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Full text of "Manuel du spéculateur à la bourse"

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MANUEL 

U  SPÉCULATEUîl 

A    LA   BOURSE 


Paris.  —  Imprimerie  de  P. -A.  liouRoiEn  et  C'^,  30,  rue  Mazarine. 


MANUEL    ■ 

nu 

SPÉCULATEIIÎ 

A  LA  BOURSE 


PAR  P.-J.  PROUDKON 


CINQUIÈME  ÉDITION 


PARIS 


LIBRAIRIE   DE  GARMER  FRÈRES 

G,  RLE  DES  SilMTS-PÉllES  ET  PILÀIS-HOÏAL,  213 

1857 


EcF 

630438 
7.  5.6-4 


PREFACE 

DE  L.l  TROI^ill^llE:  ÉDITION. 


Les  deux  premières  éditions  de  ce  Manuel  ont  paru 
anonymes.  Je  crois  de  mon  devoir  de  dire  pourquoi  j'ap- 
pose ma  signature  à  la  troisième. 

Lorsqu'en  i8o3-o4,  MM.  Garnier  frères,  désirant 
pour  leur  librairie  une  espèce  de  Vade  mecum  de  la 
Bourse,  me  prièrent  de  me  charger  de  ce  travail,  je  ne 
crus  pas  d'abord  qu'une  pareille  compilation  eût  besoin 
devant  le  public  d'un  répondant.  Quelques  notions  d'é- 
conomie politique,  servant  à  déterminer  le  rôle  de  la  spé- 
culation, soit  comme  force  productrice,  soit  comme  opé- 
ration boursière-,  quelques  appréciations  critiques,  de 
simple  bon  sens,  dont  le  temps  a  depuis  confirmé  la  jus- 
tesse, ne  me  paraissaient  pas  constituer  ce  que  les  lois  sur 
la  propriété  littéraire  nomment  pompeusement  œuvre  de 
génie.  L'entrepreneur  de  commerce  et  d'industrie  a  sa 
marque  de  fabrique-,  l'ouvrier  qui  travaille  pour  le 
compte  de  cet  entrepreneur  n'a  pas  la  sienne  :  il  ne  peut 
pas  l'avoir.  Dans  l'espèce,  je  n'étais  qu'un  ouvrier. 

J'ai  donc  fourni  Varlicie,  comme  on  dit  en  style  de 
comptoir  :  travail  répugnant  et  pénible;  c'est  le  sort  des 
plébéiens  de  la  littérature.  Je  n'y  ai  pas  mis  mon  nom  : 
qu'importait  au  lecteur  de  savoir  que  dans  ma  carrière  de 
publiciste,  il  m'arrivnit  parfois  de  travaillor  sur  com- 
mande? 

Aujourd'hui,  ma  position  est  changée. 


Il  — 


Sous  la  pression  des  événements,  et  tout  en  suivant 
ma  pensée  première ,  j'ai  été  conduit  à  discuter  plus  à 
fond  les  afaires^  à  qualifier  les  actes,  à  en  dégager  les 
causes,  à  définir  les  situations,  à  calculer  les  tendances, 
d'après  des  considérations  d'économie  et  de  droit  qui  dé- 
passent la  responsabilité  du  libraire. 

Yoilà  ce  qui  m'oblige  à  paraître,  et  sur  quoi  je  demande 
à  m' expliquer. 

Deux  considérations  d'ordre  majeur  dominent  tous  les 
jugements  exprimés  dans  ce  recueil  :  la  morale  publique, 
et  le  mouvement  économique. 

Morale  publique . 

L'ordre  agricole  et  industriel,  cette  première  et  pro- 
fonde assise  sur  laquelle  repose  l'édifice  social,  est  en 
pleine  révolution. 

Est-ce  une  nation  qui  déchoit,  une  société  qui  s'en  va, 
ou  une  civilisation  supérieure  qui  commence?  Le  lecteur 
en  décidera.  Ce  qui  est  sûr  au  moins,  c'est  que  la  trans- 
formation, pour  la  liberté  ou  pour  la  servitude,  pour  la 
suprématie  du  travail  ou  la  prépotence  du  privilège ,  je 
ne  l'examine  point,  est  partout  à  l'ordre  du  jour.  Tel  est 
le  fait  général,  décisif,  qui  ressort  en  premier  lieu  de  notre 
inventaire  industriel. 

Or,  quel  que  soit  le  but  oii  elles  tendent,  les  Révolu- 
tions, et  entre  toutes  celles  qui  ont  pour  objet  la  distribu- 
tion et  l'exploitation  de  la  fortune  publique,  sont  des  oc- 
casions de  triomphe  pour  l'improbité.  On  l'a  vu  à  toutes 
les  époques,  mais  jamais  peut-être  autant  qu'à  la  nôtre,  ja- 
mais surtout  avec  un  tel  accompagnement  d'indifférence. 

Ainsi  l'on  a  affecté  de  ne  voir  dans  les  scandales  de 
l'époque  que  de  l'agiotage.  Le  Moniteur  Va,  fait  entendre; 
la  magistrature,  suivant  l'exemple  donné  d'en  haut,  a 


—  m  — 

fulminé  ses  mercuriales.  La  comédie  à  son  loiir  a  fait 
semblant  d'agiter  ses  grelots.  Qu'accusent  cependant  Tor- 
gane  officiel,  et  la  justice,  et  le  théâtre?  le  jeu,  rien  que 
le  jeu.  Mais,  messieurs, 

Le  JEU  ne  produit  pas  de  si  puissants  efforts. 

•  Nous  ne  serions  pas  si  malades  si  nous  n'avions  à  nous 
reprocher  que  cette  peccadille.  Disons  la  vérité. 

Au  spectacle  de  quelques  fortunes  subites,  inattaqua- 
bles peut-tMreau  point  de  vue  d'une  légitimité  incomplète, 
mais  parfaitement  illégitimes  devant  la  conscience ,  et 
jugées  telles,  s'est  ébranlée  la  multitude  des  âmes  faibles, 
en  qui  la  soif  du  bien-être  avait  marché  plus  vite  que  le 
sens  moral. 

Une  conviction  s'est  formée  dans  le  silence  universel, 
sorte  de  profession  de  foi  tacite,  qui  a  remplacé  pour  les 
masses  les  anciens  programmes  politiques  et  sociaux  : 

«  Que  de  toutes  les  sources  de  la  fortune,  le  travail  est 
la  plus  précaire  et  la  plus  pauvre  5 

«  Qu'au-dessus  du  travail,  il  y  a,  d'abord  le  faisceau 
des  forces  productrices,  fonds  commun  de  l'exploitation 
nationale,  dont  le  gouvernement  est  le  dispensateur 
suprême  5 

«  Qu'ensuite  vient  la  Spècidation  ^  entendant  par  ce  mot 
l'ensemble  des  moyens,  non  prévus  par  la  loi  ou  insaisis- 
sables à  la  justice,  de  surprendre  le  bien  d'autrui; 

«Que  du  reste,  l'économie  des  sociétés  n'est,  d'après 
les  définitions  des  auteurs  en  crédit,  qu'un  état  d'anarchie 
industrielle  et  de  guerre  sociale,  oi!i  les  instruments  de 
production  servent  d'armes  de  combat;  où  chaque  pro- 
priété, privilège,  monopole,  tient  lieu  de  place  forte  \  où 
le  droit  et  le  devoir  sont  indéterminés  de  leur  nature,  la 


justice  exceptionnnelle,  le  bien  et  le  mal  confondus,  la 
vérité  relative,  toute  garantie  illusoire;  oii  les  licences  de 
la  pratique,  les  contradictions  de  la  théorie,  le  vague  de 
la  législation,  l'arbitraire  de  l'autorité,  viennent  sans 
cesse  déconcerter  la  raison  et  donner  l'entorse  à  la  mo- 
rale 5  où  chacun  enfin  combattant  contre  tous,  soumis 
aux  chances  de  la  guerre,  n'est  tenu  de  respecter  que  la 
loi  delà  guerre.  » 

Aussi,  tandis  que  la  Sagesse  constituée  accuse  le  jeu, 
que  la  Scène  le  châtie,  que  la  Bourse  elle-même,  ravie  de 
se  voir  si  bien  chaperonnée,  le  dénonce  :  l'improbité  règne 
dans  les  mœurs,  la  piraterie  dans  les  affaires.  Sous  l'appa- 
rence de  transactions  régulières  et  libres,  de  réalisations 
facultatives,  d'exercice  légitime  de  la  propriété,  sévis- 
sent, sans  nul  empêchement,  le  charlatanisme,  la  corrup- 
tion, l'infidélité,  le  chantage,  l'escroquerie,  la  concussion, 
le  vol. 

Interrogez  le  premier  venu  :  il  vous  dira  qu'aucun  gain, 
obtenu  par  les  concessions  de  l'Etat,  les  combinaisons  de 
la  commandite,  les  négociations  de  la  Bourse,  les  entre- 
prises de  commerce,  le  bail  à  cheptel  ou  à  loyer,  n'est  pur 
de  corruption,  de  violence  ou  de  fraude;  qu'il  ne  se  fait 
pas  aujourd'hui  de  fortunes  sans  reproche,  et  que  sur  cent 
individus  enrichis,  pris  au  hasard,  il  n'y  en  a  pas  quatre 
de  foncièrement  honnêtes. 

C'est  à  cette  mésestime,  universelle,  réciproque,  qui 
semble  devoir  remplacer  chez  nous  l'antique  foi,  qu'il  faut 
attribuer  les  briganJages  qui  chaque  jour  frappent  à  l'im- 
proviste  les  Compagnies,  et  ne  laissent  plus  la  moindre 
sécurité  k  leurs  actionnaires. 

La  logique,  hélas!  va  toujours  plus  vite  dans  la  disso- 
lution que  dans  la  vertu. 


Des  subalternes,  témoins  des  grands  coups  de  leurs 
chefs,  se  disent  qu'en  pillant  les  caisses  qui  leur  sont  con- 
fiées, ils  ne  sont,  après  tout,  ni  plus  ni  moins  prévarica- 
teurs que  leurs  honorables  patrons  :  et  ce  qu'il  y  a  de 
triste,  tandis  que  ces  misérables  s'absolvent  dans  leur 
conscience,  le  public  n'est  pas  loin  de  leur  appliquer  le 
bénéfice  des  circonstances  atténuantes! 

Compagnie  d'assurances  V Économie  :  détournement  de 
j)lusd'un  million,  espèces,  par  le  directeur-. 

Compagnie  du  chemin  de  ter  du  Nord  :  soustraction  de 
cinq  à  six  millions,  actions,  par  le  caissier; 

Succursale  de  la  Banque,  à  Besançon  :  détournement 
de  400,000  francs  par  le  caissier-, 

Sous-Comptoir  des  Denrées  coloniales,  à  Paris  -.  pillage 
de  la  caisse  par  le  gérant  5 

Compagnie  du  Crédit  mobilier  :  vol  de  1  i-7,000  francs 
par  un  courtier  de  la  Compagnie...  Je  m'arrête  :  la  kyrielle 
tiendrait  une  feuille. 

Pas  un  département,  pas  un  chef-lieu,  qui  n'ait  son 
scandale.  Et  combien  que  l'on  ignore!  Combien  que  l'on 
dissimule,  par  respect  des  familles,  et  pour  ménager  la 
dignité  des  Compagnies!  Chez  nos  alliés  d'outre-Manche, 
les  sinistres  se  sont  multipliés  au  point  que  l'on  a  proposé 
de  former  une  assurance  contre  le  vol.  On  ne  se  lie  plus 
à  la  morale,  contredite  par  tant  de  faits  éclatants,  que  re- 
vêt le  caractère  sacré  de  la  loi. 

Quoi!  vous  adjugez  dos  concessions,  vous  créez  des 
monopoles  qui,  du  soir  au  matin,  sur  des  centaines  de 
milliers  d'actions,  créent  des  centaines  de  francs  de  prime  : 
—  quarante  millions  sont  distribués  aux  porteurs  d'ac- 
tions de  jouissance,  en  indemnité  de  bénélices  éventuels 
que  l'Etat  n'avait  point  garantis,  que  les  canaux  n'eus- 


sent  su  jamais  produire;  — 661  millions  de  subvention 
sont  accordés  aux  Compagnies  de  chemins  de  fer,  plus 
une  garantie  d'intérêt  pour  leurs  actions  :  et  vous  ac- 
cusez le  jeu  ! 

Les  fournitures  de  l'Etat  et  des  Compagnies  engen- 
drent aux  heureux  adjudicataires  des  millions;  le  pot-de 
vin  est  devenu  le  privilège  de  tout  mandat,  de  toute  gé- 
rance :  et  ce  monde  d'employés,  de  commis,  d'ouvriers, 
de  petites  gens,  vous  lui  parlez  désintéressement,  inté- 
grité, morale  ! 

Le  prêt  sur  report  donne  jusqu'à  230  p.  0/0  d'intérêt  ; 
le  privilège  des  agents  de  change  produit  à  la  corporation,  . 
en  une  seule  année,  80  millions  :  et  vous  déclarez  infâme, 
vous  frappez  de  confiscation  l'usurier  de  village  qui  prête 
sur  hypothéquées  0/0!  Tâchez  donc,  vous-même,  avec 
votre  Société  de  Crédit  foncier,  de  faire  concurrence  à 
l'usure. 

Le  boutiquier  et  le  prolétaire  voient  en  un  jour  leur 
loyer  augmenté  de  moitié,  de  trois  quarts,  sans  autre  cause 
que  le  bon  plaisir  du  maître  de  maison  :  et  vous  poursuivez 
comme  crime  d'Etat  la  grève  du  travailleur,  grève  dont 
la  cause  première  est  le  loyer;  vous  signalez  aux  ven- 
geances de  la  multitude  l'épicier,  le  charcutier,  le  bou- 
langer, le  marchand  de  vin,  falsificateur,  accapareur!... 
Ah  !  sachez-le  une  fois  :  les  faits  et  gestes  de  la  Bourse 
ont  fait  table  rase  de  l'honnêteté  commerciale  -,  l'exagé- 
ration arbitraire,  insultante  des  loyers,  la  mobilité  des 
tarifs,  les  fusions  de  Compagnies,  les  confiscations,  expul- 
sions, pour  cause  d'utihté  publique,  ont  détruit  le  respect 
de  la  propriété,  et,  ce  qui  est  pire,  l'amour  du  travail 
dans  les  cœurs.  Nous  n'existons  plus  que  par  la  poUce, 
par  la  force. 


vu  — 


Mouvement  économigiœ . 

Une  espérance  nous  reste. 

Après  avoir  constaté  l'état  révolutionnaire  dans  lequel 
la  société  est  fatalement  engagée;  après  avoir,  en  second 
lieu,  reconnu  le  caractère  pour  ainsi  dire  lliéorétique  de 
l'immoralité  qui  Taccompagne,  nous  sommes  conduits  à 
cette  conclusion  rassurante,  que  si  le  mal  est  profond,  in- 
calculable, s'il  a  besoin  de  chambres  ardentes  plutôt  que 
de  comédies  et  de  harangues  ,  du  moins  il  n'est  pas  sans 
remède  :  il  tient  aux  idées  plutôt  qu'aux  hommes. 

Oui,  les  idées  :  ce  sont  elles  qui,  par  leur  logique  et 
notre  inconscience,  produisent  la  désolation  des  mœurs. 
Suivez  ce  progrès. 

Il  n'y  a  pas  plus  de  quinze  ans,  les  hommes  qui  obser- 
vaient avec  attention  le  mouvement  économi(|ue  faisaient 
ressortir ,  au  sein  de  la  paix ,  l'incohérence  des  éléments 
sociaux-,  ils  en  montraient  l'antagonisme  et  les  innombra- 
bles contradictions.  C'était  V anarchie  indusirielle ,  idéal 
de  réconomisme  anglican,  adopté  par  les  praticiens  fran- 
çais, et  que  la  critique  des  novateurs  niait  comme  irra- 
tionnelle et  instable.  Une  telle  situation,  disaient-ils,  est 
éminemment  critique,  et  ne  peut  se  soutenir;  elle  doit 
fatalement,  par  le  jeu  de  ses  principes,  aboutir,  sous  l'ac- 
tion prépondérante  du  capital ,  à  une  formation  corpora- 
tive, à  une  FÉODALITÉ  INDUSTRIELLE. 

Anarchie  industrielle ,  Féodalité  industrielle  :  telle 
était,  selon  eux,  l'inévitable  gradation. 

On  se  moqua  des  prédiseurs  :  c'étaient  des  socialistes, 
des  utopistes,  des  humanitaires,  quoi  de  plus?  des  ennemis 
de  la  famille  et  de  la  propriété.  —  «  Nos  pères,  disait-on, 
dans  la  simplicité  de  leurs  cœurs,  avaient  vécu  sous  l'em- 
pire des  idées  qu'on  reprochait  aujourd'hui-,  ils  avaient 


—    VIII    

combattu  pour  elles ,  pour  elles  ils  avaient  fait  la  Révo- 
lution. Depuis  la  Révolution,  les  fils  avaient  grandi  par 
ces  mêmes  idées;  la  France  s'était  enrichie,  elle  leur  de- 
vait le  plus  clair  et  le  plus  net  de  sa  puissance,  m  —  La  foi 
était  donc  entière 5  la  bonne  foi,  par  conséquent,  l'hon- 
nêteté, inviolées. 

Maintenant  la  prédiction  est  accomplie.  Vanarchie  in- 
dustrielle a  produit  ses  légitimes  'conséquences  5  du  même 
coup  la  foi  aux  vieilles  idées  s'est  ébranlée ,  et  l'honnê- 
teté publique  a  disparu.  Je  défie  qui  que  ce  soit  de  dire 
qu'il  croit  à  quelque  chose.  La  féodalité  industrielle 
existe  donc,  réunissant  tous  les  vices  de  l'anarchie  et  de 
lasubalternisation,  toutes  les  corruptions  de  l'hypocrisie 
et  du  scepticisme  : 

Système  de  concurrence  anarchique  et  de  coahtion 
légale  ; 

Système  de  concessions  gouvernementales  et  de  mono- 
poles d'Etat; 

Système  de  corporations ,  maîtrises  et  jurandes ,  en 
commandite  et  anonymes; 

Système  de  dettes  nationales  et  d'emprunts  popu- 
laires ; 

Système  d'exploitation  du  travail  par  le  capital; 

Système  de  bascule  mercantile  et  de  brigandages  bour- 
siers ; 

Système  de  sublimation  des  valeurs  et  de  mobilisation 
des  propriétés  ; 

Système  de.  consommation  de  l'avenir  par  un  présent 
de  plus  en  plus  appauvri. 

Puis,  ce  que  les  prophètes  de  la  transformation  sociale 
n'avaient  pas  eux-mêmes  prévu ,  voici  que  la  féodalité 
INDUSTRIELLE  u'csl  pas  plus  solidc  que  ne  l'avait  été  l'a- 


—  IX  — 

narchie  industrielle  \,  ce  n'est  encore  qu'une  crise,  qui  doit 
passer  comme  la  première  : 

Sic  erat  instabilis  tellus,  innabiiis  unda. 

Anarchie  ou  féodalité,  en  effet,  l'histoire  le  démontre, 
c'est  toujours  le  défaut  d'équilibre ,  l'antagonisme  ,  la 
guerre  sociale,  auxquels,  dans  l'état  actuel  des  esprits,  on 
ne  saurait  imaginer  de  remède  qu'au  moyen  d'une  con- 
centration plus  puissante,  d'un  troisième  terme  sériaire, 
que  nous  nommerons ,  sans  nulle  intention  maligne  , 
EMPIRE  INDUSTRIEL. 

Tout  nous  y  pousse  :  la  tradition  monarchique ,  les 
analogies  de  l'histoire,  l'instinct  populaire,  les  préjugés 
de  la  démocratie. 

Ici  du  moins  nous  aurons  l'accord,  l'unité,  aux  jacobins 
si  chère,  le  silence  et  la  paix.  Mais  aurons-nous  la  liberté  ? 
aurons-nous  l'égalité?  aurons-nous  le  droit? 

L'EMPIRE  INDUSTRIEL  n'est  autre  chose  que  le  prin- 
cipe anarchique  lui-même,  le  fameux  laissez  faire  ^  laissez 
passer,  poussé  à  son  extrême  conséquence-,  une  réduction 
à  l'absurde  de  l'économie  politique  classique  et  officielle, 
en  un  mot  une  contradiction. 

Or,  une  contradiction  n'est  pas  le  droit,  encore  moins 
la  liberté  et  l'égalité. 

Et  sans  liberté,  sans  égalité,  sans  droit,  la  crise  ne  finit 
pas  ;  elle  est  seulement  à  sa  troisième  phase. 

Yoilcà  pourquoi  le  gouvernement  de  Napoléon  III,  il 
faut  rendre  à  sa  modération  la  justice  qu'elle  mérite,  ré- 
siste tant  qu'il  peut  à  cette  logique  des  idées,  à  cette  fata- 
lité implacable  des  choses,  qui  le  pousse,  malgré  qu'il  en 
ait,  à  se  faire  d'empire  politique  empire  industriel;  voilà 
pourquoi  il  s'accroche  aux  institutions  féodales  sauvées 


par  lui  de  la  république  ^  pourquoi  enfin  il  s'efforce  de 
retenir  un  reste  de  cette  anarchie  qui  avait  fait  la  gloire 
du  règne  précédent. 

Que  ne  donnerait  pas  aujourd'hui  le  gouvernement  de 
Napoléon  III  à  celui  qui  trouverait  moyen  de  lui  concilier 
ces  trois  termes  fatidiques  :  anarchie  industrielle^  féo- 
dalité INDUSTRIELLE,  EMPIRE  INDUSTRIEL;  mélange 
d'autocratie,  d'aristocratie,  de  démocratie,  quelque  chose 
comme  le  gouvernement  de  la  Charte  Saint-Ouen  ! 

Vain  espoir!  le  constitutionalisme,  instable  en  politi- 
que, est  absurde  en  économie.  Le  droit  social  ne  saurait 
être  le  produit  de  trois  formules  du  non-droit  ^  pas  plus 
que  l'unité  ne  peut  sortir  d'une  addition  de  zéros. 

Que  les  partisans  de  \ Idée  napoléonienne ,  reconnais- 
sant ici  l'insuffisance  dé  leur  principe  ,  daignent  donc 
prendre  en  bonne  part  une  conclusion  forcée.  Ils  y  trou- 
veront plus  de  ressource  pour  leur  pays  et  leur  propre 
gloire,  que  dans  la  tradition  des  césars  et  toutes  les  rubri- 
ques de  Machiavel. 

La  formule  impériale  est  inapplicable  à  l'ordre  éco- 
nomique. 

Laissons  de  côté  les  Saint-Simoniens,  initiateurs  de  la 
nouvelle  féodalité  et  promoteurs  d'un  empire  impossible; 
laissons  avec  eux  les  Ultramontains,  les  Anglo-Saxons  et 
les  Slaves,  tous  féodaux  de  vieille  roche; 

Et  terminons,  envers  et  contre  tous,  la  Révolution  com- 
mencé en  89,  en  fondant  l'équiUbre  économique  et  so- 
cial, c'est-à-dire  le  droit,  la  liberté,  l'égalité,  l'honneur, 
la  paix,  le  progrès,  la  joie  intérieure,  toutes  les  vertus 
civiques  et  domestiques,  —  je  ne  parle  pas  du  gouverne- 
ment, je  ne  fais  point  ici  de  politique ,  —  sur  la  RÉPU- 
BLIQUE INDUSTRIELLE. 


—  XI   — 

Que  personne  ne  s'effraye  du  mot.  Il  ne  dépend  pas  de 
moi  de  désigner  autrement  le  quatrième  terme  de  cette 
série  économique,  dont  l'évolution  frappe  tous  les  regards  : 
Anarchie  industrielle^  Féodalité  industrielle.  Empire  in- 
dustriel^ République  industrielle. 

De  ces  quatre  termes  le  premier  touche  à  sa  fin-,  le 
second  est  à  son  apogée,  le  troisième  en  éclosion,  le  qua- 
trième à  l'état  fétal 

Du  reste,  les  principes  de  l'économie  républicaine,  fort 
différents  de  ceux  du  Contrat  social ,  ne  pouvaient  être 
qu'indiqués  dans  le  présent  Manuel^  comme  ils  l'avaient 
été  déjà  dans  d'autres  publications.  Je  me  réserve  d'en 
donner  l'exposition  originale  et  complète  dans  un  pro- 
chain ouvrage. 

L'histoire  des  sociétés  ne  présente  nulle  part  aux  médi- 
tations du  philosophe  de  plus  giandes  choses  :  comment 
se  fait-il  que  nous  daignions  à  peine  les  apercevoir? 

Que  sont  les  révolutions  de  thermie  )r,  de  brumaire , 
de  1814  et  1815,  de  1830,  1848  et  1851,  qui  défrayent 
tant  de  narrateurs  et  n'agitèrent  le  pays  qu'à  la  surface, 
auprès  de  ces  changements  profonds,  accomplis  en  moins 
d'un  quart  de  siècle,  et  que  met  à  nu,  sans  phrases,  une 
simple  statistique,  un  brutal  inventaire? 

On  a  parlé  des  crimes  de  la  Terreur,  des  hontes  du 
Directoire,  de  l'arbitraire  de  l'Empire,  des  corruptions  de 
la  Légitimité  et  de  la  Monarchie  Bourgeoise.  Comparez 
donc  ces  misères  avec  la  dissolution  d'une  époque  qui  a 
pris  pour  Décalogue  la  Bourse  et  ses  œuvres,  pour  philo- 
sophie la  Bourse,  pour  politique  la  Bourse,  pour  morale 
la  Bourse,  pour  patrie  et  pour  Eglise  la  Bourse  ! 

On  demande  pour  la  presse  une  plus  grande  liberté. 
On  voudrait  qu'il  fût  permis  aux  journaux  de  discuter  à 


—  xn  — 

l'aise  l'aiTaire  de  Naples  et  Taffaire  Suisse,  les  bulletins 
électoraux,  le  serment,  etc.  Le  public  français  ne  peut 
s'accoutumer,  dit  M.  Véron,  à  ce  bâillonnement  de  la 
parole  et  de  la  plume.  Et  certes ,  je  ne  suis  pas  le  dernier 
à  me  plaindre  :  qui  donc  aurait  plus  à  gagner  que  moi  à  la 
liberté  de  la  presse? 

Mais,  avec  toute  la  liberté,  avec  toute  la  licence  imagi- 
nable, que  pourrais-je  dire,  à  des  hommes  intelligents,  de 
plus  que  ce  que  leur  révèle  cette  expression  authentique 
delà  Bourse  et  de  ses  mystères!...  Hélas!  les  hommes 
d'intelligence  sont  clairsemés,  et  je  n'ai  pas  à  compter  sur 
d'autres  lecteurs. 

En  revendiquant  la  responsabilité  de  ce  recueil,  le  plus 
ancien  qui  ait  paru  en  ce  genre,  et  le  seul  encore  où  se 
trouve  abordées  les  questions  de  droit  économique  et  de 
moralité  boursière ,  je  dois  déclarer  ici ,  pour  être  tout  à 
fait  dans  la  justice,  que  je  dois  à  M.  G.  Duchéne,  ancien 
rédacteur  du  Peuple^  qui  a  bien  voulu  se  charger  pour 
moi  du  gros  de  la  besogne,  nombre  de  pages  d'une  excel- 
lente rédaction,  des  traits  d'une  vive  ironie  que  je  n'ai 
pas  cru  devoir  supprimer,  des  analyses  et  des  jugements 
d'une  ferme  et  nette  intelligence. 

Paris,  16  décembre  185fi. 

P.-.l.  pROrUHON. 


MANUEL 

DU  SPÉCULATEUR 


A  LA  BOURSE 


(>^3>=^»:3>^^J''»vg'^':3>^9k3>^J'^v»^vJ>0^>'a^3>^0^':>'>J^<3»^3>^g^.JM3,3^ 


INTRODUCTION 

1.  Bes  différentes  formes  de  la  Production,  et  en  particulier 
de  la  Spéculation. 

La  production  des  richesses  peut  se  ramener  à  quatre 
principes  généraux,  qui,  bien  que  semblables  dans  leur 
source,  Tactivité  humaine,  se  distinguent  nettement  les  uns 
des  autres  quant  à  la  forme. 

1°  Le  travail.  —  On  entend  communément  par  ce  mol  la 
façon  donnée  par  la  main  de  Thomme  à  la  matière.  Ainsi,  le 
labour  de  la  terre,  la  taille  des  pierres,  l'extraction  du  mi- 
nerai, la  coupe  des  bois,  le  creusement  des  canaux,  le  per- 
cement des  puits,  Tensemencement  des  grains,  la  greffe  des 
arbres,  sont  du  travail.  C'est  à  ce  point  de  vue,  d'ailleurs 
restreint,  qu'il  est  passé  en  usage  de  désigner  spL-cialement, 
sous  le  nom  de  clause  travailleuse,  la  masse  des  fabricants, 
artisans,  laboureurs,  vignerons,  journaliers,  tous  ceux  enfin 
qui  mettent,  comme  on  dit,  In  waiïi  à  l'œuvre. 

2°  Le  Capital.  —  On  définit  le  capital  :  du  travail  accu- 
mulé. Ce  qui  ramène  cette  catégorie  à  la  précédente,  et  re- 
vient à  dire  que  la  production  du  capital  n'est  autre  que 
celle  du  travail  même. 

Ainsi,  le  forgeron  emploie,  dans  l'exercice  de  sa  profession, 

1 


du  fer  brut,  de  la  houille,  des  outils  :  c'est,  avec  l'argent  qui 
lui  sert  de  fonds  de  roulement,  son  capital.  Sa  main-d'œuvre, 
la  façon  nouvelle  qu'il  donne  au  fer,  c'est  son  travail  pro- 
prcm^Mit  (lit. 

Mais  le  (  liarbon  qu'il  brûle,  le  for  qu'il  forge,  sont  le  résul- 
tat d'un  travail  antérieur,  semblable  au  sien.  Dun  autre 
côté,  les  charrues,  les  essieux,  les  ferrures  de  charrettes  et  de 
tondjereaux  qu'il  livre  à  l'agriculteur,  deviennent  pour  ce 
dernier  des  insirumenls  de  production.  Eu  sorte  que  dans  le 
système  général  de  léconomie,  capital  et  travail  se  coiifon- 
denl.  Ce  qui  est  produit,  sortant  des  mains  de  l'un,  devient 
matière  première  ou  capital,  entrant  dans  les  mains  de 
l'autre.  Les  colons,  les  laines,  produit  dii  colon  ou  {\n  fer- 
mier, seront  le  capital,  ou  du  moins  |)artie  du  ca|)ital  du  fila- 
leur;  les  bis,  produit  de  ce^ui-ci,  deviendront  la  matière 
ouvrable  du  tisseur;  les  toiles  et  les  draps,  produit  de  ce 
dernier,  formeront  la  matière  première  des  ateliers  de  con- 
fection pour  la  lingerie  et  l'habillement. 

Dune  le  capital,  c'est  la  matière  sur  laquelle  et  avec  la- 
quelle on  travaille;  le  travail  [jroprement  dit  est  la  façon 
nouvelle  donnée  à  cette  matièie. 

Le  premier  capital  est  fourni  gratuitement  à  l'homme  par 
la  nature.  Avec  le  temps,  ce  premier  capital,  transformé  par 
le  travail,  est  presque  entièrement  apjiroprié,  et  la  presta- 
tion en  est  faite  par  les  délenteuis,  qui  prennent,  pour  cette 
raison,  le  titre  de  capitalistes  ou  propriétaires.  Ou  nomme 
crédit  (bail,  loyer,  fomage,  amodiation,  commamlite,  etc.) 
l'acte  général  par  lequel  le  capital  passe  des  miiinsdu  capi- 
taliste ou  propriétaire  à  celles  du  travailleur  ou  industriel. 
3"  Le  tlommerce.  —  La  prestation  des  capitaux,  f)Our  tout 
ce  qui  est  en  lUhors  de  l'i  xploilaliou  du  sol,  suppose  le 
transpoit  ou  la  circulation  des  produits.  Ce  transport  est  à 
juste  titre  considéré  comme  une  nouvelle  forme  de  la  pro- 
duction. 

Par  exemple,  le  navigateur  qui  amène  dans  nos  ports  les 
denrées  des  tropiques  livre,  il  est  viai,  sa  cargaison  de  thés, 
de  cotons,  de  sucres,  d'indigos,  de  cafés,  de  bois  de  teinture, 
telle  qu'il  l'a  reçue  ;  les  mariniers,  les  compagnies  de  che- 


-  3  - 

mins  de  fer,  qui  transportent  ces  marchandises  dans  l'inté- 
rieur (lu  pnys;  les  messagers  i]ui  lesfonl  anivcr  jnsf|iic  dans 
les  moindres  Nill.iges,  n'ajoiileiit  rien,  coiinne  f.içoii,  aux 
proiiuils  quils  voilurenl.  Ils  n'en  sont  pas  moins  pioduc- 
leurs  :  ils  nmènenl  d'un  lieu  où  il  y  a  surabondance  dnns 
d'autres  où  il  y  a  disette  des  marchandises  (jui,  sans  ce  dé- 
placement, resteraient  non-vateias.  En  ciTet,  la  piodiirlion, 
dans  le  sens  économique  du  mot,  n'est  pas  una  création  de 
matière;  c'est  une  créalion  d'utilité  :  et  tt)ui  ce  cpii  ajoute 
de  l'ulililé  à  la  matière,  soit  en  la  façonnant,  soit  en  la 
livrant,  soit  en  la  déplaçant,  est  véritablement  productif. 

Si  le  voitnrier  (pii  fait  le  transport  des  |iroduits  peut  et 
doit  être  dit  légitnncment  pioducteur,  le  conimeiçant  qui 
les  emmagasine,  à  ses  risques  et  perds,  et  les  tient  à  la  dis- 
position du  consommateur,  lest  également.  Il  est  impossib'e 
d'abord  que  chaque  particulier  aille  s'appiov.siotiner'  à  la 
source  de  tout  (c  qu'il  consomme,  lians  les  cas  mômes  où 
cette  inq)Ossibililé  n'e.\ist(!  pas,  il  en  résulterait  pour  lui  des 
voyages  et  pertes  de  tem[)s  d'une  imiioi'Ianee  bien  supérieure 
au  bénéfice  dont  il  fait  jouir  le  marchand.  S'il  est  îles  indus- 
tries où  l'ouvriei-  peut  tiailer  directement  avec  le  consom- 
matein-,  et  vice  vprsà^  comme  la  menuiserie,  l'ébénisterie, 
la  cordoinierie,  le  charloiuiage,  le  iiomlne  en  e>t  très-res- 
Ireinl.  El  encore  faut-il  (pie  les  mar(  liés  de  ce  genre  portent 
sur  une  valeur  dune  certaine  importance  :  le  cloutier,  par 
exemple,  qui  serait  obligé  de  (piitter  sa  forge  pour  aller 
vciidr(j  sur  des  marchés  éloignés  (pielipies  kilogrammes  de 
clous,  cùt-il  pour  lui  le  bénéiice  du  quincaillier,  ne  trouve- 
rait certain»  ineni  |ias  au  bout  de  la  journée  ce  qu'il  gagne 
■d  son  enclume  quand  il  ne  se  dérange  pas. 

Ainsi,  non-senlemenl  le  travailleur  produit,  non-seule- 
ment l'industriel  qui  engage  son  activité  et  sa  fortune  dans 
une  entreprise  où  il  fiit  travailler  d'autres  ouvrieis  produit, 
mais  le  capitaliste,  qui  fournit  un  fonds  de  roidenienl  et  des 
instruments  à  C(îtle  entie|)iise,  et  rend  possible  la  noinelle 
façon  donnée  à  la  matière  i)ar  les  travailleurs,  contribue  à  la 
prodiicliou  ;  le  banquier,  en  contr(3lanl  la  sohabilité  des 
commerçants  et  des  fabricants  et  en  donnant,  par  sa  signa- 


lure,  la  circulation  à  des  billets  qui  sans  lui  resteraient  en 
portefeuille,  produit  encore. 

Main-d'œuvre,  transports,  commerce,  entreprises,  prêts 
ou  commandites,  opérations  de  change  et  d'escompte,  sont 
autant  de  formes  diverses  du   même  fait  économique,  la 

PRODUCTION. 

4°  Au-dessus  du  Travail,  du  Capital,  du  Commerce  ou  de 
l'Échange  et  de  leurs  innombrables  variétés,  il  y  a  encore  la 
Spéculation. 

La  Spéculation  n'est  autre  chose  que  la  conception  intel- 
lectuelle des  différents  procédés  par  lesquels  le  travail,  le 
crédit,  le  transport,  l'échange,  peuvent  intervenir  dans  la 
production.  C'est  elle  qui  recherche  et  découvre  pour  ainsi 
dire  les  gisements  de  ia  richesse,  qui  invente  les  moyens  les 
plus  économiques  de  se  la  procurer,  qui  la  multiplie  soit  par 
des  façons  nouvelles,  soit  par  des  combinaisons  de  crédit,  de 
transport,  de  circulation,  d'échange  j  soit  par  la  création 
de  nouveaux  besoins,  soit  même  par  la  dissémination  et  le 
déplacement  incessant  des  fortunes. 

Par  sa  nature,  la  spéculation  est  donc  essentiellement 
aléatoire,  comme  toutes  les  choses  qui,  n'ayant  d'existence 
que  dans  l'entendement,  attendent  la  sanction  de  l'expé- 
rience. 

Un  capitaliste  trouve  que  ses  fonds  placés  sur  hypothèque 
ne  lui  rendent  pas  assez.  11  passe,  avec  un  ou  plusieurs  ar- 
mateurs, un  contrat  par  lequel  il  leur  prêle,  sur  le  corps  des 
bâtiments  et  sur  leurs  cargaisons,  une  somme  considérable, 
en  convenant  que,  si  ces  objets  périssent,  le  capital  prêté 
sei-a  perdu  pour  lui;  si,  au  contraire,  ils  arrivent  à  bon  port, 
il  aura  une  part  do  50  0/0  dans  le  bénéfice  de  la  vente.  — 
C'est  ce  que  le  Code  de  commerce  nomme  Contrat  à  la 
grosse j  une  vraie  spéculation. 

Une  réunion  de  capitalistes  se  forme  en  société  anonyme, 
avec  approbation  et  sous  la  surveillance  de  l'État,  dans  le 
but  d'assurer,  moyennant  une  prime  de  2  pour  ICiOO,  les 
propriétaires  contre  les  risques  d'incendie.  Us  ont  calculé, 
d'après  la  moyenne  plus  ou  moins  exacte  des  sinistres  an- 
nuels, qu'à  ce  faible  taux,  insignifiant  pour  les  assurés,  les 


fonds  de  la  compagnie,  sans  cesser  tic  fonctionner  dans  d'an- 
tres entreprises  comme  capital,  ponvaient,  comme  enjeu 
d'une  opération  aléatoire,  rendre  50,  100  et  150  0/0  de  bé- 
néfice net  annuel.  —  Spccidalion. 

On  connaît  l'histoire  de  ce  fabricant  de  chapeaux  de  paille 
d'Italie,  qui  ofTrit  10,000  fr.  à  une  femme  de  chambre  de 
l'impératrice  Joséphine,  si  elle  parvenait  à  faire  porter  par 
sa  maîtresse  un  de  ses  chapeaux.  La  mode  en  effet  ne  tarda 
pas  à  s'en  répandre  parmi  toutes  les  dames  de  la  capitale,  et 
fît  la  fortune  de  l'industriel. —  Spéculation. 

Un  ingénieur  se  dit  que  s'il  trouvait  le  moyen  de  réduire 
de  4  kilogrammes  à  1,  par  heure  et  force  de  cheval,  la  dé- 
pense du  combustible  dans  les  machines  à  vapeur,  ce  serait 
comme  s'il  avait  découvert  une  mine  de  houille  dont  la  ri- 
chesse exploitable  serait  égale  à  la  quantité  de  charbon  qui 
se  fût  consommée,  en  plus  de  1  kilogramme  par  heure  et 
force  de  cheval,  dans  toutes  les  machines  h  vapeur.  11  dé- 
pense un  million  en  études  et  essais  :  réussira-t-il?  ne  réus- 
sira-t-il  pas?  Si  oui,  sa  fortune  peut  être  décuplée  :  si  non, 
il  perd  tout.  —  Spéculation. 

Dans  tous  ces  exemples,  la  Spéculation  est  éminemment 
productive,  non-seulement  pour  le  spéculateur,  mais  pour 
le  pulMic,  qui  participe  aux  résultats. 

Le  contrat  à  la  grosse  est  productif,  puisque,  s'il  ne  se 
trouvait  personne  pour  courir  le  risque  de  mer,  il  n'y  aurait 
pas  de  commerce  maritime. 

L'assurance  est  productive,  puisqu'elle  fait  disparaître 
presque  en  entier  les  dangers  de  l'incendie  en  les  distribuant 
sur  un  très-grand  nombre  de  propriétés. 

Le  pot-de-vin  payé  à  une  femme  de  la  cour  a  été  productif 
(nous  ne  parlons  pas  en  ce  moment  du  côté  moral  de  la  spé- 
culation, nous  y  viendrons  tout  à  l'heure),  puisqu'il  a  causé 
un  surcroît  de  production  dans  l'industrie  des  chapeaux. 

L'ingénieur-mécanicien  serait  iiroducleur  s'il  parvenait  h 
réaliser  sa  pensée;  il  produirait  trois  fois  autant  que  l'indus- 
trie minière,  puisqu'il  réaliserait  une  économie  de  combus- 
tible égale,  en  ce  qui  concerne  les  machines,  aux  trois  quarts 
de  la  consommation. 


La  Spéculation  est  prodiictiveencoredanslescassuivants  : 
Un  ôbénisto  fait  ouvrir  une  bille  do  palissandre  on  d'aca- 
jou.  Il  Ta  aclifléo,  à  ses  risques  et  pprils,  300  fr.  Si  le  hois 
est  sain,  tant  mieux  pour  lui;  s'il  est  gàlé  ou  de  qualité 
iiifi'iieuro,  tant  pis,  A  niestne  que  \c  trait,  de  scie  avance,  la 
sciure  paraissant  cire  de  bon  alni.  les  chances  d'un  marché 
avantaj^oux  se  cbanf^cnt  on  probabilités,  mais  pas  encore  en 
certitude.  Un  second  ébéniste  olbe  au  premier  100  fr.  de 
bénéfice  et  devient  acquéreur.  Le  même  jeu  se  répète  avec 
d'autres  avant  que  la  bille  soit  entièrement  refiuidue,  en 
sorte  qtie  le  dernier  acheteur  la  paye  600  fr.  La  [)ièce  de  bois 
n'a  pas  doublé  de  valeur,  sans  doute;  mais  elle  a  doublé  de 
prix,  et  ce  prix  s'est  réparti  entre  les  diflérents  propriétaires, 
de[)uis  le  premier  vendeur  jusqu'au  dernier  acheteur.  Cette 
répartition  est,  au  même  titre  que  le  transport  ou  l'échange, 
une  production. 

Un  marchand  de  vin  en  gros,  au  lieu  d'écouler  sa  mar- 
chandise au  prix  courant,  la  gard(>  en  cave  jusqu'à  ce  que  la 
tenue  de  la  vigne  fasse  augurer  favorablement  ou  défavora- 
blement de  la  récolte  pour  l'année  suivante.  Vient  une  gelée 
qui  compromet  la  pousse;  la  grêle  détruit  les  bourgeons; 
la  coidée  emporte  le  dernier  espoir  du  vigneron  :  le  vin  dou- 
ble de  prix.  Que  signifie  cela?  Que  la  consommation  de  l'an- 
née qui  suit  devra  être  eu  partie  couverte  par  la  récolle  de 
celle  qui  précède,  et  qu'à  défaut  di;  la  prévoyance  publique, 
le  spéculateur  a  pi  is  sur  lui  d'y  pourvoir.  C'est  donc  un  ser- 
vice qu'il  rend  tout  en  fiisanl  fortune  :  son  éfiargne  de\ient 
pour  tout  le  mondi;  prodiiclion.  —  Posons  le  cas  conlraire: 
la  veiidi'mge  s'annonce  sous  d'Iienreiix  ausiiicc^,  et  la  récolte 
dépasse  à  ia  fin  toutes  les  évaluations;  le  prix  des  vins  dimi- 
nue de  moitié.  Le  marchand  perd  dans  la  même  proportion 
qu'il  comptait  gagner.  Que  s'est-il  passé?  C'est  que  le  négo- 
ciant, en  ajournant  sa  vente, a  détruit  non  pas  la  moiliô  du 
vin  qui  était  dans  ses  caves,  mais  la  moitié  de  la  valeur  de 
ce  vin,  en  le  dérobant  à  la  coiisomiiialioa  (pii  le  réclamait. 
Sans  doute  on  peut  regretter  de  voir  le  bien-être  du  [teuple 
livré  ainsi  à  l'arbitraire  des  spéculateurs  :  c'est  une  question 
à  traiter  à  part.  Mais  autant  il  est  vrai  de  dire  qu'il  y  a  eu 


_-  7  - 

destruction  de  valeur  dans  le  second  cas,  autant  il  est  cer- 
tain qu'il  y  avait  protliiction  dans  le  premier. 

Un  armateur  de  Marseille  vient  do  recevoir  d'Oilessa  le 
connaissement  dune  cargaison  de  blé  qui  doit  lui  arriver 
sous  un  mois.  La  disette  sévit -,  les  céiéales  sont  en  hausse: 
transport  de  marchandises,  production.  Au  moment  où  le 
navire  entre  dans  le  port,  le  blé  a  été  vendu  et  revendu  cinq 
ou  six  (ois,  toujours  avec  profil  :  partage  de  béiicllies,  pro- 
duction. D;ms  rinterviille  du  débarquement,  le  gouverne- 
ment abaisse  les  droits  de  douane  et  de  péage  sur  les  blés, 
dont  le  prix  se  réduit  de  10  0,0.  I^'afîaire  devient  mauvaise 
|)0ur  le  dernier  s|)écidateur,  qui  s'est  trop  aventmé  et  qui 
paye  |)om'  tous  :  destruction  de  valeur  entre  ses  mains,  par 
conséquent  démonstration  de  la  productivité  spéculatrice 
chez  ses  confrères. 

La  plus  gigantesque  spéculation,  financière  et  mercan- 
tile, dont  il  soit  parlé  dans  l'histoire  est  peut-être  celle  de 
l'Écossais  Law.  La  Compagnie  des  Indes,  fondée  p;ir  lui  en 
1717,  devait  embrasser  à  la  fois  les  opéiaiions  de  bancjue,  le 
commerce  de  la  Chine,  de  l'Inde,  de  lAfiiipie  et  de  l'Amé- 
rique; la  ferme  de  l'impôt,  la  ferme  des  tabacs,  le  rembour- 
sement de  la  dette  publique  ^  finalement  la  substitution  du 
papier,  en  guise  de  monnaie,  aux  écus.  Aucune  des  parties 
de  cette  vaste  entre|>rise  n"im[)lique  en  soi  triuipossibdité; 
rien  de  plus  logique  que  leur  systématisation:  et  quanta 
l'idée  de  remplacer,  dans  les  transactions,  les  métaux  pré- 
cieux par  un  titre  en  papier,  revêtu  du  sceau  de  1  État  et  de 
l'acceptation  nationale,  on  peut  aflirmer  aujouKlbui  que  si 
la  pratique  ne  l'a  p.is  cncoie  ré.disée,  ce  n'en  est  pas  moins 
une  vérité  démontrée  aux  yeux  de  la  science.  Il  est  clair  que 
si  le  projet  de  Law  avait  pu  être  mené  à  bien,  le  gouverne- 
ment atuait  pu  remboiu'her,  avec  avantage  poiu'  eux,  les 
inscriptions  de  ses  créanciers  en  actions  d.;  la  compagnie, 
et  (pi'(;nsMite  la  rcnliée  du  numéraire  dans  les  caisses  de 
l'Étal  lui  aiuait  constitué  profil  ni-t  de  la  totalité  des  espèces. 
Le  succès  ne  répondit  [>oint  à  la  hardiesse  du  plan  :  un  agio- 
tage ellréné,  lignorance  universelle,  le  mauvais  vouloir  des 
financiers  et  du  parlement,  la  précipitation  du  fondateur, 


—  8  — 

firent  avorter  une  combinaison  que  la  postérité  est  loin, 
quant  au  tond,  d'avoir  condamnée.  Toutefois  le  désastre  de 
1720-21  ne  fut  pas  sans  compensation  :  un  déplacement 
énorme  de  capitaux  avait  eu  lieu;  tandis  qu'une  noblesse 
dépravée  engloutissait  dans  ses  portefeuilles  les  actions  du 
Mississipi,  son  or  et  ses  biens  passaient  aux  mains  des  rotu- 
riers et  allaient  donner  à  l'industrie,  à  l'agriculture  et  au 
commerce  un  surcroit  de  fécondité. 

Ainsi  donc  la  Spéculation  est,  à  proprement  parler,  le 
génie  de  découverte.  C'est  elle  qui  invente,  qui  innove,  qui 
pourvoit,  qui  résout,  (jui,  semblable  à  l'Esprit  infini,  crée  de 
rien  toutes  choses.  Elle  est  la  faculté  essentielle  de  l'écono- 
mie. Toujours  en  éveil,  inépuisable  dans  ses  ressources,  mé- 
fiante dans  la  prospérité,  intrépide  dans  les  revers,  elle 
avise,  conçoit,  raisonne,  définit,  organise,  commande,  légi- 
fère; te  Travail,  le  Capital,  le  Commerce  exécutent.  Elle 
est  la  tête,  ils  sont  les  membres;  elle  marche  en  souveraine, 
ils  suivent  en  esclaves. 

Son  action  est  universelle.  Le  premier  qui  laboura  un 
champ,  qui  enferma  du  bétail  dans  un  parc,  qui  fil  fermenter 
du  jus  de  pomme  ou  de  raisin,  qui  creusa,  au  moyen  de  la 
flamme,  un  canot  dans  un  tronc  d'arbre,  fut  tout  autant 
spéculateur  que  celui  qui,  longtemps  après,  imagina  la 
monnaie  ou  la  lettre  de  change. 

La  politique  elle-même  est  une  variété  de  la  Spéculation, 
et,  comme  telle,  une  variété  de  la  production. 

Ce  fut  une  grande  et  belle  spéculation  que  celle  qui  fit 
nommer  les  rois  de  Macédoine  généralissimes  de  la  Grèce 
contre  la  Perse,  et  qui,  par  ce  moyen,  assura  la  prépondé- 
rance de  l'Europe  sur  l'Asie,  fit  jouir  de  l'ordre  et  de  la  paix 
les  républiques  helléniques,  et  prépara  la  voie  au  christia- 
nisme. 

César  ne  fut  pas  moins  heureux  spéculateur  à  son  tour, 
lorsque,  reprenantlesprojets  d'Alexandre  et  les  agrandissant 
encore,  il  opposa  k  régoïsme  des  patriciens  de  Rome  l'inté- 
rêt des  provinces  soumises,  et  fonda,  sur  l'admissibilité  de 
tous  les  peuples  au  droit  de  cité,  la  puissance  impériale. 


—  9    — 

2.  Pes  abus  de  la  Spéculation. 

Toute  chose  a  son  mauvais  côté,  toute  institution  ses  abus, 
tout  avantage  traîne  après  soi  ses  inconvénients. 

C'est  le  travail  qui  a  fait  imaginer  l'esclavage;  et  tout  le 
monde  sait,  sans  que  nous  ayons  besoin  de  le  redire,  quelles 
misères  engendrent  de  nos  jours  le  service  des  machines,  la 
division  parcellaire,  les  métiers  insalidires,  les  séances  ex- 
cessives, Texploitation  immorale  de  l'enfance  et  du  sexe. 
Après  la  tyrannie  des  maîtrises  et  des  jurandes,  détruites  en 
89,  les  tortures  de  la  concurrence  et  les  ignominies  du  sala- 
riat :  tel  est  l'apanage  du  travailleur. 

Le  Crédit  semble  avoir  pour  corrélatif  obligé  l'usure  :  et  ce 
n'est  pas  le  moindre  vice  qui  déshonore  la  prestation  des 
capitaux.  Le  prix  excessif  des  loyers,  surtout  à  Paris,  est 
une  plaie  sur  laquelle  il  serait  presque  séditieux,  en  ce  mo- 
ment, de  nous  arrêter. 

Le  Commerce,  de  son  côté,  ne  se  contente  pas  du  prix  de 
ses  transports,  de  ses  commissions,  de  la  prime  due  aux 
risques  qu'il  court  ou  du  produit  légitime  de  ses  découvertes, 
il  lui  fjut  encore  le  privilège,  le  monopole,  la  subvention, 
la  prime,  la  contrefaçon,  la  fraude,  raccaparement... 

La  Spéculation  ne  [)Ouvait  échapper  à  la  commune  loi  :  et 
comme  les  pires  abus  sont  ceux  qui  s'attachent  aux  meil- 
leures choses,  corruptio  optimi  pessima,  c'est  sous  le  nom 
de  Spéculation  que  le  parasitisme,  l'intiigue,  l'escroquerie, 
la  concussion  dévorent  la  richesse  publique  et  entretiennent 
la  misère  chronique  du  genre  humain. 

La  Spéculation,  avons-nous  dit,  est  essentiellement  aléa- 
toire. Toute  combinaison  industrielle,  linancière  ou  com- 
merciale, emporte  avec  elle  un  certain  risque  ^  par  consé- 
quent, à  côte  de  la  rémunération  d'un  service  utile,  il  y  a 
toujours,  ou  presque  toujours,  un  bénétice  d'agio. 

C'est  cet  agio  qui  sert  de  prétexte  ou  d'occasion  à  l'abus. 

En  tant  quil  sert  de  compensation  au  risque  que  toute 
spécidation  productive  emporte  avec  elle,  l'agio  est  légitime. 
Recherché  pour  lui-même,  indépendamment  de  la  produc- 

1. 


—  lo- 
tion spéculative,  l'apjio  pour  l'agio  enfin,  il  rentre  dans  la 
catégorie  du  pari  ol  du  jeu,  pour  ne  pas  dire  de  l'escroquerie 
et  du  vol  :  il  esl  illicitt'  el  immor.d.  La  Spéculnliou  ainsi 
entendue  n'est  plus  que  l'ai  I,  lonjours  tliamcux  tep<!ndant, 
de  s'enrirliir  sans  travail,  sans  cajjilal,  sans  conunerc-e  el 
sans  génie;  le  secret  de  s'appro|)rier  la  fortune  publique  ou 
celle  des  particuliers  sans  donner  aucun  équivalent  en 
échange  :  c'esl  le  chancre  de  la  production,  la  peste  des  so- 
ciétés et  des  Étals. 

Faisons-la  coiuiaître  par  quelques  exemples. 

Le  jen  el  le  pari  sont  la  forme  la  plus  simple  de  la  Spécu- 
lation agioteuse  entièrement  dépourvue  de  productivité  et 
dulililé,  mais  non  encore  tout  à  fdit  criminelle.  Un  certain 
nombre  de  per.-onnes  se  rénnissent  dans  un  salon,  autour 
d'une  table,  entassent  sur  le  tapis  de  l'or  et  des  bank  noies, 
parient  pour  la  ronge  ou  la  noire,  on  mettent  lenrs  enjeux 
sur  un  coup  de  dés,  sur  un  coup  de  cartes.  Le  hasard, 
aveugle  on  intelligent,  caresse  celni-ci,  maltraite  celui-là. 
I/nn  s'en  va  ruiné,  l'autre  se  retire  avec  un  lé.^er  bénéfice, 
un  troisième  a  fait  fortune.  Qii'ont-ils  proiliiit  tous?  Nous 
supposons  (pic  la  pnrtie  s'est  jouée  le  plus  loyalement  du 
monde  :  qu'oiil-ils  fait  produire  à  leurs  capitaux,  à  leur  in- 
telligence? Quelle  valeur  ont-ils  conquise?  Absolument  au- 
ciuk;.  Des  millions  amont  pu  être  jetés  sur  le  tapis,  sans 
(pi'ils  aient  produit  la  moindre  utilité  nouvelle  :  tout  au 
jdiis  auront-ils  changé  de  |)ropriélaire. 

Des  amateurs  de  l'espèce  chevaline  élèvent,  à  grands  frais, 
des  étalons  et  des  juments  pour  les  courses.  Le  [irix  d'entrée 
pour  courir  est  de  1,000  fr.  Ce  luxe  peut  avoir  son  utilité 
pour  l'amélioration  de  l'espèce,  qui  est  une  partie  de  la 
richesse  nationale.  JMais  les  paris  qui  s'engagent,  en  dehors 
du  cercle  des  éleveurs,  entre  les  spectateurs  désintéressés, 
à  quoi  servent-ils.^  Jeu  pur,  qui  n'a  d'autre  (fTet  que  de  dis- 
traire l'intelligence  des  parieurs,  et  qui,  s'il  se  propageait 
dans  la  nation,  entraînerait  dans  la  production  un  déficit 
notable. 

Un  individu,  qui  n'est  ni  industriel,  ni  commerçant,  qui 
se  garderait  fort  d'aucune  entreprise  sérieuse,  parie  que  le 


—  11  — 

prix  du  pain,  aujourd'hui  de  50  conlimos  le  kilogramme, 
sera  l'hiver  prochain  à  60; — que  cehii  des  vins  dépassera, 
apiùs  vendange,  40  francs  riiectolilre,  franc  de  droits;  — 
que  tel  navire,  chargé  de  colon  et  attendu  au  II. ivre  le 
1**"  décembre,  ne  sera  pas  arrivé  en  janvier.  De  quoi  se  mêle 
ce  brouillon?  Qu'il  perde  ou  qu'd  gagne,  qu'en  p(MJt-il  résul- 
ter pour  le  commerce?  Qu'est-ce  que  cela  fait  à  la  forlunc 
publique?  Bien  plus,  n'y  a-t-il  pas  déjà  quelque  cliose  de 
répréhensible  à  venir  ainsi,  sans  l)ul,  s.ms  utilité,  sans  motif 
séiieux,  jeler  le  trouble  dans  les  transactions? 

Les  capitaux,  comme  toute  espèce  de  marchandises,  sont 
soumis  à  l'olTrc;  et  la  demande,  et  subissent  les  oscillations 
du  crédit.  Il  est  donc  tout  naturel  et  tout  simple,  loisque 
le  commerce,  l'industrie  ou  l'hypothèque  offrent  à  l'arjzent 
5  et  6  0;0  d'intérêt,  que  les  ciéamiers  de  l'Élal  vendent 
leurs  titres,  et  cherchent  à  placer  ailleurs  des  capitaux  qui, 
engagés  dans  les  fonds  publics,  ne  rapporteraient  (pie  4.  Pa- 
reillement, si  l'argent  regorge  sur  le  niar(  hé,  ou  si  le  com- 
merce et  l'industrie  n'olTrent  pas  au  ca|iilaliste  ime  sécurité 
suffisante,  il  est  naturel  encore  qu'il  reporte  ses  fonds  sur 
l'État,  et  qu'il  achète  des  renies.  Dans  le  premier  cas,  les 
fonds  |)ul)lics  seront  en  baisse,  ce  qui  sera  un  signe  de  pros- 
périté générale;  dans  le  second  ils  seront  en  hausse,  ce  qui 
témoignera  du  défaut  de  confiance.  S'il  y  a  hausse  partotit 
à  la  fois,  c'est  que  le  capital  surabonde,  et  que  l'olTie  *iu  dé- 
tenteur dépasse  la  demande  de  l'entrepreneur.  Telle  est  la 
signification  normale  des  mouvements  de  la  Bourse,  en  ce 
qui  concerne  les  fonds  publics. 

Mais  l'agiotage  vient  dénaturer  cette  signification,  au 
point  que  le  rapport  est  changé  du  tout  au  tout,  et  que  dans 
l'immense  majorité  des  cas,  baisse  de  la  rente  à  la  Bourse 
signifie  affaires  mauvaises;  hausse  de  la  rente,  au  contraire, 
bonnes  alTaires,  tant  pour  le  pays  que  pour  le  gouvernement. 
La  raison  de  celte  anomalie  fst  qu'au  lieu  do  voir  dans  la 
dette  puitlique  un  déversoir  assuré  des  ca|iilau.\  disponibles, 
on  s'est  habitué  à  considérer  l'État  lui-même  comme  un 
grand  entrepreneur  de  commerce,  industrie,  banque,  salu- 
brité, sécurité,  etc.,  dont  le  crédit  monte  ou  descend,  sui- 


_  12  — 

vaut  que  ses  opérations  paraissent  pins  ou  moins  avanta- 
geuses et  plausibles,  et  qui,  par  l'importance  de  ses  affaires, 
par  la  solidarité  qu'ils  imposent  au  pays,  domine  et  gouverne 
le  marché. 

Un  particulier  se  rend  à  la  Bourse,  le  4  1/2  étant  à.  90  fr. 
Il  oITre  de  livrer  fin  courant  pour  100,000  fr.  de  rentes  de 
cette  valeur  à  89  fr.,  c'est-à-dire  qu'il  parie,  en  se  fondant 
sur  n'importe  quelles  conjectures,  que  la  rente  4  1/2,  qui 
dans  ce  moment  est  à  90,  sera  descendue  fin  courant  à  88. 
En  conséquence,  il  s'engage  à  livrer  à  la  même  époque  à 
89  :  différence,  1  fr.,  qui  constitue  le  bénéfice  de  son  pari. 
Certes,  c'est  déjà  une  chose  profondément  irrégulière,  im- 
morale, désastreuse-,  une  chose  qui  accuse  à  la  fois  l'organi- 
sation politique  du  pays,  la  moralité  et  la  capacité  du  pou- 
voir, que  cet  enchaînement  de  la  fortune  et  de  la  sécurité 
des  citoyensaux  décisions  ministérielles,  et  celte  assimilation 
des  actes  du  souverain  au  tirage  d'une  loterie.  Il  est  évident 
(pie  de  semblables  paris,  non-seulement  ne  contiennent  en 
eux-mêmes  aucim  élément  d'utilité,  de  productivité  ou 
d'économie,  mais  qu'ils  sont  souverainement  contraires  à  la 
tenue  des  opérations  réelles,  et  destructifs  de  toute  spécu- 
lation sérieuse. 

Allons  au  fond,  et  nous  découvrirons  bientôt  que  ce  pari, 
cette  spé(  ulation  de  Bourse,  qui,  abstraction  faite  des  inlé- 
rêtsqu'ellecompromet,  pouvaitjusqu'àcertain  point  paraître 
innocente,  n'est  le  plus  souvent  qu'une  violation  de  la  foi 
publique,  un  abus  du  secret  de  l'État,  une  trahison  envers  la 
société. 

Un  ministre,  dont  la  fortune  personnelle  se  compose  de 
50,000  livres  de  rentes  en  placement  sur  l'État,  sait,  de 
source  certaine,  qu'il  existe  entre  le  gouvernement  dont  il 
fait  partie  et  une  puissance  étrangère  telle  difficulté  diplo- 
matique de  laquelle  sortira  infailliblement  une  déclaration 
de  guerre.  Il  met  sa  fortune  à  l'abri,  en  vendant  à  92  des 
rentes  qu'il  sait  devoir  descendre  dans  cinq  ou  six  semaines 
à  85.  Un  pareil  acte,  de  la  part  d'un  ministre,  est  une  lâcheté, 
une  désertion.  Il  fait  plus  :  non  content  de  sauver  par  une 
félonie  ses  propres  capitaux,  il  joue  à  la  baisse  sous  le  cou- 


—  13  — 

vert  impénétrable  d'un  agent  de  change,  et  réalise  en  quinze 
jours  plusieurs  millions.  C'est  un  vol  commis  de  nuit,  en 
maison  habitée,  avec  préméditation  et  guet-apens.  Mais  le 
secret  de  l'agent  de  change  lui  est  assuré,  et  puis,  comme 
dit  Gilbert, 

Il  est  puissant  :  les  lois  ont  ignoré  son  crime  ! 

Le  monde  boursier  admet,  tolère,  excuse  ou  pardonne  de 
tels  actes.  Ce  n'est  plus  de  la  trahison  ;  cela  s'appelle  eu- 
phémiquement  spéculation. 

La  plupart  des  spéculations  de  Bourse,  qu'elles  aient  pour 
objet  les  fonds  publics  ou  les  valeurs  industrielles,  reposent 
aujourd'hui,  soit  sur  des  évenlualilés  plus  ou  moins  ingé- 
nieusement calculées,  et  dont  la  cause  première  est  généra- 
lement l'État  5  soit  sur  des  secrets  dérobés  aux  compagnies 
ou  à  l'État;  soit  enfin  sur  la  faveur,  l'indiscrétion,  la  con- 
nivence ou  la  vénalité  présumée  des  administrateurs  de 
compagnies  et  des  fonctionnaires  de  l'État.  A  celte  heure  la 
spéculation  n'est  plus  un  jeu  où  chacun  a  le  droit  de  faire 
tout  ce  que  la  loi  ne  défend  pas,  et  de  corriger,  autant  que 
le  permet  la  prudence,  les  caprices  du  hasard.  C'est  une 
réunion  de  tous  les  délits  et  crimes  commerciaux  :  charlata- 
nisme, fraude,  monopole,  accaparement,  concussion,  infidé- 
lité, chantage,  escroquerie,  vol. 

Le  gouvernement  met  en  adjudication  le  chemin  de  fer  de 
Paris  à  ***.  Plusieurs  sociétés  se  présentent  en  concurrence 
pour  obtenir  celle  concession.  Au  lieu  de  soumissionner  au 
rabais,  elles  conviennent,  la  veille  des  enchères,  de  ne  dé- 
poser entre  elles  toutes  qu'une  seule  soumission  et  de  se  par- 
tager le  lendemain  les  actions.  Elles  obtiennent  ainsi  un 
bail  de  99  ans,  quand  par  une  concurrence  sincère  il  aurait 
pu  n'être  que  de  50.  —  C'est  une  coalition,  aux  termes  de  lu 
loi  :  011  nomme  cela,  dans  le  monde  honnête,  spéculation. 

D'après  les  études  publiées  par  les  journaux,  le  rendement 
de  ce  chemin  ne  sera  pas  moindre  de  10  à  15  0/0.  Les  ac- 
tions s'élèvent  aussitôt  de  500  à  1,000  fr.;  les  premiers 
souscripteurs  vendent  et  réalisent  ;  rex[)érience  demonlie 


_  14  — 

ensuite  que  le  rendement  de  la  voie  n'est  que  de  7  l/'2  0/0. 
Les  adjons  tombent  de  1,000  à  650  :  différence  350  par 
action  que  perdent  les  acquéreurs  et  seconds  actionnaires. 
—  (IhaiiHlanerie  macairienne:  spéculation! 

Après  la  révolulion  de  1848,  il  fut  longtemps  question 
d'annuler  la  concession  du  chemin  de  fer  de  Lyon.  La  com- 
pagnie n'avait  pu  fournir  son  cautionnement,  elle  était  dans 
l'impossibilité  d'exécuter,  et  sollicitait  l'annulation  de  ses 
engagements.  Les  actions  lombèient  au  plus  bas.  Grâce  à 
l'Assemblée  législative,  qui  prit  Taffaire  en  main,  un  nou- 
veau cahier  des  charges  fut  rédigé,  de  nouvelles  conventions 
faites,  une  loi  votée  par  les  représentants  dn  pays.  Le  len- 
demain du  vote,  les  actions  haussaient  dans  une  seule 
Bourse  de  400  fr.  —  Abus  des  influences  :  spéculation! 

Depuis  le  2  décembre  1851,  les  chemins  de  fer  ne  se  don- 
nent plus  par  adjudication,  mais  par  concession  directe.  Les 
coalitions  entre  compagnies  soiunissionnaires  étant  deve- 
nues im|)ossibles,  le  génie  spéculatif  s'est  reporté  tout  entier 
sur  la  sollicitation.  Or,  il  est  bien  diffiiile,  quelle  que  soit 
l'intégrité  des  déjiosilaires  du  pouvoir,  qu'ils  échappent  aux 
filets  des  soi-disants  spéculateurs.  Supposons  qu'ils  tiouvent 
moyen  de  se  faire  appuyer  auprès  du  prince  par  les  représen- 
tants plus  ou  moins  accrédités  d'un  gouvernement  ami.  — 
Inî ligue  diplomalicpie  :  spé(  nlation  ! 

Une  compagnie  de  chemin  de  fer  achète  la  batellerie  des 
rivières  el  canaux  qui  |)Ourraient  faire  à  sa  ligne  une  con- 
currence dangereuse,  pour  le  transport,  soit  des  marchan- 
dises, soit  des  voyageurs.  Le  prix  du  matériel  est  de  10  mil- 
lions. Or,  //  nestpasj.ernusà  tout  l,c  monde  d'aller  à  Corinlhe, 
disait  Démosthène.  Un  capital  de  10  millions  ne  se  souscrira 
pas  en  un  jour,  surtout  en  présence  de  la  rivalité  d'un  che- 
min de  fer.  La  navigation  est  anéantie:  le  public,  dépouillé 
d'une  industrie  précieuse,  est  rançonné.  —  Monopole  :  spé- 
culation ! 

Une  compagnie  s'était  formée  pour  l'exploitation  d'une 
industrie  minéralogique.  Les  bénéfices  de  la  fabrication  ne 
paraissant  point  à  cette  compagnie  assez  considérables,  elle 
songe  à  se  faire  acheter,  avec  indemnité,  par  l'État.  En  con- 


—  15  — 

séquence,  elle  sollicite,  sous  mnin,  par  dos  voies  détournées, 
la  suppression  ccnôrale  de  son  imlnslrie,  sous  prélexledin- 
salnhrilé;  il  s'en  r.nil  de  peu  qu'un  décret,  |)i()non(,anl  à  la 
fois  la  >uppri'ssion  de  toute  une  briuichc  de  travail  el  l'in- 
demnilé  de  ces  agioteurs,  ne  soil  rendu...  Si  ce  plan  eût 
réussi,  la  com|)ngnie  rénli-ail,  outre  son  capital,  un  bénédce 
de  quelques  millions.  —  Hypocrisie,  philanlliropie,  sacrifice 
de  la  fortune  |)ublique  :  s|»ccidation! 

Un  particulier,  qui  com|)le  sa  fortune  par  millions,  s'avise 
un  jour  d'à  lielcr  tons  les  cuivies,  au  furet  à  mesure  de  l'ex- 
traction, il  est  le  maître  du  marché,  et  comme  l'industrie 
ne  peut  se  passer  de  enivre,  elle  est  forcée  de  payer  de  25  à 
50  0/0  de  piime.  —  Accaparement  :  spéculation  ! 

llnv.  maison  de  banque  fait  mieux  encore  :  cHe  se  rend 
pro|)riéiaire  des  mines  de  mercure,  métal  indis|>ensable  à 
loxploitation  des  minerais  d'or  et  daigent.  Par  cette  pro- 
p  i(''lé  iuviol.djle,  ladite  maison  prélève,  outre  le  prix  nor- 
mal du  mercure,  un  droit  de  10  0/0  sur  rexlracliou  dî-'s  mé- 
taux pré(-ieux.  —  Aliénation  liu  douiaiue  public  ;  spéculatio  i  î 

Un  juif,  qui  en  était  encore  à  {gagner  ses  itrcrniers 
100,000  fr.,  l'onde,  dans  une  grande  ville,  un  journal.  Dans 
la  partie  nécrologique,  il  s'avise  de  publi(>r,  sous  prétexte  de 
stalislicpie  médicale,  à  côlédu  nom  de  chaque  personne  dé- 
cédée, l(!  genre  de  maladie,  le  mode  de  traitement,  avec  le 
nom  et  l'adresse  du  méd(îcin.  AussitcM  la  savante  corpora- 
tion s'empresse  dimjioser  silence  au  malcncontieux  révéla- 
teur, moyeimant  une  grosse  indemnité.  Un  pareil  homme 
ne  pouvait  manquer  de  devenir  millionnaire.  —  intimida- 
tion ou  chantage  :  spéculation  ! 

Il  dépend  d'un  minisire,  el  de  son  rapport  pinson  moins 
véridicpic  el  fivorable,  que  telle  mine  soit  concédée  à  une 
compagnie  de  capitalistes,  en  instance  auprès  du  gouverne- 
ment. H  sait  (]>ie  celte  concession,  que  la  loi  l'oblige  de  faire 
gratuitement,  fera  gagnera  la  compagnie  impéiraute  10  mil- 
lions. I.e  mini.-tre  laisse  l'alfaire  en  soulliance,  jus(|u'au 
jotu'  où  un  agent  de  la  couipjignie  dépose  sur  sa  cheminée  un 
portefeuille  contenant  100  billets  de  1,000  fr.  —  Concus- 
sion :  spéculation  ! 


—  16  — 

Diverses  sociétés  se  forment  pour  le  percement  de  puits 
dans  un  bassin  houiller  qu'on  sait  être  fort  riche,  mais  jus  • 
qu'à  ce  moment  à  peine  exploité.  Certes,  c'est  une  richesse 
qu'elles  vont  mettre  au  jour,  une  valeur  immense  qu'elles 
vont  créer.  Pour  assurer  au  public  le  bénéfice  d'une  partie 
de  cette  richesse,  le  gouvernement  établit  certains  droits 
sur  l'extraction,  tant  au  profit  de  l'État  qu'en  faveur  des 
propriétaires  superficiaires;  de  plus  il  défend,  à  peine  de 
révocation,  ragglomcration,  soit  par  vente,  soit  par  fer- 
mage, des  mines.  Mais  si  le  formage  et  la  vente  des  conces- 
sions minières  sont  interdits,  lassocialion  ne  l'est  pas.  Une 
grande  compagnie  charbonnière  se  forme  donc  entre  les  so- 
ciétés concurrentes,  pour  l'exploitation  unitaire,  la  vente  et 
la  hausse  du  prix  des  houilles;  et  il  y  a  tant  d'intérêts  res- 
pectables, politiques,  diplomatiques,  judiciaires,  parlemen- 
taires, engagés  dans  l'association,  que  le  gouvernement  n'a 
jamais  su  y  trouver  remède.  —  Association,  réunion,  parti- 
cipation, entente,  concert  ou  tout  ce  qu'on  voudra,  c'est-à- 
dire  art  d'éluder  la  loi  :  spéculation! 

D'autres  compagnies,  qui  ont  obtenu  des  concessions 
distinctes  de  canaux,  de  chemins  de  fer,  s'entendent,  mais 
cette  fois  avec  approbation  du  gouvernement,  non  pas  pré- 
cisément pour  améliorer  le  service  des  transports  ou  en  di- 
minuer le  tarif,  mais  afin  d'en  relever  et  maintenir  les  prix. 
Pour  plus  de  sûreté,  après  avoir  lixé  l'apport  et  le  revenu  de 
chacune,  elles  se  groupent  sous  une  administialion  centrale 
et  confondent  leurs  intérêts.  On  ne  voit  pas  pourquoi  la  lé- 
gislation  anti-unitaire  des  mines  ne  s'appliquerait  pas  aux 
chemms  de  fer,  ni  ce  que  le  public  gagne  à  cette  fusion; 
mais  il  est  sûr  que  le  profit  des  compagnies  s'en  augmente. 
—  Spéculation  I 

Une  institution  de  crédit,  sous  la  forme  d'une  société 
anonyme,  s'établit  pour  l'achat  et  la  vente  des  actions 
industrielles.  Les  administrateurs  de  cette  société,  devenus 
les  patrons  obligés  de  toutes  les  entreprises,  profitent  de 
leur  position  pour  se  faire  offrir  de  tous  côlcs  des  actions 
qu'ils  reçoivent,  comme  simples  particuliers,  au  pair  ou 
même  en  baisse,  et  qu'ils  s'achètent  ensuite  à  eux-mêmes, 


—    17  — 

en  leur  qualité  d'administralciirs  de  la  société,  au  nom, 
pour  compte  et  avec  les  fonds  de  cette  société,  à  100,  150, 
200  fr.  de  prime.  —  Confusion  d'attributions,  infidélité: 
spéculation! 

Une  compagnie  se  forme,  au  capital  de  60  millions,  pour 
la  construction  d'un  chemin  de  fer  d'une  longueur  de  120  ki- 
lomètres, tous  frais  de  matériel,  gares,  emhaicadères,  sta- 
tions, etc.,  compris.  A  500,000  fr,  par  kilomètre,  c'est  cher  : 
mais  on  est  au  début  de  ces  entreprises  gigantesques;  le 
public  est  enivré;  on  s'arrache  les  actions,  on  jette  l'argent 
par  les  fenêtres.  Cependant,  au  lieu  de  60  millions,  la  voie 
en  coûte  96,  —  soit,  par  kilomètre,  806,000  fr.  Il  se  trouve 
que  les  fondateurs,  administrateurs,  directeurs,  gérants, 
inspecteurs  et  patroneurs  de  la  compagnie  sont  en  même 
temps,  pour  son  compte,  entrepreneurs  de  terrassements, 
viaducs,  tunnels,  fournisseurs  de  rails,  traverses  et  coussi- 
nets, constructeurs  de  locomotives,  etc.  Les  marchés  qu'ils 
passent,  pour  ces  objels  divers,  au  nom  de  la  compagnie,  et 
en  qualité  de  ses  fondés  de  pouvoirs,  ils  les  signent  comme 
partie  contractante  avec  cette  même  compagnie,  chose  per- 
mise, quand  elle  n'est  pas  expressément  défendue,  par  le  sys- 
tème de  société  anonyme.  —  Cumul,  collusion  :  spéculation  ! 

Une  société  en  commandite  s'annonce  au  public,  sous  le 
patronage  le  plus  respectable  et  avec  les  plus  beaux  rapports 
d'ingénieurs,  pour  l'exploitation  d'une  mine.  Les  actions 
gagnent,  en  quelques  semaines,  100  0,0;  les  concession- 
naires ou  leurs  ayants  droit,  ainsi  que  les  premiers  sous- 
cripteurs d'actions  qui  ont  monté,  de  connivence  avec  eux, 
l'entreprise,  réalisent  vite-,  puis,  quand  arrivent  les  fouilles, 
on  s'aperçoit  que  la  couche  est  bouleversée,  inexploitable. 
On  s'est  trompe!  Affaire  nulle!  les  actions  valent  zéro.  Ren- 
dez l'argent  alors,  dirait,  en  s'appuyant  sur  la  loi  de  1810, 
le  sens  commun.  —  Non,  répondent  les  compères;  l'exploi- 
tation d'une  mine  est  une  entreprise  aléatoire  :  la  chance, 
qui  pouvait  être  pour  vous,  a  tourné  contre  vous;  vous 
n'avez  pas  droit  de  vous  plaindre.  —  Mystification,  escroque- 
rie, ma  ca  iris  me  :  spéculation! 

Le  besoin  se  fait  sentir  d'une  communication  directe  et 


—  18  — 

rapifle  entre  l'Europe  orcidenfale  ot  les  ports  opposés  de 
l'Amériqno.  Une  rompngnie  pnissante,  palronée  el  romman- 
diiée  pal'  lÉlat.  peut  soiilc  exocnler  un  pareil  servie  e.  Que 
le  gonvemcrrient  Lii  garanlisse  une  subvention  annuelle  de 
10  ou  12  millions  par  an,  elle  sera  hienlôl  formée.  10  mil- 
lions par  an!  il  y  n  de  quoi  dolor  vini^t  mille  rosières!,...  Les 
ports  de  lOcéan  et  de  la  Méditerranée,  les  chambres  de 
commerce,  les  mniiicjpalilés,  les  conseils  généraux,  les  sé- 
nateurs, le^  armateurs,  les  nigénieurs,  les  journalistes,  un 
tiers  de  la  France,  se  mot  on  mouvement  pour  avoir  part  à 
l'immense  curée.  La  solli(  ilation  arrive  des  quatre  points 
cardinaux  au  ministère,  d'autant  plus  effionlée  qu'au  mo- 
ment même  oîi  les  solliciteurs  demandent  protection  pour 
la  marine,  ils  prêchent  le  libre-échange  pour  tout  le  reste. 
—  Favoritisme,  dilapidation,  corruption  :  spéculation  ! 

Telle  est,  en  général,  la  spéculation  abusive  :  elle  se  mul- 
tiplie sous  mille  formes,  s'attache  au  travail,  au  capital  et 
au  commerce,  dont  elle  s'approprie  le  plus  clair,  le  plus  net 
et  le  plus  beau;  elle  singe  et  déshonore  la  spéculation  utile, 
dont  les  j)oursuivants  généreux  et  modestes  ne  lecueillent 
trop  souvent  pour  récompense  que  la  misère,  tandis  que  les 
amants  éhontés  de  Taulre,  insultant  à  la  morale  publique, 
nagent  dans  les  honneurs  et  l'opulence. 

Il  ne  faut  [)as  confondre  les  abus  de  la  spéculation  avec  ses 
erreurs  :  les  premiers,  ainsi  que  nous  venons  de  le  faire  voir, 
sont  essentiellement,  l'œuvre  du  parasitisme  et  de  la  fiaude, 
justiciables  de  la  police  correctionnelle  et  des  cours  d'assises; 
les  seconds  ne  sont  que  les  mécomptes  dune  intelligence 
entreprenante,  mais  peu  éclairée  et  malheureuse. 

Un  perruquier,  qu'enflamme  l'exemple  d'Aïkwrighlet  que 
séduit  la  déiouvei  le  de  MontgoKier,  s'imagine  avoir  résolu 
le  problème  de  la  direction  des  aéroslals;  il  quille  tout  pour 
suivre  son  idée,  engage  son  mobilier,  fait  apptd  à  la  bourse 
de  ses  amis,  ouvre  des  souscriptions,  lan<  e  des  armonces, 
gagne  la  confiance  de  riehes  amateurs  et  en  obtient  des 
sommes  considéiables,  dont  tout  le  fruit,  après  de  ridicules 
essais,  est  une  démonstration  nouvelle  de  rimpossibilité  de 
l'entreprise. —  Voilà  une  erreur  de  spéculation. 


—  19  — 

La  liste  des  brevets  d'invention  que  délivre  chaque  année 
le  ponvernrînont,  mais  sanfi  garantie  de  sa  part,  n'est,  pntir 
les  quatre  cinquièmes,  que  la  listr  des  fausses  spécnlalions 
qu'enfante  inccssnmnicnt  le  génie  industriel.  Mais  celte 
exubérance  de  déconverles  est  comme  la  fimiée,  qni  recèle 
dans  ses  tourbillons  la  flamme  :  si  le  plus  souvent  elle  n'ap- 
porte (jue  la  ruine  à  ses  auteius,  elle  est,  ponr  la  société,  la 
coiulilion  nécessaire  du  progiès,  et,  à  ce  point  de  vue,  en- 
core respectable. 

En  1785  le  ministère  français  conclut  avec  l'Angleterre 
un  traité  par  leipiel  les  poteries  des  deux  provenances  seront 
introduites  réciproquement  en  franchise  dans  les  deux  |)ays. 
Le  ministère  frauç.us  avait  compté,  jioiir  les  manufactures 
de  Sèvres  et  de  Beaiivais,  sur  un  débouché  immense,  dans 
un  pays  qui  ne  produisait  que  des  poteries  couuuunes.  Mais 
la  spéculation  était  fausse  :  tandis  que  l'Angleterre  achetait 
à  peine  pour  100,000  fr.  de  porcelaines,  elle  nous  expédiait 
pour  des  millions  de  terres  cuites.  Il  fallut,  non  sans  honte, 
ré.->ilier  le  marché. 

Afin  dassnrer  la  propriété  des  écrivains  et  éditeurs  fran- 
çais, et  mettre  fin  à  la  contrefaçon  belge,  le  gouvernement 
de  France  fait  avec  le  gouvernement  de  Belgique  un  traité 
l)ar  lequel  la  pro|)riélé  littéraire  est  garantie  réci|iroque- 
ment  dans  les  deux  pays.  Bonne  affaire  pour  les  auteurs  et 
puhlieateurs  de  livres  nouveaux:  mais  mauvaise  spéculation 
pour  la  libiairie  belge,  si  les  laiifs  de  douane  sont  mainte- 
nus; pour  la  librairie  fiaiiçaise  s'ils  sont  abolis.  Tandis  que 
la  France  acquiert  un  marché  de  3  millions  dames,  elle  offre 
à  la  Belgique  le  sien,  qui  est  de  36  millions  :  les  conditions 
ne  sont  pas  égales. 

Po(U'  doter  le  pays  de  canaux,  le  gouvernement  fait  appel 
auv  capitaux  privés,  leur  garantit,  avec  lintéiêt  de  5  0/0, 
une  part  coiisidéiable  dans  le  produit  nel  des  voies  naviga- 
bles, pendant  99  ans.  l/expérience  démontre  ensuite  (pie  le 
plus  faib  e  tarif  &ur  la  batellerie  est  prohibitif,  et  qu'un  ca- 
nal, pour  rendre  fous  les  si  rvices  dont  il  est  susccîptible,  ne 
doit  rien  rapporter  du  tout  :  •  hose  dont  on  aurait  |)U  s'as- 
surer en  discutant  le  cahier  des  charges.  La  spéculation  en 


—  20  — 

ce  qui  concernait  les  actionnaires,  était  donc  fausse  ;  ils  la 
rendirent  abusive  en  s'ohstinant  à  empêcher  la  réduction 
des  tarifs,  et  en  obligeant  le  pouvoir  à  leur  racheter  complai- 
samment,  à  très-haut  prix,  leurs  actions  de  jouissance. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur  cette  matière. 
On  voit,  par  ces  quelques  exemples,  qu'autant  la  condition 
aléatoire,  inséparable  de  toute  spécidalion  sérieuse,  fournit 
de  i<rétextes  h  la  spéculation  abusive;  autant  les  erreurs, 
dont  la  première  est  involontairement  et  innocemment  sus- 
ceptible, fournissent  d'excuses  et  de  déclinatoires  à  la  se- 
conde. C'est  une  mer  remplie  d'écueils,  de  bas-fonds,  de 
courants  et  d'entonnoirs,  visitée  par  les  trombes,  les  glaces, 
les  brouillards,  les  ouragans,  infestée  par  les  flibustiers  et 
les  corsaires. 


5.  Importance  de  la  Spéculation  dans  l'économie  des  sociétés. 
Politique  de  la  Bourse. 

On  vient  de  voir  comment  l'action  du  travail,  du  crédit  et 
de  l'échange  est  dominée  de  haut  par  ce  quatrième  pouvoir 
de  l'économie  sociale,  la  Spéculation. 

Mais,  de  même  que  par  la  division  du  travail  et  la  spécia- 
lité des  fonctions,  toutes  les  opérations  industrielles,  capita- 
listes et  mercantiles  sont  plus  ou  moins  dépendantes  les 
unes  des  autres  et  solidaires;  de  même  il  y  a  dépendance  et 
solidarité  plus  ou  moins  étroite  entre  toutes  les  affaires  spé- 
culatives, de  quelque  nature  qu'elles  soient.  Les  fonds  pu- 
blics, par  exemple,  ne  peuvent  éprouver  ni  hausse  ni  baisse, 
sans  que  les  valeurs  industrielles,  cotées  à  la  Bourse,  en  re- 
çoivent aussitôt  le  contre-coup,  lequel  se  propage  ensuite, 
comme  un  écho,  dans  tout  le  monde  spéculateur.  Le  ban- 
quier de  Marseille  et  de  Bordeaux,  aux  nouvelles  de  la  Bourse 
deParis,  élargitou  resserre  son  crédit;  le  notaire  deprovince, 
le  petit  prêteur,  se  montrent  plus  réservés  ou  plus  faciles; 
le  commissionnaire  restreint  ou  augmente  ses  commandes; 
l'entrepreneur  donne  plus  ou  moins  d'essor  à  sa  fabrication; 
l'ingénieur  est  excité  ou  retenu  dans  la  poursuite  de  ses  dé- 


—  21   — 

couvertes;  le  fermier,  le  vigneron,  Téieveur  de  bétail,  aug- 
mentent ou  diminuent  le  prix  de  leurs  produits;  et  si  la  masse 
ouvrière  ne  répond  pas  à  son  tour  à  chaque  impulsion  qu'elle 
reçoit  par  une  élévation  ou  une  réduction  proportionnelle 
de  ses  salaires,  elle  ne  subit  pas  moins  les  conséquences  du 
mouvement,  en  en  faisant  tous  les  frais.  Dans  l'économie 
générale,  celui  qui  refuse  de  marcher  quand  les  autres  sont 
en  route  paye  pour  tout  le  monde. 

Ainsi  la  production  se  divise  en  quatre  facultés  solidaires  : 
la  faculté  capitaliste  est  solidaire  de  la  faculté  travailleuse, 
puisque,  comme  nous  l'avons  dit,  le  capital  n'est  autre  chose 
que  du  travail  accumulé,  servant  de  matière  première  et 
d'instrument  à  un  autre  travail;  —  la  faculté  mercantile, 
voiturière  ou  échangiste  est  solidaire  des  denx  précédentes, 
puisqu'elle  n'a  d'action  qu'autant  qu'il  y  a  des  produits  à 
échanger,  des  capitaux  à  faire  valoir;  —  la  faculté  spécula- 
tive, enfin,  dépend  des  trois  autres  autant  qu'elle  les  gou- 
verne, puisque  d'une  part  ses  combinaisons  embrassent  à 
la  fois,  dans  leur  ensemble  et  leurs  détails,  le  travail,  le 
crédit  et  le  commerce,  et  que  de  l'autre,  elle  pourvoit  à  leurs 
besoins,  prévient  leurs  risques,  assure  leur  équilibre,  et  leur 
imprime  une  même  direction. 

L'économie  sociale  peut  être  regardée  comme  parvenue  à 
son  plus  haut  point  de  perfection  lors(jue  ces  quatre  facultés 
sont  exercées  simultanément,  et  dans  une  proportion  égale, 
par  tous  les  producteurs;  elle  est  au  degré  le  plus  bas  lors- 
que ces  mêmes  facultés  sont  partagées  entre  des  classes 
spéciales  de  citoyens,  formant  par  là  autant  de  corporations 
distinctes  ou  de  castes. 

De  tout  temps,  la  constitution  politique  a  été  le  reflet  de 
l'organisme  économique,  et  la  destinée  des  États  réglée  en 
raison  des  qualités  et  des  défauts  de  cet  organisme.  A  Rome, 
où  la  propriété  rurale  était  l'élément  dominant,  le  gouver- 
nement fut  dévolu  à  un  sénat  de  laboureurs  graves,  mais 
avares,  comme  tous  les  paysans.  La  république  périt,  beau- 
coup moins  par  l'invasion  de  la  plèbe  (les  journaliers),  que 
par  l'exagération  même  de  la  possession  foncière,  de  ses 
fermages  et  de  ses  usures.  —  A  Carlhago,  le  commerce  et 


—  22  — 

l'industrie  furent  tout  puissants  :  les  rivalités  mercantiles, 
la  compétilion  des  monopoles  (jue  procurait  le  gouverne- 
ment, la  fureur  des  coiici-ssions,  des  sultvenlions,  des  pri- 
mes *,  l'agiotage  organisé  avec  protection  et  partie  ipation  du 
pouvoir,  plus  qiio  les  victoires  des  d(  ux  S(  ipions,  amenè- 
rent la  ruine  de  lÉiat.  —  Dans  la  vieille  Kgypie,  la  classe 
piépondérante  parait  avoir  été  un  corps  de  savants  presque 
autant  que  prêtres  :  l'appropriation  du  savoir,  le  privi- 
lège des  liuTiièies,  l'énorme  distance  qu'il  créa  entre  la 
plèbe  ouvrii're  su|ierstitieuse  et  le  sacerdoce  savant  et 
artiste,  contribua,  plus  que  toutes  les  invasions  des  bar- 
bares, à  anéantir  la  société  égypiiennc.  —  Le  moyen  âge 
distingua,  spécialisa  toutes  les  l'acullés,  fit  de  tout  un  pri- 
vilège (le  COI  |)Oiation  ou  de  caste.  Mais  bientôt  le  tiers-état, 
réunissant  en  soi  toutes  les  facultés  productrices,  tandis  que 
la  noblesse  vl  le  cli  rgi';  ne  conservaient  qiu'.  la  pio[)iiété  du 
sol,  le  surplis  et  la  cuirasse,  dcivint  rnaitre  (Je  la  s(  ciélé 
et  de  l'Éiat,  et  expulsa  de  leurs  biens  les  castes  rivales.  — 
Depuis  1789,  \o.  pêle-mêle,  la  fusion  des  facultés  économi- 
ques, est  passée  en  droit,  et  jusqu'à  certain  point  en  f lit  : 
tout  citoyen  a  le  droit  dêlre  simultanément  travailleui,  ca- 
pitaliste, entrepreneur,  commerçaut  ou  commissionnaiieet 
spéculateur,  et  un  certain  nombre  le  sont  en  tflet,  ïuiile- 
fois,  la  révolution  de  1789  est  loin  encore  d'avoir,  sous  ce 
rajiport,  [)roduit  toutes  ses  conséquences;  la  fusion  est  à 
peine  commencée,  et  les  pertmb  liions  qu'éprouve  depuis 
soixante-neuf  ans  notre  état  |)olitique  sont  les  symptômes 
de  ce  laborieux  enfantement... 

Quoi  qu'il  en  soit,  conmie  toute  faculté,  dans  la  société 
aussi  bien  que  dans  l'individu,  doit  avoir  son  expression  et 
son  organe,  il  était  inévitable  que  la  spéculation  obtint  aussi 
le  sien;  qu'elle  eût  son  appareil,  sou  lieu  de  manifestation, 
ses  formules,  son  temple.  La  politique  a  ses  palais,  la  reli- 
gion ses  églises,  l'industrie  ses  manufactures  et  ses  clian- 
tiers,  le  commerce  ses  ports,  le  capital  ses  banques  :  pour- 
quoi la  Spéculation  serait-elle  demeurée  à  l'état  de  pure 
abstraction? 

La  BouHSE  est  le  temple  de  la  Spéculation. 


—  23  — 

La  Bourse  est  le  monumenl  par  excellence  de  la  société 
moderne. 

Ce  n'est  pns  seulement  râtelier,  la  forme,  le  magasin,  les 
docks  et  les  ports,  les  enlrepôls  et  les  com|)toirs.  la  terre  et 
Toiéan,  qui  lui  sont  soumis  et  lui  payent  tribut  :  elle  passe 
avant  Técole,  l'acadcnne,  le  tlicàlie,  les  assomlilées  politi- 
ques, les  congiès;  avant  l'armée,  avant  la  justice,  avant 
l'Éylise  cllc-nême. 

Aucune  puissance,  ni  dans  l'antiquité,  ni  dans  les  temps 
modernes,  ne  peut  se  comparer  à  la  sienne.  Jamais  les  tem- 
pliers, les  ordres  do  Jérusalem  et  de  Malle,  celle  milice  des 
papos  qui  dominait  les  empereurs  et  les  rois;  jamais  les 
franciscains,  les  dominicains  ou  les  jésuitos;  jamais  les  tri- 
bunaux volimiipios  et  la  iVanc-maçonneiie  ne  produisirent 
desedets  plus  prompts,  plus  nnivor>ols,  plus  puissants.  Les 
Alexandre,  les  César,  les  Charleniapne,  les  N.ipolcon,  dans 
toute  leur  gloire,  n'étaient  auprès  d'elle  que  des  pygmées. 
L'impriu  erie  elle  niômo,  soivie  par  les  génies  les  plus  pro- 
fonds et  les  plus  sympathiques,  assistée  de  la  vapeur,  est 
au-dossous  de  celte  puissamo  souveraine,  qui  trône,  invi- 
sible, à  la  Biturse,  et  chaque  jour  y  rend  ses  oracles,  non  pas 
toujours  équitables,  mais  toujours  suis. 

C'est  là  (pie  le  philoso|)he,  l'économiste,  l'hommo  d'État, 
doivent  étudier  les  ressorts  cachés  de  la  civilisation,  ap- 
prendre à  résoudre  les  secrets  de  l'histoire,  et  à  prévoir  de 
loin  les  révolutions  elles  cataclysmes.  C'est  là  quelesiéfor- 
mateurs  modernes  devraient  aller  s'instruire,  et  apiirendre 
leur  métier  de  révolutionnaires.  On  ne  [lent  dire  à  quelle 
hauteur  ces  hommes  se  fussent  élevés,  quelle  prodigieuse 
influence  ils  eussent  exercée  sur  les  destinées  du  globe,  si, 
maîtres  de  nos  flottes,  de  nos  ca|)ilaux,  de  notre  industrie, 
de  nos  propriétés,  ils  avaient  en  la  moindre  étincelle  de  génie 
spéculatif,  s'ds  avaient  été.  dans  la  plus  faible  mesure,  des 
prophètes  de  ce  dieu  qu'adorent  les  boursiers. 

Tout  le  monde  sail  que  noire  première  républi(|uc  tomba 
sons  le  poids  d'une  condamnation  portée  par  la  Houise  :  le 
8  novembre  1799,  veille  du  coup  d'État  appelé  18  brumaire, 
le  tiers  consolidé  était  à  11  francs  30  centimes  5  le  21,  il 


—  24  — 

était  à  22  fr.  —  Mais  ce  qu'on  a  beaucoup  moins  remarqué, 
c'est  que  la  spéculation  ne  fut  jamais  entièrement  ralliée  à 
Napoléon  :  le  taux  le  plus  élevé  de  la  Bourse,  pendant  la 
période  impériale,  fut  celui  du  10  mars  1810,  88  fr.  90  cent., 
soit  11  fr.  10  cent,  au-dessous  du  pair. 

Le  29  mars  1814,  l'empereur  se  débattait  dans  les  plaines 
de  la  Champagne  et  tenait  encore  en  échec  la  coalition  vic- 
torieuse :  il  est  achevé  par  la  Bourse.  Le  5  0/0  à  45  fr.  mar- 
que sa  réprobation  et  amène  sa  chute-,  le 31,  la  proclama- 
lion  des  alliés  est  accueillie  par  une  hausse  de  2fr.  Paris  a 
capitulé,  et  le  conquérant  abattu  va  signer  son  abdication  à 
Fontainebleau.  En  moins  d'un  an,  malgré  la  présence  des 
armées  étrangères,  les  fonds  publics  auront  regagné  tout  ce 
qu'ils  avaient  perdu  depuis  le  10  mars  1810  ;  leômars  1815, 
ils  seront  cotés  à  88  fr. 

Quinze  jours  plus  lard,  le  20  mars,  Bonaparte,  échappé 
de  l'ile  d'Elbe,  rentre  aux  Tuileries  :  le  baromètre  bursal 
marque  20  fr.  de  baisse.  Quelle  puissance  tiendrait  devant 
une  pareille  manifestation  de  la  pensée  économique?  Certes, 
ce  n'est  pas  la  Bourse  de  Paris  qui  a  fait  perdre  la  bataille 
de  Waterloo  ;  mais  on  peut  dire  qu'elle  a  donné  cœur  à  l'en- 
nemi. C'est  elle  qui  lui  a  révélé  que  si  le  soldat,  l'ouvrier, 
le  fonctionnaire  étaient  pour  l'empereur,  le  capital,  l'in- 
dustrie, le  commerce,  la  propriété,  la  spéculation,  la  bour- 
geoisie étaient  contre  lui.  Sait-on  ce  qu'a  pesé  dans  la  ba- 
lance du  destin  cette  bourse  du  20  mars?  Le  18  juin,  elle 
était  à  53  fr.  ;  le  20,  à  la  première  nouvelle  du  désastre,  elle 
monte  à  55  ;  le  22,  le  bruit  se  répandant  que  l'empereur  ab- 
dique pour  la  deuxième  fois,  elle  est  à  60.  La  cote  suit  le 
grand  capitaine  dans  ses  marches  et  contre-marches,  pour 
le  condamner  s'il  triomphe,  pour  l'accabler  s'il  est  défait. 

La  Spéculation  ne  se  pique  ni  de  patriotisme  ni  de  gloire: 
elle  ne  connaît  pas  le  point  d'honneur,  pas  plus  que  la  pitié. 
Quel  cœur  frnnçais  ne  frémit  encore  au  souvenir  de  nos 
blessures  de  1815,  des  misères  de  nos  soldats  et  des  inso- 
lences de  l'étranger?  La  Bourse  obéit  à  d'autres  considéra- 
tions. Elle  pense  que  la  chute  de  Bonaparte,  achetée  même 
au  prix  de  la  déchéance  nationale,  de  l'occupation  des  coa- 


—  25  — 

lises,  des  liontes  d'une  royauté  bigote  et  réactionnaire,  vaut 
mieux,  a[)rès  tout,  pour  la  richesse  publique,  pour  le  pro- 
grès des  sciences,  des  lettres  et  des  libertés,  que  la  restaura- 
tion de  l'empire  :  il  n'y  a  que  l'antique  et  impassible  Destin 
à  qui  elle  se  puisse  comparer. 

Vingt  francs  de  hausse  ou  de  baisse  font  la  légitimité  ou 
l'illégitimité  des  pouvoirs,  déterminent  leur  stabilité  ou  leur 
chute.  Qu'aurait  pensé  de  cela  Biaise  Pascal? 

Après  la  révolution  de  juillet,  l'opinion  du  mouvement 
était  que  le  gouvernement  des  barricades  devait  déchirer  les 
traités  de  1815,  réclamer  pour  la  France  la  frontière  du 
Rhin,  api)uyer  la  Pologne  dans  la  revendication  de  sa  natio- 
nalité. —  Non,  dit  la  Bourse  :  détestez  ces  traités,  je  vous 
y  autorise;  mais  respectez-les,  ou  je  me  retire.  Contentez- 
vous  de  la  frontière  que  la  Sainte-Alliance  vous  a  assignée, 
et  laissez  périr  la  Pologne  :  tel  est  mon  plaisir,  je  le  veux. 
Et  Louis-Philippe,  serviteur  toujours  obéissant  de  la  Bourse, 
trahit  la  révolution  et  règne  dix-huit  ans. 

Il  y  fut  trompé  pourtant,  le  fin  politique,  le  roi  de  la 
bourgeoisie  capitaliste  et  boursière;  car  ce  n'est  pas  tout 
de  suivre  attentivement  les  oscillations  de  la  mercuriale,  il 
faut  savoir  deviner  sa  pensée  secrète.  La  Spéculation,  en  tant 
t\ue  vous  la  prenez  pour  organe  de  l'opinion  publique,  n'a 
que  deux  mots  pour  exprimer  ses  jugements,  oui  ou  non, 
c'est-à-dire  hausse  ou  baisse.  L'important  est  donc  de  sa- 
voir à  quelle  question  répond  la  Bourse  :  sans  cela  vous  cou- 
rez risque  d'être  pris  au  dépourvu,  comme  il  arriva  à  Louis- 
Philippe. 

Jamais  la  hausse  n'avait  été  aussi  constante,  aussi  forte 
que  pendant  les  dernières  années  de  ce  règne  ;  jamais  non 
plus  la  baisse  des  salaires,  la  multiplication  des  faillites, 
symi)tùmes  inécusables  du  malaise  de  la  production  ,  ne 
s'étaient  manifestées  avec  plus  d'énergie.  De  2,618  qu'avait 
été  en  1840  le  nombre  des  faillites,  il  s'était  élevé  à  4,762 
en  1847.  Il  était  clair  qu'en  présence  d'une  situation  com- 
merciale et  industrielle  aussi  calamiteuse,  la  hausse  soute- 
nue des  fonds  publics  ne  pouvait  plus  recevoir  la  même  in- 
terprétation. Le  capital,  chassé  de  la  commandite  et  de 

2 


—  26  — 

l'hypothèque,  se  rejetait  vers  le  Trésor;  il  commençait  cette 
immense  migration  à  laquelle  nous  assistons  anjourdhni  : 
c'était  la  seule  consé(jiience  qu'il  fût  permis  d'en  tirer. 
Loiiis-Phili[>|)e  crut  que  la  bouij^ooisie  appuyait  sa  politi- 
que, et  tint  ferme  contre  l'opposition  :  sa  chute  fut  le  châ- 
timent (le  son  erreur, 

La  république  de  1848  fut  victime  d'une  méprise  sem- 
blable. 

Après  le  décret  du  25  février  qui  garantissait  an  peuple  le 
droit  au  travail,  après  les  piédiratious  du  Luxembourg  et 
les  journées  du  17  mars  et  du  16  avril,  il  était  évident  que 
la  question  était  posée  entre  le  capital  et  le  salaire  ;  eonsé- 
qnemment,  que  la  révolution  ayant  été  faite  contre  le  pre- 
mier et  au  prolit  du  second,  tout  abaissement  des  valeurs 
capitalistes  pouvait  et  deviiil,  iuscpi'uu  jour  diuie  lupiidation 
finale,  être  cousidéié  coumie  nu  swiipiôme  heu; eux  poui'  la 
révolution,  toute  hausse  comme  une  reculade.  Le  peuple  de 
Paiis  n(!  s'y  trompa  point,  «t  C'est  sij;neque  nos  alliiresvont 
bien  ,  disait-il  ,  quand  il  y  a  baisse  là-bas  I  »  le  Gouverne- 
ment provisoiie,  la  Comirussion  executive  et  la  Cousliluante 
furent  d'avis  contraire.  Dès  ce  moment  ni  la  ré\olutioii,  ni 
la  république  n  avaient  une  raison  suftisanle  d'existence  : 
elles  disparurent. 

Depuis  que  le  10  décembre  1848,  et  plus  encore  le  2  dé- 
cembi'e  1851,  ont  donné  à  la  nation  la  cerlilud  ;  que  la 
pensée  révolutionnaire  est  jus(pi'à  nouvi  1  ordre  évincée,  et 
que  les  anciens  rapports  du  Capital  et  du  Tra\ail  seront 
maintenus  in  slatu  quo^  la  Bourse  a  repris  sa  signilication 
accoutumée,  la  S[)éiulation  est  devenue  ce  quelle  avait 
toujours  été,  esseiilielleuient  conservatrice,  et  son  influence 
sur  le  pouvoir  a  pris  un  nouvel  essor.  Sou  opinion,  ex[)rnnée 
en  francs  et  centimes,  fait  loi  et  supplée  au  silence  des 
journaux. 

Le  biuitconrt-il  que  le  gouvernement  impérial,  plus  hardi 
que  celui  du  roi  citoyen,  se  propose  de  revendiquer  la  fron- 
tière rhénane,  d'envahir  la  Belgique,  le  duché  de  Trêves,  de 
réjiarer  le  désastre  de  Waterloo,  voire  même  d'o|>éier  une 
descente  sur  la  côte  d'Angleterre  :  un  avertissement  est 


—  27  — 

donné  au  pouvoir  par  la  Bourse  :  les  fonds  baissent,  les 
on  (lit  circulent,  rinquiétudo  se  propagi",  jusqu'il  ce  (p^'une 
commnnicaliou  du  Moniteur,  déinenlaiit  ces  bniils  absur- 
des, vienne  témoigner  des  inlenlions  pacifiques  du  gouver- 
nement el  ramener  les  esprits. 

Jadis  tout  se  faisait  par  les  femmes,  aujourd'bui  tout  se 
règle  par  les  intérêts.  Une  rumeur  étrange  circule  et  répand 
la  consternation  dans  le  monde  privilégié.  La  vénalité  des 
officex  est  en  danger!  Le  gouvernement,  cédant  à  l'on  ne 
sait  quelle  inspiration,  va  doubler  le  nombre  des  agents  de 
change  et  changer  la  condition  du  notariat!...  Le  signal 
d'aliumecst  donné  :  les  fomls  baissent,  les  commentaires  ne 
sont  point  épargnés;  le  pid)lic,  qui  croit  plus  à  la  Bourse 
qu'à  la  fortune  de  César,  se  dit  que  le  pouvoir  n'a  plus  la 
confiance  du  pays.  On  ralentit  les  achats  et  les  ventes,  on 
renvoie  les  ouvriers,  la  Grève  se  peuple  d'une  tombe  mena- 
çante et  désœuvrée.  —  I.e  liloyiileur  scmpresse  de  désavouer 
des  intentions  perfides,  il  accuse  la  malveillance  de  ces  bruits 
calomnieux:  aussitôt  la  Bourse  répond  par  des  vivat  !  Cin- 
quaiile  centimes  de  hausse,  etrincitlent  est  termine. 

Qnehpies  nu'sures  de  police  à  loccasion  de  la  mauvaise 
réiolle  de  1853  el  des  achats  de  blé  faits  par  l'administra- 
tion font  craindre  aux  spéculateurs  que  le  gouvernement,  se 
faisant  l'organe  des  méfiances  populaires,  n'entrave  la  li- 
berté du  commerce  des  grains.  Ou  se  demande  s'il  aurait  la 
prétention,  avec  les  f>»uds  du  Tiésor  et  la  marine  militaire, 
(le  pourvoir  seul  au  déficit;  s'il  serait  en  mesure  de  Irans- 
j)ortei  et  payer  10  millions  d'hectolilr^'S  de  céréales?  A 
moins  de  cela,  tout  ce  que  le  gouvernement  pourrait  fiirc 
contre  la  spécuhition  ne  servirait  qu'à  décourager  le  com- 
merce el  à  compromettre  l'approvisionnenKMit  du  pays.  La 
Boiuse  s'agite;  et  bientôt  des  explications  officielles  \ien- 
nent  calmer  les  inquiétudes  des  négociants  (>t  rendre  l'es- 
sor anx  transactions.  L'entente  devient  alors  si  com|ilète,  si 
cordiah;  entre  la  spéculation  et  le  pouvoir,  quelleserviia  de 
thèmeà  la  première  moitié  du  message  impérud.  (le  (pii  de- 
puis un  siècle  était  passé  à  l'état  d  axiome  pour  les  gens 
instruits,  la  libre  circulation  des  grains,  exprimé  par  une 


—  28  — 

bouche  souveraine,  put  paraître  encore,  au  vulgaire  de  1854, 
une  marque  de  la  sagesse  du  gouvernement. 

Mais  c'est  surtout  dans  la  question  d'Orient  que  la  tenue 
de  la  Bourse  va  nous  paraître  instructive,  et  ses  significa- 
tions à  l'État,  si  l'on  nous  permet  ce  style  d'huissier,  pleines 
d'intérêt. 

Depuis  1840  la  question  d'Orient  sommeillait;  et  malgré 
les  impatiences  de  la  Russie,  la  plus  proche  héritière,  peut- 
être  était-il  possible  de  prolonger  pendant  quelques  années 
encore  celte  léthargie,  d'ailleurs  irrémédiable,  de  l'empire 
ottoman.  Un  ambassadeur  français,  zélé  pour  la  gloire  de 
son  prince,  peut-être  aussi  poussé  par  quelque  catholique 
influence,  obtient  de  la  Porte,  pour  l'empereur  Napoléon, 
un  nous  ne  savons  quel  droit  de  protection  sur  les  lieux 
saints.  Chef  de  l'orthodoxie  grecque,  le  tsar  dépêche  aussitôt 
à  Conslantinople  le  prince  Mentschikoff,  pour  prolester  de 
son  mécontentement  et  exiger  des  compensations.  La  Porte, 
en  effet,  en  se  donnant  un  nouvel  ami  et  protecteur,  élevant 
le  conflit  entre  les  deux  Églises,  diminuait  de  moitié  l'in- 
fluence de  la  Russie  sur  l'Orient.  Le  sultan  se  hâte  d'offrir 
satisfaction;  le  Russe  demande  que  sa  position  nouvelle  soit 
garantie  par  traité.  Refus  de  la  Porte,  appuyée  par  l'ambas- 
sadeur français;  invasion  par  l'armée  russe  des  provinces 
moldo-valaques;  intervention  de  la  flotte  anglo-française. 
L'Europe  est  menacée  d'une  guerre  générale.  Que  va  penser, 
que  dira,  que  fera  la  Bourse,  dernier  refuge  de  l'opinion, 
suppléant  à  la  fois  par  ses  variations  thermométriques,  la 
tribune  et  la  presse?  Suivons  ses  mouvements  :  le  sens  en 
est  plus  clair  que  celui  des  circulaires  de  M.  Drouyn  de 
l'Huys  et  des  memoranda  de  M.  de  Nesselrode. 

Le  taux  le  plus  élevé  qu'ait  atteint  la  Bourse  de  Paris 
depuis  le  coup  d'Élat  est  celui  du  16  novembre  1852  ;  ce 
jour-là,  le  3  0/0  fermait  à  85  50  au  comptant,  86  75  fin  cou- 
rant; le  4  1/2  0/0  à  106  15  au  comptant,  107  90  fin  courant. 
A  celle  époque,  on  se  préparait  aux  élections  pour  l'empire; 
le  Moniteur  venait  de  i)ublier  les  proclamations  des  réfugiés 
et  le  manifeste  de  Henri  V  :  de  telles  pièces  étaient  plus 
faites  pour  rallier  les  intérêts  au  nouvel  ordre  de  choses  que 


—  i>9  — 

pour  leur  inspirer  le  moindre  regret.  Du  reste,  rien  n"avait 
été  ménagé  depuis  un  an  pour  rendre  aux  capitaux  la  sécu- 
rité et  l'audace;  l'empire,  s'annonçant  avec  les  intentions 
les  plus  pacifiques,  redoublait  la  ferveur  de  la  spéculation. 
Napoléon  III,  disait-on,  ne  voulait  régner  que  par  et  pour  la 
rente  et  le  dividende. 

Surgit  la  question  d'Orient  :  sans  doute  la  raison  des  in- 
térêts va  plier  devant  la  raison  d'État!  Détrompez-vous  : 
comme  Catilina  poussé  au  désespoir  s'écriait  en  plein  Sénat  : 
Incendium  mevm  ruina  rcstinr/Kcim,  la  puissance  qui  règne 
à  la  Bourse  semble  dire  à  celle  qui  commande  aux  Tuileries  : 
Si  tu  me  brûles,  je  t'écrase  !... 

Dès  le  17  mars  18.53,  quinze  jours  après  Tarrivéedu  prince 
Mentschikoir  h  Constantinople,  le  3  0,0  n'était  plus  qu'à 
80  80,  le  4  1/2  à  104.  Le  21,  h  la  nouvelle  du  départ  de  la 
flotte  française  pour  la  baie  de  Besica,  baisse  de  2  fr.  Les 
mêmes  dépressions  se  manifestent  à  chaque  nouvelle  alar- 
mante, suivies  de  vigoureuses  reprises  à  chaque  éclaircie  do 
l'horizon.  Ainsi  le  3  0/0,  qui  était  encore  six  mois  après,  le 
17  septembre,  à  76  90,  tombait,  le  5  octobre,  à  la  suite  de 
publications  menaçantes  pour  l'Autriche  dans  les  journaux 
anglais,  à  72  70,  en  baisse  de  8  fr.  80  c.  depuis  la  mission 
du  prince  Mentschikoff;  puis  tout  à  coup,  à  la  réception  do 
bulletins  défavorables  aux  Turcs,  les  fonds  remontent,  et  le 
12  décembre,  jour  où  fut  connu  à  Paris  le  désastre  de  Si- 
nope,  le  3  0/0  fermait  à  76  10.  Quoi  donc!  les  capitaux 
français,  qui  ont  applaudi  au  coup  d'Etat  du  2  décembre, 
qui  ont  accueilli  par  une  hausse  énorme  la  nouvelle  du  ré- 
tablissement de  remj)ire,  seraient-ils,  en  moins  d'un  an,  de- 
venus, comme  en  1814,  partisans  de  l'étranger?... 

Qui  le  croirait  méconnaîtrait  l'essence  et  le  génie  du  ca- 
pital. 

Le  capital  est  cosmopolite  :  il  ne  connaît  ni  rivalités  d'É- 
tats, ni  haines  de  religions  ou  de  -races.  Que  lui  fait  par 
exemple  le  Saint-Sépulcre?  Il  se  soucie  bien  de  celte  reli- 
que!... Vous  lui  parlez  des  chrétiens  d'Orient.  Est-ce,  dc- 
mande-t-il,  qu'ils  n'eussent  pas  été  protégés  tout  aussi  bien 
1  même  mieux  par  l'empereur  des  Cosaques  que  par  celui 


—  30  — 

des  Français? — ^Mais,  observez-vons,  il  s'agit  fie  faire  pré- 
valoir Torlliodoxie  laline  sur  rorllioiloxie  giecqiie.  —  La 
pièce  de  5  fr.,  romme  la  loi,  est  alliée,  répond  le  capital.  — 
Quoi  !  vous  ne  voyez  pas  que  le  f)rolectorat  des  Russes  serait 
pour  là  Snblime-Porle  la  perle  de  sa  souveraineté?  —  C'est 
l'alTiiire  de  la  Porte.  Tout  État  qui  ne  conserve  pas  assez  de 
vitalité  pour  subsister  sans  protection  mérite  son  sort.  Celle 
maxime  est  celle  du  pays  qui  connaît  le  mieux  le  gouverne- 
ment des  intérêts,  de  lAngleterre.  —  Mais  Téquilibre  euro- 
péen? —  Que  la  France,  que  TAni^lelerre  el  tutti  qvanti  se 
joignent  à  la  Russie,  alors,  et  prennent  leur  paît  du  cadavre. 
Deux  ou  |)liisieurs  quantités  augmentées  d'une  quantité 
égale  conservent  entre  elles  le  même  rapport  qu'aupara- 
vant :  c'est  de  la  comptabilité,  cela  I  Pourquoi  ne  pas  accep- 
ter les  piopontions  de  Nicoias?  —  As^as-^inat,  spoliation  ! 
Où  serait  la  gloire  de  la  Fiance?  —  Je  ne  vous  comprends 
pas,  répond  le  (  apital... 

Toutes  ces  considérations  d'Églises,  d'équilibre  européen, 
de  protection  des  faibles  contre  les  foiis,  sont  eu  eflet  au- 
dessous  et  en  deliors  de  la  spbèie  des  idées  boursières  -, 
l'esprit  mercantile  ne  s'abaissera  p:is  jusqu'à  elles.  En  toute 
cliose  il  n'a  que  deux  éléments  d'appréciation,  dont  il  ne  se 
départ  jamais  :  le  risque  couru,  l'ulililé  du  résultat.  Que 
risquons-nous,  se  dit-il,  dans  une  guerre  contre  la  Russie? 
C'est  que  cette  guerre,  par  elle-même  déjà  si  ledoulable,  se 
généralise  el  devienne  révolutionnaire.  Révolulioiinaire  !  ce 
mot  dit  tout...  Quel  avantage,  au  conlrnire,  pourrons-nous, 
attendre  du  succès,  a|)rès  nue  si  grande  (onsonunaiion 
d'Iiomuies  et  d'argent?  iNnpoléon  III  lui-même  Ta  dit,  c'est 
pour  lui  nue  question  toute  de  dévouement.  En  retour  de  son 
intervention  victorieuse  dans  le  différend  turco-russe,  la 
France  ne  demande  à  l'Euiope  que  l'bonneur  de  l'avoir  ser- 
vie. D'une  part  donc,  risque  énorme  de  révolution,  la  ban- 
queroute immiueiile,  la  rente  llambée;  de  l'autre,  sacrifices 
en  pure  perle,  destruction  improductive  des  capitaux,  ralen- 
tissement du  trafic,  manque  à  gagner  sur  tous  les  points. 
Évidemment  l'affaire  est  détestable. 

Et  maintenant  n'est-ce  pas  la  Boirsc,  toute  puissante  à 


—  31  — 

Londres,  Pnris,  Vienne,  Hambourg,  Francfort,  Amsterdam, 
qui,  après  reiivahispeniciil  des  piovuices  Daniibionnes,  a 
forcé  les  ministres  de  Fiance  el  dAii^lderie  de  déclarer  que 
cet  envaliisseiiient  ne  ferait  p.is  regardé  comme  casiis  brlli? 
N'esl-ce  pas  elle  t-ncore  qiri,  après  Fenirée  des  flottes  dans 
la  mer  Noire,  a  voulu  que  celte  manifestation  fùl  présentée 
comme  un  acte  de  piolcclion  pour  la  Turquie,  nullement 
comme  un  f.iit  dhustililé  envers  les  Russes  ï  Donc  que  la 
Porte  C(?de^  que  le  tsar  se  déclare  satisfait,  et  que  lout  ren- 
tre dans  le  stdtii  qiio.  Hausse  pour  la  paix,  15  centimes. 

Mais  les  vœux  des  mortels,  même  quand  ils  s'élèvent  du 
sant'tu.iirede  Mammon,  sont  impuissants  contre  le  destin. 
Une  force  sn|)érieure,  invisible,  inconnue,  |)cse  sur  les  con- 
S'ils  de  lEiuope;  et  la  Bourse,  qui  |»arle  de  résignation,  ne 
peut  faire  autre  cliose  (pie  rétrograder. 

Le  13  décembre,  menaces  du  parti  lurcoi)liile,  à  Londres  ; 
baisse  de  25  centimes. 

Le  14  et  le  15,  articles  du  Times  hostiles  à  la  Russie: 
baisse  de  95  cent. 

Le  16,  on  parie  de  la  retraite  de  lord  Aberdeen,  dernier 
espoir  d'une  bulutiou  pacditpu!  :  baisse  de  5  cent. 

Le  17,  ordre  à  Tamiral  Hameliu  denirer  dans  la  mer 
Noire  :  t)aisse  de  35  cent.  Le  3  0/0  reste  à  74  50. 

Chaque  probabilité  de  conllilesl  accueillie  par  une  baisse 
désespérée  ;  chaque  dépêche,  apportée  par  le  paquebot  ou  le 
télégraphe,  et  lévélaut  une  velléité  de  paix,  est  saluée  par 
une  hausse  furieuse.  La  spéculation  agile  la  diplomatie,  qui 
réagit  sur  la  spc(  ulalion.  IMus  que  jamais  les  hommes  dÉlal 
protestent  de  leurs  intentions  modelées:  selon  qu'ils  se 
moiilreiil  belliqueux  ou  paisibles,  ils  ri  çoivenl  les  applaudis- 
sements ou  les  impiécations  des  hommes  d'allaires.  Lare- 
traite  de  lord  Palmeislon  est  reçue  par  10  cent,  de  hausse; 
rannonce  d'un  manifeste  guerrier  de  Napoléon  par  40  cent, 
de  baisse.  La  Bourse,  mieux  que  le  conseil  des  ministres, 
sait  ce  qu'elle  veut  et  où  elle  va  :  ses  oscillations  sont  plus 
explicites  ipie  tous  les  protocoles.  A  ses  yeux,  une  rixe  entre 
les  deux  empereurs  serait  infailliblement  suivie  dune  con- 
)[lagralion  européenne,  guerre  de  religion,  guerre  de  races 


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guerre  d'États,  guerre  révolutionnaire!  Or,  depuis  1848,  la 
Bourse,  un  instant  à  la  démocratie,  est  redevenue  absolu- 
tiste et  conservatrice.  Peut-elle  permettre  à  ses  chefs,  rois  et 
empereurs,  de  se  battre  ?... 

Les  événements  se  précipitent  :  1854  débute  par  une 
baisse  de  1  fr.  25  :  le  3  0/0  reste  à  72  20.  En  vain  les  jour- 
naux d'opinion  républicaine  prennent  parti  pour  la  guerre, 
et  encouragent  de  leur  appui  désintéresse  le  gouvernement 
impérial;  en  vain  celui-ci,  pour  rendre  cœur  au  capital, 
ordonne  une  nouvelle  transportation  de  révolutionnaires  à 
Lambessa;  en  vain  on  répand  la  nouvelle  d'une  dernière 
conférence,  et  Ton  se  berce  de  Fespérance  que  le  sultan  con- 
sentira à  traiter  seul  à  seul  avec  le  tsar.  Le  feu  est  aux  pou- 
dres; les  têtes  s'enflamment,  la  presse  patriotique,  en 
France  et  en  Angleterre,  fulmine  contre  l'ambition  de  Nico- 
las ;  défaits  en  Asie,  les  Turcs  obtiennent  quelques  avantages 
sur  le  Danube.  D'oscillation  en  oscillation,  le  3  0/0  tombe, 
le  2  février,  à  67  50. 

A  ce  moment,  une  étoile  de  salut  semble  se  lever  sur  le 
monde  capitaliste,  entrepreneur  et  propriétaire.  Le  prince 
Napoléon  est  envoyé  à  Bruxelles  ;  une  ligue,  une  sainte- 
alliance  nouvelle  est  projetée  entre  la  France,  l'Angleterre, 
l'Antriclie,  la  Prusse,  la  Belgique,  la  Turquie,  et  tous  les 
États  qui  voudront  y  accéder,  contre  le  tsar.  Afin  de  donner 
à  cette  ligne  une  signification  non  équivoque,  on  la  pro- 
clame tout  à  la  fois  contre  la  Russie  et  contre  la  révolution  : 
ni  républicaine  ni  cosaque^  tel  est  le  mot  d'ordre,  renouvelé 
et  modifié  de  celui  de  Napoléon  à  Sainte-Hélène,  de  cette 
étrange  coalition.  Le  thermomètre  de  la  Bourse  répond  à  la 
pensée  des  diplomates  :  en  trois  jours,  le  3  0/0  monte  do 
2  fr.  10,  à  69  60. 

Mais,  ô  spéculateurs  malavisés,  ne  voyez-vous  pas  qu'en 
retournant  les  rôles,  vous  vous  jeléz  dans  un  système  illo- 
gique, impossible?  que  si  le  tsar  se  présente  avec  tant  de 
confiance  à  la  lutte,  c'est  qu'il  se  sent  le  représentant  de 
80  millions  de  Gréco-Slaves,  dont  la  haine  séculaire  appelle 
la  lin  de  l'empire  turc,  et  pour  qui  l'expulsion  des  Ottomans 
est  la  révolution  't  que  vous  prononcer  ainsi,  et  par  un  mémo 


—  33  — 

acte,  contre  la  démocratie  et  le  tsarisme,  c'eA  les  unir-,  que 
le  seul  moyen,  au  contraire,  de  balancer  la  révolution  en 
Orient,  serait  de  lui  donner  satisfaction  en  Occident  5  et  que 
vouloir  la  refouler  dans  son  double  courant  par  une  sainte- 
alliance  insoutenable,  c'est  entreprendre  une  tâche  plus  folle 
et  plus  rude  que  celle  des  coalisés  de  93? 

La  Bourse,  qui  tout  à  l'heure  ne  voulait  rien  entendre  à 
la  politique  d'État,  ne  saurait  être  plus  touchée  de  la  poli- 
tique de  progrès  et  de  nationalité.  Les  considérations  les  plus 
décisives,  les  faits  les  plus  écrasants  ne  produisent  sur  elle 
qu'un  effet  négatif  :  on  peut  l'efl'rayer,  on  ne  la  convaincra 
pas.  Elle  ira  en  baisse  jusqu\à  extinction  de  capital  :  elle  ne 
changera  pas  d'allure  et  d'opinion.  S'allier  à  la  révolution, 
ce  serait  embrasser  son  bourreau.  Elle  le  sait  :  et  plutôt  que 
de  s'y  résoudre,  elle  se  raccroche  à  tous  les  plans,  et  se  ré- 
signe à  toutes  les  chances. 

3Iais,  lui  criez-vous,  vous  savez  ce  qu'il  en  coûte  de 
combattre  une  révolution.  Voici  que  déjà  le  gouvernement 
demande  à  la  Banque  60  millions!  L'encaisse  disparaît, 
remplacé  par  la  circulation  du  Trésor.  —  Hélas!  tant  pis, 
dit  la  Bourse.  Baisse  de  90  cent.  (8  lév.). 

Mais,  si  vous  abandonnez  la  révolution,  craignez  que  le 
tsar  ne  fasse  alliance  avec  elle;  qu'il  appelle  aux  armes  tous 
les  brouillons  de  l'Europe,  Hongrois,  Polonais,  Italiens, 
comme  déjà  il  vient  de  faire  appel  aux  Grecs,  aux  Monténé- 
grins, aux  Bosniaques,  à  ceux  de  Bulgarie,  iScrvie,  Herzé- 
gowine!  —  Ce  serait  un  grand  malheur,  répond  la  Bourse. 
Baisse  de  2  fr.  Le  3  0/0  est  à  66  (20  février). 

Mais  cette  alliance  de  la  Prusse  et  de  l'Autriche,  que  vous 
escomptez  depuis  huit  jours,  n'est  rien  moins  qu'assurée.  Si 
la  bourgeoisie  allemande  est  hostile  à  la  révolution  et  aux 
Russes,  la  Confédération  germanique  n'a  pas  plus  d'envie  de 
servir  les  intérêts  anglais  :  sa  politique  lui  commande  la 
neutralité.  —  Je  le  crains  fort!  Baisse  de  1  fr.  'iO  cent.  (Du 
1*"^  au  3  mars.) 

Mais  ces  chrétiens  de  l'Église  grecque,  en  faveur  desquels 
vous  prenez  tant  de  souci,  se  moquent  de  votre  diplomatie  : 
tout  ce  qu'ils  veulent,  comme  Manin  ,  c'est  que  les  Turcs, 


—  34  — 

leurs  oppresseurs,  s'en  aillent.  —  C'est  très-fâcheux!  Sta- 
gnation absolue  des  aiïaires,  suspension  de  pajements,  em- 
prunt de  250  millions.  (Du  4  au  14  mars.) 

60  millions  pris  h  la  Banque,  plus  250  millions  versés  ou 
à  verser  par  les  98,C00  souscripteurs  de  l'emiirunt  font  déjà 
310  millions  elToci ils  que  vous  coûte  la  question  dOiicnt. 
Ajoutez  la  sus|»ension  générale  des  aiï.iires,  la  non-|)roduc- 
iion  et  la  dépréciation,  c'est  un  milliard  d'englouti,  et  vous 
n'avez  pas  encore  brûlé  une  amorce.  —  C'est  désespérant  ! 
Baisse  de  4  fr.  20  cent.  (Du  l4  au  31.) 

3  avril.  —  Les  Russes  oui  [lassé  le  Danube  sur  trois  points 
difr.'rents.  Ils  occu[)ent  toute  la  contrée  entre  le  Danube  et 
la  mer  Noire.  Prises  de  Matschin,  Isaksclia,  Babadagh,  Hir- 
sova,  Kustendjé;  marche  sur  Warna.  Attaques  furieuses  de 
l'armée  lusse  contre  Kalafat  :  trois  ledoutes  enlevées  d'as- 
saut. En  même  temps,  la  Russie  biùle  ses  forts  sur  la  côte 
d'Asie,  obstrue  les  bouches  du  Danube,  ensable  les  passes 
dans  le  golfe  de  Finlande,  fait  rentrer  à  l'inléiienr  la  popu- 
lation de  ses  villes  côtières,  et  s'apprête  à  une  lutte  à  ou- 
trance. Ce  n'est  pas  un  corps  de  60,0C0  hommes  qu'il  faut 
pour  la  réduire,  c'est  une  armée  de  500  000!  A  Londres, 
loid  Abcrdeeu  rend  hommage  à  la  boime  fui  de  Nicolas,  à  la 
loyauté  ihi  memoranthim  de  1844;  à  Berlin,  M.  de  Viuike, 
orateur  du  côté  gau(  lie,  opposé  à  lalliance  russe,  déclare  le 
tsar  le  premier  parmi  ses  pairs.  Le  Timps,  pour  consoler  la 
Bourse,  calcule  que  la  guerre  d'Orient  [louria  coûter  à  l'An- 
gleterre 10  millions  sterling,  250  millions  de  fr.  par  année, 
pas  davantage.  MM.  Bi  iglit  el  Cobdeii  accusent  les  ministres. 
—  Mon  Dieu!  s  écrie  la  Bourse,  qu'allait-il  faire  flans  cette 
maudite  galère?  Baisse  de  1  fr.  20.  Le  3  0/0  est  à  61  70;  le 
4  1/2  à  88  20.  En  17  mois,  la  baisse  totale  est  de  24  fr.  sur 
le  3  0/0,  et  de  18  sur  le  4  1/2 

A  quoi  servirait  de  piolouj^er  ce  commentaire?  Il  est  visible 
que  lesintéièss,  tels  (pie  les  a  reconstitués  le  2  décembre, 
après  avoir  forcé  le  gouveinement  iuq)érial  à  se  déclarer 
tout  à  la  fois  contre  le  tsar  et  contre  la  révo'ulion,  se  sentent 
engagés  dans  une  politique  sans  issue,  et  que  leur  vœu  se- 
cret est  d'en  linir  au  plus  vile  par  le  sacrjiice  de  l'empire 


-  35  — 

ottoman,  et  un  concordat  amiable  entre  les  puissances  pro- 
tectrices, la  Russie,  rAulriche,  la  Pnisse,  la  France  et  l'An- 
gleterre. Déjà  le  goiivcrncnient  anjzlais,  par  le;  ministère  de 
son  ambassadeur,  a  fait  sa\oir  à  la  Porte  qu'elle  eùl  à  opter 
entre  Tahandon  des  principes  erronés  du  Coran  et  la  retraite 
de  ses  puissants  alliés,  le  suicide  ou  la  mort!...  Que  Pas- 
kewilch  se  dépccbe  donc  d'en  finir  avec  l'artiiéelunpie,  pen- 
dant que  les  Auiilo-Francs  occupent  Conslantiriople  :  alors 
il  ne  restera  plus  qu'à  négocier,  et  la  Bourse  montera  de 
10  fr.  (Du  3  avril  au  ler  juin.)  Une  fois  de  pins,  le  fait  ac- 
compli aura  tranché  le  nœud  goidiendela  politique;  la  Tur- 
quie ancanlie,  par  les  ravages  de  ses  ennemis,  les  exigences 
de  ses  alliés,  l'insuriection  de  ses  sujet'j,  la  peur  des  révolu- 
tiorma ires,  on  procédera  au  partage;  et  Ions  ensemble,  le 
tsar  Nicolas,  les  empereurs  Ferdinand  et  Nipoléon,  le  roi 
Frédéric-Guillaume  et  la  gracieuse  Victoria  auront  sauvé, 
par  l'inspiration  de  la  Bourse,  la  civilisation  occidentale  et 
l'équilibre  européen  !... 

Tel  était,  nous  osons  le  dire,  en  1855,  le  vœu  secret  de  la 
Bouise,  vœu  parfaitement  calculé,  s'il  laissait  à  désirer  au 
point  de  vue  de  l'hunianilé  et  du  droit.  I.a  fortime  en  a 
décidé  autrement.  L  aimée  russe,  dévorée  par  les  maladies 
et  les  fatigues,  n'a  pu  entamer  l'empire  ottoman,  et  nos  sol- 
dats ont  emporté  la  moitié  de  Sébastopol.  Force  a  donc  été 
aux  puissances  belligérantes  de  reprendre  haleine  :  mais  la 
paix  de  l'aris  ne  lésoul  rien,  n'est  qu'une  suspension  d'armes. 
Malgré  toutes  les  excitations,  la  Bourse,  qui  y  voit  de  plus 
loin  que  les  hommes  d  Éial,  ne  sest  pas  relevée  :  le  3  0/0 
est  aujourd'hui,  10  novembre  1856,  à  65... 

4.  Moralisation  de  la  Bourse. 

Par  la  nature  même  des  choses,  la  Spéculation  est  ce  qu'il 
y  a  de  plus  spontané,  de  plus  incoercible,  de  pins  réfractaire 
à  l'appropriation  et  au  privilège,  de  jjIus  indomptable  au 
pouvoir,  en  un  mol  de  plus  libre.  Infinie  dans  ses  moyens, 
comme  le  temps  et  l'espace,  ofîrant  à  tous  ses  trésors  et  ses 


—  36  — 

mirages,  monde  transcendant,  que  l'Ordonnateur  souverain 
a  livré  aux  investigations  des  mortels,  tradidit  disputalio- 
nibus  eorum,  plus  d'une  fois  le  pouvoir,  sous  prétexte  de 
moralité  publique,  a  essayé  d'élendre  sur  elle  sa  main  ré- 
glementaire, et  toujours  elle  Ta  convaincu  d'ineptie  et  d'im- 
puissance. Que  la  presse  soit  muselée,  la  librairie  tarifée, 
la  poste  surveillée,  la  télégraphie  exploitée  par  l'État,  la 
Spéculation,  par  l'anarchie  qui  lui  est  essentielle,  échappe  à 
toutes  les  constitutions  gouvernementales  et  policières.  En- 
treprendre de  placer,  sur  ce  dernier  et  infaillible  truchement 
de  l'opinion,  un  abat-jour,  ce  serait  vouloir  gouverner  dans 
les  ténèbres  d'Egypte,  ténèbres  si  épaisses,  au  dire  des  rab- 
bins, qu'elles  éteignaient  les  lanternes  et  les  bougies  1 

Comment,  par  exemple,  interdire  les  marchés  à  terme? 

Pour  défendre  les  marchés  à  terme,  il  faudrait  arrêter  les 
oscillations  de  Voffre  et  de  la  demande,  c'est-à-dire  garantir 
à  la  fois  au  commerce  la  production,  la  qualité,  le  placement 
et  l'invariabilité  du  prix  des  choses^  annuler  toutes  les  con- 
ditions aléatoires  de  la  production,  de  la  circulation  et  de 
la  consommation  des  richesses-,  en  un  mot,  supprimer  toutes 
les  causes  qui  excitent  l'esprit  d'entreprise  :  chose  impos- 
sible, contradictoire.  L'abus  est  donc  indissolublement  lié 
au  principe,  à  telle  enseigne  que,  pour  atteindre  l'abus,  par 
toutes  voies  de  prévention,  coercition,  répression,  interdic- 
tion, exception,  on  fait  violence  au  principe;  pour  se  guérir 
de  la  maladie,  on  se  tue. 

Il  n'y  a  pour  une  société,  pour  un  gouvernement,  qu'une 
manière  demeltie  fin  aux  abus  de  la  spéculation  boursière  : 
c'est,  pour  les  fonds  publics,  et  généralement  pour  tous 
placements  de  capitaux ,  d'organiser  l'amortissement  des 
dettes,  ce  qui  implique  une  autre  organisation  du  crédit  ; 
en  second  lieu,  de  rendre  cet  amortissement  facile  par  la 
réduction  indéfinie  de  l'intérêt  ;  enfin,  de  faire  de  l'amor- 
tissement, comme  autrefois  de  l'intérêt,  la  condition  sine 
guâ  non  de  tout  emprunt,  tant  privé  que  public;  —  pour  les 
chemins  de  fer,  les  canaux,  les  mines,  les  assurances,  la 
Banque,  etc.,  de  liquider  les  sociétés  existantes,  et  de  rem- 
placer la  commandite  des  capitalistes  par  la  mutualité  des 


—  37  — 

industries  et  l'association  des  travailleurs-,  —  pour  les  affaires 
de  commerce  et  de  change,  d'abolir  le  monopole  des  otlices 
et  tons  privilèges  d'intermédiaires-,  d'o[iposer  aux  ofïorts  de 
l'agiotage  la  garantie  puissante  d'étahlissements  spéciaux 
fonctionnant  pour  le  compte  des  communes  et  du  pays;  par 
ce  moyen,  de  créer  un  vaste  système  de  publicité,  de  balance 
et  de  contrôle  qui  déjouerait  toutes  les  ruses  de  la  spécula- 
tion im[)roiiuctive. 

Mais  cette  heureuse  révolution  ne  semble  pas  encore  mtjre  ; 
l'opinion,  celle  du  moins  des  intérêts  qui  pourraient  parler, 
ne  l'appelle  nullement.  Quant  aux  intérêts  qui  ne  parlent 
pas,  outre  que  leur  silence  s'interprète  dans  le  sens  des  pre- 
miers, qui  ne  sait  que  tout  ce  que  nous  pourrions  dire  en 
leur  faveur  serait  accusé  d'utopie  et  de  tendance  révolu- 
tionnaire, et  comme  tel  non  avenu?... 

Toutefois,  s'il  n'y  a  pas  lieu  d'espérer,  quant  à  présent, 
que  ni  le  gouvernement  prenne  l'initiative  de  cette  réforme, 
ni  le  pays  émette  à  cet  égard  un  simple  vœu,  il  peut  se  faire 
que  l'excès  du  mal  amène  le  remède,  et,  comme  toutes  les 
institutions  vieillies,  que  la  spéculation  se  purge  par  l'exa- 
gération même  et  la  corruption  de  son  idée. 

L'institution  des  Bourses,  dans  les  centres  de  commerce 
et  d'industrie,  imposait  à  la  bourgeoisie  française  un  triple 
devoir  :  envers  elle-même,  envers  les  classes  travailleuses  et 
pauvres,  envers  l'État. 

Envers  elle-même  ,  la  bourgeoisie  avait  à  surveiller  le 
mouvement  des  valeurs  mobilières  et  immobilières,  en  em- 
])êeher  la  dépréciation  et  en  maintenir  l'équilibre;  prévenir 
les  fraudes  commerciales,  les  contrefaçons  ;  démasquer  le 
charlatanisme,  assurer  la  libre  concurrence;  combattre  le 
monopole  ;  conserver,  augmenter  les  fortunes  particulières 
engagées  dans  les  diverses  branches  de  la  procJuction  ;  en- 
courager les  entreprises  sérieuses,  mettre  un  frein  à  l'esprit 
d'aventure,  refréner  l'usure,  organiser  le  crédit,  stigmatiser 
et  flétrir  toute  spéculation  de  pur  agiotage,  toute  fortune 
ac(]uise  par  des  moyens  que  ré[)rouve  la  délicatesse  et  que 
condamne  un  système  de  garanties  réciproques  et  de  loyales 
transactions. 

3 


—  38  - 

Envers  les  travailleurs,  Tinitiative  de  toutes  les  mesures 
générales  qui  peuvent  affecter  le  bicn-êlre  et  l'éducation 
des  masses  lui  revenait  :  organisation  de  l'apprentissage; 
soutien,  amélioration,  équilibre  des  salaires;  facilités  offertes 
à  l'étude;  police  et  garantie  des  subsistances,  diminution 
des  loyers,  admission  des  ouvriers  en  participation  des  bé- 
nélices,  création  d'un  patrimoine  populaire,  élévation  et 
équation  progressive  de  toutes  les  classes  de  citoyens... 

Envers  lÉtat,  il  lui  appartenait  de  procurer,  au  moyen 
d'une  baisse  soutenue  des  fonds  publics,  motivée  sur  le  dé- 
veloppement d'une  commandite  lucrative,  l'amortissement 
de  la  dette  -,  de  régir  la  douane,  l'impôt,  la  diplomatie  ;  de 
couvrir  les  emprunts,  d'empêcher  l'aliénation  du  domaine, 
et  de  mettre  un  frein  au  favoritisme  des  subventions,  con- 
cessions, octrois  de  privilèges  et  de  primes,  qui  sont  la  ruine 
des  gouvernements  et  le  chancre  des  sociétés. 

Pour  une  bourgeoisie  intelligente,  généreuse  et  probe,  la 
Bourse  eût  été  le  parlement  duquel  seraient  émanés  chaque 
jour  des  décrets  plus  efficaces  que  toutes  les  ordonnances 
des  ministres  et  les  lois  votées  par  quatre  cent  cinquante- 
neuf  représentants.  Il  n'est  police,  armée  ni  tribunaux  qui 
eussent  pu  se  comparer  à  cette  force  de  la  spéculation  pour 
le  maintien  de  l'ordre.  Sous  un  tel  régime,  le  pays  avait  la 
possession  abgolue  de  lui-même  :  la  non-confiance  devenait 
impossible. 

La  bourgeoisie,  il  faut  l'avouer,  est  loin  d'avoir  compris 
ces  hautes  et  nobles  fonctions.  Saisie  d'une  fièvre  de  spécu- 
lation agioteuse,  avide  de  concessions,  de  subventions,  de 
privilèges,  de  primes  et  de  monopoles,  elle  a  considéré  la 
fortune  publique  comme  une  proie  qui  lui  était  dévolue; 
l'impôt  comme  une  branche  de  son  revenu  ;  les  grands 
instruments  du  travail  national,  chemins  de  fer,  canaux, 
usines,  comme  les  gages  de  son  parasitisme  ;  la  propriété, 
comme  un  droit  de  rapine;  le  commerce,  l'industrie,  la 
Banque,  comme  des  façons  naturelles  d'exploiter  le  peuple  et 
de  pressurer  le  pays.  A  force  de  prélibations,  d'anticipations, 
de  réalisations,  d'usures,  d'escomptes,  elle  donne  au  monde 
le  spectacle  d'un  débauché  qui,  au  lieu  de  faire  valoir  en 


—  39  — 

bon  père  de  famille  riiéritage  de  ses  ancêtres,  améliorant  le 
fonds  et  ne  consommant  qu'une  partie  du  revenu,  dévore 
tout  en  viao^er. 

IN'est-il  {)as  monstrueux,  en  effet,  de  voir  cette  opération 
si  utile,  si  morale,  quand  elle  ne  s'applique  qu'à  de  médio- 
cres valeurs,  à  de  courtes  échéances,  Vescotnptfi,  devenu  gé- 
néral et  systématiquement  appliqué  à  des  opérations  dont 
l'importance  se  compte  par  centaines  de  millions,  et  la  durée 
de  50  à  99  ans?  Une  ligne  de  fer  est  à  peine  concédée  par  le 
gouvernement,  que  les  premiers  souscripteurs,  portant  leurs 
titres  à  la  Bourse,  les  vendent  avec  \iv'\me,  réalisent  :  le 
produit  de  vingt,  trente  et  quarante  années  est  escompte, 
encaissé  comme  si  déjà  il  existait,  livré  au  parasitisme,  qui 
se  gorge  sans  vergogne,  à  la  barbe  du  prolétaire  confondu. 
Les  prodigalités,  les  dilapidations,  les  anticipations,  qui 
amenèrent  la  chute  de  la  monarchie  en  89,  amèneront  tôt  ou 
tard  la  faillite  de  la  bourgeoisie  :  déjà  la  Bourse,  aux  yeux 
d'un  observateur  attentif,  en  manifeste  les  symptômes,  et  la 
Bourse  ne  trompe  jamais  : 

Cet  oracle  est  plus  sûr  que  celui  de  Calcbas. 

De  ces  mœurs  nouvelles,  irrémédiables,  qui  infectent  notre 
bourgeoisie,  sont  nés  le  dégoût  du  travail,  l'incapacité  dans 
les  affaires  sérieuses,  la  surexcitation  de  l'avarice,  l'abaisse- 
ment des  consciences,  et  ces  inspirations  de  la  lâcheté  qui, 
depuis  1830,  refluant  sans  cesse  des  classes  moyennes  vers 
les  régions  supérieures,  caractérisent  la  politique  de  nos  dé- 
plorables ministères.  Louis-Philippe  fut  le  grand  procura- 
teur de  cette  politique,  qui  malheureusement  n'a  pas  pris 

fin  avec  son  règne Que  la  bourgeoisie  exalte  ce  roi  et  le 

canonise  :  elle  n'a  pas  le  droit  de  l'accuser.  Mais  la  France 
lui  doit  la  dépravation  de  ses  mœurs,  l'éclipsc  de  son  génie, 
l'avilissement  de  son  nom,  une  évolution  républicaine  sans 
énergie,  sans  idée  et  sans  gloire,  et  peut-être,  dans  un  ave- 
nir que  nul  n'oserait  dire  éloigné,  la  perspective  d'une  ré- 
volution sociale. 

L'antique  haine,  qui,  sous  l'ancienne  monarchie,  s'attachait 


—  40  — 

au  traitant,  s'est  généralisée  :  elle  frappe,  comme  une  ré- 
probation, le  monde  bourgeois.  L'ouvrier,  enfermé  dans  le 
cercle  étroit  des  saliires,  a  deviné  le  seiret  de  tant  de  scan- 
daleuses opulences.  H  ne  se  dit  point  que  le  patronat,  qu'il 
déteste,  a  aussi  ses  iimertnmes;  que  tout  n'est  pas  vol  dans 
la  richesse  acquise  par  des  entteprises  périlleuses,  par  des 
spéculations  utiles,  par  iine  action  loyale  et  intelligente  des 
capitaux;  et  qu'après  tout,  la  modeste  existence  d'un  ou- 
vrier habile,  rangé  et  irresponsable,  vaut  autant  pour  la 
réalité  du  bien-être  que  la  foi  tune  plus  ou  moins  factice  d'un 
entrepreneur  consumé  d'ennuis  et  de  veilles.  L'ouvrier  en- 
veloppe de  sa  haine  socialiste  tout  ce  qui  dépasse  sa  condi- 
tion, et  qu'il  s'est  accoutumé,  sans  justice,  mais  par  la 
faute  des  classes  supérieures,  h  regarder  comme  ennemi. 

La  scission  entre  la  bourgeoisie  et  le  prolétariat,  de  jour 
en  jour  plus  apparente,  est,  on  peut  le  dire,  irrévocable. 
Nous  en  avons  dit  les  causes  fatales  :  ce  sont  les  abus  qui 
accompagnent  la  Production  dans  ses  quatre  facultés  essen- 
tielles, le  Travail,  le  Capital,  l'Échange,  et,  par  dessus  tout, 
la  Spéculation.  En  traçant,  d'une  jilume  rapide,  le  rôle  que 
le  cours  du  siècle  et  la  nécessité  des  choses  imposent  à  la 
classe  bourgeoise,  nous  avons  indiqué  sommairement  aussi 
le  remède  au  cataclysme  révolutionnaire  qui  menace  d'en- 
gloutu-  la  France.  L'objet  de  ce  travail  ne  nous  permet  pas 
de  pousser  plus  loin  nos  investigations. 

Notre  but,  en  offrant  au  public  cet  abrégé  de  la  statis- 
tique spéculative,  a  été  de  servir  les  intérêts  de  toute  nature 
que  peuvent  compromettre,  sans  qu'ils  s'en  doutent,  les 
fluctuations  boursières.  Le  rentier,  qui  vit  sur  la  foi  de  son 
inscription;  l'actionnaire,  qui  compte  sur  son  dividende; 
le  propriétaire  foncier,  dont  l'avoir  est  tout  en  terres  et 
en  maisons;  le  commerçant,  dont  la  sécurité  repose  sur 
réveiilualité  des  bénéfices;  le  pèie  de  famille,  qui  cherche, 
pour  l'établissement  de  ses  fils,  pour  la  dot  de  ses  filles, 
le  placement  le  plus  solide  et  le  plus  productif;  tous  ceux 
dont  la  fortune  est  engagée,  soit  dans  les  fonds  publics, 
soit  dans  les  entreprises  industrielles ,  soit  dans  des  pro- 


—  41  — 

priélés  rurales  ou  urbaines,  et  qui  trop  souvent  oublient 
que  cette  fortune  rhanjïe  incessamnienl ,  tant  en  capital 
qu'en  intérêts,  par  les  mouvements  quotidiens  tle  la  Bourse; 
tout  ce  monde,  étranger  pour  la  [Jupuit  à  la  spôcnlalion,  a 
besoin  cependant  d'en  ronnaitre  à  peu  piès  les  objets,  d'en 
observer  les  oscillations  et  d'en  prévoir  les  résultats.  Tous, 
tant  que  nous  sommes,  jusqu'au  simple  journalier,  nous 
jragnons  ou  nous  perdons  chaque  jour  quelque  chose  à  la 
Bourse  :  pour  l'un  (-'est  le  capital  qui  s'accroît  de  valeur  ou 
se  déprécie,  pour  l'autre  c'est  le  revenu;  pour  celui-ci  c'est 
le  prix  de  ses  marchandises,  pour  celui-là  c'est  la  valeur  des 
matières  premières;  pour  tous  c'est  la  mercuriale  des  sub- 
sistances (jui  monte  ou  qui  baisse,  et  par  conséquent  le  sa- 
laire qui  diminue  ou  qui  augmente. 


Un  Manvel  du  Spécvlafevr  doit  contenir  : 

1»  Les  lois  qui  régissent  la  Bourse  et  ses  divers  agents,  le 
sens  général  et  le  détail  des  opérations,  leur  moralité,  leur 
influence,  les  comliinaisons  de  vente  et  d'achat,  réjtoque  et 
le  mode  des  liquidations,  en  un  mot,  les  formes,  rubriques 
et  procédures  de  la  Spéculation; 

2o  Une  notice  claire  et  complète  des  effets  formant  la  ma- 
tière de  la  Spéculation;  leur  oiigine,  leur  gage,  leur  valeur 
réelle,  c'esl-à-diie  une  monographie  de  chaque  espèce  de 
fonds  cotés  au  parquet. 

Notre  ouvrage  se  divise  donc  en  deux  parties  principales  : 
1°  formes  de  la  Spéculation;  2"  Matière  de  la  Spéculation. 


PREMIERE  PARTIE. 

FORMES    DE    LA   SPÉCULATION. 


CHAPITRE  PREMIER, 

Tenue,  police  et  administration  de  la  Bourse. 

L'institution  de  la  Bourse  est  ainsi  déterminée  par  le 
Code  : 

«  La  Bourse  de  commerce  est  la  réunion,  —  qui  a  lieu  sous  l'au- 
torité du  roi,  —  des  commerçants,  capitaines  de  navires,  agents 
de  change  et  courtiers.  »  (Code  de  commerce,  art.  71 .) 

On  appelle  aussi  Bourse  le  lieu  où  se  tient  cette  réunion, 

«  Le  gouvernement  pourra  établir  des  Bourses  de  commerce 
dans  tous  les  lieux  où  il  n'en  existe  pas  et  où  il  le  jugera  conve- 
nable. »  (Loi  du  28  ventôse  an  IX,  art.  i*".) 

Selon  la  définition  de  la  loi,  la  Bourse  est  une  assemblée 
de  marchands,  traitant  d'affaires  sérieuses.  Or  les  réunions 
de  ce  genre  ne  sont  pas  une  innovation  moderne;  elles  sont 
nées  avec  le  négoce  même.  Sous  une  appellation  ou  sous  une 
autre,  on  en  trouverait  des  traces  chez  les  peuples  de  l'anti- 
quité, les  Phéniciens,  les  Grecs,  les  Carthaginois,  les  Ro- 
mains, ainsi  qu'au  moyen  âge,  chez  les  Génois,  les  Véni- 
tiens, les  Hollandais,  les  Portugais,  les  Anglais,  chez  toutes 
les  nations  enfin  qui  ont  dû  leur  richesse  et  leur  importance 
au  commerce  de  mer  et  aux  transactions  avec  l'étranger. 

A  Rome,  500  ans  avant  Jésus-(]hrist,  il  existait  une  as- 
semblée des  marchands,  Collegium  mercatorum,  dans  la- 
quelle on  peut  fort  bien  voir  une  Bourse. 

11  existe  une  ordonnance  de  Philippe  le  Bel  (1304),  qui 
assigne  aux  opérations  de  change  le  pont  qui  en  conserve 


_  43  ~ 

encore  le  nom.  Mais  c'est  à  Bruges,  dit-on,  que  la  Bourse  fut 
ainsi  nommée  pour  la  pr  niière  fois.  La  Bourse  de  Toulouse 
remonte  à  1549;  celle  de  Bouen  à  1566. 

11  ne  faut  pas  prendre  la  date  des  édits  et  règlements  pour 
celle  de  l'institution  même.  Les  lois,  en  matière  commer- 
ciale surtout,  ne  créent  rien,  elles  définissent  et  réglemen- 
tent un  état  de  choses  déjà  existant  :  voilà  tout. 

L'établissement  légal  de  la  Bourse  est  de  septembre  1724, 
quatre  ans  après  la  chute  du  système  de  Law.  Elle  se  tenait 
alors  à  l'hôtel  de  Nevers.  Fermée  le  27  juillet  1793,  elle  rou- 
vrit au  Louvre  le  10  mai  1795.  Fermée  de  nouveau  le  13  dé- 
cembre de  la  même  année,  elle  fut  rétablie,  le  12  janvier 
suivant,  dans  l'église  des  Petits-Pères,  puis  transférée,  le 
7  octobre  1807,  au  Palais-Boyal,  et  le  23  mars  1818,  sur  le 
terrain  des  Filles-Saint-Thomas,  dans  un  hangar  qui  ne 
pouvait  être  que  provisoire.  Les  frais  de  construction  du 
palais  actuel  de  la  rue  Vivienne  ont  été  couverts  en  partie 
par  les  souscriptions  des  commerçants  et  des  agents  de 
change;  le  gouvernement  et  la  ville  ont  payé  le  surplus. 
L'inauguration  a  eu  lieu  en  1826,  le  6  novembre. 

La  propriété  du  monument  a  été  réglée  par  la  loi  du 
10  juin  1829,  ainsi  conçue  : 

«  Article  unique.  —  Le  ministre  des  finances  est  autorisé  à 
abandonner  çn  toute  propriété,  au  nom  de  l'État,  à  la  ville  de 
Paris,  l'emplacement  occupé  par  le  palais  de  k  Bourse  et  ses 
abords,  ainsi  que  les  constructions  élevées  aux  frais  du  gouverne- 
ment et  les  terrains  acquis  par  l'État  pour  cette  destination,  ou 
provenant  de  l'ancien  couvent  des  Fillcs-Saint-Thomas,  et  qui  se 
trouvent  en  dehors  des  alignements  soit  du  palais,  soit  de  la 
place.  Au  moyen  de  cet  abandon,  !a  ville  de  Paris  devra  faire  ter- 
miner à  ses  frais  le  palais  de  la  Bourse  et  ses  abords,  et  demeu- 
rera seule  chargée  de  leur  entretien.  » 

Les  besoins  du  commerce,  qui  avaient  fait  instituer  les 
foires  et  les  marchés  périodiques,  ont  donné  naissance, 
avons-nous  dit,  à  rinstilulion  des  Bourses.  Seulement  elles 
ne  pouvaient,  suivant  la  nature  des  choses  et  le  dévelo|)pe- 
ment  des  transactions,  venir  qu'en  dernier;  il  fallait  qu'au 
préalable  le  change  et  le  crédit  eussent  pris  des  proportions 


—   44   — 

assez  considérables  pour  permettre  aux  négociants  de  sti- 
puler et  déchangor  sur  de  simples  titres,  et  de  faire  une 
partie  noiable  des  .ilTiiresavecdu  papier. 

En  efici,  dans  les  foires  et  marches  on  vend  et  on  achète 
des  denrées  en  nature;  il  y  a  livraison  matérielle  des  objets. 
A  la  Bourse,  lien  de  pareil  :  ni  marchandises,  ni  échantil- 
lons. Les  conventions  sélablissent  sur  des  titres  tels  que 
lettres  de  (  hange,  connaissements,  actions  de  chemins  de 
fer,  obligations,  etc.  C'est  la  sublimation  ou  quintessence 
du  commerce.  Aussi  les  juifs  ont-ils  été  les  créateurs  des 
Bourses  chez  les  nations  modernes. 

Dans  la  plupart  des  cas,  les  titres  sont  tout  l'objet  de  la 
transaction.  Cependant  il  se  fait  aussi,  ou  plutôt  il  se  fai- 
sait autrefois,  des  ventes  et  des  achats  de  marchandises, 
telles  que  cotons,  savons,  suifs,  fers,  huiles,  sucres,  cafés, 
trois-six,  etc.  Seulement,  à  la  différence  des  foires,  la  livrai- 
son ne  sefleclue  jamais  au  lieu  même  du  marché.  On  con- 
vient du  prix  à  la  Bourse,  on  livre  à  l'entrepôt  ou  chez  le 
commissionnaire. 

Aujourd'hui,  c'est  principalement  dans  les  villes  d'entre- 
pôt et  d'arrivages,  comme  le  Havre,  Marseille,  Bordeaux, 
dans  les  districts  manufiicturiers  et  agricoles,  comme  Lyon, 
Rouen,  le  Languedoc,  l'Alsace,  que  le  jeu  sur  les  marchan- 
dises s'est  concentré.  Bien  que  ce  genre  d'agiotage  soit  le 
contre-coup  des  jeux  de  Bourse,  il  n'entre  pas  (fans  le  cadre 
de  notre  sujet  d'en  décrire  les  [)rocédés,  qui  au  sur()lns  se 
résument  presque  tous  en  des  coalitions  de  capitalistes  dé- 
tenteurs de  matières  premières  ou  acquéreurs  de  tout  le 
disponible  et  de  toute  la  production  pendant  trois  mois,  six 
mois,  \\n  an  et  plus. 

Nombre  d'institutions,  sans  changer  de  nom,  se  transfor- 
ment et  se  modifient  parfois  au  point  do  devenir  méconnais- 
sables en  moins  d'un  demi-siècle.  La  suite  de  ce  traité  nous 
montrera  qu'il  n'en  est  |)oint  autrement  de  celle  qui  nous 
occupe.  C'est  à  peine  si  les  spéculateurs  d'aujourd'hui  se 
doutent  qu'il  y  a  des  courtiers  de  marchandises  attachés  à 
la  Bourse.  Les  transactions  honnêtes  ont  dû  céder  la  place 
à  l'agiotage  parasite.  Le  jeu,  qui  était  l'exception,  est  de- 


—  4b  — 

venu  la  règle.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  création  des  Bourses  a 
répondu,  dans  le  principe,  à  un  besoin  impérieux  du  com- 
merce, et  elles  ont  été,  comme  les  comptoirs,  les  factoreries, 
les  banques,  un  auxiliaire  puissant  du  crédit  et  des  relations 
internationales. 

Un  fuit  constant,  mais  qui  ne  nous  étonnera  pas,  c'est 
que  dès  avant  89,  comme  après,  le  gouvernement  n'a  cessé 
de  prendre  toutes  les  précautions  imaginables  contre  ce  pu- 
blic agiotant  et  spéculant,  dont  il  redoute  par  dessus  toute 
chose  la  critique,  dont  il  ne  cesse  par  conséquent  de  solli- 
citer la  faveur.  La  Convention,  dans  sa  logique  dictatoriale 
et  avec  ses  façons  sommaires,  pensa  que  si  la  Bourse  était  le 
centre  de  manœuvres  sus[>e(  tes,  le  plus  simple  était  de  la 
fermer,  il  en  fut  ainsi,  en  <  ITet,  jusqu'au  6  lloiéal  an  111,  où 
un  décret  de  la  même  assemblée  ordonna  de  la  rouvrir. 

Aux  termes  de  l'article  28  de  l'arrêt  du  24  septembre 
1724,  les  particuliers  qui  voulaient  acheter  des  «'(Tcts  publics 
ou  commerçabies,  devaient  remettre,  avant  l'heure  de  la 
Bourse,  largent  ou  les  elTels  aux  agents  de  change.  I.c  lé- 
gislateur avait  cru  i)rendre  |)iir  là  une  garantie  contre  le 
jeu.  La  loi  du  13  fructidor  an  111  (30  août  1795)  se  montra 
plus  ex()licite  encore.  Considérant  que  u  les. négociations  de 
la  Bourse  n'étaient  plus  qu'un  jeu  de  primes,  ori  chacun 
vendait  ce  qu'il  n'avait  |)as,  achetait  ce  qu'il  ne  voulait  pas 
prendre,  et  oîi  Ton  trouvait  partout  des  conunerçants  et 
nulle  part  du  commerce,  »  elle  défendit,  sous  des  p-ines 
très-sévères  (deux  ans  de  détention,  exposition  publique 
avec  écriteau  sur  la  poitrine  portant  ce  mot:  agioteur,  et 
confiscation  au  prolit  de  l'État,  des  biens  du  condanmé), 
de  vendre  des  marciiandises  ou  cH'cts  dont  on  ne  serait  pas 
propriétaire  au  moment  de  la  transaction.  —  Un  autre  arrêté 
du  5  ventôse  au  IV  (21  février  1796j,  dans  le  but  d'assurer 
Texéculion  de  la  précédente  loi,  exigea  que  tout  marché 
conclu  par  un  agent  de  changiï  ou  un  courtier  fût  proclamé 
à  haute  voix,  enregistré  par  le  crieur,  avec  indication  du  nom 
et  du  domicile  du  veuileur,  ainsi  ipiedu  déposiaire  deseil'ets 
ou  espèces,  alia  que  la  police  put  rerifier  l'existence  des 
objets  vendus.  Le  même  arrêté  n'admettait  à  la  Bourse  que 

3. 


-  46  — 

les  agents  de  change  ou  courtiers  de  marchandises  légale- 
ment nommés,  et  les  banquiers  et  négociants  qui,  indépen- 
damment de  leur  patente  et  de  la  quittance  de  leur  part 
dans  l'emprunt  forcé,  justifieraient,  par  un  certificat  de 
leurs  municipalités,  qu'ils  avaient  maison  de  banque  ou  de 
commerce  en  France,  et  domicile  fixe. 

Mais  la  légalité,  dans  sa  lutte  contre  Tagiotage,  a  toujours 
eu  le  dessous.  De  guerre  lasse,  l'autorité,  par  l'arrêté  du 
27  prairial  an  X  (16  juin  1802),  abrogea  l'obligation  de  dési- 
gner le  vendeur  et  l'acheteur,  ouvrit  la  Bourse  à  tous  les 
citoyens,  même  aux  étrangers,  et  renonça  à  exiger  qu'on 
justifiât  de  la  propriété  des  objets  vendus  ou  échangés. 

Toutes  les  ordonnances  sur  la  matière,  depuis  1724  jus- 
qu'à nos  jours,  sont  d'accord  sur  ce  point  qu'il  ne  peut  être 
fait  aucune  négociation  d'effets  commerçables  en  dehors  du 
local  et  des  heures  qui  y  sont  affectés.  L'autorité  voulait 
absolument  avoir  l'œil  sur  les  boursiers  :  l'expérience  de 
cent  trente  années  doit  lui  avoir  appris  que  si  son  inspection 
est  parfaitement  motivée,  elle  est  tout  à  fait  impuissante. 

«  Défend  Sa  Majesté,  dit  l'arrêt  du  24  septembre  1724^,  de  faire 
aucune  assemblée  et  de  tenir  aucun  bureau  pour  y  traiter  de  né- 
gociations, soit  en  maisons  bourgeoises,  hôtels  garnis,  cafés,  limo- 
nadiers, cabaretiers,  et  partout  ailleurs,  à  peine  de  6,000  livres 
d'amende  contre  les  contrevenants...  Et  seront  tenus  les  proprié- 
taires ou  les  principaux  locataires,  aussitôt  connaissance  de  l'u- 
sage qui  sera  fait  de  leurs  maisons  en  contravention  au  présent 
article,  d'en  faire  déclaration  au  commissaire  du  quartier,  à  peine 
de  6,000  livres  d'amende.  » 

Les  arrêtés  de  1781,  de  1785  et  la  loi  du  13  fructidor 
an  III  sanctionnent  par  des  peines  encore  plus  sévères  les 
prohibitions  précédentes.  Un  décret  du  27  prairial  an  X 
renouvelle  les  mêmes  dispositions.  Il  n'est  rien  de  pire  pour 
un  gouvernement  que  de  ne  savoir  ou  ne  pouvoir  se  faire 
obéir.  Eu  1819  et  1823,  le  préfet  de  police  renouvelle  aux 
agioteurs  ses  injonctions  sévères  :  il  aurait  pu  continuer  sur 
ce  |)ied  en  1824,  1825,  etc.,  sans  obtenir  plus  de  résultats. 
L'agiotage  est  inséparable  de  la  spéculation  sérieuse,  comme 
l'abus  de  la  propriété. 


__  47  — 

Le  gouvernement  de  Louis-Philippe,  en  philosophe  qui 
subit  ce  qu'il  ne  peut  empêcher,  ferma  les  yeux  sur  les  réu- 
nions du  café  Tttrioni  et  du  passage  de  lOpéi'a.  Mais  en 
1849,  M.  Carlier,  ayant  prélomlu  que  force  de\ait  rester  à 
la  loi,  fit  fermer  le  cercle  du  boulevard  des  Italiens.  Chassés 
par  la  porte,  les  spéculateurs  rentrèrent,  comme  on  dit,  par 
la  cave  :  depuis  1853,  la  police  a  fourni  contre  eux  deux 
campagnes,  d'abord  en  les  dépistant  du  passage  de  rOjiéra, 
ensuite  du  Casino  où  ils  s'étaient  réfugiés  en  dernier  lieu. 
Devant  les  sergents  de  ville,  les  contrevenants  semblaient 
s'être  résignés.  Mais  voici  qu'ils  tiennent  leurs  réunions  am- 
bulantes sur  l'asphalte  du  boulevard,  et  jamais  la  spécula- 
tion coulissière  ne  s'est  livrée  plus  tranquillement  à  ses 
manœuvres. 

La  police  de  la  Bourse  appartient,  à  Paris,  au  préfet  de 
police;  aux  commissaires  généraux  de  police  dans  les  places 
de  Lyon,  Marseille,  Bordeaux-,  aux  maires  dans  les  villes  où 
il  n'y  a  pas  de  commissaires  spéciaux. 

«  Aucim  pouvoir  militaire,  dit  la  loi  du  28  vendémiaire  an  IV, 
n'exercera  de  fonctions  dans  l'intérieur  de  la  Bourse,  qui  ne  sera 
soumise  qu'à  la  surveillance  de  la  police  administrative.  » 

Un  commissaire  assiste,  à  Paris,  à  chaque  séance. 

a  La  Bourse  est  ouverte  à  tous  les  citoyens  et  même  aux  étran- 
gers. »  (Arrêté  du  27  prairial  an  X).  —  «  Nul  commerçant  failli  ne 
peut  s'y  présenter,  à  moins  qu'il  n'ait  obtenu  sa  réhabilitation.  » 
(Code  decomra.,  art.  614.) 

L'entrée  en  est  également  interdite  aux  individus  condam- 
nés à  des  peines  afflictives  et  infamantes.  L'arrêt  de  1724 
défendait  aux  femmes  d'entrer  à  la  Bourse,  pour  quelque 
cause  et  prétexte  que  ce  fût.  L'arrêté  de  prairial  an  X  main- 
tint implicitement  cette  exclusion,  en  n'y  admettant  que  les 
personnes  jouissant  de  leurs  droits  politiques.  Aucune  loi 
n'est  venue  jusqu'ici  abroger  cette  prohibition,  et  elle  con- 
tinue de  rester  en  vigueur.  C'est  un  paragraphe  à  ajouter 
au  chapitre  de  Témancipation  de  la  femme. 

Depuis  le  1^'  janvier  1857,  un  droit  d'entrée  a  été  établi  i» 
la  Bourse  par  la  municipalité  de  Paris  :  ce  droit  est  de  1  fr. 
par  personne,  et  de  50  centimes  par  abonnement. 


-   ^8   — 

Le  produit  de  cette  taxe,  pendant  le  mois  de  janvier  1857, 
a  été  do  120,000  fr.,  soit,  pour  26  jours  de  Bourse,  en  ne 
tenant  pas  compte  de  la  différence  de  Tabonnement,  4,615  fr. 
par  jour  :  ce  qui  porte  le  nombre  des  habitués  quotidiens  à 
5,000  au  moins  en  moyenne  :  il  n'était  pas,  il  y  a  dix  ans, 
de  500. 

«  A  Paris,  dit  l'arrêté  de  prairial  précité,  le  préfet  de  police 
réglera,  de  concert  avec  quatre  banquiers,  quatre  négociants, 
quatre  agents  de  change  et  quatre  courtiers,  désignés  par  le  tribu- 
nal de  commerce,  les  jours  et  heures  d'ouverture,  de  tenue  et  de 
fermeture  de  la  Bourse.  —  Dans  les  autres  villes,  le  commissaire 
général  de  police  ou  le  maire  fera  cette  fixation  de  concert  avec  le 
tribunal  de  commerce.  » 

L'ordonnance  de  1809  n'accordait  qu'une  heure  pour  la 
négociation  des  effets  |)ublics,  et  deux  heures  pour  les  affai- 
res de  commerce.  Ces  dispositions  restèrent  en  vigueur  jus- 
qu'au 12  janvier  J831,  où  il  fut  accoidé  deux  heures  pour 
les  effets,  et  trois  heures  [loui'  les  marchandises. 

Aujourd'hui  la  Bourse  est  ouverte  de  une  heure  à  trois  à 
la  spéculation  sur  les  fonds,  et  de  trois  heures  à  cinq  aux 
transactions  commerciales.  L'ouverture  et  la  fermeture  s'an- 
noncent au  son  de  la  cloche.  Il  est  interdit  de  faire  aucinie 
négociation  de  titres  ou  de  commerce  hors  des  heures  fixées 
par  le  règlement.  A  cinq  heures  un  quart,  les  agents  de  po- 
lice font  évacuer  la  salle. 

On  appelle  parquet  l'endroit  interdit  au  public.  C'est,  à 
Paris,  l'espace  circonscrit  par  les  deux  balustrades  circu- 
laires entre  lesquelles  se  trouvent  les  agents  de  change,  qui 
seuls  ont  le  droit  d'y  pénétrer. 

La  coulisse  n'est  point,  comme  le  parquet,  un  lieu  déter- 
miné dans  la  salle.  Ce  mot  n'a  de  sens  qu'au  figuré.  On  dit 
les  opérations  de  la  coulisse,  par  opposition  aux  opérations 
du  parquet,  pour  désigner  les  transactions  qui  se  font  sans 
le  ministère  des  agents  de  change. 

Le  cours  des  négociations  doit  être  crié  à  haute  voix,  cha- 
que fois  qu'il  s'agit  d'effets  publics  (ordonnance  du  2  ther- 
midor au  II,  21  juillet  1801).  Il  n'en  était  pas  ainsi  sous 
l'empire  de  Tordonnancç  de  1724  :  l'article  15  défendait 


—  49  ■— 

(l'annoncer  le  prix  des  effets  à  liaule  voix,  «  nfin  d'établir 
l'ordre  et  la  tranquillité,  el  que  chacun  pût  faire  ses  alîaires 
sans  être  interrompu.  »  Mais  alors  la  loi  n'admettait  pas  que 
vendeurs  ou  acheteurs  eussent  la  faculté  de  donner  des  or- 
dres pendant  la  Bourse  :  on  ne  devait  négocier  que  des 
efTets  préalablement  déposés  chez  les  officiers  publics. 

«  Le  résultat  des  négociations  et  des  transactions  qui  s'opèrent 
dans  la  Bourse,  dit  le  Code  de  commerce,  détermine  le  cours  du 
change,  des  marchandises,  des  assurances,  du  fret  ou  nolis,  du 
prix  des  transports  par  terre  ou  par  eau,  des  elTets  publics  et 
autres  dont  le  cours  est  susceptible  d'être  coté.  »  (Art.  72.) 

Ici  la  pratique  dément  considérablement  la  théorie.  Les 
afTaires  sérieuses  se  r(!lirent  de  plus  en  plus  de  la  Bourse,  à 
mesure  que  le  jeu  y  prend  des  proportions  plus  gigantesques. 
Le  change  est  rentré  dans  les  attributions  des  banques  et 
des  comptoirs  d'escompte  ;  les  ventes  sérieuses  de  marchan- 
dises se  font  dans  les  fabriques,  les  entrepôts  ou  j)ar  les  com- 
missionnaires ;  les  assurances  ne  figurent  au  parquet  que 
pour  y  fiiire  coter  leurs  actions;  il  en  est  de  même  de  la  ba- 
tellerie et  des  chemins  de  fer.  En  sorte  qu'il  ne  reste  guère 
à  la  Bourse  que  les  fonds  |)ublics  el  les  actions  des  entrepri- 
ses industrielles;  encore,  dans  la  masse  des  transactions 
quotidiennes  qui  s'y  font  en  deux  heures,  en  trouverait-on 
à  peine  une  sur  dix  mille  de  sérieuse. 


CHAPITRE  IL 

Intermédiaires  officiels  des  opérations  de  Bourse; 
it{;ents  de  changée  et  Courtiers. 

«  La  loi,  dit  l'article  7i  du  Code  de  commerce,  reconnaît,  pour 
les  actes  de  commerce,  des  agents  intermédiaires,  savoir  les  agents 
de  change  et  les  courtiers.  >» 

La  révolution  de  89  trouva  ces  professions,  comme  toutes 
les  autres,  organisées  en  privilèges.  11  n'était  pas  extraor- 
dinaire que  les  offices  fussent  monopolisés  (|uand  l'industrie 
et  le  cooimerce  étaient  eu.x-mêmcs  constitués  en  corpora- 


~  50  — 

lions.  Toutefois  ce  fut  seulement  au  mois  de  mars  1791  que 
la  loi  rangea  dans  le  domaine  commun  les  professions  d'agent 
de  change  et  de  courtier.  Dès  lors  chacun  fut  libre  d'em- 
brasser ces  carrières,  à  la  charge,  bien  entendu,  de  se  pour- 
voir d'une  patente  et  de  se  conformer  aux  règlements  sur  la 
matière. 

Cette  liberté  ne  fut  pas  de  longue  durée  ;  le  28  vendé- 
miaire an  IV,  le  privilège  fut  rétabli,  sous  prétexte  que  <i  la 
liberté  et  la  sûreté  du  commerce  ne  pouvaient  être  confon- 
dues avec  la  licence  et  le  trafic  de  Tagiotage.  »  Pour  res- 
treindre l'abus  on  le  constituait  en  monopole  I  Quelle  politi- 
que I  La  loi  du  28  ventôse  an  XI  vint  confirmer  celle  de 
l'an  IV  en  déclarant  exclusives  les  fonctions  des  agents  de 
change  et  des  courtiers  dans  toute  la  France. 

Le  nombre  de  ces  officiers  pnblics  est  fixé  par  une  ordon- 
nance. La  loi  du  28  avril  18 16  et  l'ordonnance  du  3  juillet  de 
la  même  année  leur  permettent,  comme  aux  notaires,  aux 
avoués,  etc. ,  de  présenter  au  gouvernement  leurs  succes- 
seurs, sauf  en  cas  de  destitution.  Cette  présentation  se  fait 

moyennant  un  prix  de au  profil  du  cédant.  Rien,  comme 

on  voit,  en  ce  qui  concerne  cette  industrie,  n'a  été  changé  à 
l'ancien  régime. 

Les  charges  d'agents  de  change,  à  Paris,  dans  les  dernières 
années  de  la  restauration,  se  vendaient  déjà  jusqu'à  400.000  fr. 
A  la  fin  du  règne  de  Louis-Philippe,  elles  atteignaient  le  prix 
de  950,000  fr.  Depuis  l'empire  elles  se  sont  élevées  au  prix 
de  1,800,000  fr.  Aussi  se  sont-elles  mises  depuis  longtemps 
en  association.  Ce  sont  les  copropriétaires  de  l'office  qu'on 
désigne  sous  les  noms  de  quart,  de  huitième,  de  seizième 
d'agent  de  change  selon  l'importance  de  leur  participation. 

S'agil-il  d'établir  des  agents  de  change  et  des  courtiers 
dans  une  ville  où  il  n'en  existe  pas  encore,  ou  bien  d'en 
augmenter  le  nombre  dans  un  lieu  oui  il  y  en  a  déjà?  le  mode 
de  nomination  est  ainsi  réglé  par  la  loi  du  29  germinal 
an  IX  : 

«  Le  tribunal  de  commerce  de  la  ville  choisira,  dans  une  as- 
semblée générale  et  spéciale,  dix  banquiers  ou  négociants,  et  pour 
Paris  huit  banquiers  et  huit  négociants.  Ces  citoyens  se  rassemble- 


—  51  — 

ront  pour  former  une  liste  double  du  nombre  d'agents  de  change 
el  courtiers  à  nommer.  Ils  adresseront  cette  liste  au  préfet  du 
département,  qui  pourra  y  ajouter  les  noms  qu'il  voudra,  sans 
excéder  toutefois  le  quart  du  total. — Le  préfet  l'enverra  au  mi- 
nistre de  l'intérieur,  qui  pourra  ajouter  un  nombre  de  noms  égal 
aussi  au  quart  de  la  première  liste.  Il  présentera  ensuite  la  liste 
entière,  avec  les  propositions,  au  chef  de  l'État,  qui  fera  la  nomi- 
nation. » 

Tout  ce  verbiage  équivaut  à  dire  que  le  gouvernement  fait 
les  nominations  ad  libitum. 

Les  conditions  de  capacité  et  d'aptitude  sont  déterminées 
par  difTérenles  lois. 

Il  faut  ;  l°être  citoyen  français;  2°  être  âgé  de  vingt-cinq 
ans  au  moins;  3°  n'avoir  jamais  fait  faillite,  ou  dans  ce  cas 
s'être  réhabilité;  4"  justifier  qu'on  a  fait  le  négoce  ou  qu'on 
a  travaillé  dans  une  maison  de  banque,  de  commerce,  ou 
cl)ez  un  notaire  à  Paris  pendant  quatre  ans  au  moins; 
5"  fournir  un  cautionnement  (il  est  de  125,000  fr.  à  Paris); 
6"  se  pourvoir  d'une  patente  et  prêter  serment  à  la  barre  du 
tribunal  de  commerce. 

Les  agents  de  change  de  chaque  place  forment  une  com- 
pagnie, et  lorsqu'ils  sont  en  nombre  suffisant,  ils  ont  une 
chambre  syndicale. 

La  compagnie  des  agents  de  change  de  Paris  est  fixée  à 
soixante  membres-,  elle  est  placée  dans  les  attributions  du 
ministre  des  finances.  Celles  des  autres  places  sont  sous  la 
dépendance  du  ministre  de  Tintérieur. 

Outre  les  agents  de  change,  l'article  77  du  Code  de  com- 
merce reconnaît  : 

«  Des  courtiers  de  marchandises; 

«  Des  courtiers  d'assurances  ; 

«  Des  courtiers  interprètes  et  conducteurs  de  navires  j 

«  Des  courtiers  de  transport  par  terre  et  par  eau.  » 

Le  décret  du  15  décembre  1813  a  ajouté  «  les  courliers- 
gourmels-piqueurs  de  vin,  »  ou  dégustateurs. 

«  Il  y  a  des  courtiers  dans  toutes  les  villes  qui  ont  une  Bourse 
de  commerce.  »  (Art.  75.) 

Cola  ne  veut  pas  dire  qu'il  y  aura  près  de  chaque  Bourse 


—  52  — 

des  courtiers  de  chaque  espèce.  Les  interprètes  conducteurs 
de  navire,  par  exemple,  ne  sont  utiles  que  dans  les  ports.  Il 
y  a  pour  Paris  soixante  courtiers  de  commerce  et  huit  cour- 
tiers d'assurances.  Le  cautionnement  des  premiers  est  de 
13,000  fr.;  celui  des  seconds,  de  15,000  fr. 

Les  conditions  d'admission,  dénomination,  de  cession 
d'emploi,  d'installation,  sont  les  mêmes  que  pour  les  agents 
de  change. 

Les  agents  de  change  ont  seuls,  et  à  l'exclusion  de  tous 
autres,  le  droit  de  négocier  :  l^les  effets  publics  français-, 
2"  les  effets  publics  étrangers  et  ceux  des  compagnies  de 
commerce  et  de  finance  qui  sont  cotés  au  parquet  par  la 
chambre  syndicale;  3°  les  lettres  de  change  et  tous  effets 
privés  qui  sont  commcrçabies.  Ils  font,  concurremment  avec 
les  courtiers  de  mar»  handises,  les  négociations  des  matières 
d'or  et  d'argent-,  mais  ils  ont  seuls  le  droit  d'en  constater  le 
cours.  Ils  ont  encore  le  droit  exclusif  de  constater  le  cours 
des  effets  publics  et  du  change. 

Il  est  bien  entendu  que  le  monopole  s'applique  au  cour- 
tage et  non  au  commoice.  La  loi  doit  être  comprise  ainsi  : 
Nul  autre  que  les  agents  de  chimge  ne  peut  s'interposer 
comme  intermédiaire  dans  les  spéculations  susénoncées. 
Mais  les  particuliers  peuvent  contracter  directement  entre 
eux,  sans  intervention  aucune,  saufijonrtant  quand  il  s'agit 
d'effets  publics.  Là,  il  y  a  monopole  de  vente  et  monopole 
d'agence  tout  à  la  fois;  la  négociation  n^  peut  se  fiire  (ju'à 
la  Bourse.  Les  transferts  de  rente  sur  lÉlal  sont  également 
réservés  aux  agents  de  change.  Ils  certifient  les  comptes  de 
retour  qui  accompagnent  les  lettres  de  change  et  les  billets 
à  ordre  protestés. 

Nous  allons  maintenant  donner  un  résumé  des  lois  qui 
concernent  ces  ofliciers  publics.  Nond)re  de  spéculateurs 
honnêtes,'  que  l'agiolage  contenifiorain  scandalise  et  qui 
peut-être  s'étaient  habitués  à  y  voir  une  tolérance  coupable 
du  pouvoir,  s'imagineront,  en  lisant  ces  textes,  que  c'est 
une  exhumation  de  vieux  airêlés  lombes  depuis  longlcm|)S 
en  désuétude.  En  pratique,  ils  n'aiiront  pas  tort;  en  droit, 
c'est  différent. 


—  53  — 

a  Un  agent  de  change  ou  courtier,  dit  l'article  83  du  Code  de 
commerce,  ne  peut,  dans  aucun  cas  et  sous  aucun  prétoxlr,  faire 
des  opérations  de  commerce  ou  de  banque  pour  son  compte.  Il  ne 
peut  s'intéresser  directement  ni  indirectement,  sous  son  nom  ou 
sous  un  nom  interposé,  dans  aucune  entreprise  commerciale.  Il  ne 
peut  recevoir  ni  payer  pour  le  compte  de  ses  commettants.  » 

L'article  10  de  l'arrêté  du  27  prairial  an  X,  dont  le  Code 
résume  cl  consacre  les  dispositions,  est  encore  plus  explicite. 

«  Les  agents  de  diange  et  les  courtiers  de  commerce  ne  pour- 
ront être  associés,  teneurs  de  livres  ni  caissiers  d'aucun  négociant, 
marchand  ou  banquier;  —  ne  pourront  pareillement  faire  aucun 
commerce  de  marchandises,  lettres,  billets,  effets  publics  et  parti- 
culiers, pour  leur  compte;  —  ni  endosser  aucun  billet,  lettre  de 
change  ou  effet  négociable  quelconque; —  ni  avoir  entre  eux  ou 
avec  qui  que  ce  soit  aucune  société  de  banque  ou  en  commandite; 
—ni  prêter  leur  nom  pour  une  négociation  à  des  citoyens  non  com- 
missionnés,  sous  peine  de  3,000  fr.  d'amende  et  de  destitution.  » 

La  raison  de  ces  interdictions  est  facile  à  comprendre  : 

«  Il  ne  peut  y  avoir  de  sijreté  pour  le  commerçant,  dit  l'Exposé 
des  motifs,  si  l'intermédiaire  ne  conserve  pas  un  caractère  de 
neutralité  absolue  entre  les  contractants  qui  l'emploient.  Dès  que 
son  intérêt  peut  être  attaché  directement  ou  indirectement  à  la 
négociation  dans  laquelle  il  s'entremet,  il  trompe  nécessairement 
une  des  parties,  et  souvent  toutes  les  deux.  » 

Aussi  la  loi  n'admet  point  de  faillites  pour  ces  fonction- 
naiies. 

«  En  cas  de  faillite,  tout  agent  de  change  ou  courtier  est  pour- 
suivi comme  banqueroutier.  »  (Code  decomm.,  art.  89.) 

Puisqu'ils  ne  peuvent  faire  de  marchés,  ils  ne  peuvent 
rien  perdre  -,  chaque  transaction  dont  ils  sont  les  intermé- 
diaires leur  rapporte  tant  pour  cent  :  ce  n'est  pas  un  profit, 
c'est  un  honoraire.  La  faillite  de  la  part  de  l'agent  de  change 
est  un  vol  :  le  mot  de  banqueroute  est  ici  trop  doux.  Aussi 
Tarlicle  404  du  (^ode  pénal  dispose-t-il  avec  raison  : 

«  Les  agents  de  change  et  courtiers  qui  auront  fait  faillite  seront 
punis  de  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps;  —  s'ils  sont  con- 
vaincus de  banqueroute  frauduleuse,  la  peine  sera  celle  des  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité.  » 


—  54  — 

«  Toutes  négociations  m  blanc  des  lettres  de  change,  billets  à 
ordre  ou  autres  elïets  de  commerce  sont  défendues.  »  (Loi  de 
vendémiaire  an  lY.) 

«  Les  agents  de  change  et  courtiers  ne  peuvent  s'assembler  ail- 
leurs qu'à  la  Bourse,  ni  faire  de  négociations  à  d'autres  heures 
que  celles  indiquées,  à  peine  de  destitution  et  de  nullité  des  opé- 
rations. »  (Arrêté  du  27  prairial  an  X,  art.  3.) 

«  Ils  ne  pourront  exiger  ni  recevoir  aucune  somme  au  delà  des 
droits  qui  leur  sont  attribués  par  le  tarif,  sous  peine  de  concus- 
sion. »  (Arrêt  du  24  septembre  1724.)  » 

«  Il  leur  est  défendu  de  prêter  leur  ministère  pour  des  jeux  de 
Bourse,  sur  quelques  efl'ets  que  ce  soit.  »  (Lois  de  l'an  IV  et  de 
l'an  X.) 

«  L'agent  de  change  doit  se  faire  remettre  à  l'avance  les  effets 
qu'il  est  chargé  de  vendre,  ou  les  sommes  nécessaires  pour  payer 
ceux  qu'il  est  obligé  d'acheter.  »  (Arrêté  du  27  prairial  an  X, 
art.  13.) 

Nouvelle  preuve  que  l'intermédiaire  ne  peut  jamais  per^ 
dre. 

C'est  rinterdiction  formelle  des  jeux  de  Bourse. 

Le  Code  pénal  n'est  pas  moins  explicite  ; 

«  Art.  421 .  —  Les  paris  qui  auront  été  faits  sur  la  hausse  ou  la 
baisse  des  effets  publics  seront  punis  des  peines  portées  par  l'ar- 
ticle 419.  » 

«  Art.  422.  —  Sera  réputée  pari  de  ce  genre  :  toute  convention 
de  vendre  ou  de  livrer  des  effets  publics  qui  ne  seront  pas  prouvés 
par  le  vendeur  avoir  existé  à  sa  disposition  au  temps  de  la  livrai- 
son. » 

De  pareilles  prescriptions,  sauf  tout  le  respect  qui  est  dû 
à  la  loi,  sont  à  faire  sourire  les  gens  qui  ont  la  moindre 
connaissance  des  aflaires  et  de  la  manière  dont  se  font  les 
transactions  boursières. 

Voici  maintenant  quelques  dispositions  de  police  relatives 
aux  opérations  et  aux  personnes. 

Les  agents  de  change,  comme  tous  les  officiers  publics,  ne 
peuvent  se  faire  représenter  que  par  un  de  leurs  collègues. 
Toutefois  ceux  de  Paris  sont  autorisés  à  se  faire  remplacer, 
pour  quelques-unes  de  leurs  fonctions,  par  un  commis  prin- 


—  55  — 

cipal  agréé  par  la  compagnie,  et  révocable  à  la  volonté  tant 
du  représenté  que  de  la  Chambre.  Il  n'a  procuration  que 
pour  signer  des  bordereaux  et  des  mandats  sur  la  Banque. 

Les  agents  de  change  doivent  le  secret  le  plus  inviolable 
à  ceux  de  leurs  clients  qui  ne  veulent  pas  être  connus. 

Ils  ne  peuvent  refuser  de  signer  des  reconnaissances  des 
effets  qui  leur  sont  confies. 

Ils  sont  tenus  d'avoir  un  livre  revêtu  des  formes  prescrites 
par  l'article  1 1  du  Code  de  commerce.  La  tenue  de  ce  livre 
est  assujettie  à  toutes  les  prescriptions  relatives  à  la  comp- 
tabilité commerciale. 

Ils  doivent  remettre  aux  parties  les  bordereaux  signés 
d'eux  et  constatant  les  opérations  dont  elles  les  ont  chargés. 

Lorsque  deux  agents  de  change  ont  consommé  une  opéra- 
tion, chacun  d'eux  doit  l'inscrire  sur  son  carnet  et  le  mon- 
trer à  l'autre. 

Les  agents  de  change  et  les  courtiers,  en  raison  de  leur 
privilège,  ne  peuvent  refuser  leur  concours  à  ceux  qui  le 
réclament  pour  une  transaction  légale. 

Ils  ne  peuvent  négocier  aucun  billet  ni  aucune  marchan- 
dise appartenant  à  des  personnes  dont  la  faillite  est  déclarée. 

Il  leur  est  interdit  de  négocier  les  actions  ou  obligations 
des  sociétés  non  constituées;  à  plus  forte  raison,  de  vendre 
ou  acheter  de  simples  promesses  d'actions. 

Les  inscriptions  de  rentes  excédant  1,000  fr.  en  capital 
et  appartenant  à  des  incapables  ne  peuvent  être  aliénées 
sans  autorisation  de  justice.  Même  défense  pour  les  actions 
de  la  Banque  quand  il  y  en  a  plus  d'une.  La  prohibition  du 
transfert  des  pensions  sur  l'État  est  idjsolue.  Elle  l'est  éga- 
lement pour  les  rentes  et  les  actions  de  la  Banque  affectées 
à  des  majorats. 

Les  principales  circonstances  où  la  responsabilité  de 
l'agent  de  change  offre  quelque  gravité  sont  les  suivantes  ; 

Il  est  responsable  de  la  livraison  et  du  payement  de  ce 
qu'il  a  vendu  et  acheté.  C'est  le  droit,  puisqu'il  doit  pos- 
sédera l'avance  les  effets  négociables  et  les  sommes  à  payer. 
Il  garantit  pour  cinq  ans  la  validité  des  transferts  de  rente 
et  d'actions  de  la  Banque ,  en  ce  qui  concerne  1  identité  du 


—  50  — 

propriétaire,  la  vérité  de  sa  signature  et  des  pièces  pro- 
dnifes. 

Il  est  civilement  responsable  de  la  vérité  de  la  dernière 
signature  des  lettres  de  change  et  autres  billets  qu'il  né- 
gocie. 

Son  cautionnement  est  affecté,  par  premier  privilège,  aux 
créanciers  envers  qui  sa  lesponsiibilité  a  été  encourue,  et 
qu'on  nomme  créanciers  pour  faits  de  charge.  Us  ont  éga- 
lement premier  privilège  sur  le  [)rix  de  Toffice,  au  cas  où  il 
devrait  èlre  vendu  poiii- couvrir  le  déficit. 

La  Chambre  syndicale  des  agents  de  change  est  composée 
d'un  syndic  et  de  six  adjoints,  élus  ehaque  année  en  assem- 
blée générale,  à  la  majorité  absolue  des  sulîrages;  ils  sont 
toujours  rééligibles. 

Dans  les  villes  où  les  agents  sont  en  trop  petit  nombre, 
moins  de  six,  pour  former  une  Chambre,  ils  font  tous  l'office 
du  syndicat. 

La  Chambre  syndicale  a  pour  mission  de  veiller  à  ce  que 
ses  membres  ne  s'écartent  pas  des  lèglcments  administratifs 
auxquels  la  loi  les  astreint  ;  elle  peut  les  censurer  et  provo- 
quer auprès  du  ministre  leur  destitution.  —  La  dénoncia- 
tion des  élrangeis  qui  s'immiscent  dans  les  fonclionsd'agents 
de  change  lui  iipfiai tient  également.  —  Elle  préside  aux 
liquidations,  et  délègue  Ae,\\\  de  ses  membies  pour  y  veiller 
spécialement.  —  Elle  peut  intervenir  en  conciliation  quand 
deux  ou  plusieurs  de  ses  membres  ont  entre  eux  une  contes- 
tation relaiivemeut  à  l'exercice  de  leurs  fonctions;  mais  elle 
n'a  le  dioit  de  donner  (pi'un  avis.  —  Elle  donne  son  avis 
motivé  sur  les  listes  de  candidats  |)résentés  au  gouvernement 
pour  les  nominations  en  cas  de  vacance.  —  Celui  qui  veut 
disposer  de  sa  charge  doit  faire  agréer  son  successeur  par 
le  syndicat. 

La  Chambre  syndicale  a  encore  pour  mission  de  constater 
le  cours  des  efl'els  et  d'en  rédiger  la  cote.  —  Aucune  valeur 
nouvelle  ne  peut  se  produire  avec  couis  authentique  sans 
son  intermédiaire. 

Le  syndicat  représente  naturellement  les  intérêts,  lesam- 
bilions,  les  passions  de  la  compagnie,  dont  il  est  lu  bras  et 


la  parole.  Toute  tentative  d'envahissement,  d'extension  d'at- 
tributions, cette  préoccupation  constante  des  corporations 
privilégiées,  vient  par  celte  voie.  Certaines  de  ses  décisions 
empiètent  d'une  manière  flagrante  sur  les  droits  du  gouver- 
nement. Ainsi  l'affluence  des  effets  publics  résultant  de  la 
création  des  chemins  de  fer  a  certes  porté  l'encombrement 
dans  les  marchés.  Pour  parer  h  cet  inconvénient,  la  Chambre 
syndicale  a  imaginé  la  double  liquidation  mensuelle.  C'est 
double  courtage,  doubles  reports,  au  bénéfice  des  agents 
de  change  et  au  détriment  des  spéculateurs.  Il  u'apparte- 
noit,  selon  nous,  qu'à  l'administration  publique  de  f)rendre 
une  décision  à  ce  sujet  :  peut-être  aurait-elle  résolu  la  diffî- 
cullé  d'une  autre  manière,  par  exemple  en  augmentant  le 
nombre  des  offices. 

Pendant  le  dernier  trimestre  de  1852,  l'affluence  des  spé- 
culateurs était  si  grande,  que  les  agents  de  change  ne  pou- 
vaient suffire  à  réaliser  seulement  les  ordres  au  comptant; 
tel  acheteur  était  obligé  d'attendre  trois  jours  et  de  payer 
plus  cher,  si  la  cote  montait,  les  valeurs  qu'il  avait  deman- 
dées. C'était  une  démonstration  patente  de  l'insuffisance  du 
nombre  des  agents  :  l'opinion  pouvait  s'en  émouvoir.  Que  fit 
la  Chambre  syndicale?  Elle  prit,  le  8  novembre,  une  déci- 
sion imposant  à  tout  spéculateur  à  terme  une  couverture  de 
150  flancs  par  action  de  chemin  de  fer. 

Sans  doute  il  y  a  une  loi  plus  stricte  que  cela  :  celle  qui 
oblige  l'agent  à  ne  vendre  que  des  titres  déposés  chez  lui  et 
à  n'acheter  que  pour  les  sommes  qu'on  lui  a  remises.  Mais, 
puisque  la  pratique  s'est  alfranchie  de  ces  prescriptions  et 
quelle  admet  les  opérations  à  découvert,  la  décision  du 
S  novembie  est  un  véritable  coup  d'État. 

Le  but  de  cette  mesure  était  d'éliminer  les  joueurs  sans 
capitaux,  non 'dans  l'intérêt  de  la  morale,  mais  afin  de  dés- 
encombrer la  |ilace.  Quel  en  a  été  le  résultai?  un  peu  plus 
de  bénéfice  pour  les  agents.  «  Vous  voyez,  disent-ils  aux 
spéculateurs  à  découvert,  nous  sommes  tenus  d'exiger  de 
vous  150  fr.  de  couverture  par  action.  —  Mais  les  diirérences 
n'atteignent  jamais  ce  chiffre;  ne  pourrait  on  s'arranger? 
—  Fournissez-moi  une  caution  :  M.  X  pourra,  je  crois,  faire 


—  58  — 

cette  affaire.  »  Une  caution  ne  s'accorde  pas  par  philan- 
thropie, connme  on  pense;  il  faut  en  payer  lïntérêt.  C'est 
tout  bénéfice  pour  ces  messieurs.  Le  gouvernement  n'a  pas 
cru  à  propos  de  contrecarrer  les  agents  de  change  en  cette 
occasion,  pas  plus  qu'en  la  première.  Il  ne  le  pouvait  pas  : 
le  moment  n'était  pas  venu.  Il  se  serait  brisé  contre  la  force 
des  choses,  s'il  l'avait  entrepris.  La  compagnie  est  un  des 
pouvoirs  de  l'État.  Il  ne  s'agit  plus  de  lui  dénier  ce  ca- 
ractère :  mieux  vaudrait  mille  fois  le  lui  reconnaître,  en  le 
définissant. 

Les  courtiers  de  commerce  sont  intermédiaires  entre 
l'acheteur  et  le  vendeur  d'un  même  endroit,  à  la  différence 
des  commissionnaires,  qui  représentent  des  maisons  d'une 
autre  localité  que  celle  oîi  ils  opèrent.  Il  peut  exister  des 
courtiers,  même  dans  les  villes  où  il  n'y  a  point  de  Bourse. 

La  pratique  des  affaires  s'est  depuis  longtemps  affranchie 
de  ce  privilège  qui,  s'il  était  pris  à  la  lettre,  serait  un  véri- 
table embargo  sur  les  transactions.  Il  n'existe  en  réalité  que 
pour  les  opérations  de  Bourse,  c'est-à-dire  pour  les  spécu- 
lations non  sérieuses. 

La  fonction  des  courtiers  d'assurances  est  de  rédiger, 
concurremment  avec  les  notaires,  les  contrats  ou  polices, 
d'en  attester  la  vérité  par  leur  signature,  de  certifier  le  taux 
des  primes  pour  tous  les  voyages  de  mer  ou  de  rivière.  (Gode 
de  commerce.) 

Les  charges  de  courtier  ont  beaucolip  perdu  de  leur  Im- 
portance depuis  que  la  commandite  par  actions  a  pris  un 
développement  si  considérable.  Il  est  bien  plus  facile  de 
jouer  sur  des  titres  en  papier  que  sur  des  marchandises. 

Les  agents  de  change  ont  à  peu  près,  en  droit  sinon  eft 
fait,  le  monopole  de  toutes  les  négociations  de  la  Bourse. 
Le  spéculateur  ne  connaît  point  le  courtier,  si  ce  n'est  le 
courtier-marron,  dont  il  sera  parlé  an  chapitre  suivant,  et 
dont  les  fonctions,  simplement  tolérées,  ne  sont  autres  que 
celles  des  agents  de  change  eux-mêmes. 


—  59  — 

DROITS  DE  COURTAGE. 

Par  délibération  en  date  du  21  janvier  1856,  la  Chambre 
syndicale  a  fixé  comme  suit  le  minimum  du  droit  de  cour- 
tage dû  aux  agents  de  change. 

DROITS  A  1/8  0/0. 

Rentes   françaises. 

Cerlificals  d'emprunts  en  rentes  françaises. 

Bon»  du  Trésor. 

Actions  de  la  Banque  de  France. 

Actions  du  Crédit  mobilier. 

Actions  et  obligations  du  Crédit  foncier. 

Obligations  de  la  ville  de  Paris. 

Obligations  des  villes  et  des  départements. 

Annuités  municipales  des  ponts. 

Actions  des  canaux. 

Actions  et  obligations  des  Compagnies  de  chemins  de  fer  français  et 
étrangers,  sauf  les  exceptions  indiquées  ci-dessous. 

Obligations  de  la  Liste  civile. 

Actions  du  Comptoir  d'escompte. 

Actions  des  diverses  banques  et  comptoirs  français. 

Actions  et  obligations  de  la  Grand'Combe. 

Actions  et  obligations  des  Mines  de  la  Loire. 

Actions  de  la  Caisse  hypothécaire. 

Actions  des  Compagnies  d'assurances. 

Actions  de  la  Compagnie  générale  des  Omnibus. 

Actions  de  la  Compagnie  parisienne  d'Éclairage  et  de  Chauffage  par 
le  gaz. 

Actions  de  la  Compagnie  des  Services  maritimes  des  Messageries  impé- 
riales. 

Actions  de  la  Compagnie  générale  maritime. 

Actions  de  la  Société  générale  de  navigation  à  vapeur  (Bazin,  Léon 
Gay  et  C"). 

Actions  de  la  Banque  de  Belgique. 

Fonds  publics  étrangers,  sauf  ceux  désignés  ci-dessous. 

DROITS  A  1/4  0/0. 

Actions  de  jouissance  et  billets  de  prime  des  canaux. 

Actions  de  la  Banque  de  Darmstadt. 

Actions  de  la  Société  de  la  rue  de  Rivoli. 

Actions  du  chemin  de  fer  de  Manage  à  Erquelines. 

Actions  du  chemin  de  fer  de  Naples  à  Castellamare. 

Actions  du  chemin  de  fer  de  Tarragone  à  Reuss. 

Toutes  les  actions  de  sociétés  particulières  non  désignées  ci-dessdS. 

Emprunt  d'Ha'rii. 


—  co  — 

Emprunt  prussien  de  IS32. 

Lots  d'Autriche. 

Fonds  espjifrnols  de  toute  nature. 

Tous  les  effets  publics  ou  pailiculiers  dont  la  négociation  est  faite  en 
vertu  duii  jugement,  d'une  délibération  de  conseil  de  famille,  ou  d'un 
acte  authentique  prescrivant  un  remploi. 

OBSERVATIONS. 

!•  Pour  les  valeurs  comprises  dan»  la  première  partie  (droit  à  1/8  0/0), 
dans  toutes  les  opérations  à  terme,  quelle  qu'en  soit  l'importance,  et  même 
pour  les  reports,  le  droit  de  courtage  doit  toujours  être  calculé  à  1/8  Ô/O. 
il  n'est  admis  d'exception  que  pour  les  rentes  françaises  et  les  actions  de 
la  Banque. 

'2*  Le  droit  de  courtage  à  1/8  0/0  est  aussi  le  minimum  dans  toutes  les 
néjrociations  d'actions  de  chemins  de  fer,  soit  au  comptant,  soit  à  terme. 
Lorsque  ce  droit  ain^i  calculé  est  inférieur  à  50  c.  par  action,  on  doit  por- 
ter .^0  c,  pourvu  toutefois  que  cette  perception  ne  dépasse  pas  le  taux  légal 
de  1/4  0/0.  —  (Ainsi  le  courtage  à  percevoir  e?l  de  :  1/4  0^0  sur  les  actions 
au  prix  de  200  fr.  et  au-des^^ous  ; — âOc.  p:ir  action  au  prix  de  201  à  400  fr.: 
—  1/8  0/0  sur  les  actions  du  prix  de  -iOl  fr.  et  au-dessus.) 

3*  Le  minimum  de  droit  sur  les  actions  de  la  Banque  de  France  ne  peut 
être  inférieur  à  2  fr.  par  action  dans  les  transactions  à  terme  de  toute 
nature. 

40  Le  courtage  sur  les  effet»  publics  ou  particuliers  qui  ne  sont  pas  enliô- 
reuitUt  payes  doit  être  pris  comme  si  leur  complète  libération  avait  eu  lieu. 

Pour  extrait  conforme  : 

Le  Syndic  ■  A.  BILLAUD. 

Celte  dernière  disposition  est  appréciée  en  ces  teVmes  par 
M.  de  Mériclel,  iiuitième  d'agent  de  change  : 

«  Une  réduction  que  le  public  doit  réclamer  avec  instance  comme 
l'expression  d'un  principe  et  comme  une  justice,  c'est  celle  du 
courtage  sur  l'emprunt,  les  actions  et  les  obligations  non  libérées. 
Que  le  courtage  soit  prélevé  sur  la  somme  payée,  rien  de  plus 
juste;  mais  sur  les  sommes  non  versées,  c'est  une  exaction.  C'est 
particulièrement  sur  l'emprunt  que  ce  courtage  est  écrasant  :  ainsi 
dès  les  premiers  jours  de  l'émission,  on  achetait  6,000  IV.  de  rente 
3  0/0  avec  un  capital  de  6,800  fr.  Pour  ce  faible  capital,  l'agent 
de  change  réclamait  un  droit  de  170  fr.  !  et  en  cas  d'application, 
il  prélevait  un  autre  courtage  de  170  fr.  :  en  sorte  qu'une  simple 
vente  de  6,000  fr.  de  rente  entre  deux  clients  produisait  340  fr. 
de  courtage,  sans  responsabilité  :  les  titres  sont  au  porteur  et  lo- 
pération  se  faisait  au  comptant. 

«  On  punit  un  usurier  qui  prête  de  l'argent  à  i2  0/0,  et  l'agent 


—  Gi- 
de change  peut  impunément  écraser  son  client  de  son  énorme 
courtage;  il  peut  servir  d'intermédiaire  pour  faire  prêter  sur  dé- 
pôt de  titres  à  13  et  20  0/0  sans  que  la  loi  le  punisse  !  Le  ministre 
des  finances  devrait  s'opposer  à  un  tel  abus.  L'émission  d'un  em- 
prunt se  ressent  toujours  des  charges  qui  l'entourent,  et  c'est  une 
charge  très-injuste  que  celle  de  payer  un  courtage  entier  sur  un 
titre  non  libéré.  »  {La  Bourse  de  Paris,  3"  édition.) 

Telle  est  la  morale  du  monopole. 

Suivant  l'auteur  que  nous  venons  de  citer,  les  sommes 
prélevées  par  les  agents  de  change  chaque  année  ne  s'élè- 
vent pas  à  moins  de  80  millions,  dont  moitié  fournis  par  les 
droits  de  courtage  et  moitié  par  les  reports.  80  millions  à 
répartir  entre  les  soixante  offlces,  c'est  un  million  un  tiers 
par  titulaire. 

Qui  croirait  que  des  officiers  publics,  en  position  de  ga- 
gner légalement  par  an  treize  cent  mille  francs,  puissent 
céder  à  la  tentation  de  chercher  des  profits  illicites?  Vous 
écrivez  à  votre  agent  de  vous  acheter  des  actions  de  la 
Banque  au  cours  du  jour.  Dans  la  même  Bourse,  lesdites 
actions  ont  fait  4,100,  4,110,  4,120;  l'agent,  à  quelque  prix 
qu'il  ait  acheté,  vous  cote  au  plus  haut,  4,120,  et  bénéficie 
de  la  diiïérence,  sans  préjudice  du  droit  de  courtage.  Si  vous 
êtes  vendeur,  il  vous  cote  au  pins  bas,  4,100,  et  garde  la 
plus-value.  Qu'avez-vous  à  y  voir?  C'est  ce  qu'on  appelle, 
dans  une  sphère  infiniment  plus  obscure,  faire  danser  l'anse 
du  panier. 

Les  80  millions  d'honoraires  ne  forment  peut-être  pas  la 
cinquième  partie  des  bénéfices  annuels  de  la  corporation  : 
ce  qui  ne  Tempéche  pas  de  compter  par-ci  par  là  des  ban- 
queroutiers, des  membres  qui  lèvent  /epîW,  emportant  la 
fortune,  l'honneur  et  la  vie  de  (juclques  milliers  de  dupes. 

M.  Coffinières  écrivait  en  1825  : 

«  Sur  121  individus  inscrits  au  tableau  des  agents  de  change 
depuis  vingt-deux  ans,  4  se  sont  suicidés  de  désespoir  de  ne  pou- 
voir remplir  leurs  engagements,  61  ont  failli  en  taisant  éprouver 
une  perte  considérable  à  leurs  créanciers,  ou  ont  abandonné  leur 
état,  étant  à  peu  près  ruinés,  ou  du  moins  avec  un  avoir  moindre 
que  celui  qu'ils  avaient  apporté.  »  [De  la  Bourse  et  des  Spéculatigns 
sur  les  effets  publics.) 

A 


—  62  — 

Cependant  la  corporation  s'estime  sî  honorable  qu'elle 
entend  recevoir  vos  fonds  et  vos  titres  sans  jamais  donner 
de  reçu.  M.  de  Mériclet  s'exprime  ainsi  sur  cet  abus  : 

«  Vous  reportez  chez  un  agent  de  change  50  actions  ;  le  lende- 
main de  la  liquidation,  vous  vous  présentez  à  la  caisse,  vous  re- 
mettez 50  ou  60,000  fr.  ;  le  caissier  vous  regarde  à  peine,  ne  fait 
pas  de  reçu,  et  vous  rentrez  chez  vous,  sans  qu'une  seule  note  in- 
dique le  versement  que  vous  avez  fait.  Cette  situation  présente 
plusieurs  sortes  de  dangers.  11  est  possible  que  vous  ayez  affaire  à 
un  caissier  infidèle.  Le  feu  peut  faire  disparaître  le  registre  où  est 
inscrite  la  somme  versée.  Si  le  caissier  était  joueur,  et  qu'après 
avoir  reçu  votre  argent,  il  vînt  à  partir  pour  l'étranger,  sans  vous 
inscrire  sur  son  livre  de  caisse,  vous  seriez  exposé  à  perdre  vos 
60,000  fr....  A  Lyon,  la  maison  Milannais  fut  brûlée;  des  valeurs 
au  porteur  furent  consumées,  et  les  propriétaires  d'une  partie  de 
ces  titres  n'ont  pas  été  admis  à  se  faire  rembourser... 

«  On  compte  un  certain  nombre  de  clients  qui  déposent  chez 
des  agents  de  change  30  et  40,000  fr.  pour  faire  des  reports. 
Étrangers  ou  obligés  de  faire  de  longs  voyages,  la  mort  peut  les 
surprendre;  personne  ne  réclame.  Le  temps  s'écoule,  et  les  fa- 
milles ignorent  l'héritage.  Nous  connaissons  un  banquier  qui,  de- 
puis quinze  ans,  jouit  d'un  dépôt  de  200,000  fr.,  sans  qu'on  lui 
ait  jamais  fait  une  réclamation.  » 

A  propos  des  80  millions  d'honoraires  prélevés  chaque 
année  par  la  corporation  des  agents  de  change,  n'oublions 
pas  qu'au  droit  maximum  de  1/4  0/0,  ils  représenteraient 
32  milliards  de  transactions  boursières,  c'est-à-dire  trois  fois 
la  production  annuelle  de  la  France.  Or,  le  courtage  moyen 
est  de  1/8  seulement;  puis,  outre  les  agents  officiels,  il  y  a 
encore  les  coulissiers,  les  remisiers,  les  conrtiers-inarrons, 
qui  servent  d'intermédiaires  dans  les  opérations  de  Bourse  : 
en  sorte  qu'on  peut,  sans  exagération,  évaluer  à  60  ou  80 
milliards  au  moins  les  ventes  et  achats  annuels  dont  le 
temple  de  la  ruo  Vivienne  est  le  marché. 

Qu'aptes  cela  on  trouve  des  économistes,  des  membres 
de  l'Institut,  pour  faire  l'apologie  et  soutenir  la  nécessité, 
l'utilité  de  pareils  tripotages,  c'est  ce  qui  pourrait  confon- 
dre, démoraliser  un  Chinois,  un  Huron;  mais  en  France, 
il  ne  faut  s'étonner  de  rien. 


—  63  — 
AGENTS  DE  CHANGE 

PRÈS  LA  BOURSE   DE   PARIS. 


Messieurs 

Archdéacon,  72,  rue  de  Provence. 

Bagier,  45,  rue  de  Provence. 

Busire,  13,  rue  de  Grammont. 

Béjot,  17,  rue  de  la  Banque. 

Billet,  41,  rue  l.afQUe. 

Blerzy,  12,  rue  Ménars. 

Bouilianl,  22,  rue  Grange- Batelière. 

Bourdin,  12,  rue  de  la  Victoire. 

Chauffert,  23,  rue  Saint-Georpes. 

Coin,  6,  rue  Basse-du-Hcmiiart. 

Crépon,  8,  rue  de  la  Michodiire. 

Delaville-le-Roulx,  8.  rue  Lalïitte. 

De  Leau,  6,  rue  Saint-Georges. 

Dubois,  8,  rue  Ménars. 

Du  Boà,  72,  rue  de  Provence. 

Duvai-Destains,  1,  rue  Rossini. 

Empaire,  2  bis,   rue  Saint-Georges. 

Ganiieroii,  6,  rue  Ménars. 

Gelfroy,  65,  rue  de  Provence. 

Genty  de  Bussy.  50,  rue  Neuve-des- 
Pelils-Champs. 

Ciblait!,  8,  rue  Droiiot. 

Gide.  18,  rue  Drouot. 

Gillois,  18,  rue  Giangi'-Batplière. 

Gouriez  de  Laniotle,  3,  rue  de  Gram- 
mont. 

Guérinet,  11,  rue  de  Granmiont. 

Guilhiermoz,  44,  rue  Notre-Dame- 
des-Victoires. 

Guyot,  fi,  rue  du  Port-Mahon. 

Hait,  23,  rue  Lepelletier. 

Hébert,  14,  r.  N.-U.-des-Vicloires. 


Juillien,  12,  rue  Ménars. 

Lagarde,  9,  place  de  la  Bourse. 

Lagarde,  29,  rue  Laflitte. 

Lambert,  1 1 .  place  de  la  Bourse. 

Laurent,  38,  r.  N.-D.-des-Victoires. 

Legras,  22,  rue  Vivienne. 

Leray,  8,  place  de  la  Bourse. 

Mahou,  11,  cité  d'Antin. 

Marion,  12,  rue  du  Port-Mahon. 

Millet,  21,  rue  de  Provence. 

Moi'eau,  131,  rue  Montmartre. 

Munster,  31,  rue  de  Provence, 

N'oizy,  11,  rue  Drouot. 

Nouette-belornie,  9,  pi.  de  la  Bourse. 

Pollet,  23,  rue  de  Grammont. 

Pomme,  79,  rue  Richelieu. 

Reynart,  32,  r.  N.-D.-des-Vicloires. 

Higimd,  20,  rue  Ni'uve-St-Augustin. 

Risler,  30,  rue  de  Provence. 

Bobint,  IC,  rue  de  Ghoiseul. 

Roblot,  79.  rue  Richelieu. 

Rodngues-Henriques,  28,  rue  de  la 
C/haussée-d'Aiitin. 

Rolaiid-Gosselin,  G4,  ruedelaChaus- 
sée-d'Anliii. 

Rongcmnnl,  G,  rue  Ménars. 

Saiiterre,  G.  rue  de  la  Micliodière. 

Sarchi.  14,  rue  Rougemont. 

ïattt't,  29.  rue  Leiiellelier, 

Tiliaiid,  111,  rue  Neuve-Sl-Anguslin. 

Tilliel,  18,  rue  de  la  Michodière. 

Vacheron,  9,  rue  Lepelletier. 

Vieyi-a-Molina,  11,  rue  Grange-Ba- 
telière. 


Chambre  syndicale.  G,  rue  Ménars.  —  M.  Solliers,  secrétaire,  agent 
comptable. 


CHAPITRE  III. 

Intermédiaires  nou  officiels  des  opérations  de  Bourse  : 
Courtiers-marrons,  Coulissicrs. 

On  appelle  courtiers-marrons,  remisiers,  les  intermédiaires 
non  reconnus  qui  négocient  pour  le  compte  d'autrui  les  va- 


—  64  — 

leurs  cotées  à  la  Bourse.  Ils  remplissent,  comme  on  voit, 
entre  les  spéculateurs,  les  fondions  réservées  par  la  loi  aux 
agents  de  change.  Les  coiilissiers  sont  dans  le  môme  cas 5 
seulement  ils  n'agiotent  que  sur  la  renie,  tandis  que  les 
coui  tiers  s'occupent  spécialement  des  actions  industrielles. 

Les  opérations  de  la  coulisse  sont  considérables;  aussi  ne 
laissent-elles  pas  que  davoir  une  influence  sur  le  cours  des 
fonds.  Elles  sont  essentiellement  du  domaine  du  jeu.  La  plu- 
part de  ceux  qui  s'y  livrent  n'ont  ni  l'intention  ni  souvent 
la  faculté  de  payer.  Les  liquidations  ne  se  terminent  jamais 
par  des  livraisons  d'effets,  mais  par  des  soldes  de  différences. 
La  coulisse  est  le  centre  de  tous  les  bruifs  de  Bourse.  Le  ca- 
nard financier  y  éclot  sous  les  bigarrures  les  plus  merveil- 
leuses. 

La  position  des  agents  non  officiels  est  nettement  dessinée 
par  la  loi. 

«  Il  est  défendu,  sous  peine  d'une  amende  qui  sera  au  plus  du 
sixième  du  cautionnement  des  agents  de  change  ou  courtiers  de  la 
place,  et  du  douzième  au  moins,  à  tous  individus  autres  que  ceux 
nommés  par  le  gouvernement  d'exercer  les  fonctions  d'agent  de 
change  ou  de  courtier.  »  (Loi  du  28  ventôse  an  iX,  art.  8.) 

«  il  est  défendu  à  toutes  [lersonnes  autres  que  celles  nommées 
par  le  gouvernement  de  s'immiscer  en  aucune  façon,  et  sous  quel- 
que prétexte  que  ce  puisse  être,  dans  les  fonctions  d'agent  de 
change  ou  de  courtiers,  soit  à  l'intérieur,  soit  à  l'extérieur  de  la 
Bourse.  Les  commissaires  de  police  sont  spécialement  chargés  de 
veiller  <à  ce  qu'il  ne  soit  pas  contrevenu  à  la  présente  disposition. 

«  En  cas  de  contravention,  les  commissaires  de  police,  les  syn- 
dics ou  leurs  adjoints  feront  connaître  les  contrevenants  aux  auto- 
rités compétentes,  lesquelles,  après  la  vérification  des  faits  et 
audition  du  prévenu,  pourront  lui  interdire  l'entrée  de  la  Bourse. 
En  cas  de  récidive,  il  pourra  être  déclaré  incapable  de  parvenir  à 
l'état  d'a.L'ent  de  change  ou  de  courtier,  le  tout  sans  préjudice  des 
peines  portées  par  la  loi. 

«  Il  est  défendu,  sous  lus  peines  portées  contre  ceux  qui  s'im- 
miscent iUégalemcnt  dans  les  opérations,  à  tout  banquier,  négociant 
ou  marchand  de  conlier  ses  négociations,  ventes  et  achats,  et  de 
payer  des  droits  de  commission  ou  de  courtage  à  d'autres  qu'aux 
agents  institués  par  la  loi. 

«  Toutes  négociations  faites  par  des  intermédiaires  sans  qualité 


^  65  — 

sont  déclarées  nulles.  »  (Arrêté  du  27  prairiul  an  X,  art.  4, .';, 
U  et  7.) 

Les  délinquants  peuvent  être  condamnés  à  des  domma- 
ges-intérêts envers  les  officiers  publics  dont  ils  ont  usurpé 
ou  fraudé  les  fonctions.  Ces  sortes  de  délit  se  prescrivent 
par  trois  ans.  Les  condamnés  sont  passibles  de  la  contrainte 
par  corps  pour  le  payement  des  dommages-intérêts,  des 
amendes  et  des  frais. 

Ainsi  la  loi  punit  non-seulement  les  agents  usurpateurs, 
mais  ceux  qui  emploient  leur  intermédiaire.  La  dénonciation 
du  délit  appartient  et  au  ministère  public,  et  à  la  compa- 
gnie sur  laquelle  on  a  empiété. 

Ici,  comme  dans  une  foule  de  circonstances,  le  fait  et  lo 
droit  sont  parfaitement  distincts.  Le  droit  est  clair,  précis, 
formel:  aucun  individu  sans  qualité  ne  peut  s'immiscer  dans 
la  négociation  des  eflets  cotés  au  parquet.  Le  fait  n'est  pas 
moins  positif  :  des  spéculations  immenses  se  font  par  d'au- 
tres intermédiaires  que  les  agents  légalement  institués,  et 
cela  non  pas  dans  l'ombre  et  le  mystère,  mais  au  grand  jour, 
avec  circulaires  et  réclames,  sous  les  yeux,  même  pour  le 
compte  des  fonctionnaires  et  de  la  compagnie  chargés  de 
réprimer  l'usurpation. 

Que  celui  qui  est  dans  les  termes  de  la  loi  nous  dénonce! 
pourraient  dire  les  contrevenants.  Ll,  en  (llcl,  il  n'y  a  per- 
sonne. La  loi  est  inapplicable,  impossible.  En  poursuivant 
l'agiotage,  le  jeu,  la  fraude,  elle  entrave,  elle  lue  la  spécu- 
lation et  le  commerce,  elle  met  l'embargo  sur  les  transac- 
tions. On  a  peint  Thémis  un  bandeau  sur  les  yeux.  Ce  n'est 
pas  seulement  dans  la  poursuite  des  coupables  qu'elle  est 
aveugle  ^  c'est  dans  la  conception  de  ses  propres  lois.  Ne 
statuons  jamais  sur  ce  que  nous  ne  connaissons  point. 

La  tolérance  des  agents  de  change  paraîtra  peut-être  plus 
inexplicable  que  celle  de  l'autorité  :  ce  sont  leurs  attribu- 
tions qu'on  usurpe,  une  concurrence  au  rabais  qui  se  pro- 
duit contre  eux,  des  droits  de  courtage  dont  on  les  frustre. 
Et  Ton  sait  combien  les  compagnies  privilégiées  sont  jalouses 
de  leurs  prérogatives. 

Cependant  tout  ce  monde  vit  en  bonne   intelligence  ; 


—  66  -" 

l'astre  radieux  ne  refuse  point  sa  lumière  aux  humbles  sa- 
tellites qui  pivotent  autour  de  lui  :  le  maître  du  festin  laisse 
les  petites  gens  se  disputer  les  miettes  qu'il  dédaigne  comme 
trop  mesquines  pour  son  estomac.  —  La  curée  est  si  abon- 
dante î 

Revendiquer  ses  privilèges ,  c'était  bon  aux  agents  de 
change  de  l'autre  siècle,  quand  ils  avaient  à  se  partager, 
entre  eux  soixante,  quelques  maigres  créances  sur  l'État  et 
de  rares  billets  de  commerce.  C'était  bon  encore  au  temps 
de  la  jRestauration,  lorsque  le  bulletin  de  la  Bourse  était 
limité  aux  rentes,  aux  actions  de  la  Banque,  aux  actions  des 
canaux,  de  vraies  bimbeloteries. 

Mais  aujourd'hui  qu'à  ces  valeurs  anciennes  sont  venus 
s'ajouter  les  mines,  les  forges,  le  gaz,  les  chemins  de  fer,  des 
milliards  de  commandite,  il  serait  vraiment  mesquin  de 
chercher  noise  à  de  pauvres  hères  qui  se  contentent  d'opérer 
sur  quelques  centaines  de  millions.  Aussi  nos  agents  de 
change  d'aujourd'hui  se  conduisent-ils  en  grands  seigneurs, 
libéraux  et  courtois.  Non  contents  de  tolérer  les  conlissiers 
et  les  courtiers  sans  mandats,  ils  chargent  volontiers  les  pre- 
miers de  leur  acheter  de  la  rente,  et  ils  font  une  remise  aux 
seconds,  qui  ont  besoin  de  leur  intervention  pour  certains 
marchés  où  le  concours  des  agents  officiels  est  nécessaire. 

On  se  demandera  peut-être  pourquoi,  lorsque  le  chiffre  des 
titres  négociables  a  plus  que  décuplé,  le  nombre  des  agents 
de  change  est  resté  le  môme,  ils  ne  sont  que  soixante  au- 
jourd'hui, comme  en  1830,  comme  en  1815,  comme  en  1724» 
Ce  chiffre  de  soixante  est-il  sacramentel? 

Sans  doute  la  compagnie,  fort  accommodantepour  les  petits; 
empiélemenls,  le  serait  infiniment  moins  s'il  sagissait  seu- 
lement de  doubler  les  offices.  Un  gouvernement  imurrait-il 
sans  danger  indisposer  la  corporation ,  toucher  à  l'arche 
sainte  du  plus  vieux  monopole?  Les  anciens  titrés  crieraient 
bien  hautj  la  reconnaissance  des  nouveaux  ferait-elle  contre- 
poids à  ce  mécontentement?... 

Il  n'y  a,  selon  nous,  que  deux  systèmes  rationnels  :  ou  la' 
liberté,  comme  en  1791,  pour  tout  individu,  d'exercer, 
moyennant  patent^?  la  profession  d'agent  de  change  j  ou  le 


—  67  — 

privilège  conféré  à  un  nombre  déterminé  de  citoyens  de 
remplir  cette  fonction.  Le  régime  bâtard  que  nous  a  fait  la 
pratique  n'est  pas  une  solution  ;  ce  n'est  pas  même  un  juste 
milieu,  car  il  a  les  inconvénients  des  deux  systèmes  sans  en 
offrir  les  avantages.  D'une  part,  la  loi  reste  lettre  morte,  ce 
qui  est  toujours  d'un  fâcheux  exemple;  d'autre  part,  les 
gens  suspects,  que  le  monopole  a  la  prétention  d'évincer, 
ont  beau  jeu  à  l'ombre  de  la  tolérance  dont  jouissent  les  fai- 
seurs de  toutes  sortes. 

Les  partisans  du  privilège  font  valoir,  à  l'appui  de  leur 
thèse,  les  considérations  suivantes  : 

«  La  sécurité  des  transactions  et  l'intérêt  bien  entendu 
des  spéculateurs  exigent  que  les  fonctions  d'agents  intermé- 
diaires ne  soient  pas  accessibles  au  premier  venu.  Les  négo- 
ciations de  la  Bourse  donnent  lieu  à  des  mouvements  de 
valeurs  considérables;  il  y  aurait  là  un  appât  trop  tentant 
pour  les  malhonnêtes  gens,  si  la  loi  n'avait  soin  de  mettre 
le  pul)lic  à  l'abri  do  leurs  entreprises. 

a  Elle  a  donc  entouré  ces  fonctions  de  toutes  les  précau- 
tions que  suggère  la  prudence.  Les  candidats  doivent  être 
d'une  moralité  notoire,  d'antécédents  irréprochables,  d'une 
capacité  éprouvée  par  la  pratique.  C'est  le  chef  de  l'État  qui 
fait  lui-môme  les  nominations,  qu'il  s'agisse  de  nouveaux 
offices  à  créer  ou  de  mutations  dans  les  anciens. 

«  Le  chiffre  du  cautionnement,  assez  élevé  pour  écarter 
les  aventuriers,  offre  à  la  fois  une  garantie  matérielle  et  une 
garantie  morale;  car  la  fortune  ou  le  crédit  qu'il  suppose 
chez  l'aspirant  est  un  gage  de  sa  probité, 

«  Les  règlements  qui  régissent  la  compagnie  sont  des  plus 
sévères  ;  le  gouvernement  se  réserve,  pour  certains  cas,  le 
droit  de  destitution.  La  corporation  elle-même  se  charge  de 
sa  propre  police.  La  Chamljre  syndicale  a  pouvoir  de  répri- 
mander ceux  de  ses  membres  qui  enfreindraient  les  lois  de 
l'honneur,  et  au  besoin  elle  est  la  première  à  signaler  les 
indignes,  afin  qu'il  en  soit  fait  justice. 

«  Voilà  des  garanties  qu'on  chercherait  vainement  dans 
le  principe  de  la  liberté  des  fonctions.  » 


—  68  — 

A  ces  motifs,  les  adversaires  du  monopole  opposent,  entre 
autres  objections,  celles-ci  : 

«  Le  négociant  est  meilleur  juge  que  personne  du  degré 
de  confiance  à  accorder  aux  intermédiaires  qu'il  emploie. 
Son  intérêt  est  un  contrôle  autrement  sérieux  que  la  sollici- 
tude du  pouvoir. 

»  La  statistique  de  la  criminalité  ne  témoigne  point  d'une 
plus  grande  moralité  chez  les  officiers  publics  que  chez  le 
commun  des  citoyens.  Le  privilège,  en  réunissant  dans  une 
seule  main  des  intérêts  considérables,  offre,  par  le  fait  de 
cette  concentration,  un  vif  appât  à  l'escroquerie.  Un  sinistre 
commercial  dans  celte  catégorie  de  fonctionnaires  devient 
une  véritable  calamité  publique. 

a  L'absence  de  concurrence  permet  aux  privilégiés  de 
prélever  sur  les  spéculateurs  des  droits  de  courtage  que  le 
système  de  liberté  réduirait  de  cent  pour  cent  cl  plus. 

a  En  principe,  garanties  illusoires  et  cherté  des  services, 
voilà  le  bilan  du  monopole. 

«  En  fait ,  Tabondance  des  titres  négociables  serait  un 
embarras  pour  les  agents  de  change,  si  les  courtiers-mar- 
rons ne  faisaient  presque  toutes  les  valeurs  des  compagnies 
privées.  La  grande  affaire  des  premiers,  ce  sont  les  grosses 
entreprises;  ils  ne  tiennent  pas  du  tout  à  ouvrir  un  compte 
et  à  se  déranger  pour  deux  ou  trois  actions  d'omnibus,  d'as- 
surances, d'asphalte  ou  de  toute  autre  compagnie  au  mince 
capital  de  quelques  millions  et  au-dessous.  D'où  il  résulte 
que  le  système  de  liberté  reçoit  déjà  un  commencement  d'ap- 
plication, avec  Tapprobaliou  tacite  de  l'autorité  et  l'assenti- 
ment des  spéculateurs.  Il  s'agit  simplement  de  légaliser  une 
position  toute  faite.  » 

Tel  est  l'état  de  la  situation  et  de  la  controverse.  Il  appelle 
une  solution  sinon  urgente,  du  moins  piochaine.  Si  le  gou- 
veinement  se  i)rononce  pour  le  maintien  du  privilège,  il  y 
aura  certainement  lieu  <à  augmenter  dans  une  proportion 
assez  considérable  le  nombre  des  charges.  Alors  une  autre 
question  se  présente  :  les  nouveaux  offices  devraient-ils  être 
concédés  à  titre  gratuit  ou  à  titre  onéreux? 


—  69  — 

L'administration  se  montre  généralement  très-libérale 
chaque  fois  qu'elle  a  affaire  aux  financiers.  Les  concessions 
de  chemins  de  fer,  le  rachat  des  actions  de  jouissance  des 
canaux,  les  em|>runts,  en  sont  autant  do  témoi;:;na{,^es.  Quand 
l'Élat  veut  racheter  sa  dette  au  moyen  de  l'amorlissement, 
il  le  fait  avec  publicité  et  concurrence.  Ainsi,  tandis  que  les 
agioteurs  manœuvrent  pour  faire  hausser  ou  baisser,  sui- 
vant leurs  intérêts,  le  cours  do  la  rente,  le  gouvernement, 
lui,  s'inlerdit  le  droit  de  spéculer  sur  la  dépréciation  de  son 
crédit;  un  tableau  placé  à  la  Bourse  indique  chaque  jour  la 
somme  en  capital  affectée  au  rachat  de  telle  ou  telle  nature 
de  fonds. 

Nous  ne  serions  pas  surpris  que  de  nouvelles  charges  d'a- 
gents de  change  fussent  concédées  gratuitement  à  des  gens 
qui,  dès  le  lendemain,  trouveraient  couramment  de  leurs 
titres  quatre  à  cinq  cent  mille  francs. 

Nous  croyons  cependant  qu'en  fait  de  scrupules,  il  ne  faut 
pas  pousser  le  rigorisme  jusqu'à  devenir  dupo.  La  loi  auto- 
rise les  officiers  jiublics  à  j)résentcr  leurs  successeurs  :  ce 
droit  de  présentation  est  tout  simplement  la  vente  de  Tof- 
fire.  Les  charges  d'agents  de  ciiange  valent  actuellement  un 
million  et  demi  de  francs.  Une  réforme  qui  les  porterait  en 
nombre  au  double,  les  ferait  sans  doute  baisser  de  prix,  mais 
non  de  moitié;  car,  ainsi  que  nous  l'avons  fait  remarquer 
plus  haut,  les  valeurs  négociables  ont  tellement  augmenté 
di  puis  une  douzaine  d'années,  que  la  part  de  chacun  serait 
encore  très-belle  dans  cette  nouvelle  condition.  Ajoutez  que 
les  transactions  abandonné(;s  aux  courtiers  sans  qualité  fe- 
raient retour  aux  agents  officiels.  Nous  ne  voyons  pas  pour- 
quoi lÉtats'interdirait  de  profiter  du  bénéfice  de  la  création, 
et  ne  vendrait  pas  ses  nouvelles  investitures. 

Ce  serait  immoral,  dira-t-on;  ce  serait  sanctionner  avec 
éclat  la  vénalité  des  charges,  qui  n'est  jusqu'ici  qu'implici- 
tement reconnue. —  L'immoralité  procède  alors  du  principe 
même  du  privilège  et  non  de  la  qualité  du  vendeur.  Com- 
ment! on  trouvera  tout  naturel  qu'un  particulier  vende  un 
million  ce  titre  qui  lui  a  été  conféré  gratuitement,  et  on  se 
scandalisera  que  le  gouvernement  s'attribue  le  prix  de  sa 


—  70  — 

propre  concession!  Comment!  si  les  monopoles  étaient  abo- 
lis, on  venait  les  ex-privilégiés,  agents  de  change  en  tête, 
venir  réclamer  au  gouvernement  une  indemnité,  c'est-à-dire 
le  remboursement  d'offices  qu'il  n'a  pas  vendus,  et  cela  pa- 
raîtrait simple;  et  si  ce  même  gouvernement  réclamait  une 
indemnité  pour  Taliénation  qu'il  a  faite  du  domaine  public, 
ce  serait  immoral!... 

Dans  ce  cas ,  qu'on  tranche  la  question  au  profit  de  la 
liberté.  Le  bénéfice  sera  tout  entier  pour  le  public,  qui 
gagnera  à  l'abaissement  des  droits  de  commission,  et  pour 
l'ordre,  mieux  protégé  contre  les  abus  de  la  spéculation  par 
une  liberté  entière  que  par  les  insignifiantes  restrictions  des 
lois. 


CHAPITRE  IV. 

Mobilisation  des    capitaux.  —  I^'importance  des  opéra* 
tious  de  ffiourse  en  est  la  conséquence. 

Nous  avons  expliqué  dans  Ylnirochiction  comment  toute 
opération  de  commerce  ou  de  finance  ayant  pour  but  soit  le 
transport  des  produits,  soit  la  distribution  des  capitaux  ou 
la  circulation  des  valeurs,  est  essentiellement  productive. 
Mais  pour  que  le  capital  puisse  se  répartir  avec  intelligence 
et  circuler  dans  toutes  les  parties  du  corps  social,  il  faut 
qu'il  soit  doué  d'une  certaine  faculté  de  déplacement;  c'est 
de  ce  déplacement,  de  cette  mobilisation,  comme  on  l'ap- 
pelle, objet  principal  de  la  spéculation  boursière,  comme 
aussi  de  l'agiotage  le  plus  éhonté,  que  nous  allons  exposer 
brièvement  les  causes  et  le  mécanisme. 

La  forme  la  plus  ancienne  et  la  plus  élémentaire  de  la 
prestation  des  capitaux  est  le  prêt  sur  hypothèque,  le  bail  à 
loyer  ou  à  cheptel  :  plus  tard  sont  venus  le  contrat  à  la 
grosse,  la  lettre  de  change  et  l'escompte  des  banques.  La 
commandite,  bien  qu'elle  n'ait  pas  été  absolument  inconnue 
aux  anciens,  ne  s'est  développée  d'une  manière  vraiment 


—  71  — 

remarquable,  n'a  reçu  une  organisation  puissante,  que  dans 
notre  siècle.  Ce  retard  tenait  à  la  fois  à  l'état  de  l'industrie 
et  aux  habitudes  de  la  propriété. 

Autrefois,  et  il  n'y  a  pas  beaucoup  plus  de  quarante  îi 
cinquante  ans  de  cela,  le  capitaliste  engageait  volontiers  ses 
fonds,  comme  le  propriétaire  affermait  ses  domaines,  pour 
un  terme  plus  long  que  la  vie  de  l'homme,  quelquefois  mêm« 
à  perpétuité.  C'étaient  des  baux  de  quarante-neuf  et  quatre- 
vingt-dix-neuf  ans,  des  constitutions  de  rentes  viagères  ou 
perpétuelles,  des  emphylhéoses,  champarts,  domaines  con- 
géables,  etc.  Les  transactions  semblaient  faites,  comme  les 
bâtisses,  pour  des  éternités. 

Aujourd'hui  il  n'y  a  jibis  guère  que  des  compagnies  à  mil- 
lions qui  se  constituent  pour  une  pareille  durée.  Encore  le 
nombre  d'années  prévu  dans  leurs  actes  a-t-il  bien  plus  pour 
objet  de  faire  valoir  la  richesse  de  leur  exploitation,  l'impur- 
tance  de  la  concession  qui  leur  est  faite,  la  solidité  et  la 
sécurité  qu'elles  offrent  aux  actionnaires  ,  que  d'affirmer 
dans  sa  teneur  littérale  reifectivité  de  leur  durée.  Le  temps 
est  de  l'argent,  disent  les  Anglais.  La  durée  dune  comman- 
dite n'est,  pour  ainsi  dire,  qu'une  forme  d'appréciation  de 

sa  valeur.  Une  société  se  constitue  au  capital  de et  pour 

une  durée  de ,  voilà  l'affaire.  Le  ciiiffie  du  capital,  ajouté 

à  celui  de  la  durée,  constitue  la  valeur  réelle  de  l'entre- 
prise. Une  fois  établie,  elle  tiendra  ce  qui  sera  nécessaire,  ou 
qu'ellejugora  utile  à  ses  intérêts  :  la  fixation  du  terme,  or- 
donnée par  la  loi,  ne  signifie  pas  autre  chose. 

La  division  du  travail,  dont  l'effet  le  plus  remarquable  et 
le  moins  prévu  a  été  de  solidariser  les  industries-,  la  multi- 
plicité des  entreprises,  notamment  en  ce  qui  concerne  les 
travaux  publics-,  le  développement  de  la  mécanique,  qui  ré- 
duit presque  à  rien  la  production  individuelle,  et  l'immense 
circulation  qui  en  a  été  la  suite  :  toutes  ces  causes  ont  fait 
subir  à  la  propriété,  à  la  consommation,  à  l'état  des  ci- 
toyens, des  modilications  aussi  profondes  que  variées,  dont 
la  Bourse  est  devenue  l'expression  et  l'écho.  Sous  laclion  de 
ces  causes  irrésistibles,  un  capitaliste  avisé  ne  se  dessaisit 
plus  de  ses  fonds,  par  un  acte  spécial,  individuel,  nominatif, 


et  pour  un  long  temps ,  entre  les  mains  d'un  emprunteur 
unique.  11  sait  que,  par  la  création  incessante  de  valeurs 
nouvelles,  parla  proportionnalité  variable  des  produits,  par 
les  oscillations  de  la  politique,  sa  fortune  est  soumise  à 
des  chances  perpétuelles  de  hausse  et  de  baisse;  et  dans  la 
prévision  de  toutes  ces  éventualités,  il  se  met,  autant  que 
possible,  en  engageant  ses  fonds,  à  même  de  les  déplacer, 
distribuer,  et  au  besoin  réaliser,  à  la  convenance  de  ses  in- 
térêts. 

La  commandite  par  actions  représentées  en  titres  circu- 
lables  et  au  porteur  lui  en  fournit  le  moyen. 

Le  prêt  hypothécaire  à  longue  échéance  n'est  maintenant 
un  placement  de  fonds  que  pour  le  petit  rentier  qui  renonce 
à  augmenter  son  capital,  ou  qui,  spéculant  au  fond  d'une 
province  sur  la  misère  et  l'ignorance  du  paysan,  fait  ses 
placements  à  un  taux  dont  l'élévation  est  en  raison  même 
de  l'immobilisation  de  la  dette.  La  Société  de  Crédit  foncier, 
en  substituant  au  crédit  individuel  et  déclaré  un  commandi- 
taire multiple  et  anonyme,  dont  les  obligations  sont  atout 
instant  négociables,  a  détruit,  au  moins  en  principe,  ce  vieux 
système  usuraire,  et  fait  du  gage  immobilier,  de  l'antique 
hypothèque,  un  instrument  de  mobilisation.  La  nouvelle 
procédure,  pour  les  cas  d'expropriation,  ajoute  encore  à  la 
rapidité  et  à  la  certitude  du  mouvement.  Grâce  à  cette  or- 
ganisation savante,  le  sol  n'est  décidément  plus,  suivant  la 
défiuilion  des  modernes  économistes,  qu'un  outil;  l'agricul- 
ture et  Tindustric»  sont  assimilées  dans  un  même  régime  de 
crédit  et  de  commandite  :  la  révolution  est  complète.  L'im- 
pulsion une  fois  donnée,  le  mouvement  devient  une  cause 
incessante  de  mouvement.  Les  inventions,  les  pei  fcctioime- 
ments  qui  se  succèdent  et  se  pressent  sans  relâche,  chan- 
gent à  chaque  instant  les  conditions  du  travail.  La  \apeur 
a  bouleversé,  transformé  l'industrie.  Déjà  l'on  peut  prévoir 
le  jour  où  le  travail  agricole  lui-même  sera  industrialisé,  où 
le  hameau  ne  sera  plus  qu'une  manufacture  ,  et  la  vie  du 
paysan  identifiée  à  celle  de  l'ouvrier  des  fabriques,  chantiers 
de  construction,  chemins  de  fer,  usines  et  pouts.  Dans  un  tel 
entraînement,  la  pratique  capitaliste  ne  pouvait  rester  sta- 


-  73  — 

tionnaire  :  force  lui  était  de  marcher  avec  le  nouveau  sys- 
tème. 

On  peut  se  l'aire  une  idée  de  l'importance  de  cette  réforme 
par  la  comparaison  des  procédés. 

En  dépit  de  riiypolliè(]ue,  le  crédit,  dans  les  conditions 
anciennes,  était  moins  réel  que  personnel.  On  prêtait  ses 
capitaux,  soit  à  des  agriculteurs,  soit  à  des  industriels,  dont 
la  bonne  foi,  la  capacité,  l'expérience  formaient  encore  pour 
le  prêteur  la  plus  sûre  jiaranlie.  Aussi,  que  de  lenteurs  dans 

les  informations,  les  expérimentations,  les  enquêtes! 

que  de  précautions  dans  les  actes  I  que  de  céiémonics  par- 
devant  le  notaire!  que  de  difficultés  soulevées  par  des  droits 
des  mineurs  et  des  femmes!...  Puis,  une  fois  les  fonds  remis, 
le  capitaliste  ne  pouvait  plus  se  déprendre.  Exiger  un  rem- 
boursement anticipé,  c'était  impossible  :  les  termes  du  con- 
trat s'y  refusaient.  Proposer  une  résiliation,  c'était  s'exposer 
à  un  sacrifice  énorme  :  on  compromettait  l'entreprise,  on 
ruinait  l'emprunteur,  on  portait  atteinte  à  sa  fortune,  au 
gage  même  du  crédit!...  Pour  se  dégager,  le  commanditaire 
ou  prêteur  était  obligé  de  chercher  un  substitut  dans  ses 
droits,  dont  la  confiance  était  à  créer,  et  qui  dans  tous  les 
cas  prétendait  à  un  émolument.  De  là  nouvel  examen,  en- 
quête, inventaire,  débats  :  après  bien  des  démarches,  on 
n'arrivait  à  rien.  Le  capitaliste  était  rivé  à  l'hypothèque;  sa 
position  était  fixe,  comme  le  capital  qu'il  avait  fourni  à  l'cn- 
tre[)rise.  Pour  lui,  plus  de  délivrance  avant  l'heure  solennelle 
du  remboursement!... 

Maintenant,  grùce  à  la  mobilité  de  l'action,  le  capital  est 
délivré  de  toutes  ces  entraves,  en  même  tenij>s  que  l'em- 
prunteur rencontre  plus  de  facilités.  Le  crédit,  entièrement 
dépersonnalisé,  est  devenu  tout  iéel.  On  disait  jadis  :  Tant 
vaut  l'honnne.  On  dit  maintenant  :  Tant  vaut  la  chose.  Oi , 
puisque  l'on  prête  sur  la  chose,  que  fait  le  nom  de  l'homme 
dans  le  confiât?  Qu'importe  le  nom  du  commanditaire,  celui 
du  commandité,  quand  le  talent,  l'honorabililé,  la  vertu  de 
celui-ci,  quand  les  motifs  qui  font  agir  celui-là,  peuvent 
tous  se  ramener  à  cette  expression  algébrique  :  Action-Ca- 
pilal-Béii-'/ice-Dividoide'^  Ou  prèle  à  lenli'eprise,  non  au 

5 


—  74  — 

gérant.  Dès  lois  plus  d'autre  enquête  que  celle  qui  se  traduit 
en  un  compte  de  recettes  et  de  dépenses.  Quant  à  la  durée 
du  prêt,  elle  n'embarrasse  plus  :  jjoiir  l'entreprise,  aussi  Ion- 
ique qu'on  voudra;  pour  les  capitalistes,  résiliable  à  toute 
heure,  par  la  Iransmissibililé  de  l'action. 

Maintenant,  qu'une  commandite  plus  lucrative  se  pié- 
sente,  ou  bien,  ce  qui  revient  financièrement  au  même,  que 
l'entreprise  dans  laquelle  le  capitaliste  a  engagé  ses  fonds 
éprouve  des  contre-temps,  des  pertes;  que  les  apparences 
deviennent  pour  elle  moins  heureuses  :  en  un  instant,  sans 
formalités,  ni  poursuites,  ni  discussions,  sans  miiiistère  de 
notaire,  sans  payer  un  centime  de  droit  de  mutation,  par  le 
simple  ministère  d'un  agent  de  change,  le  porteur  d'actions 
peut  vendre  ses  titres,  en  toucher  le  montant,  au  cours  du 
jour,  soit  avec  bénélice,  soit  avec  une  perte  légère;  se  pro- 
curer le  placement  qu'il  ambitionne,  doubler,  tripler  quel- 
quefois son  revenu,  par  conséquent  aussi  son  capital;  chan- 
ger du  tout  au  tout  sa  condition  de  fortune;  comme  aussi, 
dans  le  cas  où  ses  appréhensions  auraient  été  mal  fondées 
et  ses  espérances  déçues,  il  peut  voir  ses  nouvelles  actions 
perdre  25,  30  et  50  0/0,  et  sa  fortune  réduite  dans  la  même 
proportion. 

C'est  ainsi  que  le  capital  est  devenu  marchandise  comme 
le  produit,  plus  circulante,  plus  aisément  échangeable  que 
le  produit  lui-même.  C'est  par  là  que  les  nations  modernes 
ont  pu,  en  moins  d'un  quart  de  siècle,  creuser  des  canaux, 
construire  des  chemins  de  fer,  entrei)rendre  des  travaux  gi- 
gantesques, subvenir  à  des  entreprises  qui  laissent  bien  loin 
derrière  elles'  tous  les  monuments  de  Rome,  de  l'Egypte,  de 
l'Assyrie,  de  lu  l'erse  et  de  l'Inde.  C'est  à  l'aide  de  cette  or- 
ganisation du  crédit  que  l'Angleterre,  la  plus  riche  des  na- 
tions modernes,  a  pu  entreprendre  une  lutte  de  vingt-cinq 
années  contre  la  Ré[)ublique  et  contre  l'Empire,  contracter 
une  dette  de 27  milliards,  dont  elle  sert  aujouitj'hui  les  in- 
térêts avec  la  même  facilité  que  la  Banque  de  France  paye  le 
dividende  de  ses  actionnaires  ;  tandis  qu'avec  ses  armées  jjer- 
manentes,  avec  son  budget  de  la  guerre  et  son  écrasante 
centralisation,  nolic  gouvernement  n'a  su,  depuis  un  demi- 


—  75  — 

siècle,  ni  conserver  ses  fronfiôres,  ni  améliorer  son  crédit, 
ni  faire  respecter  loiijourssa  diplomalie,  ni  arrèler  le  nior- 
cellemenl  et  la  dévastation  du  sol  français,  ni  défricher  en 
Algérie  un  seul  pouce  de  terrain... 

Toute  valeur  capitalisée,  toute  action  de  commandite, 
toutes  oblig  tions  circulables  affluant  à  la  Bourse,  de[)uis  les 
inscriptions  de  rente  et  les  bons  du  Trésor  ju-rpTaux  érentua- 
lités  de  la  faveur  et  du  sort,  la  Bourse  peut  être  définie  :  le 
marché  aux  capitaux. 

Ou  conçoit,  d'après  cela,  quelle  importance  le  gouverne- 
ment attache  à  surveiller  les  opérations  de  la  Bourse,  et 
quel  jeu  énorme  il  s'y  peut  faire. 

L'actionnaire  sérieux,  (pii  ne  cherche  qu'un  emploi  lu- 
cratif de  ses  fonds,  avec  la  facilité  de  les  retirer  à  comman- 
dement, s'occupe  généralement  peu  du  jeu  de  Bourse.  Il 
achète  des  actions  en  vue  du  revenu  qu'il  en  espère,  et  n'en 
vend  guère,  sauf  le  cas  de  nécessité.  La  hausse  et  la  baisse 
quotidiennes  lui  importent  peu,  pourvu  (pi'il  louche  ses  di- 
videndes aux  époques  fixées.  Il  ne  s'inquiète  du  eouis  (pj'au- 
tant  qu'il  lui  ferait  présager  une  dépréciation  menaçante 
pour  ses  intérêts.  11  en  est  de  même  du  rentier,  qui  ne  voit 
dans  les  fonds  publics  qu'un  moyen  de  revenu  fixe,  sous  la 
garantie  de  l'État  et  du  pays,  et  (jui  reste  étiangt  r  à  la  spé- 
culation. Que  le  4  1/2  soit  à  105  ou  a  9U,  il  n'eu  touihera 
ni  plus  ni  moins  d'arrérages  au  semestre  :  la  conversion  ou 
la  banqueroute  peuvent  seules  l'atteindre.  Dans  les  temps 
calmes,  cette  quiétude  de  l'actionnaire  et  du  rentier  peut 
être  piise  pour  sagesse;  mais  il  est  des  cas,  et  ils  peuvent  se 
produire  d'un  instant  à  l'autre,  où  l'on  ne  saurait  y  voir  que 
de  rine|)tie. 

Le  gouvernement  a  le  projet  de  former  un  emprunt  de 
ICO  millions,  4  0/0,  à  75  :  contre  un  versement  de  75  fr.,  il 
offre  donc  de  souscrire  une  obligation  de  4  fr.  d'nitérêt.  Le 
4  1/2  est  à  110,  ce  qui  veut  dire  ({ue  les  capitaux  engagés 
dans  cette  valeur  produisent  4  fr.  9  c.  0/0.  En  vendant  du 
4  1/2  à  ce  taux,  et  prenant  du  4  0/0  à  75,  le  spéculateur 
gagne  1  fr.  50  c.  d'inléièt,  ce  qui,  au  taux  de  110  du  4  1/2 
0/0,  lui  constitue  une  augmentation  de  capital  de  30  0/0. 


76 


lout  le  monde  a  ces  conditions/Voulant  vendre  de  la  rente 

et  prendre  de  1  emprunt,  il  y  aura  baisse  sur  le  4  1/2    et 

•aussedes  titres  de  Temprunt,  oscillation  sur  les  deux  va- 

T^millin  '^"\7"''^'*^  ^"^  '^  gouvernement,  pour  trouver 
/o  millions  réels  a  emprunter,  est  obligé  d'offrir  aux  sous- 
np  eurs  de  l'emprunt,  à  leurs  cessionnau-es  et  sous-cession- 
nancs  une  cureo  de  25  à  30  millions,  pins  ou  moins-  le  tout 
aux  depeus  du  Trésor,  des  rentiers  de  l'État  et  du  pays!  Évi- 

pa  "rarnl''""''"'f  '''  ''"''  '"'  ''''''''  ^  ^''^^'^•'  ^«  ^^'i  «« 
passe,  atin  de  se  couduirc  au  mieux  de  leurs  intérêls 

Supposons  que  la  Californie,  TAustralie,  le  Pérou  et  l'Ou- 
ral ver.ent  tout  à  coup,  dans  la  circulation,  une  ma. se  e 
métaux  précieux  double  de  celle  qui  sert  aujourd'hui  à  la 
tiicula  ion  monétaire  de  l'Europe.  La  valeur  de  lor  et  de 
larpnt  dnninuera,  comparativement  à  celle  du  blé,  du  vin 
e  delà  viande.  Mais,  le  taux  des  rentes,  dividendes,  tarifs, 
etc.  ne  chaugraut  p,.iut,et  s.-  payaut  toujours  en  la  même 
monnaie,  le  reveuu  du  rentier,  de  l'actionnaire,  aura  dimi- 
nue. Qu,  profitera  de  la  différence?  TÉlat  d'abord,  le  chan- 
geur ensuite  et  linalem.nt  tous  les  genres  de  producteurs, 
a  mesure  qu  ils  auront  eu  le  soin  de  se  mettre  à  la  hausse 
-  La  donc  en(  ore,  il  y  a  sujet  à  réflexion  pour  le  rentier 
comme  pour  1  actionuaire. 

Uue  compaguie  d'armateurs  se  forme  au  Havre,  dans  les 
conditions  ordimiircs  de  la  navigation,  pour  le  commerce  de 
Amérique  et  de  l'Inde.  Survient  tout  à  coup,  avec  un  sys- 
tème de  bâtiments  d'une  capacité  dix  fois  plus  forte  et  d'une 
économie  de  service  quadruple,  uue  compagnie  rivale  au 
capital  de  60  ou  80  millions.  L'ancien  système  est  écrasé. 
Il  importe  donc  à  Tactionuaire  d'échanger  ses  premières 
actions  contre  de  nouvelles,  ce  qui  équivaut  à  une  fusion  de 
la  première  compagnie  dans  la  seconde. 

Ces  causes  de  hausse  et  de  baisse  varient  à  l'infini  sou- 
vent tombent  à  l'improviste,  comme  la  foudre,  sur  le  mar- 
che. Quand  elles  n'existent  pas,  la  peur,  la  malveillance, 
1  intrigue,  la  mauvaise  foi,  les  inventent,  les  grossissent  les 
1.W  Jt^"*'  ^  ^'^?''^  d'agitation,  finissent  quelqucfois'par 
leur  donner  la  réalité.  C'est  là  le  métier  du  jiueur,  de  celui 


—  77  — 

qui,  sans  intérêt  dans  ancnno  entreprise,  spécule,  eomme  on 
Vu  dit,  à  la  hausse  et  à  la  baisse.  Pour  celui-là,  comman- 
dite, crédit  public,  dividende,  intérêt  ne  sont  absolument 
rien  :  loiseau  de  proie  ne  chasse  pas  les  mouches.  Ce  qu'il 
cherrhe,  ce  sont  des  entreprises,  des  coups  de  Bourse,  des 
ràilcs  comme  à  la  roulette,  des  razzias  comme  sur  les  K;ibyles. 
C'est  là  surtout,  c'est  dans  cet  abus  de  la  mobilisation  des 
capitaux,  dans  celte  dénaturation  de  la  commandite,  qu'est 
le  danger;  danger  certes  plus  séiieiix,  pour  la  lortune  du 
pays  et  la  moralité  publiqiie,  que  rcnvahissement  par  les 
courtiers  marrons  des  fonctions  d'agents  de  change. 


CHAPITRE  V. 

Op6ratious  de  la  ESourse.  —  KtfftTPntcs  isortes  lîe  lîiar- 
chés. — Combina isose s  aisxtïsn'llfs  ils  «Soiiiieiit  lieu. 

De  tout  ce  qui  précède,  il  résulte  : 

Que  les  opérations  auxipielles  donnent  lieu  les  effets  cotés 
à  la  Bourse,  iudépcnd  unnifut  de  leur  caractère  plus  ou 
mouis  prononcé  d'utilité  pid)lique  et  de  moralité,  sont  de 
deux  sortes  :  les  phicemeuts  de  fonds  et  la  spétulalion ;  en 
d  autres  termes,  la  commandite,  ou  prcslaiion  des  capitaux, 
et  leur  mouv.emcnl . 

Si  nous  n'avions  à  parler  que  des  placements,  nous  le  fe- 
rions en  deux  lignes.  Quoi  de  plus  sinqde  que  la  vente  et 
rachat.'  La  négociation  des  titres  ne  se  fail  pas  autrement 
que  celle  des  marc  handises.  Les  agents  de  chan;:e  sont  les 
notaires  du  contrat^  ils  donnent  l'authentirité  aux  conven- 
tions. 

Le  législateur  reconnaît  les  marchés  au  comptant  et  les 
murchés  à  terme,  mais  avec  f'rce  restrictions  pour  ces  der- 
niers, qu'on  a  même  essayé  de  prohiber  d'une  manière 
absolue. 

La  loi  du  28  vendémiaire  an  IV  dit  en  effet  : 


—  78  — 

«  Attendu  que  les  mnrcliés  à  terme  ou  à  prime  ont  déjà  été 
interdits  par  de  précédentes  lois,  tous  ceux  contractés  antérieu- 
rement au  présent  décret  sont  annulés.  » 

L'ordonnance  du  12  novembre  1823  mainlicnl  les  dispo- 
sitions (le  l'an  et  de  1785,  qui  réputé  jeux  de  Bourse  et  pro- 
iiibe  les  maiLliés  h  terme  faits  sans  dépôl préalable  et  liors 
de  deux  mois. 

Nous  avons  cilé  ailleurs  les  articles  421  et  422  du  Code 
pénal  sur  les  paris  et  les  ventes  à  découvert. 
Le  Code  civil,  article  1965  : 

«  La  loi  n'accorde  aucune  action  pour  une  dette  de  jeu  ou  pour 
le  payement  d  un  pari.  » 

La  jurisprudence  est  conforme  à  l'esprit  cl  au  texte  de  la 
législation  ;  elle  a  snccessivement  consacré  : 

1°  Que  les  marché-;  à  terme  sur  les  effets  publics,  qui 
nonl  d'autre  objet  que  d(!S  différences,  doivent  être  réputés 
jeux  de  Bourse  et  annulés  comme  dépourvus  de  cause  et  de 
réalité,  comme  contraires  aux  lois,  à  Tordre  et  à  la  morale  ; 

2"  Que  l'absence  du  dépôt  rend  présumable  le  défaut  de 
cause  et  de  réalité  ; 

3°  Que  ces  sortes  de  paris,  déguisés  sous  la  forme  de  mar- 
chés^ ne  peuvent  eup^endrer  aucune  espèce  d'action  devant 
les  tribunaux,  au  profit  d(;  qui  (|ue  ce  soit,  ni  du  client  contre 
Tagent  de  change,  ni  do  celui-ci  contre  son  client,  ni  de 
l'agent  de  change  contre  son  confrère  ; 

4"  Que  la  ratification  du  marché  fille  par  le  débiteur, 
même  depuis  récliéance  du  terme,  par  la  souscription  d'une 
reconnaissance  ou  de  billets  pour  les  difl'érenccs,  ne  saurait 
couvrir  le  vice  originaire  de  ce  marché  5  que  la  reconnais- 
sance et  les  billets  sont  également  nuls. 

Cependant,  depuis  quelques  années  le  jeu  a  tellement  pé- 
nétré dans  nos  mœurs,  (pie  les  tribunaux,  tout  en  restant 
fidèles  à  la  lettre  du  Code,  sf^mhlent  vouloir  user  d'une  cer- 
taine indulgence.  La  Cour  impériale  de  Paris  a  consacré, 
par  arrêt  du  25  janvier  1856,  que: 

«  Les  marchés  à  terme  sur  actions  industrielles  sont  valables 


-   70  — 

«^i  le  vendeur  juPlifie,  pnr  des  offres  réfriilière?,,  avoir  eu  entre  les 
mains,  au  moment  de  lY-olit'ance  du  terme,  !e  nombre  d'nrfions 
par  lui  vendues;  peu  importe  le  défuit.  d'identité  des  titre?  oVrts 
s'il  s'nirit  d'actions  au  porteur,  car  la  désignation  dans  ce  cas  s  -rait 
sans  intérêt.  » 

Cette  doctrine  est  un  premier  pas  hors  de  la  voie  tradi- 
tionnelle, bien  qu'il  ressorte  évidemment  du  texte  de  1  arrêt 
que  la  Conr  a  cru  avoir  affaire  à  un  vendeur  de  bonne  foi. 
L'obligation  de  prouver  par  d^s  oifres  réelles,  U  jour  de 
l'échéance,  qu'on  est  en  mesure  de  livrer  des  titres  quelcon- 
ques, ne  suffit  plus  à  démontrer  que  le  marché  était  sencux. 
Quel  agioteur  en  efiet  n'est  en  position  de  trouver  des  amis 
qui  lui  prêtpnt,  pour  une  heure  seulement,  des  titres  au 
porteur  qui  lui  donnent  un  aspect  de  rentier-propriétaire 
d'homme  honorable?  Si  l'nfi^iire  en  vaut  un  jour  la  peine,  il 
ne  manquera  pas  de  s'établir  un  bureau  de  location  de  titres 
à  l'usage  des  loueurs  qui  voudront  échapper  aux  suites  dé- 
sastreuses d'un  pari,  en  montrant,  pièces  en  main,  qu'ils  ont 
entendu  faire  une  vente  réelle. 

Un  arrêt  du  tribunal  de  commerce  du  26  février  suivant  va 
beaucoup  plus  loin  : 

«  La  vente  des  actions  d'une  compagnie  industrielle  à  créer  est 
valable,  dit-il.  pourvu  que  les  parties  woni  en  vue  une  livraison  de 
titres,  et  non  le  payement  de  simples  différences.  » 

Cette  fois  "la  jurisprudence  tombe  dans  les  restrictions 
mentales  elles  directions  (V  intention  des  pères  jésuites,  dont 
Biaise  Pascal  a  tant  égayé  ses  lecteurs.  Cependant,  tant  que 
le  législateur  reconnaîtra  les  marches  à  terme,  les  tribunaux 
en  seront  réduits  à  faire  de  la  casuistique. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  davantage  sur  des  dispositions 
législatives  dont  les  boursiers,  au  surplus,  ont  su  depuis 
longtemps  s'affranchir,  et  dont  l'application  n'irait  à  rien 
de  moins  qu'à  la  fermeture  de  la  Bourse  et  à  la  mise  en 
jugement  de  tout  son  public.  H  serait  temps  que  nos  juris- 
consultes se  persuadassent  enfin  que  s'il  n'est  rien  de  plus 
aisé,  dans  tous  les  temps,  que  de  légiférer  (notre  production 
législative  est,  dit-on,  de  plus  de  cinquante  mille  lois!...),  il 


—  80  — 

iicsl  lien  do  j)lus  ridicule  que  de  philosopher  sur  des  lois 
rendues  sans  aucune  connaissance  pratique  des  affaires,  et 
toujours  à  rebours  de  l'utilité  publique. 

1.  DES  DlFFÉRIinES  SORTES  DE  îlAliCnÉS. 

Les  opérations  de  la  spéculation,  c'est-à-dire  qui  ont  pour 
objet  le  mouvement  des  capitaux,  sont  celles  qui  altitent 
sintou!  l'attention  pidïlique  et  tpii  exercent  la  principale  in- 
fluence sur  le  cours  des  ell'els.  Elles  empruntent  les  formes 
et  les  combinaisons  les  plus  diverses.  Nous  allons  les  passer 
successivement  en  revue,  laissant  désormais  à  la  sagacité  du 
lecteur  le  soin  de  distinguer  ce  qui  est  jeu  ou  pari  d'avec  ce 
qui  est  affaire  et  marché  sérieux. 

§    l^^    OPÉRATIONS   AU   COl'RS   MOYEN. 

Un  peu  avant  l'ouverture  de  la  Bourse,  les  agents  de 
change,  réunis  dans  leur  cabinet,  vendent  et  achètent,  au 
coîffs  moyen,  des  titres  de  rentes,  des  obligations  ou  des 
actions  industrielles.  Ces  transactions  ne  sont  pas  considé- 
rées comme  tombant  sous  l'application  de  la  loi  qui  défend 
toute  négociation  en  dehors  du  local  et  des  heures  détermi- 
)iés,  par  la  raison  qu'elles  se  font  sans  stipulation  de  prix. 
En  effet,  c'est  la  cote  rédigée  après  la  tenue  de  la  séance 
publique  qui  donnera  le  chiffre  du  marché.  Par  exemple, 
les  actions  de  la  Banque  ont  fait,  au  plus  haut,  4,150  fr.; 
au  plus  bas,  4,100;  le  cours  moyen  sera  4,125. 

Les  affaires  au  cours  moyen  se  font  presque  toujours  au 
comptant:  cependant  il  s'en  fait  aussi  quelques-unes  à  terme. 

§   2.  NliGOr.IATIONS  AU   COMPTANT. 

Nous  n'avons  rien  à  dire  sur  la  forme  de  cette  opération; 
elle  ne  comporte  aucun  détail,  puisqu'elle  ne  présente  qu'une 
forme  possible  d'exécution  :  livraison  des  tities  contre 
espèces. 

I^es  efiels  transmissibles  par  voie  d'endossement  doivent 
être  délivrés  dans  l'intervalle  d'une  Bourse  à  l'autre. 


—  81  — 

Ceux  qui  sont  assujettis  à  la  condition  du  transfert,  comme 
les  actions  de  la  Banque,  les  rentes  sur  TÉtat,  ne  peuvent 
êlrc  livrés  dans  un  aussi  court  intervalle.  L'agent  de  change 
acheteur  donne  au  vendeur,  pendant  la  Bourse  qui  suit  celle 
où  a  lieu  la  négociation,  un  bulletin  indiquant  les  condi- 
tions du  marché  et  les  noms  auxquels  doit  être  fait  le  trans- 
fert. Si  avant  la  cinquième  Bourse  qui  suit  la  négociation  la 
livraison  n'est  pas  encore  effectuée,  l'acheteur  fait  annon- 
cer, par  affiche,  le  rachat  pour  le  lendemain,  (le  rachat  a 
lieu,  par  le  syndic  ou  un  adjoint,  à  la  sixième  Bourse,  si 
l'acheteur  dans  cet  intervalle  n'a  pas  reçu  ses  effets.  Le  délai 
est  donc  de  cinq  jours  francs  (non  compris  les  jours  fériés) 
pour  l'échange  des  titres  entre  les  agents  de  change  :  il  est 
accordé  un  jour  de  plus  pour  la  livraison  de  l'agent  de  change 
au  client. 

La  Chambre  syndicale  a  pris  la  décision  suivante  relative- 
ment aux  retards  apportés  par  ses  membres  dans  l'exécution 
des  conventions  : 

«  Après  l'expiration  des  délais,  la  partie  lésée  par  les  retards 
sera  libre  de  refusçr  la  consommation  de  la  négociation  en  préve- 
nant le  syndic  ou  l'un  de  ses  adjoints,  ou  de  l'exiger  en  vendant 
ou  achetant  par  leur  entremise,  pour  le  compte  de  la  partie  en 
retard  et  aux  risques  de  l'agent  de  change,  sauf  tout  recours  de 
droit  contre  ses  commettants.  » 

Les  négociations  au  comptant  ne  sont  guère  accessibles 
qu'aux  gens  riches  :  or,  nombre  de  gens  ne  spéculent  à  la 
Bourse  que  pour  s'enrichir.  H  y  a  donc  cercle  vicieux  :  les 
négociations  à  terme,  aussi  légitimes  de  leur  nature  que 
celles  au  comptant,  mais  rendues  presque  toujours  abusives 
par  l'agiotage,  ont  pour  objet  de  nous  en  tirer. 

§   3.    NÉGOCIATIONS  A  TERME. 

La  loi  défend  les  négociations  à  plus  d'un  mois  d'échéance 
pour  les  actions  de  chemins  de  fer,  et  à  plus  de  deux  mois 
pour  les  autres  ellets.  Nous  verrons,  à  la  question  des  lie- 
jjorts,  comment  on  peut  prolonger  ces  délais. 

L'acheteur  a  toujours  le  droit  de  se  faire  livrer  les  titres 

5. 


—  82  — 

avant  le  terme  échu,  moyennant  le  payement  du  prix  con- 
venu. C'est  ce  qu'on  appelle  Vescompte. 

Le  rcgiemi  ni  des  agents  de  change  impose  à  l'escompteur 
les  conditions  suivantes.  Il  doit  prévonir  l'agent  vendeur 
avant  l'oiivei  ture  de  la  Bourse,  au  moyen  d'une  afîirhe  visée 
par  le  syndicat,  et  donnant  la  nature,  la  quantité  et  le  prix 
des  valf'ursescomplahles.  L'afiiche  est  placée  sur  un  tableau 
ad  hoc,  dans  le  cabinet  des  agi^nts  de  change.  De  ce  moment, 
les  formalités  et  délais  pour  la  livraison  sont  les  mêmes  que 
pour  les  afîaires  au  comptant,  dont  nous  venons  de  parler. 

On  appelle  marché  «  découvert  celui  par  lequel  on  vend 
des  effets  qu'on  ne  possèile  pis  et  qu'on  est  obligé  d'acheter, 
à  ses  l'isques  et  périls,  afin  de  remplir  ses  engagements.  Les 
opérations  à  la  baisse  sont  généralement  dans  ce  cas.  Un 
grand  nombre  d'escomptes  arrivant  à  la  fois  peuvent  donc, 
PU  forçant  les  vendeurs  à  découvert  de  se  mettre  en  mesure, 
provoquer  une  hausse. 

On  a  intérêt  à  escompter  lorsque  les  fonds  sont  à  un  taux 
sensddement  plus  foi  t  que  celui  auquel  on  a  acheté.  Ainsi, 
j'ai  acquis,  pour  fin  courant.  25  Nord  à  1,120:,  quinze  jours 
avant  léchéanre,  ils  sont  à  1,12.5.  Je  me  fais  livrer  par  an- 
ticipation, et  je  suis  en  mesure  de  profiler  de  la  |)lus-value, 
en  revendant  au  com|(tanl.  Si  je  levends  à  terme,  je  n'ai 
pas  besoin  d'escompter,  sauf  le  cas  où  je  douterais  de  la  sol- 
vabilité de  mon  vendeur. 

Dans  les  négociations  à  terme,  les  agents  de  change  se 
donnent,  entre  les  deux  Bourses,  des  engagements  énoncnut 
la  nature,  la  quantité,  le  prix  et  l'époque  de  la  livraison.  Ils 
remetlenf  à  leurs  clients  un  bidietin  contenant  les  m£mes 
indications,  et  de  plus  le  nom  du  collègue  avec  lequel  ils 
ont  négocié.  Les  nombres  doivent  être  écrits  en  toutes  let- 
tres et  en  chiffres. 

L'encaissement  des  dividendes  est  à  la  charge  du  porteur 
de  l'effet  vendu. 

Afin  de  ficiliter  les  liquidations,  im  arrêté  de  la  Chambre 
syndicale  a  décrété  que  les  marchés  à  terme  ne  porteraient 
que  sur  des  sommes  rondes  ainsi  déterminées  et  leurs  mul- 
tiples : 


—   83   — 

2,250  fr.  Op  rrntn  '.  1,2  0,0  fr.inv;ii>. 
2.000  —  ■'»  "" 

l.;>00  _  3  — 

2500  —  5  <^.^  piémonini?. 

1,.S00  —  3  — 

1,000  liv.  sterl.  en  capital  5  (»,0  portugan. 
1,000  —  -^  "" 

500  (Incats  renie  5  0/0  de  Naple?. 
250  piastres  rente  5  0/0  d'Espagne, 
300  —  3  — 

25  obligations  de  ia  ville  de  Pans.  ,.,^,,^^    P.mfrno  de  France, 

25  actions  on  obligations  des  Compaînies  diverses,  P..UKine 
chemin,  de  fer.  Crédit  foncier,  mobilier,  etc. 

Qnanl  à  la  quotité  de  la  hausse  ou  de  la  baisse  elle  n'est 
iamais  moindre  de  5  c.  pour  les  r.-ntes,  et  po.ir  les  actions 
'lie  la  Banque  de  France  et  des  .hem.ns  de  fer,  de  5  fr.  ou 
des  sous-muUiples  de  5  fr.,  1  25,  2  50,  3  /o. 

Les  marchés  à  terme,  sont  de  deux  sortes,  fermes  ou  a 

primes. 

t"  Marchés  fermes, 

I  es  mnrrhrs  Mm.es  engagent  à  la  fois  le  vendeur  et  l'ache- 
teur ;  ils  n'impliquent  aucune  restriction  ultérieure  aux 
conv  niions  stipulées.  Les  échéances  sont  au  15  du  mois 
cour  nt,  fin  coilrant,  15  du  mots  prochain,  o,.  fin  prochatn 
Ces  sortes  de  -négociations  n'olTreut  pas  plus  de  difficulté 
que  les  ventes  et  achats  au  comptant. 

Exemple  -  Les  fonds  sont  à  la  baisse  :  une  question  po- 
litint.e  dont  la  solution  semble  se  compliquer,  parait  dc- 
o?  tenir  longtemps  la  cote  en  sonfirance.  Vous  ven  ez  au 
l-^r  inin,  livrables  fin  courant,  2,250  fr.  de  rente  4  1/2  0/0, 
à  92  fr.  Si  vous  ne  possédez  pas  les  titres  vendus,  vous  pou- 
vez dans  le  courant  du  mois,  vous  les  procurer.  Le  15,  le 
4  r2  est  tombé  à  90  fr.  Vous  achetez,  pour  fin  courant,  a 
90  fr.  les  2,250  fr.  de  rente  tpie  vous  devez  livrer  a  92.  Vous 
vous  trouvez  en  mesure  de  faire  face  à  votre  engagement,  et 
vous  bénéficiez  de  1,000  fr.  sur  votre  marche. 

Avtre  exemple.  -  Les  fonds  sont  à  la  hausse.  Vous  achetez 
au  15  juin  pour  fin  juillet  1  ,.500  fr.  de  rente  3  0,0  a  6/ .  Dans 


-    8-1   — 

l'intervalle  de  la  livraison,  le  3  0/0  monte  à  08.  Vous  vendez, 
comptant  ou  ù  terme,  car  vous  avez  toujours  la  faculté  de 
vous  faire  livrer  par  anticipation,  moyennant  payement,  les 
effets  vendus.  Vous  encaissez  le  boni,  soit  500  fr.  — Si,  contre 
vos  prévisions,  le  3  0/0  se  maintenait  toujours  en  baisse  et 
que  vous  fussiez  obligé  de  vendre  à  66  50,  vous  en  seriez 
quille  pour  la  perte  de  la  différence,  soit  250  fr. 

(^omme  il  y  a  cbances  de  perte,  Tagent  de  cbange  a  le  droit 
d'exiger  de  vous  7(ne  couverture,  c'est-à-dire  une  somme  pro- 
portionnée aux  fluctuations  de  la  cote  et  à  Timportance  des 
affaires  qu'il  fait  pour  votre  compte,  comme  garantie  du 
payement  des  différences  en  cas  d'insuccès.  Avec  une  couver- 
ture de  quelques  mille  francs  vous  pouvez  faire  des  centaines 
(le  mille  francs  d'aflaires. 

Dans  les  marcliés  fermes,  la  perte  n'est  pas  limitée.  Ainsi 
vous  achetez  fin  courant  25  actions  du  Crédit  foncier  à  700  fr. 
Si  à  réchéance  elles  ne  sont  qu'à  680,  vous  n'êtes  pas  moins 
obligé  de  les  lever  à  700.  Comme  le  spéculateur  n'achète  que 
pour  vendre,  il  peut,  si  la  baisse  se  prolonge,  perdre  des 
sommes  considérables.  Au  cas  où  il  garderait  ses  titres  en 
attendant  la  hausse,  il  a  toujours  un  capital  engagé  qui  ne 
lui  produit  rien.  Il  lui  reste  toutefois  la  ressource  de  se  faire 
reporter,  dont  nous  parlerons  plus  loin.  En  revanche,  s'il  y 
a  hausse,  c'est  tout  bénétice  pour  lui  :  qu'il  revende  à  7J0 
après  avoir  payé  700,  c'est  250  fr.  qu'il  empoche  (sauf  déduc- 
tion des  droits  de  commission). 

Ici  toute  la  science  du  spéculateur  consiste  à  prévoir  les 
oscillations  de  hausse  et  de  baisse,  ou  même  à  provoquer 
celles  dont  il  a  besoin,  s'il  est  assez  puissant  pour  cela. 

L'énormité  des  risques  de  cette  espèce  d'opération  en  a 
fait  imaginer  une  autre  moins  meurtrière,  dont  nous  allons 
exposer  le  mécanisme. 

2"  Marchés  à  primes  ou  inarcliéà  libres. 

l.e  mot  prime  a  plusieurs  sens  dans  la  langue  financière  : 
V  II  sert  à  désigner  la  plus-value  acquise  par  un  eifet.  — 
Des  actions  émises  à  500  fr.,  qui  se  négocient  à  700,  font 
20Ô  fr.  de  prime. 


—  8.5  — 

2"  Il  désigne  encore  le  bénéfice  quon  lait  sur  une  opéra- 
lion.  —  J'achète  des  obligations  du  chemin  de  fer  d'Orléans 
à  1,125  fr.;  je  les  revends  à  1.132,  soit  à  7  fr.  de  prime. 

3"  On  appelle  encore  ainsi  la  somme  en  pins  du  capital  et 
des  intérêts  qui  échoit,  par  voie  de  tirage  au  sort,  à  telle 
obligation  venant  à  remboursement.  —  En  1852,  la  ville  de 
Paris  a  emprunté  50  millions;  les  obligations  de  1,000  fr. 
portent  intérêt  à  5  0  0,  et  sont  remboursables  en  37  tirages 
semestriels;  le  premier  numéro  sortant  gagne,  en  sus  du 
remboursement,  une  prime  de  50,000  fr.  Celte  prime  est  un 
appât  au  capitaliste.  Elle  ne  suffit  pas  toujours  |)our  amener, 
comme  dit  le  proverbe,  Ueau  au  moulin  :  témoin  la  société 
du  Crédit  foncier,  qui  n'a  pu  encore,  malgré  toutes  les  sé- 
ductions de  la  prime,  parvenir  à  faire  prendre  ses  obliga- 
tions. 

4°  Enfin,  on  désigne  par  ce  nom  le  maximum  de  la  perte 
qu'on  peut  faire  dans  l'espèce  de  marché  à  terme  dont  nous 
allons  parler. 

Les  ventes  et  achats  à  prime  engagent  le  vendeur  sans 
engager  l'acheteur. 

Exemple.  —  J'achète  à  1,055  fr.  50  actions  du  Nord  dont 
10.  Cela  veut  dire  que  j'entends  limiter  ma  perte  à  10  fr.  par 
action,  soit  500  fr.  pour  le  tout.  vSi  à  l'échéance  j'ai  intérêt 
à  ne  pas  levei-,  par  exemple  dans  le  cas  où  les  INord  seraient 
tombés  à  1,030  fr.,  j'abamlonne  à  mon  vendeur  la  prime  de 
10  fr.  par  action,  et  le  marché  se  trouve  résilié.  Je  perds 
500  fr,,  tandis  qu'en  levant  à  25  fr.  de  baisse,  j'en  perdrais 
1,250.  Ai-je  au  contraire  bénéfice  à  me  faire  livrer,  au  cas 
où  les  actions  seraient,  je  suppose,  à  1,060  :  le  vendeur  ne 
peut  refuser  de  tenii"  son  engagement,  la  faculté  d'annula- 
tion n'étant  acquise  qu'à  l'acheteur. 

La  prime  est  imputée  à  compte  sur  le  capital.  Dans  l'es- 
pèce, les  50  actions  me  coûteront  52,750  fr.  Si  la  |>rime  a 
été  payée,  comme  c'est  l'usage,  au  moment  du  marché,  je  ne 
dois  plus  que  52,250  fr. 

Autre  exemple.  Vous  achetez  à  prime  1,500  fr.  de  rente 
3  0/0,  à  80  50  fin  courant,  soit  40,250  fr.  de  capital.  Vous 


—  86  — 

payez  comptant  500  fr.  Si  à  l'échéance  vous  prenez  livrai- 
son, vous  n'avez  plus  à  payer  que  39,750  fr.  Mais  à  la  fin  du 
mois,  le  3  0/0  n'est  plus  qu'à  79,  ce  qui  veut  dire  que  vos 
1,500  fr.  de  rente  ne  valent  plus  en  cnpital  que  39,500  fr. 
La  perte  pour  vous  est  donc  do  750  fr.  Vous  abandonnez  vos 
500  fr.,  et  le  marché  est  nul;  c'est  le  vendeur  (jui  profite  de 
la  prime.  Si  an  contraire  la  rente  est  à  81,  vous  prenez  les 
titres,  et  vous  bénéficiez  de  la  plus-value. 

Les  primes,  au  lieu  de  se  payer  comptant,  se  portent 
quelquefois  en  compte;  elles  sont  alors  exigibles  à  la  liqui- 
dation. 

Sur  la  rente  elles  varient  de  50  c.  à  2  fr.  par  coupon  ;  sur 
les  actions,  de  10  à  20  fr.  Ce  ne  sont  au  surplus  que  des 
usages. 

I^a  faculté  laissée  à  l'acheteur  de  maintenir  ou  de  résilier 
le  marché  fait  que  les  ventes  à  primes  se  font  à  un  plus 
haut  prix  que  les  ventes  fermes.  Celte  différence  de  cours 
donne  lieu  à  des  opérations  combinées  sur  lesquelles  nous 
aurons  à  revenir. 

La  négociation  que  nous  venons  de  décrire  a  son  inverse  : 
le  vendeur  donne  une  prime  à  l'acheteur  pour  l'obliger  à  re- 
cevoir, à  un  prix  convenu,  aux  jour  et  heure  indiqués,  les 
litres  qui  lui  ont  été  vendus.  Le  marché  est  libre  pour  le 
vendeur  et  obligatoire  {)our  l'acheteur.  Les  primes  pour  re- 
cevoir ne  sont  en  usage  que  chez  les  coulissiers. 

La  réponse  des  primes  se  donne  le  15  et  le  dernier  jour  du 
mois,  à  deux  heures  au  plus  lard,  c'est-à-dire  que  les  ache- 
teurs préviennent  les  vendeurs  s'ils  lèvent  ou  non  les  effets 
achetés. 

Les  marchés  à  terme  sont  le  véritable  champ  de  bataille 
de  la  spéculation  agioteuse.  Les  interdire,  ce  serait  restrein- 
dre des  quatre-vingt-dix-neuf  centièmes  les  opérations  plus 
ou  moins  abusives  qui  se  font  à  la  Bourse.  Nombre  d'indi- 
vidus seraient  forcés  de  travailler  pour  vivre,  qui,  avec  peu 
ou  point  de  capitaux,  font  d'immenses  affaires,  et,  sans  trop 
de  filigue  ni  même  de  risques,  mènent  bon  train  et  font 
chère  lie. 


—  87  — 

Malheureusement,  ainsi  que  nous  l'avons  démontré  dans 
l'Introduction,  empêcher  les  manliés  à  terme,  ce  ne  serait 
rien  de  moins  qu'empêcher  le  commerce,  la  circulation  des 
capitaux  et  lies  produits;  de  même  que  voidoir  empêcher 
lahusde  la  propriété,  ce  serait  sup[)rimer  la  propriété  elle- 
même.  Poiiral teindre l'abussan-^  compromet tre  l'institution, 
il  faut  un  système  de  moyens  qui  impliquent  toute  une  ré- 
volution de  l'économie  sociale.  Nous  voulons  dire  par  là, 
non  pas  une  révolution  des  lois  de  l'économie,  qui  sont 
éternelles;  mais  ime  révolution  dans  la  manière  dont  ces 
lois  sont  aujourd'hui  entendues  et  appliquées  :  ce  qui,  pour 
l'effet  à  obtenir,  reviendrait  à  peu  près  au  même.  Dejiuis  le 
2  décembre,  la  société  française  s'est  prononcée  contre  la 
Ilévolution.  L'tmpire,  institué  pour  la  protection  désinté- 
rêts, n'oserait  revenir  aux  Principes,  <à  moins  que,  plus  hardi 
que  le  gouvernement  provisoire,  plus  révolutionnaire  que  la 
démocratie  de  1848,  reprenant  résolument  la  tradition  de 
Louis  XI,  de  Richelieu,  de  Colbert,  de  Turgot,  il  n'embras- 
sât hautement  le  parti  du  travail,  du  talent  et  de  la  science, 
le  parti  de  la  Production  enfin,  contre  celui  de  la  bourj^eoi- 
sie  parasite,  de  la  siséiudation  agioteuse  et  du  privilège. 

§   i.   LIQUIDATIONS. 

Les  négociations  à  terme  ont  une  échéance  déterminée.  A 
part  quelques  affaires  sur  promesses  d'actions  qui  se  règlent 
à  rémission,  c'est-à-dire  au  jour  où  les  actions  sont  cotées 
au  parquet,  rérhéance  est  de  plein  droit  à  la  fin  du  mois 
pour  la  rente,  le  ir>  et  le  dernier  du  mois  pour  les  chemins 
de  fer.  Chatpie  joueur,  à  cette  époque,  liquide  en  effet  sa 
positipn  avant  de  s'engager  dans  de  nouvelles  opérations. 
Les  acheteurs  r/c  ferme  iirenueiit  livraison,  reçoivent  ou  sol- 
dent leurs  d I fi", «ren ces;  les  acheteurs  à  primes  donnent  leur 
réponse,  cest-à-dire  déclarent  s'ils  abandonnent  la  prime  ou 
maintiennent  leur  marché. 

Les  liquidations  sont  aussi  le  moment  des  exécutions^ 
Quand  un  acheteur  n'est  pas  en  mesure  de  tenir  ses  enga- 
gements, le  vendeur  a  le  droit  de  négocier  les  litres  qui  lui 


—  8S  — 

restent  pour  compte,  et  de  se  faire  payer  par  raclieleur 
inexact  la  différence  entre  le  taux  de  la  première  acquisition 
et  celui  auquel  il  rexend.  C'est  ce  qu'on  appelle  exécuter  un 
s[»écnlaleiir.  Il  y  a  chance  d'exécution  lorsque  les  cours  à 
la  liquidation  sont  notoirement  inférieurs  à  ceux  où  Ion  a 
acheté,  car  s'ils  sont  supéiieurs,  l'acheteur  n'a  qu'à  gagner. 
Le  vendeur  qui  n'est  pas  en  mesure  de  livrer  est  également 
exécutable.  L'exécution  est  la  faillite  de  l'homme  de  Bourse. 
Il  peut  rajoiirner  au  moyen  du  report  dont  nous  parlerons 
tout  à  l'heure. 

Quand  un  jouenr  est  exécnté,  si  l'agent  de  change  n'a  pas 
de  lui  nne  couverture  suffisante,  il  peut  être  tenu  de  combler 
de  ses  propres  fonds  le  déficit.  M.  de  Mériclel  cite  un  fait  de 
ce  genre,  où  l'officier  ministériel  en  fut  pour  40,000  fr.  ;  et, 
il  y  a  quelques  années,  des  bruits  circulèrent  d'un  personnage 
laissant  à  ses  agents  un  déficit  de  quehjucs  cent  mille  francs, 
qu'ils  furent  obligés  de  rouvrir.  >i'oublions  pas  toutefois 
que  tout  ce  monde,  agents  et  clients,  s'est  mis  en  dehors  de 
la  loi. 

Les  tiraillements  entre  haussiers  elbaissiers  n'ont  jamais 
plus  d'activité  (pi'au  moment  des  liquidations. 

La  liquidation  mensuelle  dure  cinq  jours  (I).  Le  dernier 
du  mois  on  donne  la  ré|)onse  des  primes;  —  le  premiei",  on 
liquide  les  actions  de  chemins  de  fer;  —  le  second  jour,  on 
liquide  les  autres  valeurs;  —  le  troisième,  les  agents  de 
change  balancent  leurs  comptes  et  se  mettent  d'accord  sur 
les  dilférencesqu'ilsonlàse  payer  et  les  elTels  qu'ils  doivent 
se  livrer;  —  enfin  le  quatrième,  on  efiectue  les  payements 
et  les  livraisons. 

La  liquidation  du  15,  étant  spéciale  pour  les  chemins 
de  fer,  dure  un  jour  de  moins;  à  part  celle  différence,  on 
procède  comme  [»our  celle  de  la  fin  du  mois. 

D'après  ce  que  nous  avons  dit  de  la  nature  des  opérations, 
il  est  aisé  de  couquendre  combien  les  livraisons  sont  mi- 
nimes, comparalivemenl  au  chiU're  des  dilTércnces  à  solder. 

(1)  On  ne  compte  qiio  les  jour?  où  il  y  a  nour?e;  les  jour?  fériés  sont  à 
déduire,  et  les  liqiii<iations  sont  relardées  d'autant. 


~   89  — 

.^'ous  avons  exposé,  en  parlant  do  la  rliamhro  syndicalo, 
le  motif  qui  a  fait  créer  la  licpiidation  dn  15,  et  les  résultats 
qu'elle  a  produits-,  il  nous  snftit  de  les  rappeler  ici. 

Motif:  encombrement  causé  par  rinsuffisance  des  agents  ; 

Résultais  :  double  report,  double  courtage  à  leur  profit. 


Le  mot  report,  comme  le  mot^jr/me,  a  plusieurs  significa- 
tions en  langue  boursière. 

1°  Les  titres,  avons-nous  dit,  se  cotent  plus  cher  à  terme 
qu'au  comptant;  lorsque  le  3  0/0  est  à  66  au  comptant  et  à 
66  40  fin  de  mois ,  on  dit  que  le  report  de  la  rente  à  la  fin  du 
mois  est  de  40  cent.  —  Dans  ce  sens,  le  report  a  pour  terme 
opposé  le  déport.  Lorsque  les  baissiers  arrivent  à  liquida- 
tion sans  s'être  pourvus  des  valeurs  qu'ils  ont  h  livrer,  ils 
sont  obligés  d'acheter  à  tout  pri.x,  de  crainte  d'exécution  ; 
il  arrive  alors  quele  comptant  devient  plus  cher  que  la  vente 
à  terme.  La  rente  restant  à  66  40  fin  de  mois,  si  le  comptant 
s'élève  à  66  70,  le  déport  est  de  30  cent. 

2°  Le  report  est  un  prêt  sur  dépôt  de  litres;  celui  qui 
prête  est  le  reporteur^  celui  qui  emprunte,  le  reporté.  Le  prêt 
sur  ga^es  a  été  prévu  par  le  Code  et  soumis  à  de  certaines 
formalités  d'actes  et  d'enregistrement;  ii  doit  se  faire  au 
taux  légal,  sous  peine  de  répression  comme  usure.  Qu'ont 
imaginé  les  boursiers?  Une  fiction  de  marché  dont  l'auteur 
des  Provinciales  revendiquerait  à  juste  titre  l'idée  première 
en  faveur  des  RR.  PP.  Escobar  et  Lessius,  inventeurs  du 
Mohatra. 

((  Le  contrat  Mobatra,  disent  ces  savants  casiiistes,  est  celui  par 
lequel  on  achète  des  étoiles  chèrement  et  à  crédit  pour  les  re- 
vendre, au  même  instant  et  à  la  même  personne,  au  comptant  et 
à  bon  marché.  —  Le  ^lohatra  est  quand  un  homme  qui  a  aiïaire  de 
20  pistoles  achète  d'un  marchand  des  étolïes  pour  30  pistoles 
payables  dans  un  an,  et  les  lui  revend  à  l'instant  même  pour 
20  pistoles  comptant.  » 

Inversement,  le  Report  est  un  contrat  par  lequel  un  capi- 
taliste achète  des  valeurs  comptant  et  à  bon  marché,  pour 


—  00  ~ 

les  revendre,  au  même  inslant  el  à  la  même  personne,  cliù- 
rcmenl  et  à  créHit.  —  I,e  Report  est  quand  un  liomme,  qui 
a  besoin  de  37,500  fr.,  vend  an  eomptant  25  actions  d"Or- 
léansà  1.500  fr.,  qu'il  rachète  immédiatement  à  1,510  fr. 
pour  la  liquidation  suivante. 

Dans  le  Molialra,  le  pro[)riétairedes  valeurs  n"est,  comme 
on  le  voit,  qu'un  prêteur  déffuisé;  dans  le  report,  c'est,  un 
emprunteur;  voilà  toute  la  difrér<^nce.  Les  bons  pères  n'a- 
vaient en  vue  que  de  calmer  les  consciences  des  dévots  usu- 
riers; les  financiers  avaient  à  la  fois  à  s'affranchir  des  lenteurs 
du  contrat  sur  gafïesetà  éviter  la  correctionnelle.  Que  pen- 
sent les  fidèles  el  les  jurisconsidies  de  ces  échappatoires? 
Qu'on  ose  encore  parler  d'opposer  la  conscience  et  de  bonnes 
lois  aux  mauvais  instincts  ! 

«  Dans  les  reports,  dit  M.  Deplanque,  on  voit  fréquemment 
l'intérêt  s'élever  jusqu'à  10  0/0  de  la  somme  prêtée  par  quinze 
jours,  laps  de  temps  pour  lesquels  sont  en  général  consentis  ces 
sortes  de  contrats.  A  ce  taux,  si  les  capitaux  pouvaient  toujours 
être  employés,  on  retirerait  de  son  argent  un  petit  revenu  de  plus 
de  250  0/0  par  an.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  n'y  a  pas  à  la  Bourse 
d'opération  qui  vaille  mieux  que  colle-là. 

«  Il  y  a  tous  les  jours  de  pauvres  diables  d'imbéciles  qui  se  font 
condamner  comme  usuriers  pour  avoir  bêtement  baillé  leur  argent 
à  12  ou  15  0/0  l'an,  contre  lettre  de  change  ou  autres  engage- 
ments aussi  sérieux,  à  quelques  Ois  de  famille  qui  se  gardent  bien 
de  le  leur  rendre,  préférant  les  l'aire  condamner  au  nom  de  la 
morale  publique.  Mais  on  ne  risque  pas  d'être  taxé  d'usure  pour 
prêter  en  report  à  23,  .50  et  100  0/0  par  an.  A  bien  avisé,  salut!  » 
{Almanach  de  la  Bour>e). 

Montrons  par  (pielques  exemples  toute  l'excellence  de  la 
position  du  repo'  leur. 

Je  possède  00,000  fr.  dont  j'aurai  besoin  dans  un  mois  ou 
deux;  je  ne  puis  les  engager  dans  une  affaire  de  commerce 
pour  si  peu  de  temps,  et  afin  de  ne  pas  les  laisser  stériles, 
je  fais  l'opération  suivante  :  j'achète  du  3  0/0  à  67  au  comp- 
tant, et  je  le  revends  de  suite  fin  courant  à  67  35.  Mes  fonds 
seront  disponibles  pour  l'époque  où  j'en  aurai  besoin,  et  ils 
m'auront  rapporté  pendant  ce  mois  35  cent,  de  bénéfice  par 
coupon,  soit  un  taux  de  5  fr.  40  0/0  l'an. 


—  91  — 

Si  je  veux  prolonger  mon  opération  : 

J'ai  opéré  un  premier  report  fin  jiiillel.  Je  dois  remettre  àX 
les  litres  que  je  lui  ai  vendus  •  eependant  je  n'ai  pas  encore 
besoin  de  dôg;i^er  mon  capital.  J'aclièle  alors  une  somme  de 
valeurs  é;:ale  a  edlf^  que  je  dois  livrer:  mon  dernier  vendeur 
fera  la  livriison  à  X,  et  nuevra  de  lu  i  la  somme  que  je  devais 
toucher  moi-même.  Je  garde  ainsi  mes  titres.  Je  puis  les  re- 
vendre fin  aoiit,  et  recommencer  de  mois  en  mois,  ou  de 
d(Mix  en  deux  mois  la  même  opération.  Dans  ce  cas,  mon 
premier  achat  devient  une  opération  de  placement;  mes 
achats  de  fin  de  mois  sont  opérations  de  spéculation  :  elles 
se  trouvent  consommées  dans  les  délais  légaux. 

On  a  intérêt  à  employer  ce  moyen  quand,  à  Técliéance  du 
marché,  les  fonds  sont  en  baisse.  Ainsi,  j"ai  acheté  comptant 
du  4  1/2  à  89  ;  je  le  revemls  fin  prochain  à  89  75.  A  l'époque 
de  la  livraison  le  4  1/2  est  à  88.  J'ai  intérêt  <à  racheter  des 
renies,  car  je  bénéficie  de  la  différence  entre  88  et  89  75, 
soit  1  fr.  75,  tandis  qu'en  livrant  mes  titres  achetés  à  89, 
ma  plus-value  n'est  plus  que  de  75  centimes.  Je  puis  ainsi  at- 
tendre la  hausse.  Si  ']('■  suis  forcé  de  réaliser,  je  ne  perds  rien 
<à  la  baisse,  car  jai  vendu  à  75  centimes  de  profit;  seulement 
je  manque  <à  gagner. 

Lorsqu'au  contraire  les  fonds  sont  en  hausse  au  moment 
de  la  livraison,  il  faut  consommer  la  première;  opération, 
sauf  <à  en  recommencer  une  identique  le  mois  suivant.  Ainsi, 
dans  l'exemple  iirécédent,  supposons  que  les  fonds  soient 
à  90  fr.,  je  n'irai  pas  achètera  90  pour  livrer  h  89  75;  c'est 
mon  acheteur  qui  profile  de  de  la  [)lus-value  de  25  centimes. 
Mais,  encore  une  fois,  je  ne  perds  rien,  puisque  je  reçois 
89  75  et  que  j'ai  payé  89. 

Les  opérations  que  nous  venons  de  décrire  sont  relative- 
ment honnêtes.  Les  habiles  ne  s'en  contenleni  pas.  Ils  s'em- 
pressent de  vendre,  font  de  nouveaux  reports  sur  la  même 
valeur,  revendent  et  reportent  à  outrance,  fVrfl.^crw/ les  cours 
et  poussant  à  la  baisse  afin  de  pouvoir  racheter  à  bas  prix, 
en  liquidation,  les  valeurs  dont  ils  sont  tenus  de  couvrir 
leurs  reporlcs. 


Coux-ci  omploient  ie  report  afin  de  prolonger  une  opéra- 
tion qui  se  solderait  en  perte,  et  d'éviter  momentanément 
rexécnlion. 

Exemple.—  J'achète  25  actions  de  la  Banque  de  France  à 
3,685  fr.  I>a  baispc  se  déclare,  et  je  suis  obligé  de  vendre  à 
3,675;  c'est  250  iV.  de  perte  pour  moi  si  je  termine  là  mon 
opération.  Mais  j'ai  foi  au  retour  de  la  hausse  :  en  même 
temps  que  je  vends  à  3,675,  je  rachète  fin  courant  à  3,680, 
en  supposant  que  le  taux  du  report  soit  de  5  fr.  Je  paye  en 
h'quidation  les  250  fr.  à  mon  délicit;  seulement  mon  opéra- 
tion n'est  pas  terminée;  je  puis,  si  la  hausse  reparaît,  cou- 
vrir ma  perte  et  me  retirer  en  bénéfice.  On  peut  répéter  le 
même  manège  de  mois  en  mois  et  se  faire  reporter  ainsi  in- 
déliniment.  Les  agents  de  change  y  trouvent  leur  profit,  car 
c'est  douI)ie  commission,  puisqu'il  y  a  double  opération; 
quant  aux  spéculateurs,  avec  des  taux  de  4  à  60  0/0  par 
liquidation,  ils  y  rencontrent  souvent  la  lente  et  doulou- 
reuses agonie  au  lieu  de  la  mort  violente  qu'ils  ont  voulu 
éviter. 

De  même  que  le  change  (!t  les  valeurs,  les  reports  sont  co- 
tés à  la  Bourse.  Les  opérations  qui  en  résultent  sont  soimii- 
sesaiix  mêmes  règles  que  les  autres  :  elles  ne  peuvent  se  faire 
à  plus  d'un  mois  pour  les  actions  de  chemins  de  fer,  ni  à 
plus  de  deux  pour  les  autres  effets. 

On  appelle  report  sur  prime^  dans  le  premier  sens  que 
nous  avons  donné  du  mol  leport,  une  opération  par  laquelle 
on  achète  ferme  fin  courant  des  effets  qu'on  revend  à  prime 
fin  procham.  Comme  la  vente  à  [irime  est  plus  chère  que  la 
vente  ferme,  le  leport  se  trouve  plus  élevé;  seulement,  en 
cas  de  baisse,  on  court  la  chance  de  ne  pas  voir  lever  ses 
titres,  et  de  rester  acheteta'  de  fonds  dont  on  pouvait  avoir 
intérêt  k  se  débarrasser. 

2.  COllBINAÎSONS  AllQUELLES  DO^NEST  LIEU  LES  DIFFÉRENTES  SORTES 
DE  MARCHES. 

Nous  avons  signalé  trois  sortes  de  marchés  : 
Au  comptant; 


—  ya  — 

A  terme  ferme  ; 

A  terme  et  à  prime. 

La  vente  et  l'achat,  suivant  l'un  on  l'autre  de  ces  trois 
modes,  peuvent  se  combiner  deux  à  deux  de  toutes  les  ma- 
nières j)Ossibies,  au  choix  des  joueurs,  suivant  leurs  calculs 
et  leurs  intérêts. 

Les  spéculations  sont  à  la  havsse  ou  à  la  baisse.  Dans  le 
premier  cas,  on  adièle  pour  vendre  ;  dans  le  second,  on  vend 
avant  d'acheter.  Ainsi,  les  cours  sont  à  la  hausse;  je  deviens 
acquéreur  de  3  0  0  à  70  fr.,  et  j'attends,  pour  vendre,  que 
la  rente  ait  monté  à  70  50  ou  au  dessus.  —  Inversement,  la 
baisse  va  crescendo  ;  je  vends  à  69,  et  j'attends  pour  acheter 
ipie  le  cours  soit  au-dessous  de  ce  taux,  à  68  50  par  exemple. 

D'où  il  résulte  que  les  opérations  à  la  baisse  son!  né*  es- 
sairemeut  à  terme;  qu'il  y  a  intérêt  pour  les  baissiers  à  dis- 
créditer les  valeurs;  que  le  gouvernement  a  par  conséquent 
le  droit  et  le  devoir  d'arrêter,  par  tous  les  moyens  que  la  li- 
berté des  transactions  autorise,  cette  débâcle:  car  c'est  son 
crédita  lui  qu'on  cherche  à  ruiner,  du  moins  en  ce  qui  con- 
cerne la  rente,  ciédit  moral  dans  tous  les  cas,  crédit  maté- 
riel s'il  a  besoin  d'emprunter. 

§   i*''.  OPÉRATIONS   A   LA   HAUSSE. 

Elles  peuvent  ?e  faire  au  comptant  ou  à  terme. 

«)  Achetant  au  comptant,  vous  pouvez  revendre:  l»  au 
comptant-,  2»  ferme;  3°  à  prime,  dès  que  la  hausse  est 
venue. 

A  terme,  vous  pouvez  : 

b)  Acheter  ferme,  vendre  :  1"  ferme,  2»  à  prime  : 

c)  Acheter  à  prime  et  revendre  :  1''  ferme,  2"  à  prime. 

Prenons  des  exemples. 

a)  J'achète  au  comptant  1 ,500  fr.  de  rente  3  0/0  à  70,  soit 
en  capital  35.000  fr. 

1"  Je  les  vends  le  lendemain  au  comptant  à  70  20,  soit 
35,100  fr.:  différence  à  mon  profit,  100  fr. 


—  94  — 

2o  Je  les  vends  ferme  fin  du  mois  à  70  60,  le  taux  du  re- 
port étant  de  60  c.  ;  bénéfice,  300  fr, 

3»  Je  les  vends  à  prime  fin  procliam  à  71  dont  1 ,  la  rente 
à  prime  étant  toujours  la  plus  chère,  soit  35,500  IV.;  excé- 
dant à  mon  profit,  500  IV.,  ipie  les  litres  soient  levés  ou  non. 
S'ils  ne  sont  pas  levés,  c'est  (juil  y  a  baisse,  et  je  reste  ac- 
quéreiM"  de  t"o;ids  |)ublics  en  allendanl  la  hausse. 

b)  J'achète  ferme,  fin  courani,  25  actions  du  Comptoir 
d'escompte  à  670  fr.  soit  en  capital,  16,750  fr. 

1°  Je  les  vends  ferme,  lin  prochain,  à  680,  soit  250  fr.  à 
mon  profil.  Dans  ce  cas,  il  faut  que  j'aie  de  quoi  [)rendre  li- 
vraison à  mon  échéance;  si  je  n'ai  pas  16,750  fr,,  je  ne  puis 
pas  revendre  à  un  délai  plus  long  (pie  je  n'ai  acheté. 

2'^  Je  les  vends  à  prime  dont  5,  fin  courant,  bénéfice  à 
mon  profit,  125  fr.,  si  les  actions  sont  levées.  Si  elles  ne  le 
sont  pas,  c'est  qu'il  y  a  baisse,  et  dans  cederniei'  cas,  comme 
j'ai  besoin  de  vendre  pour  lever  moi-même,  l'achat  étant 
ferme,  j'ai  fait  une  fausse  spéculation.  Su[>posons  qneje  sois 
obligéde  les  négocier  à  663,  ce  scia  16,575  fi.  qneje  recevrai 
contre  16,760  fr.  (pie  j'aurai  à  payer  :  difléience  à  mon  pré- 
judice, 175  fr.,  dont  il  faut  déiluire  la  prime  de  125  fr.  qui 
me  reste,  et  qui  réduit  mon  déficit  à  50  fr.  Dans  ce  marché, 
les  pertes  sont  illimitées. 

c)  J'achète  à  i)rime  dont  10,  fin  courant,  50  Nord  à  890; 
soit  en  capital,  44,500  fr. 

1"  Je  les  revends  ferme  ù  894;  différence  à  mon  profit, 
200  fr.  Si  les  actions  sont  descendues  <à  885,  comme  j'ai  payé 
500  IV.  de  prime,  j'ai  intérêt  à  les  lever  ;  car,  revendant  à  ce 
prix,  soit  44,250,  je  perds  250  fr.,  tandis  qu'en  ne  prenant 
pas  livraison,  je  perds  les  500  fr.  de  prime.  Dans  ce  marché, 
la  perte  ne  peut  excéder  500  fr. 

2"  Je  les  revends  à  prime  dont  5,  à  896;  soit  44,800  fr.  ; 
différence  à  mon  avantage,  300  fr.  si  la  livraison  s'effectue. 
Si  elle  ne  s'effectue  pas,  c'est  qu'il  y  a  baisse,  et  les  250  fr. 
de  prime  me  restent.  Mais  j'ai  moi-même  payé  une  prime 
de  500  fr.  ;  si  je  dois  l'abandonner  aussi,  mon  déficit  ne  sera 
que  de  250  fr. 


—  95  — 

Ce  dernier  exemple  est  une  opération  de  prime  contre 
[)rime,  nous  y  reviendrons. 

^  i.    UPÉUATIUNS   A   LA  llAlSSIi. 

Elles  sont  nécessairement  à  ternie. 

«)  Je  vends  ferme  à  découvert  et  jatfends  lu  baisse. 

Ainsi  je  vends  ferme  50  obligations  de  la  vdie  de  Paris  à 
1,120  fr,,  soit  en  capilal  56,000  fr.  Enire  l'époquo  du  mar- 
ehé  et  de  réchéance,  elles  tombent  à  1,110;  jachèle  à  ce 
prix  (comptant  ou  à  terme)  ;  ddférence  à  mon  profil,  500 fr. 
—  Si  les  cours  se  mainlieiuient  à  1,120,  je  ne  gagne  rien, 
mais  je  ne  perds  tjue  les  droits  de  coiutage.  Si  la  hausse 
survient  au  lieu  de  la  baisse,  ma  perte  peut  devenir  consi- 
dérable. 

b)  Je  vends  à  prime  à  découvert. 

Exemple.  —  Je  vends  à  prime  dont  1  50,  fin  prochain, 
4,000  fr.  de  rente 4  0/0  à  80;  soit  en  capital,  80,000  fr., 
prime,  1,500  fr.  Si  la  baisse  survient,  et  que  la  renie  soit  à 
77  à  réchéance,  on  ne  lèvera  point  les  tities  :  je  n'aurai  pas 
besoin  d'acheter;  je  gagnerai  les  1,500  fr.  —  S'il  y  a  hausse, 
et  que  mon  acquéreur  prenne  livraison  ,  je  perdrai  la  dilfé- 
rence  entre  le  prix  de  vente  et  celui  auquel  je  serai  obligé 
d'acheter,  soit  1,C00  fr.,  au  cas  où  le  4  serait  à  81.  La  perte, 
dans  cette  circonstance,  n'est  pas  limitée  [)Our  le  vendeur  à 
découvert-,  elle  Test  à  1,500  fr.  pour  l'acheteur. 

c)  J'achète  à  prime  et  je  vends  ferme  à  l'instant  même. 

Exemple.  —  Le  3  0yO  à  prime  dont  1  est  à  81  fin  courant, 
et  la  rente  ferme  80  60.  J'achète  1,500  fr.  de  rente  au  pre- 
mier taux',  soit  en  capital  40,500  fr.  ,  prime  500  fr.  Je  les 
levends  ferme  de  suite  au  second  taux  80  60,  soit  en  capital 
40,300  fr.  ;  différence  à  mon  détiimeiit,  200  fr.  Si  la  baisse 
survient,  confirmémenl  à  mes  prévisions,  et  rpie  le  3  des- 
cende à  79,  j'annule  mon  premier  marché  par  l'abandon  de 
la  prime,  et  j'aciièle  feinie  à  79;  soit  en  ca[>ital,  39,500  fr. 
J'ai  vendu  40,300  fr.  ;  bénéfice  brut,  800  ;  d'où  il  faut  dé- 


—  96  — 

duire  la  prime  de  500  fr.  que  j'ai  abandonnée  ;  bénéfice  net, 
300  fr.  —La  hausse  se  mainliênt-clle  jusqu'à  1  époque  de  la 
livraison  :  je  réalise  mon  achat  à  prime,  qui  me  coule 
40,500  fr.,  et  ma  perte  se  trouve  Imiitée  à  200  fr. 

§   3.  OPÉUATIONS    COMPLEXES. 

Les  négociations  dont  nous  venons  d'exposer  le  mécanisme 
se  composent  des  dilîérentes  sortes  de  marchés  analysés 
dans  la  première  partie  de  ce  chapitre;  celles  qui  suivent 
sont  d(3S  combinaisons  des  opérations  mêmes  :  elles  présen- 
tent des  com[)lications  à  rinfini.  On  y  a  recours  lorsque  les 
lluctualions  de  la  cote  sont  indécises,  tantôt  en  hausse, 
tantôt  en  baisse.  Nous  citerons  les  plus  usitées. 

1«  Opérations  à  la  l)ausse  ou  à  la  baisse. 
Si  les  variations  ne  sont  pas  considérables  : 

J'achète  ferme  25  actions  de  la  Banque  à  2,700,  ci 
67,500  fr. ,  et  j'en  vends  50  à  prime  dont  10,  à  2,705,  ci 
135,250  fr.  Les  effets  seront  levés  ou  ne  le  seront  pas. 

1"  S'ils  sont  levés  : 

J'aurai  à  racheter  25  actions  au  cours  du  jour.  La  hausse 
est-elle  permanente  :  j'ai  fait  une  fausse  S|)éculation.  Mais 
si  mes  prévisions  se  réalisent,  il  doit  y  avoir  des  alternatives 
de  hausse  et  de  baisse  ;  j'achète  en  baisse  à  2,702,  soit  pour 
25  actions,  67,550  francs. 

Ainsi,  j'ai  dune  part  : 

25  actions  à  2,700,  soit  67^500  fr. 
25       —         2,702,  —  07,550 


Total        135,050 


J'ai  revendu  le  tout       135,250 
Différence  à  mon  profit  200  fr. 

L'acheteur  à  prime  à  2,705  prendra  livraison  si  les  actions 
sont  seulement  à  2,696,  car  il  perd  9  fr.  par  action  ,  soit 
350  fr.,  au  lieu  qu'en  abandonnant  sa  primo  de  10  fr.  par 
action,  il  perd  500  fr. 


_  07  -^ 

Nous  avons  supposé  le  second  achat  plus  cher  que  lèpre- 
luier  :  riiivorse  pouvait  avoir  lieu;  le  bénéfice  était  alors 
augmenlc  d'autant. 

2°  Si  les  titres  ne  sont  pas  levés  : 

Je  puis  mv  trouver  vendeur  non-seulement  de  25  actions  , 
mais  de  50;  carj'ai  dû  me  luettreen  mesureen  prévision  de 
la  livraison.  J'ai  vendu  à  mes  risques  et  périls,  à  2,695  sup- 
[losons,  soit  en  capital  134,750  fr. 
Je  dois  payer  135.050 

Délicit  300 

Mais  la  prime  de  500  fr.  me  reste,  et  je  me  trouve  en  lin 
de  compte  avoir  gagné  200  fr. 

Les  chances  favorables  d'un  marché  de  ce  genre  sont  donc 
subordonnées  aux  deux  conditions  essentielles  dont  nous 
avons  parlé,  savoir:  oscillations  perpétuelles  dans  la  cote 
et  variations  peu  considérobles.  Des  joueurs  consommés  peu- 
vent seuls  prévoir  ces  accidents. 

Si  les  variations  sont  considérables  : 

J'achèle  Wx  à  prime. 

Je  revends  ferme  de  suite  5  x;  je  suis  en  perte,  puisque 
la  vente  ferme  est  moins  chère  que  celle  à  piime. 

J'attends  [)our  vendre  les  5  x  restant  que  la  hausse  soit 
revenue  au  point  de  couvrir  mon  déficit  et  de  me  donner  du 
gain.  Dans  ce  cas,  l'opération  se  termine  là. 

Si  la  baisse  vient  au-dessous  du  taux  auquel  j'ai  vendu  les 
5  X,  j'annule,  par  l'abandon  de  la  prime,  mon  premier  achat 
de  10  X,  qui  me  coûte  plus  cher  que  je  n'ai  vendu,  et  je  ra- 
chète eu  Laisse  les  5  x  que  jai  à  livrer. 

2"  Oiiéralions  de  piiiiic- conire  juiincs. 

Elles  ont  l'avantage  de  limiter  les  pertes;  en  revanche 
elles  olfrent  peu  de  béuétiees.  Elles  reposent  sur  ce  fait  ,  que 
plus  la  prime  est  forte,  moins  le  ()rix  e.sl  élevé.  Ainsi  la  prime 
dont  1  fr.  est  moins  chère  que  la  prime  dont  50  centimes. 
—  Ces  sortes  d'affaires  exigent  une  grande  habitude  de  la 
Bourse  et  ne  sont  pas  bonnes  pour  les  débutants. 

6 


—  98  — 

Exemple.  —  J'achète  1,500  fr.  de  renie  3  0/0,  dont  1  ,  à 
80.  Je  les  revends  de  suite  ;i  80  70,  dont  50  c. 

1»  Si  à  l'éciiéance  les  cours  sont  eu  hausse,  les  primes 
sont  levées,  et  je  gagne  la  dilîéience  de  70  c.  par  coupon, 
soit  350  fr. 

2"  S'ils  sont  en  baisse,  Tatheleur  m'abandonne  sa  prime 
dont  50  c,  soit  250  fr.,  j'abandonne  la  mienne  dont  1  ,  soit 
5C0  fr.,  ma  perte  n'est  (]i.e  de  250  fr. 

3°  S'ils  sont  au  pair  ou  à  peu  près,  à  80  05,  par  exemple, 
mon  acheteur  ne  lève  point  sa  prime,  qui  me  reste,  soit 
250  fr.,  et  je  revends  à  5  centimes  de  bénéfice,  soit  25  fr. , 
en  tout  275  fr.,  sauf  déduction  du  courtage. 

Autre  exemple.  —  Inversement  j'achète  à  80  70  dont  50, 
je  revends  à  80  dont  1. 

1»  Si  à  l'échéance  le  cours  est  en  hausse ,  ma  perle  est 
limitée  à  70  c. 

2°  S'il  fléi'hit  et  que  les  primes  soient  abandonnées,  je  re- 
çois 1  fr.,  je  ne  donne  que  50  c.  -,  bénélice  pour  moi,  50  c. 

3°  Si  la  baisse  n'est  pas  assez  forte  pour  empêcher  mon 
acheteur  de  prendre  livraison,  qu'elle  ne  soit  que  de  60  c, 
par  exemple  (79  40).  j'abandonne  mon  premier  marché  et  je 
rachète  à  79  40  -,  comme  je  suis  vendeur  à  80,  mon  bénéfice 
brut  est  de  60  c,  d'oîi  il  faut  déduire  les  50  c.  de  prime 
que  j'ai  abandonnés;  bénéfice  net,  10  c. 

Autre  exemple.  —  Je  vends  10  a;  à  prime  dont  50  c.  fin 
courant  ;  je  rachète  10  x  à  prime  dont  1  fin  prochain. 

Si  à  la  lin  du  mois  les  10  x  ne  sont  point  levés,  je  gagne 
les  50  c.  ;  ce  qui  diminue  de  moitié  ma  prime  dont  1. 

S'ils  sont  levés,  j'achète  ferme  fin  courant  les  10  x  que 
j'ai  à  livrer,  et  je  reste  acquéreur  pour  un  mois  encore  des 
premiers  10  a:  :  ce  qui  me  permet  de  profiter  des  chances 
de  hausse.  —  C'est  ce  qu'on  appelle  se  faire  reporter  sur 
prime. 

On  peut  encore  acheter  une  quantité  de  valeurs  à  prime 
dont  1,  et  en  revendre  le  double  à  prime  dont  50.  Si  les  ef- 
fets ne  sont  levés  ni  de  part  ni  d'autre,  Topération  est  nulle. 

Inversement,  on  achète  mre  quantité  de  titres  à  prime 


—  99  — 

dont  50,  on  en  revend  le  double  à  prime  dont  1 .  Si  les  titres 
ne  sont  point  levés,  le  spéculateur  gagne  quatre  fois  la  prime 
d'achat. 

3°  Arbitragrs  sur  fffets  publics. 

C'est  une  opération  qui  consiste  à  éclianger  une  valeur 
contre  une  autre,  du  4  1/2  contre  du  3  par  rx(Mn|)le,  afin  de 
bénéficier  de  la  diiïérence.  Elle  repose  sur  ce  fait  que  les  di- 
verses espèces  de  fonds  ne  sont  pas  toujours  au  même  taux  ; 
ainsi  le  3  0/0,  sur  lequel  se  porte  de  préférence  la  spécula- 
tion, est  plus  cher  que  le  4  et  le  4  1/2.  11  est  à  G7  quand  le 
4  1/2  est  à  90  ;  pour  que  les  deux  rentes  fussent  au  même 
taux  ,  il  faudrait  que  le  4  1/2  valût  100  50  quand  le  3  coûte 
67. 

Exemple  (Vnne  opéralion  d'nrbllro{/e. — Je  suis  possesseur 
de  1.500  fr.  de  rente  3  0/0.  Le  3  monte  à  85  ,  tandis  que  le 
4  1/2  reste  à  105.  Je  vends  à  85  et  je  réalise  en  capital 
42,500  fr.  Avec  cette  somme  je  rachète  en  4  1/2,  à  105, 
1,818  fr.  de  rente  au  prix  de  42,420  fr.  Si  je  borne  là  mon 
opération,  ma  rente  s'est  accrue  de  318  fr. ,  et  il  me  reste 
80  fr.  sur  mon  ca|)ilal. 

Mais  si  jai  voidu  faire  une  fjiéculation,  j'ai  été  conduit  à 
changer  mon  placement  dans  l'espoir  de  voir  monter  le  4  1/2 
et  baisser  le  3  ;  je  ne  suis  donc  qu'à  moitié  de  la  besogne. 
Supposons  que  ma  prévision  se  réalise  :  le  4  1/2  est  à  107  et 
le  3  à  80,  je  vends  à  107  mes  1,818  fr.  4  1/2. 

Soit 43,228  fr. 

Je  rachète  à  80,  1,500  fr.  de  3  0/0,  ci 40,000 

Différence  à  mon  profit 3,228 

Plus  les  80  fr.  de  la  première  opéralion.   .  .  80 

Bénéfice  total 3,308 

Ainsi  je  me  trouve,  comme  auparavant,  possesseur  de 
1,500  fr.  de  rente  3  0/0,  et  j'ai  gagné  3,308  fr. 

4°  Moyens  de  bonifior  les  fiiinsps  spi^eulalions. 

Nous  avons  déjà  indiqué  comment  au  moyen  des  reports 


—   100  — 

on  peut  prolongor  uno  opcr.ition  flcvcnno  mauvnisc  nu  mo- 
ment de  la  liquidation.  Il  y  a  encore  d'autres  ressources , 
dont  nous  devons  parler  également. 

1.  J'ai  vendu  à  découvert  de  la  rente  à  80  50.  La  hausse 
survient  ;  je  suis  forcé  d'acheter  à  81  pour  faire  ma  livrai- 
son. Je  perds  50  c.  j)ar  coupon  si  mon  opération  finit  là.  Mais 
je  crois  au  retour  de  in  baisse.  Je  vends  fin  [trochnin  à  81  30  , 
le  report  étant  présumé  de  30  c.  ;  je  paye  en  liquidation  la 
dilTérence  de  50  c,  et  je  reste  vendeur  à  ternie  en  attendant 
la  baisse. 

2.  J'ai  acheté  1.500  fr.  de  3  0/0  h  80;  la  rente  tombe  à 
78  ;  j'en  achète  à  ce  prix  une  môme  quantité.  Je  me  trouve 
acquéreur  de  3,000  fr.  de  rente  au  cours  moyen  de  79  ;  pour 
peu  que  les  fonds  montent  au-dessus  de  ce  dernier  chifTie, 
j'aurai  du  bénéfice.  C'est  ce  qu'on  nomme  îine  commune. 

3.  Inversemrmt  j'ai  vendu  à  découvert  1,500  fr.  de  rente 
à  80.  Survient  la  hausse  à  81  ;  je  revends  à  ce  prix  même 
quantité  de  titres.  Je  me  trouve  vendeur  de  3,000  fr.  de 
rente  au  cours  moyen  de  80  50,  pourvu  que  la  baisse  re- 
vienne au-dessous  df  ce  dernier  chiffre,  je  pourrai  acheter 
en  bénéfice. 

4.  Opérant  à  la  hausse  ,  j'ai  acheté  20  x.  C'est  la  baisse 
qui  survient  ;  je  suis  en  pei  te.  Mais  je  revends  40  x.  Ache- 
teur (le  20  X,  vendeur  de  iO  .r  ,  je  reste  vendeur  de  20  x. 
J'attends  ,  pour  les  acheter,  que  la  baisse  me  permette  de 
couvrir  au  moins  la  perte  de  mon  [)remier  marché.  —  Celte 
opération,  commencée  à  la  hausse,  se  termine  à  la  baisse. 

5.  Inversement,  j'ai  veuflu  à  découvert  1,5C0  fr.  de  rente 
à  80.  Survient  la  hausse,  à  81.  J'achète,  non  pas  1,500  fr.  , 
mais  3,000  ;  je  liquide  à  perte  mon  |)remier  marché,  mais 
je  reste  acheteur  de  1,500  fr.  de  rente,  et  j'attends,  pour 
vendre,  que  la  haus-e  pui'-se  m'indemniser  d"  mou  déficit. 
—  Cette  spéculation, conmaencée  à  la  baisse,  finit  à  la  hausse. 

Nous  avons  passé  en  revue  les  combinaisons  les  plus  re- 
marquables de  la  spéculation.  Nous  ne  prétendons  pas  les 
avoir  énumérées  toutes,  car  elles  revotent,  comme  le  Protée 


—  101  — 

de  la  Fable,  les  formes  les  plus  diverses.  A  chaque  instant,  on 
en  invente  de  nouvelles.  Ce  qui  les  caractérise  en  général, 
cVst  que,  bien  qu  elles  paissent  servir,  par  exception,  à  des 
opérations  sérieuses,  elles  n'ont  habituellement  d'autre 
motif  que  le  jeu,  et  qu'elles  tombent  eii  dehors  de  la  spécu- 
lation productive,  et  sous  le  coup  des  interdictions  de  la  loi. 
Mais  la  loi,  le  joueur  de  Bourse  la  défie  :  que  ne  donnerait- 
il  pas  pour  pouvoir  défier  aussi  bien  la  fortune  !... 


ARITHMÉTIQUE  SPECULATIVE. 

Il  ne  sera  pas  sans  doute  inutile  de  terminer  ce  chapitre  par  un 
résumé  des  règles  d'arithmétique  nécessaires  à  la  solution  des 
problèmes  dont  se  sert  la  spéculation. 

Nous  ne  nous  arrêterons  certes  pas  à  celui-ci  :  Combien  coûtent 
23  actions  à  TriO  IV.?  Mais  plus  d'un  lecteur  tâtonnerait  peut-être 
pour  résoudre  cet  autre  un  peu  moins  simple  :  Combien  coûtent 
2,230  fr.  de  rente  4  1/2  à  90?  — 90  n'est  pas  le  prix  de  1  fr.  de 
rente,  mais  le  prix  de  4  fr.  30.  Donc  il  faut  chercher  combien  de 
fois  2,230  contient  -4  fr.  30.  —Réponse  :  300  fois.  —  C'est  par  300 
qu'il  faut  multiplier  90.  —  Produit  :  43,000  fr. 

Combien  coûtent  3,000  fr.  de  rente  .S  0/0  à  (ïT? 

Réponse  :  67  X  ^^  ou  G7  X  1 ,000  =  67,000  fr. 

Presque  tous  les  calculs  dont  on  a  besoin  à  la  Bourse  se  résol- 
vent par  la  règle  de  trois.  Le  point  capital  est  de  savoir  poser  la 
proportion.  Nous  allons  en  résumer  les  principes. 

L'un  des  termes  est  toujours  :  Un  capital  C  est  à  un  capital  c  ; 
l'autre  :  Un  intérêt  I  est  à  un  intérêt  /.  —  C  doit  correspondre  à  I, 
et  c  à  /. 

Exemples  :  C  :  c  :  :  I  :  < 
c  :  C  :  :  «  :  I 
\:i  ::C:c 

L'usage  est  de  placer  l'inconnue  au  dernier  terme.  Soit  C  l'in- 
connue :  c  sera  le  troisième  terme,  I  le  second,  et  i  le  premier  : 
i  :I  ::c:x  =  C 
Appliquons  cette  théorie  à  nos  calculs. 

6. 


—  102  — 

1.  Reprenons  celui  de  tout  ta  l'heure  :  combien  coûtent  2,250  l'r. 
de  rente  à  4  1/2  0/0  à  90? 

Lorsque  4  fr.  50  de  rente  (?)  ge  payent  90  fr.  (c),  combien 
2,250  fr.  de  rente  (I)  se  payeront-ils?  —  L'inconnue  est  C.  Donc 
pour  la  proportion  suivante  : 

Proportion  :        t     :     \      ::  c  :C 

En  chiffres  :    4  50  :  2,250  :  :  90  :  a; 

''  ''50  V  QO 

D'OÙ  :  X  =  ^-^-^  -  45,000  fr. 
4  50  ' 

2.  Quel  est  le  taux  d'un  emprunt  public  5  0/0  négocié  à  80  fr.  ? 
Quand  80  fr.  de  capital  (c)  donnent  5  fr.  de  rente  («),  combien 

iOO  fr.  (C)  en  donneront-ils?  — L'inconnue  est  I,  et  la  proportion 
doit  s'écrire  : 

Proportion  :      c  :  C    :  :  «  :  I 

En  chiffres:     80:100::  5  :cr 

-.,  ,  100X5     „„    _„ 

D  ou  :  œ  =  — — —  =6  fr.  25. 

cO 

L'emprunt  est  contracté  k  6  fr.  25  0/0. 

3.  Le  3  0/0  est  à  67  et  le  4 1/2  à  90  :  lequel  est  le  plus  cher? 

11  y  a  deux  manières  de  résoudre  ce  problème  :  l'une  consiste  à 
chercher  le  taux  de  chacun  des  cours  et  à  en  faire  la  différence; 
mais  la  suivante  est  plus  expéditive. 

Quand  3  fr.  de  rente  (/)  se  payent  67  fr.  (c),  combien  coûtent 
4  fr.  50  (I)?  —  L'inconnue  est  C,  et  nous  écrivons  : 
Proportion  :     i  :    i     :  :  c  :  C 
En  chiffres:    3:4  50::67:a7 

D'où:r.=iii^=.0080       • 

Puisque  100  50  est  en  4  1/2  le  cours  correspondant  à  67  en 
3  0/0,  et  que  le  premier  n'est  qu'à  90,  le  3  est  le  plus  cher.  —De 
combien  par  franc  de  rente  est-il  plus  cher? 

100  50  —  90       .,10  50         105        _  ,,  „„ 
P^        4  50       '  '''^  TW'  ""  l5'°"-*-  ^^- 
On  peut  encore  résoudre  ce  problème  par  la  métliode  dite  de 
l'unité  ou  du  denier. 

Quand  3  fr.  de  rente  (1)  coûtent  67  fr.  (C),  combien  coûtera 
1  fr.  de  rente  (e)?  —  l^inconnue  est  c,  et  nous  posons  : 
Proportion  :     I  :  «  :  :  C  :  c 
En  chiffres:     3:1::  67:  a; 


—  103  — 

n'où  :  £c  =  — =22rr.  33. 
On  a  de  même  :    4  50  :  1  :  :  90  :  ce 

no 

D'où  :  a:  =  — I-  =  20  fr. 

h  r)0 

Le  3  est  au  denier  22  33;  le  h  1/2  au  denier  20.  —  Différence 
2  Ir.  33  c. 

4.  Combien,  avec  00,000  IV.,  peut-on  aciieler  de  3  0/0  à  6G? 
Quand  avecCGfr.  (c)  ona3rr.  de  rente  (?),  combien  en  aura-t  on 

avec  00.000  fr.  (C)?  —  L'inconnue  est  L  et  je  pose  : 

Proportion  :     c  :      C      :  :  ?  :  I 

En  chiffres  :    00  :  00,000  :  :  3  :  ce 

„,  .            00,000  X  3      180,000      ^  „^_  „    ^. 
Dou:cr  =  — ^„ = — -^-—  =2.72/  Ir.  2/. 

00  DO 

On  peut  dont  acheter  2,727  ir.  de  rente. 

5.  92,ri00  fr.  m'ont  produit,  dans  une  opération  de  report, 
%\t>  fr.  en  un  mois  :  quel  taux  pour  100  l'an-  ce  bénéfice  repré- 
sente-t-il? 

Je  dis:  81")  fr.  en  un  mois  donnent,  pour  douze  mois  ou  une 
année,  9,780  fr.  La  question  est  donc  celle-ci  :  lorsque  92,500  fr. 
(C)  produisent  9,780  fr.  (1)  dans  l'année,  combien  100  fr.  (c)  en 
produisent-ils?  —  L'inconnue  est  i. 

Proportion  :  C       :    c    :  :      1      :  ? 

En  chiffres  :      92,500    :  100  :  :  0,780  :  x 

D  ou  :  X  =  -^-—r  =  10  fr.  57. 

920 

Le  bénéfice  du  report  dans  cette  affaire  représente  donc  un  taux 
de  -10  fr.  57  c.  0/0  l'an. 

«.  S'il  s'agit  de  fonds  étrangers,  le  mode  de  procéder  n'est  pas 
différent. 

Quand  5  ducats  de  rente  de  Naples  en  valent  105  en  capital, 
combien  vaudront  500  ducats  de  rente? 

Proportion  :      5  :  500  :  :  105  :  ce 
D'où  :  ce  :=  10,500  ducats. 

Mais  combien  cela  fait-il  en  francs,  le  ducat  étant  évalué  à  i  fr. 
-iO  c.?  — Il  suffit  de  multiplier  10,500  par  \  -iO;  ce  qui  donne 
/tO,-200  fr.  — En  rlTel,  1  ducat  doime  h  40  comme  10  500  ducats 
donnent  x  fr.  —  1,  c'est  i;  M,{),\\  10, .500,  c,  et  x  l'inronue,  C. 


—  104  — 

Proportion  :    /  :     1      :  :      c      :  C 
En  chiiTres  :    1  :  i  m  :  :  10,500  :  x 

Comme  1  ne  divise  pas,  il  siifïit  de  mulitiplier  par  i  iO. 

7.  Le  florin  d'Autriche  vaut  2  fr.  60  :  combien  valent  10,000  flo- 
rins en  francs. 

Puisque  1  ne  divise  pas,  c'est  2  60  x  1,000,  ou  2,000  fr. 

8.  Le  type  des  monnaies  étrangères  est  généralement  plus  élevé 
que  le  nôtre;  en  s(jrte  que  le  calcul  indi(pié  aux  numéros  O  et  7 
est  applicable  à  peu  près  partout.  Seulement  il  s'agirait  d'un  type 
plus  faible,  qu'il  n'y  aurait  encore  rien  à  changer,  sinon  dans  la 
position  des  termes  :  l'unité  du  premier  terme,  c^est  alors  le  type 
étranger. 

Exemple.  Quand  le  denier  de  gros  d'Amsterdam  vaut  54  cen^ 
times,  combien  valent  en  franc?  248  deniers? 
1  denier  donne  54  ccnlmies  comme  248  deniers  x  fr. 

Proportion  :  1   :  0  54  :  :  248  :  x 
D'où  :  a?  =  248  X  0  54  =:  133  fr.  92. 

9.  hiversement,  on  peut  avoir  <à  convertir  des  francs  en  valeurs 
étrangères. 

Quand  la  pistole  d'Espagne  vaut  15  fr.,  combien  valent  en 
pistoles  36,000  fr.? 
Je  dis  :  15  fr.  donnent  1  pistole  comme  36,000  fr.  donnent  x. 
Proportion  :    15  : 1  :  :  36,000  :  x. 

I  ne  multiplie  pas  ;  donc  :  x  =     '  ,"    =  2,000  pistoles. 

II  serait  superflu  de  multiplier  davantage  les  exemples. 


CHAPITRE  VI. 

Blnticres  «létalliques.  —  Changée. 

Les  courtiers  de  commerce  ont  le  droit,  concurremment 
avec  les  agents  de  cli  inge,  de  vendie  les  matières  d'or  et 
d'argent;  mais  aux  derniers  seuls  appartient  d'en  constater 


—  105  — 

le  cours.  Lo  jeu  ost  inlonlit  sur  ros  valeur?.,  comme  sur 
ton  les  les  antres. 

L'or  et  l'argent  ont  lenr  prix  au  pair-,  ils  perdent  ou  ga- 
gnent sur  le  marché,  suivant  les  circonstances.  Les  grand(!s 
crises  politiques  font  monter  le  prix  de  Tor,  parce  qu'il  per- 
met de  transporter  de  grandes  valeurs  sons  un  petit  vo- 
lume. 

Vnr/io,  c'est  le  profit,  et  Vescompte  la  perle. 
Or  en  barre,  pièces  de  20  et  -10  fr.,  (igio,  2   fr.  50  poir 
1,000,  signifient  que  l'or  gagne  2  fr.  50  par  1,000  fr. 

Au  lieu  du  mot  a<iio^  il  y  aurait  escompte.,  c'est  (pie  l'cr 
perdrait  2  fr.  50  par  1,000  fr. 

Or  en  barre,  pièces  de  20  et  40  fr.  au  pair.,  signifie  qui! 
n"y  a  ni  agio  ni  esco    ')te. 

Or  en  barre,  à  100b,  '000,  c'est  l'or  le  plus  pur,  il  vaut 
3,444  fr.  44  c.  au  pair,  le  kilogramme. 

Or  en  barre,  à  900/1000,  c'est  l'or  avec  un  dixième  d'al- 
liage. Piixau  pair:  3,100  fr.  le  kilogramme. 
Argent  en  barre,  à  1000/1000.  Prix  le  kil.  :  222  fr.  22. 
Idem  à    900/1000.  ~  200  fr.    » 

Le  change  est  une  opération  qui  consiste  à  faire  passer,  à 
l'aide  de  simples  eficls,  des  sommes,  souvent  considérables, 
d'une  place  dans  une  autre,  îl  a  pour  but  et  pour  résultat 
d'éviter  le  transport  encombrant  et  coûteux  des  matières 
métalliques.  On  psut  direque  ce  dernier  procédé  serait  à  la 
lettre  de  change  ce  qu'en  fait  de  rapidité  la  batellerie  est  à 
la  léh'graphie  électrique. 
Le  change  suppose  des  dettes  réciproques  entre  les  pays, 
^,  de  Marseille,  a  vendu  à  Z?,  de  Lille,  des  savons  pour 
une  somme  de  10,000  francs  ;  B  a  fourni  à  C,  de  Marseille 
également,  10,000  fr.  d"huiles.  Tl  n'est  pas  nécessaire  de  dé- 
placer un  centiuie  pour  solder  un  pared  marché.  B  écrit  à 
son  débiteur  C  :  «  P.iyez  à  votn;  compatriote. 4  les  10,000  fr. 
que  vous  me  devez  et(|ue  je  lui  dois  moi-même.  »  Les  trois 
contractants  gagnent  à  cet  arrangement,  économie  de  temps 
et  sécurité. 


—  106  — 

Lorsque  le  vendeur  et  racliclcur  ont  à  la  négociation  un 
intérêt  égal,  le  change  est  au  pair. 

Mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi, 

La  Nouvelle-Orléans  expédie  à  Rouen  pour  10  millions  de 
cotons-,  Lyon  vend  à  New-York  8  millions  de  soieries.  Le 
négociant  lyonnais  reçoit  en  payement  du  papier  sur  Rouen  ; 
celui  de  la  Nouvelle-Orléans  reçoit  le  sien  sur  NcAv-Yoïk.  Si 
ces  villes  n'écliangeaient  qu'entre  elles,  il  faudrait  trans- 
porter l'appoint  de  2  millions  de  Rouen  à  la  Nouvelle-Or- 
léans afin  de  parfaire  les  comptes. 

Le  commerce  a  sans  doute  des  ressources  plus  expédi- 
lives  ;  les  relations  que  nous  avons  supposées  entre  quatre 
places  ne  sont  nulle  part  circonscrites  dans  un  cercle  aussi 
restreint.  Chaque  centre  d'affaires  est  en  correspondance 
avec  les  principaux  marchés  du  monde.  Seulement,  entre 
deux  endroits  il  peut  y  avoir  inégalité  de  créances,  comme 
dans  l'exemple  ci-dessus,  et  alors  le  papier  ?wv  telle  place 
est  plus  ou  moins  demandé,  plus  ou  moins  cher.  D'où  une 
différence  dans  le  /?r/.r  du  change. 

Le  change  d'un  lieu  sur  un  autre  est  bas,  lorsque  ce  lieu 
est  large  de  l'argent  de  l'autre,  c'est-à-diro  lorsqu'il  a  plus 
à  payer  qu'à  recevoir.  Il  est  haut  dans  le  cas  inverse,  quand 
il  a  plus  à  recevoir  qu'à  payer.  La  France  doit  10  millions  à 
l'Amérique,  qui  ne  lui  en  doit  que  8  :  le  change  est  bas  pour 
nous  et  haut  pour  les  Américains.  En  d'autres  termes,  l'Amé- 
ricain achètera  le  papier  sur  la  France  au-dessous  de  sa  va- 
leur, puisqu'il  est  ahondant;  le  Français  payera  le  papier 
sur  l'Amérique  au-dessus  de  son  titre  nominal,  parce  qu'il 
est  rare. 

L'abondance,  la  rareté  sont  donc  pour  les  effets  de  com- 
merce, de  même  que  pour  les  produits,  des  causes  de  hausse 
ou  de  baisse,  de  cherté  ou  de  bon  marché. 

Ces  négociations  sortent,  ronmie  on  voit,  du  domaine  de 
la  spéculation;  elles  appaftienn:^nl  essentiellement  au  com- 
merce et  à  la  banque.  Comment  se  trouve;it-elles  entre  les 
mains  des  agents  de  change?  Nous  l'avons  dit  :  la  Bourse  est 
le  marché  aux  capitaux  condensés  sous  forme  de  titres,  et 
la  loi  n'acco  de  qu'aux  agents  de  change  le  droit  d'y  servir 


-  107  — 

d" intermédiaires.  Ils  ne  vendent  ni  n'achètent  autrement  que 
par  commission.  Us  ne  sont  pour  rien  dans  la  fixation  du 
cours;  la  constalalioa  seule  leur  en  est  rcservce.  Us  ne  bont 
ni  banquiers  ni  commerçants;  ils  mettent  à  contribution  la 
banque  et  le  commerce.  Us  jouissent  d'un  vieux  privilège  : 
il  eu  a  toujours  été  ainsi;  il  en  sera,  tspèrent-ils,  longtemps 
encore  de  même. 

Entre  temps,  la  pratique,  toujours  en  avance  sur  la  légis- 
lation, s'alfrancliit  peu  à  peu  du  monopole  :  les  opérations 
de  change  reviennent  de  droit  et  de  fait  aux  ban(jues  publi- 
ques et  privées  et  aux  comptoirs  descompte. 

Ce  n'est  pas  que  MM.  les  ofiiciers  publics  s'en  préoccupent. 
Nous  avons  vu  déjà  combien  ils  sont  bons  princes  avec  les 
conlissiers  et  les  courtiers-marrons.  Leur  libéralité  ne  se 
dément  pas  en  cette  occurrence.  Qu'est-ce,  en  cllet,  (jue  de 
misérables  eiïets  de  commerce  pour  des  gens  qui  ont  la  main 
sur  la  rente,  les  chemins  de  fer,  les  canaux,  les  mines,  les 
usines,  les  forges,  la  Ban({ue,  les  assurances,  etc.? 

Ce  qui  piécède  suflit  pour  donner  une  idée  de  la  nature 
du  contrat  de  change,  de  sa  nécessité,  des  combinaisons  dont 
il  est  susceptible,  des  causes  de  variation  entre  les  dilTérentes 
places,  de  la  hausse  et  de  la  baisse  sur  une  même  place  à  di- 
verses époques.  Il  nous  reste  à  compléter,  par  quelques  dé- 
tails techniques,  ces  notions  générales. 

On  distingue  deux  sortes  de  monnaies  :  r  Monnaie  réelle; 
elle  existe  matériellement  en  pièces  d'or,  d'argent  ou  de 
billon.  —  2°  Monnaie  de  change;  elle  n'existe  pas  toujours 
en  métal;  c'est  le  nom  qu'on  donne  parfois  à  une  somme 
d'espèces  ou  de  fractions  d'espèces. 

Chez  nous  le  franc  est  à  la  fois  monnaie  ellbctive  et  mon- 
naie de  compte  ou  de  change.  Jlais  il  n'en  est  pas  de  même 
partout.  En  Hollande,  par  exemple,  la  livre  de  gros,  adoptée 
pout"  les  négociations  du  ciiange,  n'existe  pas  en  métal  j  elle 
représente  6  florins  de  monnaie  réelle. 

Le  prix  du  change  entre  deux  places  s'évalue  par  la  com- 
paraison de  leurs  monnaies  réelles  ou  de  change,  servant,  la 
première  de  type,  la  seconde  d'unité  monétaire. 

On  dit  (lu'une  place  donne  le  certain  quand  sa  monnaie 


— .  108  — 

sert  (le  terme  fixe  dans  lu  comparaison;  celle  qui  fournit  le 
terme  mobile  donne  Yincertain. 

Ainsi,  dans  le  change  entre  Paris  et  l.ondres,  le  trrme  tixe 
de  la  comparaison,  c'est  la  livre  sterling;  le  terme  mobile, 
sa  valeur  en  francs,  qui  peut  être,  suivant  les  circonstances, 
de  25  fr.,  24  fr.  95,  25  fr.  10.  Entre  Paris  et  Lisbonne  le 
terme  fixe  est  5  fr.,  qui  valent  495,  500,  504  reis,  plus  ou 
moins. 

iMitredeax  places,  il  y  a  nécessairement  un  terme  lixe  et  un 
tcime  mobile.  Ce  n'est  ni  un  avantage  ni  un  dcsavantage  de 
donner  lun  ou  l'autre.  Tels  que  l'usage  les  a  établis,  on  les 
conserve,  on  ne  les  transpose  jamais  :  Paiis  donne  toujours 
Vincertain  à  Londres  et  le  certain  à  Lisbonne. 

MODE  d'Évaluation  du  change 

entre  Paris  et  quelques  places  de    'étr         er. 

CERTAIN'  IXCERTAIX 

Paris,  3  IV Amsterdam,  de  b3  à  58  deniers  do  gros. 

—      5  l'r List)onne,  500  rcis,  plus  ou  moins. 

Hambourg,  100  lubs Paris,  185  fr.     »  plus  ou  moins. 

Londres,  1  livre  sterling.  .  .  —        ;25  fr.     »  — 

Urrlin,  1  rixilalo —  3  Ir,  70  — 

Madrid,  1  pislole —         15  fr.     »  — 

l.ivonrni',  1  piastre —  5  fr.  15  — 

Naples,   1  duL-al —  4  l'r.  40  — 

Vienne,  1  llorin —  2  fr.  50  — 

.St-I'élersb.,  1  rouble  papier.  —  1  Ir.   10  — 

Cet  usage  permet  de  ne  mettre  qu'un  terme  dans  le  cours 
du  change.  Ainsi,  ces  expressions  :  Londres  25  10,  Amster- 
dam 57,  signifient  que  1  livre  sterling  i)ayable  à  Londres 
s'achète  à  l»aris  25  fr.  10  c.  ;  que  pour  3  fr.  à  Paris,  on  a  57 
deniers  de  gros  ptiyables  à  Amsterdam. 

Le  change  entre  les  villes  de  France  s'évalue  en  francs.  11 
en  est  de  même  avec  certaines  places  de  l'étranger  qui  ont 
adopté  nos  monnaies.  Dans  ce  cas,  il  s'exprime  en  un  tant 
pour  0  0  de  perte  accolé  au  nom  de  la  ville  qui  a  le  change 
défavorable. 

Ainsi  Gf'nies  2  p.  signifie  que  100  fr.  payables  à  Cènes 
perdent  2  0/0  à  X  et  n'y  valent  que  1)8  fr.  Bordeaux  1/5  p. 


—   109  — 

veut  dire  que  100  fr.  [tavables  à  Hoideaux  coûtent  99  fr.  4^ 5 
àZ. 

Les  opérations  de  change  supposent  chez  ceux  qui  s'y  li- 
vrent, non  comme  intermédiaires,  mais  comme  négociants, 
une  connaissance  étendue  des  rehitions  commerciales  entre 
les  divers  marchés  du  globe,  puisque  l'abondance  ou  la  ra- 
reté du  papier  sur  ces  marchés  en  détermine  le  cours.  Les 
banquiers  sont  mieux  en  position  que  persoune,  par  la  mul- 
titude de  leurs  relations,  de  connaître  les  besoins  et  les  res- 
sources de  chaque  place. 

Le  change  suppose  aussi  la  connaissance  des  monnaies 
étrangères  et  de  leurs  valeurs  respectives  au  pair;  sans  quoi 
il  serait  impossible  de  savoir  si  le  change  est  favorable  ou 
non  sur  telle  ville.  Par  exemple,  celte  formule,  Naples  A  20, 
signifie  qu'un  ducat  de  INaples  vaut  en  France  4  fr.  20  c.  ; 
mais  laquelle  des  deux  monnaies  perd  au  change?  il  faut 
pour  cela  connaître  la  \à\(i\xv  au  pair  du  ducat  napolitain  : 
elle  est  de  4  fr.  40  c. 

La  formule  employée  entre  les  villes  qui  se  servent  d'une 
même  monnaie,  x  0  0  de  perle,  est  infiniment  plus  sim|>le. 
Qu'en  faut-il  conclure?  —  Que  l'unité  monétaire,  appliquée 
à  tout'.-s  les  nations  civilisées,  de  même  que  l'unité  de  poids 
et  de  mesures,  simplifierait  de  90  0/0  les  relations  commer- 
ciales, et  supprimerait  une  foule  de  fonctions  vivant  aux  dé- 
pens de  la  production,  de  l'imbroglio  et  des  complications 
de  comptes. 

—  A  quand  cette  réforme? 

—  Bah  !  les  (piestions  de  concert  et  à'cquiiibre  sont  bien 
autrement  importantes. 


CHAPITRE  VIT. 

4|ue  le  réginie  actuel  de  la  Bourse  et  du  Crédit  public 
est  la  coiidamnatiou  du  système  économique. 

Notre  dessein  n"est  pas  de  faire  ici  la  satire  de  toute  une 
époque,  de  toute  une  société.  Nous  manquerions  d'ailleurs  à 


—  110  — 

nos  propres  principes,  nous  imiterions  la  théologie  si,  au 
lieu  de  recherchor  les  causes  de  la  dissolution  contempo- 
raine dans  des  primipes  mal  définis,  des  notions  mal  ditîé- 
renciées,  des  foi  mules  inexactes,  des  forces  mal  cqnilibiées, 
surtout  dans  cet  état  de  guerre  sociale  que  les  classes  piivi- 
légiées  ont  de  tout  temps  créé  et  entretenu  comme  lex- 
pression  de  la  liberté  et  de  Tordre,  nous  attaquions  en  masse 
personnes  et  coiporalions,  c'est-à-dire  1  humanité  tout  en- 
tière. 

Que  d'autres  entreprennent,  s'ils  le  peuvent,  s'ils  l'osent, 
l'épuration  du  corps  social!  Pour  nous,  qui  ne  sommes  ni 
prédicateurs  ni  jacobins,  nous  ne  nous  chargeons  que  d'in- 
terpréter les  faits  et  de  tirer  au  clair  les  idées.  Tiop  éclairés 
sur  les  mystères  de  la  fortune  pour  gard.r  de  ses  injures 
aucun  ressentiment,  c'est  à  des  sophismes  que  nous  faisons 
la  guerre,  non  à  des  hommes  :  c'est  pour  une  science  que 
nous  (ombattons,  nullement  pour  des  intérêts.  Et  quelle 
science?  la  Justice,  dans  ses  applications  à  lÉconomie... 

Le  coup  de  théâtre  du  2  décembre  a  imposé  silen(e  aux 
défenseurs  de  la  Révolution  j  il  n'a  pas  fait  taire  ses  en- 
nemis. 

Il  y  a  des  gens  qui,  à  propos  de  la  spéculation  boursière, 
ont  saisi  l'occasion  de  desserrer  une  ruade  au  socialisme,  et 
de  soutenir,  contre  nos  critiquas,  l'utilité  et  la  haute  mora- 
lité du  jeu. 

D'autres,  qui  avaient  eu  la  gloire  insigne  de  souffrir  per- 
sécution et  captivité  pour  la  ré [iiiblique sociale,  qui  depuis, 
libérés  de  Belle-Isie,  aussitôt  engagés  dans  les  opérations 
CERTAINES  de  la  Bourse,  font  consister  la  moralité  de  l'agio- 
tage à  se  dérober  à  ses  conditions  aléatoires;  des  hommes 
qui  avaient  commencé  en  1848  la  croisade  du  travail  contre 
la  coalition  du  capital,  ont  crié  que  nous  voulions  ramener 
le  monde  à  la  barbarie  primitive,  créer  l'égalité  de  misère, 
et  faire  manger  à  la  France  rajeunie  de  1852  le  brouet 
noir. 

D'autres  enfin,  M.  Mires  en  tête,  avouant  que  depuis  trois 
ans  nous  avons  assisté  à  de  grands  malheui'.S,  sur  lesquels  se 
■sont  élevées  de  grandes  fortunes;  mais  distinguant,  après 


—  111  — 

nous,  la  spéculai  ion  nlile  du  la  spéculation  improductive  et 
agioteuse  dont  ils  font  bénévolennent  une  exception,  essayent 
d'obtenir  grâce,  to'érance,  pour  le  s|.é('ul.ileiir  nécssileux, 
Jaiseur  de  dupes  el  de  victimes,  en  [avour  du  financier  probe 

et  avslère,  (pii....,  dont ,  aucpiel ,  etc.  On  voit  qnc 

M.  Mirés  parle  de  l'abondance  de  son  cœnr.  Il  cotuiait  les 
nécessiteux,  el  il  ne  demande  pas  mienx  aujourd'hui  que  de 
servir  de  Mécène  au  talent  et  à  la  vertu. 

Quelques  faits  en  réponse  à  ces  fiers  théoriciens  trouve- 
ront naturellement  ici  leur  place,  et  compléteront  les  élé- 
ments de  la  question  que  nons  soumettons  à  nos  lecteurs. 

§  ^f^  COMMENT  LES  OPÉRATIOXS  ALÉATOIRES  ,  IXDIFFÉREXTES  DE 
LEUR  NATURE,  CONDUISENT  FATALEMENT,  DANS  l'ÉTAT  ACTUEL 
DES  CHOSES,  A  l'eSCROQUERIE  ET  AU  VOL.  —  COMPLICITÉ  DE  LA 
SCIENCE   ET   DE   LA   LOI.  —  INÉGALITÉ   DE   POSITION   DES   JOUEURS. 

Ainsi  que  nous  l'avons  remarqué  dans  notre  Introduction, 
dans  un  état  de  choses  fondé  sur  l'absence  complète  de  mu- 
tualité  entre  les  orgimes  de  la  production  et  de  la  circula- 
tion, aucune  loi  sérieuse,  soit  de  j)révenlion,  soit  de  ré[)res- 
sion,  contre  les  abus  dont  la  Bourse  en  premier  lieu,  et  après 
elle  la  commandite,  sont  le  Uiéàtre,  n'est  possible. 

Cette  impuissance  du  législateur  conlie  des  actes  qui  tous, 
du  plus  au  moins,  se  ramènent  à  l'escroqnerie  et  au  vol, 
constitue,  suivant  nons,  la  réduction  à  l'absiude  de  la  théo- 
rie qui  les  engendre,  et  qui  par  suite  se  trouve  condamnée 
à  en  soutenir  l'innocence,  à  en  affirmer  la  légitimité. 

Or,  telle  thi'orie,  telle  pratique;  telle  science,  telle  société. 
L'économie  politique,  telle  que  l'ont  laissée  Adam  Smith j 
J.-B.  Say,  D.  Ricardo,  Mallhns,  etc.,  et  que  la  représente 
l'Académie  des  Sciences  moiales  et  politiques,  n'est  autre 
chose  que  la  description  du  galimatias  social  dans  lequel 
croupit  riiiimanilé  depuis  soixante  siècles.  Faut-il  s'étonner 
que  les  adeptes  de  cette  prétendue  science  en  aient  fait  dans 
ces  dernières  années  \\n  engin  de  contre-révolution?... 

Que  le  lecteur  veuille  bien  nous  accorder  quelques  mi- 
nutes d'attention  :  notre  dessein  n'est  pas  de  surprendre  sa 
bonne  foi. 


—   112    — 

Quelle  loi  morale,  quel  principe  de  justice  peut,  au  for 
intérieur,  défendre  les  marchés  à  terme? 

Aucun  assurément.  En  premier  lieu,  la  condition  aléatoire 
est  de  Fessencc  de  la  production  et  de  la  circulation  des 
valeurs  :  d'autre  part,  le  terme,  ou,  pour  mieux  dire,  le  délai 
entre  la  livraison  de  la  marchandise  et  la  réception  de  la 
contre-valeur  qui  la  paye,  est  la  condition  non  moins  essen- 
tielle du  crédit  et  de  l'échange. 

Le  hasard,  par  lui-même,  n'est  ni  moral  ni  immoral. 
Sans  doute,  dans  une  société  organisée  sur  le  principe  de 
garantie  mutuelle,  tous  les  clïorts  combinés  tendraient  à  éli- 
miner le  hasard  :  mais  là  où  celte  mutualité  n'est  pas  dé- 
crétée, l'agiotage  devient  prépondérant,  et  toute  loi  qui 
prétendrait  !e  restreindre  dans  un  ordre  de  transactions 
pendant  qu'elle  le  laisserait  libre  dans  les  autres  serait  une 
loi  arbitraire,  une  loi  de  mensonge  et  d'iniquilé. 

En  deux  mots  :  la  mutualité  opère  contre  le  hasard,  comme 
on  le  voit  par  l'assurance  ;  l'agiotage  opère  sur.  Aucune  loi 
ou  constitution  mutuelliste  n'ayant  déterminé  à  cet  égard  les 
droits  et  les  devoirs  des  citoyens,  leur  condition  légale  est 
le  jeu  :  cette  conséquence  est  forcée. 

Il  suit  de  là  que  ce  qui  serait  illicite,  coupable  dans  un 
régime  de  mutualité,  à  savoir,  la  recherche  de  l'agio  pour 
lui-même,  à  la  place  du  produit,  cesse  de  l'être  dans  un  ré- 
gime d'insolidarité  absolue,  où  tout  est  abandonné  à  la  for- 
lune. 

Cela  posé,  on  demande  :  Lequel  des  deux  est  le  plus  moral 
en  soi,  le  plus  utile,  le  plus  conforme  à  la  justice  éternelle 
et  à  l'économie,  de  ces  deux  régimes  :  la  mutualité  ou  la  li- 
cence? Dépend-il  de  la  volonté  du  législateur,  du  sophiste, 
(jue  ce  soit  indilTéremment  celui-ci  ou  celui-là? 

Et  c'est  à  cela  que  nous  répondons,  contre  les  économistes  : 
Voyez  les  faits. 

D'après  des  documents  officiels,  le  produit  du  service  des 
agents  de  change,  à  Paris,  pour  1855,  a  été  de  80  millions,, 
ce  qui  suppose  une  masse  de  transactions  de  6i  milliards, 
non  compris  les  opérations  de  la  coulisse,  etc. 

Les  transactions  sérieuses  n'atteignent  pas  cerUiinement 


—  lin  — 

plus  de  3  ou  4  milliards.  1^'iinporlance  des  opérations  de 
j)ur  agiotage  est  donc  à  celle  des  affaires  réelles  comme  16 
ou  18  à  1.  Cela  est-il  moral  ? 

Ajoutons  :  Cela  est-il  économique? 

On  a  osé  dire  que  les  opérations  de  Bourse  n'afîeclaient 
pas  d'une  manière  sensible  le  crédit  agricole  et  industriel  ; 
qu'il  n'était  pas  vrai  que  les  capitaux  fussent  détournés  de 
leur  destination  naturelle.  Qu'est-ce  donc  que  ces  80  mil- 
lions que  se  partagent  les  agents  de  change,  présidents  et 
appariteurs  de  cet  immense  tripot? 

80  millions  de  courtages  supposent  que  plusieurs  cen- 
taines de  millions  ont  été  journellement  engagés  au  jeu  : 
n'eussent-ils  pas  été  mieux  placés  dans  l'agriculture,  à  la- 
quelle la  Société  du  Crédit  foncier  n'a  pas  un  sou  à  oflVir; 
dans  le  commerce,  à  qui  la  Banque  ne  cesse  de  serrer  les 
courroies? 

Nous  voilà  donc,  par  l'elTet  de  la  prépolcnce  laissée  à  l'élé- 
ment aléatoire  sur  l'élément  juridique,  dans  un  état  de  dé- 
moralisation chronique,  organique,  légale.  Qui  donc,  voyant 
ce  qui  se  passe,  l'oserait  nier  ? 

L'unique  pensée  des  gens  de  Bourse  se  résume  en  trois 
mots  :  GAGNER,  AU  JEU,  DE  l'ap.gext  !  Tous,  OU  la  plupart,  ont 
des  revenus,  un  commerce,  une  indusl  rie,  un  état,  des  moyens 
d'existence  enfin.  Que  demandent-ils  à  l'agiotage,  alors? 
Des  prolits  sans  travail,  sans  ca|»ital,  sans  esprit  d'entre- 
prise, sans  génie.  La  Bourse  a  deux  oscillations,  la  hausse 
et  la  baisse,  comme  la  roulette  a  deux  couleurs  :  vendre  en 
hausse,  acheter  en  baisse,  parier  sur  la  rouge  ou  la  noire, 
c'est  tout  un.  Le  hasard  est  le  grand  artisan  des  succès  et 
des  revers. 

Quand  on  nous  citerait  les  bénéfices  superbes  encaissés 
par  les  heureux  à  une  partie  jouée  le  plus  loyalement  du 
monde,  nous  demanderions  :  Quel  est  cet  élément,  le  ha- 
sard ?  est-ce  une  puissance  économique,  un  principe  créateur 
de  valeurs  utiles  et  échangeables  ? 

«  La  plupart  des  agents  de  change,  dit  le  I^ullotin  de  la  Presse 
du  18  janvier  iS:\ii,  avaient  reçu,  de[Hiis  hier,  de  la  province,  un 


—  114  — 

nombre  infini  de  dépècl)es  téléirraphiques  qui  révoquaient  les 
ordres  de  ventes,  et  les  remplaçaient  par  des  ordres  d'acliat.  » 

Voilà  bien  la  menle  qui  tourne  à  vide,  selon  l'expression 
de  J.-B.  Say.  Un  déplacement  de  capitaux,  stérile  au  point 
de  vue  de  la  production  nationale,  fatal  aux  victimes  qui  y 
perdent  lenrs  moyens  d'existence  et  de  travail  :  telle  est  la 
Bourse.  Ce  n'est  ni  plus  ni  moins  qu'une  transformation  de 
la  loterie  tant  décriée.  La  police  traque  à  outrance  les  rares 
tripots  clandestins  où  quelques  fils  de  famille  vont  risquer, 
avec  des  filles,  une  partie  de  leurs  revenus;  elle  protège  la 
Bourse  où  les  pères  engloutissent,  avec  des  escrocs,  le  pa- 
trimoine de  leurs  femmes,  la  dot  de  leurs  filles,  l'établisse- 
ment de  leurs  garçons.  11  y  a  donc,  comme  dit  le  professeur, 
une  grande  et  une  petite  morale. 

Dès  qu'on  ne  s'assemble  que  pour  jouer,  qu'importe  que 
l'on  joue  sur  des  chimères  ou  sur  des  réalités? 

«  L'histoire  de  la  tulipomanie  en  Hollande  est  aussi  féconde  en 
enseignements  que  celle  d'aucune  autre  époque.  C'est  dans  l'année 
1634  que  les  principales  villes  des  Provinces-Unies  commencèrent 
à  se  lancer  dans  un  trafic  destructeur  de  toute  espèce  de  com- 
merce. La  fureur  du  jeu  qu'il  alluma  provoqua  l'avidité  du  riche 
et  les  folles  espérances  du  pauvre,  lit  monter  la  valeur  d'une  Heur 
au  delà  de  son  pesant  d'or,  et  Unit,  comme  toutes  les  frénésies  de 
la  même  espèce  se  terminent  ordinairement,  par  toutes  les  fureurs 
et  toutes  les  misères  du  désespoir.  Pour  quelques  personnes  enri- 
chies, il  y  en  eut  un  nombre  prodigieux  de  ruinées.  En  1G34,  on 
recherchait  les  tulipes  avec  le  même  empressement  qu'on  a  mis, 
en  18U,  à  se  procurer  des  promesses  d'actions  de  chemins  de  fer. 
La  spéculation  a  suivi  exactement  la  même  marche  dans  les  deux 
cas.  On  prenait  l'engagement  de  livrer  certains  oignons;  et,  par 
exemple,  lorsqu'il  ne  s'en  tiouvait  que  deux  semblables  sur  le 
marché,  comme  cela  arriva  une  fois,  alors  chàleau,  terres,  che- 
vaux, bœufs  étaient  vendus  pour  payer  les  différences.  On  passait 
des  contrats  et  on  payait  des  milliers  de  florins  pour  des  tulipes 
que  ni  le  courtier,  ni  le  vendeur,  ni  l'acheteur  ne  devaient  jamais 
voir. 

«  On  peut  juger  jusqu'où  allait  celte  manie,  quand  on  voit 
établi  par  diverses  autorités  qu'il  y  avait  telle  tulipe  que  l'on  paya 
en  valeurs  égalant  2,900  fr.  ;  une  autre  variété  fut  payée  2,000  florins 
(2,320  fr.)  ;  on  donna,  en  échange  d'une  troisième,  un  carrosse  neuf. 


—  115  — 

deux  chevaux  gris  et  leurs  harnais;  on  Hvra  douze  acres  de  terre 
pour  une  quatrième.  Il  y  eut  un  spéculateur  qui,  en  quelques 
semaines  réalisa  (50,000  florins  (69,600  tr.) 

«  Mais  à  la  fin,  l'heure  de  la  panique  sonna,  la  confiance 
s'évanouit,  on  manqua  aux  engagements,  on  cessa  de  payer  de 
tous  les  côtés,  les  rêves  dorés  se  dissipèrent.  Ceux  qui,  une 
semaine  avant  plaçaient  les  plus  magnifiques  e-^pérances  dans 
la  possession  de  quelques  tulipes,  qui  leur  auraient  suffi  pour 
réaliser  une  fortune  princière,  restaient  le  visage  allongé  et  l'œil 
stupéfait  devant  de  mauvais  oignons  qui  n'avaient  aucune  valeur 
intrinsèque,  e)  qu'ils  ne  pouvaient  vendre  à  aucun  prix. 

«  Pour  conjurer  le  mal,  les  marchands  de  tulipes  convoquèrent 
des  assemblées  et  firent  de  heauv  discours  dans  lesquels  ils  prou- 
vaient que  leurs  tulipes  avaient  plus  de  \aleur  que  jamais,  et  que 
la  panique  éiait  aussi  absurde  que  mal  fondée.  Ces  discours  exci- 
tèrent de  grands  applaudissements;  mais  les  oignons  n'en  restèrent 
])as  moins  sans  valeur.  »  {La  Bourse  de  Londres,  par  J.  Francis, 
traduction  de  .M.  Lefebvre-Durlflé,  sénateur,  ancien  ministre.) 

Quel  rêve  d'une  imagination  en  délire  s'élèverait  jamais  à 
la  hauteur  de  l'histoire  ?  La  pierre  philosophale  fut  mise  en 
conifiiandile  de  1824  à  1825  : 

«  Parmi  les  compagnies  qu'on  voyait  surgir  chaque  jour,  il  s'en 
forma  une  pour  fabriquer  de  l'or.  On  annonçait  que  le  succès  était 
certain.  Les  actions  furent  enlevées  avec  fureur;  mais,  leur  place- 
ment achevé,  ou  avertit  les  actionnaires  que,  coinme  les  frais 
qu'entraînerait  la  fabrication  d'iuie  once  d'or  en  atteindraient  deux 
fois  la  valeur,  on  était  obligé  de  dissoudre  la  société,  et  que  le 
versement  ellectué  serait  retenu  pour  payer  les  frais  faits  jusque- 
là.  »  [Bourse  de  Londres,  page  272.) 

PiGstons  dans  les  données  contemporaines.  L'esprit  hu- 
main, malgré  sa  passion  efTiénéc  du  jeu,  qui  lui  représente 
sa  s|)onlanéiié  et  son  ind(''pen(lance,  répugne  au  néant  :  il 
aime  à  se  reposer  sur  des  matérialités.  Ici  commence  la  con- 
version du  jeu  en  escroquerie. 

«  Eu  France  comme  en  An.'leterre,  à  Paris  comme  à  Londres, 
le  d'inon  de  l'agiotage  a  tourné  la  tète  des  habitués  île  la  Bourse, 
et  sali  d  '  son  contact  les  affaires  les  plus  r-e(;ominaud  ibles.  Allé- 
chés seulement  par  l'appàl  des  |)rimes  et  par  les  dillerences  consi- 
dérables qu'il  était  possible  d'occasiunner  d'un  jour  à  l'autre  sans 
risquer  beaucoup  d'argent,  les  hommes  qui  se  sont  mêlés  à  ces 


—  116  — 

spéculations  n'ont  pas  pris  la  peine  de  l'aire  lui  ciioiv  entre  les 
titres  des  différentes  compagnies  qu'ils  trouvaient  sur  la  cote  de  la 
Bourse;  ils  les  ont  tous  acceptés  sans  distinction,  les  ont  tous  en- 
tourés de  la  même  faveur,  et  sans  se  rendre  compte  de  leur  valeur 
réelle,  ils  en  ontescomplé  l'avenir  inconnu  par  des  primes  qu'ils 
réalisaient  dans  les  quarante-huit  heures. 

«  Les  choses  ont  été  ainsi  pendant  quelques  mois;  bientôt  les 
profits  obtenus  par  les  plus  avisés  au  moyen  de  ces  manœuvres 
leur  ont  suscité  de  nombreux  concurrents,  qui,  trouvant  la  place 
prise,  le  marché  des  actions  industrielles  trop  circonscrit,  se  sont 
jetés  à  corps  perdu  dans  des  opérations  bien  autrement  aléatoires, 
en  escomptant,  achetant  et  vendant  à  prime,  non  plus  des  actions 
existantes,  ayant  une  base  certaine,  mais  des  promesses  d'actions, 
des  certificats  de  souscription,  —  moins  que  cela  même,  —  de  sim- 
ples paroles  :  car  on  a  vendu,  acheté  et  coté  à  40  l'r.  de  prime  des 
titres  d'une  compagnie  qui  n'existe  encore  qu'en  projet;  qui  a  reçu 
des  demandes,  mais  qui  n'a  point  env.ore  ouvert  de  souscription  et 
n'a  même  fait  aucune  réponse  à  ceux  qui  lui  ont  écrit  pour  pren- 
dre un  intérêt  dans  l'opération  qu'elle  a  en  vue.  » 

Ainsi  \^arW\i\e  Journal  des  Cliemina  de  fer  du  28  décem- 
bre 1844,  11  disait  encore,  le  2  août  1845  : 

«  Pour  ne  parler  que  d'une  affaire  récente,  les  récépissés  de  la 
compagnie  Sellière  pour  les  embranchements  de  Dieppe  et  de 
Fécamp  sur  le  chemin  de  fer  du  Havre,  l'agiotage  a  été  poussé  sur 
ces  valeurs  jusqu'à  la  frénésie.  Les  3(i,000  actions  représentant  le 
capital  de  la  com.pagnie,  IS  millions,  ont  été  vendues  et  achetées 
plusieurs  fois  dans  la  même  semaine.  Faut-il  en  conclure  qu'ache- 
teurs et  vendeurs  avaient  une  opinion  différente  de  l'affaire?  Pas 
le  moins  du  monde  :  le  même  joueur  achetait  et  vendait  dans  la 
même  Bourse,  des  actions  qu'il  ne  possédait  pas,  qui  n'existaient 
pas  encore.  Ainsi  on  vendait  des  récépissés  cà  livrer  aussitôt  l'émis- 
sion; puis  on  vendait  à  terme  des  récépissés  qu'on  n'avait  pas, 
qu'on  n'entendait  pas  acheter.  Il  ne  s'agissait  que  d'un  échange 
d'engagements  et  de  payements  de  différences.  Mieux  que  tout 
cela  :  la  plu  paît  du  temps,  acheteurs  et  vendeurs  ne  connaissaient 
l'affaire  que  sous  le  nom  de  Dieppe  a  Fécamp  ;  c'est-:'i-dire  que 
s'ils  avaient  essayé  de  se  rendre  compte  de  l'affaire  sur  laquelle  ils 
jouaient,  ils  auraient  dû  croire, — et  ils  croyaient  généralement, 
—  qu'il  s'agissait  d'un  chemin  de  fer  de  Dieppe  à  Fécamp  :  ce  qui, 
soit  dit  en  passant,eùt  été  industriellement  la  chose  laplus  absurde.» 


—    117   — 

La  Société  du  Palais  de  l'Industrie  n'a  pu  se  constituer,  le 
monument  n'a  pu  se  construire  qu'à  la  condition  que  le  gou- 
vernement garantit  un  intérêt  annuel  de  4  0^0  du  capital 
engagé  dans  l'entreprise.  Personne  n'a  jamais  cru,  en  elïet, 
qu'une  construction  colossale,  du  coût  de  17  millions,  im- 
propre à  tout  autre  usage  qu'aux  expositions,  c'est-à-dire 
susceptible  de  produire  tous  les  cinq  ans  quelques  profits 
très-incertains,  fût  une  alTaire  industrielle.  L'État  Taisait 
appel,  sous  forme  d'cmpiunt  indirect,  aux  capitaux  privés, 
pour  l'érection  d'un  édifice  tenant  du  luxe  beaucoup  plus  que 
de  l'utile.  En  réalité,  les  actions  du  Palais  étaient  une  soite 
de  4  0  0,  et  elles  n'ont  jamais  toucbé  que  l'intérêt  gaianti 
par  le  Trésor.  Or,  dès  leur  émission,  les  actions  de  100  fr. 
au  pair  faisaient  30  iV.  de  prime;  en  1854,  le  monument 
n'étant  pas  encore  achevé,  elles  se  cotaient  170  fr.  ;  elles  ont 
monté  jusqu'à  176;  c'est-à-dire  que  pendant  que  le  4  1/2, 
mieux  garanti,  était  à  92,  la  foule  stupide  et  vorace  se  ruait 
sur  le  4  0,0  à  176,  retombé  aujourd'hui  à  70. 

On  prévoit  déjà,  d'après  ces  faits,  que  la  position  des 
joueurs  n'est  pas  égale,  ce  qui  ajoute  singulièrement  à  l'im- 
moralité du  jeu;  mais  ici,  comme  sur  la  question  même  de 
l'agiotage,  les  données  sont  telles  qu'il  est  impossible  de 
formuler,  à  priori,  une  condamnation,  à  moins  de  se  placer 
hors  du  régime  que  l'économie  anarchique,  légale,  nous  a 
fait,  et  qu'il  s'agit  pour  elle  de  défendre. 

En  effet,  si  le  marché  aléatoire,  mais  reposant  sur  une 
donnée  réelle,  ayant  un  objet  réel,  est  permis;  et  si  le  jeu, 
un  jeu  elïréné,  en  est  la  conséquence,  fera-t-on  un  crime  au 
spéculateur  assorti  de  capitaux,  à  qui  une  position  inexpu- 
gnable permet  d'attaquer  à  son  gré  ou  de  garder  l'expecta- 
tive; lui  fera-t-on  un  crime  de  profiter  des  écarts  que  l'em- 
porternent  des  joueurs  ne  manque  jamais  de  produire  sur  le 
marché,  de  combiner  \e  Jerme  avec  la  prime,  le  comptant 
avec  \cfin  courant'^ 

Le  public  de  la  Bourse,  de  même  que  le  monde  de  la  pro- 
duction, se  divise  donc  en  deux  catégories:  l'une,  de  beau- 
coup la  plus  nombreuse,  est  celle  des  exploités;  l'autre  celle 
des  exploiteurs. 


—   118  — 

Les  premiers,  masse  moutonnière,  vile  multitude,  ra- 
massis (le  portiers,  de  domestiques,  de  rentiers,  de  petits 
J)ourj?eois,  laborieux,  mais  avides,  de  gens  placés  à  tous  les 
degrés  de  l'échelle  sociale,  ne  connaissent  de  la  Bourse  et  de 
ses  ficelles  qu'une  chose  :  Tevier  la  chance.  Franchement 
ils  s'imaginent  (|ue  les  choses  se  passent  <à  la  Bourse  comme 
à  la  loterie  ;  que  tout  dépend  du  hasard  ou  d'un  calcul  de 
probabilités  !,..  Aussi  de  quel  air  vous  les  entendez  professer 
ce  fameux  axiome  de  la  sagesse  populaire  :  Qui  ne  risque 
rien  n'a  rien  î  Donc,  pensent  ces  philosophes,  c'est  prudence 
d'exposer  son  pécule,  sa  vie  sur  un  coup  de  dé.  Vivre  riche 
ou  mourir!...  La  folie  serait  de  croupir  dans  l'honnête  ai- 
sance ou  la  médiocrilé. 

Où  comtnence  la  richesse?  Pour  l'artisan  et  le  domes- 
tique, ce  serait  mille  livres  de  renies  \  pour  l'industriel,  un 
capital  triple  ou  quadruple;  pour  la  moyenne  bourgeoisie, 
le  million.,  le  saint  et  sacré  million  !  Ainsi  en  raisonne-t-on, 
du  moins  au  point  de  départ.  Mais  le  jeu,  c'est  la  roue  d'en- 
grenage; une  fois  le  doigt  pris,  il  faut  que  le  corps  suive; 
limpitoyahle  machine  ne  s'arrête  ni  aux  cris  d'angoisse  ni 
aux  tortures,  elle  ne  rendra  que  les  lambeaux  d'un  cadavre. 

—  Je  suis  allé  une  seule  fois  à  la  Bourse  ;  j'y  ai  gagné 
50,000  fr.  Je  n'y  remettrai  jamais  les  pieds,  disait  un  négo- 
ciant parisien  à  ses  amis.  Ce  sage  n'était  pas  de  son  temps  ; 
tous  ses  amis  lui  donnaient  tort. 

Sans  la  moindre  expérience  des  affaires,  complètement 
étranger  aux  combinaisons  par  lesquelles  les  privilégiés  du 
temple  de  Plut  us  préviennent  ou  parent  les  catastrophes,  le 
joueur  que  son  imbécillité  ou  la  médiocrité  de  son  enjeu  a 
marqué  pour  le  repas  du  dieu,  joue  jusqu'à  l'enlière  décon- 
fiture, qui  ne  se  fail  jamais  attendre.  Rien  de  plus  stupide, 
de  plus  glouton  que  cet  animal  :  il  mord  aux  plus  grossiers 
appâts.  S'arrêtanl  devant  une  aftiche  de  spectacle,  qu'il 
prend  pour  une  annonce  industrielle,  il  lit:  Chemin  de  fer 
de  Paris  à  la  lune,  et  il  écrit  au  directeur  pour  avoir  des 
actions.  Point  n'est  besoin  d'habileté  pour  plumer  de  pareils 
oisons.  Combien  faut-il  de  goujons  pour  engraisser  un  bro- 
chet? combien  de  passereaux  pour  le  diner  de  l'épervier? 


—  110  — 

combien  d'asrneaux  pour  siistontor  un  1  ion?  combien  (b:>  petites 
fortunes  pour  les  menus  plaisirs  et  les  maîtresses  d'un  nabab? 
Toujours  est-il  que  le  gibier  ne  manque  pas  :  brochets, 
éperviei's,  lions  et  financiers  sendorment  chaque  soir  en 
bénissant  la  Providence,  qui  donne  la  pâture  quotidienne  à 
tous  ses  enfants. 

Dans  le  petit,  le  minime  nombre  de  ceux  qni  gacrnenl  de 
l'argent  à  la  Bourse,  et  qui  forme  la  catégorie  des  privilégiés, 
on  distingue  \es  prudents  et  les  habiles. 

Les  prudents  font  d'un  bout  de  l'année  à  l'autre  des  opé- 
rations d'arbitrage.  Ce  sont  des  capitalistes  qui  n'achètent 
jamais  au  deUà  de  leur  fortune  dis[)onible;  ils  profitent  de  la 
baisse  pour  placer  leurs  fonds,  et  se  contentent,  en  atten- 
dant la  hausse,  de  [lalper  leurs  ilividendes.  Us  réalisent  leur 
avoir  quatre,  cinq,  six  fois  par  an,  plus  ou  moins,  selon  les 
circonstances.  Ils  vont  du  Âlobilier  au  Foncier,  du  Foncier 
à  la  Rente,  de  la  Rente  aux  Chemins  de  fer,  des  Chemins  de 
fer  aux  Petites  Voitures,  des  Petites  Voitures  aux  Gaz,  des 
Gaz  aux  Omnibus.  Les  plus  avisés  font  des  reports  et  devien- 
nent les  prêteurs  à  la  petite  semaine  des  joueurs  qui  ont 
encore  quelques  mille  francs  à  risquer.  Leur  position  est 
excellente  au  point  de  vue  de  la  sécurité  :  le  pire  qui  puisse 
leur  arriver  est  de  rester  détenteurs  de  titres  en  stagnation, 
et  d'en  être  réduits  aux  profits  semestriels  de  leur  placement. 
Ils  tirent  ainsi  de  10  à  20  0,0  de  leur  capital.  Ils  se  croient 
des  citoyens  éminemment  utiles,  et  se  donnent  volontiers 
la  vertueuse  indignation  de  déclamer  contre  l'agiotage  et  le 
parasitisme.  Les  journaux  de  Bourse,  les  manuels  de  Bourse, 
les  almanachs  de  Bourse  les  proposent  en  exemple^  la  cour 
les  prône,  la  ville  les  admire,  la  multitude  les  envie;  ils  cu- 
mulent les  bénéfices  de  la  fortune  et  de  la  considération  des 
citoyens.  Ceux  qui  le  peuvent  les  imitent  :  un  mouvement 
s'est  déclaré  eu  ce  seiis,  et  l'on  ajtphuidit,  comme  à  une  amé- 
lioration de  la  mor.dilé  publique.  Nous  en  sommes  Là! 

Tout  ce  momie,  monde  honnête,  monde  d'élite,  monde 
intelligent,  prudent  cl  sage,  qui  joue  a  coup  sur,  complice 
et  fauteur  de  toutes  les  extravagances,  de  toutes  les  forni- 


—    1-20  — 

calions,  île  tous  les  crimes  qui  prennent  leur  origine  à  la 
Bourse  et  dont  il  profite,  à  quoi  sert-il,  d'ailleurs?...  A  (|noi 
servent  ses  capitaux?  Ceux  qui  s'en  font  les  avocats,  pour 
ne  pas  dire  les  souteneurs,  devraient  nous  le  dire. 

Quant  à  nous,  il  nous  est  impossible  d'avoir  ici  deux  poids 
et  deux  mesiu'es,  d'amnistier  l'exploiteur  d'esclaves,  quand 
nous  condamnons  le  négrier.  La  Bourse,  dit  M.  Mirés,  est 
le  marché  avx  capitaux.  Nous  l'avions  dit  nous-mêmes 
(page  75),  et  nous  sommes  heureux  de  nous  rencontrer  avec 
les  chefs  de  la  spéculation  moderne.  Mais  sont-ce  des  mar- 
chands ou  des  parasites  que  ces  piqueurs  de  dinérences  qui 
ne  tiennent  à  aucune  entreprise,  et  qui  n'auraient  rien  à 
recueillir,  s'il  n'y  avait  que  des  affaires  sérieuses,  si  chaque 
actionnaire,  comme  le  mot  le  donne  à  entendre,  restait 
fidèle  <à  sa  commandite,  si  du  moins  de  porteur  d'actions  à 
porteur  d'actions  il  ne  se  faisait  que  des  échanges  réels,  des 
arbitrages? 

Ce  sont  les  habiles^  joints  aux  nécessiteux,  comme  les 
appelle  M.  Mires,  qui  allument  le  jeu,  et  \e?>  prudents  l'entre- 
tiennent. 

Or,  si  peu  que  chacun  contribue  pour  sa  part  à  la  corruption 
publique,  dès  lors  que  tout  le  monde  y  contribue,  il  s'en- 
gendre une  immense  corruption.  C'est  ce  qu'exprimait  fort 
bien  la  Hevue  d'Edimbourg  à  propos  des  opérations  de  Che- 
mins de  fer  : 

«  Les  grandes  fraudes  que  nous  avons  signalées  ne  sont  pas  le 
fait  de  la  déloyauté  d'un  seul  individu,  ou  même  d'un  groupe  d'in- 
dividus; elles  résultent  de  la  combinaison  des  intérêts  d'un  grand 
nombre  d'individus  et  d'agrégation  d'individus.  Comme  une 
histoire  qui  passant  de  bouche  en  bouche  et  recevant  h  chaque 
édition  nouvelle  une  légère  additiim,  revient  à  sa  source  sous  une 
forme  presque  méconnaissable;  de  même  c'est  avec  un  peu  d'a- 
bus d'influence  de  la  part  des  propriétaires  fonciers,  un  peu  de  fa- 
voritisme de  la  part  des  membres  du  Parlement,  un  peu  d'intrigue 
de  la  part  des  gens  de  loi,  un  peu  de  collusion  de  la  paît  des  en- 
trepreneurs et  ingénieurs,  un  peu  d'àpreté  au  gain  de  la  part  des 
directeurs,  un  peu  d'atténuation  des  dépenses  probables  et  d'exa- 
gération des  bénéfices  en  expectative,  que  les  actionnaires  sont  trom- 


—   1-21    — 

pés  d'une  manière  indii^ne,  sans  que  la  IVaiide  puisse  t4re  inipulée 
directement  à  personne.  »  {Revue  Britannique,  février  I806.) 

Que  disons-nous  autre  chose?  Nous  admettons  avec 
l'écrivain  anglais,  que  les  individus  nécessiteux,  prudents 
ou  habiles^  à  l'instigation,  sous  le  patronage,  et  au  profit 
desquels  se  produisent  ces  fraudes  colossales,  ne  sont 
peut-être  pas,  sous  le  rapport  de  la  moralité,  au-dessous  de 
la  moyenne  générale. 

Nous  soutenons  seulement  qu'en  raison  de  l'élément  aléa- 
toire qui  domine  dans  toutes  les  transactions,  et  quaucun 
))rincipe  de  droit  public  n'est  de  force  à  conjurer,  les  œuvres 
de  tous  ces  hommes  sont  mauvaises,  leur  conscience  véreuse, 
leurs  spéculations  immorales;  et  nous  ajoutons  que  si  une 
distinction  doit  être  faite  parmi  eux,  ce  ne  sera  pas  à  coup  sûr 
en  faveur  des  sophistes  qui  essayent,  par  de  vaines  déclama- 
lions,  de  légitimer  ce  que  la  conscience  universelle  réprouve. 

A|)rès  les  prudents  les  habiles. 

Toute  spéculation,  industrielle,  commerciale,  financière, 
repose  sur  un  calcul  de  probabilités.  Dans  un  régime  d'an- 
tagonisme, où  les  pensées,  pas  plus  que  les  intérêts,  ne  se 
garantissent  les  unes  les  autres,  nul  ne  peut  être  contraint 
de  faire  part  aux  autres  de  ses  prévisions  :  voilà  le  droit. 

Mais  qui  distinguera  les  prévisions  légitimes  des  illégi- 
times? qui  préviendra  Tabus  des  confidences  et  des  secrets 
d'État?  qui  osera  dire  devant  la  correctionnelle  :  La  con- 
naissance de  tel  fait,  de  telle  résolution,  devait  être  rendue 
publique,  car  elle  appartenait  à  tout  le  monde,  elle  créait  un 
cas  de  force  majeure  dont  personne  n'avait  le  droit  de  se 
prévaloir? 

L'introduction  de  pareils  principes  dans  le  droit  civil  im- 
pliipierait  une  révolution,  la  révolution  de  la  mutualité. 
Nous  resto.is  donc,  par  horreur  de  la  justice  révolutionnaire, 
dans  lanarchie  imuîémoriale,  où  s'escriment  à  ainies  iné- 
gales la  médiocrité  avide  et  aveugle,  le  capitalisme  clair- 
voyant et  l'habileté  escroqucuse. 

Les  habiles  sont  en  quelque  sorte  la  bohème  delà  Bourse. 
Avec  un  mince  capital,  voire  même  sans  capital  aucun,  ils 
spéculent  tous  les  jours,  vendent  et  achètent  quand  même. 


—  122  

Leurs  liquidations  ne  se  soldent  que  par  des  diiïérences.  Ils 
peuvent  vivre  des  années,  opérer  sur  des  millions,  sans  ja- 
miis  posséder  le  moindre  titre,  sans  avoir  lonché  de  divi- 
dendes, (l'est  le  jeu  à  découvert  dans  sa  plus  haute  expres- 
sion. En  revanche  ils  sont  parfaitement  maîtres  de  leur 
terrain  :  tous  les  chemins,  les  sentiers,  les  précipices,  les 
coupe-gorge  leur  sont  familiers;  ils  n'ont  que  faire  de  bous- 
sole pour  se  diriger  dans  ce  labyrinthe,  ils  chassent  la  prime 
à  courre,  à  l'adut,  au  traquenard-,  les  faiseurs  les  recher- 
chent et  les  prot(''gent,  parce  qu'ils  emploient  leur  flair  et 
lenr  adi-esse  à  lancer  ou  dépister  le  gibier,  à  diriger  ou  éga- 
rer la  meute.  Aussi  vivent-ils  assez  bien  de  leur  braconnage. 
Si  qiielqu'im  d'eux,  par  hasard,  se  casse  le  cou  ou  se  trouve 
happé  par  la  correctionnelle,  on  se  dit  le  lendemain,  à  la 
halte  :  «  C'était  un  homme  bien  adroit;  quel  dommage  I»  Et 
après  cette  oraison  fimôbre,  on  n'en  parle  plus. 

Voici  un  spécimen  de  leur  industrie,  que  nous  empruntons 
à  la  Gazette  des  Tribunaux,  pour  l'édification  des  prédes- 
tinés. C'est  une  des  mdie  manières  dont  on  les  pipe  à  la 
hausse  ou  à  la  baisse.  La  parole  est  au  chef  d'emploi:  il  ex- 
pose comment  on  lance  une  affaire. 

«  J'ai,  p;ir  exemple,  cinq  courtiers;  je  leur  remets  à  chacun 
mille  actions  de  la  société  qu'il  s'agit  de  lancer.  Ils  arrivent  à  la 
Bourse.  La  compagnie  est  déjà  connue  par  des  prospectus.  Ils  of- 
frent de  vendre  immédialemeiit,  au  comptant,  les  actions  dont  ils 
sont  détenteurs,  et  otïrenten  môme  temps  de  les  racheter  (à  terme 
avec  plus  ou  moins  d'écart,  sur  lequel  écart  est  déduit  encore  le 
montant  d'une  prime. 

«  Je  m'explique  par  un  exemple.  J'olTre  mille  actions  de  la  Li- 
(jnéenne  au  comptant  et  au  pair,  à  100  t'r.  ;  j'otTre  en  même  temps 
de  les  reprendre,  à  la  liquidation  prochaine,  à  110  fr.,  dont  5  fr. 
de  prime.  Cela  veut  dire  que  quand  la  liquidation  arrivera,  si  je 
ne  veux  pas  prendie  livraison  des  actions  que  je  viens  de  racheter 
à  110  fr.,  mon  vendeur  les  gardera,  moyennant  que  je  lui  paye 
5  fr.  par  action. 

«  11  aura  ainsi  gagné  5  fr.,  et  l'action  qu'il  avait  payée  100  fr. 
ne  lui  en  coijte  plus  que  9o.  Il  peut  recommencer  la  même  opé- 
ration pendant  un  nombre  de  liquidations  indéterminé,  avec 
chance  de  toujours  gagner  la  prime  et  sans  aucune  chance  de 
perte,  car  le  pis  qui  puisse  lui  arriver,  c'est  de  voir  l'acquéreur 


—  123  — 

prendre  livraison  si  les  actions  montent,  et  dans  ce  cas  on  les  lui 
paye. 

«  Voilà  comment  il  est  possible  d'ouvrir  un  marché  à  la  Bourse 
sur  la  première  valeur  venue,  il  faut  trouver  un  vendeur  et  un 
acheteur.  Le  vendeur,  c'est  celui  qui  apporte  ses  titres;  l'acheteur, 
c'est  celui  qui  se  résout  très-facilement  à  prendre  des  actions  au 
comptant,  quelle  que  soit  leur  valeur,  puisque  en  même  temps 
qu'il  les  prend  d'une  main  au  comptant,  il  les  lâche  de  l'autre 
main  à  terme,  avec  prolit.  Cette  opération  a  pour  effet  immédiat 
de  produire  la  hausse.  » 

C'est  alors  qu'arrivent  les  moutons  de  Panurge,  et  que 
les  compères  se  voient  arracher,  conire  bons  et  beaux  écus 
sonnants,  les  chiflons  de  papier  sur  lesquels  ils  semblaient 
faire,  dans  leur  coin,  des  transactions  si  animées.  Voyons 
maintenant  l'inverse. 

«  Voici  comment  opèrent  les  baissiers.  Sans  avoir  d'actions,  ils 
en  vendent  des  quantités  plus  ou  moins  considérables,  suivant  le 
crédit  dont  ils  peuvent  disposer.  Or  plus  une  marchandise  est 
offerte,  [lus  son  cours  baisse.  Quand  les  actions  sont  descendues  à 
un  cours  inférieur  à  celui  auquel  il  les  ont  vendues,  ils  en  rachè- 
tent et  gagnent  ainsi  la  différence. 

«  Ces  opérations  de  baissiers  ont  une  grande  influence  sur  le 
marché  :  elles  ont  pour  effet  de  forcer  les  vendeurs  à  primes  d'a- 
bandonner leurs  primes;  d'oi!i  résulte  nécessairement  une  dépré- 
ciation de  la  valeur. 

Tel  est  le  mécanisme  des  opérations  de  Bourse  pour  l'établisse- 
ment d'un  marché,  et  voilà  comment  je  m'y  suis  pris  pour  lancer 
lii  Lignéenne.  » 

Qu'en  disent  ces  bons  provinciaux  qui,  du  fond  de  leur 
sous-préfecture,  prétendent,  sur  les  indications  d'im  bul- 
letin financier,  souvent  dupe,  parfois  complice,  diriger  à 
Paris  une  opération  de  Bourse  et  y  gagner  de  l'argent? 

§   2.   ASSOCIATION    DU    CAPITAL  ET  DE  l'iVTELLTGEXCE   DANS  LES 
OPÉRATIONS    DE    BOURSE. 

Si  le  jeu  est  la  condition  naturelle  du  producteur  et  de 
l'échangiste-,  si  d'autre  partit  est  permis  au  spéculateur  d'u- 
ser à  la  Bourse  de  l'avantage  que  lui  assurent  ses  capitaux, 


—   12-4  — 

la  supériorité  do  combinaisons  pour  d'autres  inaccessibles, 
la  priorité  des  renseignements,  sera-t-il  défendu  d'associer, 
contre  les  hasards  vulgaires,  ces  puissances  irrésistibles,  le 
capital  et  le  talent,  comme  disait  Fourier. 

Non  certes  :  nous  sommes  toujours  dans  les  termes  de  la 
probité  légale. 

Au-dessus  des  joueurs  gros  et  petits,  agiotant  au  jour  le 
jour,  — qui  avec  la  probabilité  plus  ou  moins  grande  d'un 
agio  en  sus  de  l'intérêt  de  ses  fonds,  qui  avec  la  certitude 
filiale  de  sa  perle,— s'élèvent  Thomme  à  millions  et  l'homme 
à  idées,  le  juif  Shylock  et  Tindustrieux  Figaro,  ceux  que 
l'union  de  leur  fortune  et  de  leur  génie  place  à  la  tète  de  la 
spéculation.  Car,  nous  l'avons  dit,  le  monde  spéculant  forme 
une  société  complète,  ayant,  de  même  que  le  commerce  et 
l'industrie,  sahaute  finance,  sa bourgeoisieet  son  prolétariat. 
Inutile  d'ajouter  que  la  répaitition  des  profits  et  des  charges 
ne  s'y  fait  pas  autrement  que  dans  le  champ  du  travail. 

Sliylock  est  d'origine  plébéienne.  La  source  de  sa  fortune, 
c'est  quelque  calamité  publique.  Fournisseur,  espion,  ser- 
vant, trahissant  à  la  fois  toutes  les  causes,  il  a  gi^andi  au 
milieu  de  la  détresse  de  ses  concitoyens;  il  s'est  élevé  sur 
des  cadavres. 

«  Des  aventuriers  anglais  des  Indes  orientales  avaient  gagné  des 
sommes  prodigieuses  en  peu  de  mois.  Revenus  dans  la  métropole, 
ils  bâtissaient  des  habitations  magniliques  où  le  laste  tenait  trop 
souvent  lieu  de  goût;  ils  faisaient  hausser. le  prix  de  tous  les 
articles  de  consommation  En  face,  on  les  saluait  jusqu'à  terre; 
derrière  eux  chacun  tremblait.  On  en  racontait  des  histoires  épou- 
vantables; et  le  paysan,  tout  à  la  fois  malicieux  et  craintif,  frémis- 
sait de  tous  ses  membres  au  passage  du  lourd  carrosse  où  se  ren- 
gorgeaient ces  hommes,  qui  n'avaient  acquis  leurs  ricliesses  qu'en 
foulant  aux  pieds  les  lois  de  l'humanité.  Il  n'y  a  pas  plus  de  vingt 
ans,  on  racontait  à  l'auteur  de  cet  ouvrage  que  lord  Clive  avait 
sous  son  lit  une  boîte  dans  laquelle  étaient  entassées  toutes  les 
pièces  constatant  ses  crimes,  et  qu'il  ne  s'était  suicidé  que  parce 
que  sa  conscience  ne  lui  permettait  plus  d'en  supporter  l'écrasant 
souvenir.  » 

«  Fils  d'un  batelier,  obligé,  dans  sa  jeunesse,  de  dîner  sur  le 
bout  d'un  comptoir,  avec  un  journal  pour  nappe,  Thomas  Guy  ne 


—  12:)  — 

laissa  pas  moins  de  12 millions etdenii  de  trancsà  sa  mort  (1724). 
Ses  premières  opérations  se  portèrent  sur  les  bons  avec  lesquels 
on  payait  les  marins  du  temps  de  Charles  H.  Après  plusieurs  an- 
nées de  cruelles  privations  et  de  travaux  plus  grands  encore,  les 
défenseurs  de  la  patrie  recevaient  leur  solde  en  papier,  non  rem- 
boursable à  la  volonté  des  porteurs.  Les  marins  trop  souvent 
imprévoyants,  étaient  contraints  d'abandonner  ces  gages  incer- 
tains de  leur  paye  aux  usuriers  qui  les  leur  escomptaient  au  taux 
fixé  par  leur  seule  conscience.  Des  hommes  qui  avaient  fait  le 
tour  du  monde,  comme  Drake,  ou  qui  avaient  combattu  corps  à 
corps  avec  Tromp,  étaient  foit  inhabiles  à  lutter  contre  les  agents 
rusés  des  usuriers  qui  les  attiraient  dans  les  ignobles  repaires  de 
Rotlierhite,  et  achetaient  leurs  bons  au  plus  bas  prix  possible. 
C'est  ainsi  que  d'excellents  matelots,  la  gloire  de  la  marine  an- 
glaise, étaient  volés,  ruinés  et  contraints  à  porter  leurs  services 
chez  des  nations  étrangères.  C'est  à  l'achat  de  ces  bons  que  Tho- 
mas Guy  s'attacha  d'abord,  et  c'est  sur  le  préjudice  porté  à  nos 
braves  matelots  qu'il  commença  à  établir  la  base  de  son  immense 
fortune. 

«  11  mourut  à  l'âge  de  quatre-vingt-un  ans,  laissant  par  son 
testament  2i0,000  livres  sterling  (6  millions  de  fr.)  à  l'hôpital  qui 
porte  son  nom.  Son  corps,  qui  reposait  dans  la  chapelle  des  Mer- 
ciers, fut  transféré  en  grande  pompe  à  l'hôpital  Saint-Thomas,  et 
le  i'.i  février  173-4,  dix  ans  après  sa  mort,  une  statue  fut  élevée  à 
sa  mémoire,  dans  la  cour  de  cet  hospice  qu'il  avait  édifié  avec  la 
paye  si  péniblement  gagnée  par  les  matelots  anglais.  »  [Bourse  de 
Londres.  ) 

Siiylock  est  naturellement  l'entrepreneur  de  concessions, 
l'adjudicataire  d'emprunts,  le  patron  de  tout  ce  qui  offre  de 
gros  [Hofits.  Son  rôle  n'est  pas  difficile,  car,  dit  le  proverbe, 
l'eau  va  toujours  à  la  rivière.  S'il  avise  de  spéculer  sur  les 
marchandises,  ce  n'est  pas  à  moins  de  l'accaparement  de 
toute  une  nature  de  produits  :  hier  le  mercure,  le  lin;  au- 
jourd'hui le  cuivre,  le  trois-six;  demain  le  plomb,  les  sucres. 

Le  gouvernement  décrète  un  emprunt  3  0,0  et  afipelle  les 
capitalistes  à  soumissionner.  Shylock  se  présente-,  il  devient 
adjudicataire  au  taux  de  75  fr.  25  c.  Ce  môme  jour  le  3  0/0 
monte  à  77.  Il  vend  aux  spéculateurs  son  privilège  de  verser 
l'emprunt,  et  sans  sortir  de  sa  caisse  autre  chose  que  le  cau- 
tionnement dont  on  lui  paye  l'intérêt,  il  gagne  en  quelques 
heures  15  millions. 


—  126  — 

Plein  de  sollicitude  pour  son  pays,  il  offre  un  jour  à 
lÉtal  de  construire  à  ses  frais,  moyennant  concession  de 
99  ans,  indemnité  pécuniaire  et  intérêts  garantis,  un  rail- 
way  «que  les  besoins  du  commerce  réclament  impérieuse- 
ment. »  L'État,  protecteur  du  commerce,  s'empresse  de 
saisir  une  si  belle  occasion  et  de  conférer  à  Shylock  le  privi- 
lège qu'il  sollicite  :  «  le  privilège  de  se  ruiner,  »  s'en  vont 
criant  les  Jérémies  chargés  de  prouver  an  public  que  Shy- 
lock n'a  d'autre  mobile  qu'un  ardent  amour  de  l'humanité. 
Peu  de  temps  après,  le  juif,  trouvant  au  fond  l'affaire  bonne, 
et  «jaloux  deii  rendre  h  s  [irofilsaccessibles  atout  lemonde,» 
forme  une  Société  cà  laquelle  il  vend,  moyennant  un  nombre 
d'actions  et  un  prélèvement  peipéluel  sur  le  produit  net 
avant  toute  répartition  aux  actionnaires,  son  droit  de  con- 
struire et  d'exploiter  un  chemin  de  fer  dans  l'intérêt  du 
commerce. 

Le  ploutocratè  n'a  que  faire  de  chercher  les  entreprises  5 
elles  viennent  le  trouver  d'elles-mêmes.  Le  public  ne  veut 
point  d'une  spéculation  qui  ne  se  recommande  pas  d'un  nom 
connu.  Combien  sont-ils,  de  ces  hauts  barons  de  la  comman- 
dite, faisant  de  leur  honorabilité  métier  et  marchandise,  et 
qui,  après  avoir  un  instant  figuré  sur  les  listes  de  fondateurs 
et  premiers  actionnaires,  se  hâtent,  l'aHaire  lancée,  d'en- 
caisser leurs  primes  |>our  aller  ailleuis  trafiquer  de  leur 
patronage?  un  demi-cent  au  plus  pour  tonte  la  France  1 

Et  le  public  de  s'écrier,  et  le  gouvernement  de  répéter 
après  lui  :  Il  y  a  encombrement  et  souffrance;  la  place  est 
surchargée,  le  public  saturé;  plus  de  numéraire,  le  papier 
nous  inonde.  Jusqu'à  nouvel  ordre,  le  gouvernement  ne  fera 
plus  lie  concessions  nouvelles,  n'autorisera  aucune  émission 
d'actions,  n'homologuera  les  statuts  d'aucune  société  ano- 
nyme. Il  fera  plus  :  il  restreindra,  par  la  gêne  de  ses  lois  et 
règlements,  la  commandite  elle-même. 

Imbéciles!  vos  écus  se  sont  engloutis  dans  la  caisse  de 
Sliyloi  k,  d'où  ils  ne  sortiront  que  pour  favoriser  vos  reports, 
accélérer  votre  ruincî,  rachet(!r  à  vil  prix  vos  actions,  quitte 
à  revenir  à  petit  bruit  à  la  masse,  comme  l'eau  des  sources 
leur  revient  sous  forme  de  pluie. 


—  127  — 

L'homme  à  idées  c'est  Panurge,  Scapin,  Figaro  devenu 
spéculateur.  11  a  la  conscience  élastique  et  Tesprit  gogue- 
nard. Il  (onnaità  fond  lentes  les  ressources  de  la  réclame  et 
du  canard.  Il  est  aussi  heureux  des  succès  d'esprit  que  des 
hénéfices  de  ses  mystifications.  Il  est  passé  maître  dans  Tart 
de  faire  la  prime.  Écoutez  cet  apologue  : 

Certain  aventurier  d'une  ville  d'Afrique,  à  la  recherche 
d'une  idée,  comme  tant  d'autres,  se  lève  un  jour  tout  ra- 
dieux, et  se  frappant  le  front  :  —  J'ai  trouvé,  j'ai  trouvé! 
s'écriel-il  comme  Archimcde.  Il  brosse  son  habit  râpé,  cire 
ses  bottesà  soupape,  met  du  linge  blanc  et  s'en  va  trouver  le 
gouverneur.  L'intérêt  de  la  morale  l'amène  auprès  de  l'au- 
lorilé,  dit-il.  Les  honnêtes  habitants  de  la  cité  s'indignent 
de  l'audace  avec  laquelle  s'étale  la  prostitution.  Il  ne  craint 
pas  d'être  démenti  par  ses  concitoyens  en  demandant  qu'un 
arrêté  relègue  au  f)lus  vite  les  maisons  de  débauche  dans 
certain  quartier  isolé,  à  peu  près  désert,  oii  le  scandale 
n'aura  pas  de  témoins.  Le  fonctionnaire,  pèie  de  famille  et 
gardien  de  la  moi  aie,  spéculateur  aussi,  promet  de  s'oc- 
cuper de  l'affaire  dans  le  plus  bref  délai. 

Notre  homme  court  chez  un  banquier. —  J'ai  besoin  d'une 
caution,  dit-il,  je  ne  demande  pas  il'argent.  Et  il  expose  au 
financier  sa  démarche  dans  l'intérêt  des  mœurs.  —  C'est  de 
l'or  en  barre,  répond  ce  dernier.  Attention  ! 

Les  trois  puissances  marchant  de  concert,  l'administra- 
tion, la  spéculation,  la  Banque,  le  jour  où  |)arnt  l'édit  puri- 
ficateur, noire  aventurier  se  trouvait  locataire  <àbail  de  toute 
la  rue  assignée  aux  maisons  de  filles. 

Ignoble,  direz-vous,  d'invention  comme  de  style.  —  Eh 
bien  !  candide  lecteur,  nous  pourrions  attacher  au  carcan  de 
cette  véi idique  histoire  un  glorieux  nom  propre.  Nous  con- 
naissons le  banquier  qui  a  fourni  la  caution  et  touché,  pour 
sa  part  de  bénéfice,  9,CG0  fr.  C'est  lui-même  qui  nous  a 
raconté  l'anecdote. 

En  voici  encoreunedont  nous  vous  garantissons  Tauthen- 
licité. 

—  A  quoi  songez-vous,  mon  cher,  d'aflermcr  à  si  haut 
prix  un  chemin  qui  ne  couvre  pas  ses  frais? 


—  128  — 

L'interpellé  rit.  5>ous  cape. — C'est  peut-être  une  mauvaise 
affaire, répondit-il;  j'en  courrai  les  risques. 

Au  bout  d'un  temps,  le  prolongement  du  raihvayen  ques- 
tion vient  donner  à  la  tète  de  la  ligne  une  importance  con- 
sidérable-, les  nécessités  du  service  exigent  la  cassation  du 
bail.  Notre  fermier  invoque  le  respect  des  conventions.  Tou- 
tefois, devant  l'intérêt  public,  il  consent  à  faire  un  sacrifice. 
Le  bail  est  annulé  moyennant  indemnité  de  deux  millions. 
—  Si  j'avais  eu  cette  idée-là  I  s'écrient  avec  admiration  les 
spéculateurs  à  petits  profits. 

DescouUssiers,  le  nez  au  vent  et  l'oreille  au  guet,  ont  vu 
plusieurs  gros  bonnets  en  conférence  et  parlant  d'un  air  dis- 
cret.— 11  y  a  des  nouvelles,  pensent-ils.  Et  les  voilà  tous  en 
quête  du  mystère,  chacun  pour  son  compte.  Heureux  qui 
découvrira  le  premier  le  pot  aux  roses  ! 

La  nouvelle,  qui  ne  demande  qu'à  se  laisser  découvrir, 
devient  bientôt  le  secret  de  Polichinelle.  Seulement  chaque 
investigateur,  convaincu  qu'il  en  a  seul  connaissance,  opère 
avec  sécut  ité.  Ils  sont  deux  ou  trois  cents  dans  le  même  cas, 
et  en  voyant  Tunanimitéde  leurs  tendances, ils  commencent 
à  soupçonner  la  vérité.  Shylock  et  Figaro  avaient  besoin  de 
produire  soit  une  hausse,  soit  une  baisse;  lescoulissiers  ont 
donné  en  plein  dans  le  piège.  Fin  courant  ils  payeront  ou 
seront  exécutés  sans  rémission. 

Il  est  bruit  d'une  fusion  de  compagnies,  d'un  accroisse- 
ment de  concession.  —  Bon  !  les  titres  vont  monter  ;  c'est  le 
cas  de  jouer  à  la  hausse  -,  seulement  attendons  que  la  nou- 
velle prenne  consistance. 

La  hausse  se  caractérise  un  jour  très-nettement  ;  c'est  le 
moment  d'acheter;  le  symptôme  est  décisif,  la  fusion  est 
certaine.  Et  les  demandes  d'achat  d'affluer  et  de  pousser  à 
la  cherté  des  titres.  Enfin  le  grand  jour  arrive  :  la  fusion 
n'est  plus  une  hypothèse,  clest  un  fait  accompli,  officiel.  La 
belle  liquidation  !  Mais  voilà  que  les  actions  restent  station- 
naires-,  elles  ont  même  une  tendance  à  la  baisse.  Pauvies 
dupes  !  l'affaire  était  escomptée  quand  vous  vous  êtes  décidés 
à  spéculer. 


—   1-29  — 

«  La  juemière  mystilication  politique  cluiit  on  ait  gardé  le  sou- 
venir à  la  Bourse  eut  lieu  sous  la  reine  Anne.  Un  beau  jour,  un 
homme  bien  vêtu  apparut  sur  la  route  royale,  galoppant  à  toute 
bride.  Prodigue  de  sa  monture  et  de  ses  éperons,  il  faisait  ouvrir 
toutes  les  barrières  devant  lui  et  annonçait  à  haute  voix  la  mort 
subite  do  la  reine.  La  nouvelle  vola  de  l'orient  au  couchant,  du 
midi  au  septentrion.  Rajiide  comme  un  feu  follet,  elle  atteignit  la 
ville  en  traversant  les  solitudes  où  l'on  voit  se  dresser  aujourd'hui 
tant  de  palais.  Les  fonds  tombèrent  avec  une  rapidité  proportionnée 
à  l'importiince  de  la  nouvelle.  » 

«  De  toutes  les  fausses  nouvelles,  aucune  ne  fut  plus  fréquem- 
ment répandue  ni  plus  favorablement  accueillie  que  celle  de  la 
mort  de  Napoh'on.  il  y  eut,  entre  autres,  une  occasion  dans  laquelle 
ce  bruit  fut  universellement  accrédité.  Lord  Grandville  reçut  un 
message  qui  la  lui  annonçait  et  qui  en  précisait  toutes  les  circon- 
stances. Personne  n'éleva  de  doutes,  les  fonds  haussèrent,  et  la 
nouvelle  se  répandit  partout.  L'histoire  mise  en  circulation  avait 
un  certain  caractère  romanesque  tout  à  fait  en  harmonie  avec  les 
actes  de  la  vie  du  héros  dont  elle  révélait  la  iin.  On  disait  que 
Napoléon,  ayant;  réuni  un  conseil  de  guerre  auquel  il  avait  appelé 
un  des  chefs  du  désert,  qui  ne  lui  avait  témoigné  quelque  attache- 
ment que  pour  mieux  assurer  sa  vengeance,  ce  barl)are  l'avait 
assassiné  en  plein  conseil. 

«  Il  est  digne  de  remarque  que  celte  frauduleuse  invention  ne 
fut  pas  imputée  aux  gens  de  Bourse,  mais  à  deux  spéculateurs 
dlitat,  assistés  par  des  n)emhres  de  la  Chambre  des  communes. 
Bien  que  les  habitués  de  la  Bourse  fussent  innocents  de  cette 
supercherie,  ils  n'en  supportèrent  pas  moins  les  conséquences  qui 
résultèrent  de  la  lluctuation  des  fonds,  et  il  y  en  eut  plusieurs  de 
ruinés  par  l'ingénieuse  gentillesse  que  s'étaient  permise  les  spécu- 
lateurs d'État  et  les  membres  de  la  Chambre  basse.  »  (Bourse  de 
Londres,  passim.) 

Qui  ne  se  rappelle  le  fameux  message  du  Tartare  sur  la 
prise  de  Séhaslopoll  Les  souverains  se  complimentèrent  5 
l'Europe  entière  fut  dupe  vingt-cjuatre  heuies. 

Lorsque  Shylock  el  Figaro  se  coalisent  dans  une  affaire, 
on  peut  s'attendre  à  une  rafle  complète. 

«  Le  capital  d'une  compagnie  de  mines  fut  partagé  entre  cin- 
fpiante  propriétaires,  qui  déployèrent,  dans  leurs  avertissements 
au  public,  tout  ce  que  l'art  du  pufl'  a  de  plus  ignoble.  Ils  annoncé- 


—  130  — 

rent  que  les  ustensiles  les  plus  ordinaires  des  paysans  de  la  contrée 
étaient  en  ar.^ent.  Il  n'y  avait  que  99  mines  ouvertes  dans  tout  le 
district,  la  compagnie  proclama  qu'elle  en  avait  acheté  300.  Une 
autre  aflirmait  auilacieusement  (|ue  dans  un  pays  où  il  n'y  avait 
pas  plus  de  cinq  mille  liaijifanls,  elle  était  propriétaire  de  3,000 
mines;  et  bien  que  celles  qui  existaient  eussent  été  abandonnées 
après  une  perte  de  170,000  livi'es  sterl.  (4.,2o0,000  fr.),  elles  n'en 
furent  pas  moins  achetées  à  un  prix  très-élevé.  Grâce  à  ce  puff,  les 
actions  atteignirent  une  prime  énorme. 

«  Une  autre  compagnie  de  mines  se  distingua  par  la  magnanimité 
de  ses  sentimeiits.  Ses  règlements  portaient  qu'aucun  de  ses  direc- 
teurs ne  pourrait  être  pro|)rii'iaire  de  plus  de  200  actions;  que 
toutes  les  autres  seraient  loyalement  mises  à  la  disposition  du 
publ.c,  et  que  la  plus  stricte  probité  dominerait  toutes  les  trans- 
actions. Malheureusement  tous  ces  beaux  sentiments  s'aiïaiblirent 
à  mesure  que  la  puissmice  de  la  compagnie  s'accrut.  Des  milliers 
d'actions  furent  partagées  entre  les  administialeurs  et  soigneuse- 
ment mises  sous  clef.  On  prit  une  délibération  par  laquelle  les 
directeurs  et  les  agents  de  la  compagnie  étaient  dispensés  de  faire 
des  versements.  Après  quoi,  ceux-ci  chargèrent  les  courtiers  les 
plus  respectables  de  la  Bourse  d'acheter  mille  actions,  qui  furent 
payées  avec  l'argent  de  la  compagnie,  il  en  résulta  une  hausse  sur 
la  place,  à  la  suite  de  laquelle  ils  tirent  vendre  toutes  leurs  actions 
avec  prime.  C'était  la  personne  même  qui  avait  vendu  les  mines 
à  la  compagnie  qui  était  chargée  de  donner  des  renseignements 
sur  leur  valeur.  <Juoii|ue  les  mines  ne  valussent  rien,  ce  compère 
ne  laissait  pas  que  d'en  faire  les  descriptions  les  plus  flatteuses. 
Telle  mine  qui  ne  valait  pas  10,000  fr.  fut  achetée  275,000,  et 
on  paya  3,025,000  fr.  pour  d'autres  qu'on  trouva  presque  tout 
épuisées.  »  [/Bourse  de  Londres,  passim) 

A  l'ombre  de  ces  deux  puissances,  la  Fortune  et  le  Char- 
latanisme, le  commun  des  martyrs  perd  ou  gagne,  selon  les 
chances.  De  là  un  concert  pei  inanent  de  murmures  et  d'élo- 
ges où  chacun  à  sa  dévotion  exalte  ou  maudit  les  rois  de 
l'agio.  Que  leur  importe?  Ils  ii'enlendenl  pointée  qui  se  dit 
si  bas.  Puis  les  mécontents  d'aujourd'hui  ne  seront-ils  pas 
les  sati.sfaits  de  demain? 

Tel  se  croit  habile  parce  qu'il  a  fait  quelques  bons  coups. 
Le  hasard  a  voulu  qu'il  opérât  dans  le  même  sens  que  Shy- 
lock  et  Figaro  ;  c'est  pourquoi  il  a  réussi. 


—  131  — 

Les  gros  ne  s'associent  qn'enlre  eux.  Comme  tout  gain, 
entre  .ioueurs  et  filous,  sii|t|iose  une  peile,  il  f,iut  lùeu  que 
quelqu'un  paye.  Cf  quelqu'un  ne  sera  pas /a  haute  pèyrel... 

Elle  a  bien  ses  prolé;^és.  (>omment  refuser  de  prévenir  son 
portier,  sou  laipiais,  sou  cireur,  ses  amis,  ses  maîtresses, 
son  médecin,  son  journaliste,  ses  pensionnaires,  ses  pauvres, 
du  moment  favorable'!'  dévoués  clients  dont  il  est  hou  d'en- 
tretenir le  zèle,  et  qui  rendent  tant  de  services  par  leurs  ba- 
vardages !...  Nous  en  trouvonsdans  VAlmanach  de  ta  Bourse 
pour  1857  un  exemple  i)ar  trop  naïf  pour  que  nous  nous 
privions  du  plaisir  do  le  rapporter  à  notre  tour. 

«  On  n'a  connu  qu'après  la  mort  de  M.  Laflitte,  et  encore  par 
la  noble  indisTétiun  de  ses  obliiiés,  les  nombreuses  infortunes 
qu'il  secourait  dans  lombie.  M.  Mues  suit  de  près  cette  tradition. 
Que  d'écrivains  furent  agréablement  surpris  en  recevant  par  la 
poste  cette  riche  nouvelle  : 

«  Monsieur,  j'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  je  vous  ai 
«  accordé...  actions  dans  une  entreprise  de...,  et  que  je  les  ai 
.  «  vendues  d'après  vos  ordres.  Veuillez  donc,  je  vous  i)rie,  passer 
à  ma  caisse  pour  y  toucher  vos  dillérences  qui  s'élèvent  à...  » 

«  Une  foule  de  traits  d'aussi  bon  goût  ont  assuré  à  M.  Mirés 
tant  d'amis  dévoués  dans  la  presse  et  dans  les  arts,  que  leur  gratis 
tude  impose  silence  aux  clameurs  de  Cenvie.  » 

Quand  M.  Mirés,  qui  piend  aujourd'hui  avec  une  dignité 
si  comique  la  défense  du  financier  austère  con\re  le  spécula- 
teur nécessiteux,  fait  de  ces  envois  aux  gens  de  lettres  qui 
cultivent  son  intimité,  est-ce  une  leçon  de  morale,  de  désin- 
téressement, de  vertu  civique  cpi'il  leur  donne?  Lui,  entre- 
preneur de  tant  de  commandites,  bonnes  et  mauvaises, 
serait-il  de  force  à  justifier  sa  conduite?  Comment!  vous 
êtes  pr'omoleur,  errl repreneur,  directeur  et  principal  com- 
manditaire d'une  société  par  actions;  et  quand  ces  actions, 
chauffées  par  vos  journaux,  offrent  une  prime  de  50  fr.,  vous 
vous  permettez  de  les  vendre! 

Vous  n'êtes  donc  pas  un  entrepreneur! 

Vous  n'êtes  donc  pas  un  commanditaire  sérieux  I 

Et  comme  directeur  et  adminrstruleur  de  la  compagnie, 
vous  manquez  à  votre  devoir. 

Or,  puisque  vous  n'êtes  plus  un  nécessiteux^  et  qu'il  est 


-    132  — 

impossible  de  reconnaître  en  vons  \q  financier  probe,  aus- 
tère, que  vous  recommandez,  pour  une  autre  fois,  à  la  jus- 
tice dramatique  de  M.  Dumas,  qu'ctes-vous  donc,  monsieur 
Mirés? 

La  conclusion  est  claire.  Aux  grands  artistes  de  la  Bourse 
comme  à  ceux  de  l'Opéra,  il  faut  une  clique  et  une  claque 
qui  fasse  taire  la  critique  et  mette  le  spéculateur  en  rut  ;  et 
l'auteur  de  l'anecdote,  M.  P.  de  F.  eût  pu  faire  son  métier 
d'une  façon  un  peu  moins  sotte.  Mais  la  pièce  jouée,  au 
diable  la  {)hilanlliropie  :  s"il  fallait  entretenir  tout  le  fretin, 
où  serait  le  prolil?  Aussi  rien  à  espérer  pour  les  imprudents 
en  cas  de  déconliture,  ainsi  que  nous  l'enseigne  l'apologue 
populaire. 

La  Coulisse,  ayant  monté 
En  pleine  sécurité, 
Se  trouva  fort  dépourvue 
Quand  la  baisse  fut  venue. 
Pas  d'argent,  plus  de  crédit, 
Pour  payer  point  de  répit. 
Elle  alla  crier  famine 
Chez  la  Banque,  sa  voisine, 
La  priant  de  lui  prêter 
'•  Quelques  sous  pour  tripoter 

Jusqu'à  la  hausse  nouvelle. 

—  Je  vous  paîrai,  lui  dit-elle, 
Fin  prochain,  délai  légal, 
Intérêt  et  principal. 

La  Banque  n'est  i)as  prêteuse  : 
C'est  là  son  moindre  défaut. 

—  Que  faisiez-vous  au  temps  haut? 
Dit-elle  à  cette  enqirunteuse. 

—  Chaque  jour,  à  tout  venant 
J'achetais,  ne  vous  déplaise. 

—  Vous  achetiez,  j'en  suis  aise  ; 
Eh  bien  !  vendez  maintenant. 


—   133  — 

§  3.  DÉVELOPPEMENT  DE  l'eSCROQUERIE  ET  DL"  VOL  DANS  LES  OPÉ- 
RATIONS DE  BOURSE  :  l'agent  DE  CHANGE,  l'hOMME  D'ÉTAT,  LES 
GRANDES   COMPAGNIES. — STRATÉGIE   DE  l'aGIOTAGE;   JOURNAUX. 

On  a  (Icjà  pu  se  convaincre  par  ce  qui  précède  que  le  jeu 
(le  Bourse  n'est  pas  une  partie  franche  où  chaque  joueur  ne 
relève  que  du  hasard  et  de  ses  appréciations  personnelles, 
il  y  a  des  gens  qui,  selon  Texpression  de  W  Berryer,  voient 
dans  les  carlps  :  les  dés  pipés  y  sont  de  mise  :  les  grecs  n'y 
sont  pas  traités  comme  escrocs.  En  cU'et,  le  jeu  proprement 
dit,  si  démoralisant  qu'il  soit,  est  la  moindre  plaie  de  la 
Bourse.  Ce  qui  confond  et  qui  devrait  ouvrir  les  yeux  aux 
braves  théoriciens  du  laissez-jaire,  c'est  que  des  faits  dignes 
de  toute  la  sévérité  de  la  cour  d'assises  s'y  commettent  tous 
les  jours,  sans  que  la  police  ose  les  saisir,  sans  même  qu'il 
soit  possible  à  la  justice  de  préciser  le  trait  qui  les  dislingue 
de  ceux  que  la  science  officielle  approuve  et  que  la  loi  tolère. 

De  nombreux  exemples  vont  nous  édifier  sur  la  marge 
laissée  à  l'escroquerie  par  la  probité  boursière.  Les  faits  que 
nous  allons  citer  sont  authentiques  :  toutefois,  nous  le  dé- 
clarons avec  franchise,  notre  intention  n'est  pas  de  généra- 
liser une  inculpation  qui  n'atteint  sans  doute  que  quelques 
individus.  Ce  que  nous  voulons  seulement  faire  remarquer, 
c'est  que  la  même  latitude  pour  le  crime  est  laissée  aux  fidè- 
les et  aux  infidèles;  c'est  que  rien  ne  garantit  ici  Ihonora- 
bilité  de  personne,  et  que  dans  ce  régime  de  licence  lé- 
gale, où  la  cupidité  n"a  de  frein  que  la  conscience,  une 
égale  suspicion  frappe  à  bon  droit  compagnies,  corporations, 
tout  le  monde. 

A  tout  seigneur  tout  honneur  :  commençons  par  l'agent 
de  change. 

Cet  officier  public,  dont  l'examen  de  conscience  est  préa- 
lablement fait  par  le  pouvoir,  puis  par  la  corporation;  qui 
doit  trouver,  avant  le  prix  de  sa  charge,  im  cautionnement 
de  125,000  fr.  ;  l'agent  de  change,  dont  nous  avons  dit  la 
position  légale,  savoir,  interdiction  d'agioter  pour  son  compte, 
défense  de  prêter  son  ministère  à  des  opérations  de  jeu , 

8 


-  134  — 

l'agent  de  change  est  le  premier  à  spéculer  contre  ses  clients 
Il  connaît  à  l'avance,  par  les  ordres  qu'il  a  reçus,  quelle 
sera  la  physionomie  du  marché  :  il  voit  dans  les  cartes ,  il 
peut  les  biseauter  au  besoin. 

«  A  la  Bourse  du  jeudi  11  septembre  1851,  les  actions  du  che- 
min du  Nord  ont  éprouvé  une  baisse  subite  et  sans  aucune  cause 
apparente.  Du  cours  de  fermeture  de  la  veille,  463  73  demandé, 
elles  sont  tombées  successivement  et  sans  interruption  à  457  50. 
Pendant  la  même  Bourse,  toutes  les  actions  de  cbemins  de  fer  se 
sont  maintenues  aux  cours  qu'elle*  avaient  atteint  la  veille.  Un 
mouvement  aussi  brusque  a  inquiété  les  porteurs  d'actions  du 
Nord;  ils  ont  craint  qu'une  circonstance  spéciale,  connue  seule- 
ment des  vendeurs,  ne  fût  la  cause  de  cette  baisse. 

«  Nous  sommes  en  mesure  de  dissiper  ces  craintes  et  de  rassurer 
les  esprits,  en  expliquant  d'une  manière  précise  la  cause  de  la 
baisse  que  les  actions  ont  subie. 

«  Par  suite  de  la  rareté  des  titres  de  rente,  les  vendeurs  de 
5  0/0  à  découvert  sont,  sous  rinlluence  des  escomptes,  obligés  de 
fournir  les  titres  vendus.  L'abondance  des  capitaux  disponibles,  la 
quantité  de  rentes  achetées  journellement,  soit  pour  la  Caisse 
d'épargne,  soit  pour  les  gros  et  petits  capitalistes,  est  telle  que  les 
escomptes  sont  insuflisants  et  que  des  rachats  forcés  sont  par  suite 
nécessaires. 

«  Ces  rachats  sont  faits,  quand  il  y  a  lieu,  par  le  syndicat  des 
agents  de  change,  qui  fait  supporter  à  ceux  des  membres  du  par- 
quet qui  les  rendent  nécessaires  un  courtage  de  250  fr.  par  5,000  fr. 
de  rente,  au  lieu  du  courtage  ordinaire  de  50  fr.  La  différence  con- 
stitue une  espèce  d'amende  qui  a  pour  effet  de  limiter  la  spécula- 
tion à  la  baisse  en  la  rendant  onéreuse  pour  ceux  qui  s'y  livrent 
sur  une  grande  échelle. 

«  C'est  pour  échapper  à  la  pénalité  imposée  par  le  syndicat  et 
continuer  ses  opérations  sans  avoir  à  subir  les  conséquences  de 
l'escompte,  du  rachat  et  du  courtage  plein,  qu'un  agent  de  change 
connu  par  la  hardiesse  de  ses  spéculations  à  la  baisse,  a  vendu, 
à  la  Bourse  du  11  courant,  des  quantités  considérables  d'actions  du 
Nord,  et  a  ainsi  écrasé  les  cours  sur  cette  valeur. 

«  Voici  comment  son  opération  s'explique: 

«  Le  capital  du  chemin  du  Nord  étant  représenté  par  400,000 
titres,  l'agent  en  question  compte  que,  grâce  à  cette  abondance, 
il  pourra  satisfaire,  sans  grand  préjudice,  aux  ventes  qu'il  a 
effectuées,  et  qu'il  pourra  ainsi  rester  à  la  baisse  sans  courir  la 


-   135  — 

chance  de  voir  les  actions  qu'il  a  vendues  escomptées  ou  rachetées 
faute  de  titres  à  fournir;  et  comme  les  aiients  de  change  n'ont  pas 
de  courtage  à  payer,  la  double  liquidation  par  mois  n'a  pour  eux 
aucun  inconvénient. 

«  A  une  époque  comme  la  nôtre,  quand  tout  ce  qui  constitue 
un  privilège  ou  un  monopole  est  attaqué  avec  violence,  quand 
l'envie,  cette  lèpre  des  sociétés  modernes,  domine  les  esprits  et  les 
conduit  à  méconnaître  tous  les  bienfaits  que  produisent  les  oftices 
ministériels,  pour  n'en  signaler  que  les  abus  ou  les  inconvénients, 
les  titulaires  doivent  se  montrer  plus  prudents  et  plus  réservés 
qu'en  aucun  autre  temps.  Les  Chambres  syndicales  ont  un  plus 
grand  devoir  à  remplir;  leur  surveillance  doit  être  incessamment 
éveillée  sur  tous  les  faits  grands  et  petits.  Ceux  qui  se  sont  passés 
dans  plusieurs  Bourses  de  la  semaine  dernière  auraient  dû,  à  notre 
avis,  attirer  l'attention  de  l'honorable  syndic  des  agents  de  change, 
et  motiver  de  sa  part  des  avertissements  sévères  adressés  à  1-agent 
(|ui,  oubliant  sa  mission  et  ses  devoirs,  faisait  à  haute  voix  l'oflVe 
(les  valeurs  à  des  taux  successivement  inférieurs  aux  cours  véri- 
tables, et  cela  avec  une  affectation  si  marquée,  que  ses  collègues 
en  étaient  eux-mêmes  scandalisés. 

«  Cette  manière  d'opérer  est  des  plus  blâmables.  En  effet,  ou 
cet  agent  vendait  pour  le  compte  d'un  client,  et  son  devoir  alors 
était  d'opérer  les  ventes  aux  meilleurs  cours,  devoir  qu'il  mécon- 
naissait en  affectant  l'intention  de  les  affaiblir;  ou  au  contraire,  ce 
([ui  est  plus  probable,  il  vendait  pour  son  compte,  et  alors  il 
manquait  doublement  à  sa  mission  d'officier  ministériel,  qui  l'oblige 
à  s'abstenir  de  toute  affaire  personnelle  et  à  ne  pas  affaiblir  par  des 
manœuvres  le  cours  de  valeurs  qui  constituent  la  fortune  publique. 
J.  Mirés.  — Journal  des  Chemins  de  fer.) 

Les  manœuvres  que  nous  venons  de  signaler  sont  prévyes 
par  l'article  419  du  Code  pénal  : 

«  Tous  ceux  qui,  par  des  voies  ou  moyens  frauduleux  quelcon- 
ques, auront  opéré  la  hausse  ou  la  baisse  du  prix  des  denrées  ou 
marchandises,  ou  des  papiers  et  effets  publics  au-dessus  ou  au- 
dessous  des  prix  qu'aurait  di'terminés  la  concurrence  naturelle  et 
libre  du  commerce,  seront  punis  d'un  emprisonnement  d'un  mois 
au  moins,  d'un  an  au  plus,  et  d'une  amende  de  500,  à  10,000  fr. 
Les  coupables  pourront  de  plus  être  mis,  par  l'arrêt  ou  le  juge- 
ment, sous  la  surveillance  de  la  haute  police  pendant  deux  ans  au 
moins  et  cinq  ans  au  plus.  » 

Tout  cela  semble  fort  concluant,  n'est-il  pas  vrai?  mais 


—   13G  — 

tout  cela  pèche  par  la  base.  Quelle  loi  pciil  enipèclicr  un 
agent  de  change  de  posséder  des  litres  de  rente  et  des  actions 
de  chemins  de  fer?  Aucune.  La  qualité  de  rentier  et  proprié- 
taire d'actions  n'a  rien  d'incompatible  avec  celle  d'officier 
ministériel.  Étant  donc  ou  pouvant  être  légalement  pro- 
priétaire de  valeurs,  qui  peut  empêcher  l'agent  de  vendre? 
Qui  peut  l'empccher  d'acheter?  qui  peut  être  juge  mieux  que 
lui  do  l'opportunité  de  la  vente  et  de  la  suffisance  du  prix? 
■ —  Son  mandat,  dites-vous,  lui  défend  de  se  livrer  à  aucune 
opération  pour  son  compte  personnel.  N'est-ce  que  cela?  Il 
fera  ses  opérations  sous  le  nom  d'un  tiers,  ou  par  l'entre- 
mise d'un  collègue. 

«  Autour  de  l'agent  gravitent  toujours  cinq  ou  six  associés  com- 
niandHaires,  dont  plusieurs  n'ont  acheté  leur  fraction  de  charge 
que  dans  l'intention  de  jouer  avec  plus  de  sécurité,  et  surtout 
d'être  initiés  aux  grandes  opérations  de  la  place.  »  [Almanach  de 
la  Bourse  pour  1837.) 

Il  est  clair  d'après  cela  que  tout  agent  de  change  est  dans 
l'occasion  prochaine,  presque  dans  la  nécessité  de  forfaireà 
son  mandat.  Comment,  dès  lors,  n'en  chercherait-il  pas  les 
moyens?  Et  qui  nous  dit  que,  malgré  les  tours  qu'ils  se 
jouent,  la  corporation  tout  entière  des  agents  de  change  n'est 
pas  coalisée?...  Or,  la  porte  une  fois  ouverte  à  l'abus,  l'abus 
ne  connaît  plus  de  bornes.  Bientôt  il  juge  que  ces  précau- 
tions sont  hypocrisie  pure,  et  il  s'en  dispense  :  c'était  proba- 
blement le  cas  de  l'agent  tancé  par  M.  Mirés;  Du  contreban- 
dier au  brigand,  il  n'y  a  pas  l'épaisseur  d'un  cheveu ,  témoin 
Maendrin.  Mais  qui  fait  la  contrebande?  L'insolidarilé  uni- 
verselle. Nous  rentrons  dans  notre  thèse. 

Passons  à  d'autres. 

«  Le  prince  de  Talleyrand,  dit  M.  de  Mériclet,  avait  très-bien 
compris  la  difficulté  des  jeux  de  Bourse,  l'impossibilité  des  béné- 
fices en  jouant  pour  jouer.  Qunnd  il  faisait  une  opéiation,  il  la 
voulait  faiie  à  coup  sur.  Ce  n'était  jamais  qu'avec  l'appui  d'un 
secret  important,  ou  d'un  événement  dont  il  prévoyait  la  portée, 
qu'il  se  mettait  au  jeu.  Il  était  d'ailleurs  très-méliant.  Ce  fut  lui 
(pii  répondit  à  l'un  de  ses  amis,  qui  se  plaignait  d'avoir  été  trompé 
au  jeu  :  «  C'est  abominable;  mais  trouvez-moi  donc  un  autre  moyen 
«  de  casner!  » 


—  137  — 

L'auteur  cite  une  opération  dans  laquelle  oe  roué  de  la 
diplomatie  fut  pourtant  pris  au  piège  de  ses  finasseries.  11 
avait  fait  vendre  600,000  fr.  de  rentes  à  découvert  en  quel- 
ques jours.  L'agent  du  prince  n'était  pas  sans  inquiétude, 
car  la  tendance  à  la  hausse  était  nettement  accusée. 

«  Tout  à  COU])  on  apprend  l'intervention  de  la  France  en  Espa- 
gne. C'était  la  guerre,  et  la  guerre  effraye  toujours  la  lîourse.  Mais 
on  apprit  eu  même  teuips  que  les  puissances  étrangères  donnaient 
leur  assentiment  à  celte  intervention.  La  Bourse  ne  fut  nullement 
eflVayée,  et  la  rente  persista  à  monter.  La  vente  de  ces  (500,000  fr. 
produisit  une  perte  de  100,000  fr.  L'agent  présenta  lui-même  son 
compte  de  liquidation  au  prince,  qui  le  reçut  très-gracieusement, 
paya  sa  dette  et  se  contenta  de  dire  :  «  Nous  serons  plus  heureux 
«  une  autre  fois.  » 

Le  même  auteur  rapporte  qu'une  duchesse  de  R'^*'^  lui 
proposa  un  jour  de  l'associer  à  une  opération  du  genre  de 
celles  de  M.  de  Talleyrand. 

«  H  me  serait  possible,  dit-elle,  d'entr'ouvrir  les  rideaux  d'une 
r.'union  où  se  discutent  des  propositions  qui  ont  la  plus  grande 
influence  sur  les  cours  de  la  Bourse.  Je  m'étais  fait  un  davoir  de 
ne  jamais  user  des  secrets  dont  je  devinais  l'importance;  mais  la 
nécessité  a  opéré  une  transformation  dans  mes  idées.  Vous  sou- 
vient-il de  l'époque  où  la  Banque  de  France  réduisit  son  escompte 
de  5  à  4  0/0?  Quelques  paroles  amies  me  furent  condées;  j'achetai 
12,000  livres  de  rente.  Peu  de  jours  après,  cette  opération  me  valut 
quelques  mille  francs  de  bénélice.  Cette  circonstance  se  renou- 
vellera; la  réduction  sera  de  nouveau  réclamée,  ou  décidée  par  la 
Banque  elle-même.  Vous  comprenez  l'importance  dune  telle  dé- 
cision; vous  êtes  un  homme  d'intelligence  et...  d'argent,  comme 
tous  les  hommes  de  notre  époque.  Ce  ne  sont  pas  des  nouvelles 
politiques  qui  n'ont  rien  de  décisif;  ce  sont  des  certitudes  d'une 
opération  qui  ne  peut  faillir;  c'est  une  pluie  d'or,  ou  plutôt  une 
victoire  ga;inée  sans  les  hasards  du  combat.  »  [La  Bourse  de 
Paris.) 

Lors  de  la  prise  de  Sébaslopol,  le  gouvernement ,  impa- 
tient d'annoncer  au  public  le  succès  de  son  expédition ,  lit 
aflicher  la  nouvelle  à  la  Bourse  aussitôt  (pi'elle  lui  fut  con- 
nue. Ce  ne  fut,  parmi  les  spéculateurs,  qu'un  cri  d'admira- 
tion sur  le  désintéressement  de  l'empereur  et  de  ses  minis- 


—  138  — 

lres,quilivraientimmé(liatemenlàla  publicité  un  événement 
aussi  grave,  dont  ils  pouvaient  tirer  de  merveilleux  profits 
en  le  divulguant  seulement  quehjues  heures  plus  tard. 
Celte  admiration  n'était  point  de  l'ironie,  mais  de  la  na-ïveté: 
elle  donne  la  mesure  de  riionnèleté  des  admirateurs  et  de  ce 
qu'ils  eussent  fait  s'ils  avaient  été  au  pouvoir.  C'est  la  honte 
d'un  pays  que  son  gouvernement  reçoive  de  pareils  éloges. 

Rappellerons-nous  la  concession  des  mines  de  Gouhenans 
et  la  condamnation  de  MM.  Teste,  Despans-Cubières  et  Pel-, 
lapral?  Le  financier  de  l'entreprise  disait  avec  une  candeur 
pileuse,  en  parlant  des  pairs  qui  les  avaient  condamnés  : 
<(  Mais  ces  gens-là  n'ont  donc  jamais  fait  d'affaires!  »  11  avait 
cent  fois  raison.  Le  procès  Teste  et  Cubières  ne  fut  qu'une 
satisfaction  donnée  à  l'esprit  révolutionnaire  par  le  gouver- 
nement bourgeois. 

Dans  une  société  fondée  sur  le  principe  de  l'inégalité  des 
conditions,  le  gouvernement ,  quel  qu'il  soit,  féodal,  théo- 
cratique,  bourgeois,  impérial,  se  réduit,  en  dernière  ana- 
lyse, à  un  système  d'assurance  de  la  classe  qui  exploite  et 
possède  contre  celle  qui  est  exploitée  et  ne  possède  rien. 

Or,  les  hommes  chargés  d'exercer  un  tel  pouvoir,  qui  sont- 
ils?  De  grands  propriétaires,  naturellement,  de  grands  spé- 
culateurs, des  capitalistes,  des  financiers,  de  gros  industriels, 
des  entrepreneurs  de  travaux  publics,  des  fournisseurs  du 
gouvernement,  des  concessionnaires  de  l'État,  des  adminis- 
trateurs-fondateurs de  toutes  les  compagnies  anonymes. 

Aucune  loi  n'a  déclaré  ces  fonctions  et  celle  de  ministre 
incompatibles.  Loin  de  là,  les  chefs  de  l'aristocratie  sont  les 
prédestinés  du  ministère  :  l'inverse  impliquerait  contra- 
diction. De  tout  temps  les  fonctions  publiques  ont  été  regar- 
dées comme  la  récompense  de  la  capacité,  du  génie,  du  pa- 
triotisme, c'est-à-dire  comme  une  occasion  de  faire  fortune  : 
la  seule  vertu  qu'on  demande,  en  celte  occasion,  à  un  mi- 
nistre, est, d'en  user  avec  modération,  discrétion.  La  Révo- 
lution, il  est  vrai,  aspire  à  changer  ce  régime,  parfaitement 
honorable  sous  nos  anciens  rois,  témoin  Colbert  :  elle  ne 
peut  pas  se  vanter  jusqu'ici  d'y  avoir  mis  fin.  C'est  la  démo- 
cratie qui  a  condamné  M.  Teste  :  or,  la  démocratie,  qu'elle 


—  139  — 

le  saclie,  cesl  la  mulualilé  universelle.  En  droit  et  aux 
termes  du  Code,  le  malheureux  ministre  était  coupable;  en 
fait,  et  d'api  es  les  us  et  coutumes,  plus  ou  moius  avoués  et 
officiels,  de  tous  les  gouvernemiMits,  il  pouvait  se  dire  sans 
reproche.  La  bourgeoisie  doit  réparation  à  sa  mémoire. 

Si  donc  il  est  absurde  que  sous  un  régime  de  concession, 
de  spéculation,  de  guerre  (iuaucière  et  industrielle,  un  bour- 
geois n'arrive  aux  affaires  que  pour  s'exclure,  qui  osera 
dire  que  ce  même  bourgeois,  doveiui  ministre,  doive  laisser 
périr  sa  fortune,  engagée  dans  la  circulation  générale,  plu- 
tôt que  de  la  retirer  à  propos;  que  s'il  lui  est  permis  de  réa- 
liser sans  bénéfice,  et  pour  éviter  un  désastre  facilement 
prévu,  il  lui  sera  interdit  d'opérer  avec  bénéfice,  et  pour 
réparer  une  ruine?... 

Tout  cela  se  tient  et  s'enchaîne.  Il  n'y  a  pas  de  limite 
posée  entre  le  droit  et  le  non-droit;  et  si  une  loi  d'envie  se 
montre  à  la  traverse  et  oppose  son  veto,  la  logique,  disons 
même  l'équité,  proteste  contre  elle. 

Mais  il  n'est  pas  donné  à  tout  le  monde  d'être  ministre, 
de  vendre  des  concessions  ou  de  spéculer  avec  les  secrets  de 
l'État.  Aussi  les  habiles  ont-ils  su  trouver  des  combinaisons 
de  sociétés,  des  cumuls  d'attributions,  des  agences  de  pu- 
blicité non  moins  productives  qu'une  position  officielle  aux 
mains  d'un  fonctionnaire  malversateur. 

«  Le  Crédit  mobilier,  dit  M"  Berryer  dans  le  procès  Goupy,  est 
la  plus  grande  maison  de  jeu  qui  ait  jamais  existé  dans  le  monde. 
Il  ne  faut  pas  se  payer  de  vains  mots,  il  y  en  a  de  magnifiques,  je 
le  sais:  la  protection  de  l'industrie,  raffrancliisrement  du  crédit 
de  l'État,  le  développement  du  crédit  pai'tifulier,  la  consolidation 
de  toutes  les  valeurs  industrielles,  c'est-à-dire  un  rêve.  Tout  cela 
c'est  l'apparence  :  ils  ont  donné  au  jeu  un  nom  nouveau,  ils 
rappellent  d.uis  leurs  rapports  l'industrie  du  crédit. 

«  La  Société  du  crédit  mobilier  avait  annoncé  déjà,  dans  un  de 
ses  rapports,  rinsutdsance,  pour  les  immenses  opérations  aux- 
quelles elle  se  livre,  de  son  capital  de  (iO  millions.  Le  succès  pro- 
digieux qu'elle  avait  obtenu,  je  n'examine  pas  comment,  nécessi- 
tait un  accroissement  de  capital.  Au  mois  d'août  J833,  on  com- 
mence à  annoncer  que  le  dividende  pour  l'année  de  ces  actions,  au 
capital  de  .^OO  fr.,  sera  de  200  fr.  au  moins.  Cette  annonce  anti- 


—   140  — 

cipée  circule  sur  la  place.  Les  gens  bien  inslruils,  bien  avisrs,  se 
trompent  souvent  dans  la  confiance  qu'ils  mettent  aux  rapports 
qui  leur  sont  laits.  Mais  enlin  ce  bruit  est  répandu  avec  assez  d'ha- 
bileté :  il  y  a  plus  de  200  fr.  de  dividende  pour  1835.  Là-dessus, 
des  journaux,  dont  le  langage  change,  j'en  conviens,  à  certaines 
époques,  se  montrent  lrès-1'avorables  à  la  compagnie  du  Crédit 
mobilier. 

«  Le  Journal  des  Chemins^  de  fer  de  M.  Mirés,  entre  autres,  an- 
nonce qu'il  existe  pour  la  Compagnie  du  Crédit  mobilier  un  projet 
de  diviser  les  actions  en  coupons  de  230  t'r.  et  de  doubler  le  capital 
en  donnant  une  action  nouvelle  au  pair  à  chaque  aciion  ancienne. 
On  aflirmait  ailleurs  qu'il  n'en  était  pas  encore  question,  et  qu'il 
fallait  ranger  cette  rumeur  parmi  celles  qu'une  spéculation  ellré- 
née  répand  pour  en  profiler  et  obtenir  des  mouvements  factices. 
A  qui  fallait-il  imputer  la  spéculation  effrénée  ?  Je  n'en  sais  rien. 
Mais  le  public,  daps  lequel  on  faisait  circuler  qu'il  y  aurait  à  la  fin 
de  1833  un  dividende  de  200  fr.  au  moins,  n'était  pas  induit  en 
erreur.  C'était  une  prévision  singulière  sur  l'exercice  1833,  qui 
avait  encore  cinq  grands  mois  à  courir,  que  de  déterminer  qu'il  y 
aurait  200  fr.  de  bénéfices  à  la  fin  de  l'année,  sans  savoir  quels 
événements  pourraient  survenir.  Nous  étions  en  pleine  guerre;  on 
ne  savait  pas  quels  besoins  l'État  pourrait  éprouver,  quelles  négo- 
ciations détourneraient  de  certaines  valeurs  les  capitaux  poui'  les 
porter  dans  les  caisses  du  Trésor,  qui  auraient  peut-être  besoin 
d'être  remplies.  Prévoir  la  paix  était  une  difficulté  bien  grande 
pour  tous  les  esprits,  à  cette  époque-là.  Mais  la  Compagnie  du 
Crédit  mobilier  en  savait  assez.  Le  public  était  éclairé  par  elle. 
Cei  tainement,  à  la  fin  de  1833,  il  y  aurait  200  fr.  de  dividende. 

«  Dans  le  projet  d'augmentation  du  capital,  les  nouveaux  titres 
sont  réservés  aux  précédents  actionnaires.  En  conséquence,  il  n'y 
a  que  ceux  qui  sont  porteurs  d'actions  de  la  Compagnie  qui  vont 
avoir  dans  des  conditions  très-avantageuses,  au  pair,  au-dessous 
même  du  pair,  parce  qu'il  y  aura  des  primes  accordées,  les 
actions  nouvelles  qui  vont  être  émises.  Évidemment  il  n'y  a  pas 
de  meilleur  moyen  de  faire  deux  choses  à  la  fois  :  1°  d'appeler 
des  capitaux  à  venir  prendre  part  à  de  si  larges  festins;  2"  de 
déterminer  la  hausse  des  actions  dont  on  est  porteur  ou  qui  sont 
en  circulation. 

«  Ce  qui  n'était  qu'une  rumeur  au  commencement  prend  de  la 
consistance  :  le  1"  septembre,  les  journaux  annoncent  que  défini- 
tivement l'accroissement  du  capital  de  la  Compagnie  va  avoir  lieu 
au  moyen  d'obligations  émises  à  280  fr.^  dont  200  fr.  payables  en 


-  Hl    - 

souscrivant,  et  80  IV.  le  l''"  mars  ISjU.  Les  coupons  des  actions  du 
Crédit  mobilier  à  échoir  les  1  ^'■janvier  et  !«'  juillet  prochains  seront 
acceptés  comme  argent  en  payement  du  premier  terme  desobhga- 
lions,  sur  le  pied  de  :200  fr, 

»Les  annonces  qui  ont  été  faites  dans  les  journaux  par  la  Com- 
pagnie du  Crédit  mobilier  sont  insérées  au  Moniteur  exactement 
dans  les  mêmes  termes. 

«  Le  bruit  si  prématurément  répandu  dans  le  public,  au  mois 
d'août,  que  les  actionnaires  du  Crédit  mobilier  allaient  toucher 
immédiatement  un  dividende  de  200  ir.  en  acceptant  des  obliga- 
tions qui  serviraient  à  augmenter  le  capital  de  la  Compagnie,  ce 
bruit  a  produit  un  effet  que  vous  comprenez  facilement.  Tout  le 
monde  a  couru  ajtrès  les  actions  du  Crédit  mobilier,  et  du  taux 
déjcà  considérable  de  1,200  fr.,  si  je  ne  me  trompe,  vous  les  voyez 
monter,  vers  la  fin  d'août,  au  prix  de  1,300  fr.  et  de  1,400  fr.  Le 
6  et  le  8  septembre,  les  |)ublications  officielles  certifient  ce  qui  n'é- 
tait encore  qu'insinué,  que  glissé  dans  la  rumeur  publique.  La 
hausse  prend  un  élan  nouveau.  Elle  atteint  et  dépasse  1,000  fr. 
avec  la  rapidité  de  l'éclair.  Cette  hausse,  il  est  bien  évident  que 
c'est  l'engagement  pris  par  la  Compagnie  qui  l'a  produite. 

«  Mais  voilà  que  parait  au  Moniteur,  sous  la  date  du  28  se|i- 
tembre,  c'est-à-dire  l'avant-veille  de  la  liquidation,  et  au  mé[)ris 
de  la  promesse  de  délivrer  jusqu'au  o  octobre  des  obligations  à 
quiconque  apporterait  des  actions  à  la  Compagnie  du  Crédit  mo- 
bilier, im  avis  annonçant  que  la  Société  générale,  pour  entrer 
dans  les  vues  du  gouvernement,  n'émettra  pas  d'obligations  nou- 
velles. 

«Vous  comprenez.  Messieurs,  l'effet  produit  par  un  pareil  avis. 
Autant  les  engagements  formellement  pris  à  l'appel  fait  à  qui- 
conque serait  porteur  d'actions  avaient  provoqué  à  acheter,  autant 
la  nouvelle  que  le  payement  immédiat  du  dividende  en  obligations 
n'aurait  pas  lieu  devait  provoquer  à  revendre.  Aussi  les  actions 
(pii  avaient  été  à  l,6.jo  fr.  tombent  subitement  à  1,200,  et  même 
à  1,100  fr.  Ainsi,  dans  l'espace  de  six  semaines,  il  y  avait  eu 
hausse  de  oOO  fr.,  tant  sur  la  rumeur  que  sur  l'annonce  oflicielle 
que  des  obligations  allaient  être  délivrées  aux  actionnaires,  et  en 
moins  de  vingt  jours,  il  y  a  eu  baisse  de  .'ioo  fr.,  par  suite  de  la  ré- 
tractation spontanée  de  la  Compagnie  du  Crédit  mobilier.  » 

C'est  à  celte  époque,  et,  —  si  nous  sommes  bien  informé, 
—  sur  cette  même  opération  décrite  par  M^  Berryer,  que 
les  spéculateurs  d'une  seule  ville  de  province,  Nancy,  per- 


—   142  — 

dirent  ensemble  contre  ceux  de  Paris  une  dizaine  de  mil- 
lions. Il  s'ensuivit  de  graves  sinistres  commerciaux  et  la 
liquidation  de  plusieurs  maisons  de  banque  de  la  localité. 

A  défaut  de  mesures  répressives  contre  de  pareilles  ma- 
nœuvres, le  substitut  du  procureur  impérial,  M.  Plnatd, 
crut  devoir  au  moins  prononcer  quelques  paroles  sévères: 

«  On  nous  a  donné  la  liste  des  grandes  entreprises  que  le  Crédit 
mobilier  avait  fait  naître,  soit.  On  nous  a  parlé  de  ses  services 
industriels,  soit  encore.  Mais,  au  milieu  de  ia  lièvre  de  l'époque, 
au  milieu  de  cet  amour  elfréné  du  jeu  et  de  ces  luttes  éperdues, 
est-ce  que  le  Crédit  mobilier  n'a  pas  de  reproches  à  se  faire?  Cette 
fièvre,  l'a-t-il  calmée  ou  l'a-t-il  excitée?  Ces  entraînements,  ne  les 
a-t-il  pas  doublés?  Est-ce  qu'en  multipliant  les  entreprises  au  delà 
des  forces  de  la  place,  en  les  jetant  à  l'avidité  des  joueurs  avec 
ces  certitudes  de  primes  énormes  doublées  par  la  spéculation  de 
tous,  en  escomptant  l'avenir  au  profit  du  présent,  il  n'a  pas  créé, 
avec  d'autres  qui  doivent  partager  sa  responsabilité,  de  sérieux 
périls  pour  la  morale  publique  et  les  intérêts  matériels  eux-mêmes? 
Les  reports,  sous  l'action  d'une  situation  si  tendue,  ne  sont-ils  pas 
devenus  la  loi  normale  de  la  place? 

((  Ne  faut-il  pas  à  cliaque  liquidation  30  ou  AO  millions  de 
reports  pour  sauver  les  joueurs  en  les  excitant?  Et  le  jour  oij  ce 
moyen  périlleux  de  vivre  et  de  marcher  manquerait  un  instant,  le 
jour  où  l'arc  trop  tendu  se  briserait,  que  de  pertes,  que  de  deuils 
de  familles,  que  de  morts  et  de  blessés,  puisqu'un  des  administra- 
teurs du  Crédit  mobilier  lui-même  est  tombé  récemment  sur  le 
champ  de  bataille!  Voil<à  le  bilan  moral  et  financier  que  vous 
oubliez,  et  que  la  parole  impartiale  du  ministère  public  doit  jeter 
dans  la  balance  du  passif,  quand  on  vante  sans  réserve  les  mer- 
veilles de  vos  opérations.  » 

Les  directeurs  du  Crédit  mobilier,  les  premiers  et  les  plus 
ricbes  financiers  de  France,  avec  un  capital  de  60  millions 
et  une  centaine  de  millions  décomptes  courants  annuels, 
semblent  défier  toute  concurrence.  De  fait,  il  n'y  a  que  re- 
vers à  qui  joue  contre  eux.  Mais  il  est  possible  de  glaner  où 
ils  moisso ment.  C/est  ce  qu'ont  pensé  MM.  Mirés,  Vergniolle 
et  Amail,  en  créant,  le  premier  la  Caisse  générale  des  Che- 
mins de  fer,  le  second,  la  Caisse  centrale  de  l'Industrie,  le 
troisième,  la  Caisse  générale  des  Actionnaires. 


—  143  — 

L'objet,  de  ces  diverses  entreprises  est  le  même  :  acheter 
et  vendre,  vendre  et  acheter  des  valeurs  et  effets  publics  ; 
acheter  en  baisse,  vendre  en  hausse,  encaisser  des  primes  ; 
agioter  avec  le  moins  de  risques  possible,  conformément  au 
principe  de  la  spéculation  expec  tante.  (Voyez  p.  119.) 

Pour  ce  faire,  voici  la  combinaison  aussi  simple  qu  habile 
imaginée  par  ces  compagnies,  ou  mieux,  empruntée  à  la 
Société  type,  le  Crédit  mobilier. 

On  fait  appel  aux  actionnaires,  qui  viennent  échangerleur 
argent  contre  des  actions,  du  papier,  s'enlevant  ainsi  à  eux- 
mêmes  le  moyen  d'agir  sur  la  place  :  une  concurrence  de 
moins.  On  concentre  dans  les  mains  de  quelques  directeurs 
5  millions  (Société  Vergniolle),  25  millions  (Société  Amail), 
50  millions  (Société  Mirés)  ;  on  centuple  leur  action  :  coali- 
tion de  plus.  On  nomme  un  comité  de  direction. 

«  La  position  de  membre  du  comité  de  direction,  dit  le  Journal 
des  Chemins  de  fer,  à  propos  de  la  déconfiture  de  M.  Place,  est 
généralement  enviée,  parce  qu'elle  donne  le  secret  des  op('rations, 
qui  ne  sont  pas  ordinairement  connues  des  autres  administrateurs. 
Le  comité  de  direction  connaît  seul  la  situation  de  !a  place;  il  dé- 
termine l'action  que  la  Compagnie  doit  exercer  sur  elle,  soit  qu'il 
facilite  par  des  reports  une  situation  tendue,  soit  que  les  néces- 
sités ou  des  combinaisons  d'un  autre  genre  l'oblipent  d'abandonner 
le  marché  à  ses  pnipres  ressources;  enlin  il  sait  si  la  Société  est 
en  mesure  de  pallier  celte  situation  en  donnant  à  bon  marché  les 
capitaux  nécessaires  à  la  liquidation. 

«  La  situation  particulière  oh  se  trouve  ce  comité,  le  mettant  k 
même  de  prévoir  les  mouvements  de  la  Bourse,  donne  aux  admi- 
nistrateurs qui  en  font  partie  un  crédit,  une  importance  qui  expli- 
quent la  conliance  dont  ils  sont  investis  et  la  facilité  avec  laquelle 
un  certain  nombre  de  banquiers  ont  donné  à  M.  Place  des  sommes 
considérables  pour  les  faire  valoir. 

«  Or  de  deux  choses  l'une  :  ou  ces  capitaux  ont  été  confiés  à 
M.  Place  pour  les  faire  valoir  dans  des  affaires  industrielles,  et 
alors  on  s'étonnera  que  ces  capitaux  n'aient  pas  été  mis  dans  les 
alVaires  faites  par  le  Crédit  mobilier  lui-même;  ou  bien  ces  capi- 
taux ont  été  destinés  à  des  opérations  de  Bourse,  et  l'on  regrettera 
que  des  sommes  aussi  considérables  aient  été  détournées  des- 
grandes entreprises  industrielles  pour  être  portées  vers  le  jeu.  » 
Ons'élonnern,  on  regrettera  ^\o\\k  donc  le  dernier  mot  de 


—  lU  — 

la  prudence  des  actionnaires  et  des  déposants  de  sommes  en 
comptes  courants,  leur  dernier  recours  contre  un  détourne- 
ment de  destination. 

Eh  quoi!  vous  placez  un  homme  dans  la  position  d'em- 
ployer sans  contrôle  des  capitaux  assez  considéral)les  pour 
diriger  le  marché  à  la  hausse  ou  à  la  baisse  5  vous  lui  donnez 
la  facilité  d'opérer  pour  son  compte,  non  point  sur  un  se- 
cret dÉtat,  mais  sur  une  décision  bien  ])lus  cfticace  encore, 
prise  à  huis-clos,  à  son  instigation;  déjouer  contre  les  ac- 
tionnaires, contre  les  prêteurs,  contre  la  Société  qu'il  re- 
présente, de  s'acheter  à  lui-même,  en  qualité  de  membre  du 
comité,  des  valeurs  qu'il  possède  comme  simple  particulier  : 
et  contre  les  abus  d'une  telle  situation,  au  milieu  d'un 
mondé  qui  sue  le  dol  et  la  fraude  par  tous  les  pores,  vous 
n'avez  qu'un  frein,  la  conscience  du  mandataire!  Triples 
sots '.Vous  le  traiteriez  lui-même  d'imbécile,  s'il  s'arrêtait  à 
des  scrupules. 

Cependant  les  compagnies  de  jeu,  car  celles  qui  nous  oc- 
cupent ne  sont  pas  autre  chose,  distribuent  des  dividendes 
merveilleux.  Celui  du  Crédit  mobilier  a  été  de  203  fr.  70  en 
1855.  M.  Amail  a  voulu  essayer  ses  forces  au  préalable  sur 
un  fonds  commun,  dont  il  a  tiré  27  0/0  en  cinq  mois  5  c'est 
S!ir  la  foi  de  cette  expérience  qu'il  s'est  décidé  à  mettre  en 
commandite  son  habiletc^  sn  prudence,  et  la  vertu  bien  con- 
nue de  M.  Jourdan  !  La  Société  Mires  a  donné  69  fr.  en  1854, 
79  90  en  1855-,  la  Société  Vergniolle  20  0/0. 

Certes  la  prospérité  de  l'entreprise  est  trop  de  l'intérêt 
des  directeurs  pour  qu'ils  la  laissent  péricliter;  c'est  le  le- 
vier qui  fait  to:ite  leur  force,  sans  lequel  ils  ne  seraient, 
comme  M.  Tartempion  et  M.  Cocpiardeau,  que  de  simples 
joueurs,  ballottés  sans  boussole  au  milieu  des  tempêtes  et  , 
des  éciieils.  Mais  les  directeurs  n'ont-iis  fait  d'autres  |)ro- 
fits  que  le  tant  pour  cent  réservé  à  la  gérance?  Ont-ils  spé- 
culé pour  leur  compte? 

Les  240,000  actions  des  immeubles  Rivoli  ont  primé  en 
moins  il'un  an  de  70  fr.  C'était  une  affaire  menée  par  le  Cré- 
dit mobilier.  A  ce  taux,  c'était  un  bénéfice  de  16,800,000  fr. 
ou  70  0/0.  Si  le  Crédit  mobilier  rendait  des  comptes,  nous  ' 


—  J15  — 

saurions  ce  que  lui  a  produit  cette  entreprise.  En  nattri- 
buant  que  35  0/0  à  la  compagnie  et  autant  aux  directeurs, 
l'afl'aire  était  encore  belle  pour  tout  le  monde.  Si  c'est  là  une 
hypothèse,  elle  porte  seulement  sur  les  clnlFies;  le  fait  est 
praticable,  vraisemblable,  avoué  par  «  Tenvic  dont  la  posi- 
«  tion  de  membre  du  comité  de  direction  est  l'objet.  » 

Cela  vous  révolte,  ami  lecteur.  Mais  remarquez  que  la  loi 
ni  les  principes  n'ont  le  plus  petit  mol  à  dire. 

Un  homme  a  la  ré|)utation  d'être  \in  grand,  un  habile 
entrepreneur.  La  confiance  générale  lui  est  acquise  :  Ions 
les  capitaux  sollicitent  la  préférence  de  ses  actions.  Voyez- 
vous  là  un  crime? 

Or  cet  homme  n'est  point  infaillible,  et  n'entend  nulle- 
ment se  donner  pour  tel.  Ses  conc('|)tions  ont  été  souvent 
heureuses  :  quelquefois  aussi  il  a  éprouvé  des  mécomptes. 
C'est  AUX  capitalistes  d'aviser. 

Eh  bien!  il  croit  que  la  construction  d'un  hôtel  comme 
Thôtel  Rivoli  est  une  excellenteatîaire;  il  prouve  la  sincérité 
de  son  opinion,  d'abord,  en  retenant  poin'  lui-même  une 
masse  d'actions,  puis  en  les  revendant  à  la  hausse;  chose 
dont  se  garderait  sa  délicatesse  s'il  supposait  l'alliiire  mau- 
vaise ou  seulement  douteuse.  Y  a-t-il  dans  tout  cela  ombre 
de  tromperie? 

11  est  vrai  que  les  actions  tombent  après  que  notre  homme 
a  réalisé  ses  |)rimes,  ce  qui  lait  murmurer  les  déconfits.  Mais 
ijuel  tribunal  oserait  l'accuser?  Esl-il  responsable,  après 
tout?  Et  parce  que  son  opinion  vaut  crédit,  et  que  son  cré- 
dit fait  pi'ime,  irez-vous  lui  demander  des  comptes?  Vous 
avez  spéculé  sur  son  habileté,  mais  non  pas  sur  sa  garantie: 
c'était  à  prendre  ou  à  laisser. 

Le  rapporteur  «lu  Crédit  mobilier,  après  Tiiosanna  sur  la 
pros[)Grité  de  rentre|)rise,  ajoute  d'un  ton  dolent: 

«  C'est  en  de  pareilles  circonstances  qu'on  se  livrait  centre  nous 
à  la  polémique  la  plus  violente,  abusant  ainsi  du  silence  qu'un 
établissement  comme  le  nôtre  est  tenu  de  garder  sur  ses  opéra- 
lions.  » 

Le  silence  et  le  mystère!  c'est  le  contraire  des  entreprises 
individuelles  qui  ne  croient  jamais  faire  trop  de  bruit  de 

u 


—  146  — 

leurs  receltes,  de  la  balance  favorable  de  leurs  comptes,  du 
développement  de  leur  trafic,  et  qui  pèchent  juste  par  l'op- 
posé :  l'excès  de  réclames  et  de  mensonges. 

Les  petites  compagnies,  créées  à  l'image  du  Mobilier,  ne 
sont  pas  moins  discièles.  Pourtant  elles  ont  chacune  un 
journal;  mais  c'est  pour  faire  la  critique  des  compagnies 
industrielles  dont  les  valeurs  servent  d'enjeu. 

Sous  le  régime  de  mouopole  fait  à  la  presse,  c'est  une 
puissance  considérable  qu'un  journal.  Quels  sont  les  lecteurs 
capables  de  distinguer  une  annonce  payante  d'une  critique 
sérieuse?  Qui  les  garantit  que  l'article  le  plus  indépendant 
en  apparence  n'a  pas  été  payé  au  rédacteur  en  actions  au 
pair  ou  de  toute  autre  façon  ?  Pourquoi  les  bulletins  finan- 
ciers et  les  cours  ne  s'accordent-ils  pas  entre  eux? 

Tous  les  jours  on  peut  lire  dans  la  Presse,  page  3,  aux 
annonces  : 

a  M.  Lauvray,  rédacteur  du  Bulletin  financier  de  la  Presse,  est 
attaché  à  la  Caisse,  14,  rue  Grange-Batelière,  pour  achats,  ventes 
et  reports  en  valeurs  françaises  et  étrangères.  » 

On  ne  saurait  y  mettre  plus  de  candeur  que  M.  Lauvray. 
Comment  nes'aperçoil-il  pas,  comment  M.  de  Girardin,  son 
patron,  ne  lui  fait-il  pas  sentir  que  ce  sont  là  des  fonctions 
incompatibles?  D'autres  font  ce  que  fait  M.  Lauvray,  et  se 
gardent  bien  de  l'annoncer  à  son  de  trompe.  S'il  s'agissait  de 
décerner  un  prix  d'innocence,  nous  savons  bien  qui  aurait 
notre  suffrage  ;  mais  n'est-il  pas  honteux  pour  un  journal 
d'une  aussi  grande  réputation  que  la  Presse  de  donner 
l'exemple  d'une  pareille  bonhomie...  en  affaires? 

Un  directeur  qui  a  l'oreille  d'un  journaliste  vend  en  une 
Bourse  quelques  actions  à  un  compère,  à  un  prix  tout  à  fait 
arbitraire,  et  fait  annoncer  le  lendemain  que  les  valeurs  font 
prime,  quand  elles  ne  sont  ni  demandées  ni  offertes. 

La  première  condition  pour  une  valeur  est  de  vivre  5  et 
les  valeurs  ne  vivent  que  par  l'offre  et  la  demande.  Faites- 
les  mouvoir,  comme  le  pè(  heur  qui  tire  la  ligne  :  vous  êtes 
sijr  d'amorcer  tous  les  jours  quelques  acheteurs  de  province. 
Lorsque  le  Constitutionnel,  le  Paijs  et  le  Journal  des  Che- 
mins de  fer  poussent  à  la  hausse  sur  une  valeur,  (|ui  pourrait 


—  147  — 

résister  à  un  si  touchant  accord?  Le  public  sait-il  que  ce 
sont  trois  porte-voix  à  une  seule  embouchure? 

Les  journaux  voués  spécialement  aux  alTaircs  financières, 
outre  la  faculté  de  donner  leur  avis,  favorable  ou  défavora- 
ble, sur  les  valeurs  dans  lesquelles  les  rédacteurs  ont  des 
intérêts  engagés,  ont  encore  une  correspondance  publique 
avec  les  spéculateurs  qui  les  ont  choisis  pour  oracles.  Ils 
écrivent,  sans  désigner  toutefois  l'entreprise  dont  ils  par- 
lent : 

«  Bonne  affaire,  dont  la  baisse  n'est  sans  doute  que  momenta- 
née, par  ^uite  d'embarras  de  place;  gardez,  vous  verrez  une  re- 
prise. —  Vendez.  —  Se  relèvera.  — Acceptez  avec  empressement. 

—  Hàtez-vcus  de  souscrire,  vous  et  les  amis  dont  vous  parlez.  — 
La  valeur  est  bonne  et  d'un  bel  avenir.  —  Nous  ne  sommes  pas 
plus  rassurés  que  vous  sur  celle  valeur.  —  Votre  placement  est 
toujours  sur.  » 

Tout  est  bon  à  la  réclame,  journaux,  revues,  annuaires, 
guides,  almanachs;  tout  sert  d'occasion,  de  prétexte,  do 
moyen,  même  la  morale,  à  cette  industrie  de  sycophantes. 
Il  est  bien  à  vous,  dirons-nous  à  V Almanach  de  la  Bourse,  de 
distribuer  aux  spéculateurs  vos  précieux  conseils;  mais  de 
quel  droit,  faisant  la  revue  des  valeurs  cotées,  vous  permet- 
tez-vous de  dire  :  Chemins  de  fer  du  Midi,  n'achetez  pas. 

—  Chemin  de  fer  Victor-Emmanuel ,  n'achetez  a  aucun 
l'Rix.  —  Fonds  espagnols,  idem.  —  Compagnies  marilimes, 
MAUVAIS  PLACEMENT,  elc.  Oubliez-vous  que  sous  ces  désigna- 
tions, il  n'y  a  pas  seulement  une  table  de  jeu,  qu'il  y  a  aussi 
une  réalité  industrielle,  une  entreprise  à  laquelle  il  ne  vous 
est  pas  permis,  par  vos  dénonciations  téméraires,  de  porter 
préjudice?  Que  savez-vous  si  cette  affaire  que  vous  signalez 
comme  mauvaise  ne  deviendra  pas  excellente;  si  cette  autre 
que  vous  recommandez  comme  sûre  ne  tombera  pas  ])ientôt 
en  faillite? 

On  ne  sait  en  vérité  lequel  on  doit  le  plus  admirer,  de 
laveugle  confiance  des  demandeurs  d'avis  ou  de  la  présomp- 
tion des  conseillers. 

L'organe  de  M.  Vergniollc  s'intitule  l'Industrie,  cest  en 


—  148  — 
quelque  sorte  le  moniteur  du  Crédit  fonciei'  :  il  a  [)Our  ré- 
dacteurs MM.  Ch.  Fabas,  E.  Villars.  A.  Ilouault. 

M.  Mirés,  lÉgério  du  Pays  et  du  Constitutionnel,  rédige 
en  outre  le  Journal  des  Cli^niins  de  fer,  avec  la  collabora- 
tion de  MM.  C.  Devina  et  Biaise  (des  Vosges). 

On  assure  qu'à  celte  publicité,  déjà  si  considérable,  il 
joindra  bientôt  celle  du  Siècle,  dont  il  serait,  dil-on,  le  plus 
fort  actionnaire.  Il  serait  plaisant  de  voir  M.  Mirés,  qui  tient 
l'empire  par  le  Patjs  et  le  Constitulionn'd,  mettre  avec  le 
Siècle  la  ré|Miblique  dans  sa  poche.  Espérons  que  les  hono- 
rables rédacteurs  de  la  feuille  démocratique  sauront  défendre 
celte  dernière  forteresse  de  la  révolution. 

Le  Journal  des  Actionnaires,  organe  de  la  Société  Amail, 
a  pour  rédacteurs  MM.  Louis  Jouidan,  Lefranc,  Xavier 
Eyma. 

M.  Louis  Jourdaii,  que  tous  ceux  qui  le  connaissent  s'é- 
tonnent de  rencontrer  en  pareille  synagogue,  un  homme 
que  ses  vertus  privées  placent  hors  ligne;  apùtie  du  Très- 
Haut,  qu'il  prêche  aux  athées;  vicaiie  du  |)ioplièle  En- 
fantin, à  qui  seul  il  est  resté  fidèle;  adversaire  des  jésuites, 
champion  des  nationalités;  M.  Louis  Jourdan,  parlant  le 
jargon  de  l'agio,  couvant  la  prime  dans  le  Journal  des  Ac- 
tionnaires^ en  môme  tem|)s  qu'il  évangélise  les  abonnés  du 
Siècle  de  sa  parole  d'archevêque,  nous  olTie  un  type  de  plus 
à  ajouter  à  ceux  que  nous  connaissons  déjà,  celui  du  déinoc. 
soc.  devenu  bouisier.  Brutusaux  champs  de  Philippcs déses- 
père de  la  Bépublique  et  de  la  Vertu,  et  se  tue.  Comment 
M.  Jourdan,  qui  ne  désespère,  nous  le  dirons  pour  lui,  ni  de 
■  l'une  ni  de  l'autre,  s'est-il  fait  maquignon  dans  les  bandes 
des  triumvirs? 

M.  Jourdan  s'est  dit  : 

Poui'  refréner  la  spéculation  dévorante,  homicide,  des  gros 
capitalistes,  sauvegarder  la  jtosition  des  petits,  moraliser 
les  uns  et  les  autres,  et  peu  à  peu  amener  la  cessation  du 
jeu,  il  est  un  moyen,  il  n'en  existe  qu'un  seul  :  c'est  d'abord 
de  créer  en  faveur  de  la  plèbe  boursière  un  office  de  con- 
sultation qui  l'éclairé  et  la  dirige;  puis  d'en  grouper  les 
ressources  parcellaires,  et  du  faisceau  de  ces  petits  porte- 


—  140  — 

feuilles  formel'  une  mas?c  capable  de  tenir  tête  aux  grandes 
IJuis-MMces. 

L'inst motion  et  l'a^^sociation  :  voilà,  en  deux  mots,  le  sys- 
tème curai  if  de  M.  Jonrdan. 

Rêve  d'une  belle  .àttie  I  Pour  mettre  fin  à  l'anarchie  dont 
profilaient  quelques  fripons,  on  se  forme  en  partis,  on  orga- 
nise la  gueire  ci\ilel...  Quelle  découverlel 

Si  la  (Compagnie  se  borne  à  donner  des  consultations, 
comme  faisait  autrefois  le  Journal  dea  Actionnaires,  elle  va 
directement  contre  le  respect  de  la  commandite,  ainsi  que 
nous  le  disions  tout  à  l'Iieure  à  propos  de  Y Almanach  de 
la  Bourse;  elle  ne  |)eut  garantir  ni  la  sûreté  ni  la  sincérité 
de  ses  conseils:  en  un  mol,d'ofli(e  de  consultation,  elle  de- 
vient fatalement  agence  de  chantage. 

Si,  non  contente  de  conseiller,  la  Compagnie  prend  en 
main  la  conduite  des  opérations,  c'est  une  guerre  de  flibus- 
tiers qu'elle  entame  contre  les  entreprises  concurrentes, 
guerre  (|ui,  loin  de  calmer  la  fureur  du  jeu,  ne  peut  servir 
qu'à  renv(;nimer.  Car  il  faut  que  la  Compagnie  joue,  ne  fût- 
ce  que  pour  gagner  de  quoi  |)ayer  ses  frais  généraux.  Knlre 
cinq  ou  six  établissements  rivaux  cpii  s'arrachent  les  opéra- 
tions d'arbitrage,  l'arbitrage  redevient  fatalement  spécula- 
tion à  la  hausse  ou  à  la  baisse,  à  terme  ou  à  prime.  La 
guerre,  une  guerre  acharnée,  est  donc  inévitable. 

Sous  prétexte  de  désencombrer  le  portique,  une  ordon- 
nance de  police  vient  d'établir  une  taxe  de  1  fr.  sur  toute 
personne  entrant  à  la  Bourse.  Qu'est-ce  à  dire?  La  police, 
en  établissant  cette  taxe,  a  obéi  à  son  génie  fiscal.  Par  le 
fait,  elle  a  rousacré  le  jeu,  elle  lui  a  conféré  le  droit  civique; 
bien  |)lus,  elle  en  a  fait  un  privilège.  Il  serait  absurde  de 
voir  là  un  moyen  de  moialisalion  de  la  Bourse. 

Eh  bien,  sous  le  prétexte  d'informer  le  public,  et,  au  be- 
soin, de  rallier,  discipliner,  placer  avantageusement  les  pe- 
tits capitaux,  la  Compagnie  Amail  et  ses  pareilles  n'ont  fait 
autre  chose  (pi'obéir  à  leur  génie  agioteur.  C'est  tout  ce  que 
nous  voulions  dire  à  l'apostolique  .M.  Jourdan. 

Du  reste,  il  ne  manque  pas  d'imitateurs.  La  Bourse  ne  fait 
acception  d'aucun  parti.  Au  banquet  de  l'agiotage,  jésuites, 


—  150  — 

absolutistes,  libéraux,  gallicans,  dynastiques  de  la  droite 
et  de  la  gauche,  impérialistes,  républicains  bleus  et  rouges, 
socialistes,  se  retrouvent  en  bonne  fraternité.  L'agiotage  a 
résolu  le  grand  problème  de  Tunité,  la  pierre  pliilosophale 
de  la  politique  :  la  fusion  des  antagonismes.  Tous  jurent  par 
le  même  Évangile,  la  cote  des  fonds  publics;  écoutent  le 
même  oracle,  la  prime-,  adorent  le  môme  Dieu,  Técii  de 
cent  sous  :  Unvs  Dcus,  una  fuies,  vnum  baptixma. 

Oh  !  si  cette  Gomorrhe  pouvait  se  consumer  sans  répan- 
dre sur  le  pays  la  désolation,  les  miasmes  pestilentiels,  l'as- 
phyxie et  la  mort,  comltien  nous  serions  plus  disposés  à 
attiser  le  feu  qu'à  l'éteindre!... 

Mais  «  il  ne  faut  passe  le  dissimuler.  Dans  tous  les  ])ays  et  dans 
tous  les  siècles,  c'est  toujours  au  travail  qu'iucombe  la  tâche  de 
réparer,  à  la  sueur  de  son  Iront,  les  erreurs  ou  les  folies  finan- 
cières. Les  masses  sont  pénétrées,  à  cet  égard,  d'un  instinct  qu'aucun 
sophisme  ne  saurait  tromper.  »  [Introduction  à  la  Bourse  de. Lon- 
dres, par  M.  Lefebvre-Duruflé,  sénateur,  ancien  ministre  du 
commerce). 

§   4.    DÉVELOPPEMENT   DE   l'eSCROQUERIE   ET    DU   VOL   DANS  LES   OPÉ- 
RATIONS  DE   LA    COMMANDITE. 

De  la  Bourse,  théâtre  oîi  se  joue  la  grande  comédie  de  lé- 
poque,  passons  à  la  commandite,  officine  où  se  compose  le 
drame,  où  se  combinent  les  coups  de  théâtre. 

M.  L.  Deplanque,  dans  Y Ahnanach  de  la  Bourse  de  1856, 
après  avoir  relevé  la  lésinerie  maladroite  des  actionnaires  qui 
marchandent  aux  fondateurs  de  sociétés  des  actions  rému- 
nératoires  ou  une  part  dans  les  bénéfices,  se  demande  à 
quelle  source  les  dits  fondateurs  peuvent  espérer  de  trouver 
la  récompense  de  leurs  efforts  et  de  leurs  risques. 

«  Cette  source,  dit-il,  pour  être  cachée,  n'en  est  pas  moins  abon- 
dante; mais,  aux  yeux  du  vulgaire,  il  semble  que  les  fondateurs 
ne  sont  mus  que  par  leur  ardent  amour  du  bien  public,  par  le 
louable  désir  de  doter  le  pays  du  bienfait  de  ces  nouvelles  voies  de 
communication,  merveilleux  résultats  de  l'intelligence,  qui,  en 
supprimant  les  distances,  pour  ainsi  dire,  rapprochent  les  hommes 
et  les  choses,  et  sont  l'instrument  de  la  richesse  et  de  la  civilisa- 


—  151   — 

tion,  et  tout  le  pathos  qu'on  peut  l'aire  à  cotte  occasion.  Peu  s'en 
faut  que  les  imbéciles  et  les  niais  ne  se  croient  obligés  d'élever  des 
statues  à  ces  bienfaiteurs  du  pays,  qui  consacrent  à  son  service 
leur  temps  et  leur  argent,  ne  se  réservant  d'autres  avantages  que 
ceux  qu'ils  offrent  à  tout  souscripteur  d'action. 

«  Hypocrisie  !  Le  traité  avec  l'entrepreneur  ou  les  entrepreneurs 
est  le  Pactole  où  vont  se  désaltérer  les  fondateurs-organisateurs; 
tout  épuisés  de  leurs  patriotiques  efforts,  de  leur  bienfaisance  sans 
bornes,  de  leur  désintéressement  à  toute  épreuve. 

«  La  remise  faite  par  l'entrepreneur  général  aux  fondateurs  va 
ordinairement  à  dix  pour  cent  du  capital  à  dépenser  pour  l'établis- 
sement du  chemin.  Ainsi,  supposons  qu'il  s'agisse  d'une  ligne  qui 
doive  coûter  60  millions,  c'est  une  somme  de  6  millions  que  l'en- 
trepreneur met  à  la  disposition  des  fondateurs,  et  qu'ils  ont  <à  se 
partHger  entre  eux,  après  s'être  tenu  mutuellement  compte  des 
dépenses  et  avances  de  toutes  sortes  qu'ils  ont  di^i  faire  jusque-là 
pour  mener  à  bien  l'entreprise. 

«  Dans  ce  système  le  bénéfice  des  fondateurs  est  certain,  chiffré 
d'avance,  connu  et  réalisé,  avant  qu'il  soit  possible  de  déierminer 
par  expérience  la  valeur  vraie  de  1  allaire  par  le  montant  de  ses 
produits.  » 

Si  l'assertion  de  l'auteur  est  exacte  quant  au  dix  pour 
cent,  sur  une  somme  de  3  milliards  engagée  dans  les  chemins 
de  fer  français  par  les  compagnies  et  |)ar  l'État,  le  pot-de- 
vin partagé  entre  les  fondateurs,  une  centaine  d'individus 
au  plus,  serait  de  300  millions.  Qu'en  pensent  les  action- 
naires?—  Rien,  sinon  qu'ils  voudraient  bien  devenir  fonda- 
teurs eux-mêmes. 

C'est  déjà  une  triste  société  que  celle  où  le  voyageur  est 
forcé  de  traiter  avec  les  brigands!  Mais  croit-on  qu'avec  le 
système  des  coupons  de  fondation  et  d'une  part  dans  les  bé- 
néfices, ces  messieurs  renonceraient  aux  profits  des  traités 
d'entrepreneurs?  Souvent  les  administrateurs  font  mieux 
encore  :  ils  se  partagent  les  entreprises  de  terrassements,  de 
travaux  d'art,  les  fournitures  de  rails,  de  traverses,  de  voi- 
tures, de  combustible,  etc.,  traitant  ainsi  avec  eux-mêmes 
des  conditions  de  prix  et  de  qualité. 

Et  ce  qui  se  passe  dans  les  compagnies  de  chemins  de  fer 
a  lieu  dans  toutes  les  sociétés  anonymes  ou  en  commandite  : 


—   l.)2  — 

nous  défions  qu'on  en  cite  une  seule  dont  les  fondateurs, 
administrateurs,  directeurs,  gérants,  osent  jurer  qu'ils  sont 
purs  de  toute  opération  équivoque. 

(lommont,  nous  ne  cesserons  de  le  dire,  en  serait-il  autre- 
ment, quand  l'état  des  mœurs,  (juaiid  les  délinitions  de  la 
loi,  qiuuid  les  théories  de  la  science  ouvrent  la  porte  à 
toutes  les  malversations,  par  cela  même  les  excusent,  les 
autorisent? 

Déj  I  nous  avons  vu  de  (|uellc  manière  un  fondateur  de  so- 
ciété pouvait,  le  plus  légalement,  bien  mieux,  le  plus  loya- 
lement (\[\  monde,  entraîner  des  millii  rs  d'actionnaires  dans 
une  enircprise  où  ils  perdraient  tous,  à  la  fin,  30  0/0  de 
leur  capital,  pendant  que  lui-même  et  les  siens  réaliseraient 
un  bénéfice  de  70  0/0. 

Il  en  est  de  même  pour  les  remises  et  fournitures. 
Où  est  la  loi,  le  principe,  soit  d'économie,  soit  de  morale, 
qui  interdise  à  un  administrateur,  à  un  membre  du  conseil 
de  surveillance,  à  un  gérant,  de  faire  à  sa  compagnie  la  four- 
niture des  objets  dont  elle  a  besoin?  Cela  est  tellement  dans 
la  nature  des  choses,  tellement  rationnel,  qu'il  se  voit  des 
sociétés  formées  tout  exprès  entre  banquiers,  industriels, 
marchands,  commissioimaires,  propriétan'es,etc.,  à  fin  d'as- 
suier  à  chacun  d'eux  le  placement  de  ses  marchandises  et 
produits. 

Or,  si  je  puis  être  vendeur  envers  ma  compagnie,  j'ai 
droit  à  un  bénéfice  sur  ma  vente.  Quelle  loi  viendra  limiter 
ce  bénéfice?  Aucune  :  donc,  etc. 

De  môme,  si  je  puis  être  vendeur  de  mes  produits,  je  puis 
l'être  encore  des  marchandises  que  j'ai  achetées  à  mes  ris- 
ques personnels  pour  les  revendre.  Ici  encore  j'ai  droit  à  un 
bénéfice  ou  remise  :  donc,  etc. 

De  ce  principe,  en  soi  irréfutable,  nonobstant  toutes  res- 
trictions et  modifications  particulières,  la  mauvaise  con- 
science se  prévalant  de  l'insolidiuité  fondamentale  qui  gou- 
verne la  société  et  toutes  les  transactions  qui  s'y  opèrent, 
saura  bien  tirer  toutes  les  interprétations  et  conséquences 
qui,  dans  un  cas  donné,  la  justifient  ;  et  une  fois  le  chapitre 
des  inlerprétalions  entamé,  elle  ne  gardera  plus  de  mesure, 


—    LVÎ   — 

et  marchera  à  pas  de  géant  dans  rinfidélilé,  la  concnssioii, 
le  vol. 

La  sociélé  des  chennins  de  fer  autrichiens  a  adopté  le 
système  piéconisé  par  M.  Deplanqiie  :  10  0/0  sur  les  béné- 
fices nets  anx  fondalenrs,  des  jelons  de  présence  et  une 
quote-part  dans  les  prolils  aux  administrateurs.  Nous  allons 
voir  comment,  par  un  plan  de  capitalisaiion,  ces  messieurs 
prétendent  réaliser  inwnédiaicment,  au  [irix  d'iuie  vingtaine 
de  millions,  des  éventualités  de  profit  dont  Texpérience  n'a 
point  encore  dit  rmiportance,et  dont  léchéance  en  tous  cas 
serait  réj)arliepar  annuités  sur  92  ans.  Laissons  parler  le 
Journal  des  (^hf^mins  de  fer j  qui  ne  se  pique  pas  de  pruderie 
en  pareille  matière. 

«  Nous  sommes  convaincu  que  la  nioralisation  de  l'industrie  et 
de  l'association  tient  essentiellement  à  la  corrélation  intime  d'in- 
tér.'ts  entre  les  actionnaires,  les  t'onJateurs  et  les  administrateurs. 
Toutefois,  comme  com[>lément  de  notre  pensée,  il  faut  admettre 
que  lorsque  les  fomlatcurs  d'une  entreprise  ont  stipulé  en  leur 
faveui-  des  avantages  importants,  ils  doivent  s'en  contenter,  et  ne 
pas  y  ajouter  le  hénélice  de  pr.mes  prélevées  sur  le  public. 

«  Ceci  dit,  nous  revenons  à  la  capitalisation  des  parts  de  fonda- 
teurs. Le  prélèvement  en  leur  faveur  est  de  10  0/0  du  re\enu,  dé- 
falcation laite  de  l'intérêt  des  obligations  et  du  capital  social.  Mais 
comme  il  n'a  été  appelé,  en  ISo^î,  qu'une  partie  du  capital  néces- 
saire, le  montant  des  intérêts  à  solder  a  été  insignifiant,  et  pres- 
que tout  le  proiiuit  a  été  employé  à  former  le  dividende,  sur 
lequel  les  fondateurs  ont  prélevé  les  10  0/0  qui  leur  ont  été  attri- 
bués Ce  dividende,  livé  à  'il  fr.  par  action,  a  formé  une  somme 
de9,()00,OUO  fr.,  et  par  conséquent  les  fondateurs  ont  dû  préle- 
ver pour  isrio  un  bén^lice  de  OiiO.OOO  fr.  à  1  million. 

«  C'est  sous  l'empiie  de  ce  bénélice  que  les  fondateurs  ont  voulu 
capitaliser  leurs  parts,  et  qu'il  a  été  créé  à  leur  profit -44,4. i4  ac- 
tions nouvedes,  dont  la  [irime,  de  400  à  430  fr.  par  action,  leur 
assure  un  b'uélice  personnel  de  tS  à  20  millions,  qu'il  n'a  tenu 
qu'à  eux  de  réaliser,  même  avant  l'assemblée  générale,  sur  la  dé- 
cision de  latjnelle  ils  pouvaient  compter.  » 

Et  pourquoi  ne  réaliseraicnt-il  pas?  Y  a-t-il  un  seul  ac- 
tioiiiiaire  (pli  no  leur  envie  ce  bonheur!  Aussi  l'assemblées 
générale  a  sanctionné  cette   combinaison    par  1781    voix 

9. 


—  154  — 

contre  58,  la  stupidité  des  actionnaires  ne  manquant  jamais 
de  se  montrer  à  la  hauteur  de  l'effronterie  des  directeurs.  Si 
l'affaire  n'aboutit  pas,  ce  sera  jiar  suite  du  refus  de  l'empe- 
reur d'Autriche  d"y  donner  son  approbation. 

Le  Journal  des  Chemins  de  fer  dit  encore  à  ce  sujet  : 

Le  système  de  la  capitalisation  des  parts  de  fondateurs  n'est  pas 
absolument  nouveau  :  il  a  déjà  été  pratiqué  en  France,  dans  la 
Société  du  chemin  de  fer  de  Saint-Germain.  Mais  du  moins  ce  n'é- 
tait pas  à  l'origine  de  la  Société,  quelques  mois  après  l'organisa- 
tion, avant  l'achèvement  de  la  ligne,  ni  enliii  avant  que  le  capital 
social  eût  été  réalisé. 

«  Du  reste,  le  motif  essentiel  qui  nous  porte  à  considérer  ce 
système  comme  défavorable  aux  véritables  intérêts  des  sociétés 
industrielles,  c'est  qu'il  rompt  le  lien  entre  les  actionnaires  et  les 
fondateurs,  et  qu'ainsi  le  principe  constitutif  de  l'association  est 
vicié.  « 

Il  s'agit  vraiment  bien  d'association  etdelien  d'intérêts! 
L'affaire  des  fondateurs-administrateurs  est  de  /a^îcer  l'en- 
treprise, d'escompter  en  quelques  mois  ce  qu'elle  peut  rendre 
en  un  siècle,  ce  qu'elle  ne  rendra  peut-être  jamais;  puis  do 
courir  à  une  nouvelle  curée.  Et  tout  le  monde  de  dire  :  J'en 
ferais  autant! 

Toutes  les  actions  ne  présentent  pas  aux  spéculateurs- 
fondateurs  la  ressource  des  marchés  d'entrepreneurs,  ou 
des  réalisations  immédiates,  il  fallait  trouver  une  nouvelle 
rubrique  :  clic  ne  tarda  pas  à  se  produire,  ce  fut  la  vente  à 
prime  des  actions. 

«  La  société  étant  formée,  les  fondateurs  se  réservent  le  plus 
grand  nombre  d'actions.  Celles  qui  sont  délivrées  aux  souscrip- 
teurs ne  doivent  servir  qu'à  faire  connaître  le  titre  sur  la  place. 
Les  moyens  de  |)ublicité  sont  cependant  disposés  comme  s'il  s'agis- 
sait de  placer  d'abord  tout  le  capital,  souvent  mêMue  il  suffirait 
à  un  placement  double  ou  triple  :  c'est  ce  qu'on  appelle  lancer  l'af- 
faire. Les  demandes  viennent  de  toutes  parts;  plusellessont  abon- 
dantes, mieux  l'affaire  se  dessine.  Cependant  les  fond;iteurs,  consti- 
tués de  fait  en  société  particulière,  sous  le  nom  ûesi/ndicnt,  mettent 
à  part  les  actions  qu'ils  se  réservent,  l'ont  une  répartition  des  ac- 
tions disponibles  au  prorata  des  demandes,  de  telle  sorte  que  celui 


—  15.')  — 

qui  en  a  demandt'  doux  cents  en  obtient  vingt,  ce  qui  terni  dijù  à 
produire  un  excellent  ell'et.  De  leur  côté,  les  acheteurs,  qui,  il  i'aul 
bien  le  dire,  sont  toujours  complices  du  tour  qu'on  leur  joue, 
s'empressent  de  demander  plus  de  litres  qu'ils  n'ont  réellement  le 
désir  d'en  avoir;  mais  afin  d'obtenir  à  peu  près  ce  qu'ils  désirent, 
ils  enflent  ainsi  leur  demande  :  ce  qui.  donne  lieu  de  publier,  ce 
qui  se  trouve  vrai,  que  les  demandes  ont  été  aux  actions  dis[)oni- 
bles comme  dix,  vingt  ionthun.  Nouveau  mouvement  de  recherche. 

«  Alors  les  fondateurs  écrivent  aux  souscripteurs  pour  leur  faire 
connaître  le  nombre  d'actions  mis  à  leur  disposition.  Ce  sont  ces 
lettres  qu'on  ap\)e\\e  promesses  d'actions. 

«  Aussitôt  parties,  elles  deviennent  un  sujet  de  transaction.  On 
les  vend,  on  les  achète,  c'est-à-dire  que,  moyennant  une  différence 
qu'on  paye  comptant  au  bienheureux,  porteur,  on  se  met  en  ses 
lieu  et  place,  et  qu'on  lève  les  actions  contre  leur  capital  nominal 
lors  de  leur  émission. 

«  Il  arrive  très-souvent  que  l'on  n'attend  pas  ces  lettres  pour  opé- 
rer sur  les  actions  des  sociétés  nouvelles,  et  qui  ne  sont  pas  encore 
nées.  On  trouve  beaucoup  de  gens  pour  vendre  à  découvert, 
moyennant  une  prime,  les  titres  à  livrer  k  l'émission. 

«  Cependant  les  fondateurs  soutiennent  ces  transactions  en  ro- 
chetant  bonne  partie  de  ces  lettres  :  ce  qui  en  augmente  la  valeur 
de  moment  en  moment. 

«  Enfin  l'émission  est  annoncée  :  les  titres  commencent  <à  pa- 
raître sur  la  place;  des  ventes  et  des  achats  faits  à  propos  sur  ces 
titres,  qui  sont  encore  en  petit  nombre,  en  élèvent  les  cours  à  des 
taux  fabuleux.  C'est  alors  que  les  fondateurs  s'empressent  de  réa- 
liser les  actions  réservées,  par  petite  partie,  par  des  ventes  au 
comptant,  tandis  qu'ils  maintiennent  les  cours  par  des  achats  de 
primes  à  de  forts  écarts,  primes  qu'ils  abandonnent  en  tempsutile; 
c'est  alors  que  tout  est  mis  en  œuvre  pour  donner  les  plus  belles 
espérances  de  l'entreprise.  »  {Almunacli  de  la  Bourse  de  18jG.) 

1.0  rapport  du  conseil  d'administralion  du  chemin  de  fer 
du  Nord,  en  1846,  relève  les  cliidVes  suivants: 

«  Du  28  octobre  18io  au  31  janvier  1846,  il  a  été  transféré 
571,741  actions,  c'est-à-dire  un  nombre  égal  à  une  fois  et  demie 
le  nombre  total  des  actions  émises. 

«  Ces  transferts  ont  |)résenté  celle  circonstance  fiivorable,  que 
les  actions,  en  se  classant,  se  sont  coiislamment  divisées,  et  que, 
pour  la  même  (piainilé  d'actions  vendues,  le  nombre  des  ache- 
teurs a  étt;  régulièrement  deux  fois  plus  considérable  que  celui 


—  15G  — 

des  vendeurs.  Ainsi  les  571,741  actions  translérées  ont  été  ven- 
dues par  8,88  i  personnes,  et  achetées  par  17,469  actionnaires 
nouveaux. 

«  Les  400,000  notions  étaient,  au  .'^1  janvier  1846,  possédées 
par  18,000  actionnaires  :  ce  qui  représente  moyennement  22  ac- 
tions par  chatiue  titulaire.  » 

Il  est  aisé  de  faire  compte  de  celle  opération.  Le  nombre 
des  actions  du  Nord  estde  4C0,000,  émises  au  pair  de  500  fr. 
(liquidées  plus  tarda  400);  elles  se  vendaient,  fin  janvier 
1846,  an  cours  de  755  fr.  ;  on  n'avait  encore  fait  qu'un 'ver- 
.sement  de  125  fr.  FHiisqu'il  avait  été  transféré  571,741  ac- 
tions, c'est  que  la  piime  de  255  fr.  par  clia(|ue  titre  avait  été 
léparlie  entre  plusieurs  acquéreurs  ayant  acheté  et  vendu  à 
des  taux  divers  entre  le  pair  et  755.  Quant  aux  premiers 
souscripteurs,  la  haute  finance  et  ses  protégés,  accapareurs 
de  toutes  les  actions  au  pair,  voici  la  faculté  de  bénéfice  brut 
qui  leur  était  réservée  : 

Le  premier  versement  de  125  fr.  constituait  un  déboursé  ® 
de  50  millions:  "^ 

L'encaissement  de  la  prime  de  255  fr.  réalisait  un  béné- 
fice de  102  millions.  A  défalquer  les  dépenses  pour  manœu- 
vres ci-dessus  décrites,  ménwire. 

En  d'autres  termes,  les  17,469  actionnaires  nouveaux 
achetaient  aux  écumeuis,  moyennant  la  somme  de  102  mil- 
lions, non  pas  l'action  portant  dividende,  mais  le  droit  de 
continuer  les  versements  ultérieurs.  En  1850,  c'esl-à-dire 
cinq  ans  après,  les  actions  du  Nord  ne  louchaient  encore 
que  24  fr.  de  dividende,  intéiêls  compris,  c'est-à-dire  6  0/0 
du  capital  versé  de  400  fr. 

I^'opération  que  nous  venons  de  citer  s'est  répétée  et  se 
répète  encore  dans  toutes  les  compagnies  possibles.  La  cer- 
Utude  qu'ont  les  financiers  de  faire  primer  les  actions  avant 
un  second  versement  leur  permet,  avec  125,000  fr.  do  dis- 
ponibles, d'en  souscrire  500,000,  de  loucherl'agiosur  100,000 
actions  au  lieu  de  25,000,  enfin  de  gagner  en  trois  mois 
102  millions  avec  50,  plus  ou  moins,  quel  que  soit  l'avenir 
de  la  compagnie. 

A  cela  que  peut-oji  trouver  à  redire? 


^ 


I.es  actions  ont  été  imaginées  pour  être  vendues  apparem- 
ment et  entrer  dans  la  circulation.  Les  prospectus  sont  faits 
ausFi  pour  donner  au  public  connaissance  des  entreprises, 
montrer  leurs  avantaj^es,  calculer  les  prohabilités  du  rende- 
ment. Quant  à  la  vente  et  au  rachat  des  actions  par  les  com- 
pagnies, soit  par  leurs  conseils  d'administration,  qui  peut 
leur  faire  un  crime,  d'abord,  dans  un  cas  de  baisse  excessive, 
de  racheter  leurs  actions  dépréciées,  par  ce  moyen  de  déjouer 
la  malveillance  et  de  soutenir  leur  crédit;  puis,  quand  la 
liausse  est  revenue,  quand  le  public  est  remis  de  sa  panique, 
de  porter  de  nouveau  les  actions  sur  le  marché? 

Nous  voudrions  savoir  ce  qu'un  casuisle,  non  de  l'école  re- 
lâchée dEscobar,  mais  de  Técole  sévère  de  Port-Royal, 
consulté  sur  ces  manœuvres  de  Tagiotafïo  anonyme  et  en 
commandite,  répondrait  à  cela? 

Enfants,  dirait-il,  vous  ne  voyez  pas  que  toutes  vos 
transactions,  vos  contrats,  vos  promesses,  vos  obligations, 
sont  primées  elles-mêmes  par  une  cause  dont  la  fatalité  vous 
entraine,  bon  gré  malgré,  dans  la  prévarication;  c'est  votre 
condition  d"anlagoni>me  légal,  c"e>t  cette  insolidarité  orga- 
nique, suprême,  qui  fait  la  base  exprimée  ou  sous-entendue 
de  tous  vos  contrats,  et  en  faveur  de  laquelle  ceux-ci  doivent 
s'inler|)réter  toujours.  A  la  place  de  l'état  de  guerre,  qui 
fait  l'âme  de  votre  droit,  commencez  par  poser  en  principe 
la  mutualité  universelle;  et  vous  pourrez  ensuite  parler  de 
justice,  vous  aurez  vaincu  le  péché  d'origine. 

Qui  veut  la  fin  veut  les  moyens.  Si  la  vente  des  actions 
à  pruTic  est  de  droit,  sera-l-il  défendu  au  vendeur  de  faire 
valoir  par  les  moyens  ordinaires  du  commerce,  ses  litres, 
qui  sont  sa  marchandiseï 

La  question  touche  à  la  niaiserie.  Mais,  comme  l'erreui- 
commise  de  bonne  foi  dans  la  mise  en  valeur  d'un  capital  et 
la  fondation  d'une  entreprise  n'est  pas  imputable,  nous  al- 
lons voir  les  comptes  rendus  hebdomadaires  et  annuels  des 
sociétés  donner  carrier e  à  des  abus,  à  des  escro(preiies  ef- 
froyables. 

w  Beaucoup  de  conipagriies  s'eflorcerit  ù  tout  prix  de  développer 
leurs  i-ecettes.  Ce  sentiment  est  louable;  mais  il  ne  doit  pas  êti-c 


—  158  — 

satislait  aux  dépens  des  actionnaires.  Dès  qu'il  y  a  perte  sur  les 
nouveaux  transports,  la  prospérrté  apparente  qui  semble  ressortir 
de  l'augmentation  des  produits  nVst  qu'une  illusion  qui  peut  trom- 
per le  vulgaire  et  servir  des  spéculations  de  Bourse,  mais  cette  illu- 
sion ne  tarde  pas  à  faire  place  à  la  réalité,  qui  se  résume,  au  bout 
du  semestre,  en  une  réduction  des  produits  nets,  c'est-à-dire  des 
revenus  des  actionnaires.  »  {Journal  des  Chemins  de  fer.) 

Il  résulte  du  compte  rendu  de  rexploitation  en  1854  que 
les  combustibles  minéraux  ont  été  transportés,  sur  la  ligne 
du  Nord,  au  prix  moyen  de  3  c.  725,  savoir  :  la  houille  à 
3  c.  68,  le  coke  à  3  c.  77. 

Est-il  possible  que  la  Compagnie  couvre  ses  frais  à  un  taux 
aussi  bas?  Les  éléments  nous  manquent  pour  résoudre  la 
question  ;  voici  seulement  ce  que  nous  en  savons. 

Lorsque  le  gouvernement  imposa  aux  compagnies  le  tarif 
de  5  c.  par  tonne  et  kilomètre  pour  le  transport  des  céréales 
pendant  la  cherté,  tontes  s'empressèrent  de  déclarer  qu'elles 
étaient  trop  heureuses  de  venir,  par  un  sacrifice,  en  aide  à 
l'alimentation  publicjue. 

«A  ce  propos,  le  journal  la  Presse  prétendit  que  les  compa- 
gnies pouvaient  effectuer  sans  perte  le  transport  des  céréales  à 
3  centimes,  parce  que  les  frais  pour  le  chemin  du  Nord,  par  exem- 
ple, ne  revenaient  qu'à  2  cent.  70. 

«  Le  Journal  des  Cliemins  de  fer  répondit  avec  raison  que  la  dé- 
pense représentée  par  ce  chill're  ne  se  composait  que  des  frais 
d'administration,  d'exploitation,  traction  et  entretien  du  matériel, 
de  la  voie  et  des  bâtiments;  mais  qu'il  n'y  était  rien  compté  pour 
l'intérêt  du  capital  employé  à  l'établissement  du  chemin  et  à  l'ac- 
quisition du  matériel,  rien  pour  le  renouvellement  de  ce  qui  doit 
être  remplacé,  rien  encore  pour  l'amortissement  de  ce  qui  doit  être 
abandonné  gratuitement  à  l'titat  à  la  fin  de  la  concession. 

«  Le  Journal  des  Chemins  de  fer  établit  ensuite  que  le  prix  de 
revient  réel,  au  chemin  du  Nord,  est  de  5  cent.  49  par  tonne  kilo- 
métrique; il  conclut  que  les  compagnies,  en  transportant  les 
céréales  à  5  centimes,  ïonl  un  vérUable  sacrifice  (1).  » 

(  I  )  Des  Réformes  à  opérer  dam  l'Exploitation  des  Cliemins  de  fer,  page  94. 
Paiis,  1855,  (jariiier  frères.—  S'il  éUiit  pennis  à  un  aiileiir  de  s'appeler 
lui-même  en  lémoijrnage,  nous  nous  bornerions  à  indiquer  ici  le  lilre  de 
ce  livre,  que  nous  aurons  plus  d'une  fois  encore  l'occasion  de  citer  dans  le 
cours  du  présent  tManuet.  Mais  la  vérité  nous  olilii;e  à  reconnaître  une  pa- 
lernilé,  qui  ne  fui  d'ailleurs  jamais  un  secret,  l^e  leclcur  appi'éciera. 


—  159  — 

Pourtant  les  céréales  ne  sont  ni  plus  ni  moins  encom- 
brantes que  la  houille.  Mais  il  faut  grossir  la  recette  brute  à 
tout  prix  ,  même  au  détriment  du  produit  net. 

Veut-on  savoir  quelle  est  Timportancc  du  mouvement  des 
combustibles  minéraux  sur  la  ligne  du  Nord  :  voici  les  chif- 
fres de  Texercice  1854  : 

Tonnes.  Produit.  Tonnes  à  1  kilom. 

Houille.   .  .     442,787         2,8I9,3G7  7G,(;22,OG3 

Coke.    ...     151, 1:35         1,4G9,355  39,001,524 


Enspinlilc   .     693,922  4,288,722         115,G23,587 

Les  résultats  de  1855  sont  plus  considérables  encore  :  le 

tarif  s'est  abaissé  à  3  c.  67  pour  la  houille  ,  3  c.  51  pour  le 
coke  -,  moyenne,  3  c.  59. 

Trafic  en  1855  : 

Tonnes.  Produit.             Tonnes  à  ^  kilom. 

Houille.  .  .     651, G70  4,312,618         117,379,676 

Coke.    ...     171,591  1,614,824          46,046,163 


Ensemble    .     823,261         5,928,442         163,425,839 

Nous  avons  de  graves  raisons  de  considérer  le  chiffre  de 
5  c.  49  comme  étant  le  vrai  prix  de  revient,  indépendam- 
ment des  raisons  alléguées  par  le  rédacteur  de  Tarticle 
précité  : 

1°  Parce  que  c'est,  à  2  millièmes  près,  le  tarif  perçu  par 
les  lignes  du  Gard  et  de  la  Méditerranée  ; 

2°  Parce  que  les  wagons  à  charbon  de  terre  s'en  retournent 
à  vide,  faisant  ainsi  double  parcours  pour  une  seule  recelte. 

La  différence  entre  ce  chiffre  et  les  tarifs  appliqués  sur  la 
ligne  du  Nord  constitue  ,  sur  l'exercice  1854  ,  un  défjcit  de 
2  millions,  et  sur  celui  de  1855,  de  3  millions,  dont  profilent 
les  marchands  de  houille  au  détriment  de  la  Compagnie. 

Et  maintenant  liions  la  conséquence  de  ce  calcul  : 

D'un  côté  .^L  de  llolbschild  et  ses  collègues  de  l'adminis- 
tration du  Nord,  arbitres  des  tarifs, en  même  temps  proprié- 
taires de  charbonnages  belges  ou  français,  circulant  sur  la 
ligne  qu'ils  administrent,  se  trouvent ,  comme  expéditeurs 
de  matières  transportables,  dans  le  cas  de  recevoir  leur  part 
des  deux  ou  trois  millions  de  remise  qu'ils  font  si  libéra- 


—   IfiO  — 

leinent  en  une  seule  année ,  en  leur  qualité  de  directeurs  de 
la  compagnie  de  transport  :  situation  impossible,  dont  nous 
ne  douions  pas  que  ne  sache  triompher  leur  délicatesse  ; 

D'autre  part,  il  est  indubilahle  que  leur  but  a  élc,  en  ou- 
tre, d'écraser  la  concurrence  de  la  voie  navigable,  en  même 
temps  de  faire  valoir  leur  ligne  par  une  augmentation  à  tout 
prix  dn  tralic,  conséquemmcnl  de  soutenir  artifieiellement 
la  hausse  des  actions  :  tous  motifs  qu'une  saine  morale  ré- 
prouve, mais(|ue,  dans  Télat  actuel  des  choses,  la  conscience 
publique  tolère,  et  qui  ne  seront  reprochés  par  persotuie. 

En  toute  hypothèse  ,  n'est-il  pas  claii'  que  MM.  de  Roth- 
schild et  consorts  ont  entre  les  mains  les  moyens,  ici  de  bé- 
néficier aux  dépens  du  tiers  et  du  quart,  là  de  jouer  à  coup 
sûr,  et  que  s'ils  n'en  usent  pas,  c'est  pure  et  gratuite  vertu 
de  leur  part,  pitié  [tour  l'imbécillité  publique? 

C'est  encore  M.  Mirés  (pii  signale  les  fraiulcs  suivantes, 
dans  un  article  intitulé  :  Conseils  aux  actionnaires  : 

«  Parfois  les  administrateurs,  ceux  des  compagnies  pauvres  sur- 
tout, clierclient  à  [trolunger  l'MIusion  produite  par  un  accroisse- 
ment de  recettes  obtenu  à  force  de  réductions  sur  les  tarifs,  en 
ajournant  ou  réduisant  les  dépenses  nécessiiires  pour  le  hou  entre- 
tien de  la  voie  et  du  matériel.  (]e  système  est  funeste  à  l;i  fortune 
des  compagnies.  Les  ménagères  ont  coutume  de  dire  qu'un  point 
de  reprise  fait  à  propos  en  épargne  neuf  plus  tard.  Cette  maxime 
est  tout  aussi  juste  pour  l'entretien  des  chemins  de  fer  que  pour 
celui  des  viedles  jupes.  Un  chemin,  mal  ou  insufdsamment  entre- 
tenu, détruit  rapidement  le  matériel  et  se  détériore  lui-même 
au  point  d'exiger,  au  bout  de  peu  d'années,  un  renouvellement 
presque  complet  de  ses  parties  essentielles.  Le  dommage  est  plus 
grand  encore  pour  le  matériel  roulant.  Non-seulement  il  perd  de 
sa  valeur  comme  capital,  mais  il  cesse  de  rendre  les  services  pour 
lesquels  il  a  été  construit.  Une  machine  mal  entretenue  perd  de 
sa  puissance  motrice  ;  il  ne  faut  que  quelques  mois  de  négligence 
et  d'abandon  pour  réduire  deTiO  0/0  son  ell'cl  utile  :  de  telle  sorte 
(|ue,  pour  avoir  voidu  éconouiiscr  quelques  centaines  de  francs, 
on  se  trouve  bientôt  dans  la  ni'cessité  d'employer  deux  machines 
au  lieu  d'une  pour  obtenir  le  même  résultat. 

<<  La  propriété  de  la  conqtaLnie  ne  subit  donc  pas  seulement 
une  perte  consiilérable  sur  son  capital;  mais  l'exploiiation  devient 
en  délinitive  plus  coûteuse,  avec  ce  système  de  fausse  économie. 


—   IGI  — 

que  si  les  dépenses  d'un  entrelien  complet  eussent  été  laites  en 
temps  opportun.  » 

«  Un  point  important,  c'est  la  clôture  définitive  du  Compte  de 
Capital.  Dans  beaucoup  de  compaiinies,  ce  compte  est  resté  ouvert 
en  permanence ,  bien  que  l'établissement  des  chemins  de  fer 
qu'elles  exploitent  soit  terminé  depuis  longtemps.  Ce  système  de 
comptabilité  permet  aux  administrateurs  d'imputer  continuelle- 
ment sur  le  Compte  de  Capital  toutes  les  dépenses  d'amélioration 
que  les  progrès  de  la  science  et  les  développements  du  trafic  font 
successivement  juger  nécessaires.  On  ne  se  borne  même  pas  là  : 
certaines  dépenses  d'entretien ,  qui  devraient  rester  au  débit  du 
Comjite  d'Exploitation,  en' sont  distraites  et  ajoutées  au  capital, 
alin  de  permettre  des  distributions  de  dividendes  qui  entretiennent 
la  coniiance  des  actionnaires  et  trompent  le  public  sur  la  valeur 
des  pntreprises.  On  ne  saurait  condamner  trop  sévèrement  de  pa- 
reilles opérations,  et  réclamer  avec  trop  d'insistance  la  clôture 
délinitive  du  Compte  de  Capital.  La  facilité  avec  laquelle  les 
grandes  compagnies  trouvent  de  l'argent,  au  moyen  d'emprunts 
privilégiés  dont  le  service  prime  le  payement  de  tout  intérêt  aux 
actionnaires,  est  la  source  du  mal  (l).  » 

C'est  le  cas  de  toutes  les  compagnies  de  chcnains  de  fer 
sans  GNceptioii.  Le  renonvellemput  des  rails  et  des  traverses  , 
sur  les  lignes  d'Orléans  et  du  Nord  ,  est  imputé,  en  tout  ou 
en  partie,  au  Compte  de  premier  Elablissement  ^  exécuté  à 
l'aide  d'emprunts  :  parce  que  sur  les  Comptes  d'Exploita- 
tion anlérieuvs,  on  n"a  pas  fait  de  réserve;  parce  qu'on  a 
distribué  le  bénétice  brut  au  lieu  du  produit  net  ;  parce  qu'il 
fallait  pousser  à  la  bausse  par  de  gros  dividendes,  atiu  de 
donner  aux  fondateurs-écumeurs  le  moyen  de  tripler  leur 
mise  de  fonds. 

Nous  passons  sous  silence  les  intrigues,  les  fraudes  et 
mystifications  de  toute  espèce  qui  se  pratiquent  tant  dans 
les  administrations  des  compagnies,  que  dans  les  comptes 
rendus  et  la  tenue  des  assemblées  elles-mêmes. 

«  La  masse  du  public,  dit  la  Revue  d'Edimbourg,  qui  ne  jette 
jamais  les  yeux  sur  un  journal  de  chemin  de  fer,  et  qui  a  soin  de 

(1^  Voir  encore,  sur  le  mi^me  sujirl.  rotivraj,'e  cité  plus  liant,  Des  Ré- 
formes à  opérer  dans  l  Exploiuiiioii  des  Chemins  de  fer,  passiin. 


—  162  — 

sauterdans  les  t'euillesquotidiennes,  le  compte  rendudcs  assemblées 
d'actionnaires,  se  figure  que  toutes  les  iniquités  dont  elle  entend 
parler  de  temps  à  autre  sont  des  exceptions,  qui  se  rattachent  aux 
spéculations  l'antastiques  d'une  époque  de  lièvre,  qui  passe  comme 
toutes  les  crises.  On  se  refuse  à  croire  que  les  grands  capitalistes 
et  les  personnages  influents  qui  administrent  les  affaires  des  com- 
pagnies soient  capables  de  s'enrichir  indirectement  aux  dépens  de 
leurs  constituants. 

Une  histoire  secrète  des  compagnies  détromperait  vite  les  âmes 
simples.  On  apprendrait  comment,  naguère  encore,  dans  telle  com- 
pagnie, les  directeurs  se  partagèrent  entre  eux  15,000  actions  nou- 
velles qui  se  vendaient  alors  avec  prime  ;  comment  ils  se  servirent 
des  fonds  de  la  compagnie  pour  payer  les  à-compte  dus  sur  ces 
actions,  et  comment  l'un  d'eux  puisa  ainsi  dans  la  caisse  com- 
mune Jusqu'à  concurrence  de  plus  de  80,000  livres  sterl.  (2  mil- 
lions de  francs).  On  saurait  comment,  dans  une  autre,  un  demi 
million  sterling  se  trouvait  porté  sous  des  noms  fictifs;  comment, 
dans  une  troisième,  les  directeurs  achetaient  en  compte  plus  d'ac- 
tions qu'ils  n'en  avaient  émis;  comment,  dans  plusieurs,  ils  rache- 
taient pour  la  compagnie  leurs  propres  actions,  se  payant  eux- 
mêmes  avec  l'argent  des  actionnaires.  On  apprendrait  que  des 
directeurs,  alors  que  l'intérêt  de  l'argent  est  à  un  taux  élevé, 
contractent  à  un  taux  inférieur  des  emprunts  pour  leur  propre 
compte  sur  les  balances  flottantes  que  la  compagnie  a  chez  des 
banquiers;  que  d'autres  encore  se  payent  des  salaires  supérieurs  à 
ceux  (|ui  ont  été  fixés,  dissimulant  la  difl"érence  sous  la  dénomi- 
nation de  frais  divers  dans  un  coin  otecur  du  grand  livre.  On  trou- 
verait que  dans  certains  cas  les  procurations  à  l'aide  desquelles 
on  a  pu  enlever  des  mesures  contestées  avaient  été  obtenues  au 
moyen  d'exposés  inexacts,  et  qu'il  a  été  fait  usage  de  procura- 
tions spéciales  pour  des  alfaires  autres  que  celles  pour  lesquelles 

elles  ont  été  données Les  directeurs  d'une  compagnie  seraient 

convaincus  d'avoir  fait  passer  certaines  résolutions  au  moyen 
d'actions  privilégiées  mises  sous  le  nom  de  chefs  de  station,  d'avoir 
fait  compter  comme  valables  des  procurations  émanées  des  enfants 
du  secrétaire,  trop  jeunes  pour  écrire,  etc.,  etc. 

Nous  n'avons  pas  l'honneur  de  l'invention,  comme  on 
peut  voir  :  mais  il  faut  avouer  que  pour  la  contrefaçon  nous 
n'avons  pas  nos  pareils. 


—  163  — 

§   ri.    r.ORRLPTIOX    DES   MŒURS   PUBLIQUES    PAR   LA   BOURSE. 

Que  le  gouvernemenl  fasse  des  lois  contre  les  associations, 
les  réunions,  les  attroupements  ;  qu'il  interdise  à  la  presse 
la  discussion  de  ses  acles;  qu'il  prévienne  et  réprime.,  par 
des  avertissements  officieux  et  officiels  ,  jusqu'aux  velléités 
d'opposition;  qu'il   prétende  dominer  ce  qu'il  y  a  de  plus 
indomptable,  Topinion,  et  donner  le  mot  d'ordre  à  l'esprit 
public  comme  à  ses  préfets  :  il  ne  peut  empêcher  que  chaque 
jour,  à  heure  fixe,  au  centre  de  Paris,  trois  ou  quatre  mille 
individus,  ardents,  turbulents,  passionnés,  se  réunissent  en 
unesorle  de  club  où  se  débattent  les  plus  hautes  questions 
de   la    politique  et  de  l'économie,  la  protection  et  le  libre 
échange,  la  paix  et  la  guerre,  la  confiance  et  la  crise.  Le 
canon  de  la  victoire  annonce  un  jour  à  la  France  impatiente 
que  son  drapeau  flotte  sur  les  remparts  de  l'ennemi.  Le 
peuple  crie  hurra!  lEmiure  est  dans  l'ivresse.  Les  habita- 
tions se  pavoisent  et  s'illuminent;  les  spéculateurs,  chacun 
chez  eux,  prennent  part  à  l'allégresse  générale.  Mais  le  len- 
demain, un  vote  improbateur  du  club,  —  la  baisse,  —  vient 
signifier  au  vainqueur  que  le  monde  des  affaires  n'a  point 
à  se  réjouir  des  succès  d'une  guerre  entreprise  sans  son 
aveu,   et  rappeler  à   César  triomphant  qu'il   n'est  rien  de 
plus  que  le  premier  actionnaire  de  l'État,  primus  inter pa- 
res. La  Bourse  ne  connaît  pas  de  dictateur. 

C'est  que  ces  trois  ou  quatre  mille  clubistes  représentent 
quatre  ou  cinq  cent  mille  Français  répandus  sur  tous  les 
points  du  territoire,  vérifable  cohue,  au  premier  aspect , 
vaste  pandémonium  où  se  coudoient  laquais  et  grands  sei- 
gneurs, où  les  princes  de  la  finance  tripotent  et  trafiquent 
avec  leurs  frotteurs  et  leurs  portiers.  Mais  si  l'on  considère 
les  puissants  intérêts  qui  s'agitent  dans  cette  assemblée , 
dette  de  l'État  et  des  communes,  banques  et  institutions  de 
crédit,  canaux  et  chemins  de  fer,  navigation  fluviale  et  ma- 
ritime, assurances,  mines,  forges,  filatures,  raffineries, 
usines,  biens  meubles  et  immeubles,  on  peut  dire  que  l'élite 
de  la  nation,  le  paijs  légal,  comme  on  l'appelait  sous  le  der- 


—  164  — 

nier  roi,  se  trouve  à  la  Boursu.  Les  principes  qui  régissent  la 
société,  son  es|)rit,  sa  conscience  ,  ses  idées  sur  le  jusie  et 
l'injuste,  viennent  se  résumer  ilans  ce  sommaire.  La  Bourse 
est  le  pouls  que  doit  palper  le  palhologiste  afin  de  diai^nos- 
tiqner  l'état  moral  du  pays.  Là  tout  ce  qui  peut  être  robjet 
d'une  appréciation  esi  rcprésiMité  :  richesse  matérielle  et  ri- 
chesse immalérielle,  comne  disait  S  ly  ;  le  génie  des  savants 
et  l'habileté!  des  industrieux;  la  probilé  du  citoyen  et  l'hon- 
nêteté du  gouvernement  ;  le  patriotisme  et  le  droit  des  gens  ; 
la  vei  tu  et. les  intérêts. 

Eh  bien!  telle  est  maintenant  la  question  que  le  pays  se 
pose  :  Y  a-t-il  quelqu'un  en  France  qui  croie  encore  à  la 
justice  et  à  l'honneur?  Sommes-nous  tous  gangrenés,  ou 
resle-t-il  quelques  âmes  saines?  Que  l'oracle  réponde.  La 
consultation  est  des  plus  graves-,  ne  dédaignons  aucun 
symptôme... 

Nous  voilà  loin  des  discussions  casuistiques  sur  Finno- 
cuité  ou  l'immoralité  du  jeu.  Les  80  millions  d(!  droits  de 
courtage  des  agents  de  change,  les  50  à  60  millions  néces- 
sités par  les  reports  à  chaque  liquidation,  les  centaines  de 
millions  engagés  comme  conveitutes  et  payements  de  diffé- 
rences sur  des  transactions  llctives:  toute  cette  afflucnce  de 
capitaux  détournés  de  l'agricidture,  du  commerce  et  de  l'in- 
dustrie; le  dcgoùl  des  aflaires  sérifuses .  la  fièvre  du  gain 
illicite,  aléatoire,  ayant  |)Our  corollaire  la  ruine  des  familles, 
sont  les  moindres  des  crimes  de  l'agiotage.  Le  vol ,  la  con- 
cussion, la  malversation,  l'escroquerie,  l'abus  de  confiance, 
font  p  irtie  intégrante  de  ses  moyeu'^,  de  ses  mœurs. 

Que  lesjournaux,  clients  de  la  fi'odalitéboui'sière,  viennent 
encore  bercer  le  |)ublic  de  démocratisation  du  crédit,  par  le 
morcellement  des  valeurs  mobilières,  la  répartition  des  litres 
négociables  entre  des  millions  de  propriétaires  :  on  sait  ce 
que  c'est  que  l'actionnaire,- la  vache  à  lait  du  financier. 
Quand  une  compagnie  parle  de  dédoubler  ses  actions,  c'est 
qu'elle  a  absorbé  tout  le  disponible  dans  une  certaine  classe 
de  fortunes,  et  qu'elle  éprouve  le  besoin  d'aller  faire  le  vide 
dans  les  plus  petites  bourses. 

Depuis  six  ans  il  s'est  édifié  des  fortunes  de  dix,  quinze, 


—  165  — 

vingt  et  quarante  millions  ;  tel  père  de  lann'lle  conslitiic  à 
sa  fille  dix  millions  de  dot.  l/ancienne  église  s;iinl-siino- 
nienne,  à  elle  seule,  a  fait  razzia,  dit  l'Envie,  d'un  demi- 
milliard.  D'immenses  domaines  ,  en  France,  en  Algérie,  lui 
appartiennent  ;  des  parcs,  des  ch;\leaux,  des  latifundia^ 
avec  le  cheptel  baillé  par  l'État.  Devait-on  moins  à  ces  ini- 
tiateurs du  crédit  démocratisé?... 

Tout  ce  qui  repiéseiite  un  principe ,  une  idée,  un  scnli- 
menl,  tout  ce  que  la  France  a  aime  ou  haï  avec  passion,  la 
religion,  la  légitimité,  lempire,  l'orléanisme,  la  république, 
est  rejeté  sur  le  second  plan.  C'est  la  cote  des  fonds  qui 
gouverne,  qui  impose  la  paix,  la  non-inteivention  ,  qui 
adresse  des  remonlrances  à  JNaples,  des  conseils  de  modéra- 
tion au  Piémont.  C'est  pour  elle  que  nos  plus  belles  lignes, 
Paris  -  Strasbourg  ,  Orléans- Boideaux  ,  Tours- Nantes,  le 
Centre,  Versailles- Rennes  ,  construites  par  l'État  et  afïer- 
mées  d'abord  à  moins  de  cinquante  ans,  ont  été  aliénées 
pour  qualre-vingl-dix-neuf  ans  ;  que  des  subventions  sont  ac- 
cordées pour  être  esiomplées  en  une  Bourse.  Déjà  la  société 
a  mis  la  main  sur  la  propriété  bâtie;  ses  journaux  préparent 
l'expropriation  du  cultivateur,  sous  prétexte  d'ignorance  et 
de  routine.  ((  Nous  allons  tomber  dans  la  culture  maraî- 
chère, «disent-ils.  Dans  l'intérêt  de l'alinientation  publique, 
dans  l'intérêt  même  du  colon,  il  faut  cx|iiopr;rr  le  paysan, 
reconstruire  les  grands  tiefs,  envoyer  aux  colonies  les  bras 
disponibles,  les  boni  lies  inutiles.  Le  jésuitisme  et  Venfanti- 
nisme  sont  unanimes  sur  ce  point.  IJ Univers  religieux  y 
met  une  franchise  compromettante;  les  saint-simoniens 
voudraient  se  couvrir  du  masque  de  l'intérêt  public  :  voilà 
le  secret  de  leurs  querelles.  • 

Des  projets  circulent  à  faire  bondir  de  joie  les  régénéra- 
teurs de  certaine  école.  On  parle  d'une  compagnie  qui  de- 
mandeiait  la  concession  de  tous  les  docks  à  construire  en 
France,  qui  serait  commanditée  de  deux  milliards  par  la 
Banque,  alin  d'acheter  tous  les  produits  de  l'agriculture,  qui 
ferait  l'escompte  aux  petits  commerçants  et  créerait,  sur 
leurs  produits,  des  billets  à  rente  dont  ils  payeraietit  l'inté- 
rêt. Le  génie  de  l'école  a  tiré  des  valeurs  en  actions  ce  qu'elles 


—  166  — 

pouvaient  rendre:  les  valeurs  en  immeubles  suivent  le  mou- 
vement :  reste  à  attaquer  les  valeurs  en  produits. 

Où  s'arrêteront  ces  envahissements?  «  ces  créations  anormales 
et  presque  monstrueuses  de  l'esprit  des  affaires,  non-seulement 
porté  à  sa  plus  haute  puissance,  mais  encore  s'élançant  bien  au 
delà  des  limites  permises;  —  créations  innommées,  qui,  entrepre- 
nant sur  la  fortune  acquise  ou  sur  l'industrie  honnête  du  prochain, 
ont  pour  résultat  de  jeter  le  plus  grand  nombre  hors  de  ses  voies, 
et  trop  souvent  dans  la  misère,  tandis  qu'en  haut  de  l'abîme  où  il 
est  tombé,  quelques-uns  parmi  les  habiles  de  ceux-là  à  qui  il  - 
faut  à  tout  prix  des  millions  et  encore  des  millions,  auront,  par 
ces  spéculations  échevelées,  trouvé  moyen  d'accaparer  à  leur  pro- 
fit toutes  les  jouissances;  —  créalioiTs  que  le  vulgaire  contemple  et 
admire,  bouche  béante,  comme  un  résuUat  prodigieux  de  l'intelli- 
gence des  atTaires,  comme  un  signe  visible  du  progrès,  tandis 
qu'examinées,  analysées  par  la  raison  et  la  réflexion,  elles  ne  sont 
guère  qu'un  retour  à  l'état  barbare  en  fait  d'industrie;  que  le 
symptôme  alarmant  d'une  décadence  réelle  et  prochaine;  que  la 
survenance  morbifique  d'une  sorte  de  chancre  financier  qui  finira 
par  ronger  le  corps  social,  par  l'exténuer,  pour  le  profit  de  quel- 
ques-uns, au  grand  dommage  de  l'intérêt  de  tous;  créations  pom- 
peusement appelées  économiques,  qui,  commençant  par  l'abus  de 
la  liberté  de  concurrence,  finissent  par  le  scnndale  du  monopole; 
—  sortes  de  coalitions  qui  défient  et  affrontent  la  loi  en  se  pla- 
çant audacieusement  sous  son  égide,  et  qui  Uniront  par  réduire 
l'exploitation  de  l'industrie  de  ce  noble  pays  de  France  à  un  vaste 
pachalik,  où  il  n'y  aura  plus  que  quelques  despotes  régnant  sur 
un  peuple  d'esclaves.  »   (Des  Fusions  et  des  grandes  Com[jagnies 
de  chemins  de  fer,  par  Jules  Mareschal,  ancien  directeur  de  la 
Liste  civile.) 

Ce  qui  vient  de  la  flùtc  s'en  va  au  tambour,  dit  le  pro- 
verbe. Les  excentricités  du  luxe,  la  débauche  somptueuse, 
le  vice  doré,  Forgie  aux  Cinq  cent  mille  francs  de  rente,  la 
prostitution  sous  Tor  et  la  soie,  sont  la  conséquence  de  for- 
lunes  faites  sans  travail,  au  milieu  des  rapines.  La  lille  en- 
tretenue a  conquis  une  importance  correspondante  au  dé- 
veloppement de  la  spéculation  déshonnète;  cest  une  classe 
dans  la  société,  ayant,  comme  Tantique  noblesse,  son  fau- 
bourg, son  monde,  ses  réceptions.  La  femme  du  monde  riva- 
lise avec  elle  de  folies  et  d'extravagances.  Qu'csl-co  que  le 


—  167  — 

mariage,  après  tout,  dans  l'aristocratie  bourgeoise?  Un  con- 
trat dalfaires,  une  commandite  à  deux ,  où  les  parts  sont  ré-, 
glées  comme  dans  toute  société  de  commerce.  La  fille  dotée 
n'entend  pas  s'en  tenir  aux  modestes  revenus  de  son  patri- 
moine ;  le  mari  pour  elle  n'est  qu'un  agent  chargé  de  tirer 
de  ses  capitaux  le  plus  fort  revenu  possible,  une  sorte  d'en- 
tretencur  légal,  condamné  à  satisfaire  les  ruineux  caprices 
de  sa  moitié.  La  lilléralure,  le  théâtre,  malgré  ses  ridicules 
sermons  en  trois  ou  cinq  actes,  suent  la  crapule  et  l'obcé- 
nité;  les  prix  de  vertu  ne  trouvent  plus  de  lauréats.  Voulez- 
vous  que  les  écrivains  aillent  chercher  des  pastorales  d'un 
autre  âge?  Us  observent,  ils  décrivent,  ils  [ihotographient 
leur  entourage;  le  coUodion  dessine  des  monstres,  des  che- 
napans et  des  catins.  Puis  ou  crie  à  l'immoralité  de  Fart.  '<.  Le 
«  beau ,  dit  Hégcl,  c'est  l'identité  de  l'idée  et  de  la  forme.  » 

Cependant  que  font  les  grands  pouvoirs  de  la  société, 
l'Ordre  judiciaire,  l'Université,  l'Église? 

Nos  gens  de  lois,  confinés  dans  leur  droit  romain  ,  replâ- 
tré il  y  a  cinquante  ans  sous  le  nom  de  Code  civil,  s'isolent 
de  plus  en  plus  du  mouvement.  Les  chapitres  de  la  vente, 
de  la  donation,  de  la  servitside,  de  l'hypothèque,  de  la  près, 
cri  pi  ion ,  sont  toujours  à  leurs  yeux  la  Somme  de  la  sagesse. 
M.  Troplong  va  jusqu'à  nier  que  l'association  des  capitaux 
soit  susce[)tible  d'une  meilleure  forme  :  il  prouve,  ce  que 
l'on  savait,  (pie  l'antiquité  la  plus  reculée,  Tyr,  Carthage, 
Massilie,  lescolonies  grecques,  connaissaient  la  commandite; 
affirmant  que  la  législation  actuelle  suffit  à  tout,  et  suffira 
largement  encore  pendant  des  siècles.  Aussi  pendant  que  le 
prince  de  la  magistrature,  infatué  de  maximes  immobi- 
listes, préconise  l'excellence  du  droit  civil,  la  prééminence 
du  tribunal  civil,  la  masse  des  transactions  prend  de  plus 
en  plus  le  caractère  commercial,  et,  livrée  à  l'incertitude 
des  définitions  mercantiles,  à  la  contradiction  des  théories 
économiques,  désespère  la  conscience  du  juge  et  défie  la 
science  du  jurisconsulte. 

Forcée  d'obéir  à  liuqjulsion  d'en  haut,  la  magistrature 
oublie   qu'en   matière    de   législation   comme   eu    matière 


—  168  — 

d'économie,  conserver,  c'est  améliorer,  c'est  réformer  sans 
cesse;  elle  se  laisse  déborder  par  la  juridiction  consulaire, 
juridiction  sans  doclrine,  sans  tradition,  incapable  par  elle- 
même  de  discerner,  la  plupartdu  temps,  le  justedel'injuste; 
et,  tout  en  préparant  sa  propre  déshérence,  prépare  la  déso- 
lation de  la  société.  Lorsiiu'il  se  produit  devant  une  cour 
quel((ue  fait  d'escroquerie  du  domaine  de  l'agiotage,  juges, 
procureurs  et  avocats  ouvient  de  grands  yeux  et  restent  in- 
terdits au  récit  de  manœuvres  que  n'a  point  décrites  Justi- 
nien.  11  leur  faut  un  inter|)iète  pour  saisir  le  sens  des  faits 
soumis  à  leur  jugement ,  calculer  la  |)ortée  des  idées  qui  les 
produisent.  La  magistrature  n'est  plus  une  puissance  que 
de  nom,  condamnée  à  laisser  faire,  parce  qu'il  lui  est  défendu 
de  comprendre. 

L'enseignement  :  sans  doute  il  a  dû  marcher  avec  le  siè- 
cle, éliminer  de  ses  programmes  force  grec  et  latin,  qu'il  a 
remplacé  par  égale  quantité  de  mathématique,  de  physique, 
de  chimie,  de  mécanique.  L'ère  des  rhéteurs,  des  argumen- 
tateurs  in  barocho  et  barbara,  fait  |)lace  à  celle  des  hommes 
positifs,  chiiïreurs,  maçons,  constructeurs,  arpenteurs,  re- 
mueurs  de  terre  et  de  moellons,  mineurs  et  métallurgistes. 

Mais  si  l'mstruclion  s'est  transformée  quant  à  la  matière, 
l'Université,  quant  à  l'esprit  qui  l'anime,  est  restée  la  même. 
Maîtres  et  grand-maître,  organisés  désormais  en  petite  Église, 
loin  des  profanes,  éciivent  pour  leurs  intimes,  pour  leurs 
néophytes,  de  pompeuses  amplifications  sur  Dieu,  le  Beau, 
le  Bien,  le  Juste,  le  Saint,  le  Vrai.  De  l'Utile  et  des  lois  qui 
le  régissent  ils  ne  savent  mot;  des  droits  du  travailleur,  des 
devoirs  du  capitaliste,  du  piopi  iétaire,  de  léchangiste,  rien. 
C'est  du  matérialismi',  disent-ils,  du  sensualisme,  de  la  révo- 
lution. Ah!  s'il  s'agissait  des  belles  daines  du  grand  siècle, 
des  bas-bleus  de  la  cour  de  Louis  XIV  et  de  Louis  W!... 
L'Université,  elle  aussi,  prépare  son  abdication. 

L'Église  n'est  pas  à  ce  point  oublieuse  de  ses  intérêts. 
Elle  se  souvient  qu'elle  fut  jadis  l'àme  de  la  féodalité,  et 
compte  bien  reconquérir  sa  prépotence  dans  la  féodalité 
nouvelle.  Nulle  part  l'esprit  moderne,  l'esprit  d'accaparc- 


—  169  — 

ment,  ne  s'est  plus  complètement  incarné;  Tart  de  lever  des 
primes  et  des  coiilrihiilions  y  est  poussé  aux  plus  extrêmes 
limites.  D'.iprès  une  statistique  tort  modérée  du  journal 
\  Estafette^  les  subventions  des  d(''|)artemenls  et  des  com- 
munes ainsi  que  le  casuel  ne  montent  pas  à  moins  de  48  mil- 
lions et  demi,  qui,  joints  aux  36,485,000  tV.  du  budiiet, 
forment  un  revenu  fixe  de  plus  de  85  millions  par  an.  Mais 
le  journal  ne  compiend  pas  dans  cechiirie  les  contributions 
des  coniirégalions  pieuses  :  œuvre  de  la  Mi>éricor(le,  œuvre 
de  la  Comp:ission,  œuvre  de  Saint-Fianeois-Xavifr,  œuvre 
de  Saint-François-Pié<]fi^,  œuvre  du  Sacré-Cœur  de  Marie, 
du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  œuvre  de  la  Siiinle-Eiifanre  pour 
le  racbat  des  petits  Chinois,  œuvre  du  Saint  Rosaire,  et 
mille  autres  œuvres  dotil  les  noms  seuls  rempliraient  des 
pages.  La  Propagation  de  la  foi  compte  des  sousciiptenrs 
par  millions,  à  un  sou  par  semaine;  de  pauvres  vieilles  fem- 
mes, trop  pauvres  pour  payer  celle  mince  rélributon,  se 
réunissent  à  quatre  ou  cinq,  domiant  chacune  leur  [)aiivre 
liard,  alléchées  par  la  promesse  d'indulgences  temporelles 
et  plénières  portées  en  déduction  de  leurs  vieux  [jéchés. 
El  les  biens  des  communautés,  et  les  donations,  el  les  iidéi- 
commis;  puis  les  quêtes  par  les  jolies  femmes  à  qui  la  galan- 
terie ne  permet  pas  de  refuser;  les  pièces  dor  et  d'ar- 
gent collées  aux  cierges,  les  locations  de  chaises,  les  messes 
à  grand  orchestre,  les  pour-boire  de  bedeaux,  suisses  et 
sacristains 

«  Il  nous  tant  de  l'argent,  beaucoup  d'argent,  disait  un  prédica- 
teur du  mois  de  M  irie,  trois  cent  raille  tVancs,  pour  élever  à  la 
Vierge  une  statue  colossale  au  Puy.  » 

Un  ecclésiastique  de  Paris,  trancliant  tVanchement  la 
question,  n'hésita  pas,  au  commencement  de  l'année,  à  or- 
ganiser i)ar  aciions  l'exploitation  de  l'église  Saint-Eugène. 
La  mise  en  conunanditede  la  messe  et  des  sacrements,  sous 
les  auspices  d'im  banquier  juif  :  quelle  naïveté!...  L'interven- 
tion de  rarchovcquf!  lit  cesser  le  scaifdale  :  nous  n'avons  p(jint 
entendu  dire  que  le  curé  spéculateur  ait  quitté  la  paroisse. 

Cependant  la  foi  est-elle  ardente?  La  religion  fleurit-elle 

10 


—  170  — 

au  cœur  des  croyants  comme  aux  receltes  du  budget?  «  Ja- 
mais il  n'y  eut  pareille  alïluence  aux  églises,  disait  un  piêlre 
du  Jura;  mais  jamais  aussi  l'hypocrisie  ne  fut  plus  générale 
ni  Tirréligiou  plus  profonde.  »  Les  mères,  dans  les  grandes 
villes,  envoient  leurs  lîlles  au  catéchisme  en  maugréant  du 
temps  qu'elles  y  perdent  ;  elles  a-spirent  après  le  moment  où 
leurs  enfants  seront  débarrassés  de  leurs  communions.  Un 
curé  du  département  de  Seine-et-Marne  écrit  au  journal 
V  Estafette  : 

«  Ignorez-vous  dans  quel  état  malheureux  sont  tombées  les  po- 
pulations des  diocèses  voisins  de  Paris?  Ne  savez-vous  donc  pas 
qu'elles  n'ont  plus  de  chrt'tien  que  le  nom?  Toutes  relations  entre 
elles  et  les  curés  ont  à  peu  près  cessé.  La  foi  de  ces  derniers  n'é- 
clairant plus  les  âmes,  leur  ministère  n'est,  aux  yeux  du  peuple, 
qu'un  \il  métier.  » 

Ainsi  ces  vieilles  puissances  du  monde  que  respectaient 
les  révolutions,  que  les  changements  de  dynasties  trouvaient 
et  laissaient  debout,  comme  Tarche  sainte  à  lacpielle  était 
attaché  le  salut  d'Israël,  ces  grandes  inslilulions,  qui  ont 
jadis  passionné  les  masses  et  fait  couler  le  sang  pour  leurs 
querelles,  n'ont  plus  de  racines  dans  la  société.  Le  jour  où 
le  bras  du  pouvoir  cessera  de  les  soutenir,  elles  tomberont 
d'elles-mêmes,  sans  qu'il  se  trouve  seulement  une  voix  popu- 
laire pour  prononcer  leur  oraison  funèbre.  Les  dieux  sont 
partis;  le  vi(  ux  monde  est  mort  :  excessêre  dii. 

La  puissance  nouvelle,  la  féodalité  boursière  a  tout  en- 
vahi, tout  remplacé;  elle  seule  a  le  privilège  de  soulever  les 
passions,  d'exciter  l'enthousiasme  et  la  haine,  de  faire 
battre  les  cœurs,  de  révéler  la  vie.  C'est  pour  elle  que  l'ar- 
mée veille,  que  la  police  fonctionne,  que  l'Université  en- 
seigne, que  TÉglise  prie,  que  le  peuple  travaille  et  sue,  que 
le  soleil  éclaire,  que  les  moissons  mûrissent,  que  tout  pousse 
et  fructifie. 

Son  esprit  envahit  l'Europe  entière.  De  toutes  parts  sur- 
gissent des  Crédits  mobiliers,  des  coalitions  de  banquiers, 
des  fusions,  des  agglomérations  de  capitaux  et  d'entre|)rises 
à  l'image  de  ce  qui  se  passe  chez  nous.  L'Anglais  et  l'Amé- 
rique déclament  contre  la  machine  Pereire  :  ils  la  jalousent. 


—  171   — 

Noire  amour-propro  national  se  complaît  à  faire  de  la 
France  la  grande  initiatrice  des  peuples.  Après  leur  avoir 
porté  l'idée  et  la  liberté,  leur  donnerons-nous  aussi  la  ser- 
vitude? 

Car  il  n'y  a  plus  à  reculer,  il  faut  que  cette  situation  ait 
une  issue;  et  il  n'y  en  a  que  deux  possibles  :  —  on  le  triom- 
phe du  système ,  c'est-à-dire  l'expropriation  en  grand  du 
pays,  la  concentration  des  capitaux,  du  travail  sous  toutes 
ses  formes,  l'aliénation  de  la  personnalité,  du  libre  arbitre  des 
citoyens  au  profit  d'une  poignée  de  croupiers  insatiables;  — 
ou  la  liquidation. 

Liquidation!  ce  mot,  terrible  comme  le  sphinx,  parce 
qu'on  ne  le  comprend  pas,  qui  apparut  en  1848  aux  bour- 
geois stupéfaits  comme  une  menace  et  une  vengeance,  n'a 
plus  rien  qui  doive  etfraycr.  l.a  liquidation,  ce  n'est  ni  un 
kilomètre  de  raihvay  de  moins,  ni  une  usine  supprimée,  ni 
une  machine  brisée,  ni  un  muid  de  blé  de  perdu,  ni  une 
force  productive  quelconque  anéantie.  Si  les  80  milliards 
d'opérations  qui  se  font  annuellement  à  la  Bourse  n'ajoutent 
pas  un  centime  à  l'actif  social ,  l'exéculion  en  masse  de  cette 
population  parasite  ne  créera  pas  non  plus  im  centime  de 
déficit.  J.es  créanciers  n'auront  englouti  dans  leurs  porte- 
feuilles ni  nos  forêts,  ni  nos  prairies,  ni  nos  domaines  culti- 
vables: les  forges,  les  filatures,  les  métiers,  les  denrées 
agricoles,  les  produits  coloniaux  ne  se  seront  point  attachés 
à  la  semelle  de  leurs  sandales;  ils  n'auront  point  ébréclié  le 
capital  national,  en  le  déplaçant,  l'accaparant,  le  monopo- 
lisant; en  établissant  dîmes  et  corvées  sous  une  forme  quin- 
tessenciée,  et  mettant  à  rançon  tout  ce  qui  produit  et  con- 
somme. Qu'ils  partent!...  La  liquidation,  ce  sera  le  retour 
à  l'ordre,  une  miit  du  4  août.  Gloire  au  travail,  paix  à  ceux 
qui  [)roiluisent,  union  efforce  entre  tous  ceux  qui  échan- 
gent :  voilà  la  liquidation.  Que  si  la  caste  crie  encore  à  la 
spoliation ,  au  martyre,  du  moins  on  ne  dira  plus  que  c'est  le 
Juste  qui  est  sacrifié  pour  le  sahil  du  Peuple... 


DEUXIEME  PAUÏIE. 

MATIÈRE    DE    LA   SPÉCULATION. 


Nous  avons  exposé  flans  noire  première  partie  la  cause, 
l'objet,  la  police,  les  voies  et  moyens,  les  abus,  délils  et 
crimes  de  la  spéculation  boursière.  Il  nous  reste  à  en  faire 
connaître  la  matière. 

Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  des  eflots  publics  et  pri- 
vés dont  le  cours  est  coté  au  bulleliu  de  la  Bourse. 

Les  marchandises  se  pèsent  ou  se  nicsm  enl ,  et  se  vendent 
au  prix  de...  pour  une  rpiantilé  de...  Elles  po!  lent  leur  va- 
leur et  leur  page  en  elles-mêmes.  Jl  n'en  est  pas  ainsi  des 
titres.  La  mesure  d(i  leur  valeur,  c'est  le  tant  pour  cent  qu'ils 
riipportenl  ;  leur  gage,  c'est  la  nature  et  les  chances  de  suc- 
cès de  l'entreprise. 

L'origine  des  effets  négociables,  les  exploitations  qui  leur 
servent  de  base,  Itiurs  tlucl nations,  voilà  ce  qu'il  nous  reste 
à  dire  pour  compléter  noire  cadre. 

Afin  de  mettre  un  peu  d'ordre  dans  celle  revue,  nous  la 
diviserons  en  Irois  sections,  correspondant  à  trois  séries  de 
titres  bien  distinct'^. 

La  première  section  comprendra  les  rentes  et  obligations 
de  l'État  et  des  municipalités,  c'est-à-dire  la  dette  publique, 
ayant  pour  hypothèque  les  revenus  de  rim[jôt  général  et 
municipal. 

Dans  la  seconde,  nous  traiterons  des  actions  et  obliga- 
tions des  compagnies  industrielles,  dont  la  garantie  repose 
sur  le  succès  de  l'entreiirise. 

El. fin,  dans  la  troisième,  nous  dirons  un  mot  des  fonds 
étrangers,  (jui  sont  mutièie  de  spécidations  à  la  Bourse  de 
Paris. 


-    173  — 

PREMIÈRE  SECTION. 

FOXDS  PIBLICS  FmÇAIS. 

L'impôt  se  répartit  en  trois  budgets  :  celui  de  l'État,  celui 
des  dé|'.arlemeiits  et  celui  des  communes. 

Le  budget  de  lÉlat  est  le  même  pour  toute  la  France; 
le  budgt't  départemental  varie  'suivant  cbaque  circonscrip- 
tion territoriale,  et  n'est  uniforme  que  dans  un  même  dé- 
partement; enfin  le  budget  communal  varie  à  chaque  com- 
mune. 

L'État,  les  départements,  les  communes,  quand  les  dé- 
penses excèdent  les  recettes,  ont  recours  aux  emprunts.  Les 
titres  d'empnmt,  coupons  de  lente  ou  obligations,  sont  va- 
leurs négociables  et  matière  à  spéculation.  De  toutes  les 
créances  municipales  ou  déparlemontalcs,  celles  de  la  ville 
de  Paris  et  de  la  ville  de  iMarseille  figurent  seules  au  bulletin 
financier.  Nous  n'aurons  pas  à  nous  occuper  des  autres. 


CHAPITRE  PREMIER. 

Dette  de  l'État. 


Les  budgets,  à  quelque  chilîre  qu'ils  s'élèvent,  ne  suffisent 
jamais  aux  dépenses;  elles  sont  constamment  en  excédant 
sur  les  recettes.  Nous  n'avons  point  à  rechercher  ici  les 
causes  de  cette  anomalie;  il  nous  suffit  d'enregistrer  le  fait 
et  de  voir  quel  rapport  il  a  avec  notre  sujet. 

Afin  de  couvrir  le  déficit,  les  gouvernements,  de  même 

10. 


—  174  — 

que  les  fils  de  famille,  s'adressent  aux  usuriers.  C'est  un 
moyen  de  se  procurer  de  l'argent  comptant,  en  engageant 
l'avenir.  I.es  condifions  du  prêt  varient  suivant  les  garanties 
et  la  solvabilité  du  ])rodigue.  J.'Etat  emprunte  à  fonds  per- 
du, c'esl-à-dire  qu'il  n'est  jamais  tenu  au  remboursement 
du  capital.  En  revanche,  il  en  doit  perpétuellement  l'intérêt. 
De  1814  à  1847,  il  a  été  payé  10  milliards  433  millions  et 
demi  de  rente,  pour  une  dette  dont  le  capital  n'atteignait 
pas  tout  à  faite  milliards.  Cesem])runts  non  remboursables 
forment  ce  qu'on  aiipelle  la  detle  consolidée. 

Les  emprunts  sont  contractés  au  pair.,  ait-dessus  ou  au- 
dessous  du  pair. 

Au-dessous  du  pair,  les  conditions  sont  mauvaises  pour  le 
gouvernement-,  or.  c'est  le  cas  le  ])liis  fréquent,  comme  il 
résulte  du  tableau  suivant  des  emprunts  et  de  leur  taux  de- 
puis 1810: 

5  0/0      0  millions  de  rentes  venJus  sur  ]ilace  à  divers,  du 

1"  mai  1810  au  1"  avril  )817,  au  laux  moyen  (1)  de.     .')7  26 
30  millions  des  années  18!7  el  1818,  taux  moyen.  .  .     57  65 

]4,2?5,60()fr.,  mai  1818,  par  sousciiplion 66  60 

12,313,433  t'r.,  novemlire  1818,  adjugé  à  MM.  Hope 

el  Buiinp,  au  laux  de 67     » 

9,686,220  fr.,  août  1821,  adjugé  à  MM.   HoUinguer 

Baguenault  et  Delesserl,  au  taux  moyen  de 86  65 

23,114.516  fr.,  juillet  1823,  adjugé  àMM.  de  Roth- 
schild, an  taux  de 89  65 

4  0,0     3,1:54,960  Ir..  janvier  1830,  adjugé  à  MM.  de  Holh- 

schild  frères,  au  taux  de 102  07  1/2 

6  0/0  7.142,858  fr.,  1831,  négocié  à  divers,  à 84     » 

7,614,213   fr. ,  août  18.32,  adjugé  à  MM.  de  Roth- 

.«(•hiid  trèies,  au  laux  de 98  60 

3  O'O     6,130,069  fr.,  octobre  I8il,  adjugé  à  MM.  de   Roth- 
schild friTcs,  au  laux  de 78  62  1/2 

7,079.(i46  fr..  décembre  1844,  adjugea  MM.  de  Roth- 
schild, au  taux  de 84  75 

Eui|iruut  lie  1847,  de  260  millions  en  capital,  adjugé 

à  M.M   (le  Rolhschild,  au  mois  de  novembre,  à.  ...     76  26 

6  0/0     13,131,600   IV.,  24  juillet    1848,  avec  jouissance  du 

22  Miiirs  précédent,  négocié  à  divers,  au  maximum.     76  26 

l\)  C'est-à-dire  que  l'Étal  donne  6  fr,  de  vente  pour  67  fr.  26  c.  de  ca- 
pital qu'il  reçoit.  (>'est  de  l'argent  à  8  73  0,0. 


—  175  — 

3  et  4  1/2   Emprunt  de  1854,  de  250  millions  de  capilal  elTectif', 
0/0  occasionné  par  la  tnierre  d'Orient  et  convcrl  par 

souscription  nationale  : 

Le  3  0,0  ai!  taux  de G5  25 

Le  4  1/2  0,0  au  taux  de 92  50 

Emprunt  de  janvier  1855,  de  500  millions,  pour  la 
même  cause,  souscrit  de  la  même  manière  : 

Le  3  0,0  à C5  25 

Le  4  1/2  à 92     • 

Emprunt  de  juillet  1S55,  de  T.'jO  millions  (780  mil- 
lions en  réalité),  mr'ine  origine,  même  mode  d'é- 
mission ; 

Le  3  0/0  .^ G5  25 

Le  4  1/2  à 92  25 

[Ces  trois  derniers  emprunts,  les  premiers  de  ce  genre  qui  aient  été 
contractés  par  le  gouvernement  français,  aux  applaudissements  de  la  presse 
républicaine,  ont  révélé  des  faits  curieux. 

Sur  le  premier,  98,000  souscripteurs  ont  offert  4G7  millions,  savoir  ; 
2G,000  souscripteurs  à  Paris,  représentant  214  millions;  72,000  dans  les 
départements,  représentant  253  millions.  —  Les  souscriptions  de  50  fr.  de 
rente  et  au-dessous,  au  nombre  de  00,000,  se  sont  élevées  à  49  millions, 
soit  en  moyenne  816  fr.  60  c;  les  autres,  au  nombre  de  38,000,  ont  monté 
à  4  18  millions,  soit  en  moyenne  11,000  fr. 

Sur  le  second  emprunt,  de  600  millions,  177,000  souscripteurs  ont  offert 
2  milliards  175  millions,  savoir  :  51,000  souscripteurs  à  Paris,  représen- 
tant 1,398  millions  (dont  300  millions  environ  souscrits  à  l'étranger)  ; 
126,000  dans  les  départements,  représentant  777  millions. —  Les  souscrip- 
tions de  500  fr.  de  rente  et  au-dessous  se  sont  élevées  à  836  millions  ,dé- 
])assant  ain*i  de  336  millions  le  chilîre  de  l'emprunt.  Les  souscriptions 
au-dessus  de  500  fr.  ont  été  refusées,  et  celles  de  10  à  500  fr.  ont  subi  une 
réduction  de  40  à  42  0/0. 

Sur  le  troisième  emprunt,  de  750  millions,  31G,8G4  souscripteurs  ont 
offert  3,652,591,985  fr.,  savoir  :  80,000  souscripteurs,  à  Paris  et  à  l'étran- 
ger, représentant  2  milliards  534  millions  (dont  GOO  millions  à  l'étranger); 
237,000  dans  les  départements,  représentant  1,119  millions. —  Les  sous- 
criptions de  50  fr.  de  rente  et  au-dessous  se  sont  élevées  à  231 ,920,155  fr. 

Dans  ces  chiffi'es,  il  faut  com[)ter  que  les  grandes  maisons  de  banque  et 
le  Crédit  mobilier  ont  grossi  considérablement  la  quotité  des  offres.  Ce 
dernier  établissement,  lors  du  deuxième  emprunt  de  1S5,V,  a  souscrit  pour 
sou  compte  ".'50  millions,  et,  quelques  jours  plus  tard,  375,  tant  en  son 
nom  qu'en  celui  de  l'Angleterre  et  de  plusieurs  Etals  de  l'Allemagne  :  ce 
qui  d'une  pari  réduit  notablement  la  moyenne,  et  prouve  de  l'autre  que  le 
gouvernement,- en  s'adressant  directement,  comme  d'babitude,  aux  gros 
capitaux,  en  eût  été  quille  h  meilleur  marché. 

Un  fait  curieux  qui  ressort  de  la  compaiaison  des  résultats  de  ces  trois 
emprunts,  c'est  la  faveur  toujours  croissante  qu'acquiert  le  3  0;0.  On  sait 


—  176  — 

que  cette  espèee  de  fonds  est  le  marché  favori  de  la  spéculation  ;  le  -4  1/2  est 
l'objet  de  peu  de  transactions,  quoique  plus  avantageux  au  point  de  vue  du 
rendement. 

Dans  le  premier  emprunt,  les  demandes  en  3  0/0  ne  vont  pas  au  double 
de  celles  en  4  1/2  :  3(18  millions  conire  l6'.).  —  D;in<  le  sei-onl,  elles  dé- 
passent le  quintuple  :  1,800  millions  contre  369.  —  D.itis  le  troisième,  elles" 
montent  au  septuple  ;  le:^  renies  déliiiitiveuient  inscrites  en  3  0;0  étant  de 
31.699.740  fr.  contre  4,3S9,760  fr.  en  4  1;2. 

L'es[)rit  de  spéculation  a  donc  ijajfné  dans  la  proportion  de  2  à  7  en  seize 
mois.  C'est  qu'en  iffil  le  public  n'est  pas  lonsj;  à  s'initier  aux  procédés  de 
la  linance  quand  il  s'aL'il  d'intérêts.  Un  emprunt  émis  en  juillet,  avec  jouis- 
sance du  22  mars  précédent  pour  le  4  1/2.  du  22  juin  pour  le  3,  une  renie 
payée  inléf;ralement  sur  le  taux  du  capital  souscrit,  qui  ne  sera  versé  qu'en 
dix-huit  mois,  c'est  toute  ime  série  de  bonifications  telles,  que  le  moins 
cher  des  trois  emprunts,  dédiiclion  l'aile  des  intérêts  anlicipés,  s'est  en 
réalité  négocié:  en  3  0,0  à  62  75;  en  4  1/2  à  S9  8ii.  A  la  somme  de  750  mil- 
lions s'est  .ijoiitée  une  somme  suppléminiaire  de  30  millions,  lors  du  der- 
n'er  emprunt,  afin  de  faciliter  les  liquidations  et  de  couvrir  les  frais  de 
l'escomple. 

Les  ;J|6,000  sonscri|ileurs  ont  pressenti  qu'il  y  avait  là  matière  à  gros 
profits.  Aussi  le  petit  capitaliste  qui  n'a\ait  que  1.000  fr.  n'hésitait-il  pas  à 
sou^crire  pour  7  ou  S, 000,  [lersiMilé  (prav;int  le  second  versement,  il  aurait 
vendu  à  prime  et  louché  une  différence    Voilà  pourquoi  il  prenait  du  3  0/0. 

Ccpeiid.iht  quand  ^10,000  spéculateurs  se  rangent  d'un  mêmi;  côlé,  tous 
vendeiM's,  ils  ne  peuvent  iiianqiier  de  prnduiie  ce  qu'un  appelle  en  terme 
de  Bourse  éciuscintnt  d  s  cours-  Il  n'y  avad  point  d  acheteurs,  et  les  bul- 
leiins  liiiaiiclers  ne  manquaient  pas  de  lépéter,  à  chaque  liipiidalion  :  «  Les 
«  titres  du  dernier  emprunt  ont  lieaiicoiip  de  peine  à  se  classer  «Chique 
échéance  amenait  des  exécutions  La  faveur  accordée  aux  souscripteurs  de 
50  fr.  de  rente  et  au-dessous,  de  ne  subir  aucune  réduction,  en  a  ruiné 
plus  d'un. 

Les  trois  derniers  emprunts  ont  fait  inscrire  au  budget  une  somme  totale 
de  rentes  annuelles  de  71,709,380  fr.] 

11  y  a  en  tout  cela,  comme  on  voit,  ample  matière  à  spé- 
culation, de  beaux  prolits  à  faire,  cest  le  cas  le  plus  iVé- 
queiit;  parfois  des  risques  à  courir,  comme  le  prouvent  les 
détails  suivanis,  que  nous  cmpi  unions  au  Traité  des  Opéra- 
tions de  banque,  de  M.Courcelle-Seneuil. 

«  Le  10  novembre  18-47,  la  maison  Rothschild  soumissionnait 
au  gouvernement  IVaiiçais  uti  emprunt  de  250  millions,  moyennant 
d.'livritnce  d'inscripliuns  de  10  millions  environ  de  renie  3  0/0, 
dont  rÊtaf  [)ay!iii  par  anticipalion  les  arrérages,  à  dater  du  22  dé- 
cembre 1847.  Le  soumissionnaire  s'engageait  à  verser  au  Trésor 


—  177  — 

12  millions  1/-2  le  2-2  novembre,  12  millions  1/2  le  22  décembre, 
o  millions  le  7  janvier  18-48,  et  10  millions  le  7  de  cbaque  mois 
jnsques  et  compris  le  7  novembre  18i9.  En  taisant  le  décompte 
des  arrérages,  l'État,  qui  acbetait  alors  par  la  Caisse  d'amortisse- 
^ment  le  3  0/0  au  cours  moyen  de  7(>fr.  71c.,  le  cédait  à. M.  de  Roth- 
schild au  prix  de  72  fr.  48  c.  Les  25  millions  des  deux  premiers 
termes,  payés  par  anticipation,  sous  escompte  de  3  0/0,  restaient 
affectés  à  la  garantie  du  Trésor,  jusqu'au  payement  du  solde 
définitif. 

«  L'opération  paraissait  donc  excellente,  et  le  soumissionnaire  la 
réalisa  d'abord  avec  une  grande  facilité.  Non-seulement  il  acquitta 
les  premiers  termes  avec  exactitude,  mais  il  escompta  une  partie 
des  suivants  et  les  paya  avant  l'échéance  II  avait  acheté  à  4  fr.  36  c. 
au-dessous  du  cours  du  10  novembre  :  si  l'état  du  marché  ne  chan- 
geait pas,  il  pouvait  donc  espérer  un  bénéfice  de  Jo  millions  au 
moins. 

«  85  millions  environ  avaient  été  payés  et  réalisés,  lorsque  sur- 
vint la  révolution  de  février.  Le  soumissionnaire  de  l'emprunt  était 
donc  libre  d'engagements  jusqu'au  B  juillet  1848:  mais  à  cette 
date,  il  devait  verser  au  Trésor  un  peu  plus  de  5  millions,  puis 
10  millions  de  mois  en  mois  jusqu'au  7  novembre  1849.  Or,  au 
7  juillet  18  48,  le  cours  de  la  rente  3  0/0  était  a  50  fr.  73.  S'il  ne 
se  relevait  pas,  et  si  le  soumissionnaire  était  forcé  de  réaliser,  il 
avait  en  perspective  une  perte  de  plus  de  00  millions,  sur  les  163 
qui  restaient  à  verser,  ou  l'abandon  de  son  cautionnement  de 
25  millions.  Le  danger  était  d'autant  plus  grand  pour  lui,  que  le 
Trésor  pouvait  sans  peine  faire  face  à  ses  besoins,  au  moyen  du 
crédit  de  100  millions  (jue  lui  avait  ouvert  la  Banque  de  France, 
et  du  produit  de  l'impôt  extraordinaire  des  i5  centimes. 

«  Heureusement  pour  le  soumissionnaire  de  l'emprunt  de  no- 
vembre 18i7.il  trouva  dans  la  personne  de  M.  Goudchaux  un  mi- 
nistre accommodant,  qui  consentit  à  le  relever  de  désengagements 
et  à  lui  faire  donner  par  l'État  13  millions  de  rentes  5  0/0,  au  taux 
même  aucpiel  il  avait  soumissionné  la  rente  3  0/0  en  1847.  En 
admettant  (|ue  les  cours  restassent,  jusqu'à  l'expiration  des  nou- 
veaux engagements,  à  77  fr.  25  c,  taux  du  24  juillet,  jour  oi'i  ils 
furent  souscrits,  le  soumissionnaire,  exposé  la  veille  a  une  perte 
de  23  millions,  avait  le  lendemain  en  perspective  un  bénétice  d'en- 
viron 1 1  millions,  outre  la  chance  presque  certaine  de  voir  les  cours 
se  relever. 

»  Telles  sont  les  éventualités  auxquelles  les  soumissions  d'em- 
prunt peuvent  donner  ouverture.  11  a  tenu  à  la  volonté  d'un  mi- 


—   178  — 

iiistre  des  finances  que  le  hanquipr  le  plus  puissant  et  le  plus  habile 
dans  ces  sortes  d'opérations  perdît  ^o  millions  ou  en  gagnât  H. 
M.  Goudchaux  a  préféré  le  deuxième  ternie  de  cette  alternative; 
mais  un  ministre  plus  méticuleux,  plus  timoré,  aurait  pu  craindre 
d'imposer  un  sacrifice  de  tant  de  millions  au  Trésor,  et  alors  par» 
quelle  perte  ne  se  soldait  pas  la  soumission,  d'abord  si  avanta- 
geuse, du  10  novembre!  » 

Mais  d'où  vient  que  les  litres  d'une  renie,  si  exactement 
et  si  chèrement  payée,  ne  sont  pas  toujours  en  hausse?  Com- 
ment peuvent-ils  tomber  à  50  0/0  au-dessous  de  leur  valeur? 
—  Laissons  de  côté  les  prétextes,  et  venons  au  fait.  Le  fait 
est  que  quand  il  s'agit  dans  un  gouvernement  d'emprunter 
100  millions,  la  concurrence  est  impossible  et  le  taux  légal 
impraticable.  L'usure  est  maîtresse  de  la  position,  et  la  loi 
forcée  de  s'incliner  respectueusement.  Le  résultat  de  l'em- 
prunt national,  ainsi  que  nous  venons  de  le  faire  remarquer, 
le  démontre  péremptoirement. 

Un  gouvernement  qui  emprunte  raisonne  comme  un  par- 
ticulier; c'est  un  remède  cà  la  gêne  du  moment.  11  scn  em- 
pare donc,  parce  qu'avant  tout  il  faut  sortir  d'embarras  ; 
mais  il  a  la  ferme  résolution  d'éteindre  ses  dettes  par  une 
rigoureuse  économie.  L'ouvrier  prend  un  livret  à  la  Caisse 
d'épargne;  le  négociant  se  crée  .un  fonds  de  réserve;  le  gou- 
vernement institue  une  Caisse  d'amortissement. 

La  Caisse  d'amortissement,  dont  la  première  idée  remonte 
au  consulat,  fut  organisée  par  la  loi  du  2  avril  181G,  afin  de 
racheter  les  rentes  créées  par  les  emprunts  successifs.  Sa 
dotation,  fixée  d'abord  à  20  millions,  fut  portée  à  40  par  la 
loi  du  23  mars  LSI 7,  qui  y  afiecta  en  outre  le  produit  des 
forêls  de  l'État.  Elle  est  aujourd'hui  de  75,018,903  fr.  Les 
rentes  rachetées  par  l'amorlissemenl  continuent  de  lui  êlre 
servies  jus  ^u'à  ce  qu'une  loi  en  ait  prononcé  la  radiation.  La 
loi  du  1"  mars  1825  défendit  d'amortir  au-dessus  du  pair; 
celle  du  19  juin  1833  ordonna  qu'à  l'avenir  tout  emprunt 
serait  doté  d  un  fonds  d'amortissement  qui  ne  pourrait  être 
moindre  de  1  0/0  du  capital  nominal  des  rentes  créées. 

Afin  de  donner  à  l'institution  un  caractère  tout  à  fait  sé- 
rieux, elle  fut  placée  sous  la  surveillance  d'une  commission 


—  179  — 

choisie  en  dehors  de  l'administration  ordinaire.  Cette  com- 
mission se  compose  d'nn  sénateur,  de  deux  membres  du 
Coips  législatif,  d'un  président  de  la  Cour  des  comptes,  du 
gouverneur  de  la  Banque  et  du  président  de  la  Chambre  de 
commerce. 

Les  rachats  de  la  Caisse  d'amortissement  doivent  se  faire 
avec  concurrence  et  publicité  :  un  tableau  placé  à  la  Bourse 
indique  chaque  jour  la  somme  en  capital  qui  doit  être  affec- 
tée à  chaque  nature  de  rentes. 

La  dotation  de  l'amortissement  figure  toujours  au  budget 
seulement  aux  épo(|ues  de  gêne,  les  rachats  sont  suspendus, 
et  les  sommes  y  affectées  sont  reportées  à  des  dépenses  ex- 
traordinaires: c'est  ce  qui  a  eu  lieu  depuis  1848.  Toutefois  ce 
n'est  pas  la  bonne  volonté  qui  manque  au  gouvernement  de 
se  libérer.  Depuis  1816,  il  n'a  pas  dépensé  moins  de  2  mil- 
liards en  rachats.  Malheureusement  les  emprunts  rt  les  con- 
solidations vont  encore  plus  vite  :  eu  sorte  que  la  dette  con- 
solidée, qui  était  en  18 J 4  de  63,307,637  fr.  de  rentes  5  0/0, 
se  décompose,  au  commencement  de  1856,  de  la  manière 
suivante  : 

3,   i  et  4  1/2  0,0 , 2fifi  SDO.ISS  fr. 

Emprunts  spéciaux •     10. -300.027 

Intérêts  de  capitaux  rembours;ibles  à  divers  titres.    .  .     33  500, ('00 
Amortissement 75,018.903 

Total '385,715,716 

Dette  viagère 68.735,035 

Ensemble 454,450,751 

Elle  est  portée  au  budget  de  1857  pour  511,225,062  fr. 
Cest  presque  le  tiers  du  budget. 

Quand  on  a  prélevé  cette  somme,  il  reste  à  payer  tous  les 
fonctionnaires  publics,  l'armée,  la  marine,  les  travaux,  les 
dotations,  en  un  mot,  toutes  les  dépenses  annuelles;  car  les 
511  millions  sont  absorbés  par  les  dettes  du  passé,  et  ne 
produisent  absolument  rien.  * 

A  côté  de  la  detle  consolidée,  qui  monte,  monte,  sans  qu'on 
puisse  prévoir  où  et  quand  s'arrêtera  sa  marche  ascension- 
nelle, \\x  delte  flottanle  s  an^QQi  grossit  de  son  côté.  La  dette 


—  180  — 

flollante  qui  no.  comprend  encore  ni  les  dotations  des  grands 
pouvoirs  de  l'État,  ni  le  service  des  ministèics  s'élevait,  au 
1"  a\ril  1856,  à  761,424,500  fr.  ainsi  repartis: 

Fnnil-;  (le?  Caisses  (J'rpargnc 191.3:57,100  Cr. 

FoniJs  des  coinmtines  et  des  élablissemenls  publics.  .  .  135  770.900 

Caisse  des  dé|iôts  el  consifTialiiin? (i.47"2,000 

A^an(•ps  des  l'ec-veiirs  fiéiiéraux 100,4"i.T..iOO 

Fnnds  des  C'"  de  Paris-Lyon  el  du  Grand-Ceiilral,    .  .  S, 122.3110 

Bons  du  Trésor 27i,33(i  300 

Divers 47,900.000 

Total 701,424,600 

Les  principaux  éléments  de  la  deile  floltanle  ne  sont  que 
des  dépôts.  11  semble  dès  lors  ([u'ils  ne  devraient  pas  être 
considérés  comme  dettes  et  charges  au  budget.  Mais  le  gou- 
vernement, en  payant  rinléiêl  de  ces  dépôts,  se  léserve  im- 
plicilemenl  le  droit  de  di.^poser  des  fonds  :  aussi  en  use-l-il 
comme  d'une  propriété.  —  C'est  une  consommation  qui,  en 
principe,  peut  être  considérée  comme  illégale  :  mais  l'abus 
est  devenu  usage,  et  l'usage  est  souverain  en  politique  comme 
en  grau  maire. 

La  de/te  Jlotfanfe  devient-elle  excessive  et  les  créanciers 
viennent-ils  en  masse  r(''clamer  le  remboursement  :  on  en 
est  quitte  pour  consolider  :  c'est  ilne  vraie  banqueroute.  On 
l'a  vu  en  1848. 

Après  la  dette  flottante  et  la  dette  consolidée  viennent  les 
découverts.  Nous  lisons  dans  le  Budget  des  recettes  et  des 
dépenses  de  l'exercice  de  1857,  soumis  au  Corps  législatif 
en  1856: 

«  L'exposé  des  motifs  du  projet  de  loi  qui  vous  est  soumis  relativement 
aux  crédits  supjiiémentaires  et  exiraordinuires  de  la  session  186G  porte  le 
découvert  de  1854  à .■ 70  millions 

«  El  celui  de  1855  à. 50      — 

«  Enscmble 120  millions 

«  Décoiiverls  antérieurs '?80      — 

«  Ce  qui  élève  le  découvert  actuel  à 900  millions» 

11  n'est  pas  besoin  de  révolution  pour  amener  une  crise  : 
l'accumulatiou  des  charges  y  suflit.  L'expérience  prouve,  en 
effet,  que,  malgré  tous  les  efforts  de  l'amortissement,  la  detio 


—  181  — 

publique,  llottante  et  consolidée,  tend  incessamment  à  ab- 
sorber le  budget.  Où  est  alors  la  garantie  promise  aux  ren- 
tiers?... L'histoire  se  charge  de  répondre.  Elle  fournit  de 
nombreux  exemples  de  banqueroutes  partielles.  Sans  remon- 
ter aux  altérations  des  monnaies,  sous  Pliilipi)ele  Bel,  nous 
trouvons  dans  les  temps  modernes  les  faits  suivants  : 

1°  Sully  réduisit  les  intérêts  accordés  aux  prêteurs  sous 
les  règnes  précédents,  et  aflecta  les  à-comples  déjà  payés  au 
remboursement  du  capital. 

2°  Sur  la  tin  du  règne  de  Louis  XIV,  sous  l'administration 
deDesmarest,  on  suspendit  le  payement  du  capital  et  des  in- 
térêts d'une  foule  de  créances,  notamment  des  fonds  déposés 
à  la  caisse  des  emprunts. 

3°  A  la  chute  de  la  banque  de  Law,  on  iit  une  réduction 
arbitraire  des  dettes  de  l'Etat. 

4^  I^'abbé  Terray ,  peu  de  temps  après,  refusa  de  payer 
un  grand  nombre  de  dettes,  ainsi  que  les  rescriptions  du 
Tiésor. 

5°  Les  mandats  et  les  assignats  de  la  révolution  subi- 
rent une  dépréciation  extrêmement  préjudiciable  aux  por- 
teurs. 

6"  Le  ministre  Ramel  réduisit,  en  1798,  la  dette  des  deux 
tiers. 

7"  En  1848,  le  gouvernement  de  la  république,  héritier  du 
déficit  creusé  par  la  monarchie  orléaniste,  dut  ollrir  aux 
déposants  des  Caisses  d'épargne  et  aux  porteurs  de  bons  du 
Trésor  des  titres  de  rente  au  lieu  d'espèces.  C'était  une  trans- 
action, lorsque  de  fort  honnêtes  gens  conseillaient  la  ban- 
queroute pure  et  simple. 

Les  hommes  du  gouvernement  provisoire,  en  présence  du 
déficit,  eurent  à  se  poser  celte  question  : 

«  Dans  l'impossibilité  de  solder  toutes  les  créances,  vaut-il 
mieux  suspendre  les  payements  de  la  dette  flottante  que  ceux 
de  la  dette  consolidée?» 

La  solution  fut  favorable  aux  rentiers  ;  sans  doute  à  la  pro- 
chaine crise  ce  sera  leur  tour  de  payer  le  tribut. 

Les  créanciers  porteurs  de  bons  et  de  livrets  reçurent,  au 
lieu  d'argent,  des  titres  (le  l'cnte  lierpéluellc.  népnriahics  à 

11 


—  182  — 

leurs  risques  et  périls^  les  rentiers  pourraient  bien  subir  un 
jour,  sous  forme  de  conversion  sans  remboursement,  un  im- 
pôt, fort  légitime  au  fond,  dont  par  privilège  ils  ont  été  de 
tout  temps  affrancbis. 

L'exagération  des  cbarges,  la  peur,  le  manque  de  confiance 
dans  le  crédit  public,  les  mouvements  delà  spéculation  mer- 
cantile et  industrielle,  telles  sont  les  causes  de  baisse  et  de 
dégringolade  dans  le  cours  des  effets. 

La  peur,  comme  toutes  les  passions,  a  ses  nuances  :  elle 
s'appelle  au  minimum  inquiétude^  au  maximum  panique; 
d'où  les  grandes  et  les  petites  oscillations  de  la  cote.  Toute- 
fois, pour  le  rentier  sérieux,  tant  que  les  arrérages  sont  in- 
tégralement payés,  tant  que  le  numéraire  conserve  sa  valeur 
relative,  il  n'y  a  lieu  ni  à  la  hausse  ni  à  la  baisse;  sa  sécu- 
rité est  complète.  Les  joueurs  seuls  se  trouvent  atteints  par 
les  fluctuations  quotidiennes. 

QUATRE  ET  DEMI  POUR  CENT  NOUVEAU  (ancien  cinq). 

Le  5  0/0  est  le  premier  par  ordre  d'ancienneté  et  d'impor- 
tance, des  consolidés  français.  Ce  fut  le  seul  taux  en  usage 
jusqu'en  1825. 

Les  intérêts  de  l'ancienne  dette  publique  avaient  été  arrê- 
tés ainsi  au  l^^'aoùt  1793: 

Ancienne  dette  perpétuelle 78,810,000  fr. 

Intérêts   de  la  delte    provenant  d'elTets  au  porteur  et 

d'acUons 20,707,000 

Intérêts  de  diverses  charges  remboursées 31,386,000 

Elle  s'accrut,  jusqu'en  1798,  de  : 

Emprunts  forcés 8,G50,000  fr, 

Delte  des  communes  et  des  départem"^    8,000,000 

Dette  des  émigrés 7,500,000  ^^  ^^^  ^^^ 

Conversion  des  rentes   viagères   en  ;         >       > 

perpétuelles 12,000,000 

Payements  en  inscriptions 10,763,000 

Total  en  1798 194,716,000  fr. 

sans  préjudice  de  83,217,913  fr.  dépensions  viagères. 


—  183  — 

La  loi  des  finances  de  cette  année  ordonna  que  toutes  les 
dettes  de  l'État  seraient  remboursées,  savoir  :  deux  tiers  en 
bons  au  porteur,  qui  perdirent  en  peu  de  temps  80  0/0  de 
leur  valeur,  et  un  tiers  en  inscriptions  de  rentes  5  0/0  au 
grand-livre.  C'est  ce  qu'on  appela  la  liquidation  Ramel,  du 
nom  du  ministre  qui  Texécula.  La  dette  inscrite  prit  le  nom 
de  tiers  consolidé,  qu'elle  conserva  jusqu'en  1802,  où  elle  le 
changea  contre  celui  de  5  0/0. 

De  1798  au  V  avril  1814,  la  dette  se  composa  ainsi  : 

Tiers  consolidé  de  la  liquidation  Ramel 40,216,000  fr. 

Dettes  des  pays  réunis G, 080, 000 

Créances  arriérées 11,254,000 

Consolidation  des  bons  de  l'ancienne  Caisse  d'amortis- 
sement      5,000,000 

Au  profit  du  domaine  extraordinaire 781,657 

Total 03,307,637 

La  Restauration  créa,  en  1825,  le  3  et  le  4  1/2,  et  en  18.30 
le  4  0/0,  qui  enregistrèrent  ensemble  54  millions  et  demi  de 
rentes.  Cela  n"empêcha  pas  le  5  0/0  de  monter,  déduction 
faite  des  rachats  opérés,  à  127,123,386  fr. 

Le  gouvernement  de  Juillet  légua  aussi  son  contingent  de 
charges  :  40  millions  environ,  amortissement  déduit.  Le 
5  0/0  en  endossa  la  plus  forte  part,  et  il  s'élevait,  au  com- 
mencement de  1848,  à  146,752,523  fr. 

La  consolidation  des  livrets  de  Caisses  d'épargne  et  les  em- 
prunts, après  la  révolution  de  Février,  ont  eu  lieu  en  5  0/0  5 
de  sorte  qu'au  T"^  janvier  1849,  le  5  figurait  au  budget  pour 
189,658,130  fr. 

La  conversion  du  14  mars  1852,  et  des  annulations  succes- 
sives l'ont  réduit,  à  cette  époque,  de  33,591,918  francs.  Au 
1"  janvier  1855,  avant  le  classement  des  derniers  emprunts, 
il  figurait  au  budget  pour  159,219,079  fr. 

De  1798  à  1852,  le  5  0/0  a  subi  deux  conversions  :  l'une 
facultative,  sous  le  ministère  Villèle,en  1825:  l'autre  forcée, 
—  sauf  faculté  [)our  les  porteurs  de  demander  le  rembourse- 
ment, —  le  14  mars  1852. 

Le  droit  pour  l'État  de  réduire  l'intérêt  de  sa  dette  en 


-^  184  — 

oU'ratitaux  rentiers  le  remboursement  du  capital,  s'ils  n'ac- 
cèdent à  la  conversion,  est  formellement  consacré  par  le 
Code: 

«  Toute  rente  constituée  en  perpétuel  est  essentiellement  rache- 
table.  — Les  parties  peuvent  seulement  convenir  que  le  rachat  ne 
sera  i>iis  fait  avant  un  délai  ([ui  ne  pourra  excéder  dix  ans,  ou  sans 
avoir  averti  le  créancier  au  terme  d'avance  qu'elles  auront  déter- 
miné. ))  (Art.  19H,  Code  civil.) 

Donc,  si  le  gouvernement  trouve  de  largent  à  meilleur 
compte  que  celui  dont  il  paye  l'intérêt,  il  i)eutse  libérer  avec 
le  premier  prêteur. 

C'est  ainsi  que  l'Angleterre  a  exonéré  de  2/5  en  22  ans  la 
rente  de  sa  dette  inscrite.  Elle  a  converti  : 

1822,  le  5  0,0  en  4  ; 
1830,  le  4  en  3  1/2  ; 
1844,  le  3  1/2  en  3. 

La  Prusse,  en  1842,  a  réduit  son  4  0/0  à  3  1/2. 

La  Belgique,  eu  1844,  a  converti  son  5  en  4  1/2. 

Trois  fois  sous  le  règne  de  Louis-Philippe,  en  1838,  1840 
et  1845,  la  loi  de  conversion  a  passé  à  la  Chambre  des  dé- 
putés ;  trois  fois  cette  réforme  est  venue  échouer  contre  le 
mauvais  vouloir  du  gouvernement,  protecteur  des  rentiers, 
sous  prétexte  d'inopportunité. 

Enfin,  le  14  mars  1852,  le  président  de  la  république,  sur 
le  rapport  du  ministre  des  linances,  M.  Bineau,  a  décrété 
qu'à  l'avenir  l'Etat  ne  payerait  plus  que  4  1/2  0/0  par  cou- 
pon de  5. 

Le  mode  de  conversion  adopté  en  cette  circonstance  a  été 
le  plus  simple,  celui  qui  olTre  aux  rentiers  d'opter  entre  la 
réduction  et  le  remboursement  au  pair. 

Les  demandes  de  remboursement  devaient  se  produire 
dans  les  délais  suivants  :  —  vingt  jours  jjour  les  personnes 
résidant  en  France  ;  —  deux  mois  pour  les  personnes  hors 
de  France,  mais  en  Europe  ou  en  Algérie  ;  —  un  an  poiu-  les 
personnes  hors  d'Europe. 

Afin  de  subvenir  aux  demandes  de  remboursement,  la  loi 
autorisait  M.  le  ministre  des  finances:  1°  à  négocier  des  bons 


~   185  — 

(lu  Ti('sor:  -2"  à  fairo  inscrire  an  graiitl-livro  des  renies  qui  ?e 
vendraient  avec  publicité  et  concurrence. 

Comme  on  l'avait  prévu,  l'immense  majorité  subit  la  réfluc- 
tion.  Les  remboursements  ne  s'élevèrent  qu'à  3,685,592  t'r. 
de  rentes,  représentant  un  capital  de  73,711,840  fr. 

Pour  que  l'opération  réussit,  il  fallait  que  les  fonds  fassent 
au-dessus  du  pair.  Or,  le  3  0/0,  en  mars  et  avril  variait  de 
70  à  72,  et  le  3  avril,  jour  on  le  5  disparut  de  la  cote,  le 

4  1,2  fit  101.  Le  rentier  qui  voulait  réaliser  avait  donc  béné- 
fice à  vendre  au  cours  de  100  60,  101,  puisque  l'Ktat  ne 
donnait  que  100. 

S'il  y  avait  quelque  chose  à  reprocher  à  la  loi  du  14  mars, 
ce  serait  de  n'avoir  pas  étendu  la  mesure  à  toute  la  dette. 
Les  porteurs  de  4  1/2  ancien,  4  et  3  0/0,  se  sont  trouvés  pri- 
vilégiés par  rapport  aux  rentiers  du  5.  Ces  derniers,  par  le 
fait  de  leur  acceptation,  se  trouvent  imposés  d'un  dixième; 
les  premiers  sont  francs  de  toute  retenue.  Ceux  qui  ont  de- 
mandé le  remboursement  ont  reçu  100  fr.  par  coupon  de  5, 
lorsque  le  vendeur  de  3  0/0  recevait  70  fr.  par  coupon 
de  3  (1).  11  y  a  eu  inégalité  de  charges  entre  les  créanciers 
du  Trésor. 

Ce  serait  une  réforme  importante  que  celle  qui  réduirait 
tous  les  consolidés  à  un  taux  unique.  L'avenir  sans  doute  la 
réalisera. 

La  loi  de  conversion  garantit  le  nouveau  4  1/2  pendant  dix 
ans  contre  le  remboursement.  —  Le  semestre  de  mars  1852  a 
été  le  dernier  soldé  à  5  0/0.  — L'amortissement  de  l'ancien 

5  est  transféré  au  nouveau  4  1/2.  —  La  conversion  a  réduit 
les  charges  annuelles  du  budget  de  17,839,240  fr. 

Le  mode  adopté  en  1825  par  M.  de  Villèle  est  moins  simple 
et  moins  efficace  que  celui  dont  nous  venons  d'exposer  le 
mécanisme  et  les  effets. 

Le  ministre  oifrait  aux  rentiers  d'échanger  leurs  titres 
5  0/0  contre  du  3,  qui  leur  serait  délivré  au  taux  de  75  fr., 
c'est-à-dire  qu'il  leur  donnait,  en  échange  de  5  fr.  derente 
5  0/0,  4  fr.  de  rente  3  0  0,  d'où  résultait  pour  le  Trésor  une 

(1)  Le  3  OiO  à  70  supposerait  le  à  0,0  à  11  G  GG. 


—  186  — 

réduction  de  1/5  dans  Tintérêt,  et  une  augmentation  de  1/5 
dans  le  capital  de  la  dette  (1).  C'est  ce  qu'on  a  nommé  la 
conversion  en  un  fonds  au-dessous  du  pair. 

La  loi  qui  autorisait  cet  échange,  purement  facultatif,  fut 
rendue  le  1*""  mai  1825.  Elle  ollrait  aussi  de  convertir  le  5 
en  4  1/2  au  pair.  24,459,035  fr.  de  rentes  3  0/0  remplacèrent 
30,574,116  fr.  de  5;  et  1,149,840  fr.  de  5  0/0  furent  changés 
en  1,034,764  fr.  de  4  1/2.  Réduction  annuelle  dans  les 
charges  du  Trésor  :  6,  230,157  fr. 

Le  résultat  ne  pouvait  être  considérable.  Qu'importe  en 
effet  que  le  gouvernement  reconnaisse  à  la  rente  un  capital 
plus  fort,  puisqu'il  ne  doit  jamais  le  payer,  et  qu'il  l'amortit 
lui-même  au-dessous  de  son  titre  nominal?  Du  3  0/0  à  75, 
c'est  de  l'argent  au  denier  25,  comme  du  4  à  100  fr.,  du  5  à 
125  fr.  Ce  qu'il  y  avait  de  plus  immédiat,  c'était  la  réduc- 
tion de  1  /5  dans  les  arrérages.  Ceux  qui  acceptèrent  l'échange 
proposé  ne  firent  autre  chose  qu'une  opération  d'arbitrage 
analogue  à  celles  que  nous  avons  citées  en  exemple,  page  99. 
Le  3  0/0  devant  toujours  se  maintenir  plus  cher  que  le  5, 
c'était  un  appât  oftert  à  la  spéculation. 

Les  intérêts  du  4  1/2  se  payent  au  22  mars  et  au  22  sep- 
tembre. Les  négociations  avec  jouissance  du  semestre  échu 
sont  fermées  16  jours  avant  l'échéance  ,  et  les  efléls  se  ven- 
dent dès  le  7  mars  et  le  7  septembre  coupon  détaché^  c'est- 
à-dire  avec  jouissance  du  semestre  suivant. 

Le  cours  du  5  0/0  a  toujours  été  au-dessous  du  pair  de 
1798  à  1824  ^  on  l'a  vu  tomber,  en  1799,  à  7  fr.  —11  n'a  ja- 
mais été  aussi  haut  que  dans  les  dernières  années  du  règne 
de  Louis-Philippe. 


(1)  Un  exemple  fera  mieux  comprendre  ce  genre  d'opération.  Du  3  0/0  à 
76,  c'est  de  l'argent  au  denier  25;  du  5  0/0  à  100,  de  l'argent  au  denier 
W.  En  changeant  mon  5coiilre  du  3  à  75,  je  subis  une  réduction  de  1/5; 
car  si  pour  75  fr.  je  touche  3  fr.  de  rente,  pour  100  fr.  je  n'en  toucherai 
que  4.  Mais,  la  conversion  faite,  on  me  reconnaît  100  fr.  de  capital  par  cha- 
que coupon  de  3  fr.  ;  en  sorte  que  mes  4  fr.  de  renie  représentent  133  fr. 
33  c.  Ainsi,  dans  ce  système,  15  fr.  de  rente  5  0/0,  représentant  300  fr.  de 
capital,  deviennent  12  fr.  de  rente,  représentant  400  fr. 


—  187  — 
QUATRE  ET  DEMI  POUR  CEXT  ANCIEi\. 

L'ancien  4  1/2  est  peu  important.  11  date  de  la  conversion 
Villèle,  dont  nous  venons  de  parler.  La  loi  qui  autorisait  l'é- 
change du  5  0/0  contre  du  3  à  75  permettait  aussi  la  con- 
version du  5  en  4  1/2  au  pair,  avec  garantie  contre  le  rem- 
boursement jusqu'au  22  décembre  1835.  Il  résulta  de  cette 
opération  l'inscription  de  1,034,764  fr.  de  4  1/2  remplaçant 
un  chiffre  équivalent  au  5  OyO  de  1 ,149,840  fr. 

Ce  fonds  ne  s'est  jamais  accru  d'aucun  emprunt  -,  il  s'éle- 
vait, au  !"■  janvier  1855,  à  884,560  fr.  de  rentes. 

La  loi  de  conversion  dernière,  en  garantissant  le  nouveau 
4  1/2  contre  le  remboursement  pendant  dix  ans,  ne  stipule 
point  que  la  même  mesure  soit  applicable  à  l'ancien.  D'où 
résulte  pour  ce  dernier  une  défaveur  par  rapport  à  l'autre. 
Cette  différence  de  condition  a  déjà  fourni  matière  à  procès. 
—  La  spéculation  sïnquiète  peu  de  cette  rente;  c'est  une 
trop  petite  dette. 

Les  échéances  sont  aux  mêmes  époques  que  pour  le  4  1/2 
nouveau. 

QUATRE  POUR  CENT. 

11  est  postérieur,  par  ordre  de  date,  au  3  0/0,  dont  il  nous 
reste  à  parler.  11  provient  d'un  emprunt  autorisé  en  1828,  et 
adjugé,  le  12  janvier  1830,  à  MM.  Rothschild,  au  taux  de 
102  fr.  07  c.  1/2.  Le  chilïre  de  cette  partie  de  la  dette  s'éle- 
vait, lorsdela  révolution  de  juillet,  à  3,134,950  fr.  de  rentes. 
La  consolidation  des  bons  du  Trésor  affectés  à  l'amortisse- 
ment l'augmenta  de  15,294,420  fr.  en  1832,  et  la  consolida- 
tion des  dépôts  de  la  Caisse  d'épargne  y  ajouta  depuis 
8,092,647  fr.  En  1848,  le  4  0/0  figurait  au  budget  pour 
26,207,375  fr.  Au  1"  janvier  1855,  il  était  de  2,354,227  fr. 
de  rentes. 

Les  arrérages  se  payentauxmêmes  échéances  que  le  4  1/2. 


—   1S8  — 
TROIS  POUR  CENT. 

L'origine  du  3  0/0,  c'est  le  milliard  des  émigrés.  Dès  le 
début  delà  restauration,  les  royalistes,  rentrés  à  la  suite  de 
l'invasion,  n'aspiraient  à  rien  de  moins  qu'à  la  reprise  de 
possession  de  leurs  anciens  domaines.  Ces  forfanteries,  si 
vaines  qu'elles  fussent,  ne  laissèrent  pas  que  d'inquiéter  un 
instant  les  propriétaires  de  biens  nationaux.  Pourtant  la 
morgue  nobiliaire  dut  s'humilier  devant  les  faits  accomplis  : 
les  nombreuses  mutations,  le  morcellement,  et  aussi  l'opi- 
nion piibli(iue,  rendaient  impossible  la  reconstitution  des 
propriétés  seigneuriales. 

J.a  noblesse  dut  renoncer  à  ses  fiefs,  mais  non  à  une  in- 
demnité. L'issue  favorable  de  la  guerre  d'Espagne,  qui  sem- 
blait devoir  consolider  à  tout  jamais  les  dynasties  de  Bour- 
bon on  Europe,  Tavénemenl  de  (Iharles  X,  le  chef  du  roya- 
lisme fougueux  et  aveugle,  vinrent  raviver  les  espérances  de 
l'émigration,  et,  en  1825,  on  se  trouva  assez  fort  pour  pré- 
senter la  loi  d'indemnité.  La  bourgeoisie,  enrichie  par  la 
vente  des  biens  nationaux,  accepta  sans  trop  murmurer  cette 
espèce  de  cote  mal  taillée,  dont  le  budget,  c'est-à-dire  le 
peuple,  devait  en  définitive  faire  les  frais  (1). 

Les  réclamations  admises  s'élevèrent  à  987,819,962  fr. 
96  c,  —  un  milliard,  à  une  douzaine  de  millions  près. 

Ux  milliard!  les  gros  budgets  et  les  emprunts  ont  fini 
par  rendre  ce  mot  très-familier  en  matière  de  finances.  U\ 
milliard!  qui  a  jamais  cherché  à  se  rendre  compte  de  ce  que 
représente  ce  chiffre?  Un  milliard,  qu'est-ce  que  cela?  les 
deux  tiers  de  ce  que  coûte  annuellement  en  France  le  gou- 
vernement !... 

Les  législateurs  de  1825  parlaient  donc  d'un  milliard 
comme  d'une  allairc  toute  simple,  qui  ne  se  marchande 
même  pas.  Aussi  le  général  Foy  produisit-il  une  sensation 
profonde  à  la  Chambre  et  dans  le  public  en  disant,  poiu' 

(1)  RRmarquons  en  passant  qiio  la  plupart  des  éniitirés  avaient  déjà  été 
imlemnisés  par  l'empire. 


—   180  — 

donner  une  idée  de  Pénorniité  de  la  somme,  qu'il  ne  s'était 
pas  encore  écoulé  un  milliard  de  minutes  depuis  la  nais- 
sance de  Jésus-Clirist  (1). 

Ainsi,  cette  immense  période  qui  embrasse  la  chute  de 
l'empire  romain,  l'invasion  des  barbares,  l'établissement  du 
christianisme,  la  féodalité,  la  papauté,  l'islamisme,  les  croi- 
sades, la  réforme,  la  renaissance,  les  guerres  de  religion ^ 
l'absolutisme  royal,  la  révolution  française,  le  moyen  âge  et 
les  temps  modernes;  ce  gigantesque  panorama  n'avait  pas 
mis  à  se  déroider  autant  de  minutes  que  le  peuple  français 
devait  rembourser  de  francs  à  ses  anciens  maîtres  en  un  tiers 
de  siècle.  Le  travail  est  donc  plus  puissant  que  le  temps  : 
mais  les  révolutions  sont  encore  plus  paissantes  que  le  tra- 
vail. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  Chambre  adopta  le  chiffre  d'ww 
milliard.  Il  ne  fallait  pas  songer  à  payer  un  tel  capital  ;  on 
se  contenta  d'en  servir  la  rente,  qu'on  inscrivit  à  3  0/0,  pour 
30  millions,  au  livre  de  la'dette  publique  (2).  Dans  la  crainte 
qu'ime  trop  grande  émission  simultanée  ne  dépréciât  les 
titres,  les  inscriptions  ne  furent  délivrées  que  par  cinquiè- 
mes, d'année  en  année,  du  22  juin  1825  au  22  juin  1829. 
■ —  Au  22  septembre  1858  le  milliard  aura  été  intégralement 
payé,  mais  la  dette  ne  sera  pas  éteinte  :  ce  sera  l'œuvre  de 
quelque  licjuidation  Ramel,  ou  d'une  nuit  du  4  août  sur  les 
rentes  et  dividendes. 

Nous  avons  vu  comment  la  conversion  facultative  de 
M.  de  Villèle  fit  inscrire  au  compte  du  3  0,0,  24,459,035  fr. 
de  rentes.  A  la  révolution  de  juillet  le  chiffre  de  cette  par- 
tie de  la  dette  s'élevait  à  50,454,345  francs.  Mais  l'indem- 
nité n'était  pas  complètement  liquidée.  Il  n'avait  encore 
été  délivré  que  25,995,310  fr.  Le  gouvernement  de  Louis- 

(1)  On  compte  l'aum'e  de  3GÎ)  jour?  5  liRures  48  minutes,  soit  de  525,948 
minutes.  Il  ne  s'était  donc  écoulé,  à  la  fin  de  1825,  que  959,855,100  mi- 
nutes. 

(2)  L'intérêt  de  l'indemnité  fut  fixé  à  3  0,0,  tandis  que  celui  de  la  dette 
antérieure  était  à  5.  Il  n'en  faudrait  pas  conclure  que  les  indemnisés  fussent 
lésés  par  cette  différence,  (le  qu'ils  avaient  perdu,  c'étaient  des  biens  fonds, 
et  il  n'y  a  guère  de  terre  qui  rapporte  3  0/0. 

11. 


—  190  — 

Philippe,  qui  se  fût  gardé,  et  pour  cause,  de  contester  la 
légitimité  de  l'opération,  s'empressa  d'en  parfaire  les  paye- 
ments. 11  remit  à  divers,  en  inscriptions  30/0,  2,948,650  fr., 
et  en  5  0/0,  15,746  fr.  ce  qui  porte  le  compte  en  rentes  de 
rémigration  : 

En  3'  0/0  à 28,943,960  fr. 

En  5  0/0  à 15,746 

Ensemble 28,959,700  fr. 

Le  gouvernement  de  juillet  a  ajouté  au  compte  du  3  0/0, 
outre  les  2,948,650  fr.  dont  nous  venons  de  parler  :  15  mil- 
lions 1/2  pour  la  consolidatinn  de  bons  du  Trésor  affectés  à 
l'amortissement;  —  les  deux  emprunts  de  1841  et  1844, 
mentionnés  au  tableau  des  emprunts,  et  rcmpriint  de  1847, 
dont  les  versements  ont  été  suspendus  par  la  révolution  de 
février,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  précédemment. 

Le  total  des  rentes  3  0/0  s'élevait  à  l'avènement  de  la  ré- 
publique, amortissement  déduit  <à  68,1 14,883  fr. 

La  consolidation  des  bons  du  Trésor,  en  1848,  s'est  faite 
en  3  0/0,  et  a  porté  celte  rente  pour  1849,  à  91,445,044  fr. 
Au  1"  janvier  1855,  avant  le  classement  des  derniers  em- 
prunts, elle  absorbait  une  somme  de  73,984,906  fr. 

Les  arrérages  du  3  0/0  se  payent  au  22  juin  et  au  22  dé- 
cembre. Les  négociations  avec  jouissance  du  semestre  échu 
sont  fermées,  comme  pour  les  autres  renies,  16  jours  avant 
l'échéance. 

Le  3  0/0  s'est  toujours  coté  assez  ferme  jusqu'en  1848,  oià 
il  est  tombé  à  32  francs.  Il  a  suivi  depuis  la  marche  ascen- 
sionnelle de  toutes  les  valeurs. 

Aujourd'hui,  comme  sous  Louis-Philippe,  la  spéculation 
se  porte  de  préférence  sur  le  3  0/0.  La  coulisse  ne  fait  même 
pas  d'autres  valeurs.  C'est  pourquoi  il  est  toujours  plus  cher 
que  le  4  et  le  4  1/2. 

Notions  et  dispositions  communes  aux  quatre  espèces  de  fonds 
publics. 

Sous  le  nom  de  Grand-Livre  de  la  dette  publique  ^on  com- 
prend l'ensemble  de  tous  les  registres  qui  servent  à  cette 


—  191  — 

partie  de  la  comptabilité.  —  Il  y  a  autant  de  comptes  que 
d'inscriptions,  quoique  beaucoup  appartiennent  au  même 
individu. 

Les  établissements  publics  et  les  personnes  possesseurs 
d'une  grande  quantité  de  rentes  se  font  ouvrir  des  comptes 
courants  au  grand-livre. 

Il  n'y  avait  autrefois  d'inscription  qu'au  ministère  des 
finances.  Dans  le  but  de  faciliter  le  développement  du  crédit 
public,  la  loi  de  1819  créa  les  inscriptions  départementales. 
Il  est  ouvert  au  grand-livre,  à  Paris,  au  nom  de  la  recette 
générale  de  cbaque  département,  celui  de  la  Seine  excepté, 
nn  compte  collectif  comprenant,  sur  la  demande  des  ren- 
tiers, les  inscriptions  individuelles  dont  ils  sont  propriétai- 
res. Chaque  rentier  inscrit  sur  ce  livre  auxiliaire  reçoit  une 
inscription  signée  du  receveur  général  et  visée  par  le  préfet. 
Ces  titres  sont  négociables  dans  les  départements  et  peu- 
vent toujours  se  changer,  sur  la  demande  du  porteur,  en 
une  inscription  directe. 

Les  rentes  sont  nominatives  ou  au  porteur.  Les  premières 
sont  beaucoup  plus  nombreuses  que  les  secondes.  Au  sur- 
plus, il  est  facultatif  au  propriétaire  de  faire  opérer  la  con- 
version d'un  titre  nominatif  en  un  titre  au  porteur  et  réci- 
proquement. Dans  le  premier  cas,  il  dépose  au  Trésor  public 
l'inscription  nomiinative  accompagnée  d'une  déclaration  de 
transfert,  signée  de  lui  et  certifiée  par  un  agent  de  change. 
11  doit  indiquer  le  nombre  et  la  quotité  d'inscriptions  au 
porteur  qu'il  désire,  en  se  conformant  toutefois  aux  cou- 
pures ci -a  près  : 


EN  4  1,2. 

EN  4. 

EN  3 

10 

10 

10 

20 

20 

20 

30 

30 

30 

60 

50 

50 

100 

100 

100 

300 

300 

300 

500 

500 

500 

1,000 

1,000 

1,000 

2,250 

»  2.000 

1,500 

4,500 

4,000 

3,000 

—  192  — 

l.es  extraits  dinsciiplions  au  porteur  sont  à  talon,  et 
peuvent  être  à  la  volonté  du  prenant  rapprochés  de  la  sou- 
che. Chaque  extrait  est  accompagné  de  dix  coupons  semes- 
triels re|)ré5entantcinq  années  d'arrérages.  Ces  coupons  se 
détachent  aux  échéances  à  cliaque  payement.  Quand  ils  sont 
épuisés,  le  Trésor  en  délivre  de  nouveaux. 

Pour  convertir  les  rentes  au  porteur  en  titres  nominatifs, 
le  propriétaire  dépose  au  Trésor  l'extrait  d'inscription  dont 
la  conversion  est  récdamée.  en  indiquant  les  nom,  prénoms, 
qualités  et  domicile  de  la  personne  qui  doit  devenir  titulaire 
des  cfïéts. 

Le  minimum  des  inscriptions  nominatives  est  de  9  fr.  de 
rente.  Mais  quand  on  est  propriétaire  de  cette  somme,  on 
peut  acheter  l,  2,  .3  fr.,  comme  on  peut  détacher  d'un  titre 
plus  fort,  1,  2,  3  fr.,  etc. 

Le  porteur  de  plusieurs  inscriptions  peut  en  obtenir  la 
réunion  en  une  seule  en  les  déposant  au  Trésor,  bureau  des 
mutations. 

Lorsqu'un  titre  a  été  perdu,  on  peut  mettre  opposition  au 
payement  des  semestres,  et  s'en  faire  délivrer  un  duplicata. 

Les  arrérages  sont  payables  au  porteur,  en  telle  ville  qu'il 
lui  plait,  et  se  prescrivent  par  cinq  ans. 

Le  propriétaire  i)eut  aussi  donner  procuration  notariée  de 
toucher  pour  lui. 

Le  transfert  se  fait  à  la  Bom^se  même,  bureau  des  trans- 
ferts. L'agent  de  change  vendeur  remet  à  cet  eflét  à  l'em- 
ployé un  bordereau  contenant  la  nature  et  la  quotité  des 
rentes  vendues,  les  noms,  prénoms,  qualités  et  domiciles  des 
acquéreurs,  ainsi  que  la  part  aiférente  à  chacun.  Le  trans- 
fert doit  être  signé  du  vendeur  ou  de  son  fondé  de  pouvoir, 
et  certifié  par  l'agent  de  change. 

Pour  les  mutations  autres  que  les  ventes,  telles  que  celles 
provenant  de  donations,  legs,  successions,  le  nouvel  extrait 
d'inscription  est  délivré  à  l'ayant-droit  sur  le  simple  rapport 
de  l'extrait  ancien  et  d'un  certificat  constatant  l'identité  et 
les  titres  de  propriété  de  l'héritier  ou  donataire. 

Le  transfert  par  suite  de  vente  est  dit  transfert  réel,  dans 
les  autres  cas,  on  l'appelle  transfert  de  forme. 


—  11)3   — 

Tout  propriétaire  d'inscriptions  est  libre  d'en  compenser 
les  arrérages  avec  ses  conti'ibutions  directes  ou  avec  celles 
d'un  tiers.  Il  lui  suffit  d'en  faire  la  déclaration  au  receveur 
général,  qui  se  charge  de  la  perception  des  intérêts  et  de 
leiu'  application  au  payement  des  contributions,  en  quelque 
lieu  qu'elles  doivent  être  acquittées. 

Les  rentes  sont  réputées  meubles -,  elles  sontinsaisissables. 

BONS  DU  TRÉSOR. 

Les  bons  du  Trésor  sont  des  effets  que  le  gouvernement 
délivre  contre  les  sommes  qu'on  veut  bien  lui  prêter  à  courte 
échéance.  C'est  une  ressource  qui  lui  permet  d'escompter  les 
revenus  de  Timpôt.  Les  Bons  sont  à  échéance  fixe,  de  trois 
mois,  six  mois,  un  an.  Le  taux  de  l'intérêt,  indé|iendam- 
mcnt  des  variations  inhérentes  au  crédit  et  au  discrédit,  de 
l'État ,  est  différent  selon  les  époques  de  remboursement  : 
il  est  d'autant  plus  élevé  que  l'échéance  est  plus  éloignée. 

L'abondance  des  Bons  du  Trésor  sur  la  place  est  un  symp- 
tôme d'embarras  dans  les  finances  publiques.  Les  années  où 
on  en  a  le  plus  émis  sont  : 

1831  :  608,772,510  fr.     1852  :  554,904,417  fr. 
1849  :  440,972,926        1854  :  851,158,810 

Nous  n'avons  pas  le  chiffre  de  1855.  De  1835  à  1840  l'é- 
mission annuelle  n'a  pas  atteint  100  millions.  Les  années 
les  plus  favorables  sont  : 

1836  :  42,080,872  fr.      1838  :  26,485,803  fr. 

1837  :  27,485,642        1839  :  25,394,221 

Le  taux  le  plus  bas  a  été  de  2  0/0,  et  le  plus  élevé  de  6. 
Les  intérêts,  en  1856,  sont  de  : 

4  li2  de  trois  à  cinq  mois  : 

5  de  six  mois  à  onze  : 
5  1(2  à  un  an  d'échéance. 

Une  consolidation  de  Bons  du  Trésor  est  un  emprunt  forcé. 


—  194  — 
CHAPITRE  II. 

Dettes  départementales  et  municipales. 

Les  budgets  départementaux  et  municipaux,  de  môme  que 
celui  de  l'État,  s'aggravent  chaque  année  sans  que  les  dé- 
penses arrivent  jamais  à  s'équilibrer  avec  les  recettes.  La 
plus  grande  partie  des  sessions  législatives  est  employée  à 
accorder  aux  départements  et  aux  communes  l'autorisation 
de  s'imposer  extraordinaircment.  Ce  qui  n'empêche  pas  les 
quatre  cinquièmes  des  municipalités,  dans  les  grandes  villes, 
d'être  grevées  d'emprunts. 

A  la  différence  de  la  dette  publique,  dont  le  capital  n'est 
jamais  exigible,  ces  emprunts  se  remboursent  par  annuités. 
Plusieurs  grandes  villes  ont  adopté  le  système  des  obliga- 
tions à  primes,  depuis  longtemps  en  usage  à  Paris.  —  Les 
obligations  de  Paris  et  de  Marseille  sont  seules  cotées  à  la 
Bourse  ;  c'est  pourquoi  nous  ne  pouvons  mentionner  les 
autres. 

EMPRUNT  DU  DÉPAUTEMEXT  DE  LA  SEL\E. 

Une  loi  du  17  juillet  1856  a  autorisé  le  département  de  la 
Seine  à  emprunter  une  somme  de  50  millions,  affectée,  pour 
10  millions,  au  payement  de  l'arriéré  de  la  dépense  des  en- 
fants trouvés  et  des  aliénés,  et  pour  40  millions,  au  service 
de  la  Caisse  de  la  boulangerie  de  Paris  et  des  communes  du 
département. 

Par  décrets,  en  date  des  30  janvier  dernier  et  9  février  pré- 
sent mois,  S.  M.  l'empereur  a  approuvé  les  conventions 
intervenues  entre  M.  le  préfet  du  département  de  la  Seine 
et  MM.  Saint-Paul  elComp.  {Union  financière  et  industrielle) 
pour  la  réalisation  de  cet  emprunt. 

Le  capital  de  50  millions  doit  être  versé,  au  compte  du 


—  195  — 

département,  dans  la  caisse  centrale  du  Trésor,  savoir  ;  un 
cinquième  d'ici  au  31  mars  prochain,  et  le  surplus  en  trois 
termes  égaux,  les  1"  juillet  1857,  1^""  janvier  et  1"  juillet 
1858. 

Cet  emprunt  sera  représenté  par  des  obligations  départe- 
mentales au  porteur  constituées  au  capital  de  225  fr.,  pro- 
duisant un  intérêt  annuel  de  9  fr.,  donnant  droit  à  des  lots 
et  devenant  successivement  remboiu'sables  en  trente  ans,  à 
partir  du  1^'  juillet  1858,  par  voie  de  tirages  au  sort  semes- 
triels, qui  auront  lieu  à  la  préfecture  de  la  Seine  les  l"  mai 
et  1"  novembre  de  chaque  année. 

Les  huit  premiers  numéros  sortants  au  tirage  du  P'  mai 

auront  droit  : 

Le  1"  à  un  lot  de 100.000  fr. 

Le  2«  à  un  loi  de  .  .  •• 10,000 

Le  3"=  à  un  lot  de 10,000 

Les  4'',  5*",  0%  7*  et  8'^,  chacun  à  un  lot  de 

1,000  rr.,ci 6,000 

Les  intérêts  échus,  les  obligations  sorties  et  les  lots  ga- 
gnés seront  payés  A  la  caisse  centrale  du  trésor  public,  les 
1"  janvier  et  1"  juillet. 

Des  titres  provisoires  seront  délivrés  à  MM.  Saint-Paul  et 
C'%  après  le  versement  du  premier  terme  de  l'emprunt,  dont 
ils  sont  tenus  personnellement. 

Les  porteurs  de  ces  titres  provisoires  auront  droit  à  un 
intérêt  de  4  1/2  p.  0/0  sur  les  sommes  versées;  ils  auront  la 
faculté  de  se  libérer  par  anticipation  en  versant  tous  les 
termes  non  échus,  et,  à  compter  de  ce  moment,  ils  auront 
droit  à  l'intérêt  de  l'obligation  entière,  à  raison  de9fr.  pur  an. 

Ils  jouiront  immédiatement,  dans  tous  les  cas,  du  bénéfice 
éventuel  des  lots  annuels,  dont  le  premier  tirage  aura  lieu 
en  mai  1857. 

La  délivrance  des  titres  définitifs  sera  faite  après  la  libé- 
ration de  tous  les  titres  provisoires,  en  juillet  1858. 


—   !9G  — 

DETTE  DE  LA  VILLE  DE  PARIS. 

EMPRUNT  DE  1849. 

Une  loi  du  l"^»"  août  1847  ot  un  décret  de  l'Assemblée  na- 
tionale du  24  août  1848  ont  autorisé  la  ville  de  Paris  à  con- 
tracter un  emprunt  de  25  millions  de  francs  qui  a  été 
adjugé,  le  25  avril  1849,  à  MM.  Béchet,  Detlionias  et  C'%  au 
taux  de  1,105  fr.  40  cent,  par  obligation  de  50  fr.  d'intérêts. 
Les  obligations  sont  remboursables  à  1,000  fr.  Elles  portent 
5  0/0  de  rente,  plus  une  prime  de  1  0/0  l'an,  en  addition  au 
capital.  Getle  prime  se  confond  avec  celles  affectées,  à  cha- 
que tirage,  aux  34  premiers  numéros  sortants  dans  la  pro- 
portion suivante  : 

1"  numéro 30,000  fr. 

2'^      —       15,000 

3-       —       10,000 

4e       —       7,000 

5%  6^7^  chacun  3,000.  .  .  9,000 

Du     S'' au  11"-,  cliacun  2,000.   .  .  8,000 

Du  12''  au  17%  chacim  1,000.  .  .  0,000 

Du  18'=  au  33%  chacun  ôOO.  .  .  .  16,000 
Le  34"  une  somme  variant  de  410  à  1,791 

Les  arrérages  se  payent  le  V  avril  et  le  l^r  octobre;  les 
remboursements  s'effectuent  à  la  même  époque;  les  tirages 
ont  lieu  les  l"""  mars  et  l^''  septembre. 

Le  remboursement  doit  être  terminé  au  V  mars  1859. 

EMPRUNT   DE  1852. 

Cet  emprunt  a  été  autorisé  par  la  loi  du  4  août  1851  pour 
subvenir  aux  dépenses  d'établissement  des  grandes  halles  et 
de  leurs  abords,  et  du  prolongements  de  la  rue  de  Rivoli.  11 
a  été  adjugé  le  3  avril  1852  à  MM.  Béchet,  Dethomas  et  C'% 
au  cours  de  1,227  fr.  82  cent,  par  obligation. 

Les  obligations,  au  nombre  de  50,000,  sont  de  1,000  fr., 
portant  intérêt  à  5  0/0.  Les  arrérages  se  payent  le  T' janvier 
et  le  1"  juillet  de  chaque  année. 


—  1V)7  — 

Le  tirage  au  sort  des  obligalions  rcinl)oursables  a  lieu  le 
1"  mai  et  le  l**"  novembre.  Les  remboursements  s'ellectuenl 
aux  époques  tixées  pour  le  payement  des  intérêts.  L'emprunt 
doit  êlre  complètement  amorti  en  1871. 

Les  primes  sont  les  suivantes  : 

I"  miméro 60,000  fr. 

2-^        — 20,000 

3"        — 16,000 

4"         — 10,000 

5'  el  (r,  ohai'iiM  6,OcO.  .  10,000 

Du     7^  au  12^  chacun  3,00C.  .  18,000 

Du  13*  au  2G^  chacun  2,000.  .  Ifi.OOO 

Du  21"  au  3r,  chacun  1,000.  ,  14,000 

Du  35=  au  69%  chacun  600. .  .  12,600 

l.ft  fiO"  en  moyenne 2,600 

EMPULNT  DE  1866. 

Cet  emprunt  a  été  réalisé  au  moyen  de  150.000  obliga- 
tions, émises  à  400  fr.,  produisant  15  fr.  d'intérêts  payables 
le  1"  mars  et  le  1"  septembre  ;  elles  sont  remboursables  à 
500  fr.  en  quarante  ans  ,  à  partir  de  1858.  Les  tirages  ont 
lieu  le  l^""  février  et  le  1"  août;  ils  ont  commencé  en 
août  1855.  Les  quinze  premiers  numéros  sortants  partagent 
150,000  fr.  de  lots,  ainsi  répartis  : 

1"  numéro 100,000  fr. 

Du  2=  au  6%  chacun  10,000.  .     40,000 
Du  6'  au  15%  chacun  1,000. .     10,000 

ANNUITÉS  DES  PONTS. 

Le  péage  sur  les  ponts  de  Paris  fut  supprimé  après  la  révo- 
lution de  février,  et  la  ville  dut  prendre  à  ceteflet  tels  arran- 
gements que  de  droit  avec  les  concessionnaires. 

Au  nombre  des  sociétés  à  indemniser  se  trouvait  la  com- 
pagnie dite  des  trois  vieux  |)onts  (pont  d'.\usterlitz,  de  la 
Cité  et  des  Arts) ,  déjà  attaquée  en  1847  pour  perception 
illégale  de  péage.  Comme  elle  avait  gagné  son  procès,  lu 
ville  dut  reconnaître  la  prolongation  du  bail  qui  lui  concé- 
dait le  droit  de  taxe  jusquen  1897,  et  c'est  à  titre  d'indem- 


—  198  — 

nité  qu'elle  lui  paye  annuellement  une  somme  de  77  fr.  par 
action,  en  deux  semestres  de  38  fr.  50  cent,  chacun,  le  24  fé- 
vrier et  le  24  août.  Le  dernier  payement  doit  avoir  lieu  le 
24  février  1897.  Le  nombre  des  actions  est  de  3,485;  ce 
qui  porte  le  total  à  payer  chaque  année  à  268,345  fr. 

Les  trois  nouveaux  ponts  (de  l'Archevêché,  d'Arcole  et  des 
Invalides)  se  remboursent  au  moyen  de  1,166  annuités  de 
20  fr.  et  de  156  annuités  de  500  fr.  au  porteur  ,  payables 
du  1er  janvier  1852  au  l^r  janvier  1876. 

Les  annuités  du  pont  du  Carrousel  sont  au  nombre  de 
1,070,  de  97  fr.,  payables  du  1"  septembre  1850  au  1er  gep- 
lembre  1867. 

Celles  du  pont  Louis-Philippe  sont  de  25  fr.  ;  1,000  sont 
payables  du  26  juillet  1855  au  26  juillet  1883,  et  1,000  au- 
tres à  partir  seulement  de  1872. 

BONS  DE  LA  CAISSE  DU  SERVICE  DE  LA  BOULANGERIE. 

Afin  d'assurer  l'approvisionnement  de  la  capitale  pendant 
la  cherté  et  la  taxation  du  pain  au-dessous  de  la  mercuriale  , 
la  Caisse  de  la  boulangerie  émet ,  sous  la  garantie  de  la  ville 
de  Paris,  des  bons  à  diverses  échéances  et  portant  intérêt.  Ils 
sont  par  coupures  de  100  fr.  à  partir  de  500;  rémission  et  le 
remboursement  ont  lieu  à  l'Hôtel  de  Ville.  Cependant  ils  ne 
font  pas  partie  de  la  dette  municipale  tant  que  la  garantie 
de  la  ville  reste  à  l'état  de  caution. 

EMPRUNT  DE  LA  VILLE  DE  MARSEILLE. 

C'est  un  emprunt  du  genre  de  ceux  que  contracte  la  ville 
de  Paris.  Il  a  été  autorisé  par  une  loi  du  9  août  1847  et  un 
décret  du  13  juillet  1848.  Il  se  compose  de  9,000  obligations 
de  1,000  fr.  chacune,  produisant  50  fr.  d'intérêts,  payables 
le  1*'  janvier  et  le  1*' juillet.  Les  obligations  sont  rembour- 
sables en  29  tirages  semestriels,  qui  ont  lieu  le  1"  janvier  et 
le  V^  décembre-,  les  remboursements  ont  lieu  aux  mêmes 
époques  que  les  payements  d'intérêts.  L'emprunt  doit  être 
complètement  amorti  en  1864. 

Les  dix  premiers  numéros  ont  droit  aux  lots  suivants  : 


—  199  — 

1"  numéro 15,000  fr.  . 

2°        — 10,000 

3«        —      5,000 

4^        —      2,000 

5«        —     1,000 

Du     6*  au  9«,  chacun  500.  .  .  .  2,000 

Le  10^  en  moyenne 455  20 


—  200  — 

DEUXIÈME  SECTION 
ACTIOAS  KT  OBLIGATIONS  lïES  COMPAGNIES. 


DE  L'ASSOCIATION. 


Les  grands  travaux  d'utilité  publique,  canaux,  chemins 
de  fer,  docks-,  les  grosses  entreprises,  banrpies,  mines,  for- 
ges, assurances,  ont  donné  au  contrat  de  société,  depuis  ces 
trente  dernières  années  surtout,  un  essor  dont  les  rédacteurs 
du  Code  étaient  certes  loin  de  prévoir  Timpor lance.  Le 
cham  de  l'initiative  individuelle  se  resserre  chafjue  jour 
devant  les  envahissements  de  l'association.  La  transforma- 
tion est  rapide.  Nous  maichons  à  ime  vaste  société  anonyme, 
où  les  plus  puissantes  individualités  s'appelleront  simple- 
ment, comme  les  petites,  un  numéro. 

Le  fort,  dit  M.  Troplong,  n'accepte  pas  de  société.  —  Hé  I 
qu'est-ce  que  le  fort  aujourd'hui?  Que  pèsent  les  grandes  for- 
tunes dans  le  creusement  de  canaux  reliant  nos  fleuves  et  nos 
ports,  dans  rétahlisseinent  de  raiiwayss'étendantde  Rayonne 
à  Dunkerque,  de  Marseille  au  Havre,  de  Nantes  à  Stras- 
bourg? Où  en  seraient  ces  travaux  de  géants  avec  le  seul 
concours  des  rois  de  la  finance? 

Le  véritable  fort,  c'est  celui  qui,  s'emparant  du  formidable 
levier  de  l'association,  parvient  à  le  diriger  à  son  profit;  par 
là  il  centuple  sa  puissance  ^  et  comme  la  loi  permet  une  pa- 
reille usurpation,  il  y  a  encore  des  forts  et  des  faibles.  Mais 
qu'est-ce  qu'un  homme  réduit  à  ses  propres  ressources? 

Le  développement  moderne  de  l'association  est  né  de  la 
situation  même,  et  non  des  petits  calculs  de  l'économiste  et 


—  -201   — 

du  spéculateur.  L'iuuuunilé  a.i^it  avant  de  laisouuer  son  ac- 
tion :  à  demain  les  objections  des  sages. 

Dans  l'état  actuel  des  choses,  l'association,  cest  de  la  so- 
lidarité, non  point  comme  Tentendent  les  utopistes,  mais 
comme  la  comprennent  les  gens  de  négoce.  Considérez  tour 
à  tour  ces  deux  éléments  de  toute  société  modeine,  l'action- 
naire et  le  travailleur. 

L'actionnaire  n"a,  en  fait,  qu'un  droit,  le  droit  de  j)ayer, 
et,  s'il  y  a  lieu,  d'être  payé.  La  gestion  de  l'entreprise,  la 
répartition  des  salaires,  le  contrôle  de  tout  ce  qui  se  fait 
avec  ses  écus,  ne  le  regardent  })oint.  Les  administrateurs 
peuvent  disposer  de  sa  chose,  la  compromettre,  la  ruiner;  il 
n'a  rien  à  y  voir.  On  lui  fait  la  |)art  large  dans  les  risques, 
petite  dans  les  profits.  11  doit  tenir  des  engagements  qu'il 
n'a  pas  pris,  solder  des  dettes  qu'il  n'a  pas  consenties.  L'in- 
dustrie sera  bien  vivace  s'il  en  relire  des  bénéfices.  Le  résul- 
tat de  toute  société  de  commerce,  c'est,  avant  tout,  l'ex- 
ploit al  ion  des  actionnaires. 

Le  travailleur  se  trouve  peut-être  mieux  traité?  Au  con- 
traire. Un  patron,  si  dur  qu'on  le  suppose,  est  après  tout  un 
homme,  ca[)able,  comme  un  autre,  de  justice  et  de  sensibi- 
lité. Placé  entre  son  intérêt  et  une  réclamation  équitable,  il 
peut  n'écouler  que  les  conseils  de  l'égoïsme  ;  mais  il  discute 
du  moins  avec  le  réclamant,  et  c'est  déjà  un  point.  La  me- 
nace d'une  grève,  les  dangers  d'une  désertion  en  masse  sont 
des  considérations  dont  il  tiendra  compte  5  car  c'est  sa  propre 
fortune  qui  est  en  jeu.  Allez  donc  réclamer  auprès  d'une 
compagnie!  Où  la  prendre,  où  saisir  cette  impersonnalitc 
despotique  qui  s'appelle  Mines  de  la  Loire^  Cheuiin.  de  jer 
du  l\ord,  ou  de  tout  autre  nom?  Vous  vous  adresserez  aux 
administrateurs?  Que  sont-ils  dans  l'affaire '?  Des  salariés 
connue  vous.  Us  n'ont  pas  pouvoir  de  vous  entendre.  Vous 
abandonnerez  les  chantiers?  Que  leur  importe?  J-es  risques 
sont  {)our  la  société,  non  pour  les  gérants.  Et  puis,  (ju'(!st-cc 
que  l'ouvrier  d'une  compagnie^  Un  rouage  de  mécanique; 
moins  que  cela,  une  dent  d'engrenage;  moins  que  cela  en- 
core, car  une  dent  brisée  peut  arrêter  le  mouvement,  et  l'on 
ne  s'aperçoit  pas  de  la  disparition  d'un  homme.  Plus  il  y  a 


—  202  — 

d'ouvriers  engagés  dans  une  même  entreprise,  moins  leurs 
mutineries  sont  à  craindre.  Où  iraient-ils?  La  chair  à  ma- 
chines ne  manque  pas  plus  que  la  chair  à  canon.  Que  de- 
viennent, dans  l'association  ainsi  faite,  la  responsabilité  du 
travailleur,  garantie  d'une  bonne  et  prompte  exécution?  son 
individualité,  stimulant  qui  le  pousse  à  perfectionner  son 
état?  sa  liberté,  conquête  d'il  y  a  soixante  ans,  qui  laisse  à 
l'apprenti  l'espoir  de  devenir  maître,  ou  tout  au  moins  com- 
pagnon, et,  dans  tous  les  cas,  la  certitude  de  vivre  indépen- 
dant du  fruit  de  son  labeur? 

Asservissement  de  l'ouvrier  à  la  machine,  du  commamii- 
taire  à  l'idée,  voilà  l'association  telle  que  l'industrialisme  l'a 
faite.  Ce  n'est  plus  l'union  libre  des  volontés  et  des  intelli- 
gences, comme  l'avait  rêvée  le  législateur  civil,  pour  l'ex- 
ploitation en  commun  d'une  chose  et  le  partage  équitable 
des  produits  -,  c'est  la  subalternisationdcs  âmes  au  fatalisme 
de  la  spéculation  et  de  ses  machines,  et  malheur  à  qui  n'au- 
ra pas  su  s'y  réserver  la  belle  place,  la  bonne  part  !  11  n'a  rien 
à  attendre,  ni  pour  le  corps  ni  pour  l'àme,  de  ses  prétendus 
associés  :  il  sera  dévoré  par  le  monstre. 

Contrairement  à  ce  système,  destitué  de  tout  élément  mo- 
ral, qui  ne  s'adresse  qu'au  capital  et  à  la  main-d'œuvre, 
et  dont  le  résultat  invariable  est  de  soumettre  l'esprit  à  la 
matière,  quelques-uns,  exagérant  encore  le  principe  de  la 
communauté  et  de  l'indivision,  prenant  l'agglomération  pour 
l'union,  la  promiscuité  de  l'atelier  pour  la  fraternité,  ont 
prétendu  trouver,  dans  cette  caricature  de  la  famille,  la  loi 
de  l'association.  Pour  eux,  la  solidarité  a  dû  être  non-seu- 
lement réelle,  mais  personnelle,  universelle,  absolue.  Ils  se 
sont  épris  d'une  belle  passion  pour  le  travail  en  commun  ,  et 
ils  en  ont  voulu  faire  rien  de  moins  qu'un  culte,  une  reli- 
gion. Quiconque  s'isolait  et  s'obstinait  à  travailler  seul  était 
impie.  Ce  n'était  même  point  assez  de  s'associer  pour  la 
vente  et  l'achat  des  matières  et  des  produits  :  il  fallait  habi- 
ter l'atelier  social,  alin  de  rester  constamment  sous  l'œil 
vigilant  des  frères.  Nul  ne  devait  plus  se  mêler  d'affaires  en 
son  nom  sous  peine  d'être  flétri  comme  égoïste  ;  tout  devait 
se  faire  par  délégation. 


—  203  — 

Ce  beau  feu ,  toujours  vivace  chez  les  théoriciens,  n'a  pas 
tardé  à  s'éteindre  chez  les  expérimentateurs.  II  y  a  eu  désil- 
lusion sur  désenchantement;  et  les  prophètes  de  crier  au 
vice  originel,  à  l'imperfection  humaine.  Étranges  réforma- 
teurs, à  qui  il  faut  une  humanité  tout  exprès  pour  l'appli- 
cation de  leurs  idées,  et  qui  rejettent  comme  vicieux  ce  qui 
n'entre  pas  dans  leur  cadre,  sans  se  douter  que  le  vice  ne 
provient  pas  d'ailleurs  que  de  leur  conception! 

Quel  parti  prendre  entre  ces  systèmes?  quel  tempérament 
choisir? —  En  principe,  aucun.  L'association  des  personnes, 
comme  celle  des  capitaux  et  des  forces,  n'est,  comme  la  di- 
vision du  travail,  la  concurrence,  le  crédit,  comme  les  ma- 
chines elles-mêmes,  qu'un  instrument  économique  :  c'est  un 
moyen,  un  procédé  auquel  dans  la  nécessité  l'homme  peut 
avoir  recours,  qui  par  conséquent  appelle  les  déterminations 
de  la  justice,  mais  qui  n'est  pas  par  lui-même  la  justice, 
qui  n'a  rien  en  soi  de  libéral,  rien  de  social. 

Que  ceux-là  donc  qui ,  par  le  cours  naturel  des  choses,  se 
trouvent  dans  le  cas  d'avoir  recours  à  l'association,  sous 
quelque  forme  et  dans  quelque  mesure  que  ce  soit,  s'arran- 
gent pour  l'entourer  de  toutes  les  garanties  et  compensa- 
tions possibles  ,  comme  une  nation  qui  se  donne  un  prince 
commence  par  lui  imposer  une  constitution  :  à  eux  sage  I 
Maisquerassociationsoitrecherchéepour  elle-même,  comme 
l'expression  du  droit  et  du  progrès,  comme  une  sorte  de  pa- 
nacée contre  la  servitude  et  la  misère-,  que  des  êtres  intelli- 
gents et  libres  s'éprennent  d'amour  pour  une  combinaison 
qui  leur  ôte  la  personnalité,  linitiative  et  l'indépendance; 
où  il  ne  peuvent  être  jamais  que  chefs  ou  soldats  ,  exploi- 
teurs ou  exploités,  tout  au  plus  membres  également  partici- 
pants d'un  même  organisme  qui  les  entraîne  ,  soumis  à  une 
même  pensée  qui  les  domine,  c'est  ce  qui  répugne  à  l'huma- 
nité ,  et  que  l'on  ne  verra  jamais. 

En  toute  association,  il  n'y  a  que  les  gérants,  administra- 
teurs, directeurs  qui  puissent  trouver  satisfaction  entière  : 
la  nécessité  seule  y  retient  les  autres. 

Comment  alors  un  système,  marchant,  à  ce  qu'il  semble, 
au  rebours  du  progrès  et  de  la  liberté,  prend-il  chaque  jour 


—  :)01  — 

des  [Ji'oporlious  plus  grandes,  au  point  de  menacer  de  tout 
envahir?  — La  force  des  choses nou  smène,  avons-nous  dit. 
Le  machinisme  s'est  mis  partout.  Là  où  la  machine  fait  le 
gros  et  le  fini  delà  besogne,  l'homme  n'est  rien  que  son  ser- 
vant. Le  moyen  d'employer  la  machine  sans  le  concours 
d'un  grand  nombre  de  bras  et  de  capitaux? 

Et  la  raison  d'être  de  la  mécanique  ? 

Ah!  c'est  qu'il  faut  produire  vite  et  bien,  beaucoup  et  à 
bon  marché.  Sans  la  rapidité  des  communications,  une  foule 
de  valeurs  resteraient  stériles -,  il  y  aurait  disette  ici  et  en- 
combrement là,  c'est-à-dire  ici  et  là  misère.  Sans  les  ma- 
chines, le  ménage  qui  a  du  linge  n'aurait  que  des  loques  , 
l'homme  en  haillons  resterait  nu.  Certes  les  douleurs  du 
|>aupérisme  actuel  sont  poignantes;  mais  qu'on  lise  les  ta- 
bleaux de  Vauban  et  le  portrait  du  paysan  au  temps  de  La 
Bruyère!... 

Le  producteur  maudit  les  machines,  le  consommateur  les 
bénit.  Cependant  tout  consommateur  est  producteur,  et  ré- 
ciproquement. C'est  une  des  mille  contradictions  dont  l'éco- 
nomie cherche  la  clef= 

Ainsi  en  doit-il  être  de  l'association,  de  plus  en  plus  iné- 
vitable, fatale.  Tous  associés  et  tous  libres  :  tel  est  le  pro- 
blème. 

II. 

Nous  en  sommes  à  l'apprentissage  de  l'association.  Le 
contract  de  société,  si  ancien  qu'on  le  suppose,  n'a  rien  dans 
son  passé  d'analogue  à  ce  qu'il  produit  aujourd'hui.  C'est 
une  révolution  qu'il  apporte.  Nous  assistons  à  la  transition, 
en  d'autres  termes,  aux  tâtonnements,  à  l'expérience.  Faut-il 
s'étonner  que  l'organisation  en  soit  imparfaite?  La  pratique 
n'a  pas  encore  donné  sa  formule.  Or,  une  loi  ne  s' invente  pas, 
elle  se  découvre.  Les  prescriptions  du  Code  sont  lettre  morte 
là  où  elles  sont  en  opposition  avec  les  faits  et  les  besoins. 
Nous  en  citerons  un  exemple  pris  au  cœur  même  de  notre 
sujet. 

Les  sociétés  qui  nécessitent  des  mises  de  fonds  considé- 


—  -205  — 

râbles  et  des  liavaii.v  de  plusieurs  uunées,  connue  les  che- 
mins de  fer,  payent  auxcoinnianditaires  des  intérêts  à  partir 
des  versements.  Or,  tant  que  l'exploitation  n'a  pas  produit 
de  bénéfices,  ces  intérêts  ne  peuvent  être  pris  que  sur  le 
capital. 

Des  jurisconsultes  ont  vu  là  une  illégalité:  u  11  est  déri- 
soire, ont-ils  dit,  qu'un  associé  donne  d'une  main  et  re- 
prenne de  l'autre;  c'est  un  détournement  préjudiciable  aux 
tiers;  en  réalité,  l'actionnaire  ne  verse  pas  ce  à  quoi  il  s'est 
engagé;  conventions  contraires  à  l'article  1845  du  Code  civil, 
suivant  lequel  chaque  associé  est  tenu  de  tout  l'apport  par 
lui  promis;  contraires  à  l'article  26  du  Code  de  commerce  , 
qui  déclare  les  bailleurs  de  fonds  responsables  jusqu'à  con- 
currence de  leur  mise.  « 

C'a  été  la  doctrine  du  conseil  d'État,  et  elle  est  de  tous 
points  conforme  au  droit  écrit. 

Cependant  le  moyen  d'attirer  les  capitalistes,  en  ce  temps 
surtout  où  chacun  vit  au  jour  le  jour  et  se  montre  pressé  de 
réaliser?  le  moyen  d'amener  le  rentier  qui  a  besoin  de  ses 
annuités  pour  vivre  ,  quand  il  s'agit  de  renoncer  à  ses  arré- 
rages pendant  cinq  ù  dix  ans?  Aussi  le  gouveinement  a-t-il 
passé  outre  aux  scrupules  des  légistes,  et  n'a-t-il  fait  aucune 
difticulté  d'autoriser  de  pareilles  stipulations. 

Ne  nous  plaignons  pas  de  l'insuffisance  de  la  loi  :  elle 
saura  se  plier  aux  exigences. 

Quoi  ([u'il  en  soit,  connue  il  faut  une  sanction,  une  exis- 
tence légale  à  toute  société,  nulle  association  ne  peut  se  con- 
stituer en  dehors  des  données  du  Code.  Voyons  ce  qu'il  dit 
à  ce  sujet. 

La  loi  reconnaît  deux  genres  de  sociétés  :  la  société  civile 
eiVà société  commerciale.  Elle. ne  dit  rien  de  leurs  caractères 
dislinclifs,  de  leur  différence,  du  moyen  de  les  reconnaître. 
Elle  se  borne  à  cette  définition  générale  : 

«  La  société  est  un  contrat  par  lequel  doux  ou  plusieurs  ]»or- 
sonncs  conviennent  de  mettre  quehjue  chose  en  conunun,  dans  la 
vue  de  partager  le  bénélicc  qui  pourra  en  résulter.)»  (Art.  ISli"!, 
Code  civil.) 

12 


—  206  — 

Les  commentateurs  considèrent  comme  sociétés  commer- 
ciales celles  qui  ont  pour  but  de  faire  des  actes  de  commerce  ; 
les  autres  sont  sociétés  civiles. 

«  La  loi  répute  acte  de  commerce  :  —  Tout  achat  de  denrées  et 
marcliandises  pour  les  revendre,  soit  en  nature,  soit  après  les 
avoir  travaillées  et  mises  en  œuvre,  ou  même  pour  en  louer  sim- 
plement l'usage;  —  Toute  entreprise  de  manufactures,  de  com- 
missions, de  transport  par  terre  et  par  eau  ;  —  Toute  entreprise 
de  fourniture,  d'agences,  bureaux  d'affaires,  établissements  de 
ventes  à  l'encan,  de  spectacles  pubbcs;  —  Toutes  opérations  de 
banque,  change  et  courtage;  —  Toutes  les  opérations  de  banques 
publiques;  —  Toutes  obligations  entre  négociants,  marchands  et 
banquiers;  entre  toutes  personnes,  les  lettres  de  change  ou  re- 
mises d'argent  faites  de  place  en  place.  »  (Art.  632,  C.  de  comm.) 

Est  réputé  également  acte  de  commerce  tout  ce  qui  con- 
cerne les  expéditions  maritimes,  depuis  la  construction  du 
navire  jusqu'aux  engagements  des  matelots.  (Art.  633.) 

Qu'est-ce  qui  n'est  pas  acte  de  commerce?  Une  société 
pour  l'achat  et  la  revente  des  immeubles  est-elle  commer- 
ciale? La  loi  ne  parle  que  de  denrées  et  marchandises.  Le 
Crédit  foncier  est-il  société  civile?  Ses  prêts  sont-ils  affaire 
de  banque?  Où  classer  les  assurances?  Le  Code  ne  parle  que 
des  assurances  maritimes.  Le  commanditaire  qui  ne  cherche 
qu'un  placement  de  fonds  fait-il  acte  de  commerce  en  met- 
tant ses  capitaux  dans  une  entreprise  commerciale? 

On  le  voit,  le  Code  n'est  pas  précis  même  sur  les  défini- 
tions. Cependant,  comme  il  y  a  juridiction  civile  et  juridic- 
tion commerciale.,  il  est  important  d'être  fixé  en  cas  de  litige. 

La  pratique  est  plus  explicite;  elle  ne  connaît  guère  les 
sociétés  civiles  que  de  nom.  Pour  elle  tout  devient  objet  de 
commerce:  immeuble,  denrée,  marchandise.  Elle  marche 
d'instinct  à  l'unité  de  codification  des  valeurs  et  de  la  pro- 
priété. 

Le  Code  de  commerce  distingue  ;  la  société  en  nom  collec- 
tif., la  société  en  commandite  et  la  société  anonyme. 

((  La  société  en  nom  collectif  existe  sous  une  raison  sociale, 
N.  et  C".  Les  associés  sont  solidaires  indéfiniment  pour  tous  les  actes 


—  207  — 

de  la  société,  encore  qu'un  seul  des  gérants  ait  signé,  pourvu  que 
ce  soif  sous  la  raison  sociale.  »  (Art.  22.) 

«  La  société  en  commandite  se  contracte  entre  un  ou  plusieurs 
associés  responsables  et  solidaires,  et  un  ou  plusieurs  associés  sim- 
ples bailleurs  de  i'onds.  — L'associé  commanditaire  n'est  passible 
des  pertes  que  jusqu'à  concurrence  des  fonds  qu'il  a  mis  ou  dû 
mettre  dans  la  société.  »  (Art.  23,  26.) 

La  diflérencecapitaleenlrelesdeux  sortes  d'associés,  c'est 
la  diflerence  de  responsabilité.  Ainsi ,  tandis  que  le  com- 
manditaire limite  ses  risques  au  montant  de  sa  souscription, 
l'associé  en  nom  collectif  est  responsable  indéfiniment.  Le 
gérant  de  la  commandite  n"est  pas  autre  chose  iquiin  asso- 
cié en  nom  collectif.  C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  l'art.  25, 
ainsi  conçu  : 

«  Le  nom  d'un  associé  commanditaire  ne  peut  faire  partie  de  la 
raison  sociale.  » 

Cela  ne  veut  pas  dire  que  le  gérant  ne  saurait  être  action- 
naire ,  mais  que  .  par  le  fait  de  sa  gestion  ,  il  assume  une 
responsabilité  qui  nïncombe  pas  au  simple  commanditaire. 

Aussi  toute  société  en  commandite  est  en  nom  collectif 
pour  le  ou  les  gérants,  et  en  commandite  pour  les  simples 
bailleurs  de  fonds. 

ce  L'associé  commanditaire,  dit  l'article  27,  ne  peut  faire  aucun 
acte  de  gestion,  ni  être  employé  pour  les  affaires  de  la  société, 
même  en  vertu  de  procuration.  —  Le  contrevenant  devient  passi- 
ble de  tous  les  engagements  et  de  toutes  les  dettes  de  la  société.  » 
(Art.  28.) 

Le  Code  se  tait  sur  le  chapitre  de  la  surveillance  et  des 
assemblées.  La  jurisprudence  a  suppléé  au  silence  de  la  loi 
et  reconnu  au  commanditaire  le  droitMe  contrôle,  que  lui 
déniait  formellement  le  projet  primitif  du  conseil  d'État. 

La  nouvelle  loi  sur  les  commandites  va  plus  loin.  Elle  fait 
à  ces  sortes  de  sociétés  une  obligation  d'avoir  un  conseil  de 
surveillance,  composé  de  cinq  membres  au  moins,  et  chargé 
de  vérifier  les  livres,  la  masse,  le  portefeuille  et  les  valeurs 
de  la  compagnie  -,  —  de  faire  un  rapport  à  l'assemblée  gé- 
nérale sur  les  inventaires  et  les  propositions  de  distribution 
de  dividendes  ;  —  de  convoquer  les  assemblées,  s'il  y  a  lieu, 


—  20S  — 

pt  an   besoin  de  provoquer   la  dissolution  de  la  société. 
(Art.  5,  8  et  9.) 

Elle  déclare  les  membres  du  conseil  responsables  solidai- 
rement et  par  corps  :  1°  lorsque  la  société  vient  à  être  an- 
nulée pour  vice  de  constitution;  1"  lorsque  sciemment  ils 
ont  laissé  commettre  dans  les  inventaires  des  inexactitudes 
graves,  préjudiciables  à  la  société  ou  au  tiers;  3"  lorsqu'ils 
ont,  en  connaissance  de  cause,  consenti  à  la  distribution  de 
dividendes  non  justifiés  par  des  inventaires  sincères  et  régu- 
liers. (Art.  7  et  10.) 

Ces  prescriptions  sont-elles  limitatives  des  cas  de  respon- 
sabilité? 

J.'autorisation  donnée  par  le  conseil  ou  l'assemblée  de 
contracter  un  emprunt,  d'augmenter  le  capital  ou  d'affecter 
une  part  des  bénéfices  à  l'extension  des  affaires  -,  la  censure 
du  mode  d'administrer  ,  la  fixation  des  appointements  du 
gérant  et  des  employés,  la  mutation  du  personnel  adminis- 
tratif, tous  ces  actes  et  tant  d'autres  semblables  constituent- 
ils  une  immixtion  dans  les  opérations?  ceux  qui  y  partici- 
pent encourent-ils  la  responsabilité  de  l'art.  28  du  Code  de 
commerce?  ou  bien  font-ils  acte  de  simple  surveillance.'* 
Graves  questions  ,  dont  les  commanditaires  ne  soupçonnent 
pas  même  l'importance,  et  sur  lesquelles  il  serait  possible 
d'enter  d'interminables  procès. 

La  société  anonyme  est  mieux  définie.  Là,  personne  n'est 
responsable  ! 

«  Elle  n'existe  point  sous  une  raison  sociale.  —  Est  est  qualifiée 
par  la  désignation  de  l'objet  de  son  entreprise.  —  Elle  est  admi- 
nistrée par  des  mandataires  à  temps,  révorables,  associés  ou  non. 
—  Les  administrateurs  ne  sont  responsables  que  de  l'exécution  du 
mandat  qu'ils  ont  reçu.  —  Ils  ne  contractent,  à  raison  de  leur 
gestion,  aucune  obligation  personnelle  ni  solidaire,  relativement 
aux  engagements  de  la  société.  — Les  associés  ne  sont  passibles 
que  de  la  perte  du  montant  de  leur  intérêt  dans  la  société.  »  (Ar- 
ticles 29-33.) 

La  société  anonyme  ne  peut  exister  sans  l'autorisation  du 
cbef  de  l'État. 

(Comment  la  pratique  s'arrange-t-elle  de  toutes  ces  pres- 
criptions? 


—  209  — 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  société  en  nom  collectif,  dont  les 
membres  sont  autant  de  patrons  intéressés  au  même  titre. 
Les  tiers  n'ont  rien  à  voir  ce  qui  se  passe  chez  eux. 

Dans  la  commandite,  le  gérant  est  de  droit  le  maître  de 
la  maison,  malgré  les  prescriptions  de  la  nouvelle  loi.  Dans 
la  société  anonyme  ,  les  administrateurs  sont  des  délégués 
révocables,  dont  les  pouvoirs  et  les  attributions  émanent  de 
l'assemblée  générale. 

((  I.a  commanflite  est  une  monarchie  tempérée,  dit  M.  Troplong; 
la  société  anonyme  est  une  véritable  république  élective.  » 

Ajoutons:  Avec  les  empiétements  traditionnels  des  deux 
espèces  de  gouvernement:  envahissement  de  l'exécutif  sur 
le  législatif;  —  asservissement  de  l'électeur  par  l'élu. 

Il  serait  difficile  de  dire  lequel  des  deux  régimes  vaut  le 
mieux  pour  l'actionnaire.  Sous  l'un  comme  sous  l'autre  ,  il 
est  la  plèbe  taiilable  et  corvéable  h  merci  et  miséricorde. 

L'usage,  sans  s'inquréter  des  distinctions  des  légistes  sur 
une  question  non  élucidée,  réserve  la  société  anonyme  aux 
grandes  entreprises,  aux  grosses  mises  de  fonds ,  et  la  com- 
mandite aux  allaires  moins  importantes. 

Il  y  a  des  commandites  où  le  gérant  n'apporte  rien,  ni  en 
numéraire,  ni  en  matériel.  L'acte  de  société  alors  est  géné- 
ralement rédigé  de  façon  à  ne  lui  laisser  que  l'exécution  des 
mesures  dictées  par  un  conseil  de  surveillance  remplissant 
en  réalité  les  fonctions  d'administrateur  ,  sans  souci  delà 
responsabilité  qui  incombe  à  une  pareille  immixlibn. 

Le  gérant  peut  toujours,  il  est  vrai,  s'affranchir  d'une  pa- 
reille tutelle  :  le  Code  l'y  autorise.  Mais  ni  actionnaire  ni 
gérant  ne  connaissent  le  Code;  et,  sauf  le  cas  de  mauvaise 
foi,  la  commandite  continue  de  cheminer  avec  une  organisa- 
tion empruntée  à  la  société  anonyme. 

Aussi  la  nouvelle  loi  a-t-elle  voulu  parer  à  cet  inconvé- 
nient en  augmentant  les  pouvoirs  et  la  responsabilité  du  con- 
seil de  surveillance,  et  en  faisant  intei venir  les  assemblées 
générales. 

Il  faut  qu'un  commanditaire  soit  bien  malheureux  pour 
envier  le  sort  d'un  actionnaire  de  compagnie  aiionyme.  C'est 

12. 


—  210  — 

là  que  rexploitâtion  du  petit  capitaliste  par  l'état-major  se 
produit  dans  toute  sa  puissance,  dans  tout  son  cynisme. 

Tant  pis  pour  l'actionnaire  I  direz-vous.  N'est-il  pas  le 
mandant?  N'a-t-il  pas  le  droit  d'élection  et  de  contrôle?  Qui 
l'empêche  de  destituer  les  forfaitenrs? 

En  théorie ,  tout  cela  est  superbe.  Mais  remarquez  bien 
ceci  :  Pour  faire  partie  de  l'assemblée  générale,  il  faut  être 
possesseur  d'un  certain  nombre  d'actions  -,  les  voix  se  comp- 
tent par  actions  et  non  par  têtes;  la  direction  se  compose 
des  gros  capitalistes;  leur  i)répondérance  est  d'autant  mieux 
assurée,  que  l'insouciance  des  petits,  leur  ignorance  en 
comptabilité  et  en  administration  les  livrent  pieds  et  poings 
liés.  Ajoutez  que  la  gent  actionnaire  en  est  encore  à  ce  degré 
de  béotisme,  qull  lui  faut  un  homme,  un  nom  illustre.  — 
Une  probité  à  l'épreuve,  une  expérience  de  longues  années, 
l'esprit  d'initiative,  les  plus  éminentes  qualités  réunies  en 
un  individu  sans  renom  dans  le  monde  financier,  n'attire- 
ront pas  un  écu.  Le  premier  flibustier  dont  le  nom,  les  titres 
et  la  fortune  résonnent  un  peu  haut,  amènera  jusqu'aux 
économies  des  portiers.  Aussi  y  a-t-il  des  billets  de  banque 
pour  les  administrateurs,  quand  il  n'y  a  pas  seulement  des 
centimes  pour  les  actionnaires. 

Demandez  à  un  de  ces  prédestinés  de  la  mystification  ano- 
nyme, dont  tout  lavoir,  quelques  maigres  mille  francs  péni- 
blement amassés,  sont  dans  un  chemin  de  fer,  comment  il 
se  fait  que  sa  compagnie,  qui  vient  de  payer  10  0/0  de  divi- 
dende, soit  obligée  d'emprunter  20  millions.  H  vous  lira  au 
nez.  —  Ha!  ha!  MM.  X  et  Z  qui  sont  à  la  tête  s'y  entendent; 
puis  ils  sont  trop  riches  pour  être  indélicats. 

Où  avions-nous  lu  que  la  confiance  s'est  retirée? 

De  bons  et  candides  rentiers  vous  disent,  avec  l'accent  de 
la  foi  la  plus  béate:  —  Nous  n'avons  pas  besoin  de  nous  in- 
quiéter ;  ces  messieurs  du  conseil  sont  plus  gros  actionnaires 
que  nous;  ils  ne  manqueront  pas  de  défendre  leurs  intérêts, 
et  par  conséquent  les  nôtres. 

Braves  gens  qui  raisonnez  si  juste ,  achetez  un  lopin  de 
terre  et  plantez -y  des  choux  I  mais  ne  mettez  pas  vos  épar- 
gnes dans  une  société  anonyme. 


—  211  — 

Écoutez  cette  parabole  : 

M.  Grapinard,  maître  de  forges,  a  accepté,  par  pure  phi- 
lanthropie, afin  d'être  agréable  aux  actionnaires,  d'entrer 
au  conseil  d'administration  d'un  chemin  de  fer  où  il  a  quel- 
ques intérêts.  L'entreprise  a  besoin  de  rails  et  de  machines. 
Où  prendre  le  tout?  — Chez  Grapinard  naturellement.  Il  est 
intéressé  dans  la  société  ,  il  ne  lui  fera  pas  de  conditions 
mauvaises.  Mais  quoi  I  il  a  pour  100,000  fr.  d'actions  et 
10  millions  de  fournitures  à  faire.  Croyez-vous  Grapinard 
l'administrateur  capable  de  chicaner  Grapinard  le  maître  de 
forges  sur  le  prix  et  la  qualité  des  marchandises?  — Douce- 
ment! Grapinard  n'est  pas  seul  au  conseil  ;  M.  Grippcfranc 
ne  fournit  pas  de  fer,  lui.  —  C'est  vrai  ;  mais  il  a  l'entre- 
prise des  traverses.  —  Du  moins,  M.  Sei-refort  ne  fournil 
rien..  —  Si  son  cousin  fournit  pour  lui,  qu'en  savez-vous?... 

Ce  n'est  point  là  une  hypothèse:  nous  avons  cité  assez  de 
faits  de  cette  nature  dans  noire  chapitre  Vil. 

Les  administrateurs  des  sociétés  anonymes  sont  irrespon- 
sables, à  la  différence  des  gérants  de  commandite  qui  sont 
garants,  de  tous  leurs  biens  et  de  leur  personne  ,  pour  les 
dettes  sociales.  Et  de  fait  une  responsabilité  de  ce  genre  se- 
rait illusoire  dans  le  cas  de  faillite  dune  compagnie  anonyme 
au  capital  de  20  millions,  plus  ou  moins.  L'irresponsabilité 
nous  semble  de  droit.  C'est  aux  actionnaires  d'exercer  un 
contrôle  plus  sérieux;  c'est  au  gouvernement,  dont  l'autori- 
sation est  nécessaire  pour  la  validation  des  statuts,  d'armer 
le  bailleur  de  fonds  contre  les  états-majors,  et  d'user  de  son 
droit  de  surveillance. 


IH. 


Le  principe  de  la  société  anonyme  semble  appelé  à  préva- 
loir. La  commandite  n'est  pas  vraiment  une  association. 
C'est  un  prêt  fait  à  un  ou  plusieurs  industriels,  dont  les  ca- 
pacités ou  un  commencement  d'établissement  offrent  des 
garanties.  Seulement  le  prêt,  au  lieu  d'être  à  un  taux  déter- 


—  212  — 

miné  pour  cent  l'an ,  doit  suivre  les  chances  aléatoires  de 
l'entreprise  ;  il  participe  aux  profils  et  aux  pertes.  En  réa- 
lité, le  conrimandité ,  de  même  que  l'emprunteur,  reste 
maître  de  Valïd'ive:  c'e&l  de  toute  justice,  puisqu'il  est  in- 
définiment responsable.  La  nouvelle  loi,  du  reste,  ne  tend  pas 
à  moins  qu'à  la  suppression  de  celte  forme  d'association. 

Dans  la  société  anonyme,  au  contraire,  tous  les  action- 
naires sont  égaux,  du  moins  d'après  la  loi  (1).  L'administra- 
tion relève  des  assemblées  générales,  où  tous  ont  voix  déli- 
béralive.  Nous  ne  la  comparerons  pas  au  pouvoir  exécutif 
d'une  monarchie  constitutionnelle  ou  d'une  république  re- 
présentative; car  une  administration  n'esl  pas  une  autorité. 
C'est  pourquoi,  lorsqu'une  direction  a  fait  ses  preuves  ,  on 
doit  se  garder  de  la  changer,  bien  qu'elle  doive  rester  perpé- 
tuellement amovible. 

Quand  on  sera  revenu  de  l'engouement  pour  les  célébrités 
financières  ,  quand  les  notions  de  comptabilité  seront  plus 
répandues,  quand  la  spéculation  stérile,  avide  de  réaliser 
des  bénéfices  avant  la  mise  en  valeur  des  travaux,  aura  fait 
place  à  de  simples  opérations  de  crédit ,  la  forme  anonyme 
olfrira  aux  capitalistes  toutes  les  sécurités  désirables,  et  aux 
entreprises  grandes  et  petites  des  ressources  à  l'infini. 

Reste  la  question  des  travailleurs,  dont  l'association  n'a 
point  augmenté  le  bien-être,  tant  s'en  faut. 

Si  le  progrès  n'a  pas  menti  à  lui-même,  la  position  de  l'ou- 
vrier doit  s'améliorer  avec  l'avenir.  Or,  l'avenir,  c'est  l'asso- 
ciation comme  forme  du  travail,  ce  qui  signifie,  dans  les 
données  acluelles,  la  dépendance,  l'asservissement. 

Nous  croyons  à  l'infaillibilité  du  progrès:  c'est  donc  la 
pratique  actuelle  qui  est  dans  l'erreur.  La  formule  du  con- 
trat de  société  n'est  pas  trouvée  :  voilà  tout  le  mal^  il  peut 
n'être  pas  de  durée. 

Il  n'entre  pas  dans  notre  cadre  de  nous  livrer  à  une  re- 
cherche approfondie  sur  ce  sujet.  Nous  n'en  dirons  qu'un 
mot. 

(1)  Les  statuts  des  sociétés  anonymes  n'admettent  à  l'assemblée  que  les 
propriétaires  d'un  nombre  déterminé  d'actions;  mais  le  Code  ne  prescrit 
rien  de  semblable. 


—  213  — 

I>c  point  de  départ  d'une  telle  investigation  doit  être,  se- 
lon nous,  cet  axiome  :  Moins  l'homme  est  asaocié^  phis  il  est 
libre;  plus  il  est  heureux  par  conséquent,  l.e  morcellement 
de  rassocialion  par  groupes  aussi  petits,  aussi  indépendants 
que  possible  les  uns  des  autres,  voilà  le  principe  de  la  liber- 
té. C'est  aussi  celui  de  l'économie  et  du  bon  marché. 

On  croit  généralement  que  la  centralisation  administra- 
tive et  la  réunion,  sous  une  direction  unique,  d'industries 
fort  disparates  procure  une  réduction  dans  les  frais  géné- 
raux. C'est  une  erreur.  Le  morcellement  n'a  que  faire  de  bu- 
reaucratie. Toute  celle  qu'emploie  l'administration  centrale 
est  de  trop. 

Essayons  d'un  exemple  de  décentralisation  dans  l'entre- 
prise la  plus  gouvernementale  après  le  gouvernement,  un 
chemin  de  fer  (1). 

1»  Le  service  d'un  railway  exige  d'abord  l'entretien  et  la 
sécurité  de  la  voie:  c'est  l'affaire  des  cantonniers.  La  com- 
pagnie rédige  son  cahier  des  charges,  lui  donne  de  la  publi- 
cité, et  invite  les  sociétés  de  cantonniers  à  traiter  avec  elle. 
Une  fois  les  conventions  arrêtées  et  la  concession  faite,  l'or- 
ganisation du  service  d'entretien  et  de  sécurité  ne  regarde 
plus  la  société  du  chemin.  C'est  une  section  à  rayer  de  l'ad- 
ministration centrale. 

2"  Une  société  de  mécaniciens  devient  adjudicataire,  soit 
directement,  soit  par  soumissions  au  rabais,  de  l'entreprise 
de  la  traction,  moyennant  une  somme  de  ...,  une  quantité 
de  coke  de  ...  et  un  matériel  de  ...  La  compagnie  du  che- 
min de  fer  n'a  plus  qu'à  veiller  à  l'exécution  de  son  cahier 
des  charges:  quant  au  service,  il  ne  la  regarde  pas. 

3o  Une  autre  société  de  mécaniciens  devient  adjudicataire 
des  travaux  de  réparation  à  faire  au  matériel. 

A°  Le  roulage  ordinaire,  c'est-à-dire  l'industrie  libre,  re- 
prend l'entreprise  du  transport  des  marchandises  et  du  ca- 

•(I)  Voir,  nir  toute  cette  matière  de  l'associai  ion,  et  en  particulier  de  la 
société  anonvine,  sur  ses  abus,  ses  cnvaliissemenls,  sa  mauvaise  administra- 
tion, SCS  spéculations,  sa  comptabilité,  ses  gaspillages,  etc.,  l'ouvrage  déjà 
jiiusieurs  lois  cité.-  Des  Réfunnes  à  opfrev  dam  l' Hxplniidiioii  des  Chemina 
de  fer.  Paris,  I86.S,  (Jarnier  frères. 


—  214  — 

mionnage.  La  compagnie  du  chemin  n'a  rien  de  plus  à  faire 
que  d'indiquer,  comme  pour  les  voyageurs,  les  heures  de 
départ  et  le  prix  du  parcours. 

Bornons  là  nos  exemples. 

Qu'y  a-t-il  de  commun  entre  les  quatre  branches  d'indus- 
trie que  nous  venons  de  signaler?  Rien  absolument.  Les  can- 
tonniers n'ont  point  à  voir  aux  affaires  des  mécaniciens,  ni 
ces  derniers  à  celles  du  roulage;  l'entreprise  de  la  traction 
est  complètement  séparée  et  insolidaire  de  celle  des  répara- 
tions. A  quoi  bon  une  administration  courbant  sans  aucune 
amélioration  pour  le  service,  avec  une  grande  déperdition 
de  fonds  et  de  forces  au  contraire,  toutes  ces  variétés  de  tra- 
vail sous  un  joug  commun? 

Économie  d'argent,  économie  de  chicane  et  d'oppression, 
voilà  quel  serait  le  résultat  de  la  décentralisation  adminis- 
trative. La  caisse,  le  contentieux,  une  comptabilité  rendue 
plus  simple  que  celle  d'une  banque  au  capital  d'un  million, 
vingt  ou  trente  fonctionnaires  formeraient  toute.l'adminis- 
tration  d'un  chemin  de  200  kilomètres. 

Chaque  société  particulière  peut  maintenant  se  dédoubler 
d'une  manière  analogue,  de  telle  sorte  que  l'individu  ait, 
comme  la  compagnie  elle-même,  sa  tâche  parfaitement 
définie,  dont  il  garantit  l'accomplissement  à  ses  risques  et 
périls. 

Mais  on  tournera  longtemps  avant  d'en  arriver  là.  Le  prin- 
cipe communiste,  sous  lequel  tout  le  monde  gémit,  domine 
tout  le  monde,  peuple,  bourgeoisie,  haute  finance  et  gouver- 
nement. On  veut  de  la  centralisation,  de  l'administration, 
(le  lautorilé  quand  même,  en  aflaires  comme  en  politique. 
Laissons  donc  faire  l'expérience. 

Nous  avons  exposé  les  différentes  formes  d'association, 
leur  raison  d'être,  leurs  avantages  et  leurs  inconvéntents. 
Ce  préambule,  un  peu  long  peut-être,  nous  dispensera  du 
moins  d'entrer  dans  des  détails  qu'il  eût  fallu  répéter  à 
chaque  société  dont  il  nous  reste  à  faire  la  monographie. 


•     —  215  — 
CHAPITRE  PREMIER. 

Institutions  de  crédit. 


BANQUE  DE  FRANCE. 

Nous  définirons  la  banque  de  circulation  :  «  Une  institu- 
tion ayant  pour  but  de  donner  cours  authentique  aux  effets 
de  commerce  souscrits  par  les  particuliers.» 

A,  marchand  de  draps  vend  à  Z?,  confectionneur,  1,000  fr. 
d'étoiles,  et  reçoit  en  payement  un  billet  à  90  jours. 

En  même  temps,  A  achète  de  C,  cultivateur,  1,000  fr.  do 
laines,  quil  paye  avecTobligation  souscrite  par  B. 

De  son  côté,  C  achète  à  D  1,000  fr  de  bétail,  et  lui  remet 
en  acquit  Tobligation  de  B,  qu'il  a  reçue  de  A. 

D  sest  fourni  chez  /?,  pour  lui  et  sa  famille,  de  1,000  fr. 
de  vêtements-,  il  s'acquitle  envers  B  en  lui  rendant  son  pro- 
pre billet,  souscrit  primitivement  au  nom  de  A. 

Ces  quatre  opérations,  portant  sur  une  valeur  de  4,000  fr., 
n'ont  pas  nécessité  un  centime  de  numéraire. 

Voilà,  réduit  à  sa  plus  simple  expression, le  mécanisme  du 
crédit. 

Tout  le  monde  vend  et  achète,  soit  de  la  main-d'œuvre, 
soit  des  produits.  Seulement  les  échanges  ne  sont  pas  tou- 
jours de  même  valeur,  comme  dans  notre  hypothèse.  De 
plus,  C,  ne  connaissant  pas  la  solvabilité  d^  B,  peut  refu- 
ser son  obligation,  bien  que  A  en  soit  endosseur  et  respon- 
sable. 

En  un  mot,  le  billet  personnel  n'aura  jamais  qu'une  cir- 
culation restreinte:  1°  parce  que  les  souscripteurs  et  endos- 
seurs ne  sont  pas  connus  de  tous  les  échangistes  auxquels  le 
papier  peut  être  présenté;  2"  parce  que  les  obligations  par- 


—  216  — 
liculièies  n'élitiit  point,  dans  le  plus  ^rand  nombre  de  cas, 
égales  entre  elles,  il  y  a  nécessilé  soit  de  les  fractionner ,  soit 
do  les  compléter  par  appoint. 

Pour  obvier  h  ces  inconvénients,  A,  7i,  C,  D,  E  ....Z,  — 
l'ensemble  de  tous  les  producteurs,  —  connaissent  une  in- 
stitution de  banque,  dont  les  opérations  méritent  confiance. 
Chacun  d'eux  se  repose  sur  elle  du  soin  de  vérifier  la  solva- 
bilité des  escompteurs.  ^4,  au  lieu  de  remettre  à  C  le  billet 
souscrit  par  /?,  que  C  ne  connaît  pas,  va  à  la  Banque  ;  celle- 
ci,  après  information,  trouvant  la  créance  solide,  garde 
l'obligation  de  B,  dont  elle  poursuivra  le  remboursement  à 
échéance,  et  y  substitue  un  papier  portant  sa  propre  signa- 
ture, accepté  partout  comme  argent  comptant.  Les  paye- 
ments s'effectuent  à  l'aide  du  billet  de  banque  remplaçant 
le  billet  personnel.  Le  mécanisme  est  plus  simple,  la  cir- 
culation plus  active,  la  garantie  plus  certaine,  puisqu'il  s'y 
ajoute  celle  de  la  banque;  mais  le  résultat  est  le  même. 

La  Banque  de  France  n'accepte  que  du  papier  solidement 
gagé;  elle  n'a  pas  éprouvé  une  seule  faillite  en  1855  :  les  bé- 
néfices de  l'escompte  sont  à  peine  entamés  par  quelques 
non-valeurs  annuelles.  D'oîi  peuvent  donc  venir  les  crises 
qui  ont  plus  d'une  fois  ébranlé  son  crédit '/ 

Une  baisse  dans  le  chifire  des  affaires,  la  déconfiture  de 
"Tandes  maisons  de  commerce,  un  nombre  considérable 
d'effets  en  soulfrance,  doivent  nécessairement  réagir  sur  la 
Banque  et  lui  créer  des  embarras.  Mais,  indépendamment 
de  ces  causes,  qui  lui  sont  extérieures,  nous  en  trouvons 
deux  autres  dans  le  vice  même  de  sa  constitution,  et  qui 
sont  :  r  l'obligation  de  rembourser  les  billets  en  numéraire; 
2"  la  dépendance  où  elle  se  trouve  vis-à-vis  de  l'État,  dont 
les  emprunts  peuvent  la  mettre  à  découvert. 

Le  remboursement  des  billets  implique,  selon  nous,  con- 
tradiction. S'ils  doivent  avoir  sans  cesse  pour  gage  une  va- 
leur égale  en  métaux,  à  quoi  servent-ils?  Pourquoi  ne  pas 
faire  tout  de  suite  les  transactions  en  monnaie?  La  raison 
d'être  du  billet  de  banque,  c'est  apparemment  l'insuffisance 
des  espèces.  Et,  en  elïet,  la  pratique,  à  qui  il  ne  manque  que 
de  raisonner  ses  procédés,  ne  le  comprend  pas  autrement , 


—  217  — 

L'encaisse  métallique  ne  va  souvent  pas  au  quart  du  papier 
en  circulation;  cependant  les  porteurs  n'en  conçoivent  au- 
cune inquiétude. 

Seulement  il  y  a  des  moments  de  panique  oîi  tout  le 
monde  perd  la  tète  ;  les  conseils  de  la  prudence  deviennent 
alors  inutiles,  car  la  peur  n'écoute  rien.  En  revanche  ,  une 
mystification,  rendue  nécessaire,  suflit  à  ramener  le  calme. 

Ainsi,  en  1846-47,  la  diminution  de  l'encaisse  jette  l'alarme 
dans  le  monde  commerçant.  Que  fait  la  Banque?  Elle 
échange  ses  rentes  contre  des  lingots  et  des  espèces  ;  elle 
entasse  à  grands  frais  des  métaux  dans  ses  caves;  en  un  mol, 
elle  change  la  nature  de  son  capital  sans  verser  un  écu  de 
plus  dans  la  circulation ,  et  la  confiance  renaît  comme  par 
enchantement. 

En  1848,  les  demandes  de  remboursement  affluent  à  la 
caisse;  le  papier  tombe  en  dépréciation  ;  tout  le  inonde 
exige  des  espèces?  Qu'imagine  la  Banque?  Elle  demande  et 
obtient  le  cours  forcé.  Soudain,  la  peur  se  dissipe,  les  trem- 
bleurs  se  rassurent.  Les  billets  s'acceptent  partout  au  pair  ; 
quelques  mois  après,  on  les  recherche  à  prime.  Les  espèces 
rentrent  dans  les  cotfres  avec  une  rapidité  eflVayanle  ;  bien- 
tôt elles  sont  au  niveau  du  papier  en  circulation;  encore  un 
peu,  elles  le  débordent. 

Voilà  la  Banque  dans  la  situation  la  plus  favorable  :  elle 
est  en  mesure  de  rembourser  tous  ses  billets?  —  Point  du 
tout,  la  position  est  détestable  au  contraire;  c'est  une  crise 
commerciale  ,  une  stagnation  dans  les  affaires.  Ce  phéno- 
mène du  moins  trouve  son  explication.  La  quantité  des 
échanges  diminuant,  le  supplément  de  circulation  oflert  par 
le  crédit  devient  inutile.  La  banque  de  circulation  n'est  plus 
qu'une  banque  de  dépôt. 

Mais,  sans  la  condition  de  remboursement^  où  se  trouve 
le  gage  des  billets? 

11  n'est  ni  dans  l'encaisse  métallique,  ni  dans  le  fonds  de 
réserve ,  ni  dans  le  capital  meuble  ou  immeuble  j  ce  gage , 
c'est  le  portefeuille. 

Toute  émission  de  billets  ou  d'espèces  est  précédée  de  l'en- 
caissement d'une  valeur  supérieure  en  etléts  de  commerce. 

13 


—  218  — 

Nous  disons  d'une  valeur  supérieure ,  parce  que  les  obliga- 
tions particulières  ont  à  payer  l'escompte,  dont  une  pari  sert 
à  couvrir  les  frais  de  gestion  et  les  cliances  très-rares  de  non- 
payement;  le  surplus  forme  le  bénéfice  des  actionnaires. 

Les  efïets  à  trois  mois  qui  viennent  à  l'escompte  aujour- 
d'hui garantissent  ceux  qui  y  viendront  le  trimestre  pro- 
chain, et  sont  garantis  eux-mêmes  par  ceux  du  trimestre 
passé.  Le  doit  et  l'avoir  se  balancent  perpétuellement.  Ex- 
cepté dans  les  paniques,  tout  le  monde  comprend  cela.  La 
banqueroute  d'une  partie  notable  des  souscripteurs  ou  en- 
dosseurs d'eflets  privés  pourrait  seule  amener  la  faillite  d'une 
banque  bien  administrée.  Dans  ce  cas  impossible,  ni  l'en- 
caisse, ni  le  fonds  de  réserve ,  ni  le  capital  ne  sauveraient 
l'institution  d'une  déconfiture. 

Qu'est-ce  donc  que  le  numéraire  dans  une  banque  de  cir- 
culation? La  monnaie  des  billets^  l'appoint  et  le  dédouble- 
ment des  coupures,  rien  de  plus. 

Quel  doit  être  le  capital  d'une  semblable  entreprise  ?  Le 
gage  des  faillites  dont  la  banque  peut  avoir  à  répondre,  par 
suite  de  non-payement  tles  elîets  de  commerce  admis  à  l'es- 
compte. Au  fond,  une  banque  est  une  entreprise  d'assurances 
qui,  avec  un  capital  de  50  millions  ,  placés  sur  l'État,  peut 
garantir  trois  ou  quatre  milliards  de  transactions  annuelles. 

A  ce  propos,  nos  lecteurs  ne  seront  pas  fâchés  de  retrou- 
ver ici,  à  l'appui  de  notre  opinion,  la  note  officielle  du 
29  mai  1810,  reproduite  par  le  Moniteur  du  29  janvier  1857. 

NOTE  EXPÉDIÉE  DU  HAVRE,  LE  29  MAI  1810,  A  LA  BANQUE  DE  FRANCE, 
PAR  ORDRE  DE  S.  M.  l'eMPERIUR,  ET  PAR  l'eNTREMISE  DE  M.  LE 
COMTE  MOLLIEN,  MINISTRE  DU  TRÉSOR. 

«  Le  capital  de  la  Banque  de  France,  c'est-à-dire  la  mise  de 
fonds  de  ses  actionnaires,  des  intéressés  à  l'exploitation  de  son 
privilège,  a  été  fixé  par  la  loi  de  l'an  8  à  30  millions,  par  la  loi  de 
l'an  11  à 45  millions,  parcelle  de  Tan  1806  à  90  millions. 

ft  La  destination  de  ce  capital  n'a  pas  été  de  donner  à  la  Banque 
les  moyens  propres  d'exploiter  son  privilège;  ce  capital  n'est  pas 
l'instrument  de  ses  escomptes,  car  ce  n'est  pas  avec  son  capital 


—  219  — 

qu'elle  peut  escompter;  son  privilège  consiste  à  créer, à  fabriquer 
une  monnaie  particulière  pour  ses  escomptes. 

«  Si  une  banque  employait  son  capital  à  ses  escomptes,  elle 
n'aurait  pas  besoin  de  privilège;  elle  serait  dans  la  condition  com- 
mune de  tous  les  escompteurs,  mais  elle  ne  pourrait  pas  soutenir 
leur  concurrence,  car  d'un  côté  elle  fait  nécessairement  plus  de 
dépenses  pour  escompter,  et  de  l'autre  elle  doit  faire  moins  de 
profits  sur  chaque  escompte,  puisqu'elle  escompte  à  un  taux  plus 
modéré. 

«  C'est  indépendamment  de  son  capital  qu'elle  crée  par  ses  bil- 
lets son  véritable  et  son  unique  moyen  d'escompte. 

«  Son  capital  est  et  doit  donc  rester  étranger  à  ses  opérations 
d'escompte.  La  formation  de  ce  capital  est  un  acte  préliminaire, 
aussi  distinct  de  l'activité  d'une  banque  comme  machine  privilé- 
giée d'escompte,  que  la  prestation  du  cautionnement  d'un  comp- 
table est  distincte  de  sa  gestion  proprement  dite. 

«  La  condition  de  fournir .  un  capital  n'est  imposée  aux  entre- 
preneurs d'une  banque  que  pour  assurer  à  ceux  qui  admettent  ses 
billets  comme  la  monnaie  réelle,  un  gage  et  une  garantie  contre 
les  erreurs,  les  imprudences  que  cette  banque  pourrait  commettre 
dans  l'emploi  de  ses  billets;  contre  les  pertes  qu'elle  essuierait,  si 
elle  avait  admis  des  valeurs  douteuses  à  ses  escomptes;  en  un  mot 
(pour  employer  l'expression  technique  du  commerce),  contre  les 
avaries  de  son  portefeuille. 

«  Une  banque  n'émettant  et  ne  pouvant  émettre  des  billets  qu'en 
échange  de  bonnes  et  valables  lettres  de  change  à  deux  et  à  trois 
mois  de  terme  au  plus,  elle  doit  avoir  constamment  dans  son  por- 
tefeuille, en  telles  lettres  de  change,  une  somme  au  moins  égale 
aux  billets  qu'elle  a  émis;  elle  est  donc  en  situation  de  retirer  tous 
ses  billets  de  la  circulation  dans  un  espace  de  trois  mois  par  le 
seul  etlet  de  l'échéance  successive  de  ses  billets,  sans  avoir  entamé 
aucune  partie  de  son  capital. 

«  Ainsi,  après  avoir  établi  que  le  capital  d'une  banque  n'inter- 
■vient  pas  dans  ces  escomptes  comme  moyen  direct,  on  peut  ajouter 
qu'il  n'intervient  pas  i)lus  dans  sa  liquidation  si  elle  n'a  fait  que 
des  escomptes  réguliers,  c'est-à-dire  si  elle  n'a  émis  des  billets 
qu'en  échange  de  lettres  de  change  véritables,  nécessaires,  repré- 
sentées par  des  marchandises  que  le  revenu  des  consommateurs 
payera,  si  c'est  le  besoin  de  consommation  qui  les  a  appelés. 

a  Le  capital  fourni  par  les  actionnaires  d'une  banque  n'étant,  à 
proprement  parler,  qu'une  espèce  de  cautionnement  (ju'ils  donnent 
au  public,  on  pourrait  presque  dire  qu'une  banque  c[ui  serait  par- 
venue à  se  l'aire  une  réputation  d'infaillibilité  n'aurait  pas  même 


-^  220  -- 

besoin  de  capital  pour  exploiter  son  privilège,  c'est-à-dire  pour 
escompter,  avec  les  billets  fabriqués  par  elle,  les  lettres  de  change 
qui  lui  seraient  apportées  par  le  commerce. 

«  Et  un  fait  bien  connu  dans  l'histoire  des  banques  confirme 
cette  assertion  :  la  banque  de  Londres  s'est  formée,  en  1692,  avec 
un  capital  de  24  millions,  et  son  premier  acte  a  été  de  prêter  la 
totalité  de  ce  capital  de  24  millions  au  trésor  royal  de  Guillaume  111, 
son  fondateur.  Cette  banque  n'en  a  pas  plus  mal  exploité  son  pri- 
vilège d'escompte  dès  la  première  année  de  son  activité. 

«  L'escompte,  tel  que  le  pratique  une  banque  sur  toute  la  ma- 
tière escomptable  du  lieu,  est  une  opération  si  délicate  et  si  capi- 
tale, cette  opération  exige  tant  d'attention,  tant  de  soins,  tant  de 
prévoyance,  une  observation  si  minutieuse  des  combinaisons  em- 
ployées par  chaque  commerçant,  des  approvisionnements  et  des 
besoins  de  chaque  lieu,  des  circonstances  qui  peuvent  influer  cha- 
que jour  sur  le  plus  ou  moins  de  crédit  de  chaque  signataire  de 
lettres  de  change,  que  cette  opération  n'admet  le  mélange  d'aucune 
autre  sollicitude;  ceux  qui  dirigent  les  escomptes  sont  les  juges  du 
commerce,  ils  ne  doivent  pas  descendre  dans  l'arène  des  com- 
merçants. 

«  Pour  qu'ils  jugent  avec  impartialité  tous  les  actes  des  négo- 
ciants, il  faut  qu'ils  puissent  s'abstenir  d'y  prendre  une  part  ac- 
tive, môme  pour  l'administration  du  capital  de  la  Banque,  et  rien 
n'est  plus  inconciliable  avec  le  haut  arbitrage  qu'ils  exercent  pai- 
l'escompte  que  cette  recherche  des  profits  qui  accompagnent  les 
placements  temporaires. 

«  Si  donc  il  a  pu  convenir  aux  finances  de  Guillaume  III  que  la 
banque  qu'il  établissait  lui  prêtât  à  un  intérêt  modique  alors  (6  0/0) 
le  capital  ou  le  cautionnement  fourni  par  ses  actionnaires,  il  ne 
convenait  pas  moins  à  la  Banque  de  Londres  de  le  faire;  et  ce  pre- 
mier acte,  pai"  quelque  motif  qu'il  ait  été  inspiré,  a  peut-être  eu 
une  assez  grande  intluence  sur  la  bonne  direction  qu'elle  a  suivie 
pendant  au  moins  un  siècle. 

«  La  banque  de  Londres,  dès  son  origine,  n'a  plus  connu  qu'un 
*ieul  devoir,  qu'un  seul  intérêt,  celui  de  bien  diriger  son  escompte 
direct,  qu'elle  a  constamment  circonscrit  dans  la  seule  ville  de 
Londres,  d'autres  banques  s' étant  successivement  élevées  dans  les 
autres  comtés  pour  l'escompte  local  de  ces  comtés. 

«  Si  la  Banque  de  France  est  appelée  à  donner  une  plus  grande 
extension  à  ses  escomptes  directs,  à  établir  pour  son  compte  des 
comptoirs  dans  toutes  les  villes  de  l'empire  qui  peuvent  produire 
une  bonne  matière  escomptable,  c'est  assurément  un  motif  de  plus 


—  221  — 

pour  qu'elle  s'épargne  le  surcroît  de  sollicitude  que  pourrait  lui 
donner  l'administration  journalière  de  son  capital,  qu'elle  écarte 
de  ses  actionnaires  la  pensée  que  ce  capital  pourrait,  par  la  varia- 
tion de  ses  placements,  être  jeté  dans  un  mouvement  en  quelque 
sorte  aléatoire,  qu'elle  écarte  des  porteurs  de  ses  billets,  dord  le 
suffrage  demande  bien  plus  de  ménagements  encore  que  celui  des 
actionnaires  (c'est-à-dire  du  public  tout  entier,  qui  admet  comme 
réelle  la  monnaie  qu'elle  fabrique),  l'opinion  que  l'espèce  de  cau- 
tionnenent  qui  réside  dans  ce  capital,  comme  gage  supplétif  du 
portefeuille  de  la  Banque,  comme  moyen  d'indemnité  des  avaries 
que  le  portefeuille  peut,  essuyer  par  les  vices  de  l'escompte,  pour- 
rait lui-même  éprouver  quelques  avaries. 

«  Le  capital  d'une  banque  doit,  par  la  forme  de  son  placement, 
rester  en  quelque  sorte  toujours  immuable,  pour  que  sa  consistance 
ne  soit  jamais  soupçonnée  d'altération;  il  doit  en  même  temps 
rester  dans  un  état  immédiatement  disponible,  puisqu'il  doit  être 
toujours  prêt  à  couvrir  les  pertes  du  portefeuille.  Une  partie  de  ce 
capital  doit  former  une  réserve  en  espèces  ;  cette  partie  est  impro- 
ductive d'intérêts.  Le  meilleur  emploi  qui  puisse  être  fait  du  reste 
semble  être  la  conversion  en  effets  de  la  dette  publique  du  pays, 
négociables  sur  la  place,  puisque  ce  placement  joint  à  l'avantage 
d'assurer  un  intérêt  favorable  et  régulièrement  payé  celui  de  la 
disponibilité  libre,  si  le  besoin  de  la  Banque  l'exigeait;  et  quoique 
ce  dernier  cas  ne  puisse  jamais  arriver  dans  une  banque  qui  n'a 
livré  ses  billets  qu'en  échange  delà  bonne  matière  escomptable,  la 
prudence  oblige  toutefois  de  le  prévoir. 

«  11  faut  qu'une  banque  se  maintienne  en  état  de  se  liquider  à 
tout  moment;  d'abord  vis-à-vis  des  porteurs  de  ses  billets,  par  la 
réalisation  de  son  portefeuille,- et  après  les  porteurs  de  ses  billets, 
vis-à-vis  de  ses  actionnaires,  par  la  distribution  à  faire  entre  eux 
de  la  portion  du  capital  fourni  par  chacun  d'eux.  Pour  ne  jamais 
finir,  une  banque  doit  être  toujours  prête  à  tinir.  » 

Si  quelqu'un  nous  eût  dit  en  1848  qu'il  existait  de  l'em- 
pereur Napoléon  1er  une  pièce  dans  laquelle  les  principes  de 
la  Banque  du  Peuple  et  du  Crédit  gratuit  étaient  aussi  ex- 
plicitement formulés,  nous  ne  Teussions  pas  voulu  croire. 

Reprenons  le  raisonnement  de  M.  MoUien  : 

Si  le  capital  de  la  Banque  de  France  est  placé  en  rentes 
sur  l'Étal,  qui  en  paye  à  la  Banque  l'intérêt,  cet  intérêt  ne 
doit  plus  être  compté  dans  le  prix  que  la  Banque  exige  du 
commerce  pour  Tescompte  du  papier;  il  ne  reste,  comme 


—  222  — 

éléments  constitutifs  de  ce  prix,  que  deux  choses  :  la  com- 
mission du  banquier  et  le  risque  couru. 

Il  y  a,  pour  cette  élimination  de  l'intérêt  du  montant  de 
l'escompte  ,  une  autre  raison  : 

Puisque  le  capital  de  la  Banque  ne  sert  que  de  garantie 
à  ses  opérations,  sur  quel  capital  opère-t-elle  donc?  Sur  son 
porlefeuille,  gage  de  ses  billets,  d'une  part;  ensuite  sur  le 
crédit  public,  qui  accepte  ces  mêmes  billets,  et  livre  en 
échange  ses  espèces  qui  vont  s'accumuler  dans  la  caisse  de 
la  Compagnie.  La  Compagnie  doit  donc  tenir  compte  au 
public  de  son  crédit,  comme  l'Élat  lui  tient  compte  à  elle- 
même  de  son  cautionnement  :  c'est-à-dire  que  dans  le  taux 
de  l'escompte,  l'intérêt  ne  figure  plus. 

Or,  si  la  commission  de  banque  et  la  prime  d'assurance  sont 
désormais  les  seuls  éléments  constitutifs  du  prix  à  perce- 
voir par  la  Banque  en  rémunération  de  son  service ,  il  s'en- 
suit que  dans  une  Banque  bien  administrée  la  condition  du 
commerce  s'améliorant  à  chaque  renouvellement  du  privi- 
lège, le  taux  de  l'escompte  doit  se  rapprocher  de  plus  en  plus 
du  montant  des  frais  de  l'administration  ,  augmenté  de  la 
prime  d'assurance. 

Quels  sont  les  frais,  ordinaires,  de  l'administration  de  la 
Banque?  —  5  millions,  environ,  par  année. 

Quel  est  le  risque  ?  —  zéro,  d'après  le  dernier  inventaire. 

La  somme  des  escomptes  ayant  été  en  1 856  de4 ,674,000,000, 
il  suffisait,  pour  couvrir  la  dépense  de  la  Banque,  de  perce- 
voir une  commission  moyenne  de  0  fr.  10  cent.  p.  0/0. 

D'où  vient  donc  que  la  Banque  continue  de  faire  entrer 
l'intérêt  de  son  capital  dans  la  supputation  de  son  escompte  , 
de  telle  sorte  qu'au  lieu  de  0  fr.  10  c.  7,  elle  retient ,  pour 
du  papier  à  échéance  moyenne  de  45  jours,  à  raison  de  4,  5 
et  6  0/0  l'an,  0  fr.  44  c.  4  ;  55  c.  5  ;  66  c.  6  ? 

Comment  le  pouvoir,  en  renouvelant  le  privilège  de  la 
Banque,  n'a-t-il  jamais  songé  à  stipuler  cette  réduction? 

Pourquoi,  contrairement  à  ses  propres  maximes,  lui  a-t- 
il  imposé  à  plusieurs  reprises  l'obligation  d'augmenter  son 
capital,  comme  si  l'augmentation  de  ce  capital  devait  aug- 
menter la  masse  des  opérations? 


—  223  — 

Les  prévisions  de  l'empereur  ,  relativement  aux  risques 
courus  par  une  Banque  opérant  dans  des  conditions  nor- 
males, ont-elles  été  trompées? 

Non,  l'empereur  ne  s'était  pas  trompé.  Les  embarras  qui 
peuvent  assaillir  une  Banque  publique  ,  et  déterminer  une 
crise,  ne  proviennent  pas  de  l'escompte  ;  ils  ont  pour  cause 
l'intervention  de  l'État  dans  la  Banque,  comme  administra- 
teur, escompteur  et  emprunteur. 

C'est  ce  qui  résulte  de  l'historique  ci-après. 

La  Banque,  dont  les  fonctions  sont  essentiellement  com- 
merciales, fut  fondée  sous  le  consulat ,  complètement  en 
dehors  de  l'initiative  des  intéressés,  c'est-à-dire  des  commer- 
çants et  industriels,  dont  la  cirrulation  réclamait  ses  ser- 
vices. Sur  son  capital,  fixé  primitivement  à  30  millions , 
l'État  versa  de  suite  5  millions  en  échange  de  5,000  actions 
inscrites  au  nom  de  la  Caisse  d'amortissement  (18  janvier 
1800)  :  Peu  de  temps  après,  elle  se  fusionna  ,  ou  plutôt  ab- 
sorba à  son  profit  la  caisse  des  comptes  courants,  qui  lui 
apporta  un  portefeuille  de  6  millions,  5  millions  et  demi 
d'espèces  et  un  grand  crédit  sur  la  place.  Elle  commença  ses 
opérations  le  20  février  1800.  Elle  fut  chargée  la  même  an- 
née, par  les  consuls,  du  payement  en  numéraire  des  rentes 
et  pensions  du  second  semestre. 

La  somme  des  escomptes  s'éleva  en  1801  à  89  millions,  et 
en  1802  à  182.  La  moitié  des  actions  seulement  était  placée 
à  cette  époque.  Le  public  ne  se  hâtait  pas  5  la  confiance  n'é- 
tait pas  faite. 

La  Banque  subsista  jusqu'en  1803,  concurremment  avec 
la  Caisse  du  commerce,  le  Comptoir  commercial  et  divers 
établissements  de  crédit  ayant  tous  le  droit  d'émettre  des 
billets  au  porteur. 

Une  loi  du  14  avril  vint  mettre  à  bas  les  institutions  ri- 
vales, et  conférer  à  la  Banque  le  monopole  de  l'émission  des 
billets.  Son  capital  était  porté  à  45  millions,  le  maximum 
des  dividendes  annuels  fixé  à  6  0/0,  le  surplus  des  bénéfices 
devant  former  un  fonds  de  réserve.  Aucune  banque  ne  pou- 
vait se  créer  dans  les  déparlements  sans  l'autorisation  du 


—  224  — 

gouvernement.  Cependant  le  choix  des  administrateurs  était 
encore  laissé  aux  actionnaires.  —  Le  privilège  était  concédé 
pour  quinze  ans. 

Dès  l'année  suivante  ,  l'administration  se  trouva  en  lutte 
avec  le  gouvernement. 

Rendons-nous  compte  d'abord  de  ce  qu'est  un  emprunt  du 
gouvernement  fait  à  la  Banque. 

Le  capital  de  la  Banque  est  placé  en  rentes  sur  l'État  pour 
servir  de  garantie  à  ses  opérations.  Ce  n'est  pas  avec  son 
capital  que  la  Banque  fait  l'escompte,  mais  avec  ses  billets, 
lesquels  ont  pour  gage,  d'une  part  son  portefeuille,  de 
l'autre  le  numéraire  qu'ils  tendent  à  remplacer  peu  à  peu 
dans  la  circulation,  et  qui  vient  s'entasser  dans  les  caves  de 
la  Banque. 

Un  emprunt  du  gouvernement  à  la  Banque,  que  la  somme 
soit  livrée  en  écus  ou  en  billets,  est  donc  un  emprunt  su- 
brepticement fait  au  pays,  avec  la  complicité,  mais  sous  la 
caution  toutefois  de  la  Banque ,  qui  livre  au  Pouvoir  les 
espèces  dont  elle  n'est  que  dépositaire ,  ou  souscrit  en  sa 
faveur  des  billets  à  ordre  dont  elle  n'a  pas  reçu  la  contre- 
valeur. 

On  conçoit,  d'après  cela  ,  la  répugnance  de  la  Banque  à 
se  prêter  à  de  semblables  manœuvres  ,  qui  compromettent 
à  la  fois  son  crédit  et  son  capital  ;  comme  aussi  les  complai- 
sances du  Pouvoir,  qui,  pour  prix  de  services  aussi  irréguliers, 
ne  manque  jamais  de  proroger  le  privilège  de  la  Compagnie, 
et  de  soutenir  le  taux  de  l'intérêt. 

Napoléon,  non  content  d'emprunter  au  nom  de  l'État , 
voulait  que  ses  fournisseurs  trouvassent  à  la  Banque  un  cré- 
dit illimité.  La  garantie  des  fournisseurs,  c'était  encore  le 
crédit  de  l'État.  Or,  le  gouvernement  n'a  point  de  capital  ; 
il  ne  fait  point  d'affaires-,  ses  dépenses  sont  essentiellement 
de  l'espèce  appelée  par  les  économistes  improductives.  Ses 
ressources  proviennent  de  l'impôt  -,  il  est  toujours  en  avance 
sur  l'avenir  au  moyen  des  emprunts.  Le  découvert  de  la 
Banque  rendait  la  crise  d'autant  plus  inévitable  qu'il  lui 
fallait  augmenter  le  nombre  de  ses  billets  en  circulation  , 
pour  faire  face  aux  exigences  gouvernementales. 


—  225  — 

Les  billets  se  déprécièrent;  ils  perdirent  jusqu'à  10  0/0- 
Les  demandes  de  remboursement  montèrent  à  \m  million  et 
demi  par  jour.  Le  conseil  dut  en  limiter  le  chiiïre  à  600,000  fr. 
Il  réduisit  en  morne  temps  les  escomptes.  La  circulation 
descendit  à  48,334,000  francs ,  et  l'encaisse  métallique  à 
1,136,000  francs.  Heureusement  les  succès  militaires  vin- 
rent relever  le  crédit  public  et  arrêter  la  débâcle. 

Napoléon  se  montra  fort  irrité  de  cette  crise,  qu'il  attri- 
buait au  mauvais  vouloir  et  à  l'incapacité  des  administra- 
teurs. Afin  d'en  prévenir  le  retour,  il  n'imagina  rien  de 
mieux  que  de  placer  la  direction  de  la  Banque  aux  mains  de 
ses  agents.  La  loi  du  22  avril  1806  créa  un  gouverneur  et 
deux  sous-gouverneurs  nommés  par  le  pouvoir ,  régla  les 
formes  de  l'administration  et  du  contentieux,  prorogea  de 
vingt-cinq  ans  le  privilège  de  l'établissement,  porta  à  90 
millions  le  capital,  qui  n'était  que  de  45,  et  autorisa  la  ré- 
partition aux  actionnaires  de  deux  tiers  des  bénéfices  affectés 
au  fonds  de  réserve. 

La  Banque  ne  tarda  pas  à  se  trouver  embarrassée  d'un  ca- 
pital hors  de  proportion  avec  la  somme  de  ses  affaires.  Elle 
sollicita  et  obtint  l'autorisation  de  le  réduire  en  rachetant 
ses  propres  actions.  Elle  le  ramena  ainsi  à  67,900,000  fr. 

La  loi  de  1803  admettait  en  principe  la  création  de  ban- 
ques départementales  indépendantes  (1).  Celle  de  1806  et  le 
décret  organique  du  16  janvier  1808,  ramenant  tout  à  l'unité, 
ne  reconnurent  qu'une  institution  centrale  et  des  comptoirs 
subordonnés.  Trois  essais  de  comptoirs  furent  tentés  sans 
succès,  en  1809  à  Lyon  et  à  Rouen,  en  1810  à  Lille. 

La  Banque  parut,  un  instant,  devoir  suivre  la  destinée  de 
l'empire.  Au  commencement  de  1812,  le  portefeuille  était  à 
15  millions  ;  il  tomba  à  10  dans  le  courant  de  l'année  ;  il  re- 
monta à  45  dans  le  courant  de  1813.  Enfin  ,  au  commence- 
ment de  1814  ,  la  Banque  cessa  pour  ainsi  dire  de  fonction- 
ner. Elle  brûla  ses  billets,  et  invita  les  comptes  courants  à 
retirer  leurs  fonds.  Les  réserves  descendirent  a  5  millions, 
la  circulation  à  10,  les  comptes  courants  à  1,300,000  fr. 

(1)  La  première  banque  déparlementale  ne  fut  créée  qu'en  1817  :  ce  fut 
celle  de  Rouen. 

13. 


—  226  — 

Toutefois  la  crise  passa  comme  tant  d'autres;  la  circula- 
tion remonta  bientôt  à  70  millions,  et  les  réserves  à  93. 
L'essor  que  prit  l'industrie  après  l'invasion  vint  donner  à  la 
Banque  un  aliment  dont  elle  avait  besoin. 

Les  doctrines  absolutistes  en  matière  de  crédit  semblèrent 
un  moment  s'en  aller  avec  le  régime  impérial.  Il  fut  question 
à  la  chambre  des  députés  et  dans  l'assemblée  des  action- 
naires de  rendre  à  la  Banque  son  indépendance.  Mais  un 
pouvoir  ne  consent  pas  aisément  à  se  dessaisir  d'une  insti- 
tution de  celte  importance.  Les  projets  de  réforme  ne  tardè- 
rent pas  à  être  abandonnés. 

Cependant  la  Banque  n'eut  pendant  quatre  ans  qu'un  gou- 
verneur provisoire,  M.  Laffitte  ,  choisi  par  l'administration 
dans  les  désastres  de  1814  ;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'é- 
chapper à  la  crise  de  1818,  durant  laquelle  l'encaisse  des- 
cendit à  34  millions.  Lr  conseil,  à  celte  occasion,  réduisit  à 
15  jours  le  terme  des  effets  admis  à  l'escompte. 

La  création  des  banques  départementales  fut  une  bien 
petile  concession  à  Tesprit  de  liberté.  Ainsi,  tandis  que  les 
comptoirs  annexes  de  la  banque  de  Paris  pouvaient  admet- 
tre du  papier  sur  plusieurs  places,  les  banques  de  départe- 
ments indépendantes  ne  pouvaient  pas  faire  d'opérations 
hors  des  villes  où  elles  étaient  établies.  Ces  restrictions  ap- 
portèrent une  entrave  considérable  au  développement  du 
commerce  et  du  crédit.  Les  réclamations  éclatèrent  de  toutes 
parts,  surtout  en  1840,  lorsque  vint  la  discussion  sur  le  re- 
nouvellement du  privilège.  Les  chambres  et  le  gouverne- 
ment ne  voulurent  rien  entendre.  La  loi  resta  telle  quelle 
jusqu'en  1848. 

Quoi  qu'il  en  soit,  neuf  banques  départementales  se  fon- 
dèrent de  1817  à  1838,  savoir  : 

Rouen,  1817.  Lyon.  183o.  Orléans,  1836. 

Nantes.  1818.  Marseille.  1836.  Le  Havre,   1837. 

Bordeaux,  1818.  Lille,  1836.  Toulouse,  1838. 

Encouragée  par  leur  succès,  la  Banque  de  France  se  décida 
à  renouveler  l'expérience  des  comptoirs,  et  elle  en  créa  suc- 
cessivement : 


—  227  — 

En  1836,  à  Reims  et  à  Saint-Ëtienne. 

En  1838,  à  Saint-Quentin  et  à  Montpellier. 

En  1840,  à  Angoulême  et  à  Grenoble. 

En  1842,  à  Besançon,  Caen,  Chàleauroux  et  Clermont-Ferrand. 

En  1844,  à  Mulhouse. 

En  184G,  à  Strasbourg  et  au  Mans. 

En  1847,  à  Valenciennes. 

Nous  arrivons  aux  crises  de  1846,  1847  et  1848. 

L'augmenlalion  inusitée  des  opérations  de  la  Banque  ,  en 
1846  ,  les  excès  de  la  spéculation,  l'immense  quantité  de 
capitaux  immobilisés  dans  les  chemins  de  fer,  l'exportation 
du  numéraire  pour  l'achat  de  céréales  à  l'étranger,  la  menace 
d'une  famine,  la  peur,  compagne  inséparable  de  tout  ce  qui 
est  insolite  :  telles  sont  les  causes  principales  où  l'on  a  cru 
trouver  l'explication  de  la  crise  de  1846-47. 

Du  1"  juillet  1846  à  la  iin  de  l'année,  les  réserves  métal- 
liques étaient  tombées  de  252  millions  à  80,  c'est-à-dire  de 
172  millions.  Le  conseil  général  prit  l'alarme.  Le  14  janvier 
1847,  il  éleva  à  5  0/0  le  taux  de  l'escompte,  qui  était  depuis 
vingt-sept  ans  à  4 ,  et  s'empressa  d'acheter  des  lingots  à 
l'étranger.  Mais  l'opération  la  plus  importante  fut  la  vente 
au  gouvernement  russe  de  50  millions  de  rentes  françaises, 
dans  le  courant  du  mois  de  mars. 

La  Russie  avait  livré  à  la  France  de  très-grandes  quantités 
de  grains,  qui  ne  pouvaient  être  soldés  qu'en  espèces  ;  c'était 
la  menace  dune  nouvelle  exportation  de  numéraire.  Le  mar- 
ché offert  par  le  gouvernement  russe  parait  à  cet  inconvé- 
nient, puisque  l'on  payait  à  l'aide  d'une  inscription  de  rentes 
une  dette  exigible  en  argent.  Aussi  le  traité  fut-il  accepté 
avec  empressement.  La  Banque  livra  donc  au  trésor  impérial 
de  Russie  2  millions  de  rentes  5  0/0  au  cours  de  1 15  fr.  75  c. 

formant  une  somme  de 46,300,000  fr.  » 

et  142,000  fr.  de  rentes  3  0/0  au  cours  de 

77  k.  65  c.  formant  une  somme  de.  .  .  .     3,689,633     33 


Total 49,989,633     33 

Cette  vente  privait  les  actionnaires  d'un  revenu  annuel 
de  plus  de  2  millions.  Afin  de  leur  offrir  une  indemnité,  le 
conseil  s'empressa  de  souscrire  pour  25  millions  ùTcmprunt 


—  228  — 

3  0/0,  au  cours  de  75  25,  du  10  novembre  de  la  même  an- 
née. Quelque  temps  après,  il  racheta  300,000  fr.  de  rentes 

3  0/0  au  taux  de  73  81. 

L'augmentation  du  taux  de  l'escompte  avait  eu  pour  but 
de  diminuer  le  chiffre  des  effets  ;  il  n'en  fut  rien.  Les  es- 
comptes de  1846  s'étaient  élevés  à  1,618  millions  5  ils  mon- 
tèrent, en  1847,  à  1,808  millions.  Le  taux  fut  ramené  à 

4  0/0  le  27  décembre  de  la  même  année. 

La  révolution  de  février  vint  compliquer  la  situation  au 
moment  où  on  commençait  à  sortir  d'embarras.  Du  26  fé- 
vrier au  15  mars,  la  réserve  métallique  tomba  de  140  mil- 
lions à  59.  Afin  de  conjurer  le  péril  d'une  liquidation ,  le 
gouvernement  provisoire  décréta  le  cours  forcé  des  billets  et 
ordonna  la  création  des  coupures  de  100  fr.  Une  loi  de  l'an- 
née précédente  avait  déjà  autorisé  celles  de  200. 

Le  titre  de  monnaie  légale  fut  également  reconnu  aux  bil- 
lets des  banques  départementales  daris  les  localités  où  elles 
étaient  situées.  Il  en  résulta  une  perturbation  facile  à  pré- 
voir. Tel  recevait  en  payement  comme  monnaie  légale  des 
billets  de  la  banque  de  Marseille  ,  dont  il  ne  pouvait  faire 
usage  pour  s'acquitter  à  Lyon.  L'unique  remède  à  une  pa- 
reille situation,  c'était  l'unité  des  billets,  ce  qui  conduisait 
à  l'unité  de  la  banque,  à  l'extension  du  privilège. 

«  Considérant,  dit  le  décret  du  27  avril,  que  les  billets  des  ban- 
ques départementales  forment  aujourd'hui  pour  certaines  localités 
des  signes  monétaires  spéciaux  dont  l'existence  porte  une  pertur- 
bation déplorable  dans  les  transactions; 

«  Considérant  que  les  plus  grands  intérêts  du  pays  réclament 
impérieusement  que  tout  billet  de  banque  déclaré  monnaie  légale 
puisse  circuler  également  sur  tous  les  points  du  territoire; 

«  Décrète  : 

«  Art.  1".  — La  Banque  de  France  et  les  Banques  de  Rouen,  de 
Lyon,  du  Havre,  de  Lille,  de  Toulouse,  d'Orléans  et  de  Marseille 
sont  réunies.  » 

Les  Banques  de  Nantes  et  de  Bordeaux  résistèrent  d'abord  ; 
mais  elles  durent  céder  devant  la  nécessité,  et  elles  furent 
incorporées  le  2  mai  suivant. 

L'unité  des  billets  nous  semble  le  complément  naturel  de 
l'unité  monétaire.  Le  progrès  devait  amener  un  jour  oi^ 


—  229  — 

l'autre  cette  réforme.  Était-elle  possible  sans  l'annexion  des 
banques  départementales?  Non  sans  doute  ;  car  interdire  à 
celles-ci  le  droit  d'émettre  des  billets,  c'était  les  réduire  au 
rôle  des  comptoirs  d'escompte  et  changer  la  nature  même 
de  leur  institution.  Maintenant  la  centralisation  administra- 
tive de  toutes  les  institutions  de  crédit  est-elle  sans  incon- 
vénients? Nous  ne  le  croyons  pas.  Nous  réservons  cette  ques- 
tion pour  le  chapitre  suivant. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  fusion  des  banques  fit  immédiate- 
ment tomber  les  entraves  auxquelles  on  avait  assujetti  celles 
des  départements.  Le  résultat  montra  combien  le  commerce 
avait  été  gêné  par  ces  restrictions.  Les  mandats  des  dépar- 
tements sur  Paris  et  de  Paris  sur  les  départements,  qui  ne 
s'étaient  élevés  en  1847 qu'à  96  millions,  montèrent  en  1848, 
malgré  l'atonie  des  affaires,  à  436  millions. 

L'activité  de  la  Banque  pendant  la  crise  de  1848  fut  pro- 
digieuse. Le  31  mars  elle  prêta  à  l'État  50  millions  sur  bons 
du  Trésor  5  le  5  mai  elle  fit  à  la  Caisse  des  dépôts  un  prêt  de 
30  millions  sur  dépôt  de  rentes  5  le  3  juin  elle  ouvrit  au  mi- 
nistre des  finances  un  crédit  de  150  millions,  dont  il  n'usa 
que  jusqu'à  concurrence  de  75  millions;  elle  souscrivit  pour 
22  millions  et  demi  à  l'emprunt  du  24  juin.  Elle  avança  10 
millions  à  la  ville  de  Paris,  prêta  6  millions  au  département 
de  la  Seine,  13  millions  à  la  ville  de  Marseille,  1  million 
aux  hospices.  Elle  devait  assez  au  gouvernement  pour  lui 
venir  en  aide.  Heureusement  ces  découverts  n'allèrent  pas 
juscprà  provoquer  une  panique. 

La  Banque  vint  également  au  secours  de  l'industrie.  Elle 
prêta  34  millions  sur  hypothèque  aux  grandes  usines  métal- 
lurgiques, et  60  millions  sur  dépôts  de  marchandises.  Les 
effets  en  souffrance  s'élevèrent  un  moment  à  84  millions  : 
rien  de  tout  cela  n'ébranla  son  crédit.  Les  billets  étaient  re- 
cherchés de  préférence  aux  espèces  :  aussi  une  loi  dut-elle 
autoriser  une  augmentation  d'émission.  Sa  circulation,  limi- 
tée d'abord  à  350  millions,  portée  à  452  par  suite  de  la  fu- 
sion, fut  élevée  à  525  par  la  loi  du  22  décembre  1849. 

Le  cours  forcé  cessa  le  6  août  1850  ;  mais,  dès  l'année  pré- 
cédente, la  Banque  avait,  de  fait,  repris  ses  payements  en 


—  230  — 

espèces.  La  faveur  s'attachant  toujours  aux  billets,  l'encaisse 
ne  cessait  de  s'accroître  ^  le  2  octobre  1851,  il  était  de 
626 millions,  dépassant  de  1 10  millions  la  somme  des  billets 
en  circulation.  Ce  n'est  pas,  comme  nous  l'avons  dit,  l'indice 
d'une  grande  prospérité. 

Les  coupures  de  50  et  de  25  fr.  amèneraient  dans  les  caves 
de  la  Banque  plus  de  la  moitié  du  numéraire  circulant.  On 
comprendra  sans  doute  un  jour  l'inutilité  de  pareilles  réser- 
ves. C'est  l'histoire  de  l'avare  ayant  perdu  son  trésor. 

Mettez  une  pierre  à  la  place  : 
Elle  vous  vaudra  tout  autant. 

Le  3  mars  1852,  l'escompte  fut  réduit  à  3  0/0.  La  crise 
alimentaire  et  l'exportation  des  espèces  le  firent  élever  à  4 
le  7  octobre  1853,  et  à  5  le  3  janvier  1854;  il  fut  ramené 
à  4  le  12  mai  suivant. 

Le  4  octobre  1855,  une  nouvelle  crise  alimentaire  fit  por- 
ter le  taux  de  l'escompte,  d'abord  à  5,  puis  à  6  0/0,  et  réduire 
à  75  jours  le  terme  des  elïets  admis  à  l'escompte. 

Telles  sont  les  nécessités  qu'entraîne  le  principe  des  en- 
caisses métalliques,  qui,  loin  d'être  une  garantie,  deviennent 
une  source  de  crise,  en  plaçant  l'établissement  dans  l'alter- 
native ou  de  suspendre  ses  payements,  ou  de  réclamer  le 
cours  forcé,  ou  de  prendre  des  mesures  restrictives  juste  au 
moment  où  le  commerce  a  le  plus  besoin  de  circulation. 

La  Banque  de  France  possède  39  succursales,  dont  15  ont 
été  créées  depuis  1848  5  chaque  année  elle  en  établit  de  nou- 
velles dans  les  centres  les  plus  importants.  Elle  est  déjà  la 
suprême  régulatrice  de  l'escompte  et  de  la  circulation.  Les 
chiffres  suivants  attestent  l'importance  croissante  et  le  ca- 
ractère d'envahissement  de  l'institution. 

Avant  la  révolution  de  février,  l'année  la  plus  favorable 
avait  été  1847  :  le  total  des  opérations  s'était  élevé  à  2  mil- 
liards 714  millions.  Les  exercices  de  1848,  49,  50  et  51  se 
maintinrent  de  beaucoup  au-dessous  de  ce  chiffre.  Mais  les 
transactions  s'élevèrent  : 

En  1853  à  3,964,000,000     Ea  1855  à  4,863,000,000 
En  1854  à  3.888,000,000     En  1856  à  5,809,000,000 


—  231  — 

L'escompte  des  effets  de  commerce  est  toujours  la  princi- 
pale opération  de  la  Banque  et  de  ses  succursales,  et  c'est  à 
leur  progression  qu'est  dû  ce  doublement  du  chifïre  des  opé- 
rations. 11  était  : 

En  1847  de    2.659,845,309  En  1854  de     2.944,000,000 

En  1852  de     1,8;'4, 409,438  En  1855  de    3.702,000,000 

En  1853  de    2,842.930.285  En  185G  de    4,674,000,000 

N'est-ce  pas  la  réalisation  de  ce  que  nous  disions  :  «  Une 
banque  est  une  entreprise  d'assurances  qui,  avec  50  millions 
de  capital  placé  sur  l'État,  peut  garantir  3  ou  4  milliards 
de  transactions  annuelles?»  —  Mais  alors  le  principe  que  le 
capital  de  l'établissement  sert  de  garantie  à  ses  opérations 
devient  une  fiction;  la  sécurité  dont  il  jouit  lui  est  tout  ex- 
térieure; la  mutualité  des  écbanges  est  démontrée.  Ce  sont 
les  négociants,  les  producteurs  qui  servent  se  réci[)roque- 
ment  de  caution  ;  le  gage  des  billets,  ce  n'est  ni  rencaisse, 
ni  la  réserve,  ni  le  capital,  mais  le  portefeuille. 

Alors  pourquoi  le  commerce  est-il  tributaire  d'une  poignée 
de  capitalistes?  pourquoi  la  Banque  reste-t-elle  une  institu- 
tion privée?  pourquoi  n'est-ce  pas  aux  chambres  de  com- 
merce ou  aux  tribunaux  consulaires  qu'appartient  le  droit 
de  réglementer  le  taux  de  l'escompte  et  les  échéances?  pour- 
quoi enfin  l'institution  prélève- t-elle  des  bénéfices  sur  une 
encaisse  qui  ne  lui  appartient  pas,  sur  des  billets  qui  ne  sont 
pas  les  siens? 

La  loi  de  1840  avait  prorogé  jusqu'en  1867  le  privilège  de 
la  Banque,  avec  faculté  pour  l'État  d'en  changer  les  condi- 
tions en  1855.  Le  décret  du  3  mars  1852  a  maintenu  la  pro- 
rogation pure  et  simple. 

Le  privilège  de  la  Banque  est  de  ceux  qui  ne  se  révoquent 
pas.  Trop  d'intérêts  sont  en  jeu  dans  une  pareille  organisa- 
lion  pour  qu'on  la  brise.  Mais  l'institution  devra,  croyons- 
nous,  se  modifier  considérablement.  Elle  ne  rend  pas  au 
commerce  tous  les  services  qu'il  a  droit  d'en  attendre  et  que 
lui  impose  son  monopole.  La  condition  des  trois  signatures, 
le  maximum  des  échéances  fixées  à  90  jours  sont  au  premier 
rang  parmi  les  entraves  apportées  à  l'escompte.  Les  déci- 
sions prises  par  le  conseil  sur  l'exhaussement  du  taux  de 


—  232  — 

l'intérêt,  sur  la  limitation  des  échéances,  sont  de  véritables 
coups  d'État  contre  le  inonde  des  alï'aires,  qui  en  supporte 
les  frais  sans  compensation.  Le  commerce  a  droit,  sous  ce 
rapport,  de  demander  des  garanties,  une  charte  constitu- 
tionnelle. 

Le  capital  en  actions  de  la  Banque  de  France,  avant  la 

fusion,  était  de 67,900,000  fr. 

L'annexion  des  Bixnques  départementales  l'a  augmenté  de  23,350,000 

11  se  trouve  donc  porté  à 91,260,000 

Les  actions  au  pair  sont  de  1,000  i'r., 'nominatives  et  trans- 
férables. La  transmission  s'opère  par  la  déclaialion  du  pro- 
priétaire ou  de  son  fondé  de  pouvoir  inscrite  au  registre  des 
transferts,  signée  du  vendeur  et  certifiée  par  un  agent  de 
change. 

Le  cours  des  actions  est  tombé,  pendant  la  crise  de  1814, 
à  470  fr. 

Elles  étaient  au  l^--  février  1848  à  3,190  fr.; 

Au  1«''  mars,  à  2,400-, 

Au  l^""  avril,  à  1,175; 

Au  1"  avril  1849,  elles  étaient  remontées  à  2,400. 

Leur  plus  haut  cours  avant  l'empire  avait  été  de  3,800, 
en  1840;  depuis  1856  elles  ont  dépassé  4,000. 

L'assemblée  générale  se  compose  des  200  actionnaires  qui 
ont  le  plus  d'actions,  suivant  une  liste  arrêtée  six  mois  avant 
la  convocation.  Elle  nomme  3  censeurs  et  15  régents,  dont 
3  doivent  être  pris  parmi  les  receveurs  généraux.  Ils  doivent 
être  propriétaires  d'au  moins  30  actions  chacun. 

Le  gouverneur  et  les  sous-gouverneurs  sont  nommés  par 
l'État.  Le  premier  doit  avoir  100  actions,  et  chacun  des  deux 
autres  50. 

Les  actions  des  administrateurs  sont  inaliénables  tout  le 
temps  de  leurs  fonctions. 

La  réunion  de  tous  ces  fonctionnaires  forme  le  conseil 
général  de  la  Banciue.  Le  conseil  détermine  le  taux  de  l'es- 
compte, les  sommes  à  employer  et  les  échéances  au  delà 
desquelles  les  effets  ne  sont  point  admis. 

Les  fonctions  des  censeurs  sont  de  simple  surveillance. 


—  233  — 


Ils  peuvent  empêcher,  s'ils  sont  unanimes,  une  nonveljp 
émission  de  billets. 

Les  15  régents  et  les  3  censeurs  sont  répartis  en  5  comi- 
tés, savoir  : 

Le  comité  d'escompte  ; 

Le  comité  des  billets; 

Le  comité  des  livres  et  portefeuilles  ; 

Le  comité  des  caisses; 

Le  comité  des  relations  avec  le  Trésor. 

La  Banque  peut  établir  des  succursales  dans  tous  les  dé- 
partements, avec  Tautorisalion  du  gouvernement.  Elle  a  le 
privilège  exclusif  d'émettre  des  billets  partout  où  elle  pos- 
sède un  comptoir. 

Les  succursales  sont  régies  par  un  directeur  au  choix  du 
pouvoir,  par  des  administrateurs  dont  le  nombre  peut  varier 
de  6  à  16,  et  par  3  censeurs. 

Les  administrateurs  sont  nommés  par  le  gouvernement 
sur  une  liste  double  que  lui  présente  l'assemblée  des  50  plus 
forts  actionnaires  de  la  localité.  Les  censeurs  sont  choisis 
par  le  conseil  général.  Les  opérations  des  succursales  sont 
surveillées  par  des  inspecteurs  à  la  nomination  du  gouver- 
neur. 

C'est,  comme  on  le  voit,  la  centralisation  administrative, 
avec  sa  bureaucratie  et  ses  entraves. 

La  Banque  a  des  succursales  dans  les  localités  suivantes  : 

Le  Havre, 

La  Rochelle. 

Lille. 

Limoges. 

Lyon. 

Le  Mans. 

Marseille. 

Metz. 

Montpellier. 

Mulhouse. 

Nancy. 

Nantes. 

Nevers. 

La  Banque  ne  peut  faire  d'autre  commerce  que  celui  des 
métaux  précieux. 


Amiens. 

Angfrs. 

Angoulême. 

Arras. 

Avignon. 

Besançon. 

Bordeaux. 

Caen. 

Châteauroux. 

Clerraont-Ferrand. 

Dijon. 

Dunkerque. 

Grenoble. 


Nîmes. 

Orléans. 

Poitiers. 

Rennes. 

Reims. 

Rouen. 

Saint-Etienne. 

Saint-Quentin. 

Strasbourg. 

Toulon. 

Toulouse. 

Troyes. 

Valenciennes. 


—  234  — 

Ses  opérations  consistent  : 

1"  A  escompter  les  effets  de  commerce  dont  l'échéance 
n'excède  pas  trois  mois,  timbrés  et  revêtus  de  trois  signa- 
tures de  personnes  notoirement  solvables. 

Un  transfert  d'effets  publics,  d'actions  de  la  Banque,  de 
récépissés  de  marchandises  dans  les  magasins  généraux, peut 
remplacer  la  troisième  signature. 

T  A  se  charger  de  l'encaissement  des  effets  qui  lui  sont 
remis. 

3°  A  recevoir  en  compte  courant  les  sommes  qui  lui  sont 
versées  par  les  particuliers  ou  les  compagnies. 

Elle  payait  dans  l'origine  5  0/0,  et  ensuite  4,  sur  ces  dé- 
pôts; elle  ne  les  accepte  plus  qu'à  titre  gratuit. 

4»  A  faire  des  avances  sur  dépôt  d'actions  des  Quatre-Ca- 
naux  et  d'obligations  de  la  ville  de  Paris  (arrêté  du  23  février 
1833);  —  à  escompter  les  actions  des  canaux  et  les  obliga- 
tions de  la  ville  remboursables  dans  le  délai  de  six  mois 
(arrêté  du  14  septembre  1833);  —  à  lever  ou  livrer  en  liqui- 
dation, de  Tordre  des  propriétaires,  les  effets  sur  lesquels  elle 
a  fait  des  avances  (arrêté  du  conseil  général,  24  décembre 
1834)  ;  —  à  prêter  sur  transfert  de  rentes,  actions  et  obliga- 
tions des  chemins  de  fer  français  (décret  du  3  mars  1852), 

5"  A  tenir  une  caisse  de  dépôts  volontaires  de  tous  titres, 
tels  que  contrats,  engagements,  etc.,  moyennant  un  droit  de 
garde  de  1/4  0/0  l'an. 

6"  A  faire  des  avances  sur  lingots  d'or  et  d'argent. 

7"  A  payer  les  dispositions  faites  sur  elle  jusqu'à  concur- 
rence de  ses  encaissements. 

Les  dividendes  se  payent  au  le»"  janvier  et  au  l»"^  juillet  de 
chaque  année.  Ils  ne  peuvent  être  moindres  de  30  fr.  par  se- 
mestre et  par  action.  A  cet  effet,  on  prélève  d'abord  sur  les 
bénéfices  6  0/0  du  capital  de  91,250,000  fr.  Le  surplus  des 
profits  est  divisé  en  deux  parts  ;  2/3  sont  répartis  aux  ac- 
tionnaires; 1/3  constitue  un  fonds  de  réserve  dont  la  répar- 
tition ne  peut  être  autorisée  que  par  une  loi.  Ce  fonds  s'é- 
lève aujourd'hui  à  13  millions  environ, 

La  réserve  a  été  distribuée  déjà  deux  fois. 


—  235  — 

!•  Loi  du  4  juillet  J820.  .  .  .     2()2  fr.  par  action. 
2»      —       6  décembre  1831.  .     145  — 

Depuis  la  fondation  jusqu'en  1836,  le  dividende  est  resté 
au-dessous  de  100  fr.,  sauf  sur  trois  exercices  : 

An  IX  :  100       An  XI  :  113  71        1828  :  111 

Depuis  1836  jusqu'à  ce  jour,  il  s'est  tenu  au-dessus  de 
100  fr.,  sauf  en  1848,  où  il  a  été  de  75  fr. 

Les  exercices  les  plus  favorables,  sous  le  règne  de  Louis- 
Philippe,  sont  : 

1839  ;  144  fr.  1846  :  159  fr. 

1840  :  139  1847  :  177 

Et  depuis  le  coup  d'État  : 

1852:  118  fr.      1854:  194  fr.      1856:  272  fr. 
1853  :  154        1855  :  200 

Les  opérations,  en  1855,  ont  été  : 

A  Paris,  de 1,958,049.589  fr. 

Dans  les  succursales,  de 2,745,505,028 

Total 4,703,554,417 

Les  mêmes  opérations,  en  1856,  ont  été: 

.  _    .    f  non  comnrislesopérations  avec  l'Eut,  1  ,     „  ,„.       ^  „„„  „ 
^  P'^"^  {     et  montant  à.  .  .   174,500,000  u'M'  2,56^,000,000  fr. 
Dans  les  succursales,  de 3,071,800,000 

Ensemble 5,035,800,000 

Les  succursales  les  plus  favorisées  sont  : 

Marseille.  .   .     449,000,000  fr.  Lille 209,000,000  fr. 

Lyon 300  000.0011  Valencieunes      150,000,000 

Bordeaux    .  .     235,000,000 

Quatre  succursales  ont  donné  une  perte  de  312,009  fr., 
provenant  des  dépenses  de  premier  établissement  et  d'ap- 
propriation de  locaux. 

Les  dépenses  de  la  Ban(|ue  et  des  succursales  ont  été  : 

P:n  1864  de 5,007.000  fr. 

En   1855  de.   .  . 9,813,000 

En  1856  de 11,327,800 

Différence  avec  1854 6, 320, «00 

Mais  cette  différence  est  presque  entièrement  occasionnée 
par  des  dépenses  extraordinaires.  Le  premier  chiffre  est,  à 
peu  de  chose  près,  la  véritable  moyenne. 

Ses  produits  bruts  ont  été  : 


—  236  - 

En  1853  de .   14,762,432  74  fr. 

En  1854  de • 18,603,228  10 

En  1855  de 22,671,123  99 

En  1856  de 37,179,226  20 

Le   mouvement   général  des  caisses   se  compose ,   pour 
1855,  de  la  manière  suivante  : 

'  Espèces 2,056,682,000  fr. 

Billets 9,149,379,500 

Virements 10,153,828,600 

Ensemble 20,359,890,100 

TABLEAU  GÉNÉRAL 

des  opérations  faites  et  des  produits  bruts  perçus  par  la  Banque  de  France 

pendant  l'année  -1885. 


PRODUITS  VARIABLES. 

OPnRATlOXS  COlIMEnclALKS   A  PARIS. 

Escompte  du  papier  de  commerce 

—  de  bons  du  Trésor 

—  de  bons  de  la  monnaie 

—  de  traites  de  coupes  de  bois.  .  .  . 
Avances  sur  actions  des  canaux 

—  sur  rentes 

—  sur  valeurs  de  chemins  de  fer.  .  . 

—  sur  lingots o  .   . 

Commission  sur  les  billets  à  ordre 

Primes  sur  matières  d'or  et  d'argent.  .  . 
Droits  de  garde 

Total 

OPERATIONS  COMMERCIALES  DES  SUCCURSALES. 

Total  de  ces  deux  natures  de  produits.  .  . 
Opérations  avec  le  Trésor 

—  avec  la  ville  (Caisse  de  la  boulangerie). 

PRODUITS  ACCIDENTELS. 

Recouvrements  sur  les  effets  en  soulTrance. 
Bénétices  divers 

Total 

PRODUITS  FIXES. 

Rentes  appartenant  à  la  Banque 


MONTANT 

des  opérations. 

PRODUITS  BRUTS 

des    Opérations. 

1,156,590.019 

43.470,900 

211,780,791 

1,078.573 

24,686.200 
172,118,500 
326.229,000 

21,487,400 

»          v 

»           a 

»           » 

5,786,870  50 

180,365  60 

82.414  04 

20,G9G  05 

241,926  95 

1.266.961   GO 

2,737.770  15 

52,972   10 

181,751  45 

»          » 

83.981   55 

1,958,049,389 
2,745,505.028 
4,703.554,417 

10,641,718  99- 
12,029.405     » 

22.671,123  99 

145,000.000 
14,800,000 

1,261,861   54 
155,250     » 

»         » 

342,861  98 
564  90 

i>            » 

343,426  88 

»         » 

3,710,194     «> 

—  237  — 

COMPTOIR    NATIOAAL  D'ESCOMPTE  DE    PAHIS. 

(Paris,  14,  rue  Bergère.) 

Les  Comptoirs  d'escompte  ont  été  institués,  à  la  suite  de 
la  révolution  de  1848,  comme  de  simples  expédients  contre 
la  crise. 

A  ce  moment  les  premières  maisons  de  banque  parlaient 
de  liquidation  ;  la  caisse  Gouin  et  la  caisse  Ganneron  avaient 
suspendu  leurs  payements;  les  autres  ne  voulaient  plus  re- 
cevoir de  papier.  Le  commerce,  frappé  d'iiébêtement,  restait 
sans  initiative,  sans  énergie.  11  y  avait  pourtant  dans  chaque 
ville  de  quelque  importance  un  corps  de  notables  commer- 
çants ,  une  chambre  élective  de  commerce,  un  tribunal  de 
commerce.  C'était  aux  membres  de  ces  corporations  de  se 
réunir,  de  parler  au  public,  de  prendre  des  mesures  pour  ré- 
tablir la  circulation.  Eh  quoi  !  ne  voulait-on  plus,  en  France , 
ni  manger,  ni  boire,  ni  se  vêtir,  ni  se  loger,  ni  échangei-,  ni 
produire?  V  avait-il  un  colis  de  marchandises,  une  usine  de 
moins?  Non,  jamais  on  ne  vit  panique  plus  niaise  ni  plus 
ridicule.  Louis-Philippe  semblait  avoir  emporté  dans  sa  fuite 
la  vie  et  les  idées  de  tout  ce  monde.  Us  se  réunissaient  vo- 
lontiers pour  gémir  et  crier  misère  ;  mais  ils  demeuraient  les 
bras  pendants,  la  bouche  béante ,  attendant  quelque  signe 
céleste,  quelque  miracle  de  la  Providence,  pour  les  sortir  de 
ce  mauvais  pas. 

La  Providence  en  celte  occasion,  ce  fut  le  gouvernement 
provisoire. 

c(  Dans  toutes  les  villes  industrielles  et  commerciales,  dit  le  dé- 
cret du  7  mars,  il  sera  créé  un  Comptoir  national  d'escompte  dont 
le  capital  sera  formé  dans  les  proportions  suivantes  :  1"  un  tiers 
en  argent  par  les  associés  souscripteurs;  2"  un  tiers  on  obliga- 
tions par  les  villes;  3'^  un  tiers  en  bous  du  Trésor  par  l'Étal. 

a  Les  bénélices  appartiendront  exclusivement  aux  actionnaires.  » 

Les  obligations  des  villes  et  les  bons  du  Trésor  ne  sont 
qu'une  garantie,  une  promesse  de  payement  eu  cas  de  déficit  ; 
ce  n'est  pas  de  l'argent  versé. 


—  238  — 

Le  8  mars,  un  autre  décret  organisa  le  Comptoir  de  la  ville 
de  Paris,  au  capital  de  20  millions  fournis  dans  la  proportion 
sus-indiqiiée,  soit  pour  la  partdes  souscripteurs,  6,666,500  fr. 

Un  décret  du  16  mars  ouvrit  un  crédit  de  60  millions  pour 
venir  en  aide,  à  titre  de  prêt,  aux  nouveaux  établissements. 

Les  premières  actions  furent  prises  comme  par  charité. 
Quehjues  commerçants,  diverses  corporations  telles  que  la 
Banque,  les  agents  de  change,  la  Chambre  de  commerce,  les 
avoués,  les  notaires,  s'inscrivirent  en  tête  de  la  liste  phi- 
lanthropique. 

Le  18  mars,  le  Comptoir  de  Paris  commença  ses  opéra- 
tions avec  1,587,021  fr.  45  c.  de  réalisés,  et  un  million  d'em- 
prunt au  Trésor.  Afin  de  créer  des  actionnaires,  on  imagina 
d'opérer  une  retenue  sur  les  bordereaux  présentés  à  l'es- 
compte: les  gens  ne  savaient  plus  marcher  5  le  repos,  c'était 
la  mort-,  il  fallait  bien  les  pousser  de  force  et  les  empêcher 
de  périr.  Ces  retenues  produisirent,  pendant  le  premier  se- 
mestre, 1,241,970  fr.  70  c,  qui  furent  convertis  en  actions-, 
il  restait  en  outre  un  autre  solde  de  même  origine  de 
290,901  fr.  88  c.  Enfin,  au  31  août  1848,  le  montant  des 
actions  réalisées,  volontairement  ou  par  retenues,  était  de 
4,041,804  fr.  23  c. 

Les  Comptoirs  nationaux  sont  affectés  aux  opérations  des 
banques  ordinaires  du  commerce  -,  ils  n'émettent  point  de 
billets.  Aussi  avaient-ils  besoin  que  leur  portefeuille  fût  ré- 
escompté à  la  Banque.  Les  réescomptes  s'élevèrent,  en  1848, 
à  Paris  et  dans  les  succursales,  à  131  millions. 

«  Le  Comptoir  n'admettra  à  l'escompte,  dit  l'art.  8  des  Statuts, 
que  des  effets  de  commerce  revêtus  de  deux  signatures  au  moins,  et 
dont  l'échéance  ne  pourra  pas  excéder  cent  cinq  jours,  pour  le 
papier  payable  à  Paris,  et  soixante  jours  pour  le  papier  payable 
dans  les  départements.  —  L'échéance  pourra  être  étendue  à  quatre- 
vingt-dix-jours  pour  les  eftets  payables  sur  les  places  où  il  y  a  une 
succursale  de  la  Banque.  » 

Les  nécessités  de  la  situation  vinrent  bientôt  modifier  la 
première  prescription  de  l'art.  8.  Les  fabricants,  les  manu- 
facturiers, les  négociants  ne  pouvaient  ni  vendre  les  mar« 
chandises  dont  leurs  magasins  étaient  encombrés,  ni  em- 


—  ^39  — 

prunier  sur  ce  gage.  Le  décret  du  2l  mars  ordonna  la  créa- 
tion: 

«  A  Paris  et  dans  les  autres  villes  où  le  besoin  s'en  ferait  sentir, 
de  magasins  généraux  placés  sous  la  surveillance  de  l'État,  et  où 
les  négociants  et  les  industriels  pourraient  déposer  les  matières 
premières,  les  marchandises  et  les  objets  fabriqués  dont  ils  se- 
raient propriétaires.  » 

Le  même  décret  ajoutait  que  : 

«  Les  récépissés  extraits  des  registres  à  souche,  transférant  la 
propriété  des  objets  déposés,  seraient  transmissibles  par  voie 
d'endos;  » 

dispositions  qui,  en  simplifiant  les  formes  prescrites  par  le 
Code,  devait  faciliter  les  prêts  sur  gages. 

Afin  de  régulariser  Tusage  du  nantissement,  le  décret  du 
24  mars  organisa  les  Sous-Comptoirs  de  garantie,  dont  les 
opérations  consistent  : 

(c  A  procurer  aux  commerçants,  industriels  et  agriculteurs,  soit 
par  engagement  direct,  soit  par  aval,  soit  par  endossement,  l'es- 
compte de  leurs  titres  et  effets  de  commerce  auprès  du  Comptoir 
principal,  moyennant  des  sûretés  données  aux  Sous-Comptoirs  par 
voie  de  nantissement  sur  marchandises,  récépissé  des  magasins 
de  dépôt,  titres  et  autres  valeurs.  »  —  «  Les  Sous-ComptOirs  ne 
peuvent  négocier  les  effets  provenant  du  nantissement  qu'auprès 
du  Comptoir  d'escompte,  dans  la  caisse  duquel  est  déposé  leur  ca- 
pital. » 

Les  récépissés  remplacent  la  seconde  signature. 

Le  19  avril  1850,  le  Comptoir  de  Paris  fut  prorogé  pour  six 
ans  à  partir  du  18  mars  1852,  et  le  capital  porté  à  33,333,500 
francs,  dont  20  millions  à  fournir  par  les  souscripteurs, 
6,667,000  en  obligations  de  la  ville  de  Paris,  et  6,666,500 
en  un  bon  du  Trésor  par  l'État.  En  conséquence,  26,667  ac- 
tions nouvelles  furent  émises  au  cours  de  550  fr. 

Par  les  décrets  des  24  mars  et  23  août  1848,  les  Comptoirs 
et  les  Sous-Comptoirs  étaient  garantis  pour  une  part  de 
leurs  opérations  par  l'État  et  parles  villes.  Mais  en  pratique, 
que  signifiait  celte  garantie?  Rien  du  tout.  Le  jour  où  Tad- 
ministralion  l'eût  laissé  entamer,  elle  eût  été  obligée  de  li- 


—  2,40  — 

quider.  C'est  ce  que  paraît  avoir  compris  le  gouvernement. 
Une  loi,  rendue  le  26  mai  1853,  porte  : 

«  Art.  i".  Les  Comptoirs  et  Sous-Coniploirs  d'escompte  pour- 
ront être  établis  ou  prorogés  avec  les  droits  énoncés  dans  les  ar- 
ticles 9  et  40  du  décret  du  23  août  1848,  mais  sans  aucun  recours 
ni  aucune  garantie  de  la  part  de  l'État ,  des  départements  et  des 
communes.  » 

A  la  bonne  heure  I  mais  puisque  le  Corps  législatif  était 
en  si  beau  chemin,  qu'avait-il  à  faire  de  réserver  à  l'État, 
qui  ne  garantit  rien,  le  droit  de  vie  et  de  mort  sur  les  Comp- 
toirs ? 

«  Art.  2.  Des  décrets  impériaux,  rendus  sur  la  proposition  du 
ministre  des  finances,  le  Conseil  d'État  entendu,  statueront  sur 
l'établissement  et  la  prorogation  des  Comptoirs  et  Sous-Comptoirs 
d'escompte,  et  sur  la  modilication  de  leurs  statuts.  » 

Ou  garantissez  les  Comptoirs,  ou  laissez  leur  faire  ce  qu'ils 
voudront.  Il  est  absurde,  en  pareille  matière,  de  vouloir  ré- 
genter sans  financer. 

Le  25  juillet  1854,  un  décret  impérial  reconstitua  le  Comp- 
toir pour  trente  ans,  à  partir  du  18  mars  1857.  Les  garanties 
de  la  Ville  et  de  l'Élat  étant  supprimées,  le  capital  se  trou- 
vait réduit  à  20  millions;  le  décret  précité  autorisa  la  Com- 
pagnie à  rélever  à  40,  et  par  décision  du  21  février  1856, 
l'assemblée  générale  autorisa  la  direction  à  émettre  40,000 
actions  nouvelles  au  cours  de  550  fr. 

Ce  qui  manque  en  France,  c'est,  répétons-le,  l'esprit  d'i- 
nitiative. Nul  ne  se  dit  en  temps  de  crise  :  «  C'est  à  nous  de 
nous  tirer  d'embarras;»  ni  en  temps  de  calme  :  «  Nous  de- 
vons nous  conduire  nous-mêmes.  »  Chacun  a  les  yeux  fixés 
sur  l'État,  attendant  son  salut  d'en  haut  et  l'ordre  du  jour 
du  gouvernement. 

Certes  l'occasion  ne  fut  jamais  plus  belle  qu'en  1848,  pour 
l'industrie,  l'agriculture  et  le  commerce,  de  s'affranchir  du  pa- 
tronage de  l'État  et  de  la  finance.  Les  banquier  s  désertaient  la 
place  ;  la  Banque  de  France  était  menacée  de  liquider.  C'était 
aux  chambres  de  commerce  de  prendre  la  direction  du  mou- 
vement. Elles  n'avaient  qu'à  dire  aux  producteurs  :  «Tout 


—  241  — 

travail,  toute  richesse  vient  de  vous^  toute  garantie,  par 
conséquent.  Les  banques  publiques  et  privées  n'hésitent 
pas  à  s'engager  pour.i'échange  de  vos  produits.  C'est  la  source 
de  leurs  plus  gros  profits.  Organisez  spontanément  entre 
vous  et  à  votre  bénéfice  le  crédit  dont  vous  payez  l'usage  à 
vos  patrons.» 

C'était  aux  chambres  de  commerce  de  créer  les  (]omptoirs 
d'escompte  et  les  Sous-Comptoirs  de  garantie.  Émanant  d'une 
pareille  origine,  ces  institutions,  fondées  dans  tous  les  cen- 
tres industriels  et  commerçants,  auraient  en  peu  d'années 
changé  la  face  des  affaires  et  éloigné  à  tout  jamais  l'influence 
des  crises  politiques,  puisqu'elles  eussent  été  complètement 
séparées  du  pouvoir. 

Rappelons  notre  définition  de  la  Banque  :  «Un  établisse- 
ment ayant  pour  but  de  donner  cours  authentique  aux  effets 
souscrits  par  les  particuliers  dont  il  connaît  la  solvabilité.» 
Ce  n'est  point  une  direction  centrale  ayant  son  siège  à  Paris, 
avec  des  mandataires  dans  les  départements,  qui  peut  rem- 
plir un  pareil  office.  Une  administration  locale  indépendante, 
agissant  sous  le  contrôle  des  intéressés,  est  seule  compétente 
en  pareille  matière. 

Le  taux  de  l'escompte  doit  couvrir  les  frais  de  gestion  et 
les  chances  de  non-payement;  1/2  0/0  suffirait.  11  serait  ab- 
surde que  la  corporation  des  producteurs  visât  à  réaliser  des 
bénéfices  sur  elle-même. 

Est-ce  à  dire  que  chaque  Comptoir  devrait  avoir  le  droit 
d'émettre  des  billets?  Nous  ne  le  pensons  pas  :  ce  serait  re- 
tomber dans  la  multiplicité  des  signes  d'échange  et  dans 
tous  ses  inconvénients.  C'est  pourquoi  la  Banque  centrale 
doit  rester.  Mais  que  devient-elle  danscetlenouvelleorgani- 
sation? — Un  simple  atelier  de  monnayage,  sous  le  contrôle 
dune  haute  chambre  de  commerce. 

Les  actions  du  Comptoir  sont  au  porteur,  de  500  fr.  cha- 
cune. —  L'assemblée  générale  se  compose  de  tous  les  pro- 
priétaires d'au  moins  dix  actions. —  Les  voix  se  comptent 
par  série  de  10  actions,  mais  on  ne  peut  en  avoir  plus  de  10. 

L'administration  se  compose  de  2  directeurs,  15  adminis- 
trateurs et  3  consetM's. 

14 


—  242  — 


A  part  la  faculté  d'émettre  des  billets,  les  comptoirs  font 
à  peu  près  les  mêmes  opérations  que  la  Banque  de  France. 

Voici  le  tableau  des  opérations  du  Comptoir  de  Paris  de- 
puis sa  fondation. 


lei'cices. 

Nombre  d'effets. 

Montant. 

Dividendes. 

1848  (5  mois) 

119,525 

93,125,588  fr. 

15  fr. 

1849  (10  mois) 

124,548 

98,274,288 

15 

1850    (1  an). 

237,559 

145,630,577 

35 

1851  .    — 

319,781 

215,195,904 

40 

1852       — 

382,521 

273,473,902 

40 

1853      — 

570,758 

502,070,434 

31 

1854      — 

837,809 

628,521,792 

36 

1855       — 

877,995 

276,943,888 

42 

Les  fonds  des  Sous-Comptoirs  sont  déposés  dans  la  caisse 
du  Comptoir  d'escompte,  pour  la  garantie  de  leurs  opéra- 
tions. Ils  sont  constitués  jusqu'au  18  mars  1857.  Les  actions 
sont  de  100  fr.  Les  compagnies  sont  anonymes. 

Sous-COMPTOiR  DES  E.NTREPRENEURS.  —  Rue  Bergère,  14, 
capital  social,  347,000  fr. 

Sous-Co.MPTOiR  DES  MÉTAUX.  —  Rue  Vivienne,  55,  capital 
social,  5  millions. 

Sous-Comptoir  des  Denrées  coloniales.  —  Rue  Grétry,  2, 
capital  social,  500,000  fr. 

Sous-CcMPTOiR  des  Chemixs  de  fer.  —  Rue  Bergère,  14, 
capital  social,  4  millions. 

.    Il  existe  des  Comptoirs  dans  les  villes  suivantes  : 

Alais.  Caen.  Dôle.  Miilliouse.        St-Jean-d'.\t)gély. 

Arigoulême.  Colmar.        Lille.  Sablé.  Sle-Maric-aiix-Mines. 

CREDIT    FONCIER    DE    FR.4NCE. 

(Paris,  10,  rue  Neuve-des-Capucines.) 

Encore  une  iustituliuu  née  du  besoin  de  mobiliser  les  va- 
leurs. Nous  ravons  dil  plus  haut,  L'"  partie,  cliajMlre  I\  : 
rien  de  plus  anti{)alliique  au  mouvement  que  notre  vieux 


—  243  — 

régime  hypothécaire  ;  il  ne  faut  pas  chercher  ailleurs  la  dé- 
faveur et  le  haut  prix  des  prêts  sur  hypothèque. 

Voici  les  procédés  et  les  conditions  du  nouveau  système, 
d'après  les  dernières  modifications  aux  statuts  (28  juin 
1856)  : 

«  La  Société  fait  deux  sortes  de  prêts  : 

«  Les  uns  sont  remboursables  à  long  terme,  par  annuités  cu- 
mulées de  manière  à  amortir  la  dette  dans  un  délai  de  10  ans  au 
moins,  de  60  ans  au  plus. 

«  Les  autres  sont  remboursables  à  court  terme,  sans  amortisse- 
ment, conformément  aux  dispositions  de  l'article  8  du  décret  du 
«juillet  1834. 

«  Ces  prêts  peuvent  être  faits  soit  en  numéraire,  soit  en  obliga- 
tions foncières  ou  lettres  de  gage. 

«  La  Société  ne  prête  que  sur  première  hypothèque.  —  Sont 
considérés  comme  faits  sur  première  hypothèque  les  prêts  au 
moyen  desquels  tous  les  créanciers  antérieurs  doivent  être  rem- 
boursés en  capital  et  intérêts. 

«  Les  prêts  ne  peuvent  excéder  la  moitié  de  la  valeur  de  la  pro- 
priété. Pour  les  bois,  les  vignes  et  toutes  les  propriétés  plantées, 
ils  ne  vont  qu'au  tiers.  Les  bâtiments  des  usines  et  fabriques  sont 
évalués  sans  tenir  compte  de  leur  affectation  industrielle. 

«  Ne  sont  point  admis  aux  bénéfices  des  prêts  de  la  Société  : 

«  i°  Les  théâtres;  2°  les  mines  et  les  carrières  ;  3°  les  immeubles 
indivis,  si  l'hypothèque  n'est  établie  sur  la  totalité,  du  consente- 
ment de  tous  les  co-propriétaires;  -4"  ceux  dont  l'usufruit  et  la 
nue  propriété  ne  sont  pas  réunis,  à  moins  du  consentement  de 
tous  les  ayants  droit  à  l'établissement  de  l'hypothèque. 

«  Le  maximum  des  prêts  est  d'un  million,  à  moins  qu'il  ne  s'a- 
gisse d'associations  syndicales,  de  sociétés  anonymes,  de  com- 
munes ou  de  départements  autorisés  à  cet  effet  par  le  gouverne- 
ment. Le  minimum  des  prêts  est  de  300  fr. 

«  Le  taux  de  l'intérêt  est  fixé  par  le  conseil;  Une  peut  dépasser 
le  taux  légal. 

«  L'annuité  est  payable  en  espèces,  par  semestre,  aux  époques 
déterminées  par  l'administration.  Elle  comprend  :  1"  l'intérêt; 
'i"  l'amortissement;  3"  un  droit  de  commission  qui  ne  peut  excé- 
der 60  centimes  0/0,  si  ce  n'est  en  vertu  d'un  décret. 

«  Tout  semestre  non  payé  porte  intérêt  à  o  0/0,  et  rend  exigible 
la  totalité  de  la  dette  un  mois  après  la  mise  en  dem,eure. 


(t  Les  débiteurs  ont  droit  de  se  libérer  par  anticipation  eu  tout 
ou  en  partie,  soit  en  numéraire,  soit  en  obligations  appartenant  à 
l'émission  indiquée  par  le  contrat  de  prêt.  Les  remboursements 
anticipés  donnent  lieu,  au  profit  de  la  Société,  à  une  indemnité 
qui  ne  peut  dépasser  3  0/0  du  capital  remboursé  par  anticipation. 

«  Tout  emprunteur  doit  dénoncer  à  la  Société  les  aliénations, 
détériorations  et  hypothèques  légales  modifiant  les  conditions  du 
gage. 

«  Toutes  les  propriétés  affectées  à  la  garantie  de  la  Société,  qui 
sont  susceptibles  de  périr  par  le  feu,  doivent  être  assurées.  La 
Compagnie  a  privilège  sur  l'indemnité  en  cas  de  sinistre.  » 

Les  conditions,  comme  on  voit,  surtout  celle  du  rembour- 
sement par  annuités,  sont  déjà  plus  favorables  aux  emprun- 
teurs que  celles  offertes  par  l'ancien  système  anarchique  de 
prêt  ou  usure  sur  hypothèque.  Aussi  le  mode  d'expropria- 
tion doit-il  être  en  raison  de  ces  avantages,  c'est-à-dire  très- 
expéditif. 

«  En  cas  de  retard  du  débiteur,  la  Société  peut,  en  vertu  d'une 
ordonnance  rendue  sur  requête  par  le  président  du  tribunal  civil 
de  première  insitince,  quinze  jours  après  une  mise  en  demeure,  se 
mettre  en  possession  des  immeubles  hypothéqués,  aux  frais  et  ris- 
ques du  débiteur  en  retard. 

«  Pendant  la  durée  du  séquestre,  la  Société  perçoit,  nonobstant 
toute  opposition  ou  saisie,  le  montant  des  revenus  ou  récoltes,  et 
l'applique  à  l'acquittement  des  termes  échus  et  des  frais. 

«  Ce  privilège  prend  rang  immédiatement  après  ceux  qui  sont 
attachés  aux  frais  faits  pour  la  conservation  de  la  chose,  aux  frais 
de  labour  et  de  semences,  et  aux  droits  du  Trésor  pour  le  recou- 
vrement de  l'impôt. 

ft  Dans  le  même  cas  de  non-payement  d'une  annuité,  et  toutes 
les  fois  que  le  capital  intégral,  par  suite  de  détérioration  du  gage, 
est  devenu  exigible,  la  vente  de  l'immeuble  peut  être  poursuivie. 

«  S'il  y  a  contestation,  il  est  statué  par  le  tribunal  de  la  situa- 
tion des  biens.  Le  jugement  est  sans  appel. 

«  Pour  parvenir  à  la  vente  de  l'immeuble,  la  Société  fait  signifier 
au  débiteur  un  commandement  dans  la  forme  prévue  par  l'art.  673 
du  Code  de  procédure, 

«  A  défaut  de  payement  dans  la  quinzaine,  il  est  fait  dans  les 
sijc  semaines  qui  suivent  six  insertions  dans  les  journaux  d'annonces 
et  deux  appositions  d'affiches  à  quinze  jours  d'intervalle. 

«  Quinze  jours  après  l'accomplissement  de  ces  formalités,  il  est 


—  245  — 

procédé  à  la  vente  aux  enchères  de  l'immeuble  hypothéqué,  » 
(Décret  du  28  février  18o2.  ) 

Nous  voilà  loin  des  lenteurs  et  du  fornfialisme  de  la  judi- 
cature.  Cependant  la  réalisation  du  gage  deviendra  sans 
doute  encore  plus  rapide  dans  l'avenir. 

La  Société  du  Crédit  foncier  de  France  n'était  primitive- 
ment que  la  Banque  foncière  de  Paris.  Le  gouvernement 
voulait  la  pluralité  et  l'indépendance  de  ces  établissements. 
La  multiplicité  des  titres  parut  devoir  présenter  des  incon- 
vénients, et  le  18  novembre  1852,  un  décret  transforma  la 
société  première  et  lui  concéda  le  privilège  d'étendre  ses  re- 
lations sur  tout  le  territoire  français.  Cependant ,  comme 
d'autres  Compagnies  avaient  été  déjà  formées  avant  cette 
transformation,  à  Nevers  pour  les  départements  du  Cher, 
de  la  Nièvre  et  de  l'Allier;  à  Marseille,  pour  les  Bouches-du- 
Rhône,  le  Var  et  les  Basses-Alpes,  réserve  fut  faite  de  leurs 
droits.  Les  négociations  pour  leur  incorporation  ont  rencon- 
tré de  vigoureuses  résistances.  Cependant  le  rapport  du 
Crédit  foncier  de  France  du  30  avril  1856  annonce  que  les 
traités  de  fusion  définitifs  ont  été  passés. 

La  Société  de  Crédit  foncier  de  Marseille  ,  autorisée  par 
décret  du  12  septembre  1852,  est  au  capital  de  3  millions; 
celle  de  Nevers,  autorisée  le  20  octobre  de  la  même  année, 
au  capital  de  2  millions. 

Un  instant  on  crut,  dans  le  monde  financier,  qu'elles 
allaient  prendre  le  pied  sur  celle  de  Paris. 

Par  suite  d'une  transaction  intervenue  entre  ces  Compa- 
gnies et  M.  Mirés,  ce  dernier  s'était  engagé  à  leur  prêter  à 
chacune,  sur  lettres  de  gage,  24  millions,  soit  48  millions 
en  tout.  A  cet  effet,  M.  Mirés  subdivisait  la  lettre  de  gage  , 
primitivement  de  1,000  fr.,  en  coupures  de  100  fr.,  portant 
3  fr.  65  c.  d'intérêt  par  an,  ou  1  c.  par  jour,  et  rembour- 
sables annuellement  avec  prime  par  voie  de  tirage  au  sort. 

Les  primes  trimestrielles  étaient  : 

1"  numi  ro  .  .  .  .  ' 50,000  fr. 

Les  i  numéros  suivants,  cliueun  5,000     20,000 
Les  20  suivants,  chacun  1,000 20,000 

Total  par  trimestre 30,000 

Pour  l'année 360,000 

14. 


—  246  — 

Les  lettres  de  gage,  au  capital  nominal  de  100  fr.,  étaient 
émises  à  110  fr.,  payables,  savoir  : 

35  fr.  au  moment  de  la  souscription. 

26  fr.  en  janvier  1865. 

25  fr,         —  1856. 

25  fr.         —  1857,  au  pins  tôt. 

Le  bénéfice  de  10  fr.  par  obligation  profitant  à  la  Société 
Mirés,  non  aux  Compagnies,  le  profit  de  l'opération  devait 
être  de  4,800,000  fr. 

Déjàles  prospectus  annonçaient  ces  lettres  de  gage  comme 

devant  remplacer  les  billets  de  banque  de  100  fr Tout  à 

coup  un  ordre  du  gouvernement  interdit  de  poursuivre  l'o- 
pération, et  prescrit  à  M.  Mirés  le  remboursement  des  lettres 
de  gage  déjà  placées!...  Est-ce  la  combinaison  qui  était  mau- 
vaise, et  le  pouvoir  n'a-t-il  fait  que  venir  au  secours  d'un 
spéculateur  maladroit?  ou  bien,  comme  d'autres  l'affirment, 
est-ce  à  une  Influence  jalouse  qu'il  faut  attribuer  l'interdic- 
tion subite  du  placement?  Dans  l'un  comme  dans  l'autre 
cas,  le  gouvernement,  par  son  intervention  officieuse  ou  of- 
ficielle dans  une  transaction  particulière,  a,  sans  le  vouloir, 
excédé  la  limite  de  sa  juste  influence,  et  ouvert  la  porte  à 
une  foule  d'abus.  Dès  l'instant  qu'il  sera  facultatif  au  pou- 
voir d'arrêter  une  opération,  heureuse  ou  malheureuse  ,  de 
relever  un  spéculateur  de  ses  engagements  ou  de  jeter  l'in- 
terdit sur  une  entreprise,  il  n'y  a  plus  de  sécurité  dans  les 
alfaires;  la  bonne  foi,  tacitement  subordonnée  par  des  négo- 
ciateurs pervers  à  la  volonté  éventuelle  du  prince,  n'est  plus 
qu'un  mot;  la  confiance  commerciale  est  anéantie. 

La  fusion  ,  annoncée  comme  un  fait  accompli,  sanction- 
née par  décret  du  28  juin  1856,  rentre  parfaitement  dans 
l'esprit  de  centralisation  du  gouvernement  et  de  la  féodalité 
iinancière. 

Nous  comprenons  l'unité  des  titres  5  mais  elle  n'a  pas 
])Our  conséquence  forcée  la  centralisation  administrative  des 
opérations  de  la  banque  foncière.  11  est  alloué  60  cent,  en 
maximum  par  100  fr.  pour  frais  d'administration,  ne  serait- 
ce  point  afin  de  doter  mieux  l'état-major  bureaucratique 


—  247  — 

central ,  qu'on  lui  confère,  pour  ainsi  dire  ,  le  monopole  de 
l'hypothèque? 

Aucune  société  n'a  éprouvé  plus  de  vicissitudes,  subi  plus 
de  remaniements  que  le  Crédit  foncier.  Nous  avons  déjà  men- 
tionné la  transformation  de  la  Banque  foncière  de  Paris  en 
Crédit  foncier  de  France.  Le  18  octobre  1852,  le  10  décem- 
bre môme  année,  le  22  mars  et  le  21  décembre  1853  ,  le 
6  juillet  1854,  le  28  juin  1856,  nouveaux  remaniements  des 
statuts. 

Dans  les  prévisions  du  décret  organique  du  28  février  1852, 
Tanmiité  pour  l'emprunteur  devait  être  de  5  0/0  ,  intérêts , 
frais  d'administration  et  amortissement  compris.  Les  cir- 
constances politiques  ne  permettant  pas  à  la  Compagnie  de 
se  procurer  des  capitaux  au  taux  de  3  65,  fixé  par  le  décret 
d'institution,  une  première  fois  l'annuité  avait  été  élevée  de 
5à  5  45  0/0.  Cette  augmentation  fut  bientôt  trouvée  insuf- 
fisante. Afin  d'attirer  les  bailleurs  de  fonds,  un  décret  impé- 
rial du  21  décembre  1853  ,  assimilant  l'annuité  du  Crédit 
foncier  au  taux  variable  de  la  rente  3  0/0,  n'imposait  plus  à 
la  Compagnie  la  limite  de  5  45  ,  que  si  le  3  0/0  s'élevait  à 
86  fr.  Au-dessous,  la  Compagnie  avait  la  faculté  d'élever 
l'annuité  jusqu'à  concurrence  de  1/2  0/0,  c'est-à-dire  jusqu'à 
5  fr.  95  c.  En  conséquence  ,  le  Conseil  d'administration  , 
usant  de  la  latitude  qui  lui  était  offerte  par  le  nouveau  dé- 
cret,  après  avoir  décidé,  une  seconde  fois,  que  l'annuité 
serait  portée  à  5  65,  l'éleva,  au  T'  avril  1854,  à  5  95.  Moyen- 
nant quoi,  dit  le  Rapport ,  la  Compagnie,  se  mettant  à  l'u- 
nisson de  la  Banque,  peut  offrir  aujourd'hui  aux  preneurs  de 
ses  obligations  jusqu'à  5  fr.  de  rente.  Ainsi,  après  une  année 
d'existence,  le  Crédit  foncier,  sous  la  pression  des  événe- 
ments politiques,  élève  de  95  c,  c'est-à-dire  de  près  de  1  0/0 
le  taux  de  l'annuité  :  un  établissement  de  crédit  que  plu- 
sieurs regardaient  comme  devant  être  le  régulateur  des 
cours  et  une  force  de  résistance  contre  la  hausse  ,  est  em- 
porté à  son  tour  par  les  caprices  du  capitalisme.  11  ne  fallait 
pas  moins  que  la  dissertation  de  M.  Wolowski  pour  nous 
faire  croire  au  progrès  de  l'institution. 


—  248  — 

Dans  l'assemblée  du  29  décembre  1 853  ont  été  approuvés  les 
traités  passés  entre  les  Sociétés  de  Marseille  et  de  Nevers,  à 
la  disposition  de  chacune  desquelles  la  Compagnie  s'oblige 
démettre  une  somme  de  six  millions  par  année,  soit  500,000 
francs  par  mois,  mais  avec  faculté  pour  la  Compagnie  cen- 
trale, après  avis  préalable  donné  au  commencement  de  cha- 
que mois,  de  restreindre  ce  crédit  au  vingtième  des  prêts 
autorisés  dans  te  mois  précédent  :  ce  qui  ramènerait ,  le  cas 
échéant,  la  subvention  de  6  millions  par  an,  d'abord  à 
25,000  fr.  par  mois  ,  puis  à  1,250,  puis  65  50.  Certes,  une 
Société  qui  contracte  de  telles  obligations  ne  se  compromet 
pas;  mais  on  ne  saurait  dire  non  plus  qu'elle  ait  une  bien 
grande  conliance  en  elle-même. 

Le  6  juillet  1854,  un  décret  ordonna  la  réunion  du  Crédit 
foncier  à  l'État. 

La  difficulté  qu'éprouvait  à  marcher  la  nouvelle  institu- 
tion, et  le  désordre  de  ses  aflaires,  paraissent  avoir  causé 
cette  réunion.  Ce  qui  ne  pouvait  vivre  au  grand  air  de  la 
liberté  viendra  sans  doute  dans  la  serre  chaude  du  gouver- 
nement. 

Le  directeur,  M.  Wolowski,  fut  remplacé  par  M.  de  Ger- 
miny ,  aux  appointements  de  40,000  fr.  ,  avec  deux  sous- 
gouverneurs,  aux  appointements  chacun  de  20,000  fr. 

Les  dispositions  des  décrets  du  21  décembre  1853  et  avril 
1854  sont  abrogées.  Dorénavant  le  Crédit  foncier ,  qui  ne 
devait  prêter  qu'à  long  terme,  prêtera  les  sommes  ,  en  nu- 
méraire, qu'il  aura  en  disponibilité,  ou  qu'il  pourra  se  pro- 
curer par  l'émission  de  ses  obligations  à  tous  les  taux  pos- 
sibles, à  longue  ou  courte  échéance  ,  avec  ou  sans  amortis- 
sement, comme  il  l'entendra  et  comme  il  pourra.  Plus  tard, 
pense-t-on,  les  prêts  pourront  être  faits  aussi  en  simples 
lettres  de  gage,  garanties  par  l'État  :  ce  qui  rentrerait  tout 
à  fait  dans  le  systènâe  des  banques  de  Pologne  et  d'Ecosse. 

De  ce  système  h  celui  des  assignats,  il  n'y  a  qu'un  pas,  le 
cours  forcé.  Mais  il  est  peu  probable  que  ce  pas  soit  de  sitôt 
franchi,  attendu  que  les  assignats  de  89  étaient  au  moins 
remboursables  en  biens  nationaux,  tandis  que  le  papier  du 
Crédit  foncier  ne  le  serait  littéralement  en  rien  du  tout.  Or, 


—  2i9  — 

sans  cours  forcé,  pas  de  circulation,  pas  d'emprunteurs  :  on 
peut  donc  considérer  la  réunion  de  la  Compagnie  à  l'État 
comme  une  dissolution  pure  et  simple  :  à  moins  que  les 
preneurs  d'obligations  ne  lui  viennent  en  aide. 

En  fait,  le  Crédit  foncier  n'est  qu'un  leurre  philanthro- 
pique; les  financiers  qui  ont  prêté  leur  concours  l'ont  plus 
fait  par  condescendance  pour  le  chef  de  l'État  que  par  con- 
viction. Le  chiflre  officiel  des  inscriptions  hypothécaires  ser- 
vant de  base  à  la  répartition,  par  ressorts  de  cours  impé- 
riales, du  premier  prêt  de  200  millions,  s'élève,  pour  les 
80  départements  où  la  Société  de  Paris  doit  fonctionner,  à 
12,005,506,374  fr.  Le  département  de  la  Seine  est  le  plus 
obéré  :  sa  dette  monte  à  1,159,732,000  fr. 

Qu'est-ce  que  les  200  millions  du  Crédit  foncier  devant 
une  pareille  plaie? 

Au  29  avril  1854,  la  totalité  des  prêts  consentis  (expres- 
sion du  rapporteur)  s'élevait  à  56,239,000  fr.  Mais  nous 
croyons  savoir  que  sur  ce  chiffre,  il  n'y  en  avait  guère  que 
30  et  quelques  millions  de  réalisés ,  la  plupart  dans  la  ville 
de  Paris,  les  fonds  manquant  pour  le  superflu  des  demandes. 

D'après  le  rapport  du  30  avril  1856,  les  emprunteurs 
étaient  débiteurs  de  62,218,931  fr.  65  c.  Nous  sommes  loin 
des  12  milliards  d'inscriptions  hypothécaires. 

La  Compagnie  ne  prête  que  sur  première  hypothèque. 
Elle  viendra  par  conséquent  au  secours  de  ceux  qui  ont  le 
moins  besoin  d'elle  :  elle  ne  peut  rien  pour  le  petit  proprié- 
taire avec  les  usuriers. 

Toute  libération  anticipée  emporte  au  profit  de  la  Com- 
pagnie un  droit  supplémentaire  de  3  0/0.  Ce  qui  signifie  que 
si  la  Société  parvenait,  aux  termes  de  ses  statuts,  à  se  sub- 
stituer aux  anciens  prêteurs  sur  hypothèque  pour  une  somme 
de  1,200  millions,  ces  1,200  millions,  remboursables  par 
fractions  minimes  pour  chaque  emprunteur,  mais  en  réalité 
placés  en  perpétuel,  à  cause  des  réemplois,  pour  la  Société, 
•produiraient  à  celle-ci,  chaque  année,  une  somme  de  plus 
de  60  millions,  dont  44,040,000  fr.  pour  Tintérêt  du  capi- 
tal et  15,960,000  à  titre  d'amortissement  et  de  frais  pour  la 
Société, 


—  250  — 

A  nos  yeux,  une  semblable  combinaison  est  insuffisante, 
timide  etplusqu'usuraire.  Avant  de  procéder  à  la  constitu- 
tion de  la  Société  du  Crédit  foncier,  il  fallait,  selon  nous, 
se  poser  cette  question  :  Si  la  propriété  n'a  pas  encore  plus 
besoin  de  crédit  commercial  que  de  crédit  à  long  terme;  si 
par  conséquent,  au  lieu  de  cumuler  l'intérêt  et  Tamortisse- 
ment,  comme  cela  a  lieu  dans  l'institution  actuelle,  il  ne 
faut  pas  plutôt  les  fondre,  de  telle  sorte  que  le  rembourse- 
ment du  prêt  représente  simplement  le  prêt,  augmenté 
d'une  prime  d'autant  plus  faible  que  la  masse  des  affaires 
de  la  Société  aurait  été  plus  grande?  Les  opérations  d'une 
banque  de  circulation  et  de  comptoirs  d'escompte,  appro- 
priés à  l'agriculture,  seraient,  croyons-nous,  autrement  effi- 
caces que  les  annuités  de  la  Banque  foncière,  et  Ton  n'au- 
rait pas  le  déplaisir  de  voir  une  institution  d'intérêt  public, 
car  tel  est  l'esprit  du  décret  du  28  février  1852,  servir, 
comme  les  mines,  les  assurances,  les  chemins  de  fer,  la 
Banque  et  ses  succursales,  de  vache  à  lait  aux  créatures  du 
gouvernement. 

Mais  peut-être  que  pour  arriver  à  une  réforme  efficace  il 
fallait  passer  par  là  :  ne  sommes-nous  pas  dans  le  siècle  des 
transitions?  Nous  souhaitons  à  celle-ci  tout  le  succès  dési- 
rable. On  sait  d'où  elle  vient  et  où  elle  va,  ce  qu'elle  peut  et 
ce  qu'elle  vaut  :  telle  qu'elle  est  déjà,  Tagiotage  et  le  jeu  y 
auront  peu  de  prise. 

Et,  il  faut  bien  le  dire,  ce  dédain  de  la  spéculation  pour  le 
Crédit  foncier  sera  sa  cause  la  plus  immédiate  de  ruine.  Une 
combinaison  qui  n'olîre  que  d'honnêtes  profits  à  faire  , 
quelles  que  soient  ses  garanties,  n'a  aucune  chance  de  suc- 
cès aujourd'hui. 

La  Société  du  Crédit  foncier  est  fondée  pour  99  ans  à  par- 
tir du  30  juillet  1852,  au  capital  de  60  millions,  divisé  en 
120,000  actions  de  500  fr.  chacune.  Mais  il  n'a  encore  été 
émis  qu'une  série  de  60,000  actions,  dont  250  fr.  versés. 

Jusqu'au  payement  complet  des  actions,  il  n'est  délivré 
que  des  certificats  provisoires,  négociables  par  voie  de  trans- 
fert,—  Le  souscripteur  primitif  et  ses  cessjonnaires  restent 


-.  251  — 

engagés  jusqu'au  payement  complet  de  Taction.  —  les  litres 
définitifs  sont  au  porteur. 

Les  actionnaires  ne  sont  pas  tenus  au  delà  du  montant 
de  leur  souscription. 

L'assemblée  générale  se  compose  des  200  plus  forts  ac- 
tionnaires, dont  la  liste  est  arrêtée  20  jours  avant  la  convo- 
cation. 40  actions  donnent  droit  à  une  voix,  sans  qu'on 
puisse  en  avoir  plus  de  10. 

Sur  les  bénéfices  nets  il  est  attribué  :  l»  5  0/0  aux  action- 
tionnaires,  2°  20  0/0  au  Fonds  de  Réserve  ,  jusqu'à  ce  qu'il 
atteigne  la  moitié  du  capital  souscrit;  ce  Fonds  de  Réserve 
est  destiné  à  parer  aux  événements  imprévus,  et,  en  cas  d'in- 
suffisance des  produits  d'une  année  pour  payer  un  dividende 
de  5  0/0,  à  fournir  la  différence;  3°  il  est  formé  un  Fonds  de 
Prévoyance  destiné  à  compenser  entre  plusieurs  années  les 
trais  de  premier  établissement  5  4°  le  surplus  est  distribué  à 
titre  de  dividende. 

Le  dividende  de  1855,  non  compris  Tintérêt,  est  de  2  0/0. 

Une  subvention  de  10  millions  de  francs  a  été  accordée  à 
la  Société  par  décret  du  10  décembre  1852. 

Le  Crédit  foncier  s'engage  à  faire  une  première  série  de 
prêt  sur  hypothèque  jusqu'à  concurrence  de  200  millions 
de  francs.  Cette  somme  est  répartie  entre  les  divers  dépar- 
lements proportionnellement  à  la  dette  hypothécaire  in- 
scrite. 

Après  le  placement  des  200  millions  ci-dessus,  la  Société 
continuera  de  prêter ,  lors  même  que  pour  se  procurer  les 
fonds  nécessaires,  elle  serait  obligée  d'affecter  au  service  de 
ses  obligations  émises  un  quart  de  ce  qui  lui  est  alloué  à  titre 
de  frais  d'administration. 

Avec  son  capital  de  60  millions,  la  Société  pourra  faire 
1,200  millions  de  prêts.  Il  faut  donc  qu'elle  emprunte  elle- 
même.  Son  rôle  est  purement  d'intermédiaire  entre  l'em- 
prunteur hypothécaire  et  le  capitaliste. 

u  Les  emprunts  de  la  Société  se  fout  au  moyen  d'une  émission 
d'oblif^atioiis,  qui  ne  peut  (lépii^ser  le  montant  des  en^a.ueinenls 
liy[)otliécaiiL's  souscrits  par  les  propritiaires  des  immeiibies  eu  la- 
veur de  kl  Compagnie. 


—  252  — 

«  Les  obligations  sont  au  porteur;  elles  sont  de  1,000  fr,,  et 
peuvent  être  divisées  en  coupures  dont  la  moindre  est  de  100  fr. 
Elles  portent  un  intérêt  annuel,  dont  le  taux  est  fixé  parle  conseil 
d'administration,  à  l'époque  de  leur  création. 

u  Elles  sont  classées  par  séries,  dont  chacune  comprend  toutes 
les  obligations  créées  au  même  taux  d'intérêts. 

«  Elles  sont  appelées  au  remboursement  par  voie  de  tirage  au 
sort;  des  lots  et  primes  peuvent  être  attachés  aux  obligations  rem- 
boursées. 

«  Les  produits  sont  appliqués  en  première  ligne  à  payer  les  in- 
térêts des  obligations  foncières,  le  capital  de  celles  que  le  sort  a 
désignées  pour  le  remboursement,  et  les  lots  et  primes.  »  (Extrait 
des  Statuts.  ) 

Les  porteurs  d'obligations  (1)  ont  donc  pour  garantie  les 
emprunts  souscrits  par  les  propriétaires  d'immeubles,  et  le 
capital  des  actions  versées.  C'est  un  peu  plus  hardi  que  la 
Banque  de  France,  à  qui  il  faut  pour  gage,  —  indépendam- 
ment d'un  portefeuille  au  pair  ou  au-dessus  de  ses  billets, 
—  une  encaisse  métallique,  des  rentes  en  réserve,  un  capital 
immeuble  et  un  capital  d'actions.  Cependant  la  garantie 
du  portefeuille  est  bien  plus  certaine  et  plus  réalisable  que 
celle  offerte  par  les  emprunteurs  sur  hypothèque.  Ce  n'est 
pas  que  les  obligations  foncières  se  trouvent  à  découvert , 
car  les  prêts  hypothécaires,  n'excédant  jamais  la  moitié  de 
la  valeur  de  l'immeuble,  garantissent  suffisamment  le  rem- 
boursement. 

Dans  ces  conditions,  l'institution,  si  elle  ne  peut  rendre 
de  grands  services  à  l'agriculture,  offre  du  moins  aux  capi- 
talistes un  placement  aussi  sur  qu'on  peut  le  désirer.  Mais 
il  n'y  a  point  de  primes  à  réaliser;  et  le  béotien  de  la  Bourse 
préférera  toujours  perdre  100  fr.  par  action  du  Palais  de 
l'industrie,  achetée  à  170  et  tombée  à  70,  par  cette  consi- 

(I)  Les  actions  sont  la  mise  de  fonds  d'une  entreprise  ;  les  obligations  en 
vepréîienlenl  les  emprunts.  Le  bénéfice  des  obligations  est  fixe  :  c'est  un 
tant  pour  cent  l'an,  et  quelquefois  une  prime  au  remboursement.  Elles  ont 
privilège  sur  les  actions,  dont  elles  sont  créancières.  Elles  ne  sont  point 
solidaires  de»  pertes.  Les  actions,  au  contraire,  courent  les  risques  bons  et 
mauvais  de  la  société;  les  pertes  cl  les  bénéfices  n'en  sont  pas  limités.  — 
Dans  une  entreprise  prospère,  les  actions  sont  préférables  ;  dans  une  société 
en  déficit,  les  obligations  sont  plus  sûres. 


—  253  — 

dération  que  d'autres  ont  eu  la  chance  de  primer  de  50  à 
60  fr.  sur  la  même  valeur. 

Les  obligations  du  Crédit  foncier  sont  de  trois  espèces  : 
lo  en  3  0  0,  remboursables  avec  prime  et  donnant  droit  à 
des  tirages  de  lots-,  —  2°  en  4  0/0,  remboursables  sans  pri- 
mes, mais  pouvant  gagner  des  lots  5  —  3°  en  5  0/0,  rembour- 
sables sans  primes  et  sans  droit  au  tirage  des  lots. 

Les  lois  affectés  aux  tirages  trimesiriels  sont  un  appât 
offert  à  l'esprit  de  spéculation  aléatoire  qui  caractérise  le 
monde  financier.  Ils  se  sont  élevés,  pour  les  deux  premières 
années,  à  1,200,000  fr.:  ils  sont  de  800,000  fr.  par  an  à 
partir  de  1855,  ainsi  répartis  : 

TIRAGE  DES  TROIS  PREMIERS  TRIMESTRES 

(22  mars,  22  juin,    22    septembre.) 

1"  numéro 100,000  fr. 

2«       ~       .S0,000 

3'       —       20,000 

Total  par  Irimeslrc 170,000 

Pour  les  3  Irimesires  ....  510,000  ci.  510,000  fr, 

TIRAGE  DU  QUATRIÈME  TRIMESTRE 

(22  décembre.) 

1"  luiniéro 100,000 

2'       —       :>(),()()[) 

3=       — 40,000 

4'       —       30,000 

b'       —       20,000 

6'       —       10,000 

Les  8  suivants,  chacun  5,000 40,000 

Total  du  V  trimestre 200,000  ci.  290,000  ^'        ,' 

Total  pour  l'année 800,00uJ 

Les  lots  s'élèveront  pour  les  50  années  à    40,800,000  fr. 
Les  200  fr.  de  prime  alloués  à  chaque  sec- 
tion représentent  en  outre 40,000,000  fr. 

Les  obligations  percevront  donc  en  50  ans, 
en  sus  de  l'intérêt  à  3  0/0,  un  bénéfice  ex- 
ceptionnel de 80,800,000  fr. 

15 


—  rA  — 

Ce  qui  porte  leur  intérêt  total  à  3  fr.  80  c.  8  millièmes. 

L'intérêt  ayant  été  calculé,  comme  il  a  été  dit,  à  3  fr.  65  c, 
c'est  un  sacrifice  de  13  c.  8,  plus  2  c.  pour  frais  de  tirage, 
ensemble  15  c,  8  par  chaque  100  fr.  d'emprunt  et  par  an,  que 
la  Société,  d'après  ses  statuts,  s'impose,  pour  attirer  les  ca- 
pitalistes et  gagner  le  large.  Ce  sacrifice  devant  être  pris  sur 
les  frais  d'administration,  évalués  à  60  c,  lesdits  frais,  qui 
constituent  le  produit  brut  de  l'entreprise,  se  trouvent  ainsi 
ramenés  à  45  c. ,  ce  qui ,  pour  50  ans  et  pour  200  millions 
de  prêts,  fait  juste  la  somme  de  45  millions,  pour  couverture 
des  débours  de  la  Compagnie  et  appointements  de  ses  em- 
ployés. 

Le  nombre  des  obligations  émises  ou  à  émettre  de  la  pre- 
mière série  est  de  200,000,  remboursables  en  50  ans;  elles 
sont  de  1,000  fr.  au  pair,  avec  coupures  de  100,200,500  fr., 
ayant  droit  àl/lO^,  1/5%  1/2  lot,  si  elles  sont  dans  les  deux 
premières  catégories.  —  Les  intérêts  se  payent  le  l^f"  mai  et 
le  P''  novembre-,  les  coupures  de  100  fr.  se  règlent  seule- 
ment à  cette  dernière  époque. 

Au  31  décembre  1855,  la  circulation  de  ces  valeurs  était, 
d'après  le  Rapport,  de  210,473  titres,  auxquels  la  société 
devait  61,148,250  fr.;  les  emprunteurs  devaient  à  la  Com- 
pagnie, à  la  même  époque,  62,218,931  fr.  65  c. 

La  Société  a  annoncé,  dans  le  courant  de  juin  .1856, 
qu'elle  recevrait  en  compte  courant  les  sommes  qu'on  vou- 
drait lui  confier,  et  qu'elle  en  payerait  l'intérêt.  On  croit 
qu'elle  veut,  avec  ces  capitaux,  soutenir  par  des  reports  le 
cours  de  ses  obligations. 

Toutes  ces  loteries,  cet  agiotage,  ces  variations  de  l'inté- 
rêt et  de  l'annuité  nous  semblent  produire  le  plus  mauvais 
effet  dans  un  établissement  de  Crédit  foncier.  Mieux  vaudrait 
pour  lui  se  résigner  à  l'inaction ,  attendre  que  les  circon- 
stances ramènent  la  confiance,  et  avec  la  confiance  les  capi- 
taux, que  de  se  livrer  à  ces  opérations  de  Bourse,  qui  ne 
peuvent  que  le  déshonorer  ,  sans  lui  valoir  le  moindre 
crédit. 

Les  fondateurs  du  Crédit  foncier,  disions-nous,  se  sont 


—  255  — 

prêtés  à  son  organisation  moins  par  conviction  que  par  dé- 
férence. Il  ne  faudrait  pas  croire  qu'ils  eussent  pour  cela  con- 
senti à  un  sacrifice.  Les  actions,  de  500  fr.  au  pair,  ont 
monté,  sous  rinfluence  des  notabilités  mises  en  avant,  à 
1,275  en  1852,  pour  retomber  ensuite  à 535;  elles  ont  repris 
en  1853  jusqu'à  1,220.  Le  plus  bas  cours  a  été  de  440,  en 
1854.  Depuis  1855,  elles  ont  pivoté  autour  du  pair  et  ont 
même  fait  jusqu'à  150  fr.  de  prime. 

S'il  est  une  Société  qui,  par  la  nature  de  ses  transactions , 
ait  chance  d'offrir  ,  comme  la  Rente,  des  conditions  d'inté- 
rêt à  peu  près  invariables,  c'est  sans  contredit  le  Crédit  fon- 
cier. Que  signifient  alors  ces  oscillations?  Que  ni  ache- 
teurs ni  vendeurs  n'entendent  faire  de  placements  sérieux. 
Dans  ce  cas,  qu'on  liquide  la  Compagnie  et  qu'on  nous  fasse 
grâce  de  tout  le  verbiage  philanthropique  qui  se  débite  dans 
les  journaux,  dans  les  comices ,  après-boire,  dans  les  circu- 
laires du  gouvernement  et  les  discours  académiques  sur  les 
encouragements  à  l'agriculture. 


SOCIETEÎGENERALE  DE  CREDIT  MOBILIER. 

(Paris,  15,   place  Vendôme.) 

L'influence  des  notabilités  financières  sur  le  succès  d'une 
entreprise  ne  s'est  jamais  mieux  révélée  qu'à  la  fondation 
du  Crédit  mobilier.  Tout  le  monde  se  demandait  :  Que  veut 
cette  institution^,  quel  est  son  but,  sa  garantie,  sa  raison 
d'être?  Et  cependant,  dès  l'origine,  ses  promesses  d'actions 
se  recherchaient  à  prime  ;  un  instant  elles  ont  monté  de 
500  fr.,  dont  200  fr.  versés,  à  1,800  fr. 

C'est  qu'à  la  tête  de  la  Compagnie  figuraient,  comme 
fondateurs,  les  sommités  de  la  finance  :  MM.  Emile Péreire, 
Isaac  Péreire,  Benoit  Fould,  Adolphe  d'Eichtal ,  Ernest  An- 
dré, le  baron  Seillière,  Henri  de  Noailles,  le  duc  de  Mouchy  , 
le  duc  Raphaël  de  Galbera,  José-Luis  de  Abaroa  ,  Charles 
Mallet,  Gédéon  Marc  des  Arts,  etc. 

On  tenait  à  ce  sujet  les  propos  les  plus  contradictoires  : 


—  256  — 

<ï  C'est  un  établissement  de  la  plus  haute  importance.  —  Il 
mérite  de  fixer  l'attention  par  le  nom  de  ses  fondateurs.  — ■ 
11  fera  sensation  dans  le  monde.^  —  Il  marquera  sa  place  dans 
l'histoire.  —  Il  liquidera  avant  peu.  —  C'est  une  machine  de 
guerre  à  l'usage  des  administrateurs.  —  Les  profils  seront 
pour  la  direction,  et  les  pertes  pour  les  actionnaires...  » 

Aujourd'hui,après  quatre  ans  d'expérience,  l'opinion  n'est 
pas  encore  faite.  Est-ce,  comme  l'a  dit  un  avocat  célèbre,  la 
plus  grande  maison  de  jeu  du  monde  ,  dont  les  directeurs 
voient  dans  les  cartes?  ou  bien,  suivant  l'opinion  de  la  par- 
tie adverse,  est-ce  une  Société  qui  offre  les  garanties  les  plus 
considérables,  dont  les  statuts  ont  été  discutés  au  point  de 
vue  des  intérêts  publics? 

Nous  avons  eu  l'occasion  d'exprimer  notre  opinion  sur  la 
Compagnie  générale  lorsqu'elle  en  était  à  ses  débuts,  et  bien 
que  cette  appréciation  à  cette  époque  pût  paraître  prématu- 
rée, présomptueuse,  téméraire,  nous  ne  nous  sommes  pas 
trompé  d'un  iota  sur  son  compte.  Le  premier  Rapport,  fait  à 
l'assemblée  générale  du  29  avril  1854,  a  même  cru  devoir 
combattre,  sans  nous  citer,  quelques-unes  de  nos  conclu- 
sions. Nous  n'avons  qu'à  compléter  nos  observations  d'il  y  a 
trois  ans. 

La  première  pensée  de  la  Société  du  Crédit  mobilier  fut 
conçue  peu  après  la  révolution  de  juillet  par  M.  É.  Péreire, 
alors  l'un  des  membres  les  plus  distingués  de  l'école  saint- 
simonienne;  elle  lut  publiée  dans  le  Journal  du  Commerce 
du  6  septembre  1830  sous  le  titre  de  Compagnie  d'Assuran- 
ces mutuelles  pour  l'escompte  des  effets,  etc.,  et  adressée  à 
la  commission  du  gouvernement,  à  tous  les  banquiers  et  né- 
gociants principaux  de  Paris,  et  à  tous  les  membres  de  la 
chambre  des  députés.  Nous  avons  sous  les  yeux  ce  projet , 
auquel  les  statuts  de  la  Société  du  Crédit  mobilier  n'ont  rien 
ajouté  d'essentiel,  et  que  son  auteur  présentait  alors  comme 
un  échantillon  de  iavaleur  organisatrice  de  la  doctrine  saini- 
simonienne.- 

Ce  souvenir  ne  constitue  pas  sans  doute  un  renseignement 
pour  les  spéculateurs,  qui,  à  l'époque  dont  nous  parlons,  ne 
connaissent  du  saint-simonisme  que  des  caricatures,  des 


pamphlets  et  un  procès  qui  se  termina  par  la  condamnation 
des  principaux  membres  de  la  secte.  Il  doit  bien  se  trouver  , 
parmi  les  courtisans  de  la  nouvelle  puissance,  quelque  ma- 
gistrat, procureur,  juré  ou  témoin,  complice  de  cette  con- 
damnation. Pourvu  que  les  fonds  haussent ,  l'agioteur  est 
toujours  prêt,  comme  le  barbare  Sicambre,  à  brûler  ce  qu'il 
a  adoré,  et  adorer  ce  qu'il  a  brûlé. 

Consultons  un  oracle  plus  moderne,  les  statuts  de  la  Com- 
pagnie. 
((  Les  fondateurs, 

«  Considérant  les  services  importants  que  pourrait  rendre  l'éta- 
blissement d'une  Société  ayant  pour  but  de  favoriser  le  dévelop- 
pement de  l'industrie,  des  travaux  publics,  et  d'opérer,  par  voie 
de  consolidation  en  un  fonds  commun,  la  conversion  des  titres  par- 
ticuliers d'entreprises  diverses,  ont  résolu  de  réaliser  une  œuvre  si 
utile,  et  à  cet  effet,  ils  ont  arrêté  les  bases  et  les  statuts  d'une  So- 
ciété anonyme  sous  la  dénomination  de  Société  générale  de  Crédit 
mobilier. 

a  La  durée  de  la  Société  est  de  99  ans  à  courir  du  18  novembre 
1832.  —  Le  fonds  social  est  fixé  à  60  millions,  divisés  en  120,000 
actions  de  500  fr.  chacune. 
«  Les  opérations  de  la  Société  consisteront  : 
«  i"  A  souscrire  ou  acquérir  des  effets  publics,  des  actions  ou 
des  obligations  dans  les  différentes  entreprises  industrielles  ou  de 
crédit,  constituées  en  sociétés  anonymes,  et  notamment  dans  celles 
de  chemins  de  fer,  de  canaux,  de  mines,  et  d'autres  travaux  pu- 
blics, déjcà  fondées  et  à  fonder; 

«  2°  A  émettre  pour  une  somme  égale  à  celle  employée  à  ces  soiix- 
criptions  et  ncqulsitiotis,  ses  propres  obligations  ; 

«  3"  A  vendre  ou  donner  en  nantissement  d'emprunts,  tous  ef- 
fets, actions  et  obligations  acquis,  et  à  les  échanger  contre  d'autres 
valeurs; 

«  A"  A  soumissionner  tous  emprunts,  à  les  céder  et  réaliser, 
ainsi  que  toutes  entreprises  de  travaux  publics; 

«  5°  A  prêter  sur  elfets  publics,  sur  dépôts  d'actions  et  d'obli- 
gations, et  à  ouvrir  des  crédits  en  compte  courant  sur  dépôt  de 
ces  diverses  valeurs  ; 
«  6°  A  recevoir  des  sommes  en  compte  courant; 
«  7°  A  opérer  tous  recouvrements  pour  le  compte  des  compa- 
gnies sus-énoncées,  à  payer  leurs  coupons  d'intérêts  ou  de  divi- 
dendes et  généralement  toutes  autres  dispositions; 


—  258  — 

«  8"  A  tenir  une  caisse  de  dépôts  pour  les  titres  de  ces  entre- 
prises. 

«  Art.  6.  —  Toutes  autres  opérations  sont  interdites. 

«  Il  est  expressément  entendu  que  la  Société  ne  fera  jamais  de 
ventes  à  découvert  ni  d'achats  à  primes.  » 

Le  Crédit  mobilier  est  donc,  au  point  de  vue  de  la  science 
économique,  une  banque  industrielle,  une  vaste  entreprise 
de  commandites;  —  au  point  de  vue  de  la  Bourse,  une  cen- 
tralisation de  l'agiotage. 

Nous  avons  eu  déjà  Toccasion  de  constater  combien  le  Cré- 
dit foncier,  sans  pourtant  se  mettre  à  découvert,  dépasse  en 
hardiesse  la  Banque  de  France,  en  émettant  un  nombre  d'o- 
bligations égal  à  celui  de  ses  prêts  sur  hypothèque. 

Voici  celte  fois  de  la  témérité  : 

«  Après  l'émission  complète  du  fonds  social,  les  obligations 
créées  par  la  Société  pourront  atteindre  une  somme  égale  à  dix  fois 
le  capital.  » 

C'est-à-dire  qu'avec  60  millions  de  capital  il  pourra  être 
émis  600  millions  d'obligations.  Quelle  est  la  garantie  de  ces 
obligations?  C'est,  avec  le  capital  de  fondation,  «  une  somme 
ÉGALE  employée  à  la  souscription  et  acquisition  d'effets  pu- 
blics et  d'actions  de  compagnies.  » 

Une  semblable  garantie  est  tout  à  fait  illusoire.  Pour  peu 
que  la  Bourse  baisse,  le  gage  en  effets  publics  et  actions  des 
compagnies  se  déprécie,  et  le  capital  d'actions  se  trouve  en- 
tamé. Que  les  titres  subissent  seulement  une  dépréciation 
d'un  dixième,  le  capital  d'actions  se  trouve  absorbé,  et  la 
Société  réellement  en  faillite. 

Sans  doute  on  ne  viendra  pas,  à  chaque  déclin  de  la 
Bourse,  demander  une  liquidation  et  compromettre  la  mise 
des  actionnaires.  Mais  une  crise  beaucoup  moins  intense  que 
celle  de  1848  ,  puis(|u'il  suffit  d'une  baisse  de  10  0/0,  pour 
peu  qu'elle  durât,  mettant  la  Compagnie  à  découvert  de  la 
totalité  de  son  capital,  amènerait  infailliblement  une  catas- 
trophe. 

Bemarquons  bien  qu'il  n'y  a  point  ici  d'analogie  avec  les 
banques  de  circulation,  dont  le  portefeuille  ,  suivant  nous, 
garantit  suffisamment  les  billets.  Les  effets  de  commerce  ont 


—  259  — 

une  valeur  certaine;  les  actions  sont  susceptibles  de  dépré- 
ciation. 

Une  institution  qui  prêterait  sur  nantissement  et  sur  hy- 
pothèque une  somme  égale  à  la  valeur  do  Texpertise  se  met- 
trait à  découvert;  car  rien  ne  prouve  qu'à  la  vente  on  retirera 
le  prix  de  Testimation.  C'est  précisément  le  cas  du  Crédit 
mobilier. 

A  la  Banque  de  France,  que  les  marchandises  soient  ven- 
dues au-dessus  ou  au-dessous  du  cours,  du  moment  qu'un 
billet  de  x  fr.  est  reconnu  et  souscrit  par  Tachetcur,  il  y  a 
garantie  suffisante.  Elle  n'est  que  l'intermédiaire  d'une 
transaction.  Le  billet  qu'elle  accepte  vaut  juste  la  somme 
qui  y  est  inscrite.  Les  matières  objet  du  marché  peuvent 
varier  de  i)rix  :  cela  ne  change  rien  au  chitTre  de  la  dette  con- 
sentie par  le  souscripteur.  11  n'y  a  point  de  dépréciation  pos- 
sible. Le  débiteur  est  tenu,  de  sa  personne  et  de  ses  biens, 
de  tout  le  montant  de  son  obligation;  en  cas  de  non-paye- 
ment, les  poursuites  et  la  saisie  sont  très-expéditives. 

Le  Crédit  mobilier,  lui,  acquiert  à  ses  risques  et  périls  des 
actions  et  des  titres  :  il  en  devient  propriétaire.  Il  n'a  aucun 
recours  contre  les  vendeurs  du  moment  où  il  a  pris  livraison. 
La  dépréciation  est  à  sa  charge  comme  la  plus-value  est  à 
son  profit.  Donc  ses  600  millions  d'effets  acquis  ,  s'il  vient 
une  baisse,  ne  garantissent  plus  ses  600  millions  d'obliga- 
tions émises;  et  comme  son  capital  ne  va  qu'au  dixième  de 
ses  emprunts,  et  que  les  actionnaires  ne  sont  engagés  que 
jusqu'à  concurrence  de  leur  mise,  une  baisse  d'un  dixième 
détruit  sou  avob'  et  le  constitue  en  faillite. 

Telles  sont  les  objections  que  nous  semble  avoir  eues  en 
vue  le  rapporteur  de  1854,  lorsqu'il  dit  : 

«  La  Société  de  Crédit  mobilier  est  une  institution  semblable  à 
celle  du  Crédit  foncier.  L'une  prête  sur  immeubles  par  voie  d'hy- 
pothèque, au  moyen  de  son  capital  d'abord,  puis  à  l'aide  d'obli- 
gations qu'elle  émet  pour  une  somme  égale  à  celle  des  prêts  effec- 
tués. L'autre  place  ou  pr  te  survaleurs  mobilières  ou  industrielles, 
au  moyen  de  son  capital  d'abord,  puis  à  l'aide  des  fonds  que  lui 
procurent  les  obligations  qu'elle  est  autorisée  à  émettre  pour  une 
somme  égale  à  celle  de  ses  placements  et  du  montant  de  ses  dé- 


—  260  — 

pots  en  comptes  courants.  La  Société  place  ou  prête  d'un  côté  ce 
qu'elle  emprunte  de  l'autre,  jouant  ainsi  le  rôle  d'un  intermé- 
diaire entre  les  capitalistes  et  l'industrie,  substituant  son  crédit, 
accru  de  toutes  les  forces  qui  tendent  à  s'agglomérer  autour  d'elle, 
au  sujet  de  chaque  entreprise  isolée.  » 

Autre  analogie. 

«  La  création  du  billet  de  banque  a  été  l'un  des  plus  grands  pro- 
grès. Tune  des  plus  belles  applications  du  crédit Mais,  à  côté 

du  billet  de  banque,  il  reste  une  place  vacante,  que  nos  obligations 
sont  appelées  à  remplir.  Le  principe  de  ces  obligations  étant  de 
n'être  remboursables  qu'à  une  époque  correspondant  à  celle  des 
effets  qu'elles  représentent  dans  notre  portefeuille,  et  de  porter 
intérêt  au  prolit  du  détenteur,  leur  émission  se  trouve  exempte  de 

tout  inconvénient Suivant  l'économie  qui  sert  de  base  à  notre 

Société,  ces  titres  sont  non-seulement  gagés  par  une  somme  cor- 
respondante de  valeurs  acquises  sous  le  contrôle  du  gouvernement 
et  dont  la  réunion  otlrira,  par  l'application  du  principe  de  mutua- 
lité, les  avantages  de  la  compensation  et  de  la  division  des  risques; 
mais  ils  auront  de  plus  la  garantie  d'un  capital  (GO  millions),  que 
nous  avons  élevé  dans  ce  but  à  un  cbill're  considérable.  » 

Nous  n'avons,  dans  les  pages  qui  précèdent,  pas  dit  autre 
chose ,  et  nous  sommes  heureux  d'avoir  si  bien  compris  le 
double  esprit  et  l'économie  complète  du  Crédit  mobilier. 
C'est  pourquoi  nous  persistons  à  soutenir  que  600  millions 
de  valeurs  industrielles  sujettes  à  dépréciation,  augmentées 
d'un  capital  espèce  de  60  millions,  ne  sauraient  gager  et  ga- 
rantir 600  millions  d'obligations-,  et  pour  justifier  cette  as- 
sertion, nous  n'irons  pas  chercher  nos  preuves  dans  la  théo- 
rie; nous  les  prendrons  dans  les  faits. 

A  l'époque  où  fut  fondée  la  Compagnie  de  Crédit  mobilier, 
le  3  0/0  était  à  86,  tontes  les  valeurs  industrielles  à  un 
taux  proportionnel.  Dix-huit  mois  après,  le  3  avril  1854,  le 
3  0/0  descendait  à  61  75,  en  baisse  de  25  fr.,  soit  30  0/0; 
toutes  les  valeurs  industrielles  à  proportion.  Les  actions  du 
Crédit  mobilier,  entre  autres,  étaient  cotées  à  435  fr.,  en 
baisse  de  1,440  sur  la  cote  des  premiers  jours,  et  de  345 
sur  celle  du  17  septembre  1853.  Supposons  donc  qu'au 
l*»"  janvier  1853 ,  le  capital  de  60  millions  de  la  Com- 
pagnie étant  entièrement  versé,  elle  ait  eu  pour  600  mil- 


—  261  — 

lions  de  rentes,  actions  de  chemins  de  fer,  etc.  Au  3  avril 
1854,  la  dépréciation  de  toutes  ces  valeurs  étant,  par  hypo- 
thèse, de  25  0/0  en  moyenne,  le  gage  du  Crédit  mobilier,  son 
capital  compris,  n'aurait  plus  été  que  de  510  millions.  Sup- 
posons qu'alors  les  porteurs  d'obligations  fussent  venus  ré- 
clamer leur  remboursement,  la  Compagnie,  déclarée  en  fail- 
lite, aurait  perdu,  en  dix-huit  mois  :  T  son  capital  de  60 
millions;  2°  90  millions  transférés,  sous  sa  garantie,  delà 
poche  de  ses  créanciers  dans  celle  de  ses  emprunteurs. 
A  quoi  le  rapporteur  répond  : 

«  Le  résultat  définitif  des  opérations  du  Crédit  mobilier,  lors- 
qu'il aura  pris  tous  les  développements  prévus  par  nos  statuts,  se 
résumera,  en  dehors  du  revenu  de  noire  capital,  dans  une  dillé- 
rence  d'intérêt  entre  la  somme  de  ses  emprunts  et  celle  de  ses 
placements.  Parvenues  à  ce  point,  les  variations  de  cours  nous  se- 
raient jusquà  un  certain  point  indifférentes,  puisque  nos  bénéllces 
se  trouveraient  basés  sur  des  revenus  et  non  sur  des  oscillations  de 
capital.  » 

A  qui  ose-t-on  compter  de  pareilles  balivernes?  Si  les  ac- 
tions de  Lyon  à  la  Méditerranée  ont  dépassé  1,800  fr.,  va- 
leur de  capital^  n'esl-ce  pas  parce  que  les  transports  de  la 
guerre  pour  l'armée  d'Orient  ont  développé  sur  cette  ligne 
un  trafic  inou'i,  qui  a  permis  de  compter  sur  un  revenu  hors 
ligne?  Pourquoi  les  compagnies  de  chemin  de  fer  ont-elles 
tant  de  soin  de  faire  ressortir  l'augmentation  de  leurs  re- 
cettes brutes,  sinon  afin  de  pousser  à  la  hausse  en  capital 
des  titres,  par  l'appât  d'un  plus  [ovl  dividende? ^o\\V(\\\o\  les 
oscillations  sur  les  obligations  sont-elles  comp.irativement 
peu  sensibles,  si  ce  n'est  parce  qu'elles  jouissent  d'un  revenu 
lixe? 

Au  surplus,  ces  obligations  mobilières  sont  toujours  à  l'état 
de  projet;  il  n'en  a  été  émis  encore  qu'à  de  coui  les  échéances. 
La  Société  devait  en  lancer  240,000  en  1855. 

«  L'espoir  fondé  des  bénéfices  exceptionnels  en  vue  desquels 
l'émission  de  nos  obligations  était  résolue  provoqua  une  hausse 
considérable  sur  le  prix  de  nos  actions,  dit  le  Rapport  de  1836,  et 
bientôt  la  spéculation,  s'emparant  de  ce  mouvement,  lui  donnait 
des  proportions  exagérées. 

15. 


—  262  — 

«  Systématiquement  étrangers  à  toute  pensée  de  spéculation  re- 
lative à  une  mesure  dont  la  réalisation  était  notre  vœu  le  plus 
cher,  notre  préoccupation  la  plus  profonde,  nous  vîmes  avec  un 
vif  regret  le  cours  de  nos  valeurs  s'élever  brusquement,  ne  pré- 
voyant que  trop  la  réaction  qui  pouvait  s'ensuivre. 

«  Mais  ce  que  nous  ne  pouvions  prévoir.  Messieurs,  ce  sont  les 
calomnies  dont  ces  mouvements  dans  le  cours  de  nos  actions  ont 
été  le  signal  et  le  prétexte.  Qu'est-il  besoin  de  le  déclarer?  aucune 
des  personnes  qui  ont  l'honneur  de  diriger  vos  affaires  ne  s'est  li- 
vrée, dans  ces  circonstances,  à  des  opérations  de  hausse  ou  de 
baisse  sur  nos  valeurs,  et  nous  pouvons,  le  front  levé,  rejeter  har- 
diment, sur  ceux-là  mêmes  qui  n'ont  pas  rougi  de  s'abriter  sous 
de  lâches  attaques,  la  responsabilité  des  spéculations  dont  on  a 
tenté  de  faire  une  arme  contre  nous.  » 

La  Société  fjénérale  verra  bien  d'autres  mécomptes.  Elle 
disait,  en  1854  : 

«  Loin  de  surexciter  la  spéculation,  comme  l'ont  pu  croire  ceux 
qui  ont  méconnu  le  principe,  la  nature  et  le  but  de  notre  institu- 
tion, le  résultat  détlnitif  de  nos  opérations  sera  d'offrir  à  toutes 
les  fortunes  les  moyens  et  la  facilité  de  réaliser  sans  péril  des  pla- 
cements mobiliers  à  intérêt  (ixe.  » 

Ils  n'avaient  donc  méconnu  «  ni  le  principe,  ni  la  nature, 
ni  le  but  de  l'institution,»  ceux  qui  prévoyaient  qu'elle  aurait 
pour  but  de  «  surexciter  l'a^iotHge,  »  puisque  les  déceptions 
delà  spéculation  la  poussent  jusque  dans  les  voies  honteuses 
de  la  calomnie. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'émission  des  obligations  a  été  ajour- 
née, par  déférence  aux  désirs  du  gouvernement. 

Laissons  là  l'eau  bénite  de  cour  des  Rapports.  Le  succès 

du  Crédit  mobilier  ne  repose  ni  sur  des  revenus,  m  sur  des  co- 

'  pilaux^  mais  simplement  sur  des  difféi^ences  :  cest  tout  dire. 

Comme  instrument  de  circulation  et  d'agiotage,  Torgani- 
salion  de  la  Société  générale  est  une  conception  de  maîtres. 
Elle  se  sent  à  la  fois  et  de  la  nationalité  de  son  auteur,  et  de 
l'esprit  révolutionnaire  de  sa  jeunesse.  Les  rois  de  l'agio,  ati 
capital  de  10  à  100  millions,  peuvent  produire  aiijourdhui  la 
hausse  et  la  baisse  à  leur  fantaisie;  mais  ils  deviennent  de 
véritables  prolétaires  en  présence  d'une  institution  disposant 
de  600  millions,  et  capable  d'accaparer  en  un  jour  toutes  les 


—  263  — 

actions  de  chemins  de  fer  ou  de  canaux  disponibles  sur  le 
marché.  Le  Crédit  mobilier  peut  faire  l'abondance  ou  la  ra- 
reté, le  vide  ou  le  trop-plein-,  c'est  un  gigantesque  mono- 
pole hors  duquel  il  n'y  a  point  de  salul  pour  le  spéculateur. 
Tout  ce  qui  sera  en  dehors  n'aura  plus  rien  à  faire  qu'à  payer. 
Dans  celte  condition,  ses  obligations  seront  sans  doute  con- 
stamment garanties. 

Cependant  si  les  payeurs  viennent  un  jour  à  se  rebuter,  si 
les  avises  vont  se  ranger  sous  la- bannière  de  la  Société,  s'il 
n'y  a  plus  d'antagonistes  en  un  mot,  contre  qui  jouera-t- 
on? qui  payera  les  différences?  La  Société  se  divisera  contre 
elle-même  :  alors  rien  de  fait,  l'enl reprise  aboutit  à  une 
contradiction.  Ou  bien  si  les  spéculateurs  isolés  se  coalisent 
contre  le  monopole  et  organisent  armée  contre  armée,  si  la 
masse  des  producteurs,  capitalistes,  négociants,  s'insurge, 
la  coercition  étant  impossible,  quelle  chance  de  salut  reste- 
ra à  la  Compagnie? 

Le  Crédit  mobilier  doit  conduire  à  l'une  ou  à  l'autre  de 
ces  alternatives.  Mais  en  altondaut,  il  y  a  des  primes  à  réali- 
ser :  c'est  le  motif  sans  doute  qui  a  décidé  les  fondateurs. 

Nous  n'avons  pas  fini  avec  lesénormitésde  la  Société  gé- 
nérale. Voyons  quelles  sont  les  garanties  des  actionnaires. 

La  Société  est  administrée  par  un  conseil  de  15  membres, 
renouvelés  d'année  en  année  par  cinquième,  et  constam- 
ment rééligibles. 

Or,  «Le  conseil,  dit  l'art.  28  des  statuts,  a  les  pouvoirs  les  plus 
étendus  pour  l'administration  d'saffairesde  la  Compagnie;  notam- 
ment il  autorise,,  par  SCS  délibérations,  tous  achats  ou  ventes  d'ac- 
tions ou  d'obligations,  tous  crédits,  toutes  soumissions,  cessions  et 
réalisations  d'emprunt,  toutes  avances  sur  dépôts  de  valeurs,  et 
géni'ralement  tous  traités,  tiansaclions,  compromis,  retraits  de 
fonds,  transferts,  emprunts  sur  dépôts  d'obligations  de  la  Compa- 
gnie ou  autres  valeurs,  achats  d'objets  mobiliers,  enhn  toutes  ac- 
tions judiciaires,  tant  en  demandant  qu'en  défendant. 

«  Il  détermine  l'emploi  des  fonds  libres. 

«  Il  fait  les  règlements  de  la  Compagnie. 

«  li  autorise  les  dépenses  de  l'administration. 

«  Il  nomme  et  révoque  les  principaux  agents  de  la  Société. 

«  Il  détermine  leurs  attributions. 


—  264  — 

u  II  lixe  leur  traitement,  etc. 

«  Art.  10.  —  Les  membres  du  conseil  ne  contractent,  à  raison 
de  leur  gestion,  aucune  obligation  personnelle.  » 

C'est  la  disposition  commune  à  toutes  les  sociétés  ano- 
nymes. 

Ainsi  voilà  quinze  membres  qui  disposent  de  l'avoir  de  la 
Société  comme  du  leur,  sans  être  responsables  des  mauvaises 
chances.  Ils  doivent  déposer,  il  est  vrai,  200  actions  en  ga- 
rantie de  leur  administration,  c'est-à-dire  100,000  fr. 

Belle  hypothèque,  en  vérité! 

Les  membres  du  conseil  sont  tous  actionnaires  ou  même 
directeurs  de  quelque  entreprise.  La  plus  grande  partie  de 
leur  fortune  consiste  en  titres  négociables.  «  Ils  autorisent^ 
comme  administrateurs  de  la  Société  générale,  tous  achats 
ou  ventes  d'actions  ou  d'obligations,  fous  crédits,  etc.  Donc 
MM.  E.  Péreire,  I.  Péreire,  B.  Fouid,  A.  d'Eichlal,  F.  Grie- 
ninger,  Ch.  Mallet,  de  Abaroa,  comte  de  Morny,  C.  Salvador, 
baron  Seillière,  A.  Thurneyssen,  Biesla,  G.  des  Arts,  E.  An- 
dré,  administiateurSjOnt  ledroitd'acheterà  MM.  E.  Péreire, 
I.  Péreire,  B.  Fould,  A.  d'Eichtal,  etc.  »  simples  particuliers, 
pour  le  compte  du  Crédit  mobilier,  les  actions  et  obligations 
dont  ils  sont  possesseurs.  C'est  une  opération  licite,  où  tout 
le  monde  peut  trouver  son  profit.  Sans  doute,  les  achats  se 
font  au  cours  du  jour;  mais  n'oublions  pas  que  la  Société 
générale  fera  à  sa  guise  la  hausse  et  la  baisse!... 

Tant  qu'un  cumul  aussi  monstrueux  sera  possible,  les  pro- 
testations solennelles  des  rapports  sur  la  vertu  des  directeurs 
qui,  en  cette  circonstance  ou  en  cette  autre,  se  sont  abstenus 
d'influer  sur  les  cours,  n'aboutiront  qu'à  faire  hausser  les 
épaules.  La  spéculation  connaît  sa  conscience. 

Tout  prête  à  la  calomnie,  —  puisque  calomnie  il  y  a,  — 
dans  l'organisation  de  la  Compagnie  générale.  Nous  savons 
à  quoi  nous  en  tenir  sur  la  fiction  des  assemblées  générales 
et  de  leur  contrôle.  Eh  bien,  il  semble  qu'on  ait  voulu  éviter 
jusqu'à  une  éventualité  de  mauvaise  humeur  d'actionnaire. 
Voici  ce  que  prescrivent  les  statuts  : 

«  L'assemblée  générale  ne  se  compose  que  des  200  plus  forts 


—  265  — 

actionnaires,  »  —  qui  tous  sans  doute  ne  répondront  pas  à  la  con- 
vocation. 

«  L'assemblée  est  régulièrement  constituée  lorsque  les  membres 
préï^ents  sont  au  nombre  de  40  et  réunissent  dans  leurs  mains 
le  di\ième  des  actions  émises. 

«  Si  ces  conditions  ne  sont  pas  remplies,  il  est  fait  une  seconde 
convocation;  et  alors  les  membres  présents  délibèrent  valable- 
ment, quel  que  soit  leur  nombre  et  celui  de  leurs  actions. 

«  11  l'aut  posséder  40  actions  pour  avoir  une  voix,  sans  que  l'on 
puisse  disposer  de  plus  de  5  votes.  » 

Eh  bien,  cette  élite  d'actionnaires  n'a  pas  même  le  droit 
de  proposition.  C'est  du  moins  le  but  que  se  propose  d'at- 
teindre l'art.  51  ainsi  conçu  : 

«  L'ordre  du  jour  est  arrêté  par  le  conseil  d'administration,  il 
n'y  sera  porté  que  les  propositions  émanant  de  ce  conseil  et  celles 
qui  lui  auront  été  communiquées  quinze  jours  au  moins  avant  la 
convocation  de  l'assemblée  générale  avec  la  signature  de  dix  mem- 
bres de  cette  assemblée,  » 

La  liste  des  membres  est  arrêtée  un  ?no?s  seulement  avant 
la  convocation;  et  les  propositions  signées  de  dix  membres 
doivent  arriver  au  conseil  quinze  jours  au  moins  avant  celte 
même  convocation. 

De  telles  précautions  ressemblent  à  de  la  défiance  envers 
les  actionnaires. 

La  plupart  de  ces  dispositions  sont  sans  doute  communes 
à  bien  des  sociétés.  Ce  n'est  pas  précisément  une  preuve  de 
leur  excellence.  Mais  les  abus  du  pouvoir  administratif  sont 
moins  à  craindre  d  ms  certaines  compagnies  comme  la  Banque 
de  France  et  le  Crédit  foncier,  que  dans  celle  dont  nous  ve- 
nons d'analyser  les  opérations. 

Reconnaissons  donc  franchement  qu'une  institution  de 
crédit  comme  celle  du  Crédit  mobilier,  utile,  nécessaire 
même,  quant  à  son  objet,  dépasse  la  mesure  et  la  portée  des 
compagnies  i)articulières;  qu'une  institution,  disons-nous, 
qui  a  besoin,  pour  subsister,  de  la  Foi  publique,  ne  luuit  être 
exploitée  dans  un  intérêt  privé  -,  qu'une  semblable  aliénation 
est  à  la  fois  abusive  et  frauduleuse,  que  le  pouvoir  qui  la 
tolère,  cl  les  spéculateurs  qui  s'en  emparent,  encourent 


—  266  — 

également  le  blâme ,  le  premier  de  la  nation,  et  les  autres 
de  la  justice. 

Les  produits  nets  sont  ainsi  répartis  : 

1°  5  0/0  d'intérêt  aux  actions; 

2°  5  0/0  au  fonds  de  réserve. 

Le  surplus  appartient  :  - 

1/10* aux  administrateurs; 

9/10'  aux  actions  à  titre  de  dividende. 

Voici  les  résultats  des  trois  exercices  clos: 

«853  iS^i  18S5 

Produits  bruts.    .  .  .     7,.')82,722  96       10,335, n40  28      31.870,776  46 
Frais  généraux.  .  .  .     2,158,501  (-9        2,550,477  21         3,788,775  07 


BénéOces  nets  ....     6,424,161  27         7,779,563  07       28,082,001  39 

1853  :     40  fr.  25,  ou  13  40  0/0  des  sommes  versées. 

1854  :     59  fr.  »».  ou  12  »»  0;0  — 

1855  :  203  fr.  70,  ou  40  74  0,0  — 

Les  actions  ont  fuit  au  début  1,785  fr.-,  elles  se  sont  main- 
tenues en  1853  entre  640  et  960;  elles  sont  tombées  en  1854, 
au  plus  bas,  à  430;  elles  ont  repris  peu  à  peu  à  700  et  au- 
dessus,  et  ont  atteint  1,650  en  1855,  et  1,800  en  1856. 

Les  oscillations  sur  cette  valeur  sont  brusques  et  marclient 
par  soubresauts;  il  n'est  pas  rare  de  voir  les  cours  varier 
de  25  à  30  fr.  d'une  Bourse  à  l'autre,  monter  ou  tomber  de 
500  fr.  en  six  semaines.  C'est  que  le  Crédit  mobilier  est  la 
plus  haute  incarnation  de  l'esprit  du  jeu,  de  la  spéculation 
éclievelée,  haletante  et  fiévreuse.  Autant  le  calme,  la  régula- 
rité, la  fixité  de  la  mercuriale  sont  nécessaires  au  (Crédit  fon- 
cier, autant  les  llnctualions  incessantes,  les  [)auiqnes,  les 
emiiortements,  les  tempêtes  sont  indispensables  au  Mobilier. 
La  stabilité  de  la  cote,  l'absence  d'affaires  nouvelles,  l'abais- 
sement du  taux  des  reports  pendant  six  mois  mettraient  la 
Société  générale  en  liquidation. 

SOCIÉTÉS  ORIÎ.iNlSÈES  Sl]R  LE  PLAN  DU  CRÉDIT  MOBILIER. 
Les  développements  dans  lesquels  nous  sommes  entré  sur 


—  267  — 

l'organisation,  le  but  et  les  moyens  du  Crédit  mobilier  nous 
dispensent  d'analyser  longuement  les  Sociétés  suivantes,  fon- 
dées sur  le  même  plan  el  pour  le  même  objet  :  souscrire,  ac- 
quérir, vendre,  échanger  des  eflels  publics,  des  actions  et 
obligations,  en  France  ou  à  l'étranger  5  faire  des  avances  sur 
nantissement;  recevoir  des  sommes  en  compte  courant,  etc. 

CAISSE  GÉNÉRALE  DES  CHEMINS  DE  FER. 

(Paris,  99,  rue  Richelieu.) 

M.  Mirés,  gérant  de  cette  société,  revendique  dans  les  ter- 
mes suivants  la  priorité  d'application,  sinon  de  conception, 
du  système  qui  sert  de  base  au  Crédit  mobilier. 

«  Il  y  a  bientôt  huit  années,  nous  avons  fondé  la  Caisse  des  Ac- 
tions réunies.  Le  succès  qu'elle  obtint,  l'importance  des  bénéfices 
qu'elle  réalisa,  attirèrent  l'attention  du  monde  financier,  et  il  est 
permis  de  supposer,  —  sans  présomption,  —  que  ce  fut  le  point  de 
départ  de  la  création  du  Crédit  mobilier.  »  [Journal  des  Chemins 
de  fer  du  31  mai  1856.) 

Par  acte  du  15  juin  1853,  \â  Caisse  des  Actions  réunies 
changea  sa  dénomination  en  celle  de  Caisse  et  Journal  des 
Chemins  de  fer,  société  en  commandite,  au  capital  de  12 
millions,  divisé  en  24,0C0  actions  de  500  fr.  Durée,  30  ans 
C  mois  à  dater  du  1"  juiHet  1853. 

Enfin,  le  26  mai  1856,  les  directeurs  : 

«  Considérant  l'importance  des  entreprises  faites,  les  traités 
passés  pour  d'autres  entreprises  plus  considérables,  et  la  nécessité 
de  mettre  la  Société  en  état  de  remplir  sa  mission  par  la  puissance 
du  capital,  après  avoir  pris  Tavis  du  conseil  de  surveillance,  ont 
arrêté  : 

«  1°  D'adopter  le  titre  de  Caisse  générale  des  Chemins  de  fer; 

«  2"  D'élever  à  oO  millions  de  francs  le  capital  de  la  Société.  » 

C'est,  à  10  millions  près,  le  capital  du  Crédit  mobilier,  et 
comme  ce  dernier,  la  Société  Mirés  se  réserve  démettre  des 
obligations,  mais  seulement  en  chiffre  égal  au  fonds  souscrit. 
Ya-l-il  à  vivre  pour  deux  Compagnies  de  cette  importance? 
Entreront-elles  en  rivalité  ou  fusionneront-elles  leurs  fonds 


—  268  — 

et  leurs  intérêts?  En  cas  de  concurrence  et  de  guerre  ouverte, 
il  y  auraitdes  fraisa  payer  :  le  monde  de  l'agio  va-t-il  avoir, 
comme  celui  de  la  politique,  ses  partis,  ses  proscrits  et  ses 
prétendants? 

On  parle  déjà  à'accord  et  d'entente  entre  la  Compagnie 
Mirés  et  celle  du  Crédit  mobilier  :  c'est  la  sainte-alliance  des 
capitaux  qui  se  pose,  expression  la  plus  haute  de  la  féodalité 
industrielle. 

Les  bénéfices,  après  le  prélèvement  de  5  0/0  d'intérêt  aux 
actions,  sont  répartis  comme  suit  : 

5  0/0  au  fonds  de  réserve,  qui  ne  peu  t  dépasser  2  millions  ; 

10  0/0  à  la  gérance; 

76  0/0  aux  actions,  à  litre  de  dividende. 

L'assemblée  générale  se  compose  des  200  plus  forts  action- 
naires. 40  actions  donnent  droit  à  une  voix,  sans  qu'on 
puisse  disposer  de  plus  de  10. 

Les  actions  ont  produit  : 

En  185i  :     C9  tV.  En   !855  :     70  90 


CAISSE  CENTRALE  DE  L'INDUSTRIE. 

(Paris.  108,  rue  Richelieu.) 

Société  en  commandite  sous  la  raison  sociale  Vergniolle 
et  C'« .  Durée,  15  ans,  finissant  au  15  juillet  1870. 

Capilal  social,  5  millions,  divisé  en  50,000  actions  libé- 
rées de  100  fr. 

Après  l'intérêt  de  5  0/0,  les  bénéfices  sont  répartis: 

10  0/0  à  la  réserve; 

15  0/0  à  la  gérance; 

75  0/0  au  dividende. 

L'assemblée  se  compose  de  tous  les  propriétaires  de  40 
actions. 

Le  premier  exercice  a  donné  15  0/0,  et  le  second  20  0/0 
de  revenu. 


—  -HM  — 
SOCIÉTÉ  OU  CRÉDIT  IM)l  STIUEI.. 

(Paris,  4,  rue  Drouol.) 

Société  en  commandite  sons  la  raison  sociale  Malevergne 
et  C'^.  —  Durée,  40  ans  à  parlir  du  20  septembre  1853. 

Le  capital  est  de  12millions  et  les  actions  de  100 IV., mais 
il  n'a  encore  été  émis  que  4  millions. 

Après  l'intérêt  de  5  0/0  aux  actions,  on  répartit  : 

10  0/0  au  fonds  de  réserve; 

10  0/0  au  conseil  de  surveillance; 

20  0/0  à  la  gérance; 

60  0/0  au  dividende. 

L'assemblée  se  compose  de  tous  les  propriétaires  de  iO  ac- 
tions. 

CAISSE  GÉNÉRALE  DES  ACTIONNAIRES. 

(Paris,  110,  rue  Richelieu.) 

Société  en  commandite  sous  la  raison  sociale  L.  Amail 
et  C'«.  —Durée,  30  ans  à  partir  du  r'' juillet  1856. 

Capital  social,  25  millions,  divisé  en  50,000  actions  de 
600  fr.  dont  250  payés. 

La  Compagnie  publie  le  Journal  des  Actionnaires  ■  par 
M.  Jourdan,  elle  a  un  pied  au  journal  le  Siècle  ;  elle  vient  de 
s'inféoder,  sous  le  nom  dciM.  Millaud,  Tun  de  ses  fondateurs, 
la  Presse,  vendue  par  M.  de  Cirardiii.  —  Elle  se  propose 
de  fonder  à  Londres  un  bureau  d'émission  de  valeurs  fran- 
çaises.^ 

Apres  l'intérêt  de  5  O'O  aux  actions  et  le  prélèvement  du 
fonds  de  réserve,  dont  la  quotité  n'est  pas  déterminée,  il  est 
réparti  : 

5  0/0  au  gérant; 

15  0  0  aux  fondateurs; 
5  0/0  aux  censeurs  ; 

75  0/0  au  dividende. 

L'assemblée  se  compose  de  Ions  les  propriétaires  de  20  ac- 
tions. 


—  270  — 

Les  opérations  du  second  semestre  de  1856  n'ont  pas  été 
heureuses  pour  la  compagnie.  De  graves  mécontentements 
ont  éclaté  parmi  les  actionnaires  :  on  nous  en  a  cité  un  qui, 
croyant  à  une  institution  philanthropique,  apparemment, 
avait  offert  100,000  de  capital,  et  les  a  réclamés  ensuite  avec 
véhémence. 

La  suite  des  affaires  a  été  reprise  par  M.  Millaud. 

UNIOX  FIXAXCIÈRE  ET  INDUSTRIELLE. 

Nous  avons  entre  les  mains  les  statuts  et  le  prospectus 
d'une  compagnie  nouvelle  qui  se  propose  de  faire  les  mêmes 
opérations  que  le  Ciédit  mobilier;  elle  se  constitue  de  prime- 
abord  au  capital  de  100  millions,  avec  faculté  d'augmenter 
le  fonds  social  s'il  devenait  insuffisant.  Elle  est  provisoire- 
ment en  commandite,  sous  la  raison  sociale  Calleij  de  Saint- 
Paul  et  C'« . 

Depuis  la  publication  des  statuts  et  du  prospectus,  il  n'a- 
vait presque  pas  été  question  de  cette  société.  Son  apparition 
avait  jeté  une  certaine  émotion  dans  le  monde  des  affaires 
et  donné  lieu  à  des  commentaires  qui  se  contredisaient  : 
preuve  que  l'on  ne  savait  rien  de  positif  sur  son  compte.  Les 
uns  y  voyaient  une  concurrence  sérieuse  au  Crédit  mobilier, 
appelée  peut-être  à  le  supplanter-,  les  autres  considéraient 
l'entreprise  comme  un  compéragequi  donnerait,  par  le  moyen 
de  la  fusion,  la  faculté  au  Crédit  mobilier  d'accroître  son 
fonds  social  et  de  forcer  la  main  au  gouvernement,  qui  répu- 
gnait, disait-on,  à  autoriser  une  nouvelle  émission  de  titres 
sur  une  place  déjà  si  encombrée. 

Les  décrets  des  30  janvier  et  9  février  1857,  autorisant 
l'emprunt  de  50  millions  du  département  de  la  Seine  avec 
l'entremise  de  la  Société  de  V  Union  financière  et  industrielle, 
ont  fiit  connaître  la  réalité  de  cette  compagnie,  qui,  si  nos 
renseignements  sont  exacts,  se  proposerait  en  outie  de  s'ap- 
puyer sur  des  entreprises  industrielles  d'une  haute  impor- 
tance. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'esprit  de  coalition  menace  de  tout 
englober  :  or,  nous  demandons  encore  une  fois  :  Quand  tous 


—  271   — 

les  joueurs  seront  coalisés,  sur  qui  prélèveront-ils  des  diffé- 
rences? 

C031PAGXIE  GÉNÉRALE  DES  CAISSES  D'ESCOMPTE. 

(Paris,  41,  rue  Tailbout.) 

Voilà  certes  un  titre  sérieux,  moral,  sous  lequel  on  ne  son- 
gerait guère  à  chercher  l'esprit  d'aventure  et  de  téméiilé 
qui  caractérise  le  Crédit  mobilier  et  ses  annexes.  Quoi  de 
moins  aléatoire  que  les  o|>érations  d'escompte?  Le  négoce  ne 
vil  pas  d'oscillations,  de  fluctuations  :  au  contraire,  il  en 
souifre  cruellement  ;  sa  tendance  est  à  la  fixité,  à  la  détermi- 
nation des  valeurs,  qui  laisserait  peu  de  prise  à  l'agiotage, 
lequel  fait  toute  Timporlance  des  sociétés  de  jeu.  H  y  a  donc 
antagonisme  entre  les  opérations  sérieuses  du  commerce, 
basées  sur  des  livraisons  certaines,  des  cours  normaux,  et 
les  spéculations  boursières,  qui  ne  visent  qu'à  àes  différences, 
à  la  hausse  et  à  la  baisse  sans  rime  ni  raison. 

Cependant  M.  A.  Prost,  le  directeur-gérant  de  la  Société 
qui  nous  occupe,  entend  mener  de  front  ces  deux  sortes 
d'affaires,  bénéficier  sur  le  certain  et  sur  Valea.  C'est  du 
moins  le  compte  rendu  de  1856  qui  nous  l'apprend, 

«  Aux  termes  de  ses  statuts,  la  Compagnie  générale  des  Caisses 
d'escompte  avait  deux  objets  à  poursuivre: 

«  Le  premier  était  d'organiser  et  d'assurer  le  crédit  commercial 
dans  tous  les  centres  provinciaux  où  elle  fondait  des  Caisses  d'es- 
compte; 

«  Le  second  était  de  servir  de  centre  de  ralliement  aux  capitaux 
des  départements  pour  les  faire  participer  aux  bénéfices  de  toutes 
les  opérations  financières  habituelles  aux  maisons  de  haute  banque 
et  aux  sociétés  de  crédit.  » 

L'escom[)te  semble  même  n'avoir  été,  dans  la  pensée  des 
fondateurs,  qu'un  moyen,  un  levier,  un  point  d'appui. 

«  Au  début,  et  pour  créer  l'instrument  qui  devait  nous  servir  à 
faire,  dans  des  conditions  favorables,  les  opérations  de  haute  finance, 
nous  avons  dû  consacrer  exclusivement  nos  efforts  à  l'organisation 
des  Caisses  d'escompte,  et  c'est  tout  récemment  que  nous  avons 
trouvé  opportun  de  poursuivre  concurremment  le  second  but  de 
nos  statuts.  » 


—  -272  — 

Occupons-nous  d'abord  du  premier  but. 

La  Compagnie  générale  des  Caisses  d'escompte  est  la  der-. 
nière  transformation  de  deux  conceptions  qui  ont  mal  abouti  ; 
le  Comptoir  commercial  et  V  Union  financière.  Telle  qu'elle 
est  aujourd'hui,  elle  a  pour  objet  : 

«  \°  De  constituer  successivement,  dans  toutes  les  villes  qui  le 
comporteront,  des  Caisses  d'escompte  ;  2°  d'assurer  lesdites  Caisses 
contre  les  chances  de  pertes  dans  les  conditions  et  proportions  sti- 
pulées ci-après.  »  (Art.  3  des  statuts.) 

«  Chaque  Caisse  d  escompte  a  son  capital  propre,  parfaitement 
distinct  de  tout  autre,  et  fonctionne  avec  la  plus  complète  liberté 
d'action,  sous  le  contrôle  de  la  Société  et  dans  les  limites  de  ses 
propres  statuts.  —  Les  bénéfices  de  Caisses  sont  leur  propriété 
exclusive.  »  (Art.  5.) 

La  Compagnie  générale  n'exerce  donc  qu'une  sorte  de 
patronage  sur  les  Caisses  particulières.  Voici  les  conditionsi 
qu'elle  y  met  : 

Elle  leur  octroie  des  statuts;  — elle  nomme  ou  agrée  les 
gérants;  —  elle  fixe  l'importance  de  leur  capital  et  la  quo- 
tité des  actions  (500  fr.  divisibles  en  coupons  de  100  fr.)-,  — 
elle  limite  leurs  opérations;  —  elle  se  réserve,  moyennant 
commission,  le  placement  des  actions;  —  elle  envoie  des  in- 
specteursetdes  délégués;  —  elle  impose  une  forme  de  comp- 
tabilité; —  elle  se  fait  adresser  chaque  mois  la  balance  des 
comptes,  un  état  des  créances  échues  et  impayées,  un  état 
des  actions  souscrites  et  encaissées;  —  elle  peut  requérir 
l'envoi  de  tous  renseignements  et  pièces  de  com[itabilité 
qu'elle  juge  utiles  [jour  s'éclairer;  —  elle  détermine  la  répar- 
tition des  bénéfices  (40  0/0  à  la  gérance,  50  0/0  aux  action- 
naires, 10  0/0  au  fonds  de  réserve);  —  elle  fixe  les  appoin- 
tements des  employés;  —  elle  approuve  ou  improuve  les 
comptes;  —  elle  peut  faire  prononcer  la  dissolution  de  la 
Société  ;  —  elle  se  réserve  toute  modification  aux  statuts. 

Pourquoi  la  Société-mère  s"arroge-t-elle  des  droits  aussi 
absolus  sur  des  entreprises  auxquelles  elle  n'avance  pas  un 
sou?  C'est  qu'elle  assure  leur  capital  moyennant  une  prime 
annuelle  fixée,  pour  chaque  1,000  fr.  d'afi'aires: 


—  273  — 

A  20  centimes  jusqu'à  20  millions. 
15      —        de  20  à  40  millions. 
10      —        de  40  à  liO      — 
5      —        de  GO  à  100     — 
2  1/2  de  100  millions  et  au-dessus. 

L'assurance  appliquée  aux  banques  est  une  innovation  en 
économie.  Le  taux  de  iescompte,  suivant  nous,  ne  doit  être 
qu'un  droit  de  commission  pour  le  service  rendu,  augmenté 
dune  prime  dassurance  contre  les  risques  de  non-payement. 
Lecai)ital  répond  de  la  bonne  gestion  des  directeurs,  qui  ne 
doivent  jamais  le  laisser  entamer. 

Or  si  le  capital  d'une  caisse,  300,000  fr,  par  exemple,  est 
lui-même  assuré,  le  gérant  peut  se  permettre  300,000  fr.  de 
perte  sans  dommage  pour  ses  actionnaires.  11  peut  donc,  en 
vue  d'augmenter  les  produits  nets,  se  montrer  moins  sévère 
sur  le  gage  du  papier  présenté,  accepter  des  créances  sus- 
pectes, pousser  à  l'abondance  des  escomptes  en  négligeant 
la  qualité  des  escompteurs.  Tel  est  le  péril  de  l'assurance  en 
pareille  matière.  Et  voilà  pourquoi  les  directeurs  des  Caisses 
particulières  ne  sont  que  des  commis  à  la  discrétion  des  as- 
surances. 

Après  tout,  en  ce  pays  de  routine,  où  l'esprit  d'initiative 
par  les  masses  est  inconnu,  c'était  peut-être  le  seul  moyen 
d'organiser  le  crédit  et  la  circulation  dont  le  commerce  a 
tant  besoin.  Puis  l'esprit  est  à  la  centralisation,  à  l'unifica- 
tion, à  la  complication  bureaucratique,  au  communisme,  en 
un  mot.  Telles  qu'elles  sont,  les  Caisses  d'escompte  valent 
mieux  que  rien. 

Voici  l'état  qu'en  donne  le  compte  rendu  de  1856  : 

1"    ANNÉE    (I852\ 

Villes.                                       Raison  soriale.  Capital. 

Cherbourg J.  Chevel  et  C^ 130,000  fr. 

Evreux Boi.Miey  et  C'^ 195,500 

2<=  ANNÉE   (1853). 

Bourges Arcliambaud  et  C'-^ 80,500 

Pont-Audemer  ....  Traînard  et  C'^ 140,500 

Le  Havre l-^orl-Meu  et  C'« 245,000 

Louviers Deschamps  et  C 177,000 

Arras Gudin  ri  G"" 412,500 

Angoulême Colin  et  C  ' 300.000 


—  -274  — 

Villes.                                       Raison  sociale.  Capital. 

Limoges J.-J.  Abria  et  C" 220,000  fr. 

Reims Cordier  et  C'^ 200,000 

Guf^nt Migout  et  O' 150,000 

Coiitances Lerendu  et  C'° 135,000 

3«    ANNÉE    (1854). 

Alixerre J.-H.  Dallemagne  el  C'= 306,000 

Sainl-Malo Dupuy-Ftom^  père  et  fils  et  C'«.  693,000 

Troyes Coqiiet-Delalain  et  C'^ 318,000 

Lisieux Peiilevpy  et  C'*' 231,000 

Rennes De  Châleaiibonrg,  Bataille  et  C"'.  874,000 

Sainl-Claiide F.  David  et  (:■<■ 164,500 

Morez Lliomme  el  C"^ 93,500 

Falaise Jardin,  Lodin  et  r.'*" 191,500 

Morlaix Slenfort  el  C'* 000,000 

Tonneins De  Forcade  et  C'« 123,500 

4«  ANNÉE  (1855). 

Lorient Le  Deuc  et  G"= 504.500 

Thiers Giraud  el  Q<' 282,500 

Le  Puy Argault  et  G'" 000,000 

Brest Ferré,  Gerof  el  G'" ........  593,500 

Aix L  Géalis  el  G'" 125,000 

Tours Bastard  et  G'*' 106,500 

Saint-Biieuc Dupuy-Fromy  et  G'' 1,000,000 

Paris  (cuirs  et  papiers)   Bonhomme,  de  Garforl  et  iVie.   .  750,000 

Quimper Ouilmin  et  G'" 349,000 

Diuikerque Perot,  Hamoir,  Martin  et  G'*".  .  .  270,500 

Lyon .  Vouillemonl,  Ghavard  et  G'* .  .  .  1,233,000 

Glirmont Lamy  et  G'<^ 750,000 

Nanle:; Gaii.ja  el  G'^ 756,500 

Avignon Marseille  et  G'* 429,500 

Salins Villemin-Duboz  el  G'" 100,000 

5*"  ANNÉE  (cinq  mois  de  1850). 

La  Rochelle Galzain  et  G'* 781,000 

Sainl-Élieiine Beraud,  J.  Blanc  el  C" 1,539.000 

Beauvais Bellon  el  G'*" .  70,000 

N'aiicy De  Villevieille  el  G"' 600,000      ; 

Angers Leehalas  et  G'^ 750.000 

Aurillac Garnier  el  G''' 476,500 

Hodcz R.  Yence  et  C'<^ 204,500 

Gholel Bureau  et  G'" 500.000 

Goiidnm De  Peyrecave  el  G'° 160,000 

Montant  du  capital  en  caisse.  .  .  .  I9,50;i,500 
Eu  résumé,  46  caisse»  en  exercice  ;  plus  9  cunsliiuées,  repré.scntanl  ua 


—  275  — 

capital  £OUscril  de  plus  de  4  millions,  et  7  en  organisaliOii.  Eu  tout  62  cais- 
ses, représentant,  avec  le  fonds  social  de  la  Compagnie,  26,703,600  fr. 

Puisque  les  Caisses  d'escompte  de  chaque  localité  exis- 
tent sous  une  raison  sociale  et  avec  un  capital  propres, 
qu'est-ce  que  la  (Compagnie  générale?  C'est, —  à  partPassu- 
rance  dont  nous  avons  parlé,  —  un  petit  Crédit  mobilier.  A 
qtioi  lui  servent  tous  ces  comptoirs?  Le  Rapport  va  nous 
l'apprendre. 

«  A  mesure  que  nous  avons  avancé  dans  Torganisation  des 
Caisses  d'escompte,  nous  avons  vu  se  développer  de  plus  en  plus 
dans  la  clientèle  que  ces  Caisses  représentaient  un  élément  d'ac- 
tion et  de  ressources  auxquelles  les  transactions  commerciales  ne 
pouvaient  servir  d'aliment. 

«  Nos  Caisses,  livrées  à  elles-mêmes,  vous  le  savez,  messieurs, 
sont  rigoureusement  limitées  aux  opérations  de  l'escompte,  et 
nous  exerçons  sur  elles  un  contrôle  et  une  surveillance  si  inces- 
sants qu'il  leur  est  impossible  de  s'écarter  de  leur  mission  spéciale 
et  d'égarer  le  capital  dont  elles  disposent  sur  toute  opération  de 
crédit  autre  que  l'escompte,  dont  les  risques,  non  plus  que  les  bé- 
néfices, n'ont  rien  d'aléatoire;  mais  elles  peuvent,  avec  le  con- 
cours de  la  Compagnie  et  avec  son  autorisation,  participer  aux 
affaires  de  fonds  publics  et  aux  concessions  administratives  qui 
offrent  des  avantages  certains,  et,  à  leur  tour,  faire  jouir  leurs  ac- 
tionnaires et  leur  clientèle  des  avantages  d'une  association  dépar- 
tementale centralisée  à  Paris.  C'est  ainsi  que  cette  masse  de  capi- 
taux disponibles,  qui  ne  pouvait  trouver  d'emploi  dans  les  Caisses 
d'escompte,  a  répondu  au  premier  appel  de  la  Compagnie  gi^né- 
rale,  qui  est  autorisée  par  ses  statuts  à  prendre  l'initiative  de  toutes 
les  opérations  de  banque  et  de  crédit. 

«  La  première  opération  de  cette  nature  qu'ait  faite  la  Compa- 
gnie générale  des  Caisses  d'escompte  a  été  l'organisation  de  la 
Compagnie  générale  de  Crédit  en  Espagne.  » 

C'est  donc  toujours  le  même  syslème  :  neutraliser  la  con- 
currence des  capitaux  isolés,  les  empêcher  dagir  sur  la  place; 
en  second  lieu  les  englober  aux  mains  de  quelques  habiles. 
Les  Caisses  des  localités  créent  à  la  Compagnie  centrale  une 
source  de  comptes  courants  inépuisable.  Aussi  va-t-elle  se 
lancer  en  grand  dans  les  opérations  de  la  haute  finance.  A 
cet  effet  1  aesemblée  du  20  juin  1850  a  décidé  que  le  capital 
serait  porté  de  3  millions  à  30  millions. 


—  276  — 

La  Société 's'est  donné  un  organe,  lo  Journal  du  Crédit 
public.  Elle  a  fondé  la  Société  des  Banquiers-Unis,  «  qui 
s'interdit  toute  espèce  d'opération  pour  son  compte  et  n'a 
en  vue  que  l'intérêt  de  ses  clients,  c'esl-à-dire  Tintérêt  gé- 
néral. »  C'est  elle  encore  qui  a  fait  les  frais  de  l' Annuaire  de 
la  Bourse  et  de  la  Banqiie^  A  vol.  grand  in-18,  compacte, 
compilation  gigantesque,  destinée  sans  doute  à  mettre  en 
rut  tous  les  capitalistes,  petits  et  grands,  de  l'Europe,  et  à 
faire  taire  la  critique  par  la  multitude  et  la  masse  des  entre- 
prises. —  A  cet  effet,  elle  se  charge  de  la  vente  et  de  l'achat 
de  toutes  les  valeurs  cotées  à  la  Bourse  moyennant  un  droit 
de  1  fr.  par  1,000  fr.  Les  ordres  qu'on  lui  transmettra  «  se- 
ront exécutes  fidèlement,  ponctuellement  et  avec  économie, 
sous  le  contrôle  permanent  d'un  véritable  conseil  de  famille.  » 
Rien  de  plus  patriarcal,  comme  on  voit. 

Le  journal  donnera  des  conseils  el  des  renseignements. 

«  Le  vaste  champ  de  la  spéculation  offre  au  capital  indécis  un 
choix  difficile  à  faire  entre  une  foule  d'opérations  dont  l'impor- 
tance collective  dépasse  20  milliards. 

«  Isolé  au  milieu  de  tant  de  séductions,  il  est  bien  malaisé  de 
lixer  ses  préférences,  de  rencontrer  à  point  les  bonnes  occasions  et 
d'en  tirer  le  parti  le  plus  avantageux. 

a  II  faut  prendre  conseil;  mais  ici  nouvel  embarras,  nouveaux 
dangers  :  renseigné  au  hasard,  on  peut  acheter  ou  vendre  en  temps 
inopportun,  et  l'on  devient  la  pjroie  de  concurrents  mieux  avisés; 
livré  à  des  intermédiaires  probes,  mais  indiiférents ,  on  perd  le 
fruit  des  meilleures  combinaisons.  » 

Encore  une  fois,  (juand  tous  les  spéculateurs  seront  bien 
avisés,  qu'ils  rencontreront  à  point  les  bonnes  occasions, 
qu'ils  vendront  ou  achèteront  en  temps  opportun,  qu'ils  ne 
perdront  plus  le  fruit  des  meilleures  combinaisons,  sur 
quelle  proie  se  rabattront-ils?  Plus  de  dupes,  plus  de  profits, 
Si  tous  ces  organisateurs  croyaient  la  réusssite  d'un  tel 
programme,  ils  se  garderaient  d'y  travailler:  car  ce  sc^'t 
leur  suicide. 

Après  le  prélèvement  des  intérêts  à  5  0/0,  les  bénéfices 
sont  répartis  : 

50  0/0  au  dividende; 


—  277  — 

10  0/0  aux  mandataires  et  employés  ; 

40  0/0  à  la  gérance. 

L'assemblée  se  compose   de   tous  les   propriétaires   de 

10  actions. 

La  durée  de  la  Société  est  de  30  ans  à  partir  du  5  avril 
1852. 

Les  trois  exercices  clos  ont  produit  aux  actions,  13,  15  et 
16  0/0. 

CAISSES  AFFECTÉES  SPÉCIALEMENT  A  L'ESCOMPTE. 
BANQUES  COLONIALES. 

Les  banques  de  la  Martinique,  de  la  Guadeloupe  et  de  la 
Réunion  ont  été  instituées  par  la  loi  des  25  avril,  26  juin  et 

11  juillet  1851,  pour  une  durée  de  20  ans,  à  partir  du  1"  jan- 
vier 1853;  elles  sont  chacune  au  capital  de  3  millions  divisé 
en  6,000  actions  de  500  fr. 

La  Banque  du  Sénégal  a  été  instituée  par  décret  du  21  dé- 
cembre 1853,  pour  20  ans  à  dater  du  V  juillet  1855,  an  ca- 
pital de  230,000  fr.  ;  actions  de  500  fr. 

Celle  de  la  Guyane,  par  décret  du  V  février  1854,  pour 

20  ans  à  dater  du  1"  janvier  1855;  capital  300,000  fr.  ;  ac- 
tions de  500  fr. 

Toutes  ces  banques  sont  en  société  anonyme  et  ont  à 
Paris  une  agence  centrale,  rue  d'Amsterdam,  37. 

BANQUE  DE  L'ALGÉRIE. 

Société  anonyme  inslitiiée  par  décret  du  4  août  1851.  — 
Capital,  3  millions;  action  de  500  fr.  —  Durée,  20  ans  à 
partir  du  4  août  1851.  —  Siège  social  à  Alger;  succursales  à 
Oran  et  à  Constanline;  correspondant  à  Paris,  le  Comptoir 
d'escompte. 

Revenu  des  actions  pendant  les  quatre  exercices  clos  : 

21  fr.  60;  30  fr.  65:  32  fr.  25:  36  fr.  50. 

16 


—  278  — 
CAISSES  DIVERSES  EN  C0301ANDITE. 

1°  Caisse  cOMiMERCiALE  ;  Béchet,  Dethomas  et  C'%  17,  bou- 
levard Poissonnière.  —  Capital,  10  millions^  actions  de 
500  fr.  Dernier  dividende,  37  fr.  40. 

2°  Lehîdeux  et  C'%  83,  rue  Chariot.  —  Actions  de  1,000  fr. 
dont  2,000  seulement  ont  été  émises  sur  6,000.  Dernier  di- 
vidende, 73  fr.  50. 

3°  Bouronet  C".  —  Capital,  1  million;  actions  de  500 fr. 
Dernier  revenu,  9  0/0. 

4°  Comptoir  commercial  d'Angers  \  Pigot,  Bougère  et  C" , 

—  Capital,  600,000  fr;  actions  de  500  fr.  Dernier  revenu, 
6  0/0. 

5°  Caisse  commerciale  du  Nord;  /.  Decroix  et  C'%  à 
Lille.  Capital,  3  millions;  actions  de  1,000  fr.  Dernier  re- 
venu, 9  0/0. 

6°  Caisse  industrielle  du  Nord;  Dupont,  Départs  et  C'% 
à  Valenciennes.  —  Capital,  10  millions;  actions  de  1,000  fr. 
dont  375  versés.  Dernier  revenu,  30  fr. 

7°  Caisse  commerciale  de  Saint -Quentin;  Lécuyer  et  C" . 

—  16,000  actions  de  500  fr.  Dernier  revenu,  57  fr.  50. 

8°  Caisse  commerciale  de  Roubaix;  J.  Decroix,  Vernier, 
Verley  et  C^.  —  1,600  actions  de  500  fr.,  dont  250  versés. 

9°  Caisse  départementale  de  la  Mayenne;  Picquet  et  C", 
à  Laval,  600  actions  de  1 ,000  fr.  Dernière  répartition,  95  fr, 

10"  Comptoir  de  la  Méditerranée;  Gay,  Bazin  et  C'%  à 
Marseille.  —  Capital,  10  millions;  actions  de  500 fr. 

COlPTOIil  CENTRAL. 

(l'aiis,  iji,   riu' (If  lii  C.li.-Mis.-H^-Ll'Aiiliii. 

M.  Bonnard  a  fondé  sa  première  maison  à  Marseille,  en 


—  279  — 

1849;  avec  un  capital  de  7,825  fr.,  il  a  fait  dès  la  première 
année  434,624  fr.  d'affaires. 

Son  capital  était, au  commencement  de  1853,  de  98,400  fr. 
Le  chiffre  des  affaires,  en  1852,  s'est  élevé  à  3,558,182  fr.  ; 
les  bénéflces  à  115,025  fr.,  et  le  dividende  à  76  04  0/0. 

Encouragé  par  ces  débuts,  M.  Bonnard  a  fondé  des  suc- 
cursales à  Lyon  et  à  Strasbourg-,  enfin  il  a  organisé  un 
comptoir  à  Paris,  par  acte  du  24  mai  1853.  Le  capital  est  de 
100  millions,  et  les  actions  de  100  fr.;  mais  il  n'en  a  encore 
été  émis  que  110,680. 

La  Banque  Bonnard  est  une  sorte  de  maison  de  commis- 
sion pour  le  placement  des  marchandises,  opérant  à  l'aide 
d'une  tactique  particulière  dont  l'auteur  s'est  fait  une  es- 
pèce de  secret.  Ses  opérations  sont  fort  diversement  jugées; 
elles  ont  trouvé  d'avides  imitateurs  et  de  sévères  adversai- 
res; mais  il  est  juste  de  dire  que,  quelle  que  soit  la  tendance 
anti-monétaire  de  son  industrie,  le  but  avoué  du  fondateur 
n'a  rien  du  tout  de  social  ni  de  philanthropique. 

SOCIÉTÉ  GÉNÉRALE  DE  CRÉDIT  HIARITIME. 

(Paris,  5,  rue  de  Provence.) 

Celte  Société  a  eu  beaucoup  de  peine  à  éclore.  Elle  s'an- 
nonçait d'abord  au  capital  de  50  millions,  et  parlait  même 
de  le  porter  à  100;  elle  s'est  enfin  constituée,  sous  la  raison 
sociale  Collas  et  C'« ,  au  capital  de  20  millions;  mais  elle  n'a 
encore  émis  que  4,544  actions  de  500  fr.  —  Durée,  50  ans  à 
partir  du  10  mai  1853. 

Ses  opérations  ont  pour  objet  : 

«  1°  Les  avances  à  faire  à  tous  négociants,  armateurs,  expédi- 
teurs, commissionnaires,  sur  connaissements  et  sur  marchandises, 
navires  ou  armements  assurés  contre  les  risques  de  mer; 

«  2°  Les  prêts  à  la  grosse; 

«  3"  Toutes  opérations  commerciales  d'importation  et  d'expor- 
tation laites  pour  le  compte  de  tiers,  la  Société  ayant  cru  devoir, 
par  une  réserve  facile  à  apprécier,  s'abstenir  d'opérations  pour 
son  propre  compte  ; 

(i  1°  Des  parts  d'intérêts  à  prendre  dans  les  armements  de  pêche 
et  autres,  et  dans  le  service  des  paquebots.  » 


—  -280  — 
CHAPITRE  11. 

Canaux* 

Les  canaux  ont  été  créés  pour  relier  entre  eux  les  diffé- 
rents bassins  de  la  France.  Ce  sont  des  rivières  artificielles 
établies  entre  les  fleuves.  Elles  permettent  aux  marchan- 
dises de  circuler  d'une  contrée  dans  une  autre  sans  recourir  à 
la  voie  dispendieuse  de  roulage.  On  a  aussi  canalisé  certaines 
rivières  que  les  débordements,  les  sécheresses,  les  ensable- 
ments rendent  périodiquement  ou  continuellement  imprati- 
cables. 

L'idée  de  la  canalisation  remonte  loin  dans  l'histoire.  Il 
en  fut  question  sous  François  1",  quelques  auteurs  disent 
même  sous  Charlemagne.  Cependant  les  premiers  canaux 
creusés  furent  celui  de  Briare,  entrepris  sous  Henri  IV  et 
achevé  sous  Louis  XIII,  et  celui  du  Languedoc,  construit 
de  1664  à  1684.  Le  canal  de  Bourgogne  fut  commencé  en 
1775,  et  celui  du  Centre  en  1784.  Mais  la  plupart  ont  été 
achevés  ou  complètement  creusés  depuis  le  commencement 
de  ce  siècle. 

Le  bassin  du  Bhône  communique  avec  la  Loire  moyenne 
par  le  canal  du  Centre  ;  avec  le  Rhin  par  le  canal  de  l"Est  ; 
avec  la  Seine  par  celui  de  Bourgogne  5  avec  la  Garonne  par 
celui  deBeaucaire. 

Le  bassin  de  la  Seine  est  rattaché  à  la  Loire,  par  les  ca- 
naux d'Orléans,  de  Briare  et  du  Nivernais-,  à  l'Escaut  par 
les  canaux  de  Saint-Quentin  et  de  la  Somme;  à  la  Meuse 
par  les  canaux  de  la  Sambre  à  l'Oise  et  des  Ardennes  ;  au 
Rhin  par  le  canal  de  la  Marne  ;  au  Rhône  par  le  canal  de 
Bourgogne. 

Le  bassin  de  la  Loire  se  relie  aux  bassins  du  Rhône  et  de 
la  Seine  par  les  artères  que  nous  venons  d'indiquer;  aux  dé- 
partements isolés  de  l'ancienne  Bretagne  par  les  canaux  de 
Bretagne,  du  Blavet  et  d'Ille-et-Rance. 


—  281  — 

Le  système  de  canalisation  est  loin  d'être  complet.  Aussi 
les  travaux  projetés  dépassent-ils  de  beaucoup  en  impor- 
tance ceux  déjà  accomplis. 

Le  développement  qu'ont  pris  et  auquel  sont  appelés  les 
chemins  de  fer  semble  devoir  jeter  un  discrédit  sur  la  na- 
vigation intérieure.  C'est  une  concurrence  menaçante.  La 
rapidité  des  transports  de  la  voie  ferrée  est  un  appât  auquel 
pour  le  moment  tout  le  monde  se  laisse  entraîner.  Si  ce 
mouvement  conlinue,  les  canaux  seront  sans  doute  momen- 
tanément désertés. 

Toutefois, le  poidsénormeque  la  batellerie  peut  transporter 
avec  peu  de  matériel  parait  devoir  lui  conserver  longtemps 
sur  les  chemins  de  fer  l'avantage  du  bon  marché.  La  vitesse 
extrême  des  expéditions  n'est  pas  un  élément  de  valeur  pour 
tous  les  produits.  On  amène  aujourd'hui  à  Paris,  en  huit  ou 
dix  heures,  de  vingt  à  trente  lieues  et  plus,  des  pierres,  des 
solives,  des  fers,  qui  obstruent  des  semaines  entières  les 
gares  des  chemins  de  fer,  et  restent  ensuite  six  mois,  un  an, 
avant  d'être  employés.  Le  bénéfice  de  la  célérité  n'est  point 
en  ce  cas  une  compensation  à  la  cherté  du  transport.  Les 
houilles,  les  bois,  les  grains,  les  métaux,  les  matériaux  de 
construction,  matières  encombrantes  et  fort  lourdes,  conti- 
nueront de  choisir,  pensons-nous,  les  voies  navigables. 

Les  progrès  d'économie  et  les  perfectionnements  dont  la 
traction  des  chemins  de  1er  est  susceptible  sont  applicables 
à  la  navigation.  Aussi  doit-il  y  avoir  place  pour  la  batellerie 
à  coté  des  railsways.  La  concurrence  entre  ces  deux  espèces 
d'entreprises  importe  au  plus  haut  point  au  commerce,  déjà 
menacé  d'un  exhaussement  de  tarif  par  la  coalition  et  la  fu- 
sion des  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer. 

Les  canaux  furent  creusés  par  l'État.  Seulement  il  fallut, 
pour  subvenir  aux  dépenses,  recourir  au  crédit  privé. 

A  cet  eflet,  les  lois  des  5  août  1821  et  14  août  1822  sanc- 
tionnèrent les  traités  passés  par  le  ministre  avec  cinq  Com- 
pagnies ,  et  par  lesquels  le  gouvernement  empruntait  une 
somme  de  126,100,000  fr.  Ces  emprunts  ne  furent  point 
contractés  dans  la  forme  ordinaire  de  ceux  dont  nous  avons 
parlé  au  chapitre  de  la  Dette  publique. 

IG. 


—  282  — 

L'État  s'obligeait  envers  les  prêteurs  : 
1°  A  payer  rinlérèt  au  taux  suivant  : 

Canal  du  Hhône  au  l{liiii 6  »»  0,0 

Canaux  de  Bretagne 6  62 

Canal  du  Beiry 5  31 

—  du  Nivernais 5  28 

—  latéral  à  la  Loire 6  17 

—  d'Arles  à  Bouc 5  12 

—  de  Bourgogne 5  10 

2o  A  rembourser  en  quarante-cinq  annuités  le  capital ,  au 
moyen  d'une  prime  de  1  1/2  0/0  payée  sur  le  chiffre  inté- 
gral de  126,100,000  fr.  jusqu'à  remboursement  complet; 

3"  A  imputer  en  augmentation  du  fonds  d'amortissement 
l'excédant  des  recettes  (après  les  dépenses  de  surveillance  , 
perception,  intérêts  payés,  entretien  et  réparations); 

4°  A  leur  abandonner  l'excédant  des  revenus  au  delà 
de  8  0/0  ; 

5"  A  livrer  les  canaux  à  la  navigation  dans  un  délai  de 
10  ans,  sauf,  en  cas  de  retard,  à  payer  une  indemnité  de 
2  0/0  -, 

6»  A  laisser  aux  prêteurs  le  droit  de  fixer  les  tarifs  de  na- 
vigation ; 

7°  A  leur  accorder,  après  l'amortissement  complet ,  pen- 
dant une  période  de  99  ans  pour  le  canal  du  Rhône  au  Rhin, 
et  de  40  ans  pour  les  autres,  la  moitié  du  revenu  de  ces 
canaux. 

Ces  ressources  étaient  loin  de  suffire  à  rétablissement 
projeté  ,  et  l'État  dut  y  suppléer  par  d'autres  crédits.  Les 
dix  canaux  suivants  :  — Bourgogne,  Rhône  au  Rhin,  Arles  à 
Bouc,  latéral  à  la  Loire,  Berry,  Nivernais,  Centre,  trois  ca- 
naux de  Bretagne,  —  d'un  développement  de  1,970  kilo- 
mètres, ont  coûté  269,742,000  fr.  soit  une  moyenne  de 
137,000  fr.  par  kilomètre  environ. 

Les  Compagnies  concessionaires  des  emprunts  créèrent 
128,000  actions  de  1,000  fr.,  dites  actions  (V emprunts,  por- 
tant intérêt  et  remboursables  conformément  aux  conditions 
sus-énoncées.  Afin  de  réaliser  i  mmédiatement  l'éventualité 
de  partage  des  bénéfices  qui  devait  courir  dans  quarante- 


—  283  — 


cinq  ans,  elles  attachèrent  à  chaque  action  de  capital  une 
action  de  jouissance. 

Les  actions  de  jouissance  ne  représentent  donc  aucun  ca- 
pital versé,  mais  simplement  la  participation  éventuelle  au 
revenu  net  des  canaux,  qu'aurout  les  Compagnies  à  partir 
de  1867. 

En  1821-22,  on  n'avait  aucune  donnée  sur  les  probabili- 
tés de  gain  de  la  canalisation;  l'expéiience  n'était  pas  faite. 
Les  capitaux  étaient  chers ,  et  il  leur  fallait  un  puissant 
appât  pour  les  attirer.  Cependant  les  produits  de  la  naviga- 
tion intérieure  ne  répondirent  pas  à  l'attente.  Ils  n'ont  ja- 
mais dépassé  en  moyenne  1/2  0/0.  La  concurrence  des  che- 
mins de  fer  ne  semble  pas  devoir  les  améliorer. 

La  pratique  a  démontré  que  les  moindres  droits  de  navi- 
gation sont  prohibilifs.  Voici  un  tableau  représentant  les 
tarifs  légaux,  par  tonne  de  1,000  kilogr.  et  par  kilomètre  , 
sur  les  principaux  canaux.  Il  est  aisé  de  comprendre,  au 
simple  aperçu  des  prix,  qu'ils  n'ont  jamais  pu  être  appli- 
qués. 


OBJET. 

Canal 

du 
Midi. 

Canal 

de 
Briare. 

Canal 

du 

Centre. 

Canal 
Saint- 
Quentin. 

0,010 
0.()20 
0.020 
0.020 
0,020 
0.020 
0.020 
0.008 
0,0(iC 

Canaux 

de 
1821-22 

0,010 
0.048 
0.087 
0,0G7 
O.OSI 
O.OGO 
0,088 
0.040 
0,040 

Fumier,  sable  et  gravier.  , 
HmiillH 

O.O-jn 

0,027 
0,080 
0.080 

o.nso 

0.0 10 
0.080 
O.OOG 

M 

0,015 
0.020 
0.0.^4 
0.05  il 
0.120 
0.444 

o.oso 

0  019 
0.014 

0.020 
0.015 
0.040 
0.040 
0.040 
0.040 
0,040 
0.010 
0,012 

Farine 

Blé 

Vin 

Fer 

Tissus! 

Bois  fie  char|if'nte  (le  stère). 
Planches  et  chevrons  (iii.j. 

Les  moindres  droits  légaux  sur  la  houille  sont  de  0.015 
(canal  du  Centre)  par  tonne  et  kilomètre^  et  le  tarif  effectif 
de  navigation  sur  la  Saône  n'est  pas  plus  élevé  par  tonne  et 
mijriainètre. 

Au  fond,  qu'importait  aux  prêteurs  le  revenu  net  ou  brut 
de  l'entreprise?  n'avaient-ils  pas  pour  garantie  l'intérêt  et 
le  remboursement  des  actions  d'emprunt?  Le  droit  de  jouis- 
sance se  trouvait  seul  com|)romis.  Or,  c'était  là  une  clause 
aléatoire  dont  l'État  ne  pouvait  garantir  la  valeur. 


•   —  284  — 

Les  Compagnies  ne  l'entendirent  pas  ainsi.  Elles  entrepri- 
rent d'obliger  le  gouvernement  au  remboursement  des  ac- 
tions de  jouissance,  et  elles  s'armèrent  à  cet  effet  de  leur 
droit  de  tarification.  L'élévation  des  tarifs  n'eut  plus  pour 
but  une  augmentation  de  recettes,  mais  une  interdiction  ab- 
solue de  naviguer-,  elles  imposèrent  au  gouvernement  l'or- 
donnance du  17  avril  1843  qui  décuplait  les  droits  des  bois 
de  construction  et  triplait  ceux  des  bouilles  sur  le  canal  du 
Rhône  au  Rhin.  Les  réclamations  du  commerce  devaient , 
suivant  ce  chilfre,  forcer  la  main  au  ministère  et  l'obliger  à 
rendre  au  public  l'usage  des  canaux ,  moyennant  indemnité 
aux  Compagnies. 

Elles  demandèrent  en  conséquence  40  millions  de  leurs 
actions  de  jouissance.  Le  ministère  accepta  le  chiffre  et  pro- 
posa par  deux  fois  le  rachat  à  la  Chambre,  en  1843  et  en  1844. 
La  proposition  fut  repoussée  avec  vigueur. 

Le  gouvernement  dut  alors  faire  acte  d'autorité  et  rap- 
porter son  ordonnance  du  17 avril  1843.  Et  les  juifs  décrier 
à  la  spoliation,  et  de  poursuivre  leur  but  par  toutes  les  tra- 
casseries possibles  ! 

Atin  de  leur  donner  satisfaction,  une  loi  du  29  mai  1845 
décréta  le  rachat  en  principe  et  détermina  le  mode  d'évalua- 
tion de  la  manière  suivante  : 

«  Les  droits  attribués  aux  Compagnies  par  les  lois  des  5  août 
1821  et  14  août  1822,  représentés  par  les  actions  de  jouissance  des 
canaux  exécutés  par  voie  d'emprunt ,  pourront  être  rachetés  par 
l'Elat  pour  cause  d'utilité  publique.  Le  prix  du  rachat  sera  lixé  par 
une  commission  spéciale  instituée  pour  chaque  Compagnie  et  com- 
posée de  neuf  membres,  dont  trois  seront  désignés  par  le  ministre 
des  linances,  trois  par  la  Compagnie,  et  trois  par  le  premier  prési- 
dent et  les  présidents  réunis  de  la  Cour  royale  de  Paris.  » 

Ce  n'était  pas  le  principe  ,  mais  le  fait  que  voulaient  les 
Compagnies.  Aussi  revinrent-elles  à  la  charge. 

Deux  projets  de  rachat  furent  soumis  à  l'Assemblée  en 
1850  et  1851  ;  la  commission  chargée  de  l'examen  y  substi- 
tua un  projet  d'affermage,  qui  ne  viht  pas  à  discussion. 

Enfin  le  décret  du  21  janvier  1852  est  venu  donner  gain 
de  cause  aux  trois  Sociétés  les  plus  importantes. 


—  -285  — 

«  Il  sera  immédiatement  procédé,  dans  les  formes  prescrites  par 
la  loi  du  29  mai  1845,  au  rachat  des  droits  attribués  aux  Com- 
pagnies du  canal  du  Rhône  au  Rhin,  des  Quatre-Canaux  et  du  canal 
de  Bourgogne,  par  les  lois  des  o  août  1821  et  14  août  1822,  et 
représentés  par  les  actions  de  jouissance  desdits  canaux. 

ce  Le  capital  cpii  aura  été  fixé  pour  le  prix  du  rachat  sera  payable 
en  trente  annuités  composées  chacune  de  l'intérêt  à  4  0/0,  et  du 
fonds  d'amortissement  nécessaire  pour  opérer  en  trente  ans  la  li- 
bération de  l'État.  » 

La  loi  du  3  mai  1853  a  complété  l'opération  : 

«  Une  somme  de  7,480,742  fr.  80  c,  valeur  au  l^"' juin  1832,  est 
affectée  au  rachat  des  droits  attribués  à  la  Compagnie  du  Rhône  au 
Rliin,  représentés  par  les  actions  de  jouissance,  dont  le  prix  a  été 
fixé  le  4  juin  1832  par^la  commission  instituée  en  vertu  du  décret 
du  21  janvier. 

«  Un  titre  donnant  droit  à  trente  annuités,  chacune  de  la  somme 
de  432,612  Ir.,  sera  délivré  à  cet  effet  par  la  Compagnie,  en  rem- 
placement des  droits  attribués  aux  actions  de  jouissance  émises 
par  elle  et  dont  les  titres  seront  annulés. 

«  G  millions  sont  affectés  au  rachat  des  actions  de  jouissance  du 
canal  de  Bourgogne,  dont  le  prix  a  été  fixé  le  11  juin  1832  par  la 
commission.  Les  trente  annuités  sont  de  346,980  fr.  chacune. 

«  9,800,000  fr.  sont  affectés  au  rachat  des  actions  de  jouissance 
des  Quatre-Canaux,  suivant  le  prix  fixé  par  la  commission  le  12 
juin  1852.  Les  trente  annuités  sont  de  366,733 fr,  chacune.» 

Ainsi  nous  comptons  : 

Pour  le  canal  du  Rhône  au  Rhin.  .  .     7,480,7 12  SO 

Pour  le  canal  de  Bourgogne G.OOO.OOO 

Pour  les  Quatre-Canaux 9,800,000 

Total 23,280,742  80 

I\"oublions  pas  que  les  annuités  comprennent  l'intérêt  à 
•4  0/0.  En  sorte  que  les  trente  annuités  s'élèveront  : 

Canal  du  Rhône  au  Rhin  (432, G12  fr.  par  an)  à.  .     12,978,360  fr. 

—      de  Bourgogne  (34G.980  fr.  par  an)  à 10,409,400 

Quatre-Canaux  (566,735  fr.  par  an)  à 17,002,050 

Total  en  30  ans 40,389,810 

Nous  trouvons,  dans  le  rapport  de  la  commission  chargée 
de  l'examen  du  projet  de  rachat  en  1851 ,  les  chiffres  sui- 
vants : 


—  286  — 

«  En  1847,  année  de  prospérité  pour  la  navigation  intérieure, 

les  trois  canaux  de  Bretagne  ont  dépensé 6^3,3i9  k. 

«  lis  ont  produit 160,125 

«DÉFICIT 493,194 

«  Les  dix  canaux  ci-après  (dans  lesquels  se  trouvent  compris  les 
t  ois  de  Bretagne)  : 

Du  Nivernais,  1 

Du  Berry,  1 

Latéral  à  la  Loire,    f 

De  Nantes  à  Brest,    \    .     .         ,    .  ,     , 

D'Ille-et-Banee  /   A*^''*"™^  "^  jouissance  rachetées. 

Du  Bliivet, 
Du  Rhône  au  Rhin, 
De  BourgOfïne, 
D'Arles  à  Bouc, 
Du  Centre, 

ont  produit  pendant  six  ans,  —  de  1845  à  1850  inclusivement,  — 
3,805,576  l'r.,  soit  en  moyenne  562,579  fr.  16  c.  de  bénétice  net.  » 

Ce  serait  pour  les  droits  de  jouissance  des  sept  canaux  pro- 
ductifs une  annuité  de  281,239  fr.  58  c,  soit  40,177  fr,  08  c. 
par  canal,  et  pour  la  Compagnie  des  Qualre-Canaux,  néant. 

Voilà  les  éventualités  de  profits  que  le  gouvernement  rem- 
bourse au  prix  de  40  millions  et  plus,  40  millions  dont  il  n'a 
pas  touché  un  sou,  sur  lesquels  il  ne  doit  absolument  rien, 
puisque  le  droit  de  jouissance  était  une  clause  aléatoire  que 
le  contrat  ne'  garantissait  ni  en  minimum  ni  en  maximum. 
Les  conditions  du  prêt  sans*  cette  clause  étaient  déjà  trop 
onéreuses. 

Le  succès  des  trois  Compagnies  est  de  bon  augure  pour 
les  autres. 

Il  en  coûte  cher  pour  se  débarrasser  des  usuriers,  et  Mon- 
tesquieu a  eu  quelque  raison  d'écrire  : 

«  Les  banquiers  soutiennent  l'État  comme  la  corde  soutient  le 
pendu.  » 

QUATRE-CANAUX. 

(Paris,  20,  rue  Saint-Fiacre.) 

Les  canaux  de  Bretagne,  du  Nivernais^  du  Berry ^  et  le  ca- 
nal latéral  à  la  Loire  ne  forment  quune  Compagnie. 
Les  canaux  de  Bretagne  sont  au  nombre  de  trois.  —  1"  Le 


.  —  287  — 

canal  de  Nantes  à  Brest,  commencé  en  1806;  il  passe  suc- 
cessivement du  bassin  de  la  Loire  dans  celui  de  la  Vilaine , 
du  bassin  de  la  Vilaine  dans  celui  du  Blavet,  et  de  ce  der- 
nier dans  celui  de  lAulne,  qui  déboucbe  dans  la  rade  de 
Brest.  Il  a  374  kilomètres  de  développement  et  a  coûté 
45,646,667  fr.  —  2°  Le  canal  d'Ille-et-Rance,  commencé  en 
1804  :  il  a  pour  but  de  réunir  la  Manche  à  l'Océan  ;  il  passe 
du  bassin  de  l'IUe  dans  celui  de  la  Rance  et  débouche  dans 
la  Vilaine  vers  Rennes.  11  a  84,784  mètres  de  longueur, 
et  a  coûté  14,226,779  fr.  —  3°  Le  canal  du  Blavet ,  ouvert 
en  1825.  Ce  n'est  qu'un  embranchement  vers  la  mer  du 
canal  de  Nantes  à  Brest;  il  commence  par  Pontivy  et  se  ter- 
mine à  Hennebon,  où  le  Blavet  est  naturellement  navigable. 
Il  a  un  développement  de  59  kilomètres  et  demi,  et  a  coûté 
5,375,964  fr. 

'  Le  canal  du  Nivernais  commence  à  Auxerre,  remonte  la 
vallée  de  l'Yonne  jusqu'à  la  Chaise,  s'élève  jusqu'au  plateau 
de  Breuilles,  où  il  traverse  le  seuil  séparant  les  deux  bassins, 
et  descend  ensuite  vers  la  Loire  en  suivant  le  ruisseau  de 
Baye  jusqu'à  Mingot  et  la  vallée  de  l'Aron  jusqu'à  Decize.  11 
a  un  parcours  de  176  kilomètres,  et  a  coûté  30,317,871  fr. 

Le  canal  dît  Berry  se  compose  de  trois  branches  qui  se 
réunissent  en  un  même  point  près  de  Rhimbé.  La  première 
communique  au  canal  latéral  de  la  Loire,  en  aval  du  Bec- 
d'Allier,  en  suivant  la  vallée  de  l'Aubois.  La  seconde  se  di- 
rige vers  la  Loire  par  Bourges  et  Vierzon,  en  suivant  les  val- 
lées de  l'Aurai,  de  l'Yèvre  et  du  Cher.  La  troisième  remonte 
jusqu'à  Montluçoii  en  suivant  les  vallées  de  la  .Marmande  et 
du  Cher.  Il  communique  avec  le  canal  du  Rhône  au  Rhin 
par  le  canal  latéral  à  la  Loire  et  le  canal  du  Centie.  Il  a  été 
commencé  en  1808.  Son  développement  est  de  320  kilomè- 
tres; il  a  coûté  20,963,577  fr. 

Le  canal  latéral  à  la  Loire  prend  son  origine  à  Digoin,  et 
se  raccorde  à  5  kilomètres  de  cette  ville  avec  le  canal  du 
Centre.  Il  va  déboucher  dans  le  canal  de  Brinrc.  Commencé 
en  1822,  il  a  été  ouvert  en  1838.  Son  parcours  est  de  lî)8  ki- 
lomètres. Il  a  coûté  29.980,357  iV. 


—  288  — 

Le  montant  des  prêts  de  la  Compagnie  des  Quatre-Canaux 
s'élevait  à  68  millions  ainsi  répartis  : 

Canal  du  Nivernais.  ...  S  millions. 

—  du  Berry 12      — 

—  latéral  à  la  Loire  .  12      — 

—  de   Bretagne.  ...  36      — 

Les  actions  sont  de  1,000  fr.,  au  porteur  ou  nominatives; 
le  montant  en  a  été  acquilé  en  dix  ans,  de  1823  à  1832  ;  elles 
portent  intérêt  à  5  0/0,  et  sont  remboursables  à  1,250  fr., 
c'est-à-dire  avec  250  fr.  de  prime,  en  trente-cinq  tirages,  de 
1833  à  1867.  Les  arrérages  se  payent  le  le»"  avril  et  le  1*'  oc- 
tobre. 

L'action  de  jouissance  donnait  droit  à  1/68,000^  sur  la 
moitié  du  revenu  annuel  des  Quatre-Canaux  pendant  40  ans 
à  compter  de  1867.  On  vient  de  voir  que  cette  moitié  du  re- 
venu se  liquide  par  un  déficit  annuel  d'environ  500,000  fi». 
Cest  ce  droit  que  l'État  vient  de  racheter  au  prix  de  trente 
annuités  de  566,735  fr.  chacune.  Total  des  annuités,  inté- 
rêts compris,  17,002,950  fr. 

CANAL  DE  BOURGOGNE. 

(Paris,  50,  rue  Sainl-Fiacre.) 

Ce  canal  réunit  le  bassin  de  la  Seine  à  celui  du  Rhône. 
L'une  de  ses  embouchures  est  à  Saint-Jean-de-Losne,  l'autre 
à  la  Roche-sur- Yonne.  (iOmmencé  en  1775,  il  a  été  livré  à 
la  navigation  depuis  1832.  Son  développement  est  de  242  ki- 
lomètres. Il  a  coûté  54,403,314  fr. 

Los  actions  de  1,000  fr.,  valeur  nominale,  sont  au  nombre 
de  27,200;  elles  sont  remboursables  de  semestre  en  semestre 
jusqu'en  1868. 

Ces  actions  sont  au  porteur  et  jouissent  d'un  intérêt  de 
5  0/0  payable  au  Trésor  le  1"  avril  et  le  1"  octobre. 

Les  propriétaires  d'actions  au  porteur  ont  la  faculté  de  les 
déposer  contre  des  inscriptions  nominatives  transférables 
d'un  nom  à  un  autre,  et  qui  peuvent  se  convertir  en  titres 
au  porteur. 

Le  capital  prêté  était  de  26  millions.  î.es  27,200  actions 


—  289  — 

actuelles,  représonlcnt  un  capital  de  27,200,000  fr.,  com- 
prennent la  prime  d'amortissement  afTectéc  au  rembourse- 
ment. C'est  une  combinaison  par  laquelle  la  Compagnie  a 
transformé  immédiatement  en  capital  les  annuités  successi- 
vement payables;  de  sorte  que  les  actions  de  1,000  fr.  sont 
remboursables  au  pair. 

L'action  de  jouissance  donnait  droit,  pendant  40  ans,  à 
partir  de  1868,  à  1/27, 200"^  de  la  moitié  du  produit  net  an- 
nuel, évalué  par  approximation  à  40,177  fr.  08.  La  loi  du 
5  mai  a  racheté  ce  droit  au  prix  de  trente  annuités  de 
346,980  fr.,  soit,  avec  les  intérêts,  10,409,400  fr. 

CAXAL  ÎJU   RHOXE  AU  RHIX. 

(Paris,  12,  place  Vendôme.  —  Strasbourg.) 

Les  travaux  de  ce  canal,  autrefois  canal  de  Monsieur,  com- 
mencés en  1784,  n'ont  été  terminés  que  depuis  la  loi  de 
1833  ;  mais  la  partie  connue  sous  le  nom  du  canal  du  Doubs 
à  la  Saône  était  ouverte  dès  1790.  —  Il  prend  son  origine 
sur  la  Saône,  en  amont  de  Saint-Jean-de-Losne,  franchit  à 
Valdieu  le  faite  qui  sépare  les  deux  bassins,  et  vient  aboutir 
d.ms  rUl,  en  amont  et  près  de  Strasbourg.  Un  embranche- 
ment est  dirigé  de  Mulhausen  sur  Huningue  et  Bàle.  Son 
développement  total  est  de  349  kilomètres,  y  compris  l'em- 
branchement d'Hun  ingue,  qui  en  a  28.  Il  a  coûté  28, 19 1,803  fr. 

Le  capital  prêté  pour  l'achèvement  de  la  section  comprise 
entre  Besançon  et  Strasbourg  est  de  10  millions  de  francs, 
divisés  en  10,000  actions  au  porteur,  de  1,000  fr.  chacune. 

Les  actions  d'emprunt  portent  5  0/0  d'intérêt,  payable 
au  30  juin  et  au  31  décembre.  Elles  sont  accompagnées  d'un 
coupon  de  prime  de  250  fr.  payable  le  jour  du  rembour- 
sement. 

L'action  de  jouissance  donnait  droit  à  1/10,000^  du  pro- 
duit, soit  environ  4  fr.,  pendant  99  ans,  à  partir  de  l'achè- 
vement des  travaux.  Le  gouvernement  a  racheté  ce  droit  au 
prix  de  trente  annuités  de  432,612  fr.  chacune,  soit  avec 
les  intérêts  12,978,360  fr.,  ce  qui  fait  pour  chaque  action 
1 ,297  fr.  83  c. 

17 


—  290  — 

CANAL  D'ARLES  A  BOUC. 

(Paris,  20,  rue  Saint-Fiacre.) 

Ce  canal,  ouvert  sur  la  rive  gauche  du  Rhône,  a  pour  but 
d'offrir  à  la  navigation  une  voie  indépendante  des  accidents 
du  fleuve.  Entrepris  en  1802,  il  a  été  livré  à  la  navigation 
pour  une  partie  en  1829,  et  pour  le  reste  en  183,4.  Son  par- 
cours est  de  47,338  mètres.  11  a  coûté  11,147,448  fr. 

L'emprunt  affecté  à  ce  canal  était  de  5,500,000  fr.,  portant 
intérêt  à  5  3/25e  0/0,  et  remboursables  avec  prime,  il  s'est 
formé,  comme  pour  le  canal  de  Bourgogne,  une  société  ayant 
pour  but  la  capitalisation  immédiate  de  tout  ce  qui  excède 
5  0/0  des  annuités  payées  par  l'État  :  en  sorte  que  les  actions 
sont  au  nombre  de  6,000,  chacune  de  1,000  fr.  Elles  portent 
intérêt  à  5  0/0  l'an,  payable  le  l^r  avril  et  le  le»"  octobre,  et 
doivent  être  remboursées  par  voie  de  tirage  au  sort  depuis 
1829jusqu'en*1864. 

L'action  de  jouissance  donne  droit  à  1/6,000*  de  la  moitié 
du  revenu  pendant  40  ans,  à  partir  du  remboursement  com- 
plet des  actions  d'emprunt. 

TROIS-CANAUX. 

(Paris,  20,  rue  Saint-Fiacre.) 

La  Compagnie  des  Trois-Canaux ,  autrefois  du  duc  d'An- 
goulême,  comprend  le  canal  des  Ardennes,  le  canal  de  la 
Somme  et  la  navigation  de  l'Oise. 

Le  canal  des  Ardennes,  entrepris  en  1821,  a  pour  but  de 
réunir  les  vallées  de  l'Aisne  et  de  la  Meuse.  Il  prend  son 
origine  à  Donchery,  sur  cette  petite  rivière,  remonte  la  vallée 
de  la  Bar,  et  aboutit  à  Semny,  sur  la  rivière  de  l'Aisne.  De 
Semny,  il  se  prolonge  d'un  côté  dans  la  vallée  d'Aisne  jus- 
qu'à Neufchàlel  ;  de  l'autre  il  remonte  l'Aisne  jusqu'à  Vou- 
ziers.  Sa  longueur  est  de  105  kilomètres  et  demi.  Il  a  coûté 
un  peu  plus  de  15  millions. 

Les  travaux  du  canal  de  la  Somme,  commencés  en  1770, 
suspendus  et  repris  à  diverses  époques,  n'ont  été  terminés 


—  291  — 

que  depuis  1827.  Ce  canal  a  pour  but  d'établir  par  la  vallée 
de  la  Somme  une  communication  entre  Paris  et  la  mer.  11 
sVmbranche  près  de  Saint-Simon,  sur  le  canal  de  Crozat,  et 
vient  déboucher  sous  les  murs  de  Saint-Valéry.  Son  parcours 
est  de  156  kilomètres  et  demi.  11  a  coûté  9,389,1 13  fr. 

Le  canal  latéral  de  roise  a  été  ouvert  en  1828.  Sa  longueur 
est  de  28  kilomètres  et  demi.  Il  a  coûte  5,600,776  fr, 

La  réunion  de  ces  trois  canaux  en  une  même  Compagnie  a 
été  autorisée  par  ordonnance  du  3  mars  1835.  Ses  titres,  re- 
présentatifs d'un  prêt  de  17,600,000  fr.,  consistent  : 

1»  Li;i  19,600  actions  d'emprunt,  de  1,000  fr.  chacune,  va- 
leur nominale,  portant  intérêt  à  5  0/0,  payable  le  10  avril  et 
le  10  octobre.  Ces  actions  sont  garnies  de  feuilles  d'intérêts 
de  dix  semestres  au  plus,  sauf  renouvellement  à  mesure  des 
besoins; 

.2«  En  19,600  coupons  de  prime  de  250  fr.  chacun,  portant 
les  mêmes  numéros  que  les  actions  d'emprunt,  dont  ils  sont 
détachés  ; 

30  En  19,600  actions  de  jouissance  divisées  en  trois  sec- 
tions. —  Celles  de  la  première  donnent  droit  à  1/8,900*  des 
produits  éventuels  du  canal  des  Ardennes  ;  —  celles  de  la  se- 
conde à  1/7,350'  des  produits  du  canal  de  la  Somme;  — 
celles  de  la  troisième,  à  1/3,350^  des  produits  de  la  navigation 
de  rOise. 
Tous  ces  titres  peuvent  se  négocier  séparément. 
Les  actions  d'emprunt  se  remboursent,  avec  le  coupon  de 
prime  correspondant,  à  1,250  fr.,  soit  250  fr.  au-dessus  de 
leur  émission.  Le  tirage  se  fait  tous  les  six  mois. 

CANAUX    CONCÉDÉS  TE3IPORAIREMENT. 

Les  canaux  que  nous  classons  dans  cette  série  ont  été  com- 
mencés par  l'État,  les  villes  ou  les  particuliers,  et  achevés 
par  desCompagnies,  moyennant  des  concessions  temporaires, 
à  la  différence  de  ceux  dont  nous  venons  de  nous  occuper, 
qui  ont  été  exécutés  par  l'État  au  moyen  d'emprunts. 

1°  Le  canal  de  Beaucaire,  commencé  en  1773,  a  été  con- 
cédé en  1801  pour  80  ans.  11  prend  naissance  dans  le  Rhône, 


—  292  — 

près  lie  Beaiicàiro,  et  va  aboutir  à  Aigiies-Mortcs;  il  est  en 
commiuiicatioii  avec  la  Méditerranée.  Son  parcours  est  de 
70  kilomètres  et  demi.  Le  fonds  social  est  de  2,760,000  fr. 
divisé  en  552  actions  au  porteur,  de  5,000  fr.  chacune.  — 
Administration,  rueBasse-du-Rem[)art,  48. 

2°  La  Sensée  (département  du  Nord)  a  été  canalisée  dans 
une  longueur  de  26,700  mètres.  L'exploitation  en  a  été  con- 
cédée en  1818  pour  99  ans.  Le  capital  de  la  Société  est  de 
1 ,750,000  fr.  divisés  en  175  actions  nominatives  de  10,000  fr. 
—  Administration  à  Douai. 

3°  Le  canal  Saint- 3Ia?-t in,  d'un  parcours  de  6  kilomètres 
et  demi,  a  été  concédé  en  1821  pour  99  ans.  — Fonds  social  : 
3,600,000  fr.  divisés  en  3,600  actions  de  capital  de  1,000  fr., 
et  en  autant  d'actions  de  jouissance.  —  Administration,  rue 
Hauteville,  50. 

A°  La  Sambre  française  canalisée  est  concédée  pour  54 
ans  10  mois  à  partir  du  25  novembre  1838.  —  La  Société, 
primitivement  en  commandite,  s'est  transformée  en  ano- 
nyme en  1851.  Capital,  3  millions,  divisés  en  500  ac- 
tions nominatives  et  600  au  porteur,  de  5C0  fr.  chacune. 
Dernière  répartition,  121  fr.  —  Administration,  13,  rue  de 
Provence. 

5»  Jonction  de  la  Sambre  à  l'Oise.  Ce  canal  s^étend  de 
Landrecics  à  La  Fore  (66  kilomètres).  Il  a  été  concédé  pour 
99  ans  à  partir  de  1838.  —  Le  capital  de  la  Compagnie 
est  de  11,500,000  fr. ,  représenté  par  11,500  actions  de 
1,000  fr.  au  porteur.  —  Dernière  répartition,  67  fr.  50.  — 
Plusieurs  emprunts  ont  été  contractés  pour  l'achèvement  de 
ce  canal,  et  ont  donné  lieu  à  la  création  de  plusieurs  séries 
d'obligations,  dont  il  ne  reste  que  celles  de  1853,  au  nombre 
de  794,  émises  à  l,000fr.,  remboursables  à  1,050,  en  25  ans, 
et  portant  50  fr.  d'intérêt.  —  Administration,  rue  de  Pro- 
vence, 13. 

6°  La  Scarpe  est  canalisée  entre  le  fort  du  même  nom  et 
TEscaut,  dans  une  étendue  de  36  kilomètres  et  demi.  L'ex- 
ploitation en  a  été  concédée  en  1835  pour  68  ans.  —  Fonds 


—  293  — 

social  :  2,200,000  IV.,  divisés  en  2,200  actions  de  capital  de 
1,000  fr.  et  en  autant  d'actions  de  jouissance.  Dernière  ré- 
partition, 129  fr.  —  Administration,  rue  St-Guillaume,  31, 

CANAUX  COXCÉDÉS  A  PERPÉTUITÉ. 

Ces  canaux  ont  été  exécutés  par  les  Compagnies. 

1°  Le  canal  du  Languedoc^  avec  ses  embranchements,  a 
pour  but  de  relier  l'Océan  à  la  Méditerranée.  Il  a  un  par- 
cours de  297  kilomètres,  et  a  été  concédé  en  1666.  Il  était 
terminé  en  1684;  il  a  coûté  environ  13  millions  de  livres 
tournois,  soit  à  peu  près  40  millions  de  notre  monnaie.  — Le 
fonds  social  est  de  12,920,000  fr.  divisés  en  1,292  actions 
de  10,000  fr. 

2°  Le  canal  de  Givors  a  près  de  18  kilomètres.  La  conces- 
sion date  de  176l.  —  Le  fonds  social  est  de  6.000  actions, 
ou  mieux  de  6,000  titres  donnant  droit  à  1/6,000"  de  la  pro- 
priété du  canal,  de  ses  dépendances  et  de  ses  revenus.  —  Le 
siège  de  la  Société  est  à  Lyon  (1). 

3°  Le  ca7ial  d'Aire  à  la  Basses  (départements  du  Nord  et 
du  Pas-de-Calais)  a  été  concédé  en  1832.  Son  parcours  est  de 
42  kilomètres.  Le  fonds  social  est  représenté  par  600  titres 
évalués  en  capital  à  5,000  fr.,  et  donnant  droit  chacun  à 
1  600"  dps  produits  et  de  la  propriélé  du  canal.  Chaque  action 
peut  se  diviser  en  cinq  coupons.  Dernière  répartition,  540  fr. 
—  Administration,  rue  Saint-Guillaume,  12. 

4"  Le  canal  de  Roanne  à  Digoin  a  une  longueur  de  55  ki- 
lomètres. La  concession  date  de  1827.  —  Le  capital  de  la 
Société  se  compose  de  13,000  actions  donnant  droit  chacun 
à  1/13,000"  de  la  propriété  et  des  revenus  du  canal.  Dernière 
répartition,  11  fr. 

Tous  les  canaux  dont  il  vient  d'être  question  forment  en- 

(Ij  Ce  canal  a  été  affermé  par  la  Compagnie  générale  des  Mines  de  la 
Loire,  la»ineile  a  un  traité  de  transport  avec  la  Compaanie  du  ciiemin  de  fer 
de  Saint-Etienne  à  Lyon  ;  en  sorte  ijue  le  canal  se  trouve  à  peu  près  sans 
emploi. 


—  294  — 

semble  un  parcours  d'environ  2,807  kilomètres.  La  dépense 
qu'ils  auront  coûtée,  en  moyenne,  est  d'environ  124,000  fr. 
par  kilomètre  :  ce  qui  fait  pour  le  tout  un  capital  d'à  peu 
près  350  millions,  dont  l'intérêt,  à  5  0/0  seulement,  serait  de 
17,500,000  fr.,  et  dont  le  produit  net  est  à  peu  près  zéro. 

On  a  conclu  de  ce  fait,  et  fort  judicieusement  à  notre 
avis,  que  les  canaux  ne  peuvent,  financièrement,  être  trai- 
tés comme  des  entreprises  particulières,  qui  doivent  tou- 
jours, à  peine  de  ruine  et  suicide,  donner  intérêt  et  divi- 
dende; que  sous  ce  rapport,  les  canaux  sont  pour  des 
actionnaires  des  entreprises  médiocres,  sinon  tout  à  fait 
mauvaises;  qu'ils  doivent  rester  à  la  charge  de  l'État,  être 
affranchis  par  conséquent  de  tout  tarif,  et  que  leur  produit 
doit  se  trouver  dans  les  résultats  généraux  de  la  circulation. 

CANAUX  DIVERS  ET  RIVIÈRES  CANALISÉES. 

Il  existe  encore  d'autres  Sociétés  de  canaux  dont  les  litres 
ne  sont  pas  l'objet  de  négociations  importantes.  La  plupart 
de  ceux  que  nous  venons  d'énumérer  ne  figurent  même  pas 
au  bulletin  de  la  Bourse. 

Nous  nous  bornerons  donc,  afin  de  compléter  cet  inven- 
taire, à  donner  la  nomenclature  de  ces  canaux,  avec  l'indi- 
cation de  leurs  parcours  : 

Navigation  de  Lisle 144,969  mètres. 

Canalisation  de  la  Dopt 80,000 

de  l'Aa 28,315 

de  laColme 24,785 

du  Loing 56,553 

de  la  Dive 40,011 

de  la  Haute-Seine 43,729 

de  la  Drôme 37,000 

du  Loyon 60,000 

Canal  de  Grave 9,200 

d'Orléans 77,304 

de  Lunel 10,000 

de  Roubaix 13,346 

de  Saint-Quentin 51,829 

de  Deule  et  Lys 116,784 

des  Élangs 45,410 

de  Luçon.  .,,,,, 15,230 


—  295  — 

Canal  d'Hazebronck 26,329  mètres. 

de  Coulances 5,632 

de  Crozat 54,351 

de  rOiircq  et  Saint-Denis 100.522 

de  Dunker(]iie  à  Furnes 13,303 

de  Vire  à  Taute 3",C38 

de  la  Teste 140,000 

de  Préaven,  la  Nieppe  et  Labourse.  .  19,484 

de  Pont  de  Vaux » 

de  Vezère  et  Corrèze » 

d'Ardre 47,000 

de  Béthune 21,629 

de  Bergues  à  Dnnkerque 8,651 

de  Bergues  à  Furnes 13,800 

de  Bamhourg 21,462 

de  Saint-Omer 16,294 

de  Calais 29,542 

de  Courlavaut 10,000 

de  Gnines 6,120 

du  Centre 116,812 

de  Neuffossé » 

de  la  Marne  au  Rhin 318,146 

latéral  à  la  Garonne  (1) 204.070 

de  l'Aisne  à  la  Marne 58,150 

latéral  à  l'Aisne 51,500 

Deux  canaux  latéraux  à  la  Marne 76,000 

Tous  ces  canaux  réunis  forment  un  parcours  d'environ 
6,000  kilomètres,  qui,  joint  à  celui  des  fleuves  et  rivières 

navigables,  présente  un  développement  de  15,000  kilomè- 
tres de  ligne  navigable,  soit  environ  15  fois  la  traversée  de 
la  France  entière,  représentant,  avec  le  matériel  de  naviga- 
tion, un  capital  de  près  de  2  milliards. 


CHAPITRE    m. 

Chemins  de  fer. 

La  France  est  restée  longtemps  stationnaire  en  fait  de  che- 
mins de  fer.  La  Belgique,  l'Allemagne,  l'Angleterre,  LAmé- 

(1)  Ce  canal  se  trouve  aujourd'hui  compris  dans  la  eoncession  des  che- 
mins de  fer  du  Midi.  —  Voir  au  chapitre  suivant. 


—  296  — 

rique  du  Nord  étaient  sillonnées  en  tous  sens,  que  le  gouver- 
nement français  s'en  tenait  aux  petites  lignes  du  Gard,  de 
la  Loire,  de  Versailles  (1). 

Les  premières  voies  de  quelque  importance  furent  celle 
d'Orléans,  concédée  en  1838,  et  celle  de  Rouen,  en  1840. 

Enfin  la  loi  du  11  juin  1842  prit  définitivement  parti  pour 
le  nouveau  système  de  communication,  en  organisant  un 
vaste  réseaif  de  rail-way  qui  n'est  pas  encore  complètement 
terminé  aujouid'hui.  Nous  citons  les  principales  disposi- 
tions de  cette  loi . 

«  Art,  V".  Il  sera  établi  un  système  de  chemins  de  fer  se  diri- 
geant, 

,    «  1°  De  Paris  : 

«  Sur  la  frontière  de  Belgique,  par  Lille  et  Valenciennes; 

«  Sur  l'Angleterre,  par  un  ou  plusieurs  points  du  littoral  de  la 
Manche,  qui  seront  ultérieurement  désignés; 

«  Sur  la  frontière  d'Allemagne,  par  Nancy  et  Strasbourg; 

«  Sur  la  Méditerranée,  par  Lyon,  Marseille  et  Celte; 

«  Sur  la  frontière  d'Espagne,  par  Tours,  Poitiers,  Angoulême, 
Bordeaux  et  Bayonne; 

«  Sur  l'Océan,  par  Tours  et  Nantes; 

«  Sur  le  centre  de  la  France,  par  Bourges; 

«  2°  De  la  Méditerranée  : 
«  Sur  le  Rhin,  par  Lyon,  Dijon  et  Mulhouse; 
«  Sur  l'Océan,  par  Marseille,  Toulouse  et  Bordeaux.  » 

Si  l'on  se  décidait  tard,  on  avaithâte  de  rattraper  le  temps 
perdu. 

Dans  leur  empressement,  les  législateurs  n'adoptèrent  ni 
le  système  des  Compagnies,  ni  celui  de  l'exploitation  par 
l'État.  I^'examen  de  la  question  eût  sans  doute  demandé  trop 
de  temps.  L'article  2  n'exclut,  en  effet,  aucun  mode  de  con- 
struction. 

(I)  En  184{;,  la  Fiancu  n'avait  en   exploitation  que   98G  liilomètres  de 

chemins  de  fer,  ci 98G  kilom. 

La  Belgique  en  [lossédail 559 

L'_Alleniagne 3, '250 

l^a  Grande-Bretagne 3,400         ' 

Les  Étals-Unis 8,500 


-    -297  — 

tt  L'exécution  des  grandes  lignes  définies  par  l'article  l^""  aura 
lieu  par  le  concours  de  l'État,  des  départements  traversés,  des 
communes  intéressées  et  de  l'industrie  privée,  dans  les  proportions 
et  suivant  les  formes  établies  par  les  articles  ci-après. 

('  Néanmoins  ces  lignes  pourront  être  concédées  en  totalité  ou  en 
partie  à  l'industrie  privée,  en  vertu  de  lois  spéciales  et  aux  condi- 
tions qui  seront  déterminées  lors  de  l'adjudication. 

«  Art.  3.  Les  indemnités  dues  pour  les  terrains  et  bâtiments 
occupés  par  l'établissement  du  chemin  de  fer  seront  payées  par 
TÉtat;  mais  les  départements  et  les  communes  en  rembourseront 
les  deux  tiers.  » 

Une  loi  du  19, juillet  1845  a  abrogé  la  partie  de  cet  article 
relative  au  remboursement  par  les  départements  et  les  com- 
munes. 

«  Les  terrassements,  les  ouvrages  d'art  et  les  stations  seront  à  la 
charge  du  gouvernement. 

«  Art.  6.  La  pose  de  la  voie  de  fer,  y  compris  l'ensablement, 
le  matériel  d'exploitation,  les  frais  d'entretien  et  de  réparations, 
seront  à  la  charge  des  Compagnies. 

«  Art.  7.  A  l'expiration  du  bail,  la  valeur  de  la  voie  et  du 
matériel  sera  remboursée  à  dire  d'experts  à  la  Compagnie  sor- 
tante par  la  Compagnie  prenante  ou  par  l'État.  » 

Le  système  de  la  loi  de  1842  est,  comme  on  voit,  on  ne 
peut  plus  favorable  aux  Sociétés  financières.  Les  grosses  dé- 
penses sont  à  la  charge  du  budget. 

On  peut  dire  que,  dans  les  chemins  exécutés  suivant  cette 
loi,  l'État  fait  toutes  les  dépenses  et  se  retire  devant  les  Com- 
pagnies au  moment  de  réaliser  les  profits.  Que  reste-t-il  en 
effet,  après  les  achats  de  terrains,  les  travaux  d'art  et  les  ter- 
rassements, dont  les  frais  ne  sont  pas  appréciables  à  plu- 
sieurs millions  près?  La  voie  et  le  matériel,  c'est-à-dire  une 
dépense  certaine,  qui  se  suppute  avec  exactitude,  dont  cha- 
que année  d'exploitation  opère  l'amoitissemcnt. 

Remarquez  qu'à  l'expiration  du  bail,  l'Etat  doit  payer  aux 
Compagnies  leur  matériel  à  dire  d'experts;  il  s'oblige  à  faire 
â  cette  époque  la  dépense  devant  laquelle  il  recule  pour  le 
moment. 

Les  Compagnies,  n'ayant  que  des  concessions  temporaires, 
doivent  racheter  leurs  a(  tions  à  l'aide  de  produits  nets.  Une 

17. 


—  298  — 

somme  est  consacrée  chaque  année  à  cet  amortissement. 
Elles  se  trouveront  ainsi  remboursées  de  leurs  avances  à  la 
tin  de  leur  bail,  et  auront  eu  en  réalité  pendant  99  ans 
l'usage  GRATUIT,  et  parfois  avec  subvention  ou  garantie  d'in- 
térêt, de  chemins  de  fer  dont  la  construction  ne  leur  aura 
rien  coûté  du  tout.  Nous  soutenions  tout  à  l'heure,  p.  294, 
que  les  instruments  de  circulation  publique  devaient  être 
livrés  gratuitement  au  pays:  le  gouvernement  les  livre  pour 
rien  aux  Compagnies,  qui  se  font  fort  bien  payer  :  il  ne  s'est 
trompé  que  d'adresse. 

Le  mode  de  concession  n'est  pas,  avons-nous  dit,  le  même 
pour  tous  les  chemins. 

Ici,  en  effet,  des  lignes  sont  adjugées,  —  avec  ou  sans  sub- 
vention, avec  ou  sans  prêts,  avec  ou  sans  garantie  d'intérêts, 
—  dont  toutes  les  dépenses,  terrassements,  ouvrages  d'art, 
pose  de  la  voie,  matériel,  sont  à  la  charge  des  adjudicataires. 

Là,  le  gouvernement  commence  des  travaux  non  adjugés 
ou  continue  ceux  que  les  Compagnies  ont  abandonnés,  sauf 
à  se  faire  rembourser  en  cas  d'adjudication. 

Ailleurs,  la  construction  complète  est  à  la  charge  de  l'État; 
le  service  seulement  en  est  affermé  pour  un  prix  de 

Ce  dernier  mode  d'exploitation  sera,  pensons-nous,  celui 
de  toutes  les  voies  ferrées  quand,  par  rachat  ou  tin  de  con- 
cession, elles  auront  fait  retour  au  gouvernement. 

Les  traités  avec  les  Compagnies  n'ont  pas  tous  été  faits 
non  plus  suivant  un  même  principe.  Tantôt  les  adjudications 
ont  eu  lieu  avec  publicité  et  concurrence;  tantôt  les  conces- 
sions ont  été  directes.  Ce  dernier  mode  semble  définitive- 
ment adopté  depuis  l'Empire. 

Dans  tous  les  cas,  la  concession  précède,  comme  l'adjudi- 
cation, la  formation  des  sociétés  anonymes.  Les  capitalistes 
déclarés  adjudicataires  ou  concessionnaires  réalisent  alors, 
sans  bourse  délier,  des  bénéfices  superbes.  Seuls  détenteurs 
des  actions  au  pair,  s'ils  en  donnent  quelques-unes  à  leurs 
amis  et  aux  personnes  dont  l'influence  leur  est  nécessaire, 
c'est  pure  gracieuseté  ou  calcul.  Ainsi  les  22,000  actions  du 
chemin  de  fer  de  Versailles  (rive  droite)  ont  été  réparties  par 
l'acte  de  société  de  la  manière  suivante  : 


*  —  299  —  ' 

MM.  de  Rothschild  frères.  .  .  .  7,000 

d'Eichtal   et  flls 3,500 

Davilliers  et  C" 3,500 

Thiirneyssen  et  O  ...  3,500                   ■ 

Jacques  Lefebvre  et  C"".  .  3,500 

baron  Berthon 200 

V.  Lanjuinais 200 

Emile  Pereire 600 

Or,  le  jour  de  leur  émission ,  ces  mêmes  actions  ont  fait 
de  700  à  725  fr.  à  la  Bourse  :  ce  qui  permettait  aux  huit 
personnes  ci-dessus  nommées  de  réaliser  un  bénéfice  de 
plus  de  4  millions  et  demi  en  vendant  ce  jour  même ,  non 
l'action  portant  dividende ,  mais  la  promesse  d'action  en- 
traînant l'obligation  d'en  verser  le  montant.  C'est,  au  reste, 
l'histoire  de  la  plupart  des  sociétés  anonymes,  des  émissions 
d'obligations,  de  souscriptions  d'emprunt,  etc. 

Les  pins  anciens  chemins  de  fer  datent  au  plus  de  quinze 
années.  Les  moindres  concessions  avaient  plus  de  30  ans  de 
durée  ;  beaucoup  étaient  de  99  ans.  El  voilà  que  les  Compa- 
gnies sont  venues  à  la  suite  les  unes  des  autres  solliciter  des 
garanties  nouvelles  de  l'État,  des  accroissements  de  bnux  , 
des  fusions  I  Étaient-elles  lésées  dans  leurs  intérêts?  Les 
contrats  leur  semblaient-ils  onéreux?  Comment  concilier 
cette  hypothèse  avec  la  hausse  constante  des  actions  ,  dont 
quelques-unes  ont  plus  que  triplé  ? 

Quel  a  donc  été  le  mobile  des  hautes  administrations  en 
cette  occurrence?  C'est  que  la  spéculation  boursière  avait 
tiré  des  titres  à  peu  près  tout  ce  qu'ils  pouvaient  rendre.  11 
s'agissait  d'inventer  de  nouveaux  artifices ,  de  susciter  une 
hausse  quand  même,  afin  d'offrir  un  aliment  à  l'agiotage 
parasite.  Après  avoir  escompté,  en  cinq  ou  dix  ans,  40,  50, 
80  années  de  bail,  il  faut  escompter  en  un  délai  moindre  en- 
core les  prorogations  à  99  ans,  les  garanties  et  les  subven- 
tions de  l'État.  Et  l'on  parle  de  respect  des  conventions  ! 

Après  les  baux  à  90  ans  viendront  sans  doute  les  conces- 
sions perpétuelles,  puis  les  opérations  de  rachat  par  le  gou- 
vernement, dans  le  genre  de  celles  auxquelles  les  actions  de 
jouissance  des  canaux  ont  donné  lieu.  L'agiotage  n"a  pas 


—  302  — 

être  nul,  comme  nous  l'avons  dit  précédemment  à  l'occasion 
des  canaux.  Les  trains  de  plaisir  à  8  dixièmes  de  centime 
par  tête  et  kilomètre  sont  une  gracieuseté  des  Compagnies, 
qui  prouve  ce  que  pourrait  être  la  richesse  du  pays  et  l'ai- 
sance des  masses,  si  la  loi  du  meillem-  marché  était  suivie 
dans  toutes  les  circonstances  qui  en  sont  susceptibles.  C'est 
un  progrès  réservé  à  nos  descendants. 

Les  fusions  dont  nous  sommes  témoins  depuis  quelques 
années  ne  sont  pas  autre  chose  qu'une  assurance  mutuelle 
entre  les  grandes  Compagnies,  pour  le  maintien  des  tarifs  à 
un  taux  qui  leur  garantisse  le  maximum  de  produit  net. 
Sans  doute  le  gouvernement  s'est  réservé  un  droit  de  modi- 
fication. Mais  devant  la  résistance  des  financiers  que  ferait- 
il?  En  appellerait-il  à  la  force?  La  féodalité  capitaliste  peut 
mettre  sur  pied  une  armée  autrement  formidable  que  le  pou- 
voir :  rien  que  sa  retraite  amènerait  une  révolution. 

Une  question  qui  préoccupe  vivement  le  monde  commer- 
cial depuis  quelque  temps,  celle  des  tarifs  différentiels,  est 
une  preuve  de  Timpuissance  de  TÉtat  et  des  prescriptions 
légales  quand  il  plait  aux  grandes  Compagnies  de  se  mettre 
au-dessus  de  la  loi. 

«  La  perception  des  taxes,  disent  les  cahiers  des  charges,  aura 
lieu  par  kilomètre  et  par  tonne.  Elle  se  fera  indistinctement  et  sans 
aucune  faveur. 

«  Dans  le  cas  où  une  Compagnie  aurait  accordé  à  un  ou  plusieurs 
expéditeurs  une  réduction  sur  l'un  des  prix  portés  au  tarif,  avant 
de  le  mettre  à  exécution,  elle  devra  en  donner  connaissance  à  Tad- 
ministralion,  et  celle-ci  auKa  le  droit  de  déclarer  laréduction,  une 
fois  consentie,  obligatoire  vis-à  vis  de  tous  les  expéditeurs,  et  ap- 
plicable à  tous  les  articles  de  même  nature.  » 

Malgré  des  prescriptions  aussi  formelles  ,  les  Compagnies 
accordent  aux  expéditeurs  qui  peuvent  leur  assurer  un  fort 
tonnage  des  réductions  considérables.  C'est  ainsi  qu'un 
constructeur  de  navires,  M.  Vasse,  payait,  pour  transport 
de  ses  bois  de  Rouen  au  Havre,  10  fr.  40  c.  par  tonne,  tandis 
que  M.  Normand,  pour  les  mêmes  transports,  avait  obtenu 
un  tarif  réduit  de  4  fr.  55  c. 

De  pareilles  faveurs  ne  tendent  à  rien  de  moins  qu'à  rui- 
ner la  petite  et  moyenne  industrie  au  profit  de  la  grande  \  à 


—  303  — 

constituer  toutes  les  branches  de  la  production  en  un  vaste 
monopole  dont  les  chemins  de  fer  mêmes  sont  le  type  ;  à  con- 
sommer la  ruine  de  toute  concurrence  et  de  toute  garantie. 
Tandis  que  le  gouvernement  consulte  les  conseils  géné- 
raux et  les  chambres  de  commerce  sur  les  questions  de 
douane  et  rabaissement  des  droits,  les  Compagnies  du  Nord 
et  de  l'Est  accordent  aux  marchandises  étrangères  des  tarifs 
réduits  qui  tranchent  la  question  contre  le  travail  national. 

Nous  citons  le  Moniteur  de  la  Marine  du  15  mars  1856  : 

«  Les  prix  en  vigueur  de  Wissembourg  à  Paris  et  de  Paris  à 
Mouscron  s'élèvent  ensemble  à 87  10 

«  Un  projet  de  tarif  commun  aux  deux  Compagnies 
les  réduit  en  faveur  de  l'étranger,  à 54  05 

«  Différence 33  Oo 

«  Pour  les  expéditions  à  grande  vitesse,  ces  différences  sont 
encore  plus  sensibles;  ainsi  le  commerce  français  paye  : 

«  De  Strasbourg  à  Paris 209 

«  De  Paris  à  Mouscron 117 

«  Ensemble 326 

«  Les  marchandises  de  provenance  étrangère,  à  desti- 
nation de  la  Belgique,  ne  payeraient  pour  ce  même  par- 
cours, aux  termes  du  tarif  commun,  que 206  75 

((  Différence 119  25 

«  Les  prix  appliqués  pour  le  parcours  de  Bâle  à  Paris  et  de 

Paris  à  Mouscron  représentent  ensemble 381 

«  Ils  seraient  réduits,  pour  les  expéditions  de  l'étran- 
ger à  l'étranger,  à 242  20 

«  Différence 138  80 

Telles  sont  les  bonifications  accordées  au  commerce  étran- 
ger au  préjudice  du  commerce  français. 

Les  tarif  différentiels  ont  été  constamment  condamnés, 
à  l'origine,  par  les  tribunaux  de  commerce  et  les  cours  im- 
périales. Le  texte  du  cahier  des  charge  ne  laisse  en  etTet 
aucun  doute  :  «  La  perception  devra  se  faire  indistinctement 
et  sans  aucune  faveur.  »  Cependant  telle  est  la  puissance  de 
la  féodalité,  son  influence  sur  l'esprit  public,  que  de  récents 
arrêts  lui  ont  été  favorables  dans  cette  question. 


—  302  — 

être  nu],  comme  nous  l'avons  dit  précédemment  à  l'occasion 
des  canaux.  Les  trains  de  plaisir  à  8  dixièmes  de  centime 
par  tête  et  kilomètre  sont  une  gracieuseté  des  Compagnies, 
qui  prouve  ce  que  pourrait  être  la  richesse  du  pays  et  l'ai- 
sance des  masses ,  si  la  loi  du  meilleur  marché  était  suivie 
dans  toutes  les  circonstances  qui  en  sont  susceptibles.  C'est 
un  progrès  réservé  à  nos  descendants. 

Les  fusions  dont  nous  sommes  témoins  depuis  quelques 
années  ne  sont  pas  autre  chose  qu'une  assurance  mutuelle 
entre  les  grandes  Compagnies,  pour  le  maintien  des  tarifs  à 
un  taux  qui  leur  garantisse  le  maximum  de  produit  net. 
Sans  doute  le  gouvernement  s'est  réservé  un  droit  de  modi- 
fication. Mais  devant  la  résistance  des  financiers  que  ferait- 
il?  En  appellerait-il  à  la  force?  La  féodalité  capitaliste  peut 
mettre  sur  pied  une  armée  autrement  formidable  que  le  pou- 
voir :  rien  que  sa  retraite  amènerait  une  révolution. 

Une  question  qui  préoccupe  vivement  le  monde  commer- 
cial depuis  quelque  temps,  celle  des  tarifs  différentiels,  est 
une  preuve  de  l'impuissance  de  l'État  et  des  prescriptions 
légales  quand  il  plaît  aux  grandes  Compagnies  de  se  mettre 
au-dessus  de  la  loi. 

«  La  perception  des  taxes,  disent  les  cahiers  des  charges,  aura 
lieu  par  kilomètre  et  par  tonne.  Elle  se  fera  indistinctement  et  sans 
aucune  faveur. 

«  Dans  le  cas  où  une  Compagnie  aurait  accordé  à  un  ou  plusieurs 
expéditeurs  une  réduction  sur  l'un  des  prix  portés  au  tarif,  avant 
de  le  mettre  à  exécution,  elle  devra  en  donner  connaissance  à  Tad- 
miriistration,  et  celle-ci  auKa  le  droit  de  déclarer  laréduction,  une 
fois  consentie,  obligatoire  vis-à  vis  de  tous  les  expéditeurs,  et  ap- 
plicable à  tous  les  articles  de  même  nature.  » 

Malgré  des  prescriptions  aussi  formelles  ,  les  Compagnies 
accordent  aux  expéditeurs  qui  peuvent  leur  assurer  un  fort 
tonnage  des  réductions  considérables.  C'est  ainsi  qu'un 
constructeur  de  navires,  M.  Vasse,  payait,  pour  transport 
de  ses  bois  de  Rouen  au  Havre,  10  fr.  40  c.  par  tonne,  tandis 
que  M.  Normand,  pour  les  mêmes  transports,  avait  obtenu 
un  tarif  réduit  de  4  fr.  55  c. 

De  pareilles  faveurs  ne  tendent  à  rien  de  moins  qu'à  rui- 
ner la  petite  et  moyenne  industrie  au  profit  de  la  grande  j  à 


—  303  — 

constituer  toutes  les  branches  de  la  production  en  un  vaste 
monopole  dont  les  chemins  de  fer  mêmes  sont  le  type  ;  à  con- 
sommer la  ruine  de  toute  concurrence  et  de  toute  garantie. 
Tandis  que  le  gouvernement  consulte  les  conseils  géné- 
raux et  les  chambres  de  commerce  sur  les  questions  de 
douane  et  rabaissement  des  droits,  les  Compagnies  du  Nord 
et  de  l'Est  accordent  aux  marchandises  étrangères  des  tarifs 
réduits  qui  tranchent  la  question  contre  le  travail  national. 

Nous  citons  le  Moniteur  de  la  Marine  du  15  mars  1856  : 

«  Les  prix  en  vigueur  de  Wissembourg  à  Paris  et  de  Paris  à 
Mouscron  s'élèvent  ensemble  à 87  10 

«  Un  projet  de  tarif  commun  aux  deux  Compagnies 
les  réduit  en  faveur  de  l'étranger,  à 54  05 


«  Différence 33  05 

«  Pour  les  expéditions  à  grande  vitesse,  ces  diAV-rences  sont 
encore  plus  sensibles;  ainsi  le  commerce  français  paye  : 

«  De  Strasbourg  à  Paris 209 

«  De  Paris  à  Mouscron tl7 

«  Ensemble 326 

«  Les  marchandises  de  provenance  étrangère,  à  desti- 
nation de  la  Belgique,  ne  payeraient  pour  ce  même  par- 
cours, aux  termes  du  tarif  commun,  que 206  75 

«  Différence H9  25 

«  Les  prix  appliqués  pour  le  parcours  de  Bâle  à  Paris  et  de 

Paris  à  Mouscron  représentent  ensemble 381 

«  lis  seraient  réduits,  pour  les  expéditions  de  l'étran- 
ger à  l'étranger,  à 242  20 


«  Différence 138  80 

Telles  sont  les  bonifications  accordées  au  commerce  étran- 
ger au  préjudice  du  commerce  français. 

Les  tarif  différentiels  ont  été  constamment  condamnés, 
à  Forigine,  par  les  tribunaux  de  commerce  et  les  cours  im- 
périales. Le  texte  du  cahier  des  charge  ne  laisse  en  effet 
aucun  doute  :  «  La  perception  devra  se  faire  indistinctement 
et  sans  aucune  faveur.  »  Cependant  telle  est  la  puissance  de 
la  féodalité,  son  influence  sur  Tesprit  public,  que  de  récents 
arrêts  lui  ont  été  favorables  dans  cette  question. 


—  304  — 

Le 'sacrifice  de  la  production  iiidigè)ie  à  Pétranger,  du 
petit  commerce  aux  gros  monopoles,  de  la  nation  à  une  poi- 
gnée d'accapareurs,  s'appelle,  dans  certain  jargon  économi- 
que, la  liberté  des  transactions.  Il  nous  faut  arracher  ce 
masque  à  l'hypocrisie  et  à  la  sottise. 

«  A  l'exception  de  la  ligne  de  Lyon  et  de  celle  du  Nord,  dit  le 
Journal  des  Chemins  de,  fer,  toutes  les  autres  doivent  la  plus  grande 
partie  de  leur  dividende  à  la  subvention  qu'elles  ont  reçue  de 
l'Etat  (et  des  localités).  Sans  cette  subvention,  le  revenu  moyen, 
qui  sera  cette  année  d'environ  15  0/0,  ne  dépasserait  guère  6  à  7; 
il  resterait  même  infériein*  à  5  pour  la  ligue  qui  a  les  plus  belles 
espérances  au  point  de  vue  financier,  celle  de  la  Méditerranée.  » 

Voyons  un  peu  quelle  est  la  part  contributive  des  Compa- 
gnies dans  ces  vastes  monopoles  qu'elles  considèrent  comme 
leur  propriété  intégrale. 

Les  fonds  engagés  dans  les  chemins  de  fer  s'élèvent,  d'a- 
près le  Rnpjiort  du  minisire  des  travaux  publics,  du  30  no- 
vembre 1856,  à  9,080,494,973  fr.  Us  proviennent  de  trois 
sources  :  1°  les  actions;  2''  les  obligations;  3°  les  subven- 
tions de  rÉtat,  des  déparlements  et  des  communes. 

Les  actions  ont  droit  à  l'intérêt,  au  dividende  et  à  Tamor- 
lissement;  les  obligations  reçoivent  un  intérêt  fixe  et  le 
remboursement  augmenté  d'imc  prime;  l'État  ne  touche  ni 
amortissement,  ni  intérêt.  Outre  les  charges  qui  lui  incom- 
bent, il  assure  encore  à  la  plupart  des  Compagnies  une  ga- 
rantie d'intérêt  de  4  0/0  pendant  50  ans. 

Le  capital  d'actions  est  à  peu  près  définitivement  fixé; 
mais  celui  des  obligations  varie  tous  les  jours  par  de  nou- 
velles émissions;  dans  quelques  années  il  sera  double  du 
premier. 

Eh  bien!  les  actionnaires,  qui  n'ont  contribué  que  pour 
un  tiers  à  l'établissement  des  chemins  de  fer,  ont  seuls  droit 
d'assister  à  l'assemblée,  de  disposer  de  la  propriété  collec- 
tive comme  s'ils  en  avaient  fait  tous  les  frais.  Ou  plutôt 
l'actionnaire  lui-même  n'est  qu'une  fiction.  Jamais  assem- 
blée n'a  improuvé  des  comptes  ou  refusé  de  voter  les  propo- 
sitions du  conseil  d'administration.  Qui  reste  donc  proprié- 
taire souverain,  souverain  arbitre  des  tarifs,  des  transports, 


—  305  — 

de  la  fortune  de  l'État  et  des  particuliers?  I,es  administra- 
teurs! Et  si  dans  les  conseils  on  faisait  abstraction  des  com- 
parses, mis  là  pour  faire  nombre,  on  ne  trouverait  pas  en 
tout  vingt  ou  trente  pachas,  disposant  de  ces  trois  milliards 
et  de  bien  d'autres  comme  de  leur  bien. 

Par  des  dividendes  de  15  0/0  et  plus,  ils  se  sont  forme  une 
clientèle  de  ])auvres  hères  de  capitalistes  qui  n'hésitent  pas 
à  se  classer  eux-mêmes  au  nombre  des  privilégiés.  Triples 
niais!  Ces  actions  de  60  à  80  fr.  de  revenus  annuels,  ils  les 
ont  payés  de  1,200  à  1,800  fr.  ;  ce  qui  représente  un  intérêt 
de  5  à  6  0/0,  que  les  Compagnies  savent  hicn  leur  reprendre 
sous  forme  de  taxes  au  maximum,  lorsqu'ils  traitent  avec 
elles  comme  expéditeurs.  Quant  aux  tarifs  réduits^  ils  sont 
réservés  par  privilège  aux  monopoleurs  qui  ont  vendu  à  1,200 
et  1,800  fr.  les  actions  de  500.  Est-ce  pour  un  tel  résultat 
que  le  Trésor  public  a  fait  de  si  énormes  sacrifices? 

Le  Rappori  du  ministre  des  travaux  publics  du  30  novem- 
bre dernier  établit  ainsi  l'état  du  réseau  à  la  fin  de  1856  : 


COMPAGNIES. 

au  F 

concédée. 

LONGUEUR 

janvier 

eipIoUée. 

kilom. 
793 

1,107 

87  G 

1,223 

655 

265 

550 

74 

56 

125 

715 

25 

19 

» 

» 

» 

17 

1857 
à  construire 

kilom. 
978 
144 

1,788 

kilom. 
185 
144 
681 
902 
522 
332 
405 
69 
154 
36 

1.105 
106 

» 

9 

30 

52 

18 

» 

Est                                      .  .                  ... 

Ouest 

1,778 

1,745 

987 

G70 

GI9 

228 

92 

1,230 

Orléans 

Paris  à  Lyon  par  la  Boiirgor;ne 

Parisàl.yon  par  le  lîourbonnais 

Lvou  à  la  Méditerranée 

Lyon  à  (lenève  et  eoibranchements 

Saiiil-Raniliert  à  Gi'enoble 

Midi 

821 
25 
19 
9 
30 
52 
18 
17 

Paris  à  Sceaux  et  Orsay 

Haulmonl  à  la  fronlière      .         .         .... 

Bessé^es  à  Aiais 

Carmaux  à  Albi 

'loi M  X 

11,250 

6,500 

4,750 

—  306  — 

Nous  ne  suivrons  pas  strictement,  dans  la  suite  de  ce 
chapitre,  les  chiffres  du  Bapport,  qui  du  reste  «  ne  comprend 
pas  684  kilomètres  dont  la  concession  a  été  décrétée  à  titre 
éventuel.  » 

Il  faut  avoir  cherché,  comme  nous  l'avons  fait,  à  se  rendre 
un  compte  exact  de  létat  des  chemins  de  fer  pour  avoir  une 
idée  des  difficullés  que  rencontre  celte  exploration.  Le  mi- 
nistère des  travaux  publics  vient  de  publier  un  volumineux 
in-quarto  intitulé  Documents  statistiques  sur  les  chemins  de 
fer,  imprimerie  impériale,  1856;  et  chose  remarquable,  la 
Commission,  quoique  formée  de  gens  du  métier,  placée  dans 
les  meilleures  coudilions  pour  relever  un  pareil  inventaire, 
formule  les  mêmes  plaintes  que  nous  : 

«  La  Commission  ne  peut  dissimuler  à  Votre  Excellence  que, 
malgré  les  efforts  qu'elle  a  faits,  malgré  tous  les  soins  qu'elle  a 
apportés  à  l'accomplissement  de  sa  tâche,  elle  s'est  trouvée  en 
présence  de  diflicultés  qu'elle  n'a  pu  résoudre  qu'incomplète- 
ment... Toutefois,  elle  espère  que  l'examen  des  documents  qu'elle 
a  réunis  et  classés  fera  ressortir  des  résultats  intéressants  et  de 
nature  à  frapper  les  esprits  qui  s'occupent  de  ces  questions.  » 

Nous  dirons  aussi  que  l'ensemble  de  notre  étude  sur  les 
chemins  de  fer  suffira,  malgré  quelques  incorrections  qui 
ne  sont  pas  de  notre  fait,  à  éclairer  les  intéressés  et  le  pu- 
blic sur  celte  grave  matière. 

Voici  d'abord,  d'après  M.  Perdonnet,  le  tableau  du  coût 
moyen  par  kilomètre  des  chemins  de  fer  en  France  et  à  l'é- 
tranger : 

Angleterre 530,000  fr. 

France 391,000 

Belgique 270,000 

Allemagne 201,000 

Amérique  (une  voie) 96,600 

Mais  les  grandes  artères  en  France,  le  Nord,  Paris-Stras- 
bourg, Orléans,  Paris-Lyon,  Méditerranée,  le  Havre,  revien- 
nent à  463,000  fr.  par  kilomètre,  ainsi  répartis  : 

Administration,  frais  généraux.   .   .  .       17,000  fr. 
.\clial  des  terrains G5,000 


•    —  307  — 

Terrassements  et  travaux  d'art.  .  .  .  150,000 

Bàtimenl.s,  stations,  ateliers 48,000 

Double  voie  et  ballast 122.000 

Matériel  d'exploitation 61,000 

Or,  le  Rapport  précité  du  30  novembre  1856  détermine 
comme  suit  la  participation  des  Compagnies  et  de  l'Étal 
dans  les  travaux  exécutés  : 


De  1823  à  1829 

De  1830  à  1S41 

De  1842  à  1847 

De  1848  à  1851 

De  1852  à  1854 

Année  1855 

Année  1856 

Totaux 

A  déduire  pour  rembourse- 
ments à  effectuer  en  1855   ef 

1856 

Totaux  généraux.  .  . 


par  l'État. 


DEPENSES  FAITES 

par  les 
Compagnies. 


3,228,740 

278,553,677 

298,417,147 

51.187,751 

55,200,000 

20.286.000 


706,873,315 
4  5,  ,565,(^00 


6Cl,308,3i5 


totales. 


3.300,000 
172,097,753 
509,411,555 
198,711,088 
641,090.064 
430,40C,485 
458,.S69.713 


3,300.000 
176.326.493 
787,965,232 
497,128,235 
697,877.815 
485.606,485 
478,855,713 


2,419,180,658 


2.419,186,658 


3,126,059,973 


45.565,000 


3,080.494,973 


Enfin  le  tableau  saivant  nous  donne  les  principaux  résul- 
tats de  l'exploitation  en  1855  : 


COMPAGNIES. 

RECETTES.     DÉPENSES. 

NET. 

RAPPORT 

de  la  dépense 
à  la  recette. 

Orléans 

Nord 

Est 

Lyon 

Méditerranée 

Ouest 

Totaux  .   .  . 

57.378,719 
47,966,168 
39,061,386 
41,457,778 
23,309.572 
33.856,862 

24;i.030,485 

30,951,762 
18,053,927 
15.437.043 
14,901,047 
9,317,745 
13.857,458 

102,518,982 

26,426,957 
29.912,240 
23,624,343 
26,756,731 
13,991,827 
19,999,404 

140.511.502 

36  92  0/0 

37  04  00 
37  01  0/0 
35  94  0/0 
40  »»  0,0 
39  75  0/0 

37  77  0/0 

Sur  ce  produit  net  de  140  millions  et  demi,  il  reste  à  pré- 
lever la  réserve,  l'intérêt  et  l'amortissement  des  emprunts, 
l'amortissement  des  actions,  les  remboursements  à  l'État,  la 
caisse  des  retraites,  la  participation  des  employés  dans  cer- 


—  308  — 

laines  compagnies,  etc.  Il  y  aurait  à  prélever  aussi  la  réserve 
pour  le  renouvellement  de  la  voie  (rails,  traverses,  coussi- 
nets); pour  le  renouvellement  du  matériel  roulant  (machines, 
wagons)-,  pour  le  remplacement  des  matériaux  susceptibles 
de  détérioration  dans  les  travaux  d'art  :  dépenses  que  les 
Compagnies  imputent  aujourd'hui  au  compte  du  Capital, 
parce  qu'elles  ont  distribué  en  dividende  ce  produit  brut, 
afin  de  pousser  à  la  hausse  des  actions. 

Les  sommes  de  toute  provenance  engagées  dans  les  che- 
mins de  fer  étant  à  la  fin  de  1856,  de.  .  .  3,080,494,973  f. 
et  celles  dépensées  en  1855  et  1856,  de.  .      964,462,198 

le  capital,  à  la  fin  de  1854,  était  de.  .  .  .  2, 116,032,775  f. 

C'est  ce  capital  de  2  milliards  116  millions  qui  a  produit 
en  1855,  année  de  l'exposition,  un  revenu  brut  [brut.,  disons- 
nous,  non  pas  net)  de  140  millions  et  demi,  soit  6  60  0/0; 
ce  qui  ne  laisse  pas  5  0/0  de  revenu  net. 

Déjà  les  produits  de  l'exploitation  ont  commencé  à  baisser 
d'une  manière  sensible.  D'après  le  Moniteur  du  10  février 
1857,  tandis  que  lareceUe  hnile,  pour  la  totalité  des  lignes 
exploitées  pendant  l'année  1855  avait  été  de  258,997,329, 
soit,  pour  une  moyenne  de  5,047  kilomètres,  51,317  fr.  par 
kilomètre;  elle  n'a  plus  été,  en  1856,  que  de  281,150,263  fr., 
soit,  pour  une  moyenne  de  5,860  kil.,  47,978  fr.  par  kil.  : 
ce  qui  accuse  une  diminution  de  6  51  p.  0/0. 

Et  c'est  sur  les  meilleures  ligues,  Orléans  et  Nord,  que  se 
fait  sentir  surtout  la  diminution. 

Avis  aux  actionnaires  I 

Aujourd'hui  les  chemins  les  plus  avantageux  sont  ter- 
minés ;  les  centres  de  grande  production  et  de  transit  sont 
desservis  depuis  longtemps.  Ce  qui  reste  à  construire  peut 
être  considéré  comme  une  charge  plutôt  que  comme  une 
source  de  produits.  Les  ingénieurs  promettent,  il  est  vrai, 
pour  les  constructions  l'utuies,  des  conditions  superbes  de 
bon  marché.  Ainsi,  d'après  leurs  évaluations,  le  réseau  pyré- 
néen, montagneux  et  accidenté,  ne  coulerait  pas  plus  de 
208,320  fr.  par  kilomètre. 


—  309  — 

Mais  on  sait  à  quoi  s'en  tenir  snr  les  évaluations  de  mes- 
sieurs dos  ponts  et  tliaussées.  Lu  ligue  do  Lyon  devait,  sui- 
vant eux,  coûter  180  millions  ;  elle  en  absorbera  plus  de  300. 
Puis  lÉtat  ne  sait  rien  refuser  à  ces  messieurs,  pas  même  les 
fantaisies.  La  construction  de  la  .gare  du  boulevard  Mont- 
parnasse, inaccessible  aux  voitures  du  roulage,  débarquant 
ses  bagages  au  premier,  pour  les  descendre  au  rez-de-cbaus- 
sée,  cette  gare  impraticable,  qui  n'allonge  pas  la  ligne  de 
100  mètres,  a  coûté  à  l'État  5  millions  et  demi. 

Si  les  meilleures  lignes  ne  produisent  pas  plus  de  5  à  6  0/0 
du  capital  engagé,  que  sera-ce  des  autres? 

La  seule  conclusion  à  tirer  de  cet  état  de  choses,  c'est  que 
les  chemins  de  fer,  de  même  que  les  canaux  et  les  routes, 
sont  des  instruments  de  travail  exceptionnels,  qui  doivent 
être  employés  avec  discernement,  et  exploités  au  point  de 
vue  du  minimum  de  rendement,  des  simples  frais  d'entre- 
tien. Les  sacrifices  consentis  par  le  Trésor,  la  médiocre  rétri- 
bution des  porteurs  dobligations,  qui  dans  un  an  auront 
fourni  plus  de  fonds  que  les  actionnaires,  les  actions  elles- 
mêmes,  réduites,  par  leur  cherté,  à  un  revenu  minime,  font 
une  loi  de  changer  les  bases  du  système  et  de  faire  profiler 
le  public,  la  masse  des  producteurs,  de  ces  nouveaux  moyens 
de  transport  en  généralisant  le  système  des  tarifs  réduits, 
tant  sur  la  grande  que  sur  la  petite  vitesse  (1). 

Nous  avons  parlé  précédemment  du  Sous-Comptoir  des 
chemins  de  1er.  Pendant  la  dernière  guerre,  les  Compagnies 
durent  se  féliciter  d'avoir  fondé,  en  1850,  cette  institu- 
tion, dont  peut-être  elles  ne  calculaient  point  alors  toute  la 
portée. 

Instruites  par  la  crise  de  1848,  elles  s'étaient  cotisées  pour 
créer,  à  côté  du  Comptoir  national  d'escompte  de  Paris,  et  à 
l'usage  particulier  des  porteurs  d'actions  de  ch(  miiis  de  fer, 
un  Sous-Comptoir  de  garantie,  au  capital  de  4  millions.  La 
mission  de  ce  Sous-Comptoir  est  de  s'employer,  comme  in- 
termédiaire, moyennant  des  sûretés  qui  lui  seront  données 
par  voie  de  nantissement,  pour  procurer  à  ces  porteurs, 

;r  Voir  Drs  lléfo  mes  ii  opcrcy  dam  i F.xphitation  des  Chemins  de  fer. 


—  310  — 

soit  par  engagement  direct,  soit  par  aval,  soit  par  endosse- 
ment, l'escompte  de  leurs  effets.  C'est  le  principe  du  mutuel- 
lisme,  déjà  invoqué  par  le  Crédit  mobilier,  qu'adoptent  à 
leur  tour  les  Compagnies  de  chemins  de  fer,  et  qui,  généra- 
lisé et  étendu  à  toutes  les  espèces  de  valeurs  commerciales, 
conduirait  à  une  révolution  complète  du  crédit,  et,  par 
suite,  de  l'organisation  agricole  et  industrielle. 


CIllùMI.X  1)E  FER  DIT  XORD. 

(CompagnieM  fusionnées.) 

(Siège  de  la  Société  :  Paris,  gare  du  Nord.) 

Le  chemin  de  fer  du  Nord,  dont  rétablissement  a  été  or- 
donné parla  loi  du  11  juin  1842,  elle  tracé  principal  arrêté 
par  celle  du  20  juin  1844,  comprend,  d'après  V Indicateur 
des  Chemins  de  fer^  avec  les  embranchements,  791  kilomè- 
tres en  exploitation,  savoir  : 

Paris  à  Mouscron  par  Lille 2SG  kiiomèlies, 

Amiens  à  Boulogne 123 

Lille  à  Calais  par  Hazebrouck 104 

Hazebroiiek  à  Dunkerqiie 41 

Douai  à  Quiévrain  par  Valenciennes  ....       48 
Creil  à  Erquelines  par  Sainl-Queiitin.  ...     181) 
En  construction,   d'après  les  Documents  statistiques  du 
ministère  des  travaux  publics,  182  kilomètres  : 

Hautoiont  à  la  frontière 8 

La  Fère  à  Reims 80 

Paris  à  Creil  (direct) iO 

Noyelle   à  Saint-Valery 6 

Busigny  à  Somain 49 

Ces  tracés  touchent  par  trois  points  à  la  mer  :  Boulogne, 
Calais,  Dunkerque-,  en  terre  ferme  ils  se  rarcordent  avec  les 
chemins  belges. 

La  ligne  directe  de  Paris  à  Creil  gagne  17  kilomètres  sur 
le  tracé  par  Pontoise;  rembranchement  de  Noyelle  à  Saint- 
Valery  touche  à  la  mer  par  un  quatrième  point;  celui  de 
Somain  à  Busignj^  relie  les  lignes  de  Douai  à  Valenciennes 


—  311  - 

et  de  Saint-Qiienliii  à  Maubeuge;  celui  de  Tergnier  à  Reims 
met  la  ligne  de  Creil  à  Saint-Quentin  en  communication 
avec  les  chemins  de  fer  de  l'Est. 

HISTORIQUE. 

La  ligne  de  Paris,  à  la  frontière  belge  avec  les  embranche- 
ments de  Calais  et  Dunkerque  fut  mise  en  adjudication  le 
9  septembre  1845.  Le  maximum  de  durée  du  bail  était  fixé 
à  41  ans.  Une  seule  Compagnie  se  présenta  :  elle  était  re- 
présentée par  MM.  de  Rothschild  frères,  Hottinguer,  Charles 
Laffitle  et  Blount-,  elle  offrait  un  rabais  de  3  ans  sur  le  maxi- 
mum de  41,  et  fut  en  conséquence  déclarée  adjudicataire 
pour  38  ans.  Elle  s'engageait  à  terminer  à  ses  frais  les  tra- 
vaux commencés,  à  rembourser  à  l'État  les  dépenses  déjà 
faites,  à  établir  un  matériel  suffisant  pour  l'exploitation  de 
la  ligne. 

Par  autorisation  du  20  septembre  de  la  même  année,  la 
Compagnie  se  transforma  en  Société  anonyme  au  capital  de 
200  millions  divisé  en  400,000  actions  de  500  fr.  Les  fon- 
dateurs prirent  pour  leur  part  : 

MM.  de  RoUischild 102,000  actions. 

LaffiUe,  Blount  et  C'= 78,000      — 

HoUinguer 22,485      — 

Ensemble 202,485 

L'embranchement  de  Creil  à  Saint-Quentin  fut  mis  en 
adjudication  le  20  décembre  1845.  Quatre  Compagnies  se 
présentèrent;  le  maximum  de  durée  fixé  par  la  loi  était  de 
75  ans.  MM.  de  Rothschild,  Hottinguer,  Laffitte  et  Blount, 
déjà  concessionnaires  de  la  ligne  principale,  proposèrent  un 
rabais  de  50  ans  et  30  jours;  c'était  le  plus  considérable.  Aussi 
furent-ils  déclarés  adjudicataires  pour  24  ans  335  jours,  à 
la  charge  d'exécuter,  dans  le  délai  de  3  ans,  à  leurs  risques 
et  périls,  tous  les  travaux  nécessaires  à  l'établissement  du 
chemin. 

La  Société  anonyme,  autorisée  par  ordonnance  du  24  avril 
1846,  se  constitua  au  capital  de  30  millions,  divisé  en 
60,000  actions  de  500  fr.  chacune.  M.  de  Rothschild  en  prit 
plus  de  la  moitié  pour  sa  part. 


—  312  — 

L'om])ranoîicincnl  (rAmicns  à  Boulogne  avait  déjà  été  con- 
cédé par  voie  d'adjudication,  le  15  octobre  18''i4,  à  MM.  C. 
Laftitte  et  Blount,  pour  une  durée  de  98  ans  1 1  mois.  La  So- 
ciété anonyme,  autorisée  par  ordonnance  du  29  mal  1845, 
se  constitua  au  capital  de  37,500,000  fr.,  divisé  en  75,000 
actions  de  500  fr.  chacune. 

Un  autre  embranchement  de  50  Idlomètres,  de  Fampoux 
à  Hazebrouck,  fut  encore  adjugé  le  10  septembre  1845  à 
MM.  Félix  ONeiil  et  le  marquis  de  Fiers  pour  37  ans  49 
jours.  Ce  chemin  a  été  depuis  abandonné. 

Les  Compagnies  de  lignes  du  Nord  devaient  plus  que 
toutes  les  autres  tendre  à  la  fusion,  les  mêmes  fondateurs  se 
trouvant  dans  les  trois  Sociétés. 

Le  pr  avril  1847,  la  Compagnie  de  Creil  a  Saint-Quentin 
se  réunit  à  celle  du  Nord,  et  le  19  février  1852,  celle  d'A- 
miens à  Boulogne  se  fusionna  à  son  tour. 

Le  traité  intervenu  le  19  février  1852  entre  l'État  et  la 
Compagnie  du  Nord  modifia,  ainsi  qu'il  suit,  les  conditions 
de  la  concession  : 

La  Compagnie  s'engage  à  construire  :  1"  un  chemin  de  fer 
se  dirigeant  sur  la  frontière  belge  au  delà  de  Maubeuge,  des- 
tiné à  se  relier  avec  celui  de  Charleroi  ;  2°  un  cndiranche- 
menl  partant  de  la  ligne  ci-dessus  vers  le  Cateau  et  allant 
se  relier  à  la  ligne  du  Nord  vers  Somain  ;  3°  un  embranche- 
ment sur  la  ligne  de  Saint-Quentin,  allant  de  La  Fère  à 
.  Reims,  où  il  se  réunira  au  chemin  de  Reims  à  Épernay;  4»  si 
le  gouvernement  l'exige,  un  embranchement  de  Noyelle  à 
Saint-Valery. 

A  ces  conditions,  la  concession  des  lignes  exploitées  par 
la  Compagnie  du  Nord  est  portée  à  99  ans,  qui  courront  du 
10  septembre  1848  et  finiront  le  9  septembre  1947  :  c'est  une 
prorogation  de  durée  de  plus  des  deux  tiers. 

Le  13  août  1853  intervint,  entre  l'Etat  et  la  Compagnie , 
un  nouveau  traité  portant  les  dispositions  suivantes  :  la 
Compagnie  s'engage  à  construire  un  chemin  direct  de  Paris 
à  Creil,  se  détachant  de  la  ligne  actuelle  près  de  Saint-Denis 
et  la  rejoignant  près  de  Saint-Leu^  la  durée  Hxéc  pour  la 


—  313  — 

construction  de  rcmbranchement  de  La  Fère  à  Heims  est 
réduite  de  6  ans  à  4  ;  la  ligne  de  Cateau  à  Somain  (traité  du 
19  février  1852-2o)  sera  remplacé  par  un  embranchement 
reliant  le  chemin  principal  à  celui  de  Maubeuge,  et  jjassant 
par  Cambrai.  La  Compagnie  recevra  en  subventions  : 

De  la  ville  de  Cambrai  et  du  département  du  Nord.  .  .  .    2,000,000  l'r. 
De  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  des  Ardennes.  .  .  .     2,500,000 

Total 4,500,000 

Le  capital  nécessaire  sera  réalisé  au  moyen  d'une  nouvelle 
émission  d'obligations. 

La  Compagnie  du  Nord  sollicite ,  concurremment  avec 
celles  des  Ardennes  et  de  FEst,  la  concession  du  chemin  de 
fer  de  Paris  à  Soissons. 

Par  traité  du  17  juin  1853,  elle  a  pris  h  bail  la  ligne  belge 
de  Charleroi  à  Lrquelines. 

Elle  est  associée  pour  un  cinquième  dans  le  chemin  de 
ceinture. 

ÉTAT   FINANCIER   DE   LA   COMPAGNIE. 

Les  dépenses  faites  et  à  faire  sont  évaluées  ajiproximati- 
vement,  au  30  juin  1S55,  par  les  Documents  statistiques  du 
ministère  des  travaux  publics,  à  329,189,847  fr.,  dont 
5,455,042  fr.  de  subventions,  soit  une  proportion  d'environ 
1  0/0. 

Les  Actions  sont  au  nombre  de  400,000,  libérées  de  400  fr., 
soit  un  capital  versé  de  160  millions.  Elles  devaient  être  de 
500  fr.;  mais  le  décret  du  19  février  1852,  ayant  fixé  à  2  mil- 
lions par  an  le  remboursement  de  40  millions  dus  à  l'État, 
et  réduit  l'intérêt  de  5  à  3  0/0,  a  autorisé  la  libération  des 
actions  à  400  fr. 

L'amortissement  dos  actions  commencera  en  1908. 

Les  échéances  semestrielles  sont  au  V^  janvier  et  au 
1"'  juillet. 

Les  E.m:'RU.\ts  sont  au  nombre  de  six  : 

1°  76,0  0  obligations  résultant  de  la  conversion  des  ac- 
tions du  c   eniin  de  fer  d'Amiens  à  Boulogne  en  obligations  j 

18 


—  314  — 

elles  sont  remboursables  en  75  tirages  annuels  (de  1852  à 
1926)  et  portent  15  fr.  d'intérêt  payables  le  1"  janvier  et  le 
1er  juillet. 

2°  2,363  obligations  de  la  Compagnie  d'Amiens  à  Boulo- 
gne, émises  en  1851,  à  335  fr.,  remboursables,  en  16  tirages, 
àôOOfr.;  20  fr.  d'intérêt,  payables  au  1"  août. 

3°  Quatre  séries  de  75,000  obligations  chacune,  émises  à 
335  fr.  :  une  en  1852,  deux  en  1854,  une  en  1855;  rembour- 
sables à  500  fr.  par  annuités  jusqu'en  1926  ;  intérêt  de  15  fr. 
payable  en  janvier  et  juillet. 

Les  actions  de  Charleroi  à  Erquelines  reçoivent,  pour  prix 
du  bail  de  la  ligne,  un  intérêt  fixe  de  16  fr.  87  cent.  1/2  ;  elles 
sont  au  nombre  de  17,418,  remboursables  à  562  fr.  50  en 
88  tirages  annuels. 

Le  Rapport  du  28  avril  1856  établit  ainsi  le  fonds  social, 
en  ce  qui  concerne  les  capitaux  fournis  par  l'industrie  : 

Capital  d'actions  (1) 200,000,000 

Ligne  d'Amiens  à  Boulogne 37,600,000 

Emprunt  de  la  C'=  de  Boulogne.  .  .  .       1,181,558  09 

Emprunt  de  1852 24,750,000 

1"  emprunt  de  1854 22,989,846  90 

2»  —  22,429,151  43 

Emprunt  de  1855  en  cours  d'émission.      9,523,370  05 

Total  en  obligations.  .  .  .  118,373,926  47     118,373,926  47 

Total  par  l'industrie  privée 318,373,926  47 

Subventions  :  par  l'Etat 43,085 

—  par  les  dép",  les  communes,  etc.  .      5,408,957 

Total  des  subventions,  .  .      5,452,042  5.452,042 

Ensemble 323,825,968  47 

Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  dans  les  comptes  de 
gestion  présentés  chaque  année  aux  assemblées  générales  ne 
figure  aucune  réserve  pour  amortissement  du  matériel.  Cha- 
cun sait  cependant  que  ce  matériel  s'use  fort  vite,  qu'une 
locomotive,  par  exemple,  après  avoir  été  intégralement  re- 

(1)  Les  actions  sont  cotées  au  taux  du  remboursement,  500  fr.,  et  non 
à  celui  de  la  libération,  400.  Le  chilîre  de  200  millions  comprend  donc 
40  millions  qui  n'ont  pas  élé  versés. 


—  315  — 

nouvelée,  par  pièces  et  morceaux,  finit,  au  bout  de  dix  à 
quinze  années,  par  être  tout  à  fait  hors  de  service;  que  les 
traverses  qui  supportent  les  rails  ne  durent  pas  plus  de  dix 
ou  douze  ans,  et  les  rails  eux-mêmes  au  plus  vingt  ans.  De 
cette  absence  d'un  fonds  de  réserve  spécial  résulte  une 
hausse  factice  des  actions,  produite  par  Texagéralion  des 
dividendes,  et  dont  la  conséquence  finale  doit  être  tôt  ou 
tard,  lorsqu'il  faudra  renouveler  le  matériel,  une  déprécia- 
tion subite,  instrument  de  fortune  pour  les  actionnaires  dû- 
ment avisés,  et  de  ruine  pour  le  mutum  et  turpe  pecus  des 
ignorants. 

Ce  qui  vient  d'arriver  à  la  Compagnie  du  Nord ,  obligée 
de  changer  tous  ses  rails  de  30  kilog.  par  mètre  courant 
contre  des  rails  de  37  kilog.,  justifie  notre  observation. 

Le  renouvellement  a  donné  lieu,  jusqu'au  31  décembre 
1855,  à  une  dépense  de  9,157,136  fr.  27  c.  imputée  : 

«  i°  Sur  le  compte  de  Premier  Etablissement; 

«  2°  Sur  la  réserve  supplémentaire  de  l'amortissement,  tel  qu'il 
avait  été  consUtué  avant  la  prolongation  de  concession,  et  dont  les 
excédants  ont  été  laissés  disponibles  pour  cet  emploi; 

«  3»  Enfin  sur  les  bénéfices  de  l'exploitation,  qui  doivent  subir, 
pour  le  même  objet,  un  prélèvement  annuel  de  360,000  fr.,  pen- 
dant cinq  années  à  dater  de  1853.  » 

REVEND   DES  ACTIONS. 

1846  :  6  40  1848  :  11  »»  1850  :  24  »»  1852  :  41  50  1854  :  50  50 
1847:18  95  1849:16  05  1851:36»»  1853:4150  1855:61». 

Les  actions  ont  monté  en  1845,  lors  de  leur  émission,  jus- 
qu'à 860  fr.;  elles  sont  tombées  les  six  années  suivantes  au- 
dessous  de  ce  cours  et  ont  été  cotées  au  plus  bas,  en  1848,  à 
302  fr.  50.  Elles  ont  repris  en  1852  et  ont  atteint  jusqu'à 
965  fr.  Depuis  1856,  elles  ont  dépassé  1,100  fr. 

L'assemblée  générale  se  compose  des  propriétaires  de  40 
actions. 

CHEMINS  DE  FER  DES  ARDEIVNES  ET  DE  Ï/OISE. 

(Paiis,  70,  rue  de  Provence.) 

MM.  Maslenuan.  duc  de  Mouchv,  comte  Siméon,  baron 


—  316  — 

Seillière,  etc.,  ont  obtenu,  le  19  juillet  1853,  la  concession 
des  lignes  suivantes  à  construire  aux  risques  et  périls  de  la 
Compagnie  : 

De  Reims  à  Mézières  et  à  Charleville,  avec  embranchement 

sur  Sedan 107    kilom. 

De  Creil  à  Beauvais 37 

Total 144 

La  Compagnie  a  promesse  de  deux  autres  lignes  :  1°  pro- 
longement de  Charleville  à  la  frontière  belge,  à  exécuter  dans 
le  système  de  la  loi  de  1842;  2»  embranchement  de  Com- 
piègne  à  Reims,  par  Soissons.  El!e  doit  payer  à  la  Compa- 
gnie du  Nord  une  subvention  de  2,500,000  fr.  pour  Texécu- 
lion  du  chemin  passant  par  Cambrai.  Elle  sollicite  la  con- 
cession d'une  ligne  directe  entre  Soissons  et  Paris. 

La  concession  est  de  99  ans,  à  courir  du  20  juillet  1858. 

Les  lignes  de  Reims  à  Charleville,  de  Mézières  à  Sedan  et 
de  Creil  à  Reauvais,  devront  être  livrées  à  la  circulation  dans 
le  délai  de  5  ans. 

Cinq  ans  après  l'ouverture  de  la  section  de  Charleville  à 
la  frontière  belge,  si  les  bénéfices  excèdent  8  0/0  du  capital 
dépensé  par  la  Compagnie,  moitié  du  surplus  sera  attribuée 
à  l'État. 

Le  capital  social  est  de  21  millions,  divisé  en  42,000  ac- 
tions de  500  fr,,  dont  350  versés.  L'intérêt  est  de  4  0/0  pen- 
dant la  durée  des  ti-avjiux-,  il  se  paye  en  janvier. 

La  Compagnie  pourra  émettre  un  emprunt  de  9  millions. 

L'assemblée  générale  se  compose  des  propriétaires  de  20 
actions. 

CHEMINS  DE  FER  DE  L'EST! 

(Coiii|>ag^nîes  fiistioiinées.) 

{Administrulion  :  I^aris,  gare  de  Strasbourg.) 

La  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  TEst  est  formée  de  la 
réunion  des  anciennes  Compagnies  de  Paris  à  Strasbourg, 
de  Strasbourg  à  Bàle ,  de  Blesme  et  Saint-Dizicr  à  Cray, 
de  Monlereau  à  Troyes,  de  Mulhouse  à  Thann.  Le  réseau, 
décrété  pour  moitié  par  !a  loi  de  1842,  se  conipc-^o  de  deux 


—  317  — 

lignes  principales  :  1"  de  Paris  à  Strasbourg,  avec  emliranche- 
nicnts  sur  Reims,  Metz,  Thionville,  Forbach,  Wissembourg; 
2"  de  Paris  à  Mulbouse,  avec  cmbrancbenient  sur  Coulom- 
micrs.  Elles  se  raccordent  par  trois  embrancbements  :  Bles- 
ine  à  Chaumont,  Nancy  à  Vesoul  par  Épinal,  Strasbourg  à 
Bàle. 

Les  parties  exploitées  comprennent,  d'après  Y  Indicateur 
des  Chemins  de  fer,  1,080  kilomètres  : 

Paris  à  Strasbourg 502  kilomètres. 

Epernay  à  Reims 30 

Blesme  à  Donjeux 55 

Frouard  à  Forbach 113 

Metz  à  Thionville 27 

Wendenheim  à  Wissembotii'g 40 

Monlereau  à  Troyes 100 

Striisl)onrg  à  Hàle. 141 

Liitterl)ach  à  Thann 15 

Noisy-le-Sec  à  Nangis 57 

Les  parties  eu  construction,  d'après  les  Documents  statis- 
tiques, ajouteront  au  réseau  687  kilomètres,  savoir  : 

Nangis  à  Nogent-snr-Seine 28 

Embranchement  de  Coulommiers.   .  .  32 

Tioyes  à  Chiuimoni 96 

Donjeux  à  Gray 120 

Gray  h  Vesoul 54 

Langies  à  MulhoufO  par  Dclfort.  .  .  .  190 

Nancy  à,  Vesoul  par  Kp'mal 135 

Strasbourg  à  Kehl 6 

Paris  à  Vincennes,  Saint-Maur.  ...  26 

HISTORIQUE, 
r  Ligne  principale. 

Première concessio7i.  —  La  ligne  de  Strasbourg,  avec  em- 
brancbcmcnt  sur  Reims,  sur  Metz  et  la  frontière  de  Prusse, 
construite  par  TÉtat  suivant  le  système  de  la  loi  de  1842,  fut 
mise  en  adjudication  le  25  novQinbre  1845.  Le  maximum  de 
durée  était  de  45  ans.  MAL  Cubières,  Pellaprat,  duc  de  Gal- 
liéra  et  Blaque-Bclair  offrirent  un  rabais  de  1  an  79  jours,  et 
furent  déclarés  adjudicataires  pour  43  ans  286  jours. 
'La  Société  anonyi^ic,  autorisée  par  ordonnance  du  17  dé- 

18. 


—  318  — 

cembre  1845,  se  constitua  au  capital  de  125  millions,  divisé 
en  250,000  actions  de  500  fr. 

Première  modification.  —  Le  28  mars  1852  intervint  entre 
l'État  et  la  Compagnie  la  convention  suivante  : 

La  Compagnie  s'engage  :  1"  à  payer  à  la  concession  de 
Blesme  à  Gray  une  subvention  de  10  millions;  2°  à  con- 
struire à  ses  frais,  dans  un  délai  de  quatre  ans,  un  chemin 
de  fer  de  Metz  à  Thionville;  S»  à  prolonger  cet  embranche- 
ment jusqu'à  la  frontière,  dans  la  direction  de  Luxembourg, 
au  cas  où  la  ligne  de  raccordement  sur  le  territoire  prussien 
serait  exécutée.  Si  ce  second  embranchement  ne  doit  pas 
avoir  de  suite,  la  Compagnie  payera  au  gouvernement  une 
somme  de  5  millions. 

A  ces  conditions,  la  concession  du  25  novembre  1845  est 
portée  à  99  ans,  qui  courront  du  27  mars  1855. 

2°  IJgne  de  Montereau  à  Troyes  (embranchement  de  la  ligne  de  Lyon). 

Première  concession.  —  La  loi  du  26  juillet  1844  avait 
autorisé  le  ministre  des  travaux  publics  à  concéder  sans  sub- 
vention, pour  une  durée  qui  n'excéderait  pas  99  ans,  l'em- 
branchement de  Montereau  à  Troyes,  dont  les  travaux  de- 
vaient être  à  la  charge  des  concessionnaires.  L'adjudication 
eut  lieu  le  25  janvier  1845,  au  profit  de  MM.  Vautier,  Gallice 
d'Albane  et  Paul  Séguin,  pour  75  ans. 

La  Société  anonyme,  autorisée  par  ordonnance  du  29  mai 
1845,  se  fonda  au  capital  de  20  millions,  divisé  en  40,000 
actions  de  500  fr. 

Le  9  août  1846,  elle  obtint  de  l'État  un  prêt  de  3  millions 
à  5  0/0,  remboursable  par  sixièmes  à  dater  du  30  juin  1852. 

Première  modification.  —  Le  8  mars  1852,  la  durée  de  la 
concession  fut  portée  à  99  ans,  devant  prendre  fin,  comme 
celle  de  Lyon,  en  1955. 

3»  Chemin  de  fer  de  Rlesme  et  Saint-Dizier  à  Gray. 

Première  concession.  —  Celte  ligne,  qui  s'embranche  sur 
le  chemin  de  Paris  à  SIrasbouig,  doit  [tasseï  par  Sainl-Di- 


—  319  ~ 

zier,  Joinville,  Chaumont  et  Langres.  Elle  a  pour  but  de  re- 
lier la  Marne  à  la  Saône.  Parcours,  175  kilomètres. 

L'entreprise  en  fut  concédée,  le  2G  mars  1852,  à  MM.  Van- 
deul ,  W ilkinson ,  Grimaldi  et  Burge,  aux  conditions  sui- 
vantes : 

Les  concessionnaires  devront  construire  la  ligne  à  leurs 
risques  et  périls  dans  un  délai  de  5  ans.  Ils  recevront  de 
la  Compagnie  de  Strasbourg  une  subvention  de  10  millions. 
Ils  sont  autorisés  à  contracter  un  emprunt  jusqu'à  concur- 
rence de  22  millions.  L'État  en  garantit  Tintérêt  et  l'amor- 
tissement à  4  1/2  0/0  l'an  pendant  50  ans.  Il  garantit  égale- 
ment pendant  50  ans  un  minimum  de  4  0/0  d'intérêt  du 
capital  social  fixé  à  16  millions.  La  durée  de  la  concession 
est  de  99  ans,  à  dater  de  l'achèvement  des  travaux. 

La  Société  anonyme,  autorisée  le  4  juin  1852,  se  fonda  au 
capital  de  16  millions,  divisé  en  32,000  actions  de  500  fr. 

4°  Chemin  de  fer  de  Strasbourg  à  Bàle. 

Première  concession.  —  Cette  ligne,  d'un  parcours  de  140 
kilomètres,  fut  concédée  le  6  mars  1838  à  M.  Kœchlin  pour 
99  ans.  La 'Société  anonyme,  autorisée  le  14  mai  suivant,  se 
constitua  au  capital  de  42  millions,  divisé  en  84,000  ac- 
tions. Mais  les  actionnaires  ne  versèrent  que  350  fr.  Le 
15  juillet  1840,  l'État  compléta  la  mise  sociale  par  un  prêt 
de  12,600,000  fr.  à  4  O/Odint-rêtet  1  0/0  d'amortissement. 
Toutefois  les  actionnaires  avaient  le  privilège  de  4  0/0  d'an- 
nuités sur  les  arrérages  dus  au  gouvernement. 

L'État  devait  entrer  en  partage  des  bénéfices  excédant 
4  0/0  du  capital  de  29,400,000  fr. 

Modification,  —  Le  25  février  1852,  le  prolongement  du 
chemin  de  fer  de  Strasbourg  à  la  frontière  bavaroise  par  Wis- 
sembourg  fut  concédé  à  la  Compagnie  de  Strasbourg  à  Bàle, 
aux  conditions  suivantes  : 

La  Compagnie  s'engage  à  faire  tous  les  travaux  dans  un 
délai  de  3  ans.  L'État  lui  accorde  une  subvention  de  3  mil- 
lions et  une  garantie,  durant  50  ans,  de*4  0/0  d'intérêt  du 
capital  nouveau,  pourvu  qu'il  n'excède  pas  10  millions  si  la 
ligne  n'a  qu'une  voie,  12  millions  si  elle  en  a  deux. 


—  320  — 

La  concession  de  rembranchement  nouveau  est,  comme 
pour  la  ligne  principale,  de  99  ans,  à  jiartir  du  6  mars  1838. 

Quinze  ans  après  la  mise  en  valeur  du  chemin,  lÉlat  aura 
droit  à  la  moitié  des  bénétices  qui  excéderont  8  0/0  du  ca- 
pital engagé. 

5"  Chemin  de  fer  de  Mulhouse  à  Thann. 

Ce  tronçon,  d'un  parcours  de  21  kilomètres,  emprunte  la 
ligne  de  Bàle  Tespace  de  6  kilomètres  environ.  La  conces- 
sion était  de  99  ans  et  le  capital  de  2,600,000  fr.,  divisé  en 
5,200  actions  de  500  fr. 

6'  Fusion  des  lignes  précédentes.  —  Concessions  nouvelles.  —  Dernières 
modifications. 

Le  décret  du  17  août  1853  autorisa  le  rachat  des  lignes  de 
Montereau  à  Troyes  et  de  Blesme  à  Gray  par  la  Compagnie 
de  Strasbourg,  à  laquelle  furent  accordées  les  concessions 
nouvelles  de  Paris  à  Mulhouse,  de  Nancy  à  Gray,  et  de  Paris 
à  Vinccnnes,  Saint-Mandé,  Saint-Maur. 

Tracé  des  lignes  concédées.  —  Le  chemin  de  fer  de  Paris  à 
Mulhouse,  s'embranchant  sur  celui  de  Strasbourg  aux  envi- 
rons de  Noisy,  passe  par  Tournon,  pour  rejoindre,  en  aval  de 
Nogent,  la  ligne  de  Montereau  à  Troyes.  De  Troyes,  il  se  porte, 
par  Bar-sur-Aube,  vers  Chaumont.  Au  delà  de  Chaumont,  il 
suit  le  chemin  de  Blesme  à  Gray,  dont  il  se  détache  au  delà 
de  Langres,  pour  se  diriger  sur  Vesonl,  Belfort  et  Mulhouse, 
en  passant  par  Dannemarie  et  Altkirch.  Il  rejoint  à  Mulhouse 
le  chemin  de  fer  de  Strasbourg  à  Bàle. 

L'embranchement  de  Coulommiers  descend  dans  la  vallée 
du  Morin  par  la  vallée  de  l'Aubetin. 

Le  chemin  de  fer  de  Nancy  à  Gray  se  détache  de  la  ligne 
principale  de  Paris  à  Strasbourg  entre  Nancy  et  Lunéville, 
gagne  la  vallée  de  la  Moselle  et  passe  par  Charmes,  Épinal, 
Vesoul  et  la  vallée  de  la  Hante-Saône. 

Le  chemin  de  fer  de  Paris  à  Vincennes  partd'un  point  situé 
à  Test  du  canal  Saint-Martin  et  se  divise  en  deux  branches, 
dirigées,  Ttuie  sur  Saint-Mandé,  l'autre  sur  Vincennes,  Fon- 
tenay,  Saint-Maur  et  ia  Varenne-Sainl-Maur. 


—  321   — 

7"  Condilions  du  traité  entre  la  Compagnie  et  l'Etal. 

La  Compagnie  de  Strasbourg  s'engage: 

1°  A  rembourser  le  prêt  de  3  millions  fait  par  l'État  à  la 
Compagnie  de  Montereau  à  Troyes.  Ce  remboursement  aura 
lieu  en  3  annuités  avec  intérêt  à  4  0/0  ;  Téchéance  de  la  pre- 
mière annuité  est  fixée  au  31  décembre  1853-, 

T  A  rembourser  le  prêt  de  12,500,000  fr.  consenti  paF 
l'État  à  la  Compagnie  de  Strasbourg  à  Bâle,  en  exécution  de 
la  loi  du  15  juillet  1840.  Ce  remboursement  aura  lieu  avec 
intérêt  à  4  0/0  en  41  annuités  égales  à  dater  du  8  mai  1857; 

3°  A  couvrir  l'État  des  engagements  par  lui  pris  envers  la 
Compagnie  de  Strasbourg  à  Bàle,  pour  la  garantie  de  4  0/0 
d'intérêt  sur  le  capital  par  elle  employé  à  la  construction  du 
chemin  de  Strasbourg  à  Wissembourg.  —  La  Compagnie  de 
Paris  à  Strasbourg  est  substituée  aux  droits,  privilèges  et 
hypothèques  de  l'État  sur  la  Compagnie  de  Strasbourg  à 
Bàle; 

4"  La  Compagnie  renonce  à  la  garantie  d'intérêt  consentie 
par  l'État  aux  premiers  concessionnaires  du  chemin  de 
Blesme  à  Saint-Dizicr  et  Gray. 

Les  lignes  concédées  ou  incorporées  ne  formeront,  avec  la 
ligne  principale,  qu'une  même  entreprise,  et  prendront  fin, 
comme  celle-ci,  le  27  novembre  1954. 

La  Compagnie  aura  la  préférence,  à  conditions  égales, 
pour  la  concession  de  l'embranchement  de  Cocheren  à  Sar- 
rebourg,  au  cas  oîi  la  construction  en  serait  jugée  néces- 
saire. 

A  dater  de  1861,  l'État  aura  part  pour  moitié  dans  les  bé- 
néfices qui  excéderont  8  0/0. 

8°  Conditions  de  racliat  des  lignes  incorporées. 

1°  La  Compagnie  de  Strasbourg  a  remboursé  les  40,000 
actions  du  chemin  de  Montereau  à  Troyes  à  raison  de  500  fr. 
chacune,  sans  distinction  ni  retenue.  Le  remboursement  a 
eu  lieu  en  espèces,  dans  un  délai  de  dix-huit  mois  à  partir  de 
l'entrée  en  jouissance;  l'intérêt  lixé  à  3  0,0  jusqu'à  parfaite 
liquidation  ; 


~  322  — 

2'  Il  a  été  délivré  par  la  Compagnie  de  Strasbourg  aux 
actionnaires  de  la  Compagnie  de  Saint-Dizier  à  Gray,  une 
obligation  de  500  fr.  produisant  25  fr.  d'intérêt  et  rembour- 
sable à  650  fr.,  en  échange  de  2  actions  de  Saint-Dizier  à 
Gray,  sur  lesquelles  250  fr.  avaient  été  versés  ; 

3»  D'après  le  traité  de  fusion  approuvé  par  l'assemblée 
générale  du  25  janvier  1854,  la  Compagnie  de  Paris  à  Stras- 
bourg a  remis  aux  actionnaires  de  la  Compagnie  de  Stras- 
bourg à  Bâle,  en  échange  de  leurs  titres,  des  obligations  de 
500  fr.  chacune,  portant  25  fr.  d'intérêt  annuel,  jouissance 
du  l*""  décembre  1853,  remboursables  à  650  fr.  en  99  ans. 
Cet  échange  a  eu  lieu  à  raison  de  3  obligations  de  la  Com- 
pagnie du  chemin  de  fer  de  Paris  à  Strasbourg  pour  4  ac- 
tions non  amorties  de  la  Compagnie  de  Strasbourg  à  Bâle, 
plus  un  solde  de  31  fr.  50  par  quatre  actions; 

4"  La  ligne  de  Mulhouse  à  Thann  avait  été  affermée  à  la 
Compagnie  de  Strasbourg  à  Bâle,  et  depuis  la  fusion,  c'était 
la  Compagnie  de  l'Est  qui  se  trouvait  fermière  de  ce  tronçon. 
Elle  en  a  fait  l'acquisition  en  1855,  afin  de  le  prolonger  au 
delà  de  Wesserling  (13  kilomètres).  Les  5,200  actions  de  la 
Compagnie  de  Thann  s'échangent  contre  2,500  obligations 
de  l'Est  de  500  fr.,  remboursables  à  650  et  produisant  25  fr. 
d'intérêt.  La  Compagnie  acquéreur  se  charge  du  service  des 
intérêts  et  de  l'amortissement  d'un  emprunt  de  400,000  fr. 
contracté  par  la  Compagnie  venderesse,  et  sur  lequel  il  res- 
tait à  payer  195,000  fr.  en  1856. 

Ces  modifications  de  tracé  et  de  concessions  ont  amené  la 
liquidation  de  la  Compagnie  de  Provins  aux  Ormes,  à  qui 
avait  été  concédé  un  tronçon  de  14  kilomètres,  le  20  juillet 
1852.  Les  actionnaires  ont  été  remboursés. 

Dans  tous  ces  traités,  les  directeurs  décident  entre  eux 
absolument  des  clauses  et  conditions  du  rachat.  Sans  doute 
la  loi  exige  l'approbation  des  assemblées  d'actionnaires; 
mais,  encore  une  fois,  qui  a  jamais  vu  une  assemblée  géné- 
rale contredire  un  conseil  d'administration?  Voilà  donc  une 
trentaine  d'individus  disposant  de  quatre  à  cinq  cent  mil- 
lions, de  la  fortune  de  cinquante  à  soixante  mille  citoyens, 


—  323  — 

comme  de  leur  bien  propre  j  mettant  à  la  charge  d'une  partit^ 
de  leurs  actionnaires  des  exploitations  onéreuses  5  donnant  à 
d'autres  des  obligations  à  revenu  et  capital  fixe  en  échange 
d'actions  susceptibles  de  produire  de  gros  dividendes  et  de 
tripler  de  valeur;  taillant  et  coupant  dans  les  contrats  au 
gré  de  leurs  caprices  ou  de  leurs  intérêts  ;  arrachant  à  l'État 
des  prorogations  de  baux  de  deux  tiers  pour  des  lignes  qui, 
comme  celle  de  Paris  à  Strasbourg,  ont  plus  coûté  au  gou- 
vernement qu'aux  actionnaires. 

Et  personne  n'y  trouve  à  reprendre  ou  à  blâmer;  au  con- 
traire, on  décore  ce  système  des  grands  mots  de  crédit  dé- 
mocratisé^ d'intérêt  îiational,  de  progrès  industriel.  En  vé- 
rité, si  la  féodalité  banquière  savait  régler  ses  appétits  et 
mettre  des  bornes  à  sa  voracité,  ce  serait  à  désespérer  de  la 
liberté  en  France.  Heureusement,  au  train  dont  vont  les 
choses,  il  est  permis  d'espérer  qu'avant  peu  elle  crèvera  de 
ses  propres  excès;  mais  ce  ne  sera  pas  sans  de  graves  per- 
turbations pour  les  intéressés. 

Pourquoi  l'intelligence  des  affaires,  la  sagesse  des  combi- 
naisons, la  prévoyance  laissent-elles  la  place  à  l'empirisme  ? 
Pourquoi  la  société  erre-t-elle  à  l'aventure,  au  caprice  des 
passions  et  de  Tégoïsme  de  quelques  ambitieux  insatiables  ? 
Ceux  qui,  par  leur  concours  officieux,  leur  incurie  ou  leur 
indifférence,  prêtent  la  main  à  cette  spoliation  de  l'État  et 
des  particuliers,  ne  seront  du  moins  pas  fondés  à  se  plaindre 
au  jour  du  cataclysme. 

ÉTAT  FIXAN'CIER    DE  LA   CO.MPAGME. 

Les  dépenses  d'établissement  faites  et  à  faire  sont  évaluées 
approximativement,  au  30  juin  1855,  ])'àv[iis  Documents  statis- 
tiques du  ministère  des  travaux  publics,  à  646,661,012  fr. 

La  Subvention  de  l'État  se  compose  : 

V  Des  achats  de  terrains,  terrassements,  ouvrages  d'art, 
ateliers,  stations,  maisons  de  garde  de  Paris  à  Strasbourg, 
et  des  embranchements  qui  s'y  raccordent  par  le  côté  du 
Nord; 

2°  De  3  millions  en  espèces  pour  la  ligne  de  Wissemj>ûurg. 


—  3-24   - 

Elle  s'élève,  d'apiès  les  BocuinenU  précités,  à  125,382,500 
francs,  soit  19  0/0  de  la  dépense  totale . 

Les  ACTIONS  sont  au  nombre  de  500,000,  émises  en  deux 
séries  égales,  représentant  un  capital  de  250  millions. 

La  première  série  comprend  les  250,000  actions  de  l'an- 
cienne Compagnie  de  Paris  à  Strasbourg,  complètement  libé- 
rées, ayant  droit  à  Tintérêt  et  au  dividende. 

La  seconde  série,  de  250,000  actions  également,  créée 
pour  la  construction  de  la  ligne  de  Mulhouse,  n'a  droit  au 
dividende  qu'à  partir  du  1^'  janvier  1857. 

Les  échéances  semestrielles  sont  aux  1"  mai  et  T'  no- 
vembre. 

L'amortissement  doit  s'efi'eclucr  de  1856  à  1949. 

Les  EMPRUNTS  sont  au  nombre  de  6;  les  cinq  premières 
séries  d'obligations  sont  remboursables  à  650  fr.,  et  produi- 
sent 25  fr.  d'intérêt,  payable  le  1"  juin  et  le  l*'  décembre. 

1°  60,000  obligations  émises  en  1852  contre  espèces,  à 
500  fr.,  remboursables  de  1854  à  1952. 

2"  16,000  obligations  remises  en  échange  des  32,000  ac- 
tions de  Blesmc  à  Gray  libérées  de  250  fr.,  remboursables  de 
1854  à  1952. 

3°  62,828  obligations  remises  en  échange  des  84,000  ac- 
tions de  Strasbourg  à  Bâle,  remboursables  de  1855  à  1949. 

4°  125,000  obligations  négociées  conlre  espèces  à  480  fr., 
remboursables  de  1856  à  1949. 

5°  5,200  obligations  remises  en  échange  de  5,200  actions 
de  Mulhouse  àThann,  remboursables  de  1856  à  1949. 

6"  126,000  obligations,  émises  du  12  au  24  décembre 
1856,  à  270  fr.,  rernboursahlcs  à  500  fr.,  15  fr.  d'inlérêf, 
soit  un  capital  encaissé  de  34,020,000  fr. 

La  Compagnie  est  en  outre  chargée  du  service  des  em- 
prunts des  lignes  incorporées  : 

lo  Montereau  à  Troyes.  3,300  obligations  remboursables 
à  1,250  fr.,  de  1853  à  1927  ^  50  fr.  d'intérêt  payable  en  jan- 
vier et  juillet. 

2°  Strasbourg  à  Belle.  2,775  obligations  remboursables  à 
1,250  fr.,  de  1845  à  1891  -,  50  (r.  d'intérêt  payable  en  avril 


—  325  — 

et  octobre.  —  24,000  obligations  remboursables  à  625  fr., 
de  1856  à  1905  ;  25  fr.  crinlérèt  payable  en  janvier  et  juillet. 
3°  Mulhouse  à  Thann.  400  obligations  de  1,000  fr.,  rem- 
boursables jusqu'en  1860;  50  fr.  d'intérêt  payable  eu  jan- 
vier et  juillet. 

Les  fonds  engagés  dans  l'exploitation  à  la  fin  de  1856  se 
composent  de  : 

Capital  d'actions 260,000,000 

1"  emprunt  de  GO, 000  otiligations  à  500  fr.  .  30,000,000 

16,000  obligations,  radiât  de  la  ligne  de  Gray.  8,000,000 

62,828  pour  actions  de  la  ligne  de  Bàle.  .  .  31,414,000 

125,000  obligations  à  480  fr 60,000,000 

5,200,  rachat  de  la  ligne  de  Thann 2,600,000 

3,300  obligations  de  Montereau  à  1,000  fr.  .  3,300,000 

2,775  de  Bàle,  même  taux 2,775,000 

24,000  idem    à  500  fr 12,000,000 

400  de  Mulhouse  à  Thann,  à  1,000  fr.  .  .  .  400,000 

126,000  obligations  de  1856,  émises  à  270  fr.  34,020,000 

Total  des  obligations.  .  .  .  184,500,000     184,509,000 

Total  par  l'industrie  privée 434,509,000 

Subvention  de  l'État  en  travaux  et  en  argent 125,382,500 

Prêt  de  l'Elat  remboursable  par  annuités,  environ 12,000,000 

Ensemble 571,891,500 

revenu  des  actions. 

Jusqu'en  1851,  elles  n'ont  touché  que  4  0/0. 

1852  :  33  »->         1853  :  30  30         185i  :  62  i>»         1855  :  78  50 

Les  actions,  lors  de  leur  émission,  en  1846,  ont  primé  de 
50  à  60  fr.;  mais  depuis  cette  époque  jusqu'en  1851,  elles 
sont  restées  au-dessous  du  pair.  Elles  ont  repris  faveur  après 
la  prorogation  de  bail,  et  ont  doublé  de  valeur  un  instant  en 
1853.  L'année  1854  leur  a  été  défavorable,  comme  à  tous  les 
titres  de  même  espèce  ;  cependant  elles  se  sont  maintenues 
au-dessus  du  pair.  Eu  1856,  elles  oscillent  cuire  900  et 
1,000  fr. 

L'assemblée  générale  se  compose  des  propriétaires  de  40 
actions. 

La  Compagnie  est  associée  pour  un  cinquième  dans  le 
chemin  de  Ceinture. 

19 


—  s-m  — 

CHEMIN   DE   FER  DE  PARIS  A  LYOK, 

(Compagnies    fusionnées.) 

(Administralion  :  Paris,  47,  rue  de  Provence.) 

La  ligne  de  Paris  à  Lyon  fait  partie  du  grand  rcsenii  dé- 
crété par  la  loi  de  1842.  La  Compagnie  actuelle  est  formée 
de  la  réunion  des  anciennes  Compagnies  de  Paris  à  Lyon,  de 
Dijon  à  Besançon  et  de  Dôle  à  Salins. 

Longueur  en  exploitation,  661  kilomètres  : 

Paris  à  Lyon 612 

Dijon  à  Besançon  par  Dôle 92 

Auxoniie  à  Gray 37 

La  Roclie  à  Auxerre 20 

En  construction,  315  kilomètres; 

Besançon  à  Belfort  et  embranchement.     100 

Dôle  àCliàlon  et  Bourg 176 

Dôle  à  Salins â9 

HISTORIQUE. 
1°  Ligne   principale. 

Les  vicissitudeç  du  chemin  de  fer  de  Lyon  forment  toute 
une  histoire.  Commencé  au  moyen  d'un  crédit  de  71  millions 
accordé  par  la  loi  du  26  juillet  1844,  il  fut  mis  en  adjudica- 
tion le  20  décembre  1845,  Une  seule  compagnie,  représentée 
par  MM.  Ganneron,  Ch.  Laffitle,  Baudrand  et  Barillon,  se 
présenta.  Elle  demandait  une  concession  de  42  ans.  Le  maxi- 
mum fixé  par  le  ministre  était  de  41  ans  90  jours.  L'adju- 
dication ne  put  avoir  lieu.  Cependant  la  Compagnie,  ayant 
déclaré  accepter  les  conditions  du  gouveniement,  fut  recon- 
nue adjudicataire  par  ordonnance  du  21  décembre  suivant. 

La  Société  anonyme  se  constitua  au  capital  de  200  mil- 
lions. En  1847,  elle  sollicita  et  obtint  une  modification  au 
cahier  des  charges.  Les  travaux  de  la  traversée  de  Lyon  de- 
vaient être  exécutés  par  l'État  ;  si  les  dépenses  de  la  ligne  ex- 
cédaient 216  millions,  il  serait  accordé  une  prorogation  de 


—  327  — 

concession  d'une  année  par  million  en  plus.  (Loi  du  9  août.) 

En  1848,  la  Compagnie  se  mil  en  liquidation;  ses  actions 

tombèrent  à  95  fr.,  et  le  17  août  de  la  même  année,  elle 

obtint  de  se  faire  racheter  par  rÉtat  aux  conditions  suivan  tes  ; 

«Il  sera  délivré  aux  actionnaires  par  chaque  action  de  riOO  fr., 
dont  '■loO  t'r.  versés,  un  titre  de  7  fr.  60  c-  de  rente  5  0/0,  jouis- 
sance du  22  mars  1848.  Les  actionnaires  qui  di'clareront  avant  le 
1"  septembre  leur  intention  de  verser  les  230  fr.  formant  le  com- 
plément de  leurs  engagements  recevront  un  titre  de  25  fr.  de  rente 
jouissance  du  22  mars  1848.  » 

Le  gouvernement  reprit  en  conséquence  les  travaux  de  la 
ligne  et  lexploitation  des  sections  achevées. 

Enfin,  le  5  janvier  1852,  la  ligne  entière  fut  accordée  par 
voie  de  concession  direcleà  MM.  E.  André,  Baring,  Bartho- 
lony,  Hottinguer,  Seillère,  duc  de  Galliera,  etc.,  aux  condi- 
tions suivantes  : 

La  Compagnie  s'engage  à  terminer,  à  ses  risques  et  périls, 
dans  le  délai  de  quatre  ans,  la  section  de  Chàlon  à  Lyon; 

A  rembourser  à  l'État  114  millions  représentant  les  dé- 
penses déjà  faites  sur  toute  la  voie,  et  à  en  payer  l'intérêt 
depuis  la  prise  de  possession  jusqu'à  l'entier  rembourse- 
ment; 

Elle  entrera,  moyennant  versement  d'un  million,  dans 
l'entreprise  du  chemin  de  Ceinture; 

Le  gouvernement  garantit  à  la  Compagnie,  pendant  cin- 
quante ans,  4  O^Odintérct  du  capital  dépensé  jusqu'à  con- 
currence de  200  millions.  Il  garantit  également  l'emprunt 
contracté  par  elle  à  sa  formation. 

Quinze  ans  après  la  mise  en  valeur  (à  partir  de  1871),  si 
les  bénéfices  dépassent  8  0/0,  l'État  aura  droit  à  la  moitié 
de  l'excédant. 

La  concession  est  de  99  ans,  à  dater  du  5  janvier  1846. 

Un  décret  du  17  août  1853  a  ajouté  à  la  concession  pré- 
cédente l'embranchement  de  la  Roche  à  Auxt-rre  par  la  val- 
Ipe  de  l'Yonne  aux  conditions  suivantes  :  la  Compagnie  s'en- 
gage à  exécuter  cette  section  à  ses  risques  et  périls,  sans 
subvention  ni  i;arantie  d'intérêt,  dans  le  délai  tic  dcnx  ans. 


—  328  — 

La  durée  de  la  concession  nouvelle  est  la  même  que  celle  de 
la  ligne  principale. 

2"  Chemin  de  fer  de  Dijon  à  Besançon  et  Belfort  avec  embranclietnents. 

La  longueur  de  la  ligne  de  Dijon  à  Besançon ,  avec  em- 
branchement d'Auxonne  à  Gray,  est  de  123  kilomètres. 

La  construction  en  avait  été  arrêtée  jusqu'à  Mulhouse  par 
la  loi  du  21  juin  1846,  ainsi  que  celle  de  rembranchcnient 
de  Dôle  sur  Salins. 

Elle  fut  concédée,  le  12  février  1852,  à  MM.  Bouchottc, 
Convers,  Bretillot,  etc.,  aux  conditions  suivantes  ;  Les  con- 
cessionnaires exécuteront  les  travaux  à  leurs  frais;  la  ligne 
de  Besançon  devra  être  terminée  dans  le  délai  de  3  ans. 
L'État  garantit  un  minimum  de  4  0/0  pendant  50  ans  du 
capital  employé  jusqu'à  concurrence  de  16,600,000  fr.  il 
garantit  également  pour  50  ans  l'intérêt  et  l'amortissement 
à  5  0/0  d'un  emprunt  de  5  millions  et  demi  que  les  conces- 
sionnaires sont  autorisés  à  contracter.  La  concession  est  de 
99  ans.  Après  15  années  d'exploitation,  l'État  aura  droit  à 
la  moitié  de  l'excédant  de  8  0/0  dans  les  bénéfices. 

La  Société  anonyme  fut  autorisée  le  11  septembre  1852. 

Le  décret  du  17  août  1853  ajouta  à  la  concession  précé- 
dente la  ligne  de  Besançon  à  Belfort,  passant  par  Baume- 
les-Dames;  Clerval,  l'Ile-sur-le-Doubs  et  Monlbéliard,  sur 
une  longueur  de  90  kilomètres.  La  Compagnie  s'engage  à 
exécuter,  sans  subvention  ni  garantie  d'intérêt,  tous  les  tra- 
vaux dans  un  délai  de  trois  ans.  La  durée  de  la  concession 
est  également  de  99  ans. 

Le  capital  nécessaire  à  la  construction  de  la  ligne  sera 
fourni  au  moyen  : 

1"  D'une  nouvelle  émission  de  36,800  actions  qui  jouiront 
d'un  intérêt  de  4  0/0  jusqu'à  leur  libération  complète; 

2°  De  l'émission  de  nouvelles  obligations  de  même  forme 
que  les  premières. 

3»  Fusion  des  deux  Comp;ignies  précédentes. 

Par  conventions,  en  date  des  15  octobre  1853  et  16  fé- 


—  329  — 

vrier  1854 ,  entre  les  doux  Compngnies  de  chemins  de  fer  de 
Paris  à  Lyon,  et  Dijon  à  Helfort,  suivies  d'une  troisième 
convention  entre  le  ministre  des  travaux  publics  et  la  Com- 
pagnie de  Paris  ù  Lyon ,  la  fusion  des  deux  Compagnies  a  été 
opérée,  et  la  ratification  du  Gouvernement  accordée  aux 
conditions  suivantes  : 

Sur  le  premier  capital  de  33,200  actions  de  500  fr.,  for- 
mant le  fonds  social  de  la  Compagnie  de  Dijon  à  Besançon , 
on  avait  verse  350  fr.  par  action,  soit  une  somme  de 
11,620,000  fr. 

Sur  les  36,800  actions,  dont  26,800  souscrites,  formant  le 
capital  de  l'embranchement  de  Besançon  à  Belfort,  aucun 
versement  n'avait  été  fait;  et  c'est  la  difficulté  de  cette  réa- 
lisation qui  paraît  avoir  amené  la  fusion. 

En  échange  de  la  double  concession  qu'elle  avait  obtenue 
de  l'État,  et  des  11,620,000  fr.  fournis  par  ses  actionnaires, 
la  Compagnie  de  Besançon  à  Belfort  a  donc  été  tout  heureuse 
et  tout  aise  de  recevoir  25,000  actions  de  Lyon  ,  libérées  de 
250  fr.,  soit  un  capital  de  6,250,000  fr.,  qui  d'après  la  cote 
de  la  Bourse  (mai  1854),  est  censé  valoir  13  millions,  et 
après  versement  intégral  des  actions,  en  vaudra  19.  C'est 
donc  pour  une  différence  en  plus  de  1,380,000  fr.,  en  prenant 
la  cote  de  la  Bourse  pour  argent  comptant ,  que  la  Compagnie 
de  Dijon  à  Belfort  s'est  vendue  :  moins  de  42  fr.  par  action. 

Pour  la  Compagnie  de  Lyon,  au  contraire,  l'affaire  se 
résume  dans  un  boni  de  5,370,000  fr.,  plus  les  avantages 
des  lignes  concédées  à  la  Compagnie  de  Dijon  à  Belfort,  et 
des  nouvelles  lignes  imposées,  comme  condition  de  son 
acquiescement,  par  le  ministre  des  travaux  publics,  à  la 
Compagnie  de  Paris  à  Lyon. 

Ces  nouvelles  lignes  sont  :  1°  un  chemin  de  fer  de  Cha- 
lon-sur-Saône à  Dôle;  2"  un  chemin  de  fer  de  Bourg  à  Lons- 
le-Saulnier^  3°  un  chemin  de  fer  de  Lons-le-Saulnier  à 
Besançon  ou  Dôle,  ou  tout  autre  point  intermédiaire  entre 
Chàlon  et  Besançon. 

Toutes  ces  lignes  comprennent  un  développement  de 
.396  kilomètres. 

La  dépense  de  ce  réseau  partiel  est  évaluée  à  90  millions; 


—  330  — 

le  luodnit  brni,  ;i  8,207,000  fr.,  lo  produit  ncl  à  4,924,200 fr. 

Pour  faire  face  à  ces  dépenses,  rassemblée  générale  du 
20  avril  1854  a  autorisé  le  conseil  d'administration  à  con- 
tracter un  nouvel  emprunt  de  75  millions,  an  mieux  des 
intérêts  de  la  Compagnie. 

Ainsi,  par  un  judicii  ux  calcul,  la  Compagnie  aime  mieux 
s'adresser,  pour  Tachèvement  de  ses  travaux,  à  l'obligation 
qu'à  ractiou.  L'iîclion,  ce  n'est  déjà  plus  que  le  gage  de 
l'obligation-,  et  l'idéal  du  système  serait,  en  substituant  peu 
à  peu  le  prêt  à  la  commandite,  d'obtenir  des  dividendes  très- 
réels  à  de  soi-disant  actionnaires  qui,  sans  verser  un  cen- 
time, n'auraient  eu  que  la  peine  de  donner  leur  signature. 

't"  Chemin  de  fer  de  Dôle  ù  Salins:  rachat. 

Cette  ligne  fut  concédée  le  12  février  1852  à  M.  Grimaldi, 
agissant  tant  en  son  nom  que  comme  mandataire  de  la  So- 
ciété des  Salines  de  l'Est. 

Parcours  :  38  kilomètres. 

La  Compagnie  devait  construire  le  chemin  à  ses  frais  dans 
nn  délai  de  trois  ans.  L'État  garantissait  pendant  50  ans 
4  0/0  d'intérêt  du  capital  de  7  millions,  et  devait  entrer, 
après  15  ans,  en  partage  des  bénéfices  au  delà  de  8  0/0. 

La  Compagnie  de  Paris  à  Lyon  ayant  reconnu  l'impor- 
tance, pour  ses  communications  avec  la  Suisse,  de  faire  de 
ce  tronçon  une  tête  de  ligne,  en  demanda  le  rachat  aux  inté- 
ressés, et  par  acte  du  10  août  1855,  il  lut  convenu  : 

«  Que  la  Compagnie  acquéreur  serait,  à  partir  du  l*^""  août  1 853, 
purement  et  simplement  substituée,  tant  activement  que  passive- 
ment, en  ce  qui  concerne  le  chemin  de  fer  de  Uôie  à  Salins,  aux 
lieu  et  place  de  l'ancienne  Société  des  salines  de  l'Est. 

«  La  Compagnie  de  Paris  à  Lyon  s'engage  envers  la  Compagnie 
venderesse  : 

«  1»  A  lui  remettre  10,000  de  ses  obligations  portant  15  fr.  d'in- 
térêt, remboursables  à  500  fr.  en  99  ans,  et,  de  convention  ex- 
presse, admises  réciproquement  sur  le  pied  de  2S0  fr.  l'une,  pour 
une  valeur  de  ...    , 4,480,000  fr.  » 

«  2°  A  lui  payer  la  somme  de 1,917,736     IG 

«  3°  A  lui  payer  la  somme  de 681,524     80 


—  331    — 

l'ormant  compensation  de  la  dilîéience  do  valeur  résuilant  de  la 
diiïérence  d'amortissement  sus-indiquée. 

«  Soit  ensemble,  valeur  du  1"  août  18o5,  et  sauf  décompte 
d'intérêts  à  -i  0/0  l'an,  7,079,260  Ir.  96  c. 

«  La  Compagnie  acquéreur  s'engageant  à  payer  en  outre  quel- 
fpies  sommes  dues  pour  travaux  ou  appointements  courus  pendant 
le  mois  de  juillet  précédent.  » 

L'arrêté  ministériel,  en  date  du  5  avril  ISôG,  portant 
approbation  des  conventions  ci-dessus,  stipule  que  les 
caliiers  des  charges,  les  garanties  d'intérêt,  l'éventualité  de 
partage  des  bénéfices  avec  l'État,  la  durée  des  concessions, 
seront  identiques  pour  la  ligne  principale,  les  lignes  fusion- 
nées et  les  embranchements. 

Par  convention  du  31  janvier  1855,  la  Compagnie  de  Paris 
à  Lyon  entre  pour  un  tiers  dans  l'entreprise  du  chemin  de 
fer  de  Lyon  par  le  Bourbonnais. 

Elle  est  associée  pour  un  cinquième  dans  l'exploitation  du 
chemin  de  Ceinture. 

ÉTAT   FLVAXCIER   DE    LA    COMPAGNIE. 

D'après  les  Documents  statistiques^  les  dépenses  faites  et 
à  faire  par  la  Compagnie  de  Paris  à  Lyon  s'élèvent  (compte 
au  30  juin  1855)  à  408,842,177  fr.  La  part  contributive  de 
l'État  est  de  61,046,964  fr.,  soit  environ  15  0/0. 

Les  Actions  sont  au  nombre  de  265,000,  libérées  à  500  fr,, 
représentant  un  capital  de  132,500,000  fr. 

Les  échéances  semestrielles  ont  lieu  le  V^  janvier  et  le 
1"  juillet. 

Les  Emprunts  se  composent  : 

1"  De  80,000  obligations  de  1,050  fr.,  émises  en  1852  et 
1854,  remboursables  à  1,250  fr.,  de  1856  à  1905, 50  fr.  d'in- 
térêt payable  en  aviil  et  octobre. 

2"  De  100,000  obligations  émises  en  1855  cà290  fr.,  rem- 
boursables à  500  fr.  en  99  ans;  15  fr.  d'intérêt  payable  en 
avril  et  octobre. 

Le  Rapport  du  26  avril  1856  étaldit  comme  suit  le  fonds 
social  de  la  Compagnie  : 


-  332  — 

rapital  d'actions. 132,500,000 

Piodiiit  des  80,000  obligations  à  1,050  fr,  .     83,9G8,170 
—        des  100,000  ojjligalions  à  290  fr.  ,  .     29,000,000 

Total  des  obligations.  .  .  .  112,908,170     112,968,170 

Total  par  la  Compagnie 245,468,170 

Subvention  en  travaux  par  l'État 61,046,964 

Ensemble 300,515,134 


REVENU     DES    ACTIONS. 
1852  :  14  »»  1833  :  31  25  1854  :  65  »»  1855:  82  50 

La  hausse  a,  comme  toujours,  salué  la  bienvenue  des  ac- 
tions nouvelles,  qui  se  sont  cotées,  en  1852,  jusqu'au-dessus 
de  1,000  fr.  Elles  se  sont  constamment  maintenues  au-des- 
sus du  ])air.  Le  trafic  énorme  qu'ont  développé  sur  cette 
ligne  les  transports  de  l'armée  d'Orient  a  soutenu  ses  titres 
pendant  la  crise  de  la  guerre,  et  ses  actions  se  sont  cotées 
jusqu'à  1,000  fr,  en  1854,  alors  que  toutes  les  autres  valeurs 
étaient  en  désarroi.  Depuis  1856,  elles  ont  dépassé  1,500  fr. 

L'assemblée  générale  se  compose  de  tous  les  propriétaires 
de  40  actions. 


CHEMIN  DE  FER  DE  PARIS  A  LYON  PAR  LE  BOUR- 
BONNAIS. 

(Administration:  Paris,  19,  rue  des  Capucines.) 

Cette  nouvelle  ligne  a  été  concédée  à  un  Syndicat  formé 
des  trois  Compagnies  de  Paris  à  Lyon,  d'Orléans  et  du 
Grand-Central.  Elle  se  compose  des  sections  suivantes  ; 

Jiiviisy  à  Corbeil  (construite)  ; 

Corbeil  et  Moret  à  Nevers  (à  construire)  ; 

Nevers  à  Roanne  (consti-uite  entre  Nevers  et  Saint-Germain-des-Fossés); 

Roanne  à  l.yon  par  Tarare  (à  construire)  ; 

Embranchement  de  Saint-Germain  à  Vichy  (à  construire). 

La  longueur  concédée  est  de  670  kilomètres,  dont  265  en 
exploitation 


-  333  — 

Lyon  à  Roannp 160  kilomèlres. 

Nevers  à  Saint-Germain 105 

Jiivisy  à  Corbeil 10 

La  convention  intervenue  entre  les  parties  contractantes, 
le  31  janvier  1855,  approuvée  par  décret  du  7  avril,  contient 
les  stipulations  suivantes  : 

La  Compagnie  d'Orléans  cède  au  Syndicat  : 

V  La  section  construite  et  exploitée  de  Juvisy  à  Corbeil, 
moyennant  12,000  fr.  de  rente  par  kilomètre,  moins  une  re- 
tenue de  1,200  fr.  par  kilomètre  pour  le  matériel  roulant. 

2"  La  section  construite  de  Nevers  à  Saint-Germain-des- 
Fossés,  et  celle  à  construire  de  Saint-Germain  cà  Roanne, 
moyennant  une  rente  de  15,000  fr.  par  kilomètre,  moins  une 
retenue  de  1,500  fr.  par  kilomètre  pour  le  matériel  roulant. 
La  Compagnie  d'Orléans  reste  chargée  de  l'achèvement  des 
travaux  entre  Nevers  et  Roanne. 

Le  Grand-Central  cède  au  Syndicat  les  chemins  de  Rliône- 
et-Loire,  aux  charges  et  conditions  où  il  les  possède  lui-même, 
et  recevra  131,007  obligations  de  500  fr.  à  3  0/0  en  rempla- 
cement de  celles  qu'il  a  émises  lui-même  pour  la  reconstruc- 
tion des  chemins  cédés. 

La  totalité  du  capital  nécessaire  h  l'exécution  du  chemin 
et  au  rachat  des  sections  cédées  sera  réalisée  en  obligations 
de  500  fr.  à  15  francs  d'intérêt. 

.La  prise  de  possession  des  sections  exploitées  a  eu  lieu  le 
!'"■  janvier  1856,  sauf  pour  celle  de  Juvisy  à  Corbeil,  qui 
s'elTectuera  lors  de  Touverture  de  la  ligne  de  Corbeil  à  Ne- 
vers. 

La  section  de  Paris  à  Juvisy  reste  à  la  Compagnie  d'Or- 
léans, et  celle  de  Paris  à  Moret,  à  la  Compagnie  de  Lyon. 

Les  trois  Compagnies  s'engagent  à  construire  et  exploiter 
à  frais  et  profits  communs,  le  chemin  de  Moret  et  de  Corbeil 
à  Nevers  dans  le  délai  de  six  ans,  celui  de  Roanne  à  Lyon  di- 
rect dans  le  délai  de  huit  ans. 

La  Société  sera  administrée  par  un  conseil  de  douze  mem- 
bres, pris  en  nombre  égal  dans  le  conseil  de  chaque  Com- 
pagnie. 

19. 


—  334  — 

Le  partage  des  produits  de  loiile  nadire  résultant  des 
rapports  directs  entre  Paris  et  Lyon,  quelle  que  soit  la  ligne 
parcourue,  aura  lien  de  la  manière  suivante  : 

Du  !"■  janvier  1856  jusqu'à  Touverlure  de  la  section  de 
Saint-Germain  à  Uoainie,  3/i  pour  la  Compagnie  de  Lyon; 
1/4  pour  le  Syndicat;  2°  de  l'ouverture  de  la  section  précé- 
dente à  celle  de  la  section  de  Roanne  à  Lyon,  2/3  pour  la 
Compagnie  do  Lyon,  1/3  poin"  le  Syndicat;  3"  après  l'ouver- 
ture de  la  section  de  Roanne  à  Lyon  par  Tarare,  1/2  à  la 
Compagnie  de  Lyon,  1/2  au  Syndicat. 

La  Compagnie  d'Orléans  cède  au  Grand-Central,  moyen- 
nant luie  rente  de  12,000  fr,  par  kilomètre,  sous  déduction 
de  1,200  fr'.  par  kilomètre  pour  le  matériel  roulant,  la  ligne 
de  Saint-Germain  à  CIcrmont,  dont  elle  achèvera  les  tra- 
vaux. 

Les  chemins  de  fer  de  Rhône-et-Loire,  absorbés  par  la 
Compagnie  nouvelle,  sont  les  plus  anciens  de  France;  ils 
formaient  autrefois  trois  Compagnies':  de  Saint-Étienne  à 
Lyon  ,  de  ^aint-É tienne  à  la  Loire  et  à' Andresieux  à 
Roanne  ;  ils  étaient  concédés  à  perpétuité. 

Par  suite  d'une  convention  intervenue,  le  17  mai  1853, 
entre  le  gcuvernement  et  MM.deMouchy,B.  Fould,  Dcs-Arts, 
Si^guin,  Delahante,  ils  furent  réunis  en  une  seule  Compagnie 
constituée  pour  99  ans  à  partir  du  17  mai  1857.  La  Société 
nouvelle  doit  rembourser  les  anciennes  au  moyen  d'actions 
à  créer  et  d'obligations;  elle  se  substituait  activement  et 
passivement  à  leur  lieu  et  place. 

Par  décret  du  26  décembre  1853,  les  chemins  fusionnés 
de  Rliône-et-Loire  furent  réunis  au  Grand-Ctniral,  qui, 
pour  subvenir  aux  charges  imposées  par  le  rachat  et  la  re- 
construction de  ces  lignes,  émit  les  131,007  obligations  dont 
il  est  parlé  dans  les  conventions  du  31  janvier  1855. 

Ci'est  maiiîlenant  h  la  CiOmpagnie  de  I,you-Bourbonnais 
que  sont  dévolus  les  droits  et  obligations  de  la  Compagnie 
cédante.  Voici  les  clauses  principales  : 

La  Compagnie  s'engage  à  exécuter  les  travaux  de  rectifi- 
cation et  d'amélioration  des  lignes  réunies;  —  elle  s'engage 


—  .335  — 

à  rembourser  en  1  rente  annuilés  le  prêt  de  4  millions  con- 
senti par  l'Étal  à  la  Compagnie  d'Andrezieux  à  Roanne. 

L'Étal  garantit  pendant  50  ans,  à  parlirdu  T'  janvier  1853, 
le  payement  d'annuités,  qui  seront  de  3,628,000  fr.  à  dater 
de  1857,  en  représentation  du  revenu  des  lignes  rachetées. 
Cette  garantie  s'applique  au  service  des  emprunts  contractés 
par  les  anciennes  Compagnies,  ainsi  qu'aux  obligations 
créées  pour  leur  liquidation. 

La  Compagnie  de  Saint-Élienne  à  Lyon  a  reçu,  en  échange 
de  ses  actions,  94,974  obligations  remboursables  à  625  fr.  ; 
25  fr.  d'intérêt;  —  celle  de  Saint -Etienne  à  la  Loire, 
7,240  obligations  de  625  fr.,  dont  l'intérêt  n'est  de  25  fr. 
qu'à  dater  de  1857:  —  celle  d'Andrezieux  à  Roanne,  11,600 
obligations  de  500  fr.  3  0  0. 

ÉTAT   FIXAXCIER   DE   LA   COMPAGNIE. 

Les  dépenses  faites  et  à  faire  s'élèvent  approximativement, 
d'après  les  Documents  statistiques,  à  261,663,852  fr.  La  sec- 
tion de  Nevers  à  Saint-Germain-des-Fossés,  cédée  par  la 
Compagnie  d'Orléans,  était  dotée  de  36,401,000  fr.  qui  re- 
présentent la  part  contributive  de  lÉtat  dans  les  dépenses 
delà  Compagnie  nouvelle,  soit  environ  14  0  0. 

La  Compagnie  de  Lyon-Rourbonnais,  étant  substituée  ac- 
tivement el  passivement  aux  lieu  et  place  du  Grand-Central, 
reconnaît  les  dettes  contractées  par  les  chemins  de  Rhône- 
el-Loire,  ainsi  que  les  obligations  créées  pour  leur  liquida- 
tion, savoir  : 

l**  Emprunt  3  0  0  de  Rhône-et- Loire.  —  63,643  obligations 
remboursables  à  500  fr.  (de  1854  u  1952i:  15  fr.  d'intérêt 
payables  en  janvier  et  juillet. 

2°  Emprunt  4  0  0  de  Rhône-et-Loirc.  —  102,614  obliga- 
tions rembqursables  à  625  fr.  (de  1854  à  1952)  ;  25  fr.  d'in- 
térêt aux  mêmes  échéances. 

L'intérêt  el  l'amortissement  de  ces  emprunts  sont  compris 
dans  les  annuités  garanties  par  l'Etat  pour  50  ans. 

3'*  Emprunts  o"o  dit  Grand-Central.  —  131,307  obliiza- 
tions  remboursables  à  500  fr.  (^de  1855  à  1953):  15  fr.  d'in- 


_  ;i36  — 

térêl,  mêmes  échéances.  L'échange  de  ces  titres  a  lieu  au 
pair  contre  ceux  de  la  Compagnie  du  Bourbonnais. 

La  Compagnie  a  émis  en  outre,  dansle  courant  d'avril  1 856, 
186,000  obligations,  remboursables  à  500  fr.  (de  1856  à 
1953);  15  fr.  d'intérêt  payables  en  janvier  et  juillet.  Elles 
ont  été  négociées  à  285  fr.  avec  jouissance  du  1"'  janvier 
précédent;  elles  sont  complètement  libérées. 

La  Compagnie  n'a  pas  d'actions;  tout  son  capital  doit  être 
formée  par  voie  d'EMPRUNT.  Ses  obligations  sont  garanties 
solidairement  par  les  trois  Sociétés  d'Orléans,  de  Paris-Lyon 
et  du  Grand-Central. 

La  convention  des  2  février  et  6  avril  1855  a  étendu  à  la 
participation  des  Compagnies  de  Paris  à  Lyon  et  du  Grand- 
Central  dans  la  Société  du  Bourbonnais  le  partage  des  béné- 
fices entre  TÉtat  et  ces  Compagnies,  au  delà  de  8  0  0. 

CHEMIN  DE  FER  DE  LYO\  A  LA  31ÉDITERRAXÉE. 

(Compagnies    {usionnées.) 

(Administration:  Parie,  23,  rue  LaffiUe.) 

Sous  cette  nouvelle  dénomination  sont  groupées  les  an- 
ciennes Compagnies  de  Lyon  à  Avignon,  d'Avignon  à 
Marseille,  du  Gard,  de  Montpellier  à  Celte,  de  Montpellier  à 
Nimes. 

Le  réseau  comprend  619  kilomètres,  dont  550  en  exploi- 
tation. 

Lyon  à  Marfeille. 350  kilomètres. 

RognacàAix 27 

Tarascon  à  Celte 105 

Nîmes  à  Alais 50 

Mais  à  la  Grand'Combe 18 

A  construire  : 

Marseille  à  Toulon 69 

HISTORIQUE. 

1"  Le  chemin  de  fer  de  Lyon  à  Avignon,  commencé  en 
exécution  de  la  loi  du  16  juillet  1845,  fut  adjugé  une  pre- 


—  337  — 

mière  fois  le  10  juin  1846  à  la  Compagnie  Talabot,  pour  une 
durée  de  44  ans  298  jours.  Les  travaux  furent  abandonnés, 
comme  ceux  de  Paris  à  Lyon,  en  1848,  et  repris  par  FÉtat. 

—  Le  3  janvier  1852,  une  nouvelle  adjudication  fut  accordée 
à  iMM.  Génissieu,  lioigues,  E.  Blount,  Drouillard,  Benoist,  etc. 
Durée  de  la  concession,  99  ans-,  subvention,  49  millions;  ga- 
rantie par  TÉtat  de  5  0  0  d'intérêt  et  d'amortissement  d'un 
emprunt  de  30  millions  à  contracter  par  les  adjudicataires. 

—  Enfin,  le  15  juillet  1852,  un  traité  de  fusion  vint  encore 
changer  les  conditions  de  propriété  du  chemin,  comme  nous 
le  verrons  tout  à  Iheure. 

2"  La  ligne  d'Avignon  à  Marseille,  d'un  parcours  de 
120  kilomètres,  est  devenue  tristement  célèbre  dans  This- 
toire  des  folles  dépenses  et  des  gaspillages.  Elle  fut  concédée 
le  12  juin  1843  à  MM.  Talabot,  Ricard,  Chaponnière  et  Rey 
de  Foresta,  pour  33  ans.  Le  gouvernement  accorda  aux  adju- 
dicataires une  subvention  de  32  millions,  et  prit  en  outre  à 
sa  charge  toutes  les  dépenses  d'expropriation,  réglées  depuis 
à  10  millions.  — Le  13  novembre  1847,  la  Compagnie  obtint 
l'autorisation  de  contracter  un  emprunt  de  20  millions.  Le 
10  mai  1850,  elle  fut  de  nouveau  autorisée  à  emprunter 
30  millions  avec  garantie  par  l'État  de  5  0  0  d'intérêt  et 
d'amortissement.  Son  capital  était  de  20  millions.  Ce  qui 
porte  le  prix  de  revient  des  120  kilomètres  à  112  millions 
environ. 

Soit  925,000  fr.  par  kilomètres!  La  moyenne  des  autres 
lignes  est  de  391,000  fr. 

Les  actions  n'ont  jamais  rien  produit;  nous  verrons  plus 
loin  les  conditions  du  rachat  par  la  Compagnie  fusionnée, 

3^*  Le  chemin  d'Alais  à  Beaucaire  fut  concédé  à  perpé- 
tuité, le  29  mai  1833-,  celui  d'Alais  à  la  Grand'Combe  le  fut 
pour  99  ans  (21  mai  1836).  Capital  social,  16  millions;  em- 
prunts, 9  millions. 

4"  Le  chemin  de  Montpellier  h  Cette  fut  concédé  le 
9  juillet  1836  pour  99  ans.  Capital,  3  millions;  emprunts, 
1,300,000  fr. 

5"  Le  chemin  de  Montpellier  à  ISimes,  propriété  de  l'Étal, 


—  .338  — 

fut  affermé  pour  12  ans,  le  22  avril  1845,  moyennant  une 
somme  annuelle  de  381,000  fr.,  sans  préjudice  de  30  0  d'in- 
térêt du  matériel  d'exploitation,  estimé  900,000  fr. 

Fusion.  — Voici  maintenant  à  quelles  conditions  ces  lignes 
sont  entrées  dans  la  fusion  (1852).  C'est  la  Compagnie  de 
Lyon  à  Avignon  qui  stipule  comme  acquéreur. 

1"  La  Compngnie  de  Marseille  à  Avignon  recevra,  pour 
prix  de  la  cession  de  ses  droits,  40,000obligationsde625  fr., 
remboursables  en  99  ans  à  dater  du  3  avril  1855.  Cliaque 
obligation  portera  15  fr.»  d'intérêt  du  1"  octobre  1852  au 
1"  octobre  1857  ;  20  fr.  de  celte  dernière  époque  au  1"  oc- 
tobre 1864,  et  25  fr.  depuis  1804  jusqu'au  complet  rembour- 
sement. Les  actioimaires  pourront  souscrire  dans  la  nouvelle 
Compagnie  20,000  actions  aux  mêmes  conditions  que  les 
fondateurs. 

2"  Les  Sociétés  du  Gard  (chemin  d'Alais  à  Beaucaire  et  à 
la  Grand'Combe)  recevront  ime  anniiilé  de  1,200,000  fr., 
représentée  par  30,000  obligations  produisant  40  fr.  d'inté- 
rêt, remboursables  à  1,000  fr.,  en  99  ans,  qui  courront  du 
3  avril  1845.  Cette  annuité  pourra  s'augmenter  de  50,000  fr. 
par  an  jusqu'à  concurrence  de  1,450,000  fr.,  lorsipie  les 
chemins  de  l'Hérault  et  du  Gard  auront  pioduit  100,000  fr, 
de  plus  la  dernière  année  (]ue  L'année  précédente.  —  La  con- 
cession perpétuelle  d'Alais  à  Beaucaire  prendra  fin  avec  la 
concession  générale. 

3*^  Le  chemin  de  Montpellier  à  Cette  est  cédé  moyennant 
une  annuité  de  260,000  fr.,  représentée  par  13,000  obliga- 
tions à  20  fr.  d'intérêt,  remboursables  à  500  fr.,  en  99  ans, 
à  partir  du  3  avril  1855. 

4^  Le  chemin  de  Montpellier  cà  Nimes,  propriété  de  l'État, 
est  concédé  gratuitement.  Quant  à  la  Compagnie  fermière 
de  l'exploitation,  elle  recevra  nue  indemnité  de  500,000  fr., 
représentée  par  625  obligations  à  40  fr.  d'intérêt,  rembour- 
sables ta  1,000  fr.,  en  99  ans,  à  dater  du  3  avril  1855. 

Le  traité  du  15  juillet  1852,  portant  approbation  des  con- 
ventions précédentes,  contient  les  clauses  qui  suivent  : 


—  339  — 

La  Compagnie  de  Lyon  à  la  Méditerranée  devra  a(Vecler 
une  somme  de  5  millions  à  l'achèvement  des  chemins  de  la 
rive  droite  du  Kliône.  L'embranchement  d'Aix  sera  exécuté 
par  la  Com|)agnie,  niovcnnant  1  million  de  subvention  par 
cetteville.  Celui  de  Marseille  à  Toulon  le  sera  par  l'Ktat,  dans 
les  conditions  de  la  loi  du  1 1  juin  1842.  La  moitié  des  béné- 
fices excédant  8  0,0  ap|)arliendra  an  Trésor. 

La  Société  des  Mines  de  la  dandCombe  s'engage  à  ré- 
duire de  5  fr.  par  tonne  les  houdles  qu'elle  doit  fournir  à 
l'Étal  en  exécution  de  la  loi  du  17  juillet  1837,  et  à  proroger 
jusqu'au  24  juillet  1864  la  période  pendant  laquelle  cette 
condition  est  obligatoire. 

De  son  côté,  le  gouvernement  garantit  à  la  Compagnie  de 
Lyon  à  la  Méiliterranée  :  1°  une  somme  annuelle  qui  ne  peut 
dépasser  2,735,000  fr.  pour  l'exécution  des  engagements 
conlractésavec  les  Compagnies  faisant  cession  de  leurs  droits; 
2°  A  0,0  pendant  50  ans  des  sommes  dépensées  par  la  Com- 
pagnie pour  Icxécution  des  trivaux  à  la  charge  du  Trésor, 
sans  que  le  capital  puisse  excéder  31  millions  :  3°  5  0/0  d'in- 
térêt et  amortissement,  pendant  99  ans,  de  l'emprunt  de  30 
millions  garanti  pour  33  ans  à  l'aneieiine  Compagnie  d'Avi- 
gnon à  Marseille.  —  L'État  fait  abandon  de  son  chemin  de 
>'imes  à  Montpellier.  —  La  concession  est  de  99  ans  à  dater 
de  l'achèvement  des  travaux. 

La  Compagnie  de  la  Méditerranée,  par  traité  du  20  mars 
1855,  a  pris  à  bail,  pour  dix  ans,  l'exploitation  du  chemin 
de  ier  de  Bességes  à  Alais.  —  Par  convention  en  date  du  mois 
de  détcnibre  1855,  elle  doit  se  fusionner  avec  la  Compagnie 
de  Lyon  à  Cenève.  Ce  traité,  qui  n'est  pas  encore  définitif, 
n'aïuaild'cllélqu'à  dater  de  18(50.  — Nous  reparlerons  de  ces 
conventions  dans  les  paragraphes  consacrés  aux  Compagnies 
intéressées. 

J/assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  20  actions. 

i':tat  riNANCir.u  de  la  compagnie. 

Les  Documeni s  statistiques  évaluent  à  297,266,734  fr.  les 
dépenses  d'établisscmenl  faites  et  à  faire  sur  cette  ligne.  Nos 


—  340  — 

chiffres,  sauf  erreur,  accuseut  un  capital  engagé  do  317  mil- 
lions; le  lecteur  appréciera. 

Les  Subventions  de  l'État  s'élevaient  ù  136  millions , 
savoir  : 

A  la  Compagnie  de  Marseille  à  Avignon.  .  .  .  SOiOTfi.TCS 
Chemin  de  fer  de  Monipellier  à  Nîmes  ....  14,709,157 
Lyon  à  Avignon  et  subventions  nouvelles.  .  .     81,!)3f),ii5S 

Total 136,621,483 

Subvention  de  la  ville  d'Aix 1,000,000 

Ensemble 137,621,483 

Des  remboursements  par  la  Compagnie  ont  réduit  la  part 
contributive  du  Trésor  à  125,171,000  fr.;  soit,  avec  la  sub- 
vention de  la  ville  d'Aix,  126,171,000  fr.,  ou  42  0/0. 

Les  Actions  sont  au  nombre  de  90,000,  libérées  de  500  fr., 
représentant  un  capital  de  45  millions.  —  Échéances  semes- 
trielles, avril  et  octobre. 

Les  Emprunts  affectés,  tant  à  la  liquidation  des  Compa- 
gnies rachetées  qu'aux  travaux,  sont  au  nombre  de  trois;  ils 
sont  remboursables  en  99  ans,  de  1856  à  1954  ; 

1"  120,000  obligations,  émises  en  1852,  à  500  fr.,  rembour- 
sables à  625;  25  fr.  d'intérêt  payables  en  avril  et  octobre; 

2°  182,333  obligations,  émises  en  1853,  à  350  fr.,  rem- 
boursables à  500;  15  fr.  d'intérêt  (janvier  et  juillet); 

3"  82,666  obligations,  émises  en  1855,  à  280  fr.,  rembour- 
sables à  500;  15  fr.  d'intérêt  (janvier  et  juillet). 

Les  sommes  engagées  dans  le  réseau  de  Lyon  à  la  Médi- 
terranée se  répartissent  donc  comme  suit  : 

Capital  d'actions 45,000,000 

1"  emprunt 02,534,282 

2'=        —  (obligations  de  rachal) 60,751,622 

3=        —  22.932,137 

Total  des  obligations.  .  .   I46,2l8,0'il     140,218,041 

Total  par  la  Compagnie ',  .  .     191,218,041 

Subvention  de  l'Élat  et  de  la  ville  d'Aix 126,171,000 

Ensemble 317,389,041 


-  341  — 

Sur  ces  317  millions,  45  seulement  appartiennent  aux 
actionnaires,  moins  d'un  septième.  C'est  une  somme  de 
271  millions  que  l'État  et  les  capitalistes  mettent  à  la  dis- 
position de  cette  élite  de  propriétaires,  afin  d'aider  à  la 
prospérité  de  leur  entreprise;  12G  millions  sont  abandonnés 
à  titre  gratuit  par  l'État,  qui  garantit  de  plus  l'intérêt  à 
5  0  0  d'un  partie  des  emprunts;  146  millions  sont  fournis 
par  les  porteurs  d'obligations,  en  échange  d'un  revenu  fixe 
de  5  0/0  et  d'une  prime  de  remboursement  :  tout  cela  pour 
que  les  actionnaires  touchent  un  revenu  de  86  fr.,  comme  en 
1855  5  pour  que  les  actions  se  cotent  à  1,800  et  1,900  fr.,et 
qu'on  dise  :  Voilà  les  merveilles  de  la  finance,  tant  honnie, 
tant  décriée  1 

Eh  bien!  oui,  voilà  les  monstruosités,  l'opprobre,  la  con- 
damnation du  système;  voilà  la  finance  prise  en  flagrant 
délit  d'accaparement,  de  razzia  sur  les  fonds  des  contribua- 
bles et  des  particuliers.  Une  poignée  d'actionnaires  dispose, 
comme  de  sa  propriété  privée,  d'une  valeur  de  317  millions 
oîi  elle  n'a  pas  un  septième  d'engagé.  Les  porteurs  d'obliga- 
tions ,  trois  fois  plus  intéressés  qu'elle  dans  l'affaire,  sont, 
comme  l'État,  rançonnés,  réduits  à  la  portion  congrue, 
chassés  des  conseils  et  des  délibérations.  Tels  sont  les  résuU 
tats  du  crédit  démocratisé  de  la  secte  saint-simonienne. 

«  Ce  résultat,  dit  le  Rapport,  est  des  plus  satisfaisants,  puis- 
qu'il s'applique  à  une  première  année  d'exploitation,  surtout  si 
Ton  considère  que  la  ligne  de  Lyon  à  Avignon  n'a  été  exploitée  en 
entier,  pour  la  grande  vitesse,  qu'à  partir  du  IG  avril,  et  pour 
la  petite  vitesse,  qu'àpai'tir  du  3  septembre.  » 

C'est  fort  heureux  qu'à  ce  prix  ces  Messieurs  se  déclarent 
satisfaits.  Que  pourrait-on  leur  donner  de  plus? 

La  ligne  de  la  Méditerranée  va  donc  être  classée  parmi  les 
meilleures  ;  et  c'est  ce  qui  prouve  que  le  public  ne  sait  pas 
un  mot  des  cliemins  de  fer  et  de  leur  rendement.  Il  ne  con- 
naît que  deux  signes  :  le  dividende,  86  fr.,  et  la  cote  des  ac- 
tions, 1,800  à  1,900  fr.  Analysons  les  chiffres,  pour  son  édi- 
fication. 

Ce  dividende  provient  d'un  modeste  excédant  de  7,005,485 


—  342  — 

fr.  48  c-,  une  somme  de  435,485  fr.  48  c.  est  portée  à  la  ré- 
serve. Mais  il  n'est  encore  fait,  ancimc  retenue  pour  le  renou- 
vellement de  la  voie  et  du  mulériel. 

Nous  croyons,  dit  le  Rapport,  que  la  prudence  nous  impose 
l'obligation  de  créer  une  léscrve  spéciale  en  provision  du  renou- 
vellement de  la  voie  en  fer.  Mais  nous  nous  bornons,  pour  cette 
première  année,  à  poser  le  principe,  en  en  suspendant  l'application 
jusqu'au  règlement  de  1836.  » 

La  somme  à  répartir  est  de  6,570,000  fr.;  soit  par  action, 
73  fr.,  qui,  ajoutés  aux  13  fr.  d'intérêt  déjà  soldés,  consti- 
tuent un  revenu  de  86  fr.  par  action,  ou  17  fr.  20  0/0. 

Les  191  millions  fournis  par  l'industrie  (actions  et  obliga- 
tions), ayant  préalablement  touché  l'uilérêt  à  4  et  5  0/0,  si 
ce  reliquat  de  6,570,000  fr.  était  loyalement  réparti  entre 
tous  les  porteurs  de  titres,  au  marc  le  franc,  ce  serait  une 
augmentation  de  3  fr.  43  0/0  environ,  c'est-à-dire  un  revenu 
de  7  à  8  0/0. 

Et  si  les  subventions  touchaient  aussi  leur  5  0/0  !  et  si 
l'on  faisait  des  réserves,  au  lieu  de  se  borner  à  en  poser  le 
principe  ! 

En  un  mot,  la  meilleure  ligne  de  fer,  —  d'après  cote ,  — 
produit  <à  peine  5  0/0  du  capital  engagé;  mais  elle  donne 
17  0/0  aux  actionnaires.  Voilà  les  prodiges  de  la  finance! 

CHEMIN   DE  FEa  DE  BESSÉGES  A  ALAIS. 

(Siégi3  social  ;  Paris,  23,  rue  LaffiUc.) 

Ce  tronçon,  d'une*  longueur  de  30  kilomètres,  a  été  con- 
cédé, le  8  juin  1854,  à  MM.  de  Veau  de  Robiac,  Varin  d'Ain- 
velle  et  E.  Silhol,  pour  99  ans,  finissant  au  7  juin  1957.  La 
Société  anonyme  a  été  autorisée  le  16  août  1 855. 

Capital,  4  millions;  actions  de  500  fr.,  dont  400  veisés  ; 
4  0/0  pendant  la  durée  des  travaux.  —  7,143  obligations, 
émises  en  mai  1855,  à  280  fr.-  15  0/0  d'intérêt  payables  en 
avili  et  octobre  -,  elles  sont  remboursables  à  500  fr.,  de  1857 
à  1956.  —  L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de 
10  actions. 


—  343  — 

Par  traité  du  20  mars  18r)5,  ratifié  le  8  octobre,  l'oxploi- 
talion  de  lu  ligne  est  airermce  i)onr  dix  ans  à  la  Compagnie 
de  Lyon  à  la  Méditerranée  qui  fonrnit  le  matériel  et  piélève 
50  OyO  des  receltes  bintes,  jusqu'à  concuirence  de  20,000  fr. 
par  kilomètre,  et  33  0;0  sur  ce  qui  excéderait  ce  chillre.  Le 
minimum  de  ce  prélèvement  est  fixé  à  270,000  fr.,  et  la 
Compagnie  de  Bességcs  lient  compte  en  outre  de  90,000  fr. 
par  an  pour  loyer  du  matériel. 

CHEMIN  DE  TER  DE  LYON  A  GENÈVE. 

(Administration  :   Paris,  23,  rue  Laffilte.) 

Cette  ligne  a  été  concédée,  le  30  avril  1853,  à  MM.  Bar- 
Iholony,  Benoist  d'Azy,  duc  de  Galbera,  Blount,  Jayr,  etc., 
aux-condilions  suivantes  : 

Le  gouvernement  bançais  accorde  aux  concessionnaires 
une  subvention  de  15  millions,  et  le  gouvernement  suisse 
une  subveiilion  de  2  millions.  La  garantie  d'intérêt  par  TÉtat 
est  de  3  0;0  d'un  capital  de  50  millions.  Concession  de  99  ans, 
qui  courront  dir  1"  mai  1859.  Après  louverlure  de  la  ligne 
entière,  l'État  entrera  en  partage  des  bénéfices  excédant 
8  0,0  du  capital  dé|)ensé  par  la  Compagnie.  Les  actions  joui- 
ront d'iui  intérêt  de  4  0/0  du  capital  versé  pendant  la  durée 
des  travaux. 

La  longueur  de  la  ligne  est  de  216  kilomètres  en  France  et 
de  12  en  Suisse,  ensemble  228,  la  section  de  Lyon  à  Bourg, 
par  Ambérieux,  est  en  exploitation,  74  kilomètres. 

ÉTAT  FIXANCIER   DE   LA   COMPAGNIE. 

Les  Actions  sont  de  500  fr.  dont  375  versés,  au  nombre 
de  80,000,  représentant  un  capital  de  40  millions. 

Il  a  été  émis,  en  1853,  87,719  Obligations,  au  cours  de 
285  fr.,  remboursables  à  500  (de  1855  à  1954):  15  fr.  d'in- 
térêt (janvier  et  juillet).  Il  doit  y  avoir  un  deuxième  emprunt 
de  20  millions. 

Les  Subventions  sont  de  17  millions. 


—  344  - 
Ce  qui  établit  ainsi  le  capital  actuel  de  la  Compagnie  : 

Actions 40,000,000 

Obligations 25,000,000 

Total  par  l'industrie  privée 05,000,000 

Subvenllons  (suisse  et  française) 17,000,000 

Ensemble 82,000,000 

Par  convention  du  8  décembi-e  1855  avec  la  Compagnie 
du  chemin  de  fer  sarde  Victor-Emmanuel,  les  deux  lignes 
doivent  se  raccorder  à  Culoz. 

Par  convention  du  8  décembre  1855  avec  la  Compagnie 
de  Lyon  à  la  Méditerranée,  ces  deux  entreprises  doivent  se 
fusionner  en  une  seule,  deux  ans  après  leur  mise  en  exploi- 
tation totale  de  la  ligne  de  Genève,  c'est-à-dire  vers  1860.  Le 
capital  sera  partagé  entre  les  deux  Compagnies  au  prorata 
des  produits  nets  de  l'exploitation  pendant  lexercice  qui 
précédera  la  fusion.  —  La  ligne  de  Genève  n'étant  qu'à  ses 
débuts,  sa  recette  brute  sera  comptée  avec  36  0/0  d'aug- 
mentation ;  le  produit  net  sera  évalué  pas  une  déduction 
fixe  de  40  0  0  du  produit  brut. 

Ces  deux  conventions  n'ont  pas  encore  reçu  l'approbation 
du  gouvernement. 

CHEMIN  DE  FER  DE   SAINT-RA3IBERT  A  GRENOBLE. 

(Siège  social:  Paris,  31,  rue  Lepelletier.) 

Cette  ligne,  destinée  à  relier  Grenoble  et  Valence  à  Lyon  ; 
a  été  concédée  le  7  mai  1853  pour  99  ans,  qui  finiront  le  30 
avril  1958.  Parcours,  92  kilomètres,  dont  56  en  exploitation. 

Subvention  de  l'État,  7  millions;  garantie  de  3  0  0  d'in- 
térêt pendant  50  ans,  sur  un  capital  de  25  millions.  Après 
l'achèvement  des  travaux,  l'État  vient  en  partage  des  béné- 
fices excédant  8  0,0  du  capital  dépensé. 

Capital,  25  millions;  50,000  Actions  de  500  fr.  dont  300 
versés;  —  4  0  0  pendant  la  construction. 

La  concession  s'est  augmentée  en  1856  des  lignes  directes 


—  345  - 

de  Lyon  à  Grenoble  et  tic  Valence  à  Grenoble,  qui  portent 
l'étendue  du  réseau  à  260  kilomètres.  Les  conditions  de  sub- 
vention et  de  garantie  du  capital  de  25  millions  sont  appli- 
cables à  l'ensemble  des  trois  lignes.  —  Le  capital  doit  être 
porté  à  75  millions,  la  Compagnie  doit  prendre  le  nom  de 
Compagnie  du  Rhône  aux  Alpes. 


CHEMIN  DE  FER  DE  PARIS  A  ORLEANS  ET  SES 
PROLONGEMENTS. 

(Coiu|iagnies   fiisîonuv<'S4]  ' 

{Admirtislration  :  Pari?,  Il,  rue  de  la  Cliaussée-d'Anlin.) 

Cette  Compagnie  se  compose  des  anciennes  sociétés  de 
Paris  à  Orléans,  du  Cenire,  d'Orléans  <à  Bordeaux,  de  Tours 
à  Nantes,  réunies  par  le  décret  de  fusion  du  27  mars  1852. 
Depuis  cette  époque,  elle  a  subi,  quant  à  ses  concessions, 
de  nombreux  remaniements  que  nous  mentionnejons  dans 
riiistorique.  Voici  l'étendue  de  son  réseau  en  1856  : 

En  exploitation,  d'après  V Indicateur  des  Chemins  de  fer, 
1,239  kilomètres  : 

Paris  à  Bordeaux 682  kilomètres. 

Poitiers  à  Niort 78 

Tours  à  Nantes 195 

Orléans  à. Limoges 282 

Vierzon  àNevers 102 

En  construction,  d'après  les  Documents  statistiques, 
517  kilomètres  : 

Tours  au  Mans _  _  88 

Nantes  à  Saint-Nazaire 58 

Savenay  à  Cliàleauiin  et  embranchement.    .  .  .  285 

Niort  à  La  Roclielle  et  IJoeheforl 86 

Soit  un  développement  total  de  1,756  kilomètres,  que 
l'annexion  du  cbemin  de  fer  de  Sceaux  et  Orsay  portera  pro- 
cliainement  sans  doute  à  1,781;  car  il  ne  manque  plus  au 
contrat  d'acquisition  de  cette  ligne  que  la  sanction  du  gou- 
vernement. 


—  346  — 

HISTORIQUE. 
l"  Ligne  principale. 

La  ligne  de  Paris  à  Orléans  est  la  première  de  quelque 
importance  qui  ail  été  ouverte  auloiu'  de  Paris.  La  construc- 
tion en  fut  concédée,  le  7  juillet  1838,  à  M^L  Casimir  Le- 
comte  et  C'*^  pour  une  durée  de  70  ans,  portée  quelque 
temps  après  à  99,  à  partir  du  15  juillet  1840.  La  Société 
anonyme,  autorisée  par  ordonnance  du  13  août  1838,  Cut 
constituée  au  capital  de  40  millions,  divisé  en  80,000  ac- 
tions de  500  fr.  Les  concessionnaires  n'avaient  reçu  ni  sub- 
vention ni  garantie;  cependant  leur  capital  de  fondation 
paraissant  devoir  être  insuffisant,  ils  demandèrent  et  obtin- 
rent, par  la  loi  du  15  juillet  1840,  que  l'État  leur  garantît 
un  minimum  de  4  0/0  d'mlérêt  pendant  46  ans  324  jours,  à 
la  charge  par  eux  d'employer  annuellement  1  0/0  à  l'amor- 
tissement du  capital  social. 

Le  22  octobre  1842,  la  Compagnie  fut  autorisée  à  émettre 
8,888  obligations,  remboursables  à  1,250  fr.  et  portant  in- 
térêt à  4  0/0.  Un  autre  emprunt  de  10  millions  fut  également 
consenti  par  délibération  de  l'assemblée  du  8  mars  1847. 

La  ligne  de  Paris  à  Orléans  ne  fut  bientôt  plus  qu'un  tron- 
çon devant  les  prolongements  que  lui  assigna  la  loi  de  1842. 
Elle  devint  la  tête  des  chemins  de  Nantes,  de  Bordeaux  et 
du  Centre,  d'un  parcours  de  plus  de  1,500  kilomètres.  Aussi, 
malgré  les  emprunts,  les  actions  montèrent-elles  au  qua- 
druple de  rémission.  Cette  grande  prospérité  n'a  pas  em- 
pêché la  Compagnie  de  solliciter  une  augmentation  de  bail 
et  d'autres  avantages,  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

2'  Prolongements. 

1"  Le  chemin  d'Orléans  à  Bordeaux  fut  adjugé,  le  9  octo- 
bre 1844,  à  MM.  Laurent,  Luzarches  et  Mackensie,  pour 
27  ans  278  jours.  Le  maximum  de  durée  fixé  par  la  loi  était 
de  41  ans  16  jours.  La  Société  anonyme,  autorisée  par  or- 
donnance du  16  mai  1845,  se  constitua  au  capital  de  65  mil- 
lions, divisé  en  130,000  actions  de  5C0  fr. 


—  347  — 

Les  travaux  de  la  ligne  devaient  être  exécutés  suivant  la 
loi  de  juin  1842.  La  loi  du  6  août  1850  apporta  une  première 
modification  au  cahier  des  charges  en  prorogeant  jusqu'à 
50  années  la  durée  de  la  concession.  Moyennant  quoi  la  Com- 
pagnie s'engageait  à  terminer  à  ses  frais  les  travaux  et  à 
hâter  d'un  an  la  pose  de  la  voie  et  l'ouverture  de  la  ligne. 

2"  Le  chemin  de  Tours  à  Nantes,  exécuté  également  selon 
les  principes  de  la  loi  de  1842,  fut  mis  en  adjudication  le 
25  novembre  1845.  Le  maximum  de  la  concession  était  de 
35  ans.  Deux  Compagnies  se  présentèrent.  MM.  O'Neill, 
Mackensie,  Dufeu,  Brouillard,  etc.,  furent  déclarés  adjudi- 
cataires pour  34  ans  15  jours. 

La  loi  du  6  août  1850,  dont  nous  venons  de  parler,  vint 
porter  à  50  ans  la  durée  de  l'exploi  talion ,  aux  mêmes  clauses 
que  pour  la  Compagnie  de  Bordeaux.  La  Société  anonyme , 
autorisée  par  ordonnance  du  17'décembre  1845,  était  au 
capital  de  40  millions,  divisé  en  80,000  actions  de  500  fr. 

3"  Le  chemin  du  Centre,  allant  d'Orléans  à  Vierzon  avec 
embranchement  sur  Nevers  et  Limoges,  construit  également 
aux  frais  de  l'État,  fut  concédé  pour  39  ans  11  mois,  le 
9  octobre  1844,  à  une  Compagnie  formée  des  administra- 
teurs du  chemin  de  fer  d'Orléans.  La  Société  anonyme,  au- 
torisée par  ordonnance  du  13  avril  suivant,  porta  son  capi- 
tal à  33  millions,  divisé  en  66,000  actions  de  500  fr. 

-     3°   Fusion. 

Le  décret  du  17  mars  1852  vint  autoriser  la  réunion  de 
ces  quatre  entreprises  en  une  seule.  La  cession  au  prolit  de 
la  Com[tagnie  d'Orléans  des  droits  des  trois  autres  se  Ht  aux 
conditions  suivantes  : 

«  18  mars,  La  Compagnie  du  centre  recevra  une  action  entière- 
ment libérée  de  la  Conipagiiie  de  Paris  à  Orléans  contre  deux 
actions  du  clieniin  du  Centre  entièrement  libérées,  soit  33,000  ac- 
tions contre  6G,U00. 

«  IS  murs.  La  Compagnie  de  Tours  à  Nantes  recevra  une  action 
entièrement  libérée  frOrléaris  contre  quatre  actions  du  chemin  de 
Tours  à  Nantes,  libérées  de  42j  fr.,  soit  20,000  actions  contre 
80,000. 


—  348  — 

((  20  mars.  La  Coii)i»agiii(^,  d'Orléans  à  Bordeaux  recevra  une  ac- 
tion entièrement  libérée  de  Paris  à  Orléans  contre  trois  actions 
du  chemin  d'Orléans  à  Bordeaux,  libérées  de  275  IV.,  soit  43,334 
actions  contre  130,000. 

«  Les  actions  anciennes  et  les  actions  nouvelles  auront  des 
droits  égaux  aux  intérêts  et  aux  dividendes  de  l'année  1852.  Après 
réchange  opéré,  les  actions  des  Compagnies  rachetées  seront  dé- 
truites. » 

L'échange  des  actions,  par  suite  de  modifications,  ne  se 
fit  pas  strictement  dans  les  conditions  susénoncées.  Il  fut 
accordé  : 


8  actions  nouvelles  contre 


'  5  anciennes  d'Orléane. 
1 10  du  Centre. 
I  15  d'Orléans  à  Bordeaux. 
'20  de  Tours  à  Nantes. 


Le  nombre  des  actions  se  trouva  ainsi  de  282,134,  repré- 
sentant un  capital  de  141,067,000  fr.  Afin  d'arrondir  les 
chiirres,  il  fut  créé  17,866  actions  nouvelles,  représentant 
une  somme  de  8,933,000  fr. 

De  cette  façon,  le  capital  de  la  Compagnie  fusionnée  se 
trouva  porté  à  150  millions,  représenté  par  300,000  actions. 

4"  Concessions  nouvelles  et  remaniements. 

Le  décret  du  27  mars  1852  concéda  à  la  Compagnie  fu- 
sionnée : 

r  Le  prolongement  du  Guétin  à  Clermont,  avec  embran- 
chement de  Saint-Gerrnain-des-Fossés  à  Roanne; 

2»  Le  prolongement  de  Cluileauroux  à  Limoges; 

3"  L'embranchement  de  Poitiers  sur  La,  Rochelle  et  Ro- 
chefort. 

L'étendue  du  réseau  se  trouvait  portée  ainsi  à  1,568  kilo- 
mètres. Le  décret  du  17  août  y  ajouta  ;  De  Tours  au  Mans, 
88  :  de  Nantes  à  Sainl-Nazairc,  58. 

Par  convention  du  14  juin  1855,  approuvée  le  20,  il  fut 
concédé  à  la  même  Compagnie  un  chemin  de  fer  de  Nantes 
à  Chàteaulin,  par  Redon,  Quimper,  Lorient,  avec  embran- 
chement sur  Pontivy,  285  kilomètres. 


—  349  ~ 

D'autre  part,  le  conseil  d'administration  passa  avec  la 
Compagnie  d'Orsay  une  convention ,  ratifiée  le  16  août  1855 
par  rassemblée  générale,  pour  le  rachat  de  Sceaux  et  Orsay. 

Le  réseau  comprenait  alors  2,026  kilomètres. 

Mais  la  Compagnie  d'Orléans  ayant  cédé  :  1*^  au  Grand- 
Central  la  section  de  Saint-Germain  à  Clermont,  65  kilo- 
mètres; 2°  au  Syndicat  de  Paris  cà  Lyon-Bourbonnais  les  sec- 
tions de  Juvisy  à  Corbeil,  12  kilomètres,  et  de  Nevers  à 
Roanne,  170(1),  l'étendue  des  concessions,  au  31  décembre 
1855,  était  réduite  à  1,779  kilomètres. 

5°  Conditions  avec  l'Élal. 

La  concession  est  portée  à  99  ans  à  partir  de  1852,  et 
doit  prendre  tin  au  31  décembre  1950;  c'est  une  prolonga- 
tion de  : 

13  ans  sur  le  chemin  de  fer  d'Orléans, 

59  ans  sur  celui  du  Centre, 

49  ans  sur  ceux  de  Bordeaux  et  Nantes. 

Toutes  les  sections  nouvelles  sont  de  même  durée. 

L'État  garantit  un  minimum  d'intérêt  de  4  0/0  d'un  capi- 
tal de  150  millions,  pendant  50  ans. 

Il  renonce  à  son  droit  de  partage  dans  les  bénélices  des 
Compagnies  du  Centre,  de  Nantes  et  de  Bordeaux. 

Les  prolongements  du  Centre  seront  exécutés  dans  le  sys- 
tème de  la  loi  de  1842,  sauf  déduction  de  16  millions  à  four- 
nir par  la  Compagnie  en  dégrèvement  des  charges  imposées 
au  Trésor. 

Les  départements  et  les  villes  intéressés  à  l'embranche- 
ment de  Poitiers  sur  Rochefort  et  La  Rochelle  fourniront 
une  subvention  de  4  millions. 

L'État  accorde  une  subvention  de  25  millions  pour  lèche- 
min  de  fer  de  Nantes  à  Chàteaulin,  qui  devra  être  terminé 
dans  un  délai  de  9  ans. 

Le  reste  des  dépenses  à  la  charge  de  la  Compagnie. 

i,l)  Voir  les  Compagnies  de  Paris  à  Sceaux,  du  Grand-CenUal,  de  Paris 
â  Lyon  par  le  Bourbonnais,  pour  les  conditions  de  rachat  et  de  cession. 

20 


—  350  — 

La  faculté  de  rachat  réservée  au  gouvernement  ne  pourra 
s'exercer  que  quinze  ans  après  Tachèvement  de  toutes  les 
sections. 

Le  transport  des  dépêches,  qui  devait  être  gratuit,  sera 
payé  à  la  Compagnie  à  raison  de  300,000  fr.  par  an. 

L'assemblée  générale  se  compose  des  propriétaires  de 
20  actions. 

La  Compagnie  est  intéressée  pour  un  tiers  dans  le  chemin 
de  Lyon-Bourbonnais,  et  pour  un  cinquième  dans  le  chemin 
de  Ceinture. 

ÉTAT    riNANCIER    DE    LA   COMPAGNIE. 

Les  Documents  statistiques  évaluent  les  dépenses  faites  et 
à  faire  à  552,013,575  fr.  Ce  chilTic  nous  semble  devoir  être 
de  beaucoup  dépassé;  nous  dirons  touî  à  Iheure  pourquoi. 

Les  Subventions  en  travaux  et  en  argent  doivent  s'élever  à 
225,699,000  fr.,  y  compris  4  miliions  de  subventions  lo- 
cales et  déduction  f.iile  de  la  partie  des  subventions  affé- 
rentes aux  sections  cédées  à  la  Com|)agiiie  de  Paiis  à  Lyon 
par  le  Bourbonnais  :  soit  une  proportion  de  41  0/0.  —  Les 
lignes  du  Centre,  d'Orléans  à  Bordeaux,  de  Tours  à  Nantes, 
ont  été  exécutées  dans  le  système  de  la  loi  de  1842.  Le  ta- 
bleau 11  des  Documents^  colonne  10,  subventions  en  travaux 
non  remboursables^  porte  le  chiflre  de  247,950,000  fr.  Mais 
«  on  espère,  dit  une  note,  réduire  ces  dépenses  de  quelques 
millions,  en  raison  des  économies  probables.  » 

Pour  la  cession  au  Syndicatde  Lyon-Bourbonnais  de  la  sec- 
tion de  Neversà  Saint-Germain  ,  il  faut  déduire  de  ce  chiffre 
les  30,401,000  fr.  qui  y  sont  affectés;  reste  211,549,000  fr. 
Maintenant  nous  devons  ajouter  les  25  millions  allérents  à 
la  section  de  Nantes  à  Chàleaidin ,  ce  qui  relève  la  somme  à 
236,549,000  fr.  La  probabilité  d'économie  serait  donc  de 
11  millions. 

Les  Actions  ont  été  portées  par  le  compte  de  fusion  à 
300,000,  représentant  un  capital  de  150  millions;  elles  sont 


—  351  — 

de  500  fi'.,  eomplélement  libérées;  échéances  semestiielles, 
avril  et  octobre. 

Les  Emprunts  sont  au  nombre  de  trois,  le  dernier  émis  en 
trois  séries. 

r""  emprunt  1812.  8,888  obligations,  négoriéosà  1,125  fr., 
remboursables  à  1,250,  de  1845  à  1891;  50  fr.  dinlérôt 
(janvier  et  juillel  ). 

2°  emprunt.  13,333  oblip-afinns,  négociées  on  1848  à 
750  fr.,  remboursables  à  1,250,  de  1849  à  1938;  50  fr.  d'in- 
térêt (janvier  et  juillet). 

3"  emprunt.  Les  obligations  portent  15  fr.  d'intérêt, 
payables  en  janvier  et  juillet;  elles  sont  remboursables  à 
500  fr.,  de  1855  à  1951  pour  les  deux  premières  séries,  et  à 
1950  pour  la  troisième. 

ire  série,  i852.  150,000  obligations  négociées  à  340  fr. 

2-     —     1854.  130,000         —  —  275 

2«     —     1855.  1 50. 000         —  —  290 

Le  Rapport  de  1856  établit  ainsi  la  participa^,ion  de  l'in- 
dustrie privée  à  la  composition  du  capital  à  la  fin  de  1855  ; 

Capital  d'actions 150,000,000 

1"  emprunt 9,999,000 

2«      —        9,999,760 

3°      —        en  trois  séries 129,7(j4,5'»5 

Total  des  obligations .  .  149,703,295     149,703,295 

Total  par  l'industrie  privée 299,703,295 

Par  l'Élat,  dépenses /aî7ei  au  31  décembre  1854 21(j,041,825 

Ensemble 510,405,120 

Du  chiffre  de  516,405,120  fr.  il  faudrait  déduire  la  dépense 
aflérente  à  la  section  de  INevers,  distraite  de  la  Compagnie 
d'Orléans;  il  faudrait  y  ajouter  d'autre  part  les  sommes  dé- 
pensées par  l'État  en  1855.  A  défaut  de  renseignements  pré- 
cis, nous  croyons  pouvoir  prendre,  sans  être  taxé  d'exagéra- 
tion ,  le  chifl're  de  500  millions  comme  celui  des  dépenses 
de  toute  nature  engagées  dans  la  Com|)agnie  à  la  (in  de  1855. 
La  longueur  exploitée  à  la  même  époc]ue  était  de  1,158  kilo- 
mètres. Calculons  sur  1,200,  afin  de  laisser  à  la  Compagnie 
une  marge  encore  plus  favorable.  Le  coût  kilométrique  serait 


—  352  — 

alors  de  416,000  fr.  L'étendue  concédée  étant  de  1,745  kilo- 
mètres, d'après  le  Rapport  du  30  novembre  1856,  il  resterait 
à  parfaire  545  kilomètres  représentant,  à  416,000  fr.  par 
kilomètre,  226,720,000  fr.,  dont  200  millions  environ  à 
fournir  par  la  Compagnie. 

Le  revenu  des  actions 24,286,176  fr. 

et  le  service  des  emprunts 5,738,733 

portent  le  revenu  de  1855  à .30,024^909^ 

soit  6  0/0  du  capital  de  toute  provenance  engagé  dans  l'en- 
treprise. Mais  les  actions  ont  touché  16  0/0. 

Ce  revenu  de  6  0/0  est  dû  à  ce  que,  comme  toujours,  il 
n'est  fait  aucune  réserve  pour  le  renouvellement  de  la  voie 
et  du  matériel  sujet  à  détérioration.  Ainsi  les  rails  et  tra- 
verses de  la  ligne  de  Paris  à  Orléans  sont  aujourd'hui  com- 
plètement renouvelés.  Le  rapport  ne  dit  rien  du  chiffre  de 
cette  dépense,  mais  il  l'impute  complètement  au  compte  de 
Premier  Établissement. 

Les  225  millions  de  subventions  ne  touchent  ni  intérêt  ni 
amortissement 5  mais  les  200  millions  que  la  Compagnie 
devra  réaliser,  —  par  voie  d'emprunt  sans  doute,  —  pour 
parfaire  son  réseau ,  auront  droit  à  un  revenu  et  au  rembour- 
sement. Les  sections  inachevées  sont  les  moins  productives, 
car  plus  le  réseau  s'allonge,  plus  il  perd  au  point  de  vue  du 
rendement;  et  la  plupart  des  embranchements  à  terminer 
sont  considérés  par  la  Compagnie  elle-même  comme  des 
charges. 

Aggravation  des  dépenses  et  réduction  du  produit  net, 
telle  est  la  perspective,  la  certitude  des  actionnaires  de  l'a- 
venir. Ce  revenu  de  6  0/0  descendra  —  par  les  dépenses  de 
renouvellement  des  voies,  successivement  exécuté  à  Taide 
d'emprunts,  et  par  la  diminution  du  produit  kilométrique 
—  à  5,  4,  3,  2  0/0,  même  à  zéro.  Les  obligations  priment  les 
actions;  elles  ont  privilège  sur  elles.  Elles  absorberont  tout 
le  produit  net,  en  attendant  qu'elles  réclament  de  l'État 
l'exécution  de  sa  garantie  d'intérêt.  La  haute  finance  le  sait  ; 
elle  n'y  perdra  rien,  car  elle  se  met  déjà  en  mesure.  Les  ac- 
tions de  chemins  de  fer  sont  toutes  aux  mains  des  petits  ren- 


—  353  — 

liprs,  dont  l'apathique  confianco  ne  rossera  que  devant  un 
désastre  qu'ils  auraient  pu  prévoir. 

Nous  avons  dit  les  conditions  des  actionnaires  de  l'avenir; 
les  chiffres  suivants  vont  nous  montrer  celles  des  action- 
naires du  passé. 

REVENU    DES   ACTIONS. 
Exercices  antérieurs  à  la  fusion  (ancienne  Compagnie  d'Orléans). 

De  1840  à  18't3,  4  0/0  pendant  les  travaux. 

1844:39  25         184G  :  Gl   »»         1848:42  80         1850:57  75 
1845  :  47  30         1S47  :  62  70         1849  :  57   »>>         1851  :  03  50 

Exercices  postérieurs  à  la    fusion. 

1852:48  40         1853:62  10         1854:69».»         1855:80».. 

Le  capital  versé  par  les  actionnaires  de  l'ancienne  Com- 
pagnie d'Orléans  est  de  40  millions.  Avant  1852,  cette  mise 
de  fonds  était  représentée  par  80,000- actions.  Les  revenus 
cumulés  des  exercices  1844  et  1851  inclusivement  s'élèvent  à 
431  fr.  30  c.  par  action,  soit  pour  l'ensemble  à  34,504,000  fr. 

L'échange  s'étant  opéré  en  1852,  à  raison  de  8  titres  nou- 
veaux contre  5  anciens,  les  40  millions  se  trouvent  repré- 
sentés aujourd'hui  par  128,000  actions.  Les  revenus  cumu- 
lés des  quatre  exercices  1852-1855  montent  à  259  fr.  50  c. 
par  action,  soit  pour  les  128,000,  un  total  de  33,216,000  fr. 

Ainsi  les  anciens  actionnaires  dOrléans  ont  touciié  en 
douze  ans,  pour  un  capital  versé  de  40  millions  : 

Avant  la  fusion 34,504,000  tr. 

Après  ia  fusion 33,216,000 

Total 67,720,000 

c'est-à-dire  un  revenu  de  5  fr.  77  c.  0  0,  plus  le  rembour- 
sement de  leur  capital.  Ils  restent  copropriétaires,  pour 
95  ans  encore,  de  tout  le  réseau  concédé. 

Si  les  exercices  devaient,  comme  l'affirment  les  Rapports, 
grossir  d'importance  d'année  en  année,  en  prenant  seule- 
ment CCS  12  premières  annuités  comme  base  du  revenu  des 
actions  pour  les  95(iui  restent  à  courir,  nous  arriverions  aux 
résultais  suivants  : 

20. 


—  3:5 1  — 

Inléiêts  cumulés  en  1960 536,110,000  fr. 

Amorlisseiuenl  à  500  fr.  des  128,000  actions 64,000,000 

Total GOO,ilG,000 

Voilà  ce  qu'auraient  produit  en  un  siècle  les  40  millions 
primitivement  souscrits  par  les  actionnaires  de  l'ancienne 
Compagnie  d'Orléans. 

La  part  des  Compagnies  incorporées,  quoique  beaucoup 
moins  brillante,  est  encore  fort  belle. 

Mais  le  plus  clair  profit  de  tous  ces  tripotages,  c'est  la 
hausse  qui  a  permis  aux  financiers  de  liquider  à  5  0/0  et 
plus  de  bénéfice.  Pour  l'avenir,  et  dans  l'intérêt  de  leurs 
acheteurs,  ils  ont  eu  soin  de  faire  garantir  par  lÉtat  4  0^0 
d'intérêt  du  capital  engagé.  Ce  ne  sera  pas  là  une  vaine 
précaution. 

Telle  est  la  justice  dislributive  de  la  féodalité  capitaliste. 

CHEMIN  iSe  fer  GRAND-CENTRAL. 

{Siège  social:  Paris,  10,  place  Vendôme.) 

Le  Grand-Central  a  subi  de  nombreux  remaniements  de- 
puis sa  concession.  L'étendue  de  son  réseau,  d'après  le  Rap- 
port à  l'assemblée  du  3  mai  1856,  est  de  1,349  kilomètres, 
dont  140  environ  en  exploitation. 

Concession  du  21  avril  1853  :  de  Clermont  à  Lempdes;  du  Lot  à 
Monlauban  ;  embranchement  sur  Marcillac  ;  de  Lempdes  à  Péri- 
gueux ,  .  .  .  .     314  k. 

Concession  du  7  avril  1855;  de  Lempdes  à  la  rivière  du  Lot;  de 
Saiut-Étienne  à  la  rencontre  de  la  ligne  de  Clermont  à  Montau- 
ban;  de  cette  ligne  à  Périgueux  ;  de  Limoges  à  Agen  ;  de  Mar- 
cillac à  Rodez 705 

Embranchements  sur  Tulle,  Cahors ,  Bergerac  et  Villeneuve- 
d'Agen  (concession  provisoire) 120 

Achat  à  la  Compagnie  d'Orléans  de  la  section  de  Saint-Germain 
à  Clermont 65 

Achat  de  la  ligne  de  Montluçon  à  Moulins 85 


—  355  — 

HISTÛRlQtiE. 

Ce  chemin,  destiné  à  relier  Bordeaux  et  Lyon  en  passant 
par  Périgueux,  Brives,  Aurillac,  le  Pny,  fut  coticédé,  le 
21  avril  1853,  pour  99  ans,  à  MM.  de  Morny,  Lalour-Mau- 
bourg,  Pourtalès,  Hutcliinson,  Uziella,  etc.  Les  travaux  de- 
vaient être  exécutés  selon  le  sysième  de  la  loi  de  1842,  sauf 
pour  les  sections  suivantes  :  de  Clermont  à  Lompdes,  de  la 
livière  du  Lot  à  Monlauban,  avec  embranchement  sur  Mar- 
cillac,  et  de  Périgueux  à  Coutras. 

Le  capital  était  de  90  millions,  représenté  par  180,000  ac- 
tions. 

Par  décret  du  26  décembre  1853,  les  chemins  de  fer  de 
Bhône-et-Loire  furent  annexés  au  Grand-Central,  puis  cédés, 
le  31  janvier  1855,  par  le  Grand-Central  à  la  Compagnie  de 
Paris  à  Lyon-Bourbonnais  (!). 

Le  décret  du  7  avril  1855,  en  complétant  le  réseau  de  cette 
Compagnie,  modifia  la  clause  lelatixe  à  la  participation  de 
l'État  dans  les  travaux  ^  la  Compagnie  se  cliarge  de  toutes 
les  dépenses  moyennant  une  subvention  du  Trésor  de  76 
millions  pour  les  lignes  principales  et  de  2  millions  pour 
l'embranchement  de  llodez. 

Les  quatre  embranchements  concédés  provisoirement 
(Cahors,  V'illeneuve-d'Agcn,  Bergerac  et  Tullei  doivent  être 
construits  dans  le  système  de  la  loi  de  1842. 

Un  décret  du  15  décembre  1855  approuve  la  construction 
d'un  embranchement  destiné  à  relier  les  mines  de  Roche-la- 
Morlière  et  Firminy  au  tronc  principal. 

Achats  et  l'usions. 

La  ligne  de  Moulins  à  Monluçon  doit  desservir  huit  con- 
cessions houillères  en  exploitation,  les  hauts-fourneaux  de 
Commenlry,  Fonrchiimbault,  les  glaces  et  verreries  de 
Montluçon,  Souvigny,  et  une  foule  dautros  établissements 
de  premier  ordre.  Elle  fut  concédée  le  17  octobre  1854  à 
M.  Ferd.  Barrot,  de  Monicaut,  Rougemonl,  etc.,  pour  99  ans, 

(1)  Voir  le  chemin  de  1er  de  l'aris  à  L^un  pur  le  Bourbonnais. 


—  356  — 

à  partir  du  17  octobre  1860.  La  société  anonyme,  autorisée 
le  23  juin  1855,  porta  son  capital  à  22  millions,  représenté 
par  14,000  actions. 

Par  convention  du  20  juin  1855,  approuvée  le  19  décem- 
bre suivant,  la  Compagnie  de  Moulins  s'est  fusionnée  avec 
le  Grand-Central;  les  actions  des  deux  Compagnies,  libérées 
de  250  fr.,  s'échangent  au  pair.  En  conséquence,  les  180,000 
actions  du  Grand-Central  sont  portées  à  224,000. 

Le  Grand-Central  a  acheté  les  établissements  miniers  et 
métallurgiques  d'Aubin  comprenant  :  1»  onze  concessions  de 
houille;  2"  une  mine  de  fer;  3°  divers  droits  de  recherche, 
d'extraction  et  d'alïouage  de  houille  et  minerais;  4°  quatre 
concessions  de  mines  métallifères;  5°  six  forges  et  hauts- 
fourneaux;  6"  divers  terrains,  carrières,  forêts  et  domaines; 
7°  le  fonds  de  roulement.  —  Le  prix  de  la  concession  est  de 
44,200  obligations,  remboursables  à  500  fr.  pendant  la  durée 
de  la  concession;  15  fr.  d'intérêt. 

La  section  de  Saint-Germain-des-Fossés  à  Clermont  a  été 
cédée  au  Grand-Central  par  la  Compagnie  d'Orléans,  qui 
reste  chargée  de  l'achèvement  des  travaux.  —  Cette  con- 
cession a  été  faite,  moyennant  la  remise  du  nombre  d'obliga- 
tions nécessaire  pour  représenter  un  revenu  net  de  12,000  fr. 
par  kilomètre,  sauf  déduction  de  1,200  fr.  par  kilomètre 
en  représentation  du  matériel  roulant  fourni  par  la  Compa- 
gnie acquéreur,  soit  en  tout,  46,800  obligations  remboursa- 
bles à  500  fr.  ;  15  fr.  d'intérêt. 

Nous  avons  mentionné  ailleurs  les  conventions  relatives  à 
la  participation  dans  le  chemin  de  fer  de  Lyon-Bourbonnais. 

Conilitions  avec  l'État. 

L'État  accorde  une  subvention.de  78  millions  en  compen- 
sation des  travaux  à  sa  charge  ;  quatre  embranchements  de 
130  kilomètres  seront  consti  uits  dans  le  système  de  la  loi  de 
1842.  La  durée  de  la  concession  est  de  99  ans  à  dater  de  l'a- 
chèvement des  travaux,  c'est-à-dire  de  110  ans  à  partir  du 
2  mai  1852.  Le  capital  d'actions  est  porté  à  1 12  millions.  Le 


—  357  — 

gouvernement  2;arantil  nn  intérêt  de  4  0/0  du  capital  de 
219  millions  à  réaliser  par  voie  d'emprunt  ou  par  émission 
d'actions.  —  Il  entrera  en  partage  des  bénéfices  excédant 
8  0/0  du  capital  dépensé  par  la  Compagnie.  —  Les  travaux 
doivent  être  exécutés  dans  le  délai  de  onze  ans. 


ETAT  FINANCIER  DE  LA  COMPAGNIE. 

Les  dépenses  sont  évaluées,  par  les  Documents  statisliques, 
à  331,455,000  fr.,  dont  92,900,000  fr.  à  fournir  par  l'État, 
soit  28  0  0. 

Subventions  par  l'État  :  en  espèces  78  millions  ;  en  Ira- 
vaux,  mémoire.  (A  payer  ultérieurement.) 

Les  ACTIONS  sont  au  nombre  de  224,000,  représentant  un 
capital  de  112  millions;  elles  sont  de  500  fr. ,  dont  450  fr. 
versés.  Elles  louchent  4  0/0  pendant  la  durée  des  travaux. 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  20  actions. 

Les  Emprunts  de  Rhône-et-Loiresont  transférés  à  la  Com- 
pagnie du  Bourbonnais.  11  reste  à  la  charge  de  la  Compagnie 
181,000  obligations,  remboursables  à  500  fr.,  en  99  ans; 
15  fr.  d'intérêt  (janvier et  juilletj;  elles  représentent  un  ca- 
pital de  54,300,000  fr.,  savoir  : 

90,000  obligations  émises  en  1855 27,000,000 

44.200,  achat  des  étalilissements  d'Aubin 13,200,000 

40,800,  aclial  de  la  section  de  Cleimout  à  St-Germain.     14,040,000 

Le  Grand-Central  a  fait,  avec  la  Compagnie  d'Orléans,  un 
traité  de  fusion  dans  le  courant  de  185G  :  chaque  section  se- 
rait construite  par  le  Grand-Central  et  exploitée  par  lui  pen- 
dant deux  ans;  il  serait  ajouté  50  0  0  aux  produits  nets  du 
dernier  exercice;  et  le  prix  du  rachat  serait  basé  sur  ce  taux. 
Mais  cette  convention  n'a  pas  reçu  les  sanctions  nécessaires 
à  sa  validité. 

Les  concessions  sollicitées  par  la  Compagnie  sont  :  en  Es- 
pagne, le  chemin  de  Madrid  à  Saragosse;  en  France,  le  ré- 
seau pyrénéen;  une  ligne  de  Limoges  à  Paris,  passant  par 
Tours,  Vendôme  et  Chàteaudun. 


—  358  — 

CHEMINS  DE  FER  DU  MIDI  ET  CANAL  LATÉRAL  A  LA 
GARONNE. 

(Siège  social:  Paris,  15,  place  Vendôme.) 

Sous  cette  dénomination  sont  compris  les  prolongements 
de  Bordeaux  sur  l'Océan,  sur  la  frontière  d'Espagne  et  sur  la 
Méditerranée,  ainsi  que  le  canal  latéral  à  la  Garonne. 

Par  décision  du  24  août  1856,  la  concession  des  chemins 
du  Midi  a  été  accordée  à  MM.  dEichtal,  E.  André,  E.  Pereire, 
1.  Pereire,  Audoin,  etc.  Les  Statuts  de  la  Compagnie  ano- 
nyme ont  été  approuvés  le  6  novembre  1852. 

Longueur  exploitée,  d'après  V Indicateur  des  Chemins  de 
fer,  460  kilomètres  : 

Bordeaux  à  Bayonne 198  kil. 

Lamotiie  à  la  Teste 13 

Bordeaux  à  Toulouse 267 

A  construire,  353  kilomètres  : 

Toulouse  à  Cette 231 

Embranchement  de  Mont-de-Marsan.  .  .      37 

—  de  Perpignan 60 

—  de  Pézénas 25 

Longueur  du  canal 209 

La  durée  de  la  concession  est  de  99  ans,  à  dater  de  l'achè- 
vement des  travaux;  elle  doit  prendre  fin  le  24  août  1957. — 
L'Etat  accorde  une  subvention  de  35  millions  pour  la  ligne 
de  Bordeaux  à  Cette,  et  de  16,500,000  fr.  pour  celles  de  Nar- 
bonne  et  Perpignan.  —  Il  garantit,  pendantôO  ans,  un  mini- 
mum d'intérêt  de  4  0  0,  et  l'amortissement  dun  emprunta 
contracter  de  51  millions;  il  garantit  également  l'intérêt  à 
4  0/0  du  capital  de  07  millions.  —  Après  l'achèvement  des 
travaux,  il  a  droit  à  la  moitié  des  bénéfices  au  delà  de  8  0  0. 

La  Compagnie  a  pris  à  bail  l'exploitation  du  chemin  de  fer 
de  Bordeaux  à  la  Teste  aux  conditions  que  nous  dirons  ci- 
après  : 

KTAT    FINAXCIER     DK    LA   COMPAGNIE. 

Le  coùt  du  réseau  est  évalué  à  175,488,417  fr.  parles 


—  359  — 

Documents  statistiques^  et  la  part  contributive  de  l'État  à 
51,500,000  fr.,  soit  29  0  0. 

Les  Subventions  de  l'État  s'élèvent  à  51,500,000. 

Les  Actions  étaient,  d'après  la  première  constitution,  au 
nombre  de  134,000,  représentant  un  capital  de  67  millions. 
Par  modification  approuvée  le  11  août  1856,  il  a  été  émis 
89,334  actions  nouvelles,  au  cours  de  700  fr.,  payables  : 
250  fr.  comptant;  250  fr.  du  2  au  10  janvier  1857;  200  du 
1'^'  au  10  juillet  1857.  — Elles  toucbent  4  0  0  pendant  la  du- 
rée des  travaux  (échéance  en  janvier). 

149,788  Obligations  émises  k  285  fr.  libérées,  rembour- 
sables à  500,  de  1859  à  1957;  15  fr.  d'intérêt  (janvier  et 
juillet). 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  40  actions. 

CHEMINS  DE  FER  DE  BORDEAUX  A  LA  TESTE. 

(Siège  social  à  Bordeaux. —  Bureaux  à   Paris:  15,  place  Vendôme.) 

Cette  ligne,  d'un  parcours  de  52  kilomètres,  a  été  auto- 
risée par  la  loi  du  l7  juillet  1837,  et  adjugée,  le  26  octobre 
de  la  même  année,  à  M»  Fortuné  de  Vergés,  pour  70  ans.  La 
Compagnie  anonyme,  autorisée  par  ordonnance  du  28  fé- 
vrier 1838,  était  au  capital  de  5  millions,  représenté  par 
10,000  actions.  Une  capitalisation  d'intérêts  accordée  à 
MM.  E.  et  \.  Pereire  a  fait  créer  à  leur  profit  5,000  actions 
nouvelles.  —  Emprunt,  1,047  obligations  remboursables  à 
1,250  fr. 

Ce  chemin,  loin  de  produire  des  bénéfices,  n'a  jamais  fait 
ses  frais.  L'État  a  dû,  à  plusieurs  reprises,  en  prendre  l'ex- 
ploitation, y  affecter  des  crédits,  le  mettre  sous  séquestre, 
(lette  défaveur  a  sans  doute  empêché  qu'il  fût  compris  dans 
la  grande  fusion  d'Orléans.  Le  service  en  est  alïermé,  comme 
nous  venons  de  le  voir,  à  la  Compagnie  du  Midi  pour  99  ans. 
C'est  la  tète  du  chemin  de  Bayomie. 

La  Cnmpngnie  fermière  prend  à  sa  chnrgc  les  délies  e!  les 


—  360  — 

dépenses  de  réparation  do  ia  voie  ;  sur  les  produits  nets  de 
rembranchement,  elle  prélève  le  service  des  emprunts  et 
5  0  0  des  sommes  dépensées  à  la  construction  de  la  ligne  de 
Bayonne  et  la  réparation  de  celle  de  la  Teste;  l'excédant, 
s'il  y  en  a,  est  partagé  par  moitié  entre  les  deux  Compa- 
gnies. La  concession  est  prorogée  à  99  ans,  qui  prendront 
fin  avec  le  bail  des  chemins  du  Midi. 

CHE3IIX  DE  FER  DE  GRAISSESSAC  A  BÉZIERS. 

(Siège  social  :    Pari?,  45,  nie  Taitbonl.) 

Concédé  pour  99  ans  par  décret  du  27  mars  1852;  fin  du 
bail,  29  mars  1955  ;  approbation  des  Statuts,  18  février  1853. 
—  Parcours,  59  kilomètres.  —  Capital,  18  millions,  divisé 
en  36,000  actions  de  500  fr.,  dont  400  payés.  4  0,0  pendant 
les  travaux  (octobre  et  avril). —  26,600  obligations  émises 
à  140  fr.,  remboursables  à  258  ;  7  fr.  50  c.  d'intérêt  (novem- 
bre et  mai). 

Ce  tronçon  ne  compte  pas  moins  de  dix  souterrains,  d'une 
longueur  ensemble  de  3,778  mètres. 

€IIEMLN   DE  FER  DE  PARIS  A  SCEAUX  ET   ORSAV. 

(Siège  social  :   Paris,  35,  rue  Neuve-des-Petits-Gliamps.) 

La  ligne  de  Paris  à  Sceaux,  d'un  parcours  de  11  kilo- 
mètres, construite  en  exécution  de  la  loi  du  5  août  1844,  fut 
concédée  le  8  septembre  suivant  à  M.  Arnoux  pour  l'expéri- 
mentation de  ses  trains  articulés.  La  concession  était  de 
50  ans.  La  Société  anonyme,  autorisée  par  ordonnance  du 
23  février  1845,  se  constitua  au  capital  de  3  millions. 

Ce  chemin  n'a  jamais  couvert  ses  frais  5  l'État  a  dû  venir 
plusieurs  fois  à  son  recours. 

Comme  indemnité,  et  pour  l'expérimentation  en  grand  des 
trains  articulés,  le  gouvernement  concéda,  le  30  avril  1853, 
à  la  même  Compagnie,  le  prolongement  de  Bourg-la-Rcine 
à  Orsay  aux  conditions  suivantes; 


—  361  — 

1°  L'État  livre  tous  les  travaux  en  cours  d'exécution  ;  â'Ml 
s'engage  à  payer  une  subvention  de  800,000  fr.  pour  Fachè- 
vement  desdits  travaux  -,  3"  il  garantit  pendant  50  ans  un  in- 
térêt de  3  0/0  sur  une  somme  de  3  millions  déjà  empruntée 
et  sur  une  autre  somme  de  1,200,000  fr.  à  emprunter;  4"  la 
duiée  de  la  concession  est  portée  à  99  ans,  commençant  le 
10  décembre  1854. 

La  Compagnie  s'engage  à  terminer  les  travaux  et  à  com- 
pléter les  essais  des  trains  articulés.  L'État  aura  droit  à  la 
moitié  des  bénéfices  excédant  8  0,0. 

L'ensemble  des  dépenses  faites  par  l'État  pour  ce  tronçon 
s'élève  à  2,905,669  fr. 

Aux  termes  des  conventions  provisoires  passées  avec  la 
Compagnie  d'Orléans,  celle-ci  se  charge  du  payement  inté- 
gral des  sommes  dues  par  la  Compagnie  d'Orsay,  et  qui  peu- 
vent s'élever  à  4  millions  ;  elle  rachète  les  6,000  actions  de 
capital  au  prix  de  5,000  obligations  3  0/0  remboursables  à 
500  fr.  En  calculant  l'obligation  à  300  fr.,  5  obligations 
contre  6  actions  font  ressortir  ces  dernières  au  prix  de  250  fr. 
l'une. 

Cette  convention  est  subordonnée  à  l'approbation  du  gou- 
vernement, à  celle  de  l'assemblée  des  actionnaires  d'Orléans, 
et  à  des  conditions  de  développement  du  réseau  de  Sceaux- 
Orsay,  qui  n'est  que  de  26  kdomètres. 

CHEMINS  DE   FER  DE  L'OUEST  ET  DU  NORD-OUEST. 

(CompaguieB  faaioniiAeai) 

(Siège  social  :  Paris,  124,  rue  Saint-LaZare.) 

Sous  cette  dénomination  sont  agglomérées  les  anciennes 
Compagnies  de  Versailles  rive  droite,  Versailles  rive  gauche, 
Paris  à  Saint-Germain,  Paris  à  Argenteuil,  Paris  à  Rouen, 
Rouen  au  Havre,  Dieppe  et  Fécamp,  Paris  à  Caen  et  Cher- 
bourg, Ouest  (ancienne). 

L'étendue  du  réseau  concédé  est  de  1,778  kilomètres, 
d'après  le  Rapportdu  30  novembre  1856, et  de  2,059,  d'après 
les  Documents  statistiques. 

21 


—  362  — 

Il  se  divise  en  deux  sections  distinctes,  qu'aucune  consi- 
dération géographique  ou  de  facilité  d'exploitation  n'enga- 
geait à  réunir  :  les  lignes  de  Normandie  et  celles  de  Bre- 
tagne. 

Banlieue  de  Paris .  <  < .      65  kilomètre?, 

HESEAU    NORMAND. 

Paris  au  Havre 229 

Embranchements  de  Dieppe  et  Fécamp.  ,  .  69 

Mantes  à  Cherbourg 317 

Tourvilie  à  Serquigny. 56 

Lisieux  à  Honfleur 36 

Bayeux  à  Saint-Lô ■. 35 

Mézidon  au  Mans 139 

Argentan  à  Granviile 152 

késeau  breton  et  angevin. 

Versailles  à  Brest  par  Chartres,  Rennes.  .  .  605 

Rennes  à  Saint-Malo 74 

Rennes  à  Redon 72 

Le  Mans  à  Angers 105 

Séez  à  Couches 72 

Fresnay  à  Sillé-le-Guillaume IG 

Longueur  en  exploitation ,  885  kil. 

Banlieue  de  Paris 65 

Paris  au  Havre 229 

Embranchement  de  Dieppe 52 

—              de  Fécamp it 

Mantes  àCaen.   .  .  4 182 

Versailles  à  Laval 284 

Le  Mans  à  Alençon 56 

HlSTORigUE. 
1°  Saint-Germain  et  Argenteuil. 

La  ligne  de  Saint-Germain ,  la  première  construite  aux 
environs  de  Paris,  fut  concédée,  le  9  juillet  1835,  à  M.  E.  Pé- 
reire,  pour  99  ans.  La  société  anonyme,  autorisée  le  4  no- 
vembre suivant,  se  constitua  d'abord  au  capital  de  6  millions, 
qu'elle  porta  à  9  au  mois  de  septembre  1845. 

Le  chemin  atmosphérique,  construit  par  TÉtat  entre  le 
Pecq  et  Saint-Germain,  en  exécution  de  la  loi  du  5  août  1844, 
lui  fut  concédé  le  2  novembre  de  la  même  année. 


—  363  — 

L'embranchement  d'Argenteuil,  adjugé  le  10  juin  1846  à 
M.  Andraud  fut  ultérieurement  annexé  à  la  Compagnie  de 
Saint-Germain. 

Enfui,  le  16  septembre  1852,  elle  obtint  la  ligne  de  Passy 
elAuteuil.  < 

2"  Les  deux  Versailles  et  l'ancienne  Compagnie  de  l'Ouest. 

Le  chemin  de  fer  de  Versailles  (rive  droite)  concédé  le 
24  mai  1837,  était  au  capital  de  11  millions,  divisé  en 
22,C00  actions.  —  Celui  de  la  rive  gauche,  adjugé  Tannée 
suivante,  au  capital  de  10  millions,  divisé  en  20,000  actions. 
Ces  deux  Compagnies  furent  incorporées  à  celle  de  l'Ouest 
(ancienne),  et  leurs  lignes  devinrent  la  tète  du  chemin  de 
fer  de  Chartres. 

La  ligne  de  Paris  à  Rennes,  omise  dans  la  loi  de  1842,  fut 
décrétée  le  26  juillet  1844,  et  exécutée  de  Versailles  à  La 
Loupe  aux  frais  de  l'État. 

Le  4  juin  1845  intervint  entre  le  ministre  des  travaux  pu- 
blics et  les  deux  Compagnies  de  Paris  à  Versailles  un  traité 
qui  n'eut  pas  de  suite,  et  aux  termes  duquel  la  voie,  cons- 
truite suivant  le  principe  de  la  loi  de  1842,  devait  être  con- 
cédée pour  55  ans. 

La  loi  du  21  juin  184B  antorisa  de  nouveau  la  concession 
du  chemin  de  lOuest  à  MM.  E.  Péreire,  d'Eichtal  et  Tarbé 
des  Sablons,  à  la  charge  par  les  concessionnaires  de  désinté- 
resser les  deux  Compagnies  de  Versailles. 

Ce  projet  fut  abandonné  comme  le  premier,  et,  le  9 
août  1847,  un  crédit  fut  ouvert  au  ministre  des  travaux  pu- 
blics pour  Tacquisition  et  la  pose  de  la  voie  de  fer  entre 
Versailles  et  Chartres. 

Le  21  avril  1849,  un  nouveau  crédit  fut  ouvert  pour  l'ex- 
ploitation au  compte  de  l'État  delà  section  terminée. 

Enfin,  le  13  mai  1851,  fexploitalion  de  la  ligne  fut  con- 
cédée à  MM.  Peto,  Brassey,  Henderson,  etc.,  aux  conditions 
suivantes  : 

1"  L'État  livre  à  la  Compagnie  le  chemin  de  Versailles  à 
Chartres,  ainsi  que  les  travaux  en  cours  d'exécution  de  Char- 


—  364  — 

très  à  Rennes  ;  2°  il  lui  accorde  une  subvention  de  14  mil- 
lions pour  rembranchement  du  Mans  à  Mézidon;  3°  il  lui 
garantit  pendant  50  ans  4  0/0  d'intérêt  d'un  capital  de  55  mil- 
lions-, 4°  la  durée  de  la  concession  est  de  99  ans. 

La  Compagnie  achèvera  à  ses  frais  les  travaux  commencés. 
Elle  remboursera  en  60  annuités  les  5  millions  prêtés  par  le 
gouvernement  au  chemin  de  la  rive  gauche. 

Après  l'ouverture  entière  de  la  ligne  de  Paris  à  Rennes, 
l'Étal  aura  droit  à  partager  les  bénéfices  excédant  8  0/0  du 
capital  dépensé  par  la  Compagnie. 

Le  30  juin  1851 ,  les  concessionnaires  conclurent,  avec  la 
Compagnie  de  Versailles  (rive  droite) ,  un  rachat  aux  condi- 
tions suivantes  :  Les  actionnaires  recevroni  à  titre  d'indem- 
nité 8,000  obligations  de  1,000  fr.  5  0/0,  remboursables  au 
pair  en  50  annuités,  à  partir  du  l*""  juillet  1853,  ou  une  va- 
leur égale  en  obligations  à  1,250,  produisant  50  fr.  d'intérêt. 
Ils  auront  le  droit  de  souscrire,  aux  mêmiCS  conditions  que 
les  fondateurs,  15,000  actions  de  la  Compagnie  nouvelle. 

La  fusion  de  la  rive  gauche  n'eut  pas  lieu  5  il  y  eut  seule- 
ment un  traité  d'affermage. 

La  nouvelle  Compagnie,  autorisée  par  décret  du  27  mars 
1852,  se  constitua  au  capital  de  50  millions-,  mais  au  com- 
mencement de  1855,  elle  n'avait  encore  réalisé  que  35  mil- 
lions. 

30  Ligne  de  Paris  à  Rouen,  embranchements  de  Dieppe  et  Fécamp. 

Une  première  concession  de  la  ligne  de  Paris  à  Rouen,  au 
Havre  et  à  Dieppe  avec  embranchement  surElbeufet  bouviers^ 
fut  faite  à  MM.  Choiiquet,  Lebobe  et  C'%  le  6  juillet  1838. 
Mais  les  concessionnaires  demandèrent  la  résiliation  du 
traité,  qui  fut  annulé  le  1*''  août  1839. 

L'année  suivante,  MM.  Charles  Laffite  ,  E.  Blountet  C'% 
obtinrent  pour  99  ans  la  concession  de  Paris  à  Rouen, 
à  la  charge  pour  eux  d'en  exécuter  tous  les  travaux.  L'État 
leur  accorda  un  prêt  de  18  millions  à  3  0/0,  remboursable 
par  trentièmes. 

Les  embranchements  de  Dieppe  et  Fécamp  furent  concé- 


—  365  — 

dés,  le  13  septembre  1845,  en  exécution  de  la  loi  du  19  juil- 
let de  la  même  année,  à  MM.  Blount,  Osmond,  d'Alton-Shée, 
de  Saint-Albin  et  Barbet,  pour  une  durée  de  94  ans. 

La  Société  anonyme,  autorisée  par  ordonnance  du  14  oc- 
tobre 1845,  fixa  son  capital  à  18  millions,  divisé  en  36,000 
actions  de  500  fr. 

Par  traité  en  date  du  21  février  1851,  la  Compagnie  de  Pa- 
ris à  Rouen  afferma  pour  8  années  Texploitation  de  la  ligne 
de  Dieppe,  moyennant  une  annuité  de  288,000  fr.,  soit  8  fr. 
par  action  de  la  Compagnie  de  Dieppe.  Si  les  bénéfices  an- 
nuels de  la  Compagnie  de  Rouen  dépassaient  45  fr.  par  ac- 
tion, la  Compagnie  de  Dieppe  devait  avoir  le  dixième  de  l'ex- 
cédant. 

Le  2  avril  1855  ,  ces  deux  embranchements  furent  incor- 
porés à  la  ligne  principale. 

4°  Chemin  de  fer  de  Rouen  au  Havre. 

Ce  chemin  de  fer,  construit  en  exécution  de  la  loi  du  11  juin 
1842,  fut  concédé  à  MM.  Charles  La  f fi  te  et  C'%  pour  une 
durée  de  97  ans,  avec  subvention  de  8  millions  par  le 
Trésor,  et  1  million  par  la  ville  du  Havre  ,  et  prêt  par  l'État 
de  10  millions  à  3  0/0,  remboursables  par  quarantièmes  d'an- 
née en  année. 

50  Chemin  de  fer  de  Paris  à  Caen  et  Cherbourg. 

Cette  ligne,  depuis  longtemps  à  l'état  de  projet,  se  détache 
du  chemin  de  Rouen  à  Mantes.  Elle  fut  concédée  le  8  juillet 
1852  à  MM.  Chasseloup-Laubat,Benoistd'Azy,  Blount,  etc., 
aux  conditions  suivantes  :  1°  subvention  de  16  millions  pour 
la  section  de  Mantes  à  Caen  ;  2"  construction  de  la  section  de 
Caen  à  Cherbourg  dans  le  système  de  la  loi  de  1 842  -,  3°  garan- 
tie par  lÉtat,  pendant  50  ans,  de  4  0/0  d'intérêt  sur  un  ca- 
pital de  30  millions  •  4"  garantie  de  4  0/0  d'intérêt  et  de 
l'amortissement  d'un  emprunt  à  contracter  de  18  millions; 
5°  partage  de  l'État  dans  les  bénéfices  au  delà  de  8  0/0  ; 
6°  durée  de  la  concession,  99  ans  à  courir  du  8  juillet  1858. 


^  366  — 

6»  Fusion, 

Par  suite  des  fusions  et  des  affermages  antérieurs,  les 
Compagnies  contractantes  en  1855  étaient  réduites  au  nom- 
bre de  cinq  :  Paris  à  Saint-Germain,  Paris  à  Rouen,  Rouen 
au  Havre,  Ouest,  et  Paris  à  Cherbourg.  Les  conventions  des 
2  février  et  6  avril  1855  arrêtèrent  les  conditions  du  traité 
et  furent  approuvées  le  7  avril  par  décret  impérial,  à  la 
charge  par  les  Compagnies  d'accepter  les  lignes  suivantes  : 
d'Argentan  à  Granville,  —  de  Serquigny  à  Rouen,  —  de  Li- 
sieux  à  Honfleur,  —  d'un  point  de  la  ligne  de  Mézidon  au 
Mans  sur  la  ligne  soit  de  Mantes  à  Cherbourg,  soit  de 
l'Ouest,  —  de  Rennes  à  Rrest ,  —  de  Rennes  à  Saint-Malo, 
—  de  Rennes  à  Redon,  —  du  Mans  à  Angers.  Les  nouveaux 
statuts,  passés  le  13  juin,  furent  approuvés  le  16.  Voici  les 
conditions  financières  du  traité  : 

Les  Compagnies  apportent  toutes  leurs  concessions  anté- 
rieures, leur  actif  et  leur  passif,  sans  aucune  réserve. 

11  est  accordé  : 

1°  A  la  Compagnie  de  l'Ouest,  dont  les  actions  ont  été 
prises  comme  type  au  taux  de  capitalisation  de  700  fr.  une 
action  nouvelle  contre  «ne  ancienne  complètement  libérée; 

2»  A  la  Compagnie  de  Rouen,  son  coupon  du  deuxième 
semestre  1854,  montant  à  37  fr.  .50  c.  par  action  ;  le  partage 
de  sa  réserve,  représentée  par  6,000  actions  nouvelles,  ou 
une  pour  douze  anciennes;  entin  trois  actions  nouvelles  pour 
deux  anciennes  :  en  tout  dix-nevf  pour  douze  5 

30  A  la  Compagnie  du  Havre,  six  nouvelles  contre  sept 
anciennes; 

4°  A  celle  de  Caen  à  Cherbourg,  six  nouvelles  contre  sept 
anciennes,  après  libération  du  dernier  versement  de  175  fr.  ; 

5°  A  la  Compagnie  de  Saint-Germain,  pour  chacune  de  ses 
64,000  actions  dédoublt?es,  une  demi-action  nouvelle  et  une 
demi-obligation  de  1,250  fr.  produisant  50  fr.  d'intérêt  ; 

6°  A  la  Compagnie  de  Dieppe,  pour  une  action  reprise  au 
taux  de  306  fr.  25  c. ,  une  obligation  3  0/0  de  la  fusion,  au 
taux  de  280  fr.,  15  fr.  d'intérêt;  plus  un  appoint  de  26  fr. 
35  c.  ; 


—  367  — 

7°  A  l'ancienne  Compagnie  affermée  de  Versailles  (rive 
gauche),  pour  une  action  reprise  à  323  fr.  75  e.,  'une  obli- 
gation de  la  fusion,  au  taux  de  280  fr.,  15  fr.  d'intérêt,  et 
un  appoint  de  43  fr.  75  c. 

Le  capital  de  la  nouvelle  Compagnie  se  trouve  ainsi 
composé  : 

Rouen 114,000  actions. 

Le  Havre 34,286 

Ouest 51,428 

Cherbourg  et  Caen 70,000 

Saint-Germain 27,000 

Total 29G,714 

Émission  de 3,286 

Total  général.  .  .  .    300,000 
soit  un  capital  actions  de  150  millions. 

1°  Liquidation  des  emprunts  des  Compagnies  incorporées. 

La  Compagnie  nouvelle  avait  à  servir,  provenant  des  an- 
ciennes, dix-sept  espèces  différentes  de  titres  d'emprunt.  La 
charge  annuelle  résultant  de  ces  emprunts  était,  au  16  juin 
1855,  de  9,150,940  fr. 

Le  13  août  1855,  la  Compagnie  fît  connaître  qu'à  dater 
du  27  du  même  mois,  il  serait  offert  aux  porteurs  de  ces 
titres  de  les  échanger  contre  des  obligations  nouvelles,  de 
15  fr.  d'intérêt,  remboursables  en  94  ans,  à  500  fr.,  et  ga- 
ranties par  l'Étal.  Elles  étaient  offertes  au  taux  de  280  fr.  et 
devaient  se  compenser  mathématiquement  à  parité  de  valeur 
avec  les  anciennes.  Mais  cet  échange  ne  pouvait  être  obli- 
gatoire. 

L'opération,  close  le  25  janvier  1856,  donna  les  résultats 
suivants  : 

Le  nombre  des  obligations  nouvelles  à  délivrer  était  de.  ,  ,     527,734 
Au  25  janvier  1856,  il  en  avait  été  délivré 898,358 

11  restait  à  échanger 128,376. 

D'oîi  résulte  que  le  quart  environ  des  a«çiôns  titres  r'sl 
pas  accepté  la  conversion. 


—  368  — 

Voici  le  tableau  des  litres  d'emprunts  anciens  et  les  con- 
ditions offertes  à  l'échange  : 


TITRES 
des 

OBLIGATIONS 

à  échanger. 


Saint-Germain,  1839 

Sainl-Germain,  1842-I8'(9.. 
Versailles  (rive  di-.\  <8-i3.. 
Ouest,  1852-1858-1834 

Bavre,  1845-1847 

Havre,  1848 

Rouen,  18^5 

Rouen,  1847-1849 

Rouen,  1854 

Obligations  à  délivrer  aux 
actionnaires  de  Saint-Ger- 
main et  aux  porteurs  des 
parts  de  fondateurs  de 
Rouen  et  du  Havre 

Action  de  Dieppe,  déduction 
faite  des  75  f.  restant  dus, 
mais  en  y  comprenant  les 
intérêts  dus,  de  20  f.  75  c. 
jusqu'au  l'"' juillet  1SS5. .. 

Actions  de  Versailles  (rive 
gauelie),  y  compris  les  in- 
térêts dus,  46  f.  50  C.  jus- 
qu'au 1"  juillet 


CAPITAL 

REMBOURSABLE. 


1250 
1250 
1250 
1250 

1250 
1250 
1250 
1250 
1250 


fr.  en  4  ans 

fr.  en  38  ans. . . 
fr.  en  38  ans.. . 
fr.  en  47,  48  et 

49  ans 

fr.  en  09  et  70  a. 
fr.  en  81  ans  . . . 
fr.  en  63  ans. . . 
fr.  en  69  et  70  a. 
fr.  en  84  ans . . . 


1250  fr.  en  84  ans., 


500  fr.  en  99  ans.., 


400  fr.  en  80  ans 15     l"juilleHS55    323  75 


JOUISSANCE 
DU  TITUE. 


:■■  juillet  1855 
id. 
id. 

id. 
"  mars  1855 
l"juillet 

id. 

l"  juin 

id. 


id. 


l-'r  juillet  1853 


ru  IX 

anqnel  les 

obligations 

«ni  élé 

xjmisrs 

àréchange 


1200 
1000 
1000 

970 
900 
1080 
800 
035 
925 


925 


306  25 


8°  Conditions  avec  l'État. 


La  concession  de  tout  le  réseau  est  portée  à  99  ans,  à 
courir  du  1"  janvier  1858. — L'État  renonce  à  toute  parti- 
cipation dans  les  bénéfices.  —  Il  accorde  à  la  Compagnie  les 
subventions  en  travaux  et  en  espèces  qui  seront  mentionnées 
ci-après.  —  Il  accorde,  pendant  50  ans,  les  garanties  d'inté- 
rêt suivantes  : 

3  1/2  0/0  du  capital  de  150  millions,  soit  une  annuité  de 
5,250,000  fr.; 

4  0/0  des  emprunts  pour  l'exécution  des  chemins  concédés 
avant  la  fusion,  soit,  sur  un  capital  de  203,370,000  fr.,  une 
annuité  de  8,134,800  fr.-, 

4  0/0  d'un  emprunt  à  contracter  pour  l'exécution  des 


—  369  — 

lignes  nouvelles,  soit,  sur  un  capital  de  156  millions,  une 
annuité  de  6,240,000  fr. 

Le  capital  garanti  est  donc  de  509,370,000  fr.,  et  l'an- 
nuité totale,  indépendamment  des  subventions,  s'élève  à 
19,624,000  fr. 

De  cette  façon,  la  Compagnie  ne  court  aucun  risque,  et 
tous  les  profits  seront  sa  propriété. 

La  faculté  de  rachat  par  le  gouvernement  ne  pourra  être 
exercée  que  sur  l'ensemble  des  lignes  et  embranchements 
concédés,  et  seulement  après  le  l^' janvier  1874. 

ÉTAT   FINANCIER   DE   LA   COMPAGNIE. - 

Les  dépenses  d'établissement  sont  évaluées  par  les  Docu- 
ments statistiques  à  683,035,000  fr. 

Les  Subventions,  y  compris  15,335,000  fr.  de  subventions 
locales,  doivent  s'élever  à  173,035,000  fr.,  soit  une  propor- 
tion de  19  0/0. 

Les  Actions  sont  au  nombre  de  300,000,  à  500  fr.  com- 
plètement libérées  (jouissance  d'avril).  —  L'assemblée  se 
compose  des  propriétaires  de  20  actions. 

Les  Obligations  sont  au  nombre  de  600,000,  remboursa- 
bles à  500  fr.,  de  1858  à  1951,  émises  au  taux  de  280  fr.-, 
15  fr.  d'intérêt  (janvier  et  juillet). 

Le  revenu  des  actions,  en  1855  a  été  de  50  fr." 
La  Compagnie  est  intéressée  pour  un  cinquième  dans  le 
chemin  de  Ceinture. 

Une  garantie  d'intérêt  montant  à  19  millions  et  demi 
par  an,  une  subvention  de  173  millions,  avec  concession  de 
99  ans,  sont  sans  doute  des  conditions  exorbitantes.  Mais  il 
est  juste  de  dire  que  l'État  s'est  montré  plus  empressé  de  les 
faire  que  les  financiers  de  les  solliciter.  Les  Compagnies  ne 
voulaient  à  aucun  prix  du  réseau  breton.  En  vain  fait-on 
valoir  que  la  ligne  de  Brest  n'a  pas  à  craindre,  comme  celles 
de  Lyon,  de  Nantes,  du  Havre,  du  Nord,  la  concurrence  des 

21. 


—  370  — 

canaux  et  des  rivières  navigables.  Elle  traverse  des  pays  sans 
industrie,  sans  agriculture,  sans  gisements  métalliques  -,  le 
roulage  et  les  voitures  suffisent  largement  au  mouvement 
des  marchandises  et  des  voyageurs  de  ces  contrées;  un 
chemin  de  fer  n'a  point  de  chance  d'y  faire  ses  frais  de 
longtemps. 

Alors,  pourquoi  n'en  pas  ajourner  la  construction?  Ah  I 
c'est  que  l'État  a  d'autres  vues  :  les  lignes  de  fer  sont  avant 
tout  pour  lui  des  voies  stratégiques.  Le  gouvernement  reste 
essentiellement  militaire  quand  la  nation  tourne  de  plus  en 
plus  au  péquin.  Il  lui  faut  des  services  accélérés  pour  le 
transport  des  troupes  et  des  munitions;  la  manœuvre  sur 
50,000  lieues  carrées  comme  sur  un  champ  de  bataille  de 
quelques  hectares.  Le  côté  industriel  des  chemins  de  fer  n'est 
à  ses  yeux  que  secondaire.  Aussi  faut-il  imputer  au  budget 
toutes  les  mauvaises  chances  de  l'entreprise. 

C'est  un  des  résultats  du  déplorable  mélange  des  affaires 
et  de  la  politique,  dont  nous  avons  déjà  signalé  les  dangers 
à  propos  de  la  Banque  de  France.  Mais  l'esprit  public  est. 
d'accord  sur  ce  point  avec  le  gouvernement.  11  compte  au 
nombre  des  richesses  du  pays  des  lignes  comme  celles  de 
l'Ouest  et  de  la  Méditerranée.  Il  semble  que  les  chemins  de 
fer  soient  une  affaire  de  mode;  on  n'en  saurait  trop  faire. 
Alors  qu'on  paye  ses  impôts  sans  murmurer. 

CHEMIN  DE  FER  DE  CEINTURE. 

(Administration  :  Paris,  104,  rue  Saint- Lazare.) 

Le  chemin  de  fer  de  Ceinture  a  pour  but  de  relier  entre 
elles  les  gares  de  l'Ouest  ou  de  Rouen,  du  Nord,  de  Stras- 
bourg, de  Lyon  et  d'Orléans.  Son  parcours  est  de  17  kilomè- 
tres. Il  a  coûté  15,859,536  fr.,  dont  moitié,  7,859,536  fr., 
fournie  par  FÉlat.  L'exploitation  en  est  concédée  à  un  Syn- 
dicat représentant  les  cinq  Compagnies  de  Paris  à  Orléans, 
de  Lyon,  de  Strasbourg,  du  Nord  et  de  l'Ouest.  La  concession 
est  de  99  ans,  du  P'^  janvier  1854  au  l*^"^  janvier  1953.  (Loi 
du  10  décembre  1851.) 


—  371  — 

La  même  loi  autorise  les  Compagnies  du  Nord  et  de  Stras- 
bourg à  raccorder  les  gares  de  La  Chapelle  et  de  La  Villette. 

Avec  le  chemin  de  Ceinture,  Paris  est  sur  le  même  pied 
que  Lyon,  Rouen,  et  autres  villes  jadis  d'entrepôt.  Ce  n'est 
plus  qu'un  lieu  de  passage,  le  carrefour  de  la  France,  boule- 
vard des  modes,  foyer  des  arts  et  des  sciences,  séjour  de 
plaisir  et  de  consommation  :  ce  sera  de  moins  en  moins  un 
centre  manufacturier  et  industriel. 

RÉSEAU  PYRÉNÉEN. 

Ce  réseau,^voté  dans  la  session  de  1856,  n'est  pas  encore 
concédé.  Il  comprend  652  kilomètres  : 

1°  De  Toulouse  à  Bayonne  par  Saint-Gaudens,  Bagnères  de 

Bigorre,  Tarbes,  Pau,  Orlhez 328  kil. 

Embranchemeiil  de  Foix  par  la  vallée  de  l'Ariége 71 

—              de  Ramous  à  Dax ; 28 

2"  D'Agen  à  Tarbe:^  par  Auch  et  Rabastens  (continuation 

de  la  ligne  de  Paris  à  Agen  par  Limoges  et  Périgueux),  ...  138 

3"  De  Mont-de-Marsan  à  Rabaslens.  .  .  .  , 87 

La  dépense  est  évaluée  à  138,059,395  fr.,  soit  208,320  fr. 
par  kilomètre. 

Les  produits  bruts  sont  évalués  à  12,352,697  fr.,  et  le 
produit  net  à  6,176,340  fr. 

Ce  revenu,  capitalisé  à  5  1/2  0/0,  représente  un  capital 
de  112,297,236  fr.  La  différence  entre  ce  chiffre  et  les  devis 
est  de  26,762,0.59  fr.,  soit,  en  nombre  rond,  26  millions  de 
subvention  à  fournir  par  l'État.  — La  ville  de  Toulouse  offre 
de  plus  1  million. 

I^'État  garantit  pendant  50  ans  un  intérêt  de  4  0/0  du 
capital  de  112  millions,  soit  une  annuité  de  4,480,000  fr.;  il 
sera  admis  au  partage  des  bénéfices  au  delà  de  8  0/0. 

CUE5ÏINS  DE  FER  INDUSTRIELS. 

Nous  n'avons  point  compris  dans  notre  revue  les  chemins 
de  fer  spécialement  affectés  à  l'exploitation  des  mines;  la 
plupart  sont  la  propriété  des  Compagnies  minières.  En  voici 
la  liste  : 


—  372  — 

D'Abscon  et  d'Anzin  à  Somaîn  (il  transporte  aujourd'hui  des  voyageurs). 

De  l'usine  de  Bourdon  au  Grand-Central. 

De  Carmaux  à  Alby. 

De  la  gare  de  Saint-Ouen  au  chemin  de  Ceinture  (à  construire). 

De  Commentry  au  canal  du  Berry,  avec  embranchements  aux  puits 
Saint-Louis  et  Saint-Charles. 

Du  Creuzot  au  canal  du  Centre. 

De  Decize  au  canal  du  Nivernais. 

D'Épinac  au  canal  de  Bourgogne. 

Des  mines  de  Fins  à  l'Allier. 

Des  carrières  du  Long-Rocher  au  canal  du  l>oing. 

Des  mines  de  iMontieux  au  chemin  de  Lyon-Bourbonnais. 

Des  mines  de  Montrambert  au  chemin  de  Saint-Etienne. 

Des  mines  d'Ougney  au  canal  du  Rhône  au  Rhin,  traversant  la  ligne  de 
Dijon  à  Besançon. 

Des  mines  de  la  Roche-Morlière  et  de  Firminy  au  Grand-Central. 

Des  mines  de  Sorbier  au  chemin  de  Sainl-Élienne. 

De  Villers-Cotterets  au  Port-aux-Perches,  sur  l'Ourcq. 

CHEMINS  DE  FER  SUR  LA  VOIE  PUBLIQUE 
desservis  par  des  chevanx. 

Par  décret  du  18  février  1854,  il  a  été  fait  concession  à 
M.  Loubat,  pour  30  ans  à  dater  de  l'aclièvement  des  tra- 
vaux, de  la  ligne  de  Vincennes  à  Sèvres,  avec  embranche- 
ment sur  Boulogne. 

La  ligne  de  Rueil  à  Marly  a  été  concédée  aux  mêmes  con- 
ditions, le  15  juillet  1854,  à  M.  le  vicomte  deMazenod. 

Par  convention  du  14  mars  1855,  il  a  été  fait  concession  à 
la  Société  bretonne  des'Tanguières  d'un  chemin  de  fer  de 
Rennes  à  Moidray  (baie  du  Mont-Saint-Michel),  pour  une 
durée  de  60  ans  à  dater  de  l'achèvement  des  travaux. 


CHAPITRE  IV. 

MaTij^atîon  maritime  et  fluviale. 

Dans  un  pays  comme  la  France,  couvert  d'un  réseau  de 
voies  ferrées,  l'wnulation  4es  distances  mettant  en  rapport 


—  373  — 

immédiat  les  lieux  de  production  avec  les  lieux  de  consom- 
mation, le  service  des  places  d'entrepôt  à  ^'intérieur  perd 
beaucoup  de  son  importance,  et  les  foyers  commerciaux, 
plus  occupés  désormais  des  relations  avec  le  dehors  qu"avec 
le  dedans,  se  reportent  naturellement  aux  extrémités  du 
système  circulatoire,  aux  villes  maritimes.  Marseille  et  Cette, 
Bordeaux,  La  Rochelle,  Saint-Nazaire,  Lorient,  Le  Havre, 
Boulogne,  Calais,  Dunkerque,  toutes  ces  têtes  de  ligne  doi- 
vent donc  recevoir  un  surcroît  continuel  de  population  et  de 
vie,  tandis  que  pour  les  cités  du  centre,  comme  Rouen, 
Lyon,  etc.,  l'agglomération  des  affaires  et  des  ouvriers  tend 
à  se  disséminer  le  long  des  raihvays,  dans  les  localités  ru- 
rales. On  se  figurait  à  l'origine  que  les  chemins  de  fer,  tra- 
versant les  grandes  villes  de  l'intérieur,  étaient  faits  surtout 
pour  elles  :  c'est  juste  le  contraire  qui  a  lieu.  Par  le  nouveau 
système  de  transport,  l'ancienne  nature  des  choses  a  été 
changée  ;  les  chefs-lieux  de  province,  loin  qu'ils  voient  la 
masse  de  leurs  affaires  s'en  accroître,  ne  figurent  plus  que 
comme  points  d'entrecroisement  dans  l'atelier  national;  et 
si  quelques  localités  peuvent  se  vanter  que  le  chemin  de  fer 
a  été  inventé  surtout  à  leur  profit,  ce  sont  incontestablement 
les  ports  de  mer. 

Le  développement  de  la  circulation  intérieure  appelle  donc 
un  développement  proportionnel  delà  circulation  maritime  : 
la  locomotive  a  pour  complément  obligé  le  navire  à  vapeur. 
Ce  n'est  pas  la  mer  qui  dira  à  la  nouvelle  force  motrice  :  Tu 
n'iras  pas  plus  loin  !  Des  services  réguliers  s'établiront  donc 
entre  les  continents,  rivalisant  de  vitesse  et  de  précision  avec 
les  voies  ferrées,  appelant  la  spéculation  à  de  nouvelles  et 
non  moins  lucratives  entreprises. 

Comme  en  toute  chose,  l'initiative  fut  prise  par  la  France-, 
comme  en  toute  chose  aussi,  elle  fut  bientôt  dépassée  par  ses 
rivales. 

MESSAGERIES  IMPÉRIALES  (SERVICES  MARITIMES), 

(Siège  social  :  Paris,  28,  rue  ISotrc-Daïue-des-Victqjres.) 

Ce  fut  en  1835  que  le  gouvernement  français  entreprit 


—  374  — 

d'établir  un  service  de  bateaux  à  vapeur,  ayant  son  point  de 
départ  à  Marseille,  et  desservant  à  époques  fixes  les  divers 
ports  du  littoral  de  l'Italie,  de  la  Grèce,  Malte,  Alexandrie, 
Sniyrne  et  Constantinople. 

L'exemple  du  gouvernement  français  donna  bientôt  nais- 
sance à  la  création  de  lignes  semblables,  par  l'Angleterre, 
l'Autriche,  les  États-Unis,  la  Turquie  elle-même.  Les  Com- 
pagnies anglaises,  Cunard  et  Péninsulaire,  par  le  nombre  et 
la  puissance  de  leurs  steamers,  et  par  l'étendue  de  leurs 
lignes,  laissent  loin  derrière  elles  aujourd'hui  tout  ce  qui  a 
été  tenté  en  France  et  dans  les  autres  États. 

Pendant  quatorze  ans  le  service  de  la  Méditerranée  fut 
exécuté  par  l'État,  avec  un  déficit  annuel  de  3,500,000  fr. 
En  1847  et  184a,  ce  déficit  s'élevait  à  4,500,000  fr.,  non 
compris  les  frais  généraux,  Fintérèt  du  capital,  l'assurance 
et  la  dépréciation.  Triste  monument  de  l'imbécillité  de  l'État 
en  matière  de  commerce  et  d'industrie. 

Le  gouvernement  pensa  alors  sans  doute  qu'il  ne  pouvait 
se  débarrasser  à  trop  haut  prix  d'une  si  détestable  affaire  : 
par  la  loi  du  8  juillet  1851,  le  service  des  paquebots  de  la 
Méditerranée  fut  concédé  à  la  Compagnie  des  Messageries 
nationales,  aux  conditions  suivantes  : 

Durée  de  la  concession,  20  ans  \ 

Reprise  du  matériel  de  l'État,  consistant  en  13  navires  de 
la  force  de  160  à  220  chevaux,  pour  le  prix  de  3,318.000  fr. 

Subvention  de  l'État,  moyenne  annuelle,  2,700,000  fr. 

Parcours  effectués  chaque  année,  105,216  lieues  marines. 

La  Compagnie  s'est  formée  au  capital  de  24  millions  de 
francs,  divisé  en  deux  séries  de  2,400  actions  de  5,000  fr. 
chacune. 

La  première  série  a  été  seule  émise,  avec  un  versement  de 
2,500  fr.  par  action  :  ce  qui  portait  à  6  millions  le  capital 
immédiatement  disponible. 

Or,  après  une  exploitation  de  16  mois,  le  capital  de  6  mil- 
lions n'avait  pas  été  entièrement  dépensé  :  il  restait  un  solde 
de  607,076  fr.  Le  produit  net  de  la  Compagnie  était  dé 
3,086,345  fr.;  elle  payait  à  ses  actionnaires  un  dividende  de 
600  fr.  par  versement  de  2,500  fr.,  soit  18  0/0  l'an,  et  elle  an- 


^  376  — 

nonçait  en  outre  qu'au  moyen  de  ses  réserves  elle  aurait,  en 
quatre  années,  doubléson  matériel;  en  autres  termes,  qu'elle 
aurait  formé,  à  l'aide  de  ses  bénéfices,  et  sans  rien  demander 
de  plus  aux  actionnaires,  la  moitié  de  son  capital  social. 

En  1854,  la  Compagnie  des  Messageries  ISationales  hé- 
rita de  la  succession  de  la  Compnçjnie  Impériale  (TafTe  fils 
et  C",  <à  Marseille),  à  des  conditions  qui,  sans  nouveau  dé- 
boursé de  sa  part,  paraissent  devoir  doubler  son  revenu. 
Cette  dernière  Compagnie,  qui  n'a  péri  que  par  l'incapacité 
et  régoïsme  de  sa  direction,  avait  fait  avec  l'État  un  traité 
par  lequel  elle  s'obligeait  à  entretenir  10  navires  à  vapeur, 
de  la  force  de  300  chevaux  et  à  grande  vitesse-,  à  efteeluer 
17  départs  par  mois  de  Marseille  aux  deux  ports  de  l'Afrique 
de  Tunis  et  Maroc;  et  à  transporter  annuellement  pour  TÉtat 
20,000  liommes  et  5,000  tonneaux  de  matériel;  moyennant 
quoi  l'Étal  lui  accordait  une  subvention  do  un  million  par 
an.  La  (compagnie  n'ayant  pu  tenir  cet  onéreux  engagement, 
le  traité  avec  l'État  a  été  résilié,  et  la  Société  dissoute.  La 
Compagnie  des  Messageries  Nationales  est  alors  intervenue; 
en  même  temps  qu'elle  se  rendait  acquéreur,  au  plus  bas 
prix,  du  matériel  de  V Impériale,  elle  obtenait  du  gouverne- 
ment un  nouveau  traité,  avec  réduction  du  nombre  des  dé- 
parts mensuels  à  10,  et  augmentation  de  500,000  fr.  sur  l'in- 
demnité allouée. 

Depuis  la  déclaration  de  guerre,  la  Compagnie  des  iH/essa- 
geries  Nationales,  chargée  des  transports  de  troupes  et  de 
matériel  pour  l'Orient,  a  obtenu  la  francisation  de  trois  stea- 
mers d'origine  anglaise;  plus  encore  un  million  de  subven- 
tion pour  ce  supplément  de  service  :  en  sorte  que  l'heureuse 
Compagnie  se  trouve  en  ce  moment  pensionnaire  de  l'État 
po«r  une  somme  de  plus  de  5  millions. 

Le  rapport  de  1856  constate  les  résultats  suivants  : 
Les  itinéraires  réglementaires  ont  suivi  la  progression  ci- 
après  : 

1853  :  105,216  lieues. 

1854  :  246,824 

1855  :  286, 280^ 

.   Dix  navires  neufs,   d'une  force  collective  de  2,490  che- 


—  376  — 

vaux,  sont  entres  en  ligne  en  1855  ;  au  31  mai  1856  le  ma- 
tériel naval  était  de  : 

Navires  en  service 41     force.     8,970  chevaux. 

—      en  construction.  .       5      —        1,380 

ToTAi 46      —      10,350 

La  Compagnie  a  fondé  à  Marseille,  à  Constantinople  et 
dans  ses  principales  agences  des  établissements  spéciaux 
distribués  d'une  manière  conforme  à  son  organisation  et  à 
ses  besoins. 

Le  principal  intérêt  de  l'exploitation  s'est  porté,  en  1855 
comme  en  1854,  sur  les  transports  militaires,  202,914  sol- 
dats et  officiers  de  tout  grade,  29,250  tonnes  de  matériel, 
tel  est  le  mouvement  militaire  desservi  par  les  navires  de  la 
Compagnie,  tant  à  l'aller  qu'au  retour,  depuis  le  commen- 
cement de  la  guerre  jusqu'en  mai  1855.  —  Le  navire /a  Ville' 
de-Bordeaux  s'est  seul  perdu  en  1855.  Il  n'appartenait  pas 
à  la  Compagnie,  qui  Tavait  à  fret. 

Les  recettes  de  1855  ont  dépassé  celles  de  1854  de  90  0/0, 
et  de  29  0/0  seulement  si  l'on  tient  compte  de  la  différence 
des  parcours. 

Le  développement  du  trafic  se  résume  comme  suit  : 

Voyageurs.  Marchandises. 

1852.  .  .  '    27,347  9,338  tonnes. 

1853.  .  .       35,529  12,973 

1854.  .  .     120,410  26,859 

1855.  .  .     207,835  42,880 

Le  compte  de  l'exploitation  se  répartit  ainsi  : 

ReceUes  de  toute  nature 25,749,Q92  12 

Dépenses '. 20,275,204  54 

Bénéfices .       5.473,827  58 

dont  5  0/0  au  fonds  de  réserve 273,691  25 

Solde  à  reporter 6,200,136  33 

Il  a  déjà  été  distribué .      2,160,000  »» 

Reste 3,040,136  33 

FAdministration  propose  de  répartir  un  dividende  de.      2,880,000  »» 

Solde  de  l'exercice  1855 '     160,136  33 


—  377  — 

Celto  nouvelle  distribution,  à  60  fr.  par  action,  porte  à 
105  fr.le  dividende  moyen  annuel  payé  en  1855  aux  actions 
de  la  deuxième  série. 

ÉTAT   FIXAXCIER  DE  LA   COMPAGNIE. 

Le  capital  social  est  de  24  millions  réalisés;  les  actions 
sont  de  deux  séries.  —  Le  conseil  est  autorisé  à  émettre  un 
emprunt  au  moyen  de  16,000  obligations  remboursables  à 
récbéance  de  14  ans  à  partir  de  leur  création,  soit  au  1"  oc- 
tobre 1870.  Elles  portent  15  fr.  d'intérêt. 

Durée  de  la  Société,  du  22  janvier  1852  au  31  décembre 
1901. 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  20  actions. 

COMPAGNIE  GÉNÉRALE  DE  NAVIGATION  A  VAPEUR. 

(Bazin,  Léon  Gay  et  G'*,  à  Marseille.) 

Cette  Compagnie,  constituée  en  commandite  pour  25  ans 
à  dater  du  l^'"  janvier  1854,  est  formée  des  deux  Sociétés 
Léon  Gay  et  Bazin.  Capital,  5  millions,  porté  à  10  par  dé- 
cision de  la  dernière  assemblée.  Actions  de500fr.  ;  celles 
de  la  première  série  ont  été  libérées  dans  le  courant  de  1856. 
—  Le  service  maritime,  circonscrit  jusqu'à  présent  dans  la 
Méditerranée,  doit  s'étendre  dans  les  mers  de  Tlnde,  de  la 
Chine  et  de  l'océan  Pacifique. 

Les  dividendes  ont  été,  en  1854,  de  45  fr.  63,  en  1855  de 
122  fr.  53,  non  compris  l'intérêt  à  5  0/0  du  capital  versé. 
Jouissance,  janvier  et  juillet.  —  L'assemblée  se  compose  des 
propriétaires  de  20  actions. 

COMPAGNIE  GÉNÉRALE  MARITIME. 

(Paris,  15,  place  Vendôme.) 

Société  anonyme  fondée  sous  le  patronage  du  Crédit  mo- 
bilier, le  2  mai  1855,  pour  une  durée  de  30  ans.  —  Le  capital 
est  fixé  à  30  millions;  actions  de  500  fr.,  dont  350  versés. 

La  Compagnie  a  acheté  le  matériel  de  la  Société  la  Terre- 


—  378  — 

neiivienne,  comprenant  29  navires  jaugeant  ensemble  4,258 
tonneaux,  au  prix  de  1,265,000  fr. ,  soit  une  valeur  moyenne, 
par  tonneau  de  jauge,  de  245  fr.  pour  les  navires  à  voiles, 
et  de  629  fr.,  machines  comprises,  pour  les  navires  en  fer  à 
hélice.  Au  mois  d'octobre  1855,  elle  a  obtenu  la  francisation 
d'un  navire  à  voiles  et  de  six  bâtiments  à  vapeur  achetés  en 
Angleterre.  Au  ler  janvier  1856,  elle  avait  à  la  mer  45  na- 
vires représentant  un  capital  de  6,779,191  fr.  Enfin,  lors  de 
l'assemblée  générale  du  29  avril  1856,  son  matériel  se  com- 
posait de  : 

Navires  à  vapeur  à  flot ^  i  10 


...         ,        -,      ^   n  .  /  r  I       j  C9  jaugeant  23,850  tonnes. 

Navires   a  voiles  à  flot >  59 

—  en  construction.  •     H  j 

La  Société  entreprend  la  navigation  au  long  cours,  le 
grand  et  le  petit  cabotage,  Tarmemenl  et  le  commerce  ma- 
ritime. 

Le  dividende  sur  l'exercice  1855  a  été  de  4  fr.  50,  indé- 
pendamment de  l'intérêt  à  5  0/0. 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  20  actions. 

CLÏPPERS  FRANÇAIS. 

(Paris,  20,  rue  Neuve-des-Capucines.) 

Commandite  sous  la  raison  sociale  Graham,  de  Linarès 
el  C'%  fondée  pour  30  ans  à  partir  du  18  janvier  1855.  — 
Capital,  20  millions;  actions  de  100  fr.  L'assemblée  se  com- 
l)Ose  des  propriétaires  de  25  actions. 

COMPAGNIE  CENTRALE. 

{Siège  social  à  Bordeaux.) 

Commandite  sous  la  raison  sociale  A.  Lubbert  et  C*^ ,  fon- 
dée le  12  avril  1838.  Capital,  2,100,000  fr,;  actions  de  250  fr. 

COMPAGNIE  D'ARMEMENTS  MARITIMES. 

(Paris,  20,  rue  Drouot.) 

Commandite  sous  la  raison  sociale  J.-^C.  Barbey  et  C'S 


—  379  — 

Capital,  10  millions.  La  Société  possède  42  navires  à  voiles 
et  3  steamers  à  hélice.  L'assemblée  du  22  avril  a  voté  le  frac- 
tionnement des  parts  d'intérêt  de  5,000  fr.  en  actions  au 
porteur  de  500  fr.,  et  la  transformation  de  la  commandite  en 
société  anonyme.  La  moyenne  du  dividende,  pendant  les  six 
exercices  clos  1850-55,  a  été  de  30  0,0. 

CONSTRUCTIONS  MARITIMES  ET  NAVIGATION. 

(CeUe  et  Marseille.) 

Société  en  commandite  fondée  en  18.56,  sous  la  raison  so- 
ciale Séguineau  et  C'^ .  Capital,  10  millions,  dont  moitié  est 
réalisée;  actions  dé  100  fr.  La  Société  a  racheté  au  prix  de 
3  millions  le  matériel  de  l'ancienne  Société  Ch.  Reynaud, 
qui  avait  coûté  plus  de  6  millions.  Elle  se  propose,  outre  la 
construction  des  navires,  l'armement  pour  son  propre  compte. 

SOCIÉTÉ  PHOCÉENNE, 

(Marseille.) 

Commandite  fondée  en  1856,  sous  la  raison  sociale  Afla- 
ms,  Canne  et  C'« .  Capital,  10,000  actions  de  250  fr.,  dont 
135  versés. 

Cette  Société  base  sa  réussite  sur  le  principe  que  la  navi- 
gation à  vapeur,  pour  rendre  au  commerce  les  services  qu'il 
en  attend  et  se  substituer  définitivement  à  la  navigation  à 
voiles,  doit  employer  des  navires  d'un  tonnage  relativement 
peu  élevé,  de  manière  à  effectuer  rapidement  des  charge- 
ments complets,  que  les  gros  bâtiments  sont  obligés  d'at- 
tendre. L'avantage  de  ce  système  est  une  succession  plus 
nombreuse  de  voyages  et  une  diminution  de  dépenses  quand 
les  frets  ne  sont  pas  tout  à  fait  complets. 

COMPAGME  DE  NAVIGATION  MIXTE. 

(L.  Arnaud  Touache  frères  et  C'%  à  Marseille.) 

-  Fondée  en  1850,  pour  l'application  du  système  de  machi- 
nes à  éther  de  M.  Du  Trembley,  au  capital  de  225,000  fr., 
celte  Compagnie  obtint  en  quelques  mois  des  succès  telle- 


—  380  — 

ment  rapides,  que  ses  actions,  émises  à  1,000  fr.,  s'élevèrent 
bientôt  à  2.000  et  2,400.  Un  si  prompt  et  si  magnifique  ré- 
sultat ne  pouvait  qu'engager  les  fondateurs  à  étendre  leurs 
opérations  et  à  augmenter  leur  matériel  :  le  capital  de  la 
Société  fut  immédiatement  porté  à  5  millions.  Elle  possède 
actuellement,  tant  à  la  mer  qu'en  construction,  7  navires- 
à  vapeur  d'éthcr  et  à  voiles,  dont  2  pour  le  service  de  l'Al- 
gérie, et  5  pour  le  service  do  Rio-Janeiro,  avec  escale  en 
Espagne,  à  Corée,  Fernambouc  et  Babia, 

Nous  ne  savons  quel  a  été  le  dernier  dividende  alloué  aux 
actionnaires;  mais  il  va  sans  dire  que  la  progression  des 
bénéfices  n'a  pas  suivi  celle  du  capital  de  la  Compagnie. 
C'est  un  principe  dont  les  entrepreneurs  ne  se  souviennent 
pas  assez,  que  le  produit  net,  en  toute  espèce  d'industrie, 
décroît  comme  le  capital  engagé  augmente,  en  sorte  que, 
toutes  choses  égales  d'ailleurs,  le  bénéfice  est  toujours  pro- 
portionnellement plus  fort  dans  une  petite  entrei)rise  que 
dans  une  grande; 

Les  autres  Compagnies  de  navigation  de  Marseille  sont  les 
suivantes  : 

1°  Compagnie  Bazin- Périer^  possédant  6  bateaux  à  aubes, 
affectés  momentanément  au  service  de  l'Algérie 5 

T  Compagnie  Valéry,  faisant  le  service  de  la  Corse  avec 
5  bateaux  à  aubes  5 

30  Compagnie  André- Abeille^  qui  tient  la  ligne  d'Italie, 
avec  3  bateaux  à  aubes  ; 

4»  Compagnie  Marc-Fraissinet ,  qui  pratique  le  littoral 
espagnol  avec  2  bateaux,  dont  un  à  hélice,  et  prépare  un 
service  avec  les  ports  de  la  Manche,  au  moyen  de  2  autres 
bateaux  à  hélice  en  construction  ; 

5"  Compagnie  Chargé  aîné,  qui  fait  le  service  sur  l'Italie, 
au  moyen  de  3  bateaux  à  hélice  5 

6°  Compagnie  H.  Bouchet^  qui  vient  d'organiser  un  ser- 
vice sur  l'Italie,  à  l'aide  de  5  bateaux  à  hélice  de  petite 
dimension: 

7°  Compagnie  Cohen,  avec  un  bateau  à  hélice. 


~  381  — 

Plusieurs  Compagnies  étrangères,  anglaises,  espagnoles, 
napolitaines,  fréquentent  en  outre  le  port  de  Marseille,  et 
présentent  un  elTectif  de  30  bateaux  à  vapeur. 

Le  nonnbre  des  navires  mus  par  la  vapeur,  soit  à  aubes, 
soit  à  hélice,  qui  desser\entou  fréquentent  le  port  de  Mar- 
seille, est  en  ce  moment  de  près  de  100. 

COMPAGNIE  FRANCO-AMÉRICAINE. 

(Gauthier  frères,  à  Lyon.)  ' 

Cette  compagnie, formée  d'abord  au  capital  de  18  millions, 
porté  aujourd'iuii  à  23,  avec  engagement  des  actionnaires 
de  l'élever  à  60  au  cas  où  elle  obtiendrait  du  gouvernement 
la  concession  des  services  transatlantiques,  a  commencé  ses 
opérations  entre  Le  Havre  et  New- York,  Rio-Janeiro  et  la 
Nouvelle-Orléans,  depuis  février  1856.  Elle  possédait  8  na- 
vires à  hélice  et  à  voiles,  dont  2  construits  à  Nantes,  et 
6  achetés  en  Angleterre.  Un  de  ces  navires,  le  Ltjonnais,  a 
péri,  au  commencement  de  novembre  1856,  dans  un  abor- 
dage au  milieu  de  l'Atlantique,  Deux  autres  navires  sont  en 
construction  à  Nantes. 

La  pensée  qui  présida  à  la  formation  de  cette  Compagnie 
fut  d'abord  l'application  sur  une  grande  échelle  du  système 
de  vaporisation  à  éther  de  M.  Du  Trembley,  à  l'instar  de  la 
Compagnie  L.  Arnaud  et  Touache  fières,  de  Marseille;  puis 
l'espoir  plus  on  moins  fondé  d'obtenir  tout  on  partie  des 
concessions  en  projet  pour  le  service  de  TÉtat. 

Jusqu'ici,  malgré  les  rapports  favorables  des  ingénieurs 
du  gouvernement,  le  système  Du  Trembley  n'a  reçu  de  la 
Compagnie  Franco-Américaine  aucune  application.  Les  di- 
recteurs semblent  y  avoir  entièrement  renoncé;  des  doutes 
se  sont  même  élevés  sur  la  réalité  de  la  découverte,  et  Ion 
n'hésite  pas  à  attribuer  le  succès  de  la  Compagnie  L.Arnaud 
et  Touache  frères  à  toute  autre  cause  que  l'éther. 

Quant  à  la  concession  ou  aux  concessions  à  faire  par  l'État, 
une  commission  formée  par  le  gouvernement  pour  étudier 
la  question  et  examiner  les  litres  des  Compagnies  soumis- 
sionnaires, a  ainsi  classé  les  concurrents  : 


—  382  — 

N°  1.  —  Compagnie  Rothschild  :  elle  attend  pour  créer 
son  matériel  la  décision  du  gouvernement.  —  Subvention 
demandée,  10  millions. 

N°  2.  —  Compagnie  Gauthier  frères.  —  Subvention  de- 
mandée, 11,500,000  fr. 

N"  3.  —  Grande  Compagnie  Maritime.  —  Subvention  de- 
mandée, 16  millions. 

On  croit  que  chaque  Compagnie  aura  une  part. 

En  attendant  que  l'Empereur  ou  le  Corps  législatif,  car  il 
s'agit  ici  d'une  loi  de  finance,  prononce  sur  l'adjudication, 
la  Compagnie  Franco-Américaine  soutient  seule  le  poids  de 
la  concurrence  anglaise,  qui  vient  jusque  dans  le  port  du 
Havre  enlever  les  consignations  dii  pays,  et  avec  laquelle 
elle  a  été  forcée  de  s'entendre. 

Ces  faits  prouvent  de  plus  en  plus  ce  que  nous  avons  re- 
levé ailleurs  en  traitant  des  chemins  de  fer,  savoir  t  que  la 
prospérité  de  toutes  ces  formidables  Compagnies  dépend 
moins  de  l'importance  de  leur  trafic  et  de  l'habileté  de  leur 
administration  que  du  monopole  dont  elles  jouissent  et  des 
secours  de  l'État.  Pour  payer  la  régularité  et  la  vitesse,  il 
faut,  ou  des  tarifs  élevés,  ou  de  larges  subventions,  quel- 
quefois les  deux  ensemble  :  ce  qui  veut  dire  que  la  nation 
seule  est  capable  de  se  rendre  certains  services,  et  que  les 
demander,  moyennant  subvention,  à  des  Compagnies,  c'est 
livrer  la  fortune  publique,  organiser  le  favoritisme,  la  cor- 
ruption et  la  cherté. 

Les  mêmes  faits  montrent  quelle  anarchie  d'idées  règne 
dans  les  hautes  régions  de  l'industrie  et  du  pouvoir. 

Si  le  libre-échange,  aujourd'hui  en  faveur  auprès  du  gou^ 
vernement,  est  une  vérité,  pourquoi  ce  régime  de  subven- 
tions et  de  privilèges,  qui  lui  donne  un  si  éclatant  démenti? 
Pourquoi  ne  pas  traiter  tout  de  suite  avec  l'Anglais,  avec 
l'Américain,  qui  nous  offrent  leurs  services  à  prix  réduit? 
Que  signifie  cette  gloriole  d'un  service  national?... 

Si  au  contraire  c'est  la  protection  qui  est  vraie  et  légi- 
time, pourquoi  souffrir  que  dans  nos  propres  ports  la  marine 
de  l'étranger  fasse  à  la  nôtre  une  concurrence  désastreuse? 
Avons-nous  des  engagements  secrets  qui  nous  lient?  et  fau- 


—  383  — 

dra-t-il  que,  pour  plaire  à  nos  alliés  et  contenter  notre 
gloire,  nous  supportions  tout  à  la  fois  une  lutte  qui  nous 
ruine  et  un  monopole  subventionné  qui  nous  épuise?... 

Les  actions  de  la  Franco-Américaine,  descendues  un  mo- 
ment à  385  fr.  sont  remontées,  depuis  le  discours  de  l'Em- 
pereur au  Corps  législatif,  à  500  et  même  515  fr.  ;  elles  os- 
cillent autour  du  pair.  —  Celles  de  la  Compagnie  Maritime, 
à  430  encore  le  27  décembre  1856,  ont  monté  d'un  saut,  le 
3  janvier,  à  520  et  se  tiennent  au  niveau  des  précédentes.  Ou 
sent  Tapprocbe  de  la  Concession,  et  les  prétendants  se  tien- 
nent prêts  pour  la  hausse. 

COiMPAGNIE  DES  GONDOLES. 

Société  anonyme  fondée  à  Lyon  le  19  juillet  1829,  pour 
50  ans.  Navigation  du  Rhône,  de  la  Saône  et  de  leurs  af- 
fluents, canaux  ou  rivières.  Capital  social  représenté  par 
2,000  actions  nominatives. 

COMPAGNIE  DES  TRANSPORTS  SUR  LE  RHONE 
ET  LA  SAONE. 

Société  anonyme  fondée  à  Lyon,  pour  30  ans,  le  8  août 
1848.  Capital,  3  millions  5  actions  de  1,000  fr.,  nominatives. 

L'AIGLE. 

Compagnie  anonyme  fondée  à  Lyon,  pour  la  navigation 
du  Rhône  et  de  la  Saône.  Durée,  30  ans  à  dater  du  12  oc- 
tobre 1853.  Capital  représenté  par  1 ,800  actions  nominatives. 


CHAPITRE  V. 

Assurances. 

Une  Société  d'assurance  n'a  pas  besoin  de  capital  :  il  n'y 
a  là  ni  travaux  à  faire,  ni  marchandises  à  acheter,  ni  main- 
d'œuvre  à  payer.  Dos  propriétaires,  en  nombre  aussi  grand 
qu'on  voudra,  —  le  plus  sera  le  mieux,  —  prennent  l'enga- 


-  ;î84  — 

gement  les  uns  envers  les  autres,  chacun  au  prorata  des  va- 
leurs qu'il  veut  faire  assurer,  de  se  couvrir  réciproquement 
des  perles  qu'ils  auront  faites  par  force  majeure  ou  cas  for- 
tuit :  c'est  ce  qu'on  nomme  assurance  mutuelle.  Dans  ce  sys- 
tème, la  prime  à  payer  par  chaque  associé  ne  se  calcule  qu'à 
l'expiration  de  l'année,  ou  à  des  périodes  plus  longues  en- 
core, selon  la  rareté  et  la  médiocrité  des  sinistres.  Elle  est 
donc  variable,  et  ne  produit  de  bénéfices  pour  personne. 

Ou  bien,  des  capitalistes  se  réunissent  et  offrent  aux  par- 
ticuliers de  leur  rembourser,  moyennant  une  prime  annuelle 
de  .r  p.  1,000,  le  montant  des  dégâts  éventuels  causés  par 
l'incendie,  la  grêle,  les  naufrages,  l'épizootie,  en  un  mot  par 
le  sinistre  objet  de  l'assurance.  C'est  ce  qu'on  appelle  assu- 
rance à  prime  fixe,  la  seule  dont  nous  ayons  à  nous  occuper. 

Or,  toute  Compagnie  doit  pourvoir  au  remboursement  des 
sinistres,  ainsi  qu'aux  frais  d'administration  au  moyen  des 
annuités  payées  par  les  assurés,  sous  peine  d'entrer  en  déficit. 
L'excédant  des  annuités  sur  les  dépenses  forme,  avec  l'inté- 
rêt des  capitaux  qui  servent  de  garantie  aux  engagements  de 
la  Société,  le  bénéfice  des  actionnaires.  Aussi  ne  faut-il  pas 
s'étonner  de  voir  les  dividendes  monter  à  50, 100  et  150  0/0. 

Comme  le  capital  est  inutile  aux  assurances,  les  action- 
naires ne  versent  d'habitude  qu'une  faible  part  en  numé- 
raire, juste  ce  qu'il  faut  pour  couvrir  les  frais  de  premier 
établissement,  un  10^  ou  un  20'  de  leur  souscription.  Ils 
prennent  l'engagement  de  payer  le  surplus,  s'il  y  a  lieu,  et 
souscrivent  à  cet  effet,  au  nom  de  la  Société,  une  obligation 
non  négociable,  espèce  de  billet  à  ordre,  sans  échéance  dé- 
terminée, payable  à  présentation  en  cas  qu'un  appel  de  fonds 
soit  jugé  nécessaire.  Certaines  Compagnies  exigent,  comme 
garantie  de  cette'  obligation,  le  dépôt  d'effets  publics  dont 
les  arrérages  continuent  d'ap[tartenir  aux  déposants.  Le  ca- 
pital^en  versements  et  en  effets  ne  va  souvent  pas  à  plus  du 
cinquième  de  la  valeur  nominale  de  l'action.  Aussi  le  conseil 
d'administration  a-t-il  le  droit  de  constater  la  solvabilité  des 
actionnaires  nouveaux  et  d'en  exiger  au  besoin  un  gage  égal 
au  montant  de  l'obligation.  C'est  pourquoi  encore  les  actions 
sont  nominatives  pour  la  plupart. 


—  385  — 

Les  Compagnies  qui  reçoivent  des  espèces  les  convertis- 
sent en  titres  portant  intérêt  ou  même  en  immeubles. 

La  spéculation  parasite  n"a  rien  à  voir  avec  ces  valeurs, 
dont  la  rareté  ou  la  fréquence  des  sinistres  augmente  ou  at- 
ténue le  revenu  dans  des  proportions  considérables,  mais 
qui  échappent  à  toutes  les  supputations.  Toutefois,  les  Com- 
pagnies comptent  généralement ,  dans  leurs  prévisions ,  que 
la  somme  de  sinistres  qu'elles  auront  à  rembourser  monte  à 
30  ou  40  0/0  de  leurs  recettes. 

Plusieurs  Compagnies,  telles  que  la.  Nationale,  le  Phénix, 
\di  Générale^  VUnion^  VUrbaitie,  la  France,  la  Frovidence, 
forment  entre  elles,  pour  le  maintien  des  primes,  un  comité 
d'entente  que  Ton  peut  fort  bien  regarder  comme  une  coa- 
lition, de  l'espèce  défendue  par  la  loi.  Aussi ,  tandis  que 
la  Compagnie  mutuelle  pour  l'assurance  des  bâtiments  se 
contente  de  15  c.  p.  1,000,  les  Compagnies  à  prime  fixe  ne 
prennent  pas  moins  de  40  c.  Mais,flelle  est  l'imbécillité  du 
public  et  1  ineplie  des  administrateurs  mutuellistes,  que  les 
particuliers  vont  de  préférence  au  plus  cher,  jugeant  appa- 
remment qu'il  en  est  de  l'assurance  comrne  des  autres  mar- 
chandises, et  que  plus  ils  payent,  mieux  ils  sont  assurés. 

Lorsque  l'esprit  d'initiative  qui  sommeille  en  France  aura 
pris  son  essor,  l'assurance  deviendra  un  contrat  entre  les  ci- 
toyens, une  association  dont  les  bénéfices  profiteront  à  tous 
les  assurés,  et  non  à  quelques  capitalistes,  bénéfices  qui  se 
traduiront  alors  en  une  réduction  de  la  prime  à  payer.  Cette 
idée  s'est  déjà  produite,  dans  le  public  et  dans  les  assemblées 
délibérantes,  sous  forme  de  projet  d'assurances  par  l'État. 
C'est  la  voie  naturelle  à  toute  innovation,  puisque  nous  ne 
savons  rien  entreprendre  sans  le  gouvernement.  Si  nous  en 
croyons  nos  renseignements,  le  projet  serait  déjà  étudié,  le 
travail  fait,  les  décrets  tout  prêts.  On  dit  môme  que  les 
auteurs  de  ce  projet  se  promettent  de  tirer  des  contribuables, 
par  cette  voie  philanthropique,  quelque  chose  comme  80  ou 
100  millions-,  et  que  plus  d'un  serviteur  fidèle,  que  la  pé- 
nurie du  trésor  n'a  pas  permis  de  récompenser  de  ses  longs 
services,  fonde  sur  cette  impériale  institution  l'espoir  de  sa 
fortune  et  l'avenir  de  ses  enfants.  Qu'attend-on  alors  ?  Il  n'y  a 

22 


—  386  -- 

point  là  d'expropriations  à  faire,  point  d'indemnités  à  ac- 
corder :  l'État,  en  autorisant  les  Compagnies  à  pâturer  sur 
son  domaine,  n'a  rien  aliéné,  rien  promis;  il  ne  doit  rien. 
Nous  sommes  curieux  de  voir  si  le  ministère  ou  le  con- 
seil d'État  trouvera  le  secret ,  à  propos  de  la  centralisation 
des  assurances,  de  jeter  les  millions  aux  Compagnies  pour 
les  dédommager  de  la  perte  d'un  droit  qu'il  ne  céda  jamais; 
^—  si,  comme  le  répand  déjà  la  calomnie,  l'assurance  ne  sera 
entre  les  mains  de  l'État  qu'une  nouvelle  machine  à  impôt 
et  sinécures;  —  ou  si,  enfin,  le  gouvernement,  fidèle  au 
principe  de  mutualité  sur  lequel  il  repose,  profitera  de  l'oc- 
casion pour  introduire  dans  l'économie  du  pays  cette  grande 
loi,  qu'en  tout  service  public,  le  prix  de  Vente  doit  être  égal 
au  prix  de  revient. 

ASSMANCES  CONTRE  L'INCENDIE. 

LA  NATIONALE. 

(Paris,  3,  rue  de  Ménara.) 

Société  anonyme  fondée  pour  80  ans,  à  dater  du  1 1  février 
1820. 

Le  capital  est  de  10  millions,  divisé  en  2,000  actions  no^ 
minatives  de  5,000  fr.  Les  actionnaires  s'engagent  ;\  verser, 
s'il  y  a  lieu,  le  montant  de  leurs  actions,  et  transfèrent,  en 
garantie  de  cet  engagement,  50  fr.  de  rentes  françaises  au 
nom  de  la  Société.  Lu  produit  en  appartient  directement  au 
déposant.  Pour  devenir  actionnaire,  il  faut  être  admis  par  le 
conseil  d'administration  à  la  majorité  des  trois  quarts  des 
votants,  ou  déposer  en  rentes  une  valeur  égale  au  montant 
des  actions  dont  on  est  acquéreur. 

Dividende  de  1855, 675  fr.  C'est  le  plus  élevé  qu'elles  aient 
louché. 

L'assemblée  se  compose  des  100  plus  forts  actionnaires. 

ASSUHANCES  GÉNÉRALES. 

(Paris,  88,  rue  Richelieu.) 

'  Société  anonyme;  durée,  50  ans  à  dater  du  18  mars  1819. 


—  387  — 

Capital,  2  millions,  divisé  en  300  actions  de  5,000  fr.  et 
en  1,000  actions  de  500  fr.  Les  actions  de  5,000  fr.  sont 
nominatives  ;  elles  ne  peuvent  être  transférées  qu'avec  l'agré- 
ment du  conseil  d'administration.  Un  cinquème  est  payé 
en  argent  ou  en  dépôt  d'effets  publics.  Pour  les  quatre  au- 
tres cinquièmes ,  il  est  souscrit  au  nom  de  la  Société  des 
obligations  non  négociables,  payables  à  présentation. 

Les  actions  de  500  f.  sont  au  porteur;  le  montant  en  est 
versé  argent  comptant. 

Un  huitième  des  bénéfices  est  affecte  au  fonds  de  réserve  5 
sur  les  7/8  restants ,  2  0/0  sont  employés  en  actes  de  bien- 
faisance. 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  2  actions  no- 
minatives ou  de  20  au  porteur. 

Le  revenu  des  actions  de  5,000  fr.  a  dépassé  1,000  fr.  sur 
huit  exercices.  Les  plus  élevés  sont  ceux  de  1853  :  2,062  fr, 
50  c.,  et  1855:  2,775  fr. 

LE  PHÉNIX. 

(Paris,  40,  rue  de  Provence.) 

Société  anonyme  fondée  pour  80  ans  à  dater  du  l"*  sep- 
tembre 1819. 

Le  maximum  des  assurances  est  de  600,000  fr,  sur  un  seul 
risque. 

Capital,  4  millions,  divisé  en  4,000  actions  de  1,000  fr., 
dont  le  montant  a  été  intégralement  versé.  Les  actions  sont 
au  porteur.  —  L'assemblée  se  compose  des  porteurs  de  15 
actions.  —  Dix  exercices  ont  donné  100  fr.  et  au-dessus  de 
dividende,  et  quatre  plus  de  200  fr. 

LE  SOLEIL. 

(Paris,  13,  rue  du  Helder.) 

Société  anonyme  fondée  pour  90  ans  à  dater  du  16  dé- 
cembre 1 829. 

Capital,  6  millions,  représenté  par  1,000  actions  nomina- 
tives de  6,000  fr.,  divisibles  en  couponsau  porteyr  de  1,000  fr, 


—  388  — 

Le  propriétaire  d'une  action  de  6,000  fr.  ne  verse  pas  d'ar- 
gent. Il  transfère  seulement  à  la  Société  une  inscription  de 
45  fr.  de  rente  en  fonds  publics  français,  ou  l'équivalent  en 
actions  de  la  Banque.  Les  souscripteurs  de  coupons  en  ver- 
sent le  montant  en  espèces  et  touchent  5  0/0  par  an  d'inté- 
rêt. Les  actions  et  les  coupons  ont  le  même  droit  à  la  ré- 
partition des  dividendes. 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  8  actions  et 
des  30  plus  forts  assurés  participants  demeurant  à  Paris. 

Les  trois  derniers  exercices  ont  produit  300  fr.  de  revenu 
chacun. 

L'UNION. 

(Paris,  15,  rue  de  la  Banque.) 

Société  anonyme ,  durée,  50  ans  à  dater  du  5  octobre  1828. 

Capital,  10  millions,  représenté  par  2,000  actions  nomi- 
natives de  5,000  fr.  Les  actionnaires  ne  versent  que  100  fr. 
en  numéraire;  ils  s'engagent  à  payer  le  surplus,  s'il  y  a  lieu, 
et  affectent  à  la  garantie  de  cet  engagement  un  transfert  de 
45  fr.  de  rente  3  0/0  ou  l'équivalent  en  fonds  publics.  Les 
actions  ne  peuvent  être  transférées  sans  l'avis  du  conseil 
d'administration,  qui  peut  exiger  de  l'acquéreur  le  dépôt 
d'effets  publics  d'une  valeur  égale  au  montant  des  actions 
acquises. 

Un  huitième  des  bénéfices  est  affecté  au  fonds  de  réserve  ; 
le  reste  est  distribué  aux  actionnaires.  —  L'assemblée  se 
compose  des  propriétaires  de  5  actions.  —  Les  dividendes 
depuis  1851  ont  dépassé  200  fr.  Celui  de  1855  s'est  élevé 
à  325.  , 

LA  FRANCE. 
(Paris,  6,  rue  de  Ménars,) 

Société  anonyme  fondée  pour  50  ans  à  partir  du  27  fé- 
vrier 1837. 

Maximum  des  assurances  sur  un  seul  risque ,  800,000  fr. 

Capital,  10  millions,  représenté  par  2,000  actions  nomi- 
natives de  5,000  fr. 


—  389  — 

Versement  en  numéraire,  100  fr.  L'obligation  de  verser  le 
fout,  s'il  y  a  lieu,  est  garantie  par  le  dépôt  d'effets  publics 
d'une  valeur  en  capital  de  900  fr.  —  L'assemblée  se  compose 
des  propriétaires  de  5  actions.  —  Cinq  exercices  ont  produit 
plus  de  100  fr.  Celui  de  1855  est  de  200. 

L'URBAIXE. 

(Pari?,  8,  rue  Lepellelier.) 

Société  anonyme  fondée  pour  50  ans  à  dater  du  4  mars 
1838. 

Maximum  des  assurances  sur  un  seul  risque,  600,000  fr. 

Capital,  5  millions,  divisé  en  1,000  actions  nominatives 
de  5,000  fr. 

Les  aetionnaires  doivent  verser  200  fr.  en  numéraire,  et 
affecter  à  la  garantie  du  surplus  40  fr.  de  rente  sur  lEtat. — 
L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  3  actions.  —  Di- 
vidende de  1855,  300  fr. 

LA  PROVIDENCE. 

(Paris,  14,  rue  de  Ménars.) 

Société  anonyme  fondée  pour  30  ans  à  dater  du  18  sep- 
tembre 1838. 

Maximum  des  assurances  sur  un  seul  risque,  600,000  fr. 

Capital,  5  millions,  divisé  en  2,000  actions  nominatives 
de  2,500  fr.  dont  250  fr.  versés  en  numéraire,  le  reste  en 
dépôt  de  rentes.  L'assemblée  se  compose  des  100  plus  forts 
actionnaires.  —  Le  plus  fort  dividende  a  été  de  90  fiv 

LA  PATERNELLE. 

(Paris,  4,  rue  de  Ménars.) 

Société  anonyme  fondée  le  2  octobre  1843  ;  durée  50  ans. 
— Capital,  3millions;  actions  nominatives  de  1,000  fr.,  dont 
400  fr.  versés  en  espôces.  — L'assemblée  se  compose  des  pro- 
priétaires de  10  actions.  —  Le  plus  fort  dividende  a  été  de 
16  fr. 

22. 


—  390  — 

LA  COiM  lANCE. 

(Paris,  102,  rue  Richelieu.) 

Société  anonyme  fondée  le  16  septembre  1844,  pour  50 
ans.  —  Capital,  4  millions;  800  actions  nominatives  de 
5,000  fr.,  dont  1,000  fr.  versés  en  espèces. — L'assemblée  se 
cornpose  des  propriétaires  de  5  actions, 

LE  NORD. 

(Lille,  29,  rue  de  Saint-Pierre.  —Paris,  10,  rue  de  Ménars.) 

Société  anonyme  autorisée  le  24  février  1840,  pour  50  ans. 
—  Capital,  2millions-,2,000actionsnominativesde  1,000 fr.; 
200  fr.  en  espèces.  —  L'assemblée  se  compose  des  proprié- 
taires de  5  actions.  —  Les  cinq  derniers  exercices  ont  produit 
20  fr. 

LA  SALAMANDRE. 

(Paris,  8,  place  de  la  Bourse.) 

Cette  Société  n'assure  pas  hors  du  département  de  la 
Seine.  Elle  est  en  commandite  sous  la  raison  :  Leroux  de 
Lens  et  €'«. 

Capital ,  3  millions,  représenté  par  500  actions  nomina- 
tives de  5,000  fr.,  et  par  100  actions  au  porteur  de  5,000  fr. 
divisibles  en  coupons  de  500  fr.  —  10  0/0  des  bénéfices  sont 
affectés  à  l'amortissement  des  actions  au  porteur. 

ASSURANCES  SUR  lA  VIE. 

LA  NATIONALE. 
(Paris,  3,  rue  de  Ménars.) 

Société  anonyme  fondée  le  11  février  1820,  pour  99  ans. 

Capital,  15  millions,  représenté  par  3,000  actions  nomi- 
natives de  5,000  fr.  Les  actionnaires  doivent  déposer,  à  titre 
de  garantie,  50  fr.  de  rente  ou  l'équivalent.  Les  acquéreurs 
d'actions  doivent  être  agréés  par  le  conseil  d'administration, 


—  3Q1  — 

ou  déposer  en  fonds  publics  une  valeur  égale  au  montant  des 
actions  acquises. 

L'assemblée  se  compose  des  100  plus  forts  actionnaires. 
—  tes  exercices  1852-54  ont  produit  ensemble  2,02o  fr, 

ASSURANCES  GÉNÉRALES. 

(Paris,  87,  rue  Richelieu.) 

Société  anonyme  fondée  le  22  décembre  1819  pour  50  ans. 

Capital,  3  millions,  divisé  en  300  actions  nominatives  de 
7,500  fr.  et  en  1,000  actions  au  porteur  de  750  fr.  Les  sou- 
scriptions ont  été  intégralement  versées.  La  Compagnie  place 
ses  fonds  sur  l'État.  Elle  assure  soit  pendant  la  vie  soit 
après  décès. 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  2  actions  ou 
de  20  coupons.— Le  plus  haut  dividende  a  été  de  862  fr.  50. 
et  le  plus  faible  de  14  fr.  25. 

L'UNION. 

(Paris,  16,  rue  de  la  Banque.) 

Société  anonyme  fondée  pour  99  ans  à  dater  du  21  juin 
1829. 

Capital,  10  millions,  divisé  en  2,000  actions  nomi- 
natives de  5,000  fr.  Garantie  de  l'obligation,  50  fr.  de  rente 
3  0/0,  ou  l'équivalent.  Les  nouveaux  actionnaires  doivent 
être  agréés  par  le  conseil.  La  Compagnie  assure  pendant  la 
vie  et  après  décès. 

Sur  les  produits  nets  il  est  fait  un  prélèvement  de  15  0/0 
au  moins  et  de  25  0/0  au  plus  en  faveur  des  assurés.  Cette 
quote-part  peut  être  appliquée  à  une  réduction  de  prime. 
C"est  un  commencement  d'application  du  vrai  principe  des 
assurances  :  l'assurance  par  les  assurés.  —  Un  second  pré- 
lèvement de  15  0  0  au  moins,  25  0  0  au  plus,  est  mis  en 
réserve.  Le  surplus  est  i*éparti  aux  actionnaires. 

Il  faut  avoir  5  actions  pour  assister  à  l'assemblée.  —  De 
1838  à  1850,  le  dividende  avarié  de  110  fr.  au  plus  bas  à 
160  au  plus  haut. 


—  392  — 

LE  PHENIX. 

(Paris,  40,  rue  de  Provence.) 

Société  anonyme  autorisée  le9juin  1844. — Durée, 99 ans. 
—  Capital,  4  millions;  800  actions  nominatives  de  5,000  fr., 
dont  1,000  fr.  versés  en  numéraire.  —  L'assemblée  se  com- 
pose des  propriétaires  de  3  actions.  —  Le  dividende  a  été  de 
100  fr.  au  plus  bas  et  de  150  au  plus  haut. 

CAISSE  PATERNELLE. 

(Paris,  4,  rue  de  Ménars.) 

Société  anonyme  autorisée  le  19  mars  1850.  —  Durée, 
50  ans. —  Capital,  4  millions-, 8,000  actions  de  500  fr.,dont 
100  fr.  en  espèces. 

L'IMPÉRIALE. 

(Paris,  58,  rue  de  Provence.) 

Société  anonyme  autorisée  le  29  mars  1854.  —  Durée  , 
99  ans.  —  Capital,  5  millions 5  10,000  actions  de  500  fr., 
dont  250  en  espèces. 


ASSURANCES  GENERALES  MARITIMES. 

(Paris,  8T,  rue  Richelieu.) 

Société  anonyme  autorisée  le  22  avril  1818.  —  Durée, 
50  ans.  —  Maximum  d'assurance  sur  un  seul  risque  6  0/0  du 
capital  social. 

Capital,  2  millions,  divisé  en  300  actions  nominatives  de 
12,500  fr.,  et  en  1,000  actions  au  porteur  de  1,250  fr. 
Les  actions  nominatives  sont  garanties  : 
1"  Par  le  versement  en  espèces  de  2,500  fr.; 
2»  Par  2,  500 fr.  de  retenues  opérées  sur  les  bénéfices  nets;- 
3"  Par  une  obligation  de  7,500  fr.,  souscrite  par  l'action- 
naire au  nom  de  la  Compagnie  et  payable  dans  les  dix  jour§ 
delà  notification  d'un  appel  de  fonds, 


—  393  — 

Les  actions  au  porteur  sont  payées  comptant. 
La  Société  place  ses  capitaux  en  propriétés  sises  à  Paris. 
Sur  les  bénéfices,  2  0/0  sont  employés  en  actes  de  bien- 
faisance, 1/8  est  mis  en  réserve,  et  le  surplus  réparti  aux 
actionnaires.  —  L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de 
2  actions  ou  de  20  coupons.  —  Le  plus  fort  dividende  a  été 
de  1,900  fr. 

LLOYD  FRANÇAIS. 
(Paris,  8,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  autorisée  pour  30  ans  à  dater  du  16  mars 
1837.  —  Mpximum  des  assurances  sur  un  seul  risque,  3  0/0 
du  capital  social. 

Capital,  6  millions,  divisé  en  1,200  actions  nominatives 
de  5,000  fr.  Chaque  actionnaire  s'engage  à  verser  le  mon- 
tant de  ses  actions,  s'il  y  a  lieu,  et  est  tenu  de  déposer  en 
garantie  des  effets  publics  représentant  1,000  fr.  en  capital 
et  produisant  50  fr.  d'intérêt.  —  L'assemblée  se  compose  des 
propriétaires  de  5  actions.  —  Le  plus  fort  dividende  est  celui 
de  1855  :  290  fr. 

LA  MELUSINE. 

(Paris,  6,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  fondée  le  15  mars  1838. — Durée,  30  ans. 
—  Maximum  des  assurances  sur  un  seul  risque,  3  0/0  du  ca- 
pital social.  —  Capital,  2  millions-,  400  actions  nominatives 
de  5,000  fr.,  dont  100  fr.  en  espèces  et  36  fr.  de  rente  en 
3  0/0.  —  2  actions  pour  assister  à  l'assemblée.  —  Dividende 
de  1855,  252  fr.  50  5  c'est  le  plus  élevé. 

L'INDEMNITÉ. 

(Paris,  24,  boulevard  Poissonnière.) 

Société  anonyme  autorisée  le  27  mai  1836,  réorganisée 
pour  30  ans  le  7  mai  1856.  —  Maximum  sur  un  seul  risque, 
5  0/0  du  capital  social.  —  Capital,  2  millions;  400  actions 
nominatives  de  5,000  fr.,  dont  1,000  fr.  en  espèces. 


r~-  394  ~ 
CHAMBRE  D'ASSURANCES  MARITIMES 

(Paris,  40,  rue  Notre-Dame-desrVictoircs,) 

Société  anonyme  autorisée  le  16  septembre  1837. — Durée, 
30  ans.  —  Maximum  sur  un  seul  risque,  3  0/0.  —  Capital, 
3  millions  5  600  actions  nominatives  de  5,000  fr.,  garanties 
pour  un  cinquième  par  le  dépôt  de  45  fr.  de  rente  ou  l'équi- 
valent. 

LA  SÉCURITÉ. 
(Paris,  C,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  autorisée  le  10  avril  1836,  pour  21  ans. 

—  Maximum  des  assurances  sur  un  seul  risque,  4  0/0  du 
capital  social.  —  300  actions  nominatives  de  5,000  fr.,  re- 
présentant 1,500,000  fr.,  garanties  pour  un  cinquième  par 
le  dépôt  de  40  fr.  de  rentes  3  0/0  ou  l'équivalent. 

LA  SAUVEGARDE. 

(Paris,  8,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  autorisée  le  4  mai  1846. — Durée,  30  ans. 

—  Maximum  d'assurances  sur  un  seul  risque,  4  0/0  du  capi- 
tal social. —  200  actions  nominatives  de  5,000  fr.,  dont 
1,000  fr.  en  espèces.  —  Dividende  de  1855,  405  fr.j  c'est  le 
plus  élevé. 

L'OCÉAN. 

(Paris,  6,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  autorisée  le  29  mars  1837,  pour  40  ans. 

—  Maximum  d'assurances  sur  un  seul  risque,  5  0/0  du  fonds 
social.— Capital,  1  million;  200  actions  nominatives  de 
5,000  fr.,  dont  1,000  fr.  versés  en  espèces.  —  Moyenne  du 
revenu  annuel,  208  fr.  15  c. 

L'UNION   DES  PORTS. 

(Paris,  4,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  autorisée  pour  36  ans  à  partir  du  27  mai 


-  395  — 

lg36. — Maximum  sur  un  seul  risque,  3  0/0  du  fonds  social. 
Capital,  5  millions,  représenté  par  O-IO  actions  nomina- 
tives de  5,000  fr.,  et  60  actions  au  porteur  de  5,000  fr.  égale- 
ment, divisibles  en  coupons  de  500  fr.  Sur  les  premières  il  a 
été  versé  750  fr.  le  surplus  consiste  en  engagements  souscrits 
par  les  actionnaires.  Les  actions  au  porteur  ont  étdinlégra- 
lerfient  versées.  —  L'assemblée  se  compose  des  porteurs  de 
2  actions.  —  Dividende  de  1855, 225  fr.;  c'est  le  plus  élevé. 

LA  VIGIE. 

(Paris,  6,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  autorisée  le  21  mai  1845. —  Durée, 
30  ans. — Maximum  sur  un  seul  risque,  4  0/0  du  fonds  so- 
cial. —  Capital,  1  million  ;  200  actions  nominatives  de 
5,000  fr.,  dont  1,000  fr.  versés  en  espèces.    * 

LE  PILOTE. 

(Paris,  6,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  autorisée  le  23  juin  1852.  —  Durée, 
30  ans.  —  Maximum  sur  un  seul  risque,  4  0/0  du  fonds  so- 
cial. —  200  actions  nominatives  de  5,000  fr.,  dont  1,000  fr. 
versés  en  espèces. —  Dividende  de  1655,  374  fr. 

COMPAGXIE  DE  PRÊTS  A  LA  GROSSE. 

(Paris,  87,  rue  de  Richelieu). 

Autorisée  le  16  juillet  1853,  pour  30  ans.  200  actions  de 
5,000  fr.,  dont  1,000  fr.  versés  en  numéraire.  —  Revenu  de 
1855,  150  fr. 

PHARE  MARITIME. 

(Paris,  35,  rue  Vivienne.) 

Société  anonyme  autorisée  le  5  décembre  1853.  —  Durée, 
20  ans.  —  Maximum  sur  un  seul  risque,  4  0/0  du  fonds  social. 
—  Capital,  1  million  -,  200  actions  nominatives  de  5,000  fr., 
dont  1,000  versés  en  espèces. 


—  396  — 
LA  MARITIME. 

(Paris,  4,  place  de  la  Bourse.) 

Compagnie  anonyme  autorisée  pour  30  ans  à  partir  du 
25  mars  1854.-1,000  actions  nominatives  de  1,000  fr., 
tout  en  numéraire. 

COMPAGNIE  CENTRALE. 

(Paris,  7,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  fondée  pour  30  ans  à  dater  du  23  no- 
vembre 1854.  —  Maximum  sur  un  risque,  3  0/0.  Capital, 
5  millions;  1,000  actions  nominatives  de  5,000  fr.,  dont 
1 ,000  fr.  versés  en  espèces. 

LA  RÉUNION. 

(Paris,  10,  place  de  la  Bourse.) 

Société  anonyme  fondée  pour  50  ans,  à  dater  du  6  juin 
1855.  —  Maximum,  3  0/0.  —  Capital,  6  millions  ;  1,200  ac- 
tions de  5j000  fr.  dont  1,000  fr.  en  espèces. 

LA  GIRONDE. 

(Bordeaux,  2,  rue  Esprit-des-Lois.) 

Société  anonyme  fondée  le  26  janvier  1844.  —  Durée, 
20  ans. —  Maximum  sur  un  seul  risque,  5  0/0  du  fonds  so- 
cial. —  Capital,  2  millions;  400  actions  nominatives  de 
5,000  fr.  5  versement  en  espèces,  1,000  fr. 

LA  GAÏIONNE.  , 

(Bordeaux,  1,  rue  du  Réservoir.) 

Société  anonyme  autorisée  le  21  novembre  1846. — Durée, 
20  ans.  —  Maximum,  5  0/0.  —  Capital ,  2,500,000  fr.  ; 
500  actions  nominatives  de  5,000  fr.,  dont  1,000  fr.  en  es- 
pèces. —  Le  dividende  le  plus  élevé  a  été  de  575  fr. 

COMPAGNIE  D'ASSURANCES  DU  HAVRE. 

(Havre,  34,  rue  d'Orléans.) 

Société  anonyme  fondée  pour  12  ans  à  dater  du  26  no- 


—  397  — 

vcmbre  1850. —  Maximum,  0  0/0.  —  Capital,  2  millions; 
2,000  actions  nominatives  de  1,000  fr.  ;  250  fr.  en  numéraire. 

LLOYD  MARSEILLAIS. 

(Marseille,  75,  rue  de  Paradis.) 

Société  anonyme  autorisée  le  11  juillet  1845,  pour  20  ans. 
— Maximum,  5  0/0.  — Capital,  1  million  ^  200  actions  nomi- 
natives de  5,000  fr.  5  versement  de  1,000  fr.  en  espèces. 

ASSl'RANCES  CONTRE  LA  GRÊLE. 
ASSURANCES  GÉNÉRALES. 

(Paris,  87,  rue  de  Richelieu.) 

Société  anonyme  autorisée  le  25  octobre  1854.  —  Durée, 
50  ans. —  Capital,  10  millions,  divisé  en  2,000  actions  no- 
minatives de  5,000  fr.  garanties  :  1»  par  un  versement  de 
1,000  fr.  en  espèces;  2°  par  une  obligation  de  l'actionnaire 
de  verser  les  quatre  autres  cinquièmes  d'année  en  année,  à 
dater  de  la  demande  du  premier  cinquième.  —  L'assemblée 
se  compose  des  propriétaires  de  5  actions.  —  Revenu  en 
1855,  50  fr. 


CHAPITRE  \I. 

Industrie  minière.  — Uétallarg^ie. 

ilOlllLÈRES  ET  CHARBONNAGES. 

L'extraction  de  la  bouille  n"a  pris  de  l'importance  en 
France  que  depuis  l'invention  de  la  vapeur,  et  surtout  de- 
puis l'établissement  des  chemins  de  fer.  La  substitution  du 
charbon  minéral  au  charbon  de  bois  dans  le  traitement  des 
minerais  de  fer,  le  gaz  d'éclairage,  le  combustible  des  ma- 
chines ,  le  chauffage  des  logements  donnent  à  cette  indus- 
trie une  importance  de  plus  en  plus  grande,  et  font  craindre 
que  les  mines  ne  viennent  prochainement  à  faire  défaut  à  la 

23 


—  398  — 

consommation.  On  dit  cependant  qne  de  nouvelle  rechei'^ 
dies  ont  fait  reconnaître  de  nombreux  et  forts  gisements  à  des 
profondeurs  inespérées  et  sur  des  points  inattendus  :  nous 
faisons  des  vœux  pour  que  cette  bonne  fortune  se  réalise. 

J.e  nombre  des  mines  de  charbon  concédées  en  France  est 
de  448,  réparties  fort  inégalement  entre  45  départements: 
Elles  occupent  une  superficie  de  4,776  kilomètres  carrés 
56  hectares.  Les  bassins  de  la  Loire  et  du  Nord  sont  les  f)lus 
riches.  11  fournissent  à  eux  seuls  la  moitié  de  la  production 
annuelle  française.  Mais  ils  ne  peuvent  rivaliser  avec  les 
gisements  houillers  de  la  Belgique,  et  surtout  de  la  Grande- 
Bretagne. 

La  moyenne  de  l'exploitation  indigène,  dans  les  six  an- 
nées 1847-52,  a  été  de  45  millions  de  quintaux  métriques,  et 
l'importation,  durant  la  même  période,  de  27  millions  de 
quintaux,  dont  les  deux  tiers  de  provenance  belge. 

En  supposant  que  les  4,776  kilomètres  carrés  56  hectares 
rendent  un  demi-mètre  cube  de  houille  par  mètre  de  super- 
ficie, ce  qui  est  fort  exagéré,  la  consommation  restant  ce 
qu'elle  est,  la  France  aurait  encore  pour  331  ans  de  combus- 
tible. 

Que  pense  de  cela  le  monde  actionnaire?... 

Le  nombre  des  ouvriers  employés  en  1852  à  l'exploitnlion 
des  mines  françaises  était  de  35,381,  dont  27,001  à  l'inlé- 
rieur  des  puits,  et  8,380  à  l'extérieur.  La  houille  sur  place 
revient  en  moyenne  à  1  fr.  le  quintal. 

Le  combustible  minéral  se  divise  en  six  classes  princi- 
pales :  anthracite,  houille  dure  à  courte  fiamme,  houille 
grasse  maréchale,  lioiiille  grasse  à  longue  flamme,  houiiie 
maigre  à  longue  flamme,  lignite  et  slipile. 

CO.lïï'AGNIES  FOKRSÉES  DE  L'Ai>;€IENXE  SOCIeItÉ  DES 
MIKES  DE  LA  LOIRE, 

La  Compagnie  des  Mines  de  la  Loire,  constituée  en  Société 
civile  par  acte  du  17  février  1847,  au  capital  de  80,000  ac- 
tions, réunit  alors  quatre  groupes,  qui  se  sont  fractionnés  de 
nouveau,  par  ordre  du  gouvernement,  en  1854,  savoir  : 

1»  Société  des  Mines  de  la  Loire  (rue  de  la  Victoire,  44); 


—  â99  — 

2»  Seciété  dea  Houillères  de  Montrambert  et  de  la  Sérau- 
dif-re  (Lyon)  -, 

3°  Sociélédes  Honillères  de  Rive-dè-Gier  {Lyon) -^ 

4"  Société  des  Houillères  de  Saint-Étienne  (Lyon). 

Ces  quatre  groupes  se  sont  constitués  en  autant  de  So- 
ciétés anonymes,  le  17  octobre  1854,  pour  une  durée  de 
99  ans.  Les  actions  sont  au  nombre  de  80,000,  nominatives 
pendant  les  trois  premières  années,  et,  passé  ce  délai,  nomi- 
natives on  au  porteur,  au  choix  du  propriétaire.  Chaque 
action  ancienne  a  reçu  une  action  de  chacune  des  quatre 
Sociétés  nouvelles. —  Les  assemblées  se  composent  des  pro- 
priétaires de  25  actions. 

La  Société  civile  avait  contracté  des  emprunts  ou  reconnu 
ceux  des  Compagnies  incorporées.  Le  service  de  cette  dette 
est  réparti  entre  les  quatre  Sociétés  fractionnées,  et  effectué 
par  un  agent  spécial  chargé  en  outre  des  intérêts  communs. 
Elle  se  compose  de  la  manière  suivante,  d'après  le  compte 
rendu  de  1856  : 

4,370  obligalions  des  anciens  emprunts 5,402,500  »» 

11,784         —        de  l'emprunt  de  1852 14,730,000  .... 

10,151  —         20,192,500  .... 

Créance  du  chemin  de  fer  Grand-Ce-ntral 1,000,000  »» 

Solde  H  ce  jonr  de  la  dello  spéciale  des  entrepôts 479,160  '0 

Ensemble 21,671,000  70 

Les  dividendes  de  Texercice  1855  se  sont  élevés  à  (îO  fr. 
par  aciion  pour  les  quatre  groupes,  savoir  : 

RIve-de-Gicr 27  fr. 

Sujnl-Élicnne  .....  14 

Mines  de  la  Loire.    .   .  10 

Munlrambert. 9 

Total 60 

lIOriLLÈUES  DE  LA  HAUTE-LOIIIE. 

(I*aris,  9,  place  de  la  t3oiirse.) 

Société  civile  constituée  le  6  octobre  1837,  pour  99  ans. 
—  Capital,  2,600,000  fr.,  divisée  en  5,200  actions,  nomina- 


—  400  — 

lives  on  au  porteur,  de  500  fr.;  jouissance  avril  et  octobre. 
—  Emprunt  négocié  au  moyen  de  400  obligations  rembour- 
sables à  1,250  tV.  ;  50  fr.  d'intérêt  payable  en  mars  et  sep- 
tembre. 

HOUILLÈRES  DE  MOiXTCHANIN  (Saone-et-loire). 
(Paris,  47,  rue  de  la  Victoire.) 

Société  civile  constituée  en  1838  pour  99  ans.  —  Capital, 
2,200,000  fr.  ;  440  actions  nominatives  de  5,000  fr. 

MINES  DE  MOXTIEUX-SAINT-ÉTIENNE  (Loire). 
(Paris,  10,  rue  Neuve-des-Malhurins.^ 

Société  civile  constituée  le  18  mars  1838.  —  Capital, 
1,400,000  fr.  5  2,800  actions  au  porteur,  de  500  fr. 

HOUILLÈRES  DE  BLANZY  (Saone-et-Loire). 
(Paris,  10,  rue  de  la  Cliaussée-d'Anlin.) 

Commandite  sous  la  raison  sociale  Chagot  et  C^%  fondée  le 
12  juillet  1838  pour  82  ans,  —Capital,  15  millions  ;  30,000 
actions  au  porteur,  de  500  fr. —  Emprunts,  deux  séries  d'o- 
bligations 5  0/0,  remboursables  au  pair,  savoir  :  1,000  obli- 
gations de  1,000  fr.,  et  1,000  de  250  fr. 

HOUILLÈRES  DE  I^A  CHAZOTTE  (Loire). 
(Paris,  20,  rue  Ncuve-des-Malliiirins.) 

Société  anonyme  autorisée  le  27  octobre  1843.  —  Durée, 
99  ans.  —  Capital  représenté  par  3,550  actions  nominatives 
on  au  porteur.  —  Dernier  dividende,  42  fr. 

HOUILLÈRE  ET  CHEJIIX  DE  FER  D'ÉPINAC. 

(Paris,  35,  rue  Lepellelier.) 

Société  anonyme  autorisée  le  2  juillet  1850.  —  Durée,  99 
ans.  —  Capital  représenté  par  2,400  actions  au  porteur. 


—  401   — 
HOUILLÈRES  DE  SAIXï-CHAiMOND. 

(Paris,  10,  rue  de  la  Cbausséc-d'Antin.) 

Sociélc  anonyme  autorisée  le  29 octobre  1853. —  Durée, 
50  ans.  — Capital  représenté  par  3,275  actions  nominatives. 

MINES  DE  LA  GRAXD'COMIÎE  (Gard). 
(Paris,  57,  rue  de  la  Cliaussée-d'Antin.) 

Ancienne  Société  civile,  devenue  anonyme  en  1855.  — 
Durée,  50  ans.  —  Capital  représenté  par  24,000  actions  no- 
minatives ou  au  porteur.  —  Dernier  dividende,  60  fr.  —  L'an- 
cienne Société  élait  propriétaire  du  chemin  de  fer  d'Alais 
aux  mines  et  à  Beaucaire ,  annexé  à  la  Compagnie  de  Lyon 
à  la  Méditerranée.  La  Société  nouvelle  reste  garante  desem- 
l)runts  contractés  par  l'ancienne.  —  L'extraction  en  1855  a 
élé  de  359,836  tonnes.  —  L'assemblée  du  29  mai  1856  a  au- 
torisé la  négociation  d'un  emprunt  de  4,500,000  fr.  au  moyen 
d'obligations. 

IIOIILLÈIIES  ET  CIIEMIiX  DE  FER  DE  PORTES  ET 
SÉNÉCHAS  (Gard). 

(Paris,  85,  rue  Richelieu.) 

Commandite  sous  la  raison  sociale  Jules  Mires  et  C'",  con- 
stituée le  11  novembre  1854.  —  Durée,  40  ans.  —  Capital, 
7,200,000  fr.  représenté  par  24,000  actions  au  porteur  li- 
bérées à  300  fr.  —  Dividende  de  1855,27  fr. 

HOUILLÈRES  DU  CEXTRE-DU-FLEXU. 

(Paris,  18,  rue  Meslay.) 

Société  civile  française  constituée  le  12  mars  1838,  pour 
99  ans.—  Capital,  3,600,000  fr.,  divisé  en  3,600  actions, 
nominatives  ou  au  porteur,  de  1,000  fr.  —  Revenu  de  1855, 
20  fr. 

l>OXT-DE-LOUI»-SUD  (Bel(;ique)  . 
(Paris,  10,  rue  Neuve-des-Malhuriiis.) 

Société  civile  française  constituée  pour  99  ans,  en  mars 


-    402  — 

1838.  —  Capital,  2,800,000  fr.  ;  2,800  actions  de  1,000  fr. 
au  porteur  ou  nominatives.  —  Dividende  de  1855,  70  fr. 

HOL'ILLÈRES  D'AZINCOIRT  (Nord). 

(Aniches,  déparlenienl  du  Nord.) 

Société  anonyme  fondée  pour  99  ans,  le  31  juillet  1842. 

—  Capital  représenté  par  1,500  actions  nominatives.  —  Di- 
vidende du  dernier  exercice,  150  fr. 

HOUILLÈRES  DE  CHALONNES-SUR-LOIRE. 

(Paris,  9,  rue  Saint-Florenlin.) 

Société  civile,  constituée  pour  99  ans,  le  29  mars  1843. 

—  Capital,  1,200,000  fr.  ;  1,200  actions  de  1,000  fr. 

CIIARBOiX  MINÉRAL  DE  LA  MAYENNE  ET  LA  SARTUE. 

(Laval.) 

Société  transformée  en  anonyme  le  4  juillet  1855.  —  Du- 
rée, 50  ans.  — Capital  représenté  par  13,200  actions  libé- 
rées ou  au  porteur.  — Moyenne  des  exercices  1851-55,  36  fr. 

HOUILLÈRES  ET  CHEMIN  DE  FER  DE  CARMAUX  A 
TOULOUSE. 

Société  fondée  en  1856,  au  capital  de  17,400,000  fr.,  pour 
Texploitation  des  houilles  de  Carmaiix  et  du  chemin  de  fer 
de  Carmauxà  Alby.  Le  capital  sera  porté  à  58  millions  lorsque 
le  prolongement  de  ce  chemin  de  fer  juscprà  Toulouse  et 
jusqu'au  Grand-Central  aura  été  accordé.  —  Les  mines  pro- 
duisent actuellement  1,200,000  hectolitres  de  houille  par  an. 

FORGES,  FONDERIES,  IIADTHOI'RNEAUI 

Les  mines  de  fer  concédées  étaient,  en  1852,  au  nombre 
de  177,  d'après  la  Statistique  des  ingénieurs.  Mais  les  mi- 
nières, qui  s'exploitent  à  ciel  ouvert,  sont  beaucoup  plus 
nombreuses  -,  elles  forment,  aux  termes  de  la  loi,  une  dépen- 
dance tic  la  propriété  du  sol,  et  ce  n'est  qu'cà  défaut  par  le 


^  403  — 

propriélaire  de  les  exploiter  lui-même  que  radminish"ali(»n 
permet  aux  maîtres  de  forges  du  voisinage  d'en  extraire  les 
minerais  dont  ils  ont  besoin. 

En  1847,  année  de  prospérité  extraordinaire  pour  l'indus- 
trie du  fci',  le  nombre  des  minières  exploitées  a  été  de  980, 
et  celui  des  mines,  de  101.  La  production  a  été  de  34,636,948 
(piintaux  métriques,  représentant  une  valeur  de  9,432,250 
fr.,  ou  272  fr.  \^ar  quintal  ;  2,291,491  fr.,  ou  le  quart  envi- 
ron, ont  été  attribués  à  titre  de  redevance  aux  propriétaires 
du  sol.  Te  nombre  des  ouvriers  employés  était  de  15,609,  et 
la  somme  de  leurs  salaires,  de  5,394,808  fr. 

Les  cinq  départements  de  la  Haute-Marne,  de  la  Haute- 
Saône,  du  Cher,  de  la  Moselle  et  du  Nord  fournissent  à  eux 
seuls  plus  de  la  moitié  de  la  consommation.  Viennent  en- 
suite, par  ordre  d'importance  :  les  .Ardennes,  la  Meuse,  la 
Côte-d'Or,  le  Pas-de-Calais,  la  Mévrc  et  l'Aveyron. 

L'infériorité  de  la  France  par  rap|iort  à  l'Angleterre  et  à 
d'autres  puissances,  dans  la  production  du  fer,  tient  moins 
à  rinsuflisance  des  gisements  qu'à  l'éloigncment  où  ils  se 
trouvent,  pour  la  plupart,  des  mines  de  combustibles.  Les 
frais  de  transport  augmentent  le  prix  d'une  façon  considé- 
rable. C'est  ainsi  que  le  coût  du  minerai  par  quintal  métri- 
que varie  de  10  centimes  à  2  francs,  suivant  les  localités. 

FORGES  ET  FONDERIES  DE  LA  LOIRE  ET  L'ARDÈCIIE. 

(Lyon,  8,  rue  Sainte-Hélène.) 

Société  anonyme,  autorisée  le  13  novembre  1822. — Durée, 
99  ans. —  Le  capital,  primitivement  divisé  en  800  parts, 
se  trouva  porté,  en  1846,  à  4,000,  par  la  subdivision  de  cha- 
que part  primitive  en  quatre,  et  l'émission  de  800  nouvelles. 
L'assemblée  du  3  avril  1855  a  autorisé  la  négociation  de 
2,000  actions  nouvelles,  qui  porteraient  le  nombre  total  à 
6,000  ;  mais  cette  mesure  n'a  pas  encore  reçu  son  exécution. 
—  Le  dividende  de  1855  a  été  de  500  fr. 

FORGES  DU  CRErSOT  (Saone-et-loire). 

Société  en  commandite  au  capital  de  14  millions  ;  actions 


—  404  -• 

de  500  fr.  —  Dernier  dividende,  100  fr.  Jouissance  juin  et 
décembre. 

FORGES  ET  FONDERIES  D'ALAIS  (Gard). 
(Paris,  28,  rue  de  Grammont.) 

Société  anonyme  fondée  le  20  octobre  1 830,  pour  99  ans , 
au  capital  de  6  millions,  reconstituée  sur  de  nouvelles  bases 
le  13  février  1856.  Les  établissements  avaient  été  affermés, 
le  15  mai  1836,  pour  20  ans.  Aujourd'hui  les  Compagnies 
fermière  et  propriétaire  sont  fusionnées;  le  capital,  sans 
évaluation  déterminée,  est  divisé  en  18,000  actions.  Chaque 
action  ancienne,  de  3,000  fr.,  s'est  échangée  contre  7  nou- 
velles. 

FORGES  DE  DECAZEVILLE  (Aveyron). 
(Paris,  17,  rue  de  Provence.) 

Société  anonyme  autorisée  le  28  janvier  1826.  —  Durée, 
50  ans.  —  Capital  social,  7,200,000  fr.,  représenté  par  2,400 
actions  nominatives  de  3,000  fr.  —  Trois  emprunts  :  l'un 
de  1,200,000  fr.,  1,200  obligations  de  1,000  fr.,  45  fr.  d'in- 
térêt ;  l'autre  de  1,200,000  fr.,  2,400  obligations  de  500  fr., 
27  fr,  50  d'intérêt  \  le  troisième  de  2  millions,  4,000  obli- 
gations de  600  fr.,  30  fr.  d'intérêt. 

FORGES  D'AUDINCOURT  (Doubs). 

CSiége  social  à  Audincourt.) 

Société  anonyme  autorisée  le  11  août  1824.  —  99  ans.  — 
4,500,000  fr.  représentés  par  900  actions  nominatives  de 
5,000  fr. 

HOUILLÈRES    ET   HAUTS -FOURNEAUX  DE  COMMEN- 
TRY,  MONTVICQ,  IMPHY,  ETC. 

(Paris,  IG,  place  Vendôme.) 

Commandite  constituée  le  17  décembre  1853,  pour  60  ans, 
sous  la  raison  sogiale  Boifjnes,  Ramboiirg  et  C'« .  —  Capital 
représenté  par  50,000  actions  ;  50  fr.  de  dividende  en  1855. 


—  405  — 

FOUGES  DE  CHATILLOX  ET  COMMENTE  Y. 

(Paris,  U,  rue  du  Conservatoire.) 

Commandite  fondée  le  13  novembre  1845,  sous  la  raison 
sociale  Bougvéret,  Martenotet  C'« .  —  Durée,  75  ans.  —  Ca- 
I)ital,  25  millions,  représenté  par  50,000  actions  de  500  fr. 

—  Dividende  de  chacun  des  deux  derniers  exercices,  50  fr. 

—  Emprunt  de  6  millions  en  obligations  remboursables  à 
625  fr.,  25  fr.  d'intérêt. 

FORGES  ET  ISIXES  DE  LA  BASSE-IXDRE. 

Commandite  fondée  le  8  mars  1846,  pour  36  ans,  sous  la 
raison  sociale  .4.  Langlois  et  C'«.  —  Capital,  2,500,000 fr.; 
5,000  actions,  nominatives  ou  au  porteur,  de  500  fr.  —  Di- 
videndes de  1854  et  1855,  80  fr. 

HAUTS-FOURNEAUX  DE  MAUBEUGE  (Nord). 
(Siège  social  à  Yaleneiennes.) 

Société  anonyme  autorisée  le  26  octobre  1849.  —  Durée, 
50  ans.  —  Capital  représenté  par  6,000  actions. 

FORGES  ET  FONDERIES  DE  L'HORME. 

(Lyon,  32,  place  Bellecour.) 

Compagnie  anonyme  autorisée  le  2  juillet  1847.  —  Durée, 
90  ans.  —  Capital  divisé  en  10,000  actions  nominatives. 

FORGES  DE  DENALX  ET  ANZIX. 

(Siège  social  à  Denain.) 

Société  anonyme  autorisée  le  6  avril  1849.  —  Durée, 
99  ans.  —  Capital  représenté  par  20,000  actions  nomina- 
tives ou  au  porteur. 

UAUTS-FOURNEAUX  DTIERSERANGE  ET  ST-NICOLAS. 

(Paris,  68,  rue  Iiaute\ille.) 

Commandite  constituée  le  27  novembre  1854,  suus  la 

23. 


—  40«  — 

raison  sociale  Maillard  et  6'"'.  —  Capital  12,500,000  fr., 
divisé  en  50,000  actions  de  250  fr.  ;  il  n'en  a  encore  été  émis 
que  40,000. 

HAUTS-FOURNEAUX,    ACIÉRIES    DE    LA    MARINE    ET 
DES  CHEMINS   DE  FER. 

(Rive-de-Gier.) 

Commandite  constituée  pour  50  ans,  le  14  novembre  1854, 
sous  la  raison  sociale  Jackson  frères,  Pétin  Gaiidet  et  Û« . 
Cette  Société  s'est  formée  des  quatre  commandites  sui- 
vantes :  1"  Forges  et  Aciéries  d'Assailly-.Iackson  ;  2°  Acié- 
ries de  Lorette  ;  3"  Forges  et  Hauts-Fourneaux  de  Vierzon  ; 
4"  Forges  de  la  marine  et  des  chemins  de  fer. —  Capital, 
représenté  par  54,000  actions  au  porteur.  —  Revenu  do 
1855,  70  fr. 

MINES  DIVERSES. 

I.a  France  possède  un  grand  nombre  de  gisements  métal- 
lifères de  diverse  nature  ;  mais  ils  ne  sont  pas  assez  riches 
pour  être  exploités.  Aussi  sommes-nous  tributaires  de  l'é- 
tranger pour  les  métaux  :  le  cuivre,  le  zinc,  le  plomb,  l'étain, 
le  mercure,  Por,  Targent,  etc.  Le  fer  et  la  houille  indigènes 
ne  sont  pas  même  suffisants.  Les  concessions  de  mines 
autres  que  de  fer  et  de  charbon  étaient,  en  1852,  de  199, 
dont  fort  peu  en  exploitation.  Sous  le  rapport  des  salines, 
nous  sommes  au  contraire  des  plus  favorisés;  nous  avons 
mines  de  sel  gemme,  sources  salées,  laveries  de  sables  et 
marais  salants.  Les  mines  de  sel  concédées  sont  au  nombre 
de  25.  —  L'attention  commence  à  se  porter  vers  l'Algérie, 
dont  les  gisements  métallifères  sont,  dit-on,  aussi  riches 
que  variés. 

MINES  DE  PLOMB  DE  PONTtilBAUD. 

(Paris,  18,  rue  Bergère.) 

Compagnie  anonyme  autorisée  le  8  avril  1853.  —  Durée, 
99  ans.  —  Capital  représenté  par  10,000  actions  au  porteur. 
—  Revemi  du  dernier  exercice,  25  Ir. 


—  407  — 

ASPHALTES  SEYSSEL,  VAL-DE-TIÎAVERS). 

Paris,  2lG,  quai  Jcmmapes.) 

Commandite  constituée  le  3  janvier  1856,  pour  10  ans, 
sous  la  raison  sociale  Baboneau  et  C««.  —  Capital,  4  millions-, 
actions  de  500  t'r.  Il  n'en  a  encore  été  émis  que  6,000. 

SALINES  DE  L'EST. 

Société  anonyme  autorisée  par  ordonnance  royale  du  2jan-  - 
vicr  1828. — Exploitation  en  commun  avec  l'État  dos  mines 
de  Dieuze,  Moyen-Vie,  Salins,  Arc,  des  mines  de  sel  gemme 
de  Vie  et  de  toutes  celles  qui  peuvent  se  trouver  dans  les  dix 
départements  suivants  :  Meurthe,  Moselle,  Meuse,  Vosges, 
Haut-Rhin,  Bas-Rhin,  Doubs,  Haute-Saône,  Jura  et  Haute- 
Marne. —  Capital,  10  millions,  divisé  en  2,000  actions. 

SALLXS  DU  ilIIDI. 

(Paris,  15,  place  Vendôme.; 

Commandite  constituée  le  15  juin  1856,  sous  la  raison  so- 
ciale A.  RenouardetC'^.  —  Durée,  10  ans. — Capital,  10  mil- 
lions; actions  de  500  fr.;  12,000  seulement  ont  été  émises. 

COSIPAGME  FEIUIIÈRE  DE  LA  CAKOXTE. 

(Paris,  3,   rue  Louis-le-Grand.) 

Commandite  fondée  le  27  août  1853,  pour  30  ans,  sous  la 
raison  sociale  /.  Luyt  et  C'''.  —  Exploitation  de  mines  de 
cuivre.— Capital,  7  millions;  actions  de  100  fr.;  25,000  seu- 
lement ont  été  émises. 

MIXES  DE  MOUZAIA  (Algérie). 
Pari?,  10,  rue  Mogador.) 

Société  en  commandite  pour  Texploilation  de  mines  de 
cuivre,  sous  la  raison  sociale  Bœvf  et  C^^.  —  Durée,  98  ans 
à  partir  du  20  juin  1845.  —  Capital,  6  millions:  actions  de 
100  fr.  —  La  Société  a  affermé  ses  mines  et  établissements 
à  la  Compagnie  de  la  Caronte,  moyennant  60  0,0  des  béné- 
iices  nets  de  l'exploitalion. 


—  AOS  ~ 

MIAES  DE  TENÈS  (Algérie). 
(Paris,  8,  rue  de  Provence.) 

Exploitation  de  minerais  de  cuivre.  Commandite  fondée 
Je  13  novembre  1849,  sous  la  raison  sociale  H.  Fleury  et  C'«. 
■—Durée,  99  ans. Capital,  2,400,000  fr.;  actions  de  500  fr. 

USINES  MÉTALllJRGlQllES. 
USIXES    DE    NOGENT. 

(Paris,  66,  rue  de  Bondy.) 

Commandite  constituée  pour  50  ans,  le  29  août  1853,  sous 
la  raison  sociale  Sommelet^  Danlan  et  C^f.  —  Fnbiication 
d'armes  blanches,  coutellerie  et  taillanderie.  —  Capital,  3 
millions 5  actions  de  100  fr.  —  Revenu  de  1850,  8  fr. 

USLNES  DE  SEPTÈMES. 

(Marseille.) 

Commandite  sous  la  raison  sociale  F.  Jacquinot  et  Cif.  — 
Durée,  30  ans,  à  partir  du  30  mai  1853. — Capital,  10  mil- 
lions; actions  de  240  fr.-  16,000  seulement  ont  été  émises. 

SOCIÉTÉ    J.-F.    CAIL. 

(Paris,  46,  quai  de  Billy.) 

Construction  de  machines  à  vapeur,  d'appareils  pour  su- 
creries, outillage,  etc.  Usine  mise  en  commandite  pour  20 
ans,  le  8  juin  1850.  —  Capital,  7  millions;  14,000  actions  de 
500  fr.  Le  revenu  a  toujours  dépassé  10  0/0,  et  a  atteint 
15  0/0  en  1854. 

CHRISTOFLE  ET  C  ^ 

(Paris,  66,  rue  de  Bondy.) 

Commandite  constituée  le  6  juillet  1845,  pour  une  durée 
de  30  ans.  —  Capital,  2  millions;  4,000  actions  de  500  fr. — 
Moyenne  des  six  derniers  exercices,  93  fr.  par  action. 

GALVANISATION  DU  FER. 

l'aris,  40,  rue  de  Bondy.) 

Commandite  fondée  le  20  juillet  1838.— Durée,  20  ans. 


—  409  — 

• — Capital,  2  millions;  2  séries  de  2,000  actions  de  500  IV.  — 
Moyenne  des  cinq  derniers  exercices,  36  fr.  par  action. 

CHAMEROY  ET  C  ^ 

Commandite  fondée  ponr  28  ans,  le  3  avril  1838.  —  Capi- 
tal, nn'million  ;  2,000  actions  de  500  fr.  —  Moyenne  des  six 
derniers  exercices,  62  fr.  par  action.— Emprunt  de  200,000  fr. 
représenté  par  2,000  obligations  de  100  fr. 

FERS  ÉTIRÉS. 

(Paris,  40,  rue  Bellefond.) 

Commandite  fondée  pour  20  ans,  le  18  mai  1838,  sous  la 
raison  sociale  Gandillol  et  Ci«.  —  Capital,  611,745  fr.,  divisé 
en  2,399  actions  de  255  fr.  —  Moyenne  des  trois  derniers 
exercices,  36  fr.  par  action. 

USIXE  CAVE, 

(Paris,  faubourg  Saint-Denis.) 

L'assemblée  du  10  janvier  1856  a  révoqué  les  gérants  et 
provoqué  la  liquidation  de  la  Compagnie,  qui  doit  se  réoi- 
ganiser.  Trois  actions  anciennes  s'échangeront  contre  une 
nouvelle. 


CHAPITRE  VU. 

Gaz. 

La  fabrication  du  gaz  ne  i)eut  être  évaluée  en  prix  de 
revient  d"une  manière  générale.  D'abord  le  transport  de  la 
houille  augmente  sensiblement  les  frais  pour  les  villes  qui  ne 
sont  desservies  ni  par  des  chemins  de  fer  ni  par  des  voies  na- 
vigables, ou  qui  se  trouvent  à  une  grande  distance  des  lieux 
d'extraction.  Ensuite,  la  distillation  du  charbon  minéral 
rend  en  coke  et  en  produits  chimiijues  une  valeur  qui,  lors- 
qu'elle trouve  son  placement,  suflit,  au  dire  de  certaines 
personnes,  à  couvrir  les  frais  de  manipulation.  Â  Paris,  tous 


—  410  — 

les  résidus  de  l'usine  s'emploient  dans  l'indusliie;  il  s"Cdt 
créé  des  fabrications  spéciales  pour  utiliser  ceux  qui  sem- 
blaient le  moins  susceptibles  d'une  application  industrielle. 
De  cette  manière,  le  prix  du  gaz  peut  être  considérablement 
diminué;  à  Paris  le  gaz  pourrait  même  être  livré  à  la  con- 
sommation pour  rien;  tantlis  que  dans  les  vMles  où  ces  rési- 
dus sont  trop  peu  importants  pour  être  employés  sur  place 
ou  expédiés  au  loin,  l'éclairage  a  à  supporter  presque  tous 
les  frais  de  fabrication  et  de  distribution. 

La  plupart  des  villes  ont  des  usines  à  gaz,  qui  sont  |)i'cs- 
(pic  toutes  exploitées  en  société.  Nous  mentionnerons  seu- 
lement les  principales. 

SOCIÉTÉ    PARISIENNE 
D'ÉCLAIRAGE    ET    DE   CHAUFFAGE  PAR   LE  GAZ. 

(Paris,  1,  rue  Saint-Georges.) 

Compagnie  anonyme  constituée  par  acte  du  19  décembre 
1855,  approuvée  le  22  du  même  mois.  Le  capital  est  divisé 
en  110,000  parts,  évaluées  à  500  fr.  l'une,  soit  55  millions. 
Elle  s'est  incoiporée  les  six  Sociétés  suivantes,  qui  ontrecju, 
en  écliunge  de  leurs  apports  : 

1"  Société  L.  Margiieritfe  et  C",  ....  27,256  parts. 

2°      —      Brunlon,  Pillé  et  C"= 21,648 

30      _      Dubocliet  cK.'" 11,478 

40       —      Lacarrièré  et  C" 8,988 

50      _      payn  cl  C" 6,588 

O"      —      Ch.  Gosselin  et  C'« 4,042 

Total 82,000 

Actions  émises  à  500  fr 30,000 

Ensemble 110,000 

Le  capital  des  30,000  actions  émises  cà  500  fr.,  soit  J5  mil- 
lions, est  affecté  aux  destinations  suivantes  : 

Fonds  de  roulement -      1,500,000  fr. 

Édification  d'usines  et  travaux  divers 3,825,000 

A  MM.  Péreirc  el  Murgueritle,  remboursement  de  l'u- 
sine Paulon,  établie  à  Sèvres 325,000 

Aux  Compagnies  fusionnées  pour  prix  de  leurs  apports.  9,550,000 

Ensemble 15,000,000 


—  411  — 

Aux  termes  du  cahier  des  charges,  la  couccssiou  est  de 
50  ans.  Le  gaz  doit  être  fourni  à  la  ville  au  prix  de  15  cen- 
times le  mètre  cube  et  à  l'industrie  au  prix  de  30  centimes. 
A  l'expiration  de  la  concession,  la  ville  de  Paris  deviendra 
propriétaire  de  tout  le  matériel  existant  sous  les  voies  pu- 
bliques, sans  indemnité.  Elle  deviendra  également  proprié- 
taire des  usines  moyennant  un  prix  fixé  à  dire  d'experts. 
L'éclairage  sera  fait  par  le  gaz  de  houille,  et  il  n'en  pourra 
être  employé  d'autre  sans  le  consentement  du  préfet  de  po- 
lice, après  délibénition  du  conseil  municipal. 

Cette  dernière  disposition  est  dirigée  principalement 
contre  les  inventeurs  du  gaz  à  l'eau,  qui  offraient  un  rabais 
considérable  sur  les  prix  accordés  à  la  Compagnie  conces- 
sionnaire. Les  expériences  des  inventeurs,  soumises  à  une 
commission  composée  de  MM.  Dumas,  Chevreul  et  Regnault, 
n'ont  pas  été  reconnues  conclnantes.  Est-ce  à  dire  qu'elles 
soient  condamnées  pour  cinquante  ans?  La  Compagnie  pa- 
risienne a  acheté  le  brevet,  mais  avec  l'intention  avouée  de 
ne  pas  s'en  servir. 

Il  y  a  dans  la  concession  de  tout  monopole  deux  intérêts 
qu'il  est  difficile  de  concilier  :  l'intérêt  public  et  celui  (h^s 
monopoleurs.  La  fusion,  il  est  vrai,  a  diminué  le  prix  du 
gaz;  mais  on  parle,  pour  la  Compagnie,  de  bénéfices  an- 
nuels de  16  0  0  au  minimum.  S'il  en  était  ainsi,  ce  serait  la 
population  qui  aurait  encore  fait,  celte  fois,  les  frais  de  la 
coalition. 

La  Compagnie  concessionnaire  comprend  l'éclairage  cl  le 
chanlTage,  dans  Paris  et  les  communes  suburbaines. 

L'assemblée  se  compose  des  propriétaires  de  20  actions. 

COMPAGME  DU  NGllD. 

Purij,  30,  rue  J;icob.) 

Commandite  fondée  le  12  janvier  1845,  sous  la  raison  so- 
ciale Ch.  Gossclin^  E.  Brison  et  CJ^ .  —  Durée,  50  ans.  — 
Capital,  3  millions;  6,000  actions  de  .500  fr. —  Éclairage 
de  Balignolles,  Saint-Denis,  La  Chapelle,  etc.  Dividende  de 
chacun  des  cinq  derniers  exercices,  40  fr. 


—  412  — 

COMPAGNIE  DE  L'EST. 

(Cours  de  Vincenneà,  45,  près  Paris.) 

Commandite  fondée  le  16  juin  1845,  sous  la  raison  sociale 
Foiicart  et  C'%  pour  ['(éclairage  de  Vincennes,  Sainl-Mandc, 
Cliaronne,  Bercy,  Charenton,  Alforl,  elc,  —  500,000  fr.  di- 
visés en  1,000  actions  de  500  fr.  —  Dernier  dividende, 
74  fr.  50  c. 

COMPAGNIE  CENTRALE. 

(Paris,  110,  rue  Richelieu.) 

Commandite  constituée  le  23  mars  1847,  sous  la  raison 
sociale  Lebon  père,  fils  et  C'« ,  pour  l'éclairage  des  villes  sui- 
vantes :  Dieppe,  Pont-Audemer,  Chartres,  Fécamp,  Morlaix, 
Bernay,  Honlleur,  Nice,  Alger,  et  la  prison  Mazas  à  Paris.  — 
Durée,  99  ans.  —  Capital,  5  millions,  dont  moitié  seulement 
est  réalisée.  Actions  de  5,000  fr.  nominatives,  et  de  500  fr. 
au  porteur. 

L'ALLIANCE. 

(Paris,  ()G,  rue  de  la  Victoire.) 

Commandite  fondée  le  31  octobre  1853,  sous  la  raison 
sociale  Hoivyn  de  Tranchère  et  C'«.  —  Durée,  60  ans. —  (^a- 
|>ital,25  millions;  actions  de  500  fr.,  dont  100,000  seulement 
sont  émises.  La  Compagnie  a  cédé  à  la  société  fusionnée  son 
brevet  de  gaz  à  l'eau  et  l'éclairage  de  lliôtel  des  Invalides, 

GAZ  ET  HAUTS-FOUIINEAUX  DE  MARSEILLE. 

(Paris,  85,  rue  Riclielieu.) 

Commandite  (ondée  le  17  mai  1856;  raison  sociale, ./.  Mirés 
el  C'e  ;  durée,  50  ans  ;  capital, 7,200,000  fr.  ;  actions  de  300  fr. 

GAZ  DE  VERSAILLES. 

(Paris,  30,  rue  JacoL.) 

Commandite  fondée  le  20  juin  1839,  sous  la  raison  sociale 
C/i.  Gosselin  et  C'«.  —  1,200  actions  de  500  fr.  —  Hevenu 
en  1855, 35  fr. 


—  413  —       . 
CHAPITRE  YIII. 

Coinpagfnies  fliverscs. 

VOITURES  Pl'BLlQliES. 

MESSAGERIES    IxM  PÉRI  ALES. 

Société  anonyme  fondée  en  1808  et  1809,  pour  le  trans- 
I)ort  des  marchandises  et  des  voyageurs,  le  factage,  le  ca- 
mionnage, etc.,  dans  toute  l'étendue  de  l'empire.  Depuis  la 
création  du  réseau  de  chemins  de  fer,  elle  a  abandonné  les 
grandes  routes,  et  a  dû  se  restreindre  au  service  subalterne 
des  localités  répandues  sur  la  longueur  ou  à  distance  des 
voies  ferrées.  —  Durée  jusqu'à  la  fin  de  1867.  Capital, 
2,500,000  fr.  ;  250  actions  de  10,000  fr.,  divisibles  en  cou- 
pons de  5,000.  Elles  sont  cotées  40,000  fr. 

COMPAGNIE  GÉNÉRALE   DES  OMNIBUS. 

Cette  Compagnie,  constituée  sous  forme  anonyme  le  22  fé- 
vrier 1855,  pour  une  durée  de  30  ans,  résulte  :  1"  de  la  fu- 
sion des  diverses  entreprises  d'omnibus  affectés  au  service 
de  la  capitale;  2"  du  privilège  qui  lui  a  été  accordé,  par  dé- 
cret du  5  août  1854,  de  faire  seule  ce  service.  Pour  compléter 
le  monopole,  elle  a  acheté  de  M.  Loubat  le  droit  d'exploiter 
un  système  d'omnibus  sur  rails,  dont  le  cessionnaire  était 
Tinvenleur.  Ainsi,  sous  le  régime  des  concessions,  les  décou- 
vertes ne  servent  plus  qu'à  procurer  à  leurs  auteurs  le  droit 
de  prendre  leur  part  du  monopole  établi,  monopole  que  le 
gouvernement  se  réserve  d'étendre  encore,  sous  prétexte  de 
lignes  nouvelles  à  desservir. 

Le  fonds  social  est  de  12  millions,  représenté  par  24,000 
actions  de  500  fr.  libérées;  elles  ont  touché  45  fr.  sur  le  pie- 
mier  exercice.  L'assemblée  du  14  mai  1856  a  décidé  qu'il  se- 
rait émis  6,000  actions  nouvelles,  sauf  approbation  du  gou- 


^  414  -- 

vonicment.  —  Emprunt  :  8,000  obliguliuns  remboursables  à 
500  IV.;  25  fr.  d'mtérêt,  jouissance  d'avril  et  octobre. 

CO^IPAfiME  IMPÉRIALE    DES   VOITURES  DE    PARIS. 

Commandite  fondée  le  18  août  1855,  sous  la  raison  so- 
ciale E.  CaUlard  et  f '« .  —  Durée,  60  ans.  —  Capital,  40  mil- 
lions, représenté  par  400,000  actions  de  100  francs  libérées, 
dont  75,000  destinées  à  rembourser  les  anciens  entrepre- 
neurs de  voitures,  dépossédés  ou  fusionnés  en  suike  du  privi- 
lège accordé  à  la  Compagnie  Impériale  par  le  préfet  de  police. 

D'après  le  compte-rendu  du  23  avril  1856,  l'exploitation 
avait  porté  en  1855  sur  848  voitures;  mais  la  Compagnie  en 
avait,  à  l'époque  de  l'assemblée  générale,  1,896.  Elle  avait 
réuni  tous  les  anciens  numéros,  à  l'exception  de  79,  et  était 
en  négociation  pour  l'acliat  de  toutes  les  voilures  de  remise. 
L'administration  municipale  lui  concède  500  numéros  nou- 
veaux pour  voitures  de  place  et  500  pour  voitures  de  remise. 

Les  anciens  numéros  se  sont  vendus  de  5  à  7,000  fr.  :  k 
concession  de  1,000  nouveaux  numéros  représenterait  donc, 
sauf  déduction  du  prix  des  voitures,  un  cadeau  de  5  à  7  mil- 
lions. 

Cette  sorte  d'entreprise  est  certainement  une  de  celles  où 
l'association  est  la  moins  nécessaire,  et  oii  l'autorité  pourrait 
le  plus  aisément  se  dispenser  de  créer  un  monopole.  11  semble 
en  vérité  que  la  Concurrence,  cette  grande  force  économique 
dégagée  par  la  Révolution,  soit  devenue  suspecte.  Bientôt  on 
concédera  des  privilèges  d'épiciers,  de  fruitiers,  de  chemi- 
siers, de  savetiers.  Et  l'on  s'étonne  qu'un  spéculateur  logi- 
cien s'en  vienne  dire  un  jour  au  propre  frère  du  magistrat 
municipal  :  Monsieur,  obtenez-moi  un  privilège,  et  nous  par- 
tagerons la  prime... 

40  millions  de  capital  pour  un  matériel  de  moins  de 
3,000  voitures!...  Nous  serions  curieux  d'en  voir  le  compte. 

GLACES  ET  VERRERIES. 
MANUFACTURE  DE  SAINT-GOBAIN. 

Société  anonyme  formée  le  17  février  1830,  en  continua- 


—  415  — 

lion  de  celle  organisée  en  1702.  Le  capital  est  divisé  en 
1,152  actions  nominatives,  estimées  à  7,0(>0  fr.  Tnao. 

GLACES  ET  YERKEllIES  DE  MOxXTLLCON. 

Commandite  fondée  le  18  février  1846,  pour  40  ans,  sous 
la  raison  sociale  F.  Berlioz  et  C*".  — Capital,  12  millions; 
24,000  actions  de  500  fr.  —  Revenu  moyen,  25  fr.  par  ac- 
tion. 

FILATIRES. 

COMPTOIR  DE  L'INDUSTRIE  LIXIÈRE. 

, Paris,  11,  rue  des  Bourdonnais.} 

Commandite  fondée  le  27  juin  1846,  pour  25  ans,  sous 
la  raison  sociale  Cohin  et  C*f.  Capital,  20  millions  ;  actions 
de  500  fr.,  donl20,000  seulement  ont  été  émises. — Moyenne 
des  quatre  derniers  exercices,  41  fr.  ^ 

FILATURE  DE  LIN  D  AMIENS. 

(Paris,  26,  rue  des  Pctiles-Écuries.", 

Société  anonyme  autorisée  pour  50  ans,  le  11  juin  1838. — 
Capital,  4  millions  ;  8,000  actions  de  500  fr.  —  Moyenne 
des  derniers  exercices,  56  fr. 

COMPAGME  COXTIXi:XTALE  POUR  LE  FILAGE  DU  LIX. 

(Boulogne-sur-Mer.) 

Commandite  fondée  le  6  juin  1851.  —  Durée  25  ans.  — 
Raison  sociale  Trtidin  et  C^.  —  Capital ,  3,675,000  fr. ,  di- 
visé en  7,350  actions  de  500  fr.,  libérées.  Les  deux  derniers 
exercices  ont  produit  20  fr.  par  action. 

FILATURE  ROUEXXAISE  LA  FOUDRE. 

Petil-Qiievilfj',  près  de  Rouen. 

Commandite  sous  la  raison  sociale  Hartoy  frères  et  C»% 
fondée  le  23  juin  1855,  au  capital  de  2,500,000  fr.  Actions 
de  250  fr. ,  dont  125  versés,  (l  n'en  ^  été  éi»\is  que  9,200. 


—  416  — 
IMMEUBLES. 

La  mise  en  actions  de  la  propriété  immobilière  n'est  pas 
moins  que  la  ruine  du  droit  civil.  Quoi  de  plus  mobile  que 
laclion?  Quoi  de  plus  antipathique  au  mouvement  et  à  la 
mutation  que  l'immeuble  ,  avec  son  cortège  d'hypothèques, 
de  servitudes,  de  prescriptions  ,  do  licilalions,  de  droits  des 
absents,  des  mineurs  et  des  femmes?  Quand  les  fermiers  et 
les  locataires  pourront  devenir,  par  l'achat  des  actions,  co- 
propriétaires des  immeubles  qu'ils  exploitent  ou  habitent, 
le  fermage  et  le  loyer  n'auront  plus  de  raison  d'être;  le  cu- 
mul d(!s  deux  qualités  de  locataire  grevé  du  fermage,  et 
d'actionnaire  participant  au  dividende,  conduit  à  la  néga- 
tion de  la  propriété,  telle  du  moins  que  l'entend  le  Code  civil. 

HOTEL  ET  I3I1IEUBLES  DE  IlIVOLI. 

Paris,  15,  place  Vendôme.) 

Société  anonyme  autorisée  pour  30  ans,  le  9  décembre 
1854.  —  Capital,  24  millions;  actions  de  100  fr. 

Nous  empruntons  les  renseignements  suivants  au  Rapport 
du  26  mai  1856. 

La  Compagnie  est  propriétaire  de  l'hôtel  du  Louvre ,  de 
onze  maisons  construites  rue  de  Rivoli ,  de  l'Échelle,  de 
Rohan ,  de  Marengo  et  de  l'Oratoire-du-Louvre  ,  plus  de 
rhôlel  d'Osmond. 

L'emploi  de  son  capital  se  répartit  ainsi  : 

Hôlel  du  Louvre,  acquisiliou  des  terrains  et  conslruclion.  11,143,809  65 
Maisons  de  la  rue  de  Rivoli,  terrains  et  bâtisse 8,375,342  75 

Total  rue  de  Rivoli 19,519,152  40 

Ameublement  de  l'hôtel  du  Louvre 2,144,291  59 

Hôtel  d'O.Mnond 1,899,367  34 

Solde  disponible 437,188  C7 

Total  égal 24,000,000  »» 

L'assemblée  a  décidé  que  le  capital  serait  élevé  à  72  mil- 
lions au  moyen  d'une  émission  de  96,000  actions  nouvelles 
de  500lr.;  que  la  durée  serait  portée  à99  ans,  et  que  la  Com- 
pagnie prendrait  le  titre  de  Société  immobilière.  La  sanction 
du  gouvernement  n'a  pas  encore  été  accordée. 


_  417  - 

ncvonn  des  actions,  5  0/0.  —  L'assemblée  se  rompose  des 
porteurs  de  100  actions. 

PALAIS  DE  L'INDUSTRIE. 

Société  anonyme  autorisée  le  20  octobre  1852. 

Capital,  13  millions;  actions  de  100  fr.  A  quoi  il  convient 
d'ajouter,  pour  supplément  de  dépenses,  4  millions  sur  les- 
quels l'État  prêta  2,600,000  fr.  Après  l'exposition,  la  Com- 
pagnie se  trou  va  en  présence  d'un  déficit  de3, 673, 644  fr.  10  c. 

Malgré  la  prime  de  75  fr,  que  firent  un  instant  les  actions 
de  cette  entreprise ,  nous  sommes  encore  à  nous  demander 
si  quelqu'un  a  pu  croire  qu'elle  donnerait  jamais  des  béné- 
fices. Sans  lagarantiede  4  0/0  de  TÉtat,  le  capital  ne  se  serait 
pas  réalisé.  La  durée  de  la  Société  était  de  35  ans,  à  dater  de 
l'achèvement  des  travaux.  Les  journaux  de  Paris,  fin  août 
1856,  ont  annoncé  en  ces  termes  l'issue  de  cette  affaire  : 

«  Le  Palais  de  l'Industrie  vient,  par  une  décision  toute  récente, 
de  devenir  une  propriété  de  TEtat.  Dans  une  réunion  de  258  des 
principaux  actionnaires  de  la  Société  qui  avait  été  fondée  pour  la 
construction  de  ce  monument,  238  voix  ont  été  en  faveur  de  la 
cession  au  gouvernement.  On  dit  que  l'offre  de  remboursement  a 
été  de  8i  fr.  par  action.  Après  la  décision  de  la  majorité,  la  re- 
mise du  Palais  de  l'Industrie  a  été  faite  par  M.  de  Rouville  au  re- 
présentant du  gouvernement  dans  l'assemblée,  » 

L'État,  en  donnant  84  fr.  par  action,  reste  dans  les  condi- 
tions de  son  engagement.  C'est  le  taux  de  capitalisation  du 
4  0/0.  11  rembourse  le  capital  de  13  millions  et  perd  en  outre 
les  2,600,000  fr,  qu"il  avait  prêtés  à  la  Compagnie.  Les  ac- 
tionnaires doivent  se  trouver  heureux  d'être,  à  ces  condi- 
tions, débarrassés  des  charges  de  l'entretien  du  monument. 

RUE  IMPÉRIALE  DE  LYON. 

(Siège  social  à  Lyon.) 

Compagnie  anonyme  autorisée  le  3  juillet  1854, — Durée, 
50  ans.  Capital,  7  millions,-  actions  de  500  fr.  —  Imitation 
de  la  Compagnie  des  Immeubles  de  Rivoli. 


—  418  — 

BOCKS  ET  PORTS. 
SOCIÉTÉ  DES  PORTS  DE  MARSEILLE. 

(Paris,  99,  rue  Richelieu.) 

Compagnie  anonyme  formée  sous  le  patronage  de  M.  Mirés, 
le  27  mars  1856,  i)Our  l'exploitât  ion  des  lorrains  acquis  par 
lui  à  Marseille,  ei  la  construction  de  quartiers  nouveaux 
faisant  face  aux  ports  de  la  Jolielle  et  Napoléon.  — Capital, 
25  millions.  Les  actions,  émises  à  250  fr.,  ont  été  libérées  à 
150  par  décision  de  l'assemblée  du  5  juin  1856.  En  compen- 
sation de  ce  dégrèvement,  la  gérance  est  nntoi  isée  à  émettre 
un  emprunt  de  10  millions,  au  moytMi  d'obligations  5  0/0. 
Les  statuts  ne  sont  pas  encore  homologués. 

DOCKS-XAPOLÉOX. 

Un  décret  du  17  septembre  1852  a  autorisé  l'clablissc- ' 
ment  des  docks  sur  la  place  d'Europe  (Paris),  à  proximité  du 
chemin  de  Ceinture. 

Les  docks,  selon  l'origine  du  mot,  sont  des  bassins  à  flot 
ménagés  dans  les  ports  pour  le  chargement  et  le  décharge- 
ment des  navires. 

Tandis  que  l'armateur  de  Marseille ,  de  Bordeaux  et  du 
Havre  est  obligé  d'avoir  de  vastes  magasins,  une  armée  de 
commis  et  d'hommes  de  peine  pour  décharger  les  cargai- 
sons; tandis  que  chaque  vente  nécessite  un  déplacement  de 
marchandises  et  un  nouvel  emmagasinage,  le  négociant  de 
Londres ,  de  Liverpool  et  des  principaux  marchés  de  la 
Grande-Bretagne,  une  fois  son  vaisseau  entré  au  dock,  n'a 
plus  à  s'en  inquiéter.  Une  Compagnie  se  charge,  moyennant 
une  prime  de  x  pour  1,000,  du  déchargement  et  de  lemma- 
gasinage. 

Contre  les  denrées  déposées ,  le  négociant  se  fait  délivrer 
des  îvarranls,  ou  billets  représentatifs  de  ses  marchandises. 
Les  produits  circulent  et  s'échangent  ainsi  sous  forme  de 
papier,  sans  frais  de  transport  ni  de  camionnage; le  dernier 
acquéreur,  marchand  au  détail  ou  industriel,  prend  seul 
livraison  matérielle  des  objets  nécessaires  à  son  commerce 


—  419  — 

on  à  son  industrie.  C'est  un  déplacement  au  lieu  de  cinq  à 
dix  que  nécessite  le  Système  français.  Ajoutons  que  le  droit 
de  douane  s'acquitte  seulement  au  moment  où  les  marchan- 
dises sortent  de  renlrepôt;  le  négociant  n'a  pas  besoin  d'en 
faire  lavance. 

Si  les  docks  et  les  warrants  sont  appelés  à  rendre  d'im- 
menses services  sur  les  ports  de  mer,  ils  ne  doivent  pas  être 
moins  utiles,  on  le  suppose  du  moins,  sur  les  marchés  situés 
au  centre  d'un  grand  mouvement  de  marchandises  circulant 
par  la  voie  des  canaux  ou  des  chemins  de  fer. 

Pai'is,  sous  ce  rapport,  semble  se  placer  en  première  ligne 
parmi  les  villes  où  le  dock  semble  indispensable.  L'idée  qui 
a  présidé  au  décret  du  17  septembre,  décret  mal  inspiré,  en- 
core plus  malheureux,  dont  les  promoteurs  de  l'entreprise 
auraient  dit  cependant,  qu'il  valait  à  lui  seul,  comme  ap- 
port à  la  Compagnie,  vingt-cinq  tnilliofis! 

En  fait,  et  malgré  toutes  les  excitations  pour  déterminer 
la  fougue  des  boursiers,  l'aflaire  a  été  accueillie  par  le  pu- 
blic avec  plus  de  curiosité  que  d'intérêt.  L'incapacité  et  la 
malversation  aidant,  elle  a  été  constamment  en  baisse,  tant 
et  si  bien  qu'elle  a  fini  par  se  liquider  en  police  correction- 
nelle, et  que  personne  à  cette  heure  ne  se  préoccupe  des 
docks,  à  part  les  actionnaires. 

Serait-ce  donc  une  mau\aipe  spéculation?  Peut-êlre. 
Malgré  l'éloge  que  le  ministère  puhlic  et  les  inculpés  en  ont 
fait  à  l'envi  devant  le  tribunal,  le  premier  dans  l'iuléiêl  de 
l'accusation,  les  autres  dans  l'intérêt  de  leur  défense,  il  nous 
est  impossible  de  saisir  le  caractère  précis  de  Vinstilution. 

Le  dock,  tel  qu'il  existe  en  Angleterre,  à  Londres  et  à  Li- 
verpool,  a  sa  raison  d'être  dans  un  immense  développement 
maritime,  au  moyen  duquel  le  commerce  presque  entier  de 
l'Europe  avec  le  reste  du  globe  se  trouve  concentré  sur  ces 
deux  places.  Pour  faire  de  Paris,  à  l'aide  des  docks,  un  mar- 
ché central  européen,  en  concurrence  avec  le  marché  de 
Londres,  il  faudrait  donc  :  1"  faire  de  celte  capitale  un  jiort 
de  mer  capable  de  recevoir  des  naviies  de  500  et  1,000  loii- 
nes,  une  flotte  de  plusieuis  milliers  de  voiles;  2"  poiu'  uti- 
liser et  desservir  ce  poi  t,  créer  une  marine  comparable  à 


—  420  - 

colle  des  Anglais  ;  3"  lui  assurer  un  commerce  proportionnel. 

Un  semblable  déplacement,  qui  exigerait  des  milliards, 
suppose  d'ailleurs  dans  les  relations  internationales  des  ré- 
volutions qui  ne  peuvent  être  que  l'effet  de  causes  profondes 
et  du  temps,  sans  compter  qu'il  viole  toutes  les  données  de 
la  géographie,  et  change  arbitrairement  le  caractère  et  la 
destinée  des  nations. 

Ce  simple  rapprochement  montre  déjà  combien  feusse, 
intempérante  et  inepte,  était  l'idée  d'importer  à  Paris  les 
docks  de  Londres;  quelle  absurdité  couvrait  l'emploi  de  ce 
mot  anglais  dock^  pour  désigner  une  chose  qui,  à  Paris,  dans 
aucun  cas,  ne  pouvait  avoir  rien  du  dock  anglais;  combien 
pitoyable  enfin  devait  être  la  contrefaçon  ? 

Rendons-nous  compte  de  la  position,  de  la  vie,  de  l'indus- 
trie, du  commerce  parisiens. 

Le  dock  n'a  d'importance,  d'usage  à  Londres  que  pour  les 
matières  premières,  les  denrées  encombrantes,  apportées  par 
la  mer,  et  qui  demandent  à  être  logées,  en  attendant  qu'elles 
soient  enlevées  par  le  consommateur  anglais  ou  étranger. 
L'exportation  n'a  que  faire  des  docks. 

Ceci  posé,  procédons  par  élimination. 

La  bijouterie,  les  modes,  les  nouveautés,  l'horlogerie,  l'ar- 
ticle Paris,  etc.,  n'ont  rien  à  voir  avec  les  entrepôts.  Les 
frais  de  transport  et  d'emmagasinage  sont  minimes  compa- 
rativement à  la  valeur  des  objets;  et  ce  sont  des  produits 
d'une  détérioration  facile,  qui  doivent  se  vendre  au  jour  le 
jour,  sous  peine  dune  dépréciation  considérable.  Les  docks 
pourraient  tout  au  plus  leur  offrir  la  ressource  d'un  mont- 
de- piété,  dun  prêt  sur  nantissement  dans  le  genre  des  sous- 
comptoirs  organisés  par  le  décret  du  24  mars  1848,  c'est-à- 
dire  un  palliatif  à  la  misère,  une  exploitation  philanthro- 
pique, plus  faite  pour  déconsidérer  le  négociant  que  pour  fa- 
ciliter l'écoulement  de  ses  produits. 

Quant  aux  denrées  encombrantes,  servant  à  la  consomma- 
lion  de  Paris,  elles  ont  leurs  entrepôts  à  Paris  :  c'est  la  halle 
aux  Vins,  la  halle  aux  Blés,  le  grenier  d'Abondance,  le  gre- 
nier à  sel,  la  Douane,  institutions  publiques;  les  caves  de 
Bercy,  les  chantiers  d'Ivry  et  de  la  Râpée,  institutions  pri- 


—  421  — 

vers.  Il  ne  manque  à  ces  établissements  que  le  warrant,  et 
c'est  une  innovation  qn'on  peut  bien  leur  appliquer.  Point 
n'est  besoin  pour  cela  d'envoyer  les  marchandises  à  la  place 
d'Kurope. 

Ainsi  l'industrie  parisienne  (produits  de  luxe  et  de  fan- 
taisie) ne  peut  user  des  entrepôts;  et  le  commerce  qui  en  a 
hesoin  s'en  trouve  fourni. 

Reste  la  question  du  transit.  Le  système  de  rayonnement 
adopté  par  le  gouvernement  de  juillet  pour  la  construction 
des  chemins  de  fer  fait  de  Paris  le  centre  de  communication 
de  tous  les  points  de  la  France.  Les  marchandises  de  Mar- 
seille, Bordeaux,  Nantes,  le  Havre  sont  fréquemment  obli- 
gées de  passer  à  Paris  pour  se  rendre  à  d'autres  points  du 
territoire.  En  cette  question,  comme  en  tant  d'autres,  les 
alTaires  ont  été  sacrifiées  à  la  politique. 

Mais  on  commence  à  s'apercevoir  de  Terreur.  Les  raccor- 
dements entre  les  lignes  se  construisent  de  toutes  parts.  Une 
fois  qu'ils  seront  exécutés,  l'importance  de  l'entrepôt  de 
Paris  diminuera  considérablement. 

D'ailleurs,  avec  le  développement  des  moyens  de  commu- 
nication, la  question  de  l'entrepôt  s'annule  de  plus  en  plus. 
Les  canaux,  les  chemins  de  fer  traversent  les  cités  et  les  pro- 
vinces, ne  laissant  partout  que  les  quantités  demandées: 
tout  s'expédie  en  droiture,  et  ce  qui  fit  jadis  la  fortune  de 
villes  telles  que  Paris,  Lyon,  Nantes,  Rouen,  etc.,  ce  qui 
fonda  leur  existence,  savoir,  leur  navigation  et  leur  entre- 
pôt disparait  sans  trouver  d'analogue  dans  les  chemins 
de  fer. 

Quant  à  la  centralisation  du  commerce  continental  dans 
nn  dock  parisien,  au  détriment  de  ceux  de  Londres,  c'est 
une  utopie  sur  laquelle  nous  ne  reviendrons  pas.  La  mission 
de  Paiis  est  autre  que  celle  de  la  grande  cité  britannique; 
puis  la  concurrence  aux  docks  anglais  se  fait  aujourdhui 
sur  tous  les  points  du  littoral  européen,  à  l'aide  des  che- 
mins de  fer  et  de  la  vapeur;  le  percement  de  l'islhme  de 
Suez  y  fera  plus  à  lui  seul  que  tout  le  reste. 

Ces  considérations,  que  nous  développions  en  1853,  ont 

24 


~  Aîî  ^ 

été  pleinement  justifiées.  Depuis  celle  époque,  la  Compa» 
gnie  s'est  mise  en  liquidation,  sans  avoir  rien  fait. 

Ses  administrateurs,  MM.  Cusin ,  Legeiidre  et  Duchêne 
de  Vère,  ont  dû  justifier  leur  gestion  devant  la  police  cor- 
rectionnelle. 

■  L'assemblée  générale  du  2  juin  1856  a  sanctionné  un  pro- 
jet de  traité  avec  les  docks  et  le  chemin  de  fer  de  Samt- 
Ouen.  D'après  ce  projet,  les  deux  Compagnies  n'en  forme- 
raient qu'une;  le  capital  serait  de  30  millions,  dont  16  mil- 
lions par  les  docks-Napoléon,  et  14  millions  par  la  Société 
deSaint-Oiien.  Les  actions  des  docks,  de  250  fr.,  dont  125 
versés,  s'échangeraient  à  raison  de  trois  anciennes  contre 
une  nouvelle  de  250  fr.,  valeur  nominale,  libérée  de  187  fr. 
50  c,  et  perdraient  ainsi  62  fr.  50. 


Il  est  question  de  construire  des  docks  dans  nos  ports  et 
d'en  concéder  l'exploitation  à  une  seule  Compagnie  pour 
toute  la  France.  Quelle  peut  être  la  raison  de  ce  monopole, 
dont  on  cite  M.  Em.  Pcreire  comme  le  futur  bénéficiaire? 
C'est  de  compléter  sans  doute  linslitution  du  Crcdit  mobi- 
lier, et  de  placer  sous  la  main  d  une  même  agence  la  circu- 
lation des  marchandises,  comme  on  y  a  placé  la  circulation 
des  valeurs  inditstrielles.  Alors,  avec  la  faculté  de  faire  la 
hausse  et  la  baisse,  1°  sur  toutes  les  aclions;  2"  sur  toutes 
les  marchandises;  3"  sur  toutes  les  voies  de  transport;  avec 
la  ceniralisation  des  banques  et  la  centralisation  des  hypo- 
thèques, le  système  sera  fort  avancé  :  encore  un  pas,  et  nous 
aurons  une  dictature. 

Quelques  licrsonnes  pensent  néanmoins  que  l'idée  de 
do(ks  peut  recevoir  une  application  utile  dans  les  chefs- 
lieux  de  déparlement,  aux  points  do  jonction  des  canaux  et 
des  lignes  de  fer,  pour  centraliser  les  produits  des  récoltes, 
disci|)liner  le  marché,  faire  des  avances  aux  producteurs, 
qui  échapperaient  ainsi  à  l'avilissement  de  leurs  denrées,  en 
même  temps  que  les  consommateurs  seraient  préservés  des 
risques  d'accaparement  etdc  hausse  exorbitante.  Nous  avons 


—  423  — 

sous  les  yeux  un  projet  de  devis  pour  l'établissement  d'un 
dock  à  Dijon  :  ce  dock,  d'après  les  calculs  de  l'auteur  du 
projet,  M.  C...  B...,  devrait  contenir  1,800,000  hectolitres; 
la  dépense  s'élèverait  à  12  millions.  Le  conseil  municipal  de 
Dijon  a  émis  un  vœu  favorable. 

Conçu  dans  les  principes  que  nous  venons,  en  peu  de  mots, 
défaire  connaître,  un  pareil  établissement  nous  semble  d'une 
utilité  incontestable  :  reste  seulement  à  voir  si  la  dépense  à 
effectuer  peut  être  balancée  par  le  service  rendu.  Nous  ne 
saurions,  en  tout  cas,  partager  l'opinion  de  la  municipalité 
dijonnaise,  qui  a  cru  voir  dans  l'établissement  de  ce  dock  un 
moyen  de  développer  le  comjnerce  et  d'augmenter  la  prospé- 
rité de  la  ville  de  Dijon.  La  création  des  chemins  de  fer  a 
donné  lieu  à  cet  aphorisme,  que  rien  au  monde  ne  peut  dé- 
mentir :  Ville  traversée,  ville  perdue.  Si,  dans  les  conditions 
oîi  il  est  proposé,  l'établissement  d'un  dock  à  Dijon  est  vrai- 
ment d'utilité  publique,  les  mêmes  motifs  subsistent  pour 
Beanne,  Chàlon,  Hlâco7ij  Chagny,  Dole,  etc.  Au  lieu  d'un  dock 
gigantesque  par  province,  il  y  a  avantage  à  en  construire 
sur  des  dimensions  plus  modestes  dans  chaque  arrondisse- 
ment. Au  moyen  du  télégraphe  électrique,  et  avec  le  passage 
des  trains,  tous  ces  docks  sont  en  communication  perma- 
nente; les  cours  sont  maintenus  en  équilibre  sur  tous  les 
points  du  territoire,  et  toujours,  sans  qu'il  soit  besoin  d'au- 
cune centralisation,  la  marchandise  circule,  sans  stationne- 
ment,  du  lieu  de  production  à  celui  de  consommation. 


Nous  avons  donné  des  détails  aussi  complets  que  possi- 
ble sur  les  principales  valeurs  cotées  à  la  Bourse.  Il  en  existe 
beaucoup  d'autres  sur  lesquelles  les  notions  nous  manquent, 
ou  qui  sont  de  trop  peu  d'importance  pour  mériter  un  cha- 
pitre spécial.  Elles  ne  sont  pas  l'objet  de  grandes  spécula- 
tions. 

Enfin  il  existe  un  grand  nombre  de  Compagnies  dont  les 
actions,  étrangères  à  la  circulation,  ne  figurent  pas  à  la 
Bourse,  mais  qui  n'en  sont  pas  moins  (Quelquefois  d'une  très- 


—   424  — 

haute  importance.  Telle  est,  pour  n'en  citer  qu'un  exemple, 
la  ComiKignie  des  forges  et  hauts -fourneanx  de  Franche- 
Comté,  simple  commandite  sous  la  raison  sociale  /.  Vauthe- 
rin,  A.' Guenard,  Regad  et  C*«,  formée  pour  l'exploitation 
d'une  trentaine  de  hauts-fourneaux  et  d'usines  dans  les  dé- 
partements du  Douhs  et  du  Jura,  et  dont  le  capital  engage 
n'est  pas  moindre  aujo'jrd'luii  de  17  millions,  ce  rpii  suppose 
un  fonds  de  roulement  d'au  moins  4  millions.  Nous  ne  par- 
lons pas  de  ces  Compagnies,  qui,  par  leur  caractère  privé, 
semhlent  se  dérober  au  mouvement  général,  et  n'intéressent, 
au  moins  quant  à  présent,  que  le  commerce  proprement  dit 
et  la  statistique. 

Au  surplus,  nous  résumons,  et  en  même  temps  nous  com- 
plétons dans  le  Bulletin  de  la  Bourse,  page  440,  l'état  finan- 
cier des  Compagnies  industrielles. 


—  425  — 

TROISIÈME  SECTION 

VALEIRS  ÉTRANGÈRES. 

Le  gouvernement  français,  en  autorisant  à  la  Bourse  de 
Paris  la  cote  des  effets  publics  étrangers,  n'entend  nulle- 
ment en  garantir  la  valeur  ni  intervenir  en  faveur  de  ses  na- 
tionaux en  cas  de  banqueroute. 

Les  marchés  à  terme  dans  le  mois  où  se  détache  le  cou- 
pon se  traitent  coupon  détaché^  à  quelque  époque  qu'ils  aient 
lieu. 

Au  comptant,  le  coupon  est  détaché  à  la  quatrième  Bourse 
du  mois  qui  précède  l'échéance. 

CHAPITRE  PREMIER. 

Fonds  publics. 

EMPRUNTS  BELGES. 

La  dette  publique  belge  se  compose  de  : 

Capital  non  amorti.  Rente. 

DeUe  ordinaire 4.20,800,147  fr.     21,348,507  f. 

Dette  extraordinaire.    ...     22.5,481,8.33  11,136,418 

Total 646,281,980  32,484,925 

L'emprunt  de  1852  se  cote  à  part.  Les  taux  des  fonds 
belges  sont  : 

4  1/2  provenant  de  la  conversion  de  rancioii  5  0,0,  d'une 
consolidation  de  la  dette  flottaiile  et  d'un  emprunt  de  1844  ; 

4  0  0,  emprunt  de  183G; 

3  0/0,  emprunt  de  1838; 

2  1/2. 

24. 


«-  426  — 
EMPRUNT  DE  LA  VILLE  DE  BRUXELLES  (18S5). 

70,000  obligations  de  100  fr.,  au  porteur;  3  fr.  d'intérêt. 
Des  lots  sont  affectés  au  remboursement  par  voie  de  tirage 
au  sort. 

1"  numéro 25,000  fr. 

2^  3«,  4«,    chacun  10,000 30,000 

Le  5« 4,000 

Du  6'  au  40«,  chacun de  1,000  à  200 

FONDS  HOLLANDAIS. 

La  Bourse  de  Paris  ne  connaît  guère  que  le  2  1/2  0/0;  ce- 
pendant il  y  a  des  rentes  3  et  4  0/0  5  les  intérêts  se  payent 
à  Paris  chez  MM.  Mallet  frères. 

FONDS  AUTRICHIENS. 

1»  ODLIGÂTIONS  MÉTALLIQUES. 

Les  obligations  métalliques  d'Autriche  sont  de  1,000  flo- 
rins, soit,  à  2  fr.  60  c.  par  florin,  2,600  fr.  Elles  sont  gar- 
nies de  coupons  d'arrérages  qui  se  détachent  tous  les  six 
mois  ;  elles  sont  au  porteur.  Il  y  a  des  obligations  de  4  et 
3  0/0. 

2^  LOTS  D'AUTRICHE  (1834). 

Ils  proviennent  d'un  emprunt  de  25  millions  de  florins  de 
convention  (2  fr.  50),  et  sont  remboursables  avec  primes  par 
voie  (le  tirage  au  sort  jusqu'en  1860.  Les  obligations  sont  de 
500  florins,  divisibles  en  coupons  de  lOO  florins. 

20  obligations  forment  une  série. 

30  NOUVEAUX  EMPRUNTS. 

Juillet  1852  :  35,000  obligations  de  100  livres  sterling 
5  0/0  —  Septembre  1852  :  80,000  obligations  de  1,000  flo- 
rins de  convention  au  change  fixe  de  2  fr.  50;  50/0  d'in- 
térêt. 

RENTE  DE  NAPLES. 

Les  inscriptions  de  rente  du  royaume  des  Deux-Siciles 


~r  427   ^ 

sont  nominatives.  Afin  d'en  faciliter  la  néjîoeiation  en  France, 
MM.  de  Rothschild  ont  été  autorisés  à  émettre  des  certificats 
au  porteur  de  25  ducats  de  rente,  inscrits  à  leurs  noms  au 
grand-livre  de  Naples. 

Le  prix,  coté  à  la  Bourse  (Naples  75  80),  est  de  5  ducats 
de  rente,  convertibles  en  4  par  voie  de  tirage  au  sort.  Le 
ducal  vaut  au  pair  4  fr.  40  c. 

L'emprunt  Rothschild,  contracté  en  1824,  est  représenté 
par  25,000  certificats  de  100  liv.  sterl.  (2,550  fr.),  portant 
intérêt  à  5  0/0. 

EilIPRUXTS  ROMAINS. 

Ils  sont  représentés  par  56,450  obligations  5  0/0  de  1,000 
fr.  Ils  ont  été  émis  en  1831,  1845,  1850  et  1853. 

EMPRUNTS  TOSCANS. 

34,000  obligations  de  1,000  livres,  5  0/0,  émises  en  1849, 
remboursables  à  1,100  livres.  —  1  million  de  livres  de 
rente  3  0/0  ;  emprunt  de  1852. 

EMPRUNTS  PIÉMONTAIS. 

1834  :  27,000  obligations  de  1,000  fr.  4  0/0.  —  1849  : 
19,902  obligations  de  1,000  fr.  4  0/0;  autres  obligations 
5  0/0.--  1850  (dit  1852)  :  18,000  obligations  de  1,000  fr. 
4  0/0.  —  1853  :  émission  de  2  millions  de  rente  3  0/0. 

E3IPRUNT   RUSSE. 

La  dette  russe  est  d'environ  1  milliard  et  demi  (valeur  en 
francs).  On  ne  connaît  guère  à  la  Bourse  de  Paris  que  le 
4  1/2. 

DETTE  D'ESPAGNE. 

La  dette  publique  espagnole  s'élève  à  15  milliards  et  demi 
de  réaux  environ  :  le  réal  est  évalué  à  25  cent.  La  dette  ac- 
tive est  productive  d'intérêt;  la  dette  passive  ne  l'est  pas.  La 
dette  différée  est  la  capitalisation  des  arrérages  non  payés  de 
1836  à  1841  :  c'est  le  3  0,0  nouveau  ou  de  1841. 


—  428  — 

La  plupart  des  emprunts  espagnols  oiit  été  contractés  à 
rélranger.  On  appelle  dette  intérieure  celle  qui  a  été  sous- 
crite par  les  nationaux. 

Une  liquidation  générale  de  la  dette  publique  a  converti 
tous  les  fonds  en  3  0/0. 

DETTE  PORTUGAISE.     • 

Les  fonds  portugais  sont  en  5  0/0,  4  0/0  et  3  0/0.  lis  ont 
été  contractés  à  Londres  en  livres  sterling.  Les  intérêts  se 
payent,  à  Paris,  chez  MM.  de  Rothschild,  au  change  de 
25  fr.  50  cont. 

EMPRUiXT  GREC. 

L'emprunt  grec,  contracté  avec  la  maison  Rothschild  en 
1833,  est  de  60  millions,  valeur  en  francs.  Il  est  garanti  |iar 
la  France,  l'Angleterre  et  la  Russie,  chacune  pour  un  tiers. 
Les  intérêts  sont  de  5  0/0.  Les  arrérages  annuels  de  la  dette 
sont  de  4  millions  de  drachmes  dus  à  M.  de  Rothschild,  et  de 
5  millions  de  drachmes  dus  à  la  Ravière. 

La  drachme  vaut  97  centimes  1/2. 

EMPRUNT  TURC. 

125  millions  6  0/0  négociés  en  1854.  Le  tribut  de  l'É- 
gyple,  s'élevant  à  7  millions  par  an,  est  spécialement  affecté 
à  la  garantie  de  cette  dette. 

E3IPRUNT  D'HAÏTI. 

L'indépendance  d'Haïti  (Saint-Domingue)  fut  reconnue 
par  la  France  en  1828.  Le  gouvernement  haïtien  s'engagea 
à  payer  une  indemnité  de  150  millions  aux  anciens  proprié- 
taires d'esclaves,  et  contracta,  pour  faire  face  au  premier 
terme,  un  emprunt  de  30  millions  6  0/0,  remboursables  en 
25  ans.  Peu  de  temps  après,  les  remboursements  et  les  paye- 
jnents  d'intérêts  furent  suspendus. 

Ils  furent  repris  en  1839  avec  réduction  d'intérêt  à  3  0/0 
consentie  par  les  porteurs.  1  million  était  alfecté  par  an  à 
ramorlissement.  Nouvelle  suspension  de  payement  en  1842. 


.ê 


—  429  — 

En  1848,  il  fut  stipulé  entre  les  commissaires  haïtiens  et  les 
porteurs  de  titres  que  le  règlement  des  intérêls  arriérés  de 
1844  à  1848  serait  ajourné.  Depuis  celte  époque,  les  échéan- 
ces se  payent  régulièrement. 

L'emprunt  d'Haïti,  c'est  la  dette  des  noirs  pour  le  rachat 
de  leur  liberté.  Les  blancs,  à  leur  place,  ne  iiiontreraient 
certes  guère  plus  d'empressement,  à  acquitter  une  pareille 
créance. 


CHAPITRE  II. 

Valeurs  industrielles. 

WSTITETIONS  DE  CRÉDIT. 
BANQUE  DE  BELGIQUE. 

La  Banque  belge  s'est  constituée  en  1835,  sous  la  forme 
anonyme,  au  capital  de  20  millions,  divisé  en  20,000  actions 
de  1,000  fr.  En  1841,  une  nouvelle  émission  de  10,000 
actions  a  porté  ce  capital  à  30  millions.  Les  actions  de  lu 
jjremière  émission  touchent  4  0/0;  celles  de  la  seconde  5  0^0. 
Elles  ont  un  droit  égal  au  dividende. 

Les  arrérages  se  payent  à  Paris  chez  MM.  de  Rothschild. 

SOCIÉTÉ  GÉNÉRALE  DE  BRUXELLES. 

Compagnie  anonyme,  constituée  le  28  août  1822,  pour  53 
ans,  au  capital  de  30  millions  de  florins  j  60,000  actions  de 
500  florins,  soit  au  change,  de  2  fr.  11  c,  1,058  fr.).  La  So- 
ciété a  racheté  29,000  de  ses  actions. 

ACTIONS  RÉUNIES. 

(Bruxelles.) 

Compagnie  anonyme,  constituée  le  7  juin  1837,  pour  22 
ans.  Elle  a  pour  but  de  favoriser  l'accès  des  grandes  entre- 


—  430  — 

prises  aux  petits  capitaux.  C'est  le  côté  sérieux  et  utile  des 
Compagnies  de  Crédit  mobilier.  Mais  sans  le  jeu  et  les  tri- 
potages, il  n'y  a  que  de  maigres  dividendes  à  loucher;  aussi 
la  moyenne  du  revenu  des  actions  est-elle  au  plus  de  3  0/0. 
—  Capital,  12  millions;  actions  de  1,000  fr. 

SOCIÉTÉ  DES  CAPITALISTES  RÉUNIS. 

(Bruxelles.) 

Compagnie  anonyme,  autorisée  le  13  juin  1841,  pour  une 
durée  de  20  ans.  Capital,  25  millions;  actions  de  500  fr. 
Revenu  moyen,  5  0/0. 

BAXQUE  NATIOXALE. 

(Bruxelles.) 

Escompte  du  papier  de  commerce;  succursale  à  Anvers  et 
comptoirs  dans  les  principales  vUles  de  Belgique.  —  Société 
anonyme  autorisée  le  4  septembre  1850.  —  Durée,  25  ans. 
—  Capital,  25  millions;  actions  de  i,000  fr. 

BANQUE  DU  C03IMERCE. 

(Genève.) 

Société  anonyme,  fondée  pour  30  ans  à  partir  du  10  no- 
vembre 1845.  Capital  3,100,000  fr.;  actions  de  1,000  fr.  — 
Escompte  des  valeurs  commerciales. 

BANQUE  DE  GENÈVE. 

(Genève.) 
Compagnie  anonyme,  fondée  pour  30  ans,  le  16  mai  1848. 

—  Capital,  3  millions;  actions  de  1,000 fr.  —  Escompte  des 
valeurs. 

OMNIU3I  GENEVOIS. 

Société  civile,  fondée  pour  30  ans  à  dater  du  5  mars  1849. 

—  Capitfd,  5  millions;  actions  de  1,000  fr.  Il  n'en  a  été  émis 
que  4,  200.  —  Espèce  de  Crédit  mobilier. 

BANQUE  DE  DAU3ISTAPT. 

Société  anonyme  hessoise,  fondée  pour  99  ans,  à  dater  du 


-  431  - 

2  avril  1853,  25  millions  de  florins;  actions  de  250  florins 
(537  fr.  50).  —  Imitation  de  notre  Crédit  mobilier. 

CRÉDIT  MOBILIER  ALTRICHIEX. 

.  Société  anonyme,  fondée  le  31  octctbre  1855,  pour  90  ans. 
C'est  la  même  organisation  que  le  Crédit  mobilier  de  France. 
—  Capital,  100  millions  de  florins  (250  millions  de  fr.  ); 
actions  de  200  fl.  (500  fr.).  Il  n'en  a  encore  été  émis  que 
300,000  non  complètement  libérées. 

CRÉDIT  MOBILIER  ET  FOXCIER  SUISSE. 

(Genève.) 

Société  anonyme,  fondée  sur  le  modèle  de  notre  Crédit 
mobilier.  Durée,  36  ans  à  partir  du  7  juin  1853.  —  Capital, 
60  millions;  actions  de  250  fr.  Il  n'en  a  encore  été  émis  que 
80,000.  ^ 

CRÉDIT  MOBILIER  ESPAGNOL. 

_  L'Espagne  a  deux  institutions  de  Crédit  mobilier  :  celle- 
ci  et  la  suivante;  elles  datent  l'une  et  l'autre  de  1850,  et 
sont  constituées  sous  la  forme  anonyme,  pour  99  ans..— Ca- 
pital, 456  millions  de  réaux  (120  millions  de  fr.);  actions  de 
1,900  réaux  (500  fr.).  Il  n'a  été  émis  que  120,000  actions, 
sur  lesquelles  30  0,0  de  versés. 

COMPAGNIE  GÉNÉRALE  DE  CRÉDIT  EX  ESPAGNE. 

C'est  la  fondation  Prost,  dont  nous  avons  parlé  au  clia- 
pitre  des  Caisses  d'escompte.  —  Capital,  399  millions  de 
réaux  (105  millions  de  fr.);  actions  de  1,900  réaux  (5C0  fr.).  Il 
n'en  a  été  émis  que  70,000,  sur  lesquelles  30  0,0  de  versés. 

Comment  les  finances  espagnoles  trouveront-elles  de  quoi 
alimenter  de  pareilles  compagnies,  dont  une  serait  déjà  de 
trop,  vu  le  peu  d'importance  du  marcbé  dans  la  Péninsule? 

BANQUE  NATIONALE  SARDE. 

(Gênes  et  Turin.) 
Société  anonyme,  fondée   pour  l'escompte  des  valeurs 


-  432  — 

commerciales.  Durée,  30  ans  à  partir  du  1"  juin  1850. 

Capital,  32  millions;  actions  de  1,000  fr. 

BANQUE  DE  SAVOIE. 

(Annecy  et  Chambéry.) 

Compagnie  anonyme,  fondée  pour  30  ans,  le  26  avril  1851. 
—  Capital,  2  millions^  actions  de  1,000  fr.  —  Escompte  du 
papier  de  commerce. 

CANAUX. 

CANALISATION  DE  L'ÈBRE. 

(Madrid.) 

Compagnie  anonyme,  fondée  le  29  décembre  1852,  pour 
99  ans.  —  Capital,  126  millions  de  réaux  de  veillon 
(33,600,000  fr.).  Actions  de  2,000  réaux  (533  fr.  33  c.)  — 
4  0,0  pendant  la  durée  des  travaux. 

CANAL  DE  SUEZ. 

(Alexandrie.  —  Bureau  à  Paris,  9,  rue  Richepanse.) 

Le  percement  de  l'isthme  de  Suez,  dont  on  se  préoccupe 
si  vivement  depuis  plusieurs  années,  est  enfin  décidé.  La 
Compagnie  chargée  de  l'entreprise  s'est  constituée  en  la 
forme  anonyme  française-,  elle  a  été  autorisée  le  5  janvier 
1856,  pour  99  ans.  Le  capital  est  de  200  millions,  les  ac- 
tions de  500  fr.  ;  elles  recevront  5  0/0  pendant  les  travaux. 

am\m  m  fer. 

CHEMINS  DE  FER  AUTRICHIENS. 

(Vienne.  —  Paris,  15,  place  Vendôme.) 

Société  anonyme  autrichienne  autorisée  le  22  février  1855. 
D'après  le  Rapport  de  1856,  rcnsomble  des  lignes  concédées 
était  de  1,359  kilomètres,  dont  1,106  en  exploitation. 
114  kilomètres  se  construisent  aux  frais  de  l'État,  et  138  aux 
frais  do  la  Compagnie.  La  concession  comprend  : 


—  433  — 

1»  Pour  92  ans,  les  lignes  suivantes  ; 

De  la  frontière  de  Saxe,  par  Prague,  à  Driinn  el  Olmulz  (en 
exploitalion) 470  kil. 

De  Marcliegg  ù  Szolnock  el  Szegedin  par  Pesth  (en  exploita- 
tion)       448 

Des  mines  du  banal  de  Lissowa  à  Basiascli  par  Orawicza  (en 
exploitation) es 

De  Szec.edin  à  Temefwar  (construit  par  l'Étal) 112 

De  Temeswar  au  Danube  ([lar  la  Compagnie) 83 

Ensemble 1,18I 

2°  A  perpctuilé,  les  mines,  usines,  forêls,  terres  arable, 
prés,  etc.,  couvrant  une  superficie  de  plus  de  126,000  hec- 
tares. 

La  Compagnie  a  racheté  le  chemin  de  fer  de  Vienne  à 
Coinorn. 

I.e  prix  d'achat  des  chemins,  des  mines  et  des  forêts  est 
de  200  milliojis  à  payer  au  gouvernement  autrichien  par  la 
Compagnie,  en  36  termes  mensuels,  sans  intérêt,  du  1""  mars 
1855  au  î"  février  1858. 

Le  gouvernement  accorde  à  la  Compagnie  une  garanlie 
d'intérêt  de  5.2  0  0,  du  cnpital  de  200  millions,  et  l'exempte 
de  certains  impôts  pour  5  à  10  ans. 

Les  dépenses  à  la  charge  de  la  Compagnie  se  composent  de  : 

Prix  d'achat  des  chemins,  mines  et  forêts 200,000,000 

Dépenses  à  faire 164,000,000 

Total 354,000,000 

Le  capital  social  est  de  80  millions  de  florins  de  conven- 
tion (200  minions  de  francs;  les  Actions  de  5C0  Ir,  dont 
325  versés,  sont  au  nombre  de  400,000.  —  lia  été  émis  en 
outre  un  empiunt  au  moyen  de  300,000  Obligations  libé- 
rées, remboursables  à  500  fr.  en  90  tirages,  négociées  à  275; 
intéiôt  de  15  fr.;  jouissance  du  mars  el  septembre. 
L'exercice  de  1855  a  donné  pour  résultats  : 

Rpciltes  de  tonte  nature 30,001.609  fr. 

DipenrCJ,  63  0,0de  larecelle 10.404.821 

Revenu  net 14,400.088 

Les  actions  louchent  5  0/0  pondant  la  duice  d^s  lra\au.\. 

2:> 


—  4U  — 

CHEMIX  DE  FER  CENTRAL-SUISSE. 

(Dàle.) 

Le  réseau  comprend  :  rie  Bàle  à  Olten,  d'Olten  à  Berne  et 
Moral  {raccordmneiilavoc  roiiosl),(rO!l('n  à  Lucerne,d'01ten 
à  Aaraii  (raccordemeiil  avec  l'est),  22(3  kilomètres.  Conces- 
sion de  99  ans.  —  Capital  d'AcTiONs,  30  millions;  actions  de 
500  ff.  —  Emprunt  de  12  millions  par  obligations  de  500  fr. 
et  de  5,000,  5  0/0,  remboursables  en  25  ans. — 4  0/0  pendant 
les  travaux. 

CHEMIN  DE  FER  DE  L'OUEST-SUISSE. 

(Lausanne.) 

Société  anonyme  autorisée  le  27  novembre  1852.  Conces- 
sion de  99  ans.  Le  réseau  comprend  ;  Morges,  Lausanne, 
Yverdun;  de  Morges  à  Coppet;  d'Yverdun  à  la  fronlif're  ber- 
noise. —  224  kilomètres  environ.  —  Capital,  30  millions; 
divise  en  60,000  Actions  de  500  fr.  —  5,000  Obligations 
émises  à  400  fr.,  remboursables  à  500;  intérêt  20  fr. — 
4  0/0  aux  actions  durant  les  travaux. 

CUE311N  DE  FER  SARDE  YICTOR-EMMANUEL. 

(Chambéry.  —  Paris,  38,  rue  Busse-du-Rempart.) 

Tracé  :  de  Modane  à  Genève,  par  Monlmélian,  Chambéry, 
Aix-les-Bains,  Albens;  einbranchement  de  Chambéry  sur 
Saint-Genis  d'Aosle  Concession  de  99  ans  à  partir  du  25  mai 
1853;  parantie  par  l'État  de  4  1/2  0/0  d'intérêt.  —  Capital, 
50  millions,  divisé  en  100,000  actions  de  500  fr.,  dont  250 
versés.  —  Intérêt  à  4  1/2  0/0  pendant  les  travaux. 

DE  NAPLES  A  NOCERA  ET  CASTELLAMARE. 

(Paris,  -31,  rue  Sainl-GuiUaume.) 

Commandite  française  fondée  le  8  février  1837,  sous  la 
raison  sociale  A.  Bayardde  la  Vinytrie  et  C*«.  La  Concession 
par  le  roi  de  Naples  date  du  19  juin  1836,  elle  est  de  80  ans. 
La  longueur  de  la  ligne  est  de  42  kilomètres,  en  exploitation 


435 


complète  depuis  18'44.  —  Capital,  12,500,000  fr.,  actions  de 
1,000  fr.  divisées  en  deux  coupons,  l'un  de  capital,  l'autre 
de  jouissance  ;  le  premier  a  droit  à  5  0/0,  au  dividende  et  au 
remboursement;  le  second,  au  dividende  et  au  partage  de 
ractif  après  Tamortissement. 

DE  TARRAGONE  A  REUSS. 

(Paris,  15,  rue  Saint-Fiacre.) 

Commandite  française,  fondée  le  29  juin  1853,  sons  la 
raison  sociale  G.  Ragf^l  et  C"",  Concession  de  la  ligne  de 
Tarragone  à  Reuss  ([)rovince  de  Catalogne,  en  Espagne)  ; 
16  kilomètres;  99  ans.  —  Capilal,  1,750,000  fr.,  divisé  en 
7,000  Actions  de  2:)0  fr.  —  4,200  Obligations,  émises  à  250, 
remboursables  à  500 -,  15  fr.  dinlérèt. 

CIIEMIXS  DE  FER  BELGES. 

D'Anvers  à  Gand. —  51  kilomètres;  CO  ans;  4,700,000  fr.: 
actions  de  500  fr. 

Chemin  de  Centre-Samhre-et-Meuse.  —  105  kilomètres  ; 
90  ans;  21,500,000  fr.,  divisés  en  31,000  actions  de  500  fr. 
et  23,000  de  250.  —  Trois  séries  dobligalions  de  1,000  fr., 
4,  5  et  5  1/4  0/0. 

De  la  Flandre  occidentale.  —  122  kilomètres  à  une  seule 
voie;  1)0  ans;  11,421,818  fr.:  actions  de  220  et  de  250  fr. 
—  10,000  obligations  de  500  fr.  3  0/0. 

De  Tournay  à  Jurbise  et  de  iMnden  à  Hasselt.  —  76  kilo- 
mètres ;  12,500,000  fr.;  actions  de  500  fr.;  concession  de 
90  ans. 

De  Munagc  à  Erqiielines.  —  Affermé  à  la  Compagnie  du  ^ 
Nord. 

De  Charleroi  à  Louvain.  —  64  kilomètres;  90  ans: 
6,500,000  fr.;  actions  de  500  fr.;  2,500  obligations  de 
1,000  fr.,  45  fr.  d'intérêt. 

De  Dendre-et'Waes  et  de  Bruxelles  vers  Gand,  par  Alost. 


—  436  — 

—  109  kilomètres  ;  90  ans;  15  millions;  actions  de  500  fr.; 
7,000  obligations  de  1,000  fr.  5  0/0. 

D'Anvers  à  Rotterdam.  — %Q  kil.;  90  ans;  1 2,500,000 fr.; 
actions  de  250  fr.;  2,000  obligations  de  1,000  fr.  5  0/0. 

MIKES. 
CHARBONNAGES  BELGES. 

Hauts-fourneaux ,  usines  et  charbonnages  de  Marcinetle 
et  Couillet.  —  Compagnie  anonyme  autorisée  le  lOoclobre 
1836.  —  Durée,  30  ans.  —  Capital,  12  millions;  actions  de 
500  fr. 

Sars-Lon  g  champs  et  Bouvy.  —  4  décembre  1835 ,  99  ans, 
2,800,000  fr.;  actions  de  1,000  fr. 

Compagnie  des  charbonnages  belges,  —  6  mai  1846; 
99  ans  ;  15  millions  :  actions  de  500  fr. 

Haut-Flenu.  — 1838  ;  30  ans  ;  4  millions  ;  actions  de  500  fr. 

Levant  du  Flenu.  —  1836;  99  ans  ;  2,800,000  fr.;  actions 
de  1,000  fr. 

Société  de  charbonnage  des  produits  au  Flenu, — 1836; 
90  ans;  4  millions;  actions  de  1,000  fr. 

Hornu  et  Wasmes,  —  1836;  90  ans;  3  millions;  actions 
de  1,000  fr. 

MoncraU'Fontaine.  — 1836;  90  ans;  2,300,000  fr.;  actions 
de  1,000  fr. 

Boussit  et  Sainte-Croix-Sainte-Claire.— U37  ;  3,50O,OCO  f.; 
actions  de  1,000  fr. 

Sacré-3Jadame.  —  1838;  99  ans;  3,500,000  fr.;  actions 
de  1,000  fr. 

Courcelles-Nord.  —  1838;  99  ans;  2,500,000  fr.;  actions 
de  500  fr. 

FORGES  ET  USINES  BELGES. 

Hauts- fourneaux  et  charbonnages  de  Chatelin  "«M.  —  1 8C0; 
20  ans  ;  12  millions;  actions  de  4C0  fr. 


-   437  — 

D'Ougrée.  —  1854;  71  ans;  capital  représenté  par  10,500 
actions. 

Fabrique  do  far  cVOugrée.  — 1837  ;  87  ans;  3,500,000  fr.  ; 
actions  de  1,000  fr. 

Société. de  Sninf-Léonard.  —  1836 ; 90 ans;  1,600,000  fr.  ; 
actions  de  1,000  fr. 

Charbonnnqea  et  hautx-fourneavx  de  V Espérance^  à  5c- ^ 
raing.  —  1836;  90  ans;  4  millions;  actions  de  1,000  fr. 

De  Moncmu-Rur-Samhre.  —  1837;  99  ans;  4  millions; 
actions  de  1,000  fr. 

De  la  Providence.  —  1838;  25  ans  ;  5,500,000  fr.  ;  aciions 
de  1,000  fr. 

De  Sclessin.  —  1841;  90  ans;  11  millions;  aciions  de 
1 ,000  fi'. 

Étnbliaxemeiits  de  John  CockeriU,  à  Seraing  et  à  Liège. 
—  1 S42  :  50  ans  ;  1 2,5C0,000  fr.— 12,200  actions  de  1 ,000  fr .  ; 
400  de  500  fr.  ;  400  de  250  fr. 

Fovrneaux  et  laminoirs  de  la  Samhre,  —  1853;  25  ans; 
5  millions;  actions  de  500  fr. 

PHENIX  MÉTALLURGIQUE. 

(Cologne.) 

Société  anonyme  prnssiennc  autorisée  le  10  novembre 
1852.  —  Durée,  25  ans.  —  Capital,  6  millions  de  thalers 
(22,500,000  fr.);  actions  de  100  Ihalers  (375  fr.).  Il  n'en  a 
encore  été  émis  que  44,000. — 10,000  obligations  de  100  tha- 
lers 6  0/0. 

VIEILLE-MOXTAGXE. 

(Liège.  —  Paris,  I9,  rue  Richer.) 

Cette  Compagnie  a  absorbé  les  quatre  suivantes  :  Mines 
et  usines  à  zinc  de  la  Prusse  rhénane,  de  la  Meuse,  de  Va- 
lentiii-Cocq,  et  Société  tlu  blanc  de  zinc.  Elle  est  constituée 
sous  forme  anonyme,  pour  99  ans  à  partir  du  23  juin  1837. 
Capital,  9  millions.  Les  actions  sont  de  1,000  fr.,  divisées 


—  438  — 

en  coupons  de  100  fr.  ;  elles  ont  été  remboursées  d'un  cin- 
quième par  amortissement.  —  Revenu  de  chacun  des  deux 
derniers  exercices,  200  fr. 

La  Compagnie  a  deux  emprunts  :  3,000  obligations  de 
1,000  fr.  5  0/0,  et  13,000  de  500  fr.  5  0/0. 

NOLVELLE-MOXTAGNE. 

(Verviers.  —  Paris,  M,  Rougrmonl  de  Lowenberg,  correspondant.) 

Société  anonyme  belge  fondée  le  6  mars  1845.  —  Durée, 
20ans.  —  Capiial,  3  millions;  actions  de  l,000fr.  —Moyenne 
des  quatre  derniers  exercices,  91  fr.  —  l.a  pioductionen  1855 
a  été  de  2,232  tonnes  de  zinc  et  de  45  tonnes  de  plomb. 

SOCIÉTÉ  DE  COIIPIIALIE. 

Compagnie  anonyme  belge  auloriséc  le  14  novembre  1846. 
—  Durée,  30  ans.  —  Capital,  5,500,000  fr.  ;  actions  de 
1,000  fr. 

SOCIÉTÉ  DE  BLEYDEUG-ÈS-WOXTZEi\. 

Compagnie  anonyme  belge  autorisée  le  13  août  1853.  — 
Durée,  50  ans.  —  Capital,  2,750,000  fr.  ;  actions  de  500  fr. 

MINES  DE  ZIXC  DE  STOLBEFiG  ET  WESTPIIALIE. 

(Aix-la-Cliapelle.  —  Paris,  47,  rue  de  Luxembourg.) 

Compagnie  anonyme  prussienne  autorisée  le  31  septembre 
1845.  —  Durée,  25  ans.  —  Capital,  8  mdlions  de  thalers 
(30  millions  do  francs);  deux  séries  (Fartions  de  100  thalers 
(375  fr.).  Les  40,000  actions  de  la  deuxième  série  ont  privi- 
lège sur  celles  de  la  première  en  cas  de  liquidation. 

MINES  ET  FONDERIES  D'ESCIÏWEILER. 

Société  anonyme  prussienne  autorisée  le  1"  septembre 
1848.  —  Durée,  25  ans.  —  Capiial,  1.500,000  thalers 
(5,625,000  fr.);  actions  de  100  thalers  (375  fr.).  Elles  sont 
de  deux  séries;  celles  de  la  seconde,  au  nombre  de  8,500, 
sont  privilégiées  en  cas  de  liquidation. 


—  439  — 

MIXES  ET  FONDERIES  DE  ZIXC  DE  LA  SILÉSIE. 

(Breslau.) 

Société  anonyme  prnssienne  autorisée  le  28  seplembre 
18r)3.  —  Durée,  50  ans.  —  Capital,  5  millions  de  Ihalers 
(18,750,000  fr.}-,  actions  de  100  Ihalers  (375  fr.). 

MINES  ET  FOXDERFES  DE  CUIVRE  DU  RHIN. 

(Cologne.) 

Compagnie  anonyme  prussienne  fondée  pour  30  ans  à 
dater  du  1"  juillet  1F53.  —  Capital,  1  million  de  tlinlcrs 
(3,750.000  fr.)',  actions  nominatives  de  lOOthalers  (S/Sfr.). 
2,000  obligations  de  100  tlialers  5  0/0. 

GlACES  ET  VERRERIES. 

GLACES  ET  VERRERIES  D'OIGXIES. 

(Bruxelles.) 

Société  anonyme  belge  approuvée  le  2  juin  1836.  —  Durée, 
30  ans.  —  Capital,  10  millions;  actions  de  1,000  fr.  — 
Revenu  du  dernier  exercice,  71  fr.  50  c. 

C03IPAGXIE  DE  FLOREFFE. 

Société  anonyme  belge  autorisée  le  30  mai  1853.  —  Durée, 
50  ans.  —  Capital,  6  millions^  actions  de  500  fr.  — Dernier 
exercice,  24  fr.  35  c. 

MAXUFACTURE  DE  GLACES  D'AIX-LA-CIIAPELLE. 

(Aix-la-Cliapellc.  —  Paris,  48,  rue  de  Luxembourg.) 

Société  anonyme  prussienne  autorisée  le  21  janvier  1853. 
—  Durée,  50  ans,  —  Capital,  2  millions  de  Ihalers 
(7,500,000  fr.);  actions  de  100  Ihalers  (375  fr.).  —  5  0/0 
jusqu'à  la  mise  en  activité  complète  des  établissements. 


—  440  — 

TABLEAU  GÉNÉRAL 

DES  VALEURS  COTÉES  A  LA  BOURSE   DE  PARIS 

et  leur  cours  à  la  fin  de  i8o6  (1). 
FOADS  PtBLICS. 


RENTES  FRANÇAISES. 

4  1/2  "/o  nouveau  (ancien  5  et  emprunts) 

4  J/2  ancien 

4  V 

3  •/„ 


EPOQUES 
de  jouissance. 


mars  et  seplemb. 

dilo. 

dilo. 
juin,  décembre. 


FONDS    ÉTRANGERS. 

Anqlais.  Coii.solidiis  3  "yo.     .     .     • 
Bei'iies.  4  1/2  O/o 

O     0 

"       (0 

—  2  1,2  »/„ 

Espwjnc.  Uirfi'ree  3  "U 

—  Passive 

—  3  °,„  18il 

—  Ofttc  inlérieure.      .     .     . 

—  Pt'liles  coMpiires. 
Naples.  nécé[)iiisés  Rotlischild, 

Borne.  Ein[)riint 

Huïii.  Emiininl 

Fiétiwnt.  5  "/" 

—  3  °/„ 

—  6  ">/„  anfrlo-sarde.  .     .     . 
•—       Obligations  4  °/„  1834,    . 

—  —  août  1849.   . 

—  —          oclobre  1851. 
Autriche,  Lots 

—  6  »'„ 

—  6  °;„  nouveau.      .     .     . 

Hollande.  2  1/2  °/„ 

Russie.  4  1/2  "/o 

Turquie.  Emprunt.     .     .     .     .     . 


■  mni.  novembre. 

fi'vrier,  août. 

janvier,  jnillfl. 

juin  et  décembre. 

jiinvier,  juillet. 

dilo. 

dilo. 

dilo. 
juin,  décembre, 
janvier,  juillet. 

dilo. 

dilo. 

juin,  déci-mbre. 

j.mvicr,  juillet. 

avril,  oclobre. 

fcvriir,  aoùl. 

janvier,  juillet. 

dilo. 

diln. 

avril,  oclobre. 


COURS 

Gnde  1856, 


90 
GC 


92 
91 
70 
61 

24 

41 
39 


85 

550 

91 

55 

85 

1020 

9"0 

930 

425 


64 

94 
90 


(I) 
sont 


Les  principales  abrévialions  employées  dans  les  bulletins  de  Bourse 
es  suivanles  :  Fin  c\fin  courant;  —  Fin  p°,  /m  prochain;  —  P'  d'  2, 
prime  dont  '2  ;  —  En  liq..  eyi  liquidation  ;  —  J.,  jouissance;  —  3  0/0  b  .  bé- 
néjice;  —  2  0,0  p,,  perle.  —  Ces  deux  dernières  formules  sont  spécialement 
affectées  à  lu  cote  des  actions  des  Compagnies  d'assurances. 


—  441  — 
OBLIGATIONS  DIVERSES. 


Ǥ 

3 

ÉPOQUES 

«- 

w  -S 

—  Jï 

de 

Si    = 

!—  "" 

1000 

b    û 

H  c 

P  "3 

3 

1000 

jouissance. 

l0.5ol 

ri//erfePam.  1849  f35, 000) 

iivril.  col. 

50 

—             185-2  (5n,000^ 

1000 

lOO'i 

j;iiiv.jiiill. 

5(1 

KtôO 

—            1855(150.000).      .     .     . 

400 

500 

m;irs,.-<ppl. 

15 

378; 

Ville  de  Marseille    IS48  (9,000).    .     .     . 

1000 

lOOil 

jiinv.juill. 

.50 

10-JO 

Monlpellier.  .|3  OOiO 

5')0 

500 

ni,ir.<.SP|il. 

25 

Liste  civile.  (20,000) 

1 00(1 

IIO'i 

mai,    nov. 

50 

lOoO 

Liu  miliiiwes.[\ijum] 

IdOO 

1000 

avril,   oel. 

50 

Obligations  fonc,  de  1,000  fr.  3  °'„.  .     . 

10(10 

l-JdO 

mai  ,  nov. 

^''o 

940 

—            coupon  de  100  fr.  4  "/o- 

100 

|M0 

dilo 

4V 

!)5 

—            coii|ioii  (le  100  fr.  3  "'„. 

100 

100 

novembre 

3°o 

85 

—            coupon  lie  500  fr.  4  °i„. 

500 

500 

mai  ,  nov. 

V,o 

445 

-                      dite               S"',. 

50(1 

500 

dito 

3"/„ 

400 

—           Prome:is.,3'>/oàl0ll0fr. 

doiifJOO  |iuyé*.  .     . 

1000 

1000 

dilo 

3«,„ 

'.m 

Yieille-Moiuarjne.  (3,0()0j 

lOOO 

l(K)0 

janv.jtiill. 

50 

—            (13  000) 

500 

500 

dilo 

25 

440 

LciVe.  (4.1(i0)anpiiMines 

I2.S0 

50 

1050 

—     [IS, (100)  nouvelles 

1250 

50 

945 

Chnmci-oij.  {•2,QW\) 

lOO 

e»'» 

Cliàiillonti.  Vommenlry.  {[2,000] .     .     . 

500 

625 

janv.juill. 

25 

510 

ACTIONS  DE  CHEMINS  DE  FER. 


400 

lotit 

01 

juillet. 

500 

tout 

50 

avril. 

500 

tout 

B 

» 

500 

lOlil 

80 

avril. 

500 

loiil 

78  50 

mai. 

500 

475 

4  ";„ 

mai. 

500 

loiil 

82  50 

juillet. 

500 

375 

4  °,. 

juillet. 

500 

tout 

8G 

avril. 

500  loiit 
700  250 
500  tout 
500  450 
5001  300 


^      Jo 


!  Juillet. 
;  juillet. 

janvier. 

I  juillet. 


Nord 

Ouf^st 

Sce;mx  et  Orsay.    , 

Orléans 

Ksi  (antiennes). .     . 

Kst  (nouvelles). 

Paris  à  l.yon.     . 

Lyon  à  denève. 

Lvon  à  la  Méditerranée 

Midi  (anciennes).    . 

Midi  (nouvelles).     . 

B  >rd(;aux  à  la  Teste 

Giand-I '.entrai.  . 

1  Saint -Ramberl  à  Grenoble 

25. 


940 
850 

»  ! 

1320 
810 
750 

I3G0 
740 

1750 
740 
750 

» 
610 
600 


442 


ACTIONS  DE  CHEMINS  DE  FER  (suite). 


Z  -a 


30,000 

4--'. (100 

8,000 

400,000 

100,000 

1  1,000 

7;',  000 

CO.OOO 

7,000 

i  32,000 


600 
iOO 

:.oo 

60i) 
5  0 
500 
600 
600 
260 
SOO 


400 
360 
400 
326 
2."0 
loiit 
loiil 
260 
(oui 
187 


4  \,'. 
6% 


0-    .£. 


avril. 
j.inviiT, 

juillet, 
jiiillel. 

juin, 
janvier 
juillet. 

juin, 
juillet. 


COMPAGNIES. 


Graissspssac  à  Réziers.  .    .     , 

Anciennes  el  Oi>e 

Rcssèpes  à  Alais 

Chemins  de  fer  antrichiens. 
Sarde  Victor- Emmanuel.  . 
Manage  à  Erquelines.     .     . 

C.enlral-Siii^se 

Ouest-Suisse 

T.ipragone  à  Reuss.  .  .  . 
Home  à  Frascati 


640 

660 

» 
770 
680 

n 
480 
400 
225 


OBLIGVTIONS  DES  COMPAGNIES  DE  CHEMINS  DE  FER. 


376.000 

2.303 

80  000 

100  OOii 

!  20,000 

lS?,333 

30  (!00 

138.828 

126,000 

120,000 

(iOO.OOO 

8.888 

13,333 

160,000 

130,000 

I.SO.OOO 

131  007 

180  OOO; 

.'80. 000 1 
102.014' 
03  043 
87,7  I y 

149,788 

300,000 

4,200 


336  600  16  janv.jnill 

3.i5  600  16  août. 

lO.iO  I2.'>0  50  avril,  oct. 

296  600  16  clilo 

600  026  25  tlilo 


360 
280 
600 
4K0 
270 
280 
(126 
760 
3i0 
276 
290 
300 
300 
285 
600 
500 
286 


500 
600 
C60 
060 
600 
500 
1260 
1260 
500 
500 
500 
600 
600 
600 
026 
500 
600 


16  janv.jnill 
16  ililo 

26  juin,  dée. 
26  janv.jnill 
16  0 

janv.  juill. 
diio 


dite 
dilo 
dilo 
dite 
dilo 
dito 
dito 
dilo 
dito 
dito 


286    500    15  dito 

275    600     16   .mars, sept. 

250,  600   G  7,1         » 


Nord  (6  fériés.  1851-1866).  . 
Noi'd-Bonlogne  (I861J.  .  .  . 
Paris  à  Lyon 

—  (1855) 

Médilerranéc.  6  "]„  garanti  i  ar 

l'Etat  (  1852^ 

-  3%  (1863).     .     . 

-  (1856) 

Est  (IS.63) 

-  ('8-Vi) 

—  (i86(;; 

Ouest  (1866) 

Orléans  (  l8'i2) 

—  (  1848) ' 

—  (1852,  fiar.  par  l'État). 

—  (  1854) 

—  (1865) 

Grand-Central  (1S53).  .     .     . 

—  (1856).  .  .  . 
l-yon-Bourlionnais  (1866)..  . 
Rhône-et-Lulrc  il 863).  .  .     . 

—  3  '''„(I866).  . 
Lyon  à  (lenève  (i86G,  garanli 

p.ir  l'Étal) 

Mnli  (1860.  gar.  par  l'État.).. 
Cliemins  auliichiens  (1866).  . 
Tarragone  à  Reuss 


288 


97 

280 


475 
287 


460 

4.50 


2S5 
1000 
1000 
290 
290 
290 
285 
286 
286 

u 
286 

28 
2851 

28»6 


_  443  — 
VALF.URS  1\!)USTRIEÏXES. 


C3  .2 
S  Z 


400 

300 

1,000 

1,000 

1,200 

200 

600 

4(0 

200 

Î200 

200 

200 

200 

1,000 

1 ,0i  0 

1,200 

200 

200 

400 

5(0 

200 

200 

loo 

500 

1,200 

600 

6  0 

600 

600 

600 

200 


400 
4,0li0 
2,00o 
2.00' 1 
1,000 
2,000 
1,000 


12,500 
5,0  0 
5,000 
1,0mO 
5,000 
5,000 
5,000 
5,00 
5,0  II. 
5,000 
5,000 
5,0  0 
5,000 
1  000 
5.000 
3.0  '0 
5,(00 
5,000 
5,000 
5,000 
5,0;iU 
5,000 
5,000 
1  000 
1 ,000 
1,000 
1,000 
1.000 
1.00 
1,0  0 
5,000 


5,000 
1,000 
5.000 
5,000 
6,000 
5,000 
5,000 


REVENU 
du  dernier 
exercice 


\  .900 
200 
262 
» 
290 
205 
180 
252 
915 
41  lo 
37 -i 
150 


120 
89 


180 


24 

107 


50 


30 


2,775 
215 

675 
325 
30) 
200 
300 


COMPAGNIES. 


ATSUaANCES    M&BITIMES. 


G''nérale  (an.)  .  .  . 
Spc'iriié  (fin  ).  .  .  . 
Union  des  ports  (an.)  . 
Indemnit»'  (an.)  . 
I.loyd  fiançais  (an.).  , 
O'-t-an  (hïi.  I  .  .  .  , 
Chambre  d'iis.«urances  (an 
M.'lu-i..e(an.).    .     ,      . 

Viirie  (an. 

Snuvegnide  (an.).    .      . 
Pilote  I an  )    .      .      .     . 
'  '^françaisH  des  prêts  àla 
Pliart- maritime  (an.).    . 
La  i\rrriiiuie  (an.)   . 
Cm- raie  (an.).   . 
Ln  Kéuni'iii  (an.).     . 
i.'Eole   (an.). 
C*  BonleJHisc  (an.). 
(îiioii  ie  (an.).    . 
Garonne  (an.).     . 
.\qnnainn  (an.)  . 
I.lcyd  bor(lclai>  (an.)    . 
Alliance  maritime  (an.). 
La  Provence  (an  )   . 
H.i\r.iise  et  Parisienne  (an 
La  Fortime  (an.).    . 
L^•s  l)en.s.-Mondes  (an.) 
La  Splière  (an  ). 
Le  Commerçai  (an.).      , 
Les  Aniillts  (an.).  . 
Lloyd  marseillais  (an.). 


ASSURANCES  C  3NTRE  L'INCENDIE 


1  OURS 
fin  de 
1836. 


Générali'  (an.).  . 
Pliéni.K  (ai.). 
Nationale  (an.) . 
L'Union  (an.).  . 
Le  Soleil  (an.;.  . 
La  France  (an.). 
L'Urbaine  (an.). 


—  444  — 


2,000 
400 

3,0(10 
800 

2,0U0 


400 
3.000 
2,000 

80;) 

1 ,000 

8,000 

'10,000 


2,000 

GO, 000 

16.000 


!)i,2no 

6,000 

6,1)00 

6,000 

6  0 

400 

6,00.) 

40,00:) 

3,470 

5!i,0:i0 

40,00:) 

5,000 

600 

52o 

253 

6,000 

600 

^2,000 

4,000 

1,600 


2,500 
5,000 
I.Oi'O 
5,000 
1,000 


7,500 
5,000 

r.,00  I 

5,000 

1,01)0 

500 

500 


5,000 
100 

250 


REVENU 
lu  dernier 
exercice. 


90 

12  50 
20 


!,025 

300 
1 60 
150 


50 

19"/. 


So/o 


1.000 

200 

500 

30 

500 

32 

500 

42 

500 

» 

500 

» 

500 

3  G 

50» 

42 

100 

e°io 

100 

8 

100 

4 

100 

10  "/„ 

1,000 

» 

100 

6  "U 

1,000 

6"/„ 

1 00 

» 

500 

» 

150 

6"/o 

5.00 

24 

500 

M 

COMPAGNIES. 


La  Providence  (an.). 
L'Aiirle  (an.).     . 
La  Piiternelle  (an.), 
La  Cnnliance  (an.). 
Le  Nord  (an.).   .     . 


ASSURANCES   SUR   Z.A  VIE 


Générale  (an.).   . 
Nationale   (an). 
Union    (iiii.j. 
Pliéiiix  (an.). 
Corjser^ateur   (an.), 
•■'aisse  Paieriielle  (an. 
Impériale    (an.). 


ASSURANCES    DIVERSES. 


Générale    (grêle)   fan.) 

L  Aiiriculture  et  la  Générale  réunies 
(an  )    [Morlnlité  des  bestiaux  ). 

La  Française  (ce.)  (/IttideiWs  des  che- 
mins de  fer.) 


COLRS 
fin  de 
1856. 


45°/„b. 
15"/„b. 
pair. 
7  1,2h 
l'^-'iob. 


in:{2/3b 

23  %b. 
1 1  '/,b. 
3  ";„  !.. 


9  %  b. 


BANQUES   ET   CAISSES. 


50 


Banque  de   France    (an.). 
- —       de  la  Marriiiiqiie  (an.). 

—  d  ■  la  GuadeloLifie  (un.). 

—  de  la  Réunion  (an.).    . 

—  de  la  Guyane  (an.).   . 

—  du  Si'iiéijiil   (an.). 

—  de  rAlgi'rie  (an.). 
Comptoir  d'escompte  de  Paris  (an.) 
Sous-comptoir  des  Kntrepren.  (an.) 

—  des  M'taiix    an). 

—  desChem  de  fer  (un.) 

—  des  Denr. colon. (an.) 
Comptoir  d'Alais  (an.).     . 

—        d'Angou.ême  (an.) 
Dito.  Dito.     . 

Comptoir  de  Caen  (an.). 

—  de  Colmar  ("an.) 

—  de  l)ôle(an.). 

—  de  Lille  (an  ) 

—  de  Mijlliouâe  (au.). 


4,000 


600 

700 


445  — 


400 

400 
60.00G 
I2(»,0l)0 

4  544 
I0lt,000 

50,000 

OU, 100 

30,000 
6,000 

'20,000 

t. 000 

1111,6811 

2  '00 

16,001' 

1,600 

1,200 

5110 

600 

3,(tl!ii 

lo.oOO 

20.000 
1,600 
4.0nO 

5  oO'i 
50.000 
3 1  000 
20,000 
10,000 
12.00.' 

100,000 

300, 000 

Hit,  000 

10  000 

!120,000 

7o,000 

3,000 


CO.OOO 
2.000 


250 

200 
500 
500 
500 
5'0 
500 

500 

100 


100 

25 

500 

16°,„ 

5(0 

37 

1 ,000 

75 

100 

10 

500 

1, 

500 

57 

5,000 

)) 

500 

6"u, 

1.000 

60 

1,000 

95 

1 ,000 

*'    la 

375 

30 

500 

u 

2.0 

» 

1,000 

2)0 

S°/n 

10» 

13  °o 

1 .058 

152 

1.«00 

60 

1,00' 

70 

1,000 

40 

5. S?  50 

34 

500 

« 

2)0 

» 

50 

« 

500 

» 

500 

» 

1,000 

57 

100 
500 


REVENU 

du  dernier 

eiercice. 


5"/„ 

20 

• 

17 

203 

79 


COMPAGNIES. 


90 


90 


Comptoir  de  Sablé  (an.').  . 

—  deSl-Jean-d'Angély  (an.) 

—  fieSie-Marie-aii.x  Mines  (a) 
Crè.lit  Foncier  de  France  (an.)  . 

Crédit  Mobilier  (an.) 

Cré'lit  maritiiue  (co  ) 

Caisse  trénérali'  de.s  chemins  de  fer 

Mirés  et  C'«  (co.) 

—  de?  Actionn.,  Amail  et  C'  (co.) 

—  centrale  de  l'Industrie,  Ver 
gnioUe  et  C'°  (co.) 

Crédit  indiist  ,  Malevergneet  I""  (c.) 
Cai-.-ses  d'Escompte.  ProstetC"(co.) 
Caisse  Béi'liet  et  C"  (co). 

—  Lehideux  et  C"   (co.). 
Comptoir  ceit.,  Boiinard  et  C"(co.) 

Boiiron  et  C'«  (co.) 

Lécuyer  et  C'«  (co  ) 

Nu-prnpriéraires   (co.). 
Cnniptoir  commercial  d'Angers  (co.) 
Caisseconimerciale  deHoi!fl.^ur  (co.) 
Cîii.sse  dépait'*  de  la  Mayenne  (co.) 
Caisse  commerciale  du  Nurd  (co.J. 
Cai-se  industrielle  du  Nord  (co.). 
Comptoir  de   la  Méditerranée   (co.) 
Caisse comn.erciale de  Roubai.K  (co.) 
Caisse  du  comra.  et  de  l'agricult.  (c.) 
Cai.<se  commerciale  d'Avignon  (co.) 
Crédit  foncier  de  San-Francisco(civ.) 
Société  générale  de  Bru.xelles  (an.) 
Banque  de  Belgique  (an.).  1'*  série 

—  2%  1841 

Actions   réunies  (an.). 
Banque  de  Darmstalt  (an.).   . 
Créait  mobilier  autrichien  (an.). 
Mobilier  et  foncier  sui.«se  (an.). 
Crédit  des  Etats  sardes  (co.). 
Crédit  mobilier  espagnol  on.).   . 
C"'  gent-r.  de  crédit  en  Espagne  (an.) 
Banque  de  Genève  (an.).    ... 


Stéarineric  (co.). 
Eloile(co.).    . 


C0Lrtï5| 
fin  de 
1856. 


hOO 
1 ,400 


510 


158 


433 

»  i 
137 
515 
600 
6  500 


220 

2,820 
9o0 


800 


112 


—  446  — 


2,400 
4,200 


69,120 

68,000 

27, 200 

27,200 

6  (100 

47.600 

13,001) 

600 

11,50!) 

2.200 

6,000 

63, dO) 

400,000 


30,000 

50,000 
20,000 


5,200 

3,600 

2,800 

2  8ii0 

30,000 

'1,500 

3.550 

1,8o(i 

2i,00l) 

80.000 

80,000 

80,000 

80,000 

80,000 

3,275 

13,200 

21,000 

30.000 

8.0UÛ 


500 
500 


1,000 
1,000 

1) 

1,000 
1,000 

5,000 
1 ,000 
1.000 
1,000 
400 
500 


100 
100 
100 


500 

1.000 

1,000 

500 

500 

1/1600' 

» 

300 


REVENU 

du  dernier 

exercice. 


COMPAGNIES. 


50 
830 

50 

12  50 

50 

50 

11 
540 

67  50 
129 
120 
4"/„ 


15 


20 
20 
70 


150 
42 

» 
27 
60 
10 
14 

9 
27 


u 

34 

» 

60 

500 

25 

500 

60 

Soleil  (co.) 

Huilerie.  Stéarinfrie  (co.). 

CANAUX. 

Quatre-Canaux  (an.).  Act.  de  capit 

—  de  jouissance 
Bourgogne  (an.).  Act.  de  capital. 

—  de  jouissance 
Arles  à  Bouc  (an.),  cap. 
Troi^  Ciiiianx   (an.),    cap 
R  laniie  à  Digoin  (un.). 
Air-  à  la  Baissée  (au.).  . 
Sanibreal'Oise   au.).   . 
-carpe  inférieure  (co.). 
Sanibre  française  (an.), 
i.'aiiali-auond«  TEbre  (an 
Canal  de  Suez  (au  ). 

CAOUTCHOUCS 

Caoutchouc  durci  (co.). 
Caoutchouc  so'iple  (co.). 
C'=  g.-niTale  belge  (co.). 


COLRS 
fin  de 
1856. 


CHAHBONNAGES    ET    ASPHALTES 


H  iii Hères  de  la  Hante-Loire 
Centre  du   Flenu  (eiv  ). 
Pont-de-Loup-S  id    (civ  ). 
Mcjutii'ux-Sl  Etienne  (civ.). 

Blauzy    (co.> 

Azincourt   (an.). 

Chazotte  fan  ) 

Layon-et -Loire  (an).   . 
Portes  et  Séiiéchas  fco.).  . 
Loire   (quatre  groupes)  (an.) 

Lnire  (au.) 

Saint-Etieune  (an.). 
Miuitrambert    (an.). 
Rive-d'^-Gier   (an.). 
>nint-('hamond  l'an.).      . 
Ma\'Pnue  et  Sarthe  (an.).   . 
Gran  l'Combe  (an  ). 
Charbonnages  belges  (an.). 
Haut-Flenu   (an.).        ,     . 


(civ 


447  — 


6,720 

3,000 
1,200 


80,000 
8,000 
7  000 
9.1100 
10.000 
60,000 


8,000 
20,000 
7.3o0 
1.400 
5.(100 
10,000 
'l,oOO 
4,000 


4.000 

2,'tOO 
18  iiOO 

o,00(» 
oO.OOO 
10,000 

6,000 
28,000 
50,001) 
.o4  000 
5<i,000 

6,000 
24.000 

900 
4.000 
4,000 
5,500 


REVENU 

du  dernier 
exercice. 


>■   « 

250 

» 

500 

» 

1,000 

40 

250 

4% 

230 

8  70  "/„ 

luo 

6''/„ 

100 

5   °;„ 

100 

» 

100 

» 

500 

35 

500 

55  50 

500 

20 

500 

35  81 

li5000= 

25 

2:.0 

125 

100 

„ 

1,000 

50 

1,4000^ 

500 

.^,000 

350 

500 

80 

500 

50 

» 

» 

» 

M 

500 

80 

>, 

50 

1) 

70 

250 

» 

500 

39  .47 

510 

u 

500 

» 

5'00l) 

» 

l'OOO 

75 

l'DOO 

125 

l'OOO 

105 

COMPAGNIES. 


Houillères-  réunies-sous  -  Quarégnon, 

(an.).    .      .       .     ^ 

Asphaltes-Seyssel  (co.) 

Bastennes  (co.) 


EAUX   ET   BAINS. 

C"  générnle  des  Eaux  (an.).   . 
Kaux  d'Auteuil  et   Neuilly  (co. 
Eau  de  Si  ine  purifiée  (co.). 
Eaux  de  Calais  et  St-Pierre.   . 
Samaritaine    (civ.) 
Lavoirs  et  bains  publics  (co.). 

FILATURES. 


Lin  Maberly  (Amiens),  (co.). 

C')iiiii   ei  C"=.  (co). 

Trudin,  C'*  Continentale,  (co.). 

Société  laiiiièr».    (co.) 

C'°  liuieie  de  Pont-Remy.  (an.) 

La  Fou'lre.  C'°  Rouennaise.  fco. 

La  Br>  sle.  fco.) 

La  Lys.  (an.  i 


FORGES  ,   FONDE  aiES  ,   BAUTS- 
FOUaNEAUX. 


Loire-et-Ardéclie.  (;i!i). 
DecMZfville.  (Aveyron).  (an.). 
Alais,  Garl.    i^an.).      . 
Basse-Lidre.    (co.j. 
Cliiîtillon  et  Commentry.  (co 
Horme    (an.)       .... 
Maubeuge   Can.).     . 

Creusot.  (co.) 

FonrcliamhMu't.   (co.). 
;\Iirine  et  chi-mins  de  fer. 
FIer«er:in<jre.  (co.).  . 
Aisnfi-  t-Nor  i.  (co.).  . 
Fi  ancli  -Conté,    (ce). 
Côte-  l'Or.  (co.).     .     .     . 
Andinc-ourt.  (an.).  . 
Espérance.  (Bel^îiqne).  fan.) 
Mo!iceau-sur-Sambre.  (an .  ) . 
Providence.  (Belgique,    an.) 


COIRS 
fin  de 
18j0. 


150 


215 

255 
107 
100 


695 
5b5 

» 
550 

480 

103 


4,000 

690 
4iO 
61-0 
450 
795 
4<)7 
510 


530 
495 
600 


1,250 

1 ,430 1 
L450li 


—  448 


C5     a 

ce    . 

REVENU 

COURS 

Cï      o 

du  ilernier 

COMPAGMES. 

fin  de 

O    1 

exercice. 

1856. 

12.000 

60 

Onjrrée.  (iin.).    ....... 

632 

10.001) 

500 

» 

Sambre,  Fianco-Bftlge.  Tan.).    . 

» 

60,0v0 

373 

30 

Phénix  métallurgique,   (an.).     .     . 
GAZ. 

350 

110,000 

500 

» 

<^'«  parisienne  d'Ecl.  et  Chauff.  (an.). 

800 

40,0011 

2  0 

30 

Union  «les  Gaz.  /en.) 

290 

6.000 

500 

40 

Nnr.i.  (B;iiignolles.)  (co.).     .      .     . 

5U0 

1,000 

500 

74  50 

^.st.  (Vincmnts).  (co.) 

» 

1,200 

500 

33 

Versuilles.  (eu.; 

300 

600 

500 

70 

Bre.-t.  (  co.  ) 

» 

1  ,;joo 

5  0 

30 

Amien.s.  (co  ) 

460 

2,100 

416 

15 

Wazemnii-s.  (oo.) 

17-.) 

15,000 

500 

31   85 

C'*  iJeiitrale,  Lcbon,  18  villes,  (co.). 

513 

2i,U00 

300 

5-/. 

Gaz    et   Hauts  Fourneaux   de    Mar- 
seille, (co.) 

» 

io;),ooo 

50 

» 

L'Alliance,   (ce). 

GLACES   ET  VERRERIES. 

v 

1,152 

7,000 

V 

Saint  Gobain.  (an.) 

33,000 

24,0110 

500 

„ 

Montlu(,"on.  (co.) 

250 

10,000 

1.000 

62  15 

Oiguii;.s.  (an.) 

11,20iJ 

12,000 

500 

24  35 

Florefie  (an.) 

» 

20,000 

375 

'* 

Aix-la-Chapelle,  (an.) 

IMMEUBLES. 

123 

1.Î  0,000 

100 

4°/o 

Palais  de  rLultistrie.  (an.).     . 

70 

2/iO,000 

KO 

5"/o 

Immeubles  Rivoli,  (an.) 

95 

14,000 

500 

Rue  Impériale  de  Lyon.  (an.).     .     . 
JOURNAUX. 

» 

6,000 

50O 

75 

Journaux    réunis  :  Pays,    Constitu- 
tionnel, (co  ) 

500 

2.500 

200 

100 

Le  Siècle,   (uo.) 

300 

108 

2,500 

550 

Le  Droit,    (co.) 

MINES  DIVERSES. 

4,500 

90,000 

80 

20 

Vieille-Montagne,    (an.) 

33!) 

3,100 

1,000 

90 

Nouvelle-MontMgne.  (an.) 

1,223 

40  00  1 

375 

S"/» 

St  ilberg  et  Westphalie.  (an.). 

83 

o,500 

1,0(10 

70 

Corphal  e.  (an.J 

1,137 

5,500 

500 

» 

Bleyberg-es-Montzen.  (an.).      .     . 

» 

449  — 


g  s 

^M 

REVENU 

2  •- 

3  ^ 

du  dernier 

o    S 

<    = 

exercice. 

■^ 

8b'0 

375 

5% 

6.500 

« 

» 

5(1  000 

37o 

8  42 

10,000 

375 

» 

10,000 

» 

25 

2ri,60() 

100 

1  75 

■25.000 

1(i0 

4"/o 

60.0)11 

lOo 

1  50 

1 ,800 

1 .000 

80 

40.0  0 

1(>0 

9°/ 

6,000 

2(i0 

6°/,. 

12  0ii0 

5')0 

D 

4,000 

500 

» 

48.000 

5^0 

120 

10.000 

SOC 

136  78 

6it,()0i 

•dO) 

13  50 

36.000 

501) 

154  21 

10,000 

11)0 

^% 

50  000 

500 

20°/. 

16  000 

250 

10  ^ 

30,000 

500 

» 

1,800 

1,000 

I) 

4,000 

» 

80 

8i:0 

1,000 

80 

800 

1 ,000 

)j 

loo.ono 

150 

•0 

7.000 

1,0  0 

10 

3,000 

1,000 

5  1/2 

4,000 

1,000 

0  1/4 

16.000 

230 

21  25 

10,00) 

500 

55 

14,000 

bOO 

» 

COMPAGNIES. 


du 


Esciwi'iler.  (an.) 

—        dito,  2'  série. 

^ilesie.  (an.) 

Mil)  s   tit    fonderies  de    cuivro 

Rhin,  (an.) 

Poiitgibau.i.   (an.). 
Kerinière  de  Caronte.  (co.). 
T'înez.   (cf>.).    Algérie. 
Mouziiia.  (C'j.).    duo.  . 
Villefort,Vialas,  Auzonnet,  etc.  (civ.) 

S  ptèmes.  (co.) 

San-Fernando.   (an.  ).      .      .      . 

S:ilin.s  du  Midi,  (co.) 

Salines  de  Gouhenans.  (co.). 

irAVIQATION. 

Messageries  Impérinles.  l'an.). 
N.iviffiition  n  vap.,  Bazin  et  C'*  (co.) 
C"  générale  Maritim»^.  (an.). 
Fianc"  Américaine    (ce), 
(."lipper.s  français,  (ce). 
Armements  maritimes    (co.) 
Paquebots  fluviaux  et  marit.  (co 
Navigation  mixte,  (co.).  . 

PAPETERIES. 

Marais  et  Sainte-Marie,  (an.). 

Essonnes.    (an.) 

Eciiarçoii.   (an.) 

Souche,  (an.) 


PONTS   ET   PORTS. 

P'M-ts  de  Marseille,  (co.).  .      . 
Poutet  port  de  Grenelle,  (co.).    . 

Ponis  réunis,  (co.) 

—       —  nouveaux,  (co.).     . 

SUCRERIES,    RAFFINERIES. 


DelaScarpe.  (co.) 

DeTournus.  (co.) 

De  Bourdon,  (co.) 


COIRS 
On  de 
1836 


170 


40 
30 

9": 

205 


1.200 
59c 
425 

47e 

81) 

500 

280 


1,000 
1,150 
1 ,000 


480 
500 


450 


4,00ft 

2,399 

2,0110 

U,Ol)0 

50,000 

4,000 


2S0 

6,(!00 
3, '200 
24,0  0 
3,200 
1.700 
400,000 


40,000 

n 

100,000 

30,000 

28,000 

'1,000 

800 

8,0U0 

8,750 


500 
255 
500 
500 
100 

500 


10,000 
1,000 
300 
50(1 
300 
80 
100 


100 

"25 

2o0 

500 

I.OrO 

1,000 

500 

200 


REYEXU 

du  dernier 

exercice 


40 
35 

58 

50  2^ 


90 


600 

10 

45 

10 
9  50 
1  65 


10 

» 
6  1,2 
0  "/„ 

12  50 
1 4  65  «/, 
10  "/„ 
9  "/o 


20 


COMPAGNIES. 


USINES. 

Galvanisation  du  fer.  (co.).   . 
Frrs  ét-rés,  Giindillot  et  C'^  (co.1. 

Chumeroy   (co.  ) 

('ail  et  6«.  (co.) 

Constructions  maritimes,  Séguineau 

et  C'«.    co.). 

Cristofle  et  C"  (co.) 

VOITDRES   ET   OMNIBUS. 

Messageries  impériales  (an.). 
Cailiardet  C'=.  fco.).    .      .     .      ,      . 
Omnibus  des  chemins  de  f  r.  (co.)  . 
C'°  générale  des  Omnihns;  (an.). ,     , 
Omnibus  de  Londres,  (co.).   . 
Gondoles  parisio-nnes,  (co.).   . 
C'^  impér.  des  petites  voitures,  (an.). 

DIVERS. 

Snbst.  aliment.,  dessiccation,  (co  ). 

Docks-Niipoléon.  (an  ) 

Telég.  sous-marin.  (Manclie.)  (co.) 

—       —       Méditeiranée.  (co.). 

Vidantes  Rirher.  (co.).     .      .     .     . 

Moidin  Packh.nïi.  (<'o.) 

Griilns  fuurivor«"S.  (co.) 

Produit"    cliiiniques    de  Jaselle  et 

Sèvre.s.  (co.) 

Société  des  Deux-Cirques,  (co.).     . 


COURS 
fin  de 
1856. 


400 

700 
» 

500 


600 
170 
800 
175 
100 
87 


10' 
17.) 
20 
110 
250 

1,010 


2C0 


^-ô— o-o-«-o-o-o-c-o-o-o-o-o- 


CONSIDÉRATIONS  FINALES 

Nous  sommes  loin  d'avoir  épuisé  notre  matière. 

Sous  cette  rubrique,  Spéculation,  il  nous  eût  été  facile  de 
passer  en  revue  toutes  les  parties  de  la  science  économique 
et  de  secouer  encore  luen  d'autres  myslèies.  Nous  croyons 
en  avoir  dit  assez  pour  faire  com[)rendre  à  nos  lecteurs  quel 
esprit  anime  la  société  actuelle;  quelle  est  sa  couftilulion 
intime,  son  organisme,  sa  tendance,  sa  fin,  et  pour  justifier 
à  leurs  yeux  les  réflexions  par  lesquelles  nous  terminerons 
ce  travail. 

§   1".   lA  FÉODALITÉ  INDUSTRIELLE  :  MARCHE   DE  LA  CRISE. 

Nous  disions  en  terminant  le  chap.  VI I,  V^  partie,  page  168  : 

«  Il  faut  que  cette  situation  ait  une  issue  :  Ou  le  triomphe  du 
système,  c'est  à-dire  l'expropriation  en  qrand  du  pays,  la  concen- 
tration des  capitaux,  du  travail  sous  toutes  ses  forme?,  l'aliénation 
de  la  persoudalité,  du  libre  arbitre  des  citoyens,  au  profit  d'une 
poignée  de  croupiers  insatiables;  ou  la  liquidation.  » 

Naturellement  on  ne  vent  d'aiicime  de  ces  propositions. 
On  espère  se  tirer  d'affaire  par  les  moyens  termes,  dont  le 
champ,  semble-t-il,  est  infini.  A  cet  égard,  nous  ne  nous 
faisons  pas  d'illusion. 

Mais,  nous  l'avons  dit  maintes  fois,  la  force  des  choses  ne 
s'arrête  pas  devant  l'inconséquence  des  hommes;  et  puisque 
nous  ne  savons  jias  choisir  entre  deux  termes  dont  l'alter- 
native est  devenue  inévitable,  nous  n'avons  plus  qu'à  mon- 
trer comment  nous  sommes  exposés  à  les  subir  l'un  et 
l'autre. 

Une  chose  d'abord  est  devenue  manifeste.  La  Féodalité 
industrielle^  que  Fourier  prédisait  il  y  a  près  de  cinquante 
ans,  que  l'école  saint-simonienne  chanta  ensuite,  cette  féo- 
dalité existe.  Elle  a  définitivement  remplacé  l'anarchie  in- 
dustrielle, qu'avait  laissée  à  sa  suite  la  Révolution.  Elle  s'est 


—  452  — 

constituée  moitié  par  le  privilège  ,  moitié  par  la  licence, 
toujours  avec  faille  et  rap|)rob,ition  du  gouvernement.  Le 
titre  111,  livre  l",  du  Code  de  commerce,  concernant  les 
sociétés  de  commerce,  lui  tient  heu,  provisoirement,  de 
cliarle. 

L'anarchie  industrielle  n'avait  pas  conscience  d'elle-même-, 
elle  ne  se  savait  |)as.  La  féodalité  in<iustrielle  se  sait;  elle 
agit  en  conuaissanie  de  cause.  La  première  était  de  bonne 
foi,  partant  honnête;  la  seconde,  qui  ne  jieut  invoqi'cr  en 
économie  d'autres  principes  que  ceux  que  lui  a  laissés  sa 
mère,  et  qui  ne  peut  plus  y  croire,  est  fatalement  de  mau- 
vaise foi;  elle  est  immorale. 

La  masse  de  valeurs  cotées  à  la  Bourse,  dont  la  féodalité 
induslritlle  dispose,  monterait  déjà,  suivant  un  économiste, 
M.  Angelo  Tedesco,  à  près  de  20  mdliards  de  francs  : 

Dille  publique 10.14'i.:260,840  fr. 

Banqois  diverses I,(i71.1 07.000 

Oliligalions 2,i:0.()9".3'7 

Chemins  de  fer 3,150.yifl,ii00 

Assiiraru-es '202,Sô(),OnO 

Hauts- roiirneaux 491.300,645 

Messageries  el  transports 352.91iO,fl<lO 

Gaz 213. 197.100 

Mines 145.895,495 

Punis  et  Canaux. 301,130.037 

Divers 4 12,012,437 

Total 19,507,023.491  fr. 

En  y  ajoutant  les  établissements  non  cotés,  mais  que  la 
nature  de  leur  institution  et  leur  importance  permettent 
de  ramener  à  cette  grande  catégorie  du  travail  féodal,  plus 
8  milliards  de  créances  hypoihécaires,  on  peut  évaluer,  mo- 
dérément, l'actif  de  la  caste  à  30  milliards. 

Tri:nte  milliards  de  francs!  c'est  sur  cette  masse  de  ca- 
pitaux, plus  ou  moins  solidaires,  que  la  féodalité  nouvelle 
est  assise;  c'est  avec  celte  artillerie  qu'elle  mitraille  à  bout 
portant  la  multitude  inorganisée  des  petites  industries  et 
des  petites  fortunes,  quelle  bat  en  brèche  les  garanties 
créées  par  la  Révolution  et  toutes  les  libertés  publiques. 

Trente  milliards  de  francs,  produisant  en  intérêts,  divi- 


—  453  — 

dendes  et  frais  à  la  charge  du  public,  6  0/0  au  moins  du  ca- 
pital, représentent  un  revenu  annuel  tie  1,800  millions.  — 
Ajoutez  1.200  millions  de  frais  d'Élat,  plus  un  milliard  de 
loyers  et  fermages  non  absorbés  par  l'hypothèque,  et  qui  lot 
ou  lard  mireront  dans  le  système,  et  vous  arrivez  du  pre- 
mier coup  à  un  tribut  de  4  milliards,  que  la  nation  travail- 
leuse doit  prélever  chaque  année  sur  une  production  moyenne 
de  9  milliards,  pour  nourrir,  béatifier  et  défendre  contre 
soi  son  aristocratie.  Nous  avons  aboli  en  89  les  droits  féo- 
daux :  qu'était-ce  à  côté  de  ces  4  milliards?  Évalués  en 
argent,  il  n"y  en  avait  pas  pour  20  millions. 

Le  mouvement  se  poursuit  donc  et  tend  à  se  général is-er, 
englobant  à  leur  tour  la  propriété  funcièie  et  l'industrie 
agricole.  Cela  est  inéviliible  :  et  tel  est  le  principe  supéiicur 
de  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui,  sans  y  rien  comprendre,  la 
Crise, 

Les  causes  de  la  crise,  en  effet,  sont  de  plusieurs  sortes. 

Il  y  en  a  d'accidentelles,  comme  la  dépréciation  de  For, 
les  exportations  de  numéraire  pour  l'armée  d'Orient,  les 
mauvaises  récoltes,  les  inondations,  etc.  Ces  causes  peu- 
vent être  jusqu'à  certain  point  conjurées,  leurs  efTels  ré- 
parés. La  prévoyance  à  cet  égard  sera  d'autant  plus  efHcnce 
que  la  constitution  économique  du  pays  se  rapprochera  da- 
vantage de  l'égalité  mutnellisle ,  de  la  vraie  démociatic. 
Dans  le  cas  contraire,  le  mal  produit  par  les  sinistres  sera  en 
raison  directe  de  la  hiérarchisation  des  fortunes:  et  comme 
chaque  époque,  chaque  année,  chaque  saison  a  sa  part  de 
calamités,  on  peut  dire  que,  dans  une  mesure  plus  ou  moins 
grande,  la  force  majeure  et  ses  coups  imprévus  doivent  être 
imputés  à  la  mauvaise  économie  :  ce  qui  les  fait  rentrer  dans 
la  catégorie  suivante. 

Il  y  a  ensuite  les  causes  organiques  et  constitutionnelles  : 
l**  Exoibitanco  du  cajiilal  engagé  dans  l'outillage  indus- 
triel, nolanim(!nl  dans  les  clicmms  de  fer.  —  Ce  capital,  sans 
doute,  est  Ircs-produclif  pour  les  Compagnies  qui  ont  ob- 
tenu le  privilège  des  exploitations.  Mais,  comme  en  dernière 
analyse  ce  même  capital  n'a  guère  fait  autre  chose  que  sup- 


—  464  — 

planter  d'anciennes  industries,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que 
sa  productivité,  dans  l'inventaire  général  du  pays,  soit  telle 
que  le  donnent  à  entendre  les  cotes  de  la  Bourse  :  il  y  a 
plutôt  déficit.  Ni  le  produit  brut,  ni  le  produit  net  indus- 
triel, en  un  mot,  ne  s'est  accru  depuis  viïigt-cinq  ans  dans 
la  même  proportion  que  le  capital  engagé;  et  comme  le  mou- 
vement ne  s'arrête  pas,  l'appauvrissement  croît  toujours. 

2°  Retour  au  salarial  de  la  population  industrieuse  à 
furet  mesure  du  développement  de  la  société  anonyme,  et 
distribution  de  moins  en  moins  équitable  des  produits.  — 
On  a  vu  dans  llnlrodiiction,  page  6,  que  la  répartition  de  la 
richesse,  de  même  que  le  transport  de  la  richrsse,  est  elle- 
même  richesse.  Tout  ce  qui  tend  à  rendre  celle  léparli- 
lion  moins  universelle  et  moins  égale  est  donc  cause  d'ap- 
pauvrissement, ni  plus  ni  moins  qu'une  entrave  apportée  à 
la  circulation  ,  une  taxe  sur  le  travail ,  un  impôt  sur  le 
produit. 

3°  Défruifement  des  campagnes  par  les  chemins  de  fer, 
au  profit  de  Paris,  des  grandes  villes  et  de  l'étranger,  et  au 
détiiment  des  populations  rurales.  —  Avant  rétablissement 
des  chemins  de  1er,  la  plus  forte  partie  des  produits  agri- 
coles étaient  consommés  sur  place  :  il  en  résultait  sur  tous 
les  points  du  pays,  hors  de  la  sjthère  d'action  des  grandes 
villes,  un  état  de  bon  mar(hé  qui  permettait  aux  classes 
pauvres  de  vivre  du  plus  modique  salaire.  Si  elles  gagnaient 
peu,  elles  dépensaient  peu;  la  condition  était  égale.  Actuel- 
lement l'équilibre  est  rompu  :  le  chemin  de  fer,  en  assurant 
des  prix  plus  élevés  aux  produits  du  sol,  a  créé  la  cherté 
dans  les  camjiagnes.  Le  journalier  ne  peut  plus  subsister  : 
sept  millions  de  travailleurs,  de  tout  âge  et  de  tout  sexe, 
ont  commencé  de  se  mettre  en  marche  pour  aller  demander 
aux  travaux  de  l'État,  aux  entreprises  par  actions,  à  la  do- 
mesticité, à  l'émigration,  une  existence  que  le  pays  natal 
leur  refuse. 

4"  Défaite  de  la  propriété  immobilière  par  la  propriété 
mobilière,  en  autres  termes  de  Ihypothèque  par  l'action. 
—  Elle  résulte  de  l'ensemble  des  faits  industriels  et  finan- 


—  455  — 

ciers  et  n'est  d'ailleurs  contestée  par  personne.  Elle  a  pour 
conséquences  :  la  désertion  du  capital,  qui  se  rejette  vers  la 
coinmandiie  et  les  emprunts  publics;  l'expropriation  des 
propriélaiies  obérés,  qut' pronieltait  de  secourir  et  qu'aban- 
donne à  leur  iufortune  le  Crédit  foncier;  la  recomposition 
des  grands  domaines,  de  ces  funestes  latifundia,  qui  déter- 
minèrent la  chute  de  la  républi(pie  romaine  et  amenèrent 
la  dissolution  de  l'empire;  la  conversion  de  la  production 
céréale  en  production  fourragère,  par  suite  la  décadence  de 
l'agriculture,  et  finalement  la  dépopulation. 

Dira-t-on  que  le  Crédit  foncier,  lorsque  enfin  on  aura 
réussi  à  le  fiiire  fonctionner,  cimngera  la  face  des  choses,  et, 
en  mettant  un  terme  à  l'expropriation,  régénérera  du  même 
coup  l'industrie  agricole?  Il  n'en  est  rien.  L'agriculture 
n'aura  fait  que  changer  sa  fièvre  chaude  contre  une  humeur 
froide,  ainsi  qu'on  va  voir. 

5"  Subalternisation  de  l'agriculture  par  la  finance,  consé- 
quemmcnt ,  dans  un  délai  plus  ou  moins  long,  retour  de  la 
propriété  terrienne  aux  mœurs  féodales.  —  Quand  le  capi- 
tal n'aura  plus  ni  actions,  ni  obligations  industrielles  sur 
lesquelles  il  puisse  s'abattre  et  agioter,  il  acceptera  les  con- 
ditions que  lui  oiTre  en  ce  moment  le  Crédit  foncier;  cela 
est  inévitable.  Qui  empêche  d'ailleurs  le  gouvernement  im- 
périal, par  un  simple  décret,  de  consolider  en  masse  la 
dette  hy|)othécaire,  et  de  transformer  la  multitude  des  créan- 
ciers du  sol  en  porteurs  d'obligations  de  la  Société?  L'idée 
n'est  pas  nouvelle;  et  tôt  ou  tard  il  faudra  bien  que  l'empe- 
reur, dans  l'intérêt  de  sa  popularité»  la  mette  à  exécution. 
Alors  la  propriété  n'est  plus  qu'une  eniphytéose;  un  pas  de 
plus,  et  i'Étal  devient  seul  propriétaire:  le  laboureur,  qui 
n'a  que  son  travail  et  ses  bras  pour  ré[»ondre  des  avances  à 
lui  faites  par  la  grande  Compagnie,  se  trouve  changé  en 
colon  attaché  à  la  glèbe. 

Du  moins  l'exploitation  du  sol  va  recevoir,  par  le  crédit, 
tous  les  développements  dont  elle  est  susceptible?  Autre 
illusion. 

6"  Ap|)auvrissement  continu  du  sol  par  le  système  d'ex- 
ploitation suivi,  système  également  inhérent  à.la  propriété 


—  456  — 

morcelée,  à  la  siizerainclé  financière  et  à  la  concentration 
impériale,  et  qui  ne  nous  paraît  susceptible  d'amendement 
que  sous  la  loi  d'une  démocralie  muluellisle  et  égalitaire. 

Comme  rien  ne  se  fait  de  rien  et  par  rien,  la  science  de 
l'agriculteur,  sur  laquelle  on  a  tant  écrit  de  nos  jours,  se  ré- 
duit, en  dernière  analyse,  à  ces  deux  préceptes: 

o)  Rendre  chaque  année  au  sol ,  en  quantité  et  proportioîi 
égales,  les  éléments  qu'il  a  perdus  par  la  récolle  de  l'année 
précédente; 

b)  Faciliter,  par  les  façons  données  à  la  terre  et  aux  plan- 
tes, rabsor[)l  ion  végétale  de  ces  éléments. 

Doù  vient  la  richesse  des  forets  vierges,  tant  admirée  des 
faiseurs  de  descriptions  romantiques?  De  ce  que,  depuis 
l'origine  du  globe,  la  terre  qui  les  porte  n'a  pas  perdu  un 
atome  de  ses  principes,  et  qu'en  outre  elle  s'est  continuelle- 
ment enrichie  de  ceux  que  lair,  le  soleil ,  la  pluie  et  la  végé- 
tation lui  fournissent. 

Dans  notre  système  d'exploitation  demi-civilisée,  c'est 
juste  le  contraire  qui  a  lieu.  Rien  de  ce  que  produit  la  terre 
n'y  retourne;  tout  est  enlevé,  transporté  au  sein  des  villes 
pour  une  consommalion  qui,  au  point  de  vue  de  l'agricul- 
ture, peut  être  considérée  à  bon  droit  comme  non  reproduc- 
tive. L'absentéisme,  si  fimestc  aux  populations,  altère  la 
constitution  du  sol  lui-même,  Tépuise,  le  dénude.  Que  peu- 
vent, contre  cette  exhausiion  énergique,  les  combinaisons 
de  Tassolement  et  la  chimie  des  engrais'/  retarder  de  q'icl- 
ques  années  une  ruine  inévitable,  comme  les  inventions  de 
la  cuisine  relardent  la  consomption  du  débauché. 

C'est  à  cet  appauvrissement  (lu  sol  qu'il  nous  paraît  ration- 
nel d'attribuer  le  retour  péiiodique  des  mauvaises  récoltes, 
les  maladies  des  végélaux,  et  peul-èire  les  épidémies  venues 
à  la  suite.  Quand  la  nalurc  perd  l'équilibre,  elle  entraîne 
les  populations. 

7"  Augmentation  du  prix  des  loyers,  à  Paris  et  dans  les 
chefs-Heux  de  départements.  —  Elle  est  en  moyenne,  à  Pa- 
ris, depuis  1848,  de  50  0/0.  Ce  sont  60  à  80  millions  dé- 
tournés du  commerce  et  de  l'induslrie,  el  que  se  partagent, 
chaque  année,  12  à  15,000  piopiiclaires.  On  a  attribué  cet 


—  457  — 

enchérisscment  aux  démolitions  exécutées  après  le  coup 
d'État  dans  la  capitale.  Sans  doute  elles  y  ont  conlribuc 
pour  quelque  chose  :  mais  la  cause  piincipale,  organique, 
la  vraie  cause,  est,  avec  le  monopolo  qui  laisse  à  la  merci  de 
15,000  détenteurs  au  plus  Thabilation  de  1,200,000  âmes, 
l'émigration  forcée  des  populations  rurales  qui  se  rejettent 
sur  la  capitale  et  les  grandes  villes.  D'après  le  tableau  ofli- 
ciel  du  recensement,  publié  par  décret  du  20  décembre  1856, 
la  population  du  déparlement  de  la  Seine,  qui  était  en  1851 
de  1,^22,065  habitants,  s'élèverait  aujourd'hui  à  1,727,429. 
L'augmentation,  en  cinq  ans,  a  été  de  305,354.  Le  déparle- 
ment du  Nord,  le  plus  industriel  après  celui  de  la  Seine, 
qui  ne  comptait  en  1851  que  1,058,285  hnbitanls.  en  a  au- 
jourd  hui  1,212,353:  augmentation,  154,068.  Soit  pour  les 
deux  déparlements  de  la  Seine  et  du  Nord,  459,412  habi- 
tants de  plus  qu'à  ravanl-dcrnier  recensement.  Or,  laccrois- 
semcnt  de  population  poiu"  la  totalité  du  pays  n'a  été,  depuis 
cinq  ans,  que  de  257,736,  environ  7  pour  1,000.  En  sorte 
que,  toutes  compensations  faites,  les  deux  départements  du 
Nord  et  de  la  Seine  se  sont  eni  ichis,  aux  dépens  des  84  autres 
départements,  de  422,000  personnes  qui  ont  déserté  la  cam- 
pagne, et  demandent  leur  existence  à  l'agglomération  finan- 
cière, mercantile  et  industrielle.  Est-ce  clair? 

8°  Accroissement  conlinudel'impôt.  — 11  résulte  de  l'ana- 
lyse des  budgets,  et  les  faits  démontrent  que,  depuis  la  fin 
de  la  première  République,  les  dé|)enses  d'État  se  sont  aug- 
mentées progressivement,  aussi  bien  sous  le  gouvernement 
constitutionnel  de  la  Restauration  que  sous  le  régime  mili- 
taire de  l'Empire,  aussi  bien  sous  les  institutions  plus  libé- 
rales encore  de  1830  et  de  1848  que  sous  les  deux  admmis- 
trations  précédentes.  A  cette  heure,  le  budget  des  {lé|)enses 
de  TÉiat  est  d'environ  1,700  millions,  à  peu  près  un  cin- 
quième du  revenu  total  du  pays.  Api  es  avoir  posé  en  prin- 
cipe que  plus  une  nation  paye  pour  ses  frais  d'État,  plus 
elle  est  riche,  nous  eu  sommes  venus  à  présenter  tous  les 
trois  mois  le  chinre  cioiss.uit  des  sommes  encaissées  par  le 
fisc  comme  le  signe  de  la  fxospérité  publique.  I.a  Bourse  est 
entrée  dans  celle  iilée  :  le  boulcreuu  des  recettes  trimes- 

26 


—  458  — 

trielles  ne  manque  jamais  d'être  salué  par  la  hausse.  Con- 
cluons donc  que  la  progression  de  l'impôt  fait  pailie  essen- 
tielle du  système  et  doit  être  rangée  au  nombre  des  causes 
organiques,  chroniques,  de  noire  décadence  sociale. 

9°  Besoin  de  plus  en  plus  grand  de  numéraire  pour  le  ser- 
vice de  Tagiolage.  —  C'est  ici  surtout  cpi'il  faut  voir  jus- 
qu'où va  la  subversion  des  principes  et  des  intelligences. 

11  y  a  trop  de  valeurs,  crie-t-on  de  tous  côtés,  trop  de  ti- 
tres, trop  de  papier  sur  le  m.irclié,  pour  la  somme  d'espèces 
disponibles.  Et  c'est  par  cette  considération  puissante,  c'est 
afin  de  ne  pas  aggraver  la  crise  en  provoquant  de  nouvelles 
émissions  que,  dans  le  Moniteur  du  9  mars  1856,  le  gouver- 
nement annonçait  (jue,  pendant  toute  l'année,  il  n'aciorde- 
rait  aucune  nouvelle  concession,  et  engageait  les  intermé- 
diaires à  ne  pas  négocier  les  valeurs  non  inscrites  au  cours 
officiel.  C'est  pour  suppléer  à  ce  besoin  toujours  croissant 
de  numéraire  crée  par  les  reports  qu'un  praticien ,  M.  Angelo 
Tedesco,  propose  de  mettre  la  renie  en  circulation ,  et  de 
centraliser  les  re|ioits  dans  une  caisse  de  l'État. 

Mais  que  signilient  ces  phrases  cabalistiques  :  llij  a  trop 
de  papier,  la  place  est  écrasée?  Depuis  quand  les  titres  d'ac- 
tion sont-ils  assimilables  au  billet  de  Banque? 

Les  économistes  distinguent ,  selon  la  manière  dont  le 
capital  fonctionne,  deux  sortes  de  capitaux  :  le  capital  enga- 
gé, et  le  capital  circulant. 

Le  capital  engagé,  par  cela  même  qu'il  est  engagé,  n'a  pas 
besoin  d'espèces  qui  le  repiésentent.  Ou  ne  lui  demande  que 
son  produit,  et  [wuv  donner  son  produit,  il  ne  réclame  lui- 
même  que  du  travail. 

11  en  est  autrement  du  capital  circulant,  qui  consiste  en 
matières  premières,  services  et  marchandises  :  sans  cesse  il 
a  besoin  de  se  convertir,  de  se  solder  en  numéraire. 

Or,  les  dettes  de  l'Élnt  sont  du  ca|)ital  engagé,  consommé, 
productif  seulement  d'intérêt,  par  le  moyen  db  l'impôt.  11 
en  est  de  même  des  actions  :  elles  constituent  le  passif  des 
Compagnies,  leur  dette  consolidée,  une  consommation  irré- 
vocable, qui  par  nature  et  destination  ne  |)eut  jibis  donner 
lieu  qu'à  des  produits,  à  du  capital  circulant,  susceptible 


-  459  ~ 

d'échange,  mais  lui-même  inconvertible,  et  par  conséquent 
hors  de  la  sphère  d'action  du  numéraire. 

Les  transfèremenis  auxquels  les  actions  industrielles  et  les 
titres  de  rentes  peuvent  donner  lieu  ne  sauraient,  en  bonne 
économie,  modifier  d'une  manière  sensible  cette  condition 
du  capital  engagé.  Ce  sont  des  propriélés  pour  la  mutation 
desquelles  on  peut  créer  un  bureau,  où  les  espèces  seront 
d'autant  moins  nécessaires  que  les  opérations  se  multiplie- 
ront davantage  :  il  est  contre  tous  les  principes  que  de  telles 
mutations  deviennent  un  embarras  pour  le  i>ays,  une  en- 
trave à  la  production  et  à  la  distribution  de  la  richesse. 

Comment  donc  se  fait-il  (pie  ce  soit  précisément  le  capital 
enpagé  qui  ap|)elle  la  plus  giande  (piantilé  de  numéraire  : 
comme  si  les  immeubU's  pouvaient  être  robjet  d'une  circu- 
lalioii  elTective,  ainsi  que  les  produits;  comme  s'ils  faisaient 
partie  de  la  consommation  courante,  comme  si  c'étaient  des 
subsistances? 

Ah!  c'est  qu'il  ne  suffit  pas  au  capitalisme  moderne  de 
s'assurer,  pour  l'avenir,  par  ses  actions,  l'exploitation  du 
pays.  Il  faut  encore  que,  par  la  transmissibiiité  de  l'action 
et  par  son  escompte  en  numéraire,  il  réalise  dans  le  piésent 
sa  jouissance;  il  faut  de  |)lus  (pi'il  agiote,  qu'il  reporte,  ([u'il 
tripote,  qu'il  joue.  Eu  quoi  la  j)uissance  de  dévoralion  de  la 
Féodalité  nouvelle  est  autant  au-dessus  de  la  force  ab-oi  haute 
de  l'ancienne, que  la  lettre  de  change  est  au-dessus  de  la  pièce 
de  métal.  Voilà  poiuquoi  le  c;ipital  eni;agé  a  tant  besoin  de 
numéraire;  pourquoi  M.  Angelo  Tedesco  propose  de  con- 
vertir la  rente  en  asssiguals;  pouripioi  enfin  le  gouverne- 
ment, afin  d'assurer  la  ciiculaliou  boursière,  s'elîorce  d'en 
retern'r  l'élan  et  d'en  modérer  les  émissions.  L'interdiction 
<lu  9  mars  a  été  levée  le  30  novembre  :  par  permission  de 
Sa  Majesté  l'Empereur  des  Français,  les  Compagnies  de  che- 
mins de  ft-r  poiuroiit  ajoutera  la  somme  de  leurs  obligations 
214  millions  d'obligations  nouvelles.  En  sorte  que  le  gou- 
vernement, qui  se  flatte,  par  des  mesures  de  prévoyance,  de 
dégager  la  [)lace,  eu  réalité  engage  la  place;  il  écrase  le  mar- 
ché sous  cette  accumulation  périodique  de  litres  circulants, 
et  paralyse  le  travail  et  l'échange,  eu  réservant  à  l'agiotage 


—  460  - 

le  numéraire,  instrument  obligé  des  transactions  et  repré- 
sentant indispensable  du  fonds  do  roulement. 

10"  Enfin,  abaissement  du  sens  moral  dans  la  nation,  cor- 
ruption de  la  foi  publique  et  délaissement  du  travail  pro- 
ducleur  pour  la  spéculai  ion  parasite  et  le  jeu.  (^es  causes,  les 
plus  actives  de  toutes,  et  les  moins  signalées  de  la  crise  ac- 
tuelle, ont  été  amplement  développées  dans  cet  ouvrage,  et 
nous  n'y  rc\iendrons  pis.  Qu'il  nous  suffise  dt.^  rappeler  ici 
que  rimmoralilé  baniocralique  et  agioteuse  n'a  commencé 
de  s'affnlier  avec  impudeur  que  du  jour  où  elle  s'est  imagiué 
n'avoir  plus  rien  à  craindre  de  la  Révolution  abattue,  et  que 
le  dernier  soupir  de  la  Ré[)ublique  semble  avoir  éié,  grâce  a 
cette  émancipation  boursière,  le  dernier  soupir  de  la  con- 
scictice  française.  Contre  riiifl(\\ible  solidarité  des  principes, 
que  pomraient  ensuite  les  ctlorts  d'un  gouveinemciit,  même 
vertueux  et  réparateur?  Qui  peccat  in  uno,  dit  l'Évangile, 
faclus  est  omnium  reus.  Nous  avons  manqué  à  la  foi  publi- 
que 5  nous  sommes  fripons  et  misérables  :  c'est  logique  et 
c'est  justice.  De  telles  ruines  ne  se  relèvent  que  par  1  expia- 
tion et  le  temps. 

Telle  est  la  Crise,  invincible  tant  qu'on  ne  l'attaquera  pas 
dans  ses  causes,  et  qui  ne  faiblira  point  ni  pour  une,  ni  pour 
deux,  ni  pour  une  série  de  bonnes  récoltes,  mais  qui  ira 
toujours  grandissant,  comme  le  déplacement  de  capital,  de 
revenu,  de  salaire,  de  consommation  et  de  population,  qu'elle 
représente. 

La  Crise,  en  un  mot,  c'est  la  Féodalité  industrielle  :  ne 
cbercliez  point  ailleurs  la  cause  de  celte  gêne  universelle, 
enilénn'qiie,  incurable. 

Ainsi  la  France  se  remet  elle-même  en  servitude.  Encore 
un  peu  de  temps,  et  nous  serons  revenus,  par  une  courbe 
rentrante,  aux  pures  idées  féodales.  La  croisade  contre-révo- 
lutionnaire sera  terminée,  et  sans  mieux  savoir  aujourd'bui 
ce  que  nous  faisons  que  nous  ne  le  savions  autrefois,  nous 
pourrons  ajouter  un  livre  de  plus  aux  Gesta  Deiper  Francos. 

Démenti  donné  à  la  politique  de  Louis  XI,  de  Richelieu, 
de  Mazarin  ,  de  Colbert ,  de  Law,  de  Turgot  et  de  la  RévO' 


—  461  — 

lution  française,  aux  principes  du  Code  civil  et  de  toutes 
nos  constitutions  ;  amende  honorable,  à  la  noblesse  et  à  l'É- 
glise, des  anli(]ues  injures  commises  contre  les  deux  pre- 
miers oidres  i)ar  le  Tiers  anarchique  et  jaloux  :  telle  nous 
apparaît  la  Féodalité  nouvelle. 

Cependant  l'esprit  révolutionnaire  est  toujours  là  qui 
veille  :  et  de  même  que  la  Féodalité  antique ,  par  cela  même 
qu'elle  froissait  les  droits  du  grand  nombre,  appelait  une 
lévolution  dans  le  sens  de  l'Égalité^  de  même  la  Féodalité 
nouvelle,  subalternisant  le  travail  et, se  résolvant  en  une 
exploitation  cajutaliste  au  profil  d'une  caste  de  parasites, 
ap[)elle  à  son  tour  une  révolution  dans  le  sens  du  partage, 
ce  que  nous  avons  appelé  Liquidafion. 

A  la  Féodalile  indiiUrielle,  en  un  mot,  doit  succéder, 
selon  la  loi  des  antinomies  historiques,  une  Démocratie  ix- 
DLSTRiELLE  :  Cela  résulte  de  l'opposition  dos  termes,  comme 
le  jour  succède  à  la  nuit. 

Mais  quel  sera  l'agent  de  cette  révolution? 

L'histoire  encore  nous  le  révèle.  Entre  l'ancienne  féoda- 
lité et  la  révolution,  il  y  eut,  comme  régime  transitoire,  le 
despotisme.  Entre  la  Féodalité  nouvelle  et  la  liquidation  dé- 
finitive nous  aurions  donc  une  concentration  économique, 
tranchons  le  mot,  un  Empire  industriel. 

Ce  premier  acte  de  la  réaction  du  droit  contre  le  privi- 
lège, réaction  amenée  par  la  nature  des  choses  et  par  la  lo- 
gique de  l'histoire,  n'est  plus  une  prévision  :  il  est  flagrant. 
Nous  venons  d'en  voir  un  échantillon  dans  le  projet  de 
M.  Angelo  Tedesco. 

Du  reste,  nos  lecteurs  comprendront  que  lorsque  nous 
nous  servons  de  ce  mot ,  Empire  industriel.,  pour  désigner 
le  point  culminant  de  l'absorption  capitaliste  et  spécula- 
tive, nous  n'entendons  nullement  accuser  l'intention  du 
pouvoir,  mais  seulement  la  tendance  des  idées  et  des  faits. 
C'est  ce  que  nous  avons  maintenant  à  prouver. 

§  2.  l'empire  industriel  :  apogée  de  la  crise. 

Remontons  de  quelques  années  en  arrière. 
Les  excès  du  mercantilisme  et  de  la  spéculation  \  l'accrois- 

26. 


—   162  — 

scmenl  continu,  et  passé  pour  ainsi  dire  en  nécessité  sociale, 
de  la  dette  publique  et  des  hypothèques;  l'envahissement, 
par  des  Compagnies  privilégiées,  de  la  richesse  minérale, 
des  chemins  de  fer;  la  conslilution  féodale  de  la  grande 
industrie  :  tous  ces  faits  d'une  économie  subversive  qui  si- 
gnalèrent la  dernière  moitié  du  règne  de  Louis-Philippe,  et 
préparèrent  l'élat  de  crise  oi^i  nous  nous  trouvons,  devaient 
naturellement  piovoqiicr  une  protestation  de  la  part  des 
classes  lésées,  et  suggérer  des  projets  de  réforme.  Dès  1830, 
la  discussion  ne  manqua  pas  à  l'œuvre;  la  révolution  de 
février  y  trouva  son  point  d'appui.  Un  moment  on  put  croire 
que  la  République  deviendrait  l'expression  des  idées  qui  agi- 
taient les  masses,  et  qu'après  avoir  condamné  la  bancocratie 
des  dix-huit  dernières  années,  elle  entreprendrait,  par  de 
nouvelles  institutions,  de  créer  un  autre  ordre  de  choses. 

L'attente  générale  fut  trompée,  à  la  grande  satisfaction 
des  intérêts  nantis,  au  grand  désappointement  des  classes, 
en  majorité  immense,  qui  réclamaient  soit  des  garanties, 
soit  une  part  d'héritage.  A  peine  la  République  fut  procla- 
mée, que  ses  chefs  s'empressèrent  de  désavouer  le  [)rincipe 
qui  leur  avait  donné  l'existence  et  qui  seul  pouvait  les  sou- 
tenir. Les  divers  pouvoirs  qui  se  sont  succédé  depuis  le  24 
février  se  sont  préoccupés  uniquement  de  conserver  ,  main- 
tenir, protéger  le  légime  antérieur,  en  protestant  contre 
toute  pensée,  toute  tendance  révolutionnaire.  L'esprit  (jui 
avait  engendré  le  mouvement  de  1848  se  retira  donc  de 
l'arène  ;  la  raison  d'Élat  repoussant  l'initiative  qui  lui  était 
offerte,  l'instinct  populaire  et  la  force  des  choses  se  char- 
gèrent des  réformes. 

Qu'a  produit  jusqu'ici  cette  union  de  l'instinct  et  de  la 
nécessité?  Où  menace-t-elle  de  nous  pousser  encore?  C'est 
ce  que  nous  allons  examiner. 

L'histoire  ne  se  répète  jamais,  nous  le  savons.  Mais  on  ne 
saurait  nier  aussi  (pie  des  situations  analogues  engendrent 
des  péripéties  analogues  :  ici  le  sens  de  l'agitation  moderne 
devient  plus  clair  que  le  jour. 

De  môme  que  le  régime  (pi'ellc  venait  de  détruire,  la  société 
de  89  s'était  impiédiatement  divisée,  par  la  nature  des  rtt» 


—  463  — 

lations  et  des  intérêts,  en  trois  classes  principales,  que  nous 
nommerons  simplement  classe  svpcrieure  ^  classe  wférfcnre 
et  classe  moyenne.  On  peut  dire  même  qi:e  cette  subdivi- 
sion du  Ticrs-Élat,  retenue  du  système  féodal ,  ne  fil  que  se 
continuer  après  la  révolution,  comme  elle  n'a  fait  depuis 
que  se  fortifier  et  s'accroître. 

La  classe  supérieure,  qui  a  remplacé  l'ancienne  noblesse, 
et  qui  en  ambitionne  les  titres  comme  elle  en  affecte  les 
mœurs,  se  compose  de  toutes  les  notabilités  financières,  in- 
dustrielles, commerciales,  agricoles,  scientifiques,  etc.;  des 
administrateurs  de  grandes  Com|»agnies,  en  un  mot  de  tous 
ceux,  quel  que  soit  d'ailleurs  leur  mérite  personnel,  dont  le 
revenu  provient,  pour  la  plus  grande  part,  de  la  prélibation 
capit;ilisle,  du  monopole  des  concessions,  du  privilège  des 
offices,  sinécures,  et  des  arrérages  de  la  ])ropriété.  Ajoutez 
les  fonctioimaires  qui,  dans  l'administration,  le  clergé,  la 
magistrature,  l'armée,  jouissent  d'un  traitement  de  plus 
de  4,000  fr.  On  peut  même  dire  que,  la  constitution  po- 
litique étant  motivée  sur  la  subordination  des  sujets,  et 
ayant  pour  but  principal  de  la  maintenir,  tout  individu  vi- 
vant du  budget  devait  être  rangé  dans  la  première  classe  , 
si  l'extrême  modicité  de  la  solde  ne  forçait  d'en  rejeter  une 
bonne  partie  dans  la  troisième. 

Généralement,  les  citoyens  appartenant  à  la  classe  supé- 
rieure sont  peu  favorables  aux  idées  de  réforme  :  ils  consti- 
tuent, dans  leur  minorité  infime,  le  parti  conservateur  par 
excellence.  Qu'ont-ils  à  gagner  au  mouvement?  Leur  ambi- 
tion ne  va  pas  au  delà  du  maintien,  et,  s'il  se  peut,  de  l'ac- 
croissement de  leurs  renies,  dividendes  ,  traitements,  mo- 
nopoles, sinécures,  pensions,  subventions  et  privilèges. 

Il  n'en  est  pas  de  même  des  deux  autres  classes,  dont  la 
masse  est  à  la  première  à  peu  |>tès  comme  80  est  à  1  (c'est 
exactement  la  [iroportion  des  privilégiés  de  l'ancien  régime). 
Comme  le  revenu  ,  dans  ces  deux  classes,  se  compose,  au 
rebours  de  ce  qui  a  lieu  dans  la  précédente  ,  de  la  vente  ou 
écbange  des  produits  et  services  beaucoup  plus  que  des  re- 
devances du  capital  et  de  la  i)ropriélé  et  des  avantages  des 
emplois  et  privilèges  ,  il  y  a,  cliez  les  individus  de  ces  deujt 


—  464  — 

catégories,  tendance  constante  à  s'affranchir  des  charges, 
toujours  trop  lourdes,  que  font  peser  sur  la  production  et 
la  circululion  le  budget  de  lÉliit ,  Texploitalion  des  grandes 
Cotiipagnies,  le  privilège  des  offices,  liiilérêt  des  capitaux, 
Tescompte  des  banques,  les  loyers  et  fermages  de  la  pro- 
priclé.  Qu'elles  le  sachent  ou  l'ignorent,  les  deux  classes  dont 
nous  parlons  sont  donc,  par  la  nature  de  leurs  intérêts, 
dans  une  disposition  d'esprit  perpétuellement  révolution- 
naire, et  l'expérience  prouve  qu'en  effet  elles  n'ont  jamais 
fait  défaut  aux  révolulious. 

i.a  classe  moyenne ,  sur  laquelle  on  s'était  flatté  jadis 
d'asseoir  le  gouvernement  représentatif,  est  tombée  pro- 
gressivement dans  une  condition  si  préi'aire,  qu'elle  n'af)pa- 
rail  plus  <|ue  comme  une  transition  de  l'opulence  parasite 
au  paupéiisirie ,  de  la  liberté  propriétaire  à  la  servitude  du 
salariat.  La  sentiment  de  celte  déchéance  lui  a  fait  perdre 
toute  foi  aux  combinaisons  politiques;  du  désespoir  elle  a 
passé  à  l'indifférence  :  elle  n'attend,  pour  ramélioralion  de 
son  suri,  pas  plus  de  S(  s  hommes  d'Éiat  que  de  ses  évêques. 
Or,  quand  la  foi  à  Tordre  politique  s'évanouit,  le  jour  n'est 
pas  loin  oîi  l'ordre  politique  doit  se  renouveler  ou  périr: 
c'est  la  loi  des  révolutions. 

Pom^  la  classe  moyenne,  en  effet,  le  ciel  gouvernemental 
est  sans  i)itié.  De  jour  en  jour  l'aggravation  des  charges 
budgétaires,  le  prélèvement  du  caïutal,  l'cxlension  des 
grandes  Compagnies  de  finance,  commerce,  industrie,  tra- 
vaux publics,  écrasant  la  petite  exploitation,  rejette  des 
multitudes  de  citoyens  de  l'exercice  des  professions  libres 
dans  la  snballernilé  des  emplois,  les  met  à  la  merci  de 
l'État  ou  de  la  nouvelle  Féodalité.  Que  peut  à  cela  le  pou- 
voir"/ rien.  Il  faudrait  qu'il  combaitil  son  piopre  principe, 
qu'il  niât  sa  propre  formule  ;  et  puis,  lui-même  n'est-il  pas 
dans  la  dépendance  des  gr.mds  feudatuires  du  eomuierce, 
des  barons  de  la  bouille,  du  fer,  du  coton ,  du  raiiway?... 

Ainsi  grevée  par  ses  hais  d'État,  tributaire  d'une  exploi- 
tation supérieure,  soumise  à  toutes  les  oscillations  bour- 
sières, à  toutes  les  machinations  diplomatiques,  la  classe 
moyenne  se  voit  peu  à  peu  privée  de  toutes  garanties.  La  se- 


—  465  — 

ciiritc  s'en  va,  le  marclic  se  resserre,  le  crédit  se  refuse, 
les  affaires  tombent  dans  une  stagnation  chronique,  conslitu- 
tionnelle,  normale.  An  dedans,  les  masses,  trop  pauvres,  ne 
dépensant  plus  que  pour  leurs  aliments,  n'achètent  pas;  au 
dehors,  Texporlation,  mal  soutenue  par  le  marché  intérieur, 
met  le  fahricant  à  la  merci  de  l'acheteur  étranger.  Insensi- 
blement notre  commerce  international  se  change  en  un  ser- 
vice subalterne.  Qu'importe  alors  que  la  balance  nous  reste 
favorable  si  nos  prix  sont  i'  suflisants?  Vis-à-vis  des  Amé- 
ricains, des  Anglais,  des  Rub-es,  nous  ne  sommes  plus  des 
échangistes,  nous  devenons  de:  salariés.  Nous  n'avons  pas 
môme  le  moyen  d'opérer  le  transport  Jo  nos  produits,  et  ce 
sont  les  flottes  anglaises  et  américaines  qui,  pour  les  neuf 
dixièmes,  viennent  au  Havre  prendre  nos  cargaisons. 

Il  faudrait  donc,  pour  rendre  l'élan  à  ce  monde  de  bouti- 
quiers, de  fabricants,  d'artisans,  de  cultivateurs,  d'entre- 
jireneiirs  de  toute  espèce,  il  faudrait,  disons-nous,  1°  alléger 
le  fardeau  que  lui  imposent  à  la  fois  limpôt,  le  capital  et  lu 
propriété,  les  frais  d'État,  d'escompte,  de  commission  et 
de  loyer;  2°  lui  subordonner  les  grandes  Compagnies,  au 
lien  de  le  subordonner  lui-même  à  elles;  3°  par  dessus  tout, 
condition  sine  gvâ  iwn,  créer  le  marché  intérieur  en  met- 
tant les  classes  travailleuses  à  même  de  se  procurer  les  pro- 
duits dont  la  misère  les  force  de  s'abstenir. 

Tel  est  le  problème  à  résoudre  en  faveur  de  la  classe 
moyenne  :  on  devine,  par  cet  exposé,  que  le  problème  n'est 
autre  que  celui  dont  la  classe  inférieure  réclame  à  son  tour 
la  solution. 

Nous  appelons  classe  inférieure  celle  qui  a  pour  caractère 
non-seulement  le  travail,  qui  distingue  aussi,  et  même  à  un 
degré  supérieur,  la  classe  moyenne,  mais  le  salariat.  Dans 
de  bonnes  conditions,  l'état  de  salarié  peut  être  considéré 
comme  le  plus  avantageux  à  la  liberté  du  cœur  et  de  l'espiit, 
et  jus(]u'à  certain  point  au  bien-être  de  l'intlividu  et  de  la 
famille;  mais  dans  la  condition  généralement  faite  au  tra- 
vailleur par  l'insécurité  du  commerce  et  des  entreprises,  le 
progrès  des  machines,  l'avilissement  de  la  main-d'œuvre  et 
l'abrutissement  du  travail  parcellaire,  le  salarial  est  devenu 


~  466  — 

synonyme  de  servitude  et  de  misère.  Pour  la  classe  salariée, 
la  plus  nombreuse  et  la  plus  pauvre,  d'autant  plus  pauvre 
qu'elle  est  plus  nombreuse,  la  réforme  s'est  de  tout  temps 
réduite  à  ces  trois  termes  : 

Garantie  du  travail; 

Vie  à  bon  marché; 

Instruction  supérieure,  aussi  bien  dans  l'ordre  industriel 
(jue  dans  l'ordre  S(  ienlifi(|ue  et  littéraire,  conséquemmont 
participation  croissante  do  l'ouvrier  aux  avantages  et  préro- 
gatives de  l'entrepreneur,  ce  qui  veut  dire,  fusion  des  classes 
par  l'égalité  des  aptitudes  et  des  moyens. 

Ainsi,  comme  nous  le  faisions  pressentir  tout  à  l'heure, 
le  problème  réformiste,  pour  la  classe  inférieure  et  pour  la 
classe  moyenne,  est  identiquomeul  le  même.  Les  conditions 
de  bien-être  que  demande  la  première  supposent  la  réalisa- 
tion de  celles  que  revendique  la  seconde,  et  réciproquement. 
L'ouvrier  aurait  le  travail  garanti  si  le  houigeois  avait  lui- 
même  la  garantie  du  débourhé  ;  le  consommateur  trouverait 
\d  vie  à  bon  marciié  si  le  producteur  parvenait  à  se  débar- 
rasser du  parasitisme  qui  le  grève  et  l'entrave;  le  salariat, 
condition  la  plus  douce  de  toutes  quand  le  salaire  est  suffi- 
sant, prendrait  sa  pari  des  bénéfices  et  de  la  responsabilité 
de  lentrepreneur,  si  le  salarié  recevait  une  éducation  meil- 
leiu'e,  une  instruction  |)lus  variée  et  plus  forte,  avantage 
dont  il  ne  jouira  que  lorsipie  l'avènement  définitif  delà  classe 
moyenne  aura  fait  disparaître  du  pouvoir  toute  pensée,  tout 
vestige  d'aristocratie  et  de  |)rivilége. 

La  question  est  donc  commune  aux  deux  classes,  et  leurs 
intérêts,  dilférents  à  la  superficie,  sont  au  fond  solidaires. 
Il  n'y  a  véritablement  entre  elles  d'opposition  que  celle  (jui 
résulte  du  contrat  de  louage  d'ouvrage  qui  les  unit;  mais 
cette  opposition  se  rencontre  partout  oîi  il  y  a  vendeur  et 
acheteur,  partout  où  il  existe  distinction  de  [larties,  échange, 
société.  Bien  loin  qu'elle  produise  nécessairement  la  lutte, 
c'est  sur  elle  que  repose  la  société  elle-même. 

Tout  concourant  à  rallier  contre  le  privilège  d'en  haut 
rintelligence  du  milieu  et  les  bras  de  la  plèbe,  on  se  de- 
mande par  quelle  fatalité  ces  deux  grands  corps  ne  parvien- 


—  467  — 

nent  pas  à  s'entendre-,  comment  en  juillet,  plus  tard  en 
février,  de  môme  qu'auparavant  en  89  et  93,  ils  se  sont 
montres  antagoniques;  comment  enfin,  de  même  que  la  lutte 
contre  la  première  féodalité  s'était  résolue,  en  premier  lieu 
dans  une  monarchie  absolue,  puis,  après  89,  dans  un  despo- 
tisme militaire,  de  même  après  la  révolution  de  lévrier  la 
lutte  contre  la  féodalité  nouvelle  vint  aboutir  à  une  restau- 
ration impériale? 

C'est  à  quoi  nous  répondons  :  L'instinct,  qui  n'a  cessé 
jusqu'ici  de  dominer  les  masses,  l'instinct  seul  et  sa  lo}ii(]uc 
terrible  produisent  ces  mécomptes.  Mais  nous  touchons  à  la 
fin.  L'instinct  populaire  n'a  plus  qu'une  partie  à  jouer,  en 
supposant  qu'elle  se  joue  :  après,  le  triomphe  de  la  raison 
moyenne  est  inévitable. 

Ainsi  que  nous  venons  de  l'indiquer,  la  tendance  popu- 
laire, api'ès  avoir  renversé  une  aristocratie,  est  toujours  de  la 
remplacer  par  un  pouvoir  qui  répomle  à  son  idéal  de  force 
et  d'unité.  Le  mépris  du  plébéien  pour  ses  égaux,  sa  hame 
pour  ses  patrons,  son  amour  de  la  puissance  et  du  faste,  l'y 
poussent  également.  Un  empereur,  pour  le  paysan  et  l'ou- 
vrier, est  une  sûreté  contre  le  bourgeois.  Il  ne  le  dit  pas, 
mais  il  le  pense,  et  il  agit  d'a[)rès  celte  pensée  profonde. 

Ainsi  se  détermine  et  se  réalise,  dans  Tordre  politique,  la 
pensée  populaire  :  les  Grecs  nommèrent  cette  réalisation 
tyrannie;  les  Romains,  imper ium,  empire. 

Or,  la  question  est  à  présent  de  savoir  si  la  réalisation  de 
ridée  po[)ulaire,  après  avoir  été  renouvelée  eu  ISôl  et 
1852,  dans  l'ordre  politique,  contre  la  classe  bourgeoise, 
s'étendra,  dans  Tordre  économique,  à  la  féodalité  indus- 
trielle :  en  autres  termes,  si  le  mouvement  déconcentration 
qui  a  absorbé  les  libertés,  s'appliquant  à  une  aristocratie 
d'argent,  de  toutes  la  plus  odieuse,  envahira  le  commerce, 
l'industrie  et  le  sol? 

Cet  envahissement,  s'il  s'accomplit,  sera,  nous  le  répé' 
tons,  le  dernier  acte  de  l'instinct  populaire. 

D'abord,  tout  nous  y  porte  :  l'étal  iutellccluel  du  prolé- 
tariat ;  sa  méfiauce  de  la  classe  moyenne,  qu'il  confond,  dans 
sa  haine,  avec  la  haute  bourgeoisie^  les  diflicultés  de  plus 


—  4ôS  — 

en  plus  inextricables  dans  lesquelles  se  trouve  engagé  le 
gouvernement. 

Le  peuple  n'entend  rien  aux  affaires.  Il  n'a  aucune  idée 
des  principes  de  l'économie,  des  lois  de  l'échange,  du  crédit. 
H  ne  comprend  pas  mieux  la  responsabilité  que  la  tenue  des 
livres  :  dans  tout  cet  organisme  qui  fait  le  sujet  des  médi- 
tations du  siècle,  il  est  plus  disposé  à  voir  un  dédale  où  ses 
intérêts  sont  sacrifiés  à  l'habileté  bourgeoise  qu'un  système 
de  garanties  à  la  fois  égalilaires  et  libérales.  11  trouve  donc 
plus  simple  de  bloquer  tout  en  une  communauté  gouver- 
nementale, que  de  chercher  dans  une  constitution  savante 
l'accord  de  la  liberté  et  du  droit. 

C'est  ce  que  n'ont  cessé  de  lui  prêcher,  depuis  vingt-cinq 
ans,  d'absurdes  ihéleurs;  ce  qu'il  entend  glorifier  tous  les 
jours,  en  politique,  par  la  démocratie  unitaire;  ce  dont  il 
admire  d'ailleurs  le  succès,  dans  les  coalitions,  fusions  et 
exploitations  industrielles  dont  il  porte  le  faideau.  Com- 
ment lui  prouver  qu'un  principe,  si  fécond  pour  le  privilège, 
entre  les  mains  du  travail  et  généralisé,  ne  peut  donner  que 
du  déficit? 
Le  peuple  se  méfie  de  la  classe  moyenne. 
Après  la  révolution  de  juillet,  où  l'on  avait  vu  les  patrons 
servir  de  capitaines  et  les  ouvriers  de  soldats,  il  semblait 
que  les  deux  divisions  du  monde  travailleur  dussent  être 
unies  à  jamais  dans  la  communauté  de  leurs  inléiêts  et  de 
leurs  espérances.  Mais  celle  union  si  belle  fut  bientôt  trom- 
pée, et  un  germe  de  discorde  jeté  dans  le  pays  par  la  poli- 
tique égoïste,  corruptrice  et  déloyale  de  Louis-Philippe  et 
de  son  dernier  ministère.  Deux  journaux,  tous  les  deux  ré- 
publicains, révolutionnaires  tous  les  deux,  exprimèient  cet 
antagonisme  funeste,  le  ISational  et  la  Reforme.  Un  moment, 
en  février,  les  deux  classes,  victorieuses  l'une  par  l'autre, 
parurent  réconciliées  :  mais  bientôt  la  question  du  travail, 
aussi  mal  posée  que  peu  comprise,  vint  les  séparer  en  camps 
hostiles,  et  ajourner  à  des  temps  inconnus  leur  mutuelle 
émancipation. 

Ce  que  la  nécessité  a  voulu  joindre,  dit  le  Sage,  que 
l'homme  ne  cherche  point  à  le  séparer  :  Quod  Dcvs  junxit,. 


—  469  — 

homo  non  separetl  Dès  que,  par  suite  des  fausses  notions 
qui  régnaient  sur  les  conditions  du  travail  et  du  capital,  du 
patronat  et  du  salariat,  du  bénéfice  et  du  bon  marclié,  la 
scission  se  fut  déclarée  entre  les  deux  classes  qui  venaient 
par  leur  union  de  renverser  la  puissance  féodale  qui  les  op- 
primait, la  république  semlda  devenir  ténébreuse,  et  la  ré- 
volution inintelligible.  On  se  demanda  ce  que  signifiait  celte 
dislocation  de  l'ordre  é(;onomique;  ce  que  voulaient  lés  mo- 
dérés de  la  république,  d'accord  avec  les  conservateurs 
dynastiques-,  ce  que  prétendaient  les  radicaux,  soi-disant 
montagnards,  mettant  bors  de  la  démocratie,  sous  prétexte 
de  bourgpoisisme,  Télite  môme  des  démocrates?... 

Le  peuple,  en  baine  de  l'aristocratie,  en  méfiance  de  la 
classe  moyenne,  en  dédain  de  la  Répidîlique  ronge  et  modé- 
rée, a  donc  fait  l'Empire.  Comme  la  plèbe  de  César,  il  attend 
(pie  son  patron  lui  jette  à  dévorer  le  bourgeois.  La  fameuse 
Marianne^  organisée  en  apparence  contre  l'Empire,  n'est 
autre  chose,  au  fond,  qu'une  sommation  à  l'Empire  de  rem- 
plir son  mandat. 

Jusqu'à  présent,  il  est  vrai,  l'Empire  a  tenu  ferme  contre 
la  pression  du  prolétariat  :  il  a  sauvé  la  vieille  société.  Car 
si  l'instinct  de  la  multitude  est  de  faire  un  empereur,  la 
raison  de  l'Empire  est  de  maintenir  de  son  mieux  la  hiérar- 
chie politique  et  sociale. 

Mais  lEmpire  résistera-t-il  toujours?  réussira-t-il  long- 
temps encore  à  tourner  les  diflicultés  de  toute  nature  qui 
•  l'assiègent,  à  donner  le  change  à  sa  destinée,  et  à  tromper 
la  faim  du  monstre? 

En  présence  d'une  dette  publique  consolidée  de  10  mil- 
liards; d'une  dette  hypothécaire  de  8  milliards;  d'une  dette 
industrielle,  capital  engagé  de  la  nouvelle  féodalité,  dont 
l'intérêt  et  le  dividende  sont  à  servir  par  les  travailleurs,  de 
12  milliards-,  —  d'un  budget  ordinaire  de  1,700  millions; 
d'un  arriéré  de  900  millions  ;  d'une  dette  flottante  de 
800  millions;  —  en  présence  d'un  déficit  croissant,  d'une 
cherté  croissante,  d'un  agiotage  croissant,  d'un  monopole 
croissant,  d'une  dissolution  croissante  :  —  devant  cet  épou- 
vantable sommaire  de  lu  situation  politique,  économique  et 

27 


—  470  — 

soriale  du  pays;  devant  colle  annihilation  des  libertés,  des 
croyances  et  des  droits,  dont  la  canse  est  supérienieau  pou- 
voir et  le  domine  lui-même,  il  est  permis  de  croire  que  la 
fatalité  des  choses  sera  plus  puissante  que  la  prudence  des 
hommes,  et  que,  par  l'Empire  ou  malgré  l'Empire,  une 
LIQUIDATION  cst  imminente. 

Napoléon  1",  en  1814  et  1815,  vaincu  par  les  armées 
alliées,  refusa  d'organiser  les  corps  francs  et  d'insurger  les 
masses  :  il  recula  devant  l'anarchie.  11  se  peut  que  Napo- 
léon III,  vaincu  par  la  coalition  des  dettes,  renouvelle  cet 
exemple  de  dévouement  à  l'ordre,  et  recule  à  son  tour  de- 
vant la  banqueioule.  Du  moins  il  n'abdiquera  pas  avant 
d'avoir  épuisé  tous  les  expédients.  Or,  Fensemble  de  ces 
expédients,  (ju'il  est  aisé  de  prévoir,  constitue  précisément 
la  dernière  victoire  du  prolétariat,  de  ce  que  nous  avons 
appelé  le  gouvernement  des  instincts  :  c'est  la  conversion 
progressive  delà  féodalité  indusiricille  en  emi)ire  industriel, 
la  réalisation  du  programme  communiste. 

Comment  croii-e  que  le  gouvernement  laisse  à  des  compa- 
gnies, jusqu'à  fin  de  bail,  les  chemins  de  fer? 

Qu'il  leur  laisse  les  banques,  le  change,  les  assurances,  les 
docks,  les  mines,  les  canaux,  les  salines,  les  armements? 

Qu'il  leur  laisse  la  Bourse  et  les  reports? 

Qu'il  leur  laisse  même  les  forges,  les  gaz,  les  voitures,  et 
tant  d'autres  industries,  formées  en  anonyme,  cotées  à  la 
Bourse,  et  dont  la  pi'ocession  s'allonge,  tous  les  jours,  aux 
dépens  de  la  production  individualiste  et  libre?.... 

Est-ce  que  déjà  la  pensée  de  s'emparer  de  toutes  ces  choses 
ne  lui  est  pas  venue?  Est-ce  qu'elle  ne  remplit  pas  l'almo- 
sphèi'e?  Est-ce  qu'elle  ne  se  produit  pas  à  chaque  instant 
sous  toutes  les  formes  :  tantôt  par  la  loi  sur  la  commandile, 
qui,  poussant  Tindustrie  dans  les  voies  de  l'anonyme,  étend 
sur  elle,  par  cela  même,  la  protection  du  gouvernement; 
tantôt  par  un  règlement  sur  la  boucherie,  la  boulangerie,  le 
commerce  des  grains,  les  tarifs  de  navigation  et  de  che- 
mins de  fer;  tantôt  par  la  centralisation  des  assurances  et 
des  banques?  Est-ce  que,  sous  prétexte  d'utilité  publique, 
les  plus  violentes  attaques  ne  sont  pas  chaque  jour  dirigées 


—  471  — 

contre  la  propriété?  Est-ce  qu'on  ne  soutient  pas  que  si  le 
propriétaire  a  le  droit  d'user,  il  n'a  pas  celui  d'abusé?-?  Est- 
ce  que  le  peuple  de  Paris  n'attend  pas  avec  une  souveraine 
impatience  que  l'empereur,  se  faisant  entrepreneur  de  bâti- 
ments, tranche  d'autorité  la  question  des  loyers?  Et  n'est-il 
pas  au  su  de  tout  le  monde  que  depuis  plusieurs,  termes  la 
police  est  occupée  de  transiger  les  locations  impayées  des 
familles  pauvics,  et  de  louer,  dans  les  divers  quartiers  de 
Paris,  des  maisons  qu'elle  sous-loue  ensuite  aux  ouvriers? 

Or,  le  jour  où  l'Empire  aura  fait  retourner  à  l'État  les 
chemins  de  fer,  où  il  fera  du  juste  prix  dans  l'escompte,  de 
l'égalité  et  de  l'unité  dans  la  circulation  ,  force  lui  sera  d'ap- 
pliquer à  tout  la  réforme,  de  remplacer  les  œuvres  de  la 
philanthropie  par  les  déterminations  d'une  loi  positive,  et 
de  substituer,  sur  toutes  les  parties  de  l'organisme  social, 
son  action  souveraine  à  celle  du  piivilége. 

Mais,  quand  cette  conversion  aura  été  faite,  naturellement 
avec  indemnité,  soit  inscription  de  rentes  égale  à  la  totalité 
des  valeurs  expropriées,  la  situation  sera  plus  pénible  qu'au- 
paravant. D'un  côté,  par  le  règlement  des  indemnités,  les 
charges  se  seront  accrues  ;  de  l'autre,  par  l'abaissement  des 
tarifs  et  l'amélioration  des  salaires  (l'Empire  ne  saurait 
échapper  à  cette  double  condition),  le  revenu  net  sera 
amoindri.  Tout  l'avantage  pour  le  pays  sera  d'avoir  réduit  la 
variété  du  privilège,  qui  dans  ce  moment  ne  permet  pas  d'en 
découvrir  la  loi,  à  un  même  dénominateur.  D'une  part  donc 
le  corps  des  privilégiés,  portant  l'uniforme  doré  de  la  rente; 
de  l'autre,  la  multitude  des  travailleurs  de  l'État,  serfs  du 
grand-livre,  esclaves  de  la  consigne,  inégaux  de  grade  et  de 
salaire,  et  n'ayant  plus,  comme  les  ofliciers  de  l'armée  ac- 
tuelle, qu'une  pensée,  un  intérêt,  la  promotion  et  l'aug- 
mentation de  solde. 

'  Se  figure-t-on  un  antagonisme  plus  atroce,  une  situation 
plus  violente?  Et  croit-on  que,  ramenées  à  une  expression 
aussi  simple,  la  banqueroute  et  l'anarchie  se  fassent  long- 
temps attendre?.... 

Le  gouvernement,  direz -vous,  ne  se  laissera  pas  ainsi 
acculer.  Il  saura  s'arrêter  à  temps  -,  il  a  la  force,  et  ses  res- 
sources sont  inépuisables. 


—  472  — 

Canta ,  recanta  !  C'est  revenir  à  une  position  reconnue 
intenable.  Le  gouvernement  impérial  peut-il  rembourser 
30  milliards  dedetles,  diminuer  (le  moitié  son  budget,  cou- 
vrir son  arriéré;  en  même  temps  |)rocurer  Famélioralion  des 
salaires,  l'abaissement  des  piodiiils,  la  participation  des  ou- 
vriers aux  bénéfices;  rendre  tous  les  paysans  propriétaires, 
assurer  à  chacun  le  travail  et  l'échange,  créer  l'égalité  poli- 
tique et  civile,  fonder  sur  sa  propre  autocratie  la  liberté?... 

Si  oui ,  qu'il  rentrcprenne,  et  nous  sommes  prêts  à  applau- 
dir. Si  non,  qu'on  se  taise;  laissez  agir  le  procureur  géné- 
ral de  la  Révolution. 

§  3.   LA  DÉMOCRATIE  INDUSTRIELLE  :   COMMANDITE   DU   TRAVAIL   PAR 
LE  TRAVAIL,  OU  MUTUALITÉ  UNIVERSELLE;  FIN  DE  LA  CRISE. 

Ce  qui  fait  la  force  de  l'Empire,  c'est  qu'à  l'exception  des 
proscrits  de  la  Montagne,  dont  le  tempérament,  trempé  par 
l'exil,  ne  saurait  plus  s'étonner  de  lien,  il  n'est  dynastie, 
fusion.  Église  ou  République,  qui  osât  se  charger  de  cette 
succession. 

La  première  chose  qu'aurait  à  faire  l'héritier  serait  de 
déclarer  tous  les  payements  siis|)cndus;  puis  de  convoquer, 
au  lieu  de  parlement,  une  assemblée  de  créanciers;  enfin 
d'obtenir  un  concordat.  Pareille  besogne  ne  saurait  aller  à 
un  Bourbon,  à  un  d'Orléans,  voire  même  à  un  Lamartine  ou 
un  général  Cavaignac.  Qui  d'entre  eux  voudrait  revenir  à  ce 
prix?  Ce  serait  pis  que  de  rentrer,  comme  Louis  XVill  (pii 
n'en  pouvait  mais,  dans  les  fourgons  de  l'étranger.  Rien 
qu'un  Syndicat  de  salut  public  ne  serait  de  force  à  se  char- 
ger de  celte  ventilation  :  où  sont  les  Carnot,  les  Cambou, 
les  Prieur,  les  Barrère  dont  on  le  composerait.^... 

Pour  nous,  qu'une  solution  de  cette  espèce  ne  satisferait 
pas,  parce  qu'elle  ne  garantit  rien;  qui  d'ailleurs  ne  nous 
croyons  pas  assez  de  génie  pour  résoudre  des  [)roblèmes  po- 
sés en  termes  contradictoires,  nous  nous  bornerons,  après 
avoir  indiqué  la  marche  de  la  révolution  nouvelle,  à  en  pré- 
senter la  formule  définitive,  d'après  les  symptômes  les  plus 
significatifs  du  temps  actuel. 


—  473  - 

X.    ASSOCIATIONS  OUVRIÈRES. 

La  pensée  qui  d'abord  les  inspira  fut  naïve,  malheureuse- 
mont  illusoire.  On  voulait,  en  alTrancliissant  le  travail  du 
patronat,  faire  jouir  les  ouvriers,  associés  entre  eux  et  de- 
venus maîtres,  des  bénéfices  et  pierogntivcs,  supposés  im- 
menses, jusqu'alors  réservés  aux  chefs  d'établissements.  On 
ignorait  que  dans  la  plupart,  pour  ne  pas  dire  la  presque 
totalité  des  industries  occupant  îles  groupes  de  travailleurs, 
dans  celles-là  surtout  où  l'association  sponlance  pouvait 
parallre  immédiatement  {iralicable,  les  bénéfices,  quand  ils 
existent,  salisf lisants  pour  un  seul,  ne  sont  plus  rien  ré[)ar- 
tis  entre  des  multitudes.  Dans  une  grande  manufacture,  les 
profits  du  maître,  distribués  aux  salariés  qu'il  emploie, 
n'augmentant  pas  de  10  0/0  des  salaires  variant  de  50  c.  à 
1  fr.  50  c,  no  seraient,  à  l'indigence  des  travailleurs,  que 
d'un  faible  soulagement,  il  en  est  ainsi  de  toutes  les  profes- 
sions, considérées  en  masse  :  le  p7'odnit  net  de  l'entiepre- 
neur,  produit  que  l'on  doit  considérer  la  plupart  du  temps 
comme  le  fruit  de  ses  combinaisons  particulières  et  l'indem- 
nité de  SCS  risques,  n'est  pas  ce  qui  cause  la  misère  de  l'ou- 
vrier; ce  n'est  pas  par  conséquent  la  revendication  de  ce 
produit  net  qui  peut  la  guérir.  Dans  les  4  miliards  que  le 
Travail  doit  payer  chaque  année  pour  le  maintien  du  régime 
féodal,  le  produit  net,  perçu  sous  forme  de  dividende  en 
plus  de  l'intérêt,  ne  forme  pas  ICO  millions  :  la  cause  du 
paupérisme,  (pi'on  voulait  atteindre,  n'est  pas  là. 

Les  associations  ouvrières,  fondées  en  haine  du  patronat, 
sur  une  pensée  de  substitution,  ont  pu  bientôt  s'en  con- 
vaincre. D'autres  mécomptes,  fruit  de  l'inexpérience  et  du 
préjugé,  l'entraînement  des  idées  de  centralisation,  de  com- 
munauté, d'hiérarchie,  de  suprématie,  le  parlementage  po- 
litique, ne  tardèrent  pas  à  faire  naître  la  division  et  le  dé- 
couragement. Tous  les  abus  des  sociétés  en  nom  collectif, 
en  commandite  et  anonymes,  furent  exagérés  encore  dans 
ces  compagnies  soi-disant  fraternelles.  On  avait  rêvé  d'acca- 
parer toute  l'industrie,  de  frapper  de  nullité  et  de  mort  les 
entreprises  libres,  de  remplacer,  en  tout  et  pour  tout,  la 


—  474  — 

bourgeoisie  par  le  prolétariat.  Pour  mieux  émanciper  le 
peuple,  on  prétendait  exclure  du  cercle  des  communautés 
ouvrières  ceux  qui  avaient  été  jusque-là  les  représentants 
de  la  liberté  !...  L'erreur  ne  tarda  pas  à  porter  ses  fruits.  De 
plusieurs  centaines  d'associations  ouvrières  qui  existaient  à 
Paris  en  1850  et  1851,  il  reste  à  peine  une  vingtaine,  qui 
n'ont  dû  leur  salut  qu'à  rab<kndon  des  idées  u  topiques  de 
1848  et  à  la  reconnaissance  des  vrais  principes  de  l'écono- 
mie sociale.  Sous  ce  rapport,  ces  Associations  méritent 
d'être  étudiées,  d'autant  plus  que  le  phénomène  de  leur 
existence  révèle  un  élément  positif  de  spéculation  financière 
et  industrielle. 

Le  problème  posé  aux  Associations  ouvrières,  hors  du- 
quel elles  retombent  fatalement  dans  le  limbe  des  confréries 
religieuses,  des  impuissances  philanthropiques,  se  divise  en 
deux  questions  connexes  : 

1.  Existe-t-il  dans  le  concours  des  forces  et  dans  leur 
combinaison  une  virtualité  productive  telle  qu'elle  donne 
lieu  à  des  résultats  financièrement  appréciables;  qu'en  con- 
séquence l'ouvrier  puisse  s'en  servir  pour  la  formation  du 
capital  qui  lui  manque,  et  la  conversion  de  sa  qualité  de 
salarié  en  celle  de  participant? 

Le  travail ,  en  autres  termes,  peut-il  par  lui-même,  comme 
le  capital ,  commanditer  les  entreprises? 

2.  La  propriété  des  entreprises  et  leur  direction,  aiï  lieu 
de  rester,  comme  généralement  elles  ont  été  toujours,  indi- 
viduelles, peuvent-elles  devenir  progressivement  collectives, 
au  point  de  fournir,  d'une  part,  aux  classes  laborieuses,  une 
garantie  d'émancipation  décisive  ;  d'autre  part,  aux  nations 
civilisées,  une  révolution  dans  le  rapport  du  travail  et  du 
capital,  partant  la  substitution  définitive,  dans  l'ordre  poli- 
tique, de  la  .lustice  à  la  raison  d'État? 

De  la  réponse  qui  sera  faite  à  ces  questions  dépend  tout 
l'avenir  des  travailleurs.  Si  celte  réponse  est  affirmative,  un 
monde  nouveau  s'ouvre  à  riiumanitô;  si  elle  est  négative, 
le  prolétaire  peut  se  le  tenir  pour  dit.  Qu'il  se  recommande  à 


--  475  — 

Dieu  et  à  TÉglise;  il  n'y  a  pour  lui,  dans  ce  bas  monde,  point 
despcrance  :  Lasciate  ogni  speranza! 

On  comprend  d'abord  que  le  problème  ne  saurait  recevoir 
sa  solution  d'une  miilliliide  fougueuse,  obéissant  à  ses  seuls 
instincts,  en  qui  une  longue  oppression  a  tué  l'intelligence. 
Il  faut  ici,  pour  initiateurs  immédiats  des  masses  travail- 
leuses, des  hommes  qui,  sortis  de  leur  sein,  aient  reçu  de  la 
civilisation  dont  ils  supportent  le  fardeau  une  somme  de 
connaissances,  et  qui  aient  appris  h  l'écoie  des  exploiteurs  à 
se  passer  deux.  De  tels  iniliatenrs,  ayant  un  pied  dans  la 
civilisation  et  l'autre  dans  la  barbarie,  ne  se  trouvent  qu'en 
petit  nondjre,  môme  chez  les  nations  les  plus  avancées  dans 
l'industrie,  telles  que  la  France  et  l'Angleterre.  Et  ce  qu'il 
y  a  de  pis,  ces  ouvriers  d'élite,  précisément  à  cause  de  leur 
caractère  ambigu,  sont  généralement,  vis-à-vis  de  leurs 
frères  moins  instruits,  les  plus  mal  accueillis,  sinon  les  plus 
mal  disposés  de  tous  les  hommes.  Barbarie  d'un  côté,  or- 
gueil de  l'autre,  il  semble  que  la  classe  ouvrière  conspire, 
par  toutes  ses  catégories,  contre  ses  propres  libertés. 

«  Lorsque,  dit  un  économiste,  les  ouvriers  anglais,  sans  éduca- 
tion, sont  débarrassés  de  la  chaîne  de  fer  dans  laquelle  les  retien- 
nent les  patrons  en  Angleterre^  et  qu'ils  sont  traités  avec  l'urbanité 
et  les  égards  que,  sur  le  continent,  on  a  l'habitude  de  montrer  aux 
ouvriers  les  mieux  élevés,  les  ouvriers  anglais  perdent  tout  <à  fait 
l'équilibre;  ils  ne  comprennent  plus  leur  position,  et  au  bout  d'un 
certain  temps,  ils  deviennent  indisci|)linables  et  inutiles.  Ces  ré- 
sultats se  manifestent  en  Angleterre  même  :  aussitôt  que  l'idée 
d'égalité  entre  dans  la  tète  de  l'ouvrier  anglais  ordinaire,  la  tête 
lui  tourne;  quand  il  cesse  d'être  servile,  il  devient  insolent.  » 
(J.  Stlart  .Mn,L,  Principes  d'Economie  politique,  t.  I,  p.  128.) 

Ce  vice  de  cœur,  qui  n'est  pas  rare  non  plus  chez  l'ouvrier 
français,  et  qui  s'aggrave  encore  ici  d'une  excessive  mobilité 
de  caractère,  constitue  dans  l'état  présent  de  la  société,  où 
le  prolétariat  n'a  rien  à  attendre  que  de  lui-môme,  le  plus 
grand  obstacle  à  son  affranchissement. 

Il  s'agit  donc,  et  toute  la  difficulté  est  là,  de  former  une 
réunion  d'ouvriers  doués  d'iuie  certaine  dose  de  moralité  et 
d'intelligence,  capables  de  concevoir  les  lois  de  l'économie 


—  476  — 

sociale,  ayant  la  ferme  volonté  de  les  snivre,  sans  y  mêler 
rien  des  fantaisies  et  hallucinations  de  l'époque^  il  s'agit,  en 
ini  mot,  ponr  la  question  que  nous.venons  de  poser,  de  former, 
non  pas  une  masse  de  capitaux,  mais  un  fonds  d'hommes. 

Les  inilialeurs  trouvés,  reste  à  grouper  autour  de  chacun 
d'eux  un  nombre  d'ouvriers,  ou  pour  mieux  dire  de  collabo- 
rateurs, destinés  à  devenir,  en  ciiaque  catégorie  du  travail, 
une  société  modèle,  un  véritable  embryon  palingénésiaque. 

C'est  de  ce  groupe  que  nous  demandons  s'il  possède  en 
soi  une  force  particulière  de  production. 

Le  Travail,  avons-nous  dit  dans  notre  Lntroduction,  est 
une  force  productrice,  la  première  de  toutes  et  la  plus  puis- 
sante; le  Capital  en  est  une  autre;  le  Commerce  une  autre; 
la  Spéculation  encore  une  autre.  On  peut  ajouter  à  cette  liste 
la  Propriété^  le  Crédit^  la  Coticnrrence,  etc.  Tout  ce  qui  est 
action  ou  principe  d'action  en  Économie  est  force  produc- 
trice. Cela  posé,  le  Groupement  des  travailleurs,  abstraction 
faite  du  travail  de  chacun  d'eux,  et  du  Capital  qui  les  exploite 
et  qu'ils  servent,  est-il  aussi,  comme  la  Division  du  travail^ 
une  force?  Cetle  force  peut-elle  suppléer  le  capital,  et  se 
passer  de  sa  protection'!' 

Les  faits,  plus  éloquents  dans  leur  spontanéité  que  les 
théories,  vont  répondre. 

Nous  avons  visité  les  Sociétés  ouvrières.  Nous  nous  som- 
mes procuré  le  relevé  de  leur  situation  depuis  leur  origine 
jusqu'au  31  décembre  1853,  puis  de  1853  jusqu'en  1856; 
nous  avons  étudié  leur  discipline  intérieure  et  les  princijjes, 
plus  ou  moins  clairement  exprimés  dans  leurs  actes,  qui  les 
régissent  toutes.  Nous  croyons  faiie  plaisir  au  public  en  pu- 
bliant les  détails  qu'on  va  lire  sur  le  mouvement  de  trans- 
formation qui  se  prépare  dans  l'économie  industrielle,  en 
dehors  des  formules  du  Code  et  des  prévisions  de  la  juris- 
prudence. 

Les  bases  sur  lesquelles  sont  constituées-toutes  ces  Asso- 
ciations sont  les  suivantes  : 

1.  FacuKé  illimitée  d'admettre  sans  cesse  de  nouveaux  associés 
ou  adhérents;  conséquemment,  perpétuité  et  multiplication  à  Tin- 
lini  des  compagnies  et  caractère  universaliste  de  leur  constitution. 


—  477  — 

2.  Formation  progressive  du  capital  par  lo  travail;  en  autres 
termes,  commandite  du  travail  par  le  travail,  soit  que  les  ouvriers 
fabriquent  eux-mêmes,  les  uns  pour  les  autres,  selon  leurs  spécia- 
lités, les  outils  et  meubles  dont  ils  ont  respectivement  besoin,  soit 
au  moyen  de  prélèvements  sur  le  prix  des  ventes  et  services,  ou 
de  retenues  mensuelles  sur  les  salaires. 

3.  Participation  de  tous  les  associés  à  la  direction  de  l'entreprise 
et  aux  bénélices,  dans  les  limites  et  proportions  déterminées  par 
l'acte  social. 

4.  Travail  aux  pièces,  et  salaire  proportionnel. 

ri.  Rocrulement  incessant  de  la  Société  parmi  les  ouvriers  qu'elle 
emploie  en  qualité  d'auxiliaires. 

G.  Caisse  de  retraite  et  de  secours,  formée  par  une  retenue  sur 
les  salaires  et  les  bénéfices. 

A  CCS  conditions  fondamentales  ,  qu'on  peut  regarder 
comme  la  loi  commune  des  Associations,  il  conviendra 
bientôt  d'ajouter  les  suivantes,  qui,  ainsi  que  nous  l'avons 
fait  remarquer  à  plusieurs,  sont  le  complément  nécessaire 
du  système. 

7.  t:ducation  progressive  des  apprentis. 

8.  Garantie  mutuelle  de  travail,  c'est-à-dire  de  fourniture  et 
consommation,  ainsi  que  de  bon  marché  entre  les  diverses 
Associations. 

9.  Publicité  des  écritures. 

Telle  est,  dans  son  essence,  VOrf/aniqvf  des  Sociétés  ou- 
vrières :  nous  laissons  de  côté  les  détails  de  pratique  particu- 
liers à  chacune  d'elles.  Bien  entendu  d'ailleurs  que  les  prin- 
cipes que  nous  venons  d'exprimer  ne  sont  pas  écrits  dans  les 
actes,  dûment  authentiques,  des  Associations.  Ni  la  perpé- 
tuité, ni  l'universalité  ,  ni  la  déclaration  d'absence  d'un 
capital,  ni  la  participation  de  travailleurs  commanditaires  à 
l'administration  ainsi  qu'aux  bénéfices,  ni  le  mutuellisme  des 
Associations,  ne  seraient  tolérés  par  notre  législation  com- 
merciale et  par  les  tribunaux  chargés  d'en  donner  l'interpré- 
tation. Les  nouveaux  sociétaires  ont  dû  se  conformer  à  la 
pratique  judiciaire  reçue-,  mais  ce  qu'il  ne  leur  est  pas  per- 
mis de  dire,  ils  le  sous-eutendent  et  ils  agissent  en  consé- 

27. 


—  478  — 

quencc.  Voyons  ce  que  ces  hommes,  sans  conseils  et  sans 
ressources,  ont  tiré  de  là,  ce  qu'ils  peuvent  en  tirer  encore. 

Il  nous  est  impossible  d'entrer  ici,  comme  nous  l'avions 
fait  à  la  seconde  édition  de  ce  Manuel,  dans  le  détail  des 
opérations  et  des  inventaires  de  chaque  Société. 

Qu'il  nous  suffise  de  rappeler  et  de  dire  que  le  fonds  so- 
cial, dans  toutes  ces  Compagnies,  a  commencé,  comme  celui 
de  la  civilisation,  par  zéro;  qu'en  quelques  années  ce  fonds 
s'est  élevé,  selon  l'importance  de  l'industrie  et  le  nombre 
des  associés  à  20,000,30,000,  50,000  et  80,000  fr.;  que,  de- 
puis 1853,  ce  progrès  s'est  soutenu  5  qu'au  fonds  social  les 
Compagnies  ajoutent  aujourd'hui  une  caisse  de  réserve  et  de 
secours,  formée  par  un  prélèvement  sur  les  bénéfices;  que 
toute  idée  de  communisme  est  aujourd'hui  abandonnée,  et 
l'égalité  du  bien-être  soumise  à  l'égalité  ou  équivalence  des 
services,  ayant  pour  point  d'appui  l'égalité  des  garanties. 

Du  reste,  les  ouvriers  sont  persuadés  que  la  fortune  des 
Associations  est  bien  moins  dans  leur  extension  que  dans 
leur  mutualité  :  l'expérience  leur  a  appris  que  l'Association, 
si  libérale  qu'on  la  fasse,  si  dégagée  de  toute  sujétion  person- 
nelle, de  toute  solidarité  domestique,  de  toute  exploitation 
administrative  qu'on  la  suppose,  exige  encore  une  certaine 
éducation  des  sujets.  On  ne  naît  point  associé,  nous  disait 
l'un  d'eux;  on  le  devient.  N'est-ce  pas  la  traduction  du  mot 
fameux  :'  Homo  homini  lupus,  aut  deus'i 

Société  des  Bijoutiers  en  doré,  rue  Notre-Dame-de- 
Nazareth,  8.  —  Fondée  en  1834,  avec  un  capital  de  moins 
de  200  fr.  — 8  associés,  12  auxiliaires;  chiffre  d'aflaires  en 
1856  :  200,000  fr,,  produit  net  :  41,000  fr. 

Société  des  Menuisiers  en  fauteuils,  rue  de  Charonne,  5. 
—  Personnel  de  la  Société  en  1853  :  QO  associés  et  autant 
d'auxiliaires.—  Capital  :  81,123  fr.  12c. 

Depuis  1853,  les  ventes  et  bénéfices  de  cette  Société  ont 
été  toujours  croissants.  On  nous  assure  qu'à  cette  heure  son 
actif  net  n'est  pas  moindre  de  200,000  fr.  Elle  est  assez  riche 
pour  olfrir  à  im  gérant  dont  elle  ne  veut  plus  une  pension 
de  1,500  fr.  à  titre  d'indemnité.  C'est  plus  que  l'État  ne 
donne  à  un  capitaine,  après  30  ans  de  service. 


—  479  — 

Société  des  Maçons,  rue  Sainl-Victor,  155.  —  Personnel 
au  1'^''  novembre  185G  :  87  associés  ouvriers,  8  associés  capi- 
talistes (ce  sont  des  maîtres  carriers,  fournisseurs  de  plâtre 
et  de  briques,  un  médecin  et  un  ingénieur  :  on  voit  ici 
apparaître  le  principe  de  la  mutualité  industrielle);  250  à 
300  auxiliaires. 

L'apport  de  rliaque  associé  a  été  porté  à  2,000  fr.,  soit 
174,000  fr.  de  fonds  social.  Le  nialériel  de  la  Société  suffit 
pour  exécuter  un  million  et  demi  de  travaux.  Le  dividende 
de  1855  a  produit  aux  associés  capitalistes  13  fr.  33  c.  0/0. 
Le  dividende  de  1856  sera  plus  foi  t. 

D'après  Vliidicaleiir  du  bâtiment,  la  Compagnie  des  ma- 
çons est,  de  toutes  les  Associations  ouvrières,  celle  qui  a  le 
plus  de  travaux  et  de  commandes. 

Société  des  Ouvriers  en  limes,  rue  Pbelipeaux,  20,  passage 
de  la  Marmite. — Personnel,  19  sociétaires,  21  auxiliaires. 

—  Capital  au  30  juin  1856  :  29,086  fr.  35  c.  —  Chiffre  d"af- 
feiires  pendant  Tannée  1855  :  69,054  fr.  35  c. 

Lors  de  la  constitution  de  la  Société,  en  1848,  l'État  avait 
avancé  aux  fondateurs  une  somme  de  10,000  fr.  Ce  prêt  a 
été  intégralement  remboursé  le  4  septembre  dernier. 

Société  des  Ouvriers  en  chaises,  rue  Amelot,  70.  —  Ré- 
duite à  4  associés  ,  em|)loyanl  à  cette  heure  25  auxiliaires. 

—  Capital  au  31  décembre  1855  :  6,826  fr.  15  c.  —Chiffre 
d'affaires  pendant  Tannée  :  72,915  fr.  15  c. 

Société  des  Menuisiers  en  voitures,  faubourg  Saint-Ho- 
noré,  233.  —  16  associés,  24  auxiliaires.  —  Capital  au 
31  décembre  1855  :  7,400  fr.  —  Chiffre  d'aff^aires  :  75,000  fr. 

—  Bénéfices  :  23,230  fr. 

Société  des  Lanterniers  pour  voitures,  rue  de  la  Pépinière. 

—  14  sociétaires,  30  auxiliaires. — Capital  au  30  juin  1856: 
28,000  fr.—  Chiffre  d'alfaires  en  1855  :  60,000  fr.  Les  béné- 
fices permettent  de  porter  l'apport  de  chaque  associé  de  2  à 
3,000  fr. 

Société  des  Tourneurs  en  chaises,  rue  Popincourt,  32.  — 
Celte  Société  se  fait  remanjuer  par  un  grand  mouvement  de 
persoiniel.  Depuis  1848,  147  ouvriers  y  sont  entrés,  102  en 


—  480  — 

sont  sortis,  emportant  chacun  leur  part  du  fonds  social.  Ac- 
tuellement le  personnel  se  compose  de  45  sociétaires ,  70  à 
80  auxiliaires.  —  Capital  au  31  décembre  :  64,932  fr.  53  c. 

—  Chiffre  d'affaires  :  153,159  fr.  80  c. 

Société  dps  Forwier.«^  rue  du  Cadran,  12. — Personnel,  26. 

—  Capital  versé  :  8,000  fr. 

Société  des  Lvnettiers,  rue  Saint-Martin,  250.  —  25  so- 
ciétaires ,  75  auxiliaires.  — Ca[)ilal  au  31  décembre  1855  : 
28,000  fr.  —  Chiffre  d'affaires  :  92,000  fr. 

Société  des  Peintres  en  laque,  rue  Albouy,  9.  —  11  socié- 
taires ,  16  auxiliaires.  —  Capital  au  31  décembre  1855: 
2,500  fr.  —  Chiffre  d'affaires  :  46,600  fr. 

Société  des  Graveurs,  rue  des  Vieux- Augustins,  58. — 
2  associés,  20  auxiliaires.  —  Avoir,  espèces  et  outils,  800  fr.; 
numéraire  et  marchandises,  30,000  fr.  — Chiffre  d'affaires 
en  1855  :  40,000  fr.  Cette  petite  Société  se  fait  remarquer 
par  son  esprit  de  fraternité  envers  ses  auxiliaires. 

Société  des  Facteurs  de  pianos,  rue  du  Faubourg-Saint- 
Denis,  162.  —  24  sociétaires,  13  auxiliaires. — Avoir  social, 
matériel  et  marchandises  :  91,000  fr. 

Société  des  Facteurs  de  pianos,  rue  Saint-Martin,  122.  — 
10  associés  ,  15  auxiliaires.  —  Capital  :  20,238  fr.  96  c.  — 
Chiffre  d'affaires  en  1855  :  60,621  fr.  70  c.  ;  au  25  novembre 
1856  :  59,442  fr.  Cette  Société  a  obtenu  une  mention  hono- 
rable. 

Société  des  Ébénistes  en  meubles,  rue  Saint-Pierre-Amelot, 
ci-devant  rue  de  Charonne,  5,  —  18  associés,  65  auxiUaires, 

—  Capital  au  31  décembre  1855  :  132,963  Ir.  88  c,  sur  tpioi 
ily  a  à  rembourser  75,000  fr.  prêtés  par  l'État.  —  Le  chiffre 
d'affaires  en  1855  a  été  de  200,000  fr. 

Société  des  Brossiers,  rue  du  Petit-Hurleur.— Les  associés 
sont  au  nombre  de  4  ,  de  23  qu'ils  étaient  en  1849.  —  Le 
capital  ou  avoir  net  social  est  aujourd'hui  de  5,600  fr.  — 
Chiffre  d'affaires  en  1855  :  28,000  fr. 

Société  des  Ferblantiers,  rue  de  Bondy,  70.  —  Le  personnel 
de  cette  Compagnie  a  éprouvé,  depuis  sa  fondation  eu  1848, 


—  481  — 

de  grandes  et  brusques  oscillations.  Tour  à  tour  de  216,  puis 
de  57  ,  plus  tard  de  326  ,  le  nombre  des  sociétaires  est  au- 
jourdliui  de  37,  employant  de  6  à  8  auxiliaires.  —  Capital 
au  31  décembre  1855  :  74,000  fr.  —  Moulant  des  ventes, 
213,000  fr.  (1). 

Il  existait  naguère  encore  d'autres  Associations  ouvrières, 
paveurs,  boulangers,  cuilleriers,  cbapeliers,  etc.  Nous  ne 
savons  ce  qu'elles  sont  devenues. 

Toutes,  du  reste,  ontélé  criblées  par  l'adversité,  le  manque 
de  travail  et  la  misère,  travaillées  par  le  parlementage,  la 
discorde,  les  rivalités,  les  défections,  les  traliisons;  toutes 
ont  payé  le  tribut  de  l'inexpérience,  du  cbarlatanisme,  de 
l'engouement,  de  la  mauvaise  foi.  Il  faut  du  temps  à  l'esprit 
humain  pour  définir  ses  principes;  et  tant  qu'ils  ne  sont 
pas  définis,  la  conscience  est  livrée  au  trouble  et  à  l'ini- 
quité. Quelques  Associations  ont  vu  leius  gérants,  une  fois 
initiés  aux  alfaires,  se  retirer  pour  s'établir  à  leur  compte 
en  patrons  et  bourgeois;  ailleurs,  ce  sont  les  associés  qui, 
dès  le  premier  inventaire,  ont  réclamé  le  partage  des  pro- 
duits, et  sout  partis  avec  leur  légitime.  Tant  il  est  vrai  que 
les  longues  pensées  répugnent  au  prolétaiie  moderne  au- 
tant qu'à  l'esclave  antique  ,  et  que  la  tâche  la  plus  difficile 
des  Associations  n'est  pas  de  se  constituer  et  de  vivre,  c'est 
de  civiliser  les  associés.  De  semblables  détails,  intéressants, 
surtout  au  point  de  vue  psychologique  ,  pour  l'histoire  des 
Associations  ouvrières,  ne  pouvaient  trouver  place  dans  ce 
Mcniiiel^  où  il  ne  peut  être  question  ,  tout  au  plus,  que  de 
constater,  d'a|)rès  les  résultats  financiers,  la  puissance  éco- 
nomique de  ces  Sociétés. 

Piésumons-nous  maintenant  et  concluons. 

Les  Associations  ouvrières  sont   les  foyers  de  produc- 

(1)  Nous  devons  les  détails  qu'on  vient  de  lire  à  rot)lî|;eancR  de  M.  Cii. 
Beslay,  aneien  rcprésenlaiit  du  peuple,  à  qui  ses  relalions  quoUdienncs 
avec  les  A^isociulions  ((et'uieUent  d'en  eoiiiiaili'e  parfaitement  la  situation 
personnelle  el  financière,  ttqui  nous  en  gaianlil  l'exaclilude.  Au  surplus, 
et  nous  l'avons  éprouvé  nous-mêmes,  les  ouvriers  associés  ne  font  nulle 
difTicullé  de  donner  aux  personnes  qui  les  visitent  tous  les  renseignements 
désirables. 


—  482  — 
tion,  nouveau  principe,  nouveau  modèle,  qui  doivent  rem- 
placer les  Sociétés  anonymes  actuelles  ,  où  l'on  ne  sait  qui 
est  le  plus  indignement  exploité  ,  du  travailleur  ou  de  l'ac- 
tionnaire. 

Le  principe  qui  y  a  prévalu,  à  la  place  du  salariat  et  de 
la  maîti  ise,  et  après  un  essai  passager  du  communisme,  est 
la  participation,  c'est-à-dire  la  mutualité  des  services,  venant 
compléter  la  force  de  division  et  la  force  de  collectivité. 

Il  y  a  mutualité,  en  effet,  quand,  dans  une  industrie, 
tous  les  travailleurs,  au  lieu  de  travailler  pour  un  entrepre- 
neur qui  les  paye  et  garde  leur  produit,  sont  censés  travail- 
ler les  uns  pour  les  autres,  et  concourent  ainsi  à  un  produit 
commun  dont  ils  partagent  le  bénéfice. 

Or,  étendez  aux  Associations  travailleuses  prises  pour 
unités,  le  principe  de  mutualité  qui  unit  les  ouvriers  de 
chaque  groupe,  et  vous  aurez  créé  une  forme  de  civilisation 
qui,  à  tous  les  points  de  vue,  politique,  économique,  esthé- 
tique ,  différera  totalement  des  civilisations  antérieures; 
qui  ne  pourra  plusredevenir  ni  féodale  ni  impériale  ;  qui,  avec 
toutes  les  garanties  possibles  de  liberté,  avec  une  publicité 
loyale,  avec  un  système  impénétrable  d'assurances  contrôle 
vol,  la  fraude,  la  concussion  ,  le  parasitisme,  le  népotisme, 
l'accaparement,  l'agiotage,  la  hausse  factice  des  loyers,  des 
subsistances,  des  transports,  du  crédit;  contre  la  surpro- 
duction, la  stagnation,  les  engorgements,  le  chômage,  la 
maladie,  la  misère,  ne  donnant  rien  à  la  charité,  vous  offrira 
partout  et  toujours  le  droit. 

Là,  plus  de  réalisations  anticipées,  de  chasse  à  la  prime, 
de  subventions  à  partager  entre  les  ministres,  les  entremet- 
teurs, les  solliciteurs,  les  fondateurs,  les  administrateurs; 
plus  de  pots-de-vin  payés  par  les  fournisseurs  à  des  gérants 
infidèles;  plus  de  coups  de  Bourse,  de  cumuls,  de  latifun- 
dia. 1^'inégalité  des  conditions  et  des  fortunes  a  disparu  , 
ramenée  qu'elle  est  à  son  expression  élémentaire  ,  qui  con- 
siste dans  la  différence  jetée  par  l'aveugle  nature  entre  le 
travailleur  et  le  travailleur  ,  did'érence  que  l'éducation,  la 
division  du  travail,  etc.,  doivent  réduire  indéliniinent. 

La  probité,  l'honneur,  les  mœurs,  ont  fui  le  monde  bour- 


—  483  — 

geois,  comme  avant  la  Révolution  ils  avaient  fui  le  monde 
féodal.  Ils  ne  se  retrouveront  que  là. 

Sans  doute  il  y  a  loin  de  la  réunion  en  Sociétés  de  quel- 
ques centaines  d'ouvriers,  à  la  reconstitution  économique 
d'une  nation  de  36  millions  d'âmes.  Aussi  n'attendons-nous 
pas  une  telle  réforme  de  la  seule  expansion  de  ces  Sociétés. 
Ce  qui  importe,  c'est  que  l'idée  marche,  qu'elle  se  démontre 
par  l'expérience;  c'est  que  la  loi  se  pose  dans  la  pratique 
comme  dans  la  théorie. 

Déjà  nous  savons  qu'à  l'étranger  l'exemple  donné  parmi 
nous  porte  ses  fruits  :  les  corporations  d'ouvriers  en  Angle- 
terre ont  décidé  qu'à  l'avenir,  au  lieu  de  dépenser  leurs 
fonds  en  grèves  inutiles,  elles  les  emploieraient  à  créer  des 
Compagnies  à  l'inslar  des  Sociétés  parisiennes.  Vienne  la 
secousse  finale,  cette  inévitable  liquidation  prédite  depuis 
plus  de  huit  ans  :  il  sera  plus  aisé  d'organiser  sur  toute  la 
face  du  pays  le  travail,  qu'il  ne  l'a  été  depuis  1848  de  for- 
mer à  Paris  les  vingt  premiers  groupes  de  travailleurs. 

II.    ASSOCIATIONS   POTTR    LA  CONSOMMATIOK. 

Ces  sociétés,  telles  que  la  Ménagère^  ont  pour  but  de  ré- 
soudre le  problème  spécial  des  rapports  d'industrie  à  indus- 
trie, conséquemment  d'Association  à  Association.  Elles  sont 
dues  surtout  à  l'initiative  bourgeoise.  Leur  existence  prouve 
que  si,  en  1848  comme  toujours,  l'instinct  populaire  a  saisi 
les  idées  dans  leur  synthèse,  la  raison  moyenne,  plus  exer- 
cée, s'est  attachée  tout  d'abord,  et  avec  une  remarquable 
prestesse  d'intelligence,  au  nœud  de  la  question. 

Outre  que  l'administration  intérieure  de  ces  Sociétés,  pu- 
rementcommercialcs,  ne  présentait  pas  les  mêmes  difficultés 
que  celle  des  Associations  ouvrièies,  elles  avaient  le  pré- 
cieux mérite,  à  une  époque  d'agitation  révolutionnaire, 
d'apparaitre  comme  une  conciliation  des  intérêts.  C'était  mi 
pas  vers  cette  fusion  du  patronat  et  du  salariat,  dénoncée 
par  les  utopistes  comme  une  trahison  envers  le  peuple,  et 
un  instant  mise  au  ban  de  la  démocratie  j)ar  les  radicaux. 

La  combinaison  dont  il  s'agit  était  moins,  en  efl'et,  une 


—  484  — 

Société  qu'une  coalition,  par  laquelle  un  certain  nombre  de 
consommateurs,  garantissant  à  une  maison  de  commerce  une 
clientèle  sûre  et  un  débouché  constant,  exigeaient  en  retour 
une  remise  sur  le  prix  courant  des  produits.  Les  bénéfices 
du  commerce,  plus  considérables,  à  cause  des  chances 
aléatoires,  que  ceux  de  Tinduslrie  proprement  dite,  permet- 
taient une  réduction  sensible  et  une  amélioration  correspon- 
dante dans  la  position  des  consommateurs.  La  conséquence, 
plus  ou  moins  prochaine,  de  semblables  établissements,  eût 
été  de  garantir  peu  à  peu,  à  chaque  acheteur,  et  par  le  fait 
de  sa  consommation,  le  travail  dont  il  avait  besoin,  de  la 
même  manière  que  lui-même  garantissait  le  débouché  aux 
marchands.  Toute  consommation  suppose  production  :  ces 
deux  termes  sont  corrélatifs  et  adéquats. 

Il  y  avait  donc  là,  selon  nous,  matière  à  d'heureuses  spé- 
culations :  malheureusement  elles  dépassent  la  portée  ordi- 
naire des  travailleurs,  dont  rindocilité  est  si  difficile  àvaincre, 
et  n'oflVent  pas  aux  bourgeois  des  avantages  assez  immédiats, 
pour  qu'ils  se  résignent  aux  efforts,  aux  avances,  et  peut-être 
aux  sacrifices,  que  dans  les  commencements  elles  exigent. 
Cependant  les  Sociétés  pour  la  consommation  avaient  com- 
mencé de  se  multiplier  dans  les  chefs-lieux  de  départements, 
grâce  à  la  commandite  de  quelques  bourgeois,  qui  firent  ainsi 
don  à  leurs  concitoyens  de  boulangeries,  boucheries,  épice- 
ries sociétaires.  Plusieurs  ont  été  fermées  par  la  police,  à 
la  suite  du  2  décembre  :  nous  ne  saurions  dire  où  en  est 
aujourd'hui  ce  mouvement. 

III.    CITÉS    OUVRIÈRES,    XOGEMENTS   A   BON  MARCHÉ. 

Nous  lisons  dans  une  brochure,  publiée  par  M.  Victor 
Calland,  auteur  du  projet  des  Palais  de  familles  ; 

«  La  même  réforme  économique,  dit  M.  Emile  de  Girardin,  qui 
par  la  voie  de  l'association  s'est  accomplie  dans  les  voies  de  com- 
munication et  de  transport,  doit  se  réaliser  dans  les  habitations 
humaines...  Cette  réforme  est  inévitable  :  elle  contient  toute  une 
révolution.  » 

S'il  fallait  s'en  tenir  à  cette  annonce,  elle  n'aurait  à  nos 


yeux  rien  de  bien  rassurant.  La  réforme  opérée  par  les  Com- 
pagnies de  chemins  de  fer  n'a  abouti  qu'au  monopole.  C'est 
une  contlscalion  de  l'industrie  des  transports  au  profit 
d'une  poignée  de  capitalistes,  et  qui  appelle,  sous  peu,  une 
révolution  dans  le  sens  de  la  démocratie  et  de  la  mutualité. 
Jusqu'à  ce  qu'une  liquidation  de  ce  monstrueux  monopole 
ait  alTranchi  tout  à  la  fois  et  les  salariés  qui  le  servent,  et  le 
public  qui  lui  paye  ses  dividendes,  la  voie  ferrée,  loin  de 
contribuer  au  bien-être  général,  n'aura  fait  qu'accélérer  la 
spoliation,  aggraver  la  servitude. 

D'après  cette  observation,  on  comprendra  que  ce  que  nous 
attendons  pour  les  logements  est  tout  autre  chose  que  ce 
qu'à  prévu  M.  de  Girardin.  Ici,  comme  là,  OEil  pour  œil, 
dent  pour  dent;  en  autres  termes,  service  pour  service,  prix 
pour  prix.  Nous  demandons,  en  lui  mot,  que  dans  une  cité 
aussi  grosse  que  Paris,  l'habitation  soit  ôtée  à  l'arbitraire 
des  propriétaires,  et  le  loyer  fixé  au  prix  de  revient. 

Le  prix  de  revient,  en  fait  d'habitation,  se  compose  de 
ces  trois  éléments  :  Impôt,  frais  d'entretien  ,  amortisse- 
ment. Dans  les  deux  derniers  se  trouve  le  bénéfice  de  l'en- 
trepreneur. 

L'idée  de  réduire  les  loyers  au  prix  de  revient  de  l'habita- 
tion se  trouve  au  fond  de  tous  les  projets  de  Cités  ouvrières, 
pati'onées  et  subventionnées  par  le  gouvernement.  Mais  nul 
animal  ne  peut  manquer  à  sa  nature.  Le  gouvernement,  qui 
croyait  faire  de  la  philanthropie,  n"a  réussi  qu'à  faire  naître 
la  spéculation  :  les  Cités  ouvrières  peuvent  être  citées  comme 
un  échantillon  de  l'Empire  industriel. 

Par  décret  des  22  janvier  et  20  mars  1852,  le  gouverne- 
ment a  affecté  une  somme  de  10  millions  de  francs  à  l'amé- 
lioration des  logements  des  ouvriers  dans  les  grandes  villes 
manufacturières.  Créée  dès  1850,  la  Cité  ISapoléon  a  reçu 
en  conséquence  une  subvention  de  200,000  fr.  Elle  contient 
194  logements, 'elle  est  habitée  actuellement  par  500  per- 
sonnes. Son  revenu  net  est  de  26,447  fr. 

Dégagée  des  réclames  philanthropiques,  et  ramenée  à  sa 
signitication  technique,  bon  marché  des  logements  pour  les 
locataires,  dividende  pour  les  actionnaires,  la  Cité  ouvrière 


—  486  — 

spmble  ne  devoir  jamais  manquer  d'habitants,  pas  plus  que 
d'entrepreneurs.  Comptant  sur  une  population  fidèle,  elle 
pourrait  donc,  tout  en  réservant  aux  fondateurs  un  revenu 
suffisant,  olTrir  à  prix  réduits  des  logements,  des  lavoirs,  des 
bains,  des  asiles.  C'est  une  manière  d'industrialiser  la  pro- 
priété bâtie,  qui  s'accorde  merveilleusement  avec  les  nou- 
velles institutions  de  crédit,  et  tend  de  plus  en  plus  à  ra- 
mener l'économie  sociale  à  un  principe  unique,  l'échange. 

Les  ouvriers,  à  tort  ou  à  raison,  précisément  peut-être 
parce  que  l'initiative  venait  d'en  haut,  ne  se  sont  point  mon- 
trés partisans  empressés  de  ce  système.  L'idée  de  les  par- 
quer dans  des  quartiers  à  part  révèle  une  pensée  de  mé- 
fiance et  de  caste,  qui  laisse  subsister  le  schisme,  et  jure 
avec  les  instincts  de  liberté  et  d'égalité.  Joignez  à  cela  une 
grille  se  fermant  à  heure  fixe,  comme  dans  une  geôle,  et 
donnant  à  Finslitution  certain  cachet  de  police!...  et  l'on 
comprendra  le  peu  de  faveur  avec  laquelle  la  Cité  ouvrière 
a  été  accueillie. 

Pourquoi,  si  l'on  avait  vraiment  la  volonté  de  procurer 
aux  ouvriers  des  logements  à  bas  prix,  au  lieu  de  Cités  ou- 
vrières, ne  pas  baser  la  spéculation,  l'institution  si  l'on 
veut,  sur  l'achat  de  maisons  particulières,  disséminées  dans 
tous  les  quartiers  de  la  capitale,  et  qui,  convenablement 
aménagées,  restaurées,  eussent  amené  et  maintenu  la  baisse 
des  loyers,  en  faisant  partout  concurrence  aux  propriétaires? 
Pourquoi,  si  l'on  lient  si  fort  à  protéger  l'industrie  du  bâ- 
timent ,  ne  pas  charger  de  la  construction  des  Cités  des 
Compagnies  d'ouvriers  maçons,  jdâtricrs,  ce  qui  eiit  été 
favoriser  à  la  fois  les  ouvriers  dans  leur  habitation  et  dans 
leur  travail,  et  faire  coup  double?  Pourquoi  ne  pas  admettre 
aux  bénéfices  de  la  combinaison,  les  fabricants,  les  bouti- 
quiers, les  rentiers  eux-mêmes  et  les  propriétaires,  qui  pres- 
que jamais  n'habitent  leurs  maisons,  aussi  bien  que  les  gens 
du  peuple?  Est-ce  que  l'épicier,  la  modiste,  le  marchand 
de  vin,  le  commerçant  en  étoffes,  n'ont  pas,  autant  au 
moins  que  l'ouvrier,  besoin  de  logements,  ateliers,  et  maga- 
sins à  bon  marché?...  Toute  réforme  doit  être  générale  et 
n'exclure  personne  :  c'est  éterniser  la  servitude  et  consa- 


—  487  — 

crer  le  privilège,  que  de  créer  des  asiles,  des  crèches,  des 
hôpitaux,  des  écoles,  qui  ne  regardent  que  les  pauvres. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'idée,  toute  de  charité,  d'améliorer  le 
logement  des  ouvriers,  et  la  promesse  d'une  subvention  du 
gouvernement,  ont  fait  naître  à  Paris  et  dans  quelques  autres 
villes  un  certain  nombre  de  Compagnies  dont  il  est  utile  de 
connaître  les  opérations.  Nous  les  trouvons  résumées  dans 
un  rapport  du  ministre  de  lintérieur  du  5  avril  1854,  et  un 
article  du  Moniteur  du  27  du  même  mois. 

Compagnie  Pereirc  frères.  Construction  de  Cités  ou- 
vrières à  la  Chapelle,  Batignolles,  jusqu'à  concurrence  de 
4,550,000  fr.,  dont  un  tiers  fourni  par  le  gouvernement.  — 
Prix  moyen  des  logements,  225  fr.  pour  30  mètres  carrés 
de  superficie. 

Compagnie  Heckeren  et  Kennard.  Construction  de  loge- 
ments, jusqu'à  concurrence  de  4,140,000  fr.,  dont  un  tiers 
subventionné  par  le  gouvernement.  Mêmes  conditions  de 
prix  que  dans  la  Compagnie  précédente. 

Compagnie  Puteanx  frères.  Construction  de  maisons  à 
Mazas,  Batignolles  et  Grenelle.  Subvention  du  gouverne- 
ment. Prix  moyen  des  logements,  200  à  225  fr. 

Compagnie  Blartin  et  Muller.  Construction  de  110  mai- 
sons entre  les  rues  de  Reuilly  et  Picpus,  avec  subvention  du 
gouvernement.  Prix  moyen,  365  fr.  En  ajoutant  50  cent, 
par  jour,  soit  par  an  182  fr.  50  c,  l'ouvrier,  au  bout  de 
18  ans,  deviendra  propriétaire. 

Compagnie  Carabin.  Construction  de  182  maisons,  entre 
les  avenues  de  Ségur  et  Lowendal.  Ces  maisons  sont  desti- 
nées à  devenir  la  propriété  des  locataires,  moyennant  paye- 
ment de  10  annuités,  de  470  à  550  fr.  —  Subvention  du 
gouvernement. 

Toutes  ces  Compagnies,  —  un  employé  de  la  Préfecture, 
chargé  de  la  distribution  des  secours  aux  familles  pauvres  ex- 
pulsées par  les  propriétaires,  nous  l'avouait  lui-même,  —  se 
réduisent,  sous  une  apparence  philanthropique,  à  des  spé- 


—  488  — 

culations  plus  ou  moins  usuraires,  ainsi  qu'il  est  facile  de 
s'en  convaincre  d'ailleurs  paf  la  discussion  des  projets. 

Compagnie  Dol/fus,  à  MnlJiouse.  Construction  de  plus  de 
300  maisons.  Prix  moyen  du  loyer,  120  fr.  —  Subvention 
du  gouvernement. 

Compar/nie  Montricher,  à  Marseille.  Construclion  d'une 
Cité,  comprenant  145  chambres  garnies,  avec  jardin,  bains, 
lavoir,  restaurant,  école,  etc.  Subvention  du  gouvernement. 

Compagnie  Scrive  frères ,  à  Lille.  Construction  de  234 
maisons  sur  le  territoire  de  Marcq-en-Barœul,  avec  subven- 
tion du  gouvernement.  Louée  sur  le  pied  de  4  0/0. 

Sur  les  10  millions  de  crédit  accordés  par  l'État,  4  millions 
et  demi  environ  avaient  été  distribués  en  subventions  au 
mois  d'avril  1854.  Depuis  celle  époque,  nous  n'avons  pu 
suivre  le  mouvement  de  Tinslilution.  Mais  il  est  clair  que 
c'est  l.à  de  la  philanthropie  en  pure  perle,  et  que  10  millions  ' 
distribués  par  le  gouvernenifnt  à  des  spéculateurs  pour 
construire  un  millier  et  demi  de  petites  maisons,  qu'ils 
louent  ensuite  à  raison  de  7  fr.  50  par  mèlre  carré  de  loge- 
ment, ou  revendent  avec  bénéfice,  ne  feront  pas  plus  pour 
l'amélioration  du  sort  des  ouvriers,  que  les  distributions  de 
soupe  et  de  viande  <à  5  centimes  la  portion.  Aussi  la  cherté 
des  loyers,  depuis  1854,  n'en  a-t-elle  pas  moins  été  toujours 
croissante,  les  expidsions  de  plus  en  plus  fiéquenles,  les 
transactions  entre  la  police  et  les  |)ropriétaires  impitoyables, 
pour  le  compte  des  pan  vies  funilles,  de  [ilus  en  plus  oné- 
reuses :  ce  qui  n"enq)cche  pas  les  faiseurs  de  projets  d'aller 
leur  train,  l/anonialie  de  la  situation  est  telle  que  devant 
cette  forclusion  des  classes  travailleuses,  on  en  est  venu  à 
proposer  de  bâtir  un  Paris  ouvrier  dans  la  plaine  d'Issy, 
l'ancien  Paris  demeurant  réservé  à  la  bourgeoisie,  aux  étran- 
gers, à  la  Bourse  et  aux  casernes. 

La  fatalité  pousse  lEmpiie,  qui  hésite,  et  semble  crier  à 
ses  [)lci)éicns,  ses  vrais  commanditaires  :  Oserni-je?  —  Ose. 


—  489  — 

IV.    SOCIÉTÉS    D'ÉCHANGE. 

Celles-ci  ont  pris  la  cliose  de  plus  haut;  et  si  ce  n'est 
encore  dans  rexcciition,  du  moins  quant  à  l'idée,  elles  ont, 
à  notre  avis,  louché  le  but.  Les  services  qu'un  vaste  syslème 
de  crédit,  circulation  et  escompte,  est  appelé  à  rendre  con- 
sistent moins  dans  la  réduction  des  frais  de  commission  que 
dans  la  création  du  débouché  Ini-nième  et  la  destruction  des 
orjj^anes  parasites  qui  l'obstruent. 

En  dernier  analyse,  que  le  commerce  se  fasse  avec  du 
numéraire  ou  avec  du  papier,  le  travail  se  paye  par  du  tra- 
vail. Tout  individu  muni  d'un  état  est  donc  solvable.  Cepen- 
dant les  tailleurs  n'ont  point  de  chaussures,  ni  les  cordon- 
niers d'habils  :  d'où  vient  cela?  Évidemment,  ce  n'est  pas 
faute  aux  uns  et  aux  autres  de  savoir  produire,  pas  plus  que 
de  vouloir  acquérir  :  le  mal  n'existe  ni  dans  l'organisation 
du  travail,  ni  dans  l'organisatiou  de  la  consommation.  Il  est 
tout  entier  dans  la  difficulté  de  l'échange. 

Sous  la  pression  du  besoin  et  l'inspiration  d'une  idée  si 
simple  sont  nés  des  projets  de  réforme  innomb/'ables,  qui 
tous  ont  pour  but  d'organiser  entre  les  producteurs,  sans 
distinction  de  qualité  ni  de  fortune,  l'échange  diiect,  c'est- 
à-dire,  soit  de  supprimer  dans  le  commerce  l'emploi  de  la 
monnaie,  soit  au  moins  de  suppléer  à  l'insuffisance  de  sa 
fonction.  Nos  mains  sont  pleines  de  prospectus.  Nous  nous 
bornerons  à  en  rapporter  les  titres  : 

Boformr  monétaire,  de  M.  Mazel,  opérant  au  moyen  de 
bons  d'échange; 

Comptoir  (Véchanf/e  et  de  covimission,  qui  doit  joindre 
aux  opérations  de  banque  ordinaire  les  avances  sur  marchan- 
dises, les  crédits  à  découvert  sur  caution,  et  l'émission  de 
bons  à  viîo  sur  les  producteurs  qui  consentiront  à  les  rece- 
voir en  échange  de  leurs  produits; 

Société  gniérale  de  crédit  privé,  qui  se  propose  d'émettre 
des  obligations  à  long  terme  ; 

Monnaie  auxiliaire  (d'Esclée  et  C"=)  ; 


—  490  — 

Banque  de  compensation^  qui  propose  de  faire  le  com- 
merce à  l'aide  des  comptes  courants  ^ 

Banque  d'échange  de  Paris  (M.  Lachâtre)  -, 

Banque  communale  d'Arbanaiz,  du  même  5 

Comptoir  général  d'escompte  (Chartron  et  C'^),  à  Lyon  ; 

Monétisation  universelle,  Lerouge  et  C'%  rue  des  Fossés- 
du-Temple,  34. 

Toutes  ces  conceptions  sont  hautement  compréhensi- 
ves  (1);  elles  n'ont  rien  de  ce  particularisme,  de  cet  esprit 
fantaisiste  et  exclusif  qui  déshonora  les  inspirations  popu- 
laires de  1848.  Elles  sont  universelles,  synthétiques  et  fé- 
condes, comme  leur  principe,  l'échange.  Devant  l'échange, 
plus  de  classes,  plus  d'acception  de  personnes,  tous  sont 
égaux  :  l'égalité  est  l'essence  de  l'échange.  Avec  lui,  le  para- 
sitisme devient  impossihle.  Pour  anéantir  le  privilège,  il 
suffit  de  demander  au  privilégié  :  Qu'apportez-vous  à  l'é- 
change? oîi  est  le  produit,  le  service,  la  valeur,  en  retour  de 
quoi  vous  réclamez  une  pension,  une  sinécure?... 

Nous  ne  pouvons  pas  dire  qu'aucune  de  ces  institutions 
fonctionne  :  en  matière  de  crédit,  d'échange,  d'escompte,  il 
n'y  a  que  deux  bases  d'opération,  hors  desquelles  pas  d'af- 
faires :  le  numéraire ,  ou  le  concours  des  volontés,  deux 
choses  aussi  difticiles  à  réunir  l'une  que  l'autre. 

Mais  il  est  clair  que  ce  que  tout  le  monde  a  conçu,  et  que 
nul  en  i)articulier  ne  peut  exécuter,  tout  le  monde  le  peut 
faire,  de.  même  que  tout  le  monde  a  fait  la  Banque  de 
France,  le  Crédit  mobilier,  le  Chemin  de  fer.  Il  ne  s'agit 
pour  cela  que  d'une  simple  manifestation  de  l'opinion.  Que 
le  pouvoir  en  prenne  l'initiative,  et  le  pays  applaudira.  C'est 
le  cas  de  répéter  le  refrain  de  la  ballade  :  Oserai-je? — Ose. 

§  A.    AMORTISSEMENT   GÉNÉRAL  :  CONCLUSION. 

Nous  avons,  dans  le  cours  de  ces  considérations,  prononcé 

(1)  Voir,  sur  ces  sociétés.  De  la  Réforme  des  Banques,  par  M.  Alfred 
Daritnon.  Paris,  Guillaumin,  l'i,  rue  Richelieu. 


—  491  — 

des  paroles  sinistres  :  Liquidation,  Banqueroute,  Révolution, 
sous  rimprcssion  desquelles  nous  ne  voulons  pas  laisser  nos 
lecteurs. 

Certes,  nous  croyons  à  une  transformation  radicale  de  la 
société,  dans  le  sens  de  la  Liberté,  de  l'Égalité  des  personnes, 
de  la  Confédération  des  peuples  :  mais  nous  ne  la  voulons 
ni  violente,  ni  spoliatrice.  Il  s'agit  donc  de  trouver  les  voies 
et  inoycns  :  c'est  par  là  que  nous  terminerons  ce  Manuel. 

En  donnant  ainsi  notre  dernier  mot,  nous  n'entendons 
préjuger  en  rien  les  événements.  Nous  n'avons  pas  mission 
de  prévenir  la  lutte;  placé  à  la  queue  des  partis,  nous 
avons  moins  que  personne  la  puissance  de  l'empêcher.  Notre 
seul  but,  en  concluant,  est  de  décliner  toute  responsabilité 
dans  une  catastrophe,  dont  il  n'aura  pas  tenu  à  nous  que 
chacun  n'ait  eu  la  prévision. 

De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  une  chose  résulte  claire 
comme  le  jour,  irréfragable  comme  la  nécessité  :  c'est  que  le 
travail  ayant  trouvé  le  secret  de  se  commanditer  lui-même, 
trouvant  en  lui-même  sa  puissance  de  circulation  et  son 
débouché,  n'a  plus  que  faire  du  crédit  des  privilégiés,  de  la 
direction  d'une  aristocratie,  du  protectorat  d'un  empe- 
reur ou  d'un  roi.  Il  répugne  à  ce  système  de  restriction  et 
de  prélibations,  qui  trouva  jadis  sa  raison  d'être  dans  la 
barbarie  des  masses,  dans  leur  résistance  au  travail,  et  les 
nécessités  d'une  initiation  imposée  de  vive  force. 

Maintenant  le  travail  est  revendiqué  universellement 
comme  le  plus  précieux  des  biens,  comme  le  premier  des 
droits  de  l'homme.  Autrefois,  quand  l'humanité,  h  peine 
dégrossie,  refusait  le  service,  le  travail  avait  i)our  repré- 
sentant, qui?  le  maître.  H  y  avait  une  sorte  de  justice  que 
le  produit  tout  entier  lui  appartînt.  Aujourd'hui  les  rôles 
sont  changés  :  le  vrai  représentant  du  travail  est  le  travail- 
leur-; le  spéculateur,  le  capitaliste,  le  propriétaire,  le  com- 
merçant, l'entrepreneur,  n'en  est  le  plus  souvent  que  le 
ténia.  Un  changement  de  régime  est  nécessaire. 

Ce  qui  fait  la  base  de  toute  entreprise  industrielle,  de 
toute  spéculation  mercantile  ou  financière,  c'est  la  division 
du  travail,  le  groupe  ouvrier,  la  solidarité  de  la  production 


—  492  — 

et  de  la  consommation,  toutes  choses  qui  indiquent  une 
action  ou  fonction  coUeclive.  Que  la  collectivité  acquière 
donc  la  conscience  d'elle-même  ,  et  au  lieu  de  servir  à  l'ex- 
ploitation individuelle,  elle  ne  voudra  plus  produire  que  pour 
soi;  alors  les  institutions  de  Crédit,  les  services  publics,  les 
corporations  ouvrières,  au  lieu  d'agir  au  profit  de  quelques- 
uns,  travailleront  pour  tous;  et  la  propriété  comme  l'État 
sera  révolutionnée... 

Qu'est-ce  qu'un  chemin  de  fer,  par  exemple?  Une  indus- 
trie servie  par  un  groupe  de  travailleurs  de  divers  grades  et 
espèces  :  hommes  d'équijjc,  mécaniciens,  chauffeurs,  terras- 
siers, maçons,  graisseurs,  surveillants,  comptables,  etc. 

Qu'est-ce  qu'une  mine,  une  forge,  une  verrerie,  une  fabri- 
que de  gaz  ou  de  produits  chimiques,  un  service  d'omnibus, 
une  entreprise  de  navigation?  — Autant  d'industries  diffé- 
rentes, servies  par  des  groupes  spéciaux  d'ouvriers  et  d'em- 
ployés. 

11  en  est  ainsi  de  la  Banque  de  France  et  autres  institu- 
tions de  crédit  ;  des  docks  ,  des  ports  et  de  tous  les  établis- 
sements servant  à  la  réception,  à  l'entrepôt,  au  chargement 
et  au  déchargement  des  marchandises  :  toujours  des  services 
rendus  par  des  groupes  d'hommes. 

Un  entre[)reneur  a  calculé  qu'il  y  avait  en  France  6,000 
ponts  à  construire  :  quel  labeur,  avec  l'entretien  de  ceux  qui 
existent!  A  Rome  autrefois,  etdans  lavieilleÉtrurie,ilyavait 
une  corporation  dite  des  constructeurs  de  ponts,  pontifices, 
une  vaste  confrérie,  une  franc-maçonnerie  pontificale.  Alors 
le  travail  n'étant  pas  émancipé,  la  Société  des  pontif(3s  for- 
mait une  corporation  privilégiée,  consacrée  par  la  religion. 
Qui  empêcherait  chez  nous  d'en  faire  une  Compagnie  ou- 
vrière, comme  celles  des  maçons  et  des  paveurs? 

Le  nombre  des  chaudières  à  vapeur  était,  en  1852,  de 
7,779,  représentant  une  force  de  216,456  chevaux -vapeur. 
Or,  toute  machine  est  comme  une  pièce  d'artillerie,  ayant 
pour  résultat  non-seulement  de  remplacer  le  travail  humain, 
mais  de  se  faire  à  elle-même,  des  ouvriers  qu'elle  supplée, 
autant  de  servants.  La  machine,  en  un  mot,  est  l'expression 
matérielle  du  groupe  travailleur.  Rendre  l'ouvrier  co-pro- 


—  403  — 

priétaire  de  l'engin  industriel  et  participant  de  ses  béné- 
fices, an  lieu  de  l'y  enchaîner  comme  esclave  ;  qui  oserait 
nier  que  telle  ne  soit  la  tendance  du  siècle? 

11  n'est  partout  question  que  de  drainer  le  sol ,  de  reboi- 
ser les  cimes,  d'égouller  les  marais.  M.  H.  Peut  propose  de 
rendre  à  la  culture  le  delta  du  Riiône,  une  conquête  de 
150,000  hectares,  pouvant  donner  un  produit  net  de  45  mil- 
lions de  francs,  et  assurer  le  bien-être  de  10,000  familles. 
C'est  toute  une  population  de  défricheurs,  dessécheurs,  irri- 
gateurs,  reboiseuis,  à  créer.  Se  ligure-t-on  que  ces  innom- 
brables tribus,  dont  la  construction  des  chemins  de  fer  a 
déjà  commencé  sur  une  vaste  échelle  le  développement, 
aussitôt  la  terre  mise  en  valeur,  soient  expulsées  du  sol  con- 
quis par  leurs  mains  ,  comme  les  highlanders  l'ont  été  de 
leurs  montagnes?... 

Il  serait  absurde  de  s'imaginer  qu'avec  l'esprit  des  socié- 
tés modernes,  avec  le  tempérament  que  la  révolution  fran- 
çaise, le  progrès  des  sciences,  des  arts  et  de  Findustrie,  la 
rapidité  des  communications  internationales,  ont  refait  au 
prolétariat  et  développent  tous  les  jours,  ces  gigantesques 
travaux  puissent  s'entreprendre  et  se  mener  à  fin  ,  sans  qu'il 
en  résulte,  sinon  l'émancipation  complète,  au  moins  une 
élévation  notable  des  classes  ouvrières.  La  spéculation , 
occupée  à  réaliser  ses  primes;  le  gouvernement,  absorbé 
par  les  soins  de  sa  conservation,  n'y  réfléchissent  pas.  Mais 
depuis  quand  les  révolutions  attendent-elles,  poiu'  s'accom- 
plir, les  prévisions  des  hommes?  Qu'on  ne  s'y  trompe  pas  : 
l'organisme  industriel,  dctruil  en  89,  n'a  disparu  que  pour 
faire  place  à  un  autre,  plus  profond,  plus  large,  dégagé  de 
tout  privilège  et  retrempé  dans  la  liberté  et  l'égalité  popu- 
laire. Ce  n'est  pas  une  vaine  ihétorique  qui  le  déclare,  c'est 
la  nécessité  économique  et  sociale.  Le  moment  approche  oîi 
nous  ne  pourrons  plus  marcher  qu'à  ces  conditions  nouvelles. 
Jadis,  gouvernement,  capital,  propriété,  science,  jusqu'au 
travail,  tout  était  caste;  maintenant  tout  tend  à  devenir 
peuple... 

Les  mines  de  combustible,  actuellement  concédées,  sont 
au  nombre  de  400  et  tant;  presque  toutes  sont  en  comman- 

28 


—  494  — 

dite,  et  toutes,  constituées  par  le  titre  de  leur  concession  en 
monopole,  tendent  à  se  coaliser  et  à  surfaire  leurs  produits. 
A  Lyon,  le  prix  du  combustible  a  presque  doublé.  Est-ce  là 
ce  que  se  proposait  l'auteur  de  la  loi  de  1810,  quand  il  disait, 
à  propos  des  concessions  minières,  qu'il  voulait  créer  une 
propriété  nouvelle,  une  propriété  dans  laquelle  l'usage  se- 
rait enfin  séparé  de  l'abus?... 

La  plupart  des  usines  à  gaz  sont  en  Sociétés  par  actions. 

Les  usines  métallurgiques,  les  filatures,  les  ateliers  de 
construction ,  la  meunerie,  exploitées  par  les  particuliers  ou 
par  des  Sociétés  en  nom  collectif  entre  quelques  capita- 
listes, suivent  Tentraînement  général  et  émettent  aussi  des 
actions. 

Les  assurances,  dont  nous  avons  cité  une  quarantaine,  se 
comptent  par  centaines  :  la  plupart,  sinon  la  totalité,  sont 
anonymes. 

Les  maisons  de  banque  particulières  sont  toutes  sous  une 
raison  sociale,  servant,  pour  ainsi  dire,  de  nom  propre  à 
leur  commandite. 

Il  y  a  des  Compagnies  et  des  fusions  de  Compagnies  pour 
le  roulage,  la  batellerie  et  la  navigation  ; 

Des  Compagnies  pour  le  commerce  en  gros  et  le  com- 
merce de  détail. 

Il  s'en  forme  actuellement  pour  la  construction  des  mai- 
sons. L'immeuble,  ce  qu'il  y  a  de  plus  antipathique  à  la 
mobilisation,  se  met  en  commandite. 

L'agriculture  aura  son  tour  :  une  Société,  le  Cheptel,  pour 
la  commandite  des  bestiaux,  se  forme,  dit-on  ,  au  capital  de 
100  millions...  On  attribue  en  "{lartie  à  ses  opérations  ren- 
chérissement de  la  viande.  C'est  tout  simple  :  elle  ne  tra- 
vaille que  pour  ses  actionnaires.  Mais  cela  ne  prouve  pas 
l'inutilité  de  la  combinaison.  —  Le  gouvernement  a  ouvert 
un  crédit  de  200  millions  pour  le  drainage.  Et  sans  épuiser 
la  liste  des  faits  nouveaux,  et  pour  ne  parler  que  de  ce  qu'il 
y  a  de  plus  ancien  sur  la  terre,  qu'est-ce  au  fond  que  la  com- 
mune rurale?  Un  groupe  de  laboureurs. 

Est-il  possible  d'admettre  que  ce  mouvement  sociétaire, 
résultat,  non  des  théories  utopistes,  mais  des  nécessités  éco- 


—  495  — 

nomiques,  et  qui  envahit  toutes  les  branches  de  la  produc- 
tion, demeure  éternellement  fermé  à  l'ouvrier?  que  V action 
ne  soit  accessible  qu'à  l'écu ,  et  que  le  travail ,  par  essence 
et  destination,  repousse  à  tout  jamais  la  commandite  du 
travail?  Devons-nous  croire  que  la  société  du  commerce,  en 
se  généralisant  avec  cette  puissance  irrésistible,  a  pour  but 
l)rovidentiel  de  ressusciter  le  régime  des  castes,  de  creuser 
plus  profondément  le  sillon  entre  la  bourgeoisie  et  le  prolé- 
tariat, et  non  d'amener  la  fusion  nécessaire  et  définitive  des 
deux  classes,  c'est-à-dire  leur  émancipation  et  leur  triomphe? 

D'ici  à  un  demi-siècle,  tout  le  capital  national  aura  été 
mobilisé;  toute  valeur  engagée,  servant  d'instrument  à  la 
production  ,  sera  inscrite  sous  une  raison  sociale  ;  le  champ 
de  la  propriété  individuelle  sera  réduit  aux  objets  de  con- 
sommation, ou,  comme  dit  le  Code,  aux  choses  fongibles. 
Est-ce  donc  que  le  salarié,  l'antique  esclave,  exclu,  dès 
l'origine  du  monde ,  de  la  Propriété,  devra  l'être  encore , 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles,  de  la  Société? 

Sous  quelque  aspect  que  nous  considérions  les  choses,  par 
le  côté  politique  ou  par  le  côté  économique,  au  point 
de  vue  de  la  mécanique  comme  à  celui  de  la  commandite, 
il  appert  de  plus  en  plus  que  npus  marchons,  à  travers  un 
semblant  de  restauration  féodale,  à  une  Démocratie  indus- 
trielle. 

Or,  pour  opérer  cette  transformation  définitive,  il  suffît , 
quant  au  Droit,  d'un  petit  nombre  de  modifications  à  ap- 
porter aux  statuts  des  Compagnies  actuelles  :  nous  avons  dit, 
àw  c\\:i\)\iXQ  ûeV Association,  pages  195  à  209,  et  tout  à 
l'heure  en  parlant  des  Sociétés  ouvrières  ,  pages  461  à  471, 
quelles  étaient  ces  modifications.  Quant  au  transfert  de  la 
propriété,  sauf  le  cas  d'une  lutte  qui  mettrait  la  bourgeoisie 
à  la  merci  de  la  plèbe,  il  n'est  besoin  que  d'une  simple  opé- 
ration d'amortissement. 

Dans  vingt-cinq  ans,  dans  dix  ans  peut-être,  au  train 
dont  vont  les  choses,  le  travail  aura  le  compte  exact  du 
capital.  Pense-t-on  que  l'idée  ne  vienne  pas  alors  au  premier 
d'amortir  l'autre,  et  que,  cette  idée  surgissant,  qui  que  ce 
soit  puisse  en  empêcher  l'exécution? 


—  4m  — 

L'amortissement  du  capital!  On  sait  le  parti  qu'ont  tiré 
de  cet  éponvanlail  tous  les  sauveurs  de  la  société  depuis  une 
vingtaine  d'années,  surtout  depuis  la  révolution  de  1848. 
Les  moins  eflVayés  ne  furent  pas  les  fondateurs  de  la  Répu- 
blique. A  les  entendre,  le  monde,  la  veille  du  déluge,  n'était 
pas  plus  près  de  sa  perle. 

Des  usuriers,  enrichis  de  toutes  les  misères  qu'ils  avaient 
semées  autour  d'eux,  les  loups-cerviers  de  la  banque,  les 
grecs  de  l'agio,  se  mettaient  à  invoquer  la  sainteté  du  tra- 
vail, source  ullra-légilimede  la  propriété.  Us  parlaient  avec 
attendrissement  de  l'homme  des  champs,  cultivant  avec  sa 
famille,  au  sein  de  la  paix  et  de  l'innocence,  l'héritage 
palernel,  d'où  le  socialisme,  non  moins  inexorable  sans 
doute  que  le  prêteur  hypothécaire,  menaçait  de  l'arracher. 

Puis,  à  l'exemple  des  Jérémies  bancocrates,  les  honnêtes 
petits  bourgeois  de  la  classe  moyenne,  bonnes  gens  dont  la 
vue  est  aussi  longue  que  le  crédit,  et  que  distingue  si  fort 
l'esprit  d'entreprise,  se  répandaient  en  lainenlations  sur  Iû 
liberté  de  l'industrie,  que  la  révolution  allait  immobiliser  et 
asservir.  On  voulait,  à  les  en  croire,  couper  les  ailes  au  gé- 
nie, établir  dans  la  France  progressiste  le  gouvernement  de 
la  routine.  11  fallait,  selon  eux,  à  une  giande  nation  de 
grandes  existences,  à  une  république  vraiment  digne  une 
aristocratie  de  fortunes,  servant  de  mobile  aux  spéculations 
hardies  du  travail  et  de  l'art.  Et  ils  pleuraient  les  individua- 
lités glorieuses,  honneur  de  la  civilisation  et  de  la  pairie, 
que  l'association  ouvrière  allait  étouffer;  et  ils  se  deman- 
daient avec  déscs|)oir  ce  qui  remplacerait  l'opulence,  quand 
il  n'y  aurait  plus  de  misère!... 

C'était  contre  la  loi  d'expropriation,  rendue  à  la  demande 
et  pour  l'avantage  des  grandes  Compagnies;  contre  leurs 
tarifs  exorbitants  et  leurs  coalitions  monstrueuses,  qu'il  fal- 
lait invoquer  ces  balivernes  :  elles  eussent  eu  du  moins  le 
mérite  de  rà-pro|)OS.  L'établissement  des  grandes  voies  de 
communication,  taillant  et  tranchant,  de  par  la  loi,  à  tra- 
vers champs,  prairies  et  vignobles,  sans  aucun  souci  de  l'/té- 
ritage  paternel  et  de  Vinnocent  laboureur;  écrasant  de  sa 
concurrence  déloyale  le  batelier,  le  roulier  et  le  commis- 


^  _  ^07  — 

sionnaire;  r:iiu;onnant  les  populations  après  leur  avoir  ôt(' 
toutes  garanties  contre  sou  monopole,  nous  a  rejetés  loin 
des  mœurs  primitives  et  de  la  pastorale. 

Aujour(i"hui  le  gouvernement,  après  avoir  réglé,  selon  la 
valeur  vénale  des  immeubles,  Tindemnilé  due  aux  expro- 
priés, prétend  s'attribuer  la  plns-val-.:e  résultant,  pour  les 
terrains  qu'il  entame,  de  la  constiiirtion  d'ime  route,  d'un 
canal,  d'un  railway,  du  peiccmtmt  d'une  rue  ou  d'une  place 
publique.  Des  amis  de  l'ordre  trouvent  au  fond  la  revendi- 
cation de  l'Étal  très-équitable.  Pourquoi  alors  l'État  ne  sui- 
vrait-il pas  son  principe  jusqu'à  la  fin?  Pourquoi,  après 
avoir  soumis  le  petit  piopriétaire  à  la  gramie  exploitation, 
ne  subordonnerait-il  pas  celle-ci  à  son  tour  au  domaine  uni- 
versel? Toute  propriété,  d'après  la  loi  nouvelle,  ayant  pour 
limite  un  intéict  supérieur,  en  autres  termes,  retenant  l'u- 
sage, mais  excluant  l'abus,  contrairement  <à  l'ancienne  défi- 
nition, les  concessions  du  souverain  lond)ent  les  premières 
sous  la  règle,  et  la  féodalité  industrielle  devient  impossible. 
Qu'en  disent  les  légistes? 

Ce  terrible  droit  d'expropriation,  réservé  d'abord  au  pou- 
voir central  et  contesté  aux  municipalités,  voilà  qu'on  en 
concède  l'exercice  à  des  Com|)agnies  industrielles!  C'est  le 
capital  armé  contre  la  pro[)riétéI  A  la  boime  heure.  Mais 
le  capital  lui-rncme  n'est  que  l'instrument  de  la  produc- 
tion, non  plus  l'égal,  mais  le  subalterne  du  travail.  Ce 
que  la  loi  permet  au  capital  de  faire  contre  la  propriété,  le 
travail  doit  être  autorisé  à  re.xéculer  contre  le  capital  :  il 
n'y  a  raison  ni  prétexte  qui  puisse  retenir  celte  consécjuence. 
Quand  donc  saurons-nous  appli(|uer  les  principes  de  1789, 
les  [)rinci[ies  de  1852?  Quand  l'égalité  des  Français  devant 
la  loi  sera-t-elle  devenue,  nous  ne  disons  pas  pour  le  pou- 
voir qui  la  représente,  mais  pour  les  citoyens  qui  en  sont 
l'objet,  une  vérité? 

Loin  de  nous  toute  pensée  ironique,  tout  sentiment  de 
récrimination.  J,c  mouvement  est  lancé  :  tous  nos  efforts 
pour  le  retenir  seraient  vains.  Acceptons  avec  joie,  comme 
ce  qu'il  y  a  de  meilleur  pour  l'ordre  social,  pour  la  garantie 
des  intérêts  et  le  bien-être  des  populations,  ce  que  la  néces- 


—  498  —  • 

site  invincible  nous  impose.  Quant  aux  ignorances  des  mo- 
ralistes et  des  hommes  d'État,  supportons-les  avec  résigna- 
tion philosophique.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  le  bien 
s'accomplit  tout  assaisonné  d'amertumes,  et  que  la  justice 
éternelle,  appelant  du  geste  la  justice  humaine,  établit  son 
tribunal  au  carrefour  de  l'iniquité.  La  propriété,  comme 
l'État,  est  en  pleine  métamorphose  :  au  lieu  de  nous  lamen- 
ter en  aveugles,  voyons  plutôt,  spéculateurs  avisés,  s'il  n'y 
a  pas  quelque  sujet  de  nous  réjouir. 

Le  travail,  disions-nous  toutàTheure,  est  la  seule  chose  en 
définitive  qui  paye  le  travail.  Cette  proposition  est  la  même, 
mais  plus  exacte  et  plus  générale  dans  son  expression ,  que 
celle  de  J.-B.  Say  :  Les  produits  s'échangent  contre  les  pro- 
duits. Or,  si  le  travail  paye  le  travail ,  qu'est-ce  que  la  pro- 
priété, corporative  ou  individuelle,  rentière,  agricole,  indus- 
trielle, mercantile  ou  financière,  peut  avoir  à  craindre? 
Le  producteur  a  dans  la  paume  de  sa  main  plus  de  richesses 
qu'il  n'en  existe  sur  la  face  de  la  terre.  Quand,  par  impos- 
sible, l'expropriation  pour  cause  d'utilité  publique  devrait 
aller  jusqu'à  la  totalité  du  capital  national,  mobilier  et 
immobilier,  le  peuple  des  travailleurs  aurait  encore  de  quoi 
payer,  puisqu'il  aurait  son  travail  :  or,  c'est  dans  la  travail 
qu'est  le  principe  de  l'amortissement... 

Constatons  nnc  dernière  fois  la  nécessité  de  ce  principe, 
dès  longtemps  passé  dans  les  faits  :  nous  déduirons  ensuite, 
du  point  de  vue  essentiellement  spéculatif  de  la  réintégra- 
tion du  peuple  dans  les  domaines  créés  par  son  travail,  ce 
qu'il  y  a  de  rassurant  pour  le  commanditaire  actuel  dans 
les  conséquences. 

Des  Compagnies  obtiennent  le  droit  d'établir  des  chemins 
de  fer  :  elles  immobilisent  dans  ces  travaux  des  milliards.  Et 
cependant  leur  création  ne  leur  appartiendra  point,  comme 
la  maison  appartient  au  propriétaire  qui  l'a  fait  bâtir.  Les 
bénéfices  annuels  leur  seront  comptés  en  deux  parts ,  l'une 
à  titre  de  dividendes.,  l'autre  à  titre  à' amortissement;  de 
sorte  que  dans  un  délai  dont  la  durée  importe  peu  au  fond 


—  499  — 

de  la  question,  les  cessionnaires,  remboursés  par  annuités, 
se  trouveront  expropriés. 

Les  droits  de  péage  perçus  sur  les  ponts,  les  canaux,  déri- 
vent du  même  principe. 

Cinquante  annuités  à  5  0/0  libèrent  complètement  en  ca- 
pital et  intérêts  Temprunteur  au  Crédit  foncier,  tandis  que 
cent  annuités  à  10  0/0  n'allégeraient  pas  d'un  centime  le 
capital  des  autres  emprunts. 

L'auteur  d'un  petit  livre  sur  le  Crédit  foncier,  afin  de  faire 
comprendre  aux  paysans  les  avantages  de  la  nouvelle  insti- 
tution, suppose  un  propriétaire  obligé  de  recourir  aux  usu- 
riers. Le  malbeureux  emprunteur  a  besoin  de  3,000  fr.  pour 
cinq  ans  \  les  intérêts  sont  de  7  0/0.  Mais  afin  de  rester  dans 
le  taux  légal,  on  ne  lui  donne  que  2,700  fr.  contre  une  re- 
connaissance de  3,000.  Le  prêt  dure  vingt  ans,  et  dans  ce 
délai  il  y  a  trois  cessions  de  créance.  A  ce  sujet  l'auteur 
établit  le  calcul  suivant  : 

«  L'emprunteur  aura  payé,  au  bout  de  vingt  ans  : 

«  En  intérêts '. 3,000  fr. 

..  En  frais 400 

«  En  retenues  successives  sur  le  capital 1,200 

«  Ensemble 4,600 

«  El  il  devra  encore  les  mille  écus  empruntés!  »  ajoute-t-il  tout 
scandalisé. 

Qu'il  généralise  donc  sa  pensée  et  qu'il  dise  : 
«  Le  fermier  payera  trente  ans,  cinquante  ans,  le  loyer  de 
la  terre,  sans  avoir,  au  bout  de  ce  temps,  la  moindre  co- 
propriété du  sol  qu'il  auia  cultivé.  Loin  de  là  :  toute  plus- 
value,  fruit  de  son  labeur,  s'imj)ute  contre  lui.  Le  prix  de 
son  fermage  s'accroît,  cà  cbaque  renouvellement,  de  l'intérêt 
du  capital  (engrais  et  main-d'œuvre)  qu'il  a  affecté  à  l'amen- 
dement du  fonds  pendaut  le  bail  précédent.  De  génération 
en  génération,  le  propriétaire  perçoit  sa  rente,  une  rente  de 
plus  en  plus  élevée,  sans  se  trouver  le  moins  du  monde 
dessaisi. 

«  11  n'en  est  pas  autrement  pour  le  louage  des  maisons  et 
des  instruments  de   travail,  pour  les  emprunts  d'argent. 


—  500  — 

Ainsi  l'État  a  bientôt  payé  en  annuités  trois  fois  le  capital 
de  sa  dette  sans  l'avoir  par  là  exonérée  d'un  centime.  » 

L'économie,  qui  a  la  prclonlion  d'èlre  une  science  posi- 
tive, ne  peut  refuser  d'admettre  cette  généralisation  que  le 
travail  doit  amortir  tous  les  capitaux.  Les  concessions  Icm- 
poraiies  et  les  annuités  imputées  sur  le  capital  n'auraient 
pas  de  raison  d'èlre  si  elles  devaient  rester  à  l'état  d'excep- 
tion. 

Au  surplus,  le  capitaliste  lui-même  a  renoncé  de  fait  à  la 
pérennité  de  l'intéiêt.  Des  dividendes,  des  primes,  et  la  ren- 
trée dans  ses  fonds,  voilà  ce  qu'il  recherciie;  ce  que  nous 
répondions  en  1848  à  (eux  qui  nous  demandaient  ce  que  les 
capitalistes  feraient  de  leurs  capitaux  quanJ  ils  ne  les  place- 
raient plus  sur  l'État  ou  sur  hypolhètpie  :  l'énorme  mouve- 
ment de  valeurs  dont  la  Bourse  est  le  marché  n'a  pas  d'autre 
cause. 

Eh  bien!  (pi'olfre  aujourd'hui  à  la  spéculation  avide,  im- 
patiente, l'amortissement,  combnié  avec  la  puissance  de 
production  qui  peut  lésulter  de  la  formation  progressive  des 
Sociétés  ouvrièies,  des  Compagnies  de  travailleurs? 

Ce  qu'il  vous  offre,  ô  spéculateurs  à  courte  vue,  ô  hommes 
d'État  pusillanimes,  qui  redoutez  pour  votre  crédit  l'encom- 
brement des  valeurs!  c'est  la  faculté  illimitée  de  créer  de  la 
richesse  et  d'en  prendre  votre  part,  comme  cela  a  lieu  dans 
la  Société  des  Maçons^  qui  donne  13  fr.  33  c.  0/0  à  ses  four- 
nisseurs commanditaires;  c'est  par  conséipient  la  faculté 
pour  chacun  devons  de  réaliser  à  volonté,  sans  avoir  jamais 
à  redouter  de  banqueroute,  le  capital,  augmenté  d'une  part 
du  produit  net,  qu'il  aura  engagé  en  quelque  entreprise  que 
ce  soit! 

Avec  le  travail  pour  hypothèque  et  l'annuité  pour  moyen, 
votre  cnpital  n'est  plus  sujet  à  dé[iréciation,  votre  propriété 
devient  inviolable,  vos  plaremenis  et  avances  ne  redoutent 
plus  la  consolidation,  vos  renies  n'ont  rien  à  craindre  de  la 
conversion  :  il  vous  suflit,  et  le  tiavailleur  vous  en  sera  re- 
connaissant, de  faire  valoir  voire  inépuisable  hypothèque,  le 
Travail.  Inventez  maintenant,  faites  des  découvertes,  con- 
struisez des  machines,  créez,  avec  de  nouveaux  besoins,  de 


—  501  — 

nouveaux  produits;  formez  des  Compagnies  en  nom  collectil 
et  anonymes;  obtenez  pour  vos  combinaisons  heureuses,  pour 
vos  applications  utiles,  pour  vos  entreprises  hardies,  des 
brevets  et  des  privilèges,  jetez  vos  actions  sur  la  place-,  re- 
muez des  millions  et  des  milliards,  et  soyez  sans  inquié- 
tude. Toute  valeur  vraie  qui  aura  été  par  vous  constatée, 
démontrée  par  la  théorie  et  l'expérience,  le  Travail  vous 
l'escomptera. 

Ainsi  la  création  de  ces  innombrables  Compagnies,  qui 
semblent  devoir  asservir  à  tout  jamais  l'humanité  travail- 
leuse, et  que  tant  de  gens  sont  tentés  de  prendre  pour  un 
mouvement  en  arrière ,  n'est  en  dernière  analyse  qu'une 
transition  régénératrice.  C'est  par  elles  que  toute  subalter- 
nisation  de  l'homme  à  l'homme  doit  disparaître,  et  que  les 
classes  que  nous  avons  appelées  supérieure  et  inférieure, 
nées  de  l'anarchie  économique  et  de  l'individualisme  spécu- 
latif, doivent  revenir  à  l'homogénéité,  et  se  résoudre  dans 
une  seule  et  même  association  de  producteurs. 

Le  gouvernement  actuel  se  flatte,  comme  ses  prédéces- 
seurs, d'avoir  fermé  l'ère  des  révolutions. 

Pour  ceux  qui  appellent  de  ce  nom  les  agitations  de  la 
place  publique,  les  harangues  des  tribuns,  les  manifestations 
populaires,  les  orages  de  la  tribune,  les  luttes  de  la  presse, 
nous  dirons  volontiers  :  C'est  possible;  et  bien  que  nous  ne 
voulussions  pas  en  jurer,  nous  en  acceptons  avec  joie  l'heu- 
reuse espérance. 

Mais  si  l'on  entend  par  révolution  la  réforme  progressive 
et  sans  fin  des  sociétés,  la  réduction  des  privilèges,  le  déve- 
loppement de  l'égalité,  nous  répondrons  hardiment  :  Non, 
la  révolution  n"a  pas  rétrogradé  d'une  seule  ligne  ;  il  nous 
faudrait  prendre  le  bonnet  vert,  et  renoncer  à  notre  qualité 
de  Français,  si  elle  rétrogradait. 

Sans  doute,  en  voyant  l'abaissement  moral  des  caractères, 
la  couardise  et  l'hypocrisie  des  intérêts,  le  mépris  de  l'hu- 
manité dont  ils  font  preuve,  les  excès  auxquels  ils  dévouent 
le  présent  et  l'avenir  de  la  nation,  il  est  pardonnable  de 
croire  à  une  rétrogradation,  et  de  pleurer,  avec  certains 

29 


—  502  — 

écrivains,  trop  préoccupés  de  la  surface  pour  regarder  ati 
fond,  sur  notre  décodence. 

Décadence  de  caste ,  à  h  bonne  heure  I  c'est  le  règne 
Louis  XV  des  bourgeois.  Cela  durera  bien  autant  que  nous, 
disonl-ils  comme  l'autre;  el  après,  le  délugel... 

Hélas!  ils  n'auront  pas  Thonneur  de  ce  baptême  in  ex- 
tremis. Il  y  a,  pour  le  moment,  trop  d'incapacité  dans  la 
classe  moyenne,  trop  d'innocence  encore  dans  le  peuple. 
Qu'ils  jouissent  tranfpiillcs,  et  transmettent  à  leurs  légi- 
times héritiers  leurs  fortunes  érpiivorpies.  Puissent-ils  seu- 
lement, avant  de  mourir,  apprendre  que  la  base  de  toute 
S|)éculation  honncle  et  féconde  est  le  Travail  :  nous  ne  leur 
souhaitons  pour  châtiment  que  ce  remords! 


F[N. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


[   PRÉFACE i 

IXTRODICÏIOX. 

1.  Des  différentes  formes  de  la  Produclion,  el  en  particulier  de  la 
Spéculation 1 

2.  Des  iibus  de  la  Spérnlalinn 9 

3.  Imporl.ince  de  la  Spéculalion  dans  l'économie  des  sociétés.  Poli- 
tique (ie  la  Bourse 20 

4.  Moralisalion  de  la  Bourse 35 

PREMIÈRE  PARTIE. 

FORMES  DE  LA  SPÉCULATION 42 

Chapitre  1".  —  Tenue,  police  et  administration  de  la  Bourse.  .   .  42 

Chapitre  IL  —  Intermédiaires  ofTiciels  des  opérations  de  Bourse  : 

agents  de  chanpe,  courtiers 49 

Droits  de  courtage '.     .     .  59 

Agents  de  change  près  la  Bourse  de  Paris G3 

Chapitre  III.  —  Intermédiaires  non  officiels  des  opérations  de 

Bourse  :  courtiers-marrons,  coulissiers 63 

Chapitre  IV.  —  Moliilisalion  des  capitaux.  L'importance  des  opé- 
rations de  liiiurse  en  est  la  conséquence 70 

Chapitre  V.  —  Opérations  de  la  Bourse.  —  Ditïérentes  sortes  de 

marchés.  —  Combinaisons  auxquelles  ils  donnent  lien 77 

1 .  Des  différentes  sortes  de  murcliés 80 

§  1".  Oiiérations  au  cours  moyen 80 

§  2.  Négociations  au  comptant 80 

§  3.  Négocialions  à  terme 81 

1°  Marchés  fermes 83 

2°  Marchés  à  primes  ou  marchés  libres 84 

S  4.  Liquidiilions 87 

§  5.  Rrpoits 89 

2.  Combinaisons  auxquelles  donnent  lieu  les  différentes  sortes  de 
marchés 92 

§   I".  Opérai  ions  à  l,i  hausse 93 

§  2.  Opér.iliuns  à  la  liaisse.        95 

^  3.  Ojiéralions  complexes 96 

1»  Opéialions  à  la  hausse  el  à  la  baisse 96 


—  504  — 

2»  Opérations  de  primes  contre  primes 96 

3°  Aibitragps  sur  elTets  publics 9T 

4»  Moyens  de  bonifier  les  fausses  spéculations 99 

Arithmétique  spéculative 101 

Chapitre  VI.  —  Matières  métalliques. — Change 104 

Chapitre  VII.  —  Que  le  régime  actuel  de  la  Bourse  et  du  Crédit 
public  est  la  condamnation  du  système  économique 109 

§  1".  Comment  les  opérations  aléatoires,  indififérenles  de  leur  na- 
ture, conduisent  fatalement,  dans  l'état  actuel  des  choses,  à  l'escro- 
querie et  au  vol.  —  Complicité  de  la  science  et  de  la  loi.  —  Inégalité 
déposition  des  joueurs 111 

§  2.  Association  du  capital  et  de  l'intelligence  dans  les  opérations 
de  Bourse 123 

§  3.  Développement  de  l'escroquerie  et  du  vol  dans  les  opérations 
de  Bourse  :  l'agent  de  change,  l'homme  d'Élat,  les  grandes  Compa- 
gnies.—  Stratégie  de  l'agiotage;  journaux 133 

§  4.  Développement  de  l'escroquerie  et  du  vol  dans  les  opérations 
de  la  commandite 150 

§  5.  Corruption  des  mœurs  publiques  ]yàv  la  Bourse IG3 

DEUXIEME  PAIiTIE. 

MATIÈRE  DE  LA  SPÉCULATION 172 

PREMIÈRE  SECTION.  —  Fonds  PUBLICS  F«A>çAis 173 

Chapitre  I".  —  Dette  de  l'État 173 

Quatre  et  demi  pour  cent  nouveau  (ancien  Cinq) 182 

Quatre  et  demi  pour  cent  ancien 187 

Quatre  pour  cent 187 

Trois  pour  cent 188 

Notions  etdispositionscommunesauxqualre  espùi:es  de  tonds  publics.  190 

Bons  du  Trésor 193 

Chapitre  11.  —  Dettes  départementales  et  municipales.     .     .     .  194 

Dette  du  département  de  la  Seine 194 

Dette  de  la  ville  de  Paris  : 

Emprunt  de  1849. 190 

Emprunt  de  1852 196 

Emprunt  de  1855 197 

Annuités  des  ponts 197 

Bons  de  la  Caisse  du  service  de  la  boulangerie 198 

Emprunt  de  la  ville  de  Marseille 198 

DEUXIÈME  SECTION.  —  Actions  et  obligations  des  Compagnies.    200 

De  l'association 200 

Chapitre  1".  —  Institution»  de  crédit ?1S 


—  505  — 

Banque  de  France 215 

Comptoir  national  d'escompte  de  Paris 237 

Crédit  foncier  de  France 242 

Société  générale  de  Crédit  mobilier 255 

Sociélés  organisées  sur  le  plan  du  Crédit  vwbiUtr 2G(» 

Caisse  générale  des  Chemins  de  fer 267 

Caisse  centrale  de  l'Industrie 268 

Sociélé  du  Crédit  industriel .  269 

Caisse  générale  des  actionnaires 269 

Union  financière  et  industrielle 270 

Comiiagnie  générale  des  Caisses  d'escompte 271 

Caisses  affectées  spécialement  à  l'escompte 277 

Banques  coloniales 277 

Banques  de  l'Algérie 277 

Caisses  diverses  en  commandile  : 

I*  Caisse  commerciale,  Bécliel,  Delliomas  el  G" 278 

2°  Lehideux  et  O" 278 

;r  Bouron  et  C 278 

4°  Comptoir  commercial  d'Angers,  Bi<jol  et  C'"^ 278 

5"  Caisse  commerciale  du  Nord,  /.  Decroix  el  C'^ 278 

6°  Caisse  industrielle  du  Nord,  Dupont  et  C'" 278 

■  ""  Caisse  commerciale  de  Saint-Quentin,  Lécuyer  et  C".      .     .  278 

8"  Caisse  commerciale  de  Roubaix, /.  Deo-oix  et  C"^ 278 

9"  Caisse  départementale  de  la  Mayenne,  Picquct  et  C'^.     .     .  278 

10°  Comptoir  de  la  Méditerranée,  Gaij,  Bazin  et  C" 278 

Comptoir  central,  Bonnard  et  C"^ 2*8 

Crédit  maritime.  Collas  et  C'" 279 

Chapitre  11.  —  Canaux 280 

Quatre-Canaux 286 

Canal  de  Bourgogne 28S 

Canal  du  Hliône  au  Rhin 289 

Canal  d'Arles  à  Bouc 290 

Trois-Canaux 290 

Canaux  concédés  temporairement 291 

/"  Canal  de  Beaucaire .' 291 

2°  La  Sensée 292 

3°  Canal  Saint-Martin 292 

4°  Sambre  française 292 

5"  Jonction  de  la  Sambre  à  l'Oise 292 

6°  l,a  Scarpe 292 

Canaux  concédés  à  perpétuité 29^5 

r  Canal  du  Languedoc 293 

2"  Canal  de  Givors 293 

3°  Canal  d'Aire  à  la  Bassée 293 

4"  Canal  de  Roanne  à  Digoin 293 

Canaux  divers  et  rivières  canalisées 294 

Chapitre  IIL  —  Chemins  de  fer 295 

29. 


—  506  — 

Moyenne  des  tarifs 800 

Élnt  du  réspnu  à  la  fin  de  1856 305 

Coùl  kilomélriqiie 306 

P.iilirip.iijon  (le  ri^llnt  el  de  l"iniliistrie  iirivée 307 

R(''siill,ils  de  l'exploiialion  en  1855 307 

Cl>emin  de  fi-r  du  Nord 310 

Chemins  de  fer  des  Ardennes  et  de  l'Oise 315 

Chemins  de  fer  de  l'Est 316 

Chendn  de  fer  de  Paris  à  I  yon 326 

Chemin  de  fer  de  Paris  à  i.ynn  par  le  Bourbonnais 332 

Chemin  de  fer  de  Lyon  à  la  Méditerranée 356 

Chemin  de  fer  de  Uessèpes  à  Alais 342 

Chemin  de  fer  de  i.von  à  Genf^ve  it  embranchement  sur  Màcon.     .  343 

Chemin  de  fer  de  Sainl-Rambert  à  Grenoble 344 

Chemin  de  fer  d  Orléans  et  ses  piolongements 345 

Chemin  de  fer  Grand-C-cntral 354 

Chemins  de  ter  du  Midi  et  Ganal  latéral  à  la  Garonne 358 

Chemin  de  fer  de  Itnrdeaux  à  la  Teste 359 

Chemin  de  1er  de  Graissessac  à  Réziers 3G0 

Chemin  de  fer  de  Pai'is  à  Si-eanx  el  Orsay 3(;0 

Chemins  de  Ter  de  l'Ouesl  et  du  Nord-Ouesl 3GI 

Chemin  de  fer  de  Ceinture 370 

R('•Sl^■lU  Pyrénéen ,     .  371 

Chemins  de  fer  industriels 371 

Chemins  do  fer  sur  la  voie  publique  desservis  par  des  chevaux.  .  .  372 

Chapitre  IV.  —  Navigation  marilime  et  fluviale 372 

Services  maritimes  des  Messageries  impériales 373 

Compairnie  géiiéiale  de  naviijalion  à  vapeur,  Duziit  ei  C'^.  .     .     .  377 

Compagnie  générale  maritime 377 

Société  des  Glippers  français,  Grnham  el  C'° 378 

Compagnie  Centrale,  Lubberi  el  C'° 378 

Compagnie  d  ai memenls  maritimes,  JÎ'/rZ'f'j/ e<  C'° 378 

ConsI mêlions  maritimes,  Séiinineau  et  C" 379 

Société  Phocéenne,  Aliarus  et  O' 379 

Compagnie  de  iiaviL'alion  mixte,  ^inaMt/ ei  C" 379 

Compagnie  Baziu-Péner 380 

—  Ydln-tj 380 

—  André- Abeille 380 

—  Marc-Ftayasinel 380 

—  Cliur(ié 380 

—  Boitchei 380 

—  Colieii 381 

Compagnie  Franco-Aniéiicaine,  Gauthier  fi'eres 381 

(Compagnie  des  Gondoles 383 

Compagnie  des  transports  sur  le  llhône  el  la  Saône 383 

L'Aigle iS8$ 


—  607  — 

Chapitre  V.  —  Assurances 383 

Assurances  contre  l'incendie 386 

La  Nalionale 386 

As-nr.inci-s  {générales 386 

Le  Phénix 387 

Conipai:iiie  du  Soleil 387 

L'Union 388 

La  Fiance 388 

L'Urbaine 389 

La  Pr  ividence 389 

La  PalHinplle 389 

La  Confiance 390 

Le  NnnJ 390 

La  Salamanilre. 390 

Assurances  sur  lu  vie 390 

La  Nationale 390 

Aï^sii lances  générales 391 

L'Union 391 

Le  Phénix 392 

Caisse  Palernelle 392 

L'impériale 392 

Assurances  maritimes 392 

A-sniances  générales 392 

Lluyd  fiançais 393 

La  Mél usine 393 

L'Indemnilé 393 

Chambre  d'a>surances 394 

La  Sécurité 394 

La  Sauvegarde 394 

L'Océan 394 

L'Union  des  Ports 394 

La  Vigie 39S 

Le  Pilole 31)5 

Com[)agiiie  de  prêts  à  la  grosse 395 

Phare  maritime 396 

La  Maritime 396 

Coiii|iagni(?  Centrale 396 

La  Réunion 396 

La  G. ronde 396 

La  Garonne 396 

Compagnie  d'assurances  du  Havre 396 

Lloyd  marseillais 397 

Asiiuruiices  contre  la  tjrêie 397 

Assurances  générales 397 

Chapitre  VI. —  Industrie  minière,  métallurgie 397 

Houillères  el  Charbonnayes 397 

Mines  de  la  Loire  (quatre  groupes).  ..,.••«••     398 


—  508  — 

Mines  de  Montrambert 398 

—  de  Rive-de-Gie;r 399 

—  de  SaiiU-Élienne 390 

Houillères  de  la  Haiilc-Loire 399 

Houillères  de  Montchanin 400 

Mines  de  Monlleux-Sainl-Étienne 400 

Houillères  de  Blanzy 400 

Houillères  de  la  ChazoUe 400 

Houillères  et  Chemin  de  fer  d'Épinac 400 

Houillères  de  Saint-Cliamond 401 

Mines  de  la  Grand'Combe 401 

Portes  et  Sénéchas,  Mires  et  C 401 

Centre  du  Flenu 401 

Pont-de-Loup-Sud 401 

Houillères  d'Azincourt 402 

Houillères  de  Chalonnes-sur-Loire 402 

Charbon  minéral  de  la  Mayenne  et  de  la  Sarlhe 402 

Houillères  et  Chemin  de  fiT  de  Carmaux  à  Toulouse 402 

H  unis- Fourneaux,  Forges  et  Fonderies 402 

Fori^es  de  la  Loire  et  de  l'Ardèche 403 

Forges  du  Creusot 403 

Forfïes  et  Fonderies  d'Alais 404 

Forges  de  Deeazeville 404 

Forges  d'Audincourt 404 

Houillères   et   Hauts-Fourneaux   de  Commeniry,    Munlvieq , 

Iniphy,  elc 404 

Forges  de  Chàlillon  et  Commentry 405 

Forfzes  et  Usines  de  la  Basse-Indre 405 

Hauts-Fourneaux  de  Mauheuge 405 

Forges  et  Fonderies  de  l'Horme 40rj 

Forges  do  Denain  et  Anzin 405 

Hauts-Fourneaux  d'Herserange  et  Sainl-Nicolas 405 

Hauts-Fourneaux,  Aciéries  de  la  marine  et  des  chemins  de  fer,  400 

Mines  diverses, 406 

Mines  de  plomb  de  Pontgibaud 406 

Asphaltes  (Seyssel,  Val-de-Travers) 407 

Salines  de  l'Est 407 

Salins  du  Midi. 407 

Compagnie  fermière  de  la  fonderie  de  Caronle  et  des  mines 

de  la  Méditerranée 407 

Mines  de  Moiizaïa  (Algérie),  BcBu/c/  O^ iOT 

Mines  de  Ténès  (Algérie),  Flettry  cl  C 408 

Usines  mélallurfiiques  : 

Usines  de  Nogent,  Sommelel  et  O" 408 

Usines  de  Septèmes, /at(/M/Ko/ e<  C'".     . 408 

Société  J.-F.  Cail 408 

Société  Christajle  el  O^ 408 


—  509  — 

Galvanisation  du  1er 408 

Société  Chavieroy  el  C'= ■409 

Fers  étirés,  Gandillot  et  C''^ '•O'J 

Usine  Cave 'fOO 

Chapitre  VII,  —  Gaz •i"" 

Société  parisienne  d'Eclairage  et  de  Chauffage  (inr  le  gaz     .     .     .  il<' 

Compagnie  du  Nord  (BatignoUcs,  La  Chapelle),  Gosaelin  el  C".     .  il  I 

Compagnie  de  l'Est  (Vincennes),  Foucart  el  C'° ''•1- 

Compagnie  Centrale,  Lelwn  el  C'" 4l'2 

L't\]i'vànce,  Howiju  de  Tranchèrc  el  O' 'i'"^ 

Eclairage  au  gaz,  Forges  et  Hauts-Fourneaux  de  Marseille,  J.  Mires 

etO' 412 

Gaz  de  Versailles,  Gosselin  el  C'" 412 

Chapitre  VIII.  —  Compagnies  diverses W'i 

Voilures  publiques  : 

Messageries  impériales 41-> 

Compagnie  générale  des  Omnibus 41^'. 

Compagnie  impériale  des  voitures  de  l'aris 4l4 

Glaces  el  Verreries  : 

Manufacture  royale  de  Saint-Gobain 414 

Glaces  et  verreries  de  Montluçon,  Berlioz  cl  C"" 416 

Filatures  : 

Comptoir  de  l'industrie  linière,  Coldn  et  i'" 4iS 

Filature  de  lin  d'Amiens 41.^ 

Compagnie  continentale  pour  le  lilage  du  lin,  Tntdtii  ci  C".  .  4lf> 

Filature  rouennaise  la  Fou<lre, //a; /o// t7  C'" 4l'i 

Immeubles i  l(i 

Hôtel  et  immeubles  de  Rivoli (M' 

Palais  de  l'Industrie 4i7 

Rue  Impériale  de  Lyon 417 

Docks  el  Pons  : 

Société  des  Ports  de  Mar.-eille 418 

Docks-Napoléon 418 

TROISIÈME  SECTION.  —  Valeurs  ÉTRANGÈRts 425 

Chapitre  1'=^.  —  Fonds  publics 425 

Emprunts  belges 425 

Emprunt  de  la  ville  de  Bruxelles,  1853.  .   ► 42(J 

Fonds  hollandais .  42G 

Fonds  autrichiens  : 

\°  Obligations  métalliques 420 

2»  Lots  d'Autriche 42G 

3°  Nouveaux  emprunts 420 

Rente  de  Naples i2G 

Emprunts  romains '. 427 

Emprunts  toscans ,,.,.,,,,.  427 


—  510  — 

Emprunts  piémonlais 427 

Emprunt  russe .  '421 

Dette  flT>pa?ne *27 

Délie  porlii^'.iise ''•28 

Emprunt  preft 428 

Emprunt  tiu'c 428 

Emprunt  d'Haïli 428 

Chapitre  II.  —  Valeurs  industrielles ...  429 

Jmlilutioiis  de  crédit  : 

Ban'pie  de  Bi'lgiqne 426 

Société  frénér.de  de  Bruxelles 492 

Soeiélé  des  Aciions  réimirs 429 

Société  des  Ciipilalisles  réunis  dans  un  but  de  Mutualité  indus- 
trielle   430 

Banque  nalion:»le  belpre 430 

Banque  du  commerce  de  Genève 430 

Banque  de  (ieuève 430 

Omnium  çénevois 430 

Banque  de  Darmsladt 430 

Crédit  moliilier  autrichien '431 

Crédit  ntoliiliei-  cl  foncier  suisse 431 

Crédit  m((l(ilier  es|iaf:nol 431 

Compagnie  générale  de  Crédit  en  Espagne 431 

Banque  nalionale  sarde 431 

Bamiue  deSa\oie 432 

Canaux  : 

Canalisation  de  l'Èbre ,•     ...  432 

Canal  de  Suez 432 

Chemins  de  fer  : 

Chem'HS  de  fer  autrichiens 432 

Chemin  de  fer  Cenlral-Suisse ...  434- 

Chemin  de  fer  de  1  Ouest-Sui-se 434 

Chemin  de  fer  sarde  Yiclor-Emmannel 434 

De  Naples  à  Nocera,  Dayard  de  la  Viniiirie 434 

De  Tari'afione  à  lîeuss 435 

Chemins  de  fer  belges 435 

Mines  ; 

Chaibonna^ps  belges 436 

Foriies  el  Usinis  belges 436 

Phénix  mélalliirgique 437 

Vieille-lMonla<;ne 437 

Kouvelle-Montaune 438 

Société  de  Corphalie 438 

Société  de  Bleyberg-ès-Montzen 438 

Mines  et  Fonderie  de  zinc  de  Stolberg  et  Westphalie.  .     .     .  438 

Mines  el  Fonderies  d'Eschweiler  (Prusse).  ..,.,.,  439 


-  611  - 

Mines  et  Fonderies  de  zinc  de  la  Silé?ie. 439 

Mines  et  Fonderies  de  cuivre  du  Illiin 439 

Glaces  et  Verreries  : 

Glaces  el  VeiTi  ries  d'Oignies 439 

Comp.ignii;  de  FlorefTe 439 

Muniif.icliire  de  glaces  d'Aix-la-Cliapcllc 439 

Table.iu  ^'cnéral  des  valeurs  cotées  h,  la  Uouise  de  Paris  el  leur 

cours  à  la  (iu  de  l8aG 441 

CONSIDÉRATIONS  FINALES. 

[  §  1".  La  féodalilé  industrielle  :  marche  de  la  crise 451 

§  2.  L'empire  industriel  :  apogée  de  la  crise 4GI 

§  Z,  La  dcmocralie  iiidnslrii  lie  ;  couiiiiundite  du   travail  par  le 

travail,  ou  mutualité  univeraelle;  Gn  de  la  crise 472 

Associations  ouvrières 473 

Associations  pour  la  consommation 483 

Cités  ouvrières 484 

Sociétés  d'échange 489 

§  4.  Amorlissemenl  général.  —  (".oudusion 400 


FLN    DE    La   Table   des    iViATIÈRES. 


Paiii.  —   Imprimerie  de  P. -A.  BOURDIER  et  C",  ÎÛ,  rue  Mazariue. 


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