut  être  ici  ni  laissée  de  côté, 
ni  exposée  dans  ses  formations  de  détail  partout  différentes.  Je  me  borne  à 
relever,  —  en  partant  des  recherches  soigneuses  et  raisonnables,  quoique 
à  mon  sens  inexactes  dans  plusieurs  de  leurs  résultats,  de  Joh.  Schmidt  (De 
.sévi ris  Augustalibus,  Halle,  1878),  —  les  points  de  cette  institution  qui  se 
rapportent  à  la  condition  générale  des  affranchis. 

(2)  Les  honneurs  rendus  à  l'empereur  régnant  et  à  l'empereur  en  géné- 
ral ont  déterminé  le  nom  de  l'institution,  comme  cela  se  montre  dans  l'ad- 
jonction des  Claudiales  et  çà  et  là  dans  quelques  autres  noms  d'empereurs 
plus  récents;  cependant  cette  organisation  s'est  fixée  de  si  bonne  heure,  que 
les  empereurs  qui  ont  suivi  Auguste  y  ont  de  moins  en  moins  obtenu  l'ex- 
pression de  leur  nom.  Au  reste  rien  n'a  plus  nui  aux  recherches  sur  la  na- 
ture du  sévirat  que  la  réunion  qu'on  a  faite  (même  moi)  entre  les  formes 
infiniment  multiples  du  culte  d'Auguste,  quand  elles  prennent  un  caractère 
de  collège  et  appartiennent  à  la  plèbe,  et  l'organisation  spécifique  des  sex- 
viri  augustales,  ou  du  moins  les  efforts  qu'on  a  tentés  pour  les  mettre  dans 
une  relation  plus  ou  moins  claire.  Ainsi  par  exemple  rien  n'est  plus  habi- 
tuel que  d'identifier  avec  les  sévirs  les  très  équités  Romani  a  plèbe  et  très  li- 
bertini  qui,  conformément  au  vœu  fait  par  la  plebs  de  la  ville  de  Narbo  en 
l'an  11  de  Jésus-Christ,  doivent  offrir  des  sacrifices  commémoratifs  annuels 
en  l'honneur  d'Auguste  (C.  1.  L.  XII,  4333)  ;  or  rien  n'est  plus  certain  que 
le  caractère  de  représentants  de  toute  la  plèbe  qui  appartient  au  contraire 
à  ces  habitants  de  Narbonne,  les  trois  chevaliers  représentant  les  ingénus 
qui  n'appartiennent  pas  au  sénat  municipal,  les  trois  libertini  représentant 
les  ex -esclaves  desquels  seuls  les  sévirs  sont  la  représentation. — Les  inagis- 
tri  Larum  Augusti,  les  magistri  Augustales,  et  tous  les  autres  magistri  analo- 
gues sont  également,  comme  au  reste  cela  a  déjà  été  justement  remarqué, 
notamment  par  Henzen,  certainement  différents  des  sévirs  ;  car  ces  derniers, 
ne  portant  jamais  cette  dénomination  sacerdotale,  n'ont  jamais  de  ministri 
à  leurs  côtés  comme  en  ont  fréquemment  les  magistri,  et  le  chiffre  quatre 
prévaut  communément  chez  les  magistri  ;  ces  derniers  paraissent  être  en 
réalité  une  copie  des  magistri  vici  romains  ;  or  ce  n'est  pas  du  tout  le  cas 
des  sexviri. 


42  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

nages  dégrevassent  les  finances  de  la  ville  en  organisant  des 
fêtes  publiques  (ludi)  ou  en  faisant  d'autres  dépenses  équiva- 
lentes (pro  ludis,  pro  munere).  Or,  les  libertini  ne  pouvant  oc- 
cuper de  magistratures  ni  de  sacerdoces,  ces  dépenses  leur  res- 
taient étrangères,  si  aptes  qu'ils  fussent  en  partie  à  les  suppor- 
ter et  si  disposés  qu'eussent  été  certains  d'entre  eux  à  les  faire. 
C'est  pour  cela  que  l'on  appela  à  la  vie  une  organisation  mu- 
nicipale fictive,  dans  laquelle  il  n'y  avait  rien  autre  chose  de 
réel  que  la  pompe  et  les  frais.  Quant  au  fond,  elle  fut  créée 
par  le  gouvernement,  la  preuve  en  est  dans  la  généralité  et 
l'uniformité  essentielles  avec  lesquelles  elle  se  présente  dans 
l'Italie  et  dans  les  provinces  latines  organisées  de  vieille 
date,  tandis  qu'elle  ne  se  rencontre  que  rarement  en  Afrique 
et  pas  du  tout  dans  les  provinces  grecques.  Mais  évidemment 
elle  ne  fut  pas  créée  par  une  loi  générale  :  elle  le  fut  par  des 
résolutions  des  diverses  communes,  que  le  gouvernement  put 
y  amener  d'autant  plus  facilement  qu'au  point  de  vue  financier 
la  cité  ne  retirait  de  là  que  des  avantages  et  des  divertisse- 
ments. L'établissement  de  l'institution  vient  d'Auguste  et  peut 
remonter  à  ses  premières  années  (1).  D'après  elle,  les  décu- 
rions nomment  annuellement,  dans  la  plupart  des  villes  exclu- 
sivement et   dans  toutes    principalement   parmi  les   affran- 


(1)  Les  deux  inscriptions  de  sexviri  de  Verona  (C.  7.  L.  V,  3404,  cf.  id.  op. 
p.  327)  et  de  Narona  (C.  1.  L.  III,  1769)  ont,  comme  je  l'ai  remarqué  sur 
elles,  été  placées  du  vivant  d'Auguste  et  sont  invoquées  avec  raison  comme 
argument  chronologique  par  Joh.  Schmidt,  p.  123.  En  outre,  comme  l'a 
remarqué  0.  Hirschfeld  {Zeitschrift  fur  ôsterr.  Gymnasien,  1878,  p.  294),  le 
M.  Cselius  Phileros,  qui  fut  accensus  près  du  gouverneur  d'Afrique  T.  Sex- 
tius  en  712-714  et  qui  fut  plus  tard  augustale  à  Formias  (C.  L  L.  X,  6104), 
ne  peut  avoir  occupé  cette  dernière  position  que  du  vivant  d'Auguste.  Si 
l'on  ajoute  qu'il  doit  y  avoir  eu  un  certain  intervalle  entre  l'établissement 
de  l'institution  et  son  apparition  sur  les  inscriptions,  on  sera  plutôt  porté 
à  la  placer  dans  la  première  période  du  règne  d'Auguste  que  dans  la  der- 
nière. Dans  un  fragment  des  fastes  d'un  collège  qui  n'est  pas  connu  plus 
précisément  (Henzen,  7165),  il  est  fait  allusion,  en  l'an  22,  à  une  visite  des 
VI  vi[ri]  et  il  est  noté  en  l'an  23,  que:  II1I  primi  (les  noms  des  quatre  chefs 
du  collège  et  d'un  prxco  sont  donnés  auparavant)  natale  Juliœ  August{se)  in 
pu[blico]  cenam  decurion{ibus)  et  Augu[stalibus]  dederunt;  eorum  seviri  [mu- 
nus]  familia  fjladiat[oria  ediderunt]. 


LE   DROIT  DE  CITE  INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  43 

chis  (I),  des  sixeniers  (2)  sex  viri  augustales  (3).  Cette  po- 
sition est  une  charge  publique  comme  les  véritables  magistra- 
tures (4),  et  celui  qui  s'est  soumis  une  fois  à  la  remplir,  en 
est  en  principe  exempt  pour  l'avenir  (5).  Elle  consiste,  comme 
nous  avons  déjà  dit,  dans  le  paiement  d'un  droit  d'entrée  à  la 
caisse  de  la  ville  et  dans  l'organisation  de  jeux.  En  la  forme, 
les  sexviri  sont  des  magistrats  sans  fonctions  à  peu  près  comme 
ceux  d'Albe  et  de  Lavinium.  Leur  dénomination  est  une  dé- 


fi) La  libertinité  est  le  plus  souvent,  et  même  sans  exception  dans  la 
moitié  méridionale  de  l'Italie,  une  condition  absolue  d'aptitude  au  sévirat. 
Ailleurs  il  y  a,  mais  constamment  en  minorité,  des  ingénus  parmi  les  sé- 
virs.  Il  est  vraisemblable  que  certains  ingénia,  par  exemple  les  spurii,  n'é- 
taient pas  éligibles  aux  magistratures  municipales  et  qu'ils  auront  avec  le 
temps  été  assimilés  aux  affranchis  relativement  au  sévirat.  Mais  nous  ne 
savons  jusqu'à  quel  point  le  cercle  a  été  étendu  par  le  droit  municipal,  et 
les  ingénia  qui  se  présentent  parmi  les  sévirs  ne  pourraient  en  aucun  cas 
être  expliqués  tous  de  cette  manière.  Car  on  en  trouve  parmi  eux,  en  parti- 
culier dans  l'Italie  du  Nord,  qui  ont  une  tribu  rustique  ;  le  sévirat  se  trouva 
même,  à  titre  isolé,  uni  aux  magistratures  municipales,  par  exemple  C.  1.  L. 
XI,  072  (Reggio)  :  C.  Bienus  L.  f.  Pol.  Broccus  VI  viral(is),  œdilicius,  IIvir{a- 
lis)  Regio  Lepido  ;  XI,  1058  (Parma)  :  L.  Vettidius  C.  f.  veteranus  leg.  XII  pa- 
ternse  (par  conséquent  probablement  du  temps  d'Auguste),  sex  vir,  xdiilis) 
et  1064 ('même  lieu):  L.  Petronius  L.  f.Pol.  Sabinus  VI\vir,  dec{urio),  q(ussstor), 
II  vir,  pontif(ex).  La  clef  est  fournie  par  les  inscriptions  de  Milan;  elles  dis- 
tinguent deux  catégories  de  sexviri,  les  seniores,  qui  se  conforment  à  la  rè- 
gle, et  les  juniores,  qui  sont  ingénus,  qui  sont  fréquemment  arrivés  aux  ma- 
gistratures, et  qui  par  conséquent  sont  peut-être  les  fils  des  premiers,  mais 
qui  en  tout  cas  constituent  une  catégorie  spéciale  annexée  à  l'institution  du 
sévirat  et  n'y  appartenant  pas  au  sens  propre.  Il  est  vraisemblable  que  ces 
deux  classes  auront  également  existé,  sans  y  être  séparées  par  les  titres  of- 
ficiels, dans  les  localités  plus  petites  de  l'Italie  du  Nord.| 

(2)  On  les  trouve  à  titre  isolé  remplacés  par  des  octoviri  à  Firmum  et 
Falerio,  par  des  tresviri  à  Amiternum. 

(3)  Leur  dénomination  subit  des  variations  multiples  ;  mais  il  est  clai- 
rement reconnaissable  qu'en  règle  ceux  qui  sont  chargés  pour  un  an  de 
donner  des  jeux  s'appellent  sex  viri  Augustales  pendant  qu'ils  sont  en  exer- 
cice, et  la  corporation  formée  de  ceux  d'entre  eux  qui  ont  satisfait  à  cette 
charge  Augustales  tout  court.  La  distinction  se  montre  en  particulier  à  ce 
que,  lorsque  Vordo  s'organise  en  corporation  et  reçoit  des  magistrats,  ces 
quinquennales,  questeurs,  curateurs  sont  régulièrement  rattachés  aux  au- 
gustales et  non  aux  sévirs.  Les  deux  catégories  sont  donc  dans  la  même 
relation  que  le  consul  et  le  consularis,  ou  encore  le  magistratus  et  le  senator. 

(4)  C.  1.  L.  X,  112  :  Hoc  nomine  relevati  inpensis  facilius  prosilituri  hi  qui 
ad  munus  Augustalitatis  conpellentur. 

(5)  La  preuve  en  est  dans  la  rareté  relative  de  l'itération.  Le  terme 
sexvir  perpetuus  exprime  probablement  le  privilège  de  partager  la  prési- 
dence avec  les  sévirs  de  chaque  année. 


44  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

nomination  qui,  dans  les  municipes,  est  exclusivement  usitée 
pour  les  magistrats  (1),  et  ils  ne  remplissent  jamais  de  fonc- 
tions sacerdotales  (2).  De  même  que  le  sénat  municipal,  Yordo, 
a  pour  source  l'exercice  des  magistratures  combiné  avec  l'ad- 
lection,  l'exercice  de  la  magistrature  fictive,  du  sévirat,  égale- 
ment combiné  avec  l'adlection  donne  naissance  à  Yordo  des 
Augustales.  Le  modèle  copié  par  cette  institution  municipale, 
ce  sont  les  chevaliers  romains.  L'ordre  équestre,  dans  lequel 
les  fils  d'affranchis  ne  manquent  pas  (p.  40),  contient,  par  op- 
position à  la  noblesse  de  naissance  et  à  la  grande  propriété 
foncière,  la  classe  des  capitalistes  et  le  gros  commerce  ;  les  col- 
lègues de  Trimalchio,  représentent  le  même  milieu  dans  un 
cercle  moins  élevé;  et  les  collèges  des  Mercuriales  apparais- 
sent à  plusieurs  reprises  comme  des  précurseurs  des  Augusta- 
les (3).  La  position  qu'occupent  les  Augustales  dans  les  muni- 
cipes est  aussi  exactement  celle  des  chevaliers  (4).   Ils   sont 


(1)  La  constitution  municipale  ne  connaît  pas  de  titres  de  prêtres  ana- 
logues à  ceux  des  septemviri  et  des  quindecemviri  de  Rome,  tandis  que  les 
noms  de  la  magistrature  y  sont  constamment  composés  de  cette  façon.  Les 
sévirs  ne  sont  nulle  part  appelés  sacerdotes  ni  magistri,  ni  d'aucune  autre 
désignation  analogue  ;  au  contraire  on  trouve  assez  souvent  honos  pour 
désigner  le  sévirat. 

(2)  Car  les  arguments  qu'invoque  Schmidt,  p.  72,  l'obligation  imposée 
aux  sévirs  en  vertu  d'un  legs  d'accomplir  un  sacrifice  à  un  jour  déter- 
miné (C.  1.  L.  V,  4203)  et  les  sacrifices  qui  accompagnent  les  jeux  (C.  1.  L.  V, 
3386),  s'appliqueraient  également  à  tous  les  collèges  de  magistrats.  Si  l'on 
a  fait  un  prêtre  au  lieu  d'un  colonus  de  l'Augustale  qui  coluit  annos  XXXXV 
(C.  I.  L.  X,  1877),  la  faute  n'en  est  pas  à  l'inscription. 

(3)  Les  plus  anciennes  inscriptions  qui  nomment  les  Augustales  le 
montrent  avec  une  fréquence  relative,  ainsi  l'inscription  de  Narona  citée 
p.  42,  note  1,  d'un  HIIHvir  m(agister)  M(ercurialis)  ob  honorem  (alternant 
avec  la  formule  llllllvir  ob  honorem  magisterii  Mercurialis)  et  l'inscription 
de  Nola,  certainement  écrite,  elle  aussi,  sous  Auguste,  d'après  sa  langue, 
CI.  L.  X,  1272:  L.  Sattio  L.  I.  Phileroti  magistro  Mercuriali  et  Augustalei. 
On  reconnaît  là  clairement  à  la  fois  que  les  Augustales  sont  sortis  de  col- 
lèges religieux  et  qu'on  a  rejeté  pour  eux  le  magister  religieux. 

(4)  Les  équités  Romani  n'entrent  pas,  en  cette  qualité,  en  ligne  de 
compte  dans  l'organisation  municipale.  Ils  appartiennent,  s'il  ne  siè- 
gent pas  dans  Yordo,  à  la  plèbe,  et  ils  y  font  parfois  l'objet  de  distinctions 
comme  dans  l'ara  de  Narbo  (p.  41,  note  2)  et  dans  l'inscription  C.  I.  L. 
VIII,  8938,  où  les  chevaliers  Romains  sont  mis  sur  le  même  rang  que  les 
décurions  pour  les  largesses  publiques.  On  a  trouvé  dans  le  théâtre  d'O- 
range un  degré  avec  la  légende  :  Eq{uitum)  g{radus)  III  (C .  I.  L.  XIV,  141)  et 


LE   DROIT   DE   CITE  INFERIEUR  DES  AFFRANCHIS.  45 

comme  reux  une  portion  intégrante  de  l'état,  mais  ils  ne 
sont  pas  plus  qu'eux,  au  sens  juridique  rigoureux,  une  corpo- 
ration. Ils  ne  peuvent  ni  prendre  des  résolutions  indépendantes 
ni  acquérir  des  biens  (1),  ils  n'ont  qu'exceptionnellement  les 
droits  des  corporations,  et  ce  n'est  qu'en  ce  cas  qu'ils  peuvent 
avoir  des  chefs  et  une  caisse  (2).  Mais  ils  ont,  comme  les  che- 
valiers, leur  place  particulière  aux  jeux  et  une  situation  inter- 
médiaire entre  le  sénat  et  le  peuple  de  la  cité  (3).  L'ordo 
des  ingénus  et  Yordo  des  affranchis  sont  dans  les  municipes 
ce  qu'est  à  Rome  Yuterqae  ordo  par  opposition  à  la  plebs  urba- 
na  (4).    La   dénomination  des  sexviri    et    les  ludi  sevirales 


les  14  bancs  figurent  même  dans  la  caricature  des  institutions  de  la  ca- 
pitale faite  à  Gades  (Gicéron,  Adfam.  10,  32,2).  Mais  le  statut  municipal  de 
Genetiva  qui  connaît  la  proédrie  des  décurions  ne  connaît  pas  celle  des  che- 
valiers. Ils  ne  se  présentent  pas  comme  collectivité  dans  les  différents 
municipes. 

(1)  Ce  sont  les  décurions  qui  procèdent  à  la  nomination  des  Augustales, 
et  les  legs  faits  aux  Augustales  sont  légalement  des  legs  faits  à  la  cité  sub 
modo.  Il  a  peut-être  existé  des  patronats  spéciaux  sur  les  Augustales,  et  ils 
peuvent  s'être  basés  sur  une  sorte  de  résolution  prise  par  eux  ;  il  y  a  aussi 
une  pétition  des  sex  viri  (p.  42,  note  1)  dans  le  document  de  l'an  22,  et 
encore  certains  autres  détails  semblables.  Mais  l'ordo  equester  Romain  a 
précisément  cette  situation  pseudo-corporative  liée  à  l'absence  des  droits 
corporatifs,  ainsi  que  nous  le  verrons  dans  la  partie  qui  le  concerne. 

(2)  Ainsi  les  Augustales  de  Puteoli  sont  appelés  corporati  et  ont  aussi 
des  quinquennales  et  des  curateurs  (C.  L  L.  X,  p.  1150),  et,  comme  il  est 
permis  aux  augustales  de  Brixia  ex  permissu  divi  Pu  arcam  (par  conséquent 
pas  un  œrarium,  mais  simplement  une  caisse  séparée  dépendant  de  la 
cité  ;  cf.  tome  III,  la  partie  du  Grand  Pontificat,  sur  les  caisses  sacerdota- 
les) habere,  ils  s'appellent  socii  et  collegium  (C.  I.  L.  V,  p.  1187),  ce  qui  ne  se 
présente  pas  ailleurs  chez  les  sévirs.  Pour  ceux  qui  ont  des  yeux,  ces  ex- 
ceptions sont  le  miroir  de  la  règle. 

(3)  Pour  faire  comprendre  les  droits  liés  à  l'Augustalité,  il  suffira  de 
rapporter  une  résolution  rendue  à  ce  sujet  en  l'an  26  de  l'ère  chrétienne, 
en  faveur  d'un  affranchi  impérial,  par  les  centumvirs,  c'est-à-dire  par  le 
sénat  municipal  de  Véies  (Orelli,  4046=  C.  7.  L.  XI,  3805)  et  où  d'ailleurs  ces 
droits  sont  exceptionnellement  augmentés  :  Ut  Augustalium  numéro  habeatur 
œque  ac  si  eo  honore  usus  sit  liceatque  ei  omnibus  spectaculis  municipio  nostro 
bisellio  proprio  inter  Augustales  considère  cenisque  omnibus  publicis  inter  cen- 
lumviros  interesse,  itemque  placere,  ne  quod  ab  eo  liberisque  ejus  vectigal  mu- 
nicipii  Augusti  Veientis  exigeretur.  Tout  Augustale  a  sa  place  au  théâtre;  le 
bisellium  proprium  est  une  distinction  fréquemment  citée.  Le  droit  de  sié- 
ger parmi  les  décurions  et  l'immunité  sont  également  des  privilèges  indi- 
viduels particliers  (cf.  C.  /.  L.  X,  4760). 

(4)  h'ordo  Augustalium  correct  ne  doit    pas  être  confondu  avec  Yordo  li- 


46  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

sont  passés  de  la  chevalerie  romaine  à  sa  copie  municipale  (i); 
les  sévirs  des  chevaliers  ne  sont  certainement  ni  des  prêtres 
ni  des  officiers,  mais  ils  figurent  parmi  les  magistrats  quoique 
n'ayant  tout  aussi  sûrement  aucune  attribution  de  magistrats;  il 
en  est  exactement  de  même  pour  les  sévirs  des  municipes.  Les 
sexviri  des  chevaliers  et  les  sexviri  municipaux  sont  sans  doute 
aussi  arrivés  à  la  vie  en  même  temps.  Les  deux  institutions 
sont  étrangères  à  la  République,  et  toutes  deux  sont  nées  dans 
les  commencements  du  Principat.  Les  sévirs  à  la  tête  des- 
quels chevauchent  les  princes  de  la  maison  impériale  sont  sans 
doute  d'unjplus  haut  rang  que  ceux  de  Cumes  représentés  par 
Pétrone.  Mais  entre  les  premiers  et  les  seconds  le  rapport  est  le 
même  qu'entre  Cumes  et  Rome. 


bertinus  (p.  2,  note  1)  qui  est  abusif.  L'augustalité  ressort  surtout  clairement 
comme  seconde  classe  dans  les  largesses  municipales,  qui  sont  tout  à  fait 
habituellement  divisées  d'après  ces  trois  classes  (voir  leur  aperçu  d'ensem- 
ble C.  I.  L.  IX,  p.  792.  X,  p.  1161).  Mais  la  différence  des  Augustales  et  des 
collèges  apparaît  précisément  là  avec  une  lucidité  frappante.  Les  Augus- 
tales de  Brixia  y  sont  avec  le  collegium  fabrum  dans  le  même  rapport 
où  Y  or  do  equester  est  à  Rome  avec  le  collegium  tibicinum  ;  quand  la  cité  elle- 
même  est  représentée,  on  ne  tient  pas  compte  des  collèges,  on  tient  compte 
au  contraire  des  Augustales. 

(1)  J'ai  antérieurement  (Archâol.  Zeitung,  1878,  p.  74)  pensé  à  considérer  les 
sévirs  comme  une  image  de  la  magistrature  municipale  composée  des  trois 
collèges  ordinaires  des  duoviri,  des  édiles  et  des  questeurs,  et  c'est  assuré- 
ment de  cette  façon  que  s'explique  le  plus  facilement  le  pseudo-sénat  des 
augustales.  Il  n'est  pas  non  plus  impossible  que  cette  conception  ait  influé 
sur  la  constitution  du  sévirat.  Mais  l'analogie  des  institutions  équestres 
est  plus  immédiate,  et  l'on  ne  pourrait  pas  expliquer  par  là  les  sexviri  des 
chevaliers  Romains. 


LA  N0B1LITAS  ET  L'ORDRE  SÉNATORIAL. 

(S*R»U,i  S.45S-IV7S-) 


Après  que  la  noblesse  héréditaire  constituée  par  les  anciens  citoylns^ouî  ia 
citoyens  eut  perdu  sa  situation  dominante  primitive,  l'égalité  epu  ique' 
de  droits  politiques  régna  dans  l'État  patricio-plébéien.  Il  n'y 
avait  pas  de  citoyen  qui  ne  put  devenir  consul  ou  pontife  ;  il 
n'y  avait  pas  d'ordre  privilégié,  de  noblesse,  le  mot  et  la  chose 
manquaient  également.  Mais  l'égalité  du  peuple  patricio-plé- 
béien, qui  fut  dès  le  principe  plus  nominale  que  réelle,  dispa- 
rut en  fait  dès  le  temps  de  la  République  et  s'effaça,  même 
théoriquement,  sous  le  Principat.  Il  se  forma  deux  noblesses  : 
la  noblesse  héréditaire,  la  nobilitas  ou,  comme  elle  s'appela 
plus  tard,  l'ordre  sénatorial,  formé  par  la  magistrature  et  par 
le  sénat  qui  en  sortait,  et  la  noblesse  personnelle,  l'ordre  éques- 
tre, constitué  par  l'institution  de  la  cavalerie  civique  et  le 
corps  d'officiers  qui  en  sortait.  Le  reste  du  peuple  est  opposé 
à  toutes  deux. 

La  mise  à  part  des  ordres  privilégiés  commence  extérieure-  Développement 
ment  par  la  séparation  de  leurs  sièges  dans  les  spectacles.  Le     privilégiés. 
début  du  gouvernement  des  optimates  est  caractérisé  par  la 
proédrie  accordée  aux  sénateurs  en  560  ;  la  proédrie  symétri- 
que des  chevaliers,  probablement  introduite  du  temps  des 
Gracques,  caractérise  également  le  début  du  gouvernement  à 


48  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

deux  têtes.  Mais  cette  opposition  ne  consiste  pas  seulement 
dans  des  faits  extérieurs.  Le  droit  aux  magistratures  et  aux 
sacerdoces  de  la  cité  revient,  non  pas  il  est  vrai  théoriquement, 
non  pas  non  plus  sans  exceptions,  mais  eu  fait,  à  la  première 
catégorie  de  personnes.  La  répartition  des  places  entre  le  sé- 
nat et  l'ordre  équestre  remonte  à  C.  Gracchus,  et  ce  qui  avait 
été  commencé  par  la  démocratie  fut  achevé  par  le  Principat. 
L'ancien  système,  selon  lequel  toutes  les  fonctions  publiques 
étaient  ouvertes  à  tous  les  citoyens,  fut  renversé  :  les  magistra- 
tures et  les  sacerdoces  furent  complètement  fermés  à  ceux  qui 
n'appartenaient  pas  à  l'une  des  deux  noblesses,  et,  parmi  les 
deux  noblesses,  il  n'y  eut  qu'une  moitié  des  magistratures  et 
des  sacerdoces  d'accessible  à  chacune.  La  transformation  fon- 
damentale des  institutions  politiques  se  manifeste  de  la  ma- 
nière la  plus  énergique  dans  la  façon  dont  fut  traitée  l'infamie. 
Le  droit  de  la  République  connaît  une  dégradation  privée,  qui 
trouve  sou  expression  dans  l'incapacité  portée  par  le  préteur 
de  représenter  une  autre  personne  en  justice,  et  une  dégrada- 
tion politique,  qui  a  pour  expression,  dans  la  sphère  de  la 
compétence  du  consul,  le  refus  de  l'éligibilité,  dans  celle  de 
la  compétence  du  censeur,  le  refus  des  droits  honorifiques  des 
citoyens,  du  siège  au  sénat,  du  cheval  équestre,  du  droit  de 
suffrage  complet  (1).  Cette  double  infamie  existe  encore  sous 
l'Empire.  Mais  l'infamie  politique  ne  fonctionne  plus  qu'en  ce 
sens  que  le  sénateur  peut  être  expulsé  de  la  curie  et  le  chevalier 
être  privé  de  son  cheval.  L'idée  que  le  plébéien  n'a  plus  ni 
droits  ni  honneurs  civiques  ne  peut  pas  être  exprimée  plus 
énergiquement  que  par  le  fait  qu'il  n'y  a  plus  de  forme  pour 
les  lui  retirer. 
ordo  senatorius      Le  mot  s'accorde  avec  la  chose  pour  la  classe  privilégiée. 

et  equester.  *  *  ° 

Ordo,  au  sens  propre,  une  rangée,  et  par  conséquent  une  divi- 
sion militaire  comme  une  corporation  civile  (2),  ne  perd  pas 


(1)  V.    tome  II,  la  partie  de  la  Censure,  sur  l'infamie  reconnue  par  le 
censeur  dans  son  rapport  avec  celle  prononcée  par  les  autres  magistrats. 

(2)  Ordo,  d'onVi,  au  sens   propre  la  rangée,  se  rencontre  dans  son  sens 
concret  de  la  façon  la  plus  énergique,   pour  les  rangées  de  rames  des  na 


LA  NOBILITAS  ET   L'ORDRE    SENATORIAL.  49 

cette  acception  large,  môme  à  l'époque  récente.  Mais  il  est  em- 
ployé par  excellence  pour  l'ordre  sénatorial  et  les  chevaliers; 
l'idée  de  classes  privilégiées  s'exprime  particulièrement  en 
toute  clarté  dans  Yuterque  ordo  du  Principat  (1). 


vires,  les  rangées  de  briques  des  toits  (C.  /.  L.  X,  1781,  2,  6),  les  bancs  du 
théâtre.  En  matière  militaire,  le  mot  n'est  employé  que  pour  l'infanterie, 
et  non  pour  la  cavalerie  (VI,  1, p.  286,  note  1),  sans  doute  parce  que  la  première 
avait  pour  base  les  rangs  de  la  phalange, tandis  que  la  seconde  ne  combat- 
tait pas  d'abord  en  rangs.  Dans  la  langue  politique,  ordo  désigne,  confor- 
mément à  cela,  un  corps  fermé  ;  ainsi  en  premier  lieu  le  sénat  :  ses  membres 
sont  régulièrement  désignés  à  Rome  .comme   des   membres   ordinis   sena- 
torii  (Cicéron,  Pro  Cluent.  37,  104  ;  Salluste,  Cat.  17,  etc.),  et,  dans  les  mu- 
nicipes,  ordo  est  employé  tout  à  fait  habituellement  pour  désigner  le  con- 
seil communal.  En  parlant    de  Yordo  equester  (voir    les  témoignages   sur 
cette  expression,  également  très  ancienne,  dans  la  partie  des  Chevaliers),  on 
fait   probablement  allusion  en  première  ligne  à  son  apparition  dans  la 
pompa.  Mais  ce   sont  aussi  des  ordines  que  les  jurés  inscrits  sur  l'album 
{ordo  judicum,  Cicéron,  In  Pis.  39,  44;  Pline,  H.  n.  33,  2,  34);  que  les  cor- 
porations (mais  pas  du  tout  les  bureaux)  des  appariteurs  (v.  tome  1,   la 
partie  des  Appariteurs,    sur  leurs   decurise  et  leur  ordo),  des   haruspices 
(Handb,  6,  415),  de  certains  sacerdotes  domus  Augustse  (C.   I.  L.  VI,  2010)  ; 
que  les  associations  de  mariniers   (par   exemple  les  corporati  lenuncularii 
tabulant  auxiliaires  Ostienses,  C.  1.  L.  XIV,  250.  251)  et  de  comédiens  (ainsi 
les  adlecti  scaenicorum  de  Bovillaa,  C.  1.  L.   XIV,    2408).  Si  ordo   est   aussi 
employé  fréquemment  pour  les  publicains  (voir,  tome  IV,  la  partie  de  la 
Censure,  sur  la  mise  à  ferme  des  biens  de  l'Etat),  le  caractère  de  corps  fermé 
ne  leur  fait  pas  non   plus   défaut.  Où   ce  caractère  manque,  on  peut  bien 
parler  de  genus hominum  (  VI,  i,p.  8,  note  3);  on  ne  peut  pas  parler  à'ordo. 
Les  ex-tribuns  militaires  ne  sont  pas  un  ordo,  dit  Cicéron  (Phil.  6,  5,  14:  Sta- 
tuerunt...  tribuni  militares  qui   in   exercitu  Csesaris...    fuerunt.  Quis  est  iste 
ordo?  niulti  fuerunt  multis  in  legionibus  per  tôt  annos,   cf.  Phil.  7,  6,  16),  en- 
core moins  les  130  censeurs  des  villes   de  Sicile  (Cicéron,   Verr.  L  2,  55. 
137  :  Ordo   aliqui  censorum   est?  collegium?  genus  aliquod  hominum  ?)  Si  le 
même  auteur  {Verr.  I.  2,  6,  17)  emploie   ce  mot  pour  les  aratores,  pecuarii, 
mercatores,  et  si  l'on  dit  souvent,    à  l'époque  récente,  ordo  libertinus  (p.  2, 
note  1),  la  dernière   expression  en  particulier  est  incorrecte  ;  et  Yordo  pe- 
dester  chez.Tite-Live,  5,  7,  7,  ne  peut  être  excusé  dans  une  certaine  mesure 
que  par  l'antithèse   avec  census  equester.  C'est  tout  aussi  incorrectement 
que  Pline  (H.n.'X),   1,    29  :  Anuli  plane    tertium   ordinem   mediumque  plebi 
et  patribus  inseruere)   considère  le  sénat,  les  chevaliers-  et  le  peuple  comme 
très  ordines. 

Uterque  ordo  se  rencontre  sans  doute  pour  la  première  fois  dans  Vel- 
leius,  2,  32.  100,  plus  tard  fréquemment,  par  exemple  dans  le  décret  de  Do- 
mitien  (C.  I.  L.  IX,  5420  :  Adhibitis  utriusque  ordinis  splendidis  viris),  dans 
Suétone,  Aug.  15.  Ner.  11.  Vesp.  9,  etc.  La  même  conception  dans  une  ins- 
cription du  temps  d'Auguste,  C.  I.  L.  IX,  3158  :  Usum...  castresibus...  Cse- 
saris Augusti  summis  equestris  ordinis  honoribus,  et  jam  superiori  destinatum 
ordini. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  4 


50  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

Lapais, par        Avant  de  no«s  consacrer  à  l'étude  des  deux  noblesses,  nous 

opposition  au 

sénat  et  aux    devons  nous  occuper  du  terme  qui  leur  est  opposé,  de  l'ensem- 

chevaliers. 

ble  des  citoyens  qui  ne  sont  pas  nobles,  qu'il  nous  faut  étu- 
dier au  moins  quant  à  la  terminologie;  car,  pour  le  surplus, 
cette  catégorie,  qui  n'est  caractérisée  que  négativement  par 
l'absence  de  droits  politiques  actifs,  trouve  sa  description  dans 
celle  des  corps  privilégiés  qui  lui  sont  opposés.  La  désignation 
antithétique  des  citoyens  qui  n'appartiennent  pas  aux  deux 
ordres  favorisés  est  le  mot  plebs,  qui  est  traduit,  dans  ce  sens, 
du  moins,  par  Dion  Gassius,  par  o^iXoÇ  tandis  qu'il  appelle 
7wXr;9o;  (1)  la  plèbe  qu'on  oppose  aux  patriciens  (VI,  1,  p.  2, 
note  4).  En  partant  de  l'idée  de  multitude  (VI,  1,  p.  70,  note  1), 
le  mot  exprime,  dès  le  principe,  l'opposition  avec  les  citoyens  de 
haut  rang,  et  par  conséquent  plebs  se  rapproche  sous  ce  rapport 
depopulus  pris  dans  son  acception  récente  (VI,  1,  p.  3,  note  1): 
seulement,— que  l'on  compare  homo  popularis  et  sermoplebeius, 
pour  s'en  rendre  compte, —  l'idée  de  la  multitude  est  prise  dans 
populus  au  sens  favorable  et  dans  plebs  au  sens  défavorable  (2). 
Le  sens  moderne,  dans  sa  portée  précise,  étrangère  à  la 
langue  de  la  République  (3),  se  rapporte  aux  frumentationes  de 
la  capitale,  desquelles  les  sénateurs  et  les  chevaliers  sont  ex- 
clus. Les  bénéficiaires  urbains  de  ces  distributions  se  désignent 
eux-mêmes  de  ce  mot,  en  y  ajoutant  urbana  ou  un  qualifica- 
tif correspondant  (4).  Cette  division  tripartite  n'a  pas  été  ap- 


(d)  Tome  VI,  1,  p.  163,  note  2.  Appien,  B.  c.  1,  30,  traduit  plebs  urbana  par 
noXiTixbç  ô'-/Xoç. 

(2)  L'esprit  de  parti  influe  aussi  sur  cette  façon  de  s'exprimer.  Salluste, 
par  exemple,  emploie  populus  en  général  sans  couleur  et  plebs  en  général 
dans  un  esprit  d'opposition  en  face  de  nobilitas,  senatus,  patres,  pauci.  La 
différence  de  l'ancien  patriciat  et  de  la  nobilitas  moderne  est  le  plus  souvent 
négligée. 

(3)  Gicéron,  (VI,  1,  p.  127,  note  4)  désigne  la  totalité  des  montant  etpagani 
comme  la  plebsurbana.  Quant  aufond,c'est  la  même  chose  que  la  factio  forensis, 
dontTite-Live,  9,  46,  a  sans  doute  emprunté  le  nom  à  d'anciennes  annales.  — 
L'ancienne  acception  du  mot  plebs  subsiste  toujours  à  côté  de  celle-là,  princi- 
palement, il  est  vrai,  lorsqu'il  est  question  des  institutions  républicaines, 
par  exemple  dans  la  définition  du  plebi  scilum. 

(4)  Plebs  quse  frumenlum  publicum  accipiebat  {Mon.  Ancyr.  3,  20),  plebs  ur- 
bana (id.  3,  16),  plebs  Romana  (id.  3,  7)  sont  employés  par  Auguste  comme 


LA  NOBILITAS  ET   L'ORDRE   SÉNATORIAL.  51 

pliquée,  dans  la  langue  officielle,  à  l'ensemble  des  citoyens  de 
l'empire.  On  les  a  appelés,  comme  sous  la  République,  senatus 
populusque;  mais  plebs  est  employé  ailleurs  fréquemment, 
même  sans  corrélation  avec  les  distributions,  par  opposition 
au  sénat  et  aux  chevaliers,  et,  dans  les  municipes,  par  opposi- 
tion aux  décurions  et  aux  sévirs  (1). 

Nous  pouvons  être  brefs  sur  la  nobilitas  ;  car  elle  trouve  son     NoMutas. 
expression  essentielle  dans  la  magistrature  et  le  sénat,  et  il 
n'y  a  ici  que  peu  de  choses  à  expliquer  relativement  à  elle- 
même. 

Nous  n'avons  pas  de  raison  de  douter  que  les  différentes  Lau"o6Satst 
gentes  aient  été,  les  unes  à  côté  des  autres,  sur  un  pied  d'éga-       élargi- 
lité  dans  le  sein  du  patriciat.  Celles  desquelles  il  était  sorti  des 
rois  et  des  consuls,  doivent  bien  avoir  joui  dès  le  principe  d'une 
certaine  préséance  en  face  des  autres   familles  patriciennes, 
tout  comme,  dans  la  noblesse  romaine  contemporaine,  les  fa- 


synonymes.  Sur  les  inscriptions  dédiées  par  ces  bénéficiaires  des  distribu- 
tions, ils  s'appellent  pleps  urbana  quse  frumentum  publicum  accipit  (C.  1.  L. 

VI,  943,  du  temps  de  Titus;   à  côté:  et  tribus )  ou  pleps  urbana  quinque 

et  triginta  tribuwn  (C.  1.  L.  VI,  909.   910,  du  temps  de  Tibère)  ;  ailleurs 

[pï\eps  urbana  [quseestïjn  regione I    vicorum (C.  I.L.  VI,  899,  du  temps 

d'Auguste).  Cf.  p.  31,  note  1. 

(1)  Horace,  Epist.  1,  1,  58  :  Sed  quadringentis  sex  septem  milia  desunt: 
plebs  eris.  Ovide,  Fast.  2,  198  :  Sancte  pater  patrise,  tibi plebs,  tïbi  curia  nomen 
hoc  dédit,  hoc  dedimus  nos  tibi  nomen  eques.  Martial,  4,  2,  3:  Plebs  et  minor 
ordo  maximusque.  —  Sans  doute  populus  est  souvent  employé  dans  des 
constructions  analogues  ;  ainsi  par  Auguste,  Mon.  Ancyr.  6,  24  :  [Senatus  et 
equ]ester  ordo  populusque  Romanus  universus  appellavit  me  patrem  patmse; 
sur  la  monnaie  Eckhel,  6,  126:  Divus  Augustus  consensu  senat{us)  et  eq{ues~ 
tris)  ordin(is)  p(opuli)q{ue)  R(omani);  dans  Martial,  8,  15:  Bat  populus,  dat 
gratus  eques,  dat  tura  senatus,  où  suivent  les  tribus{^.  31,  note  1).  Dans  les 
inscriptions  municipales,  on  nomme,  même  dans  la  langue  officielle  (ainsi 
par  exemple  C.  L  L.  IX,  p.  788.  792.  X,  p.  1156.  1161),  à  côté  des  deux 
classes  privilégiées, ou  lapZe6s,ou  lepopulus,les  municipes, les,  coloni,  les  cives. 
Voici  comment  il  faut  comprendre  cela  :  plebs  exprime  l'opposition  et  par 
conséquent  les  trois  catégories  s'excluent,  dans  les  inscriptions  municipales 
de  cette  espèce  ;  au  contraire  populus  et  les  expressions  équivalentes 
comprennent  les  classes  supérieures,  et,  lorsqu'il  s'agit  de  simples  citoyens, 
la  désignation,  qui  s'applique  à  eux  en  même  temps  qu'aux  décurions 
et  aux  Augustales,  leur  est  appliquée  par  politesse.  Lorsque  l'opposition 
est  en  jeu,  populus  n'est  jamais  synonyme  de  plebs.  Horace  n'aurait  pas 
pu  écrire  :  Populus  eris. 


52  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

milles  papales  ont  une  position  à  part;  si  le  jus  imaginant  (1) 
remonte  à  l'époque  de  l'Etat  purement  patricien,  cette  position 
à  part  peut  avoir  eu  dès  cette  époque  son  expression  en  forme. 
Mais  la  classe  privilégiée  de  laquelle  nous  nous  occupons  ne  se 
rattache  pas  aux  différences  de  rang  ainsi  possibles  dans  le 
patriciat  ;  elle  se  rattache  à  l'ancienne  opposition  des  patriciens 
et  des  plébéiens  elle-même,  les  premiers  étant  seuls  citoyens  au 
sens  propre  et  les  seconds  étant  au  sens  propre  des  clients  des 
citoyens,  pour  certaines  catégories  desquels  le  lien  de  clientèle 
disparut  à  la  vérité  par  la  suite  (VI,  1,  p.  77,  note  1).  Ces 
derniers  furent  séparés  des  plébéiens  restés  en  clientèle  et  furent 
regardés  par  les  patriciens  comuie'leurs  égaux.  Ce  patriciat 
élargi  est  désigné,  en  langue  technique,  comme  le  fait  d'avoir 
un  nom;  un  homme  qui  a  un  nom,  nobilis,  de  noscere, comme 
nomen  même  (VI,  l,p.  226),  est  celui  qui  appartient  à  ce  milieu. 
Les  caractères  du  patriciat  se  transmirent  naturellement  à  ce 
pseudo-patriciat.  La  nobilitas  n'est  pas  sans  doute  un  droit  de 
gentilité  comme  le  patriciat  ;  mais  elle  est  aussi  héréditaire  : 
elle  est  acquise  à  la  personne,  mais  elle  se  transmet  à  la 
descendance  agnatique  du  premier  acquéreur  (2),  ou  plutôt 
c'est  chez  ses  descendants  qu'elle  commence  ;  car  celui  qui 
n'entre  pas  dans  ce  cercle  par  droit  de  succession,  Vhomo  no- 
vus,  n'est  pas  lui-même  nobilis  (3),  et  il  anoblit  ses  descen- 


(1)  V.  tome  II,  la  partie  des  Honneurs  des  ex-magistrats  et  de  leur  pos- 
térité, sur  le  jus  imaginum. 

(2)  Gela  résulte  du  caractère  fondamental  patricien,  c'est-à-dire  gentilice 
de  l'institution.  A  la  vérité,  on  fit  postérieurement  figurer  dans  les  cortèges 
funèbres  mêmes  les  maisons  qui  n'étaient  parentes  qu'en  ligne  maternelle  et 
celles  qui  n'étaient  simplement  qu'alliées.  Cf.  tome  II,  la  partie  des  Hon- 
neurs des  ex-magistrats,  sur  le  jus  imaginum. 

(3)  Cicéron,  De  l.  agr.  2,  1,  3  :  Me  perlongo  intervallo  prope  mémorise  tem- 
porumque  nostrowm  primum  ho?ninem  novum  consulem  fecistis  et  eum  locum, 
quem  nobilitas  prsesidiis  firmatum  atque  omni  ratione  obvallatum  tenebat,  me 
duce  rescidistis,  et  ce  qui  suit.  Salluste,  Jug.  83  :  Consulatum  nobilitas  inter 
se  per  manus  tradebat,  novus  nemo  tam  clarus  neque  tam  egregiis  factis  erat, 
quin  is  indignus  Mo  honore  et  quasi  pollutus  haberetur.  Cette  opposition  faite 
entre  homo  novus  et  homo  nobilis  se  rencontre  fréquemment,  ainsi  relative- 
ment à  Gaton  l'Ancien  (Tite-Live,  37,  57,  12.  39,  41,  1  :  Hune...  premebat  no- 
bilitas... indignabantur  novum  hominem  censorem  videre  ;  Plutarque,  Cato 
maj.  1),  pour  Marius  (Salluste,  Jug.  73,  85),  pour  Cicéron  (Gicéron,  Verr.  5 


LA  XOBILITAS  ET  L'ORDRE    SÉNATORIAL.  53 

dants  (1).  Nous  allons  chercher  d'abord  quel  cercle  de  personnes 
comprend  la  noblesse  héréditaire  élargie,  la  nobilitas  ;  puis 
nous  verrons  quels  sont  les  droits  qui  en  résultent. 

La  nobilitas  comprend  trois  catégories  de  personnes  :  les  pa- 
triciens, les  personnes  sorties  du  patriciat  en  conservant  le 
droit  de  cité  et  les  plébéiens  arrivés  aux  magistratures  curules 
ainsi  que  leurs  descendants. 

1.  Le  patricien  ne  peut,  dans  aucune  circonstance,  être  un 
homo  7iovus  (2).  Au  sens  strict,  la  nobilitas,  notamment  en 
tant  qu'elle  est  identifiée  avec  le  jus  imaginum  (3),  n'appar- 
tient pas  au  patricien  en  cette  seule  qualité  (4)  ;  car  il  n'a  pas 
forcément  de  magistrats  curules  parmi  ses  ascendants.  L'idée 
fondamentale  de   l'institution  se  révèle  ici  :  les  personnages 


70,  180  ;  Ad  fam.  i,  7,  8  ;  Salluste,  Cat.  23  ;  Appien,  B.  c.  2,  2)  etc.  (Gicéron, 
Pro  Mur.  7.  8;  Pro  Cluent.  40  ;  Velleius,  2,  128).  Velleius,  2,  34:  M.  Cicero... 
vir  novitatis  nobilissimse  n'est  qu'une  fausse  pointe. 

(1)  Cicéron,  Verr.  5,  70,  180  :  {M.  Caio)  cum  ipse  sui  generis  initium  ac 
nominis  ab  se  gigni  et  propagari  vellet.  Gicéron  appelle  le  plus  ancien  ma- 
gistrat d'une  famille  indiqué  dans  les  fastes  le  princeps  nobilitatis  (ainsi 
pour  les  Junii  et  les  Papirii,  p.  54,  note  1).  Il  n'est  pas  tout  à  fait  exact 
de  qualifier  avec  Salluste  (note  3)  la  condition  de  Y  homo  novus  de  nova 
nobilitas.  La  nobilitas  trouve  son  expression  dans  les  images  des  an- 
cêtres ;  or  il  en  laisse  bien  à  ses  descendants,  mais  il  n'en  a  pas  lui-même. 

(2)  Gicéron,  Pro  Mur.  7,  16,  parlant  de  M.  iEmilius  Scaurus,  consul  en 
639,  qui  était  parvenu  à  memoriam  prope  intermortuam  generis  sui  vir  tut  e  reno- 
vare,  ne  l'en  appelle    pas  moins  un  Jiomo  nobilissimus  et  l'oppose  à  Y  homo 

Q.  Pompée.  Asconius,  In  Scaur.  p.  22,  dit  également  :  Scaurus  if  a 
fuit  patricius,  ut  tribus  supra  eum  œtatibus  jacuerit  domusejus  fortuna  :  nam 
neque  pater  neque  avus  neque  etiam  proavus ...  honores  adepti  sunt  :  itaque  Scauro 
œqueacnovo  hornini  laborandum  fuit.  Plutarque  seul,  De  fort.  Rom  A,  l'appelle 
incorrectement  un  xàtvbç  âÊvôpawcoç.  Tite-Live  dit  également  du  premier 
consul  plébéien,  7,  1,  1  :  Annus  hic  erit  insignis  novi  hominis  consulatu;  le 
premier  consul  plébéien  est  le  premier  novus  homo;  car  un  patricien  ne  peut 
pas  être  novus  homo. 

(3)  Salluste,  Jug.  85,  23  :  Quia  imagines  non  habeo  et  quia  mihi  nova  nobi- 
litas est;  Sénèque,  Ep.  44,  'i  :  Non  facit  nobilem  atrium  plénum  fumosis  imagi- 
nibus,  et  De  benef.  3,  28,  2;  Juvénal,  8,  19  :  Totalicet  veferes  exornent  undique 
cerœ  atria,  nobilitas  sola  est  atque  unica  virtus  ;  Tite-Live,  1,  34,  6  ;  Cicéron, 
De  l.  agr.  2,  36,  100. 

(4)  La  qualification  de  nobilis  est  évitée  pour  le  patricien  ;  il  est  noble 
et  par  conséquent  il  n'est  pas  anobli.  Tite-Live  emploie  fréquemment,  à 
proprement  parler  par  anticipation  (2,  56,  10.  4,  4,  7.  6,  42,  9.  11.  7,  1,  5, 
10,  15,  8.  9),  l'expression  nobilitas  pour  le  patriciat  de  l'époque  où  il  n'y 
avait  pas  encore  de  nobiles  plébéiens. 


Nobilit'is 
et  patriciat. 


54  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

anoblis  par  les  magistratures  sont  mis  sur  le  même  rang  que 
les  nobles  de  naissance,  mais  le  noble  de  naissance  n'est  pas 
soumis  aux  conditions  auxquelles  les  gens  de  l'autre  catégorie 
acquièrent  la  noblesse. 
postérité  2.  Le  patricien  sorti  par  émancipation  de  la  puissance  pater- 

patriciens.  neiie  (yj?  ^  p  gg)  et  pareillement  celui  qui  passe  du  patriciat 
dans  la  plèbe  (VI,  1,  p.  153)  perdent  par  là  leurs  droits  nobiliai- 
res, mais  ils  conservent  leurs  ancêtres  (1),  et  eux  et  leurs  des- 
cendants agnatiques  appartiennent  à  la  nobilitas.  L'émancipa- 
tion qui  est  déjà  sanctionnée  par  les  Douze  Tables  et  qui  doit  re- 
monter encore  plus  haut  dans  le  passé,  a  été  sans  doute  le  point 
de  départ  de  la  fondation  de  la  nobilitas.  Au  sens  rigoureuse- 
ment propre,  elle  constitue  le  pseudo-patriciat  des  maisons 
plébéiennes  qui  se  regardaient,  à  tort  ou  à  raison,  comme  issues 
de  maisons  patriciennes  (2).  Il  est  encore  vrai  pour  ces  maisons 
qu'elles  ne  possèdent  pas  nécessairement  le  jus  imaginum . 
Anoblissement       3#  Depuis  que  les   magistratures  curules  ordinaires  de  la 

par  1  exercice  des  x  x  u 

macguruTesUres  Cit(^  jusqu'à,  l'édilité  curule,  qui  avaient  d'abord  été  réservées 
aux  patriciens  dans  l'Etat  patricio-plébéien,  devinrent  accessi- 
bles aux  plébéiens,  ce  qui  se  produisit  en  premier  lieu,  en  387, 
pour  le  consulat,  le  magistrat  acquit  avec  la  magistrature  pour 
lui  et  sa  descendance  agnatique  les  droits  que  nous  allons  avoir 
à  étudier  et  que  l'on  réunit  sous  le  nom  de  nobilitas  ;  «  l'homme 
nouveau  »  créa  dans  sa  postérité  une  nouvelle  famille  de  no- 
blesse romaine  (3). 


(1)  C'est  ce  que  montre  le  raisonnement  de  Gicéron  (Ad  fam.  9,  21  ;  cf. 
tome  II,  la  partie  des  Honneurs  des  ex-magistrats,  sur  le  jus  imaginum) 
relativement  aux  Papirii  plébéiens  de  son  temps.  Ils  revendiquent  comme 
le  princeps  de  leurs  imagines  majorum  le  consul  patricien  de  310  et  placent 
parmi  ces  images  tous  les  Papirii  patriciens  parvenus  à  des  magistratures 
curules.  Le  premier  consul  L.  Brutus,  qui  est  considéré  comme  patricien, 
est  également  appelé,  en  s'adressantaux  Junii  plébéiens,  princeps  nobilitatis 
vestrse  (Gicéron,  Brut.  14,  53). 

(2)  La  simple  similitude  de  gentilicium  ne  prouve  rien  pour  la  constitu- 
tion d'un  tel  arbre  généalogique.  Gicéron  dit  expressément  (Brut.  16,  02) 
que  les  Tullii  patriciens  de  Rome  lui  étaient  étrangers,  et  il  rattachait  sa 
famille  aux  rois  des  Volsques. 

(3)  Tite-Live,  10,  7,  7  :  Numerarentur  duces  eorum  annorum,  quibus  ple- 
beiorum  ductu  et  auspicio  res   geri  cœptœ  sint,  numerarentur   triumphi  :  jam 


LA  NOBILITAS  ET   L'ORDRE    SÉNATORIAL.  55 

Les  conséquences  juridiques  de  la  nobilitas  n'ont  probable- 
ment, pas  plus  que  l'institution  elle-même,  jamais  été  réglées 
par  la  loi,  et,  par  suite,  elles  sont  plutôt  défait  que  de  droit. 
Elles  comprennent  le  droit  aux  images  des  ancêtres,  la  libéra- 
tion de  la  clientèle,  le  cognomen  nobiliaire  et  la  facilitation  de 
la  candidature  aux  magistratures  et  aux  sacerdoces.  Toutes  ces 
conséquences  n'ont,  au  sens  strict,  été  tirées  que  pour  la  troi- 
sième catégorie,  et  elles  ne  comportent  notamment  pas  d'ap- 
plication à  la  première,  en  ce  sens  que  les  patriciens  possèdent 
les  droits  en  question  ou  d'une  manière  absolue,  ou,  comme 
le  jus  imaginum,  pourvu  que  les  autres  conditions  en  soient 
réunies. 

1.  Le  droit  des  descendants  d'exposer  dans  l'atrium  de  leur  Jus  ima9inum. 
maison  les  images  de  leurs  ancêtres  qui  ont  occupé  des  fonc- 
tions curules  et  de  les  faire  figurer  en  cas  de  mort  dans  leur 

cortège  funèbre  a  été  exposé  précédemment  (1).  Il  devait 
être  permis  de  se  glorifier  de  ses  ancêtres  au  citoyen  qui  était 
sorti  du  patriciat  sans  que  son  honneur  fut  atteint  et  qui  était 
resté  dans  la  cité  tout  aussi  bien  qu'au  patricien.  Mais  la  fa- 
culté qui  était  accordée  à  la  postérité  du  consul  patricien  ne 
put  pas  être  refusée,  depuis  qu'il  y  eut  de  tels  consuls,  à  la 
postérité  du  consul  plébéien. 

2.  Relativement  à  la  libération  de  la  clientèle  qui  résultait  Dissolution  deia 
de   l'anoblissement  (VI,  I ,  p.  77,  note  1),  on  peut  avant  tout 

penser  à  la  suppression  des  égards  qui  sont  dus  par  le  client 
au  patron  et  qui  trouvent  leur  expression  juridique  dans 
l'inadmissibilité  des  procès  privés  et  du  témoignage  en  justice 
entre  patron  et  client  (VI,  1,  p.  90).  Il  s'agit  encore,  pour  ce 
droit,  principalement  de  la  troisième  catégorie  de  la  noblesse, 
bien  qu'il  puisse  aussi  s'appliquer  à  la  seconde. 


ne  nobilitatis  quidem  suse  plebeios  pœnitere.  22,34,  7  :  M  fœdus  {belli  trahendï) 
inter  omnes  nobiles  ictum,  nec  finem  anle  belli  habituros,  qaam  consulem  vere 
plebeium,  id  est  hominem  novum  fecissent.  Nam  plebeios  nobiles  jam  eisdem  ini- 
tiâtes esse  sacris  et  contemnere  plebem,  ex  quo  contemni  patribus  desierint, 
cœpisse. 

(1)  V.  tome  II,    la  partie    'les    Honneurs  des  ex-ma^istvats   et    de  leur 
postérité,  sur  le  jus  imaginum. 


56 


DROIT   PUBLIC   ROMAIN 


Cognomen. 


Eligibilité 
privilégiée. 


L'ordre  sénatorial 
du  Principat. 


3.  Nous  avons  déjà  expliqué  (VI,  1,  p.  235)  que  le  cognomen 
héréditaire  était  par  lui-même  le  signe  distinctif  du  patriciat, 
mais  que  la  noblesse  plébéienne  reçut,  peut-être  d'une  loi,  le 
droit  général  de  le  porter  et  qu'une  partie  de  cette  noblesse  le 
portait. 

4.  L'avantage  le  plus  important  que  procure  la  nobilitas  est 
aussi  celui  qui  est  le  moins  susceptible  d'être  déterminé  juri- 
diquement. 11  consiste  en  ce  que  les  descendants  de  «  l'homme 
nouveau  »  sont,  comme  appartenant  à  la  noblesse  héréditaire, 
sur  le  pied  d'égalité  avec  les  nobles  pour  la  brigue  des  magis- 
tratures et  des  sacerdoces.  La  noblesse  héréditaire  romaine 
a,  dans  son  exclusivisme,  plus  ou  moins  entravé  l'admission 
de  tous  les  hommes  nouveaux;  mais  elle  n'a  pas  prolongé  l'op- 
position jusqu'au  second  degré  contre  le  roturier  une  fois 
entré  dans  son  cercle.  En  droit,  cette  conduite  de  l'aristocratie 
dominante,  est  condamnée  par  le  principe  de  l'éligibilité  égale 
pour  tous;  mais,  en  fait,  elle  a  généralement  prévalu  contre  lui. 

Auguste  trouva  les  choses  dans  cet  état,  et  il  le  prit  pour 
base  de  sa  constitution  nouvelle.  L'éligibilité  générale  des  ci- 
toyens fut  supprimée,  et  le  privilège  de  fait  appartenant  à  la  no- 
bilitas par  rapport  à  la  brigue  des  magistratures,  et  au  siège 
sénatorial,  qui  y  resta  lié  après  comme  avant,  fut  transformé  en 
loi  positive.  La  nobilitas  devint  par  là  un  ordre  sénatorial  léga- 
lement fermé  (1),  une  pairie  héréditaire.  Tant  que  la  brigue  des 


(1)  Il  n'y  a  pas  d'expression  technique  pour  désigner  l'ordre  sénatorial 
avant  Marc  Aurèle.  Ordo  désigne,  sous  l'Empire  comme  sous  la  Républi- 
que, le  sénat  ;  il  exclut  les  fils  de  sénateur,  et  cela  à  d'autant  plus  forte 
raison  qu'ils  appartiennent,  jusqu'à  leur  entrée  dans  le  sénat,  à  Vordo 
equester.  Cependant  la  classe  sénatoriale  est  aussi,  faute  d'expression 
exactement  juste,  désignée  par  le  mot  ordo.  Ainsi  il  est  parlé  de  l'adlec- 
tion  in  amplissimum  ordinem  d'un  enfant  de  quatre  ans  (Henzen,  69:29), 
parce  que  la  concession  du  latus  clavas,  qui  ne  se  prend  qu'avec  le  cos- 
tume viril,  ne  peut  s'appliquer  là,  et  Tacite,  Ann.  13,  23,  parle  même  d'un 
homme  senatorii  ordinis,  sed  qui  nondum  honores  capessisset,  qui  est  appelé 
plus  correctement  par  Suétone,  Ne?\  26,  quidam  laticlavius  ;  cf.  aussi  Pline, 
H.  n.  33,  i,  29.  En  règle,  cette  catégorie  de  personnes  est  désignée  d'une 
autre  façon  ;  voir  tome  II,  la  partie  de  l'Ordre  légal  de  succession 
des  magistratures.  A  l'époque  récente,  l'ordre  sénatorial  a  un  titre  of- 
ficiel, le  clarissimat. 


LA  NOBILITAS  ET  L'ORDRE   SÉNATORIAL.  57 

magistratures  de  TEtat  fut,  dans  les  limites  tracées  par  Tordre 
obligatoire  de  succession  des  magistratures  et  les  autres  condi- 
tions de  capacité,  ouverte  à  tous  les  citoyens,  l'incorporation  dans 
Vàiiobilitas  des  citoyens  qui  n'y  appartenaient  pas  par  la  nais- 
sance dépendit  des  comices.  Auguste  supprima  la  liberté  d'être 
candidat  et  liale  droit  deTêtre,  pour  ceux  qui  n'appartenaientpas 
par  leur  naissance  à  Tordre  sénatorial,  à  leur  admission  dans  la 
classe  des  sénateurs,  c'est-à-dire  à  leur  nomination  à  la  pairie. 
Cette  concession  se  faisait  de  deux  manières  différentes,  selon 
que  la  personne  était  apte  à  parcourir  de  bas  en  haut  la  car- 
rière sénatoriale  ordinaire  ou  qu'on  ne  pouvait  pas  lui  deman- 
der de  le  faire,  en  présence  de  son  âge  ou  de  sa  position  sociale. 
Le  prince  s'attribua  le  droit  de  concéder  à  des  jeunes  gens  le 
rang  sénatorial  {latus  clavus).  La  seconde  faveur,  plus  élevée 
et  plus  rare,  l'admission  à  titre  extraordinaire  (adieclio)  d'un 
homme  n'appartenant  pas  à  la  classe  sénatoriale  dans  Tune  des 
trois  classes  hiérarchiques  inférieures  du  sénat,  était  de  la 
compétence  des  censeurs,  et  elle  en  est  restée  tant  qu'il  y  a  eu 
théoriquement  une  censure  indépendante  du  Principat  ;  mais, 
la  censure  étant  constamment  administrée,  sous  le  Principat, 
par  les  empereurs  et  leurs  corégents,  ce  pouvoir  était  égale- 
ment exercé  en  pratique  par  les  empereurs.  C'est  pourtant  seu- 
lement depuis  que  la  censure  eut  passé  sous  Domitien  parmi  les 
attributions  impériales,  que  la  réception  extraordinaire  dans 
le  sénat  a  pu  être  classée  légalement  parmi  les  droits  de  l'em- 
pereur. Il  est  traité  de  ces  deux  droits  impériaux  dans  la  théo- 
rie du  Principat  (1).  Les  hommes  de  Tordre  sénatorial  appar- 
tenant, dans  le  système  d'Auguste,  à  la  classe  des  chevaliers 
tant  qu'ils  ne  sont  pas  entrés  dans  le  sénat,  nous  aurons  à  re- 
venir sur  eux  à  propos  de  Tordre  équestre.  Le  principe  de  l'hé- 
rédité de  l'anoblissement  fut  appliqué  à  ces  créations  de  pairs. 
L'idée  républicaine  de  l'anoblissement  fut  par  là  détruite  en 
théorie;   car  les  patriciens    et  les  plébéiens  devenus   nobles 


(1)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Nomination  des  sénateurs,  sur  l'adlectiou 
des  non-sénateurs. 


58  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

jusque-là  qui  n'appartenaient  pas  au  sénat  ou  qui  n'étaient  pas 
classés  dans  Tordre  sénatorial,  soit  par  eux-mêmes,  soit  par  leurs 
ascendants,  au  moment  où  ce  système  fut  mis  en  vigueur,  res- 
tèrent en  dehors  de  la  pairie  héréditaire  (1).  En  pratique,  les 
homines  nom  furent  comme  Vambitus,  essentiellement  écartés 
par  la  liste  de  candidats  de  l'empereur  et  par  les  adlections  im- 
périales (2).  Le  droit,  appartenant  par  privilège  aux  familles 
sénatoriales  sur  les  magistratures,  fut  effacé  matériellement 
par  les  créations  de  pairs  impériales,  accomplies  par  le  gouver- 
nement avec  le  dessein  bien  calculé  de  faire  perpétuellement 
entrer  dans  la  carrière  des  magistratures  les  familles  équestres 
riches  et  considérées.  L'ancienne  nobililas  de  la  république  se 
maintient  en  fait  à  côté  de  Tordre  sénatorial  sous  la  dynastie 
Julio-Claudienne  (3).  Mais  les  vieilles  familles  s'éteignirent  ra- 
pidement ou  furent  détruites  ;  avant  tout,  elles  furent  écrasées 
sous  la  pression  de  la  noblesse  des  fonctionnaires  qui  était  lé- 
galement sur  le  même  rang,  mais  qui  était  moins  homogène 
et  qui  s'avançait  derrière  elle  en  nombre  toujours  plus  consi- 
dérable :  à  partir  du  temps  des  Flaviens,  la  nobilitas  républi- 
caine a,  dans  l'État  romain,  une  place  encore  plus  restreinte  que 
celle  occupée  par  le  patriciat  à  l'époque  moderne  de  la  Répu- 
blique. La  distinction  énergique  des  deux  aristocraties  qui 
caractérise  l'agonie  de  la  République  n'a  pas  non  plus  long- 
temps survécu  à  sa  chute.  Il  reste  bien  deux  catégories  de  no- 
blesse, la  noblesse  héréditaire  sénatoriale  et  la  noblesse 
personnelle  équestre  ;  mais  en  général  les  chefs  de  la  seconde 
sont  au  seuil  de  la  première. 

(1)  Il  est  possible  qu'Auguste  ait  fait  des  exceptions  générales  en  faveur 
de  ces  personnes  ;  mais  il  est  plus  vraisemblable  qu'il  effaça  par  des  ré- 
ceptions individuelles  les  exclusions  ainsi  produites  quand  cela  lui  sem- 
bla à  propos. 

(2)  On  pouvait  sans  doute  qualifier  encore  d'homines  novi  les  hommes 
qui  entraient  dans  le  sénat  par  la  concession  du  latus  clavns  ou  par  une 
adlection,  et  Tacite,  4,  15,  emploie  cette  expression  pour  Lucilius  Longus, 
consul  en  l'an  7  de  J.G.;  mais  cette  expression  tomba  en  désuétude,  parce 
que  l'on  ne  s'apercevait  plus  qu'à  peine  du  passage  du  rang  de  chevalier  à 
celui  de  sénateur. 

(3)  Ce  n'est  que  relativement  à  elle  qu'il  est  encore  question  du  jus  ima- 
ginum  à  cette  époque. 


LA  NOBILITAS  ET    L'ORDRE    SENATORIAL.  59 

Relativement  au  rang  sénatorial  qui  prend  la  place  de  la 
noblesse,  nous  devons  réunir  ici  le  peu  que  l'on  peut  dire  sur 
l'acquisition  et  la  perte  de  ce  rang,  en  tant  qu'elles  ne  se  con- 
fondent pas  avec  l'acquisition  et  la  perte  du  siège  sénatorial 
lui-même.  Nous  devons  en  outre  déterminer  les  droits  qui  ap- 
partiennent aux  membres  de  la  classe  sénatoriale  en  cette  seule 
qualité,  tandis  que  c'est  ailleurs  que  nous  aurons  à  étudier  ceux 
des  sénateurs. 

Le  rang  sénatorial  s'étend,  en  dehors  des  sénateurs  eux-  degré  ^fS^du 
mômes  et  des  personnes  auxquelles  il  est  donné  en  vue  de  les  ranssénatonal- 
faire  entrer  dans  le  sénat,  à  leurs  femmes  et  à  leurs  descen- 
dants agnats  jusqu'au  troisième  degré,  mais  pas  au  delà  des 
arrière-petits-fils  (1).  Les  enfants  nés  ou  adoptés  avant  l'ac- 
quisition des  droits  sénatoriaux  sont  compris  (2).  Le  rang  de 
la  femme  étant  déterminé  par  celui  du  mari  (3),  la  fille  du 
sénateur  sort,  à  moins  qu'il  n'en  soit  autrement  décidé  par  un 


(1)  La  limitation  des  droits  sénatoriaux  aux  fils,  aux  petits-fils  par  les 
fils  et  aux  arrière-petits-fils  nés  des  petits-fils,  est  formulée  soit  relative- 
ment aux  mésalliances  matrimoniales  dans  la  loi  Julia  de  736  (p.  63, 
note  3  ;  Dig.  23,  2,  42,  1),  soit  par  Paul  relativement  à  l'exemption  des 
obligations  municipales  (p.  65,  note  3),  et  leur  portée  générale  est  déter- 
minée, en  partant  de  là,  dans  Ulpien,  13,  1,  et  au  Dig.  1,  9,  10.  On  peut 
d'autant  plus  sûrement  la  considérer  comme  le  fondement  général  de  l'or- 
ganisation romaine  des  rangs  que  l'empereur  Marc-Aurèle  (Cod.  Just.  9,  41, 
21)  concède  aussi  plus  tard  les  droits  attachés  au  rang  de  chevalier  usque 
ad  pronepotes.  —  Il  n'est  naturellement  pas  tenu  compte  de  la  descendance 
cognatique.  Si  ex  filia  senatoris  natus  ait,  dit  Ulpien  (  Dig.  1,  9, 10),  spectare 
debemus  patris  ejus  condicionem  ;  au  cas  de  naissance  hors  mariage,  l'enfant 
acquiert  aussi  par  sa  mère  le  droit  de  cité,  mais  non  son  rang. 

(2)  Paul,  Dig.  1,  9,  6  ;  Ulpien,  h.  t.  I.  7  pr.  L'émancipation  (à  l'excep- 
tion de  celle  de  l'enfant  adoptif)  et  la  dation  en  adoption  n'enlèvent  pas 
à  un  fils  le  rang  qu'il  a  une  fois  acquis;  ce  rang  est  acquis  à  l'enfant  par 
sa  naissance  ou  plutôt  par  sa  conception  avant  ou  pendant  l'existence  du 
rang  sénatorial  du  père,  de  telle  sorte  qu'aucun  acte  du  père  ne  peut  plus 
le  lui  enlever. 

(3)  Ulpien,  Dig.  1,  9,  8  :  Feminis  dignitatem  clarissimam  mariti  tribuunt, 
parentes  vero,  donec  plebeiis  nuptiis  fuerint  copulatse  :  tamdiu  igitur  claris- 
sima  femina  erit,  quamdiu  senatori  nupta  est  vel  separata  ab  eo...  alii  in  fe- 
rions dignitatis  nonnupsit.  Gela  s'étend  à  la  classe  hiérarchique;  mais  on 
ne  trouve  consularis  femina  (Ulpien,  Dig.  1,  9,  1,  1  ;  C.  1.  L.  VIII,  8993) 
comme  titre  officiel,  au  moins  dans  la  partie  latine  de  l'empire,  que  tard 
et  peu  fréquemment;  on  trouve  plus  fréquemment  vnKïixri  (C.  L  A.  3104. 
3908.  4380,  b.  2.  4774)  dans  la  partie  grecque. 


00  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

privilegium  impérial  (4),  de  la  classe  sénatoriale  par  son  ma- 
riage avec  un  homme  de  plus  base  condition,  et,  à  l'inverse,  la 
femme  qui  n'est  pas  d'origine   sénatoriale  entre   dans  cette 
classe  en  épousant  un  sénateur. 
perte  du  rang       Celui  qui  a  les  droits  et  les  devoirs  attachés  à  ce  rang  soit 

sénatorial. 

de  naissance,  soit  par  une  concession  postérieure,  reste  dans 
sa  condition,  même  s'il  n'entre  pas  ensuite  dans  le  sénat, 
comme  il  y  entrait  en  règle  d'après  les  institutions  d'Auguste, 
mais  comme  cependant  cela  pouvait  ne  pas  avoir  lieu,  ainsi 
qu'il  arriva  au  futur  empereur  Claude.  Les  causes  en  vertu 
desquelles  le  siège  sénatorial  était  perdu,  par  exemple  une 
condamnation  criminelle  ou  la  perte  de  la  fortune,  entraînaient 
toujours  comme  conséquence  la  perte  du  rang  sénatorial,  et  ce 
rang  devait  nécessairement  être  également  perdu  lorsque  ces 
événements  se  produisaient  dans  la  personne  d'un  non-séna- 
teur (2).  La  perte  du  rang  sénatorial  s'étend  aux  enfants  nés 
postérieurement  de  l'ex-sénateur  (3)  ;  mais  elle  ne  s'étend  pas 
aux  personnes  qui  avaient  antérieurement  acquis  ce  rang  par 
son  intermédiaire  (4).  Le  changement  de  rang  peut  consister 


(1)  Un  tel  privilège  fut  accordé  à  Julia  Mamœa,  la  fille  du  sénateur  Ju- 
lius  Avitus,  lorsqu'elle  contracta  avec  Gessius  Marcianus,  homme  de  rang 
équestre  (Dion,  78,  30),  le  mariage  duquel  naquit  le  futur  empereur  Alexan- 
dre Sévère  (Ulpien,  Dig.  1,  9,  12,  pr.  qui  attribue  ce  privilegium  concédé 
par  Sévère  et  son  fils  exclusivement  au  dernier  sous  lequel  il  écrit).  Plus 
tard  Marcianus  a  même  nécessairement  reçu  le  rang  sénatorial  ;  car  nous 
le  trouvons,  en  213,  parmi  les  Arvales. 

(2)  On  ne  trouve  pas  de  documents  à  ce  sujet  ;  mais  il  n'en  est  pas  non 
plus  besoin. 

(3)  Ulpien,  Dig.  1,  9,  7.  Mais  le  fils  procréé  après  l'expulsion  de  son 
père  du  sénat  acquiert  les  droits  sénatoriaux,  si  son  grand-père  est  ou  a  été 
sénateur,  ut  magis  ei  avi  dignitas  prosit  quam  obsit  easus  patris. 

.  (4)  Ulpien,  Dig.  1,9,  7.  Si  la  cause  à  raison  de  laquelle  le  père  est  exclu 
du  sénat  s'étend  aux  enfants,  comme  par  exemple  en  général  la  ruine  de  la 
fortune,  la  conséquence  le  fait  naturellement  aussi.  Néanmoins  la  subsis- 
tance des  droits  sénatoriaux  pouvait,  même  en  dehors  de  l'entrée  de 
leur  titulaire  au  sénat,  être  incommode,  et  elle  fut  restreinte  pour  cela.  On 
ne  devait  pas  non  plus  se  faire  scrupule  de  procéder  à  la  radiation  arbi- 
traire de  telles  personnes.  Cette  radiation  a  fréquemment  eu  lieu,  même 
pour  des  sénateurs,  bien  que  le  prince  ne  revendique  pas  en  théorie  le 
droit  d'exclure  du  sénat  (v.  tome  V,  la  partie  de  la  Nomination  des  séna- 
teurs, sur  l'exclusion  du  sénat). 


LA  N0BIL1TAS  ET   L'ORDRE    SENATORIAL.  61 

en  ce  qu'un  individu  appartenant  à  l'ordre  sénatorial  passe 
dans  l'ordre  équestre,  par  conséquent  échange  le  latus  clavus 
contre  le  clavus  angustus  (1). 

Comme  droits  et  devoirs  attachés  au  rang  sénatorial,  il  faut 
citer  le  droit  de  porter  les  insignes  sénatoriaux,  celui  de  porter 
le  titre  sénatorial,  celui  d'assister  aux  séances  du  sénat  ;  cer- 
taines limitations  apportées  à  la  capacité  en  matière  de  mariage 
et  de  droit  du  patrimoine  ;  l'exemption  des  obligations  muni- 
cipales. 

1.  Les  insignes  du   rang  sénatorial,  le  soulier  rouge  (2)  et  la  insignes  du  rang, 
large  bande  de  pourpre  {latus  clavus)  sur  la  tunique  (3)  ap- 
partiennent, en  vertu  de  sa  naissance,  au  fils  de  sénateur,  et 
ils  sont  portés  par  lui,  le  premier  dès  le  principe  (4),  le  second 
depuis  le  moment  où  il  revêt  le  costume  viril  (o). 


(1)  Tacite,  Hist.  2,  86  :  Procurator  aderat  Cornélius  Fuscus...  claris  natalibus 
prima  juventa  quietis  cupidine  senatorium  ordinem  exuerat.  Le  poète  Ovide, 
né  en  711,  arriva  au  latus  clavus  et  au  vigintivirat,  vestibule  du  Sénat  (v. 
tome  II,  la  partie  de  la  Candidature  et  de  la  capacité  d'èlre  magistrat,  sur 
les  mesures  prises  à  rencontre  du  manque  de  candidats  sous  le  Principat)  ; 
mais  il  n'entra  pas  dans  la  curie  (Trist.  4, 10,  35  :  Curiarestabat-.clavimensura 
coacta  est  :  majus  erat  nos  tris  viribus  illud  omis.  Nec  patiens  corpus  nec  mens 
fuit  apta  labori  sollicitseque  fugax  ambitionis  eram).  Ces  personnes  ayant 
antérieurement  appartenu  à  la  chevalerie  du  rang  sénatorial,  elles  ne  re- 
çoivent pas,  au  sens  propre,  le  cheval  de  chevalier;  elles  déposent  seulement 
les  insignes  sénatoriaux  et  sont  effacées  de  la  liste  des  candidats  au  vigin- 
tivirat ou  à  la  questure.  Ce  changement  de  rang  peut  aussi  bien  être  opéré  à 
titre  défaveur  qu'à  titre  de  peine.  Pour  Fuscus,  il  a  eu  lieu  sur  sa  demande. 
Quant  à  Ovide,  l'empereur  semble  n'avoir  pas  trouvé  dans  le  poète  l'étoffe 
d'un  homme  d'État  et  le  poète  avoir  renoncé  sans  regret  à  la  carrière  poli- 
tique. 

(2)  V.  tome  II,  la  partie  du  Costume  des  magistrats,  sur  leur  chaus- 
sure. 

(3)  Stace,  Silv,  5,  2,  27  :  Sic  te,  clare  puer  (Vettius  Crispinus,  fils  de 
Vettius  Bolanus,  consul  probablement  en  l'an  68)  genitum  sibi  curia  sensit 
primaque patricia  clausit  vestigia  luna  (cf.  Rœm.  Forsch.  1,255). 

(4)  Suétone,  Aug.  38  :  Liberis  senatorum,  quo  celenus  rei  p.  adsuescerent , 
protinus  a  virili  toga  latum  clavum  induere  et  curise  interesse  permisit.  Stace, 
loc.  cit.  continue  en  disant  :  Mox  Tyrios  ex  more  sinus  tunicamque  potentem 
agnovere  umeri.  Il  n'y  a  pas  besoin  d'autres  preuves.  Du  reste,  dès  avant 
Auguste,  probablement  ominis  causa,  les  jeunes  gens  de  l'aristocratie  pa- 
raissent, en  revêtant  l&toga  pura  et  la  tunica  recta  (Festus,  p.  286,  v.  Regil- 
lis;  Pline,  H.  n.  8,  48,  194),  avoir  pris  cette  dernière  avec  une  large  bande 
de  pourpre  (Suétone,  Aug.  94;  cf.  Dion,  4o,  2). 

(j)  Dion,  i>9,  9,  dit  à  la  vérité,   pour  l'an  38,  de    l'empereur  Gaius  :  Kcu 


62  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

Titre  officiel.  2.  Les  personnes  de  rang  sénatorial  qui  ne  sont  pas  entrées 
dans  le  sénat  ont  les  droits  des  chevaliers;  mais  elles  ne  por- 
tent pas  le  titre  officiel  des  chevaliers  :  eques  Romanus  equo 
publico  (1),  parce  qu'elles  sont  quelque  chose  de  plus.  Sous 
les  empereurs  Marc-Aurèle  et  Verus  (2)  une  loi  hiérarchique, 
embrassant  en  même  temps  les  deux  ordres  privilégiés,  attri- 
bua comme  titre  officiel  à  Fordre  sénatorial  une  qualification 
honorifique  depuis   longtemps  usitée  pour  les  sénateurs  (3), 

Tiffiv  ocûtûv  (des  chevaliers)  xa\  xyj  iabrpi  ty]  pouXeoTixvj  v.oà  7ip\v  api-at  xivà 
àpxr,v,  ôV  vjç  èç  tï|V  Yepoviatav  È<7£p-/6[i.E0a,  ^pyjcrôa:  ti  èià  ttj  tyjç  pouXî);  eXutSt 
eSwxe'  Tipwxov  yàp  {Jiovotç,  wç  socxe,  toïç  èx  toû  [3ouXeUTtxou  «pyAO'j  y£Y£vr,[jL£voiç 
touto  tcoceTv  â^v.  Mais  il  donne  cela  lui-même  comme  une  supposition.  Et 
même  des  chevaliers  qui  n'étaient  pas  nés  dans  l'ordre  sénatorial  por- 
taient déjà,  sous  Auguste,  la  large  bande  de  pourpre;  car  Ovide,  qui  n'était 
pas  d'origine  sénatoriale,  la  prit  avec  le  costume  civil  (Trist.  4,  10,  27  et 
ss.  :  lnduiturque  umeris  cum  lato  purpura  clavo)  avant  de  revêtir  le 
vigintivirat.  Il  serait  possible  que  Tibère  eût  restreint  ce  droit  aux  séna- 
teurs de  naissance  et  que  Gaius  eût  rétabli  le  système  d'Auguste. 

(1)  Les  inscriptions  du  temps  de  l'Empire  qui  donnent  la  carrière  complète 
depuis  le  point  du  départ  citent  bien  les  fonctions  équestres,  comme  le  sévi- 
rat,  le  vigintivirat,  le  tribunat  de  légion  ;  mais  je  ne  trouve  le  rang  équestre 
lui-même  mentionné  que  sur  deux  d'entre  elles.  Dans  celle  du  jurisconsulte 
connu  du  temps  d'Hadrien  et  d'Antonin  le  Pieux  L.  Aburnius  Valens  (C.  I.  L. 
VI,  1420),  il  y  a  à  la  fin  eq(uo)  piublico)  et  au-dessous,  par  suite  d'une  cor- 
rection, semble-t-il,  c{larissimo)  jiuveni).  Dans  celle  du  consul  de  155,  G. 
Julius  Severus  (C.  7.  Gr.  n.  4029)  :  IIsv;£xa:8Éxav§poç  (sic  !)  xàiv  Exor/.aÇovrwv 
Ta  irpay^-aTa,  tWa>  8r,(jLoo-ia>  Tt(xr|6£tç,  l'ignorance  du  rédacteur  se  révèle  encore 
à  une  autre  faute  bien  plus  grossière. 

(2)  La  date  assignée  à  la  loi  est  justifiée  plus  loin,  p.  177,  à  propos  du 
titre  équestre  correspondant.  Uoratio  de  Marc-Aurèle  et  Commode  sur  les 
mariages  entachés  de  mésalliance  (Dig.  23,  1,  16.  Ht.  2,  16)  a  un  sujet  voi- 
sin; mais  elle  ne  peut  être  la  loi  sur  le  rang  elle-même  ;  car  cette  dernière  se 
place  avant  168.  Les  témoignages  qui  attestent  l'emploi  de  ces  qualificatifs  hié- 
rarchiques à  l'époque  de  Sévère  et  parla  suite  sont  innombrables.  Mais  ils 
ne  font  même  pas  complètement  défaut  pour  l'époque  précédente  à  partir 
de   Marc-Aurèle.  L'inscription  de    Lavinium,  C.  I.  L.  XIV,  2070,  qu'on  ne 

.  peut  qu'avec  peine  faire  rentrer  parmi  les  cas  cités  dans  la  note  qui  suit, 
est  du  temps  de  Marc-Aurèle;  C.  I.  L.  VI,  8420  est  de  l'an  183;  C.  I.  L.  II, 
4125,  du  temps  de  Pertinax. 

(3)  Le  texte  d'un  sénatus-consulte  de  l'an  56  porte  déjà  (C.  I.  L.  X,  1401))  : 
Hosidio  Geta  et  L.  Vagellio  cos.  clarissimis  viris;  la  qualification  v ir  clarissimus 
ou  clarissimus  vir  est  également  donnée  aux  sénateurs  qui  sont  nommés  dans 
des  titres  des  années  69  (C.  1.  L.  X,  7852,  13)  et  101  (C.  1.  L,  VI,  1492)  et  de 
sous  Hadrien  (C.  /.  L.  VIII,  2532)  et  Antonin  le  Pieux  (C.  I.  L.  V,  532),  le 
plus  souvent  en  toutes  lettres,  et  seulement  abrégée,  avec  les  initiales, 
comme  ce  fut  plus  tard  l'usage,  dans  le  titre  africain  d'Hadrien.  C'est  là 
l'origine  de  la  règle  future;  mais  ce  n'est  pas  encore  elle. 


LA  NOBILITAS  ET  L'ORDRE  SENATORIAL-  63 

la  qualification  clarissimus,  en  grec  Xa^poTaro;  ou  encore 
™y>&7]Tix6;  (1),  qui  fut  désormais  portée,  avec  une  abrévia- 
tion fixe,  immédiatement  après  le  nom  propre  par  les  hommes 
(vir  clarissimus), les  femmes  (femina  clarissima),les  jeunes  gens 
(juvenis  clarissimus)  et  les  enfants  des  deux  sexes  (puer  clarissi- 
mus, puella  clarissimà).  Cependant  il  n'est  pas  toujours  fait 
usage  de  ce  titre  ;  il  ne  figure  par  exemple  jamais  dans  les 
actes  du  collège  des  Arvales.  —  Les  classes  hiérarchiques  des 
sénateurs  subsistent  naturellement  dans  le  sein  du  claris- 
simat. 

3.  Les  membres  de  l'ordre  sénatorial  du  sexe  masculin  ont,  participation  aux 
après  qu'ils  ont  pris  le  costume  viril,  la  faculté  d'assister  aux 

séances  du  sénat  (2). 

4.  L'ingénuité  du  conjoint,  qui,  d'après  l'ancien  droit,  était    matJ?moniai 
une  condition  générale  de  validité  pour  le  mariage  du  citoyen 

ou  de  la  citoyenne  de  naissance  libre  (p.  13),  ne  l'est  plus, 
d'après  la  législation  d'Auguste,  que  pour  Tordre  sénatorial  (3). 
Par  conséquent,  en  l'absence  de  dispense  accordée  par  l'empe- 


(1)  L'emploi  comme  titre  officiel  de  o  Xafi-TcpoTaxoç  avyytXj\ït%6ç  (ainsi  dans 
les  inscriptions  de  la  maison  palmyréenne  d'Odsenathe,  C.  I.  Gr.  4491.  4507; 
aussi  C.  I.  Gr.  3979)  ou  «rupcXYVTHtôç  tout  court  (C.  1.  Ait.  III,  1177.  C.  1.  Gr. 
27S1  b.  2783.  2831.  2979.  3502.  3882  f.),  usité  surtout  fréquemment  pour  ex- 
primer la  parenté  ou  l'alliance  avec  des  personnes  de  rang  sénatorial  (par 
exemple,  C.  1.  Gr.  2782),  se  présente  surtout  en  grec,  principalement  en 
Asie-Mineure.  En  latin,  on  rencontre  parfois  des  désignations  comme  pater 
senatoris  (C.  I.  L.  IX,  1006.  1587.  X,  7237)  ;  mais  on  ne  trouve  jamais  senator 
ou  senatorius  dans  de  telles  tournures. 

(2)  Suétone,  Aug,  38  (p.  61,  note  4).  Zonaras,  10,  35  :  'O  Auyoucrroç  etç 
toÙç  ècpr.poTjç  tov  Tàtov  Itafe  xal  èç  xb  pouXeuT^piov  a[ia  dar^aye.  Pline,  Ep.  8, 
14,  5  :  Honores  petituri  (désignation  habituelle  des  laticlavii,  v.  tome  II,  la 
partie  de  l'Ordre  légal  des  magistratures,  à  la  section  des  magistratures  an- 
nales, sur  l'occupation  du  tribunat  de  légion  avant  la  questure)  adsistebant 
curias  foribus  et  concilii  publiez  speetatores  ante  quam  consortes  erant.  Il  ne 
dit  pas  que  cet  usage  soit  supprimé,  mais  qu'il  n'en  a  été  fait  aucune  appli- 
cation dans  la  triste  époque  de  Domitien. 

(3)  Le  texte  de  la  loi  Julia  de  736  a  été  conservé  (Dig.  23,  2,  44,  pr.):  Qui 
senato)  est  quive  filius  neposve  ex  filio  proneposve  ex  [nepote]  filio  nato  cu- 
jus  eorum  est  erit,  ne  quis  eorum  sponsam  uxoremve  sciens  dolo  malo  habeto 
liber tinam...  neve  senatoris  filia  neptisve  ex  filio  proneptisve  ex  nepote  filio 
nato  libertino...  sponsa  nuptave  sciens  dolo  malo  esto  neve  quis  eorum  dolo 
malo  sciens  sponsam  uxoremve  eam  habeto,  Ulpien,  13,  1.  Les  autres  preuves 
sont  citées  p.  13,  note  1. 


64  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

reur  (1),  les  enfants  nés   d'un  homme  de  rang  sénatorial  et 
d'une  femme  affranchie  ou  d'un  affranchi  et  d'une  femme  de 
rang  sénatorial  sont  considérés  comme  nés  hors  mariage  (2). 
5.  En  matière  de  droit  du  patrimoine,  la  disposition  selon 
laquelle  les  sénateurs  Êsont,  tout  comme  les  affranchis    (p.  14), 
exclus  des  marchés  des  censeurs,  s'est,  sous  la  République, 
malaisément  étendue  légalement  à  leurs  enfants,  lorsqu'ils 
n'étaient  pas  en  puissance  et  n'appartenaient  pas  eux-mêmes  au 
sénat.  Mais,  pour  l'époque  du  Principat,  le  caractère   hérédi- 
taire de  cette  exclusion  est  assurément  dans  la  logique  (3).  — 
Les  sénateurs  eux-mêmes  participaient,  du  temps  de  la  Répu- 
blique, aux  libéralités  qui  étaient  faites  par  le  gouvernement 
à  tous    les  citoyens    pris  individuellement  (viritim)  (4).  Au 
contraire  ces  libéralités  ne  sont  faites,  en  droit,  sous  le  Princi- 
pat, qu'aux  citoyens  qui  n'appartiennent  ni  au  sénat  ni  à  l'or- 
dre équestre  (o).  Nous  avons  déjà  remarqué   (p.   15)  que  la 
distinction  des  deux  ordres  privilégiés  en  face  de  la  plèbe  ne 
s'est  manifestée  nulle  part  ailleurs  aussi  promptement  et  aussi 


(1)  Ulpien,  Dig.  23,  2,  31. 

(2)  C'est  exprimé  de  la  manière  la  plus  formelle  dans  les  Pandectes  {Dig. 
23,  1, 16.  Ut.  2,  16,  pr.  27.  42,  1. 24,  1,  3,  1),  et  ce  doit  nécessairement  avoir  déjà 
été  arrêté  en  principe  par  Auguste. Car,  s'il  n'avait  pas  refusé  aux  unions  de 
cette  espèce  la  force  légale,  mais  seulement  l'effet  relatif  à  la  transmission 
du  rang,  l'interdiction  du  mariage  entre  une  fille  de  sénateur  et  un  affranchi 
aurait  été  sans  objet,  le  rang  de  l'enfant  étant  déterminé  par  celui  du  père. 
La  proposition  de  Marc-Aurèle  et  le  sénatus-consulte  correspondant,  sur 
lesquels  s'appuient  les  jurisconsultes,  ne  peuvent  avoir  fai  tautre  chose  que 
régler  et  peut-être  renforcer  ces  dispositions. 

(3)  Il  n'y  a,  à  ma  connaissance,  pas  de  documents  pour  attester  le  main- 
tien de  cette  exclusion  sous  le  Principat. 

(4)  C'est  ce  que  montre,  de  la  manière  la  plus  frappante, la  réponse  connue 
de  Pison  à  la  question  de  C.  Gracchus,  sur  le  point  de  savoir  pourquoi  il  se 
présentait  aux  distributions  de  grains  :  Nolim  mea  bona,  Gracche,  tibi  viritim 
dividere  libeat  (on  s'attendrait  à  liceat)  ;  sed  si  facias,  partent  petam  (Cicé- 
ron,  Tmc.Z,  20,  48). 

(5)  Cela  résulte  de  la  façon  la  plus  claire  de  ce  que,  d'après  l'inscription 
commémorative  d'Auguste,  toutes  les  distributions  faites  par  lui  le  furent  à 
la  plebs.  Au  reste,  ces  distributions  sont,  comme  on  sait,  organisées  de  telle 
sorte  que  les  bénéficiaires  en  doivent  être  inscrits  sur  des  listes  où  le  nom- 
bre des  noms  est  limité;  l'exclusion  des  classes  privilégiées  consistant  en  ce 
qu'aucun  de  leurs  membres  n'est  porté  sur  ces  listes,  on  peut  se  demander 
s'il  y  a  eu  une  exclusion  générale  expresse. 


LA  NOBIUTAS  ET   L'ORDRE  SENATORIAL.  65 

énergiquement  que  par  rapport  à  ces  libéralités  gracieuses  de 
l'empereur.  Les  deux  ordres  privilégiés  du  peuple  romain 
n'ont  jamais  reçu  de  ces  présents  faits  aux  citoyens  indivi- 
duellement par  le  pouvoir.  Au  contraire,  les  deux  classes  qui 
correspondent,  dans  les  municipes,  au  sénat  et  aux  chevaliers,  y 
participent  en  général  aux  présents  faits  aux  citoyens,  et  cela 
pour  un  montant  supérieur  à  celui  des  membres  non-privilé- 
giés du  municipe  (1). 

6.  Celui  qui  appartient  à  l'ordre  sénatorial  est  par  là  même 
exempt,  d'après  une  décision  d'Auguste,  semble-t-il  (2),  des 
obligations  municipales,  c'est-à-dire  de  toutes  les  prestations 
personnelles,  mimera  proprement  dits  ou  honores,  envers  la 
cité  à  laquelle  il  appartient  selon  le  droit  relatif  kYorigo  dé- 
sormais en  vigueur  (3):  cette  exemption  ne  s'étend  d'ailleurs 
pas  aux  prestations  qui  se  rattachent  au  droit  de  propriété 
foncière.  Il  conserve  son  droit  d'origine  lui-même  et  par  suite 


(i)  Cf.  en  dehors  des  nombreux  témoignages  attestant  la  sportula  des  dé- 
curions, des  sévirs  et  de  la  plèbe,  Papinien,  Dig  M,  2,  6,  1  :  Minores  viginti 
quoique  annorum  decuriones  facti  sport ulas  decurionum  accipiunt,  sed  intérim 
suffagium  inter  ceteros  ferre  non  possunt.  Cette  sportula  revient  donc  non  pas 
aux  décurions,  mais  aux  membres  de  la  classe  décurionale. 

le  privilegium  n'est  pas  une  conséquence  de  la  logique  du  droit  ;  et  la 
similitude  de  limitation  au  troisième  degré  invite  à  rattacher  cette  disposi- 
tion, au  moins  en  tant  qu'elle  est  héréditaire,  à  l'auteur  de  la  loi  Julia  sur 
le  mariage.  L'exemption  personnelle  du  sénateur  des  obligations  municipales 
peut  avoir  déjà  été  comprise  dans  l'organisation  municipale  établie  après 
la  guerre  sociale. 

(3)  Paul,  Dig.  50,  1,  22,  5  :Se?iatores  et  eorum  filii  fi  liée  que  quoquo  tempore 
nati  natœve  itemque  nepotes  [etneptes  ex  filio,  item]  pronepotes  et  proneptes  ex 
[nepote]  filio  [nato]  origini  exirnuntur,  licet  municipalem  retineant  dignitatem. 
La  disparition  des  mots  entre  crochets  est  rendue  évidente  par  l'attribution 
de  la  disposition  à  l'ordre  d'idées  auquel  elle  appartient.  Il  n'est  pas  ques- 
tion des  charges  de  même  nature  qui  résultent  de  la  résidence  parce  que  les 
sénateurs  sont  obligés  d'habiter  à  Rome  et  y  ont  par  conséquent  leur  domi- 
cile (Dig.  1,  '.».  11.  -50,  1,  22,  G  ;  Cod.  Just .  10, 40 [39],  8)  ;  la  question  de  savoir 
si  elle  n'est  pas  sujette  à  prestation  comme  incola  pourrait  sans  doute  être 
soulevée  pour  une  personne,  ayant  seulement  le  rang  sénatorial,  qui  habite- 
rait hors  de  Rome.  —  Paul  dit  (Dig.  1,  9,  11)  :  Senatores  licet  in  urbe  domici- 
liant habere  videantur,  tamen  et  ibi,unde  oriundi  sunl ,  habere  domicilium  inlel- 
leguntur,  quiadignitas  domicilii  adlectionem  potius  dédisse  quam  permutasse  vi- 
detur  ;  c'est  étrange,  en  ce  sens  que  le  domicile  est  plus  de  fait  que  de  droit 
et  que  l'on  ne  voit  pas  bien  clairement  quelle  est  la  portée  de  cette  fiction 
pour  le  sénateur. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  5 


66  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

aussi  l'aptitude  à  revêtir,  s'il  le  veut,  des  magistratures  dans 
sa  cité  d'origine  (1).  —  Par  connexité  avec  la  façon  dont  le 
sénateur  est  ainsi  retiré  du  cercle  municipal,  le  signe  du  droit 
de  bourgeoisie  municipale,  la  tribu  fait  souvent  défaut  dans 
son  nom,  même  dans  la  formule  officielle  complète,  ainsi 
qu'il  arrive  en  général  pour  les  membres  de  la  famille  impé- 
riale (2).  —  Il  faut,  semble-t-il,  reconnaître  aux  personnes  de 
rang  sénatorial  un  bénéfice  de  juridiction,  en  ce  sens  que,  pas 
plus  en  matière  civile  qu'en  matière  criminelle,  elles  ne  sont 
justiciables  des  tribunaux  municipaux  de  leur  cité  d'origine  (3). 
Mais,  quant  au  surplus,  il  n'existe  pas,  dans  le  temps  antérieur 
à  Dioclétien,  de  privilège  de  juridiction  pour  Tordre  sénatorial; 
au  civil  et  au  criminel,  il  est  soumis  essentiellement  aux  règles 
ordinaires  de  compétence.  En  matière  civile,  il  n'y  a  absolu- 
ment aucune  juridiction  sénatoriale  propre,  même  dans  la  pé- 
riode postérieure  à  Dioclétien  :  les  deux  capitales  de  l'empire 
sont  bien  organisées  en  circonscriptions  judiciaires  distinctes, 
et  les  sénateurs,  y  ayant  leur  domicile  légal,  sont  en  règle  par 
là  même  sous  la  compétence  des  autorités  de  ces  capitales,  mais 
ils  ne  le  sont  ni  plus  ni  moins  que  toutes  les  autres  personnes 
domiciliées  dans  les  mêmes  lieux.  —  En  matière  criminelle,  les 
quœstiones  ordinaires  sontcompétentes  même  pour  les  poursuites 
criminelles  contre  des  sénateurs  (4).  Les  tribunaux  provin- 
ciaux pouvaient  également  être  saisis  de  tels  procès  (5)  ;  mais 
le  principe  que  le  gouverneur  n'avait  pas  qualité  pour  statuer 


(1)  Hermogénien,  Dig.  50,  1,  23  :  Municeps  esse  desinit  senatoriam  adeptus 
dignitatem  quantum  ad  munera  :  quantum  vero  ad  honores,  retinere  creditur 
originem.  Paul,  loc.  cit.  On  trouve  des  exemples  en  ce  sens,  par  exemple  C. 
I.  L.  IX,  1123  et  ailleurs  encore  fréquemment. 

(2)  V.  tome  V,  la  partie  des  Titres  officiels  du  prince,  sur  la  suppression 
de  la  tribu. 

(3)  C'est  dans  la  logique;  mais  la  résidence  doit,  même  pour  la  per- 
sonne de  rang  sénatorial, avoir  déterminé  le  tribunal  dont  elle  était  justicia- 
ble, quand  elle  vivait  hors  de  Rome. 

(4)  V.  tome  III,  la  partie  du  Consulat,  sur  la  juridiction  criminelle  des 
oonsuls  à  l'époque  impériale. 

(5)  V.  tome  III,  la  partie  des  Gouverneurs  de  province,  sur  leur  droit  de 
justice  criminelle  relativement  aux  citoyens  romains. 


LA"  NOBILITAS   ET    L'ORDRE  SÉNATORIAL.  67 

en  matière  capitale  sur  un  citoyen  romain,  était  naturellement 
observé  en  première  ligne  en  face  des  sénateurs,  et,  même 
lorsque  l'empereur  déléguait  le  jus  gladii,  les  sénateurs  étaient 
au  premier  rang  parmi  les  catégories  de  personnes  excep- 
tées (1).  —  Parmi  les  tribunaux  extraordinaires  les  plus  éle- 
vés, le  sénat  organisé  en  cour  de  justice  (2)  n'est  aucunement 
une  cour  des  pairs  destinée  à  l'ordre  sénatorial  ;  car  tout  che- 
valier et  même  tout  plébéien  peut  lui  être  déféré,  et  les  séna- 
teurs peuvent  l'être  à  d'autres  juridictions.  La  juridiction  de 
l'empereur  (3)  était  en  elle-même  compétente  relativement  aux 
poursuites  contre  des  sénateurs  ;  pourtant,dès  l'époque  des  Fla- 
viens,  il  se  fait  sentir  une  tendance  à  lui  soustraire  tout  au 
moins  les  procès  capitaux  des  sénateurs,  et  cette  règle  est  arri- 
vée, au  troisième  siècle,  à  être  admise  en  théorie,  mais  seule- 
ment en  théorie.  Le  rang  de  l'accusé  ne  constitue  pas  non  plus 
une  protection  légale  contre  la  juridiction  criminelle,  basée  sur 
une  délégation  impériale  (4),  des  prœfeeti  prsetorio  et  àuprœ- 
fectus  urbi,  parmi  lesquels  le  dernier  notamment  vit  ses  fonc- 
tions devenir  avec  le  temps,  d'une  autorité  de  police  qu'elles 
étaient  au  sens  propre,  la  première  juridiction  criminelle  de 
la  capitale  (5).  —  On  ne  peut  dire  jusqu'à  quel  point  a  été 
appliqué  un  principe  que  nous  trouvons  posé  seulement  sous 
Hadrien  et  qui  peut  difficilement  être  beaucoup  plus  vieux  :  le 
principe  de  n'admettre  aucune  personne  étrangère  au  sénat 
comme  juge  dans  le  procès  capital  d'un  sénateur.  Il  ne  s'ap- 
plique pas  à  la  procédure  des  qugestiones  du  temps  de  l'Empire, 


(1)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Juridiction  criminelle  de  l'empereur,  sur  la 
délégation  du  jus  gladii.  Gela  s'est  maintenu  en  général,  bien  que  Constan- 
tin ait  accordé,  en  317,  aux  gouverneurs  de  provinces  la  compétence  crimi- 
nelle même  sur  les  sénateurs  (C.  Theod.  9,  1,  1). 

(2)  V.  tome  II,  la  partie  du  Consulat,  sur  la  juridiction  criminelle  des 
consuls  à  l'époque  impériale. 

(3)  V,  tome  V,  la  partie  de  la  Juridiction  criminelle  de  l'empereur,  sur 
son  application  aux  sénateurs. 

(4)  V.  tome  V,  la  même  partie,  sur  la  Délégation  de  cette  juridiction 
au  prœfectus  urbi  et  aux  praefecti  pi*etorio. 

(5)  V.  tome  V  la  partie  de  l'Administration  de  la  ville  de  Rome,  à  la 
section  de  la  police,  sur  la  juridiction  criminelle  du  prœfectus  urbi. 


68  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

où  les  sénateurs  sont  exclus  de  la  liste  de  jurés.  En  partant  de 
lui,  les  membres  de  rang  équestre  du  conseil  de  l'empereur  ne 
prennent  dans  l'exercice  de  la  justice  impériale,  sous  Hadrien 
et  Marc-Aurèle,  aucune  part  aux  débats  concernant  un  séna- 
teur (1).  Afin  de  donner  au  prœfectus  prœtorio  compétence 
sur  les  sénateurs,  Alexandre  Sévère  lui  a  conféré  le  rang 
équestre  (2). 

(1)  Vita  Hadriani,  8  (v.  tome  V,  la  partie  du  Conseil  de  l'empereur).  Vita 
Marci,  10  :  Hoc  quogue  senatoribus  detulit,  ut,  quoties  de  quorum  capite  esset 
judicandum,  secrelo  pertractaret  atque  ita  in  publicum  proderet  nec  pateretur 
équités  Romanos  talibus  intéresse  causis. 

(2)  Vita  Alex.  21  :  Alexander  idcirco  senatores  esse  voluit  praefectos prœ- 
tono,  ne  quis  non  senator  de  Romano  senatore  judicaret.  Cf.  tome  V,  la  par- 
tie de  YImperium  ou  de  la  puissance  proconsulaire  du  prince,  sur  le  com- 
mandement de  la  garde. 


LES  CHEVALIERS. 


civique. 


La  condition  politique  des  chevaliers  et  de  l'ordre  équestre 
a  pour  base  l'organisation,  militaire  en  première  ligne,  de  la 
cavalerie  civique.  Le  nécessaire  a  déjà  été  dit  sur  cette  der- 
nière, soit  dans  la  partie  de  l'État  patricien  (tome  VI,  1,  p.  118- 
121),  soit  dans  celle  du  Droit  de  vote  basé  sur  le  service  de  l'État 
patricio-plébéien  (VI,  1,  p.  271-360).  Nous  devons  ici  expliquer 
la  façon  dont  l'institution  politique  est  sortie  de  l'institution 
militaire,  la  manière  dont  les  chevaliers  sont  issus  des  ca- 
valiers. La  cavalerie 

Il  a  été  démontré  précédemment  que  les  cavaliers  ne  for- 
maient pas  une  classe  privilégiée  dans  la  constitution  primi- 
tive de  l'État  patricio-plébéien  :  le  service  de  cavalier  y  était, 
selon  toute  apparence,  ouvert  à  tous  les  citoyens,  et  c'était  sur- 
tout en  matière  militaire  que  l'on  voulait  maintenir  l'égalité 
des  citoyens.  Mais,  si  telle  fut  l'intention  des  fondateurs  de 
l'État  romain,  l'exécution  ne  lui  a,  sans  doute  dès  l'origine, 
correspondu  qu'imparfaitement.  En  fait,  la  supériorité  du  ser- 
vice de  cavalier  sur  celui  de  fantassin  s'est  fait  sentir  dans  le 
développement  de  Rome  comme  dans  celui  de  tous  les  États,  et  le 
privilège  du  rang,  l'idée  de  noblesse  a  trouvé  un  puissant  levier 
dans  ce  service  plus  permanent  et  plus  pompeux.  Le  cheval 
public  pouvait  bien  en  droit  être  donné  à  tout  citoyen.  Mais  la 


70  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

tradition  selon  laquelle  les  citoyens  distingués  par  la  fortune 
et  la  naissance  servaient  de  préférence  à  cheval  ne  doit  pas  être 
fausse  (VI,  1,  p.  292).  En  outre,  la  séparation  qui  existait 
entre  la  capacité  de  servira  cheval  et  celle  de  servir  à  pied  fut 
précisée,  même  en  droit,  vers  le  milieu  duive  siècle,  par  l'in- 
troduction du  service  de  cavalier  equo  privato. 
cavaliers  qui        Dans  les  institutions  serviennes,  il  n'y  avait  pas  d'autre  ca- 

servent  sur  leur  *  •  -i 

propre  cheval.  vaierie  civique  que  les  1800  cavaliers  auxquels,  depuis  le 
temps  du  roi  Servius,  la  cité  fournissait  leurs  chevaux,  et  leur 
nombre  est,  avons-nous  vu,  resté  le  même  jusqu'aux  derniers 
temps  de  la  République  (1).  Il  était  suffisant  pour  les  besoins 
de  l'époque  ancienne.  Sur  les  soixante  turmge  disponibles,  il  en 
revenait  dix  à  chaque  légion;  les  deux  tiers  des  cavaliers  étaient 
donc  mobilisés,  dans  le  système  normal,  pour  les  quatre  légions 
qui  étaient  levées  en  règle  ordinaire.  Les  Romains  ont  difficile- 
ment mis  en  campagne  un  plus  grand  nombre  de  troupes  avant 
les  guerres  d'outre-mer  (2)  ;  et,  lorsqu'ils  en  levèrent  un  plus 
grand,  la  cavalerie  de  la  légion  fut  fréquemment  réduite  d'un 
tiers  du  chiffre  normal,  au  moins  à  l'époque  postérieure  (3),  si 
bien  que  la  cavalerie  civique  permanente  suffisait  pour  huit  lé- 
gions, même  en  faisant  les  déductions  indispensables  dans 
toute  mobilisation.  Cependant  ce  système  doit  forcément  s'être 
révélé  de  bonne  heure  comme  impraticable.  Parmi  les  déten- 
teurs des  chevaux  publics,  il  y  en  eut,  sans  doute  de  tout  temps, 
une  quantité,  qui  n'était  pas  relativement  sans  importance, 
d'employés  comme  officiers  dans  l'infanterie.  La  pratique  abu- 
sive consistant  à  laisser  les  chevaux  publics  à  leurs  titulaires 
au  delà  du  temps  où  ces  derniers  continuaient  à  être  propres 
au  service,  peut  bien  aussi  remonter  à  une  époque  précoce.  Les 


(1)  Tome  VI,  I,  p.  119,  note  2,  et  p.  293.  Valère  Maxime,  2,  9,  6,  appelle 
400  cavaliers  equestris  ordinis  bonapars. 

(2)  Il  n'en  a  pas  combattu  davantage  à  la  bataille  d'Ausculum  en  475 
(Denys,20,  1). 

(3)  Le  chiffre  normal  300  est  donné  par  Polybe,  1,  16,  2.  6,  20,  9  et  ss.  ; 
mais  la  preuve  que,  dans  la  guerre  d'Hannibal,  la  légion  n'avait  commu- 
nément que  200  cavaliers  résulte  notamment  de  3, 107, 10.  Cf.  Eandb.  5,  334. 


LES   CHEVALIERS.  71 

vides  produits  dans  les  turmes  par  ces  causes  et  par  d'autres 
accidents  inévitables  étaient  nécessairement  comblés  par  le  gé- 
néral qui  présidait  à  la  formation  de  l'armée  par  l'appel  d'au- 
tres individus  astreints  au  service.  Cette  révision  et  ce  complé- 
ment des  turmse  qui  partaient  en  campagne  se  seront  progres- 
sivement rapprochés  du  dilectus  de  l'infanterie.  Les  difficultés 
de  fait  qui  étaient  provoquées  soit  par  la  nécessité  de  fournir  des 
chevaux  à  ces  cavaliers  improvisés, soit  par  leur  défaut  d'exercice, 
et  auxquelles  on  peut  attribuer  la  proposition  de  Caton  d'aug- 
menter de  quatre  cents  unités  le  chiffre  de  la  cavalerie  perma- 
nente (VI,  1,  p.  294)  étaient  amoindries  par  la  possibilité  de 
prendre  de  préférence  des  personnes  qui  avaient  des  chevaux  et 
savaient  s'en  servir.  En  tout  cas,  les  citoyens  les  plus  fortunés 
pouvaient  seuls  être  appelés  à  ce  service  auquel  ne  s'appli- 
quaient pas  les  émoluments  légaux  des  1800  détenteurs  de  che- 
vaux publics.  Aussi  la  règle  s'établit-elle,  d'après  notre  tradi- 
tion, dès  l'an  3o4  de  Rome,  (1)  et  certainement  un  certain 
temps  avant  la  guerre  d'Hannibal  (2),  que  tout  citoyen  dont  le 


(1)  Tite-Live,  5,  7  :  Quibus  census  equester  erat,  equipublici  non erant  adsi- 
gnati,  concilio  prius  inter  se  habito  senatum  adeunt  factaque  dicendi  potestate 
equis  se  suis  stipendia  facturas  promit tunt...  equiti  certus  numerus  seris  est 
adsignatus.  Tum  primum  equis  suis  (l'Epitome  :  suis  ;  manque  dans  les  Mss. 
de  Tite-Live)  merere  équités  cœperunt.  Ce  qui  éveille  des  doutes  sur  la  vé- 
rité historique  du  récit,  c'est  qu'il  est  motivé  par  l'incendie  des  machines 
de  siège  dirigées  contre  Véies,  qui  ne  parait  guère  approprié  à  ce  rôle  et 
qu'il  semble  destiné  à  célébrer  l'esprit  de  sacrifice  et  de  concorde  de  tout 
le  peuple.  Une  institution  durable  de  cette  espèce  ne  pouvait  pas  non  plus 
être  introduite  par  une  simple  déclaration  des  intéressés  immédiats.  Ce- 
pendant la  transformation  du  service  de  la  cavalerie  peut  bien  appartenir 
aux  réformes  de  Camille  et  les  détails  du  récit  être  seuls  étrangers  à 
l'histoire.  Il  ne  peut  pas,  d'après  ce  que  nous  montrerons  plus  bas,  être 
révoqué  en  doute  qu'à  l'époque  récente  le  service  sur  un  cheval  privé  était 
tout  aussi  obligatoire  que  celui  sur  un  cheval  public.  Lorsque  M'.  Valerius 
Maximus,  dictateur  en  260,  dit  dans  Denys,  6,  44  :  flXecouç  ïj  Tsrpaxoacoi 
£v$pec  sx  toO  or^o'j  to?ç  ImteOfft  icpoaxaTeXiYvjcrav  èizi  ttjç  axpaxoXoycaç  (3((ov  eû- 
■TTopr^avTEç,  l'auteur  de  cette  allégation  singulière  semble  avoir  antidaté  de 
cent  ans  le  service  equo  privato. 

(2)  Tite-Live,  27, 11,  sur  l'an  545  :  Mis  omnibus  —  et  multi  erant  —  adempti 
equi  qui  Cannensium  legionum  équités  in  Sicilia  erant.  Addiderunt  acerbitati 
etiam  tempus,  ne  prœterita  stipendia  procédèrent,  Us  quss  equo  publico  eme- 
ruerant,  sed  dena  stipendia  equis  privatis  facerent.  Magnum  prseterea  nume- 
rum  eorum  conquisiverunt,  qui  equo  merere  deberent,  atque  ex  Us  qui  prin- 


72  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

cens  avait  été  évalué  comme  supérieur  à  un  certain  taux  pou- 
vait, lors  de  la  formation  des  légions,  être  pris  par  les  géné- 
raux pour  la  cavalerie.  Nous  avons  déjà  remarqué  précédem- 
ment (VI,  1,  p.  293)  que  l'exigence  de  ce  cens  équestre,  requis  au 
sens  pror  re  seulement  chez  ceux  qui  servaient  sur  leurs  che- 
vaux privés,  fut  plus  tard  étendue  aux  possesseurs  de  chevaux 
publics,  qui  étaient  d'ailleurs  certainement  pris  depuis  long- 
temps parmi  les  citoyens  les  plus  fortunés.  En  529,  où  les  ci- 
toyens romains  astreints  à  ce  service  furent,  par  exception, 
déduits  de  la  liste  des  junior  es,  leur  chiffre  s'élevait  à  22  100 
têtes  (1),  mais  sans  doute  en  envisageant  seulement  l'obligation 
civique  et  non  pas  l'aptitude  personnelle  effective, 
solde  Cette  modification  du  mode  de  recrutement  de  la  cavalerie 

des  cavaliers.  .  . 

provoqua  probablement  1  introduction  de  la  solde  des  cavaliers 
et  le  rôle  différent  que  prit  la  formation  de  la  cavalerie  dans 
l'ensemble  de  la  levée.  Si  nue  rémunération  a  sans  doute  du  être 
fournie  dès  le  principe  par  leurs  districts  aux  hommes  appelés 
au  service  actif  (VI,  1,  p.  121),  il  n'y  a  pas  de  preuve  que  les 
cavaliers  aient  été  avantagés  sous  ce  rapport;  il  faut  plutôt 
admettre  le  contraire  en  face  des  profits  différents  attribués  à 
cet  ordre  de  troupes  permanentes.  Mais,  en  même  temps  que  le 
service  dans  la  cavalerie  fut  étendu  en  354,  non  seulement  le 
fardeau  de  la  solde  fut  transporté  au  trésor  public,  mais  pro- 
bablement aussi  on  prit  la  disposition  en  vertu  de  laquelle  le 
cavalier  reçoit  une  fois  et  demie  la  solde  du  centurion  (2)  et 
trois  fois  celle  du  légionnaire  (3)  ;  ce  qui  fixe,  au  commence- 


cipio  ejus  belli  septemdecim  annos  nati  fuerant  neque  milit avérant,  omnes  œ- 
rarios  fecerunt.  Le  service  de  cavalier  apparaît  indéniablement  ici  comme 
une  obligation  générale  pesant  sur  tous  ceux  qui  y  sont  aptes  légalement  ; 
par  suite,  ceux  auxquels  il  n'est  pas  attribué  de  cheval  public  doivent 
l'accomplir  equis  privatis. 

(1)  V.  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  le  calcul  des  individus  as- 
treints au  service. 

(2)  Polybe,  6,  39,  12.  C'est  pourquoi  Cicéron,  Phil.  1,  8,  20,  où  il  compare 
Yordinem  ducere  et  Yequo  merere,  dit  en  parlant  du  dernier  :  Quod  est  lau- 
tius. 

(3)  Polybe,  loc.  cit.  Tite-Live,  5,  7  (p.  71,  note  1).  c.  12,  12,  sur  l'an  353 
(dans  une  corrélation   visible  avec  le  transfert  opéré   peu  auparavant  du 


Levée  des 
cavaliers  faite 
avant  celle  des 


LES   CHEVALIERS.  73 

ment  du  vne  siècle,  la  solde  annuelle  du  cavalier  à  360  de- 
niers (310  fr.)  (1).  C'est  là  évidemment  un  certain  équivalent 
des  émoluments  attribués  au  possesseur  du  cheval  public;  et 
c'est  pour  cela  qu'il  fut  décidé  bientôt  après  que  le  montant 
de  la  solde  devrait  être  déduit  de  l'indemnité  de  fourrage  (VI,  1, 
p.  291,  note  2).  —  Lorsque,  en  présence  du  développement 
croissant  de  la  puissance  militaire  de  Rome,  le  nombre  des  ca-  "ïantassÏDs 
valiers  servant  sur  leurs  propres  chevaux  s'augmenta  de  plus 
en  plus,  il  fallut  extraire  des  listes  des  censeurs  les  individus 
qui  satisfaisaient  aux  conditions  de  ce  service  à  peu  près  de  la 
même  façon  que  les  légionnaires  astreints  au  service  complet. 
C'est  probablement  par  suite  de  cela  que  la  formation  de  la  ca- 
valerie de  la  légion  suivait  celle  de  son  infanterie  à  l'époque 
ancienne  et  la  précédait  à  l'époque  moderne  (2);  car,  tant 
que  cette  cavalerie  fut  essentiellement  tirée  de  la  cavalerie 
permanente,  sa  mobilisation  fut  indifférente  pour  le  dilectus  ; 
mais,  depuis  qu'une  grande  partie  des  cavaliers  provint  du 
dilectus,  il  fallut  nécessairement  commencer  le  dilectus  par 
la  troupe  pour  laquelle  les  conditions  d'aptitude  étaient  les 
plus  rigoureuses. 

Il  y  a  donc  désormais,  à  côté  des  cavaliers  pourvus  du  che-      ExfenSion 
val  public,  qui  existaient  seuls  dans  les  premiers  temps  de  la  abdè7°uvtLrns?m 


paiement  delà  solde  au  trésor  public).  7,  41,  8  (tome  VI,  1,  p.  291,  note  2). 
On  pouvait  donc  mettre  sur  pied  trois  fantassins  à  la  place  d'un  cavalier 
(Tite-Live,  29,  15,  7).  Les  cavaliers  recevaient  aussi  dans  les  donationes, 
parfois  le  double  (Tite-Live,  10,  46,  16.  33,  23,  7),  en  règle  le  triple  de  ce 
qui  était  attribué  aux  fantassins  (Tite-Live,  34,  46,  3.  c.  32,  il.  36,  40,  13. 
37,  59,  6.  39,  5,  17.  c.  7,  2.  40,  43,  7.  41,  13,  7).  Dans  les  fondations  de  co- 
lonies, les  lots  de  terrain  sont  dans  une  inégalité  symétrique  (cavalier  140 
jugera  centurion  100,  simple  soldat  50  :  Tite-Live,  40,  34,  2.—  Cavalier  70 
jugera,  simple  soldat  50  :  Tite-Live,  37,  57,  8.  —  Cavalier  60,  et  plus  tard  40 
jugera,  simple  soldat  30,  et  plus  tard  20  :  Tite-Live,  35,  9,  8). 

(1)  Polybe,  6,  39,  12. 

(2)  Polybe,  6,  42,  9  :  Mexà  xaSxa  (après  le  dilectus  de  l'infanterie 
légionnaire)  toùç  ImceXç  xh  [lïv  TtaXoubv  uorspouç  sîcoôeaav  8oxi[ji.àÇsiv  iiù  xoîç  ts- 
Tpay.'.TyiÀto::;  oiaxoa-Jocç,  vûv  Se  irpoxepov,  uXouTÎvôr,v  aûxàiv  yeYEVYifiivï];   ûuo  xou 

T'.[/.YjTO0  T7|Ç    ÈxXoYYjÇ  '    %Ct\    TTOIOÛCTI     TpiaXOaîouÇ   ECÇ     EXOCOTOV    OTpaTOTIsSoV.    LeS    Ca- 

valiers  sont  aussi  appelés  en  dernier  lieu,  dans  le  cens  des  censeurs  (v. 
tome  III,  la  partie  de  la  Censure,  à  la  section  de  la  confection  des  listes 
des  citoyens,  sur  l'ordre  des  divers  cens). 


74  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

République,  et  desquels  seuls  il  est  tenu  compte  en  matière 
électorale,  même  à  l'époque  récente,  d'autres  cavaliers  servant 
sur  leurs  propres  chevaux.  Et,  les  possesseurs  de  chevaux  pu- 
blics étant  considérés  comme  étant  toujours  en  service  actif, 
c'est  par  ces  deux  catégories  de  cavaliers  qu'est  fait  en  totalité 
le  service  effectif  de  cavalerie.  Mais  à  côté  d'elles  il  y  a  une 
autre  catégorie  :  celle  des  citoyens  qui  sont  aptes  à  servir  à 
cheval,  mais  qui  ne  le  font  pas.  Dans  le  langage  rigoureux,  le 
nom  de  chevalier  n'appartient  qu'aux  possesseurs  de  chevaux 
publics  (1);  il  n'est  appliqué  que  d'une  façon  plus  ou  moins 
incorrecte  aux  deux  autres  catégories,pour  lesquelles  d'ailleurs 
il  n'y  a  pas  de  dénomination  courante,  exprimant  clairement 
leur  distinction  des  possesseurs  de  chevaux  publics.  Sous 
l'Empire,  où  ces  deux  catégories  disparaissent  de  nouveau  et 
où  il  n'y  a  plus,  comme  dans  les  premiers  temps  de  la  Ré- 
publique, d'autres  chevaliers  que  ceux  qui  tiennent  leur  cheval 
de  l'Etat,  l'extension  abusive  donnée  à  l'expression  disparait  et 
Ton  revient  à  la  simplicité  primitive.  Il  nous  parait  nécessaire 
d'étudier  d'abord  les  expressions  employées  pour  désigner  les 
cavaliers. 
Distinction         Au  point  de  vue  de  la  terminologie,  le  nom  de  la  ville  ne 

terminologique 

des  cavaliers  et  fait  pas  plus  partie  du  nom  des  cavaliers  que  de  tous  les  autres 

des  chevaliers.  *■         *  *  x 

titres  civils  et  militaires  des  Romains  :  s'il  en  fallait  une 
preuve,  elle  serait  suffisamment  fournie  par  le  magister  equi- 
tum (2).  Mais,  probablement  dès  une  époque  reculée,  cer- 
tainement bien  du  temps  avant  le  Principat  (3),  on  a  fait  fîgu- 


(1)  Pline,  H.  n.  33,  1,  30  :  Equitum  nomen  subsistebat  in  turmis  equitum 
publicorum. 

(2)  Cf.  en  outre  Festus,  Ep.  p.  81  :  Equitare  antiqui  dicebant  equum'pu- 
blicum  merere,  où  l'emploi  barbare  de  l'accusatif  doit  être  mis  sur  le  compte 
de  Paul. 

(3)  Gaton  parla,  comme  consul  de  559,  au  camp  devant  Numance,  apud 
équités  (éd.  Jordan,  p.  38).  Mais  Gicéron  emploie  déjà  couramment  eques 
Rornanus  à  la  manière  moderne  (cf.  par  exemple  l'usage  de  ce  titre  dans 
les  recommandations  Ad  familiares,  13,  11.  14.  31.  38.  43.  45.  51.  62),  le 
qualificatif  ethnique  ne  faisant  défaut  que  lorsque  l'ensemble  du  déve- 
loppement ne  laisse  aucun  doute.  Tite-Live  se  conforme  à  l'usage  de  son 
temps. 


LES   CHEVALIERS.  75 

rer  dans  le  nom  des  chevaliers  l'expression  de  leur  distinction 
des  étrangers.  La  raison  en  est  sans  doute  que  le  service  de  ca- 
valier proprement  dit  fut  de  plus  en  plus  retiré  aux  citoyens 
et  mis  à  la  charge  des  alliés  italiques;  si  bien  que  Vécues  de 
la  ville  de  Rome  se  rapprochait,  dans  le  service  militaire,  de 
l'officier,  et  que  la  distinction  militaire  et  politique  des  Romains 
et  des  Italiotes  était  plus  profonde  dans  la  cavalerie  que  dans 
l'infanterie.  Par  suite,  à  l'époque  moderne  de  la  République, 
Yeques  et  Yeques  Romarins  sont  entre  eux  dans  le  même  rap- 
port que  chez  nous  le  cavalier  et  le  chevalier  (1),  et  la  trans- 
formation des  institutions  militaires  influe  ici  terminologique-  . 
ment  sur  la  condition  politique.  Cette  façon  de  parler  s'étend  à  la 
langue  grecque  :  Yeques  Romanus  y  est  appelé  Iwwwcéç  (2),  l'ex- 
pression 7]  wercàç  désigne  l'ordre  équestre  (3)  ;  mais  itc-su;,  sans 
autre  qualificatif  qui  en  détermine  le  sens,  est  toujours  em- 
ployé pour  désigner  un  cavalier  (4). 

La  formule  eques  Romanus  equo  publico,  désignation  com-  Eques  n>,manus 
plète  du  possesseur  du  cheval  public,  peut  avoir  prévalu  dans 
la  langue  légale,  au  temps  de  la  République  (5).  Sous  PEm- 

(1)  Eques  dans  l'acception  d'eques  Romanus  est  pour  ainsi  dire  quelque 
chose  d'inconnu  dans  les  inscriptions.  Des  exceptions  comme  C.  I.  L.  II, 
4251.  V,  75G7,  sont  des  fautes  de  rédaction  ou  de  copie. 

(2)  Eckhel,  D.  n.  4,  226.  C.  I.  Gr.  2792.  2793.  2822.  3494.  4495.  4499.  4645. 
6560.  Strabon  (p.  84,  note  2)  appelle  les  chevaliers  Iwkixouç  avSpa;.  Plu- 
tarque,  Cic.  13.  Dion,  63,  18  :  Ilàv  xb  Irçwixôv  (cf.  61,  17). 

(3)  Dion  Gassius  emploie  souvent  ce  terme  :  fr.  11,  4.  L  40,  57.  41,  55. 
47,  7.  51,  4.  52,  19.  58,  17.  54,  30.  56,  42.  58  ,2.  59,  6.  11.  79,  9  ;  oUv  xrj  \u- 
«d8i  êÇeTaÇ6(i.evot1  54,  2.  On  trouve  également  ïmzzvtàv,  49,  12.  60,  7.  78,  14. 

(4)  'Iwraûç,  sans  addition,  ne  se  trouve  pas  facilement  dans  ce  sens  dans 
les  écrivains,  en  d'autres  endroits  qu'en  ceux  où,  comme  dans  Dion,  36,  25. 
43,  23,  le  sens  général  indique  la  détermination.  Fréquemment  il  y  en  a 
une  expresse.  Ainsi  Diodore  appelle  les  chevaliers  des  Gracques,  34-35, 
c.  31,  éd.  Wess.  p.  599  :  'ItctisT?  êvreXeTç  xôW  Tw^aîtov,  Appien,  B.  c.  1, 22.  103. 
4,  5  :  Toùç  xa)>ou[xévouç  licnlaç  ;  les  tournures  de  Dion  rassemblées,  p.  78, 
note  3,  sont  analogues.  Les  [xéyi<rroc  trarcï;  de  Denys,  6,  13,  signifient  la 
même  chose  dans  un  sens  incorrect  (cf.  p.  173,  note  2).  Lorsque  chevaliers 
et  cavaliers  sont  nommés  en  même  temps,  on  ajoute  également  des  quali- 
fications qui  les  distinguent.  C'est  ainsi  qu'on  trouve  chez  Dion,  74,  5,  à 
côté  des  chevaliers  (f,  Imcàç  xb  xéXoç),  les  frjwreïç  arpattûrai,  et  c'est  de  même 
qu'il  faut  comprendre,  56,  42,  oï  licmït  oï  iz  H  xoû  téXouç  -/où  oc  aXXo-.. 

(5)  Il  n'y  a  pas  de  témoignages  de  titres  authentiques  sur  la  dénomina- 
tion des  chevaliers  à  cette  époque  ;  cependant  les  mots  de  Gicéron,  Phil.  6, 


7.6  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

pire,  il  n'est  pas  rare  de  la  trouver  dans  les  inscriptions  de  la 
Gaule  cisalpine  (1)  ;  ailleurs  elle  n'est  même  pas  usitée  dans 
les  inscriptions  et  elle  est  étrangère  au  langage  courant  :  il  n'y 
a  pas  non  plus  de  formule  grecque  qui  lui  corresponde. 
Equopubiico.  La  formule  abrégée  equo  publico  que  l'on  remplace  aussi 
par  habens  equura  publicum,  par  equo  publico  honoratus,  exor- 
natus  ab  imper atore  illo,  est,  sous  l'Empire,  d'usage  général 
comme  titre  officiel  ;  elle  est  inusitée  dans  le  langage  courant  à 
cause  de  sa  roideur,  et  il  n'y  a  pas  non  plus  de  formule  cou- 
rante qui  la  reproduise  chez  les  Grecs  (2). 
Eques  Romanus,  Eques  Romaiius  peut  se  dire,  au  sens  militaire,  du  cavalier 
qui  sert  dans  l'armée  romaine,  sans  que  l'on  ait  à  tenir  compte 
de  sa  condition  personnelle  (3).  Dans  son  acception  politique 
qui  seule  nous  occupe,  eques  Romanus  fut  synonyme  d'equo  pu- 
blico, tant  qu'il  n'y  eut  pas  d'autre  service  de  cavalier  que  celui 
sur  le  cheval  public;  et  cette  façon  de  parler  s'est  maintenue 
dans  les  centuriœ  equitum  Romanorum  où  le  terme  equo  pu- 
blico n'a  jamais  pénétré.  Lorsque  le  service  sur  le  cheval  privé 
s'introduisit,  la  même  dénomination  a  nécessairement  appar- 
tenu en  droit  aux  nouveaux  cavaliers,  quoique  nous  ne  possé- 
dions pas  à  ce  sujet  de  titres  justificatifs.  Nous  la  trouvons  même 
étendue  encore  plus  loin  dans  la  langue  courante,  mais  seule- 
ment par  abus,  dans  la  période  moderne  de  la  République,  où 


5,  13,  sur  la  statue  élevée  par  eux  à  L.  Antonius  sur  le  Forum  de  Rome  : 
Altéra  ab  equitibus  Romanis  equo  publico,  qui  item  adscribunt  «  patrono  »  (cf. 
op.  cit.  7,  G,  16  :  Lacius...  patronus  centuriarum  equitum  Romanorum,  où 
cette  désignation  est  prise  de  préférence  à  cause  de  la  relation  avec  le 
droit  de  vote),  peuvent  être  rapportés  d'autant  plus  sûrement  à  leur  ins- 
cription que  cette  formule  complète  est  ailleurs  inusitée. 

(1)  Des  exemples  nombreux  en  sont  réunis  C.  1.  L.  V,  p.  1165. 

(2)  Philostrate,  Soph.  2,  32  :  (Garacalla)  hwceàeiv  aura  ts  (à  Heliodoros 
d'Arabie)  ôr^oo-îa  eowxe  xai  Ttcuaîv,  ottôctovç  e/oi.  Le  8r([Ao<noç  "71710c  chez  De- 
nys,  6,  13  (p.  89,  note  d),  Dosithée  (p.  83,  note  4)  et  dans  l'inscription 
p.  62,  note  1,  est  un  latinisme. 

(3)  Tite-Live  l'emploie  dans  ce  sens,  39,  31,  11.  Lorsque  par  conséquent 
le  prince  numide  Gauda  demande,  dans  Salluste,  Jug.  63,  une  turma  equi- 
tum Romanorum  comme  garde  d'honneur,  on  peut  entendre  par  là  toute 
turma  de  l'armée  Romaine,  même  une  twvna  italique.  Cf.  p.  147,  note  2. 


LES  CHEVALIERS.  77 

elle  exprime  probablement  la  simple  capacité  d'être  cavalier  (1). 
Ce  n'est  qu'en  partant  de  là  qu'on  peut  comprendre  comment 
la  qualité  de  chevalier  est  étendue  à  de  si  larges  cercles  de 
personnes  et  comment  elle  peut  être  très  habituellement  regar- 
dée comme  étant  en  fait  héréditaire  (p.  99,  note  3);  car  il  ne 
pouvait  pas  ne  pas  y  avoir  de  solution  de  continuité  du  service 
effectif  dans  la  suite  des  ascendants.  Quoique  en  droit  il  n'y 
eut  de  chevalier  que  celui  qui  servait  ou  qui  avait  servi  comme 
cavalier,  on  doit,  dans  l'usage  courant  de  l'expression,  avoir 
considéré  la  qualité  de  chevalier  comme  résultant  de  la  capa- 
cité de  l'être.  Lorsque  le  service  sur  le  cheval  privé  fut  sup- 
primé sous  Auguste,  et  que  la  concession  immédiate  du  cheval 
public  résulta  de  la  justification  de  ses  titres,  eques  Romanus 
equo  publico  et  eques  Romanus  se  confondirent  de  nouveau, 
même  dans  le  langage  courant.  La  preuve  en  est  que  les  equi- 


(1)  La  terminologie  se  révèle  de  la  manière  la  plus  claire  relativement 
aux  décuries  de  juges  de  la  loi  Aurélia  ;  la  seconde  appartient  aux  cheva- 
liers, la  troisième  aux  tribuni  serarii  ;  mais  les  uns  et  les  autres  sont  réu- 
nis dans  un  langage  moins  rigoureux  sous  le  nom  d' équités  Romani  (tome  VI 
t,  p.  217,  note  2).  Les  juges  de  la  seconde  décurie  sont  les  possesseurs  de 
chevaux  publics  de  cette  époque,  les  chevaliers  des  centuries  de  chevaliers  ; 
l'extension  abusive  de  l'expression  est  donc  ici  hors  de  doute,  et  la  supposi- 
tion la  plus  naturelle  est  qu'elle  fut  étendue  à  ceux  qui  possédaient  le 
cens  équestre  et  l'origine  nécessaire  pour  être  chevalier.  Lorsque  les 
équités  Romani  figurent  comme  parti  politique,  par  exemple  dans  Gicéron, 
Pro  Font.  12,  26  :  llli  équités  Romani,  quos  nos  vidimus,  qui  nuper  in  re  pu- 
blica  judiciisque  maximis  floruerunt  ;  de  même  dans  Salluste,  Jug.  42,  1,  et 
dans  beaucoup  d'autres  textes,  il  ne  peut  guère  s'agir  exclusivement  des 
1800  chevaliers  des  centuries.  Lorsque  les  équités  Romani  sont  cités  ailleurs, 
par  exemple  dans  l'armée  comme  des  officiers,  Tite-Live,  7,  8,  7.  22,  14, 
15.  39,  31, 46;  César,  B.  c.  1,  23.  3,  71  ;  dans  les  vers  connus  de  Laberius 
chezMacrobe,  Sat.  2,  7,  3:  Ego  bis  tricenis  annis  actis  sine  nota  eques  Romanus  e 
lare  egressus  meo  domum  revertar  mimus  ;  en  outre  dans  Salluste,  Cat.  28, 
1-  49,  4;  Tite-Live,  25,  37,  2;  dans  les  recommandations  citées  p.  74, 
note  3,  et  encore  assez  souvent  ailleurs,  nous  rie  pouvons  à  la  vérité 
établir  avec  certitude  pour  aucune  des  espèces  particulières  s'il  s'agit 
d'un  eques  equoprivato  ou  d'un  personnage  ayant  seulement  qualité  pour 
être  chevalier  ;  mais  la  fréquence  de  cette  expression  suffit  à  elle  seule 
pour  rendre  impossible  de  considérer  les  personnes  désignées  individuel- 
lement du  titre  d'equites  Romani  comme  étant  toutes  en  possession  de  che- 
vaux publics.  Les  proscriptions  de  Marius  et  Sulla  atteignirent  2600  che- 
valiers (Appien,  1,  103  ;  cf.  Rœm.  Gesch.,  2,  339  =  tr.  fr.  5,  351),  alors  qu'il 
n'y  avait  que  1800  équités  equo  publico. 


78  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

tes  Romani  du  temps  de  l'Empire,  appartenaient  tous,  d'après 
des  témoignages  exprès,  aux  turmœ  dans  lesquels  ne  figuraient, 
sans  nul  doute,  que  les  possesseurs  de  chevaux  publics 
(p.  125  et  ss).  C'est  pour  cela  qu'iljn'est  pas  plus  ajouté  d'expres- 
sion qui  le  détermine  au  nom  des  seviri  equitum  Romanorum 
qu'à  celui  des  chevaliers  des  centuries  de  chevaliers  et  qu'e- 
ques  Romanus  tout  court  est  employé  dans  les  inscriptions  de 
l'Empire  tout  aussi  souvent  et  tout  à  fait  dans  le  même  sens 
qu'eqico  publico  (1).  L'expression  correspondante  dans  les  ti- 
tres officiels  grecs  est  ircweî>$  'Po)[xa(o)v(2). 
ordo eguester.  Ordo  equester  (3)  ne  peut  s'appliquer  au  sens  rigoureux 
qu'aux  équités  equo  publico  ;  car  il  n'y  a  qu'eux  qui  forment, 
comme  le  réclame  le  mot  ordo,  un  corps  fermé  (4),  et  il  est 
aussi  employé  par  de  bons  écrivains  dans  cette  acception  res- 
treinte (5).  Mais  en  général  ordo  equester  est  employé   tout 

(1)  L'inscription  récente  (Willmanns,  2097)  d'un  eqaes  Romanus  pater  duo- 
rum  eq(uo)  pub(lico)  n'a  pas  l'intention  de  distinguer  entre  eques  Romanus 
et  equo  publico;  elle  est  simplement  rédigée  dans  une  langue  incorrecte. 

(2)  C.  I.  AU.  III,  p.  503  et  n.  768  a.  CI.  Gr.  n.  1436.  4017.  6189  b.  6548. 
Bull,  de  corr.  hell.  1886,  p.  456.  Les  exemples  d'imceùç  Twfxaîoç  {C.  1.  Gr. 
3497.  4016)  sont  indignes  de  foi. 

(3)  L'emploi  ù'ordo  equester  ne  peut  pas  être  établi  avant  le  temps  de  Ci- 
céron  (Verr.  I.  1,  47,  124;  De  domo,  28,  74;  Phil.  6,  5,  13,  etc.),  et  il  désigne 
alors  naturellement  non  pas  la  cavalerie  au  sens  militaire,  mais  la  cheva- 
lerie au  sens  politique.  Ïite-Live,  4,  13,  1,  parle,  dès  l'an  314,  d'un  homme 
ex  equestri  ordine  (de  même  9,  38,  8.  21,  49,  6.  24,  18,  7.  26,  36,  8)  et  Dion, 
fr.  11,  4,  cite  déjà,  sous  les  rois,  xb  xpcmo-xov  x9jç  (3oi>Xr)ç  xal  xt\ç  focwàôoç;  mais 
ils  usent  là  des  façons  de  penser  et  des  tournures  de  langage  de  leur  temps. 
Dion  traduit  communément  ordo  par  xéXoç  {fr.  11,  4  :  Ta  tIXtj  èxetva  pour  le 
sénat  et  les  chevaliers;  38,  13  :  "Ex  xtvo;  xéXou;;  52,  25:  "Ex  xoO  ocùxoO  xsXouç; 
63,  4  :  cO  8r,[j.oç  xaxà  xéXy)),  et  il  désigne  par  suite  Yordo  equester  par  xo  xûv 
îutcwv  xéXoç  (48,  45.  55,  7.  59,  9),  ^  l^uàç  xo  xéXoç  (74  5),  oi  Imceïç  toO  xé'àouç 
(42,  51.  59,  11),  oî  bnieTç  oî  ex  toO  tIXouç  (56,  42.  61,  9.  63,  13),  oc  l«*et«  oî  èç 
ty)v  hwcaoa  xeXoOvxsç  (48,  33),  expressions  avec  lesquelles  se  rencontrent  les 
îtïtoT;  èvxôXeîç  de  Diodore  (p.  75,  note  4).  Le  traducteur  grec  du  monument 
d'Ancyre,  6,  24,  l'inscription  citée  p.  103,  note  2,  et  Hérodien,  4,  2,  4.  5,  7,  7, 
emploient  dans  ce  sens  :  Tb  t7tuixbv  Tay^a,  le  dernier  aussi,  5,  1,  5  :  'II  iimaç 

(4)  Il  est  traité,  p.  48,  note  2,  du  sens  du  mot  ordo;  il  s'applique  parfai- 
tement aux  équités  equo  publico,  défilant  dans  la  pompa. 

(5)  Gicéron,  Phil.  6,  5,  13,  après  les  mots  reproduits  p.  75,  note  5  :  Quem 
umquam  iste  ordo  patronum  adoptavit?  Tite-Live  oppose  expressément  l'e- 
quester  ordo  aux  équités  en  indiquant,  21,  59,  9,  comme  ayant  péri  300  équi- 
tés parmi  lesquels  equestris  ordinis  aliquot  et  tribuni  mititum  quinque  et  prse- 


LES   CHEVALIERS.  79 

comme  équités  Romani,  pour  désigner  la  totalité  des  personnes 
qui  possèdent  le  cheval  public  ou  qui  simplement  sont  aptes 
à  le  posséder,  en  visant,  semble-t-il,  principalement  les  pre- 
miers, mais  en  comprenant  aussi  la  seconde  catégorie  :  il  ne 
s'est  pas  non  plus  développé  ici  de  terminologie  distinguant 
nettement  les  possesseurs  des  chevaux  publics  et  ceux  qui  n'en 
ont  que  l'expectative  (1).  Puisque,  comme  nous  avons  déjà 
dit,  il  n'y  a  point  sous  le  gouvernement  impérial,  d'autres 
chevaliers  que  les  équités  eqao  pubiico,  Yordo  equester  se  con- 
fond de  nouveau  avec  eux  à  cette  époque  (2).  Si  les  sénateurs 
et  les  chevaliers  sont  désignés  sous  la  République  comme  les 
deux  ordres  les  plus  élevés  (3),  il  était  d'usage,  sous  l'Empire, 
en  partant  de  la  division  des  fonctions  publiques  entre  les  sé- 
nateurs et  les  chevaliers  et  de  l'exclusion  des  plébéiens  de  ces 
fonctions,  d'appeler  les  classes  qui  participaient  à  l'administra- 
tion de  l'empire  «  les  deux  ordres  »  ordo  uterque  (p.  49,  note  1). 
Pour  accomplir  cette  tâche  difficile  qui  consiste  à  exposer  le 
rôle  politique  de  la  chevalerie  romaine,  il  convient  de  com- 
mencer par  étudier  la  façon  d'y  entrer  et  celle  d'en  sortir  et 
les  conditions  des  deux  actes. 


fecli  sociorum  très;  ailleurs  encore  où  il  emploie  l'expression,  en  particulier 
9,  38,  8.  24,  18,  7,  elle  alterne  avec  équités  Romani  (7,  8,  7)  et  elle  désigne 
les  équités  equo  pubiico  (cf.  p.  173,  note  2). 

(1)  L'expression  est  déjà  employée  dans  ce  sens  général  d'une  manière 
tout  à  fait  habituelle  dans  Gicéron.  Elle  se  trouve  employée  par  opposition 
et  par  conséquent  incorrectement  dans  l'écrit  électoral  attribué  ancienne- 
ment à  Q.  Gicéron  :  les  jeunes  gens  composant  les  centurise  equitum  y  sont 
déterminés  par  Yauctoritas  de  Yordo  equester  (p.  95,  note  1),  alors  qu'ils 
forment  eux-mêmes  au  sens  propre  Yordo  equester. 

(2)  Eckhel,  5,  251  :  monnaie  de  Néron  avec  equester  ordo  principi  juven- 
t(utis),  et  souvent  ailleurs.  Partout  où  Dion  parle  des  chevaliers,  il  pense 
aux  équités  equo  pubiico;  la  preuve  en  résulte  avec  une  clarté  spéciale  des 
textes  39,  9.  63,  13;  il  connaît  bien  à  côté  d'eux  des  cavaliers  (p.  73,  note  4), 
mais  il  ne  connaît  pas  d'autres  chevaliers. 

(3)  Gicéron,  De  domo,  28,  74  :  Proximus  est  huic  dignitati  (du  sénat)  ordo 
equester,  par  correspondance  à  l'expression  fréquemment  employée  pour  le 
peuple  en  général  :  Omnes  ordines.  Gette  conception  a  pour  base  l'organisa- 
tion des  partis  provoquée  par  le  mouvement  des  Gracques,  la  lutte  pour  la 
domination  politique  qui  commença  alors  entre  la  classe  moyenne  riche  et 
la  noblesse  qui  était  au  pouvoir  (cf.  Appien,  B.  c.  1.  22  et  beaucoup  d'autres 
textes). 


80  DROIT   PUBLIC    ROMAIN. 

Formation  de  la      L'entrée  parmi  les  chevaliers  a  été,  en  tant  qu'elle  résulte  de 

cavalerie  par  les  x  s 

censeurs.  ja  concession  du  cheval  public,  déjà  étudiée  dans  la  partie  de 
la  Censure.  Cette  concession  fait  partie  du  cens,  et  elle  émane  des 
magistrats  qui  en  sont  chargés,  à  l'origine  du  roi  (1),  puis 
des  consuls  (2),  enfin,  depuis  l'établissement  d'une  magistra- 
ture spéciale  dans  ce  but,  des  censeurs.  Depuis  qu'à  côté  des 
cavaliers  qui  servent  sur  les  chevaux  publics,  il  en  existe  d'au- 
tres servant  sur  leurs  propres  chevaux,  leur  capacité  est  éga- 
lement déterminée  par  le  censeur,  et  leur  appel  au  service  ré- 
sulte du  dilectus  fait  par  le  général.  Mais  ce  service  privé  dans 
la  cavalerie  ne  peut  pas  être  absolument  désigné  comme 
une  entrée  parmi  les  chevaliers,  au  moins  en  ce  sens  que,  si 
l'on  acquiert  par  là  le  titre  d'eques  Romanus,  les  privilèges  per- 
sonnels des  cavaliers,  et  en  particulier  le  droit  de  suffrage 
équestre,  qui  est  le  point  de  départ  de  la  condition  politique  des 
chevaliers,  n'appartiennent  qu'aux  possesseurs  des  chevaux 
publics.  A  ce  point  de  vue,  la  chevalerie  a  le  cens  pour  base 
constitutionnelle. 

Les  fiis  de         Sulla  n'a  pas  supprimé  la  censure;  mais  il  l'a  rendue  super- 
sénateurs 
chevaliers  de    flUe  pour  le  maintien  du  régime  constitutionnel  (3):    et,  bien 

naissance   depuis  A  °  \    t  ' 

Sulla-  qu'à  la  suite  de  la  réaction  démocratique  qui  se  produisit  con- 
tre ses  institutions,  on  ait  depuis  nommé  plusieurs  fois  des 
censeurs,  que  le  census  ait  même  été  opéré  une  fois,  en  G84,  il 
n'y  a  pas  eu,  sauf  cette  unique  exception,  de  cens  de  Sulla  à 
Auguste.  Il  ne  put  donc  plus  y  avoir  désormais  d' équités  equo 
publico  dans  le  sens  antérieur;  et  c'est  probablement  pour 
cela  que  la  grande  revue  des  chevaliers  du  15  juillet  a  disparu 
à  cette  époque  et  n'a   été  rétablie  que  par  Auguste  (p.  90, 


(1)  La  meilleure  tradition  ne  sait  rien  du  concours  de  l'assemblée  du 
peuple  ni  pour  l'institution,  ni  pour  l'augmentation  de  la  cavalerie.  Le  choix 
des  300  premiers  cavaliers  par  les  curies,  en  nommant  chacune  dix,  de  De- 
nys  (2,  13)  est  contraire  à  toutes  les  analogies  et  n'est  certainement  qu'une 
compréhension  fausse  de  leur  nomination  curiatim,  qui  se  trouvait  dans  le 
schéma  (tome  VI,  1,  p.  118). 

(2)  Je  ne  vois  pas  qu'il  y  soit  fait  allusion  relativement  au  choix  des  ca- 
valiers. 

(3)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Censure,  sur  sa  destinée  depuis  Sulla. 


LES   CHEVALIERS.  Ni 

note  1).  Mais  les  centuries  de  chevaliers  ont  continué  à  voter, 
môme  d'après  la  constitution  de  Sulla,  et  la  loi  Aurélia  de  684 
sur  la  composition  des  jurys  implique  la  subsistance  des  che- 
valiers avec  un  effectif  analogue  à  ce  qu'il  était  précédemment. 
11  faut  donc  que  Sulla  ait  remplacé  l'attribution  du  cheval  pu- 
blic qui  émanait  du  censeur  par  quelque  autre  institution  sub- 
sidiaire. Quelle  était  cette  institution,  la  tradition  ne  nous  le 
dit  pas,  et  nous  sommes  réduits  aux  conjectures.  Il  n'est  pas 
vraisemblable  que  la  fonction  d'attribuer  le  cheval  public  ait 
passé  aux  consuls  comme  ont  fait  les  locations  des  censeurs  (1). 
Les  censeurs  n'ont  jamais  eu  de  représentants  pour  les  opéra- 
tions du  cens.  Une  institution  pareille  aurait  en  outre  laissé  des 
traces  dans  les  sources  que  nous  possédons.  Il  est  probable  que 
l'acquisition  du  cheval  public,  et  par  suite  de  la  place  dans  les 
centuries  équestres,  aura  été  liée,  de  même  que  celle  du  siège 
de  sénateur  l'était  à  l'occupation  de  la  questure,  à  quelque  con- 
dition légale  se  réalisant  sans  intervention  des  censeurs.  Le 
fait  que.  sous  le  Principales  fils  de  sénateurs  sont  chevaliers 
de  naissance  (p.  62)  correspond  bien  à  ces  données.  Or  nous 
ne  savons  pas  de  qui  vient  cette  institution,  nous  ne  savons  si 
elle  a  été  établie  par  Auguste  ou  s'il  l'a  trouvée  déjà  en  vigueur. 
Nous  pouvons  donc  en  réclamer  la  paternité  pour  Sulla  et  il  est 
parfaitement  d'accord  avec  sa  constitution  de  mettre  ainsi  les 
centuries  de  chevaliers  sous  la  puissance  du  sénat,  tout  en  main- 
tenant l'incompatibilité  du  siège  sénatorial  et  du  cheval  équestre. 

11  est  possible  que  Sulla  ne  s'en  soit  pas  tenu  là.  Sous  le  Prin-  Ch!Tlse?vUicetre 
cipat,  on  regarde  comme  chevaliers  de  rang  sénatorial,  à  côté 
des  fils  de  sénateurs,  les  jeunes  gens  auxquels  l'empereur  aper- 
mis  de  servir  comme  officiers  à  la  manière  sénatoriale  et  a  ou- 
vert la  carrière  sénatoriale  (p.  57).  Or  dans  la  constitution  de 
Sulla,  où  le  tribunat  militaire  était  concédé  par  les  comices  ou 
par  les  généraux  (2),   le  jeune  homme  qui  n'était  pas  d'ori- 


(1)  V.  tome  IV,  loc.  cit. 

(2)  On  élisait  alors  annuellement  24  tribuns  militaires  (voir,  tome  IV, 
â  la  partie  des  officiers  magistrats,  la  section  des  tribuni  militum  a  populo, 
sur  leur  décadence  et  leur  disparition),  parmi  lesquels,  il  est  vrai,  ceux  qui 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2c  p.  q 


d'officier  depuis 
Sulla. 


82  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

gine  sénatoriale  peut  aussi  fort  bien  avoir  acquis  alors  avec  le 
grade  d'officier  les  droits  de  chevalier  (1). 

A  ces  conditions,  on  pouvait  se  passer  de  l'examen  fait  par  le 
censeur  de  la  fortune,  de  l'origine  et  de  l'honorabilité,  qui 
précédait  la  concession  du  cheval  public.  La  fortune  convena- 
ble pouvait  être  supposée  exister  chez  le  jeune  homme  d'ori- 
gine sénatoriale,  et  le  coûteux  service  d'officier  fait  volontaire- 
ment excluait  par  lui-même  les  individus  sans  fortune.  Cepen- 
dant la  première  condition  en  particulier  n'était  assurément 
pas  suffisante.  Mais  la  loi  Roscia  votée  pendant  la  réaction  con- 
tre les  institutions  deSulla,  en  687,  intervint  sous  ce  rapport. 
En  même  temps  qu'elle  rendit  la  proédrie  aux  chevaliers,  elle 
régla  expressément  le  cens  équestre  et  elle  exclut  les  citoyens 
dont  le  cens  était  inférieur  à  4-00  000  sesterces  (2)  et  des 
places  des  chevaliers,  et  sans  doute  aussi  des  droits  des  che- 
valiers en  général.  Dans  le  système  antérieur,  selon  lequel  les 


siégeaient  déjà  dans  le  sénat  (p.  153,  note  1)  et  les  fils  de'sénateurs  n'entrent 
pasen  ligne  de  compte  pour  notre  question.  Le  nombre  de  tribuns  militaires 
nécessaires  annuellement  était  alors  notablement  plus  fort  (Gicéron,  Phil. 
6,  5,  14,  p.  48,  note  2).  En  Tan  700,  il  y  avait,  en  comptant  à  la  vérité  celles 
des  Gaules,  18  légions  romaines  sous  les  armes  (CL.  I.  III,  6541  a);  il  y 
avait  donc  à  ce  moment  plus  de  100  tribuns  militaires  en  fonctions. 

(1)  Les  ex-tribuns  militaires  jouent  un  rôle  saillant  dans  la  chevalerie 
des  derniers  temps  de  la  République  avant  la  réforme  d'Auguste.  Des  qua- 
torze bancs  des  chevaliers,  au  théâtre,  les  deux  premiers  sont  réservés  aux 
ex-tribuns  militaires  (p.  123,  note  4).  Lors  du  triomphe  de  César,  en  708, 
les  tribuns  militaires  et  les  préfets  reçurent  un  présent  triomphal  quadru- 
ple, et  il  n'est  rien  dit  des  cavaliers  (p.  148,  note  2).  Dans  les  partages  de 
terres  italiques  proposés  par  le  tribun  du  peuple  L.  Antonius  au  printemps 
de  710,  les  équités  Romani  equo  publico  étaient  avantagés  (Gicéron,  Phil.  6,  5, 
13:  Agrum  iis  divisit;  cf.  7,  6,  16);  mais  les  tribuns  militaires  nommés  là  à 
côté  d'eux,  qui  avaient  servi  sous  César  (loc.  cit.:  Tribuni  militaires,  qui  in 
exercitu  Csesaris  duobus  fuerunt...  multi  fuerunt  multis  in  legionibus  per  tôt 
annos,  où  plus  annis  ou  quelque  chose  d'analogue  doit  avoir  été  omis  avant 
duobus)  recevaient  les  terres  les  meilleures  et  les  plus  rapprochées  de  Rome 
{loc.  cit.  :  lis  quoque  divisit  Semurium:  campus  Martius  restabat;  cf.  Macrobe, 
Sat.  1,  10,  16).  Gela  s'accorde  bien  avec  l'acquisition  à  cette  époque  du  che- 
val équestre  par  l'occupation  du  tribunat  militaire. 

(2)  Pour  répondre  à  la  question  de  savoir  comment,  en  l'absence  du  cens, 
la  quotité  de  la  fortune  était  déterminée,  il  ne  faut  pas  recourir  au  cens 
municipal,  mais  il  faut  plutôt  répondre  que  la  procédure  de  multa  suffisait 
(p.  97,  note  4). 


LES  CHEVALIERS.  83 

droits  de  chevalier  n'appartenaient  qu'aux  possesseurs  de  che- 
vaux publics  désignés  par  le  censeur,  il  n'y  aurait  pas  eu  be- 
soin de  fixer  le  cens  ;  sa  fixation  dans  la  loi  est  une  nouvelle 
preuve  que  la  possession  du  cheval  équestre  ne  reposait  plus  à 
notre  époque  sur  les  mêmes  bases. 

En  ce  qui  concerne  la  naissance  et  l'honorabilité,  il  n'y  avait 
pas  besoin  de  plus  ample  constatation  pour  les  fils  de  sénateurs, 
et  par  rapport  aux  officiers,  leur  admission  par  le  peuple  ou 
un  général  était  une  garantie  suffisante. 

En  présence  d'entrées  constantes  de  cette  espèce,  les  centu- 
ries des    chevaliers  pouvaient  subsister,  même  en  l'absence 
complète  de  cens.  La  répartition  des  membres  entrant  dans 
les  dix-huit  centuries  a  nécessairement  été  réglée  par  une  dis- 
position législative.  A  la  vérité,  le  nombre  des  jeunes  gens 
d'origine  sénatoriale  qui  ne  siégeaient  pas  dans  le  sénat  et  de 
eux  de  famille  non-sénatoriale  auxquels  leur  service  sur  un 
cheval  privé  était  compté  comme  une  acquisition  du  cheval  pu- 
blic ne  peut  pas,  si  largement  que  l'on  veuille  étendre  la  der- 
nière catégorie,  avoir  facilement  suffi  à  remplir  les  1800  places 
de  chevaliers.  Mais  précisément  il  peut  fort  bien  avoir  été  dans 
les  intentions  de  Sulla  d'amoindrir  le  nombre  des  électeurs  des 
centuries  de  chevaliers  pour  mettre  ces  centuries  dans  la  dé- 
pendance complète  du  sénat.  Le  maintien  d'un  chiffre  fixe 
était,  il  est  vrai,  dans  ces  circonstances,  aussi  impossible  pour 
la  chevalerie  de  Sulla  qu'il  Tétait  pour  son  sénat.  Mais,  si  l'on 
indique  cependant  l'ancien  système  des  1800  places  de  cheva- 
liers de  Servius  comme  toujours  en  vigueur  à  cette  époque, 
l'explication  en  est  que  cette  création  de  Sulla,  comme  beaucoup 
d'autres,  est  intervenue  seulement  à  titre  complémentaire.  De 
même  que  la  justice  populaire  subsistait  toujours  théorique- 
ment, tout  en  étant  en  fait  remplacée  par  la  procédure  des 
quœstiones,  les  censeurs  continuaient  toujours  à  exister  consti- 
tutionnellement.  Lorsqu'il  y  en  eut  en  fonctions,  comme  cela  se 
produisit  en  684,  ils  exercèrent  leurs  droits  avec  leur  ancienne 
étendue  :  l'assignation  des  chevaux  publics  et  le  chiffre  normal 
rentrèrent  en  vigueur.  Cette  censure  de  684  a  nécessairement 


84  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

contribué  à  faire  la  situation  politique  et  financière  des  cheva- 
liers rester,  du  temps  de  Cicéron,  ce  qu'elle  était,  à  l'empêcher 
de  s'évanouir  selon  les  intentions  de  Sulla;  mais  la  cause  prin- 
cipale de  ce  maintien  a  été  la  prédominance  dans  l'usage  cou- 
rant de  l'extension  abusive  donnée  au  nom  de  chevalier. 
sortie  de  ia         II  est  également  traité,  dans  la  partie  de  la  Censure,  de  la 

chevalerie  dans  le  ° 

temps  postérieur  sortie  de  la  Chevalerie.  En  dehors  du  cas  où  cette  sortie  était 

à  Sulla. 

provoquée  par  l'incompatibilité  légale  du  cheval  équestre  et  du 
siège  sénatorial,  la  perte  du  cheval  équestre  n'était  pas  moins 
liée  au  cens  que  son  acquisition.  Elle  fut  donc  également  sup- 
primée par  la  constitution  de  Sulla.  S'il  n'en  a  pas  été  disposé 
autrement  par  une  loi  spéciale  restée  inconnue,  le  cheval 
équestre  doit  désormais  être  resté  à  vie  à  celui  qui  l'avait  ac- 
quis, pourvu  qu'il  ne  le  perdit  pas  pour  cause  d'incompatibi- 
lité légale,  en  entrant  dans  le  sénat,  ou  qu'il  ne  lui  fut  pas  en- 
levé lors  de  quelque  censure.  Dans  la  mesure  où  cette  dernière 
hypothèse  restait  possible,  on  ne  peut  pas  faire  remonter,  en 
principe,  aux  institutions  de  Sulla  le  caractère  viager  qui  ap- 
partient à  la  chevalerie  sous  l'Empire;  mais  elles  le  prépa- 
raient en  tout  cas. 
concession  par  Le  service  d'officier  issu  du  service  de  cavalier  equo  privato 
chee%ïipeéquestrUe.  qui  vient  d'être  décrit,  cessa  d'exister,  peut-être  dès  le  temps 
de  la  dictature  de  César  (1),  en  tout  cas  dès  le  début  du  Prin- 
cipal Désormais  les  fonctions  d'officier  furent,  comme  il  sera 
expliqué  plus  loin  (p.  152),  liées  à  la  concession  du  cheval  pu- 
blic. Cette  attribution  est,  dans  la  mesure  où  le  cens  a  encore 
lieu  sous  le  Principat,  faite  encore  alors  par  les  censeurs  (2), 


(1)  On  ne  sait  dans  quelle  mesure  la  transformation  de  l'ordre  équestre 
opérée  par  Auguste  repose  sur  des  dispositions  prises  par  César.  Les  ré- 
formes faites  par  lui  relativement  aux  tribunaux  de  chevaliers  nécessitent 
une  augmentation  du  nombre  des  possesseurs  du  cheval  public  (p.  139). 

(2)  La  preuve  en  est,  en  dehors  de  l'inscription  relative  à  la  censure  de 
Vespasien,  C.  I.  L.  XI,  3098,  rapportée  à  la  partie  de  la  Censure,  sur 
l'examen  de  l'aptitude  au  service  des  cavaliers,  dans  Strabon,  3,  5,  3,  p. 
469  :  "Hxo-jTa...  sv  p.:à  twv  xaô'  Yjfxaç  -n[rr|a-ea>v  icevTaxofffovç  avôpa;  Ti|XY)6svTaç 
ItciïixoÙ;  Faoïxavoû:,  et  5,  1,  7,  p.  213  :  Tô  Ila-aoviov...  vetoori  XÉysrat  Ttfnjaa- 
aôat  7ievTaxoaîouç  Imrixouc  àvSpaç.  Les  indications  de  Suétone,  Claud,  IQ.Vesp. 
9,  peuvent  aussi  se  rapporter  aux  censures  de  ces  empereurs. 


LES   CHEVALIERS.  85 

et  ce  n'étaient  pas  nécessairement  les  empereurs  qui  l'é- 
taient (1).  Mais,  à  côté  d'elle  à  l'origine,  et  peut-être  subsidiaire- 
ment  en  théorie,  mais  en  pratique  principalement,  dès  le  début 
du  Principat  (2)  et  exclusivement  depuis  la  disparition  de  la 
censure,  il  y  avait  la  concession  par  l'empereur  du  cheval 
équestre  (3),  qui,  autant  que  nous  sachions,  n'était  subor- 
donnée à  aucune  condition  de  temps  et  avait  lieu,  d'un  moment 
à  l'autre,  en  général  sur  demande  (4).  Il  y  avait,  pour  les  de- 
mandes d'admission  dans  les  chevaliers  comme  pour  les  de- 
mandes d'admission  dans  le  sénat,  un  bureau  impérial  spécial, 
qui,  la  justification  de  lafortune  entrant  ici  principalement  en  li- 
gne décompte, s'appelait  «ceraszte  et  formait  une  divisiondudé- 


(1)  Voir,  tome  V,  le  début  de  la  partie  des  Censures  impériales. 

(2)  Dion,  53,  17:  'Ex  8k  8tj  tou  Tijjwj*redet\i  to-j;  tî  (3îo-jç  xcù  touç  TpoTroviç 
f,tj.à)v  Vtz-A^o'jG'.  xal  aTioypacpàç  7tO'.ouv7a'.  xal  xoùç  jjlsv  xaxaXryovxn  xal  èç  xr,v  itz- 
rAou.  v.x\  i;  to  ftauXeurixàv,  to'jç  8s  xal  àva)>sîtpo\j(7i,  otcwç  àv  aùroï;  ùô%rt.  De 
même  dans  le  discours  de  Mécène,  52,  19  (p.  87,  note  1).  Ces  témoignages 
sont  bien  probants  pour  l'époque  récente,  mais  non  pas  rigoureusement  pour 
celle  d'Auguste,  et  les  concessions  du  cheval  faites  par  lui  qui  sont  attestées 
à  titre  isolé  (Suétone,  Aug.  27.  Dion,  47,  7.  48,  45)  peuvent  être  partie  rattachées 
à  la  puissance  extraordinaire  des  triumvirs,  partie  rapportées  à  ces  censures. 
Il  en  est  de  même  de  l'allégation  de  Denys,  4, 24  :  "û<ncsp  ys  to'jç  twv  ctuiécov  xal 
tovç  tâv  (îouXeurûv  fHouç  £gerd£owiv.  Mais  tant  l'examen  général  des  consti- 
tutions impériales  individuelles  (v.  tome  V,  la  partie  de  la  Participation  de 
l'empereur  au  pouvoir  législatif,  sur  les  leges  datas  impériales)  que  le  sort 
spécial  des  chevaliers  ne  laissent  pas  douter  que  la  distraction  de  la  con- 
cession du  cheval  équestre  des  fonctions  du  censeur,  ou,  comme  on  peut 
dire  encore,  le  rattachement  du  census  equitum  au  principat  (v.  au  tome  V, 
la  partie  des  Censures  impériales)  ne  remonte  à  Auguste. 

(3;  Tibère  ayant  négligé  de  faire  des  concessions  du  cheval  équestre  (Sué- 
tone, Tib.  41  :  Reg)*essus  ininsulam  rei  publics?...  curant  usque  adeo  abjecit,ut 
postea  non  decurias  equitum  umqnam  wpplerif),  le  nombre  des  chevaliers 
était  très  réduit  à  sa  mort,  et  Caligula  fit  par  suite  de  nombreuses  nomina- 
tions (Dion,  59,  9).  —  Galba:  Tacite,  Hist.  1,  13.  —  Vitellius  :  Tacite,  llist- 
2,  57.  —  Titus:  C.  I.  L.  II,  4251  :  Adlectus  in  équité  a  T.  imperatore.  —  Tra- 
jan:  Orelli,  3049  :  A  divo  Trajano  ex  militia  in  equestrem  dignitatem  transla- 
tifs; C.  I.  L.  II,  4211.  III,  607.  —  A  partir  d'Hadrien,  on  trouve  des  exem- 
ples nombreux  chez  les  écrivains  (Vita  Marci,  4.  Vita  Alex.  19)  et  surtout  dans 
les  inscriptions. 

(4)  Il  y  a,  dans  la  collection  derescrits  d'Hadrien,  une  supplique  adressée 
à  cet  empereur  pour  lui  demander  la  concession  du  cheval  équestre  et  son 
rejet    motivé  (Dosithée,  6  :    "Oav.ç  iWrcov  atxet  ortfj.6o-.ov,  è£afAapTr,fjivoç  elva1 


86  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

partement  des  suppliques  (a  libellis)  (1).  Il  était  sous  la  direo 


(1)  Le  chef  du  bureau  impérial    a  censibus: 

prœpositus  a  censibus,  (puis  commandant  des  deux  flottes  italiques,  C.  /. 
L.  V,  8659)  ; 

£7Ù'  xrjvaov  xoO  Se6ar7XùO  (C.  I.  Gr.  3497,  parmi  les  qualifications  honorifiques 
d'un  parent  de  ce  magistrat)  ; 

eu!  xrjvaov  (puis  proc.  Mœsise  inf.:  C.  I.  Gr.  3751); 

6  tocç  Ttprja-eiç  âYX£-/etptafxévoç  (Dion,  78,  4;  personne  de  confiance,  qui  in- 
forme de  Rome  \e  prsef.  prsetorio  absent)  ; 

èulTpoTroç  à%o  twv  à7io[Tifjiïj]<7Ea>v  SeëacToO  (C.  1.  Gr.  II,  n.  1813  6,  p.  983, 
selon  la  correction,  qui  à  la  vérité  n'est  pas  certaine  d'Hirschfeld;  cf. 
tome  V,  la  partie  de  la  Poste  impériale,  dernière  note), 

doit  avoir  été  dans  un  certain  rapport,  d'une  part,  avecjle  bureau  a  libellis  : 

a  libellis  et  censibus  dans  une  inscription  de  Lyon  (Henzen,  6929)  du 
temps  d'Antonin  le  Pieux  (auparavant  procurator  de  Lugdunensis  et  d'A- 
quitaine) et  une  inscription  d'Ephèse  (C  I.  L.  III,  259)  ; 

acensibus,alibellis  Augusti(\}\iisprsef.vig  .:H.enzen,  6947)  du  temps  d'Hadrien  ; 

magister  a  li[bellis,  md\gister  a  ce[nsibus]  (puis  prsef.  vig.  :  Henzen,  6518, 
=  C.  L  L.  VI,  1628). 

et,  d'autre  part,  avec  l'ordre  équestre  et  par  conséquent  avec  le  recense- 
ment des  chevaliers  : 

a  census  equit(um)  Romaniprum)  (auparavant  prsef.  class.  Rav.:  C.I.L.  X 
6657  =  Orelli,  3180)  ; 

le  nomenclator  censorius  d'un  magistrat  du  temps  [d'Auguste  et  proba- 
blement aussi  les  nomenclatures  a  censibus  (ou  a  census)  impériaux  étaient 
également  mêlés  au  recensement  des  chevaliers  (v.  tome  I,  la  partie  des 
Appariteurs  des  magistrats,  sur  les  Accensi  et  les  Nomenclator  es).  Tout  cela 
s'explique  parfaitement  si  ce  bureau  était  chargé  de  l'examen  des  demandes 
tendant  à  la  concession  du  la  tus  clavus  et  du  cheval  équestre  ;  car  ce  sont 
là  précisément  des  libeUi  (Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte,  1,  18  rapproché 
de  207,  semble  l'avoir  méconnu)  ;  et  la  justification  de  la  fortune  jouait, 
dans  les  deux  cas,  le  principal  rôle.  La  mention  expresse  des  chevaliers 
peut  être  expliquée  par  le  fait  que  les  demandes  de  ce  titre  étaient  de  beau- 
coup les  plus  fréquentes.  La  dénomination  a  censibus  et  libellis  s'applique- 
t-elle  à  tout  le  département  appelé  d'habitude  a  libellis  ou  les  deux  termes 
a  libellis  et  a  censibus  sont-ils  dans  un  autre  rapport  quelconque,  on  ne  peut 
le  décider.  L'importance  de  cette  fonction  ressort  du  fait  que  la  préfecture 
des  vigiles  de  Rome  et  celle  d'une  des  deux  flottes  italiques,  c'est-à-dire 
deux  des  postes  les  plus  élevés  de  la  carrière  équestre,  sont  concédées  im- 
médiatement après  elle,  et  même  la  dernière  une  fois  avant  elle.  —  La  con- 
jecture d'Hirschfeld  (loc.  cit.),  selon  laquelle  un  bureau  impérial  central  au- 
rait été  créé  pour  les  recensements  provinciaux  après  la  suppression  de  la 
censure,  me  paraît  peu  vraisemblable.  Les  magistrats  qui  ont  à  s'occuper 
du  cens  des  diverses  provinces,  comme  Yadjutor  ad  census  provinc.  Lugdun. 
(Orelli,  2156  =  C.  /.  L.  XII,  408)  et  aussi  sans  doute  Yadjut(or)  ad  cens(us) 
sans  addition  (Henzen,  6519)  doivent  être  réunis  aux  legati  ad  census  ac- 
cipiendos  des  divers  districts.  Au  contraire  tous  les  indices  qu'on  peut  rele- 
ver quant  au  bureau  central  se  rapportent  au  census  equitum.  S'il  y  avait 
eu  un  tel  bureau  ayant  le  rôle  que  lui  donne  Hirschfeld,  nous  aurions  de 
son  existence  des  témoignages  nombreux . 


LES  CHEVALIERS.  87 

tion  d'un  haut  fonctionnaire  de  rang  équestre  (1).  La  barrière 
élevée  par  le  nombre  limité  des  chevaux  publics  fut  désormais 
écartée.  Que  la  concession  eût  lieu  au  cours  du  cens  ou  autre- 
ment, le  cheval  équestre  était,  sous  l'Empire,  immédiatement 
accordé  à  quiconque  justifiait  des  conditions  de  capacité  et 
agréait  à  l'empereur  (2)  ;  la  distinction  antérieure  entre  ceux 
qui  le  possédaient  et  ceux  qui  l'attendaient  disparut.  Le  nombre 
des  possesseurs  du  cheval  public,  en  droit  de  voter  dans  les  cen- 
turies de  chevaliers,  s'accrut  dans  de  telles  proportions  qu'il  en 
défilait  déjàjusqu'à  5000,  sous  Auguste,  dans  la  pompa  à  laquelle 
ne  participaient  naturellement  jamais  tous  les  ayants-droit  (3). 
Et,  comme  la  fréquence  de  plus  en  plus  grande  du  titre  de  che- 
valier sur  les  inscriptions  de  l'Empire  le  montre  bien,  le  chiffre 
alla  toujours  en  croissant  (4). 


(1)  En  dehors  des  témoignages  épigraphiques,  ce  fonctionnaire  est  men- 
tionné dans  Hérodien,  5.  7,  7  :  "Exspov...  itaiOEiaç  xôov  vécov  xa\  eûxo<7|xcaç  ty|ç 
te  'JTiotTTdco-Ewç  TYJç  (Sylburg  :  èleràaEfoç  tûv)  èç  ty)v  c-uyxXyjtov  (3ouXy]V  r\  to  for- 
mxov  rây^a  xaTaTarco^svtov  upoéaTrjirsv,  texte  d'où  l'on  peut  conclure  qu'il 
participait  aussi  à  Yequitum  probatio  et  à  l'examen  de  la  conduite  qui  s'y 
adjoignait.  Mécène  recommande  aussi  à  Auguste,  dans  Dion  52,21  (cf.  c.  24), 
de  prendre  plutôt  dans  l'ordre  sénatorial  que  dans  l'ordre  équestre  un  sous- 
censeur  (\iTzoT.\it\rfic)  qui  constate  et  surveille  (è^Eràsscv  xa\  èiua-xoraîv)  la 
naissance,  la  fortune  et  le  genre  de  vie  (xà  te  ysvyi  xa\  xàç  oùexîaç  xouç  te 
xpoTio'jç)  de  tous  les  sénateurs,  de  leurs  femmes  et  de  leurs  enfants,  qui, 
pour  les  petites  choses,  avertisse  ceux  qu'elles  concernent  et  saisisse  l'em- 
pereur pour  les  importantes  (xal  xà  (xèv  aùxbç  è7iavop8o0v  ocra  [xr,T£  Tifxa>p(aç 
aE:à  èari  xal  7iapopw[/.Eva  tcoXXwv  xa\  [AsydXwv  xaxaSv  airia  ysyvsTat,  icc  8s  ôyj 
(o-ô^o)  c-oi  È7ctxotvoOcr8ai)  et  duquel  on  puisse  porter  plainte  à  l'empereur  (52, 
33).  C'est  certainement  la  fonction  de  cour  signalée  par  Hérodien  qui  est 
prise  là  pour  point  de  départ,  bien  que  l'écrivain  ait  aussi  pu  mêler  à  ses 
développements  l'expression  de  ses  propres  vœux  politiques. 

(2)  Dion,  53,  17  (p.  85,  note  2). 

(3)  Selon  Denys,  6,  13,  il  défilait  alors,  à  la  pompa  du  15  juillet,  avSpsç 
£otiv  oie  xal  TiEVTaxtcryjXiot.  C'est  à  cela  que  se  rapportent,  dans  le  discours 
de  Mécène  chez  Dion,  52,  19,  les  mots  :  Toùç  rà  SsuTspEÏa  (après  les  séna- 
teurs) r/aoror/oSi  xal  yévet  xal  àpexyj  xai  tcXoutw  çspojxsvouç  èç  ttjv  t7cira5a  xara- 
Xeçov,  700-0'jtouç...  àvxEyypà^aç  ôrcoaoi  ttot'  av  àpécraxn  (Ms.:  EÛpr^tocc)  cte  {x.r,Sèv 
7cep\  To-j  icXtjOouç  aùxâ>v  àxpcpoXoyoujxsvoç.  Les  indications  sur  le  nombre  des 
chevaliers  romains  à  Patavium  et  à  Gades  (p.  84,  note  2)  sont  d'accord 
avec  celles-là. 

(4)  Pline,  H.  n.  33,  2,  32  :  Postea  (après  l'an  23)  gregatim  insigne  id  (l'an- 
neau d'or)  appeti  cœptum. 


88  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 


caractère  viager      Auguste  a  supprimé  en  principe  la  sortie  de  la  chevalerie. 

des  droits  de  ,  . 

chevalier  sous  D'après  l'ancien  système  de  la  République,  la  possession  du 
cheval  public  était  limitée  par  l'aptitude  effective  au  service, 
et  la  conservation  du  cheval  au  delà  de  ce  délai  ou  même 
pendant  toute  la  vie  ne  peut  y  avoir  eu  lieu  qu'abusivement. 
Au  contraire,  sans  doute  en  partant  de  la  désuétude  de  la  res- 
titution du  cheval  produite  parles  institutions  de  Sulla(p.  84), 
Auguste  décida,  en  741,  directement  au  sujet  de  la  revue,  (p.  89) 
qu'après  l'âge  de  35  ans  accomplis,  le  chevalier  serait  libre  de 
rester  dans  la  chevalerie  sans  se  mêler  davantage  aux  fonctions 
pratiques  des  chevaliers  (1).  Le  caractère  viager  de  la  posses- 
sion du  cheval  équestre  était  reconnu  par  là  (2).  Elle  ne  pou- 
vait plus  finir,  en  laissant  de  côté  les  condamnations  pénales, 


(1)  Suétone,  Aug.  38  :  Mox  (après  les  atténuations  accordées  aux  vieil- 
lards et  aux  infirmes,  cf.  p.  90,  note  4)  reddendi  egui  grattant  fecit  eis  qui 
majores  annorum  quinque  et  triginta  retinere  eum  nollent.  Gratiam  f'acere  ne 
pouvant  signifier  que  «  dispenser  »  et  non  «  permettre  »,  il  faut  ou  bien 
écrire  mallent,  ou  bien  entendre  retinere  de  la  participation  à  la  pompa,  en 
ce  sens  que  ceux  qui  déclareraient  ne  plus  vouloir  faire  usage  du  cheval  à 
cette  fin  seraient  pourtant  laissés  libres  de  ne  pas  en  faire  la  restitution 
formelle,  et  par  suite  de  rester  parmi  les  chevaliers.  Dion,  54,  26,  sur  l'an 
741  :  Toxe  Se  aùxbç  icavraç  aôxoùç  (les  chevaliers  aptes  aux  charges  sénato- 
riales) i^-qztxae  xa\  xà  (xèv  twv  vizlp  7ilvxe  xa\  xp:àxovxa  exr,  yeyovoxtov  oùx  È7io- 
X'jTrpaYtxôvYjcrs,  xoùç  Se  èvxoç  xe  njç  f,Xcx:'aç  xavxrfi  ô'vxa;  xai  xb  xî|A7)[xa  (le  cens 
sénatorial  d'un  million  de  sesterces)  è^ovra;  povXeûaat  xaxr(vây-/.a<7î,  xwPl*  ~ri 
zï  xtç  àvaTTYipoç  ^v  •  xai  xà  fxsv  a-aj[xaxa  xoù  aùxci;  rtov  eaipa,  wspl  8è  xwv  oùatûv 
ô'pxotç  eiucnroûxo.  Les  deux  relations  se  rapportent  évidemment  à  la  même 
constitution;  les  expressions  finales  de  Dion  montrent  aussi  qu'il  manque 
quelque  chose  avant  -/WP^  soit  par  la  faute  de  Dion,  soit  par  celle  du  co- 
piste, par  exemple  xai  èv  xrt  Tro^ur,  rcopeuso-ôat,  et  qu'il  n'est  ou  ne  devait  pas 
être  question  des  chevaliers  seulement  au  point  de  vue  de  leur  entrée  au 
sénat  ;  car  la  paralysie  et  les  autres  infirmités  physiques  n'excluaient  pas 
de  cette  assemblée.  Les  deux  témoignages  réunis  établissent  qu'Auguste, 
dans  la  recognitio  des  chevaliers,  laissa  dans  l'ordre  équestre  tous  ceux  qui 
avaient  dépassé  l'âge  de  trente-cinq  ans,  mais  en  les  exemptant  de  toutes 
les  obligations  des  chevaliers,  tant  de  l'obligation  de  figurer  dans  la  pompa 
que  de  l'obligation  éventuelle  d'entrer  au  sénat,  et  qu'au  contraire,  de  ceux 
qui  se  trouvaient  au  dessous  de  cette  limite  d'âge,  il  exigea  l'accomplissement 
de  ces  obligations,  sauf  pour  la  première  le  cas  d'empêchement  par  une  in- 
firmité physique. 

(2)  Le  titre  equestris  mémorise  vir  est  même  donné  à  des  défunts  (C.  1.  L. 
VIII,  4781),  par  correspondance  à  clarissimœ  mémorise  vir.  Il  n'y  a  aucun  fond 
à  faire  sur  l'inscription  C.  I.  L.  III,  5652  invoquée  par  Hirschfeld,  Verw. 
gesch.  1,  p.  273)  en  faveur  à'eq(ueslris)  m(emorix)  p(uer). 


LES   CHEVALIERS.  89 

que  dans  les  cas,  à  étudier  plus  loin,  où  le  chevalier  changeait 
de  rang  pour  devenir  sénateur  ou  centurion. 

Si,  par  conséquent,  tout  citoyen  ayant  qualité  était  admis  à  ^"J^igJ0"9 
acquérir  le  cheval  équestre  et  à  le  conserver  sa  vie  durant,  Au-  tilre  dePeine- 
guste  prit  des  mesures  pour  exclure  de  la  chevalerie  les  indi- 
vidus n'ayant  pas  qualité.  L'empereur  revendiqua  le  droit  de 
retirer  le  cheval  équestre  aux  sujets  indignes  ou  impropres 
(p.  85,  note  2),  et  le  bureau  chargé  de  l'examen  des  conditions 
nécessaires  pour  être  chevalier  avait  aussi  à  surveiller  la  con- 
duite des  chevaliers  (p.  87,  note  1).  L'exclusion  devait  se  pro- 
duire, lorsqu'une  des  conditions   nécessaires  pour  obtenir  le 
cheval  équestre,  et  que  nous  étudierons  plus  loin,  venait  à  dis- 
paraître, en  particulier  lorsque  le  chevalier   se  ruinait  ou  ve- 
nait à  perdre  son  honorabilité  civique.  Auguste  organisa  même 
une  révision  spéciale  de  la  chevalerie.  D'après  un  vieil  usage,  desci£™ïersPar 
dont  l'origine  est  placée  au  ve  siècle  de  la  ville,  les  possesseurs     lemPereur- 
des  chevaux  publics  défilaient  en   équipement  militaire  com- 
plet, chaque  année,  aux  ides  de  juillet,  à  travers  la  ville,  du  temple 
de  Mars  de  la  porte  Capène  jusqu'au  Forum,  où  ils  offraient  un 
sacrifice  aux  Castors,  leurs  dieux  protecteurs,  et  de  là  au  Capi- 
tule (1).  Auguste,  en    rappelant  à  la  vie  cette  pompa  tombée 


(1).  De  vir  M.  32:  Hic  (Q.  Fabius  Maximus,  censeur  en  450)  primus 
instituit,  uti  équités  Romani  idibus  Quinctilibus  ab  sede  Honoris  equis  insiden- 
tes  in  CapitoUum  transirent.  Tite-Live,  9,  in  fine,  sur  l'an  450  :  Ab  eodem 
institutum  dicitur,  ut  équités  idibus  Quinctilibus  transveherentur;  de  même 
Val.  Max.  2,  2,  9.  Selon  Denys,  6,  13,  la  mémoire  de  la  nouvelle  de  la  vic- 
toire du  lac  Régille  apportée  à  Rome  par  les  Dioscures  en  258  de  Rome  est 
conservée  par  les  Ouo-ia:  icoXureXefç,  à;  y.a6'  bxccotov  èvtauTov  6  S-^ixo?  èicixeXe?  8cà 
tgSv  [tsytartùv  imcécov  èv  ;j.r,v\  KuivrtXtca  Xeyojiivw  xaiç  xaXov|i£vaic  elooX^...  ôicèp 
OMcavra  oï  xaOxa  yj  (xsTarr,v  ôua-tav  èiciTsXoupivY]  izo\nr}\  tôv  ê^ivrwv  tov  Sr^oa-iov 
fancov,  oî  xaxà  puXdç  rs  xa\  ).o-/ov?  (cf.  p.  124,  note  4)  xexocr|&ii|Llvot  Gioiyrfiov  bt\ 
:œv  Ttittov/  à^ou[tevoi  7copeuovrai  icdtvtêç,  to;  èx  y-àyy^  rjxovre;  ètrcsçavcojtévot  SaXXoïç 
£>.aîa:,  /.at  wopçvpaç  çoivixoTcapvçouç  àtxTîî-/^--70'-  TYi^fvVa?  :à,'  xaXoupiyac  tpa- 
£;a:,  àpÇajievot  jjlsv  btco  iepoG  ttvoçirÀpeoç  s^co  tv-ç  tcôaîoj:  ISpupivou,  8te£t6vrec  Sa 
ttv  te  SXXtjv  it6Xtv  xa\  8tce  tîjç  àyopa;  Ttapà  ~b  :ùv  Atooxouptov  iepbv  7rap3p70[ji.svo&, 
avopî;  ett'.v  3t8  xal  rcevraxto^Xtoi,  çépovr8ç  6<ra  Trapà  twv  r,yc|x6vcov  àp'.TTôïa  k'Xa- 
(ïov  èv  TaT;  aa/a:;,  xocXtj  xort  àÇla  to-j  [xsyéOovç  tîjç  ^yejiovtaç  otyiÇ-  Zozime,  2,29  : 
Tr(;  Sa  uairpîo-j  -xaTaAa^o'jar,;  lopr^ç  (le  15  juillet  326  de  l'ère  chrétienne;  cf.  Go** 
defroy,  ad  C.  Th.  15,  14,  3),  xaO'  r,v  àvayxïj  to  <rcpaT6we8ov  f,v  llvac  èc  to  KauôTco- 
Xcov...  (Constantin)  ~r^  lep&ç  àyumiaç  àico<rcaTïi<7a;  etç  [/.îa-o;  <r  xr,v  yspo-jaîav  xai 
tov  Kjpov  àv£<rni<Tev.  Pline,  //.  w.  15,  4,  19  (p.  125,  note  2).  Tacite,  Hist.  2,  83 


90  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

en  désuétude  (1),  y  lia  une  inspection,  ou,  comme  l'expriment 
les  mots,  la  transvectio  equitum  de  la  République  devint  une 
equitum  probatio  impériale  (2).  Les  chevaliers  défilaient  de- 
vant l'empereur,  non  pas,  comme  devant  les  censeurs,  par  tri- 
bus, et  en  tenant  leurs  chevaux  par  la  bride,  mais  en  turmes 
(p.  125, note  2)  et  à  cheval (3);  d'ailleurs,  comme  pour  la  revue 
du  censeur,  ils  étaient  appelés  par  leurs  noms,  et,  si  leur  con- 
duite ou  leur  tenue  militaire  avait  donné  lieu  à  blâme,  ils 
étaient  écartés  de  la  chevalerie  par  l'omission  de  leur  nom  ou 
expressément  (4).  La  revue  des  cavaliers  était,  dans  la  période 
récente  de  la  République,  devenue  en  général  une  forme 
vaine,  par  suite  du  caractère  discontinu  de  la  censure  et  de  la 
négligence  apportée  par  les  censeurs  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions  disciplinaires  militaires;  on  s'en  était  aussi  plus 
d'une  fois  servi  abusivement  dans  des  intérêts  individuels  de 


(p.  125,  note  2)  TJlpien,  Dig.  2,  4,  2  :  In  jus  vocari  non  opor'tet....  eum  qui  equo 
publico  in  Capitolium  (sic  Gujas  ;  le  Ms.  :  in  causa  publica)  transvehatur. 

(1)  Suétone,  Aug.  38  :  Equitum  turmas  fréquenter  recognovit  post  longam 
intercapedinem  reducto  more  travectionis. 

(2)  Cette  pompa  est  désignée  par  transvehere  ou  transire  chez  les  écri- 
vains latins  de  la  meilleure  époque,  et  encore  dans  l'inscription  Orelli, 
3052  =  C.  I.  L.  XI,  3024,  d'un  enfant  de  seize  ans  qui  equo  publico  trans- 
vectus  est.  Mais  Dion,  55,  31.  63,  13,  l'appelle  une  èléxao-tç  et  elle  s'appelle 
equorum  probatio,  dans  le  temps  postérieur  à  Constantin,  dans  une  addition 
à  Valère  Maxime,  2,  2,  9  de  Pabréviateur  Julius  Paris  et  dans  le  calendrier 
de  Philocalus  écrit  en  448,  C.  1.  L.  I,  p.  397. 

(3)  Suétone,  Aug.  38  (note  ci-dessous).  Dion,  63,  13:  Oi  fowceïc  oï  iv.  toO  té- 
Xou;  hc\  aù-ro-j  (Néron)  upcoTov  èyinnioiç  èv  tyj  lvt\<sioi  cçwv  è^exacret   èxpvia-avTo. 

(4)  Suétone,  Aug.  38  :  Senio  vel  aliqua  corporis  labe  insignibus  permisit, 
prœmisso  in  ordine  equo,  ad  respondendum  quotiens  citarentur  pedibus  venire... 
impetratis  a  senatu  decem  adjutoribus  unum  quemque  equitem  rationem  vitx 
reddere  coegit  atque  eximprobatis  alios pœna,  alios ignominia  notavit,  plures  ad- 
monitione,  sed  varia  :  lenissimum  genus  admonitionis  fuit  traditio  coram  pu- 
gillarium,  quos  taciti  et  ibidem  statim  legerent.  Gai.  46  :  Equités  Romanos  se- 
vere  curioseque  nec  sine  moderatione  recognovit,  palam  adempto  equo  quibus 
aut  probri  aliquid  aut  ignominiœ  inesset,  eorum  qui  minore  culpa  tenerentur 
nominibus  modo  in  recitatione  prxteritis.  Naturellement  l'examen  proprement 
dit,  comme  les  citations  multiples  suffisent  à  le  prouver,  précède  la  pompa, 
et  l'on  ne  faisait  dans  cette  dernière  que  proclamer  le  résultat  de  l'examen 
en  lisant  la  liste  des  chevaliers.  C'est  à  ces  citations  et  à  la  récitation 
finale  que  se  rattachent  les  nomenclatures  employés  pour  le  census  equitum 
(p.  86,  note  1). 


LES  CHEVALIERS.  91 

parti;  au  contraire  l'inspection  de  l'empereur  pouvait  et  même 
peut-être  devait  avoir  lieu  tous  les  ans(l),  et  l'empereur  y  parti- 
cipait lui-même  de  la  façon  la  plus  sérieuse,  avec  le  concours 
de  triumvirs  ou  de  décemvirs  de  l'ordre  sénatorial  nommés 
spécialement  à  cette  fin  (2).  Mais,  à  vrai  dire,  cette  institution 
était,  par  sa  base  même,  plutôt  l'expression  d'un  souhait  pieux 
qu'une  réforme  pratique.  On  ne  pouvait  pas  attendre  de  fruits 
réels  d'un  système  dans  lequel  tous  les  équités  Romani  equo 
publico  devaient  se  rendre  chaque  année,  le  15  juillet,  dans  la 
capitale,  de  toute  l'Italie  et  en  grande  partie  aussi  bientôt  des 
provinces,  pour  se  soumettre,  avec  des  chevaux  dont  pour  la 
plupart  ils  ne  se  servaient  pas  plus  que  les  chevaliers  actuels, 
à  une  inspection  qui  n'en  était  pas  une,  qui  consistait  tout  au 
plus  en  une  réprimande  impériale  ou  en  une  peine  morale  in- 
fligée par  l'empereur.  Le  défilé  des  cavaliers  a  subsisté,  on 
peut  le  démontrer,  tout  au  moins  jusque  pendant  le  quatrième 
siècle  de  l'ère  chrétienne  (  3  ) .  Cependant  il  n'est  plus 
question  postérieurement  des  magistrats  auxiliaires  employés 
par  les  empereurs.  Selon  toute  apparence,  l'inspection  des  ca- 


(1)  La  pompa  elle-même  était  une  fête  annuelle  (Dion,  p.  90,  note  3,  etc.) 
et  ne  manquait  que  dans  des  circonstances  exceptionnelles  (Dion,  55,  31,  sur 
l'an  7  de  l'ère  chrétienne  :  Tr,v  i\kxaav4  twv  iTntéwv  ttjv  èv  t*j  àyopà  ycyvofjtivYiv 
àv£^'i).£To,  remplacé  dans  les  éditions  par  la  correction  fausse  :  àveXoc^eTo)  ; 
mais  le  fréquenter  de  Suétone  (p.  90,  note  1)  montre  qu'un  examen  appro- 
fondi ne  se  liait  pas  toujours  et  nécessairement  avec  elle.  Ovide,  Trist.  2, 
541,  dit  dans  un  sens  identique:  Te  delicta  notantem  prseterii  totiens  inre- 
quietus  (Heinsius  -.jure  quietus)  eques;  de  même,  2,  89  :  Vitamque  meam  mo- 
resque probabas  illo  quem  dederas  prœtereuntis  equo.  Les  annales  ne  rappor- 
tent d'examen  des  chevaliers  que  sous  Auguste  en  741  (Dion,  54,  26  ;  cf. 
p.  88,  note  1),  sous  Caligula  (v.  la  note  qui  précède)  et  sous  Alexandre  Sévère 
(Vita,  15  :  Senatum  et  equestrem  ordinem  purgavit).  Cf.  p.  84,  note  2. 

(2)  Les  très  vin  recognoscendi  turmas  equitum,  quotiensque  opus  esset,  sont 
cités  par  Suétone,  p.  125,  note  2,  les  decemviri  par  le  même,  p.  90,  note  4. 
L.  Volusius  Saturninus,  consul  en  742  de  Rome,  censoria  potestate  legendis 
equitum  decuriis  functus  d'après  Tacite,  Ann.  3,  30,  et  appelé  par  adulation 
censor  dans  les  inscriptions  de  ses  affranchis  (cf.  tome  I,  la  partie  des  Ap- 
pariteurs, à  la  section  des  Accensï  et  des  Nomenclatures,  sur  le  nomenclator 
censorius)  a  été  un  de  ces  auxiliaires. 

(3)  La  pompa  eut  encore  lieu  en  326  d'après  Zosime,  2,  29  (p.  89,  note  1); 
elle  est  même  encore  notée  dans  la  calendrier  de  448  (p.  90,  note  2).  L'ins- 
cription d'un  nomenclator  a  censibus,  C.  1.  L.  XIV,  3553,  est  de  224. 


92  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

valiers  n'a  pas  été  faite  plus  sérieusement  dans  la  période 
postérieure  à  Auguste  qu'à  la  fin  de  la  République,  et  Yequoriim 
probatio  est  bientôt  redevenue,  dans  son  ensemble,  ce  qu'elle 
avait  été  à  l'origine,  un  cortège  de  fête. 
Destinations  de  ia      Le  but  direct  de  la  réorganisation  de  l'ordre  équestre  accom- 

cheralerie  °  x 

de îEmpire.  p}je  par  Auguste  était  un  but  militaire.  L'ancienne  cavalerie 
civique  privilégiée  ne  fut  pas  rétablie;  elle  fut  plutôt  définiti- 
vement supprimée;  car,  si  la  légion  reçut  de  nouveau  une  ca- 
valerie, il  ne  fallut  pas,  pour  y  entrer,  d'autres  conditions  de 
capacité  que  pour  entrer  dans  l'infanterie.  Mais  les  grades  d'of- 
ficier, pour  lesquels  la  cavalerie  fournissait  déjà  le  personnel 
sous  la  République,  furent,  d'une  manière  que  nous  étudierons 
déplus  près  à  propos  des  droits  des  chevaliers,  liés  à  la  posses- 
sion du  cheval  équestre.  Les  mesures  prises  relativement  au 
cens  des  chevaliers  tendaient  par  conséquent,  en  première  li- 
gne, au  relèvement  militaire  et  moral  du  corps  des  officiers; 
mais  elles  tendaient  aussi  à  celui  d'autres  catégories  de  per- 
sonnes chargées  de  fonctions  publiques,  soit  des  jurés,  soit 
d'une  partie  des  personnes  employées  dans  l'administration  ; 
on  fit,  en  même  temps ,  des  chevaliers  désormais  nommés  à 
vie  une  noblesse  personnelle  fondée  sur  la  concession  impériale, 
qui  fut  mise  à  côté  de  la  noblesse  sénatoriale  héréditaire,  et  la 
rivalité  de  l'aristocratie  de  naissance  et  de  la  haute  bourgeoi- 
sie, transmise  en  héritage  par  la  République,  fut  mise  au  ser- 
vice des  intérêts  du  Principat,  ainsi  que  nous  l'expliquerons  en 
étudiant  la  répartition  des  honneurs  et  des  magistratures  entre 
les  deux  ordres  privilégiés. 


La  capacité  et  l'incapacité  de  servir  dans  la  cavalerie,  que 
nous  allons  étudier  simultanément  toutes  deux,  sont,  comme 
nous  l'avons  vu,  soumises  aux  mêmes  conditions  pour  les  pos- 
sesseurs des  chevaux  publics  et  pour  ceux  qui  servent  sur  leurs 
chevaux  privés.  Il  faut,  à  ce  point  de  vue,  tenir  compte  de  l'âge, 
de  l'aptitude  physique  au  service,  de  la  fortune,  de  la  naissance, 
du  domicile,  de  l'honorabilité  et  des  incompatibilités  de  rang. 
Il  est  conforme  à  la  nature  d'une  institution  qui  fut  d'abord 


LES    CHEVALIERS.  93 

purement  militaire  et  qui  se  transforma  de  plus  en  plus  en  une 
institution  politique  générale  qu'on  ait,  sous  chacun  de  ces 
rapports,  considéré  à  l'origine  surtout  le  cavalier  et  plus  tard 
surtout  le  chevalier.  Mais  il  faut  toujours  avoir  présent  à  l'es- 
prit que  les  règles  posées  sur  la  capacité  d'être  chevalier  sont, 
soit  en  général,  soit  surtout  sous  l'Empire,  plutôt  des  principes 
directeurs  que  des  restrictions  légales,  et  qu'elles  ont  souvent 
été  arbitrairement  écartées  tant  pour  la  concession  que  pour  le 
retrait  des  droits  de  chevalier.  Il  y  a  même,  pour  la  concession 
de  ces  droits  à  des  individus  qui  n'y  sont  pas  aptes  légalement, 
nommément  à  des  affranchis,  une  forme  légale  propre  :  la 
concession  de  l'anneau  d'or.  Ce  qui  doit  être  dit  à  ce  sujet  le 
sera  plus  loin  à  propos  de  ce  droit  honorifique  des  chevaliers. 


1.   AGE. 

Tant  que  le  service  de  cavalier  a  été  ce  que  veut  dire  son 
nom,  les  enfants  n'ont  pas  plus  pu  servir  achevai  qu'à  pied; 
et  la  limite  d'âge  minimum,  fixée  à  dix-sept  ans  accomplis  (1), 
a  été  observée  là  comme  ailleurs.  Elle  a  même  été  main- 
tenue, dans  ses  termes  essentiels,  à  l'époque  récente  (2).  C'est 
seulement  depuis  le  11e  siècle  de  l'ère  chrétienne  que  l'on  trouve 
des  cas  dans  lesquels  il  est  fait  allusion  à  des  enfants  gra- 
tifiés par  faveur  spéciale  du  cheval  équestre  (3). 


(1)  V.  tome  II,  la  partie  de  la  Capacité  d'être  magistrat,  sur  l'accom- 
plissement du  service  militaire. 

(2)  Les  fils  d'Auguste,  Gaius  et  Lucius  ont  été,  non  pas  avant  d'avoir  re- 
vêtu la  prétexte,  comme  semble  dire  Tacite,  Ann.  1,  3,  mais  immédiate- 
ment après,  dans  le  cours  de  leur  quinzième  année,  acclamés  principes  ju- 
ventutis,  ce  qui  coïncide  pour  eux  avec  la  concession  du  cheval  équestre 
(Mon.  Ancyr.  2°  éd.  p.  52  et  ss.) 

(3)  Vita  Marci,  4  :  (Hadrianus)  ei  honorem  equi  publici  sexenni  detulit.  An- 
tonin  le  Pieux  accorde  le  cheval  équestre  à  un  enfant  de  cinq  ans  : 
C.  I.  L.  X,  3924.  Inscriptions  funéraires  de  chevaliers  de  quatorze  ans 
(C.  /.  L.  VI,  1590),  de  treize  ans  (C.  /.  L.  III,  4490)  de  douze  ans  (C.  /.  L.  X, 
7285),  de  huit  ans  (C.  /.  L.  III,  4327),  de  quatre  ans  (C.  1.  L.  VI,  1595,  iv*  siè- 
cle) ;  un  equo  publico  transvectus  de  seize  ans,  p.  90,  note  2.  Philostrate 
parle  d'une  concession  du  cheval  équestre  faite  en  même  temps  à  un  père 


94  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

Quant  à  l'autre  limite  d'âge,  nous  avons  déjà  expliqué  (VI,  1 
p.  296),  que  la  limitation  à  l'âge  de  quarante-six  ans  admise  pour 
l'infanterie  convenait  moins  bien  à  la  cavalerie  (1).  Elle  ne  fut 
jamais  appliquée  aux  cavaliers;  il  n'y  a  probablement  pas  eu 
pour  eux  de  telle  limite  légale,  et  il  a  anciennement  été  laissé 
à  l'arbitraire  exclusif  des  censeurs  de  voir  à  quel  âge  ils 
entendraient  inviter  chaque  homme  isolé  à  rendre  son  cheval, 
soit  de  son  bon  gré,  soit  contre  sa  volonté.  Cela  devait  en 
règle  avoir  lieu  de  bonne  heure  (2),  et  la  chevalerie  devait 
être  la  fleur  de  la  jeunesse,  de  la.  juventus  (3).  La  participation 
des  chevaliers  aux  cortèges  ordinaires  et  aux  fréquents  cortèges 
extraordinaires  qui  défilaient  dans  la  ville  devait  elle-même  à 
la  fois  attirer  les  jeunes  gens  de  la  noblesse  et  déterminer  plu- 
tôt les  hommes  mûrs  à  se  retirer.  Mais  la  chevalerie  n'a  pas 
continué  d'une  manière  durable  à  se  composer  de  jeunes  gens. 
11  sera  démontré  plus  loin  (p.  105)  que,  jusqu'au  temps  des 
Gracques,  les  sénateurs  sont  restés  en  partie,  peut-être  même 
en  règle,  dans  les  centuries  de  chevaliers.  Cette  pratique,  con- 
traire au  principe  fondamental  de  l'institution,  fut  écartée  par 
l'incompatibilité  du  siège  sénatorial  et  du  cheval  équestre  por- 
tée par  la  loi  au  temps  des  Gracques  (p.  105),  et  la  chevalerie 
fut  ainsi  rendue  à  sa  destination  première.  Si  les  chevaliers 
sont,  au  temps  de  Cicéron,  qualifiés  en  propres  termes  d'adulés- 


et  à  tous  ses  fils  (p.  76,  note  2).  —  Gela  s'étend  même  aux  postes  d'offi- 
ciers. On  félicite  l'empereur  Hadrien  de  n'avoir  nommé  tribun  militaire 
aucun  jeune  homme  imberbe  {Vit.  10);  au  contraire  l'empereur  Commode 
concède  la  première  militia  à  un  enfant  de  quatorze  ans  (C.  1.  L.  XIV, 
2947). 

(1)  V.  tome  II,  la  partie  de  la  Capacité  d'être  magistrat,  sur  l'accomplis- 
sement du  service  militaire. 

(2)  Si  le  cavalier  était  obligé  à  servir  dix  ans  et  le  fantassin  seize  (voir 
tome  II,  loc.  cit.),  la  raison  n'en  était  pas  dans  une  faveur  pour  les  person- 
nes obligées  à  servir  dans  la  cavalerie,  mais  dans  cette  considération  mili- 
taire que  les  personnes  âgées  étaient  moins  propres  au  service  à  cheval. 

(3)  Cette  conception  est  celle  de  toute  l'époque  républicaine,  et  avant 
tout  l'institution  du  princeps  juventutis,  fixée  seulement  à  l'époque  d'Au- 
guste, est  la  meilleure  preuve  de  l'identité  des  chevaliers  d'alors  avec  la 
jeunesse  aristocratique. 


LES  CHEVALIERS.  95 

centuli  (i),  cela  peut  tenir  un  peu  à  ce  que  le  fondement  de 
la  chevalerie  tiré  de  la  censure  avait  alors  pour  ainsi  dire  dis- 
paru, et  que  les  centuries  équestres  se  composaient  alors  des 
fils  de  sénateurs  qui  n'étaient  pas  encore  entrés  dans  le  sénat 
et  peut-être  encore  d'autres  jeunes  gens  qui  avaient  servi  comme 
officiers  (p.  81).  Cette  expression  qui  ne  vient  pas  d'une 
source  excellente  ne  doit  pas  d'ailleurs  être  prise  dans  un  sens 
trop  strict  :  il  suffit,  pour  le  montrer,  de  rappeler  que  les  places 
de  jurés,  qu'on  ne  pouvait,  semble-t-il,  alors  occuper  qu'à 
trente-cinq  ans  (p.  138,  note  3),  étaient  pour  la  plupart  tenues 
par  des  chevaliers.  Il  doit  y  avoir  eu  beaucoup  d'ex-officiers  à 
renoncer  aux  fonctions  politiques  proprement  dites  et  à  rester 
dans  l'ordre  équestre.  Les  mesures  par  lesquelles  Auguste  ac- 
corda aux  hommes  âgés  des  adoucissements  par  rapport  à 
l'obligation  défigurer  dans  la. pompa  (p.  90,  note  4)  et  plus  tard 
dispensa  d'y  figurer  tous  les  chevaliers  ayant  plus  de  trente- 
cinq  ans  (p.  88,  note  1)  rentrent  bien  dans  cette  idée.  La  concep- 
tion de  la  chevalerie  regardée  comme  constituée  par  la  jeunesse 
aristocratique,  que  l'on  rencontre  encore  néanmoins  sous  son 
règne,  vise  probablement  la  portion  des  chevaliers  qui  figure 
dans  ces  défilés.  Nous  avons  déjà  expliqué  qu'il  rendit  le  cheval 
équestre  légalement  viager.  Les  junior  es  sont  encore  dis- 
tingués après  lui  dans  l'ensemble  des  chevaliers  (2). 


(1)  Dans  le  Comm.  petit,  attribué  àQ.  Cicéron,  8,33,  il  est  dit  :  Jam  equi- 
tum  centuriœ  multo  facilius  mihi  diligentia  posse  teneri  videntur.  Primum  co- 
gnosce  équités  :  pauci  enim  sunt.  Deinde  appete  :  multo  enim  facilius  illa  adu- 
lescentulorum  ad  amicitiam  œtas  adjungitur,  et  inde  (Mss.  :  adjungitur  deinde) 
habes  tecum  ex  juventute  optimum  quemque  et  studiosissimum  humanitatis.  Tum 
autem  menant  (Mss.  :  tum  autem  emi)  quod  equester  ordo  tuus  est  :  sequuntur 
aidera  illi  auctoritatem  ordinis,  si  abs  te  adhibeatur  ea  diligentia,  ut  non  or- 
dinis  solum  voluntate,  sed  etiam  singulorum  amicitiis  eas  centurias  confirmatas 
habeas.  Jam  studia  adulescentulorum.. .  et  magna  et  honesta  sunt.  Dans  Cicé- 
ron lui-même,  Pro  Mur.  35,  73,  il  est  question  de  la  necessitudo  de  L.  Natta 
summo  loco  adulescens  avec  les  centurix  equitum.  L'opposition  des  centuris 
juniorum  et  des  celsi  Ramnes  dans  Horace,  Ars  poet.  341  est  connue. 

(2)  Puisque  des  deux  (il  y  en  avait  difficilement  plus)  cunei,  assignés  au 
théâtre  aux  chevaliers  (Suétone,  Dom.  8;  Stace,  Silv.  3,  2,  143)  l'un  s'appe- 
lait, semble-t-il,  cuneus  juniorum  jusqu'à  ce  qu'il  tirât  son  nom  de  Germa- 
nicus  (Tacite,  Ann.  2,  83),  il  faut  qu'il  y  ait  eu  à  cette  époque  une  distinc- 
tion de  cette  espèce  entre  les  chevaliers.  L'idée  la  plus  naturelle  est  de  rat- 


96  DROIT    PUBLIC    ROMAIN, 


2.  APTITUDE  PHYSIQUE. 


pfyliqul  Ce  qui  a  été  dit  de  l'âge  s'applique  également  à  l'aptitude 
physique  au  service.  Les  infirmes  sont  exclus  du  service  dans 
la  cavalerie.  Mais,  lorsque,  dans  la  période  récente  de  la  Ré- 
publique, l'institution  devint  politique,  on  laissa,  ou  même  on 
concéda  le  cheval  à  des  personnes  qui  ne  pouvaient  s'en  servir. 
Auguste  a  commencé  par  user  de  ménagements  dans  l'inspec- 
tion des  chevaliers,  envers  ceux  qui  étaient  infirmes,  comme 
envers  ceux  qui  étaient  âgés  (p.  90,  note  4),  puis  il  a  proba- 
blement accordé  en  pareil  cas,  en  vertu  de  laconstitution  de741, 
la  conservation  du  cheval  avec  exemption  des  corvées  individuel- 
les (p.  88,  n.  1).  Mais,  d'une  manière  générale,  les  chevaliers 
qui  défilaient  dans  les  révisions  prescrites  par  Auguste  étaient 
examinés  au  point  de  vue  de  leurs  aptitudes  physiques.  Le  con- 
trôle du  corps  des  officiers  n'était  pas  le  seul  but  de  la  réor- 
ganisation de  la  chevalerie  opérée  par  Auguste, mais  c'en  était 
le  premier  but,  et  le  plus  important;  or  pour  l'atteindre  il 
était  essentiel  que  le  souverain  eût  l'occasion  de  s'assurer  per- 
sonnellement chaque  année  de  l'aptitude  au  service  des  officiers 
et  de  ceux  qui  aspiraient  à  le  devenir. 


3.    FORTUNE. 

cens  équestre.  ^u  moins  depuis  l'institution  du  service  obligatoire  fait  aux 
frais  du  cavalier,  il  y  a  eu  un  cens  équestre  fixé  soit  par  la  loi, 
soit  exclusivement  par  la  coutume,  différent  de  celui  de  la 


tacher  cette  distinction  à  la  ligne  de  démarcation  placée  par  Auguste  à 
la  35e  année,  en  opposant  làjaventus  qui  iigure  encore  dans  la  pompa  et  les 
vieux  chevaliers. 


LES   CHEVALIERS.  97 

première  classe  et  s'appliquant  aussi  bien  aux  possesseurs  do 
chevaux  publics  (VI,  1,  p.  292)  qu'aux  citoyens  qui  servaient  dans 
la  cavalerie  à  leurs  propres  frais  (1).  Cependant  nous  n'avons 
pas  de  témoignages  anciens  sur  son  montant.  La  loi  Roscia 
de  687  de  Rome,  qui  eut  pour  but  direct  de  régler  le  droit  des 
chevaliers  à  des  places  séparées  au  théâtre  et  qui  appartient  à 
l'époque  dans  laquelle  la  constitution  de  la  chevalerie  n'avait 
plus  la  censure  pour  fondement  (p.  80),  exigeait  le  décuple  de 
la  fortune  de  la  première  classe,  soit  400  000  sesterces  (2). 
Or  la  stabilité  essentielle  du  cens  de  la  première  classe  pendant 
toute  la  durée  de  la  République  (VI,  \ ,  p.  279  et  ss.)  et  le  silence 
de  nos  sources  sur  une  élévationjdu  cens  équestre  sont  favorables 
à  l'idée  que  ce  chiffre,  qui  nous  est  seul  connu,  a  aussi  seul  été 
en  usage  dès  le  principe,  quoiqu'il  n'ait  probablement  été  sanc- 
tionné législativement  qu'à  la  date  de  cette  loi.  Il  a  certaine- 
ment été  aussi  maintenu  sous  l'Empire  (3).  Par  conséquent,  la 
diminution  de  la  fortune  entraine  la  perte  des  droits  de  cheva- 
lier (4).  Néanmoins  la  loi  accorde  au  chevalier  ruiné  sans  sa 
faute  et  forcé  à  donner  un  dividende  à  ses  créanciers  une  place  au 


(1)  Polybe  (p.  73,  note  2)  en  suppose  l'existence  ;  de  même  Tite-Live, 
déjà  pour  l'an  354  (p.  71,  note  1)  et  34,  31,  17,  dans  le  discours  de  Nabis  : 
Vos  a  censu  equitem,  a  censu  peditem  legitis.  # 

(2)  Juvénal,  14,  323  et  ss.  désigne  ce  chiffre  comme  summam,  bis  septem 
ordinibus  quam  lex  dignatur  Othonis  ;  3,  159  :  Sic  libitum  vano  qui  nos  dis- 
tinxit  Othoni  avec  les  scolies  sur  3,  155  :  Othonis  lex,  in  qua  jussit  eos  qui 
quadringentorum  sestertiorum  habent  reditus  (fautif)  in  numéro  equitum  esse. 

(3)  Constitution  de  l'an  23  de  l'ère  chrétienne  chez  Pline,  H.  n.  33,  2,  32  : 
Ne  cui  jus  id  esset  (de  porter  l'anneau  d'or)  nisi  qui  ingenuus  ipse  pâtre  avo 
paterno,  ES  CCCC  census  fuisset  et  lege  Julia  theatrali  in  X1III  ordinibus  sedis- 
set.  Horace,  Epist.  1,  1,  58  :  Sed  quadringentis  sex  septem  milia  desunt  :  plebs 
eris.  Les  mentions  postérieures  sont  nombreuses  :  Suétone,  Cxs.  33  ;  Mar- 
tial, 4,  67.  5,  23.  25.  38  ;  Pline,  Ep.  1,  19  ;  Juvénal,  1,  Î05.  5,  132,  et  ce  qui 
est  dit  plus  bas  desjudices  quadringenarii  (p.  141,  note  4). 

(4)  La  preuve  en  serait,  s'il  en  fallait  une,  dans  l'épigramme  piquante  de 
Martial,  5,  38,  sur  deux  frères  qui  ont  à  eux  deux  une  fortune  équestre. 
Il  n'y  avait  évidemment  pas  de  constatation  officielle  de  l'abaissement  de  la 
fortune  au  dessous  du  taux  équestre.  Celui  qui  usait  des  droits  de  chevalier 
sans  qualité  était  chassé  des  bancs  des  chevaliers,  et  il  encourait  les  multx 
fixées  pour  ce  cas,  au  cours  de  la  poursuite  desquelles  la  preuve  était  faite. 
Cf.  p.  82. 

Droit  Pdbl.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  7 


98  DROJT  PUBLIC   ROMAIN, 

théâtre  inférieure,  mais  toujours  privilégiée  (1).  Auguste 
alla  encore  plus  loin,  mais  sans  doute  seulement  à  titre  transi- 
toire, en  décidant  que  la  peine  portée  contre  l'usurpation  des 
bancs  équestres  au  théâtre  serait  remise  à  ceux  qui  auraient  été 
eux-mêmes  ou  dont  le  père  aurait  été  en  possession  du  cens 
équestre  (2). 


4.    NAISSANCE. 


Hérédité  de  fait      On  n'est  pas  chevalier  romain  par  la  naissance  (3)  :  on  le 

du  cheval  v    ' 

équestre.  devient  par  la  concession  du  cheval.  Mais,  dans  cette  concession, 
c'est  principalement  de  la  naissance  qu'il  est  tenu  compte.  La 
loi  exige  pour  elle  sans  restriction,  sous  la  République  comme 
sous  le  Principat,  la  naissance  libre  (p.  39).  Les  fils  d'affran- 
chis étaient  également  exclu  s  sous  la  République,  et  cette  prohi- 
bition fut  encore  renforcée  sous  Tibère.  Mais,  sous  le  Principat, 
on  ne  l'a  plus  en  général  observée  (p.  40).  Nous  avons  précé- 
demment expliqué  (VI,  1,  p.  288)  que,  dans  la  constitution  pa- 
tricio-plébéienne,  les  six  plus  anciennes  centuries  équestres  res- 

(1)  Gicéron.  Phil.  2,  18,  44  :  Tenesne  memoria  prsetextatum  te  decoxisse  ?... 
illud...  audaciœ  tuse,  quod  sedisti  in  quattuordecim  ordinibus,  cum  esset  lege 
Roscia  decoctoribus  certus  locus,  quamvis  quis  fortunse  vitio,  non  suo  decoxisset 
(cf.  Vita  Iladriani,  18  :  Decoctores  bonorum  suorutn,  si  sua?  auctoritatis  essent, 
catomidiari  —  fustiger  —  in  amphitheatro  et  dimitti  jussit).  Decoquere,  c'est 
faire  un  concordat  ;  c'est  l'expression  courante  pour  ce  que  la  loi  Julia  mu~ 
nicipalis,  lignes  113  et  ss.  exprime  en  langage  juridique  par  :  Quei  sponso- 
ribus  creditoribusve  sueis  renuntiavit  renuntiavent  se  soldum  solvere  non  posse 
aut  cum  eis  pactus  est  erit  se  soldum  solvere  non  posse.  Appulée.  Apol.  75  : 
Negat  posse  [se]  dissolvere,  anulos  aureos  et  omnia  insignia  dignitatis  abjicit, 
cum  weditoribus  depaciscitur. 

(2)  Suétone,  Aug.  40  :  Cum  plerique  equitum  attrito  bellis  civilibus  patrimo- 
nio  spectare  ludos  e  quattuordecim  non  auderent  metu  pœnse  theatralis,  pronun- 
tiavit  non  teneri  ea,  quibus  ipsis  parentibusve  equester  census  umquam  fuisset. 

(3)  Les  inscriptions  C.  1.  L.  VI,  1632  =  Orelli,  3047  et  C.  I.  L.  X,  3674  = 
Henzen,  6409,  qui  sont  invoquées  pour  natus  eques  Romanus,  sont  mal  com- 
prises ;  dans  la  première  :  Natus  eques  Romanus  in  vico  jugario,  il  faut  rap- 
procher natus  d'in  vico  ;  la  seconde  appartient  à  un  eq{ues)  R{omanus),  natus 
eq{uite)  R{omano). 


LES   CHEVALIER».  99 

tèrent   réservées  aux  patriciens  jusque  peu  avant  la  guerre 
d'Hannibal. 

La  loi  n'est  généralement  pas  allée  plus  loin.  L'individu  de 
la  plus  basse  naissance  peut  légalement  recevoir  les  droits  de 
chevalier  (1).  Mais,  dans  l'usage,  le  cheval  équestre  était 
donné  de  préférence  aux  enfants  des  vieilles  familles  (2),  et 
l'hérédité  de  fait  du  rang  de  chevalier  se  concilie  avec  le  carac- 
tère attribué  en  droit  à  la  concession  du  cheval  équestre  (3). 
Le  droit  et  le  fait  subsistent  sans  changement  sous  l'Em- 
pire (4)  ;  cependant  l'expectative  des  places  de  chevaliers  ayant 
alors  disparu  (p.  87)  et  l'hérédité  ayant  par  là  perdu  du  ter- 
rain, la  qualité  de  chevalier  devint  désormais  exactement 
une  noblesse  personnelle  conférée  par  lettres.  —  Les  droits  et 
les  devoirs  du  rang  équestre  sont  logiquement  étendus  jusqu'à 
un  certain  degré  aux  femmes  et  aux  enfants  des  chevaliers  (5); 


(1)  Juvénal,  3,  153  et  ss.  se  plaint  qu'on  chasse  des  places  des  chevaliers 
ceux  dont  la  fortune  est  insuffisante  et  qu'au  contraire  on  y  laisse  asseoir 
lenonum  pueri  quocumque  e  fornice  nati.  L.  Petronius,  rapporte  Valère 
Maxime,  4,  7,  5,  d'un  homme  mort  en  667,  admodum  hwnili  loco  natus  ad 
equestrem  ordinem  et  splendidœ  mïlitise  stipendia  P.  Cœli  beneficio  (sans  doute 
par  le  présent  de  la  somme  qui  lui  manquait  pour  avoir  le  cens)  pervenerat. 

(2)  Les  témoignages  qui  concernent  la  constitution  de  Servius  sont  ras- 
semblés, VI,  p.  292,  note  2.  Mécène  conseille  à  Auguste,  dans  Dion,  52,  23, 
de  faire  chevaliers  touç  zk  oe'jxepzXtx  ixaora-/60t  xal  yévei  xal  àpe-rv)  xa\  tcXouto) 
çepojiévouç.  Dans  le  même  auteur,  59,  9,  l'empereur  Gaius  fait  chevaliers 
xoù;  irpcoTO-Jç  i\  àuàcrr,;  xa\  Tr,ç  ï\tù  OLÇ>yr&  toTç  xz  ylvecri  xa\  xaïç  7cep'.ouo-caç. 

(3)  C'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  entendre  les  familles  équestres  de  la  Ré- 
publique, par  exemple  celle  de  Gn.  Plancius  (Gicéron,  Pro  Plane.  13,  32  : 
Cum  sit  On.  Plancius  is  eques  Romanus,  ea...  vetustas  equestris  nominis,  utpater, 
ut  avus,  ut  majores  ejus  omnes  équités  Romani  fuerint),  d'Atticus  (Nepos,  AU. 
1  :  T.  Pomponius  Atticus  ab  origine  ultima  stirpis  Romarne  generatas  perpetuo 
a  majoribus  acceptam  equestrem  obtinuit  dignitatem),  la  propre  famille  de  Gi- 
céron {Pro  Plane.  7,  17.  2i,  59,  et  ailleurs),  celles  d'Auguste  (Vell.  2,  59  :  Ut 
non  patricia,  ita  admodum  speciosa  equestri  genitus  familia),  d'Ovide  (Trist.  4, 
9,  8  :  Usque  a  proavis  vêtus  ordinis  hères,  non  modo  fortunée  munere  factus  eques) 
Ex  Ponto,  4,  8,  17  :  Seu  genus  excutias,  équités  ab  origine  prima  usque  per  in- 
numeros  inveniemur  avos;  Amor.  3,  8,  9.  15,  6)  et  des  infinités  d'autres. 

(4)  V ita  Severi,  1  :  Majores  équités  Romani  ante  civitatem  omnibus  datam. 
C.  L.  I.  IX,  1540  :  Equitis  Romani  adnepos.  L'attribution  du  cheval  équestre 
à  des  enfants  (p.  93,  note  3)  se  rattache  également  à  cela. 

(5)  Par  exemple,  il  fut  prescrit  en  l'an  19  ne  qusestum  corpore  faceret,  eu1 
avus  aut  pater  aut  maritus  eques  Romanus  fuisset  (Tacite,  Ann.  2,  85.) 


100  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

mais  le  rang  ne  Pest  pas.  Il  n'y  a  pas  de  titre  équestre  qui 
corresponde  au  clarissimat  des  femmes  et  des  enfants  de  sé- 
nateurs (1). 
Droits  de  Naturellement  les  fils  de  sénateurs  sont  de  bonne  heure  ar- 

chevaliers  des  fils 

de  sénateurs,  rivés  de  cette  façon,  par  préférence,  au  cheval  équestre  (2). 
Postérieurement,  probablement  depuis  Sulla  (p.  81),  ils  sont 
chevaliers  de  naissance,  de  sorte  qu'il  n'y  a  pas  besoin  pour 
eux  d'assignation  du  cheval  public.  Nous  reviendrons  plus  loin 
(p.  107)  sur  le  rapport  dans  lequel  ils  sont  avec  le  reste  des 
chevaliers. 


5.    RÉSIDENCE. 


infériorité  des  fl  va  de  soi,  pour  l'époque  ancienne,  qu'on  n'y  tenait  aucun 
compte  de  la  résidence  dans  le  choix  des  détenteurs  des  che- 
vaux publics.  Au  contraire,  sous  lePrincipat,  après  l'extension 
du  droit  de  cité  romaine  non  seulement  à  toute  l'Italie,  mais 
encore  à  de  nombreuses  cités  provinciales,  les  citoyens  habi- 
tant au  loin  et  en  particulier  les  provinciaux  ne  furent  compris 
qu'en  moindre  proportion  dans  les  choix  de  chevaliers.  On  re- 
marque, sur  la  grande  opération  faite  sous  Tibère  afin  de  com- 
pléter les  chevaliers,  que  l'on  y  comprit  même  les  étrangers, 
c'est-à-dire  les  non-Italiens  (p.  85,  note  3).  Cela  n'avait  donc 
pas  eu  lieu  en  général,  au  moins  jusque-là.  La  revue  annuelle 
invitait  aussi  à  se  préoccuper  du  domicile,  et  nous  verrons 
(p.  142)  qu'on  a  la  preuve  qu'il  a  exercé  une  influence  sur 
l'emploi  fait  des  chevaliers  comme  jurés. 


(1)  Les  liberi  equestris  dignitatis  pueri  de  l'inscription  de  Corfinium,  C.  /•  L. 
IX,  3160,  correspondent  peut-être  aux  clarissimi  pueri,  mais  cette  qualifica- 
tion n'est  pas  un  titre  officiel.  Filius  equitis  Romani  :  C.  1.  L.  IX,  1655.  X, 
7239. 

(2)  Tite-Live,  21,  59,  10  :  Duo  qusestores  Romani...  cum  duobus  tribunis  mi- 
litum  et  quinque  equestris  ordinis  senatorum  ferme  liberis. 


LES  CHEVALIERS.  101 


6.    HONORABILITÉ. 


11  en  est  de  l'honorabilité  requise  chez  les  chevaliers  comme  de 
la  naissance.  La  juridiction  exercée  sur  les  mœurs  par  les  cen- 
seurs a  sans  doute  eu  pour  idée  première  qu'il  n'y  a  qu'une 
honorabilité,  l'honorabilité  civique  égale  et  commune  pour  tous, 
et  que  l'exclusion  du  sénat,  celle  de  la  chevalerie,  celle  des 
tribus  sont  identiques  quant  aux  motifs  et  ne  diffèrent  que  dans 
les  conséquences  (1).  Mais  ce  point  de  vue  était  déjà  aban- 
donné au  vie  siècle  de  Rome,  et  l'on  était  plus  rigoureux  pour 
concéder  ou  pour  laisser  le  cheval  public  que  pour  admettre  à 
servir  dans  les  légions.  Sous  l'Empire,  le  contrôle  public  de 
l'honorabilité,  qui  avait  été  antérieurement  dans  la  main  des 
censeurs,  ne  subsista  plus,  avons-nous  vu  (p.  48),  à  rencontre  de 
l'ensemble  du  peuple  ;  il  ne  subsista  plus  qu'en  face  des  deux  or- 
dres privilégiés.  Son  exercice  appartient,  sous  le  Principat,  à 
l'empereur,  et  au  dessous  de  lui,  par  rapport  aux  chevaliers,  au 
fonctionnaire  auxiliaire  signalé  plus  haut  (p.  87,  note  1). 
Nous  ne  savons  rien  de  plus  précis.  Les  renseignements  du 
temps  de  la  République  ou  de  l'Empire  qui  nous  ont  été  trans- 
mis sur  le  retrait  du  cheval  équestre  pour  cause  de  mauvaise 
conduite  ont  été  rassemblés  par  nous  dans  la  théorie  des  motifs 
de  notation  des  censeurs  (2).  Si  nous  connaissions  les  disposi- 
tions spéciales  des  lois  sur  les  théâtres,  nous  y  trouverions 
probablement  organisée,  à  la  fin  de  la  République  et  sous  l'Em- 
pire, une  infamie  équestre  de  nature  propre,  tout  comme  celle 
qui  existe  pour  exclure  des  fonctions  publiques  et  en  matière 


(1)  V.  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  l'examen  des  mœurs  par  les 
censeurs.  Il  apparaît  encore,  en  582,  comme  correct  et  équitable  que  celui 
auquel  on  retire  le  cheval  soit  aussi  radié  de  sa  tribu  (Tite-Live,  42,  10, 
4);  mais  il  n'était  pas  rare  que  la  première  chose  eût  lieu  sans  la  seconde 

Tite-Live,  44, 16,  8). 

(2)  V.  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  les  causes  de  nota. 


Honorabilité. 


102  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

de  représentation  judiciaire  (1).  Les  concordances  et  les  diffé- 
rences seraient  intéressantes  à  relever  notamment  pour  l'his- 
toire des  mœurs.  Mais,  en  dehors  de  la  disposition  déjà  citée 
sur  le  chevalier  tombé  en  faillite  et  exclu  de  ce  chef  (p.  98, 
note  1),  il  ne  s'en  est  conservé  aucune  connaissance. 


7.    INCOMPATIBILITÉ    DE   RANG. 


Dans  la  période  récente  de  la  République  et  sous  l'Empire, 
c'est  un  caractère  du  chevalier  de  devoir  n'appartenir  ni  au 
peuple  obligé  à  servir  dans  l'infanterie,  ni  au  sénat.  Il  y  a 
donc  incompatibilité  entre  les  deux  rangs  les  plus  élevés,  et 
aussi  entre  eux  et  la  qualité  de  membre  du  resfe  du  peuple.  Les 
deux  incompatibilités  sont  également  inconnues  à  l'ancienne 
constitution;  nous  devons  ici  en  exposer  le  développement. 
Résignation  du      Si  les  services  effectifs  de   cavalier  et  de  fantassin  s'ex- 

cheval  équestre       ,        .        .        ,  ,  .  .  . ,.,     . 

pour  entrer  dans  cluaient,  la  plus  ancienne  organisation  militaire  ne  connais- 
sait cependant  pas  d'obligation  exclusive  de  servir  dans  la  cava- 
lerie. L'obligation  au  service  qui  pesait  sur  le  citoyen  complet 
pouvait,  dans  le  système  que  nous  avons  précédemment  déve- 
loppé, le  conduire  aussi  bien  à  l'un  des  deux  services  qu'à  l'au- 
tre, et  le  citoyen  complet  qui  avait  été  employé  dans  la  cava- 
lerie pouvait  même  probablement  être,  après  la  restitution  du 
cheval,  encore  appelé  à  servir  comme  fantassin,  au  moins 
parmi  les  seniores.  Mais  en  fait  la  règle  s'établit,  dès  une  épo- 
que reculée,  après  l'introduction  du  service  obligatoire  equo 
privato,  que  l'obligation  de  servir  comme  cavalier  impliquait 
la  dispense  de  servir  comme  fantassin.  La  tendance  du  déve- 
loppement politique  à  la  restriction  de  l'égalité  entre  citoyens, 
qui  se  manifeste  notamment  par  rapport  à  l'ordre  éques- 
tre, et  la  supériorité  de  rang  essentielle  reconnue  dès  l'époque 
anciennne  au  simple  cavalier  sur  le  centurion  d'infanterie  lui- 

(1)  V.  la  même  partie,  sur  le  rapport  de  l'infamie  prononcée  par  les  cen- 
seurs avec  celle  prononcée  par  d'autres  magistrats. 


LES   CHEVALIERS.  103 

même  (p.  72)  impliquent  l'existence  de  ce  principe,  quoique  l'on 
n'en  ait  pas  de  preuves  directes  venant  des  temps  anciens  (1). 
Lorsque,  vers  la  fin  de  la  République,  les  personnes  riches  fu- 
rent expulsées  de  l'infanterie  régulière  par  la  réforme  de  Ma- 
rius  et  que  le  service  à  cheval  devint  un  service  d'officier,  la 
différence  de  rang  existant  entre  les  chevaliers  et  les  autres 
citoyens  devint  une  véritable  différence  militaire  :  celle  qui 
sépare  l'officier  du  soldat,  et  les  choses  n'ont  pas  changé  sous 
le  Principat.  Non  seulement  le  citoyen  ordinaire  n'est  pas  apte 
à  la  militia  equestris  ;  mais  le  citoyen  appartenant  à  l'ordre 
équestre  est  également  incapable  d'entrer  en  cette  qualité  dans 
la  légion.  Pour  participer,  sous  l'Empire,  au  service  avantageux 
des  légionnaires,  le  détenteur  du  cheval  équestre  devait  le  ré- 
signer. Cela  s'est  souvent  produit  sous  la  forme  d'une  conces- 
sion immédiate  du  centurionat  de  légion  faite  aux  personnes 
qui  sortaient  pour  cette  raison  de  l'ordre  privilégié  (2). 


(1)  Il  reste  toujours  remarquable  que  les  possesseurs  de  chevaux  publics 
n'étaient  pas,  à  titre  de  peine,  astreints  à  servir  dans  l'infanterie,  mais  à 
servir  sur  leurs  chevaux  privés  (p.  71,  note  2).  On  ne  trouve  pas  un  témoi- 
gnage du  temps  de  la  République  selon  lequel  un  individu  qui  pouvait  ser- 
vir à  cheval  ait  servi  à  pied.  Les  80  sénateurs  effectifs  ou  en  expectative, 
qui  périrent  à  Cannes,  sua  voluntate  milites  in  legionibus  facti  (Tite-Live,  22, 
49, 17),  peuvent  avoir  servi  dans  la  cavalerie  légionnaire,  d'autant  plus  qu'au 
moins  beaucoup  d'entre  eux  possédaient  nécessairement  le  cheval  public. 
Au  reste,  il  s'agit  là  exclusivement  du  droit  et  de  l'usage;  car  on  ne  pouvait 
pas  refuser  au  cavalier  la  faculté  de  servir  volontairement  à  pied. 

(2)  Les  écrivains  ne  font  pas  mention  de  cela,  en  dehors  de  l'allusion  de 
Suétone,  Galb.  10  :  Delegit  et  equestris  ordinis  juvenes,  qui  manente  anulorum 
aureorumusu  evocati  appellarentur  excubiasque  circa  cubiculum suum  vice  mili- 
tum  agerent.  Stace,  Silv.  5,  1,  94,  est  rapporté  à  tort  à  cela  par  Madvig,  Kl. 
Schriften,  539  et  ss.  (v.  tome  V,  la  partie  de  Vimperium  ou  puissance  pro- 
consulaire du  prince,  sur  son  droit  de  nomination  des  officiers).  Il  en  est 
au  contraire  souvent  question  dans  les  inscriptions.  La  formule  est  :  Ordi- 
nem  accepit  ex  équité  Romano  in  legione  illa  (ainsi,  pour  les  points  essentiels, 
C.  I.  L.  III,  1480.  VI,  3584),  centurio  adlectus  ex  eq.  R.  a  divo  Pio  in  legionem 
11  Aug.  (Eph.  ep.  V,  506),  centurio  legionis  III  Italien  ordinatus  ex  équité  Ro- 
mano ab  imp.  (C.  1.  L.  V,  7865.  7866),  ï\  bt7uxou  Tay^atoç  Ixatovxapxoç  Xeycw- 
vàpioç  (C.  L  Gr.  2803)  ;  autres  exemples  C.  L  L.  III,  750.  VIII,  1647.  IX,  951. 
La  plus  ancienne  en  apparence  de  ces  inscriptions,  C.  I.  L.  VI,  3584,  est 
du  temps  de  Trajan.  Tous  les  ex-chevaliers  entrent  dans  les  légions  comme 
centurions.  On  peut  rapprocher  de  là  l'assertion  de  Dion,  52,  25.  78,  14, 
selon  laquelle  l'ex-centurion  ne  peut  devenir  sénateur  que  s'il  n'a  pas  servi 
en  qualité  de  simple  soldat.  Il  n'y  a  qu'une  forme  différente  de  ce  droit  dans 


104  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

Les  sénateurs       Si  la  capacité  d'être  chevalier  n'a  guère  jamais  pu  manquer 

dan?  les  centuries  -1  o  o  i.  ± 

équestres,  à  ua  sénateur,  la  possession  du  cheval  équestre  est  sans  au- 
cune relation  avec  le  fait  d'appartenir  au  sénat.  On  ne  voit  pas 
théoriquement  pourquoi  le  cheval  équestre  et  le  siège  sénatorial 
ne  pourraient  pas  appartenir  simultanément  à  la  même  per- 
sonne, et  empiriquement  nous  avons  des  preuves  précises  de 
leur  compatibilité  en  date  du  sixième  siècle  de  Rome  (1). 
Il  est  même  vraisemblable  que  non  seulement  ou  s'abstenait 
souvent  de  restituer  le  cheval  équestre,  —  qu'il  était  surtout 
désirable  de  conserver  pour  les  hommes  occupant  une  situation 
politique,  à  cause  du  droit  de  vote  plus  avantageux  des  centuries 
équestres,  —  mais  que  même  une  disposition  exceptionnelle  de  la 
loi  permettait  au  sénateur  qui  avait  revêtu  une  fonction  curule, 
de  conserver  le  cheval  équestre  aussi  longtemps  qu'il  lui  plai- 
rait (2).    L'apparition,  même  à  l'époque  moderne,  des  séna- 


la  concession  d'un  second  primipilat  seulement  formel  (étudiée  par  moi 
C.  I.  L.  V,  867)  à  des  hommes  de  rang  équestre  (C.  I.  L.  Y,  867.  1838.  VI, 
1636.  X,  5829.  Orelli,  3444)  ;  cette  pratique  doit  également  avoir  été  légali- 
sée par  le  retrait  préalable  du  cheval  équestre.  Nous  ne  savons  quel  avan- 
tage il  résultait  de  cette  concession;  peut-être  ne  s'agissait-il  là  que  d'un 
seul  donativum;  car  ces  primipilaires  paraissent,  au  moins  en  général,  être 
rentrés  immédiatement  dans  l'ordre  équestre.  Si  le  cheval  équestre  est  of- 
fert au  ine  siècle  à  des  centurions  sans  qu'ils  quittent  leur  fonction  (C.  I.L. 
X,  5064;  Orelli,  3100  =  C.  I.  L.  XI,  1836),  ce  ne  sont  laque  des  dérogations 
isolées  à  la  règle. 

(1)  Entre  ceux  auxquels  le  cheval  équestre  fut  retiré  par  les  censeurs 
figurent,  à  la  censure  de  550,  les  deux  censeurs  eux-mêmes  M.  Livius  Salinator 
et  G.  Glaudius  Nero  (Tite-Live,  29,  37,  8:  Ambo  forte  censores  equumpublicum 
habebant;  Val.  Max.  2,  9,  6  :  Cum  equitum  centurias  recognoscerent  et  ips* 
propter  robur  œtatis  etiamnunc  eorum  essent  in  numéro)  et,  à  celle  de  570,  le 
consulaire  L.  Scipio  (Tite-Live,  39,  44,  1  :  In  equitatu  recognoscendo  L.  Sci~ 
pioni  Asiageni  ademptus  equus). 

(2)  Lorsque,  en  544,  les  sénateurs  versèrent  ce  qu'ils  avaient  d'argent 
au  trésor  public,  ils  retinrent,  qui  curuli  sella  sederunt  equi  ornamenta  et 
libras  pondo  ut  salinum  patellamque  deorum  causa  habere  possint,  ceteri  senato- 
res  libram  argenti  tantum  (Tite-Live,  26,  36,  6)  ;  cela  suppose  que  celui  qui 
a  occupé  une  magistrature  curule  non  seulement  peut  avoir  le  cheval 
équestre,  mais  l'a  en  général  et  peut-être  même  nécessairement.  Dans  Cicé- 
ron,  De  re  p.  4,  2,  le  jeune  Scipion  dit  (d'après  l'auteur,  en  625)  :  Quam  com- 
mode ordines  descripti,  setates,  classes,  equitatus,  in  quo  suffragia  sunt  etiamse- 
natus:  nimis  multisjam  stulte  hanc  utilitatem  tolli  cupientibus,  qui  novam  lar- 
gitionem  quserunt  aliquo  plebei  scito  reddendorum  equorum.  Avec  la  ponctua- 
tion et  l'interprétation  d'abord  proposées  par  Madvig,  Opusc.  1,  74    et  ss.e 


LES  CHEVALIERS.  405 

teurs  qui  sont  en  deuil  dans  le  costume  de  chevalier  (1),  qui 
n'est  pas  quitté  en  pareil  cas  comme  les  insignes  du  sénat,  ne 
peut  se  comprendre  qu'aune  condition  :  à  condition  que  les  sé- 
nateurs aient  eu  autrefois  le  droit  général  déporter  ce  costume. 
Mais,  lorsque  G.  Gracchus  opposa  à  l'aristocratie  de  naissance     Exclusion 

des  sénateurs    de 

au  pouvoir,  les  chevaliers,  parmi  lesquels  la  classe  moyenne  ia  chevalerie. 
l'emportait,  il  fut  de  son  intérêt  d'écarter  de  leurs  rangs  les 
sénateurs.  Le  cheval  équestre  fut  donc  retiré  aux  sénateurs  par 
une  loi  proposée  par  lui  ou  sous  son  influence  ;  le  prétexte  en 
fut  de  satisfaire  par  la  concession  des  chevaux  équestres  ainsi 
rendus  vacants  les  candidats,  fort  nombreux  sans  nul  doute, 
qui  briguaient  cette  position  (2);  mais  en  réalité  le  but 
direct  était  de  n'avoir  pas  à  admettre  les  sénateurs,  même  en 
qualité  de  chevaliers,  dans  les  jurys  transportés  du  sénat  aux 
chevaliers  (p.  134).  Désormais  celui  qui  obtient  un  siège  au 
sénat,  résigne  le  cheval  équestre  entre  les  mains  des  censeurs, 


depuis  généralement  admises,  ces  mots  attestent  que  les  sénateurs  votèrent 
régulièrement  jusqu'au  temps  des  Gracques  dans  les  centuries  de  chevaliers. 
Le  forte  de  Tite-Live  (note  ci-dessus)  et  son  amplification  chez  son  copiste 
n'ont  pas  de  valeur  en  sens  contraire.  Si  Denys,  10,  10,  parle  d'gÇcoTîfc  pouXf,ç 
imcetc,  il  pense  à  l'incompatibilité  qui  existe  de  son  temps. 

(1)  Dion,  38,  14.  40,  46.  56,  31.  72,  21.  Gf.  tome  II,  la  partie  du  Gostume 
des  magistrats,  sur  la  prétexte  comme  costume  ordinaire  des  magistrats  su- 
périeurs. 

(2)  Niebuhr  a  conclu  avec  raison  des  mots  de  Gicéron  rapportés  p.  104, 
note  2,  qu'une  telle  loi  a  été  portée  bientôt  après  l'an  625.  Madvig,  loc.  cit. 
cherche  la  liberalitas  dans  ce  qu'une  charge  aurait  été  enlevée  par  là  aux 
sénateurs  en  possession  du  cheval.  Mais  si  ce  cheval  constituait  encore  à 
cette  époque,  comme  il  est  assurément  vraisemblable,  une  charge  financière 
(VI,  1,  p.  292,  note  1),  une  dépense  relativement  minime  de  cette  espèce  ne  peut 
être  entrée  en  considération,  pour  le  sénat  de  ce  temps, dans  des  questions  po- 
litiques; si  l'on  admettait  cette  conception,  le  retrait  du  cheval  à  titre  de  peine 
deviendrait  inexplicable,  et  l'on  pourrait  encore  moins  concevoir  que  la  res- 
titution du  cheval  fût  non  seulement  permise,  mais,  comme  c'est  ouverte- 
ment le  cas,  commandée.  On  aura  plutôt  invoqué- comme  raison  nominale 
du  plébiscite  les  nombreuses  demandes  de  concession  du  cheval  public  qui 
ne  pouvaient  manquer  soit  à  raison  de  la  considération  et  de  l'influence 
qui  y  étaient  liées,  soit  à  cause  des  frais  en  tout  cas  encore  plus  grands 
qu'entraînait  le  service  equo  privato.  Le  motif  véritable  ne  peut  avoir  été 
que  dans  la  politique  équestre  de  Gaius  Gracchus;  la  cité  ne  pouvait  pas  ar- 
river à  avoir  deux  têtes  ni  une  aristocratie  faire  échec  à  l'autre  tant  que 
les  sénateurs  et  les  chevaliers  voteraient  ensemble  dans  les  centuries  des 
chevaliers. 


106  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

à  la  censure  qui  suit  (1),   et  il  y  a,  au  dernier  siècle  de  la  Ré- 
publique comme  sous  le  Principat,  une  incompatibilité  légale 
entre  le  siège  sénatorial  et  le  cheval  équestre  (2). 
Les  droits  de        L'incompatibilité  du  siège  sénatorial  et  du  cheval  équestre 

chevaliers  des  >  -1 

futurs  sénateurs,  une  fois  établie,  la  chevalerie  publique  devint  le  marchepied 
du  sénat,  en  ce  sens  que  le  dernier  se  complétait  à  l'aide  de 
membres  de  la  première  (3),  et  que  même  fréquemment,  sous 


(1)  C'est  ce  que  montre  l'exemple  connu  de  Gn.  Pompée,  qui,  entrant  dans 
le  sénat  comme  consul  en  684,  en  sautant  par  dessus  les  magistratu- 
res inférieures,  rendit  son  cheval  équestre  aux  censeurs  alors  en  fonctions 
(v.  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure  sur  l'examen  de  l'aptitude  au  service 
des  cavaliers).  Au  contraire  la  défense  de  C.  Gracchus  questeur  de  628  de- 
vant les  censeurs  de  629  (v.  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  les  causes 
de  nota)  peut  difficilement  se  rapporter  à  cela,  comme  le  veut  Madvig  (Op. 
cit.  p.  85);  il  s'agit  difficilement  là  de  la  restitution  du  cheval,  mais  plutôt 
de  la  réception  ou  du  maintien  dans  le  sénat.  —  Au  reste  l'incompatibilité 
doit  avoir  produit  effet  au  moment  même  où  le  siège  sénatorial  était  acquis, 
La  comparution  devant  les  censeurs  ne  peut  être  considérée  que  comme  un 
acte  purement  déclaratif  de  l'ex-chevalier. 

(2)  Il  y  a  quelques  cas  exceptionnels  où  le  tribunat  de  légion,  le  sévirat 
et  le  vigintivirat.  qui  exigent  tous  le  cheval  équestre,  sont  occupés  après  la 
questure.  —  Pour  le  tribunat,  c'est  très  rare  (cf.  tome II,  la  partie  delà 
Capacité  d'être  magistrat,  sur  l'ordre  de  succession  des  magistratures 
chez  les  magistratures  patriciennes  annales);  Orelli,  2773.  5447  =  C.  I.  L. 
IX,  2456. —  Nous  rencontrons  le  sévirat  après  la  questure,  Vita  Marci,  6  : 
Adhuc  quœstorem  et  consulem  secum  (pour  l'an  140)  Plus  Marcum  designavit 
et  Cxsaris  appellatione  donavit  et  sevirum  turmis  equitum  R.  jam  consulem 
designatum  creavit  et  dans  les  inscriptions  C.  1.  L.  V,  531.  VIII,  7030.  IX, 
3154.  X.  1706.  Willmanns,  1193;  après  le  tribunat  du  peuple,  semble- 
t-il,  Henzen,  6488  =  C.  I.  L.  XI,  383.  Celle  d'un  sévir  prétorien  C.  I.  L.  III, 
1458,  est  gravement  suspecte  d'interpolation.  Ces  exceptions  doivent,  en  tant 
qu'elles  ne  sont  pas  des  fautes  de  rédaction,  provenir  de  prolongations  in- 
dividuelles des  délais.  Le  vigintivirat  occupé  après  la  questure  est  signalé 
comme  extraordinaire  par  l'inscription  du  temps  d'Auguste,  Henzen,  6450 
:=  C.  I.  L.  IX,  2845.  Les  cas  de  ce  genre  sont  rares  (C.  I.  L.  XIV,  2802  :  au 
contraire  VI,  1360.  X,  5182,  sont  sans  doute  des  erreurs). 

(3)  Le  recrutement  complémentaire  du  sénat  dans  la  chevalerie,  depuis 
qu'elle  exista  et  tant  qu'elle  exista,  est  un  fait  qui  tient  à  la  nature  de  cet 
ordre  mis  à  la  seconde  place  ;  il  est  aussi  bien  rapporté  pour  l'époque  la 
plus  ancienne  (Festus,  Ep.  p.  7,  v.  Allecli  ;  p.  41,  v.  Conscripti)  que  pour  la 
période  des  Gracques  et  de  Sulla,  où  le  complément  du  sénat  au  moyen  de 
l'ordre  équestre  était  un  événement  qui  se  reproduisait  sans  cesse,  et  que 
pour  celle  du  Principat,  où  l'empereur  Alexandre  Sévère  (Vita,  c.  19)  appe- 
lait encore  les  chevaliers  le  seminarium  senatus.  Mais,  tant  que  le  cheval 
équestre  et  le  siège  sénatorial  purent  être  associés,  la  condition  de  cheva- 
lier ne  put  pas  être  considérée  d'une  façon  générale  comme  le  marchepied  du 


LES   CHEVALIERS.  107 

l'Empire,  ce  n'étaient  pas  les  chevaliers  qui  entraient  dans  le 
gênât,  ou  qui  projetaient  d'y  entrer,  mais  les  jeunes  gens 
de  naissance  sénatoriale  qui,  étant  obligés  moralement  sous  la 
République,  légalement  sous  le  Principat  (1),  à  prendre  la 
carrière  sénatoriale,  la  commençaient  en  général  en  occupant 
des  fonctions  équestres  (2).  Nous  avons  déjà  expliqué  que, 
selon  la  constitution  de  Sulla,  les  fils  de  sénateurs  doivent  être 
considérés  comme  étant  chevaliers  de  naissance;  nous  avons 
déjà  dit  encore  que, peut-être  aussi  dès  cette  époque,  des  jeunes 
gens  de  familles  non-sénatoriales  arrivaient,  en  servant  comme 
officiers,  au  cheval  équestre  et  au  droit  de  vote  dans  les  centu- 
ries de  chevaliers,  de  manière  à  se  voir  ainsi  facilitée  l'entrée 
dans  la  carrière  des  magistratures.  Mais,  en  face  de  l'aristo- 
cratie fermée  de  la  nobilitas,  cela  ne  peut,  du  temps  de  la  Ré- 
publique, s'être  accompli  que  dans  une  faible  mesure.  Sous  le 
Principat  au  contraire,  cela  devint,  ainsi  que  nous  l'avons  éta- 
bli en  étudiant  l'ordre  sénatorial  (p.  57),  une  chose  habituelle; 
le  gouvernement  voyait  probablement  d'un  bon  œil  et  encou- 
rageait dans  leurs  demandes  les  jeunes  gens  appartenantà  des 
familles  non-sénatoriales,  mais  considérées,  qui  demandaient 
leur  réception  dans  Tordre  sénatorial  et  qui  étaient  par  là  assi- 
milés aux  fils  de  sénateurs  et  mis  comme  eux  en  droit  et  en 
devoir  de  parcourir  de  bas  en  haut  la  carrière  sénatoriale  en 
commençant  par  les  fonctions  équestres.  —  Ces  jeunes  gens,  qui 
entraient  parmi  les  chevaliers  en  qualité  de  fils  de  sénateurs 


sénat;  il  n'en  fut  ainsi  que  depuis  l'établissement  de  l'incompatibilité  lé- 
gale. 

(1)  Voir,  tome  II,  la  partie  de  la  Candidature  et  de  l'éligibilité,  sur  les  me- 
sures prises  contre  le  défaut  de  candidats  sous  le  Principat. 

(2)  Isidore,  Orig.  9,  4,  12  :  Quamvis  senatoria  quisque  origine  esset,  usque 
ad  legitimos  annos  eques  Romanus  erat,  deinde  accipiebat  honorera  senatoria 
dîgnitatis.  Cette  situation  se  révèle  de  la  manière  la  plus  claire  pour  le  fu- 
tur empereur  Claude,  qui,  né  en  744,  mais  exclu  de  la  carrière  publique, 
resta  chevalier  jusqu'en  790=37  après  Jésus-Christ.  Suétone,  Claud.  6  :  Equester 
ordo  bis  patronum  eum  perferendx  pro  se  legationis  elegit,  etc.  ;  Gai.  15  :  Pa- 
truum  Claudium  equitem  Romanum  ad  id  tempus  collegam  sibi  in  consulatu 
adsumpsit;  Dion,  59,  6  .  Outo;  yàp  r(v  év  toîç  IwrceOeriv  u.iyo'.  tote  èçsxaÇofxsvoç 
v.x:  irpe(xfieuTT)ç  ~po;  tov  Tâ'.ov  (xîtà  tov  toO  Ti^spio'j  ôâvatov  urcèp  tîjç  tTnraôo; 
*e{içôe\c  totô  TipiùTov....  %a\  uttdtTeuoTV  S.\i<x  xai  èpou)>eu<rev. 


108  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

ou  en  vertu  de  leur  admission  dans  l'ordre  sénatorial,  mais 
qui  ensuite  en  sortaient  par  leur  admission  dans  le  sénat  lui- 
même,  étaient,  avons-nous  montré  (p.  61),  bien  qu'étant  che- 
valiers, assimilés  pour  les  insignes  à  l'ordre  sénatorial,  et  ils 
formaient  par  suite,  dans  le  sein  de  la  chevalerie,  une  classe 
L'entrée  au  sénat  d'élite  n'en  faisant  partie  qu'à  titre  passager  (1).  —  L'avan- 
non-sénaToriaïx.  cernent  qui  les  faisait  passer  dans  la  première  classe  était  donc 
réglé  d'une  manière  précise.  Mais  les  concessions  extraordinai- 
res du  siège  sénatorial  qui  intervinrent  fréquemment  sous  le 
Principat,  les  adlections  qui  primitivement  émanaient  des  cen- 
seurs et  qui,  à  partir  de  Domitien,  sont  passées  dans  les  attri- 
butions de  l'empereur  (2)  ont  en  général  eu  pour  objet  des 
membres  de  l'ordre  équestre.  Le  commandement  de  la  garde 
donnait,  au  moins  à  l'époque  récente,  un  droit  de  fait  à  cette 
faveur  :  de  même  que  le  plébéien  qui  a  parcouru  toute  la  car- 
rière militaire  reçoit  fréquemment  le  cheval  équestre  en  qua- 
lité de  primipilus  (p.  154,  note  3),  le  chevalier  est  en  géné- 
ral élevé  à  la  dignité  de  sénateur  au  moment  où  il  quitte  cette 
fonction  équestre  qui  est  la  plus  élevée  de  toutes  (3).  D'ail- 
leurs on  ne  peut  poser  de  règles  générales  ni  sur  l'admission 
des  chevaliers  dans  le  sénat,  ni  sur  la  classe  hiérarchique  dans 
laquelle  ils  sont  placés  en  pareil  cas.  Naturellement  on  a  égard 


(1)  Les  chevaliers  de  rang  sénatorial  sont  spécialement  signalés  à  côté  de 
Tordre  équestre  pour  des  jeux  (Dion,  43,  13  :  Kaî  xivsç  xoù  tûv  nruétov  où-/  oti 
twv  aXXcov,  àXXà  xoù  ÈaTpaTYiyYixoToçTivbç  uîbç  âfjt,ovo[Acr/r,<7av)  et  des  cortèges  (Dion, 
55,  13  :  Su"/vo\  tûv  veavicxwv  sx  te  tou  Po-jXeutixoO  xàx  twv  aXXwv  litizibiv',  de 
même  c.  2,  où  le  corps  de  Drusus  est  porté  ôiro  :«v  ctcttÉwv  tûv  te  tç  rr|v  ImraSa 
àpxijîâjç  teXouvtwv  —  c'est-à-dire  que  ceux  qui  restent  appartiennent  à  l'ordre 
équestre  —  xoù  tcdv  èx  toû  poyXsytixoO  ylvouç  ôvtojv)  ;  ils  sont  aussi  distingués 
des  autres  chevaliers  pour  la  défense  de  monter  sur  la  scène  (v.  tome  IV,  la 
partie  de  la  Censure,  sur  les  causes  de  notation,  lettre  /).  Il  ne  faut  pas  confon- 
dre les  chevaliers  de  rang  sénatorial  avec  les  équités  illustres  (p.  173,  note  2). 

(2)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Nomination  des  sénateurs,  sur  l'entrée  au 
sénat  par  adlectio. 

(3)  V.  tome  V,  la  partie  de  Vlmperium  du  prince,  sur  le  commandant  de 
la  garde,  et  la  partie  de  la  Nomination  des  sénateurs,  sur  les  classes  hiérar- 
chiques des  adlecti.  Ce  changement  de  rang  était  sans  doute  employé  pour 
congédier  poliment  le  préfet  de  la  garde  ;  en  pratique,  c'était  lui  donner 
une  retraite  honorable. 


LES  CHEVALIERS.  109 

à  l'âge  et  à  la  condition  sociale  (4).  Les  hommes  qui  ont  pris 
la  carrière,  distincte  de  la  carrière  sénatoriale,  des  fonctions 
équestres  proprement  dites,  sont  difficilement  invités  à  revêtir 
la  questure  qui  est  la  plus  basse  des  fonctions  sénatoriales  pro- 
pres (2).  On  les  place  en  général  dans  l'une  des  trois  classes  hié- 
rarchiques inférieures  du  sénat,  dans  celle  des  quaestorii, 
dans  celle  des  tribunicii,  ou  dans  celle  des  praetorii.  Au  con- 
traire l'admission  par  simple  adlection  dans  la  classe  hiérar- 
chique la  plus  élevée,  n'a  eu  lieu  que  dans  de  rares  cas 
exceptionnels  (3). 


Pour  exposer  les  droits  et  les  devoirs  civiques  des  chevaliers, 
il  convient  d'abord   de  rappeler  que  leur  dénomination  est   Les  droits  des 

x  x  ±  chevaliers. 

prise  tantôt  dans  un  sens  large  et  tantôt  dans  un  sens  étroit. 
Il  n'y  a  pas  de  privilèges  politiques  accordés  aux  citoyens 
rendus  aptes  au  service  à  cheval  d'un  côté  par  leur  fortune  et  Lft^£/iS£.dM 
leur  naissance  et  d'un  autre  côté  par  leur  absence  du  sénat. 
Ils  sont,  dans  le  langage  courant,  comptés  dans  l'ordre  équestre 
(p.  76);  mais  on  ne  peut  pas  voir  là  un  véritable  droit  propre. 
Ils  afferment,  et  ils  afferment  seuls  de  l'État  la  perception  de 

(1)  Dans  Dion,  52,  25,  Mécène  conseille  à  Auguste  :  "Ooriç  8'  av  xàiv  ïu^étov 
6;à  KoXXàJv  ô:e|e)v9ù)v  èXXoyifxoç,  âiors  xai  pouXeuaai  ylvritai,  [Lrfikv  aùxbv  r\  f,Xix(a 
i|Mco8iÇ&ra>  icpbç  xo  \ir\  où  èç  to  auvISpiov  xa-aXc-/6rjvat  ;  le  conseil  détournant 
d'admettre  dans  le  sénat  ceux  qui  ont  été  simples  soldats  (p.  103,  note  2), 
donné  évidemment  par  allusion  à  l'admission  d'Adventus,  vient  ensuite. 
Hirschfeld,  Verw.  Gesch.  1,  245,  a  rassemblé  une  série  d'adlections  de  ce 
genre  en  y  joignant  l'indication  des  fonctions  équestres  antérieurement  occu- 
pées et  de  la  classe  hiérarchique  du  sénat  assignée  aux  bénéficiaires.  Suivant 
les  cas,  cet  avancement  de  nom  pouvait  en  fait  être  tout  le  contraire,  comme 
pour  les  préfets  de  la  garde  (p.  108,  note  3)  et  dans  le  cas  de  Marcius  Agrippa 
relaté  tome  V. 

(2)  Statius  Priseus,  consul  en  159,  revêtit  la  questure  après  cinq  grades 
d'officier  et  une  procuratèle  (C.  1  L.  VI,  1523).  C'est  le  seul  cas  de  cette 
espèce  qui  soit  connu.  La  carrière  du  futur  empereur  Sévère,  qu 'Hirschfeld, 
Verw.  Gpsch.  1,  246,  y  ajoute,  est  plutôt  la  simple  carrière  sénatoriale  :  il 
aurait  dû,  après  la  fonction  préalable  indifférente  d'advocatus  fisci,  revêtir 
le  tribunat  militaire,  comme  l'a  fait  en  réalité  un  de  ses  contemporains  (C. 
/.  L.  III,  6075),  et,  au  lieu  de  cela,  il  a  passé  par  dessus  pour  devenir  questeur. 

(3)  V.  tome  V,  la  partie  de  l'adlection  des  sénateurs  sur  les  classes  hié- 
rarchiques des  adlecti. 


HO  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

ses  revenus  et  les  travaux  à  faire  pour  son  compte  à  titre  oné- 
reux, et  cela  a  même  été  en  fait  la  base  de  leur  influence  poli- 
tique et  du  développement  de  l'ordre  équestre;  mais  on  ne  peut 
pas  voir  là  davantage  un  privilège  au  sens  propre.  Les  fermiers 
des  revenus  publics  et  les  fournisseurs  de  l'État,  les  publi- 
cani  (1)  n'appartiennent  à  la  portion  des  citoyens  aptes  à 
servir  dans  la  cavalerie  qu'exclusivement  parce  que  la  conclu- 
sion de  pareils  marchés  avec  le  peuple  est  interdite  aux  séna- 
teurs par  la  loi  (2)  et  au  moins  par  la  coutume  aux  affran- 
chis (p.  14).  Il  est  difficile  qu'une  loi  expresse  ait  écarté  de 
ces  opérations  les  citoyens  sans  fortune;  la  limite  en  ligne  des- 
cendante a  probablement  été  et  est  restée  incertaine;  le  cercle 
des  personnes  ayant  qualité  pour  figurer  dans  ces  contrats  n'a 
probablement  pas  été  fermé  dans  la  forme.  Mais  cependant  la 
nature  des  choses  n'en  ouvrait  l'accès  sinon  qu'aux  riches,  au 
moins  qu'aux  personnes  aisées.  Par  conséquent  il  y  avait  bien 
en  droit  une  incapacité  des  sénateurs  et  des  affranchis,  mais  il 
n'y  avait  pas  de  privilège  des  citoyens  aptes  à  servir  dans  la 
cavalerie.  Nous  ne  savons  quand  ces  incapacités  se  sont  arrê- 
tées. Celle  des  affranchis  peut  avoir  existé  de  tout  temps;  la 
participation  à  de  telles  affaires  peut  aussi  avoir  de  tout  temps 
donné  un  mauvais  vernis  aux  sénateurs.  Tout  ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'est  que  Yordo  publicanorum  existait  déjà  du  temps 
de  la  guerre  d'Hannibal,  avec  les  caractères  essentiels  que  nous 
lui  retrouvons  par    la   suite  (3).  L'essence  de  la  chevalerie 

(1)  V.  tome  IV,  dans  la  théorie  de  la  Censure,  la  section  des  vectigalia, 
sur  la  définition  des  pablicanL 

(2)  Cette  disposition  résulte  clairement  pour  les  fournitures  des  excep- 
tions qui  y  sont  faites.  Asconius,  In  tog.  cand.  p.  94  :  Antonius  redemptas 
habebat  ab  xrario  vectigales  quad?ngas,  quam  redemptionem  senatori  habere 
licet  per  kgem.  Dion,  55,  10,  parmi  les  privilèges  du  nouveau  temple  de 
Mars  Ultor  :  Tyjv  7rapào-/£(7'.v  twv  i'tttkov  twv  iç  tyjv  i7nto8po[Atav  àyamou[xévtov  xocl 
ty|V  toO  vaoO  cpuAaxYiv  xoù  fJouXeuraîç  èp-foXaPsiv  è^sîvai,  xaGarap  Ètù  tetoO  'AttoX- 
Xwvoç  xaî  èiti  toO  Aibç  toû  KarciTtoXîou  èvevopioQé'r^To.  Il  doit  en  avoir  été  de 
même  pour  la  ferme  des  revenus  de  l'Etat,  précisément  parce  que  le  publi- 
canus  est  toujours  eques.  Mais  la  tradition  est  muette. 

(3)  La  loi  excluant  les  sénateurs  des  adjudications  publiques  ne  peut 
guère  avoir  été  omise  par  Tite-Live,  et  il  doit  en  avoir  parlé  dans  la  se- 
conde décade  ;  car,  dans  les  fournitures  qu'il  mentionne  à  plusieurs  reprises 
au  cours  de  la  guerre  d'Hannibal  (Tite-Live,  23,  48.  49.  24,  18.  25,  3),  l'or- 


LES  CHEVALIERS.  441 

postérieure,  son  caractère  de  classe  moyenne  fermée  des  deux 
cotés  existe  déjà  là,  et  la  réunion  de  cette  capacité  spéciale  avec 
la  capacité  militaire  de  servir  dans  la  cavalerie  se  trouve  fon- 
dée dans  la  force  des  choses;  l'instrument  politique  avec  lequel 
C.  Gracchus  renversera  le  gouvernement  des  Optimates  est  déjà 
prêt  (1).  Uordo  publicanorum  n'est  jamais  identifié  avec 
Yordo  equester,  et  il  ne  peut  pas  l'être.  Mais  ils  sortaient  l'un  et 
l'autre  de  cette  classe  moyenne  formée  par  l'exclusion  des  sé- 
nateurs des  marchés  publics  et  par  l'exclusion  des  centuries 
équestres  du  sénat,  et  les  chefs  étaient,  en  grande  partie,  les  mê- 
mes dans  les  deux.  En  ce  sens,  la  direction  politico-commerciale 
des  chevaliers  appartenait  aux  publicains,  et  en  outre  leur 
unité  les  rendait  aptes  par  excellence  à  la  formation  de  grandes 
compagnies  de  commerce  (2).  —  Sous  le  Principat,  la  condi- 


dre  des  publicains  est  visiblement  déjà  supposé  occuper  le  même  rôle  qu'on 
lui  voit  postérieurement.  La  disposition  rendue  en  536,  qui  défend  aux  sé- 
nateurs de  posséder  de  grands  vaisseaux  de  mer  (Tite-Live,  21,  63),  conduit 
an  même  résultat  ;  elle  est  également  inspirée  par  le  désir  de  fermer  la 
spéculation  aux  sénateurs,  mais  elle  est  certainement  plus  récente,  et  elle 
ne  s'est  pas  maintenue  (Gicéron,  Verr.  5,  18,  45),  tandis  que  leur  exclusion 
des  adjudications  publiques  a  subsisté  sans  modification.  Ce  principe  a  même 
passé  dans  les  statuts  des  villes  grecques  rédigés  sous  l'influence  romaine 
(Gicéron,  Verr.  I.  2,  49,  122  :  C.  Claudhis  leges  Halœsinis  dédit...  de  quaestu  : 
quem  qui  fecisset,  ne  legeretur). 

(1)  Il  a  probablement  aussi  fortifié  les  associations  de  publicains.  Une 
partie  de  celles  qui  existent  encore  sous  l'Empire  ont  probablement  été 
organisées  par  lui  (v.  tome  III,  la  partie  du  Consulat,  sur  la  juridiction 
administrative  des  consuls,  et  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  à  la  sec- 
tion des  Vectigalia,  sur  leur  mise  à  ferme).  La  belle  discussion  de  Polybe, 
6,  17,  véritable  programme  de  la  politique  de  Gracchus,  est  remarquable  en 
ce  qu'il  ne  nomme  nulle  part  les  chevaliers  et  oppose  l'un  à  l'autre  le  sénat 
et  le  peuple  (wXîjôoç). 

<'<icéron,  Pro  Plancio,  9,  23  :  Flos  equitum  Romanorum,  omamentum 
civitatis,  firmamentum  rei  publicœ  publicanorum  ordine  continetur.  Le  même, 
De  domo,  28,  74  :  Proximus  est  huic  dignitati  (du  sénat)  ordo  equester  :  omnes 
omnium  publicorum  societates  de  mso  consulatu...  ornatissima  décréta  fecerunt. 
Le  même,  Pro  Rab.  Post.  2,  3  :  Princeps  ordinis  equestris,  fortunatissimus  et 
maximus  publicanus.  Appien,  2,  13:  Oî  8'  XtztzzXc,  ^eyo^Evot,  xr\v  piv  à|sWiv  xoO 
or.u.o-j  xa\  r?(ç  po'j>,r]ç  ovreç  èv  (jlÉo-w,  SuvaTtoTOCTOi  8s  èç  a7uavTa  ireptO'jaîaç  ts  ou- 
vexa  v.al  |ua8to<rea>c  xek&y  xal  çôpwv,  oûç  ùtco  tûv  èôvwv  TsXoy[iévov)ç  s^ejJuaôoOvTO. 
Gicéron,  Ad  Ait.  1,  17,  8.  9;  De  imp.  Pomp.  2,  4,  et  une  infinité  d'autres 
textes.  —  Parmi  les  publicani,  il  y  a  encore  ensuite  les  fermiers  des  dîmes, 
les  decumani  principes  et  quasi  senatores  publicanorum  (Gicéron,  Verr.  I.  2, 
71,  175). 


H2  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

tion  juridique  des  publicani  est,  dans  l'ensemble,  restée  la 
même  (1);  mais  leur  condition  pratique  se  transforma  com- 
plètement. La  réorganisation  monarchique  de  l'État  fit  de  la 
chevalerie  par  ses  chefs  un  ordre  de  fonctionnaires  ;  sa  réorga- 
nisation financière  permit  en  principe  à  l'État  de  se  passer  des 
intermédiaires  pour  la  perception  des  recettes  comme  pour  les 
dépenses,  et  elle  enleva  par  conséquent  le  terrain  à  la  grande 
spéculation  pratiquée  par  les  chevaliers  sous  la  République.  L'ex- 
clusion des  sénateurs  et  des  affranchis  des  adjudications  pu- 
bliques qui  subsistaient  encore  aura  été  maintenue.  Mais 
celles-ci  gardaient  trop  peu  d'importance  pour  continuer  à 
fournir  un  point  d'appui  à  un  second  ordre  de  l'État.  L'opposi- 
tion de  la  noblesse  et  du  commerce  qui  donne  son  caractère 
distinctif  au  dernier  siècle  delà  République,  ne  s'est  pas  main- 
tenue avec  la  même  vigueur  sous  le  Principat,  et  en  particulier 
la  propriété  foncière  est,  plus  largement  qu'auparavant,  deve- 
nue l'assiette  commune  des  deux  ordres  privilégiés. 

Les  privilèges  de  la  chevalerie  appartiennent  essentiellement 
aux  équités  Romani  equo  publico.  C'est  à  eux  seuls  qu'appar- 
tient le  droit  de  vote  privilégié  dans  les  dix-huit  centuries,  qui 
a  été  et  qui  est  resté  durant  toute  la  République  la  base  des 
droits  spéciaux  des  chevaliers;  c'est  à  eux  encore  qu'appartient 
la  possession,  exclusive  ou  partielle,  des  jurys  judiciaires, 
qui  est  devenue  la  base  de  leur  position  rivale  du  sénat  posté- 
rieure; c'est  à  eux  enfin  qu'appartient  sous  le  Principat,  qui 
établit  le  premier  un  service  d'officier  légalement  distinct  du 
service  à  cheval,  le  droit  exclusif  à  tous  les  postes  d'officiers  et 
à  la  moitié  des  fonctions  et  des  sacerdoces  désormais  répartis 
entre  les  deux  ordres.  Les  droits  honorifiques,  celui  de  figurer 
dans  la  pompa,  le  costume  équestre,  l'anneau  d'or,  les  sièges 
distincts  au  théâtre  et  au  cirque,  la  situation  de  pseudo-corpo- 
ration accordée  à  la  chevalerie  comme  à  un  second  ordre  de  l'É- 
tat, sont  aussi  exclusivement  ou  principalement  propres  à  ceux 


(1)  Tacite,  Ann.  4,  6  :  Frumenta    et  pecunias   vectigales,  cetera  publicorum 
fructuum  societatibus  equitum  Romanorum  agitabantur . 


LES   CHEVALIERS-  i\3 

qui  ont  le  cheval  public.  Assurément  chacune  de  ces  institu- 
tions a  suivi  son  développement  distinct  et  a  pour  partie  ses 
conditions  spéciales.  Tel  de  ces  privilèges,  en  particulier  le  droit 
à  l'anneau  d'or,  est  commun  aux  sénateurs  et  aux  chevaliers 
et  a  même  été  étendu  des  premiers  aux  seconds.  Pour  d'autres, 
il  est  plus  ou  moins  vraisemblable  que,  lorsque  le  cheval  public 
n'était  pas  donné  à  vie,  du  temps  delà  République,  ils  restaient 
après  sa  restitution  à  l'ex-chevalier  et  qu'ils  étaient  également 
accordés  à  ceux  qui  servaient  sur  leur  cheval  privé.  Nous 
devons,  en  tenant  compte  de  ces  différences  et  en  laissant  de 
côté  le  droit  de  vote  privilégié  déjà  étudié  dans  la  partie  des 
Comices,  décrire,  dans  les  développements  qui  suivent,  les 
divers  droits  des  chevaliers.  Leur  mise  en  commun  est  assuré- 
ment, tout  indispensable  qu'elle  soit,  une  réunion  d'éléments 
plus  ou  moins  disparates.  Par  sa  simple  condition  de  classe 
moyenne,  la  cavalerie  se  trouve  déjà  moins  nettement  délimi- 
tée, soit  dans  le  temps,  soit  dans  son  principe,  que  ne  sont  le 
peuple  et  le  sénat.  Il  faut,  soit  pour  l'idée,  soit  pour  son  ex- 
pression, tenir  compte  à  la  fois  de  l'unité  et  de  la  variété  du 
sujet.  Il  nous  est  donc  impossible  de  nous  soustraire  aux  consé- 
quences de  ce  fait  que  l'institution  remarquable  que  nous 
avons  à  étudier  est  née  de  nombreuses  racines  enchevêtrées 
entre  elles  et  n'est  jamais  arrivée  pleinement  à  une  unité  in- 
time. 


1.  BANDE  DE  POURPRE. 

Le  costume  militaire  équestre,  le  court  vêtement  de  dessus, 
appelé  trabea,  du  trabes,  l'étroite  bande  de  pourpre  qui  y  est 
tissée  ou  cousue  (1),  est  porté  par   les  chevaliers  tant  dans  le 

(1)  Voir,  tome  II,  la  Théorie  des  causes  d'inéligibilité  absolue,  à  la 
section  du  service  militaire,  sur  le  service  du  temps  des  Gracques,  et  tome 
VI.  1,  p.  244.  Le  texte  de  Pline  invoqué  là  met  la  trabea  en  opposition  avec 
la  toqa  prétexta  et  le  latus  clavus;  il  met  aussi  clairement  en  lumière  son 
caractère  de  costume  militaire  ainsi  que  la  portée  de  la  bande  de  pourpre 
étroite   propre  aux  chevaliers. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  8 


T.abea. 


Cbivus. 


H4  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

cortège  du  15  juillet  (p.  89,  note  d)  que  dans  toutes  les  para- 
des et  les  solennités  dans  lesquelles  ils  figurent  officielle- 
ment (1).  La  cavalerie,  qui  à  la  différence  de  l'infanterie  est 
permanente,  est  aussi  la  seule  dont  le  costume  militaire  joue 
un  rôle  en  temps  de  paix. 

Nous  avons  déjà  dit  (VI,  1,  p.  246)  que  le  cavalier,  lorsqu'il 
ne  paraît  pas  en  cette  qualité,  se  présente  en  public  dans  le  cos- 
tume ordinaire  des  citoyens  et  que  sa  situation  militaire  ne  se 
révèle  alors  que  par  la  bande  rouge  mise  à  sa  tunique.  Lorsque 
la  tunique  masculine  peut  être  aperçue  sous  le  vêtement  de 
dessus,  la  bande  de  pourpre  s'y  étend  du  col  à  la  ceinture  (2). 
Comme  les  sénateurs  possédèrent  le  cheval  public  jusqu'au 
temps  des  Gracques,cette  bande  se  trouvait  être  l'insigne  des  deux 
premiers  ordres.  Lorsque  les  deux  ordres  se  séparèrent  officielle- 
ment l'un  de  l'autre  dans  le  cours  du  septième  siècle,  la  distinc- 
tion trouva  son  expression  dans  la  large  bande  de  pourpre  des 
sénateurs  et  dans  l'étroite  bande  de  pourpre  des  chevaliers  (3)  : 
Yangustas  clavus  a  été,  dans  le  dernier  siècle  de  la  République  (4) 


(1)  Les  chevaliers  apparaissent  en  trabea  lorsqu'ils  font  les  fonctions 
de  garde  noble  (Suétone,  Domit.  il  :  Honorent,.,  recusavit,  quo  decretum  erat, 
ut  quotiens  gereret  consulatum  équités  Romani  quibus  sors  obtigisset  trabeati 
et  cum  hastis  militaribus  procédèrent)  ou  lorsqu'ils  figurent  dans  les  cortèges 
funèbres  (Tacite,  Ann.  3,  1  :  Ubi  colonias  transgrederentur,  atrata  plèbes,  tra- 
beati eguites  ;  cf.  p.  105,  note  1),  ou  encore  dans  les  repas  publics  (Stace, 
Silv.  4,  2,  32  :  Romuleos  proceres  trabeataque  Cosar  agmina  mille  simul  jussit 
discumbere  mensis). 

(2)  Cf.  sur  les  détails  extérieurs,  l'exposition  satisfaisante  du  Handbuch, 
7,  545  et  ss. 

(3)  Pline,  H.  N.  33,  1,  27  :  Anuli  distinxere  alterum  ordinem  a  plèbe,  ut 
semel  cœperant  esse  célèbres,  sicut  tunica  ab  anulis  senatum,  quamquam  et  hoc 
sero.  Les  lati  clavi,  anuli  aurei  positi  figurent  déjà,  dans  Tite-Live,  9,  7,  8,  en 
l'an  433,  parmi  les  manifestations  du  deuil  public,  et,  dans  le  même  auteur, 
30,  17,  13,  Masinissa  reçoit,  en  551,  avec  d'autres  présents  sagula  purpurea 
duo  cum  fibulis  aureis  singulis  et  lato  clavo  tunicis.  Mais  le  premier  texte  est 
une  simple  description,  et  le  second  prouve  tout  au  plus  que  le  triompha- 
teur portait  la  large  bande  de  pourpre.  Au  début,  la  bande  de  pourpre  était, 
ainsi  que  le  montre  l'histoire  du  père  de  Stilo  (cf.  aussi  Pline,  //.  N.  9,  39, 
63)  portée  large  ou  étroite  au  gré  de  celui  qui  la  portait,  et  la  législation 
n'a  certainement  fait  que  réglementer  et  légaliser  l'usage  existant. 

(4)  Le  plus  ancien  témoignage  relatif  au  double  clavus  est  le  portrait 
du  chef  des  esclaves  de  Sicile  Athenio  dans  l'appareil  d'un  magistrat  ro- 
main, en  652,  dans  Diodore,  36,  7,  4  :  Ty^ewocv  te  nepwiopçupov  «epiepâXXeto  xoù 


LES   CHEVALIERS.  1  1  •> 

et  durant  tout  l'Empire  (I),  l'insigne  des  possesseurs  du  cheval 
public.  Il  n'est  pas  prouvé,  mais  il  est  probable  que  cet  insigne 
était  également  conservé  par  ceux  qui  avaient  rendu  le  cheval 
public.  Au  contraire  le  clavus  ne  doit  pas  appartenir  légalement 
à  ceux  qui  servaient  sur  leurs  propres  chevaux;  car  cette  dis- 
tinction a  probablement  tiré  son  origine  du  service  permanent; 
mais  il  est  fort  possible,  —  la  tradition  est  muette,  —  que  le 
port  de  la  bande  de  pourpre  ait,  tout  comme  le  nom  de  cheva- 
lier, été  étendu  au  cercle  le  plus  large  par  une  usurpation  tolé- 
rée. —  On  ne  peut  dire  si  le  port  illégal  du  clavus  entraîne  l'ap- 
plication de  peines  établies  par  une  loi  positive;  en  tout  cas, 
il  tombe  sous  le  coup  du  droit  de  coercition  du  magistrat  (VI, 
1,  p.  247). 


2 .    AN  UL  US  A  URE  US  ET  B  ULLA  A  UREA . 


Dans  la  Rome  ancienne,  les  femmes  ont  des  bijoux  d'or;  mais  Lesuneanxd'c 
les  hommes  n'en  ont  pas.  L'anneau-cachet  que  porte  chaque  ci- 


tt\arj<n)[iov  k'ou  /-.-ûva  v.x-.y.  toj;  -/p^uaT'.o-fi.o-jç.  Lorsque  les  sénateurs  revêtent 
en  signe  de  deuil  le  costume  de  chevaliers  (p.  105,  note  1),  ce  qui  est  men- 
tionné pour  la  première  fois  en  696  (Dion,  36,  14),  c'est  aussi  de  Vangustus 
clavus  qu'il  s'agit  principalement.  L'angustus  clavus  n'est  pas,  à  ma  connais- 
sance, signalé  expressément  dans  l'époque  antérieure  à  Auguste. 

(1)  Parmi  les  nombreux  témoignages  du  temps  de  l'Empire,  relatifs  aux 
deux  clavi,  nous  pouvons  citer  seulement  celui  d'Ovide  (p.  61,  note  1) 
et  celui  de  Velleius  (2,  88  :  C.  Msecenas...  vlxit  angustl  clavi  [fi]ne  contentus). 
Quintilien,  Inst.  11,  3,  138,  donne  des  conseils  pour  le  port  de  la  tunique  en 
distinguant  selon  que  l'orateur  a  ou  non  le  lati  clavi'  jus.  L'ordonnance 
d'Alexandre  Sévère,  ut  équités  Romani  a  senatoribus  clavi  qualitate  discerne- 
rentur  (Yita,  17),  ne  peut  avoir  eu  qu'un  rôle  confirmatoire  ou  peut-être 
augmentatif.  La  distinction  se  manifeste  particulièrement  chez  les  tribuns 
militaires  qui  s'appellent  laticlavii  ou  angusticlavii  (Suétone,  Qth.  10  et  les 
gloses  de  Cyrille)  et  en  grec  uXax-jar^oi  (déjà  dans  Diodore,p.  114,  note  4)  ou 
rrevitnjywH  (Arrien,  Diss.  Epict.  2,  24,  12  et  les  gloses  citées)  selon  qu'ils  se 
destinent  à  la  carrière  sénatoriale  ou  à  la  carrière  équestre.  La  qualifica- 
tion la  plus  élevée  est  même,  en  latin  comme  en  grec  (C.  I.  Gr.  1133.  3990. 
4023.  4238  c),  un  titre  officiel. 


H6  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

toyen  est  en  fer  (1).  La  seule  exception  (2),  est  relative  aux  mes- 
sagers envoyés  par  le  sénat  ou  les  généraux  :  on  leur  donne  (3), 
principalement  comme  titre  de  légitimation,  notamment  en  vue 
de  leur  droit  à  la  gratuité  des  transports,  un  anneau  d'or  ou 
plutôt  des  anneaux  d'or  (4).  Par  la  suite,  les  grands  se  mirent 
à  se  servir  d'anneaux-cachets  en  or  pour  eux,  leurs  femmes  et 
leurs  enfants  (o),  et  à  faire  leurs  enfants  porter  en  or  la  bulla 
que  portaient  les  enfants  (6).  Quand  cet  usage  s'est-il  introduit, 
les  Romains  postérieurs  eux-mêmes  ne  peuvent  le  dire:  ils  citent 
pour  la  première  fois  l'anneau  d'or  au  cinquième  siècle  (7),  en  l'y 


(i)  Pline,  H.  N.  33,  1,  9  et  ss.;  Pline,  Ep.  8,  6,  4  ;  Stace,  Silo.  3,  3,  144; 
Appien,  Pun.  104.  Il  n'est  jamais  question  d'anneaux  de  cuivre. 

(2)  Cependant  la  présence  de  l'anneau  d'or  parmi  les  présents  royaux 
romains  (Appien,  Lib.  32)  rend  vraisemblable  qu'il  était  aussi  porté  par 
le  triomphateur.  Trimalchion  jouissant,  quand  il  donne  des  jeux,  de  cinq 
anneaux  d'or  outre  le  tribunat  et  la  prétexte  (Pétrone,  c.  71),  l'anneau  d'or 
a  peut-être  aussi  fait  partie  du  costume  du  magistrat  supérieur. 

(3)  V.  Tome  I,  la  partie  des  Emoluments  des  magistrats,  sur  l'anneau 
d'ambassadeur. 

(4)  Le  pluriel  est  employé  même  lorsqu'il  s'agit  d'une  seule  personne 
(Tacite,  Hist.  1,  13.  2,  57.  4,  3;  Plutarque,  Galb.  7  ;  Suétone,  Caes.  33.  Galb. 
14.  Vit.  12  ;  Dion,  48,  45.  53,  30;  de  même  dans  les  deux  inscriptions  C.  I.  L. 
VI,  1847.  V,  4392,  et  dans  le  titre  du  Digeste,  40,  10),  parce  que  l'on  portait 
souvent  plusieurs  anneaux  (Horace,  Sat.  2,  7,  9,  etc.).  Trimalchion  en  porte 
cinq  (Pétrone,  c.  71). 

(5)  Tite-Live,  26,  36,  5  (note  6)  ;  Florus,  1,  22  [2,  6],  24. 

(6)  Les  anuli  aurei  et  la  bulla  aurea  vont  ensemble  ;  cela  résulte  du 
fond  des  choses  autant  que  du  témoignage  digne  de  foi  sur  l'an  544,  selon 
lequel  les  sénateurs  livrent  leur  or  àl'iErarium,  ut  anulos  sibiquisque  etcon- 
jugi  et  liberis  et  filio  bullam  et  quibus  uxor  filiâsve  sunt  singulas  uncias  pondo 
auri  relinquant  (Tite-Live,  26,  36,  5).  Où  l'homme  porte  l'anneau  d'or,  l'en- 
fant porte  la  bulla  aurea,  tout  comme  la  toga  prétexta  de  l'enfant  correspond 
au  clavus  de  l'homme  fait.  Le  développement  confus  de  Macrobe,  Sat.  1,  6,  10, 
doit  être  compris  en  ce  sens  que  la  bulla  et  la  prsetexta  appartinrent  au 
début  seulement  aux  fils  de  chevaliers,  ensuite  seulement  aux  fils  d'ingénus, 
enfin  à  tous  les  fils  d'ingénus  ou  d'affranchis. 

(7)  11  en  est  question  pour  la  première  fois  dans  nos  annales  sous  la 
date  de  l'an  433,  dans  la  description  du  deuil  national  provoqué  par  la  paix 
de  Gaudium  (p.  114,  note  3).  Au  contraire,  la  mention  symétrique  faite  sous 
la  date  de  l'an  450,  à  l'occasion  de  l'élection  d'un  scribe  comme  édile  curule 
(Tite-Live,  9,  46,  12:  Tantum  Flavii  comitia  indignitatis  habuerunt,  ut  pleri- 
que  nobilium  aureos  anulos  et  phaleras  déportèrent),  est,  selon  Pline,  H.  N.  33, 
1,  18,  la  plus  ancienne  qui  se  trouve  dans  les  annales  antiquissimi,  soit  que 
l'histoire  de  Gaudium  y  fût  omise,  soit  que,  comme  il  est  fort  possible,  elle  fût 
en  réalité  un  enjolivement  postérieur.  Les  deux  descriptions  n'ont  de  valeur 


LES    CHEVALIERS.  H7 

signalant  comme  un  insigne  des  sénateurs  qui  ont  occupé  des 
magistratures  curules(l):  les  ambassadeurs  envoyés  à  l'étran- 
ger appartenaient  au  reste  d'ordinaire  au  sénat.  Suivant  une 
indication  peu  digne  de  foi,  les  chevaliers  auraient  déjà  porté 
l'anneau  d'or  dans  la  première  moitié  du  sixième  siècle  (2). 
D'après  un  témoignage  plus  authentique,  les  tribuns  militaires 
se  distinguaient  en  campagne  des  soldats  par  leur  anneau  d'or, 
en  l'an  600  (3).  Ce  n'est  probablement  que  depuis  l'époque 
des  Gracques,  où  l'ordre  équestre  a  acquis  sa  condition  nouvelle, 


historique  que  comme  preuve  que  les  plus  anciens  annalistes  admettaient 
le  port  de  l'anneau  d'or  pour  cette  époque. 

(1)  Pline,  loc.  cit.  comprend  en  ce  sens  la  notice  des  annales  sur  l'an 
450  :  Anulos...  depositos  a  nobilitate  (c'est-à-dire  par  les  hommes  de  magis- 
trature curule  ou  d'origine  curule)  in  annales  relatum  est,  non  a  senatu 
universo.  Selon  Macrobe,  Sat.  i,  6,  11,  (cf.  Pline,  H.  n.  33,  1,  10),  Tarquin 
l'Ancien  prescrivit,  ut  patricii  huila  aurea  cum  toga  cui  purpura  prsetexitur 
uterentur ,  dumtaxat  illi  quorum  patres  curulum  gesserant  magistratum 
(sous  les  rois  !).  Tout  indifférent  que  soit  son  habillement  historique, 
l'allégation  sur  la  limitation  primitive  du  droit  semble  digne  de  foi.  On 
peut  invoquer  dans  le  même  sens  la  limitation  correspondante  du  droit 
au  cheval  public  réservé  aux  s  énateurs  qui  ont  revêtu  une  magistrature 
curule  (p.  104,  note  2). 

(2)  Pline,  loc.  cit.  explique  que  les  anuli  abjecti  de  450  des  antiquissimi 
annales  ne  se  rapportent  pas  aux  chevaliers  :  Fallit  plerosque,  quod  tum  et 
equestrem  ordinem  id  fecisse  arbitrantur  :  etenim  adjectum  hoc  quoque  :  «  sed 
et  phaleras  positas  »,  propterque  nomen  equitum  adjectum  est.  Cette  inter- 
prétation est-elle  conforme  à  la  pensée  des  annalistes,  c'est  un  point  dou- 
teux ;  mais,  quant  au  fond,  il  est  sûrement  exact  que  l'anneau  d'or  n'était 
pas  encore  porté  alors  par  les  chevaliers.  Pline,  loc  cit.,  ne  connaît  déjà 
pas  d'autre  témoignage,  pour  le  promiscuus  usus  anulorum  du  temps  d'Han- 
nibal,  que  le  récit  connu  selon  lequel  on  aurait,  en  538,  ramassé  sur  le 
champ  de  bataille  de  Cannes  un  boisseau  (d'après  une  autre  version,  trois 
boisseaux)  d'anneaux  d'or  (Tite-Live,  23,  12,  1  ;  d'où  Val.  Max.  7,  2,  Ext. 
16  et  d'autres  écrivains  postérieurs).  Mais,  comme  les  sénateurs  possédaient 
dans  ce  temps-là  le  cheval  équestre  et  qu'il  y  en  eut  plus  de  cent  à  participer 
au  combat  comme  officiers  ou  comme  cavaliers  et  à  y  trouver  la  mort,  les 
anneaux  trouvés  sur  leurs  cadavres  peuvent  parfaitement  avoir  servi  de 
base  au  récit.  Le  Carthaginois  qui  porte  ces  anneaux  à  Càrthage  ajoute  à  titre 
d'explication  dans  Tite-Live,  loc.  cit.  :  Neminem  nisi  equitem  (naturellement 
y  compris  les  sénateurs  ;  cf.  p.  117,  note  6)  atque  eorum  ipsorum  primores 
id  gerere  insigne  ;  mais  il  sera  démontré  plus  loin  (p.  173,  note  2)  que  les 
chevaliers  «  de  distinction  »  ne  se  confondent  pas  nécessairement  avec  les 
possesseurs  des  chevaux  publics  et  doivent  être  compris  au  sens  matériel. 

(3)  Selon  Appien,  Pun.  104,  les  corps  des  tribuns  militaires  sont  re- 
connus, sur  le  champ  de  bataille,  à  leurs  anneaux  d'or  :  Xp-j<ro<popouai  yàp 
twv  ffTpaTô-jo^évtov  ot  yiliapyo:  :«v  iXarrovtoV  o-.S^po^opo-JVTfov.  Cf.  B.  c.  2,  22. 


118  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

qu'il  a  été  appelé  à  participer  à  ce  privilège  jusqu'alors  réservé 
au  sénat.  Il  en  est  de  l'anneau  d'or  comme  du  clavus  :  le  détenteur 
d'un  cheval  public  qui  le  rendait  ne  devait  pas,  môme  du  temps 
où  cette  position  n'était  pas  encore  viagère,  quitter  pour  cela 
son  anneau;  mais  ce  n'était  qu'à  lui  que  ce  privilège  apparte- 
nait légalement  (1).  Dans  la  période  récente  de  la  République 
et  sous  le  Principat,  l'anneau  d'or  et  la  bulle  d'or  (2)  étaient  donc 
le  signe  distinctif  des  deux  ordres  supérieurs  par  opposition 
aux  simples  citoyens  (3),  quoique  naturellement  les  sénateurs 
et  les  chevaliers  fussent  libres  de  ne  pas  user  de  leur  droit  et 
que,  jusqu'au  temps  d'Auguste,  il  y  en  ait  eu  beaucoup  à  por- 
ter l'anneau  de  fer  selon  l'ancienne  coutume  (4). 

Le  port  illégal  des  bijoux  d'or  tombait  comme  celui  du  clavus, 
sous  le  coup  de  la  coercition  du  magistrat.  Nous  avons  déjà  vu 
(p.  6)  que  les  personnes  incapables  d'appartenir  à  l'ordre 
équestre,  en  particulier  les  affranchis,  usurpaient  fréquemment 
ces  insignes  et  qu'un  sénatus-consulte  de  l'an  23  et  la  loi  Visel- 


(1)  Les  anneaux  d'or  ne  sont  jamais  attribués  à  ceux  qui  n'ont  le  che- 
val équestre  qu'en  expectative.  Dans  Suétone,  Cœs.  33:  Existimatur...  éques- 
tres census  pollicitus  singidïs  (militibus)...  promissumque  jus  anulorum  cum  mi- 
libus  quadragenis  fama  distulit,  rien  n'empêche  de  penser  à  la  concession 
du  cheval  équestre.  On  peut  entendre  de  même  la  formule  equo  merere 
(note  2)  employée  pour- la  bulla.  Pline, H.  n.  33,  i,  30.  c.  2,  33,  paraît  même» 
dans  un  passage  gravement  inexact,  il  est  vrai  (p.  142,  note  1),  attribuer 
Vanulus  ferreus  à  ceux  qui  n'ont  pas  le  cheval  équestre.  —  On  pourrait  in- 
voquer comme  argument  décisif  que,  sous  l'Empire,  ces  bijoux  en  or  étaient 
certainement  le  signe  distinctif  des  titulaires  du  cheval  public  et  que  par 
conséquent,  s'ils  avaient  antérieurement  appartenu  à  ceux  qui  ne  l'avaient 
qu'en  expectative,  ce  droit  recherché  leur  aurait  été  enlevé  par  Auguste  ; 
or  cela  n'est  pas  vraisemblable,  et,  si  cela  avait  eu  lieu,  les  textes  ne  man- 
queraient pas  de  nous  le  dire. 

(2)  Pline,  33,  1,  10  :  Mos  bullse  duravit,  ut  eorum  qui  equo  meruissent 
filii  id  insigne  haberent,  ceteri  lorion. 

(3)Dion,  48,  45  :  Oùgev\  tôjv  tzxIoli  cPw[xaiwv...  Sav.T-jXîoi;  xp'Jaoït;  tcXyiv  tûv 
te  13o-j)>£-jtcov  xafc  twv  îuttsiov  -/priO-Oai...  êfjtjv;  Pline,  H.  N.  33,  1,  29:  Anuli  dis- 
tinxere  alterum  ordinem  a  plèbe,  ut  semel  cœperunt  esse  célèbres  ;  Horace,  Sat. 
2,  7,  53:  Anulo  equestri. 

(4)  Il  en  est  de  même  des  sénateurs.  Marius,  par  exemple,  n'a  changé 
l'anneau  de  fer  contre  l'anneau  d'or  que  dans  son  troisième  consulat,  en 
651  (Pline,  H.  N.  33,  4,  12.  21).  C'est  d'autant  moins  surprenant  qu'il  y  a  en- 
core sous  Auguste  de  nombreux  chevaliers  qui  ne  portent  pas  l'anneau 
d'or  (Pline,  H.  N,  33,  1,  30,  p.  142,  note  1). 


LES   CHEVALIERS.  H9 

lia  essayèrent  sans  succès  de  réprimer  cet  abus.  En  pratique, 
tout  devait  dépendre  là  de  l'arbitraire  des  autorités  chargées  de 
la  police.  C'est  à  cet  arbitraire  du  magistrat,  variable  avec  les 
temps  et  souvent  déterminé  par  des  considérations  de  personnes, 
qu'il  faut  rattacher  le  mode  d'application  des  dispositions  exis- 
tantes et  leur  effacement  par  les  extensions  du  jus  anulorum 
qui  viennent  d'être  signalées. 

C'est  par  là  que  s'explique  un  fait  qui  se  présente  déjà  sous  ^SauTàT"™ 
la  République  et  qui  s'est  multiplié  sous  le  Principat:  la  con-  caKvaiier.tre 
cession  des  anneaux  d'or  faite  d'abord  par  un  général,  puis  parie 
prince  à  des  personnes  qui  étaient  incapables  d'appartenir  à  l'or- 
dre équestre.  C'étaient  le  droit  et  le  devoir  des  édiles  de  remettre 
sous  l'empire  de  la  loi  ceux  qui  portaient  illégalement  l'anneau 
d'or;  mais  cependant  il  leur  était  impossible  de  faire  abstrac- 
tion de  la  qualité  des  personnes  et  du  motif  de  la  concession,  par 
exemple  dans  le  cas  où  cette  concession  avait  été  faite  par  un 
général  à  son  scribe  (1).  Cette  concession  n'a  pas  du  avoir  d'autre 
effet  à  l'origine  ni  peut-être  jusqu'à  la  fin  de  la  République;  car 
un  général  ne  pouvait  donner  ni  le  cheval  public,  ni  la  capacité 
de  le  recevoir  ;  un  général  ne  pouvait  pas  habiliter  le  censeur  à 
l'accorder  à  une  personne  à  qui  la  loi  ne  le  donnait  pas.  Mais  la 
chute  de  la  République  amena  un  changement  moins  dans  la 
procédure  que  dans  sa  portée.  Le  général  qui  donnait  l'anneau 
d'or  étant  légalement  en  droit  de  concéder  des  dispenses  per- 
sonnelles des  lois,  la  concession  de  l'anneau  d'or  devait  logi- 
quement être  considérée  comme  une  attribution  des  droits  de 
chevalier  faite  avec  dispense  des  conditions  légales  de  capacité. 
La  concession  de  l'anneau  d'or  devint  le  procédé  employé  dans  ce 
but,  soit  sous  les  gouvernements  extraordinaires  qui  précédèrent 


(1)  C'est  ainsi  que  Verres  offre  in  contione  à  ses  amici  (Gicéron,  Verr. 
2,  11,20)  et  spécialement  à  son  scribe  des  anneaux  d'or  (Gicéron  Verr.  1, 
«il,  157.  3,  70,  170.  c.  80,  184).  Une  inscription  du  temps  d'Auguste  récem- 
ment découverte  à  Saintes  {Hermès,  1887)  a  montré  que  les  anneaux  d'or 
pouvaient  aussi  être  conférés  par  ses  compagnons  d'armes  à  un  chef  qui 
n'était  pas  chevalier.  Gela  correspond  essentiellement  à  la  concession 
par  le  général. 


120  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

« 

le  Principat  (1),  soit  sous  le  Principat  lui-même:  elle  faisait 
acquérir,  quand  elle  émanait  de  l'autorité  suprême,  non  seu- 
lement les  droits  de  chevalier  dans  leur  intégralité  (2),  mais, 
pourlesaffranchis,l'ingénuitéfictivequi  enétaitla  condition (3) 
et  qui,  précisément  pour  cela,  était  passée  sous  silence  dans  les 
titres  officiels  (4).  Cependant  les  empereurs  de  la  bonne  époque 


(1)  Macrobe,  Sat.  3,  14,  43  :  L.  Roscius...  L.  Sullse  carissimus  fuit  et  anulo 
aureo  ab  eodem  dictature  donatus  est.  César  restitua  également  de  cette  façon 
à  Laberius  ses  droits  de  chevalier  qu'il  avait  perdus  en  montant  sur  les 
planches,  et  Laberius  reprit  par  suite  sa  place  dans  les  quatorze  ordines 
(p.  77,  note  1).  Balbus  copia  cet  exemple  dans  sa  province  :  Ludis  guos 
Gadibus  fecit,  écrit  Pollio  dans  Gicéron,  Adfam.  10,  32,  2,  Herennium  Gal- 
lum  histrionem  sammo  ludorum  die  anulo  aureo  donatum  in  X11II  session 
duxit  ;  tôt  enim  fecerat  ordines  egnestris  loci. 

(2)  Le  jus  anulorum  donne  la  plénitude  des  droits  de  chevaliers,  et  il  est 
désigné  comme  une  concession  de  Yequestris  dignitas  (Tacite,  Hist.  1,  13.  4, 
39  ;  Suétone,  Aug.  27).  Il  entraîne  :  l'acquisition  d'un  cognomen  eguestre 
(Tacite,  Hist.  1,  13  ;  Suétone,  Galb.  14)  ;  le  droit  de  s'asseoir  au  théâtre 
sur  les  bancs  équestres  (note  i)  ;  la  capacité  d'occuper  les  fonctions  équestres 
(Suétone,  Galb.  14  :  Liber  tus  Icelus  paullo  ante  anulis  aureis  et  Marciani  co- 
gnomine  ornatus  ac  jam  summse  eguestris  gradus  candidatus)  et  les  sacerdoces 
équestres  (note  4).  Il  n'est  pas  rare  qu'il  s'y  lie  d'autres  faveurs,  ainsi  le  droit 
de  se  servir  de  litières  (Suétone,  Claud.  28;  cf.  tome  II,  la  théorie  des  véhi- 
cules des  magistrats,  sur  le  droit  aux  litières)  et  celui  de  donner  des  jeux 
(Suétone,  loc.  cit.  ;  cf.  Tacite,  Ann.  4,  63). 

(3)  Le  jus  anulorum,  dans  sa  portée  primitive,  anéantit  les  droits  de 
patronat.  Le  sénatus-consulte  rendu  sous  Claude  en  l'honneur  de  Pallas 
disant  (Pline,  Ep.  8,  6,  4)  :  Non  exhortandum  modo,  verum  etiam  compellen- 
dum  ad  usum  aureorum  anulorum,  Pallas  avait  refusé  ce  droit  pour  rester  af- 
franchi de  l'Empereur.  —  Sur  la  séparation  postérieure  du  cheval  équestre 
et  de  l'anneau  d'or  et  sur  la  substitution  de  la  concession  de  l'ingénuité  an 
jus  anulorum,  cf.  tome  V,  la  tin  du  chapitre  du  Pouvoir  législatif  de  l'Em- 
pereur. 

(4)  L'ingénuité  fictive,  qu'elle  soit  accordée  par  la  concession  de  l'an- 
neau d'or,  ou,  comme  ce  fut  plus  tard  la  règle,  par  une  concession  directe, 
a  toujours  pour  conséquence  la  négation  de  la  libertinité  primitive,  et, 
par  suite,  elle  ne  se  manifeste  jamais  telle  qu'elle  est  dans  les  inscrip- 
tions. Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte,  1,  244,  a  reconnu  avecraisonM.  Au~ 
relius  Verianus,  equo  publico,  fils  d'^Elius  Terpsilaus  (C.  I.  L.  VI,  3856) 
pour  un  affranchi  de  Marc-Aurèle  ou  de  Commode  et  son  père  pour  un 
affranchi  d'Hadrien  ou  d'Antonin  le  Pieux.  Mais  c'est  à  bon  droit  que 
l'inscription  funéraire  n'en  dit  rien.  Même  dans  l'énumération  des  places 
qui  ont  été  occupées,  celles  qui  impliquent  la  qualité  d'affranchi  paraissent 
être  constamment  passées  sous  silence  pour  ces  personnes.  C'est  tout  au 
moins  dans  la  nature  des  choses,  et  nous  n'avons  pour  ainsi  dire  pas  de 
témoignages  de  ces  carrières  mixtes  qui  ne  peuvent  guère  avoir  été  d'une 
rareté   spéciale.  Le  précepteur  (cité  dans  la  Vita  Veri,  c.  2)  de  L.  Verus 


LES  CHEVALIERS.  421 

ont  été  très  ménagers  de  la  concession  du  jus  anulorum  (1). 
Plus  tard,  sûrement  dès  une  époque  antérieure  au  commence- 
ment du  111e  siècle,  les  concessions  des  anneaux  d'or  ont  été  fré- 
quentes; mais,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  montré  (2),  l'ac- 
quisition de  l'ingénuité  complète  et  l'entrée  dans  l'ordre  éques- 
tre n'y  étaient  plus  attachées.  Pour  obtenir  ces  droits,  il  fallut 
désormais  une  concession  expresse  de  l'Empereur. 


3.  PLACES  RÉSERVÉES  AU  THÉÂTRE,  AUX  COURSES  ET  AUX  JEUX. 

L'égalité  qui  existe  entre  les  citoyens  de  la  République  an- 
cienne se  manifeste  dans  l'absence  absolue  de  places  particuliè- 
res permanentes  aux  spectacles  publics.  La  proédrie  accordée 


Nicomedes  (C.  1.  L.  VI,  1598)  fait  à  cette  règle  une  exception  remarquable. 
Bien  qu'il  ait  revêtu  des  sacerdoces  équestres  (sacerdos  Cxniniensis,  pon- 
tifex  minor),  qu'il  ait  obtenu  des  décorations  militaires  et  de  hautes  fonctions 
équestres,  il  n'omet  pas  de  dire  quel.  Cœsaris  fuit  a  cubiculo  et  divi  Veri  imp. 
natr[itor],  par  conséquent  qu'il  fut  autrefois  esclave  du  père  de  son  élève. 
L'inscription  incomplète  ne  permet  pas  de  savoir  s'il  se  qualifiait  d'Au- 
gusti  libertus,  ou  s'il  se  donnait  un  père,  ou  s'il  se  taisait  sur  l'un  et  l'au- 
tre point. 

(1)  L'ingénuité  fictive  s'est  introduite  avec  la  monarchie  comme  un 
legs  de  la  guerre  des  esclaves  de  Sicile.  Elle  fut  d'abord  accordée,  en  étant 
encore  voilée  par  une  adsertio  in  liber tatem  simulée,  en  716  au  chef  de  la  flotte 
de  Sex.  Pompée,  Mena  (Suétone,  Aug.1±;  Dion,  48,  45;  Appien,  B.  c.  5,  80). 
Elle  est  pendant  un  certain  temps  restée  maintenue  dans  d'étroites  limites 
(Philopœmen  sous  Auguste  :  Suétone,  Aug.  27  ;  Dion,  47,  7,  —  le  médecin 
Antonius  Musa  sous  le  même  empereur  :  Dion,  53,  30,  —  Icelus  :  Plutarque, 
Galb.~\  Tacite,  Hist.  1,  13;  Suétone,  Galb.  14,  —  Asiaticus  :  Tacite,  Hist.  2, 
■j1  :  Suétone,  Vit.  1*2,  — un  esclave  de  Verginius  Capito  :  Tacite,  Hist.  3,  77. 
4,  3,  —  Hormus  :  Tacite,  Hist.  4,  39,  mais  sans  allusion  directe  à  l'anneau 
d'or).  Sous  les  Flaviens,  les  concessions  de  ce  genre  devinrent  communes 
(Pline,  33,  2,  33  :  Ut...  passim  ad  ornamenta  ea  etiam  servitute  Uberati  transi- 
liant,  quod  antea  numquam  erat  factum)  ;  ainsi  Vespasien  donna  le  cheval 
éq  îestre  au  vieux  père  du  chevalier  Glaudius  Etruscus,  qui  à  la  vérité  avait 
occupé  des  postes  importants  et  qui  avait  une  femme  de  rang  sénatorial,  et 
celso  natorum  œquavit  hotiori  (Stace,  Silv.  3,  3,  143).  —  Le  jus  anulorum 
n'appartient  pas  à  l'affranchi  sans  concession  expresse,  alors  même  qu'il  a 
le  rang  prétorien  (v.  tome  II,  la  partie  des  Honneurs  attachés  à  le  magistra- 
ture fictive,  sur  la  concession  des  ornamenta  aux  non-sénateurs). 

(2)  V.  tome  V,  la  partie  du  Pouvoir  législatif  de  l'Empereur,  dernier 
alinéa. 


Los  qtuilorzc 
bancs    équestres. 


122  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

aux  sénateurs  et  ensuite  à  l'ordre  équestre  marque  en  revanche 
le  début  du  gouvernement  des  classes  privilégiés  (p.  47).  La 
seconde  doit  être  plus  récente  que  celle  des  sénateurs  établie 
en  550:  l'introduction  ne  nous  en  est  pas  rapportée;  mais  elle  doit 
avoir  été  établie  du  temps  des  Gracques,  en  même  temps  que 
fut  constitué  l'ordre  équestre,  et  Sulla  doit  ensuite  l'avoir 
supprimée.  Au  cours  de  la  réaction  faite  contre  la  restau- 
ration de  Sulla,'la  proédrie  des  chevaliers  fut  rétablie,  en  687, 
par  un  plébiscite  proposé  par  le  tribun  du  peuple  L.  Roscius 
Otho  (1).  Après  son  rétablissement,  elle  a  été  parfois  vivement 
attaquée  (2).  Mais  cependant  elle  s'est  non  seulement  mainte- 
nue, mais  élargie.  Dans  le  principe,  elle  se  limitait  aux  specta- 
cles dramatiques,  où  les  quatorze  rangées  de  bancs  les  plus  rap- 
piaces  équestres  prochées  de  la  scène  étaient  réservées  aux  chevaliers  (3).  Mais 
cirque.  Auguste,  non  content  de  la  confirmer  dans  sa  loi  théâ- 
trale^),l'étendit, en  Tan  S  de  l'ère  chrétienne,  aux  jeux  de  chars 
et  de  gladiateurs  (5).  Des  places  fixes  y  furent  ensuite  assignées 

(1)  Tite-Live,  99  :  L.  Roscius  trib.  pi.  legem  tulit,  ut  equitibus  Romanis  in 
theatro  XIIII  graclus  proximi  adsignarentur ;  Velleius,  2,  32  :  Otho  Roscius 
lege  sua  equitibus  in  theatro  loca  restituit  ;  Gicéron,  Pro  Mur.  19,  40  :  L.  Otho... 
equestri  ordini  restituit  non  solum  dignilatem,  sed  etiam  voluptalem  ;  Asco- 
nius,  In  Cornel.  p.  79  ;  Dion,  36,  25;  Plutarque,  Cic.  13,  qui  fait  faussement 
d'Otho  un  préteur  et  qui  indique  la  mesure  comme  une  innovation  (Trpw-oç 
Siiy.p-.vsv  xoùç  C7i7réaç  àno  tùv  aXXwv  tcoXitgjv);  cf.  Rœm.  Gesch.  2,  7e  éd.  p.  110 
et  346  =  tr.  fr.  5,  59  et  360. 

(2)  Ainsi  pendant  le  consulat  de  Gicéron  en  691  (Plutarque,  Cic.  13  ; 
Gicéron,  Ad  AU.  2,  1,  3;  Pline,  H.  N.  7,  30, 117.  33,  2,  34),  et  sous  le  premier 
Gésar  en  695  (Gicéron,  Ad  AU.  2,  19,  3).  Naturellement  cette  proédrie  déplai- 
sait au  bas  peuple  encore  bien  plus  que  celle  des  sénateurs. 

(3)  Pétrone,  126  :  Usque  ab  orchestra  quattuordecim  transilit  et  in  extrema 
plèbe  quœrit  quod  diligat;  Senèque,  De  benef.  7,  12;  cf.  p.  120,  note  1.  Si  les 
places  n'étaient  pas  occupées  à  un  certain  moment,  elles  étaient  ouvertes 
à  la  plèbe  (Suétone,  Gai.  26).  Naturellement  ces  places  réservées  étaient 
souvent  usurpées  par  des  personnes  qui  n'y  avaient  point  droit  :  Suétone, 
Dom.  8  et  Martial  dans  beaucoup  de  ses  épigrammes  parlent  des  mesures 
de  répression  prises  par  Domitien.  L'existence  au  profit  des  sénateurs  du 
droit  de  s'asseoir  aux  places  équestres  ne  peut  pas  être  conclue  de  la  sim- 
ple mention  de  faits  de  ce  genre  au  théâtre  (Macrobe,  Sat.  1,  3,  8)  et  au  cirque 
(Pline  Ep.  9,23,  2). 

(4)  Pline,  H.  N.  33,  2,  32  (p.  97,  note  3).  La  lex  Julia  thealralis  appar- 
tient plutôt  à  Auguste  qu'à  Gésar. 

(5)  Dion,  55,  22,  sur  l'an  5  :  Ta;  Î7T7roSpofjuaç  */wp\ç  jxèv  ot  (3ov),s-JTa:, 
-/(op\ç  Se  ot  Xktzeïç  àub  toO  Xoi7co0  tcXtjÔouç  etôov  '  o  xoù  vjv  yiyVcTat.  Le   même, 


LES    CHEVALIERS.  123 

aux  chevaliers  par  Néron  (1).  Des  mesures  analogues  ont  éga- 
lement été  prises  çà  et  là  pour  les  jeux  municipaux  (p.  44,  note  4). 
—  Les  lois  théâtrales  déterminaient  les  personnes  auxquelles 
appartenait  le  droit;  et,  comme, pour  définir  le  jus  anulorum, 
on  a  invoqué  plus  tard  expressément  la  proédrie  (p.  97  note  3), 
la  délimitation  précise  de  ce  droit  ou  plutôt  du  rang  éques- 
tre a  probablement  eu  son  origine  dans  la  fixation  des  places  au 
théâtre.  L'étroite  relation  dans  laquelle  ce  droit  est  mis  avec  les 
fonctions  de  jurés  (2)  et  d'autres  raisons  encore  (3)  ne  per- 
mettent pas  de  douter  que  la  proédrie  n'était,  dès  le  temps 
delà  République,  accordée  qu'aux  possesseurs  du  cheval  public. 
Parmi  eux,  l'on  faisait  encore  des  distinctions  :  les  deux  pre- 
miers bancs  étaient  réservés  aux  chevaliers  qui  avaient  déjà 
occupé  le  tribunat  militaire  ou  le  vigintisexvirat    (4),  et  des 


60,  7  :  'Ev  Ss  Toi  liciro8p6fia>....    stop  tov   \).kv   cou  npdrepov loly.  '/.où  -/.arà  o-saç 

w;  ExaoToi  ta  ts  pouXewov  xal  vo  tanceuov  xa\  o  SpuXoç,  àcp'  o'JTcsp  toOt'  cvo(UoOyij 
où  (jlévtoi  xa\  tsTaypiva  erçîcrt  */wpia  àneÔéôeixTo,  ce  qui  eut  lieu  alors  pour  le 
sénat.  La  relation  de  Suétone,  Claud.  21,  s'accorde  avec  celle-là  sur  les 
points  principaux. 

(1)  Tacite,  Ann.  15,  3:2,  sur  l'an  63  :  Equitum  Romanorum  locos  sedilibus 
plebis  anteposuit  apud  circum  :  namque  ad  eam  diem  indiscreti  inibant  (ce  qui 
est  inexact  ;  voir  la  note  ci-dessus),  quia  lex  Roscia  nihil  nisi  dequattuorde- 
cim  ordinibus  sanxit.  Suétone,  Ner.  11  :  Circensibus  loca  equiti  sécréta  a  céle- 
ris tribuit.  Pline,  H  X.  8,  7,  21  ;  (Euripos)  Nero  princeps  sustulit  equiti  loca 
addens.  Cf.  Galpurnius,  note  4. 

(2)  Ainsi  Gicéron  dit,  dans  son  discours  pour  Cornélius  :  Quamdiu  gui- 
dent hoc  animoerga  vos  Ma  plebserit,  quo  se  ostenditesse,  cum  legem  Aureliam, 
cum  Rosciam  non  modo  accepit,  sed  etiam  efflagitavit,  ce  qu'Asconius  déve- 
loppe, p.  78,  dans  une  note  lourdement  corrompue. 

(3)  En  particulier,  le  nombre  de  rangs  parait  tout  à  fait  insuffisant  pour 
les  cives  quadringenarii  de  tout  l'Empire.  Lorsque  l'institution  fut  organisée, 
les  quatorze  bancs  devaient  être  approximativement  en  état  de  contenir  les 
ayants-droit.  Le  maintien  du  nom  après  que  ces  bancs  ne  pouvaient  plus 
suffire  cà  la  chevalerie,  devenue  plus  nombreuse,  n'a  rien  de  choquant. 

(4)  Porphyrio  note,  sur  la  quatrième  épode  d'Horace,  (écrite  entre  718 
et  723),  qui  est  dirigée  contre  un  tribun  militaire  se  "carrant  in  primis  sedi- 
libus en  qualité  de  magnus  eques  :  Ex  quattuordecim  ordinibus,  quos  lege 
Roscia  Otho  tr.  pi.  in  theatro  equestri  ordini  dédit,  duo  primi  ordines  tribuni- 
ciis  vacabant.  Ovide  et  un  de  ses  amis,  qui  a  été  tribun  militaire,  sont  assis 
l'un  à  côté  de  l'autre  au  théâtre,  pour  les  Megalensia,  et  le  second  dit 
au  premier  (Fast.  4,  383):tfanc  ego  militia  sedem,  tupace  parasti  inter  bis  qui- 
nos  usus  honore  viros;  l'exercice  d'une  magistrature  non-sénatoriale  autori- 
sait donc  probablement,  comme  le  tribunat  militaire,  à  prendre  place  sur 
les    deux  bancs  réservés.  Martial,  3,  95  :  Vidit  me  Roma  tribunum  et  sedeo 


124  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

places  spéciales  étaient  assignées  à  ceux  qui  se  trouvaient  rui- 
nés sans  faute  qui  leur  fût  imputable  (p.  98,  note  1).  Les  con- 
trevenants ne  s'exposaient  pas  seulement  à  être  expulsés  par 
la  police  (1);  ils  pouvaient  être  poursuivis  et  frappés  d'a- 
mende (2). 


4.  l'organisation  corporative  de  la  chevalerie  et  les  droits 
du  SECOND  ordre. 


organisation  de  îa     La  constitution  militaire  des  chevaliers  ne  disparut  aucune- 

chevalerie  en  x 

turmx,  ment  lorsqu'ils  cessèrent  de  fonctionner  comme  un  corps  de  trou- 
pes. On  ne  rencontre  plus,  il  est  vrai,  à  l'époque  récente,  de  tra- 
ces de  l'organisation  des  centuries  en  dehors  delalustrationdes 
censeurs  (3)  et  de  leur  emploi  pour  les  comices(VI,  1,  p.  293),  et, 
si  les  18  centuries  de  vote  avaient  encore  peut-être  leurs  centu- 
rions (VI,  1,  p.  293,  note  4),  on  ne  les  voit  jamais  en  évidence. 
Mais  la  division  enturmae,  en  grec  iXai,  a  subsisté  (4).  Quand 


qua  te  suscitai  Oceanus.  Au  cirque  aussi,  les  équités  et  les  tribuni  en  costume 
de  cérémonie  enlèvent  aux  paysans  les  meilleures  places  :  Nom  quaecumque 
patent  sub  aperto  libéra  caelo  aut  eqaes  aut  nivsi  loca  densavere  tribuni  (Cal- 
purnius,  Egl.  7,  28). 

(1)  Les  affranchis  impériaux  chargés  de  la  police  théâtrale  Oceanus  et 
Leitus  sont  familiers  aux  lecteurs  de  Martial. 

(2)  C'est  la  pœna  theatralis  de  Suétone,  Aug.  40  (p.  98,  note  2). 

(3)  V.  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  la  lustration. 

(4)  Polybe,  G,  2a,  1.  c.  35,  8,  emploie  î'Xr,  (incorrectement  eî'Xr,)  pour  la 
turma.  En  vertu  de  la  même  idée,  le  glossaire  attribué  à  Cyrille,  éd.  Es- 
tienne,  p.  443,  traduit  elXr,86v  par  turmatim,  et  le  sévir  equitum  Romanorum 
turmis  ducendis  (p.  126,  note  7)  est  appelé  par  les  Grecs  ïXap-/o;  (àe\  lXap-/ouv- 
tsç,  Dion,  55,  10  ;  iXap-/o:  pvX%,  Zonaras,  10,  35;  l'[Xap-/oç  r]Xr,;  —  difficile- 
ment [çv]Xt)Ç —  y'tTCTréwv  'Ptojwxtav,  inscription  de  Tomi,  Arch.  epigr.  Mittheil. 
aus  Oesterreich,  8,  20).  Sans  doute,  on  trouve  aussi  X6-/oç  dans  le  sens  de 
turma  :  ainsi  Xoyo:,  irapàra^iç  (opposé  à  Xo/oç,  evs8pa)  est  expliqué  par  turma 
dans  le  glossaire  de  Cyrille,  p.  531,  (cf.  le  même  glossaire  p.  496  :  forcent^ 
-zâlic,  turma,  alà)  et  turma  par  Xôyoç,  Sia8po[xr,,  dans  une  relation  visible  avec 
la  pompa,  dans  celui  attribué  à  Philoxêne,  p.  219.  Mais  le  mot  technique 
était  i'Xr,.  Lorsque,  dans  Denys,  qui  emploie  ailleurs  X6-/0;  pour  la  centurie 
de  chevaliers  (4,  18),  les  chevaliers  défilent,  pour  cette  pompa,  -m-a.  çuXiç 
te  xoù  Xo^ouç  (6,  13)  et  les  enfants   des  personnages  équestres  xax'  i'Xaç  -zt 


LES   CHEVALIERS.  125 

les  chevaliers  prennent  part  à  des  solennités,  par  exemple  à  des 
funérailles  publiques  (1),  et  spécialement  pour  le  défilé  annuel 
du  15  juillet,  auquel  Auguste  rattacha  sa  revue,  ils  défilent  en 
ordre  militaire,  par  turmse  (2),  et  lorsqu'il  est  question  de  la 
chevalerie  publique,  il  n'est  pas  rare  qu'on  la  désigne  par  ce 
nom  (3).  S'il  n'est  pas  dusage  d'indiquer  la  turma  pour  les  che- 


xal  xaTx  àct/o-j;  (7,  72),  la  pompa  a  sûrement  lieu  turmatim  (p.  125,  note  2  et 
p.  90,  note  1)  et  il  en  est  probablement  de  même  du  défilé  des  enfants  (cf.  VI,  1, 
p.  33,  note  3).  Il  faut  sans  doute,  comme  le  propose  Willamowitz,  changer 
dans  le  premier  texte  çvXa;  en  tXaç  et  entendre  >.6-/o;  dans  le  sens  de  decuria, 
d'autant  qu'il  y  a  à  côté  dans  le  second  xa-rà  c-jix[xoptaç  ie  xa\  tàÇeiç.  Il  est 
impossible  que  çuXij  soit  mis  pour  turma,  comme  le  pense  Hirschfeld,  Verw. 
Gesch.  1.243  ;  Zonaras  ou  plutôt  Dion  ajoute  çuXïjç  à  tXap-/oç,  pour  distin- 
guer le  prœfectus  alœ,  qui  s'appelle  toujours  Dap-/oç  sous  l'Empire,  du  sévir 
eq.  R.  Mais  je  n'ose  pas  rattacher,  en  partant  de  cette  addition,  les  sévirs 
aux  trois  tribus  ethniques,  bien  qu'il  soit  possible  de  combiner  avec  cette 
idée  le  nombre  six  des  sévirs  (p.  127)  et  les  trois  turmas  de  la  Troia  (VI,  1, 
p.  33,  note  3).  —  Les  téXT,des  chevaliers,  que  Denys  cite  au  sujet  de  la  lus- 
tration  des  censeurs  (4,  22)  et  du  combat  (5,  46),  sont  peut-être  simplement 
des  «  divisions  »  ;  il  s'agit  nécessairement  dans  le  premier  cas,  des  centu- 
ries (v.  tome,  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  la  lustration),  dans  le  se- 
cond, des  turmse. 

(1)  Sulla  :  Appien,  B.  c.  1,  106.  Nero  Drusus:  Dion,  55,  2.  Auguste  : 
Dion,  56,  42.  Drusilla  :  Dion,  59,  11.  Pertinax  :  Dion,  74,  5. 

(2)  Pline,  ff.JV.  15,  4,  19  :  Oleae  honorem  Romana  maj estas  magnum  perhi- 
buit  turmas  equitum  idibus  Juins  ex  ea  coronando.  Tacite,  Hist.  2,  83  :  Equester 
or  do...  instituit...  uti  turmse  idibus  Juliis  imaginent  ejus  (Germanici)  sequeren- 
tur.  Suétone,  Aug.  37  :  Excogitavit...  triumviratum  legendi  senatus  et  alterum 
recognosccndi  turmas  equitum,  quotiensque  opus  esset.  Le  même,  38  (p.  90 
note  1).  Si,  dans  Denys,  6, 13,  les  chevaliers  défilent  xa-à?uXâ;  tsxoù  Xoxouç 
xexoa(M)p£voi,  dans  la  même  pompa  tcov  è-//jvt«v  tov  ôt,(j.6c7iov  i'uttov,  c'est  là, 
comme  il  a  été  remarqué  p.  124,  note  4,  une  erreur  de  l'auteur  ou  du  copiste. 
—  Quand  Valère  Maxime,  2,  2,  9,  cite  les  lupercales  comme  seconde  fête 
équestre,  ce  n'est  pas  correct,  parce  que,  si  ce  sacerdoce  est  principale- 
ment équestre,  les  chevaliers  n'y  appartiennent  aucunement  tous.  Cf.  p.  178, 
et  Handbuch,  6,  445. 

(3)  Pline,  H.N.  33,  1,  30  (p.  74,  note  1).  Stace,  $/o.  5,  2,  17:  Sanguine 
cretus  turmali  trabeaque  Rémi.  On  rencontre,  sur  des  inscriptions  africaines, 
au  lieu  de  la  formule  ordinaire  de  la  concession  du  cheval  public  :  Adlec- 
tus  in  turmas  eq.[R.  a  d]ivo  Hadriano...  t.  Priores  (inscription  de  Gergis,  Rei- 
nach  et  Babelon,  Recherches  archéologiques  en  Tunisie,  1886,  p.  64  ;  on  ne 
voit  pas  clairement  si  le  dernier  mot,  qui  rappelle  le  souvenir  des  an- 
ciennes institutions  patriciennes,  est  en  rapport  avec  la  chevalerie)  ;  allectus 
in  tunnlas]  equitum  Romanoram  ab  imperatoribus  Cœsaribus  Antonino  et  Vero 
Augustis  (C.  I.  L.  VIII,  10501  ;  de  même  VIII,  627.  1147)  ;  aussi  ex  eques- 
tribus  turmis  (C.  I.  L.  VIII,  9754). 


126  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

valiers  isolés  (1),  c'est  le  contraire  pour  leurs  chefs.  La  cheva- 
lerie de  la  République  (2),  n'en  a  jamais  eu  d'autres  que  les 
trois  chefs  de  la  turma  de  30  hommes,  et  leurs  trois  lieutenants 
(optiones).  Sous  l'Empire  le  ou  les  principes  juvenlutis  ne  sont 
pas  des  commandants  des  chevaliers  :  il  n'y  a  là  qu'une  primauté 
d'honneurattribuée,audébutparuneacclamationdeschevaliers, 
plus  tard  par  une  concession  impériale,  aux  princes  de  la  maison 
impériale  qui  entrent  parmi  les  chevaliers,  sans  être  détermi- 
née ni  en  elle-même,  ni  quant  au  chiffre  de  ses  titulaires  et  pour 
durer  aussi  longtemps  que  celui  qui  en  est  gratifié  restera  dans 
la  chevalerie  (3).  Mais  on  trouve,  mis  à  la  tête  des  chevaliers, 
du  commencement  de  l'époque  d'Auguste  (4)  jusqu'au  ni® 
Sevirt  equitum  siècle,  (o)  les  seviri  equitum  Romanorum,  au  titre  desquels 
est  souvent  ajoutée  l'indication  du  chiffre  de  la  turma  allant 
de  un  à  six  (6),  et  qui  sont  aussi  appelés  seviri  turmis  ducen- 
dis  ou    turmarum    equeslrium  (7),  en  grec  O.ap-pi   (p.    124, 


(1)  Je  n'en  trouve  que  deux  exemples  :  un  enfant  de  douze  ans  de  Pa- 
normus  n'appartenant  pas  aux  classes  élevées,  eques  Romanus  [tu]rma  prima 
(C.  I.  L.  X,  7285)  et  un  homme  de  Gighthi  dans  la  Tripolitaine,  equo  [jjublico 
tu]rma  1111  (Reinach  et  Babelon,  op.  cit.  p.  51). 

(2)  Y.  tome  III,  la  partie  de  la  Maîtrise  de  la  cavalerie,  sur  son   rôle. 

(3)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Maison  impériale,  sur  le  princeps  juven- 
tutis. 

(4)  La  mention  la  plus  précoce  des  sévirs  se  trouve  en  l'an  752  dans 
Zonaras,  10,  35  (p.  127,  note  5)  et  dans  Dion,  55,  10  (p.  127,  note  7). 

(5)  Le  consul  de  214,  G.  Octavius  Sabinus  a  le  sévirat  dans  deux  de  ses 
inscriptions  (C.  /.  L.  VI,  1477.  X,  5178),  tandis  qu'il  l'omet  dans  la  troi- 
sième (C.  I.  L.  X,  5398). 

(6)  Turma  prima  C.  L  L.  V,  4347.  VI,  1365  (plébéien).  1422  (patricien). 
1530.  1573  (patricien).  XII,  3167.  Henzen,  6048=C.  1.  L.XI,  3367.  —  Turma  se- 
cunda  :  C.  L  L.  VI,  332.  1332. 1415.  1464.  X,  8291  (1).  — Turma  tertia  :  C.  I.  L. 
VI,  1529.  IX,  3154  et  l'inscription  deTomi,  p.  124,  note  4.  —  Turma  quarto: 
manque  jusqu'à  présent.  —  Turma  quinta  :  C.  I.  L.  III.  2830.  V,  6360.  6419. 
VI,  1383.  XI,  2106  =  Willmanns,  1193.  —  Turma  sexta  :  C.  I.  L.  V,  7447.  Il 
n'est  pas  rare  que  l'ablatif  soit  remplacé  par  le  génitif.  On  trouve  aussi 
fréquemment  par  exemple,  C.  1.  L.  III,  6076,  sévir  turmse  equitum  Romano- 
rum sans  chiffre. 

(7)  Sévir  turmis  ducendis,  C.  /.  L.  V,  531,  rapproché  de  III,  1458.  Sevirtur- 
marum  equestrium,  C.  L  L.  X,  5178  ;  sévir  equeslrium  turmarum,  C.  I.L.  V,  1874. 
6439.  VI,  1578  ;  sévir  turmarum  eq.  R.  C.  I.  L.  VI,  1584.  Sexvir  turmis  equi- 
tum Romanorum,  le  biographe  de  Marc-Aurèle,  c.  6.  Sévir  sans  complément 
(C.  /.  L.  V,  2112.  VI,  1502.  1503.  X,  1706)  ne  se  présente  que  rarement  et 
tardivement. 


LES    CHEVALIERS.  1  27 

note  4).  Ils  sont  nommés  par  l'Empereur  (i)  et  changent 
comme  les  magistrats  chaque  année  (2).  Quant  au  rang, 
l'un  d'entre  eux,  et  même  l'un  des  plus  anciens  qui  nous  soient 
connus,  appartient  à  la  chevalerie  proprement  dite  (3);  les 
autres  sont  des  chevaliers  de  rang  sénatorial  (4)  ;  les  princes  de 
la  maison  impériale  apparaissent  en  particulier  fréquemment 
dans  ces  fonctions  (5).  Ils  sont  chargés  d'organiser  des  jeux 
annuels  (6)  et  de  conduire  la  pompa  dans  la  fête  dont  la  célé- 
bration se  rattache  au  temple  de  Mars  Ultor  consacré  en  752  (7). 
Chacun  d'eux  semble  avoir  commandé  l'une  des  six  turmss 
qui  seules  sont  nommées,  et  l'organisation  des  jeux  équestres 
et  leur  présidence  semblent  avoir  appartenu  à  ces  six  comman- 
dants de  turmœ  en  qualité  de  chefs  de  tous  les  chevaliers  (8). 


(1)  L'abréviateur  de  Dion  le  dit  de  la  nomination  de  Gaius  au  sévi- 
rat  (note  G)  et  le  biographe  de  Marc-Aurèle  de  celle  de  Marc-Aurèle 
(note  6). 

(2)  Gela  résulte  des  mots  de  Dion,   (note  7)  :     'Tuo  tûv  àei  D-apyo-jvxwv. 

(3)  Orelli,  732  =  CI.  L.  XI,  1330,  de  l'an  6G  après  J.  G.  :  la  turma  n'est 
pas  indiquée.  Je  ne  trouve  pas  d'inscription  plus  ancienne  parmi  celles  qui 
nomment  les  sévirs;  celle  du  futur  empereur  Nerva,  consul  en  71  (Henzen, 
5i35)  et  celle  de  Valerius  Festus,  consul  en  la  même  année  (C.  1.  L.  V, 
531)  sont  à  peu  près  contemporaines.  Le  sévir  equitum  entre  magister 
juvenum  et  prsetor  juventutis  d'une  inscription  de  Nepet  (C.  L  L.  XI,  3215 
=  Willmanns,  2086)  est  difficilement  un  sévir  eq.  R. 

(4)  Sur  les  rares  sévirs  sénatoriaux,  cf.  p.  106,  note  2. 

(5)  Zonaras,  10,  35,  sur  l'an  752  :  'O  A-j'yo-ja-xoç  el;  touç  è?r,6o"j;  tov  Tàiov 
ï-xlz...  -/.al  npâxptrov  &ité;pv)vs  r?,;  vz'j-t-.o'  iÀap-/ôv  -zz  ipuX^c  ytvéaÔat  irii-pz-bz. 
Vita  Marci,  6  :  (Plus  Marcum)  sevirum  turrnis  equitum  Romanovum  jam  consu- 
lem  designatum  (pour  l'an  140)  creavit  et  edenti  cum  collegis  ludos  sevirales 
adsedit. 

(6)  Vita  Marci,  6  (note  5).  Ces  jeux  ne  sont  pas,  à  ma  connaissance,  cités 
ailleurs.  Cependant,  parmi  les  jeux  du  cirque  organisés  en  l'honneur  de  la 
victoire  d'Actium  Z<A  zz  tôv  Tialowv  xal  Btoc  xûv  àvSpàiv  tùv  eùyevœv  (Dion, 
53,  i),  la  seconde  fête  peut  avoir  concerné  les  sévirs.  —  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre les  jeux  séviraux  avec  les  jeux  enfantins  de  la'Troia  (VI,  1,  p.  38, 
note  3).  Gaius  donna  ces  derniers  en  741  (Dion,  54,  26),  et  il  ne  fut  sévir 
qu'en  752. 

(7)  Dion,  55,  10,  rolate,  parmi  les  résolutions  prises  par  le  sénat  à  l'oc- 
casion delà  dédication  de  ce  temple,  xcà  icocv^Yvph  x'.vx  Trpbç  zoXç  àva3a<x[Aoïç 
otvroO  C-o  -,;>>,  àz\  etXapxotfvTwv  r.o'.zX'jbx'..  Cette  fête  avait  lieu  le  1er  août 
(Dion,  60,  5). 

(8)  La  tradition  elle-même  n'établissant  pas  si  le  chiffre  six  se  rapporte 
à  la  turma  isolée  ou  à  la  totalité  de  la  chevalerie,  j'ai  précédemment  adopté 


128  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

On  ne  peut  dire  avec  précision  le  rapport  existant  entre  cette 
institution,  sur  laquelle  le  sévirat  municipal  analogue  et  pro- 
bablement contemporain  n'est  sans  doute  pas  resté  sans 
influence,  etPancienne  organisation  des  larmse.  La  division  par 
turmse  doit  s'être  étendue  à  toute  la  chevalerie  d'Auguste, 
ainsi  que  l'impliquent  la  pompa  et  la  mention  de  la  turma  qui 
se  présente  aussi  fréquemment  pour  des  chevaliers  ordinaires 
(pp.  125,  note  3;  126,  note  1).  Mais  on  ne  sait  pas  combien  de 
têtes  comprenait  la  turma  dans  cette  cavalerie  d'Auguste  bien 
plus  nombreuse  que  l'ancienne;  on  ne  sait  même  pas  s'il  n'y 
avait  que  six  turmse  d'organisées  au  lieu  des  soixante  anciennes, 
ou  s'il  y  en  a  eu  davantage  sous  le  Principat  et  si  l'on  a  seule- 
ment distingué  les  six  premières  par  la  nomination  d'un  chef 
particulier. 
situation  pseudo-     La  chevalerie  romaine  apparait  là  comme  constituée  de  telle 

corporative  delà  ...  n  ..  .  ,.,  . 

chevalerie,  sorte  quelle  ne  ligure  jamais  elle-même,  et  quily  a  seule- 
ment six  jeunes  hommes  nommés  par  l'Empereur  qui  orga- 
nisent des  fêtes  en  son  nom.  Il  en  est  de  même  partout  ailleurs. 
Elle  se  rapproche  bien,  en  perdant  son  caractère  militaire, 
d'un  corps  politique  :  à  l'issue  de  la  République  et  sous  la  pre- 
mière dynastie,  elle  élève  des  statues,  par  exemple  à  L.  Anto- 


la  première  opinion  (Rœm.  Gesch.  1,  7e  éd.  786=  tr.  fr.  4,  51)  pour  pouvoir 
rattacher  cette  institution  à  l'ancien  système  ;  car  la  turma  a  trois  décu- 
rions et  trois  optiones.  Mais,  alors  il  faudrait  admettre  que  l'organisation 
des  jeux  appartenait  exclusivement  aux  sévirs  de  la  première  turma  ;  or 
cette  supposition  ne  peut  se  concilier  avec  la  rédaction  des  inscriptions 
qui  attribuent  les  sévirs  à  la  première,  à  la  seconde,  à  la  troisième,  à  la 
quatrième  et  à  la  sixième  turma.  En  outre  on  peut  invoquer  en  sens 
contraire  l'analogie  parfaite  des  seviri  eguitum  Romanorum  et  des  se- 
viri  Augastales  municipaux  organisés  peut-être  à  la  même  époque.  J'a- 
dopte par  conséquent  aujourd'hui  l'opinion  d'Hirschfeld,  Veinvaltungsge- 
schichte,  1,  243.  La  création  d'une  forme  complètement  nouvelle  pour  une 
institution  empruntée  par  Auguste  à  un  système  depuis  longtemps  en  vi- 
gueur est  un  phénomène  surprenant  ;  mais  il  s'explique  peut-être  par  ce 
fait  que  l'institution  municipale  devait  être  soutenue  par  son  analogie  avec 
la  chevalerie  de  l'Etat,  et  qu'il  était  impossible  d'ouvrir  aux  sévirs  des  af- 
franchis le  vaste  cadre  ancien.  Le  point  de  savoir  si  le  chiffre  six  est  issu 
de  celui  des  chefs  de  la  turma  isolée,  ou  bien  se  rattache  aux  trois  tribus 
patriciennes  (p.  124,  note  4)  doit  être  laissé  indécis. 


LES   CHEVALIERS.  129 

niusetà  Séjan  (1).  Selon  le  propre  témoignage  d'Auguste,  le 
titre  honorifique  de  père  de  la  patrie  lui  fut  conféré  par  le  sé- 
nat, les  chevaliers  et  le  peuple  (2).  Elle  prononce  la  collation 
d'autres  distinctions  honorifiques  (3),  fait  des  vœux  (4)  et  envoie 
des  ambassadeurs  (5).  Mais  ces  actes  sont  tous  des  actes  dé- 
nués de  formes.  En  particulier,  l'attribution  de  surnoms 
d'honneur  est  mise  sur  le  même  rang  que  l'acclamation  du  gé- 
néral comme  imperalor  par  les  soldats  :  ce  n'est  pas  là  une  dé- 
cision sur  la  concession  du  titre,  mais  une  manifestation  de 
l'opinion  publique  et  une  invitation  à  celui  qui  en  est  l'objet 
de  s'attribuer  lui-même  le  titre.  Peut-être  est-il  permis  d'a- 
jouter que  tous  ces  actes  sont  complètement  dépourvus  de  fon- 
dement juridique  régulier,  et  qu'ils  n'ont  été  tolérés  sous  la 
première  dynastie  qu'à  cause  de  leur  défaut  d'importance  pra- 
tique et  de  leur  tendance  loyaliste  :  ils  disparaissent  après  la 
fin  des  Claudii  (6).  En  pratique,  les  chevaliers  n'ont  ni   orga- 


(1)  L.  Antonius  :  p.  75,  note  5.  Séjan  :  Dion,  58,  2.  Le  futur  empereur 
Claude  est  aussi  appelé  patronus  des  chevaliers  (Suétone,  Claud.  6).  Il  ne 
nous  a  été  conservé  aucune  dédicace  de  ce  genre  ;  pourtant  C.  1.  L.  VI, 
1584  peut  avoir  appartenu  à  un  tel  document. 

(2)  Auguste,  Mon,  Ane,  6,  24  :  [Senatus  et  equ]ester  ordo  populusque  Roma- 
nus  univérsus  appellavit  me  patrem  patriœ.  Ovide,  Fast.  2,  128  :  Sancte  pater 
patriœ,  tibi  plebs,  tibi  curia  nomen  hoc  dédit  hoc  dedimus  nos  tibi  nomen  eques. 
On  doit  avoir  procédé  de  même  pour  l'apothéose  d'après  le  témoignage 
de  la  médaille  (Eckhel,  6,  126)  :  Divus  Augustus)  (Consensu  senal(us)  et 
epuestris)  ordin(is)  p(opuli)q(ue)  R(o?nani). 

(3)  Les  chevaliers  offrent  un  bouclier  et  une  lance  aux  principes  juven- 
tutis  Gaius  et  Lucius  (Mon.  anc.  3,  4,  note  134;  Dion,  55,  12)  et  Néron 
(monnaie  de  ce  dernier  avec  le  bouclier  portant  la  légende  Equester  ordo 
principi  juvent.  :  Eckhel,  6,  261).  —  Après  la  mort  de  Germanicus,  equester 
ordo  cuneurn  Germanici  appellavit  qui  juniorum  dicebatur  instituitque  uti 
turmx  idibus  Juliis  imaginera  ejus  sequerentur  (Tacite,  Ann.  2,  83)  ;  de  même 
après  la  mort  du  jeune  Drusus,  C.  1.  L.  VI,  912. 

(4)  Tacite,  Ann.  3,  71,  sur  l'an  22  :  Donum  pro  valetudine  Augustœ  équités 
Romani  voverant  eques  tri  Fortunée. 

(5)  A  Tibère,  pour  le  transport  du  cadavre  d'Auguste  (Suétone,  Claud.  6)  ; 
à  lui  encore,  pour  lui  adresser  ses  souhaits  après  la  mort  de  Séjan  (Suétone, 
loc.  cit.);  à  Caligula,  au  commencement  de  son  règne  (Dion,  59,  6). 

(6)  Du  moins  les  inscriptions  de  ce  genre  ne  manqueraient  pas,  s'il  n'é- 
tait pas  intervenu  ici  quelque  limitation  légale.  Or  on  ne  trouve  rien  autre 
chose  que  la  mention  des  chevaliers  dans  la  masse  pour  les  hommages  à 
l'empereur.  Martial,  8,  15:  Dat  populus,  dat  gratus  eques,  dat  tura  senatus. 
Stace,  Silv.  4,  1,  25  :  Ortibus...  luis  (Domitien)  gaudent  turmseque  tri- 
busque  purpureique  patres.  Pline,  Paneg.  23,  nomme,  dans  la  même  relation, 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  9 


130  DROIT   PUBLIC   ROM.UN. 

nisation  régulière  appropriée  au  vote  ni  caisse  distincte.  Ce 
qui  a  été  dit  sous  ce  rapport  au  sujet  des  augustales  et  de  leurs 
relations  avec  ïordo,  s'applique  parfaitement  aux  relations  de 
l'ordre  équestre  avec  le  sénat.  L'emploi  nominal  des  augusta- 
les comme  seconde  catégorie  de  privilégiés  sans  action  propre 
coordonnée  au  sénat  est  calqué  sur  celui  fait  des  chevaliers,  ou 
plutôt  les  deux  institutions  sont  arrivées  simultanément  à 
l'existence.  Le  principe  impérial  consistant  à  exclure  les 
corporations  de  la  capitale  a,  comme  il  se  conçoit  (1),  été  ap- 
pliqué en  premier  lieu  aux  chevaliers.  Autant  l'ensemble  des 
équités  Romani  equo  publico,  Yordo  cquester  a  été  clairement 
mis,  dans  la  Rome  impériale,  comme  second  ordre  dirigeant 
aux  côtés  du  sénat,  qui  antérieurement  existait  seul  à  côté  et 
au  dessus  du  peuple,  autant  ce  second  ordre  est  peu  arrivé  à 
agir  et  à  être  regardé  comme  une  corporation,  à  la  façon  du  sé- 
nat. Non  seulement  il  n'a  pas  de  pouvoir  de  représentation, 
mais  il  n'est  pas  représenté  à  côté  du  sénat  et  du  peuple.  Les 
résolutions  prises  par  le  sénat  sont  prises  par  lui  comme  repré- 
sentant du  populus  Romanus  et  pour  lui,  mais  non  pas  pour 
l'ordre    équestre  :  celui-ci  est  compris  dans  le  populus  (2). 


le  sénat,    Yequester  ordo,   et  les  clientes,  c'est-à-dire    les  tribus   (p.   31, 
note  1). 

(1)  La  résistance  aux  lois  d'Auguste  sur  le  mariage,  unique  opposition 
constitutionnelle  à  laquelle  il  se  heurta  pendant  son  long  règne,  vint  princi- 
palement des  chevaliers.  Suétone,  Aug.  34:  Abolit ionem  ejus —  legis  de  maritan- 
dis  ordinibus  —  publico  spectaculopertinaciter  poscente  équité;  Dion,  bG,  1  :  01 
iinreïç  rcoXXrj  èv  a-JTat;  —  aux  jeux  de  l'an  9  après  J.-G.  —  ffitouôijj  tov  v6[aov 
tov  wepl  xtôv  (jlt)  yafjLoûvrwv  [itJts  t6xvoijvt«ûv  rtlJ.o-jy.  Il  n'aurait  pas  été  sans 
inconvénients  que  les  chevaliers  eussent  eu,  ne  fût-ce  que  le  droit  de  pétition- 
ner dans  ce  sens. 

(2)  La  pensée  de  Pline,  H.  N.  33,  2,  34  :  Ab  Mo  tempore  (c'est-à-dire  de- 
puis le  consulat  de  Gicéron)  plane  hoc  tertium  corpus  in  re  publica  factum 
est,  cœpitque  adjici  senatui  populoque  Romano  equester  ordo  :  qua  de  causa 
et  nunc  post  populum  scribitur,  quia  novissime  cœptus  est  adjici,  est,  même 
en  laissant  de  côté  le  culte  absurde  de  Ûicéron  (cf.  p.  122,  note  2),  incompré- 
hensible; on  ne  trouve  à  ma  connaissance,  nulle  part,  la  formule:  Senatus 
populusque  Romanus  et  ordo  equester.  Tacite,  Ann.  1,  7,  commence  bien  le  ré- 
cit de  la  prestation  de  serment  faite  après  la  première  transmission  du 
trône  par  les  mots  :  Ruere  in  servitium  consules  patres  eques.  Mais,  dans 
l'énumération  des  serments,  il  ne  mentionne  pas  les  chevaliers  ;  il  ne 
mentionne  que  les  principaux  fonctionnaires  sénatoriaux  et  équestres,  le 


LES   CHEVALIERS.  131 


Auguste  a  bien  cherché  un  contrepoids  contre  le  partage  du 
gouvernement  avec  le  sénat  dans  l'emploi  de  chevaliers  en 
face  des  sénateurs.  Mais  il  n'a  pas  opposé  la  chevalerie  comme 
corps  au  sénat. 


O.   LES  POSTES   DES  JURÉS. 


Nous  avons  déjà  montré  comment  l'institution  du  jury  do-    L'organisation 


mine  la  procédure  civile  (1).  Le  magistrat  n'a  généralement 
qu'à  régler  et  à  préciser  la  prétention  qui  est  soulevée  ;  la  déci- 
sion est  prise,  en  dehors  du  concours  ou  de  la  présidence  du 
magistrat,  par  un  ou  plusieurs  jurés.  Mais  la  procédure  a  été 
modifiée,  en  l'an  605  de  Rome,  pour  les  actions  nées  des  con- 
cussions de  magistrats,  envisagées  en  droit  romain  comme  un 
délit  civil,  et  ensuite  pour  d'autres  actions  analogues  :  on  a 
mis,  pour  présider  ces  débats,  à  la  tète  du  collège  des  jurés,  dont 
on  a  en  même  temps  renforcé  le  chiffre,  un  magistrat,  en  gé- 
néral un  préteur  (2).  Ce  genre  de  tribunal,  dans  lequel  la 
présidence  du  magistrat  rappelle  la  première  phase  de  la  pro- 
cédure criminelle  et  dans  lequel  le  nombre  considérable  des 
jurés  appelés  à  statuer  en  rappelle  la  seconde,  a  bientôt  été 
employé  même  pour  des  délits  non-privés,  et  la  législation  de 
Sulla  a  transformé  toute  la  procédure  criminelle  dans  ce  sens. 
Par  conséquent,  l'activité  des  jurés  qni  se  restreignait  ancien- 
nement aux  procès  civils,  s'étend  également,  à  la  fin  de  la  Répu- 
blique et  sous  le  Principat,  aux  procès  civils  et  criminels  (3). 

sénat,  les  troupes  et  le  peuple  (de  même  11,  30.  14,  il).  Dans  les  tauroboles 
faits  à  Ostie  sous  Gallus,  on  prie  pour  les  empereurs  et  leur  famille,  pour 
le  sénat,  les  quindecemvirs  et  Yordo  equester  (C.  I.  L.  XIV,  42). 

(1)  V.  tome  I,  la  partie  de  la  Juridiction  civile  et,  tome  III,  celle  de  la  Pré- 
ture,  sur  les  nominations  de  jurés. 

(2)  Voir  tome  III,  la  partie  de  la  Préture,  sur  la  présidence  des  quœs- 
tiones,  et,  tome  IV,  la  théoriede  la  Présidence  du  jury  comme  magistrature. 

(3)  La  liste  servait  pour  les  deux  catégories,  disent  de  la  manière  la  plus 
nette  Pline,  H.  N.  29,  1,  18  :  Decuriae  pro  more  censuris  principum  exami- 
nantur,  inquisitio  per  parietes  agitur,  et  qui  de  nummo  judicet  a  Gadibus... 
arcessitur,  de  exilio  vero  non  nisi  XLV  electis  viris  datur  tabella,  et  l'inscrip- 


du   jury. 


132  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

Il  s'agit  d'ailleurs  toujours  exclusivement  des  procès  sur 
lesquels  il  est  statué  à  Rome  (1);  les  jurés  dont  nous  nous 
occupons  ici  n'ont  rien  à  faire  avec  les  tribunaux  de  l'Etat 
existant  en  Italie  ou  dans  les  provinces,  ni  avec  la  juridiction 
municipale,  et  l'ordre  équestre  a  difficilement  été  mêlé  aux 
règles  spéciales  qui  ont  pu  être  établies  à  ce  sujet  (2). 
ÏÎJlPdwL  les  ^a  nomination  du  juré  ou  des  jurés,  lorsqu'elle  n'était  pas 
rangs.  rendue  superflue  par  l'accord  des  parties,  ainsi  qu'il  arrivait 
d'ordinaire  en  matière  civile,  émanait  du  préteur  de  qui  dé- 
pendait la  procédure  préparatoire.  Mais,  comme  nous  lavons 
déjà  expliqué,  il  ne  choisissait  pas  les  jurés  à  son  gré  (3).  Les 
fonctions  de  juré  n'appartinrent  d'abord  légalement  qu'aux 
sénateurs  (4),  et  la  liste  des  sénateurs  dressée  par  décuries 
servait  en  môme  temps  de  liste  de  jurés,  en  ce  sens  que,  lors- 
que, d'après  l'organisation  judiciaire,  des  collèges  de  jurés 
devaient  entrer  en  exercice,  ils  étaient  à  chaque  fois  formés  ou 
fournis  par  une  décurie  de  sénateurs  (5).  Sans  doute  des  mo- 
tion de  Hasta  du  temps  de  Tibère,  C.  I.  L.  V,  7567  .:  Judex  de  HII  decuriis 
eques  selectorum  publicis  privatisque.  Ulpien,  Vat.  ft\  197..  198,  montre  en 
outre  que  les  leges  Juliae  publicorum  et  privatorum  déterminaient  bien  la  ca- 
pacité d'être  juré  chacune  de  son  côté,  mais  probablement  entérines  symé- 
triques. Seulement  la  quatrième  décurie,  qui  n'était  compétente  que  de 
levioribus  summis  (p.  139,  note  -),  et  pareillement  la  cinquième  étaient  sans 
doute  complètement  étrangères  aux  procès  criminels  (cf.  p.  140,  note  4). 

(1)  L'édit  de  Claude,  C.  I.  L.  V,  5050,  ligne  33,  le  dit  expressément  :  Ex  eo 
génère  hominum...  dicunlur...  nonnulli  [ajllecti  in  decurias  Romae  res  judi- 
care,  et  c'est  confirmé  par  un  certain  nombre  d'inscriptions,  C.  I.  L.  II,  4223 
(p.  133,  note  1).  IX,  2600.  Henzen,  6468.  Bull,  de  Corr.  Bell.  1886,  p4  456 
(Tralles)  :   'Exasxtwv  âv  cPoj[j.r,  S:xacT(ov. 

(2)  La  liste  des  récupérateurs  de  chaque  conventus  (voir  tome  II,  la 
partie  delà  Préture,  sur  les  liste  de  jurés)  est  bien  dressée  à  l'imitation  de 
la  liste  de  jurés  de  Rome  (note  5),  mais  elle  n'est  pas  composée  d'après 
les  rangs. 

(3)  V.  tome  III,  la  théorie  de  la  Préture,  sur  les  listes  de  jurés. 

(4)  V.  la  même  théorie.  En  dehors  des  preuves  qui  sont  réunies  là,  les  do- 
cuments rassemblés  p.  133,  note  2,  établissent  que  les  procès  civils  y 
compris  les  quaestiones  perpetuae,  restèrent  aux  sénateurs  jusqu'en  632. 

(5)  Decuria  désigne,  comme  on  sait,  une  section  de  jurés,  et  dans  l'orga- 
nisation sénatoriale  du  jury  (qu'à  la  vérité  nous  connaissons  seulement  telle 
qu'elle  fut  restaurée  par  Sulla,  mais  qui  ne  peutguère  avoir  différé  alors  de 
sa  forme  première)  un  groupe  du  sénat  dont  la  composition  ne  changeait  pas 
(Gicéron,  Verr.  L  2,  32,  79  :  Hic  alteram  decw-iam  senatoriam  judex  obtinebit? 
cf.  Schol.  Gronov.  p.  392),  et  qui  en  général  devenait  le  tribunal  d'un  procès 


LES   CHEVALIERS.  133 

difications,  qui  certainement  ont  été  nombreuses,  ont  été  faites 
sur  ce  point  par  des  lois  spéciales.  Sans  doute  la  force  des  choses  a 
amené  à  renvoyer  à  des  jurés  qui  n'étaient  pas  sénateurs  non 
seulement  les  procès  qui  venaient  au  dehors  de  Rome  devant  les 
autorités  romaines,  mais  aussi  une  grande  partie  de  ceux  qui 
ressortaient  des  tribunaux  de  la  capitale  (1).  La  règle  elle-même 
a  cependant  subsisté  jusqu'à  la  loi  judiciaire  présentée  par  C. 
Gracchus  en  632  (2).  Cette  loi  a    mis  le  tableau  dressé  par  le 

particulier  quand,  après  les  récusations  (très  restreintes,  Cicéron,  Verr.  I. 
2,  31,  77),  il  restait  réduit  au  nombre  de  juges  prescrit  pour  le  procès. 
Gicéron,  Verr.  I.  1,  61,  118:  Ego  nisi...  restitissem,  ex  hac  decaria  vestra,  cujus 
mihi  copiam  quam  larglssimam  factam  oportebat,  quos  iste  (Verres)  annuerat, 
(Q.  Curtius  judex  quœstionis)  in  suum  consilium  sine  causa  subsortiebatur.  Le 
même,  Pro  Cluentio,  37,  103;  Multa  est  petita...  ab  Junio,  qaod  non  saae  de- 
curiœ  munere  neque  ex  lege  sedisset.  Dans  le  procès  d'Oppianicus,  jugé  en 
680,  il  y  eut  32  jurés  qui  votèrent,  (Gicéron,  Pro  Cluentio,  27,  74),  et,  puisque 
l'accusé  pouvait  récuser  trois  personnes  (Gicéron,  /.  2,  31,  77),  le  chiffre 
des  membres  de  la  décurie  ne  pouvait  pas  être  inférieur  à  35,  ce  qui  s'ac- 
corde d'ailleurs  bien  avec  les  témoignages  que  nous  possédons  sur  le  pro- 
cès de  Verres  (Drumann,  5,  317).  Ces  décuries,  dont  Gicéron  mentionne  la 
seconde,  doivent  être  les  dix  anciennes  décuries  de  l'interrègne  (voir,  tome 
II,  la  théorie  de  l'Interrègne)  ;  il  a  fallu  élever  le  chiffre  de  leurs  membres, 
parce  que,  tandis  qu'au  début  la  liste  des  jurés  n'avait  à  fournir  que  le 
judex  unus  et  les  petits  collèges  de  récupérateurs,  il  y  eut,  depuis  l'introduc- 
tion de  la  procédure  des  quœstiones,  à  constituer  des  consilia  plus  nombreux. 
—  Les  decuriœ  de  la  procédure  provinciale  (Gicéron,  Verr,  3,  il,  28  :  Praetor 
jubet  recuperatores  rejicer?,:  «  Decurias  scribamus  ».  Quas  decurias  ?  De  co- 
horte mea,  rejici?s,  inquit  ;  cf.  3,  60,136)  sont  probablement  constituées  à  l'i- 
mage des  décuries  de  jurés  sénatoriales. 

(1)  On  ne  peut  préciser  avec  quelle  étendue  cela  avait  lieu,  ni  dans 
quelle  mesure  c'était  l'arbitraire  du  préteur  ou  des  prescriptions  légales 
qui  décidaient.  Il  est  certain  seulement  que  le  critérium  n'était  fourni  ni 
par  la  distinction  juridique  du  judicium  legitimum  et  de  celui  qui  ne  l'est 
pas,  ni  par  celle  des  procès  soumis  au  judex  unus  ou  à  des  récupérateurs 
(v.  tome  I,  la  théorie  de  la  juridiction  civile,  sur  la  distinction  du  judicium 
legitimum  et  du  judicium  imperio  continens).  La  poursuite  pour  concussions, 
qui  occupe  ici  le  premier  rang  et  à  laquelle  Polybe,  6,  17,  pense  en  pre- 
mière ligne  en  parlant  des  tribunaux  sénatoriaux,  ne  pouvait  pas,  dans  les 
cas  les  plus  nombreux  et  les  plus  importants,  constituer  un  judicium  legi- 
timum déféré  à  un  unus  judex;  cinq  recuperatores  ex  ordine  senatorio  furent 
donnés  pour  chacun  des  procès  de  même  nature  de  583  (Tite  Live,  43,  2). 
L'inscription  de  Tarraco,  C.  /.  L.  II,  4223  d'un  adlectus  in  V  decu[rias  le]gi- 
tumœ  Romse  judicantium  ne  peut  donc  pas  être  rapportée  au  judicium  legi- 
timum du  droit  civil.  Le  préteur  pérégrin  parait  lui-même  avoir  pris  ses 
jurés  dans  l'Album  (p.  143,  note  5). 

(2;  Appien,  B.  c.  2,  22  :  (G.  Gracchus,  tr.  pi.  II)  rà  S-.xaarrjpia  à8o£o-JVTa 
i-\    oojpooo-/.:a'.;   ï;  -oi;  Ir.-ïxq  àizo  tô>v  ^ou/ôutcov  \LZ-zk$sç>z...  xh  ô'.xàÇsiv  a-jToùç 


134  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

censeur  des  citoyens  arrivés  à  la  possession  du  cheval  éques- 
tre (1),  —  duquel  elle  a  probablement  en  même  temps  exclu 
les  sénateurs  jusque  là  compris  dans  la  liste  des  chevaliers 
(p.  105),  —  à  la  place  du  tableau  des  sénateurs  comme  liste  gé- 
nérale des  jurés  (2);  et  par  suite,  en  tant  qu'il  n'en  était  \  as 
autrement  décidé  par  des  lois  spéciales  (3),  toutes  les  autcii- 

'Pwfj.ato'.;  xoù  'ItocXicotouç  aTraat  xo»  aùroïç  pouXeutatç  êicV  nav?\  {jixpa>  ypr^â.- 
Twv  ts  rapi  y.où  àTt[xcaç  xai  cpuy^ç  tou.,  j*èv  Imcéac  olâ  ttvaç  ap/ov-ra;  aùrûv  -jus- 
pô7iy)pE,  *roùç  8c  pouXeuxàç  îaa  xal  5m}x6ouç  ètcoîsi.  Varron,  chez  Nonius, 
p.  454  :  Iniquius  equestri  ordini  judicia  tradidit  ac  bicipitem  civitatem 
fecit  discordiarum  civillum  fontem.  Diodore,  34 — 5,  25,  Val.  p.  119  ;  Vel- 
leius,  2,  6  ;  Pline,  H.  N.  33,  2,  34  ;  Tacite,  Ann.  12,  60  ;  Florus,  2,  5  [3, 
17].  —  La  loi  mentionnée  par  Tite-Live,  Ep.  60,  et  Plutarque,  C.  Gracch. 
6.  (cf.  Comp.  2)  pour  le  premier  tribunat  de  C.  Gracchus,  tendant  à  augmen- 
ter le  sénat  de  300  chevaliers  (Plutarque  ;  600  d'après  Tite-Live)  et  à  corriger 
ainsi  l'organisation  judiciaire,  n'a  certainement  pas  été  appliquée  ;  mais 
ce  ne  peut  pas  être  une  pure  invention.  Ce  fut  probablement  là,  comme  je 
l'ai  déjà  exposé,  Zeitschrift  fur  Alterthumswissenschaft,  1843,  p.  817,  une  ten- 
tative d'accomplir  moins  violemment  la  réforme  judiciaire,  qui  fat  repoussée 
ou  qui  fut  dépassée  l'année  suivante.  —  Les  propositions  de  même  nature 
attribuées  à  Ti.  Gracchus  (Plutarque,  TL  Gracch.  16;  Dion,  fr.  83,  7)  ne  se 
sont  certainement  pas  transformées  en  lois.  C'est  uniquement  par  une  erreur 
que  Diodore  (34  — 5,  2,  31,  éd.  Wess.  p.  526.  599)  fait  les  tribunaux  équestres 
des  Gracques  paraître  dès  Tan  620. 

(1)  Les  juges  de  Gracchus  ne  pouvaient  être  pris  que  parmi  les  per- 
sonnes qui  avaient  obtenu  le  cheval  public,  quoique  peut-être  en  y  com- 
prenant même  celles  qui  ne  l'avaient  plus.  En  effet,  en  premier  lieu,  la 
substitution  de  cette  liste  de  1800  noms  à  la  liste  sénatoriale  de  300  noms, 
ou,  en  vertu  de  la  première  proposition  de  G.  Gracchus,  de  600,  est  appro- 
priée aux  circonstances,  tandis  qu'il  serait  impossible  que  l'on  se  fût  con- 
tenté de  la  reconnaissance,  faite  par  le  censeur  à  cette  époque  de  la  manière 
la  plus  superficielle,  de  la  capacité  générale  de  recevoir  le  cheval  équestre. 
En  second  lieu,  les  chevaliers  qui  jugent  en  vertu  de  la  loi  Aurélia  et  ceux 
qui  le  font  sous  l'Empire  sont  indubitablement  les  équités  eqao  publico  ;  or, 
ces  tribunaux  équestres  ne  sont  qu'une  résurrection  modifiée  de  ceux  de 
Gracchus. 

(2)  Aucun  indice  n'indique  qu'on  ait  extrait  de  ce  tableau  une  liste 
générale  des  jurés,  et  on  ne  peut  imaginer  dans  quel  but  on  l'aurait  fait. 

(3)  C'est  ce  qui  se  présentait  notamment  pour  les  tribunaux  des  décemvirs 
et  des  centumvirs  chargés  des  procès  de  liberté  et  d'hérédités  (v.  tome  IV, 
la  partie  du  Vigintisex virât).  Il  y  a  encore  quelques  autres  litiges  tran- 
chés dans  la  capitale  pour  lesquels  la  liste  générale  ne  doit  pas  avoir 
été  applicable  ou  doit  avoir  été  écartée  par  des  dispositions  spéciales. 
Ainsi  nous  lisons  dans  la  loi  agraire  de  643,  ligne  37,  les  mots  :  [Recupera- 
tores  ex  ci]vibus  L.  quel  classis  primse  sient  ;  et  la  loi  Plautia  de  665  orga- 
nise, pour  les  procès  de  haute  trahison  d'alors,  une  liste  de  jurés  formée  à 
raison  de  15  jurés  par  tribu,  pour  laquelle  il  est  fait  abstraction  de  toute 
conditionde  rang  (Asconius,  In  Cornel.  p.  79).  Le  jugement  par  Marius  urca- 


LES  CHEVALIERS.  135 

tés  qui  avaient  à  nommer  des  jurés,  ou  encore  à  dresser  des 
listes  particulières  de  jurés  pour  certaines  catégories  de  procù^ 
furent  obligés  de  les  tirer  de  cette  liste  (1).  Des  mesures  quel 
conques  doivent  avoir  été  prises  afin  d'empêcher  les  différents 
choix  d'entrer  en  conflit,  par  exemple  en  faisant  les  divers 
magistrats  qui  avaient  des  listes  à  dresser  les  constituer  suc- 
cessivement et  en  excluant  des  choix  postérieurs  les  personnes 
déjà  choisies  pour  une  première  liste.  En  dépit  des  essais  de 


Teuuv  zr>  exxov  d'un  procès  dotal  (Plutarque,  Mar.  38)  doit  nécessairement* 
si  ce  témoignage  est  exact,  être  entendu  d'une  décision  arbitrale,  puisqu'en 
651,  la  liste  des  jurés  était[composéede  chevaliers  et  qu'en  sa  qualité  de  con- 
sul il  ne  pouvait  en  tout  cas  être  pris  pour  juré. 

(1)  C'est  ce  que  montrent  avant  tout  les  procès  extraordinaires  soumis 
en  vertu  de  la  loi  Mamilia  de  644,  à  des  judices  Gracchani  (v.  tome  IV,  la 
théorie  des  Magistrats  auxiliaires  extraordinaires,  à  la  section  des 
magistrats  commis  à  des  procès,  sur  l'objet  des  procès).  Mais  le  règle- 
ment qui  a  été  fait,  à  cette  époque,  pour  la  catégorie  de  procès  la  plus 
importante  politiquement,  pour  les  actions  repetundarum,  et  qui  nous 
a  été  conservé  en  grande  partie,  doit  aussi  nécessairement  s'accorder  avec 
cette  régie.  Il  faut  à  ce  sujet  se  rappeler,  d'une  part,  que  cette  loi  peut  pré- 
céder chronologiquement  de  quelques  mois  la  loi  sur  les  jurés  de  Gracchus, 
et,  d'autre  part,  qu'en  dépit  de  sa  double  énumération  [de  CDLvireis  in 
hune  arijnum  legundl  et  de  CDLvireis  quoiannis  [legundis],  il  y  reste  des 
lacunes  très  importantes.  Les  dispositions  suivantes  y  sont  conservées,  en 
combinant  les  deux  textes  :  Prœtor...  facito  utei  CDLviros  ita  légat,  qaei  in 
hac  ceivit[ate]...  [dum]  ne  quem  eorum  légat,  1)  quei  tr.  pi.,  q.,  IHvir  cap.,  tr. 

mil.  l.  III1  primis siet  fueritve:  2)  queive  in  senatu  siet  fueritve;  3)  quelve 

merc[ede  conductus  depugnavit  depugnaverit  ;]  4)...;  5)  [queive  judicio  publico 
conde]mnatus  siet,  quod  circa  eum  in  sénat um  legi  non  liceat  ;  6)  queive  minor 
anneis  XXX majorve  annosLX  gnatus  siet  ;  Ityqueive  trans  mare  erit.  Il  ne  pou- 
vait pas  y  avoir  d'invocation  directe  de  la  loi  Sempronia,  si  celle-ci  n'a  été 
votée  que  plus  tard,  et,  quand  bien  même  elle  aurait  été  votée  auparavant, 
il  pouvait  ne  pas  y  en  avoir  ;  car  ses  clauses  pouvaient  facilement  être  tou- 
tes reproduites.  Or  il  nous  manque  la  disposition  principale,  et  elle  doit  ou 
avoir  nommé  expressément  la  loi  Sempronia  (quei  in  hac  civit[ate  ex  lege 
quam  C.  Sempronius  Ti.  f.  tr.pl.  tulit  judicet  judicaturusve  sit])  ou,  ce  qui  est 
plus  croyable,  avoir  reproduit  son  principe  (quei  in  hac  civit[ale  equum  pu- 
blicum  habeat— ou  habeat  habuerit—habiturusve  sit]).  Quant  aux  principes, 
cette  loi  est  d'accord  avec  la  loi  Sempronia,  spécialement  pour  l'exclusion 
des  sénateurs.  Parmi  les  causes  d'incapacité  qui  y  sont  énumérées,  il  y  en 
a  certainement  plusieurs  qui  rendent  aussi  incapables  d'avoir  le  cheval 
public;  mais  il  était  cependant  nécessaire  de  les  mentionner,  quand  bien 
même  la  loi  aurait  expressément  parlé  du  cheval  équestre  ;  car,  par  exem- 
ple,  l'exercice  salarié  du  métier  de  gladiateur  ne  faisait  pas  perdre  de 
plein  droit  le  cheval  équestre,  mais  amenait  seulement  son  retrait  à  la  pro- 
chaine censure. 


136  DROIT    PUBLIC  ROMAIN. 

changement  tentés,  en  648,  par  le  consul  Q.  Servilius  Cœpio  (1), 
en  663,  par  le  tribun  du  peuple  M.  Livius  Drusus  (2),  et  en 
666,  par  le  consul  Sulla  (3) ,  les  tribunaux  équestres  se 
maintinrent,  sans  interruption  ou  tout  au  moins  avec  de  brè- 
ves interruptions  (4),  jusqu'à  la  dictature  de  Sulla,  qui,  lors 
de  sa  restauration  de  l'ancien  régime,  en  673,  rendit  aussi  les 
jurys  au  sénat  accru  en  conséquence  (5).  Quand  ensuite  le 
gouvernement  aristocratique  restauré  s'écroula,  au  bout  de  dix 
années,  sa  chute  eut  naturellement  pour  résultat  le  réta- 
blissement des  tribunaux  équestres,  qui  revêtit  d'ailleurs,  con- 
formément à  la  tendance  de  la  politique  d'alors,  un  caractère 
transactionnel.  Selon  la  loi  présentée  en  684  par  le  préteur 
L.  Aurelius  Cotta,  la  liste  des  jurés  fut  désormais  formée  de 
trois  sections  composées  selon  les  rangs,  auxquelles  passa  le 


(1)  Sa  loi  rendit,  selon  Tacite,  Ann.  12,  60,  les  tribunaux  au  sénat,  tandis 
que  les  extraits  de  Tite-Live  (Obsequens,  41  ;  Gassiodore,  sur  l'an  648)  par- 
lent de  senatomm  et  equitum  judicia  commwiicata.  Cette  dernière  allégation 
doit  être  comprise  dans  le  même  sens  que  la  première  loi  judiciaire  de  G. 
Gracchus  (p.  133,  note  2)  qui  fut  évidemment  reprise  par  Ceepio.  La  loi  de 
Gaepio  n'a  pas  eu  de  durée  (note  4);  mais  nous  ne  savons  pas  comment 
elle  a  été  abrogée. 

(2)  Appien,  1, 35,  dit  expressément  que  lui  aussi,  tout  comme  Cœpio,  rendit 
les  tribunaux  au  sénat  augmenté  de  300  chevaliers  et  le  De  viris  ill.  66,  est  dans 
le  même  sens,  ce  que  Velleius  entend  correctement  d'une  restitution  de  la 
justice  au  sénat  et  Tite-Live,  Ep.  71,  incorrectement  d'un  partage  entre  le 
sénat  et  l'ordre  équestre.  Drusus  proposa  en  même  temps  d'ouvrir  une  ins- 
truction pour  corruption  contre  les  juges  équestres  du  temps  antérieur  (qui 
rem  judicassent  :  Gicéron.  Pro  Cluent.  56,  153;  ob  rem  judicatam  :  le  même, 
Pro  Rab.  Post.  7,  16,  où  la  fausse  correction  :  ob  rem  judicandam  a  mainte- 
nant pénétré  dans  le  texte).  Les  lois  Livise  furent,  comme  on  sait,  immédia- 
tement cassées  par  le  sénat. 

(3)  Appien,  B.  c.  1,  59  :  KaxéXe^av  iç  tô  PouAcU-^pcov  ôXiyavôpwno-aTov  ôy| 
tote  [AaXicrTa  ô'v...  àôpoovi;  èx  tùv  àptarwv  àvopàiv  xptaxoato-jç,  où  la  restitution 
des  tribunaux  est  omise,mais  doit  être  complétée  sans  nul  doute.  Ges  lois 
furent  encore  cassées,  comme  on  sait. 

(4)  Gicéron,  Verr.  act.  1,  13,  38  :  Cum  equester  ordo  judicaret  annos  proj>e 
quinquaginta  (632-673)  continuos.  Velleius,  2,  32. 

(5)  La  restitution  de  la  justice  au  sénat  par  Sulla  est  attestée  par  Gicé- 
ron, Verr.  act.  1,  13,  37,  Velleius,  2,  32  et  Tacite,  Ann.  11,  22;  l'accroisse- 
ment simultané  du  sénat  de  300  chevaliers,  par  Appien,  B.  c.  1, 100  (VI,  1,  p.  212, 
note  3)  ;  cf.  Tite-Live,  89.  Le  nombre  des  questeurs  fut  en  même  temps 
augmenté  pour  renforcer  le  sénat  d'une  manière  durable  (Tacite,  Ann.  11, 
22  :  Lege  Sullae  viginti  creati  supplendo  senatui,  cui  judicia  trad'derat). 


LES   CHEVALIERS.  137 

nom  de  decuriœ.  Comme  chacune  de  ces  sections  fournissait 
le  tiers  des  membres  de  chaque  grand  jury,  le  principe  de 
la  division  tripartite  entre  les  classes  s'appliquait  à  tout  ju- 
gement important  (l).  La  première  de  ces  sections  était  cons- 
tituée par  les  sénateurs,  la  seconde  par  les  chevaliers  equo  pu- 
blico,  la  troisième  par  les  tribuni  œrarii  (VI,  i,p.  212).  Cesder- 
niers  ayant  non  pas,  il  est  vrai,  le  cheval  public,  mais  du  moins 
le  cens  équestre  et  appartenant,  au  sens  large,  à  l'ordre  éques- 
tre, c'étaient  encore  les  chevaliers  qui  composaient  essentiel- 
lement les  jurys  d'après  la  loi  Aurélia  (2).  11  est  probable, 
ainsi  que  nous  l'avons  déjà  remarqué  clans  la  théorie  de  la  Pré- 
ture,  que  ce  fut  cette  loi  qui  entraîna  la  première  la  composi- 
tion d'une  liste  spéciale  des  jurés,  l'usage  antérieur  de  prendre 
le  tableau  des  sénateurs  ou  celui  des  chevaliers  pour  liste 
générale  des  jurés  ayant  disparu  par  suite  de  l'introduc- 
tion de  la  division  en  trois  classes  et  le  besoin  d'un  moyen 
de  le  remplacer  s'étant  fait  sentir.  La  liste  était  dressée  à  nou- 
veau chaque  année;  mais,  en  fait,  elle  devait  être  plus  ou 
moins  permanente.  Des  témoignages  certains  attestent  que, 
parmi  les  sénateurs,  qui  étaient  en  moyenne  600,  il  n'y  en 


(1)  Scolies  de  Bobbio  sur  Cicéron,  Pro  Flacco,  2,  4  (VI,  1,  p.  217,  note  2). 
Aseonius,  p.  16  (également  p.  67.  78J  :  Legem  judiciariam...  tulit  L .  Aurelius 
Cotta  prstor,  qua  commit nicata  sunt  judlcia  senatui  et  equitibus  Romanis  et 
tribunis  serariis.  De  nombreux  témoignages  de  détail,  par  exemple  dans  As- 
eonius, p.  30.  53.  54.  55,  confirment  que  le  principe  de  la  division  par  tiers, 
fondée  sur  le  rang,  dominait  tant  la  nomination  que  la  récusation  des  ju- 
rés. Par  exemple,  la  liste  spéciale  (album  judicum,  Aseonius,  p.  39)  que 
Pompée  tira  de  cette  liste  générale  pour  le  procès  de  Milon  et  de  ses  parti- 
sans;en702,  contenait  360  noms,  soit  3  X  120  membres  (Plutarque,  Pomp.  55  ; 
Velleius,  2,  76  ;  la  correction:  judices  de  trecentis  sexaginta  au  lieu  du  chiffre 
CCCL  qui  nous  a  été  transmis  dans  Gicéron,  Ad'fam.  8,  16,  2,  est  une  restitu- 
tion certaine)  devant  lesquels  devaient  avoir  lieu  les  débats  ;  il  en  fut  en- 
suite tiré  au  sort  81,  soit3  X  27,  et  après  que  chaque  partie  en  eut  récusé 
15  =  3  X  S,  le  verdict  fut  rendu  par  51=  3  X  17  voix, 

(2)  VI,  1,  p.  217,  note  2.  On  s'explique  par  conséquent  que  Velleius  considère 
faussement  la  loi  Aurélia  comme  un  partage  égal  de  la  liste  des  jurés  entre 
les  chevaliers  et  le  sénat  (2,  32  :  Cotta  judicandi  munus...  œqualiter  inter 
utrumque  ordinem  partltus  est)  et  que  Tite-Live  y  voie  même  une  restitu- 
tion de  cette  liste  à  l'ordre  équestre  {Ep.  97:  Judicia  per  M.  Aurelium  Cottam 
prœlorem  ad  équités  Romanos  translata  sunt). 


138  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

avait  que  300  à  remplir  les  fonctions  de  jurés  (1);  et  aussi  en 
général,  et  en  particulier  pour  la  seconde  et  la  troisième  décu- 
rie, qu'elles  étaient  composées  par  lectio,  ce  qui  rend  tout  au 
moins  certain  que  les  détenteurs  de  chevaux  publics  et  les 
tribani  œrarii  n'étaient  pas  tous  sur  la  liste  des  jurés.  En  pré- 
sence du  principe  d'équilibre  numérique  entre  les  trois  classes 
qui  domine  le  reste  du  système,  la  liste  générale  des  jurés 
devait  probablement  contenir  300  noms  de  chacune,  et  la 
dénomination  nongenti,  qu'on  rencontre  en  cette  matière, 
devait  désigner  la  liste  de  tous  les  jurés  (2).  L'âge  de  trente- 
cinq  ans  parait  avoir  été  fixé  comme  âge  minimum,  au  moins 
pour  les  chevaliers  (3). 
Les  jurés  sous  le      La  loi  Aurélia  s'est  maintenue,  sans  modifications  essentiel- 

Principat. 

les  (4),  jusqu'à  la  dictature  de   César.    Celui-ci,  dans  sa  ré- 


(1)  Sénatus-consulte  de  j703  dans  Caelius,  Ad  fam.  8,  8,  5  :  Et,  cum  de 
ea  ad  senatum  referretur,  a  consiliis  (a  consulibus  est  une  fausse  correction) 
qui  eorum  in  CCC  judicibus  essent  sine  fraude  sua  (au  lieu  du  texte  :  ses  qui 
nous  a  été  transmis,  selon  l'excellente  correction  d'Hirschfeld,  Hermès, 
5,  297)  adducere  liceret. 

(2)  Pline,  H.  N.  33,  1,  31  :  Decuriœ  quoque  ipsae  (les  quatre,  plus  tard  les 
cinq  decuriœ  judicum)  pluribus  discretœ  nominibus  fuere,  tribunorum  sens  et 
selectorum  et  judicum:  prœter  hos  etiamnongenti  vocabantur  ex  omnibus  electi 
(le  Bamb.  :  les  autres  :  selecti)  ad  custodiendus  suff,-agiorum  cistas  in  comi- 
tiis:  et  divisus  hic  quoque  ordo,  cum  alii>s  se  nongenfum,  alius  selectum,  alius 
tribunum  appellarat.  On  trouve  encore  seulement  dans  un  collegium  fabrum 
municipal,  qui  présente  d'autres  imitations  des  institutions  romaines,  un 
nungentus  ad  subfrag(ia)  comme  magistrat  corporatif  (C.  I.  L.  XIV,  2630),  ce 
qui  confirme  l'emploi  des  nongenti  comme  surveillants  des  urnes  de  scru- 
tin (VI,  1,  p.  467,  note  3)  et,  dans  une  inscription  pariétaire  de  Pompéi,  C.I.L. 
IV,  1136,  les  mots  obscurs  (cf.  cependant  l'explication  proposée  par  moi  dans 
Bruns,  Fontes,  5e  éd.  p.  271,  note  5)  :  Balneum  Veneriumet  nongentum.  Il  va  de 
soi  que  la  relation  de  Pline  contient  des  confusions  graves,  que  notamment 
les  dénominations  selecti  et  judices  ne  s'appliquaient  pas  à  des  décuries 
déterminées,  mais  à  la  totalité  des  jurés  :  nongenti  peut  donc  avoir  été  éga- 
lement un  nom  collectif  de  cette  espèce. 

(3)  On  peut  le  conclure  des  expressions  de  Suétone,  p.  142,  note  o,  si  elles 
nous  ont  été  transmises  exactement.  Peut-être  cette  règle  était-elle  en  rap- 
port avec  celle  d'après  laquelle  le  service  équestre  ne  peut  plus  être  imposé 
à  partir  du  même  âge  (VI,  1,  p.  296,  note  2  ;  ci-dessus,  p.  95).  La  loi  repetun- 
darum  du  temps  des  Gracques  requiert  l'âge  de  trente  ans  (p.  135,  note  1); 
cf.  Diq.  4,  8.  41. 

(4)  La  modification  faite  par  la  loi  Pompeia  de  699  laissa  la  justice  aux 
trois  ordres  ;  mais  elle  restreignit  l'arbitraire  qui  existait  antérieurement 
dans  le  choix  des  personnes.  Cicéron,  In  Pison.  36,  94  :  Ecquid  sentis  lege 


LES    CHEVALIERS.  139 

forme  du  jury  opérée  en  708,  écarta  les  tribuni  œrarii  et 
attribua  les  postes  de  jures  exclusivement  aux  sénateurs  et 
aux  chevaliers  (1).  La  tradition  ne  nous  dit  pas  comment  la 
répartition  était  faite.  Mais,  les  trois  décuries  ayant  subsisté 
jus  [ii'au  temps  d'Auguste  (2),  l'innovation  s'est  probable- 
mont  restreinte  à  recruter  la  troisième  décurie,  comme  l'était 
déjà  Ja  seconde,  parmi  les  possesseurs  du  cheval  public,  dont 
le  nombre  a  vraisemblablement  été  fort  augmenté  par  César 
(p.  84,  note  1). 

Auguste  a  exclu  les  sénateurs  des  fonctions  de  jurés,  ou  plu- 


judiciaria  lata  quos  posthac  judices  sîmus  habituri  ?  Neque  legeturquisquis  vo- 
lueriï  nec  quisquis  noluerit  non  legetur  :  nulli  conjicientur  in   illum   ordinem, 

nulli  eximentur judices  judicahunt  ii,  quos  lexipsa,  non  quos  hominum  libido 

delegerit.  Asconius,  p.  J6,  remarque  sur  ce  texte  :  Po?npeius  in  consulatu 
secundo....  promulgavit,  ut  amplissimo  ex  censu  ex  cenluriis  aliter  atque  an- 
tea  lecti  judices,  seque  iamen  ex  illis  tribus  ordininibus  resj udicarent.  Le  main- 
tiea  du  cens  est  confirmé  par  Cicéron  dans  les  expressions  discutées  VI,  1, 
p.  216,  note4,et  également  par  l'auteur,  d'opinions  radicales,  des  lettres  attri- 
buées à  Salluste,  De  republica,  c.  3,  qui,  pour  sa  part  (c.  7.  12),  voudrait 
selon  le  système  grec,  quetousjles  citoyens  de  la  première  classe  fussent  admis 
comme  jurés  et  que  le  chiffre  des  jurés  fût  augmenté.  Asconius  exige  chez 
tous  les  jurés  le  censas  amplissimus,  qui  ne  peut  être  que  le  cens  équestre, 
VIj  1,  p.  216,  note  4;  et  cela  est  exact;  car  il  n'y  avait  pasencore  alors  de 
cens  sénatorial  distinct  du  cens  équestre,  et  les  tribuni  œrarii,  au  moins  ceux 
qui  remplissaient  les  fonctions  de  jurés,  avaient  le  cens  équestre  (p.  137, 
noie  2).  Los  centuries  dont  ii  s'agit  doivent  être  les  centuries  serviennes; 
caria  seconde  décurie  était  tirée  des  18  centuries  équestres,  et  les  tribuni 
œrarii  ont  nécessairement  été  dans  un  rapport  fixe  avec  les  35  tribus  et  par 
conséquent  aussi  avec  les  centuries.  On  ne  peut  découvrir  de  rapport  exis- 
tant entre  les  sénateurs  et  les  conturies;  mais  il  suffit  que  le  choix  ait  été- 
établi  ex  centuriis  pour  la  plus  forte  portion  des  jurés.  La  tradition  ne  nous 
a  pas  transmis  les  dispositions  prises  par  la  loi  afin  de  donner  une  base 
fixe  au  choix  des  jurés  dans  les  diverses  centuries  et  de  restreindre  l'arbi- 
traire du  magistrat  qui  y  procédait.  Cette  loi  n'atteignit  pas  sonbut(Pseu- 
do-Salluste,  De  re  publica,  2,  3  :  Judicia  lametsi  sicut  antea  tribus  ordiniôus 
tradita  suri,  tamen  iidem  iUi  factiosi  regunt).  Relativement  à  la  loi  sur  le 
jury,  qu'Antoine  proposa  en  qualité  de  consul,  en  710',  cf.  VI,  1,  p.  216, 
note  4. 

(1)  Suétone,  Cœs.  41  :  Judicia  ad  duo  gênera  judicum  redegit,  equestris  or- 
dinis  ac  senaiorii;  tribunos  œrarios,  quod  erat  tertium,  sustulit.  Dion,  43,  25, 
sir  l'an  708  :  Ta  ~z  StxaarTJpta  toi;  —  (iouXeuxatç  xa\  rot;  licicsOm  jxôvotç  èT.i'pi- 
•I/sv,  Swwç  rb  xaGaptoTCtTov  8ft  fiaXiara  àsl  8txâ£oc  •  rcpârepov  yàp  xa\  èx  to-j  ô\ii- 

vèç  t-jvv.3-,<'>'«'7-/.ov  a-j-rotç.  Cicéron,  Phil.  1,  S,  20  (VI,  l,p.  216,  note  4). 

(2)  .Suétone,  Aug.  32:  Ad  très  judicum  decurias  quartam  addidit  ex  ïnfe- 
riore  censu,  quse  ducenariorum  vocaretur  judicaretque  de  levioribus  summis. 


140  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

tôt  il  les  a  dispensés  de  cette  lourde  charge  (1)  en  considération 
de  leurs  autres  occupations,  et  de  leur  faible  nombre  restreint 
par  lui  (2).  Les  trois  décuries  subsistèrent,  et  elles  furent  par  con- 
séquent désormais  exclusivement  composées  de  chevaliers  equo 
publico(3).  En  outre, pour  les  affaires  civiles  de  peu  d'importance, 
l'empereur  Auguste  créa  une  quatrième  décurie(p.  139,  note  2) 
et  l'empereur  Caligula  en  créa  une  cinquième  (4)  qui  étaient 
composées  d'hommes  capables,  n'ayant  pas  le  cens  équestre, 


(1)  Suétone,  Aug.  32;  Plerisque  judicandi  munus  detractantibus  vix  conces- 
sit,  ut  singulis  decuriis  per  vices  annua  vacatio  esset  et  ut  solitœ  agi  Novembri 
ac  Decembri  mense  res  omitterentur.  Le  même,  Gains,  16  (note  4).  Le  même, 
Galb.  14:  Judicibus  sextam  decuriam  adjici  precantibus  non  modo  negavit, 
sed  et  concession  a  Claudio  beneficium,  ne  hieme  initioque  an  ni  ad  judicandum 
evocarentur,  eripuit.  Au  contraire,  selon  Pline,  H.  N.  33,  2,  33,  on  se  dispu- 
tait plus  tard  le  titre  de  juré  :  Tantum  enatum  est  f as  tus,  ut  quœ  sub  divo 
Augusto  impleri  non  potuerant  decur'uc  non  copiant  eum  ordinem.  Cf.  Suétone, 
Tib.  51.  Les  deux  faits  sont  parfaitement  conciliables. 

(2)  L'exclusion  des  sénateurs  ne  nous  est  pas  affirmée  par  la  tradition  ; 
mais  elle  résulte  de  ce  que  les  inscriptions  ne  nomment  pas  un  seul  juré 
de  rang  sénatorial  (les  deux  seuls  jurés  qui  nomment  leur  décurie,  laquelle 
est  la  première,  un  Tolentinate,  CI.  L.  IX,  5567,  et  un  Tarraconensis,  C.  1.  L. 
II,  4275,  ne  sont  eux-mêmes  point  sénateurs)  et  de  ce  que  les  jurés  sont 
appelés  decuriae  equitum  (Tacite,  Ann.  14,  20  :  Decurias  equitum  egregium  ju- 
dicandi munus  expleturos ;  également  3,  30;  Suétone,  Tib.  41),  expression 
dans  laquelle  on  pouvait  bien  sans  doute  ignorer  les  ducenarii  de  condition 
inférieure,  mais  non  la  classe  supérieure  des  sénateurs .  La  présence 
d'un  sénateur  parmi  les  centumvirs  (Pline,  Ep.  4,  29  rapproché  de  5,  9)  con- 
firme l'opinion  selon  laquelle  les  centumvirs  n'étaient  pas  pris  parmi  les 
sélectif.  134,  note  3).  Si  Pline,  Ep.  1,  20,  dit  de  lui-même:  Fréquenter  ju- 
dicavi,  c'est  qu'outre  les  procès  de  la  compétence  des  centumvirs,  il  y  en 
avait  sans  doute  encore  certains  autres  qui  n'étaient  pas  déférés  aux  jurés 
de  l'album,  et  que,  même  dans  les  litiges  de  la  compétence  de  ces  derniers, 
la  sentence  pouvait  probablement  être  rendue  par  une  personne  qui  n'é- 
tait pas  inscrite  sur  l'album  avec  le  consentement  des  parties.  On  doit 
comprendre  dans  le  même  sens  la  défense  portée  par  Auguste  de  fixer  à 
un  jour  de  séance  du  sénat  le^  procès  à  la  décision  desquels  des  sénateurs 
devaient  participer  (Dion,  55,  3). 

(3)  La  connexité  des  deux  positions  se  montre  dans  les  inscriptions 
aussi  clairement  que  leur  diversité  juridique  ;  elles  sont  d'ordinaire  réu- 
nies. 

(4)  Suétone,  Gaius,  16  :  Ut  levior  labor  judicantibus  foret,  ad  quattuor priores 
quintam  decuriam  addidit.  Pline,  H.  N.  33,  2,  33  :  Propter  hœc  discrimina  (à 
cause  de  la  grande  recherche)  Gaius  princeps  decuriam  quintam  adjecit.  La 
cinquième  décurie  était  comme  la  quatrième  composée  de  ducenarii;  car, 
même  depuis  qu'il  y  eut  cinq  décuries,  les  trois  premières  restèrent  les 
plus  considérées  (p.  141,  note  3). 


LES   CHEVALIERS.  141 

mais  en  ayant  plus  de  la  moitié.  Quand,  ainsi  que  c'est  l'u- 
sage sous  l'Empire,  le  titre  de  juré  est  porté  comme  titre  offi- 
ciel, les  membres  des  trois  premières  décuries  ajoutent  à  la 
désignation  générale  de  judex  ex  quattuor  (1)  ou  plus  tard 
ex  quinque  decuriis  (2)  la  mention  complémentaire  :  ex  tribus 
decuriis  (3)  ou  encore  quadringenarius  (4),  tandis  que  les  ju- 
rés des  deux  dernières  décuries  qui  ne  sont  pas  équestres,  les 
ducenarii  s'abstiennent  de  spécifier. 

La  liste  des  jurés  est  désormais  dressée  par  l'empereur  en 
môme  temps  que  celle  des  chevaliers  (5),  de  laquelle  les  trois 


(1)  Outre  l'inscription  dellasta  citée  p.  131,  note  3,  qui  cite  deux  jurés  de 
cette  espèce,  on  trouve  encore  un  judex  dec.  IV  à  Turin,  C.  L  L.  V,  7022,  et, 
ex  quattuor  decuris  (sans  judex),  C.  I.  L.  VI,  2169. 

(2)  Judex  ex  (rarement  de  :  C.  I.  L.  II,  2075  et  l'inscription  citée  p,  131, 
note  3)  quinque  decuriis  (rarement  decuriis  quinque:  C.  I.  L.  III,  770,  qui 
doit  être  lu  ainsi;  IX,  411)  est  très  fréquent;  on  trouve  aussi  ex  quinque 
decuriis  judicum  {C.  I.  L.  II,  4617;  Henzen,  6729=  C.  1.  L.  XI,  393).  Ex 
(Orelli,  4949  :  in)  quinque  decuriis  tout  seul  se  rencontre  encore  souvent. 
Adlectus  in  quinque  {quinque  manque  C.  1.  L.  II,  1180.  X,  53)  decurias  (rare- 
ment decuriis,  C.  1.  L.  VIII,  9374.  X,  53)  est  très  fréquent,  plus  rare  dans 
la  construction  inverse  (C.  I.  L.  VIII,  1494.  1576.  1827.  6711)  et  est  souvent 
accompagné  du  nom  de  l'Empereur.  Setectus  n'est  pas  rare  non  plus  :  Ad- 
lectus inter  selectos  abimp.  Cses.  Au  g.  (C.  1.  L.  X,  1685)  ;  adlectus  in  decurias 
judicum  selectorum  a  divo  Tito  (C.  1.  L.  III,  726)  ;  judex  de  selectis  (C.  7.  L. 
X,  5128)  ;  judex  ex  quinque  decuriis  inter  selectos  (C.  I.  L.  V,  7375;  avec  la 
construction  inverse,  C.  I.  L.  V,  7373)  ;  judex  setectus  ex  quinque  decuriis 
(C.  1.  L.  IX,  5831.  5832.  5841)  ;  judex  ex  quinque  decuriis  selectus  (C.  I.  L.  VI, 
1635)  ;  judex  selectus  decuriis  quinque  (C.  I.  L.  IX,  5303)  ;  [inte]r  selectos  ju- 
dices  (C.  /.  L.  IX,  4973)  ;  tov  G-sXexTcov  èv  'Poojjlt,  oixocortov,  Bull,  de  corr. 
Hell.  1886,  p.  456.  On  trouve  rarement  judex  (Cl  L  L.  VIII,  6958)  ou  se- 
lectus (C.  I.  L.IX,  3023)  sans  complément.  Le  singulier  adlectus  in  decuriam 
judicum (C.  L  L.  VIII,  1147)  est  également  rare  ;  cf.  p.  140,  note  2. 

(3)  Ex  quinque  decuriis,  dec(uriarum)  III,  C.  I.  L.  VIII,  7986;  judex  selec- 
tus decur{iis)  trib(us),  C.  I.  L.  V,  5036. 

(4)  Judex  CCl'C  Romœ  dec{uriarum)  V  (C.  1.  L.  IX,  2600)  ;  judex  7JCCC~ se- 
lectus (C.  l.L.  X,  5197)  ;  [ex\  quinque  decuriis  judic(um)  [selectorum  inter']  qua- 
drùu/enarios  adlectus  a  divo  Anto[nino  Aug.]  Pio  (C.  1,  L.  X,  7507). 

i'acite,  Ann.  3,  30:  (L.  Volusius  Saturninus,  consul  en  742  de  Rome) 
liapotestate  legendis  equitum  decuriis  f une  tus.  Tandis  que  Dion  repro- 
che à  Tibère  d'avoir  négligé  de  compléter  les  cadres  des  chevaliers  (p.  85, 
note  3),  Suétone  rapporte  la  môme  négligence  au  complément  de  la  liste  des 
jurés  (Tib.  41:  Iiegressus  in  insulam  rei  p.  curam  usque  adeo  abjecit,  ut  postea 
non  decurias  equitum  umquam  supplerit).  Pline,  //.  .V.  29,  1,  18  (p.  131, 
note  3).  33,  1,  30  :  Divo  Augusto  decurias  ordinante.  Suétone,  Aug.  27  :  Quo  loco 

(dans  le  portique  du  temple  d'Apollon  du  Palatin)  jam  senior decurias 

judicum  recognovit.  Le'même,  Claud.  16.  —  La  radiation  a  lieu  de  la  même 


142  DROIT    PUBLIC  ROMAIN. 

premières  décuries  de  jurés  sont  extraites  par  un  second 
triage  (i).  De  même  que  le  cheval  équestre  est  désormais  con- 
féré à  vie,  la  nomination  du  juré  reste  valable  jusqu'à  la  limite 
dage  qui  dispense  des  charges  publiques  (2).  La  capacité 
d'être  juré  ne  suppose  pas  seulement  la  preuve  de  la  fortune 
requise  (3),  qui  d'ailleurs  n'a  pas  besoin  d'être  fournie  à  titre 
spécial  pour  les  trois  premières  décuries.  Elle  exige  d'autres 
conditions  encore  (4).  En  dehors  de  l'exigence  d'un  âge  dé- 
terminé, qui  est  dorénavant  celui  de  trente  ans  (5),  il  est 
remarquable,  au  point  de  vue  politique,  qu'on  n'admit  comme 
jurés,  sous  Auguste,  que  les  Italiens  (6)  et  plus  tard,  parmi 
les  provinciaux,  sauf  de  minimes  exceptions,  que  ceux  de  la 


façon.  Suétone,  Claud.  15:  Cum  decurias  rerum  actu  (les  décuries  affectées 
à  l'administration  de  la  justice)  expungeret,  eum,  qui  dissimulata  vacatio?ie, 
quam  beneficio  liberorum  habebat,  ut  cupidum  judicandi  dimisit.  —  Les  deux 
actes  n'étaient  pas  nécessairement  liés  ;  mais  ils  l'étaient  d'ordinaire. 

(1)  L'assertion  de  Pline,  H.  N.  33,  1,  30  :  Divo  Augusto  decurias  ordinante 
major  pars  judicum  in  ferreo  anulo  fuit  iique  non  équités,  sed  judices  vocaban- 
tur:  equitum  nomen  subsistebat  in  turmis  equitum  publicorum,  ne  peut  pas  être 
excusée  par  l'existence  des  ducenarii,  ne  fût-ce  qu'à  cause  des  mots  :  major 
pars.  C'est  une  confusion  grossière  provoquée  par  le  fait  que  Pline  s'occupe 
directement  des  anneaux  et  qu'il  confond  leur  port  effectif  avec  le  droit  de 
les  porter. 

(2)  Le  caractère  permanent  de  ces  fonctions  résulte  de  Vannua  vacatio  des 
diverses  décuries  (p.  140,  note  1)  ainsi  que  de  la  présence  du  titre  de  juré 
dans  les  inscriptions  et  de  l'absence  de  toute  allusion  à  un  terme  d'expi- 
ration ou  à  une  itération.  Il  est  remarquable  que  les  fonctions  de  jurés 
soient  devenues  viagères  aussitôt  que  le  pouvoir  le  fut  devenu  de  son  côté. 

(3)  Sénèque,  De  benef.  3,7:  Non  potest  ad  hœc  sunû  judex  ex  turba  seleclo- 
rum,  quem  census  in  album  et  equestris  hereditas  misit.  Pline,  H.  N.  14,  1,  5: 
Postquam  senator  censu  legi  cœptus,  judex  fieri  censu.  Quintilien,  Inst.  4,  2, 
45,  oppose  le  judex  que  rura  plerumque  in  decurias  mittunt,  à  l'homme 
ayant  une  culture  littéraire. 

(4)  Le  nombre  des  chevaliers  doit,  ainsi  que  le  montrent  les  inscriptions, 
avoir  été  beaucoup  plus  grand  que  celui  des  jurés,  bien  que  ces  derniers 
comprennent  encore  parmi  eux  les  ducenarii  qui  ne  sont  pas  chevaliers. 

(5)  Suétone,  Aug.  32  :  Judices  a  tricensimo  (les  Mss.  ;  cf.  p.  138,  note  3) 
setatis  anno  adlegit,  id  est  quinquennio  maturius  quam  solebant.  On  trouve, 
C.  1.  L.  X,  53,  l'inscription  d'un  homme  qui  reçut  le  cheval  équestre  d'Hadrien 
et  la  qualité  de  juré  d'Antonin  le  Pieux;  C.  I.  L.  11,1180,  celle  d'un  homme 
qui  fut  nommé  juré  par  Marc-Aurèle  et  Lucius  Verus  seulement  après  avoir 
occupé  plusieurs  postes  d'officiers. 

(6)  Pline,  H.  N.  33,  1,  30,  en  parlant  du  temps  d'Auguste  :  Nondum  pro- 
vinciis  ad  hoc  munus  admissis.  Hermès,  4, 117. 


LES   CHEVALIERS.  143 

moitié  latine  de  l'empire  seulement  (i),  et  encore  seulement 
roux  qui  avaient  acquis  le  droit  de  cité  par  la  naissance  et  non  pas 
par  une  concession  postérieure  (2).  Il  y  avait  en  outre  à  appré- 
cier dans  ce  triage  les  différents  motifs  de  dispense  (3).  Le 
chiffre  total  fut,  sans  nul  doute  au  grand  profit  de  la  rapide 
expédition  des  affaires,  considérablement  augmenté.  Auguste 
fixa  le  chiffre,  normal  des  membres  de  chaque  décurie  à  1000, 
et  ce  chiffre,  qui  était  déjà  approximativement  atteint  de  son 
temps,  le  fut  plus  tard  complètement  sans  difficultés  (4).  La 
relation  existant  entre  ce  tableau  général  des  jurés  et  les  di- 
vers tribunaux  de  la  capitale  resta  sans  doute  ce  qu'elle  était 
auparavant  :  tout  magistrat  qui  se  trouvait  dans  le  cas  de  nom- 
mer des  jurés  les  empruntait  à  cet  album  soit  à  chaque  fois, 
soit  d'avance,  en  en  tirant  pour  son  usage  une  liste  séparée  (5). 
Il  n'y  a  que  la  relation  des  décuries  de  l'album  avec  chaque 
comilium  déterminé  qui  a  du  se  modifier  depuis  la  désuétude  de 
la  formation  des  décuries  par  classes  :  on  aura  probablement 
',  faute  de  motif,  de  prendre  à  la  fois  dans  plusieurs  dé- 


(1)  Selon  Pline,  loc.  cit.,  cela  arrivait  déjà  fréquemment  sous  Vespa- 
sien  ;  ailleurs  (p.  131,  note  3),  il  parait  faire  allusion  à  l'admission  de  jurés 
espagnols,  au  moins  en  matière  civile,  par  conséquent  comme  ducenarii. 
Les  inscriptions  fournissent  de  nombreux  exemples  pour  l'Afrique,  l'Es- 
pagne et  la  Gaule;  elles  en  donnent  peu  pour  la  région  du  Danube  et  pour 
ainsi  dire  aucun  pour  l'Orient  grec.  On  avait  encore  naturellement  par  la 
suite  la  même  opiniouque  Gicéron  (Phil.  5,  5,  13  :  Num  Latine  scit?)  du  juré 
qui  ne  savait  pas  le  Lai  in.  Suéîone,  Claucl.  16  :  Splendidum  virum  Graeciœque 

pem,    verum    Lcitini   se.-monis  ignarum,  non  modo  albojudi- 
cum  erasit,  sed  in  pereç-Aaiiaien  redegit. 

(2)  Pline, H  .  N.  33,  J.  30  :  Servalum  in  hodiernum  est,  ne  quisenovis  civi- 
btu  in  Us  (decuriis)  judica: et.  Cf.  l'inscription  de  Pompéi,  C.  I.  L.  IV,  1943: 
Non  est  ex  albo  judex  paire  Aegyptio.  —  Radiation  pour  cause  d'inconduite 
scandaleuse,  Suétone,  Dom.  8. 

En  premier  lieu,  le  jus  liberorum.  Suétone,  Claud.  15  (p.  141,  note  5). 
Ulpien,  Vat.  fr.  197.  198. 

Pline,  33,  1,  30,  en  parlant  du  temps  d'Auguste  :  Vix  singula  milia  in 
s  inventa  sunt  nondum  provinciis  ad  hoc   munus  admissis c.  33:  Ut 

ib  divo  Augusto  impleri  non  potuerant  decuriœ  non  copiant  eum  ordinem. 
•.  Aug.  29,  sur  les  nouveaux  bâtiments  construits  par  Auguste 
aûn  d'assurer  l'expédition  plus  rapide  des  nombreux  procès. 

Aulu-Gelle,  14,  1,  1  :  A  prœtoribus  (probablement  le  préteur  urbain  et 
le  préteur  pérégrin)  lectus  in  judices  sum,  ut  judicia  quœ  appellantur  privata 
susciperem. 


144  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

curies  le  personnel  de  chaque  consilium.  Le  seul  renseignement 
qui  nous  soit  transmis  est  que,  sur  les  trois  premières  décuries 
respectivement  égales  ,  il  y,  en  avait  une  qui  était  libre  de 
son  service  tous  les  trois  ans,  et  que  par  conséquent  leur  ser- 
vice était  fait  par  deux  d'entre  elles  (1). 

La  procédure  par  jurés  s'est  maintenue  dans  cette  forme 
pendant  les  deux  premiers  siècles  de  notre  ère,  sans  subir,  au- 
tant que  nous  sachions,  de  modifications  essentielles.  Mais  la 
procédure  extraordinaire  (cognitio  extra  ordinem),  c'est-à-dire 
le  jugement  rendu  par  le  magistrat  seul,  sans  le  concours  des 
jurés,  n'a  pas  cessé  de  gagner  de  plus  en  plus  de  terrain  en 
matière  civile  comme  en  matière  criminelle,  et  la  rédaction  de 
la  liste  des  jurés  est  tombée  en  désuétude  avec  la  procédure 
par  jurés  elle-même  dans  le  cours  du  troisième  siècle.  Tout  au 
moins  ne  pouvons-nous  signaler  au  troisième  siècle  de  traces 
de  son  existence  (2). 


6.  SERVICE  DE  CAVALIER  ET  D'OFFICIER. 


Les  chevaliers  ont  d'abord  été  les  cavaliers  de  la  cité  ;  plus 
tard  ils  en  sont  devenus  le  corps  d'officiers.  Pour  comprendre 
cette  transformation,  il  est  nécessaire  d'avoir  présente  à  l'esprit 
la  relation  du  service  de  cavalier  avec  le  service  d'officier. 


(1)  Suétone,  Aug.  32  (p.  140,  note  1).  Sur  les  vacances  judiciaires,  cf. 
Suétone,  loc.  cit.,  Claud.  23,  Galb.  4,  et  Vita  Marci,  10. 

(2)  Le  dernier  empereur  dont  les  adlections  de  jurés  soient  attestées  par 
les  inscriptions  est  l'empereur  Marc-Aurèle  {C.I.L.  II,  1180.  111,4495. 
VIJJ,  6711).  L'homme  âgé  auquel  est  consacrée  l'inscription  de  Perusia  dé- 
diée en  203,  Orelli,  95  =C.  L  L.  XI,  1926,  peut  avoir  encore  reçu  les  fonctions 
de  juré  de  cet  empereur;  au  contraire  le  consul  de  261  qui  avait  été  inscrit 
dans  les  cinq  décuries  au  début  de  sa  carrière,  Orelli,  3100  =  C.  1.  L.  XI, 
1836)  peut  difficilement  avoir  reçu  ces  fonctions  avant  Sévère.  Il  est  sur- 
prenant que  le  nom  de  ce  dernier  ne  se  trouve  nulle  part  rattaché  à  de 
telles  opérations. 


LES   CHEVALIERS.  145 

La  distinction  des  officiers  et  des  soldats  est,  quant  au  fond,     Relation  du 

ii  •*  i  l  li  •       .•  »i»a    «        9ervice     équestre 

faite  de  la  manière  la  plus  nette  par  1  organisation  militaire    et  du  nervi 

.  d'officiei-. 

romaine.  Sont  officiers,  d'abord,  dans  l'armée  primitive,  la.  legio, 
ceux  qui  la  commandent,  c'est-à-dire  parmi  les  magistrats,  les 
tribuns  militaires  ;  sont  soldats  ceux  qui  y  servent,  y  compris 
les  chefs  de  divisions  de  la  légion,  les  centurions  et  les  décu- 
rions. Tous  les  corps  de  troupes  composés  de  non-citoyens 
sont,  sous  ce  rapport,  semblables  à  la  légion;  leurs  chefs, 
pourvu  qu'ils  soient  romains,  sont,  tout  comme  les  tribuns 
militaires,  des  officiers  romains.  Il  en  est  ainsi,  au  temps  de 
la  République,  des prœfecti  socium,  qui  commandent  Yala  des 
Italiens  correspondante  à  la  légion,  et,  depuis  la  guerre  sociale, 
des  commandants  mis  à  la  tète  des  soldats  non-romains  qui  sont 
coordonnés  à  l'armée  romaine  et  qui  ont  été  l'origine  des 
auxitia  de  l'armée  réorganisée  par  Auguste.  Le  prœfectus  fa- 
bruni,  qui  commande  les  ouvriers  civils  appelés  au  service,  est 
lui-même  compté  parles  officiers. 

Par  un  phénomène  surprenant,  il  n'y  a  pas  d'expressions 
corrélatives  à  cette  démarcation  si  fortement  arrêtée  en  théo- 
rie. La  langue  technique  des  Romains  ne  possède  pas,  à  l'é- 
poque ancienne,  de  terme  collectif  pour  désigner  ni  le  simple 
soldat  (1),  ni  en  particulier  l'officier.  Tout  ce  qu'elle  connaît, 
c'est  la  distinction  des  magistrats  attachés  à  l'armée  comme 
généraux  ou  comme  auxiliaires  des  généraux,  qui  sortent  de 
l'élection  populaire  et  qui  ne  reçoivent  pas  de  rémunération  (2), 
et  des  soldats  salariés,  qui  sont  placés  à  leur  rang  par  le  dilec- 
tus  du  général  et  qui  reçoivent  une  rémunération,  et,  parmi 
ces  derniers,  elle  ne  distingue  pas  les  officiers  et  les  simples 
soldats,  mais  exclusivement  les  stipendia  equestria  in  legione 


(1)  Miles  est,  comme  on  sait,  le  nom  technique  du  fantassin,  et,  au  sens 
strict,  il  n'est  employé  qu'abusivement  pour  désigner  le  soldat  en  général. 

(2)  Le  consul,  le  questeur  n'est  ni  eques  ni  miles,  et  il  ne  reçoit  pas  de 
stipendium,  si  bien  qu'il  ne  meret  pas  (cf.  merces,  merx,  meretrix).  Il  n'y  a 
pas  à  tenir  compte  des  extensions  postérieures  (Tacite,  Ann.  1,  64.  3,  33); 
quant  au  tribun  militaire,  il  n'est  jamais  magistrat  dans  l'ancien  système 
et  il  ne  l'est  pas  toujours  dans  le  nouveau  :  au  moins  en  tant  qu'il  ne  l'est 
pas,  il  rentre  sous  l'empire  de  la  régie  générale. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2*  p.  10 


146  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

et  les  stipendia  pedestria  in  legione  (1)  selon  lesquels  se  règle 
le  calcul  du  temps  de  service,  important  sous  de  nombreux  rap- 
ports militaires  et  politiques  (2).  L'officier  qui  n'est  pas  magistrat 
sert  donc,  selon  la  notion  romaine,  à  pied  ou  à  cheval  dans  la 
légion. 

Mais  c'est  une  question  de  savoir  si  l'officier  pouvait  être 
pris  parmi  les  citoyens  astreints  au  service  de  fantassin.  Assu- 
rément on  ne  peut  pas  démontrer  que  le  cheval  fût,  d'une  ma- 
nière absolue  et  notamment  à  l'époque  la  plus  ancienne,  obli- 
gatoire pour  l'officier,  quoique,  par  la  suite,  les  tribuns  de 
légion  et  les  officiers  du  môme  genre  fussent  ordinairement 
montés  (3).  En  outre,  tant  que  le  service  dans]  l'infanterie  fut 
légalement  égal  au  service  dans  la  cavalerie,  le  général  a  sans 
doute  pu  faire  un  officier  de  n'importe  quel  légionnaire,  bien 
que  la  préférence  de  fait  donnée  aux  cavaliers  puisse  être 
aussi  ancienne  que  l'arme  elle-même.  Mais,  depuis  les  trans- 
formations de  l'organisation  militaire  qui  trouvent  leur  expres- 
sion dans  la  solde  triple  des  cavaliers  (p.  72),  le  choix  des 
officiers  s'est  fait,  avec  une  nécessité  pour  ainsi  dire  légale, 
dans  le  cercle  des  cavaliers.  La  hiérarchie  militaire  s'oppose 
tout  au  moins  désormais  au  choix  du  tribun  de  légion  parmi 
les  fantassins  :  car  il  est  placé  au  dessus  de  toute  la  légion,  et 
par  suite  aussi  au  dessus  des  cavaliers  de  la  légion.  Les  offi- 
ciers étrangers  à  la  légion  peuvent  avoir  encore  longtemps  été 
pris  parmi  les  individus  astreints  au  service  de  fantassin. 
Mais  le  tribunat  de  légion  était  le  type  caractéristique  de  la 


(1)  La  lex  Jalia  municipalis  réunit,  lignes  91  et  100,  sous  les  mots  :  Quel 
stipendia  equo  in  legione  III  aut  stipendia  pedestria  in  legione  VI  fecerit,  tout 
l'ensemble  du  service  des  citoyens,  en  y  comprenant  nécessairement  le  ser- 
vice d'officier.  Il  n'y  a  pas  besoin  d'autres  textes. 

(2)  La  loi  Julia  continue  en  disant  :  Quœ  stipendia  in  castreis  inve  provin- 
cia  majorent  partent  sui  quojusque  anni  fecerit  aut  bina  semés  tria  quœ  ei  pro 
singuleis  annuels  procedere  oporteat. 

(3)  César,  B.  G.  7,  65:  Quod  minus  idoneis  equis  utebantur,  a  tribunis  mili- 
tum  reliquisque  equitibus  Romanis  atque  evocatis  equos  sumit  Germanisque 
distribua,  et  d'autres  textes.  Dans  Ïite-Live,  44,  22,  13,  le  consul  Paullus 
promet  à  quiconque  voudra  le  suivre  au  camp  et  l'y  aider  de  bons  conseils, 
de  le  fournir  ?iave,  equo,  labemaculo,  viatico  etiam. 


LES   CHEVALIERS.  147 

condition  générale  d'officier.  11  est  certain  qu'à  l'époque  ré- 
cente de  la  République  tous  les  officiers  des  armées  romaines 
qui  sont  nommés  par  les  généraux  sont  pris  en  principe  dans 
la  cavalerie  civique  et  que  par  conséquent  les  officiers  de  l'in- 
fanterie sont,  en  droit,  des  cavaliers  détachés  dans  les  fonc- 
tions d'officiers  (1). 

Le  service  d'officier  est  donc  une  partie  du  service  de  ca-  cïtafe^dvlqùê 
valier.  Aucun  vestige  n'indique  que  les  possesseurs  du  cheval  COd5LSeT 
public  aient  été  avantagés  sous  ce  rapport.  Depuis  que  le  gé- 
néral a  eu  le  droit  d'employer  au  service  de  cavaliers  d'autres 
citoyens  ayant  la  capacité  requise,  ils  ont  été  pris  comme  offi- 
ciers aussi  bien  que  les  équités  equopublico.  L'introduction  pré- 
coce de  cette  forme  de  service  a  peut-être  été  favorisée  par  le 
fait  que,  d'une  part,  le  général  était  ainsi  rendu  plus  libre 
dans  le  choix  des  officiers  et  que,  d'autre  part,  les  citoyens 
propres  à  servir  comme  officiers  et  disposés  à  le  faire  pou- 
vaient ainsi  être  choisis  alors  même  qu'ils  n'avaient  pas  le  che- 
val public. 

La  cavalerie  civique  de  la  légion,  sur  la  décadence  de  laquelle 
dut  influer,  moralement  encore  plus  que  numériquement,  l'af- 
faiblissement qu'elle  subissait  par  suite  de  la  sélection  des 
hommes  propres  au  service  d'officiers,  disparut,  comme  troupe 
distincte,  dans  le  cours  du  septième  siècle.  Si,  ce  qui  est  dou- 
teux, elle  a  subsisté  jusqu'à  la  transformation  de  l'armée  opé- 
rée par  Marius  (2),  elle  a  certainement  été  mise  définitivement 


(1)  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  service  de  cavalier  n'a  reçu  aucun  dé- 
veloppement technique  sous  la  République  romaine  et  que  sa  distinction  du 
service  de  fantassin  est  plutôt  hiérarchique  que  militaire.  Aux  hastati  et 
pilani  de  l'infanterie,  qu'on  peut  assimiler  aux  fusiliers  et  aux  grenadiers 
modernes,  correspondent,  dans  la  cavalerie  du  temps  de  l'Empire,  les  ar- 
chers à  cheval  (équités  sagittariï),  les  lanciers  (contariï)  et  les  cuirassiers 
(cataphractarii);  la  République  ne  connaît  pas  de  formations  de  cavalerie  de 
cette  espèce,  et  ce  sont  là  essentiellement  des  dispositions  étrangères  em- 
pruntées par  les  stratégistes  romains  de  la  période  impériale. 

(2)  Nous  sommes, absolument  dépourvus  de  témoignages  certains  posté- 
rieurs au  temps  de  Polybe  et  relatifs  à  l'existence  d'une  cavalerie  légion- 
naire constituant  un  corps  fermé.  La  turma  equitum  Romanorum  mentionnée 
par  Sallustc,  guerre  de  Jugurtha,  c.  G3,  et  les  équités  qu'il  oppose,  c.  46,  aux 
équités  auxiliarii,  qui  sont  regardés  par  Madvig,  Kleinere   Schriften,  p.  502> 


148  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

à  l'écart  depuis  l'abandon  du  service  obligatoire  et  le  recru- 
tement de  l'infanterie  de  la  légion  fait  au  moyen  de  volontai- 
res appartenant  pour  la  plupart  au  bas  peuple  (1).  A  côté  de 
la  légion  démocratisée,  il  n'y  avait  plus  de  place  pour  la  cava- 
lerie civique  aristocratiquement  ordonnée.  La  capacité  écartée 
pour  l'infanterie  de  la  légion,  elle  ne  pouvait  pas  être  main- 
tenue pour  sa  cavalerie,  et  on  ne  pouvait  pas  constituer  une 
cavalerie  sans  capacité  civique.  Mais  le  service  équestre  des 
citoyens  ne  disparut  pas  pour  cela.  11  se  maintint  soit  dans  le 
service  des  contubemales ,  cavaliers  qui  sont  des  simples  sol- 
dats, mais  qui  ne  servent  pas  dans  les  rangs  et  qui  sont  atta- 
chés au  quartier  général  où  ils  sont  à  la  disposition  du  géné- 
ral, soit,  de  la  manière  qui  vient  d'être  expliquée,  dans  le 
service  d'officier.  Auguste  a  sans  doute  retiré  aux  contubema- 
les, que  l'on  rencontre  encore  dans  les  derniers  temps  de  la 
République,  ce  qui  leur  restait  du  caractère  militaire  (2).   De- 

comme  une    cavalerie  légionnaire,    peuvent  être  des    cavaliers  italiques 
(p.  72,  note  3)  opposés  aux  Africains  qui  se  trouvaient  dans  Farmée  romaine. 

(1)  Puisque  la  guerre  sociale  fit  disparaître  les  cavaliers  italiques,  et 
qu'au  point  de  vue  militaire  ce  vide  aurait  dû  être  comblé  par  une  aug- 
mentation de  la  cavalerie  de  la  légion,  le  silence  au  sujet  de  cette  dernière 
est  d'autant  plus  significatif.  Il  est  établi  que  les  légions  gauloises  de 
César  n'avaient  pas  de  cavalerie  {Handbuch,  5,  440). 

(2)  Nous  avons  montré,  dans  la  théorie  de  la  Capacité  d'être  magistrat,  au 
sujet  du  service  militaire,  que  le  service  en  qualité  de  contubemalis  s'est 
maintenu  jusqu'à  César.  Mais  il  doit  avoir  perdu  de  plus  en  plus  son  ca- 
ractère militaire,  non  pas  seulement  parce  que  le  service  d'un  cavalier  qui 
n'était  plus  dans  les  rangs  n'était  pas  sérieux,  mais  parce  qu'il  y  avait, 
dans  la  cohors  amicorum,  de  plus  en  plus  de  gens  qui  ne  servaient  même 
pas  nominalement.  Les  émoluments  accordés  à  ces  individus  n'ont  pas  la 
solde  pour  origine,  avons-nous  vu  au  sujet  des  Emoluments  du  magistrat, 
et  les  comités  de  l'empereur  et  du  gouverneur,  qui  viennent  de  ces  contu- 
bemales, sont  constamment  des  civils,  pratique  dont  les  commencements 
remontent  sûrement  au  temps  de  la  République.  Dans  l'armée  des  Gaules 
de  César,  que  par  sa  description  nous  connaissons  jusque  dans  le  détail,  il 
n'y  a  qu'une  indication  rui  puisse  être  rapportée  à  cette  institution  (1,  39  : 
A  tribunis  militum,  prsefectis  reliquisque,  qui  ex  urbe  amicitise  causa  Caesarem 
secuti  non  magnum  in  re  militari  usum  habebant).  —  Selon  Appien,  B.  C. 
2,  102,  César,  lors  de  son  triomphe  de  708,  donna  un  présent  double  aux  cen- 
turions et  quadruple  aux  tribuns  militaires  et  aux  préfets  des  cavaliers  ; 
comme  le  remarque  avec  raison  Madvig,  Kleinere  Schriften,  1,  50J,  la  dernière 
libéralité  remplace  celle  du  triple  donné  anciennement  aux  cavaliers  ci- 
toyens (p.  72,  note  3);  il  n'est  pas  question  de  ces  derniers.  —  La  cohors  prae- 
ioria  se  composait,  montre  son  nom,  au  moins  principalement  d'infanterie. 


LES  CHEVALIERS.  149 

puis  lui,  le  Romain  de  bonne  naissance  n'a  plus  pu  servir  que 
comme  officier  (1),  et  le  service  équestre  est  devenu  complè- 
tement un  service  d'officier.  Cette  transformation  trouve  même 
alors  son  expression  terminologique.  Du  temps  de  la  Répu- 
blique, et  encore  du  temps  de  César,  l'année  de  service  équestre 
s'appelait  stipendium  équestre  tout  court  (p.  146,  note  1).  Sous  ^J^J^  J 
le  Principat,  où  le  service  de  cavalier  a  été  rétabli  comme  ser-  Prfncii.au 
vice  ordinaire,  cette  expression  désigne  l'année  de  service  du 
simple  cavalier  (2),  et  au  contraire  la  position  de  l'officier, 
qui    est  toujours  monté,  est  appelée  militia  equestris  (3)  ou 


(1)  La  jeunesse  aristocratique  ne  fait  pas,  sous  le  Principat,  d'autre 
Hrocinium  que  celui  du  tribunat  militaire.  Ce  fut  là,  nous  en  avons  la 
preuve,  tout  le  service  militaire  fait  par  Pline  le  Jeune. 

(2)  Stipendium  est  aussi  bien  employé  pour  ces  cavaliers  que  pour  les 
fantassins.  Le  seul  exemple  qui  me  soit  connu  de  stipendium  équestre  pris 
dans  ce  sens  est  fourni  par  l'inscription  de  Garouge  près  de  Genève,  C.  1.  L. 
XII,  2602  :  Cornicularius  Comeli  Gallicani  leg.  Aug.  equestribus  stipendis,  item 
Minici  Ru  fi  leg.  Aug.;  le  défunt  a  occupé  cette  fonction,  comme  soldat  de  la 
première  cohorte,  de  l'an  83  àFan88,pour  devenir  ensuite  evocatus  et  centurie*. 
Cet  eques  employé  comme  cornicularius  était  donc  inférieur  en  grade  au  cen- 
turion. Mais  l' eques  de  la  légion  reçoit  encore  désormais  500  deniers  alors 
que  le  miles  en  reçoit  200  (C.  I.  L.  VIII,  2551). 

(3)  Dans  Velleius,  2,  111  :  Finita  eques  trimilitia  (tribunat  et  préfecture  des 
cavaliers,  d'après  le  c.  104)  designatus  quœstor,  c'est  le  service  militaire 
équestre  en  général  qui  est  désigné  par  opposition  au  service  sénatorial  (cf. 
encore  2,  118  :  Arminius...  adsiduus  militiœ  nos  Iras  prioris  cornes,  jure  eticun 
civitatis  Romanae  ejus  —  et  non  jus  —  équestres  consequens  gradus)  ;  dans  la 
langue  propre  des  camps,  qu'oublie  cet  écrivain,  militia  equestris  est  le 
grade  d'officier  isolé.  Le  mot  est  employé  dans  ce  sens  d'abord  par  Pline  le 
Jeune  (Ep.  7,  25,  2  :  Terentius  Junior  equestribus  militiis  atque  etiam  procu- 
ration Narbonensis  provinciœ  integerrime  functus)  et  par  Suétone  (Claud. 
25  :  Equestres  militias  ita  ordinavit,  ut  post  cohortem  alam,  post  alam  tri- 
bunaium  legionis  daret ;  cf.  Aug.  46  ;  enoutre,dans  la  vie  de  Pline  l'Ancien: 
Equestribus  militiis  industrie  functus,  passage  dont  le  commentaire  est 
aujourd'hui  donné  par  l'inscription  d'Arados,  Hermès  19,  644).  On  trouve, 
sur  les  inscriptions,  omnibus  equestribus  militiis  (ou  mil.  eq.)  per functus 
(functus,  omatus)C.  1.  L.  III,  1198. 6053.  6054  (=Eph.  ep.  V,  53).  V,  8659.  VI.  8400, 
aussi    militiis  equestribus  perfunctus   (exornatus),    C.  1.    L.  VIII,  9760.  XII, 

on  grec  àizb  o-rpa-rciàiv  brjux[âSv],  Waddington,  III,  1179.  Alfenus  Ari- 
gnotus  de  Thyatira,  C.  I.  Gr.  3484.  3485,  s'appelle,  dans  deux  inscriptions, 

.7ov  yi/iapyo;  ou  àub  rpiâiv  y./.'.apy.olv.  tandis  que,  dans  une  troi- 
sième, Op.  cit.  3497,  ses  divers  grades  sonténumérés  :  prœf.  alœ,  —  prsepo- 
situs  alœ,  —  trib.  coh.,  —  prœpositus  coh.,  —  prœf.  coh.,  —  prœpos.  coh.  ;  — 
par  conséquent,  des  prépositures  extraordinaires  sont  omises  dans  les 
premières  inscriptions  et  les  deux  préfectures  et  le  tribunat  de  cohorte  y 
sont   inexactement  regardés  comme  trois  tribunats.  —  Tandis  que  là  le 


150  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

militia  tout  court  (i),  le  calcul  se  faisant  pour  la  militia  comme 
pour  le  stipendium  (2).  Il  y  a  au  inoins  trois  grades  d'officiers 
de  cette  espèce,  qui  sont  dans  un  ordre  hiérarchique  fixe. Ce  sont  : 
le  commandement  d'un  détachement  auxiliaire  de  cavalerie, 
la  prœfectura  equitum  ou  alœ  ;  le  tribu nat  dans  une  légion  ou 
le  tribunat  d'une  cohorte,  qui  sont  égaux  hiérarchiquement  (3), 


service  est  désigné  comme  achevé,  un  jeune  homme  de  vingt-quatre  ans 
meurt  ord(ine)  equestr(is)  milit(ise)  comparato,  C.  1.  L.  VI,  1615.  —  Exornatus 
militise  à  côté  de  la  préfecture  de  cohorte,  dans  l'inscription  de  Neapolis, 
C.  1.  L.  X,  1493,  doit  sans  doute  viser  sa  concession  par  l'Empereur. 

(1)  On  rencontre  très  fréquemment  le  titre  a  militiis  :  C.  L  L.  III,  1181. 
1486.  3240.  5652.  VI,  1410.  2133.  3494.  3496.  3497.  3498.  3500.  3501.  VIII,  2757. 
2772.  5776.  7001.  7002.  9018.  9023.  9045.  9047.  9048.  X,  4861  (4860,  du  même 
personnage  de  Venafrum,  au  lieu  de  cela  :  trib.  leg.  VI,...  I).  Eph.  ep.  II, 
413.  Orelli,  3560.  Brambach,  398  ;  en  grec,  àrcb  arparicôv,  C.  1.  Gr.  4499,  ou 
<7fpaTEU(ra[jLevoç,  C.  I.  Gr.  5790  ;  aussi  vira  militiis  (car  c'est  ainsi  qu'il  faut  ré- 
soudre l'abréviation  mill.)  Henzen,  5816.  A  ducenariis  (C.  I.  L.  XIV,  2939)  a 
sans  doute  le  même  sens. 

(2)  Parmi  les  écrivains,  Appien  seul  mentionne  les  trois  militise,  Diss. 
Epict.  4,  1,  37  et  ss.  L'esclave  souhaite  la  liberté,  l'affranchi  les  anneaux 
d'or,  celui  qui  les  a  reçus  les  trois  services  [tiré  yrpw  :  av  \ùv  crpaTs-jcrco- 
fxat,  àTr^XXayrjV  Ttavtiov  xàSv  xaxwv.  SxpaTE-JSTai.  Ylâayzi  ôaa  [xaortyiaç  xai  oCSsv 
t|ttov  Ôeuxépav  cdxzi  crpa-ret'av  xa\  rpcTT|v),  puis  enfin  l'ambitieux  souhaite 
l'honneur  suprême,  le  rang  sénatorial.  On  trouve  la  militia  prima  (C.  I.  L. 
XIV,  2947  :  Quem  imp.  Cœsar  —  suivent  les  noms  de  Commode  —  agentem 
setatis  annum  XIIII  militia  prima  prœfecturae  eqidt.  Brauconum  a\  —  c'est-à- 
dire  quingenarise  —  exornare  dignatus  est),  la  militia secunda  (C '.  l.L.  VI,  2131, 
dédié  en  240  à  une  vestale,  pro  conlatis  in  se  beneficiis  equestr.  ordin.,  item 
secundae  militise,  jEmilius  Pardalas  trib(unatu)  coh.  1  Aquitanicœ  petito  ejus 
ornatus),  et  la  militia  quarta  (Brambach,  991  :  Militise  quarts  :  C.  I.  Gr.  4488: 
Te-£i!XY][jtivo;  Û7ib  twv  ôetoxàirtov  aÙToxpa-opwv  tetcxptïjç  crpa-slaç),  plus  fré- 
quemment a  militiis  tribus  (C.  1.  L.  VIII,  2399;  au  lieu  décela,  a  mili- 
tiis,23%.  2397;  prsef.  coh.,  —  trib.  coh.,  —  prsef.  aise.  —  2394.  2395,  toutes 
les  cinq  consacrées  au  Thamugadensis  M.  Plotius  Faustus)  ou  tribus  militiis 
perfunctus  (C.  I.  L.  VIII,  9327),  en  grec  xàç  y'  cn-paret'aç  ê7ucpavâ>;  aTpaT6uaa[XE- 
voç  (Melos,  Bull,  de  corr.  Hell.  2,  523)  en  outre  a  quattuor  militiis  (C.  I.  L. 
VIII,  2732)  ou  quattuor  militiarum  (ainsi  ou  dans  l'ordre  inverse  C  /.  L.  VI, 
1624.  3495.  3499).  —  On  comparera  les  remarques  faites  tome  I,  dans 
la  théorie  des  Emoluments  du  magistrat,  sur  l'emploi  semblable  de  sala- 
rium.  C'est  Léon  Renier  (Mélanges  d'épigraphie,  p.  234)  qui  a  le  premier 
établi  que  les  très  militise,  dont  le  sens  avait  été  longtemps  controversé, 
devaient  être  entendues  de  l'occupation  des  grades  équestres  d'officiers. 

(3)  Le  prœstantior  ordo  tribuni,  comme  l'appelle  Stace,  5,  1,  94  (voir 
tome  V,  la  partie  de  Vlmperium  du  prince,  sur  les  nominations  d'officiers) 
par  opposition  à  la  préfecture  de  cohorte,  comprend  également  le  tribunat  d<; 
cohorte  et  le  tribunat  de  légion.  De   nombreuses  inscriptions  le  prouvent. 


LES  CHEVALIERS.  151 

et  le  commandement  non-tribunicien  d'un  détachement  auxi- 
liaire d'infanterie,  la  praefectura  cohortis  (1).  A  ces  postes 
s'ajoutait  probablement  encore  la  prgefectura  castrorum  (2), 
et  il  y  avait  peut-être  encore  d'autres  postes  d'officiers  égale- 
ment réguliers  et  équestres  (3).  Au  contraire  les  postes  ex- 
traordinaires, qui  se  rencontrent  en  grand  nombre  et  avec  une 
grande  diversité,  sont  bien  traités  d'une  façon  analogue,  mais, 
semble-t-il,ils  ne  s'appellent  pas  militiœ  et  ils  ne  comptent  pas 
comme  tels  (4).  —  Il  faut  distinguer  de  ces  postes  d'officiers 
proprement  dits  les  fonctions  militaires  plus  élevées,  non  seu- 
lement celles  qui  sont  liées  avec  des  fonctions  de  magistrats, 
mais  aussi  les  fonctions  purement  militaires  importantes, 
comme  le  commandement  de  légions  et  le  commandement  des 
flottes.  Ces  fonctions,  qui    ne  sont  jamais  appelées  militiœ  (5), 


Voir  surtout  C.  I.  L.  IX,  5835.  5836  :  tribunatde  la  coh.  XXXII  voluntariorum 
revêtu  entre  deux  tribunats  de  légions.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'insister 
sur  la  gradation  existant  entre  les  tribunats,  en  particulier  sur  la  situa- 
tion de  ceux  de  la  capitale  en  face  des  provinciaux. 

(1)  L'ordre  hiérarchique  suivi  par  Claude,  d'après  Suétone,  p.  149,  note  3  : 
trib  leg.,  praef.  aise,  praef.  coh.  ne  peut  avoir  eu  qu'une  existence  tran- 
sitoire (Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte,  1,  2,  7)  et  est  aussi  signalé  comme 
une  anomalie  par  Suétone.  Stace,  loc.  cit.  et,  sauf  de  faibles  exceptions,  les 
inscriptions  attestent  que  le  praef ectus  alae  est  au  dessus  du  tribun  de  légion. 

(2)  Cette  préfecture  figure  communément  parmi  les  militiœ  et  ne  peut  pas 
être  regardée  comme  une  fonction  extraordinaire. 

(3)  Le  commandement  des  cavaliers  de  la  légion  (voir  le  tome  V,  au  pas- 
sage cité  p.  150,  note  1)  parait  aussi  être  une  militia  ;  mais  ce  n'est  pas 
sur,  et  ce  grade  lui-même  a  disparu  de  bonne  heure. 

(4)  Tels  sont  notamment  tous  les  commandements  des  prsepositi  que  les 
inscriptions  d'Arignotus  citées  p.  149,  note  3,  excluent  des  militiae.  Ce  n'est 
pas  ici  le  lieu  d'en  faire  une  liste  plus  étendue. 

(5)  C'est  ce  que  montrent  soit  la  terminologie  (C.  I.  L.  V,  8659  :  Omnibus 
eques  tribus  militiis  functus  comme  début  delà  carrière,  et  comme  fin:  praef. 
classium  praet.  ;  VIII.  9327  :  Tribus  militiis  per functus,  puis,  après  une  pro- 
curatèle,  prsef.  classis  Germanicae),  soit  la  réunion  faite"  partout,  dans  les 
cursus  honorum,  des  militiae  ordinaires  et  des  postes  extraordinaires  corres- 
pondants, d'un  côté,  et,  de  l'autre,  des  fonctions  publiques.  Le  classement 
de  la  préfecture  de  la  flotte  parmi  les  militiae  dans  l'inscription  de  Lanuvium 
antérieure  à  734  d'un  tr.  mil., praef.  eq.  et  classis,  C.  I.  L.  XIV,  2015,  s'expli- 
que par  l'idée  que  cette  préfecture  n'était  pas  alors  encore  considérée  comme 
une  fonction  publique.  Rien  n'a  plus  nui  à  la  conception  correcte  de  ces 
institutions  que  la  méconnaissance  de  la  démarcation  profonde  existant 
entre  les  grades  d'officiers  et  les  fonctions  publiques  non-sénatoriales.  —  A 
la  vérité,  les  militiœ  elles-mêmes  sont  comptées  parmi  les  honores  dans  le 


service 
d'officier. 


152  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

sont  traitées  absolument  comme  les  fonctions  civiles  et  sont 
partagées  comme  elles  entre  les  sénateurs  et  les  chevaliers  : 
nous  aurons  à  y  revenir  dans  la  section  qui  suit. 
concession  par       Pour  les  grades  d'officiers  proprement  dits,  les  militiae,  c'est 

l'empereur  de  la 

capacité  d'être  exclusivement  l'Empereur  qui  confère  ou  retire  la  capacité  de  les 

officier.  x  x  x 

occuper,  par  la  concession  du  cheval  public  désormais  séparée 
de  la  censure.  Le  service  du  citoyen  equo  privato  disparaît; 
et  il  en  est  de  même  de  la  nomination  des  tribuns  de  légions 
par  les  comices  (1).  C'est  pour  tout  officier  une  condition 
préliminaire  de  justifier  de  son  aptitude  à  être  chevalier  et 
d'être  admis  parmi  les  chevaliers  par  l'empereur. 
Exclusion  dos       Les  sénateurs  sont  exclus,  sous  le  Principat,  de  tous  cesgra- 

sénateursdu        *■■•»*».  -^  i  in 

des  d  officiers.  Dans  le  système  des  Gracques,  le  tnbunat  mili- 
taire comitial  (2)  et  sans  doute  aussi  celui  conféré  par  le  gé- 
néral leur  étaient  restés  accessibles.  Depuis  qu'Auguste  se  fut 
attribué  la  nomination  exclusive  des  officiers  et  qu'il  eut  fait 
du  cheval  équestre  la  condition  nécessaire  d'occupation  du  tri- 
bunat  militaire  et  des  nouveaux  commandements  auxiliaires 
mis  auprès  de  lui,  les  futurs  sénateurs  ont  bien,  en  leur 
qualité  de  chevaliers  et  tant  qu'ils  le  restaient,  générale- 
ment servi  comme  officiers  (3)  ;  mais    ils  ne  l'ont  jamais  fait 


langage    non-technique.   Des    inscriptions     du  temps  d'Auguste   disent  : 

Usus...  castresibus  Cœsaris  Augusti  summis  equestris  ordinis  honoribus  et 

jam  superiori  destinatus  ordini  {C.  I.  L.  IX,  3158)  et  [In]  cas  tris  divi  Aug. 
s[ub]  P.Sulpicio  Qulrlnio  le[g.  Aug.]  Cœsaris  Syrise  honoribus  decoratus,  {Eph. 
ep.  IV,  p.  538),  en  faisant  allusion  aux  deux  préfectures  de  cohortes  qui  sui- 
vent immédiatement. 

(1)  V.  tome  IV,  la  théorie  des  Officiers  magistrats,  sur  la  décadence  et 
la  disparition  des  tribuni  militum  a  populo.  Chose  caractéristique,  ils  survi- 
vent sous  Auguste,  mais  en  inactivité,  et  ensuite  ils  disparaissent,  proba- 
blement sous  Tibère. 

(2)  Gicéron,  Verr.  act.  1,  10,  30, indique  comme  étant  jurés  dans  le  procès 
de  Verres,  par  conséquent  comme  étant  sénateurs,  trois  tribuns  militaires 
désignés. 

(3)  Voir  tome  II,  dans  la  partie  de  l'Eligibilité,  la  section  du  service 
militaire.  Même  pour  le  futur  sénateur,  c'est-à-dire  pour  le  tribunus  lati- 
clavius,  cela  se  comprend  de  soi  et  Velleius  le  dit  expressément  (p.  149, 
note  3).  Dion,  53,  15,  fait  ressortir  de  la  manière  la  plus  précisela  distinc- 
tion existant  entre  le  service  d'officier  du  futur  sénateur  et  celui  du  cheva- 
lier ordinaire  :  'Ex  8i  Syj  tojv  ïtctcécov  totfç  te  x^tc*PXoyC  xai  T0U?  PouXeûaovTa; 


LES  CHEVALIERS.  <53 

après  être  entrés  dans  le  sénat.  Par  une  nouvelle  déchéance,  ^^cheev™scide 
qu'elle  ait  été  fondée  sur  des  motifs  pratiques,  sur  des  motifs  rang  sénatorial, 
politiques  ou   sur  les  deux  à  la  fois,   les  chevaliers  de  rang 
sénatorial  ont  été  exclus  du  commandement  des  troupes  auxi- 
liaires et  restreints  au  tribunat  de  légion  (1). 

Si  par  conséquent  il  n'y  a  de  pris  comme  officiers  que  ceux  Nomination  des 
qui  sont  désignés  comme  en  ayant  l'aptitude  par  la  concession  l'empereur. 
du  cheval  équestre,  la  nomination  exclusive  des  officiers  par 
l'empereur  est  elle-même  une  conséquence  nécessaire  de  ce 
qu'il  est  le  seul  général  ayant  le  commandement  et  qu'il  n'y  a 
pas  dans  tout  l'empire  d'autres  soldats  que  les  siens,  ainsi  que 
nous  l'avons  déjà  montré  en  décrivant  la  puissance  impériale. 
Nous  avons  expliqué  là  que  ces  brevets  étaient  délivrés  par 
l'empereur  lui-même  avec  l'aide  de  son  secrétaire  de  cabinet, 
et  que  les  fonctionnaires  pouvaient  bien  en  fait  exercer  une 
influence  sur  ces  nominations,  mais  qu'officiellement  ils  n'y 
participaient  pas.  Il  n'y  a  pas  de  limites  d'âge  auxquelles  ces 
nominations  soient  subordonnées,  et  elles  sont  faites,  au  moins 
à  l'époque  récente,  avec  le  même  arbitraire  que  la  concession  du 
rang  équestre  elle-même  (p.  93,  note  3).  Les  limites  tracées  par 
l'organisation  hiérarchique  des  militiae  sont  observées  pour  ne 
pas  permettre  à  l'avancement  de  se  transformer  en  dégrada- 
tion. Mais  le  souverain  n'a  pas  limité  plus  étroitement  sa  li- 


x*\  to"j?  Xotiiouç...  6  avToxpaxoop  roùç  jxèv  èç  ta  7ioXtTixà  rsr/rj  [xôva  (c'est-à-dire 
dans  les  camps  permanents  des  troupes  de  citoyens,  des  légions  et  de  la 
garnison  de  Rome),  xoùç  Se  xal  èç  ta  i-evixà  (les  castra  alarum  et  cohortium) 
KTCoaréXXet,  wo-rcep  t6te  (c'est-à-dire  en  727)  7ipbç  tou  aùrou  (Reiske  :  TcpcoTO'j 
ou  A.v>yoÛ<xtou)  Kaiaapoç  èvojxîtrOrj. 

(1)  Le  fait  de  la  déchéance  impliquée  par  là  n'est  pas  douteux  ;  car 
la  préfecture  de  la  cavalerie  est  supérieure  en  rang  au  tribunat  de  légion, 
et  même  pratiquement  les  commandants  des  aise  et  des  cohortes,  qui  avaient 
d'ordinaire  des  campements  séparés,  ont  nécessairement  une  situation 
plus  importante  que  le  tribun  de  légion  qui  est  sous  les  ordres  du  légat  et 
a  à  ses  côtés  cinq  collègues  ayant  des  droits  égaux  aux  siens.  Quant  au 
motif,  à  côté  de  la  tendance  générale  du  gouvernement  impérial  à  restrein- 
dre le  plus  possible  l'influence  militaire  des  sénateurs,  la  considération 
que  les  officiers  de  rang  sénatorial  suivant  une  carrière  normale  entraient 
dans  le  sénat  et  par  suite  sortaient  de  l'armée  à  25  ans  peut  avoir  joué 
un  rôle. 


154  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

berté  d'action,  et  il  n'a  introduit  ici  aucun  ordre  d'avancement 
proprement  dit.  Il  est  tout  à  fait  habituel  de  voir  plusieurs 
postes  de  la  même  catégorie  occupés  l'un  après  l'autre  (1),  et 
aussi  de  voir  les  fonctions  de  la  seconde  classe  ou  môme  de  la 
troisième  accordées  sans  occupation  préalable  de  celles  de  la 
première  (2)  :  la  carrière  des  officiers  est  donc  bien,  sous  ce  rap- 
port, analogue  à  celle  des  magistrats  de  la  République,  mais 
cependant  avec  des  formes  beaucoup  plus  libres. 

Il  n'y  a  pas  d'avancement  régulier  qui  conduise  au  grade 
d'officier  le  plébéien  obligé  au  service  de  simple  soldat.  Cepen- 
dant non  seulement  le  soldat  qui  a  obtenu  le  poste  le  plus  élevé 
qui  lui  soit  accessible  dans  l'ordre  d'avancement  régulier  reçoit 
fréquemment  de  la  faveur  impériale  la  concession  du  cheval 
équestre  (3);  mais  encore  l'entrée  de  tels  vétérans  dans  la 
carrière  d'officiers  a  été  encouragée  dès  les  premiers  temps  de 
l'Empire  (4).  Plus  tard,  lorsque  le  gouvernement  impérial 
entra  de  plus  en  plus  en  conflit  avec  les  hautes  classes  et  s'ap- 
puya contre  elles  sur  les  couches  inférieures  du  peuple,  une 
institution  propre  fut  établie  à  cette  fin,  celle  des  aspirants, 


(1)  Préfecture  de  cohorte  occupée  trois  fois  :  C.  I.  L.  V,  875.  —  Tribunat 
occupé  trois  fois  :  C.  1.  L.  IX,  1835.  1836  ;  il  l'est  fréquemment  deux  fois. 
—  Praef.  eq.  deux  fois:  C,  L  L.  III,  5^11 — 5216.  Par  conséquent,  tout  chan- 
gement de  fonctions  n'est  pas  ici  nécessairement,  comme  pour  les  magis- 
tratures, un  changement  de  classe  hiérarchique. 

(2)  La  préfecture  des  cavaliers  comme  première  militia  est  rare.  L'ins- 
cription citée  p.  150,  note  2,  en  fournit  un  exemple  certain  ;  celle  dePesaro 
citée  par  Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte,  1,  125,  en  est  un  douteuse. 

(3)  Martial,  6,  58,  appeJle  expressément  le  cheval  équestre  pili  prœmia, 
Handbuch.  5,  377. 

(4)  L'emploi  équestre  de  prsefectus  castrorum  est  donné  de  préférence  à 
des  primilaires,  qui  occupent  encore  souvent  auparavant  le  tribunat  de  lé- 
gion, Eph.  ep.  I,  p.  91.  Le  primipilaire  reçoit  surtout  fréquemment  le  tri- 
bunat dans  les  cohortes  urbaines  (C.  L  L.  II,  2424.  V,  534.  8G7.  7003.  VI, 
1599.  1626.  1636.  X,  1202.  4872.  5S29),  plus  rarement  une  préfecture  de  co- 
horte (C.  L  L.  X,    4862).  —  Dans   la  formule  :  Ordinibu équité  Roman[o] 

(C.  I.  L.  X,  1127,  où  la  restitution  est  défectueuse),  qui  se  trouve  entre  les 
postes  non-équestres  et  les  postes  équestres,  ce  doit  être  la  concession  du 
cheval  équestre  qui  est  exprimée;  mais  je  ne  trouve  pas  de  restitution  con- 
venable de  la  lacune . 


LES   CHEVALIERS.  155 

militiae  petitores,  pris  non   pas  exclusivement,  mais  pour  la 
plupart,  parmi  les  vétérans  de  l'armée  (1). 
Au  droit  exclusif  des  chevaliers  d'occuper  ces  postes  corres-    obligation  de 

ii  in  .  il  T  .  ,  servir  comme 

pond  leur  obligation  de  les  accepter.  Le  service  d  officier  n  étant  officier. 
à  Rome  qu'une  forme  du  service  de  cavalier,  il  tombe  sous  la 
règle  générale  du  service  obligatoire.  A  la  vérité,  cette  règle 
perd  de  sa  rigueur  à  la  fin  de  la  République,  soit  en  général 
soit  surtout  pour  le  service  d'officier  qui,  de  sa  nature,  a  une 
tendance  à  être  volontaire.  Mais  le  principe  que  le  service  est 
obligatoire  pour  les  citoyens  n'a  pas  été  complètement  oublié, 
môme  à  cette  époque,  et  il  en  a  été  fait,  dans  les  moments  de 
crises,  des  applications  pratiques  (2);  ce  qui  a  dû  être  vrai 
pour  les  officiers  comme  pour  les  autres.  Dans  l'organisation 
militaire  d'Auguste,  le  refus  du  cheval  équestre  lui-même 
était  peut-être  inadmissible  (3);  en  tout  cas,  pour  celui  qui 
l'avait  reçu,  l'invitation  d'occuper  un  grade  d'officier  n'était 
pas  moins  un  ordre  que  celle  d'être  juré.  Des  peines  ont  été 
prononcées  pour  désobéissance  à  des  ordres  de  ce    genre  (4). 


0)  Ainsi  que  je  l'ai  expliqué  Bull.  delVInst.  1868,  p.  144,  les  militiae  peti- 
tores dont  l'existence  est  attestée  par  des  inscriptions  sont  ou  des  vétérans, 
pour  la  plupart,  peut-être  tous  des  prétoriens  (C.  I.  L.  VI,  2485  et  sans 
doute  aussi  35i9;  en  outre  2488.  3548),  ou  des  jeunes  gens  de  bonne  famille 
(C.  /.  L.  VI,  3550.  XIV,  2429  =  VI,  2606  ;  Eph.  epigr.  V,  1300)  ;  les  der- 
niers s'intitulent  équités  Romani,  les  premiers  le  sont  aussi  sans  doute,  et 
tous  sont  des  aspirants  aux  militiae  équestres.  Cette  situation  d'aspirant  est 
au  moins,  dès  l'époque  de  Commode  (VI,  3550,  est  de  cette  époque),  devenue 
l'objet  d'un  titre  officiel  ;  il  doit  sans  doute  y  avoir  eu  une  certaine 
activité  rattachée  à  la  candidature  elle-même. 

(2)  Dans  la  guerre  d'Italie,  on  infligea  la  peine  capitale  à  un  individu 
qui  s'était  mutilé  pour  se  soustraire  au  service  militaire  (Val.  Max.  6,  3,  3) 

(3)  On  ne  peut  tirer  aucune  conclusion  relativement  aux  institutions 
légales  des  difficultés  auxquelles  Auguste  se  heurta  pour  la  formation  de 
la  liste  des  jurés  et  de  la  recherche  postérieure  de  la  condition  de  chevalier 
décrite  par  Pline.  Si  celui  qui  voulait  servir  en  qualité  de  centurion  pou- 
vait résigner  le  cheval  équestre,  c'était  naturellement  toujours  avec  le 
consentement  du  prince,  qui  donnait  lui-même  le  centurionat. 

(4)  Suétone,  Aug.  24  :  Equitem  Romanum,  quod  duobus  filiis  adulescentibus 
(qui  par  conséquent  étaient  chevaliers  romains  ou  destinés  à  le  devenir) 
causa  detractandi  sacramenti  pollicem  amputasset,  ipsum  bonaque  subjecit 
hasUe.  C'est  l'ancienne  procédure  contre  Vincensus  et  ceux  qui  lui  sont 
assimilés. 


156  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

Le  principe  du  service  obligatoire  est  commun  à  la  militia  de 
l'officier  et  au  stipendium  du  soldat,  c'est  là  le  grand  fonde- 
ment de  la  distinction  faite  entre  le  service  équestre  d'officier 
et  les  emplois  équestres.  Si  le  service  fut  déjà  rendu  par  Au- 
guste plus  rigoureux  pour  les  membres  du  second  ordre  qu'il 
ne  l'avait  été  antérieurement  par  suite  de  la  noncbalance  de 
la  République,  la  rigueur  en  fut  encore  accrue  par  la  suite  : 
les  officiers  furent  obligés  de  continuer  leurs  fonctions  jusqu'à 
un  certain  terme,  de  môme  que  les  soldats  doivent  rester  au 
service  pendant  un  temps  déterminé.  Peut-être  depuis  le  règne 
de  Claude  (\),  certainement  depuis  le  commencement  clu  se- 
cond siècle,  le  chevalier  est  tenu  d'occuper  successivement  un 
certain  nombre  de  grades  d'officiers  ordinaires,  trois  dans  la 
période  antérieure  à  Sévère,  quatre  dans  la  période  posté- 
rieure (2).  Après   cela,  de  même  que  le  soldat  se  qualifie  de 


(1)  Les  mots  stipendiaque  institua  qui  suivent,  dans  Suétone,  Claud.  25, 
ceux  rapportés  p.  149,  note  3,  ne  peuvent,  à  la  place  où  ils  sont,  être  com- 
pris dans  un  autre  sens.  Parmi  les  carrières  peu  nombreuses  de  ce  genre 
que  nous  avons  pour  le  premier  siècle,  on  peut  citer  le  grand-père  maternel 
de  Vespasien,  tribun  trois  fois  et  prœf.  castrorum  (Suétone,  Vesp.  1)  ;  du 
temps  d'Auguste  et  de  Tibère,  un  trib.  mil.,  prœf.  levis  armaturœ  (sans  doute 
un  emploi  extraordinaire),  prœf.  castrorum  (C.  I.  L.X,  4868);  de  celui  de  Ves- 
pasien, un  personnage  qui  ixx.tpraef.coh.  trois  fois,  trib.  leg.,  prœf.  eq.  (C.  I. 
L.  V,  875). 

(2)  Garacalla  accorda  d'abord  à  un  tribun  militaire  qu'il  favorisait 
les  militiœ  qui  lui  restaient  (ocûtov  tocÎç  Xoiuaîç  orpaTecaiç  Èas[Avuvs),  puis 
il  le  fit  sénateur  (Dion,  77,  8).  On  ne  pouvait  parler  d'accomplissement 
de  «  toutes  »  les  militiœ  ou  «  des  trois»  (-à;  y'  arpaxeca;),  militiœ,  (p.  149,  note 
3;  p.  150,  notes  1  et  2)  que  parce  qu'il  pouvait  en  être  exigé  légalement  un  chif- 
fre fixe;  c'est  absolument  ainsi  qu'omnibus  honoribus  functus  se  rapporte  à 
l'obligation  des  municipaux  de  revêtir  les  fonctions  municipales  imposées 
par  la  loi.  Les  plus  anciens  témoignages  sur  ce  langage  sont  ceux  de  Pline  le 
Jeune  et  de  Suétone;  dans  les  inscriptions,  cette  façon  de  parler  est  naturel- 
lement plus  récente  comme  expression  technique  ;  le  plus  ancien  exemple 
restant  est  la  militia  prima  du  temps  de  Commode.  —  La  différence  des 
très  militiœ  primitives  et  des  quattuor  militiœ  postérieures  correspond  sans 
doute  à  une  augmentation  du  nombre  d'années  de  service  des  simples  soldats 
accomplie  dans  le  cours  de  l'Empire;  les  premières  appartiennent  visible- 
ment à  une  meilleure  époque  que  les  secondes.  Parmi  les  inscriptions  des 
quatre  militiœ,  il  y  en  a  deux  de  datées,  C.  I.  L.  VIII,  2732,  de  211-212  et 
VI,  1624,  de  247-248;  par  conséquent,  l'augmentation  pourrait  venir  de 
Sévère  et  il  faudrait  regarder  comme  le  temps  des  trois  militiœ  peut-être 
déjà  le  premier  siècle  de  notre  ère  et  certainement  le  second.  —  On  a  jus- 


LES   CHEVALIERS.  157 

veteranns,  il  se  qualifie  d' omnibus  equestribus  militiis  functus, 
onde  formules  abrégées  correspondantes,  en  ajoutant  aussi  par- 
fois les  chiffres  trois  ou  quatre  (1).  Sous  ce  rapport,  le  service 


qu'à  présent  regardé  comme  constituant  les  trois  militiœ  la  préfecture  de 
cohorte,  le  tribunat  et  la  préfecture  des  cavaliers.  Mais  c'est  en  contradic- 
tion avec  toutes  les  inscriptions  qui  énumèrent  les  militlse  ;  car,  si  on  y 
trouve  assez  fréquemment  la  série  de  toutes  trois,  il  n'est  pas  rare  qu'elles 
y  soient  mises  dans  un  autre  classement  ;  ce  sont  les  grades  d'officiers  ordi- 
naires, de  quelque  espèce  qu'ils  soient,  qu'on  énumère.  Ce  système  est  en 
outre  condamné  par  de  nombreuses  objections  de  détail.  La  préfecture  des 
cavaliers  est,  pour  l'officier  qui  commence  par  elle,  la  mililia  prima  (p.  150, 
note  2).  On  rencontre  un  a  militiis  qui  par  exception  n'a  pas  occupé  la  pré- 
fecture de  cohorle  (C.  L  L.  X,  4860.  4861,  p.  150,  note  1).  La  prœfectura  cas- 
trorum,  qui  serait  exclue,  est  sûrement  une  militia  equestris.  Enfin  il  n'est  pas 
possible,  dans  ce  système,  de  trouver  une  interprétation  de  la  quatrième 
militia  ajoutée  probablement  sous  Sévère  ;  le  primipilat,  que  l'on  considère 
habituellement  comme  constituant  cette  quatrième  militia,  conduit  bien  fré- 
quemment au  rang  de  chevalier,  mais  il  ne  peut  en  aucune  façon  être  con- 
sidéré comme  une  fonction  donnée  en  vertu  du  titre  de  chevalier. 

(1)  Le  chiffre  est  seulement  omis  dans  le  titre  amilitiis  (p.  150,  note  1),  comme 
le  prouvent  directement  les  inscriptions  de  Faustus,  CI.  L.  VIII,  2396.  2397. 
2399.  Ce  titre  n'est  rien  autre  chose  qu'une .  abréviation  ;  la  preuve  en  ré- 
sulte, d'une  part,  de  sa  présence  fréquente  dans  les  inscriptions  où  les  titres 
officiels  complets  sont  remplacés  par  des  indications  sommaires,  et,  d'autre 
part,  de  ce  que  nous  possédons,  dans  trois  cas  (Thamugadi,  C  I.  L.  VIII, 
2394-2399;  Venafriim,  X,  4860.  4861;  Thyatira,  CI.  Gr.  3484.  3485.3497)  des 
inscriptions  relatives  aux  mêmes  personnes  donnant  à  la  fois  l'énuméra- 
tion  des  grades  occupés  et  le  titre  abréviatif.  L'inscription  de  Mayence 
(Brambach,  991)  d'un  ex  prœfecto  exploratorum  Divitensium,  militiœ  quartœ 
n'est  pas  en  contradiction  avec  la  règle  ;  car  il  est  plus  que  douteux  que  cet 
emploi  puisse  être  compté  parmi  les  militiœ  ordinaires.  La  contradiction 
existe  au  contraire  dans  deux  inscriptions  d'Auzia,  l'une  (C.  I.  L.  VIII, 
9045)  donnant  l'ordre  suivant  :  Trib.  coh.  IllI  Syng(ambrorum),  a  mil.,  pri- 
mus  pilus,  trib.  coh.  1III  vig.,  ex  dec.  aise  Thracum,  praepositus  vex(illationi) 
eq(uitum)  Mauror(um), l'autre  (C.  I.  L.  VIII,  9047)  de  260  ainsi  conçue  :  Prœf. 
coh.,  —  trib.  coll.,  —  a  mil.,  — praepositus  coh.  sing(ularium)  et  vex(illationi) 
eq(uitum)  Mauror(um)  in  territorio  Auziensi  prœtendentium.  Mais  ces  inscrip- 
tions sont  en  discordance  avec  toutes  les  règles  connues  sur  la  suc- 
cession des  fonctions,  et  la  seconde  en  particulier  parait  faire  complètement 
abstraction  de  ces  régies.  —  Les  tentatives  faites  pour  expliquer  autrement 
le  titre  a  militiis  me  paraissent  avoir  été  infructueuses.  Henzen,  Bull. 
dell'inst.  1856.  p.  92,  objecte  à  la  supposition  que  Servilius  Fortunatus,  a 
militiis,  C.  l.L.  VIII,  2778,  ait  revêtu  les  trois  ou  quatre  grades  d'officiers, 
la  présence  de  son  frère,  C.  I.  L.  VIII,  2973,  comme  simple  soldat  dans  la 
légion  ;  mais  la  différence  de  rang  est  la  même,  quel  que  soit  le  nombre  des 
militiœ,  et  le  pluriel  employé  suffit  pour  empêcher  de  les  restreindre  à  un 
seul  grade.  Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte,  1,  250,  a  conclu  de  ce  qu'on  ne 
trouve  pas  de  procurateurs  avec  le  titre  a  militiis,  que  [les  personnes  ainsi 


4  58  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

d'officier  se  distingue  de  celui  de  soldat,  et  à  son  désavantage, 
seulement  en  ce  que  la  durée  d'occupation  des  divers  grades 
d'officier  est  indéterminée  :  elle  dépend,  pour  les  officiers 
comme  pour  tous  les  fonctionnaires  impériaux,  du  moment  où 
ils  seront  relevés  de  leur  poste  par  la  volonté  impériale  (1). 
D'ordinaire,  les  officiers  des  armées  impériales  restent  plusieurs 
années  dans  le  même  poste  (2).  Par  conséquent,  le  titre  de 
tribun  ou  de  préfet  semestriel  (semestris),  c'est-à-dire  le  droit 
de  demander  son  congé  au  bout  d'un  an  de  service,  ou  plutôt, 
la  majeure  partie  d'une  année  comptant  militairement  pour 
une  année,  au  bout  de  six  mois,  constitue  un  privilège  (3).  Ad- 


qualifiées  avaient  une  situation  militaire  essentiellement  nominale  ;  mais 
cette  omission  s'explique  plutôt  par  le  fait  que  ce  titre  ne  se  présente  dans 
le  cursus  honorum  que  rarement  et  le  plus  souvent  comme  qualificatif  hié- 
rarchique. 

(1)  Ni  le  service  de  soldat,  ni  pareillement  celui  d'officier  ne  sont  sou- 
mis au  principe  del'annalité,  et  les  conséquences  de  ce  principe,  l'itération 
et  la  prorogation,  y  sont  par  suite  inconnues.  Le  tribunat  militaire  co- 
mitial  lui-même  commence  bien  le  1er  janvier;  mais  il  ne  se  termine  pas 
avec  la  fin  de  l'année  (v.  tome  IV,  sur  sa  durée,  la  partie  qui  lui  est  rela- 
tive). Seulement  la  durée  'de  fait  du  service  se  compte  par  lo  nombre  des 
années  de  solde  qu'on  a  reçues.  Auguste,  en  enlevant  au  service  des  cheva- 
lier le  caractère  de  stipendium  équestre  (p.  149),  l'a  en  même  temps  sous- 
trait au  calcul  des  années  de  service  usité  pour  les  simples  soldats,  et  il  a 
fait  par  là  la  distinction  du  service  d'officier  et  de  celui  de  soldat  se  mani- 
fester également  dans  la  terminologie. 

(2)  De  deux  tribuns  de  légions,  de  l'ordre  équestre,  du  premier  siècle, 
l'un  a  servi  Alexandr{ex)  ad  JEgyptum  ann.  VII1I,  l'autre  in  Hispania  ann. 
V  (C.  I.  L.  III,  399). 

(3)  Pline,  4,  4,  2  :  G,  Calvisium...  rogo  semestri  tribunatu  splendidiorem . . . 
facias.  Juvénal,  7,  89  :  llle  (l'influent  pantomime  Paris)  etmilitiœ  multis  largi- 
tur  honorem  semenstri  (il  faut  sous-entendre,  d'après  le  sens,  tribunatu  impe- 
trato).  Des  inscriptions  de  Trebula  Mutuesca,  C.  I.  L.  IX,  4883.  4886,nomment 
un  ducenar(ius)  tri(bunus)  sem{enstris)  leg.  XXII  primig.,  prsef.  semens{tris) 
coh.  I  classicœ.  Le  légat  de  Lusitanie  écrit,  en  238,  dans  l'inscription  de 
Thorigny  :  Semestris  epistulam,  ubi  propediem  vacare  cœperit,  mittam  ;  cujus 
militiœ  salarium,  id  est  (sestertium)  XXV  {milia)  n(ummum),  in  auro  suscipe. 
Les  tribuns  de  légions  portent  fréquemment  dans  les  inscriptions  ce  quali- 
ficatif honorifique  (C.  1.  L.  III,  101.  VIII,  258G).  —  J'ai  déjà  présenté  l'in- 
terprétation donnée  ici  du  texte  de  Juvénal,  dans  mon  commentaire  de  l'ins- 
cription de  Thorigny,  Berichte  der  Sachs.  Gesellschaft,  1852,  p.  250,  et  elle  a 
généralement  été  admise.  Vahlen  dans  les  Sitzungsberichte  de  l'académie  de 
Berlin,  1883,  p.  117G,a  défendu  la  construction  :  Semestri  digitos  vatum  ligat 
auro,  en  entendant  par  semestre  aurum  l'anneau  équestre  du  tribunat  se- 
mestriel. Mais  il  est  incorrect  d'appeler,  à  cause  d'un  poste  équestre  occupé 


LES   CHEVALIERS.  459 

mettait-on  ailleurs,  au  moins  engendrai,  une  durée  déterminée 
pour  la  militia,  c'est  possible,  mais  cela  ne  peut  pas  être  prouvé. 
S'il  n'y  en  avait  pas,  si  par  conséquent  la  limitation  numéri- 
que des  trois  ou  quatre  militiœ  n'impliquait  pas  de  limitation 
chronologique,  on  ne  voit  pas  bien  à  quoi  il  servait  de  les 
compter  et  comment  on  pouvait  parler,  en  cette  matière,  de 
temps  de  service  terminé.  Ce  singulier  système  vient  probable- 
ment de  ce  qu'on  jugeait  nécessaire  de  limiter  théoriquement  le 
service  à  cause  de  son  caractère  obligatoire  et  que  cependant  le 
gouvernement  impérial  ne  voulait  pas  ici  se  lier  réellement.  C'est 
pour  cela  que  Ton  fixa  nominalement  un  certain  nombre  de 
militim  comme  maximum  du  service  et  que  l'on  rendit  cette 
limite  illusoire  par  la  durée  indéterminée  de  chacune.  Ce  chif- 
fre est  le  maximum  du  service  incombant  au  chevalier  ;  les 
cas  fréquents  de  service  moindre  le  montrent  (p.  170)  et  cela 
se  comprend  de  soi.  Le  gouvernement,  qui  donnait  certaine- 
ment le  cheval  équestre  à  beaucoup  de  personnes  non  pas 
pour  en  faire  des  officiers,  mais  pour  les  employer  comme  jurés 
ou  tout  simplement  pour  leur  accorder  une  distinction  honori- 
fique, n'avait  garde  de  s'imposer  l'embarras  de  commissionner 
à  trois  reprises  un  officier  impropre  ou  désagréable;  on  aura 
aussi  sans  doute  considéré  équitablement  que  l'occupation  pro- 
longée d'une  seule  charge  pouvait  à  elle  seule  suffire  à  consti- 
tuer la  moyenne  de  service  exigée  des  membres  des  hautes 
classes.  —  On  n'ajamais  exigé  des  chevaliers  de'rang  sénatorial 
qu'une  seule  unité  de  service.  Une  raison  eut  suffi  pour  empê- 
cher de  leur  appliquer  la  règle  générale;  c'est  qu'ils  perdaient, 


six  mois,  aurum  semenstre  l'anneau  équestre  qui  est  acquis  à  vie,  et  surtout 
la  concession  d'une  militia  ecjuestris  ne  peut  pas  être  considérée  comme  une 
concession  de  l'anneau,  puisqu'elle  en  présuppose  la  possession.  En  outre, 
le  second  vers  serait  alors  une  simple  répétition  du  premier,  tandis  qu'en 
réalité  Juvénal  dit  que  Paris  procure  à  ceux  qui  sont  chevaliers  des  postes 
d'officiers  et  à  ceux  qui  ne  le  sont  pas  des  anneaux  de  chevaliers.  —  Le 
tribunat,  qui  est  en  fait  de  six  mois,  doit,  conformément  à  la  major  pars 
anni  de  la  loi  Julia  municipale,  être  légalement  regardé  comme  annal  ;  la 
preuve  en  est  la  réapparition  du  chiffre  d'appointements  du  tribunus  se- 
menstris  comme  appointements  annuels  du  tribun  dans  la  vita  Claudii,  14. 
Cf.  tome  1,  la  théorie  des  Emoluments  des  magistrats. 


160  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

par  leur  entrée  forcée  au  sénat,  c'est-à-dire  en  moyenne  à  vingt- 
cinq  ans,  le  droit  d'occuper  des  postes  d'officiers. 

Nous  ne  savons  rien  de  précis  sur  les  grades  nominaux  d'of- 
ficiers, qui  ont  été  donnés  depuis  le  temps  de  Claude  (1).  La 
prœfectura  fabrum,  qui  est,  au  sens  propre,  un  grade  d'officier 
et  qui  est  un  honneur  équestre  fréquemment  accordé  sous 
l'Empire,  est  étrangère  à  notre  sujet,  comme  ayant  perdu  son 
caractère  militaire  sous  le  Principat  et  comme  n'étant  qu'excep- 
tionellement  conférée  par  l'Empereur  (2). 

L'organisation  donnée  par  Auguste  au  corps  des  officiers 
s'est  maintenue,  nous  en  avons  la  preuve,  jusqu'aux  environs 
du  milieu  du  ine  siècle  (3).  Le  tribunat  de  légion  a  disparu 
alors  (4),  et  il  n'est  point  passé  dans  les  institutions  mili- 
taires de  Dioclétien,  qui  ont  au  contraire  conservé  la  préfecture 
des  cavaliers,  le  tribunat  de  cohorte  et  la  préfecture  de 
cohorte. 


(1)  Suétone,  Claud.  25  (après  les  mots  cités  p.  156,  note  1)  :  Et  imaginarix 
militiœ  genus  (instituit)  quod  vocatur  supra  numeram,  quo  absentes  et  titulo 
tenus  fungerentur.  Il  n'est  pas  rare  de  trouver  dans  des  inscriptions  muni- 
cipales le  tribunat  de  légion  sans  indication  de  la  légion  et  sans  qu'il  soit 
lié  à  d'autres  postes  d'officiers  (par  exemple,  C.  I.  L.  X,337.  1065.4736.4749. 
5186.  5401.  5581.  5582.  5713.  6228).  L'indication  de  la  légion  ou  le  complé- 
ment a  populo  peut  être  omis.  Mais  ces  inscriptions  peuvent  aussi  se  rap- 
porter aux  militiœ  surnuméraires  de  Claude. 

(2)  V.  tome  III,  ce  qui  est  dit  des  nominations  des  officiers  dans  la 
théorie  du  Consulat. 

(3)  Le  tribunat  de  légion  se  rencontre  dans  l'inscription  de  Thorigny  de 
l'an  238  et  dans  une  autre  inscription,  C.  1.  L.  X,  7946,  du  temps  de  Phi- 
lippe. 

(4)  Chose  singulière,  le  complément  militum,  qui  est  propre  au  tribunat 
de  légion  par  opposition  au  tribunat  de  cohorte,  se  rencontre,  à  l'époque  la 
plus  récente,  chez  un  tribun  des  Jovii  juniores  (C.  7.  L.  V,  8753)  et  en  par- 
ticulier chez  le  tribunus  et  notarius.  Orelli,  3161  =  C.  1.  L.  VI,  1727  (vers 
Tan  400)  :  Post  juges  excubias  militix  tribuno  militum  ;  cf.  Cassiodore,  Var. 
6,  3  :  {Prœfectus  prxtorio)militia  perfunctis  tribunorum  etnotariorum  honorem 
tribuit. 


LES   CHEVALIERS.  161 


/.  LES  FONCTIONS  ÉQUESTRES. 


C.  Gracchus  avait  eu  la  pensée  de  mettre  à  côté  de  la  no-  Dstmction  des 

.,,»..  .  n  .  ,         ,  fies  fonctions 

blesse  héréditaire  en  possession  du  pouvoir  une  seconde  classe  sénatoriales  et 


qui  le  partagerait  avec  elle  et  de  diviser  les  fonctions  publiques 
en  les  confiant  pour  une  partie  exclusivement  à  la  première  et 
pour  l'autre  partie  exclusivement  à  la  seconde.  Auguste  (1)  reprit 
la  même  pensée  en  l'étendant  :  il  rendit  à  la  seconde  classe 
la  possession    exclusive    des   tribunaux,   comme  elle  l'avait 
du  temps  des  Gracques;  en  outre  il  attribua  exclusivement  à 
la  môme  classe  le  service  d'officier,  dans  la  mesure  où  il  était 
regardé  comme   une    prestation  obligatoire;  enfin   il   parta- 
gea les  fonctions  publiques,  c'est-à-dire  tous  les  emplois  pu- 
blics qui  n'ont  pas  le  service  obligatoire  pour  fondement,  entre 
les  deux  ordres  privilégiés.  Nous  devons  nous  occuper  ici  delà 
partie  de  ces  fonctions  qui  revient  à  Tordre  équestre.  Le  prin- 
cipe directeur  était  que  le  prince  confiait  à  l'ordre  équestre,  qui 
pouvait  être  plus  étroitement  rattaché  à  la  personne  du  monar- 
que que   les  membres  de  l'ordre  sénatorial,  les  circonscrip- 
tions   administratives    et    les    branches  de    l'administration 
qu'il  considérait  comme  le  concernant  plus  immédiatement. 
Mais  la  possession  a  joué  un  rôle  dans  cette  répartition.  Si  la 
qualité  de  sénateur  est  requise  sous  l'Empire  pour  commander 
une  légion,  c'est-à-dire  pour  occuper  l'emploi  purement  mili- 
taire qui  était  le  plus  considéré  et  le  plus  important  parmi  tous 
ceux  qui  n'étaient  pas   liés  avec  les  fonctions  de  magistrat, 
ce  commandement  a  pour  origine  historique  la  part  que  le 
sénat  prenait  au  commandement  des  armées  par  les  délégués 
permanents    adjoints  au  général  (2),  et  il  est  très  probable 
que  cela  a  été  une  considération  décisive.  A  plus  forte  rai- 
son, les  sénateurs  ont   conservé  toutes  les  fonctions  qui  im- 

(1)  Et  non  pas  seulement  Claude,  comme  pense  Hirschfeld,  Verwaltungs- 
geschichte,  1,  288. 

(2)  V.  tome  IV,  la  partie  des  Légats,  in  fine. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  \\ 


éque«tres: 


162  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

pliquaient  directement  la  possession  de  Yimperium  du  temps 
de  la  République.  Au  contraire,  c'est  aux  chevaliers  qu'ont  échu 
les  nouvelles  provinces,  les  nouvelles  troupes  auxiliaires  et  les 
flottes  nouvellement  constituées.  L'exclusion  jalouse  de  l'ordre 
sénatorial  des  fonctions  militaires,  qui  caractérise  le  Principat 
depuis  les  Sévères,  est  étrangère  au  système  d'Auguste.  C'est  au 
sénat  qu'y  restent  absolument  les  emplois  civils  et  militaires 
les  plus  élevés,  la  participation  officielle  au  gouvernement  et 
au  pouvoir  législatif  dans  le  conseil,  la  possession  exclusive 
des  fonctions  qui  correspondent  à  nos  postes  de  généraux  et  de 
gouverneurs  de  provinces.  Mais,  en  remarquant,  d'autre  part, 
que  toutes  les  places  de  jurés  ou  d'officiers,  toutes  les  fonctions 
financières  et  tous  ceux  des  emplois  administratifs  et  militai- 
res qui,  bien  qu'occupant  un  rang  moins  élevé,  ont  un  caractère 
spécial  de  poste  de  confiance  appartenaient  à  l'ordre  équestre, 
on  peut  se  demauder  qui,  d'Agrippa  ou  de  Mécène,  avait  le  rôle 
le  plus  important  dans  la  constitution  d'Auguste.  Notre  but 
n'est  pas  d'étudier  ici  les  fonctions  équestres  ni  en  elles-mêmes 
ni  dans  leurs  relations  avec  les  fonctions  sénatoriales  (1).  Mais 
nous  ne  pouvons  nous  abstenir  d'en  donner,  au  point  de  vue 
politique,  un  bref  aperçu. 
Gouvernements      Parmi  les  circonscriptions  administratives  impériales,  l'E- 

équestres.  _  , 

gypte,  la  province  de  beaucoup  la  plus  importante  au  point  de 
vue  des  finances  de  l'empire  et  de  l'influence  sur  la  capitale,  qui 
était  à  la  merci  des  flottes  de  blé  d'Egypte,  fut,  dès  la  première 
constitution  du  Principat,  réservée  aux  chevaliers  et  par  suite 
absolument  fermée  aux  sénateurs  (2).  De  même  les  circonscrip- 

(1)  L'énergie  avec  laquelle  était  comprise  la  division  de  l'administration 
entre  Yuterque  ordo  est  prouvée  par  la  menace  de  Néron  d'écarter  le  sénat 
et  de  gouverner  exclusivement  avec  les  chevaliers  et  les  affranchis  (Sué- 
tone, Ner.  37  :  Se...  eum  ordinem  sublaturum  quandoque  e  re  publica  ac  pro- 
vincial et  exercitus  equiti  Romano  aclibertis  permissurum).  Cette  division  n'a 
rien  à  voir  avec  le  partage  de  la  souveraineté  entre  le  sénat  et  le  prince  ; 
l'administration  impériale  s'étend  bien  au  delà  des  limites  de  l'administra- 
tion des  chevaliers. 

(2)  Tacite,  Ann.  2,  59  :  Augustus  inter  alia  dominationis  arcana  vetitis  nisi 
permissu  ingredi  senatoribus  aut  equitibus  Romanis  illustribus  (cf.  p.  173, 
note  2)  seposuit  Mgyptum,  ne  famé  urgueret  Italiam  quisquis  eam  provin- 
ciam...  insedisset.  Cf.  Hist.  1,  11. 


Fonctions 
militaires 
équestres. 


LES   CHEVALIERS.  163 

tions  situées  dans  le  voisinage  immédiat  de  l'Italie,  Raetie,  No- 
rique  et  petites  provinces  des  Alpes,  furent,  toujours  sous  Au- 
guste, placées  sous  l'autorité  de  gouverneurs  del'ordre  équestre. 

Les  fonctions  militaires  empruntées  à  la  République  et  accom- 
pagnées des  pouvoirs  de  magistrats,  restèrent  en  général  aux 
sénateurs.  Mais  c'est  aux  chevaliers  qu'ont  été  attribuées  tou- 
tes celles  qui  s'exerçaient  à  Rome  ou  dans  l'Italie,  les  comman- 
dements de  la  garde  impériale  et  du  corps  des  pompiers  créés 
par  Auguste  lui-même  dans  ses  dernières  années  et,  depuis  que 
la  marine  militaire  italienne  fut  sortie  de  la  maison  impériale 
pour  devenir  une  administration  publique,  les  importantes 
amirautés  des  flottes  de  Misène  et  de  Ravenne. 

Dans  le  cercle  de  l'administration,  on  réserva,  en  premier  admSrXcs 
lieu,  aux  chevaliers  tous  les  postes  de  percepteurs  d'impôts,  et  e(ïuestres- 
il  faut  sans  doute  voir  là  une  certaine  compensation  du  préju- 
dice causé  aux  chevaliers  par  l'introduction  du  système  de 
l'impôt  direct,  qui  supprimait  à  proprement  parler  à  leurs  dé- 
pens l'industrie  des  publicains  (p.  112).  L'administration  de 
la  capitale  et  de  l'Italie  est,  pour  la  portion  en  laquelle  elle  con- 
cerne l'Empereur,  partagée  entre  des  agents  auxiliaires  séna- 
toriaux et  équestres;  par  exemple  l'Empereur  administre  le  tré- 
sor public  et  les  aqueducs  urbains  par  l'intermédiaire  de  séna- 
teurs, les  subsistances  de  la  capitale  et  la  poste  impériale  par 
l'intermédiaire  de  chevaliers  (1).  Le  soin  des  routes  italiques 
et  la  surveillance  de  l'administration  financière  des  cités  impor- 
tantes de  l'empire  (2)  sont  partagés  entre  les  deux  ordres,  les 
postes  les  plus  élevés  étant  occupés  par  des  sénateurs  et  les 
moins  élevés  par  des  chevaliers.  Les  travaux  du  secrétariat 
impérial  et  de  la  chancellerie  impériale,  la  tenue  des  caisses  et 
des  comptes  impériaux  qui  ne  sont  pas  dans  un  rapport  direct 
avec  les  impôts,  l'administration  des  biens  impériaux  (3)  ren- 

(1)  V.  le  tome  V,  sur  l'administration  de  Yœrarium  militare  et  de  Yœra- 
rium  Saturni,  sur  les  aqueducs  de  Rome  et  sur  l'organisation  de  la  poste. 

(2)  V.  tome  V,  la  théorie  de  l'administration  de  l'Italie,  sur  les  curatores 
viarum  et  les  curatores  rerum  publicarum. 

(3)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Maison  de  l'empereur,  sur  les  différentes 
catégories  de  serviteurs  impériaux. 


164  DROIT  PUBLIC    ROMAIN. 

trent,  dans  le  système  d'Auguste,  parmi  les  affaires  personnel- 
les de  l'empereur  pour  lesquelles  il  n'emploie  d'autre  concours 
que  celai  de  ses  propres  serviteurs.  Mais,  lorsque  la  concep- 
tion de  ces  fonctions  comme  des  fonctions  officielles,  qui  finit 
par  prévaloir,  se  fut  fait  jour,  ce  furent  exclusivement  des  che- 
valiers qui  en  furent  chargés.  L'emploi  de  chevaliers  pour  les 
postes  les  plus  élevés  de  la  chancellerie  commence  sous  Néron, 
et  il  est  devenu  général  sous  Hadrien.  Pour  les  caisses  impéria- 
les, la  même  innovation  ne  s'est,  autant  que  nous  sachions,  pro- 
duite que  sous  Marc  Aurèle.  Dans  l'administration  des  domai- 
nes impériaux,  les  places  les  plus  élevées  ont,  jusqu'à  une 
époque  récente,  été  données  à  la  fois  à  des  chevaliers  et  à  des 
affranchis  (8). 


(8)  11  en  est  ainsi  particulièrement   des  grands   domaines  africains  dont 
l'administration  est  étudiée  ,  Hermès,  15,  398.  Les  procurateurs  des  divers 
saltus  (comme  par  exemple,  C.  I.   L.  VIII,  587.  XIV,  52)  sont  toujours   des 
affranchis.  Mais  l'administrateur  de  la  regio  Thevestina  est  tantôt  un  af- 
franchi (C.  I.  L.   XIV,   176  :  M.  Ulp.  Augg.  lib.  Probus  proc.    provinc.  Pan- 
non,  super,  et  Africss  reg.  Thevest.  ;  VI,  790  :  Tyrrhenus  lib.  proc.  reg.  Theves- 
tinae,  item  Pannoniae  superioris),  tantôt  un  chevalier  romain  et  un   ancien 
officier  (C.  I.  L.  V11I,  7039  :  M.  Claudius  Q.  f.  Quir.  Restitutus  proc.  diœceseos 
regionis  Hadrumetinse  et  Thevestinae  et  ludi  matutini  et  ad  putandas  rationes 
Syriœ   civitatium,    trib.  leg.    VU  gemmai,  praef.  coh.    I  Gastulorum;  C.  I.  L. 
VIII,  5351:  T.  Flavius  T.  f.  Quir.  Macer...  praef.  gentis  Musulamiorum ,  curator 
frumenti  comparandi  in  annonam  urbisfactus  a  divo  Nerva  Tra^ano,  proc.  Aug. 
prsediorum  saltum  [Hip]poniensis  et  Thevestini,  proc.  Aug.  provincias  Siciliae  ; 
sur  deux  inscriptions  encore   inédites  de  Theveste  :  M.  Aïmilius   Clodianus 
proc.  Augg.  n.  patrimonii  reg.  Leptiminensis,  item  priatœ  reg.  Tripolitanœ,  cf. 
C.  I.  L.  VIII,  7053)  ;    et  il  s'appelle,  dans  le  premier  cas,  procurator,  dans 
le  second,  procurator  Augusti.  Nous  connaissons,  comme  administrateurs  de 
la  regio   Hadrumetinay  aux  appointements    de  100.000  sesterces,  seulement 
des  chevaliers  romains  (C.  I.  L.  VIII,  "7039,  v.  plus  haut,  et  Henzen,  6931 
Cui  divus  Antoninus    centenariam  procurationem  proc.  Hadrumetinse   dédit) 
comme  administrateur  du    tractus  Carlhaginiensis  seulement  un  affranchi 
(C.  /.  L.  VI,  8G08  :  Bassus  Aug.  lib.,  prox.    ab  epistulis  Grœcis,  pi*oc.  tractus 
Carlhaginiensis).  Hors  de  l'Afrique,  on  rencontre  des  affranchis  comme  pro- 
curateurs  (toujours   sans  le  qualificatif  Augusti)  de  Pannonie   supérieure 
^seulement  dans  les  deux  pierres  citées  plus  haut  pour  la  regio  Thevestina), 
de  Belgique  (C.  I.  L.  VI,  8450,  si  son  complément  est  exact),  de  Gaule  Lug- 
dunensis  (C.  i.  Gr.  3888  ;  Boissieu,  p.  252)  de  Bretagne  (C.  I.  L.  III,   348)  de 
Phrygie    (C.  /.  Gr.  3888;  C.  I.  L.  III,  348),  de  Crète  (C.  I.  L.  XIV,  51).  Ils 
doivent  tous  être  considérés  comme  des  administrateurs  de  domaines  et  être 
distingués  des  percepteurs  d'impôts  des  provinces;  cependant  les  administra- 
tions domaniale  et  fiscale  peuvent  avoir  concouru  dans  certains  de  ces  endroits, 
en  étant  régies  tantôt  par  le  premier  point  de  vue,  tantôt  par  le  second. 


LES   CHEVALIERS.  i  65 

Comme  les  places  officielles  ou  purement  administratives,  Les  ,;;hce™Jlers  à 
les  places  à  demi -officiel  le  s  d'amis,  de  conseillers,  de  compa- 
gnons du  prince  ont  été,  sous  le  Principat,  réparties  entre  les 
deux  ordres.  La  distinction  en  forme  faite  entre  les  amis  selon 
leur  considération  avait  déjà  commencé  à  se  développer,  chez 
les  grands,  sous  la  République,  par  suite  de  l'usage  connu 
des  audiences  du  matin.  Mais  il  est  tout  au  moins  impossible 
d'établir  que  les  plébéiens  aient  été,  sous  la  République,  exclus 
des  réceptions  particulières  et  qu'il  y  ait  eu  une  distinction  fon- 
dée sur  le  rang  entre  la  première  et  la  seconde  série  de  visi- 
teurs (1).  Au  contraire,  les  membres  des  deux  ordres  privilé- 
giés paraissent  avoir  été,  dès  les  premiers  temps  du  Principat, 
seuls  admis  chez  l'Empereur  (2).  Les  sénateurs  et  les  cheva- 
liers étant  ainsi  seuls  reçus  à  la  cour,  c'est  également  dans  ces 
deux  ordres  que  se  recrute  le  conseil  impérial.  Au  m6  siècle, 
les  chevaliers  y  prédominent,  c'est  le  fonctionnaire  équestre  du 
rang  le  plus  élevé  qui  y  occupe  la  présidence  comme  représen- 
tant de  l'empereur,  et  c'est  aux  chevaliers  seulement  que  se 
rapportent,  semble-t-il,  les  classes  établies  pour  les  appointe- 
ments et  la  hiérarchie  entre  les  membres  du  conseil;  mais  ce 
sont  là  probablement  des  phénomènes  étrangers  aux  commen- 
cements du  Principat  et  qui  auront  été  produits  par  la  tendance 
croissante  du  gouvernement  à  tenir  le  sénat  à  l'écart  (3).  — 
Les  compagnons  de  voyage  de  l'Empereur  (comités)  sont  aussi 
toujours  des  sénateurs  ou  des  chevaliers  (4). 

Sous  le  Principat,  les  sénateurs  ne  se  trouvent  pas  facile-  Â^eJe8po,Jîî0iJÎ 
ment,  dans  la  suite  des  magistrats,  avec  d'autres  rôles  que  les     chevaliers 
postes  officiels  de  questeurs  ou  de  légats.  Les  autres  person- 
nes que  les  magistrats  ont  eu  coutume  d'emmener  avec  eux 


(1)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Maison  de  l'empereur,  sur  les  amici  Augusti. 

(2)  V.  même  tome,  la  partie  des  Insignes,  de  la  Suite  et  des  Honneurs  du 
prince,  sur  les  audiences  impériales. 

(3)  V.  tome  V,  la  fin  de  la  partie  de  Droit  d'agir  avec  le  sénat  et  la  par- 
tie du  Conseil  impérial.  Huit  sénateurs  siègent  à  côté  des  deux  prœfecti 
prœtorio  dans  le  conseil  de  Domitien  décrit  par  Ju vénal. 

(4)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Maison  de  l'empereur,  sur  les  comités  Au- 
gusti. 


*66 


DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 


Caractère  et 

dénomination 

des  fonctions 

équestres. 


sans  leur  donner  de  grades  fixes  d'officiers  (1),  doivent  avoir 
appartenu  principalement  et  peut-être  exclusivement  à  l'ordre 
équestre.  —  Le  consilium  dont  l'avis  conforme  est  exigé  pour 
certains  cas  d'affranchissement  privé  par  la  loi  M\m  Sentia  de 
l'an  6  après  Jésus-Christ,  est  même  formé  à  Rome  de  cinq  sé- 
nateurs et  de  cinq  chevaliers  (2). 

La  participation  de  la  maison  de  l'Empereur  aux  affaires  pu- 
bliques n'apparaît  que  comme  une  simple  extension  de  l'acti- 
vité personnelle  de  l'Empereur.  Au  contraire  le  chevalier  qui 
est  préfet  d'Egypte  n'est  pas  moins  un  fonctionnaire  public  que 
le  légat  sénatorial  de  Syrie  ;  les  actes  de  Pun  et  l'autre  sont  des 
actes  officiels,  et  les  fonctions  équestres  sont  échelonnées  hié- 
rarchiquement, comme  les  fonctions  sénatoriales,  bien  qu'elles 
ne  le  soient  pas  avec  la  même  rigueur  ni  la  même  généra- 
lité (3).  Mais,    lorsqu'un  fonctionnaire  de  rang  équestre  pro- 
cède à  l'accomplissement  d'un  acte  de  magistrat  proprement 
dit,  lorsque  par  exemple  le  préfet  d'Egypte  exerce  la  juridic- 
tion volontaire,  cela  fait  l'effet  d'une  anomalie,  et  l'accomplisse- 
ment par  lui  de  ces  actes  particuliers  est  légalisé  par  une  loi 
spéciale.  C'est  pourquoi  les  titres  propres  aux  magistrats,  en  par- 
ticulier le  titre  prétorien,  ne  sont  jamais  étendus  aux  personnes 
de  rang  équestre,  et  tous  les  fonctionnaires  de  rang  équestre, 
même  les  premiers,  sont  opposés  aux  magistratus  legitimi  (4). 
Leurs  dénominations  diverses  rentrent,  presque  sans  excep- 
prxfectus,     tion,   dans    deux  catégories  :    celles   de  prœfectus,   en    grec 
è'-ap^o;,  et  de  procurato?*,  en  grec  éutfrpwcoç,   toutes  deux   se 
rattachant  à  l'idée  du  mandat  fondé  exclusivement  sur  la  libre 
volonté  du  mandant. 


(1)  V.  tome  III,  la  partie  des  Gouverneurs  de  provinces,  sur  les  legati 
Augusti  pro  prœtore. 

(2)  V.  tome  I,  la  théorie  du  Conseil  des  magistrats,  sur  la  demande  de 
conseil  en  droit  privé. 

(3)  Suétone,  Galb.  14  :  Jam  summae  equestris  gradus  candidatus.  On  com- 
parera sur  cet  emploi  elliptique  de  summa,  familier  à  tout  le  monde  dans 
d'autres  acceptions,  les  renseignements  réunis  sur  des  titres  analogues  par 
Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte,\,  34,  et  moi-même,  Memorie  dell'lnst.  2,322. 

(4)  V.  tome  V,  la  partie  de  la  Nomination  des  magistrats,  sur  les  nomi 
nations  de  fonctionnaires  équestres  auxiliaires. 


LES   CHEVALIERS.  467 

La  première  qualification,  employée  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  pour  le  représentant  nommé  par  un  magistrat 
en  dehors  des  comices,  soit  pour  le  commandement,  soit  pour 
la  justice,  (1),  et  aussi  fréquemment  pour  les  délégués  im- 
périaux de  l'ordre  sénatorial,  est  la  désignation  générale,  et 
elle  est  usitée  pour  toutes  les  fonctions  équestres  militaires  (2) 
ou  administratives  (3). 

Le  terme  procurator  est,  au  contraire,  du  temps  de  la  Répu- 
blique, étranger  aux  affaires  publiques,  et  il  ne  s'emploie  qu'en 
droit  privé,  pour  désigner  le  mandataire  éventuellement  chargé 
d'intenter  une  action  au  nom  du  mandant  (4).  Rigoureusement 
l'expression  a  gardé  cette  valeur  même  dans  l'usage  qu'en  fait 
le  Principat.  Elle  n'est  jamais  appliquée  à  un  homme  de  Tordre 
sénatorial.  En  outre,  elle  est  exclusivement  employée  pour  ceux 
qui  représentent  le  prince  en  matière  patrimoniale,  et  elle  l'est 
pour  eux  sans  distinction,  même  pour  les  affranchis  employés  en 
sous-ordre  qui  ne  peuvent  être  regardés  conmme  des  fonction- 
naires :  les  esclaves  seuls,  n'étant  pas  capables  déjouer  le  rôle 
de  représentants  judiciaires,    sont  exclus  de  la  procuratio. 


(1)  Cf.  ce  qui  est  dit,  tome  II,  du  praefectus  urbi,  dans  la  théorie  de  la  Re- 
présentation du  magistrat  et,  tome  V,  des  praefecti  praetorio  et  aerarii  Satumi 
dans  les  parties  de  Vlmperium  et  du  Trésor. 

(2)  Praefectas  praetorio,  vigilum,  classis,  castrorum. 

(3)  Ceci  comprend,  outre  le  prxfectus,  annonœ,  les  gouverneurs  des  pro„ 
vinces  non-sénatoriales  auxquelles  d'ailleurs  les  dénominations  de  praefec- 
tus et  de  procurator  conviennent  également  puisque  les  fonctions  de  gou- 
verneur y  sont  réunies  avec  la  direction  de  l'administration  des  finances. 
Pour  l'Egypte,  on  ne  trouve  que  la  première.  Les  gouverneurs  des  petites 
provinces  des  Alpes  s'appellent,  du  temps  d'Auguste,  prœfecti  clvitatium  ; 
plus  tard,  on  voit  prévaloir  le  titre  de  procurateur  (C.  I.  L.  V,  p.  809),  qui 
fut  ensuite  donné  à  tous  les  gouvernements  provinciaux  de  cette  catégorie 
organisés  désormais.  Il  n'y  a  que  le  gouverneur  impérial  de  Sardaigne  à 
porter,  en  langage  technique,  la  double  qualification  de  procurator  Augusti 
et  prsefectus  (C.I..LX,  p.  1121).  Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte,  1,241,  va 
trop  loin  dans  la  voie  de  l'admission  de  telles  dénominations  doubles  ;proc- 
Aug.,  prsef.  classis  (C.  I.  L.  V,  533)  désigne  sûrement  deux  fonctions. 

(4)  On  trouve  des  procurâmes  de  particuliers,  qui  sont  en  général  des 
affranchis  (C.  I.  L.  VI,  1577.  7370.  9830—9838)  ;  ils  seraient  plus  nombreux 
si  l'existence  d'emplois  permanents  de  ce  genre  n'avait  probablement  cho- 
qué de  la  même  façon  que  celle  d'esclaves  ab  epistulis,  etc.  chez  de  simples 
particuliers  (Tacite,  Ann,  15,  35.  16,  8). 


Procurator. 


168  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

Nous  avons  déjà  vu  une  conséquence  de  cette  distinction  entre 
les  fonctions  proprement  dites  et  les  procuratèles  qui  sont  es- 
sentiellementprivées  (!)  :  le  traitement  qui  y  est  attaché  est  in- 
diqué ouvertement  pour  toutes  les  procuratèles,  aussi  bien  pour 
celles  occupées  par  des  chevaliers  que  pour  celles  occupées  par 
des  affranchis,  et  il  y  a  même  été  debonne  heure  signalé  dans  le 
titre  officiel,  tandis  que  les  fonctions  publiques,  sénatoriales  ou 
équestres,  furent  bien  également  accompagnées  d'une  certaine 
rémunération  sous  le  Principat,  mais  n'en  portèrent  pas  la 
mention  dans  leurs  titres.  Le  dualisme  des  procuratèles,  parmi 
lesquelles  celles  qui  sont  occupées  par  des  chevaliers  se  rap- 
prochent des  fonctions  publiques,  tandis  que  celles  confiées  à 
des  gens  de  la  maison  de  l'empereur  appartiennent  exclusive- 
ment au  droit  privé,  trouve  même  jusqu'à  un  certain  point  son 
expression  dans  les  titres  officiels  :  on  distingue  en  effet  les  pro- 
curatores  tout  court,  qui,  au  sens  exact  del'expression,  sont  pour 
la  plupart  des  affranchis  impériaux  et  qui  sont  employés  à 
l'administration  purement  privée  de  la  fortune  du  prince,  et 
les procurator es  Augusti,  qui  appartiennent  à  l'ordre  équestre 
et  qui  ont  notamment  entre  les  mains  la  perception  de  tous  les 
impôts  (2). 
I'lqputudenaudx  Comme  condition  de  capacité  pour  occuper  ces  postes  offi- 
éqoïEesf'pai'  c^s  réservés  à  l'ordre  équestre  (3),  la  possession  du  cheval 


fonctions 

stres  :   p 

le  service 

d'ofûcier, 


(1)  V.  tome  I,  la  théorie  des  Emoluments  des  magistrats,  sur  le  traite- 
ment des  employés  des  finances  impériales. 

(2)  Dion,  53,  15,  fait  également  remarquer  que  les  procurateurs  sont 
partie  des  chevaliers,  partie  des  affranchis.  La  différence  de  titre  des  deux 
catégories  est  étudiée  C.  I.  L.  III,  p.  1131  et  1134  et  dans  Hirschfeld, 
Verwaltungsgeschichte,\,±^ï.  Naturellement  les  procurateurs  de  la  catégorie 
supérieure  omettent  parfois  le  qualificatif,  et  ceux  de  la  catégorie  inférieure 
le  prennent  parfois  (C.  1.  L.  III,  536.  VI,  9008.  9015.  10233.  XIV,  2104;  ;  ce- 
pendant les  derniers  cas  sont  si  rares  que  la  règle  consistant  à  ne  permet- 
tre qu'aux  fonctionnaires  de  porter  ainsi  le  nom  impérial  se  dégage  de  la 
manière  la  plus  évidente. 

(3)  Pour  les  postes  auxquels  les  affranchis  impériaux  sont  admis  en 
même  temps  que  les  chevaliers,  comme  cela  a  été  longtemps  le  cas  pour  la 
préfecture  de  la  flotte,  dans  la  chancellerie  impériale  et  dans  l'administration 
des  domaines,  la  question  de  capacité  ne  se  pose  qu'autant  qu'ils  sont  occu- 
pés par  des  chevaliers.  Il  existait  du  reste  aussi  pour  les  postes  occupés 
par  les  affranchis  des  règles  schématiques  et  un  avancement  réglé  (Fronton, 
Ad  Marcum,  5,52  :  Aride  lus...  liber  tus  vester  est,  procuravit  vobis  industrie.. 


LES  CHEVALIERS.  169 

équestre  ne  suffit  pas  en  principe  à  elle  seule  ;  on  exige  en  ou- 
tre communément  que  la  personne  ait  fait  son  service  d'offi- 
cier (1).  Naturellement,  l'accomplissement  du  service  n'en- 
traînait pas  pour  le  gouvernement  la  nécessité  d'ouvrir  à  l'ex- 
officier  la  carrière  des  fonctions  civiles,  —  car  l'accomplissement 
du  service  n'était  que  l'exécution  d'une  obligation,  —  et  cet  ex- 
officier  n'était  pas  non  plus  tenu  d'occuper  une  des  fonctions 
équestres.  Les  fonctions  équestres,  à  la  différence  des  fonctions 
sénatoriales,  sont,  principalement  à  cause  des  appointements 
élevés  qui  y  sont  attachés,  considérées  comme  des  avantages,  et 
l'idée  du  service  obligatoire  ne  leur  a,  nous  l'avons  vu,  ja- 
mais été  étendue  (2).  Il  est  arrivé  très  fréquemment  que  des 
officiers,  après  avoir  terminé  leur  service,  ne  sont  pas  entrés 
dans  la  carrière  des  fonctions  publiques  (3).  Mais   le  principe 


petit  mine  procurationem  ex  forma  suo  loco  acjusto  tempore)  ;  mais  ils  n'a- 
vaient rien  de  commun  avec  les  conditions  de  capacité  exigées  pour  les 
fonctions  équestres;  car  ni  la  carrière  militaire,  ni  les  postes  civils  qui 
purent  plus  tard  la  remplacer  comme  condition  d'entrée  n'étaient  (sauf  tou- 
jours la  natalium  restitutlo)  accessibles  aux  affranchis. 

(1)  Sénèque,  Ep.  101,  6  :  Militiam  et  castrensium  laborum  tarda  manipretia 
procurationes  officiorumque  per  officia  processus.  Pline,  Ep.  7,31,  désigne 
Glaudius  Pollio,  auparavant  proefectus  aise,  comme  promotus  ad  amplissi?nas 
procurationes.  Inscription  de  Xanthos  (Benndorf  et  Niemann,  Reisen  im  sùd- 
westlichen  Kteinasien,  1,  92)  :  Tàç  èv  tmctxjj  [xaÇet  orpaxîc'aç  ô'.sX6w]v  [ii-/pi 
ÈTiiTpoTiiy.fr,:  àp'/r,;]. 

(2)  Tacite,  Ann.  16,  17  :  Mêla...  petitione  honorum  abstinuerat...  adqui_ 
rendœ  pecunise  brevius  iter  credebatper  procurationes  administrandis  principis 
negotiis.  Tacite,  Hist.  2,  86  :  Procurator...  Cornélius  Fuscus...  prima  juventa 
quœstus  cupidine  senatorium  ordinem  exuerat.  Fronton  (Ad  Anton.  9)  recom- 
mande à  l'empereur  Antonin  le  Pieux  Appien  pour  une  de  ces  places  :  Di- 
gnitatis  suas  in  senectute  ornandee  causa,  non  ambitione  aut  procuratorii  (le 
Ms.  :  procuratoris)  stipendii  cupiditate  optât  adipisci  hune  honorem  (cf.  Ap" 
pien  lui-même,  Proœm.  15  :  A:xaiç  év  Toojay)  o-jvayopeuo-aç  in\  tôv  ficccnlioiv 
(j(.é-/pi  [xe  crçwv  èiux  porce-jôiv  r(^Wav).  Gela  s'applique  naturellement  aussi  aux 
procuratores  liberti  Augusti;  l'un  de  ces  derniers  consacre  une  pierre  commé- 
morative  (à  Lanuvium  C.  I.  L.  VI,  246  =  XIV,  2037)  ob  effecta  sibi  in  hac 
statione  (on  ne  sait  pas  laquelle)  annua  centena,  d'où  il  semble  résulter 
qu'une  augmentation  d'appointements  pouvait  être  obtenue  par  une  bonne 
administration.  —  La  procuratio  privée  durable,  Valienorum  bonorum  mer- 
cennaria  procuratio  (Sénéque,  De  brev.  vit.  17,5)  était  aussi  une  occupation 
lucrative. 

(3)  Par  exemple,  dans  le  C.  1.  L.  X,  les  personnes  nommées  aux  n08 1129. 
1131.  4619.  4872.  4873.  4876.  5382.  5399.  5583.  6015.  6555.  7348.  7600,  parais- 
sent ne  pas  être  entrées  dans  la  carrière  publique  après  avoir  terminé  leur 


170  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

du  gouvernement  fondé  par  Auguste  était  de  lier  le  commen- 
cement de  la  carrière  équestre  à  l'achèvement  du  service  mi- 
litaire (1).  Peut-être  existait-il  des  règles  précises  sur  la  durée 
du  service  d'officier  requis  ;  peut-être  aussi  des  avantages 
étaient-ils  attachés  à  un  service  plus  prolongé  ou  plus  brillant; 
mais  nous  ne  pouvons,  à  ce  sujet,  arriver  à  aucune  conclu- 
sion qui  présente  quelque  sûreté.  Le  nombre  des  grades  d'offi- 
ciers qu'on  avait  occupés  ne  pouvait  être  pris  comme  principe; 
la  durée  indéterminée  d'occupation  de  ces  grades  (p.  159)  suffi- 
rait à  l'établir,  et  nous  en  avons  la  preuve  directe  ;  car  la  car- 
rière civile  est,  autant  que  nous  pouvons  le  voir,  indifférem- 
ment commencée  après  l'occupation  soit  d'un  grade  d'officier 
soit  de  deux  ou  trois,  soit  mêmedeplus(2),  et  même  la  hiérar- 
chie qui  est  rigoureusement  observée  entre  les  grades  d'officiers 
(p.  150)  reste  sans  influence  sur  la  carrière  civile,  dans  laquelle 
on  ne  voit  pas  que  l'absence  du  grade  supérieur,  qui  se  présente 
assez  fréquemment,  soit  la  source  d'une  infériorité  appréciable  ni 
qu'un  avantage  appréciable  soit  attaché  à  sa  possession, 
parie  service        L'accomplissement  du  service  d'officier  a  pendant  longtemps 

dans   les   rangs  J  x  *  "         .  * 

été,  sous  le  Principat,  la  seule  voie  donnant  accès  aux  fonctions 
équestres  (3).  On   a   fréquemment  accordé,  dès  une  époque 

service  militaire.  Les  cas  particuliers  peuvent  facilement  induire  en  erreur  ; 
car  il  y  aurait  des  interruptions  de  la  carrière  produites  par  exclusion, 
mort  ou  autres  accidents,  quand  bien  même  le  service  d'officier  conduirait 
en  principe  à  la  carrière  des  emplois.  Mais  les  anciens  officiers  qui  n'en- 
trent pas  dans  cette  carrière  sont  trop  nombreux  pour  que  l'on  puisse  con- 
sidérer le  service  équestre  d'officier  comme  étant  par  exemple  le  prélimi- 
naire des  emplois  équestres  de  la  façon  dont  le  tribunat  de  légion  était  celui 
de  la  questure  dans  la  carrière  sénatoriale.  C'était  même  la  règle  pour 
la  préfecture  de  camp,  qu'il  faut  probablement  regarder  comme  une  militia 
ordinaire  (p.  151,  note  2),  qu'elle  fût  la  fin  de  la  carrière  ;  probablement 
parce  que  ces  officiers,  pour  la  plupart  sortis  des  rangs,  étaient  médiocre- 
ment aptes  à  la  carrière  politique. 

(1)  L'accomplissement  du  service  militaire  postérieurement  à  l'entrée 
dans  la  carrière  civile  (C.  I.  L.  X,  1795  :  tribunat  de  légion  entre  deuxpro- 
curatèles  ;  7587  :  poste  du  service  des  routes  entre  la  préfecture  de  cohorte 
et  le  tribunat  de  légion)  est  pour  ainsi  dire  quelque  chose  d'inouï  et  doit 
sans  doute  s'expliquer  par  des  dispenses  individuelles. 

(2)  Hirschfeld,  Verwaltungsgeschichte ,  1,  247  et  ss. 

(3)  Nous  ne  tenons  pas  compte  des  nominations  de  favoris,  telles  qu'elles 
se  sont  notamment  produites  fréquemment  pour  la  préfecture  de  la  garde 
(par  exemple,  Tacite,  Hist.  2,  92). 


LES  CHEVALIERS.  171 

précoce,  à  des  soldats  retraités,  à  des  primipilaires,  le  grade 
d'officier  avec  le  rang  équestre  (p.  154)  et  par  contre-coup  l'ac- 
cèsdelacarrièrecivile;  mais  il  ne  semble  pas  y  avoir  d'exemple 
antérieur  à  Marc  Aurèle  où  ils  aient  été  directement  admis 
dans  cette  carrière,  et  même  à  l'époque  postérieure  cela  n'a  eu 
lieu  que  rarement  (1). 

Avec  le  temps,  il  s'ouvrit,  pour  entrer  dans  cette  carrière,  à  par  &%?** 
coté  de  la  voie  militaire,  une  voie  civile.  L'existence  ne  peut  en 
être  établie  au  premier  siècle;  mais,  depuis  Hadrien,  le  service 
administratif,  commencé  par  le  bas  de  l'échelle,  peut  conduire, 
sans  service  d'officier,  aux  postes  supérieurs  (2).  Les  postes 
de  début  étaient  là  de  nature  diverse  (3).  Cependant  on  aper- 


(1)  A  une  date  certaine  l'exemple  du  primipilaire  T.  Desticius  Severus 
qui  passa  de  ce  poste  à  la  procuratèle  de  Rsetie  en  166  (C.  1.  L.  V,  8660)  ; 
celui  du  primipilaire  procurateur  de  Lusitanie,  C.  I.  £,.11,  1178.  1267  est  à 
peu  près  contemporain.  Dans  d'autres  cas  (C.  I.  L.  II,  484.  III,  1919.  X, 
6657),  il  y  a  entre  le  primipilat  et  la  procuratèle  au  moins  des  commande- 
ments extraordinaires  d'officiers,  par  exemple  celui  de praepositus  vexillatio- 
nibus.  La  carrière  du  temps  de  Claude  rapportée  C.  L  L.  V,  1838,  semble 
anormale. 

(2)  Le  plus  ancien  exemple  certain  d'une  telle  carrière  que  je  connaisse 
est  celui  de  l'homme  auquel  sont  consacrées  les  deux  inscriptions  C.  1.  L. 
III,  431  et  Bull,  de  cor.  Hell.  1879,  p.  257  :  ProcjoyzforM'Hadrien  ad  diœcesin 
Alexandre.? ,  —  procurator  des  bibliothèques  à  Rome,  —  ab  epistulis  Grœcis, 

—  procurateur  de  Lycie  et  des  provinces  combinées  avec  celle-là,  —  procu- 
rateur d'Asie  tant  pour  l'impôt  des  successions  que  pour  la  province  même, 

—  procurateur  de  Syrie.  Le  savant  G.  Julius  Vestinus  fut,  également  sous 
Hadrien,  bibliothécaire  à  Rome,  puis  a  studiis,  enfin  secrétaire  de  l'empe- 
reur; mais  les  fonctions  administratives  proprement  dites  font  chez  lui  défaut. 
Les  exemples  de  Lyon  (Boissieu,  p.  246)  et  d'Ariminum  (Orelli,  3835  =  C. 
I.  L.  XI,  378)  et  les  carrières  de  Nicomedes  (p.  120,  note  4)  et  d'Appien  (p. 
169,  note  2)  du  temps  d'Antonin  le  Pieux  sont  analogues  ;  de  même  l'exem- 
ple romain  du  temps  de  Marc  Aurèle  (C.  I.  L.  VI,  1564),  celui  de  |Préneste 
(C.  LL.  XIV,  2922)  du  temps  de  Commode  et  celui  d'Apulum  {C.  L  L.  III, 
1456)  du  temps  d'Alexandre  Sévère.  Les  autres  documents  qui  me  sont  con- 
nus paraissent  appartenir  à  la  même  époque,  principalement  au  ni0  siècle. 

(3)  Emplois  inférieurs  de  l'administration  alimentaire  :  C.  1.  L.  X,  3865. 
Orelli,  769  =  C.  1.  L.  XIV,  2922,  comme  premier  poste  ,  C.  L  L.  II,  1085. 
III,  1456.  VI,  1634.  VIII,  822,  comme  second  poste  ;  —  de  l'administration 
des  chemins  :  III,  1456.  6575.  VI,  1598.  Boissieu,  p.  246,  comme  premier 
poste;  —  de  l'administration  de  l'impôt  sur  les  successions  :  Orelli,  3835  = 
C.  L  L.  XI,  378.  Henzen,  6642,  comme  premier  poste,  VIII,  1174.  Orelli, 
769  =  C.  1.  L.  XIV,  2922  comme  second,  Boissieu,  p.  246,  comme  troisième  ; 

—  dans  les  écoles  de  gladiateurs,  de  la  capitale.  II,  1085,    comme  premier 


172  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

çoit  la  préférence  donnée  à  l'instruction  (1)  et  particuliè- 
rement à  l'instruction  juridique  (2).  Les  objections  qui  étaient 
encore  opposées  du  temps  d'Antonio  le  Pieux  aux  nomina- 
tions de  scribes  et  d'avocats  (3),  s'effacent  peu  à  peu;  le  temps 
où  une  période  préalable  d'instruction  militaire  était  imposée 
aux  fonctionnaires   administratifs  n'est  plus. 

Ce  système  s'est  maintenu  quant  au  fond  jusqu'à  l'époque  de 
Dioclétien.  Le  service  d'officier  notamment  se  rencontre  encore 
comme  servant  de  porte  d'entrée  dans  les  fonctions  équestres 
à  une  période  avancée  du  111e  siècle  (4).  Sans  doute  l'exception 
est  alors  devenue  la  règle  :  rien  n'est  alors  plus  habituel  que 
l'attribution  à  des  primipilaires  de  fonctions  équestres,  en 
particulier  des  gouvernements  de  provinces  et  des  commande- 
ments militaires  qui  furent  progressivement  enlevés  aux  séna- 
teurs ;  la  carrière  civile  doit  aussi  avoir  gagné  de  plus  en  plus 
de  terrain  et  avoir  fait  tort  aux  titres  tirés  du  service  militaire. 
Mais,  si  la  condition  de  capacité  requise  est  effacée  pratique- 


poste  ;  — procurator  ad  bona  damnatorum,  VI,  1634  ;  —  dans  le  recrutement, 
Boissieu,  p.  246,  comme  second  poste. 

(1)  Outre  les  exemples  cités  p.  171,  note  2,  on  trouve  encore  un  emploi  dans 
les  bibliothèques  comme  premier  poste,  C.  I.  L.  X,  7580,  et,  comme  second 
poste,  celui  du  sexagenarius  studiorum  adjutor,  Cl.  L.  VI,  1704. 

(2)  Le  titre  d'advocatus  fisci  apparaît  relativement  très  souvent  à  la  pre- 
mière place,  C.  L  L.  VI,  1704.  VIII,  822.  1174.  1439.  XIV,  154;  cf.  ce  qui 
est  dit  de  cette  fonction  Memorie  delV  Inst.  2,  331.  On  trouve  en  outre  à  la 
première,  celui  d'adsumptus  in  consllium  ad  IIS  LX  m.  n.  (X,  6662)  ;  à  la 
troisième,  celui  de  sexagenarius  a  consiliis  sacris  (VI,  1704),  consiliarius  Au- 
gustorum  (Vi,  1634).  On  rencontre  encore  comme  poste  de  début  celui  d'à 
commentariis  des  praefecti  prœtorio,  C.  L  L.  VI,  1564.  X,  7585,  qui,  à  cette 
époque,  avait  sans  doute  une  portée  plutôt  judiciaire  que  militaire. 

(3)  A  la  prière  de  Fronton  d'accorder  une  procuratèle  à  Appien  l'empe- 
reur Antonin  le  Pieux  répond,  comme  le  lui  rappelle  Fronton  (Ad  Ant.  9), 
futurum,  ut  cum  Appiano...  procurationem  dédisses,  causidicorum  scatebra 
exoreretur  idem  petentium  :  meministi  etiam,  quem  de  Grsecis  propitius  et  ri- 
dens  nominaveris. 

(4)  Nous  trouvons  encore  la  carrière  équestre  ouverte  par  la  préfecture 
de  cohorte  à  Temesitheus,  beau-père  de  Gordien  (Henzen,  5530)  ;  par  le  tri- 
bunat  des  prétoriens,  sous  Philippe  (C.  L  L.  VI,  1695)  ;  par  la  prœfectura 
aise,  dans  une  inscription  qui  mentionne  le  procurator  monetx  Trevericae  et 
qui  appartient  donc  probablement  aux  dernières  dizaines  d'années  du  ni» 
siècle  (C.  1.  L.  VI,  1641). 


LES   CHEVALIERS.  173 

ment,  il  n'y  a  pas  eu,  dans  cette  période,  de  réforme  qui  Tait 
supprimée  en  principe. 

Il  nous  reste  à  étudier  les  classes  hiérarchiques  établies  en- 
tre les  chevaliers  par  la  carrière  des  fonctions  publiques. 

La  différence  de  rang  qui  sépare  les  fils  de  sénateurs  appar-  inégalité  de  rang 

o   t.  r  rr  des  chevaliers. 

tenant  au  premier  ordre  et  les  jeunes  gens  habilités  à  la 
carrière  sénatoriale  par  une  décision  de  l'empereur  du  reste 
des  chevaliers  trouve  son  expression  dans  la  différence 
du  clavus.  Mais  il  n'y  a  pas  de  titre  officiel  qui  traduise  cette 
différence  :  on  aurait  pu  dire  eques  laticlavius  et  eques  angus- 
ticlavius,  en  usant  des  termes  qui  sont  en  effet  employés  pour 
désigner  les  deux  catégories  de  tribuns  de  légions  ;  mais  on  ne 
le  fait  pas  ;  car  le  laticlavius,  qui  ne  fait  partie  des  chevaliers 
qu'à  titre  transitoire,  ne  se  désigne  pas  du  nom  à'eques  (1). 

La  différence  de  fait  qui  vient  du  plus  ou  moins  de  considé- 
ration et  qui  se  retrouve  dans  tous  les  ordres,  existe  avec  une 
vigueur  spéciale  parmi  les  chevaliers  romains.  Mais  elle  est, 
à  l'époque  ancienne,  aussi  dépourvuededélimitationprécise  que 
de  terminologie  arrêtée.   La  distinction  de  Yeques  illustris  (2) 

(1)  P.  62,  note  1.  C'est  depuis  Juste  Lipse  (sur  Tacite,  Ann.  11,  4)  une 
opinion  traditionnelle  de  regarder  les  équités  Romani  illustres  de  Tacite 
(ci-dessous,  note  2)  comme  des  laticlavii,  bien  que  les  personnes  ainsi  qua- 
lifiées par  Tacite  soient  sans  exception  étrangères  à  cette  catégorie. 

(2)  Tite-Live  parle  d'équités  primores  (23,  12,  2;  de  même  2,  1,  10)  ou  il- 
lustres romains  (30,  18,  15  :  Duo  et  XX  ferme  équités  illustres...  cum  centurio- 
nibus  aliquot  perierunt  ;  ailleurs  dans  le  même  ordre  d'idées,  viri  illustres, 
33,  25,  9.  c,  36,  5)  comme  de  ducenli  Carthaginienses  équités...  et  divitiis  qui- 
dem  et  génère  illustres  (29,  34,  17)  et  à'equites  CXll  nobiles  Campani  (23,  47, 
12).  Cicéron,  Verr.  3,  24,  00  :  Equitibus  Romanis  non  obscuris  neque  ignotis, 
sed  honestis  et  illustribus.  Le  même,  De  fin.  2,  18,  58  :  A  Gaio  Plotio  équité  Ro- 
mano  splendido  Nursino.  Le  même,  Ad  fam.  12,  27  :  Sex.  Aufidius...  splendore 
equiti  Rornano  nemini  cedit.  Bell.  Alex.  40  :  Ceciderunt  eo  prœlio  splendidi  at- 
que  inlustres  viri  nonnulli  équités  Romani.  Vell.  2,  88  :  C.  Msecenas  equestri,  sed 
splendido  génère  natus.  Sénèque,  Ep.  101,  1  :  Senecionem  Cornelium  equitem 
Romanum  splendidum .  Tacite  parle  des  primores  equitum  (Hist.  1,  5)  et  donne 
fréquemment  à  des  équités  Romani  la  qualification  d'illustris  {Ann.  2,  59.  4, 
58.  68.  0,  18. 11,  4.  35.  15,  28)  ou  d'insignis  (Ann.  11,5);  il  y  a  également  dans 
Pline,  Ejt>.6,15,  1.  Ep.  25, 1,  splendidus  eques  /?.;  dans  Appien,B.  c.  100,  apiaxoi 
\r.~v.ï  (remplacé,  Ep.  1,  59,  par  apioroi  avSpe;)  ;  dans  Dion,  57,  11  (cf.  41,  7), 
iTCîTrj;  :wv  7ipa>Twv.  Cf.  p.  75,  note  4.  Tite-Live  peut  songer  principa- 
lement aux  titulaires  de  chevaux  publics  qu'il  oppose  ailleurs  (p.  78, 
onte    5)    aux   chevaliers;    les   écrivains    postérieurs,    en  particulier  Ta- 


174  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

et  de  Vécues  municipalis  (1),  par  quelque  nom  qu'on  veuille 
l'exprimer,  est  étrangère  au  droit  public.  Ce  fut  seulement  la 
magistrature  équestre  qui  fournit  peu  à  peu  un  instrument  de 
délimitation  et  de  détermination.  Elle  donnait,  pour  créer  des 
distinctions  dans  le  sein  de  l'ordre  équestre,  le  même  fonde- 
ment sur  lequel  on  avait  jadis  élevé  la  séparation  de  la  nobi- 
litas  du  reste  des  citoyens.  Autrefois  les  plébéiens  qui  parve- 
naient aux  magistratures  acquéraient  à  leurs  maisons  une 
situation  prépondérante  ;  il  en  fut  désormais  de  même  pour 
ceux  des  chevaliers  qui,  après  avoir  achevé  leur  service  d'offi- 
cier, entraient  dans  la  carrière  administrative  et  participaient, 
dans  la  mesure  où  le  permettait  la  forme  du  gouvernement  d'a- 
lors, à  la  gestion  des  affaires  publiques.  On  parle  déjà,  du  temps 
de  Trajan,de  «  noblesse  équestre  »  (2).  A  la  vérité,  cette  noblesse 
de  second  ordre  n'a  pas  la  limite  fixe,  qui  était  donnée  à  l'an- 
cienne par  l'accès  au  sénat,  ni  sa  gradation  fixe  des  classes  :  il 
est  difficile  que  le  cercle  des  fonctions  administratives  dont  ré- 
sultait cet  anoblissement  ait  été  rigoureusement  fermé,  et  il  est 
encore  moins  possible  qu'il  y  ait  eu  entre  ces  emplois  une  hié- 
rarchie arrêtée  comme  celle  des  quatre  classes  du  sénat,  si  cer- 
tain qu'il  y  soit  d'ailleurs  qu'il  a  eu  de  tout  temps   une  cer- 


cite,  pensent  évidemment  surtout  à  Vequestris  nobilitas  (ci-dessous  note  3), 
aux  chefs  de  la  noblesse  des  fonctions  équestres.  Si  les  équités  illustres 
comme  les  sénateurs  ne  peuvent  entrer  en  Egypte  qu'avec  la  permission 
de  l'empereur  (p.  162,  note  2)  tout  ce  que  cela  veut  dire,  c'est  sans  doute 
que  les  personnes  aptes  à  exercer  là  des  emplois  ne  peuvent  s'y  rendre 
qu'autant  qu'elles  ont  reçu  ces  emplois.  Mais  on  ne  peut  tire  aucune  li- 
mite fixe  de  ces  désignations  terminologiques  elles-mêmes  vacillantes, 
ni  soutenir  que  le  nom  de  chevalier  illustre  appartienne  seulement  aux 
chevaliers  de  rang  sénatorial  ou  aux  chevaliers  fonctionnaires. 

(1)  Juvénal,  8,  236  :  Hic  (Gicéron)  novus  Arpinas,  ignobilis  et  modo  Romx 
municipalis  eques. 

(2)  Tacite,  Agric.  4  :  On.  Julius  Agricola  vetere  et  illustri  Forojuliensium 
colonia  ortus  utrumque  avum  procuratorem  Cxsarum  habuit,  qux  equestris  no- 
bilitas est.  L'habitude  existante  d'effacer  la  dernière  qualification,  qui  n'est 
certainement  pas  technique,  mais  qui  porte  'en  elle  une  pensée  juste,  est 
pour  notre  philologie  un  véritable  certificat  d'indigence.  Tacite,  Ann.  16,17, 
exprime  la  même  pensée  en  disant  :  Mêla  et  Crispinus  (tous  deux  précédem- 
ment prxfecti  prxtorio)  équités  Romani  dignitate  seriatoria.  lllustris  eques  a  en 
général  chez  lui  le  même  sens,  avons-nous  remarqué  p.  173,  note  3. 


LES   CHEVALIERS.  *75 

taine  gradation  entre  les  emplois  équestres  et  que  les  postes 
élevés,  notamment  les  préfectures  d'Egypte,  de  la  garde,  de 
l'annone  et  des  vigiles,  étant  les  fonctions  les  plus  hautes  qui 
fussent  accessibles  aux  chevaliers,  n'étaient  atteintes  qu'en 
passant  par  de  nombreux  échelons  et  constituaient  le  couron- 
nement de  la  carrière  politique  équestre. 

Les  traitements  des  fonctions  équestres  donnent  certains  élé-  ^^uïments^' 
ments  pour  leur  classification.  Les  procuratèles  assuraient, 
avons-nous  déjà  vu,  selon  leur  importance,  à  leurs  titulaires 
un  traitement  annuel  de  200  000,  de  100  000  ou  de  60  000 
sesterces  (1)  ;  et  les  désignations  du  ducenarius,  centenarius 
et  sexagenarius  procurator,  tirées  de  cette  gradation,  —  dont 
les  grandes  lignes  remontent  certainement  jusqu'à  Auguste, — 
sont  usitées  comme  qualifications  hiérarchiques,  au  moins  dès 
le    temps  d'Hadrien,  et   sont  même  fréquemment  employées 
comme  titres  officiels  au  ine  siècle.  Les  membres  du  conseil 
impérial  et  les  prœfecti  vehiculorum   étaient  soumis  à  un 
classement  analogue  ;  on  en  rencontre  aussi  quelques  traces 
pour  les   officiers   (2).  Cependant  ce  procédé    de  classement 
n'est  pas  susceptible  d'une   application  générale;  car,  d'une 
part,  les  inégalités  de  traitement  existant  dans  tout  le  corps 
des  emplois  non-sénatoriaux  étaient  probablement  trop  multi- 
ples pour  pouvoir  servir  de  fondement  à  l'établissement  de 
classes  hiérarchiques  ;  car,  d'autre  part  et  surtout,  il  est  impos- 
sible que  le  rang  hiérarchique  ait  exclusivement  dépendu  des 
appointements.  Ceux  qui  portaient  le  même  titre  tiré  du  taux 
des  appointements  comme  membres  du  conseil  impérial,  comme 
procurateurs  et  comme  prœfecti  vehiculorum,  ont  difficilement 
été  pour  cela  regardés  comme  égaux  en  rang,  et  les  emplois 
équestres  nombreux  et  importants,  dans  le  titre  officiel  des- 
quels ne  figure  pas  la  mention  des  appointements,  ont  encore 


(1)  V.  tome  I,  la  théorie  des  Émoluments  des  magistrats,  sur  les   traite- 
ments des  employés  des  finances  impériales. 

(2)  V.tome  V,    les  parties  du  Conseil  impérial  et  de  l'Administration  des 
postes  et,  tome  I,  la  partie  des  Émoluments  des  magistrats. 


176  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

moins  pu  avoir  leur  rang  hiérarchique  exclusivement  déter- 
miné par  ces  appointements. 
Réglementation      Afm  de  remédier  à   cette  défectuosité  dont  souffrait  la  se- 
hiérarchie  des    conde  noblesse  des  magistratures  par  comparaison  avec  la  pre- 

fonctions  par  ,  . 

Marc  Aurèieet  miere,  les  empereurs  Marc-Aurele  et  Verus  établirent  le  ta- 
bleau général  hiérarchique  des  magistratures,  s'étendant  à  la 
fois  aux  deux  ordres,  que  nous  avons  déjà  signalé  (p.  62).  Les 
magistrats  du  rang  équestre  y  sont  divisés  en  trois  classes  (1)  : 
les  membres  de  la  première  classe,  qui  ne  comprend  que  les 
préfets  de  la  garde,  portent  désormais  le  nom  de  vir  emi- 
ne?itissîmus,  en  grec,  el-o'/tÔTaTo;;  ceux  de  la  seconde,  qui  com- 
prend les  autres  préfets  avec  les  chefs  de  l'administration  des 
finances  et  du  secrétariat,  portent  celui  de  vir  perfectissimus, 
en  grec,  Siacv^Toy/ro;;  ceux  de  la  troisième,  à  laquelle  appar- 
tiennent les  autres  fonctionnaires  de  l'ordre  équestre,  ont  le 
nom  de  vir  egregius,  en  grec,  xpaTurro;  (2).  Au  dessous  d'eux 
sont  les  chevaliers  qui  ne  sont  pas  entrés  dans  les  fonctions 
publiques  (3),  et  au  dessous  de  ces  derniers  sont  les  plébéiens. 
11  s'attachait  à  ces  titres  un  privilège  important  et  même  héré- 


(1)  Cette  constitution  ne  s'étend  pas  aux  officiers  ;  elle  ne  concerne,  à  côté 
des  clarissimi  (p.  62),  que  la  noblesse  des  fonctions  de  seconde  classe,  l'eques- 
tris  nobilitas  de  Tacite. 

(2)  Nous  ne  pouvons  exposer  ici  les  délimitations  respectives  ou  géné- 
rales des  classes. 

(3)  Splendidus  eques  Romanus  se  rencontre  employé  comme  un  véritable 
titre  dans  les  inscriptions  italiques  (jamais,  autant  que  je  sache,  dans  les 
inscriptions  provinciales)  de  l'Empire  (C.  I.  L.V,  3382.  IX,  1006.  2232.  3314. 
X,  22.223.  453.  1784.  1785.4590.  Orelli,  3081  =  C.  L  L.  XIV,  2991).  Parmi  ces 
inscriptions,  qui  appartiennent  au  moins  pour  la  plupart  au  temps  posté- 
rieur à  Marc-Aurèle,  il  n'y  en  a  aucune  qui  donne  cette  qualification  à  un 
chevalier  arrivé  aux  emplois  équestres  ;  l'inscription  de  Puteoli  (C.  I.  L. 
X,  1785)  la  donne  même  à  des  personnages  municipaux  et  désigne  au  con- 
traire un  pvocurator  summarum  rationum  par  son  titre  officiel.  Les  plus 
haut  placés  des  chevaliers,  qui  n'avaient  pas  le  droit  de  porter  de  titres  tirés 
de  magistratures,  semblent  donc  avoir  porté  comme  distinction  te  nom  de 
splendidi.  La  démarcation  nouvelle  encore  établie  dans  le  sein  de  ce  groupe 
est  une  confirmation  de  plus  de  l'inégalité  extrême  qui  prédomine  dans 
l'ordre  équestre.  Il  n'y  a  rien  de  pareil  parmi  les  sénateurs  et  les  décu- 
rions ;  mais  les  splendidisshna  municipia  se  séparent  de  même  des  villes  de 
campagne  ordinaires.  Les  équités  splendidi  et  les  chevaliers  ordinaires  peu- 
vent fort  bien  avoir  été  dans  le  même  rapport  que  Gapua  et  Ulubrae. 


LES   CHEVALIERS. 


177 


ditaire.  Le  droit  criminel  romain  tient  compte  de  la  différence 
de  rang  tant  pour  la  compétence  que  pour  la  procédure  et  Fé- 
cholle  des  peines  ;  or  la  constitution  citée  faisait,  sous  ce  rap- 
port, une  situation  privilégiée  aux  fonctionnaires  équestres 
des  deux  premières  classes  et  à  leurs  descendants  jusqu'au 
troisième  degré  (1). 


8.  LES  SACERDOCES  ÉQUESTRES. 


Ainsi  que  nous  l'avons  montré  dans  la  théorie  du  grand  pon- 
tificat, il  n'y  avait  pas  plus  de  condition  de  rang  exigée  par  les 
lois  de  la  République  pour  les  sacerdoces  que  pour  les  magis- 
tratures. En  laissant  de  côté  les  sacerdoces  peu  nombreux  et 
sans  importance  politique  réservés  aux  patriciens,  les  sacerdo- 
ces étaient  comme  les  magistratures  ouverts  en  droit  au  der- 
nier des  citoyens.  En  fait,  il  est  vrai,  c'était  le  contraire  pour  les 
deux.  Cependant  nous  sommes  peu  renseignés  sur  la  mesure 
dans  laquelle  les  sacerdoces  de  la  cité  étaient  alors  entre  les 
mains  de  la  nobilitas.  C'était  indiscutablement  le  cas  pour  les 
quatre  collèges  sacerdotaux  des  pontifes,  des  augures,  des  quin- 
decemvirs  et  des  épulons,  qui  furent  de  bonne  heure  livrés  à 
la  brigue  des  comices  (2),  et  pour  le  poste  de  grand  curion;  il 


Aptitude  à 
occuper  les 

sacerdoces 

sous  la 

République. 


(1)  Dioclétien,  Cod.  Just.  9,  41,  11  :  Divo  Marco  placuit  eminentissimorum 
nec  non  etiam  perfectissimorum  virorum  usque  ad  pronepotes  liberos  plebeiorum 
pœnis  vel  qusestionibus  non  subjici,si  tamen  propioris  gradus  liberos,  per  guos 
id  privilegium  ad  ulteriorem  gradiun  transgreditur,  nulla  violati  pudoris 
macula  adsperserit.  Cette  assertion  est  précisée  et  confirmée  par  la  présence 
du  titre  de  la  première  classe,  écrit  avec  l'abréviation  qui  fut  depuis  constante, 
dans  un  document  de  l'an  168  (C.  1.  L.  IX,  2438)  ;  ce  qui  montre,  puisque  les 
classes  sont  dans  un  lien  de  corrélation,  que  toute  l'organisation  remonte  à 
une  époque  autérieure  à  cette  date.  L'égrégiat  est  mentionné,  dans  la  no- 
tation ordinaire,  par  l'inscription  des  premières  années  de  Commode, 
180—183,  C.  I.  L.  VIII,  10570,  4,  10,  et  par  la  liste  de  prêtres  contemporaine, 
C.  /.  L.  VI,  2010.  Par  un  phénomène  singulier,  ces  témoignages  indiscu- 
tables n'ont  pas  obtenu  créance,  et  l'on  rattache  le  plus  souvent  (Hirsch- 
feld,  Wiener  Studien,  6,  23,  fait  exception)  cette  création  à  Sévère. 

(2)  V.  tome  III,  la  théorie  du  Grand  pontificat,  sur  la  relation'hiérar 
chique  des  magistratures  et  des  sacerdoces. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2c  p.  4  2 


178  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

en  était  de  même  pour  les  fétiaux,  sans  doute  à  raison  de 
leur  rôle  politique  (1).  Les  saliens  furent  toujours  pris  dans 
l'aristocratie  :  c'était  un  résultat  de  l'exigence  du  patriciat  qui 
fut  toujours  maintenue  pour  eux.  Parmi  les  prêtres  isolés, 
les  trois  grands  flamines  sont  dans  le  même  cas  que  les  saliens; 
mais  les  douze  petits  flaminats  plébéiens  sont  eux-mêmes  des 
situations  aristocratiques  (2).  Sur  le  recrutement  des  collèges 
des  curions,  des  titiens,  des  arvales,  et  des  luperci  sous  la  Ré- 
publique, sur  celui  des  sacerdoces  qui  furent  transportés  à  Rome 
d'un  certain  nombre  de  localités  latines,  comme  sur  celui 
des  fonctions  auxiliaires  supérieures,  nombreuses  notamment 
à  côté  des  pontifes,  nous  ne  savons  qu'une  seule  chose,  il  est 
vrai,  remarquable  :  c'est  qu'à  cette  époque  on  rencontre  des 
affranchis  comme  luperci  (3).  Tant  cette  particularité  que  le 
silence  absolu  des  sources  relativement  à  ces  sacerdoces  ren- 
dent vraisemblable  qu'au  moins  en  fait  une  partie  d'entre 
eux  étaient  devenus  ou  étaient  restés  accessibles  aux  hommes 
du  peuple. 
Les  sacerdoces       Auguste  a  fait,  dans  ce  domaine,  une  réforme  de  mêmena- 

equeslres  sous  le 

principat.      turey  mais  encore  plus  énergique  que  dans  celui  de  la  magis- 
trature. D'abord  le  droit  général  des  citoyens  à  l'occupation 


(1)  V.  tome  I,  la  section  des  Actes  conclus  entre  l'état  romain  et  un  état 
étranger,  sur  le  fœdus  et  la  sponsio.  Les  fétiaux  étaient,  selon  Denys,  2,  72, 
qui  suit  ici  Varron,  êx  xô>v  àpcaTtov  oixwv;  les  noms  qui  nous  sont  transmis 
de  Sp.  Fusius,  Tite-Live,  1,  24,  6,  et  d'A.  Cornélius  Arvina,  Tite-Live,  9, 
10,  9,  le  confirment.  Nous  ne  savons  pas  quand  le  collège  fut  ouvert  aux 
plébéiens.  Sous  l'Empire,  il  est  accessible  aux  deux  ordres. 

(2)  Le  consul  de  395,  M.  Popillius  Lœnas  était  flamen  Carmentalis  (Cicé- 
ron,  Brut.  14,  56). 

(3)  Ce  I.  L.  X,  6488  :  Clesipus  Geganius  mag(ister)  Capit(olinorum),  mag(is- 
ter)  luperc(orum),  viat(or)  tribunicius,  plutôt  du  temps  de  la  République  que 
du  commencement  d'Auguste.  L'inscription  C.  I.  L.  VI,  1933,  de  Q.  Gonsi- 
dius  Q.  L  Eros  lupercus  Quinctial{is)  velus  peut  parfaitement  appartenir  à 
la  fin  de  l'époque  d'Auguste  et  la  jeunesse  de  ce  personnage  être  antérieure 
à  la  réorganisation  d'Auguste.  —  Il  est  conciliable  avec  ce  fait  que  les  Lu- 
percales  soient  au  sens  propre  une  fête  équestre  (p.  125,  note  2)  :  le  carnaval 
baisse  facilement  de  niveau.  Il  n'y  a  pas  de  fête  romaine  dont  l'origine  anti- 
que, à  l'époque  purement  patricienne  (qu'on  se  rappelle  seulement  les  Fabii 
et  les  Quinctii  et  leur  prénom  de  Kaeso),  soit  mieux  attestée  que  celle  de  la 
fête  des  Lupercales. 


LES    CHEVALIERS.  179 

des  sacerdoces  fut  supprimé  comme  leur  droit  aux  magistra- 
tures (1),  et  les  citoyens  n'appartenant  ni  au  sénat  ni  à  l'or- 
dre équestre  en  furent  exclus,  sans  distinction  d'ingénus  et 
d'affranchis  (2)  ;  c'est  entre  les  deux  ordres  privilégiés  que 
furent  partagés  les  sacerdoces  occupés  par  des  hommes  (3). 
L'idée  conçue  et  appliquée  par  Auguste  de  partager  les  places 
officielles  entre  les  deux  ordres  se  manifeste  peut-être  encore 
plus  clairement  pour  les  sacerdoces,  moins  importants  en  prati- 
que, qu'elle  ne  le  fait  pour  les  magistratures.  Les  deux  ordres 
participent  à  la  composition  des  collèges  des  curiones  et  des  lu- 
perci.  Aux  chevaliers  seuls  appartiennent  les  postes  de  prêtres 
issus  des  fonctions  de  valets  de  temples,  sauf  les  trois  flaminats 
patriciens,  soit  les  fonctions  des  /lamines  minores,  des  anciens 
scribes  des  pontifes,  appelés  désormais  ponlifices  minores,  et  des 
tubicines;  enfin  tous  les  anciens  sacerdoces  publics  latins,  en 
particulier  ceux  d'Albe,  d'Aricia,  (p.  193,  note  14).  de  Cœnina, 
de  Lanuvium,  de  Lavinium  et  de  Tusculum.  Il  existe  encore 
là  des  différences  de  rang  multiples  (4).  De  tous  les  sacer- 
doces accessibles  aux  chevaliers,  le  curionat  paraît  avoir  été  le 
plus  élevé  ;  il  est  le  plus  souvent  accordé  à  des  chevaliers  de 
rang  sénatorial  et  forme  par  suite  ordinairement  un  échelon 
de  la   carrière   sénatoriale  (o);  le  grand   curion    était  sans 

(1)  V.  tome  II,  la  théorie  des  Causes  d'inéligibité  absolue,  n°  5,  sur  la 
limitation  apportée  sous  le  Principat  au  droit  d'occuper  les  magistratures. 

(2)  Il  va  de  soi  que  le  rang  équestre  fondé  sur  l'ingénuité  fictive  équi- 
vaut à  celui  obtenu  par  les  voies  ordinaires  (p.  120,  note  2).  D'autre  part, 
les  places  d'appariteurs  religieux  qui  ne  sont  pas  devenues  de  sacerdoces 
(v.  tome  I,  la  fin  de  la  partie  des  Appariteurs),  même  les  plus  considérées 
d'entre  elles,  comme  celle  d'haruspice  (un  simple  soldat  de  ce  collège, 
C.  1.  L.  VI,  2166)  sont  accessibles  aux  plébéiens.  La  démarcation  est  arbi- 
traire :  ainsi,  par  exemple,  le  tubicen  sacrorum  populi  Romani  est  un  prêtre 
et  les  tibicines  qui  sacris  publias  prsesto  sunt  sont  des  appariteurs  ;  mais  elle 
est  néanmoins  fortement  tracée,  précisément  parce  qu'elle  tient  à  la  dis- 
tinction des  classes. 

(3)  Les  vestales  sont,  en  vertu  de  la  loi  Papia,  prises  e  populo  (Aulu- 
Gelle,  1,  12,  11),  et  cela  paraît  avoir  toujours  subsisté:  la  distinction  des 
classes  ne  s'étendait  pas  précisément  aux  femmes. 

(4)  Elles  ont  été  bien  exposées  par  G.  Wilmanns,  De  sacerdotiorum  p.  p. 
R.  quodam  génère,  Berlin,  1868,  p.  46  et  ss. 

(5)  Des  dix  curions  mentionnés  à  ma  connaissance  par  les  inscriptions,  il 
y  en  a  un  (C.  I.  L.  VI,  2174)  qui  ne  s'attribue  pas  de  magistrature  ;  sur  les 


180  DROIT  PUBLIC   ROMAIN 

doute  toujours  un  sénateur  (1).  Le  collège  des  luperci  est  éga- 
lement ouvert  aux  deux  ordres  ;  mais  nous  n'y  trouvons  que 
rarement  des  sénateurs  ;  on  y  rencontre  en  général  plutôt  des 
hommes  de  l'ordre  équestre,  qui  n'appartiennent  même  pas 
pour  la  plupart  à  sa  plus  haute  classe  (2).  Parmi  les  sacer- 
doces personnels  de  rang  équestre,  les  plus  considérés  sont  les 
petits  flaminats  (3),  le  petit  pontificat  (4)  et  le  tubicinat  (5). 
Entre  les  sacerdoces  latins,  c'est  celui  de  Caenina  qui  paraît 
avoir  obtenu  le  plus  de  considération  (6).  Celui  de  Lauren- 

neuf  autres,  trois  sont  restés  dans  l'ordre  équestre  (C.  1.  L.  VI,  2169,  cu- 
rio minor,  —  VIII,  1174,  —  Henzen,  732=  C.  I.  L.  XI,  1330,  en  même  temps 
le  seul  sévir  eq.  R.  qui  ait  plus  tard  parcouru  la  carrière  équestre  ;  cf. 
p.  127,  note  3),  six  sont  entrés  dans  le  sénat  ;  le  curionat  est  au  début  ab- 
solu de  la  carrière  chez  quatre  des  sénateurs  (II,  1262,  curio  minor, —  IX, 
2213,  —  X,  6439=  VI,  1578,  —XII,  4354);  chez  deux  autres,  il  est  après  la 
questure  (VI,  3845  =  Eph.  ep.  IV,  831,  —  X,  3761).  Sur  le  curio  minor,  cf. 
tome  VI,  1,  p.  112,  note  3. 

(1)  Nous  n'en  connaissons  pas  d'autre  sous  l'Empire  qu'Eprius  Marcel- 
lus,  consul  en  74  {C.  1.  L.  X,  3853). 

(2)  C.  /.  L.  XI,  2106  =  Wilmanns,  1193,  de  Clusium  :  M.  Fabio  M.  f. 
Quir.  Magno  Valeriano  Xvir.  stlitib.  jud.,  trib.  laticl...,  XVvir.  s.  f.,  q.  cand., 
VIvir.. .,  tr.  pi.,  pr.,  Luperco.  L.  Grepereius  Rogatus.c.  v.,  de  l'inscription 
C.  I.  L.  VI,  1397  s'appelle  pontifex  dei  Solis  (par  conséquent  pas  avant  Au- 
rélien),  septemvir  et  insignis  Lupercus,  de  même  le  fils  de  G.  Julius  Galerius 
Asper  consul  en  212,  nepos  de  G.  Julius  Asper  bis  co(n)s(ulis)  également 
en  212  [et  prd\ef{ecti)  [urbi]  du  fragment  Notizie  degli  scavi,  1887,  p.  72  (ici 
d'après  la  copie  meilleure  de  Gatti)  :  [Vll]vir  epulonum,  Lupercus.  Mais,  ces 
deux  derniers  n'indiquant  pas  de  magistratures,  ils  seront  restés  dans  l'or- 
dre équestre  comme  l'empereur  Claude.  En  dehors  de  ces  sénateurs  et  de 
ces  chevaliers  de  rang  sénatorial,  on  ne  trouve  parmi  les  nombreux  luperci 
que  des  chevaliers  ordinaires. 

(3)  C.  I.  L.  VI  3720  =:  Eph.  ep.  IV,  759.  VIII,  10500.  IX,  705.  3609.  Handb. 
6,  327. 

(4)  Vita  Macrini,  7.  Cl.L.  VI.  1598.  1607.  1620.  1625  b.  X,  3901.  5393.  XIV, 
2922.  Orelli,  643.  Henzen,  5769  =  C.  I.  L.  XIV,  2900.  Henzen,  6642.  Hand- 
buch,  6,  244. 

(5)  C.  I.  L.  IX,  3609.  5393.  6101.  Handbuch,  6,  436. 

(6)  C'est  ce  que  montre  notamment  le  fragment  de  Falerii  {C.  1.  L.  XI, 
3103=  Bull,  dell'lnst.  1864,  p.  111)  :....  Cxniniensi  a  poi...  (cf.  tome  III, 
la  partie  du  Grand  Pontificat,  sur  la  nomination  des  prêtres  par  les  pontifes) 
[Xviro  stlitib]bus  judicandis,  trib.l...,  selon  lequel  ce  sacerdoce  était  parfois, 
tout  comme  le  curionat,  occupé  par  des  chevaliers  de  rang  sénatorial.  Ce 
sacerdoce  est  également  attribué  Orelli,  90  =  C.  I.  L.  XI,  2699,  à  un  séna- 
teur, mais  il  y  est  mis  à  part  de  ses  fonctions  sénatoriales.  Les  autres 
exemples  comme  C.  1.  L.  V,  4059.  5128.  VI,  1598.  IX,  4885.  4886.  X,  3704. 
XII,  671.  C.  1.  AU.  III,  623.  624,  appartiennent  à  des  chevaliers  distin- 
gués de  rang  non-sénatorial. 


LES  CHEVALIERS.  181 

tum,  dans  le  sein  duquel  il  existe  des  divisions  et  des  grada- 
tions multiples  (p.  193,  note  2),  peut  ne  pas  lui  avoir  été  infé- 
rieur pour  ses  degrés  les  plus  élevés  (1);  pour  les  autres  de- 
grés, il  est  le  plus  vulgaire  et  le  plus  inférieur:  on  y  trouve 
fréquemment  des  chevaliersde  la  plus  basse  catégorie  et,  depuis 
Commode,  des  personnes  qui  n'ont  pas  le  rang  équestre  ou 
môme  des  affranchis  (2). 

Les  sacerdoces  équestres  n'étaient  pas  dépourvus  de  toute 
valeur  pratique:  ils  procuraient  certaines  immunités  (3).  Mais 
c'étaient  principalement  des  distinctions  honorifiques  analogues 
à  nos  décorations.  La  relation  plus  intime  dans  laquelle  le  prince 
est  avec  le  second  ordre  se  manifeste  encore  ici  en  ce  que  tout 
au  moins  tous  les  sacerdoces  personnels  (4)  et  peut-être  en 
outre  les  places  des  collèges  des  curions  et  des  luperci  sont 
donnés  par  l'Empereur,  tandis  que  c'est  la  cooptation  qui  pré- 
domine pour  les  sacerdoces  sénatoriaux. 

(1)  On  trouve  encore  ici  un  clarissimus  vir  quœstor  designatus  (C.  L  L.  V, 
7782),  et  la  carrière  du  sénateur  Ti.  Glaudius  Glaudianus  du  temps  de  Sé- 
vère (C.  /.  L.  VIII,  7978)  s'ouvre  également  par  cette  place. 

(2)  Un  affranchi  parvenu  au  jus  anulorum,  mais  non  à  la  natalium  resti- 
tutio,  du  temps  de  Commode  :  C.  1.  L.  VI,  1847.  —  Un  lictor  proximus  : 
C.  I.  L.  VI,  1883.  —  Seviri  Augustales  :  C.  1.  L.  XIV,  295.  318.  —  Le  père 
d'un  fils  désigné  comme  chevalier  :  C.  L  L.  III,  6270. 

(3)  C.  I.  L.  X,  3704  :  Cum  privilegio  sacerdoti  Cseninensis  munitus  potuisset 
ab  honorib.  et  munerib.  facile  excusarl.  Ulpien,  Vat.  fr.  173  a.  Selon  la  cons- 
titution de  385,  C.  Th.  8,  5,  46,1a  position  occupée  dans  le  consortium  Lauren- 
tum  doit  avoir  exempté  pendant  un  certain  temps  des  prestations  relatives 
au  service  de  la  poste.  Peut-être  est-il  fait  allusion  à  de  tels  privilèges  par 
les  mots  :  Pro  conlatis  in  se  beneficiis  equestr.  ord.  (p.  150,  note  2). 

(4)  Cf.  le  tome  V,  sur  la  Nomination  des  prêtres  par  l'empereur. 


LES  CITES  DE  DEMI-CITOYENS. 


Après  avoir  exposé  la  condition  juridique  du  peuple  et  de 
ses  membres,  il  nous  reste  à  étudier  celle  des  cités  qui  dépen- 
dent de  Rome.  L'Etat  romain  s'est  transformé  en  empire  uni- 
versel, plus  encore  que  par  l'accroissement  direct  du  nombre 
de  ses  citoyens,  par  l'adjonction  d'États  clients  dont  le  régime 
se  compose  sans  exception  de  deux  éléments  :  de  dépendance 
légalement  déterminée  par  rapport  à  l'État  romain,  d'une  part, 
et  d'indépendance  politique,  d'autre  part.  La  manière  dont  sont 
mélangés  et  formulés  ces  deux  termes  opposés  et  rigoureuse- 
ment incompatibles  de  la  sujétion  et  de  la  souveraineté  a  fait 
naître  des  formes  très  multiples,  mais  toujours  hybrides  :  le 
droit  de  cité  sans  suffrage,  ou,  comme  nous  l'appellerons,  le 
demi-droit  de  cité,  et  les  différentes  espèces  d'alliance  dépen- 
dante que  nous  allons  étudier  successivement.  Si  l'empire 
de  Rome  tel  qu'il  se  manifeste  ici  peut  être  désigné  comme 
une  fédération  d'États,  ou  mieux,  les  institutions  républicaines 
de  la  cité  dominante  passant  d'elle  aux  cités  dominées,  comme 
une  fédération  de  villes,  la  transformation  du  droit  de  cité  de 
la  cité  dominante  en  droit  de  cité  de  l'empire  et  de  celui  des 
cités  dominées  en  droit  de  cité  municipale  y  a  fait  naître  la 
distinction,  théoriquement  et  pratiquement  nouvelle,  de  l'état 


LES  CITÉS  DE   DEMI-CITOYENS.  183 

et  de  la  ville,  en  a  fait  Pempire  composé  de  cités  de  citoyens  ro- 
mains complets.  Nous  terminerons  notre  étude  par  le  tableau  de 
la  condition  juridique  de  ces  cités  de  citoyens  romains  com- 
plets, c'est-à-dire  par  la  théorie  du  droit  municipal,  considéré 
dans  ses  traits  généraux. 

La  cité  de  citoyens  de  condition  inférieure,  que  nous  dési-  Cis3™Sioe 
gnerons  ici,  pour  plus  de  brièveté,  du  nom  de  cité  de  demi-ci- 
toyens, est  appelée  par  les  Romains  civitas  sine  suffragio  (1), 
ou  encore  municipium  civium  Romanorum  (2),  seconde  expres- 
sion au  sujet  de  laquelle  on  se  rappellera  qu'au  temps  de  l'in- 
troduction de  cette  institution,  il  n'y  avait  pas  encore  de  muni- 


(1)  Civitas  sine  suffragio  :  Tite-Live,  8,  14,  10.  c.  17,  12.  Velleius,  1,  14,  3  ; 
civitas  sine  suffragii  latione:  Tite-Live,  9,  43,  24;  municipes  sine  suffragii 
jure:  Aulu-Gelle,  16, 1  3,  7.  Il  n'y  a  pas  d'expression,  nettement  frappée, 
pour  désigner  le  terme  opposé,  la  cité  complète.  Civitas  sans  autre  qualifi- 
cation, est  aussi  souvent  employé  pour  la  demi-cité  que  pour  la  cité  com- 
plète. Il  se  rencontre  comme  désignant  le  demi-droit  de  cité  même  dans  des 
textes  où  civitas  se  trouve  à  côté  de  civitas  sine  suffragio.  La  civitas  des  Fun- 
dani  et  des  Formiani  dans  Velleius,  lot.  cit.,  est,  sans  discussion  possible, 
la  civitas  sine  suffragio,  qu'il  mentionne  en  termes  exprés  immédiatement 
auparavant  pour  les  Samnites.  Dans  Tite-Live,  8,  14,  on  ne  peut  pas  con- 
clure de  ce  qu'il  ajoute  sine  suffragio  à  civitas  pour  les  Gampani,  les  For- 
miani et  les  Fundani  que,  par  exemple,  la  civitas  des  Tusculans  et  des 
Lanuviens  soit  la  cité  complète  (VI,  l,p.  198,  note  2).  La  civitas  attribuée  aux 
Arpinates  dans  Tite-Live,  10,  1,  ne  peut  être  que  la  cité  inférieure.  —  En 
revanche,  civitas  ne  désigne  pas  seulement,  dans  les  textes  cités  de  Tite-Live 
et  de  Velleius,  tantôt  le  demi-droit  de  cité  et  tantôt  le  droit  de  cité  com- 
plet ;  les  annales  considèrent  souvent  ce  dernier  comme  le  seul  droit  de 
cité  ;  car  elles  ignorent  fréquemment  le  droit  de  cité  théorique  des  demi- 
citoyens  et  traitent  ces  derniers,  irrégulièrement  en  droit  et  politiquement 
avec  raison,  comme  des  alliés  (p.  190,  note  3).  Cette  incertitude  de  langage 
vient-elle  des  écrivains  qui  nous  sont  parvenus  ou  n'y  avait-il  pas  de  ligne 
de  démarcation  rigoureuse  dans  l'ancienne  langue  juridique  elle-même, 
c'est  là  une  question  dont  la  solution  nous  échappe.  —  La  terminologie 
grecque  n'a  pas  d'expression  pour  la  civitas  sine  suffragio  ;  nous  montre- 
rons dans  la  partie  du  Droit  latin,  qu' îcroTroXiTeca,  comme  en  latin  civitas, 
se  dit  également  du  droit  cité  complet  et  du  demi-droit  de  cité,  mais  ne  dé- 
signe pas  du  tout  techniquement  ce  dernier. 

{■!)  VI,  1,  p.  265.  Nous  étudions  dans  son  ensemble  la  signification  chan- 
geante avec  les  temps,  de  manicipium,  soit  plus  haut,  au  sujet  des  Corvées 
et  des  impôts  (VI,  1,  p.  262  et  ss.),  soit  plus  bas,  à  propos  du  Droit  municipal. 
Dans  notre  terminologie  à  nous,  il  est  préférable  d'employer  l'expression 
seulement  au  sens  restreint  où  l'emploie  le  droit  romain  moderne,  c'est-à- 
dire  exclusivement  pour  les  cités  de  citoyens  complets  en  y  comprenant  les 
colonies  de  citoyens. 


184  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

cipium  de  citoyens  complets  ayant  le  droit  de  suffrage.  C'est 
une  cité  autrefois  autonome  qui  est  entrée  dans  le  cercle  des 
citoyens  romains,  où  ses  membres  sont  soumis,  bien  qu'avec 
des  modifications,  aux  obligations  des  citoyens  romains,  mais 
ne  sont  ni  électeurs  ni  éligibles  dans  les  comices  romains,  et  où, 
par  suite,  toute  restriction  durable  et  héréditaire  du  droit  de 
cité  entraînant  une  certaine  séparation  entre  ceux  qui  y  sont 
soumis  et  l'ensemble  des  citoyens,  ils  forment  entre  eux  un 
groupe  plus  ou  moins  distinct,  personnellement  et  territoriale- 
ment  fermé. 
Limites  Ce  droit  de  cité  restreint  n'a  été  créé  que  relativement  tard, 

Ceïïo2a°ifsqduS  et  il  a  de  même  disparu  relativement  tôt.  Une  raison   suffirait 

demi-droit  de 

cité.  pour  l'exclure  de  la  constitution  romaine  primitive  :  c  est  que 
la  constitution  ancienne  n'admet  pas  de  cercles  séparés  dans 
le  sein  du  peuple  romain.  Mais  là  précisément  réside  l'impor- 
tance politique  de  l'institution.  C'est  la  plus  ancienne  des  for- 
mes hybrides  en  partant  desquelles  le  droit  de  cité  local  s'est 
développé  dans  l'État.  C'est,  en  un  certain  sens,  le  berceau  des 
futures  institutions  municipales  romaines.  Et,  à  ce  point  de  vue, 
plus  encore  que  pour  elle-même,  elle  mérite  un  examen  atten- 

tif  (i). 

La  première  cité  (2)  qui  entra,  dans  cette  condition,  fut  pro- 
bablement la  ville  étrusque  de  Caere,  de  laquelle  non  pas  il  est 
vrai  le  demi-droit  de  cité,  mais  l'une  de  ses  deux  formes  prin- 
cipales a  tiré  son  nom  (p.  198).  Il  n'existe  pas  de  témoignage 


(1)  Gomme  il  y  a,  dans  cette  exposition,  moins  à  tenir  compte  des  témoi- 
gnages généraux  que  des  données  relatives  aux  différentes  villes,  un  aperçu 
historique  d'ensemble  paraît  indispensable.  On  ne  peut  arriver  à  se  faire 
un  jugement  sur  la  question  qui  nous  occupe  que  par  la  connaissance 
précise  de  l'histoire  isolée  des  différentes  villes  ;  les  documents  fondamen- 
taux sont  les  deux  listes  de  cités  de  demi-citoyens  de  Festus  (VI,  1, 
p.  265,  note  1). 

(2)  Aulu-Gelle,  16,  13,  7  :  Primos  municipes  sine  suffragii  jure  Cserites  esse 
factos  accepimus  ;  et  il  rattache  ensuite  la  chose  à  l'incendie  de  Rome  par 
les  Gaulois.  Il  ne  faut  pas  attacher  trop  de  poids  à  cette  priorité,  parce 
qu' Aulu-Gelle,  dans  son  exposition  d'ailleurs  confuse,  s'occupe  peut-être 
non  pas  du  demi-droit  de  cité  lui-même,  mais  du  droit  des  Cœrites  qui  en 
est  l'une  des  variétés. 


LES   CITES   DE    DEMI-CITOYENS-  185 

digne  de  foi  sur  la  date  de  l'entrée  des  Caerites  dans  cette  con- 
dition ;  la  tradition  postérieure  semble  avoir  rattaché  le  fait  à 
l'incendie  de  Rome  par  les  Gaulois  (1).  Le  demi-droit  de  cité  a 
en  outre  été  conféré  très  tôt  à  un  certain  nombre  de  villes  la- 
tines, à  Tusculum,  selon  la  tradition, en  373  (VI,  l.p.  198,  note 
2)  ;  puis  après  la  grande  guerre  latine  de  416,  à  toutes  les  an- 
ciennes cités  latines  (2)  sauf  Préneste,  ïiburet  un  petit  nombre 


(1)  La  tradition  connaît  deux  faits  concernant  les  Caerites  :  les  services 
qu'ils  rendirent  aux  Romains  lors  de  l'invasion  des  Gaulois  et  leur  pré- 
sence à  la  tète  de  la  pire  catégorie  des  cives  sine  suffragio.  Le  second  fait 
est  attesté  par  la  liste  de  Festus,  VI,  1,  p.  265,  note  1,  et  avant  tout  par  l'institu- 
tion des  tabulae  Casritum  (p.  200,  note  2)  ;  les  deux  sont  rapportés  par  Stra- 
bon,  5,  2,  2,  p.  220,  et  il  fait  ressortir  la  lacune  existant  dans  le  récit  en 
blâmant  l'ingratitude  des  Romains  (ol  To>|xaTot...  où-/  Ixavûç  àuojxvr^ove-jo-at 
tt,v  -/apiv  a-jTot;  ôoTcoOa-iv).  On  ne  trouve  nulle  part  ailleurs  la  réponse  à  la 
question  de  savoir  comment  les  Gserites  arrivèrent  à  cette  situation.  L'ex- 
plication misérable  du  droit  des  Gserites  par  l'invasion  gauloise  donnée  par 
Aulu-Gelle  (16,  13,  7  :  Concessum  Mis,  ut  civitatis  Romanae  honorem  quidem 
caperent,  sed  negotiis  tamen  atque  oneribus  vacarent  pro  sacris  bello  Gallico  re- 
ceptis  custoditisque)  montre  que  l'on  se  posait  déjà  vainement  cette  question 
de  son  temps.  La  version  des  scolies  de  Cruquius  sur  Horace,  Ep.  1,  6, 
62.  qui  place  entre  les  deux  faits  une  défection  des  Caerites  ([sacra]  cum  ser- 
vassent  intégra,  pro  eo  beneficio  Caerites  civitate  donati  snnt  municipesque  facti; 
at posteaquam  ausi  sunt  Romanis  rebellare,  eis  devictis  iterumque  civitate  donatis 
jussuffragiorum  ademptum  est  censusque  eorum  in  tabulas  relati  et  a  ceterorum 
censibus  remoti  sunt)  est  sans  doute  rationnelle  ;  mais  la  double  concession 
du  droit  de  cité  est  très  problématique,  et  par  dessus  tout  cette  allégation 
est  dépourvue  de  toute  autorité;  c'est  probablement  l'invention  d'un  savant 
postérieur,  sinon  même  d'un  savant  moderne.  La  remarque  des  anciennes 
scolies  sur  le  texte  :  Victis  Cseritibus  Romani  in  percutiendo  fœdere  non  dede- 
runt  suffragii  ferendi  jus,  quod  ignominiosum  fuit,  a  dû  servir  de  fondement 
à  cette  amplification.  Tite-Live,  7,  19,  20,  rapporte,  sous  la  date  de  401,  une 
guerre  contre  les  Caerites  qui  se  termine  par  une  trêve  de  cent  ans  ;  Dion 
(fr.  33;  entre  364  et  481)  une  paix  entre  Rome  et  Caere,  dans  laquelle  cellt- 
ci  abandonne  la  moitié  de  son  territoire.  Au  moins  selon  la  version  de 
Tite-Live,  Caere  aurait  encore  possédé  et  conservé  son  indépendance  à 
citte  époque,  et  cette  version  est  en  contradiction  avec  celle  d'Aulu-Gelle, 
en  ce  qu'alors  le  demi-droit  de  cité  des  Caerites  n'aurait  pas  pu  encore  exis- 

er  en  401.  Mais  il  n'y  a  pas  à  se  fier  à  ces  relations  dans  lesquelles  il 
n'est  pas  fait  allusion  au  demi-droit  de  cité.  Il  n'y  a  pas  d'objection  essen- 
tielle contre  la  supposition  la-plus  naturelle,  selon  laquelle  le  demi-droit  de 
cité  aurait  été  établi  d'abord  pour  les  Caerites  etdèsleiv6  siècle  de  Rome. 

(2)  Tite-Live,  8,  14,  nomme,  outre  Tusculum,  qui  conserve  sa  condition 
antérieure,  Lanuvium,  Aricia,  Nomentum  et  Pedum  ;  Velleius,  1,  14,  Ari- 
cia  seulement.  Velitrae  doit  aussi  nécessairement  avoir  changé  alors  son 
autonomie  pour  le  demi-droit  de  cité  (C.  /.  L.  X,  p.  651).  L'idée  qu'il  s'agit  du 
demi-droit  de  cité  est  confirmée,  en  laissant  de  côté  Tusculum  (VI,  1,  p.  198, 


186  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

d'autres  qui  furent  admises  à  renouveler  leurs  traités  (1)  ;  en 
même  temps,  à  Fundi  et  à  Formiœ,  dans  le  pays  des  Volsques  (2), 
et  bientôt  après  à  la  plupart  des  autres  villes  des  Volsques  (3); 
toujours  en  416,  en  Campanie,  d'abord  à  Capua,  (4)  et  de  même 
à  Gumae  (5),  à  Teanum  (6)  et  à  un  certain  nombre  de  peti- 
tes localités  (7);  en  448,  à  la  ville  hernique  d'Anagnia(8);  vers 
la  même  époque,  à  la  cité  des  ^Eques  (9);  enfin,  en  464,  aux 
villes  des  Sabins  (10).  En  même  temps  que  le  demi-droit  de 
cité  était  attribué  à  ces  communes,  on  a  fréquemment  et  par- 


note  2)  par  la  mention  de  Lanuvium  et  d'Aricia  dans  la  liste  de  Festus.  On 
ne  peut  décider  si  l'inscription  bilingue,  probablement  de  Delos,  Eph.  ep. 
V,  n.  186,  dans  laquelle  le  défunt  est  appelé  Lanuinus  dans  le  texte  latin,  et 
'Pwfjiaïoç  dans  le  texte  grec,  appartient  à  l'époque  où  Lanuvium  avait  le 
demi-droit  de  cité  ou  à  celle  où  elle  avait  le  droit  de  cité  complet. 

(1)  Aux  cités  nommées  (Tite-Live,  8,  14),  il  faut  sans  doute  ajouter  la 
vieille  cité  latine  de  Gora  (C.  7.  L.  X,  p.  645). 

(2)  Tite-Live,  8,  14  ;  Denys,  15,  7;  Vell.  1,  14.  Elles  sont  toutes  deux  dans 
la  liste  de  Festus.  Cf.  C.  I.  L.  X,  p.  602. 

(3)  Satricum  non  loin  de  Fregellse  avant  l'an  435  (VI,  1,  p.  374,  note  1), 
Arpinum  en  451  (Tite-Live,  10,  1). 

(4)  Tite-Live,  8,  14.  Velleius,  1, 14.  C.  L  L.  X,  p.  365. 

(5)  Tite-Live,  loc.  cit.;  Festus,  dans  les  deux  listes;  C.I.L.  X,  p.  350. 
Dans  la  liste  des  présents  faits  pour  les  sacrifices  à  Delos  rédigée  en  574 
(Homolle,  Bull,  de  corr.  Hell.  6,  45,  ligne  147),  il  figure  un  M-vcctoç  Mtvaxou 

(S)TYjlOÇ  lPa)[Jt.aÏ0Ç    tv.    KufJLYjÇ. 

(6)  C.  1.  L.  X,  p.  471.  La  preuve  décisive  que  les  Sidicini  ont  eu  le  droit  de 
cité,  malgré  les  doutes  que  pourrait  faire  naître  l'absence  de  témoignages 
exprès  et  leur  droit  de  battre  monnaie  qui  ferait  plutôt  penser  à  un  rapport 
d'alliance  (p.  204),  résulte  de  leur  service  dans  les  légions  campaniennes  (p. 
201,  note  6). 

(7)  Il  faut  signaler  Acerrse  à  raison  de  l'intégrité  spéciale  de  la  tradi- 
tion qui  la  concerne.  Tite-Live,  8,  17,  sur  l'an  422  :  Romani  facti  Acerrani 
lege  ab  L.  Papirio  praetore  lata,  qua  civitas  sine  suffragio  data.  Velleius,  1,  14: 
lnsequentibus  consulibus  ac  Sp.  Postumio,  Philone  Publio  censoribus,  (an  422) 
Acerranis  data  civitas.  Festus  cite  également  les  Acerrani  dans  ses  deux  lis- 
tes. Il  en  est  de  même,  peut- on  établir,  d'Atella  (Festus)  et  Suessula  (Tite- 
Live,  8,  14,  11)  et  sûrement  encore  de  Galatia,  Gaiatia  (C.  /.  L.  X,  p.  444), 
Gasilinum  (C.  I.  L.  X,  p.  369)  et  d'autres  localités  de  Gampanie. 

(8)  Tite-Live,  9,  43,  sur  l'an  448  :  Anagninis...  civitas  sine  suffragii  latione 
data,  concilia  conubiague  adempta  et  magistratibus  praeterquam  sacrorum  cura- 
tione  interdictum.  C.  I.  L.  X,  p.  584. 

(9)  Ce  sont  les  futurs  JEquiculi,  le  Gicolano  actuel,  c'est-à-dire  ce  qui 
restait  encore  de  l'ancien  territoire  des  ^Eques  après  la  fondation  des  colo- 
nies d'Alba  et  de  Garsioli. 

(10)  Velleius,  1,  14.  C.  /.  L.  IX,  p.  396.  Gela  se  rapporte  notamment  à 
Cures,  à  Reate  et  à  Amiternum. 


LES  CITÉS   DE   DEMI-CITOYENS.  187 

fois  avec  une  grande  largeur  donné  le  droit  de  cité  complet  à 
des  citoyens  isolés,  qui  n'en  restaient  pas  moins  membres  de 
la  cité  de  demi-citoyens  (I).  Il  y  a  eu  une  époque  où  la  plu- 
part des  villes  étaient  incorporées  de  cette  façon  à  l'État  ro- 
main, dans  les  pays  des  Latins, des  iEques,des  Sabins,des  Herni- 
ques,  des  Volsques  et  des  Campaniens,  c'est-à-dire  en  somme 
dans  l'Italie  centrale  proprement  dite.  Ce  procédé  a  été  employé 
non  pas  exclusivement,  mais  au  moins  d'abord  et  principalement 
en  face  des  cités  de  race  étrangère.  Les  cités  de  nationalité  la- 
tine auxquelles  on  a  imposé  le  droit  de  cité  romaine,  ont  en  gé- 
néral été  admises  aussitôt  au  droit  de  cité  complet  ou  tout  au 
moins  ne  sont  pas  restées  longtemps  dans  le  demi-droit  de  cité 
(VI,  1,  p.  198).  La  différence  de  nationalité  constituait  un  obstacle 
à  la  communauté  militaire  complète,  qui  était  la  conséquence 
forcée  de  l'admission  parmi  les  citoyens  avec  égalité  de  droit, 
et  ce  fut  là  probablement  la  première  cause  qui  fit  établir  l'ins- 


(1)  Quand,  selon  Tite-Live,  la  civitas  Romana  est  donnée,  en  414,  aux  1600 
équités  Campani  restés  fidèles  (8,  il,  15  :  Eguitibus  Campanis  civitas  Romana 
data,  monumentoque  ut  esset,  aeneam  tabulam  in  sede  Castoris  Romse  ftxerunt) 
et,  en  416,  le  demi-droit  de  cité  aux  autres  Campaniens  (Tite-Live,  8,  14, 10  : 

Campanis  equitum  honoris  causa civitas  sine  suffragio  data  est),   il  ne  peut 

s'agir,  pour  les  premiers,  que  du  droit  de  cité  complet.  C'est  pourquoi  il 
est  dit  plus  bas,  23,  o,  9  :  Civitatem  nostram  magnx  parti  vestrum  dedimus 
communicavimusque  vobiscum.  En  outre,  il  fut  attribué  à  ces  individus  et  à 
leurs  descendants  une  pension  payée  par  le  trésor  de  Capoue  et  liée,  sem- 
ble-t-il,  à  une  obligation  de  servir  à  cheval  dans  la  levée  de  Campanie 
(Tite-Live,  8,  11,  16:  Vectigal  quoque  eis  Campanus  populus  jussus  pendere  in 
singulos  quotannis  —  fuere  autem  mille  et  sescenti  —  denarios  nummos  qua- 
dragenos  quinquagenos) .  Les  cavaliers  campaniens  cités  p.  189,  note  3,  étaient 
sans  doute  les  descendants  de  ces  Campaniens  ayant  la  cité  complète. 
Peut-être  cette  pension  était-elle  une  compensation  des  émoluments  reve- 
nant au  civis  Campanus  en  cette  qualité  et  probablement  enlevés  à  ces  ca- 
valiers par  leur  acquisition  de  la  cité  romaine  complète.  La  disposition 
selon  laquelle  la  cavalerie  campanienne  se  compose  à  titre  durable  de  ci- 
toyens complets  est  analogue  à  la  concession  du  droit"  de  cité  romaine  faite 
aux  familles  de  magistrats  des  villes  de  droit  latin.  Ni  les  uns  ni  les  au- 
tres n'acquéraient  en  fait  un  droit  de  suffrage  ayant  une  importance  ;  car 
leurs  immeubles  se  trouvaient  en  général  en  dehors  des  tribus.  L'éligibi- 
lité a  peut-être  aussi  été  enlevée  à  ces  citoyens  romains  complets  domiciliés 
à  Capoue,  comme  aux  Latins  admis  au  droit  de  suffrage.  Mais  leur  privi- 
lège gardait  une  valeur  pratique  au  point  de  vue  de  la  provocatio  et  d'au- 
tres droits  importants. 


188  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

titution  des  cités  de  demi-citoyens.  Mais,  de  même  que  topo- 
graphique ment  elle  ne  paraît  pas  avoir  sensiblement  dépassé 
les  limites  indiquées  (1),  elle  ne  s'est  non  plus  chronologique- 
ment maintenue  que  peu  de  temps,  sans  doute  en  partie  par 
suite  delà  latinisation  croissante  de  l'Italie.  La  concession  de  ce 
droit  faite  aux  Sabins  en  464  est  la  dernière  qui  nous  soit  con- 
nue, et  la  plupart  des  cités  auxquelles  il  avait  été  conféré 
semblent  être  parvenues  assez  peu  de  temps  après  à  la  cité 
complète.  Le  cas  le  plus  ancien  que  nous  connaissions  de  trans- 
formation du  demi-droit  de  cité  en  droit  de  cité  complet  est 
celui  de  l'admission  des  Sabins  au  droit  de  suffrage  en  486  (2); 
le  plus  récent  dont  nous  ayons  la  preuve  est  celui  de  la  con- 
cession du  droit  de  suffrage  aux  Fundani,  aux  Formiani  et  aux 
Arpinates  en  566  (3).  La  plupart  des  cités  de  demi-citoyens 
sont,  à  moius  d'avoir  subi  des  catastrophes  spéciales  telles  que 
la  destruction  de  Capoue  en  544,  probablement  devenues  des 
cités  de  citoyens  complets  dès  avant  la  guerre  sociale;  quel- 
ques cités  de  Campanie  seulement,  par  exemple  Cumœ,  n'ont  sans 
doute  reçu  qu'alors  la  cité  complète.  La  cité  de  demi- citoyens 
fut  remplacée  politiquement  par  la  colonie  latine  et  la  colonie 


(1)  Au  nord  du  Tibre,  il  n'y  a  sans  doute  eu,  en  dehors  de  Csere,  que  Fa- 
lerii  et  Ferentium  (p.  194,  note  1)  dans  cette  condition.  La  pars  Samnitium 
qui  y  entra  en  même  temps  que  Gapoue  (Velleius,  1,  14)  doit  comprendre, 
outre  Teanum  (p.  186,  note  6),  les  villes-frontières  de  Venafrum  et  d'Allifse, 
qui  ont  sûrement  eu  le  demi-droit  de  cité,  puisqu'elles  figurent  parmi  les 
prxfecturœ. 

(2)  Velleius,  l,  14.  C.  L  L.  IX,  p.  396.  Cela  coïncide  probablement  avec 
les  assignations  de  terres  à  des  citoyens  romains,  faites  alors  sur  une  très 
grande  échelle,  mais  sans  déduction  de  colonies,  sur  le  territoire  sabin.  Le 
nombre  des  citoyens  romains  domiciliés  là  est  nécessairement  devenu  dé- 
sormais si  considérable  qu'il  a  semblé  opportun  d'assimiler  quant  aux  droits 
politiques  tous  les  propriétaires  de  la  population.  —  A  la  vérité,  il  est 
surprenant  que,  dans  la  liste  des  hommes  propres  au  service  de  529  (Po- 
lybe,  2,  24),  les  Sabins  soient  cités  avec  les  Étrusques  et  les  Gampaniens 
réunis  aux  Romains.  Mais  cela  s'explique  parla  considération  que,  parmi 
les  citoyens,  les  réserves  de  Rome  et  de  Campanie  n'étaient  pas  encore 
complètement  appelées,  tandis  que  celles  de  la  Sabine  l'étaient  déjà  pour  être 
envoyées  à  la  frontière  avec  la  levée  étrusque  ;  c'est  en  partant  de  là  et 
non  pas  directement  de  la  condition  politique  que  les  divisions  sont  faites. 

(3)  Tite-Live,  38,  36. 


LES   CITES   DE   DEMI-CITOYENS.  189 

de  citoyens.  Après  la  guerre  contre  Pyrrhus,  les  Romains  ont 
achevé  la  soumission  de  l'Italie  par  des  fondations  de  colonies 
et  ont  en  principe  laissé  tomber  l'ancien  système. 

Dans  l'étude  de  l'organisation  légale  des  cités  de  demi- 
citoyens,  il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  que  cette  condition 
juridique  est  fondée  pour  chaque  cité  sur  une  réglementation 
spéciale,  et  que  les  dispositions  particulières  décos  réglementa- 
tions ont  été  très  différentes.  Il  n'y  a  que  deux  caractères  qui 
se  retrouvent  également  dans  toutes  les  cités  de  demi-citoyens  : 
un  caractère  positif,  qui  est  la  possession  du  droit  de  cité  ro- 
maine, et  un  caractère  négatif,  qui  est  le  défaut  de  l'électorat  et 
de  l'éligibilité. 

Le  peuple  romain  et  ses  représentants   sont  souverains  sur  souveraineté  de 

x        x  *  Rome  sur  les 

les  citoyens  complets  pris  tant  dans  leur  ensemble  qe'individuel-    .  cltés, de 

«J  r  r  t.  demi-citoyens. 

lement  ;  ils  le  sont  de  même  sur  les  demi-citoyens  aussi  bien 
dans  leur  ensemble  qu'individuellement.  Le  demi-droit  de  cité 
a  pour  fondement  juridique,  d'une  part,  la  dédition  qui  a  en- 
levé à  la  cité  dont  il  s'agit  son  autonomie  antérieure  (1)  et, 
d'autre  part,  la  résolution  du  peuple  romain  qui  a  réglé  la  si- 
tuation de  cette  cité  (2).  Le  rapport  juridique  est  donc  dépourvu 
de  tout  élément  contractuel,  liant  le  peuple  romain.  Par  suite, 
le  peuple  peut  par  une  loi  donner  le  demi-droit  de  cité,  tout 
comme  le  droit  de  cité  complet,  soit  à  des  communes  soit  à  des 
individus  (3);   il  e'st  également  libre  de  transformer  par  un 


(1)  Cela  se  manifeste  clairement  dans  le  cas  politiquement  important  de 
la  soumission  de  Gapoue.  Après  que  les  Romains  ont  refusé  l'alliance  sol- 
licitée, les  Gampaniens  accomplissent  leur  soumission  :  Populum  Campanum 
urbemque  Capuam  agros  delubra  deum  divina  humanaque  omnia  in  vestram, 
patres  conscripti,  populique  Romani  dicionem  dedimus  (Tite-Live,  7,  31,  4),  et 
alors  les  Romains  demandent  à  leurs  alliés  les  Samnites,  ut  dediticiis  suis 
parcerent  neque  in  eum  agrum,  qui  populi  Romani  fac tus  esset,  hostilia  arma 
inferrent  (7,  31,  9). 

(2)  Telle  est  la  loi  Papiria  pour  Acerrœ  (p.  186,  note  7).  Il  doit  avoir  été 
fait  des  lois  du  môme  genre  pour  toutes  les  villes  de  demi-citoyens  ;  mais 
elles  sont  rarement  citées,  parce  qu'elles  n'avaient  qu'une  importance  de 
forme  à  côté  de  la  dédition  qui  était  politiquement  la  chose  décisive. 

(3)  Les  trois  cents  «  chevaliers  »  de  Gapoue  qui  servaient  en  538  dans 
l'armée  de  Sicile  (Tite-Live,  23,  7,  2),  probablement  les  descendants  des 
1600  mentionnés  p.  187,  note  1,  restèrent  bien  en  dehors  de  la   chute  de  la 


190  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

acte  unilatéral  le  demi-droit  de  cité  en  droit  de  cité  complet  (i) 
ou  encore  de  le  supprimer^).  Sous  tous  ces  rapports,  les  cités  de 
demi-citoyens  sont  exactement  le  contraire  des  cités  fédérées(3). 
poiïtïefdes  Dans  quelle  mesure  les  droits  personnels  appartenant  aux 
avTcRmre!19  citoyens,  appartiennent-ils  également  aux  demi-citoyens  ?  C'est 
là  une  question  qui  est  en  premier  lieu  tranchée  pour  chaque 
cas  particulier  par  la  résolution  des  comices  romains.  —  Le 
droit  de  provocation  peut  ne  pas  avoir  en  lui-même  appartenu 
aux  demi-citoyens;  car  il  a  pour  fondement  la  participation  aux 
comices;  mais  on  a  tout  au  moins  essayé  de  le  revendiquer  pour 
les  Campaniens  (4).  —  Le  conubium  était  accordé  aux  Campa- 
niens  (5)  et  refusé  aux  Anagnini  (p.  186,  note  8).  —  A  l'ad-. 


ville  ;  mais  leur  droit  de  cité  complet  fut  mis  en  question  par  la  destruction 
de  l'état  campanien  ;  car  il  était  lié  à  leur  service  à  cheval  dans  les  légions 
de  Gampanie  (quorum  hominum  essent,  scire  se  ipsi  negabant).  C'est  pourquoi 
une  loi  de  339  leur  rendit  leur  droit  de  cité  romaine,  en  leur  transférant  les 
droits  des  membres  de  la  cité  de  demi-citoyens  de  Gumes  (uti  municipes  Cu- 
mani  essent  pridie  quam  populus  Campanus  a  populo  Romano  defecisset,  Tite- 
Live,  23,  31). 

(1)  C'est  ce  que  montrent  notamment  les  lois  de  566  (p.  188,  note  3). 

(2)  C'est  ce  qui  arriva  en  435  pour  Satricum  près  d'Arpinum  (VI,  1, 
p.  374,  note  1)  et  en  544  pour  Capoue.  On  remarque  à  cette  dernière  occasion 
(Tite-Live,  26,  33,  10)  per  senatum  agi  de  Campanis,  qui  cives  Romani  sunt, 
injussu  populi  nonposse.  Cf.  VI,  1,  p.  156. 

(3)  Sans  doute  ce  rapport  est,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué  (p.  183, 
note  1),  souvent  regardé  dans  les  relations  des  annales,  comme  un  rapport 
d'alliance.  Ainsi  de  la  façon  la  plus  précise  dans  Tite-Live,  au  sujet  de 
Capoue,  23,  5,  9  :  Fœdus  œquum...  dediticiis  dedimus,  de  même  9,  6,  5.  8.  c.  7, 
1.  c.  10,  1.  23,  5,  i.  c.  10,  1.  25,  18,  5.  31,  31,  10  ;  relativement  à  Cumes,  23, 
36,  8,  etc.  C'est  pourquoi  Aricia,  cité  de  demi-citoyens  de  la  catégorie  la 
plus  inférieure,  est  appelée  laudativement  par  Cicéron,  Phil.  3,  6,  15,  mu- 

nicipium vetustate  antiquissimum,  jure  fœderatum  ;  la  dénomination  mu- 

nicipium  appartient  en  droit  à  la  cité  de  demi-citoyens,  et  sa  loi  constitu- 
tive pouvait  par  politesse  être  regardée  comme  un  fœdus.  Au  point  de  vue 
politique,  on  peut  soutenir  que  les  cités  de  demi-citoyens  sont  plutôt  fé- 
dérées qu'incorporées  ;  au  point  de  vue  de  la  forme,  c'est  une  conception 
défectueuse.  —  Le  traité  de  réparation  conclu  entre  Rome  et  Lavinium  se 
place  à  l'époque  de  l'autonomie  de  Lavinium  et  trouvera  sa  place  dans  l'é- 
tude de  la  Ligue  latine. 

(i)  L'exécution  des  légionnaires  de  Gampanie  pris  à  Rhegion  et  conduits 
à  Rome  a  lieu  M.  Fulvio  (?)  Flacco  denuntiante,  ne  in  cives  Romanos  adversus 
morem  majorum  animadverteret  (Val.  Max.  2,  7,  15). 

(5)  Tite-Live,  23,  4,  7  :  Conubium  vetustum  multas  familas  claras  ac  p 'j- 
tentes  Romanis  miscuerat.  Cf.  c.  2,  6.  26,  33,  3. 


LES  GITES   DE   DEMI-CITOYENS.  194 

mission  du  commercium,  on  peut  objecter  qu'il  a  pour  base  natu- 
relle la  communauté  de  langue,  et  qu'elle  n'existait  pas  avec  les 
plus  anciennes  et  les  plus  importantes  cités  de  demi-citoyens 
telles  que  Caere  et  Capua;  ensuite  que  la  conception  des  cités  de 
demi-citoyens  comme  des  municipia  (VI,  1,  p.  265)  implique  bien 
leur  participation  aux  impôts  et  aux  corvées  du  peuple  romain, 
mais  que  cette  participation  n'amène  pas,  comme  celle  des  La- 
tins, à  faire  inscrire  les  contribuables  sur  les  rôles  de  l'impôt  fon- 
cier, que  les  cités  de  demi-citoyens  satisfont  à  l'impôt  dans  des 
formes  divergentes  étudiées  plus  bas.  Certainement  la  circons-    Exclusion  des 

,,,.■,  •■  tribus. 

cnption  reste  en  dehors  des  tribus,  quant  au  sol  et  quant  aux 
personnes  (I).  Donc  les  conséquences  de  droit  privé  qui  sont 
liées  à  la  tribu  ne  peuvent  pas  se  produire;  ainsi  par  exemple, 
l'immeuble  situé  à  Formiœ  ne  pouvait  pas  être  présenté  comme 
sûreté  à  l'État  dans  les  locations  publiques.  Mais  sans  doute  les 
demi-citoyens  auront  eu  la  propriété  sur  leur  sol,  d'après 
leur  droit  propre,  sinon  d'après  le  droit  romain,  et  les  fonds 
campaniens  ne  doivent  pas  avoir  été  regardés,  ainsi  que  furent 
plus  tard  les  fonds  provinciaux,  comme  non-susceptibles  de  pro- 
priété privée  ou  même  comme  appartenant  à  l'État.  On  ne  peut 
dire  en  principe  si  le  sol  qui  n'appartenait  pas  aux  particuliers 
était  regardé  comme  étant  sous  la  propriété  de  la  cité  de  demi- 
citoyens  ou  sous  celle  de  l'État.  L'accomplissement  par  des 
magistrats  du  peuple  romain  de  la  procuration  des  prodiges 
constatés  sur  le  sol  public  dans  des  cités  de  demi-citoyens  (2) 
pousserait  à  se  prononcer  dans  le  dernier  sens.  Au  contraire, 


(1)  La  preuve  en  est,  d'une  part,  que  les  demi-citoyens  qui  sont  recen- 
sés à  Iiome  ne  sont  pas  inscrits  sur  les  listes  des  tribus,  mais  sur  le 
tableau  spécial  des  xrarïï  (p.  198,  note  M)  et,  d'autre  part,  que  la  concession 
de  la  tribu  accompagne  l'accès  de  cités  de  demi-citoyens  à  la  cité  com- 
plète (Tite-Live,  38,  36). 

(2)  Le  groupement  des  cas  que  j'ai  donné  en  tête  de  l'Obsequens  de  Jahn, 
p.  XVIII  et  ss.,  montre  suffisamment,  en  dépit  des  corrections  qu'il  y  au- 
rait à  y  faire  par  suite  des  progrès  de  ces  recherches,  que  la  nuntiation 
allait  en  principe  à  Rome  des  cités  de  citoyens  et  de  demi-citoyens,  mais 
non  des  villes  alliées.  A  la  vérité,  il  ne  manque  pas  d'exceptions,  et  on  ne 
pourrait  pas  tirer  de  la  nuntiation  une  conclusion  certaine  sur  la  condi- 
tion des  diverses  cités. 


192  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

on  peut  invoquer,  comme  preuve  qu'au  moins  dans  le  territoire 
de  Gapoue  les  terres  non-privées  étaient  la  propriété  de  la  ville 
de  Capoue,  le  fait  que  les  Romains  établirent  ià  des  douanes 
peu  après  la  destruction  de  la  cité  (i),  et  que  ce  fut  par  consé- 
quent seulement  cette  destruction  qui  leur  fit  revenir  la  pro- 
priété des  terres  publiques  campaniennes.  Il  peut  facilement 
y  avoir  eu  à  ce  sujet  des  dispositions  différentes  dans  les  di- 
verses cités. 

L'exclusion  de  la  tribu  est  la  première  cause  de  la  condition 
politique  distincte,  indépendante  du  domicile  et  durable  et  héré- 
ditaire comme  le  droit  de  cité  lui-même,  qui  est  celle  dupeuple 
de  toutes  les  cités  de  demi-citoyens.  En  effet,  leur  participation  à 
l'impôt  est  attestée  par  leur  désignation  du  nom  de  municipia, 
et  leur  participation  au  service  militaire  peut  être  établie,  au 
moins  pour  une  partie  d'entre  elles;  or,  généralement  c'est  par 
tribus  que  se  font  la  levée  des  impôts  et  des  soldats.  Nous 
allons  essayer  ici  de  rassembler  ce  que  l'on  sait  ou  ce  que  l'on 
peut  conjecturer  sur  la  condition  politique  distincte  des  cités  de 
demi-citoyens. 

Les  sacra  des        Les  institutions  religieuses  des  cités  de  demi-citoyens  sub- 
cités de  ^  J 
demi-citoyens  sistent  sans  modifications  après  l'absorption  de  ces  cités  dans 

l'État  romain;  mais  elles  sont  transportées  à  la  cité  romaine, 
dans  une  forme  ou  dans  une  autre  (2).  Les  institutions  religieu- 
ses des  villes  de  demi-citoyens  de  même  nationalité  passent  di- 
rectement parmi  les  institutions  religieuses  romaines  :  on  peut 


(1)  Tite-Live,  32,  7,  3,  sur  l'an  555,  douze  ans  après  la  prise  de  Capoue  : 
Censores portoria  venallcium  Capux  Puteolisque...  fruendum  locarunt.  Ca- 
poue est  nommée  ici,  évidemment  à  cause  de  la  côte  appartenant  au  ter- 
ritoire de  la  ville  de  Capoue  (C.  /.  L.  X,  p.  356)  ;  son  partage  provoqué  par 
la  fondation  de  Volturnum  et  de  Liternum  eut  lieu  quelques  années  après. 

(2)  Cela  s'étend  aux  états  complètement  incorporés  dans  l'État  romain, 
à  l'époque  la  plus  ancienne,  avec  maintien  des  anciens  temples,  et  par  suite, 
sous  ce  rapport,  du  nom  de  l'état  disparu  :  il  en  fut  notamment  ainsi  d'Albe 
et  de  Cœnina.  Plus  tard  on  transporta  les  temples  à  Rome,  usage  dont  l'é- 
vocation de  la  Juno  regina  de  Véies  (Tite-Live  5,  22;  Denys,  43,  3)  est  le 
paradigme.  Entre  les  trois  classes  de  sacra  romains,  les  publica  au  sens 
étroit,  les  municipalia  (p.  194,  note  1)  et  les  peregrina  (Festus,  s.  v.,  p.  237; 
Verrius,  dans  Pline,  H.  n.  28,  2,    18),  ceux-ci  appartiennent  à  la  troisième. 


LES   CITÉS   DE   DEMI-CITOYENS.  193 

l'établir  pour  Tusculum  (1),  Lavinium  (2),  Lanuvium  (3), 
Aricia  (4).  Les  prêtres  de  ces  sacra  continuent  à  être  pris  dans 
la  cité  de  demi-citoyens  intéressée,  ou  du  moins  pour  Lavinium, 
après  son  incorporation  dans  la  cité  desLaurentins,  parmi  les 
Laurentins.  Mais,  lorsque  des  magistrats  y  participent,  ce  sont 
les  magistrats  romains  (5).  La  direction  religieuse  de  ces  sa- 


(1)  Le  sodalis  sacrorum  Tusculanorum  (C.  I.  L.  V,  5036)  et  le  sacerdos 
Tusculanus  fanitalis  (C.  1.  L.  IX,  2565)  ;  l'sedilis  lustr(a!is)  (C.  I.  L.  XIV,  2603, 
sénateur  du  temps  de  César,  et  2628  ;  œdilis,  C.  I.  L.  XIV,  2580)  ;  le  monitor 
sacrorum  (C.  1.  L.  XIV,  2603  ;  monitor,  C.  1.  L.  XIV,  2580)  et  le  prœfectus  sa- 
crorum (C.  I.  L.  XIV,  2580)  sont  certainement  des  prêtres  romains,  sous 
l'Empire,  des  prêtres  de  rang  équestre. 

(2)  Tous  les  prêtres  qui  sont  en  quelque  rapport  avec  les  sacra  de  La 
vinium  et  de  Laurentum,  —  on  trouve  nommés  les  pontifes,  les  augures,  les 
Gamines  de  Jupiter  et  de  Mars  et  un  flamen  lucularis,  les  saliens,  le  pater 
patratus  des  f  étiaux,  —  sont  des  prêtres  romains,  à  l'époque  récente,  des  prêtres 
de  l'ordre  équestre  (p.  179).  Lavinium  même  a  probablement  été  supprimé, 
en  416,  de  la  même  façon  qu'Albe,  et  l'administration  de  ses  sacra  a  été 
transportée  à  la  cité  de  Laurentum,  ainsi  que  l'expriment  énergiquement  et 
clairement  les  sacra  principia  populi  Romani  quiritium  nominisque  Latini  quai 
apud  Laurentes  coluntur  (C.  I.  L.  X,  797).  La  cité  de  Laurentum  subsista  au 
point  de  vue  politique,  tandis  qu'au  point  de  vue  religieux  elle  s'amalgama 
avec  Lavinium.  Cette  question  est  bien  traitée  p.  9  et  ss.  dans  la  dissertation 
deWilmanns  citée  p.  179,  note  4; au  contraire,  Dessau,  Cl.  L.  XIV,  p.  186, 
n'a  pas  donné  la  solution  juste.  —  Il  est  remarquable  que,  d'après  cela,  toute 
l'histoire  des  origines  de  Rome  a  pour  fondement  les  institutions  politiques 
du  commencement  du  cinquième  siècle;  si  ce  sacerdoce  n'était  pas  alors 
devenu  romain,  Enée  aurait  difficilement  fondé  Lavinium. 

(3)  Tite-Live,  8,  13,  2,  sur  l'an  416  :  Lanuvinis  civitas  data  sacraque  sua 
reddita  cum  eo,  ut  sedes  lucusque  Sospitae  Junonis  communis  Lanuvinis  muni- 
cipibus  (=  aux  demi-citoyens,  p.  183,  note  2)  cum  populo  Romano  esset.  Sur 
le  sacerdoce  romain,  plus  tard  de  rang  équestre,  cf.  p.  179.  Cette  dis- 
position doit,  une  communio  au  sens  strict  du  mot  ne  pouvant  exister 
entre  le  peuple  romain  et  une  cité  de  demi-citoyens,  être  interprétée  dans 
ce  sens  que  les  sacra  passent  intégralement  au  peuple  romain,  mais  que  le 
collège  pontifical  prend  leurs  prêtres  parmi  les  cives  Romani  Lanuvini,  tan- 
dis qu'en  revanche  les  magistrats  qui  participent  au  culte  de  Juno  Sospita 
sont  les  consuls  romains  (ci-dessous,  note  5). 

(4)  Le  culte  de  Diana  Nemorensis  dans  le  bois  sacré  d'Aricia  doit  avoir 
été  soumis  à  un  régime  analogue  à  celui  du  culte  de  Juno  Sospita  à  Lanu- 
vium; les  fonctions  du  flamen  Virbialis,  qui  y  appartient,  constituent  un 
sacerdoce  équestre  (C.  L  L.  X,  1493). 

(5)  C'est  un  point  certain  pour  Lavinium  (cf.  tome  II,  ce  qui  est  dit  du 
sacrifice  de  Lavinium,  dans  la  théorie  de  l'Entrée  en  charge)  et  pour  Lanu- 
vium (Gicéron,  Pro  Mur.  41,  90  :  Nolite  a  sacris  patriis  Junonis  Sospitse, 
cui  omnes  consules  facere  necesse  est,  domesticum  et  suum  consulem  potissimum 
avellere).  Les  magistrats  supérieurs  nécessaires  aux  sacra  faisant  défaut  aux 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  13 


Autorité 
judiciaire. 


194  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

cra  appartient,  comme  celle  des  sacra  romains,  dès  le  principe, 
au  collège  des  pontifes  de  Rome,  et  les  sacerdoces  de  ces  cités 
de  demi-citoyens  entrent,  en  qualité  de  catégorie  nouvelle  co- 
ordonnée aux  plus  anciennes,  parmi  les  sacerdoces  romains.  — 
Les  sacra  des  villes  de  demi-citoyens  de  nationalités  différentes 
sont  également  subordonnés  aux  pontifes  romains  sous  le  nom 
de  sacra  municipalia  (1).  Mais,  comme  il  se  conçoit,  ils  sont  res- 
tés en  fait  dans  le  cercle  auquel  ils  appartenaient  à  l'origine,  et, 
quand  des  magistrats  ont  à  y  concourir  ce  ne  sont  pas  les  ma- 
gistrats romains;  ce  sont  comme  pour  Anagnia,  les  magistrats 
antérieurement  existants,  maintenus  seulement  ad  sacra  (2). 

L'autorité  judiciaire,  qui  est  l'expression  propre  de  la  souve- 
raineté de  l'État,  appartient  également  en  principe  ici  à  la 
cité  romaine,  à  ses  magistrats  et  à  leurs   représentants  (3).  Il 


cités  de  demi-citoyens  (p.  198),  il  fallait   procéder  ainsi  ou  recourir  à  l'ex- 
pédient d'une  magistrature  fictive  (ci-dessous,  note  2). 

(1)  Festus,  Ep.  p.  157  :  Municipalia  sacra  vocantur  quse  ab  initio  habuerunt 
ante  civitatem  Romanam  acceptam,  quae  observare  eos  voluerunt  pontifices  et 
eo  more  facere  quo  adsuessent  antiquitus.  Le  plus  ancien  municipium  civium 
Romanorwn  est  la  cité  de  demi-citoyens.  —  Ce  cercle  de  la  haute  surveil- 
lance des  pontifes  sur  les  sacra  qui  n'étaient  pas  romains  d'origine  est  dé- 
terminé plus  précisément  par  les  calendriers  italiques,  dont  les  archéolo- 
gues romains  avaient  connaissance,  d'après  les  renseignements  conservés 
par  Ovide,  Fast.  3,  87  et  ss.  6,  57  et  ss.  et  Censorinus,  20,  1.3.  22,  6  ;  car 
ces  renseignements  peuvent  être  rattachés  à  cette  haute  surveillance  qui  ne 
pouvait  être  séparée  de  la  connaissance  du  calendrier.  En  laissant  de  côté  la 
notice,  visiblement  ajoutée,  sur  le  temps  de  Junon  à  Tibur  et  à  Préneste 
dans  Ovide,  6,  61.  6:2,  et  les  Paeligni,  qui  viennent  certainement  de  lui,  on 
trouve  nommés  les  calendriers  des  ^Equiculi,  —  d'Albe,  —  d'Anagnia  (car 
c'est  à  elle  que  fait  allusion  la  mention  des  Herniques,  Fast.  3,  91),  —  d'Ari- 
cia,  —  de  Cures  chez  les  Sabins,  —  de  Falerii,  —  de  Ferentium  (car  c'est 
Ferentium  et  non  Ferentinum  qu'il  faut  découvrir  dans  le  ferenti  „  du  texte 
de  Censorinus,  20,  1),  —  de  Lanuvium,  —  de  Lavinium,  —  de  Laurentum, 
—  deTusculum  (il  doit  aussi  y  être  fait  allusion,  Fast.  3,  92).  Toutes  ces  loca- 
lités ou  n'ont  subsisté  qu'ad  sacra,  comme  Albe  et  Lavinium,  ou  ont  été 
des  cités  de  demi-citoyens.  Il  n'y  a  que  pour  Falerii  et  Ferentium  (près  de 
Viterbe)  que  nous  n'ayons  pas  dans  ce  sens  d'autre  témoignage  confirmatif  ; 
mais  rien  n'empêche  de  rattacher  leur  entrée  dans  cette  condition  à  la  guerre 
de  513. 

(2)  Cela  est  attesté  pour  Anagnia  (p.  186,  note  8)  et  il  n'y  a  pas  à  en 
douter  pour  Caere  et  les  autres  lieux  mis  sur  le  même  pied.  Cf.  p.  199, 
note  3. 

(3)  Tout  au  moins  Festus  n'accorde  pas  de  magistrats  (neque  tamen  ma- 
gistratus  suos  habebant)  aux  préfectures,  qui  comprennent  de  beaucoup  la 


LES   CITÉS   DE   DEMI-CITOYENS.  195 

n'y  a  probablement  eu  d'exception  que  pour  Capoue  qui 
était  encore  privilégiée  à  d'autres  points  de  vue  :  la  juridiction 
y  était,  selon  toute  apparence,  divisée  entre  les  magistrats 
romains  et  le  Meddix  tuticus  (1).  Quant  à  l'exercice  de  cette 
juridiction,  il  n'y  a  pas  de  différence  de  principe  entre  les 
cités  de  citoyens  et  celles  de  demi-citoyens.  Dans  les  unes  et 
les  autres  elle  a  pour  organes  le  préteur  romain  et  ses 
représentants  en  Italie,  les  prœfecti.  Dans  le  Latium  propre- 
ment dit,  la  justice  était  sans  doute  rendue  par  le  préteur 
romain  lui-même  aux  Tusculans  et  aux  habitants  d'autres  lieux 
mis  sur  le  même  pied;  cela  ne  faisait  pas  plus  de  difficulté 
pratique  que  la  soumission  à  la  même  juridiction  des  colonies 
de  citoyens  d'Ostie,  d'Antium  et  de  Terracine,  qui  est  hors  de 
doute.  Le  régime  organisé  pour  les  localités  plus  éloignées, 
consistant  à  ne  faire  venir  devant  le  préteur  que  les  affaires 
les  plus  importantes  et  à  faire  décider  les  moins  importantes 
par  des  représentants  locaux  de  ce  préteur  (prœfecti)  (2), 
a  fonctionné  aussi  bien  pour  les  cités  de  citoyens  complets  (3) 
que   pour  des    cités   de    demi-citoyens.    Mais,    notre  forme 


plupart  des   cités  de  demi-citoyens  ;   il  peut  d'ailleurs  s'agir  là   seulement 
des  magistrats  au  sens  éminent  du  mot,  des  titulaires  de  la  juridiction. 

(1)  Tite-Live,  23,  35.  24,  19.  V.  mes  Unteritalische  Dialekte,  p.  278.  A  Ca- 
poue, il  n'y  en  avait  probablement  qu'un  :  le  principe  romain  de  la  collé- 
gialité n'était  donc  pas  observé.  Où  l'on  trouve  deux  meddices  comme  à 
Messana,  c'est  sans  doute  un  résultat  des  influences  romaines.  La  juridic- 
tion du  meddix  est  attestée  par  le  reproche  fait  au  summus  magistratus  de 
Capoue  :  Ei  semper  parti  adesse,  secundum  eam  litem  judices  dare,  qux  magis 
popularis...  esset  (Tite-Live,  23,  4,  3).  On  ne  peut  même  pas  formuler  une 
supposition  sur  la  délimitation  de  compétence. 

(2)  Il  nous  est  seulement  rapporté  que  prœfecti  mittebantur  quotannis,  qui 
ius  dicerent  ;  mais  il  est  très  vraisemblable  qu'ils  n'avaient  qu'une  compé- 
tence limitée  et  que  le  préteur  se  réservait  les  procès  importants.  Les  tri- 
bunaux propres  de  la  juridiction  municipale  postérieure  ont  pris  partout  la 
place  des  préfets,  et  la  délimitation  de  compétence  qui  existait  pour  les  pre- 
miers a  difficilement  été  créée  seulement  pour  eux;  elle  a  probablement  été 
empruntée  à  ce  qui  existait  précédemment  pour  les  préfets  et  ensuite  géné- 
ralisée. 

(3)  Les  colonies  de  citoyens  de  Puteoli,  de  Volturnum,  de  Liternum  et 
de  Saturnia  étaient,  nous  en  avons  la  preuve,  des  prsefecturse.  Parmi  les 
fora  civium  Romanorum,  il  n'y  en  a  qu'un  dont  nous  puissions  établir  le 
caractère  de  prsefectura  :  c'est  Forum  Clodii  près  du  Bracciano  moderne, 
qui  en  était  une  tant  d'après  Pline,  H.  N.  3,  5,  52,  que  d'après  l'inscription 


ro  nains. 


196  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

d'annexion  ayant  été  principalement  appliquée  à  des  pays 
éloignés,  c'est  sans  doute  aussi  pour  les  cités  de  demi-citoyens, 
pnefecti  probablement  en  premier  lieu  pour  Caere,  que  les  prœfecti  ont 
été  introduits,  et,  en  laissant  de  côté  le  Latium  proprement 
dit,  toutes  les  cités  de  demi-citoyens,  y  compris  Capoue,  ont 
probablement  eu  chacune  son  pi*œfectus  jure  dicundo  (1).  La 
disposition  relative  à  ce  point  a  probablement  constitué  une 
partie  essentielle  de  toutes  les  lois  constitutives  de  cités  de 
cette  espèce  (2).  Au  reste,    la  localité   de  citoyens  complets 


récemment  découverte  (Gatti,  Bull,  délia  comm.  arch.  di  Roma,  1887,  p.  105 
=  C.l.  L.  XI,  3310  a)  des  Claudienses  ex  prœfectura  Claudia.  —  Si  les  sièges 
de  ces  préfets  étaient  désignés,  techniquement,  semble-t-il,  du  nom  de  loca, 
cette  expression,  la  plus  générale  de  toutes,  a  sans  doute  été  choisie  pour 
manifester  l'indépendance  du  statut  local  dans  laquelle  est  cette  institution. 
Ce  principe  fut  appliqué  notamment  pour  la  Capoue  postérieure  à  Hanni- 
bal.  Elle  resta  une  préfecture.  Or,  les  cives  Romani  Campani  perdirent 
leur  droit  de  cité  romaine,  et  par  conséquent  cette  circonscription  se  composa, 
pour  sa  population  indigène,  de  pérégrins.  Mais  il  a  déjà  été  expliqué  qu'un 
certain  droit  de  cité  fut  irès  vite  accordé  aux  dediticii  campaniens  (VI,  1, 
p.  158),  et  il  faut  par  suite  compter  la  Capoue  d'après  Hannibal  parmi  les 
cités  de  demi-citoyens  de  la  pire  condition;  au  reste  les  anciens  Campa- 
niens disparurent  postérieurement  dans  le  sein  du  peuple  romain. 

(1)  Sont  attestées  (où  il  n'y  a  pas  d'autre  indication,  par  la  liste  donnée 
dans  Festus,  s.  v.  p.  233),  outre  les  quatre  cités  de  citoyens  qui  vien- 
nent d'être  nommées  et  Forum  Clodii,  les  prœfecturœ  suivantes  :  en  Étru- 
rie,  *  Csere;  —  dans  le  pays  des  Sabins,  Nursia,  —  Amiternum  {CI.  L.  IX, 
p.  399),  —  Reate  (Festus;  C.  I.  L.  IX,  p.  438);  —  chez  les  Vestini,  Peltuinum 
(C.  /.  L.  IX,  p.  324)  ;  —  dans  le  pays  des  Herniques,*  Anagnia;  —  dans  ce- 
lui des  Volsques,  *  Fundi,  —  *  Formiae,  —  *  Privernum,  —  *  Arpinum,  — 
Atina  (C.  /.  L.  X,  p.  499),  —  Frusino;  —  en  Campanie,  Venafrum,  —  Allifse, 
—  *  Capua,  —  *  Cumas  ;  —  en  outre  les  cités  soumises  avec  elles  aux  prse- 
fecti  Capuam  Cumas  :  Casilinum,  —  *  Atella,  —  Calatia,  —  *  Acerrae,  — 
*  Suessula.  Sur  ces  21  cités,  les  11  qui  sont  marquées  d'une  étoile,  sont  ex- 
pressément désignées  comme  des  civitates  sine  suffragio,  et  la  même  condi- 
tion juridique  est  très  vraisemblable  pour  les  autres.  Festus  ajoute  qu'en 
dehors  des  22  endroits  cités  nominativement  par  lui,  il  y  avait  encore  quel- 
ques localités  (loca)  qui  étaient  des  préfectures. 

(2)  Festus,  loc.  cit.  :  Prœfecturae  ea?  appellabantur,  in  quibus  et  jus  diceba- 
tur  et  nundinae  agebantur  et  erat  qusedam  earum  res  publica,  neque  tamen 
magistratus  suos  habebant:  in  quas  (le  Ms.  :  Quahis)  legibus  (c'est-à-dire 
d'après  leur  loi  constitutive,  telle  qu'était  la  loi  Papiria  pour  Acerrae, 
p.  189,  note  2)  prœfecti  mittebantur  quotannis  qui  jus  dicerent.  Après  avoir 
étudié  les  prsfecti  Capuam  Cumas  élus  par  les  comices,  il  ajoute:  Alterum 
(genus  fuerat)  in  quas  ibant  quos  praetor  quotannis  in  quseque  loca  miserat  le- 
gibus. 


LES      ITES    DE   DEMI-CITOYENS.  197 

pouvant  elle-même  être  une  praefectura,  le  prœfectus  ne 
disparut  pas  forcément  avec  la  concession  du  droit  de  suffrage; 
probablement  il  ne  fut  supprimé  qu'après  la  guerre  sociale, 
à  la  suite  de  l'accroissement  de  l'autonomie  communale  qui  se 
produisit  alors  (1),  et  même  en  Gampanie  seulement  après  la 
fondation  de  la  colonie  de  César. 

L'existence  d'un  droit  propre,  fondé  sur  l'autonomie  et  stades9citi>sédeUX 
maintenu  vivant  par  elle,  tel  que  le  possède  la  ville  fédérée,  dernicit°yens- 
est  incompatible  avec  la  nature  de  la  cité  de  demi-citoyens. 
Mais,  de  la  même  façon  dont  les  Romains  ont  concédé  des 
statuts  locaux  aux  colonies  de  citoyens  et  plus  tard  aux  muni- 
cipes  de  citoyens,  des  lois  propres  ont  pu  être  données  aux 
cités  de  demi-citoyens.  Pour  Capoue,  on  peut  établir  que  cela 
a  eu  lieu  dès  le  moment  même  de  sa  fondation,  mais  natu- 
rellement d'une  certaine  façon  :  le  préteur  romain  qui  nomma 
le  premier  prœfectus  pour  Capoue,  régla  en  même  temps,  sans 
doute  en  vertu  d'une  loi  romaine,  le  statut  local,  de  sorte 
que  le  droit  antérieurement  existant  aura  pu  être  pris  pour 
base  quand  au  fond,  mais  que,  quant  à  la  forme,  ce  statut  local 
était  une  loi  romaine  médiate  (2).  De  la  sorte  le  demi-citoyen 
campanien  a  peut-être  eu  le  pouvoir  de  tester  selon  son  droit 
propre.  Il  est  possible  que  la  même  procédure  ait  été  suivie 
même  pour  les  cités  de  demi-citoyens  laissées  moins  libres. 
Si  à  Arpinum    les  sacra  ne  sont  pas  liés  aux  biens  (3),  cela 


(1)  Ce  point  est  traité  à  propos  de  la  juridiction  municipale.  La  déno- 
mination prœfecturse  s'est  maintenue,  au  moins  pour  des  cités  isolées,  jus- 
qu'au temps  de  l'Empire  ;  mais  il  ne  s'ensuit  aucunement  que  les  prsefecti 
aient  subsisté  aussi  longtemps  :  la  prœfectura  Amiternina  a  à  sa  tête  des 
octoviri  et  des  édiles  (C.  I.  L.  IX,  4182). 

(2)  Ce  sont  là  des  leges  datas,  Tite-Live,  9,  20  ;  cf.  tome  IV,  dans  la  théo- 
rie  du  Vigintisexvirat,  la  section  des  Vrxfecti  Capuam  Cumas.  Le  fait  que 
la  codification  a  lieu  sur  la  demande  des  Campaniens  n'y  change  rien  léga- 
lement; ce  n'est  d'ailleurs  sans  doute  qu'une  formule  palliative.  La  chose 
sainement  entendue,  il  est  parfaitement  digne  de  foi  que  les  Romains  aient 
laissé  leur  droit  aux  Campaniens  (Tite-Live,  23,  5  :  Leges  vestras  dedimus). 

(3)  Caton,  Orig.  I.  II,  fr.  61,  éd.  Peter  (VI,  1,  p.  21,  note  2).  Arpinum  reçut 
le  droit  de  cité  sans  suffrage  en  451,  le  droit  de  suffrage  en  566;  Gaton  songe 
probablement  à  l'état  juridique  primitif,  quoiqu'une  anomalie  de  cette  es- 
pèce ne  soit  pas  inconciliable  avec  le  droit  de  cité  complet. 


198  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

peut  tenir  au  statut  local;  mais  cela  peut  aussi  tenir  à  ce  qu'ils 
n'y  étaient  liés  à  Rome  qu'exclusivement  par  une  pratique 
pontificale  en  contradiction  avec  la  loi  (VI,  1,  p.  22).  Il  ne  peut 
y  avoir  eu  de  changement  des  institutions  existantes  opéré  d'une 
manière  autonome  qu'à  condition  que  le  statut  de  fondation 
romain  en  eut  donné  le  pouvoir  à  la  cité  de  demi-citoyens. 
Selon  que  les  cités  de  demi-citoyens  conservèrent  ou  non 
cités  de  demi-  leur  administration,  la  jurisprudence  romaine  en   distingua 

citoyens  avec  ou  t  t  .-...,-.. 

sans  autonomie  deux  catégories  :  la  civitas  sine  suffraqio  ordinaire  et  le  droit 

administrative  °  ' 

(droit  des      attribué  d'abord  à  Caere,  puis  à  Aricia  dans  le  Latium  et  à 

Cœntes.)  '    r 

Anagnia,  la  ville  des  Herniques,  et  probablement  encore  à 
d'autres  localités  (1). 

Les  cités  de  la  première  classe  ont  une  chose  publique  (res 
publica)  (2),  c'est-à-dire  leurs  magistrats  propres,  leurs  co- 
mices propres  (3)  et  leur  sénat  local  propre  (4).  Les  magis- 
trats étaient,  en  laissant  de  côté  ceux  probablement  exception- 
nels de  Gampanie,  les  magistrats  de  second  ordre  que  Ton 
rencontre  à   Rome  comme  édiles  curules  (5)  ;  la  constitution 


(1)  Nous  avons  expliqué,  VI,  1,  p.  265,  que,  dans  la  glose  de  Festus,  v.  Muni- 
cipium,  les  deux  variétés  du  municipium  civium  Romanorum  relatives  à  la  cité 
de  demi-citoyens  (la  troisième  concerne  la  cité  de  citoyens  complets)  sont  sé- 
parées par  cette  distinction.  Sans  doute  nos  sources  ne  mentionnent  pas  un 
»  droit  des  Caerites  »;  elles  mentionnent  seulement,  à  propos  du  cens,  les 
tabulx  Gseritum  (p.  200,  note  2);  mais  cependant  cette  expression  s'accorde 
avec  la  situation.  —  Les  trois  villes  nommées  dans  le  texte  sont  signalées 
par  Festus,  loc.  cit.  ;  son  témoignage  est  confirmé  pour  Anagnia  par  celui 
des  annales  (p.  186,  note  8).  Tite-Live,  8,  14,  réunissant  la  civitas  accordée 
aux  Aricini  et  celle  de  Nomentum  et  de  Pedum,  le  demi- droit  de  cité  de  ces 
dernières  doit  également  avoir  été  de  l'espèce  inférieure. 

(2)  Festus,  loc.  cit.  :  Cives  Romani  (qui)  semper  rem  publicam  separatim  a 
populo  Romano  haberent.  Il  est  également  permis  de  rapporter  à  ceci  la  quœ- 
dam  res  publica  des  préfectures  (p.  196,  note  2),  quoique  elle  ne  s'y  applique 
qu'a  potiori  ;  car  les  cités  inférieures  de  demi^citoyens  sont  aussi  des  pré- 
fectures. 

(3)  Leur  existence  résulte  de  celle  de  magistrats  ;  car  ces  derniers  ne 
peuvent  sortir  que  de  l'élection  populaire. 

(4)  Outre  le  sénat  campanien  (Tite-Live,  23,  2,  etc.),  le  senatus  Fundano- 
rum  est  cité  par  Tite-Live,  8,  19.  La  table  de  patronat,  C.  L.  I.  X,  n.  6231 
est  aussi  dressée  par  les  [consc]riptes  de  la  prœfectura  de  Fundi,  et  elle  ap- 
partient sans  doute,  —  elle  a  été  faite  entre  532  et  602,  —  à  la  cité  de  demi- 
citoyens  et  non  à  la  cité  des  citoyens  complets  établie  en  566. 

(5)  Leur  institution  seulement  en  l'an  388  de  Rome    (v.  tome  IV,  la  théo- 


LES   CITES   DE   DEMI-CITOYENS.  199 

postérieure  de  diverses  villes  parvenues  du  droit  de  tcité  res- 
treint au  droit  de  cité  complet  en  présente  des  vestiges  (1), 
et  des  institutions  du  même  genre  peuvent  fort  bien  avoir  été 
établies  dans  toutes  les  cités  de  demi-citoyens  de  la  classe 
la  plus  élevée.  L'étendue  de  leurs  pouvoirs  est  déterminée 
par  là  jusqu'à  un  certain  point.  Les  cités  de  demi-citoyens  de 
la  première  classe  peuvent  avoir  conservé  l'administration  de 
leurs  biens  et  spécialement  la  direction  de  leurs  constructions; 
tout  au  moins  on  ne  connaît  aucun  cas  dans  lequel  les  censeurs 
y  soient  intervenus  en  pareille  matière  (2).  Nous  ne  pouvons 
pas  dire  dans  quelle  mesure  le  fonctionnement  de  ces  organes 
locaux  était  restreint  par  l'action  des  organes  romains,  notam- 
ment des  préfets.  En  tout  cas,  les  résolutions  des  comices 
et  les  décisions  du  sénat  ainsi  rendues  ne  pouvaient  produire 
effet  qu'en  tant  qu'elles  ne  se  heurtaient  pas  à  quelque  règle 
établie  par  Rome.  L'unique  document  qui  puisse  être  attribué 
avec  vraisemblance  à  une  cité  administrée  de  cette  façon 
(p.  198,  note  4)  paraît  démontrer  que  son  sénat  local  avait 
besoin  du  consentement  du  préfet  pour  la  nomination  d'un 
patronus;  ce  consentement  peut  avoir  été  requis  en  général 
pour  les  actes  importants  d'administration. 

Par  opposition,  les  cités  de  la  catégorie  inférieure  ont  dû 
nécessairement  être  dépourvues  de  tous  ces  droits,  et  leurs 
magistratures  n'avoir  guère  qu'un  rôle  religieux  (3). 

rie  de  l'Édilité,  section  II,  au  début)  s'accorde  bien  avec  l'idée  que  cette 
édilité  a  constitué  une  portion  essentielle  des  institutions  des  cités  de  demi- 
citoyens  créées  à  peu  près  vers  la  même  époque. 

(1)  Le  rôle  de  magistrats  supérieurs  joué  postérieurement  à  Fundi  (C.  /.  L. 
X,  p.  617),  à  Formiae  {C.  I.  L.  X,  p.  603)  et  à  Arpinum  (C.  I.L.  X,  p.  556)  par 
trois  édiles,  et  àPeltuinum  (C.  I.  L.  IX,  p.  324)  par  deux,  amène  à  penser 
que,  du  temps  de  la  civitas  sine  suffragio,  ces  villes  n'avaient  que  la  magis- 
trature inférieure  et  que,  quand  elles  ont  obtenu  le  droit  de  suffrage,  on  n'y 
a  "pas  mis  comme  ailleurs  des  magistrats  supérieurs  auprès  des  magistrats 
existants,  mais  on  a  attribué  les  fonctions  les  plus  élevées  à  ces  derniers. 

(2)  V.  tome  IV,  la  théorie  delà  Censure,  sur  les  constructions  des  cen- 
seurs dans  les  cités  de  citoyens.  Les  censeurs  romains  ont  sans  doute  exé- 
cuté des  constructions  à  Fundi  et  à  Formise  en  570  (Tite-Live,  39,  44,  6)  et  en 
580  (Ïito-Live,  41,  27,  11);  mais  ces  constructions  se  placent  à  une  date 
postérieure  à  l'incorporation  complète  de  ces  cités  accomplie  en  566. 

(3)  C'est  un  point  certain  pour    Anagnia  (p.  186,  note  8).   Si  Caere  est  plus 


200  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

cens.  La  distinction  des  cités  de  demi-citoyens  avec  ou  sans  admi- 

nistration communale  se  manifeste  en  premier  lieu  pour  le  cens 
et  pour  les  obligations  à  l'impôt  et  au  service  militaire  qui  eD 
sont  les  conséquences.  Nous  avons  déjà  remarqué  que  le  cens 
ordinaire  fait  à  Rome  ne  s'appliquait  qu'aux  citoyens  complets 
et  que  les  demi-citoyens,  étant  tous  hors  des  tribus,  en  étaient 
exclus.  Aucun  témoignage  ne  nous  a  été  transmis  sur  la  forme 
du  cens  dans  les  cités  de  demi-citoyens  de  la  première  classe; 
il  y  aura  été  fait,  au  même  moment  que  celui  des  citoyens 
complets,  sur  l'invitation  des  censeurs  romains,  par  les  auto- 
rités propres  de  la  cité  de  demi-citoyens,  peut-être  avec  le 
concours  et  sous  le  contrôle  du  prœfectus  romain,  et  aura 
été  ensuite  enregistré  par  les  censeurs  romains  (1).  Au  con- 
traire les  cités  de  demi-citoyens  qui  n'avaient  pas  de  magis- 
trats propres,  étaient,  quand  il  y  avait  un  cens  à  Rome,  recen- 
sées là  et  par  les  censeurs  romains  ;  mais  leurs  membres  étaient 
inscrits  sur  la  liste  particulière  des  citoyens  exclus  des  tribus, 
mais  sujets  à  l'impôt  (aérant),  qui  portait  par  suite  le  nom 
de   tabulœ    Cœritum   (2).   Tant   que  la    liste  principale  des 


tard,  en  qualité  de  cité  municipale,  sous  l'autorité  d'un  dictateur,  ce  dicta- 
teur doit,  exactement  de  la  même  façon,  remonter  à  l'époque  du  demi-droit 
de  cité  et  même  à  celle  de  l'autonomie,  comme  c'est  indubitable  pour  les 
préteurs  d'Anagnia.  Les  institutions  municipales  modernes  rendirent  leurs 
attributions  à  ces  magistratures.  —  En  l'an  549,  Csere  figure,  à  côté  de  cités 
alliées  et  débités  de  citoyens  complets,  parmi  les  villes  italiques  qui  four- 
nissent volontairement  des  secours  à  Scipion  pour  l'expédition  d'Afrique 
(Tite-Live,  28,  45,  15  :  Polliciti  Cserites  frumentum  sociis  navalibus  commea- 
turnque  omnis  generis)  ;  mais  il  n'est  pas  démontré  ni  que  la  ville  fût  encore 
alors  une  cité  de  demi-citoyens  ni  qu'il  fallaitt  pour  cela  une  résolution  du 
peuple.  Les  Gaerites  pouvaient,  surtout  s'ils  avaient  à  fournir  des  rameurs 
(p.  203,  note  1),  les  équiper  par  des  contributions  volontaires. 

(1)  V.  tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à  la  section  de  la  confection  des 
rôles,  sur  l'étendue  de  l'obligation  au  cens.  L'accomplissement  de  fonctions 
censoriales  par  l'un  des  trois  édiles  deFormise  sans  le  concours  de  ses  collè- 
gues (C.  1.  L.  X,  p.  603)  peut  être  un  reste  du  temps  du  demi-droit  de  cité. 
Mais  il  n'y  a  pas  non  plus  d'objection  théorique  à  la  nomination  de  censeurs 
propres  dans  les  cités  de  demi-citoyens  ;  car  la  censure  n'est  pas  en 
elle-même  une  fonction  plus  élevée  que  l'édilité;  cf.  tome  IV,  les  prélimi- 
naires de  la  théorie  de  la  Censure,  sur  le  rang  hiérarchique  des  censeurs. 

(2)  V.  tome  IV,  dans  la  théorie  de  la  Censure,  la  section  de  la  confection 
des  rôles,  où  sont  réunies  les  preuves  :  Strabon,  5,  2,  3,  p.  220.  Aulu-Gelle, 
16,  13,  7.  Horace,  Sat.  1,  6,  62. 


LES  CITES  DE   DEMI-CITOYENS.  201 

tribules  obligés  au  service  dressée  par  les  censeurs  ne  s'éten- 
dit qu'aux  citoyens  propriétaires  fonciers,  les  citoyens  com- 
plets non-propriétaires  et  les  demi-citoyens  furent  sur  la  même 
liste.  Depuis  qu'à  partir  du  milieu  du  cinquième  siècle  les 
premiers  furent  inscrits  dans  les  tribus  urbaines,  les  demi- 
citoyens  restèrent  seuls  sur  la  liste  des  citoyens  sans  droit  de 
suffrage,  à  moins  cependant  que  les  citoyens  complets  eux- 
mêmes  ne  pussent  y  être  inscrits  à  titre  de  peine  (1).  Cette 
liste  accessoire  disparut  avec  la  suppression  des  demi- 
citoyens.  —  Les  demi-citoyens  n'étaient  probablement  pas 
compris  dans  le  total  des  citoyens  romains,  qu'il  était  d'usage 
de  faire  au  moment  du  cens  (2). 

En  ce  qui  concerne  le  service  militaire,  le  service  auxi-  service  militaire. 
liaire,  se  basant  sur  l'autonomie,  est  exclu  pour  les  cités  de 
demi-citoyens  (3).  Entant  que  les  demi-citoyens  étaient  soumis 
au  service  ordinaire,  ils  servaient  dans  les  légions  (4),  et 
les  grades  d'officiers  qui  n'étaient  pas  conférés  par  les  comices 
doivent  leur  avoir  été  accessibles  (5).  Mais,  le  recrutement 
ordinaire  ayant  la  tribu  pour  base,  il  ne  pouvait  par  suite 
aucunement  s'appliquer  aux  demi-citoyens.  On  doit  avoir 
dressé  pour  Gapoue  et  les  villes  de  Campanie  soumises  à  la 
même  législation  (6),  une  liste  spéciale  des  individus  propres 
au  service,  et  nous  avons  la  preuve  que  des  légions  campa-     , 

(1)  V.  la  même  théorie,  section  de  la  confection  des  listes,  sur  la  tribu 
personnelle  après  Fabius  Maximus. 

(2)  V.  la  même  théorie,  section  de  la  confection  des  rôles,  sur  l'étendue 
de  l'obligation  au  cens,  et  mes  Rœm.  Forsch.  2,  398  et  ss. 

(3)  On  ne  trouve  ni  on  ne  peut  trouver  de  cohortes  ou  de  turmse  qui  por- 
tent le  nom  d'une  cité  de  demi-citoyens. 

(4)  Festus,  VI,  1,  p.  265,  note  1  :  In  legione  merebant.  C'est  pourquoi  le 
tableau  des  forces  militaires  disponibles  en  520  (Polybe,  2,  24;  Orose,  4,  13) 
réunit  «  les  Romains  et  les  Gampaniens  »  par  opposition  aux  alliés.  Cf.  Rœm. 
Forsch.  2,  395. 

(5)  Decius  Jubellius,  le  commandant  de  Rhegion,  qui  était  campanien  de 
naissance  et  difficilement  un  citoyen  complet,  était  tribun  militaire  (Tite- 
Live,  28,  28.  Diodore,  p.  494.  562). 

(6)  La  preuve  qu'elles  sont  comprises  dans  la  mention  des  Campani  ré- 
sulte, en  dehors  des  observations  faites  Rœm.  Forsch.  2,  395,  de  ce  qu'il  y 
avait  dans  la  legio  Campana  de  Rhegion  (p.  202,  note  1)  800  Oampaniens  et 
400  Sidicini  (Denys,  20,  4).  Les  autres  soldats  —  ils  étaient  en  tout  4000  hom- 
mes —  appartenaient  sans  doute  aux  autres  localités  çampaniennes  ayant 


202  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

niennes  propres  ont  été  formées  sur  cette  base  (1).  Nous  ne 
pouvons  dire  dans  quel  rapport  ont  été  ces  légions  avec  l'orga- 
nisation bien  connue  de  l'armée  romaine  composée  de  citoyens 
et  d'alliés.  Elles  ne  peuvent  avoir  eu  une  grande  importance; 
car  les  troupes  campaniennes  n'équivalaient  guère  qu'au 
dixième  du  reste  des  hommes  soumis  au  service  romain  à 
cette  époque  (2).  Depuis  la  suppression  de  Capoue,  il  n'est 
plus  question  de  telles  légions;  cependant  elles  peuvent  avoir 
subsisté  jusqu'à  la  transformation  du  demi-droit  de  cité  des 
villes  campaniennes  en  droit  de  cité  complet.  On  n'a  pas  formé 
de  légions  distinctes  avec  les  Cœrites  et  les  autres  demi- 
citoyens  (3).  Il  faut  laisser  incertain  le  point  de  savoir  s'ils 
satisfaisaient  au  service  ordinaire  dans  une  forme  qui  nous 


le  demi-droit  de  cité  romaine.  Les  exemples  cités  par  Festus  du  droit  des 
demi-citoyens  de  servir  dans  les  légions,  les  Gumani,  les  Acerrani,  les  Atel- 
lani  appartiennent  au  même  cercle,  sinon  précisément  à  l'époque  antérieure 
à  la  suppression  de  Capoue;  car,  quoique  Atella  ait  partagé  le  sort  de  Ca- 
poue, elle  fut  peut-être  reconstituée  bientôt  après  {C.  I.  L.  X,  p.  359).  Les 
deux  cavaliers  de  Formiae  et  des  Sidicini  dans  l'armée  consulaire  de  538 
(Tite-Live,22,  42,  11)  y  appartiennent  précisément. 

(1)  La  huitième  légion  envoyée  en  473  àRhegion  (Orose,  4,  3;  legio  :  Fron- 
tin,  Strat.  4. 1,  38)étaitune  legio  Cam.pana  (Tite-Live,£p.  12.15;  cf. p. 201, note  6), 
Les  légions  déjà  sous  les  armes  d'après  le  tableau  de  520  doivent  aussi  être 
considérées  comme  campano-romaines,  puisque  «  les  Romains  et  les  Campa- 
niens  »  leur  correspondent  dans  la  réserve  (p.  201,  note  4).  L'absence  surpre- 
nante des  auxilia  dans  les  légions  de  Tarente  et  de  Sicile  (Rœm.  Forsch.  2, 
388)  se  laisse  peut-être  expliquer  par  l'idée  que  ces  légions  étaient  cam- 
paniennes et  qu'il  ne  leur  avait  pas  été  attribué  à.' auxilia. 

(2)  Nous  avons  exposé,  Rœm.  Forsch.  2,  399,  les  vraisemblances  selon 
lesquelles  le  peuple  romain,  sans  les  Campaniens,  comptait,  en  529.  291  300 
hommes  en  état  de  porter  les  armes  et  les  Campaniens  en  comptaient 
34.000. 

(3)  Sans  cela,  Polybe  et  Orose  n'auraient  pas  nommé  seulement  les  Cam- 
paniens à  côté  des  Romains  dans  le  tableau  de  520  ;  il  n'est  question  nulle 
part  de  légions  volsques  ou  sabines.  Dans  la  bataille  d'Asculum,  en  475,  il 
combat,  selon  Denys,  20, 1,  quatre  légions  de  citoyens  et  quatre  bandes  (fxépvj) 
de  sujets  (ûttyjxooi)  et  il  nomme  parmi  les  derniers  les  Latins,'les  Campaniens, 
les  Sabins,  les  Ombriens,  les  Volsques,  les  Marrucini,  les  Pseligni,  les 
Frentani,  les  Arpani  ;  mais  cette  description,  qui  est  sans  doute  beaucoup 
meilleure  que  les  récits  de  batailles  ordinaires  des  annales,  mais  qui  n'est 
aucunement  l'égale  du  récit  sur  l'armement  contre  les  Celtes,  semble,  en  se 
plaçant  àun  point  de  vue  qui  n'est  pas  injuste  historiquement  (p.  190,  note  3) 
et  peut-être  sous  l'influence  de  sources  grecques,  réunir  comme  sujets  les 
cives  sine  suffragio  et  les  socii  nominis  Latini. 


LES  CITÉS    DE    DEMI-CITOYENS.  203 

est  restée  inconnue,  ou  si,  comme  cela  s'accorderait  bien  avec 
la  qualification  de  municeps  donnée  aux  demi-citoyens  (VI,  1, 
p.  265),  ils  en  étaient  exclus  etétaient employés,  à  peu  près  delà 
même  façon  que  les  affranchis,  dans  les  services  auxiliaires, 
spécialement  dans  le  service  de  la  flotte  (1). 

Les  demi-citoyens  sont  tous  soumis  à  l'impôt  romain  :  impôts. 
leur  désignation  du  nom  de  municipes  en  est  la  preuve.  Les 
demi-citoyens  recensés  à  Rome  avaient,  comme  les  autres 
eerarii,  à  acquitter  l'impôt  qui  leur  était  fixé  par  les  autorités 
romaines;  nous  ne  connaissons  aucune  aggravation  spéciale 
à  laquelle  ils  aient  été  soumis;  mais  cela  ne  veut  pas  dire 
qu'il  n'y  en  ait  pas  eu.  Quant  aux  cités  qui  ont  une  adminis- 
tration propre,  il  résulte  de  leur  cens  spécial  qu'elles  doivent 
fixer  et  percevoir  d'après  lui  leurs  impôts;  les  légions  de  Cam- 
panie  doivent  avoir  reçu  leur  solde  des  autorités  campa- 
niennes,  et  par  suite  les  impôts  de  Gampanie,  dont  c'était  là  la 
destination  principale,  doivent  aussi  nécessairement  avoir  été 
versés  dans  le  trésor  campanien.  La  convocation  de  ces  légions 
dépendant  du  gouvernement  romain,  il  pouvait  se  passer  du 
droit  d'imposer  lui-même  ces  demi-citoyens;  mais  cela  ne 
signifie  aucunement  que  ce  droit  n'ait  pas  pu  lui  appartenir 
àéraison  de  modalités  des  lois  d'institution. 

Voilà  les  grandes  lignes  du  système,  dans  la  mesure  où 
l'état  fragmentaire  de  la  tradition  permet  de  les  dessiner.  Il 
nous  reste  seulement,  la  position  de  questions  sans  réponses  ne 
servant  à  rien,  à  signaler  quelques  points  particuliers  sur  les- 
quels nous  sommes  quelque  peu  en  état  de  délimiter  l'une  en 
face  de  l'autre  l'autorité  de  l'État  romain  et  la  personnalité 
distincte  de  cités  de  demi-citoyens. 

On  pourrait  théoriquement  supposer  que  les  cités  de  demi-  Langue  officielle. 
citoyens  devaient  employer  la  langue  latine  comme  langue 
officielle;  en  réalité,  c'était  le  contraire.  La  preuve  en  est  dans 


(1)  Cependant  on  ne  peut  même  pas  conclure  des  mots  de  Tite-Live  rap- 
portés p.  204,  note  2,  que  les  Cserites  aient  servi  régulièrement  dans  l'armée 
romaine. 


Droit  de  battre 
monnaie 


204  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

les  inscriptions  osques  des  pierres  et  des  monnaies  de  Capoue, 
dans  l'inscription  osque  de  Velitrae,  et  avant  tout  dans  la 
permission  accordée  en  574  aux  Cumani  par  les  Romains  de  se 
servir  de  la  langue  latine  comme  langue  officielle  (4).  Sa 
langue  était  donc  fixée  à  chaque  cité,  probablement  par  sa  loi 
constitutive,  et  elle  n'avait  pas  le  droit  de  la  changer  par 
sa  seule  volonté.  Il  faut  admettre  la  même  chose  pour  les 
endroits  qui  n'avaient  pas  d'administration  propre,  tels  que 
Caere  (2).  Cette  institution  a  probablement  eu,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit ,  pour  premier  but  de  rattacher  à  la  cité 
romaine  les  cités  d'autre  nationalité  sans  leur  rendre  la 
subordination  insupportable.  La  latinisation  systématique  qui 
fut  poursuivie  par  l'Empire  pour  les  provinces  non-grecques,  et 
qui  trouva  un  si  puissant  instrument  dans  la  concession  des 
statuts  municipaux  romains  et  latins,  n'a  été  appliquée  à 
l'Italie  que  dans  une  mesure  restreinte  aux  premiers  temps 
de  la  République.  Le  passage  de  l'institution  de  la  demi-cité 
au^système  des  colonies  a  été  en  même  temps,  comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut  (p.  189),  la  transition  à  la  latinisation  de 
l'Italie  (3). 

Le  droit  de  battre  monnaie,  expression  tangible  de  l'auto- 
nomie, n'appartient  pas  en  général  aux  cités  de  demi-citoyens  ; 
mais  des  exceptions  existent  :  la  ville  des  Sidicini,  Teanum  a 
frappé  des  monnaies  d'argent  et  de  cuivre,  en  son  nom  propre; 
il  en  est  encore  de  même  de  Capoue  avec  ses  villes  voisines 
d'Atellaet  de  Calatia:  elles  ont  frappé  d'abord  au  nom  de  Rome 


(1)  Tite-Live,  40,  42  :  Cumanis  eo  anno  petentibus  permissum,  ut  publiée  La- 
tine loquerentur  et  prseconibus  Latine  vendendi  jus  esset.  La  langue  officielle  a 
probablement  été  jusqu'alors  la  langue  osque  (Velleius,  I,  4). 

(2)  Tite-Live,  9,  36,  3,  sur  l'an  444  :  Consulis  frater  M.  Fabius  Cxre  educa- 
tus  apud  hospites  Efruscis  inde  litteris  eruditus  erat  linguamque  Etruscam  probe 
noverat.  Le  même,  10,  4,  9  :  Hœc  cum  legato  Cserites  quidam  interpretarentur 
et  per  omnes  manipulas  militum  indignatio  ingens  esset. 

(3)  Tite-Live,  après  les  mots  cités  à  la  note  précédente  :  Habeo  auctores 
vulgo  tum  Romanos  pueros  sicut  nunc  Grœcis,  ita  Etruscis  litteris  erudiri  solitos. 
Il  y  a  forcément  eu  une  époque  où  la  connaissance  des  langues  italiques 
n'était  guère  moins  utile  au  Romain  qui  jouait  un  rôle  politique  que  ne  le 
fut  celle  de  la  langue  grecque  après  les  guerres  d'outre-mer. 


LES  GITES   DE   DEMI-CITOYENS.  205 

des  monnaies  d'or,  d'argent  et  de  cuivre  avec  une  légende  la- 
tine, puis  en  leur  nom  propre  au  moins  des  monnaies  de  cuivre 
avec  une  légende  osque  (1).  Le  pied  dont  se  servaient  ces 
villes  était,  lorsqu'elles  mettaient  aux  monnaies  leurs  noms, 
constamment  le  pied  campanien;  lorsqu'elles  les  frappaient  au 
nom  de  Rome,  ce  fut  d'abord  également  le  pied  campanien  mais 
il  fut  plus  tard  remplacé  par  le  poids  du  scrupule  romain  (2). 
Les  monnaies  frappées  au  nom  romain  ont,  malgré  leur  pied 
campanien,  d'abord  eu  cours  à  Rome,  mais  elles  ont  fini  par  le 
perdre  (3). 


(i)  Développé  d'une   façon  plus  précise  Rœmische  Mûnzwesen,  p.  341  et  ss. 
=  tr.  fr.  3,  224  et  ss. 

(2)  R.  M.  W.  p.  213  =  tr.  fr.  1,  263. 

(3)  R.  M.  W.  p.  213.  214  =  tr.  fr.  1,  263.  265. 


ROME  ET  L'ÉTRANGER.  O*  m,  ■  *1«-t>°*>) 


Tout  énergiquement  et  constamment  que  les  Romains  aient 
eu  le  sentiment  de  l'unité  et  de  l'exclusivité  deleur  constitution 
propre,  tant  au  point  de  vue  des  personnes  qu'à  celui  du  terri- 
toire; tout  énergiquement  et  constamment  aussi  que  les  fonds 
de  terre  situés  en  dehors  des  limites  de  leur  territoire  et  les 
citoyens  des  autres  villes,  même  voisines  et  amies,  aient  été  re- 
gardés et  traités  par  eux  comme  leur  étant  étrangers,  l'évolu- 
tion politique  a  cependant  principalement  consisté  à  mettre 
une  certaine  zone  de  l'extérieur  dans  la  dépendance  pratique  de 
Rome  sans  la  faire  pour  cela  rentrer  dans  l'intérieur  :  en  fait 
et  en  droit,  l'empire  romain  a  été  formé  par  l'union  de  l'inté- 
rieur du  pays  et  de  cet  extérieur  qui  lui  est  coordonné  dans 
une  forme  déterminée.  On  ne  peut  donc  s'abstenir,  dans  un  ta- 
bleau de  la  constitution  romaine,  de  décrire  les  relations  de 
Rome  avec  l'étranger,  soit  avec  l'étranger  indépendant,  ce  qui 
fera  l'objet  de  ce  chapitre,  soit  avec  l'étranger  lié  à  Rome  à 
titre  durable  de  façons  diverses,  ce  qui  fera  l'objet  des  deux  cha- 
,,        A  -A  H  pitres  suivants. 

Absence  de  droit  * 

et  ^trS!^     Selon  la  conception  du  droit  romain,  ce  qui  constitue  la  règle 


.     ROME   ET   L'ÉTRANGER.  207 

en  face  de  l'étranger  (1),  c'est  l'absence  réciproque  de  droit  (2), 
considérée  aussi  parfois  moins  exactement  comme  un  état  de 
guerre  permanent;  l'existence  de  rapports  internationaux  est 
une  exception,  introduite  seulement  par  un  accord  des  deux 
parties  et  ne  s'étendant  pas  au  delà  des  bornes  de  cette  conven- 
tion. Cette  convention  peut  être  conclue  par  la  cité  romaine 
soit  avec  une  autre  cité,  soit  avec  un  étranger  isolé,  que  ce 
dernier  appartienne  à  une  cité  qui  n'est  pas  en  traité  avec 
Rome  ou  qu'étant  membre  d'une  cité  alliée  il  reçoive  par  là 
des  avantages  spéciaux  (3).  —  Si  le  traité  ne  présente  pas  un 
caractère  transitoire,  comme  par  exemple  les  trêves  d'armes  et 
les  alliances  militaires  conclues  dans  un  but  précis,  s'il  doit 
rester  perpétuellement  en  vigueur,  il  fait  naître  une  relation 
de  droit  international  durable,  selon  les  expressions  romaines, 
un  droit  d'hospitalité  public  [hospitium  publicum),  ou  bien  un 
lien  d'amitié  [amicitià),  qui  se  rapproche  essentiellement  de  ce 
premier  droit. 


(i)  L'idée  de  l'étranger  doit  ici  être  entendue  au  point  de  vue  du  statut 
personnel  :  est  étranger  celui  qui  ne  fait  pas  à  Rome  partie  des  nationaux. 
La  distinction  précédemment  étudiée  des  patriciens  et  des  plébéiens  doit 
sans  doute,  quant  à  ses  débuts,  être  considérée  comme  la  distinction  des 
citoyens  et  des  non-citoyens.  Mais,  depuis  que  les  seconds  sont  regardes 
comme  des  hommes  libres,  on  les  regarde  aussi  comme  des  nationaux,  et 
par  suite,  s'ils  ne  sont  pas  citoyens,  ils  ne  sont  aucunement  étrangers.  C'est 
là  la  base  de  tout  le  développement.  Les  notions  de  nationaux  non-citoyens  et 
de  citoyens  de  condition  inférieure  sont  des  idées  voisines  à  se  confondre. 

(2)  Pomponius,  Dig.  49,  15,  5  :  Postliminii  jus  competit  aut  in  bello  aut  in 
pace...  in  pace...  si  cum  gente  aligna  neque  amicitiam  neque  hospitium  neque 
fœdus  amicitiœ  causa  factum  habemus.  Ri  hostes  quidem  non  sunt,  quod  autem 
ex  nostro  ad  eos  pervertit,  illorum  fit  et  liber  homo  noster  ab  eis  captus  servus 
fit  eorum:  idemque  est  et  si  ab  Mis  ad  nos  aliquid  perveniat.  Le  bellum  justum 
implique,  comme  le  procès  un  rapport  de  droit  international  antérieurement 
existant  et  rompu  (VI,  1,  p.  390)  ;  en  face  des  étrangers  qui  n'ont  pas  de  traité 
avec  Rome,  il  n'y  a  pas  besoin  de  fétiaux. 

(3)  Le  texte  qui  fait  le  mieux  connaitre  le  traité  individuel  du  droit  inter- 
national, mentionné,  au  temps  de  l'incendie  de  Rome  par  les  Gaulois,  relati- 
vement àTimasitheosdeLipara  (Tite-Live,  5,  28,  5;  Diodore,  14,  93),  est  le  se- 
natus-consulte  rendu  en  676  en  faveur  de  trois  capitaines  de  navires  de 
Carystos,  Clazomènes  et  Milet  qui  avaient  été  employés  pendant  la  guerre 
sociale  (C.  1.  L.  I,  n.  203).  Le  traité  conclu  avec  Astypalgea  en  649  (C.  I.  Gr. 
2485)  semble  aussi  avoir  accordé  à  l'ambassadeur,  à  titre  spécial,  un  droit 
personnel  d1 'amicitià  (C.  L  L.  loc,  cit.  sur  la  ligne  10). 


208  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

Formes  de  îa        Quant  à  la  forme,  la  convention  d'amitié  est  soumise  aux 

convention 

d'amitié.  mêmes  règles  que  les  conventions  publiques  en  général.  Une 
convention  exige  une  expression  de  volonté  concordante  des  deux 
parties  et  la  connaissance  par  chaque  partie  de  l'expression 
de  la  volonté  de  l'autre.  Ce  caractère  nécessairement  bilatéral 
du  traité  international  a  pour  antithèse  le  caractère  nécessaire- 
ment unilatéral  des  règlements  arrêtés  entre  l'État  et  une 
portion  de  ses  membres.  Sans  doute  le  caractère  synallagmati- 
que  des  dispositions  s'efface  de  plus  en  plus  à  mesure  que  la 
prédominance  de  Rome  s'accentue,  lorsqu'une  dépendance 
légalement  formulée  vient  se  greffer  sur  l'amitié  :  leurs  lois 
furent  plus  tard  données  par  les  autorités  romaines  aux  cités 
amies  dont  l'autonomie  était  limitée  tout  comme  aux  cités  de 
demi-citoyens  et  de  citoyens  complets.  Mais,  au  moins  jusqu'à 
ce  que  Rome  et  l'Italie  ne  se  fussent  confondues,  les  traités 
restèrent,  même  en  face  des  pays  étrangers  soumis,  le  fonde- 
ment de  la  constitution  romaine. 

La  compétence  pour  faire  cette  déclaration  appartient,  du 
côté  non-romain,  à  quiconque  est  considéré  par  le  représen- 
tant de  Rome  comme  capable  de  procéder  à  un  pareil  acte,  en 
son  nom  personnel  ou  au  nom  de  son  pays.  Pour  les  traités 
personnels  conclus  avec  un  étranger,  on  ne  s'occupe  de  la  cité 
à  laquelle  il  appartient  que  si,  par  exemple,  il  y  a  quelque 
Traité  avec  un  clause  à  ce  sujet  dans  un  traité  conclu  entre  elle  et  Rome.  La 

roi.  J 

conclusion  d'un  traité  d'amitié  avec  un  monarque  étranger 
implique  d'elle-même  sa  reconnaissance  comme  roi,  ou  comme 
portant  le  titre  quelconque  qu'il  se  donne;  suivant  l'expression 
romaine,  elle  implique  l'attribution  du  titre  royal.  Il  est  alors 
d'usage  depuis  un  temps  reculé,  —  la  légende  fait  remonter 
cette  coutume  au  traité  avec  le  roi  Porsenna  (1),  —  d'envoyer 
au  roi  ainsi  reconnu,  avec  d'autres  présents,  les  insignes  des 
magistrats  romains,   en  général  (2)  dans  la  forme  la  plus 

(1)  Denys,  5,  35.  C'est  la  première  convention  d'amitié  avec  un  roi, 
qu'aient  à  mentionner  les  annales,  et  l'étiologie  y  a  par  suite  attaché  ses 
fils. 

(2)  Si  le  rex  reçoit  le  vêtement  de  pourpre,  le  regulus  reçoit  la  prétexta 
(Tite-Live,  27,  4  ;  encore  en  595  le  roi  de  la  petite  Commagène,  Gicéron,  Ad 


ROME   ET  L'ÉTRANGER.  209 

élevée  que  connaisse  la  constitution  romaine,  par  conséquent 
dans  celle  où  les  portent  les  magistrats  supérieurs  pour  le 
triomphe  (1);  c'est  une  façon  d'exprimer  que  Rome  reconnaît 
la  souveraineté  de  ces  princes  comme  aussi  complète  que  la 
sienne  propre. 

Du  côté  de  Rome,  est  compétent  pour  la  conclusion  des  traités 
le  magistrat  supérieur  dans  les  attributions  duquel  rentre  le 
règlement  des  rapports  existants  entre  les  deux  cités.  Après 
que,  comme  nous  l'avons  précédemment  expliqué,  (VI,  i,  p.  392 
et  ss.),  le  concours,  primitivement  peu  actif,  des  comices  et  du 
sénat  fut  arrivé  à  tenir  plus  de  place  dans  les  actes  interna- 
tionaux, la  déclaration  du  magistrat  passa  de  plus  en  plus  au 
second  plan,  et  elle  se  confondit  en  général  avec  le  sénatus-con- 
sulte  et  la  loi,  qui  sont  également  tous  deux  des  actes  du  magis- 
trat. L'existence  de  formalités  nécessaires  est  exclue  par  la  na- 
ture du  droit  public.  La  forme  ordinairement  employée  était  le 
simple  échange  d'une  interrogation  et  d'une  réponse,  se  rap- 
portant à  un  titre  écrit,  et  lui-même  rédigé  par  écrit  et  exposé 


Q.  fr.  2,  10).  Rien  n'exprime  plus  clairement  que  c'est  la  magistrature  ro- 
maine d'où  se  tire  l'échelle  de  ces  dons.  On  ^ajoute  fréquemment  des  pré- 
sents proprement  dits,  vases  d'or,  chevaux,  armes;  mais  ce  sont  les  insignes 
de  la  magistrature,  qui  ne  font  jamais  défaut,  qui  constituent  essentiellement 
les  présents  royaux  romaius. 

(1)  Les  présents  royaux  en  usage  chez  les  Romains  (-/aptffx^pta  ttjç  (tm\i\iol- 
-/:a,-,  Appien,  Lib.  32)  sont,  toutes  les  fois  que  l'on  veut  faire  des  honneurs  de  ce 
genre,  offerts  de  la  même  façon  au  roi  ami,  ainsi  par  exemple  on  les  donna 
au  moins  trois  fois  à  Massinissa  (Tite-Live,  30,  15.  17.  31,  11),  mais  naturel- 
lement on  les  leur  offre  avant  tout  au  moment  de  la  formation  des  rapports 
personnels.  Tite-Live,  30,  15,  il  :  (Scipio)  Massinissam  prlmum  regem  appella- 
tion... aurea  corona,  aurea  paiera,  sella  curuli  et  scipione  eburno,  toga  picta  et 
palmata  tunica  donat.  César,  B.  G.  1,  43  :  Quod  rex  (Ariovistus)  appellatus 
esse t  a  senatu,  quod  amicus,  quod  mimera  ampllsslmemissa.  Tacite,  Ann.  4,25: 
Missus  e  patnbus  (au  roi  de  Maurétanie  Ptolémée)  qui  scipionem  ebumum, 
togam  pictam,  antiqua  palrum  mimera,  daret  regemque  et  soeium  atque  ami- 
curn  appellaret  (cf.  les  monnaies  Millier,  Num.  de  l'ajic.  Afr.  3,  p.  129).  Une 
ambassade  de  cette  espèce  suppose  nécessairement  la  reconnaissance  par 
les  Romains  comme  roi  de  celui  qui  la  reçoit;  mais  elle  n'est  aucunement 
la  condition  de  cette  reconnaissance  qui  peut  aussi  avoir  lieu  dans  toute  autre 
forme;  Denys,  3,  01:  Kal  vOv  'Piojjuxïoi  ta  <7XY}7rrpa  xa\  ià  StaSr^axa (le  diadème 
n'est  cité  nulle  part  ailleurs  et  se  trouve  ici  à  tort)  Swpoûvxai  xoîç  paaiXeOac 
pspaioOvTs;  aùioïç  xà;  èSo-jataç,  ireù  xoù  \ir\  Xa^ovreç  ys  ««?'  âxeîvwv  e'xouatv 
aura. 

Droit  Pdbl.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  14 


convention. 


210  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

au  Capitole  pour  y  rester  dans  une  perpétuelle  mémoire  (1). 
Le  renforcement  du  traité  par  un  serment  d'exécration,  le 
fœdus  (2),  a  souvent  été  pratiqué  pour  les  conventions  d'amitié, 
notamment  à  l'époque  ancienne  (3).  Ces  conventions  ont  pour 
effet  propre  l'inscription  sur  la  liste  officielle  des  amis  (formula 
amicorum,  to  tûv  cpîXwv  Siaray^a)  (4). 
Durée  de  ia  La  convention  d'amitié  est  toujours  conclue  sans  limitation 
de  temps  (5),  et,  même  lorsque  Tune  des  parties  est  une 
personne,  elle  n'est  pas  restreinte  à  la  durée  de  la  vie  de 
cette  personne;  car  les  droits  d'hospitalité  publique,  comme 
ceux  d'hospitalité  privée,  passent  aux  descendants.  Le  traité 
conclu  avec  un  roi  ou  un  prince,  en  raison  de  son  titre,  fait 
cependant  exception.  Le  droit  public  romain  reconnaît  bien  la 
royauté  individuelle;  mais  le  traité  conclu  avec  un  prince  ne 
s'étend  pas  à  son  successeur;  car  un  traité  de  ce  genre  peut 
sans  doute  être  dressé  en  vue  des  descendants;  mais  le  succes- 


(1)  V.  tome  I,  la  théorie  des  Actes  conclus  entre  l'Etat  et  un  Etat 
étranger. 

(2)  V.  la  même  théorie,  sur  le  fœdus  et  la  sponsio. 

(3)  Par  exemple,  le  traité  conclu  avec  Garthage  après  la  guerre  d'Hanni- 
bal  ne  contient  pas  d'alliance  militaire  ;  mais  il  est  conclu  par  des  fétiaux. 

(4)  La  liste  des  cités  alliées  s'appelle,  en  langue  technique,  formula.  Les 
mots  de  Polybe,  21,  30,  4  :  IIoXiv  [xr,ôe[xcav  e'-/ecv  év  tv)  a^izalixtia  sont  traduits 
dans  Tite-Live,  38,  9,  10,  par  :  Urbem  ne  guam  formulas  sui  juris  faceret  (de 
même  Polybe,  18,  2,  4  =  Tite-Live,  32,  33,  7),  et  le  même  Tite-Live  dit, 
39,  26,  2:  Paracheloida,  quse  sub  Athamania  esset,  nullo  jure  Thessalorum  for- 
mulée factum  (de  même  26,  24,  6).  La  formula  provincise  (Vell.  2,  38)  rentre 
dans  la  même  acception.  Galba  ajouta  deux  districts  à  celle  de  la  Narbo- 
nensis,  selon  Pline,  H.  N.  3,  4,  37  (cf.  Hirschfeld,  C.  I.  L.  XII,  p.  49).  Nous 
parlerons  plus  loin  de  la  formula  togatorum  et  de  la  formula  sociorum.  — 
Mais  la  formula  s'étend  également  aux  individus  qui  sont  entrés  dans  ce 
rapport  de  droit  avec  Rome.  Le  sénat  déclare  les  trois  capitaines  çîXouç 
7ipo<TaYopEu<ra'.  et  il  adresse  aux  consuls  l'invitation  [utei]...  eos  in  ameico- 
rum  formulam  referundos  curarent  =.  ottwç...  toutou?  elç  to  twv  <p(Xwv  8ta- 
TaYp.a  àvevexô^voK  cppovTÉatoo-iv.  L'inscription  avait  sans  doute  lieu  parles  soins 
du  questeur  (voir  tome  IV,  la  section  des  Quœstores  urbani,  sur  la  surveil- 
lance des  archives).  Si  Tite-Live,  44,  16,  7,  dit,  également  par  rapport  à  un 
particulier  :  Senatus  in  formulam  sociorum  eum  referrijussit,  cette  inexac- 
titude d'expression  s'explique  par  la  similitude  théorique  des  règles  qui 
concernent  les  simples  socii  et  les  socii  et  amici. 

(5)  Ainsi  il  est  spécifié,  dans  la  paix  de  566,  çiXlav  uuapxetv  'Avtiox^  xai 
cPwp.a!0',ç  e'iç  airavTa  tov  ypovov  TOuoûvTa  Ta  xaTa  Tac  auv6r(xaç  (Polybe,  21,  45, 
1  =  Tite-Live,  38,  38,  2)." 


ROME   ET   L'ÉTRANGER.  244 

seur  du  roi  n'est  pas  nécessairement  son  descendant  (1)  et 
son  descendant  n'est  pas  nécessairement  son  successeur  (2). 
C'est  pourquoi  l'alliance  conclue  avec  un  roi  n'est  pas,  comme 
la  convention  d'amitié,  applicable  aux  descendants  (3)  et  est, 
selon  les  anciens  principes  de  droit,  regardée  comme  sans 
terme  fixe  il  est  vrai,  mais  comme  limitée  au  temps  de  la  vie 
du  roi  (4)  ;  en  revanche,  la  mort  du  gouvernant  romain  n'y 
apporte  aucun  changement;  car,  même  sous  le  Principat,  l'État 
romain  ne  se  considère  pas  lui-même  comme  une  monarchie. 
Le  droit  international  romain  ne  fournit  pas  de  forme  pour  faire 
passer  à  un  État  le  traité  de  son  roi.  La  formation  d'un  traité 
perpétuel  entre  une  ville  et  un  royaume  est  étrangère  au  droit 


(1)  La  royauté  du  droit  public  romain  a  pour  fondement  l'élection,  et 
cette  royauté  élective  a  beau  n'être  au  fond  qu'une  image  de  la  République 
reportée  dans  le  passé,  elle  n'en  a  pas  moins  déterminé  la  conception  ro- 
maine de  la  royauté  étrangère. 

(2)  On  se  demande  même  si  le  roi  qui  devient  socius  et  amicus  populi  Ro- 
mani transmet,  comme  les  particuliers,  le  second  titre  à  ses  descendants  ; 
les  deux  semblaient  sans  doute  inséparables,  et  l'amitié  restait,  comme  la 
société,  attachée  à  la  personne. 

(3)  Lorsque  le  second  Tarquin  prétend  à  un  droit  de  suzeraineté  sur  les 
Latins  soumis  par  son  grand-père,  ceux-ci  lui  répondent,  dans  Denys,  4, 
46  :  Ta?  o"uv6r,xaç  aç  èT:oir(<TavTO  7rpbç  tôv  Tràmrov  aùxoO  TtapaSiôovxeç  ty|V  f,ye{JLO- 
vÉav  XeXuarôai  [astoctov  èxeÉvou  ôavarov  otà  zo  jxy)  Ttpoaysypaçôac  xaTç  ôjAoXoytaiçTYp/ 
ocÙtt|v  elvai  Scopzàv  -xaù  toi;  Tapx-jvcou  àyyôvoiç.  Il  y  a  quelque  chose  de  plus 
probant  que  ces  réflexions  de  l'auteur  grec,  desquelles  on  pourrait  conclure 
que  l'extension  de  pareilles  conventions  aux  descendants  était  possible;  c'est 
le  silence  des  sources  véritablement  historiques  ;  si  cette  extension  avait 
été  en  usage,  nous  en  rencontrerions  des  traces  multiples. 

(4)  Il  n'y  a  pas  grand  poids  à  attacher  aux  récits  de  Denys,  selon  les- 
quels, du  temps  des  rois,  les  peuples  voisins  de  Rome  déclarent  souvent 
les  traités  conclus  avec  elle  dissous  par  la  mort  du  roi  qui  les  avait  conclus 
(3,  23.  37.  49.  4,  27.  45.  46.  5,  40.  8,  64),  d'autant  plus  que  les  Romains 
n'appliquent  jamais  cette  idée  et  qu'aucun  écrivain  latin  ne  rapporte 
rien  de  semblable.  Mais  le  roi  Persée  déclare  expressément  aux  ambassa- 
deurs de  Rome  qu'il  n'est  lié  que  par  ses  alliances  propres  et  non  par 
celles  de  son  père  (Tite-Live,  40,  25,  10  :  Fœdus  cumjpatre  ictum  ad  se  nihil 
pertlnere).  Cette  conception,  qui  est  conforme  à  celle  admise  par  le  droit 
privé  en  matière  de  société  (Paul,  Dig.  17,  2,  1  :  Societas  coiri  potest  vel  in 
perpetuum,  id  est  dum  vivunt,  vel  ad  tempus;  cf.  le  même,  17,  2,  70  :  Nulla 
societatis  in  xternum  coitio  est),  est  surtout  confirmée  par  les  principes  qui 
sont  suivis  à  l'égard  des  princes  clients  et  que  nous  étudierons  dans  la 
partie  qui  suit.  — La  scolie  de  Virgile,  JEn.  2,  161  :  «  Serves,  Troja,fidem  »  : 
quod  rex  promittit,  videtur  res  publica  polliceri  ne  fait  que  reproduire  les 
mots  du  poète. 


212  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

public  de  Rome;  le  renouvellement  de  la  convention,  qui  se 
présente  ailleurs  fréquemment,  mais  seulement  à  titre  con- 
firmatif,  est,  lors  delà  mort  du  roi, juridiquement  indispen- 
sable. 
Dissolution  de  îa      Quoique  la  convention  d'amitié  ne  puisse  pas  contenir  de 

convention.  x  L 

terme  extinctif,  elle  est  susceptible  de  se  dissoudre  de  la  même 
façon  dont  elle  s'est  formée.  La  promesse  simple  peut  être 
retirée,  celle  confirmée  par  un  sénatus-consulte  ou  une  loi 
peut  être  supprimée  par  un  sénatus-consulte  ou  une  loi  posté- 
rieure, sans  qu'il  y  ait  là  de  violation  du  droit  (1).  C'est 
seulement  lorsque  la  formule  d'exécration  a  été  prononcée  que 
la  cité  romaine  est  liée  par  le  traité  tant  que  l'autre  partie 
l'observe,  les  autorités  romaines  décidant  du  reste  seules 
si  l'autre  partie  l'observe  ou  non.  On  ne  trouve  plus,  depuis  la 
paix  avec  Antiochus  (2),  d'exemple  de  l'emploi  de  cette  for- 
mule dans  une  convention  d'amitié  qui  n'établisse  pas  en 
même  temps  un  rapport  de  sujétion;  c'est  un  effet  de  la  situa- 
tion prépondérante  de  Rome  qu'elle  ne  conclut  plus  avec 
l'étranger  indépendant  d'engagement  considéré  par  elle  comme 
perpétuel. 
État  de  paix.  La  convention  d'amitié  conclue  entre  deux  cités,  la  pax  (de 
pango)  contient,  en  premier  lieu,  l'établissement  d'un  état  de 
paix  durable  entre  les  deux  États  contractants  (3)  et  la  recon- 

(1)  Pour  justifier  ce  principe,  il  suffit  de  rappeler  que,  même  dans  les 
rapports  privés,  la  dénonciation  de  la  convention  d'amitié  est  possible. 
Les  droits  conférés  par  le  sénatus-consulte  de  678  aux  trois  capitaines  pou- 
vaient leur  être  retirés  à  un  moment  quelconque. 

(2)  Tite-Live,  38,  39,  1  :  Consul  in  hoc  fœdus  juravit,  ab  rege  qui  exigèrent 
jusjurandum,  profectù  V.  tome  I,  la  théorie  des  Actes  conclus  entre  l'Etat 
et  un  Etat  étranger,  sur  le  fœdus  et  la  sponsio. 

(3)  Le  traité  avec  Gades  stipulait  une  pia  et  œterna  pax  (Cicéron,  Pro  Balbo, 
15,  35).  Celui  conclu  avec  Astypalaea  en  649  (C.  1.  Gr.  2485)  commence  par 
les  mots  :  [Tû  or(jAw  tô>v  'PiojAaécov  xai]  xà>  orjpup,  tûv  'Aa-rJTca/aiéwv  elpr,vrjxal 
[cpiXîaxoà  oujxjxaxta]  esrto  xai  xaxà  Y7)vxa\  xatà  6aXaoaav  [elç  aTravxa  tov  )jp6vovJ 
rcàXejxoç  ok  |xy|  £ot(d,où.  à  la  vérité  les  mots  xat  o-uji.ji.axta  vont  au  delà  du  sim- 
ple droit  d'hospitalité.  Le  traité  avec  Rhodes,  qui  va  également  au  delà  de 
ce  droit,  spécifie  ouXa  jjlt)  çépeiv  irci  àXXrjXouc  (Appien,  B.  c.  4,  66).  La  conven- 
tion d'alliance  conclue  en  692  entre  Rome  et  Mytilène,  qui  nous  est  arrivée 
dans  un  état  encore  plus  fragmentaire (Fabricius,^4^en.  Mitth.  9,  83  et  ss.), 
est  encore  plus  explicite  ;  on  y  trouve,  entre  autre  clauses  :  c0  ôr,jxo;  6  'Pw- 


ROME    ET   L'ÉTRANGER.  2i3 

naissance  réciproque  de  la  liberté  et  des  propriétés  de  leurs 
citoyens  (1).  Elle  contient  en  outre  la  convention  que,  dans  le 
cas  où  l'un  de  ces  États  serait  engagé  dans  une  guerre,  Pautre 
État  s'oblige  à  ne  pas  fournir  de  secours  d'armes,  de  navires 
ou  d'argent  à  l'ennemi  de  son  allié,  à  ne  pas  permettre  aux 
troupes  de  cet  ennemi  de  passer  sur  son  territoire  (2),  enfin  à 
mettre  en  liberté  les  prisonniers  de  guerre  faits  à  son  allié,  s'ils 
parviennent  sur    son  territoire  (3).  On   peut  adjoindre  à  la 


(xastov  touç  7ioXe(xc[o-j;] ...  |  alpou  xa\  tyjç  î8îaç  È7cixpaTeîa[ç]...  |  mute  tw  8^fxa>  tw 
MuTiXY|vaj'w[v]...  xa\  xoXç,  a-j[X[xà]-/o'.ç  toO  Sripiou  xou  MimXYjv[aîa>v]...  |  otcXoiç 
-/pr,jjLa[«n  vjavd  (3o7)8[eïv],  et  il  est  fait  une  différence  pour  la  guerre  défen- 
sive :  'Eav  xtç  upoTepoç  iroXsjxov  icot[r,(rY)J...  xu>  S-f,]|j.cp  tw  cPa)[xacwv...  Pour  un 
troisième  traité  conclu  en  660  avec  Tyrrheion  en  Akarnanie  (Bull,  de  corr. 
hell.  1886,  p.  165)  il  n'y  a  de  conservé  que  l'en-téte.  Le  traité  latin  de  261  chez 
Denys,  6,  95,  estde  même  nature,  et  est  seulement  rédigé  en  style  rhétorique. 

(1)  Si  cela  n'est  pas  dit  expressément,  c'est  uniquement  parce  que  cela 
résulte  de  la  nature  de  l'état  de  paix.  Lorsque,  dans  une  guerre  entre  Car- 
tilage et  Syracuse,  un  Piomain  tombe  entre  les  mains  des  Carthaginois,  il 
est  aussi  libre  que  s'il  remettait  le  pied  sur  le  territoire  occupé  par  ses 
concitoyens  ;  naturellement  cela  n'empêche  pas  que,  s'il  a  commis  un  acte 
donnant,  d'après  les  lois  de  Carthage,  lieu  à  poursuite  criminelle  même 
contre  un  étranger,  il  pourra  être  puni  de  ce  chef  à  Carthage.  Cf.  p.  216, 
note  3. 

(2)  La  clause  très  détériorée  de  la  convention  avec  Astypalsea  peut  —  assu- 
rément seulement  quant  au  sens  —  se  restituer  à  peu  près  comme  il  suit  : 
'O  Sr,fjtoç  [à  'AoTUTiaXouétov  oùx  èôktei  SiêXôeïv  xoùç]  7coXs{ju'ouç  xal  ÔTtevavrfouç 
[toO  S-r^ov)  toO  'Pcojjiacwv  ôtà  tîJÇ  loioiç,  y^paç  xal  f,ç  àvxpaxy)  o  8r,[xoç  xai]  pouX^ 
wote  xû  SrifAo)  tm  'Piojxaîtov  xal  toÎç  U7rb  'Pw^aîoiiç  [xa,]aao\j.i^oiç  u6X£{jlov  èwr 
çépwat,  [atjte  toTç  uo[Xe(xcocç  [rrjTe  o7cXoiç]  \iy\xe  "/pr^acrtv  P^5  vauaiv  (3oy)6îct(o  6 
8rj[xo;  xa\  (SouX-r)  86X[a)  uovripw.]  f0  Srjfxoç  6  'Pwfxatwv  [oùx  èaasc  8teX0eïv]  touç 
uoXejjuo'jç  xal  vravocv-rcouç  [t]o0  8r,[xou  toO  'AarUTiaXailiov  ôtot  Tr|ç  cSîaç  ybiçixç,  xa\ 
r(;  àv  [xpatîj  6]  o^jxoç  xal  [îouXr,,  [ôiaxe  tw  or,[xa)  ;w]  'AaruTtaXaiétov  xal  toïç  utc' 
aù-oùç  TaTTOfxévot?  u6Xe[j!,ov  èuiçépaxnv,  [xr,Te  [xoîç  itoXejjuoiç  [xrjTe]  ottX[oiç]  [ayJte 
Xpr,[[Aa](7t  [xr,T£  vavxrî  (3o?i0£Î[tw  6  Syijj.oç  xai  (3ouXy)]  86X(p  uovY)pâ).  De  même  dans 
le  traitéjavec  Antiochus(Polybe,  21,45)  :  Mr,  8nsvai  (les  Mss.  :  dSévai)  paatXéa 
'Avtso*/ov  xai  toÙç  uTCOTaTTOjxévo'jç  8cà  tï^  autûv  -/^Pa?  ^  ePa>fxacouç  xai  xoùç 
r~  ".'.-'vo-j;  TroXE^iouç  [xrj8£  "/opY)y£tv  aùxoiç  (x^Slv  •  ùjxotcoç  8è  xat  'Pwfxacouç  xai 
toùç  au{x[xa-/o"jç  âw'  'Avx:o-/ov  xal  toùç  uu'  èxeïvov  Tarrofjtivouç,  et  dans  la  con- 
vention latine  de  Denys,  6,  95. 

(3)  Dans  le  second  traité  avec  Carthage  (Polybe,  3,  24),  cela  est  stipulé 
dans  les  termes  suivants  :  'Eàv  8é  tiveç  Kap-/^oovîwv  Xà^wcrt  xcvaç  irpbç  ouç 
clp^VT)  |xév  loTtv  £yypa7ixo;  ^Pwjxatotç,  jjiy]  ôicoraTTOVTat  oi  xt  aùxoTç,  [xy|  xaxayÉ- 
T0)Tav  efç  roùç  fPw[xatwv  Xijjiivaç  •  làv  SI  xaxayôÉvToç  ÈTiiXa[3r,Tat  (=zmanum  inji- 
ciat)  o  cPa)[j.aTo;,  àçiÉcrôw.  ^QaauTwç  8à  |x^8'  ot  'Ptofjuxc'oi  7rot£(TO)aav.  La  dif- 
férence juridique  des  amici  indépendants  et  des  sujets  latins  ne  se  mani- 
feste nulle  part  aussi  énergiquement  qu'ici.  Dans  le  cas  supposé  note  1.  îe 


214  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

convention  d'amitié  une  clause  restrictive  de  l'autonomie 
légale  de  l'Etat  ami  (1);  mais,  lorsque  cette  convention  se 
présente  dans  sa  forme  simple,  elle  contient  plutôt  l'expression 
de  l'égalité  juridique  des  cités  contractantes  '(2). 
Ambassadeurs.  Lci  convention  d'amitié  a  encore  pour  conséquence  nécessaire 
la  réglementation  de  l'échange  des  ambassadeurs  entre  les 
parties  contractantes  (3).  Les  hôtes  publics  de  cette  espèce  ne 
sont  pas  seulement  traités  avec  des  égards  spéciaux  (4).  Ils 
ont  légalement  droit  au  logement  (locus),  à  son  aménagement  et 
à  son  approvisionnement  convenables  (lautia),  et  à  des  frais  de 
séjour,  dont  le  montant  est  fixé  une  fois  pour  toutes  dans  le 
traité,  eu  égard  au  rang  des  parties,  et  est  spécifié  sur  la  liste 

Latin  n'est,  selon  la  régie  établie,  pas  plus  prisonnier  de  guerre  que  le 
Romain,  et  il  doit  être  mis  en  liberté,  à  moins  qu'il  n'ait  à  répondre  cle 
quelque  crime  devant  les  autorités  de  Carthage.  Au  contraire,  les  membres 
des  États  qui  sont  seulement  en  relation  d'amitié  avec  Rome  ne  profitent 
du  traité  qu'autant  qu'ils  ont  atteint  le  sol  romain. 

(1)  Le  droit  public  n'a  pas  à  s'occuper  de  la  subordination  à  Rome  exis- 
tant en  fait.  Sans  doute  cette  subordination  de  fait  peut  s'étendre  aussi  loin 
au  cas  de  simple  convention  d'amitié  qu'à  celui  d'hégémonie  officielle.  Mais 
cependant  les  Romains  ont  alors  l'habitude  de  provoquer  la  transformation 
officielle  de  Yamicitia  en  societas.  L'exemple  classique  à  ce  sujet  est  la 
transformation  provoquée  par  les  Romains  en  587  de  la  convention  d'amitié 
existant  depuis  cent  quarante  ans  avec  Rhodes  en  alliance  militaire  (p.  288, 
note  2). 

(2)  Selon  les  formules  romaines,  ce  sont  là  les  amici  populi  Romani  qui 
ne  sont  pas  en  même  temps  socii  à  titre  durable  ;  car,  ainsi  que  nous  le 
démontrerons  dans  la  partie  qui  suit,  l'acceptation  d'une  alliance  militaire 
durable,  qui  résulte  de  la  société,  entraine  une  diminution  légale  de  l'auto- 
nomie. D'ailleurs  tous  les  socii  sont,  sans  doute,  en  même  temps  amici  po- 
puli Romani  et  possèdent  tous  les  droits  qui  résultent  de  l'hospitalité  pu- 
blique. 

(3)  Au  cas  de  convention  d'amitié  avec  un  particulier,  le  même  honneur 
est  naturellement  accordé  à  l'ami  du  peuple  romain.  Le  sénatus-consulte 
relatif  aux  trois  capitaines  dit  :  [Sei  de  rébus  sueis  legatos  ad  senatum  mit- 
(]ere  lega[teive]  veneire  vellent,  uti  eis  leibereis  postereisque  eorum  legatos  ve- 
nire  mittereque  liceret. 

(4)  Les  consuls  proposent  pour  les  capitaines  cités  p.  207,  note  3  :  "Otcw; 
...  xccTaAoyr)  oc-jtwv  yévy)tcu,  et,  dans  Polybe,  22,  17,  10,  le  sénat  conseille  aux 
Achéens  toïç  Ttpe<7|3eVTaïç  toiç  àe\  rcap'  la'jxwv  àx7i£u,7îO{xévoiç...  irpooixeiv  tov 
voOv  xal  xcctocXoyV  (les  manuscrits  ;  les  éditions  à  tort  rxaxaScr/"^)  7r<Hsîa6ai 
Trjv  àp{J.osoy<rav,  xaôauep  xoù  'Pw^atoi  ttoioOvto»  tcov  TcapaYivouivcov  izpoç  oc'jto'jç 
Ttpe<7(kvTôiv.  S.  Bases  ('Eçejju  àp-/.  1886,  p.  43)  a  vu  que  xara^oy?),  que  le  glos- 
saire de  Philoxène  explique  par. respectus  et  qui,  d'après  Phrynichos,  signifie 
ttjv  npo;  uva  aî8â>  dans  le  langage  non-classique,  est  la  traduction  d'honos. 


ROME  ET   L'ÉTRANGER.  2iS 

officielle  des  amis  (1).  En  outre,  ils  ont,  comme  les  séna- 
teurs, une  place  d'honneur  aux  fêtes  publiques  (2);  ils  sont 
admis  à  sacrifier  au  Gapitole;  en  cas  de  maladie,  ils  sont 
soignés  aux  frais  de  l'État,  et,  en  cas  de  mort,  il  leur  est  fait 
des  funérailles  publiques  (3). 
Le  règlement  des  relations  privées  des  membres  des   deux  Règlement  des 

,  °  relations  privées 

Etats  contractants  est  encore  plus  important  que  celui  des  re-  i^^aonai1 
lations  des  deux  États  eux-mêmes.  Le  non-citoyen  ne  peut  ester 
en  justice  à  Rome  qu'en  vertu  d'un  traité,  nous  révèle  notam- 
ment la  terminologie.  L'ancien  langage  technique  désigne  par 
le  mot  hostis,  très  probablement  de  la  même  famille  que  l'alle- 
mand Gast  (4),  le  citoyen  d'un  État  allié  protégé  par  une  con- 
vention d'amitié  (5),  tandis  que  la  même  dénomination  peut 
aussi  être  attribuée,  après  la  rupture  du  traité,  à  l'hôte  trans- 
formé en  ennemi  et  qu'à  l'époque  moderne  elle  n'est  plus  em- 
ployée que  dans  ce  dernier  sens  (6).  Vhostis  au  premier  sens 


(1)  C'est  là  le  munus  ex  formula  =  i-évia  xaxà  to  Stàtay^a  du  sénatus- 
consulte  de  678;  de  même  dans  le  sénatus-consulte  d'Astypalsea,  ligne  9  : 
"E8oi;£v  oz'....  utcoctoç  tùv  xcc\lÎixv  xoaà  to  Starayjxa  [£svia  SsSovai  xJeXeûcr/i  et  dans 
celui  de  Priene  (C.  I.  Gr.  2905,  in  fine).  Cf.  Rœm.  Forsch.  1,  345  =  Hist. 
Rom.  4,  405. 

(2)  Varron,  De  l.  L.  5,  155  :  Locus  snbstructus  sub  dextra  hujus  (curiœ)  a 
comitio  ubl  nationum  subsistèrent  legati,  qui  ad  senatum  essent  missi  :  is  Grae- 
costasis  appellatus  a  parte  ut  multa.  Selon  Justin,  43,  5, 10,  un  locus  spectaculo- 
rum  in  senatu  est  datus  aux  Massaliotes  à  raison  de  leur  concours  après 
l'incendie  de  Rome  par  les  Gaulois. 

(3)  Cette  question  est  traitée  en  détail,  Rœm.  Forsch.  1,  343  et  ss.  (résumé 
Hist.   rom.  4,  405  et  ss.) 

(4)  Curtius  (dans  mes  Rœm.  Forsch.  1,  326  et  349,  résumé  Hist.  rom.  4, 
399)  rattache  le  mot,  comme  notre  Gast,  au  sanscrit  ghas  =  edere;  Corssen, 
Ausspr.  1,  796,  le  rattache  à  hoslire,  battre.  Mais  ni  l'une  ni  l'autre  des 
étymologies  n'explique  suffisamment  l'usage  du  mot.  Uhostis  n'est  jamais 
le  convive,  et  l'acception  ancienne,  parfaitement  établie  du  mot  ne  peut  pas 
hcîîeraent  être  dérivée  de  l'idée  de  celui  qui  frappe. 

(5)  La  définition  de  Vhostis  de  l'ancienne  langue  dans  Varron.  De  l.  L.  5, 
3  :  Tum  eo  verbo  dicebant  peregrinum  qui  suis  legibus  uteretur  correspond 
exactement  au  langage  des  Douze  Tables.  L'ancienne  formule  d'invitation  à 
sortir  (Festus,  p.  82)  :  Hostis  vinctus  mulier  virgo  exesto,  doit  également  sans 
doute  être  entendue  en  ce  sens  que  ceux  qui  sont  en  principe  autorisés  à 
résider  à  Rome  sont  invités  à  sortir  des  fêtes  des  citoyens,  ce  qui  s  appli- 
que aux  femmes,  aux  esclaves  et  aux  hôtes. 

(6)  Corssen,  loc.  cit.,  a  raison  de  penser  que  le  sens  d'ennemi  n'a  pas  été 
pris  par  le  mot  seulement  à  une  époque  récente  ;   en  réalité,  on  a  peine  à 


216  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

est  remplacé  plus  tard,  à  côté  du  Latinus,  c'est-à-dire  du  non- 
citoyen  de  même  nationalité,  par  le  peregrinus  (1),  c'est-à-dire 
par  «  l'étranger  »  qui  appartient  à  un  Etat  en  traité  avec 
Rome  (2).  L'expression  hostis  et  l'expression  peregrinus,  qui 
sont  toutes  deux  des  termes  techniques  du  droit  privé,  excluent 
l'une  et  l'autre  l'étranger  qui  n'appartient  à  aucun  État  allié  ; 
elles  lui  refusent  donc  le  droit  d'ester  en  justice  à  Rome.  Au 
reste,  on  ne  voit  pas  comment  il  aurait  pu,  en  l'absence  de 
traité,  exercer  cette  faculté  à  Rome.  Les  Romains  n'ont  jamais 
connu  de  droit  international  au  sens  actuel  du  mot,  de  lois  gé- 
nérales s'appliquant  à  toutes  les  personnes  qui  se  trouvent  dans 
l'intérieur  des   frontières  de  l'État  (3).  Pas  plus  qu'ils  n'ont 


voir  comment  le  mot,  s'il  n'avait  primitivement  désigné  que  l'étranger  mis 
sous  la  protection  des  lois,  se  serait  plus  tard  transformé  pour  signifier 
tout  le  contraire.  Il  faut  se  rappeler  que  la  guerre  est,  elle  aussi,  un  rap- 
port juridique  et  qu'elle  n'est  possible,  tout  comme  le  procès,  qu'à  condi- 
tion d'avoir  été  précédée  d'une  convention  antérieure,  et  le  rapprochement 
du  mot  à'hostire  =  sequare  me  parait  toujours  la  solution  la  plus  vraisem- 
blable. 

(1)  Varron,  5,  33  :  Ut  nostri  augures  publia  disserunt,  agrorum  sunt 
gênera  quinque  :  Romanus,  Gabinus  (c'est-à-dire  celui  de  cette  ville  ou  d'une 
autre  ville  latine  ;  ager  Latinus  serait  incorrect;  car  il  n'y  a  qu'un  état  à 
pouvoir  avoir  un  territoire),  peregrinus,  hosticus,  incertus.  Loi  agraire  de 
643,  ligne  29:  [Quod  ceivï]  Roraano  facere  licebit,  itemLatino  peregrinoque...  fa- 
cere  liceto.  Les  jurisconsultes  romains  reconnaissent  que  la  distinction  des 
Latini  et  des  peregrini  n'a  qu'une  valeur  terminologique,  et  qu'en  droit  les 
Latini  sont  sur  le  même  rang  que  les  peregrini.  Gaius,  1,  79  :  (Lex  Minicia) 
ad  alios  Latinos  pertinet  qui  proprios  populos  propriasque  civitates  habebant  et 
erant  peregrinorum  numéro.  Varron,  loc.  cit.  :  Gabinus  quoque  peregrinus 
(ager),  sed  quod  auspicia  habet  singularia,  abreliquo  discretus.  On  trouve  par- 
fois, mais  peu  fréquemment  et  sans  doute  dans  un  langage  proprement  in- 
correct, la  pérégrinité  attribuée  expressément  aux  Latins.  Ainsi  on  déclare 
qu'un  prodigium  observé  dans  la  colonie  latine  de  Fregellse  ne  doit  pas 
faire  l'objet  d'une  expiation  de  la  part  des  autorités  romaines,  quod  (factura 
esset)  in  loco  peregrino  (Tite-Live,  43,  13,  6). 

(2)  La  discipline  augurale,  relatée  par  Varron,  5,  33  (note  ci-dessus)  dis- 
tingue Y  ager  peregrinus  comme  pacatus  de  Y  ager  hosticus  ab  hostibus.  Le  pe- 
regrinus n'est  donc  pas  tout  étranger,  mais  celui  qui  est  sous  la  protection 
de  la  pax.  Hosticus  doit  ici  désigner  par  opposition  tout  le  territoire  avec 
les  possesseurs  duquel  Rome  est  en  guerre  ou  n'a  pas  de  traité.  —  La  pré- 
position est  employée  ici  comme  dans  perjuriura,  perendie  ;  on  rapprochera 
les  anciennes  expressions  corrélatives  dorai  et  peregri.  Gorssen,  Ausspr. 
1,  776. 

(8)  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  droit  pénal  public  n'a  ici  rien  à 
voir.  L'État  punit   le  meurtre  comme  un   crime  commis  contre  lui,  sans 


ROME  ET   L'ÉTRANGER.  217 

l'idée,  ils  n'ont  de  mot  pour  désigner  l'étranger  qui  n'est  pas 
protégé  par  une  convention  spéciale.  Exter  (externus,  extra- 
neus)  n'exprime  qu'une  exclusion  topographique,  sans  considé- 
ration du  statut  personnel  et  sans  corrélation  fixe  avec  un  cer- 
cle déterminé,  et  il  est  principalement  employé,  à  l'époque  an- 
cienne, par  opposition  à  l'Italiote  (1). 

La  réglementation  des  relations  entre  les  membres  des  deux  COmmeraceétnab*ës 
États  ne  doit  avoir  fait  défaut  dans  aucun  traité  international;  par  les  trailes* 
mais  elle  y  tendait  fréquemment  plutôt  à  l'exclusion  qu'à  la 
concession  de  la  communauté  du  droit  privé.  Dans  le  plus  an- 
cien traité  conclu  entre  Rome  et  Carthage,  les  marchands  ro- 
mains sont  invités  à  conclure  leurs  marchés  avec  l'assistance 
d'un  magistrat  carthaginois  et  à  s'adresser  pour  leur  paiement 
aux  autorités  carthaginoises  (2)  ;  les  relations  commerciales 


distinguer  si  la  victime  avait  ou  non  une  capacité  personnelle. Par  suite,  ce 
crime  peut  être  commis  même  sur  un  esclave. 

(1)  La  désignation  exter  {externus,  extraneus)  a  en  elle-même  une  portée 
vacillante  ;  car  la  distinction  de  l'intérieur  et  de  l'extérieur  peut  être  com- 
prise de  plusieurs  façons.  A  l'époque  ancienne,  on  l'applique,  d'une  façon 
caractéristique  pour  la  situation  politique  du  temps  de  la  République,  à  la 
distinction  des  Italiens  et  des  non-italiens.  Ainsi  la  loi  repetundarum  de 
631-632  oppose  aux  [socii  no]minisve  Latini,  c'est-à-dire  aux  alliés  italiques, 
les  exterœ  nationes  ;  et  c'est  sous  l'influence  de  cette  façon  de  parler  que 
Cicéron,  dans  les  Verrines,  parle  sans  distinction  tantôt  de  socii  et  exterœ 
nationes  (Div.  in  Cœc.  3,  7.  5,  18.  19,  63.  Act.  1,  2,  4.  I.  1,  22,  59.  c,  27,  68.  c.  32, 
82,  etc.),  tantôt  de  socii  seulement,  tantôt  d'exterœ  nationes  seulement  (Div. 
in  Csec.  20,  66.  Act.  1,  14,  41.  I.  1,  32,  82),  quoique  la  distinction  n'existât  plus 
de  son  temps.  Tite-Live,  Per.  72,  oppose  également  aux  Italiens  insurgés  les 
auxilia  Latini  nominis  exterarumque  gentium  et  Tacite,  Hist.  2,  55,  blâme  Vi~ 
tellius  de  Latium  exteris  dilargiri.  Mais  le  mot  se  rencontre  aussi  pris  dans 
d'autres  oppositions  :  ainsi  relativement  à  la  province  pour  ceux  qui  habi- 
tent au  dehors  d'elle  (Dig.  1,  18,  3)  et  par  rapport  au  territoire  de  l'empire 
pour  les  villes  libres  (Proculus,  Dig.  49,  15,  7,  pr.)  et  pour  les  royaumes 
indépendants  (selon  le  Dig.  48,  4,  4,  pr.,  c'est  un  crime  de  majesté  de  faire 
quo  rex  exterae  nationis  populo  Romano  minus  obtemperet).  Cette  idée  indé- 
terminée en  elle-même  et  essentiellement  géographique  n'a  rien  de  commun 
avec  la  condition  des  personnes. 

(2)  Polybe,  3,  22  :  ToTç  8à  xoct'  sfrrcopiav  irapayivofiivotç  [XYjSèv  serai  téXoç 
TtXr,v  È7Ù  oaqpuxi  V)  YpajJ-f-aTSt  *  o<ra  8'  av  toutwv  uapovxwv  7ipa8yj,  8Y)fxocr:a  tuotsi 
&çetXé<r6co  toi  àuo8o[xévo).  Cette  disposition  est  relative  aux  marchands  ro- 
mains qui  faisaient  le  commerce  dans  la  portion  du  territoire  de  Carthage 
qui  leur  était  ouverte  ;  c'est  sans  doute  simplement  par  suite  d'une  lacune 
que  le  traité  ne.contient  rien  de  relatif  aux  Carthaginois  commerçant  sur  le 
territoire  romain. 


218  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

privées  sont  donc  expressément  interdites.  Ces  restrictions  ap- 
portées aux  relations  avec  les  États  étrangers  qui  n'étaient  pas 
légalement  dans  la  dépendance  de  Rome,  se  sont  avec  le  temps 
toujours  renforcées  davantage.  Ainsi  avant  tout,  sous  le  Prin- 
cipat,  le  droit  de  pénétrer  sur  un  territoire  étranger  indépen- 
dant n'était  accordé  au  Romain,  et  le  droit  de  pénétrer  sur  le 
territoire  romain  ne  Tétait  à  l'étranger  indépendant,  même  pour 
affaires  commerciales,  que  dans  des  conditions  déterminées  et 
le  plus  souvent  sous  le  contrôle  de  l'autorité  (1).  Sans  doute 
les  traités  qui  excluaient  en  principe  la  liberté  du  commerce 
privé  ne  pouvaient  pas  se  dispenser  de  faire  certaines  excep- 
tions absolument  requises  par  la  convention  d'amitié  elle- 
même.  Cette  liberté  est  par  exemple  reconnue  sans  restriction 
aux  ambassadeurs  (2),  et  elle  existe  également  au  profit  des 
otages  et  des  prisonniers  de  guerre  soumis  au  même  régime 


(1)  Dans  Tacite,  Hist.  4,  64,  les  Germains  d'an  delà  du  Rhin  disent  dans 
leur  discours  aux  Agrippinenses:  Ad  hune  diem...  flum^naac  terras...  clause- 
rant  Romani,  ut...  inermes  ac  prope  nudi  sub  custode  et  pretio  coiremus,  et 
ceux-ci  répondent,  c.  65:  Vectigal  et  onera  commerciorum  resolvimus  :  sint 
transitus  incustoditis  et  (et  non  incustoditi  sed)  diurni  et  inermes.  Le  même, 
Germ.  41  :  Hermundurorum  civitas  fida  Romanis,  eoque  solis  Germanorum  non 
in  ripa  commercium,  sed  penitus  atque  in  splendidissima  Raetiœ  colonia  (Augs- 
bourg)  passim  sine  custodia  transeunt.  Dion,  71,  11  :  Où  [liv-roi  xal  tt,ç  èiujjuljiaç 
TYJÇ  (Ms.  :  xal)  èv  xa\ç  àyopaïç  Ixuyov  (o\  KoùaSoi).  71,  15  :  Totç  8s  Mapxojxa- 
voiç  (Marc  Aurèle)  Ta  -/a>p:a  Taç  Ter^épaç  T7|çèTU|Ai!;:açàcpa>pi<ye  "  TtpoTspov  yàp  où 
Stexsxptvro.  Gela  fut  reproduit  par  Commode  (Dion,  72,  2)  :  HpooeiàxoLU  ayi- 
<nv,  "va  [i.r,T£  itoXXaxiç  h^te  TCoXXaxoù  ttjç  x^Pa?  àOpoîÇwvxai,  àXX'  oLtzixZ,  èv  èxàa-rto 
[li\v\  xa\  èç  touov  eva  èxaTOVTap^ou  xivbç  'PtDfjiaiou  -îiapovToç.  Des  conditions  en- 
core plus  rigoureuses  furent  imposées  aux  Jaziges  (Dion,  71,  16),  mais  elles 
leur  furent  plus  tard  remises  tiXy]v  râv  xaTtic  Te  Taç  auvoSouç  aÙTiov  xa\  xatà 
Taç  èwijjLiÇtaç  o-uyxetjAévwv  (Dion,  71,  19).  Lors  de  la  paix  de  297,  les  Perses 
durent  consentir  à  ce  que  le  commerce  entre  les  deux  nations  fût  limité  à 
la  ville  romaine  de  Nisibis  (Petrus  Patrie,  fr.  14,  éd.  Millier.  Themistius, 
Or.  10,  éd.  Petav.  p.  135  :  KatTOi  to-j  xépôouç  v7ïapx<moç  xotvoù  toÎç  ëôveaiv 
àixçorépoiç  (aux  Romains  et  aux  Goths)  èx  t^ç  à|xot[3riç  twv  èv  -/psïa  auvaXXay- 
liàxtov  8uo  jxovaç  rcoXeiç  tûv  7C0Ta(jLa)  ■rcpoa'a)Xicr|xévu>v  èfjnropt'a  xaTeo-xeuaaaxo  (Va- 
lens).  Théodose  II  défendit,  en  invoquant  des  constitutions  plus  anciennes, 
(Cod.  Just.  4,  63,  6),  aux.marchands  romains  de  faire  des  opérations  de  com- 
merce dans  le  royaume  des  Perses  ailleurs  que  dans  les  villes  de  Nisibis, 
Kallinikos  et  Artaxata  ;  les  marchands  perses  étaient  soumis  à  des  restric- 
tions analogues  dans  l'empire  romain  (Cod.  Just.  4,  63,  4  ;  cf.  4,  40,  2  ; 
«Ml,  2). 

(2;  Cod.  Just.  4,  41,  2,  pr.  ;  tit.  63,  4,  3. 


ROME   ET   L'ETRANGER. 


U9 


qu'eux  (1).  Les  frontières  romaines  étant  closes,  d'une  part, 
aux  étrangers  indépendants  et  un  statut  personnel  étant,  d'au- 
tre part,  attribué  par  contrat  aux  étrangers  qui  franchissaient 
ces  frontières  d'une  façon  légale,  il  a  été  possible  d'arriver  àmain- 
tenirla  règle  que  l'Etat  romain  ne  reconnaît  la  capacité  juridique 
aux  étrangers  qu'en  vertu  d'un  traité  international  tout  en 
parvenant  cependant  à  faire  qu'il  n'y  eut  pas,  en  dehors  de  rares 
exceptions,  d'étrangers  exclus  de  lajouissance  du  droit  commun 
dans  le  territoire  soumis  à  la  puissance  romaine. 

Mais  plus  on  remonte  dans  le  passé,  plus  la  participation       Liberté 

A  .  commerciale 

conventionnelle,  plus  ou  moins  libre,  à  la  législation  romaine  établie  par  les 
s'étend  au  delà  des  limites  du  territoire  soumis  à  Rome.  Dans 
sa  jeunesse,  Rome  est  l'État  du  libre  négoce.  Les  barrières 
dressées  en  face  de  l'étranger  marquent  sa  vieillesse.  Les  re- 
lations établies  dans  le  sein  du  Latium  et  fondées  sur  la  com- 
munauté de  mœurs  et  de  langage  sont  antérieures  à  l'hégémo- 
nie romaine.  Les  relations  analogues  avec  les  États  de  nationa- 
lité différente  remontent  également  au  passé  le  plus  reculé.  La 
vente  trans  Tiberim,  restée  incorporée  parmi  les  institutions 
juridiques  de  Rome(VI,  l,p.  49),  nous  en  fournit  un  premier  té- 
moignage authentique.  Nous  en  avons  un  autre  dans  le  second 
traité  de  commerce  avec  Garthage,  qui  n'ouvre  pas  à  la  vérité 
tout  le  territoire  aux  étrangers,  mais  qui,  dans  la  partie  qu'il 
leur  en  ouvre,  leur  donne  le  même  droit  de  commerce  qu'aux 
citoyens  (2).  Ces  relations  avec  l'étranger,  autorisées,  mais  ce- 
pendant différentes  de  celles  qui  existent  entre  citoyens,  ont 
pour  sanction  une  procédurejudiciaire,  la  «  restitution  »  reçu- 
peratio  (3),  sur  les  particularités  de  laquelle  nous  ne  sommes 


(1)  V.  les  textes  p.  224,  note  1.  Les  captivi  nommés  là  ne  peuvent,  puis- 
qu'ils ont  des  biens,  être  que  des  captifs  traités  de  la  même  façon  que  le  roi 
Maroboduus. 

(2)  Polybe,  3,  24:  'Ev  SsxsXîa...  xal  sv  Kap^Sovi  uàvra  xoù  uocsctw  xa\  7«d- 
Xsîtw   oo-a  xai   tôï  tioX(ty)   e^ecnriv  '   cbaocuTtoç   8s  xal  6   Kapx^Sovioç   7rots(x(o    èv 

•PcV,. 

(3)  Festus,  p.  274  :  Reciperatio  est,  ut  ait  Gallus  Aïlius,  cum  inter  populum 
et  reges  nationesque  et  civitates  peregrinas  lex  convertit,  quomodo  per  reciperato- 
res  redderentur  res  reciperenturque  resque  privatas  inter  sepersequantur.  Quand 
la  reciperatio  est  refusée,  cela  conduit  à  la  rerum  repetitio  corrélative  des 


220  DROIT  PUBLIC   ROMAIN, 

qu'imparfaitement  renseignés,  mais  dont  nous  pouvons  néan- 
moins discerner  les  grands  traits. 
Droit  d'ester  en      Le  droit  d'ester  en  justice  des  étrangers  dans  cette  situation 

justice  des  . 

étrangers,  n  était  peut  être  pas,  à  l'époque  la  plus  ancienne,  plus  complet 
que  celui  des  clients  (VI,  1,  p.  91)  ;  ils  avaient  peut-être  besoin, 
pour  l'exercer,  de  l'assistance  de  leur  hôte,  de  leur  hospes  (1). 
Tout  au  moins  on  ne  voit  pas  bien  en  quoi  aurait  pu  consister 
l'importance  légale  de  l'hospitalité  privée  (VI,  l,p.  84,  note  4), 
si  ce  n'avait  pas  été  dans  cette  assistance  juridique  donnée  par 
l'hôte  à  ses  hôtes  étrangers  tout  comme  à  ses  clients  qu'on  en 
rapproche.  Les  nombreuses  difficultés  pratiques  soulevées  par 
la  supposition  d'un  étranger  demandeur  sont  également  un  ar- 
gument en  faveur  de  cette  idée.  D'ailleurs  la  dénomination  pa- 
tronus n'est  pas  appliquée  à  l'hôte  (VI,  1,  p.  72,  note  1),  et  elle  ne 
lui  convient  même  pas;  car  l'hospitalité  n'est  pas  un  rapport  per- 
manent,etelle  ne  crée  pas,commelaclientèle, de  statut  personnel. 
En  tout  cas,  si  les  plus  anciennes  dispositions  internationales,  — . 
sous  ce  rapport  comme  sous  les  autres,  c'était  naturellement  le 
texte  du  traité  qui  décidait  en  premier  lieu  pour  chaque  cas  par- 
ticulier, —  n'ont  accordé  à  l'hôte  étranger  le  droit  de  comparaître 
devant  les  tribunaux  romains  qu'avec  le  concours  de  l'hôte  qui 
le  reçoit,  les  Romains  ont  certainement  abandonné  cette  cou- 
tume dans  leurs  traités  postérieurs,  et  ils  ont  accordé  à  Phôte  en 
droit  d'agir  comme  au  client  en  droit  d'agir  la  faculté  d'ester 
en  justice  sans  aucune  assistance.  Mais  le  concours  que  \epa- 
tronus  donnait  à  son  client  pour  ses  procès  d'après  le  droit  ré- 
cent, peut  avoir  également  été  dû  alors  à  l'étranger  par  son 
hôte,  quand  il  en  avait  un  (2). 

Droit  des  La  forme  du  procès  et  ses  règles  de  fond  dépendaient  en 

étrangers.  . 

premier  lieu  des  dispositions  du  traité.  Mais  on  doit  avoir  cher- 


fétiaux  (Handb.  6,  420)  et  ensuite  à  la  guerre;  la  violation  des  droits  privés 
figure  en  tête  des  causes  de  guerre  légitime. 

(1)  Léo  Meyer  (Vergleich.  Gramm.  1,  603.  790)  compare  Sea-wiTTjç  et  le 
slave  gos-podi,  maître. 

(2)  Le  status  condictus  dies  cum  hotte  peut  être  rapporté  à  Vhostis  comme 
partie  adverse;  mais  il  vaut  peut-être  mieux  l'entendre  de  Vhostis  ayant  be- 
soin d'être  assisté  en  justice. 


ROME   ET   L'ÉTRANGER.  224 

ché  dès  le  principe  à  établir  une  certaine  uniformité  entre  les 
clauses  des  différents  traités.  Par  la  suite,  la  'création,  en  512, 
d'une  seconde  juridiction  supérieure  pour  les  procès  à  juger  à 
Rome  qui  n'étaient  pas  engagés  entre  citoyens(l),  fournitl'instru- 
ment  nécessaire  à  la  formation  d'un  droit  spécial  des  étrangers. 
Les  procès  engagés  entre  citoyens  et  Latins  ne  peuvent  pas 
avoir  été  déférés  au  prœtor  qui  inter  peregrinos  jus  dicil;  ils 
sont  nécessairement  restés  soumis  au  préteur  gui  inter  cives 
jus  dicit.  Car,  en  terminologie,  les  Latins  ne  sont  pas  comptés 
parmi  les  pérégrins  (p.  216,  note  1),  et,  puisqu'ils  sont  au  dessous 
des  citoyens  et  au-dessus  des  pérégrins,  ils  peuvent  bien  être 
sous-entendus  lorsqu'on  mentionne  les  cives,  mais  une  juridic- 
tion instituée  pour  les  Latins  et  les  pérégrins  aurait,  en  abré- 
geant son  titre,  supprimé  la  mention  de  ces  derniers.  En  outre, 
les  Romains  et  les  Latins  étant  soumis  aux  mêmes  lois  privées, 
il  y  avait  un  avantage  pratique  à  donner  pour  fondement  à  la 
séparation  des  deux  juridictions  la  différence  de  droit  positif. 
A  vrai  dire,  nous  ne  pouvons  point  établir  l'existence  d'une 
procédure  propre  aux  étrangers.  La  procédure  suivie  devant  les 
reciperatores,  c'est-à-dire  devant  de  petits  collèges  de  jurés  en 
nombre  impair  qui  statuent  à  la  majorité,  appartient  assuré- 
ment à  la  procédure  internationale  ;  car  ils  tirent  leur  nom  de 
la  reciperatio^tiz  décision  par  un  juré  unique, qui  prédominait 
dans  les  procès  entre  citoyens,  n'était  pas  en  général  usitée 
quand  les  parties  au  procès  avaient  des  législations  personnel- 
les différentes;  dans  ces  procès,  chaque  partie  doit  avoir  pro- 
posé un  ou  plusieurs  jurés  et  le  jury  avoir  été  complété  par 
l'adjonction  d'un  président  (2).  Mais  la  procédure  par  récupé- 
rateurs s'est  probablement  développée  en  premier  lieu  dans  les 
relations  avec  les  Latins,  et,  telle  que  nous  la  connaissons,  elle 
n'est  pas  réservée  au  tribunal  des  pérégrins;  elle  est  également 


(1)  V.  tome  III,  la  théorie  de  la  Préture,  sur  lepraetor  inter  peregrinos. 

(2)  Il  ne  résulte  pas  de  là  que  le  tribunal  des  récupérateurs  ait  été 
composé  à  l'origine  de  membres  des  deux  nations.  Un  magistrat  romain 
ne  peut  avoir  eu  le  droit  de  nommer  des  jurés  non-romains  que  si  le  traité 
le  prescrivait  expressément. 


522  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

employée  comme  seconde  forme  de  procédure  dans  les  deux 
cours  de  justice,  peut-être  précisément  parce  que  ies  Latins 
étaient  soumis  à  la  juridiction  des  citoyens. 
jus  gentium.  Au  contraire,  nous  rencontrons,  en  étudiant  l'évolution  du 
droit  privé, un  droit  opposé  au  droit  civil  fondé  sur  les  coutumes 
nationales  latines  ou  sur  la  législation  romaine  {jus  civile).  Il 
se  rattache  à  une  abstraction  familière  aux  jurisconsultes 
romains,  à  l'idée  abstraite  d'un  droit  privé  commun  à  tous  les 
peuples  {jus  gentium)  (1).  C'est  un  ensemble  de  règles  positives, 


(1)  Gaius,  1,  1  :  Quod  quisque  populus  ipse  sibi  jus  constituit,  id  ipsius  pro- 
prium  est  vocaturque  jus  civile...  Quod  vero  naturalis  ratio  inter  omnes  homi- 
nes  constituit,  id  apud  omnes  populos  perœque  custoditur  vocaturque  jus  gen- 
tium, quasi  quo  jure  omnes  gentes  utuntur.  Populus  itaque  Romanus  partim 
suo  proprio,  partim.  communi  omnium  hominum  jure  utitur.  Le  jus  gentium  (où 
gentium  doit,  selon  la  juste  observation  de  Glarks  dans  Nettleship,  Journal 
of  Philology,  vol.  XIII,  p.  172,  être  compris  de  la  même  façon  que  dans 
nusquam  gentium,  minime  gentium),  expression  déjà  familière  à  Cicéron, 
n'est  pas,  d'après  la  conception  romaine, —  sans  doute  intimement  influen- 
cée par  les  théories  grecques,  —  une  invention  spéculative;  c'est  le  droit  gé- 
néral non  écrit  (Cicéron,  Orat.  part.  37,  130  :  Propria  legis  et  ea,  quœ  scripta 
sunt  et  ea  quse  sine  litteris  aut  gentium  jure  aut  majorum  more  retinentur)  et 
il  est  identifié  avec  le  jus  naturœ  (Cicéron,  De  off.  3,  5,  23  :  Neque  vero  hoc 
solumnatura,  id  est  jure  gentium,  sed  etiam  legibus  populorum...  constituti/m 
est;  Tusc.  1,  13,  30:  Omni  in  re  consensio  omnium  gentium  lex  naturœ  putanda 
est),  en  ce  sens  qu'on  entend  par  là  l'ensemble  des  principes  de  droit  en 
vigueur  partout  ou  à  peu  près,  qui  se  trouvent  parmi  les  règles  de  droit  po- 
sitif connues  des  Romains  ou  supposées  implicitement  par  eux.  On  signale, 
comme  appartenant  à  ce  droit  universel,  par  exemple  les  règles  du  droit  de 
la  guerre  sur  la  protection  des  ambassadeurs  et  leurs  saufs-conduits  (Tite- 
Live,  1,  14.  2,  4.  5,  36;  Salluste,  Jug.  35,  7),  sur  la  légitimité  de  l'acquisition 
du  butin  (Dig.  41,  1,  5,  7)  ;  le  droit  de  légitime  défense  (Salluste,  Jug.  22)  ; 
l'extension  à  l'homme  de  l'idée  de  propriété,  l'esclavage  (Gaius,  1,  52:  Nam 
apud  omnes  perœque  gentes  animadvertere possumus  dominis  inservos  vitœ  necis- 
que  potestatem  esse)  et  l'attribution  légale  de  la  condition  servile  à  l'enfant 
né  d'une  femme  esclave  (Gaius,  1,  78-86);  l'imprescriptibilité  des  choses  ap- 
partenant aux  dieux  (Cicéron,  De  har.resp.  14,  32  :  Hoc  si  minus  jure  civiliper- 
scriptum  est,  legetamennatur se,  communi  jure  gentium  sanctum  est,  ut  nihilmor- 
tales  a  diis  immortalibus  usu  capere  possint)  ;  l'acquisition  par  alluvion  (Dig.  41, 
1,  7,  1)  et  par  tradition  (Fragm.  VatA7a.;Dig.  41,  1,  9,  3  ;  naturali  jure  selon 
Gaius,  2,  65);  la  génération  d'une  obligation  par  une  numération  de  deniers 
faite  parle  créancier  (Gaius,  3, 132);  la  convention  formée  par  interrogation 
et  par  réponse,  pourvu  que  l'on  n'emploie  pas  les  mots  spondesne?  spondeo 
réservés  au  droit  civil  (obligation  :  Gaius,  3,  93;  acceptilation  :  Dig.  46,  4,  8, 
4);  les  contrats  consensuels  (Dig.  2,14,  7, pr.,  etc.);  le  droit  de  succession  des 
enfants  à  leur  père  (Quintilien,  Inst.  7, 1,  46);  la  reconnaissance  de  l'inceste 
en  ligne  directe  ascendante  et  descendante  (Dig.  23,  2,  68)  en  face  de  laquelle 


ROME   ET   L'ÉTRANGER.  223 

rattachées  à  cette  idée  (1),  qui  peuvent  être  regardées,  à  l'ori- 
gine, comme  constituant  un  droit  subsidiaire  aux  règles  fournies 
par  les  traités  spéciaux,  puis  plus  tard,  lorsque  les  traités 
spéciaux  non  seulement  échappent  à  nos  regards,  mais  sont 
dépouillés  de  leur  vigueur  par  la  prédominance  de  Rome,  comme 
formant  un  droit  commun  de  l'empire  applicable  à  tous  les 
procès  qui  étaient  soumis  à  des  tribunaux  romains  (2)  sans  être 
exclusivement  engagés  entre  citoyens,  (3)  droit  dans  lequel  les 
dispositions  de  la  législation  romaine  qui  n'étaient  pas  restreintes 


le  mariage  entre  frères  et  sœurs,  défendu  ou  permis  selon  les  différentes  lé- 
gislations, fournit  un  terme  opposé  d'une  vigueur  toute  spéciale.  L'extension 
du  jus  naturale  à  tous  les  êtres  vivants,  avec  la  distinction  ainsi  obtenue 
entre  lui  et  le  jus  gentium  (Ulpien,  Dig.  1,  1,  1,  3),  n'est  qu'une  subtilité  mo- 
derne. Il  y  a„dans  Nettleship,  loc.cit.,  un  relevé  utile  des  différentes  appli- 
cations de  ce  terme. 

(1)  Le  jus  gentium  lui-même  n'a  pas,  dans  la  notion  romaine,  de  valeur  po- 
sitive intrinsèque;  il  s'efface  devant  les  lois  propres  de  l'État  (Gaius,  1,  83: 
Animadvertere  debemus,  ne  juins  gentium  regulam  vel  lex  aliqua  vel  quod  legis 
vicem  obtinet  aliquo  casu  commutaverit)  ;  son  application  subsidiaire  elle-même 
résulte,  au  sens  strict,  d'un  acte  de  lalégislation;  car,  en  interprétation  ri- 
goureuse, les  dispositions  du  droit  civil  non  seulement  ne  prescrivent  pas, 
mais  excluent  en  général  la  faculté  de  le  faire  valoir  en  justice.  11  n'est  de- 
venu possible  entre  citoyens  d'agir  en  exécution  d'une  simple  convention  de 
vente  que  lorsque  le  préteur  urbain  a,  en  vertu  de  ses  pouvoirs,  admis  cette 
convention  dans  son  album, et  l'obligation  naturelle, qui  existe  jure  gentium, 
est  dépourvue  d'action  en  droit  civil  {Dig.  50,  17,  84,  1).  Le  «  droit  commun  à 
tous  les  peuples  »  est  pour  les  Romains  une  source  du  droit  en  ce  sens  que 
le  droit  positif  doit  s'en  rapprocher  dans  la  mesure  du  possible,  que,  selon 
l'expression  de  Gicéron  (p.  225,  note  2), le  droit  général  devrait  être  le  droit 
positif.  Mais  il  ne  l'est  pas  toujours,  et  souvent  il  ne  peut  pas  l'être  sans 
une  détermination  législative.  Ainsi  par  exemple  le  droit  de  succession  ab 
intestat  des  descendants  et  la  tutelle  des  impubères  (Gaius,  1,  189)  appar- 
tiennent bien  en  principe  au  droit  général;  mais  ils  ne  peuvent  être  mis  en 
application  que  par  des  dispositions  spéciales. 

(2)  Pour  le  commerce  des  frontières  avec  les  étrangers  proprement  dits, 
les  relations  peuvent  sans  doute  avoir  toujours  été  réglées  en  première 
ligne  par  les  traités. 

(3)  A  l'époque  récente,  où  l'empire  romain  s'est  fermé  par  rapport  à 
l'extérieur  indépendant,  le  jus  civile  et  le  jus  gentium,  envisagés  comme 
ayant  reçu  la  sanction  positive  de  Rome,  peuvent  être  considérés  comme  le 
droit  que  les  tribunaux  de  l'empire  appliquent  aux  citoyens  et  celui  qu'ils 
appliquent  aux  sujets.  Mais  cela  tient  à  ce  que  la  Rome  ancienne  seule 
connaît  un  extérieur  à  la  fois  indépendant  et  en  commerce  juridique  avec 
Rome  ;  par  sa  nature,  le  jus  gentium  est  pris  pour  base  dans  tous  les  pro- 
cès soutenus  par  des  non-citoyens  devant  des  tribunaux  romains,  que  leur 
cité  soit  dépendante  de  Rome  ou  ne  le  soit  pas. 


224  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

aux  citoyens  sont  alors  intervenues  sous  de  nombreux  rapports. 
Mais  ce  droit  subsidiaire  pérégrin  n'embrasse  pas  tout  le  droit 
privé.  Il  ne  s'étend  qu'aux  relations  du  commerce  privé.  Les 
rapports  juridiques  qui  ne  rentrent  pas  dans  cette  notion  n'exis- 
tent pas  pour  lui.  11  est  instructif,  à  ce  point  de  vue,  de  com- 
parer le  développement  civil  de  la  donation  avec  celui  de  la 
vente  et  du  prêt  par  exemple.  Mais  avant  tout  cela  s'applique 
au  droit  du  mariage  et  au  droit  des  successions.  Ni  l'un  ni 
l'autre  ne  figurent  dans  ce  droit  subsidiaire.  Le  mariage  et 
les  successions  sont  liés  au  droit  de  cité.  Les  personnes  qui 
n'ont  pas  de  droit  de  cité  et  qui  sont  exclusivement  réduites  au 
droit  subsidiaire,  comme  les  dediticii,  les  individus  qui  leur 
sont  assimilés  et  les  otages,  sont,  dans  la  rigueur  du  droit,  ex- 
clues de  l'un  et  l'autre  (1).  Quant  au  fond,  ce  droit  subsidiaire 
a  emprunté  ses  dispositions  en  partie  au  droit  civil  lui-même, 
c'est  ce  qui  a  eu  lieu  notamment  pour  le  vol  et  les  autres  délits 
privés  (2).  Pour  partie,  il  a  soustrait  le  commerce  privé  aux 


(1)  Sur  les  dediticii,  cf.  VI,  1,  p.  156.  Quant  aux  otages,  Ulpien  dit  {Dig. 
28,  1,  11):  Obsides  testari  non  possunt,  nisi  eispermittitur,  et  Marcien  {Dig.  49, 
14,31.  32):  Divus  Commodus  reswipsit  obsidum  bonasicut  captivorum  (cf.  p.  218, 
note  1)  omnimodo  in  fiscum  esse  cogenda  :  sed  si  accepta  usu  togœ  Romanse  ut 
cives  Romani  semperegerint,  divi  fratres  procuratoribus  hereditatium  rescrip- 
sevunt  sine  dubitatione  jus  eorum  ab  obsidis  condicione  separatum  esse  beneficio 
principali  :  ideoque  jus  eis  servandum  quod  habent,  si  a  legitimis  civibus  Roma- 
nis heredes  instituti  fuissent  (c'est-à-dire  que  l'institution  d'héritier  est  va- 
lable ou  non  selon  qu'ils  sont  considérés  comme  des  otages  ou  comme  des 
citoyens).  Les  otages  ont  donc  en  droit  un  patrimoine,  mais  ils  n'ont  pas 
en  droit  d'héritiers.  [Cassiodore,  Var.  9,  14,  pose  encore  le  principe  selon 
lequel  les  biens  du  pérégrin  mort  dans  l'intérieur  du  territoire  reviennent 
à  l'État  comme  biens  vacants  et  sans  maître.  La  règle  s'applique  même,  à 
son  époque,  à  une  nouvelle  catégorie  de  personnes  inconnue  dans  la  pé- 
riode antérieure  à  Dioclétien  :  c'est  aux  soldats  enrôlés  à  l'étranger,  qui 
tombent  logiquement  sous  le  coup  des  mêmes  incapacités  et  en  faveur  des- 
quels on  dut  précisément  pour  cela  introduire  des  dispositions  d'excep- 
tion analogues  à  celles  prises  en  faveur  des  otages.  Il  est  possible  qu'on 
leur  ait  étendu  le  droit  de  tester  des  soldats,  et  ce  sont  peut-être  eux  qui 
sont  visés  en  première  ligne  parla  constitution  de  Constance  II,  (C.  Th.  o, 
4,  1),  qui  appelle  à  défaut  d'autre  héritier  les  corps  de  troupe  à  la  suc- 
cession des  soldats.  Cf.  Neues  Archiv  fur  altère  deutsche  Geschichtskunde,  14 
(1888),  p.  527,  note  2,  et  528,  note  4.] 

(2)  Gaius,  4,  37  :  Civitas  Romana  peregrino   fingitur,  si  eo  nomine  agat  aut 
cum  eo  agatur,  quo  nomine  nostris  legibus  actio  constituta  est,  si  modo  justum 


ROME   ET   L'ÉTRANGER.  Î25 

formules  conventionnelles  du  droit  civil  et  il  a  reconnu,  en 
s'inspirant  du  développement  plus  libre  du  droit  relatif  aux 
biens  de  l'Etat  (1),  l'accord  des  volontés  des  parties  comme 
une  source  suffisante  d'action.  Il  n'a  pas  créé  de  formations 
indépendantes.  Même  où  l'on  pourrait  croire  en  apercevoir, 
ainsi  dans  l'hypothèque,  c'est  l'institution  du  droit  du  patrimoine 
de  l'État,  le  prœdium  qui  a  fourni  le  point  de  départ ,  et  la  ré- 
glementation seule  appartient  au  droit  commun  subsidiaire. 
Dans  la  suite  de  l'évolution,  ce  droit  subsidiaire  a  supplanté 
et  remanié  le  droit  civil  à  des  points  de  vue  multiples,  et  il  y 
a  fait  pénétrer  les  règles  plus  libres  posées  par  lui  pour  le 
commerce  (2).  C'est  ce  droit  privé  aussi  parfaitement  déna- 
tionalisé que  possible  qui  est  devenu  un  droit  universel  et  qui  a 
survécu  des  milliers  d'années  à  la  chute  de  l'État  romain. 


sit  eam  actionem  etiam  ad  peregrinum  extendi.  Il  cite  comme  exemples  les 
actions  de  vol  et  de  dommage  apporté  aux  biens  matériels  activement  et 
passivement.  Il  suit  de  là  que  les  actions  nées  des  délits  privés  ne  pou- 
vaient pas,  en  elles-mêmes,  être  intentées  contre  un  pérégrin  ni  par  lui  ; 
mais  il  n'en  résulte  aucunement  qu'il  n'y  ait  pas  eu  de  voie  de  droit  en 
pareil  cas,  jusqu'à  l'époque,  sans  doute  relativement  récente,  où  elles  leur 
furent  étendues  à  l'aide  d'une  fiction.  Nous  trouvons  au  contraire  les  ac- 
tions nées  du  vol  intentées  par  des  pérégrins  contre  des  Romains  jugées  dès 
le  vie  siècle  par  des  récupérateurs  (car  le  procès  de  583  relaté  dans  Tite- 
Live,  43,  2,  n'est  pas  autre  chose);  sans  aucun  doute,  il  y  avait  dans  ce  but, 
à  l'époque  ancienne,  des  actions  spéciales,  qui  ont  été  plus  tard  rendues 
superflues  par  l'introduction  des  actions  lictices. 

(1)  V.  tome  I,  la  théorie  de  la  Juridiction  administrative,  sur  le  droit  du 
patrimoine  de  l'État. 

(2)  C'est  sans  doute  à  cela  que  pense  principalement  Gicéron  en  disant, 
De  off.  3,  17,  G9  :  Majores  allud  jus  gentium,  aliud  civile  esse  voluerunt  :  quod 
civile,  non  idem  continua  gentium,  quod  autem  gentium  idem  civile  esse  débet. 
Les  contrats  consensuels  sont  certainement  entrés  dans  le  droit  civil,  parce 
qu'il  sembla  inique  de  refuser  une  action  aux  citoyens  dans  des  cas  où  on 
en  accordait  une  aux  étrangers. 


Droit  Pdbl.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  15 


LA  LIGUE  NATIONALE  LATINE.    fStR  Hl,i 

5. 1*07- W) 


L'aiiiance  Entre  l'intérieur  et  l'extérieur,  il  existe,  dès  le  principe,  un 

territoire  intermédiaire,  qui  sans  doute  n'appartient  pas  à  l'in- 
térieur, mais  qui  lui  est  lié  d'une  manière  permanente  aux 
points  de  vue  légal  et  militaire,  et  qui  par  conséquent  n'appar- 
tient pas  non  plus  à  l'extérieur,  territoire  intermédiaire  dont 
la  délimitation  légale  est  fournie  matériellement  par  les 
traités  politiques,  mais  dont  l'existence  a  cependant  pour 
origine  et  pour  cause  la  similitude  naturelle  de  la  langue  et  des 
mœurs. 

L'étude  de  la  condition  juridique  de  ces  alliés  perpétuels  qui 
font  en  réalité  partie  de  l'État  romain,  est  un  problème  diffi- 
cile ;  en  effet,  d'une  part,  il  n'y  a  pas  au  sens  rigoureux  de 
règles  théoriquement  générales  qui  leur  soient  applicables,  et 
c'est  dans  les  traités  spéciaux  qu'il  faut  découvrir  ces  disposi- 
tions pratiquement  générales  ;  d'autre  part,  l'idée  de  l'al- 
liance dépendante  s'est  modifiée  avec  la  suite  des  siècles, 
et  en  particulier  son  fondement  primitif,  tiré  de  la  natio- 
nalité commune,  a  disparu.  En  somme,  on  peut  distinguer 
trois  périodes  à  ce  sujet  :  la  première  est  celle  de  la  ligue  na- 
tionale latine,  s'étendant  jusqu'à  la  dissolution  de  cette  ligue 
par  la  première  guerre  de  416;  la  seconde  est  celle  de  l'alliance 
italique,  allant  jusqu'à  la  fusion  de  ces  alliés  dans  le  peuple 


LA  LIGUE   NATIONALE   LATINE.  227 

romaiD,  par  les  lois  de  664  et  de  665;  enfin  la  troisième  est 
celle  de  la  dépendance  de  l'empire,  qui  se  place  dans  les  derniers 
temps  de  la  République  et  sous  le  Principat.  Mais  il  y  a  deux 
caractères  qui  se  sont  maintenus  à  travers  les  siècles  et  leurs 
variations  ;  ce  sont:  d'une  part,  l'inégalité  de  l'alliance  qui, 
peut-être  en  laissant  de  côté  la  plus  ancienne  organisation  des 
rapports  de  Rome  et  du  Latium,  implique,  non  seulement  en 
fait,  mais  en  droit,  l'hégémonie  de  Rome,  et,  d'autre  part,  le 
maintien  d'une  certaine  souveraineté,  sans  doute  restreinte, 
mais  jamais  complètement  supprimée,  des  cités  soumises  à 
cette  hégémonie.  L'État  romain  n'a  été,  pendant  tout  ce  laps  de 
temps,  rien  autre  chose  qu'une  confédération  des  cités  princi- 
palement urbaines  placées  sous  la  direction  de  la  cité  romaine; 
parmi  les  institutions  modernes,  le  meilleur  terme  de  compa- 
raison serait  encore  la  Ligue  hanséatique.  Au  reste,  l'alliance 
inégale  contient  nécessairement  en  elle  une  tendance  à  l'absor- 
ption  dans  le  sein  de  la  cité  dirigeante,  et  nous  verrons  que 
ce  fut  là  son  résultat  dans  les  trois  grandes  périodes  que  nous 
venons  de  distinguer. 

La  ville  souveraine,  qui  est  l'institution  sur  laquelle  repose 
tout  le  développement  politique  en  Italie  comme  aussi  chez  les 
Grecs,  apparaît,  lorsqu'on  l'envisage  au  point  de  vue  de  l'his- 
toire générale,  comme  une  formation  récente  sortie  de  l'unité 
politique  primitive  de  la  race.  Il  y  a  nécessairement  eu  une 
époque  où  les  habitants  de  même  langue  de  l'Italie  centrale, 
qui  se  donnaient  le  nom  de  Latins,  le  nomen  Latinum  (1), 
constituaient  par  leur  réunion,  sur  le  pied  d'égalité,  le  seul  État 


(1)  Nomen  est  aussi  technique  pour  la  race  que  populus  pour  la  ville  ;  la 
preuve  en  est  spécialement  dans  l'emploi  de  nomen  Latinum  à  côté  de  po- 
pulus Romanus  (C.  1.  L.  X,  797:  Sacra  principia p .  R.  Quirit.  nominisque  La- 
tini  quai  apud  Laurentis  coluntur,  et  beaucoup  d'autres  textes).  On  sent  là  le 
souvenir  d'une  époque  où  les  Latini  étaient  avec  les  Romani  et  les  Prxnes- 
tinl  ou  plutôt  avec  les  Tities  et  les  Ramnes  dans  le  même  rapport  que  la 
gens  et  ses  maisons,  où  les  populi  étaient  encore  reconnus  comme  des 
communautés  gentilices.  On  rencontre  bien  aussi  nomen  Cseninum  (Tite- 
Live,  1,  10,  3),  Albanum  (Tite-Live,  1,  23,  4),  Romanum  (Tite-Live,  5,  39,  10. 
23,  6,  3);  mais,  en  face  de  la  relation  avec  la  race,  cette  dernière  est  rare  et 
sans  doute  incorrecte. 


Rome  ville 
latine. 


228  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

qui  pût  exister  alors.  Leur  dispersion  dans  dés  enceintes  de 
murs  distinctes,  entraînant  leur  organisation  distincte  pour  la 
défense  de  ces  murailles,  aura  sans  doute  été  la  première  cause 
qui  aura  provoqué,  d'abord  en  fait,  puis  en  droit,  la  décom- 
position de  la  race  autonomeen  un  certain  nombre  de  populations 
armées  souveraines  (populi).  Ces  origines  se  placent  à  une  épo- 
que de  bien  loin  antérieure  à  toute  tradition  historique, et  ce  n'est 
que  par  voie  de  déduction  que  l'on  peut  en'restituer  les  grands 
traits  les  plus  généraux;  mais  l'influence  en  est  restée  détermi- 
nante pour  tous  les  temps  postérieurs,  en  ce  que  la  décomposi- 
tion de  l'armée  commune  n'a  pas  été  complète  et  qu'elle  s'est 
transformée  en  une  armée  totale  fédérale  formée  de  l'ensemble 
des  nouvelles  armées  souveraines.  Par  suite,  la  ville  italique, 
comme  la  ville  grecque,  forme  bien  en  général  un  État  indé- 
pendant; mais  elle  forme  en  même  temps,  non  pas  en  vertu 
d'un  traité  fortuit,  mais  en  vertu  d'une  nécessité  de  son  déve- 
loppement, un  élément  d'une  confédération  politique. 

Rome  en  face  du  II  semble  résulter  de  là  que  Rome  elle-même  a  du  autrefois 
être  une  des  villes  du  «  nom  latin»  comme  Albe  et  Préneste. 
Mais  c'est  une  idée  contraire  àla  conception  romaine.  Non  seule- 
ment toute  la  préhistoire  conventionnelle  met  Rome  non  pas  dans 
le  Latium  mais  à  côté  de  lui.  La  légende  très  ancienne  de  la  fon- 
dation de  Rome  est  en  outre  expressément  faite  avec  le  parti 
pris  marqué  de  l'exclure  de  la  réunion  des  États  latins  tout  en 
maintenant  le  principe  de  la  communauté  de  nationalité  (1). 
Selon  toute  apparence,  la  logographie  romaine  s'est  déjà  effor- 
cée, dans  la  constitution  de  ces  légendes,  de  nier  l'égalité  pri- 
mitive des  divers  membres  de  l'union  nationale  latine,  qui  au- 
rait été  en  discordance  avec  l'hégémonie  exercée  plus  tard  par 
Rome,  et  d'en  effacer  le  souvenir.  Elle  y  a  pleinement  réussi. 

La  ligue  latine.  Sans  doute  les  annales  romaines  rappellent  la  ligue  natio- 
nale latine,  qui  exista,  jusqu'à  sa  dissolution  en  416,  à  côté  de 
Rome  et  au-dessous  d'elle  (2).  Mais  l'image  qu'elles  nous  pré- 

(1)  V.  aussi  tome  III,  la  théorie  de  la  Royauté,  au  sujet  de  la  nomination 
du  roi. 

(2)  Gincius,  dans  Festus,  v.Prœtor,  p.  241  :  Alba  diruta  usgue  ad  P.Decium 


LA  LIGUE   NATIONALE    LATINE.  220 

sentent  de  la  conformation  des  institutions  romano-latines  est 
assez  comparable  à  celle  qu'elles  nous  donnent  de  la  royauté 
romaine.  Il  n'y  a  pas  seulement  dans  les  détails  des  obscurités 
et  des  contradictions  nombreuses.  Les  récits  que  nous  possé- 
dons sont,  à  des  points  de  vue  multiples,  dépourvus  de  fonde- 
ment réel,  et  ils  se  révèlent,  quant  aux  faits  aussi  bien  que 
quant  au  droit  public,  comme  des  constructions  artificielles,  et, 
ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  comme  des  constructions  de 
tendance,  faites  par  des  écrivains  relativement  récents  dont  les 
allégations  ont  été  ensuite  encore  mutilées  et  défigurées  par 
des  compilateurs  ignorants  et  distraits.  Cela  n'empêche  pas 
la  ligue  nationale  latine  d'être  le  fondement  de  la  théorie  des 
alliés  comme  la  royauté  est  celui  de  la  théorie  de  la  magistra- 
ture. Il  faut  donc  essayer  d'abord  de  trier  les  renseignements 
que  nous  possédons  sur  le  caractère  de  la  ligue  et  sur  ses  rap- 
ports avec  Rome,  puis  de  les  combiner  avec  les  règles  qui  peu- 
vent être  reportées  avec  quelque  vraisemblance  à  l'époque 
antérieure  à  416,  soit  parmi  les  institutions  de  la  communauté 
latine  qui  survécurent  à  la  dissolution  de  l'assemblée  fédérale 
latine,  soit  parmi  les  principes  en  vigueur  après  416  pour  les 
rapports  de  Rome  et  des  cités  de  droit  latin.  D'ailleurs,  nous 
ne  devons  étudier  ici  que  les  privilèges  spéciaux  des  Latins  et 
non  pas  les  droits  généraux  des  alliés  qui  seront  exposés  dans 
la  partie  qui  suit. 

La  logographie  romaine  ne  connaît  la  ligue  nationale  latine    La  situation 
que  subordonnée  à  Rome.  Elle  affirme  moins  l'hégémonie  de     dAibeetde 

x  Rome. 

Rome  sur  le  Latium  qu'elle  ne  la  présuppose.  Pour  elle,  les 
villes  des  Latins  ont  toutes  été  fondées  par  Albe,  et  Albe  gou- 
verne le  Latium  au  moment  de  la  fondation  de  la  ville  de  Rome, 
à  peu  près  de  la  même  façon  dont  Rome  le  gouverne  aux  temps 


Murem  cos.  (an  de  Rome  414)  populos  Latinos  ad  caput  Ferentinse,  quod  est  sub 
monte  Albano,  consulere  solitos  et  imperium  communi  consilio  administrare. 
Tite-Live,  8,  13,  10,  sur  l'an  416:  Ceteris  Latinis  populis  conubia  commerciaque 
et  concilia  inter  se  ademerunt.  Les  renseignements  de  Tite-Live,  sur  l'organi- 
sation d'alors  des  institutions  politiques  sont  communément  traditionnels 
et  peuvent  être  tenus  pour  en  général  dignes  de  foi,  quoique  son  exposition 
de  la  dernière  guerre  latine  donne  lieu  à  des  objections  multiples. 


230  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

historiques  (\).  Ensuite  Rome  acquiert,  sous  le  quatrième  de  ses 
rois, l'hégémonie  sur  Albe  par  un  combat  singulier(2),  elles'in- 
corpore  la  ville  bientôt  après,  et  par  là  même  elle  acquiert  de 
plein  droit  l'hégémonie  sur  leLatium(3).  Les  villes  latines  sont 
fréquemment  paresseuses  dans  l'accomplissement  de  leurs  de- 
voirs, et  elles  tentent  aussi  la  fortune  des  armes  à  plusieurs 
reprises.  Mais  les  traités  conclus  avec  elles  par  les  trois  der- 
niers rois  et  plus  tard  par  Sp.  Cassius  ne  sont  essentiellement 
que  le  renouvellement  et  la  confirmation  de  liens  déjà  exis- 
tants (4).  La  dépendance  de  la  ligue  latine,  établie  sous  le  rè- 
gne de  ïullus,  subsiste  sans  modification  jusqu'au  jour  où  la 
ligue  elle-même  est  dissoute  et  où  le  lien  se  trouve  en  consé- 


(1)  Gincius  (p.  228,  note  2)  :  Albanos  rerum  potitos  usque  ad  Tullum  regem. 
Les  textes  des  annales  rapportés  note  3,  conduisent  au  même  résul- 
tat. On  ne  nous  dit  nulle  part  ce  qu'il  faut  entendre  par  rerum  potiri.  Les 
historiens  bien  informés  pensaient  sans  doute  par  là  principalement  à 
l'hégémonie  politique  et  religieuse,  exercée  plus  tard  par  Rome  sur  le  La- 
tium,  l'hégémonie  religieuse  étant  exprimée  par  la  présidence  du  Latiar, 
r^z^ovloL  Tàiv  leptov  (Denys,  p.  233,  note  3),  et  la  politique  par  le  droit  de  pro- 
voquer les  levées  au  cas  de  guerre  fédérale. 

(2)  Tite-Live,  1,  24,  9:  Utri  utris  imperent.  c.  25,  3  :  Ut...  is  — populus  — 
alteri  populo...  imperitaret.  c.  25,  13:  Imperio  alleri  auctl,  alteri  dicionis 
aliénas  facti.  Cf.  Denys,  3,  10. 

(3)  Tite-Live,  1,  52  :  Tarquinius...  verba  fecit  posse  se  quidem  vetusto  jure 
agere,  quod,  cum  omnes  Latini  ab  Àlba  oriundi  sint,  in  eo  (=  eo  nomine)  fœ- 
dere  teneantur,  quod  ab  Tullo  res  omnis  Albana  cum  coloniis  suis  in  Romanum 
cessit  imperium.  Le  Tullo  régnante  ictum  fœdus  avec  les  Latins  de  c.  32,  5, 
est  donc  précisément  le  traité  conclu  par  Rome  avec  Albe  comme  capitale 
du  Latium.  Tullus  envoie  également,  chez  Denys,  3,  34,  quinze  ans  après  la 
destruction  d'Albe,  xà;  àuoîxouçTô  xoù  uu^xoouç  aÙTrjç  rpiaxovxa  itoXeiç,  et  il 
demande  Trstôeaôat  xotç  uub  'Pa)fjioua>v  èTUTarrofAÊvocç  œç  Tiapei^rjcpoxtov  aùxâv 
âaa  toïç  aÀXoi;  otç  er/ov  'AX[3avo\  xal  tt,v  r,y£[xovîav  xou  Aaxivwv  eôvo-jç. 

(4)  Les  variations  historiques  et  par  occasion  juridiques,  qui  sont  faites 
sur  ce  thème  fondamental  dans  les  annales  (par  exemple  la  controverse  sur 
le  point  de  savoir  si  le  traité  conclu  avec  Tarquin  l'Ancien  subsistait  avec 
le  second  Tarquin,  p.  211,  note  3)  sont  de  médiocre  intérêt  et  ne  peuvent 
pas  être  analysées  ici.  Le  traité  de  Cassius  est  historiquement  attesté,  et  il 
se  peut  qu'il  appartienne  à  l'an  de  Rome  261  (cf.  Rœm.  Forsch.  2,  159).  La 
meilleure  rédaction  des  annales  s'est  probablement  bornée,  d'une  part,  à 
le  regarder  comme  renouvelant  d'anciens  traités  et  par  conséquent  à  faire 
remonter  ce  régime  jusqu'à  la  période  albaine,  et,-  d'autre  part,  à  le  consi- 
dérer comme  resté  en  vigueur  pour  le  règlement  des  droits  des  cités  et 
des  personnes,  tant  qu'il  y  eut  des  prisci  Latini,  c'est-à-dire  jusqu'à  la 
guerre  sociale  (Gicéron,  Pro  Balbo,  23,  53). 


LA  LIGUE  NATIONALE   LATINE. 


231 


quence  transporté  aux  différentes  villes.  Ce  n'est  pas  là  de  l'his- 
toire. Ce  n'est  qu'une  exposition  de  droit,  celle  de  la  situation 
qui  précède  immédiatement  la  dissolution  de  l'alliance  latine, 
et  dans  laquelle  Rome  exerçait  son  hégémonie  sur  le  reste  de 
la  nation  réuni  en  face  d'elle  dans  une  alliance  fédérative. 

La  ligue  des  Latins,  à  laquelle  on  transporte  en  droit  public  Étendue  de 
la  désignation  de  la  nation  latine,  nomen  Latinum  (1),  com- 
prenait primitivement,  selon  la  version  traditionnelle,  toutes 
les  cités  indépendantes  de  la  nationalité  à  laquelle  apparte- 
naient les  Romains,  à  l'exception  de  Rome.  Ces  cités  sont, 
avons-nous  déjà  remarqué,  considérées  comme  ayant  été  fon- 
dées par  Albe,leur  ancienne  métropole,  et  elles  sont  désignées, 
par  opposition  aux  cités  de  nationalité  latine  fondées  seulement 
par  Rome,  comme  les  villes  des  «  anciens  Latins  »  (prisci  La- 
tinï).  Mais,  même  en  dehors  de  ces  limites,  les  cités  fondées 
comme  États  indépendants  de  la  même  nationalité  sont  pendant 
longtemps  entrées  dans  la  ligue  ;  une  résolution  fédérale  a  même 
dû  sans  doute  être  exigée,  à  l'époque  la  plus  ancienne,  pour 


Prisci  Latini. 


(1)  Gincius  (p.  240,  note  2,  rapproché  de  p.  227,  note  1).  Populi  priscorum  La- 
tinorum  dans  la  formule  de  déclaration  de  guerre,  Tite-Live,  4,  32;  populi 
Latini,  Tite-Live,  1,  45,  2  (dans  d'autres  textes,  comme  Tite-Live,  8,  13,  10. 
23,  22,  5,  il  s'agit  des  diverses  cités  et  non  de  la  ligue)  ;  commune  Latium, 
Gincius  (p.  240,  note  2)  ;  xb  xocvbv  tû>v  Aaxt'vtùv,  Denys,  .4,  45.  5, 61.  8,  15. —  Le 
rapport  juridique  est  habituellement  appelé  jus  Latii,  sous  l'Empire  fré- 
quemment Latium  (Pline  l'Ancien,  Asconius,  Tacite,  Gaius)  ;  dans  Gicéron, 
dans  la  lettre  ad  Att.  14,  12, 1,  et  dans  Suétone,  Aug. 47,  Latinitas. —  Lorsque 
on  veut  désigner  le  Latin  envisagé  en  général,  les  titres  parlent  habituel- 
lement de  (l'homme)  de  race  latine  ;  ainsi  dans  le  sénatus-consulte  des 

Bacchanales:  Nequis ceivis  Romanus  nevenominus  Latini neve socium  quis- 

quam  ;  de  même  dans  la  lex  repetundarum,  ligne  1  :  [Quoi  socium  no]minisve 
Latini  exterarumve  nationum,  et  dans  la  loi  agraire,  lignes  21.  50  :  [Civis] 
Romanus  sociumve  nominisve  Latini,  quitus  ex  formula  togatorum  milites  in 
terra  Italia  inperare  soient,  aussi  dans  Salluste,  Jug.  40,  2  :  Per  homines  nomi- 
nis  Latini  et  socios  ltalicos.  Latinus  ne  se  trouve  que  rarement  dans  les  titres 

anciens,  ainsi  dans  la  loi  agraire,  ligne  29:  [Ceivi]  Romano item  Latino 

peregrinove  ;  chea  les  écrivains,  il  se  trouve  partout.  L'expression  socius 
nominis  Latini  ou  socius  Latinus  est,  montrerons-nous  dans  la  partie  qui 
suit,  étrangère  à  la  langue  ancienne,  mais  elle  est  fréquente  chez  Tite-Live. 
Civis  ex  Latio  se  trouve  dans  Salluste,  Jug.  69  ;  civis  Latinus  est  incorrect, 
comme  civis  Grœcus  ou  civis  Thrax;  mais  il  se  trouve  dans  le  statut  munici- 
pal donné  par  Domitien  à  Malaca,  c.  33. 


232  DI.OIT   PUBLIC  ROMAIN. 

chacune  de  ces  fondations  (1).  Ce  sont  seulement  les  établisse- 
ments de  ce  genre  qui  datent  des  derniers  temps  delà  ligue,  en 
particulier  ceux  faits  au  delà  du  Tibre,  qui  sont  restés  en  dehors 
de  la  ligue  (2).  L'énumération  des  localités  qui  ont  appartenu 
à  cette  fédération,  soit  comme  vieilles  cités  latines,  soit  comme 
colonies  latines  de  l'époque  la  plus  ancienne,  est  en  dehors  du 
cadre  du  droit  public  (3).  —  Il  est  difficile  que  des  cités  non- 
latines  aient  jamais  appartenu  à  la  ligue  (4);  mais  il  existait 
sans  doute  entre  la  ligue  latine  et  la  ligue  analogue  des  villes 
herniques  une  confédération  plus  large  (p.  243  ;  293).  —  La 
désignation  propre  de  la  cité  est  pour  la  cité  latine,  comme  pour 
la  cité  romaine,  populus  (p.  231,  note  1).  Au  point  de  vue  ro- 


(1)  La  tradition,  fidèle  à  son  parti  pris  de  refuser  à  la  ligue  toute  égalité 
avec  Rome,  ne  connaît  pas  de  fondations  fédérales.  L'admission  par  les 
Romains  de  Latins  et  d'Herniques  dans  la  prétendue  fondation  d'Antium 
en  287  (Denys,  9,  57)  est  quelque  chose  de  différent  ;  des  événements  sem- 
blables se  sont  reproduits  fréquemment  depuis  la   dissolution  de  la  ligue. 

(2)  Rœm.  Gesch.  1,  347  =  tr.  fr.  2,  140.  Les  plus  anciennes  colonies  latines 
qui  manquent  dans  la  liste  des  villes  fédérales  sont  Sutrium  et  Nepet  fon- 
dées en  371  de  Rome.  Elles  restent  en  dehors  de  la  ligue,  d'abord  sans  doute 
parce  que  ces  établissements,  les  premiers  faits  au  delà  du  Tibre,  ne  pou- 
vaient pas  être  mis  sur  le  même  rang  que  les  extensions  du  Latium  dans  le 
pays  des  Volsques.  La  ville  de  Setia  dans  le  pays  des  Volsques,  fondée  en 
372,  entra  dans  la  ligue.  Au  contraire,  Antium  et  Tarracina,  qui  selon  toute 
apparence  reçurent  le  droit  latin  peu  de  temps  après,  n'en  ont  pas  fait  par- 
tie. Cependant  les  renseignements  sur  la  condition  juridique  de  ces  deux 
cités  avant  qu'elles  devinssent  des  colonies  de  citoyens  sont  vacillants  et 
incertains,  et  il  est  possible  que  l'ancien  système  soit  resté  en  vigueur  pour 
la  région  cistibérine  jusqu'à  la  dissolution  de  la  ligue. 

(3)  J'ai  exposé  mon  opinion  sur  ce  point,  Rœm.  Gesch.  1,  7e  éd.  p.  347  = 
tr.  fr.  2,  139,  et  Hermès,  17,  42.  Si  le  chiffre  des  membres  de  la  ligue  est  et  de- 
meure de  trente,  cela  doit  sans  doute  être  compris  dans  ce  sens  qu'il  avait 
été  primitivement  établi  une  fois  pour  toutes  trente  places  pour  certaines 
cérémonies  religieuses,  et  peut-être  même  anciennement  pour  le  vote,  et  que 
ces  places  étaient  occupées  selon  les  circonstances,  sans  que  les  cités  qui 
étaient  adjointes  aux  autres  ou  même  complètement  omises  là  fussent 
pour  cela  considérées  comme  faisant  moins  partie  de  la  ligue.  Cette  com- 
munauté était  une  amphiktionie. 

(4)  Ce  que  Denys,  4,  49,  rapporte  delà  participation  des  Herniques  et  des 
deux  villes  des  Volsques  Antium  et  Ecptra,  n'est  pas  précisément  incroya- 
ble en  soi  (cf.  C.  1.  L.  X,  p.  660),  mais  est  cependant  sans  doute  une  exten- 
sion fausse  d'anciens  récits,  relatant  une  simple  alliance,  à  une  commu- 
nanté  de  cérémonies  permanente. 


LA.  LIGUE  NATLONALE    LATINE.  23$ 

main,  toute  cité  latine  s'appelle  municipium,  ses  citoyens 
pouvant  se  trouver  en  communauté  d'impôts  et  de  corvées 
avec  ceux  de  Rome  ;  la  cité  latine  qui  a  été  fondée  en  vertu 
d'une  diécision  fédérale  ou  plus  tard  d'une  décision  de  Rome 
s'appelle  aussi  colonia  (VI,  1,  p.  262,  note  3).  Mais  les  deux 
dénominations  ne  sont  certainement  devenues  d'un  usage 
général  et  spécialement  ne  sont  devenues  des  titres  officiels  que 
depuis  la  transformation  de  la  fédération  primitive  en  domi- 
nation romaine. 

Une  pareille  ligue  de  peuples  ne  pouvait  rester  sans  repré- 
sentation religieuse,  sans  fête  fédérale  revenant  périodique- 
ment. Cette  fête  était  le  Latiar,  la  fête  célébrée  sur  le  mont 
Albain.  Cette  vérité  a  été  sentie  par  les  conteurs  de  légendes 
qui  ont  attribué  l'établissement  de  la  fête  aux  «  anciens  Latins  » 
et  qui  l'ont  rattachée  au  roi  Faunus  et  au  roi  Enée  (1).  Mais 
la  version  officielle  des  annales  romaines  transforme  la  fête 
nationale  latine  en  une  institution  romaine.  Elle  ne  la  rattache 
pas  à  la  nationalité  latine  des  Romains,  ni  même  à  la  destruc- 
tion d'Albe,  si  clairement  que  les  considérations  de  lieux  indi- 
quent que  cette  fête  a  été  fondée  et  célébrée  autrefois  par  l'an- 
cienne capitale  du  Latium.  D'après  elle,  la  fête  a  été  fondée 
un  certain  temps  après  l'établissement  de  la  domination  de 
Rome  sur  le  Latium,  à  cause  des  victoires  du  premier  ou  du 
second  des  Tarquins(2).  L'organisation  de  la  fête  en  vigueur  à 
l'époque  historique  implique  l'hégémonie  de  Rome  (3),  et  elle 
peut  fort  bien  avoir  reçu  cette  forme  après  la  chute  d'Albe.  Rome, 


(i)  Schol.  Bob.  in  Cic.  or.  pro  Plancio,  éd.  Orelli,  p.  255  :  Latinae  ferise  a 
quo  fuerint  institutae,  dissentiunt  plerique  auctores  :  alii  ab  L.  Tarquinio  Prisco 
rege  Romanorum  existimabant,  alii  vero  ab  Latinis priscis,  atque  inter  hos  ipsos 
causa  sacrificii  non  convenit  :  nam  quidam  id  initum  ex  imperato  Fauni  con- 
tendunt,  nonnulli  post  obitum  Latini  régis  [ex]  JEneae.  ' 

(2)  L'Ancien  :  Denys,  6,  95  ;  Schol.  Bob.,  loc.  cit.  Le  Superbe  :  Denys,  4, 
49.  Viri  ill.  8,  2.  Comme  origine  de  l'institution,  un  texte  (Denys,  4,  49)  in- 
dique une  victoire  sur  les  Latins,  un  autre  (Denys,  6,  95)  une  victoire  sur 
les  Étrusques.  Toute  cette  légende,  assurément  de  date  très  récente,  semble 
éviter  intentionnellement  de  rattacher  le  Latiar  aux  Latins. 

(3)  Denys,  4,  49  :  ©vouai  8'vrcèp  uâvriov  xoù  rrçv  rjyetAovtav  tô>v  Upôv  ÏXQVW i 
*Pw{x«Tot. 


Le  Latiar* 


134  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

étant  maîtresse  du  territoire,  apparaît  aussi  comme  donnant  la 
fête,  et  ce  sont  ses  magistrats  qui  partagent  la  chair  des  tau- 
reaux sacrifiés  entre  les  représentants  des  villes  fédérées.  Tant 
que  la  ligue  a  existé,  chacune  des  villes  qui  y  appartenait  par- 
ticipa sans  doute  à  cette  distribution,  et  la  présence  au  mont 
Albain  devait  être  considérée  comme  le  signe  extérieur  de  la 
participation  à  la  fédération.  Après  la  dissolution  de  la  ligue, 
la  cérémonie  subsista,  comme  cela  arrive  d'ordinaire,  sans  mo- 
dification; mais  les  villes  parvenues  au  droit  latin  après  cette 
dissolution  furent  logiquement  exclues  de  la  distribution,  et  ce 
sacrifice  se  trouva  ainsi  conserver  l'image  delà  ligue  latine  telle 
qu'elle  était  constituée  au  moment  de  sa  suppression.  —  Si  la  lé- 
gende romaine  s'est,  selon  toute  apparence,  efforcée  d'écarter  du 
Latiar  son  origine  antérieure  à  Rome,  elle  considère  au  contraire 
comme  une  expression  de  la  domination  de  Rome  sur  le  Latium 
le  temple  de  Diane  élevé  sous  l'avant-dernier  roi,  aux  frais 
communs  des  villes  latines,  sur  l'Aventin.  Et  cette  conception 
peut  être  juste  dans  l'ensemble  (1).  —  On  ne  trouve  pas  dans 
notre  tradition  de  traces  certaines  d'une  représentation  reli- 
gieuse indépendante  de  tout  le  Latium  (2). 
organisation  de  Une  constitution  écrite  de  la  ligue,  indiquant  les  villes  qui 
avaient  le  droit  de  s'en  dire  membres,  les  règles  suivies  pour  la 
fête  fédérale  et  les  rapports  de  droit  existant  entre  ses  mem- 
bres, fut,  selon  les  annales,  exposée  à  Rome,  pour  y  rester  dans 
un  perpétuel  souvenir,  dans  ce  temple  de  Diane  de  l'Aventin  que 


(i)  Vairon,  5,  43  :  Aventinus  ab  adventu  hominum,  quod  commune  Latino- 
rum  ibi  Dianœ  templum  sit  constitutum.  Selon  Tite-Live,  1,  43,  le  temple  est 
construit  par  les  populi  Latini  cum  populo  Romano  :  ea  erat  confessio  caput 
rerum  Romam  esse  ;  Denys,  4,  26,  raconte  les  choses  de  la  même  façon  (cf. 
p.  235,  note  1),  et  il  lie  également  le  temple  avec  la  npoorao-ta  des  Homains 
sur  les  Latins.  Cf.  De  viris  M.  7,  9  ;  Zonaras,  7,  9. 

(2)  Strabon,  5,  3,  5,  p.  232,  mentionne  un  sanctuaire  de  Vénus  ('Açpooî- 
(rtov)  (aussi  cité  dans  Mêla,  2,  4,  71,  et  dans  Pline,  H.  N.  3,  5,  57,  auprès 
d'Ardea),  ôwou  7uavY|yup^ou<7i  Aocrïvoi.  Mais  il  ne  peut  guère  y  avoir  eu  là  de 
fête  fédérale  proprement  dite.  Le  temple  de  Vénus  de  Lavinium,  auquel 
Strabon  fait  allusion  peu  auparavant  en  remarquant  :  'ETU[j.eAouvTou  S'oc-jtoO 
8tà7tpo7tôX(ov  'ApSeàrai,  est  sans  doute  le  même.  Il  peut  avoir  été  situé  entre 
Lavinium  et  Ardea,  mais  sur  le  territoire  d'Ardea  ;  car  une  fête  latine  ne 
peut  pas  avoir  été  célébrée  sur  le  sol  romain,  sous  la  direction  d'Ardea. 


LA   LIGUE  NATIONALE   LATINE.  235 

nous  venons  de  signaler,  à  la  suite  d'un  accord  du  roi  Servius 
et  des  députés  des  villes  latines  (1).  Ce  récit  est,  pour  l'ensem- 
ble, attesté  et  digne  de  foi,  quoique  le  document  qu'ont  vu  les 
Romains  postérieurs  fut  sans  doute  simplement  le  produit  d'une 
révision  de  ces  dispositions  faite  après  la  dissolution  de  la  ligue. 
Il  est  difficile  que  la  souveraineté  des  différentes  cités  ait  reçu  ^offirés?69 
de  la  constitution  fédérale  d'autres  limitations  que  celles  rendues 
absolument  indispensables  par  les  nécessités  de  la  défense  en 
commun  qui  fut  sans  nul  doute  la  cause  de  ce  groupement  natio- 
nal. A  ces  limitations  appartenait  en  première  ligne  la  consti- 
tution d'une  armée  fédérale  sur  l'appel  de  la  capitale,  probable- 
ment en  vertu  d'une  résolution  fédérale.  L'uniformité  des  ins- 

Cens. 

titutions  relatives  au  cens  qui  existaient  à  Rome  avant  que  la 
censure  n'eût  été  en  319  détachée  de  la  magistrature  suprême 
et  de  celles  qui  ont  fonctionné  jusqu'aux  temps  les  plus  récents 
dans  les  villes  latines  peut  vraisemblablement  être  aussi  ratta- 
chée aux  institutions  primitives  de  la  ligue  latine  ;  le  cens  des 
diverses  cités  est  si  bien  le  fondement  de  leur  organisation  mi- 
litaire qu'on  ne  peut  s'imaginer  une  association  militaire  du 
genre  de  la  ligue  latine  où  il  ne  serait  pas  rendu  uniforme.  La  1°r ^erdree  f^rdee 
guerre  reste  possible  entre  membres  de  la  confédération  ;  la  seule 
restriction  qui  soit  apportée  à  sa  possibilité  est  la  trêve  d'armes 
qui  doit  être  observée  pendant  la  fête  fédérale  (2).  Il  en  est 
de  même  pour  la  conclusion  des  traités.  A  côté  du  pacte  fédé- 


(1)  Denys,  4,  25.  26,  compare  à  ces  lois  fédérales  latines  celle  des  am- 
phiktionies  grecques  (v6[xou;  e£oo  tcôv  î8(wv,  wv  ixdcaxr,  tuoXiç  £t*/e,  xocvouç  arca- 
o-tv),  et  il  représente  Servius  inscrivant  sur  une  table  de  bronze  touç  v6[xo-j<; 
tocïç  TciXeert  iipbç  àXXrjXa;  (ce  qui  doit  faire  allusion  à  la  justice  arbitrale  éta- 
blie pour  les  différends  des  villes  fédérées  mentionnée  précédemment  par 
lui)  xai  xàXXa  xà  uspi  rr,v  £opTY]v  xal  rcavrjypiv  ov  ènnekeaQr^e'zai  tpotcov...  xal 
ràç  [XET£-/o-Jcraç  ?r,ç  <tjv68ov  TiôXetç.  D'après  cela,  on  pourrait  restituer  le  texte 
de  Festus,  p.  165  :  Nesi  pro  sine  positum  [est  in  fœdere  Latino  œdis]  Dia?iœ 
Auentinen[sis\.  Le  rituel  de  l'ara  Dianae  in  Aventino,  qui  est  souvent  cité, 
dans  des  inscriptions,  comme  servant  de  modèle  pour  des  autels  posté- 
rieurs, peut  aisément  avoir  fait  partie  de  ce  document.  Denys  réunit  aussi 
avec  cela  l'érection  de  ce  temple  et  l'institution  de  sacrifices  qui  devaient  y 
être  faits  annuellement  par  tous  les  Latins. 

(2)  Macrobe,  Sat.  1,  16,  16:  Cum  Latiar...  concipitur...  nefas  est  prœlium 
sumere.  Denys,  i,  49  :  *Ev.ç*/çioîa;  elvai  uàa-i  npoç  iravTaç. 


traiter. 


236  DROIT  PUBUC  ROMAIN 

rai  lui-même  et  de  celui  conclu  entre  Rome  et  la  confédération, 
duquel  nous  aurons  à  nous  occuper  plus  loin,  il  en  existe  d'au- 
tres entre  Rome  et  diverses  villes  fédérées,  par  exemple  Lavi- 
nium  (1)  et  Gabies  (2).  C'est  sur  de  tels  traités  particuliers 
plus  que  sur  une  résolution  de  la  ligue  que  se  fondait  probable- 
ment en  la  forme,  —  au  fond  elle  venait  de  l'origine  politique 
nationale  commune,  —  la  communauté  de  droit  existant 
entre  tous  ses  membres  quant  au  commerce  et  entre  certains, 
quant  au  mariage  (p.  256),  Au  contraire,  les  relations  des  an- 
nales refusent  aux  cités  latines  le  droit  de  guerre  contre  les 
états  non-latins  (3)  ;  et,  les  Romains  concluant  le  premier 
traité  avec  Carthage  pour  eux  et  leurs  alliés  (4)  sans  le  con- 
cours de  ces  derniers,  la  ligue  ne  doit  non  plus,  au  moins  dans 
sa  dernière  période,  avoir  pu  conclure  aucun  traité  avec  les 
états  non-latins.  L'autonomie  qui  appartient  aux  diverses  cités 
après  la  dissolution  de  la  ligue  n'a  certainement  pas  été  trans- 
portée de  la  ligue  à  elles,  mais  leur  a  appartenu  dans  la  même 
mesure  du  temps  où  la  ligue  existait. 

(1)  L'acte  de  fédération  conclu  entre  Rome  et  Lavinium  à  la  suite  de 
l'expiation  du  meurtre  du  roi  de  Rome  commis  à  Lavinium  (Tite-Live,  1, 
14  :  Ut  expiarentur  legatorum  injurias  regisque  caedes,  fœdus  inter  Romam  La- 
viniumque  urbes  renovatum  est)  passa  aux  Laurentins,  avec  les  autres  sacra 
de  Lavinium  (p.  193,  note  2),  après  la  guerre  latine  de  416,  à  laquelle  les 
Laurentins  n'avaient  pas  participé,  et  il  fut,  en  vertu  d'un  oracle  sybillin, 
renouvelé  tous  les  ans  depuis  ce  temps-là  jusque  sous  l'Empire  (Tite-Live, 
8,  11,  15  :  Cum  Laurentibus  renovari  fœdus  jussum,  renovaturque  ex  eo  quot- 
annispost  diem  decimum  Latinarum;  C.  L  L.  X,  p.  797:  Pater  patratus  populi 
Laurentis  fœderis  ex  libris  Sibullinis  percutiendi  cura  p.  R.). 

(2)  Ge  traité  conclu  avec  le  dernier  roi  se  trouvait  encore,  comme  on 
sait,  à  l'époque  récente,  dans  le  temple  de  Sancus  (Denys,  4,  58  ;  Festus, 
Ep.  p.  59,  v.  Clipeum;  Horace,  Ep.  2,  1,  25  ;  fœdus  p.  R.  qum  Gabinis  sur  la 
monnaie  du  temps  d'Auguste,  Eckhel,  5,  137,  de  G.  Antistius  Vêtus,  descen- 
dant de  TAntistius  Petro  nommé  au  sujet  de  la  prise  de  Gabies,  Denys, 
4,  57). 

(3)  Dans  Denys,  8,  15,  le  sénat  permet  au  xotvov  tûv  Aarîvwv  tt,v  èau-râW 
crpaTiàv  xaTOcypàçeiv  xal  Y^efiovaç  tyjç  ôuvajxewç  l8tovç  a7io8sï^ai,  £a>;  av  aùxo\ 
iy.Tzi[L<\)(i><n  Suvapuv  •  tv  yàp  tocTç  <njv8r,xauç,  alç  £7ioiY|<7avTO  7tpbç  aùrou;  nzpi  <pi- 
Xîaç,  à7ï6ppr,Tov  f(V  TcrJTwv  IxaTepov.  Le  même,  9,  60.  67.  Tite-Live,  2,  30,  8.  c. 
53,  4.  3,  19,  8.  8,4,8.  La  déclaration  des  Romains,  Tite-Live,  8,  2,  13  :  In 
fœdere  Latino  nihil  esse,  quo  bellare  cum  quibus  ipsi  velint  prohibeantur,  est 
représentée  (cf.  c.  4,  8)  comme  une  concession  imposée  aux  Romains  par 
les.  circonstances. 

(4)  Polybc,  3,  22. 


LA   LIGUE  NATIONALE    LATINE.  237 

L'organisation  de  la  ligue  avait  pour  base  rassemblée  fédé-  ^gJ|Jèée 
raie,  le  concilium,  et  la  suppression  du  concilium  a  entraîné  la 
dissolution  de  la  ligue  (1).  La  mémoire  s'est  conservée  de  la 
tenue  de  cette  assemblée  sur  le  versant  du  mont  Albain,  dans 
un  bosquet  voisin  de  la  source  Ferentina.  Il  est  naturel  de  sup- 
poser qu'elle  était  en  rapport  avec  la  fête  annuelle  permanente 
du  mont  Albain,  et,  qu'Albe  eut,  tant  qu'elle  exista,  la  présidence 
politique  de  Tune  comme  la  présidence  religieuse  de  l'autre. 
Mais  les  descriptions  qui  nous  ont  été  transmises  de  cette 
assemblée  n'en  font  pas  ressortir  le  caractère  permanent.  Nous 
ne  savons  même  pas  comment  les  érudits  Romains  y  ont  conçu 
la  représentation  des  confédérés.  Ils  regardent  les  Romains 
comme  ayant  toujours  participé  aux  délibérations;  mais  ils  ne 
semblent  pas  leur  attribuer  le  droit  de  suffrage  (2).  Nous  ne  pou- 
vons non  plus  résoudre  la  question  de  savoir  si  les  magistrats 
des  diverses  cités,  délégués  pour  les  représenter  au  sacrifice  du 
taureau  (3),  jouaient  en  même  temps,  à  l'époque  ancienne,  le 
rôle  de  députés  politiques.  Tant  qu'Albe  a  existé,  ses  rois  ont 
eu  la  présidence  de  la  ligue  (4);  ensuite  elle  appartint  à  deux 
prœtores  non-romains  (5).  Ce   dernier  renseignement  a  d'au- 


(1)  P.  228,  note  2.  D'après  Denys,  5,  50,  il  fut  Ysypa^évov  èv  tou;  otjv- 
6r(xa:;  aTrdccraç  7iapîïvat  xàç  7côXetç  xaïç  xoivaïç  àyopaTç  oaai  toO  Aocn'vwv  el<j\  yk- 
vo-j;  7:apoxy7£!ÀàvTtov  ocjtoÎç  tôjv  upolSpoov. 

(2)  Denys,  5,  50  :  Tîvsxai  xoivyj  tûv  auvayo^évaiv  eU  «Êepsvtïvov  àyopà  tcXyjv 
[i-.â;  T7jç  'Pto^aicov  tzôXswç  *  Ta'JTï]  yàp  oùx  èizrfl-(v.la.v  fxovr)  7tapeïvai,  xaôausp 
eîtôOeaav.  Dans  le  récit  de  Tite-Live,  1,50,  et  de  Denys,  4,  45,  le  roi  de  Rome 
convoque  le  concilium  et  délibère  avec  lui,  sans  qu'il  soit  fait  mention  de 
l'assistance  en  forme  d'autres  présidents.  Mais  les  annalistes  romains  n'ont 
que  difficilement  eu  sur  de  telles  questions  des  renseignements  réels,  et  les 
efforts  manifestes  faits  par  les  Romains  pour  ne  pas  jouer  le  rôle  de  mem- 
bres de  l'alliance,  fut-ce  au  premier  rang,  ne  laissent  même  pas  de  valeur 
juridique  à  ces  assertions  pseudo-historiques. 

(3)  La  relation  de  Tite-Live,  41,  16,  montre  que  les  magistrats  latins  figu- 
raient, tout  comme  les  magistrats  romains,  dans  le  Latiar  :  la  fête  latine  est 
renouvelée  aux  frais  des  Lanuvini,  quiu  in  una  hostia  magistratus  Lanuvinus 
precatus  non  erat  populo  Romano  quiritium. 

(4)  Sur  le  roi  ou  dictateur  albain,  cf.  tome  III,  la  théorie  de  la  Dictature, 
in  fine. 

(5)  Tite-Live,  8,  3,  9,  sur  l'an  414,  les  regarde  évidemment  comme  per- 
manents: Prœlores  tum  duos  Latium  habebat,  L.  Annium  Setinum  et  L.  Numi- 
sium  Cerceiensem.  Denys,  après  la  chute  d'Albe  (3,  34  :  Atpouvtai  Suo  <rrpax7j- 


238  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

tant  plus  de  poids  qu'ainsi  que  nous  l'expliquerons  plus  loin,  la 
confédération  étrusque,  maintenue  quant  aux  sacra  jusqu'aux 
temps  les  plus  récents,  était  probablement,  comme  les  diverses 
cités,  sous  l'autorité  de  préteurs  et  d'édiles  se  renouvelant  tous 
les  ans.  L'existence  à  la  tête  du  Latiumde  decem  primions  les- 
quels il  peut  être  représenté  (1),  donne  à  penser  qu'il  y  avait, 
à  côté  des  magistrats  fédéraux,  une  assemblée  latine  analo- 
gue au  conseil  communal  des  diverses  cités.  En  dehors  d'un 
récit  peu  digne  de  foi  qui  représente  l'assemblée  fédérale 
comme  ayant  la  justice  criminelle  (2),  il  n'y  a  pas  de  vestige 
d'attributions  des  chefs  et  de  l'assemblée  relatives  à  d'autres 
matières  qu'aux  matières  militaires. 
Hégémonie  de       La  relation  existant  entre  la  ligue  latine  et  Rome  est  à  la 

Rome.  ° 

fois  désignée  comme  une  «  alliance  égale  »  (3)  et  comme  une 
subordination  à  Rome  (4).  C'est  par  conséquent,  sous  les  deux 

youç  aÙToxpàxopaç  £ipr,vY|ç  te  xa\  Tzolipov  "Ayxov  IIou7tX!xtov  èx  rcoXeioç  Kopaç 
xa\  E7rou<nov  OùextXcov  èx  Aaoutv(ov))  et  après  l'expulsion  des  Tarquins  (5, 
61  :  Toutou?  aTiéSeilav  arpax^youç  aù-roxpaTopaç  rapproché  de  6,  4),  représente 
deux  ^xpaT^yoi  aùxoxpaxopeç  comme  marchant  à  la  tète  des  Latins  contre 
les  Romains;  quoiqu'il  emploie  ailleurs  cette  expression  pour  désigner  le 
dictateur,  le  chiffre  deux  implique  nécessairement  qu'il  s'agit  ici  des  pré- 
teurs (cf.  tome  III,  la  théorie  de  la  Dictature,  sur  la  dictature  latine).  Le 
dictator  Latinus  de  Tusculum,  qui,  selon  Galon  (chez  Priscien,  4,  p.  629),  dé- 
die le  temple  de  Diane  à  Aricia,  est  certainement  un  magistrat  de  Tuscu- 
lum et  non  un  magistrat  fédéral. 

(1)  Tite-Live,  loc.  cit.  :  Romani...  decem  principes  Latinorum  Romam  evoca- 
verunt. 

(2)  L'exécution  de  Turnus  Herdonius  indicta  causa,  Tite-Live,  1,  51,  9, 
Denys,  4,  48,  suppose  la  possibilité  légale  de  suivre  une  procédure  régulière 
devant  le  concilium.  Selon  le  même  système,  Appius  Claudius,de  la  ville  Sa- 
bine de  Regillum,  est  condamné  pour  haute  trahison  «par  les  autres  villes», 
parce  qu'il  s'est  opposé  à  la  guerre  contre  Rome  dans  le  concilium  de  la  li- 
gue sabine  (Denys,  5,  40;  Plutarque,  Popl.  21). 

(3)  Tite-Live,  8,  4,  2  :  Si  etiam  nunc  sub  umbra  fœderis  œqui  servitutem 
pati  possumus.  Cf.  p.  291,  note  2. 

(4)  Denys,  3,  54,  sous  Tarquin  l'Ancien:  Elvat  <pft.ouç  'PwjxatMv  xaî  <TU[X|xa- 
Xovç  a-rcavra  7rpaTT0VTaç  oaa  av  èxeTvoi  xsXeûtoa-tv.  Tite-Live,  1,45,  sous  Servius  : 
Caput  rerum  Romam  esse.  1,  52,  4  :  In  eo  fœdere  (avec  le  second  Tarquin) 
superlr  Romana  res  erat.  Denys,  3,  49:  T\j}(à>v  tt|Ç  Aocuvwv  rje^oviaç  (le  même 
roi).  Tite-Live,  8,  2,  12,  avant  l'explosion  de  la  dernière  guerre  :  Fateri  pi- 
gebat  in  potestate  sua  Latinos  jam  non  esse.  Enfin  par  dessus  tout,  dans  le 
premier  traité  avec  Garthage  (Polybe,  3,  22),  qui  est  certainement  antérieur 
à  la  dissolution  de  la  ligue,  les  Carthaginois  promettent  de  ne  pas  faire  de 
dommage  aux  villes  latines  qui  seraient  dans  l'obéissance  des   Romains 


LA  LIGUE   NATIONALE    LATINE.  239 

rapports,  essentiellement  la  même  relation  dans  laquelle  se 
trouvaient  les  diverses  villes  latines  avec  Rome  après  la  disso- 
lution de  la  ligue.  Les  magistrats  romains  réclament  chaque 
année,  en  vertu  des  traités  existants,  son  contingent  militaire 
de  la  ligue,  comme,  à  l'époque  postérieure,  ils  réclament  le 
sien  de  chaque  cité  (1);  les  annalistes  semblent  même  s'être 
figuré  l'organisation  de  ces  troupes  comme  ayant  été  alors 
semblable  à  ce  qu'elle  fut  par  la  suite  (2),  et  c'est  sans  doute 


(ôeroi  av  àrcYpcooi)  et,  quant  aux  insoumises,  de  ne  pas  les  conserver  s'il  les 
réduisaient,  et  de  n'élever  aucune  forteresse  sur  le  sol  latin.  Au  contraire, 
il  est  sans  importance  que,  dans  la  rédaction  phaséologique  donnée  à  l'al- 
liance de  Cassius,  Denys,  6,  95,  la  relation  formée  soit  représentée  comme 
une  simple  alliance  défensive. 

(1)  Tite-Live,  1,  26,  1  :  Roganti  Mettio  (le  roi  d'Albe)  ex  fœdere  icto  quid 
imperaret,  imperat  Tullius,  uti  jûventutem  in  armis  habeat.  1,  52,  5  (sous  Tar- 
quin  le  Superbe)  :  Ita  renovatum  fœdus  indictumque  junioribus,  ut  ex  fœdere 
die  certa  ad  lucum  Ferentinœ  armati  adessent.  6,  10,  6,  en  368  :  Ab  Latinis 
Hernicisque...  quœsitum,  cur  per  eos  annos  militent  ex  instituto  non  dédissent. 
7,  12,  7,  sur  Fan  396  :  Magna  vis  militum  ab  (Latinis)  ex  fœdere  vetusto,  quod 
multis  intermiserant  annis,  accepta.  8,  4,  7  :  Temptastis  patientiam  negando 
militem;  quis  dubitat  exarsisse  eos,  cumplus  dncentorum  annorum  morem  solve- 
remus?  Également,  3,  4,  10.  c.  22,  4.  4,  26,  12.7,  25,  5.  Denys,  9,  5:  'Acpcxero 
8'  aùxoïç  icapà  xoO  Aaxtvtov  te  xa\  'Epvcxcov  eôvouç  8iirXà<nov  tou  xXy]6évtoç  iizi- 
xovpixov. 

(2)  Le  plus  souvent  on  reporte  les  institutions  postérieures  à  cette  épo- 
que. Ainsi  Tite-Live  dit,  en  termes  généraux,  8,  8, 14,  après  avoir  parlé  de  la 
levée  annuelle  faite  parmi  les  citoyens  de  4  légions  composées  chacune  de 
5000  fantassins  et  de  300  cavaliers  :  Alterum  tantum  ex  Latino  dilectu  adjicie- 
batur.  Les  armées  consulaires  de  Denys,  9,  5.  16.  18,  composées  chacune  de 
deux  légions  et  de  troupes  égales  d'Herniques  et  de  Latins,  sont  d'accord  avec 
cela.  On  rencontre  aussi,  dans  Tite-Live,  2,  64,  10  (cf.  Denys,  9,  57),  une  Her- 
nicorum  cohors  dans  une  armée  consulaire.  Au  contraire,  on  trouve  dans 
Tite-Live,  3,  22,  4.  5,  une  armée  consulaire  composée  pour  portions  égales 
de  Romains,  de  Latins  et  d'Herniques  et  combattant  divisée  en  ces  trois 
corps  ;  dans  Tite-Live,  3,  4,  10.  c.  5,  8.  15,  un  socialis  exercitus  également 
consulaire  composé  seulement  de  cohortes  Latinse  Hernicœque  (à  côté  des  An- 
tiates).  L'organisation  intérieure  est  absolument  semblable  à  celle  des  Ro- 
mains (Tive-Live,  8,  6,  15.  c.  8,  15).  —  L'assertion  de  Tite-Live,  1,  52,6, 
(d'où  sans  doute  Zonaras,  7,  10)  :  (Latini)  ubi  ad  edictum  Romani  régis  (du 
dernier)  ex  omnibus  populis  convenere,  ne  ducem  suum  neve  secretum  imperium 
propriave  signa  haberent,  miscuit  manipulos  ex  Latinis  Romanisque,  ut  ex  bi- 
nis  singulos  faceret  (=  qu'il  formât  un  manipule  de  deux  anciens  —  demi- 
manipules  romains  et  latins)  binosque  ex  singulis  (=  qu'il  fit  deux  manipu- 
les de  chaque  ancien  manipule  romain)  :  ita  geminatis  manipulis  centuriones 
imposuit,  est  absolument  isolée  (car  Tite-Live,  8, 6,15,  est  absolument  étran- 
ger à  cette  question).  Il  n'y  a  sûrement  eu  aucun  Romain  qui  se  soit  figuré 
cela  comme  ayant  été  un  régime  durable.  C'est  probablement  le  produit  des 


%40  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

avec  raison,  car  la  levée  fédérale  ne  pouvait  être  composée 
que  des  contingents  des  différente  cités.  Il  n'y  a  pas  trace 
d'un  commandement  général  de  la  levée  fédérale  (1)  ;  nous 
trouvons  seulement  rapporté  que,  tant  que  la  ligue  exista,  elle 
faisait,  avant  de  remettre  les  troupes  fédérales  aux  généraux 
de  Rome,  prendre  les  auspices  romains  par  des  Romains  délé- 
gués par  elle  (2).  —'Selon  les  documents  que  nous  possédons, 
les  profits  de  la  guerre,  qu'ils  consistassent  en  terres  ou  en  bu- 
tin mobilier,  étaient  divisés  par  portions  égales  entre  les  trois 
alliés,  à  l'époque  où  la  ligue  des  villes  herniques  s'était  adjointe 
comme  troisième  terme  à  Rome  et  au  Latium.  La  disparition 
de  ce  partage  fut  une  des  conséquences  de  la  dissolution  de  la 
ligue  (3). 


réflexions  d'un  annaliste  du  temps  de  Sulla  qui  s'est  demandé  comment  la 
guerre  sociale  aurait  pu  être  évitée  et  qui  a  déguisé  ses  idées  sous  l'aspect 
d'une  peinture  du  gouvernement  du  dernier  roi  à  son  déclin,  en  partant  du 
principe  selon  lequel  l'organisation  de  l'armée  dépend  exclusivement  de 
l'arbitraire  du  général  en  fonctions. 

(1)  Sans  doute  on  peut  se  demander  comment  était  alors  occupé  le  com- 
mandement confié  plus  tard  aux  praefecti  socium.  Mais  c'est  une  question  à 
laquelle  nous  n'avons  pas  de  réponse. 

(2)  Gincius,  dans  son  traité  de  consul um  potestate  (dans  Festus,  p.  241,  v. 
Prsetor  ad  portant)  :  Quo  anno  Romanos  imperatores  ad  exercitum  mittere  opor- 
teret,  jussu  nominis  Latini  complures  nostros  in  Capitolio  a  sole  oriente  auspi- 
ciis  operain  dare  solitos  :  ubi  aves  addixissent,  militent  illum,  gui  a  communi 
Latio  7nissus  esset,  illum  quem  aves  addixerant  prsetorem  salutare  solitum,  qui 
eam  procinciam  optineret  prœtoris  nomine.  Les  mots  du  début  peuvent,  s'ils 
sont  exacts,  uniquement  être  compris  dans  ce  sens  que  la  procédure  décrite 
était  suivie  les  années  où  les  Romains  envoyaient  des  généraux  ;  mais, 
puisque  cela  avait  lieu  tous  les  ans,  il  faut  sans  doute  lire  quando  au  lieu 
de  quo  anno.  En  tout  cas,  il  s'agit  là  exclusivement  du  départ  du  général 
romain  pour  son  commandement,  et  il  n'y  a  aucune  raison  de  voir  dans  ce 
témoignage,  avec  l'interprétation  reçue  (Schwegler,  2,343),  un  roulement  du 
commandement  entre  Romains  et  Latins  qui  serait  impossible.  Prsetor  dési- 
gne naturellement  le  consul,  puisqu'il  s'agit  du  temps  antérieur  à  416,  et 
il  faut  aussi  comprendre  provincia  dans  son  sens  primitif. 

(3J  Pline,  H.  n.  34,  5,  20  :  (C.  Msenius)  devicerat  priscos  Latinos,  qui- 
tus ex  fœdere  tertias  prœdae  populus  Romanus  prsestabat.  Selon  les  annales, 
le  butin  était,  en  vertu  de  l'alliance  de  Gassius,  partagé  pour  portions  égales 
entre  Rome  et  le  Latium  (6,  95  :  Aacpûpwv  te  xaî  Xeîaç  tyjç  èx  iro)ifxa)v  xoivûv 
to  laov  XaY'/avÉTtoa-av  (xépo?  êxatepot;  Tite-Live,  2,  41,  1),  puis,  à  la  suite  de 
l'adjonction  des  Herniques,  il  le  fut  par  tiers  (8,  77  :  "Epvtxa;...  -j-riç  te  xcù 
Xetaç,  fft  av  èx  rcavroç  xnqatovTat,  ...ïzaU  Xafipavgiv  iplirp  fj.ept8a  ;  cf.  c.  69.  71. 
74).  Le  récit  de  Denys,  9,  59,  est  incorrect. 


LA   LIGUE   NATIONALE   LATINE.  241 

La  dissolution  de  la  représentation  fédérale  en  416  de  Rome    l&  collectivité 

latine  après  la 

a  sans  doute  laissé  en  principe  aux  différentes  villes  leur  condi-  dissolution  de  ia 
tion  antérieure;  en  particulier,  leur  autonomie  n'a  pas  été  li- 
mitée plus  étroitement  qu'elle  ne  l'avait  été  par  leur  incorpora- 
tion dans  la  ligue.  Les  pouvoirs  que  la  ligue  avait  jusqu'alors 
exercés  sur  les  villes  fédérées  passèrent  à  la  cité  dominante. 
La  dissolution  de  l'union  fédérale  doit  seulement  avoir  en- 
traîné la  suppression  du  droit  des  villes  latines  de  coûclure  des 
traités  particuliers  entre  elles,  et  le  droit  des  villes  latines 
de  conclure  des  traités  se  trouva  désormais  restreint  à  celui  de 
traiter  avec  Rome.  Selon  les  textes  mêmes,  il  n'a  pu,  depuis 
416,  y  avoir  d'alliance  ni  entre  tous  les  peuples  latins  ni  entre 
certains  d'entre  eux  (1),  et  la  même  conduite  a,  verrons-nous, 
été  suivie  pour  tout  le  reste  de  l'Italie.  Par  conséquent,  les 
villes  latines  perdirent  alors  le  droit  d'établir  entre  elles  la 
communauté  du  commerce  et  du  mariage,  et,  selon  toutes  les 
vraisemblances,  les  traités  antérieurement  faits  dans  ce  but 
furent  en  même  temps  abrogés. 

Au  contraire,  l'union  collective  des  cités  reconnues  par  les  Ro-  3  ^«««km 

*  du  cercle  de  la 

mains  comme  ayant  des  droits  nationaux  égaux  ne  cessa  pas  SaLïde* 
d'exister  à  la  suite  de  cette  dissolution;  elle  perdit  seulement  colomes; 
ses  organes  collectifs;  ou  plutôt  les  organes  de  la  cité  domi- 
nante furent  désormais  regardés  comme  étant  en  même  temps 
ceux  du  Latium.  C'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  comprendre 
l'appel  du  contingent  fait  par  les  autorités  romaines.  L'admis- 
sion de  nouvelles  cités  dans  l'union,  qui  subsista  après  comme 
avant,  fut  aussi  désormais  prescrite  par  une  décision  législa- 
tive des  comices  romains.  De  nombreuses  communautés  poli- 
tiques nouvelles  de  nationalité  latine  ont  été  créées,  dans 
toute  la  péninsule  jusqu'au  pied  des  Alpes,  par  les  Romains 
depuis  416  comme  auparavant  par  la  ligue. 


(1)  Tite-Live.  8,  13  (p.  228,  note  2)  :  Ceteris  Latinis  populis...  concilia  inter 
se  ademerunt.  Cf.  Tite-Live,  45,  29,  10  :  Pronuntiavit...  neque  conubium  neque 
commercium  agrorum  œdificiorumque  inter  se  placere  cuiquam  extra  fines  re- 
gionis  suae  (des  quatre  Macédoines)  esse.  On  rencontre  encore  souvent  ail- 
leurs des  limitations  pareilles  (Handb.  4,  501). 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  1g 


242  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

par  la  Mais  l'extension  du  Latium  s'est,  dès  la  période  ancienne  de 

latinisation   de  x 

cités  pérégrines.  ja  République,  difficilement  restreinte  à  cela.  On  semble  aussi 
avoir  incorporé  parmi  les  cités  latines  un  certain  nombre  de 
cités  originairement  pérégrines.  Sans  doute  cela  ne  pouvait  se 
produire  qu'en  vertu  d'une  libre  décision  de  la  cité  pérégrine, 
d'une  part,  et  de  l'autorité  romaine,  de  l'autre.  Il  n'est  pas  cer- 
tain que  les  cités  non-latines  aient  pu,  en  vertu  de  leur  auto- 
nomie, adopter  la  langue  latine  (1),  la  dualité  des  noms  propres 
latins  (VI,  1,  p.  240),  la  toge  latine  (VI,  1,  p.  250)  et  d'autres 
institutions  qui  dépendent  en  général  de  la  libre  décision  du 
peuple.  Il  se  peut  fort  bien  que,  surtout  à  l'époque  ancienne, 
des  limites  aient  été  apportées,  dans  les  divers  traités,  à  cet 
exercice  de  l'autonomie  et  que  la  nation  dominante  n'ait  pas 
permis  sans  réserve  l'adoption  de  ses  coutumes  propres  à  ses 
alliés  inférieurs.  Mais,  lors  même  qu'il  n'existait  pas  d'obstacle 
sous  ce  rapport  et  que  les  citoyens  des  villes  non-latines  pou- 
vaient et  voulaient  se  ranger  ainsi  dans  la  nationalité  latine, 
la  différence  légale  n'était  pas  effacée  par  là.  La  concession  de 
l'usage  de  la  toge  aux  membres  de  toutes  les  cités  appartenant 
à  l'armée  italique  n'en  fit  pas  des  Latins  (2).  L'usage  de  la 
langue  latine,  qu'il  reposât  sur  une  décision  prise  par  une  cité 
dans  son  autonomie  ou  sur  une  concession  du  gouvernement, 
ne  donnait  pas  davantage  à  la  cité  le  droit  latin.  Il  devait,  en 
tout  cas,  falloir  en  outre  une  concession  des  privilèges  person- 
nels aux  Latins  que  nous  étudierons  plus  loin,  et  cette  con- 
cession ne  pouvait  résulter  que  d'un  acte  législatif  de  Rome  (3). 
Mais  il  est  probable  que  cela  a  eu  lieu  ainsi,  et  que  des  cités 
qui  n'étaient  pas  latines  d'origine  ont  été  mises  par  une  na- 
tionalisation légale  sur  le  même  rang  que  les  vieilles  cités 
latines.  La  désignation  Latium  adjectum  ou  novum^e  nous  a 


(1)  De  ce  que  les  cités  de  demi-citoyens  ne  pouvaient  pas  changer  arbitrai- 
rement leur  langue  officielle  (p.  204,  note  1),  il  ne  résulte  pas  nécessaire- 
ment que  les  cités  autonomes  aient  également  eu  besoin  d'une  permission 
pour  le  faire. 

(2)  Il  est  traité  des  togati  italiques  dans  la  partie  qui  suit. 

(3)  C'est  ce  que  montre  par  exemple  le  régime  de  la  mancipation 
(p.  251,  note  3). 


LA   LIGUE   NATIONALE   LATINE.  243 

été  transmise  que  comme  désignation  géographique  du  terri- 
toire limitrophe  du  Latium  au  Sud  et  à  l'Est,  jusqu'au  Liris 
sur  tout  son  cours  ;  c'est-à-dire  du  pays  des  Volsques  et  de» 
Herniques  (1).  Mais  elle  a,  sans  aucun  doute,  primitivement 
exprimé,  en  droit  public,  l'incorporation  de  ce  territoire  non  pas 
dans  l'union  religieuse  qui  célébrait  la  fête  fédérale  sur  le  mont 
Albain  (p.  232  notes  2  et  4),  mais  dans  l'union  politique  des 
Latins.  Sans  doute,  la  plupart  des  cités  de  l'ancien  territoire  des 
Volsques  auraient,  d'après  ce  que  nous  savons  par  la  tradition, 
passé  directement  de  la  pérégrinité  au  droit  de  cité,  spéciale- 
ment au  demi-droit  de  cité  (p.*  186,  notes  2  et  3),  et  n'auraient 
jamais  été  latines.  Mais  quelques-unes  d'entre  elles,  par  exemple 
Antium(2),  paraissent  avoir  possédé  le  droit  latin  avant  d'entrer 
dans  cette  condition,  et,  sur  les  trois  villes  des  Herniques  qui 
subsistèrent  comme  fédération  particulière  après  que  les  autres 
Herniques  eurent  reçu  le  demi-droit  de  cité  (p.  186,  note  8), 
Ferentinum,  Aletrium  et  Verulae,  les  Ferentinates  sont  plus 
tard  expressément  comptés  parmi  les  Latins  (3).  Peut-être  la 
même  chose  a-t-elle  eu  lieu  en  Italie  sur  une  large  échelle.  Un 
certain  nombre  de  cités  italiques  qui  n'étaient  pas  des  colonies 
latines,  ainsi  les  Vestini,  Larinum,  Teate  Apulum,  Caiatia, 


(1)  Les  limites  du  Latium  adjectum  sont  étudiées  Cl.  L.  X,  p.  498.  Les 
témoignages  sont  vacillants.  Les  extensions  successives  du  cercle  juridique 
de  la  Latinité  peuvent  avoir  exercé  là  une  influence. 

(2)  C.  I.  L.  X,  p.  660. 

(3)  Tite-Live,  34,  42,  o  :  Novumjus  eo  anno  a  Ferentinatibus  temptatum,  ut 
Latini  qui  in  coloniam  Romanam  nomina  dédissent,  cives  Romani  essent.  Pu- 
teolos  Saleimumque  et  Buxentum  adscripti  coloni  qui  nomina  dederant  [et]  cum 
ob  id  se  pro  civibus  Romanis  fêtèrent,  senatus  judicavit  non  esse  eos  cives  Ro- 
manos.  Le  citoyen  d'une  cité  latine  pouvant  posséder  des  champs  romains, 
il  n'y  avait  pas  d'obstacle  de  principe  à  l'admettre  sur  les  listes  au  mo- 
ment de  la  fondation  d'une  colonie  de  citoyens  sans  que  sa  condition  per- 
sonnelle fût  pour  cela  changée.  Cf.  tome  IV,  la  section  des  Magistrats  agris 
dandis  adsignandis  et  colonise  deducendœ,  sur  l'assignation.  D'ailleurs  la  loi 
de  fondation  de  la  colonie  permettait  à  l'auteur  de  la  deductio  d'inscrire  un 
certain  nombre  de  non-citoyens  en  qualité  de  citoyens  parmi  les  colons 
(VI,  1,  p.  151).  Par  conséquent  les  Ferentinates  ne  s'appelaient  pas  seule- 
ment Latini  ;  ils  avaient  aussi  les  droits  propres  des  Latins.  Cf.  C.  L  L.  X, 
p.  572.  —  Il  est  vraisemblable  que  c'est  précisément  en  leur  qualité  de  La- 
tins que  les  Herniques  font  défaut  dans  le  relevé  des  forces  italiques  de 
l'an  529  (Rœm.  Forsch.  t,  396). 


244  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

Aquinum,  ont  frappé  des  monnaies  avec  légende  latine.  Or,  on 
ne  peut  sans  doute  pas  dire  avec  certitude  dans  quelle  mesure 
ce  passage  de  fait  dans  la  nationalité  latine  a  été  accompagné 
pour  elles  des  privilèges  juridiques  de  la  latinité.  Mais  cependant 
il  est  probable  que  ces  privilèges  ont  été  accordés  tout  au  moins 
à  une  partie  d'entre  elles.  Car  c'est  seulement  si  la  concession 
du  droit  de  latinité  avait  déjà  été  faite  fréquemment,  avant 
la  guerre  sociale,  à  des  villes  non-latines  d'origine,  que  l'on 
peut  s'expliquer  que  le  droit  de  latinité  ait  été,  après  la  guerre 
sociale,  accordé  en  bloc  à  toutes  les  cités  pérégrines  indépen- 
dantes de  la  Gaule  cisalpine.  Le  cercle  des  alliés  italiques  est 
plus  large  que  celui  des  Latins;  mais  il  y  a  probablement  eu 
des  passages  constants  du  premier  dans  le  second,  et  c'est  ainsi 
que  s'est  progressivement  développée  l'idée,  assurément  erro- 
née, dont  nous  aurons  encore  à  nous  occuper  dans  la  partie  sui- 
vante, selon  laquelle  les  Italiens  sont  tous  sans  exception  des 
Latins  et  il  n'y  a  pas  de  statut  personnel  italique  différent  du 
statut  personnel  latin. 

Le  droit  latin  a  été,  selon  la  même  méthode,  conféré  par  César 
et  après  lui,  d'abord  aux  rares  cités  qui,  par  suite  de  leur  défaut 
d'indépendance  politique,  restèrent  en  dehors  de  la  concession 
du  droit  de  cité  faite  aux  Cisalpins  en  705  (i);  puis  progressi- 
vement aux  cités  des  Alpes  de  la  frontière  nord  de  l'Italie  (2), 
et  même,  dans  le  cours   des  temps,  aux  cités  pérégrines  de 


(1)  Le  Laiinum  jus  des  gentes  Euganese  subordonnées  à  des  municipes  CBri- 
xia  et  Bergomum),  en  particulier  des  Trumplini  et  des  Gamunni,  est  attesté 
par  Pline,  H.  n.  3,  20,  133.  V.  les  développements  donnés  par  moi,  C.  I.  L.  V, 
p.  519.  Les  Garni  et  les  Gatali  placés  sous  l'autorité  de  Tergeste  ont 
pareillement  la  latinité  (p.  264,  note  4;  v.  la  partie  des  Localités  attribuées). 
Sur  la  conciliation  du  droit  latin  avec  la  dépendance  des  cités,  cf.  C.  I. 
L.  V,  p.  1195,  et  XII,  p.  21. 

(2)  Avaient  le  droit  latin,  selon  Pline,  3,  20,  135,  qui  décrit  sans  doute 
ici  pour  l'ensemble  les  institutions  du  temps  d'Auguste  :  dans  le  territoire 
des  Alpes  maritimes,  les  Bagienni  (plus  tard  compris  dans  la  neuvième 
région  de  l'Italie  ;  cf.  C.  I.  L.  V,  p.  873)  et  une  partie  des  Ligures  Montani  et 
Capillati,  desquels  il  fut  ensuite  étendu  par  Néron, en  l'an  63,  atout  le  ter- 
ritoire des  Alpes  maritimes  (Tacite,  Ann.  13,  32;  cf.  C.  L  L.  V,  p.  903);  en 
outre,  le  territoire  des  Alpes  cottiennes  (cf.  C.  1.  L.  V,  p.  810);  dans  les 
Alpes  graies,  les  Geutrones;  dans  les  Alpes  pœnines,  les  Octodurenses,  peut- 
être  aussi  les  Varagri  et  les  autres  peuplades. 


LA   LIGUE   NATIONALE  LATINE.  245 

l'Occident  en  général  (1).  C'est  pour  une  bonne  partie  par  ce 
procédé  que  s'est  accomplie  la  romanisation  de  l'Occident. 

Étudions  maintenant  les  avantages  qui  distinguent  le  droit 
des  villes  latines  et  la  condition  personnelle  des  Latins  des 
droits  généraux  des  villes  autonomes  et  de  leurs  citoyens. 

Les  statuts  des  villes  latines.  —  il  n'y  a  pas  de  droit  latin  Lesdeeg£t„"Mi 
abstrait,  —  se  divisent  en  deux  catégories,  l'une  supérieure  et  m7auns*ux 
l'autre  inférieure  en  droit;  ou  encore,  selon  une  distinction  qui 
se  confond  probablement  avec  la  précédente,  ces  statuts  se  divi- 
sent en  statuts  antérieurs  ou  postérieurs  à  l'an  486  de  Rome  (p. 
258  et  ss.).  La  tradition  ne  nous  dit  pas  quels  étaient  les  effets 
particuliers  de  cette  différence  de  droit.  Puisqu'il  nous  est  attesté 
que  le  droit  latin  récent  entraînait  l'égalité  complète  avec  les 
citoyens  romains  en  matière  de  droit  privé,  celui  qui  lui  était 
supérieur  devait  nécessairement  conférer  en  outre  des  droits 
politiques  proprement  dits  (2)  :  c'est  un  point  sur  lequel  nous 
aurons  à  revenir  au  sujet  delà  faculté  d'émigration.  La  catégorie 
la  mieux  traitée  des  villes  latines  comprend  en  premier  lieu  les     s.tatutTs  <|?s 

r  r  anciens  Latins) 

anciennes  villes  latines  et  en  outre  les  plus  anciennes  des  colo- 
nies fondées  par  la  ligue  ou  par  les  Romains.  La  catégorie  in- 
férieure est  désignée  comme  ayant  le  droit  d'Ariminum,  ou 
celui  des  «  douze  colonies  »,  par  lesquelles  il  faut  entendre  la  (douze) colonies. 
ville  latine  d'Ariminum,  dont  la  déduction  eut  lieu  en  486,  et 
les  onze  autres  colonies  fondées  par  les  Romains  en  Italie  entre 
cette  date  et  la  guerre  sociale  (3).  Mais  il  faut  également  comp- 


(1)  Les  témoignages  ont  été  réunis  par  Hirschfeld  dans  la  Festschrift  zur 
Sbjahrigen  Jubelfeier  der  arch.  Instituts  in   Rom  de   Benndorf  et  Hirschfeld 
Vienne,  1879,  p.  8  et  ss.  =  Revue  générale   de   droit,  1880,  p.  290  et  ss.  Ha- 
drien encore  Latium  multis  civitatibus  dédit  (Vita,  21).  Lambsesis  et  Gemellae 
en  Afrique  le  reçurent  en  même  temps  (Eph.  ep.  V,  n.  748). 

(2)  Il  est  remarquable  que  la  frappe  de  monnaie  romaine  d'argent  com- 
mence au  moment  de  la  fondation  d'Ariminum,  et  qu'aucune  des  douze  co- 
lonies les  plus  récentes  n'a  frappé  de  monnaie  d'argent  {R.  M.  W.  p.  319 
=  tr.  fr.  3,  p.  191).  Au  reste,  ces  restrictions  n'ont  sans  doute  pas  été  réali- 
sées par  une  loi  générale,  mais  par  les  différentes  lettres  de  concession, 
parmi  lesquelles  naturellement  c'étaient  en  général  les  dernières  délivrées 
qui  servaient  de  modèle  pour  les  suivantes. 

(3)  Cicéron,  Pro  Cœc.  35,  202  :  Sulla...  ita  tulit  de  civitate  (des  Arretini  et 
des  Volaterrani,  cf.  VI,  1,  p.  156,  note  4),  ut  non  sustulerit  horum  nexa  atque 


246  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

ter  dans  la  seconde  classe  toutes  les  cités  qui  ont  reçu  la  lati- 
nité dans  les  provinces.  La  condition  supérieure  et  la  condition 
inférieure  peuvent  donc  être  désignées  comme  étant  celles  des 
prisci  Latini  et  des  Latini  coloniarii.  En  donnant  la  dénomina- 
tion de  colonise  Latinse  à  la  cité  de  Carteia,  composée  en  583 
des  enfants  nés  dans  le  camp  de  l'armée  d'Espagne  (1),  et 
aux  cités  gratifiées  de  la  latinité  en  Gaule  cisalpine  après  la 
guerre  sociale,  on  veut  caractériser  leur  droit  de  latinité 
comme  appartenant  à  la  catégorie  inférieure;  c'est  d'autant  plus 
clair  que  la  dénomination  ne  convient  pas,  au  sens  propre, 
aux  dernières  cités  tout  au  moins.  La  catégorie  supérieure  des 
Latins  disparut  pour  toujours  à  la  même  époque  par  l'arrivée 
de  toutes  les  cités  italiques  au  droit  de  cité  complet  (2),  et  il 
n'y  eut  plus,  à  la  fin  de  la  République  et  sous  lePrincipat,  d'au- 
tres cités  latines  que  les  villes  de  province  qui  avaient  reçu  ou 
qui  reçurent  le  droit  de  latinité  inférieure.  Ce  sont  là  les  Latini 
coloniarii  des  jurisconsultes  du  temps  de   l'Empire  (3).  Cette 


hereditates  :  jubet  enim  eodemjure  esse  quo  fuerint  Ariminenses,  qaos  quis  igno- 
rât duodecim  coloniarum  fuisse  et  a  civibus  Romanis  hereditates  capere  potuisse  ? 
Les  nexa  sont  expliqués  par  la  définition  rapportée  dans  Varron,  L.  L.  7, 
105  :  Nexum  Manilius  scribit  omne  quod  per  librarn  et  ses  geritur,  in  quo  sint 
mancipia  (cf.  Gaius,  2,  27  :  Provincialis  soli  nexum  non  e[sf]...  solum  Italicum 
mancipii  est,  provinciale  nec  mancipii  est).  Festus,  p.  165,  définit  le  mot  dans 
un  sens  large  où  il  comprend  les  hereditates  :  Nexum  est,  ut  ait  Gallus  JElius, 
quodcunque  per  ses  et  libram  geritur  idque  necti  dicitur,  quo  in  génère  sunt 
hœc  :  testamenti  factio,  nexi  datio,  nexi  liberatio.  Cf.  Rœm.  Gesch.  1,  7e  éd. 
421  =  tr.  fr.  2,  240. 

(1)  Tite-Live,  43,  3. 

(2)  Les  prisci  Latini  peuvent  avoir  encore  longtemps  figuré  dans  la  théo- 
rie juridique.  Mais  nos  sources  de  droit  ne  connaissent  en  dehors  des  La- 
tini Juniani,  dont  la  condition  est  purement  individuelle,  d'autre  droit  com- 
munal latin  que  celui  des  Latini  coloniarii.  La  distinction  du  Latium  majus 
et  du  minus  (p.  263)  n'a  rien  à  faire  avec  la  différence  de  droit  étudiée  ici. 

(3)  Gaius,  1,  22.  29.  79.  3,  56.  Ulpien,  19,  4.  Fragment  de  Dosithée,  de 
manumiss.  6  :  Aaxc'vocç  xoXtovapc'ocç,  oc',  ote  rjaav  TroXc-rac  ePo)[xac'a)v  àueXeuôepoc, 
ô'vo[xa  c'ôtov  sic  Tr,v  xoXiovcav  SeStoxecaav.  Cette  définition  tirée  du  nom  est  vi- 
siblement fausse.  L'auteur  peut  avoir  pensé  hors  de  propos  aux  affranchis 
qui  étaient  fréquemment  mis  dans  les  colonies  de  citoyens,  ou  même,  comme 
suppose  Hirschfeld,  aux  Latini  Juniani.  —  Gaius  s'exprime,  en  termes 
assez  singuliers,  comme  s'il  n'y  avait  de  son  temps  aucune  ville  de  droit 
latin  et  comme  s'il  n'y  avait  pas  d'autres  Latins  que  les  Juniani.  Il  n'y  avait 
pas  de  colonies  latines  dans  l'Asie  mineure  où  il  écrit,  et  elles  ne  sont 
mentionnées  qu'accidentellement  par  les  jurisconsultes  romains. 


LA  LIGUE  NATIONALE   LATINE.  247 

dénomination,  qui  vient  probablement  des  douze  colonies,  s'ap- 
plique même  aux  cités  qui  ont  reçu  ce  droit  de  latinité  sans  la 
qualité  fictive  de  colonies.  Vespasien  le  donna  aux  Espagnols. 
Mais,  comme  la  raison  pour  laquelle  on  avait  qualifié  de  colo- 
nial le  droit  de  latinité  conféré  aux  villes  cisalpines  s'était  éva- 
nouie avec  la  disparition  du  droit  de  latinité  supérieur,  il  aban- 
donna cette  fiction,  et,  selon  la  méthode  ancienne  plus  ration- 
nelle, il  fit  des  cités  espagnoles  des  miinicipia  latins  (1). 
La  souveraineté  théorique  des  diverses  cités  latines  ne  fut    Décadence  ia 

*  latinité  sous  le 

pas  atteinte  par  la  dissolution  de  la  ligue;  mais  son  absence  de  Principat. 
portée  pratique  rétroagit  peu  à  peu  sur  les  principes  du  droit 
public.  C'est  en  partant  delà  qu'après  le  soulèvement  de  la  ville 
latine  de  Fregellae  en  629,  on  refusa  le  triomphe  à  son  vain- 
queur, en  traitant  par  conséquent  cette  guerre  comme  une 
guerre  civile  (2).  Dans  la  dernière  phase  de  ce  développement, 
qui  est  celle  qui  nous  est  le  plus  exactement  connue,  dans  celle 
des  statuts  municipaux  espagnols  concédés  sous  les  Flaviens, 
on  n'emploie  même  plus  pour  la  ville  les  mots  populus  et  pu- 
blions :  on  remplace  le  premier  par  municipinm  et  le  second  par 
communis.  La  plénitude  de  la  juridiction,  qui,  comme  nous 
montrerons  dans  la  partie  qui  suit,  était  encore,  au  temps  de 
César,  le  signe  caractéristique  de  la  cité  alliée  souveraine  en  face 
de  la  cité  de  citoyens  romains,  est  retirée  à  ces  villes  latines 
d'Espagne,  et  elles  sont,  sous  ce  rapport  tout  au  moins,  rappro- 
chées des  cités  des  citoyens  (3).  Nous  aurons  encore  à  nous 
occuper  dans  la  partie  suivante,  d'autres  limitations  apportées 
sous  l'Empire  au  droit  latin. 

Le  droit  latin  individuel  n'existe  que  comme  conséquence  des  LatimJvmam. 
divers  statuts  communaux  latins.  Le  droit  de  cité  de  Préneste 


(1)  VI,  i,  p.  262,  note  3  in  fine.  Dans  le  langage  habituel,  on  évite  cette 
dénomination,  parce  qu'à  cette  époque  municipium  désigne  par  excellence  la 
cité  de  citoyens.  On  dit  plutôt  oppidum  Latinorum. 

(2)  V.  tome  I,  la  partie  du  Commandement  militaire,  sur  le  bellum  jus- 
tum  comme  condition  du  triomphe. 

(3)  La  limitation  elle-même  est  exprimée  dans  le  c.  69  du  statut  muni- 
cipal de  Malaca,  qui  n'est  pas  conservé  intégralement  ;  les  détails  précis 
font  défaut. 


248  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

est  sur  le  même  pied  que  le  droit  de  cité  de  Rome,  et  l'exis 
tence  d'un  droit  de  cité  latin  qui  ne  se  rapporte  pas  à  une  ville 
de  droit  latin  déterminée  est  un  non-sens  (p.  216,  note  1,  et 
p.  231,  note  1).  Mais  la  loi  Junia  vint,  à  la  fin  de  la  République 
ou  peut-être  au  début  de  l'Empire  (1),  attribuer  à  l'affranchis- 
sement irrégulier  en  la  forme  et  par  conséquent  nul  d'un  es 
clave  romain  cet  effet  juridique  de  permettre  à  l'affranchi  de 
commercer  pendant  sa  vie  dans  les  formes  romaines  comme  le 
citoyen  d'une  colonie  latine,  de  servir  dans  l'armée  dans  la 
mesure  où  le  pouvaient  les  affranchis  latins  quelconques  (2) 
et  enfin  d'acquérir  dans  les  conditions  établies  pour  les  Latins 
le  droit  de  cité  romaine,  tandis  qu'il  était  traité  à  son  décès 
comme  un  esclave;  or  cette  condition  personnelle,  contre  na- 
ture sous  tous  les  rapports,  dont  le  sujet  non  seulement  n'ap- 
partenait à  aucune  cité,  comme  le  dediticius,  mais  n'était  un 
homme  libre  que  de  son  vivant  et  par  conséquent  était,  au  sens 
propre,  toujours  un  esclave,  fut  désignée,  dans  la  langue  récente 
de  l'école  (3),  par  le  nom  de  Latinus  Junianus  (4).   Et,    par 

(1)  La  loi  appelée  partout  ailleurs  seulement  Junia  est  appelée  lex  Junia 
Norbana  dans  les  Institutes  de  Justinien,  1,  5,  3,  et  elle  appartient  à  l'an 
19  après  Jésus-Christ,  si  cettedésignation  est  exacte.  Mais  peut-être  est-elle 
interpolée  par  corrélation  à  la  loi  iElia  Sentia,  à  côté  de  laquelle  la  loi  est 
nommée,  car  il  y  a  de  sérieuses  raisons  de  fonds  pour  que  la  loi  iElia  Sentia 
de  l'an  6  après  Jésus-Christ  lui  soit  antérieure.  Cf.  mon  étude  dans  les 
Jahrbùcher  de  Bekker,  2,  333  et  les  dissertations  récentes  publiées  sur  cette 
question,  impossible  à  trancher  avec  certitude,  par  Schneider,  Zeitschrift 
der  Savigny-Stiftung,  Rom.  Abth.  6, 186.  7,  31  et  Hôlder,  même  revue,  6,  205. 
7,  44,  qui  indiquent  la  bibliographie  de  la  matière. 

(2)  Cela  s'applique  au  service  dans  le  corps  des  vigiles.  Ulpien,  3,  5. 
Gaius,  1,  32^. 

(3)  L'assimilation  de  ces  personnes  aux  citoyens  latins  pendant  qu'elles 
vivent  fut  évidemment  adoptée,  d'une  part,  afin  de  les  exclure  de  tous  les 
droits  et  les  honneurs  politiques  et,  d'autre  part,  attendu  que  leur  classe- 
ment parmi  les  dediticii  aurait  été  gênant  pour  les  gens  en  rapports  d'af- 
faires avec  elles,  notamment  par  suite  de  l'impossibilité  de  la  mancipation. 
La  loi  doit  donc  les  avoir  désignés  comme  des  gens,  qui  dum  vivunt  sunt  nu- 
méro Latinorum,  moriuntur  servi.  Mais  le  caractère  irrationnel  de  la  termino- 
logie abrégée  de  l'école  se  manifeste  dans  le  nom  de  Latinus  mis  à  la  place 
de  numéro  Latinorum  et  dans  l'absence  de  toute  indication  de  leur  mort 
comme  esclaves.  Je  ne  peux  qu'adhérer,  à  rencontre  d'Hôlder,  p.  211,  à  l'o- 
pinion de  Schneider,  selon  laquelle  la  loi  ^Elia  Sentia  n'a  pu  employer  cette 
expression  fausse  et  a  encore  moins  pu  désigner  ces  gens  comme  Latinorum 
numéro  ou  comme  Latini  ;  car  ils  ne  le  sont  ni  n'en  portent  le  nom. 

(4)  Sur  le  Latinus  Junianus,  on  comparera   principalement  Gaius.  1,  17.  22. 


LA   LIGUE   NATIONALE  LATINE.  249 

suite  de  cette  désignation  trompeuse,  cette  institution  hybride 
figure,  par  un  phénomène  singulier,  chez  tous  les  jurisconsultes 
anciens  et  modernes,  comme  une  variété  du  droit  latin,  alors 
qu'on  ferait  mieux  d'y  voir  un  esclavage  qualifié.  Cependant 
cette  institution,  une  fois  affublée  de  l'étiquette  que  lui  ont 
donnée  les  jurisconsultes  romains,  a  probablement  contribué  à 
faire  établir,  dans  la  période  récente  de  l'Empire,  un  droit  in- 
dividuel latin  ne  se  rattachant  à  aucune  cité.  Il  y  a  tout  au 
moins  de  grandes  vraisemblances  pour  que  les  pérégrins  enrô- 
lés pour  le  service  de  la  flotte  aient,  depuis  Hadrien,  reçu  de 
cette  façon  un  droit  personnel  de  latinité  (1). 

Les  droits  spéciaux  appartenant  en  face  de  Rome  aux  ci- 
toyens  des  villes  latines  en  vertu  de  leur  qualité  n'ont,  selon  indi^t^s  des 
toute  apparence,  pas  été  touchés  par  la  dissolution  delà  ligue 
latine:  ainsi  par  exemple,  l'alliance  qui  avait  existé  jusqu'alors 
a  continué  à  déterminer  la  condition  personnelle  des  citoyens 
des  anciennes  villes  latines,  tant  que  ces  cités  ont  subsisté 
(p.  23 i,  note  1).  Par  suite,  les  principes  fondamentaux  étant 
toujours  restés  les  mêmes,  nous  pouvons  rassembler  ici,  sans 
distinction  de  périodes  chronologiques,  ce  que  nous  avons  à 
dire  à  ce  sujet.  Ainsi  que  nous  avons  déjà  dit,  nous  réservons 
pour  la  partie  qui  suit  les  privilèges  que  les  Latins  partagent 
avec  les  Italiens,  par  exemple  ceux  qui  sont  liés  au  service  mi- 
litaire et  la  situation  favorisée  qui  leur  est  donnée  pour  le 
commerce  avec  les  provinces.  Nous  avons  ici  à  étudier  :  leur 
droit  de  commercer  et  d'ester  en  justice;  leur  droit  de  se  ma- 
rier; leur  droit  de  provocation;  les  modes  privilégiés  par  les- 
quels ils  acquièrent  la  cité  romaine;  enfin  leur  droit  de  vote. 

Il  n'y  a  pas  de  communauté  de  droit  entre  Rome  et  le  La-  îatïn"  etégâuté 

latine. 


29.  2,  195.  3,  56.  Ulpien,  20,  14.  Tacite,  Ann.  13,27.  Ulpien  reconnaît  expres- 
sément qu'il  n'est  nullius  certae  civitatis  civis,  et  il  explique  par  là  son  inca- 
pacité de  tester.  Je  n'entre  pas  dans  les  détails;  car  ils  ne  présentent  pas 
d'intérêt  pour  le  droit  public.  Les  noms  romains  appartenaient  même  à  ce 
Latin,  montre  Pline,  Ad  Traj.  104.  Les  enfants  nés  en  mariage  entrent  dans 
la  même  condition  ;  mais  pratiquement  cela  n'a  pas  d'inconvénient  ;  car  ils 
sont  admis  à  la  causse  -probatio,  même  après  la  mort  de  leur  père,  (Gaius,  1,  32). 
(1)  Hermès,  16,  467. 


250  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

tium.  Le  principe  exposé  plus  haut,  selon  lequel  les  comices 
romains  sont  légalement  l'organe  du  Latium,  a  sans  doute  pour 
conséquence  que  la  législation  romaine  peut  s'étendre  au  La- 
tium, et  nous  expliquerons,  dans  notre  prochaine  partie,  que 
cette  conséquence  du  principe  a  été  tirée  par  les  Romains  non 
seulement  en  face  des  cités  latines,  mais  de  toutes  les  cités  ita- 
liques, tandis  qu'on  ne  pouvait  invoquer  dans  le  même  sens  de 
titre  légal  en  face  des  États  étrangers  à  l'Italie  et  que  l'extension 
de  la  législation  romaine  à  ces  États   était  considérée  comme 
une  violation  de  leur  autonomie.  Mais,  en  face  de  l'Italie  elle- 
même,  elle  demeura  une  exception;  il  n'y  a  pas  d'organe  lé- 
gislatif qui  fonctionne  régulièrement  pour  établir  des  lois  ro- 
mano-latines,    notamment  en   droit   privé  (1).     L'autonomie 
existe  au  contraire  à  ce  point  de  vue  aussi  bien  pour  Préneste 
que  pour  Rome  :  le  mariage,  l'affranchissement  (2),  le  testa- 
ment, les  successions  ab  intestat   sont  régis  dans  un  endroit 
comme  dans  l'autre  par    les  lois  locales.  Dans  toutes  les  villes 
latines,  y  compris  Rome,  les  règles  du  droit  privé  se  fondent 
sur  l'autorité  propre  de  chacune,   même  lorsqu'elles  se  trou- 
vent concorder  matériellement.   Mais  cette  concordance  maté- 
rielle existe  dans  la  plus  large  mesure,  par  suite  de  l'identité  de 
mœurs  et  de  langage,  et  elle  a  les   résultats  pratiques  les  plus 
importants.  Il  est  bien    vraisemblable  que  les  limitations  de 
droit  qui  séparent  probablement  à  l'époque  ancienne  l'étranger 
comme  le  client  du  citoyen  sont  appliquées  même  aux  étrangers 
de  la  même  nationalité  que  les  Romains  ;  ainsi  ils  ne  devaient 
pas  pouvoir  plaider  devant  les  tribunaux  romains  sans  l'assis- 
tance de  leurs  hôtes  (VI,  1,  p.  91);  mais  cette  restriction  de  la 
liberté  du  commerce  disparut,  avons-nous  vu,  dès  une  époque 


(1)  L'assemblée  fédérale  latine  n'a  sûrement  jamais  pris  de  mesure  de 
ce  genre.  La  régie  générale  selon  laquelle  la  prescription  législative  faite 
pour  les  citoyens  romains  ne  lie  pas  les  Latins  a  subsisté  jusqu'à  la  période 
récente  de  l'Empire.  Ad  legitimam  intestatœ  matris  hereditatem,  dit  Paul, 
Sent.  4,  9,  3,  filii  cives  Romani,  non  etiam  Latini  admittuntur. 

(2)  D'après  le  statut  de  Salpensa,  c.  28,  l'individu  affranchi  dans  les 
formes  convenables  par  un  municeps  de  droit  latin  doit  être  libre,  uti  qui 
optumo  jure  Latini  libertini  liberi  sunt  erunt. 


LA   LIGUE  NATIONALE   LATINE.  251 

très  reculée,  et  les  temps  historiques  accordent  une  capacité 
de  plaider   complète  à  tous  ceux  qui  possèdent  le  droit  géné- 
ral d'agir  devant  les  tribunaux  romains. 
En  outre,  môme  au  temps  où  le  Latin  demeure  étranger     commerdum 

71  o        avec  les  Romains. 

quant  à  la  procédure,  il  est,  quant  au  droit  lui-même,  essen- 
tiellement assimilé  au  citoyen.  Et  cette  idée  trouve  son  expres- 
sion dans  la  communauté  du  droit  de  commercer,  dans  le  com- 
mercium  existant  entre  Romains  et  Latins  (1).  Ce  sont  préci- 
sément les  institutions  dont  le  caractère  national  est  le  plus 
vivement  perçu,  la  puissance  paternelle  érigée  en  droit  de 
propriété  absolu  du  père  sur  le  fils  (2),  l'usage  fait  du  métal 
et  de  la  balance  en  présence  de  témoins  pour  légaliser  les  paie- 
ments de  toutes  sortes  (3),  qui  sont  attestées  comme  étant 
communes  aux  Romains  et  aux  Latins.  Selon  une  règle  augurale 
remarquable,  les  auspices  sont  pris  sur  le  sol  de  toutes  les 
villes  latines  de  la  même  façon  que  sur  le  sol  de  Rome,  et  ils 
sont  pris  autrement  dans  les  pays  étrangers  de  nationalité 
différente  (4).  De  là  on  tire,  relativement  au  commerce  privé, 
cette  conséquence  qu'il  n'est  ouvert  aux  hommes  de  nationalité 
étrangère  qu'exceptionnellement,  à  condition  qu'il  existe  des 
conventions  diplomatiques  entre  les  deux  cités  et  dans  les 
limites  et  les  formes  prescrites  par  ces  conventions,  mais  qu'au 
contraire  il  est  ouvert  aux  hommes  de  même  race,  en  principe 
et  dans  les  formes  du  droit  local,  à  moins  qu'il  n'existe  en 
sens  contraire  des  dispositions  expresses  (o).  Tandis   que  les 


(1)  Ulpien,  19,  5  :  Commerdum  est  emendi  venclendique  invicem  jus,  Tite- 
Live,  45,  29,  10  :  Commerdum  agrorum  sedificioramqae,  c'est-à-dire  1'  eyxr^atç 
rôc  xa\  obuaç  des  Grecs  (Gilbert,  Griech.  Staatsalterth.  1,  173.  2,  295). 

(2)  C'est  ce  que  montre  de  la  façon  la  plus  claire  le  statut  de  Salpensa, 
c.  21.  22. 

(3) VI,  1,  pp.  40  et  146.  Ulpien,  19,  4  :  Mancipatio  lecum  habet  inter  cives 
Romanos  et  Latinos  coloniarios  Latinosque  Junianos  eosque  peregrinos,  quibus 
commerdum  datum  est.  —  Le  Latin  peut  aussi  être  témoin  dans  l'acte  per 
ses  et  libram  (Ulpien,  20,  8). 

(4)  Varron,  L.  L.  5,  33  (cf.  p.  216,  note  i)  :  Peregrinus  ager...  qui  extra 
Romanum  et  Gabinum  qaod  uno  modo  in  his  servantur  (Ms.  :  seruntur)  auspi- 
cia....  Gabinus  quoque  peregrinus,  sed  quod  auspicia  habet  (Ms.  :  qaos  a. 
habent)  singularia,  ab  reliquo  discretus. 

(5)  Dans    l'alliance  latine  attribuée  à  l'an  261,  il  y  avait,   selon  Denys, 


252  DROIT  PUBLIC  ROM1IN. 

autres  étrangers  en  sont  réduits  au  droit  des  étrangers, 
(p.  222),  le  droit  national  est  présumé  s'appliquer  aux  rela- 
tions des  citoyens  des  villes  latines  avec  les  Romains.  Il  n'est 
ni  nécessaire  ni  possible  d'énumérer  ici  toutes  les  consé- 
quences de  ce  principe  ;  mais  cependant  il  convient  d'indiquer 
quelques-uns  des  actes  juridiques  les  plus  importants  qui, 
parmi  les  divers  étrangers,  ne  sont  possibles  qu'aux  Latins. 
Adoption  et         1.  L'acquisition  d'un  Latin  en  qualité  d'enfant  par  un  Ro- 

adrogation.  .  , 

main  ou  a  1  inverse  d  un  Romain  en  qualité  d  enfant  par  un 
Latin,  par  la  transmission  du  droit  de  propriété  sur  l'enfant 
opérée  du  père  naturel  au  père  adoptif,  est  possible;  au  con- 
traire, un  pérégrin  ne  peut  ni  adopter  un  Romain  ni  être 
adopté  par  lui.  —  Le  point  de  savoir  si  un  Latin  suijuris  peut 
également  passer  par  adrogation  clans  une  famille  romaine  et 
conséquemment  dans  le  peuple  romain  est  un  point  douteux; 
cependant  l'affirmative  est  conforme  à  la  logique  du  droit,  et 
il  est  possible  que  cela  ait  eu  lieu  (1). 

6,  95  :  Tojv  [Siwtixwv  o"jfjLj3oXaîo)v  a't  xptaeiç  èv  r,(jiépaiç  YtyvéaOaxrav  8éxa,  irap' 
olç  àv  yevYjTai  xb  <7v>[j.po>>aTov.  Festus  p.  166,  cite,  du  même  traité,  les  mots  : 
Pecuniam  qui  nancitur  (Ms.  :  guis  nancitor),  habeto  et  si  quid  pignoris  nanci- 
tur  (le  Ms.  :  nasciscitur),  sibi  habeto,  sur  lesquels  il  faut  remarquer  que  le 
pignus  privé  était  probablement  inconnu  à  l'ancien  droit  romain. 

(1)  Tite-Live,  41,  8,  sur  l'an  577,  décrit  de  la  manière  suivante  les  es- 
sais faits  pour  tourner  la  loi  selon  laquelle  il  n'y  avait  que  les  Latins  gui 
stirpem  ex  sese  domi  relinguerent  à  pouvoir  devenir  Romains:  Gênera  frau- 
dis  duo  mutandse  viritim  civitatis  indue  ta  erant...  lege  maie  utendo  alii  sociis, 
alii  populo  Rornano  injuriam  faciebant.  Nam  et,  ne  stirpem  domi  relinguerent, 
liberos  suos  guibusguibus  Romanis  in  eam  condicionem  ut  manumitlerentur 
mancipio  dabant  libertinigue  cives  essent,  et  guibus  stirpes  deesset  quant  relin- 
guerent, ut  [a  cive  Romano  émancipa rentur,  lege  ab  eo  arrogatï]  cives  Romani 
fiebant.  Le  premier  cas  ne  peu^pas  être  rapporté  à  la  simple  mancipation  ; 
car  alors  la  puissance  paternelle  renaît  après  l'affranchissement.  Il  s'agit 
évidemment  des  trois  mancipations  de  l'adoption  qui  détruisent  la  puis- 
sance paternelle  (cf.  in  adoptionem  émancipa?^,  Gicéron,  De  fin.  1,  7.  24)  et 
de  la  revendication  fictive  qui  vient  après  elles.  A  cela  s'ajoutait  la  con- 
vention que  le  père  adoptif  romain  affranchirait  le  fils,  convention  qui  au 
moins  plus  tard  fut  même  génératrice  d'une  action  (cf.  Gaius,  1,  140).  En 
présence  de  cette  procédure,  le  père  restait  Latin;  mais  sa  maison  périssait 
avec  lui  pour  sa  cité.  —  Le  second  subterfuge,  relativement  auquel  les 
mots  essentiels  ont  disparu  du  texte,  ne  peut  pas  avoir  consisté,  comme 
on  l'admet  aujourd'hui  habituellement,  dans  une  adoption  faite  par  l'indi- 
vidu sans  enfant  qui  se  ferait  ensuite  Romain  en  laissant  son  enfant  adop- 
tif ;  car,  la  loi  exigeant  une  stirps  ex  sese,  il  n'y  aurait  pas  là  l'imago  ju- 


Jus  Italicum. 


LA  LIGUE   NATIONALE  LATINE.  253 

2.  Le  Latin  a  la  faculté  d'acquérir  la  propriété  quiritaire  du  communauté  du 

x  x       ±  j.  ^         ^rojt  ae  propriété 

sol  romain,  et  réciproquement  un  citoyen  peut  acquérir  la  pleine  foncière, 
propriété  d'un  fonds  de  terre  de  Préneste,  selon  le  droit  local  de 
Préneste.  L'immeuble  romain  restant  en  pareil  cas  redevable  des 
corsrées  et  des  impôts  romains,  cela  a  pour  conséquence,  ainsi 
que  nous  l'avons  montré  plus  haut  (VI,  1,  p.  261  et  ss.),  l'exten- 
sion des  impôts  romains  aux  Latins  qui  ont  des  biens  sur  le  ter- 
ritoire romain,  le  municipium  Latinum.  De  là  résulte  l'exis- 
tence d'un  droit  relatif  aux  biens  fonds,  commun  au  territoire 
de  Rome  susceptible  de  propriété  privée  et  aux  territoires  de 
même  nature  de  toutes  les  villes  latines  (1).  Mais  logiquement 
on  exclut  toutes  les  cités  de  citoyens  et  les  cités  latines  dont  le 
territoire  n'est  pas  susceptible  de  propriété  privée,  dont  le  ter- 
ritoire est,  au  sens  légal, ager  publiais  populi Romani,  et  nous 
verrons,  dans  la  théorie  de  l'organisation  municipale,  qu'il  en 
est  ainsi,  en  règle  générale,  pour  tout  le  territoire  d'outre-mer. 
—  Cette  communauté  de  droit  s'étendait,  avant  la  guerre  so- 
ciale, aux  territoires  italiques  de  droit  romain  et  de  droit  latin; 
après  la  guerre  sociale,  elle  s'est  étendue  à  l'Italie  proprement 


ris,  dont  parle  Tite-Live,  mais  une  violation  évidente  du  droit.  En  outre,  il 
n'y  aurait  pas  là  une  illégalité  lésant  la  cité  romaine  et  cène  serait  pas  d'ac- 
cord avec  la  loi  Claudia  destinée  à  réprimer  ces  subterfuges  (Tite-Live,  41, 
8,  12  :  Ne  quis  quem  civitatis  mutandœ  causa  suum  faceret  neve  alienaret  et  si 
quis  ita  civis  R.  fac tus  esse t  [civis  ne  esset]).  Je  ne  vois  pas  de  restitution  pos- 
sible, en  dehors  de  la  supposition  assurément  discutable  (p.  148;,  mais  ce- 
pendant admissible  en  théorie,  que  la  communauté  de  comices  existant  en- 
tre les  Romains  et  les  Latins  (p.  267)  s'étendait  aux  comices  par  curies,  et 
que  lePrénestin  sans  enfants  pouvait  se  faire  adrogerpar  un  citoyen  romain 
dans  de  pareils  comices  romains,  acte  auquel  s'adjoignait  sans  doute  le  plus 
souvent  une  convention  d'émancipation,  impossible  à  formuler  juridique- 
ment. Il  y  avait  là  assurément  un  usage  abusif  d'un  acte  accompli  par  le 
populus  Romanus,  et  la  loi  Claudia  s'applique  aussi  bien  à  cet  acte  qu'à  celui 
indiqué  en  premier  lieu.  Lorsque  Tite-Live  caractérise  la  progression  de  ces 
abus  par  les  mots  :  His  quoque  imaginibus  juris  spretis  promiscue  sine  lege 
sine  stirpe  in  civitatem  Romanam...  transibunt,  sine  stirpe  peut  désigner  la 
première  alternative,  où  le  passage  dans  la  cité  romaine  a  lieu  per  stirpem, 
et  sine  lege  la  lex  adrogationis. 

(1)  Cette  communauté  de  droit  s'est  nécessairement    étendue  aux  locali- 
tés, qui  n'étaient  pas  elles-mêmes  latines,  mais  qui  étaient  attribuées  à  des 
cités  latines,  ainsi  que  nous  le  montrerons  dans  la  partie  qui  leur  est  re- 
lative ;   car  la  communauté  du  commercium   a   nécessairement  embrassé 
out  le  territoire  des  villes  latines. 


Obligations  de 
sommes 
d'argent . 


254  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

dite  et  à  la  Gaule  cisalpine  qu'on  y  comprend  dans  le  langage 
usuel,  et,  du  moins  à  la  dernière  époque,  elle  est  appelée  dans 
la  langue  technique,  le  «  droit  italique  »  (1),  par  corrélation 
avec  la  désignation  commune  d'Italici  sous  laquelle  il  était  ha- 
bituel de  réunir  les  Romains  et  leurs  alliés  au  dernier  siècle  de 
la  République  (2).  Quand  la  Gaule  cisalpine  eut  elle-même  ac- 
quis le  droit  de  propriété  immobilière  romain,  l'ancienne  com- 
munauté de  droit  foncier  fut  remplacée  pour  l'Italie  par  la  pro- 
priété quiritaire  elle-même,  et  c'est  pour  cela  que,  sous  le  Prin- 
cipat,  le  droit  italique  n'est  plus  attribué  à  l'Italie.  Mais  il  est 
toujours  attribué  au  sol  provincial  qui  est  rendu  susceptible 
d'une  pleine  propriété  immobilière,  soit  à  la  suite  de  privilèges 
particuliers  accordés  à  divers  districts  provinciaux  voisins  des 
frontières  de  l'Italie  (3),  soit  en  vertu  d'un  privilège  général 
accordé  à  une  certaine  catégorie  de  villes  provinciales  de 
citoyens  et  que  nous  aurons  à  étudier  plus  loin. 

3.  La  constitution  d'une  dette  d'argent  et  son  extinction  dans 


(1)  Jus  Italicum  désigne  sans  doute  ordinairement,  à  côté  du  droit  du 
sol,  d'autres  privilèges  accordés  à  la  ville,  qui  sont  étudiés  dans  la  partie 
du  droit  municipal.  Mais,  dans  le  texte  de  Pline  l'Ancien  cité  note  3, 
il  ne  désigne  que  le  Droit  du  sol,  et  c'est  de  là  que  cette  expression  doit 
avoir  tiré  son  origine.  —  C'est  chez  Pline  que  nous  trouvons  pour  la  pre- 
mière fois  le  jus  Italicum  ;  mais  son  existence  est  attestée  pour  le  temps 
d'Auguste,  en  ce  sens  qu'on  attribue  à  ce  prince  sa  concession  à  différentes 
villes.  Cette  dénomination  convient  bien  à  la  dernière  période  de  la  Piépu- 
blique;  au  contraire,  elle  ne  serait  pas  exacte  pour  la  période  antérieure  à  la 
guerre  sociale,  où  ce  droit  n'appartient  pas  à  toute  l'Italie.  Mais,  comme  il 
n'y  a  pas  d'autre  expression  pour  désigner  la  réunion  du  droit  foncier  ro- 
main et  latin,  on  peut  la  faire  remonter  jusqu'à  cette  époque. 

(2)  On  comparera  à  ce  sujet  la  partie  qui  suit. 

(3)  Tel  est  le  jus  Italicum,  que  Pline,  3,  21,  139,  attribue  à  la  ville  de  Fla- 
nona  et  à  quelques  autres  districts  de  Liburnie,  et  qu'il  cite  également  en- 
suite dans  la  région  limitrophe  de  l'Italie  (3, 19,  139).  En  outre  Antipolis,  ville 
de  droit  latin  (Pline,  3,  4,35),  est,  sans  doute  pour  cette  raison,  comptée  par 
Strabon,  4,  1,  9,  p.  184,  parmi  les  villes  italiques  (r)  8'  'AvtîttoXiç  twv  'iTaXtw- 
xîûtov  HzxâX,zxa.'.).  Dans  les  deux  cas,  le  jus  Italicum  ordinaire  lié  aux  privi- 
lèges coloniaux  est  exclu.  Mais  les  localités  dont  il  s'agit  pouvaient  être 
admises  au  commercium  avec  Rome,  comme  cela  avait  eu  lieu  autrefois  pour 
Préneste,  de  façon  que  l'Antipolitain  pût  acquérir  la  propriété  quiritaire 
du  sol  romain  et  le  Komain  également  la  propriété  complète  du  sol  anti- 
politain.  Ce  sont  là  probablement  les  peregrini  quibus  commercium  datum  est 
d'Ulpien  (p.  251,  note  3). 


LA   LIGUE   NATIONALE   LATINE.  255 

les  formes  rigoureuses  du  droit  civil,  étant  liées  à  l'usage  du 
cuivre  et  de  la  balance  (1),  ne  sont,  parmi  les  non-romains, 
possibles  qu'aux  Latins. 

4.  Le  droit  de  laisser  par  testament  des  successions  et  des     Testament. 
legs  à   des  citoyens  romains    ou  d'en  recevoir  d'eux  (2)  est, 

pour  la  même  raison,  un  privilège  des  Latins.  La  succession 
ab  intestat  est  exclue  entre  Latins  et  Romains,  dans  la  mesure 
où  elle  repose  sur  l'agnation;  car  il  ne  peut  y  avoir  d'agnation 
entre  citoyens  d'États  différents.  En  tant  qu'il  y  est  tenu 
compte  de  la  cognation,  par  exemple  pour  appeler  le  fils  donné 
en  adoption  à  succéder  à  son  père  ou  à  son  frère  naturel,  le 
bénéfice  de  cette  succession  doit  nécessairement  être  accordé 
aux  Latins. 

5.  JXous  avons  déjà  vu  que  les  Latins  ont  avec  les  Romains  la  Droit  de  plaider. 
communauté  du  droit  de  plaider,  par  opposition  aux  pérégrins, 

en  ce  sens  que,  depuis  qu'il  y  a  eu  à  Rome  deux  tribunaux  civils 
distincts,  l'un  pour  les  citoyens  et  l'autre  pour  les  pérégrins, 
les  procès  entre  Latins  et  Romains  et  entre  Latins  qui  étaient 
jugés  à  Rome  ressortaient  probablement  du  tribunal  des 
citoyens. 
La  liberté  des  relations  commerciales  qui  a  existé  de  tous 

Commercium 

les  temps  entre  Rome  et  les  différentes  villes  du  Latium,  des  Latins 
s'étendait  probablement  à  l'origine  à  tout  le  Latium,  de  ma- 
nière à  faire  avoir  à  chaque  Latin  le  commercium  dans  toutes 
les  villes  latines.  La  logique  exige  que  sa  suppression  en  416 
(p.  228,  note  2)  ait  enlevé  aux  Prénestins  le  droit  d'acquérir  des 
immeubles  sur  le  territoire  de  Tibur  (p.  241).  Mais,  s'il  n'y  a 
pas  eu  à  ce  sujet  de  disposition  d'exception  dès  le  principe, 
la  restriction  rigoureuse  ainsi  apportée  à  la  liberté  du  com- 

(1)  Festus,  p.  165  (p.  245,  note  3). 

(2)  Festus  (p.  245,  note  3)  indique  ce  droit  comme  compris  dans  les  nexa; 
Gicéron  (p.  245,  note  3)  l'indique  à  côté  des  nexa.  Les  ouvrages  de  droit,  qui 
négligent  les  institutions  provinciales,  n'expriment  pas  directement  l'égalité 
établie  entre  les  Latins  et  les  Romains  en  matière  de  successions  ;  mais  ils 
la  reconnaissent  en  ramenant  l'incapacité  de  succéder  des  Latini  Juniani  à 
une  disposition  positive  de  la  loi  Junia  (Gaius,  2,  110  :  Cura  alioquin  pere- 
grini  quidem  ratione  civill  prohibeantur  capere  hereditatem  legataque,  Latini 
vero  per  legem  Juniam;  de  même  1,  23.  2,  275.  Ulpien,  20,  14.  22,  3). 


entre  eux. 


Con<  bium. 


'256  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

merce  n'a  cependant  pu  que  difficilement  se  maintenir  pen- 
dant longtemps.  Il  n'est  pas  question  du  commercium  dans  les 
dispositions  analogues  prises  par  rapport  aux  Herniques  en 
448.  D'ailleurs  il  est  difficile  que  Ton  ait  de  nouveau  permis 
la  conclusion  de  traités  particuliers;  il  est  plutôt  possible  que 
Rome  ait,  en  vertu  de  son  hégémonie,  étendu  le  commercium 
à  tout  le  Latium. 

Le  droit  au  mariage,  conubium,  a  malaisément  pu  constituer, 
comme  le  commercium,  un  droit  général  romano-latin.  Parmi 
les  nombreux  témoignages  pseudo-historiques  ou  historiques  qui 
mentionnent  ou  impliquent  son  existence  dans  des  cas  particu- 
liers (1),  il  n'y  en  a  aucun  qui  suppose  un  tel  régime  général,  et 
ce  qui  est  rapporté  par  la  tradition  de  la  communauté  de  mariage 
dans  les  temps  anciens  ou  nouveaux  (2)  ne  peut  être  entendu 


(1)  La  sœur  des  Horaces  fiancée  de  l'albain  Guriace  est  bien  connue  (Tite- 
Live,  1,  26,  2;  d'où  Strabon,  5,  3,  4,  p.  231,  sur  Rome  et  Albe:  'E7riyafjuai  ze 
rio-av  Tupbç  àXXvftouç).  Le  second  Tarquin  marie  sa  fille  au  tusculan  Octavius 
Mamilius  (Tite-Live,  1,  49,  9;  Denys,  4,  45).  Avant  la  bataille  du  lac  Ré- 
gille,  le  sénat  prend  des  délibérations  sur  les  nombreux  mariages  mixtes 
entre  Romains  et  Latins  (Denys,  6,  1).  Le  seul  Fabius,  qui  ait  survécu  à 
la  bataille  de  la  Gremera,  avait  une  femme  de  la  ville  non-latine  de  Male- 
ventum,  plus  tard  Bénévent  (Festus,  p.  170,  v.  Numerium).  L'interdiction 
des  conubia  lors  de  la  dissolution  de  la  ligue  latine  (p.  228,  note  2)  montre 
qu'au  moins  une  certaine  quantité  de  villes  latines  avaient  entre  elles  le 
droit  de  mariage.  Les  trois  villes  des  Herniques  restées  fidèles,  Aletrium, 
Verulœ  et  Ferentinum  conservèrent,  selon  leurs  vœux,  en  448,  leur  droit 
antérieur,  y  compris  la  communauté  de  mariage  (Tite-Live,  9,  43  :  Conn- 
bium  inter  ipsos,  quod  aliquamdiu  soli  Hemicorum  habuerunt)  ;  cette  race  pa- 
raît donc  l'avoir  eue  à  titre  général  et  l'avoir  conservée  tant  que  son  indé- 
pendance a  subsisté  et  dans  la  même  mesure.  Diodore  cite,  parmi  les 
moyens  par  lesquels  les  Romains  acquirent  leur  puissance,  la  concession 
du  droit  de  mariage  à  des  cités  particulières,  èmyafuaç  ayv£^t6pr(aav,  Fr. 
Vat.  p.  130)  et  il  dit,  dans  sa  description  de  la  guerre  sociale,  éd.  Wess. 
p.  590  :  Su-/vouç  6s  olxecouç  xoù  ctjyysvsTç  xaTevooyv,  ouç  ô  tyjç  È7tiYa[xta;  vofxoç 
èTieiroL^xei  xoivoov^o-ou  xr]ç  xoiaû-r,?  cpiXtocç.  —  La  communauté  du  droit  au 
mariage,  qui  existait  au  profit  des  anciens  Gampaniens,  est  étrangère  à  ceci  ; 
ils  la  reçurent  comme  étant  des  citoyens  romains,  quoique  de  la  qualité 
la  plus  inférieure  (VI,  1,  p.  158). 

(2)  Gicéron,  De  re  p.  2,  37,  63  :  Bijunctis  populis  tribui  soient  conubia  ; 
Tite-Live,  4,  3,  4  :  Conubium...  finitumis  externisque  dari  solet,  tous  deux 
relativement  à  la  communauté  de  mariage  refusée  aux  plébéiens.  Ulpien, 
5,  4  :  Conubium  habent  cives  Romani  cum  civibus  Romanis,  cum  Latinis  autem 
et  peregrinis  ita,  si  concessum  sit.  Gf.  Gaius,  1,  65  et  ss. 


LA   LIGUE   NATIONALE   LATINE.  257 

que  dans  un  sens  :  en  ce  sens  que  les  mariages  mixtes  étaient 
bien  permis  fréquemment,  mais  que  c'était  toujours  en  vertu 
de  privilèges  personnels  ou  tout  au  plus  en  vertu  de  traités 
particuliers  conclus  entre  deux  cités.  Le  refus  du  conubiumo^- 
posé  pendant  longtemps  par  les  Romains  aux  plébéiens  (VI,  1, 
p.  87)  et  tout  au  moins  à  une  partie  des  demi-citoyens  (p.  190) 
n'autorise  pas,  il  est  vrai,  à  affirmer  qu'ils  aient,  spécialement  à 
l'époque  la  plus  ancienne,  usé  du  même  exclusivisme  à  ren- 
contre des  Latins.  Mais  on  ne  peut  pas  non  plus  fournir  de 
preuves  qu'ils  aient  jamais  accordé  ce  droit  à  titre  général  à 
aucune  cité  latine. 

Le  droit  d'en  appeler  aux  comices  romains  de  la  sentence      Droit  de 

a  i  provocation, 

des  magistrats  romains  n'est  pas  compris  en  principe  dans  le 
droit  latin  ;  au  reste  le  défaut  devait  en  être  peu  sensible  à 
l'époque  la  plus  ancienne  ;  car  la  juridiction  criminelle  mili- 
taire était  soustraite  à  la  provocation,  et  la  juridiction  crimi- 
nelle civile  sur  les  Latins  appartenait,  en  règle  générale,  à 
leurs  magistrats  propres  (1),  de  la  sentence  desquels  ils 
pouvaient  probablement  faire  appel  devant  leurs  comices  pro- 
pres. Mais,  depuis  que  le  droit  de  provocation  eut  été  étendu  à 
la  justice  militaire,  ce  fut  pour  les  Latins  une  cuisante  expres- 
sion de  la  prépondérance  de  Rome  que  le  général  romain  pût 
faire  tomber  la  tête  du  premier  des  officiers  latins  et  ne  pût 
pas  faire  tomber  celle  du  dernier  des  soldats  romains  (2). 
C'est  ce  qui  explique  que  la  législation  des  Gracques  ait  ac- 
cordé le  droit  de  provocation  tout  au  moins  au  Latin  auquel 
le  droit  de  cité  romaine  avait  été  offert  sans  qu'il  l'eût  ac- 
cepté (3),  et  qu'il  ait  même  été  question  alors  de  l'accorder  à 


(1)  Gela  n'empêche  pas  que,  selon  les  circonstances,  le  Latin  ne  puisse 
être  soumis  à  la  juridiction  criminelle  romaine  ou  le  Romain  à  la  juridic- 
tion criminelle  latine. 

(2)  Un  événement  de  ce  genre,  en  date  de  l'an  646,  est  rapporté  par  Sal- 
luste,  Jug.  68  :  Condemnatus  verberatusque  capite  pœnas  solvit  :  nam  is  civis 
ex  Latio  erat.  Cf.  aussi  la  peine  des  verges  prononcée  en  703  par  le  consul 
G.  Marcellus  contre  les  habitants  de  Gôme  (p.  264,  note  1). 

(3)  Lex  repetundarum  de  631-632,  ligne  78  =85  :  De  provocatione...  danda.  Sei 
quis  eorurn,  quel  [nominis  Latini  sunt,  quel  eorum  in  sua  quisque  civitate  dic- 
tàjtor  prœtor  œdilisve  non  fuerint,  adprœtorem...  [ex  h.  I.  alterei  nomen  deto- 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2*  p.  17 


258  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

tous  les  Latins  (1).  La  question  fut  bientôt  après  écartée  par 
l'incorporation  des  Latins  dans  le  cercle  des  citoyens. 
Acquisition  du       Un  des  privilèges  les  plus  importants  du  Latin  est  la  per- 

droit  de  cité  .  •  i     •  . 

romaine:  spective  qui  lui  est  ouverte  par  la  loi  d'acquérir  à  des  conditions 
déterminées  un  droit  de  cité  romaine  légalement  illimité  (2). 
Sauf  une  seule  et  éphémère  exception,  (p.  266,  note  2)  il  n'a  jamais 
été  accordé  aux  pérégrins  de  tels  privilèges  généraux.  L'acquisi- 
tion du  droit  de  cité  exige  toujours  pour  eux  un  acte  législatif 
distinct.  La  différence  la  plus  profonde  entre  la -condition  per- 
sonnelle du  non-citoyen  de  même  race  que  les  Romains  et  "celle 
du  non-citoyen  de  race  différente  est  peut-être  que  la  première 
implique  un  droit  conditionnel  à  la  cité  romaine.  Pour  les  mem- 
bres de  certaines  cités  latines,  ce  droit  est  subordonné  à  un 
simple  changement  de  domicile  ;  pour  ceux  des  autres,  il  l'est 
à  certaines  conditions  personnelles  que  nous  aurons  à  spéci- 
fier. Le  premier  régime  est  le  régime  primitif,  établi  pour  les 
Latini  veteres  ;  le  second  est  celui  des  douze  colonies,  et  en  gé- 
néral des  cités  latines  qui  ont  existé  depuis  la  guerre  sociale 
et  sous  le  Principat. 
ehLatinsS,  parLns  2  Les  institutions  romaines  permettent  à  tout  non-citoyen  de 
chdoSent  de  s'établir  à  Rome  ou  sur  le  territoire  romain,  sauf  il  est  vrai  à 
pouvoir  être  expulsé  à  chaque  moment  au  gré  des  magis- 
trats (3);  mais,  dans  le   sein  de  la  ligue  nationale  latine,  le 


lerit  et  is  eo  judicio  condem]natus  erit...  [ei  postea  ad  populum  Romanum  pro- 
vocare  liceto,  tamguam  sei  ceivis  Romanus  esset].  Valère  Maxime,  9,  5,  1,  cite 
une  loi  proposée  par  le  consul  partisan  des  Gracques  de  629  de  civitate  danda 
et  de  provocatioîie  ad  populum  eorum  qui  civitatem  mutare  noluissent  (Mb.; 
cf.  C.  /.  L.  I,  p.  71). 

(1)  Selon  Plutarque,  C.  Gracch.  9,  le  concurrent  de  C.  Gracchus,  Livius 
Drusus  proposa  otcwç  uvr,8£  ivX  orpaxeiaç  è^  Tiva  Aarlvwv  papSocç  a'ixîa-aaôat. 

(2)  Il  est  expressément  question  de  l'acquisition  de  la  tribu  (pour  les 
non-citoyens  en  général)  dans  la  loi  Acilia  repetundarum.  Le  fils  d'un  Latin 
de  rang  élevé  delà  ville  latine  de  Salpensa  à  aussi  la  tribu  dans  l'inscrip- 
tion C.  I.  L.  II,  1286  ;  de  même  l'homme  d'Ebrodunum  arrivé  au  droit  de 
cité  par  l'occupation  de  magistratures,  p.  264,  note  4. 

(3)  V.  tome  III,  la  fin  de  la  théorie  du  Consulat,  sur  le  maintien  de  la 
sûreté  publique.  Gicéron,  De  off.  3,  11,  47  :  Esse  pro  cive,  qui  civis  non  sit, 
rectum  est  non  licere. . .  usu  vero  urbis  prohibere  peregnnos  sane  inhumanum 
est.  La  cité  isolée  pouvait  donc  se  protéger  contre  l'immigration  ;  contre 
l'émigration,  elle  n'avait  pas  de  ressource,  sauf  peut-être  l'intervention  de 


LA    LIGUE   NATIONALE    LATINE.  259 

domicile  entraîne  même  la  qualité  de  membre  de  la  cité  :  le  Ro- 
main qui  émigré  à  Préneste  sort  par  là  de  la  cité  romaine  et 
entre  dans  la  cité  de  Préneste  ;  le  Prénestin  qui  émigré  à 
Rome  sort  par  là  de  son  groupe  d'origine  et  entre  dans  le 
groupe  romain.  Ce  changement  éteint  le  droit  de  cité  existant, 
et.  à  ce  point  de  vue,  nous  l'avons  déjà  étudié  sous  le  nom 
d'exilii(m(Yl,\,  p.  53etss.),  le  nouveau  droit  ainsi  fondé  fut 
d'abord  un  droit  au  patronat  pour  lequel  nous  avons  également 
déjà  expliqué  comment  il  nait  de  Yapplicatio  (VI,  1,  p.  63)  ;  à 
l'époque  historique,  dans  laquelle  cette  clientèle  est  devenue  un 
plébéiat,  il  constitue  un  droit  de  cité  plébéien  (VI,  l,p.  147).  Le 
Latin  qui  émigré  acquiert  immédiatement  et  de  plein  droit  le 
droit  de  cité;  la  preuve  en  est  qu'il  peut  faire  un  testament  selon 
le  droit  propre  de  Rome,  que  sa  succession  ab  intestat  est  défé- 
rée conformément  au  système  romain  (VI,  1,  p.  63,  note  1),  et 
qu'il  est  compté  au  cens  parmi  les  capùa  civium  Romanorum(i). 
Il  n'y  a  besoin  pour  cela  d'acte  public  ni  dans  la  Rome  an- 
cienne ni  dans  la  moderne  ;  carie  changement  de  condition  de 
la  personne  a  lieu  en[vertu  des  traités.  La  forme  habituellement 
suivie  pour  invoquer  ce  droit  est  celle  de  la  déclaration  au  cens 
de  Rome  (2).  Cette  déclaration  est  également  indiquée  comme 


la  puissance  supérieure  de  Rome.  Fregellas,  dit  Tite-Live,  41,  8,  8,  milia 
quattuor  familiarum  transisse  ab  se  Samnites  Pselignique  querebantur,  neque 
eo  minus  aut  hos  aut  illos  in  dilectu  militum  dare. 

(1)  Tite-Live,  42,  10,  3,  sur  l'an  382  :  Censa  sunt  civium  Romanorum  capita 
CCLXVIHI  milia  et  XV,  minor  aliquanto  numerus,  quia  L.  Postumius  consul 
pro  contione  edixerat,  qui  socium  Latini  nominis  ex  edicto  C  Claudi  cos.  (cf. 
la  note  qui  suit)  redire  in  civitates  suas  debuissent,  ne  quiseorum  Romœ  et  om- 
nes  in  suis  civitatibus  censerentur. 

(2)  Tite-Live,  39,  3,  sur  l'an  567  :  Legatis  deinde  sociorum  Latini  nominis, 
qui  toto  undique  ex  Latio  fréquentes  convenerant,  senatus  datus  est  :  his  que- 
rentibus  magnam  multitudinem  civium  suorum  Romam  commigrasse  et  ibi  cen- 
sos  esse,  Q~  Terentio  Culleoni  prœtori  negotium  datum  est,  ut  eos  conquireret 
et  quem  C.  Claudio  M.  Livio  censoribus  (an  550)  postve  eos  censores  ipsum  paren- 
temveejus  apud  secensum  esse  probassentsocii,ut  redire  eo  cogeret,  ubi  censi  es- 
sent.  Hac  conquisitione  duodecim  milia  Latinorum  domos  redieruntjam  tum  multi- 
tudine  alienigenarum  urbem  onerante.  Lemème,41,  8,  sur  l'an  577  :  Moverunt 
senatum  et  legationes  socium  nominis  Latini...  summa  querellarum  erat  cives 
suos  Romœ  censos  plerosque  Romam  commigrasse;  quod  sipermittatur,  perpau- 
cis  lustris  futurum,  ut  déserta  oppida,  deserti  agri  nullum  militem  dare  pos- 
tent. Après  avoir  ensuite  décrit  les  limitations  légales  apportées  par  la  lé- 


260  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

source  légale  du  droit  de  cité,  et  ce  qui  justifie  cette  façon  de  par- 
ler, c'est  que  chaque  cité  considérait  peut-être  à  l'origine  comme 
lui  appartenant  les  Latins  qui  résidaient  chez  elle,  mais  qu'en- 
suite le  changement  de  domicile  n'entraîna  le  changement  de 
condition  personnelle  qu'autant  qu'on  en  avait  eu  la  volonté.  De- 
puis qu'il  n'y  eut  plus  là  qu'un  droit  d'émigration  facultatif, 
qu'un  droit  de  libre  circulation,  et  que  le  citoyen  romain  qui  al- 
lait à  Préneste  ne  fut  plus  empêché  de  conserver  son  droit  de 
cité  antérieur,  il  fallut  pour  le  changement  une  manifestation 
de  volonté,  et  il  n'y  avait  pas  d'autre  forme  normale  pour  cette 
manifestation  de  volonté  que  la  déclaration  faite  au  censeur  et 
l'inscription  dans  les  tribus.  Mais  cette  déclaration  est,  comme 
on  sait,  de  nature  purement  déclarative  :  elle  ne  peut  que  cons- 
tater le  droitde  cité,  elle  ne  peutpasle  créer  (1).  Même  pratique- 
ment, les  conséquences  du  changement  de  droit  ne  peuvent 
pas  avoir  été  subordonnées  à  l'accomplissement  de  la  déclaration 
à  faire  devant  le  censeur.  Par  exemple,  la  succession  doit  néces- 
sairement avoir  été  déférée  selon  le  droit  de  Rome,  alors  même 
que  l'émigrant  mourait  avant  d'avoir  fait  cette  déclaration, 
lorsque  le  fait  du  changement  de  résidence  et  l'intention  de 
changer  de  droit  étaient  établis  par  d'autres  preuves.  C'est  ici 
surtout  qu'on  doit  avoir  appliqué  aux  listes  du  cens  le  correctif, 
partout  indispensable  à  leur  emploi  pratique,  tiré  du  droit  du 
magistrat  de  les  compléter  (2). 


gislation  romaine  au  droit  d'émigration  et  les  tentatives  faites  pour  les  élu- 
der, il  continue  en  disant  :  Postea  his  quoque  imaginibus  juris  spretis...  in  ci- 
vitatem  Romanam  per  migrationem  et  censura  traasibant.  41,  9,  9:  (C.  Clauçlius 
consul)  edicit,  qui  socii  ac  nominis  Latini  ipsi  majoresve  eorum  M.  Claudio  T. 
Quinctio  censoribus  (an  565)  postve  ea  apud  socios  nominis  Latini  censi  essent, 
ut  omnes  in  suam  quisque  civitatem  ante  k.  Nov.  redirent  :  quseslio,  qui  ita  non 
redissent,  L.  Mummio  prxtori  décréta  est. 

(1)  C'est  ce  que  montre  de  la  manière  la  plus  frappante  la  manumission 
faite  devant  le  censeur,  quoiqu'il  y  soit  fait  un  emploi  abusif  de  cet  acte 
de  sa  nature  déclaratif.  Si  le  Latin  émigré  à  Rome  ne  le  déclare  pas  au 
cens  suivant,  on  peut  en  tirer  la  présomption  qu'il  ne  veut  pas  abandonner 
son  droit  de  cité  antérieur.  C'est  seulement  en  ce  sens  qu'il  n'était  pas 
soumis  à  l'obligation  du  recensement. 

(2)  V.tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à  la  section  de  la  confection  des 
listes,  sur  leur  force  obligatoire. 


LA  LIGUE   NATIONALE  LATINE.  261 

Ce  large   droit  de  libre  émigration  est  un  privilège  exclusi-      Limitation 
vement  latin  :  il  n'a  jamais   appartenu  au  reste  des  alliés  (i).         droit 

'  J  rr  v    J        d'émigration. 

Mais  il  ne  peut  pas  avoir  été  accordé  à  toutes  les  cités  latines. 
Nous  verrons  plus  loin  qu'ilexistait,  dèsle  tempsdes  Gracques, 
un  droit  communal  latin  symétrique,  mais  accordé  seulement 
aux  personnes  parvenues  dans  leur  patrie  aux  magistratures. 
Où  ce  dernier  droit  existe,  le  premier,  qui  est  plus  large,  est  né- 
cessairement exclu.  Selon  toute  vraisemblance,  la  distinction 
du  droit  latin  d'émigration  limité  ou  illimité  correspond  à  une 
distinction  que  nous  avons  déjà  étudiée,  à  celle  du  droit  des  an- 
ciens Latins  et  du  droit  des  Douze  colonies,  et  le  premier  droit 
n'a  par  suite  appartenu  qu'aux  anciennes  cités  latines  et  aux 
colonies  romaines  de  droit  latin  fondées  avant  l'an  486.  Mais  les 
Romains  ne  se  sont  pas  contentés  de  ne  plus  conférer  ce  pri- 
vilège. La  liberté  complète  de  migration,  qui  avait  été  un  des 
plus  puissants  instruments  de  l'établissement  de  la  domination 
romaine  sur  l'Italie,  fut,  une  fois  cette  domination  établie,  re- 
gardée par  le  peuple  dominant  comme  une  anomalie  incom- 
patible avec  sa  situation  prépondérante.  L'égalité  de  droit  des 
Prénestinset  des  Tiburtins  avec  les  Romains  reposait  autrefois 
sur  une  indépendance  approximativemenent  égale;  l'affaisse- 
ment de  la  base  fit  à  son  tour  chanceler  l'édifice.  En  outre,  cette 
liberté  de  déplacement  entraînait  de  graves  inconvénients  pra- 

(1)  Dans  les  textes  cités  p.  259,  notes  1  et  2  ,  il  est  toujours  question 
de  socii  Latini  nominis  ou  de  socii  ac  Latini  nominis.  Nous  montrerons, 
dans  la  partie  qui  suit,  que  Tite-Live  emploie* improprement  ces  expres- 
sions et  qu'il  désigne  par  elles  tantôt  les  Latins  et  les  Italiens  et  tantôt, 
même  lorsque  la  conjonction  manque,  les  Latins  seulement.  Nous  sommes 
ici  dans  le  dernier  cas,  montrent  notamment  les  mots,  39,  3,  4  :  Legatis  so- 
ciorum  Latini  nominis,  qui  toto  undique  ex  Latio  fréquentes  convenerant,  et  39, 
3,  6  :  Duodecim  milia  Latinorum  clomos  redierunt.  11  est  aussi  caractéristique 
que  les  Samnites  et  les  Pœligni  émigrants  se  rendent  dans  la  ville  latine 
de  Fregellse  (p.  258,  note  3)  ;  évidemment  les  Romains,  qui  voyaient  avec 
déplaisir  la  dépopulation  des  villes  italiques,  ne  toléraient  pas  l'immigra- 
tion des  Italiens  auxquels  ils  pouvaient  légalement  la  refuser,  et  par  con- 
séquent les  cités  non -latines  n'avaient  aucune  raison  de  formuler  ce  vœu 
par  rapport  à  lîome  même.  Il  ne  suit  pas  nécessairement  de  ce  récit  que  la 
liberté  d'émigration  ait  existé  entre  la  colonie  latine  de  Fregellae  et  les  vil- 
les des  Samnites  et  des  Pieligni  ;  les  Fregellani  auraient  peut-être  pu  ex- 
pulser ces  immigrants  ;  mais  ils  ne  faisaient  pas  usage  de  ce  droit,  proba- 
blement dans  leur  propre  intérêt. 


262  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

tiques:  la  dépopulation  des  villes  de  campagne  et  l'accroisse- 
ment de  la  population  pauvre  de  la  capitale.  En  conséquence, 
une  loi  rendue  avant  577  interdit  aux  Latins  d'émigrer  à  Rome 
s'ils  ne  laissaient  pas  un  fils  comme  citoyen  de  leur  cité  pri- 
mitive (1).  Les  Latins  essayèrent  par  divers  moyens  de  tour- 
ner cette  prescription  (p.  252,  note  1),  et  les  controverses  sur 
le  droit  d'émigration  ne  cessèrent  plus.  En  577,  le  gouverne- 
ment romain  en  vint  à  annuler  les  émigrations  postérieures 
à  l'an  565  et  à  expulser  comme  non-citoyens  les  Latins  dont 
elles  avaient  fait  des  citoyens  (p.  259,  note  2).  Ce  fut  là  un 
acte  de  violence  administratif,  et  il  peut  avoir  été  suivi  par 
plusieurs  autres  actes  analogues  (2).  Le  plan  de  G.  Gracchus 
tendant  à  accorder  la  cité  à  tous  les  Latins  (3)  est  la  réponse 
suppression  do  symétrique  des  radicaux  à  ces  mesures.  Mais  les  radicaux 
dèurigration.  commencèrent  par  être  battus.  Et,  à  la  suite  de  leur  défaite, 
l'acquisition  du  droit  de  cité  par  le  changement  de  domicile 
fut  supprimée  dans  toutes  les  formes  légales  par  une  loi  pro- 
posée par  les  consuls  de  659,  M.  Crassus  et  Q.  Scsevola,  à  la- 
quelle on  attribua  probablement  en  même  temps  un  effet  ré- 
troactif   sur  une  série  d'années  déjà  écoulées  (4).  La  consé- 

(1)  Tite-Live,  "41,  8,  9  :  Lex  sociis  ac  nominis  Latini,  qui  stirpem  ex  sese 
domi  relinquerent,  dabat,  ut  cives  Romani  fièrent  (le  Ms.'  :  ftebant).  L'innova- 
tion introduite  par  cette  loi  n'a  certainement  consisté  que  dans  la  subordi- 
nation du  droit  à  cette  condition. 

(2)  Mais  l'expulsion  de  tous  les  non-citoyens  en  632  (Plutarque,  C.  Gracch. 
12)  n'a  pas  besoin  d'être  étendue  à  ceux  qui  étaient  parvenus  au  droit 
de  cité  par  le  cens.  Gicéron,  Pro  Sest.  13,  30  :  Nihil  acerbius  socii  et  Latini 
ferre  soliti  sunt  quam  se  id  quod  perraro  accidit,ex  urbe  exire  a  consulibus  ju- 
beri,  pense  aussi  aux  expulsions  faites  en  vertu  d'édits  consulaires  (p.  258, 
note  3)  et  non  à  la  loi  Licinia  Mucia,  comme  le  croit  le  scoliaste,  p.  296  ; 
car  cette  loi  visait  plutôt  la  question  de  droit  (ci-dessous  note  4). 

(3)  Appien,  B.  c.  1,  23  :  *0  8s  Tpax-/oç...  toÙç  Aartvouç  ïizi  uàvra  huicXet  ta 
*Pa)[xacwv...  Ttov  xs  STspwv  <7'J|Xfj.or/(ov,  o!ç  oùx  IÇtjv,  ùfffov  sv  xaîç  'Pwjxaîwv  yzi- 
porovtatç  çspsiv  s8:8o"J  àno  to'jSs. 

(4)  La  loi  Licinia  Mucia  de  civibus  regundis  (Gicéron,  dans  Asconius,  in 
Cornet,  éd.  Orelli,  p.  67)  ou  redigendis  (Schol.  Bob.  p.  296)  a  eu  pour  but  propre 
de  préciser  les  limites  du  droit  de  cité  romaine  et  d'exclure  ceux  auxquels 
ce  droit  n'appartenait  pas  ou  en  outre  ne  devait  plus  appartenir.  Esse  pro 
cive,  dit  Gicéron,  De  off.  3,  11,  47,  qui  civis  non  sit,  rectum  est  non  licere, 
quamlegem  tulerunt  sapientissimi  consules  Crassus  et  Scxvola,  et  Brut.  16,  63  : 
Lysias...  est...  Atticus,  quamquam  Timseus  eum  quasi  Licinia  et  Mucia  lege  re- 
petit Syracusas.  Elle  établit  en  outre  une  cour  de  justice  à  laquelle  pour- 


LA   LIGUE   NATIONALE  LATINE.  263 

quence  immédiate  de  cette  loi  fut  la  guerre  sociale  (1)  puis  la 
transformation  de  tous  les  Latins  en  citoyens  qui  rendit  sans 
objet  les  controverses  sur  la  liberté  d'émigration.  La  loideScae- 
vola  périt  sur  le  cliamp  de  bataille;  mais  elle  se  maintint,  dans 
la  théorie  juridique,  comme  la  loi  qui  avait  supprimé  l'ancien 
droit  d'émigration. 

A  côté  de  la  faculté   d'acquérir  la  cité   romaine    par  un    dStde^té11 
simple  changement  de   domicile,  qui  est  propre  au  droit    mu-    ïwSicePd" 
nicipal  latin  le  plus  ancien,  le  même  droit  se  rencontre,  ainsi  malitlneSu.res 
que  nous  l'avons  dit,  comme  restreint  aux  personnes  (2)  qui 
sont  parvenues  dans  une  cité  ou  à  occuper  les   magistratures 
supérieures  (3),  ou  à  faire  partie  du  conseil  communal,  et  il  est 
alors  appelé  par  les  jurisconsultes  du  temps  de  l'Empire,  le  «  pe- 
tit droit  latin  »  (minus  Latium),  dans  le  premier  cas,  le  «  grand 
droit  latin  »   (majus  Latium),  dans  le  second  (4).  Le  premier 

raient  être  déférés  les  délinquants  (Gicéron,  Pro  Balbo,  21,48).  Elle  était  spé- 
cialement dirigée  contre  les  Latins  qui  acquéraient  le  droit  de  cité  par  le 
domicile  et  le  cens,  est-il  indiqué  Pro  Balbo  24,  54  :  Acerbissima  lege  Servi- 
lia  principes  viri  et  gravissimi  cives  (c'est-à-dire  le  parti  des  optimates)  hanc 
Latinis...  viamad  civitatem  (par  l'exercice  couronné  de  succès  d'une  poursuite 
repetundarum)  populi  jussu  patere  passi  sunt  neque  jus  est  hoc  reprehensum 
Licinia  et  Mucia  lege.  Le  «  droit  »  réprouvé  par  la  dernière  k  i  ne  peut  être 
que  celui  d'acquérir  la  cité  par  la  voie  du  domicile  et  du  cens. 

(1)  Asconius,  loc.  cit. 

(2)  L'extension  du  droit  aux  descendants  se  comprend  d'elle-même.  Par 
une  anomalie,  le  statut  municipal  espagnol  l'étend  également  aux  ascen- 
dants. 

(3)  Pour  les  Latins  du  temps  des  Gracques,  la  loi  Acilia  nomme  le  dicta- 
teur, le  préteur  et  les  édiles  (p.  257,  note  3),  et  il  faut  comprendre  de  même 
les  passages  d'Asconius,  de  Gicéron  et  d'Appien  (p.  264,  note  1)  qui  parlent 
de  magistratures  en  général.  Strabon  (p.  264,  note  4)  nomme  aussi  pour  Ne- 
mausus  l'édile  et  le  questeur.  Les  magistratures  supérieures  sont  omises 
comme  ayant  l'occupation  des  inférieures  pour  condition.  La  questure  sem- 
ble, d'après  les  inscriptions,  avoir  été  une  magistrature  propre  dans  cette 
ville  et  y  avoir  été  occupée  électivementavec  l'édilité  (Hirschfeld,  C.  I.L.  XII, 
p.  382).  Au  contraire,  ce  droit  parait  avoir  été  restreint  aux  duumvirs  lors 
de  sa  concession  aux  Espagnols  (p.  264,  note  4). 

(4)  Gaius,  1,  96:  Qui  Latii  jure  cum  liberis  suis  ad  civitatem  Romanam  per- 
veniunt...  horum  in  potestate  fiunt  liberi,  quodjus  quibusdam  peregrinis  civita- 
tibus  datum  est  vel  a  populo  vel  a  senatu  vel  a  Csesare.  [Hujus  autem  juris 
duœ  species  sunt  :  nara\  aut  majus  est  Latium  aut  minas.  Majus  est  Latium, 
cum  et  hi  qui  decuriones  leguntur  et  ei  qui  honorem  aliquem  aut  magistratum 
gerunt,  civitatem  Romanam  consequuntur.  Minus  Latium  est,  cum  hi  tantum 
qui  magistratum  aut  honorem  gerunt,  ad  civitatem  Romanam  perveniunt,  idque 


264  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

droit  se  trouve  cité  pour  la  première  fois  du  temps  des  Grac- 
ques  (1);  mais  il  est  probablement  né,  selon  notre  remarque 
antérieure,  enl'an  486,  lors  de  la  fondation  d'Ariminum.  Quand 
la  cité  de  droit  latin  n'avait  pas  de  magistrats  propres,  comme 
cela  arrivait  sous  l'Empirepour  les  localités  attribuées,  ses  mem- 
bres étaient  admis  à  briguer  les  magistratures  de  la  cité  cen- 
trale de  droit  romain  et  ils  acquéraient  par  leur  exercice  le  droit 
de  cité  romaine  (2).  On  a  supposé,  avec  une  graade  vraisem- 
blance, que  le  «  grand  droit  latin»,  qui  ne  se  rencontre  que  chez 
un  jurisconsulte  du  milieu  du  second  siècle,  est  d'origine  récente 
et  rentre  parmi  les  mesures  prises  pour  arrêter  la  décadence 
des  institutions  municipales  (3).  Ce  privilège  s'est  probable- 
ment maintenu  aussi  longtemps  que  le  droit  latin  lui-même  (4). 

compluribus  epistulis  principum  significatur  .Tous  les  témoignages  particuliers 
que  nous  aurons  à  citer  visent  seulement  le  droit  le  plus  restreint  ;  le  plus  large 
nous  est  connu  exclusivement  par  Gaius,  et  encore  seulement  depuis  que  l'œil 
exercé  deStudemund  a  su  déchiffrer  ce  passage.  Ce  doit  être  duminus  Latium 
qu'il  s'agit,  au  moins  principalement,  quand  Pline,  Paneg.  37,  parle  de 
nouveaux  citoyens  quiper  Latium  in  civitatem  seu  bénéficie»  principis  venissent. 

(1)  La  plus  ancienne  mention  est  celle  de  la  loi  Acilia  de  631-632  citée  p. 
257,  note  3.  Il  est  attribué  aux  Transpadans  par  Asconius  (In  Pison.  éd.  Orelli, 
p.  3)  :  Veteribus  incolis  manentihus  jus  dédit  Latii,  ut  possent  (?)  habere  (peut- 
être  Latini  ut  essenl  et  haberent)  jus  quod  ceterse  Latinse  colonise,  id  est  ut  pe- 
tendi  (Buckeler  :per)  magistratus  civitatem  Romanam  adipiscerentur ,  et  Gicéron, 
Ad  AU.  5,  il,  3  :  Marcellus  fœde  de  Comensi  :  etsi  ilfe  magistratum  non  gesse- 
rit,  erat  tamen  Transpadanus.  Cela  est  dénaturé  par  Appien,  B.  c.  2,  26  (cf. 
C.  1.  L.  V,  p.  565),  qui  indique  cependant  exactement  la  situation  légale 
générale  :  TQv  (des  citoyens  d'une  cité  latine)  ôaoi  xax'  £toç  -^p^ov,  èycyvovTo 
'Ptojxaîaiv  7ioXïrar  t68s  yàp  layye'.  to  Aà-'.ov. 

(2)  Cf.  la  partie  des  Localités  attribuées. 

(3)  Hirschfeld,  p.  14  =  tr.  fr.  p.  306,  de  l'ouvrage  cité  p.  245,  note  1. 

(4)  Nemausus  dans  la  Narbonnaise  reçut  (d'Auguste  ?)  zo  xaXo-jjxevov  Ad- 
Ttov,  iàvxz  toÙç  àlitoOévtaç  àyopavojJLca;  xal  TatpueJaç  èv  Nefxa-ja-w  'Pcofxatouç  îiicap- 
Xeiv  (Strabon,  4,  1,  12,  p.  187).  —  Inscription  d'Ebrodunum  dans  les  Alpes 
cottiennes,  C.  1.  L.  XII,  83  :  T.  Vennonius  Sm[e]rtulli  fil.  Quir...  civitatem 
[Romanam  per  honorem  consecutus],  selon  la  restitution  exacte  d'Hirschfeld. 
—  Sur  des  inscriptions  funéraires  africaines,  la  qualification  civitatem  Roma- 
nam consecutus  est  attribuée  à  deux'ex-duumvirs  et  à  une  troisième  personne 
qui  n'est  pas  autrement  connue  (Eph.  ep.  V,  n.  809.  811.  812),  probablement 
aussi  en  vertu  d'un  statut  municipal  latin.  —  En  Espagne,  nous  rencontrons 
le  même  droit  à  Salpensa  aux  termes  du  chapitre  22,  il  est  vrai  mutilé,  et  du 
chapitre  25  du  statut  donné  par  Domitien,  où  le  duumvir  est  visé  expressé- 
ment. Dans  un  certain  nombre  d'inscriptions  du  temps  des  Flaviens,  des 
personnages  se  désignent  comme  civitatem  Romanam  per  honorem  Ilviratus 
consecuti  (C.  1.  L.  II,  1945,  add.\  de  même  2096)  ou  simplement  per  honorem 


LA   LIGUE   NATIONALE   LATINE.  265 

Ce  mode  de  rattachement  du  droit  de  cité  latine  au  droit  de  incompatibilité 

priroiiive  du 

cité  romaine  ayant  été  introduit  à  une  époque  où  l'incompatibi-  j^^f^oit 
lité  du  droit  de  cité  latine  et  du  droit  de  cité  romaine  était  en- de  cité  romaine- 
core  en  vigueur,  (VJ,  l,p.  145), le  Latin  auquel  appartenait  ce 
droit  ne  pouvait  en  faire  usage  qu'en  renonçant  à  sa  patrie.  Si  le 
transfert  de  fait  du  domicile  à  Rome  avait  été  encore  requis  en 
pareil  cas  en  même  temps  que  la  renonciation  à  l'ancienne 
patrie,  ce  droit  se  serait  confondu,  sauf  quant  à  la  restriction  à 
certaines  personnes,  avec  l'ancien  droit  d'émigration.  Mais  le 
changement  de  domicile  n'a  peut-être  jamais  été  exigé  de  l'ex- 
magistrat  latin,  ou  tout  au  moins  cette  exigence  a  été  de  bonne 
heure  écartée;  car  il  n'y  a  pas  de  domicile  obligatoire  imposé 
aux  citoyens  romains,  et  par  suite  on  ne  peut  pas,  à  l'époque  ré- 
cente, avoir  attaché  d'importance  au  transport  de  la  résidence. 
Le  Latin  qui,  comme  il  en  avait  la  liberté,  ne  faisait  pas  usage 
de  ce  droit,  était  selon  toute  apparence  mis  par  là  dans  la  situa- 
tion dans  laquelle  avaient  été  primitivement  tousles  Latins.  Le 
droit  de  latinité  de  lui  et  de  ses  descendants  contenait  en  puis- 
sance un  droit  de  cité  romaine  éventuel,  et  lui  ou  ses  descen- 
dants oouvaient,  soit  en  changeant  de  domicile,  soit  par  une  sim- 
ple déclaration,  changer  leur  droit  de  cité  latine  contre  un  droit 
de  cité  romaine;  ou,  peut-on  dire  encore, il  était  considéré  comme 
étant  entré  dans  le  cercle  des  citoyens  romains  par  l'offre  du 
droit  de  cité  et  comme  en  étant  sorti  par  son  refus  pour  rentrer 
dans  son  droit  de  cité  d'origine;  de  telle  sorte  que  lui  et  ses  des- 
cendants avaient,  à  toute  époque,  la  faculté  de  rentrer  dans  les 
droits  de  citoyens  romains  en  vertu  du  postliminium  de  la  paix 
(VI,  1,  p.  152). 

La  situation  se  modifia  lorsque  l'ancienne  incompatibilité   0^™^seiodn>un 
fut   remplacée  par  la  règle   que  le  citoyen    romain  doit    né 


double  droit  de 
cité. 


consecuti,  C.  1.  L.  Il,  1631  ;  de  même  1610. 1635).  —  Les  Tergestins  remercient 
l'empereur  Antonin  le  Pieux  parce  qu'en  permettant  uti  Carni  Catalique  at- 
tributi  a  divo  Augusfo  rei  public se  nostrse...  per  œdilitatis  gradum  in  curiam 
nostram  admitterentur  ac  per  hoc  civilatem  Romanam  apiscerenlur,  et  œrarimn 
nos t rem  ditavit  et  curiam  complevit...  admittendo  ad  honorum  communionem  et 
usurpalionem  Romanœ  civitatis  et  optimum  et  locupletissimum  quemque  (C.  I. 
L.  \,  532).  Cf.  Hirschfeld,  p.  13  =  tr.  fr.  p.  305. 


266  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

cessairenient  avoir,  à  côté  de  la  patrie  romaine  commune,  une 
patrie  particulière,  et  que  cette  patrie  peut  aussi  bien  être  une 
cité  latine  ou  une  cité  sujette  qu'une  cité  de  citoyens  romains 
(VI,  1 ,  p.  242,  note  4) .  On  ne  peut  déterminer  l'époque  où  ce  chan- 
gement s'est  accompli  pour  les  cités  latines.  Nous  avons  encore 
la  preuve  de  l'existence  de  l'incompatibilité  du  temps  des  Grac- 
ques  (note  2),  et  il  est  difficile  qu'elle  ait  été  méconnue  avant 
la  guerre  sociale.  Mais  il  se  peut  fort  bien  que,  lors  de  la  trans- 
formation complète  du  régime  municipal  entraînée  par  cette 
guerre, lescités  de  droit  latin  organisées  alors,qui  furent  pendant 
longtemps  les  seules  titulaires  de  ce  droit,  aient  eu  leur  autono- 
mie restreinte  par  le  principe  que  l'ex-magistrat  de  Brixia  rece- 
vrait le  droit  de  cité  de  Rome,  sans  perdre  celui  de  Brixia.  Si 
cette  règle  n'a  pas  été  établie  alors,  elle  l'a  été,  comme  nous 
montrerons  dans  la  partie  suivante,  par  Auguste.  —  Désormais 
le  Latin,  acquiert  le  droit  de  cité  romaine  par  la  magistrature 
sans  devoir  ni  même  pouvoir  perdre  pour  cela  sa  patrie  d'ori- 
gine. Et  nous  rencontrons  le  droit  sous  cette  forme  dans  la  ju- 
risprudence du  temps  de  l'Empire. 
indmdneiSeda       Dans  les  derniers  temps  de  la  République  et  sous  l'Empire, 

droit  de  »ité  par  ,    .  ,  .  ,  . 

d'autres  causes,  l'acquisition  du  droit  de  cite  romaine  a  ete  attachée  pour  les 
Latins,  par  une  série  de  lois  spéciales,  à  un  certain  nombre  de 
moyens  nouveaux  autres  que  l'occupation  des  magistratures  (1). 
Il  faut  à  ce  point  de  vue  remarquer  les  primes  accordées  aux 
accusateurs  dans  la  procédure  des  Qudestiones  du  vne  siècle. 
Tandis  que  la  loi  Acilia  de  632  et  peut-être  déjà  la  loi  qui  in- 
troduisit cette  procédure  en  605  promettaient,  en  matière  de 
repetundse,  le  droit  de  cité  à  tout  non-citoyen  qui  formerait 
une  accusation  et  qui  la  ferait  triompher  (2),  la   loi  Servilia 

(1)  Pendant  la  guerre  d'Rannibal  on  pensa  à  concéder  à  deux  membres 
de  chaque  cité  latine  le  droit  de  cité  et  le  droit  de  siéger  au  sénat  (Tite- 
Live,  23,  22).  La  tempête  de  protestations,  que  la  proposition  souleva  selon 
Tite-Li  ve,  est  caractéristique  non  pas  tant  pour  cette  époque  que  pour  celle  des 
annalistes  copiés  par  Tite-Li  ve,  qui  sont  ici  sans  doute  dominés  par  l'influence 
de  la  guerre  sociale. 

(2)  Lex  repet.  ligne  76  et  ss.  =  83  et  ss.  Cette  loi  laisse  aux  Latins  le 
choix  d'accepter  le  droit  de  cité  romaine  ou  de  rester  dans  leur  ancienne 
cité  en  obtenant  le  droit  de  provocation  aux  comices  romains  (p.  257). 


LÀ   LIGUE  NATIONALE    LATINE.  267 

de  643  restreignit  ce  privilège  aux  Latins  (1),  Les 'privilè- 
ges latins  analogues  qui  furent  établis  sous  l'Empire  avaient 
surtout  leur  source  soit  dans  le  désir  d'encourager  la  repro- 
duction, soit  dans  le  souci  de  ralimentation  de  la  capitale  (2). 
Ils  ont  d'autant  moins  besoin  d'être  énumérés  ici  que  les  ma- 
nuels de  droit  privé  ont  l'habitude  de  les  étudier. 

Xous  avons  vu  que  le  droit  de  cité  de  chaque  ville  latine  con-  Droit  de  suffrage 
tenait  éventuellement  en  lui  celui  d'une  autre  ville.  Ce  n'est 
que  par  une  nouvelle  application  de  la  même  idée  que  les  ci- 
toyens latins  ont  déjà  à  ce  titre  le  droit  de  voter  dans  les  co- 
mices de  Rome  et  de  toutes  les  villes  latines  (VI,  1,  p.  262, 
note  2),  et  qu'il  leur  est  par  suite  désigné  une  section  de  vote 
dans  tous  les  scrutins  (VI,  1,  p.  457,  note  1),  ce  qui  conduit  le 
grec  Denys  à  considérer  la  condition  légale  des  Latins  à  Rome 
comme  un  véritable  droit  de  cité  (3).  Ce  droit  de  suffrage  au- 

(1)  Gicéron,  Pro  Balbo,  23,  24,  rapporte  la  disposition  de  la  loi  Servilia 
de "643,  selon  laquelle  le  droit  de  cité  était  accordé  à  l'accusateur  latin  qui 
triomphait,  et  il  conclut  par  les  mots  :  Num  fundos...  factos  populos  Latinos 
arbitramur  aut  Serviliœ  legi  aut  ceteris,  quitus  Latinis  hominibus  erat  proposi- 
tum  aliqua  ex  re  prsemium  civitatis  ? 

(2)  Ulpien,  3  ;  Gains,  1,  32  b  et  ss. 

(3)  Denys  donne  pour  objectant  au  traité  de  Cassiusavec  les  Latins  (7, 53: 
OU  vstoori  xr(v  Idonolizziav  8sScoxa[A£v  ;  de  même  6,  63.  8,  70.  74)  qu'à  l'alliance 
semblable  avec  les  Herniques  (8,  74.  11,  2),  et  même  à  celle  possible  avec 
les  Volsques  (8,  35  z=  Plutarque,  Coriol.  30)  la  concession  de  l'icroTioXiTesa 
ou  de  la  tioXitscoc  xotvYJ  (8,  77),  parfois  aussi  izolnzia.  tout  court  (8,  69  :  Toùç 
vsw(7ti  7tpoaXr,cp6£VTaç  elç  tT|V  uoXnret'av  "Epvsxaç.  C.  11  :  ^Epvtxaç...  ÏTzolr\GZ  tcoXc- 
toç...  àvx\  "jttotsàûv),  et  ils  s'appellent  îo-orcoXiTai  xa\  <j\)\i\Lxyot.  des  Romains 
(8,  76).  Leur  droit  de  suffrage  dans  les  comices  romains  en  est  la  consé- 
quence :  McTî7tl(X7tîTO  Aativcov  te  xoù  'Epvi'xoov  oaoi);  èôûvaxo  tzIzIgzovç  èttl  ty]v 
«fnrççoçopîav...  èxéXeuffs  XYiputteev  Ttapatxéveiv  toùç  [lexiyovzaç  xt{q  tcrouoXcxscaç  è'wç 
àv  è7cixupw0yj  6  vojaoç).  Ailleurs  (4,  22),  il  représente  le  roi  Servius  donnant 
rtaoïroXiTEioc  aux  affranchis,  et  il  désigne,  15,  7,  le  droit  de  cité  sans  suf- 
frage des  Fundani  et  des  Formiani  par  le  même  mot.  Strabon,  5,  1,  1,  p. 
210, etde  même  Appien,  B.  c.  1,21,  emploient  îctoicoXétïic  alternativement  avec 
tïoXstt,?  pour  désigner  le  droit  de  cité  complet  des  Italiens;  le  premier,  5, 
2,  3,  p.  220,  emploie  même  l'expression  synonyme  icrovofiia  en  l'oppo- 
sant au  demi-droit  de  cité  des  Caerites.  Par  conséquent,  io-oicoXiTeia  ne  dif- 
fère pas  de  Tzokireia,  et  l'on  voit  de  même,  dans  les  titres  grecs,  deux  villes 
se  promettre  réciproquement  tantôt  la  ™XcTsta,  tantôt  l'taouoXtTsca  (Gil- 
bert, Griech.  Staatsalterthùmer,  2,  379).  A  la  vérité,  l'«  égalité  de  droits  »  est 
donnée  à  ceux  qui  ne  l'ont  pas  au  sens  propre  et  qui  sont  inférieurs  aux 
citoyens  complets  existant  jusqu'alors.  Mais  le  mot  n'indique  pas  nécessai- 
rement une  restriction  de  droits.  Les  Grecs  emploient  ce  mot,  au  sujet  des 


268  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

que]  ne  s'adjoint  pas  l'éligibilité  semble  avoir  appartenu  à  tous 
les  Latins,  même  à  ceux  de  la  catégorie  la  plus  inférieure  :  non 
seulement  il  n'est  fait  mention  nulle  part  de  sa  limitation  à  une 
catégorie deLatinsdéterminée;  maisl'existenced'une  telle  limi- 
tation est  exclue  par  le  projet  de  G.  Gracchus  d'accorder  aux  Ita- 
liens en  général  le  droit  de  suffrage  antérieur  des  Latins  après 
qu'il  aurait  transformé  les  Latins  en  citoyens  romains  (p.  262, 
note  3).  Ce  droit  a  encore  été  exercé  dans  les  comices  de 
Rome,  du  temps  de  Cicéron,  par  conséquent  après  la  disparition 
des  Latins  de  la  catégorie  la  plus  élevée,  et  il  l'a  môme  encore 
été  dans  les  comices  des  villes  latines,  sous  la  dynastie  des  Fla- 
viens  (VI,  1,  p.  457,  note  1).  A  l'époque  ancienne,  le  domicile  du 
Latin  devait  être  indifférent  à  ce  point  de  vue  ;  ce  sont  même  les 
personnes  qui  se  rendaient  à  Rome,  pour  le  vote,  de  Préneste, 
de  ïibur  et  des  autres  localités  de  même  condition,  qui  doivent 
principalement  avoir  voté  de  cette  façon,  à  l'époque  la  plus  an- 
cienne, où  le  changement  de  domicile  du  Latin  entraînait  pro- 
bablement son  changement  de  droit  de  cité  (1).  Plus  tard,  au 
contraire,  lorsque  le  droit  d'émigration  complet  fit  défaut  à  la 
plupart  des  cités  latines,  ce  sont  leurs  citoyens  domiciliés  à 
Rome  qui  doivent  principalement  avoir  participé  de  cette  façon 
aux  comices;  les  citoyens  romains  et  latins  ne  sont  même  admis 
à  voter  dans  les  comices  municipaux  dont  nous  venons  de  par- 
ler qu'autant  qu'ils  habitent  dans  le  lieu.  Tout  important  que 
ce  droit  de  suffrage  fût  en  théorie,  il  n'a  jamais  pu  exercer 
d'influence  pratique;  et  c'est  ainsi  qu'on  doit  s'expliquer  qu'il 
n'en  soit  jamais  question  dans  les  discussions  politiques  et 
qu'il  n'ait,  autant  que  nous  sachions,  jamais  été  attaqué. 

institutions  romaines,  tout  comme  les  Latins  emploient  civitas  (p.  183, 
note  1)  tantôt  pour  désigner  le  droit  de  cité  sans  suffrage,  tantôt  et  plus 
fréquemment  pour  désigner  le  droit  de  cité  avec  droit  de  suffrage,  spéciale- 
ment des  nouveaux  citoyens  et  des  affranchis.  Denys,  et  lui  seul,  considère 
comme  un  droit  de  cité  la  condition  juridique  des  Latins  pourvus  du  droit 
de  suffrage;  ce  n'est  pas  correct,  mais  c'est  explicable.  Cf.  VI,  l,p.261,n.4. 
(1)  L'expression  qui  Romam  venissent  (VI,  1,  p.  262,  note  2)  convient 
parfaitement  à  des  électeurs  qui  habitent  au  dehors  et  qui  viennent  à  Home 
pour  exercer  leur  droit  de  suffrage. 


LES  SUJETS  AUTONOMES. 


Après  le  droit  spécial  des  alliés  des  Romains  appartenant  à 
la  même  race  qu'eux,  vient  le  droit  général  des  alliés,  le  droit 
des  États  entrés  par  une  union  militaire  perpétuelle  dans  la 
dépendance  de  Rome,  et  par  suite  faisant  partie  de  l'empire,  à 
propos  duquel  nous  étudierons  d'ailleurs  les  institutions  com- 
munes aux  Latins  et  aux  autres  alliés. 

Le  droit  public  n'a  pas  pour  tâche  d'exposer  dans  son  ordre  vine3^aieiquee3. 
historique  l'extension  progressive  du  cercle  des  alliés.  Mais 
cependant  il  nous  faut  encore  ici  marquer  les  étapes  caracté- 
ristiques de  ce  développement  et  en  particulier  l'origine  et  les 
limites  de  l'union  militaire  italique.  Le  point  de  départ  de  la 
fédération  avec  les  alliés  a  été,  comme  nous  l'avons  déjà  mon- 
tré, l'union  de  la  nation  latine  sous  l'hégémonie  romaine. 
L'alliance  militaire  étendue  au  delà  des  bornes  du  Latium 
aux  cités  non-latines  d'Italie  peut  en  un  certain  sens  être  re- 
gardée comme  un  élargissement  de  la  ligue  latine.  Parmi  les  ci- 
tés de  race  étrangère,  qui,  tout  en  conservant  leur  autonomie  (1), 

(1)  Les  cités  qui  possèdent  le  droit  de  cité  romaine,  si  limité  qu'il  soit, 
comme  Gapua  et  Cœre,  ne  font  pas  partie  des  alliés  italiques.  Il  est  possi- 
hle  que,  dans  certaines  d'entre  elles,  l'annexion  ait  été  précédée  par  cette 
union  militaire  dépendante.  Mais  il  n'y  a  pas  d'indices  précis  qui  indiquent 
nulle  part  un  tel  développement. 


270  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

sont  entrées  dans  cette  union  militaire,  les  premières  ont 
été  celles  des  Herniques;  mais  leur  nationalité  peut  ne  pas 
avoir  été  trop  éloignée  de  celle  des  Latins  eux-mêmes,  dans  la- 
quelle il  y  avait  anciennement  des  degrés  multiples,  et  nous 
avons  déjà  expliqué  (p.  243)  qu'ils  étaient,  dès  avant  le  milieu 
du  vie  siècle  de  Rome,  passés  dans  la  nation  dominante  et 
qu'ils  ont  depuis  toujours  été  comptés  parmi  les  Latins.  La  plus 
ancienne  cité  incorporée  parmi  les  alliés  comme  de  race  étran- 
gère, qui  est  restée  étrangère  jusqu'à  son  absorption  par 
Rome  et  même  après,  a  probablement  été  Neapolis,  en  Cam- 
panie,  qui  entra  dans  cette  condition  en  428  de  Rome,  et  qui 
d'ailleurs  ne  fournissait  aux  Romains  que  des  vaisseaux  et  des 
marins  (1).  Le  souvenir  de  la  confédération  romano-napoli- 
taine  s'est  conservé  dans  la  terminologie  politique  gréco-ro- 
maine: les  expressions  §r,|i.ap^o;(VI,  1,  p.  163,  note  l)etcjyxXv;- 
to;  (2)  qui  lui  sont  propres  ont  été  empruntées  par  les  Romains 
aux  Napolitains.  —  Parmi  les  cités  de  race  étrangère  obligées 
seulement  à  fournir  un  contingent  militaire,  les  plus  anciennes 
ont  peut-être  été  les  cités  samnites,  entrées  dans  la  confédé- 
ration en  464  (3).  Dans  la  dernière  partie  du  ve  siècle,  toutes 
les  villes  de  la  péninsule,  à  l'Ouest  jusqu'à  l'Arnus,  àPisœ,  et  à 
l'Est  jusqu'à  l'iEsis,  à  Ancona,  sont  réunies  en  un  seul  tout, 
comme  redevables  de  contingents  pour  Farmée  ou  la  flotte, 
probablement  en  vertu  d'un  plan  général  rapidement  mis  à 
exécution,  et  l'Italie  se  trouve  ainsi  politiquement  constituée. 


(1)  La  réglementation  fixe  de  ces  contributions  navales  peut  n'avoir 
eu  lieu  qu'en  487,  lors  de  la  création  des  quatre  questeurs  de  la  flotte  ;  cf. 
tome  IV,  dans  la  théorie  de  la  Questure,  le  début  de  la  section  des  ques- 
teurs italiques.  Mais  l'obligation  elle-même  est  certainement  aussi  ancienne 
que  l'alliance. 

(2)  C.  I.  Gr.  5799  (sans  nul  doute  authentique)  ;  cf.  même  recueil,  549!. 
5752,  et  le  volume  du  Sénat.  Les  autres  expressions  telles  que  crnaTTjVo;, 
àyopàvoixoç,  Ta|x!aç,  sont  du  grec  général,  et  sont  aussi  probablement  toutes 
et  certainement  la  seconde,  en  même  temps  napolitaines. 

(3)  Assurément  nous  n'avons  pas  d'informations  suffisantes  sur  les  con- 
ditions de  soumission  définitivement  imposées  aux  Samnites,  et  il  est  pos- 
sible que  cette  réglementation  ne  soit  intervenue  qu'en  482,  après  la  guerre 
de  Pyrrhus. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  271 

Elle  est  opposée  non  seulement  aux  pays  ennemis  de  l'étranger, 
mais  aussi  aux  alliés  étrangers,  par  exemple  aux  Insubres  et 
aux  Cénomans  de  la  région  celtique  cisalpine.  Les  colonies  de 
droit  latin  fondées  dans  ces  pays  étrangers  appartiennent 
naturellement  toutes  à  la  confédération.  Mais  il  y  a  en  outre 
plusieurs  autres  villes,  par  exemple  Ravenna  (1)  et  Genua  (2) 
qui,  sans  être  des  colonies,  sont  organisées  selon  le  type 
italique  et  font  probablement  partie  de  la  confédération. 

L'union  militaire  italique  existait  certainement  dans  cette 
forme  en  l'an  529  de  Rome,  dans  lequel  nos  annales  nous  en 
rapportent  la  composition  au  sujet  d'une  levée  en  masse  faite 
contre  les  Celtes  (3).  L'armée  de  terre,  formée  par  les  villes 
non-grecques  de  la  péninsule,  était  complétée  par  la  flotte,  cons- 
tituée, sous  la  direction  de  Rome,  sur  le  modèle  grec,  en  grande 
partie  par  les  villes  grecques  de  l'Italie  méridionale.  Nous 
voyons  donc  apparaître  là  pour  la  première  fois  dans  l'histoire, 
l'Italie  unie,  non  pas,  comme  la  fédération  romano-latine,  sur 
le  fondement  d'une  nationalité  commune,  mais  sur  celui  d'une 
organisation  militaire  homogène  et  commune,  et  ce  devait  être 
là  l'origine  de  cette  pseudo -nationalité  latino-hellénique  dont 
l'action  a  donné  sa  forme  à  l'ancien  monde  et,  pour  une 
certaine  part,  au  monde  actuel. 

L'Italie  et  les  Italiens  étaient  par  là  créés  quant  au  fond;  ils  Ddt™/7S°n 
ne  l'étaient  pas  encore  quant  au  nom.  Les  soldats  alliés  réunis 
sous  le  commandement  de  Rome  étaient,  verrons-nous  (p.  302), 
appelés  togati,  et  les  Grecs  italiques  n'y  étaient  pas  compris. 
La  réunion  des  deux  groupes  sous  le  nom  commun  d'Italici 
s'est  d'abord  opérée  à  l'étranger.  Les  Romains  ne  revendi- 
quaient pas  seulement  pour  eux  la  position  privilégiée  qu'ils 
ont  acquise  dans  les  territoires  d'outre-mer  soumis  à  leur 
autorité,  et  grâce  à  laquelle  ils  ont  en  quelque  sorte  monopolisé 


(1)  Ravenna  était  encore  une  ville  fédérée  en  665  (Gicéron,  Pro  Balbo,  22, 
50).  Cf.  Hermès,  16,  33. 

(2)  C'est  ce  que  montre  la  sentence  arbitrale  des  Minucii  de  637  (C.  /.  L. 
I,  199). 

(3)  Cf.  mon  étude  sur  cette  liste,  Rœm.  Forsch.  2,  382  et  ss. 


272  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

pendant  des  siècles  le  gros  commerce  de  tout  l'empire;  ils  la 
réclamaient  aussi  pour  tous  leurs  alliés  italiques.  Relativement 
aux  privilèges  juridiques,  —  soumission  exceptionnelle  à  la 
compétence  du  gouverneur  romain  de  la  province  (1)  et  de 
juges  romains  (2),  exemption  des  droits  de  douane,  — comme  re- 
lativement aux  avantages  de  fait  qui  peuvent,  d'une  manière 
licite  ou  illicite,  résulter  des  circonstances  politiques  pour  les 
gens  d'affaires  (3),  il  n'y  avait  pas  de  différence  sensible 
entre  ceux  qui  portaient  la  toge  comme  Romains  et  ceux  qui  la 
portaient  comme  alliés  des  Romains,  ni  môme  entre  eux  et  les 
Grecs  de  l'Italie  méridionale.  C'est  là  que  nous  rencontrons 
pour  la  première  fois  les  Italici  comme  une  collectivité  légale- 
ment fermée  et  privilégiée  (4).  Cette  dénomination,  tirée 
d'une  ancienne  désignation  purement  géographique  et  vacillante 
donnée  particulièrement  à  la  portion  méridionale  de  la  pénin- 
sule, a  sans  doute  été  introduite  par  les  gouvernés  et  adoptée 
par  les  gouvernants,  probablement  d'abord  en  Sicile,  puis  dans 
les  provinces  en  général  (5),  surtout  dans  l'Orient  grec,  où  ce 

(1)  Sénatus-consulte  relatif  aux.  trois  capitaines  (  p.  207,  note  3)  de  676, 
ligne  20  :  'Eàv...  (3oû).o>VTat  xpîvsaôai...  iid  tùv  f^ETéptov  àpxovxwv  titi  'IiaXi- 
xûv  xpiTàiv. 

(2)  Dans  le  sénatus-consulte  qui  régla  les  relations  avec  Ambrakia  en 
567,  par  conséquent  avant  que  cette  ville  appartint  à  l'empire,  il  était  spé- 
cifié, ut...  portoria  guse  vellent  terra  marique  caperent,  dum  eorum  immunes 
Romani  ac  socii  nominis  Latini  essent  (Tite-Live,  38,  44,  4). 

(3)  Le  consul  de  622,  P.  Popillius  se  glorifie  (C.  1.  L.  X,  6950)  de  ce  que  : 
Vrxtor  in  Sicilia  fugiteivos  Italicorum  cGnquseisivei  —  c'est-à-dire  d'avoir  fait 
la  chasse  aux  esclaves  des  Grecs  de  l'Italie  méridionale. 

(4)  La  désignation  officielle  romaine  nominis  Latini  ac  socii  n'était  pas 
seulement  incorrecte  en  elle-même  ;  elle  n'excluait  pas  clairement  les 
Athéniens  et  les  autres  alliés  d'outre-mer  étrangers  à  l'union  militaire  La 
plus  ancienne  mention  qui  soit  faite  des  Italici  dans  le  sens  postérieur, 
comme  les  détenteurs  du  grand  commerce  dans  les  provinces,  se  trouve 
dans  l'inscription  d'Halsesa,  C.  1.  L.  X,  7459,  si  cette  inscription  appartient 
réellement  à  L.  Scipio,  préteur  en  561.  Ils  sont  en  outre  nommés  au  sujet 
de  la  guerre  des  esclaves  de  Sicile  de  622  (CL  L.  X,  6950,  ci-dessus,  note  3; 
Diodore,  34,  2,  27)  ;  à  l'occasion  de  la  guerre  de  Jugurtha  en  643,  à  Girta 
(Salluste,  Jug.  26)  ;  dans  l'inscription  de  Delos  de  657  {Bull,  de  corr.  hell.  4, 
p.  190  :  *Hpa>c)>eï  xal  'IxaXixoïç).  La  réunion  des  Italici  et  Grseci  quei  in  insula 
negotiantur  dans  les  inscriptions  de  Delos,  Eph.  epigr.  IV,  77.  V,  184,  mérite 
d'être  remarquée. 

(5)  Salluste  (note  1)  et  le  continuateur  de  César  (p.  273,  note  5)  les  citent 
en  Afrique  ;  Diodore,  5,  20,  3,  les  cite  en  Gaule. 


LES  SUJETS    AUTONOMES.  273 

langage  s'est  si  fortement  ancré  que,  jusque  dans  les  temps 
récents  de  l'Empire,  les  Grecs  donnent  le  nom  d'italiques  aux 
monnaies  romaines,  aux  poids  et  mesures  romains  (1)  et  à 
d'autres  coutumes  romaines  (2).  La  puissante  insurrection  de 
664-665  mit  l'une  en  face  de  l'autre  sur  le  champ  de  bataille, 
après  de  longues  luttes  politiques,  ces  deux  grandes  masses  qui 
n'apparaissaient  comme  unies  qu'à  l'étranger,  celle  des  ci- 
toyens de  la  ville  maitresse  et  celle  de  ses  alliés  dépendants. 
Ces  derniers  n'atteignirent  pas  le  but  qu'ils  s'étaient  assigné  : 
sinon  la  destruction  des  Romains,  au  moins  leur  fusion  dans 
l'ensemble  des  Italie  et  non  des  Italici,  et  la  désignation  de  la 
capitale  du  nom  d'Italia  (3);  mais  l'égalité  de  droit  leur  fut 
acquise  par  l'incorporation  dans  le  peuple  romain  des  alliés 
antérieurs,  y  compris  sans  doute  les  cités  de  droit  latin  qui 
existaient  dans  la  Gaule  cisalpine  (4).  L'Italie  antérieure 
devint  ainsi  une  extension  de  Rome.  Cependant,  la  latinité 
ayant  été  accordée  en  même  temps  aux  cités  jusqu'alors  péré- 
grines  de  la  Gaule  cisalpine  et  cette  contrée  devenant  en  fait  de 
plus  en  plus  une  portion  de  l'Italie,  on  réunit  encore  sous  le 
nom  cYltalici  les  membres  des  cités  de  droit  latin  ou  romain 
situées  dans  la  péninsule  jusqu'aux  Alpes  (5).  Mais,  quand  la 


(1)  Cf.  Hermès,  21,  411  et  ss. 

(2)  Les  xaXixtot,  mentionnés  par  Polybe,  30,  19,  dans  la  description  de 
la  tenue  d'un  affranchi  romain,  sont  appelés  'juoSyj [xa-ra  'IraXixà  par  Appien, 
qui  reproduit  ce  passage,  Mithr.  2. 

(3)  Les  écrivains  latins  donnent  la  dénomination  Italici  aux  insurgés  de 
la  guerre  des  Marses  ;  mais  ils  s'appellent  eux-mêmes,  sur  leurs  balles  de 
fronde  (Zangemeister,  Eph.  epigr.  VI,  p.  11),  et  ils  sont  appelés,  chez  les  Grecs, 
ltali  ;  leur  nouvelle  capitale  est  aussi  appelée,  sur  les  monnaies,  Italia  et, 
chez  les  écrivains,  Italica  {Hermès,  21,  418,  note  1). 

(4)  Hermès,  19,  29  et  ss.  Les  cités  qui  n'avaient  pas  été  fondées  par  Rome, 
mais  qui  étaient  organisées  selon  le  type  italique,  comme  Ravenna  et 
Genua,  peuvent  aussi  avoir  été  alors  admises  au  droit  de  cité. 

(5)  Des  inscriptions  datées  des  Italici,  analogues  aux  anciennes,  se  ren- 
contrent pour  les  années  c.  668  (Eph.  ep.  V,  n.  184)  et  680  à  Delos  (Bull,  de 
eorr.  hell.  8,  p.  146),  pour  683  (C.  1.  L.  III,  531)  et  G87  (C.  I.  L.  III,  532  = 
Eph.  ep.  V,  n.  1426)  à  Argos.  Les  negotiatores  Italici  d'Afrique  dans  le  Bell. 
Afr.  de  César,  36,  sont  de  même  nature.  Il  faudrait  aussi  entendre  dans  le 
même  sens  les  eP«tj.a?o'.  xal  'IraXot  nommés  par  Appien,  Mithr.  22,  au  sujet 
du  massacre  de  Mithradates,  s'il  ne  fallait  pas  plutôt  voir  là  une  confusion 
de  l'auteur.  Tous  les  autres  historiens  ne  nommeni  que  les  citoyens  ro- 

Dr»it  Potl.  Rom.,  t.  VI,  2«  p.  {% 


274  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

Gaule  cisalpine  eut  à  son  tour  obtenu  le  droit  de  cité  en  705, 
les  «  citoyens  romains  »  prirent,  même  à  l'étranger,  partout  la 
place  des  Italici  (1),  et  il  ne  s'est  conservé  de  vestiges  de 
l'ancienne  terminologie  que  dans  le  droit  du  sol  italique  que 
nous  avons  déjà  étudié  (p.  253)  et  dans  le  droit  des  villes  itali- 
ques que  nous  étudierons  plus  loin.  Les  citoyens  romains  et  les 
citoyens  des  villes  provinciales  de  droit  latin  n'ont  plus  été 
désormais  réunis  par  la  terminologie,  d'un  côté,  parce  que  leur 
ensemble  ne  présentait  pas  cette  unité  géographique  qui 
servait' de  fondement  à  la  dénomination  complexe  antérieure- 
ment employée,  et,  d'un  autre  côté,  parce  que  les  Latins  politi- 
quement inférieurs  de  l'époque  récente  (p.  247)  ne  pouvaient 
plus  êtr.e  mis,  sur  un  pied  d'égalité,  à  côté  des  membres  de  la 
cité  dominante. 
Les  aînés  extra-      Il  n'y  a  pas  besoin  d'étudier  de  la  même  façon  l'extension  du 

italiques. 

cercle  des  alliés  extra-italiques.  Ici  le  point  du  départ  a  été 
dans  les  anciennes  relations  avec  les  villes  helléniques  situées 
à  l'extérieur  de  la  péninsule.  Mais  on  ne  peut  pas  distinguer  avec 
la  même  netteté  qu'en  Italie  la  convention  d'amitié  basée  sur 
l'égalité  légale  des  parties  et  l'union  militaire  impliquant  la 
dépendance. 

Les  contributions  en  navires  qui  avaient  d'abord  été  deman- 
dées de  Neapolis,  furent  ensuite  étendues  à  la  cité  sicilienne 
fédérée  des  Mamertins  (p.  305),  et  si  la  marine  romaine  avait 
suivi  un  développement  analogue  à  celui  de  l'armée  romaine, 
il  se  serait  constitué  chez  elle  quelque  chose  de  correspondant  à 
la  formula  togatorum.  La  transformation  de  Rhodes  de  cité 
égale  en  cité  dépendante  opérée  en  587  (p.  290,  note  1)  par 


mains,  et  avec  raison  ;  car  la  concession  générale  du  droit  de  cité  était  alors 
déjà  accomplie.  En  tout  cas,  les  Romains  sont  incorrectement  nommés  à 
côté  des  Italiens  ;  car  les  premiers  sont  compris  parmi  les  seconds. 

(1)  Les  inscriptions  non  datées  d'Italici  semblent  aussi  être  toutes  anté- 
rieures à  César.  C'est  un  point  incertain  de  savoir  si  les  «Romains  »  avaient 
fait  précédemment  des  dédications  à  DelosfC.  1.  Gr.  2285b  et  à  ce  sujet  Eph. 
ep.  V,  p.  601)  ;  le  plus  ancien  monument  sûrement  daté  que  je  connaisse  qui 
nomme  les  Romains  au  lieu  des  Italici  est  Finscription  des  civeis  Romanei 
quel  Mytileneis  negotianlur  de  l'an  723  (C.  I.  L.  III,  455). 


Conclusion  de 


LES  SUJETS  AUTONOMES.  275 

rétablissement  à  sa  charge  de  l'obligation  de  fournir  des  vais- 
seaux (p.  306,  note  1)  prouve  que,  dans  les  deux  cas,  le  fonde- 
ment juridique  est  le  môme.  Mais,  par  suite  de  la  rapide  déca- 
dence de  la  marine  militaire  de  la  République  romaine,  on 
n'en  arriva  point,  en  cette  matière,  à  la  constitution  de  contin- 
gents réguliers,  même  alors  qu'ils  auraient  pu  être  réclamés 
en  vertu  de  traités,  et,  par  suite,  la  condition  de  ces  États  al- 
liés n'est  pas  arrivée  à  se  préciser  bien  nettement.  —  Par  rap- 
port aux  cités  étrangères  à  l'Italie  qui  n'étaient  point  grec- 
ques, en  particulier  par  rapport  aux  peuples  celtes  qui  fai- 
saient partie  de  l'empire,  la  République  romaine  est  tou- 
jours restée  sur  la  réserve  :  elle  les  a  bien  admis  en  partie 
à  la  fédération;  elle  ne  les  a  point  admis  à  une  communauté 
d'armes  durable. 

L'alliance  qui  établit  l'union  militaire  perpétuelle  est  au  fond 
une  convention  de  soumission  :  cela  se  montre  avec  une  égale 
clarté  dans  les  formes  de  sa  conclusion  et  dans  ses  conséquences 
juridiques  que  nous  étudierons  plus  loin.  Si  nous  connaissions 
mieux  dans  le  détail  les  phases  de  l'évolution,  notamment  en 
ce  qui  concerne  le  Latium,  nous  verrions  plus  nettement  les 
termes  de  transition  par  lesquels  Rome  a  passé  de  la  position 
de  ville  occupant  la  première  place  au  milieu  d'alliés  égaux  à  une 
souveraineté  officiellement  affirmée.  Dans  la  forme  où  elle  nous 
est  parvenue,  notre  tradition  ne  nous  permet  de  vue  précise 
que  sur  la  phase  où  la  soumission  est  complètement  réalisée. 

La  convention  de  soumission  est,  quant  à  la  forme,  néces-  Rap^Sr 
sairement  bilatérale.  L'État  qui  entre  sous  l'hégémonie  romaine 
peut  demander  à  être  admis  dans  l'union  militaire,  et  cette 
demande  peut  être  accueillie  ou  repoussée  (1).  Il  suffît  de  ren- 
voyer à  ce  sujet  aux  développements  déjà  donnés  sur  les  trai- 
tés publics  en  général,  et  en  particulier  sur  les  traités  d'amitié 


(1)  Tite-Live,  4,  30,  1  :  JEquorum  legati  fœdus  ab  senatu  cum  petissent  et 
pro  fœdere  dedltio  ostentaretur.  De  même  Capua,  p.  189,  note  1.  Un  autre 
exemple  dans  Tite-Live,  31,  il.  A  l'époque  où  la  prépondérance  de  Rome 
était  reconnue,  il  était  d'usage  de  former  simplement  la  demande  et  d'atten- 
dre de  Rome  la  fixation  des  conditions  (Tite-Live,  42,  6,  8.  c.  25,  4.  11). 


276  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

(p.  208  et  ss.).  L'inscription  sur  la  formula  amicorum  est  ici 
remplacée  par  l'inscription  sur  la  formula  sociorum  (1).  Après 
que  cette  partie  s'est  livrée  à  discrétion  [in  fidem),  ou,  ce  qui 
revient  au  même,  après  qu'il  y  a  eu  deditio  (2),  il  n'y  a  pas 
besoin  de  demande  spéciale  ;  car,  par  cet  acte,  la  cité  vaincue 
s'est  soumise  d'avance  à  toutes  les  mesures  qui  pourraient  être 
prises  envers  elle,  et  par  conséquent  aussi  éventuellement  à  son 
incorporation  dans  l'union  militaire.  Les  dediti  ne  peuvent 
donc  pas  refuser  d'y  entrer  après  la  deditio.  et  la  détermination 
des  conditions  dépend  alors  exclusivement  des  Romains.  Les 
traités  d'alliances  des  Romains  qui  nous  sont  connus  ont  en 
général  été  conclus  ou  transformés  plus  tard  de  cette  façon,  et 
ils  sont  moins  convenus  entre  deux  parties  qu'imposés  par 
une  partie  prépondérante. 
reges  sodi.  L'alliance  ne  peut  pas,  comme  la  convention  d'amitié  (p.208), 
être  conclue  entre  une  cité  et  un  particulier  (3).  Elle  peut, dans 


(1)  Tite-Live,  43,  6,  10  :  Lampsacenos  in  sociorum  formnlam  referre  Q. 
Mœnius  prsetor  (de  la  ville,  comme  représentant  des  consuls  absents)  jussus. 
Cf.  p.  210,  note  4. 

(2)  Polybe,  20,  9,  12  :  Ilapà  'Pw^alocç  !cro8uva[xEî  to  te  eiç  ty]v  tuotiv  auxbv 
èy/eipio-at  xcù  to  ty)v  imxpo'Kr^  Soùvou  izepl  ocjtoO  tm  xpaTOûvxi.  Tite-Live,  8, 
2,  13  :  Ver  deditionem  in  fidem  venire.c.  19,  1  :  Orantesutinfidemreciperenlur.., 
se  sub  imperio  p.  R.  fidellter  atque  obœdienter  futuros.  37,  45,  2  :  Asise  civitates  in 
fidem  consulis  dicionemque  populi  Romani  se  tradebant.  42,  8  ,  le  sénat  réprouve 
les  mauvais  traitements  prescrits  par  le  consul  de  581,M.Popillius,  contre  les 
Satielli  deditos  in  fidem  populi  Romani.  De  même  8,  25,  3.  33,  38,  7.  Dedere  se 
et  Vin  dicionem  esse  qui  en  résulte  (p.  359,  note  2)  ne  diffèrent  pas  juridiquement 
d'in  fidem  se  dare  et  de  Vin  fidem  esse  correspondant.  On  pense  plutôt,  dans 
le  premier  cas,  à  la  reddition  d'un  vaincu  et,  dans  le  second,  à  une  soumis- 
sion volontaire;  dans  le  premier,  à  l'absence  de  droit  des  individus  sou- 
mis, dans  le  second,  à  la  grâce  du  vainqueur  ;  c'est  ainsi  que,  dans  le  droit 
privé,  fides  s'emploie  principalement  pour  le  lien  de  clientèle  (lex  repetun- 
darum,  ligne  10  ;  cf.  VI,  1,  p.  84).  Si  Cicéron  dit,  Verr.  3,  6, 15,  en  parlant  des 
Siciliens,  in  amicitiam  fidemque  populi  Romani  venire,  c'est  là  une  expression 
voilée  pour  désigner  la  sujétion  légale.  Les  deux  notions  peuvent  également 
ou  se  lier  entre  elles,  ainsi  que  dans  les  textes  cités  plus  haut,  ou  s'op- 
poser l'une  à  l'autre.  In  fide  populi  Romani  esse  est  employé  par  Tite- 
Live,  8,  1,  10,  en  opposition  à  in  dicione  esse.  Les  Gaulois  disent  de  même, 
39,  54,  7  :  Dédisse  se  prius  in  fidem  quant  in  potestatem  populi  Romani.  Le 
consul  de  513,  Q.  Gatulus  fait  dans  le  même  sens  traiter  moins  durement 
les  Falisques  vaincus  en  invoquant  l'idée  Faliscos  non  potestali  sed  fidei  se 
Romanorum commisisse  (Val.  Max.  6,  5,  1). 

(3)  La  relation  établie    entre   la  sociorum   formula  et   le  lien  personnel 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  277 

la  notion  romaine,  être  conclue  à  perpétuité  entre  deux  villes, 
ce  que  Rome  est  restée  légalement  même  sous  le  Principat. 
Quand  un  traité  de  cette  espèce  est  conclu  avec  un  prince,  le 
droit  public,  avons-nous  déjà  vu  (p. 210)  ne  connaît  pas  de  pro- 
cédé pour  transformer  le  traité  personnel  conclu  avec  le  roi 
en  traité  avec  le  royaume,  pour  lui  donner  la  stabilité  légale 
d'une  convention  jurée  conclue  avec  la  République.  L'autono- 
mie des  royaumes  et  des  principautés  entrés  dans  les  liens  d'au- 
tonomie dépendante  reste  donc  toujours  précaire  en  ce  sens 
qu'elle  disparait  légalement  à  la  mort  du  souverain  et  peut 
bien  alors  être  établie  à  nouveau  par  la  puissance  suzeraine, 
mais  qu'elle  peut  aussi  être  alors  supprimée  par  elle.  Nous 
aurons  ici  à  nous  occuper,  à  côté  des  villes  fédérées,  des  prin- 
cipautés qui  sont  en  clientèle;  mais  elles  constituent  une  caté- 
gorie irrégulière  en  face  des  villes  alliées.  Leur  condition 
légale  est  infiniment  moins  homogène  que  celle  des  villes  dé-' 
pendantes  ;  le  principe  en  est  que  le  royaume  légalement  dé- 
pendant trouve  la  seule  base  de  son  existence  dans  la  conven- 
tion avec  Rome,  et  qu'à  chaque  transmission  du  trône,  ce 
royaume  peut  être  réduit  en  circonscription  administrative  or- 
dinaire sans  violation  du  droit  ;  ce  qui  fait  que  le  gouverne- 
ment romain  attend  en  général  la  vacance  du  trône  pour  pro- 
céder à  de  telles  transformations  (1). 

Si  transparente  que  soit  la  terminologie  de  la  matière  des    Termùioioçi 
rapports  d'alliance,  elle  présente  cependant  des  difficultés  pro- 


d'amitié  dans  Tite-Live,  44,  1G,  7,  et  dans  le  décret  d'Oropos  de  681  :  'Epjxo- 
Swpoç...  8<mç  TipoTôpov  Û7tb  tyjç  a^vx^Tov)  a-uv[xa^oç  upoaYiyopsufJiÉvoç  éortv  est 
une  translation  incorrecte  (p.  210,  note  4). 

(1)  La  royauté  vassale  de  Chypre  fut  retirée  au  roi  Ptolémée  par  une  loi 
romaine,  par  cette  raison  que  le  titre  de  socius  ne  lui  avait  pas  encore  été 
reconnu  (Gicéron,  Pro  Sest.  26,  57).  Un  autre  exemple  frappant  est  fourni 
par  la  saisie  de  la  Gappadoce  en  l'an  17  après  J.G.  Auguste  reproche  au  roi 
des  Nabatéens  Aretas  d'avoir  pris  possession  du  pouvoir  sans  l'aveu  de 
son  suzerain  (Josèphe,  Ant.  16,  9,  4).  Archelaos,  fils  du  roi  des  Juifs  Hérode, 
attend,  pour  entrer  en  fonctions,  qu'Auguste  ait  confirmé  le  testament  de 
son  père  (le  même,  17,  8,  4  et  ss.).  Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  la  ca- 
suistique qui  considérait  les  traités  des  rois  comme  purement  personnels 
avait  son  côté  très  pratique. 


278  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

près  en  ce  que  la  condition,  des  alliés  y  est  plutôt  désignée  à 
des  points  de  vue  différents  qu'elle  n'y  fait  l'objet  de  subdivi- 
sions distinctes.  Les  alliés  dépendants  sont  appelés  fœderati  par 
corrélation  avec  le  caractère  théorique  de  l'acte  qui  sert  de 
fondement  à  leur  condition  ;  ils  sont  appelés  liberi  comme  cons- 
tituant des  républiques  urbaines  par  opposition  aux  royaumes 
dépendants  ;  ils  sont  appelés  socii  principalement  en  considé- 
ration du  service  militaire  auquel  ils  sont  obligés  par  leur 
traité.  Tous  ces  pointsdevue  s'entrecroisent,  de  façons  multiples, 
et  rien  n'a  plus  contribué  à  produire  la  confusion  d'idées  exis- 
tant en  cette  matière  que  l'habitude,  dont  les  Romains  avaient 
au  reste  déjà  donné  l'exemple,  de  mettre  ces  différentes  déno- 
minations dans  une  opposition  qu'elles  ne  comportent  pas  en 
réalité  et  qui  ne  leur  a  été  donnée  que  dans  un  langage  relâ- 
ché. Il  nous  semble  convenable  d'étudier,  avant  l'institution 
elle-même,  les  trois  désignations  terminologiques  qui  lui  sont 
appliquées,  et  de  déterminer  en  même  temps  quelle  a  été  l'ap- 
plication faite  de  cette  terminologie  aux  Latins.  Nous  étudie- 
rons ensuite  un  à  un,  sans  les  diviser  d'après  ces  catégories, 
les  droits  et  les  devoirs  qui  résultent  de  l'alliance  militaire  per- 
pétuelle. 
Fœderati.  Le    fœ^us   est5   avons-nous    vu  (  1  ) ,  le  traité  public    qui 

est  [accompagné  d'un  serment  d'exécration  et  qui  est  rendu 
par  là  irrévocable.  Les  alliés  sont,  en  leur  qualité  de  fœ- 
derati, liés  à  Rome  par  un  tel  traité.  Mais  les  peuples  dès 
États  qui  ont  conclu  un  fœdus  avec  Rome  ne  sont  pas  tous  des 
fœderati  romains  (2)  ;  cette  dénomination  ne  s'applique  qu'à 
ceux  dont  le  fœdus  implique  une  autonomie  à  la  fois  restreinte 
et  assurée,  établie  à  titre  perpétuel,  et  l'expression  ne  s'étend 
pas  aussi  loin  que  le  serment.  —  Les  cités  latines  sont  assu- 


(1)  V.  tome  I,  la  théorie  des  Actes  conclus  avec  un  État  étranger,  sur  le 
Fœdus. 

(2)  Les  traités  avec  Carthage  étaient  tous  en  la  forme  des  fœdera  (Po- 
lybe,  3,  25  ;  Tite-Live,  30,  43)  ;  mais  ils  ne  fondaient  comme  effet  durable 
que  Vamicitia  (p.  210,  note  3).  Il  en  est  de  même  des  premiers  traités  avec 
les  Samnites  (Tite-Live,  7,  19,  4.  8,  2,  1)  et  d'autres  cas  nombreux. 


LES  SUJETS   AUTONOMES.  279 

rément  des  cités  fédérées  (1);  mais,  dans  le  langage  rigoureux, 
on  les  met  à  côté  et  au  dessus  des  fédérées  (2).  Les  traités 
latins,  avec  leur  fondement  national  et  nécessaire,  sont  distin- 
gués des  fédérations  arbitrairement  conclues  avec  les  péré- 
grins  de  l'Italie  ou  de  l'extérieur.  —  Les  princes  et  les  rois 
admis  à  faire  partie  de  l'empire  (3)  ne  sont  pas  en  droit  au 
dessous  des  villes  fédérées  (4);  mais  on  ne  les  appelle  jamais 
fédérés,  on  les  appelle  uniquement  socii.  La  raison  doit  en 
être  que  les  traités  conclus  avec  ces  princes,  ayant  leur  durée 
légalement  limitée  à  la  vie  de  chacun  d'eux,  ne  présentaient 
pas  le  caractère  de  stabilité  lié  par  les  Romains  à  l'expression 
fœderati,  tandis  qu'au  contraire  il  n'y  avait  pas  d'objection 
à  parler  alors  de  la  «  communauté  d'armes  »  qui  peut  être 
temporaire.  —  A  fœderatus  correspond  en  grec  èvcTùovào;  ;  mais 
on  n'attache  dans  l'emploi  de  cette  expression,  aucune  impor- 
tance à  l'existence  du  serment,  et  on  l'applique  à  toutes  les 
cités  alliées   par    opposition  aux  cités  sujettes  (5).  Elle  n'est 


(1)  Gicéron,  dans  sa  discussion  du  droit  des  cités  fédérées,  prend  pour 
exemple  les  Latins,  mais  en  montrant  clairement  qu'on  ne  les  appelle  pas 
de  ce  nom  (Pro  Balbo,  24,  54  :  Latinis,  id  est  fœderatis).  Cf.  p.  310,  note  3. 

(2)  Dans  les  listes  des  villes  de  Pline,  pour  la  Sicile  (3,  8),  la  Bétique 
(3,  1,  17),  la  Tarraconnaise  en  général  et  ses  convenais  (3,  1,  18.  c.  23-25,  cf. 
3,  5,  77),  la  Lusitanie  (4,  22,  117),  la  Maurétanie  (5,  2)  et  l'Afrique  (5,  4,  29), 
les  oppida  Latinorum  (Latina,  Latii,  Latinse  condicionis,  Latio  donata)  sont 
sans  exception  après  les  cités  de  citoyens  et  avant  les  fœderata.  Les  der- 
niers font  donc  partie  des  peregrini  qui  sont  opposés  aux  Latins  (p.  216, 
note  1). 

(3)  Les  reges  avec  lesquels  Claude  conclut  un  fœdus  à  Rome  avec  l'as- 
sistance de  fétiaux  (Suétone,  Claud.  c.  25)  sont  probablement  des  rois  de 
Bretagne  appartenant  à  l'empire,  tels  que  Gogidumnus  (Tacite,  Agric.  14  ; 
C.  /.  L.  VII.  11)  ;  s'il  était  venu  à  Rome,  à  cette  époque,  des  rois  n'appar- 
tenant pas  à  l'empire,  nous  le  saurions  sans  doute.  Pour  l'époque  de  la  Ré- 
publique, il  ne  nous  est  rien  rapporté  de  semblable. 

(4)  JSlius  Gallus  (dans  Festus,  v.  Postliminium,  p.  218)  :  Cum  populis 
liberis  et  cum  fœderatis  et  cum  regibus  postliminium  nobisest  ita  uti  cum  hosti- 
I»ih  [<•  montre  de  la  manière  la  plus  énergique  par  l'opposition  aux  hostes  et 
L'assimilation  aux  républiques  indépendantes  en  traités  avec  Rome:  v.  en 
outre  le  texte  de  Strabon,  cité  p.  319,  note  1.  Quant  au  fond, la  suite  de  nos 
développements  montrera  cette  idée  confirmée  sous  tous  les  rapports. 

(5)  Dion,  54,  9,  oppose  aux  svcttcovSch,  qui  sont  administrés  tw  rcarpûp  iryltn 
-rpÔTtro,  rûmrpcoov  administré  xaxà  xk  tûv  'Pœfjujucov  eôy)  (de  même,  38,  36.  41, 
55)  ;  ailleurs  (47,  39.  52,  19.  53, 10.  69,  5)  il  oppose,  dans  le  même  sens,  -b  <ru[x- 


280  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

d'ailleurs  jamais  employée  comme  titre  officiel,  et,  dans  la 
moitié  grecque  de  l'empire,  les  villes  fédérées  portent  en  géné- 
ral le  titre  de  villes  libres  (1). 
civitates  mers.  D'un  autre  côté,,  on  attribue  à  la  cité  autonome  dépendante 
la  liberté,  la  libertas  ou  êXeu9epia.  Cette  expression  désigne  la 
souveraineté  exercée  dans  la  forme  républicaine  (2).  Le  liber 
populus  est  la  cité  urbaine  se  gouvernant  elle-même  par  oppo- 
sition à  celles  qui  sont  gouvernées  soit  par  des  rois,  que  ce  soient 
leurs  princes  propres  ou  des  souverains  étrangers,  soit  par  les 
gouverneurs  de  provinces  de  la  République  romaine,  dont 
l'administration  a  toujours  été  considérée  comme  l'exercice 
d'une  autorité  souveraine,  aussi  bien  par  les  gouvernants  que 
par. les  gouvernés.  En  ce  sens,  les  villes  libres,  même  celles 


fxor/ittov  et  xb  ÔTcr,xoov.  L'autonomie  légale  et  l'autonomie  précaire  sont  là 
nettement  séparées.  Cependant  précisément  pour  cela  le  cercle  des  evoTiovôoi 
est  plus  large  que  celui  des  fœderati  :  non  seulement  ce  mot  est  appliqué  aux 
reges  socii  (Dion,  40,  20.  41,  55.  52,  31);  mais  on  y  comprend  même  les  villes 
que  Gicéron  oppose  aux  fœderatse  comme  étant  sine  fœdere  immunes  et  liberae 
(p.  283,  note  3).  —  "Evopxoç  est  aussi  employé  dans  ce  sens.  Appien,  B.  c.  1, 
102:  ïloXeiç...  oaai  èauxàç  ivsxsxeipfaeaav  èi^i  aov6r,xaiç  svopxot.  Polybe,  6,  14, 
8  :  (IloXeiç)  Tipbç  aç  s'-/o-Jcrtv  xà  ôpxia. 

(1)  Le  droit  de  ville  fédérée  d'Amisos  est  attesté  (p.  283,  note  2)  ;  mais, 
d'après  Strabon,  12,  3, 14,  p.  547,  elle  reçut  la  «  liberté  »  d'abord  de  César, 
puis  d'Auguste,  et,  sur  ses  monnaies,  elle  s'appelle  fréquemment  èXsuôépa 
(Eckhel,  2,  348).  Tyr  s'appelle,  sur  une  inscription  latine  (C.  I.  L.  X,  Î601), 
fœderata,  en  grec,  très  fréquemment  aùxovojxoç.  Apbrodisiasen  Carie  avait 
l'autonomie  (C.  1.  Gr.  2845  :  Twv  g-vvohxIcov  xyj  TCoXei  t^ç  aùxovofjuaç  à7r6yovoç), 
et  il  est  expressément  fait  mention  du  traité  juré  par  les  Romains  ;  mais 
le  sénatus-consulte  rendu  à  ce  sujet  (C.  I.  Gr.  2737)  lui  assure,  en  confir- 
mant les  droits  qu'elle  avait  déjà,  notamment  ses  lois  et  ses  tribunaux  pro- 
pres, seulement  la  liberté  et  l'immunité  légale  la  plus  étendue  (xbv  Sr^ov... 
xy]v  èXeuôsptav  xal  xrjv  àxéXeiav  ovxwç  7tavxwv  xâ>v  irpay^axtov  ïyv.v  xa6]a7rsp  xat 
f,xiç  woXixeîa  xâ>  xaXXîa-xo)  Sixaiw  xaXXsarw  xe  v6|xœ  èaxîv,  [ûirb  xoO  8r,(xo[u  xoO 
tPa)[xaîtov  xr|V  ÈXs'JÔepcav  xa\  xyjv  àxéXeiav  ïysi  cpcX?)  xs  xal  <rû[fj.(Aa-/oç  ouaa]).  — 
Dans  les  listes  de  Pline,  les  villes  fédérées  de  la  moitié  grecque  de  l'empire 
sont  communément  citées  comme  civitates  liberae,  ainsi  Athènes  (4,  7,  24)  : 
Byzance  (4,  11,  46)  ;  Aphrodisias  (5,  29,  109)  ;  Amisos  (6,  2,  6)  ;  Mopsos 
(5,  27,  91  ;  cf.  p.  285,  note  2).  Quand  il  est  question  ailleurs  de  fédérés  chez 
les  Grecs  ou  relativement  au  monde  grec,  par  exemple  dans  la  classifica- 
tion de  Strabon  (p.  319,  note  1),  ou  dans  les  récits  du  retrait  de  l'autonomie 
(p.  317,  note  2),  c'est  en  général  sous  le  nom  de  liberté  que  leur  condition 
est  désignée. 

(2)  Proculus,  Dig.  49,  15,  7,   1  :    Liber  populus  est  is  qui  nullius  alterius  po- 
puli  potestati  est  subjectus. 


LES  SUJETS    AUTONOMES.  281 

dont  la  liberté  est  reconnue  par  Rome,  sont  étrangères  à  notre 
sujet  actuel  (1).  Les  villes  et  les  ligues  de  villes  grecques 
existant  en  Europe  ou  en  Asie,  avec  lesquelles  les  Romains,  en 
train  de  briser  ou  de  repousser  la  royauté  en  Orient,  nouèrent 
des  relations  d'amitié,  étaient  par  là  reconnues  par  eux  comme 
des  républiques,  parfois  même  elles  ne  furent  constituées  en  ré- 
publiques que  par  eux  (2),  et  elles  étaient  en  fait  essentielle- 
ment sous  le  protectorat  des  Romains;  mais,  en  droit,  elles 
étaient  en  dehors  de  l'union  militaire  romaine,  et  elles  étaient 
aussi  étrangères  aux  Romains  que  toutes  les  autres  villes 
amies.  Nous  n'avons  ici  à  nous  occuper  que  des  républiques 
urbaines  qui  ont  à  la  fois  leur  liberté  reconnue  et  leur  sou- 
veraineté restreinte,  qui  font  partie  de  l'empire.  Elles  com- 
prennent, en  premier  lieu,  toutes  les  cités  fédérées,  car  une 
alliance  militaire  jurée  de  la  nature  expliquée  plus  haut  con- 
tient nécessairement  en  elle  la  reconnaissance  de  la  souve- 
raineté républicaine,  et,  en  second  lieu,  toutes  les  cités  dont  la 


(1)  Gela  se  comprend  de  soi.  Mais  cependant  rien  n'a  produit  de  plus 
grandes  confusions  dans  l'exposition  de  ce  régime  que  le  mélange  des  ins- 
titutions juridiques  des  États  qui  appartiennent  à  l'empire  et  de  ceux  qui 
n'y  appartiennent  pas. 

(2)  C'est  là  le  sens  de  la  proclamation  connue  de  558,  Polybe,  18,  46  (= 
Tite-Live,  33,  32)  :  CH  auyxXYjxoç  y)  'Ptofxattov  xal  Tîxoç  Kotvxioç  a-xpaxYjyoç 
uTiaxoç...  àcp:à<nv  IXeuôépouç  àcpopoXoyr|xouç  v6[xoiç  -/ptoptivouç  xoTç  -rcaxpéotç  Ko- 
pivôco-jç  x  t  X.  L'organisation  des  ligues  était  nécessairement  liée  à  la  con- 
clusion des  traités  d'amitié.  C'est  par  là  que  s'expliquent  des  indications 
comme  celle  de  Polybe,  18,  47  :  GsxxaXoïç  \iexa  xffi  èXsuôspcaç  xal  xoùç  'A'/aiouç 
xoùç  <ï>6«oxa;  7:poG-£V£t[j(.av  àç£X6(xsvot  @r,Paç  xàç  $8''aç  xai  «ÊàpaaXov.  Flamini- 
nus  régla  même  la  constitution  des  différentes  villes  de  Thessalie,  d'après 
les  indications  des  titres  de  Kyretise  (CL  Gr.1770)  et  surtout  de  Narthakion 
(Bull,  de  corr.  hell.  6,  363  :  Kaxà  v6|xouç  xoùç  ©ea-aaXôv,  olç  vojaocç  ea>ç  xà  vûv 
-/pôovxat,  oùç  vououç  Ti'xoç  Koîyxxioç  "u7iaxoç  àiio  xr]ç  xûv  Séxa  Tipecr^euxàiv  yva>[XY)ç 
è'Swxsv).  Nous  possédons  encore  quelques  titres  de  ce  genre,  la  lettre  du  sé- 
nat aux  habitants  de  Teos  en  Lydie,  de  l'an  561  (C.i.  Gr.  3045):  Kptvo[x.£v  eïvai 
xr,v  ïc6Xcv...  bpàv...xa\  àcrjXov  xal  àcpopoXoyiyrov  àub  xou  8y][j.ou  xàiv  'Pcafxacwv,  et 
celle  adressée  par  le  consul  Cn.  Manlius,  en  566,  à  Heracleia  en  Carie  (Lebas- 
Waddington,  n.  588)  où  il  est  dit  :  Suyxu>poO[Aev...  ûfjuv  t^v  xe  èXeuôepcav,  xa- 
06xt  xal  [xaïç  àX]Xoaç  ttoXôctcv,  ocrai  f,(juv  xyjv  È7uxpo7rr,v  eScoxav,  e^oucriv  [xà  irpây- 
|Mc]t<x  xà  a"jxw[ji.  uoXtxeueaôat  xaxà  xoùç  ùpixepouç  vofxouç.  Senèque,  De  benef.  5, 
16,  c.  6  :  (Roma)  Achseis  Rhodiis  plerisque  urbibus  claris  jus  integrum  liberta- 
temque  cum  immunitate  (=a9opoXoy7)xouç)  reddiderat,  pense  aux  mêmes  ins- 
titutions. 


282  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

dépendance  et  l'autonomie  sont  reconnues  par  les  Romains  par 
un  traité  non-juré  ou  par  une  loi  purement  unilatérale.  La 
condition  juridique  des  deux  catégories  de  villes  ne  diffère  pas  en 
elle-même  (1),  mais  seulement  par  la  possibilité  de  révocation 


(1)  C'est  ce  que  montre  notamment  la  façon  dont  est  traité  le  postlimi- 
nium chez  le  juriste  yElius  Gallus  (dans  Festus,  v.  postliminium,  p.  218)  : 
Cum  populis  liberis  et  cum  fœderatis  et  cum  regibus  postliminium  nobis  est  ita 
uti  cum  hostibus  :  quse  nationes  in  dicione  (Ms.  :  in  opinione)  sunt,  cum  his 
[postliminium  nullum  est]  ;  car  le  postliminium  ne  peut  fonctionner  qu'entre 
États  indépendants.  Proculus  écrit  (sous  les  Glaudiens)  en  se  reportant  par 
la  pensée  à  cette  définition  sûrement  traditionnelle,  Dig.  49,  15,  7,  pr.  : 
No?i  dubito,  guamvis  (Ms.  :  quin)  fœderati  et  liberi  nobis  externi  sint,  nec  inter 
nos  atque  eos  postliminium  esse;  etenim  quid  inter  nos  atque  eos  postliminio 
opus  est,  cum  et  Mi  apud  nos  et  libertatem  suam  et  dominium  rerum  suarum 
œque  atque  apud  se  retineant  et  eadem  nobis  apud  eos  contingant?  Il  repousse 
par  conséquent  la  décision  de  Gallus.  La  même  différence  d'opinion  repa- 
rait au  sujet  d'une  espèce  concrète  entre  Gicéron,  Pro  Balbo,  11,  28  :  Neque 
sine  causa  de  Cn.  Publicio  Menandro  libertino  homine,  quem  apud  majores  legati 
nostri  in  Grœciam  proficiscentes  interprètent  secum  habere  voluerunt,  ad  popu- 
lum  latum  est,  ut  is  Publicius  si  domum  revenisset  et  inde  Romani  redisset,  ne 
minus  civis  esset,  et  Pomponius,  Dig.  49,  15,  5,  3  :  In  quodam  interprète  Me- 
nandro, qui  posteaquam  apud  nos  missus  erat,  missus  est  ad  suos,  non  est  visa 
necessaria  lex  quae  lata  est  de  Mo,  ut  maneret  civis  Romanus,  qui  justifie 
ensuite  la  solution.  G*est  à  la  même  question  que  se  rapporte  Gicéron,  De 
orat.  ï,  40,  182  :  Si  quis  apud  nos  servisset  ex  populo  fœderato  seseque  libe- 
rasset  et  postea  domum  revenisset,  quxsitum  est  apud  majores  nostros,  num 
is  ad  suos  postliminio  redisset  et  amisisset  hanc  civitatem.  La  théorie  ancienne 
se  fonde  sur  l'indépendance  réciproque  des  deux  États.  Ce  Menander, 
que  son  maître  romain  aurait  pu  avant  l'affranchissement  revendiquer 
comme  son  esclave  devant  les  tribunaux  romains,  n'aurait  pas  pu  pour 
cela  être  réclamé  par  lui  avec  succès  devant  les  tribunaux  d'Athènes.  Au 
contraire,  même  d'après  les  idées  des  Romains,  son  status  devait,  s'il  re- 
tournait dans  sa  patrie,  être  apprécié  selon  les  lois  de  celle-ci,  par  consé- 
quent sa  condition  d'esclave  romain  et  son  acquisition  du  droit  de  cité 
romaine  en  résultant  n'existaient  pas  légalement,  le  postliminium  avait 
procédé  relativement  à  lui,  quoique  Rome  et  Athènes  ne  fussent  aucu- 
nement en  état  de  guerre.  De  cette  manière,  un  Romain  devenu  citoyen 
athénien  peut  redevenir  Romain  en  vertu  du  postliminium  (VI,  1,  p.  45)  et 
un  Gaditan  devenu  citoyen  romain  (par  exemple  par  une  réduction  en 
esclavage  romain  suivie  d'un  affranchissement)  redevenir  Gaditan  en 
vertu  du  même  principe  (Gicéron,  Pro  Balbo,  12,  29).  G'est  là  le  postlimi- 
nium in  pace  ;  ce  que  le  Dig.  50,  15,  5,  2,  désigne  de  ce  nom  n'est  ainsi 
nommé  qu'improprement.  La  volonté  de  la  personne  dont  il  s'agit,  à 
laquelle  Pomponius,  loc.  cit.,  attache  une  valeur,  importe  bien  pour  le 
postliminium  in  bello,  mais  non  pour  celui-ci  ;  car  le  droit  de  l'autre 
cité  est  reconnu  ici,  même  à  Rome.  Si  les  jurisconsultes  postérieurs  n'ad- 
mettent plus  ces  solutions,  cela  tient  à  ce  qu'ils  ne  considèrent  plus 
Athènes  comme  un  État  souverain  égal  en  droit  à  l'État  romain.  Avec  lin- 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  283 

qui  plane  sur  les  villes  de  la  seconde  classe  (1).  En  considéra- 
tion de  cette  différence,  on  distingue,  en  droit  public,  les  pppuli 
liberi en  fœderati  et  liberi  (2)  et  en  liberi  tout  court  (3).  Mais, 


dépendance  sa  conséquence  a  disparu.  L'idée  d'un  droit  général  de  l'em- 
pire a  prévalu,  et  on  exclut  le  postliminium  partout  où  une  poursuite  légale 
romaine  était  possible. 

(1)  La  distinction  de  la  révocabilité  et  de  l'irrévocabilité  n'est  pas  faite 
expressément  ici.  Mais  elle  résulte  de  la  nature  de  la  liberté  avec  fœdus  et 
sine  fœdere  (Cicéron,  ci-dessous,  note  3).  Ce  n'est  que  par  cette  raison  que  les 
cités  fœderatse  peuvent  mieux  se  défendre  contre  le  gouverneur  que  les  cités 
simplement  libers,  comme  il  résulte  des  témoignages  de  Cicéron  sur  le  fru- 
mentum  imper atum  (Verr.  4,  9,  20  rapproché  de  3,  73,  170.  5,  12,  56). 

(2)  Suétone,  Gains,  3  :  (Germanicus)  libéra  ac  fœderata  oppida  sine  lictori- 
bus  adibat,  où  il  pense  à  Athènes.  Pline,  Ep.  92:  Amisenorum  civitas  libéra 
et  fœderata. 

(3)  La  distinction  est  faite  de  la  façon  la  plus  énergique  par  le  juriscon- 
sulte Proculus:  il  définit  le  liber  popu lus  (p.  280,  note  2),  et  il  ajoute  qu'il  peut 
aussi  être  fœderatus.  Les  catégories  constituées  par  les  États  dépendants  dont 
la  liberté  est  garantie  par  un  serment,  par  les  États  dépendants  dont 
la  liberté  est  reconnue,  et  par  les  cités  sujettes  sont  fréquemment  oppo- 
sées les  unes  aux  autres.  Appien,  B.  c.  1,  102  :  "E6vy)  te  yàp  Ttavxa  xa\  paai- 
Xeïç  ocroc  <t'j\l\lx"/o'.  xai  rcôlf.ç  où-/  ocrai  (xovov  -jtcotsXsTç  (==  stipendiante),  àXXà 
•/.al  ocra',  locuxotç  èvexegeipixecxav  stù  <rjv6r,xaiç  evopxoc  {=fœderatœ)  xai  ocrât  Scà 
cr-ja[xa-/:av  :f{  riva  àperrjv  a).Xr,v  aÙTovojxo:  te  xat  9opiov  rjcrav  àizkzXz  (=liberse  et 
immunes),  tots  -rcàcrat  avvreXsïv  èxsXsùovto  xa\  ÙTiaxoùeiv.  Servius,  Ad  AEn.3,  20  : 
Apud  majores  {civitates)  aut  stipendarise  erant  aut  fœderatae  aut  liberae.  En  Si- 
cile, Cicéron,  Verr.  3,  6,  13,  distingue,  relativement  aux  impôts,  les  deux  civi- 
tates fœderatae,  quarum  decumse  venire  non  soleant,  les  cinq  cités  sine  fœdere 
immunes  ac  libéras  et  les  autres  cités  soumises  à  la  dime.  En  Bétique,  Pline 
cite,  3,  1,  7,  après  les  villes  de  droit  latin,  libertate  (donata)  VI,  fœdere  III, 
stipendiaria  CXX  (cf.  3,1,  12:  oppida  libéra  Astigi  vêtus,  Ostippo,  stipendiaria 
Callet  cet.),  où  c'est  sans  doute  par  une  erreur  que  les  villes  libres  sont  mises 
avant  les  fédérées.  Dans  la  liste  de  Pline  des  trois  provinces  du  nord  de  la 
Gaule  (3,  4),  les  peuples  «  fédérés  »  et  «libres  »  sont  distingués  exactement; 
il  y  en  a  quatre  des  premiers  (Carnutes,  Hœdui,  Lingons  et  Rémi)  et  onze 
des  seconds  d'énumérés.  Les  titres  employés  dans  les  inscriptions  en  Gaule 
et  en  Espagne  correspondent  à  ces  indications  :  les  Rémi  sont  souvent  ap- 
pelés fœderati  (Orelli,  3841.  Henzen,  5212),  la  ville  des  Helvètes  colonia  pia 
Flavia  constans  emerita  Helvetiorum  fœderata  (Inscr.  Helvet.  175)  d'autres 
cités  sont  appelées  liberœ  en  Gaule  (civitas  Vellavorum  libéra  '.  Henzen,  5221  ; 
civitas  Turonor.  lib.  :  Comptes  rendus  de  l'Acad.  1877,  p.  34)  et  en  Bétique  {mu- 
nicipium  Flavium  liberum  Singiliense:  CI.  L.  II,  2021.  2025).  Si  Pline,  5,  4,  29, 
cite,  en  Afrique,  après  les  villes  latines  (parmi  lesquelles  il  faut  comprendre 
d'après  sa  place  Voppidum  stipendiarium  unum)  oppida  libéra  XXX  et  leur 
oppose  les  autres  civitates  ou  nationes,\\  ne  parait  précisément  y  avoir  eu  là 
aucune  cité  admise  au  fœdus.  Les  mêmes  villes  sont  aussi  désignées  souvent 
comme  libres  (par  exemple,  Utique  est  appelée  par  Cicéron,  Pro  Scauro,  44, 
arnica  populo  Romano  ac  libéra  civitas),  et  encore  en  même  temps  comme  immu- 


284  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

dans  la  terminologie,  les  fœderati  et  liberi  sont  le  plus  sou- 
vent appelés  simplement  fœderati,  comme  c'est  naturel, 
puisque  la  fédération  implique  nécessairement  la  libertas;  il 
n'est  même  pas  rare,  et,  avons-nous  vu  (p.  280,  note  2),  il  est 
habituel  dans  la  moitié  grecque  de  l'empire  qu'on  les  désigne 
simplement  comme  des  villes  libres.  En  sens  inverse,  les  cités 
qui  sont  soumises  au  gouvernement  de  Rome,  mais  qui  s'ad- 
ministrent elles  mêmes  dans  une  forme  républicaine,  sont 
parfois  comptées  parmi  les  villes  libres;  mais,  ainsi  que  nous 
l'établirons  dans  la  partie  qui  suit,  ce  n'est  que  rarement  et 
abusivement  et  jamais  à  titre  officiel. 
jTovoixca.  La  désignation  de  la  ville  libre  comme  owtovo^o;  ne  se  pré- 
sente point  d'une  manière  indépendante  dans  la  terminologie 
latine,  bien  que,  dans  les  privilèges  des  villes,  elle  soit  repré- 
sentée par  la  concession  des  siœ  leges  (p.  323)  permanente  à 
côté  de  celle  de  la  liberté.  Les  termes  aÙTovojua  et  èXeuOepia  se  con- 
fondent en  ce  sens  qu'ils  se  rapportent  tous  deux  à  la  même  con- 
dition juridique,  envisagée  dans  le  second  du  côté  de  la  souve- 
raineté du  peuple  et  dans  le  premier  du  côté  de  l'existence 
d'une  constitution  distincte ,  et  par  suite  ils  sont  souvent  réu- 
nis (1).  Mais  cependant  les  Grecs  peuvent  déjà  avoir  regardé 
l'éXeuOepia  comme  l'antithèse  de  la  royauté  et  l'auTovojua  comme 


nés  (Acholla  :  civitas  libéra  et  immunis,  dans  Bell.  Afr.  33,  7,  de  même  Leptis 
minor,  eod.  loc.  7;  Theudalis  immune  oppidum  :  Pline,  5,  4,  23);  mais  il  n'y  a 
d'indiqués  comme  fédérés  que  les  gens  d'Utique,  dans  Cicéron,  Pro  Balbo> 
22,  51,  sans  doute  par  une  négligence  d'expression.  Cette  division  termi- 
nologique tripartite  ne  s'applique  pas  à  l'Orient. 

(1)  Polybe,  4,  27,  5.  21,19,  9.  c.  22,  7.  25,  5,  3.  Pale,  dans  l'île  de  Kephal- 
lenia  (C.  /.  AU.  3,  n.  481)  et  les  villes  de  Gilicie  Mopsos  (p.  285,  note  2)  et  Se- 
baste  (Eckhel,  3,  81)  portent  les  deux  désignations  dans  leur  titre  officiel.  Si 
Polybe,  18,  47,  6,  dit  :  MaxsSôvwv  (xev  o<jv  xoùç  'Opéataç  xaXouixévouç  8tà  to 
Tzporrx^pr^txi  acpccu  xaxà  tov  ■tcoXsjjlov  aÙTOv6fi.oyç  àçetaav,  r)Xev6ép(j>a-av  8s  Ilsppai- 
(3oùç  xai  A6Xo7ta;  xoù  MayvrjTa?  =  Tite-Live,  33,  34,  G  :  Orestis...  leges  suse  red- 
ditae  :  Magnétos  et  Perrhsebi  et  Dolopes  liberi  quoque  pronuntiati,  FaÙTovopua 
n'est  pas  désignée  par  là  comme  étant  différente  de  rè)eu6ep(a  et  comme 
constituant  une  condition  meilleure;  mais  Polybe  relève  pour  les  Orestes  de 
Macédoine  la  suppression  de  la  domination  royale  et  pour  les  Perrhaebi  non- 
Macédoniens  celle  de  la  domination  étrangère;  le  régime  juridique  établi 
chez  les  uns  et  les  autres  est  donc  le  même  (Willamowitz). 


LES  SUJETS  AUTONOMES.  285 

l'autonomie  communale  conciliante  avec  cette  dernière  (1); 
et  la  terminologie  romaine  de  la  fin  de  la  République  et  du 
temps  de  l'Empire  semble  avoir,  en  s'attachant  à  cette  idée, 
fait  une  distinction  entre  les  deux  termes.  Ce  n'est  sans  doute 
pas  par  un  pur  hasard  que, dan  s  les  titres  officiels,  Y  ocjTOvojua  pré- 
domine en  Syrie  et  dans  les  pays  limitrophes  et  l' gXeuOeoîa  dans 
le  reste  de  la  Grèce  (2).  Ainsi  que  nous  le  montrerons  plus  loin, 
il  est  probable  que  lVjTovojua  n'entraîne  pas  la  propriété  du  sol 
et  la  soustraction  à  l'impôt  romain  qui  en  est  la  conséquence, 
qu'elle  constitue  par  suite  une  indépendance  dépouillée  de  ses 
effets  essentiels,  et  qu'elle  se  rapproche  plus  de  la  sujétion 
proprement  dite  que  du  droit  des  villes  libres  dépendantes. 
Les  sujets  autonomes  du  peuple  sont  appelés  bien  plus 
fréquemment  que  populi  fœderati  ou  populi  liberi ,  socii 
populi  Romani.  Le  mot  socius  qui,  dans  son  sens  primitif, 
désigne  le  compagnon,  l'auxiliaire  (3)  est,  en  matière  de  droit 
public,  comme  le  mot  allemand  «Bundesgenosse»,  appliqué  à 
l'idée  de  concours  militaire  :  nous  le  voyons  à  la  fois  dans  la 
désignation  semblable  donnée  à  ceux  qui  se  sont  alliés  aux 
Romains  pour  une  guerre  isolée,  dans  le  nom  de  socii  navales 
donné  dès  un  temps  très  ancien  aux  membres  des  cités  ita- 
liques obligées  à  fournir  des  secours  au   cas  de  guerre  mari- 


(1)  Seleukos  II  Kallinikos  èpspaiaxrev  tw  8%o)  (Magnesia  près  du  Sipy- 
los)  tyjv  aùxovojAtav  xa\  8r,{j.oxpaT:'av  (C.  1.  Gr.  3137,  ligne  10;  cf.  ligne  65). 

(2)  Les  nombreuses  villes  de  Syrie  et  de  Gilicie  qui  s'attribuent  le  titre 
a-JTovofj-oç  sur  leurs  monnaies,  sont  énumérées  par  Eckhel,  4,  263.  Sont  attes- 
tées par  des  inscriptions:  en  Syrie,  Antioche  (C.I.Gr.  III,  p.  1172,  n.  4476; 
cf.  Porphyre,  chez  Eusèbe,  éd.  Sch.  p.  262  :  'O  Se  —  Pompée  —  Xapwv 
Tiapà  'AvTicr/éoov  -/p-r^ara....  ocùtovojjiov....  ty|v  tcoXiv  eiaas),  —  Balanea  (Renan, 
Mission  de  Phénicie,  p.  107  :  ...a-jTovo(xou[jtivtov,  —  Gaza  (C.  /.  Gr.  5892,  sous 
Gordien),  —  Tyr  {C.  I.  Gr.  5853,  de  Fan  174,  après  J.  G.  ;  cf.  Strabon,  16,  2, 
93,  p.  757  :  Où-/  ûtto  tûv  fixer iXéwv  8'èxpi6T)<rav  aÙTovofxoi  [jlovov,  àXXà  xoù  ùtto  xà>v 
cPa)[xata)v,  [xr/pà  àvaXcodavTsç,  |3s[3aia)<7avTa)v  tyjv  èx£:'va)v*yv66(xr,v  et  Dion, 54,  7); 
en  Gilicie  Mopsos  (C.  I.  Gr.  5885,  sous  Antonin  le  Pieux  :  'Ispà  xal  èXsuôépa 
xal  ât<ruXoç  xcà  aùxovo^o;  xa\  çîXyjxal  a-u^or/oç  'Pwfxacov).  — En  dehors  de  ces 
limites,  le  titre  est  porté  par  Termessos  en  Pisidie,  Tyana  en  Gappadoce,  et, 
réuni  avec  llvMpx,  par  Pale  dans  l'ile  de  Kephallenia  (p.  284,  note  1).  Sur 
Aphrodisias,  cf.  p.  280,  note  1. 

(3)  Etymologiquement  socius  est  parent  d'as-secla,  segui,  secundus  (Cors- 
sen,  Auss-prache,  2,  29.  153;  Gurtius,  Griech.  Etym.  5e  éd.  p.  460). 


Socii. 


286  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

time  (1),  et  enfin  dans  la  traduction  constante  du  mot  par  le  mot 
grec  aû^cc/pi.  La  communauté  d'armes  conclue  à  temps  est 
étrangère  à  l'emploi  qui  en  est  fait  en  droit  public:  on  ne  regarde 
comme  alliés  du  peuple  romain  que  les  États  entrés  à  titre 
durable  dans  cette  condition.  Jusqu'à  la  guerre  des  Marses,  le 
mot  est  employé  de  préférence  pour  désigner  les  alliés  itali- 
ques (2),  parce  qu'ils  étaient  militairement  unis  aux  Romains, 
à  titre  permanent,  dans  des  formes  précises.  Mais  cependant  la 
qualité  de  socii  populi  Romani  ne  peut  pas  être  refusée  aux 
peuples  fédérés  non-italiques.  Peu  importe  pour  la  societas  que 
la  cité  autonome  soit  liée  à  Rome  par  un  fœdus  juré  ou  de  toute 
autre  façon.  L'extension  du  mot  aux  sujets  qui  ne  sont  pas  au- 
tonomes est  abusive;  mais  cependant  elle  a  été  faite  dans  une 
très  large  mesure,  spécialement  depuis  que  les  anciens  alliés 
militaires  italiques  ont  été  absorbés  dans  le  peuple  romain. 


(i)  Nous  ne  trouvons  assurément  l'expression  employée  que  pour  les  ma- 
rins de  la  marine  de  guerre,  sans  qu'il  soit  fait  de  distinction  selon  qu'ils 
sont  Romains,  étrangers  ou  esclaves,  en  général  par  opposition  aux  soldats 
de  l'armée  de  terre  reçus  à  bord  (Tite-Live,  9,  38,  2.  21,  49,  7.  c.  61,  2.  22, 
11,  7.  c.  31,  3.  25,  48,  6.  32,  23,  9,  etc.;  Herm.  Haupt,  Hernies,  15,  154 et  ss.), 
parfois  aussi  par  opposition  aux  rameurs  (Tite-Live,  37,  10,  9).  Mais  cette 
dénomination  ne  peut  venir  que  d'une  chose:  c'est  de  ce  que  le  gros  de  ces 
matelots  était  fourni  en  temps  ordinaire  par  les  villes  fédérées  obligées  au 
service  de  la  flotte. 

(2)  C'est  ce  que  montrent  avant  tout  les  habitudes  de  langage  militaire 
bien  connues  du  temps  antérieur  à  la  guerre  sociale  :  les  contingents  des 
socii  sont  constamment  ceux  des  alliés  italiques,  en  règle  générale  sans  qu'on 
ajoute  de  qualification  pour  préciser.  Les  socii  nominisve  Latini  sont  égale- 
ment opposés  aux  exterœ  nationes  dans  la  lex  repetundarum  de  631-632 
(p.  231,  note  1);  car,  les  choses  considérées  dans  leur  ensemble,  les  socii 
étaient  alors  des  Italiens  et  les  non-Italiens  des  sujets.  C'est  aussi  ce  qui 
justifie  l'expression  sociale  hélium  (Tacite,  Afin.  6, 12,  etc.),  quoiqu'on  dise  or- 
dinairement plutôt  Italici  populi  et  bellum  Italicum.  Tite-Live  emploie  ex- 
ceptionnellement (p.  288,  note  3)  l'expression  socii  et  Italici  populi,  tandis 
que  Salluste,  Jug.  40,  2,  dit,  en  paraphrasant  la  formule  ordinaire,  ho- 
mines  nominis  Latini  sociique  Italici  et  qu'il  met,  43,  4,  les  reges  à  côté  des 
socii  nomenque  Latinum.  Dans  le  même  sens,  la  loi  agraire  (p.  231,  note  1) 
détermine  plus  précisément  les  socii  nominisve  Latini  par  la  mention  delà  for- 
mula togatorum.  On  trouve  encore  également,  dans  les  Verrines,  les  socii  et 
les  exterœ  gentes  mis  en  opposition  (p.  217,  note  1);  mais,  à  cette  époque,  les 
socii  sont  certainement  tous  en  même  temps  des  exleri.  Le  langage  ancien 
continue  là  à  faire  sentir  son  influence. 


LES   SUJETS  AUTONOMES.  287 

Nous  nous  occuperons,  dans  la  partie  qui  suit,  de  cette  accep- 
tion élargie  de  l'époque  récente  ;  l'acception  ancienne,  selon 
laquelle  il  n'y  a  d'autres  socii  que  les  peuples  politiquement  au 
tonomes,  s'est  maintenue,  à  côté  de  celle-là,  jusque  sous  l'Em- 
pire (1). 

Il  nous  reste  à  chercher  dans  quelle  mesure  la  terminologie   Nominis Litini 

et  socii. 

a  pu  séparer  les  sujets  autonomes  non-latins  des  latins.  Bien 
que  la  ligue  nationale  latine  ait  été  le  germe  et  la  semence  du 
régime  des  alliés  romains  et  que,  comme  nous  avons  déjà  re- 
marqué (p.  242  et  ss.),  la  fédération  italique  soit,  en  un  certain 
sens,  une  extension  du  Latium,  les  Latins  ne  sont  cependant, 
dans  la  terminologie  rigoureuse,  pas  plus  compris  parmi  les  socii 
du  peuple  romain  que  parmi  les  fœderati  (p.  279,  note  2);  car  la 
confédération  romano-latine  ne  fait  pas  autre  chose  que  don- 
ner une  formule  juridique  à  la  communauté  de  nationalité, 
elle  est  plutôt  réglée  que  fondée  par  les  traités,  et  au  contraire 
l'union  militaire  (socii),  tout  comme  l'union  fédérative  (fœde 
i%ati),  présente,  au  sens  strict,  un  certain  caractère  accidentel 
Mais  la  terminologie  rassemble  les  Latins  et  les  socii  italiques 
les  titres  du  sixième  et  du  septième  siècle  nomment  couram 
ment  les  Latins  et  les  alliés  (italiques)  les  uns  à  côté  des  autres 
Dans  le  langage  correct,  les  deux  catégories  sont  séparées  ; 
mais  il  n'y  a  que  dans  le  titre  le  plus  ancien,  dans  celui  de  568 
(p.231,  note  1)  que  la  catégorie  la  plus  ancienne  et  la  plus  éle- 
vée soit  mise  la  première  ;  postérieurement  elle  n'est  mise  en 
tête  que  lorsque  l'écrivain  veut  opposer  les  deux  classes  (2),  et 


(1)  Cicérori,  Pro  Balbo,  9,  24  :  In  praemiis...  exc.lusos  esse...  socios,  quae  pa- 
teant  stipendiariis.  Le  même,  In  Cœc.3,  7:  Socii  stipendiariique  populi  Romani. 
Suétone,  Caes.  25:  Omnem  Galliam...  praeter  socios...  civitates  in provinciœ  for- 
mam  redegit.  Sous  Marc  Aurèle  encore,  le*  arvales  font  des  vœux  pour  voir 
prospères:  R[es  publica populi  Romani  quiritium,  imperium  Roma]num,  éxer- 
citus,  so[ci,  natione]s,  quae  sub  dicione  p(opuli)  R(o?nani)q(uiritium)  sunt  (Hen- 
zen,  Arv.  p.  clxxviii,clxxx). 

(2)  C'est  le  cas  de  la  formule  amplifiée  de  Salluste,  Jug.  40,  2  (p.  286, 
note  2)  et  de  la  relation  de  Tite-Live  de  la  défection  des  villes  fédérées  dans 
la  guerre  d'Hannibal  :  Tito-Live,  27,  9,  y  place  le  Latinum  nomen  ou  les  La- 
Uni  avant  les  socii,  et  il  dit  ensuite  du  refus  de  concours  des  douze  colonies  : 
Idem  alias  colonias  facturas,  idem  socios. 


288  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

sans  cela  elle  est  toujours  placée  la  seconde  (1).  Dans  un  lan- 
gage moins  correct,  on  substitue  même  aux  «  Latins  et  aux  al- 
liés »  ou  aux  «  alliés  et  aux  Latins  »  «  les  alliés  de  la  race  la- 
tine »  (2)  ou  les    «  Latins  »    tout  court,  (3),  en  faisant  ainsi 


(1)  Cette  violation  surprenante  de  l'ordre  chronologique  et  hiérarchique 
a  sans  doute  exclusivement  pour  but  de  faciliter  grammaticalement  le  dis- 
cours :  l'ordre  socii  nominisque  Latini  est  plus  commode  que  l'ordre  inverse, 
parce  qu'il  met  le  membre  de  phrase  indéclinable  le  second.  En  dehors  des 
titres  cités  p.  231 }  note  1,  on  trouve: 

Socii  ac  nomïnis  Latini,  Tite  Live,  41,  8,  9.  c.  9,  9. 

Socii  ac  Latinwn  nomen,  Tite-Live,  33,  26,  4.  37,  2,  6.  9.  c.  39,  7.  40,  1,  6. 

Socii  ac  nomen  Latinum,  Tite-Live,  35,  7,  5. 

Homines  nominis  Latini  et  socii  ltalici,   Salluste,  Jug.  40,  2. 

Socii  et  nomen  Latinum,  Gicéron,  Brut.  26,  99;  De  re  p.  1,  19,  31.  Salluste, 
Jug.  39,  2.  Tite-Live,  2,  41,  6.  39,  20,  3. 

Socii  et  Latinum  nomen,  Tite-Live,  22,  27,  11.  34,  56,  5. 

Latinum  nomen  sociique,  Tite-Live,  27,  9,  1 . 

Socii  nomenque  Latinum,  Gicéron,  De  re  p.  3,  29,  41.  Salluste,  Jug.  43,  4. 
Tite-Live,  8,  3,  8.  10,  26,  14.  36,  3,  13.  41,  14,  10. 

«Socii  Latinumque  nomen,  Tite-Live,  22,  57,  10. 

Latini  sociique,  Tite-Live,  27,  9,  2. 

Socii  et  Latini,  Gicéron,  Verr.  5,  24,  60  ;  Pro  Sest.  13,  30  ;  Pro  Balbo,  8,  21  ; 
Lxl.  3,  12. 

Socii  populi  ac  Latini,  Gicéron,  Pro  Balbo,  8,  20. 

Socii  et  Latium,  Salluste.  Hist.  1,  17.  c.  41,  12,  éd.  Dietsch. 

(2)  On  trouve  très  fréquemment,  dans  Tite-Live,  socii  Latini  nominis  ou  so- 
cii nominis  Latini  employé  de  telle  sorte  que  le  génitif  y  dépend  forcément 
de  socii  (29,  24,  14.  30,  41,  5.  38,  35,  9.  c.  44,4.  39,  3,  4.40,  1,  5.  c.  19,6.  c.  36,  9. 
c.  43,  7.  c.  44,  12.  41,  5,  4.  c.  9,  9.  c.  14,  6.  43,  12,  7.  44,  21,  6);  de  même  dans 
Asconius,  In  Pison.  éd.  Orclli,  p.  17  :  Nominis  Latini  socios.  Par  conséquent 
la  formule,  fréquente  chez  Tite-Live,  socium  Latini  nominis  (par  exemple,  21, 
55.  4.  26,  17,  1.  35,  20,  4.  37,  2,  2.  39,  3,  4.  c.  20,  7.  40,  36,  6.  11.  c.  44,  5.  43, 
12,  3)  ne  peut  pas  non  plus  être  considérée  comme  étant  asyndétique  dans 
la  pensée  de  l'auteur  ;  les  deux  termes  ont  sans  doute  été  conçus  comme 
asyndétiques  à  l'origine;  mais,  en  présence  de  l'indéclinabilité  du  second,  il 
était  impossible  de  le  manifester,  et  cela  a  fini  par  ne  plus  être  senti.  Get 
obscurcissement  du  discours  aura  dénaturé  le  langage,  en  même  temps  que 
les  Latins  et  le  reste  de.;  populations  italiques  se  mélangeaient  en  fait. 

(3)  Tite-Live,  22,  37,  7  :  Milite  atque  équité  scire  nisi  Bomano  Latinique  no- 
minis non  uti  populum  Bomanum.  43,  12,  l'un  des  consuls  reçoit  un  certain 
nombre  sociorum  nominis  Latini,  et  à  l'autre  il  est  Latinorum  major  quam  col- 
lège decretus  numerus.  Per.  20  :  Eo  bello  (pour  la  guerre  des  Celtes  en  529) 
populum  Bomanum  sui  Latinique  nominis  DCCC  armatorum  [Fabius?]  ha 
buisse  dicit  (ensuite  vient,  comme  on  sait,  l'énumération  de  tous  les  contin- 
gents italiques).  De  même,  22,7,  5.  c.  50,  6.  23, 17,  8  (où  l'expression  alterne 
avec  Latini  nominis  ac  socii).  30,  43,  13.  37,  39,  7.  39,  20,  1.  C'est  pourquoi  il 
ne  faut  pas  non  plus  changer,  dans  22,  38,  1,  la  lecturequi  nous  a  été  trans- 
mise: Dum  socii  ab  nomine  Latino  venirent.lL' expression  n'est  là  ni  meilleure 


LES   SUJETS  AUTONOMES.  289 

rentrer  les  alliés  italiques  parmi  les  Latins.  On  peut  ajouter 
que  la  toge,  qui  donne  son  nom  officiel  à  toute  l'union  militaire 
italique  (p.  302),  est,  au  sens  propre,  le  costume  national  latin 
et  que  le  nom  de  manicipium,  qui,  étant  fondé  sur  la  commu- 
nauté de  propriété  foncière,  ne  convenait  en  face  de  Rome 
qu'aux  cités  latines  (VI,  1 ,  p.  262),  est,  après  la  guerredes  Marses, 
pris  par  toutes  les  cités  italiques  jusqu'alors  autonomes.  Cette 
terminologie,  dont  nous  ne  pouvons  établir  l'existence  que  pour 
l'époque  postérieure  à  cette  guerre,  mais  sans  aucun  doute  seu- 
lement parce  que  les  anciens  ouvrages  en  prose  sont  perdus,  doit 
avoir  tiré  son  origine  de  cette  latinisation  croissante  de  l'Italie  qui 
a  été  opérée  tant  en  fait  qu'en  droit  dans  les  derniers  siècles  de 
la  République  et  que  nous  avons  déjà  étudiée  précédemment 
(p. 242).  Ce  qui  s'était  produit  en  droit  pour  les  Herniques  doit 
s'être  plus  ou  moins  répété  en  fait  pour  toute  la  péninsule  et 
avoir  amené  un  état  de  choses  dont  la  législation  provoquée  par 
la  grande  guerre  fut  la  conclusion.  Mais  cependant  il  ne  faut 
pas  que  cette  terminologie,  qui  se  rencontre  principalement  dans 
des  énonciations  d'ensemble  et  qui  est  au  sens  propre  abusive, 
conduise  à  regarder  la  distinction  des  Latini  et  des  togati  comme 
écartée  dès  avant  la  guerre  des  Marses.  Il  se  peut  que  cer- 
taines cités  italiques  aient  été  de  bonne  heure  légalement  assi- 
milées aux  Latins  ;  mais  il  est  certain  que  les  alliés  italiques 


ni  pire  que  dans  tous  les  textes  rassemblés  ici.  —  Si  les  Latini  sont  une 
quantité  innombrable  de  fois  compris  parmi  les  socii,  il  n'y  a  pas  là  une  in- 
correction, mais  seulement  un  emploi  du  mot  fait  dans  un  sens  plus  large  que 
le  sens  rigoureusement  technique,  tout  comme  pour  le  grec  (r\)[i\ioiyoi.  — -  Ces 
tournures  se  trouvant  dans  notre  littérature  exclusivement  chez  des  écrivains 
qui  décrivent  les  institutions  du  passé,  leur  langage  constant  doit  être  ratta- 
ché à  la  période  ancienne;  mais  on  ne  peut  pas  peser  chaque  phrase  parti- 
culière au  trébuchet,  et  il  faut  tenir  compte  des  incorrections  de  langage. 
Gicéron,  Pro  Balbo,  8,  21  :  Julia...  lege  civitas  est  sociis  et  Latinis  data,  ne  veut 
pas,  nous  montre  la  suite  du  texte,  identifier  les  deux  catégories;  mais  il 
réunit,  par  une  négligence  de  langue,  la  loi  Julia  relative  aux  Latins  et  la  loi 
Plautia  relative  aux  socii.  La  formule  incorrecte:  Socii  et  Italici populi  dans 
Tite-Live,  Per.  72,  peut  être  mise  au  compte  de  l'abréviateur.  Tite  Live,  41,  8, 
9  :  Lex  sociis  ac  nominis  Latini...  dabat,  ut  cives  Romani  fièrent,  est  très  cho- 
quant, puisqu'il  s'agit  là  indubitablement  d'un  privilège  latin  (p.  261,  note  1). 
Cependant  il  est  cette  fois  difficile  d'imputer  la  responsabilité  de  la  faute  aux 
copistes. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2«  p.  i9 


autonome. 


290  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

en  général,  n'ont  pas  été  fondus  dans  le  Latium  ;  c'est  dans 
Rome  qu'ils  ont  été  fondus  en  même  temps  que  le  Latium. 


Lasujéiion  Quant  aux  effets,  nous  avons  déjà  expliqué  que  le  rapport 
d'alliance,  qui  doit  être  étudié  ici,  contient  toujours  un  rapport 
d'amitié  (1)  et  ne  peut  pas  plus  être  formé  à  temps  que  le 
rapport  d'amitié  (2).  Pour  le  surplus,  il  est  de  nature  double: 
il  produit,  d'unejpart,  un  assujettissement  limité  à  Rome  et, 
d'autre  part,  une  indépendance  politique  également  limitée, 
mais  garantie  par  la  puissance  protectrice. 

Le  caractère  de  sujets  des  alliés  est  déjà  exprimé  dans  les 
monuments  les  plus  anciens  (3),  et,  dans  les  traités  modernes 
d'alliance,  il  est  directement  affirmé  par  la  reconnaissance  des 


(1)  P.  214,  note  2.  La  distinction  du  simple  traité  d'amitié  et  de  la  relation 
de  société'ressort  de  la  manière  la  plus  énergique  dans  les  négociations  en- 
tre les  Romains  et  les  Rhodiens  en  587  (Polybe,  30,  5,  6  =  Tite-Live,  45, 
25;  Polybe,  31,  1,  4.  c.  7,  20)  à  la  suite  desquelles  les  seconds  furent  obligés 
de  renoncer  à  leurjamitié  de  140  ans  avec  Rome  et  de  se  faire  incorporer  (<ruv- 
8uaÇ£iv)^dans  l'alliance  militaire  (au^axîa)  (cf.  Appien,  B.  c.  4,  66).  Le  roi 
Philippe  reçoit  aussi  le  conseil,  quoniam  pacem  impetrasset,  ad  societatem  ami- 
citiamque  petendam  Romam  mitteret  legatos  (Tite-Live,  33,  35,  5). 

(2)  P.  210.  Une  conclusion  révocable  est  inconciliable  avec  la  nature  de 
l'autonomie  limitée.  Mais  il  est  accordé  une  exemption  révocable  de  diverses 
charges  pénibles  qui  y  sont  contenues  (Appien,  Hisp.  44). 

(3)  Dans  le  premier  traité  avec  Carthage  (Polybe,  3,  22),  les  Romains,  qui 
traitent  pour  eux  et  leurs  alliés,  se  font  promettre  que  les  Carthaginois  ne  fe- 
ront de  dommage  à  aucun  Latin,  ô'aoi  av  ûirrjxoot  'èàv  8s  tivsç  (jlyj  uxt-.v  ûtctjxooi 
xtà.  ;  et  le  second  (Polybe,  3,  24)  laisse,  d'une  manière  analogue,  aux  Cartha- 
ginois la  liberté  de  prendre  dans  le  Latium  une  ville  non  soumise  aux  Ro- 
mains (uoX'.v  Tivà  [xr,  oùaav  ôinjxoov  'Pop-ouoiç)  et  d'en  emporter  les  personnes 
et  les  choses.  Nous  avons  déjà  signalé  (p.  213,  note  3)  l'opposition  énergique 
qui  est  faite  là  entre,  les  sujets  alliés  et  les  amis  indépendants  (rcpbç  ouç  etpijvn 
jxév  èoriv  £YYpa7iToç  'Pw^aîot;,  jrr)  urcoTàxTovrai  Se  xi  av/Toï?).  —  On  ne  peut  dire 
avec  certitude  quelles  expressions  latines  sont  traduites  par  ôirqxooç  et  0-o- 
xâxxBtxbai  Tivt  ;  peut-être  parère.  —  On  comprend  que,  dans  un  langage 
rhétorique  ou  d'opposition,  cette  condition  puisse  être  désignée  comme  une 
servitude.  C'est  ainsi  que  dans  un  titre  carthaginois  (Polybe,  7,9, 13),  les  Ro- 
mains sont  désignés  comme  les  maitres  (yvpioi)  des  Kerkyréens,  et  que  Ci- 
céron  (Verr.  1. 1,  32,  81)  appelle  les  gens  de  Lampsaque  condicione  socii,  fortuna 
servi.  Tacite,  Hist.  2,  81,  parle  même,  sans  idée  d'accentuation  spéciale,  de 
reges  inservientes. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  291 

droits  de  souveraineté  du  peuple  romain  (1).  Cet  assujettisse- 
ment résulte  avec  une  telle  nécessité  de  la  condition  des  alliés 
que  l'expression  fœdus  œquum,  qui  par  elle-même  exprime  la 
reconnaissance  réciproque  de  l'égale  souveraineté  des  États  con- 
tractants, est  employée  par  la  langue  technique  pour  désigner 
le  traité  qui  implique  également  une  dépendance,  mais  qui  ne 
l'exprime  pas    directement  par  la  formule  de  majesté  (2).  — 

(1)  La  clause  majestatem  populi  Romani  conservante  est  interprétée  par 
Cicéron,  Pro  Balbo,  16,  35,  36  :  Ici  habet  hanc  vimy  ut  sit  Me  in  fœdere  infe- 
rior...  cum  alterius  populi  majestas  conservari  jubefut,  de  altero  siletut,  cette 
ille  populus  in  superiore  condicione  causaque  ponitut,  cujus  majestas  fœderis 
sanctione  defenditut;  de  même,  peut-être  en  partant  de  cette  interprétation 
de  Cicéron,  Proculas,  Dig.  49,  15,  7,  1:  Hoc...  adjicitur,  ut  intellegatut  alterum 
populum  superiotem  esse,  non  ut  intellegatut  alterum  non  esse  liberum  '.  et 
quemadmodum  clientes  nostros  intellegimus  libetos  esse,  etiamsi  neque  auctoti- 
tate  neque  dignitate  neque  virib[us]  nobis  p[ai*es]  sunt,  sic  eos  qui  majestatem 
nosttam  comitet  consetvaredebent,  libetos  esse  intellegendum  est.  On  ne  peut 
établir  que  cette  formule  ait  été  mise  dans  le  traité  d'une  ville  italique,  et 
même  ailleurs  elle  n'était  pas  dans  tous  les  traités  [quod  non  est  in  omnibus 
fœderibus)  ;  nous  la  trouvons  dans  le  traité  avec  Gades  conclu  en  548  et  re- 
nouvelé en  616  (Cicéron,  loc.  cit.)  et  dans  le  traité  avec  les  iEtoli  de  565  se- 
lon Polybe,  21,  32,  2  :  'O  8t)(J.o<  6  •ïàiv  Aît<o)>ô)v  rr\v  àp-/r]v  xa\  tyjv  Suvaareïav  xoû 
Bt,|xo-j  :wv  'Pcopuxîcov  (la  suite  manque)  =  Tite-Live,  38,  11,  2:  lmperium  ma- 
j estât emque  populi  Romani  gens  JEtolotum  consetvato  sine  dolo  malo. 

(2)  Fœdus  œquum  peut  signifier  ce    qu'indique  le  sens  des  mots,  cela  va 
de  soi  ;  dans  une  série  de  textes  de  Tite-Live,  (9,  4,  4.  c.   20,  8,  où  il  est 
opposé  à  in  dicione  esse.  34,  57,  8.  39,  37,  13)  et  dans  Justin  (43,  5,  10  :  Fœdus 
aequo  jute  petcussum,  du  traité  conclu  entre  Rome  et  Massalia  après  l'in- 
cendie de  Rome  par  les  Gaulois),    il  ne  peut  non  plus  être  compris  que  du 
traité  public  fondé  sur  la  reconnaissance  réciproque  de  la  pleine  souverai- 
neté des  parties.  Mais  le    style  officiel  douceâtre  désigne  plutôt  par  là  le 
traité  qui  établit  l'hégémonie    romaine  sans  contenir  directement  la  clause 
de  majesté.  C'est  ainsi  que  Proculus,  loc.  cit.  les  définit  :  Libet  populus  estis 
quinullius  oltetius  populi  potestati  est  subjectifs  (il  faut  effacer  sive).   Is  fœde- 
tatusest  item,  sive  aequo  fœdete  in  amicitiam  venit  sive  comptehensum  est,  ut  is 
populus  altetius  populi  majestatem  comitet  consetvatet.  Car,  puisque  l'expres- 
sion populus  fœdetatus  ne  peut  être  étendue  aux  cités  qui  ne  font  pas  par- 
tie de  l'empire  (p.  278)  et  que  la  clause  de  majesté  ne  se  trouvait  pas  selon 
Cicéron  dans  tous  les  traités  conclus  avec  des  cités  fédérées  de  l'empire, 
Proculus  ne  peut  avoir  entendu  par  fœdus  xquum  que  le  traité  qui  fonde 
l'autonomie  vassale  sans  clause  directe  de  majesté  et  qui  par  conséquent 
suppose  en  la  forme  la  souveraineté  réciproque  des  deux  contractants.  On 
ne  peut  non  plus  comprendre  que  dans  ce  sens  la  désignation  de  l'alliance 
avec  Camerinum   comme  fœdus  sanctissimum  et  aequissimum  dans  Cicéron, 
Pro  Balbo,  20,  46,  et  comme  fœdus  xquum  dans  Tite-Live,  28,  45,  20.  C'est 
aussi  avec  raison  que  lus  Latins  appellent,  dans  Tite-Live,  8,  4,  2,  leur  con- 
dition umbta  fœderis  sequi  (p.  238,  note  3),  et  le  traité  avec  Gapoue  est  éga- 
lement considéré  de  cette  façon  dans  Tite-Live,  23,  5,  9  (p.  190,  note  3). 


292  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

Quoique  dans  ces  relations  internationales  on  ne  puisse  pas 
absolument  distinguer  la  question  de  fait  de  la  question  de 
droit,  l'autonomie  légalement  restreinte  de  la  dépendance  dans 
laquelle  l'État  le  plus  faible  se  trouve  en  face  du  plus  fort  (1), 
les  développements  qui  suivent  montreront  que  les  Romains, 
sans  avoir  peut-être  fixé  théoriquement  la  définition  de  l'au- 
tonomie dépendante,  entendaient  cependant  par  là  une  condi- 
tion déterminée:  en  premier  lieu,  la  renonciation  durable  et 
conventionnellement  réglée  aux  droits  de  faire  la  guerre  et  de 
traiter,  qui  sont  compris  avec  une  nécessité  logique  et  pratique 
dans  la  souveraineté  et  qui  passent  à  la  puissance  suzeraine  ; 
ensuite  l'obligation  durable  à  la  fourniture  de  secours  militai- 
res ou  au  paiement  d'un  tribut,  qui  est  également  inconcilia- 
ble avec  la  souveraineté.  Gomme  nous  avons  vu,  le  rapport  de 
dépendance  ne  se  révèle  pas  dans  les  noms.  Les  Romains, 
fidèles  à  leur  habitude  d'éviter  la  dureté  des  mots  sinon  la  du- 
reté des  actes,  s'abstiennent,  avant  tout  à  l'égard  des  alliés,  d'ex- 
primer directement  leurs  rapports  de  maîtres  et  de  sujets  (2). 


(1)  Les  traités  que  Rome  conclut  avec  Garthage  après  la  guerre  d'Han- 
nibal  et  avec  le  roi  Antiochus  après  la  bataille  de  Magnesia,  restreignaient 
leur  souveraineté  d'une  manière  sensible  et  durable  et  les  mettaient,  au 
point  de  vue  politique,  dans  la  dépendance  durable  de  Rome  ;  mais  ces 
États  ne  perdaient  ni  le  droit  de  faire  la  guerre,  ni  celui  de  conclure  des 
traités,  et  ils  n'entraient  pas  dans  une  communauté  d'armes  perpétuelle 
avec  Rome  ;  donc,  au  point  de  vue  du  droit  public,  ils  ne  peuvent  être 
comptés  que  parmi  les  amici  et  non  parmi  les  socii populi  Romani .  Les  villes 
grecques  sont  également,  après  la  défaite  de  la  Macédoine,  politique- 
ment sous  le  protectorat  de  Rome  ;  mais  la  réponse  de  la  ville  de  Ghalcis 
au  roi  Antiochus  selon  laquelle  elle  ne  veut  conclure  d'alliances  que  sur 
les  indications  {ex  auctoritate)  de  Rome  (Tite-Live,  35,  46,  13),  prouve  que 
légalement  elle  n'était  pas  empêchée  d'en  conclure. 

(2)  Le  jurisconsulte  Proculus  (p.  291,  note  1)  compare  très  justement  le 
droit  des  Romains  sur  les  populi  fœderati  et  liberi  à  la  clientèle  ;  Gicéron 
dit,  d'une  manière  analogue,  De  off.  2,  8,  27  :  Illud  (le  gouvernement  ro- 
main antérieur)  patrocinium  orbis  terrse  verius  quam  imperium  poterat  no~ 
minari,  et  Tite-Live,  37,  54,  17,  fait  les  Rhodiens  parler  du  patrocinium 
receptœ  in  /idem  et  clientelam  v  es  tram  universœ  gentis  (de  même  les  Syracu- 
sains,  26,  32,  8).  Mais  terminologiquement  on  n'emploie  pas  ici  les  mots 
cliens  et  clientela.  —  La  position  de  Rome  en  face  des  États  dépendants  est 
encore  moins  considérée  comme  un  palronatus,  quoique  ce  droit  soit  attri- 
bué, avec  une  précision  technique,  sur  les  colonies  latines  à  celui  qui  les  a 
déduites  et  sur  les  cités  arrivées  au  fœdus  par  une  dédition  aux  magistrats 


LES  SUJETS   AUTONOMES.  293 

L'État  autonome,  qui  entre  dans  l'union  militaire  romaine,  Perte  da  droit  de 

'    ^  conclure  des 

perd  le  droit  d'être  dans  une  relation  juridique  durable  avec  ^J^oLux. 
un  État  autre  que  Rome,  et  tous  ses  traités  antérieurs  sont  abro- 
gés. Par  suite,  non  seulement  un  pareil  État  ne  peut  con- 
clure de  traité  avec  aucun  Etat  qui  se  trouve  en  dehors  de 
l'empire  ;  mais,  par  une  déduction  logique  de  ce  principe,  tant 
les  ligues  de  peuples  égaux  que  les  liens  de  vassalité  existant 
entre  cités  différentes  sont  supprimés  dans  le  cercle  de  l'hé- 
gémonie romaine.  —  Les  conventions  dépourvues  d'intérêt  po- 
litique conclues  entre  deux  cités  dans  des  buts  spéciaux  doivent 
être  restées  permises  aux  cités  autonomes  malgré  la  supréma- 
tie romaine.  Ainsi  par  exemple,  il  nous  a  été  conservé  un 
traité  conclu  entre  les  deux  villes  campaniennes  de  Nola  et 
d'Abella,  relativement  à  un  temple  d'Hercule  commun  élevé  à 
la  limite  de  leurs  territoires. 

Nous  avons  déjà  étudié  la   suppression   des  ligues  de  peu-  sa^yrewon  des 
pies    dans    son    application  la  plus    importante,    dans  celle      peuple», 
qui  fut  faite  au  Latium.  Nous  avons  vu  là  que  ce  point  angu- 
laire de  l'hégémonie  romaine  n'en  fut  aucunement  le  point  de 
départ.  Les  villes  latines  ont  été  liguées  entre  elles  jusqu'en 
416,  toutes  les  villes  herniques  jusqu'en  448,  trois  des  villes 
herniques  encore  plusieurs  années  après  (p. 243).  Mais,  à  partir 
de  cette  époque,  le  principe  de  la  dissolution  des  ligues  de  race, 
des  concilia^été  rigoureusement  appliqué  aux  cités  autonomes. 
En  Italie,  on  ne  peut  y  signaler  d'autre  dérogation  que  la  sur- 
vivance religieuse  de  la  confédération  des  trente  cités  latines 
dans  la  fête  du  Latiar  célébrée  sur  le  mont  Albain  (p.  233)  et    confédération 
que  la  fête  collective  analogue  des  villes  étrusques  célébrée  à 
Volsinii  sous  la  présidence  des  préteurs  et  des  édiles  du  pays 

L 

helléniques 


organisé  à  l'image  des  villes  (1).  Hors  de  l'Italie,  on  ne   ren-  Li-ues  dc 


qui  ont  reçu  la  dédition;  l'obstacle  paraît  avoir  été  ici  que  la  cité,  comme 
personne  juridique,  pouvait,  dans  l'ancien  droit,  difficilement  exercer  un 
patrocinium  autrement  que  par  l'intermédiaire  de  ses  magistrats. 

(1)  La  subsistance  religieuse  de  la  ligue  des  villes  étrusques  même  sous 
la  domination  romaine  est  attestée  soit  par  V Ara  de  Caere,  sur  laquelle  sont 
ou  étaient  représentées  ces  villes  (sont  conservées  Tarquinii,  Vetulonium, 
Voici),  soit  par  le  remarquable  rescrit  adressé  par  Constantin  aux  Umbri 


294  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

contre  jamais  d'organisation  fédérative  chez  les  États  autono- 
mes ayant  quelque  importance  comme  Massalia,  Rhodes, 
Sparte,  Athènes.  Au  contraire  les  Romains  ont  souvent  permis 
ce  groupement  aux  petits  États,  considérés  comme  restant  en 
dehors  de  l'union  militaire  romaine  et  comme  n'appartenant 
même  pas  aux  alliés  dépendants.  Ils  usèrent  de  cette  méthode, 
en  premier  lieu,  dans  la  Grèce  d'Europe:  la  transformation 
du  territoire  abandonné  par  Sparte  en  ligue  des  vingt-quatre 
villes  des  Laconiens,  ou,  comme  ils  s'appellent  plus  tard,  des 
libres  Laconiens,  est  caractéristique  sous  ce  rapport.  Cette  or- 


(Hertzen,  5580),  soit  par  divers  titres  de  magistratures  qui  se  rattachent  à 
cela  :  le  prœtor  Etruriae  XV  populorum  (Vita  Hadriani,  19  :  In  Etruria  prse- 
turam  imperator  egit.  Sénateurs  :  C.  I.  L.  IX,  3667.  XI,  1432  [=  Mur.  767,  7], 
consul  de  l'an  168;  XI,  2699  [=  Orelli,96]  ;  autres:  C.  I.L.  XI,  1941  [=Orelli 
97].  2114.  2115  [=  Mur.  1039,  1].  Henzen,  6183.  6497  =  C.  1.  L.  XI,  3364), 
dont  la  fonction  est  susceptible  d'itération  (C.  I.  L.  XIV,  172  cf.  p.  479,  de 
l'an  1S4;  C.  I.  L.  XL  1432);  en  outre  l'œdilis  Etruriœ  (C.  L  L.  XI,  2116  [= 
Willmanns,  2092].  2120.  3257)  ;  un  jurat{us)  ad  sacra  Etruriae  (C.  L  L.  XI, 
1848  =  Orelli,  2182)  ;  un  coronatus  Tusciae  et  Vmbrix  du  temps  de  Constantin 
(Orelli,  3866).  D'après  le  rescrit  de  Constantin,  les  villes  de  Tuscie  nom- 
maient, selon  l'ancien  usage,  chaque  année  un  prêtre  (sacerdos)  et  les  villes 
d'Ombrie  en  nommaient  un  second,  qui  organisaient  en  commun,  à  Vol- 
sinii,  la  fête  fédérale  étrusco-ombrienne,  accompagnée  de  spectacles  et  de 
jeux  de  gladiateurs  (mentionnés  aussi  dans  Orelli,  6183),  et  ce  rescrit  sé- 
pare la  fête  annuelle  des  Umbri  de  la  fête  étrusque  et  la  transfère  comme 
fête  indépendante  à  Hispellum.  Le  premier  prêtre,  le  coronatus  Tusciœ  et 
Umbriœ,  ne  doit  pas  être  différent  de  celui  que,  selon  les  annales  romaines, 
les  villes  étrusques  nommaient  annuellement  pour  les  jeux  à  célébrer  ad 
fanum  Voltumnae  (sans  nul  doute  à  Volsinii)  (Tite-Live,  5,  1,  5  :  Ob  iram 
repuisse,  quod  suffragio  duodecim  populorum  alius  sacerdos  et  prselatus  esset). 
Ce  prêtre  unique  a  forcément  en  à  ses  côtés  les  pseudo-magistrats  dont  les 
noms  mêmes  indiquent  le  chiffre  multiple;  conclusion  à  laquelle  amène 
aussi  la  rédaction  de  l'inscription,  C.  I.  L.  XI,  2115  :  Ex  prsetoribus  XV 
populorum.  Le  pays  lui-même  doit  donc  avoir  été  organisé  en  populus,  et 
on  a  certainement  élu  chaque  année  au  scrutin,  dans  l'assemblée  du  pays, 
ses  deux  practores  et  ses  deux  sediles  ainsi  que  son  prêtre  annuel.  Nous 
avons  déjà  remarqué  (p.  238)  que  cette  organisation  trouve  une  analogie 
dans  les  deux  préteurs  nommés  par  les  villes  du  Latium  jusqu'à  la  disso- 
lution de  leur  concilium.  Comme  corps  électoral,  on  ne  peut  penser  qu'aux 
députés  des  différentes  villes  ;  les  «  dix  premiers  »  latins  (p.  238,  note  1) 
impliquent  l'existence  d'un  sénat  du  pays  correspondant  à  ces  magistrats 
et  qui  était  peut-être  formé  des  magistrats  des  différentes  villes  présents  à 
la  fête  (p.  237,  note  2).  On  ne  peut  savoir  si  les  XV  populi  sont  les  douze 
villes  étrusques  augmentées  de  trois  autres  ou  les  douze  villes  étrusques 
réunies  à  trois  cités  représentant  l'Ombrie. 


LES    SUJETS   AUTONOMES.  295 

ganisation  fut  en  grande  partie  supprimée  après  la  guerre 
d'Achaïe  ;  mais  elle  subsista  cependant  pour  la  ligue  des  villes 
de  Lycie;  cette  ligue  possédait  encore  théoriquement  le  droit 
de  paix  et  de  guerre  au  temps  de  Tibère  (p.  299,  note  2). 

Le  droit  d'avoir  soi-même  des  alliés  dépendants  se  concilie  suppression  de 

la  clientèle. 

encore  moins  avec  l'autonomie  laissée  par  les  institutions  de 
Rome  à  ses  alliés.  Il  y  a  sans  doute,  pour  une  telle  dépen- 
dance directe,  une  forme  juridique  nettement  établie  que  nous 
étudierons  dans  la  partie  des  Lieux  attribués.  Mais  nous  mon- 
trerons là  que  ces  localités  sont  dépourvues  de  toute  organisa- 
tion politique  indépendante, et  que  par  conséquent  elles  ne  sont 
pas  du  tout  avec  leur  chef-lieu  dans  le  même  rapport  que  Pré- 
neste  et  Athènes  avec  Rome.  Aucune  ville  italique  n'a,  à  notre 
connaissance,  eu,  sous  l'hégémonie  romaine,  d'autres  villes 
dans  sa  clientèle  (1).  Parmi  les  villes  fédérées  non-italiques, 
il  y  en  a  sans  doute  certaines  qui  ont  possédé  des  terres  éten- 
dues en  dehors  de  leur  territoire  (2),  et  il  y  a  d'ailleurs  même 
eu  des  cités  italiques  qui  ont  eu  de  telles  possessions  (3).  Il 
s'est  aussi  constitué,  à  de  nombreuses  reprises,  sur  ces  terres, 
des  localités  ayant  une  administration  locale  :  en  particulier, 
lorsque  les  cités  alliées  n'exploitaient  pas  leurs  possessions  en  les 
donnant  à  ferme  ou  d'une  manière  analogue  et  les  remettaient 
en  propriété  à  leurs  citoyens  à  titre  de  vente  ou  gratuitement, 


(1)  Les  huit  oppida  sub  dicione  Praenestinorum  (Tite-Live,  6,  29  ;  Festus, 
v.  Trientem,  p.  363)  et  les  villes  tiburtines  d'Empulum  et  de  Sassula 
(Tite-Live,  7,  18.  19)  ne  pourraient  pas  être  invoquées,  lors  même  que  les 
récits  seraient  mieux  avérés  et  que  Ton  ne  pourrait  pas  les  considérer 
comme  des  vici  ;  car,  dans  ces  récits,  Préneste  et  Tibur  sont  en  guerre  avec 
Rome.  En  temps  de  paix,  il  n'y  a  pas  d'exception  à  la  règle. 

(2)  Des  cités  qui  devaient  un  tribut  aux  Romains  ont  été  plus  d'une  fois 
invitées  à  le  payer  en  tout  ou  partie  à  une  ville  fédérée  ;  mais  cela  ne 
change  rien  légalement  au  caractère  du  tribut,  ni  à  la  dépendance  directe 
de  Rome  seule.  Nous  reviendrons  sur  ce  régime  au  sujet  des  lieux  attri- 
bués. 

(3)  Les  grands  saltus,  qui  sont  cités  comme  propriété  de  la  colonie  de 
Luca  dans  la  table  alimentaire  de  Veleia,  se  trouvaient  en  partie  dans  les 
territoires  de  Veleia,  Parma,  Placentia  et  dans  les  montagnes  environ- 
nantes. Gicéron,  Ad.  fam.  13,  11:  {Arpinatium)  omnes...  facultates  consistunt 
in  Us  vectigalibus  quae  habent  in  provincia  Galliœ.  Sur  les  possessions  Cre- 
toises de  la  ville  de  Neapolis,  cf.  C.  1.  L.  X,  p.  3G8,  n.  3938. 


296  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

i]  s'est  ainsi  créé  des  établissements  pratiquement  indépendants. 
Mais  jamais  un  de  ces  établissements  n'a  reçu  de  constitution 
propre  ni  de  magistrats  propres,  et  on  peut  l'expliquer  par  la 
maxime  politique  romaine  de  n'admettre  l'autonomie  dépen- 
dante que  par  rapport  à  l'État  dominant.  Il  ne  sera  pas  super- 
flu d'exposer  ici  la  forme  donnée  à  cette  institution,  sous  l'hégé- 
monie romaine,  dans  les  États  alliés  dont  la  condition  était  la 
meilleure. 
Les  possessions      L'organisation  la  mieux  connue  est  celle  des  possessions  exté- 

des  Athéniens  ;  ..  t    .  1  . 

rieures  accordées  aux  Athéniens  sous  la  suprématie  romaine, 
en  particulier  de  l'île  de  Delos  passée  à  Athènes  en  588  par  une 
donation  des  Romains.  Tandis  qu'à  l'époque  de  l'indépendance 
d'Athènes  les  clérouquies  attiques  avaient  fréquemment  une 
organisation  communale  propre  modelée  sur  celle  de  la  mère- 
patrie  et  un  droit  de  cité  ou  un  pseudo-droit  de  cité  propre  à  côté 
du  droit  de  cité  attique  (1),  les  Romains,  lorsqu'ils  prirent 
définitivement  possession  du  pouvoir,  vers  le  temps  qui  suivit 
la  guerre  d'Achaïe(2),  firent  les  Athéniens  remanier  le  régime 
administratif  de  leurs  possessions  extérieures  en  y  supprimant 
la  symmachie  dépendante.  Désormais  les  actes  publics  y  sont 
rédigés  au  nom  du  peuple  athénien  ou  encore  au  nom  des  Athé- 


(1)  Gilbert,  Gr^'ech.  Staatsalterth.  1,  423.  La  distinction  de  ce  système  et 
du  système  postérieur  des  épimélètes  a  été  correctement  faite  par  Kôhler, 
Athen.  Mitth.  1,  267. 

(2)  Une  date  approximative  est  fournie  par  le  fait  que  l'inscription  des 
clérouques  attiques  de  Lemnos  gravée  urclp  Tr,ç  yeyovsîa;  èttI  ■rifo  cPw[xasa)[v 
a'jyv.\riTO'j  (k[3a'.u>a-£a);  twv  7ipoT£po[v  UTiap^ouaûv  vr,awv  tu  Syjjjuo  tm  'AÔ^vautov, 
c'est-à-dire  sans  doute  immédiatement  avant  l'an  588,  C.  I.  AU.  II,  n.  593, 
rapproché  de  p.  422)  montre  encore  Fancienne  organisation  des  clérouques 
et  qu'au  contraire  l'inscription  de  Paros,  p.  297,  note  3,  de  l'an  612  ou  637, 
nomme  les  épimélètes.  L'inscription  de  Lemnos  du  [SrjtxoçTôSv]  'AÔ^voucov  tûv 
èv  'Hçaioria  (Bull,  de  corr.  hell.  4,  543),  qui  appartient  à  la  même  organi- 
sation ancienne  des  clérouquies,  peut  facilement  se  placer  à  un«  époque 
antérieure  à  l'organisation  de  la  province  d'Achaïe.  C'est  à  la  même  époque 
qu'appartiennent,  ainsi  que  l'a  démontré  Bœckh,  C.  I.  Gr.  2270,  les  réso- 
lutions du  conseil  (PovXyj)  et  du  peuple  des  Athéniens  habitant  à  Delos 
(ô  orj|xo;  o  'AOyjvatœv  tùv  èv  AïjXa>  xaTQixouvTwv)  dont  l'une  se  trouve  dans  le 
C.  I.  Gr.  loc.  cit.,  et  dont  deux  autres  inédites  m'ont  été  communiquées  par 
Th.  Homolle.  L'une  de  ces  résolutions  est  présentée  à  la  ratification  du 
conseil  et  du  peupla  d'Athènes. 


LES  SUJETS   AUTONOMES.  297 

niens  résidant  à  Delos  (1);  les  magistrats  sont,  à  l'époque  ré- 
cente, envoyés  d'Athènes  (2),  à  commencer  par  l'épimélète 
renouvelé  chaque  année  qui  est  à  leur  tète  et  par  le  nom  du- 
quel on  date  les  événements.  Nous  trouvons  les  mêmes  épimé- 
lètes  à  Paros  (3)  et  à  Haliartos  (4),  au  commencement  du 
viie  siècle. 

Aucune  des  villes  fédérées  n'a  eu  de  possessions  territoriales  des  Massaliotes; 
aussi  vastes  que  Massalia,  et  aucune  ne  les  a  conservées  aussi 
longtemps.  Les  côtes  qui  s'étendaient  depuis  Agatha  (Agde)  jus- 
qu'à Monœcus  (Monaco)  ont,  pendant  toute  la  durée  de  la  Répu- 
blique, été  soumises  aux  Massaliotes,  et  leurs  possessions  de  l'in- 
térieur ont  encore  été  considérablement  accrues  dans  les  der- 
niers temps  de  la  République  (5).  Même  après  qu'ils  en  eurent 
perdu  la  plus  grande  part  à  la  suite  de  la  prise  de  la  ville  en 
705,  ils  conservèrent,  jusqu'à  une  époque  avancée  de  l'Empire, 
outre  d'autres  localités  plus  éloignées,  la  localité,  faisant  géo- 
graphiquement  partie  de  l'Italie,  de  Nikœa  (Nice).  Nous  n'a- 
vons aucun  renseignement  sur  la  façon  dont  ils  gouvernaient 
leurs  possessions  à  l'époque  ancienne.  Mais  l'absence  dans  ce 
large  domaine  de  tout  vestige  de  constitution  hellénique  indé- 
pendante (6)  n'est  pas  favorable  à  l'idée  qu'il  y  ait  jamais 
eu  de  symmaehie  sous  l'autorité  de  Massalia.  Sous  l'Empire, 
on  rencontre  un  episcopus  Nicseensium  massaliote  analogue 
aux  épimélètes  athéniens  (7). 


(1)  Rassemblés  par  Homolle,  Bull,  de  corr.  hell.  1879,  p.  371. 

(2)  Rassemblés  par  le  même,  Bull,  de  corr.  hell.  1884,  p.  139. 

(3)  Inscription  de  Paros  dédiée  par  le  Srjjxoç  twv  'AÔYjvaîwv,  par  les  soins 
de  Fépiméléte,  à  L.  Gsecilius  Q.  f.  Metellus  (Ko hier,  Athen.  Mitth.ï,  258),  qui 
ne  peut  être  que  le  consul  de  612  ou  celui  de  637. 

(4)  Henzen,  Ann.  1848,  p.  55. 

(5)  César,  B.  c.  1,  35. 

(6)  Une  exception  est  faite  par  Antipolis,  qui,  sans  changer  de  nom,  a 
plus  tard  un  statut  municipal  ;  mais,  en  dehors  de  ce  qu'il  pouvait  en  être 
donné  un  à  un  côme  massaliote,  l'assertion  de  Strabon,  4,  1,  9,  p.  184  : 
'H  'AvTtTroÀt;  t«v  'iTaXcwTÎôœv  èSsxà^îTac,  xpiôsîaa  Ttpbç  xoù;  Maa-aaXctoTac  '/ai 
£A£,j6cpa)6ôT<7a  xàiv  uap'  èxeîvwv  TTpoaTayîxàTwv  semble  indiquer  un  débat  juri- 
dique, suivi  à  Rome,  dans  lequel  les  Antipolitains  auraient  soutenu  et  fait 
reconnaître  qu'ils  étaient  indépendants  de  Massalia. 

(7)  C.  1.  L.  V,  7914.  Strabon,  4,  1,  9,  p.  184  :  'II  Nîxaia    fab  to\«  Ma«raaXtt6- 


298  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

d  Rhodiens.  Les  Romains  reconnurent  la  symmachie,  c'est-à-dire  les 
droits  de  souveraineté  des  Rhodiens  sur  la  Lycie  etlaCaiie, 
au  début  de  leur  intervention  dans  les  affaires  de  l'Asie.  Au 
contraire  ils  ont  soustrait  ces  pays  à  l'hégémonie  de  Rhodes 
lorsque,  après  la  guerre  de  Persée,  ils  commencèrent  à  traiter 
l'Asie  mineure  comme  un  pays  sujet  (1).  La  distinction  de  l'au- 
tonomie véritable  reconnue  par  Rome  et  de  la  sujétion  auto- 
nome se  manifeste  pratiquement  dans  cette  perte  du  droit  de 
clientèle.  Les  possessions  que  les  Rhodiens  conservèrent  après 
que  l'hégémonie  romaine  eut  été  juridiquement  précisée  et 
que  la  province  d'Asie  eut  été  organisée,  furent  probablement 
traitées  comme  de  simples  possessions  immobilières  (2). 
Droit  de  guerre.  De  l'incapacité  où  sont  les  États  alliés  de  Rome  d'être  en 
relations  avec  d'autres  États,  il  résulte  naturellement  que  toute 
déclaration  de  guerre,  tout  traité  de  paix  ou   toute  autre  con- 


xaiç  [/ivEi  xal  xr,ç  uuapxiaç  (lesMss. ;  puisque  Massalia  n'appartient  pas  à  la 
province,  peut-être  plutôt  nç  Û7rapyja  que  x^ç  iTza.pyJ.xc)  è<m.  Cf.  C.  /.  L.  Y, 
p.  916. 

(1)  Après  la  paix  avec  Antiochus,  on  discuta  si  les  Romains  avaient 
attribué  les  Lyciens  et  les  Gariens  aux  Rhodiens  comme  sujets  ou  comme 
alliés  (Polybe,  22,  5,  7.  30,  5,  12).  Dix  ans  plus  tard,  en  577,  le  sénat  décida 
en  somme  dans  le  dernier  sens  (Tite-Live,  41,  6,  12  :  Lycios  ita  sub  Rho- 
diorum  imperio  simul  et  tutela  esse,  ut  in  dicione  populi  Romani  civitates 
sociœ  sint  ;  Polybe,  25,  4,  5  :  Eupr,vxai  Aûxtoi  Ssôojjivoi  'Poocoi;  oùx  èv  Stopsa,  xb 
Il  itXeïov  wç  cptÀot  xoù  o-Tj[A[;.a-/ot,  où  l'ambiguïté  de  la  réponse  est  relevée  ; 
cf.  25,  5,  1).  Après  dix  autres  années,  en  même  temps  que  les  Rhodiens 
entraient  dans  la  clientèle  romaine  (p.  290,  note  1),  le  sénat  les  déclara 
libres  (Polybe,  30,  5,  12  ;  cf.  Tite-Live,  44,  15,  1.  45,  25),  et  les  choses  restè- 
rent en  cet  état.  Les  Rhodiens  sollicitent  ensuite  seulement  que  l'on  protège 
les  propriétés  privées  qui  appartiennent  là  à  leurs  citoyens  (Polybe,  31, 15, 3  : 
lP6oio'.....  £7ïe[rrcov  e'tç  x-rçv  'Puifx^v  ^pso-peuTàç....  uepi  xâiv  èxovxtov  Èv  Ttj  Auxfoc 
y.a\Kapia  xxr,a-eiç  aiTr|ao(i.£Vo,j;  xyjv  o-ûyxXr^ov,  "va  aùxot?  ïyzw  è£yj  xa6à  xa\  %pô- 
xepov).  C'est  à  l'époque  où  les  Rhodiens  avaient  là  des  droits  de  suzeraineté 
qu'appartiennent  leur  stratège  hc\  xb  rcepav  et  les  trois  àye^-ove;  in\  Kavvou, 
kx\  Kaptaç,  t%\  Auxtaç,  (Rohl,  Mit  th.  des  athen.  Instituts,  2,  224). 

(2)  Dans  les  possessions  qui  restèrent  aux  Rhodiens,  il  ne  se  trouve, 
ainsi  que  me  fait  remarquer  Willamowitz,  aucune  localité  dont  l'existence 
politique  indépendante  soit  attestée.  Il  en  est  ainsi  même  pour  Kalynda 
(Polybe,  31,  15,  3.  c.  16,  5).  Les  sacra  ((xaaxpol)  sont  ceux  de  Rhodes. —  Les 
possessions  accordées  par  Sulla  aux  Rhodiens  au  point  de  vue  financier, 
mais  sans  droit  de  suzeraineté,  rentrent  dans  la  catégorie  indiquée  p.  295, 
note  2. 


LES   SUJETS  AUTONOMES.  299 

vention  conclue  par  Rome  s'étend  par  là  même  à  ses  alliés  (1), 
sans  qu'il  y  ait,  sauf  dans  des  cas  exceptionnels  incertains, 
même  besoin  de  leur  adhésion  de  forme  (2).  Dans  les  né- 
gociations de  Rome  avec  les  États  étrangers,  il  n'est  jamais 
question  de  la  convocation  de  représentants  des  villes  al- 
liées (3).  —  En  revanche,  l'Etat  allié  ne  peut  déclarer  la  guerre 
à  un  autre  État;  en  principe,  il  ne  peut  même  pas  se  défendre 
lui-même  (p.  236,  note  3).  A  la  vérité, cette  dernière  disposition 
n'a  pu  être  appliquée  qu'imparfaitement,  en  particulier  dans 
les  territoires  limitrophes  des  pays  étrangers.  Les  rois  qui 
appartenaient  à  l'union  romaine  avaient  été  communément 
placés  où  ils  étaient  pour  assurer  la  défense  locale  des  fron- 
tières, et  par  conséquent  le  droit  de  faire  la  guerre  devait  leur 
être  laissé  dans  de  certaines  limites  (4).  Il  en  est  de  même  pour 
certaines  villes,  par  exemple  pour  Palmyre  (o).  Enfin,  même 
en  dehors  de  la  défense  des  frontières,  il  était  probablement 
permis  à  chaque  ville  d'avoir  une  certaine  force  armée  dont  elle 
avait  le  droit  de  faire  usage  quand  la  sûreté  publique  était 
troublée  (6). 

(1)  Traité  de  565  avec  les  MtolU  Polybe,  21,  32,  4  (=  Tite-Live,  38,  11,  3 
rapproché  de  c.  8,  10)  :  'Eàv  TtoXefiôiac  Trpoç  xtva;  o\  'Pcojxaiot,  7ioX£[aectcd  irpbç 
aùrou;  o  ûr,ao;  "wv  AItcoXoov. 

(2)  Strabon,  14,  3,  3,  p.  665,  dit  de  la  ligue  des  villes  de  Lycie  :  Koà  nep\ 
710/ijj.o'j  Se  xcci  îcpvy/r,;  y.ai  crv[x[j.a-/ca;  iftauXeûovro  Tcporepov,  vOv  6'  oùx  ïîxo;,  àXX' 
lic\  toi;  'Ptojxaîot;  tccOt'  àvayxï)  xstaôac,  tcXyiv  et  èxecvwv  iTzn:pz<l>6ivziùv  r)  "j^ep 
aù-rùv  ttr\  -/pr(o-:txov.  Cette  ligue  avait  donc  encore  théoriquement  le  droit  de 
paix  et  de  guerre  sous  Tibère;  et  il  peut  en  avoir  été  de  même  d'autres  cités 
spécialement  favorisées.  Mais  naturellement  c'était  là  un  droit  dont  on  ne 
pouvait  faire  usage. 

(3)  Naturellement  cela  n'est  vrai  que  pour  les  États  entrés  dans  une 
dépendance  en  forme.  Les  Rhodiens  prirent  une  position  différente  dans 
la  guerre  d'Antiochus  ;  mais  ce  ne  fut  qu'en  587  qu'ils  entrèrent  dans  cette 
dépendance. 

(4)  C'est  pour  le  Bosphore  que  nous  rencontrons  le  plus  nettement  le 
droit  de  faire  la  guerre  à  l'époque  récente  (Rœm.  Gesch.  5,  292  =  tr.  fr.  10, 
87);  mais  il  n'en  était  pas  autrement  pour  la  Maurétanie,  la  Cappadoce, 
l'Arabie,  etc. 

(5)  Rœm.  Gesch.  5,  424=:tr.  fr.  10,  271.  Ce  droit  fut  même  accordé,  lors  de 
leur  constitution  en  587,  aux  républiques  de  Macédoine,  qui  n'étaient  pas 
légalement  autonomes.  Tite-Live,  45,  29,  14  :  Regionibus  quse  ad 'fines  barbaris 
essent  —  excepta  autem  tertia  omnes  erant  —  permisit,  ut  prxsidia  armata  in 
finibus  extremis  haberent. 

(6)  Tacite,  Hisi.  1,  08  :    Rapuerant  pecuniam  7/iissam  in  stipendium  castelli. 


300  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

Droit  de  porter      Le  droit  de  porter  les   armes  restait  à  l'État  allié,  puisque 

les  armes.  *  A  x 

l'union  militaire  avait  pour  but  d'augmenter  les  forces  romai- 
nes immédiates  à  l'aide  des  forces  alliées.  L'obligation  ainsi 
imposée  aux  alliés  de  fournir  leur  contingent  pour  les  armées 
romaines  était  légalement  aussi  illimitée  (1)  que  l'obligation 
des  citoyens  au  service  militaire  (VI,  1,  p.  272).  Il  n'est  que  lo- 
gique d'étendre  ce  principe  à  la  communauté  militaire  établie 
à  perpétuité;  l'État  romain  peut,  dans  la  mesure  du  possible, 
réclamer  légalement  de  ses  alliés  comme  de  ses  citoyens  toute 
espèce  de  service  militaire.  Mais  ici  aussi  l'obligation  au  ser- 
vice ordinaire  est  distinguée  de  cette  obligation  générale,  et 
c'est  seulement  la  première  que  règlent  les  traités.  Par  consé- 
quent, même  où  elle  n'est  pas  stipulée  et  même  où  elle  est  con- 
ventionnellement  exclue,  l'obligation  générale  au  service  et  la 
dépendance  militaire  pèsent  néanmoins  sur  les  alliés  autonomes 
de  Rome. 
de°fou?nir°des  Le  fondement  de  l'obligation  au  service  ordinaire  est  qu'en 
roupes-  vertu  du  traité  d'alliance,  Rome  a  le  droit,  lorsqu'elle  lève 
elle-même  des  troupes  (2),  de  demander  en  même  temps  leur 


quod  olim  (depuis  longtemps,  et  non:  à  l'époque  ancienne)  Helvetii  suis  mili- 
tibus  ac  castellis  tuebantur.  Il  ne  faut  pas  omettre  de  remarquer  que  les 
Helvetii  appartenaient  alors  aux  peuples  fédérés  de  la  meilleure  condition 
{Hermès,  16,  447). 

(1)  L'alliance  latine,  dans  Denys,  6,  95  :  BoriOsIxwadv  te  toÎç  7ro)>£[xou[xévoi<; 
<xTTâcrr(  ôyva[iet,  le  dit  expressément,  et  c'est  confirmé  par  la  relation  des 
armements  de  529,  où  la  levée  en  masse  fut  en  fait  soit  prescrite,  soit  pro- 
jetée. Le  silence  des  sources, en  particulier  pour  la  guerre  d'Hannibal,  est 
encore  plus  probant  :  s'il  y  avait  eu  des  maximums  obligatoires,  il  devrait 
nécessairement  en  être  question,  notamment  à  propos  du.  refus  de  service 
des  douze  colonies.  Et  la  preuve  du  contraire  est  qu'elles  sont  invitées,  à 
titre  de  peine,  à  fournir,  comme  infanterie,  le  double  du  nombre  d'hommes 
le  plus  élevé  auquel  se  soit  porté  leur  contingent  depuis  le  début  de  la 
guerre,  et  120  cavaliers  chacune  (Tite-Live,  29,  15,  7).  Même  quant  au  fond, 
il  serait  contradictoire  de  déterminer  un  maximum  absolu  (et  ce  n'est  que  de 
celui-là  qu'il  peut  être  question)  au  moment  de  la  fondation  d'une  colonie  ; 
car  il  était  impossible  de  fixer  légalement  d'avance  le  nombre  d'hommes 
qu'elle  aurait  plus  tard  à  fournir. 

(2)  Cette  restriction  se  trouvait  sans  doute  expressément  dans  les  trai- 
tés :  les  dérogations  à  cette  règle  se  présentent  principalement  dans  la 
forme  do  congés  donnés  à  des  époques  différentes  (Tite-Live,  31,  8,  7.  10. 
32,  1,  5.  c.  S,  7.  V.\,  '.i,  2). 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  301 

contingent  aux  alliés.  Le  contingent  ordinaire  simple  de  chaque 
cité  doit  avoir  été  fixé  dans  les  traités.  La  charge  était  répartie, 
selon  ce  schéma,  dans  la  proportion  des  forces  respectives  (1); 
et  ce  contingent  ordinaire  était  probablement  celui  qui  était 
fourni  habituellement.  Une  réquisition  excessive  était  une  vio- 
lation du  traité,  et  le  magistrat  qui  y  procédait  arbitrairement 
tombait  légalement  sous  le  coup  des  voies  de  poursuite  inter- 
nationales (2).  Mais,  quant  au  fond,  c'était  du  gouvernement  ro- 
main qu'il  dépendait  de  décider,  dans  chaque  cas  particulier,  à 
quelles  cités  (3)  et  dans  quelle  mesure  des  secours  seraient  de- 
mandés, probablement  en  vertu  de  clauses  des  traités  qui  réser- 
vaient le  droit  d'appel  illimité  pour  le  cas  de  guerres  importantes 
et  qui  laissaient  à  la  puissance  directrice  le  soin  de  décider 
quelles  guerres  étaient  importantes. 

Les  secours  consistent  soit  en  hommes  pour  l'armée  de  terre,    contingents 

ordinaires  des 

soit  en  navires  pour  la  flotte.  C'est  la  préoccupation  d'aug-       togati. 
menter  l'armée  de  terre  qui  a  donné  naissance  à  cette  insti- 
tution, et  elle  a  d'abord  pris  la  communauté  de  nationalité  pour 
fondement  ;  car  les  alliés  primitifs  sont  précisément  les  frères 

(i)  Si,  dans  Tite-Live,  41,8,  8,  en  577,  les  Samnites  et  les  Paeligni  se  plai- 
gnent des  émigrations  de  leur  patrie,  qui  n'empêchent  pas  qu'ils  aient  après 
comme  avant  le  même  nombre  de  soldats  à  fournir  (neque  eo  minus  aut  hos 
aut  illos  in  dilectu  militum  daré),  il  ne  résulte  de  là  que  la  stabilité  de  fait 
du  contingent  dans  ces  années  de  tranquillité.  Il  en  est  de  même  de  l'offre 
des  dix-huit  colonies,  dans  Tite-Live,  27,  10,  3,  de  fournir  plus  de  soldats 
qu'il  n'en  était  demandé  ex  foivnula,  et  de  la  déclaration  des  douze  colo- 
nies qu'elles  sont  à  peine  en  état  de  fournir  le  simplum  ex  formula  (Tite- 
Live,  29,  15,  12).  De  la  disposition  du  fœdus  des  Mamertins,  ut  novem  dare 
necesse  sit  (Cicéron,  Verr.  I.  5,  19,  50),  or.  peut  tout  au  plus  conclure  que 
Messana  n'avait  qu'un  navire  à  fournir  pour  la  flotte  ordinaire,  on  n'a  pas 
le  droit  d'en  déduire  que  non  pas  le  gouverneur,  mais  le  gouvernement  de 
Rome  ne  put  pas  en  demander  davantage  au  cas  de  nécessité.  Il  y  a  néces- 
sairement eu  une  certaine  classification  des  diverses  cités  obligées,  quoi- 
qu'il n'en  soit  jamais  question  expressément. 

(2)  Cicéron,  Verr.  5,  19,  49:  Omnes  qui  ante  te  fuerunt  prœtores  dedantur 
Mamertinis ,  quod  ils  navem  contra  pactionem  fœderis  imper arint. 

(3)  C'est  ce  que  prouveraient,  s'il  en  fallait  une  preuve,  les  mots  de 
Polybe,  2,  24,  4:  O:  ràç  ôuarouç  àp-/à;  lyovzzc,  TrapaYysXXoucri  toÏç  ap^oxiai  xoïç 
àub  Toiv  (TJ[Jt.|xa-/iB(jùv  TiôXewv  xtov  ï%  Tr,ç  'ItaXcaç,  Il  »v  av  po-jXtovrat  o-ycrpaTeueiv 
toÙç  G-j^ixâ'/o-jç,  BtûtcaçoûvreÉ  to  ttXtjÔoç  et  la  mobilisation  de  529  (Polybe,  2, 
24)  ;  toutes  les  cités  de  l'Italie  du  Nord,  et  elles  seules,  sont  appelées  en 
même  temps  sous  les  drapeaux. 


302  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

de  race  des  Romains,  les  Latins.  Si  le  cercle  des  alliés  s'est 
ensuite  étendu  au  delà  de  la  race  latine,  cela  s'est  produit  par  un 
élargissement  de  la  nationalité  elle-même,  par  l'extension  du 
service  militaire  des  Latins  au  cercle  voisin  des  Italiens,  ou, 
selon  l'expression  du  droit  public  romain,  aux  socii  nominisve 
Lalini,  quibus  ex  formula  togatorum  milites  in  (erra  Ilalia 
imper  are  soient  (1).  Car  le  droit  de  porter  la  toge,  qui  est,  au 
sens  propre,  le  costume  national  des  Romains  et  des  Latins,  a 
été  étendu,  avec  l'obligation  au  service  militaire,  à  toutes  les 
cités  alliées  qui  doivent  un  contingent  pour  l'armée  de  terre 
(p. 242).  11  a  également  fallu  jusqu'à  un  certain  point  étendre  en 
vue  du  commandement  l'usage  de  la  langue  latine  à  tous  ceux 
qui  portaient  la  toge;  car  les  officiers  supérieurs  sont  romains 
même  pour  les  contingents  alliés.  —  Ces  raisons  suffisaient  pour 
que  l'organisation  militaire  et  la  disposition  intérieure  de  ces 
contingents  dussent  nécessairement  correspondre  à  celles  des 
troupes  romaines.  L'uniformité  militaire  établie  entre  les  contin- 
gents et  les  troupes  romaines  aussi  bien  qu'entre  les  contingents 
eux-mêmes,  a  été  l'origine  de  l'unité  de  l'Italie,  et  c'est  de  cette 
unité  première  qu'est  venue  à  son  tour  l'unité  politique  (2).  Le 
corps  d'armée  romain,  la  legio,  composée  de  dix  cohortes  d'in- 
fanterie,qui  constituent  autant  de  petites  légions,  et  de  dix  turmœ 
de  cavalerie,  est  avec  la  cohorte  ou  la  turma  isolée  (3)  fournie 


(1)  Loi  agraire  de  643,  lignes  21.  50  (p.  231,  note  1),  textes  qui,  complétés 
l'un  par  l'autre,  donnent  seuls  la  formule  complète.  Elle  est  abrégée  dans 
Tite-Live,  22,  57,  10  ;  Ad  socios  Latinumque  nomen  ad  milites  ex  formula  ac- 
cipiendos  mittunt.  27,  9,  3  :  Milites  parafas  ex  formula  esse.  Dans  Polybe, 
(p.  301,  note  3),  ils  sont  appelés  ai  crv(i.ji.axî8eçic6Xetç  at  èx  -z^c  'Iicùdaz.  Les  in- 
dications particulières  qui  nous  ont  été  conservées  {Handb.  5,  397,  note  3  ; 
E.  Marcks,  De  alis,  p.  16)  sont  parfaitement  d'accord  avec  cela:  on  ne  trouve 
pas  parmi  eux  de  troupes  extra-italiques,  et  les  cités  anciennes  ou  coloniales 
latines  l'emportent;  mais  on  trouve  aussi  des  Perusini,  des  Étrusques,  des 
Lucani,  des  Samnites,  etc.  Sur  les  Formiani  et  les  Sidicini,  qui  n'appar- 
tiennent pas  à  ce  cercle,  cf.  p.  201,  note  6. 

(2)  Cette  organisation  ne  peut  être  étudiée  ici  qu'au  point  de  vue  politi- 
que. Ce  n'est  pas  le  lieu  de  s'occuper  des  particularités  militaires. 

(3)  Sans  parler  de  la  nécessité  intime  des  choses,  l'identité  se  révèle 
dans  la  similitude  de  terminologie.  La  cohorte  de  la  légion  est  exactement 
aussi  ancienne  que  la  cohorte  alliée.  De  même  que  la  cohorte  de  la  légion  est 
une  réductionde  la  légion,  c'est-à-dire  la  réunion  d'un  manipule  de  chacune 


LES  SUJETS  AUTONOMES.  303 

probablement  par  chaque  ville  importante,  —  pour  les  contin- 
gents plus  faibles,  il  y  avait  forcément  des  modes  de  rassem- 
blement divers  (i),  — dans  le  même  rapport  que  Rome  elle- 
même  avec  Préneste.  La  symétrie  est  même  poussée  si  loin  que 
l'on  forme  des  divers  contingents  fédéraux  des  corps  correspon- 
dant aux  légions  (alcesociorum),  dont  chacun  est  commandé  par 
six  officiers  d'état-major  romains  (2),  comme  la  légion  par  les 
six  tribuns  militaires, et  qui  obéissent  tous  également  au  général 
ou  aux  généraux  romains.  Dans  la  mesure  où  ces  règles  le  per- 
mettaient, on  respectait  pour  le  surplus  l'autonomie  de  la  cité 
qui  fournissait  le  contingent.  Le  recrutement  romain  ne  s'é- 
tendait pas  au  peuple  des  cités  dépendantes;  c'étaient  les  ma- 
gistrats de  chaque  ville  particulière  qui  y  levaient  les  hommes, 
en  vertu  d'un  cens  analogue  au  cens  romain  et  en  observant 
les  exemptions  garanties  par   le  traité  (3).  Chaque  contingent 

des  lignes  (triarii,  principes,  hastati)  avec  les  individus  armés  à  la  légère  qui 
en  dépendent,  la  cohorte  auxiliaire  en  est  également  une.  Le  simple  fait 
que  le  recrutement  des  alliés  se  fonde  sur  le  cens(Tite-Live,  29,  15,  7)  et 
est  nommé  d'un  nom  semblable  au  recrutement  romain  (Polybe,  p.  304, 
note  1)  suffit  pour  impliquer  une  identité  essentielle  de  disposition  des 
hommes. 

(1)  La  colonie  latine  importante  de  Placentia  fournit  une  cohorte  (Tite- 
Live,  41,  1,  6)  et  une  turma  (Tite-Live,  44,  40,  6).  Il  est  possible  que  des 
villes  déterminées  aient  eu  à  fournir,  à  titre  ordinaire,  plusieurs  cohortes  ; 
mais  il  n'y  en  a  pas  de  preuves  certaines.  Les  deux  cohortes  de  Gamerinum 
dans  la  guerre  des  Gimbres  (Val. Max.  5,  2,  8  et  ailleurs)  ne  prouvent  rien, 
en  face  du  caractère  national  de  cette  guerre.  —  Nous  n'avons  pas  de  preu- 
ves extérieures  du  rassemblement;  ce  peut  être  simplement  par  suite  d'une 
généralisation  ou  de  l'emploi  d'une  formule  d'ensemble  qu'il  est  question 
d'une  cohors  Pœligna  (Tite  Live,  44,  40,  5),  à.' équités  Latini  (Tite-Live,  33,  36, 
10).  Mais,  en  présence  de  la  nature  des  lignes  de  villes,  un  rassemblement 
ne  pouvait  guère  être  évité.  —  On  ne  peut  aucunement  conclure  de  ces 
tournures  et  de  tournures  semblables  que  le  concilium  des  Pseligni  par 
exemple  ait  envoyé  un  contingent  aux  Romains. 

(2)  Et  non  trois,  comme  on  a  voulu  conclure  de  Polybe,  6,  26,  5  (Handb. 
S,  39G).  Polybe,  dans  un  langage  assurément  de  nature  à  induire  en  erreur, 
rapporte  les  douze  prœfecti  sociorum  à  l'armée  consulaire  simple  :  la  preuve 
en  est  dans  la  division  des  troupes  qui  sont  sous  leurs  ordres  en  deux  por- 
tions, une  aile  droite  et  une  aile  gauche  (c.  26,  9),  tandis  que  l'armée  con- 
sulaire double  a  quatre  aise  (c.  34,  1). 

(3)  C'est  là  la  vacatio  (=  vocatio)  ex  fœdere  de  la  lex  Julia  municipalis,  li- 
gnes 93  et  103,  qui  a  survécu  même  à  la  guerre  sociale.  Des  cités  alliées 
ont  pu  être  exemptées  tout  entières,  par  exemple  de  la  façon  dont  l'é- 
taient les  colonies  maritimes;  mais  nous  n'en  avons  pas  de  preuves. 


304  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

restait  réuni  et  était  conduit  à  l'armée  par  son  magistrat  propre 
ou  par  un  représentant  de  ce  magistrat  nommé  par  lui  (1), 
absolument  comme  les  Romains  par  le  consul  ou  son  rempla- 
çant. Les  contingents  alliés  prêtaient  le  serment  de  fidélité  à 
leur  chef,  comme  les  Romains  au  consul  (2).  De  même  que  le 
consul  romain  est  accompagné  d'un  questeur  romain,  chaque 
chef  de  cité  est  accompagné  d'un  payeur  distinct  chargé  de 
payer  la  solde  aux  frais  de  la  cité  (3).  Cette  organisation  poli- 
tique est  indépendante  de  l'organisation  militaire  proprement 
dite:  il  n'y  a,  dans  la  légion  romaine,  rien  qui  corresponde  aux 
chefs  et  aux  payeurs  des  divers  contingents  (4).  —  La  pré- 
pondérance assurée  aux  citoyens  romains  par  l'habitude  du 
commandement  et  par  leur  unité  d'une  part,  la  supériorité  du 
nombre  des  Italiens  non  seulement  au  point  de  vue  absolu, 
mais  dans  la  levée  régulière  (5)  d'autre  part,  et  enfin  la  com- 

(1)  Polybe,  6,  21,  5  :  Ai  8o  ttoXeiç  TtapaTrXrja-iav  •rcotYja-âfxevai  xyj  Tiposiprijjtivr, 
rr]v  èx),oyrjV  xal  tov  opxov  exTcéfATioua-iv  ap-/ovTa  cuaTTjaaa'ai  xal  (jlktôooot^v.  Le 
chef  de  la  cohorte  prénestine  assiégée  dans  Gasilinum,  Tite-Live,  23,  19, 17, 
est  le  préteur  de  la  ville  ;  l'inscription  de  Cora,  C.  I.  L.  X,  6527  :  Q.  Pompo- 
nius  Q.  f.  L.  Tulius  Se7\  f.  praitores  aère  Martio  emerut  se  rapporte  sans  doute 
à  ceci.  L'attribution  du  commandement  militaire  qui  peut  exister  dans  les 
cités  de  citoyens,  faite  encore  au  magistrat  du  lieu  ou  à  son  mandataire, 
est  une  imitation  de  cela,  de  même  que  tout  le  régime  municipal  n'est  qu'une 
ombre  de  l'ancienne  autonomie. 

(2)  Note  1.  Il  n'est  jamais  question  d'un  serment  prêté  au  général  ro- 
main par  les  non-romains  ;  car  il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  du  serment 
en  sous-ordre  du  camp,  qui  est  reçu  même  des  esclaves  (Polybe,  6,  33,  1  ; 
Handb.  5,  386). 

(3)  Polybe,  note  1  ;  Tite-Live.  27,  9.  —  On  peut  rattacher  à  cela  l'exis- 
tence d'au  moins  trois  questeurs  dans  la  colonie  latine  de  Venusia  dé- 
duite en  463  (C.  L  L.  IX,  439)  et  d'au  moins  cinq  dans  celle  de  Firmum 
déduite  en  490  (C.  /.  L.  IX,  5351). 

(4)  Les  cohortes  de  citoyens  romains  n'ont  pas  de  chefs,  mais  les  cohortes 
alliées  en  ont.  Les  chefs  politiques  des  alliés  exerçaient  en  même  temps  les 
fonctions  d'officiers,  résulte-t-il  à  la  fois  de  l'analogie  des  consuls  et  des 
questeurs  et  des  témoignages  particuliers  (Tite-Live,  25,  14,  4;  Marquardt, 
Handb.  5,  396,  note  7).  Il  y  a  de  nombreuses  questions  qu'il  faut  laisser 
sans  réponses  :  par  exemple,  la  façon  dont  s'opérait  le  rassemblement 
militaire  de  plusieurs  contingents  politiques;  le  rapport  dans  lequel  étaient, 
au  point  de  vue  des  lois  pénales  militaires,  les  pouvoirs  des  officiers  d'é- 
tat-major romains  et  ceux  des  chefs  locaux  ;  mais  le  principe  est  clair. 

(5)  Ce  n'est  pas  ici  le  lien  d'étudier  ce  point  en  détail  (Cf.  Marcks,  De 
alis,  p.  21  et  les  auteurs  qu'il  cite).  L'assertion  de  Polybe,  6,  26,  7,  selon  la- 
quelle, au  moins  dans  l'infante,  ie,  les   Ptomains  et  les  Italiens  se  balan- 


LES    SUJETS   AUTONOMES.  305 

muuauté  de  tactique  et  d'instruction  militaire  expliquent  parfai- 
tement que,  lorsque  les  deux  masses  qui  avaient  si  longtemps 
combattu  de  concert  tournèrent  leurs  armes  l'une  contre  l'autre, 
les  Romains  aient  aussi  bien  capitulé  devant  les  Italiotes  que  les 
Italiotes  devant  les  Romains. 

La  flotte  de  la  République,  depuis  qu'il  en  existe  une,  a  éga-  J^SîTed 
lement  pour  base  le  principe  delà  fédération.  Cependant  l'idée  navigrreeCqueSvlilles 
de  nationalité,  énergiquement  observéepour  l'armée  de  terre,  a 
été  abandonnée  pour  elle,  ou  plutôt  ne  lui  a  jamais  été  appliquée. 
Même  comme  romaine,  la  flotte  resta  essentiellement  grecque. 
Les  conséquences  s'en  manifestent  partout.  Tandis  que,  dans 
les  armées  de  terre,  les  troupes  alliées  n'ont  guère  été  em- 
ployées toutes  seules,  les  flottes  romaines  ont  été  composées 
souvent  principalement,  parfois  exclusivement  de  vaisseaux 
non-romains  (1).  Les  Italiens,  de  race  grecque,  forment  le 
noyau  de  la  flotte  romaine  (2);  mais  les  non-Italiens  ne  sont 
pas  exclus  de  la  flotte  de  la  même  façon  que  de  l'armée  de 
terre  :  les  Grecs  de   Sicile  en  particulier  (3),  mais  aussi  ceux 


çaient  approximativement,  exprime  sans  doute  plutôt  le  principe  politi- 
que, admis  par  exemple  par  Scipion,  que  la  réalité  des  faits.  Dans  les 
exemples  isolés,  que  nous  trouvons  en  grand  nombre  dans  Tite-Live  pour 
la  seconde  moitié  du  vie  siècle,  les  seconds  l'emportent  communément  en 
nombre,  sans  pourtant  que  cela  aille  jusqu'à  supprimer  «  l'égalité  approxi- 
mative.» On  ne  trouve  pas  déchiffres  proportionnels  fixes,  et  les  essais  de 
découvrir  en  cette  matière  des  règles  précises  ont  été,  à  mon  sens,  infruc- 
tueux. Il  est  probable  que  la  surcharge  des  Italiens  dans  les  levées  s'est 
plus  tard  accrue.  Selon  Velleius,  2,  15,  les  Italiens  fournissaient  deux 
fois  autant  de  fantassins  que  de  cavaliers  dans  la  dernière  période  qui  pré- 
céda la  guerre  sociale,  et  ce  doit  être  la  vérité. 

(1)  Handb.  5,  499.  Il  n'y  a  pas,  dans  le  territoire  habité  par  les  citoyens, 
de  circonscriptions  de  recrutement  delà  flotte  distinctes;  on  y  prenait  pour 
ce  service  des  individus  astreints  au  service  de  l'armée  de  terre,  et  cela  de 
préférence  dans  les  couches  inférieures  qui  n'étaient  employées  au  service 
militaire  qu'en  cas  deforce  majeure  (VI,  l,p.  337;  VI,2,  p.  35).  L'essai  fait 
par  les  colonies  maritimes  d'étendre  leur  vacatio  rei  militaris  à  la  res  navalis 
(Tite-Live,  36,  3,  4)  montre  combien  elles  étaient  étrangères  au  service 
de  la  flotte. 

(2)  La  liste  des  villes  soumises  à  cette  obligation  qui  nous  sont  connues 
est  donnée  R.  M.  W.  p.  322=  tr.  fr.  3,  p.  197. 

(3)  Gicéron  (p.  301,  note  2).  Les  navires  fournis  par  les  cités  non-fédé- 
rées  le  sont,  comme  on  le  voit  ici  clairement,  en  vertu  d'un  autre  principe 
juridique. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  20 


306  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

d'Orient  (i)  fournissent  également  aux  Romains  des  navires 
et  des  marins  ou  en  sont  dispensés  à  titre  spécial  (2).  L'or- 
ganisation du  commandement  est  la  même  que  dans  l'armée 
de  terre  :  c'est  toujours  un  magistrat  romain  qui  exerce  le  com- 
mandement de  la  flotte;  les  capitaines  des  navires  alliés  doi- 
vent avoir  été  considérés,  de  même  que  ceux  des  contingents 
de  l'armée  de  terre,  comme  des  officiers  romains. 

Si  leur  traité  d'alliance  imposait  la  fourniture  d'un  contin- 


Oblieations 
militaires 

ex des "aûtrl's68  gent  fixe  aux  cités  italiques  et  à  quelques  rares  cités  extra-ita 


alliés. 


liques,  l'obligation  au  service  militaire  elle-même  s'étendait, 
ainsi  que  nous  l'avons  déjà  remarqué,  aussi  loin  que  l'alliance, 
et,  dans  des  circonstances  extraordinaires,  des  troupes  pou- 
vaient être  réclamées  pour  l'armée  romaine  même  aux  autres 
villes  et  pays  fédérés  (3)  et  aux  reges  socii  (4).  Mais  le  prin- 


(1)  Les  Rhodiens  ont  fourni  jusque  sous  l'Empire  des  navires  pour 
la  flotte.  Dion  Chrysostome,  Or.  31,  p.  620,  compare  les  charges  du  temps 
de  la  République  à  celles  du  temps  présent  :  Où  yàp  ojjioiov  êxaxov  veôv  r) 
xa\  TcXeiovwv  otÔàov  àuoaTsT).ai....  xal  o  vOv  ècp'f,[xc5v  tSstv  eori  [xia  xaô'  exaarov 
èviauTov  r,  8ua\v  àçpâxTot;  àTravxôcç  sic  Kop-.vOov.  Les  subsides  en  argent  qu'Hé- 
rode  accorda  aux  Rhodiens  eîç  vocutixoû  xaxacrxsuv  (Josèphe,  Bell.  1,  21,  11; 
Ant.  16,  5,  3)  doivent  aussi  nécessairement  être  rapportés  à  la  flotte  de 
guerre  ;  car  l'État,  auquel  allait  cet  argent,  ne  construisaitgpas  de  navires 
de  commerce.  Cf.  Rœm.  Gesch.  5,  248  =  tr.  fr.  10,  26. 

(2)  Gicéron,  Verr.  I.  5,  19,  50  :  Tauromenitanis  nominatim  cautum  et  exception 
{est)  fœdere,  ne  navem  dare  debeant;  ce  qui  d'ailleurs  ne  fut  pas  observé  et 
ne  s'opposait  pas  légalement  aux  réquisitions  extraordinaires.  Athènes  et 
Massalia  peuvent  avoir  eu  des  privilèges  semblables.  Lorsque  les  traités 
postérieurs,  tels  que  ceux  conclus  avec  Astypalaea  et  Termessos,  ne  di- 
sent rien  de  pareilles  prestations,  il  y  a  là  une  renonciation  tacite,  qui 
d'ailleurs  ne  peut  avoir  plus  d'effet  que  la  renonciation  expçesse.  On  ne 
rencontre  pas  de  telles  exemptions  pour  l'armée  de  terre. 

(3)  Il  n'y  a  guère  eu  de  cités  extra-italiques  de  droit  latin  à  l'époque  où 
le  système  de  contingents  de  la  République  était  en  vigueur.  Cf.  p.  245. 

(4)  Cette  situation  juridique  se  manifeste  de  la  façon  la  plus  claire 
dans  Appien,  Hisp.  44  :  Ti.  Gracchus  conclut  en  575  avec  les  Belli  et  les 
Titthi  d'Espagne  un  traité  juré,  par  lequel  ils  s'obligeaient  notamment 
à  fournir  des  troupes  aux  Romains  (tj  o-uyxXr/toç....  çôpouç  ryrei  toùç  ôpca-Oevraç 
ItzX  rpâx-/ou,  orpaTsyscôac  ts  'Pwfjiasoiç  7:poa£Taaa£•  xai  yàp  to-jô'  ai  Tpaxyo'j 
ff\jv6r,xat  èxéXcVov)  ;  les  Espagnols  prétendent  cependant  que  remise  leur  a 
été  faite  des  tributs  et  (selon  le  nom  inexact  donné  à  ce  droit  par  Appien) 
des  Sevayta,  avec  raison, ajoute  Appien,  mais  sans  doute, selon  l'usage  ro- 
main, seulement  jusqu'à  nouvel  ordre  (p.  290,  note  2).  Postérieurement  il 
n'est  guère  question  de  telles  stipulations.  Il  n'était  évidemment  pas  possi- 
ble de  donner, dans  le  territoire  d'outre-mer,une  application  stable  à  l'obliga- 


LES   SUJETS-AUTONOMES.  307 

cipal  usage  militaire  fait  par  les  Romains  de  ces  sujets  con- 
sistait dans  l'importante  obligation  qui  leur  était  imposée  de 
défendre  les  frontières  avec  leurs  propres  forces.  Ces  contin- 
gents étrangers,  les  auxilia    externa  (1),  n'étaient  pas  mili- 
tairement homogènes  aux  armées  romaines  de  terre  et  de  mer, 
comme  l'étaient  les  contingents  italiques  et  ceux  des   Grecs 
extra-italiques  obligés  à  fournir  des  navires,  et  par  suite  ils  ne 
constituaient  pas  des  éléments  fixes  du  cadre  de  mobilisation 
romaine.  En  outre  l'autorité  romaine  a  toujours  répudié,  pour 
des  motifs  faciles  à  comprendre,  les  secours  militaires  immé- 
diats des  pays  étrangers  soumis  et  la  communauté  d'armes 
avec  ces  éléments  de  nationalité  plus  ou  moins  étrangère.  Pra- 
tiquement il  ne  paraît  avoir  été  fait  usage,  antérieurement  à 
la  guerre  sociale  et  en  dehors  de  cas  exceptionnels,  des  forces 
militaires  de  ces  fédérés  que  pour  les  guerres  d'outre-mer  et 
encore  dans  une  mesure  limitée. 

A  côté  de  la  transformation  de  l'armée  opérée  par  Marius    ^S^des 
(VI,  l,p.  336),  lafusion  de  l'Italie  dans  Rome  a  mis  fin  au  système  ut^ii^i 
de  contingents  de  la  République  (2).  Les  villes  latines  de  la 
Haute  Italie  ne  semblent  pas  avoir  fourni  à  l'armée  romaine 
de  contingents  fixes,  comme  les  Italici  delà  formula  toyatorum. 
Nous  ne  pouvons  dire  si  les  Latins  des  derniers  temps  de  la 


tion  de  fournir  un  contingent,  et  les  arrangements  conventionnels  n'étaient 
ni  nécessaires  ni  obligatoires  pour  les  circonstances  extraordinaires. 

(1)  Auxilia  est  employé  par  Salluste,  conformément  au  sens  du  mot, 
pour  toutes  les  troupes  alliées  (Jug.  43,  2.  84,  2),  même  lorsqu'il  ne  s'agit 
que  des  italiques  (Jug.  39,  2),  et,  lorsque  Tite-Live  veut  parler  des  non- 
italiques,  il  ajoute  exterarum  gentium  (Per.  72),  externa  (22,  37,  7.  25,  33,  6) 
ou  provincialia  (40,  31,  1).  L'emploi  du  mot  sans  complément  pour  désigner 
les  troupes  auxiliaires  de  nationalité  étrangère,  les  alienigenœ  (Varron, 
5,  90),  les  socii  Romanorum  exterarum  nationum  (Festus,  Ep.  p.  17)  ne  s'est 
sans  doute  introduit  qu'après  la  guerre  sociale,  qui  amena  la  disparition 
des  auxilia  italiques.  Au  reste,  c'est  là  un  terme  purement  militaire,  et  il 
désigne  les  divisions  de  non-citoyens  sans  que  l'on  distingue  si  ce  sont  des 
contingents  d'États  autonomes  ou  des  levées  de  sujets. 

(2)  Après  la  guerre  sociale,  les  togati  disparaissent  de  l'organisation  mi- 
litaire. Quand  il  est  question,  sous  le  Principat,  du  droit  à  la  toga  (VI, 
1,  p.  250  et  231),  elle  est  opposée  au  pallium,  et  ce  n'est  pas  tant  aux  pé- 
régrins  qu'aux  Grecs  qu'elle  est  interdite,  si  bien  que  l'Occident  latin 
prend  dans  une  certaine  mesure  la  place  des  togati  de  la  République. 


308  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

République  ont  été  appelés  à  faire  partie  de  l'armée,  ni  de 
quelle  façon  (1).  Les  appels  adressés  aux  alliés  d'outre-mer  fu- 
rent accrus  à  cette  époque,  notamment  parce  qu'à  la  suite  de 
l'extension  du  droit  de  cité  aux  Italiotes,  la  cavalerie  recrutée 
jusqu'alors  principalement  parmi  eux  se  trouva  à  manquer,  et 
que  le  gouvernement  romain  fut  dans  la  nécessité  de  compléter 
le  vide  soit  par  des  enrôlements  faits  dans  les  pays  étrangers 
proprement  dits,  soit  par  l'appel  au  service  des  sujets  d'outre- 
mer. 11  ne  recourut  au  premier  procédé  que  dans  une  faible 
mesure.  Mais  au  contraire  les  royaumes  vassaux  en  particu- 
lier ont  souvent  été  invités  à  fournir,  pour  l'armée  romaine, 
soit  principalement  de  la  cavalerie,  soit  même  de  l'infanterie  lé- 
gère, dont  la  légion  deMarius  manquait  également.  On  ne  peut 
discerner,  à  cette  époque  troublée,  de  règles  fixes  relatives  à  ce 
service  auxiliaire,  et  il  est  difficile  qu'il  y  en  ait  eu. 

Les  auxiiia         L'organisation  militaire  introduite  par  Auguste  n'a  probable- 
d'Auguste.  °  a   " 

ment  pas  modifié  la  situation  des  anciens   fédérés,  en  tant 

qu'elle  subsistait  encore.  Les  rois  alliés  continuèrent  à  envoyer 
leurs  contingents.  Parmi  les  cités  extra-italiques  peu  nom- 
breuses dont  les  obligations  fédérales  avaient  déjà  été  réglées 
du  temps  de  la  République,  Massalia,  Athènes  et  Sparte  n'ont 
probablement  jamais  été  soumises  à  des  obligations  militaires 
effectives  ni  sous  la  République,  ni  sous  le  Principat  ;  tout  au 
moins  il  ne  nous  en  est  rien  dit.  Rhodes  continuait,  sous  le  Prin- 
cipat, à  envoyer  annuellement  ses  vaisseaux  pour  la  flotte  ro- 
maine (p.  306,  note  i).  Au  contraire,  les  cités  qui  sont  parve- 
nues sous  César  et  sous  le  Principat  au  droit  de  latinité  ou  à 
un  droit  d'alliance  quelconque,  et  dont  par  conséquent  les  obli- 
gations fédérales  n'ont  été  réglées  qu'alors,  semblent  avoir  été 
soumises  au  système  de  conscription  impériale  établi  par  Au- 
guste. On  peut  invoquer  dans  ce  sens,  outre  des  témoignages 


(i)  Dans  les  levées  en  masse  des  crises  de  la  guerre  civile,  on  n'a  cer- 
tainement pas  omis  d'incorporer  dansles  cadres  romains  les  non-citoyens 
propres  au  service;  on  aura  usé  pour  cela  du  droit  du  général  de  conférer 
la  cité  (VI,  1,  p.  151)  et  peut-être  en  outre  d'une  méthode  analogue  à  celle 
qui  donna  naissance  aux  cohortes  voluntarlorum  d'affranchis  (p.  36). 


LES   SUJETS  AUTONOMES.  309 

particuliers  (1),  l'étendue  considérable  des  territoires  en 
question.  Même  dans  certaines  des  principautés  dépendantes, 
par  exemple  en  Thrace,  il  a  probablement  été  fait  des  levées 
pour  Rome  dès  avant  l'annexion  (2).  A  moins  d'obstacles  ré- 
sultant de  traités  anciens,  on  ne  paraît  pas,  sous  le  Principat, 
avoir  fait  de  distinction  pour  le  recrutement  entre  les  mem- 
bres de  l'empire  autonomes  et  les  autres.  On  voit  reparaître  ici 
le  principe  suivi  par  Auguste  d'augmenter  la  dépendance  chez 
les  cités  fédérées  et  d'augmenter  l'autonomie  chez  les  cités 
sujettes  de  manière  à  rapprocher  les  deux  catégories. 

Il  n'a  iamais  été  accordé  aux  États  qui  se  trouvaient  avec  Participation  au 

J  ^  butin. 

Rome  dans  une  confédération  particulière  de  droit  à  une  part 
des  terres  conquises  ou  du  butin,  tel  que  celui  qu'ont  possédé, 
d'après  la  tradition,  les  ligues  des  Latins  et  des  Herniques 
confédérées  avec  Rome  (p. 240).  Ce  n'est  que  par  faveur  qu'ils 
ont  reçu  une  portion  secondaire  des  gains  produits  par  la 
guerre.  Les  libéralités  triomphales  étaient  faites  également 
aux  non-citoyens  et  aux  soldats  non-citoyens,  et  en  général 
pour  le  même  montant  (3).  Les  objets  venant  du  butin  ornaient 
principalement  les  places  et  les  temples  de  Rome,  mais  il  y  en 
a  eu  cependant  aussi  d'exposés  hors  de  la  ville  (4).  Des  som- 


(1)  Uala,  qui  porte  le  nom  de  la  cité  fédérée  des  Vocontii  doit  avoir  eu 
pour  première  origine  la  conscription  opérée  dans  ce  territoire  (Hermès,  19, 
45).  Les  peuples  fédérés  de  la  Gaule  du  Nord,  tels  que  les  Hsedui  et  les  Rémi 
servaient  aussi  dans  l'armée  romaine.  On  ne  peut  pas  tirer  de  conclusions 
certaines  de  la  présence  de  villes  déterminées  dans  les  inscriptions  des 
soldats  ;  car  il  peut  y  avoir  eu  au  service  des  volontaires  venant  de  villes 
exemptes.  Il  y  a  encore  moins  à  tenir  eompte  de  la  non-représentation  de 
certaines  villes  et  de  certains  pays  dans  les  inscriptions  de  soldats  que 
nous  possédons. 

(2)  Hennés,  19,  49.  Gela  n'avait  probablement  pas  lieu  dans  tous  les  États 
clients. 

(3)  L'égalité  des  gratifications  accordées  aux  citoyens  et  aux  socii  Latini 
nominis  est  expressément  indiquée  en  574  (Tite-Live,  40,  43,  7)  et  576 
(Tite-Live,  41,  7,  3),  sans  doute  aussi  en  567  (Tite-Live,  39,  5,  17)  ;  il  faut 
sans  doute  comprendre  dans  le  même  sens  toutes  les  relations  anciennes 
dans  lesquelles  il  n'est  pas  fait  de  distinction;  l'attribution  d'une  demi- 
part  seulement  aux  non-citoyens  en  577  excita  du  mécontentement  (Tite- 
Live,  41,  13,  8). 

(4)  Nous  connaissons  une  offrande  faite  avec  le  butin  d'iEtolie  de  565,  qui 
revint  à  Tusculum  (CI.  L.  I,  n.  534).  Les  inscriptions  et  les  écrivains  allés- 


310  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

mes  d'argent  ont  même  été  remises  sur  le  butin  aux  divers  con- 
tingents pour  leurs  cités  (1),  probablement  afin  de  rembourser  à 
leurs  trésors  comme  au  trésor  romain,  sur  les  profits  de  guerre, 
la  dépense  de  la  solde  des  troupes  faite  pour  la  guerre.  Quand  les 
terres  conquises  ont  été  partagées,  les  alliés  ont  été  au  moins 
parfois  admis  au  partage,  mais  toujours  pour  une  quotité  moin- 
dre que  les  citoyens  (2).  Si  elles  n'étaient  pas  partagées, 
elles  restaient  la  propriété  de  la  cité  romaine;  mais  certaines 
fractions  en  étaient  données  en  jouissance  aux  cités  alliées,  de 
sorte  que  ces  cités  pouvaient  en  permettre  l'occupation  à  leurs 
citoyens,  comme  Rome  faisait  en  faveur  des  siens  (3).  Lorsque 
la  loi  agraire  de  Gracchus  proposa  le  partage  de  ces  terres 
communes,  elle  atteignit  dans  leurs  intérêts  les  riches  Latins 
aussi  bien  que  l'aristocratie  romaine  (4). 
Exemption  de       L'obligation  d'un  État  de  verser  de  l'argent  à  un   autre  à  ti- 

l'impôt  des 

villes  fédérées   tre  permanent  peut  être  conçue  de  deux  façons  :  ou  bien  ce  peut 

italiques. 

être  le  versement  d'une  somme  d'argent —  en  général  fixée  une 


tent  des  dédications  faites  par  Mummius  avec  le  butin  de  Corinthe  non  seu- 
lement à  Rome,  mais  dans  toute  l'Italie  et  même  à  Parma  dans  la  Gaule 
cisalpine  et  à  Italica  en  Espagne  (C.  /.  L.  I,  n.  541-546).  Il  n'était,  pour  ces 
présents  du  général,  tenu  aucun  compte  de  la  condition  juridique  des  lieux 
gratifiés. 

(1)  Inscription  de  la  colonie  latine  de  Gora,  C.  I.  L.  X,  6527  (p.  304, 
note  4). 

(2)  V.  tome  IV,  la  théorie  des  Magistrats  agris  dandis  adsignandis  et 
colonise  deducendse,  sur  Yadsignatio. 

(3)  V.  tome  IV,  eod.  loc.  Selon  la  loi  agraire  de  643,  ligne  21,  on  indem- 
nise, en  qualité  de  vêtus  possessov,  pour  la  terre  commune  romaine  qui  lui  est 
enlevée,  non  seulement  le  citoyen  romain,  mais  le  membre  d'une  cité  ins- 
crite dans  la  formula  togatorum;  et  il  est  question,  ligne  31,  du  poplice  deve 
senati  sententia  ager  fruendus  datus  aux  colonies  et  aux  municipes  des  Latins 
et  peut-être  des  Italiens  en  général.  Gicéron,  De  re  p.  S,  29,  41  :  Ti.  Gracchus... 
sociorum  nominisque  Latini  jura  neglexit  ac  fœdera.  Gf.  C.  I.  L.  I,  p.  90.  Il 
ne  faut  pas  confondre  avec  ces  terres  les  terres  communes  appartenant  aux 
cités  alliées  elles-mêmes,  comme  par  exemple  celles  de  Genua  d'après  la  sen- 
tence des  Minucii.  Dans  les  institutions  municipales,  les  terres  romaines 
données  en  jouissance  à  la  cité  et  les  terres  communes  municipales  existent 
également  les  unes  à  côté  des  autres. 

(4)  Appien,  B.  c.  4,  36  :  0\  'iTaXiûrai....  xal  oî'8e  irept  tm  vojjuo  ty}ç  àuotxc'aç 
èSeSoîxeaav,  u)ç  zr\ç  6r,jioajaç  'Pwjjiactov  yf,?,  r(v  àvé^Tov  ouaav  'ii\  oc  [xsv  èx  (3îaç 
o\  8s  AavOàvovxeç  (cela  est  inexact;  cf.  VI,  1,  p.  93  et  ss.)  êyewpyouv,  aùrîxa  o-çûv 
àçcupir)6T)aonévT)ç. 


LES   SUJETS  AUTONOMES.  311 

fois  pour  toutes  —  fait  par  le  trésor  de  la  cité  soumise  à  celui 
delà  cité  dominante,  ou  bien  la  première  peut  transporter  à  la 
seconde  son  droit  de  percevoir  l'impôt.  Le  dernier  procédé  est 
aussi  inconciliable  avec  une  autonomie  réelle,  quoique  res- 
treinte, que  le  transfert  du  droit  d'opérer  les  levées  de  troupes 
à  l'État  qui  exerce  l'hégémonie.  Le  premier  n'est  ni  plus  ni 
moins  attentatoire  à  l'autonomie  que  la  fourniture  d'un 
contingent.  Mais,  selon  la  conception  ancienne  des  Romains, 
l'alliance  implique  la  prestation  d'un  contingent  et  exclut 
le  paiement  d'une  redevance  pécuniaire  avec  une  égale  né- 
cessité. Les  États  fédérés  ne  sont  par  conséquent  soumis  à 
des  charges  pécuniaires  qu'indirectement,  en  tant  qu'ils  doi- 
vent subvenir  aux  dépenses  occasionnées  parleurs  troupes  (1). 
Cette  règle  s'applique  à  l'Italie  latine  et  en  général  à  toute  l'I- 
talie alliée.  Il  n'est  jamais  fait  allusion,  pour  une  ville  italique, 
ni  au  paiement  d'une  redevance  directe  à  la  cité  domi- 
nante (2),  ni  au  caractère  exceptionnel  de  son  immunité.  La 
concession  du  droit  latin  faite  par  voie  de  fondation  de  colonie 
ou  autrement  entraîne  par  suite,  à  l'époque  de  la  République, 
lorsque  le  territoire  était  antérieurement  soumis  à  une  rede- 
vance en.  qualité  de  propriété  publique  de  Rome,  la  suppres- 
sion de  cette  redevance  et  l'exemption  d'impôts. 
Le  même  principe  est  posé  pour  les  fédérés  non-italiques  (3), 


Immunité  ou 

soumission    au 

tribut   des    alliés 

extra-italiques. 


(1)  Pour  les  vivres  qui  sont  fournis  aux  soldats,  il  est  fait  une  'déduc- 
tion sur  la  solde  des  citoyens  ;  mais  il  n'est  rien  compté  aux  alliés  (Polybe, 
6,  39,  15).         * 

(2)  Des  contributions  volontaires  ont  même  été  refusées,  par  exemple 
celle  des  Neapolitani  en  337  (Tite-Live,  22,  32).  L'imposition,  en  550,  aux 
douze  colonies  qui  refusaient  le  contingent  d'une  contribution  annuelle  de 
1  pour  1000  (Tite-Live,  29,  15,  9  :  Stipendium  prasterea  Us  coloniis  in  milia 
œris  asses  singulos  imperari  exigique  qaotannis)  ne  fait  que  confirmer  la  règle; 
au  reste,  cette  disposition  pénale  est  difficilement  restée  en  vigueur  jusqu'à 
la  guerre  sociale. 

(3)  Le  type  de  la  fédération  extra-italique  doit  être  cherché  dans  les  re- 
lations avec  Massalia  et  les  autres  États  semblables,  et  l'obligation  au  tribu* 
n'y  est  pas  plus  prise  pour  fondement  que  dans  les  traités  italiques.  Partout 
où  il  est  tenu  compte  de  l'obligation  à  l'impôt  pour  la  classification  des  ci- 
tés, les  cités  fédérées  et  libres  apparaissent  comme  libres  d'impôts,  ainsi 
par  exemple  dans  Appien  et  Gicéron  (p.  283,  note  3). 


312  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

et  il  est  confirmé  par  de  nombreux  exemples  (1).  L'im- 
munité ne  fait  pas  l'objet  d'un  titre  officiel  (2),  probablement 
parce  qu'on  exprimerait  trop  crûment  la  dépendance  de  la  ville 
«  libre  »  en  célébrant  son  exemption  des  impôts.  —  Cependant 
cette  situation  est,  sous  plus  d'un  rapport,  dépourvue  de  base 
naturelle  ;  en  présence  de  l'exemption  du  service  militaire  effec- 
tif, dont  elles  jouissent  au  moins  en  fait,  l'exemption  d'impôts 
d'Athènes,  de  Sparto  et  d'Ilion  apparaît  dès  le  principe  comme 
une  faveur  politique.  Aussi  ne  s'est-elle  pas  maintenue  par 

(1)  Dans  les  cas  où  nous  possédons  les  actes  de  fédération,  pour  Astypa- 
lsea,  Termessos,  Aphrodisias  (p.  317,  note  4),  ou  il  n'y  est  pas  question  de 
tribut,  ou,  comme  dans  le  dernier  traité,  l'immunité  est  spécifiée  expressé- 
ment. —  L'existence  de  l'immunité  est  attestée  expressément  pour  les  cités 
suivantes  qui,  en  tant  que  nous  connaissons  leur  condition  légale,  ont  tou- 
tes possédé  l'autonomie  :  en  Gaule,  Massalia  (Justin,  43,  5,  10,  placée  par 
un  anachronisme  après  l'incendie  de  Rome  par  les  Gaulois)  ;  —  en  Afrique, 
Theudalis  (Pline,  5,  4,  23),  citée  comme  ville  libre  dans  la  loi  agraire  de  643  ; 
—  en  Achaïe,  Sparte  (Strabon,  8,  5,  o,  p.  365  :  ^E^etvav  IXeûOepot,  wXfjv  Tàiv  <pi- 
Xtxôov  XsiToupyiwv  aXXo  auvTeXouvTeç  où8sv),  —  Elateia  en  Phocide  (Pausanias, 
10,  34,  2  :  'Avti  toutou  8ô  toû  epyou  'Pwfxatoi  SeScoxaatv  aÙTotç  ÈXeuôépouçôvTaç 
àTeXîj  vsfxiaôai  ttjv  -/copav.  c.  4  :  'Eir\  toÛtw  8è  èXsuôépouç  etvat  x&  epycp  osgotocc 
ffçiaiv  \nzb  cP(0{iaî(*>v),  — Pallantion  en  Arcadie  (Pausanias, 8, 43,  1  :  'Avrwvtvoç 
o  7rpÔTepoç  —  Antonin  le  Pieux  —  rcoXiv  te  ocvti  x(o[Ar,ç  iizoir\<7e  IlaXXàvTiov  xa( 
aç'.aiv  èXeuôepîav  xal  ccTsXeîav  ëScoxev  eTvoci  çopwv), — les  Locriens  Ozoles(Pline,4, 
3,  7),  —  Amphisa  (Pline,  4,  3,  8)  ;  -  en  Asie,  outre  les  villes  nommées  au  com- 
mencement, avant  tout  Ilion.  Piome  lui  fit  obtenir  déjà  du  roi  Seleukos  (proba- 
blement, Seleukos  IIKallinikos:  Droysen, Geschichte  des  Hellenismus,3,i,Z&l 
z=  tr.  fr.  3,  373)  l'immunité  complète  (Suétone,  Claud.  25:  Recitata  vetere  epi- 
stulaGrsecasenatus  populigue  R.Selenco  régi  amicitiam  et  societatem  ita  demum 
pollicentis,  si  consanguineos  suos  llienses  ab  omni  onere  immunes  prsestitisset). 
En  conséquence,  la  liste  de  Pline,  5,  30,  124,  accorde  l'immunité  à  la  ville,  et 
Strabon,  13,  1,  27,  p.  595,  ttjv  èXEuôspcavxai  àXsiToupyrça-îav.  S'il  fut  décidé,  sous 
Claude,  ut  llienses  omni  publico  munere  solverentur  (Tacite,  Ann.  12,  58)  ou, 
selon  l'expression  de  Suétone,  loc.  cit.,  s'il  tributa  in  perpetuum  re?nisit  aux 
Iliens,  cela  ne  peut  s'entendre  que  d'une  disposition  confirmative  et  extensive; 
lliensibus,  dit  Gallistrate,  Dig.  27,  1, 17,  1,  jam  antiquitus  et  senatus  consultis 
et  constitutionibus  principum  plenissima  immunit  as  tributa  est,  ut  etiam  tutelx 
excusationem  habeant,  scilicet  eorum  pupillorum,  gui  llienses  non  sint ;  idque 
divus  Puis  rescripsit;  —  Alabanda  (une  ambassade  d'Alabanda  renouvelle 
l'amitié  avec  les  Romains  et  rapporte  un  ô6y[j.a  uepi  Tr,ç  àç>opoXoyr)criaç,  selon 
l'inscription  Bull,  de  corr.  hell.  10,  299;  monnaie  avec  dcTsXstaç  'AXapavSewv, 
Mionnet,  3, 306, 14,  exemplaire  net  dans  la  collection  Imhoof;  Alabanda  libéra, 
Pline,  5,  29,  109)  ;  —  Lycie,  (octeXeïç  çopwv,  Appien,  B.  c.  5,  7)  ;  —  en  Gilicie, 
Tarse  (Appien,  loc.  cit.  :  'EXEuÔspou;  xal  cxteXeïç  tpopwv  par  Antoine;  Lucien, 
Macrob.  21  :  °r<p'  ou  —  Auguste,  —  t\  Tapascov  ttoXiç  çopov  èxouçîaÔYi)  ;  —  en 
Syrie,  Laodicée  (Appien,  loc.  cit.). 

(2)  Les  monnaies  d'Alabanda  (note  1)  sont  absolument  isolées. 


LES    SUJETS   AUTONOMES.  313 

rapport  à  ces  fédérés,  bien  que  le  changement  de  système  ne 
puisse  pas  être  suffisamment  suivi  dans  le  détail  de  ses  pha- 
ses. Il  a  sans  doute  été  opéré  moins  par  l'établissement  d'une 
règle  générale  que  par  la  fixation  d'impôts  à  la  charge  de  cités 
antérieurement  autonomes  faite  dans  un  cas  après  l'autre,  soit 
au  moment  d'une  nouvelle  concession  de  l'autonomie,  soit  comme 
imposition  additionnelle  d'une  redevance.  Les  cités  qui  n'é- 
taient pas  constituées  en  villes  (1)  et  les  principautés  dépen- 
dantes (2)  payaient  déjà, sous  la  République,  des  tributs  annuels 
fixes  au  gouvernement  romain;  l'obligation  à  l'impôt  se  ren- 
contre aussi,  pour  diverses  villes  libres,  au  moins  dès  le  com- 
mencement   de  l'Empire  (3),  et  le  nombre  de  celles  qui  ont, 


(1)  Le  traité  conclu  avec  les  Belli  et  les  Titthi  espagnols  en  575  le 
prouve  (p.  306,  note  4). 

(2)  Polybe,  2,12,  3,  sur  l'an  526  :  'H  Teuxa...  TCOteTxat  <rjv6r(xaç,  èv  atç  sù86- 
%t\<n  çôpo-j;  ts  xoù;  o:a-:a-/6évxaç  oî'asiv  ;  Tite  Live,  22,33,  5;  Josèphe,  Bell. 
8,  7,  6  (cf.  Ant.  14,  4,  4)  :  (Pompée)  xr,  ts  "/^P?  xat  70^  'IspoaoX'jjxoiç  âirixaxxei 
çopov,  tribut  qui  fut  plus  tard  remis  par  César  (Rœm.  Gesch.  5,  501  = 
tr.  fr.ll,  79).  César  donna  au  roi  des  Atrébates  Commius  l'immunité  en 
même  temps  que  le  pouvoir  (César,  B.  Gall.  7,76).  Antoine  imposa  des  tributs 
permanents  aux  princes  institués  par  lui  en  Orient  (Appien,  B.  c.  5,  75  : 
"Ioty)  Si  t:y]  %tù  [3a<7i)ia;  oflç  Soxijxàceis,  èiù  çoposç  apa  TcTay^évoiç).  Lucien, 
Alex.  57:  IIapa7i)iovxac  sûpwv  Bo<77ropiavouç  xivaç  7ipéa-(3eiç  irap'  Eùuàxopoç  xoû 
paTi/iw;  &c  xr,v  Bi6-jvîav  cbrctâvrac  sVi  xojaiStj  ttjç  sTtexetoy  (TJvxà^ewç. 

(3)  Lorsque  en  53  remise  est  faite  à  la  ville  de  Byzance  des  taxes  {tri- 
buta)  pour  cinq  ans  (Tacite,  Ann.  12,  63),  il  peut  difficilement  s'agir  là  de  la 
part  appartenant  à  Borne  dans  les  taxes  sur  la  pêche  du  détroit  (Strabon, 
7,  6,  2,  p.  320).  La  ville  était,  depuis  la  dernière  guerre  de  Macédoine,  alliée 
auxBomains,  et  elle  n'avait  sûrement  pas  été  alors  grevée  d'un  tribut;  mais 
elle  eut  sans  doute  sa  condition  définitivement  réglée  par  Pompée  lors  de 
l'organisation  de  la  province  du  Pont  et  de  Bithynie,'à  laquelle  elle  appartenait 
(Pline,  Ep.  43.  44),  et  il  peut  lui  avoir  alors  été  imposé  un  tribut. —  Parmi  les 
villes  de  la  province  d'Asie  qui  obtinrent,  après  le  tremblement  de  terre  de 
l'an  17,1a  remise  des  impôts  avec  d'autres  faveurs  (Tacite,  Ann.  2,  47),  il  y  en  a 
deux  de  libres,  Magnesia  près  du  Sipyle  (Strabon,  13,  3, 5, p.  621)  et  Apollonidea 
(Cicéron,  Pro  Flacco,  29,  71).— Si  le  roi  Hérode  msX-jae  Xio>.ç  (sur  leur  liberté, 
cf.  p.  323,  note  1)  xà  7ipb;  xouç  Kaîaapoç  èTicxpoTiouç  -/pr,[Aaxa  xal  xtov  s'.açopwv  ànr,X- 
Xagev  (Josèphe,  Ant.  16,  2,  2),  cela  n'indique  sans  doute  qu'une  inobservation 
temporaire  et  un  rétablissement  de  la  liberté  d'impôts.  —  Il  est  surprenant 
que  l'immunité  ne  soit  attribuée,  dans  les  listes  de  Pline,  qu'à  quelques 
rares  villes  de  droit  pérégrin,  —  Theudalis  en  Afrique,  les  Locriens  Ozoles 
et  Amphisa  en  Achaïe,  Ilion  en  Asie  (p.  312,  note  1).  Mais  on  ne  peut 
Pas  déduire  du  simple  silence  du  négligent  compilateur  que  toutes  les  villes 
de  ces  provinces  aient  été  soumises  au  tribut. 


autonomes. 


314  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

dans  le  cours  des  temps,  été  imposées  selon  ce  système  n'a 

probablement  point  été  mince. 
Application         Si  l'imposition  d'un  tribut  annuel  est  conciliable  avec  la  sou- 
nSpositSn  e  veraineté  limitée,  il  n'en  est  pas  de  mème,[avons-nous  déjà  dit, 

directe  même  à     ,,,...,. 

des  cités  de  1  imposition  directe,  qui,  comme  nous  montrerons  dans  la 
partie  suivante,  est  le  véritable  signe  caractéristique  de  la  cité 
sujette  et  qui  n'a,  jusqu'à  la  fin  de  la  République,  jamais  été 
appliquée  à  une  ville  reconnue  comme  libre  par  les  Romains. 
Mais,  lorsque  Pompée,  en  organisant  la  Syrie (1),  y  accorda  l'au- 
tonomie à  une  série  de  villes,  l'immunité  ne  fut,  ainsi  que  nous 
avons  déjà  vu,  point  tenue  pour  comprise  dans  cette  auto- 
nomie, et  les  Romains  continuèrent,  selon  toute  apparence,  à 
percevoir  l'ancien  impôt  royal.  11  fut  assurément  ainsi  intro- 
duit dans  les  institutions  romaines  une  catégorie  de  villes  dont 
l'autonomie  ne  peut  plus  être  désignée  comme  une  souveraineté 
limitée  et  qui  rentrent  au  sens  propre  parmi  les  cités  sujettes. 
—  La  même  chose  a  probablement  été  faite  plus  tard  également 
pour  la  constitution  latine,  et,  parmi  les  villes  de  l'Occident  qui 
sont  parvenues  au  droit  latin  dans  le  dernier  siècle  de  la  Ré- 
publique et  sous  le  Principat,  les  plus  récentes  tout  au  moins 
n'ont  pas  obtenu  en  même  temps  l'immunité.  A  la  vérité,  les 
témoignages  font  ici  pour  ainsi  dire  complètement  défaut.  Dans 
les  listes  de  villes  espagnoles  de  Pline,  les  villes  d'Espagne 
gratifiées  du  droit  de  latinité  du  temps  d'Auguste  sont  opposées 
aux  villes  stipendiaires  ;  il  est  possible,  mais  il  n'est  pas  cer- 
tain que  l'exemption  du  tribut  leur  soit  ainsi  attribuée.  Au 
contraire,  dans  la  liste  relative  à  l'Afrique,  il  y  a  une  ville  la- 


(1)  Si  divus  Antoninus  (le  fils  de  Sévère)  Antiochenses  colonos  fecit  salvis 
tributis  (Paul,  Dig.  50,  15,  8,  5),  Antioche,  qui  a  reçu  l'autonomie  de  Pompée 
(p.  285,  note  2),  a  donc  payé  un  tribut,  étant  ville  autonome;  et  ici,  dans  une 
province  impériale,  il  ne  peut  s'agir  que  d'une  perception  directe.  —  La 
concession  par  Sévère  du  droit  colonial  romain  et  de  l'exemption  d'impôts 
(jus  italicam)  à  Tyr  et  Laodicée  en  Syrie,  qui  sont  également  de  vieilles  vil- 
les autonomes,  ne  prouve  pas  absolument  qu'elles  aient  été  antérieurement 
soumises  à  l'impôt  ;  la  nouvelle  distinction  pouvait  consister  exclusivement 
dans  la  concession  des  droits  de  colonie,  et  d'autres  témoignages  attestent 
l'exemption  d'impôts  antérieure  de  Laodicée  (p.  312,  note  4,  in  fine). 


LES   SUJETS  AUTONOMES.  315 

tine  sur  deux  qui  est  signalée  comme  slipendiaire  (1).  Lors- 
que ensuite,  ainsi  que  nous  montrerons  dans  la  théorie  du  ré- 
gime municipal,  les  cités  de  citoyens  furent  régulièrement  sou- 
mises à  l'impôt  dans  les  provinces  et  que  l'immunité  ne  fut 
qu'exceptionnellement  accordée  à  des  colonies  isolées  et  pour 
ainsi  dire  jamais  à  des  municipes,  il  a  été  impossible  que  des 
empereurs  tels  que  Vespasien  aient,  en  accordant  la  latinité  à 
toutes  les  villes  espagnoles  du  territoire  du  Sénat  et  du  terri- 
toire impérial,  entendu  renoncer  par  là  aux  impôts  directs  de 
ce  vaste  domaine.  Il  est  probable  que  l'imposition  des  cités  de 
sujets  qui  reçurent  le  droit  latin  fut  réglée  selon  le  principe 
que  nous  avons  déjà  rencontré  pour  les  cités  de  citoyens  d'outre- 
mer. La  transformation  de  Y ager  publiais  populi  Romani  en 
ager  privatus  susceptible  de  propriété  quiritaire  est  en  géné- 
ral impossible  en  dehors  de  l'Italie,  et  par  conséquent  le  carac- 
tère domanial  du  sol  n'est  pas  supprimé  par  sa  division.  Or, 
si  le  sol  reste  la  propriété  de  l'État  après  la  transformation  de 
la  cité  sujette  de  Malaca,  soumise  au  paiement  de  la  redevance 
foncière,  en  cité  de  droit  latin,  il  est  rationnel  que  la  rede- 
vance foncière  doive  toujours  être  payée  par  lui. 

Les  villes  libres  qui  ne  sont  pas  sujettes  à  l'impôt  n'en  sont  ^SS^S^ 
pas  moins  soumises  à  certaines  obligations  de  bonne  amitié  fé- 
dérale envers  la  cité  dominante  et  ses  magistrats  :  c'est  une 
chose  qui  résulte  des  rapports  généraux.  Même  à  leur  égard,  la 
loi  établissait  et  réglait,  au  profit  des  magistrats  et  des  officiers 
qui  se  trouvaient  dans  la  province,  un  certain  droit  de  réquisi- 
tion pour  les  besoins  personnels  d'eux  et  de  leur  suite  (2).  Le 


(1)  L'oppidum  stipendiai* ium  unum  (Castra  Cornelia)  que  Pline,  5,  4,  29,  indi- 
que aprèsles  15  oppida  civium  Romanorum  et  l'oppidum  Latinorum  unique  et 
avant  les  30  oppida  libéra  et  les  civitates  tout  court,  doit  avoir  été  d'une  con- 
dition supérieure  à  celle  des  simples  oppida stipendiaria appelés  ici  civitates; 
la  place  qu'il  occupe  implique  le  droit  de  latinité  combiné  avec  la  soumis- 
sion à  l'impôt. 

(2)  Dans  le  plébiscite  relatif  aux  Termessiens  de  683  :  Neive  quis  magis- 
tratus  prove  magistratu  legatus  neive  quis  alius  facito  neive  inperato,  quo  quid 
magis  iei  dent  prœbeant  ab  ieisve  auferatur,  nisei  quod  eos  ex  lege  Porcia  (au- 
trement inconnue)  dare  prœbere  oportebit.  A  cela  correspond,  dans  les  lettres 
de  protectorat  données  par  César  aux  Juifs  (Josèphe,  14, 10,  2.  6),  ?à  xp^axa 


d'impôts. 


316  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

droit  public  n'a  point  à  s'occuper  de  l'usage  et  de  l'abus  qui  ont 
pu  être  faits  de  pareils  secours  amicaux  des  alliés  dans  des  cas 
extraordinaires,  notamment  en  temps  de  guerre. 


Les  droits         Si  nous  passons  maintenant  à  l'autre  face  de  l'alliance  dé- 

de  souveraineté  ir-iii,  .      i    .  ^ 

des  alliés      pendante,  a  letude  de  1  autonomie  laissée  aux  Etats  de  cette  es- 

autonomes.        x  > 

pèce,  le  droit  public  de  la  République  romaine  reconnaît  en 
principe  les  États  fédérés  comme  ayant  la  souveraineté,  en  tant 
que  les  traités  particuliers  conclus  avec  chacun  d'eux  n'en  suppri- 
ment pas  telle  ou  telle  conséquence.  Tandis  que  les  citoyens  ro- 
mains et  les  cités  sujettes  qui  n'ont  pas  de  traité  avec  Rome  doi- 
vent se  soumettre  sans  autre  forme  à  toutes  les  prescriptions  de 
l'autorité  romaine,  cette  autorité  ne  peut  réclamer  des  cités 
alliées  que  l'observation  de  leurs  traités.  Si  ce  traité  est  violé 
par  la  cité  dépendante,  le  lien  de  droit  est  rompu  (1);  au  reste 
cette  cité  est  libre  de  se  gouverner  et  de  s'administrer  aussi 
bien  ou  aussi  mal  qu'elle  veut,  d'user  et  d'abuser  à  sa  guise  de 
sa  souveraineté.  Le  principe  a  été,  verrons-nous,  plus  d'une 
fois  atteint  et  limité  du  temps  de  la  République, par  suite  des 
privilèges  spéciaux  réclamés  par  l'Etat  romain  pour  lui-même 
et  pour  ses  membres  et  des  restrictions  et  des  lésions  apportées 
par  là  à  l'autonomie  des  alliés.  Mais  la  République  n'est  guère 

èo-icpaTTEffOat  y]  elç  -rcapaxei^aatav  v\  àXkio  tivï  ov6(j.a-u  ;  il  est  donc  fait  en 
première  ligne  allusion  aux  réquisitions  militaires.  Mais  cela  comprend 
également  les  fournitures  faites  moyennant  indemnité  pour  l'entretien 
du  gouverneur  et  de  sa  suite  (Gicôron,  Vert.  4,  9,  20  :  Tritici  modium  LX 
milia  empta  populo  Romano  dare  debebant  —  les  Mamertins  fédérés  —  et 
solebant).  Les  dispositions  connues  de  la  lex  repetundarum  de  César  sur  le 
droit  de  réquisition  du  gouverneur  et  de  sa  suite  dans  les  provinces  (Gicé- 
ron,  Ad  AU.  5,  16,  3,  etc.)  s'étendent,  tout  au  moins,  aux  États  libres.  Ce 
sont  là  les  çtXixal  Àeiroupyiat,  qui,  selon  Strabon  (p.  312,  note  1),  pouvaient 
être  réclamées  même  de  la  ville  libre  de  Sparte. 

(1)  La  question  de  savoir  si  cela  a  eu  lieu,  —  si  prior  defexit,  dit  le  ser- 
ment (Tite-Live,  1,  24)  —  est  tranchée  non  contradictoirement  par  les  auto- 
rités romaines,  à  l'époque  ancienne,  sûrement  sous  l'influence  prépondérante 
du  collège  des  fétiaux.  Le  droit  d'alliance  de  Fregellae  a  été  cassé  de  cette 
façon  par  les  Romains  en  629. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  317 

intervenue  pour  d'autres  raisons  dans  l'administration  indé- 
pendante des  villes  libres.  Au  contraire,  le  gouvernement  im- 
périal, plus  sérieusement  préoccupé  du  maintien  du  bon  ordre 
que  l'oligarchie  des  derniers  temps  de  la  République,  sans  doute 
aussi  plus  d'une  fois  sous  le  coup  de  la  nécessité  pratique,  a  de 
plus  en  plus  transformé  l'hégémonie  de  Rome  en  un  gouverne- 
ment véritable;  en  particulier,  il  s'est  arrogé  le  droit  non 
seulement  de  réprimer  à  titre  isolé  les  abus  de  l'autonomie  (1), 
mais  aussi  de  la  supprimer  dans  les  cas  graves  (2). 

Le  fondement  de  l'autonomie  est  l'autorité  exercée  parla  cité 
fédérée  ou  libre  (3)  sur  son  propre  territoire,  c'est-à-dire,  selon 
la  conception  des  Romains,  l'existence  à  son  profit  de  la  propriété 
publique —  ou  de  la  propriété  privée  dérivée  de  la  propriété  pu- 
blique —  sur  le  sol  enfermé  dans  ses  limites  (4),  le  traité  ex- 


(1)  Il  est  inutile  de  citer  des  preuves;  la  conduite  de  Trajan  à  l'égard  de 
la  population  d'Amisos  (p.  319,  note  1)  est  caractéristique  àce  point  de  vue. 

(2)  Suétone,  Aug.  47  :  Urbium  quasdam  fœderatas  sed  ad  exitium  licentia 
prœcipites,  libertate  privavit,  où  il  s'agit  de  Gyzique,  de  Tyr  et  de  Sidon 
(Dion,  54,  2).  Des  décisions  pénales  semblables  sont  rapportées  pour  Tibère 
(Tacite,  Ann.  4,  36;  Suétone,  Tib.  37;  Dion,  57,  24);  pour  Claude  (Suétone, 
Claud.  25  ;  Dion,  GO,  17,  24);  pour  Vespasien  (Suétone,  Vesp.  8),  pour  Sévère 
(Dion,  74,  14).  Sans  doute  il  n'est  là  question  nulle  part  que  de  la  libertas; 
mais  il  s'agit  clairement  de  celle  qui  se  fonde  sur  un  fœdus.  L'autonomie  ré- 
vocable, accordée  à  titre  unilatéral,  pouvait  être  retirée  sans  violation  du 
droit  théorique  et  être  remplacée  par  l'administration  municipale  accordée 
aux  villes  sujettes.  Par  un  phénomène  surprenant,  ces  cassations  se  limitent 
presque  absolument  à  la  moitié  grecque  de  l'empire;  en  Occident,  où  les 
villes  latines  étaient  cependant  si  nombreuses,  on  n'en  rencontre  que  très 
rarement  (Dion,  54,  25).  —Les  cassations  de  l'autonomie  survenues  du  temps 
de  la  République,  par  exemple  pour  Fregellae  (p.  316,  note  1)  et  les  villes 
libres  de  Sulla  (p.  375,  note  2),  procèdent  d'autres  causes. 

(3)  Il  n'y  a  pas,  sous  ce  rapport,  de  différence  entre  les  deux  espèces  de 
Tilles  :  la  chose  se  comprend  d'elle-même,  et  elle  est  expressément  attestée 
par  la  façon  dont  sont  traitées  les  civitates  liberœ  d'Afrique  dans  la  loi 
agraire  de  643. 

(4)  Ce  principe  est  formulé,  de  la  façon  la  plus  énergique,  dans  la  néga- 
tion de  l'autonomie,  c'est-à-dire  dans  la  deditio.  Les  vaincus  livrent,  dans 
Tite-Live,  1,  38,  urbem,  agros,  aquam,  terminos,  delubra;  d'après  Polybe,  36, 
4,  2  (VI,  1,  p.  61,  note  4),  -/copav  ttjv  uTrapxouaav  aùxoïç  xat  7i6Xetç  xàç  èv  tocvty)... 
ôjxoîwç  uoTajxoùç  Xtjxlvaç  îepà  xàçouç.  A  l'inverse,  on  trouve,  dans  toutes  les 
lettres  de  liberté  et  les  relations  qui  s'y  rapportent,  la  concession  de  la  pro- 
priété propre  du  sol  ;  cependant,  dans  les  textes  rédigés  en  langage  rigou- 
reux, on  évite  la  formule  usitée  pour  la  propriété  romaine  (eorum  esse)  et 
l'on  emploie  celle  usitée  pour  la  propriété  pérégrine  (habere  possidere).  Sur  la 


Territoires 
propres. 


318  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

ceptant  par  une  clause  expresse  les  terres  domaniales  de  l'État 
romain  qui  peuvent  s'y  trouver  comprises  (1).  Ce  n'est  que  par 


demande  des  Thisbéens  en  586  :  LTepV  '/^pa;  xa\  rcepl  Xi[jtiva>v  xal  rcpoo-oocov 
(=vectigalia)  xa\  7ispl  ôplwv  (=saltus)  a  aùxàiv  lyeyoveiaav, c'est-à-dire  au  sujet 
des  biens  fonds  de  la  cité,  le  sénat  répond  tocOtcc  ftuwv  |ièv  Svexey  à'-/siv  èfceïvcci, 
et,  sur  la  nouvelle  question  icepl  -/topa;,  o'.xsûv  xa\  râiv  'j7tap-/ov-tov  ocvroîç,  c'est- 
à-dire  au  sujet  de  la  propriété  privée,  ou  hots  ti  aùrtov  yéyovev,  ottoç  [toc] 
èa-jTôiv  aÙToTç  e/scv  è^.  Les  Romains  assurent  aux  Carthaginois,  après 
les  deux  premières  guerres,  et  urbem  et  agros  (Tite-Live,  42,  24,  9)  ;  dans 
les  négociations  qui  précèdent  la  guerre  de  destruction  de  Garthage,  ils  leur 
assurent  rrjv  '/topav  airacav  xal  tt(v  twv  aXXwv  \ntx.pyjjv~u>v  xx^aiv  xal  xoivrj 
xa\  xat'  tôîav  (Polybe,  36,  4,  4),  où  l'omission  de  la  ville  indique  le  projet 
de  la  raser.  Ces  assurances  données  à  Garthage  et  à  Thisbee  concernent  des 
villes  qui  n'appartenaient  pas  alors  à  l'empire.  Mais,  sous  ce  rapport, 
elles  ne  sont  pas  dans  une  autre  situation  que  les  villes  libres  apparte- 
nant à  l'empire,  auxquelles  se  rapportent  les  témoignages  qui  suivent.  Plé- 
biscite relatif  à  Termessos  de  683  :  Quei  agrei  quae  loca  œdificia  publica 
preivatave  Thermenshim . . .  intra  fineis  eorum  sunt  fueruntve  L.  Marcio  Sex. 
Julio  cos.  (an  663)  quxque  insulse  eorum  sunt,  fueruntve  ieis  eonsulibus  quei 
supra  scriptei  sunt,...  utei  antea  habeant  possideant.  Sénatus-consulte  de  l'an 
710  environ  (C.  1.  Gr,  2737)  "Otodç  te  yj  tc6Xiç  xa\  oe.  tzoIbÏtoli  oc  IL\apaaicov 
[xa\  'AcppoSscacéiov  jjlsô'  w]v  xwjxcov  -/wpîwv  ô-/upo)txaxtov  [z=.castellorum)  ôptov 
(==.  èpetov,  Thisb.)  7rpoo-68a)v  7tpb;  tyjv  çcXc'av  to[0  'Pto^actov  or^ou  Trpoc-îiXôov, 
TaOxa  £-/wcr]tv  xpa^waiv  ^pâ>VTac  xapTU^iovrac  ts  7tâvT(*>v  TrpaytAaTwv  aTôfXsïç 
ô'vtsç,  \it\oi  xcva  oopov  6]ta  rcva  a'crîav  £x8tva»v  8c86vac  {jlt,8î  Çuveierçlpsiv  ôçscXaxrcv, 
[aXV  a-JTOt  Tuàa-t  toutJoc;  xax'  oua-av  ixeTà  xaûxa  èv  lauxoî?  xupwa-tv  -/pô5v[xac]... 
César,  £e#.  GaZZ.  2,  2S  :  tfertrâw  (qui  sont  libres  selon  Pline,  3,  17,  106) 
Csesar...  suis...  finibus  atque  oppidis  uti  jussit.  Auguste  donne  à  la  ville  libre 
de  Tarse  -/wpav...  è^ouacav  xoO  uoxafxoO  xrjç  OaXaxxrjç  xrj?  xa0'  avixoûç  (Dion 
Chrysostome,  34,  éd.  Reiske,  p.  36)  La  méconnaissance  de  cette  propriété  fon- 
cièreest  une  violation  du  droit.  Appien,B.  c.  1,  102  :Xo6pa;  telviat(des  villes 
libres)  xal  Xitxâvwv  xaxà  o-jvô^xa;  o-çccrt  Ss8o[/iviov  à?r(po0vxo.  Suétone,  Tib. 
49  :  Plurimis  civitatibus  et  privatis  veteres  immunitates  et  jus  metallorum 
ac  vectigalia  adempta  se  rapporte  en  partie  à  cela.  —  Nous  nous  occupe- 
rons, dans  la  partie  qui  suit,  de  la  concession  du  droit  de  propriété  foncière 
liée  avec  la  sujétion,  qui  ne  se  rencontre  qu'aux  débuts  du  régime  provin- 
cial romain. 

(1)  Plébiscite  relatif  à  Termessos  :  Quodque  earum  rerum  (sol  et  édifices) 
ieis  eonsulibus  (c'est-à-dire  en  663)  iei  habuerunt  possederunt  usei  fructeique 
sunt,  quae  de  ieis  rébus  locata  non  sunt,  utei  antea  habeant  possideant  :  quae- 
gue  de  ieis  7'ebus  agreis  loceis  œdificieis  locata  sunt,  ac  ne  locentur  sancitum 
est  sanctione,  quae  facta  est  ex  lege  rogata  L.  Gellio  On.  Lentulo  cos.  (en  682) 
ea  omnia  Thermeses...  habeant  possideant;  ieisque  rébus  loceis  agreis  œdificieis 
utantur  fruantur  ita  utei  ante  Mitridatis  bellum,  quod  preimum  fuit, 
habuerunt  possederunt  usei  fructeique  sunt.  Par  conséquent,  l'ager  publicus 
populi  Romani  reste  dans  cette  condition,  quand  il  est  régulièrement  affermé; 
s'il  ne  l'est  pas  ou  s'il  l'est  illégalement,  son  ususfructus  (car  c'est  évidem- 
ment à  cela  que  se  rapporte  en  première  ligne  cette  expression)  est  accordé 
aux  Termessiens. 


Exclusion  de 
l'administration 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  319 

une  autre  formule  de  la  même  idée  que  les  territoires  de  ces  ci- 
tés sont  considérés  comme  ne  faisant  pas  partie  de  l'empire  (1). 
Si,  dans  les  cités  de  Syrie  gratifiées  de  l'autonomie  par  Pompée 
et  dans  les  pays  latins  de  la  péninsule  pyrénéenne,  le  sol  a  été, 
comme  il  semble  vraisemblable,  considéré  comme  sous  la  pro- 
priété du  peuple  romain  (p.  314),  il  n'y  a  là  qu'une  nouvelle 
preuve  que  cette  autonomie  et  cette  latinité  sont  plus  voisines 
de  la  condition  des  sujets  que  de  celle  des  alliés.  —  De  ce 
principe  découlent  les  corollaires  suivants,  pour  lesquels  nous 
signalerons  en  même  temps  les  limitations  multiples  qu'ils 
ont  reçues. 

1.  Le  territoire  des  cités  alliées  est  soustrait  au  gouverne- 
ment des  consuls,  en  Italie  et  dans  le  département  administratif     gouverneur. 
qui  en  dépend  (2),    à  l'autorité  du  gouverneur  dans  les  pro- 
vinces (3).  Ce  dernier  ne  peut  pas  y  paraître  en  sa  qualité  of- 


(1)  Gela  se  manifeste  plus  clairement  que  partout  ailleurs  dans  la  décision 
de  Trajan  (dans  Pline,  Ep.  92.  93)  sur  les  clubs  existant  dans  le  Pont^  et 
spécialement  à  Amisos,  civitas  libéra  et  fœderata  :  il  faut  les  défendre  dans 
les  cités  qui  font  partie  de  l'empire  (in  ceteris  civitatibus  quse  nostro  jure 
obstrictae  sunt)  ;  à  Amisos,  cela  ne  peut  être  fait  qu'en  cas  de  force  ma- 
jeure,si  legibus  ipsorum,  quibus  beneficio  (lit  0.  Hirschfeld,  Sitzungsberichte  de 
Vienne,  tome  107,  p.  243,  au  lieu  de  istorum  quibus  de  officio)  fœderis  utuntur, 
concessum  est  eranumhabere.  Le  compétent  Strabon,  17,  3,24,  p.  839,  distin- 
gue, comme  divisions  générales  de  l'empire  romain  :  les  èirap-/^'-»  les  provinces  ; 
les  èXsûôepat  wôXeiç  ou  (ièv  i\  àpyr^  y.a-:à  cpiXsav  7rpoo-sX9ouo-ai,  tocçô'  YjXe-jOépwcrav 
a-jTo\  xaxà  Ti^rjv,  les  villes  fédérées  ;  enfin  les  S'jvaaxai,  9'jXap-/oc,  tepsiç.  Abso- 
lument de  même  Gicéron,  Pro  Balbo,  4,  9  :  Quern  provinciae  nostrae,  quem  liberi 
populi,  quem  reg es, quem  ultimœ  gentes...  viderunt.  C'est  pourquoi  l'introduc- 
tion du  gouvernement  provincial  ne  s'étend  pas  à  ces  villes  (Suétone, 
Cses.  25  \Omnem  Galliam...praeter  socicts...  civitates  in  provinciae  formant  rede- 
git).  Proculus  appelle,  dans  le  même  sens,  externi  les  villes  fédérées  par 
rapport  aux  Romains,  et  il  admet  le  postliminium  entre  elles  et  les  Romains 
(p.  282,  note  1)  —  Si  Josèphe  dit  des  villes  de  Syrie  auxquelles  Pompée 
donna  l'autonomie  :  ilao-aç  dbr,xEv  sXsuôepaç  xa\  repooivE^s  vn  èuap-/îa  (Ant. 
14,  4,  4)  ou  à<peX6u.£voçToO  e6vo\jç  (twv  'IovSaîwv)  xa\  tocç  èv  KocXy)  SuptarcôXetç  ôaa; 
eîXev,  Ô7céra£e  tm  xa-:'  èxsîvo  xaipoû  'Pœjxaîwv  oxpanrff&  xaTaTE-raYfiiva)  xaî  toTç 
't5iot;  Spoiç  7i£pi£xXeio"sv  (Bell,  i,  7,  7),  cela  doit  peut-être  être  rapporté  au 
maintien  du   droit  d'impôt  (p.  314). 

(2)  V.  Tome  III,  la  partie  du  Consulat,  relativement  à  la  juridiction  du  con- 
sul sur  le  territoire  militiae. 

(3)  Sénatus-consulte  relatif  à  Chios  de  l'an  674  (C.  1,  Gr.  2222)  :  "Iva 
U7ïb  (xy|6'  umv.[oOv]  tjtco)  uxyiv  àp-/ovrwv  r\  àvTapxovtwv.  Strabon,  4,1,  5,  p.  181  : 
lO  Katcap  xoù  ot  ^et*  èxeïvov  rjYôjxôveç....  tyjv  aùiovo[x:av  ÈcpyXa£av  (aux  Massa- 


320  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

ficielle  (1)  :  avant  tout,  il  ne  peut  y  exercer  sa  juridiction  (2). 
Cependant,  par  dérogation  à  cette  règle,  les  sièges  des  as- 
sises romaines  ont  souvent  été  mis  dans  des  villes  libres, 
dans  les  pays  qui  n'ont  été  ouverts  que  tardivement  à  la  civili- 
sation romaine  (3).  De  même  que  la  suppression  de  l'autono- 
mie entraîne  nécessairement  l'incorporation  du  territoire  dans 
une  province  existante  ou  la  création  d'une  province  nou- 
velle (4),  la  ville  devenue  autonome  sort  de  la  province,  et, 
lorsque  des  provinces  tout  entières  reçoivent  l'autonomie 
comme  cela  arriva  temporairement  pour  la  Crète  (5)  et  pour 
l'Achaïe  (6),  le  gouverneur  y  est  en  principe  supprimé  (7). 
Exclusion  du        2.  Les  troupes  romaines  ne  peuvent  pas  davantage  camper 

campement  de  r  r  r  °  r 


troupes. 


liotes)....  ôia-TE  [xy]  u7iaxouetv  tûv  eîç  rrjv  êitap^iav  7re[A7ro[jivcov  oTpaTTiyâJv  fi^xe 
ocùty)v  fjLTjTe  toÙ;  u7iy]x6o-jç.  Le  même,  4,  1,  12,  p.  187,  après  qu'il  a  expliqué  que 
le  droit  latin  appartient  aux  24  localités  des  Volques  Arécomiques  :  Aià 
Se  toOto  o-jS'  ûub  toTç  TrpoaTàyfJuxai  tô>v  ex  ttjç  cPco[ay)ç  a-xparr^ûv  èari  to  eôvoç 
to-jto.  4,  6,  4,  p.  203  :  'AXXoPptyeç  fi.sv  ouv  xoù  Atyyeç  \)izo  toïç  arparriYoîç  toct- 
tovto»  toTç  àcpixvo'Ju,évoiç  ecç  tyjv  NappiovÎTiv,  Oùoxovtioi  8e,  xaOauep  toùç  0'j6)xaç 
eçajAev  toÙç  rap\  Néu.a'jaov,  xaTTovrac  xa8'  aûxovç. 

(1)  Germanicus  entra  à  Athènes  avec  un  seul  licteur,  par  conséquent 
sans  licteurs  (v.  tome  II,  la  théorie  des  Faisceaux,  sur  leur  caractère  de  si- 
gnes de  l'autorité  souveraine). 

(2)  Gicéron,  De  prov.  cons.  3,  6  :  Omitto  jurisdictionem  in  libéra  civitate 
(Byzance)  contra  leges senatusgue  consulta.  Plutarque,  Pomp.  10  :  IlapaiTO'juivcov 
(tûv  Mau,spTÎvwv)  ocÙtoO  to  (3f,[xa  xa\  SixaioSocriav  œç  vo[jlc[xo)  naXaiâ)  Pa>u.a:eov 
à7iEcpr,[xéva.  Parmi  les  villes  de  conventus  de  l'Asie,  (Marquart,  Handbuch,  4, 
340)  il  n'y  a  qu'une  ville  libre,  Alabanda,  pour  laquelle  l'exception  est  signalée 
(Pline,  5,  29,  109  :  Alabanda  libéra  quae  conventum  eum  cognominavit) . 

(3)  Utique,  Hadrumète,  Thapsus,  en  Afrique,  Gades,  en  Espagne,  sont  des 
villes  libres  qui  sont  en  même  temps  le  siège  d'un  conventus.  Cf.  Marquardt, 
Eandb.  4,  80  =  tr.  fr.  8,  108. 

(4)  Suétone,  Vesp.  8  :  Achaiam  Lyciam  Rhodum  Byzantium  Samum  libertate 
adempta...  in  provinciarum  formant  redegit.  Dion,  60,  17  :  Toùç  Avxîouç.... 
èSo'jXtocraTo  te  xa\  èç  tov  xffi  Hx\l%"j1'kxç  v6[xov  èaÉypa^sv. 

(5)  Gicéron,  Phil.  2,  38,  97  :  Nuper  fixa  tabula  est,  qua  civitates  locupletis- 
simae  Cretensium  vectigalibus  liberantur  statuiturque,  ne  post  M.  Brutum  pro 
consule  sit  Creta  provincia. 

(6)  Pausanias,  7,  17,  2,  raconte  la  proclamation  de  la  liberté  de  toute  la 
province  d' Achaïe  par  Néron,  et  il  continue  en  disant  :  Ka\  crçaç  owotçXeïç  te 
auôtç  6  OÙ£0"jraaiavbç  slvat  <p6pwv  xal  àxoustv  èxéXeva'ev  y]ys[J.6voç.  Il  faut  donc 
que  le  gouverneur  ait  été  supprimé.  Il  aurait  pu  être  maintenu  pour  les 
deux  villes  de  citoyens  de  Gorinthe  et  de  Patrae  ;  mais  on  doit  y  avoir 
pourvu  autrement  à  la  juridiction. 

(7)  A  la  vérité,  cela  n'a  pas  été  étendu  à  l'Espagne,  lorsqu'elle  a  reçu  le 
droit  de  latinité. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  324 

sur  le  territoire  des  confédérés  (1).  Cependant  cette  règle  n'est 
pas  seulement  mise  de  côté,  comme  il  va  de  soi,  en  cas  de 
guerre  et  de  péril  de  guerre  :  elle  comporte  en  outre  des  res- 
trictions multiples.  Les  troupes  romaines  avaient  toujours  le 
droit  de  passer  sur  le  territoire  des  alliés;  dans  les  lettres  de 
liberté  récentes,  il  est  seulement  spécifié  que  les  officiers  ro- 
mains ne  pourront  prendre  leurs  quartiers  d'hiver  sur  le  terri- 
toire de  la  ville  libre  à  moins  d'y  être  autorisés  par  un  sénatus- 
consulte  spécial  (2). 

3.  L'État  romain  n'a  pas  le  droit  de  lever  des  impôts  sur  le  DpeLp™i?rieese 
territoire  confédéré  et  d'empiéter  ainsi  sur  les  droits  du  gou-  imp  ts< 
vernement  local  ;  car  les  impôts,  et  notamment  l'impôt  fon- 
cier, se  fondent,  endroit  public,  sur  la  souveraineté  territoriale. 
Cependant  les  Romains  ont,  dès  l'époque  de  la  République, 
pénétré  dans  ce  domaine  en  accordant  à  des  citoyens  isolés,  de 
villes  latines  notamment,  l'exemption  des  charges  publiques 
de  leur  patrie  en  retour  de  services  rendus  par  eux  à  Rome  (3). 
Nous  avons  déjà  expliqué  que  le  transfert  du  droit  d'impôt  à  la 
cité  dirigeante  est  inconciliable  avec  l'essence  de  l'autonomie  et 


(1)  La  disposition  selon  laquelle  les  Romains  ne  pouvaient  pas  mettre 
de  garnison  dans  une  ville  alliée,  doit  avoir  eu  anciennement  une  grande 
importance  en  Italie  ;  mais  nous  n'avons  aucun  renseignement  sur  son 
application  à  cette  région.  Les  annales  rapportent  sur  l'an  555  (Tite-Live, 
32,  3,  5)  :  Gaditanis  petentibus  remissum,  ne  pvaefectus  Gctdes  mitteretur, 
adversus  id  quod  Us  in  fidem  Romanam  venientibus  cum  L.  Marcio  Septimo 
convertisse  t.  La  suppression  des  garnisons  de  la  Grèce  à  la  suite  de  la  pro- 
clamation de  sa  liberté  par  Flamininus,  proclamation  dans  laquelle  cette 
suppression  est  d'ailleurs  expressément  spécifiée,  est  d'accord  avec  ce  prin- 
cipe (Polybe,  18,  46,  5;  cf.  Tite-Live,  34,  50,  8.  35,  46,  10). 

(2)  Lettres  de  liberté  de  Termessos  de  l'an  683:M?ï  quis  magistratus...mei- 
lites  in  oppidum  Thermesum...  agrumve...  hiemandi  caussa  introducito,...  nisei 
senatus  nominatim,  utei  Thermesum...  inhibernaculame'ditesdeducantur,decre- 
verit.  Les  lettres  de  protectorat  données  aux  Juifs  par  César  dans  Josèphe, 
Anl.  14,  10,  2.  6,  sont  rédigées  en  termes  semblables  (cf.  Rœm.  Gesch.  5,  501 
=  tr.  fr.  11,  79). 

(3)  Tite-Live,  23,  20,  2,  sur  l'an  538  :  Praenestinis  militibus  senatus  Romanus 
duplex  stipendium  et  quinquennii  militiae  vacationem  decrevit.  Dans  la  lex  re- 
petundarum  de  631-632,  ligne  79,  le  choix  est  laissé  au  Latin  qui  poursuit 
avec  succès  un  citoyen  romain  pour  concussion  entre  l'acquisition  du  droit 
de  cité  romaine  et  la  militiae  munerisque  poplici  in  su[a  ceiv]itate  [vacatio]. 
Cf.  la  partie  des  Sujets. 

Dioit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2«  p.  21 


322  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

que,  lorsqu'il  a  lieu,  l'autonomie  latine  ou  pérégrine  est  en 
fait  supprimée  (p.  314). 
Douanes  propres.  4.  L'établissement  de  droits  de  douane  maritime  ou  terrestre 
est  également  considéré  comme  une  conséquence  de  la  souve- 
raineté territoriale,  et  par  conséquent  c'est  l'autorité  locale  qui 
y  procède  sur  le  territoire  des  Etats  alliés  (1).  Mais  c'est  sur- 
tout sous  ce  rapport  que  l'hégémonie  romaine  a  de  bonne  heure 
et  largement  empiété  sur  les  droits  des  cités  autonomes.  Les 
biens  de  l'Etat  romain,  par  conséquent  en  particulier  les  objets 
expédiés  par  les  magistrats  romains  (2)  et  les  fermiers  des  impôts 
romains,  étaient  probablement  partout  absolument  soustraits 
aux  droits  de  douanes  (3).  Mais  on  ne  s'en  est  pas  tenu  là.  Si, 
dans  le  cercle  de  la  puissance  romaine,  on  a  imposé,  en  faveur 
des  citoyens  romains  et  des  Italiens  qui  leur  sont  assimilés, 
des  exemptions  de  droits  de  douane  aux  États  voisins  n'apparte- 
nant pas  à  l'empire  (4),  on  a  dû  le  faire  encore  bien  plus  à  ren- 
contre des  villes  libres  et  des  royaumes  appartenant  à  l'empire. 

(1)  V.  tom.  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à  la  section  des  Vectigalia,  sur 
leur  mise  à  ferme.  Plébiscite  relatif  à  Termessos  :  Quam  legem  portorieis  ter- 
restribus  maritumeisque  Termenses...  capiundeis  intra  suos  fineis  deixserint,  ea 
lexieis portorieis  capiundeis  esto.  Gicéron,De  prov.  cons.  3,  5,  cite  le  vectigal  ac 
portorium  Byrrachinorum.  Les  ports  sont  souvent  mentionnés  dans  les 
textes  cités  p.  317,  note  4.  C'est  aussi  à  cela  que  se  rattache  le  tarif  de 
douane  de  Palmyre,  du  temps  d'Hadrien  (Dessau,  Hermès,  19,  p.  486 
et  ss.). 

(2).  Les  expéditions  que  Verres  fait  des  ports  de  Sicile,  entre  autres  de 
ceux  des  villes  libres  de  Messana  et  d'Halœsa  (Cicéron,  Verr.  I.  2,  75,  185), 
sans  payer  de  droits  de  douane,  sont  représentées  comme  une  spoliation  des 
fermiers  de  ces  droits  (op.  cit.  70,  171  et  ss.),  mais  c'est  évidemment  uni- 
quement parce  qu'il  fait  usage,  dans  les  ports  romains  et  non-romains,  pour 
son  propre  intérêt  privé  de  l'exemption  douanière  attachée  à  ses  fonctions 
{op.  cit.  c.  72,  176.  c.  74,  182). 

(3)  Plébiscite  relatif  à  Termessos,  après  les  mots  cités  note  1  :  Dum  nei 
quid  portori  ab  ieis  capiatur,  quei  publica  populi  Romani  vectigalia  redempta 
habebunt  :  quos  per  eorum  fineis  publicanei  ex  eo  vectigali  transportabunl 
[fniclus,  eorum  portorium  Termenses  nei  capiunto]. 

(4)  Ainsi,  en  567,  à  la  ville  d'Ambrakia  'p.  272,  note  2),  et  avant  tout  aux 
Athéniens,  lors  du  transfert  de  l'Ile  de  Delos,  qui  leur  fut  fait,  en  588,  sous 
la  condition  de  la  déclarer  port  libre  ;  les  conséquences  sont  suffisamment 
connues  (Polybe,  31, 7).  Le  point  jusqu'auquel  les  Romains  allèrent  dans  cette 
voie  est  attesté  par  l'ordre  adressé  aux  Juifs,  avant  la  constitution  de  la  pro- 
vince de  Syrie,  d'accorder  la  liberté  douanière  dans  leurs  ports  au  roi 
d'Egypte  (Joséphe,  Ant.  14,  40,  22). 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  323 

et  c'est  principalement  par  là  qu'on  est  arrivé,  dans  les  deux 
derniers  siècles  de  la  République,  à  mettre,  sur  tout  le  territoire 
de  l'empire,  le  haut  commerce  de  plus  en  plus  dans  les  mains 
de  la  nation  dominante. 

La  cité  fédérée  conserve  en  outre  l'organisation  légale  qu'elle  Loi3  propres. 
avait  au  moment  de  la  conclusion  de  l'alliance  et  le  droit  de 
modifier  cette  législation  à  sa  guise  suivant  les  formes  éta- 
blies par  sa  constitution  propre,  c'est-à-dire,  selon  l'expression 
romaine,  le  droit  de  vivre  selon  ses  lois  propres  (suis  legibus 
utî)  (1).  Il  en  est  ainsi  en  particulier  des  territoires  gouvernés 
par  des  rois,  des  princes  ou  des  prêtres,  qui  sont  dans  la  clien- 
tèle romaine  :  chacun  d'eux  conserve  son  droit  national  (2). 
Comme  applications  de  ce  principe,  on  peut  citer,  en  première 
ligne,  les  assemblées  communales  organisées  dans  chaque 
ville  libre  selon  sa  coutume  et  à  son  gré  ;  ensuite  la  législation 
sur  les  fiançailles,  différente  de  la  législation  romaine,  des  vieil- 
les villes  latines,  qui  a  été  abrogée  par  la  concession  du  droit 


(1)  Parmi  les  nombreux  témoignages  qui  montrent  l'autonomie  fédérale 
fondée  sur  les  sux  leges,  on  peut  relever  les  suivants.  Sénatus-consulte  de 
673  relatif  à  Stratonikeia  (Bull,  de  corr.  hell.  9,  p.  437),  ligne  42  :  [Aixouotç 
x]a\  vofxoi?  xai  è8t(7{/,[oîç  toi;  ISIotç,  ot;  TtpoTspov  È-/pûvTO,]  oizinc,  -/pûvra'.,  etligne 
82  :  [OIç]ts  vôjxo:;  é6t(7[xoT;  ts  îôc'otç  7tpoT£pov  [èxptovTO,  to  Xocjtov  touJtoiç  xpaa-- 
6w<7av.  Le  sénat  dispose,  en  673,  pour  les  habitants  de  Chios,  ô'tuo;  v6|xoiç 
ts  -/.ai  eôeatv  xal  Sixatoiç  [xpwv]xai  [a]  'éV/ov  ote  tt]  ePa)[xaî(ov  çtXca  •JipoaYjXôov 
(C.  1.  Gr.  2222).  Plébiscite  »de  683  relatif  à  Termessos  :  Ei...  legibus  sueis 
ita  utunto,  itaque  ieis  omnibus  sueis  legibus  Thermensis  majoribus  Pisideis  utei 
liceto,  quod  advorsus  hanc  legem  non  fiât  (C.  I.  L.  I,  n.  204).  Sénatus-consulte 
relatif  à  Aphrodisias  :  Tû  Sixaloi  %a\  tociç  [xpto-eaiv  ?  xaXç,  êavTTjç  Tr,v  rcoXiv]... 
•/pr,a8at,  (G.  I.  Gr.  2737).  Tite-Live,  9,  43,  23  :  Hernicorum  tribus  populis 
quia  maluerunt  quam  civitatem  suse  leges  redditœ.  29,21,  7:  (Locrensibus)  liber- 
tatem  legesque  suas populum  R.  senatumque  restituere.  45,  29,  4.  Trajan  à  Pline 
(p.  319,  note  1):  Legibus  ipsorum  quibus (les  Amiseni)  beneficio  fœderis  utuntur. 
Dion,  Or.  34,  éd.  Reiske,  p.  36,:  "Attç  ocv  ç(Xot;  êfvrcûç  xat/<rj[ji|xa-/o-.ç....  xàxetvoç 
(Auguste)  ûjitv  (aux  Tarsiens)  TCapéer/2  X^Pavi  voixou;, .  Tt(xr,v,  èi-oyo-sav  toO 
ico-cajxoO,  tt(;  8aXarry)c  t?,:  xa6'  a-jxo-jç.  —  Au  reste  la  même  formule  se  rencontre 
à  l'égard  des  États  avec  lesquels  Rome  est  seulement  en  relations  d'amitié, 
par  exemple  dans  la  proclamation  de  Flamininus  aux  Achéens(p.281,  note  2) 
et  ailleurs  encore  (Tite-Live,  9,  4,  4.  37,  32,  14.  38,  39,  12). 

(2)  Strabon  dans  le  texte  cité  p.  319,  note  1  :  El<r\  8k  xal  8-jvaorat  xcvèç 
xal  poXapx°(  *at  ΣP£^  '^'  <xùtoîç  (aux  Romains)*  outoc  (iiv  ôtj  ÇôSc-sxaTà  Tivaç 
naTpiou;  vojxouç.  César  rendit  à  Gommius,  roi  des  Atrébates  les  jura  legesque 
de  sa  tribu  (César,  B.  GalL  7,  76). 


324  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

de  cité  (1);  l'exclusion  de  la  nomination  des  tuteurs  par  le 
magistrat  romain  et  du  tuteur  optif  delà  femme  contenue  pro- 
bablement encore  dans  les  statuts  municipaux  latins  du  temps 
de  l'Empire  (2)  ;  la  disposition  contenue  dans  le  statut  com- 
munal de  Ségeste  en  Sicile  selon  laquelle  aucun  non-citoyen  ne 
pouvait  acquérir  de  propriété  foncière  dans  son  territoire  (3)  ; 
le  droit  de  préférence  accordé  à  la  cité  en  matière  de  faillite  par 
le  statut  communal  d'Antioche  en  Syrie  (4).  Pour  que  l'inno- 
vation approuvée  par  les  comices  romains  puisse  s'appliquer 
dans  une  ville  latine  (5)  ou  en  général  dans  une  ville  fédé- 
rée (6),  il  faut  qu'elle  y  soit  également  adoptée  par  le  peuple. 
Selon  toute  apparence,  les  cités  italiques  n'ont  pas  fait  un  usage 
étendu  de  leur  autonomie  ;  elles  sont  restées  à  ce  point  de  vue 
principalement  sous  l'influence  de  la  cité  dirigeante,  et  elles  ont 
copié  ses  institutions  sous  plus  d'un  rapport  (7). 

({)  Aulu-Gelle,  4,  4,  3  :  Hoc  jus  sponsaliorum  (muni  d'une  action  en  exécu- 
tion, de  bonne  heure  disparue  en  droit  romain)  observatum  dicit  Servius  adid 
tempus,  quo  civitas  universo  Latio  lege  Julia  data  est. 

(2)  Statut   municipal  de  Salpensa,  c.  22,  et  mon  commentaire,  p.  439.  459. 

(3)  Cicéron,  Verr.  3,  40,  93  :  Commercium  in  eo  agro  nemini  est.  Les  Ro- 
mains ne  sont  pas  exceptés. 

(4)  Papinien,  Dig.  42,  5,  37  :  Antiochensium  Cœlœ  Syrise  civitati,  quod  lege 
sua  privilegium  in  bonis  defuncti  debitoris  accepit,  jus  persequendi  pignoris  du- 
rare  constitit. 

(5)  Gicéron,  Pro  Balbo,  8,  21  :  Tulit  apud  majores  nostros  legem  C.  Furius 
de  testamenlis,  tulit  Q.  Voconius  de  mulierum  hereditatibus,  innumerabiles  alise 
leges  de  jure  civili  latse  sunt;  quas  Latinivoluerunt  adsciverunt.  Aulu-Gelle, 
16,  13,  6,  fait  aussi  entrer  dans  sa  définition  des  municipes,  qui  à  la  vérité 
mélange  l'ancien  et  le  nouveau,  les  mots  :  Neque  ulla  populi  Romani  lege 
adsùicti,  nisi  in  quam  populus  eorum  fundus  factus  esset.  La  cité  qui  pos- 
sède ce  droit  semble  être  appelée  municipium  fundanum  à  la  fin  de  la  loi  Ju- 
lia municipalis;  tout  au  moins  cette  explication  proposée  par  moi  {Stadtrecht 
von  Salpensa,  p.  409)  me  paraît  préférable  à  celle  de  Savigny  qui  y  voit  la 
cité  entrée  de  son  consentement  parmi  les  citoyens.  Sur  le  mot,  cf.  surtout 
Festus,  Ep.  p.  89  :  Fundus  dicitur  populus  esse  rei  quam  aliénât,  hoc  est  auctor. 

(6)  Gicéron,  Pro  Balbo,  8,  20  :  Fœderatos  populos  fieri  fundos  oportere... 
non  magis  est  proprium  fœderatonim  quam  omnium  lïberorum.  11,  27  :  Est 
illud  imperitissime  diclum  de  populis  fundis,  quia  commune  liberot^um  est  po- 
pulorum,  non  proprium  fœderatorum;  ex  quo  intellegi  necesse  est  aut  neminem 
ex  sociis  civem  fieri  posse  aut  etiam  posse  ex  fœderatis. 

(7)  Des  exemples  remarquables  à  ce  sujet  sont  l'agitation  en  faveur  du 
vote  secret  dans  l'ancienne  cité  volsqued'Arpinum(VI,  l,p.  466,  note  1)  et  le 
citoyen  de  la  ville  hernique  d'Aletrium  appelé  Censorinus  parce  qu'il  avait 
deux  fois  revêtu  la  censure  (v.  tome  II,  la  théorie  des  Causes  d'inéligibilité 


LES   SUJETS   \UTOXOMES.  325 

En   droit,     cette    autonomie  est   naturellement  limitée  en  Rapports  de  ia 

.  législation 

principe  par  la   règle  que  toute   disposition  en  contradiction   romaine  et  de 

r  r      L  i->        i  l  l'autonomie. 

avec  la  convention  d'alliance  est  nulle.  Mais  en  outre  elle  est 
restreinte  pour  le  Latium  et  pour  l'Italie  tout  entière  par  le 
pouvoir  législatif  suprême  que  la  République  romaine  s'est  ar- 
rogé sur  ces  régions.  Nous  avons  déjà  remarqué  (p.  241)  que 
la  suppression  de  l'assemblée  fédérale  latine  n'a  pas  fait  dis- 
paraître ses  droits  :  ils  ont  passé  aux  organes  corrélatifs  de  l'É- 
tat romain,  et  par  suite  la  loi  romaine  était  légalement  obliga- 
toire pour  les  villes  latines,  et  la  prédominance  politique  de 
Rome  a  donné  de  plus  en  plus  d'efficacité  à  ce  principe.  Les  re- 
lations établies  entre  Rome  et  le  Latium  ayant  servi  de  modèle 
pour  toute  l'Italie,  la  même  idée  a  dû  être  appliquée  dans  les 
traités  conclus  avec  le  reste  des  cités  italiques.  Il  peut  bien  sans 
doute  avoir  été  apporté  une  limitation  aux  pouvoirs  de  la  cité 
prépondérante:  c'est  l'impossibilité  de  supprimer  l'État  dépen- 
dant par  une  décision  unilatérale  des  comices  romains  (p. 330, 
note  2).  Mais,  pour  le  surplus,  il  est  probable  que  toutes  les  lois 
romaines  dont  les  dispositions  étaient  étendues  aux  cités  ita- 
liques avaient  légalement  force  obligatoire  pour  ces  dernières, 
et  de  telles  lois  générales  ont  été  rendues  fréquemment,  sans 
que  cela  ait  été  aucunement  un  produit  exclusif  des  empiéte- 
ments de  l'État  dominant.  Des  vestiges  multiples  attestent  l'in- 
fluence exercée  par  la  législation  romaine  sur  l'organisation 
des  villes  autonomes  d'Italie. 

L'identité  de  forme  du  plus  ancien  cens  romain  et  de  celui  cens. 
des  constitutions  des  villes  italiques  remonte  certainement  à 
l'organisation  de  la  ligue  latine  primitive  (p.  23o).  Mais  la  con- 
formation de  cette  institution  et  surtout  son  extension  à  toute 
l'Italie  appartiennent  sûrement  au  gouvernement  romain.  En 
présence  du  rôle  fondamental  qu'avait  le  cens  dans  l'organisa- 
tion militaire  de  toute  l'armée  commune  italique,  l'adoption 


relative,  n.  5,  sur  l'interdiction  de  l'itération  de  la  censure).  Il  est  difficile 
que  la  législation  spéciale  de  ces  cités  ait  constitué  une  anomalie  sous  ces 
rapports. 


Edililé. 


326  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

d'un  système  uniforme  a  sans  doute  été  imposée  pour  condi- 
tion à  toute  cité  qui  entrait  dans  cette  communauté.  Dans  la 
constitution  municipale  osque  de  Bantia,  la  punition  du  ci- 
toyen de  Bantia  qui  omet  de  se  présenter  au  cens  devant  les  au- 
torités locales  est  réglée  sur  le  modèle  romain  (1),  et  la  cen- 
sure y  apparaît,  conformément  aux  institutions  romaines  mo- 
dernes, comme  la  plus  haute  magistrature  locale,  accessible  seu- 
lement à  l'ex-préteur.  Dans  le  dernier  siècle  de  l'autonomie  dé- 
pendante des  Italiens,  le  cens  est  même  centralisé  à  Rome 
pour  toute  l'Italie  par  l'envoi  dans  la  capitale  des  listes  de  recen- 
sement des  cités  autonomes  (2). 

Une  autre  application  de  cette  hégémonie  est  l'établissement 
de  l'édilité  dans  les  cités  italiques.  L'agoranomie,  telle  qu'elle 
a  été  introduite  à  Rome  en  387  (3),  se  retrouve,  dans  toutes  les 
constitutions  des  États  italiques,  si  parfaitement  semblable  à 
elle-même  et  à  l'agoranomie  romaine  que  ce  ne  peut  être 
l'œuvre  de  législations  particulières,  même  influencées  par 
Rome  ;  d'autre  part,  la  réglementation  et  la  protection  du 
commerce  interlocal  des  marchés,  qui  constituent  la  destina- 
tion propre  de  cette  magistrature,  rentraient  en  première  ligne 
dans  la  compétence  de  la  cité  dirigeante.  Selon  toutes  les  vrai- 
semblances, l'édilité  locale  a  pour  origine  une  loi  romaine,  qui 
obligea  d'abord  les  villes  latines  à  remanier  leurs  constitutions 
municipales  dans  ce  sens  et  à  laquelle  les  autres  villes 
italiques  furent  ensuite  également  astreintes  à  se  con- 
former, 
influence  des  Cette  organisation  donnée  non  pas  seulement  au  Latium,  mais 
0insat!tutfoUns es  à  toute  l'Italie  par  l'autorité  romaine  a  disparu  de  la  tradition 
historique.  Mais  le  souvenir  en  a  été  fidèlement  conservé  par 
l'impartiale  tradition  du  langage  :  les  mots  politiques  originaire- 


(1)  V.  tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à    la  section  de  la  confection 
des  rôles  des  citoyens,  sur  la  procédure  suivie  contre  les  défaillants. 

(2)  V.  la  même  section,  sur  l'étendue  du  cens. 

(3)  V.  tome  IV,  la  théorie  de  l'Édilité  moderne,  sur  le  rang  et  les  insi- 
gnes des  édiles  curules,  in  fine. 


italiques. 


LES    SUJETS   AUTONOMES.  327 

ment  latins  à'œdilis  (1),  quaestor  (2),  censor  (3),  impera- 
tor  (4),  senatus  (5),  peut-être  de  lex  (VI,  1,  p.  331,  note  2)  et 
même  de  prêt or  (6)  et  de  tribunus  plebis  (7)  ont  passé  dans  la 
terminologie  officielle  des  Ombriens,  des  Gampaniens  et  des  Lu- 
caniens,  avec  les  abréviations  usitées  à  Rome.  Dans  ce  domaine 
de  la  constitution  politique,  où  l'indépendance  de  développe- 
ment entraîne  nécessairement  des  diversités  de  formations  et 
surtout  des  diversités  de  dénominations,  les  institutions  des 
villes  italiques  présentent,  même  hors  des  pays  de  langue  la- 
tine, des  similitudes  multiples  et  surprenantes  avec  les  insti- 
tutions romaines,  et  elles  affirment  la  constitution  et  la  trans- 
formation de  l'Italie  opérées  sous  l'hégémonie  de  Rome. 

On  peut  relever,  comme  applications  spéciales  du  droit  de  la  hos  ep«eiaie?. 
cité  dominante  d'intervenir  dans  l'autonomie  des  cités  dépen- 
dantes: le  plébiscite  sempronien  de  561  qui   assimila  les  Ita- 
liotes  aux  Romains  en  matière  de  dettes  d'argent  (8)  ;  les  dis- 


(1)  «  La  dérivation  du  latin  de  l'osque  cudilis  peut  être  établie  indubita- 
blement (Ascoli,  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung  17,  236).  Car  le 
dh  primitif  (sanscrit  idh,  aiôw)  est  représenté,  en  osque,  par  un  f,  parexemple 
dans  méfiait,  latin  média,  sanscrit  madhya.  »  Joli.  .Schmidt. 

(2)  L'origine  des  formes  que  l'on  trouve  à  la  place  de  quaestor,  en  om- 
brien kvestur,  en  osque  kvaîsstur,  ne  peut  se  déterminer  linguistiquement 
avec  certitude.  «  Nous  n'avons  pas  de  preuve  extérieure  pour  le  latin  quxrere; 
le  latin  qu  peut  être  le  sanscrit  çv,  et  il  a  pour  correspondant  régulier  en 
osque-ombrien  kv  ;  exemples  :  sanscrit  açva-s,  latin  equos,  ombrien  ekvine  ; 
sanscrit  ddça,  latin  decem,  decu-,  ombrien  tekvias,  osque  dekvkîariem.  »  Joh. 
Schmidt. 

(3)  Censor  se  dit  en  osque  keenzstur,  censtur,  kenzsur ;  linguistiquement 
Ton  ne  peut  pas  non  plus  ici  fournir  la  preuve  de  l'emprunt,  me  fait  remar- 
quer Schmidt. 

(4)  Embratur  sur  les  monnaies  de  la  guerre  sociale. 

(5)  Senatus  aussi  dans  des  textes  osques  et  falisques. 

(6)  Dans  le  statut  de  Bantia. 

(7)  Il  figure  dans  une  inscription  de  la  colonie  latine  de  Venusia  (C.  I.  L. 
IX,  438)  et  dans  le  statut  municipal  de  la  ville  fédérée  lucanienne  de  Bantia 
qui  sont,  le  second  sûrement  et  la  première  probablement,  antérieurs  à  la 
guerre  sociale.  Il  a  disparu  du  régime  municipal  postérieur. 

(8)  Tite-Live,  35,  7  :  Plèbes  scivit,  ut  cum  sociis  ac  nomine  Latino  créditée 
pecuniœ  jus  idem  quod  civibus  Romanis  esset.  La  loi  Furia  sur  le  cautionne- 
ment, applicable  seulement  in  Italia  (Gaius,  3,  121  a.  122),  concernait  le  même 
cercle  de  personnes.  En  présence  de  la  situation  existante,  notamment 
après  l'extension  des  privilèges  commerciaux  à  tous  les  Italiens,  des  dis- 
positions de  ce  genre  devaient  nécessairement  être  prises. 


italiques. 


328  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

positions  connues  qui  étendirent  à  toute  l'Italie  les  mesures 
prises  en  568  contre  les  associations  de  sectateurs  de  Bac- 
chus  (1)  ;  la  loi  Didia  qui  étendit  en  611  aux  Italiotes  la  loi 
Fannia  sur  le  luxe  rendue  en  593  (2).  Nous  ne  sommes  pas  à 
même  de  dire  dans  quelle  mesure  l'Italie  voyait  dans  le  peu- 
ple romain  un  chef  ou  un  tyran.  Il  n'y  a,  dans  notre  tradition, 
d'ailleurs  exclusivement  romaine,  aucun  indice  que  les  mesu- 
res de  cette  espèce  aient  jamais  été  considérées  comme  un  em- 
piétement. 
Empiétements       La  législation  romaine  fut  donc  étendue  à  toute  l'Italie,  dès 

des  Rom.uns   sur  o  ' 

1  'autats°e™t?a?es  avant  que  ses  habitants  fussent  entrés  légalement  dans  le 
cercle  des  citoyens.  Au  contraire  cette  législation  n'est  pas  di- 
rectement intervenue  dans  l'autonomie  des  fédérés  d'outre-mer. 
Politiquement  Massalia  et  Athènes  ne  dépendaient  pas  moins 
de  Rome  que  Préneste  et  Perusia.  Mais  la  législation  romaine 
ne  pouvait  pas  légalement  s'immiscer  dans  les  institutions  des 
premières  comme  dans  celles  des  secondes,  et  les  Romains 
n'avaient  pas  là  le  même  intérêt  qu'en  Italie  à  établir  l'unifor- 
mité. Sans  doute,  les  cités  dépendantes  étaient,  soit  au  moment 
de  l'alliance,  soit  par  la  suite,  amenées  par  toute  espèce  de 
contraintes  à  régler  leurs  institutions  intérieures  de  la  façon 
qui  convenait  aux  Romains,  en  particulier  à  remanier  dans  le 
sens  oligarchique  leurs  institutions  démocratiques  (3).  Mais 
c'est  communément  arrivé  par  voie  indirecte  et  dans  les  for- 
mes indiquées  par  la  constitution  de  la  cité  dépendante  :  cela 
rentre  dans  l'histoire  politique  et  non  pas  dans  le  droit  public 
romain.  Sans  doute  il  ne  manque  pas  de  preuves  que  la  Répu- 
blique romaine  elle-même   se  mit  déjà  au  dessus  du  prin- 


(i)  V.  Tome  I,  la  théorie  du  Droit  d'agir  avec  le  peuple,  sur  le  lieu  de 
publication  des  édits. 

(2)  Macrobe,  Sat.  3,  17,  6  :  {Legis  Didise)  ferundœ...  fuit  causa...  ut  universa 
Italia,  non  sola  urbs,  lege  sumptuaria  teneretur,  Italicis  existimantibus  Fanniam 
legem  non  in  se,  sedin  solos  urbanos  cives  esse  conscriptam. 

(3)  Par  exemple  le  droit  de  cité  s'achetait  à  Tarse  pour  500  drachmes,  et 
les  «  tisserands  »  (),tvoupvo(,  non  Xi^o-jpyo:),  c'est-à-dire  la  multitude  sans  for- 
tune était  wo-riEp  eÇcoÔsv  ttjç  7ro)>tTcîa;  (Dion  Chrysostome,  Or.  34,  éd.  R.  p.  43 
et  ss.) 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  329 

cipe  théorique  de  l'indépendance  des  alliés  grecs.  Sans  parler 
des  privilèges  des  Romains  et  des  Italiens,  qui  ont  sans  doute 
été  plus  d'une  fois  introduits  sans  traités  par  un  acte  d'auto- 
rité pur  et  simple,  la  dérogation  au  principe  que  les  enfants 
suivent  la  patrie  du  père,  admise  en  faveur  de  la  ville  d'Ilion, 
constituait  par  exemple  une  atteinte  aux  droits  de  toutes  les 
autres  cités  de  l'empire  (1).  La  législation  générale  de  l'em- 
pire a  restreint  dans  une  mesure  toujours  plus  forte  la  lé- 
gislation propre  des  cités  autonomes  (2),  et,  sous  le  Principat, 
dont  la  tendance  était  d'anéantir  l'autonomie  et  de  l'assimiler 
à  la  sujétion,  il  n'en  est  finalement  pas  resté  grand'chose. 
Mais  ce  qui  s'était  accompli  en  Italie  dès  les  derniers  siècles  de 
la  République  n'eut  lieu  pour  le  reste  de  l'empire  que  dans 
la  période  impériale  moderne,  et,  à  l'époque  dont  nous  nous 
occupons  ici,  la  distinction  est  en  pleine  vigueur. 

Il  nous  reste  à  étudier  une  question  :  la  cité  romaine  a-t-elle  L'autonomie  et 

x  le  changement 

le  droit  de  conférer,  par  un  acte  unilatéral,  son  droit  de  cité  decité- 
au  membre  d'une  cité  alliée,  de  manière  à  ce  qu'en  l'acceptant 
il  perde  son  droit  de  cité  antérieur,  ou  bien  faut-il  en  outre  pour 
cela  le  consentement  de  la  cité  intéressée  ?  Naturellement  il  n'est 
pas  besoin  de  ce  consentement  quand  il  s'agit  de  l'application 
de  règles  contenues  dans  les  traités.  Quand  les  traités  latins 
liaient  l'acquisition  du  droit  de  cité  romaine  au  transport  du 
domicile  à  Rome  ou  à  l'exercice  des  magistratures  de  la  patrie 
latine,  les  cités  alliées  avaient  parla  même  d'avance  donné  leur 
consentement  au  changement  de  droit  de  cité.  Si,  à  l'inverse, 
les  Romains  s'étaient  obligés  dans  certains  traités  à  ne  concéder 
le  droit  de  cité  à  aucun  membre  de  la  cité  contractante,  ils 


(1)  Ulpien,  Dig.  50,  1,  1,  2  :  lliensibus  concessum  est,  ut  qui  matre  Iliensi 
est,  sit  eorum  municeps.  La  loi  Glodia  donna  d'une  manière  analogue  au 
gouverneur  de  Macédoine  juridiction  sur  les  dettes  d'argent  des  cités  auto- 
nomes (p.  337,  note  1).  A  l'époque  récente,  il  est  souvent  arrivé  qu'une 
règle  de  droit  romain  fut  étendue  par  une  loi  ou  un  sénat us-consulte  aux 
provinces  (Gaius,  1,  47.  185.  Ulpien,  11,  18.20). 

(2)  Ce  que  dit  Gicéron,  Pro  Balbo,  8,  22  :  Cum  aliquid  populus  R.  jussit,  id 
si  est  ejusmodi,  ut  quibusdam  populis  sive  fœderatïs  sive  liberis  permittendum 
esse  videatur,  ut  statuant  ipsi...  quo  jure  uti  velint,  tum,  utrum  fundi  facti  sint 
an  non,  quserendum  esse  videtur, [doit  être  exact  quant  au  fond. 


330  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

étaient  liés  par  cette  clause  (1).  Lorsque  on  n'était  ni  dans 
un  cas  ni  dans  l'autre,  la  logique  du  droit  réclamait  le  consen- 
tement des  deux  États  intéressés,  et  ce  principe  a  encore  été  ap- 
pliqué pratiquement,  dans  le  cas  le  plus  important,  dans  celui 
de  concession  du  droit  de  cité  romaine  à  tous  les  citoyens  d'une 
ville  autonome  (VI,  1,  p.  150),  aux  résolutions  de  ce  genre  votées 
à  la  suile  de  la  guerre  sociale  pour  toutes  les  cités  italiques  (2). 
Même  relativement  aux  individus  isolés,  les  Romains  semblent 
avoir  considéré  le  droit  de  cité  romaine  comme  subsistant  jus- 
qu'à ce  que  les  comices  romains  n'eussent  statué  sur  sa  dispa- 
rition lorsque  un  citoyen  romain  passait  dans  une  cité  qui  n'é- 
tait pas  en  traité  avec  Rome  (3).  Quant  aux  cités  alliées,  la 
nécessité  de  leur  assentiment  a  été  controversée  dans  les  der- 
niers temps  de  la  République  (4),  et  le  droit  de  cité  romaine 
peut  bien,  en  fait,  avoir  été  conféré  à  leurs  membres  par  un  acte 
unilatéral  de  Rome;  mais  l'opinion  contraire  est  sans  aucun 
doute  seule  correcte.  —  Sous  le  Principat,  on  ne  trouve  aucune 
trace  de  ce  droit  des  fédérés. 
incompatible       Nous  sommes  partis,  dans  l'étude  de  cette  question,  de  l'an- 

du  droit  de  cité 

romaine  et  du    cien  principe  de  l'incompatibilité  du  droit  de  cité  romaine  avec 

droit  de  cité  alliée.  L  L  L 

un  droit  de  cité  de  même  nature.  Cette  incompatibilité  est  dans 
la  nature  des  choses,  et  elle  a  sans  doute  toujours  été  maintenue 
par  rapport  à  l'étranger  indépendant.  Le  Carthaginois  du 
temps  de  la  République,  ou  le  Perse   du  temps  de  l'Empire, 


(1)  Cicéron,  Pro  Balbo  (prononcé  probablement  en  698),  14,  32  :  Qnœdam 
fœdera  exstant  ut  Cenomanorum  Insubrium  Helvetiorum  lapudum,  nonnullo- 
rum  item  ex  Gallialbai^barorum,  quorum  in  fœderibus  exceptum  est,  ne  quis 
eorum  a  nobis  civis  recipiatur.  Peu  importe  naturellement  que  les  cités  fas- 
sent partie  de  l'empire,  comme  les  Génomans,  ou  n'en  fassent  pas  partie, 
comme  les  barbari  ex  Gallia. 

(2)  Cicéron,  après  les  mots  cités  p.  324,  note  5  :  Ipsa  denique  Julia,  qua 
lege  civitas  est  sociis  et  Latinis  data,  qui  fundi  populi  facti  non  essent,  civita- 
tem  non  haberent  :  in  quo  magna  contentio  Heracliensium  et  Neapolitanorum 
(cf.  Cicéron,  Ad  fam.  13,  30)  fuit,  cum  magna  pars  in  lis  c'witatibus  fœderis  sui 
libertatem  civitati  anteferret. 

(3)  On  ne  peut  comprendre  autrement  la  concession  An  justum  exilium  (VI, 
1,  p.  54,  note  1). 

(4)  Cicéron,  Pro  Balbo,  8,  19  :  Accusator...  negat  ex  fœderato  populo  quem- 
quam  potuisse,  nisi  is  populus  fundus  factus  esset,  in  hanc  civitatem  ventre. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  331 

qui  reçoit  le  droit  de  cité  romaine  cesse  sans  doute  par  là,  au 
point  de  vue  romain,  d'être  Carthaginois  ou  Perse.  Mais  relati- 
vement aux  États  autonomes  dépendants  de  Rome,  le  droit  a 
changé  ;  et  l'on  peut  voir  dans  cette  modification,  comme  dans 
la  modification  symétrique  relative  au  poslliminium  (p. 282, 
note  i),  l'expression  transparente  de  la  transformation  de  l'au- 
tonomie dépendante  en  incorporation  dans  l'empire.  Pendant 
toute  la  durée  de  la  République,  c'est  un  principe  établi  que, 
comme  ditCicéron  (VI,  i,  p.  52, note  1),  aucun peritus nostri  mo- 
ris  n'accepte  le  droit  de  cité  d'Athènes  s'il  veut  rester  citoyen 
romain.  Cependanton  voit  déjà  là  qu'il  était  alors  devenu  vacil-    compatibilité 

postérieure. 

lant  au  moins  en  pratique,  et  en  fait  il  est  bientôt  après  signalé 
comme  juridiquement  controversé  par  Cornélius  Nepos  (toc.  cit.). 
Sous  Auguste  et  depuis,  la  règle  contraire  est  établie  :  le  droit  de 
cité  romaine  est  conciliable  avec  le  droit  de  cité  de  toutes  les  ci- 
tés de  l'empire,  qu'elles  soient  latines  ou  pérégrines  autonomes 
(VI,  1,  p.  242,  note  4);  c'est-à-dire  que  les  cités  autonomes  de 
droit  latin  ou  de  droit  pérégrin  qui  appartiennent  à  l'empire  se 
sont  transformées  d'États  en  villes.  La  tradition  ne  nous  dit 
pas  quand  et  comment  s'est  opérée  cette  transformation,  ni  si 
elle  a  eu  lieu  d'un  seul  coup  ou  successivement.  Mais  elle  doit 
se  rattacher  essentiellement  à  la  guerre  sociale,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  expliqué  au  sujet  des  cités  cisalpines  de  droit  la- 
tin (p. 265).  En  tout  cas,  elle  est  impliquée  par  l'organisation 
militaire  d'Auguste  ;  car  c'est  en  vertu  de  ce  principe  que  les 
légionnaires  peuvent  indiquer  comme  leur  patrie  aussi  bien  Ne- 
maususou  Ancyra  que  Capua  (VI,  1,  p.  262,  note  4).  En  théorie 
comme  en  pratique,  le  droit  de  cité  romaine  est  compatible,  sous 
le  Principat,  avec  le  droit  d'origine  de  toutes  les  cités  de  l'em- 
pire, et  la  concession  du  premier  ne  change  rien  au  second.  Ce 
régime  a  abouti  à  permettre  au  fils  de  Septime  Sévère  d'accor- 
der le  droit  de  cité  romaine  à  tous  les  non-citoyens  de  l'em- 
pire (1)  sans  modifier  par  là  les  institutions  existantes  des  di- 


(1)  Ulpien,  Dig.  1,  5,  17  :  In  orbe  Romani  qui  sunt,  ex  constitutione  imp.  An- 
tonini  cives  Romani  effecti  sunt  (d'où  incorrectement  Justinien,  Nov.  78,  a). 


332  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

verses  cités  de  non-citoyens,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  notam- 
ment par  l'exemple  d'Athènes  (1). 
statuts  des  villes     L'entrée  dans  l'union  militaire  romaine  avait  souvent  pour 

autonomes.  r  r 

conséquence  la  codification  du  droit  local.  Un  statut  de  ce  genre 
se  rattachant  aux  institutions  des  anciennes  villes  latines  était 
surtout  nécessairement  donné  aux  cités  fondées  comme  cités 
de  droit  latin  ou  plus  tard  gratifiées  de  ce  droit.  Quant  au 
fond,  les  statuts  latins  étaient  semblables  entre  eux,  pour  les 
points  essentiels,  et  ils  ne  se  distinguaient,  à  l'époque  récente, 
que  par  leur  rattachement  au  nom  de  telle  ou  telle  ville  (2); 


Dion,  77,  9.  Vita  Severi,  1  (p.  99,  note  4).  Augustin,  De  civ.  dei,  5,  17  :  Fac- 
tura est,  ut  omnes  ad  Romanum  imperium  pertinentes  societatem  acciperent  civi- 
tatis  et  Romani  cives  essent.  Sur  le  caractère  personnel  de  cette  constitution 
et  sur  les  catégories  qui  n'y  sont  pas  comprises,  cf.  Hennés,  16,  474  et  ss- 
[Dans  le  système  de  la  monarchie  de  Dioclétien  et  de  Constantin,  celui 
qui  appartient  à  une  cité  de  l'empire  organisée  selon  le  type  urbain  est 
par  là  même  citoyen  romain  et,  quelles  qu'aient  été  la  rédaction  et  la  portée 
primitive  du  texte  d'Ulpien,  c'est  là  certainement  le  sens  dans  lequel  il  doit 
être  interprété  dans  la  compilation  de  Justinien.  Mais  il  ne  faudrait  pas 
croire  que  l'ancienne  idée  de  la  pérégrinité  appartenant  à  l'empire  eût  dis- 
paru à  cette  époque.  Elle  a  seulement  diminué  d'étendue  et  changé  de 
nom.  Les  barbait  ou  g entiles  d'un  certain  nombre  de  districts  frontières 
appartiennent  à  l'empire  comme  les  anciens  pérégrins,  et,  comme  eux,  ils 
sont  exclus  des  lois  personnelles  romaines  et  soumis  à  leur  droit  propre. 
Dans  un  texte  de  la  première  moitié  du  ve  siècle,  Théodoret  (CEXX.  Ua-br^. 
eEparauTixTj,  tract.  9,  éd.  Gaisf.  p. 337  et  ss.)  décrit  l'unité  de  législation  réa- 
lisée en  principe  par  les  ïlomains  sur  tout  le  territoire,  et  il  remarque  no- 
tamment que  les  Athéniens  et  les  Lacédémoniens  vivent  eux-mêmes  à 
cette  époque  selon  les  lois  romaines;  mais  il  constate  qu'il  y  a  un  certain 
nombre  de  peuples  des  frontières,  les  ^Ethiopiens,  les  Saraceni,  les  Lazes, 
lesSanni,  les  Abasgi  et  en  général  les  Barbares  soumis  aux  Romains  qui 
«  ne  concluent  pas  leurs  conventions  selon  les  lois  romaines.  »  (cf.  aussi 
Themistios,  éd.  Dindorf,  p.  257).  Ce  qui  est  vrai  dans  l'empire  d'Orient 
pour  les  Lazes  et  les  Saraceni  l'est  dans  l'empire  d'Occident  pour  les  Goths 
qui  vivaient  également  en  Italie  selon  leurs  lois  propres  à  côté  des  citoyens 
romains  vivant  selon  les  leurs,  et  leur  statut  personnel  survécut  même  à 
la  conquête  de  Justinien,  ainsi  que  l'atteste,  d'une  manière  à  la  fois  tardive 
et  frappante,  un  acte  fait  à  Brescia  en  769  par  un  certain  Stavila,  civis  Bri- 
xianus  vivens  legem  Gothorum  (Cod.  dipl.  Langob.  n.  38,  col.  72).  V.  Neues 
Archiv,  14  (1888),  p.  526,  notes  2  et  4;  p.   533  et  534.] 

(1)  Dittenberger  a  parfaitement  établi  l'effet  de  ce  rescrit  sur  le  titre 
C.  /.  AU.  III,  1187,  écrit  avant  222  :  les  noms  romains,  qui  sont  en  mino- 
rité dans  les  anciennes  listes  d'éphèbes,  se  trouvent  dans  celle-ci  pour  tous 
et  se  rattachent  pour  la  plupart  à  Caracalla. 

(2)  Gomme  on  sait,  une  partie  du  statut  de  Salpensa  a  été  trouvée  à  Ma- 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  333 

quant  à  la  forme,  chacun  d'eux  est  la  constitution  municipale 
d'une  ville  indépendante.  Comme  il  se  conçoit,  cette  codifica- 
tion est  faite  en  partant  de  l'identité  essentielle  du  droit  romain 
et  du  droit  latin,  et  elle  se  rapporte  principalement  aux  points 
sur  lesquels  on  ne  pouvait  pas  se  contenter  d'appliquer  pure- 
ment et  simplement  les  institutions  romaines,  c'est-à-dire  à 
la  constitution  municipale  et,  en  droit  privé,  surtout  au  droit 
des  personnes.  —  Il  n'est  pas  invraisemblable  qu'en  Italie  les 
cités  alliées  qui  n'avaient  pas  été  fondées  par  Rome  ont  été  elles- 
mêmes,  en  entrant  dans  la  confédération,  invitées  à  faire  une 
codification  analogue  de  leur  statut  local;  car  les  institutions  qui 
devaient  être  communes  à  toutes  les  villes  alliées  n'auraient  pas 
facilement  pu  être  introduites  autrement.  Un  statut  local  de  ce 
genre,  appartenant  à'ia  ville  de  Bantia  en  Lucanie  et  rédigé  dans 
la  langue  du  pays,  nous  est  parvenu  en  partie.  Les  magistratures 
qui  y  sont  énumérées  sont  :  la  censure,  la  préture,  dont  le  titu- 
laire peut  être  remplacé  par  un  prœfectus,  la  questure  et  le  tri- 
bunat  du  peuple  ;  elles  sont  mises  dans  un  ordre  analogue  à 
celui  de  la  loi  Villia  (1).  On  y  trouve  en  outre  réglés  :  l'in- 
tercession ;  le  pouvoir  judiciaire  du  peuple  en  matière  capitale  et 
en  matière  de  multa  (p. 335,  note  1)  ;  la  procédure  suivie  en 
matière  de  multa  devant  le  préteur  ;  enfin  le  cens  et  la  procé- 
dure observée  contre  celai  qui  s'y  soustrait.  Partout  on  recon- 
naît les  institutions  romaines,  y  compris  même  les  plébéiennes  : 
lorsque  on  rencontre  des  divergences,  elles  semblent  soit  pro- 
venir de  coutumes  locales,  comme  par  exemple  la  substitution 
du  mois  de  trente  jours  au  trinum  nundinum,  soit  se  rap- 
porter à  ce  qui  était  prescrit  à  Rome  plutôt  par  l'usage  que  par 
la  loi  :  ainsi  l'éligibilité  à  la  censure  a  ici  pour  condition  en 
forme  l'occupation  de  la  magistrature,  et  l'intercession,  semble- 


laca  avec  des  tables  du  statut  propre  de  Malaca;  il  n'y  a  qu'une  explication 
possible;  c'est  qu'une  défectuosité  du  dernier  exemplaire  a  été  comblée  par 
l'acquisition  de  celui  de  Malaca. 

(1)  V.  tome  II,  la  partie  de  l'Ordre  des  magistratures,  sur  l'occupation  de 
l'édilité  curule  avant  la  préture  et  sur  la  relation  du  tribunat  du  peuple 
avec  l'ordre  des  magistratures  patriciennes. 


334  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

t-il,  un  sénatus-consulte.  —  La  concession  de  ces  statuts  locaux 
émanait,  pour  les  colonies  latines  (1)  et  les  cités  qui  n'avaient 
pas  été  antérieurement  autonomes  (2),  de  l'autorité  romaine, 
qui  avait  à  déterminer  les  modalités  de  la  constitution  locale 
en  même  temps  qu'elle  l'accordait.  Dans  les  cités  déjà  recon- 
nues antérieurement  comme  autonomes,  le  contenu  du  statut 
était  sans  doute  théoriquement  adopté  par  une  résolution  de 
leurs  comices  (3). 

t  ribunnx         Une  autre  conséquence  de  l'autonomie  était  l'existence  de  tribu- 
propres  :  •î/i 

naux  indépendants.  Nous  avons  d'autant  moins  à  insister  sur 

le  principe  que,  comme  nous  le  montrerons  plus  loin,  les  tri- 
bunaux propres  ont  été,  en  matière  criminelle  et  plus  encore 
en  matière  civile,  étendus  aux  cités  qui  n'étaient  pas  lé- 
galement autonomes  et  aux  cités  de  citoyens.  Mais  il  y  a 
une  question  nécessaire  à  poser,  quelque  difficile  qu'une  réponse 
satisfaisante  soit  rendue  par  l'état  des  sources  :  c'est  la  question 
de  la  mesure  dans  laquelle  Rome  a,  en  vertu  de  son  hégémomie, 
empiété  sur  la  souveraineté  de  juridiction  civile  et  criminelle 
appartenant  aux  cités  alliées. 
julien  La  justice  criminelle  est,  dans  les  cités  fédérées,  encore  rendue 

criminelle;  ,,  K  i       t-»    •       •  t  •• 

par  elles-mêmes  sous  le  Pnncipat  (4).  La  constitution  muni- 
cipale de  la  ville  de  Bantia,en  date  du  temps  des  Gracques,  que 
nous  avons  citée  tout  à  l'heure,  nous  permet  d'apercevoir  à  la 
fois  le  libre  exercice  de  cette  souveraineté  et  l'influence  exercée 
par  l'imitation  du  modèle  romain  :  elle  donne  au  peuple  de  Ban- 


(i)  Sans  aucun  doute,  tous  les  magistrats  chargés  de  la  fondation  d'une 
colonie  latine  ont  été  chargés  de  faire  cette  codification, et  la  concession  d'un 
statut  municipal  latin  rentre  aussi  bien  dans  la  notion  de  la  lex  data  ro- 
maine que  celle  du  statut  local  d'une  cité  de  citoyens  (VI,  1,  p.  334,  note  7). 

(2)  C'est  pourquoi  les  statuts  municipaux  espagnols  du  temps  des  Fla- 
viens  se  présentent  comme  des  leges  datse. 

(3)  Un  pareil  statut  ne  peut  être  considéré  comme  une  lex  data  romaine 
qu'en  sacrifiant  la  continuité  de  la  constitution  antérieure  de  la  cité  et  de 
celle  établie  sous  l'influence  romaine.  Lorsque  Brixia  changea  sa  qua- 
lité d'alliée  contre  le  droit  latin,  ce  changement  fut  légalisé  par  une  résolu- 
tion des  Brixiani. 

(4)  Cn.  Piso  a  du  ressentiment  contre  les  Athéniens,  quia  Theophilum 
quemdam  Areo  judicio  falsi  damnatum  precibus  suis  non  concédèrent  (Tacite, 
Ann,  2,  55). 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  335 

tia  juridiction  sur  la  personne  et  les  biens  des  citoyens  exacte- 
ment dans  les  formes  ànjadicium  populi  romain  (1).  En  prin- 
cipe cette  juridiction  s'étend,  comme  celle  de  Rome(2),  sur  toute 
la  sphère  d'autorité  delà  ville, c'est-à-dire  sur  tous  les  individus 
qui  se  trouvent  sur  le  territoire  en  question,  sans  distinction 
de  statut  personnel. par  conséquent  même  sur  les  ltalici  qui  s'y 
trouvent.  En  droit,  l'Athénien  est  justiciable  des  tribunaux  ro- 
mains pour  le  crime  commis  à  Rome,  et  le  Romain  est  justiciable 
de  l'Aréopage  pour  le  crime  commis  à  Athènes;  et,  lorsque  le 
Romain  coupable  se  trouvait  entre  les  mains  des  autorités  alliées, 
le  droit  de  punir  paraît  avoir  été  exercé  en  fait  contre  lui  par 
les  cités  autonomes  de  la  meilleure  condition  (3).  Mais  lorsque 
le  Romain  était  hors  d'Athènes,  il  est  difficile  qu'Athènes  en 
ait  obtenu  l'extradition  :  en  pareil  cas,  l'affaire  était  sans  doute 
déférée  à  un  tribunal  romain  sur  la  demande  des  alliés.  En 
outre,  il  est  probable  que,  par  suite  de  la  position  prépondérante 
de  Rome,  la  juridiction  criminelle  a  été,  relativement  aux  ci- 
toyens romains  et  au  reste  des  Italiens,  retirée  par  leurs  trai- 
tés à  la  plupart  des  cités  fédérées  en  tout  ou  en  partie.  Si  l'au- 
tonomie a  été  retirée  à  plusieurs  de  ces  cités  sous  le  Principat 
pour  cause  d'empiétements  sur  cette  juridiction  (4),  le  reproche 


(1)  Cf.  VI,  1,  pp.  406  et  407.  La  loi  porte,  lignes  8  et  as.:  Pis  pocapit  post  exac 
comono  hafiest  meddis  dat  castrid  lov[frud]  en  eituas,  factudpovs  tovto  deivatuns 
tanginom  deicans,  c'est-à-dire  Qui  quandoque post  hac  comitia  habebit  magistra- 
tusde  capite  (castr-ne  peut  signifier  autre  chose)  \libero  et  pecunia,  facito  ut 
populus  juvati  sententiam  dicant  (c'est-à-dire  jurât  us  saffragium  ferat).  Puis 
il  est  établi  contre  l'infraction  à  ces  dispositions  une  multa  fixe  ou  arbitraire 
alternativement,  selon  le  système  romain  (v.  tome  I,  la  théorie  de  la  Juri- 
diction criminelle,  sur  les  pouvoirs  judiciaires  attribués  aux  magistrats  en 
général),  et  enfin  les  quatre  délibérations  préalables  et  la  délibération  défi- 
nitive des  comices  judiciaires  sont  réglées  comme  il  a  été  indiqué  VI,  1,  pp. 
406  et  407,  par  les  mots  :  Svas  pis  pru  meddixud  altrei  castrovs  avti  eituas  zi- 
colom  dicust  =  si  qiàs  pro  magistratu  alteri  capitis  aut  pecuniae  diem  dixerit. 

(2)  V.  tome  I,  la  théorie  de  la  Coercition,  sur  sa  définition  et  son  étendue. 

(3)  Si  le  sénatus-consulte  de  674  (C.  I.  Gr.  2222)  décide,  relativement  aux 

Ghiotes,  guoùç 01  7iap'  aùrotç  ô'vtô;  cP(jù[[aocÏoJ'.  toïç  Xe-tov  •jnaxo'jcoatv  vofxotç, 

cela  doit  sans  doute  s'entendre  de  la  procédure  criminelle.   Je  ne  connais 
pas  à  ce  sujet  de  dispositions  expresses. 

(4)  Cf.  p.  317,  note  2.  On  reprocha  aux  Rhodiens  d'avoir  mis  en  croix 
des  citoyens  romains  (Dion,  60,  24)  :  aux  Gyziceni  d'avoir  mis  aux  fers  des 


336  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

peut  s'être  rapporté,  à  côté  de  la  façon  dont  la  juridiction 
avait  été  exercée,  au  fait  même  de  l'avoir  exercé.  Sous  le  gou- 
vernement meilleur  de  l'Empire,  la  répression  des  infractions 
des  citoyens  peut  ensuite  avoir  été  progressivement  soumise 
aux  mêmes  règles  dans  les  cités  autonomes  que  dans  les  cités 
de  citoyens.  —  A  l'inverse,  le  gouvernement  romain  n'a  pas 
seulement  soumis  les  citoyens  des  villes  libres  aux  tribunaux 
romains  en  vertu  du  principe  de  la  souveraineté  de  l'autorité 
du  lieu;  il  est  allé  au  delà  de  ce  principe  soit  pour  les  sou- 
mettre à  la  justice  criminelle  de  l'empire  à  raison  de  certains 
délits  (1),  soit  pour  les  y  soumettre  arbitrairement  d'une  façon 
générale  (2).  Les  villes  libres  partageaient  avec  les  cités  de 
sujets  et  celles  de  citoyens  la  possession  d'une  juridiction  cri- 
minelle propre;  mais  la  leur  avait  théoriquement  et  pratique- 
ment plus  d'importance, et  elle  s'est  sans  doute  aussi  maintenue 
plus  longtemps.  L'intervention  des  tribunaux  romains,  qui 
rentrait  pour  le  reste  des  habitants  de  l'empire  dans  le  cours 
légal  et  habituel  des  choses,  était  en  face  d'eux  une  violation 
de  leurs  privilèges  (3).  L'absence  de  témoignages  suffisants 
ne  permet  pas  d'étudier  cette  situation  de  plus  près. 
justice  La  justice   administrative   des  villes  libres  était  entre  les 

administrative;  ,  _     .  .    , 

mains  de  leurs  autorités.  Le  gouverneur  romain  commettait  un 


citoyens    romains    (Dion,  57,  24;  additis  violentiae  criminibus  adversum  cives 
Romanos,  Tacite,  Ann.  4,  37,  de  même  Suétone,  Tib.  37). 

(1)  Il  ne  faut  pas  rejeter  le  témoignage  d'Appien,  B.  c.  1,  22,  selon  le- 
quel les  juges  de  Gracchus  avaient  compétence  sur  les  Romains  et  les  Ita- 
liens, parce  que  nous  ne  pouvons  pas  établir  à  quelles  gusestiones  il  se  rap- 
porte. La  procédure  repetundarum  est  étrangère  à  cela  ;  car  elle  ne  peut  être 
dirigée  que  contre  des  citoyens  romains. 

(2)  Proculus  (sous  les  Glaudiens),  Dig.  49,  15,  7,  2  :  Et  fiunt  apud  nos  re 
ex  civitatibus  fœderatis  et  in  eos  damnatos  animadvertimus.  Gela  ne  veut  certai 
nement  pas  dire  seulement  que  l'Athénien  pouvait  être  déféré  à  un  tribunal 
romain  à  raison  d'un  délit  commis  à  Rome;  car  la  simple  application  du 
forum  delicti  commissi  n'implique  pas  la  mise  à  l'écart  de  l'autonomie  fédé- 
rale, que  le  jurisconsulte  a  visiblement  dans  la  pensée.  Sur  l'intervention  de 
la  justice  impériale,  cf  tome  V,  la  théorie  de  la  juridiction  criminelle  de 
l'Empereur. 

(3)  Ainsi  Gicéron  reproche  au  gouverneur  de  Macédoine  Gn.  Piso  les 
reducti  exules  Byzantium  condemnati  (Pro  Sest.  26,  56)  ou  le  rappel  des  rerum 
capitalium  condemnati  in  libéras  civitates  (op.  cit.  39,  84). 


LES   SUJETS    AUTONOMES.  337 

empiétement  en  évoquant  devant  son  tribunal  une  action  en 
paiement  d'une  dette  dirigée  contre  une  ville  libre  (1).  Mais, 
au  moins  sous  le  Principat,  le  pouvoir  ceutial  avait  un  droit 
d'intervention.  Des  contestations  existant  entre  la  cité  d'Athènes 
et  les  propriétaires  fonciers  obligés  à  lui  faire  des  fournitures  • 
sont  tranchées,  selon  une  constitution  d'Hadrien,  par  la  poiAv) 
ourèx3cX7)(Jta;  mais  ou  peut  faire  appel  devant  le  proconsul 
et  l'empereur  (2). 

Si  une  cité  sujette  autonome  ou  l'un  de  ses  citoyens  a  été  PIailit* 
lésé  par  la  cité  romaine  ou  par  un  citoyen  ou  un  sujet  romain, 
la  victime  a,  en  dehors  du  droit  d'agir  devant  les  tribunaux 
romains,  nécessairement  contenu  dans  un  pareil  traité,  celui  de 
porter  plainte  au  gouvernement  romain,  tel  qu'il  peut  être 
exercé  notamment  par  l'envoi  d'ambassadeurs  (3)  entre  deux 
États  liés  par  un  traité.  Quoique  la  faculté  de  s'adresser,  en 
toute  occasion,  en  passant  par  dessus  la  tête  du  gouverneur,  au 
gouvernement  proprement  dit  ait  sans  doute  eu,  même  prati- 
quement, une  importance,  cependant  ces  communes  n'avaient 
naturellement  qu'un  droit  de  doléances,  et  elles  devaient  s'in- 
cliner devant  la  décision  des  consuls  et  du  sénat,  quelle  qu'elle 
fut.  En  outre,  le  droit  de  guerre  leur  manquant  d'ordinaire,  elles 
n'avaient,  lorsqu'elles  étaient  lésées  par  un  État  dépendant  de 
Rome  ou  même  par  un  État  indépendant,  d'autre  ressource  que 
de  se  plaindre  aux  Romains,  et  elles  étaient  également  responsa- 
bles devant  eux  si  un  autre  État  se  plaignait  d'elles.  Les  deux  cités 
jouaient,  surtout  lorsqu'elles  dépendaient  toutes  deux  de  Rome, 
le  rôle  des  parties,  et  les  consuls  et  le  sénat  celui  des  au- 
torités judiciaires  (4).    Cependant  cette   procédure  a  toujours 


(1)  Gicéron,  De  prov.  cons.  4,  7  (cf.  In  Pis.  16,  37),  reproche  au  gouverneur 
de  Macédoine  de  s'être  fait  attribuer,  à  titre  extraordinaire,  par  une  loi  le 
droit  d'appeler  devant  lui  en  matière  pécuniaire  les  'populi  liberi,  malgré 
l'interdiction  expresse  de  la  loi  repetundarum  de  César  (ut  tibi  de  pecuniis 
rreditis  jus  in  liberos  populos  contra  senatus  consulta  et  contra  legem  generi 
tui  dicere  liceret). 

(2)  C.  I.  AU.  III,  18. 

(3)  P.  214.  Sur  la  relation  de  ces  ambassadeurs  proprement  dits  avec  les 
envoyés  analogues  des  cités  de  sujets  et  de  citoyens,  cf.  la  partie  qui  suit. 

(4)  Gela  se  présente  particulièrement  pour    les  conflits  relatifs  aux  déli- 

Deoit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  22 


338  hB.O.IT   PUBLIC   ROMAIN. 

eu  plutôt  pour  caractère  de  soumettre  uu  débat  survenu 
entre  deux  États  à  l'arbitraire  plus  ou  moins  obligatoire 
d'un  troisième,  et  même  elle  n'a  jamais  reçu  de  limitations 
précises  (1)  ni  de  formes  procédurales  arrêtées  (2). 
justice  civile.  En  matière  civile,  les  restrictions,  que  nous  trouverons  ap- 
portées dans  les  cités  de  citoyens  à  la  compétence  des  autori- 
tés municipales  au  profit  du  préteur  ou  du  gouverneur,  ne 
comportent  aucune  application  aux  cités  autonomes.  Le  ci- 
toyen d'une  ville  latine  procède  aux  affranchissements  et  à 
tous  les  autres  actes  légaux  devant  ses  magistrats,  tandis  que 


mitations  de  territoires.  On  en  trouve  de  pareils  mentionnés  entre  la  ville 
fédérée  de  Pisae  et  la  colonie  de  citoyens  de  Luna  en  586  (Tite-Live,  45,  13) 
et  entre  la  ville  libre  de  Sparte  et  la  cité  de  sujets  de  Messène  peu  après 
la  destruction  de  Corinthe  (Dittenberger,  Syll.  n.  240).  Les  plaintes  de  pil- 
lage adressées  à  Rome  par  les  Oropiens  contre  les  Athéniens  (Pausanias, 
7,  11,  4)  et  par  les  Leptitani  contre  le  roi  Juba  (Bell.  Afric.  97)  sont  de  même 
nature. 

(1)  Le  gouvernement  romain  intervient  absolument  de  la  même  façon 
entre  États  légalement  indépendants,  mais  qui  se  trouvent  pins  ou  moins 
dans  la  sphère  de  son  autorité  ;  on  sait  le  rôle  joué  par  de  telles  plain- 
tes dans  les  guerres  avec  la  Macédoine  et  avec  Carthage.  On  rencontre 
aussi  fréquemment  une  intervention,  qui  estjau  fond  de  même  nature,  dans 
les  conflits  entre  cités  de  citoyens  et  de  sujets.  Le  sénat  intervient  même, 
le  cas  échéant,  dans  les  difficultés  soulevées  dans  le  sein  des  cités  auto- 
nomes, pour  lesquelles  cependant  il  existe  légalement  une  justice  compé- 
tente ;  les  plaintes  formées  par  les  lieux,  attribués  de  Genua  contre  leur 
chef-lieu  (C.  I.  L.  I,  199)  sont  caractéristiques  :  les  tribunaux  du  chef-lieu 
statuent  ;  mais,  sur  la  plainte  des  lieux  attribués,  l'affaire  est  définitive- 
ment réglée  par  un  sénatus-consulte  (cf.  la  partie  des  Lieux  attribués).  Il 
n'y  a  pas  ici  de  limites  en  forme  :  Rome  peut  intervenir  pour  concilier  tout 
différend  survenu  entre  deux  cités  autonomes  ou  pseudo-autonomes,  et  le 
sénat  peut  intervenir  dans  le  même  but  partout  où  le  gouverneur  n'est  pas 
compétent  pour  les  deux  parties  ou  n'use  pas  de  sa  compétence. 

(2)  Dans  le  différend  des  Pisans  et  des  Lunenses,  le  sénat  envoie  qui  de 
finibus  cognoscerent  statuerentque,  quinque  viros.  Les  bornes  du  territoire  de 
la  ville  fédérée  de  Genua  et  des  localités  qui  lui  sont  attribuées  sont  éga- 
lement réglées  ex  senatï  consulte  par  une  décision  arbitrale  (sententia)  de 
deux  sénateurs  après  une  instruction  de  l'affaire  faite  sur  les  lieux.  Lors- 
que des  différends  survenus  entre  deux  villes  grecques  étaient  soumis  au 
sénat,  il  en  renvoyait  souvent  la  décision  à  un  tiers  ;  ainsi  celle  du  litige 
entre  les  Spartani  et  les  Messeni  aux  Milésiens,  celle  du  litige  entre  les 
villes  non-autonomes  deThessalie  Narthakion  et  Meliteia  aux  Samiens,  aux 
Golophonii  et  aux  Magnetes  (Bull,  de  Corr.  hell.  6,  366),  une  affaire  con- 
cernant les  Adramyteni,  également  non-autonomes,  aux  Andrii  (C.  1.  Gr. 
2349,  b).  Cf.  p.  387. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  339 

celui  qui  appartient  à  une  cité  de  citoyens  ne  peut  y  procéder 
que  devant  les  magistrats  de  l'empire  (1).  Les  limitations  ap- 
portées aux  affranchissements  romains  ne  s'appliquent  pas, 
en  principe,  aux  affranchissements  latins.  Tandis  que  les  procès 
déférés  aux  magistrats  des  cités  de  citoyens  ont,  dans  une  cer- 
taine mesure,  le  caractère  d'affaires  de  justice  de  paix,  par  suite 
delà  compétence  réservée  sur  les  affaires  importantes  aux  tribu- 
naux de  l'empire,  les  tribunaux  des  villes  fédérées  sont  saisis 
de  tous  les  procès  et  ont  qualité  pour  les  trancher  tous.  Cette 
distinction  se  manifeste  avec  m.o  grande  vigueur  dans  la  limi- 
tation apportée  au  droit  de  juridiction  des  cités  de  droit  latin 
de  la  Gaule  cisalpine,  lors  de  leur  entrée  dans  le  peuple  Romain 
en  705  (2).  Cependant  nous  avons  déjà  remarqué  (p.  247)  que 
lorsque  Vespasien  donna  la  latinité  aux  villes  espagnoles,  il  ne 
leur  accorda  pas  la  plénitude  de  l'autorité  judiciaire.  —  La  ré- 
ciprocité internationale  exige  que  les  procès  civils  soient  régis 
par  le  droit  du  tribunal  du  lieu;  et  ce  principe  a  été  reconnu 
par  les  Romains  pour  des  cités  particulières,  par  exemple  pour 
Chios  (3).  Le  Romain  ne  pouvait  poursuivre  le  Chiote  domi- 
cilié dans  sa  patrie  que  devant  le  tribunal  de  son  domicile,  et, 
si  lui-même  avait  établi  à  Chios  sa  résidence  durable  (consistit), 
il  pouvait  être  poursuivi  devant  le  tribunal  du  lieu,  décisions 
qui  avaient  toutes  deux  une  importance  pour  les  nombreux 
négociants  romains  et  italiens  qui  se  trouvaient  dans  les  pro- 
vinces. Mais  il  est  probable  que  cette  réciprocité  n'était  établie 
que  dans  un  petit  nombre  de  traités  d'alliance  (4),  et,  même 


(1)  Statut  de  Salpensa,  c.  22,  et  mon  commentaire,  p.  434. 

(2)  C'est  ce  que  montre  le  fragment  législatif  d'Ateste  (Bruns,  Fontes 
juris,  5e  éd.  p.  100);  cf.  Hermès,  16,  34. 

(3)  La  disposition  rapportée  p.  335,  note  3,  ne  dit  pas,  .pour  les  Romains 
vivant  à  Chios,  qu'ils  seront  traités  de  la  même  façon  qne  les  Chiotes, 
mais  seulement  que  les  règles  posées  à  Chios  pour  les  procès  entre  Chiotes 
et  étrangers  s'appliqueront  même  aux  étrangers  romains,  tout  comme  les 
Chiotes  vivant  à  Rome  étaient  soumis,  comme  demandeurs  et  comme  dé- 
fendeurs, aux  règles  posées  par  le  préteur  pérégrin. 

(4)  Dans  la  loi  sur  Termessos  de  683,  la  pratique  suivie  en  663  est  indi- 
quée comme  devant  faire  loi  :  Quae  leges  quodque  jous  quaeque  consuetudo  L. 
Marcio  Sex.  Julio  cos.  inter  civeis  Romanos  et  Termenses  majores  Pisidas  fuit, 


340  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

lorsque  c'était  le  cas,  le  principe  a  dû  souvent  être  violé  par  des 
dispositions  d'exception  et  tel  procès  qui  aurait  été  rigoureu- 
sement du  ressort  du  tribunal  allié  être  déféré  aux  autorités 
romaines  et  aux  jurés  italiques  (p.  272,  note  1). 

En  ce  qui  concerne  l'application  aux  villes  libres  des  règles 
établies  à  Rome  pour  la  division  du  temps,  les  poids  et  mesures 
et  les  monnaies,  la  dispersion  de  ces  reclierches  en  une  infinité 
de  spécialités  ne  nous  permet  que  d'iudiquer  approximativement 
les  diverses  catégories.  En  général,  les  règles  romaines  ne  ré- 
gissent pas  les  villes  libres,  notamment  les  villes  libres  ita- 
liques, tant  qu'il  en  subsiste.  Mais  cependant  ici  encore  les 
empiétements  de  la  puissance  exerçant  l'hégémonie  n'ont  pas 
été  rares. 
calendrier.  Quant  à  la  mesure  du  temps,  les  calendriers  des  villes 
italiques  divergents  du  calendrier  romain  n'ont  disparu  qu'avec 
leur  entrée  dans  le  peuple  romain:  c'est  un  fait  connu  (1). 
Les  cités  autonomes  n'étaient  pas  non  plus  obligées  de  se  con- 
former au  calendrier  provincial  romain  dont  nous  nous 
occuperons  plus  loin  :  la  preuve  en  est  dans  les  calendriers 
divergents  de  diverses  villes  libres  d'Asie  (2)  et  de  Syrie  (3); 
la  présence  d'un  pareil  calendrier  à  l'époque  romaine  est  un 
critérium  d'autonomie  (4). 

eaedem  leges  eidemque  jous  eademque  consuetudo   inter  ceives  Romanos  et  Ter- 
menses  majores  Pisidas  esto. 

(1)  Les  calendriers  des  cités  italiques  antérieurement  autonomes  con- 
servés à  Rome  après  leur  disparition  politique  pour  leurs  sacra  (p.  194, 
note  1)  confirment  que  l'autonomie  implique  un  calendrier  propre  et  qu'il 
disparait  avec  elle.  Le  maintien  religieux  du  mensis  Flusaris  (=  Floralis)  à 
côté  de  la  date  romaine  dans  la  dédication  d'un  temple  appartenant  à  Pel- 
tuinum  de  l'an  696  de  Rome  (C.  1.  L.IX,  3313)  est  de  même  nature. 

(2)  Stratonikeia  (C.  1.  Gr.  2722),  Aphrodisias  (C.  I.  Gr.  2817,  etc.)  Cysi- 
que  (C.  1.  Gr.  3664)  ;  la  dernière  ville  a  donc  nécessairement  recouvré 
postérieurement  la  liberté  qui  lui  avait  été  enlevée  par  Tibère. 

(3)  Selencie,  Tyr,  Sidon,  Gaza,  Ascalon,  dont  les  hémérologies  signa- 
lent les  calendriers  particuliers,  étaient,  nous  en  avons  la  preuve, autonomes. 
Héliupolis  ne  l'était  pas  ;  mais  ce  calendrier,  qui  n'est  pas,  comme  tous  les 
autres  calendriers  de  Syrie,  une  modification  du  calendrier  macédonien, 
qui  est  un  calendrier  araméen,  appartient  sans  doute  au  temple  et  non  pas 
à  la  série  politique. 

(4)  Ainsi  Tyra  en  Mésie  doit  être  classée  parmi  les  villes  libres  à  cause 
de  la  date  :   izpo   iy'    xaXav8ôiv  MapTÎwv  =  A-rçveûvoç  yi  dans    l'inscription 


LES   SUJETS    AUTONOMES.  341 

Le  calcul  provincial  des  années,  se  rattachant,  comme  nous 
l'expliquerons  dans  la  partie  suivante,  à  une  mesure  générale 
prise  par  les  Romains  lors  de  leur  entrée  en  possession  de 
la  province,  ne  s'impose  pas  davantage  aux  villes  libres.  Ce 
n'est  qu'exceptionnellement  qu'elles  calculent  les  dates  d'a- 
près l'ère  de  la  province,  et,  lorsque  cela  a  lieu,  le  mode  de 
calcul  a  probablement  en  droit  une  autre  source.  Les  villes 
libres  de  Syrie,  qui  se  servent,  comme  les  villes  non-auto- 
nomes, de  l'ère  des  Séleucides  (1),  l'ont  conservée  depuis  l'é- 
poque antérieure  aux  Romains.  Ailleurs,  par  exemple  en  Macé- 
doine (2)  et  en  Syrie  (3),  l'année  de  l'occupation  romaine  est 
en  môme  temps  celle  de  la  délivrance  à  la  ville  de  ses  lettres  de 
liberté,  et,  par  suite,  le  calcul  des  années  à  partir  de  la  con- 
cession de  l'autonomie,  fréquent  dans  les  villes  libres,  se  trouve 
se  rencontrer  en  fait  avec  le  calcul  par  l'année  de  la  conquête 
romaine.  Par  conséquent,  l'usage  de  dater  par  Tannée  de  la 
conquête  n'est  pas  à  lui  seul  une  preuve  de  l'absence  d'indé- 
pendance; à  l'inverse,  l'usage  d'une  ère  qui  ne  part  pas  de 
l'année  de  la  conquête  n'implique  pas  nécessairement  la  qua- 
lité de  ville  libre;  car,  bien  que  les  ères  de  ce  genre  qui  se 
rencontrent  à  l'époque  romaine  appartiennent  en  grande  ma- 
jorité à  des  villes  libres,  les  villes  non-autonomes  elles-mêmes 


C.  /.  L.  III,  781,  de  Tan  201.  Naturellement  la  réciproque  ne  serait  pas 
vraie  ;  de  nombreuses  villes  libres  d'Asie  et  de  Syrie  datent  selon  le  calen- 
drier provincial. 

(1)  L'usage  de  l'ère  de  Séleucides  est  attesté  pour  Antioche  pour  les 
premières  décades  de  la  domination  romaine  ;  on  ne  la  rencontre  plus  après 
l'an  713  de  Rome  (Eckhel,  3,  269).  Je  ne  connais  pas  d'autres  exemples. 

(2)  Thessalonique,  que  Pline,  4,  10,  3(i,  appelle  libéras  condicionis,  a 
cc^e. liant  employé,  à  côté  de  l'ère  de  la  bataille  d'Actium,  celle  de  la  fon- 
dation de  la  province  de  Macédoine  de  608  de  Rome  (Marquardt,  Handbuch, 
4,  318).  Probablement  la  ville  reçut  alors  l'autonomie. 

(3)  L'ère  pompéienne  de  690,  fréquente  en  Syrie,  appartient,  comme  on 
sait,  aux  villes  auxquelles  Pompée  donna  l'autonomie  lors  de  la  prise  de 
possession  du  territoire  par  les  Romains  ;  Euagrius,  Hist.  eccl.  2,  12,  dit 
expressément  pour  Antioche  àyo'jo-T,?  tîj;  tJù.hùz,  ï-.o-  -.r{-  aù-rovojjua;. 
—  L'ère  de  Tyra  doit  aussi,  puisqu'à  en  juger  par  son  calendrier  c'était 
une  ville  libre,  dater  de  son  autonomie,  qui  entra  certainement  en  vigueur 
au  moment  même  de  l'annexion  de  cette  contrée  à  la  province  de  Mésie. 


Calcul 
des  années. 


344Z  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

comptent  souvent  les  années  en   partant  d'une  autre  date  que 
celle  de  la  conquête  (1). 
Désignation         Le  droit  de  désigner  les  années  d'après  les  magistrats  locaux 

des  années  par  °  r  o 

des 'magnats.  est  naturellement  compris  dans  l'autonomie;  mais  les  cités 
véritablement  autonomes  le  partagent  avec  les  cités  sujettes 
pseudo-autonomes  et  avec  les  cités  d^  citoyens.  —  La  désigna- 
tion de  l'année  par  les  noms  des  magistrats  romains  n'est  pas 
seulement  en  conflit  avec  l'autonomie  :  elle  exprime  en  outre 
avec  violence  le  lien  de  dépendance.  Il  est  difficile  qu'elle  ait 
jamais  été  employée  par  les  alliés  italiques.  Dans  les  cités  au- 
tonomes extra-italiques,  on  date  par  les  consuls  et  par  les  em- 
pereurs tout  comme  dans  le  territoire  proprement  dit  de  l'em- 
pire, au  moins  sous  le  Principat  qui  fit  énergiquement  ressortir 
leur  qualité  de  partie  de  l'empire.  Au  contraire,  on  évite  en 
principe  les  dates  tirées  du  nom  des  gouverneurs  de  provinces, 
quoiqu'on  en  trouve  aussi  des  exemples,  au  moins  en  Syrie, 
dès  l'époque  d'Auguste  (2). 

poids  et  mesure».  Relativement  aux  poids  et  mesures,  on  n'aperçoit,  au  moins 
dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  aucune  différence  de 
principes  entre  les  membres  de  l'empire  autonomes  et  sujets, 
et  nous  ne  pouvons  que  renvoyer  à  la  partie  qui  suit. 


(1)  Par  exemple,  nous  trouvons  en  Gilicie  des  ères  partant  de  dates 
certaines  :  àMopsuestia,  de  l'an  686  de  Rome  (Imhoof,  Monn.  grecques, 
p.  362, et  dans  Sallet,  Zeitschrift  fur  ISumismatik,  10,294)  ;  à  Alexanclreiaprès 
d'Issos  et  à  Pompeiupolis  (Imhoof  dans  la  Zeitschrift  de  Sallet,  10,  296)  de 
l'an  689  de  Rome  ;  à  iEgeae,  de  707  de  Rome  ;  à  Anazarbos,  depuis  Trajan, 
de  735  de  Rome;  dans  la  même  ville,  sous  Xéronet  Domitien,  et  à  Augusta 
de  l'an  20  de  l'ère  chrétienne  ;  à  Irenopolis  ou  Xeronias,  de  l'an  52  après 
J.  C.  ;  à  Flaviopolis,  de  l'an  74  après  J.  G.  Parmi  ces  villes,  il  n'y  a  que 
Mopsuestia  et  JEgeze  qui  aient  eu  sûrement  l'autonomie,  et  les  autres  l'ont 
eue  difficilement.  Mais  aucune  de  ces  ères  ne  peut  être  regardée  comme 
partant  de  la  conquête  romaine  ;  elles  ont  toutes  nécessairement  d'autres 
causes  ;  certainement,  pour  Pompeiupolis  (l'ancien  Soloi)  et  pour  Flaviopolis, 
la  nouvelle  fondation  de  la  ville  et  son  changement  de  nom,  En  réalité,  il 
suffit  de  rappeler  l'ère  partant  de  la  fondation  de  la  ville  qui  se  rencontre 
même  dans  des  cités  de  citoyens, pour  réfuter  l'opinion  selon  laquelle  l'exis- 
tence d'une  ère  distincte  serait  un  critérium  établissant  la  liberté  de  la  ville. 

(2)  'EtuI  Oùapou,  sur  des  monnaies  d'Antioche,  des  années  748-750  de 
Rome  (Eckhel,  3,  275;  Res  Gestœ,  2c  éd.  p.  166).  Je  ne  trouve  pas  de  façons 
de  dater  semblables  dans  les  villes  libres  de  la  province  d'Asie. 


LES   SUJETS   AUTO  NOM  3'*3 

11  en  est  autrement  pour  l'argent  et  les  monnaies  de  l'épo- 
que ancienne.  La  liberté  illimitée  en  cette  matière  est,  au 
sens  propre,  aussi  bien  en  théorie  qu'en  pratique,  le  critérium 
de  l'autonomie,  et  il  n'y  a  pas  d'autre  domaine  où  nous  puis- 
sions aussi  bien  suivre  les  progrès  de  l'hégémonie  de  Rome.  Il 
faut  y  distinguer,  d'une  part,  l'exclusion  des  monnaies  étran- 
gères du  cours  forcé  dans  l'intérieur  de  l'État,  et,  d'autre  part, 
la  restriction  et  la  suppression  du  droit  débattre  monnaie. 

Les  plus  anciennes  règles  relatives  aux  équivalents  généra- 
lement admis  pour  le  commerce  et  à  leur  évaluation  sont  par 
essence  internationales:  le  commerce  s'est  certainement  fait, 
dans  le  sein  de  la  ligue  latine,  dès  ses  origines,  soit  par  suite 
d'une  coutume  ancienne,  soit  en  vertu  de  résolutions  de  la  con- 
fédération, en  employant  comme  monnaie  ou  bien  les  moutons 
et  les  bœufs  que  l'on  comptait  par  tètes,  ou  bien  le  cuivre,  l'ar- 
gent et  plus  tard  aussi  l'or,  que  l'on  pesait,  un  rapport  officiel 
fixe  de  valeur  étant  selon  toute  apparence  admis  entre  les  trois 
métaux.  Mais,  lorsque  le  progrès  eut  conduit  à  faire  des  pièces 
de  monnaie  marquées  des  armes  des  cités,  ces  pièces  n'eurent 
probablement  de  valeur  légale  que  sur  le  territoire  de  l'État  qui 
les  frappait  et  Tas  romain  ne  valut  probablement  dans  le  reste 
du  Latium  que  son  poids  de  cuivre,  tout  comme  les  monnaies 
de  cuivre  latines  à  Rome.  Il  peut  y  avoir  eu  entre  des  cités 
particulières  des  arrangements  conventionnels  sur  la  cir -u- 
lation  réciproque  de  leurs  monnaies  ;  mais  il  n'y  a  pas  eu 
entre  Rome  et  les  villes  latines  de  convention  générale  telle 
que  par  exemple  celles  conclues  entre  les  villes  alliées 
d'Achaïe  et  du  Bruttium  ;  car  il  n'y  a  aucune  concordance 
de  métal  ni  de  valeur  :  Rome  et  un  certain  nombre  d'au- 
Ues  villes,  probablement  latines  pour  la  plupart,  fondent  ou 
frappent  du  cuivre  lourd  au  pied  de  dix  onces,  Hatria,  Arimi- 
num  et  d'autres  villes  de  la  côte  orientale  du  cuivre  lourd  au 
pied  de  quatorze  onces,  Cales,  ïeate,  Cora,  Signia,  Alba  dans  le 
pays  des  Marses,  de  l'argent  en  pièces  diverses  (1).  Selon  toute 

(1)  R.  M.  W.p.  317  =  tr.  fr.  3,  180. 


344 


DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 


Limitation 
de  la  frappe 

aiitono:ne 
de  l'argent  : 


>n  Italie; 


h  r?  d'Italie. 


apparence,  les  villes  admises  à  l'alliance  avec  Rome  ont  gardé 
leurs  droits  monétaires  intacts  jusqu'à  la  première  guerre  pu- 
nique; dans  ce  temps-là,  la  monnaie  n'était  qu'une  marchan- 
dise en  dehors  du  territoire  où  elle  avait  été  émise  (1),  et 
chaque  cité  indépendante  qui  frappait  des  monnaies  en  réglait 
comme  elle  l'entendait  le  métal  et  la  valeur. 

Mais,  vers  le  temps  où  commence  à  Rome  la  frappe  de  la 
monnaie  d'argent,  vers  l'an  486  de  Rome,  après  la  guerre  de 
Pyrrhus  et  peu  avant  la  première  guerre  punique,  on  voit 
commencer  également  la  limitation  de  l'autonomie  des  alliés 
en  matière  d'argent  et  de  monnaie  et  la  concentration  des  droits 
qui  s'y  rapportent  entre  les  mains  de  l'État  dirigeant  (2). 

Le  but  poursuivi  par  le  gouvernement  romain  était  d'arri- 
ver à  monopoliser  la  frappe  des  monnaies  de  valeur  dans 
tout  le  domaine  soumis  à  son  autorité,  et  il  Ta  d'abord  atteint 
en  Italie.  La  frappe  de  monnaies  d'argent  a  nécessairement  été 
interdite,  au  moment  de  leur  fondation,  à  toutes  les  colonies  la- 
tines fondées  depuis  cette  époque,  et  le  droit  d'y  procéder  doit 
également  avoir  été  retiré  à  la  même  date  aux  autres  villes  al- 
liées latines  et  italiques  (3).  Des  mesures  analogues  paraissent 
avoir  été  prises  pour  la  frappe  d'espèces  de  cuivre  ;  elle  cesse 
bientôt  après,  surtout  comme  frappe  de  monnaies  de  valeur. 

Hors  de  l'Italie,  Rome  semble  s'être  d'abord  préoccupée  de 
supprimer  la  frappe  de  monnaies  d'or.  Les  Romains  eux-mêmes 


(1)  Le  trésor  de  Vicarello  a  montré  que  les  monnaies  des  cités  autonomes 
ne  circulaient  pas  à  Rome.  On  y  a  trouvé  des  monnaies  de  frappe  campa- 
nienne  avec  la  légende  Bomano  en  grande  quantité,  et  les  autres  monnaies 
de  Gampanie  seulement  à  titre  isolé  ;  c'est  donc  que  les  premières  avaient 
cours  à  Rome  et  les  secondes  non  (B.  M.  W.  p.  212  =  tr.  fr.  1,  p.  262)  Cf. 
plus  haut,  p.  204. 

(2)  La  concordance  intime  et  la  simultanéité  approximative  des  mesures 
développées  ci-dessous,  que  j'ai  exposées/fl.  M.  W.p.  319  et  ss.  =  tr.  fr.  3, 
p.  490  et  ss.,  sont  évidentes.  Il  n'est  pas  nécessaire  ni  soutenu  qu'il  y  ait 
eu  par  exemple  une  simultanéité  absolue  entre  la  frappe  du  premier  denier 
et  la  fermeture  du  reste  des  ateliers  monétaires  frappant  de  l'argent  en  Ita- 
lie ;  au  reste  nous  ne  pouvons  discuter  ici  les  diverses  données  chronolo- 
giques. 

(3)  La  défense  de  la  frappe  propre  n'empêchait  pas  naturellement  l'ou- 
verture d'ateliers  monétaires  romains  ;  il  y  en  a  eu,  par  exemple  à  Vibo  et 
à  Grotone,  pour  la  frappe  des  victoriats. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  345 

ne  fabriquèrent  pas,  comme  on  sait,  en  général  de  monnaie 
d'or  avant  César.  Mais  leur  commerce  se  faisait  déjà  depuis 
longtemps  principalement  à  l'aide  d'or  en  barres,  et  il  est  très 
vraisemblable  qu'ils  ont,  dès  avant  le  temps  où  l'Orient  fut,  au 
sens  propre,  réduit  en  provinces,  interdit,  dans  le  territoire 
soumis  à  leur  autorité,  cette  frappe  de  pièces  d'or  dont  ils  s'ab- 
stenaient eux-mêmes  (1). 

La  frappe  de  grandes  monnaies  d'argent  est  d'abord  restée 
permise  aux  cités  autonomes  extra-italiques  sous  la  domination 
romaine  ou  même  n'y  a  commencé  que  sous  cette  domination. 
La  frappe  de  monnaies  conformes  au  système  du  denier  romain 
leur  a  même,  au  début,  parfois  été  permise.  Au  reste,  tout  doit 
avoir  dépendu  là  des  clauses  des  traités.  Athènes,  Massalia, 
Rhodes,  les  ligues  de  villes  macédoniennes,  les  villes  de  l'Es- 
pagne citérieure,  qui  peuvent  certainement  être  classées  à 
cette  époque  parmi  les  alliés  autonomes  (2),  ont,  en  qualité 
d'alliés  dépendants  de  Rome,  soit  continué  à  frapper  des  piè- 
ces d'argent  de  grand  modèle  sur  le  type  antérieur,  soit,  comme 
les  Espagnols,  commencé  à  en  frapper  seulement  depuis  la 
conquête  et  au  pied  romain.  Ces  monnaies  n'avaient  cours 
légal  que  dans  le  territoire  où  elles  étaient  frappées,  ainsi  qu'il 
va  de  soi  et  qu'il  est  attesté,  même  pour  «  l'argent  d'Osca  » 
frappé  au  pied  romain, par  les  lieux  de  trouvailles  et  par  les  té- 


{[)  R.  M.  W.  p.  689  =  tr.  fr.  3,  p.  277.  La  cessation  de  la  frappe  de  l'or 
dans  les  États  des  diadoques  ne  peut  pas  sans  doute  être  ramenéee  à  l'in- 
fluence romaine  ;  mais  le  défaut  presque  complet  de  monnaies  d'or  de  Ma- 
cédoine postérieures  à  Persée  et  en  général  de  monnaies  d'or  des  États  au- 
tonomes soumis  àl'influence  romaine  ne  peut  que  difficilement  être  une  suite 
du  cours  naturel  des  choses. 

(/)  R.  M.  W.  p.  668=  tr.fr.  3,  p.  242.  ZobeLdans  les  Monatsberichte  de  l'Aca- 
démie de  Berlin,  1881,  p.  815  et  ss.  Ce  ne  peut  pas  être  là  une  frappe  mili- 
taire romaine  ;  car  les  légendes  sont  toujours  ibériques  et  les  pièces  se 
rencontrent  exclusivement  en  Espagne.  Les  monnaies  seules  nous  fournis- 
sent quelques  renseignements  sur  la  condition  des  villes  espagnoles  sous  la 
République.  Toutes  les  villes  admises  à  la  frappe  de  grandes  pièces  d'ar- 
gent avaient  l'autonomie,  qu'elles  aient  frappé,  comme  la  plupart,  des  de- 
niers et  des  quinaires  ou,  comme  Sagonte,  de  même  que  Ivlassalia  des  vic- 
toriats  (cf.  Zobel,  loc.  cit.  p.  816). 


346  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

moignages  des  écrivains  (1).  La  concentration  du  gros  com- 
merce dans  les  mains  des  négociants  romains  aura  pourvu  à 
la  substitution  pratique  du  denier  romain  au  tétradrachme  at- 
tique  dans  son  usage  universel.  —  Mais,  si  les  choses  se  sont 
passées  ainsi  aux  débuts  de  la  domination  romaine,  Jes  Ro- 
mains ne  s'en  sont  pas  tenus  là.  Lorsque  l'occasion  s'en  est 
présentée,  la  frappe  des  grandes  pièces  d'argent  a  été  limitée 
entre  les  mains  des  cités  fédérées  ou  leur  a  été  enlevée.  Se- 
lon toute  vraisemblance,  la  frappe  de  l'argent  a  cessé  à  Athènes 
après  la  prise  de  la  ville  par  Sulla  (2),  à  Massalia  après  sa 
prise  par  César  (3);  à  Sagonte  (4),  à  Apollonia  d'illyrie  (5), 
et  à  Rhodes  (6),  elle  n'a  du  moins  pas  duré  jusqu'au 
Principat.  A  prendre  les  choses  en  bloc,  on  peut  poser  en  règle, 
probablement  déjà  pour  les  derniers  temps  de  la  République  et 
certainement  pour  le  Principat,  que  la  frappe  de  monnaies  de 
valeur  y  a  été  retirée  aux  États  autonomes  dépendants  et  est 
devenue  un  privilège  spécial  de  l'empire.  Sans  doute  les  excep- 
tions ne  font  pas  complètement  défaut.  De  grandes  pièces  d'ar- 
gent ont  été  frappées,  du  temps  des  triumvirs  ou  sous  Auguste, 
par  la  ville  autonome  de  Tripolis  en  Syrie  (7),et  par  la  confédéra- 


(1)  Les  deniers  espagnols,  qui  se  rencontrent  en  général  mêlés,  peuvent 
sans  doute  avoir  eu  cours  dans  toute  la  province  citérieure,  par  conséquent 
appartenir  dans  une  certaine  mesure  à  la  ligue  des  villes,  de  même  que  les 
monnaies  d'une  des  confédérations  macédoniennes  devaient  être  reçues 
dans  toutes  les  villes  y  appartenant. 

(2)  R.  M.  W.  692  =  tr.  fr.  3,  283. 

(3)  R.  M.  W.  675  =  tr.  fr,  3,  253. 

(4)  Toutes  les  monnaies  d'argent  de  Sagonte  (cf.  Zobel,  Comm.  Momm- 
sen.  p.  805  et  ss.)  ont  seulement  une  légende  ibérique  ;  on  ne  trouve  de  lé- 
gende bilingue  ou  exclusivement  latine  que  sur  les  pièces  de  cuivre.  Par 
conséquent  la  ville  peut  n'avoir  acquis  le  droit  de  cité  romaine  qu'elle  pos- 
sédait sous  Auguste,  que  peu  de  temps  auparavant. 

(5)  R.  M.  W.  397  =  tr.  fr.  2,  100. 

(6)  R.  M.  W.  706  =  tr.  fr.  3,  305. 

(7)  Eskhel,  3,  376.  La  monnaie  la  plus  récente  est  de  l'an  32  de  l'ère 
pompéienne,  =  722  de  Rome.  Le  pied  divergent  du  pied  provincial  syrien 
(R.  M.  W.  p.  37  =  tr.  fr.  1,  47  s'explique  par  l'autonomie  de  la  ville.  — 
On  rencontre  aussi  à  Antioche,  sous  Auguste,  une  frappe  cle  même  nature 
très  peu  abondante  (Pick,  dans  la  Num.  Zeitschrift  de  Sallet,  14,  311). 


LES  SUJETS    AUTONOMES.  347 

tion  également  libre  de  Lycie  (1)  sous  Hadrien  et  Antonin  le 
Pieux,  par  la  ville  libre  d'Amisos  dans  le  Pont,  et  par  celle  de 
Tarse  et  d'autres  encore  en  Cilicie  (2).  Les  royaumes  de 
Maurétanie,  le  royaume  du  Pont  de  Polemon,  le  royaume  na- 
batéen  en  Arabie  et  surtout  le  royaume  du  Bosphore  ont,  tant 
qu'ils  ont  existé,  frappé  des  pièces  d'argent  et  même  en  partie 
aussi  des  monnaies  d'or  (3).  Frappe  des 

,  petites  monnaies. 

Le  droit  de  frapper  de  petites  monnaies  est  resté  aux  Etats 
autonomes  :  ainsi,  par  exemple,  en  Italie,  les  cités  autonomes, 
après  avoir  été  dépouillées  du  droit  d'émettre  des  monnaies 
d'argent,  continuèrent  à  émettre  de  petites  monnaies  de  cuivre, 
ou  même  commencèrent  à  le  faire,  comme  les  villes  autonomes 
de  Copia  et  de  Valentia  fondées  en  Italie  méridionale  en  561  et 
565.  Mais  le  même  droit  fut  accordé  dans  une  large  mesure 
aux  cités  sujettes.  Ou  ne  voit  pas  en  principe  en  cette  matière 
de  privilège  accordé  aux  premières  sur  les  secondes.  Sous 
l'Empire,  il  semble  avoir  fallu  partout,  pour  de  telles  émissions, 
une  permission  spéciale  du  gouvernement,  à  laquelle  il  est  fait 
allusion  à  titre  isolé,  même  pour  des  villes  libres  (4).  Gepen- 

(1)  R.  M.  W.  p.  710  =  tr.  fr.  3,  p.  311. 

(2)  Les  monnaies  d'argent  d'Amisos  (R.  M.  W.  709  =  tr.  fr.  3,  309),  qui  sont 
toutes  datées,  se  placent  dans  les  années  130-136  et  156.  Les  grandes  pièces 
d'argent  des  villes  libres  de  Cilicie  Tarse  (Mionnet,  3,  624,  422-424,  etc.)  et 
Mopsuestia  (Lôbbecke,  Zeitschrift  fiir  Numismatik,  10,  80;  Imhoof,  Monn. 
grecques,  p.  361)  sont  contemporaines  et  analogues.  C'est  seulement  à  ces 
émissions  que  se  rapporte  la  question  de  droit  rapportée  parle  jurisconsulte 
Scaevola  qui  vit  sous  Marc-Aurèle  (Dig.  46,  3,  102,  pr.)  :  Creditor  oblatam  a 
debitore  pecuniam  ut  alla  die  accepturus  distulit  :  mox  pecunia,  qua  Ma  res 
publica  utebatur,  quasi  serosa  jussu  prxsidis  sublata  est,  d'autant  plus  que  ces 
pièces  de  Cilicie  sont  d'un  argent  étonnamment  mauvais.  La  frappe  de 
grandes  pièces  d'argent  provinciales  semble  avoir  été  alors  accordée  çà  et 
là  aux  villes  libres  de  la  province. 

(3)  Xous  avons  des  monnaies  d'or  de  Maurétanie  et,  avant  tout,  de  l'em- 
pire du  Bosphore.  Les  grandes  pièces  d'argent  du  roi  Brogitarus  de  Gal'a- 
tie  (p.  710  =  tr.  fr.  3,  p.  312)  et  les  émissions  d'or  et  d'argent  d'Amyntas 
également  roi  de  Galatie,  (p.  709  =  tr.  fr.p.3,  311)  sont  de  même  nature.  Les 
grandes  monnaies  d'argent  des  Juifs  insurgés  du  temps  d'Hadrien  se 
rattachent  à  leur  scission  de  l'empire. 

(4)  Les  monnaies  de  la  ville  libre  de  Cercina  (et  non  Gergis)  en  Afrique 
(cf.  Pline,  H.  n.  5,  7,  42)  sont  frappées  perm{issu)  L.  Volusi  procos.  (Mûller, 
Xum.  de  l'Afrique,  2,  35).  Les  noms  de  gouverneurs  au  nominatif,  qui  se  ren- 
contrent aussi  à  plusieurs  reprises  sur  les  monnaies  de  villes  libres  d'A- 
frique, supposent  sans  doute  également  une  telle  permission,  bien  qu'elle  ne 


348  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

dant  il  est  remarquable  qu'en  Afrique,  en  dehors  de  quelques 
cités  de  citoyens,  le  droit  de  battre  monnaie  n'a  été  exclusive- 
ment exercé  que  par  des  cités  autonomes  (1).  En  ce  qui  con- 
cerne l'empreinte,  l'effigie  de  l'empereur  et  le  nom  de  l'empe- 
reur sont  aussi  plus  fréquemment  omis  sur  les  monnaies  des 
villes  autonomes  que  sur  celles  des  villes  sujettes  et  des  villes 
de  citoyens  (2). 
Autres  La  limitation  du  droit  de  battre  monnaie  entraîne  nécessai- 

restrictions 

de»  pouvoirs     rement  après  elle  d'autres  limitations  de  la  souveraineté  mo- 

rnonetaires.  *■ 

nétaire,  soit  l'admission  légale  des  monnaies  de  l'État  domi- 
nant à  la  circulation  dans  les  États  alliés,  soit  la  réglementation 
et  le  contrôle  des  émissions  de  l'État  dépendant  par  l'État  do- 
minant, en  particulier  l'introduction  du  pied  romain  dans  le 
monnayage  autonome.  Lorsque  Athènes  perdit  le  droit  de 
frapper  des  tétradrachmes  et  ne  put  plus  émettre  que  de  la 
monnaie  de  billon,  le  denier  dut  nécessairement  y  être  intro- 
duit et  la  monnaie  de  billon  être  mise  en  rapport  avec  lui.  Ce- 
pendant ces  mesures  pouvaient  aussi  précéder  la  limitation  du 
droit  de  battre  monnaie,  et  cela  a  probablement  été  le  cas  le 
plus  fréquent  :  à  Athènes  par  exemple,  on  a  de  bonne  heure 
admis  le  denier  au  cours  officiel  et  mis  le  poids  et  le  titre  du 
tétradrachme  en  relation  avec  ceux  de  la  monnaie  romaine. 
Nous  ne  savons  que  peu  de  chose  sur  ces  réglementations.  A 


soit  pas  expressément  affirmée.  Les  monnaies  de  la  ville  latine  d'Ebora  en 
Lusitanie  (cf.  Pline,  4,  22,  117)  portent  permissu  Caesaris  Augusti  p.  m. 
(Heiss,  Monn.  de  l'Espagne,  p.  408). 

(1)  Les  ateliers  monétaires  sûrement  attestés  de  la  province  d'Afrique 
sont,  en  dehors  de  trois  colonies,  Girta,  Carthage  et  celle  qui  frappe  avec 
la  légende  C.  P.  1.,  et  du  municipe  d'Utique,  les  villes  d'Achulla,  Gercina, 
Hadrumetum,  Hippo  (probablement  regius),  Leptis  magna,  Leptis  minor, 
Oea,  Thapsus.  Parmi  ces  dernières,  Leptis  magna  et  Oea  sont  probablement 
et  les  autres  certainement  des  villes  libres. 

(2)  Ils  n'apparaissent    jamais  sur  les  monnaies  attiques  de  l'Empire.  Ils 
'  manquent  aussi  fréquemment  sur  les  monnaies  de  Sparte,  qui  appartiennent 

certainement  aux  premiers  temps  de  l'Empire.  Au  reste,  la  tête  et  le  nom  de 
l'empereur  ne  sont  même  pas  obligatoires  pour  les  cités  de  citoyens  ou  de 
sujets.  Il  y  a  par  exemple  de  la  colonie  de  Gorinthe  des  séries  de  monnaies 
soi-disant  autonomes,  et  la  colonie  d'Auguste  Alexandria  Troas  a  jusqu'à 
Trajan  toujours  frappé  ses  monnaies  sans  y  mettre  ni  la  tète  ni  le  nom  de 
l'empereur. 


LES   SUJETS   AUTONOMES.  349 

Athènes,  du  temps  où  le  denier  était  la  seule  monnaie  ayant 
cours  légal  et  où  il  y  avait  à  côté  de  lui  unejmonnaie  d'appoint 
autonome,   l'ancienne  drachme  de  six  oboles  devint  à  son  tour 
l'obole  du  denier  de  l'empire,  de  sorte  que  ce  denier  se  divisait 
dans  le  territoire  d'Athènes  en  6  drachmes  locales  et  36  obo- 
les (1).  A  cette  drachme  attique  d'  1/6  de  denier  ou,  peut-on 
dire  encore,  au  talent  attique  de  1000  deniers,  correspondent 
les  types  de  monnaie  d'appoint  établis  pour  d'autres  cités  au- 
tonomes également  dépouillées  du  droit  propre  d'émettre  des 
monnaies  d'argent  :  le  talent  de  Neapolis  de  6  deniers,  celui 
de  Rhegion  d'un  1/2  denier  (2);  de  même    celui  qui  sert  de 
'  fondement  à  la  désignation  de  la  pièce  de  cuivre  rhodienne  du 
nom  de  Siâpa^ov.  La  drachme  provinciale  des  Romains  étant 
comme  le  denier  d'empire  divisée  selon  le  système  de  l'as,  il 
y  avait  encore,  dans  ce  maintien  du  système  des  drachmes  et 
des  oboles,  une  conséquence  de    l'autonomie  (3).  —  On  peut 
rattacher  à  la  même  idée  le  fait  que  l'État  client  du  Bosphore, 
de  même  qu'il  frappe  des  monnaies  d'or,  suit,  pour  sa  mon- 
naie d'appoint,  un  système  de  division  analogue  mais  non  pas 
identique  à  la  division  duodécimale  romaine  (4). 

Il  n'a  jamais  été  accordé  aux  alliés  dans  leur  ensemble  de 
privilèges  personnels  généraux  tels  que  ceux  qu'avaient  les  La- 
tins relativement  au  commerciwn  et  à  l'acquisition  du  droit  de 
cité  romaine.  Le  droit  d'exil  sans  réciprocité  qui  fonctionne  pour 
les  États  non-latins  (VI,  1,  p.  53)  est  un  privilège  des  citoyens 
romains  :  il  assure  au  Romain  qui  déclare  vouloir  émigrer  à 
Naples,  non  pas  sans  doute  le  droit  de  cité  de  cette  ville,  mais 
cependant  l'entrée  dans  le  peuple  napolitain  et  par  suite  la 


(i)  Lapreuveen  est  dans  le  titre  de  fondation  attique,  C.  I.  AU.  III,  n.  61; 
Hermès,  5,  134. 

(2)  Festus,  v.  Talentum,  p.  359.  R.  M.  W.  pp.. 87  et  96  =  tr.  fr.  1,  pp.  134 
et  164.  Il  n'est  pas  impossible  que  ce  soient  là  les  talents  et  les  litrse  des 
comptes  tauromenitains. 

^3)  Eckhel,  2,  605.  On  peut  aussi  rapprocher  de  la  liberté  de  l'île  de 
Ghios  le  fait  que,  parmi  ses  monnaies,  il  y  en  a  une  espèce  désignée  par 
xpta  àc-aapta,  quoiqu'il  soit  assurément  possible  que  la  drachme  d'Asie 
admit  une  telle  division. 

(4)  R.  M.  W.  p.  700  et  ss.  =  tr.  fr.  3,  p.  292  et  ss. 


350  DROIT   PUBLIC    ROMAIN. 

sortie  du  groupe  des  citoyens  romains.  Mais,  si  un  Napolitain 
vient  à  Rome,  il  n'y  devient  pas  pour  cela  membre  de  l'Etat 
romain  et  son  statut  personnel  n'est  pas  modifié.  Un  acte  con- 
clu dans  les  formes  romaines  avec  un  pérégrin  est  nul,  Pins- 
titution  d'héritiers  et  le  legs  faits  entre  Romains  et  pérégrins 
sont  également  nuls,  que  le  pérégrin  appartienne  ou  non  a 
une  cité  alliée.  Des  privilèges  particuliers  peuvent  bien  avoir 
été  accordés,  quant  au  conubium  (1),  ou  au  commercium  (2), 
à  des  étrangers  ou  à  des  cités  étrangères  isolées,  en  particulier 
dans  la  période  antérieure  à  la  guerre  sociale  pour  favoriser 
le  commerce  entre  les  Romano-Latins  et  le  reste  des  Italiens 
autonomes  et  par  suite  la  fusion  des  races.  Mais  il  n'y  a  cer- 
tainement pas   eu  de  dispositions  générales  de  cette  espèce. 
Les  avantages  personnels  accordés  aux  Italiens  en  matière  mi- 
litaire (p.  302),  eu  matière  de  douanes  (p.  322),  rapprochaient 
leur  condition  de  celle  des  Latins  et  ont  essentiellement  contri- 
bué à  faire  entrer  dans  une  seule  nation   politiquement  unie 
non  pas  seulement  les  cités  latines,  mais  toute  l'Italie;  il  n'a 
jamais  été  accordé  de  telles  faveurs  aux  membres  des  cités 
dépendantes  ordinaires. 


(1)  Ulpien,  5,  4.  Nous  connaissons  seulement  la  concession  faite  d'une 
façon  permanente  aux  vétérans  congédiés  du  droit  de  contracter  un  légi- 
time mariage  avec  n'importe  quelle  femme  pérégrine. 

(2)  Ulpien,  19,  4.  Sur  l'application  aux  cités  voisines  de  l'Italie  d'Anti- 
polis  et  de  Flanona,  cf.  p.  254,  note  3. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES. 

(SHSlM.i   Ub-lW-) 


La  soumission  d'un  État  jusqu'alors  indépendant  à  la  do-      Définition 

o        3.  i-  de  la  sujétion, 

mination  de  Rome  entraîne  l'annexion  du  pays  et  des  person- 
nes dans  trois  formes  différentes.  Ou  bien  le  territoire  et  les 
hommes  sont  confondus  purement  et  simplement  dans  le  ter- 
ritoire et  le  peuple  de  Rome  (VI,  1,  p.  62  et  148),  ou  bien  on  en 
constitue  des  cités  de  demi-citoyens  (p.  183  et  ss.),  ou  bien  ils 
sont  adjoints  à  Rome  en  vertu  d'un  traité  juré  ou  d'une  simple 
loi,  comme  États  autonomes  dépendants  (p.  290  et  ss.).  11  reste 
à  étudier  la  condition  directement  produite  par  la  dédition  jus- 
qu'à ce  que  n'intervienne  l'une  de  ces  trois  mesures  définitives. 
A  l'époque  ancienne,  ce  n'est  exclusivement  qu'une  condition 
intérimaire,  qui  par  suite  n'appartient  même  pas  proprement 
au  droit  public  ;  mais,  dès  le  milieu  de  l'époque  républicaine, 
elle  arrive  à  se  perpétuer  en  fait,  et,  quoiqu'elle  n'ait  jamais 
complètement  perdu  son  caractère  provisoire,  elle  ne  peut  être 
exclue  de  cette  étude.  Pour  plus  de  brièveté,  nous  la  désigne- 
rons du  nom  de  sujétion. 

Le  maintien  même  provisoire  de  la  liberté  exige  logique-     ^S™'6 
ment  et  pratiquement  l'organisation  d'une  autorité  gouver- 
nante. Cette  autorité  est  tantôt  laissée  ou  donnée  aux  indivi- 
dus soumis,  tantôt  prise  en  main  par  les  Romains.  Du  temps 


352  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

de  la  République,  c'est  en  général  le  premier  parti  qui  a  été 
adopté  ;  l'autonomie  dépendante,  étudiée  dans  la  partie  qui 
précède  celle-ci,  a  été  transportée  aux  sujets  en  un  certain  sens: 
tout  en  maintenant  en  principe  les  dediti  dan  s  l'absence  de  droit 
et  de  cité  qui  résulte  de  la  d édition  (VI,  1,  p.  156),  on  leur 
a  accordé^pour  le  temps  que  durerait  le  provisoire,  les  facultés 
qui  appartiennent  aux  sujets  légalement  autonomes.  La  condi- 
tion des  sujets  peut,  en  ce  sens,  être  désignée  comme  une  au- 
tonomie tolérée.  Si  l'alliance  dépendante  amalgamait  déjà  deux 
idées  juridiques  qui  s'excluent  au  sens  rigoureux,  la  sujétion 
est  encore  à  un  plus  haut  degré  une  institution  hybride,  em- 
pruntant à  la  dédition  sa  nature  et  à  l'alliance  son  aspect  ex- 
térieur, et  avec  laquelle  le  meilleur  terme  de  comparaison  est 
la  liberté  imparfaite,  le  morari  in  libertate  du  droit  privé  nou- 
veau, un  esclavage  de  droit  accompagné  d'une  liberté  de  fait. 
Gouvernement       L'autre  procédé  consistant  à  prendre  en  mains  propres  l'au- 

îmnipiiiat  sous  *  r  ri 

le  prneipat.  lorjté  sur  les  dediti  après  la  dédition,  n'a  pas  été  employé  par 
les  Romains,  du  temps  de  la  République.  Sans  doute  l'auteur 
de  la  conquête  se  trouve  fréquemment  dans  le  cas  de  procéder, 
par  lui-même  ou  par  des  mandataires  de  son  choix,  à  l'admi- 
nistration de  la  justice  et  aux  autres  fonctions  administratives 
dans  le  territoire  conquis.  La  position  occupée  par  le  général 
dans  la  ville  prise  implique  presque  nécessairement  de  telles 
mesures  ;  le  gouvernement  romain  lui-même  a  dû  dès  le  prin- 
cipe, y  recourir  à  titre  transitoire  et  dans  des  cercles  restreints. 
Mais  le  droit  public  de  la  République  ne  connaît  pas  ce  système 
comme  institution  ;  car,  dans  la  mesure  où  il  est  appliqué,  il 
donne  à  celui  qui  l'applique  des  droits  souverains  et  la  cons- 
titution républicaine  n'admet  pas  chez  une  personne  la  réunion 
des  qualités  de  prince  dépendant  et  de  magistrat  républicain. 
Lorsque  à  cette  époque  une  organisation  de  ce  genre  est  établie, 
le  mandataire  n'appartient  pas  au  peuple  romain,  et  par  con- 
séquent le  rapport  prend  le  caractère  d'un  rapport  de  clientèle 
politique.  L'autonomie  conventionnellement  établie  ne  pouvant 
être  refusée  à  l'État  client,  nous  nous  sommes  déjà  occupé  de 
cette  organisation  dans  la  partie  qui  précède  celle-ci.  A  la  vé- 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  353 

rite,  le  principe  de  droit  public  selon  lequel  le  traité  conclu 
avec  un  roi  par  la  République  romaine  ne  peut  être  fait  que 
pour  la  durée  de  la  vie  du  roi  (p.  276)  rend  ici  en  fait  illusoire 
le  lien  juridique  qui  fait  la  supériorité  de  l'autonomie  conven- 
tionnelle sur  l'autonomie  tolérée;  et,  par  corrélation,  les  prin- 
ces clients  des  Romains  sont  même  politiquement,  ainsi  que  le 
montrent  notamment  les  impôts  (p.  313),  plus  près  des  sujets 
non-autonomes  de  Rome  que  des  sujets  autonomes  dans  lesquels 
ils  sont  compris  théoriquement.  Mais  la  République  romaine  est 
restée,  tant  qu'elle  a  existé,  fidèle  au  principe  que  le  territoire 
soumis  doit  être  nécessairement  organisé  selon  le  type  de  l'au- 
tonomie tolérée  ou  selon  celui  de  la  clientèle  politique.  Ce  fut 
seulement  depuis  qu'elle  eut  elle-même  un  maître  qu'il  devint 
possible  de  combiner,  dans  la  personne  de  ce  dernier,  cette 
situation  de  maître  et  l'exercice  des  pouvoirs  princiers  sur  les 
territoires  soumis.  Gela  s'est  ensuite  produit  en  Egypte,  en  Nori- 
que,  dans  les  principautés  des  Alpes  et  ailleurs  encore,  et  c'est 
devenu  le  fondement  du  régime  des  provinces  impériales  ad- 
ministrées par  des  gouverneurs  de  rang  équestre. 

La  sujétion  étant  issue,  dans  son  développement  historique,  du  J^SSi 
régime  provisoire  produit  par  la  conquête,  elle  a,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  conservé  un  caractère  légalement  provisoire, 
même  lorsque  en  fait  elle  est  devenue  perpétuelle.  Son  fonde- 
ment essentiel  est  qu'en  cas  de  changement  de  gouvernement  les 
institutionsexistantes  survivent  jusqu'à  l'organisation  définitive 
nouvelle,  dans  la  mesure  où  leur  maintien  est  conciliable  avec 
les  nouvelles  circonstances.  C'est  aussi  delà  que  vient  la  diver- 
sité de  ces  institutions:  dans  chaque  pays,  ce  sont  moins  des 
institutions  romaines  que  les  institutions  antérieures  à  la  domi- 
nation romaine  maintenues  sous  cette  domination.  Au  point  de 
vue  du  droit  public  romain,  le  régime  des  territoires  sujets  ne 
peut,  si  important  qu'il  soit  pour  la  République  récente  et 
pour  l'Empire,  être  étudié  que  quant  à  l'intervention  de  l'au- 
torité romaine  dans  ces  rapports.  Les  particularités  du  gouver- 
nement exercé  sur  l'Italie,  la  Sicile,  l'Espagne,  l'Orient  grec, 
l'Egypte  doivent  ici  être  plutôt  supposées  connues  qu'exposées. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  23 


des  institutions 
existantes. 


384  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

conquêtes  L'origine  de  la  sujétion  a  été  dans  la  position  prise  par  les 
italiques.  Romains  en  face  des  Italiens  de  race  étrangère;  les  différentes 
cités  qui  accomplirent  leur  dédition,  tombèrent  d'abord  par  là 
dans  la  situation  juridique  que  nous  avons  expliquée.  En  gé- 
néral, les  Romains  y  trouvèrent  organisées  des  fédérations  de 
cités  urbaines  de  même  race  fondées  sur  le  principe  de  l'au- 
tonomie des  villes.  Les  ligues  furent  partout  dissoutes  par  les 
Romains  (p.  293)  et  les  pouvoirs  des  autorités  fédérales  passè- 
rent aux  vainqueurs  ;  mais  en  revanche  ils  laissèrent  ordinai- 
rement aux  villes  jusqu'alors  autonomes  leur  autonomie  dans 
la  mesure  conciliable  avec  l'hégémonie  romaine,  d'abord  à  titre 
de  tolérance,  jusqu'à  l'établissement  d'une  organisation  défini- 
tive conforme  à  l'un  des  trois  types  que  nous  avons  indiqués 
en  commençant.  Cette  organisation  ne  se  fit  pas  attendre  en  Ita- 
lie :  la  sujétion  n'y  a,  conformément  à  sa  nature,  apparu  qu'à 
titre  provisoire  et  transitoire,  et  il  résulte  delà  qu'il  ne  nous  est 
pas  parvenu  de  tradition  véritable  relative  à  ces  formations 
éphémères  et  antérieures  aux  annales  dignes  de  foi.  Des  ré- 
gimes provisoires  est  sortie,  dès  une  époque  relativement  pré- 
coce, l'union  des  villes  italiques,  de  laquelle  faisaient  égale- 
ment partie  les  cités  urbaines  latines  ou  plus  ou  moins  latini- 
sées et  celles  de  la  Grande  Grèce.  Ce  n'est  que  par  exception 
que  des  cités  italiques  sont  restées  longtemps  en  dehors  de 
cette  ligue  de  villes  :  ainsi  en  particulier  les  derniers  alliés 
d'Hannibal,  les  villes  des  Bruttii  et  des  Picentins  près  de  Sa- 
lerne  (i)  et  sans  doute  aussi  les  Ligures  installés  en  575  dans 
la  région  de  Bénévent  (2).  Si  au  contraire  le  département  con- 
sulaire limitrophe  de  l'Italie,  les  tribus  celtiques  et  ligures  sont 
restées  d'une  manière  durable  exclues  de  la  ligue  des  villes  ita- 
ques,  la  principale  raison  en  a  été,  à  côté  de  la  différence 
de  nationalités  énergiquement  accentuée,  dans  l'absence  chez 
eux  de  l'organisation  urbaine  qui  était  le  fondement  du  sys- 
tème, dans  la  nature  propre,  essentiellement  opposée  à  la  con- 

(1)  Y.  tome  I,  la  théorie  des  Appariteurs,  sur  les  Bruttiani. 

(2)  V.  tome  I,  la  théorie  du  Conseil  du  magistrat,  sur  l'emploi  du  conseil 
en  matière  administrative,  dernière  note. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  355 

centration  urbaine,  de  la  cité  celtique  (1).  La  conquête  semble 
avoir  là  plus  d'une  fois  entraîné  la  destruction  des  habitants 
antérieurs.  Quand  cela  n'a  pas  eu  lieu,  la  sujétion  ne  semble 
pas  être  intervenue  comme  transition. 

Mais  la  sujétion  durable  n'est  pas  venue  du  pays  cisalpin  :  siciie. 
elle  est  venue  des  îles  voisines  de  l'Italie  tombées  sous  la  domi- 
nation romaine  dès  une  époque  antérieure,  en  particulier  de 
l'organisation  donnée  en  513  de  Rome  à  la  moitié  orientale 
de  la  Sicile.  Lorsque  les  territoires  d'outre- mer  tombèrent  sous 
la  domination  romano-italique,  on  abandonna,  pour  ne  pas  dé- 
nationaliser l'État  dominant,  le  système  suivi  jusqu'alors,  selon 
lequel  les  pays  soumis  étaient,  après  un  stage  plus  ou  moins  long, 
admis  dans  la  ligue  de  villes  dirigée  par  Rome,  et  le  système  de 
l'autonomie  tolérée,  jusqu'alors  admis  comme  provisoire,  fut 
introduit  comme  institution  durable.  Le  fondement  en  fut  fourni 
par  la  combinaison  faite  dans  cette  île  de  la  constitution  hellé- 
nique des  villes  avec  le  gouvernement  autocratique,  par  l'au- 
tonomie dépendante  des  cités  du  territoire  carthaginois  et  du 
territoire  syracusain  qui  s'y  ajouta  bientôt.  C'est  sur  ce  mo-  L.0rient  grec. 
dèle  qu'ont  ensuite  été  annexés  à  l'empire  romain  tous  les  ter- 
ritoires acquis  par  Rome,  à  l'époque  de  la  République,  dans 
l'Orient  hellénique  ;  on  les  a  soumis  à  une  puissance  semblable 
au  gouvernement  royal,  et,  sous  cette  puissance,  on  leur  a  ac- 
cordé en  même  temps  l'autonomie  urbaine;  pour  certains 
même,  la  base  du  régime  n'a  été  introduite  qu'alors,  par 
exemple  lors  de  la  transformation  du  royaume  de  Mithradates 
en  province  romaine  (2).  L'idée  de  la  confédération  urbaine  a 


(1)  La  preuve  la  plus  frappante  en  ce  sens  est  fournie  par  l'organisation 
des  Vocontii  dans  la  Narbonnaise,  qui  ont,  en  qualité  de  cité  fédérée,  gardé 
de  la  façon  la  plus  pure  l'ancienne  constitution  de  clan  :  Vocontiorum  civita- 
tis  fœderatae  duo  capita  Vasio  et  Lucus  Augusti,  oppida  vero  ignobilia  XVII1I, 
sicut  XXI1II  Xemausensibus  attributa  (Pline,  H.  n.  3,  4,  37).  Aucune  cité  ro- 
maine ou  hellénique  ne  peut  avoir  deux  capitales,  c'est  à-dire  n'en  avoir 
aucune. 

(2)  La  province  étendue  du  Pont,  dont  l'organisation  a  été  établie  d'une 
manière  instructive  par  Niese  (Rhein.  Mus.  38,  577),  n'était  divisée  qu'en 
onze  circonscriptions,  qui  avaient  toutes  pour  point  central  des  villes  grec- 
ques anciennes  ou   nouvellement  fondées  :  leur  étendue  est  montrée,    par 


356  DROIT  PUBLIC   ROMAIN 

été  maintenue  sans  restrictions  dans  tout  le  territoire  soumis 
à  l'autorité  romaine  sous  la  République.  Même  sousle  Principat, 
le  gouvernement  direct  du  maitre  n'a,  en  dehors  de  l'Egypte, 
joué,  nous  l'avons  déjà  remarqué,  qu'un  rôle  accessoire  (1), 
et  même  là  il  s'est  finalement  effacé  devant  l'organisation  ur- 
baine. Si  ce  système  se  manifeste  d'une  façon  plus  énergique 
et  plus  fermée  dans  la  confédération  des  villes  helléniques,,  il 
n'a  cependant  trouvé  son  expression  d'ensemble  que  dans  l'or- 
ganisation urbaine  des  provinces  de  l'empire  du  monde. 
L'Occident.  L'Occident  n  'avait  pas  été,  comme  le  territoire  soumis  en  Orient 
par  les  armes  romaines,  préparé  à  l'application  de  ce  système 
par  le  développement  antérieur  à  la  conquête.  La  ville  gréco- 
italique  n'existait  pas  en  deçà  des  Alpes,  dans  le  pays  des  Celtes 
que  nous  avons  déjà  cité;  elle  n'existait  pas  davantage  au  delà 
des  Alpes,  en  Sardaigne,  ni  en  Espagne,  ni  en  Afrique.  Cepen- 
dant, depuis  que  la  sujétion  ne  fut  plus  regardée  comme  un 
préliminaire  de  l'entrée  dans  la  confédération  dirigée  par 
Rome,  mais  comme  une  condition  durable,  la  nature  spéciale 
des  institutions  tolérées  jusqu'alors  et  leur  plus  ou  moins 
grande  analogie  avec  les  institutions  hellénico-italiques  perdi- 
rent de  leur  importance.  L'autonomie  tolérée  prit,  en  Occident, 
principalement  la  forme  que  les  Romains  y  avaient  trouvée  éta- 
blie, celle  d'une  organisation  politique  qui  n'était  pas  ordonnée 
monarchiquement,  mais  qui  n'était  pas  cependant  l'organisa- 
tion urbaine  au  sens  romain  (2).  Les  Romains  ont  laissé,  selon 


exemple,  par  le  fait  que  Sinope  était  à  l'ouest  limitrophe  d'Amastris  et  s'é- 
tendait à  l'est  jusqu'à  FHalys. 

(1)  Après  que  l'organisation  du  territoire  sujet  selon  le  type  de  gouverne- 
ment royal  fut  devenue  conciliable  avec  les  institutions  romaines,  la  con- 
stitution urbaine  ne  fut  plus  sans  doute  aussi  indispensable  qu'elle  l'était 
encore  à  la  fin  de  la  République.  Le  rapprochement  de  la  province  de  Cap- 
padoce  organisée  sous  Tibère  avec  la  province  du  Pont  de  Pompée  est  ins- 
tructive sous  ce  rapport  :  les  dix  stratégies  royales  subsistent  dans  la  pre- 
mière. 

(2)  Les  Romains  n'ont  pas  d'expression  pour  faire  la  distinction  de  la 
cité  pérégrine  urbaine  ou  non-urbaine  au  point  de  vue  politique.  Natio  est 
bien  employé  de  préférence  pour  les  pérégrins  qui  ne  sont  pas  arrivés  à  la 
constitution  en  villes  (Hennés,  19,  28),  mais  seulement  au  sens  ethnologique. 
On  dit  également  natione  Gallus  et  natione  Sequanus,  et  le  mot  n'exprime  pas 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  357 

toute  apparence,  aux  tribus  celtiques  transpadanes,  lorsqu'elles 
commencèrent  à  faire  partie  de  l'empire,  après  la  guerre  d'Han- 
nibal  (1),  leur  organisation  politique  antérieure  dans  la  mesure 
où  elle  se  conciliait  avec  les  intérêts  romains.  Les  traités  conclus 
par  Ti.  Gracchus  en  o7o  et  ss.  avec  diverses  peuplades  espa- 
gnoles leur  interdisent  d'élever  des  villes,  et  l'on  discuta  même 
plus  tard  le  point  de  savoir  si  ces  traités  leur  laissaient  le  droit 
de  fortifier  leurs  villages  ouverts  (2).  Que  cette  mesure  ait  ou 
non  été  inspirée  plutôt  par  des  motifs  militaires  que  par  des 
motifs  politiques,  la  ceinture  des  murailles  est  si  étroitement 
de  la  nature  de  la  ville  italico-hellénique  qu'on  doit  forcément 
voir  là  une  interdiction  d'adopter  l'organisation  urbaine.  Mais 
ce  système  n'a  pas  eu  de  durée.  L'intervention  de  l'autorité 
romaine  dans  l'administration  des  cités  sujettes,  sans  laquelle 
ni  l'hégémonie  ni  la  souveraineté  ne  pouvaient  être  exercées, 
pouvait  bien  fonctionner  en  face  des  cités  organisées  à  la 
grecque,  mais  elle  rencontrait  les  plus  grandes  difficultés  en 
face  des  cités  celtiques,  espagnoles  et  phéniciennes,  par  suite 
delà  différence  des  langues,  des  mœurs  et  des  institutions.  Il 
y  a  eu  longtemps,  notamment  dans  l'ouest,  un  grand  nombre 
d'États  qui  n'étaient  pas  organisés  en  villes;  l'organisation 


l'indépendance  politique.  Les  mots  qui  expriment  cetteidée,  popuîus  et  civi- 
tas  s'emploient  indifféremment  pour  la  cité  urbaine  ou  non-urbaine.  En  grec, 
l'opposition  de  tcoXiç  (ou  'EXXt(ve?)  et  eôvoç  vise  la  commune  urbaine  comme 
exclusivement  hellénique  et  l'établissement  non-urbain  comme  barbare.  Aris- 
tote,  Polit.  2,  2,  p.  1261,  27  .'Aiofcret  8k  tôj  tolo-jto>  xal  -rcoXcç  eôvouç,  otocv  \Lr\  xatà 
xco^a;  u>ai  xe-/wp;<7[i£voi  to  kXvjOoç,  àXX'  olov  "ApxaSeç.  Ainsi  dans  le  traité  en- 
tre Smyrneet  Magnésie  de  l'époque  pré-romaine,  C.  I.  Gr.  3137,  ligne  11  : 
"Eypa'î/sv  ùz  y.a\  too;  to'j;  paaiXst;  xal  touç  ôvivaora;  xa\  tccç  TioXei;  xa\  xà 
lôvij,  et  dans  l'inscription  d'Êphèse  relative  au  dictateur  César,  C.  I.  Gr.  2957  : 
['Eçeaûûv  rj  ^o-jXr,  xal  o  or,tj.o;  xa\  zùv  aXXtov  'EXXtjvcov  ai]  7i6Xe'.;  al  èv  xyj  'Aa-(a 
xaT[oixo-jaa:]  xal  -rà  eôvr,.  Droysen,  Ilell.  3, 1,  31  =  tr.  fr.  3,32.  En  un  certain 
sens,  il  en  est  de  même  chez  les  Romains  ;  la  cité  non-urbaine  est  destinée 
à  devenir  une  ville. 

(1)  Hermès,  16,  483  rapproché  de  19,  316.  Les  traités  conclus  après  la 
guerre  d'Hannibal  avec  les  Cenomans  (Brescia)  et  les  Insubres  (Milan)  ont 
nécessairement  fourni  la  base  de  ce  régime. 

(2)  Appien,  Hisp.  43.  La  destruction  générale  des  fortifications  opérée  par 
Gaton  en  Espagne  et  la  décision  du  sénat  selon  laquelle  il  ne  pourrait  y 
avoir  de  fortifié  que  la  citadelle  et  non  la  ville  des  Thisbéens  sont  sans 
doute  exclusivement  des  mesures  militaires. 


358  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

militaire  d'Auguste  (p.  378)  est  encore  fondée  sur  la  distinction 
de  ces  cités  et  des  cités  urbaines.  Mais  l'organisation  des  cités 
selon  le  type  italique  se  répandit  toujours  de  plus  en  plus,  et 
elle  a  été  le  véritable  instrument  de  la  latinisation  de  l'occident. 
Ce  processus,  dont  nous  sommes  hors  d'état  de  suivre  les  pha- 
ses, a  été  accéléré,  plus  encore  que  par  l'idée  abstraite  de  la 
confédération  urbaine  de  l'empire,  par  la  rigoureuse  nécessité 
des  choses  ;  la  nécessité  que  les  gouvernants  et  les  gouvernés 
pussent  se  comprendre  a  introduit  la  langue  latine  dans  les 
provinces, et  la  nécessité  pour  les  magistrats  romains  de  rendre 
la  justice  y  a  introduit  le  droit  international.  Une  preuve  re- 
marquable que  le  gouvernement  romain  concevait  les  cités 
sujettes  exclusivement  comme  des  cités  urbaines  est  fournie 
par  leur  titre  officiel  :  on  suppose  toujours,  soit  dans  les  cons- 
titutions, qui  leur  sont  adressées,  soit  dans  leurs  documents 
propres,  qu'elles  ont  leurs  magistratus,  leur  senatus  et  leur 
populus,  c'est-à-dire  les    éléments  indispensables  de  l'orga- 
nisation républicaine  (1).  C'était  là  sans  doute  une  formule  pro- 
leptique;  mais  la  formule  proleptique  devint  une  réalité.  Pour 
les  Romains  comme  pour  les  Grecs,  c'était  «  le  trait  caracté- 
ristique des  barbares  de  vivre  sans  État  organisé  en  ville  »  (2). 
Et  ce   qui    avait   été  plutôt    accompli   que  cherché  sous  la 
République,  l'achèvement  de  la  confédération  par  villes,  fut 
entrepris  par  le  Principat  d'une  façon  pleinement  consciente 
et  fut  conduit  par  lui  à  ses  fins  dans  la  réorganisation  de  la 
Gaule,  de  l'Espagne  et  de  l'Afrique. 
Terminologie.        Nous  chercherons  tout  à  l'heure,  en  partant  des  institutions 
des  alliés  véritablement  autonomes,  les  analogies  que  présente 
l'autonomie  précaire  avec  celle  conférée  par  lettres  et  les  in- 
fériorités qui  séparent  la  première  de  la  seconde.  Mais  il  nous 

(i)  Rescrit  de  Vespasien  aux  magislratus  et  senatores  des  Vanacini  en 
Corse,  C.  1.  L.  X,  8038.  La  formule  senatus  populusgue,  qui  n'est  autrement 
pour  ainsi  dire  jamais  employée  par  les  cités  provinciales,  est  emp'oyée 
par  des  cités  africaines  absolument  dénuées  d'importance  dans  des  décrets 
de  patronat  du  temps  de  César  (C.  I.  L.  VIII,  10525),  d'Auguste  (C.  I.  L. 
VIII,  68)  et  de  Tibère  (C.  J.  L.  V,  4920.  4922).  Le  conseil  de  Sulci  en  Sar- 
daigne  se  nomme  également  senatus  (C.  1.  L.   X,  7513). 

(2)  Droysen,  Hell.  3,  1,  31.  =  tr.  fr.  3,  32  (p.  356,  note  2). 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  359 

faut  auparavant  étudier  la  terminologie  du  sujet.  Plus  encore 
que  l'autonomie  sujette,  la  sujétion  absolue  est  dépourvue  de 
désignation  simple  et  adéquate;  cette  situation  claire  est  plutôt 
dissimulée  qu'exprimée  dans  des  désignations  obscures,  dont 
certaines  signifient  le  contraire  de  la  vérité. 

Nous  avons  déjà  (VF,  1 ,  p.  I06  et  ss.)  traité  de  l'expression  père-  Peregnm 
grini  dediticii.  Elle  peut  être  appliquée  aux  sujets,  l'autonomie 
précaire  n'en  étant  légalement  pas  une,  tout  comme  Vin  liber- 
tate  morans  peut  à  bon  droit  être  appelé  esclave.  Mais,  dans  la 
langue  politique,  on  n'emploie  jamais,  pour  désigner  la  sujé- 
tion permanente  de  fait,  l'expression  énergique  du  droit  civil. 

La  sujétion  s'exprime  encore  nettement  dans  la  formule  m     /«</*«» 
dicione  esse  et  les  nombreuses  formules  synonymes  (1),  d'au- 
cune desquelles  il  n'est  sorti  un  substantif  correspondant.  L'ex- 
tension de  ces  formules  aux  alliés  inégaux  en  droit  est  aussi 
inusitée  et  probablement  incorrecte  (2).  Mais  l'allure  discrète 

(1)  De  la  manière  la  plus  nette  dans  le  jurisconsulte  Gallus  (p.  282, 
note  1).  Le  mot  dicio,  qui  ne  se  rencontre  que  dans  des  formules  arrêtées  (et 
auquel  les  anciens  grammairiens  refusent  pour  cette  raison  le  nominatif), 
se  présente  seul  dans  la  formule  paradigmatique  :  Deditis  vos...  in  meam  po- 
pulique  Romani  dicionem,  Tite-Live,  1,  38,  2,  cumulé  avec  d'autres  expres- 
sions synonymes  dans  la  loi  :  Dedere  se  in  arbitrium  dicionemque  populi  Ro- 
mani, Tite-Live,  26,  33,  12,  et  dans  la  lex  repetundarum,  au  début:  In  arbi- 
tratu  dicione  potestate  amicitiave  populi  Romani,  à  côté  d'amicitia,  dans  Cicé- 
ron,  Div.  in  Csec.  20,  66,  et  dans  des  constructions  analogues  une  quantité 
innombrable  de  fois.  —  On  rencontre  comme  synonymes  potestas  (seul, 
Tite-Live,  1,  38,  2.  7,  31,  6.  24,  29,  12,  etc.  ;  dicio  ac  potestas,  Gicéron,  De  l. 
agr.  2,  27,  74;  potestas  ac  dicio,  le  même  Verr.  I.  1,  38,  97);  manus  (Tite- 
Live,  5,  27,  4)  ;  imperium  (seul,  Tite-Live,  5,  27,  12.  8,  19,  2,  etc.  ;  imperium 
dicioque,  Gicéron,  Verr.  I.  1,  21,  55  ;  Pro  Font.  5,  12  ;  dicio  imperiumque, 
Tite-Live,  22,  20,  11.  29,  29,  10),  qui  au  sens  strict  est  cependant  rapporté  au 
magistrat  ;  jus  judiciumque  (Tite-Live,  36,  39,  9.  39,  24,  8.  41,  22,  4)  et  jus 
dicioque  ou  jus  ac  dicio  (Tite-Live,  2!,  61,  7.  28,  21,  1.  32,  33,  8.  36,  14,  9. 
38,  48,  3.  40,  35,  13  ;  Salluste,  Cat.  20,  7)  ;  arbitrium  et  arbitratus  dans  les 
lois  invoquées  plus  haut.  —  L'autonomie  consiste  à  suse  dicionis  esse,  Tite- 
Live,  24,  29,  7,  in  sua  potestate  esse,  Tite-Live,  1,  38,  2,  etc. 

(2)  Tite-Live,  9,  20,  8  :  Impetravere,  ut  fœdus  daretur,  neque  ut  aequo  tamen 
fœdere  (cf.  p.  291,  note  2),  sed  ut  in  dicione  populi  Romani  essent.  21,  60,  3  : 
Omnem  oram  usque  ad  Hiberum  ftumen  partim  renovandis  societatibus,  partim 
novis  instituendis  Romanae  dicionis  fecit.  41,  6,  12:  Lycios  ita  sub  Rhodiorum 
simul  imperio  et  tutela  esse,  ut  in  dicione  populi  Romani  civitates  socix  sint.  Il 
n'est  pas  iréquent  que  ces  expressions  soient  rapportées  spécialement  aux 
alliés  comme  dans  ces  textes  ;  mais  on  désigne  souvent  ainsi  l'indépendance 
en  gériral,  sans  s'occuper  de  la  distinction  légale  des  alliés  et  des  sujets. 


360  Dl.OIT   PUBLIC   ROMAIN. 

de  la  domination  romaine  (1)  a  également  reculé  devant  son 
emploi  comme  titre  officiel.  —  En  grec,  l'idée  est  exprimée 
par  le  mot  uxtjxooi  (p.  279,  note  5),  qui  cependant  est  en  outre 
souvent  employé  dans  un  sens  large  comprenant  le  cercle  de 
l'autonomie  dépendante  (p.  238,  note  4;  p.  290,  note  3). 
stipendiant  En  tant  qu'ils  sont  tenus  de  redevances,  les  sujets  sont  ap- 
pelés stipendiarii populi  Romani  (2),  en  grec  u-orsXatç  (p.  283, 
note  3),  dénomination  dont  se  servent  les  listes  officielles  des 
villes  des  provinces  conservées  dans  Pline  (3).  Mais  il  y  a  aussi 
des  villes  sujettes  exemptes  d'impôts  par  un  privilège  spécial 
(p.  375)  et  à  l'inverse  des  villes  autonomes  soumises  à  l'impôt 
(p.  313).  En  outre,  cette  dénomination  est.  encore  empruntée 
au  côté  passif  du  rapport,  et  par  suite  elle  n'est  pas  fréquem- 
ment appliquée  aux  personnes  et  elle  n'est  pour  ainsi  dire  ja- 
mais employée  comme  titre  officiel  (4). 
5oc"«  Les  sujets  non-autonomes  sont  appelés  socii  par  suite  d'une 

extension  abusive  de  la  dénomination  légale  des  alliés  autono- 
mes, en  particulier  des  alliés  italiques.  Cette  extension  était 
d'autant  plus  indiquée  que  l'autonomie  tolérée  vient  d'un  acte 
qui  est  analogue  à  l'acte  d'établissement  de  l'alliance  accompli 
dans  l'autonomie  réelle  et  auquel  il  manque  seulement  la 
force  obligatoire  (p.  363).  La  cité  dirigeante  ayant  intérêt  à 
cacher  la  sujétion  dans  la  terminologie,  cette  dénomination 

(i)  Pour  les  affaires  non-romaines, le  mot  est  employé  sans  scrupules  :  Ux- 
duos,  dit  César,  B.G.i,  33,  in  servi tute  atque  dicione  videbat  esse  Germanorum. 

(2)  Sur  l'origine  de  cette  dénomination,  cf.  p.  364.  Des  exemples 
tirés  de  Gicéron  en  sont  rapportés  p.  287,  note  1.  —  Vectigalis  est 
aussi  employé  dans  le  même  sens  pour  les  personnes  (Gicéron,  De  prov. 
cons.  5,  10  :  Vectigales  multos  ac  stipendiarios  lïberavit;  Tite-Live,  21,  41,  7), 
ordinairement  pour  le  sol  (Tite-Live,  22,  54,  11.  24,  47,  5.  31,  29,  7.  c.  31,  9. 
37,  55,  6,  etc.)  —  Tributarius  n'est  jamais  employé  dans  ce  sens  à  l'époque 
de  la  République  ;  car  le  tributum  y  est  l'impôt  des  citoyens.  Au  contraire, 
il  est,  sous  l'Empire,  employé  dans  le  droit  des  personnes  comme  synonyme 
de  stipendiarius  (Pétrone,  c.  57  :  Malui  civis  Romanus  esse  quarn  tributarius  ; 
Suétone,  Aug.  40  :  Pro  quodam  tributario  Gallo).  La  distinction  faite  selon 
que  la  taxe  est  versée  à  Yœrarium  ou  au  fiscus  est  étudiée,  tome  V,  au  sujet 
de  la  Puissance  impériale. 

(3)  P.  283,  note  3.  C'est  ce  que  fait  aussi  le  scoliaste  de  Bobbio,  in 
Scaur.  p.  375  :  Alix  civitates  sunt  stipendiant,  alise  libérée. 

(4)  Il  n'y  a  sans  doute  pas  d'autre  exception  que  les  civitates  slipendiario- 
rum  pago  Gurzenses,  C.  1.  L.  VIII,  68. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  361 

est  devenue  la  dénomination  courante,  et  elle  est  probablement 
aussi  ancienne  que  la  sujétion  elle-même  (1);  elle  figure  déjà 
dans  un  acte  officiel  rédigé  vers  l'an  614  de  Rome  (p.  364, 
note  1).  Plus  tard  elle  est  généralement  employée,  non  seule- 
ment quand  on  réunit  les  cités  autonomes  et  sujettes  (2), 
mais  aussi  quand  il  est  question  de  cités  isolées  de  la  seconde 
espèce  (3),  et  elle  est  même  employée,  chez  les  modernes, 
pour  les  cités  non-autonomes  par  opposition  aux  cités  autono- 
mes envisagées  comme  cités  fédérées  (4). 

Les  cités  que  l'on  tenait  pour  fédérées  devaient  aussi  néces- 
sairement être  reconnues  comme  libres;  d'autant  plus  que, 
comme  nous  verrons,  les  conséquences  de  la  liberté  politique, 
les  magistrats  propres  et  la  juridiction  propre,  se  présen- 
taient aussi  en  fait  chez  les  sujets  non-autonomes.  Il  en  est 
ainsi    aussi    bien   pour    la     Sicile    (5)    que   pour   la   Macé- 


(1)  En  Sicile,  où  il  n'y  a  que  deux  villes  fédérées,  Messana  et  Taurome- 
nion,  celles  qui  doivent  des  redevances  sont  appelées  liberi  in  societatem,non 
servi  in  custodiam  traditi  Romanis  (Henna,  Tite-Live,  24,  37,  6  ;  de  même  25, 
40,  4);  et,  des  honneurs  spéciaux  étant  rendus  aux  dix-sept  villes  restées  tou- 
jours fidèles  aux  Romains  (Diodore,  4,  83  ;  Gicéron,  Verr.  5,  47,  124),  la 
qualité  d'alliés  ne  peut  tout  au  moins  pas  avoir  été  refusée  à  ces  villes. 

(2)  Les  Siculi  en  général  sont  très  souvent  appelés  socii  poputi  Romani 
dans  les  Verrines  (Div.  in  Csec.  4,  12.  5.  17.  18.  Act.  1,  5,  17.  c.  14,  42.  c.  18, 
56.  I.  3,  6,  15.  c.  52,  122,  etc.). 

(3)  Gicéron,  Verr.  I.  3,  23,  56.  c.  34,  79.  c.  43,  102.  c.  45,  100. 

(4)  Tacite,  Hist.  3,  55,  emploie  sans  équivoques  le  mot  dans  co  sens,  en 
reprochant  à  Vitellius  fœdera  sociis  dilargiri.  Mais  même  ailleurs  il  emploie 
en  générai  le  mot  de  la  même  façon,  par  exemple  en  appelant  les  Medio- 
matrici  (qui,  autant  que  nous  sachions,  ne  sont  ni  fédérés  ni  libres)  une 
socia  civitas  (Hist.  4,  70)  ou  en  qualifiant  les  troupes  auxiliaires  du  nom  de 
socii  {Ann.  1,  il.  c.  49.  4,  73  ;  Hist.  3,  46)  et  en  citant  le  concilium  sociorum 
(Ann.  15,  22).  Par  conséquent,  dans  Ann.  15,  45:  Pervastata  ltalia,  provincix 
eversx,  sociiqne  populi  et  quse  civitatium  libérée  vocantur,  le  troisième  terme 
désigne  non  pas  les  cités  fédérées,  mais  les  cités  sujettes,  de  sorte  que  le 
second  terme  est  spécialisé  dans  le  troisième  et  le  quatrième.  Suétone,  Aug. 
44,  dit  de  même  :  Romse  legatos  liberarum  sociarumque  'gentium  vetuit  in  orches- 
tra sedere.  On  ne  peut  pas  toujours  arriver  pour  ce  mot  à  une  complète  sû- 
reté d'interprétation  ;  car  l'ancienne  acception,  où  socius  et  fœderatus  se  con- 
fondent, se  rencontre  encore  dans  Suétone,  qui  à  la  vérité  suit  peut-être  là 
une  autorité  ancienne  (p.  283,  note  3),  et  Tacite  (Ann.  2,  53,  fœderi  socix  urbis, 
en  parlant  d'Athènes)  n'exclut  pas  non  plus  toujours  les  fœderati  des  socii. 

(5)  A  Syracuse,  les  Romains  ne  font  qu'entrer  dans  les  droits  des  rois, 
et  la  ville  garde  finalement  la  liberté  et  l'autonomie.  Tite-Live,  25,  28,  3  : 


Abeenre 
de  mention 
de  la  liberté. 


362  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

doine  (1)  et  l' Achaïe  (2) .  Lors  de  la  chute  du  royaume  de  Pergame 
en  621,  la  capitale  entra  dans  l'empire  romain  comme  ville  li- 
bre(3),et  Éphèse  adressa  ses  remerciements  auxRomains  après  la 
guerre  de  Mithradates,  pour  la  reconquête  de  la  «  liberté  de  ses 
pères  »  (4).  Mais,  dans  tous  ces  cas,  et  surtout  clairement  dans 
ceux  de  Pergame  et  d'Éphèse,  la  liberté  est  la  âTi^oxpa-ria  grec- 
que (5),  l'exclusion  de  la  domination  royale  directe  et  l'admi- 
nistration locale  indépendante.  Cette  organisation  des  villes  est 
conciliable  avec  la  domination  royale  et  avec  sa  continuation 


Cum  haud  ferme  discreparet  quin  quae  ubique  regum  fuissent  Romanorum 
essent,  Siculis  cetera  cum  libertate  ac  legibus  suis  servarentur  ;  cf.  24,  33.  6.25, 
23,  4.  c.  31,  5.  c.  40,  1.  Plutarque,  Marcell.  23  :  Ttjv  èXeuÔepîav,  ï^v  aTréScoxev 
aÙTotç,  xat  toÙç  vôfiouç  xat  xâv  xtthxcxtwv  xà  irspiôvra  (3s3ata  Tiapécr/ev  f,  o-vyxXiQTOç. 

(1)  Dans  les  proclamations  de  587  (Tite-Live,  45,  29,  4.  12,  rapproché  de 
c.  18,  1  ;  Diodore,  éd.  Wess.  p.  581;  Vita  Hadriani,  c.  5)  les  États  de  Macé- 
doine et  d'Illyrie  sont  déclarés  libres  ;  mais  ils  sont  soumis  au  tribut  et 
par  conséquent  appartiennent  à  l'empire. 

(2)  Dans  la  lettre  du  proconsul  Q.  Fabius  à  la  ville  de  Dyme  (C.  I.  Gr. 
1543),  qui  semble  avoir  été  écrite  peu  de  temps  avant  la  guerre  d' Achaïe,  il 
cite  ttjç  à7co8s8o(iivYiç  xaxà  xotvov  toi;  "EXXyjctiv  iXeuôspîaç,  en  paraissant  faire 
allusion  par  là  à  la  libération  de  l'autorité  royale  de  Persée. 

(3)  Un  des  documents  les  plus  remarquables  fournis  par  les  fouilles  de 
Pergame  est  une  résolution  de  cette  ville  (encore  inédite)  qui  m'est 
communiquée  par  son  futur  éditeur,  [fael]  j3a<nXeùç  "Attocaoç  ^iXojxrjTwp  xat 
EùepYérr^ç  {AeOto-JxajAevo;  i%  àv6pto7rwv  àTcoXéXoiUEV  Tr,[[A  7taTp]î8a  r^àiv  âXeuOépav, 
la  confirmation  de  cette  disposition  de  dernière  volonté  par  les  Romains 
étant  encore  attendue  (8eÎ  8à  èTux-jpwO^vat  ty|v  8'.a6r,[xyi]v  vizo  'Pwfjiattov), 
de  conférer  aux  classes  d'habitants  de  la  ville  qui  n'ont  pas  le  droit  de  cité 
ce  droit  ou  une  condition  personnelle  voisine.  Les  Romains  ont  sûrement 
accepté  la  charge  de  ce  legs  avec  l'hérédité.  Mais  il  ne  donnait  à  la  ville  que 
sa  libération  du  gouvernement  royal  direct  ;  selon  Tite-Live,  Ep.  59,  les 
Romains  déclarèrent  la  guerre  à  Andronicus  en  partant  de  là,  parce  que 
Asiam  occupavit,  cum  testamento  Attali  régis  legata  populo  Romano  libéra  esse 
deberet.  —  Les  habitants  de  Pergame  honorent  le  proconsul  d'Asie  P.  Servi- 
lius  Isauricus  en  708,  w;  aTuoSsSor/.oTa  tîj  7i6).et  toùç  7taTpîouç  vojxo-j;  xal  rr,v 
SYiixoxpa-rtav  àSo-jXwxov  (Jahrbuch  der  preuss.  Kunstsammlungen,  1880,  p.  190). 

(4)  C.   I.L.  I,  n.  588:  Populus  Ephesius   [populum  Romanum]  salutis  ergo-, 

quod  o\ptinuitmajorum]  souom  leibertatem  i La  guerre  contre  Mithradates 

est  faite,  suivant  un  décret  des  mêmes  Éphésiens(Lebas-Waddington,  n.  136 
a),  ûirép  te  ttjç  'Ptojxattov  ^yeixovc'aç  xavt  tt)ç  xoivrj;  sXsuôepta;. 

(5)  Les  Ephésiens  s'attribuent  la  majorum  libertas  (note  4),  les  gens  de 
Pergame  la  8Y]u.ox?aTÎa  (note  3).  Cf.  p.  285,  note  1.  Les  Lyciens  légalement 
autonomes  s'attribuent  également  une  majorum  libertatem,  tt,v  nôrptov  8r,(i.o- 
xpaTÎotv  (C.  1.  L.  I,  p.  589).  [V.  encore  sur  la  condition  de  Uberi  attribuée  aux 
sujets  à  la  même  époque  et  dans  le  même  sens,  l'inscription  citée  p.  364, 
note  3.] 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  363 

par  les  gouverneurs  romains,  et  cette  liberté  n'est  par  consé- 
quent pas  la  liberté  en  face  du  gouvernement  romain.  C'est 
pourquoi  le  droit  public  romain  refuse  le  nom  de  villes  libres 
aux  cités  sujettes,  même  lorsque  l'administration  en  est  démo- 
cratique. En  particulier,  depuis  que  la  propriété  du  sol  eut  été 
retirée,  comme  nous  le  verrons,  du  temps  des  Gracques,  aux 
cités  dont  l'autonomie  était  seulement  tolérée,  la  reconnais- 
sance nominale  de  la  liberté,  qui  se  rencontre  jusqu'alors,  dis- 
parut elle-même.  Ni  Pergame  ni  Éphèse  ne  sont  des  villes  li- 
bres au  sens  romain,  et  ce  titre  est,  comme  nous  l'avons  déjà  ex- 
pliqué (p.  280),  au  contraire  l'expression  de  l'autonomie  légale. 
Les  auteurs  n'attribuent  non  plus  jamais  expressémentla  liberté 
aux  cités  sujettes  (I).  Quand  Cicéron  dit  que  les  Grecs  croient 
avoir  la  liberté  parce  qu'on  leur  permet  de  plaider  selon  leur 
droit  propre  (p.  384,  note  2),  il  leur  dénie  précisément  par  là 
la  liberté  ;  Philon  (2)  fait  exactement  la  même  chose  en  célé- 
brant Auguste  comme  ayant  donné  la  liberté  à  toutes  les  villes 
de  l'empire,  sans  aucun  doute  par  allusion  aux  assemblées 
provinciales  instituées  par  lui  (p.  383). 

L'autonomie  tolérée  ne  naît  pas,  au  moins  en  général,  ex-       origine 

..  ,,  .,  i     n    ■       t    •  .  ,  de  l'antouomu 

clusivement  d  une  tolérance  de  fait.  Ici  encore  on  peut  prendre       tolérée. 
pour  terme  de  comparaison  l'affranchissement  sans  forme  et 
exiger,  delà  part  de  Rome,  une  déclaration  de  volonté  analogue 


(1)  Josèphe,  Ant.  17,  2,  2,  viole  cette  règle:  Ilap'  uv  (aux  Hérodéens) 
'Ptotxaïoi  Ss^afjLsvot  tyjv  àoyjy  (de  Trachonitis)  tou  ykv  èXeuOspou  xa\  ourol  TvtpoSat 
rr,v  àc.fwT'.v,  è7u[3oXa?ç  Si  :àiv  çopwv  efç  xo  udjxuav  im'saav  aùxo-j;.  Lorsque 
Sulla  dit,  dans  Appien,  Mithr.  58,  à  Mithradates  :  Tr,v  Maxsôovtav  -e  r^ExIpav 
rôffocv  iTzixpz'^  y-a\  tou?  "EXXr,va;  ttjv  £Xî*j0Epiav  àçrjpoO,  il  s'agit  là  des  villes 
légalement  libres,  notamment  d'Athènes.  Julien,  Ep.  35:  'Pto[xaîotç  8è  -jaTepov 
oiy  àXoÛTa  [fcSXXov  r,  xarà  ^j(xjj.a-/'!av  v7ir,xou<7s  (la  ville  d'Argos)  xod  too-rsp 
oi[j.at  [xsxcT/e  xoti  kvtï)  xa6â-sp  ac  Xoiitaï  rr,;  èXeufaptac  xai  tùv  aXXwv  Sixacwv, 
(hcoott  vé{i.oy<n  xoT?  «ep\  ttjv  'EXXàôa  tcoXsc-iv  ot  xpaTo-jvxs;,  est  étranger  à  ce 
sujet;  il  s'y  agit  encore,  inexactement  pour  Argos  d'ailleurs (Ôio-Trepoljxai),  de 
la  situation  particulière  faite  aux  villes  de  la  Grèce  libres  en  pratique  sous 
le  gouvernement  impérial  (v.  tome  V,  la  partie  de  Vhnperium  du  prince,  sur 
les  villes  libres  des  provinces). 

(2)  Philon,  Leg.  ad  Gaium,  21  :  Outo;  [èVriv]  o  ta;  uôXec;  âroxo-aç  el<  èXeu- 
ôepîav  èUX6(ievo;. 


364  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

à  celle  qu'il  impliquait  (1).  L'introduction  de  cette  condition  par 
une  loi  est  en  contradiction  avec  sa  nature  provisoire  et  ne  s'est 
présentée  qu'exceptionnellement  (2).  En  général,  ces  cités  sont 
organisées  par  le  gouverneur  romain,  au  moment  de  la  consti- 
tution de  la  province,  puis  par  le  sénatus-consulte  qui  confirme 
cette  constitution  (3),  ainsi  que  nous  le  développerons  plus 
en  détail  en  nous  occupant  de  l'organisation  communale.  Quant 
au  fond,  la  déclaration  faite  du  côté  de  Rome  se  résume  en  une 
reconnaissance  des  droits  contenus  dans  l'autonomie  limitée, 
faite  sans  garantie  de  durée,  par  conséquent  sous  réserve  de  la 
faculté  de  retirer  arbitrairement  tous  les  droits  ainsi  accordés, 
impôtjomain  Le  fooit  de  l'autorité  supérieure  d'établir  des  impôts  est, 
ded\TuÏÏe.tion  avons-nous  vu  (p.  311),  incompatible  avec  l'autonomie;  il 
rentre  au  contraire  dans  l'essence  de  la  sujétion.  Il  a,  dans  la 
conception  romaine,  la  contribution  militaire  pour  origine; 
l'expression  technique  stipendiant  en  est  la  preuve.  L'emploi 


(1)  Les  deux  cités,  difficilement  autonomes,  de  Thessalie  Melitseaet  Nar- 
thakion,  dont  les  contlits  de  frontières  furent  décidés  par  le  sénat  romain, 
vers  614,  sûrement  après  l'extension  du  lien  de  sujétion  romaine  à  la  Grèce 
(Bull,  de  corr.  hell.  6,  364),  sont  appelées  amies  et  alliées  (irapà  8y)[aou  xaXoti 
[xàya6o]0  xai  çiXou  <ru[i.[iàxov),  et  elles  renouvellent  à  cette  occasion  leur  o-yjji- 
(xaxta  avec  les  Romains. 

(2)  Cf.  la  note  3.  Si,  d'après  Gicéron  (Verr.  I.  3,  15,  38),  c'est  contra 
omnia  jura  Siculoinim,  quse  habent  a  senatu  populogue  Romano,  qu'ils  sont 
déférés  à  un  autre  tribunal  que  le  leur  propre,  et  si,  d'après  le  même  au- 
teur (Verr.  2,37,90),  senatus  et populus  Romanus  rendirent  urbem  agros  leges- 
que  suas  à  la  ville  de  Thermœ,  il  ne  s'agit  pas  là  de  lois  spéciales  ;  les  sé- 
natus-consultes  sont  seulement  considérés  comme  exprimant  eux-mêmes  la 
volonté  du  populus  Romanus. 

(3)  On  peut  par  exemple  rappeler  la  constitution  de  la  province  du  Pont 
et  de  Bithynie  après  la  guerre  de  Mithradates  par  une  ordonnance  de 
Pompée  (Pompeia  lege  quœ  Bithynis  data  est,  Pline,  Ad  Traj.  79)  ;  elle  fut 
soumise  à  la  confirmation  du  sénat  comme  faisant  partie  de  ses  acta  ; 
mais,  comme  elle  se  trouvait  en  conflit  avec  les  décisions  de  Lucullus  et 
qu'il  en  résultait  des  difficultés,  elle  fut  confirmée  par  une  loi,  sous  l'in- 
fluence de  César.  [Le  règlement  de  la  condition  des  sujets  par  un  décret  du 
gouverneur  est  aussi  attesté  par  un  décret  classique  quant  à  la  condition  des 
sujets  au  vie  siècle,  par  le  décret  du  préteur  d'Espagne  Ultérieure  L.  Mm\~ 
lius  Paulus  en  date  du  19  janvier  565  de  Rome  (C.  /.  L.  Il,  5041;  cf.  Hermès, 
3,  261  et  ss.)  :  L.  Aimilius  L.  f.  inpeirator  decreivlt  utei,  quei  Hastensium 
servei  in  turrï  Lascutana  habitarent,  leiberei  essent.  Agrum  oppidumqu(e) , 
quod  ea  tempestate  posedisent,  item  possidere  habereque  jousit,  dum  poplus 
senatusque  Romanus  vellet.] 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES-  365 

de  cette  désignation  s'explique  par  la  façon  dont  la  sujé- 
tion est  issue  de  la  dédition  (p.  351).  Celui  qui  est  battu  à  la 
guerre  doit  supporter  les  frais  causés  par  la  guerre  au  vain- 
queur ;  il  doit  môme  déjà,  pendant  la  trêve,  fournir  la  somme 
nécessaire  pour  payer  la  solde  des  troupes  victorieuses  (1). 
C'est  pour  cela  que  la  dénomination  de  la  solde  est  aussi  deve- 
nue de  bonne  heure  celle  de  la  contribution  de  guerre  (2).  Le 
fait  que,  d'après  sa  nature,  cette  contribution  ne  pouvait  pas 
être  imposée  à  titre  durable  (3)  correspond  au  caractère  primitif 
de  la  sujétion,  qui  n'est  pas  autre  chose  que  l'état  provisoire 
établi  par  la  victoire  (p.  3o3).  Mais,  de  même  que  la  sujétion 
permanente  est  issue  de  cet  état,  la  contribution  de  guerre 
s'est  changée  en  perception  des  taxes  qui  étaient  payées  dans 
le  territoire  conquis  au  souverain  antérieur  et  que  le  vainqueur 
revendique  désormais  en  vertu  de  la  même  souveraineté.  Il 
est  possible  que  des  taxes  permanentes  aient  ainsi  été  impo- 
sées, dès  l'époque  où  la  politique  romaine  se  bornait  au  terri- 
toire italique,  à  diverses  cités  avant  qu'elles  ne  fussent  entrées 
dans  la  confédération  militaire  italique,  ou  encore,  à  la  fron- 
tière du  nord,  à  des  tribus  ligures,  celtiques  ou  illyriennes  ; 
mais  il  est  difficile  que  cela  ait  eu  une  étendue  sérieuse  (4). 
Au  contraire,  les  Romains  semblent,  au  moins  en  Italie,  avoir 
évité  l'imposition  de  taxes  permanentes  même  à  la  charge  des  ci- 
tés qu'ils  n'admettaient  pas  à  la  communauté  des  armes.  Parmi 
les  cités  italiques  punies  à  raison  de  leur  attitude  pendant  la 
guerre  d'Hannibal,Capua  et  les  villes  voisines  furent  dissoutes, 
les  villes  du  Bruttium  furent  réduites  au  rang  de  villes  sujettes, 


(1)  Tite-Live,  5,  27,  15.  c.  32,  5.  9,  41,  7,  etc.  Eandbuch,  5,  93  =  tr.  fr.  10,  116. 

(2)  Selon  la  définition  de  Gicéron  (p.  368,  note  4),  quasi  victorise  prsemium 
ac  pœna  belli. 

(3)  Il  ne  faut  pas  confondre  cela  avec  une  contribution  répartie  entre  plu- 
sieurs années  (exemples,  Handb.  5,  183,  note  4  =  tr.  fr.  10,  232,  note  3). 

(4)  L'assertion  de  Tacite,  Ann.  11,  22,  selon  laquelle  l'institution  des 
quatre  questeurs  de  la  flotte  a  lieu,  en  487,  stipendiaria  jam  Italia,  ne  peut 
sans  doute  être  comprise  qu'en  ce  sens  qu'il  leur  incombait  de  recouvrer  les 
stipendia  et  que  ces  taxes  s'étendaient  alors  aussi  bien  à  l'Italie  qu'aux  pro- 
vinces. Mais  l'annaliste,  qui  se  trompe  fréquemment  au  sujet  de  l'histoire 
ancienne,  a  dû  être  égaré  ici  par  le  nom  des  magistrats.  Cf.  p.  312. 


366  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

mais  on  n'imposa  à  celles-ci,  si  notre  relation  est  complète 
(p.  354),  qu'un  service  personnel  moins  honorable.  Pour  le  fond, 
il  est  certainement  exact  de  dire,  comme  les  Romains  le  font 
à  plusieurs  reprises,  qu'ils  ont  emprunté  l'institution  des  con- 
tributions militaires  permanentes  aux  gouvernements  qui  les 
ont  précédés,  et  cela  d'abord  en  Sicile  (1),  et  que  l'administra- 
tion royale  hellénico-orientale  a  été  le  fondement  du  système 
provincial  romain  (2),  qu'en  particulier  l'organisation  fiscale 
romaine,  en  Sicile  comme  en  Macédoine,  en  Syrie  comme  dans 
le  Pont,  n'est  qu'une  continuation  de  la  perception  des  ancien- 
nes taxes  royales. 
PLïbord  îîSsée01  La  condition  du  sol  n'est  pas  en  elle-même  atteinte  par  la 
x  sujets,  translation  au  maître  étranger  du  droit  à  l'impôt.  Une  heu- 
reuse circonstance  nous  fournit  des  renseignements  suffisam- 
ment précis  et  sûrs  relativement  à  l'organisation  de  la  Sicile  en 
matière  de  tributs.  Certaines  cités,  par  exemple  celle  de  Leon- 
tini,  eurent  leur  territoire  confisqué  au  profit  du  peuple  romain, 
et  l'on  n'en  laissa  aux  propriétaires  antérieurs  que  la  jouissance, 
sous  forme  d'admission  à  un  louage  contre  une  redevance  (vec- 

(1)  Cicéron,  Verrm  l.  2,  6,  13  :  Praeterea  omnis  ager  Sicilise  decumanus  est 
itemque  ante  imperium  populi  Romani  ipsorum  Siculorum  voluntate  et  institu- 
as fuit.  3,  6,  12  :  Sicilise  civitates  sic  in  amicitiam  fidemque  recepimus,  ut  eo- 
dem  jure  essent  quo  fuissent,  eadem  condicione  populo  Romano  parèrent  qua 
suis  ante  paruissent.  Gela  est,  il  est  vrai,  inexact  en  ce  sens  que  les  institu- 
tions romaines  n'ont  pas  dû  être  organisées  sur  le  modèle  de  Syracuse  et  de 
ses  six  villes,  auxquelles  se  rapporte  la  lex  Hieronica  visée  ici  en  première 
ligne,  mais  sur  celui  de  la  Sicile  carthaginoise  antérieurement  conquise.  Le 
système  carthaginois  servit  sans  doute  également  de  modèle  direct  pour 
l'organisation  de  l'Espagne  et  de  l'Afrique. 

(2)  Quand  Cicéron  écrit,  Ad  Q.  fr.  1,  1,  11,  32  :  Grœcis  id  quod  acerbissi- 
mum  est,  quod  sunt  vecligales,  non  ita  acerbum  videri  débet,  propterea  quod 
sine  imperio  populi  Romani  suis  institutis  per  se  ipsi  ita  fuerunt,  il  pense  à 
l'Orient  grec  et  aux  institutions  de  la  monarchie  d'Alexandre  imitées  de 
la  Perse.  Nous  en  avons  une  image  limpide  dans  les  mesures  prises  après 
la  soumission  d'Antiochus,  Polybe,  21,  48  =Tite-Live,  38,  39.  Des  différentes 
villes,  les  unes  reçoivent  sous  l'autorité  romaine  l'autonomie  et  l'immunité, 
d'autres  voient  réglementer  leur  obligation  au  tribut  envers  Rhodes  ou  Eu- 
mène.  Au  reste,  ce  système  est  aussi  essentiellement  celui  d'Athènes  :  la 
division  de  Thucydide  (7,  57)  des  membres  de  l'empire  d'Athènes  en  aÛTovo- 
\io:  àub  l'j[i[i.a.yla;  ou,  comme  il  les  appelle  encore,  en  vav<ù  xai  où  çopotç 
Ù7tr,xooi,  et  en  Û7CTjxoot  xal  çôpou  OfcoreXrfc  peut  être  transportée  sans  autre 
forme  à  l'Etat  romain. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  367 

tigal)  (1),  qui  est  elle-même  affermée,  à  Rome,  au  plus  offrant 
par  les  censeurs,  avec  les  autres  revenus  des  domaines  pu- 
blics (2).  Dans  le  reste  des  cités,  les  Romains  levèrent  assuré- 
ment la  même  taxe  qui  avait  jusqu'alors  été  envoyée  à  Carthage 
ou  à  Syracuse,  c'est-à-dire  perçurent  de  chaque  propriétaire 
une  quote-part  du  produit  du  sol  (p.  366,  note  2).  Mais  d'autres 
allégations  (3),  et  surtout  la  distinction  faite  pour  les  terres  do- 
maniales qui  appartenaient  antérieurement  à  Leontini,  et  le  ré- 
gime différent  auquel  sont  soumises  les  quotes-parts  des  fruits 
retirées  de  ces  terres  et  des  autres,  prouvent  indubitablement 
que  la  dime,  à  laquelle  s'élevait  en  général  la  redevance,  était 
un  impôt  et  que  la  propriété  du  sol  restait  aux  particuliers 
telle  qu'ils  l'avaient  eue  précédemment. 

Nous  n'avons  pas  de  renseignements  précis  sur  les  autres 
territoires  d'outre-mer  soumis  par  Rome  dans  le  cours  du  vie 
siècle.  Il  est  probable  que  les  Romains  se  sont  aussi  bornés, 
en  Sardaigne,  en  Corse,  en  Espagne  et  en  Orient,  lorsqu'ils 
n'accordèrent  pas  l'autonomie  aux  peuples  soumis,  à  transfor- 

(1)  Gicéron,  Verr.  3,  6,  13  :  Perpaucae  Sicilise  civitates  superiori  bello  a 
majoribus  nostris  subactœ,  quarum  ager  cum  esset  publions  populi  Romani 
factus,  tamen  Mis  est  redditus  (c'est-à-dire  en  possession  précaire)  :  is  ager  a 
censoribus  locari  solet.  5,  29,  53  :  Qui  publicos  agros  arant,  certum  est,  quid  ex 
lege  censoria  debeant.  Il  s'agit  là  en  première  ligne  du  territoire  de  Leontini, 
montrent  les  Philippiques,  3,  9,  22  :  In  agro  publico  campi  Leontini  duo  milia 
jugerum  ;  cf.  2,  17,  43.  c.  39,  101.  8,  8,  26;  ces  champs  sont  mis  sur  le  même 
rang  que  ceux  de  Gampanie  ;  en  outre,  les  terres  d'Amestratos  sont  dési- 
gnées, Verr.  3,  39,  89,  comme  étant  en  la  propriété  de  l'État.  Gela  doit  né- 
cessairement remonter  aux  mesures  prises  en  Sicile  pendant  la  guerre 
d'Hannibal  ;  mais  la  relation  de  Tite-Live,  25,  40,  4  :  Qui  ante  captas  Syra- 
cusas  aut  non  desciverant  aut  redierant  in  amicitiam,ut  socii  fidèles  accepti  culti- 
que  :  quos  metus  post  captas  Syracnsas  dediderat,  ut  victi  a  victore  leges  accepe- 
runt  (cf.  26,40,14),  se  rapporte  plutôt  aux  droits  honorifiques  spéciaux  des  17 
villes  restées  fidèles  (p.  361,  note  1)  ;  la  peine  rigoureuse  de  l'expropriation 
n'a  évidemment  frappé  que  peu  de  cités. 

(2)  V.  tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  sur  la  mise  à  ferme  des  vecti- 
galia. 

(3)  Gicéron  dit  de  la  ville  débitrice  de  dîmes  de  Thermse,  Verr.  I.  2,  37, 
90  :  Cum,..  senatus  et  populus  Romanus  Thermitanis,  quod  semper  in  amicitia 
fideque  ?nansissent,  urbem  agros  legesque  suas  reddidisset.  Il  en  est  ainsi  in- 
dubitablement de  Syracuse  même  :  comme  on  n'y  avait  confisqué  que  les 
propriétés  foncières  royales  et  celles  des  ennemis  du  peuple  romain  (Tite- 
Live,  26,  21,  11.  c.  30,  11),  la  propriété  privée  du  reste  du  sol  ne  fut  pas 
touchée. 


368  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

mer  en  domaines  de  Rome  soit  les  terres  antérieurement  pos- 
sédées par  le  souverain  vaincu  lui-même,  soit  celles  qu'ils  en- 
levaient, en  vertu  de  raisons  particulières,  aux  possesseurs  anté- 
rieurs (1),  et  que,  pour  le  surplus,  ils  ont  exclusivement 
exercé  le  droit  souverain  d'impôt  (2). 
propriété         Le  principe  opposé,  consistant  à  traiter  tout  le  territoire  des 

postérieure 

de  rÉtat.  sujets  (3)  comme  compris  dans  les  domaines  du  peuple  ro- 
main (4),  fut  appliqué,  pour  la  première  fois,  dans  la  loi  pro- 
posée en  631-632  par  G.  Grachus  pour  l'organisation  de  la 
province  d'Asie  (o).  Non  seulement  ce  système  fut  alors  une 
fois  pour   toutes  posé   en  principe    pour  l'avenir;    mais  on 


(1)  Même  lorsque  tout  le  sol  provincial  fut  considéré  comme  appartenant 
à  l'État,  on  en  a  toujours  distingué  les  fonds  de  terre  dont  la  jouissance  ap- 
partenait à  l'État  lui-même.  La  liste  des  biens  de  l'État  dont  il  avait  la  jouis- 
sance, dressée  par  Auguste  en  727,  est  étudiée,  tome  V,  dans  la  théorie  de  la 
Révocabilité  des  actes  des  princes,  au  sujet  àesbeneficia.  C'est  à  leur  sujet  que 
Vespasien  répond  à  une  cité,  de  la  Bétique  (C.  1.  L.  II,  H23):Vectigalia,  quœ 
ab  divo  Aug{usto)  accepisse  dicitis,  custodio  :  si  qua  nova  adjicere  voltis,  de  his 
proco(n)s(ulem)  adiré  debebitis,  ego  enim  nallo  respondente  constituere  nil  pos- 
swm.Par  conséquent,  une  portion  de  ces  biens  de  l'État  était  laissée  en  jouis- 
sance aux  cités,  d'après  des  règles  déterminées  ;  pour  changer  ces  règles, 
par  exemple  pour  élever  le  droit  de  pâture  perçu  sur  les  prés  de  la  montagne 
ou  pour  en  introduire  un  nouveau,  les  autorités  locales  avaient  besoin  de 
l'autorisation  du  gouvernement  romain. 

(2)  [L'inscription  espagnole  citée  p.  364,  note  3,  montre  également  la  pro- 
priété du  sol  laissée  jusqu'à  nouvel  ordre  aux  habitants  selon  le  droit  péré- 
grin  (possidere  habereque:  p.  317,  note  4),  mais  en  réservant  expressément 
pour  l'avenir  le  droit  de  confiscation,  qui  est  une  conséquence  de  la  deditio.] 

(3)  Le  territoire  des  villes  fédérées  est  naturellement  étranger  à  cette  rè- 
gle ;  car  il  ne  fait  pas  partie  de  la  province. 

(4)  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  développer  ce  principe  d'une  façon  plus  ap- 
profondie. Il  apparaît  clairement  dans  Gicéron,  Verr.  I.  2,  3,7:  Quasi  quaedam 
prœdia  populi  Romani  sunt  vectigalia  nostra  atque  provinciœ,et  chez  les  juris- 
consultes, par  exemple  chez  Gaius,  2,  7  :  In  (provinciali)  solo  dominium  populi 
Romani  est  vel  Cœsaris,  îios  autem  possessioyiem  tantum  vel  usum  f?'uclum  ha- 
bere  videmur.  Cf.  tome  V,  la  partie  de  la  fortune  publique  et  des  caisses  pu- 
bliques, sur  les  revenus  tirés  par  le  fisc  des  provinces  impériales. 

(5)  Gicéron,  Verr.  3,  6,  12  :  Ceteris  {provinciis)  aut  impositum  vectigal  est 
certum  quod  stipendiarium  dicitur,  ut  Hispanis  et  plerisque  Pœnorum  quas{ 
victoriae  praemium  ac  pœna  belli,  aut  censoina  locatio  constituta  est,  ut  Asiae 
lege  Sempronia  (cf.  Fronton,  Ad  Verum,  2,  1  :  Jam  Gracchus  locabat  Asiam 
et  Karthaginem  viritim  dividebat  ;  Appien,  B.  c.  5,  4).  Le  régime  établi  en 
Espagne  et  en  Afrique  se  concilie  mieux  avec  l'ancien  système  qu'avec  le 
nouveau  ;  la  censoria  locatio  de  l'Asie  n'est  possible  qu'en  partant  de  l'idée 
de  jouissance  du  domaine  de  l'État. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  369 

lui  attribua  même  progressivementun  effet  rétroactif  à  rencon- 
tre des  provinces  antérieurement  organisées  (1).  Ce  fut  là  en 
première  ligne  unecorrection  théorique.  Le  principe  de  la  dédi- 
tion  entraine  fore  'ment  en  droit  le  transfert  de  la  propriété 
du  territoire  au  nouveau  maître  (p.  317).  L'état  provisoire 
de  sujétion  était,  au  sens  strict,  juridiquement  inadmis- 
sible, et  la  réunion  des  cités  à  Rome  sous  la  forme  d'une  contri- 
bution de  guerre  permanente  était  inconciliable  avec  la  concep- 
tion romaine  du  rapport  légal.  En  particulier,  la  quote-part 
des  fruits,  variable  avec  le  produit  annuel,  perçue  sur  chaque 
fonds  dans  les  cités  stipendiaires  de  Sicile,  ne  pouvait,  au  point  de 
vue  des  jurisconsultes  romains,  guère  être  caractérisée  comme 
une  contribution  de  guerre;  au  contraire,  elle  pouvait  l'être  fa- 
cilement et  simplement  comme  un  loyer  du  sol.  Les  provinces 
établies  selon  le  nouveau  système  furent,  pour  les  points  essen- 
tiels, organisées  comme  la  Sicile  et  laMacédoine.Les  taxes  qui  en 
étaient  exigées  étaient  pratiquement  des  impôts,  quoiqu'elles 
fussent  regardées  dans  la  construction  juridique,  comme  un 
loyer  du  sol,  et  la  dénomination  fiscale  stipendiwn  est  aussi 
employée  plus  fréquemment  que  celle  de  vectigal  qui  désigne  le 
loyer  du  sol  (2). 

L'attribution  à  la  puissance  souveraine  du  droit  de  lever  les 
impôts  rentre   dans   l'essence   de    la  cité  sujette  comme  le 


(1)  Gela  s'applique  à  l'Afrique,  montre  la  loi  agraire  de  643.  La  Sicile 
est  encore  traitée  théoriquement  d'après  la  règle  ancienne  à  la  fin  de  la  Ré- 
publique romaine,  et  le  territoire  domanial  de  Rome  est  restreint  au 
territoire  de  Leontini  et  aux  parcelles  de  terre  de  même  nature,  montrent 
les  Verrines;  la  République  romaine  n'a  pas  eu  pour  système  de  supprimer 
directement  les  mesures  qu'elle  avait  prises  une  fois.  Mais  elle  avait  déjà  tiré 
pour  toute  l'île  les  conséquences  du  droit  de  propriété  de  l'État  sur  le  sol, 
ainsi  que  le  montrent  le  refus  du  titre  de  ville  libre  et  la  revendication  par 
elle  de  tous  les  droits  de  douane  maritimes  (peut-être  à  l'exception  desvilles 
fédérées  de  Mcssana  et  de  Tauromenion).  La  colonisation  d'Auguste  prouve, 
s'il  en  faut  une  preuve,  que,  tout  au  moins  sous  le  Principat,  il  n'est  fait 
aucune  distinction,  au  point  de  vue  de  la  propriété  foncière,  entre  la  Sicile  et 
le  reste  des  provinces. 

(2)  Cette  dernière  désignation  se  rencontre  au  reste  assez  souvent.  Gomme 
elle  s'applique  à  toute  rente  du  sol,  on  peut  lier  vectigales  ac  stipendiarii 
(Gicéron,  p.  360,  note  2),  et  le  tribut  des  sujets  est  appelé  vectigal  stipendia- 
rium  (Cicéron.  p.  368.  note  5). 

Droit  Pubu  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  24 


370  DROIT    PUBLIC  ROMAIN. 

droit  propre  de  s'imposer  dans  celle  de  la  cité  autonome.  Aussi 
la  transformation  de  l'impôt  en  loyer  du  sol,  que  nous  venons  de 
faire  connaître,  a-t-elle  été  surtout  un  changement  de  forme;  elle 
n'a  pas  eu  une  importance  pratique  très  profonde.  La  redevance 
fixe  payée  par  la  caisse  delà  cité  aux  Romains  est  sans  doute  la 
forme  régulière  du  tribut  conciliable  avec  l'autonomie  (p.  310); 
mais  le  gouvernement  romain  peut  aussi  donner  cette  forme 
atténuée  à  l'impôt  levé  par  lui,  en  transmettant  à  la  cité  elle- 
même  le  droit  de  percevoir  l'impôt  contre  un  prix  de  rachat. 
Par  conséquent,  l'impôt  romain  exclut  bien  l'autonomie  tant  que 
l'idée  d'autonomie  a  été  une  réalité  (p.  321);  mais  on  ne  peut 
pas  à  l'inverse  conclure  à  l'existence  de  l'autonomie  légale 
parce  que  la  redevance  est  fixe  et  est  versée  par  Yaerarium 
de  la  cité  dépendante.  Quant  aux  conséquences  pratiques,  la 
faculté  d'augmenter  les  taxes  existe  aussi  bien  quand  elles  sont 
considérées  comme  un  impôt  que  quand  elles  sont  considérées 
comme  un  loyer  du  sol  (1).  La  transformation  du  sol  en  pro- 
priété publique  ou  privée  romaine  était,  dans  l'ancien  système, 
également  possible  en  droit,  puisqu'il  n'était  laissé  à  ses  pos- 
sesseurs que  jusqu'à  nouvel  ordre.  Cependant  il  y  avait  à  ce  su- 
jet une  différence  essentielle,  selon  que  l'État  exerçait  le  droit 
qui  résultait  pour  lui  de  la  dédition  après  un  long  intervalle  ou 
qu'il  faisait  purement  et  simplement  valoir  son  droit  de  pro- 
priété, et  les  plans  de  fondations  de  colonies  des  Gracques  se 
liaient,  sans  aucun  doute,  avec  cette  théorie.  Ce  sont  en  outre  pro- 
bablement la  rente  foncière  et  le  principe,  dont  elle  implique  la 
reconnaissance,  selon  lequel  tous  les  territoires  des  cités  sujettes 
sont  la  propriété  de  l'État  romain,  qui  ont  amené  l'administra- 
tion centrale  à  monopoliser  tous  les  droits  de  douanes,  comme 


(1)  Si  de  doubles  dîmes  sont  demandées  en  Sicile  et  en  Sardaigne  (Tite- 
Live,  36,  2,  12.  37,  2,  12.  c  50,  9.  42,  31,  8}  pour  des  raisons  militaires,  si  par 
la  suite  une  seconde  dîme  est  demandée  régulièrement,  sans  doute  contre 
indemnité,  en  Sicile  (Cicéron,  Verr.  I.  3,  70, 163),  cela  peut  se  concilier  aussi 
bien  ou  aussi  mal  avec  un  principe  qu'avec  l'autre.  On  perçut  également  en 
Espagne,  où  la  redevance  était  en  principe  fixée  en  argent,  un  vingtième 
en  sus  contre  indemnité  (Tite-Live,  43,  2,  12). 


de  l'Etat 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  ,  374 

fondés  sur  la  propriété  du  sol  (1)  ;  et  ce  fut  là  probablement  en 
pratique  Tune  des  limitations  de  droit  les  plus  précoces  et  les 
plus  importantes  auxquelles  les  cités  sujettes  aient  été  soumi- 
ses à  la  différence  des  cités  autonomes. 

L'inaliénabilité  légale,  dont  ont  été  frappés  les  immeubles   L-inaiiénabiiité 
d'outre-mer  appartenant  à  l'État,  a  beaucoup  influé  sur  l'insti-  deProvSIiete 
tution  de  la  sujétion  :  elle  l'a  rendue  perpétuelle;  elle  en  a  em- 
pêché la  transformation  en  organisation  italique,  sous  la  Répu- 
blique, et  n'a  permis  cette  transformation  que  dans  d'étroites 
limites,  sous  le  Principat.  En  soi,  le  droit  qui  appartient  à  l'État 
sur  le  sol  à  rencontre  des  cités  sujettes,  qu'on  le  considère 
comme  un  droit  de  souveraineté  ou  directement  comme  un  droit 
de  propriété,  consiste  essentiellement  dans  la  faculté  de  trans- 
former ce  sol  en  propriété  privée  romaine.  Cette  conséquence  des 
principes  en  a  été  tirée  pratiquement  de  tout  temps,  non  seule- 
ment dans  l'Italie  proprement  dite,  mais  dans  les  pays  du  nord 
qui  continuent  l'Italie  jusqu'aux  Alpes.  La  Gaule  cisalpine  n'é- 
tait pas  plus  une  partie  de  l'Italie  que  la  Sicile  ;  cependant  le  droit 
relatif  aux  terres  qui  fonctionne  en  Italie  a  été  de  tout  temps 
appliqué  à  la  Gaule  cisalpine,  et  l'assignation  du  sol  en  pleine 
propriété  quiritaire  y  a  également  été  admise  (2).  Mais  le  sé- 
nat qui  gouvernait    ne  souffrit  pas  l'application  pratique  de 
cette  idée  à  la  Sicile  et  aux  autres  territoires  considérés  comme 
territoires  d'outre-mer.  Ainsi  que  le  montrent  le  régime  des 
anciennes  terres  royales  dans  le  territoire  de  Syracuse  et  celui 
des  terres  de  Leontini  (3),  on  n'a  jamais  contesté  le  principe, 
incontestable  en  théorie  et  avantageux  en  pratique,  selon  lequel 
le  sol  d'outre-mer  lui-même  pouvait  passer  sous  la  propriété 
de  l'État  romain.  Mais,  outre  que  ces  possessions  domaniales 
furent  limitées  le  plus  possible,  elles  furent  considérées  comme 

(1)  V.  tome  IV,  la  partie  de  la  Censure,  sur  la  ferme  des  vedigalia. 

(2)  Les  colonies  de  citoyens  Séria  Gallica.  fondée  vers  471;  Pisaurum. 
fondée  en  570  ;  Mutina  et  Parma,  fondées  en  571,  étaient  en  dehors  des  limi- 
tes propres  de  l'Italie.  L'assignation  faite  en  vertu  de  la  loi  agraire  Fiami- 
nienne  en  52G  s'étendait  au  pays  gaulois  jusqu'à  Ariminum. 

(3)  Il  a  sûrement  été  procédé  de  même  dans  la  partie  de  la  Sicile  enlevée 
aux  Carthaginois. 


372  .  DROIT   PUBLIC   HOM1IN. 

intransmissibles,  c'est-à-dire  comme  n'étant  pas  susceptibles 
de  passer  en  propriété  quiritaire  privée  par  une  assignation,  ni 
de  devenir  par  une  consécration  la  propriété  de  divinités  ro- 
maines (1);  et  par  suite  l'extension  du  territoire  romain  d'ou- 
tre-mer n'est  pas  regardée  comme  suffisante  pour  justifier  le 
recul  du  pomerium  qui  est  subordonné  à  une  extension  du 
territoire  (2).  Cette  conception  juridique  existait  déjà  du 
temps  de  la  guerre  d'Hannibal,  et  elle  a  été  maintenue  pen- 
dant la  durée  de  la  République.  A  l'époque  récente,  au  moins 
sous  le  Principat,  on  s'en  est  écarté  aux  deux  points  de  vue  : 


(1)  La  plus  ancienne  mention  qui  se  rencontre  de  la  différence  du  droit 
foncier  italique  et  de  celui  d'outre-mer  est  le  principe,  appliqué  comme  incon- 
testé en  544  et  546,  selon  lequel  le  dictateur  ne  pouvait  être  nommé  en  Sicile, 
mais  seulement  in  agro  Romano  et  il  ne  pouvait  y  avoir  de  tel  sol  qu'en  Italie 
(cf.  tome  III,  la  théorie  de  la  Dictature,  sur  les  formes  de  la  nomination  du 
dictateur).  Ager  Romanus  désigne,  en  langue  technique,  le  territoire  primitif 
de  la  ville,  et  il  peut  être  pris  ici  dans  ce  sens,  si  l'on  admet,  comme  il  n'y  a 
aucune  difficulté  à  le  faire,  que  le  caractère  du  territoire  primitif  peut  être 
attribué  à  un  autre  fonds  de  terre  par  une  des  fictions  familières  au  droit  pu- 
blic. Que  l'on  adopte  cette  opinion  ou  que  l'on  entende  par  ager  Romanus  Ya- 
ger  publiais populi  Romani,  il  résulte  toujours  de  là  cette  règle  qu'il  n'y  a  de 
propre  à  la  nomination  du  dictateur  que  le  territoire  italique,  et  que  celui 
d'outre-mer  y  est  absolument  impropre.  Cette  nomination  devant  être  faite 
dans  le  templum,  la  règle  peut  également  être  formulée  en  disant  qu'il  n'y  a 
que  le  sol  italique  susceptible  de  consécration  romaine.  Ce  principe  de 
droit  est  toujours  resté  en  vigueur.  Pline  demandant  (Ep.  49)  s'il  y  a  des 
objections  au  transfert  d'un  temple  consacré  à  Nicomédie  à  la  Grande  mère 
des  dieux,  Trajan  (Ep.  50)  répond  négativement,  cum  solum  peregrinx  civi- 
tatis  capax  non  sit  dedicationis  quse  fit  nos tro  jure.  Quoique  Nicomédie  soit 
appelée,  dans  des  inscriptions  du  temps  des  Sévères  (C.  /.  Gr.  1720.  3771), 
<rj{i(jia-/o;  àvwôi  Toi  8r,(jLo)  xcôv  Ttojjuxlwv,  la  ville  n'avait  certainement  pas  l'au- 
tonomie, et  la  peregrina  civitas  est  donc  ici  une  ville  dont  le  sol  est  sou- 
mis à  la    propriété   publique  de  Rome. 

(2)  Sénèque,  De  brev.  vitœ,  13,  8  (cf.  tome  IV,  la  partie  des  Pouvoirs  cons- 
tituants extraordinaires,  sur  l'extension  du  Pomerium)  :  Sullam...  protu- 
lisse  pomerium,  quod  numquam  provinciali,  sed  ltalico  agro  adquisito  proferri 
moris  apud  antiquos  fuit.  J'ai  faussement  rapporté  ces  mots  {Rœm.  Gesch. 
2,  7e  éd.  355  =  tr.  fr.  5,  371)  à  l'extension  de  la  frontière  de  l'Italie;  agrum 
adquirere  ne  peut  vouloir  dire  que  «  acquérir  de  la  propriété  foncière  »,  et, 
puisqu'il  s'agit  de  l'État,  c'est  à  l'extension  de  la  propriété  foncière  de  l'État, 
en  Italie  ou  dans  les  provinces,  que  se  rapporte  la  distinction.  Sulla  aura  par 
exemple  fondé  son  droit  de  reculer  le  Po m erium,  sur  la  transformation  du  ter- 
ritoire de  Pompéi  d'ager  peregrinus  en  ager  publicus  populi  Romani  et  ensuite 
par  assignation  en  colonia  Veneria  Coimelia.  Je  regrette  d'autant  plus  mon 
erreur  que  la  combinaison  proposée  récemment  par  Detlefsen  {Hermès,  21, 
498  et  ss.)  au  sujet  du  pomerium   a  cette  confusion  pour  origine  essentielle. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  373 

on  a  admis,  en  des  cas  de  force  majeure,  des  consécrations  du 
sol  d'outre-mer  (1),  et  l'on  a  considéré  le  droit  de  reculer  le 
pomerium  comme  résultant  d'agrandissements  du  territoire 
d'outre-mer  (2).  — En  fait,  cette  conception  pouvait  se  défendre 
en  disant  que  le  droit  de  propriété  n'est  pas  supprimé  par  le 
défaut  du  droit  d'aliéner.  Mais,  en  droit,  il  était  impossible  de 
voir  pourquoi  les  champs  devenus  romains  au  delà  des  mers 
en  vertu  du  droit  de  la  guerre  ne  pouvaient  pas  aussi  bien  être 
vendus  ou  assignés  que  ceux  du  Samnium  ou  du  Picenum.  Il  était 
impossible  que  les  comices  souverains,  auxquels  appartenait  le 
droit  de  disposer  des  terres  de  l'État  (VI,  1,  p.  387)  en  fussent 
ainsi  dépouillés  par  rapport  au  territoire  d'outre-mer,  et  qu'il  fut 
tiré  une  telle  ligne  de  démarcation  entre  les  terres  domaniales 
des  deux  côtés  de  la  mer.  Plus  le  procédé  est  théoriquement 
arbitraire,  plus  il  révèle  clairement  le  but  politique  pour- 
suivi, qui  était  de  mettre  un  frein  légal  à  la  formation  de  cités 
de  citoyens  en  dehors  de  l'Italie  et  à  la  dénationalisation  du 
peuple  dominant.  C'est  autour  de  cette  question,  à  peine  con- 
troversable  en  droit,  que  s'agite,  au  temps  des  Gracques,  la 
lutte  des  partis  et  des  intérêts.  Afin  d'échapper  à  la  conclusion 
logique,  le  parti  dirigeant  avait  restreint  dans  les  limites  les 
plus  étroites  les  conséquences  de  la  dédition  de  la  Sicile;  le 
parti  contraire  organisa  l'Asie  en  tirant  cette  conclusion  de 
la  manière  la  plus  large,  et  il  appliqua  immédiatement   le 


(1)  Gaius,2,  7a:  Quod  in  provinciis  non  ex  aurtoritate  populi  Romani  con- 
s-cratiim  est,  proprie  sacrum  non  est,  tamen  pro  sacro  habetur.  La  consécra- 
tion accomplie  par  les  Pompéiens  à  Thessalonique  (VI,  l,p.  434, note  5)  et  la 
consécration  du  soi  accomplie  à  l'époque  récente  au  delà  des  mers  pour  les  aus- 
pices du  général  (v.  tome  I,  la  partie  des  Auspices,  sur  les  auspices  du  départ) 
sont  des  applications  de  ce  principe.  Sans  contestation  possible,  la  dédication 
du  sol  a  été,  en  vertu  de  cette  règle,  accomplie  avec  une  pleine  efficacité  dans 
toutes  les  colonies  de  droit  italique. 

-  L'extension  du  pomerium,  à  laquelle  procédèrent  les  empereurs  Claude 
et  Vespasien  auctis  populi  Romani  finibus  (C.  I.  L.  VI,  1231.  1232),  ne  peut 
ôtre  rapportée  qu'à  l'annexion  de  la  Bretagne,  pour  le  premier,  et  de  laComma- 
gène  notamment,  pour  le  second.  Si,  comme  il  semble,  Sénèque,  veut,  dans 
les  mots  cités  p.  372,  note  2,  qu'il  met  du  reste  dans  la  bouche  d'un  érudit 
chercheur  de  détails,  attaquer  l'extension  de  frontières  de  Claude,  on  voit  sur 
quoi  il  s'appuie  en  droit. 


374  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

principe  ainsi  reconnu  de  la  possibilité  d'assigner  le  sol  d'ou- 
tre-mer, en  fondant  la  plus  ancienne  des  colonies  d'outre-mer, 
la  colonie  de  Narbo.  Mais  ici  comme  partout  la  politique  des 
Gracques  finit  par  avoir  le  dessous.  Le  principe  de  droit,  qui 
n'avait  jamais  été  contesté  dans  son  application  restreinte,  se- 
lon lequel  le  sol  provincial  est,  tout  comme  le  sol  italique,  pourvu 
qu'il  n'ait  pas  été  constitué  en  territoire  d'un  État  allié,  la 
propriété  du  peuple  romain,  a  été  maintenu  dans  la  large  portée 
que  lui  avaient  donnée  les  Gracques.  Mais  l'intransmissibilité 
des  possessions  domaniales  d'outre-mer  subsista,  et  il  en  fut 
même  probablement  fait  application  en  un  certain  sens  à  la  colo- 
nie des  Gracques  de  la  côte  des  Gaules  :  on  la  laissa  bien  subsister, 
mais  l'assignation  fut  considérée  comme  n'ayant  pas  donné  le 
droit  de  propriété  quiritaire,  comme  ayant  conféré  seulement 
cette  possession  héréditaire  que  les  jurisconsultes  romains  te- 
naient pour  compatible  avec  le  maintien  de  la  propriété  de 
l'État  (1).  Le  projet  de  Gracchus  de  fonder  une  autre  colonie 
en  Afrique  à  Carthage  fut  retiré,  et  la  fondation  de  colonies 
d'outre-mer  empêchée  tant  que  dura  la  République  (2).  La 
considération  déterminante  a  été  et  est  restée  probablement 
une  considération  financière.  La  propriété  privée  de  droit  qui- 
ritaire est  soumise,  en  droit,  au  tributum  civique;  mais,  depuis 
sa  disparition  précoce,  elle  est,  en  fait,  exempte  d'impôt;  celui 
qui  jouit  de  Yager  publions  populi  Romani  paie,  dans  une 
forme  ou  l'autre,  la  rente  du  sol.  Par  conséquent,  dans  la 
mesure  où  cette  propriété  privée  aurait  été  étendue  au  sol  d'ou- 
tre-mer, elle  aurait  entraîné  la  disparition  de  la  rente;  et  c'est 
là  certainement  la  cause  pour  laquelle  ce  système  a  été  ob- 


(1)  Narbo  n'avait  pas  le  droit  italique  :  on  peut  le  conclure  de  ce  que 
Paul,  Dig.  50,  15,  8,  1,  ne  l'attribue  in  Narbonensi  qu'à  Vienne. 

(2)  La  situation  ne  serait  pas  changée,  quand  bien  même  on  pourrait  éta- 
blir l'existence  d'exceptions  isolées  ;  mais  ce  n'est  pas  le  cas.  Valentia  en 
Espagne,  fondée  en  616  de  Rome  (Tite-Live,  Ep.  55),  posséda  plus  tard  le 
droit  italique  {Dig.  50,  15,  8,  pr.),  mais  il  est  douteux  que  cela  ait  été  depuis 
sa  fondation";  elle  a  bien  été  fondée  comme  colonie,  mais  peut-être  d'abord 
comme  colonie  latine.  Il  n'y  arien  de  connu  sur  la  condition  du  sol  dans  la 
colonie  latine  de  Carteia  fondée  en  Espagne  en  583  ni  dans  la  colonie  de  Ma- 
rius  de  Mariana  en  Corse. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  375 

serve,  autant  que  nous  sachions,  sans  exceptions,  du  temps  de 
la  République.  Même  lorsque,  sous  la  dictature  de  César  et  sous 
le  Principat,  on  a  fondé  outre-mer  de  nombreuses  colonies  de 
citoyens,  elles  l'ont  élé  en  général  en  procédant  de  la  même 
façon  que  pourïVarbo.  Il  n'y  eut  que  la  catégorie  la  mieux  trai- 
tée d'entre  elles  à  recevoir,  dans  la  forme  du  «  droit  italique  », 
l'aptitude  à  la  véritable  propriété  immobilière  romaine  et  par 
suite,  de  plein  droit,  l'exemption  du  vectigal,  ainsi  que  nous 
verrons  en  étudiant  le  régime  municipal. 

L'obligation  au  tribut  n'est  pas  liée  à  la  sujétion  avec  une  telle  ci^se^teel9tes 
nécessité  qu'il  ne  puisse  y  avoir  des  exceptions.  Mais  en  gêné-  d'impôts. 
rai,  quand  la  cité  sujette  est  exemptée  du  tribut,  c'est  par  une 
modification  de  sa  condition  légale,  ou  par  la  collation  du  droit 
de  cité  romaine  de  la  meilleure  catégorie  ou  par  la  concession 
de  l'autonomie  (1).  On  ne  rencontre  pas  fréquemment  l'immu- 
nité toute  seule  réunie  à  la  sujétion,  et  alors  elle  ne  peut  être 
considérée  que  comme  une  remise  de  fait  de  l'impôt  qui  existe 
toujours  en  droit  (2).  La  condition  juridique  des  villes  du  Brut- 
tium  (p.  365)  ne  rentre  pas  directement  dans  cet  ordre  d'idées; 
car  pour  elles  le  service  militaire  est  remplacé  par  un  service 
inférieur.  Mais,  sous  le  Principat,  les  Bataves  furent  ainsi  dis- 
pensés des  impôts  en  considération  de  la  conscription  qui  pe- 
sait sur  eux  avec  une  lourdeur  spéciale  (3). 


(1)  C'est  pourquoi  la  fondation  de  colonies  latines  et  celle  de  colonies  de 
citoyens  sont  toujours  traitées  parallèlement  du  temps  de  la  République  et 
y  sont  toutes  deux  limitées  à  l'Italie  et  à  la  Gaule  Cisalpine.  Cf.  p.  311. 

(2)  On  rencontre  fréquemment  des  remises  d'impôts  faites  par  le  sénat 
non  seulement  pour  un  temps  déterminé,  mais  jusqu'à  nouvel  ordre;  seule- 
ment elles  sont  toujours  révocables  (Appien,  Hisp.  44  :  AïSoxri  8'  yj  [3o<jXy)  tocç 
TO'.ào-Ss  Swpôàç  àôt  Tipoo-Ttôetca  y.'jpîaç  eaeaOoa,  pi"/p'-  °<v  ayrîj  xai  tw  8yj£j.(j>  8oxv)). 
C'est  sans  doute  de  cette  façon  que  César  arriva,  selon  le  De  belloHisp.  42,  en 
qualité  de  préteur,  à  faire  remettre  à  l'Espagne  citérieureles  taxes  (vectigalia) 
qui  lui  avaient  été  imposées  par  Metellus.  Lors  de  l'annulation  des  immuni- 
tés concédées  à  des  villes  par  Sulla,  que  le  sénat  prononça  lorsqu'il  était 
encore  sous  la  direction  des  optimates(Cicéron,Oe  off.  3,  22,  87),  il  a  certaine- 
ment été  tenu  compte  de  ce  qu'elles  ne  se  fondaient  que  sur  des  sénatus- 
con suites,  quoiqu'elles  eussent  été  sans  nul  doute  conférées  sous  la  forme 
de  véritables  lettres  de  liberté. 

(3)  Tacite,  Hist.  5,  25  (cf.  4,  17;  Germ.  29)  :  Sibi  non  tributa,  sed...  viros 
indici;  proximum  id  libertati.  La  libertas  doit  être  encore  entendue  ici  au  sens 


376  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

Droit  de  porter       Relativement  au  droit  de  porter  les  armes,  nous  avons  déjà 

les  armes.  x  ° 

remarqué  (p.  299)  que  l'organisation  en  ville  implique  néces- 
sairement l'existence  d'une  certaine  force  armée,  et  ce  qui   est 
permis  à  ce  sujet  non  seulement  aux  États  fédérés,  mais  aux  ci- 
tés   de  citoyens  légalement  dépourvues  d'indépendance,  l'est 
également  aux  cités  sujettes.  Ainsi  que  nous  l'avons  démontré 
pour  les  premières  et  qu'il  doit  également  être  vrai  pour  celles- 
ci,  le  chef  local  ou  un  représentant  nommé  par  lui  pouvait,  le 
cas  échéant,  appeler  sous  les  armes  les  habitants  de  la  cité  pro- 
pres au  service  et  exercer  sur  eux  les  pouvoirs  du  tribun  mili- 
taire romain  (1).  En  Sicile,  une  garnison  permanente,  qui  d'ail- 
leurs n'était  que  de  200  hommes,  était  même  entretenue  sur 
l'Eryx  par  les  provinciaux,  peut-être  par  les  dix-sept  cités  pri- 
vilégiées (p.  361,  note  i),  et  c'était  un  Sicilien  qui  la  comman- 
dait comme  «  tribun  militaire  »  (2);  et,  pendant  le  bref  délai 
durant  lequel  les  quatre  Macédoines  furent  soumises  au  gou- 
vernement consulaire,  le  droit  de  défendre  leurs  frontières  fut 
accordé  à  trois  d'entre  elles  (p.  299,  note  o). 
Leur empio.         Mais,  tandis  que  l'obligation  de  fournir  un  contingent  régu- 
lier se  lie  en  général  à  l'autonomie  dépendante,  on  ne  demande 
pas  ordinairement  aux  cités  sujettes  de  fournir  à  titre  régulier 
des  soldats  ou  des  auxiliaires  (3).  Une  cause  peut  y  avoir  con- 
tribué; c'est  que  la  composition  du  contingent  incombait  prin- 


du  droit  public  romain  ;  les  populi  liberi  avaient  légalement  l'immunité 
(p.  311).  Je  ne  trouve  pas  d'autre  exemple  certain;  cependant  Amphisa  et 
les  Locriens  Ozoles  rentrent  peut-être  dans  cet  ordre  d'idées  (p.  313,  note  3). 

(1)  L'emploi  pour  le  service  de  sûreté  d'hommes  armés,  comme  celui 
des  Diogmites  en  Asie  Mineure,  à  l'époque  moderne,  n'a  légalement  rien  de 
commun  avec  le  service  militaire. 

(2)  Diodore,  4,  83.  C.  I.  L.  X,  7258.  On  ne  peut  pas  confondre,  comme  le 
fait  le  Handbuch,  4,  534,  ces  troupes  municipales  ou  provinciales  avec  les 
provinciaux  appelés  sous  les  armes  par  les  magistrats  romains. 

(3)  A  tout  le  moins,  on  ne  voit  pas  trace,  dans  aucune  cité  sujette,  d'un 
service  militaire  régulièrement  établi.  Sans  doute  on  a  pu,  aux  débuts  de 
cette  institution  et  avant  qu'elle  ne  se  fût  développée  dans  toute  sa  rigueur 
juridique,  considérer  l'appel  au  service  militaire  dans  la  province  des  sujets 
astreints  au  tribut  comme  l'application  d'une  obligation  qui  pesait  réguliè- 
rement sur  eux;  c'est  probablement  de  là  qu'est  venue  l'application  qui  leur 
a  été  faite  du  nom  desocii.  Mais,  en  droit,  ces  réquisitions  ne  peuvent  se  jus- 
tifier que  par  l'idée  de  force  majeure. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  377 

cipalement  aux  Italiens  et  que  la  plus  grande  partie  des  sujets 
se  compose  de  membres  de  l'empire  qui  ne  sont  pas  italiens  ; 
le  contingent  ordinaire  disparait  également,  avons-nous  vu,  chez 
les  alliés  autonomes  non-italiques.  Mais  cette  raison  ne  peut 
pas  avoir  été  la  seule.  Car  les  rares  cités  sujettes  italiques,  no- 
tamment celles  des  Bruttiens  (1),  ne  fournissent  pas  de  con- 
tingent; en  outre  et  surtout,  le  service  permanent  est  nécessai- 
rement dû  en  vertu  d'un  traité  ou  de  quelque  chose  d'équivalent, 
et,  en  l'absence  de  tout  acte  de  ce  genre,  on  ne  peut  trouver  de 
forme  juridique  de  nature  à  fonder  cette  obligation.  L'obligation 
de  porter  les  armes  est  toujours  en  même  temps  un  droit  de 
les  porter,  et  elle  implique,  comme  l'alliance  elle-même,  la  re- 
connaissance de  l'autonomie  de  l'État  dépendant.  Les  Romains, 
qui  s'approprièrent  relativement  au  tribut  le  système  grec,  ont 
aussi  sans  doute,  comme  sous  bien  des  rapports  leurs  prédéces- 
seurs, d'abord  justifié  les  taxes  permanentes,  auxquelles  ils  don- 
nèrent plus  tard  le  caractère  d'un  loyer  du  sol,  en  les  considérant 
comme  une  indemnité  payée  à  la  cité  protectrice  en  retour  de  sa 
protection  armée.  Naturellement  le  gouvernement  pouvait,  à  ti- 
tre extraordinaire  appeler  les  sujets  sous  les  armes,  et  le  prin- 
cipe de  droit  public  qui  prescrivait  de  s'abstenir  de  ce  concours 
a  fréquemment  dû  céder  devant  la  nécessité  pratique.  Ce  qui 
a  été  expliqué  plus  haut  pour  les  cités  autonomes  d'outre-mer 
(p.  306)  est  également  vrai  en  principe  pour  les  cités  sujettes, 
qui  étaient  même  encore  plus  absolument  soumises  aux  levées 
romaines.  Partout  où  les  gouverneurs  de  province  se  trouvaient 
sans  forces  suffisantes  pour  résister  à  l'émeute  ou  à  la  guerre 
étrangère,  ils  formaient, pour  cause  de  force  majeure,  des  armées 
romaines  et  des  flottes  romaines  avec  les  hommes  propres  au 
service  et  les  navires  des  cités  sujettes  (2).  On  aura  utilisé  pour 


(1)  Aulu-Gelle,  10,  3,  19  :  Postquam  llannibal  Italia  deressit  superatique 
Pœni  sunt,  Bruttios  ignominiœ  causa  non  milites  scribebant  nec  pro  sociis  habe- 
bant,  secl  magistratibus  in  provinciam  euntibus  parère  et  prxmïnistrare  servo- 
rum  vicemjusserunt.  Voir,  pour  de  plus  amples  détails,  tome  I,  la  partie  des 
Appariteurs,  sur  les  Bruttiani. 

(2)  Un  sénatus-consulte  de  l'an  562  invite,  dans  Tite-Live,  35,  23,  le  gou- 
Terneurde  Sicile,  pour  repousser  le  débarquement  redouté  des  Macédoniens, 


378  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

cela  ce  qu'il  y  avait  de  milices  municipales  et  provinciales; 
mais  ces  levées  ne  pouvaient  recevoir  leurs  officiers  que  des 
mains  des  autorités  romaines,  qui  d'ailleurs  confiaient  ces  pos- 
tes, le  cas  échéant,  même  à  des  personnes  appartenant  à  la 
classe  des  sujets  (1).  Si,  même  à  l'époque  la  plus  récente,  la 
République  romaine  n'a  appelé  ies  contingents  des  sujets  sous 
les  armes  que  dans  une  faible  mesure  et  rarement  en  dehors  de 
leur  région,  la  raison  en  a  été  que  les  troupes  organisées  et 
exercées  qui  se  rencontraient  chez  une  partie  des  sujets  auto- 
nomes, notamment  dans  les  royaumes  des  princes  clients  de 
Rome,  faisaient  là  ordinairement  défaut. 
^servMce1  Auguste  donna  au  service  militaire  une  base  légale  nouvelle. 
wo8°ie  PiîISpat.  Dans  la  dernière  période  de  la  République,  il  n'y  avait  pas  d'au- 
tres troupes  de  formation  fixe  que  les  légions  de  fantassins  ci- 
toyens, qui  étaient  formées  en  première  ligne  de  volontaires; 
à  côté  de  cela,  l'obligation  générale  au  service  subsistait,  à  titre 
complémentaire,  pour  tous  ceux  qui  appartenaient  à  l'empire, 
et,  par  suite,  en  cas  de  besoin,  tout  citoyen  pouvait  être  enrôlé 
dans  les  légions,  tout  non-citoyen  être  forcé  à  servir  dans  les 
divisions  formées  à  titre  extraordinaire.  Auguste  a  maintenu 
l'obligation  au  service  pesant  sur  tous  les  membres  de  l'empire; 
mais  il  l'a  renforcée,  en  astreignant  au  service  ordinaire  même 
les  non-citoyens,  et  en  les  soumettant  à  la  conscription  forcée 
lorsqu'elle  était  nécessaire.  A  côté  des  légions  de  citoyens  de  for- 
mation fixe,  qui  subsistèrent,  vinrent  se  placer,  également  avec 
une  formation  fixe,  de  petits  détachements  d'infanterie  et  de 

à  mettre  sous  les  armes,  à  titre  extraordinaire,  dans  l'île  même  12300  fantas- 
sins et  400  cavaliers  (placere  senatui  ad  eum  exercitum  quem  haberet,  tumul- 
tuariorum  militum  ad  duodecim  milia  et  quadringentos  équités  scriberet,  qui- 
bus  oram  maritimam...  tueri  posset  :  eum  dilectum  prsetor  non  ex  Sicilia  ipsa 
tantuni,  sed  ex  circumjacentibus  insulis  habuit  oppidaque  omnia  maritima... 
prœsidiis  firmavit).  De  même,  en  Espagne,  Tite-Live,  35,  2,  7.  Les  généraux 
romains  l'ont  encore  fait  bien  plus  souvent  sans  autorisation  du  sénat  dans 
les  provinces.  Les  Verrines  montrent  notamment  que,  pour  la  guerre  des 
pirates  en  particulier,  les  flottes  furent  formées  exactement  de  cette  façon. 
(1)  Parmi  les  auxilia  externa  employés  dans  la  guerre  sociale,  on  trouve 
trois  capitaines  de  navires  des  villes  de  Carystos,de  Glazomènes  et  de  Milet 
dont  aucune  n'était,  fédérée  (p.  391,  note  1).  Ces  officiers  de  marine  ro- 
mains pouvaient  donc  appartenir  à  des  villes  sujettes. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  379 

cavalerie  composés  de  non-citoyens  et  agrégés  aux  légions,  les 
ailes  et  les  cohortes  des  auxilia  qui  rentrent  désormais  dans 
la  formation  régulière  de  l'armée  (p.  307,  note  i).  Les  légions 
étaient  levées  dans  toutes  les  villes  de  l'empire,  sans  distinguer 
si  c'étaient  des  villes  de  citoyens,  des  villes  latines  ou  des  villes 
pérégrines,  la  recrue  acquérant  le  droit  de  cité  par  l'entrée 
dans  la  légion  si  elle  ne  l'avait  pas  auparavant;  les  auxilia 
étaient  tirés  des  cités  non-urbaines  forcément  pérégrines  de 
l'empire,  y  compris  les  autonomes  (p.  308),  mais  seulement 
de  celles  des  provinces  soumises  à  l'administration  directe 
de  l'empereur,  tandis  que  les  rares  cités  non-urbaines  des 
provinces  du  sénat  ou  bien  étaient  mises  de  côté  ou  bien 
étaient  comprises  dans  les  enrôlements  faits  pour  les  légions. 
Auguste  écarta  donc  du  recrutement  urbain  les  distinctions 
tirées  de  la  condition  personnelle;  en  même  temps,  il  pré- 
para, dans  le  recrutement  non-urbain,  la  substitution  à  ces 
conditions  personnelles  de  la  qualité  générale  de  membre 
de  l'empire,  en  étendant  le  service  obligatoire  ordinaire 
aux  sujets.  De  même  que  le  nom  des  socii  leur  avait  passé  dès 
le  temps  de  la  Républi que  (p.  376,  note  3),  Auguste  leur  donna 
une  formation  par  peuples  analogue  à  celle  des  anciens  peuples 
italiques  et  les  mit  essentiellement  dans  la  situation  occupée 
sous  la  République  par  les  Italiens  à  coté  des  citoyens  (1). 
L'unification  des  statuts  personnels,  la  transformation  des  cités 
latines  et  pérégrines  de  l'empire  en  cités  de  citoyens  n'est 
arrivée  à  s'accomplir  complètement  qu'après  des  siècles;  mais 
elle  est,  dans  ses  grands  traits,  l'œuvre  d'Auguste.  C'est  dans 
le  service  militaire  ordinaire  obligatoire  pour  tous  sans  distinc- 
tion essentielle  tenant  à  la  condition  juridique  de  la  personne, 
que  la  qualité  de  membre  de  l'empire  a  pour  la  première  fois 
trouvé  une  forme  précise  et  une  portée  pratique. 

La  cité  sujette  ne  peut  pas  entrer  avec  l'État  romain  dans  les     Légations. 
relations  que  les  traités  permettent  d'avoir  avec  lui  à  l'Etat  au- 
tonome qui  appartient  à  l'empire  tout  comme  à  celui  qui  n'y 

(i)  Hermès,  19,  69  et  as. 


Rclaf'ons 

des  cilés 

entre  elles. 


380  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

appartient  pas  ;  elle  ne  peut  endroit  ni  envoyer  ni  recevoir 
d'ambassadeur  (p.  214).  Sans  doute  la  différence  des  ambassa- 
deurs légalement  qualifiés  et  des  mandataires  envoyés  par  les 
cilés  sujettes  au  gouvernement  central  ne  ressort  que  peu  (1); 
le  nom  de  legati  est  même  appliqué  aux  seconds.  Mais  il  n'en 
est  pas  moins  certain  que  les  privilèges  de  droit  des  gens  qui 
appartiennent  aux  premiers  ne  s'étendent  pas  aux  seconds  (2), 
et  que  le  droit  d'ambassade  conféré  par  lettres  se  distingue, 
même  en  pratique,  essentiellement  de  celui  qui  n'est  qu'exercé 
en  fait.  Ni  l'expédition  ni  la  réception  des  ambassadeurs  d'un 
État  ne  dépendent  de  l'arbitraire  des  autorités  romaines;  au 
contraire,  la  cité  sujette  a  besoin,  sans  nul  doute, pour  envoyer 
une  députation  à  Rome,  de  l'autorisation  du  gouverneur,  et  les 
consuls  et  le  sénat  peuvent  également,  sans  violation  du  droit, 
refuser  de  recevoir  de  telles  députations  (3).  La  conduite  de  Ver- 
res à  l'égard  des  Mamerlins,  qui  étaient  la  seule  cité  fédérée 
notable  en  Sicile,  a  sans  doute  été  motivée  par  le  fait  que  ces 
derniers  avaient  le  droit  de  formuler  leurs  plaintes  d'une  au- 
tre façon  que  le  reste  des  villes  de  Sicile. 

Une  cité  sujette  ne  peut  pas  davantage  entrer  en  rapports 
juridiques  avec  une  autre  cité  appartenant  à  l'empire  ou  étran- 
gère.  Une  cité  sujette  ne  peut  pas  être   dans  la  dépendance 


(1)  Des  députations  de  cités  non  autonomes  se  sont  adressées  une  quantité 
incalculable  de  fois  aux  consuls  (par  exemple,  celles  de  Sicile  portant  plainte 
contre  Verres:  Cicéron,  Ven\  2,  4,  10.  c.  59,  146 et  ss.)  ou  aux  préteurs  (par 
exemple,  celles  de  l'Espagne  citérieure  au  préteur  César  :  Bell.  Hisp.  42)  et 
par  leur  intermédiaire  au  sénat.  Les  séances  du  sénat,  qui  étaient,  d'après 
l'usage,  consacrées,  peu  après  l'entrée  en  charge  des  consuls,  à  la  réception 
des  légations,  servaient  aussi  à  recevoir  celles  des  sujets  (Tite-Live,  41,  8,  5. 
Gicéron,  Verr.  1,  35,  90). 

(2)  C'est  à  cela  qu'il  faut  penser  lorsque  Cicéron,  De  kar.  resp.  16,  34, 
parle  du  meurtre  d'un  legatus  adsenatum  a  civitate  libéra  missus. 

(3)  Je  ne  connais  pas  de  documents  proprement  dits  dans  ce  sens  ;  mais 
il  n'y  en  a  pas  besoin  en  face  de  la  dépendance  absolue  dans  laquelle  sont 
les  cités  sujettes  par  rapport  au  gouverneur.  Il  est  à  remarquer  que  le  sé- 
natus-consulte  rendu  dans  l'affaire  des  Adramyteni  leur  est  transmis  par  le 
gouverneur  (C.  1.  Gr.  2349  b)  et  que  l'ambassade  des  Oropiens  au  sénat  est 
conduite  par  un  homme  qui  avait  personnellement  le  jus  legationis  (p.  276, 
note  3). 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  381 

d'une  autre  (1)  ;  mais  la  subordination  de  certaines  couches 
de  la  population  à  une  classe  dominante  de  citoyens  se  rencon- 
tre même  dans  les  cités  sujettes  (2).  La  confédération,  qui 
n'est  permise  qu'exceptionnellement  entre  cités  autonomes 
(p.  294),  est  encore  bien  moins  tolérée  entre  cités  sujettes  (3). 
Cependant,  dans  les  commencements,  le  gouvernement  romain 
n'a  pas  tiré  cette  conséquence  avec  une  rigueur  absolue.  En 
Sicile,  la  petite  garnison  permanente  de  l'Eryx  suppose  l'exis- 
tence d'une  certaine  organisation  fédérative,  au  moins  entre 
les  dix-sept  villes  privilégiées  (p.  376).  Les  Romains  annexèrent 
le  royaume  de  Macédoine  en  589,  en  le  transformant  en  qua- 
tre confédérations  de  villes.  Si  le  conubium  et  le  commercium 
furent  supprimés  entre  ces  ligues,  ils  subsistèrent  au  con- 
traire dans  le  sein  de  chacune  (4),  et  ces  ligues  elles-mêmes  ne 
furent  supprimées  qu'après  le  soulèvement  du  pays  contre  la 
domination  étrangère.  En  Grèce,  les  ligues  de  race, qui  avaient 
d'abord  été  maintenues,  puisque  le  pays  ne  fut  alors  réuni  qu'en 
fait  à  Rome,  ont  été  supprimées  après  la  guerre  d'Achaïe;  mais, 
par  suite  de  leur  défaut  d'importance  politique  et  de  la  puis- 
sance du  philhellénisme  romain,  cette  mesure  a  été  retirée  peu 
après,  et  les  relations  réciproques  ont  de  nouveau  été  permi- 


(1)  [C'est  ainsi  que  le  décret  de  L.  iEmilius  Paulus  cité  p.  364,  note  3, 
montre  les  Romains  écartant  dans  le  cercle  des  sujets,  auquel  appartiennent 
sûrement  les  Hastenses,  les  liens  de  dépendance  qu'ils  trouvent  établis  entre 
eux  et  leurs  clients  (car  c'est  là  la  condition  qu'il  faut  reconnaître  à  ces 
servei,  qui  ont  un  oppidum  et  un  ager).]  L'attribution  est  au  moins  conceva- 
ble ;  cf.  p.  408,  note  4. 

(2)  Dans  le  décret  cité  p.  332,  note  3,  la  cité  de  Pergame  accorde,  en  atten- 
dant l'installation  de  la  domination  romaine?  le  droit  de  cité  complot  aux 
parèques  et  en  général  aux  non-citoyens  propriétaires  fonciers  et  un  droit 
de  cité  inférieur  à  d'autres  classes  de  personnes.  Selon  toute  apparence,  la 
période  intermédiaire  a  été  utilisée  par  les  radicaux  niveleurs  pour  établir 
la  démocratie  pure  avant  le  commencement  delà  domination  romaine. 

[3]  Les  groupes  de  villages  des  cités  qui  ne  sont  pas  arrivées  à  la  cons- 
titution en  ville,  par  exemple  des  22  cités  des  Asturi  (Pline,  3,  3,  28  ;  cf. 
Hermès,  19,  25)  ne  peuvent  pas  être  considérés  comme  des  fédérations,  pas 
plus  que  les  pagi  des  civitates  gauloises. 

(4)  Tite-Live,  45,  29  :  In  quattuor  regiones  dividi  Macedoniam...  neque  co- 
nubium n»que  commercium  agrorum  œdificiorumque  inter  se  placere  cuiquam 
extra  fine*  regionis  tuas  esse. 


382  DROIT  PUBLIC  ROMÀlIf. 

ses  (1).  Mais  pour  le  surplus,  on  ne  trouve  guère  à  l'époque 
républicaine,  d'autres  traces  de  l'activité  de  la  province,  en- 
semble de  cités  sujettes  ou  groupe  de  cités  provinciales,  que  les 
fêtes  et  les  honneurs  offerts  par  les  provinces  à  leurs  gouver- 
neurs (2),  ou  encore  par  exemple  certaines  associations  de  vil- 
les formées  en  vue  de  fêtes  dès  avant  l'époque  romaine  (3).  La 
République  romaine  ne  permit  pas  en  résumé  aux  cités  sujet- 
tes de  s'unir,  sauf  de  faibles  exceptions  dépendant  probable- 
ment de  l'arbitraire  du  gouverneur;  au  contraire  Auguste  or- 
Les  assemblées  ganisa,  semble-t-il,  dans  tout  l'empire,  des  associations  de  vil- 

provinciales       . 

des  villes      les,  concilia,  communia*  en  grec  xoivà,  dont  les  représentants  se 

sous  l'Empire. 

réunissaient  tous  les  ans  et  qui  étaient  principalement  des- 
tinées à  la  célébration  de  fêtes  et  de  sacrifices  (4),  mais  qui 
cependant  avaient  aussi  tout  au  moins  le  droit  de  pétition 
et    de  doléances    (5).    Elles   étaient    en    général    restreintes 

(1)  Pausanias,  7,  16,  9  :  01  xà  '/p^piaxa  £-/ovxeç  èxooÀ-jovxo  èv  ta  ùrcepopia 
xxàaôai*  auvsSpià  xe  xaxà  k'Ovo;  xà  ixàaxu>v  'A-/aiû)V  xal  xo  èv  "^oùxeOctiv  y,  Boico- 
xoïc  r,  IxIpioÔt  7rou  xrjç  'E/XàSo;  xaxsXsXuxo  ôp.oîa>ç  Tiàvxa.  "Exîo-i  cl  où  ttoXXoÏç 
•jTxspov....  <Pa)[xarot....a,uvéôptâ  xe  xaxà  eôvo;  àTtoSiSôaaiv  âxâcxo'.;  xà  àp-/oua 
xa\  yrjv  èv  xrj  ôwepopta  xxaaôai.  Cf.  Rœm.  Gesch.  5,  236  ==  tr.  fr.  10,  10. 

(2)  Cicéron,  Verr.  t.  2,  21,  51  :  Mithridates  in  Asia  cum  eam  provinciam  to- 
tam  occupasset,  Mucia  (en  l'honneur  du  gouverneur  de  l'an  de  Rome  633,  Q. 
Mucius  Scaevola)  non  sustulit.  c.  46, 114  :  Cujus  (de  Verres)  nomine  apud  Si- 
culos  dies  festi  agitantur  et  praeclara  Ma  Verria  celebrantur,  cujus  statuas 
Romœ  s  tant  inauratae  a  commuai  Sicilise,  quemadmodum  inscriptum  videmus, 
datas. 

(3)  Le  (TJvéopiov  twv  èwla  ôrjfjuov  (Schliemann,  Troia,  1884,  p.  256)  ou 
encore  'IXisï;  xa'i  w6X*tç  ai  xotvavoOaac  xrjç  ôuo-îaç  xal  xoO  àywvoç  xa\  xtjç  rca- 
vr^ûpstoç  (op.  cit.  p.  254)  existait  déjà  du  temps  d'Antigone  (Droysen,  Hell. 
2,  2,  382 et  ss.  =  tr.  fr.  1,  783  et  ss).  Rœm.  Gesch.  5,  317  =  tr.  fr.  10,  120. 

(i)  [Il  a  été  récemmeot  découvert  à  Narbonne  un  fragment  du  règlement 
(lex)  relatif  à  la  Narbonnaise  (C.  I.  L.  Xlt,  6038).  La  partie  qui  en  est  con- 
servée, règle  la  nomination  du  namine  de  la  province  et  sa  situation  offi- 
cielle, en  particulier  dans  le  condlium  de  la  province.  Ce  règlement  date 
nécessairement  de  l'époque  même  d'Auguste,  puisque  le  flamen  Augus[ti\  y 
est  désigné  sans  indication  de  la  consécration  de  ce  prince.] 

(5)  Sur  les  concilia  de  l'Empire,  cf.  Handbuch,  4,  503  et  ss.  et  mon  His- 
toire romaine,  notamment  pour  la  Gaule,  5,  84  et  ss.  =  tr.  fr.  9,  118  et  ss.; 
pour  la  Grèce,  5,  232  =  tr.  fr.  10,  3  ;  236  et  ss.  =  tr.  fr.  10,  10  et  ss.  ;  242  et  ss. 
=  tr.  fr.  10,  17  etss.;  283=  tr.  fr.  10,74;  pour  l'Asie  Mineure  5, 31 6  et  ss.  = 
10,  120  et  ss.  L'organisation  des  concilia,  quoique  procédant  partout  du 
même  principe,  a  pourtant  reçu  des  développements  différents  selon  les 
lieux,  et,  notamment  dans  les  régions  helléniques,  a  toujours  été  déter- 
minée par  l'histoire    antérieure.   [Dans  l'inscription    précitée  :   [Eidem  i]n 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  383 

aux  frontières  de  la  province  ;  mais  elles  avaient  pour  fonde- 
ment la  communauté  de  nationalité  (1),  si  bien  que  l'on  ne 
tenait  pas  compte  de  la  condition  légale  des  différentes  cités  et 
que  les  cités  sujettes  y  figuraient,  avec  les  mêmes  droits,  à  côté 
des  cités  autonomes  (2).  Lorsqu'il  est  dit  d'Auguste  qu'il  a 
donné  la  liberté  à  toutes  les  villes  de  l'empire,  (p.  363,  note  2), 
ce  langage  peut  bien  faire  allusion  en  première  ligne  à  la  re- 
présentation aux  états  ainsi  accordée  aux  villes  non-autonomes. 
D'un  autre  côté,  l'incorporation  dans  l'empire  des  villes  auto- 
nomes trouve  une  expression  en  forme  dans  leur  participation 
aux  assemblées  locales.  Et  nous  voyons  ainsi  se  manifester  avec 
une  clarté  spéciale  dans  ces  assemblées  de  villes  la  tendance 
au  nivellement  de  la  réforme  d'Auguste. 

L'autonomie  véritable  et  l'autonomie  tolérée  se  ressemblent 
plus  qu'en  tout  autre  domaine,  en  ce  qui  concerne  les  lois,  les 
tribunaux  et  l'indépendance  administrative  ;  ce  qui  résulte  né- 
cessairement pour  les  cités  de  la  première  espèce  de  leur  con- 
dition juridique  a  été  accordé  eu  fait  aux  cités  de  la  seconde. 

L'organisation  légale  de  la  cité  sujette  a  pour  base  l'ensem-    Lois  propres. 
ble  des  règles  en  vigueur  dans  son  territoire  au  moment  où  il 


curia  sua  et  concilio  provincias  Narbonesis  inter  sui  ordinis  secundum  le\gem 
civitatis  suée  maximo  honore  functos]  sententiœ  dicendse  jus  esto,  le  jus  sententise 
dicendae,  qui  est  donné  au  flamine  dans  sa  curie,  lai  est  également  attribué 
dans  le  concilium  provincise  sans  que  la  préposition  soit  répétée  et  de  telle 
façon  que  les  mots  intercalés  :  inter  sui  ordinis  secundum  le...  se  rappor- 
tent à  la  fois  à  la  curie  et  au  concilium.  Pour  le  comprendre,  il  faut  ad- 
mettre que  le  concilium  provinciœ  était  une  sorte  d'assemblée  générale  des 
curies  et  que  tous  les  décurions  de  toutes  les  cités  de  la  province  avaient 
le  droit  d'en  faire  partie;  et  cela  n'a  rien  détonnant  pour  ceux  qui  savent 
que  ces  concilia  ont  été  organisés  sur  le  modèle  des  institutions  municipales. 
Cf.  la  note  sur  ce  passage,  C.  I.  L.  XII,  6038.] 

(1)  C'est  elle  que  l'on  considère  en  premier  lieu,  nous  montrent  la  réu- 
nion en  une  seule  assemblée  des  trois  Gaules  divisées  administrativement 
tandis  que  la  Narbonnaise  romanisée  en  est  séparée,  la  constitution  de 
l'amphiktionie  grecque  sous  lo  Principat  {Rœm.  Gesch.  5,  232  =tr.  fr.  10,  3) 
et  le  Panhellenion  d'Hadrien  (Rœm.  Gesch.  5,  244  =  tr.  fr.  10,  20)  comme 
l'assemblée  spéciale  accordée  aux  villes  grecques  de  la  province  de  Mésie, 
(Rœm.  Gesch.  5,  283  =  tr.  fr.  10,  74). 

(2;  La  participation  des  villes  fédérées  à  l'assemblée  provinciale  est  attestée 
notamment  par  la  composition  de  l'assemblée  gauloise,  qui  est  celle  que  nous 
connaissons  le  mieux. 


384  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

est  entré  dans  l'empire.  Le  maintien  du  système  fiscal  du  roi 
Hiéron  II  dans  le  territoire  de  Syracuse  (1)  est  typique  sous 
ce  rapport.  Ici  encore  ces  règles  sont  désignées  comme  les  «lois 
propres  »  de  la  cité  (2);  seulement  on  évite  de  faire  pour  nos 
cités  la  mention  de  la  restitution  de  ces  lois  qui  est  constante 
pour  les  cités  fédérées  (3)  ;  car  on  ne  les  leur  accorde  pas  au 
sens  propre;  on  se  contente  de  ne  pas  les  leur  retirer.  Le  cer- 
cle du  droit  auquel  cela  s'étend  n'est  pas  en  principe  plus  étroit 
que  dans  l'autonomie  véritable.  Les  institutions  que  le  jus  gen- 
tium  romain  ne  connait  pas  et  qui  ne  peuvent  exister  qu'en 
vertu  d'un  droit  local,  le  mariage,  l'affranchissement,  le  testa- 
ment, la  succession  ab  intestat  sont  reconnues  chez  les  su- 
jets (4);  le  Syracusain  et  FÉphésien  procèdent  à  l'accomplis- 
sement de  ces  actes  en  vertu  de  leur  droit  local  tout  comme 
l'Athénien  et  le  Massaliote.  Le  pouvoir  législatif  doit  même  être 
resté  à  ces  cités;  caria  constitution  de  la  cité  et  par  conséquent 
ses  organes  législatifs  subsistaient,  et  il  ne  peut  pas  avoir  été 
de  l'intérêt  de  l'autorité  supérieure  de  rendre  impossible  toute 
mutation  du  droit  local.  Il  n'y  avait  pas  de  conflit  possible  en- 


(1)  Gicéron,  Verr.  I.  2,  i2,  31  :  lnter  aratores  et  decumanos  lege  frumenta- 
ria,  quam  Hieronicam  appellant,  judicia  fiunt.  3,  6,  14  :  {Majores)  tanta  cura 
Siculos  tueri...  voluerunt...  ut  lege  Hieronica  venderent  :  voluerunt...  eorum... 
animos  non  modo  lege  nova,  sed  ne  nomine  quidem  legis  novo  commoveri. 

(2)  Ainsi  le  sénatus-consulte  de  676  cité  p.  389,  note  2,  permet  aux  citoyens 
de  trois  cités  sujettes  d'y  plaider  èàv  èv  xaïç  Tzcnzpiaiv  xarà  -ol;  îoio-jç  v6|xoy; 
£ou),a)VTai  itplvcaOai.  Cicéron,  Verr.  I.  2,  13,  32:  Siculi  hoc  jure  sunt,  ut  quod  ci- 
vis  cum  cive  agat,  domi  certet  suis  legibus.  c.  37,  90  (p.  387,  note  4)  ;  cf.  act.  i, 
4,  13. 1.  2,22,  53.  Cicéron,  AdAtt.b,  1,15:  Sumsecutus  Scaevolœ...illud,  inquo 
sibi  libertatem  censent  Graeci  datant...  quod  peregrinis  judicibus  utuntur.,.  se 
aÙTovotxiav  adeptos  putant.  6,  2,4:  Omnes  {civitates)  suis  legibus  et  judiciis  usœ 
a-j-rovofjuav  adeptx  revixerunt.  Dion,  31,  20  :  (Pompée)  -rà  7i)>eiw  s'6vr,  xtov  èv 
T7]  'Aata....  vôjjiotç  ze  ISîo'.ç  xai  nolizzioaç  xaxea-T^a-aTO  xai  S'.ey.ôo-jj-^a-ev,  ûjote  y.al 
ÔEûpo  aÙToù;  toTç  ôic'  êxetvou  voixiaOsto-t  XP^0"-  La  ville  non  autonome  de 
Peigame  célèbre  le  proconsul  d'Asie  de  708  P.  Servilius  Isauricus  comme 
aTToSeôtoxoTa  ttj  7ro)vSt  touç  7iaTpîo"jç  v6[XO"Jç  (p.  362,  note  3.) 

(3)  Cicéron  le  dit  des  Thermitans  (p.  387,  note  5). 

(4)  Les  jurisconsultes  renvoient  pour  le  mariage  des  pérégrins  aux  le- 
ges  moresque  peregrinorum  (Gaius,  1,  92),  pour  le  testament,  aux  leges  civitatis 
du  testateur  (Ulpien,20,  14),  pour  les  effets  juridiques  du  serment  aux  singu- 
larum  civitatium  jura  (Gaius.  3,  96),  pour  la  tutelle  des  femmes  en  Bithynie 
à  la  lex  de  ce  pays  (Gaius,  1,  193).  On  retrouve  souvent  des  décisions  sem- 
blables. 


LES   SUJETS   NON  AUTONOMES.  38:i 

tre  ces  lois  et  les  lois  romaines  ;  car  les  dernières  effaçaient  de 
plein  droit,  pour  peu  que  telle  eût  été  la  volonté  du  législateur, 
les  institutions  des  sujets,  maintenues  seulement  à  titre  pré- 
caire. 

Il  n'y  a  pas,  dans  les  cités  sujettes,  comme  dans  les  cités  fé-  Lois  romaines. 
dérées,de  limitations  conventionnelles  apportées  au  pouvoir  lé- 
gislatif de  Rome  ;  et  il  "ne  peut  y  être  question  d'une  acceptation 
ou  d'un  refus  des  lois  romaines  (1).  Mais,  d'autre  part,  l'éta- 
blissement d'un  type  uniforme  de  cités  dépendantes  d'outre-mer 
conforme  au  type  romain  ne  rentrait  pas,  pour  les  sujets  non- 
autonomes,  dans  les  plans  du  gouvernement  romain;  il  prit  au 
contraire  pour  principe  le  maintien  du  statu  quo  existant  au 
moment  de  la  conquête.  A  ce  sujet  encore,  les  institutions  sici- 
liennes sont  typiques.  Si  le  système  fiscal  du  roi  Hiéron  s'ap- 
plique non  seulement  dans  la  petite  région  qui  avait  été  sou- 
mise à  sa  puissance,  mais  dans  toute  l'île,  tout  ce  que  cela 
signifie,  c'est  que  les  Romains  l'adoptèrent  et  retendirent  à 
toute  la  province,  en  lui  faisant  d'ailleurs  en  même  temps  sans 
nul  doute  des  modifications  multiples  (2).  On  rencontre  même 
en  Sicile  un  remaniement  général  des  institutions  des  cités  fait 
à  l'imitation  du  type  romain  :  c'est  l'établissement  dans  les 
villes  de  Sicile  de  magistrats  chargés  du  recensement  à  l'exem- 
ple des  censeurs  romains  (3).  Mais  cette  mesure  prise  à  l'égard 
de  la  province  la  plus  ancienne  ne  s'est  plus  reproduite,  et  par 
conséquent  l'indifférence  à  l'uniformité  s'est  accrue  dans  le 
cours  des  temps.  Des  statuts  locaux  destinés  à  des  villes  parti- 
culières de  Sicile  ont  été  plusieurs  fois  rendus  par  des  gouver- 
neurs romains,  ainsi  pour  Agrigente  par  P.  Scipion  en  547. 


(1)  Ce  que  dit  Dion,  54,  9  :  'O  Se  Auyou<ttoç  to  jxàv  utcyJxoov  (c'est-à-dire 
les  cités  de  sujets,  p.  259,  note  5)  xaxà  xà  tûv  Ttofjuxîtov  gôïj  fiicoxei,  tb  fié 
evaTCovfiov  tû  Trarpico  açtac  TpÔ7ra>  £?a  ap^saôai,  ne  peut  vouloir  dire  qu'une 
chose,  à  savoir  que  la  législation  romaine  avait  ici  une  liberté  absolue. 

(2)  C'est  ce  que  démontre  Degenkolb  {Dielex  Hieronica,  Berlin,  1861),  no- 
tamment au  chapitre  IV. 

(3)  V.  tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à  la  section  de  la  confection  des 
listes,  sur  le  cens  des  provinciaux. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2*  p.  2'* 


386  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

pour  Herakleia  Minoa  par  P.  Rupilius  en  622  (1).  Ce  dernier 
gouverneur  publia  en  outre  un  règlement  général  applicable  à 
toute  File,  principalement  relatif  aux  procès  engagés  entre 
parties  de  nationalité  différente  (2).  Des  règlements  semblables 
sont  encore  mentionnés  ailleurs  (3).  C'est  dans  les  renseigne- 
ments qui  nous  ont  été  transmis  sur  la  constitution  provinciale 
donnée  au  Pont  et  à  la  Bithynie  par  Cn.  Pompée  que  nous  en 
trouvons  l'image  la  plus  claire  (4);  cette  constitution  réglait 
une  fois  pour  toutes,  pour  toutes  les  cités  appartenant  à  la  pro- 
vince les  conditions  de  l'admission  parmi  les  citoyens,  de  l'en- 
trée dans  le  conseil  communal  et  de  l'exclusion  de  ce  conseil, 
de  l'acquisition  des  magistratures  delà  cité,  en  somme  toute  l'or- 
ganisation municipale.  —  Quant  au  fondement  juridique,  ces 
institutions  données  par  Rome  ne  venaient  qu'exceptionnelle- 
ment d'un  vote  des  comices  (o);  au  contraire  elles  étaient  sou- 
vent établies  sur  l'invitation  ou  avec  la  confirmation  du  sé- 
nat (6)  et  soustraites  par  là  à  l'arbitraire  des  divers  gouver- 
neurs. Mais  en  général  elles  ne  sont  pas  autre  chose  que  des  édits 
de  gouverneurs.  Le  système  romain,  selon  lequel  le  magistrat 
qui  préside  à  l'administration  de  la  justice  rassemble  et  fait 
connaître  par  écrit,  à  son  entrée  en  charge,  les  règles  qu'il 
observera  pendant  son  administration,  a  passé  des  tribunaux 
romains  à  ceux  de  toutes  les  provinces  et,  quoique  ces  édits 
se  soient  principalement  rapportés  aux  affaires  des  citoyens 


(1)  Gicéron,  Verr.  I.  2,    50,  123  :  Agrigentini  de  senatu  cooptando  Scipionis 
antiquas  habent...  c.  125  :  (Heracleam)  colonos  P.  Rupilius  deduxit  leges- 

gue  similes...  dédit. 

(2)  Gicéron,  Verr.  I.  2,  13,  32,  après  les  mots  cités  p.  384,  note  2  :  Quod 
Siculus  cum  Siculo  non  ejusdem  civitatis  (certet),  ut  de  eo  praetor  judices  ex  P. 
Rupilii  decreto.  quod  is  de  decem  legatorum  sententia  statuit  (cf.  tome  IV,  la 
partie  des  Légats  du  sénat,  sur  les  légations  de  dix  membres  envoyées  pour 
régler  la  paix),  quam  Mi  legem  Rupiliam  vocant  (VI,  1,  p.  359,  note  2),  sortia- 
tur.  c.  16,  40  :  Senatus...  consulto  P.  Rupilius  de  decem  legatorum  sententia 
leges  in  Sicilia  constituerai.  Val.  Max.  6,  9,  8. 

(3)  Tite-Live,  45,  31, 1.  c.  32,  7.  Ep.  100. 

(4)  Dion,  37,  20.  Pline  à  Trajan,  Ep.  79.  80.  112.  114. 

(5)  Le  régime  établi  en  Asie  mineure  par  Pompée  constitue  une  excep- 
tion de  ce  genre  (p.  364,  note  3). 

(6)  Le  decretum  de  P.  Rupilius  pour  la  Sicile  s'appuie  sur  des  pleins 
pouvoirs  du  sénat  (note  1). 


LE§    SUJETS   NON   AUTONOMES.  387 

romains  présents  dans  les  provinces  en  question,  ils  s'étendaient 
cependant  aussi  à  celles  des  sujets  (1),  et,  comme  ils  se  trans- 
mettaient d'ordinaire,  de  même  que  les  édits  de  Rome,  de  ma- 
gistrats eu  magistrats,  ils  constituaient  pour  ainsi  dire  à  cha- 
que province  un  statut  local  sanctionné  par  l'autorité  romaine. 

C'est  selon  ces  règles,  les  règles  locales  conservées  et  les  règles  ^™*n^£n 
posées  par  les  autorités  romaines,  que,  dans  la  circonscription 
qu'elles  concernaient,  le  pays  était  administré  et  la  justice  était 
rendue  tant  par  les  fonctionnaires  et  les  tribunaux  romains  que 
par  ceux  des  différentes  cités  (2).  L'autorité  judiciaire  devait 
statuer  entre  deux  Romains,  d'après  le  droit  romain,  entre  deux 
Syracusains,  d'après  le  droit  syracusain,  et  en  matière  de  droit 
des  personnes,  par  exemple  d'affranchissement  et  de  testament, 
d'après  le  droit  local  du  manumisseur  ou  du  testateur  (3); 
en  cas  de  diversité  entre  le  droit  des  deux  parties,  on  applique 
d'abord  les  règles  locales  existant  à  ce  sujet  et  à  titre  supplé- 
toire  le  droit  commun  international  romain.  Ratione  materiœ, 
la  compétence  des  autorités  et  des  tribunaux  locaux  n'a  guère 
pu  être  plus  étroitement  limitée  dans  les  cités  sujettes  que  dans 
les  cités  fédérées;  nous  voyons  ces  pouvoirs  locaux  fonctionner 
en  matière   de  juridiction  administrative  (4)  et  criminelle  (5) 

(1)  Les  deux  parties  de  redit,  celle  qui  concerne  les  Romains  et  Yedictum 
provinciale  proprement  dit,  sont  distinguées  et  caractérisées  par  Gicéron, 
gouverneur  de  Cilicie,  Ad  AU.  6,  1,  15.  Son  edictum  tralaticium  sur  le  maxi- 
mum des  intérêts,  Ad  AU.  5,  21,  11  ;  cf.  Adfam.  3,  8,  4. 

(2)  Il  est  dit  de  Prusa,  après  qu'elle  a  obtenu  un  statut  local.  (Dion,  Or. 
40,  éd.  Reiske,  p.  175)  :  Kvî^ei  touç  aXXo'j;  udvTaç,ÔTt  ôfj  xà;  8îxa;  'j[i.£TçàTTo8é*/£o-0£ 
xa'i  Tiap  ûjttv  àvayxr,  xpcveaOac.  Plus  tard,  espère-t-il  (p.  199),  la  ville  obtiendra 
peut-être  rèXeuôepta. 

(3)  Ainsi  le  préteur  protège  l'individu  affranchi  par  un  pérégrin  et  firi 
aXXw;  vojxa)  'EXXrtva>v  xe'P°YPa?ri^  iDosithée,  Fr.  de  manum.  12).  Gicéron, 
Pro  Flacco,  30,  74  :  Tutor  his  Grsecorum  legibus  adscribendus  fuit:  Polemocra- 
tem    scripsisti. 

(4)  Cicéron,  Verr.  I.  2,  12,  13  :  Quod  privatus  a  populo  petit  aut  populus  a 
privato,  senatus  ex  aliqua  civitate  qui  judicet  datur,  cum  alternse  civitates  re- 
jectae  sunt.  La  procédure  habituelle  d'arbitrage  par  une  cité  étrangère  au 
débat  se  présente  donc  aussi  pour  les  cités  sujettes  ;  mais  c'est  le  gouver- 
neur qui  désigne  la  cité  arbitre;  ce  n'est  qu'exceptionnellement  que  de  pa- 
reils litiges  sont  soumis  au  sénat  (p.  338,  note  2). 

(5)  Gicéron,  Verr.  I.  2,  37,  90  :  Cum  secum  sui  cives  agant  de  litteris  publi- 
ais corruptis  ejusque  rei  legibus  Thermitanorum  actio  sit.  La  (3ovXyi  de  Gatina 


388  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

aussi  bieù  que  pour  l'administration  et  la  justice  civile.  Mais  la 
juridiction  sur  les  Italiens  et  les  Romains,  qui,  avons-nous  vu 
(p.  339),  appartenait  au  moins  en  principe  aux  autorités  des 
cités  autonomes,  manque  à  celles  des  cités  sujettes.  Que  des 
Romains  plaident  entre  eux  ou  que  le  procès  ait  lieu  entre  un 
Romain  et  un  sujet,  l'affaire  est  là  toujours  déférée  à  un  tri- 
bunal romain  (1),  soit  à  celui  du  gouverneur,  soit,  si  le  gou- 
verneur le  veut,  aux  tribunaux  de  la  capitale  (2).  C'est  là  la 
première  cause  de  la  constitution  des  gouvernements  de  pro- 
vinces (3)  ;  le  préteur  envoyé  dans  une  province  y  exerce  bien 
sans  doute,  en  cas  de  besoin,  le  commandement  en  chef;  sa  desti- 
nation propre  et  régulière  est  de  trancher  les  procès  qui  con- 
cernent les  Romains  dans  la  province.  Mais  sa  compétence  n'est 
pas  restreinte  à  ces  procès  ;  elle  s'étend  aussi  aux  procès  des 
sujets.  En  Sicile,  le  préteur  romain  était  compétent  pour  tous  les 
litiges  existant  entre  deux  sujets  appartenant  à  des  cités  diffé- 
rentes; dans  d'autres  provinces,  il  parait  même  avoir  eu  le 
droit  d'évoquer  devant  lui  tout  procès  déféré  au  tribunal  lo- 
cal  compétent  (4).  Si  le  gouverneur  ne    pouvait    prétendre 


statue  également  sur  le   pillage  du   temple  Catinensium  legibus  (Cicéron, 
Verr.  4,  45,  100). 

(1)  D'après  l'exposition  de  Cicéron,  Verr.  1.2,  13,  les  procès  entre  citoyens 
de  la  même  ville  ressortent  seuls  des  tribunaux  de  cette  ville  (p.  386,  note  2)  ; 
tous  les  autres,  qu'ils  aient  lieu  entre  deux  Sicilioles  de  cités  différentes  ou 
entre  un  Siciliote  et  un  Romain,  sont  de  la  compétence  du  préteur  romain  ; 
seulement  lejurénepeutpas  être  un  Romain,  lorsqu'un  Siciliote  est  poursuivi 
par  un  Romain  :  Quod  civis  Romanus  a  Siculo  petit,  Siculus  judex  datur, 
quod  Siculus  a  cive  Romano,  civis  Romanus  datur  :  ceterum  (c'est  sans  doute 
là  ce  qu'il  faut  lire  pour  ceterarum)  selecti  judices  ex  conventu  civium 
Romanorum  proponi  soient. 

(2)  La  détermination  du  tribunal  appartenait  quant  au  lieu  au  gouver- 
neur, qu'il  voulût  le  choisir  dans  l'intérieur  de  son  ressort  (Cicéron,  Ad 
fam.  13,  53)  ou  renvoyer  l'affaire  aux  tribunaux  de  la  capitale  (Cicéron,  Ad 
fam.  13,  26). 

(3)  Voir  tome  I,  la  théorie  de  la  Juridiction  civile,  in  fine,  et  tome  III,  la 
théorie  de  la  Préture,  sur  la  juridiction  civile. 

(4)  D'après  le  statut  de  Sicile  (p.  384,  note  2),  cela  lui  était  interdit  pour 
les  procès  entre  citoyens  de  la  même  cité  tout  au  moins;  mais,  puisque 
en  Asie  et  en  Cilicie  c'était  par  une  faveur  du  gouverneur  que  les  procès 
des  Grecs  entre  eux  étaient  tranchés  par  des  juges  grecs  (p.  384,  note  2),  les 
provinces  créées  plus  tard  ne  devaient  pas  être  à  beaucoup  près  dans  une 
situation  aussi  favorisée. 


LES   SUJETS  NON  AUTONOMES.  9 

à  rencontre  des  cités  autonomes  qu'aux  droits  qui  lui  étaient 
expressément  accordés  dans  le  traité,  les  magistrats  romains  et 
à  plus  forte  raison  le  sénat  romain  pouvaient,  en  face  des  cités 
sujettes  et  de  leurs  membres,  intervenir  à  leur  gré  dans  la 
juridiction,  à  condition  d'observer  les  statuts  locaux  reconnus 
ou  établis  par  les  Romains  (i).  Le  sénatus-consulte  de  676 
accordant  à  trois  citoyens  de  cités  sujettes  différentes,  en  récom- 
pense des  services  rendus  par  eux  aux  Romains,  le  droit  de 
plaider  dans  tous  leurs  procès,  aussi  bien  comme  demandeurs 
que  comme  défendeurs,  à  leur  choix  devant  les  tribunaux  de 
leur  patrie  ou  devant  les  tribunaux  provinciaux  romains  ou 
devant  ceux  d'une  ville  libre,  donne  une  mesure  delà  licence 
avec  laquelle  la  compétence  judiciaire  était  traitée  par  le  gouver- 
nement de  la  République  (2).  Sous  le  Principat,  l'arbitraire 
du  gouverneur  fut  restreint  dans  une  certaine  mesure  etl'orga- 
nisation  légale  existant  dans  chaque  ville  mieux  protégée  que 
du  temps  de  la  République  (3)  ;  cependant  la  tradition  ne  nous 
rapporte  pas  à  ce  sujet  de  mesures  générales  énergiques. 

La  cité  suiette  garde  en  général,  de  même  que  sa  justice  Administration 

J  o  o  *  «  communale. 

propre,  le  droit  de  s'administrer  elle-même.  En  dehors  de  la 
part  pour  laquelle  les  Romains  participent  au  commandement 
militaire  et  à  l'administration  de  la  justice,  le  gouvernement 
romain  laisse  en  principe  aux  villes  de  l'empire  le  soin  de 
veiller  au  bien  public  et  les  fatigues  et  la  responsabilité  de 
l'administration,  tout  en  se  réservant  d'ailleurs  la  faculté 
d'intervenir  à  son  gré,  dans  chaque  cas  particulier,  avec  un 
arbitraire  absolu. sLe  gouverneur  ne  fait  qu'user  de  ses  pouvoirs 


(1)  Une  limitation  pareille  relative  à  la  Sicile  a  été  déjà  citée  (p.  388, 
note  4).  Les  Chypriotes  avaient  le  droit,  lorsqu'ils  étaient  défendeurs,  de 
n'être  poursuivis  que  dans  leur  île  (Cicéron,  Ad  AU.  5,  21,  6  :  Q.  Volu- 
sium...  misi  in  Cyprum...  ne  cives  Romani  pauci  qui  illic  negotiantur  jus  sibi 
dictum  negarent  ;  nam  evocari  ex  insula  Cyprios  non  licet). 

(2)  Sénatus-consulte  relatif  aux  trois  capitaines,  p.  391,  note  1. 

(3)  Par  exemple,  Trajan  (Ep.  109)  répond  à  la  question  de  savoir  comment 
il  faut  se  comporter  à  l'égard  du  privilège  attaché  aux  créances  des  cités 
en  matière  de  faillite  :  Sive  habent  privilegium,  quo  ceteris  creditoribus  ante- 
ponantur,  custodiendum  est,  sive  non  habent,  in  injuriam  privatorum  id  dari  a 
me  non  oportet. 


390  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

en  annulant  une  résolution  du  conseil  d'une  cité  sujette  (1)  ou 
en  y  interdisant  la  réunion  d'une  assemblée  du  peuple  (2). 
L'omnipotence  romaine  existe  là  en  droit,  et  il  est  superflu  de 
montrer  par  d'autres  exemples  les  applications  qui  ont  pu  en 
être  faites  en  bonne  ou  en  mauvaise  administration. 
Finances  Le.  droit  de  la  cité  de  faire  valoir  ses  sources  de  revenus  et 

communale?* 

d'imposer  ses  membres  rentre  nécessairement  dans  le  droit  de 
s'administrer:  il  ne  peut  pas  plus  être  refusé  à  la  cité  sujette 
qu'à  la  cité  autonome.  En  dehors  de  leurs  propres  besoins,  les 
cités  dans  lesquelles  la  redevance  à  payer  au  gouvernement 
romain  sort  de  la  caisse  de  la  cité  trouvent,  sous  la  Répu- 
blique, et,  dans  les  provinces  du  sénat,  même  encore  sous  le 
Principat,dansle  droit  de  s'imposer  elles-mêmes  dont  on  trouve 
mentionnées  quelques  applications  (3),  le  moyen  principal  de 
solder  la  redevance  annuelle  due  à  Rome.  Dans  les  provinces 
impériales,  où  l'impôt  était  directement  perçu  par  le  gouver- 
nement, les  impositions  locales  ont  dû  avoir  moins  d'impor- 
tance; on  ne  sait  si  elles  y  étaient  perçues  comme  impôt  indé- 
pendant ou  comme  une  taxe  additionnelle  ajoutée  à  l'impôt 
d'état.  —  L'exemption  héréditaire  des  charges  de  leur  cité,  qui 
est  fréquemment  accordée  à  titre  gracieux  par  le  gouvernement 
central  à  des  personnes  isolées,  se  présente  même  pour  des 
membres  de  villes  libres;   mais  on  en    a  sûrement  usé  plus 


(1)  Il  est  fait  appel  au  gouverneur  d'une  résolution  du  conseil  communal 
de  Syracuse  concernant  la  dissolution  d'un  lien  de  patronat  antérieurement 
formé,  et  la  résolution  tombe  par  suite  (Gicéron,  Verr.  4,  65.  66,  surtout  § 
149  :  Negare  esseillud  senatus  consultum,  in  quo  prsetor  appellatus  esset).  Les 
recensements  des  cités  de  Sicile  faits  sous  Verres  furent  cassés  par  son 
successeur  (v.  tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à  la  section  de  la  confec- 
tion des  listes,  sur  la  force  obligatoire  des  listes  du  censeur,  dernière  note) . 

(2)  Dion  Ghrysostome,  Or.  46,  pr.  invite  les  citoyens  de  Pruse  à  remercier 
le  gouverneur,  on  J3ouXo[xévoiç  f,u,ïv  èxxXY]<7iao-ac  rcâXiv  èç^xe  où  (xovov  è-ot^coç, 
àXXà  xo»  rjSétoç. 

(3)  Appulée,  Apol.  101  :  Pudentillse  nomine  pro  eo  agello  tributum  dependi  : 
prsesens  est  quaestor  publicus  eux  depensum  est  Corvinus  Celer  vir  ornatus.  Ce 
n'est  pas  là,  comme  le  pense  Hirschfeld,  Verw.  Gesch.  p.  17,  le  questeur 
provincial;  c'est,  comme  le  montre  l'épithète  vir  ornatus  et  la  présence  même 
du  personnage,  le  questeur  municipal  de  la  ville  d'Œa,  qui  peut  parfaitement 
être  appelé  publicus,  ce  magistrat  municipal  étant  appelé  d'une  façon  tout 
à  fait  habituelle,  quaestor  pecuniae  publics. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  391 

fréquem ment  et  avec  moins  de  scrupules  à  rencontre  des  cités 
sujettes  (1).  Les  exemptions  personnelles  (2),  qui  furent  établies 
par  des  lois  d'empire  pour  certaines  classes  et  certaines  pro- 
fessions, par  exemple  pour  les  négociants  en  grains  et  les  bateliers 
qui  apportaient  les  grains,  pour  les  médecins,  les  professeurs 
de  rhétorique  et  de  grammaire  (3),  et  qui  atteignirent  une 
grande  extension  sous  l'Empire,  concernaient  également  en 
première  ligne  les  cités  sujettes,  quoique  le  nivellement  effec- 
tué entre  elles  et  les  cités  autonomes  ait  pu  également  se  faire 
sentir  ici. 

L'administration  et  la  justice  propres,  que  nous  étudions  ici,  r^vdeerrlgypte. 
sont,  nous  l'avons  déjà  dit,  absolument  étrangères  aux  pays 


(1)  Diodore,  14,  93  :'0  Sr^o?  tmv  'Pwfxaîwv....  ty}v  Atuapav  àçeXojxevoç  xtov 
Kap'/r^ovîwv  (en  513)  toÙçèyyÔvouçtou  TtfxaatOlo'j  tûv  ts  ela-qpopwv  àreXei?  àçïjxe 
xa\  èXeueipouç  inolr\az  (cette  «  liberté  »  individuelle  n'aurait,  séparée  de 
l'immunité,  aucun  sens).  Le  sénat  accorde,  en  676,  à  trois  capitaines  de 
navires  des  villes  sujettes  de  Glazomènes,  de  Carystos  et  de  Milet,  à  rai- 
son de  leur  conduite  pendant  la  guerre  d'Italie,  Ô7iax;  ouxoi  xéxva  exyovot  te 
a*Jxc5v  èv  Taîç  iaurùv  uarptciv  àXeiTO'jpYTjTO'.  uavxcov  xtov  7ipay[xaTcov  xa\  àvsîa-çopoi 
axriv  (avec  les  développements  qui  suivent  C.  J.  L.  I,  n.  203).  Dans  le  décret  de 
Sulla  concernant  Oropos  les  revenus  du  territoire  d'Oropos  sont  attribués 
au  dieu  Amphiaraos  à  l'exception  des  possessions  d'un  individu  qui  a 
témoigné  de  sa  fidélité  aux  Romains  (Hermès,  20,  272).  Ces  exemptions  per- 
sonnelles accordées  par  Sulla  à  ses  fidèles  {viri  fortissimi)  furent  révoquées 
sous  le  gouvernement  des  optimates  (Gicéron,  Verr.  3,  35,  81  :  Unum  hoc  — 
des  décrets  de  Sulla  —  aliquot  senatus  consultis  reprehensum  decretumque  est, 
ut  quitus  Me  de  capite  dempsisset,  ii  pecunias  in  serarium  inferrent  :  statuit 
senatus  hoc  ne  Mi  quidem  esse  Ucitum...  a  populo  factarum  quœsitarumque 
rerum  summas  imminuere.  Suétone,  Aug.  40  :  Liviœ  pro  quodam  tributario 
Gallo  roganti  civitatem  negavit,  immunitatem  obtulit  adfirmans  facilius  se 
passurum  fisco  debahi  aliquid  quam  civitatis  Romanœ  vulgari  honorent.  Ins- 
cription de  Norique,  C.  I.  L.  III,  5232  :  Donatus  civitate  Romana  viritim  et 
inmunitate  ab  divo  Aug.;  des^environs  de  Brixia,  C.  I.  L.  V,  4910:  l[m]munis 
Cœsaris  (=  Auguste).  Ulpien,  Dig.  50,  6,  1,  2.  /.  5.  —  Les  expressions  de 
Gicéron  et  de  Suétone  montrent  que  les  immunités  personnelles  amoindris- 
sent les  recettes  du  trésor  de  Rome  et  que  par  conséquent  les  cités  inté- 
ressées n'ont  pas  à  en  couvrir  le  montant. 

(2)  Ulpien,  Dig.  50,  15,  4,  3  :  Quamquam  in  quibusdam  personis  bénéficia 
(Ms.  :  Ben.  pers.)  data  immunitatis  cum  persona  extinguantur,  tamen  cum 
generaliter  locis  aut  cum  civitatibus  immunitas  [datur~\,  sic  data  videtur,  ut  ad 
posteros  transmittatur.  L' immuni  tas  s'étend,  semble-t-il,  à  toutes  les  presta- 
tions que  l'autorité  qui  la  confère  a  le  droit  d'exiger,  par  conséquent,  si 
l'État  la  confère,  même  non  héréditairement,  à  l'impôt  foncier  lui-même. 

(3)  C'est  l'objet  du  titre  De  jure  immunitatis  du  Digeste  (50,  6). 


392  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

organisés  sous  le  Principat  selon  le  système  de  la  royauté. 
L'Egypte  surtout  nous  fournit  une  image  de  ce  gouvernement 
monarchique  qui  est  exercé,  sans  le  terme  intermédiaire 
fourni  par  l'existence  de  villes  autonomes,  directement  par 
le  chef  de  l'État,  et  qui  n'avait  pas  pu  exister  sous  la  République. 
D'autres  pays  encore  ont  nécessairement  été  administrés  de  la 
même  façon  :  par  exemple,  le  royaume  de  Norique  antérieurement 
à  l'organisation  en  villes  qui  y  fut  introduite  par  Claude.  En 
Egypte  même,  l'ancienne  organisation  a  fini  par  disparaître 
devant  l'organisation  en  villes  ;  mais  elle  ne  l'a  fait  qu'à  l'époque 
de  la  décadence  de  l'Empire.  Il  ne  sera  pas  superflu  de  carac- 
tériser dans  ses  grands  traits  l'organisation  de  l'Egypte  sous 
Auguste,  comme  antithèse  de  l'organisation  provinciale  ur- 
baine (1). 

Sous  le  gouvernement  des  Alexandrides,  et  pareillement 
bous  celui  des  Empereurs  romains,  qui  ne  sont  là  qu'une  nou- 
velle dynastie,  la  vieille  terre  des  rois  est  restée  ce  qu'elle  était. 
Le  gouvernement  royal  de  l'Orient,  tel  qu'il  existait  aussi  sous 
la  souveraineté  romaine  dans  les  États  clients  de  Judée  et  de 
Cappadoce  (p.  356,  note  1),  est  le  gouvernement  de  l'Egypte  ro- 
maine. La  propriété  foncière  dérivée  de  la  propriété  de  l'État, 
reconnue  dans  le  reste  du  territoire  soumis  à  ladministration 
impériale,  a  difficilement  été  étendue  à  l'Egypte;  on  aura  sans 
doute  continué  là,  même  à  l'époque  romaine,  à  distinguer  seu- 
lement la  propriété  domaniale  et  la  propriété  privée.  Alexandrie 
d'Egypte,  qui  dépasse  en  étendue  et  en  influence  toutes  les 
autres  fondations  des  Macédoniens,  est  inférieure  à  la  dernière 
d'entre  elles  en  ce  qu'elle  n'est  une  ville  que  de  nom.  Alexandre 
avait  mis,  à  côté  de  la  nationalité  antérieurement  une  des 
Égyptiens  indigènes,  celle  des  étrangers  parlant  grec.  Cette 
dualité  de  condition  des   personnes  a   subsisté  à  l'époque  ro- 


(i)Nous  n'avons  pas  ici  à  étudier  les  relations  de  compétence,  en  partie 
très  obscures,  dans  lesquelles  sont  entre  eux,  quant  au  fond  et  quant  aux 
lieux,  les  magistrats  égyptiens.  Je  me  borne  d'autant  plus  volontiers  à  indi- 
la  quer  brièvement  les  points  principaux  que  les  détails  importent  peu  pour 
notion  générale  du  droitpublic.  Gf .  Rœm.  Gesch.  5,554  et  ss.  =  tr.fr.  11,154. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  393 

maine:  on  distingue  la  condition  personnelle  des  indigènes 
inscrits  dans  les  36  districts  de  «la  campagne»  et  celle  des 
citoyens  sans  droits  de  citoyen  des  cinq  quartiers  de  ce  qu'on 
appelle  la  ville  d'Alexandrie.  Les  «  citadins  »  ne  sont  favorisés 
qu'en  ce  qu'ils  sont  admis  à  servir  dans  les  légions  tandis  que 
les  indigènes  servent  dans  la  flotte,  en  ce  que  certaines  classes 
de  fonctionnaires  sont  recrutées  exclusivement  parmi  eux, 
enfin  en  ce  que  les  impôts  des  Égyptiens  et  des  Alexandrins 
sont  différents.  Les  citoyens  romains,  qui  se  trouvent  dans  le 
pays  comme  soldats,  comme  fonctionnaires  ou  pour  leurs 
propres  affaires,  sont,  en  face  de  ces  deux  catégories  de  per- 
sonnes, purement  et  simplement  des  étrangers.  L'administra- 
tion et  la  justice  sont  réunies,  à  l'époque  romaine,  entre  les 
mains  du  représentant  de  l'empereur  absent,  du  pr&fectus 
jEgypti,  pour  ainsi  dire  du  vice-roi,  duquel  sont  justiciables  les 
Romains  qui  se  trouvent  en  Egypte  (1).  Au  dessous  de  lui  sont 
deux  autres  fonctionnaires  également  nommés  pour  toute 
l'Egypte,  l'un  chargé  de  la  justice  (2),  l'autre  des  biens  do- 
maniaux (3),  et  un  certain  nombre  d'agents  subalternes  em- 
ployés notamment  à  la  perception  des  impôts  (4).  Au  dessous 


(1)  Cela  résulte  de  ce  qu'Auguste  transféra  au  préfet  la  juridiction  vo- 
lontaire dans  les  formes  romaines  (Dig.  1,  17,  1  ;  Tacite,  Ann.  12,  60). 

(2)  Ce  Ttov  7coM(3v  xplaewv  xvptoç,  comme  l'appelle  Strabon,  13,  1,  12, 
p.  797,  n'était  pas  exclusivement  destiné  aux  Alexandrins;  Strabon  le  dit 
expressément,  et  il  y  en  a  encore  d'autres  preuves  (Rœm.  Gesch.  5,  567, 
note  1)  ;  mais  il  peut  parfaitement  être  Vunus  judex,  quem  Caesar  dedisset, 
dont,  dit  le  biographe  de  Sévère,  c.  17,  les  Alexandrins  devaient  se  contenter 
jusqu'à  cet  empereur,  et  ils  peuvent  avoir  été  ses  principaux  justiciables, 
tandis  que  les  procès  des  Egyptiens  ne  lui  arrivaient  sans  doute  que  dans 
des  cas  spéciaux.  Parce  que  des  parties  se  rendent  d'Arsinoé  à  Alexandrie 
pour  plaider  devant  le  juridicm,  cela  ne  prouve  pas,  comme  le  pense 
Wilcken  (Obss.  ad  hist.  Mrjypti  provinciae  Romanse,  p.  8),  que  ces  parties  soient 
des  Égyptiens;  leurs  noms  sont  des  noms  grecs. 

(3)  C'est  l'administrateur  de  lYôioç  Xoyoç,  appelé  aussi  en  latin  idiu 
logu  ou  de  noms  analogues,  un  fonctionnaire  de  rang  équestre  de  la  classe 
des  ducenarii  (Marquardt,  Handb.  5,  311  =  tr.  fr.  10,  393). 

(4)  Ce  sont  là  les  procuratores  usiaci  (sans  doute  nombreux),  qui  sont  au 
moins  en  partie  des  affranchis  impériaux  (C.  /.  L.  III,  43)  ;  c'est  à  eux  que 
Strabon  pense  principalement  quand  il  dit  :  IlapéTrovTac  ôà  toutoiç  (aux 
trois  fonctionnaires  les  plus  élevés)  à7te)>eu8epoi  Kacaapo;  xoù  otxovôfiot  jiec'Ça) 
xal  ÈXarcw  -neTzia-cz'^éyo'.  upây^aTa. 


394  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

du  préfet  se  trouvaient  les  fonctionnaires  intermédiaires,  les 
présidents  (s-icTpàmyot)  des  trois  grands  districts  en  lesquels 
l'Egypte  est  divisée;  puis,  d'une  part,  les  présidents  delà 
ville  d'Alexandrie,  parmi  lesquels  un  grand  juge  (àp^iSwtaaTviç) 
et,  d'autre  part,  les  stratèges  des  différents  nomes  ou,  comme 
on  peut  encore  les  appeler,  des  métropoles,  avec  les  présidents 
des  cercles  ruraux  (twuoi)  et  des  villages  (xû[i.ai)  subordonnés  à 
ces  stratèges.  Tous  ces  fonctionnaires  étaient  nommés  ou  du 
moins  confirmés,  les  plus  élevés  parmi  les  chevaliers  par  l'em- 
pereur, les  inférieurs  parmi  les  Alexandrins  et  ceux  du  bas 
de  l'échelle  parmi  les  indigènes  par  leurs  supérieurs  (1).  Ce 
n'est  point  ici  le  lieu  de  chercher  comment  leur  compétence 
respective  était  délimitée;  mais  toutes  les  affaires  publiques, 
en  particulier  l'administration  de  la  justice  et  la  levée  de 
l'impôt,  étaient  dans  les  mains  d'agents  du  gouvernement.  Ni 
les  Alexandrins  ni  les  Égyptiens,  après  pas  plus  qu'avant,  ne 
se  gouvernent  eux-mêmes;  ils  sont  gouvernés. 

Il  nous  reste  encore  une  question  à  résoudre  pour  le  cercle 
Teenpire.de  étendu  et  divers  des  sujets:  comment  y  ont  été  réglés,  sous  la 
domination  romaine,  la  division  du  temps,  les  poids  et  mesures, 
la  mesure  de  Pespace,  celle  des  valeurs  ?  Il  va  de  soi  que  ces 
réglementations  dépendaient  ici  exclusivement  de  l'arbitraire 
du  gouvernement  et  que  par  suite  les  institutions  romaines  éta- 
blies à  titre  général  s'appliquaient  de  plein  droit  dans  l'inté- 
rieur des  pays  sujets.  Depuis  qu'il  y  a  eu  une  province  d'Asie, 
on  a  nécessairement  pu  y  dater  à  la  manière  romaine,  y  mesurer 
en  milles  romains  (2)  et  y  faire  des  paiements  en  deniers  ro- 
mains. Mais  il  n'a  pas  été  accompli  d'uniformisation  proprement 
dite,  entraînant  l'emploi  exclusif  de  l'unede  ces  institutions  dans 
tout  l'empire,  pendant  la  République,  et  il  n'en  a  été  fait  sous 
le  Principat  lui-même  que  dans  l'un  des  domaines,  dans  celui 


(1)  Édit  de  Ti.  Alexander,  ligne  34  :  MeX-rjcrsi  8s  fJ.cn  xoù  xàç  <TTpaTr,y:a;  pista 
ôia>.oytcr(JLov7cpbç  rpiextav  èv/sipcÇeiv  toiç  xaxacrTaô^croixévot;.  Nous  ne  savons  qui 
avait  le  droit  de  proposition. 

(2)  M'.  Aquillius,  consul  en  625,  inscrivit  déjà  les  distances  en  milles  ro- 
mains sur  les  bornes  milliaires  de  ses  routes  d'Asie  mineure. 


Institutions 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  395 

de  la  monnaie  ayant  cours  (1).  Au  contraire  ces  matières  ont 
été  fréquemment  réglementées  par  le  gouvernement  romain 
dans  les  différentes  provinces ,  naturellement  en  partant  des 
institutions  existantes,  et  leur  réglementation  a  môme  formé 
une  portion  essentielle  des  lois  d'organisations  provinciales 
mentionnées  plus  haut  (p.  364)  :  la  pseudo-autonomie  des 
différentes  cités  ne  s'est  exercée  dans  ce  domaine  qu'à  condi- 
tion de  n'être  pas  liée  par  les  règles  générales  portées  pour  la 
province.  La  délimitation  des  deux  cercles  se  résout  d'ailleurs 
en  de  telles  spécialités  que  nous  nous  contenterons  ici  de  signa- 
ler les  distinctions  sans  les  développer. 

Pour  le  calcul  du  temps,  le  calendrier  général  de  l'empire  a  Le  calendrier. 
probablement  seul  été  en  vigueur,  dès  le  début  de  la  domina- 
tion romaine,  dans  les  provinces  non-grecques  :  du  moins  on 
ne  trouve  nulle  part  d'allusion  au  maintien  d'anciens  ca- 
lendriers en  Espagne,  en  Gaule  (2),  en  Afrique,  sous  la  do- 
mination romaine.  Au  contraire,  dans  la  portion  grecque  de 
l'empire,  les  calendriers  que  chaque  peuple  avait  à  son  gré 
constitués  et  remaniés  jusqu'alors  n'ont  pas  été  supprimés; 
mais  ils  ont  été,  sinon  du  temps  de  la  République,  au  moins 
sous  le  Principat(3),  réglementés  et  simplifiés  sous  le  contrôle 
de  l'autorité  romaine  (4).  Ainsi  par  exemple,  il  y  a,  à  cette 
époque,  deux  calendriers  en  usage  dans  la  province  d'Asie:  le 
calendrier  de  Pergame,  qui  n'est  autre  chose  que  le  calen- 
drier macédonien  introduit  dans   les  monarchies  d'Alexan- 


(1)  Lorsque,  dans  Dion,  52,  30,  Mécène  conseille  à  Auguste  :  Mfce  8è 
vo[jU(7!J.a-:a  5j  xcù  oraOjxà  yj  jji-rpa  i,'8tà  tiç  ocÙtôW  (des  sujets)  èys-rw,  àXXà  xoïç 
jjperépotç  xa\  èxeîvoc  itotvxeç  -/p-rça-Gaxrav,  ce  n'est  là,  pour  les  monnaies  comme 
pour  le  reste,  qu'un  vœu  politique  ;  les  faits  sont  en  désaccord. 

(2)  Les  druides  gaulois  commencent  le  mois  et  l'année  au  sixième  jour 
du  mois  lunaire  (Pline,  16,  44,  250)  ;  mais  cela  ne  prouve  rien  pour  l'usage 
officiel. 

(3)  Les  institutions  qui  nous  sont  connues  supposent  constamment 
l'année  julienne,  et  elles  remontent  sûrement  à  Auguste  ;  mais  les  chiffres 
d'années  des  cistophores  montrent  qu'il  a  existé  dés  le  temps  de  la  Répu- 
blique une  année  provinciale  romano-asiatique  commençant  en  automne. 

(4)  Nos  hémérologies  sont  probablement  une  collection  officielle,  au 
moins  quant  à  sa  base,  des  calendriers  en  vigueur  dans  l'empire  romain 
sous  le  Principat. 


396  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

dre  (1)  et  le  calendrier  employé  à  Éphèse  et  à  Smyrne  qui  cor- 
respond essentiellement  au  calendrier  délico-attique  (2).  Tous 
deux  sont  dans  une  telle  relation  entre  eux  et  avec  le  calen- 
drier julien  que  la  transposition  des  dates  peut  s'y  faire  facile- 
ment (3).  Le  calendrier  provincial  syrien  de  l'époque  romaine 
se  rattache  encore  plus  étroitement  au  calendrier  romain  ;  il 
ne  s'en  distingue  que  par  la  dénomination  des  mois,  qui  sont 
ici  les  mois  macédoniens,  et  par  le  commencement  de  l'année, 
qui  est  placé  au  1er  octobre  :  il  régit  toute  la  province.  Il  y 
avait,  d'une  façon  analogue,  des  calendriers  provinciaux  pour 
la  Bithynie,  la  Lycie,  la  Cappadoce,  l'Arabie,  la  Crète,  Chypre, 
l'Egypte.  Nous  avons  déjà  remarqué  (p.  340)  que  leur  empire 
ne  s'étendait  pas  nécessairement  aux  villes  libres  ;  au  con- 
traire les  villes  non-autonomes  étaient  obligées  de  suivre  le 
calendrier  ou,  comme  en  Asie,  les  calendriers  de  la  province. 
Désignation        La  désignation  de  l'année  a  été  traitée  par  les  Romains  de 

de  1  année.  °  x 


(1)  Les  hémérologies  désignent  ce  calendrier  comme  le  calendrier  des 
Éphésiens  (Ideler,  1,  419),  et  il  peut  avoir  porté  officiellement  le  nom  de  la 
capitale  de  la  province,  quoique  les  titres  montrent  qu'il  n'était  pas  en 
usage  à  Éphèse,  mais  à  Pergame  (inscription  inédite)  et  que  par  conséquent 
on  s'attendrait  plutôt  à  lui  voir  donner  le  nom  de  calendrier  des  Asiani  et  à 
voir  donner  le  nom  de  calendrier  des  Éphésiens  à  celui  de  ce  nom.  Dans 
une  inscription  d'Éphèse  (C.  I.  Gr.  2954a)  une  dénomination  de  mois  de 
l'année  appelée  éphésienne  dans  les  hémérologies  est  désignée,  par  opposition 
à  celle  usitée  rcap'  Yjfûv,  comme  employée  7rapà  MaxsSocnv  xal  xoïç  XoitcoÎ; 
e&veaiv  xoïç  'EXXyjvcxoïç  xa\  touç    èv  àuxoïç  7r6Xecriv. 

(2)  Ce  calendrier  est  appelé  par  les  hémérologies  celui  des  Asiani  (Ideler, 
1,  414)  ;  bien  qu'il  soit  défiguré  par  le  changement  ou  la  corruption  de  sept 
noms  de  mois,  les  cinq  autres  (Apaturios  Poseideon,  Lenaios,  Artemisios» 
Ilekatombaios)  montrent  clairement  son  origine.  Les  documents  d'Ephèse 
connus  jusqu'à  présent  ont  donné  huit  noms  de  mois  qui  jusqu'au  Neokai- 
sareon  (duquel  il  faut  rapprocher  le  Kaisarios  de  l'hemerologium  des  Asiani) 
se  reproduisent  tous  dans  le  calendrier  délico-attique  (ce  sont,  outre  les 
mois  déjà  nommés  de  Poseideon,  Lenaios,  Artemision,  ceux  d'Anthesterion, 
Thargelion,  Maimakterion,  Metageitnion).  Des  mois  pareils  (Poseideon, 
Lenaeon)  sont  cités  chez  les  Smyrnéens  par  Aristide,  Or.  23,  éd.  Jebb,  p. 
274  et  ss. 

(3)  Le  nombre  des  jours  de  l'année  et  le  système  de  l'intercalation  faite 
de  quatre  ans  en  quatre  ans  sont  communs  aux  trois  calendriers.  Les 
quatre  points  séparatifs  de  l'année  (25  mars,  24  juin,  24  septembre,  25  dé- 
cembre) sont  aussi  les  mêmes  (Galien,  In  Hipp.  epidem.  1,  éd.  Kùhn.  vol.  17, 
p.  21  ;  Ideler,  1,  414).  Le  nouvel  an  est  placé  dans  les  deux  calendriers  de 
la  province  d'Asie  à  l'équinoxe  d'automne  du  calendrier  romain. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  397 

la  même  façon  que  le  calendrier.  Ils  n'ont  pas  eu  d'ère  appli- 
cable à  tout  l'empire.  Dans  les  différentes  provinces,  en  parti- 
culier en  Orient,  il  est  fréquemment  arrivé,  lors  de  l'organisa- 
tion ou  de  l'accroisement  de  la  province,  ou  bien  que  Ton 
conserva  le  mode  antérieur  de  calcul  des  années,  —  ainsi  l'ère 
partant  du  commencement  de  la  dynastie  antérieurement  ré- 
gnante, en  Syrie  (1)  et  en  Bithynie  (2),  —  ou  bien  que  Ton 
ait  pris  comme  année  initiale  l'année  delà  prise  de  possession 
par  Rome  de  ce  pays  ou  de  Gette  portion  de  pays,  —  c'est  ce  qui 
a  été  fait  d'abord,  en  608,  lors  de  la  création  des  provinces  d'A- 
chaïe  et  de  Macédoine,  puis  ce  qui  s'est  reproduit  lors  de  l'occu- 
pation de  l'Asie  en  620-62 1  et  lors  de  l'accroissement  de  cette  pro- 
vince par  Sulla,  en  outre  lors  de  l'acquisition  des  villes  du  Pont 
et  de  Cilicie,  enfin  lors  de  la  fondation  de  la  province  de  Mau- 
rétanie  sous  Gaius  et  de  la  province  d'Arabie  sous  Trajan  (3). 
Nous  avons  déjà  remarqué  (p.  341)  que  l'emploi  de  cette  der- 
nière ère  se  restreint  aux  villes  sujettes,  mais  d'ailleurs  que 
les  ères  divergentes,  qui  se  rencontrent  surtout  chez  les  cités 
libres,  ne  sont  pas  rares  non  plus  chez  les  cités  sujettes. 

La  désignation  des  années  par  les  gouvernants  concorde 
avec  l'ère,  à  condition  qu'on  lui  donne  pour  base  un  com- 
mencement de  l'année  fixe,  indépendant  des  transmissions  du 
pouvoir,  et  qu'une  règle  précise  soit  établie  pour  la  désignation 
des  années  dans  lesquelles  ces  transmissions  ont  lieu.  C'est  de 
cette  façon  que  les  années  ont  été  comptées  en  Egypte  depuis 


(1)  Cette  ère  commence  comme  on  sait  dans  l'automne  (depuis  l'intro- 
duction de  l'année  julienne  en  Syrie,  au  Ie'  octobre)  de  l'an  312  avant  J.  G. 
=  442  de  Rome. 

(2)  L'ère  romano-bithynienne  part  de  l'an  281  avant  J.  G.  =  473  de 
Rome,  tandis  que  l'ère  royale  bithynienne  commence  dans  l'année  296  avant 
J.  G.  =  458  de  Rome  ou  peu  auparavant  (ainsi  que  je  l'ai  démontré 
dans  Sallet,  Num.  Zeitschrift,  11,  158).  La  dernière  année  paraît  avoir  été 
considérée  comme  celle  du  commencement  de  la  dynastie,  la  première 
comme  celle  de  la  constitution  du  pays. 

(3)  Annus  provinciœ  est  fréquent  dans  les  inscriptions  de  Maurétanie  (C. 
1.  L.  VIII,  p.  1062],  ëto;  ttjç  èuapxia?  dans  celles  d'Arabie  ( Wadington, 
dans  Lebas,  n.  2*63)  ;  ailleurs  il  n'y  a  que  l'année.  La  première  déno- 
mination ne  peut  convenir  où  la  formation  de  la  province  s'est  faite 
successivement. 


398  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

un  temps  immémorial,  et  ce  système  a  été  conservé  sous  la 
domination  romaine,  cependant  avec  une  modification  :  l'an- 
cienne année  égyptienne  sans  jour  intercalaire  a  été  remplacée 
par  l'année  julienne  avec  son  jour  intercalaire  :  les  vingt-deux 
années  de  365  jours  de  Gléopàtre  sont,  dans  la  liste  des  sou- 
verains d'Egypte  qui  sert  de  fondement  à  ce  calcul,  suivies  par 
les  quarante-quatre  années  d'Auguste,  en  général  de  365 
jours  et  tous  les  quatre  ans  de  366;  le  premier  jour  de  l'an  tra- 
ditionnel arrivant  le  1er  Thoth,  qui,  dans  l'année  sans  jour 
intercalaire,  se  déplaçait  constamment  par  rapport  à  l'année  so- 
laire vraie,  se  trouva  ainsi  fixé  pour  l'avenir  au  29  ou  30  août, 
auquel  il  tombait  à  cette  époque  (1). 

Nous  avons  déjà  remarqué  (p.  342)  que  les  cités  sujettes  re- 
cevaient, avec  le  droit  de  battre  monnaie,  celui  de  dater  les  an- 
nées sur  les  monnaies  par  les  noms  de  leurs  magistrats  pro- 
pres. Les  dates  tirées  des  gouverneurs  romains  se  rencontrent 
non  pas  exclusivement  (p.  342,  mais  principalement  sur  les 
monnaies  des  villes  sujettes. 
poids  et  mesures.  En  matière  de  poids  et  mesures,  les  deux  unités  les  plus 
importantes  sont  à  la  fois  romaines  et  helléniques;  carie 
pied  romain  concorde  avec  le  pied  attique  de  Solon  (2), 
et  la  livre  romaine  est  avec  la  mine  attique  de  Solon  dans  le 
rapport  simple  de  1  à  1  Ij3,  qui  est  même  probablement  admis 
dans  le  système  d'empire  (3).  Gela  correspond  au  caractère  bi- 

(1)  Cf.  tome  V,  la  partie  de  l'éponymie  impériale,  sur  le  commencement 
de  l'année  impériale  en  Egypte.  Le  calcul  par  années  impériales  avec  un 
nouvel  an  fixe  était  possible  partout  où  il  y  en  avait  un,  et  il  s'est  rencon- 
tré avant  Trajan,  au  moins  en  Syrie  (v.  tome  V,  la  même  partie,  sur  le 
commencement  de  cette  année  en  Syrie)  ;  mais  il  ne  s'est  vraiment  déve- 
loppé qu'en  Egypte,  et,  après  l'introduction  de  l'année  fixe  d'empire  sous  Tra- 
jan, elle  n'est  probablement  restée  en  usage  que  là. 

(2)  Selon  la  belle  démonstration  de  Dorsfeld  (Mitth.  des  Athen.  Instituts, 
7,  277  et  ss.) 

(3)  La  mine  attique  =  1  livre  romaine  i/3  =  437  gr.  se  présente  à  nous 
non  seulement  dans  les  tables  métrologiques  de  l'Empire,  mais  comme 
poids  employé  par  les  pharmaciens  (Pline,  H.  n.  21,  34,  185;  Metrol.  scr.  I, 
p.  240,  11)  et  comme  poids  employé  dans  le  commerce  à  Pompéi  (Hermès, 
16,  317  et  ss.).  Dans  le  premier  cas,  elle  est  mise  en  relation  avec  le  denier 
romain  d'un  1/34,  plus  tard  i/96  de  livre,  et  elle  est  par  conséquent  divisée 
en  112  deniers,  plus  tard  en  128.  A  Pompéi/elle  se  divise,  selon  l'usage  grec, 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  399 

national  de  l'Etat  romain  développé.  Rome  n'a  pris  sous  ce 
rapport  de  mesure  générale  à  l'égard  des  sujets  dépendants 
autonomes  et  des  sujets  non-autonomes  que  pour  mettre 
impérativement  d'accord  toutes  les  dispositions  locales  avec 
les  poids  et  mesures  officiels  de  l'empire.  Cela  doit  avoir  eu 
lieu  souvent  pour  des  provinces  tout  entières  (1);  mais  il 
ne  manque  cependant  pas  de  preuves  de  divergences  exis- 
tant dans  l'intérieur  de  la  même  province  (2).  Les  mesures 
de  distance  font  exception  :  pour  elles,  les  Romains  ne  se  sont 
pas  contentés  de  mettre  les  mesures  antérieures  dans  un 
rapport  fixe  avec  les  romaines  (3)  ;  ils  ont  mesuré  les  routes 


en  50  statères  ou  en  100  drachmes.  Ce  sont  là  vraisemblablement  des  poids 
d'empire,  soit  d'après  la  relation  intime  du  poids  de  pharmacien  avec  le 
denier  romain,  soit  parce  que  l'emploi  de  la  mine  attique  comme  poids 
commercial  à  Pompéi  serait  sans  cela  absolument  inexplicable,  soit  enfin 
parce  que  les  Romains  appelaient  en  général  en  face  des  Grecs  leurs  poids 
et  mesures  du  nom  d'attiques. 

(1)  Par  exemple,  Galien,  IIep\  <ruv8.  çapp.  1.  7,  éd.  Kûhn,  vol.  13,  p.  893, 
blâme  la  recette  d'un  médecin  formulée  seulement  en  xoxûXat  :  'J2«ei8*)  uajx- 
tcoXXy)  S-.acpopà  xaxà  xb  7roabv  èv  aùxaTç  èarxiv,  è"/pviv  aùtbv  ecralv  r^ioi  ys  on  rrjv 
'Att'.-xV  Xéya)  xotjXt)v  y]  tyjv  'AXe£av8pscoTtxr|V  r,  tyjv  'Ecpsac'av  v\  xtva  aXXriv 
où  le  cotyle  d'Ephèse  appartient  sans  doute  comme  le  calendrier  d'Ephèse 
à  la  province  d'Asie. 

(2)  Dicitur  in  Germania,  écrit  Hyginus,  éd.  Lachmann,  p.  123,  in  Tungris 
pes  Drusianus  (sans  doute  àla  suite  du  cadastre  fait  par  le  premier  Drusus) 
qui  habet  monetalem  pedem  et  sescunciam.  Epiphane,  qui  écrit  en  qualité  d'é- 
vèque  de  Gonstantia  dans  l'île  de  Chypre  en  392,  éd.  Hultsch,  p.  261  :  Méôijxvo; 
8s  uap'  aÙToïç  tocç  Kuupt'otç  ôiaçopoç.  Tbv  yàp  (xéScjavov  SaXajjuvioi  eirouv  Kcov- 
(TTavciot  èx  Ttévre  {jloSjwv  e^ouac,  nàçcoi  8è  xa\  SixsXol  Teixcrapcov  YijjLtaeoç  (xoSc'aiv 
aÙTov  (xexpoîjo-tv. 

(3)  Il  ne  sera  peut-être  pas  superflu  de  réunir  ici  dans  une  vue  d'en- 
semble les  dispositions  prises  en  cette  matiire  par  le  gouvernement  ro- 
main. Il  a  admis  dans  son  système  au  moins  trois  mesures  de  distances 
qu'il  trouva  déjà  employées  :  la  leuga,  le  stadion  attique  et  le  stadion  égyp- 
tien. Nous  ne  connaissons  la  leuga  gauloise  que  par  son  évaluation  romaine 
à  1  mille  et  demi  (Hultsch,  Metrol.  p.  691)  ;  il  est  probable  que  cette  propor- 
tion ne  correspond  qu'approximativement  à  la  mesure  celtique  primitive  ; 
mais  nous  n'avons  pas  de  moyen  de  contrôle.  —  Quant  aux  stades  attiques 
de  600  pieds  attiques  ou  romains,  il  y  en  a  8  1/3  par  mille.  Pour  corriger 
cette  proportion  incommode,  on  substitua  au  stade  attique  le  stadium  ita- 
licum  (Gensorinus,  c.  13)  de  625  pieds  romains  ou  i/s  de  mille  (Hultsch  p.  81), 
ce  qui  fait  qu'en  général,  dans  la  période  moyenne  de  l'empire,  les  milles 
sont  calculés  selon  le  procédé  grec.  Les  Grecs  récents  emploient,  au  lieu  de 
cette  mesure,  probablement  sous  l'influence  du  mille  égypto-romain  dont 
nous  allons  nous  occuper,des  stades  de  666  pieds  romains,  2/3,  dont  7  1/2  'ont 


400 


DROIT    PUBLIC   ROMAIN, 


Système 
monéta  re^ 


Frappe 
provinciale 
d'argent. 


de  l'empire  en  mesure  de  l'empire  (1).  Par  exception,  l'em- 
pereur Sévère  a,  dans  la  construction  des  routes  des  Gaules, 
substitué  la  leuga  celtique  au  mille  romain,  probablement  parce 
qu'il  ne  pouvait  mettre  les  habitudes  locales  d'accord  avec  la 
mesure  d'empire  (2). 

Le  système  monétaire  a  été  réglé  par  le  gouvernement  romain 
dans  les  provinces  d'une  façon  très  diverse  selon  les  temps  et 
les  lieux.  Nous  ne  pouvons  ici  qu'indiquer  les  grands  traits  de 
ces  dispositions. 

La  monnaie  d'or,  depuis  qu'elle  a  pénétré  dans  le  monnayage 
régulier  romain,  n'a  été  frappée  qu'au  pied  d'empire  et  seule- 
ment par  le  pouvoir  central.  Elle  est  par  conséquent  absolument 
en  dehors  de  la  frappe  provinciale.  La  frappe  des  espèces 
d'argent  a  aussi,  selon  toute  apparence,  été  interdite  aux  cités 
sujettes  dès  leur  passage  sous  la  domination  romaine  (3).  Il 
n'était  que  logique,  après  l'avoir  retirée  aux  cités  autonomes 
d'Italie,  de  ne  pas  la  laisser  aux  cités  non-autonomes  extra- 
italiques. Mais, sans  doute  à  titre  de  compensation,  non  pas  il  est 


un  mille  romain  (Hultsch,  p.  571).  Le  pied  romain  a  donc  été  maintenu  là, 
et  le  stade  remanié  pour  être  mis  avec  lui  dans  une  certaine  congruence.  — 
Il  a  été  procédé  de  la  manière  inverse  pour  le  stade  égyptien,  aussi  pris 
pour  unité  en  Syrie  et  probablement  en  Asie  mineure,  qui  est  de  600  pieds 
locaux  (à  1  pied  romain  Vs)  ou  de  720  pieds  romain,  ce  qui  en  donne 
6  i"/i8  pour  un  mille  romain.  Le  stade  est  maintenu,  et  l'on  désigne  au  con- 
traire comme  mille  romain  une  mesure  concordant  avec  lui,  rapprochée  le 
plus  possible  du  mille  romain  de  5000  pieds,  soit  une  mesure  de  5400  pieds 
romains,  c'est-à-dire  de  1/4  du  schœnus  égyptien  =7  1I2  de  ces  stades 
(Hultsch,  p.  365,  445),  soit  une  mesure  de  5040  pieds  romains  =  7  de  ces 
stades  (Hultsch,  p.  569). 

(1)  Même  en  Egypte  et  en  Syrie,  c'est  le  mille  d'empire  qu'on  a  employé 
dans  la  construction  des  routes  d'empire  et  non  pas  le  mille  romano-égyp- 
tien,  ainsi  que  l'a  montré  Kiepert,  Hermès  3,  435. 

(2)  Hultsch,  Metrol.  p.  691;«œm.  Gesch.  5,  93  =  tr.  fr.  9,  130. 

(3)  On  ne  peut  produire  de  preuve  directe  qu'en  dehors  des  monnaies 
provinciales,  toutes  les  grandes  pièces  d'argent  frappées  dans  le  territoire 
provincial  romain  remontent  à  un  temps  antérieur  à  l'organisation  de  la 
province,  et,  par  exemple,  à  Syracuse,  cette  conséquence  delà  situation  peut 
ne  pas  avoir  été  immédiatement  tirée  dès  les  débuts  de  la  domination  ro- 
maine et  la  frappe  de  grandes  pièces  d'argent  avoir  été  encore  tolérée  quel- 
que temps.  Mais  il  n'y  a  pas  d'objections  certaines  contre  la  fin  simultanée 
de  la  souveraineté  et  de  la  frappe  de  grandes  pièces  d'argent,  et,  mis  en  ba- 
lance, le  cours  des  faits  historiques,  d'une  part,  et  le  caractère  des  émissions, 
d'autre  part,  ne  laissent  subsister  aucun  doute  sur  la  liaison  des  deux  faits. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  401 

vrai  dans  l'Occident,  mais  dans  les  provinces  de  l'Orient  qui 
avaient  appartenu  autrefois  au  royaume  d'Alexandre,  les  gou- 
verneurs ont  émis,    pour   circuler  seulement  dans  l'intérieur 
de  leurs  proviuces,  à  un  pied  différent  de  celui  du  denier,  des 
monnaies  d'argent  mises  avec  la  monnaie  d'empire  dans  un 
rapport  légal  qui  leur  est  défavorable.  Ainsi,  en  laissant  de  côté 
les  provinces  plus  petites,  on  frappait  pour  la  Macédoine  et 
l'Achaïe  le  tétradrachme  du  pied  attique,  ayant  un  poids  nor 
mal  de  17  gr.  46  et  valant  au  cours  légal  4  deniers  =  15  gr. 
6  (1);  pour  l'Asie  et  les  provinces  voisines   de  Bithynie,  de 
Lycie  et  de  Pamphyliele  cistophore  d'environ  12  gr.  64,  ayant 
cours  légal  pour  3  deniers  =  11  gr.  7,  et  la  drachme  de  Rhodes 
qui  en  était  le  quart  (2);  pour  la  Syrie  et  la  Gappodoce  le 
tétradrachme  d'Antioche  d'environ  la  gr.  28,  ayant  également 
cours  légal  tpour  3  deniers  et  la  drachme   et  le  didrachme  de 
Gésarée  qui  en  sont  la  moitié  et  le  quart  (3)  ;  pour  l'Egypte  le 
tétradrachme  de  billon  de  Ptolémée  égal  en  poids  à  4  deniers 
environ,   valant  en  argent  environ  un  denier   et  ayant  cours 
pour  cette    valeur  (4).   Ces    monnaies   provinciales  ont    été 
introduites  soit  au  moment  même  de  la  fondation  de  la  province, 
comme  par  exemple  en  Asie,  soit  peu  après,  comme  par  exem- 
ple en  Egypte  par  Tibère,  et,  sauf  les  monnaies  macédoniennes, 
disparues  dès  avant  le  Principat,  elles  ont  continué  à  être  émises 
jusqu'au  troisième  siècle.  Le  caractère  de   ces  émissions  faites 
légalement  par  le  gouverneur  pour   sa   province  se    révèle 
surtout  clairement  dans  les  pièces  macédoniennes  qui  portent  le 
nom  du  pays  Maxsâovwv  et  à  côté  de  lui  celui  du  gouverneur; 
habituellement  la  province  n'est  pas  nommée,  et,  sous  le  Prin- 
cipat, le  nom  du  gouverneur  disparaît  aussi  de  ces  monnaies, 
sur  lesquelles  il  ne  reste  donc  en  général  que    celui  de  l'em- 
pereur. Mais  la  frappe  même  était  sans  doute   faite  constam- 
ment par  les  autorités  des  villes.  Les  anciens  cistophores  por- 


(1)  R.  M.  W.  71.  691  =  tr.  fr.  1,  96.  3,  280. 

(2)  R.  M.  W.  703  =  tr.  fr.  3,  301. 

(3)  R.  M.  W.  712.  716  =  tr.  fr.  3,  315.  319. 

(4)  Rœm.  Gesch.  5,  558.  =  tr.  fr.  11,M61. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  26 


402  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

tent  les  monogrammes  des  villes  qui  les  émettent  dans  la  pro- 
vince d'Asie  et  qui  sont  généralement  les  chefs-lieux  de  cir- 
conscriptions ;  lorsqu'une  portion  de  cette  province  est  soumise 
à  titre  exceptionnel  au  gouverneur  de  Cilicie,  les  lieux  d'émis- 
sion restent  les  mêmes,  et  il  n'y  a  de  changé  que  le  nom  du 
gouverneur.  Sur  les  monnaies  provinciales  d'argent  syro- 
cappadociennes,  qui  sont  principalement  frappées  dans  les 
deux  chefs-lieux  de  province,  on  peut  suivre  les  disgrâces 
d'Antioche,  pendant  lesquelles  la  frappe  est  suspendue  ou 
transportée  ailleurs.  A  l'époque  ancienne,  le  lieu  d'émission 
n'est  pas  indiqué  sur  les  tétradrachmes,  quand  c'est  Antioche, 
mais  il  Test  au  contraire,  quand  la  frappe  a  lieu  ailleurs  par 
exception;  plus  tard,  le  lieu  d'émission  est  régulièrement  in- 
diqué sur  les  pièces  d'argent  provinciales  syro-cappado- 
ciennes  (1).  La  langue  de  ces  monnaies,  qui  tiennent  le  milieu 
entre  les  monnaies  de  l'empire  et  celles  des  villes,  est  tantôt  le 
latin,  tantôt  le  grec,  assez  souvent  les  deux  ;  ce  n'est  habituelle- 
ment le  grec  qu'en  Egypte.  Le  nom  officiel  de  Punité  moné- 
taire donnée  pour  base  à  ces  émissions  est  toujours  Spa^ay;, 
tandis  que  le  denier  d'empire  est  désormais  toujours  appelé 
àvjvàpiov  même  parles  Grecs.  Le  denier  sert  d'unité  de  compte; 
mais  l'Egypte  fait  encore  ici  exception:  on  y  compte  tou- 
jours par  drachmes  et  par  talents,  même  sous  l'Empire.  La 
drachme  provinciale  se  subdivise  selon  le  système  romain,  au 
moin  s  dans  la  province  d'Asie  où  elle  se  partage  en  16  àccàpia  (2); 
au  contraire,  la  drachme  égyptienne  se  divise  encore  sous 
l'Empire  en  6  oboles  et  l'obole  en  8  chalkus. 
Frappe  L'existence  d'une  frappe  de  monnaie  de  cuivre  opérée  par  le 

démontes    gouverneur,  analogue  à  la  frappe  provinciale  de  monnaie  d'ar- 

de  cuivre. 


(1)  R.  M.  W.  712.  715.  =  tr.  fr.  3,  314.  320.  Le  nom  de  la  ville  se  ren- 
contre fréquemment  sur  les  pièces  d'argent  similaires  de  Crète  (p.  721  ==  tr. 
fr.  3,  p.  330).  Ces  frappes  sont  en  partie  urbaines  non  pas  seulement  en  fait 
mais  en  droit  (p.  347,  note  2). 

(2)  C'est  ce  que  montre  la  grande  inscription  d'Éphèse  de  Vibius  Salu- 
taris  (cf.  ma  notice  dans  Sallet,  Numismat.  Zeitschrift,  14,40).  Dans  le  com- 
merce courant,  on  dit  aussi  opoXo;  pour  àaixapiov  (Paul,   Dig.  16,   3,26,  1). 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  403 

gent,  est  attestée  principalement  (1)  pour  la  Sicile,  où  elle  avait 
son  siège  à  Panormos  (2),  pour  l'Egypte,  où  elle  l'avait  à 
Alexandrie,  pour  la  Syrie,  où  elle  l'avait  à  Antioche  (3),  et  pour 
la  Gaule  du  Nord,  où  elle  l'avait  à  Lugudunum  (4);  elle  est 
fréquemment  caractérisée  dans  les  pays  grecs  par  une  légende 
partiellement  ou  complètement  latine. 

D'autres  règles  s'appliquent  aux  menues  monnaies  commu-  Menues  monnaie- 
nales,  aux  pièces  d'argent  des  villes  inférieures  au  denier  et  à 
leurs  pièces  de  cuivre.  Le  droit  de  faire  de  telles  émissions  peut 
être  regardé  comme  un  privilège  avantageux,  non  pas  seulement 
parce  que  l'autorité  qui  fait  l'émission  gagne  nécessairement 
sur  la  petite  monnaie,  mais  aussi  parce  que  l'Antiquité  n'était 
pas  arrivée  à  la  notion  juridique  de  la  monnaie  d'appoint  et  que 
la  menue  monnaie  pouvait  être  employée  même  pour  des  paie- 
ments importants.  Il  est  probable  que  la  petite  monnaie  commu- 
nale a  joué  à  peu  près  le  même  rôle  à  l'époque  romaine  que  de 
nos  jours  en  Italie  les  petites  coupures  de  papier-monnaie  émis 
par  les  villes.  Ce  doit  être  là  le  motif  pour  lequel  la  relation 
existant  entre  la  souveraineté  de  la  cité  et  le  droit  débattre  mon- 
naie s'efface  pour  ainsi  dire  complètement  relativement  à  celui- 
ci.  Il  est,  selon  les  circonstances,  accordé  ou  refusé  à  la  ville 


(1)  La  frappe  de  monnaies  de  cuivre  de  xocvà  qui  se  rencontre  à  de  fré- 
quentes reprises  dans  les  provinces  grecques  (R.  M.  W.  734  =  tr.  fr.  3, 
350)  est  semblable;  les  monnaies  de  Sardaigae  (R.  M.  W.  667  =  tr.  fr.  3, 
240)  et  d'Afrique  (Mùller,  Num.  de  l'ancienne  Afrique,  2,  2)  avec  le  simple- 
nom  du  gouverneur  et  celles  des  très  Gallise  avec  l'autel  du  Rhône  (R.  M. 
W.  613  =  tr.  fr.  3,  268)  appartiennent  aux  émissions  provinciales  de 
cuivre. 

(2)  R.  M.  W.  665  =  tr.  fr.  3,  237. 

(3)  R.  M.  W.  718  =  tr.  fr.  3,  324.  La  marque  S.  C,  qui  se  trouve  sur 
ces  monnaies  de  cuivre  semblables  aux  tétradrachmes  de  la  province  de 
Syrie  et  qui  leur  est  commune  avec  la  monnaie  de  cuivre  de  l'État,  a  évi- 
demment pour  but  de  les  distinguer  des  pièces  de  cuivre  communales  et  de 
leur  assurer  une  circulation  plus  étendue;  mais  ma  supposition  antérieure, 
selon  laquelle  ce  cuivre  de  Syrie  aurait  eu,  comme  celui  frappé  à  Rome,  cours 
dans  tout  l'empire,  ne  concorde  pas  avec  les  trouvailles.  Peut-être  cette 
marque  caractérise-t-elle  seulement  la  monnaie  provinciale  comme  telle,  et 
cette  monnaie  n'a-t-elle  été  mise  qu'en  Syrie  sur  le  même  rang  que  les 
pièces  de  cuivre  de  l'État. 

(4)  R.  M.  W.  683  =  tr.  fr.  3,  268. 


404  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

elle-même,  et  il  se  rencontre  également  chez  des  villes  autono- 
mes, chez  des  villes  non-autonomes  et  même,  sous  le  Principat, 
chez  des  cités  de  citoyens. 

Il  n'a  été  frappé  dans  les  communes  que  peu  de  menue  mon- 
naie d'argent  :  ainsi  à  Syracuse,  aux  commencements  de  la  do- 
mination romaine  (1)  et  surtout,  à  l'époque  de  César  et  d'Au- 
guste, en  Gaule  (2). 

La  frappe  communale  de  monnaies  de  cuivre  a  eu  une 
étendue  bien  plus  large:  elle  se  présente  d'une  façon  très  iné. 
gale.  Certaines  cités  n'avaient  le  droit  de  frapper  que  les  plus 
basses  unités  de  la  petite  monnaie;  d'autres  étaient  invitées  à 
employer  un  pied  différent  de  celui  de  la  monnaie  de  cuivre 
d'empire  et  plus  léger,  évidemment  pour  empêcher  le  mélange 
de  fait  de  cette  dernière  avec  la  monnaie  communale.  Elle  est 
parfois  absolument  exclue.  Sans  parler  de  l'Egypte,  où  il  n'y  a 
pas  de  villes  et  où  son  fondement  fait  défaut,  elle  n'a  été  admise, 
sous  la  République,  ni  en  Gaule  cisalpine,  ni  en  Gaule  transal- 
pine,^ enSardaigne,  ni  en  Afrique,  et  elle  l'a  été  dans  les  deux 
Espagnes,  en  Sicile,  en  Macédoine,  en  Achaïe  et  dans  tout  l'O- 
rient grec.  La  généralité  avec  laquelle  elle  se  présente  dans  les 
régions  où  elle  apparaît  implique  une  concession  générale.  Il  est 
probable  qu'à  l'organisation  de  chaque  province  on  a  posé  à  ce 
sujet  des  règles  d'ensemble  ou  qui  excluaient  d'un  seul  coup  le 
droit  monétaire  ou  qui,  sans  l'accorder  absolument  à  chaque 
cité,  en  rendaient  au  moins  la  concession  plus  naturelle  et  plus 
facile. 


(1)  R.  M,  W.  p.  664  =  tr.  fr.  3,  p.  236. 

(2)  Cette  catégorie  comprend  certainement  le  quinaire  d'argent  de  la  co- 
lonie de  citoyens  de  Lugudunum  de  l'an  113  de  Rome  (Eckhel,  6,  38)  ;  la  pe- 
tite pièce  d'argent  de  la  colonie  latine  de  Gabellio  (R.  M.  W.  675=  tr.  fr. 
3,  253)  et  les  nombreux  quinaires  d'argent  de  la  Gaule  du  Nord  (R.  M.  W. 
684  =  tr.  fr.  3,  270).  C'est  un  point  douteux  de  savoir  si  l'argent  des 
Volques  et  de  la  ville  de  Nemausus  (R.  M.  W.  674  =  tr.  fr.  3,  252)  rentre 
dans  le  même  ordre.  Ce  ne  sont  pas  là  des  pièces  fractionnaires,  mais  des 
drachmes  légères  massaliotes  ;  peut-être  César  a-t-il  donné  à  titre  excep- 
tionnel à  ces  cités  le  droit  de  frapper  de  grandes  pièces  d'argent.  La  condi- 
tion juridique  des  lieux  est,  comme  on  voit,  indifférente  pour  la  conces- 
sion du  droit  de  battre  monnaie. 


LES  SUJETS  NON  AUTONOMES.  405 

Sous  le  Principat,  le  droit  communal  de  battre  monnaie  a 
été  traité  de  même  que  sous  la  République  et  d'abord  avec  une 
plus  grande  libéralité.  Son  application  à  la  Gaule  nouvellement 
soumise,  et  en  particulier  son  extension  déjà  citée  à  la  petite 
monnaie  d'argent  porte  la  marque  des  égards  qui  furent  tou- 
jours témoignés  à  ce  nouveau  territoire  par  son  conquérant.  Les 
villes  d'Afrique  entrent  aussi  désormais  parmi  celles  quibattent 
monnaie,  mais  cependant,  avons-nous  déjà  remarqué  (p.  348), à 
l'exclusion  des  villes  sujettes.  Pourtant  la  tendance  opposée  pré- 
valut bientôt,  au  moins  relativement  à  l'Ouest.  D'une  part,  le  dé- 
sordre des  finances  communales  que  devait  nécessairement  en- 
traîner ce  système  d'emprunts  dissimulés  doit  avoir  poussé  le 
gouvernementàdes  restrictions;  d'autre  part,  la  tendance  centra- 
lisatrice doit  avoir  contribué  à  ne  faire  admettre  qu'exclusive- 
ment la  monnaie  de  l'empire  dans  le  territoire  latin  ou  destiné  à 
être  latinisé.  La  suppression  de  la  frappe  de  monnaies  dans  les 
pays  limitrophes  du  nord  de  l'Italie  et  la  non-extension  du  droit 
de  battre  monnaie  aux  cités  de  citoyens  d'Italie  (1)  et  de  Sicile 
avaient  déjà  constitué  un  premier  pas  dans  cette  voie.  Les  hôtels 
de  monnaie  communaux  de  la  Gaule  furent  probablement  fer- 
més déjà  par  Auguste,  lors  de  l'organisation  définitive  de  cette 
contrée  (2);  ceux  de  Sicile  (3),  d'Afrique  (4)  et  d'Espagne  ulté- 
rieure (y)  disparaissent  sous  Tibère,  ceux  de  l'Espagne  citérieure 
sous  Gaius  (6),  ceux  de  Tingitane  sous  Néron  (7).  —  Tandis 
que  la  frappe  de  petite  monnaie  communale  disparaît  ainsi  en 
Occident,  comme  en  même  temps  celle  de  petite  monnaie  pro- 
vinciale (8),  elle  se  maintient  dans  les  provinces  grecques, à  côté 
de  la  frappe  de  monnaies  provinciales  de  valeur,  jusqu'à  une 


(1)  La  seule  exception  est  Psestum. 

(2)  R.  M.  W.  677.  685  =  tr.  fr.  3,  254.  272. 

(3)  R.  M.  W.  667  =  tr.  fr.  3,  240. 

(4)  R.  M.  W.  671  =  tr.  fr.  3,  248. 

(5)  Zobel  dans  les  Monatsberichte  de  l'Académie  de  Berlin,  1881,    p.  830. 

(6)  Même  art.  p.  828.  Je  ne  vois  pas  de  preuves  suffisantes  de  l'inter- 
ruption de  la  frappe  de  monnaie  de  cuivre  dans  l'Espagne  ultérieure  pen- 
dant le  vue  siècle  de  la  République  qui  est  admise  par  le  même  savant. 

0)  R.  M.  W.  734  =  tr.  fr.  3,  351. 

(8)  Celle  des  trois  Gaules  finit  sous  Néron.  R.   M.  W.  683  =  tr.  fr.  3,  269. 


406  *  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

époque  avancée  du  111e  siècle.  Le  retrait  de  la  quantité  énorme 
de  petites  monnaies  existant  dans  ces  régions  peut  avoir  excédé 
les  moyens  financiers  de  l'empire,  ou  bien  encore  l'énergie  de 
son  chef  avoir  reculé  devant  ce  travail;  les  monnaies  qui  rem- 
plissent nos  musées  ont  contribué  pour  leur  part  à  la  banque- 
route des  communes  plus  profonde  à  l'Orient  qu'à  l'Occident. 
Naturellement  les  petites  pièces  émises  par  les  communes 
et  les  provinces  devaient  être  mises  en  relation  avec  l'unité 
d'argent  de  laquelle  elles  dépendaient.  Dans  les  endroits  où  le 
denier  supplanta  une  ancienne  unité  d'argent,  on  a  procédé, 
même  dans  les  cités  non-autonomes,  comme  à  Naples  et  à 
Athènes  (p.  348).  On  a  maintenu  nominalement  les  dénomina- 
tions et  les  divisions  anciennes,  et  on  a  donné  à  ces  anciennes 
dénominations  une  valeur  fixe  se  rapportant  au  pied  du  denier. 
C'est  sur  ce  procédé  que  reposent  le  talent  de  Syracuse  de 
trois  deniers  ou,  en  d'autres  termes,  la  titra  syracusaine  de 
la  valeur  d'1/40  de  denier  (1),  à  laquelle  se  rattachait  la  mon- 
naie de  cuivre  émise  là.  Mais  en  général,  il  est  probable  qu'on 
a,  surtout  dans  les  cités  sujettes,  abandonné  les  anciennes  dé- 
nominations et  les  anciennes  divisions  et  émis  les  petites  mon- 
naies comme  fractions  soit  du  denier  lui-même,  soit  d'une  des 
drachmes  provinciales  qui  étaient  dans  une  relation  fixe  avec  le 
denier  ;  ainsi  par  exemple  les  monnaies  de  la  province  d'Asie 
doivent  avoir  été  frappées  d'après  le  type  de  la  drachme  pro- 
vinciale de  16  assaries. 


(1)  Festus,  p.  359,  v.  Talentorum.  R.  M.  W.  p.  116  =  tr.  fr.  1,  p.  133.  Le 
talent  de  Sicile  étant  divisé  en  120  litrae,  la  litra  est  d'  1/20  de  sesterce  = 
1/40  de  denier. 


LES  LIEUX  ATTRIBUÉS. 

(SfRlIIJ  -?4>S-772) 


Il  nous  reste  encore  à  étudier  les  lieux  subordonnés  sans  in- 
dépendance à  une  cité  de  l'empire,  les  lieux  qui  lui  sont  «  attri- 
bués »  (1)  ou  qui  sont  «  contribués  »  avec  elle  (2).  Il  n'y  a  pas 


(i)  Cette  expression  est  indubitablement  technique.  César,  B.  G.  7,  76  :  Ipsi 
(au  roi  des  Atrebates  Commius)  Morinos  attribuerai.  B.  G.  1,  9  :  (Boios)  Hœ- 
duis  attribuerai.  Les  Hseduens  concédèrent  des  terres  aux  Boiens  (B.  G.  1,  28) 
et  ceux-ci  leur  durent  par  suite  une  redevance  (B.  G.  7,  10  :  Stipendariis 
Hœduorum).  Décret  de  Claude  de  Tan  46  (C  /.  L.  V,  5050:  Quod  ad  condi- 
cionem  Anaunorum  et  Tulliassium  et  Sindunorum  pertinet,  quorum  partent  de- 
lator  adtributam  Tridentinis,  partem  ne  adtributam  quidem  arguisse  dicitur, 
tametsi  animadverto  non  nimium  firmam  id  genus  hominum  habere  civitatis 
Romanae  originem,  tamen....  patior  eos  in  eo  jure,  in  quo  esse  se  existima- 
verunt,  permanere  benificio  meo.  Pline,  3,  4,  37  :  (Oppida)  XXI1U  Nemausensi- 
bus  attributa.  c.  20,  134  :  Latinijuris  Euganese  gentes,quarum  oppida XXXIIII 
enumerat  Cato  :  ex  his  Trumplini  venalis  cum  agris  suis  populus  (cf.  C.  I.  L. 
V,  p.  515),  dein  Camunni  (cf.  op.  cit.  p.  519)  compluresque  similes  finitimis 
attribidi  municipiis  (Brixia,  Bergomum).  c.  20,  138,  après  Ténumération 
des  peuples  indiqués  sur  le  trophée  des  Alpes  d'Auguste  :  Non  sunt  adjectse 
Cottianse  civitates,  quae  non  fuerunt  hostiles,  item  attributse  municipiis  lege 
Pompeia.  D'après  le  décret  de  Tergeste  (C.  I.  L.  V,  532),  Antonin  le  Pieux 
accorda  à  la  ville  uti  Carni  Catalique  attributi  a  divo  Augusto  rei  publicae 
nostrae....  per  sedilitatis  gradum  in  curiam  nostram  admitterentur  ac  per  hoc 
civitatem  Romanam  apiscerentur.  —  Strabon  (p.  414,  notel)  emploie  le  terme 
général  qui  désigne  les  sujets  Û7rrjxoot,  même  pour  les  attribués. 

(2)  César,  B.  c.  1,  60  :  Oscenses  et  Calagurritani,  qui  erant  cum  Oscensibus 
contributi,  mittunt....  legatos.  Statut  communal  de  Genetiva,  c.  103:  Colonos  in- 
colas contributosque  (selon  la  correction  de  Huschke  :  Ja  table  :  Incolasque  con- 
tribuas) quocumque  tempore  colonise  finium  tuendorum  causa  [(Ilvirum)  arma- 


DénomiQation. 


408  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

de  dénomination  de  lieu  qui  exprime  nettement  ce  rapport  ju- 
ridique; et  c'est  pour  une  bonne  raison  ;  car  un  tel  lieu  n'est 
ni  un  État  ni  une  circonscription.  Par  suite  le  nom  de  civitas  (1) 
et  ses  synonymes  ne  s'y  appliquent  pas  exactement,  ni  encore 
moins  pagus  et  les  autres  expressions  appartenant  au  môme 
cercle  (2).  On  recourt  à  des  termes  tels  que  cas  te  Hum,  qui  dési- 
gne un  établissement  défendu  par  des  murailles  comme  Yurbs, 
mais  plus  petit  et  sans  caractère  urbain  (3),  et  à  d'autres  mots 
dépourvus  de  signification  politique  (4). 
Définition.  Tandis  qu'on  ne  peut  établir  l'existence  de  localités  attri- 
buées à  aucune  cité  sujette  (5),  nous  en  trouvons  auprès  de 
villes  latines  (6)  et  en  général  de  villes  autonomes  (7)  et  même 
au  moins  depuis  César  auprès  de  cités  de  citoyens  romains  (8). 


tos  educere  censuerint.  Pline,  3,  3,  18  :  Civitates  provincia  (Hispanise  citerions) 
prœter  contributas  aliis  CCXCIIl  continet.  §  20  :  Colonia  Ilici...  in  eam  contri- 
buuntur  lcositani...  4,  22,  117  :  Contributa  sunt  in  eam  (la  colonie  de  Norba) 
Castra  Servilia,  Castra  Cxcilia.  Mais  contribuere  désigne  en  général  le  pas- 
sage dans  un  autre  cercle  ;  ainsi  dans  Golumelle,  3,  3,  2  :  In  Gallico  (agro) 
gui  nunc  Piceno  contribuitur,  et  dans  Pline,  3,  11,  99  :  Contributa  eo  (avec  la 
ville  grecque  de  Tarente)  maritima  colonia  quœ  ibi  faerat.  14,  6,  62  :  Urbanam 
coloniam  Sullanam  nuper  Capuse  contributam,  sans  que,  comme  dans  attri- 
buere,  cela  implique  la  subsistance  après  le  passage. 

(1)  Pline,  3,  3,  18.  c.  20,  138.  Civitas  paraît  être  aussi  employé  de  cette  fa- 
çon dans  des  inscriptions  (C.  I.  L.  V,  p.  1195). 

(2)  La  différence  absolue  des  divisions  agraires  du  territoire  civil  (VI,  1, 
p.  130  et  ss.)  et  des  localités  attribuées  se  montre  même  dans  la  terminologie  ; 
néanmoins  leur  identification  est  une  chose  traditionnelle. 

(3)  Castellum  dans  le  décret  de  Genua  et  dans  Frontin  (p.  411,  note  2);  les 
castellani  Vervasses  du  val  di  Non  {C.  L  L.  V,  5059)  rentrent  aussi  dans  cet 
ordre  d'idées. 

(4)  Conciliabulum  dans  Frontin,  loc.  cit.,  à  côté  de  castellum  ;  gens  :  Pline, 
3,  20,  134,  et  Tarife,  Hist.  3,  34;  oppidum  :  Pline,  3,  4,  31.  c.  20,  134.  La  xwjxyi 
de  Strabon  appartient  aussi  à  ceci  ;  car  il  ne  lie  à  ce  mot  aucune  idée  politi- 
que (VI,  1,  p.  135,  note  5). 

(5)  La  sujétion  romaine  ayant  la  forme  d'une  pseudo-autonomie,  ce  régime 
aurait  pu  leur  être  étendu.  Et  c'est  peut-être  par  hasard  que  nous  n'en  avons 
pas  d'exemple.  Lorsque  Pompée  organisa  le  Pont  selon  le  type  urbain,  il  eût 
été  naturel  d'employer  là  la  forme  de  l'attribution  (p.  355,  note  2);  et  les 
Romains  se  sont  trouvés  bien  des  fois  dans  la  même  situation. 

(6)  Selon  Pline,  3,  20,  138  (note  1),  la  loi  qui  donna  la  latinité  aux  villes 
de  la  Gaule  cisalpine  partagea  entre  elles  une  certaine  quantité  de  peu- 
ples montagnards.  D'autres  exemples  plus  loin. 

(7)  Genua  en  donne  un  exemple  (p.  409,  note  1). 

(8)  Les  attributions    faites  aux  villes  de  la  Gaule  cisalpine  lorsqu'elles 


LES   LIEUX  ATTRIBUÉS.  409 

Cette  forme  a  été  spécialement  employée  pour  faire  rentrer 
dans  la  constitution  urbaine  de  l'empire  les  petits  districts  im- 
propres à  l'organisation  en  villes;  ainsi  en  particulier,  dans  l'or- 
ganisation du  territoire  cisalpin  selon  le  type  italique,  les  peu- 
ples montagnards  furent  placés  de  cette  façon  sous  l'autorité 
des  différentes  cités  urbaines,  soit  dès  le  temps  de  la  Républi- 
que (i),  soit  sous  Auguste  (2).  La  cité  qui  n'est  pas  organi- 
sée selon  le  système  urbain,  qui  peut  être  sous  la  domination 
directe  de  Rome  comme  cité  autonome  (p.  313,  note  1)  ou  sujette 
(p.  356  tt  ss.),  se  présente  ici  à  nous  dans  son  organisation  en 
village,  mise  dans  un  rapport  de  subordination  indirecte  par 
son  attribution  à  une  ville  dépendant  de  Rome. 

La  localité  attribuée  est,  quant  à  sa  situation  juridique,  une  indépendant 
cité,  en  ce  que  l'on  en  dépend,  comme  on  fait  partie  de  tout 
autre  peuple,  à  titre  durable  et  héréditaire,  indépendamment 
de  la  résidence  ;  elle  est  aussi  une  cité  en  ce  que  ses  membres 
ne  sont  ni  des  citoyens  ni  des  habitants  de  la  cité  dominante, 
mais  ont  leur  statut  personnel  propre  existant  en  lui-même. 
Ainsi  les  membres  de  la  colonie  de  Genetiva,  en  laissant  de 
côté  les  habitants  qui  ont  ailleurs  leur  droit  d'origine  (incolas) 
se  divisent  en  cives  et  en  contributi  (p.  407,  note  2),  et  Pline  re- 


reçurent la  latinité  leur  sont  restées  même  après  qu'elles  eurent  reçu  le  droit 
de  cité  en  705.  Les  attributions  faites  à  Brixia,  à  Bergomum,  à  Tridentum,  à 
Tergesle,  dans  le  territoire  cisalpin,  à  Genetiva,  à  Norba,  à  Ilici,  en  Espa- 
gne, en  sont  d'autres  exemples. 

(1)  La  plus  ancienne  application  qui  nous  soit  connue  de  ce  système  est 
sans  doute  celle  indiquée  par  Tacite,  Hist.  3,  34,  relativement  à  la  colonie 
latine  de  Crémone  fondée  en  536  :  Adnexu  conubiisque  gentium  adolevit  flo- 
ruïtque.  Ensuite  vient  la  sentence  arbitrale  de  l'an  638  de  Borne  (C.  I.  L. 
I;n.  199  =  V,  7749),  prononcée  par  les  patrons  romains  de  la  ville  de  Genua 
alors  fédérée  dans  un  litige  relatif  au  droit  à  certaines  terres  survenu  entre 
elle  et  l'une  de  ses  localités  attribuées,  les  Castellani  Langenses  Vituri  (actuel- 
lement Langasco),  où  sont  également  cités  incidemment  quatre  autres  vil- 
lages placées  dans  la  même  relation  avec  Genua  (Odiates,  Dectunines,  Cavatu. 
rines,  Mentovines).  Il  a  été  appliqué  avec  une  plus  grande  étendue  lors  de 
l'organisation  de  la  Gaule  cisalpine  en  665. 

(2)  Auguste  a  placé,  sans  doute  à  la  suite  de  la  soumission  des  peuples 
des  Alpes,  les  Garni  et  les  Gatali  sous  l'autorité  de  Tergeste,  les  Trumplini 
et  les  Camunni  que  le  trophée  désigne  en  même  temps,  sous  celle  de  Brixia 
ou  de  Bergomum. 


410  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

marque,  dans  le  compte  des^cités  espagnoles,  que  les  cités 
contribuées  n'y  sont  pas  comprises  (loc.  cit.),  ce  qui  implique 
chez  elle  une  certaine  indépendance  et  une  certaine  similitude 
avec  les  cités  qui  sont  comptées.  Le  statut  personnel  n'est  pas 
le  même  que  dans  la  cité  dominante,  et  il  est  inférieur  (1);  les 
lieux  attribués  à  une  cité  de  citoyens  romains  ont  fréquemment 
le  droit  latin  (2),  ou  sinon  le  droit  pérégrin  (3),  et,  si  une 
localité  de  cette  catégorie  parvient  au  droit  de  cité  romaine, 
elle  sort  en  même  temps  de  cette  condition;  elle  est  constituée 
en  cité  propre  de  citoyens  (4),  ou  bien  son  peuple  se  confond 
dans  celui  de  la  cité  qui  la  dominait  antérieurement  (5).  C'est 
exactement  la  même  relation  que  nous  voyons  exister,  dans  la 
Rome  la  plus  ancienne,  entre  patriciens  et  plébéiens,  un  double 
droit  de  cité  dans  le  même  État  (6)  :  toute  la  différence  est 
que  les  plébéiens  de  la  cité  romaine  nous  apparaissent  comme 
une  unité,  tandis  que  les  attribués  des  Genuates  se  divisent  en- 
tre un  certain  nombre  de  localités.  Pour  les  attribués,  la  loca- 


(1)  Le  fait  que  Nemausns,  elle-même  de  droit  latin  (Pline,  3,  4,  36),  com- 
mandait à  vingt-quatre  localités  également  latines  (p. 407,  note  1  ;  p.  414,  note 
1)  n'est  pas  une  objection;  car  le  droit  latin  n'est  qu'une  expression  abréviative 
par  laquelle  on  désigne  un  certain  nombre  de  statuts  municipaux  plus  ou 
moins  concordants.  Les  lieux  attribués  à  Nemausus  étaient  de  pire  con- 
dition que  Nemausus  même,  montre  leur  défaut  de  magistratures  propres. 

(2)  Gela  est  dit  expressément  des  Trumplini  et  Gamunni  placés  sous 
l'autorité  de  Brixia  ou  Bergomum  (p.  407,  note  1)  et  des  vingt-quatre  loca- 
lités de  Nemausus  (p.  414,  note  1). 

(3)  Le  droit  accordé  par  Antonin  le  Pieux  aux  Garni  et  aux  Catali  d'être 
candidats  aux  magistratures  de  Tergeste  étant  absolument  pareil  à  celui  des 
localités  de  Nemausus,  il  leur  a  évidemment  accordé  précisément  le  droit 
latin;  par  conséquent,  ils  avaient  été  attribués  par  Auguste  à  Tergeste 
comme  sujets  de  droit  pérégrin. 

(4)  Il  en  est  ainsi  de  Galagurris,  ville  qui,  contribuée  avec  Osca  du  temps 
de  César  (p.  407,  note  2),  est  cependant  sans  doute  la  Galagurris  Nassica 
citée  par  Pline,  3,  3,  24,  comme  cité  de  citoyens  romains;  probablement  aussi 
des  Gamunni  (p.  412,  note  2). 

(5)  Il  en  est  ainsi  des  Anauni  et  autres  :  Genus  hominum,  écrit  l'empereur 
Claude,  ita  permixtum  cum  Tridentinis,  ut  diduci  ab  is  sine  gravi  splendi[di] 
municipi  injuria  non  possit. 

(6)  Par  là  est  tirée  la  ligne  de  démarcation  juridique  entre  la  localité  at- 
tribuée et  la  simple  possession  située  hors  du  territoire  :  les  Athéniens  de 
Délos  ne  sont  pas  différents,  quant  au  droit  de  cité,  de  ceux  qui  habitent  dans 
FAttique  ;  mais  les  Langenses  ne  sont  pas  citoyens  de  Genua. 


LES   LIEUX  ATTRIBUÉS.  4H 

lité  attribuée  joue  légalement  le  rôle  de  cité  d'origine  (1);  elle 
a  son  territoire  propre  sur  lequel  elle  statue  comme  la  cité 
dominante  sur  le  sien  et  qui  est  susceptible  de  propriété  com- 
plète selon  le  droit  de  la  ville  dominante;  mais,  la  localité  n'é- 
tant pas  regardée  comme  un  populus,  ce  territoire  est  désigné 
comme  un  ager  privatus  (2). 

La  localité  attribuée  ne  possède  pas  de  droits  de  souverai-       Absence 

x  des  droits 

neté.  C'est  par  là  surtout  qu'elle  se  distingue  de  la  cité  cliente,  de  souveraineté. 
mise  avec  son  chef-lieu  dans  une  relation  qui,  avons-nous  vu 
(p.  295)  n'est  admise  dans  le  sein  de  l'État   romain   qu'avec 
Rome  même.  En  particulier,  la  localité  attribuée  n'a  ni  juri- 
diction  ni  magistrats  propres  ;   non  seulement  on  ne  trouve 


(1)  Parmi  les  indications  de  patrie  qui  se  trouvent  sur  Jles  inscriptions 
militaires,  trois  nomment  des  lieux  attribués  :  l'inscription  d'Aquileia  (C.  7. 
L.,  V,  926)  :...  [legionis  s]eptumx  gem.  dom.  Sestestatio{ne)  ;  car  Sextantio  peut 
être  considéré  avec  une  certitude  suffisante  comme  un  des  vingt-quatre  lieux  de 
Nemausus  (p.  414,  note  1)  ;  celle  de  Chàlons-sur-Saône  {Hermès,  19,  71)  :  Albanus 
Excingi  f.  eques  ala  Asturum  natione  JJbius  ;  car  la  forme  de  nom  pérégrine, 
inouïe  dans  les  autres  inscriptions  d'habitants  de  Cologne,  et  la  désignation 
des  Ubii  au  lieu  de  l'expression  ordinaire  Claudia  Ara  suggèrent  cette  idée  ; 
enfin  une  inscription  du  temps  d'Auguste  récemment  découverte  dans  le  voi- 
sinage d'Œscus,  en  Mésie  inférieure  (Arch.  Mitth.  aus  Œsterreich,  10,  504)  : 
L.  Plinius  Sex.  f.  Fab.  clomo  Trumplia  mil.  leg.  XX,  où  l'on  emploie  la  forme 
de  désignation  de  la  patrie  urbaine  pour  ce  Trumplinus  parce  qu'il  sert  par 
exception  dans  les  légions;  la  tribu  est  la  tribu  Fabia,  qui  est  celle  des 
Brixiani  auxquels  la  localité  était  attribuée.  Mais  les  soldats  de  nom  ro- 
main qui  servent  dans  les  divisions  de  non-citoyens  et  qui  indiquent  des 
colonies  comme  leur  patrie,  ne  peuvent  pas  être  rattachés  à  des  lieux  attri- 
bués, mais  à  des  colonies  de  droit  latin  {Hermès,  16,  472.  19,  69). 

(2)  Les  localités  attribuées  avaient  un  territoire  tout  comme  celles  dont 
elles  dépendaient  :  cela  n'a  pas  besoin  de  preuve  ;  celui  des  Camunni,  par 
exemple,  devient  plus  tard  territoire  de  ville.  C'est  aussi  ce  que  veut  dire 
Frontin,  Grom.  p.  35,  quand  il  appelle  le  sol  en  Italie  aut  colonicus  aut  muni- 
cipalis  aut  alicujus  castelli  aut  conciliabuli  aut  saltus  privati.  La  sentence  ar- 
bitrale de  Genua  donne  même  une  termination  précise  sous  le  titre  de  Lan- 
gatium  fineis  agri  privati  et  la  fait  précéder  par  les  mots  :  Qua  ager  privatus 
casteli  Veturiorum  (=  Langatium)  est,  quem  agrum  eos  vendere  heredemque 
sequi  licet,  is  ager  vectigal{is)  nei  siet.  Naturellement  Y  ager  privatus  casteli 
n'est  pas  le  sol  tombé  fortuitement  sous  la  propriété  des  divers  castellani, 
qui  est  comme  collectivité  impropre  à  une  termination  durable  ;  il  doit  être 
entendu  comme  Yager  publicus  populi  Romani,  ce  sont  les  terres  soumises  au 
statut  local  de  ce  cas  te  llum,  qui  sont  possédées  par  la  totalité  des  castellani, 
ou  transformées  par  eux  en  propriété  privée. 


412  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

jamais  la  mention  de  tels  magistrats  (1);  mais,  leur  absence 
est  indiquée  par  le  fait  que,  lorsque  le  droit  latin  est  ac- 
cordé à  la  localité  attribuée,  ses  membres,  pour  pouvoir 
user  du  mode  d'acquisition  de  la  cité  romaine  lié  à  ce  droit, 
sont  admis  à  briguer  les  magistratures  dans  la  cité  domi- 
nante (2).  La  justice  ne  peut  avoir  été  rendue  que  par  les 
magistrats  de  la  ville  suzeraine.  En  général,  les  autorités  qui 
administraient  la  justice  dans  la  ville  peuvent  avoir  suffi  à  cet 
office  ;  dans  les  grands  territoires,  il  y  avait,pour  les  représen- 
ter, des  prœfecli  jure  dicundo  (3).  Le  cens  ne  peut  également 
avoir  été  fait  que  paries  magistrats  de  la  cité  dominante; 
mais,  si  cette  cité  était  une  cité  de  citoyens  romains  et  si  sun 
cens  était  par  suite  une  portion  du  cens  général  des  citoyens, 
il  ne  s'étendait  pas  aux  membres  de  la  cité  attribuée  et  leurs 
listes  n'étaient  pas  envoyées  aux  censeurs  de  Rome  (4).  Dans 
le  litige  entre  Genua  et  ses  villages,  ce  sont  les  autorités  de 
Genua  qui  statuent  (5),  tout  comme  les  autorités  de  Rome 
dans  les  différends  existant  entre  elle  et  ses  cités  sujettes.  Au 
reste,  la  localité  attribuée  a,  en  pareil  cas,  le  droit  de  recours 
au  sénat  romain  et  plus  tard  à  l'empereur  (6). 

(1)  Le  princeps  TrumplinorumJC .  1.  L.  V,  4910,  ne  fait  que  le  confirmer.  Les 
centonari  Ugernenses  (C.  I.  L.  XII,  2824)  ne  font  pas  non  plus  obj action. 

(2)  Il  en  est  ainsi  des  localités  de  Nemausus  (p.  414,  note  1)  et  de  Ter- 
geste  (p.  407,  note  1).  J'ai  admis  le  contraire  relativement  aux  Gamunni 
(C.  1.  L.  Y,  p.  519);  mais  leurs  duoviri  jure  dicundo  doivent  plutôt  apparte- 
nir à  l'époque  postérieure  de  leur  indépendance. 

(3)  Inscription  de  Formiœ  du  commencement  de  l'époque  d'Auguste, 
C.  /.  L.  X,  6104  :  Carthag(ine)  sed(ilis),  prse(fectus)  jiure)  d(icundo)  vectig(ali- 
busque)  quinq(uennalibus  ?)  locand(is)  in  castell(is)  LXXXIIL  Les  prétendues 
colonies  dépendantes  de  Cirta,  Rusicade,  Chullu  et  Mileu,  ont  probablement 
été  à  l'origine  des  préfectures  de  cette  espèce  (Hermès,  1,  62).  C'est  sans  doute 
aussi  à  elles  que  se  rapporte  Siculus  Flaccus,  p.  160  :  Prœfecturae  appellan- 
tur...  ex  eo  quod  in  diversis  regionibus  magistratus  coloniarum  juris  dictionem 
mittere  soliti  sunt. 

(4)  La  restriction  du  cens  municipal  italique  dans  la  loi  de  César,  ligne 
142,  aux  municipes  quei  cives  Romanei  erunt  ne  peut  être  rapportée  qu'aux 
lieux  attribués.  Il  est  moins  certain  qu'on  puisse  en  conclure  que  leurs  mem- 
bres aient  la  qualité  de  municipes  de  la  cité  dominante. 

(5)  La  sentence  arbitrale  des  patrons  invite  les  Genuates  à  mettre  en  li- 
berté dans  les  six  mois  les  habitants  des  villages  condamnés  et  gardés  en 
prison  ob  injourias. 

(6)  P.  338,  note  1.  La  sentence    arbitrale  des  Genuates  rendue  par  leurs 


LES    LIEUX  ATTRIBUÉS.  413 

Relativement  au  service  militaire,  tout  ce  que  nous  savons  Service  militaire. 
pour  l'époque  ancienne,  c'est  que,  comme  l'indique  le  statut  de 
Genetiva  (p.  407  note  2),  les  magistrats  urbains  peuvent  ap- 
peler ces  sujets  sous  les  armes  comme  les  citoyens.  On  ne  sait 
pas  s'ils  sont  compris  dans  le  contingent  fourni  du  temps  de 
la  République.  La  conscription  d'Auguste,  qui  s'adresse  aux 
personnes  et  non  aux  communes,  s'est  nécessairement  étendue 
aux  attribués  (1). 

Quant  à  l'obligation  au  paiement  de  redevances,  les  villages  obligation 
de  Genua  étaient,  d'après  le  plus  ancien  de  nos  documents, 
en  face  de  Genua  exactement  dans  la  même  situation  que  les 
cités  latines  en  face  de  Rome  (p. 3 11):  ils  étaient  libres  de  la  taxe 
foncière  quant  à  leur  pseudo-territoire;  mais  il  leur  était  remis 
en  possession  et  en  jouissance,  soit  en  vertu  d'une  libre  déci- 
sion de  la  cité  suzeraine,  soit  sous  l'influence  de  Rome,  certaines 
parcelles  des  terres  communes  de  Genua,  pour  lesquelles  le 
village  devait  payer  au  trésor  de  la  ville  de  Genua  une  taxe 
foncière,  soit  en  argent,  soit  en  une  fraction  des  fruits  (2). 
La  disposition  de  ce  sol  appartient  au  village;  seulement  il  ne 
peut  le  donner  à  cultiver  qu'à  un  membre  du  village  ou  à  un 
citoyen  de  Genua,  et  le  détenteur  a  de  son  côté  une  rente  fon- 
cière à  payer  au  village  (3).  Les  villages  apparaissent  déjà  là 


patrons  commis  par  le  sénat  finit  en  disant  que,  s'il  renaît  des  difficultés 
entre  les  parties,  elles  pourront  s'adresser  à  eux  de  nouveau. 

(1)  Gf.  p.  411,  note  1.  C'est  encore  établi  par  la  cohors  Trumplinorum 
(C.  1.  L.  V,  4910),  et  en  outre  par  le  soldat  de  la  21e  légion  M.  Gurisius  Sabi- 
nus,  C.  I.  L.  V,  5033,  qui  appartient  certainement  à  une  localité  dépendant 
de  Tridentum  (cf.  Hermès,  4,  116). 

(2)  La  redevance  annuelle  s'élève  à  400  victoriats  (=300  deniers  =  250  fr.) 
ou,  en  cas  de  non-paiement,  au  vingtième  des  céréales  et  aujsixième  du  vin. 

(3)  La  sentence  arbitrale  commence  par  confirmer  la  possession  de  fait, 
telle  qu'elle  existait  au  1er  sextilis  de  l'année  en  cours  ;  le  droit  de  dispo- 
sition du  village  entre  en  vigueur  pour  les  fractions  qui  étaient  alors  libres 
ou  qui  le  seraient  devenues  depuis.  La  façon  dont  dispose  le  village,  soit  en 
attribuant  la  possession  à  titre  durable  moyennant  le  paiement  régulier  de 
la  redevance  foncière,  soit  en  l'attribuant  à  temps,  soit  encore  par  exemple 
en  faisant  de  la  terre  une  pâture  publique,  dépend  de  sa  fantaisie:  seule- 
ment, dans  le  dernier  cas,  les  règles  générales  établies  pour  les  pâtures  publi- 
ques situées  dans  le  territoire  de  Genua  s'appliquent,  et  les  Genuates  sont 
notamment  admis  à  en  jouir  à  côté  des  membres  du  village. 


414  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

dans  une  certaine  mesure  comme  tenus  au  tribut  envers  la 
ville  de  Genua;  mais  cette  organisation  a  été  plus  tard  généra- 
lisée et  le  droit  des  sujets  romains  étendu  à  ces  subordonnés 
des  sujets  :  il  en  est  ainsi  par  exemple  pour  Nemausus  (1). 
Le  droit  de  s'administrer  eux-mêmes  et  les  organes  qu'il  exige 
ne  peuvent  donc  pas  avoir  fait  complètement  défaut  à  ces  vil- 
lages :  ils  reçoivent  de  la  cité  suzeraine  des  fonds  de  terre  en 
jouissance,  les  attribuent  à  leur  gré  et  soutiennent  même  des 
procès  avec  cette  cité  (2).  Il  est  aussi  expressément  reconnu 
que  l'assemblée  des  membres  du  village  statue  par  des  déci- 
sions prises  à  la  majorité  (3).  Mais  nous  ne  savons  qui  préside 
la  réunion,  ni  qui  exécute  ses  décisions;  le  village  n'a  pas  de 
magistrats  propres.  Les  institutions  religieuses  ne  leur  ont  cer- 
tainement pas  fait  défaut;  cependant  il  n'est  question  nulle 
part  de  temples  ni  de  prêtres  leur  appartenant. 
Droit  privé.  En  droit  privé,  les  membres  des  localités  attribuées  ont  pro- 
bablement le  commercium  avec  ceux  du  chef-lieu  (4);  il  est 
difficile  qu'ils  aient  eu  le  conubium  en  règle  générale  (o);  ici 

(1)  Strabon,  4,  1,  12,  p.  186  :  NefjLaya-oç....  v-rcïixoou;  ïyei  xcojxaç  Terrapaç  xal 
eixoai  xtov  ô^osôvâiv  e-javSpîa  S-.açcpoûcraç,  a-uvTcXo'Jaaç  elç  a-jxrjv,  è'/ouc-aç  (les 
Mss  )  xoù  io  xa),ou[X£vov  Aâriov,  mots  xoùç  àHia)6évTaç  àyopavo^ta;  xai  xafjuei'aç 
èv  Netiaucrw  TwjjLaio-jç  vtizç'/zw .  On  peut  rapporter  à  cela  avec  vraisem- 
blance la  liste  trouvée  à  Nîmes  de  onze  noms  de  lieux  parmi  lesquels  Uger- 
num,  Sextantio  et  Ucetia  sont  connus  par  d'autres  témoignages  (C.  I.  L.  XII, 
3362  ;  cf.  Hirschfeld,  même  ouvrage,  p.  346).  Jjesvectigalia  de  quatre-vingt- 
trois  villages  du  territoire  de  Garthage,  qui  sont,  semble-t-il,  affermés  de 
cinq  ans  en  cinq  ans  (p.  412,  note  3),  sont  probablement  des  dîmes  du  sol. 
Le  Trumplinus  immunis  Cœsaris  (C.  I.  L.  V,  4910)  appartient  sans  doute  au 
même  ordre  de  faits. 

(2)  En  dehors  du  litige  entre  la  ville  de  Genua  et  les  Castellani  Langenses 
c'est  certainement  encore  le  cas  de  celui  entre  la  ville  de  Comum  et  les  Ber- 
galei  (Val  Pregaglia  près  de  Chiavenna)  cité  dans  le  décret  de  Tridentum 
(p,  407,  note  1). 

(3)  La  possession  est  concédée  de  majore  parte  (plutôt  majoris  partis) 
Langensium  Viturium  sententla. 

(k)  Dans  la  sentence  arbitrale  de  Genua,  le  même  droit  de  possession  est 
accordé  avec  une  telle  constance  aux  Langenses  et  aux  Genuates  sur  les 
terres  publiques  genuates  concédées  aux  Langenses  qu'on  ne  peut  douter  de 
leur  assimilation  quant  à  Yager  privatus.  Il  est  aussi  incroyable  que  le  ter- 
ritoire des  Camunni  par  exemple  ait  été  exclu  du  droit  foncier  italique 
alors  que  ce  droit  était  accordé  même  à  quelques  peuples  voisins  non-ita- 
liques. 

(5)  C'est  dans    la  logique  juridique;    et  ce  que  dit    Tacite    de   Gremona 


LES   LIEUX   ATTRIBUÉS.  413 

aussi  le  rapport  doit  avoir  été  le  môme  qu'entre  patriciens  et 
plébéiens. 


Les  cités  de  sujets  romains  cédées  au  point  de  vue  financier       camion 

des  rf*fl6Vcinc6s 

à  une  ville  fédérée,  dont  il  a  déjà  été  question  dans  la  théorie  des  sujets  à  une 

ville  autonome. 

des  Alliés  (p.  695,  note  2),  ne  sont  pas,  au  sens  propre,  de  même 
nature.Mais  cependant  nous  devons  les  mentionner  ici. Les  cités 
sujettes  romaines,  qui,  sans  préjudice  de  leur  conditions,  ont 
déléguées  avec  leurs  prestations  à  des  villes  alliées,  se  rappro- 
chent plus  des  localités  attribuées  que  les  portions  de  terrain 
qui  sont  directement  données  à  des  villes  libres  en  dehors  de 
leur  territoire  et  auxquelles  manque  la  faible  quantité  d'indé- 
pendance accordée  aux  localités  données.  Celât  s'est  produit 
d'après  des  témoignages  certains,  pour  les  villes  et  les  îles  con- 
cédées par  Sulla  aux  Rhodiens  (1)  et  pour  les  territoires  don- 
nés par  lui  à  la  ville  de  Stratonikeia(2).  Les  droits  productifs 
appartenant  aux  Romains  par  rapporta  ces  lieux,  en  particulier 
les  taxes  basées  sur  la  propriété  du  sol,  qu'elles  consistassent  en 

(p.  409,  note  1)  peut  aussi  bien  et  même  mieux  être  entendu  de  cette  façon  que 
d'une  autre. 

(1)  Gicéron,  Ad  Q.  fr.  1,  1,  11,  33:  Non  esse  leniores  in  exigendis  vectiga- 
libus  Grœcos  quam  nostros  publicanos  hinc  intellegi  pofest,  quod  Caunii  nuper 
omnesque  ex  insulis,  quœ  erant  ab  Sulla  Rhodiis  attributœ  (cf.  Appien,  Mithr. 
61),  confugerunt  ad  senatum,  nobis  ut  potins  vectigal  quam  Rhodiis  pender  en  t. 
Strabon,  14,  2,  3,  p.  652.  Gicéron,  Brut.  90,  312. 

(2)  Dans  le  sénatus-consulte  rendu  en  faveur  de  la  ville  libre  de  Stra- 
tonikeia,  qui  est  du  temps  de  Sulla  (Bull,  de  Corr.  hell.  9,  437),  il  y  a,  dans 
la  proposition,  ligne  46  et  ss.  :  Qzprpcrov,  KspatJiov,  -/topea  [zwjxa:  Xtpivac  te 
y.ai  KpocôSouç]  rcoXeiov,  wv  Aeuxioç  Kopv[r,Xioç  5-jXXa;....  upoa-coptaev  a"JV£^copr,a-£v 
otmz  r]a-jra  aùtoï;  e-/etv  §Ç[ffl,  et  corrélativement  dans  le  dispositif,  ligne  86 
et  ss.  "A;  xi  ttvaç....  [Aeuxioç  2vX]Xaç....  [avxjoïç  Tipoa-copca-ev  auv£-/wpr,o-ev  , 
•jttoXiTecaçTCpoCToSo'jç  y.w]pia  -/.tôjj.aç  Xijiivaç  te,  touto[iç  ?va  Ta-jra  ïyv.v  s;r(],  en 
outre,  ligne  94  :  ["OtiwJ;  tô  Aeâxtoç Kopv^Xt[oç  SuX]Xaç....  oixtàxtop....  a;  aùxbç 
aÙTOxpctTwp  ETpaTOVixeOfftv  itoXijretac  y.]to[j!.aç -/copaç  Xtjiéva;  tô  upoo-copiasv,  èTityvâS 
SiataÇin,  [uaaç  Ixaarif)]  rcpoor68ouc  SrpaTovtxeOa-tv  teX^  oaov  Sa  SiaraÇr},  Tipoç  rauxaç 
tàç icoXtTetaç,  àç  Sr^faTOvixewffiv]  «po<rwpi<rev,  YpaixjxaTa  àrcoarsiX?],  Tva  too-otjtov 
t[éXoç]  SrpaTovixsOatv  réXtoariv.  Il  faut  entendre  dans  le  même  sens  Pausanias 
citani  des  villes  de  Laconie  (rjvTsXouaaç  èç  SuàpTY)v  xai  oùx  aÙTOv6(xou; 
(3  ,21,  7  ;  cf.  4,  30,  1). 


416  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

une  somme  fixe  ou  en  une  quote-part  des  fruits,  les  droits  de 
douanes  et  les  autres  droits  de  même  espèce  passaient  par  là  à 
la  ville  fédérée,  tandis  qu'au  point  de  vue  politique  l'adminis- 
tration restait,  après  comme  avant,  partie  aux  autorités  loca- 
les et  partie  aux  magistrats  romains  (1). 


(1)  Les  Gaunii  étaient  soumis  à  la  juridiction  du  gouverneur  d'Asie, 
montre  la  lettre  de  Gicéron,  Ad  fam.  13,  56,  3.  C'est  aussi  pour  cela  que 
Dion  Chrysostome  dit,  Rhod.  p.  349  M.  :  (Kauvioc)  ôouXsuo'ja-i  où/  ùfiïv 
(xovocç,  àX)>à  xoù  cPcù[xa:oi,',  81 '  'jtcspPoXyjv  àvotaç  xai  (xo-/6r,p!aç  8ntXr,v  aÛTOÏ;  rr|V 

SouXecav  xaTaaxe'jào-avTec. 


LE  DROIT  MUNICIPAL  ET  SES   RAPPORTS  AVEC   L'ETAT. 

(SfR  lll,»  773-2*3) 


L'organisation   municipale  de  l'État  romain  n'est  pas  une       Lariiie 

°  *  dans  l'Etat 

portion  intégrante  du  droit  public,  et  il  n'y  a  pas  à  l'y  expli- 
quer (l).  Mais  cependant  nous  ne  pouvons  omettre  d'étudier  la 
situation  occupée  par  la  cité  municipale  en  face  de  l'État,  de 
caractériser  l'action  que  l'État  exerce  par  l'intermédiaire  des 
villes.  Le  développement  du  municipium  dans  le  sein  àupopu- 
lus,  ou,  ce  qui  n'est  qu'une  autre  expression  de  la  même  idée, 
le  développement  de  la  ville  en  face  de  l'État,  constitue  l'essence 
de  l'histoire  de  Rome,  et  l'organisation  municipale  a  été  la 
forme  finale  donnée  à  l'autonomie  dépendante,  la  libération  de 
cette  institution  de  sa  double  imperfection  :  la  prédominance 
d'une  ville  sur  beaucoup  d'autres  et  la  souveraineté  contradic- 
toire d'États  clients.   De  môme  que  la  République  fut  conduite 
finalement,  par  une  nécessité  logique,    à  substituer  à  la  ligue 
des    villes  italiques  la  Borna  communis  patria,    le  Principat 
finit  par  transformer  toutes  les  cités  provinciales,  d'abord  en 
villes  en  forme,  puis  en  villes  de  citoyens..  Les  résultats  de 
cette   évolution,   conservés  dans  les  recueils  juridiques,  ont, 
spécialement  par  l'intermédiaire  de  ces  recueils,  exercé  une  in- 
fluence puissante  et  souvent  bienfaisante  sur  le  développement 

(1)  V.  tome  I,  la  partie  préliminaire,  sur  les  magistrats  municipaux. 
Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2e  p.  27 


418  DROIT  PUBLIC   ROMAIS. 

de  l'Etat  et  de  la  commune,  qui  est  la  base  de  notre  civilisation . 
Naturellement,  puisque  nous  ne  devons  pas  ici  faire  l'analyse 
de  l'organisation  municipale,  notre  exposition  se  bornera  aux 
grandes  lignes. 

Nous  devons  d'abord  étudier  l'origine  de  la  ville  dans  l'État 
et  la  relatiou  qui  existe  entre  le  fait  d'appartenir  à  l'État  et  celui 
d'appartenir  à  un  lieu,  en  particulier  la  relation  qui  existe  entre 
la  tribu  de  l'État  et  le  lieu  auquel  on  appartient,  puis  en  outre 
la  terminologie  employée  pour  exprimer  l'idée  de  ville,  qui  est 
étroitement  liée  avec  l'origine  même  de  la  ville.  Ensuite  nous 
chercherons  avec  quelle  étendue  l'autonomie  de  l'État  a  été 
transportée  à  la  ville,  jusqu'à  quelle  mesure  la  ville  possède  un 
territoire  propre,  un  droit  propre,  les  pouvoirs  souverains  en 
matière  militaire  et  judiciaire,  a  son  indépendance  financière, 
ses  poids  et  mesures  et  ses  monnaies  propres,  en  un  mot  jus- 
qu'à quel  point  la  ville,  issue  de  la  cité  autonome,  a  continué, 
après  l'absorption  de  cette  cité  dans  l'État,  à  participer  à  la 
souveraineté.  Du  reste,  nous  ne  nous  occuperons  jamais  de  l'or- 
ganisation municipale  en  elle-même,  mais  seulement  de  la  po- 
sition du  municipe  dans  l'État  et  par  rapport  à  l'État. 
unité  primitive  Le  droit  municipal  est  étranger  à  la  constitution  la  plus  an- 
cienne. Le  populus  de  Rome  étant  lui-même  une  commune,  il 
ne  peut  ni  en  logique  ni  en  fait  contenir  dans  son  sein  d'autres 
communes.  Les  quartiers  de  la  ville,  les  circonscriptions  ru- 
rales (pagï)  du  territoire  peuvent  bien  se  constituer  en  commu- 
nautés religieuses  analogues  à  nos  paroisses  et,  comme  toutes 
les  communautés,  s'organiser  plus  ou  moins  sur  le  modèle  de 
l'État  (1).  Mais  ils  conservent  en  eux  forcément  le  caractère  de 
fractions  de  l'État,  et,  par  un  résultat  pratique,  ils  n'ont  au- 
cune de  ses  attributions.  Les  circonscriptions  électorales  for- 


(1)  Il  faut  remarquer  la  délimitation  énergique  faite  entre  la  cité  ur- 
baine de  Rome  et  les  communautés  extérieurement  analogues.  On  ne  con- 
naît encore  aucun  cas  où  l'une  des  désignations  techniques  de  la  magis- 
trature suprême  se  rencontre  dans  un  vicus,  un  pagus  ou  un  collegium  ; 
l'édilité  elle-même  s'y  rencontre  très  rarement.  Les  exceptions  provin- 
ciales, qui  se  présentent  sous  l'Empire  pour  le  décurionat,  ne  font  que 
confirmer  la  règle. 


LE    DROIT   MUNICIPAL.  419 

ment  une  communauté  politique  affectée  à  un  but  déterminé; 
mais  la  nature  et  l'idée  de  fraction  de  l'État  leur  sont  mainte- 
nues encore  plus  énergiquement  s'il  est  possible  qu'aux  circons- 
criptions de  la  ville  et  des  champs.  L'extension  des  frontières 
ne  change  légalement  rien  à  ce  régime.  Les  États  qui  survivent 
dans  les  noms  de  terres  et  de  personnes  ne  sont  pas  pour  cela 
moins  supprimés  légalement  (1).  Les  besoins  du  commerce  peu- 
vent faire  établir  sur  le  territoire  romain,  en  dehors  delà  ville, 
des  marchés  (fora),des  lieux  de  réunion  iconciliabuld),  ayant  une 
population  stable;  mais  ces  villages  ne  forment  pas  d'unité 
juridique,  et  le  fait  d'y  appartenir  est  un  pur  fait,  qui  ne  fait 
naitre  aucun  statut  personnel  et  qui  subsiste  ou  disparaît  avec 
la  résidence  elle-même. 

C'est  au  cours  du  développement  politique   de  Rome  que  Commencemenis 
l'unité    intime    absolue    du    peuple   a   été    brisée,    que   des     delavllle- 
collectivités   plus  étroites,  limitées   comme  lui  par  l'existence 
d'un  statut  personnel  héréditaire,  se  sont  développées,  c'est-à- 
dire  que  la  cité   —  par  laquelle  nous  entendrons  toujours  ici 
la  cité  municipale  —  s'est  développée  en  face  de  l'État.  Quand 
et  comment  cela  s'est-il  fait?  La  réponse  à  la  question,  en  tant 
qu'il  peut  en  être  donné  une,  n'est  point  simple  ;  car  la  dis- 
tinction de  la  cité  et  de  l'État  peut  également  être  faite  au  point 
de  vue  du  territoire  et  au  point  de  vue  des  droits  de  souve- 
raineté. Nous  traiterons  d'abord  de  la  distinction  relative  au 
territoire,  qui  est  de  beaucoup  plus  ancienne  que  l'autre,  qui 
est  même,  peut-on  dire,  aussi  ancienne  que  Rome  elle-même. 
Le  «  port  »  de  Rome,  Ostie,  est  considéré  par  la  tradition  ro- 
maine comme  une  création  du  quatrième  roi.  Il  est  probable-       Le  port. 

(1)  Les  vieux  cognomina  patriciens  locaux  sont,  pour  partie,  empruntés  à 
d'anciennes  cités  de  cette  espèce  :  ainsi  les  surnoms  Camerinus  des  Sul- 
picii,  Medullinus  des  Furii,  sans  doute  aussi  Maluginensis  des  Cornelii  et 
certains  autres  pour  lesquels  le  rapport  local  nous  échappe;  mais  ils  sont 
mis  absolument  sur  la  même  ligne  que  les  surnoms  Capitolinus,  Aventinus, 
Cseliomontanus,  Sacraviensis,  Vaticanus,  et  ils  ne  font  que  confirmer  le  fait 
que  ces  localités  ont  légalement  cessé  d'exister;  car  le  nom  ethnique  d'une 
cité  existante  n'est  jamais  employé  comme  surnom  patricien.  Les  Sulpicii 
et  les  Furii  peuvent  parfaitement  être  entrés  dans  le  patriciat  romain  lors 
de  la  dissolution  de  ces  anciennes  cités,  quoique  naturellement  la  dénomi- 
nation puisse  aussi  venir  d'autres  causes. 


T  rritorium. 


420  DROIT   PUBLIC    ROMAIN. 

ment  aussi  vieux  que  Rome,  et  il  aura  été  appelé  à  l'existence, 
avec  la  ville  et  comme  elle,  par  la  navigation  du  Tibre,  il  n'a 
jamais  été  indépendant;  mais  il  a  toujours  existé  à  côté  de 
Rome,  comme  le  Pirée  à  côté  d'Athènes.  C'est  la  première  des 
colonies  maritimes  e!  des  colonies  de  citoyens,  le  modèle  imité 
dans  la  fondation  de  celle  venues  plus  tard.  Ces  colonies  sont 
sans  doute  considérées  comme  des  garnisons  permanentes,  ainsi 
que  le  prouve  l'exemption  du  service  militaire  accordée,  pour 
le  service  ordinaire,  aux  colons  d'elles  toutes  et,  sans  restriction 
aucune,  aux  colons  des  deux  plus  anciennes,  d  Ostie  et  d'Antium 
(VI,  l,p.  275).  Mais  pourtant,  dès  le  principe,  la  colonie  n'est  pas 
uniquement  une  garnison.  Une  étendue  de  terrain  délimitée, 
un  tcrritorium  a  nécessairement  été  attribué  déjà  au  premier 
de  ces  établissements  comme  ensuite  à  tous  les  suivants.  Par 
exception  au  système  de  partage  des  champs  entre  les  gentes 
patriciennes,  qui  constituait  le  régime  foncier  de  l'époque  la 
plus  ancienne,  il  fut  attribué,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  ex- 
pliqué plus  haut  (VI,  l,p.  25  et  ss;  p.  30),  aux  citoyens  établis 
à  résidence  fixe  dans  ce  port,  d'une  part,  à  tous  une  fraction 
du  territoire,  en  possession  commune,  et,  d'autre  part,  à  cha- 
cun, comme  verger,  comme  heredium,  deux  arpents  de  terrain 
en  possession  privée.  Ces  colonies  étant,  conformément  à  leur 
but,  établies  dans  une  forme  militaire  et  comprenant  par  suite 
une  ou  plusieurs  centuries  de  colons,  les  200  jugera  néces- 
saires pour  les  vergers  d'une  centurie  se  rencontrent  dé- 
signés de  ce  nom  comme  mesure  de  superficie  (VI,  1,  p.  24, 
propriété  note  3).  Tandis  qu'ailleurs  la  possession  collective  s'est,  dès  les 
de» colons,  temps  préhistoriques,  effacée  devant  la  propriété  privée, 
elle  s'est  maintenue  relativement  longtemps  dans  ces  colonies, 
et  ce  système  a  encore  été  mis  en  pratique  en  425,  lors  de  la 
fondation  de  Tarracina,  la  troisième  colonie  de  citoyens.  Le  but 
dans  lequel  étaient  établies  ces  colonies  et  l'exemption  du  ser- 
vice qui  s'y  liait  impliquaient  le  domicile  forcé,  dont  on  trouve 
encore  au  moins  des  traces  au  temps  de  la  guerre  d'Hannibal 
(VI,  1,  p.  275,  note  3),  et  qui  est  aussi  facilement  conciliable 
avec  la  possession  collective  du  territoire  qu'il  est  incompatible 


LE    DltOI  r    MUNICIPAL.  421 

avec  la  propriété  foncière  individuelle  du  droit  privé  récent. 
—  Le  territoire  accordé  à  Ja  colonie  de  citoyens  fournit  donc  le  Patro»«tdis:mct 
fondement  de  son  existence  distincte;  cette  existence  distincte 
est  encore  fortifiée  par  le  changement  de  patronat  qui  se  lie 
à  cette  concession.  Les  colons  étant  pris,  sans  aucun  doute  dès 
l'époque  la  plus  reculée  et  par  la  suite  toujours  dans  une  plus 
large  mesure,  parmi  les  plébéiens,  ils  étaient  en  général,  avant 
leur  transplantation,  sous  le  patronat  des  gentes âonl  ils  dépen- 
daient; comme  colons,  ils  entrent  sous  le  patronat  héréditaire 
des  magistrats  qui  ont  fondé  la  colonie  (1).  —  Leur  existence  Droit  distinct 
distincte  a  été  garantie  par  un  acte  juré  du  peuple  romain  aux 
colons  d'Ostie,  et,  selon  cet  exemple,  à  ceux  des  autres  colo- 
nies (2).  Cette  assurance  de  l'irrévocabilité  du  rapport  établi  par 
un  serment  du  peuple,  qui  se  rencontre  fréquemment  en  droit 
international,  mais  qui  ne  se  présente  guère  ailleurs  en  face 
de  citoyens,  marque  la  plus  ancienne  phase  du  développement 
de  la  cité  dans  le  sein  de  l'État. 

Mais  l'existence  séparée,  donnée  par  leur  territoire  propre  ^bseDcededl"l? 

*  '  a  i        r        de    souveraine' c. 

aux  paysans  installés  sur  lui,  n'implique  pas  en  leur  faveur  les 
droits  de  souveraineté.  Ostie  s'est,  selon  toute  apparence,  trouvée 
pendant  des  siècles  dans  cette  situation,  sans  posséder  aucun 
droit  de  s'administrer  elle  même,  ni  môme  de  tribunaux  pro- 
pres. Il  y  a  à  Ostie,  à  l'époque  récente,  à  côté  de  la  magistrature, 
plus  tard  accordée  à  toutes  les  cités  de  citoyens  et  qui  ne  fut 
sûrement  introduite  à  Ostie  que  tard,  probablement  après  la 
guerre  des  Marses,  une  autre  magistrature  visiblement  plus 
anciennetés  préteurs  et  les  édiles  sac?*is  Volkani  faciwidis  (3),  Magistrature 
c'est-à-dire  que  les  Ostienses,  dans  le  culte  desquels  Volcanus 

(1)  VI,  1,  p.  72,  note  1.  En  particulier,  le  statut  de  Genetiva  a  montré 
que  la  colonie  a  ses  fondateurs  pou'-  patrons  nés,  tout  comme  la  cité  dépen- 
dante a  pour  patron  celui  dans  les  mains  duquel  elle  a  fait  sa  soumission, 
tandis  que  les  autres  patrons  viennent  tous  d'un  choix  (adoptio).  Eph.  ep.  II, 
p.  147. 

(2)  Ces  conventions  entre  Ruine  et  les  colonies  de  citoyens  sont  rédigées 
par  écrit  (Tite-Live,  27,  38,  3),  comme  c'était  depuis  longtemps  l'usage 
dans  les  rapports  internationaux.  Naturellement  cela  n'empêche  pas  que 
notamment  celle  d'Ostie  n'ait  pu  être  rédigée  par  écrit  seulement  plus  tard. 

(3)  Rien  ne  montre  mieux  le  caractère  sacerdotal  do  ee>  positions  que 


Commencement» 
d'administration 


422  DROIT   PUBLIC    ROMAIN. 

jouait  le  même  rôle  que  Jupiter  à  Rome(l),  n'ont  d'abord  obtenu 
de  magistrature  qu  ad  sacra,  ou,  peut-on  dire  encore,  que  leur 
constitution  est  reconnue  sous  le  rapport  religieux  (2),  comme 
celle  d'Alba  Longa  a  continué  à  l'être  après  la  destruction  de 
la  ville  (3).  Par  conséquent,  la  plus  ancienne  des  colonies  de 
citoyens  n'a  pas  eu  de  droits  politiques  distincts  jusqu'à  une 
époque  relativement  récente. 

La  genèse  véritable  de  l'organisation  municipale  n'est  pas 
indépendante.  dang  i'existence  distincte,  mais  dans  l'indépendance  adminis- 
trative. Aussi  se  rattache-t-elle  à  la  conservation  partielle  faite 
par  un  Etat  de  sa  souveraineté  légalement  supprimée  à  la  suite 
de  sa  fusion  dans  l'État  romain.  C'est  même  là  le  motif 
pour  lequel  nous  traitons  du  droit  municipal  à  cette  place  ;  il 
n'est  compréhensible  que  comme  une  modification  de  l'au- 
tonomie. A  la  vérité,  les  voies  qui  ont  conduit  à  ce  but  ont 
été  diverses.  La  cité  autonome  est  devenue  une  colonie  de 
citoyens  romains  parla  déduction  d'habitants  romains,  ou  bien 
elle  est  parvenue  sans  déduction  au  droit  de  cité  complet,  ou  bien 
elle  a  passé  du  demi-droit  de  cité  au  droit  de  cité  complet.  Mais, 
sous  les  formes  les  plus  multiples,  le  processus  consiste  toujours 
dans  la  conservation  de  certaines  des  conséquences  de  la  souve- 


l'enfant  de  quatre  ans  pr(œtor)  pr(imus)  sacr{orum)  Volk(ani),    CI.  L.  XIV, 
306.  Ce  point  est  développé  plus  longuement,  Eph.  epigr.  III,  p.  326. 

(1)  Le  prêtre  le  plus  élevé  d'Ostie  est  le  pontifex  Volcani  et  œdium  sacra- 
rum  qui  est,  comme  les  pontifes  de  Rome,  directement  affecté  au  culte- du 
dieu  le  plus  élevé,  mais  en  même  temps  à  celui  de  tous  les  dieux  (cf.  tome  III, 
la  théorie  du  Grand  Pontificat,  aux  préliminaires,  sur  la  représenta- 
tion de  tous  les  dieux  par  les  pontifes). 

(2)  Il  est  impossible  qu'Ostie  ait  d'abord  eu  des  préteurs  et  des  édiles 
ayant  la  plénitude  des  droits,  et  qu'ils  aient  ensuite  été  maintenus  ad  sacra 
après  l'introduction  du  système  duoviral;  c'est  d'autant  plus  impossible 
que  cette  cité  n'est  guère  dans  un  autre  rapport  avec  Rome  que  le  Palatin 
avec  l'Esquilin,  qu'elle  n'a  pas  eu  d'histoire  propre,  et  que  la  préture  a  été 
et  est  restée,  dans  tout  le  Latium,  l'autorité  suprême.  Cette  institution 
est  évidemment  un  compromis  entre  l'inadmissibilité  théorique  de  magis- 
tratures distinctes  dans  une  communauté  de  citoyens  et  la  similitude  de 
fait  d'Ostie  et  de  Tibur  ou  Tusculum. 

(3)  Gela  nous  est  rapporté  d'Anagnia  en  l'an  448  (p.  186,  note  8)  ;  mais 
c'est  là  certainement  l'application  la  plus  récente  plutôt  que  la  plus  an- 
cienne d'une  procédure  qui  a  assurément  été  fréquente. 


LE   DROIT    MUNICIPAL.  423 

raineté  qui  est  supprimée  par  l'entrée  de  la  cité  dans  l'État 
romain.  L'autonomie  dépendante  dépouille,  dans  le  droit  mu- 
nicipal qui  en  sort,  son  caractère  hybride,  tout  en  restant  pour 
le  surplus  de  la  même  nature. 

Une  des  plus  anciennes  et  des  plus  remarquables  formations  Anlium 
de  cette  espèce  est  la  seconde  des  colonies  de  citoyens,  fondée 
d'ailleurs  chronologiquement  bien  des  siècles  après  Ostie,  la 
ville  des  Volsques  Antium.  Elle  fut  constituée,  selon  la  tradi- 
tion des  annales,  en  l'an  de  Rome  416,  partie  par  des  colons 
romains,  partie  par  les  habitants  antérieurs  admis  dans  le 
corps  des  citoyens  (1).  D'une  cité  autonome  ayant  son  histoire 
propre  qui  n'avait  pas  été  sans  gloire,  elle  devint  une  localité 
romaine,  et  cela  d'abord,  comme  Ostie,  semble-t-il,  sans  cons- 
titution distincte  ni  magistrats  propres.  Mais  elle  reçut,  dès  l'an 
437,  des  lois  propres  et  des  magistrats  propres  (2);  et  cette 
relation,  fondée  sur  un  statut  écrit,  est,  si  cela  peut  être  dit  de 
l'une  quelconque  des  allégations  relatives  à  cette  époque, 
digne  de  foi.  C'est  là  le  plus  ancien  témoignage  qu'il  y  ait 
pour  l'existence  de  magistrats  municipaux.  Il  est  probable  que 
les  colonies  de  citoyens  fondées  postérieurement  ont  toutes  été 
organisées  sur  ce  modèle. 

Les  cités  de  demi-citoyens,  que  nous  avons  déjà  étudiées,  Dr°^  ^lsncts 
conduisirent  par  une  autre  voie  au  même  résultat.  Leurs  com- de  derm-clt°yens 
mencements  sont,  avons-nous  vu  (p.  184),  à  peu  près  contem- 
porains de  la  colonisation  d'Antium.  Par  le  simple  fait  que 
l'on  déclarait  les  Cœrites  citoyens  romains,  mais  que  l'on  ex- 
cluait leur  territoire  des  tribus  et  qu'on  leur  refusait  à  eux- 
mêmes  l'éligibilité,  Félectorat,  et  d'autres  portions  essentielles 
du  droit  de  cité  complet,  on  leur  donnait,  dans  l'intérieur  du 
peuple,  une  situation  à  part  qui  n'était  pas  moins  durable  et 
héréditaire  que  le  droit  de  cité  complet,  on  les  faisait  appar- 

(1)  Tite-Live,  8,  14,  8  :  Antium  nova  colonia  (par  opposition  à  celle  plus 
que  problématique  de  287,  Tite-Live,  3,  1)  missa  cum  eo,  ut  Antiatibus  permit- 
teretur,  si  et  ipsi  adscribi  coloni  vellent...  et  civitas  data.  Cf.  C.  I.  L.  X,  p.  660. 

(2)  Tite-Live,  9,  20,  10  :  Antiatibus...  qui  se  sine  legibus  certis,  sine  magis- 
tratibus  agere  rjuerpbantur,  dati  ab  senatu  ad  jura  statuenda  ipsius  colonix 
patroni. 


424  DROIT  PUBLIC    ROMAIN 

tenir  à  un  lieu,  on  violait  la  notion  primitive  du  droit  de  cité. 
Nous  avons  déjà  expliqué  (p.  198)  qu'une  partie  de  ces  cités 
ont  eu  des  magistrats  propres  et  une  administration  propre, 
quoique  sans  préjudice  des  pouvoirs  du  bailli  romain  et  au 
dessous  de  lui. 
commencements      Lorsque  plus  tard  ces  cités  de  demi-citoyens  ont  obtenu  le 

des  cités  .  «  !  .  ,   , 

de  citoyens     droit  de  suffrage,  lorsque  d'autres  cités  jusqu'alors  autonomes 

complets.  o  i  j        1 

ont  obtenu  immédiatement  le  droit  de  cité  complet,  l'indépen- 
dance communale  était  probablement  déjà  trop  développée 
chez  elles  pour  qu'on  put,  en  changeant  leur  condition  person- 
nelle, retirer  aux  peuples  admis  au  droit  de  suffrage  romain  ou 
reçus  dans  l'union  romaine  les  éléments  de  l'autonomie,  leurs 
magistrats  propres,  leur  conseil  communal  propre  et  leurs 
comices  propres.  Quelque  limitée  qu'ait  pu  être  d'abord  l'indé- 
pendance admise  pour  les  cercles  séparés  qui  se  constituaient 
ainsi  dans  l'État,  —  point  sur  lequel  nous  reviendrons  plus 
loin,  —  ce  qui  importe  ici  ce  n'est  pas  l'étendue,  c'est  l'existence 
même  d'une  administration  distincte. 
influence  du  droit      A  l'origine,  ce  n'était  que  par  exception  que  l'on  appartenait 

d6  cité  local  sur 

ia  tribu       à  une'localité  particulière  (1).  Les  cités  de  demi-citoyens  étant  au 

personnelle.  *  x  x    7  ^ 

sens  propre  en  dehors  du  peuple  et  dépourvues  de  l'électorat  et 
de  l'éligibilité  en  même  temps  que  de  la  tribu,  qui  est  le  signe 
du  citoyen  complet,  cela  ne  se  présentait,  à  l'origine,  parmi 
les  citoyens  complets,  que  pour  les  citoyens  d'Ostie,  et  même 
ensuite,  pendant  longtemps,  que  pour  ceux  de  territoires  isolés. 
Le  lieu  auquel  on  appartenait  restait  sans  aucun  doute  toujours 
sans  influence  sur  la  tribu  personnelle,  lorsqu'elle  se  détermi- 
naitd'après  des  règles  fixes.  Les  affranchis  et  leurs  enfants  ap- 
partenaient à  la  cité  de  leur  patron  (2)  ;  mais  leur  tribu  per- 
sonnelle se  déterminait  selon  les  prescriptions  restrictives 
établies  à  leur  encontre  (p.  25).  Tant  qu'il  n'y  eut  en  principe 

(1)  Kubitscheck,  dont  le  travail  attentif,  De  Romanarum  tribuum  origine 
ac  propagatione  (Vienne,  1882),  a  éclairci  ces  faits  sous  beaucoup  d'autres 
rapports,  n'a  pas  compris  p.  126,  leur  côté  juridique,  en  particulier  la  re- 
lation de  la  tribus  et  de  Yorigo. 

(2)  Ulpien,  Dig.  50,  1,  1,  pr.  :  Municipern  aut  nativitas  facit  mit  manufnisêio 
aut  adoptio.  Cod.  Just.  10,  40  [39],  7. 


LE    DROIT    MUNICIPAL.  425 

que  les  propriétaires  fonciers  à  voter  dans  les  tribus  rustiques, 
le  citoyen  non- propriétaire,  appartenant  à  une  localité  ne  pou- 
vait pas  voter  dans  la  tribu  de  sa  localité,  mais  seulement  dans 
Tune  des  tribus  urbaines.  Mais,  en  dehors  des  règles  générales 
obligatoires  pour  le  censeur,  le  lieu  auquel  on  appartenait  a 
probablement  influé  de  bonne  heure  sur  la  tribu  personnelle. 
On  ne  peut  pas  compter,  parmi  les  preuves  de  cette  influence, 
le  fait  que,  dans  les  lieux  où  un  domicile  forcé  était  lié  à  la  qua- 
lité de  citoyen  du  lieu,  le  citoyen  propriétaire  du  lieu  était 
nécessairement  placé  dans  la  tribu  de  son  champ;  car  la  tribu 
personnelle  est  là  toujours  déterminée  par  la  propriété  foncière. 
Mais  les  censeurs  n'étaient  pas  obligés  par  la  loi  à  ne  tenir 
compte  que  de  cette  propriété;  en  général,  le  choix  de  la  tribu 
dépend,  en  droit,  de  la  volonté  du  censeur  (1),  et,  en  fait,  il  dé- 
pend souvent  de  celle  du  citoyen  lui-même.  Or,  depuis  qu'il  y 
a  eu  un  droit  de  cité  local  héréditaire,  il  doit  avoir,  à  côté  de  la 
propriété  immobilière  variable,  déterminé  la  tribu  personnelle. 
Nous  pouvons  seulement  conjecturer  que  les  citoyens  des 
colonies,  après  la  disparition  du  domicile  forcé,  étaient,  s'ils  le 
voulaient  et  s'ils  avaient  des  biens  fonds,  inscrits  dans  la  tribu 
de  leur  localité  et  non  dans  celle  de  leurs  biens.  Mais  il  est 
certain  qu'au  vie  siècle,  c'était  le  lieu  auquel  on  appartenait, 
et  non  pas  l'emplacement  fortuit  des  biens,  qui  était,  en  vertu 
d'une  disposition  légale,  pris  pour  base  de  l'inscription  dans 
les  tribus  des  membres  des  cités  de  demi-citoyens  élevées  à  la 
cité  complète  (2).  La  réunion  stable    des  personnes  apparte- 


(1)  V.  tome  IV.  clans  la  théorie  de  la  Censure,  la  section  de  la  confection 
des  listes,  sur  la  tribu  individuelle  après  la  guerre  sociale. 

(-2)  VI,  1,  p.  206.  Lorsque  ledroit  de  cité  complet  lut  accordé,  à  ta  place  du 
demi-droit  de  cité  qu'ils  avaient  eu  jusqu'alors,  aux  Fundani,aux  Pormiani 
et  aux  Arpinates,  rogatio  perlata  est,  ut  in  .Emiiia- tribu  Formiani  et  Fundani, 
in  Cornelia  Arpinates  ferrent,  atqae  in  his  tribubus  tum  prima  m  ex  Valerio 
plebi  scito  ccnsi  sunt  (Tite-Live,  38,  30).  On  n'a  pas  le  droit  de  conclure  dé 
là  que  tout  individu  ayant  son  droit  d'origine  à  Arpinain  put  voter  dans 
la  tribu  Cornelia,  même  s'il  ne  satisfaisait  pas  aux  conditions  de  capacité 
requises  pour  appartenir  à  une  tribu  rustique  selon  le  droit  de  l'empire. 
mais  seulement  que  l'Arpinate  dont  les  propriétés  foncières  se  trouvaient 
ailleurs  que  dans  la  tribu  Cornelia  était  cependant  inscrit  dans  cette  tribu. 


426  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

nant  au  même  lieu,  qui  résulta  nécessairement  de  l'extension 
contre  nature  du  droit  de  cité  de  l'empire,  doit  ou  bien  avoir 
trouvé  son  expression  dans  la  loi,  ou  bien  avoir  déterminé  les 
censeurs  à  user  de  leur  pouvoir  arbitraire  de  former  les  sections 
de  vote  de  manière  à  faire  voter  ensemble  les  citoyens  du 
même  lieu  même  dans  les  comices  romains. 
duTon^e^té  A.  mesure  que  les  frontières  se  reculèrent,  la  cité  locale  se 
ÎSSferteJlaiuhê  développa  de  plus  en  plus.  Alors  que  les  citoyens  de  toutes  les 
cirresSoc'!aieg.uerre  colonies  et  de  toutes  les  cités  entrées  dans  l'État  en  conservant 
leur  autonomie  communale  appartenaient  à  la  fois  à  l'État  et 
à  leur  localité,  les  citoyens  qui  n'appartenaient  qu'à  l'État  de- 
vinrent probablement  une  "minorité,  et  ce  qui  avait  été  précé- 
demment l'exception  devint  peu  à  peu  la  règle.  A  la  fin,  la  cité 
locale  est  liée  d'une  manière  fixe  au  droit  de  cité  de  l'État,  et  il 
n'y  a  plus  en  principe  à  être  citoyens  de  l'État  que  ceux  qui  ap- 
partiennent comme  citoyens  locaux  à  une  cité  de  citoyens  déter- 
minée (1).  Désormais  le  peuple  romain  est  plutôt,  légalement 
une  confédération  de  toutes  les  cités  de  citoyens,  ou,  selon  la 
formule  des  jurisconsultes  romains,  tout  citoyen  romain  a,  à 
côté  de  la  communis  patria  Roma  (2),  une  patrie  séparée,  la 
domus  ou  l' origo  (3).  Ce  système  existait  dès  le  temps  de  Cicéron. 

(1)  Cicéron,  Phil.  3,  6,  15  :  Videte  quam  despiciamur  omnes  qui  sumus  ex 
municipiis,  id  est  omnes  plane;  quotus  enim  quisque  nostrum  (des  sénateurs) 
non  est  ? 

(2)  Modestin,  Dig.  50.  1,  33:  Roma  communis  nostra  patria  est,  et  27,  1,  6, 
i\  :  Koivr,ç  ou<ty|ç  te  xa\  vojj.isOiJ.svr,;  TCarpcôo;  ty|ç  fiaa-iXeuouoT,;.  Callis- 
trate,  Dig.  48,  22,  18,  pr.  Aristide,  Laud.  Rom.  éd.  Dind.  p.  346  :  "Ouep  r, 
uô).iç  toTç  auiTjÇ  ôploi;  xal  ycôpaiç  sort,  toOÔ'  rfiz  f,  T&kiç  ttjç  à*à<r»K  o'rxov- 
{jivr,ç,  (o<77isp  aï  ttj?  -/wpaç  aar-j  xoivôv  à7roS£8eiy(j.£vy).  Il  résulte  même  de  là 
des  conséquences  juridiques  :  en  tant  que  les  prestations  publiques  peu- 
vent être  fournies  à  Rome  (p.  433,  note  3),  l'obligé  peut  y  satisfaire  là 
aussi  bien  que  dans  sa  cité  d'origine  (Modestin,  Dig.  27,  1,  6,  11).  Au 
surplus,  cf.  Savigny,  System,  8,  55  et  ss.  =  tr.  fr.  8,  58  et  ss. 

(3)  Domus  et  origo  sont  les  deux  expressions  techniques  pour  désigner 
la  patrie  romaine  au  sens  étroit,  tandis  que  civitas  et  patria  s'emploient 
également  pour  le  cercle  étroit  et  le  cercle  large.  Domus,  qui  est  fréquem- 
ment employé  par  les  Romains  pour  faire  opposition  à  la  capitale  de  l'em- 
pire (par  exemple,  Cicéron,  Verr.  I.  1,  17,  45;  Tite-Live,  8,  19,  4  :  Vir  non 
domi  solum,  sed  etiam  Romse  clarus)  et  qui  notamment  est  appliqué  dans 
l'expression  domum  revocare  (Dig.  5,  1,  2,  3,  etc.)  à  l'exception  déclinatoire 
de  compétence  de  l'individu  appartenant  à  l'empire  qui  se  trouve  à  Rome, 


LE  DROIT   MUNICIPAL.  427 

Il  ne  nous  est  rien  rapporté  sur  l'introduction  de  cette  réforme 
également  profonde  en  théorie  et  en  pratique.  Mais  elle  s'ac- 
corde si  bien  avec  la  tendance  de  la  guerre  sociale,  et  elle  est  si 
indispensable  pour  l'application  de  ses  conséquences  connues 
qu'elle  peut  lui  être  rattachée  en  toute  sécurité.  Nous  ne  pou- 
vons omettre  ici  de  comparer  l'ancien  droit  des  choses  et  des  per- 
sonnes avec  le  régime  juridique  plus  tard  en  vigueur  sous  les 
deux  rapports,  afin  d'acquérir  un  aperçu  de  la  manière  dont  la 
cité  locale  s'est  intercalée  dans  l'organisation  romaine,  et  en 
particulier  du  rapport  de  cette  cité  locale  avec  la  tribu. 

Le  droit  du  sol,  ou,  selon  l'expression  romaine,  la  tribu  du 
sol  exclut,  Lprès  comme  avant,  Yagèr  publiais  populi  Romani 
(VI,  i,  p.  186),  duquel  du  reste  les  fonds  de  terre  appartenant 
aux  diverses  cités  de  citoyens  ne  font  pas  partie  :  car  ces 
fonds  sont  aussi  bien  en  propriété  privée  que  le  sol  assigné  à  des 
particuliers  (1).  Néanmoins  il  ne  reste  guère  en  Italie,  après  la 
guerre  sociale,  d'autre  grand  espace  de  terrain  en  dehors  de  la 
propriété  quiritaire  que  l'ancien  territoire  de  Capua  (2);  et  i 
entra  lui  même  dans  l'union  municipale  dès  avant  la  fin  de  la 


est  placé,  comme  exposant,  devant  l'indication  de  la  ville  d'origine,  dans  les 
listes  de  soldats  du  temps  de  l'Empire  (Hermès,  19,  p.  25,  rapproché  de 
p.  28,  note  3).  —  Les  jurisconsultes,  en  dehors  de  la  formule  revocare  do- 
mum,  désignent  en  général  la  patrie  par  opposition  à  Rome  par  le  mot  origo, 
qui  ne  s'applique  pas  qu'à  la  ville  et  qui  exprime  l'idée  juridique  générale. 
Parfois  l'État  et  le  lieu  auquel  on  appartient  sont  indiqués  l'un  à  côté  de 
l'autre,  ainsi  dans  l'inscription  d'Heddernhein  (Brambach,  C.  I.  Rh.  1444) 
de  deux  frères  c(ives)  R(omani)  et  Taunenses  ex  origine  patris.  —  Dans  l'inscrip- 
tion de  244,  C.  I.  L.  VI,  793,  les  noms  des  soldats  sont  indiqués  cum  tribu- 
[bu]s  et  patriis.  —  Sur  l'emploi  de  civis  dans  la  désignation  de  la  ville  patrie, 
cf.  Hermès,  19,  25  et  ss. 

(1)  Ulpien,  Dig.  50,  16,  15  :  Bona  civitatis  abusive  publica  dicta  sunt  ;  sola 
enim  ea  publica  sunt  q use  populi  Romani  sunt.  Inscription  de  Pompéi,  C.  I.  L. 
X,  787.  C'est  pourquoi  commuais  est  toujours  employé  pour  la  propriété 
communale  aussi  bien  par  Varron  (5,  21)  et  Gicéron  (Ad  fam.  13,  11,  1  ;  cf. 
tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à  la  section  des  Ultro  tribut  a,  sur  les 
marchés  relatifs  à  l'entretien  des  propriétés  publiques)  que  constamment 
dans  le  statut  de  Malaca  (p.  247). 

(2)  C'est  là  sans  doute  aussi  la  cause  pour  laquelle  les  prœfecti  Capuata 
Cumas  survécurent  à  la  guerre  sociale  (cf.  tome  IV,  la  théorie  des  Vigin- 
t'isexvirij  sur  ces  préfets).  Mais,  puisqu'ils  ne  disparurent  pas  à  la  fonda- 
tion de  la  colonie  de  Capua  et  que  ce  fut  seulement  Auguste  qui  les  sup- 
prima, ils  ont  forcément  subsisté  un  certain  temps  in  partibus. 


428  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

République.  Lorsque  ensuite  Domitien  eut  fait  place  nette  des 
subsiciva  des  grands  territoires  assignés  en  bloc,  il  ne  resta 
sous  la  propriété  de  l'Etat  en  Italie,  en  dehors  des  routes  et  des 
choses  de  même  nature,  que  de  rares  pièces  de  terres  laissées 
hors  des  territoires,  notamment  dans  les  montagnes  ;  celles 
d'entre  elles  qui  passèrent  ensuite  en  propriété  privée  ne  sem- 
blent avoir  été  attribuées  à  aucune  cité  déterminée  (1).  Le 
territoire  provincial  resta  au  contraire  sous  la  propriété  pu- 
blique, à  l'exception  de  territoires  de  droit  italique  peu  nom- 
breux. 

Tout  immeuble  passé  sous  la  propriété  quiritaire  soit  avant, 
soit  pendant  la  fusion  de  l'Italie  dans  le  cercle  des  citoyens  ro- 
mains, devait,  si  les  censeurs  avaient  fait  leur  devoir,  se  trouver 
inscrit  dans  l'une  des  35  tribus.  Dans  la  mesure  où  la  cité  locale 
avait  existé  jusqu'alors,  le  territoire  de  chaque  cité  appartenait 
sans  doute  à  une  tribu  particulière  déterminée  lors  de  la  fon- 
dation de  la  colonie  de  citoyens  ou  de  l'admission  de  la  cité  de 
non-citoyens  ou  de  demi-citoyens.  Pour  généraliser  la  cité  locale 
et  la  lier  de  la  même  façon  à  la  tribu  réelle,  il  était  nécessaire 
de  prendre  des  mesures  dans  les  endroits  où  la  propriété  qui- 
ritaire existait  sans  cité  locale,  c'est-à-dire  d'abord  dans  le  ter- 
ritoire primitif  de  la  ville  (VI,  1,  p.  196),  et  ensuite  dans  les 


(1)  Selon  Frontin,  (p.  411,  note  2),  il  y  avait  encore  en  Italie,  sous  le 
Principat,  des  saltus  privati  qui  étaient  en  dehors  des  territoires  des  villes. 
Pline,  3,  15,  116,  cite  parmi  les  cités  de  la  huitième  région  d'Italie,  des 
saltus  Galliani  qui  cognominantur  Aquinates  (cf.  le  proe.  at  praedia  Galliana 
impérial,  C.  L  L.  III,  536  et  C.  1.  L.  XI,  p.  170).  D'après  la  citation  faite 
dans  la  table  alimentaire  de  Veleia,  6,  72,  des  grands  s«/^s  appartenant  à 
la  colonie  de  Luca  :  Qui  sunt  in  Lucensi  et  in  Veleiate  et  in  Parmense  et  in 
Placentino  et  montibus  adf(inibus),  les  territoires  indiqués  ne  comprennent 
pas  les  montes  cités  en  dernier  lieu,  qui  étaient  cependant  des  possessions 
privées.  11  y  a  de  même  des  ensembles  de  terres  qui  se  trouvent  en  dehors 
des  territoires  des  villes,  en  grande  quantité  dans  les  provinces,  notam- 
ment en  Afrique  {Hermès,  15,  391  et  ss.).  Au  commencement,  ils  ont  tous 
été  en  la  propriété  de  l'État,  et  même  par  la  suite  ils  apparaissent  pour  la 
plupart  comme  des  possessions  impériales;  mais  ils  peuvent  naturellement 
être  transmis  à  des  particuliers,  sans  que  celte  mutation  de  propriété  en- 
traine leur  entrée  dans  le  territoire.  11  ne  faut  pas  confondre  avec  ces  sal- 
tns  les  subsiciva,  les  pièces  de  terre  restées  indivises,  et  par  conséquent 
en  la  propriété  de  FKtat,  dans  l'intérieur  des  territoires. 


LE    DROIT    MUNICIPAL.  î-?V» 

lieux  où,  comme  par  exemple  dans  le  Picenum,  il  y  avait  eu  des 
assignations  sans  fondation  de  villes  (VI,  1,  p.  198),  et  où  les  ha- 
bitants romains  réunis  en  villages  et  en  hameaux  avaient  tout 
au  plus  des  magistrats  judiciaires  propres  nommés  tous  les  ans 
par  le  préteur  urbain  :  il  fallait  ou  bien  attribuer  ces  champs 
et  ces  groupes  de  champs  aux  territoires  politiques  voisins,  ou 
bien  en  former  de  nouveaux  territoires  politiques.  Le  premier 
procédé  a  nécessairement  été  suivi  pour  le  plus  ancien  domaine 
de  la  ville  (VI,  1,  p.  200).  Quant  au  second  procédé,  une  trace  de 
son  emploi  nous  a  été  conservée:  c'est  que  les  centres  de  fait  de 
citoyens  romains  jusqu'alors  dépourvus  de  droits  communaux, 
les  sièges  de  la  justice  (prœfectarae)  se  présentent,  aprèsla  guerre 
sociale,  comme  une  catégorie  de  cités  (1).  La  tribu  existante  a 
probablement  été  maintenue  lors  de  cette  opération  ;  car  l'ins- 
cription dans  les  différentes  tribus  a  vraisemblablement  eu  lieu 
d'ordinaire  par  grandes  masses.  Mais  nous  avons  déjà  remarqué 
(VI,  i,  p.  200)  que,  comme  l'on  parait  avoir  en  général  pris  pour 
principe  d'inscrire  chaque  territoire  dans  une  seule  et  même 
tribu, les  tribus  réelles  ont  probablement  été  changées  en  partie, 
spécialement  dans  le  plus  ancien  domaine  de  la  ville.  —  Les 
terres  de  Campanie  ont  plus  tard  été  organisées  de  la  même 
façon  en  territoire  politique,  et,  lors  de  la  division  des  subsiciva, 
ces  pièces  de  terre  ont  été  attribuées  aux  territoires  les  plus 
voisins. 

Dans  la  ville  de  Rome,  les  tribus  réelles  n'ont  pas  changé,  ou 
du  moins  elles  ont  changé  seulement  en  ce  sens  que  les  quatre 
tribus  urbaines  ne  finissent  plus  comme  antérieurement  auPo- 


(i)  P.  455,  Lex  Julia  mun.  ligne  85  et  ss.  :  Queiquomque  in  municipieis 
colmeis  prsefectureis  foreis  conriliabuleis  c(ivium)  R(omanorum)  Ilvir(ei)  II  lie  l- 
r(e;,  erunt,  allove  quo  nomine  mag(istratum)  potestatemve  sufragio  eorum,  quei 
quojusque  municipi  colonise  prxfeclurx  fori  conciliçibuti  erunt,  habebunt,  nei 
juis  eorum,  que  m  in  eo  munlcipio  colonia  prœfectura  foro  concUiabulo  in  sena- 
tum  decuriones  conseriptosve  legito...nisei  in  demortuei...locum.  Il  est  attribué 
là  aussi  clairement  que  possible  (quoique  cela  soit  nio  par  Marquardt, 
Handb.  4,  p.  Il,  note  6,  et  p.  12,  note  l  =  tr.  fr.  S,  p.  14,  notes  2  et  4)  des  magis- 
trats propres  et  un  conseil  communal  propre  non  seulement  au  municipium 
et  à  la  colonia,  mais  aussi  à  la  prœfectura  ;  et  de  nombreux  autres  passages 
de  cette  loi  et  de  la  loi  Rubria  s'expriment  de  même. 


430  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

merium  (VI,  1,  p.  183),  mais  à  la  première  borne  milliaire;  car, 
ainsi  que  nous  montrerons  plus  loin  (p.  470,  note  2)  la  juridic- 
tion urbaine  ou  plutôt  la  juridiction  de  l'Etat,  en  tant  qu'elle  dé- 
pend du  lieu  de  l'infraction,  s'étend  déjà  du  temps  de  Sulla  jus- 
qu'à la  première  borne  milliaire,  et  la  juridiction  municipale 
commence  au  delà.  Les  territoires  de  toutes  les  cités  de  citoyens 
formant  dans  leur  ensemble  celui  de  la  communis  patria,  elle 
n'a  pas  elle-même  d'autre  territoire  séparé. 
Extension  Les  prescriptions  spéciales  qui  existaient  relativement  à  la 

de  ia  patrie     tribu  personnelle,  en  particulier  pour  les  affranchis,  n'ont  pas 

aux  ingénus  non-  *  '  A  L  1 

propriétaires,  fag,  touchées  par  ces  mesures,  Mais  il  en  est  autrement  de  celles 
sur  la  propriété.  Après  la  guerre  sociale,  la  tribu  personnelle  a 
été  déterminée  pour  tous  les  ingénus  par  la  cité  locale,  de  telle 
sorte  que  la  tribu  de  Tusculum  a  été  attribuée  à  tous  les  Tus- 
culans,  qu'ils  fussent  propriétaires  fonciers  à  Tusculum  ou  ail- 
leurs ou  qu'ils  ne  le  fussent  nulle  part.  Dès  letempsdeCicéron, 
on  indique,  comme  condition  de  capacité  pour  la  tribu  rustique, 
l'ingénuité  et  non  la  propriété  foncière  (1)  ;  et,  sous  le  Prin- 
cipat,  la  tribu  rustique  appartient  certainement  aux  munici- 
paux non-propriétaires.  L'enrôlement  dans  les  légions  exige, 
avons-nous  vu  (p.  38),  la  tribu  rustique,  et  il  ne  doit  pas  y 
avoir  servi  beaucoup  de  propriétaires  depuis  Marius.  En  outre, 
les  inscriptions  du  temps  du  Principat  nomment  un  relative- 
ment petit  nombre  de  tribules  urbains,  et  elles  sont  pour  la 
plupart  de  telle  nature  que  le  statut  personnel  y  comporte  non 
pas  la  libertinité,  mais  une  ingénuité  atteinte  d'une  tache 
(p.  27);  si  les  tribus  urbaines  avaient  encore  compris  à  cette 
époque  tous  les  citoyens  non-propriétaires,  leurs  tribules  se 
rencontreraient  dans  une  toute  autre  quantité,  spécialement 
dans  les  municipes.  Il  n'y  a  d'ailleurs  qn'un  développement 
logique  du  droit  de  cité  local  à  ce  que  tous  les  citoyens  de  la 
localité,  propriétaires  on  non,  expriment  leur  vote  dans  la 


(1)  Asconius  (p.  2o,  note  2)  appelle  les  rusticse  tribus  propriae  ingenuorum. 
De  ce  qu'au  temps  de  Gicéron  les  citoyens  propriétaires  fonciers  étaient  dans 
les  tribus  rustiques  (p.  25,  note  3;  cf.  VI,  1,  p.  196,  note  2),  il  ne  résulte 
pas  que  ces  tribus  fussent  exclusivement  composées  d'eux. 


LE   DROIT   MUNICIPAL.  431 

même  circonscription  électorale.  La  tribu  est  désignée  dans 
ce  sens  comme  un  groupe  de  cités  italiques  (1).  La  tribu  per- 
sonnelle perd  désormais  son  ancienne  dépendance  de  la  tribu 
réelle,  et  elle  devient  l'expression  de  l'État  multiple  en  dé- 
signant le  citoyen  de  l'un  des  États  en  sous-ordre  qui  le  com- 
posent. 

Le  citoyen  de  l'État  romain  est  donc  en  règle  en  même 
temps  le  citoyen  de  l'une  des  cités  de  citoyens  romains,  et  sa 
tribu  personnelle  se  détermine,  à  moins  que  des  prescriptions 
spéciales  n'en  disposent  autrement,  d'après  la  tribu  réelle  de 
son  territoire  d'origine.  Mais  les  exceptions  à  cette  règle  ne 
sont  pas  peu  nombreuses.  Aous  devons  tout  au  moins  ras- 
sembler ici  les  différentes  catégories  des  citoyens  qui  n'ap- 
partiennent pas  à  des  lieux  munis  de  tribus  réelles,  quoique 
fréquemment  l'on  ne  puisse  pas  arrivera  des  résultats  certains 
sur  leur  relation  avec  les  tribus.  Ils  peuvent  appartenir  ou 
bien  à  une  cité  de  citoyens  sans  territoire,  ou  bien  à  une  cité 
de  non-citoyens,  ou  même  n'appartenir  à  aucune  cité. 

La  cité  de  citoyens,  qui  n'a  pas  de  territoire  au  sens  légal  ojés  de  oitoyena 
ni  par  conséquent  de  tribu  réelle,  n'en  a  pas  pour  cela  moins 
appliqué  chez  elle  l'idée  de  la  cité  locale,  et  cette  idée  y  a 
même  la  tribu  pour  expression  légale  ;  seulement  cette  tribu 
est  alors  exclusivement  personnelle.  C'est  en  ce  sens  que  les 
citoyens  de  Narbo  (p.  374)  appartiennent  à  la  Papiria,  et  il  en 
est  de  même  de  toutes  les  cités  du  même  genre. 

Si  le  membre  d'une  cité  latine  ou  pérégrine  organisée  en  w^3^fSJBSlfc 
ville  (2)  obtient  personnellement  le  droit  de  cité  romaine,  sa 

(i)  Oicéron,  Pro  Mur.  20,  42  :  Multas  sibi  tribus,  quœ  municipiis  Umbriae 
conficiuntur  cidjunxit.  [Q.  Gicéron],  Comm.  pet.  8,  29:  Totam  Italiam  fac  ut  in 
animo  ac  memoria  tributim  discriptam  comprensamque  habeas,  ne  quod  muni- 
cipium,  coloniam,  prsefecturam,  locum  denique  ltalise  ne  quem  esse  patiare,  in 
quo  non  habeas  firmamenti  quod  satis  esse  possit. 

(2)  Le  droit  de  cité  romaine  ne  peut  pas  être  conféré  à  un  Égyptien  ap- 
partenant à  un  nome  ;  car  il  ne  peut  pas,  comme  citoyen,  avoir  le  nome 
pour  patrie  ;  il  faut  par  conséquent,  pour  lui  faire  acquérir  le  droit  de  cité 
de  l'empire,  lui  donner  en  même  temps  le  droit  de  cité  d'Alexandrie  (Pline 
Ep.  ad  Traj.  6).  11  en  est  probablement  de  même  pour  toutes  les  cités  de 
l'empire  qui  ne  sont  pas  organisées  sur  le  type  urbain,  et  ce  doit  être  la 
raison  pour  laquelle  les  citoyens  romains  indiquent,  dans  les  inscriptions, 


de  non-citovens. 


4M'i  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

tribu  personnelle,  ne  pouvant  pas  être  déduite  de  son  droit  de 
cité  local  qui  reste  le  même,  est  déterminée  tantôt,  semble- 
t-il,  d'après  certaines  règles  générales,  tantôt  aussi  sans 
doute  par  une  décision  individuelle.  Ainsi  il  semble  avoir  été 
de  règle  de  donner  la  Voltinia  aux  personnes  arrivant  au  droit 
decité  personnel  dans  la  province  de  Xarbonnaise,  la Quirina  ou 
la  Collina  (p.  29)  aux  Asiatiques  et  aux  Syriens;  mais  il  est 
probable  que  l'arbitraire  a  souvent  prédominé  dans  ce  domaine. 
Ce  serait  sortir  de  notre  cadre  que  d'insister  davantage  sur  les 
détails. 
Les  citoyens        H  y  a  enfin  des  citoyens  qui  n'ont  pas  de  patrie  spéciale.  Cette 

romains  sans  .       _    .       ,  ,  „ 

cité  locale,     patrie  fait  défaut: 

a.  Aux  vieilles  familles  patriciennes  (1)  et  aux  familles  plé- 
béiennes qui  ne  sont  pas  d'origine  municipale  (2).  Le  fait  que 
les  personnes  appartenant  à  l'ordre  sénatorial  sont  exemptées 
des  charges  municipales,  selon  le  droit  de  l'Empire  et  peut-être 
déjà  selon  celui  des  derniers  temps  de  la  République  (p.  65), 
n'exerce  aucune  influence  sur  leur  droit  de  cité  local; 

b.  A  la  descendance  juridique,  si  l'on  peut  dire,  des  personnes 
de  cette  nobititas,  en  tant  que  cette  descendance  est  susceptible 
en  elle-même  d'avoir  une  tribu  personnelle,  c'est-à-dire  à  la 
postérité  de  leurs  affranchis; 


comme  patrie  fréquemment  des  villes  de  non-citoyens,  mais  pour  ainsi  dire 
jamais  des  cités  non-urbaines.  Ce  point  est  développé  plus  en  détail,  Hermès, 
19,  23  et  ss. 

(1)  Les  nouvelles  maisons  patriciennes  ont  la  tribu  du  lieu  auquel  elles 
appartiennent.  M.  Lollius  Paullinus  Valerius  Asiaticus  Saturninus,  consul  en 
93  {C.  L  L.  XIV,  2540)  et  Valerius  Asiaticus  consul  II  en  123  (Inscription  de 
Satnos,  Monatsberichte  de  Berlin  18G2,  p.  78)  descendants  de  Valerius  Asia- 
ticus, consul  en  4G,  originaire  de  Vienne  (Tacite,  Ann.  11,  1),  sont  de  la 
Voltin  a, qui  p.st  la  tribu  de  cette  ville;  de  même  le  patricien  L.  Eggius  Am- 
bibulus,  consul  en  126,  a  la  tribu  Cornelia,  qui  est  celle  d'/Ecianum,  sa 
patrie  (C.  /.  L.  IX,  1123). 

(2)  Telle  est,  par  exemple,  la  famille  des  Pomponii  qui  font  remonter 
leur  arbre  généalogique  au  roi  Numa  et  qui  par  suite  sont  comptés  parmi 
les  Romains  primitifs  (Xepos,  Ait.  1:  Ab  origine  ultima  ttirpis  Rom  anse  gene- 
ratus),  telle  est  encore  celle  des  Papirii  plébéiens,  parmi  lesquels,  sous  le 
Principat,  les  Carbones  se  trouvent  dans  la  Glustumina  (C.  L  L.  VI,  1317)  et 
les  Massones  dans  la  Velina  (C.  /.  L.  VI,  1481). 


Rome 
comme  pairie 


LE   DROIT   MUNICIPAL.  433 

c.  A  la  postérité  des  esclaves  publics  affranchis  (1); 

d.  Tout  au  moins  à  une  partie  des  personnes  affranchies  en 
dehors  des  formes  légales  (liberti  Latini  Juniani)  et  parvenues 
au  droit  de  cité  romaine  avec  la  tribu  d'ingénus,  à  titre  de  ré- 
compense pour  leur  service  dans  le  corps  des  pompiers,  en  vertu 
de  la  loi  Visellia  de  l'an  23  après  J.  G.  (2),  et  à  leur  descen- 
dance; 

e.  Auxpérégrins  gratifiés  du  droit  de  cité  romaine  et  n'appar- 
tenant à  aucune  cité  de  l'empire.  suPPiétoire 

La  cité  locale  peut,  dans  certains  de  ces  cas,  avoir  été  attri- 
buée par  un  expédient  à  l'individu  en  question;  mais  cela  n'a 
certainement  pas  eu  lieu  dans  tous.  Si  les  Julii  et  les  Claudii 
avaient  appartenu  à  une  cité  municipale  quelconque,  cela  ne 
nous  serait  pas  resté  inconnu.  Ces  expédients  n'ayant  donc  pas 
été  employés,  au  moins  d'une  manière  générale,  ou  bien  les  per- 
sonnes de  la  catégorie  dont  il  s'agit  n'ont  appartenu  à  aucune 
localité,  ou  bien  Rome  est  demeurée  pour  elles,  comme  c'était 
certainement  le  cas  avant  la  guerre  des  Marses,  non  seulement 
la  patrie  commune,  mais  la  seule  patrie.  L'alternative  est  ré- 
solue dans  le  dernier  sens  par  le  témoignage  des  jurisconsultes, 
selon  lequel  il  y  a  une  dépendance  de  la  ville  de  Rome  différente 
de  la  dépendance  de  la  commanis  patria  et  caractérisée  comme 
une  origo  (3).  Ce  témoignage  est  confirmé  par  des  inscriptions 

(1)  V.  tome  I,  la  partie  des  Servi  publici,  sur  leur  condition  juridique. 

(2)  Ulpien,  3,  5  :  Militia  jus  Quiritium  accipit  Latinus  si  inter  vigiles  Romx 
sex  annis  (plus  tard,  en  vertu  d'un  sénatus-consulte,  triennio)  militaverit  ex 
lege  Visellia  (cf.  sur  cette  loi  les  pp.  6  et  118).  L'application  de  cette  règle 
s'aperçoit  dans  l'inscription  commémorative  dédiée  par  seize  de  ces  soldats, 
en  203,  en  souvenir  de  l'obtention  par  eux  du  droit  de  cité,  ou  plutôt  de  sa 
conséquence,  de  leur  admission  aux  frumentationes  (C.  I.  L.  VI,  220).  Ce 
n'est  pas  l'ingénuité  qui  est  conférée,  mais  le  droit  de  cité  et  en  même-temps, 
même  pour  les  affranchis,  la  tribu  rustique.  Cinq  d'entre  eux  se  qualifient  du 
nom  d'affranchis.  Onze  se  donnent  un  père.  Les  premiers  sont  donc  des  Latini 
Juniani,  les  autres  probablement,  puisque  cette  condition  était  héréditaire, 
des  enfants  de  tels  Latins.  Six,  parmi  lesquels  deux  affranchis,  se  donnent 
la  tribu  Fab'ia  et  Rome  pour  patrie,  dix  indiquent  d'autres  villes  ou  d'autres 
pays  comme  leur  district  d'origine.  On  ne  voit  pas  clairement  selon  quelles 
règles  cette  patrie  se  déterminait.  Peut-être  était-ce  d'après  le  pseudo- 
patron, et  alors  ceux  attribués  à  Rome  ont-ils  été  affranchis  par  l'État  de 
cette  façon. 

(3)  Ulpien,  Dig.  50,  4.  o,  pr.  :  Et  qui  originem  ab  urbe    Roma  habent,  si  alio 
Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2«  p.  28 


434  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

assez  nombreuses  qui  désignent  Rome  comme  origo.  Cependant 
on  discerne  un  effort  fait  pour  apporter  des  restrictions  à  cedroit 
d'origine  supplétoire,  qui  restait  nécessairement  sans  effet  par 
suite  du  défaut  d'organisation  municipale  de  la  capitale,  et  pour 
mettre  les  personnes  en  question  dans  de  véritables  liens  muni- 
cipaux: si  les  fils  d'un  affranchi  de  l'empereur  n'ont  pas  de  cité 
locale  spéciale,  on  rencontre  au  contraire,  chez  ses  petits-fils, 
comme  également  chez  les  fils  de  l'affranchi  d'un  affranchi  im- 
périal, la  cité  locale  et  la  tribu  correspondante  (1).  Les  com- 
munes doivent  avoir  mis  en  pratique,  pour  ces  personnes  sans 
patrie,  leur  faculté  de  conférer  leur  droit  de  cité,  leur  droit 
d'adlection  (2),  qui  en  dehors  de  cela  est  à  peu  près  exclu 
(p.  451);  l'empereur  a  peut-être  en  outre  usé  à  leur  profit  de 
Tribus        son  pouvoir  de  conférer  le  droit  de  cité  local  (3).  La  tribu  ne 


des  citoyens       , 

ayant  cette  patrie 
supplétoire.       loco  domicilium  constituer unt,  munera  ejus  sustinere  debent.  Il  n'y  a  aucun 

obstacle  à  comprendre  dans  ce  sens  l'inscription  de  Bordeaux  (Gam.  Jul- 
lian,  Inscr.  romaines  de  Bordeaux,  1,  p.  135)  d'un  decurialis  lictor,  cives  urbi- 
cus ;le  citoyen  de  l'État  s'appelle  toujours  civis  Romanus.  —  Le  fait  que  la  no- 
tion de  Yincola  ne  s'applique  aucunement  à  la  capitale  —  la  femme  mariée 
qui  ne  vit  pas  au  lieu  où  est  sa  patrie,  satisfait  à  ses  obligations  munici- 
pales personnelles  à  son  domicile,  sinon  in  urbe  Ro?na  maritus  ejus  constat; 
dans  ce  dernier  cas,  n'y  étant  pas  obligée  par  Pincolat,  elle  y  satisfait  dans  sa 
patrie  (Cod.  Just.  10,  64,  1)  —  s'explique  par  l'idée  qu'il  n'y  a  pas  là  de  mu- 
nera au  sens  municipal. 

(1)  Ainsi  par  exemple,  dans  l'inscription  de  Puteoli,  C.  I.  L.  X,  2569,  le  père 
C.  Julius  Musogenis  f.  Menophilus,  sans  doute  fils  d'un  affranchi  impérial,  est 
dans  la  tribu  impériale  Fabia,  et  les  deux  fils  sont  dans  la  Falerna,  qui  est 
probablement  la  tribu  de  Puteoli.  Dans  une  autre  inscription  de  Salonae 
(C./.L.III,2097),G.  Julius  Sceptus,  affranchi  de  l'affranchi  impérial  Admetus, 
est  en  dehors  des  tribus,  mais  ses  trois  fils  appartiennent  à  la  tribu  Tro- 
mentina,  qui  est  celle  des  Salonitains. 

(2)  M.  iEmilius  M.  f.  M.  nep.  Quirina  Rectus  est  désigné  sur  trois  ins- 
criptions (C.  1.  L.  II,  3423.  3424  et  Eph.  ep.  III,  n.  35)  comme  domo  Roma,  qui 
et  Carthaginensis  et  Sicellitanics  et  Assotanus  et  Lacedsemonius  et  Argivus  et 
Bastetanus,  et  en  outre,  dans  les  inscriptions  dédiées  par  lui  à  Karthago 
nova,  comme  civis  adlectus  :  il  est  par  conséquent  dit  expressément  là  qu'il 
changea  de  patrie  par  adlectio  et  qu'il  prit  la  tribu  de  Karthago  nova,  la 
Quirina,  quoiqu'il  continuât  peut-être  abusivement  à  se  dire  domo  Roma.  Le 
cumul  de  six  droits  de  cité  locaux,  qui  se  présente  ici  contrairement  au 
principe  de  l'unité  du  droit  de  cité  local,  doit  s'expliquer  par  le  fait  que 
l'adlection  de  telles  personnes  n'ayant  pas  de  cité  locale  était  par  exception 
permise  aux  cités,  et  que  par  suite  il  pouvait  y  avoir  un  concours;  en  droit, 
c'était  sans  doute  la  priorité  qui  décidait. 

(3)  V.  tome  V,  la  partie  de  l'administration  de  l'Italie,  sur  l'intervention 
de  l'empereur  dans  l'administration  municipale. 


LE   DROIT   MUNICIPAL.  435 

faisait  pas  non  plus  défaut  à  ceux  qui  n'avaient  d'autre  patrie 
que  Rome,  montrent  soit  les  témoignages  exprès,  soit  les 
vraisemblances  (1);  mais  elle  était  pour  eux  très  diverse.  On 
trouve  des  membres  des  anciennes  maisons  patriciennes  dans 
les  tribus  urbaines  comme  dans  les  tribus  rustiques,  des  ^Emi- 
lii  (2)  et  des  Manlii  (3)  dans  la  Palatina,  des  Claudii  dans  la 
Quirina  (4),  des  Julii  dans  la  Fabia  (5),  des  Sulpicii  dans  la 
Lemonia  (6),  des  Vaierii  dans  la  Claudia  (7);  ces  tribus  sont, 
nous  en  avons  la  preuve,  fixes  et  héréditaires  dans  les  maisons 
impériales  des  Julii  et  des  Claudii,  et  il  doit  probablement  en 
être  de  môme  dans  les  autres  maisons.  Les  tribus  ne  varient  pas 
moins  chez  les  personnes  de  condition  inférieure  qui  indiquent 


(1)  Gicéron,  Phil.  6,  5,  22,  aux  Quintes  :  Num  quisnam  est  vestrum,  qui 
tribum  non  habeat?  certe  nemo. 

(2)  Paullus  JEmilius  Paulli  f.  Pal.  Regillus,  questeur  sous  Tibère  (C.  /.  L. 
II,  3837). 

(3)  C.  1.  L.  VI,  2125  :  L.  Manlio  L.  f.  Pal.  Severo  régi  sacrorum. 

(4)  Kubitschek,  De  Rom.  trib.  origine,  p.  H8,  a  rendu  très  probable  que  les 
empereurs  claudiens  appartiennent  à  la  Quirina,  attendu  que  de  nombreu- 
ses personnes  qui  tirent  d'eux  leur  droit  de  cité  appartiennent  à  cette  tribu. 
Nous  ne  savons  pas  à  quel  territoire  appartenait,  à  l'époque  récente,  la 
vieille  localité  sabine  de  Regillum,  à  laquelle  cette  famille  rattachait  son 
origine  ;  Reate  et  d'autres  cités  sabines  votaient  dans  la  Quirina,  et  cette 
tribu  peut  avoir  été  choisie  en  considération  de  cela. 

(5)  Les  Julii  appartiennent  à  la  Fabia,  ainsi  que  je  l'avais  conjecturé 
Eph.ep.  111,]).  232,  avec  des  arguments  qui  n'étaient  pas  à  vrai  dire  décisifs 
(d'après  Suétone,  Aug.  40  :  Fabianis  et  Scaptiensibus  tribulibus  suis,  où  la 
Scaptia  doit  appartenir  aux  Octavii,  c'est-à-dire  à  la  ville  de  Velitrse  dont 
la  tribu  n'est  pas  autrement  connue)  et  que  Kubitschek,  p.  116,  l'a  établi 
par  de  nombreux  exemples  de  personnes  dont  le  droit  de  cité  se  rattache  à 
des  concessions  personnelles  des  empereurs  de  la  dynastie  julienne  et 
qui  appartiennent  à  cette  tribu.  On  ne  discerne  pas  de  rapport  spécial 
entre  les  Julii  albains  et  les  Fabii  de  l'ancienne  Rome;  la  tribu  des  Albani 
Longani  Bovillenses,  dans  le  territoire  desquels  était  placé  l'ancien  sanc- 
tuaire de  la  famille  (C.  1.  L.  XIV,  2387),  n'est  pas  connue.  Dans  la  liste  de 
sénateurs  d'Adramytos(.Epfc.*p.  IV,  212),  on  trouve  un  Aeuxioç'Io-jXioçS^tou.... 
va,  par  conséquent  tribule  d'une  autre  tribu  que  la  Fabia;  mais  ce  titre  se 
place  vraisemblablement  à  l'époque  antérieure  à  Sulla,  où  la  tribu  était 
encore  mobile. 

(6)  Gicéron,  Phil.  9,  7,  15.  Josèphe,  Ant.  14,  10,  10,  où  le  vieux  manus- 
crit de  Leyde  lit  :  Eepovîvto;  Trauiuvioç  ve^wvla  xuivtoç. 

(7)  Deux  Vaierii  Poplicolae,  assurément  récents,  mais  patriciens,  se  pla- 
cent dans  la  Glaudia  (C.  /.  /,.  VI,  1531.  1532;. 


436  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

comme  patrie  la  ville  de  Rome  (1).  Cette  patrie  est  souvent  unie 
à  la  tribu  Fabia  (2),  mais  aussi  à  la  Palatina  (3),  à  la  Clau- 
dia (4),  à  la  Quirina  (5).  Par  conséquent,  la  communis  patria, 
fonctionnant  à  titre  supplétoire  comme  cité  d'origine,  peut  après 
comme  avant  se  concilier  avec  toutes  les  tribus  urbaines  et  rus- 
tiques. Les  règles,  selon  lesquelles  la  tribu  était  déterminée,  ne 
peuvent  se  discerner  qu'en  partie.  Les  hommes  de  la  nobilitas 
non-municipale  peuvent,  lors  de  l'introduction  du  nouveau  ré- 
gime, ou  avoir  choisi  leur  tribu,  ou  avoir  conservé  celle  dans 
laquelle  ils  se  trouvaient  alors;  mais  ensuite  la  tribu  est  deve- 
nue pour  eux  aussi  fixe  et  aussi  héréditaire  dans  les  familles 
que  l'était  celle  déterminée  par  la  cité  locale.  Si  deux  des  plus 
anciennes  gentes  apparaissent  dans  la  Palatina  (6),  cela  prouve 
seulement  que  la  tribu  des  maisons  patriciennes  suivait  ses  lois 
propres  ;  les  iËmilii  et  les  Manlii,  qui  pouvaient  à  plus  juste  titre 
que  les  Julii  et  les  Claudii  se  qualifier  du  nom  de  Romains  des 
origines,  ontpu  facilement  mettre  leur  orgueil  nobiliaire  à  choisir 
une  des  tribus  de  la  Rome  royale.  Pour  les  autres  catégories,  la 
tribu  doit  avoir  été  déterminée  par  des  dispositions  spéciales. 
Quoique,  selon  l'ancien  système,  la  tribu  ne  passa  aucunement 

(1)  Il  n'y  a  pas  de  documents  qui  attestent  cet  usage  de  Roma  chez  les 
patriciens,  et  il  ne  peut  y  en  avoir  ;  car  la  domus  ne  figure  jamais  dans  le 
système  des  noms  de  la  noblesse. 

(2)  On  trouve,  outre  celles  citées,  p.  433,  note  2,  une  quantité  d'inscriptions 
de  la  tribu  Fabia  avec  l'indication  de  Rome  comme  patrie  :  la  plus  an- 
cienne est  de  l'an  74  (C.  /.  L.  III,  p.  852);  la  plupart  appartiennent  à  des 
soldats  des  vigiles  ou  des  cohortes  urbaines  (C.  I.  L.  VI,  14.  221.  477.  2384 
4-  3884.  2896.  2902)  ou  à  d'autres  soldats  {Bph.  ep.  II,  357.  683.  Orelli,  1646 
=  C.  I.  L.  XI,  3057),  quelques-unes  à  des  chevaliers  romains  (C.  I.  L.  III, 
435.  3646). 

(3)  Ti.  Memmius  Ti.  f.  Palatina  Ulpianus  Roma,  chevalier,  romain  {€.  1.  L. 
VIII,  2623  et  Eph.  ep.  V,  761);  cas  analogues  C.  1.  L.  VIII,  2535  (de  l'an 
144).  9359.  La  liste  de  prétoriens  de  l'an  144  (C.  I.  L.  VI,  2375)  indique  dix 
soldats  ayant  la  même  patrie;  la  tribu  n'est  pas  ajoutée. 

(4)  Un  enfant  Q.  Sulpicius  Q.  f.  Cla.  Maximus  domo  Roma  participa  à 
l'Agon  du  Gapitole  de  l'an  94  (Kaibel,  Epigr.  Graec.  n.  618)  ;  son  père  Q.  Sul- 
picius Eugram(m)us  est  évidemment  un  affranchi. 

(5)  Outre  l'exemple  cité  p.  434,  note  2,  C.  1.  L.  II,  2600. 

(6)  A  la  vérité  les  Nummii,  patriciens  de  création  récente,  appartiennent 
aussi  à  la  Palatina,  C.  I.  L.  V,  4347.  On  trouve  même  dans  la  Gollina  un 
patricien  de  la  maison  des  Matii  [C.  I.  L.  V,  1872)  qui  a  reçu  le  patriciat 
au  plus  tôt  de  César. 


LE    DROIT  MUNICIPAL.  437 

au  gratifié,  comme  le  nom  de  famille,  aux  cas  de  présent  de  la 
liberté  ou  de  la  cité,  nous  la  voyons  traitée  sous  le  Principatde  la 
mêmefaçon  que  le  nom  de  famille:  celle  des  Julii  et  desClaudii 
passe  aux  nouveaux  citoyens  introduits  par  eux  dans  le  peuple 
et  aux  descendants  de  leurs  affranchis  qui  ont  droit  à  la  tribu 
des  ingénus.  Si  môme  les  soldats  qui  arrivent  au  droit  de  cité  en 
vertu  de  leur  service  dans  le  corps  des  pompiers  sont  tous  attri- 
bués à  la  Fabia,  la  raison  peut  en  être  que  la  loi  qui  leur  con- 
céda ce  privilège  fut  rendue  sous  l'empereur  Tibère  qui  ap- 
partenait à  cette  tribu. 


La  ville  opposée  à  l'État  est  étrangère  à  la  constitution  pri-    ^^Ime™ 
mitive  de  Rome;  le  droit  public  ancien  n'a  pas  non  plus  pour 
la  désigner  d'expression  technique  primitive. 

L'idée  de  ville  dans  son  opposition  au  territoire  remonte  bien  vrbs,  oppidum, 
aux  origines,  et  elle  y  est  exprimée  par  les  dénominations 
connues  à'urbs  et  d'oppidum,  qui  se  rattachent  toutes  deux  à 
l'acte  juridique  de  la  construction  des  murailles  (1);  les  deux 
expressions  se  confondent  quant  au  sens,  et  elles  ne  diffèrent  qu  'en 
ce  que  la  première  appartient  à  la  terminologie  plus  relevée  et 
la  seconde  à  la  terminologie  plus  humble,  urbs  allant  avec  prse- 


(1)  La  corrélation  des  deux  mots  avec  l'acte  de  la  fondation  de  la  ville, 
qu'affirment  les  grammairiens  romains  (Varron,  De  l.  L.  5,  141  et  ss.)  est 
rendue  certaine  par  l'usage.  Pour  urbs,  elle  n'a  pas  besoin  de  preuve.  Pour 
oppidum  (anciennement  oppodum),  il  faut  rappeler  l'emploi  du  mot  relative- 
ment aux  carceres  du  cirque.  L'étymologie  des  deux  est  controversée  (Cur- 
tius,  Griech.  Etym.  p.  79.  245;  Corssen,  Aussprache,  1,  170.  2,  870)  ;  mon  col- 
lègue J.  Schmidt  fait  venir  avec  vraisemblance  oppidum  de  la  préposition 
et  de  la  racine  d'où  est  sorti  le  germanique  fat,  l'allemand  Fass,  ce  qui 
donne  le  sens  primitif  de  clôture.  —  11  s'agit  toujours,' même  pour  oppidum, 
de  l'enceinte  de  murs  du  droit  public,  et  non  des  fortifications  militaires. 
Le  sens  politique  du  mot,  l'opposition  dans  laquelle  il  est  aussi  bien  avec 
la  forteresse  sans  commune  (castrum,  castellum)  qu'avec  la  commune  sans 
point  central,  ressort  de  la  manière  la  plus  claire  dans  les  listes  employées 
par  Pline,  en  particulier  3,  1,  18,  où  l'Espagne  citérieure  est  représentée 
comme  composée  de  294  civitates  ou  populi  indépendants,  parmi  lesquels 
193  sont  des  oppida. 


438  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

tor  et  senatus,  oppidum  avec  duoviri  et  decuriones.  La  dis- 
tinction primitive  s'est  toujours  maintenue  dans  les  noms  de 
personnes  dérivés  des  deux  mots  :  l&plebs  urbana  et  les  oppi- 
dani,  ce  sont  les  cives  intramurani,  les  citoyens  delà  ville,  par 
opposition  à  la  plebs  rustica,  aux  membres  de  la  cité  vivant  en 
dehors  des  murs  (1).  L'opposition  avec  ager  s'est  aussi  con- 
servée pour  urbs;  mais  elle  s'est  effacée  davantage  dans  oppi- 
dum, et  c'est  pour  cela  que  ce  dernier  mot  est  la  seule  expres- 
sion générale  par  laquelle  la  langue  latine  récente  puisse  ex- 
primer, en  quelque  mesure,  l'idée  de  la  commune  urbaine,  par 
opposition  à  celle  qui  n'est  pas  constituée  en  ville  (2).  Cette 
idée  étant  commune  aux  trois  cercles  juridiques  reconnus 
dans  le  sein  de  l'État  romain,  on  peut  aussi  bien  parler  d'un 
oppidum  civium  Romanorum  que  d'un  oppidum  Latinorum  ou 
Latinum  et  d'un  oppidum  peregriaorum  (3).  Cependant  l'u- 
sage de  pareils  déterminatifs  n'est  pas  fréquent  :  la  langue 
officielle  ne  fait  usage  du  mot  dans  le  sens  qui  vient  d'être  in- 


(1)  V.  des  exemples  épigraphiques  de  ces  expressions  surtout  C.  I.  L. 
V,  p.  1196.  IX,  p.  788.  X,  p.  1157  ;  Orelli,  3706  =  C.  L  L.  XI,  3807. 

(2)  Si,danslaloiRubria  qui  est  rédigée  avec  soin,  les  cités  de  citoyens  sont 
constamment  désignées  par  la  formule  :  0{ppidum)  m(unicïpium)  c[olonia) 
p(rœfectura)  f[orum)  v(eicus)  c(onciliabulum)  c[astelluin)  t(erritorium)ve,  c'est 
évidemment  parce  qu'oppidum  est  le  nom  général  embrassant  toutes  les  ca- 
tégories qui  suivent.  Il  est  encore  dit  d'une  manière  analogue  dans  Paul, 
Se?it.  4,  6,  2  :  Testamenta  in  municipio  (Mss.  :  municipiis)  colonia  oppido  (Mss.  : 
oppidis)  prxfectura  vico  caslello  conciliabulo  fada.  —  S'il  est  dit  au  contraire 
dans  l'ancienne  loi  repetundarum,  ligne  31  :  In  terra  Italia  in  oppedeis  fo?*eis 
conciliab[oleis,  ubei  jure  deicundo  prsesse  soient,  aut  extra  ltaliam  in  oppe- 
deis foreis  con]ciliaboleis ,  ubei  jonre  deicundo  prœsse  soient,  il  s'y  agit  des 
villages  dépourvus  de  statut  communal  dans  lesquels  la  justice  n'est  pas 
rendue  forcément,  mais  est  rendue  en  pratique,  certainement  des  prœfecturae 
qui  existaient  encore  dans  leur  caractère  primitif  à  l'époque  de  la  confec- 
tion de  cette  loi.  Il  y  a  également  dans  la  loi  agraire,  ligne  o  :  In  urbe 
(c'est-à-dire  dans  la  ville  de  Rome),  oppido  (dans  une  circonscription  ur- 
baine) vico  (dans  une  parcelle  de  terre  qui  ne  fait  partie  d'aucune  circons- 
cription urbaine).  Lorsque  la  ville  de  Genetiva  est  désignée  dans  son  statut 
communal  comme  étant  oppidum  coloniave  (c.  73),  ou  oppidum  colonia  (c.  75. 
76)  ou  colonia  oppidum  (c.  91),  cela  veut  dire  qu'elle  est  une  colonie  et  qu'en 
outre  en  tout  cas  elle  est  une  ville. 

(3)  Ce  langage  se  révèle  de  la  manière  la  plus  claire  dans  les  listes  de 
Pline..  Naturellement  les  déterminatifs  honorifiques  y  sont  régulièrement 
ajoutés  et  celui  de  la  troisième  classe  en  général  omis;  cependant  oppidum 
peregrinorum  se  trouve  5,  2,  19. 


LE   DROIT  MUNICIPAL.  439 

diqué  que  rarement  et  en  général  à  titre  d'expression  collec- 
tive; elle  ne  l'emploie  pas  pour  désigner  une  catégorie  particu- 
lière, ni  spécialement  la  cité  de  citoyens.  —  Il  n'y  a  pas  non 
plus  d'expression  technique  pour  le  terme  opposé,  pour  la  com- 
munauté qui  n'est  pas  arrivée  à  se  constituer  selon  le  type  ur- 
bain. L'expression ?iatio,  qui  semblerait  la  plus  naturelle,  aune 
portée  ethnologique  et  ne  contient  pas  en  elle  l'idée  de  commu- 
nauté politique  (p.  356,  note  2).  —  Au  sens  strict,  il  n'y  a  pas,  pour 
désigner  cette  communauté,  d'autre  expression  que  populus  et 
civitas  (VI,  1,  p.  1  et  ss.),  et  la  langue  n'est  pas  en  état  de 
donner  à  la  distinction  de  la  commune  urbaine  et  de  la  com- 
mune non-urbaine  une  formule  d'une  portée  générale  et 
techniquement  énergique. 

A  défaut  d'un  nom  général  qui  puisse  désigner  la  commu-  Cumul  des 


noms 
des  diverses 


nauté  urbaine,  on  emploie,  dans  la  langue  technique,  en  les  eu-  catégoriel 
mulant,  différentes  dénominations  qui  se  rattachent  à  l'origine 
des  statuts  des  villes,  et  qui,  puisque  ces  statuts  peuvent  être 
fondés  de  différentes  façons,  ne  peuvent  être  employées  cha- 
cune au  sens  propre  que  pour  la  catégorie  particulière  qu'elle 
indique.  Parmi  toutes  les  formules  complexes  que  l'on  ren- 
contre employées  dans  ce  but,  la  plus  correcte  est  celle  de  la 
loi  agraire  de  643  :  Colonise  seive  moinicipia  seive  quae  pro 
7noinicipieis  colonieisvesunt(ï);  elle  met  l'une  à  côté  de  l'au- 
tre les  deux  catégories  principales,  et  elle  indique  en  même 
temps  qu'il  y  a  dans  chacune  en  outre  des  dénominations  ex- 
ceptionnelles mais  équivalentes.  Les  autres  formules  techniques 
portent  aussi  en  tête  ces  deux  noms  principaux;  mais  elles  es- 
saient ensuite  d'épuiser  la  liste  des  autres  noms  existants  (2), 
sans  qu'elles  arrivent  au  succès  ni  que  le  succès  soit  possible. 


(1)  Ligne  31  :  [Quei  coionieis  seive  moi]nicipieis  seive  quse  pro  moinicipieis 
colo[nieisve  sunt  civium  Rom.]  soclumve  nominisve  Latini...ager  fruendus  datus 
est.  Plus  loin  :  [Quei]  pro  colonia  moinicipiove  prove  moinicipieis  f 'ruent ur,  où 
pro  est  employé  dans  une  double  acception  et  où  l'idée  est:  Pro  colonia  ?nu- 
nicipiove  prove  oppido  quod  pro  municipio  est. 

(2)  La  liste  qui  se  trouve  dans  la  loi  Rubria  et  qui  est  la  plus  dévelop- 
pée de  toutes  et  la  liste  parente  de  Paul  ont  déjà  été  citées,  p.  438,  note  2. 
La  première  loi  dit,  par  abréviation,  1,  42,  municipium  colonia  locus  et,  dans 
le  fragment  d'Esté  (s'il  en  fait  réellement  partie)  municipium  colonia  pr&fec- 


440  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

coionia.  Étymologiquement  et  dans  le  langage  usuel,  de  même  que 

le  colonus  est  le  paysan,  la  coionia  est  en  première  ligne  l'ex- 
ploitation agricole,  par  conséquent,  dans  l'économie  rurale  mo- 
derne, la  ferme  isolée  (i).  Mais,  l'agriculture  primitive  ayant 
pour  fondement  une  exploitation  en  commun  organisée  d'une 
manière  quelconque,  la  surface  de  terrain  cultivée  par  tous  les 
coloni  qui  y  participaient  doit  nécessairement  aussi  avoir  été 
appelée  coionia  à  l'époque  la  plus  ancienne  (2),  et  le  mot  a 
conservé  cette  signification  dans  la  langue  politique  :  la  coionia 
est  la  localité  créée  par  l'État  qui  y  établit  un  certain  nombre 
de  paysans  (3).  La  soustraction  du  territoire  qui  leur  est  attri- 


tura.  La  loi  Juliamunicipalis  contient  à  peu  près  aussi  fréquemment  l'une 
que  l'autre  la  formule  à  cinq  termes  municipium  coionia  prœfectura  forum  con- 
ciliabulum  et  la  formule  à  trois  termes  que  nous  venons  d'indiquer  en  dernier 
lieu.LaloiJulia  agraire  réunit  les  diverses  concessions  de  statuts  de  ville  par 
les  mots  (Lachmann,p.  263):  Quœ  coionia  hac  lege  deducta  quodve  municipium 
prœfectura  forum  conciliabulum  cojistitutum  erit  (Lachmann,  p.  263,  5;  de 
même,  p.  263,  9.  264,  7.  10)  et  elle  dit  plus  loin  (p.  265,  5)  :  Quicumque  ma- 
gistratus  in  ea  coionia  muniçipio  prœfectura  foro  conciliabulo  jure  dicundo 
prseerit.  [Q.  Gicéron],  Comm.pet.  8,  30  :Ne  quod  municipium,  coloniam,  pr  se - 
fecturam,  locum  denique  Italiae  ne  quem  esse  patiare.  La  désignation  à  trois 
termes  municipium  coionia  prœfectura,  que  nous  trouvons  aussi  dans  les 
lois  de  César,  prédomine  surtout  dans  Cicéron'(Pro  Sest.  14,  32;  Philipp.  4, 
3,  7;  [Q.  Gicéron],  loc.  cit.;  aussi  Siculus  Flaccus,  p.  163,  23.  —  Municipium 
prœfectura  coionia,  Gicéron,  Phil.  2,  24,  58.  In  Pison.  22,  51.  —  Coionia  muni- 
cipium prœfectura,  Siculus,  p.  135,  2.  163,  27).  La  formule  à  deux  termes  se 
rencontre  aussi  à  l'époque  ancienne  (Gicéron,  Phil.  3,  5,  13.  c.  15,  38.  De 
domo,  28,  75  :  Municipiorum  et  coloniarum  et  totius  Italiae  décréta)  et  elle  est 
plus  tard  seule  employée  —  par  exemple  municipia  et(atque)  colonise,  Salluste, 
Cat  58,  9  ;  César,  B.  G.  8,  3;  Auguste,  Mon,  Ane.  4,  27.  29;  colonise  et  muni- 
cipia, Salluste,  Cat.,  17,  4;  de  même  Auguste,  Mon.  Ane.  1,17, —  évidemment 
parce  que  les  prœfecturœ  commencent  à  l'époque  récente  à  être  appelées 
municipia. 

(1)  L'emploi  primitif  de  coionia  pour  désigner  une  exploitation  rurale  s'est 
maintenu  dans  la  langue  technique,  montrent  la  table  de  Veleia  (par 
exemple,  6,  40,  saltum  Dnisianum  cum  colonis  duabus  Magiana  et  Ferrania; 
2,  89,  fundum  Julianum  cum  figlinis  et  coloniis  Vllll)  et  l'usage  qu'en  font  les 
Gromatici  ;  dans  le  latin  littéraire,  il  a  été  effacé  par  le  sens  politique  du  mot. 

(2)  VI,  1,  p.  27.  Il  est  avantageux  de  rapportera  cette  origine  l'emploi  fait  de 
coionia  pour  désigner  la  localité,  soit  parce  qu'on  obtient  ainsi  un  sens  plus 
concret,  soit  parce  qu'il  est  hasardeux  d'attribuer  au  mot  un  double  sens 
primitif,  ainsi  qu'il  faut  le  faire  si  on  l'assimile  à  à?cotx:a. 

(3)  Naturellement  il  s'agit  des  hommes  et  non  pas  de  la  fondation 
même:  une  localité,  qui  reçoit  pour  le  tout  ou  du  moins  pour  la  plus 
grande  partie  de  nouveaux  citoyens,  est  une  coionia,  alors  même  qu'elle 


LE    DROIT  MUNICIPAL.  441 

bué  à  l'exploitation  des  groupes  gentilices  locaux  qui  cultivent  le 
reste  des  terres,  constitue  même,  ainsi  que  nous  l'avons  re- 
marqué(VI,  l,p.  27),  l'origine  de  l'idée  de  colonia.  La  condition 
juridique  des  hommes  ainsi  établis  par  les  Romains  n'étant  pas 
définie  par  là,  il  y  a  à  la  fois  des  colonies  de  citoyens  romains 
et  des  colonies  de  droit  latin,  et  l'on  ne  peut  même  point  con- 
tester l'existence  de  colonies  de  droit  pérégrin  (1). 


conserve  son  nom  et  ses  murs.  Un  établissement  fait  sans  constitution  de 
commune  est  parfaitement  concevable,  et  certains  conciliabula  civium-Romano- 
rum,  certains  villages  de  citoyens  peuvent  être  nés  de  cette  façon  (V.  Tite- 
Live,  32,  7,  3  et  la  note  sur  ce  texte,  dans  la  théorie  de  la  Censure,  au  sujet 
de  la  mise  à  ferme  des  vectigalia)  ;  mais  c'est  seulement  lorsque,  dans  l'assi- 
gnation, on  a  l'intention  d'établir  une  communauté  durable  entre  les  immi- 
grants (dans  les  colonies  de  citoyens,  d'abord  pour  mettre  une  garnison  dans 
les  ports,  p.  465  ),  qu'il  y  a  une  colonia  au  sens  légal  et  que  les  annales 
en  relèvent  la  fondation. 

(I)  J'ai  antérieurement  regardé  les  coloni  que  le  gouvernement  romain 
fit  conduire  en  547  de  oppidis  Siculorum  à  Akragas  (Gicéron,/n  Verr.  I.  2,  50, 
123)  comme  des  colons  latins  (R.  M.  W.  p.  663  =  tr.  fr.  3,  235  ;  cf.  Handbuch, 
4,  245,=  tr.  fr.  8, 235,  où  cette  opinion  est  repoussée  avec  raison,  mais  où  ^ques- 
tion de  savoir  ce  qu'était  alors  cette  colonie  n'est  même  pas  posée).  Mais  l'uni- 
que monnaie  de  cette  ville  avec  la  légende  latine  AERIGENT  (sic)  (Salinas, 
Monete  Sic.  tav.  XIII,  33,  n.  350)  remonte  difficilement  à  un  temps  aussi 
reculé  et  appartient  sans  doute  à  l'époque  de  la  latinité  générale  de  la  Sicile. 
Quella  moneta,  m'écrit  Salinas,  qui  n'en  connaît  pas  d'autre  exemplaire  que 
celui  de  Paris,  ha  una  grande  analogia  con  la  série  segnata  pure  con  la  Trina- 
cria  (Landolina  Paterne,  letlera  al  Riccio)  e  con  la  moneta  cesarea  di  Lilibeo. 
D'autre  part,  il  est  établi  qu'Agrigente  n'avait  pas,  du  temps  de  Gicéron,  une 
condition  juridique  meilleure  que  la  masse  des  civitates  stipendiariae  de 
Sicile.  Cela  conduit  avec  nécessité  à  y  voir  une  colonia  peregrinorum,  et  une 
colonie  de  pérégrins  qui  se  distingue  des  autres  villes  pérégrines  seulement 
par  son  origine  et  non  par  sa  condition  légale.  —  Peut-être  cela  donne-t-il 
aussi  la  solution  de  l'aporie  jusqu'à  présent  non  résolue  qui  existe  au  sujet 
des  villes  africaines  de  Curubis  et  d'Hippo.  La  première  a,  d'après  des 
témoignages  épigraphiques,  reçu  une  enceinte  de  murs  sous  César  et  s'ap- 
pelle colonia  Julia  (C.  /.  L.  VIII,  977.  980)  ;  mais  la  liste  digne  de  foi  de 
Pline,  5,  4,  24,  l'appelle  oppidum  Uberum,  c'est-à-dire  cité  de  pérégrins  auto- 
nome. Si  César  a  déduit  cette  cité  (et  probablement  en  même  temps  Glupea) 
comme  ville  (oppidum  dans  l'inscription  977)  du  dro'it  pérégrin  de  la  meil- 
leur qualité,  elle  était  à  la  fois  une  colonie  et  une  ville  autonome.  De  même 
Hippo  Diarrhytus  s'appelle  dans  l'inscription  C.  I.  L.  VIII,  1206,  colonia 
Julia,  sur  ses  monnaies  (Miïller,  Num.  de  l'ancienne  Afrique  2,  167),  Hippo 
libéra.  Le  droit  pérégrin  ainsi  accordé  pouvait  être  contenu  dans  des  lettres 
d'alliance,  comme  celui  d'Athènes,  ou  être  simplement  précaire  comme 
celui  d'Éphèse.  La  seconde  forme  a  été  employée  pour  Akragas,  la  pre- 
mière pour  Curubis  et  Hippo. 


442  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

Vers  la  fin  de  la  République  et  sous  l'Empire,  le  nom  de 
colonia  commence  à  être  appliqué  à  des  cités  auxquelles  la 
qualité  de  colonies  est  attribuée,  sans  qu'il  y  ait  eu  d'envois  de 
nouveaux  citoyens,  exclusivement  par  une  fiction  juridique  ou 
une  interprétation  équivalente  (1).  Gela  se  produisit  pour  la 
première  fois  lorsque  les  cités  pérégrines  cisalpines  reçurent 
la  latinité  comme  droit  colonial,  en  665,  à  la  suite  de  la  guerre 
sociale;  cette  forme  fut,  avons-nous  vu  (p.  246),  cboisie  alors 
parce  que  certains  des  privilèges  des  villes  latines  primitives 
faisaient  défaut  aux  colonies  latines  postérieures  et  que  l'on  ne 
voulait  donner  aux  cités  de  la  Haute  Italie  que  le  statut  com- 
munal inférieur  des  dernières.  L'étendue  des  droits  accordés 
n'a  pas  été  plus  considérable  dans  les  concessions  de  la  latinité 
faites  depuis;  mais  on  ne  leur  a  cependant  point  étendu  le  nom 
de  colonies  (p.  247).  —  Relativement  aux  colonies  de  citoyens, 
il  ne  s'est  rien  produit  de  pareil  à  la  bonne  époque;  c'est  seule- 
ment à  l'époque  de  la  décadence  de  l'Empire  que  la  qualité  de 
colonie,  considérée  alors  comme  une  supériorité  honorifique  (2), 


(1)  Condere  coloniam  peut  à  la  rigueur  désigner  la  fondation  d'une  cité 
urbaine  se  confondant  avec  l'ancienne  quant  aux  personnes  qui  la  compo- 
sent. La  dissolution  du  peuple  ancien  et  la  création  du  peuple  nouveau  se 
présentent  même  en  l'absence  de  déduction. 

(2)  Aulu-Gelle,  16,  13,  3  :  Existimamus  meliore  condicione  esse  colonias  quam 
municipia.  La  prière  adressée  par  les  Prénestins  à  l'empereur  Tibère  de 
changer  leur  droit  colonial  venant  de  Sulla  en  droit  municipal  (Aulu-Gelle, 
loc.  cit.)  semble  être  surtout  une  protestation  faite  après  coup  contre  un 
acte  de  violence  et  une  demande  de  restitution  dans  leur  premier  état.  Ti- 
bère accueillit  la  demande,  mais  la  ville  resta  cependant  colonie  {Hermès, 
18,  161),  probablement  parce  qu'il  n'y  avait  pas  de  procédé  légal  pour  faire 
la  transformation.  Cette  pétition  prouve  en  tout  casque  que  la  supériorité 
hiérarchique  des  colonies  n'était  pas  encore  établie  du  temps  de  Tibère. 
Le  premier  rang  occupé  constamment  par  les  colonies  dans  la  loi  agraire 
du  dictateur  César  et  dans  les  listes  de  Pline  n'est  pas  une  objection;  car 
il  s'explique,  dans  la  première,  par  le  but  propre  de  la  loi  qui  était  la  fon- 
dation de  colonies,  dans  les  secondes,  par  le  fait  que,  dans  les  listes  de 
villes  du  temps  d'Auguste,  ses  colonies  étaient  surtout  mises  en  évidence 
(Hennés,  18,  196  et  ss.).  Mais  la  préséance  postérieure  des  colonies  se  ma- 
nifeste dans  le  premier  rang  qui  leur  est  toujours  donné  chez  Frontin  et 
les  Gromatici  postérieurs  (Rudorff,  Feldmesser,  2,  416).  C'est  probablement 
par  un  phénomène  corrélatif  que  les  duumvirs,  qui,  à  l'époque, ancienne, 
sont  surtout  propres  aux  colonies,  supplantent  postérieurement  de  plus  en 
plus  les  quattuorvirs  municipaux,  et  que  ces  derniers  manquent  notamment 


LE  DROIT  MUNICIPAL.  441 

a  été  concédée  assez  souvent,  comme  simple  titre,  sans  fonda- 
tion nouvelle  (1). 

Le  mot  mwiicipium  apparaît  ici,  avons-nous  déjà  montré  A/vnicipum. 
(VI,  1,  p.  261  et  ss.),  fortement  détournéde  son  sens.  Ilavaitdé- 
signé  primitivement,  la  cité  de  droit  latin  en  communauté  fon- 
cière et  par  conséquent  en  communauté  d'impôts  avec  Rome, 
ensuite  aussi  la  localité  de  citoyens  inférieurs  coordonnée  aux 
citoyens  complets,  avec  communauté  de  service  et  d'impôt,  mais 
sans  communauté  de  droits  politiques,  et  il  faisait  par  consé- 
quent,danslesdeuxcas,oppositionàlaqualitédecitoyen  complet. 
Après  que  les  municipes  latins  eurent  été  transformés  en  cités 
de  citoyens  complets  après  la  guerre  des  Marses,  que  les  cités 
de  citoyens  l'eurent  été  pour  la  plupart  encore  plus  tôt,  et  que 
les  deux  classes  eurent  disparu  du  droit  public  romain,  la  dé- 
nomination subsista,  abusivement  et  incorrectement,  ainsi  que 
le  savaient  très  bien  les  jurisconsultes  romains  (VI,  1,  p.  264, 
note  2),  pour  les  cités  qui,  dans  le  droit  antérieur,  avaient  été  soit 
des  municipia  latins,  soit  des  cités  fédérées  (2),  et  qui  avaient 
donc  été  transformées  d'États  indépendants  en  cités  de  citoyens 
romains.  Les  villes  de  droit  latin  fondées  par  Rome  pouvaient  par 
suite  s'appeler  aussi  bien  municipia  que  colonise  (VI,  I,  p.  262, 
note  3).  C'est  à  cette  époque  que  parait  s'être  introduite,  d'une 


presque  complètement  dans  les  villes  provinciales;  si,  comme  le  dit  Aulu- 
Gelle,  la  colonie  semblait  aux  modernes  se  rapprocher  plus  étroitement 
de  la  ville  de  Rome  que  le  municipe,  on  devait  pour  la  même  raison  et  à 
plus  juste  titre  y  donner  la  préférence  au  duumvirat  sur  le  quattuorvirat. 

(1)  Hadrien  (dans  Aulu-Gelle  loc.  cit.)  invoque  comme  exemples  de  tel- 
les transformations,  blâmées  par  lui,  Italica  en  Bétique  et  Utique  en  Afri- 
que, qui  en  effet  prennent  postérieurement  la  première  (C.  I.  L.  XII,  1856) 
aussi  bien  que  La  seconde  (C.  L  L.  VIII,  p.  149)  le  nom  de  colonia  jEUa. 

(2)  C'est  là  dans  la  définition  de  Sarvius  (VI,  1,  p.  265,  note  1)  la  troisième 
de  trois  espèces  de  municipia  civiumRomanorum.  Dans  les  exemples,  on  ne 
trouve  aucun e'ancienne  localité  le  demi-citoyens.  Au  contraire  on  y  voit  soit 
les  municipia  latins,  tant  les  vieilles  cités  latines  (Tibur  et  Préneste)  que 
les  colonies  latines  (Sutrium,  Nepet,  Placentia,  Bononia),  soit  les  villes 
fédérées  de  droit  non  latin  (Locri,  Pisse,  Urvinum,  Nota).  Les  dernières 
ne  sont  pas  assurément  des  municipia  dans  l'ancien  sens  du  mot;  mais  la 
fusion  des  Latins  et  des  autres  fédérés  d'Italie  (p.  287  et  ss.)  explique  que 
toutes  les  cités  italiques  passées  de  l'indépendance  dans  le  corps  des  ci- 
toyens aient  pris  la  dénomination  de  municipium . 


444  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

part,  l'opposition  des  deux  dénominations,  par  suite  de  laquelle 
l'une  des  deux  seulement  peut  être  prise  comme  titre  (i),  et 
que,  d'autre  part,  il  semble  s'être  attaché  à  la  première  une 
supériorité  honorifique,  par  suite  delaquelle  toutes  les  cités  en 
droit  de  prendre  les  deux  titres  se  qualifient  de  municipia  (2) 
et  il  n'y  a  à  s'appeler  colonise  que  celles  fondées  sans  indépen- 
dance par  Rome  qui  n'ont  jamais  été  des  États.  Cette  définition 
rétrospective,  tirée  de  l'état  légal  autérieur,  est  la  seule  qu'on 
puisse  donner  du  municipium  postérieur  à  la  guerre  sociale  (3). 
La  cité  de  citoyens  complets,  fondée  par  Rome  par  voie  de  dé- 
duction sans  collation  des  droits  souverains,  comme  la  colonie 
de  citoyens,  ou  par  concession  d'un  statut  communal  à  une 
localité    jusqu'alors    dépourvue    d'organisation    corporative, 


(1)  Municipium  et  colonia  s'excluent  dans  l'ancien  régime  tout  au  plus 
dans  le  langage.  Il  n'est  pas  en  contradiction  avec  l'exclusivisme  légal 
qui  existe  postérieurement  entre  les  deux  catégories  que  l'on  rencontre 
parfois  sous  le  même  nom  et  dans  la  même  ceinture  de  murailles  des  mu- 
nicipes  et  des  coloni  les  uns  à  côté  des  autres,  comme  à  Pompéi  (C.  I.  L. 
X,  p.  89),  à  Interamnia  des  Praetuttii  (C.  1.  L.  IX,  o074),  à  Arretium,  tantôt 
avec  un  ordo  simple,  tantôt  avec  un  conseil  communal  pour  chacun. 

(2)  C'est  ce  que  prouvent,  outre    la  définition  de  Servius,  les  institutions 
urbaines  de  toutes  les  anciennes  colonies  latines.  Lorsque  Asconius  dit, 
éd.  Orelli,  p.  3  :  Magnopere  me  hsesitare  confiteoi\quid  sit  guare  Cicero  Placen- 
tiam  municipium  esse  dicat,  nous  ne  pouvons  que  nous  étonner  de  l'igno- 
rance juridique  d'un  homme  aussi  instruit  en  philologie  et  en  histoire. 

(3)  La  définition  donnée  par  Aulu-Gelle,  16,  13,  6,  du  municeps  de  son 
temps  :  Municipes  sunt  cives  Romani  ex  municipiis,  legibus  suis  et  suo  jure 
utentes,  muneris  tantum  cum  populo  Romano  honorant  participes,  a  quo  munere 
capessendo  appellati  videntur,  nullis  aliis  necessitatibus  neque  ulla  populi  Ro- 
mani lege  adstricti  nisi  in  quam  populus  eorum  fundus  factus  esset,  est  un  vé- 
ritable chef-d'œuvre  de  confusion  historico-juridique  et  de  mélange  de  l'an- 
cien et  du  nouveau  langage.  Ce  qui  y  est  dit  s'accorde  avec  l'ancien  lan- 
gage, en  en  supprimant  les  mots  du  début,  (car  l'ancien  municeps  n'est  pas 
citoyen),  et  la  transposition  de  la  participation  au  munus,  c'est-à-dire  aux 
charges  publiques,  en  une  participation  honorifique  à  ce  munus,  qui,  si 
elle  veut  dire  quelque  chose,  ne  peut  signifier  que  le  droit  aux  magistratu- 
res, précisément  fermées  à  l'ancien  municeps.  Les  municipes  de  l'époque 
récente  sont  à  la  vérité  des  cités  de  citoyens  romains.  Mais  ils  n'ont  ni  plus 
ni  moins  de  droit  propre  que  les  colonies  ;  l'assertion  selon  laquelle  les 
lois  romaines  ne  s'appliqueraient  à  eux  qu'autant  qu'ils  les  auraient  ac- 
ceptées est  une  bévue  inexcusable  même  chez  un  non-jurisconsulte  ;  et  le 
peuple  récent  de  l'empire  se  composant  notamment  de  ces  peuples  de  villes, 
il  est  plus  que  faux  de  mettre,  comme  ce  texte,  le  municipe  sur  la  même 
ligne  que  le  peuple  de  l'empire. 


LE   DROIT    MUNICIPAL.  445 

ainsi  que  nous  allons  le  voir  bientôt,  n'est  pas  un  municipium. 
Cette  dénomination  contient  en  elle  une  réminiscence  des  an- 
ciens droits  de  souveraineté,  un  écho  de  ce  soulèvement  des 
alliés  contre  l'État  dominant  duquel  est  sortie  la  guerre  sociale. 

Le  mot  prœfectura  désigne,  au  sens  propre,  le  siège  d'un  Pnefeetura. 
juge  envoyé  par  Rome  et  plus  ou  moins  permanent,  et  il  est 
par  conséquent  en  opposition  avec  l'autonomie  urbaine;  car 
on  n'envoie  de  pareils  juges  que  dans  les  localités  qui  sont 
complètement  dépourvues  d'autonomie,  ou  qui  tout  au  moins 
n'ont  qu'un  droit  limité  de  s'administrer  elles-mêmes  (1).  La 
transformation  de  ces  arrondissements  judiciaires  en  cités  de  ci- 
toyens, a  eu  lieu,  tout  comme  la  déduction  des  colonies  de 
citoyens,  par  un  acte  unilatéral  du  gouvernement  romain,  pour 
une  partie  dès  une  époque  précoce,  par  exemple  pour  Fundi,  For- 
miae,  Arpinum  en  566  ;  pour  le  grand  nombre  plus  tard,  sans 
doute  à  la  suite  de  la  guerre  sociale  (p.  429)  ;  lorsqu'enfin  Cé- 
sar eut  donné  à  Capua  une  constitution  urbaine,  il  n'y  eut  plus  de 
prdefecturœ  au  sens  primitif  du  mot.  Ces  cités  n'ayant  pas  été  à 
l'origine  autonomes,  la  dénomination  de  munie ipium  ne  leur 
convenait  pas  légalement;  pourtant  un  certain  nombre  d'entre  el- 
les l'ont  prise  de  bonne  heure;  ainsi,  par  exemple,  Cicéron  appelle 
toujours  ainsi  Arpinum,  sa  ville  natale.  Peut-être  étaient-ce  cel- 
les qui  avaient  déjà  possédé,  en  qualité  àQprœfecturœ,  une  cer- 
taine indépendance  administrative.  Mais  une  partie  des  anciens 
sièges  judiciaires  conservèrent  leur  vieille  dénomination;  en 
particulier,  les  villes  sabines  deReate,  de  Peltuinum  et  d'Ami- 
ternum  ont  porté  ce  titre  officiellement  jusque  sous  l'Em- 
pire (2).  Le  mot  indiquant  désormais  la  possession  d'un  statut 


(1)  P.  195.  Forum  Glodii,  dans  FÉtrurie  méridionale,  à  l'emplacement 
actuel  de  Bracciano,  situé  au  bord  de  la  voie  Glodia  conduisant  de  Luca 
par  Arretium  et  Glusium  à  Rome,  est  sans  doute. né  en  qualité  de  marché 
en  même  temps  que  la  route,  mais  il  s'appelle  plus  tard  dans  la  liste 
d'Auguste  (Pline,  3,  5,  52,  classé  sous  la  lettre  p)  praefectura  Claudia 
foro  Clodi,  et  ses  citoyens  s'appellent  dans  une  inscription  récemment 
découverte  (p.  195,  note  3)  Claudienses  exprxfectura  Claudia. 

(2)  C.  1.  L.  IX,  p.  787.  Les  magistrats  des  anciennes  prsefecturae  ont 
aussi  fréquemment  des  titres  divergents;  si  les  lois  visent,  à  côté  des  duum- 
virs  et  des  quattuorvirs,  ceux  qui  alioguo  nomine  magistratum  potestatemve 


-H6  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

communal  aussi  bien  que  municipium  et  colonia,  il  est  habi- 
tuellement placé  à  côté  des  deux  premiers,  comme  troisième 
catégorie,  dans  la  désignation  cumulative  des  cités  urbaines 
(p.  439,  note  2).  La  jurisprudence  des  derniers  temps  de  la  Ré- 
publique exprime  collectivement  l'idée  nouvelle  de  la  cité  de 
citoyens,  en  rassemblant  la  cité  entrée  par  un  acte  d'autonomie 
dans  le  corps  des  citoyens,  celle  fondée  par  Rome  et  celle  gra- 
tifiée par  Rome  d'un  statut  municipal. 
Dénominations  ^es  autres  dénominations  des  communautés  urbaines  qui  se 
deTTiîï.  rencontrent  dans  les  lois  ne  sont  pas  sur  la  même  ligne  que  les 
premières.  La  langue  technique  des  jurisconsultes  romains, 
qui  souffre  assurément  d'une  surabondance  d'expression,  em- 
ploie, pour  exprimer  l'idée  de  ville,  à  côté  du  terme  général 
oppidum  et  des  trois  expressions  municipium,  colonia  etprâe- 
fecturœ  que  nous  venons  d'étudier,  encore  les  mots  vicus,  cas- 
tellum,  territorium,  locus  (p.  439,  note  2).  Dans  leur  acception 
propre,  toutes  ces  expressions  sont  étrangères  au  sujet.  Les 
fora,  les  marchés,  dont  la  naissance  fut  principalement  provo- 
quée par  le  tracé  des  grandes  voies  de  l'empire,  ont,  non  pas 
absolument  comme  les  prœfecturœ,  —  Forum  Appii,  près  de 
Terracine,  est  par  exemple  toujours  resté  un  simple  hameau, 
—  mais  pour  la  plupart,  spécialement  en  Gaule  cisalpine,  ob- 
tenu des  statuts  municipaux  (1),  sans  avoir  droit  cependant  à 
l'une  des  trois  dénominations  techniques.  On  rencontre  aussi 
un  cas  semblable  pour  le  conciliabulum  (2).  En  considération 
de  cela,  on  pouvait  à  bon  droit,  en  l'absence  de  terme  général, 
pour  exprimer  d'une  manière  complète  le  droit  de  fonder  une 
communauté  urbaine,  ajouter  la  mention  de  la  constitution  d'un 


sufragio  habent,  il  est  sans  doute  fait  par  là  principalement  allusion  aux 
trois  édiles  de  Fundi  etFormise  et  aux  octovirs  d'Amiternum,  d'autres  lieux 
sabins. 

(1)  Marquardt,J/andÔMcM,p.42,note  3  =  tr.  fr.8,  15,  note  2.  Hermès,  16,32. 

(2)  Interamnia  des  Praetuttii,  dit  Frontin,  éd.  Lachmann,  p.  19,  concilia- 
bulum fuisse  fertur  et  postea  in  municipii  jus  relatum.  Cette  cité  n'a  donc 
droit  à  aucun  des  trois  noms  légaux,  et  elle  n'est  pas  non  plus  née  comme 
marché  romain;  mais  le  nom  de  conciliabulum  civium  Romanorum  muni  de 
magistrats  et  de  décurions  (qui  n'a  '  probablement  jamais  été  employé 
comme  titre  officiel)  lui  convenait  bien. 


LE   DROIT  MUNICIPAL.  447 

forum  ou  d'un  conciliabulum  muni  du  droit  de  juridiction. 
Mais  ces  deux  noms  ne  cessent  point  pour  cela  d'être  plutôt  la 
négation  que  l'expression  de  l'idée  de  ville.  —  Le  viens  rural, 
—  il  n'y  pas  à  penser  ici  au  vicus  urbain,  —  est  le  village  dé- 
pourvu de  statut  communal  (VI,  1 ,  p.  134),  et  le  caslellum  se  dis- 
tingue du  viens  seulement  au  point  de  vue  militaire,  en  ce  qu'il 
est  mis  en  état  de  défense.  Il  y  avait  des  vici  pourvus  du  droit 
de  juridiction  (1),  et  c'est  d'eux  seulement  qu'il  peut  être  ques- 
tion dans  cette  énumération  ;  mais  on  ne  peut  dire  avec  certi- 
tude ce  qu'il  faut  entendre  par  là.  Peut-être  s'agit-il  de  la  con- 
cession d'un  statut  communal  faite  à  un  viens  sans  changement 
de  sa  dénomination  (2)  ;  mais  il  se  peut  aussi  qu'un  droit  com- 
munal imparfait  ait  été  conféré  à  un  vicus  sans  qu'il  fut  com- 
plètement séparé  de  la  ville  de  laquelle  il  dépendait  (3).  —  En- 
fin locus  et  territorium  sont  certainement  ajoutés  seulement 
pour  parer  à  l'hypothèse  toujours  possible  dans  laquelle  au- 
cune des  dénominations  indiquées  ne  conviendrait  à  une  com- 
mune urbaine  déterminée  (4).  —  Toutes  ces  dénominations 
ne  sont  pas  légales  pour  désigner  la  communauté  urbaine,  et 
elles  ne  s'emploient  que  dans  de  certaines  circonstances  et  à 
titre  exceptionnel. 

Sous  l'Empire,  la  terminologie  s'est  simplifiée  en  ce  que 
l'idée  positive  de  l'autonomie  antérieure  s'efface  dans  le  nom 


(1)  Festus,  p.  371:  Ex  vicis  partem  habent  rem  publicam  et  jus  dicitur, 
partim  nihil  eorum  et  tamen  ibi  nundlnse  aguntur  negolii  gerendi  causa  et  ma- 
glstri  vici,  item  magistri  pagi  quotannis  fiv.nt.  Mais,  clans  le  texte  cité  p.  411, 
no'e  2,  et  p.  456,  note  4,  qui  remonte  sans  doute  à  Frontin,  Vager  alicujus 
castelli  aut  conciliabuli  nommé  à  côté  de  Vager  colonicus  et  municipalis  doit 
sans  doute  être  rapporté  à  la  localité  attribuée  qui  n'a  pas  de  juridiction. 

(2)  Je  ne  connais  pas  à  ce  sujet  de  texte  justificatif  appartenant  à  l'Ita- 
lie de  la  République;  plus  tard  le  vicus  Augustanus  près  d'Ostie  est  devenu 
le  municipium  (C.  I.  L.  XIV,  2043.  2049)  Laurentium  vico  Augustano  ou  Lau- 
rentium  Viciaugustanorum  (C.  I.  L.  XIV,  p.  183). 

(3)  Les  pagi  ou  castella  d'Afrique  qui  ont  des  dédirions  (C.  1.  L.  VIII, 
p.  1100)  sont  de  cette  espèce,  mais  ils  sont  plus  récents.  Je  ne  connais  pas 
en  Italie  d'analogie  certaine;  cependant  le  pr(œtor)  ou  pr{œfectus)  j{ure)  d(i- 
cundo)  montis  Dianae  Tif(atinse)  (C.  I.  L.  X,  4564;  cf.  le  même  ouvrage,  p.  367) 
peut  se  rattacher  à  cela. 

(4)  La  singulière  désignation  de  Peltuinum  comme  pars  Peltuinatium  en 
fournit  un  exemple. 


448  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

du  municipium  civium  Romanorum,  et  que  par  suite  il  est 
donné,  par  opposition  à  colonia  civium  Romanorum,  à  toutes 
les  cités  de  citoyens  dont  l'existence  ne  se  fonde  pas  sur  une 
déduction  réelle  ou  fictive.  Cette  simplification  se  manifeste 
notamment  dans  la  disparition  du  nom  de  prœfectura  et  dans 
son  remplacement  par  l'expression  générale;  au  reste,  à  cette 
époque,  toute  localité  arrivée  à  la  condition  urbaine  en  qualité 
de  forum  ou  sous  un  autre  nom  est  appelée  municipium  sans 
scrupules  (1).  La  dénomination  individuelle  municeps  est 
même  employée  désormais  pour  le  citoyen  d'une  ville  romaine, 
alors  même  qu'il  appartient  à  une  colonie  (2),  tandis  que  l'on 
continue  à  ne  pas  avoir,  en  dehors  d'oppidum  civium  Roma- 
norum, d'expression  corrélative  pour  désigner  la  ville  en  géné- 
ral, et  que  par  suite  on  cumule  toujours,  dans  le  langage  cor 
rect  (3),  les  mentions  de  la  colonie  et  du  municipe. 


Grands  traits        Le  rôle  politique  de  la  cité  de  citoyens  se  détermine  en  sré- 

de  la  constitution  A  x  ,  *  ° 

des  villes,  néral  d'après  celui  de  l'Etat.  La  ville  fédérée  est  un  Etat  dont 
l'autonomie  est  limitée  ;  la  ville  sujette  est  un  pseudo-État  au- 
torisé jusqu'à  nouvel  ordre  à  l'exercice  d'une  autonomie  encore 
plus  limitée.  De  même  la  ville  de  citoyens  est,  quant  à  sa  ca- 

(1)  Le  changement  de  dénomination,  duquel  il  est  superflu  de  donner 
d'autres  preuves,  peut  notamment  se  suivre  sur  les  inscriptions  des  ancien- 
nes prœfecturœ.La.  dénomination  Forum  subsiste,  mais  uniquement  comme 
nom  propre;  car  la  détermination  la  plus  fréquente,  faite  par  le  nom  du  ma- 
gistrat qui  avait  créé  la  route,  ne  pouvait  se  passer  d'un  sujet;  la  qualité 
juridique  du  lieu  est,  à  côté  de  cela,  désignée  selon  les  circonstances  par 
colonia  ou  par  municipium. 

(2)  Aulu-Gelle,  16,  13,  2  :  Quotus  fere  nostrum  est,  qui  cum  ex  colonia  po- 
puli  Romani  sit,non  et  se  municipem  et populares  suos  municipes  esse  dicat,quod 
esta  ratione  etaveritate  longe  aversum?  Ulpien  exprime  sans  doute  la  même 
pensée,  Dig.  50,  4,  1,  1:  Nunc  abusive  municipes  dicimus  suse  ci/jusque  civita- 
tis  cives,  ut  puta  Campanos  Puteolanos  ;  car  les  deux  villes  sont  des  colonies. 
L'habitude  de  langage  blâmée  là  est  suivie  par  de  nombreuses  inscriptions. 

(3)  Par  abréviation,  la  colonie  est  souvent  comprise  dans  l'expression 
municipium  ;  ainsi  pour  les  stationes  municipiorum  du  Forum  romain  (Sué- 
tone, Ner.  37). 


LE    DROIT  MUNICIPAL.  i 40 

tégorie  la  plus  importante  qui  a  déterminé  son  développement 
général, quant  au  municipium  civium  Romanorum,\& cité  main- 
tenue, lors  du  retrait  de  son  autonomie,  en  possession  des  at- 
tributs de  l'autonomie  que  l'on  pensait  pouvoir  théoriquement 
et  pratiquement  laisser  à  la  partie  dans  l'intérieur  du  tout. 
La  République  a  sans  doute,  dès  avant  la  guerre  des  Marses, 
établi  une  certaine  indépendance  dans  diverses  communes 
de  citoyens.  Mais  l'introduction  générale  de  la  commune  auto- 
nome dans  l'État  romain  a  été  la  réalisation  partielle  de  la 
pensée  politique  qui  a  suscité  la  guerre  sociale,  l'application 
limitée  du  principe  fédératif  en  face  de  la  tendance  centralisa- 
trice des  premiers  temps  de  la  République.  La  cité  locale  est, 
avant  tout,  de  même  que  le  plébéiat  (VI.  1 ,  p.  144;  p.  164),  un 
droit  héréditaire  et  exclusif  comme  le  droit  de  cité  de  l'État 
(VI,  1,  p.  SI).  Elle  se  transmet,  selon  les  mêmes  règles  que  le  droit 
de  cité  romaine,  du  père  ou,  à  son  défaut,  de  la  mère  aux  enfants. 
Pas  plus  que  le  Romain  ne  peut  appartenir  à  aucun  autre  État, 
le  Tusculan  ne  peut  appartenir  à  aucune  autre  cité  locale  (1). 
Le  changement  du  droit  de  cité  local,  comme  celui  du  droit  de 
cité  de  l'État,  se  fonde  toujours  sur  une  cause  légale  exception- 
nelle (2).    Les  principes  fondamentaux  de  la  constitution  ro- 


(1)  C'est  ce  que  montre  par  dessus  tout  l'unité  de  Yorigo  et  de  la  tribu 
mise  en  pratique  dans  la  masse  de  nos  inscriptions.  L'exception  isolée  d'un 
homme  ayant  sa  patrie  à  Neapolis  en  Afrique  et  résidant  à  Balsa  en  Lusi- 
tanie  qui  s'attribue  à  la  fois  l'Arniensis  de  sa  patrie  et  la  Galeria  de  sa  ré- 
sidence (C.  I.  L.  II,  105  :  G.  Blossins  Saturninas  Galeria  Neapolitanus  Afer 
Areniensis,  incola  Balsensis;  cf.  le  mémo  vol.  p.  4.  691)  ne  prouve  que  l'igno- 
rance de  ce  provincial.  Il  en  est  de  même  des  cas,  qui  ne  sont  guère  moins 
rares,  où  l'incolat  est  assimilé  à  Yorigo;  ainsi  lorsque  Yordo  de  Singilia  en 
Bétique  à  un  affranchi  ayant  sa  patrie  à  Gorduba  recipi[endo]  in  civium  nu- 
merujn  quantum  cui plurimum  libertino  decrevit  (C.  I.  L.  II,  2026).  —  Les  re- 
cueils de  droit  sont  en  général  d'accord  avec  ces  principes.  S'ils  admettent 
par  exception  un  double  droit  d'origine  au  cas  d'affranchissement  par  deux 
patrons  ayant  un  droit  d'origine  différent  {Dig.  50,  1,  7.  L  27,  pr.)  et  au 
cas  d'adoption  (Dig.  50,  1,  15,  3.  /.  17,  9),  la  première  décision  est  évidem- 
ment un  expédient  forcé  et  la  seconde  a  sûrement  été  donnée  pour  empêcher 
de  se  soustraire  aux  charges  municipales  en  changeant  de  patrie. 

(2)   Nous  ne  pouvons  établir  avec    une   sûreté    complète    l'existence  du 
changement  de  cité  locale  autrement  qu'en  vertu  d'une  concession  de  l'em- 
pereur ;  il  doit  donc  avoir  fallu  une  loi  sous  la  République.  Le  cas  principal 
se  rattache  à  la  constitution  d'une  cité  de  citoyens  nouvelle  ou  à  l'accroisse- 
Droit  Pdbl.  Rom.,  t.  VI,  2'  p.  -29 


4S0  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

mairie  (1),  le  populus  avec  ses  comices,  le  conseil  de  la  cité,  la 
magistrature,  le  territoire,  le  droit  de  cité  (2),  le  cens,  la  ju- 
ridiction se  retrouvent  tous  dans  la  constitution  des  villes.  Les 
modifications  générales  tendent  essentiellement,  d'une  part,  à 
mettre  les  institutions  de  l'empire  en  harmonie  avec  ce  cercle 
plus  étroit,  ainsi  que  le  montre  l'exemple  du  cens  sénatorial 

ment  d'une  pareille  cité  déjà  existante  ;  les  citoyens  romains  ayant  une  cité 
locale,  qui  sont  pris  pour  en  faire  partie,  perdent  leur  cité  locale  et  leur  tribu 
ancienne  par  l'acquisition  des  nouvelles  (C.  /.  L.  IX,  4684  :  C.  Julio  C.  f. 
Longino  domo  Voltinia  Philippis  Macedonia...  deductus  ab  divo  Augusto  Vespa- 
siano  Quirin.  Reate,  etc.).  La  concession  par  l'empereur  du  droit  de  cité  locale 
d'une  cité  de  citoyens  se  rencontre  aussi  comme  privilège  individuel  (v. 
tome  V,  la  partie  de  l'administration  de  l'Italie,  sur  l'intervention  de  l'em- 
pereur dans  l'administration  municipale).  —En dehors  des  privilégia  de  cette 
espèce,  le  changement  de  la  cité  locale  (de  citoyens  oupérégrino-latine)  n'est 
mentionné  qu'extrêmement  rarement  dans  les  recueils  de  droit  et  dans  les  ins- 
criptions. L'adlection  dans  le  peuple,  c'est-à-dire  la  concession  du  droit  de 
cité  locale  parla  cité  elle-même  (èdit  d'Hadrien,  dans  Dioclétien,  Cod.  Just. 
10,  40,  7  :  Cives  quidem  origo  manwnissio  adleclio  adoptio,  incolas  vero...  do- 
micilium  facit  ;  la  seule  mention  qui  en  soit  faite  dans  les  ouvrages  juri- 
diques), se  rapporte,  au  moins  dans  un  cas,  à  la  substitution  d'une  cité 
locale  ordinaire  à  ^la  cité  locale  supplétoire  de  la  capitale  (p.  434,  note  2). 
Orelli,  3711  =  Cl.  L.  XI,  1617:  C.  Umbricius  C.  f.  Sca.  Canso  colon(us) 
adlect(us)  d(e^reto)  d(eeurionum  )  Florent(inorum)  est  peut-être  de  la  même 
espèce.  Une  autre  situation  exceptionnelle  doit  avoir  servi  de  motif  dans 
le  cas  de  l'inscription  de  Lyon,  Henzen,  6991  :  llliomari  Aqui...  ex  civitate 
Veliocassium  sublecto  in  numéro  colonor.  Lug.  et  dans  un  cas  où,  sur  deux  fils 
d'un  père  appartenant  à  la  tribu  de  Salonae,  à  la  Tromentina,  l'un,  decurio 
Salonis  et  lssœ,  appartient  également  à  la  Tromentina,  mais  l'autre,  decurio 
Jssae,  appartient  à  la  tribu  de  cette  île,  à  la  Sèrgia  (C.  L  L.  III,  2074). 

(1)  Les  institutions  plébéiennes  sont  exclues  ;  la  constitution  municipale 
ne  connaît  pas,  à  la  différence  de  celle  des  Italiens  autonomes  (p.  327),  d'au- 
tres édiles  que  les  édiles  curules  (v.  tome  IV,  la  théorie  de  l'édilité  moderne, 
sur  le  rang  et  les  insignes  des  édiles  curules,  dernière  note,  et  Hermès, 
1,  66),  ni  de  tribuns  du  peuple.  La  plebs  des  municipes  doit  s'entendre  dans 
le  sens  expliqué  p.  51,  note  1,  et  le  tribunus  plebis  de  la  colonie  de  Claude 
Teanum  Sidicioum  (C.  LL.X,  4797)  est  sans  doute  une  invention  de  son  fon- 
dateur amateur  d'archéologie  républicaine.  Dans  la  recommandation  élec- 
torale récemment  mise  au  jour  à  Pompéi  (Notizie  degli  scavi,  1887,  p.  38)  :  L. 
Magium  Celerem  II(virum)  v{irum)  bonum  C.  Tampium  Sabeinum  tri(bunum) 
ple{bis)  v(irum)  b[pnwn)  o{ro)  v(olo?)  vos  faciat(is),  qui  est  écrite  sur  stuc  par 
dessus  une  inscription  sur  pierre  certainement  rédigée  sous  l'empire,  un 
petit  bourgeois  d'opinions  démocratiques  peut  avoir  voulu  présenter  à  ses 
concitoyens  le  futur  édile  comme  un  nouveau  Gracchus. 

(2)  Il  est  caractéristique  à  ce  sujet  que  le  poste  d'appariteur  requiert, 
dans  la  colonie  Geneti va  ,  le  droit  de  cité  locale  (c.  62  :  Ex  eo  numéro,  qui 
ejus  colonise  coloni  erunt)  comme,  dans  l'administration  romaine,  le  droit  de 
cité  romaine  (v.  tome  I,  le  commencement  de  la  partie  des  Appariteurs). 


LE   DROIT  MUNICIPAL.  454 

d'un  million  de  sesterces  réduit  pour  le  décurion  à  100.000 
sesterces  (1),  d'autre  part,  à  différencier,  par  une  terminologie 
plus  relevée,  les  institutions  de  l'Etat  des  institutions  municipa- 
les correspondantes.  Le  principe  que  la  ville  italique  n'est  pas 
autre  chose  que  l'État  romain  en  raccourci  ne  se  manifeste  peut- 
être  nulle  part  aussi  énergiquement  que  dans  la  constitution 
du  second  ordre  par  Auguste  :  en  môme  temps  que  l'ordre 
équestre  dans  l'État,  il  introduisit  dans  les  municipes  d'Italie 
le  sévirat  qui  en  est  la  copie  (p.  44). 

Ce  n'est  que  dans  un  tableau  spécial  du  droit  municipal  que 
peuvent  être  exposés  les  développements  infiniment  multiples 
de  ce  principe  simple  et  les  limitations  qui  lui  sont  apportées 
par  la  règle  élémentaire  selon  laquelle  l'autonomie  urbaine 
s'efface  devant  celle  de  l'État  et  ne  se  meut  que  dans  les  bor- 
nes générales  tracées  par  ce  dernier.  Mais  même  ici  il  ne  suffit 
pas  de  renvoyer,  au  sujet  de  l'organisation  des  villes,  à  l'ana- 
logie de  l'État.  Il  y  a  des  rapports  divers  sous  lesquels  l'orga- 
nisation de  l'État  ne  pouvait  pas  servir  de  modèle  pour  celle 
des  villes,  et  il  paraît  nécessaire  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  les 
plus  importantes  des  institutions  municipales  plus  ou  moins 
indépendantes. 

Les  relations  des  cités  de  citoyens  entre  elles  n'ont  pu  être 
réglées  sur  le  modèle  de  la  situation  de  Rome,  ni  de  la  situation 
qu'elle  occupait  en  face  des  États  voisins  pleinement  indépen- 
dants, car  le  droit  public  romain  n'est  jamais  arrivé  à  développer 
un  rapport  légal  de  réciprocité  conventionnelle,  ni  de  la  situation 
prépondérante  qu'elle  avait  en  face  des  cités  dépendantes,  car 
là  c'était  son  autorité  souveraine  qui  prédominait.  La  consé- 
quence en  est  que  la  faculté  de  concéder  le  droit  de  cité,  dont 
l'État  use  à  sa  guise,  est  presque  absolument  enlevée  à  la  ville. 
Le  peuple  d'une  localité  ne  pouvait  concéder  le  droit  de  cité      Adiectio. 

(1)  Pline,  Ep.  1,  19:  Esse  tibi  centum  milium  censum  sutis  indicat  quod 
apud  nos  decurio  es.  Pétrone,  c.  44,  en  parlant  d'un  édile  :  Jam  scio  unde  ac- 
ceperit  denarios  mille  aureos.  C'est  à  ce  taux  que  se  lie  l'idée  d'homme  ayant 
de  la  fortune  ;  100000  sesterces  sont  la  limite  des  petites  successions  tant 
d'après  la  loi  Voconia  ou  du  moins  son  interprétation  usuelle  (VI,  1,  p.  282, 
note  3)  que  pour  l'affranchi  (p.  17,  note  2). 


Relations 

des  cités 

de  citoyens 

entre  elles. 


452  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

local  que  sans  préjudice  des  droits  des  autres  cités  de  citoyens 
et  même  en  général  des  autres  cités  appartenant  à  l'empire.  Et 
le  droit  de  concession  est  supprimé  par  là  en  ce  sens  qu'il  est, 
par  suite  du  caractère  exclusif  qui  appartient  au  droit  de  cité 
local  lui-même,  restreint  aux  individus  qui  ne  font  partie  d'au- 
cune cité  locale  (p.  434).  Peut-être  même  exigeait-on  encore  que 
le  concessionnaire  appartînt  à  l'empire  ;  car  il  ne  pouvait  pas 
dépendre  de  l'arbitraire  de  chaque  cité  locale  de  rendre  un  in- 
dividu membredeTempire  (VI,  1,  p.  152). —Mais  ce  quele  peuple 
ne  pouvait  pas  faire  pour  les  hommes,  il  pouvait  en  principe 
le  faire  pour  les  dieux;  quoique  l'État  put  intervenir  dans  les 
affaires  religieuses  des  diverses  cités  par  des  ordres  etdes  défen- 
ses, chaque  cité  d ('terminait  en  principe  le  cercle  de  ses  dieux. 
Les  villes  de  l'Italie  ont, les  unes  après  les  autres,  admis  l'empe- 
reur Auguste  parmi  leurs  dieux  de  son  vivant  et  lui  ont  consa- 
cré des  temples  et  des  prêtres,  tandis  que  l'État  ne  connaissait 
pas  ce  dieu  (1). 
soumission         Nous  rencontrons  encore,  en  matière  municipale,  un  dévelop- 

des  propriétaires 

aux  charges     pement  indépendant  relativement  à  l'extension  des  droits  et  des 

publiques.         L  L 

devoirs  politiques  aux  membres  de  l'empire  qui  n'ont  pas  le 
droit  de  cité  locale,  relativement  à  l'appel  des  citoyens  d'une 
cité  locale  aux  magistratures  et  aux  charges  d'une  autre.  A  la 
vérité,  en  ce  qui  concerne  les  prestations  patrimoniales,  les  mu- 
nera  patrimonii  etpersonœ(Yi,  l,p.2o3),lespouvoirsque  lacité 
romaine  avait  dans  l'ancienne  organisation  en  face  des  latines 
ont  été  essentiellement  transportés  aux  villes  de  citoyens.  Tout 
citoyen  romain  ayant  ledroitde  devenir  propriétaire  foncier  dans 
le  territoire  de  Capua,  le  propriétaire  foncier  non-campanien  est, 
comme  municeps,  au  sens  primitif  du  mot, de  la  cité  de  Capua, 
soumis  aux  charges  locales  dont  est  frappé  le  possesseur  d'im- 
meubles en  cette  qualité  (2).  Quant  aux  prestations  demandées 


(i)  Hovnes,  17,  640  et  ss.  Cela  se  montre  particulièrement  dans  le  Feriale 
de  Gumes. 

(2)  iElius  Gallus  (VI,  4,  p.  264,  note  2):  Municeps  est...  qui  ex  alio  génère 
(VI,  1,  p.  8,  note  3)  munus  functus  est.  Quant  au  fend,  c'est  d'accord  avec  le 
statut  municipal  de  Genetiva,  VI,  1,  p.  259,  note  3.  La  jurisprudence  romaine 


LE    DROIT  MUNICIPAL.  453 

à  la  personne,  il  y  a  moins  eu  modification  théorique  du  droit 
qu'extension  du  principe  à  notre  cercle.  Nous  ne  pouvons  point 
établir  que  l'État  romain  ait  exigé  des  prestations  personnelles 
des  non-citoyens  (VI,  1,  p.  263),  mais  naturellement  il  pouvait 
en  exiger.  Les  cités  locales  font  un  large  usage  de  cette  fa- 
culté, et  elles  attachent  cette  charge  au  domicile  (domici- 
lium)  ;  selon  la  formule  employée  d'ordinaire,  elles  assimi- 
lent sous  ce  rapport  l'habitant  au  citoyen,  Y  incola  au  civis.  On 
ne  s'occupe  même  pas  là  du  droit  de  cité  romaine  :  l'Athénien  vi- 
vant à  Capua  y  a  sans  aucun  doute  été  aussi  bien  soumis  aux 
mimera  que  le  Nolanus. 

Cette  faculté  de  soumettre  comme  on  l'entend  l'étranger  domi- 
cilié dans  l'Etat  aux  prestations  publiques  est  un  simple  corollaire 
delà  souveraineté.  Mais  l'exercice  des  droits  politiques,  enparti- 
culier  de  l'électorat  et  de  l'éligibilité,  est  en  principe  lié  au  droit 
de  cité.  Cependant  la  constitution  romano-latine  a  admis  les 
non-citoyens  à  la  communauté  du  droit  de  suffrage,  au  moins 
à  condition  qu'ils  fussent  domiciliés  dans  le  lieu  du  vote  (p.  267); 
et  il  est  probable  que  les  comices  municipaux  ont,  sous  ce  rap- 
port, suivi  l'exemple  des  comices  romains  en  appliquant  le  pro- 
cédé de  tirage  au  sort  usité  à  Rome  comme  dans  les  villes  latines 
(VI,  1,  p.  456).  Les  Campaniens  pouvaient  difficilement  refuser 
au  Latin  dans  leurs  comices  le  droit  qu'il  avait  à  Rome  et  qu'ils 
avaient  eux-mêmes  dans  toutes  les  cités  latines  ;  ils  pouvaient 
encore  moins  refuser  au  Nolanus,  qui  appartenait  au  groupe  des 
citoyens,  ce  qu'ils  accordaient  au  Latin  dépourvu  du  droit  de  cité. 
Mais  sans  doute  cette  communauté  du  droit  de  suffrage  n'a  été 
ici,  conformément  à  l'organisation  que  nous  lui  voyons  donnera 
l'époque  récente  dans  les  villes  latines  (p.  268),  accordée  qu'au 
citoyen  romain  ou  latin  qui  était  domicilié  dans  la  cité  inté- 
ressée. Il  n'y  avait  pas  de  raison  de  l'étendre  aux  pérégrins 
appartenant  à  l'empire. 


moderne  n'a  plus  d'expression  technique  pour  HyxTtjffic  grecque,  depuis  que 
municeps  a  pris  un  sens  plus  large  ;  incola  est  toujours  rattaché  au  domicile 
[Dig,  50,  16,  239,  2). 


Communauté 
de  droits 
électoraux. 


454  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

communauté  L'analogie  des  institutions  de  l'État  est  favorable  à  l'exten- 
m^tràlure?.  sion  de  l'électorat  des  comices  locaux  aux  propriétaires  de 
droit  romain  ou  latin.  Au  contraire,  elle  plaide  contre  l'exten- 
sion du  droit  d'occuper  les  magistratures  aux  individus  étran- 
gers à  la  localité  (p.  268); cette  extension  ne  se  rencontre  en  effet, 
jusqu'au  temps  des  empereursFlaviens,qu'àtitreexceptionnel  et 
dans  des  cités  italiques  isolées  (1).  Mais  postérieurement  l'évo- 
lution municipale  s'émancipe  ici  du  modèle  de  l'État.  Le  droit  d'é- 
ligibilité, ou  plutôt,  puisque  les  magistratures  deviennent,  à 
cette  époque,  de  plus  en  plus  une  charge,  le  devoir  de  revêtir 
les  magistratures,  et,  par  une  conséquence  essentielle,  d'entrer 
dans  le  conseil  communal,  est  généralisé  sous  le  Principat,  et 
les  charges  des  citoyens  sont  allégées  par  l'extension  des  ma- 
gistratures et  du  décurionat  aux  propriétaires  n'appartenant 
pas  au  peuple  de  la  cité  (2). 
'gade6s  cités™1       II  n'y  a  pas  de  catégories  légalement  différentes  de  cités  de 

de  citoyens.  • 

citoyens,  ou  tout  au  moins  nous  ne  pouvons  en  discerner.  On 
trouve  souvent  mentionnés  des  privilèges  particuliers,  par  exem- 
ple la  concession  de  la  juridiction  volontaire  (p.  468,  note  1),  le 
droit  de  vote  privilégié  des  colonies  fondées  par  Auguste  en  Italie 
(VI,  l,p.  447).  La  différence  existant  entre  les  municipes,  arrivés 
au  statut  municipal  en  venant  de  l'autonomie,  et  les  colonies,  qui 
n'ont  jamais  été  autonomes,  constitue  une  supériorité  honorifique 
à  l'avantage  des  municipes  à  l'époque  ancienne  (p.  444),  à  celui 
des  colonies  à  l'époque  récente  (p.  442,  note  2),  et  elle  trouve 
son  expression  dans  certaines  particularités  de  l'organisation 
communale.  Ainsi  la  magistrature,   dans  ses  deux  degrés  cor- 

(1)  Frontin,  éd.  Lachmann,  p.  52:  Sed  et  (Mss:  sedae)  quaedam  colonie 
aut  beneficio  conditorum  perceperunt ,  ut  Tudertini  (Tuder  est  une  colonie  du 
temps  des  triumvirs  :  Hermès,  18,  182)  aut  postea  apud  principes  egerunt, 
ut  Fanestres  (également  une  colonie  julienne  :  Hermès,  loc.  cit.),  ut  incolas 
etiam  si  essent  alienigenœ,  qui  intra  territorium  cotèrent,  nihilo  minus  (Mss.  : 
cotèrent  alii  hominibus)  honoribus  {oneribus  est  une  mauvaise  correction)  fungi 
in  colonia  deberent.  Hoc  Fanestres  nuper  impetraverunt,  Tudertini  autem  benefi- 
cio habent  conditoris. 

(2)  Rescrit  de  Garacalla,  Cod.  10,  40[39],  1  :  Non  tibi  obest,  si  cum  incold 
esses,  aliquod  munus  suscepisti,  modo  si  ante  quam  ad  alios  ho?iores  vocareris 
domiçilium  transtulisti.  Inscription  de  Dea  Vocontiorum  [C.  I.  L.  XII,  1585): 
AdUcto  in  curiam.  Lugudunensium  nomine  incolatus;  de  même  C.  /.  L.  II,  1055. 


LE   DROIT  MUNICIPAL.  455 

respondant  au  consulat  et  à  l'édilité,  se  désigne  ordinairement 
du  nom  de  quattuorvirat  dans  les  municipes  ;  dans  les  colonies, 
d'une  façon  plus  voisine  de  la  façon  romaine,  la  magistrature 
la  plus  élevée  se  désigne  du  nom  de  duoviratet  la  moins  élevée 
de  celui  d'édilité.  Mais  il  ne  semble  pas  y  avoir  de  différence 
juridique  essentielle  liée  à  cette  différence  de  mots. 

Au  contraire,  il  y  a  une  différence  importante  entre  les  cités  de  Ré^™ecuéScier 
citoyens,  peut-être  dès  les  derniers  temps  de  la  République,  cer-  de  cer- 
tainement sous  l'Empire,  selon  que  leur  territoire  est  suscepti- 
ble de  propriété  quiritaire  ou  doit  la  rente  foncière  comme 
terre  domaniale.  Dans  l'ancien  système,  la  première  catégorie, 
existe  seule  ;  dans  le  système  nouveau,  les  cités  de  citoyens 
des  provinces  appartiennent  en  général  à  la  seconde  catégorie, 
et  les  cités  provinciales  ayant  la  plénitude  de  la  propriété 
immobilière  sont  désignées  du  nom  de  cités  italiques.  La 
propriété  quiritaire  du  sol  a  d'abord  été  la  condition  néces- 
saire de  toute  constitution  d'une  ville  de  citoyens.  En  Italie  (1) 
et  en  Gaule  cisalpine,  ce  principe  a  été  maintenu  sans  restric- 
tions, et  la  conséquence  a  été  que  le  sol  y  est  resté  exempt  de  re- 
devance jusqu'au  rétablissement  de  l'ancienne  imposition  des 
citoyens  par  Dioclétien  (VI,  1,  p.  258,  note  2).  Mais,  dansles ter- 
ritoires d'outre-mer,  c'est  le  contraire,  avons-nous  vu  (p.  368): 
non  seulement  la  possession  domaniale  s'étend  à  la  totalité  du 
sol  à  l'exception  des  territoires  des  cités  autonomes,  mais  ce 
sol  y  est  déclaré  inaliénable,  de  sorte  que  l'usufruitier,  même 
si  l'usufruit  devient  héréditaire  et  se  rapproche  en  fait  de  la 
propriété,  sans  distinction  de  statut  personnel,  à  payer  la 
redevance  foncière  (2).  Parmi  les  cités  d'outre-mer  qui  sont 
par  suite  soumises  à  la  rente  foncière,  la  plus  ancienne  est 
Narbo,  la  colonie  des  Gracques  (p.  374),  et  c'est  probablement 
la  seule  chez  laquelle  les  deux  caractères  aient  été  réunis  du 

(1)  Uager  privatus  vecligalisque  italique  de  la  loi  agraire  de  643  est  une 
anomalie  éphémère,  provoquée  par  le  désordre  agraire  du  temps  des  Grac- 
ques, qui  ne  fait  que  confirmer  la  règle. 

(2)  C'est  pourquoi  Antoine  a  établi  à  titre  spécial  l'immunité  pour  les 
lots  qu'il  a  assignés  à  ses  favoris  dans  le  territoire  de  Leontini  (Gicéron, 
Phil.  3,  9,  22;  cf.  p.  367,  note  4), 


456  DROIT    PUBLIC    ROMAIN. 

temps  de  la  République.  Au  contraire,  les  cités  de  citoyens  d'ou- 
tre-mer créées  en  grand  nombre  sous  la  dictature  de  César  et 
ensuite  sous  le  Principat  ont  été,  en  règle  générale,  constituées 
de  cette  façon.  Elles  étaient, nous  en  avons  la  preuve,  soumises 
à  la  taxe  foncière,  aussi  bien  dans  les  provinces  du  sénat  de 
Sicile  (1)  et  d'Afrique  (2)  que  dans  la  province  impériale  de 
Syrie  (3),  de  sorte  que  la  forme  ne  faisait  pas  de  différence  et 
que  l'ancien  stipendium  des  provinces  sénatoriales  et  le  tribu- 
tumàes  provinces  impériales  atteignaient  également  les  ci- 
toyens. 
Cli£i?qiie™1  Mais  cette  règle  a  reçu  des  exceptions,  peut-être  déjà  sous  Cé- 
sar, certainement  depuis  Auguste,  parfois  sous  la  forme  de  la 
concession  de  l'immunité  (4),  plus  fréquemment,  et  dans  les 


(1)  Les  listes  de  Pline,  venant  du  temps  d'Auguste  et  dignes  de  foi  en 
dehors  d'interpolations  isolées,  citent  diverses  villes  de  Sicile  comme  colo- 
nise, oppida  civium  Romanorum,  Latinse  condicionis  et  les  autres  comme  sti- 
pendiantes (3,  8,  91)  ;  cela  prouve,  en  tout  cas,  que  les  taxes  subsistaient 
alors,  au  moins  en  grande  partie,  malgré  la  concession  générale  du  droit  de 
cité  faite  à  toute  l'île.  Il  se  peut  que  les  trois  catégories  signalées  soient 
désignées  par  là  comme  libres  d'impôts:  cependant  il  n'est  guère  permis 
d'interpréter  aussi  strictement  l'opposition. 

(2)  Puisque  ce  fut  Sévère  qui  donna  le  premier  le  droit  italique  à  Car- 
thage,  à  Utique  et  à  Leptis  Magna,  qui  étaient  alors  toutes  des  colonies  de 
citoyens  (Dig.  50,  15,  8,  11),  il  faut  bien  qu'elles  aient  été  jusqu'alors  sou- 
mises à  l'impôt. 

(3)  Antioche  reçut  le  droit  colonial  salvis  tributis  (p.  314,  note  1). 

(4)  L'immunité  est,  en  ce  qui  touche  les  provinces  sénatoriales,  attestée 
pour  toutes  les  coloi.ies  de  Bétique  par  l'inscription  de  Tucci,  C.  L  L.  II, 
1663  :  Flamen  col{oniarum)  immunium  provincise  Bœtic{se)  et  par  Pline,  H.  n. 
3,  1,  12,  qui  cite  les  quatre  colonies  de  Tucci,  Iptuci,  Ucubi,  Genetiva 
comme  alise  colonise  immunes.  L'immunité  de  la  colonie  provinciale  n'est  pas 
la  même  chose  que  le  droit  italique,  montre  la  discussion  assurément  gra- 
vement altérée  qui  nous  a  été  conservée  dans  le  délayage  postérieur  d'A- 
gennius  TJrbicus  et  que  Lachmann  attribue  avec  raison  pour  l'ensemble  à 
Frontin,  Grom.  p.  35,  13  et  ss.  (cf.  p.  62,  19).  Prima  enim  condicio  possidendi, 
dit  le  manuscrit,  hsec  est  ac  per  Italiam,  ubi  nullus  ajugerum  (Lachmann  : 
ager  est)  tribiitar'ats ,  sed  aut  colonicus  aut  municipalis  aut  alicujus  castelli  aut 
conciliabuli  aut  saltus  privati  (cf.  à  ce  sujet  p.  428,  note  1)  ac  (Lachmann  : 
at)  si  ad  provincias  respiciamus ,  habent  agros  colonicos  quidem  (Trekell  :  Ita- 
lici,  Rudorff,  Grom.  2,  p.  374  :  ejusdem)  jw*is,  habent  et  colonicos  stipendiarii 
(Rudorff  efface  stip.)  qui  sunt  in  communem  (Rudorff  :  immunes),  habentem 
(Lachmann  :  habent)  et  colonis  (Lachmann  :  colonicos)  stipendiarios.  Habent 
autem  provincise  et  municipales  agros  aut  civitatium  peregrinarum.  Par  consé- 
quent, le  sol  était,  dans  les  colonies  provinciales,  ou  de  droit  italique,  ou 


LE    DROIT    MUNICIPAL.  457 

provinces  impériales  peut-être  exclusivement  (1),  sous  celle  de 
la  collation  du  droit  italique  (2).  Xous  avons  déjà  rencontré  ce 
droit  (p.  253)  appliqué  à  certaines  cités  pérégrines  voisines  de 


immunis,  ou  stipendiais  (ou  tributaire),  dans  les    municipts    de  citoyens 
et  les  cités  sujettes,  en  général  stipendiaire  (ou  tributaire). 

(1)  Je  ne  trouve  l'immunité  mentionnée  pour  des  cités  de  citoyens  des 
provinces  impériales  que  dans  Pline,  pour  Caesaraugusta  dans  l'Espagne 
citérieure  (3.  3,  34)  et  Ilici  dans  la  même  province  (3,  3,  19)  et  dans  le 
Digeste,  50,  15,  8,  pr.  pour  Barcino;  en  outre,  pour  la  colonie  d'Auguste  de 
Saldse  en  Mauritanie  (C.  /.  L.  VIII,  8931.  8933  :  Colonia  Julia  Augmta  Sal- 
dantium  Seplimanorum  immunis).  Mais  Ilici  avait  le  droit  italique  [toc.  cit.), 
et,  pour  Barcino,  c'est  également  sans  doute  à  ce  droit  que  pense  le  juris- 
consulte qui  change  seulement  d'expression. 

(2)  Une  liste  des  colonies  de  droit  italique,  et  aussi  des  colonies  im- 
munes,  qui  me  sont  connues,  ne  sera  pas  superflue. 

Provinces  du  sénat  : 
Afrique  :  Cartilage  (p.  456,  note  2),—  Leptis  Magna  (même  note),—  Thamu- 

gadi  (inscription  de  Marsyas,  p.  460,  note  1),  —  Utique,  (p.  456,  note  2), 

—  Verecunda  (inscription  de  Marsyas). 
Asie, toutes  les  colonies  :  Parium  (Dig.  50,  15,  8,  9  :  monnaies  de  Marsyas, 

p.  460,  note  1),  —  Troas  {Dig.  50,  15,  7.  I.  8,  9  :  monnaies  de  Marsyas). 
Bétique  :  toutes  les  colonies  sont  immunes  (p.  456,  note  4). 
Macédoine  :  Gassandria  {Dig.   50,  15,  8,  8),  —  Dium  {Dig.  50,  15,  8,   8),  — 

Dyrrachium  (Dig.  50,  15,  7.  I.  8,  8),  —  Philippi  (Dig.  50,   15,  6.  /.  8,8). 
Narbouensis  :  Vienna  (Dig.  50,  15,  8,  1). 

Provinces  impériales  : 

Arabie  :  Bostra  (monnaies  de  Marsyas). 

Dacie  :  Apulum,  —  Napoca,  — Potaissa,—  Sarmizegetusa,  —  Zerne  (toutes 
Dig.  50,  15,  1,  S.  9). 

Galatie  :  Antioche  de  Pisidie  (Dig.  50,  15,  8,  10). 

Gallia  Lugdunensis  :  Lugdunum  (Dig.  50,  15,  8,  1). 

Gerinania  inferior  :  Colonia  Agrippina  (Dig.  50,  15,  8,  2). 

Hispania  Tarraconensis  :  Acci  (Pline,  3,  3,  25),  —Barcino  (immunis,  Dig. 
50,  15,  8,  pr.)  —  Caesaraugusta  (immunis,  Pline,3,  3,  24),  —  Ilici  (Dig. 
50,  15,  8,  pr.  ;  Pline,  3,  3,  19)  —  Libisosa  (Pline,  3,  3,  25),  —  Valentia 
(Dig.  50,  15,  8,  pr.  ;  cf.  p.  374,  note  2). 

Lusitanie  :  Emerita  (Dig.  50,   15,  8,  pr.) —  Pax  (loc.  cit.). 

Mauritanie  :  Saldœ  (immunis,  note  1). 

Syrie  :  Berytus  (Dig.  50,  15,  7.  I.  8,  3  ;  monnaies  de  Marsyas), —  Césaréeen 
Palestine  (p.  459,  note  \J,  —  Capitolias  (Dig.  50,  15,  8,  7),  —  Damascus 
(monnaies  de  Marsyas),  —  Helioupolis  (p.  458,  note  2), —  Hemesa  (Dig. 
50,  15,  1,  4.  /.  8,  6),  —  Laodicea,  Dig.  50,  15,  8,  3  ;  monnaies  de  Mar- 
syas), —  Neapolis  en  Samaria  (monnaies  de  Marsyas),  —  Palmyre 
(monnaies  de  Marsyas),  —  Sidon  (monnaies  de  Marsyas),  —  Tyr  (Dig. 
50,  15,  1,  2.  I.  8,  4;  monnaies  de  Marsyas). 

Thrace  :  Deultus  (monnaies  de  Marsyas ',  —  Constantinopolis  (Cod.  Theod. 
14,  13;  Cod.  Jus  t.  11,  21). 


458  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

l'Italie,  pour  lesquelles  il  n'est,  selon  toute  apparence,  que  la 
concession  à  la  commune  intéressée  du  commercium  tel  qu'il 
est  contenu  dans  le  droit  latin,  c'est-à-dire  de  la  faculté  pour  les 
Romains  d'acquérir  la  pleine  propriété  dans  le  territoire  de  cette 
cité  et  pour  les  membres  de  cette  cité  de  l'acquérir  dans  celui 
de  Rome.  Mais  le  même  droit  se  présente  aussi  comme  un  pri- 
vilège accordé  à  des  cités  isolées  de  citoyens  romains,  et  ex- 
clusivement à  des  cités  provinciales,  évidemment  parce 
que  pour  les  cités  italiques  le  droit  italique  va  de  soi.  Ces 
cités  sont,  à  peu  d'exceptions  près  (1),  des  colonies  (2).  Pour 
elles  aussi,  le  point  de  départ  et  le  grand  point  est  la  pleine  pro- 
priété du  sol  (3),  qui  va  de  soi  pour  les  cités  italiques,  qui 
est  exceptionnelle  pour  les  cités  provinciales,  la  possibilité 
d'acquérir,  d'avoir  et  d'aliéner  selon  le  droit  quiritaire  l'im- 
meuble situé  dans  le  territoire  en  jeu  (4)  et  l'immunité  qui 
en  résulte.  L'exemption  aussi  bien  de  la  rente  foncière  pro- 
prement dite  que  de  l'impôt  de  capitation  lié  avec  elle  (VI,  1, 
p.  268,  note  2)  est  contenue  dans  le  droit  italique  :  cela  résulte 
avec  précision  des  témoignages  des  jurisconsultes  du  temps  de 


(1)  Stobi  en  Macédoine,  qui  s'appelle  encore  sur  ses  dernières  monnaies 
frappées  sous  Elagabal  municipium  Stobensium  (Mionnet,  i,  489,  296.  Suppl. 
3,  116,  726-731),  avait,  selon  Paul,  Dig.  50,  15,  8,  8,  qui  écrit  également 
sous  Elagabal,  le  droit  italique.  Il  faut  ajouter  le  municipe  de  Cœla  dans 
la  Ghersonèse  de  Thrace,  dont  les  monnaies  montrent  un  Silène  (Eckhel,  2, 
50). 

(2)  C'est  pourquoi  Ulpien,  Dig.  50,  15,  1,  pr.  ouvre  cet  exposé  par  les  mots  : 
Sciendum  est  esse  quasdam  colonias  juris  ltalici.  Il  dit  également  plus  loin 
d'Hemesa  (50,  15,  1,  4  ;  de  même  50,  15,  8,  6)  :  Jus  colonise  dédit  jurisque 
ltalici  eam  fecit,  et  d'Helioupolis  (50,  15,  1,  2)  \Ualicx  colonias  rempublicam 
accepit  et,  par  opposition,  de  Ptolemaïs  en  Phénicie  (50,15,1,  3)  :  Nihil  prsc- 
ter  nomen  colonias  hdbet. 

(3)  Lorsque  Paul  dit,  Dig.  50,  15,  8,  3  :  Laodicia  in  Syria  et  Berytos  in 
Phœnice  juris  ltalici  sunt  et  solum  earum,  il  fait  allusion  par  là  à  ce  que, 
dans  toutes  les  autres  cités  provinciales  (dont  les  cités  fédérées  ne  font  pas 
partie),  y  compris  les  cités  de  citoyens  qui  n'ont  pas  le  droit  italique,  la 
propriété  du  sol  appartient  à  l'État  ou  à  l'empereur. 

(4)  C'est  ce  qui  doit  avoir  été  dit  dans  Gaius,  2,  27,  où  les  débris  por- 
tent: Provincialis  soli  nexum  non  e[sse]...significationem  solum  ltalicum  manci- 
pii  est,  provinciale  nec  mancipii  est  (cf.  1,  120  :  Prœdia...  quae...  mancipii 
sunt,  qualia  sunt  Italica  ;  2,  14  a  :  Mdes  in  ltalico  solo  ;  2,  31.  .63). 


LE   DROIT   MUNICIPAL-  459 

l'Empire  (i),  et  cela  a  été  naturellement  de  beaucoup  le  privi- 
lège le  plus  important  des  villes  de  droit  italique.  Mais  elles 
possèdent  en  outre  certains  honneurs  communaux.  La  statue 
d'un  Silène  nu  avec  une  outre  sur  l'épaule  (2),  qui  portait  le 
nom  de  Marsyas  et  qui  était  déjà  sur  le  grand  marché  de  Rome 
au  temps  de  Sulla,  a  du  nécessairement  être  considérée  comme 
l'emblème  caractéristique  de  la  capitale  (3).  Or  les  colonies  de 
citoyens  de  droit  italique  élevaient  également  cette  statue  sur 
leurs  marchés,  non  pas  sans  doute  en  Italie,  où  aucune  ville  ne 
pouvait  s'attribuer  sous  ce  rapport  une  prérogative,  mais  dans 


(1)  Paul  dit,  au  sujet  do  Césarée  en  Palestine,  (Dig.  50,  15,  8,  7)  :  Divus 
Vespasianus  Caesarienses  colonos  fecit  non  adjecto  ut  et  juris  ltalici  essent,  sed 
tributum  his  remisit  capitis  :  sed  divus  Titus  etiam  solum  immune  factum  inter- 
pretatus  est,  tandis  que,  .selon  Ulpien  (Dig.  50,15,1,6),  cotte  ville  était  bien  une 
colonie,  mais  non  une  colonie  de  droit  italique.  Elle  n'avait  pas  reçu  ex- 
pressément le  droit  italique,  et  c'est  à  cela  que  pense  Ulpien.  Mais,  si  elle 
l'avait  reçu,  elle  aurait  été  libérée  de  l'impôt  foncier  comme  de  l'impôt  de 
capitation,  et  après  quelle  eut  obtenu  l'exemption  de  l'impôt  foncier,  sa 
condition  revint  à  celle  des  villes  de  droit  italique,  et  c'est  à  cela  que 
pense  Paul.  La  place  occupée  par  les  listes  dans  les  traités  de  censibus, 
l'indication  des  Barcinonenses  immunes,  Dig.  50,  15,  8,  pr.  dans  la  liste  des 
villes  de  droit  italique,  et  l'opposition  faite,  Dig.  50,  15,  8,  5  :  Divus  Antoni- 
nus  Antiochenses  colonos  fecit  salvis  tributis,  montrent  encore  que  l'immunité 
est  comprise  dans  le  droit  des  colonies  italiques. 

(2)  Nous  en  trouvons  déjà  la  représentation  sur  les  monnaies  de  L. 
Marcius  Gensorinus,  au  temps  de  Sulla  (fi.  M.  W.  p.  602  =  tr.  fr.2,  p.  431). 
Cf.  sur  la  statue,  Jordan,  Topogr.  1,  2,  264.  303).  Peut-être  n'était-elle  pas 
autre  chose  qu'une  œuvre  d'art  grecque  transportée  à  Rome  et  était-elle 
pour  Rome  quelque  chose  d'analogue  à  ce  qu'est  l'Homme  aux  Oies  pour 
Nuremberg. 

(3)  Les  érudits  romains  récents  voyaient  là  une  image  de  la  liberté  des 
villes  sur  le  témoignage  des  scolies  de  Virgile,^n.3,20  :  In  liberis  civitatibus 
simulacrum  Marsyae  erat,  qui  in  tutela  Liberi  patris  est  ;  4,  58  :  Marsyas  ejus 
(du  pater  Lyaeus)  minister  est  in  civitatibus  in  foro  positus  liber tatis  indicium, 
qui  erecta  manu  testatur  nihil  urbi  déesse.  Mais,  sans  parler  de  ce  que  la  li- 
berté de  la  ville  ne  pourrait  être  représentée  qu'ironiquement  par  cette 
image,  la  conclusion  qu'on  en  déduit  est  fausse  ;  car  ce  ne  sont  pas  les 
villes  libres,  mais  les  villes  de  droit  italique  dans  lesquelles  se  rencontre 
le  Marsyas  ;  toute  l'explication  n'est  donc  qu'une  mauvaise  plaisanterie  ou 
un  sérieux  encore  pire.  Pausanias,  en  disant  de  la  colonie  de  citoyens  de 
Patrae,7,  18,7:  Avyo-JTToç....  soar/.s  [xsv  èXe-jôepoiç  'A-/ouwv  jjlovoiçtoïç  ïlarpsCo-tv 
elvat,  KScdxe  oï  xai  lç  '%  aÀ>.a  yepa  c-cpiaiv,  oiroa-a  toïç  a7rocxoiç  vé(xetv  o\  Tw- 
{xatoi  vojx^ouaiv,  pourrait  donner  à  croire  qu'il  fait  allusion  au  Marsyas  et 
que  par  suite  il  lui  a  donné  le  mémo  sens  que  les  scoliastes.  Mais  la  pré- 
sence du  Marsyas  sur  les  monnaies  de  cette  ville  (Eckhel,  2,  238)  est  une 
assertion  d'Arigoni  et  est  difficilement  exacte  (Imhoof). 


460  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

les  provinces,  et  elles  se  servaient  du  Marsyas  en  quelque  sorte 
comme  d'un  insigne  de  leur  statut  municipal  privilégié  par 
opposition  aux  autres  cités  de  citoyens  qui  ne  leur  étaient  pas 
assimilées  quant  au  droit  de  propriété  foncière  et  aux  cités  pro- 
vinciales de  non-citoyens  (1). 

La  cité  italique  de  citoyens  était  privilégiée  par  rapport  à  la 
cité  provinciale  de  citoyens,  au  point  de  vue  territorial.  Elle 
l'était  peut-être  aussi  au  point  de  vue  personnel,  quant  au  droit 
d'occuper  les  magistratures.  Ainsi  que  nous  l'avons  expliqué 
dans  la  théorie  de  la  Capacité  d'être  magistrat,  le  droit  d'occu- 
per les  magistratures  de  l'État  faisait  défaut,  dans  les  premiers 
temps  de  l'Empire,  aux  membres  des  cités  de  citoyens  des  Gau- 
les, et  cette  infériorité  était  peut-être  alors  commune  à  toutes 
les  provinces.  Or,  si  les  citoyens  ayant  leur  cité  locale  en  Ita- 
lie ont  eupendant  un  certain  temps  le  privilège  d'arriver  aux 
magistratures  de  l'État  et  par  elles  au  sénat,  les  communes  pro- 
vinciales de  droit  italique  peuvent  fort  bien  avoir  encore  été  as- 
similées sous  ce  rapport  auxcommunes  italiques.  Mais  cette  infé- 
riorité, qui,  sauf  pour  Narbonne,  ne  peut  avoir  commencé  à 
exister  avantla  dictaturede  César, fut  déjà  effacée  pour  la  Gaule 
par  l'empereur  Claude,  et,  si  elle  a  existé  ailleurs,  elle  ne  peut 
guère  y  avoir  subsisté  beaucoup  plus  longtemps  ;  car  sans  cela 
nous  en  trouverions  les  traces. 
condition  légale      Les  cités  de  citoyens  romains  sont  soumises  aux  magistrats 

de  citoyens. 

(1)  Eckhel,  4,  493,  l'a  depuis  longtemps  parfaitement  démontré.  Nous 
trouvons  le  Marsyas  romain  sur  des  monnaies  des  villes  suivantes  :  *Ale- 
xandreia  Troas  —  *Berytus,  —  Bostra,  —  Gœla  en  Thrace,  —  Damascus, 
—  Deultus  en  Thrace,  —  *Laodicea  en  Syrie,  —  Neapolis  en  Samarie,  — 
Palmyre  (De  Saulcy,  Mélanges  de  numismatique,  tome  II,  1877,  p.  335,  plan- 
che 13,  1.  2),  —  *Parium  (sans  doute  seulement  sous  Valérien  ou  Gallien  : 
Mionnet,  Suppl.  5,  393,  689),  —  Sidon,  —  *Tyr.  En  outre,  d'après  les  ins- 
criptions, la  statue  de  Marsyas  fut  érigée  sur  le  Forum,  à  Thamugadi,  en 
Afrique,  lorsque  Trajan  fit  de  cette  ville  une  colonie  {Eph.  ep.  Y,  n.  1269)  et 
dans  deux  autres  endroits  d'Afrique,  dans  une  ville  dont  le  nom  nous  est 
inconnu,  sous  Commode  (Eph.  ep.  V,  n.  264  :  Statuant  quoque  in  foro  Mar- 
syas...) et. à  Verecunda  sous  Valérien  (C.  /.  L.  VIII,  4219).  La  qualité  de  co- 
lonie est  certaine  pour  toutes  ces  villes  à  l'exception  de  Cœla  et  de  Vere- 
cunda; l'existence  du  droit  italique  l'est  également  pour  les  cinq  que  nous 
avons  désignées  plus  liant  par  une  étoile. 


Abseme 
de  souveraineté 

militaire. 


LE  DROIT   MUNICIPAL.  i-GI 

romains,  et  ce  qu'on  appellera  liberté  des  villes  ne  peut  pas  y 
exister  (1).  Toute  l'Italie  étant  placée  sous  le  gouvernement 
des  autorités  de  la  capitale,  dont  les  attributions  sont  réglées 
autrement  que  celles  des  gouverneurs,  les  communes  italiques 
ne  subissent  pas  de  contrôle  administratif  essentiel  des  orga- 
nes du  pouvoir.  Mais  les  cités  de  citoyens  qui  sont  dans  les  pro- 
vinces ne  se  distinguent  pas  en  principe  à  ce  point  de  vue  des 
cités  sujettes.  Ce  semble  être  par  une  exception  isolée  que  la 
colonie  julienne  d'Àpameaen  Bithynie  était  dégagée  par  un  pri- 
vilège de  l'obligation  de  présenter  ses  comptes  municipaux  au 
gouverneur  (2). 

Il  ne  peut  naturellement  pas  être  question  pour  les  cités  de 
citoyens  d'une  souveraineté  militaire  proprement  dite  (3). 
Mais  l'institution  du  commandement  militaire  motivé  par  la 
force  majeure  s'étend  à  elles,  et  en  pareil  cas  le  magistrat  ou  le 
représentant  nommé  par  lui  a  les  pouvoirs  de  l'officier  romain 
[tribunus  militwn)  (4). 

La  cité  de  citoyens  n'a   pas  de  droit   propre  différent  de    Absence  de 

J  r  jt      r  jr0lt   propre. 

celui  de  l'empire.  Les  actes  de  droit  privé  qui  ont  pour   con- 

(1)  Nous  avons  remarqué  p.  441,  note  1,  que  les  villes  libres  de  Curubis 
et  d'ilippo  n'ont  pas  été  en  même  temps  des  cités  de  citoyens.  Une  faut  pas 
considérer  comme  des  preuves  du  contraire  que  Pausanias,  7,  18,  5,  attribue 
rèXeuôepîa  à  la  colonie  de  Patrae;  que  la  ville  d'Askalon  soit  appelée  xoXama 
wmtoi  xa\  èXeuôepa  dans  un  titre  de  l'an  359  après  J.  G.  (Hermès,  19,  418);  et 
que  l'on  rencontre,  sur  une  dédication  africaine  à  l'empereur  Gratien,  un 
municipium  (à  cette  époque  cependant  sans  doute  civium  Romanorum)  Septi- 
miam  liberum  Aulodes  (Gagnât  et  Reinach,  Comptes-rendus  de  VAcad.  des 
lnscr.  1883,  256). 

(2)  Cum  vellem,  écrit  Pline  à  Trajan,  Ep.  47,  Apamex  cognoscere  publicos 
debitores  et  reditum  et  impendia,  responsum  est  mihi  cupere  quidem  universos 
ut  a  me  rationes  colonise  legerentur,  numquam  tamen  esse  lectasab  ullo  procon- 
sulum,  habuisse  privilegium  et  vetustissimum  morem  arbitrio  suo  rem  publicam 
administrare  ;  et  l'empereur,  Ep.  47,  se  borne  à  faire  faire  l'inspection  pour 
cette  fois  suivis  piwilegiis. 

(3j  Les  soldats  fournis,  parmi  les  villes  italiques  qui  donnèrent  des 
secours  à  Scipion  en  549  pour  son  expédition  d'Afrique,  par  les  cités  sabi- 
nes  de  citoyens  complets  de  Nursia,  de  Reate  et  d'Amiternum  (Tite-Live, 
28,  45,  19),  n'impliquent  aucunement  l'existence  d'un  dilectus  municipal. 

(4)  Selon  le  statut  de  Genetiva,  c.  103,  le  duumvir  ou  son  prsefectus 
peut  finium  defendendoi*um  causa  appeler  sous  les  armes  les  membres  de  la 
cité,  tique...  idem  jus  eademque  animadversio  esto  uti  tr(ibuno)  mil(itum) 
p.  R.  in  exercitu  p.  R.  est. 


Staluîs  locaux. 


46*2  DROIT  PUBLIC   ROMAIN. 

dition  la  souveraineté  politique  et  qui,  comme  le  dit  la  for- 
mule du  testament  romain,  doivent  être  accomplis  secundum 
legem  publicam,  sont  accomplis  dans  les  cités  autonomes  et  dans 
les  cités  quasi-autonomes  selon  leur  droit  local.  L'Athénien 
teste  selon  le  droit  athénien,  le  Syracusain  selon  le  droit  de  Sy- 
racuse ;  le  Préneslin  depuis  la  guerre  des  Marses  teste  selon  le 
droit  romain.  Non  seulement  cela  n'exclut  pas  l'existence  de 
statuts  locaux;  mais  la  colonie  d'Antium  en  reçut  déjà  un  en 
l'an  437  (p.  423,  note  2),  et,  au  moment  de  l'organisation  de 
toutes  les  colonies  de  citoyens  et  de  beaucoup  des  autres  cités 
de  citoyens,  une  loi  spéciale  était  rendue  qui  réglait  la  consti- 
tution de  la  cité  et  qui  posait  plus  ou  moins  de  principes  de 
droit,  parfois  même  en  s'écartant  du  droit  romain  géné- 
ral (1).  Le  statut  local  ainsi  donné  se  fonde  nécessairement, 
en  droit,  sur  une  résolution  des  comices  romains;  mais,  en  fait, 
il  émane  sans  doute  habituellement,  comme  nous  le  montre 
celui  delà  colonie  Genetiva  de  César  qui  nous  est  parvenu,  de 
l'autorité  d'un  magistrat  auquel  cette  affaire  était  confiée  en 
même  temps  que  le  soin  de  constituer  la  cité.  Ce  statut  pouvait 
même  concéder  à  une  cité  de  citoyens  le  droit  de  se  donner 
ses  institutions  à  elle-même;  ainsi,  lorsque  l'agitation  démo- 
cratique pour  l'établissement  du  vote  secret  remua  la  capitale, 
des  rogations  semblables  furent  présentées  au  peuple  d'Ar- 
pinum  et  probablement  à  celui  de  beaucoup  d'autres  villes 
de  citoyens  (VI,  1,  p.  466,  note  1);  les  mouvements  politiques 
de  la  capitale  devaient  ainsi  fréquemment  se  répercuter 
dans  ces  villes.  La  limite  posée  à  l'autonomie  des  associations 
dum  ne  quid  ex publica  lege  corrumpant  (VI,  1,  p.  353,  note  2) 
s'appliquait  naturellement  aussi  aux  cités;  pour  le  surplus,  la 
compétence  de  leurs  comices,  c'est-à-dire  leur  pseudo-souve- 
raineté s'étend  aussi  loin  que  le  leur  permet  leur  statut. 


(1).  Le  système  d'Arpinum,  différent  du  système  romain,  qui  lie  aux 
biens  la  charge  des  sacra  (VI,  1,  p.  21,  note  2)  se  ramène  de  la  façon  la  plus 
simple  à  un  statut  local  donné  par  Rome.  Le  point  de  savoir  si  l'auteur  du 
statut  avait  le  droit  d'y  admettre  de  telles  anomalies  dépendait  de  la  rédac- 
tion de  la  loi  qui  le  chargeait  de  la  confection  du  statut. 


Juridiction 


LE    DROIT   MUNICIPAL.  463 

La  juridiction  municipale,  Yimperium  judiciaire  (1)  est, 
puisque  Yimperium  militaire  restait  au  pouvoir  central,  la  seule  im,mc,Pale- 
expression  possible  des  droits  de  souveraineté  des  municipes  ;  et 
c'est  pourquoi  leurs  magistrats  supérieurs  se  nomment,  dans 
leur  titre  officiel,  jure  dicundo  (2).  L'autre  face  du  rapport  est 
exprimée  théoriquement  et  pratiquement  par  les  limitations 
apportées  au  droit  de  juridiction  des  cités  de  citoyens  (3). 

D'après  la  constitution  primitive  de  l'État  romain,  il  n'y  avait 
pour  le  citoyen  romain  de  tribunal  national  compétent  qu'à 
Rome.  Mais  ce  principe  fut  limité,  à  deux  points  de  vue,  sous  la 
République.  11  le  fut,  en  premier  lieu,  par  l'institution  de  tribu- 
naux de  l'État  hors  de  la  ville,  ceux  des  représentants  du  pré- 
teur urbain  {prœfecti)  (4)  en  Italie  et  ceux  des  préteurs  provin- 
ciaux hors  d'Italie.  Il  le  fut,  en  second  lieu,  par  le  transfert  de 
la  juridiction  à  des  magistrats  communaux  issus  comme  les  ma- 
gistrats romains  du  vote  de  leurs  concitoyens. 

L'institution  des  préfets  locaux  et  des  préteurs  provinciaux 
n'est  pas  une  restriction  de  la  juridiction  de  l'État;  c'est  seule- 


(1)  Dans  les  lois  de  la  fin  de  la  République,  les  magistrats  municipaux 
se  voient  attribuer  expressément  imperium  potestasve  (v.  tome  1,  la  partie 
préliminaire,  sur  les  mots  imperium  etpotestas;  cf.  plus  bas,  p.  466,  note  2). 
Habituellement  du  reste  imperium  n'est  pas  employé  dans  le  sens  général 
de  pouvoirs  du  magistrat  supérieur  comprenant  la  juridiction,  mais,  par 
opposition  à  la  juridiction,  pour  désigner  Fautorité  militaire  et  d'une  façon 
générale  toutes  les  attributions  du  magistrat  supérieur  qui  ne  font  point 
partie  de  la  juridiction  proprement  dite  (v.  tome  I,  le  commencement  de  la 
partie  de  la  Juridiction  civile). 

*t  &)  A.  la  vérité,  le  complément  ne  se  présente  pas  avec  une  généralité 
absolue.  Il  fait  défaut  non  seulement,  comme  il  convient,  dans  les  titres 
municipaux  tels  que  dictator  et  prœtor  qui  contiennent  en  eux-mêmes  l'in- 
dication des  fonctions  de  la  magistrature  supérieure,  mais  aussi  dans  les 
cas  où  ces  fonctions  ont  été,  au  moment  de  la  délivrance  du  statut,  excep- 
tionnellement attachées  à  l'édilité  (C.  I.  L.  X,  p.  1157;  cf.  IX,  p.  789).  Le 
complément  est  aussi  omis  non  seulement  à  titre  isolé,  mais  même  en  rè- 
gle générale  dans  certaines  cités,  par  exemple  dans  la  colonie  de  Capua, 
sans  qu'il  y  ait  de  raison  de  supposer  une  différence  de  droit. 

J  $  La  loi  qui  accorda  le  droit  de  cité  aux  cités  latines  de  la  Gaule  ci- 
salpine, disposa  que  l'ancienne  juridiction  illimitée  resterait  en  vigueur 
pour  les  procès  alors  pendants  (fragment  d'Ateste,  lignes  10  et  ss). 

(4)  V.  tome  I,  la  partie  de  la  Nomination  des  agents  auxiliaires,  sur  la 
juridiction  déléguée  en  Italie,  et,  tome  IV,  la  théorie  du  Vigintisexvirat,  sur 
les  prœfecti  Capuam  Cumas. 


464  DROIT   PUBLIC   HUMAIN. 

ment  un  changement  de  son  mode  d'exercice,  pour  lequel  il 
n'y  a  pas  à  distinguer  si  ces  agents  ont  dans  leur  circonscrip- 
tion une  compétence  illimitée,  comme  c'est  le  cas  des  préteurs 
provinciaux  élus  par  les  comices  (1),  ou  si  leur  compétence  est 
limitée  quant  au  fond,  comme  il  arriva  probablement  pour  la 
juridiction  des prœfecti  italiques  d'abord  investis  d'une  déléga- 
tion du  préteur.  Il  nous  est  seulement  rapporté  que  les  parties 
pouvaient  convenir  de  renvoyer  la  décision  d'un  litige  déter- 
miné au  préteur  de  Rome  (2). 

Théoriquement  la  juridiction  communale  est  aussi  légitimée 
par  l'intervention  des  comices  romains,  et  elle  est  probablement 
considérée  comme  une  délégation  réglée  par  la  loi  de  la  juri- 
diction prétorienne  (3).  Quant  au  fond,  elle  est  un  vestige 
pratique  de  l'autonomie  légale  et  le  critérium  de  la  quasi-auto- 
nomie de  la  cité. 
Les  origines         Les  origines  de  la  juridiction  communale  restent  dans  l'obs- 

de  la  juridiction 

municipale,  curité.  L'organisation  communale  n'a  pas  débuté,  avons-nous 
vu,  par  la  formation  d'une  magistrature,  et  même,  après  que  la 
magistrature  s'y  fut  constituée,  comme  nous  en  trouvons  le 
premier  exemple  connu  dans  la  colonie  d'Antiumen  437,  cette 
magistrature  a,  selon  toute  apparence,  d'abord  restreint  son  rôle 

juridiction  à  l'administration  en  y  adjoignant  peut-être  la  juridiction  des 
marchés. Nous  avons  vu  (p. 326)  quel'édilité  curule,qui  existait 
à  Rome  depuis  388,  fut  peu  de  temps  après  introduite,  sous 
l'influence  romaine,  dans  les  institutions  municipales  des  cités 
italiques  autonomes;  nous  avons  vu  également  (p.  198)  que, 
dans  certaines  localités  de  demi-citoyens,  des  édiles  nommés 
par  les  cités  étaient  en  exercice  à  côté  des  prœfecti  jure dicundo 

(1)  V.  tome  I,  la  partie  de  la  Juridiction  civile,  sur  les  circonscriptions 
judiciaires,  et  tome  II, les  parties  de  laPréture  et  du  Gouvernement  de  pro- 
vince, sur  la  juridiction  civile. 

(2)  La  formulaire  de  contrat  dans  Gaton,  De  r.  r.  149,  finit  par  les  mots  : 
Si  quid  de  ils  rébus  controversiœ  erit,  Romsejudicium  fiât.  11  est  probablement 
fait  allusion  par  là  à  la  double  autorité  judiciaire  romaine  du  praefectus  et 
du  praetor  ;  la  juridiction  alliée  pouvait  difficilement  être  exclue  de  cette 
façon,  lorsqu'elle  était  compétente. 

(3)  V.  tome  I,  la  théorie  de  la  Nomination  des  auxiliaires,  sur  la 
juridiction  déléguée  en  Italie. 


LE    DROIT   MUNICIPAL.  46r> 

romains.  Il  n'est  pas  invraisemblable  que  la  magistrature  des 
cités  de  citoyens  complets  a  de  môme  eul'édilitépour  origine  et 
qu'en  dehors  de  la  justice  des  marchés  elle  n'a  point  d'abord 
restreint    la  juridiction   des    autorités  romaines.   Puisqu'un 
prcvfectus  a  encore  été  envoyé  aux  colonies  de  citoyens  de  Pu- 
teoli,  de  Volturnum  et  de  Liternum  fondées  en  560  et  même 
encore   à  celle  de  Saturnia   fondée  en    571  (p.  105,  note   3), 
les  magistrats  municipaux  semblent  n'avoir  pas  encore  eu  à 
cette  époque  la  juridiction  proprement  dite;  car,  comme  disent 
les  jurisconsultes    romains  (p.  196,  note  2),  la  praefectura  est 
bien  jusqu'à  un  certain  point  une  commune,  mais  elle  n'a  pas 
de  magistrats  propres.  Les  attributions  des  autorités  locales 
se  sont  probablement  accrues,  à  la  suite  de  l'augmentation  du 
nombre  des   colonies  de  citoyens,  qui  se  place  précisément  à 
cette  époque.  Jusqu'alors  on  n'avait  recouru  à  cette  forme  d'é- 
tablissement que  pour   assurer  la  défense  des  côtes.  Toutes  les 
anciennes  colonies  sont  des   garnisons   permanentes  établies 
dans  des  ports  d'Italie  et  en  général  de  peu  d'importance.  Les 
plus  anciens  territoires  plus  considérables  et  situés  dans  l'in- 
térieur des  terres  qui  aient  été  organisés  en  colonies  ont  été 
les  villes  de  Pisaurum,  de  Parma  et  de  Mutina  fondées  en  Italie 
du  nord  en  même  temps  que  Saturnia.  A  la  vérité,  on  ne  peut 
pas  établir  pour  elles-mêmes  qu'elles  aient  reçu  dès  le  moment 
de  leur  fondation  l'autorité  judiciaire  qui  appartint  plus  tard 
aux  cités  de  citoyens  complets.  11  n'y  a  aucun  argument  positif 
en  faveur  de  l'existence  d'autorités  municipales  munies  de  la 
juridiction   antérieurement  à  la  guerre  sociale  (I).  Et,  quand     juridiction 

.  •  i  i  i  i      communale  après 

bien  même  les  origines  en  remonteraient  plus  haut  dans  le  ia  guerre  sociale, 
passé,  il  ne  peut  y  avoir  de  doute  que  c'est  la  réaction  éner- 
gique contre  la  suprématie  de  la  cité  romaine,  dont  la  guerre 
sociale  fut  l'expression,  qui  a  créé  la  juridiction  communale 
dans  sa  généralité  postérieure.  La  preuve  en  est  particulière- 
ment dans  la  disparition  totale  des  préfectures,  sauf  dans  le  ter- 

(1)  Le  marché  de  constructions  de  Puteoli  de  649  (C.  I.  L.  I,  n.  577) 
prouve  bien  que  cette  colonie  avait  alors  des  duoviri;  il  ne  prouve  pas 
qu'ils  y  aient  possédé  la  juridiction  inter  privatos. 

Droit  Publ.  Rom.,  t.  VI,  2"  p.  30 


466  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

ritoire  de  Capoue,  survenue  sans  aucun  doute  à  la  suite  de  cette 
guerre  (p.  4i5):  la  juridiction  municipale  remplace  dorénavant, 
pour  les  petits  procès,  ces  tribunaux  de  l'État  établis  à  un  siège 
fixe,  probablement  avec  une  compétence  limitée.  La  suppres- 
sion complète  de  tous  les  agents  locaux  du  pouvoir  central  doit 
venir  de  ce  que  l'on  supportait  plus  volontiers  la  juridiction  loin- 
taine du  préteur  ou  du  gouverneur  que  le  juge  local  romain 
présent  sur  les  lieux.  D'ailleurs  on  restreignit  en  même  temps 
la  juridiction  jusqu'alors  illimitée  des  États  auparavant  auto- 
nomes. Il  y  eut  une  détente  des  deux  côtés.  Par  l'entrée  des 
Italiens  dans  le  cercle  des  citoyens,  d'une  part,  et  par  la  conces- 
sion d'une  juridiction  propre  aux  cités  de  citoyens  en  même 
temps  que  par  la  suppression  des  baillis  judiciaires  envoyés  de 
Rome,  d'autre  part,  par  ce  compromis  de  fait  entre  la  puissance 
souveraine  de  la  cité  romaine  et  l'autonomie  des  villes  fédérées, 
la  paix  a  été  conclue  entre  les  unitaires  et  les  particularistes. 
Limites  La  limitation  ne  se  fit  pas  au  moyeu  de  l'institution  de  l'ap- 

de   la  juridiction  ^  *■ 

municipale  civile.  pe}5  étrangère  à  l'ancienne  législation;  elle  se  fit  par  une  di- 
vision de  compétence,  pour  laquelle  on  prit  peut-être  comme 
base  la  ligne  de  démarcation  antérieurement  tracée  entre  la 
compétence  du  préteur  et  celle  de  ses  représentants  locaux  d'I- 
talie désormais  supprimés.  Les  pouvoirs  nécessaires  à  l'admi- 
nistration de  la  justice,  par  exemple  celui  de  procurer  l'exécu- 
tion sur  la  personne  par  l'addiction  du  débiteur,  ne  pouvaient 
pas  être  refusés  aux  magistrats  municipaux  (1).  Il  en  était  de 
même  du  droit  de  coercition  exercé  au  moyen  d'amendes  et  de 
saisies  de  gages  (2).  Mais  tout  ce  qui  n'est  pas  exclusivement 
et  proprement  justice  inter  privatos  reste  réservé  aux  tribunaux 

(1)  C'est  ce  que  décide  expressément  la  loi  Rubria,  2,  19,  et,  la  ductio 
ayant  existé  aussi  longtemps  que  la  procédure  ordinaire,  (cf.  par  exemple 
Gaius,  3,  199),  elle  est  nécessairement  restée  aux  magistrats  municipaux. 

(2)  Javolenus,  Dig.  2,  1,  2  :  Cui  jurisdictio  data  est,  ea  quoque  concessa 
esse  videntur,  sine  quibus  jurisdictio  explicari  non  potuit.  C'est  ce  que  Paul, 
Dig.  1,  21,  i,tn  fine,  appelle  Yimperium  quod  jurisdictioni  cohaeret,  Ulpien,  Dig. 
2,  1,  3,  Yimperium  mixtum.  Application  à  la  multa,  lex  Malacit.  c.  66  (d'où 
il  résulte  en  même  temps  que  les  édiles  municipaux,  qui  participent  comme 
les  édiles  romains  à  la  juridiction,  ont,  comme  eux,  le  droit  d'amende)  et 
Dig.  50,  10,  131,  1  ;  à  la  saisie  de  gages,  Dig.  9,  2,  29,  7.  27,  9,  3,  1. 


f.E    DROIT   MUNICIPAL.  467 

de  l'État;  ainsi  déjà  la  procédure  à  suivre  contre  le  défendeur 
qui  reconnaît  la  prétention  du  demandeur  ou  qui  ne  la  con- 
teste pas  comme  il  convient;  car,  en  pareil  cas,  cette  justice 
disparait  (1);  ensuite  les  actes  de  manumission,  d'émancipa- 
tion, d'adoption  ;  car  il  n'y  a  là  qu'une  justice  fictive  {legis  ac- 
tio)  (2)  ;  puis  tous  les  actes  officiels  qui  impliquent  un  exer- 
cice arbitraire  de  la  puissance  du  magistrat  :  le  mode  moderne 
d'exécution  par  saisie  du  patrimoine  (3),  la  provocation 
à  fournir  une  sûreté  en  présence  d'un  dommage  immi- 
nent (4),  l'organisation  d'une  poursuite  civile  extraordinaire 
pour  cause  de  violation  de  leur  propre  autorité  (5),  la  restitu- 
tio  in  inlegrum  (6),  actes  qui  se  ressemblent  tous  parce  carac- 
tère négatif  de  ne  pas  consister  en  la  constitution  d'un  procès 
civil  régulier.  La  compétence  des  magistrats  municipaux  a  été 


(1)  C'est  là  l'objet  essentiel  des  chapitres  21  et  22  de  la  loi  Rubria;  il  est 
seulement  fait  une  exception  pour  Faction  relative  à  une  pecunia  certa  cré- 
dita, —  correspondant  pratiquement  à  notre  action  en  paiement  d'une  let- 
tre de  change,  —  naturellement  à  condition  qu'elle  pût  être  déférée  au  juge 
local. 

(2)  Paul,  2.  25,  4  :  Apud  magislratus  municipales,  si  habent  legis  actionem, 
emancipari   et    manumitti   potest.    Constantin,    Cod.    Just.   7.  \.  4:    Apud.... 

magislratus....  earum  civitatum,    quibus  hujusmodi  jus  est,   adipis ci  potest 

servitus  libertatem.  Pline,  Ep.  7,  16. 

(3)  Dig.  50,  i,  26,  1. 

(4)  La  loi  Rubria,  en  déclarant  par  une  disposition  spéciale  les  magistrats 
municipaux  de  la  Gaule  cisalpine  compétents  en  matière  d'operis  novi 
nuntiatio  (c.  19)  et  de  cautio  damni  infecti  (c.  20)  jusqu'à  un  certain  degré, 
atteste  en  même  temps  que  ces  droits  ne  rentraient  pas  dans  leur  compé- 
tence générale.  Le  droit  des  Pandectes  est  encore  plus  clair  pour  le  dernier 
cas;  d'après  lui,  ce  pouvoir  est  transporté  avec  certaines  restrictions  aux 
magistrats  municipaux  par  un  mandat  spécial  du  préteur  (Dig.  39,  2,  i  :  Cum 
res  releritatem  desideret.  I.  4,  pr.  |  2-4.  9).  Cf.  Lenel,  Zeitschrift  der  Savigny- 
Stiftung,  2,24. 

(5)  Ulpien,  Dig.  2,  3,  1,  pr.  :  Omnibus  magistratibus,  non  tamen  duumviris, 
secundum  jus  potestatis  suse  concessum  est  jurisdictionem  suam  defendere 
pœnali  judicio.  C'est  pour  cela  que  le  préteur  promet,' dans  son  édit,  comme 
l'a  montré  Lenel  [loc.  rit.  p.  17)  une  action  pénale  à  raison  de  la  désobéis- 
sance aux  magistrats  municipaux.  Si,  d'après  la  loi  Rubria,  c.  21,  in  fine,  le 
magistrat  municipal  lui-même  peut  organiser  une  action  devant  des  récupé- 
rateurs contre  celui  qui  ne  fournit  pas  le  vadimonium  de  comparaître  à  Rome, 
cela  n'est  pas,  comme  le  croit  Lenel,  p.  35,  en  contradiction  avec  la  décision 
(fUlpien  ;  le  magistrat  municipal  défend  ici  ]£  juridiction  de  l'État,  mais, 
pour  défendre  sa  juridiction  propre,  il  n'a  d'autre  arme  que  la  multa. 

(6)  Dig.  50,  1,  26,  i. 


468  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

fréquemment  étendue  par  les  statuts  locaux;  en  particulier  la 
justice  fictive  leur  a  été  fréquemment  conférée  (1);  mais  les 
exceptions  ne  font  que  confirmer  la  règle. 

La  justice  proprement  dite  elle-même  n'est  d'ailleurs  confiée 
aux  tribunaux  locaux  que  dans  des  limites  d 'terminées,  et  les 
affaires  civiles  les  plus  importantes  restent  réservées  aux  tri- 
bunaux de  l'Etat  (2).  La  démarcation  peut  avoir  été  très  va- 
cillante. Nous  n'avons,  en  cette  matière,  de  connaissances  préci- 
ses que  relativement  à  la  législation  césarienne  de  70o  sur  l'ad- 
mission des  habitants  de  la  Gaule  cisalpine  parmi  les  ci- 
toyens (3).  Cependant  le  principe  qui  y  est  appliqué  et  qui 
consiste  à  déclarer  les  autorités  locales  compétentes  sans  li- 
mites pour  certaines  catégories  de  procès  et  pour  les  autres  au 
contraire  seulement  si  l'objet  de  la  demande  ne  dépasse  pas 
15000  sesterces,  peut,  sauf  le  montant  de  la  somme  qui  a  pro- 
bablement comporté  beaucoup  de  variations,  avoir  été  pris  pour 
règle  générale  (4).  Il  en  est  de  même  d'autres  prescriptions  de 
la  loi,   selon  lesquelles  les  procès  de  liberté  (5)  et  toutes  les 


(1)  Les  textes  cités  p.  467,  note  2,  montrent  que  la  legis  actio  était  fré- 
quemment concédée  aux  autorités  locales,  mais  peut-être  seulement  à  celles 
des  municipes  et  non  à  celles  des  colonies  (v.  mes  Stadtrechte,  p.  435). 

(2)  Sans  doute  ces  tribunaux  sont  dans  les  provinces  ceux  des  gouverne- 
neurs.  Le  préteur  romain  a  bien  à  la  vérité  été  l'autorité  judiciaire  supérieure 
pour  la  Gaule  cisalpine  tant  qu'elle  a  été  un  gouvernement  distinct.  Mais 
cela  tient  certainement  à  ce  que,  lors  de  l'introduction  du  système,  ce  territoire 
faisait  partie  du  département  des  consuls,  et  on  ne  peut  pas  conclure  de  lui 
aux  autres  provinces. 

(3)  Une  partie  de  cette  législation  est  contenue  dans  la  quatrième  table 
de  la  loi  Rubria  trouvée  à  Veleia  et  dans  le  fragment  d'Ateste  qui  appartient 
probablement  à  la  même  loi  {Hermès,  16,  24  et  ss.).  L'intervention  du  pré- 
teur contre  les  autorités  municipales  qui  excèdent  leur  compétence  paraît 
avoir  été  réglée  par  une  loi  Miia  (C.  I.  L.  I,  p.  263). 

(4)  Paul,  Sent.  5,    5a,  1  :    Res  judicatœ  videntur a  magistratibus  munici- 

palibus  usque  ad  summam  qua  jus  dlcere  possunt.  Le  même,  Dig.  59,  1.  28  : 
lnter  convenientes  et  de  re  majori  apud  magistratus  municipales  agitur.  Cf. 
Ulpien,  Dig.  5,  1,  1.  Les  textes  Dig.  2,  1,  11.  I.  19,  1.  /.  20,  qui  traitent  de  la 
limite  de  la  compétence,  se  rapportent  aussi  à  ceci.  Cf.  tome  V,  la  partie  de 
l'Administration  de  l'Italie,  sur  les  juridici. 

(5)  Isidore,  Orig.  15,2,  10  :  Libérales  et  famosissimae  causse  et  quse  ex  prin- 
cipe proficiscuntur  ibi  (in  municipio)  non  aguntur.  On  trouve  aussi  des  tra- 
ces de  cette  disposition  dans  l'édit  (Lenel,  op.  cit.  p.  37). 


LE   DROIT    MUNICIPAL.  468 

actions  infamantes  nées  de  contrats  ou  de  délits  (1)  ressortent 
des  tribunaux  de  l'empire.  Lorsque  la  justice  municipale  est 
compétente,  il  n'y  a  pas  concurrence  entre  elle  et  celle  de  l'em- 
pire :  la  revocatio  à  Rome  ou  au  gouverneur  est  exclue  (2). 
Lorsqu'elle  n'est  pas  compétente,  l'introduction  du  procès  lui 
incombe  cependant  en  ce  sens  que  le  demandeur  peut  faire 
contraindre  par  elle  le  défendeur  à  donner  sûreté  {vadimo- 
nium)  de  sa  comparution  à  Rome  dans  un  délai  déterminé  (3). 
La  réponse  à  la  question  de  savoir  quelles  étaient  chez  les 
Romains  les  relations  réciproques  de  la  ville  et  de  l'État  depuis 
leur  séparation  doit  être  cherchée  principalement  dans  les  ins- 
titutions du  droit  civil,  desquelles  nous  avons  une  connaissance 
relativement  précise.  Elles  montrent  le  principe  de  l'unité  de 
l'État  continuant  la  lutte  contre  l'autonomie  fédérative,  même 
aux  dépens  de  l'utilité  pratique.  Les  Mucius  et  les  autres  juris- 
consultes influents  du  temps  de  Cicéron  peuvent  n'avoir  pas 
accueilli  avec  sympathie  cette  innovation,  étrangère  et  hostile  à 
l'ancienne  notion  romaine  de  l'État.  La  législation  et  l'inter- 
prétation ont  également  travaillé  à  abaisser  la  juridiction  lo- 
cale. Si  la  première  a  réduit  les  tribunaux  municipaux,  en  tant 
qu'ils  n'intervenaient  pas  simplement  pour  préparer  l'action 
des  tribunaux  d'empire,  aux  procès  de  peu  d'importance,  la 
seconde  a  l'ait  tout  ce  qu'il  était  possible  dans  la  voie  de  l'in- 
terprétation restrictive  de  la  juridiction  municipale,  assurément 
exceptionnelle  du  reste.  Lorsque  plus  tard,  évidemment  en  vertu 
de  considérations  pratiques,  l'action  des  magistrats  municipaux 
est  étendue,  par  exemple  en  matière  de  sûreté  à  fournir  en  vue 
d'un  dommage  imminent  (p.  467,  note  4),  en  matière  d'hérédi- 
tés (4)  et  de  nominations  de  tuteurs  (5),  il  n'y  a  pas  le  plus 
souvent  une  véritable  extension  de  compétence;  on  recourt  au 


(1)  La  loi  en  question  excepte  le  cas  où  le  montant  de  l'action  n'excède  pas 
10000  sesterces  et  où  le  défendeur  consent.  Il  se  trouve  encore  des  vestiges 
visibles  de  cette  disposition  dans  Fédit  (Lenel,  op.  cit.  p.  37). 

(2)  Fragment  d'Ateste,  ligne  17;  Ulpien,  Dlg.  5,  1,  2,  3. 

(3)  Loi  Rubria,  c.  21  in  fine.  Lenel,  op.  cit.  p.  35. 

(4)  Un  exemple  dans  Paul,  4,  4,  2.  tit.  6,  2. 

(5)  Inst.  Just.  1,  20,  4,  etc. 


470  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

procédé  indiqué  par  l'organisation  du  vadimonium:  ces  affaires 
sont  confiées  aux  tribunaux  des  villes  par  des  mandats  spéciaux 
des  autorités  de  l'empire,  de  sorte  que  les  autorités  locales  agis- 
sent là,  comme  les  anciens  prœfecti,  par  délégation  des  auto- 
rités de  l'empire.  L'idée  de  l'unité  de  l'État  a  conservé  sa  pré- 
dominance dans  le  domaine  de  la  justice  civile. 
J,,Smuenrci^]eelle  Les  autorités  municipales  étaient  aussi  compétentes  en  ma- 
tière criminelle,  au  moins  en  Italie,  sous  la  République  et  au 
début  de  l'Empire  (1).  En  particulier,  les  poursuites  pour 
cause  de  meurtre  étaient  nécessairement  déférées  en  principe  à 
la  justice  du  lieu,  puisque,  dans  l'organisation  de  Sulla,  il  n'y 
avait  que  les  crimes  commis  dans  la  ville  de  déférés  à  la  justice 
de  Rome  (2).  Il  est  douteux  que  les  cités  de  citoyens  aient  eu 
dans  les  provinces  le  même  droit  en  face  de  la  justice  du 
gouverneur.  On  ne  peut  rien  discerner  de  plus  sur  la  divi- 
sion de  compétence  existant  entre  les  tribunaux  des  villes  et 
les  tribunaux  d'État  de  la  capitale  ou  des  provinces  (3)  ; 
on  ne  peut  pas  davantage  établir  quelles  ont  pu  être  les  for- 
mes de  cette  procédure.  A  l'époque  récente  de  l'Empire,  les 
autorités  municipales  n'ont  pas  de  compétence  criminelle  (4). 

(1)  Selon  la  loi  municipale  de  César,  lignes  417  et  ss.,  est  exclu  du  sénat 
municipal  tant  celui  qui  a  été  condamné  à  Rome,  judicio  publico,  quo  circa 
eum  in  Italia  esse  non  liceat,  que  celui  qui  a  été  condamné  judicio  publico 
dans  sa  cité  d'origine. 

(2)  Loi  Gornelia  de  sicaiiis  (Collât.  1,  3,  4)  :  Ut  is  praetor  judexve  qusestio- 
nis,  cui  sorte  obvenerit  quœstio  de  sicariis  ejus  quod  in  urbe  Roma  propius[ve] 
mille  passus  factmn  est.  Des  traces  de  cette  disposition  se  révèlent  dans  le 
procès  conduit  contre  A.  Gluentius  (Gicéron,  Pro  Cluent.  62,  475).  L'arresta- 
tion et  la  punition  de  brigands  rapportées  des  Minturnenses  (Appien,  B.  c. 
4,  28)  peuvent  aussi  être  rapportées  à  cela.  Mais  il  y  a  nécessairement  eu 
des  exceptions,  comme  suffiraient  à  le  montrer  les  débats  sur  la  mort  de 
Germanicus  (v.  tome  III,  la  théorie  du  Consulat,  sur  la  juridiction  crimi 
nelle  des  consuls  sous  l'Empire)  ;  peut-être  les  tribunaux  de  la  ville  étaient- 
Us  exclusivement  compétents  au  cas  de  meurtre  d'un  sénateur  romain. 

(3)  Il  n'y  a  pas  de  conclusion  à  tirer  de  la  mise  en  croix  d'un  esclave 
coupable  de  vol  par  ordre  des  autorités  de  Larinum  (Gicéron,  Pro  Cluent. 
66,  487).  La  procédure  suivie  par  les  gens  de  Minturne  contre  Marius  pros- 
crit (Velleius,  2,  49)  n'est  pas  un  procès  ordinaire,  et  celle  suivie  par  les  ma- 
gistrats de  Philippes  contre  l'apôtre  Paul  (Acta  ap.  46)  n'est  pas  un  procès 
criminel,  mais  une  mesure  de  police,  dans  laquelle  il  n'y[a  légalement  à  tenir 
compte  que  des  coups  donnés  à  un  citoyen  romain. 

'4i  Ulpien,    Dig.  2,  1,  12:    Magistratibus  municipaUbus   svpplicium  a  servo 


LE    DROIT   MUNICIPAL.  471 

Il  en  est  de  l'autonomie  des  finances  municipales  comme  de 
l'autorité  judiciaire  municipale.  Nous  avons  déjà  traité  la 
question,  relativement  aux  constructions,  dans  la  théorie  de  la 
Censure  (i).  A  la  fin  du  vie  siècle  encore,  les  cités  de  citoyens 
de  l'origine  la  plus  récente,  et  par  conséquent  probablement  de 
la  meilleure  condition,  dépendaient  à  ce  point  de  vue  des  cen- 
seurs romains,  et  ce  fut  une  concession  des  censeurs  de  587 
d'employer  à  une  construction  désirée  par  l'une  de  ces  cités 
les  deniers  versés  par  elle.  A  l'inverse,  nous  possédons  un 
marché  de  construction  conclu  en  l'an  649  par  les  duumvirs 
de  la  cité  de  citoyens  de  Puteoli  avec  le  concours  du  sénat 
municipal.  La  tradition  ne  nous  apprend  rien  de  plus.  La  cité 
de  citoyens  peut  bien  avoir  eu,  dès  le  principe,  l'aptitude  à 
posséder  un  patrimoine  propre;  certaines  portions  du  terri- 
toire assigné  sont  nécessairement  restées,  lors  de  l'assignation, 
la  propriété  de  la  collectivité.  Mais  la  cité  de  citoyens  n'a 
certainement  pas  eu,  à  l'origine,  d'administration  financière  mu- 
nicipale, ni  surtout  de  droit  de  s'imposer  elle-même.  Les 
commencements  de  l'autonomie  financière  doivent  être  cher- 
chés dans  les  constructions  affermées  aux  frais  de  la  cité  par 
les  censeurs  et,  peu  avant  la  guerre  sociale,  par  ses  propres 
autorités.  L'autonomie  financière  du  régime  municipal  mo- 
derne n'est,  selon  toute  apparence,  arrivée  à  la  vie,  comme  le 
droit  de  justice,  qu'après  la  guerre  sociale  et  par  son  effet  (2). 
Des  cités  comme  celles  de  Neapolis  et  de  Suessa,  qui  jus- 
qu'alors avaient  eu  la  liberté  complète  de  s'administrer  elles- 
mêmes,  ne  purent  pas,  en  obtenant  le  droit  de  cité  romaine, 
être  mises  sous  la  tutelle  qui  avait  jusqu'alors  été  normale. 
L'administration  des  finances  municipales  a  alors  reçu,  ou 
plutôt  conservé  la  forme  qu'elle   avait  prise  dans  les  cités 


sumere  non  licet,  modica  autem  castigatio  eis  non  est  deneganda.  Cf.  Dig.  47, 
10,  ].'),  39.  I.  17,  2.  Ils  sont  souvent  mentionnés  comme  agents  auxiliaires  des 
magistrats  de  l'empire  pour  la  poursuite  des  criminels. 

(1)  V.  tome  IV,  la  théorie  de  la  Censure,  à  la  section  du  règlement  de  la 
fortune  de  l'État,  sur  les  constructions  faites  dans  les  cités  de  | citoyens. 

(2)  V.  tome  IV,  la   même  théorie,   à  la  section  de  la  confection  des  rôles 
itoyens,  sur  \c  cen?  municipal. 


Autonomie 
financière. 


472  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

autonomes  italiques.  La  censure  a  alors  passé,  avec  l'intervalle 
de  cinq  ans  et  la  liaison  à  la  magistrature  supérieure  qui  lui 
servent  de  bases,  dans  les  institutions  municipales.  La  cen- 
tralisation du  cens  réalisée  par  l'envoi  des  listes  aux  censeurs 
romains,  qui  fonctionnait  déjà  pour  les  cités  autonomes  de 
l'Italie  (1),  s'est  perpétuée  dans  l'organisation  municipale  du 
cens  des  citoyens,  dans  l'inscription  au  cens  de  chaque  citoyen 
par  les  censeurs  de  sa  patrie  (2).  Au  commencement,  le  cens 
général  des  citoyens  résultait  de  la  réunion  de  tous  les  cens 
municipaux;  mais,  le  cens  général  n'ayant  été  accompli  depuis 
la  guerre  sociale  que  d'une  façon  exceptionnelle,  ce  système 
n'a  pu  arriver  à  un  fonctionnement  durable.  Les  cens  munici- 
paux eux-mêmes  sont  opérés  dans  les  différentes  cités  sans 
qu'ils  concordent  rigoureusement  quant  au  temps  ni  qu'on  en 
fasse  une  réunion.  Nous  n'avons  pas  de  renseignements  sur  la 
procédure  suivie  dans  ces  recensements  municipaux  ni  sur  les 
buts  qu'ils  servaient  à  atteindre.  Ils  devaient  essentiellement 
reproduire  en  petit  l'ancien  cens  des  citoyens,  donner  dans 
chaque  cité  la  liste  de  ses  citoyens  et  régler  l'administration 
de  ses  biens;  un  tribut  local  paut  aussi  avoir  été  levé, pour  les 
besoins  de  la  cité,  en  partant  des  données  du  cens  municipal. 
Disparition         L'autonomie  municipale,  modelée  sur  celle  de  la  Rome  répu- 

de  l'autonomie     ....  .     .    .  .      _,    .  _ 

municipale     blicaine,  en  a  suivi  le  sort  sous  le  Principat.  Les  comices  mu- 
sous  le  Principat, 

nicipaux,  qui  étaient  théoriquement  l'organe  essentiel  de  cette 
autonomie,  ont  peut-être  survécu  en  droit,  mais  n'ont  guère 
survécu  en  fait  aux  comices  du  peuple  romain  :  nous  l'avons 
déjà  expliqué  plus  haut  (VI,  1 ,  p.  399  et  ss.).  Le  gouvernement  du 
sénat,  qui  remplace  dans  les  deux  endroits  celui  des  comices,  a 
peut-être  eu  relativement  plus  d'importance  dans  le  municipe 
que  dans  l'État,  où  il  était  essentiellement  effacé  par  celui  du 
prince;  il  en  est  spécialement  ainsi  pour  l'Italie,  où  les  cités 


(1)  V.  la  même  théorie,  même  section,  sur  les  personnes  soumises  t  au 
cens. 

(2)  V.  la  même  théorie,  même  section,  sur  le  cens  municipal,  et  à  la  sec- 
tion des  confections  de  listes,  sur  la  tribu  personnelle  après  la  guerre  sociale 
et  sur  le  cens  des  citoyens  en  Italie  sous  l'Empire. 


LE    DROIT  MUNICIPAL.  473 

de  citoyens  n'étaient  sous  l'autorité  d'aucun  gouverneur.  — 
Mais,  ainsi  que  nous  le  montrons  ailleurs,  l'autorité  du  prince 
qui  mit  immédiatement  fin  au  gouvernement  du  sénat,  mit 
aussi  fin  plus  tard  à  la  liberté  d'administration  des  sénats 
municipaux,  non  sans  qu'il  y  eut  beaucoup  de  leur  faute,  et  elle 
accrut  dans  de  telles  proportions  le  contrôle  de  l'administration 
communale  que  l'autonomie  des  villes  ne  fut  plus  qu'un  mot 
vide  de  sens. 

Dans  les  institutions  relatives  au  calcul  du  temps,  aux  poids 
et  mesures  et  aux  monnaies,  l'autonomie  municipa1 3  n'a  qu'un 
champ  d'action  restreint. 

Le  calendrier  romain  s'étend  à  tout  le  territoire  hrbitû*  par  Mesure duteupi 
les  citoyens  (l).  Il  n'y  a  qu'une  seule  exception  :  la  ville  italique 
de  Neapolis  indique  encore,  sous  les  Flaviens,  dans  ses  décrets 
les  mois  et  les  jours  d'après  son  ancien  calendrier  sans  y  ajouter 
l'équivalence  romaine  (2).  —  Il  n'y  a  pas  de  procédé  de  calcul 
des  années  de  l'empire  qui  soit  politiquement  en  usage.  Le  calcul 
fait  par  une  ville  en  partant  de  l'année  de  sa  fondation  se 
rencontre,  quoique  peu  fréquemment,  aussi  bien  chez  des  co- 
lonies (3)  que   chez  des    municipes  (4).  —    Pour  l'usage  de 


(1)  Le  maintien  religieux  de  calendriers  supprimés  (p.  340,  note  1)  est  sans 
importance  politique.  Si,  d'après  Suétone  {Aug.  59),  quaedam  ltallse.  civitates 
diem,  quo  prùnum  (Augustus)  ad  se  venisset,  initium  anni  fecerunt,  cela  doit 
être  entendu  dans  le  même  sens  qu'à  Gumes  où  l'année  du  culte  d'Auguste 
commence  le  jour  où  il  a  acquis  son  premier  consulat.  Aucune  ville  n'avait 
le  droit  de  supprimer  le  calendrier  de  l'État. 

(2)  Mois  de  Panthéon  :  C.  I.  Gr.  5783;  mois  de  Lenseon  (mai  ou  juin)  :  C.  I. 
Gr.  de  l'an  71  après  J.  G.  Gela  provient  certainement  d'une  réserve  expresse 
faite  lors  de  l'entrée  des  Neapolitani  dans  le  peuple  romain.  Cf.  p.  330, 
note  2. 

(3)  Le  marché  de  constructions  de  la  colonie  de  citoyens  dePuteoli  de  l'an 
649  de  Rome  (C.  I.  L.  X,  1781)  est  daté  ab  colonia  deducta  anno  XC  et  tant 
par  les  duumvirs  que  par  les  consuls.  La  colonie  césarienne  de  Sinope  date, 
depuis  Auguste  jusqu'au  commencement  du  in8  siècle,  de  l'année  de  la  fon- 
dation de  la  colonie,  709  de  Rome,  et  plus  tard  de  l'an  G84  de  Rome,  qui  est 
l'année  de  l'occupation  romaine  opérée  par  Lucullus  (Eckhel,  2,  392).  L'an 
240  après  J.  G.,  en  partant  duquel  les  monnaies  de  Viminacium  comptent  les 
années  (C.  /.  L.  III,  p.  264),  peut  aussi  avoir  été  celui  de  la  transformation 
de  cette  ville  de  municipe  en  colonie. 

(4)  Inscription  religieuse  du  municipe  Interamna  Xahartium  de  l'an  32 
après  J.  G.  anno  post  lnteramnam  conditam  DCCIIH  (Oreili,  689). 


474  DROIT   PUBLIC  ROMAIN. 

dater  par  les  magistrats  romains,  les  mêmes  règles  sont  en 
vigueur  dans  les  colonies  et  les  municipes  de  citoyens  qu'à 
Rome  même.  —  Les  cités  de  citoyens  étaient  certainement, 
dès  avant  la  guerre  sociale,  libres  de  dater  par  leurs  ma- 
gistrats propres  (1),  et  on  peut  voir  là  un  élément  es- 
sentiel de  leur  quasi-autonomie.  Il  y  a  sans  doute  une  rela- 
tion entre  ce  fait  et  celui  d'après  lequel,  même  dans  les 
provinces,  les  villes  de  citoyens,  quoique  aussi  bien  soumises 
au  gouverneur  que  les  villes  sujettes,  ont  évité  de  dater  par 
son  nom. 
poids  et  mesures.  La  tolérance  ou  l'indifférence  manifestée  par  les  Romains,  en 
matière  de  poids  et  mesures  à  l'égard  des  membres  de  l'empire, 
peut  s'être  exercée  en  partie  relativement  aux  anciens  usages 
des  cités  qui  avaient  été  autonomes  avant  d'entrer  dans 
le  corps  des  citoyens;  cependaut  cela  n'a  guère  pu  durer 
longtemps.  A  Pompéi,  ville  fédérée  osque  transformée  en 
colonie  par  Sulla,  les  mesures  indigènes  de  longueur  (2) 
et  de  capacité  (3)  ont,  nous  en  avons  la  preuve,  été  sup- 
plantées par  les  mesures  romaines;  mais  la  dernière  transfor- 
mation tout  au  moins  semble  ne  s'être  opérée  que  sous 
Auguste. 
Régime  Le  droit  de  battre  monnaie  n'appartenait  pas,  du  temps  de  la 

République,  aux  cités  de  citoyens  complets,  —  nous  nous  sommes 
déjà  occupés  (p.  204  et  ss.)  des  cités  de  demi-citoyens,  —  sauf 
uneexception  unique  faite  pour  la  ville  italique  de  Pœstum,  qui, 
nous  ne  savons  pourquoi  ni  depuis  quand,  a  frappé  des  monnaies 
de  cuivre  jusqu'au  temps  de  Tibère  (4).  Le  régime  est  resté  le 


(1)  Nous  trouvons  cet  usage  à  Puteoli  dès  l'an  649  de  Rome  (p.  473, 
note  3). 

(2)  Nissen  Ta  démontré  (cf.  Hultsch,  Métrologie,  p.  672). 

(3)  Les  mesures  de  capacité  osques  sont  transformées  en  mesures 
romaines  sur  une  table  de  mesures  de  Pompéi  (C.  I.  L.  X,  792),  au  début 
de  l'époque  d'Auguste. 

(4)  C.  L  L.  X,  p.  53.  Cette  frappe  doit  sans  doute  se  fonder  sur  un  com- 
promis conclu  par  cette  colonie  latine  avec  l'État  lors  de  son  entrée  dans 
le  cercle  des  citoyens.  Il  est  possible,  mais  il  n'est  pas  vraisemblable  que 
d'autres  conventions  de  ce  genre  aient  encore  été  conclues  ailleurs  à  cette 
époque. 


monétaire. 


LE    DROIT   MUNICIPAL.  475 

même  pour  l'Italie  souslePrincipat.  Mais  le  droit  débattre  mon- 
naie a  été  accordé  à  des  villes  extra-italiques,  par  des  privilèges 
uix,  sinon  déjà  sous  la  dictature  de  César,  au  moins  sous  le 
triumvirat  et  ensuite  sous  le Principat (i),  par  l'empereur  ou 
par  le  gouverneur, tantôt  à  titre  permanent  (2),  tantôt  pour  une 
émission  isolée  (3).  Le  nombre  des  colonies  et  des  municipes 
parvenus  au  droit  de  battre  monnaie  est  restreint;  mais  les  ci- 
tés de  citoyens  qui  ont  eu  ce  droit  en  ont  pour  la  plupart  fait 
usage  amplement  et  longtemps. 

(1)  Les  monnaies  frappées  par  des  cités  de  citoyens  les  plus  anciennes 
dont  on  puisse  établir  l'existence,  sont,  en  dehors  de  celles  de  P;estum, 
l«'s  quinaires  de  Lugudmmm  probablement  désignés  par  l'année  de  l'âge 
d'Antoine  et  par  conséquent  frappés  en  713  (Eckhel,  6,  38).  Les  monnaies 
de  cuivre  de  Gorinthe  avec  la  tète  d'Antoine  (Mionnet,  2,  172.  180.  .".. 

371  et  ss.)  sont  antérieures  à  la  bataille  d'Actium.  Les  monnaies  de  la  co- 
lonie de  Sinope  commencent  en  l*an  731  (Eckhel,  2,  302).  La  plupart  des 
cités  de  citoyens  qui  ont  battu  monnaie  ont  commencé  à  le  faire  sous 
Auguste. 

(2)  C'est  ce  que  prouvent  la  légende  perm(issu)  divl  Aug{ustï)  sur  les  mon- 
naies  d'Italica  et  de  Romula  en  Bétique  ornées  de  la  tète  de  Tibère  (Eckhel, 
4,  497),  et  en  outre  la  légende  indulgentia  Aug.  moneta  impetrata  sur  des 
monnaies  de  Patrse  (Mionnet,  2,  192,  326). 

(3)  Les  monnaies  de  Berytus  avec  perm(issu)  Silani  et  les  monnaies  sem- 
blables d'Afrique  (Mûller,  Num.  de  l'anc.  Afr.  2,  35.  155)  ne  peuvent  se  com- 
prendre autrement.  Au  reste,  cette  formule  se  rencontre  principalement  sui- 
des monnaies  de  cités  de  citoyens  du  commencement  de  l'empire  (p.  347, 
note  4),  sans  «toute  parce  que  c'est  à  elles  que  ce  droit  appartient  le  moins 
en  principe. 


L'EMPIRE  DE  ROME. 


L'État  romain  se  fonde  à  la  fois  sur  le  sol  et  sur  les  person- 
nes, ainsi  que  l'exprime  juridiquement  le  double  caractère 
personnel  et  réel  de  la  tribu.  Nous  l'avons  jusqu'à  présent 
étudié  surtout  comme  réunion  de  citoyens  (popalits)  ;  il  nous 
faut  maintenant  aussi  l'envisager  —  sommairement,  car  pres- 
que tous  les  points  particuliers  ont  déjà  été  traités,  —  dans  son 
ensemble  territorial. 
Dénomination        II  n'y  a  d'expression  exacte  pour  désigner  le  territoire  qu'à 

du  territoire.       ,,  ,  ,  ,  .  r  _      ..  ...  .  -i  ,     , 

1  époque  Ja  plus  ancienne.  Le  territoire  de  la  ville,  considère  par 

les  Romains  postérieurs  comme  son  territoire  primitif  (1),  est 

AQer-        appelé  par  eux  ager  Romanus  (2)  ou  antiquus  (3).  Certains  actes 

(1)  Peu  importe  pour  le  principe  jusqu'où  s'étendaient  ces  limites.  Nous 
ne  sommes  pas  en  état  de  déterminer  les  localités  nommées  par  Strabon,  5,  3, 
2,  p.  230  :  MsTaiju  xoO  uéjxirTO'j  xai  toO  Sxtou  ).!9o-j  twv  xà  u.i).iao  iaar,|xaivôvTCt)v 
tyjç  'Pwfj-r,?  xa/siTa:  tôtto:  ^tjotoi'toOtov  8'Sptov  CMtofaÉvouert  -rtz  tots  'Pwjxalœv 
yrjç,  oî'  8'  ispO[Xvr([juov£ç  6uacav  btrreXoO<7tv  âvtaOOà  tô  xai  èv  aXXoïC  t6tïoiç  tùsIotiv 
(i)ç  ôpsocç  a-j6r|[Asp6v,  r,v  xaXov<rtv  'ApPapouiav  (cf.  Handb.  6,  200).  Les  terri- 
toires de  Crustumerium  et  de  Véies  étaient  en  dehors  de  Y  ager  Romanus 
(noto  2). 

(2)  Varron,  De  l.  L.  5,  33:  Ut  nosfri  augures  publici  dissertait,  agrorum  sunt 
gênera  quinque  :  Romanus  Gabinus  peregrinus  hosticus  incertus  (de  même 
Festus,  p.  245,  v.  Peregrinus  ager).  5,  55  :  Ager  Romanus  primum  divisus  in 
partis  tris.  Tite-Live,  44,  19,  G,  distingue  dans  l'indication  des  prodiges 
Y  ager  Romanus  de  Y  ager  Veiens,  tout  comme  il  cite,  41,  19,  4,fdes  prodiges  in 
agro  Crustumerino,  bien  que  Véies  et  Crustumerium  se  fussei-t  depuis  long- 
temps confondus  dans  Rome.  Uager  Romanus  est  donc  toujours,  dans  le  lan- 
gage augurai,  Yager  antiquus,  et  la  définition  augurale  prise  pour  pi  incipe  reste 
conforme  au  point  de  vue  de  Ptomulus,  le  premier  et  le  meilleur  des  augures. 
Cela  est  confirmé  par  le  fait  que  les  auspices  du  départ  doivent  être  pris 
légalement  in  agro  Romano  (p.  477,  note  2). 

(3)  Trebatius,  De  religionibus  l.   VU  (dans  Servius,  Ad  Mn.  il,  316)  :  Luci 


L'EMPIRE   DE  ROME.  477 

solennels,  la  prise  des  auspices  du  départ  par  le  général  (1), 
la  réunion  des  comices  par  centuries  (2),  en  particulier  la 
nomination  du  dictateur  (3),  ne  peuvent  être  accomplis  que 
dans  l'intérieur  de  ces  limites  les  plus  anciennes;  cepen- 
dant tout  morceau  de  terrain  susceptible  de  consécration  ro- 
maine peut  recevoir  fictivement  l'aptitude  requise  pour  ces 
actes  (4).  Par  suite  de  cette  habitude  de  langage,  le  territoire  réel 
de  l'Etat  n'est  pas  désigné,  en  langage  technique,  par  le  nom 
d'ager  Romanus  qui  lui  conviendrait  en  lui-même  (5)  ;  et  il  n'y 
a  aucun  autre  terme  qui  comble  parfaitement  la  lacune.  Ter- 


qui  sunt  in  agris  qui  concilio  (peut-être  qui  noviter)  capti  sunt,  hos  lucos 
eadem  caerimonia  moreque  conquiri  haberiqae  oportet,  ut  ceteros  lucos  qui  in 
antiquo  agro  sunt,  sur  quoi  Servius  remarque  :  Antiquum  agrum  Romanum 
cogit  inlellegi. 

(1)  V.  tome  I,  la  théorie  des  Auspices,  sur  les  auspices  du  départ.  Cepen- 
dant ils  doivent  rigoureusement  être  pris  au  Gapitole,  c'est-à-dire  dans  la 
ville  même;  il  n'est  question,  à  leur  sujet,  de  l'ager  Romanus  que  parce  que 
1  habilitation  fictive  du  sol  à  l'acte,  qui  a  lieu  pour  Y ager  Romanus,  s'applique 
aussi  à  ces  auspices.  L'allégation  de  Servius,  selon  laquelle,  tant  que  la 
guerre  S3  fit  en  Italie,  le  général  serait  toujours  revenu  à  Rome  pour  la 
rénovation  des  auspices,  quand  elle  était  requise  par  le  droit  augurai,  et 
notre  fiction  n'aurait  commencé  à  être  employée  que  pour  les  guerres  d'ou- 
tre-mer, doit  être  rectifiée  en  partant  de  l'analogie  de  la  nomination  du 
dictateur  :  la  vérité  est  qu'il  a  été  fait  usage  de  la  fiction  d'abord  en  Italie 
et  ensuite  dans  le  territoire  d'outre-mer. 

(2)  De  même  que  les  auspices  du  départ,  les  comices  par  centuries  ne  sont 
pas  proprement  attachés  à  l'ager  Romanus,  mais,  dans  son  intérieur,  au 
rayon  de  la  première  borne  milliaire,  et  l'ager  Romanus  n'est  pas  nommé 
à  leur  sujet.  Mais  leur  tenue  au  delà  àe  la  première  borne  milliaire  (VI,  1, 
p.  436)  n'a  pu  être  rendue  légalement  possible  que  par  la  transformation  fic- 
tive du  sol  en  question  en  ager  Romanus. 

(3)  V.  tome  III,  la  théorie  de  la  Dictature,  sur  les  formes  de  nomination 
du  dictateur. 

(4)  Si  ce'te  fiction  n'était  admise,  à  l'époque  républicaine,  qu'en  Italie, 
cela  tient  à  ce  que  le  territoire  d'outre-mer  était  inaliénable  et  que  la  con- 
sécration du  sol  requise  pour  cet  acte  était  une  aliénation.  Plus  tard  on  ne 
s'est  plus  soumis  à  cela  (p.  372,  note  1). 

(5)  Varron  emploie  il  est  vrai  (De  r.  r.  1,  10,  l  :  Metiuntur...  apud  nos  in 
agro  Romano  ac  Lathio  jugeris  ;  cf.  De  L  L.  5,  32)  ager  Romanus  dans  ce  sens  ; 
et  le  primum,  p.  476,  note  2,  conduit  à  la  même  conclusion.  Mais  la  réunion 
avec  l'ager  Latinus,  dont  politiquement  l'existence  est  aussi  impossible  que 
celle  du  dois  Latinus  (p.  231,  note  1),  suffit  à  établir  que  cela  ne  doit  pas  être 
compris  au  sens  politique.  Si  le  territoire  de  l'État  pouvait  être  désigné  de 
ce  nom,  nous  ne  manquerions  pas  d'en  trouver  de  nombreuses  applications. 


Fines. 


478  DROIT   PUBLIC    ROMAIN. 

Territorium.  ritorinm  (1)  a  bien  exactement  ce  sens;  mais  il  appartient  à  la 
terminologie  municipale,  et  il  est  au  territoire  de  l'État  ce  que 
le  décurion  est  au  sénateur.  On  se  sert,  pour  exprimer  l'idée, 
ou  de  la  circonlocution  fines  (2),  ou  de  dicionis  esse  et  d'autres 
tournures  analogues  empruntées  à  l'idée  de  souveraineté  (p.  359, 

imperium.  note  1),  entre  autres  surtout  du  mot  imperium,  qui  désigne  pro- 
prement l'autorité  du  magistrat,  mais  qui  est  employé  fréquem- 
ment pour  le  territoire  soumis  à  cette  autorité  (3).  Les  terri- 
toires des  sujets  autonomes  étant  regardés  comme  étant  en  de- 
hors des  frontières  romaines  et  comme  n'étant  pas  soumis  à 
l'autorité  des  magistrats  de  Rome  (p.  318),  ils  sont  exclus  par 
là  en  langage  exact.  Il  n'y  a  pas  d'expression  correcte  pour  dé- 
signer l'empire  romain  tel  que  nous  le  concevons,  en  y  com- 
prenant à  la  fois  les  territoires  soumis  à  la  domination  directe 
et  à  la  domination  indirecte  de  Rome,  et  en  excluant  d'une  façon 
précise  les  pays  insoumis  de  l'extérieur  :  ou  l'on  emploie  dans 
ce  sens,  a  potiori,  le  mot  imperium,  qui  ne  désigne  proprement 

(1)  Pomponius,  Dig.oO,  16,  239,  8  :  Territorium  est  universitas  agrorum  in- 
tra  fines  cujusque  civitatis,  quodab  eo  dictum  quidam  aiunt,  quod  magistratus 
ejus  loci  intra  eos  fines  terrendi,  id  est  summovendi  jus  habent,  —  philologi- 
quement  puéril,  mais  exact  quant  au  fond  et  correspondant  à  imperium. 
L'emploi  technique  du  mot  se  manifeste  surtout  énergiquement  dans  la 
controversia  de  jure  territorii  des  Gromatici  (éd.  Lachmann,  p.  52  ;  cf.  Ru- 
dorff,  2,  454). 

(2)  Les  bornes  du  pomerium  de  Claude  et  de  Vespasien  portent  :  Auctis 
populi  Romani  finibus  (p.  373,  note  2).  Fines  Romani,  Tite-Live,  39,  17,  4. 
Fines  propag are  (Gicéron,  De  re  p.3,  15,  24  :  llla  laus  in  summorum  impera- 
torum  incisa  monumentis  «  fines  imperii propag avit  »).  pro  f erre' sonl  connus. 

(3)  C'est  pourquoi  l'extension  de  la  propriété  romaine  sur  laquelle  l'em- 
pereur Claude  fonde  son  droit  de  reculer  le  pomerium  est  désignée  par 
l'empereur  lui-même  par  les  mots  fines  populi  Romani  augere  (note  2),  par 
Tacite,  Ann.  2,  23,  par  imperium  pro ferre  :  également  imperium  augere  Val. 
Max.  2,  8,  4.  Je  n'aperçois  pas  comment  on  peut  voir,  dans  ces  deux  ex- 
pressions parfaitement  claires  et  simples,  une  distinction  de  l'extension 
du  territoire  italique  et  de  celle  du  territoire  extra-italique  (Detlefsen, 
Hermès,  21,  502)  ;  ni  l'analyse  des  idées  ni  le  langage  ne  donnent  à  cette 
supposition  le  moindre  appui.  A  l'époque  où  la  propriété  de  l'État  sur  le 
sol  d'outre-mer  n'existait  pas  encore  avec  son  étendue  postérieure  (p.  366), 
le  territoire  de  Leontini  était  peut-être  dans  les  fines  populi  Romain,  tandis 
que  le  reste  de  la  Sicile  n'y  était  pas  et  était  dans  Y  imperium.  Mais  cette 
distinction  ne  nous  est  pas  attestée,  et  elle  ne  peut  pas  l'être  ;  car  la  juris- 
prudence moderne  est  dominée  tout  entière  par  l'idée  de  l'extension  de  la 
propriété  de  l'État  à  tout  le  territoire  des  sujets. 


L  EMPIRE   DE    HOME.  479 

que  les  territoires  soumis  à  la  domination  directe  de  l'autorité 
romaine,  ou  bien  l'on  parle  alors  du  monde  terrestre.  C'est  une 
Conception  familière  aux  Romains  qu'ils  ne  sont  pas  seulement 
la  première  puissance  de  la  terre,  mais  en  un  certain  sens  la 
seule.  De  même  que  l'ensemble  du  droit  positif  de  l'État  ro- 
main qui  n'a  pas  pour  condition  d'application  le  droit  de  cité 
de  la  partie  est  déjà,  pour  les  Romains  du  temps  de  la  Républi- 
que, le  jus  gentium  (i),  le  territoire  soumis  à  la  puissance  ro- 
maine est  pour  eux  absolument  Yorbis  terrae  ou  terrarum  (2),  orbiste,-,-*. 
ou,  comme  on  dit  à  l'époque  récente,  Yorbis  Romanus  ou  nos- 
ter  (3).  Cela  tient  notamment  à  la  forme  donnée  par  les  Ro- 
mains à  l'idée  d'alliance.  La  coexistence  d'États  également  sou- 
verains en  droit,  que  nous  prenons  aujourd'hui  pour  point  de 
départ  est,  au  sens  strict,  inconnue  aux  Romains;  ce  qu'ils  ap- 
pellent alliance  est  à  proprement  parler  un  protectorat  :  dans 
leur  conception,  il  n'existe  politiquement  qu'eux  et  ceux  qui  sont 
sous  leur  protection,  et,  en  ce  sens,  Yorbis  terrarum  est  ou 
romain  ou  res  nullius  (4). 

Le  territoire  romain  comprend  le  sol  qui  est  en  la  propriété    daD[^ j*** 

(i)  P.  222.  C'est  également  une  conception  courante  des  Romains  d'attri- 
buer au  genus  humanum  ce  qui  se  rapporte  aux  Romains  en  général.  Ainsi 
Gai  as  est  empereur  pour  la  joie  du  populus  Romanus  vel  dicam  humanum 
genus  (Suétone,  Gai.  13),  Galba  est  empereur  par  le  consensus  generis  humani 
(Tacite,  Hist.  1,  30)  et  comme  adsertor  generis  humani  (Suétone,  Galb.9). 

(2)  Gicéron  appelle  l'État  romain  palrocinium  orbis  terrée  vérins  quant  im- 
pèrium  (De  off.  2,  8,  27),  le  sénat  amplissimwn  orbis  terrœ  consilium  (Phil.  3, 
14,  34),  et  il  dit  ailleurs  (De  re  p.  3.  15,  24)  :  Noster  hic  populus...  cujus 
imperio  jam  orbis  terrœ  tenetur;  il  fait  Pompée,  Pro  Sest.  31,67,  omnibus  bellis 
terra  manque  compressas  imperium  populi  Romani  orbis  terrarum  terminis  defi- 
nire.  Cette  conception  est  officielle  sous  le  Principat.  L'autorité  d'Auguste 
est  représentée  sur  ses  monnaies  par  le  capricorne,  signe  de  son  mois  de 
naissance,  auquel  se  soumet  le  globe  terrestre  (Eckhel,  6,  109).  Lui-même  a 
fait,  d'après  son  inscription  cominémorative  (Mon.  Ancyr.  1,  13),  bella... 
tot.o  in  orbe  terrarum  ;  d'après  le  titre  de  la  même  inscription,  il  a  soumis 
orbem  terrarum  imperio  populi  Romani  ;  dans  l'inscription  votive  de  Narbo 
de  l'an  11  après  J.  G.  (C.  I.  L.  XII,  4333)  il  est  célébré  comme  rector  de 
Vorbis  terrarum,  et  le  jour  où  il  a  pris  les  faisceaux  comme  celui  où  impe- 
rium orbis  terrarum  auspicatus  est. 

(3)  Ulpien,  Dig.  1,  •>,  17:  In  orbe  Romano  qui  sunt  ex  constilutione  imp. 
Antonini  cives  Romani  effècti  sunt. 

(4)  La  formule  du  biographe  impérial  (Vita  Taciti,  16)  est  caractéristi- 
que :  (Probus)  si  diutius  vlrisset,  orbis  terne  barbares  non  haberet. 


480  DROIT  PUBLIC    ROMAIN. 

de  l'État,  Yager  publicus  populi  Romani,  et  celui  que  l'État  a 
assigné  à  des  particuliers,  ager  privatus  ex  jure  Quiritium  (1). 
Ces  différences  internes  n'entrent  pas,  en  droit  public,  en  ligne 
de  compte,  et  la  dédition  quand  elle  se  produit,  embrasse  éga- 
lement les  deux  classes  (p.  317,  note  4).  La  distinction,  si  im- 
portante pour  les  relations  internes,  du  sol  italique  et  du  sol 
provincial,  au  sens  précis,  du  sol  transmis  ou  transmissible  à 
des  particuliers  et  des  terres  publiques  inaliénables,  est  indif- 
férente à  la  notion  du  territoire.  Le  droit  sur  le  sol  du  droit 
public  a  un  autre  fondement  que  celui  du  droit  privé.  Le  pre- 
mier tire  son  origine  de  l'occupation  (2);  le  second  la  tire  de 
l'assignation.  Selon  les  expressions  techniques  des  arpenteurs 
romains,  le  premier  porte  sur  un  ager  arcifinius,  le  second  sur 
un  ager  limitatus  (3).  Quant  à  l'État,  le  territoire  s'étend  jus- 
qu'à la  limite  jusqu'à  laquelle  la  volonté  souveraine  du  peuple 
attribue  l'autorité  à  lui  ou  à  ses  membres  et  exclut  et  repousse 
au  besoin  les  étrangers.  Quant  à  la  propriété  privée,  il  n'y  a  pas 
primitivement  d'autres  limites  de  la  propriété  foncière  que  les 


(1)  La  question  de  savoir  si  FÉtat  romain  a  eu  une  phase  antérieure,  dans 
laquelle  l'idée  de  FÉtat  se  serait  fondée  sur  la  gens  isolée,  est  en  dehors  du 
cercle  du  droit  public  romain,  qui  prend  pour  point  de  départ  FÉtat  composé 
de  gentes.  La  réponse  dépend  du  point  de  savoir  si  les  terres  gentilices  des 
Gornelii  ont  été  considérées  comme  ayant  été  assignées  k'\a.gens  par  le  popu- 
lus,  ou  comme  un  territoire  qui  a  aussi  bien  contribué  à  constituer  le  popu- 
lus  primitif  que  le  territoire  de  Préneste  à  constituer  le  populus  postérieur, 
ou  encore,  peut-on  dire,  si  les  terres  gentilices  des  Gornelii  étaient  consi- 
dérées comme  un  domaine  limité  ou  comme  un  domaine  arcifinien.  Au 
point  de  vue  romain,  nous  ne  pouvons  pas  aller  au  delà  de  la  position  de 
la  question.  Les  études  grecques  fourniront  peut-être  un  jour  la  réponse, 
lorsqu'elles  auront  pris  plus  qu'elles  ne  Font  aujourd'hui,  l'habitude  des 
raisonnements  suivis. 

(2)  h'ager  occupatorius  et  Yager  arcifinius  sont  la  même  chose,  et  le  pre- 
mier a  pour  orig  ne  l'occupation  par  FÉtat  ;  cela  résulte  des  textes,  il  est 
vrai,  très  mutilés  des  Gromatici,  2,  19  (=  115,  4).  5,  22.  124,  3.  137,  19  —  138, 
10.  h'ager  occupaticius  (Festus,  p.  180.  181)  est  autre  chose. 

(3)  Le  principe  que  Yager  publicus  est  toujours  arcifinius  et  Yager  privatus 
toujours  limitatus  est  vrai  sans  réserves  dans  le  système  primitif.  Le  déve- 
loppement des  groupes  urbains  séparés  dans  l'intérieur  du  corps  des 
citoyens  a  heurté  la  règle,  en  ce  que  le  territoire  des  cités  antérieurement 
autonomes  reste  ager  arcifinius.  C'est  pourquoi  les  Gromatici  restreignent 
les  te  rres  limitées  aux  colonies  (Frontin,  p.  2,  etc.). 


L  EMPIKK   DE   aOME.  481 

lignes  quadrangulaires  dans  lesquelles  sont  enfermés  les  lots 
de  terre  vendus  ou  donnés  par  la  cité. 

La  limite  du  territoire  est  mobile.  Mais,  pour  faire  avancer  Déplacement 
{proferre,  propagare,  angere)  ou  reculer  (referre)  la  frontière  de 
du  pays,  un  acte  du  peuple  ou  des  magistrats  compétents 
est  toujours  exigé.  Le  citoyen  romain  peut,  en  quelque  lieu 
quelle  se  trouve,  mettre  sous  sa  puissance  de  fait  et  ensuite, 
parle  bref  délai  de  l'usucapion,  sous  sa  puissance  de  droit  (1) 
toute  chose  mobilière  qui  n'appartient  ni  à  l'un  de  ses  conci- 
toyens ni  au  citoyen  d'un  État  allié.  Mais  le  sol  ne  change  de 
cercle  juridique  que  par  une  convention  de  paix  ou  de  sou- 
mission conclue  entre  les  deux  cités,  ou  par  la  fusion  des  deux 
cités  en  une  seule,  ou  enfin  par  une  occupation  émanant  de 
TEtat  (2).  Le  territoire  annexé  passe  par  conséquent  toujours 
d'abord  à  la  cité,  et  ce  n'est  que  par  son  intermédiaire  qu'il  ar- 
rive, si  elle  le  veut,  par  voie  d'assignation,  aux  divers  citoyens. 
C'est  également  vrai  lorsque  la  concession  du  droit  de  cité  aux 
personnes  et  l'extension  du  territoire  ont  lieu  en  même  temps, 
quoique  alors  la  marche  des  choses  soit  obscurcie  par  la  simul- 
tanéité des  deux  actes. 

Les  frontières  du  territoire,  les  fines  ont  primitivement  été  de\nafl^0Qnctj,.ie 
corrélatives  à  la  ceinture  des  murailles,  au  pomerium  (3).  surle  p°mer"tm 
L'extension  de  la  cité  s'étant  opérée  par  voie  de  synœkisme, 
soit  que  la  ville  soumise  fut  rasée  et  ses  citoyens  conduits  à 
Rome,  soit  que  deux  cités  se  réunissent  pacifiquement  au  même 
lieu,  l'extension  de  la  ville  était  la  conséquence  nécessaire  de 
l'accroissement  du  territoire.  Des  annales  rédigées  avec  plus  de 

(1)  L'occupation  des  res  nullius  suivie  de  leur  usucapion  (car,  dans  le 
droit  primitif,  l'occupation  ne  peut  pas  avoir  jamais  fait  à  elle  seule  acqué- 
rir la  propriété  complète)  appartient  aux  idées  fondamentales  du  droit  privé 
romain  et  s'applique  principalement  aux  choses  mobilières  des  ennemis. 
Si  le  soldat  doit  rendre  le  butin,  cela  tient  à  la  situation  de  mandataire 
qu'il  occupe  en  face  du  peuple. 

(2)  L'occupation  durable  d'un  territoire  sans  acte  de  cession,  par  exem- 
ple l'occupation  d'une  île  inhabitée,  a  nécessairement  eu  le  même  effet 
qu'un  acte  de  cession. 

(3)  Tacite,  Ann.  12,  23  (cf.  tome  IV,  la  théorie  des  pouvoirs  extraordi- 
naires constituants,  sur  l'éloignement  du  Pomerium).  Vita  Aureliani,  21. 
Detlefsen,  Hermès,  21,  501. 

Droit  Publ.  Rom.,  L  VI.  2'  p.  31 


482  DROIT  PUBLIC  ROMAIN 

soin  que  celles  que  nous  possédons  ne  manqueraient  pas  de  lier 
aux  conquêtes  plus  nettement  que  ne  font  les  nôtres  les  exten- 
sions successives  reçues  par  la  ville  sous  les  rois  (1).  Mais 
bientôt  l'accroissement  du  territoire  a  exclu  la  méthode  du  sy- 
nœkisme,  et  en  même  temps  la  puissante  muraille  de  Servius 
a  exclu  le  recul  des  limites  de  la  ville  (2).  Par  suite,  la  mémoire 
de  l'ancienne  corrélation  des  fines  et  du  pomerium  s'est  bien 
conservée  à  l'époque  historique;  mais  il  n'a  plus  guère  été  fait 
d'application  pratique  de  ce  système  (3). 
mJES?  ^e  nest  Pas  au  ^ro^  PUDnc  d'exposer  les  déplacements  de  la 
de  rempire.  fronlière  ^  l'État.  Le  territoire  de  l'État  s'élargit  à  chaque  dé- 
dition  qui  n'aboutit  pas  à  un  rétablissement  de  l'autonomie,  à 
chaque  occupation  durable  d'un  territoire  qui  jusqu'alors  n'é- 
tait pas  romain,  à  chaque  transformation  d'un  État  précédem- 
ment autonome  en  province  ou  en  partie  de  province.  Nous 
pouvons  seulement  rappeler  ici,  relativement  aux  limites  des 
provinces,  si  importantes  pour  la  situation  du  gouverneur  (4), 
que  la  ligne  de  défense  militaire  contre  l'étranger  ne  doit  pas 
être  confondue  avec  la  ligne  politique  de  démarcation  jusqu'à 


(i)  Aulu-Gelle,  13,  14,  2  i  Antiquissimum  pomerium,  quod  a  Romulo  institu- 
tum  est,  Palatini  montis  radicibus  terminabatur.  Sed  id  pomerium  pro  incre- 
mentis  rei  publicœ  aliquotiens  prolatum  est  et  multos  aditosque  colles  circum- 
plexum  est.  Tacite,  Ann.  12,  24. 

(2)  L'établissement  en  dehors  des  portes,  s'il  était  permis  à  Fépoque 
ancienne,  ce  qui  est  très  douteux,  ne  rentre  pas  légalement  dans  l'immigra- 
tion dont  nous  nous  occupons  ici,  qui  exige  précisément  l'établissement  de 
la  résidence  dans  l'intérieur  des  murs. 

(3)  Le  droit  de  reculer  le  Pomerium  était  un  droit  royal  qui  faisait 
défaut  aux  magistrats  de  la  République.  Mais  ce  n'aurait  pas  été  un  ob- 
stacle à  son  exercice  :  il  pouvait,  comme  le  droit  d'assigner  les  terres  publi- 
ques et  comme  tous  les  droits  réservés  au  peuple,  être  exercé  par  des  magis- 
trats spécialement  délégués  à  cette  fonction.  Si,  autant  que  nous  sachions, 
il  n'a  jamais  été  fait  de  telle  délégation  pendant  la  République,  c'est  parce 
que  le  recul  du  Pomerium  était  pratiquement  impossible.  Quand  il  y  a  été 
procédé  par  les  magistrats  ayant  le  pouvoir  constituant  (v.  sur  ce  point, 
tome  IV,  la  partie  qui  les  concerne)  et  depuis  Claude,  par  les  empereurs 
(v.  tome  V,  la  théorie  de  l'administration  de  la  ville  de  Rome,  n°  6),  ce 
paraît  n'avoir  été  que  nominalement,  afin  d'exprimer  par  là  la  plénitude  de 
l'autorité. 

(4)  V.  tome  III,  la  théorie  du  Consulat,  sur  le  droit  de  faire  la  guerre.  11 
n'y  a  nulle  part,  aux  frontières  de  l'empire,  de  bornes  frontières  comme  on 
en  trouve  dans  l'intérieur. 


L'EMPIRE   DE  ROME.  483 

laquelle  le  territoire  est  réputé  romain  et  dans  l'intérieur  de 
laquelle  le  gouverneur  peut  se  mouvoir  sans  sortir  de  sa  pro- 
vince. A  la  fin  de  la  République,  lorsque  la  domination  romaine 
en  Syrie  s'arrêtait  en  fait  à  l'Euphrate,  la  frontière  de  l'empire 
était  tracée  à  375  kilomètres  à  l'Est  du  passage  de  l'Eu- 
phrate de  Commagène  (\).  La  large  bande  de  terrain  que  l'em- 
pereur Marc  Aurèle  défendit  aux  Marcomans  d'habiter  sur  la 
rive  gauche  du  Danube  doit  certainement  être  considérée  comme 
terre  d'empire  (2).  Nous  avons  appris  depuis  peu  qu'en  Ger- 
manie supérieure,  le  territoire  situé  au  delà  de  la  ligne  de  dé- 
fense était  soumis  à  un  procurateur  romain  (3). 

Au  citoyen  romain  l'on  oppose  le  non -citoyen  d'un  État  latin  L'élr«eer- 
ou  du  moins  allié  et  l'étranger  qui  n'est  dans  aucune  re- 
lation juridique  avec  les  Romains.  De  même  le  territoire  situé 
hors  des  frontières  de  Rome  (4)  est  fédéré  ou  ne  l'est  pas. 
Le  territoire  fédéré  appartient  à  son  tour  ou  à  une  cité  latine, 
et  alors  il  est  appelé,  sous  forme  d'exemple,  en  langage  techni- 
que ager  Gabinus,  ou  à  un  État  de  nationalité  étrangère,  et 
alors  il  est  appelé  ager  peregrinus  (5).  Tous  les  traités  inter- 
nationaux contiennent,  comme  première  clause,  la  reconnais- 
sance réciproque  de  la  possession  du  territoire,  c'est-à-dire  que 
les  Romains  reconnaissent  la  propriété  foncière  de  Gabie  comme 


(i)  Pline,  H.  n.  6,  26,  120  :  Ductu  Pompei  Magni  terminus  Romani  imperii 
Oruros,  a  Zeugmate  CCL. 

(2)  Dion,  71,  15  :  Toïç  Mapxofxavoiç....  to  f([xt<ru  t^ç  •/t^Pa»  **£  (xeOopîa; 
àvYjxev,  âiare  aùtouç  6xiu>  Trou  xal  rpiàxovra  araStou;  àrco  toO  "Icrpou  dbcotxsîv. 
Des  mesures  analogues  furent  prises  contre  les  Jazyges  (Dion,  71,  16,  rap- 
proché de  19)  et  les  Bures  (Dion,  72,  3). 

(3)  Inscription  de  Bithynie,  qui  peut  être  du  temps  de  Domitien,  publiée 
par  moi  dans  le  Korr.  Blatt  dcr  Westdeutschen  Zeitschrift,  1886,  p.  260  : 
[*E7c:Tpoirov....  Se^aarjoû  x^Pa?  L^]°fX£A0Xevv1QCT-aÇ  (=  Sumelocenna,  aujour- 
d'hui Rottenburg  sur  le  Neckar)  xcù  [OJirepXifiiTavrjç.  Gela  justifie  l'indication 
connue,  selon  laquelle  le  territoire  romain  s'est  étendu,  jusqu'à  Gallien,  à 
80  lieues  à  l'Est,  au  delà  de  Mayence  (Rœm.  Gesch.  5,"  137  =  tr.  fr.  9,  190). 

(4)  Il  y  avait  des  enclaves  ;  cf.  la  p.  318,  note  1,  sur  les  fonds  de 
terre  de  droit  romain  qui  se  trouvaient  dans  le  territoire  de  Termessos. 

(5)  Varron,  p.  470,  note  2,  dit  expressément  que  Y  ager  Gabinus  et  Y  ager 
■peregrinus  se  confondent  en  droit,  et  que  le  premier  ne  se  distingue  du 
second  qu'au  point  de  vue  religieux  par  ses  auspices  semblables  à  ceux  de 
Y  ager  Romanus  et  par  conséquent  particuliers. 


484  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

existant  légalement  selon  le  droit  de  Gabie,  et  réciproquement. 
Le  traité  peut  en  outre  permettre  aux  Romains  de  devenir  pro- 
priétaires fonciers  à  Gabie  d'après  le  droit  de  Gabie  et  aux  Ga- 
bini  de  le  devenir  à  Rome  d'après  le  droit  quiritaire,  comme 
c'est  établi  dans  les  traités  latins;  une  pareille  propriété  fon- 
cière peut  aussi  être  exclue  réciproquement  ou  n'être  admise 
qu'à  titre  unilatéral;  ainsi,  par  exemple  le  traité  avec  Athènes 
permettait  probablement  aux  Romains  d'acquérir  des  immeu- 
bles d'après  le  droit  athénien,  mais  non  aux  Athéniens  d'en  ac- 
quérir d'après  le  droit  romain.  Le  signe  caractéristique  de 
cette  relation  internationale  est  le  poslliminium  de  la  paix  que 
nous  avons  étudié  plus  haut  (p.  282,  note  1)  :  la  question  de 
savoir  si  une  personne  est  libre  ou  esclave,  membre  d'une  cité 
ou  étrangère  se  tranche,  dans  la  conception  romaine,  selon  les 
lois  du  lieu  où  elle  se  trouve,  pourvu  qu'il  soit  situé  dans  le  ter- 
ritoire d'un  État  allié,  et  en  ce  sens  la  condition  de  la  personne 
peut  changer  selon  le  lieu  qu'elle  habite.  La  fusion  récente  des 
cités  autonomes  dépendantes  dans  l'État  romain  peut  même  se 
remarquer  là  :  les  jurisconsultes  du  temps  d'Auguste  recon- 
naissent encore  que  les  cités  fédérées  n'appartiennent  pas  à 
l'empire  romain,  et  ceux  du  temps  d'Hadrien  le  nient  (p.  336). 
Au  delà  de  la  frontière  du  territoire  de  Rome  et  de  ses  alliés, 
sur  le  territoire  de  l'État  qui  a  rompu  ses  traités  et  qui  est  en 
guerre  avec  Rome  ou  qui  simplement  n'a  pas  de  traité,  sur 
Yayer  hosticus,  qui  peut  d'ailleurs  être  créé  par  une  fiction  ju- 
ridique, tout  comme  le  territoire  primitif  de    Rome  (1),  ce 


(1)  Servius,  Ad  Mn.  9,  53,  après  avoir  parlé  de  la  déclaration  de  guerre 
hasta  in  fines  hostium  missa,  continue  en  disant  :  Cum  Pyrrhi  temporibus 
adversum  transmarinum  hostem  bellum  Romani  gesturi  essent  nec  invenirent 
locum,  ubihanc  sollemnitatem  per  fetiales  indicendi  bellum  celebrarent,  dede- 
runt  operam,  ut  unus  de  Pyrrhi  militibus  caperetur,  quem  fecerunt  in  circo 
Flaminio  locum  emere,  ut  quasi  in  hostili  loco  jus  belli  indicendi  implerent  • 
denique  in  eo  loco  ante  sedem  Bellonae  est  consecrata  columna.  La  coutume 
subsista.  Ovide,  Fast.  6,  205.  Festus,  Ep.  p.  33,  v.  Bellona.  Dion,  50,  4.  71, 
33  :  (Marc-Aurèle)  to  86pu  to  alfxaTôSsç  7capà  tô>  'Evueta>  èç  7toXé[juov  àr\ 
-/wpcov....  àxovxtcraç  è^wppLr^r,.  —  Si  du  reste  on  constituait  un  ager  hosticus 
par  le  procédé  qu'indique  Servius,  on  ne  prenait  pas  là  les  choses  à  la 
rigueur,  et  pratiquement  il  n'aurait  pas  pu  en  être  autrement  :  un  fonds  de 


L'EMPIRE  DE  ROME.  485 

n'est  pas  le  droit  qui  domine,  mais  le  fait.  Il  n'y  a  pas  là  d'État 
au  sens  juridique  pour  les  Romains.  Le  Romain  ne  peut  pas  y 
acquérir  la  propriété  du  sol  ;  car  le  droit  quiritaire  ne  s'étend 
pas  à  ce  sol,  et  le  droit  local  n'existe  pas  pour  le  Romain.  —  Le 
signe  caractéristique  de  ce  territoire  est  le  postliminium  de  la 
guerre.  La  liberté  romaine  et  la  propriété  romaine  y  existent 
jusqu'où  s'étend  la  puissance  romaine,  et  le  citoyen  est  esclave 
ou  libre  selon  qu'il  tombe  en  la  puissance  de  l'ennemi  au  delà 
des  lignes  romaines  ou  qu'il  se  soustrait  à  sa  puissance  en  fran- 
chissant ces  lignes. 


terre  romain  ne  perd  pas  le  droit  foncier  romain,  parce  qu'il  est  acheté  par 
un  étranger  qui  n'a  pas  le  commercium. 


ERRATA 


P.  131,  no  5,  au  lieu  de  :  des  jurés,  lire  :  de  jurés, 
P.  150,  note  2,  au  lieu  de  :  Appien,  lire  :  Arrien. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


LIVRE  TROISIÈME. 

LE  PEUPLE  ET  LE  SÉNAT  (Suite) 


Pages. 

LE  DROIT  DE  CITÉ  INFÉRIEUR  ET  EN  PARTICULIER  CELUI 

DES  AFFRANCHIS.  1-46 

Condition  politique  des  affranchis,  i.  —  Définition  du  liberti- 
nus,  2.  —  Peines  de  l'usurpation  de  l'ingénuité,  6. 

1.  Dénomination,  6-12.  —  Prœnomen  et  cognomen,  6. —  Gen- 
tilicium,  10.  —  Dénomination  de  servus,  plus  tard  de  libertus, 
10. 

2.  Costume,  12. 

3.  Droit  de  se  marier,  13. 

4.  Droit  du  patrimoine,  14-17.  —  Exclusion  des  adjudications 
publiques,  14.  —  Procédure  civile,  15.  —  Propriété  immobi- 
lière 15.  —  Droit  de  succession,  15.  —  Droits  du  patron  sur  la 
fortune  de  l'affranchi,  16. 

5.  Juridiction  domestique,  17. 

6.  Impositions.  18. 

7.  Incorporation  dans  les  sections  du  peuple  et  droit  de 
vote,  18-30.  —  Égalité  primitive  des  affranchis  quant  au  droit 
de  vote,  18.  —  Limitation  des  affranchis  aux  tribus  urbaines, 
20.  —  Droit  de  suffrage  des  affranchis  après  la  guerre  sociale, 
23.  —  Infériorité  politique  des  affranchis  sous  le  Principat,  25. 
—  Les  ingénus  de  condition  dégradée  tribules  urbains  sous  le 
Principat,  27. 

8.  Participation  des  affranchis  aux  largesses  faites  aux 
Citoyens,  30-35.  —  Participation  des  affranchis  aux  frumenta- 
tiones  urbaines,  30.  —  Les  tribus  de  la  plebs  frumentaria,  31. 

0.  Service  militaire,  35-39.  —  Égalité  primitive  des  affran- 
chis quant  au  service  militaire,  35.  —  Service  auxiliaire  posté- 


488  DROIT   PUBLIC   ROMAIN. 

Pas-es. 

rieur,  35.  —  Le  service  sous  le  Principat,  36.  —  La  militia 
vénale,  37.  —  Le  service  des  ingenui  de  seconde  classe  dans  les 
cohortes  urbaines,  38. 

10.  —  Droit  aux  magistratures,  au  siège  sénatorial  et  au 
cheval  équestre,  39-40. 

h.  les  magistratures  et  honneurs  municipaux,  40-46.  —  l'au- 
gustalité  municipale  image  de  la  chevalerie  romaine,  40.  —  Le 
sévirat  des  augustales,  42. 


LA  NOBILITAS  ET  L'ORDRE  SÉNATORIAL.  47-68 

Égalité  des  citoyens  sous  la  République,  47.  —  Développe- 
ment des  deux  ordres  privilégiés,  47.  —  Ordo  senatorius  et 
equesîer,  48.  —  La  pleb s  par  opposition  à  ces  deux  ordres,  .".0.  — 
La  nobilitas  est  un  patriciat  élargi,  51.  —  Nobilitas  des  patri- 
ciens, 53;  —  de  la  postérité  plébéienne  des  patriciens,  54; 
anoblissement  par  l'exercice  des  magistratures  curules,  54.  — 
Conséquences  juridiques  de  la  nobilitas  :  jus  imaginum,  55;  — 
dissolution  de  la  clientèle,  55:  —  cognomen,  56;  —  éligibilité 
privilégiée,  56.  —  L'ordre  sénatorial  du  Principat,  56.  —  Le 
troisième  degré  limite  du  rang  sénatorial,  59.  —  Perte  du  rang 
sénatorial,  60.  —  Insignes  de  ce  rang,  61  ;  —  titre  officiel,  62; 

—  participation  aux  séances  du  sénat,  63;  —  droit  matrimonial, 
63;  —  droit  du  patrimoine, 64;  — exemption  des  obligations  mu- 
nicipales, 65. 

LES  CHEVALIERS.  68-181 

La  cavalerie  civique,  68.  —  Cavaliers  qui  servent  sur  leur 
propre  cheval,  70.  —  Solde  des  cavaliers,  72.  —  Levée  des  cava- 
liers avant  celle  des  fantassins,  73.  —  Extension  abusive  du 
nom  des  cavaliers,  73.  —  Distinction  terminologique  des  cava- 
liers et  des  chevaliers,  74,  —  Eques  Romanus  equo  publico,   75; 

—  equo  publico,  76; — eques  Romanus,  76. — Ordo  equester,l%. — 
Formation  de  la  cavalerie  par  les  censeurs,  80.  —  Les  fils  de 
sénateurs  chevaliers  de  naissance  depuis  Sulla,  80.  —  Cheval 
équestre  et  service  d'officier  depuis  Sulla,  81.  —  Sortie  de  la 
chevalerie  dans  le  temps  postérieur  à  Sulla,  84.  —  Concession 
par  l'empereur  du  cheval  équestre,  84.  —  Caractère  viager  des 
droits  de  chevalier  sous  le  Principat,  88.  —  Leur  retrait  à  titre 
de  peine,  89.  —  Revue  des  chevaliers  par  l'empereur,  89.  — 
Destination  de  la  chevalerie  sous  l'Empire,  92. 

Capacité  d'être  chevalier,  92. 

i.  Age,  93-95. 

2.  Aptitude  physique,  96. 


TABLE    DES    MATIERES.  489 

. 

3.  Fortune,  97-98. 

4.  Naissance,  98-100.  Hérédité  de  fait  du  cheval  équestre, 
98.  —  Droits  de  chevaliers  des  fils  de  sénateurs,  100. 

5.  Résidence,  100. 

6.  Honorabilité,  101. 

7.  Incompatibilités  de  rang,  102-109.  —  Résignation  du  che- 
val équestre  pour  entrer  dans  l'infanterie,  102.  —  Les  séna- 
teurs dans  les  centuries  équestres,  104.  —  Leur  exclusion,  105. 
—  Les  droits  de  chevaliers  des  futurs  sénateurs,  106.  —  L'en- 
trée au  sénat  des  chevaliers  non-sénatoriaux,  108. 

Droits  des  chevaliers,  109.  —  Condition  des  publicani,    109. 

1.  Bande  de  pourpre.  113-115.  —  Trabea,  113.  —  Clavus,  1.14. 

2  Anulus  aureus  et  bulla  aurea,  115-121.  —  Les  anneaux 
d'or,  115.  —  Le  jus  anulorum  tenant  lieu  de  la  capacité  d'être 
chevalier,  119. 

3.  Places  réservées  au  théâtre,  aux  courses  et  aux  jeux, 
121-124.  —  Les  quatorze  bancs  équestres,  121.  —  Places 
équestres  au  cirque,  122. 

4.  L'organisation  corporative  de  la  chevalerie  et  les  droits 
du  second  ordre,  124-131.  —  Organisation  de  la  chevalerie  en 
turmœ,  124.  —  Seviri  equitum  Romanorum,  120.  —  Situation 
pseudo-corporative  de  la  chevalerie,  128. 

5.  Les  postes  de  jurés,  131-144.  —  L'organisation  du  jury, 
131.  —  Composition  des  jurys  d'après  les  rangs,  132.  —  Les 
jurés  sous  le  Principat,  138  i. 

6.  Service  de  cavalier  et  d'officier,  144-160.  —  Relation  du 
service  équestre  et  du  service  d'officier,  135.  —  Disparition  de 
la  cavalerie  civique  comme  troupe  distincte,  147.  —  Le  service 
d'officier  sous  le  Principat,  149.  —  Concession  par  l'empereur 
de  la  capacité  d'être  officier,  152.  —  Exclusion  des  sénateurs 
du  service  d'officier,  152.  —  Service  d'officier  des  chevaliers  de 
rang  sénatorial,  153.  —  Nomination  des  officiers  par  l'empe- 
reur, 153.  —  Obligation  de  servir  comme  officier,  155. 

7.  Les  fonctions  équestres,  161-177.   —  Distinction  des  fonc- 


1.  L'opinion  exprimée  là,  selon  laquelle  Auguste  aurait  exclu  les  sénateurs 
des  d  écuries  judiciaires,  est  inexacte.  Dans  le  sénatus-consulte  de  743,  les 
curatores  sénatoriaux  obtiennent  que,  dans  certaines  limites,  judiciis  vacent 
privatis  publicisque  (Frontin,  De  aqu.  101).  Dion.  53,20,  fait  également  dire 
à  Mécène  que  la  direction  des  procès  doit  rester  aux  anciens  magistrats 
urbains  et  les  tribunaux  être  composés  du  reste  des  sénateurs  et  de  cheva- 
valiers.  La  circonstance  singulière,  par  laquelle  les  décuries  de  jurés  appa- 
raissent dans  les  inscriptions  exclusivement  et  fréquemment  au  sujet  de 
chevaliers,  doit  tenir  à  ce  que  l'album  des  sénateurs  formait  une  partie 
intégrante  de  la  liste  des  jurés  et  que  par  conséquent  tous  les  sénateurs, 
mais  non  point  tous  les  chevaliers  appartenaient  aux  décuries. 


490  DROIT   PUBLIC    ROMAIN. 

Pages. 

tions  sénatoriales  et  équestres,  d6i  :  —  gouvernements  éques- 
tres, 162;  —  fonctions  militaires  équestres,  163;  —  fonctions 
administratives  équestres,  163.  —  Les  chevaliers  à  la  cour,  165. 

—  Autres  positions  occupées  par  les  chevaliers,  165.  —  Carac- 
tère et  dénomination  des   fonctions  équestres  :  prsefectus,  166; 

—  procurator,  167.  —  Acquisition  de  l'aptitude  aux  fonctions 
équestres:  par  le  service  d'officier,  168;  —  pa'r  le  service  dans 
les  rangs,  170;  —  parle  service  civil,  171.  —  Inégalité  de  rang 
entre  chevaliers,  173.  —  Classification  par  les  traitements,  175. 

—  Réglementation  générale  de  la  hiérarchie  des  fonctions  par 
Marc-Aurèle  et  L.  Verus,  176. 

8.  Les  sacerdoces  équestres,  177-181.—  Aptitude  à  occuper  les 
sacerdoces  sous  la  République,  177.  —  Les  sacerdoces  éques- 
tres sous  le  Principat,  178. 


LES  CITÉS  DE  DEMI-CITOYENS.  182-205 

Civitas  sine  suffragio,  183.  —  Limites  chronologiques  et  loca-  S^P-(,o(, 
les  du  demi-droit  de  cité,  184.  —  Autorité  souveraine  de  Rome 
sur  les  cités  de  demi-citoyens,  190.  —  Rapports  politiques  des 
demi-citoyens  avec  Rome,  190.  —  Leur  exclusion  des  tribus, 
191.  —  Les  sacra  des  cités  de  demi-citoyens,  192.  —  Autorité 
judiciaire,  194;  —  prœfecti  romains,  196.  —  Statuts  spéciaux, 
197.  — Cités  avec  ou  sans  autonomie  administrative  (droit  des 
Cœrites),  198.  —  Cens,  200.  —  Service  militaire,  201.  —  Im- 
pôts, 203.  —  Langue  officielle,  203.  —  Droit  de  battre  monnaie, 
204. 

ROME  ET  L'ÉTRANGER.  200-2*5 

L'étranger  sans  traité  et  l'étranger  avec  traité,   206.  —  For-    ^ 
mesdelaconventiond'amitié,208. — Convention  avec  un  roi,  208.       *° 

—  Durée  de  la  convention.  200.  —  Dissolution  de  la  conven- 
tion, 212.  —  État  de  paix,  212.  —  Ambassadeurs,  214.  —  Rè- 
glement des  relations  privées  selon  le  droit  international,  215. 

—  Limitations  au  commerce  établies  par  les  traités,  217.  — 
Liberté  commerciale  établie  par  les  traités,  219.  —  Droit  d'ester 
en  justice  des  étrangers,  220.  — -  Droit  des  étrangers,  220.  —  Jus 
gentium,  222. 

LA  LIGUE  NATIONALE  LATINE.  226-^8 

La  ligue  nationale  est  une  alliance  perpétuelle,  226.  — Rome 
ville  latine,  227.  —  Rome  en  face  du  Latium,  228.  —  La  ligue 
latine,  228.   —  La  situation  prépondérante  d'Albe  et  de  Rome, 


TABLE    DES    MATIERES.  491 

229.— Étendue  de  la  ligue, 231.  —  Prisci  Latini,  231.  —  Le  Latiar, 
233.  —  Organisation  de  la  ligue,  234.  —  Obligations  des  confé- 
dérés, 235.  —  Gens,  235.  —  Droit  de  faire  la  guerre  et  de  trai- 
ter, 236.  —  Assemblée  fédérale,  237.  —  Hégémonie  de  Rome, 
238. 

La  collectivité  latine  après  la  dissolution  de  la  ligue,  241.  — 
Élargissement  du  cercle  de  la  latinité  par  la  fondation  de  colo- 
nies, 241  ;  —par  la  latinisation  de  cités  pérégrines,  2*2.  —  Les 
deux  classes  de  statuts  municipaux  latins  :  statuts  des  anciens 
Latins,  245;  — statuts  des  (douze)  colonies,  245.  — Décadence  de 
la  latinité  sous  le  Principat,  247.  —  Latini  Juniani,  247. 

Privilèges  individuels  des  Latins,  249. — Autonomie  et  égalité, 
249.  —  Gommer 'cium  avec  les  Romains,  251, —  Adoption  etadroga- 
tion,  252.  —  Communauté  du  droit  de  propriété  foncière,  253. 

—  Jus  Italicum,  253.  —  Obligations   de  sommes  d'argent,  254. 

—  Testament,  255.  —  Droit  de  plaider,  255.  —  Commercium 
des  Latins  entre  eux,  255.  —  Conubium,  256.  —  Droit  de  pro- 
vocation, 257.  — Acquisition  du  droit  de  cité  romaine  chez  les 
anciens  Latins,  par  le  changement  de  domicile,  258;  —  limita- 
tions postérieures  du  droit  démigration,  26 1  ;  —  suppression 
du  droit  d'émigration,  262.  —  Acquisition  du  droit  de  cité 
romaine  par  l'exercice  des  magistratures  latines,  263.  —  In- 
compatibilité primitive  du  droit  de  cité  latine  et  du  droit  de 
cité  romaine,  265.  —  Leur  compatibilité  postérieure.  265.  — 
Acquisition  individuelle  du  droit  de  cité  pour  d'autres  causes, 
266.  —  Droit  de  suffrage  des  Latins  dans  les  comices  romains, 
267. 


LES  SUJETS  AUTONOMES.  269-350 

La  ligue  des  villes  italiques,  269.  —  Dénomination  des  ltalici, 
271.  — Les  alliés  extra-italiques,  274.  —  Conclusion  de  l'al- 
liance, 275.  —  Rapport  avec  la  deditio,  275.  —  Les  reges  socii, 
276  —Terminologie,  277  :  —  fœderati,  278;  —  civitates  liberae, 
280;  —  KWTOvopia,  284;  —  socii,  285;  —  nominis  Latini  et  socii, 
287. 

Les  limitations  de  droit  impliquées  par  la  sujétion  autonome, 
290.  —  Perte  du  droit  de  conclure  des  traités  internationaux, 
293.  —  Suppression  des  ligues  de  peuples,  293  :  —  confédé- 
ration étrusque,  293;  —  ligues  de  villes  helléniques,  293;  — 
suppression  de  la  clientèle  politique,  295.  —  Possessions  exté- 
rieures des  Athéniens,  296;  —  des  Massaliotes,  297;  —  des 
Rhodiens,  298.  —  Droit  de  guerre,  298.  —  Droit  de  porter  les 
armes,  300.  —  Obligation  de  fournir  des  troupes,  301.  —  Con- 
tingenta ordinaire»   des  togati,  301.   —  Concours  ordinaire  en 


492  DROIT  PUBLIC  ROMAIN. 

Papes . 

navires  des  villes  grecques,  305.  —  Obligations  militaires  ex- 
traordinaires des  autres  alliés,  306.  —  Charges  militaires  des 
alliés  à  la  fin  de  la  République,  307.  —  Les  auxilia  d'Auguste, 
308.  —  Participation  au  butin,  309.  —  Exemption  de  l'impôt 
des  villes  fédérées  italiques,  310.  —  Immunité  ou  soumission 
au  tribut  des  alliés  extra-italiques,  311.  —  Application  posté- 
rieure de  l'imposition  directe  même  à  des  cités  autonomes,  314. 

—  Prestations  des  alliés  exempts  d'impôts,  315. 

Les  droits  de  souveraineté  des  alliés  autonomes,  316  :  —  ter- 
ritoires propres,  317;  —  exclusion  de  l'administration  di  gou- 
verneur, 319;  —  exclusion  du  campement  de  troupes,  320;  — 
droit  propre  de  percevoir  les  impôts,  32  ;  —  douanes  propres, 
322.  —  Lois  propres,  323.  —  Rapports  de  la  législation  romaine 
et  de  l'autonomie,  325.  —  Gens,  325.  —  Édilité,  326.  —  In- 
fluence des  Romains  sur  les  institutions  italiques,  326.  —  Lois 
spéciales,  327.  —  Empiétements  des  Romains  sur  l'autonomie 
des  États  extra-italiques,  328.  —  L'autonomie  et  le  change- 
ment de  cité,  329.  —  Incompatibilité  du  droit  de  cité  romaine 
et  du  droit  de  cité  alliée,  330;  — leur  compatibilité  postérieure, 
331.  —  Statuts  des  villes  autonomes,  332.  —  Tribunaux  propres, 
334  :  —justice  criminelle,  334;  —  justice  administrative,  336  ; — 
plaintes  au  sénat,  337;  — justice  civile,  338. —  Calendrier,  340. 

—  Calcul  des  années,  341.  —  Désignation  des  années  par  les 
noms  des  magistrats,  342.  —  Poids  et  mesures,  342.  —  Limi- 
tation de  la  frappe  autonome  de  l'argent,  344:  —  en  Italie,  344; 

—  hors  d'Italie,  344.  —  Frappe  des  petites  monnaies,  347.  — 
Autres  restrictions  des  pouvoirs  monétaires,  348.  —  Privilèges 
personnels,  349. 

LES  SUJETS  NON  AUTONOMES  351-406 

Définition  de  la  sujétion,  351.  —  Autonomie  tolérée,  351 .  — 
Gouvernement  immédiat  sous  le  Principat,  351.  —  Maintien 
provisoire  des  institutions  existantes,  353.  —  Conquêtes  d'Ita- 
lie, 354;  —  de  Sicile:  355;  —  l'Orient  grec,  355;  —  l'Occident, 
356.  —  Terminologie,  358:  —  peregrini  dediticii,  359;  —  in  di- 
cione,  359;  —  stipendiant,  360;  —  soàii,  360.  —  Absence  de 
mention  de  la  liberté,  361. 

Origine  de  l'autonomie  tolérée,  363.  —  Impôts  romains  issus 
des  contributions  de  guerre,  364. — Propriété  du  sol  d'abordlais- 
sée  aux  sujets,  366  ;  — plus  tard  transférée  à  l'État  romain,  368.  — 
Inaliénabilité  de  la  propriété  de  l'État  sur  le  sol  provincial,  371.  — 
Cités  sujettes  exemptes  d'impôts,  375.  —  Droit  déporter  les  armes, 
376. —  Emploi  militaire  des  sujets,  376.  —  Leur  appel  au  service 
ordinaire  sous  le  Principat,  378.  —  Legationes,  379.  —  Relations 
des  cités  entre  elles,  380.  —  Les  assemblées  provinciales  sous 


•    TABLE    DES  MATIERES.  493 

Pages. 

l'Empire,  382.  —  Lois  propres,  383;  —  lois  romaines,  385.  — 
Justice,  387.  — Administration  des  cités,  389.  — Leurs  finances, 
390.  —  Administration  royale  de  l'Egypte,  391.  —  Institution- 
générales  d'empire,  394.  —  Le  calendrier,  395.  —  Calcul  des 
années,  396.  —  Poids  et  mesures,  398.  —  Monnaies  :  frappe 
provinciale  de  pièces  d'argent,  400;  —  de  pièces  de  cuivre, 
402;  —  monnaie  de    billon    de  villes,  403. 

LES  LIEUX  ATTRIBUÉS  407-416 

Dénomination,  407.  — Définition,  408.  —  Existence  indépen- 
dante, 409.  —  Défautde  droits  de  souveraineté,  411.  — Obliga- 
tion au  service  militaire,  413  ;  —  à  redevance,  413.  —  Droit 
privé,  414. 

Cession  des  redevances  de  cités  sujettes  à  des  villes  autono- 
mes, 415. 

LE  DROIT  MUNICIPAL  ET  SES  RAPPORTS  AVEC  L'ÉTAT      417-475 

La  ville  dans  l'État,  417.—  Unité  primitive  de  l'État,  418.  — 
Commencements  des  villes,  419.  —  Le  port,  419.  —  Terri- 
toire, 420.  —  Propriété  collective  des  colons,  420.  —  Patronat 
distinct,  420.  — Droit  distinct  juré,  421.  —  Absence  de  droit  de 
souveraineté,  421.  —  Magistrature  ad  sacra,  421. —  Commence- 
ments de  l'indépendance  administrative,  422  :  —  Antium,  423; 

—  droits  distincts  des  cités  de  demi-citoyens,  423. —  Commence- 
ments des  cités  de  citoyens  complets,  424.  —  Influence  du  droit 
de  cité  local  sur  la  tribu  personnelle,  424. —  La  cité  locale  et  la 
tribu  réelle  en  Italie  après  la  guerre  sociale,  426  ;  —  extension  de 
la  tribu  d'origine  aux  citoyens  non-propriétaires,  430;  —  patrie 
des  affranchis,  431  ;  —  cités  de   citoyens  sans  tribu  réelle,  431  ; 

—  les  citoyens  romains  appartenant  à  des  cités  de  non-citoyens, 
43 1  ;  —  les  citoyens  romains  sans  cité  locale,  432  ;  —  Rome  comme 
patrie  supplétoire,  443;  —  tribu  des  citoyens  ayant  ce  droit 
supplétoire  d'origine,  434. 

Dénomination  de  la  ville  :  urbs,  oppidum,  437  ;  —  énumération 
cumulative  des  différentes  catégories  de  villes,  439  :  —  colonia, 
440;  —  municipium,  443;  —  prdefectura,  445  ;  — dénominations 
impropres  données  aux  villes,  446. 

Grands  traits  de  la  constitution  des  villes,  448. —  Relations  des 
cités  de  citoyens  entre  elles,  451  :  —  adlection,  451  ; —  contribu- 
tion aux  charges  publiques,  352;  — communauté  des  droits 
électoraux,  453;  —  communauté  du  droit  aux  magistratures, 
454;  —  égalité  de  droit  des  cités  de  citoyens,  454;—  leur 
régime  foncier,  455;  —  cités  de  droit  italique,   456. 

Condition  légale  de  la  ville  de  citoyens,  460.  —  Défaut  de 
liberté,  461;  —  de  souveraineté  militaire,  461  ;  —  de  droit  pro- 


494  DROIT    PUBLIC   ROMAIN. 

Page*. 

pre,  561.  —  Statuts  locaux,  462. —  Juridiction  municipale,  463  ; 
—  ses  origines, 464. —  juridiction  édilicienne,464; — juridiction 
communale  après  la  guerre  sociale,  465;  —  ses  limites  en  ma- 
tière civile,  466;  —  justice  criminelle  municipale,  470. —  Auto- 
nomie financière,  47t. —  Décadence  de  l'autonomie  municipale 
sous  le  Principat,  472.  —  Mesure  du  temps,  473.  —  Poids  et 
mesures,  474.  —  Régime  monétaire,  474. 


L'EMPIRE  DE  ROME.  376-485 

Dénomination    du  territoire,    476  :  —  ager,   476  ;  —   territo- 
rium,   478;  —  fines,  478;  —  imperium,  478;  —  orbis  terne,  479. 

—  Définition  du  territoire,  479.  —  Déplacement  de  la  frontière, 
481. —  Influence  de  son  déplacement  sur  celui  du  Pomerium, 481. 

—  La  frontière  postérieure  de  l'empire,  482.—  L'étranger,  483. 


Imprimerie  Générale  de  Châtillon-sm-Seine.  —    M.   PEPIN. 


•À- 
v 


1 


*^" 


A 


A 


DG      Mommsen,  Theodor 

77        Manuel  des  antiquités 

^*    M5&4    romaines 

a1   t. 6 
V   ptie.2 


PLEASE  EX)  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


I 


4 


\ 

mk. 

ifc/,  •■'■/■ 

V. 

3fc 

^f 

& 

™ 

ri 

4 

w*- 

1  "  V 

— 

mi 

k 

^P» 

.« 

^ 

m 


:.\^' 


\    V