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MANUEL
U SPÉCULATEUîl
A LA BOURSE
Paris. — Imprimerie de P. -A. liouRoiEn et C'^, 30, rue Mazarine.
MANUEL ■
nu
SPÉCULATEIIÎ
A LA BOURSE
PAR P.-J. PROUDKON
CINQUIÈME ÉDITION
PARIS
LIBRAIRIE DE GARMER FRÈRES
G, RLE DES SilMTS-PÉllES ET PILÀIS-HOÏAL, 213
1857
EcF
630438
7. 5.6-4
PREFACE
DE L.l TROI^ill^llE: ÉDITION.
Les deux premières éditions de ce Manuel ont paru
anonymes. Je crois de mon devoir de dire pourquoi j'ap-
pose ma signature à la troisième.
Lorsqu'en i8o3-o4, MM. Garnier frères, désirant
pour leur librairie une espèce de Vade mecum de la
Bourse, me prièrent de me charger de ce travail, je ne
crus pas d'abord qu'une pareille compilation eût besoin
devant le public d'un répondant. Quelques notions d'é-
conomie politique, servant à déterminer le rôle de la spé-
culation, soit comme force productrice, soit comme opé-
ration boursière-, quelques appréciations critiques, de
simple bon sens, dont le temps a depuis confirmé la jus-
tesse, ne me paraissaient pas constituer ce que les lois sur
la propriété littéraire nomment pompeusement œuvre de
génie. L'entrepreneur de commerce et d'industrie a sa
marque de fabrique-, l'ouvrier qui travaille pour le
compte de cet entrepreneur n'a pas la sienne : il ne peut
pas l'avoir. Dans l'espèce, je n'étais qu'un ouvrier.
J'ai donc fourni Varlicie, comme on dit en style de
comptoir : travail répugnant et pénible; c'est le sort des
plébéiens de la littérature. Je n'y ai pas mis mon nom :
qu'importait au lecteur de savoir que dans ma carrière de
publiciste, il m'arrivnit parfois de travaillor sur com-
mande?
Aujourd'hui, ma position est changée.
Il —
Sous la pression des événements, et tout en suivant
ma pensée première , j'ai été conduit à discuter plus à
fond les afaires^ à qualifier les actes, à en dégager les
causes, à définir les situations, à calculer les tendances,
d'après des considérations d'économie et de droit qui dé-
passent la responsabilité du libraire.
Yoilà ce qui m'oblige à paraître, et sur quoi je demande
à m' expliquer.
Deux considérations d'ordre majeur dominent tous les
jugements exprimés dans ce recueil : la morale publique,
et le mouvement économique.
Morale publique .
L'ordre agricole et industriel, cette première et pro-
fonde assise sur laquelle repose l'édifice social, est en
pleine révolution.
Est-ce une nation qui déchoit, une société qui s'en va,
ou une civilisation supérieure qui commence? Le lecteur
en décidera. Ce qui est sûr au moins, c'est que la trans-
formation, pour la liberté ou pour la servitude, pour la
suprématie du travail ou la prépotence du privilège , je
ne l'examine point, est partout à l'ordre du jour. Tel est
le fait général, décisif, qui ressort en premier lieu de notre
inventaire industriel.
Or, quel que soit le but oii elles tendent, les Révolu-
tions, et entre toutes celles qui ont pour objet la distribu-
tion et l'exploitation de la fortune publique, sont des oc-
casions de triomphe pour l'improbité. On l'a vu à toutes
les époques, mais jamais peut-être autant qu'à la nôtre, ja-
mais surtout avec un tel accompagnement d'indifférence.
Ainsi l'on a affecté de ne voir dans les scandales de
l'époque que de l'agiotage. Le Moniteur Va, fait entendre;
la magistrature, suivant l'exemple donné d'en haut, a
— m —
fulminé ses mercuriales. La comédie à son loiir a fait
semblant d'agiter ses grelots. Qu'accusent cependant Tor-
gane officiel, et la justice, et le théâtre? le jeu, rien que
le jeu. Mais, messieurs,
Le JEU ne produit pas de si puissants efforts.
• Nous ne serions pas si malades si nous n'avions à nous
reprocher que cette peccadille. Disons la vérité.
Au spectacle de quelques fortunes subites, inattaqua-
bles peut-tMreau point de vue d'une légitimité incomplète,
mais parfaitement illégitimes devant la conscience , et
jugées telles, s'est ébranlée la multitude des âmes faibles,
en qui la soif du bien-être avait marché plus vite que le
sens moral.
Une conviction s'est formée dans le silence universel,
sorte de profession de foi tacite, qui a remplacé pour les
masses les anciens programmes politiques et sociaux :
« Que de toutes les sources de la fortune, le travail est
la plus précaire et la plus pauvre 5
« Qu'au-dessus du travail, il y a, d'abord le faisceau
des forces productrices, fonds commun de l'exploitation
nationale, dont le gouvernement est le dispensateur
suprême 5
« Qu'ensuite vient la Spècidation ^ entendant par ce mot
l'ensemble des moyens, non prévus par la loi ou insaisis-
sables à la justice, de surprendre le bien d'autrui;
«Que du reste, l'économie des sociétés n'est, d'après
les définitions des auteurs en crédit, qu'un état d'anarchie
industrielle et de guerre sociale, oi!i les instruments de
production servent d'armes de combat; où chaque pro-
priété, privilège, monopole, tient lieu de place forte \ où
le droit et le devoir sont indéterminés de leur nature, la
justice exceptionnnelle, le bien et le mal confondus, la
vérité relative, toute garantie illusoire; oii les licences de
la pratique, les contradictions de la théorie, le vague de
la législation, l'arbitraire de l'autorité, viennent sans
cesse déconcerter la raison et donner l'entorse à la mo-
rale 5 où chacun enfin combattant contre tous, soumis
aux chances de la guerre, n'est tenu de respecter que la
loi delà guerre. »
Aussi, tandis que la Sagesse constituée accuse le jeu,
que la Scène le châtie, que la Bourse elle-même, ravie de
se voir si bien chaperonnée, le dénonce : l'improbité règne
dans les mœurs, la piraterie dans les affaires. Sous l'appa-
rence de transactions régulières et libres, de réalisations
facultatives, d'exercice légitime de la propriété, sévis-
sent, sans nul empêchement, le charlatanisme, la corrup-
tion, l'infidélité, le chantage, l'escroquerie, la concussion,
le vol.
Interrogez le premier venu : il vous dira qu'aucun gain,
obtenu par les concessions de l'Etat, les combinaisons de
la commandite, les négociations de la Bourse, les entre-
prises de commerce, le bail à cheptel ou à loyer, n'est pur
de corruption, de violence ou de fraude; qu'il ne se fait
pas aujourd'hui de fortunes sans reproche, et que sur cent
individus enrichis, pris au hasard, il n'y en a pas quatre
de foncièrement honnêtes.
C'est à cette mésestime, universelle, réciproque, qui
semble devoir remplacer chez nous l'antique foi, qu'il faut
attribuer les briganJages qui chaque jour frappent à l'im-
proviste les Compagnies, et ne laissent plus la moindre
sécurité k leurs actionnaires.
La logique, hélas! va toujours plus vite dans la disso-
lution que dans la vertu.
Des subalternes, témoins des grands coups de leurs
chefs, se disent qu'en pillant les caisses qui leur sont con-
fiées, ils ne sont, après tout, ni plus ni moins prévarica-
teurs que leurs honorables patrons : et ce qu'il y a de
triste, tandis que ces misérables s'absolvent dans leur
conscience, le public n'est pas loin de leur appliquer le
bénéfice des circonstances atténuantes!
Compagnie d'assurances V Économie : détournement de
j)lusd'un million, espèces, par le directeur-.
Compagnie du chemin de ter du Nord : soustraction de
cinq à six millions, actions, par le caissier;
Succursale de la Banque, à Besançon : détournement
de 400,000 francs par le caissier-,
Sous-Comptoir des Denrées coloniales, à Paris -. pillage
de la caisse par le gérant 5
Compagnie du Crédit mobilier : vol de 1 i-7,000 francs
par un courtier de la Compagnie... Je m'arrête : la kyrielle
tiendrait une feuille.
Pas un département, pas un chef-lieu, qui n'ait son
scandale. Et combien que l'on ignore! Combien que l'on
dissimule, par respect des familles, et pour ménager la
dignité des Compagnies! Chez nos alliés d'outre-Manche,
les sinistres se sont multipliés au point que l'on a proposé
de former une assurance contre le vol. On ne se lie plus
à la morale, contredite par tant de faits éclatants, que re-
vêt le caractère sacré de la loi.
Quoi! vous adjugez dos concessions, vous créez des
monopoles qui, du soir au matin, sur des centaines de
milliers d'actions, créent des centaines de francs de prime :
— quarante millions sont distribués aux porteurs d'ac-
tions de jouissance, en indemnité de bénélices éventuels
que l'Etat n'avait point garantis, que les canaux n'eus-
sent su jamais produire; — 661 millions de subvention
sont accordés aux Compagnies de chemins de fer, plus
une garantie d'intérêt pour leurs actions : et vous ac-
cusez le jeu !
Les fournitures de l'Etat et des Compagnies engen-
drent aux heureux adjudicataires des millions; le pot-de
vin est devenu le privilège de tout mandat, de toute gé-
rance : et ce monde d'employés, de commis, d'ouvriers,
de petites gens, vous lui parlez désintéressement, inté-
grité, morale !
Le prêt sur report donne jusqu'à 230 p. 0/0 d'intérêt ;
le privilège des agents de change produit à la corporation, .
en une seule année, 80 millions : et vous déclarez infâme,
vous frappez de confiscation l'usurier de village qui prête
sur hypothéquées 0/0! Tâchez donc, vous-même, avec
votre Société de Crédit foncier, de faire concurrence à
l'usure.
Le boutiquier et le prolétaire voient en un jour leur
loyer augmenté de moitié, de trois quarts, sans autre cause
que le bon plaisir du maître de maison : et vous poursuivez
comme crime d'Etat la grève du travailleur, grève dont
la cause première est le loyer; vous signalez aux ven-
geances de la multitude l'épicier, le charcutier, le bou-
langer, le marchand de vin, falsificateur, accapareur!...
Ah ! sachez-le une fois : les faits et gestes de la Bourse
ont fait table rase de l'honnêteté commerciale -, l'exagé-
ration arbitraire, insultante des loyers, la mobilité des
tarifs, les fusions de Compagnies, les confiscations, expul-
sions, pour cause d'utihté publique, ont détruit le respect
de la propriété, et, ce qui est pire, l'amour du travail
dans les cœurs. Nous n'existons plus que par la poUce,
par la force.
vu —
Mouvement économigiœ .
Une espérance nous reste.
Après avoir constaté l'état révolutionnaire dans lequel
la société est fatalement engagée; après avoir, en second
lieu, reconnu le caractère pour ainsi dire lliéorétique de
l'immoralité qui Taccompagne, nous sommes conduits à
cette conclusion rassurante, que si le mal est profond, in-
calculable, s'il a besoin de chambres ardentes plutôt que
de comédies et de harangues , du moins il n'est pas sans
remède : il tient aux idées plutôt qu'aux hommes.
Oui, les idées : ce sont elles qui, par leur logique et
notre inconscience, produisent la désolation des mœurs.
Suivez ce progrès.
Il n'y a pas plus de quinze ans, les hommes qui obser-
vaient avec attention le mouvement économi(|ue faisaient
ressortir , au sein de la paix , l'incohérence des éléments
sociaux-, ils en montraient l'antagonisme et les innombra-
bles contradictions. C'était V anarchie indusirielle , idéal
de réconomisme anglican, adopté par les praticiens fran-
çais, et que la critique des novateurs niait comme irra-
tionnelle et instable. Une telle situation, disaient-ils, est
éminemment critique, et ne peut se soutenir; elle doit
fatalement, par le jeu de ses principes, aboutir, sous l'ac-
tion prépondérante du capital , à une formation corpora-
tive, à une FÉODALITÉ INDUSTRIELLE.
Anarchie industrielle , Féodalité industrielle : telle
était, selon eux, l'inévitable gradation.
On se moqua des prédiseurs : c'étaient des socialistes,
des utopistes, des humanitaires, quoi de plus? des ennemis
de la famille et de la propriété. — « Nos pères, disait-on,
dans la simplicité de leurs cœurs, avaient vécu sous l'em-
pire des idées qu'on reprochait aujourd'hui-, ils avaient
— VIII
combattu pour elles , pour elles ils avaient fait la Révo-
lution. Depuis la Révolution, les fils avaient grandi par
ces mêmes idées; la France s'était enrichie, elle leur de-
vait le plus clair et le plus net de sa puissance, m — La foi
était donc entière 5 la bonne foi, par conséquent, l'hon-
nêteté, inviolées.
Maintenant la prédiction est accomplie. Vanarchie in-
dustrielle a produit ses légitimes 'conséquences 5 du même
coup la foi aux vieilles idées s'est ébranlée , et l'honnê-
teté publique a disparu. Je défie qui que ce soit de dire
qu'il croit à quelque chose. La féodalité industrielle
existe donc, réunissant tous les vices de l'anarchie et de
lasubalternisation, toutes les corruptions de l'hypocrisie
et du scepticisme :
Système de concurrence anarchique et de coahtion
légale ;
Système de concessions gouvernementales et de mono-
poles d'Etat;
Système de corporations , maîtrises et jurandes , en
commandite et anonymes;
Système de dettes nationales et d'emprunts popu-
laires ;
Système d'exploitation du travail par le capital;
Système de bascule mercantile et de brigandages bour-
siers ;
Système de sublimation des valeurs et de mobilisation
des propriétés ;
Système de. consommation de l'avenir par un présent
de plus en plus appauvri.
Puis, ce que les prophètes de la transformation sociale
n'avaient pas eux-mêmes prévu , voici que la féodalité
INDUSTRIELLE u'csl pas plus solidc que ne l'avait été l'a-
— IX —
narchie industrielle \, ce n'est encore qu'une crise, qui doit
passer comme la première :
Sic erat instabilis tellus, innabiiis unda.
Anarchie ou féodalité, en effet, l'histoire le démontre,
c'est toujours le défaut d'équilibre , l'antagonisme , la
guerre sociale, auxquels, dans l'état actuel des esprits, on
ne saurait imaginer de remède qu'au moyen d'une con-
centration plus puissante, d'un troisième terme sériaire,
que nous nommerons , sans nulle intention maligne ,
EMPIRE INDUSTRIEL.
Tout nous y pousse : la tradition monarchique , les
analogies de l'histoire, l'instinct populaire, les préjugés
de la démocratie.
Ici du moins nous aurons l'accord, l'unité, aux jacobins
si chère, le silence et la paix. Mais aurons-nous la liberté ?
aurons-nous l'égalité? aurons-nous le droit?
L'EMPIRE INDUSTRIEL n'est autre chose que le prin-
cipe anarchique lui-même, le fameux laissez faire ^ laissez
passer, poussé à son extrême conséquence-, une réduction
à l'absurde de l'économie politique classique et officielle,
en un mot une contradiction.
Or, une contradiction n'est pas le droit, encore moins
la liberté et l'égalité.
Et sans liberté, sans égalité, sans droit, la crise ne finit
pas ; elle est seulement à sa troisième phase.
Yoilcà pourquoi le gouvernement de Napoléon III, il
faut rendre à sa modération la justice qu'elle mérite, ré-
siste tant qu'il peut à cette logique des idées, à cette fata-
lité implacable des choses, qui le pousse, malgré qu'il en
ait, à se faire d'empire politique empire industriel; voilà
pourquoi il s'accroche aux institutions féodales sauvées
par lui de la république ^ pourquoi enfin il s'efforce de
retenir un reste de cette anarchie qui avait fait la gloire
du règne précédent.
Que ne donnerait pas aujourd'hui le gouvernement de
Napoléon III à celui qui trouverait moyen de lui concilier
ces trois termes fatidiques : anarchie industrielle^ féo-
dalité INDUSTRIELLE, EMPIRE INDUSTRIEL; mélange
d'autocratie, d'aristocratie, de démocratie, quelque chose
comme le gouvernement de la Charte Saint-Ouen !
Vain espoir! le constitutionalisme, instable en politi-
que, est absurde en économie. Le droit social ne saurait
être le produit de trois formules du non-droit ^ pas plus
que l'unité ne peut sortir d'une addition de zéros.
Que les partisans de \ Idée napoléonienne , reconnais-
sant ici l'insuffisance dé leur principe , daignent donc
prendre en bonne part une conclusion forcée. Ils y trou-
veront plus de ressource pour leur pays et leur propre
gloire, que dans la tradition des césars et toutes les rubri-
ques de Machiavel.
La formule impériale est inapplicable à l'ordre éco-
nomique.
Laissons de côté les Saint-Simoniens, initiateurs de la
nouvelle féodalité et promoteurs d'un empire impossible;
laissons avec eux les Ultramontains, les Anglo-Saxons et
les Slaves, tous féodaux de vieille roche;
Et terminons, envers et contre tous, la Révolution com-
mencé en 89, en fondant l'équiUbre économique et so-
cial, c'est-à-dire le droit, la liberté, l'égalité, l'honneur,
la paix, le progrès, la joie intérieure, toutes les vertus
civiques et domestiques, — je ne parle pas du gouverne-
ment, je ne fais point ici de politique , — sur la RÉPU-
BLIQUE INDUSTRIELLE.
— XI —
Que personne ne s'effraye du mot. Il ne dépend pas de
moi de désigner autrement le quatrième terme de cette
série économique, dont l'évolution frappe tous les regards :
Anarchie industrielle^ Féodalité industrielle. Empire in-
dustriel^ République industrielle.
De ces quatre termes le premier touche à sa fin-, le
second est à son apogée, le troisième en éclosion, le qua-
trième à l'état fétal
Du reste, les principes de l'économie républicaine, fort
différents de ceux du Contrat social , ne pouvaient être
qu'indiqués dans le présent Manuel^ comme ils l'avaient
été déjà dans d'autres publications. Je me réserve d'en
donner l'exposition originale et complète dans un pro-
chain ouvrage.
L'histoire des sociétés ne présente nulle part aux médi-
tations du philosophe de plus giandes choses : comment
se fait-il que nous daignions à peine les apercevoir?
Que sont les révolutions de thermie )r, de brumaire ,
de 1814 et 1815, de 1830, 1848 et 1851, qui défrayent
tant de narrateurs et n'agitèrent le pays qu'à la surface,
auprès de ces changements profonds, accomplis en moins
d'un quart de siècle, et que met à nu, sans phrases, une
simple statistique, un brutal inventaire?
On a parlé des crimes de la Terreur, des hontes du
Directoire, de l'arbitraire de l'Empire, des corruptions de
la Légitimité et de la Monarchie Bourgeoise. Comparez
donc ces misères avec la dissolution d'une époque qui a
pris pour Décalogue la Bourse et ses œuvres, pour philo-
sophie la Bourse, pour politique la Bourse, pour morale
la Bourse, pour patrie et pour Eglise la Bourse !
On demande pour la presse une plus grande liberté.
On voudrait qu'il fût permis aux journaux de discuter à
— xn —
l'aise l'aiTaire de Naples et Taffaire Suisse, les bulletins
électoraux, le serment, etc. Le public français ne peut
s'accoutumer, dit M. Véron, à ce bâillonnement de la
parole et de la plume. Et certes , je ne suis pas le dernier
à me plaindre : qui donc aurait plus à gagner que moi à la
liberté de la presse?
Mais, avec toute la liberté, avec toute la licence imagi-
nable, que pourrais-je dire, à des hommes intelligents, de
plus que ce que leur révèle cette expression authentique
delà Bourse et de ses mystères!... Hélas! les hommes
d'intelligence sont clairsemés, et je n'ai pas à compter sur
d'autres lecteurs.
En revendiquant la responsabilité de ce recueil, le plus
ancien qui ait paru en ce genre, et le seul encore où se
trouve abordées les questions de droit économique et de
moralité boursière , je dois déclarer ici , pour être tout à
fait dans la justice, que je dois à M. G. Duchéne, ancien
rédacteur du Peuple^ qui a bien voulu se charger pour
moi du gros de la besogne, nombre de pages d'une excel-
lente rédaction, des traits d'une vive ironie que je n'ai
pas cru devoir supprimer, des analyses et des jugements
d'une ferme et nette intelligence.
Paris, 16 décembre 185fi.
P.-.l. pROrUHON.
MANUEL
DU SPÉCULATEUR
A LA BOURSE
(>^3>=^»:3>^^J''»vg'^':3>^9k3>^J'^v»^vJ>0^>'a^3>^0^':>'>J^<3»^3>^g^.JM3,3^
INTRODUCTION
1. Bes différentes formes de la Production, et en particulier
de la Spéculation.
La production des richesses peut se ramener à quatre
principes généraux, qui, bien que semblables dans leur
source, Tactivité humaine, se distinguent nettement les uns
des autres quant à la forme.
1° Le travail. — On entend communément par ce mol la
façon donnée par la main de Thomme à la matière. Ainsi, le
labour de la terre, la taille des pierres, l'extraction du mi-
nerai, la coupe des bois, le creusement des canaux, le per-
cement des puits, Tensemencement des grains, la greffe des
arbres, sont du travail. C'est à ce point de vue, d'ailleurs
restreint, qu'il est passé en usage de désigner spL-cialement,
sous le nom de clause travailleuse, la masse des fabricants,
artisans, laboureurs, vignerons, journaliers, tous ceux enfin
qui mettent, comme on dit, In waiïi à l'œuvre.
2° Le Capital. — On définit le capital : du travail accu-
mulé. Ce qui ramène cette catégorie à la précédente, et re-
vient à dire que la production du capital n'est autre que
celle du travail même.
Ainsi, le forgeron emploie, dans l'exercice de sa profession,
1
du fer brut, de la houille, des outils : c'est, avec l'argent qui
lui sert de fonds de roulement, son capital. Sa main-d'œuvre,
la façon nouvelle qu'il donne au fer, c'est son travail pro-
prcm^Mit (lit.
Mais le ( liarbon qu'il brûle, le for qu'il forge, sont le résul-
tat d'un travail antérieur, semblable au sien. Dun autre
côté, les charrues, les essieux, les ferrures de charrettes et de
tondjereaux qu'il livre à l'agriculteur, deviennent pour ce
dernier des insirumenls de production. Eu sorte que dans le
système général de léconomie, capital et travail se coiifon-
denl. Ce qui est produit, sortant des mains de l'un, devient
matière première ou capital, entrant dans les mains de
l'autre. Les colons, les laines, produit dii colon ou {\n fer-
mier, seront le capital, ou du moins |)artie du ca|)ital du fila-
leur; les bis, produit de ce^ui-ci, deviendront la matière
ouvrable du tisseur; les toiles et les draps, produit de ce
dernier, formeront la matière première des ateliers de con-
fection pour la lingerie et l'habillement.
Dune le capital, c'est la matière sur laquelle et avec la-
quelle on travaille; le travail [jroprement dit est la façon
nouvelle donnée à cette matièie.
Le premier capital est fourni gratuitement à l'homme par
la nature. Avec le temps, ce premier capital, transformé par
le travail, est presque entièrement apjiroprié, et la presta-
tion en est faite par les délenteuis, qui prennent, pour cette
raison, le titre de capitalistes ou propriétaires. Ou nomme
crédit (bail, loyer, fomage, amodiation, commamlite, etc.)
l'acte général par lequel le capital passe des miiinsdu capi-
taliste ou propriétaire à celles du travailleur ou industriel.
3" Le tlommerce. — La prestation des capitaux, f)Our tout
ce qui est en lUhors de l'i xploilaliou du sol, suppose le
transpoit ou la circulation des produits. Ce transport est à
juste titre considéré comme une nouvelle forme de la pro-
duction.
Par exemple, le navigateur qui amène dans nos ports les
denrées des tropiques livre, il est viai, sa cargaison de thés,
de cotons, de sucres, d'indigos, de cafés, de bois de teinture,
telle qu'il l'a reçue ; les mariniers, les compagnies de che-
- 3 -
mins de fer, qui transportent ces marchandises dans l'inté-
rieur (lu pnys; les messagers i]ui lesfonl anivcr jnsf|iic dans
les moindres Nill.iges, n'ajoiileiit rien, coiinne f.içoii, aux
proiiuils quils voilurenl. Ils n'en sont pas moins pioduc-
leurs : ils nmènenl d'un lieu où il y a surabondance dnns
d'autres où il y a disette des marchandises (jui, sans ce dé-
placement, resteraient non-vateias. En ciTet, la piodiirlion,
dans le sens économique du mot, n'est pas una création de
matière; c'est une créalion d'utilité : et tt)ui ce cpii ajoute
de l'ulililé à la matière, soit en la façonnant, soit en la
livrant, soit en la déplaçant, est véritablement productif.
Si le voitnrier (pii fait le transport des |iroduits peut et
doit être dit légitnncment pioducteur, le conimeiçant qui
les emmagasine, à ses risques et perds, et les tient à la dis-
position du consommateur, lest également. Il est impossib'e
d'abord que chaque particulier aille s'appiov.siotiner' à la
source de tout (c qu'il consomme, lians les cas mômes où
cette inq)Ossibililé n'e.\ist(! pas, il en résulterait pour lui des
voyages et pertes de tem[)s d'une imiioi'Ianee bien supérieure
au bénéfice dont il fait jouir le marchand. S'il est îles indus-
tries où l'ouvriei- peut tiailer directement avec le consom-
matein-, et vice vprsà^ comme la menuiserie, l'ébénisterie,
la cordoinierie, le charloiuiage, le iiomlne en e>t très-res-
Ireinl. El encore faut-il (pie les mar( liés de ce genre portent
sur une valeur dune certaine importance : le cloutier, par
exemple, qui serait obligé de (piitter sa forge pour aller
vciidr(j sur des marchés éloignés (pielipies kilogrammes de
clous, cùt-il pour lui le bénéiice du quincaillier, ne trouve-
rait certain» ineni |ias au bout de la journée ce qu'il gagne
■d son enclume quand il ne se dérange pas.
Ainsi, non-senlemenl le travailleur produit, non-seule-
ment l'industriel qui engage son activité et sa fortune dans
une entreprise où il fiit travailler d'autres ouvrieis produit,
mais le capitaliste, qui fournit un fonds de roidenienl et des
instruments à C(îtle entie|)iise, et rend possible la noinelle
façon donnée à la matière i)ar les travailleurs, contribue à la
prodiicliou ; le banquier, en contr(3lanl la sohabilité des
commerçants et des fabricants et en donnant, par sa signa-
lure, la circulation à des billets qui sans lui resteraient en
portefeuille, produit encore.
Main-d'œuvre, transports, commerce, entreprises, prêts
ou commandites, opérations de change et d'escompte, sont
autant de formes diverses du même fait économique, la
PRODUCTION.
4° Au-dessus du Travail, du Capital, du Commerce ou de
l'Échange et de leurs innombrables variétés, il y a encore la
Spéculation.
La Spéculation n'est autre chose que la conception intel-
lectuelle des différents procédés par lesquels le travail, le
crédit, le transport, l'échange, peuvent intervenir dans la
production. C'est elle qui recherche et découvre pour ainsi
dire les gisements de ia richesse, qui invente les moyens les
plus économiques de se la procurer, qui la multiplie soit par
des façons nouvelles, soit par des combinaisons de crédit, de
transport, de circulation, d'échange j soit par la création
de nouveaux besoins, soit même par la dissémination et le
déplacement incessant des fortunes.
Par sa nature, la spéculation est donc essentiellement
aléatoire, comme toutes les choses qui, n'ayant d'existence
que dans l'entendement, attendent la sanction de l'expé-
rience.
Un capitaliste trouve que ses fonds placés sur hypothèque
ne lui rendent pas assez. 11 passe, avec un ou plusieurs ar-
mateurs, un contrat par lequel il leur prêle, sur le corps des
bâtiments et sur leurs cargaisons, une somme considérable,
en convenant que, si ces objets périssent, le capital prêté
sei-a perdu pour lui; si, au contraire, ils arrivent à bon port,
il aura une part do 50 0/0 dans le bénéfice de la vente. —
C'est ce que le Code de commerce nomme Contrat à la
grosse j une vraie spéculation.
Une réunion de capitalistes se forme en société anonyme,
avec approbation et sous la surveillance de l'État, dans le
but d'assurer, moyennant une prime de 2 pour ICiOO, les
propriétaires contre les risques d'incendie. Us ont calculé,
d'après la moyenne plus ou moins exacte des sinistres an-
nuels, qu'à ce faible taux, insignifiant pour les assurés, les
fonds de la compagnie, sans cesser tic fonctionner dans d'an-
tres entreprises comme capital, ponvaient, comme enjeu
d'une opération aléatoire, rendre 50, 100 et 150 0/0 de bé-
néfice net annuel. — Spccidalion.
On connaît l'histoire de ce fabricant de chapeaux de paille
d'Italie, qui ofTrit 10,000 fr. à une femme de chambre de
l'impératrice Joséphine, si elle parvenait à faire porter par
sa maîtresse un de ses chapeaux. La mode en effet ne tarda
pas à s'en répandre parmi toutes les dames de la capitale, et
fît la fortune de l'industriel. — Spéculation.
Un ingénieur se dit que s'il trouvait le moyen de réduire
de 4 kilogrammes à 1, par heure et force de cheval, la dé-
pense du combustible dans les machines à vapeur, ce serait
comme s'il avait découvert une mine de houille dont la ri-
chesse exploitable serait égale à la quantité de charbon qui
se fût consommée, en plus de 1 kilogramme par heure et
force de cheval, dans toutes les machines h vapeur. 11 dé-
pense un million en études et essais : réussira-t-il? ne réus-
sira-t-il pas? Si oui, sa fortune peut être décuplée : si non,
il perd tout. — Spéculation.
Dans tous ces exemples, la Spéculation est éminemment
productive, non-seulement pour le spéculateur, mais pour
le pulMic, qui participe aux résultats.
Le contrat à la grosse est productif, puisque, s'il ne se
trouvait personne pour courir le risque de mer, il n'y aurait
pas de commerce maritime.
L'assurance est productive, puisqu'elle fait disparaître
presque en entier les dangers de l'incendie en les distribuant
sur un très-grand nombre de propriétés.
Le pot-de-vin payé à une femme de la cour a été productif
(nous ne parlons pas en ce moment du côté moral de la spé-
culation, nous y viendrons tout à l'heure), puisqu'il a causé
un surcroît de production dans l'industrie des chapeaux.
L'ingénieur-mécanicien serait iiroducleur s'il parvenait h
réaliser sa pensée; il produirait trois fois autant que l'indus-
trie minière, puisqu'il réaliserait une économie de combus-
tible égale, en ce qui concerne les machines, aux trois quarts
de la consommation.
La Spéculation est prodiictiveencoredanslescassuivants :
Un ôbénisto fait ouvrir une bille do palissandre on d'aca-
jou. Il Ta aclifléo, à ses risques et pprils, 300 fr. Si le hois
est sain, tant mieux pour lui; s'il est gàlé ou de qualité
iiifi'iieuro, tant pis, A niestne que \c trait, de scie avance, la
sciure paraissant cire de bon alni. les chances d'un marché
avantaj^oux se cbanf^cnt on probabilités, mais pas encore en
certitude. Un second ébéniste olbe au premier 100 fr. de
bénéfice et devient acquéreur. Le même jeu se répète avec
d'autres avant que la bille soit entièrement refiuidue, en
sorte qtie le dernier acheteur la paye 600 fr. La [)ièce de bois
n'a pas doublé de valeur, sans doute; mais elle a doublé de
prix, et ce prix s'est réparti entre les diflérents propriétaires,
de[)uis le premier vendeur jusqu'au dernier acheteur. Cette
répartition est, au même titre que le transport ou l'échange,
une production.
Un marchand de vin en gros, au lieu d'écouler sa mar-
chandise au prix courant, la gard(> en cave jusqu'à ce que la
tenue de la vigne fasse augurer favorablement ou défavora-
blement de la récolte pour l'année suivante. Vient une gelée
qui compromet la pousse; la grêle détruit les bourgeons;
la coidée emporte le dernier espoir du vigneron : le vin dou-
ble de prix. Que signifie cela? Que la consommation de l'an-
née qui suit devra être eu partie couverte par la récolle de
celle qui précède, et qu'à défaut di; la prévoyance publique,
le spéculateur a pi is sur lui d'y pourvoir. C'est donc un ser-
vice qu'il rend tout en fiisanl fortune : son éfiargne de\ient
pour tout le mondi; prodiiclion. — Posons le cas conlraire:
la veiidi'mge s'annonce sous d'Iienreiix ausiiicc^, et la récolte
dépasse à ia fin toutes les évaluations; le prix des vins dimi-
nue de moitié. Le marchand perd dans la même proportion
qu'il comptait gagner. Que s'est-il passé? C'est que le négo-
ciant, en ajournant sa vente, a détruit non pas la moiliô du
vin qui était dans ses caves, mais la moitié de la valeur de
ce vin, en le dérobant à la coiisomiiialioa (pii le réclamait.
Sans doute on peut regretter de voir le bien-être du [teuple
livré ainsi à l'arbitraire des spéculateurs : c'est une question
à traiter à part. Mais autant il est vrai de dire qu'il y a eu
_- 7 -
destruction de valeur dans le second cas, autant il est cer-
tain qu'il y avait protliiction dans le premier.
Un armateur de Marseille vient do recevoir d'Oilessa le
connaissement dune cargaison de blé qui doit lui arriver
sous un mois. La disette sévit -, les céiéales sont en hausse:
transport de marchandises, production. Au moment où le
navire entre dans le port, le blé a été vendu et revendu cinq
ou six (ois, toujours avec profil : partage de béiicllies, pro-
duction. D;ms rinterviille du débarquement, le gouverne-
ment abaisse les droits de douane et de péage sur les blés,
dont le prix se réduit de 10 0,0. I^'afîaire devient mauvaise
|)0ur le dernier s|)écidateur, qui s'est trop aventmé et qui
paye |)om' tous : destruction de valeur entre ses mains, par
conséquent démonstration de la productivité spéculatrice
chez ses confrères.
La plus gigantesque spéculation, financière et mercan-
tile, dont il soit parlé dans l'histoire est peut-être celle de
l'Écossais Law. La Compagnie des Indes, fondée p;ir lui en
1717, devait embrasser à la fois les opéiaiions de bancjue, le
commerce de la Chine, de l'Inde, de lAfiiipie et de l'Amé-
rique; la ferme de l'impôt, la ferme des tabacs, le rembour-
sement de la dette publique ^ finalement la substitution du
papier, en guise de monnaie, aux écus. Aucune des parties
de cette vaste entre|>rise n"im[)lique en soi triuipossibdité;
rien de plus logique que leur systématisation: et quanta
l'idée de remplacer, dans les transactions, les métaux pré-
cieux par un titre en papier, revêtu du sceau de 1 État et de
l'acceptation nationale, on peut aflirmer aujouKlbui que si
la pratique ne l'a p.is cncoie ré.disée, ce n'en est pas moins
une vérité démontrée aux yeux de la science. Il est clair que
si le projet de Law avait pu être mené à bien, le gouverne-
ment atuait pu remboiu'her, avec avantage poiu' eux, les
inscriptions de ses créanciers en actions d.; la compagnie,
et (pi'(;nsMite la rcnliée du numéraire dans les caisses de
l'Étal lui aiuait constitué profil ni-t de la totalité des espèces.
Le succès ne répondit [>oint à la hardiesse du plan : un agio-
tage ellréné, lignorance universelle, le mauvais vouloir des
financiers et du parlement, la précipitation du fondateur,
— 8 —
firent avorter une combinaison que la postérité est loin,
quant au tond, d'avoir condamnée. Toutefois le désastre de
1720-21 ne fut pas sans compensation : un déplacement
énorme de capitaux avait eu lieu; tandis qu'une noblesse
dépravée engloutissait dans ses portefeuilles les actions du
Mississipi, son or et ses biens passaient aux mains des rotu-
riers et allaient donner à l'industrie, à l'agriculture et au
commerce un surcroit de fécondité.
Ainsi donc la Spéculation est, à proprement parler, le
génie de découverte. C'est elle qui invente, qui innove, qui
pourvoit, qui résout, (jui, semblable à l'Esprit infini, crée de
rien toutes choses. Elle est la faculté essentielle de l'écono-
mie. Toujours en éveil, inépuisable dans ses ressources, mé-
fiante dans la prospérité, intrépide dans les revers, elle
avise, conçoit, raisonne, définit, organise, commande, légi-
fère; te Travail, le Capital, le Commerce exécutent. Elle
est la tête, ils sont les membres; elle marche en souveraine,
ils suivent en esclaves.
Son action est universelle. Le premier qui laboura un
champ, qui enferma du bétail dans un parc, qui fil fermenter
du jus de pomme ou de raisin, qui creusa, au moyen de la
flamme, un canot dans un tronc d'arbre, fut tout autant
spéculateur que celui qui, longtemps après, imagina la
monnaie ou la lettre de change.
La politique elle-même est une variété de la Spéculation,
et, comme telle, une variété de la production.
Ce fut une grande et belle spéculation que celle qui fit
nommer les rois de Macédoine généralissimes de la Grèce
contre la Perse, et qui, par ce moyen, assura la prépondé-
rance de l'Europe sur l'Asie, fit jouir de l'ordre et de la paix
les républiques helléniques, et prépara la voie au christia-
nisme.
César ne fut pas moins heureux spéculateur à son tour,
lorsque, reprenantlesprojets d'Alexandre et les agrandissant
encore, il opposa k régoïsme des patriciens de Rome l'inté-
rêt des provinces soumises, et fonda, sur l'admissibilité de
tous les peuples au droit de cité, la puissance impériale.
— 9 —
2. Pes abus de la Spéculation.
Toute chose a son mauvais côté, toute institution ses abus,
tout avantage traîne après soi ses inconvénients.
C'est le travail qui a fait imaginer l'esclavage; et tout le
monde sait, sans que nous ayons besoin de le redire, quelles
misères engendrent de nos jours le service des machines, la
division parcellaire, les métiers insalidires, les séances ex-
cessives, Texploitation immorale de l'enfance et du sexe.
Après la tyrannie des maîtrises et des jurandes, détruites en
89, les tortures de la concurrence et les ignominies du sala-
riat : tel est l'apanage du travailleur.
Le Crédit semble avoir pour corrélatif obligé l'usure : et ce
n'est pas le moindre vice qui déshonore la prestation des
capitaux. Le prix excessif des loyers, surtout à Paris, est
une plaie sur laquelle il serait presque séditieux, en ce mo-
ment, de nous arrêter.
Le Commerce, de son côté, ne se contente pas du prix de
ses transports, de ses commissions, de la prime due aux
risques qu'il court ou du produit légitime de ses découvertes,
il lui fjut encore le privilège, le monopole, la subvention,
la prime, la contrefaçon, la fraude, raccaparement...
La Spéculation ne [)Ouvait échapper à la commune loi : et
comme les pires abus sont ceux qui s'attachent aux meil-
leures choses, corruptio optimi pessima, c'est sous le nom
de Spéculation que le parasitisme, l'intiigue, l'escroquerie,
la concussion dévorent la richesse publique et entretiennent
la misère chronique du genre humain.
La Spéculation, avons-nous dit, est essentiellement aléa-
toire. Toute combinaison industrielle, linancière ou com-
merciale, emporte avec elle un certain risque ^ par consé-
quent, à côte de la rémunération d'un service utile, il y a
toujours, ou presque toujours, un bénétice d'agio.
C'est cet agio qui sert de prétexte ou d'occasion à l'abus.
En tant quil sert de compensation au risque que toute
spécidation productive emporte avec elle, l'agio est légitime.
Recherché pour lui-même, indépendamment de la produc-
1.
— lo-
tion spéculative, l'apjio pour l'agio enfin, il rentre dans la
catégorie du pari ol du jeu, pour ne pas dire de l'escroquerie
et du vol : il esl illicitt' el immor.d. La Spéculnliou ainsi
entendue n'est plus que l'ai I, lonjours tliamcux tep<!ndant,
de s'enrirliir sans travail, sans cajjilal, sans conunerc-e el
sans génie; le secret de s'appro|)rier la fortune publique ou
celle des particuliers sans donner aucun équivalent en
échange : c'esl le chancre de la production, la peste des so-
ciétés et des Étals.
Faisons-la coiuiaître par quelques exemples.
Le jen el le pari sont la forme la plus simple de la Spécu-
lation agioteuse entièrement dépourvue de productivité et
dulililé, mais non encore tout à fdit criminelle. Un certain
nombre de per.-onnes se rénnissent dans un salon, autour
d'une table, entassent sur le tapis de l'or et des bank noies,
parient pour la ronge ou la noire, on mettent lenrs enjeux
sur un coup de dés, sur un coup de cartes. Le hasard,
aveugle on intelligent, caresse celni-ci, maltraite celui-là.
I/nn s'en va ruiné, l'autre se retire avec un lé.^er bénéfice,
un troisième a fait fortune. Qii'ont-ils proiliiit tous? Nous
supposons (pic la pnrtie s'est jouée le plus loyalement du
monde : qu'oiil-ils fait produire à leurs capitaux, à leur in-
telligence? Quelle valeur ont-ils conquise? Absolument au-
ciuk;. Des millions amont pu être jetés sur le tapis, sans
(pi'ils aient produit la moindre utilité nouvelle : tout au
jdiis auront-ils changé de |)ropriélaire.
Des amateurs de l'espèce chevaline élèvent, à grands frais,
des étalons et des juments pour les courses. Le [irix d'entrée
pour courir est de 1,000 fr. Ce luxe peut avoir son utilité
pour l'amélioration de l'espèce, qui est une partie de la
richesse nationale. JMais les paris qui s'engagent, en dehors
du cercle des éleveurs, entre les spectateurs désintéressés,
à quoi servent-ils.^ Jeu pur, qui n'a d'autre (fTet que de dis-
traire l'intelligence des parieurs, et qui, s'il se propageait
dans la nation, entraînerait dans la production un déficit
notable.
Un individu, qui n'est ni industriel, ni commerçant, qui
se garderait fort d'aucune entreprise sérieuse, parie que le
— 11 —
prix du pain, aujourd'hui de 50 conlimos le kilogramme,
sera l'hiver prochain à 60; — que cehii des vins dépassera,
apiùs vendange, 40 francs riiectolilre, franc de droits; —
que tel navire, chargé de colon et attendu au II. ivre le
1**" décembre, ne sera pas arrivé en janvier. De quoi se mêle
ce brouillon? Qu'il perde ou qu'd gagne, qu'en p(MJt-il résul-
ter pour le commerce? Qu'est-ce que cela fait à la forlunc
publique? Bien plus, n'y a-t-il pas déjà quelque cliose de
répréhensible à venir ainsi, sans l)ul, s.ms utilité, sans motif
séiieux, jeler le trouble dans les transactions?
Les capitaux, comme toute espèce de marchandises, sont
soumis à l'olTrc; et la demande, et subissent les oscillations
du crédit. Il est donc tout naturel et tout simple, loisque
le commerce, l'industrie ou l'hypothèque offrent à l'arjzent
5 et 6 0;0 d'intérêt, que les ciéamiers de l'Élal vendent
leurs titres, et cherchent à placer ailleurs des capitaux qui,
engagés dans les fonds publics, ne rapporteraient (pie 4. Pa-
reillement, si l'argent regorge sur le niar( hé, ou si le com-
merce et l'industrie n'olTrent pas au ca|iilaliste ime sécurité
suffisante, il est naturel encore qu'il reporte ses fonds sur
l'État, et qu'il achète des renies. Dans le premier cas, les
fonds |)ul)lics seront en baisse, ce qui sera un signe de pros-
périté générale; dans le second ils seront en hausse, ce qui
témoignera du défaut de confiance. S'il y a hausse partotit
à la fois, c'est que le capital surabonde, et que l'olTie *iu dé-
tenteur dépasse la demande de l'entrepreneur. Telle est la
signification normale des mouvements de la Bourse, en ce
qui concerne les fonds publics.
Mais l'agiotage vient dénaturer cette signification, au
point que le rapport est changé du tout au tout, et que dans
l'immense majorité des cas, baisse de la rente à la Bourse
signifie affaires mauvaises; hausse de la rente, au contraire,
bonnes alTaires, tant pour le pays que pour le gouvernement.
La raison de celte anomalie fst qu'au lieu do voir dans la
dette puitlique un déversoir assuré des ca|iilau.\ disponibles,
on s'est habitué à considérer l'État lui-même comme un
grand entrepreneur de commerce, industrie, banque, salu-
brité, sécurité, etc., dont le crédit monte ou descend, sui-
_ 12 —
vaut que ses opérations paraissent pins ou moins avanta-
geuses et plausibles, et qui, par l'importance de ses affaires,
par la solidarité qu'ils imposent au pays, domine et gouverne
le marché.
Un particulier se rend à la Bourse, le 4 1/2 étant à. 90 fr.
Il oITre de livrer fin courant pour 100,000 fr. de rentes de
cette valeur à 89 fr., c'est-à-dire qu'il parie, en se fondant
sur n'importe quelles conjectures, que la rente 4 1/2, qui
dans ce moment est à 90, sera descendue fin courant à 88.
En conséquence, il s'engage à livrer à la même époque à
89 : différence, 1 fr., qui constitue le bénéfice de son pari.
Certes, c'est déjà une chose profondément irrégulière, im-
morale, désastreuse-, une chose qui accuse à la fois l'organi-
sation politique du pays, la moralité et la capacité du pou-
voir, que cet enchaînement de la fortune et de la sécurité
des citoyensaux décisions ministérielles, et celte assimilation
des actes du souverain au tirage d'une loterie. Il est évident
(pie de semblables paris, non-seulement ne contiennent en
eux-mêmes aucim élément d'utilité, de productivité ou
d'économie, mais qu'ils sont souverainement contraires à la
tenue des opérations réelles, et destructifs de toute spécu-
lation sérieuse.
Allons au fond, et nous découvrirons bientôt que ce pari,
cette spé( ulation de Bourse, qui, abstraction faite des inlé-
rêtsqu'ellecompromet, pouvaitjusqu'àcertain point paraître
innocente, n'est le plus souvent qu'une violation de la foi
publique, un abus du secret de l'État, une trahison envers la
société.
Un ministre, dont la fortune personnelle se compose de
50,000 livres de rentes en placement sur l'État, sait, de
source certaine, qu'il existe entre le gouvernement dont il
fait partie et une puissance étrangère telle difficulté diplo-
matique de laquelle sortira infailliblement une déclaration
de guerre. Il met sa fortune à l'abri, en vendant à 92 des
rentes qu'il sait devoir descendre dans cinq ou six semaines
à 85. Un pareil acte, de la part d'un ministre, est une lâcheté,
une désertion. Il fait plus : non content de sauver par une
félonie ses propres capitaux, il joue à la baisse sous le cou-
— 13 —
vert impénétrable d'un agent de change, et réalise en quinze
jours plusieurs millions. C'est un vol commis de nuit, en
maison habitée, avec préméditation et guet-apens. Mais le
secret de l'agent de change lui est assuré, et puis, comme
dit Gilbert,
Il est puissant : les lois ont ignoré son crime !
Le monde boursier admet, tolère, excuse ou pardonne de
tels actes. Ce n'est plus de la trahison ; cela s'appelle eu-
phémiquement spéculation.
La plupart des spéculations de Bourse, qu'elles aient pour
objet les fonds publics ou les valeurs industrielles, reposent
aujourd'hui, soit sur des évenlualilés plus ou moins ingé-
nieusement calculées, et dont la cause première est généra-
lement l'État 5 soit sur des secrets dérobés aux compagnies
ou à l'État; soit enfin sur la faveur, l'indiscrétion, la con-
nivence ou la vénalité présumée des administrateurs de
compagnies et des fonctionnaires de l'État. A celte heure la
spéculation n'est plus un jeu où chacun a le droit de faire
tout ce que la loi ne défend pas, et de corriger, autant que
le permet la prudence, les caprices du hasard. C'est une
réunion de tous les délits et crimes commerciaux : charlata-
nisme, fraude, monopole, accaparement, concussion, infidé-
lité, chantage, escroquerie, vol.
Le gouvernement met en adjudication le chemin de fer de
Paris à ***. Plusieurs sociétés se présentent en concurrence
pour obtenir celle concession. Au lieu de soumissionner au
rabais, elles conviennent, la veille des enchères, de ne dé-
poser entre elles toutes qu'une seule soumission et de se par-
tager le lendemain les actions. Elles obtiennent ainsi un
bail de 99 ans, quand par une concurrence sincère il aurait
pu n'être que de 50. — C'est une coalition, aux termes de lu
loi : 011 nomme cela, dans le monde honnête, spéculation.
D'après les études publiées par les journaux, le rendement
de ce chemin ne sera pas moindre de 10 à 15 0/0. Les ac-
tions s'élèvent aussitôt de 500 à 1,000 fr.; les premiers
souscripteurs vendent et réalisent ; rex[)érience demonlie
_ 14 —
ensuite que le rendement de la voie n'est que de 7 l/'2 0/0.
Les adjons tombent de 1,000 à 650 : différence 350 par
action que perdent les acquéreurs et seconds actionnaires.
— (IhaiiHlanerie macairienne: spéculation!
Après la révolulion de 1848, il fut longtemps question
d'annuler la concession du chemin de fer de Lyon. La com-
pagnie n'avait pu fournir son cautionnement, elle était dans
l'impossibilité d'exécuter, et sollicitait l'annulation de ses
engagements. Les actions lombèient au plus bas. Grâce à
l'Assemblée législative, qui prit Taffaire en main, un nou-
veau cahier des charges fut rédigé, de nouvelles conventions
faites, une loi votée par les représentants dn pays. Le len-
demain du vote, les actions haussaient dans une seule
Bourse de 400 fr. — Abus des influences : spéculation!
Depuis le 2 décembre 1851, les chemins de fer ne se don-
nent plus par adjudication, mais par concession directe. Les
coalitions entre compagnies soiunissionnaires étant deve-
nues im|)ossibles, le génie spéculatif s'est reporté tout entier
sur la sollicitation. Or, il est bien diffiiile, quelle que soit
l'intégrité des déjiosilaires du pouvoir, qu'ils échappent aux
filets des soi-disants spéculateurs. Supposons qu'ils tiouvent
moyen de se faire appuyer auprès du prince par les représen-
tants plus ou moins accrédités d'un gouvernement ami. —
Inî ligue diplomalicpie : spé( nlation !
Une compagnie de chemin de fer achète la batellerie des
rivières el canaux qui |)Ourraient faire à sa ligne une con-
currence dangereuse, pour le transport, soit des marchan-
dises, soit des voyageurs. Le prix du matériel est de 10 mil-
lions. Or, // nestpasj.ernusà tout l,c monde d'aller à Corinlhe,
disait Démosthène. Un capital de 10 millions ne se souscrira
pas en un jour, surtout en présence de la rivalité d'un che-
min de fer. La navigation est anéantie: le public, dépouillé
d'une industrie précieuse, est rançonné. — Monopole : spé-
culation !
Une compagnie s'était formée pour l'exploitation d'une
industrie minéralogique. Les bénéfices de la fabrication ne
paraissant point à cette compagnie assez considérables, elle
songe à se faire acheter, avec indemnité, par l'État. En con-
— 15 —
séquence, elle sollicite, sous mnin, par dos voies détournées,
la suppression ccnôrale de son imlnslrie, sous prélexledin-
salnhrilé; il s'en r.nil de peu qu'un décret, |)i()non(,anl à la
fois la >uppri'ssion de toute une briuichc de travail el l'in-
demnilé de ces agioteurs, ne soil rendu... Si ce plan eût
réussi, la com|)ngnie rénli-ail, outre son capital, un bénédce
de quelques millions. — Hypocrisie, philanlliropie, sacrifice
de la fortune |)ublique : s|»ccidation!
Un particulier, qui com|)le sa fortune par millions, s'avise
un jour d'à lielcr tons les cuivies, au furet à mesure de l'ex-
traction, il est le maître du marché, et comme l'industrie
ne peut se passer de enivre, elle est forcée de payer de 25 à
50 0/0 de piime. — Accaparement : spéculation !
llnv. maison de banque fait mieux encore : cHe se rend
pro|)riéiaire des mines de mercure, métal indis|>ensable à
loxploitation des minerais d'or et daigent. Par cette pro-
p i(''lé iuviol.djle, ladite maison prélève, outre le prix nor-
mal du mercure, un droit de 10 0/0 sur rexlracliou dî-'s mé-
taux pré(-ieux. — Aliénation liu douiaiue public ; spéculatio i î
Un juif, qui en était encore à {gagner ses itrcrniers
100,000 fr., l'onde, dans une grande ville, un journal. Dans
la partie nécrologique, il s'avise de publi(>r, sous prétexte de
stalislicpie médicale, à côlédu nom de chaque personne dé-
cédée, l(! genre de maladie, le mode de traitement, avec le
nom et l'adresse du méd(îcin. AussitcM la savante corpora-
tion s'empresse dimjioser silence au malcncontieux révéla-
teur, moyeimant une grosse indemnité. Un pareil homme
ne pouvait manquer de devenir millionnaire. — intimida-
tion ou chantage : spéculation !
Il dépend d'un minisire, el de son rapport pinson moins
véridicpic el fivorable, que telle mine soit concédée à une
compagnie de capitalistes, en instance auprès du gouverne-
ment. H sait (]>ie celte concession, que la loi l'oblige de faire
gratuitement, fera gagnera la compagnie impéiraute 10 mil-
lions. I.e mini.-tre laisse l'alfaire en soulliance, jus(|u'au
jotu' où un agent de la couipjignie dépose sur sa cheminée un
portefeuille contenant 100 billets de 1,000 fr. — Concus-
sion : spéculation !
— 16 —
Diverses sociétés se forment pour le percement de puits
dans un bassin houiller qu'on sait être fort riche, mais jus •
qu'à ce moment à peine exploité. Certes, c'est une richesse
qu'elles vont mettre au jour, une valeur immense qu'elles
vont créer. Pour assurer au public le bénéfice d'une partie
de cette richesse, le gouvernement établit certains droits
sur l'extraction, tant au profit de l'État qu'en faveur des
propriétaires superficiaires; de plus il défend, à peine de
révocation, ragglomcration, soit par vente, soit par fer-
mage, des mines. Mais si le formage et la vente des conces-
sions minières sont interdits, lassocialion ne l'est pas. Une
grande compagnie charbonnière se forme donc entre les so-
ciétés concurrentes, pour l'exploitation unitaire, la vente et
la hausse du prix des houilles; et il y a tant d'intérêts res-
pectables, politiques, diplomatiques, judiciaires, parlemen-
taires, engagés dans l'association, que le gouvernement n'a
jamais su y trouver remède. — Association, réunion, parti-
cipation, entente, concert ou tout ce qu'on voudra, c'est-à-
dire art d'éluder la loi : spéculation!
D'autres compagnies, qui ont obtenu des concessions
distinctes de canaux, de chemins de fer, s'entendent, mais
cette fois avec approbation du gouvernement, non pas pré-
cisément pour améliorer le service des transports ou en di-
minuer le tarif, mais afin d'en relever et maintenir les prix.
Pour plus de sûreté, après avoir lixé l'apport et le revenu de
chacune, elles se groupent sous une administialion centrale
et confondent leurs intérêts. On ne voit pas pourquoi la lé-
gislation anti-unitaire des mines ne s'appliquerait pas aux
chemms de fer, ni ce que le public gagne à cette fusion;
mais il est sûr que le profit des compagnies s'en augmente.
— Spéculation I
Une institution de crédit, sous la forme d'une société
anonyme, s'établit pour l'achat et la vente des actions
industrielles. Les administrateurs de cette société, devenus
les patrons obligés de toutes les entreprises, profitent de
leur position pour se faire offrir de tous côlcs des actions
qu'ils reçoivent, comme simples particuliers, au pair ou
même en baisse, et qu'ils s'achètent ensuite à eux-mêmes,
— 17 —
en leur qualité d'administralciirs de la société, au nom,
pour compte et avec les fonds de cette société, à 100, 150,
200 fr. de prime. — Confusion d'attributions, infidélité:
spéculation!
Une compagnie se forme, au capital de 60 millions, pour
la construction d'un chemin de fer d'une longueur de 120 ki-
lomètres, tous frais de matériel, gares, emhaicadères, sta-
tions, etc., compris. A 500,000 fr, par kilomètre, c'est cher :
mais on est au début de ces entreprises gigantesques; le
public est enivré; on s'arrache les actions, on jette l'argent
par les fenêtres. Cependant, au lieu de 60 millions, la voie
en coûte 96, — soit, par kilomètre, 806,000 fr. Il se trouve
que les fondateurs, administrateurs, directeurs, gérants,
inspecteurs et patroneurs de la compagnie sont en même
temps, pour son compte, entrepreneurs de terrassements,
viaducs, tunnels, fournisseurs de rails, traverses et coussi-
nets, constructeurs de locomotives, etc. Les marchés qu'ils
passent, pour ces objels divers, au nom de la compagnie, et
en qualité de ses fondés de pouvoirs, ils les signent comme
partie contractante avec cette même compagnie, chose per-
mise, quand elle n'est pas expressément défendue, par le sys-
tème de société anonyme. — Cumul, collusion : spéculation !
Une société en commandite s'annonce au public, sous le
patronage le plus respectable et avec les plus beaux rapports
d'ingénieurs, pour l'exploitation d'une mine. Les actions
gagnent, en quelques semaines, 100 0,0; les concession-
naires ou leurs ayants droit, ainsi que les premiers sous-
cripteurs d'actions qui ont monté, de connivence avec eux,
l'entreprise, réalisent vite-, puis, quand arrivent les fouilles,
on s'aperçoit que la couche est bouleversée, inexploitable.
On s'est trompe! Affaire nulle! les actions valent zéro. Ren-
dez l'argent alors, dirait, en s'appuyant sur la loi de 1810,
le sens commun. — Non, répondent les compères; l'exploi-
tation d'une mine est une entreprise aléatoire : la chance,
qui pouvait être pour vous, a tourné contre vous; vous
n'avez pas droit de vous plaindre. — Mystification, escroque-
rie, ma ca iris me : spéculation!
Le besoin se fait sentir d'une communication directe et
— 18 —
rapifle entre l'Europe orcidenfale ot les ports opposés de
l'Amériqno. Une rompngnie pnissante, palronée el romman-
diiée pal' lÉlat. peut soiilc exocnler un pareil servie e. Que
le gonvemcrrient Lii garanlisse une subvention annuelle de
10 ou 12 millions par an, elle sera hienlôl formée. 10 mil-
lions par an! il y n de quoi dolor vini^t mille rosières!,... Les
ports de lOcéan et de la Méditerranée, les chambres de
commerce, les mniiicjpalilés, les conseils généraux, les sé-
nateurs, le^ armateurs, les nigénieurs, les journalistes, un
tiers de la France, se mot on mouvement pour avoir part à
l'immense curée. La solli( ilation arrive des quatre points
cardinaux au ministère, d'autant plus effionlée qu'au mo-
ment même oîi les solliciteurs demandent protection pour
la marine, ils prêchent le libre-échange pour tout le reste.
— Favoritisme, dilapidation, corruption : spéculation !
Telle est, en général, la spéculation abusive : elle se mul-
tiplie sous mille formes, s'attache au travail, au capital et
au commerce, dont elle s'approprie le plus clair, le plus net
et le plus beau; elle singe et déshonore la spéculation utile,
dont les j)oursuivants généreux et modestes ne lecueillent
trop souvent pour récompense que la misère, tandis que les
amants éhontés de Taulre, insultant à la morale publique,
nagent dans les honneurs et l'opulence.
Il ne faut [)as confondre les abus de la spéculation avec ses
erreurs : les premiers, ainsi que nous venons de le faire voir,
sont essentiellement, l'œuvre du parasitisme et de la fiaude,
justiciables de la police correctionnelle et des cours d'assises;
les seconds ne sont que les mécomptes dune intelligence
entreprenante, mais peu éclairée et malheureuse.
Un perruquier, qu'enflamme l'exemple d'Aïkwrighlet que
séduit la déiouvei le de MontgoKier, s'imagine avoir résolu
le problème de la direction des aéroslals; il quille tout pour
suivre son idée, engage son mobilier, fait apptd à la bourse
de ses amis, ouvre des souscriptions, lan< e des armonces,
gagne la confiance de riehes amateurs et en obtient des
sommes considéiables, dont tout le fruit, après de ridicules
essais, est une démonstration nouvelle de rimpossibilité de
l'entreprise. — Voilà une erreur de spéculation.
— 19 —
La liste des brevets d'invention que délivre chaque année
le ponvernrînont, mais sanfi garantie de sa part, n'est, pntir
les quatre cinquièmes, que la listr des fausses spécnlalions
qu'enfante inccssnmnicnt le génie industriel. Mais celte
exubérance de déconverles est comme la fimiée, qni recèle
dans ses tourbillons la flamme : si le plus souvent elle n'ap-
porte (jue la ruine à ses auteius, elle est, ponr la société, la
coiulilion nécessaire du progiès, et, à ce point de vue, en-
core respectable.
En 1785 le ministère français conclut avec l'Angleterre
un traité par leipiel les poteries des deux provenances seront
introduites réciproquement en franchise dans les deux |)ays.
Le ministère frauç.us avait compté, jioiir les manufactures
de Sèvres et de Beaiivais, sur un débouché immense, dans
un pays qui ne produisait que des poteries couuuunes. Mais
la spéculation était fausse : tandis que l'Angleterre achetait
à peine pour 100,000 fr. de porcelaines, elle nous expédiait
pour des millions de terres cuites. Il fallut, non sans honte,
ré.->ilier le marché.
Afin dassnrer la propriété des écrivains et éditeurs fran-
çais, et mettre fin à la contrefaçon belge, le gouvernement
de France fait avec le gouvernement de Belgique un traité
l)ar lequel la pro|)riélé littéraire est garantie réci|iroque-
ment dans les deux pays. Bonne affaire pour les auteurs et
puhlieateurs de livres nouveaux: mais mauvaise spéculation
pour la libiairie belge, si les laiifs de douane sont mainte-
nus; pour la librairie fiaiiçaise s'ils sont abolis. Tandis que
la France acquiert un marché de 3 millions dames, elle offre
à la Belgique le sien, qui est de 36 millions : les conditions
ne sont pas égales.
Po(U' doter le pays de canaux, le gouvernement fait appel
auv capitaux privés, leur garantit, avec lintéiêt de 5 0/0,
une part coiisidéiable dans le produit nel des voies naviga-
bles, pendant 99 ans. l/expérience démontre ensuite (pie le
plus faib e tarif &ur la batellerie est prohibitif, et qu'un ca-
nal, pour rendre fous les si rvices dont il est susccîptible, ne
doit rien rapporter du tout : • hose dont on aurait |)U s'as-
surer en discutant le cahier des charges. La spéculation en
— 20 —
ce qui concernait les actionnaires, était donc fausse ; ils la
rendirent abusive en s'ohstinant à empêcher la réduction
des tarifs, et en obligeant le pouvoir à leur racheter complai-
samment, à très-haut prix, leurs actions de jouissance.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette matière.
On voit, par ces quelques exemples, qu'autant la condition
aléatoire, inséparable de toute spécidalion sérieuse, fournit
de i<rétextes h la spéculation abusive; autant les erreurs,
dont la première est involontairement et innocemment sus-
ceptible, fournissent d'excuses et de déclinatoires à la se-
conde. C'est une mer remplie d'écueils, de bas-fonds, de
courants et d'entonnoirs, visitée par les trombes, les glaces,
les brouillards, les ouragans, infestée par les flibustiers et
les corsaires.
5. Importance de la Spéculation dans l'économie des sociétés.
Politique de la Bourse.
On vient de voir comment l'action du travail, du crédit et
de l'échange est dominée de haut par ce quatrième pouvoir
de l'économie sociale, la Spéculation.
Mais, de même que par la division du travail et la spécia-
lité des fonctions, toutes les opérations industrielles, capita-
listes et mercantiles sont plus ou moins dépendantes les
unes des autres et solidaires; de même il y a dépendance et
solidarité plus ou moins étroite entre toutes les affaires spé-
culatives, de quelque nature qu'elles soient. Les fonds pu-
blics, par exemple, ne peuvent éprouver ni hausse ni baisse,
sans que les valeurs industrielles, cotées à la Bourse, en re-
çoivent aussitôt le contre-coup, lequel se propage ensuite,
comme un écho, dans tout le monde spéculateur. Le ban-
quier de Marseille et de Bordeaux, aux nouvelles de la Bourse
deParis, élargitou resserre son crédit; le notaire deprovince,
le petit prêteur, se montrent plus réservés ou plus faciles;
le commissionnaire restreint ou augmente ses commandes;
l'entrepreneur donne plus ou moins d'essor à sa fabrication;
l'ingénieur est excité ou retenu dans la poursuite de ses dé-
— 21 —
couvertes; le fermier, le vigneron, Téieveur de bétail, aug-
mentent ou diminuent le prix de leurs produits; et si la masse
ouvrière ne répond pas à son tour à chaque impulsion qu'elle
reçoit par une élévation ou une réduction proportionnelle
de ses salaires, elle ne subit pas moins les conséquences du
mouvement, en en faisant tous les frais. Dans l'économie
générale, celui qui refuse de marcher quand les autres sont
en route paye pour tout le monde.
Ainsi la production se divise en quatre facultés solidaires :
la faculté capitaliste est solidaire de la faculté travailleuse,
puisque, comme nous l'avons dit, le capital n'est autre chose
que du travail accumulé, servant de matière première et
d'instrument à un autre travail; — la faculté mercantile,
voiturière ou échangiste est solidaire des denx précédentes,
puisqu'elle n'a d'action qu'autant qu'il y a des produits à
échanger, des capitaux à faire valoir; — la faculté spécula-
tive, enfin, dépend des trois autres autant qu'elle les gou-
verne, puisque d'une part ses combinaisons embrassent à
la fois, dans leur ensemble et leurs détails, le travail, le
crédit et le commerce, et que de l'autre, elle pourvoit à leurs
besoins, prévient leurs risques, assure leur équilibre, et leur
imprime une même direction.
L'économie sociale peut être regardée comme parvenue à
son plus haut point de perfection lors(jue ces quatre facultés
sont exercées simultanément, et dans une proportion égale,
par tous les producteurs; elle est au degré le plus bas lors-
que ces mêmes facultés sont partagées entre des classes
spéciales de citoyens, formant par là autant de corporations
distinctes ou de castes.
De tout temps, la constitution politique a été le reflet de
l'organisme économique, et la destinée des États réglée en
raison des qualités et des défauts de cet organisme. A Rome,
où la propriété rurale était l'élément dominant, le gouver-
nement fut dévolu à un sénat de laboureurs graves, mais
avares, comme tous les paysans. La république périt, beau-
coup moins par l'invasion de la plèbe (les journaliers), que
par l'exagération même de la possession foncière, de ses
fermages et de ses usures. — A Carlhago, le commerce et
— 22 —
l'industrie furent tout puissants : les rivalités mercantiles,
la compétilion des monopoles (jue procurait le gouverne-
ment, la fureur des coiici-ssions, des sultvenlions, des pri-
mes *, l'agiotage organisé avec protection et partie ipation du
pouvoir, plus qiio les victoires des d( ux S( ipions, amenè-
rent la ruine de lÉiat. — Dans la vieille Kgypie, la classe
piépondérante parait avoir été un corps de savants presque
autant que prêtres : l'appropriation du savoir, le privi-
lège des liuTiièies, l'énorme distance qu'il créa entre la
plèbe ouvrii're su|ierstitieuse et le sacerdoce savant et
artiste, contribua, plus que toutes les invasions des bar-
bares, à anéantir la société égypiiennc. — Le moyen âge
distingua, spécialisa toutes les l'acullés, fit de tout un pri-
vilège (le COI |)Oiation ou de caste. Mais bientôt le tiers-état,
réunissant en soi toutes les facultés productrices, tandis que
la noblesse vl le cli rgi'; ne conservaient qiu'. la pio[)iiété du
sol, le surplis et la cuirasse, dcivint rnaitre (Je la s( ciélé
et de l'Éiat, et expulsa de leurs biens les castes rivales. —
Depuis 1789, \o. pêle-mêle, la fusion des facultés économi-
ques, est passée en droit, et jusqu'à certain point en f lit :
tout citoyen a le droit dêlre simultanément travailleui, ca-
pitaliste, entrepreneur, commerçaut ou commissionnaiieet
spéculateur, et un certain nombre le sont en tflet, ïuiile-
fois, la révolution de 1789 est loin encore d'avoir, sous ce
rajiport, [)roduit toutes ses conséquences; la fusion est à
peine commencée, et les pertmb liions qu'éprouve depuis
soixante-neuf ans notre état |)olitique sont les symptômes
de ce laborieux enfantement...
Quoi qu'il en soit, conmie toute faculté, dans la société
aussi bien que dans l'individu, doit avoir son expression et
son organe, il était inévitable que la spéculation obtint aussi
le sien; qu'elle eût son appareil, sou lieu de manifestation,
ses formules, son temple. La politique a ses palais, la reli-
gion ses églises, l'industrie ses manufactures et ses clian-
tiers, le commerce ses ports, le capital ses banques : pour-
quoi la Spéculation serait-elle demeurée à l'état de pure
abstraction?
La BouHSE est le temple de la Spéculation.
— 23 —
La Bourse est le monumenl par excellence de la société
moderne.
Ce n'est pns seulement râtelier, la forme, le magasin, les
docks et les ports, les enlrepôls et les com|)toirs. la terre et
Toiéan, qui lui sont soumis et lui payent tribut : elle passe
avant Técole, l'acadcnne, le tlicàlie, les assomlilées politi-
ques, les congiès; avant l'armée, avant la justice, avant
l'Éylise cllc-nême.
Aucune puissance, ni dans l'antiquité, ni dans les temps
modernes, ne peut se comparer à la sienne. Jamais les tem-
pliers, les ordres do Jérusalem et de Malle, celle milice des
papos qui dominait les empereurs et les rois; jamais les
franciscains, les dominicains ou les jésuitos; jamais les tri-
bunaux volimiipios et la iVanc-maçonneiie ne produisirent
desedets plus prompts, plus nnivor>ols, plus puissants. Les
Alexandre, les César, les Charleniapne, les N.ipolcon, dans
toute leur gloire, n'étaient auprès d'elle que des pygmées.
L'impriu erie elle niômo, soivie par les génies les plus pro-
fonds et les plus sympathiques, assistée de la vapeur, est
au-dossous de celte puissamo souveraine, qui trône, invi-
sible, à la Biturse, et chaque jour y rend ses oracles, non pas
toujours équitables, mais toujours suis.
C'est là (pie le philoso|)he, l'économiste, l'hommo d'État,
doivent étudier les ressorts cachés de la civilisation, ap-
prendre à résoudre les secrets de l'histoire, et à prévoir de
loin les révolutions elles cataclysmes. C'est là quelesiéfor-
mateurs modernes devraient aller s'instruire, et apiirendre
leur métier de révolutionnaires. On ne [lent dire à quelle
hauteur ces hommes se fussent élevés, quelle prodigieuse
influence ils eussent exercée sur les destinées du globe, si,
maîtres de nos flottes, de nos ca|)ilaux, de notre industrie,
de nos propriétés, ils avaient en la moindre étincelle de génie
spéculatif, s'ds avaient été. dans la plus faible mesure, des
prophètes de ce dieu qu'adorent les boursiers.
Tout le monde sail que noire première républi(|uc tomba
sons le poids d'une condamnation portée par la Houise : le
8 novembre 1799, veille du coup d'État appelé 18 brumaire,
le tiers consolidé était à 11 francs 30 centimes 5 le 21, il
— 24 —
était à 22 fr. — Mais ce qu'on a beaucoup moins remarqué,
c'est que la spéculation ne fut jamais entièrement ralliée à
Napoléon : le taux le plus élevé de la Bourse, pendant la
période impériale, fut celui du 10 mars 1810, 88 fr. 90 cent.,
soit 11 fr. 10 cent, au-dessous du pair.
Le 29 mars 1814, l'empereur se débattait dans les plaines
de la Champagne et tenait encore en échec la coalition vic-
torieuse : il est achevé par la Bourse. Le 5 0/0 à 45 fr. mar-
que sa réprobation et amène sa chute-, le 31, la proclama-
lion des alliés est accueillie par une hausse de 2fr. Paris a
capitulé, et le conquérant abattu va signer son abdication à
Fontainebleau. En moins d'un an, malgré la présence des
armées étrangères, les fonds publics auront regagné tout ce
qu'ils avaient perdu depuis le 10 mars 1810 ; leômars 1815,
ils seront cotés à 88 fr.
Quinze jours plus lard, le 20 mars, Bonaparte, échappé
de l'ile d'Elbe, rentre aux Tuileries : le baromètre bursal
marque 20 fr. de baisse. Quelle puissance tiendrait devant
une pareille manifestation de la pensée économique? Certes,
ce n'est pas la Bourse de Paris qui a fait perdre la bataille
de Waterloo ; mais on peut dire qu'elle a donné cœur à l'en-
nemi. C'est elle qui lui a révélé que si le soldat, l'ouvrier,
le fonctionnaire étaient pour l'empereur, le capital, l'in-
dustrie, le commerce, la propriété, la spéculation, la bour-
geoisie étaient contre lui. Sait-on ce qu'a pesé dans la ba-
lance du destin cette bourse du 20 mars? Le 18 juin, elle
était à 53 fr. ; le 20, à la première nouvelle du désastre, elle
monte à 55 ; le 22, le bruit se répandant que l'empereur ab-
dique pour la deuxième fois, elle est à 60. La cote suit le
grand capitaine dans ses marches et contre-marches, pour
le condamner s'il triomphe, pour l'accabler s'il est défait.
La Spéculation ne se pique ni de patriotisme ni de gloire:
elle ne connaît pas le point d'honneur, pas plus que la pitié.
Quel cœur frnnçais ne frémit encore au souvenir de nos
blessures de 1815, des misères de nos soldats et des inso-
lences de l'étranger? La Bourse obéit à d'autres considéra-
tions. Elle pense que la chute de Bonaparte, achetée même
au prix de la déchéance nationale, de l'occupation des coa-
— 25 —
lises, des liontes d'une royauté bigote et réactionnaire, vaut
mieux, a[)rès tout, pour la richesse publique, pour le pro-
grès des sciences, des lettres et des libertés, que la restaura-
tion de l'empire : il n'y a que l'antique et impassible Destin
à qui elle se puisse comparer.
Vingt francs de hausse ou de baisse font la légitimité ou
l'illégitimité des pouvoirs, déterminent leur stabilité ou leur
chute. Qu'aurait pensé de cela Biaise Pascal?
Après la révolution de juillet, l'opinion du mouvement
était que le gouvernement des barricades devait déchirer les
traités de 1815, réclamer pour la France la frontière du
Rhin, api)uyer la Pologne dans la revendication de sa natio-
nalité. — Non, dit la Bourse : détestez ces traités, je vous
y autorise; mais respectez-les, ou je me retire. Contentez-
vous de la frontière que la Sainte-Alliance vous a assignée,
et laissez périr la Pologne : tel est mon plaisir, je le veux.
Et Louis-Philippe, serviteur toujours obéissant de la Bourse,
trahit la révolution et règne dix-huit ans.
Il y fut trompé pourtant, le fin politique, le roi de la
bourgeoisie capitaliste et boursière; car ce n'est pas tout
de suivre attentivement les oscillations de la mercuriale, il
faut savoir deviner sa pensée secrète. La Spéculation, en tant
t\ue vous la prenez pour organe de l'opinion publique, n'a
que deux mots pour exprimer ses jugements, oui ou non,
c'est-à-dire hausse ou baisse. L'important est donc de sa-
voir à quelle question répond la Bourse : sans cela vous cou-
rez risque d'être pris au dépourvu, comme il arriva à Louis-
Philippe.
Jamais la hausse n'avait été aussi constante, aussi forte
que pendant les dernières années de ce règne ; jamais non
plus la baisse des salaires, la multiplication des faillites,
symi)tùmes inécusables du malaise de la production , ne
s'étaient manifestées avec plus d'énergie. De 2,618 qu'avait
été en 1840 le nombre des faillites, il s'était élevé à 4,762
en 1847. Il était clair qu'en présence d'une situation com-
merciale et industrielle aussi calamiteuse, la hausse soute-
nue des fonds publics ne pouvait plus recevoir la même in-
terprétation. Le capital, chassé de la commandite et de
2
— 26 —
l'hypothèque, se rejetait vers le Trésor; il commençait cette
immense migration à laquelle nous assistons anjourdhni :
c'était la seule consé(jiience qu'il fût permis d'en tirer.
Loiiis-Phili[>|)e crut que la bouij^ooisie appuyait sa politi-
que, et tint ferme contre l'opposition : sa chute fut le châ-
timent (le son erreur,
La république de 1848 fut victime d'une méprise sem-
blable.
Après le décret du 25 février qui garantissait an peuple le
droit au travail, après les piédiratious du Luxembourg et
les journées du 17 mars et du 16 avril, il était évident que
la question était posée entre le capital et le salaire ; eonsé-
qnemment, que la révolution ayant été faite contre le pre-
mier et au prolit du second, tout abaissement des valeurs
capitalistes pouvait et deviiil, iuscpi'uu jour diuie lupiidation
finale, être cousidéié coumie nu swiipiôme heu; eux poui' la
révolution, toute hausse comme une reculade. Le peuple de
Paiis n(! s'y trompa point, «t C'est sij;neque nos alliiresvont
bien , disait-il , quand il y a baisse là-bas I » le Gouverne-
ment provisoiie, la Comirussion executive et la Cousliluante
furent d'avis contraire. Dès ce moment ni la ré\olutioii, ni
la république n avaient une raison suftisanle d'existence :
elles disparurent.
Depuis que le 10 décembre 1848, et plus encore le 2 dé-
cembi'e 1851, ont donné à la nation la cerlilud ; que la
pensée révolutionnaire est jus(pi'à nouvi 1 ordre évincée, et
que les anciens rapports du Capital et du Tra\ail seront
maintenus in slatu quo^ la Bourse a repris sa signilication
accoutumée, la S[)éiulation est devenue ce quelle avait
toujours été, esseiilielleuient conservatrice, et son influence
sur le pouvoir a pris un nouvel essor. Sou opinion, ex[)rnnée
en francs et centimes, fait loi et supplée au silence des
journaux.
Le biuitconrt-il que le gouvernement impérial, plus hardi
que celui du roi citoyen, se propose de revendiquer la fron-
tière rhénane, d'envahir la Belgique, le duché de Trêves, de
réjiarer le désastre de Waterloo, voire même d'o|>éier une
descente sur la côte d'Angleterre : un avertissement est
— 27 —
donné au pouvoir par la Bourse : les fonds baissent, les
on (lit circulent, rinquiétudo se propagi", jusqu'il ce (p^'une
commnnicaliou du Moniteur, déinenlaiit ces bniils absur-
des, vienne témoigner des inlenlions pacifiques du gouver-
nement el ramener les esprits.
Jadis tout se faisait par les femmes, aujourd'bui tout se
règle par les intérêts. Une rumeur étrange circule et répand
la consternation dans le monde privilégié. La vénalité des
officex est en danger! Le gouvernement, cédant à l'on ne
sait quelle inspiration, va doubler le nombre des agents de
change et changer la condition du notariat!... Le signal
d'aliumecst donné : les fomls baissent, les commentaires ne
sont point épargnés; le pid)lic, qui croit plus à la Bourse
qu'à la fortune de César, se dit que le pouvoir n'a plus la
confiance du pays. On ralentit les achats et les ventes, on
renvoie les ouvriers, la Grève se peuple d'une tombe mena-
çante et désœuvrée. — I.e liloyiileur scmpresse de désavouer
des intentions perfides, il accuse la malveillance de ces bruits
calomnieux: aussitôt la Bourse répond par des vivat ! Cin-
quaiile centimes de hausse, etrincitlent est termine.
Qnehpies nu'sures de police à loccasion de la mauvaise
réiolle de 1853 el des achats de blé faits par l'administra-
tion font craindre aux spéculateurs que le gouvernement, se
faisant l'organe des méfiances populaires, n'entrave la li-
berté du commerce des grains. Ou se demande s'il aurait la
prétention, avec les f>»uds du Tiésor et la marine militaire,
(le pourvoir seul au déficit; s'il serait en mesure de Irans-
j)ortei et payer 10 millions d'hectolilr^'S de céréales? A
moins de cela, tout ce que le gouvernement pourrait fiirc
contre la spécuhition ne servirait qu'à décourager le com-
merce el à compromettre l'approvisionnenKMit du pays. La
Boiuse s'agite; et bientôt des explications officielles \ien-
nent calmer les inquiétudes des négociants (>t rendre l'es-
sor anx transactions. L'entente devient alors si com|ilète, si
cordiah; entre la spéculation et le pouvoir, quelleserviia de
thèmeà la première moitié du message impérud. (le (pii de-
puis un siècle était passé à l'état d axiome pour les gens
instruits, la libre circulation des grains, exprimé par une
— 28 —
bouche souveraine, put paraître encore, au vulgaire de 1854,
une marque de la sagesse du gouvernement.
Mais c'est surtout dans la question d'Orient que la tenue
de la Bourse va nous paraître instructive, et ses significa-
tions à l'État, si l'on nous permet ce style d'huissier, pleines
d'intérêt.
Depuis 1840 la question d'Orient sommeillait; et malgré
les impatiences de la Russie, la plus proche héritière, peut-
être était-il possible de prolonger pendant quelques années
encore celte léthargie, d'ailleurs irrémédiable, de l'empire
ottoman. Un ambassadeur français, zélé pour la gloire de
son prince, peut-être aussi poussé par quelque catholique
influence, obtient de la Porte, pour l'empereur Napoléon,
un nous ne savons quel droit de protection sur les lieux
saints. Chef de l'orthodoxie grecque, le tsar dépêche aussitôt
à Conslantinople le prince Mentschikoff, pour prolester de
son mécontentement et exiger des compensations. La Porte,
en effet, en se donnant un nouvel ami et protecteur, élevant
le conflit entre les deux Églises, diminuait de moitié l'in-
fluence de la Russie sur l'Orient. Le sultan se hâte d'offrir
satisfaction; le Russe demande que sa position nouvelle soit
garantie par traité. Refus de la Porte, appuyée par l'ambas-
sadeur français; invasion par l'armée russe des provinces
moldo-valaques; intervention de la flotte anglo-française.
L'Europe est menacée d'une guerre générale. Que va penser,
que dira, que fera la Bourse, dernier refuge de l'opinion,
suppléant à la fois par ses variations thermométriques, la
tribune et la presse? Suivons ses mouvements : le sens en
est plus clair que celui des circulaires de M. Drouyn de
l'Huys et des memoranda de M. de Nesselrode.
Le taux le plus élevé qu'ait atteint la Bourse de Paris
depuis le coup d'Élat est celui du 16 novembre 1852 ; ce
jour-là, le 3 0/0 fermait à 85 50 au comptant, 86 75 fin cou-
rant; le 4 1/2 0/0 à 106 15 au comptant, 107 90 fin courant.
A celle époque, on se préparait aux élections pour l'empire;
le Moniteur venait de i)ublier les proclamations des réfugiés
et le manifeste de Henri V : de telles pièces étaient plus
faites pour rallier les intérêts au nouvel ordre de choses que
— i>9 —
pour leur inspirer le moindre regret. Du reste, rien n"avait
été ménagé depuis un an pour rendre aux capitaux la sécu-
rité et l'audace; l'empire, s'annonçant avec les intentions
les plus pacifiques, redoublait la ferveur de la spéculation.
Napoléon III, disait-on, ne voulait régner que par et pour la
rente et le dividende.
Surgit la question d'Orient : sans doute la raison des in-
térêts va plier devant la raison d'État! Détrompez-vous :
comme Catilina poussé au désespoir s'écriait en plein Sénat :
Incendium mevm ruina rcstinr/Kcim, la puissance qui règne
à la Bourse semble dire à celle qui commande aux Tuileries :
Si tu me brûles, je t'écrase !...
Dès le 17 mars 18.53, quinze jours après Tarrivéedu prince
Mentschikoir h Constantinople, le 3 0,0 n'était plus qu'à
80 80, le 4 1/2 à 104. Le 21, h la nouvelle du départ de la
flotte française pour la baie de Besica, baisse de 2 fr. Les
mêmes dépressions se manifestent à chaque nouvelle alar-
mante, suivies de vigoureuses reprises à chaque éclaircie do
l'horizon. Ainsi le 3 0/0, qui était encore six mois après, le
17 septembre, à 76 90, tombait, le 5 octobre, à la suite de
publications menaçantes pour l'Autriche dans les journaux
anglais, à 72 70, en baisse de 8 fr. 80 c. depuis la mission
du prince Mentschikoff; puis tout à coup, à la réception do
bulletins défavorables aux Turcs, les fonds remontent, et le
12 décembre, jour où fut connu à Paris le désastre de Si-
nope, le 3 0/0 fermait à 76 10. Quoi donc! les capitaux
français, qui ont applaudi au coup d'Etat du 2 décembre,
qui ont accueilli par une hausse énorme la nouvelle du ré-
tablissement de remj)ire, seraient-ils, en moins d'un an, de-
venus, comme en 1814, partisans de l'étranger?...
Qui le croirait méconnaîtrait l'essence et le génie du ca-
pital.
Le capital est cosmopolite : il ne connaît ni rivalités d'É-
tats, ni haines de religions ou de -races. Que lui fait par
exemple le Saint-Sépulcre? Il se soucie bien de celte reli-
que!... Vous lui parlez des chrétiens d'Orient. Est-ce, dc-
mande-t-il, qu'ils n'eussent pas été protégés tout aussi bien
1 même mieux par l'empereur des Cosaques que par celui
— 30 —
des Français? — ^Mais, observez-vons, il s'agit fie faire pré-
valoir Torlliodoxie laline sur rorllioiloxie giecqiie. — La
pièce de 5 fr., romme la loi, est alliée, répond le capital. —
Quoi ! vous ne voyez pas que le f)rolectorat des Russes serait
pour là Snblime-Porle la perle de sa souveraineté? — C'est
l'alTiiire de la Porte. Tout État qui ne conserve pas assez de
vitalité pour subsister sans protection mérite son sort. Celle
maxime est celle du pays qui connaît le mieux le gouverne-
ment des intérêts, de lAngleterre. — Mais Téquilibre euro-
péen? — Que la France, que TAni^lelerre el tutti qvanti se
joignent à la Russie, alors, et prennent leur paît du cadavre.
Deux ou |)liisieurs quantités augmentées d'une quantité
égale conservent entre elles le même rapport qu'aupara-
vant : c'est de la comptabilité, cela I Pourquoi ne pas accep-
ter les piopontions de Nicoias? — As^as-^inat, spoliation !
Où serait la gloire de la Fiance? — Je ne vous comprends
pas, répond le ( apital...
Toutes ces considérations d'Églises, d'équilibre européen,
de protection des faibles contre les foiis, sont eu eflet au-
dessous et en deliors de la spbèie des idées boursières -,
l'esprit mercantile ne s'abaissera p:is jusqu'à elles. En toute
cliose il n'a que deux éléments d'appréciation, dont il ne se
départ jamais : le risque couru, l'ulililé du résultat. Que
risquons-nous, se dit-il, dans une guerre contre la Russie?
C'est que cette guerre, par elle-même déjà si ledoulable, se
généralise el devienne révolutionnaire. Révolulioiinaire ! ce
mot dit tout... Quel avantage, au conlrnire, pourrons-nous,
attendre du succès, a|)rès nue si grande (onsonunaiion
d'Iiomuies et d'argent? iNnpoléon III lui-même Ta dit, c'est
pour lui nue question toute de dévouement. En retour de son
intervention victorieuse dans le différend turco-russe, la
France ne demande à l'Euiope que l'bonneur de l'avoir ser-
vie. D'une part donc, risque énorme de révolution, la ban-
queroute immiueiile, la rente llambée; de l'autre, sacrifices
en pure perle, destruction improductive des capitaux, ralen-
tissement du trafic, manque à gagner sur tous les points.
Évidemment l'affaire est détestable.
Et maintenant n'est-ce pas la Boirsc, toute puissante à
— 31 —
Londres, Pnris, Vienne, Hambourg, Francfort, Amsterdam,
qui, après reiivahispeniciil des piovuices Daniibionnes, a
forcé les ministres de Fiance el dAii^lderie de déclarer que
cet envaliisseiiient ne ferait p.is regardé comme casiis brlli?
N'esl-ce pas elle t-ncore qiri, après Fenirée des flottes dans
la mer Noire, a voulu que celte manifestation fùl présentée
comme un acte de piolcclion pour la Turquie, nullement
comme un f.iit dhustililé envers les Russes ï Donc que la
Porte C(?de^ que le tsar se déclare satisfait, et que lout ren-
tre dans le stdtii qiio. Hausse pour la paix, 15 centimes.
Mais les vœux des mortels, même quand ils s'élèvent du
sant'tu.iirede Mammon, sont impuissants contre le destin.
Une force sn|)érieure, invisible, inconnue, |)cse sur les con-
S'ils de lEiuope; et la Bourse, qui |»arle de résignation, ne
peut faire autre cliose (pie rétrograder.
Le 13 décembre, menaces du parti lurcoi)liile, à Londres ;
baisse de 25 centimes.
Le 14 et le 15, articles du Times hostiles à la Russie:
baisse de 95 cent.
Le 16, on parie de la retraite de lord Aberdeen, dernier
espoir d'une bulutiou pacditpu! : baisse de 5 cent.
Le 17, ordre à Tamiral Hameliu denirer dans la mer
Noire : t)aisse de 35 cent. Le 3 0/0 reste à 74 50.
Chaque probabilité de conllilesl accueillie par une baisse
désespérée ; chaque dépêche, apportée par le paquebot ou le
télégraphe, et lévélaut une velléité de paix, est saluée par
une hausse furieuse. La spéculation agile la diplomatie, qui
réagit sur la spc( ulalion. IMus que jamais les hommes dÉlal
protestent de leurs intentions modelées: selon qu'ils se
moiilreiil belliqueux ou paisibles, ils ri çoivenl les applaudis-
sements ou les impiécations des hommes d'allaires. Lare-
traite de lord Palmeislon est reçue par 10 cent, de hausse;
rannonce d'un manifeste guerrier de Napoléon par 40 cent,
de baisse. La Bourse, mieux que le conseil des ministres,
sait ce qu'elle veut et où elle va : ses oscillations sont plus
explicites ipie tous les protocoles. A ses yeux, une rixe entre
les deux empereurs serait infailliblement suivie dune con-
)[lagralion européenne, guerre de religion, guerre de races
— 32 —
guerre d'États, guerre révolutionnaire! Or, depuis 1848, la
Bourse, un instant à la démocratie, est redevenue absolu-
tiste et conservatrice. Peut-elle permettre à ses chefs, rois et
empereurs, de se battre ?...
Les événements se précipitent : 1854 débute par une
baisse de 1 fr. 25 : le 3 0/0 reste à 72 20. En vain les jour-
naux d'opinion républicaine prennent parti pour la guerre,
et encouragent de leur appui désintéresse le gouvernement
impérial; en vain celui-ci, pour rendre cœur au capital,
ordonne une nouvelle transportation de révolutionnaires à
Lambessa; en vain on répand la nouvelle d'une dernière
conférence, et Ton se berce de Fespérance que le sultan con-
sentira à traiter seul à seul avec le tsar. Le feu est aux pou-
dres; les têtes s'enflamment, la presse patriotique, en
France et en Angleterre, fulmine contre l'ambition de Nico-
las ; défaits en Asie, les Turcs obtiennent quelques avantages
sur le Danube. D'oscillation en oscillation, le 3 0/0 tombe,
le 2 février, à 67 50.
A ce moment, une étoile de salut semble se lever sur le
monde capitaliste, entrepreneur et propriétaire. Le prince
Napoléon est envoyé à Bruxelles ; une ligue, une sainte-
alliance nouvelle est projetée entre la France, l'Angleterre,
l'Antriclie, la Prusse, la Belgique, la Turquie, et tous les
États qui voudront y accéder, contre le tsar. Afin de donner
à cette ligne une signification non équivoque, on la pro-
clame tout à la fois contre la Russie et contre la révolution :
ni républicaine ni cosaque^ tel est le mot d'ordre, renouvelé
et modifié de celui de Napoléon à Sainte-Hélène, de cette
étrange coalition. Le thermomètre de la Bourse répond à la
pensée des diplomates : en trois jours, le 3 0/0 monte do
2 fr. 10, à 69 60.
Mais, ô spéculateurs malavisés, ne voyez-vous pas qu'en
retournant les rôles, vous vous jeléz dans un système illo-
gique, impossible? que si le tsar se présente avec tant de
confiance à la lutte, c'est qu'il se sent le représentant de
80 millions de Gréco-Slaves, dont la haine séculaire appelle
la lin de l'empire turc, et pour qui l'expulsion des Ottomans
est la révolution 't que vous prononcer ainsi, et par un mémo
— 33 —
acte, contre la démocratie et le tsarisme, c'eA les unir-, que
le seul moyen, au contraire, de balancer la révolution en
Orient, serait de lui donner satisfaction en Occident 5 et que
vouloir la refouler dans son double courant par une sainte-
alliance insoutenable, c'est entreprendre une tâche plus folle
et plus rude que celle des coalisés de 93?
La Bourse, qui tout à l'heure ne voulait rien entendre à
la politique d'État, ne saurait être plus touchée de la poli-
tique de progrès et de nationalité. Les considérations les plus
décisives, les faits les plus écrasants ne produisent sur elle
qu'un effet négatif : on peut l'efl'rayer, on ne la convaincra
pas. Elle ira en baisse jusqu\à extinction de capital : elle ne
changera pas d'allure et d'opinion. S'allier à la révolution,
ce serait embrasser son bourreau. Elle le sait : et plutôt que
de s'y résoudre, elle se raccroche à tous les plans, et se ré-
signe à toutes les chances.
3Iais, lui criez-vous, vous savez ce qu'il en coûte de
combattre une révolution. Voici que déjà le gouvernement
demande à la Banque 60 millions! L'encaisse disparaît,
remplacé par la circulation du Trésor. — Hélas! tant pis,
dit la Bourse. Baisse de 90 cent. (8 lév.).
Mais, si vous abandonnez la révolution, craignez que le
tsar ne fasse alliance avec elle; qu'il appelle aux armes tous
les brouillons de l'Europe, Hongrois, Polonais, Italiens,
comme déjà il vient de faire appel aux Grecs, aux Monténé-
grins, aux Bosniaques, à ceux de Bulgarie, iScrvie, Herzé-
gowine! — Ce serait un grand malheur, répond la Bourse.
Baisse de 2 fr. Le 3 0/0 est à 66 (20 février).
Mais cette alliance de la Prusse et de l'Autriche, que vous
escomptez depuis huit jours, n'est rien moins qu'assurée. Si
la bourgeoisie allemande est hostile à la révolution et aux
Russes, la Confédération germanique n'a pas plus d'envie de
servir les intérêts anglais : sa politique lui commande la
neutralité. — Je le crains fort! Baisse de 1 fr. 'iO cent. (Du
1*"^ au 3 mars.)
Mais ces chrétiens de l'Église grecque, en faveur desquels
vous prenez tant de souci, se moquent de votre diplomatie :
tout ce qu'ils veulent, comme Manin , c'est que les Turcs,
— 34 —
leurs oppresseurs, s'en aillent. — C'est très-fâcheux! Sta-
gnation absolue des aiïaires, suspension de pajements, em-
prunt de 250 millions. (Du 4 au 14 mars.)
60 millions pris h la Banque, plus 250 millions versés ou
à verser par les 98,C00 souscripteurs de l'emiirunt font déjà
310 millions elToci ils que vous coûte la question dOiicnt.
Ajoutez la sus|»ension générale des aiï.iires, la non-|)roduc-
iion et la dépréciation, c'est un milliard d'englouti, et vous
n'avez pas encore brûlé une amorce. — C'est désespérant !
Baisse de 4 fr. 20 cent. (Du l4 au 31.)
3 avril. — Les Russes oui [lassé le Danube sur trois points
difr.'rents. Ils occu[)ent toute la contrée entre le Danube et
la mer Noire. Prises de Matschin, Isaksclia, Babadagh, Hir-
sova, Kustendjé; marche sur Warna. Attaques furieuses de
l'armée lusse contre Kalafat : trois ledoutes enlevées d'as-
saut. En même temps, la Russie biùle ses forts sur la côte
d'Asie, obstrue les bouches du Danube, ensable les passes
dans le golfe de Finlande, fait rentrer à l'inléiienr la popu-
lation de ses villes côtières, et s'apprête à une lutte à ou-
trance. Ce n'est pas un corps de 60,0C0 hommes qu'il faut
pour la réduire, c'est une armée de 500 000! A Londres,
loid Abcrdeeu rend hommage à la boime fui de Nicolas, à la
loyauté ihi memoranthim de 1844; à Berlin, M. de Viuike,
orateur du côté gau( lie, opposé à lalliance russe, déclare le
tsar le premier parmi ses pairs. Le Timps, pour consoler la
Bourse, calcule que la guerre d'Orient [louria coûter à l'An-
gleterre 10 millions sterling, 250 millions de fr. par année,
pas davantage. MM. Bi iglit el Cobdeii accusent les ministres.
— Mon Dieu! s écrie la Bourse, qu'allait-il faire flans cette
maudite galère? Baisse de 1 fr. 20. Le 3 0/0 est à 61 70; le
4 1/2 à 88 20. En 17 mois, la baisse totale est de 24 fr. sur
le 3 0/0, et de 18 sur le 4 1/2
A quoi servirait de piolouj^er ce commentaire? Il est visible
que lesintéièss, tels (pie les a reconstitués le 2 décembre,
après avoir forcé le gouveinement iuq)érial à se déclarer
tout à la fois contre le tsar et contre la révo'ulion, se sentent
engagés dans une politique sans issue, et que leur vœu se-
cret est d'en linir au plus vile par le sacrjiice de l'empire
- 35 —
ottoman, et un concordat amiable entre les puissances pro-
tectrices, la Russie, rAulriche, la Pnisse, la France et l'An-
gleterre. Déjà le goiivcrncnient anjzlais, par le; ministère de
son ambassadeur, a fait sa\oir à la Porte qu'elle eùl à opter
entre Tahandon des principes erronés du Coran et la retraite
de ses puissants alliés, le suicide ou la mort!... Que Pas-
kewilch se dépccbe donc d'en finir avec l'artiiéelunpie, pen-
dant que les Auiilo-Francs occupent Conslantiriople : alors
il ne restera plus qu'à négocier, et la Bourse montera de
10 fr. (Du 3 avril au ler juin.) Une fois de pins, le fait ac-
compli aura tranché le nœud goidiendela politique; la Tur-
quie ancanlie, par les ravages de ses ennemis, les exigences
de ses alliés, l'insuriection de ses sujet'j, la peur des révolu-
tiorma ires, on procédera au partage; et Ions ensemble, le
tsar Nicolas, les empereurs Ferdinand et Nipoléon, le roi
Frédéric-Guillaume et la gracieuse Victoria auront sauvé,
par l'inspiration de la Bourse, la civilisation occidentale et
l'équilibre européen !...
Tel était, nous osons le dire, en 1855, le vœu secret de la
Bouise, vœu parfaitement calculé, s'il laissait à désirer au
point de vue de l'hunianilé et du droit. I.a fortime en a
décidé autrement. L aimée russe, dévorée par les maladies
et les fatigues, n'a pu entamer l'empire ottoman, et nos sol-
dats ont emporté la moitié de Sébastopol. Force a donc été
aux puissances belligérantes de reprendre haleine : mais la
paix de l'aris ne lésoul rien, n'est qu'une suspension d'armes.
Malgré toutes les excitations, la Bourse, qui y voit de plus
loin que les hommes d Éial, ne sest pas relevée : le 3 0/0
est aujourd'hui, 10 novembre 1856, à 65...
4. Moralisation de la Bourse.
Par la nature même des choses, la Spéculation est ce qu'il
y a de plus spontané, de plus incoercible, de pins réfractaire
à l'appropriation et au privilège, de jjIus indomptable au
pouvoir, en un mol de plus libre. Infinie dans ses moyens,
comme le temps et l'espace, ofîrant à tous ses trésors et ses
— 36 —
mirages, monde transcendant, que l'Ordonnateur souverain
a livré aux investigations des mortels, tradidit disputalio-
nibus eorum, plus d'une fois le pouvoir, sous prétexte de
moralité publique, a essayé d'élendre sur elle sa main ré-
glementaire, et toujours elle Ta convaincu d'ineptie et d'im-
puissance. Que la presse soit muselée, la librairie tarifée,
la poste surveillée, la télégraphie exploitée par l'État, la
Spéculation, par l'anarchie qui lui est essentielle, échappe à
toutes les constitutions gouvernementales et policières. En-
treprendre de placer, sur ce dernier et infaillible truchement
de l'opinion, un abat-jour, ce serait vouloir gouverner dans
les ténèbres d'Egypte, ténèbres si épaisses, au dire des rab-
bins, qu'elles éteignaient les lanternes et les bougies 1
Comment, par exemple, interdire les marchés à terme?
Pour défendre les marchés à terme, il faudrait arrêter les
oscillations de Voffre et de la demande, c'est-à-dire garantir
à la fois au commerce la production, la qualité, le placement
et l'invariabilité du prix des choses^ annuler toutes les con-
ditions aléatoires de la production, de la circulation et de
la consommation des richesses-, en un mot, supprimer toutes
les causes qui excitent l'esprit d'entreprise : chose impos-
sible, contradictoire. L'abus est donc indissolublement lié
au principe, à telle enseigne que, pour atteindre l'abus, par
toutes voies de prévention, coercition, répression, interdic-
tion, exception, on fait violence au principe; pour se guérir
de la maladie, on se tue.
Il n'y a pour une société, pour un gouvernement, qu'une
manière demeltie fin aux abus de la spéculation boursière :
c'est, pour les fonds publics, et généralement pour tous
placements de capitaux , d'organiser l'amortissement des
dettes, ce qui implique une autre organisation du crédit ;
en second lieu, de rendre cet amortissement facile par la
réduction indéfinie de l'intérêt ; enfin, de faire de l'amor-
tissement, comme autrefois de l'intérêt, la condition sine
guâ non de tout emprunt, tant privé que public; — pour les
chemins de fer, les canaux, les mines, les assurances, la
Banque, etc., de liquider les sociétés existantes, et de rem-
placer la commandite des capitalistes par la mutualité des
— 37 —
industries et l'association des travailleurs-, — pour les affaires
de commerce et de change, d'abolir le monopole des otlices
et tons privilèges d'intermédiaires-, d'o[iposer aux ofïorts de
l'agiotage la garantie puissante d'étahlissements spéciaux
fonctionnant pour le compte des communes et du pays; par
ce moyen, de créer un vaste système de publicité, de balance
et de contrôle qui déjouerait toutes les ruses de la spécula-
tion im[)roiiuctive.
Mais cette heureuse révolution ne semble pas encore mtjre ;
l'opinion, celle du moins des intérêts qui pourraient parler,
ne l'appelle nullement. Quant aux intérêts qui ne parlent
pas, outre que leur silence s'interprète dans le sens des pre-
miers, qui ne sait que tout ce que nous pourrions dire en
leur faveur serait accusé d'utopie et de tendance révolu-
tionnaire, et comme tel non avenu?...
Toutefois, s'il n'y a pas lieu d'espérer, quant à présent,
que ni le gouvernement prenne l'initiative de cette réforme,
ni le pays émette à cet égard un simple vœu, il peut se faire
que l'excès du mal amène le remède, et, comme toutes les
institutions vieillies, que la spéculation se purge par l'exa-
gération même et la corruption de son idée.
L'institution des Bourses, dans les centres de commerce
et d'industrie, imposait à la bourgeoisie française un triple
devoir : envers elle-même, envers les classes travailleuses et
pauvres, envers l'État.
Envers elle-même , la bourgeoisie avait à surveiller le
mouvement des valeurs mobilières et immobilières, en em-
])êeher la dépréciation et en maintenir l'équilibre; prévenir
les fraudes commerciales, les contrefaçons ; démasquer le
charlatanisme, assurer la libre concurrence; combattre le
monopole ; conserver, augmenter les fortunes particulières
engagées dans les diverses branches de la procJuction ; en-
courager les entreprises sérieuses, mettre un frein à l'esprit
d'aventure, refréner l'usure, organiser le crédit, stigmatiser
et flétrir toute spéculation de pur agiotage, toute fortune
ac(]uise par des moyens que ré[)rouve la délicatesse et que
condamne un système de garanties réciproques et de loyales
transactions.
3
— 38 -
Envers les travailleurs, Tinitiative de toutes les mesures
générales qui peuvent affecter le bicn-êlre et l'éducation
des masses lui revenait : organisation de l'apprentissage;
soutien, amélioration, équilibre des salaires; facilités offertes
à l'étude; police et garantie des subsistances, diminution
des loyers, admission des ouvriers en participation des bé-
nélices, création d'un patrimoine populaire, élévation et
équation progressive de toutes les classes de citoyens...
Envers lÉtat, il lui appartenait de procurer, au moyen
d'une baisse soutenue des fonds publics, motivée sur le dé-
veloppement d'une commandite lucrative, l'amortissement
de la dette -, de régir la douane, l'impôt, la diplomatie ; de
couvrir les emprunts, d'empêcher l'aliénation du domaine,
et de mettre un frein au favoritisme des subventions, con-
cessions, octrois de privilèges et de primes, qui sont la ruine
des gouvernements et le chancre des sociétés.
Pour une bourgeoisie intelligente, généreuse et probe, la
Bourse eût été le parlement duquel seraient émanés chaque
jour des décrets plus efficaces que toutes les ordonnances
des ministres et les lois votées par quatre cent cinquante-
neuf représentants. Il n'est police, armée ni tribunaux qui
eussent pu se comparer à cette force de la spéculation pour
le maintien de l'ordre. Sous un tel régime, le pays avait la
possession abgolue de lui-même : la non-confiance devenait
impossible.
La bourgeoisie, il faut l'avouer, est loin d'avoir compris
ces hautes et nobles fonctions. Saisie d'une fièvre de spécu-
lation agioteuse, avide de concessions, de subventions, de
privilèges, de primes et de monopoles, elle a considéré la
fortune publique comme une proie qui lui était dévolue;
l'impôt comme une branche de son revenu ; les grands
instruments du travail national, chemins de fer, canaux,
usines, comme les gages de son parasitisme ; la propriété,
comme un droit de rapine; le commerce, l'industrie, la
Banque, comme des façons naturelles d'exploiter le peuple et
de pressurer le pays. A force de prélibations, d'anticipations,
de réalisations, d'usures, d'escomptes, elle donne au monde
le spectacle d'un débauché qui, au lieu de faire valoir en
— 39 —
bon père de famille riiéritage de ses ancêtres, améliorant le
fonds et ne consommant qu'une partie du revenu, dévore
tout en viao^er.
IN'est-il {)as monstrueux, en effet, de voir cette opération
si utile, si morale, quand elle ne s'applique qu'à de médio-
cres valeurs, à de courtes échéances, Vescotnptfi, devenu gé-
néral et systématiquement appliqué à des opérations dont
l'importance se compte par centaines de millions, et la durée
de 50 à 99 ans? Une ligne de fer est à peine concédée par le
gouvernement, que les premiers souscripteurs, portant leurs
titres à la Bourse, les vendent avec \iv'\me, réalisent : le
produit de vingt, trente et quarante années est escompte,
encaissé comme si déjà il existait, livré au parasitisme, qui
se gorge sans vergogne, à la barbe du prolétaire confondu.
Les prodigalités, les dilapidations, les anticipations, qui
amenèrent la chute de la monarchie en 89, amèneront tôt ou
tard la faillite de la bourgeoisie : déjà la Bourse, aux yeux
d'un observateur attentif, en manifeste les symptômes, et la
Bourse ne trompe jamais :
Cet oracle est plus sûr que celui de Calcbas.
De ces mœurs nouvelles, irrémédiables, qui infectent notre
bourgeoisie, sont nés le dégoût du travail, l'incapacité dans
les affaires sérieuses, la surexcitation de l'avarice, l'abaisse-
ment des consciences, et ces inspirations de la lâcheté qui,
depuis 1830, refluant sans cesse des classes moyennes vers
les régions supérieures, caractérisent la politique de nos dé-
plorables ministères. Louis-Philippe fut le grand procura-
teur de cette politique, qui malheureusement n'a pas pris
fin avec son règne Que la bourgeoisie exalte ce roi et le
canonise : elle n'a pas le droit de l'accuser. Mais la France
lui doit la dépravation de ses mœurs, l'éclipsc de son génie,
l'avilissement de son nom, une évolution républicaine sans
énergie, sans idée et sans gloire, et peut-être, dans un ave-
nir que nul n'oserait dire éloigné, la perspective d'une ré-
volution sociale.
L'antique haine, qui, sous l'ancienne monarchie, s'attachait
— 40 —
au traitant, s'est généralisée : elle frappe, comme une ré-
probation, le monde bourgeois. L'ouvrier, enfermé dans le
cercle étroit des saliires, a deviné le seiret de tant de scan-
daleuses opulences. H ne se dit point que le patronat, qu'il
déteste, a aussi ses iimertnmes; que tout n'est pas vol dans
la richesse acquise par des entteprises périlleuses, par des
spéculations utiles, par iine action loyale et intelligente des
capitaux; et qu'après tout, la modeste existence d'un ou-
vrier habile, rangé et irresponsable, vaut autant pour la
réalité du bien-être que la foi tune plus ou moins factice d'un
entrepreneur consumé d'ennuis et de veilles. L'ouvrier en-
veloppe de sa haine socialiste tout ce qui dépasse sa condi-
tion, et qu'il s'est accoutumé, sans justice, mais par la
faute des classes supérieures, h regarder comme ennemi.
La scission entre la bourgeoisie et le prolétariat, de jour
en jour plus apparente, est, on peut le dire, irrévocable.
Nous en avons dit les causes fatales : ce sont les abus qui
accompagnent la Production dans ses quatre facultés essen-
tielles, le Travail, le Capital, l'Échange, et, par dessus tout,
la Spéculation. En traçant, d'une jilume rapide, le rôle que
le cours du siècle et la nécessité des choses imposent à la
classe bourgeoise, nous avons indiqué sommairement aussi
le remède au cataclysme révolutionnaire qui menace d'en-
gloutu- la France. L'objet de ce travail ne nous permet pas
de pousser plus loin nos investigations.
Notre but, en offrant au public cet abrégé de la statis-
tique spéculative, a été de servir les intérêts de toute nature
que peuvent compromettre, sans qu'ils s'en doutent, les
fluctuations boursières. Le rentier, qui vit sur la foi de son
inscription; l'actionnaire, qui compte sur son dividende;
le propriétaire foncier, dont l'avoir est tout en terres et
en maisons; le commerçant, dont la sécurité repose sur
réveiilualité des bénéfices; le pèie de famille, qui cherche,
pour l'établissement de ses fils, pour la dot de ses filles,
le placement le plus solide et le plus productif; tous ceux
dont la fortune est engagée, soit dans les fonds publics,
soit dans les entreprises industrielles , soit dans des pro-
— 41 —
priélés rurales ou urbaines, et qui trop souvent oublient
que cette fortune rhanjïe incessamnienl , tant en capital
qu'en intérêts, par les mouvements quotidiens tle la Bourse;
tout ce monde, étranger pour la [Jupuit à la spôcnlalion, a
besoin cependant d'en ronnaitre à peu piès les objets, d'en
observer les oscillations et d'en prévoir les résultats. Tous,
tant que nous sommes, jusqu'au simple journalier, nous
jragnons ou nous perdons chaque jour quelque chose à la
Bourse : pour l'un (-'est le capital qui s'accroît de valeur ou
se déprécie, pour l'autre c'est le revenu; pour celui-ci c'est
le prix de ses marchandises, pour celui-là c'est la valeur des
matières premières; pour tous c'est la mercuriale des sub-
sistances (jui monte ou qui baisse, et par conséquent le sa-
laire qui diminue ou qui augmente.
Un Manvel du Spécvlafevr doit contenir :
1» Les lois qui régissent la Bourse et ses divers agents, le
sens général et le détail des opérations, leur moralité, leur
influence, les comliinaisons de vente et d'achat, réjtoque et
le mode des liquidations, en un mot, les formes, rubriques
et procédures de la Spéculation;
2o Une notice claire et complète des effets formant la ma-
tière de la Spéculation; leur oiigine, leur gage, leur valeur
réelle, c'esl-à-diie une monographie de chaque espèce de
fonds cotés au parquet.
Notre ouvrage se divise donc en deux parties principales :
1° formes de la Spéculation; 2" Matière de la Spéculation.
PREMIERE PARTIE.
FORMES DE LA SPÉCULATION.
CHAPITRE PREMIER,
Tenue, police et administration de la Bourse.
L'institution de la Bourse est ainsi déterminée par le
Code :
« La Bourse de commerce est la réunion, — qui a lieu sous l'au-
torité du roi, — des commerçants, capitaines de navires, agents
de change et courtiers. » (Code de commerce, art. 71 .)
On appelle aussi Bourse le lieu où se tient cette réunion,
« Le gouvernement pourra établir des Bourses de commerce
dans tous les lieux où il n'en existe pas et où il le jugera conve-
nable. » (Loi du 28 ventôse an IX, art. i*".)
Selon la définition de la loi, la Bourse est une assemblée
de marchands, traitant d'affaires sérieuses. Or les réunions
de ce genre ne sont pas une innovation moderne; elles sont
nées avec le négoce même. Sous une appellation ou sous une
autre, on en trouverait des traces chez les peuples de l'anti-
quité, les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, les Ro-
mains, ainsi qu'au moyen âge, chez les Génois, les Véni-
tiens, les Hollandais, les Portugais, les Anglais, chez toutes
les nations enfin qui ont dû leur richesse et leur importance
au commerce de mer et aux transactions avec l'étranger.
A Rome, 500 ans avant Jésus-(]hrist, il existait une as-
semblée des marchands, Collegium mercatorum, dans la-
quelle on peut fort bien voir une Bourse.
11 existe une ordonnance de Philippe le Bel (1304), qui
assigne aux opérations de change le pont qui en conserve
_ 43 ~
encore le nom. Mais c'est à Bruges, dit-on, que la Bourse fut
ainsi nommée pour la pr niière fois. La Bourse de Toulouse
remonte à 1549; celle de Bouen à 1566.
11 ne faut pas prendre la date des édits et règlements pour
celle de l'institution même. Les lois, en matière commer-
ciale surtout, ne créent rien, elles définissent et réglemen-
tent un état de choses déjà existant : voilà tout.
L'établissement légal de la Bourse est de septembre 1724,
quatre ans après la chute du système de Law. Elle se tenait
alors à l'hôtel de Nevers. Fermée le 27 juillet 1793, elle rou-
vrit au Louvre le 10 mai 1795. Fermée de nouveau le 13 dé-
cembre de la même année, elle fut rétablie, le 12 janvier
suivant, dans l'église des Petits-Pères, puis transférée, le
7 octobre 1807, au Palais-Boyal, et le 23 mars 1818, sur le
terrain des Filles-Saint-Thomas, dans un hangar qui ne
pouvait être que provisoire. Les frais de construction du
palais actuel de la rue Vivienne ont été couverts en partie
par les souscriptions des commerçants et des agents de
change; le gouvernement et la ville ont payé le surplus.
L'inauguration a eu lieu en 1826, le 6 novembre.
La propriété du monument a été réglée par la loi du
10 juin 1829, ainsi conçue :
« Article unique. — Le ministre des finances est autorisé à
abandonner çn toute propriété, au nom de l'État, à la ville de
Paris, l'emplacement occupé par le palais de k Bourse et ses
abords, ainsi que les constructions élevées aux frais du gouverne-
ment et les terrains acquis par l'État pour cette destination, ou
provenant de l'ancien couvent des Fillcs-Saint-Thomas, et qui se
trouvent en dehors des alignements soit du palais, soit de la
place. Au moyen de cet abandon, !a ville de Paris devra faire ter-
miner à ses frais le palais de la Bourse et ses abords, et demeu-
rera seule chargée de leur entretien. »
Les besoins du commerce, qui avaient fait instituer les
foires et les marchés périodiques, ont donné naissance,
avons-nous dit, à rinstilulion des Bourses. Seulement elles
ne pouvaient, suivant la nature des choses et le dévelo|)pe-
ment des transactions, venir qu'en dernier; il fallait qu'au
préalable le change et le crédit eussent pris des proportions
— 44 —
assez considérables pour permettre aux négociants de sti-
puler et déchangor sur de simples titres, et de faire une
partie noiable des .ilTiiresavecdu papier.
En efici, dans les foires et marches on vend et on achète
des denrées en nature; il y a livraison matérielle des objets.
A la Bourse, lien de pareil : ni marchandises, ni échantil-
lons. Les conventions sélablissent sur des titres tels que
lettres de ( hange, connaissements, actions de chemins de
fer, obligations, etc. C'est la sublimation ou quintessence
du commerce. Aussi les juifs ont-ils été les créateurs des
Bourses chez les nations modernes.
Dans la plupart des cas, les titres sont tout l'objet de la
transaction. Cependant il se fait aussi, ou plutôt il se fai-
sait autrefois, des ventes et des achats de marchandises,
telles que cotons, savons, suifs, fers, huiles, sucres, cafés,
trois-six, etc. Seulement, à la différence des foires, la livrai-
son ne sefleclue jamais au lieu même du marché. On con-
vient du prix à la Bourse, on livre à l'entrepôt ou chez le
commissionnaire.
Aujourd'hui, c'est principalement dans les villes d'entre-
pôt et d'arrivages, comme le Havre, Marseille, Bordeaux,
dans les districts manufiicturiers et agricoles, comme Lyon,
Rouen, le Languedoc, l'Alsace, que le jeu sur les marchan-
dises s'est concentré. Bien que ce genre d'agiotage soit le
contre-coup des jeux de Bourse, il n'entre pas (fans le cadre
de notre sujet d'en décrire les [)rocédés, qui au sur()lns se
résument presque tous en des coalitions de capitalistes dé-
tenteurs de matières premières ou acquéreurs de tout le
disponible et de toute la production pendant trois mois, six
mois, \\n an et plus.
Nombre d'institutions, sans changer de nom, se transfor-
ment et se modifient parfois au point do devenir méconnais-
sables en moins d'un demi-siècle. La suite de ce traité nous
montrera qu'il n'en est |)oint autrement de celle qui nous
occupe. C'est à peine si les spéculateurs d'aujourd'hui se
doutent qu'il y a des courtiers de marchandises attachés à
la Bourse. Les transactions honnêtes ont dû céder la place
à l'agiotage parasite. Le jeu, qui était l'exception, est de-
— 4b —
venu la règle. Quoi qu'il en soit, la création des Bourses a
répondu, dans le principe, à un besoin impérieux du com-
merce, et elles ont été, comme les comptoirs, les factoreries,
les banques, un auxiliaire puissant du crédit et des relations
internationales.
Un fuit constant, mais qui ne nous étonnera pas, c'est
que dès avant 89, comme après, le gouvernement n'a cessé
de prendre toutes les précautions imaginables contre ce pu-
blic agiotant et spéculant, dont il redoute par dessus toute
chose la critique, dont il ne cesse par conséquent de solli-
citer la faveur. La Convention, dans sa logique dictatoriale
et avec ses façons sommaires, pensa que si la Bourse était le
centre de manœuvres sus[>e( tes, le plus simple était de la
fermer, il en fut ainsi, en < ITet, jusqu'au 6 lloiéal an 111, où
un décret de la même assemblée ordonna de la rouvrir.
Aux termes de l'article 28 de l'arrêt du 24 septembre
1724, les particuliers qui voulaient acheter des «'(Tcts publics
ou commerçabies, devaient remettre, avant l'heure de la
Bourse, largent ou les elTels aux agents de change. I.c lé-
gislateur avait cru i)rendre |)iir là une garantie contre le
jeu. La loi du 13 fructidor an 111 (30 août 1795) se montra
plus ex()licite encore. Considérant que u les. négociations de
la Bourse n'étaient plus qu'un jeu de primes, ori chacun
vendait ce qu'il n'avait |)as, achetait ce qu'il ne voulait pas
prendre, et oîi Ton trouvait partout des conunerçants et
nulle part du commerce, » elle défendit, sous des p-ines
très-sévères (deux ans de détention, exposition publique
avec écriteau sur la poitrine portant ce mot: agioteur, et
confiscation au prolit de l'État, des biens du condanmé),
de vendre des marciiandises ou cH'cts dont on ne serait pas
propriétaire au moment de la transaction. — Un autre arrêté
du 5 ventôse au IV (21 février 1796j, dans le but d'assurer
Texéculion de la précédente loi, exigea que tout marché
conclu par un agent de changiï ou un courtier fût proclamé
à haute voix, enregistré par le crieur, avec indication du nom
et du domicile du veuileur, ainsi ipiedu déposiaire deseil'ets
ou espèces, alia que la police put rerifier l'existence des
objets vendus. Le même arrêté n'admettait à la Bourse que
3.
- 46 —
les agents de change ou courtiers de marchandises légale-
ment nommés, et les banquiers et négociants qui, indépen-
damment de leur patente et de la quittance de leur part
dans l'emprunt forcé, justifieraient, par un certificat de
leurs municipalités, qu'ils avaient maison de banque ou de
commerce en France, et domicile fixe.
Mais la légalité, dans sa lutte contre Tagiotage, a toujours
eu le dessous. De guerre lasse, l'autorité, par l'arrêté du
27 prairial an X (16 juin 1802), abrogea l'obligation de dési-
gner le vendeur et l'acheteur, ouvrit la Bourse à tous les
citoyens, même aux étrangers, et renonça à exiger qu'on
justifiât de la propriété des objets vendus ou échangés.
Toutes les ordonnances sur la matière, depuis 1724 jus-
qu'à nos jours, sont d'accord sur ce point qu'il ne peut être
fait aucune négociation d'effets commerçables en dehors du
local et des heures qui y sont affectés. L'autorité voulait
absolument avoir l'œil sur les boursiers : l'expérience de
cent trente années doit lui avoir appris que si son inspection
est parfaitement motivée, elle est tout à fait impuissante.
« Défend Sa Majesté, dit l'arrêt du 24 septembre 1724^, de faire
aucune assemblée et de tenir aucun bureau pour y traiter de né-
gociations, soit en maisons bourgeoises, hôtels garnis, cafés, limo-
nadiers, cabaretiers, et partout ailleurs, à peine de 6,000 livres
d'amende contre les contrevenants... Et seront tenus les proprié-
taires ou les principaux locataires, aussitôt connaissance de l'u-
sage qui sera fait de leurs maisons en contravention au présent
article, d'en faire déclaration au commissaire du quartier, à peine
de 6,000 livres d'amende. »
Les arrêtés de 1781, de 1785 et la loi du 13 fructidor
an III sanctionnent par des peines encore plus sévères les
prohibitions précédentes. Un décret du 27 prairial an X
renouvelle les mêmes dispositions. Il n'est rien de pire pour
un gouvernement que de ne savoir ou ne pouvoir se faire
obéir. Eu 1819 et 1823, le préfet de police renouvelle aux
agioteurs ses injonctions sévères : il aurait pu continuer sur
ce |)ied en 1824, 1825, etc., sans obtenir plus de résultats.
L'agiotage est inséparable de la spéculation sérieuse, comme
l'abus de la propriété.
__ 47 —
Le gouvernement de Louis-Philippe, en philosophe qui
subit ce qu'il ne peut empêcher, ferma les yeux sur les réu-
nions du café Tttrioni et du passage de lOpéi'a. Mais en
1849, M. Carlier, ayant prélomlu que force de\ait rester à
la loi, fit fermer le cercle du boulevard des Italiens. Chassés
par la porte, les spéculateurs rentrèrent, comme on dit, par
la cave : depuis 1853, la police a fourni contre eux deux
campagnes, d'abord en les dépistant du passage de rOjiéra,
ensuite du Casino où ils s'étaient réfugiés en dernier lieu.
Devant les sergents de ville, les contrevenants semblaient
s'être résignés. Mais voici qu'ils tiennent leurs réunions am-
bulantes sur l'asphalte du boulevard, et jamais la spécula-
tion coulissière ne s'est livrée plus tranquillement à ses
manœuvres.
La police de la Bourse appartient, à Paris, au préfet de
police; aux commissaires généraux de police dans les places
de Lyon, Marseille, Bordeaux-, aux maires dans les villes où
il n'y a pas de commissaires spéciaux.
« Aucim pouvoir militaire, dit la loi du 28 vendémiaire an IV,
n'exercera de fonctions dans l'intérieur de la Bourse, qui ne sera
soumise qu'à la surveillance de la police administrative. »
Un commissaire assiste, à Paris, à chaque séance.
a La Bourse est ouverte à tous les citoyens et même aux étran-
gers. » (Arrêté du 27 prairial an X). — « Nul commerçant failli ne
peut s'y présenter, à moins qu'il n'ait obtenu sa réhabilitation. »
(Code decomra., art. 614.)
L'entrée en est également interdite aux individus condam-
nés à des peines afflictives et infamantes. L'arrêt de 1724
défendait aux femmes d'entrer à la Bourse, pour quelque
cause et prétexte que ce fût. L'arrêté de prairial an X main-
tint implicitement cette exclusion, en n'y admettant que les
personnes jouissant de leurs droits politiques. Aucune loi
n'est venue jusqu'ici abroger cette prohibition, et elle con-
tinue de rester en vigueur. C'est un paragraphe à ajouter
au chapitre de Témancipation de la femme.
Depuis le 1^' janvier 1857, un droit d'entrée a été établi i»
la Bourse par la municipalité de Paris : ce droit est de 1 fr.
par personne, et de 50 centimes par abonnement.
- ^8 —
Le produit de cette taxe, pendant le mois de janvier 1857,
a été do 120,000 fr., soit, pour 26 jours de Bourse, en ne
tenant pas compte de la différence de Tabonnement, 4,615 fr.
par jour : ce qui porte le nombre des habitués quotidiens à
5,000 au moins en moyenne : il n'était pas, il y a dix ans,
de 500.
« A Paris, dit l'arrêté de prairial précité, le préfet de police
réglera, de concert avec quatre banquiers, quatre négociants,
quatre agents de change et quatre courtiers, désignés par le tribu-
nal de commerce, les jours et heures d'ouverture, de tenue et de
fermeture de la Bourse. — Dans les autres villes, le commissaire
général de police ou le maire fera cette fixation de concert avec le
tribunal de commerce. »
L'ordonnance de 1809 n'accordait qu'une heure pour la
négociation des effets |)ublics, et deux heures pour les affai-
res de commerce. Ces dispositions restèrent en vigueur jus-
qu'au 12 janvier J831, où il fut accoidé deux heures pour
les effets, et trois heures [loui' les marchandises.
Aujourd'hui la Bourse est ouverte de une heure à trois à
la spéculation sur les fonds, et de trois heures à cinq aux
transactions commerciales. L'ouverture et la fermeture s'an-
noncent au son de la cloche. Il est interdit de faire aucinie
négociation de titres ou de commerce hors des heures fixées
par le règlement. A cinq heures un quart, les agents de po-
lice font évacuer la salle.
On appelle parquet l'endroit interdit au public. C'est, à
Paris, l'espace circonscrit par les deux balustrades circu-
laires entre lesquelles se trouvent les agents de change, qui
seuls ont le droit d'y pénétrer.
La coulisse n'est point, comme le parquet, un lieu déter-
miné dans la salle. Ce mot n'a de sens qu'au figuré. On dit
les opérations de la coulisse, par opposition aux opérations
du parquet, pour désigner les transactions qui se font sans
le ministère des agents de change.
Le cours des négociations doit être crié à haute voix, cha-
que fois qu'il s'agit d'effets publics (ordonnance du 2 ther-
midor au II, 21 juillet 1801). Il n'en était pas ainsi sous
l'empire de Tordonnancç de 1724 : l'article 15 défendait
— 49 ■—
(l'annoncer le prix des effets à liaule voix, « nfin d'établir
l'ordre et la tranquillité, el que chacun pût faire ses alîaires
sans être interrompu. » Mais alors la loi n'admettait pas que
vendeurs ou acheteurs eussent la faculté de donner des or-
dres pendant la Bourse : on ne devait négocier que des
efTets préalablement déposés chez les officiers publics.
« Le résultat des négociations et des transactions qui s'opèrent
dans la Bourse, dit le Code de commerce, détermine le cours du
change, des marchandises, des assurances, du fret ou nolis, du
prix des transports par terre ou par eau, des elTets publics et
autres dont le cours est susceptible d'être coté. » (Art. 72.)
Ici la pratique dément considérablement la théorie. Les
afTaires sérieuses se r(!lirent de plus en plus de la Bourse, à
mesure que le jeu y prend des proportions plus gigantesques.
Le change est rentré dans les attributions des banques et
des comptoirs d'escompte ; les ventes sérieuses de marchan-
dises se font dans les fabriques, les entrepôts ou j)ar les com-
missionnaires ; les assurances ne figurent au parquet que
pour y fiiire coter leurs actions; il en est de même de la ba-
tellerie et des chemins de fer. En sorte qu'il ne reste guère
à la Bourse que les fonds |)ublics el les actions des entrepri-
ses industrielles; encore, dans la masse des transactions
quotidiennes qui s'y font en deux heures, en trouverait-on
à peine une sur dix mille de sérieuse.
CHAPITRE IL
Intermédiaires officiels des opérations de Bourse;
it{;ents de changée et Courtiers.
« La loi, dit l'article 7i du Code de commerce, reconnaît, pour
les actes de commerce, des agents intermédiaires, savoir les agents
de change et les courtiers. >»
La révolution de 89 trouva ces professions, comme toutes
les autres, organisées en privilèges. 11 n'était pas extraor-
dinaire que les offices fussent monopolisés (|uand l'industrie
et le cooimerce étaient eu.x-mêmcs constitués en corpora-
~ 50 —
lions. Toutefois ce fut seulement au mois de mars 1791 que
la loi rangea dans le domaine commun les professions d'agent
de change et de courtier. Dès lors chacun fut libre d'em-
brasser ces carrières, à la charge, bien entendu, de se pour-
voir d'une patente et de se conformer aux règlements sur la
matière.
Cette liberté ne fut pas de longue durée ; le 28 vendé-
miaire an IV, le privilège fut rétabli, sous prétexte que <i la
liberté et la sûreté du commerce ne pouvaient être confon-
dues avec la licence et le trafic de Tagiotage. » Pour res-
treindre l'abus on le constituait en monopole I Quelle politi-
que I La loi du 28 ventôse an XI vint confirmer celle de
l'an IV en déclarant exclusives les fonctions des agents de
change et des courtiers dans toute la France.
Le nombre de ces officiers pnblics est fixé par une ordon-
nance. La loi du 28 avril 18 16 et l'ordonnance du 3 juillet de
la même année leur permettent, comme aux notaires, aux
avoués, etc. , de présenter au gouvernement leurs succes-
seurs, sauf en cas de destitution. Cette présentation se fait
moyennant un prix de au profil du cédant. Rien, comme
on voit, en ce qui concerne cette industrie, n'a été changé à
l'ancien régime.
Les charges d'agents de change, à Paris, dans les dernières
années de la restauration, se vendaient déjà jusqu'à 400.000 fr.
A la fin du règne de Louis-Philippe, elles atteignaient le prix
de 950,000 fr. Depuis l'empire elles se sont élevées au prix
de 1,800,000 fr. Aussi se sont-elles mises depuis longtemps
en association. Ce sont les copropriétaires de l'office qu'on
désigne sous les noms de quart, de huitième, de seizième
d'agent de change selon l'importance de leur participation.
S'agil-il d'établir des agents de change et des courtiers
dans une ville où il n'en existe pas encore, ou bien d'en
augmenter le nombre dans un lieu oui il y en a déjà? le mode
de nomination est ainsi réglé par la loi du 29 germinal
an IX :
« Le tribunal de commerce de la ville choisira, dans une as-
semblée générale et spéciale, dix banquiers ou négociants, et pour
Paris huit banquiers et huit négociants. Ces citoyens se rassemble-
— 51 —
ront pour former une liste double du nombre d'agents de change
el courtiers à nommer. Ils adresseront cette liste au préfet du
département, qui pourra y ajouter les noms qu'il voudra, sans
excéder toutefois le quart du total. — Le préfet l'enverra au mi-
nistre de l'intérieur, qui pourra ajouter un nombre de noms égal
aussi au quart de la première liste. Il présentera ensuite la liste
entière, avec les propositions, au chef de l'État, qui fera la nomi-
nation. »
Tout ce verbiage équivaut à dire que le gouvernement fait
les nominations ad libitum.
Les conditions de capacité et d'aptitude sont déterminées
par difTérenles lois.
Il faut ; l°être citoyen français; 2° être âgé de vingt-cinq
ans au moins; 3° n'avoir jamais fait faillite, ou dans ce cas
s'être réhabilité; 4" justifier qu'on a fait le négoce ou qu'on
a travaillé dans une maison de banque, de commerce, ou
cl)ez un notaire à Paris pendant quatre ans au moins;
5" fournir un cautionnement (il est de 125,000 fr. à Paris);
6" se pourvoir d'une patente et prêter serment à la barre du
tribunal de commerce.
Les agents de change de chaque place forment une com-
pagnie, et lorsqu'ils sont en nombre suffisant, ils ont une
chambre syndicale.
La compagnie des agents de change de Paris est fixée à
soixante membres-, elle est placée dans les attributions du
ministre des finances. Celles des autres places sont sous la
dépendance du ministre de Tintérieur.
Outre les agents de change, l'article 77 du Code de com-
merce reconnaît :
« Des courtiers de marchandises;
« Des courtiers d'assurances ;
« Des courtiers interprètes et conducteurs de navires j
« Des courtiers de transport par terre et par eau. »
Le décret du 15 décembre 1813 a ajouté « les courliers-
gourmels-piqueurs de vin, » ou dégustateurs.
« Il y a des courtiers dans toutes les villes qui ont une Bourse
de commerce. » (Art. 75.)
Cola ne veut pas dire qu'il y aura près de chaque Bourse
— 52 —
des courtiers de chaque espèce. Les interprètes conducteurs
de navire, par exemple, ne sont utiles que dans les ports. Il
y a pour Paris soixante courtiers de commerce et huit cour-
tiers d'assurances. Le cautionnement des premiers est de
13,000 fr.; celui des seconds, de 15,000 fr.
Les conditions d'admission, dénomination, de cession
d'emploi, d'installation, sont les mêmes que pour les agents
de change.
Les agents de change ont seuls, et à l'exclusion de tous
autres, le droit de négocier : l^les effets publics français-,
2" les effets publics étrangers et ceux des compagnies de
commerce et de finance qui sont cotés au parquet par la
chambre syndicale; 3° les lettres de change et tous effets
privés qui sont commcrçabies. Ils font, concurremment avec
les courtiers de mar» handises, les négociations des matières
d'or et d'argent-, mais ils ont seuls le droit d'en constater le
cours. Ils ont encore le droit exclusif de constater le cours
des effets publics et du change.
Il est bien entendu que le monopole s'applique au cour-
tage et non au commoice. La loi doit être comprise ainsi :
Nul autre que les agents de chimge ne peut s'interposer
comme intermédiaire dans les spéculations susénoncées.
Mais les particuliers peuvent contracter directement entre
eux, sans intervention aucune, saufijonrtant quand il s'agit
d'effets publics. Là, il y a monopole de vente et monopole
d'agence tout à la fois; la négociation n^ peut se fiire (ju'à
la Bourse. Les transferts de rente sur lÉlal sont également
réservés aux agents de change. Ils certifient les comptes de
retour qui accompagnent les lettres de change et les billets
à ordre protestés.
Nous allons maintenant donner un résumé des lois qui
concernent ces ofliciers publics. Nond)re de spéculateurs
honnêtes,' que l'agiolage contenifiorain scandalise et qui
peut-être s'étaient habitués à y voir une tolérance coupable
du pouvoir, s'imagineront, en lisant ces textes, que c'est
une exhumation de vieux airêlés lombes depuis longlcm|)S
en désuétude. En pratique, ils n'aiiront pas tort; en droit,
c'est différent.
— 53 —
a Un agent de change ou courtier, dit l'article 83 du Code de
commerce, ne peut, dans aucun cas et sous aucun prétoxlr, faire
des opérations de commerce ou de banque pour son compte. Il ne
peut s'intéresser directement ni indirectement, sous son nom ou
sous un nom interposé, dans aucune entreprise commerciale. Il ne
peut recevoir ni payer pour le compte de ses commettants. »
L'article 10 de l'arrêté du 27 prairial an X, dont le Code
résume cl consacre les dispositions, est encore plus explicite.
« Les agents de diange et les courtiers de commerce ne pour-
ront être associés, teneurs de livres ni caissiers d'aucun négociant,
marchand ou banquier; — ne pourront pareillement faire aucun
commerce de marchandises, lettres, billets, effets publics et parti-
culiers, pour leur compte; — ni endosser aucun billet, lettre de
change ou effet négociable quelconque; — ni avoir entre eux ou
avec qui que ce soit aucune société de banque ou en commandite;
—ni prêter leur nom pour une négociation à des citoyens non com-
missionnés, sous peine de 3,000 fr. d'amende et de destitution. »
La raison de ces interdictions est facile à comprendre :
« Il ne peut y avoir de sijreté pour le commerçant, dit l'Exposé
des motifs, si l'intermédiaire ne conserve pas un caractère de
neutralité absolue entre les contractants qui l'emploient. Dès que
son intérêt peut être attaché directement ou indirectement à la
négociation dans laquelle il s'entremet, il trompe nécessairement
une des parties, et souvent toutes les deux. »
Aussi la loi n'admet point de faillites pour ces fonction-
naiies.
« En cas de faillite, tout agent de change ou courtier est pour-
suivi comme banqueroutier. » (Code decomm., art. 89.)
Puisqu'ils ne peuvent faire de marchés, ils ne peuvent
rien perdre -, chaque transaction dont ils sont les intermé-
diaires leur rapporte tant pour cent : ce n'est pas un profit,
c'est un honoraire. La faillite de la part de l'agent de change
est un vol : le mot de banqueroute est ici trop doux. Aussi
Tarlicle 404 du (^ode pénal dispose-t-il avec raison :
« Les agents de change et courtiers qui auront fait faillite seront
punis de la peine des travaux forcés à temps; — s'ils sont con-
vaincus de banqueroute frauduleuse, la peine sera celle des tra-
vaux forcés à perpétuité. »
— 54 —
« Toutes négociations m blanc des lettres de change, billets à
ordre ou autres elïets de commerce sont défendues. » (Loi de
vendémiaire an lY.)
« Les agents de change et courtiers ne peuvent s'assembler ail-
leurs qu'à la Bourse, ni faire de négociations à d'autres heures
que celles indiquées, à peine de destitution et de nullité des opé-
rations. » (Arrêté du 27 prairial an X, art. 3.)
« Ils ne pourront exiger ni recevoir aucune somme au delà des
droits qui leur sont attribués par le tarif, sous peine de concus-
sion. » (Arrêt du 24 septembre 1724.) »
« Il leur est défendu de prêter leur ministère pour des jeux de
Bourse, sur quelques efl'ets que ce soit. » (Lois de l'an IV et de
l'an X.)
« L'agent de change doit se faire remettre à l'avance les effets
qu'il est chargé de vendre, ou les sommes nécessaires pour payer
ceux qu'il est obligé d'acheter. » (Arrêté du 27 prairial an X,
art. 13.)
Nouvelle preuve que l'intermédiaire ne peut jamais per^
dre.
C'est rinterdiction formelle des jeux de Bourse.
Le Code pénal n'est pas moins explicite ;
« Art. 421 . — Les paris qui auront été faits sur la hausse ou la
baisse des effets publics seront punis des peines portées par l'ar-
ticle 419. »
« Art. 422. — Sera réputée pari de ce genre : toute convention
de vendre ou de livrer des effets publics qui ne seront pas prouvés
par le vendeur avoir existé à sa disposition au temps de la livrai-
son. »
De pareilles prescriptions, sauf tout le respect qui est dû
à la loi, sont à faire sourire les gens qui ont la moindre
connaissance des aflaires et de la manière dont se font les
transactions boursières.
Voici maintenant quelques dispositions de police relatives
aux opérations et aux personnes.
Les agents de change, comme tous les officiers publics, ne
peuvent se faire représenter que par un de leurs collègues.
Toutefois ceux de Paris sont autorisés à se faire remplacer,
pour quelques-unes de leurs fonctions, par un commis prin-
— 55 —
cipal agréé par la compagnie, et révocable à la volonté tant
du représenté que de la Chambre. Il n'a procuration que
pour signer des bordereaux et des mandats sur la Banque.
Les agents de change doivent le secret le plus inviolable
à ceux de leurs clients qui ne veulent pas être connus.
Ils ne peuvent refuser de signer des reconnaissances des
effets qui leur sont confies.
Ils sont tenus d'avoir un livre revêtu des formes prescrites
par l'article 1 1 du Code de commerce. La tenue de ce livre
est assujettie à toutes les prescriptions relatives à la comp-
tabilité commerciale.
Ils doivent remettre aux parties les bordereaux signés
d'eux et constatant les opérations dont elles les ont chargés.
Lorsque deux agents de change ont consommé une opéra-
tion, chacun d'eux doit l'inscrire sur son carnet et le mon-
trer à l'autre.
Les agents de change et les courtiers, en raison de leur
privilège, ne peuvent refuser leur concours à ceux qui le
réclament pour une transaction légale.
Ils ne peuvent négocier aucun billet ni aucune marchan-
dise appartenant à des personnes dont la faillite est déclarée.
Il leur est interdit de négocier les actions ou obligations
des sociétés non constituées; à plus forte raison, de vendre
ou acheter de simples promesses d'actions.
Les inscriptions de rentes excédant 1,000 fr. en capital
et appartenant à des incapables ne peuvent être aliénées
sans autorisation de justice. Même défense pour les actions
de la Banque quand il y en a plus d'une. La prohibition du
transfert des pensions sur l'État est idjsolue. Elle l'est éga-
lement pour les rentes et les actions de la Banque affectées
à des majorats.
Les principales circonstances où la responsabilité de
l'agent de change offre quelque gravité sont les suivantes ;
Il est responsable de la livraison et du payement de ce
qu'il a vendu et acheté. C'est le droit, puisqu'il doit pos-
sédera l'avance les effets négociables et les sommes à payer.
Il garantit pour cinq ans la validité des transferts de rente
et d'actions de la Banque , en ce qui concerne 1 identité du
— 50 —
propriétaire, la vérité de sa signature et des pièces pro-
dnifes.
Il est civilement responsable de la vérité de la dernière
signature des lettres de change et autres billets qu'il né-
gocie.
Son cautionnement est affecté, par premier privilège, aux
créanciers envers qui sa lesponsiibilité a été encourue, et
qu'on nomme créanciers pour faits de charge. Us ont éga-
lement premier privilège sur le [)rix de Toffice, au cas où il
devrait èlre vendu poiii- couvrir le déficit.
La Chambre syndicale des agents de change est composée
d'un syndic et de six adjoints, élus ehaque année en assem-
blée générale, à la majorité absolue des sulîrages; ils sont
toujours rééligibles.
Dans les villes où les agents sont en trop petit nombre,
moins de six, pour former une Chambre, ils font tous l'office
du syndicat.
La Chambre syndicale a pour mission de veiller à ce que
ses membres ne s'écartent pas des lèglcments administratifs
auxquels la loi les astreint ; elle peut les censurer et provo-
quer auprès du ministre leur destitution. — La dénoncia-
tion des élrangeis qui s'immiscent dans les fonclionsd'agents
de change lui iipfiai tient également. — Elle préside aux
liquidations, et délègue Ae,\\\ de ses membies pour y veiller
spécialement. — Elle peut intervenir en conciliation quand
deux ou plusieurs de ses membres ont entre eux une contes-
tation relaiivemeut à l'exercice de leurs fonctions; mais elle
n'a le dioit de donner (pi'un avis. — Elle donne son avis
motivé sur les listes de candidats |)résentés au gouvernement
pour les nominations en cas de vacance. — Celui qui veut
disposer de sa charge doit faire agréer son successeur par
le syndicat.
La Chambre syndicale a encore pour mission de constater
le cours des efl'els et d'en rédiger la cote. — Aucune valeur
nouvelle ne peut se produire avec couis authentique sans
son intermédiaire.
Le syndicat représente naturellement les intérêts, lesam-
bilions, les passions de la compagnie, dont il est lu bras et
la parole. Toute tentative d'envahissement, d'extension d'at-
tributions, cette préoccupation constante des corporations
privilégiées, vient par celte voie. Certaines de ses décisions
empiètent d'une manière flagrante sur les droits du gouver-
nement. Ainsi l'affluence des effets publics résultant de la
création des chemins de fer a certes porté l'encombrement
dans les marchés. Pour parer h cet inconvénient, la Chambre
syndicale a imaginé la double liquidation mensuelle. C'est
double courtage, doubles reports, au bénéfice des agents
de change et au détriment des spéculateurs. Il u'apparte-
noit, selon nous, qu'à l'administration publique de f)rendre
une décision à ce sujet : peut-être aurait-elle résolu la diffî-
cullé d'une autre manière, par exemple en augmentant le
nombre des offices.
Pendant le dernier trimestre de 1852, l'affluence des spé-
culateurs était si grande, que les agents de change ne pou-
vaient suffire à réaliser seulement les ordres au comptant;
tel acheteur était obligé d'attendre trois jours et de payer
plus cher, si la cote montait, les valeurs qu'il avait deman-
dées. C'était une démonstration patente de l'insuffisance du
nombre des agents : l'opinion pouvait s'en émouvoir. Que fit
la Chambre syndicale? Elle prit, le 8 novembre, une déci-
sion imposant à tout spéculateur à terme une couverture de
150 flancs par action de chemin de fer.
Sans doute il y a une loi plus stricte que cela : celle qui
oblige l'agent à ne vendre que des titres déposés chez lui et
à n'acheter que pour les sommes qu'on lui a remises. Mais,
puisque la pratique s'est alfranchie de ces prescriptions et
quelle admet les opérations à découvert, la décision du
S novembie est un véritable coup d'État.
Le but de cette mesure était d'éliminer les joueurs sans
capitaux, non 'dans l'intérêt de la morale, mais afin de dés-
encombrer la |ilace. Quel en a été le résultai? un peu plus
de bénéfice pour les agents. « Vous voyez, disent-ils aux
spéculateurs à découvert, nous sommes tenus d'exiger de
vous 150 fr. de couverture par action. — Mais les diirérences
n'atteignent jamais ce chiffre; ne pourrait on s'arranger?
— Fournissez-moi une caution : M. X pourra, je crois, faire
— 58 —
cette affaire. » Une caution ne s'accorde pas par philan-
thropie, connme on pense; il faut en payer lïntérêt. C'est
tout bénéfice pour ces messieurs. Le gouvernement n'a pas
cru à propos de contrecarrer les agents de change en cette
occasion, pas plus qu'en la première. Il ne le pouvait pas :
le moment n'était pas venu. Il se serait brisé contre la force
des choses, s'il l'avait entrepris. La compagnie est un des
pouvoirs de l'État. Il ne s'agit plus de lui dénier ce ca-
ractère : mieux vaudrait mille fois le lui reconnaître, en le
définissant.
Les courtiers de commerce sont intermédiaires entre
l'acheteur et le vendeur d'un même endroit, à la différence
des commissionnaires, qui représentent des maisons d'une
autre localité que celle oîi ils opèrent. Il peut exister des
courtiers, même dans les villes où il n'y a point de Bourse.
La pratique des affaires s'est depuis longtemps affranchie
de ce privilège qui, s'il était pris à la lettre, serait un véri-
table embargo sur les transactions. Il n'existe en réalité que
pour les opérations de Bourse, c'est-à-dire pour les spécu-
lations non sérieuses.
La fonction des courtiers d'assurances est de rédiger,
concurremment avec les notaires, les contrats ou polices,
d'en attester la vérité par leur signature, de certifier le taux
des primes pour tous les voyages de mer ou de rivière. (Gode
de commerce.)
Les charges de courtier ont beaucolip perdu de leur Im-
portance depuis que la commandite par actions a pris un
développement si considérable. Il est bien plus facile de
jouer sur des titres en papier que sur des marchandises.
Les agents de change ont à peu près, en droit sinon eft
fait, le monopole de toutes les négociations de la Bourse.
Le spéculateur ne connaît point le courtier, si ce n'est le
courtier-marron, dont il sera parlé an chapitre suivant, et
dont les fonctions, simplement tolérées, ne sont autres que
celles des agents de change eux-mêmes.
— 59 —
DROITS DE COURTAGE.
Par délibération en date du 21 janvier 1856, la Chambre
syndicale a fixé comme suit le minimum du droit de cour-
tage dû aux agents de change.
DROITS A 1/8 0/0.
Rentes françaises.
Cerlificals d'emprunts en rentes françaises.
Bon» du Trésor.
Actions de la Banque de France.
Actions du Crédit mobilier.
Actions et obligations du Crédit foncier.
Obligations de la ville de Paris.
Obligations des villes et des départements.
Annuités municipales des ponts.
Actions des canaux.
Actions et obligations des Compagnies de chemins de fer français et
étrangers, sauf les exceptions indiquées ci-dessous.
Obligations de la Liste civile.
Actions du Comptoir d'escompte.
Actions des diverses banques et comptoirs français.
Actions et obligations de la Grand'Combe.
Actions et obligations des Mines de la Loire.
Actions de la Caisse hypothécaire.
Actions des Compagnies d'assurances.
Actions de la Compagnie générale des Omnibus.
Actions de la Compagnie parisienne d'Éclairage et de Chauffage par
le gaz.
Actions de la Compagnie des Services maritimes des Messageries impé-
riales.
Actions de la Compagnie générale maritime.
Actions de la Société générale de navigation à vapeur (Bazin, Léon
Gay et C").
Actions de la Banque de Belgique.
Fonds publics étrangers, sauf ceux désignés ci-dessous.
DROITS A 1/4 0/0.
Actions de jouissance et billets de prime des canaux.
Actions de la Banque de Darmstadt.
Actions de la Société de la rue de Rivoli.
Actions du chemin de fer de Manage à Erquelines.
Actions du chemin de fer de Naples à Castellamare.
Actions du chemin de fer de Tarragone à Reuss.
Toutes les actions de sociétés particulières non désignées ci-dessdS.
Emprunt d'Ha'rii.
— co —
Emprunt prussien de IS32.
Lots d'Autriche.
Fonds espjifrnols de toute nature.
Tous les effets publics ou pailiculiers dont la négociation est faite en
vertu duii jugement, d'une délibération de conseil de famille, ou d'un
acte authentique prescrivant un remploi.
OBSERVATIONS.
!• Pour les valeurs comprises dan» la première partie (droit à 1/8 0/0),
dans toutes les opérations à terme, quelle qu'en soit l'importance, et même
pour les reports, le droit de courtage doit toujours être calculé à 1/8 Ô/O.
il n'est admis d'exception que pour les rentes françaises et les actions de
la Banque.
'2* Le droit de courtage à 1/8 0/0 est aussi le minimum dans toutes les
néjrociations d'actions de chemins de fer, soit au comptant, soit à terme.
Lorsque ce droit ain^i calculé est inférieur à 50 c. par action, on doit por-
ter .^0 c, pourvu toutefois que cette perception ne dépasse pas le taux légal
de 1/4 0/0. — (Ainsi le courtage à percevoir e?l de : 1/4 0^0 sur les actions
au prix de 200 fr. et au-des^^ous ; — âOc. p:ir action au prix de 201 à 400 fr.:
— 1/8 0/0 sur les actions du prix de -iOl fr. et au-dessus.)
3* Le minimum de droit sur les actions de la Banque de France ne peut
être inférieur à 2 fr. par action dans les transactions à terme de toute
nature.
40 Le courtage sur les effet» publics ou particuliers qui ne sont pas enliô-
reuitUt payes doit être pris comme si leur complète libération avait eu lieu.
Pour extrait conforme :
Le Syndic ■ A. BILLAUD.
Celte dernière disposition est appréciée en ces teVmes par
M. de Mériclel, iiuitième d'agent de change :
« Une réduction que le public doit réclamer avec instance comme
l'expression d'un principe et comme une justice, c'est celle du
courtage sur l'emprunt, les actions et les obligations non libérées.
Que le courtage soit prélevé sur la somme payée, rien de plus
juste; mais sur les sommes non versées, c'est une exaction. C'est
particulièrement sur l'emprunt que ce courtage est écrasant : ainsi
dès les premiers jours de l'émission, on achetait 6,000 IV. de rente
3 0/0 avec un capital de 6,800 fr. Pour ce faible capital, l'agent
de change réclamait un droit de 170 fr. ! et en cas d'application,
il prélevait un autre courtage de 170 fr. : en sorte qu'une simple
vente de 6,000 fr. de rente entre deux clients produisait 340 fr.
de courtage, sans responsabilité : les titres sont au porteur et lo-
pération se faisait au comptant.
« On punit un usurier qui prête de l'argent à i2 0/0, et l'agent
— Gi-
de change peut impunément écraser son client de son énorme
courtage; il peut servir d'intermédiaire pour faire prêter sur dé-
pôt de titres à 13 et 20 0/0 sans que la loi le punisse ! Le ministre
des finances devrait s'opposer à un tel abus. L'émission d'un em-
prunt se ressent toujours des charges qui l'entourent, et c'est une
charge très-injuste que celle de payer un courtage entier sur un
titre non libéré. » {La Bourse de Paris, 3" édition.)
Telle est la morale du monopole.
Suivant l'auteur que nous venons de citer, les sommes
prélevées par les agents de change chaque année ne s'élè-
vent pas à moins de 80 millions, dont moitié fournis par les
droits de courtage et moitié par les reports. 80 millions à
répartir entre les soixante offlces, c'est un million un tiers
par titulaire.
Qui croirait que des officiers publics, en position de ga-
gner légalement par an treize cent mille francs, puissent
céder à la tentation de chercher des profits illicites? Vous
écrivez à votre agent de vous acheter des actions de la
Banque au cours du jour. Dans la même Bourse, lesdites
actions ont fait 4,100, 4,110, 4,120; l'agent, à quelque prix
qu'il ait acheté, vous cote au plus haut, 4,120, et bénéficie
de la diiïérence, sans préjudice du droit de courtage. Si vous
êtes vendeur, il vous cote au pins bas, 4,100, et garde la
plus-value. Qu'avez-vous à y voir? C'est ce qu'on appelle,
dans une sphère infiniment plus obscure, faire danser l'anse
du panier.
Les 80 millions d'honoraires ne forment peut-être pas la
cinquième partie des bénéfices annuels de la corporation :
ce qui ne Tempéche pas de compter par-ci par là des ban-
queroutiers, des membres qui lèvent /epîW, emportant la
fortune, l'honneur et la vie de (juclques milliers de dupes.
M. Coffinières écrivait en 1825 :
« Sur 121 individus inscrits au tableau des agents de change
depuis vingt-deux ans, 4 se sont suicidés de désespoir de ne pou-
voir remplir leurs engagements, 61 ont failli en taisant éprouver
une perte considérable à leurs créanciers, ou ont abandonné leur
état, étant à peu près ruinés, ou du moins avec un avoir moindre
que celui qu'ils avaient apporté. » [De la Bourse et des Spéculatigns
sur les effets publics.)
A
— 62 —
Cependant la corporation s'estime sî honorable qu'elle
entend recevoir vos fonds et vos titres sans jamais donner
de reçu. M. de Mériclet s'exprime ainsi sur cet abus :
« Vous reportez chez un agent de change 50 actions ; le lende-
main de la liquidation, vous vous présentez à la caisse, vous re-
mettez 50 ou 60,000 fr. ; le caissier vous regarde à peine, ne fait
pas de reçu, et vous rentrez chez vous, sans qu'une seule note in-
dique le versement que vous avez fait. Cette situation présente
plusieurs sortes de dangers. 11 est possible que vous ayez affaire à
un caissier infidèle. Le feu peut faire disparaître le registre où est
inscrite la somme versée. Si le caissier était joueur, et qu'après
avoir reçu votre argent, il vînt à partir pour l'étranger, sans vous
inscrire sur son livre de caisse, vous seriez exposé à perdre vos
60,000 fr.... A Lyon, la maison Milannais fut brûlée; des valeurs
au porteur furent consumées, et les propriétaires d'une partie de
ces titres n'ont pas été admis à se faire rembourser...
« On compte un certain nombre de clients qui déposent chez
des agents de change 30 et 40,000 fr. pour faire des reports.
Étrangers ou obligés de faire de longs voyages, la mort peut les
surprendre; personne ne réclame. Le temps s'écoule, et les fa-
milles ignorent l'héritage. Nous connaissons un banquier qui, de-
puis quinze ans, jouit d'un dépôt de 200,000 fr., sans qu'on lui
ait jamais fait une réclamation. »
A propos des 80 millions d'honoraires prélevés chaque
année par la corporation des agents de change, n'oublions
pas qu'au droit maximum de 1/4 0/0, ils représenteraient
32 milliards de transactions boursières, c'est-à-dire trois fois
la production annuelle de la France. Or, le courtage moyen
est de 1/8 seulement; puis, outre les agents officiels, il y a
encore les coulissiers, les remisiers, les conrtiers-inarrons,
qui servent d'intermédiaires dans les opérations de Bourse :
en sorte qu'on peut, sans exagération, évaluer à 60 ou 80
milliards au moins les ventes et achats annuels dont le
temple de la ruo Vivienne est le marché.
Qu'aptes cela on trouve des économistes, des membres
de l'Institut, pour faire l'apologie et soutenir la nécessité,
l'utilité de pareils tripotages, c'est ce qui pourrait confon-
dre, démoraliser un Chinois, un Huron; mais en France,
il ne faut s'étonner de rien.
— 63 —
AGENTS DE CHANGE
PRÈS LA BOURSE DE PARIS.
Messieurs
Archdéacon, 72, rue de Provence.
Bagier, 45, rue de Provence.
Busire, 13, rue de Grammont.
Béjot, 17, rue de la Banque.
Billet, 41, rue l.afQUe.
Blerzy, 12, rue Ménars.
Bouilianl, 22, rue Grange- Batelière.
Bourdin, 12, rue de la Victoire.
Chauffert, 23, rue Saint-Georpes.
Coin, 6, rue Basse-du-Hcmiiart.
Crépon, 8, rue de la Michodiire.
Delaville-le-Roulx, 8. rue Lalïitte.
De Leau, 6, rue Saint-Georges.
Dubois, 8, rue Ménars.
Du Boà, 72, rue de Provence.
Duvai-Destains, 1, rue Rossini.
Empaire, 2 bis, rue Saint-Georges.
Ganiieroii, 6, rue Ménars.
Gelfroy, 65, rue de Provence.
Genty de Bussy. 50, rue Neuve-des-
Pelils-Champs.
Ciblait!, 8, rue Droiiot.
Gide. 18, rue Drouot.
Gillois, 18, rue Giangi'-Batplière.
Gouriez de Laniotle, 3, rue de Gram-
mont.
Guérinet, 11, rue de Granmiont.
Guilhiermoz, 44, rue Notre-Dame-
des-Victoires.
Guyot, fi, rue du Port-Mahon.
Hait, 23, rue Lepelletier.
Hébert, 14, r. N.-U.-des-Vicloires.
Juillien, 12, rue Ménars.
Lagarde, 9, place de la Bourse.
Lagarde, 29, rue Laflitte.
Lambert, 1 1 . place de la Bourse.
Laurent, 38, r. N.-D.-des-Victoires.
Legras, 22, rue Vivienne.
Leray, 8, place de la Bourse.
Mahou, 11, cité d'Antin.
Marion, 12, rue du Port-Mahon.
Millet, 21, rue de Provence.
Moi'eau, 131, rue Montmartre.
Munster, 31, rue de Provence,
N'oizy, 11, rue Drouot.
Nouette-belornie, 9, pi. de la Bourse.
Pollet, 23, rue de Grammont.
Pomme, 79, rue Richelieu.
Reynart, 32, r. N.-D.-des-Vicloires.
Higimd, 20, rue Ni'uve-St-Augustin.
Risler, 30, rue de Provence.
Bobint, IC, rue de Ghoiseul.
Roblot, 79. rue Richelieu.
Rodngues-Henriques, 28, rue de la
C/haussée-d'Aiitin.
Rolaiid-Gosselin, G4, ruedelaChaus-
sée-d'Anliii.
Rongcmnnl, G, rue Ménars.
Saiiterre, G. rue de la Micliodière.
Sarchi. 14, rue Rougemont.
ïattt't, 29. rue Leiiellelier,
Tiliaiid, 111, rue Neuve-Sl-Anguslin.
Tilliel, 18, rue de la Michodière.
Vacheron, 9, rue Lepelletier.
Vieyi-a-Molina, 11, rue Grange-Ba-
telière.
Chambre syndicale. G, rue Ménars. — M. Solliers, secrétaire, agent
comptable.
CHAPITRE III.
Intermédiaires nou officiels des opérations de Bourse :
Courtiers-marrons, Coulissicrs.
On appelle courtiers-marrons, remisiers, les intermédiaires
non reconnus qui négocient pour le compte d'autrui les va-
— 64 —
leurs cotées à la Bourse. Ils remplissent, comme on voit,
entre les spéculateurs, les fondions réservées par la loi aux
agents de change. Les coiilissiers sont dans le môme cas 5
seulement ils n'agiotent que sur la renie, tandis que les
coui tiers s'occupent spécialement des actions industrielles.
Les opérations de la coulisse sont considérables; aussi ne
laissent-elles pas que davoir une influence sur le cours des
fonds. Elles sont essentiellement du domaine du jeu. La plu-
part de ceux qui s'y livrent n'ont ni l'intention ni souvent
la faculté de payer. Les liquidations ne se terminent jamais
par des livraisons d'effets, mais par des soldes de différences.
La coulisse est le centre de tous les bruifs de Bourse. Le ca-
nard financier y éclot sous les bigarrures les plus merveil-
leuses.
La position des agents non officiels est nettement dessinée
par la loi.
« Il est défendu, sous peine d'une amende qui sera au plus du
sixième du cautionnement des agents de change ou courtiers de la
place, et du douzième au moins, à tous individus autres que ceux
nommés par le gouvernement d'exercer les fonctions d'agent de
change ou de courtier. » (Loi du 28 ventôse an iX, art. 8.)
« il est défendu à toutes [lersonnes autres que celles nommées
par le gouvernement de s'immiscer en aucune façon, et sous quel-
que prétexte que ce puisse être, dans les fonctions d'agent de
change ou de courtiers, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de la
Bourse. Les commissaires de police sont spécialement chargés de
veiller <à ce qu'il ne soit pas contrevenu à la présente disposition.
« En cas de contravention, les commissaires de police, les syn-
dics ou leurs adjoints feront connaître les contrevenants aux auto-
rités compétentes, lesquelles, après la vérification des faits et
audition du prévenu, pourront lui interdire l'entrée de la Bourse.
En cas de récidive, il pourra être déclaré incapable de parvenir à
l'état d'a.L'ent de change ou de courtier, le tout sans préjudice des
peines portées par la loi.
« Il est défendu, sous lus peines portées contre ceux qui s'im-
miscent iUégalemcnt dans les opérations, à tout banquier, négociant
ou marchand de conlier ses négociations, ventes et achats, et de
payer des droits de commission ou de courtage à d'autres qu'aux
agents institués par la loi.
« Toutes négociations faites par des intermédiaires sans qualité
^ 65 —
sont déclarées nulles. » (Arrêté du 27 prairiul an X, art. 4, .';,
U et 7.)
Les délinquants peuvent être condamnés à des domma-
ges-intérêts envers les officiers publics dont ils ont usurpé
ou fraudé les fonctions. Ces sortes de délit se prescrivent
par trois ans. Les condamnés sont passibles de la contrainte
par corps pour le payement des dommages-intérêts, des
amendes et des frais.
Ainsi la loi punit non-seulement les agents usurpateurs,
mais ceux qui emploient leur intermédiaire. La dénonciation
du délit appartient et au ministère public, et à la compa-
gnie sur laquelle on a empiété.
Ici, comme dans une foule de circonstances, le fait et lo
droit sont parfaitement distincts. Le droit est clair, précis,
formel: aucun individu sans qualité ne peut s'immiscer dans
la négociation des eflets cotés au parquet. Le fait n'est pas
moins positif : des spéculations immenses se font par d'au-
tres intermédiaires que les agents légalement institués, et
cela non pas dans l'ombre et le mystère, mais au grand jour,
avec circulaires et réclames, sous les yeux, même pour le
compte des fonctionnaires et de la compagnie chargés de
réprimer l'usurpation.
Que celui qui est dans les termes de la loi nous dénonce!
pourraient dire les contrevenants. Ll, en (llcl, il n'y a per-
sonne. La loi est inapplicable, impossible. En poursuivant
l'agiotage, le jeu, la fraude, elle entrave, elle lue la spécu-
lation et le commerce, elle met l'embargo sur les transac-
tions. On a peint Thémis un bandeau sur les yeux. Ce n'est
pas seulement dans la poursuite des coupables qu'elle est
aveugle ^ c'est dans la conception de ses propres lois. Ne
statuons jamais sur ce que nous ne connaissons point.
La tolérance des agents de change paraîtra peut-être plus
inexplicable que celle de l'autorité : ce sont leurs attribu-
tions qu'on usurpe, une concurrence au rabais qui se pro-
duit contre eux, des droits de courtage dont on les frustre.
Et Ton sait combien les compagnies privilégiées sont jalouses
de leurs prérogatives.
Cependant tout ce monde vit en bonne intelligence ;
— 66 -"
l'astre radieux ne refuse point sa lumière aux humbles sa-
tellites qui pivotent autour de lui : le maître du festin laisse
les petites gens se disputer les miettes qu'il dédaigne comme
trop mesquines pour son estomac. — La curée est si abon-
dante î
Revendiquer ses privilèges , c'était bon aux agents de
change de l'autre siècle, quand ils avaient à se partager,
entre eux soixante, quelques maigres créances sur l'État et
de rares billets de commerce. C'était bon encore au temps
de la jRestauration, lorsque le bulletin de la Bourse était
limité aux rentes, aux actions de la Banque, aux actions des
canaux, de vraies bimbeloteries.
Mais aujourd'hui qu'à ces valeurs anciennes sont venus
s'ajouter les mines, les forges, le gaz, les chemins de fer, des
milliards de commandite, il serait vraiment mesquin de
chercher noise à de pauvres hères qui se contentent d'opérer
sur quelques centaines de millions. Aussi nos agents de
change d'aujourd'hui se conduisent-ils en grands seigneurs,
libéraux et courtois. Non contents de tolérer les conlissiers
et les courtiers sans mandats, ils chargent volontiers les pre-
miers de leur acheter de la rente, et ils font une remise aux
seconds, qui ont besoin de leur intervention pour certains
marchés où le concours des agents officiels est nécessaire.
On se demandera peut-être pourquoi, lorsque le chiffre des
titres négociables a plus que décuplé, le nombre des agents
de change est resté le môme, ils ne sont que soixante au-
jourd'hui, comme en 1830, comme en 1815, comme en 1724»
Ce chiffre de soixante est-il sacramentel?
Sans doute la compagnie, fort accommodantepour les petits;
empiélemenls, le serait infiniment moins s'il sagissait seu-
lement de doubler les offices. Un gouvernement imurrait-il
sans danger indisposer la corporation , toucher à l'arche
sainte du plus vieux monopole? Les anciens titrés crieraient
bien hautj la reconnaissance des nouveaux ferait-elle contre-
poids à ce mécontentement?...
Il n'y a, selon nous, que deux systèmes rationnels : ou la'
liberté, comme en 1791, pour tout individu, d'exercer,
moyennant patent^? la profession d'agent de change j ou le
— 67 —
privilège conféré à un nombre déterminé de citoyens de
remplir cette fonction. Le régime bâtard que nous a fait la
pratique n'est pas une solution ; ce n'est pas même un juste
milieu, car il a les inconvénients des deux systèmes sans en
offrir les avantages. D'une part, la loi reste lettre morte, ce
qui est toujours d'un fâcheux exemple; d'autre part, les
gens suspects, que le monopole a la prétention d'évincer,
ont beau jeu à l'ombre de la tolérance dont jouissent les fai-
seurs de toutes sortes.
Les partisans du privilège font valoir, à l'appui de leur
thèse, les considérations suivantes :
« La sécurité des transactions et l'intérêt bien entendu
des spéculateurs exigent que les fonctions d'agents intermé-
diaires ne soient pas accessibles au premier venu. Les négo-
ciations de la Bourse donnent lieu à des mouvements de
valeurs considérables; il y aurait là un appât trop tentant
pour les malhonnêtes gens, si la loi n'avait soin de mettre
le pul)lic à l'abri do leurs entreprises.
a Elle a donc entouré ces fonctions de toutes les précau-
tions que suggère la prudence. Les candidats doivent être
d'une moralité notoire, d'antécédents irréprochables, d'une
capacité éprouvée par la pratique. C'est le chef de l'État qui
fait lui-môme les nominations, qu'il s'agisse de nouveaux
offices à créer ou de mutations dans les anciens.
« Le chiffre du cautionnement, assez élevé pour écarter
les aventuriers, offre à la fois une garantie matérielle et une
garantie morale; car la fortune ou le crédit qu'il suppose
chez l'aspirant est un gage de sa probité,
« Les règlements qui régissent la compagnie sont des plus
sévères ; le gouvernement se réserve, pour certains cas, le
droit de destitution. La corporation elle-même se charge de
sa propre police. La Chamljre syndicale a pouvoir de répri-
mander ceux de ses membres qui enfreindraient les lois de
l'honneur, et au besoin elle est la première à signaler les
indignes, afin qu'il en soit fait justice.
« Voilà des garanties qu'on chercherait vainement dans
le principe de la liberté des fonctions. »
— 68 —
A ces motifs, les adversaires du monopole opposent, entre
autres objections, celles-ci :
« Le négociant est meilleur juge que personne du degré
de confiance à accorder aux intermédiaires qu'il emploie.
Son intérêt est un contrôle autrement sérieux que la sollici-
tude du pouvoir.
» La statistique de la criminalité ne témoigne point d'une
plus grande moralité chez les officiers publics que chez le
commun des citoyens. Le privilège, en réunissant dans une
seule main des intérêts considérables, offre, par le fait de
cette concentration, un vif appât à l'escroquerie. Un sinistre
commercial dans celte catégorie de fonctionnaires devient
une véritable calamité publique.
a L'absence de concurrence permet aux privilégiés de
prélever sur les spéculateurs des droits de courtage que le
système de liberté réduirait de cent pour cent cl plus.
a En principe, garanties illusoires et cherté des services,
voilà le bilan du monopole.
« En fait , Tabondance des titres négociables serait un
embarras pour les agents de change, si les courtiers-mar-
rons ne faisaient presque toutes les valeurs des compagnies
privées. La grande affaire des premiers, ce sont les grosses
entreprises; ils ne tiennent pas du tout à ouvrir un compte
et à se déranger pour deux ou trois actions d'omnibus, d'as-
surances, d'asphalte ou de toute autre compagnie au mince
capital de quelques millions et au-dessous. D'où il résulte
que le système de liberté reçoit déjà un commencement d'ap-
plication, avec Tapprobaliou tacite de l'autorité et l'assenti-
ment des spéculateurs. Il s'agit simplement de légaliser une
position toute faite. »
Tel est l'état de la situation et de la controverse. Il appelle
une solution sinon urgente, du moins piochaine. Si le gou-
veinement se i)rononce pour le maintien du privilège, il y
aura certainement lieu <à augmenter dans une proportion
assez considérable le nombre des charges. Alors une autre
question se présente : les nouveaux offices devraient-ils être
concédés à titre gratuit ou à titre onéreux?
— 69 —
L'administration se montre généralement très-libérale
chaque fois qu'elle a affaire aux financiers. Les concessions
de chemins de fer, le rachat des actions de jouissance des
canaux, les em|>runts, en sont autant do témoi;:;na{,^es. Quand
l'Élat veut racheter sa dette au moyen de l'amorlissement,
il le fait avec publicité et concurrence. Ainsi, tandis que les
agioteurs manœuvrent pour faire hausser ou baisser, sui-
vant leurs intérêts, le cours do la rente, le gouvernement,
lui, s'inlerdit le droit de spéculer sur la dépréciation de son
crédit; un tableau placé à la Bourse indique chaque jour la
somme en capital affectée au rachat de telle ou telle nature
de fonds.
Nous ne serions pas surpris que de nouvelles charges d'a-
gents de change fussent concédées gratuitement à des gens
qui, dès le lendemain, trouveraient couramment de leurs
titres quatre à cinq cent mille francs.
Nous croyons cependant qu'en fait de scrupules, il ne faut
pas pousser le rigorisme jusqu'à devenir dupo. La loi auto-
rise les officiers jiublics à j)résentcr leurs successeurs : ce
droit de présentation est tout simplement la vente de Tof-
fire. Les charges d'agents de ciiange valent actuellement un
million et demi de francs. Une réforme qui les porterait en
nombre au double, les ferait sans doute baisser de prix, mais
non de moitié; car, ainsi que nous l'avons fait remarquer
plus haut, les valeurs négociables ont tellement augmenté
di puis une douzaine d'années, que la part de chacun serait
encore très-belle dans cette nouvelle condition. Ajoutez que
les transactions abandonné(;s aux courtiers sans qualité fe-
raient retour aux agents officiels. Nous ne voyons pas pour-
quoi lÉtats'interdirait de profiter du bénéfice de la création,
et ne vendrait pas ses nouvelles investitures.
Ce serait immoral, dira-t-on; ce serait sanctionner avec
éclat la vénalité des charges, qui n'est jusqu'ici qu'implici-
tement reconnue. — L'immoralité procède alors du principe
même du privilège et non de la qualité du vendeur. Com-
ment! on trouvera tout naturel qu'un particulier vende un
million ce titre qui lui a été conféré gratuitement, et on se
scandalisera que le gouvernement s'attribue le prix de sa
— 70 —
propre concession! Comment! si les monopoles étaient abo-
lis, on venait les ex-privilégiés, agents de change en tête,
venir réclamer au gouvernement une indemnité, c'est-à-dire
le remboursement d'offices qu'il n'a pas vendus, et cela pa-
raîtrait simple; et si ce même gouvernement réclamait une
indemnité pour Taliénation qu'il a faite du domaine public,
ce serait immoral!...
Dans ce cas , qu'on tranche la question au profit de la
liberté. Le bénéfice sera tout entier pour le public, qui
gagnera à l'abaissement des droits de commission, et pour
l'ordre, mieux protégé contre les abus de la spéculation par
une liberté entière que par les insignifiantes restrictions des
lois.
CHAPITRE IV.
Mobilisation des capitaux. — I^'importance des opéra*
tious de ffiourse en est la conséquence.
Nous avons expliqué dans Ylnirochiction comment toute
opération de commerce ou de finance ayant pour but soit le
transport des produits, soit la distribution des capitaux ou
la circulation des valeurs, est essentiellement productive.
Mais pour que le capital puisse se répartir avec intelligence
et circuler dans toutes les parties du corps social, il faut
qu'il soit doué d'une certaine faculté de déplacement; c'est
de ce déplacement, de cette mobilisation, comme on l'ap-
pelle, objet principal de la spéculation boursière, comme
aussi de l'agiotage le plus éhonté, que nous allons exposer
brièvement les causes et le mécanisme.
La forme la plus ancienne et la plus élémentaire de la
prestation des capitaux est le prêt sur hypothèque, le bail à
loyer ou à cheptel : plus tard sont venus le contrat à la
grosse, la lettre de change et l'escompte des banques. La
commandite, bien qu'elle n'ait pas été absolument inconnue
aux anciens, ne s'est développée d'une manière vraiment
— 71 —
remarquable, n'a reçu une organisation puissante, que dans
notre siècle. Ce retard tenait à la fois à l'état de l'industrie
et aux habitudes de la propriété.
Autrefois, et il n'y a pas beaucoup plus de quarante îi
cinquante ans de cela, le capitaliste engageait volontiers ses
fonds, comme le propriétaire affermait ses domaines, pour
un terme plus long que la vie de l'homme, quelquefois mêm«
à perpétuité. C'étaient des baux de quarante-neuf et quatre-
vingt-dix-neuf ans, des constitutions de rentes viagères ou
perpétuelles, des emphylhéoses, champarts, domaines con-
géables, etc. Les transactions semblaient faites, comme les
bâtisses, pour des éternités.
Aujourd'hui il n'y a jibis guère que des compagnies à mil-
lions qui se constituent pour une pareille durée. Encore le
nombre d'années prévu dans leurs actes a-t-il bien plus pour
objet de faire valoir la richesse de leur exploitation, l'impur-
tance de la concession qui leur est faite, la solidité et la
sécurité qu'elles offrent aux actionnaires , que d'affirmer
dans sa teneur littérale reifectivité de leur durée. Le temps
est de l'argent, disent les Anglais. La durée dune comman-
dite n'est, pour ainsi dire, qu'une forme d'appréciation de
sa valeur. Une société se constitue au capital de et pour
une durée de , voilà l'affaire. Le ciiiffie du capital, ajouté
à celui de la durée, constitue la valeur réelle de l'entre-
prise. Une fois établie, elle tiendra ce qui sera nécessaire, ou
qu'ellejugora utile à ses intérêts : la fixation du terme, or-
donnée par la loi, ne signifie pas autre chose.
La division du travail, dont l'effet le plus remarquable et
le moins prévu a été de solidariser les industries-, la multi-
plicité des entreprises, notamment en ce qui concerne les
travaux publics-, le développement de la mécanique, qui ré-
duit presque à rien la production individuelle, et l'immense
circulation qui en a été la suite : toutes ces causes ont fait
subir à la propriété, à la consommation, à l'état des ci-
toyens, des modilications aussi profondes que variées, dont
la Bourse est devenue l'expression et l'écho. Sous laclion de
ces causes irrésistibles, un capitaliste avisé ne se dessaisit
plus de ses fonds, par un acte spécial, individuel, nominatif,
et pour un long temps , entre les mains d'un emprunteur
unique. 11 sait que, par la création incessante de valeurs
nouvelles, parla proportionnalité variable des produits, par
les oscillations de la politique, sa fortune est soumise à
des chances perpétuelles de hausse et de baisse; et dans la
prévision de toutes ces éventualités, il se met, autant que
possible, en engageant ses fonds, à même de les déplacer,
distribuer, et au besoin réaliser, à la convenance de ses in-
térêts.
La commandite par actions représentées en titres circu-
lables et au porteur lui en fournit le moyen.
Le prêt hypothécaire à longue échéance n'est maintenant
un placement de fonds que pour le petit rentier qui renonce
à augmenter son capital, ou qui, spéculant au fond d'une
province sur la misère et l'ignorance du paysan, fait ses
placements à un taux dont l'élévation est en raison même
de l'immobilisation de la dette. La Société de Crédit foncier,
en substituant au crédit individuel et déclaré un commandi-
taire multiple et anonyme, dont les obligations sont atout
instant négociables, a détruit, au moins en principe, ce vieux
système usuraire, et fait du gage immobilier, de l'antique
hypothèque, un instrument de mobilisation. La nouvelle
procédure, pour les cas d'expropriation, ajoute encore à la
rapidité et à la certitude du mouvement. Grâce à cette or-
ganisation savante, le sol n'est décidément plus, suivant la
défiuilion des modernes économistes, qu'un outil; l'agricul-
ture et Tindustric» sont assimilées dans un même régime de
crédit et de commandite : la révolution est complète. L'im-
pulsion une fois donnée, le mouvement devient une cause
incessante de mouvement. Les inventions, les pei fcctioime-
ments qui se succèdent et se pressent sans relâche, chan-
gent à chaque instant les conditions du travail. La \apeur
a bouleversé, transformé l'industrie. Déjà l'on peut prévoir
le jour où le travail agricole lui-même sera industrialisé, où
le hameau ne sera plus qu'une manufacture , et la vie du
paysan identifiée à celle de l'ouvrier des fabriques, chantiers
de construction, chemins de fer, usines et pouts. Dans un tel
entraînement, la pratique capitaliste ne pouvait rester sta-
- 73 —
tionnaire : force lui était de marcher avec le nouveau sys-
tème.
On peut se l'aire une idée de l'importance de cette réforme
par la comparaison des procédés.
En dépit de riiypolliè(]ue, le crédit, dans les conditions
anciennes, était moins réel que personnel. On prêtait ses
capitaux, soit à des agriculteurs, soit à des industriels, dont
la bonne foi, la capacité, l'expérience formaient encore pour
le prêteur la plus sûre jiaranlie. Aussi, que de lenteurs dans
les informations, les expérimentations, les enquêtes!
que de précautions dans les actes I que de céiémonics par-
devant le notaire! que de difficultés soulevées par des droits
des mineurs et des femmes!... Puis, une fois les fonds remis,
le capitaliste ne pouvait plus se déprendre. Exiger un rem-
boursement anticipé, c'était impossible : les termes du con-
trat s'y refusaient. Proposer une résiliation, c'était s'exposer
à un sacrifice énorme : on compromettait l'entreprise, on
ruinait l'emprunteur, on portait atteinte à sa fortune, au
gage même du crédit!... Pour se dégager, le commanditaire
ou prêteur était obligé de chercher un substitut dans ses
droits, dont la confiance était à créer, et qui dans tous les
cas prétendait à un émolument. De là nouvel examen, en-
quête, inventaire, débats : après bien des démarches, on
n'arrivait à rien. Le capitaliste était rivé à l'hypothèque; sa
position était fixe, comme le capital qu'il avait fourni à l'cn-
tre[)rise. Pour lui, plus de délivrance avant l'heure solennelle
du remboursement!...
Maintenant, grùce à la mobilité de l'action, le capital est
délivré de toutes ces entraves, en même tenij>s que l'em-
prunteur rencontre plus de facilités. Le crédit, entièrement
dépersonnalisé, est devenu tout iéel. On disait jadis : Tant
vaut l'honnne. On dit maintenant : Tant vaut la chose. Oi ,
puisque l'on prête sur la chose, que fait le nom de l'homme
dans le confiât? Qu'importe le nom du commanditaire, celui
du commandité, quand le talent, l'honorabililé, la vertu de
celui-ci, quand les motifs qui font agir celui-là, peuvent
tous se ramener à cette expression algébrique : Action-Ca-
pilal-Béii-'/ice-Dividoide'^ Ou prèle à lenli'eprise, non au
5
— 74 —
gérant. Dès lois plus d'autre enquête que celle qui se traduit
en un compte de recettes et de dépenses. Quant à la durée
du prêt, elle n'embarrasse plus : jjoiir l'entreprise, aussi Ion-
ique qu'on voudra; pour les capitalistes, résiliable à toute
heure, par la Iransmissibililé de l'action.
Maintenant, qu'une commandite plus lucrative se pié-
sente, ou bien, ce qui revient financièrement au même, que
l'entreprise dans laquelle le capitaliste a engagé ses fonds
éprouve des contre-temps, des pertes; que les apparences
deviennent pour elle moins heureuses : en un instant, sans
formalités, ni poursuites, ni discussions, sans miiiistère de
notaire, sans payer un centime de droit de mutation, par le
simple ministère d'un agent de change, le porteur d'actions
peut vendre ses titres, en toucher le montant, au cours du
jour, soit avec bénélice, soit avec une perte légère; se pro-
curer le placement qu'il ambitionne, doubler, tripler quel-
quefois son revenu, par conséquent aussi son capital; chan-
ger du tout au tout sa condition de fortune; comme aussi,
dans le cas où ses appréhensions auraient été mal fondées
et ses espérances déçues, il peut voir ses nouvelles actions
perdre 25, 30 et 50 0/0, et sa fortune réduite dans la même
proportion.
C'est ainsi que le capital est devenu marchandise comme
le produit, plus circulante, plus aisément échangeable que
le produit lui-même. C'est par là que les nations modernes
ont pu, en moins d'un quart de siècle, creuser des canaux,
construire des chemins de fer, entrei)rendre des travaux gi-
gantesques, subvenir à des entreprises qui laissent bien loin
derrière elles' tous les monuments de Rome, de l'Egypte, de
l'Assyrie, de lu l'erse et de l'Inde. C'est à l'aide de cette or-
ganisation du crédit que l'Angleterre, la plus riche des na-
tions modernes, a pu entreprendre une lutte de vingt-cinq
années contre la Ré[)ublique et contre l'Empire, contracter
une dette de 27 milliards, dont elle sert aujouitj'hui les in-
térêts avec la même facilité que la Banque de France paye le
dividende de ses actionnaires ; tandis qu'avec ses armées jjer-
manentes, avec son budget de la guerre et son écrasante
centralisation, nolic gouvernement n'a su, depuis un demi-
— 75 —
siècle, ni conserver ses fronfiôres, ni améliorer son crédit,
ni faire respecter loiijourssa diplomalie, ni arrèler le nior-
cellemenl et la dévastation du sol français, ni défricher en
Algérie un seul pouce de terrain...
Toute valeur capitalisée, toute action de commandite,
toutes oblig tions circulables affluant à la Bourse, de[)uis les
inscriptions de rente et les bons du Trésor ju-rpTaux érentua-
lités de la faveur et du sort, la Bourse peut être définie : le
marché aux capitaux.
Ou conçoit, d'après cela, quelle importance le gouverne-
ment attache à surveiller les opérations de la Bourse, et
quel jeu énorme il s'y peut faire.
L'actionnaire sérieux, (pii ne cherche qu'un emploi lu-
cratif de ses fonds, avec la facilité de les retirer à comman-
dement, s'occupe généralement peu du jeu de Bourse. Il
achète des actions en vue du revenu qu'il en espère, et n'en
vend guère, sauf le cas de nécessité. La hausse et la baisse
quotidiennes lui importent peu, pourvu (pi'il louche ses di-
videndes aux époques fixées. Il ne s'inquiète du eouis (pj'au-
tant qu'il lui ferait présager une dépréciation menaçante
pour ses intérêts. 11 en est de même du rentier, qui ne voit
dans les fonds publics qu'un moyen de revenu fixe, sous la
garantie de l'État et du pays, et (jui reste étiangt r à la spé-
culation. Que le 4 1/2 soit à 105 ou a 9U, il n'eu touihera
ni plus ni moins d'arrérages au semestre : la conversion ou
la banqueroute peuvent seules l'atteindre. Dans les temps
calmes, cette quiétude de l'actionnaire et du rentier peut
être piise pour sagesse; mais il est des cas, et ils peuvent se
produire d'un instant à l'autre, où l'on ne saurait y voir que
de rine|)tie.
Le gouvernement a le projet de former un emprunt de
ICO millions, 4 0/0, à 75 : contre un versement de 75 fr., il
offre donc de souscrire une obligation de 4 fr. d'nitérêt. Le
4 1/2 est à 110, ce qui veut dire ({ue les capitaux engagés
dans cette valeur produisent 4 fr. 9 c. 0/0. En vendant du
4 1/2 à ce taux, et prenant du 4 0/0 à 75, le spéculateur
gagne 1 fr. 50 c. d'inléièt, ce qui, au taux de 110 du 4 1/2
0/0, lui constitue une augmentation de capital de 30 0/0.
76
lout le monde a ces conditions/Voulant vendre de la rente
et prendre de 1 emprunt, il y aura baisse sur le 4 1/2 et
•aussedes titres de Temprunt, oscillation sur les deux va-
T^millin '^"\7"''^'*^ ^"^ '^ gouvernement, pour trouver
/o millions réels a emprunter, est obligé d'offrir aux sous-
np eurs de l'emprunt, à leurs cessionnau-es et sous-cession-
nancs une cureo de 25 à 30 millions, pins ou moins- le tout
aux depeus du Trésor, des rentiers de l'État et du pays! Évi-
pa "rarnl''""''"'f ''' ''"'' '"' '''''''' ^ ^''^^'^•' ^« ^^'i ««
passe, atin de se couduirc au mieux de leurs intérêls
Supposons que la Californie, TAustralie, le Pérou et l'Ou-
ral ver.ent tout à coup, dans la circulation, une ma. se e
métaux précieux double de celle qui sert aujourd'hui à la
tiicula ion monétaire de l'Europe. La valeur de lor et de
larpnt dnninuera, comparativement à celle du blé, du vin
e delà viande. Mais, le taux des rentes, dividendes, tarifs,
etc. ne chaugraut p,.iut,et s.- payaut toujours en la même
monnaie, le reveuu du rentier, de l'actionnaire, aura dimi-
nue. Qu, profitera de la différence? TÉlat d'abord, le chan-
geur ensuite et linalem.nt tous les genres de producteurs,
a mesure qu ils auront eu le soin de se mettre à la hausse
- La donc en( ore, il y a sujet à réflexion pour le rentier
comme pour 1 actionuaire.
Uue compaguie d'armateurs se forme au Havre, dans les
conditions ordimiircs de la navigation, pour le commerce de
Amérique et de l'Inde. Survient tout à coup, avec un sys-
tème de bâtiments d'une capacité dix fois plus forte et d'une
économie de service quadruple, uue compagnie rivale au
capital de 60 ou 80 millions. L'ancien système est écrasé.
Il importe donc à Tactionuaire d'échanger ses premières
actions contre de nouvelles, ce qui équivaut à une fusion de
la première compagnie dans la seconde.
Ces causes de hausse et de baisse varient à l'infini sou-
vent tombent à l'improviste, comme la foudre, sur le mar-
che. Quand elles n'existent pas, la peur, la malveillance,
1 intrigue, la mauvaise foi, les inventent, les grossissent les
1.W Jt^"*' ^ ^'^?''^ d'agitation, finissent quelqucfois'par
leur donner la réalité. C'est là le métier du jiueur, de celui
— 77 —
qui, sans intérêt dans ancnno entreprise, spécule, eomme on
Vu dit, à la hausse et à la baisse. Pour celui-là, comman-
dite, crédit public, dividende, intérêt ne sont absolument
rien : loiseau de proie ne chasse pas les mouches. Ce qu'il
cherrhe, ce sont des entreprises, des coups de Bourse, des
ràilcs comme à la roulette, des razzias comme sur les K;ibyles.
C'est là surtout, c'est dans cet abus de la mobilisation des
capitaux, dans celte dénaturation de la commandite, qu'est
le danger; danger certes plus séiieiix, pour la lortune du
pays et la moralité publiqiie, que rcnvahissement par les
courtiers marrons des fonctions d'agents de change.
CHAPITRE V.
Op6ratious de la ESourse. — KtfftTPntcs isortes lîe lîiar-
chés. — Combina isose s aisxtïsn'llfs ils «Soiiiieiit lieu.
De tout ce qui précède, il résulte :
Que les opérations auxipielles donnent lieu les effets cotés
à la Bourse, iudépcnd unnifut de leur caractère plus ou
mouis prononcé d'utilité pid)lique et de moralité, sont de
deux sortes : les phicemeuts de fonds et la spétulalion ; en
d autres termes, la commandite, ou prcslaiion des capitaux,
et leur mouv.emcnl .
Si nous n'avions à parler que des placements, nous le fe-
rions en deux lignes. Quoi de plus sinqde que la vente et
rachat.' La négociation des titres ne se fail pas autrement
que celle des marc handises. Les agents de chan;:e sont les
notaires du contrat^ ils donnent l'authentirité aux conven-
tions.
Le législateur reconnaît les marchés au comptant et les
murchés à terme, mais avec f'rce restrictions pour ces der-
niers, qu'on a même essayé de prohiber d'une manière
absolue.
La loi du 28 vendémiaire an IV dit en effet :
— 78 —
« Attendu que les mnrcliés à terme ou à prime ont déjà été
interdits par de précédentes lois, tous ceux contractés antérieu-
rement au présent décret sont annulés. »
L'ordonnance du 12 novembre 1823 mainlicnl les dispo-
sitions (le l'an et de 1785, qui réputé jeux de Bourse et pro-
iiibe les maiLliés h terme faits sans dépôl préalable et liors
de deux mois.
Nous avons cilé ailleurs les articles 421 et 422 du Code
pénal sur les paris et les ventes à découvert.
Le Code civil, article 1965 :
« La loi n'accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour
le payement d un pari. »
La jurisprudence est conforme à l'esprit cl au texte de la
législation ; elle a snccessivement consacré :
1° Que les marché-; à terme sur les effets publics, qui
nonl d'autre objet que d(!S différences, doivent être réputés
jeux de Bourse et annulés comme dépourvus de cause et de
réalité, comme contraires aux lois, à Tordre et à la morale ;
2" Que l'absence du dépôt rend présumable le défaut de
cause et de réalité ;
3° Que ces sortes de paris, déguisés sous la forme de mar-
chés^ ne peuvent eup^endrer aucune espèce d'action devant
les tribunaux, au profit d(; qui (|ue ce soit, ni du client contre
Tagent de change, ni do celui-ci contre son client, ni de
l'agent de change contre son confrère ;
4" Que la ratification du marché fille par le débiteur,
même depuis récliéance du terme, par la souscription d'une
reconnaissance ou de billets pour les difl'érenccs, ne saurait
couvrir le vice originaire de ce marché 5 que la reconnais-
sance et les billets sont également nuls.
Cependant, depuis quelques années le jeu a tellement pé-
nétré dans nos mœurs, (pie les tribunaux, tout en restant
fidèles à la lettre du Code, sf^mhlent vouloir user d'une cer-
taine indulgence. La Cour impériale de Paris a consacré,
par arrêt du 25 janvier 1856, que:
« Les marchés à terme sur actions industrielles sont valables
- 70 —
«^i le vendeur juPlifie, pnr des offres réfriilière?,, avoir eu entre les
mains, au moment de lY-olit'ance du terme, !e nombre d'nrfions
par lui vendues; peu importe le défuit. d'identité des titre? oVrts
s'il s'nirit d'actions au porteur, car la désignation dans ce cas s -rait
sans intérêt. »
Cette doctrine est un premier pas hors de la voie tradi-
tionnelle, bien qu'il ressorte évidemment du texte de 1 arrêt
que la Conr a cru avoir affaire à un vendeur de bonne foi.
L'obligation de prouver par d^s oifres réelles, U jour de
l'échéance, qu'on est en mesure de livrer des titres quelcon-
ques, ne suffit plus à démontrer que le marché était sencux.
Quel agioteur en efiet n'est en position de trouver des amis
qui lui prêtpnt, pour une heure seulement, des titres au
porteur qui lui donnent un aspect de rentier-propriétaire
d'homme honorable? Si l'nfi^iire en vaut un jour la peine, il
ne manquera pas de s'établir un bureau de location de titres
à l'usage des loueurs qui voudront échapper aux suites dé-
sastreuses d'un pari, en montrant, pièces en main, qu'ils ont
entendu faire une vente réelle.
Un arrêt du tribunal de commerce du 26 février suivant va
beaucoup plus loin :
« La vente des actions d'une compagnie industrielle à créer est
valable, dit-il. pourvu que les parties woni en vue une livraison de
titres, et non le payement de simples différences. »
Cette fois "la jurisprudence tombe dans les restrictions
mentales elles directions (V intention des pères jésuites, dont
Biaise Pascal a tant égayé ses lecteurs. Cependant, tant que
le législateur reconnaîtra les marches à terme, les tribunaux
en seront réduits à faire de la casuistique.
Nous ne nous arrêterons pas davantage sur des dispositions
législatives dont les boursiers, au surplus, ont su depuis
longtemps s'affranchir, et dont l'application n'irait à rien
de moins qu'à la fermeture de la Bourse et à la mise en
jugement de tout son public. H serait temps que nos juris-
consultes se persuadassent enfin que s'il n'est rien de plus
aisé, dans tous les temps, que de légiférer (notre production
législative est, dit-on, de plus de cinquante mille lois!...), il
— 80 —
iicsl lien do j)lus ridicule que de philosopher sur des lois
rendues sans aucune connaissance pratique des affaires, et
toujours à rebours de l'utilité publique.
1. DES DlFFÉRIinES SORTES DE îlAliCnÉS.
Les opérations de la spéculation, c'est-à-dire qui ont pour
objet le mouvement des capitaux, sont celles qui altitent
sintou! l'attention pidïlique et tpii exercent la principale in-
fluence sur le cours des ell'els. Elles empruntent les formes
et les combinaisons les plus diverses. Nous allons les passer
successivement en revue, laissant désormais à la sagacité du
lecteur le soin de distinguer ce qui est jeu ou pari d'avec ce
qui est affaire et marché sérieux.
§ l^^ OPÉRATIONS AU COl'RS MOYEN.
Un peu avant l'ouverture de la Bourse, les agents de
change, réunis dans leur cabinet, vendent et achètent, au
coîffs moyen, des titres de rentes, des obligations ou des
actions industrielles. Ces transactions ne sont pas considé-
rées comme tombant sous l'application de la loi qui défend
toute négociation en dehors du local et des heures détermi-
)iés, par la raison qu'elles se font sans stipulation de prix.
En effet, c'est la cote rédigée après la tenue de la séance
publique qui donnera le chiffre du marché. Par exemple,
les actions de la Banque ont fait, au plus haut, 4,150 fr.;
au plus bas, 4,100; le cours moyen sera 4,125.
Les affaires au cours moyen se font presque toujours au
comptant: cependant il s'en fait aussi quelques-unes à terme.
§ 2. NliGOr.IATIONS AU COMPTANT.
Nous n'avons rien à dire sur la forme de cette opération;
elle ne comporte aucun détail, puisqu'elle ne présente qu'une
forme possible d'exécution : livraison des tities contre
espèces.
I^es efiels transmissibles par voie d'endossement doivent
être délivrés dans l'intervalle d'une Bourse à l'autre.
— 81 —
Ceux qui sont assujettis à la condition du transfert, comme
les actions de la Banque, les rentes sur TÉtat, ne peuvent
êlrc livrés dans un aussi court intervalle. L'agent de change
acheteur donne au vendeur, pendant la Bourse qui suit celle
où a lieu la négociation, un bulletin indiquant les condi-
tions du marché et les noms auxquels doit être fait le trans-
fert. Si avant la cinquième Bourse qui suit la négociation la
livraison n'est pas encore effectuée, l'acheteur fait annon-
cer, par affiche, le rachat pour le lendemain, (le rachat a
lieu, par le syndic ou un adjoint, à la sixième Bourse, si
l'acheteur dans cet intervalle n'a pas reçu ses effets. Le délai
est donc de cinq jours francs (non compris les jours fériés)
pour l'échange des titres entre les agents de change : il est
accordé un jour de plus pour la livraison de l'agent de change
au client.
La Chambre syndicale a pris la décision suivante relative-
ment aux retards apportés par ses membres dans l'exécution
des conventions :
« Après l'expiration des délais, la partie lésée par les retards
sera libre de refusçr la consommation de la négociation en préve-
nant le syndic ou l'un de ses adjoints, ou de l'exiger en vendant
ou achetant par leur entremise, pour le compte de la partie en
retard et aux risques de l'agent de change, sauf tout recours de
droit contre ses commettants. »
Les négociations au comptant ne sont guère accessibles
qu'aux gens riches : or, nombre de gens ne spéculent à la
Bourse que pour s'enrichir. H y a donc cercle vicieux : les
négociations à terme, aussi légitimes de leur nature que
celles au comptant, mais rendues presque toujours abusives
par l'agiotage, ont pour objet de nous en tirer.
§ 3. NÉGOCIATIONS A TERME.
La loi défend les négociations à plus d'un mois d'échéance
pour les actions de chemins de fer, et à plus de deux mois
pour les autres ellets. Nous verrons, à la question des lie-
jjorts, comment on peut prolonger ces délais.
L'acheteur a toujours le droit de se faire livrer les titres
5.
— 82 —
avant le terme échu, moyennant le payement du prix con-
venu. C'est ce qu'on appelle Vescompte.
Le rcgiemi ni des agents de change impose à l'escompteur
les conditions suivantes. Il doit prévonir l'agent vendeur
avant l'oiivei ture de la Bourse, au moyen d'une afîirhe visée
par le syndicat, et donnant la nature, la quantité et le prix
des valf'ursescomplahles. L'afiiche est placée sur un tableau
ad hoc, dans le cabinet des agi^nts de change. De ce moment,
les formalités et délais pour la livraison sont les mêmes que
pour les afîaires au comptant, dont nous venons de parler.
On appelle marché « découvert celui par lequel on vend
des effets qu'on ne possèile pis et qu'on est obligé d'acheter,
à ses l'isques et périls, afin de remplir ses engagements. Les
opérations à la baisse sont généralement dans ce cas. Un
grand nombre d'escomptes arrivant à la fois peuvent donc,
PU forçant les vendeurs à découvert de se mettre en mesure,
provoquer une hausse.
On a intérêt à escompter lorsque les fonds sont à un taux
sensddement plus foi t que celui auquel on a acheté. Ainsi,
j'ai acquis, pour fin courant. 25 Nord à 1,120:, quinze jours
avant léchéanre, ils sont à 1,12.5. Je me fais livrer par an-
ticipation, et je suis en mesure de profiler de la |)lus-value,
en revendant au com|(tanl. Si je levends à terme, je n'ai
pas besoin d'escompter, sauf le cas où je douterais de la sol-
vabilité de mon vendeur.
Dans les négociations à terme, les agents de change se
donnent, entre les deux Bourses, des engagements énoncnut
la nature, la quantité, le prix et l'époque de la livraison. Ils
remetlenf à leurs clients un bidietin contenant les m£mes
indications, et de plus le nom du collègue avec lequel ils
ont négocié. Les nombres doivent être écrits en toutes let-
tres et en chiffres.
L'encaissement des dividendes est à la charge du porteur
de l'effet vendu.
Afin de ficiliter les liquidations, im arrêté de la Chambre
syndicale a décrété que les marchés à terme ne porteraient
que sur des sommes rondes ainsi déterminées et leurs mul-
tiples :
— 83 —
2,250 fr. Op rrntn '. 1,2 0,0 fr.inv;ii>.
2.000 — ■'» ""
l.;>00 _ 3 —
2500 — 5 <^.^ piémonini?.
1,.S00 — 3 —
1,000 liv. sterl. en capital 5 (»,0 portugan.
1,000 — -^ ""
500 (Incats renie 5 0/0 de Naple?.
250 piastres rente 5 0/0 d'Espagne,
300 — 3 —
25 obligations de ia ville de Pans. ,.,^,,^^ P.mfrno de France,
25 actions on obligations des Compaînies diverses, P..UKine
chemin, de fer. Crédit foncier, mobilier, etc.
Qnanl à la quotité de la hausse ou de la baisse elle n'est
iamais moindre de 5 c. pour les r.-ntes, et po.ir les actions
'lie la Banque de France et des .hem.ns de fer, de 5 fr. ou
des sous-muUiples de 5 fr., 1 25, 2 50, 3 /o.
Les marchés à terme, sont de deux sortes, fermes ou a
primes.
t" Marchés fermes,
I es mnrrhrs Mm.es engagent à la fois le vendeur et l'ache-
teur ; ils n'impliquent aucune restriction ultérieure aux
conv niions stipulées. Les échéances sont au 15 du mois
cour nt, fin coilrant, 15 du mots prochain, o,. fin prochatn
Ces sortes de -négociations n'olTreut pas plus de difficulté
que les ventes et achats au comptant.
Exemple - Les fonds sont à la baisse : une question po-
litint.e dont la solution semble se compliquer, parait dc-
o? tenir longtemps la cote en sonfirance. Vous ven ez au
l-^r inin, livrables fin courant, 2,250 fr. de rente 4 1/2 0/0,
à 92 fr. Si vous ne possédez pas les titres vendus, vous pou-
vez dans le courant du mois, vous les procurer. Le 15, le
4 r2 est tombé à 90 fr. Vous achetez, pour fin courant, a
90 fr. les 2,250 fr. de rente tpie vous devez livrer a 92. Vous
vous trouvez en mesure de faire face à votre engagement, et
vous bénéficiez de 1,000 fr. sur votre marche.
Avtre exemple. - Les fonds sont à la hausse. Vous achetez
au 15 juin pour fin juillet 1 ,.500 fr. de rente 3 0,0 a 6/ . Dans
- 8-1 —
l'intervalle de la livraison, le 3 0/0 monte à 08. Vous vendez,
comptant ou ù terme, car vous avez toujours la faculté de
vous faire livrer par anticipation, moyennant payement, les
effets vendus. Vous encaissez le boni, soit 500 fr. — Si, contre
vos prévisions, le 3 0/0 se maintenait toujours en baisse et
que vous fussiez obligé de vendre à 66 50, vous en seriez
quille pour la perte de la différence, soit 250 fr.
(^omme il y a cbances de perte, Tagent de cbange a le droit
d'exiger de vous 7(ne couverture, c'est-à-dire une somme pro-
portionnée aux fluctuations de la cote et à Timportance des
affaires qu'il fait pour votre compte, comme garantie du
payement des différences en cas d'insuccès. Avec une couver-
ture de quelques mille francs vous pouvez faire des centaines
(le mille francs d'aflaires.
Dans les marcliés fermes, la perte n'est pas limitée. Ainsi
vous achetez fin courant 25 actions du Crédit foncier à 700 fr.
Si à réchéance elles ne sont qu'à 680, vous n'êtes pas moins
obligé de les lever à 700. Comme le spéculateur n'achète que
pour vendre, il peut, si la baisse se prolonge, perdre des
sommes considérables. Au cas où il garderait ses titres en
attendant la hausse, il a toujours un capital engagé qui ne
lui produit rien. Il lui reste toutefois la ressource de se faire
reporter, dont nous parlerons plus loin. En revanche, s'il y
a hausse, c'est tout bénétice pour lui : qu'il revende à 7J0
après avoir payé 700, c'est 250 fr. qu'il empoche (sauf déduc-
tion des droits de commission).
Ici toute la science du spéculateur consiste à prévoir les
oscillations de hausse et de baisse, ou même à provoquer
celles dont il a besoin, s'il est assez puissant pour cela.
L'énormité des risques de cette espèce d'opération en a
fait imaginer une autre moins meurtrière, dont nous allons
exposer le mécanisme.
2" Marchés à primes ou inarcliéà libres.
l.e mot prime a plusieurs sens dans la langue financière :
V II sert à désigner la plus-value acquise par un eifet. —
Des actions émises à 500 fr., qui se négocient à 700, font
20Ô fr. de prime.
— 8.5 —
2" Il désigne encore le bénéfice quon lait sur une opéra-
lion. — J'achète des obligations du chemin de fer d'Orléans
à 1,125 fr.; je les revends à 1.132, soit à 7 fr. de prime.
3" On appelle encore ainsi la somme en pins du capital et
des intérêts qui échoit, par voie de tirage au sort, à telle
obligation venant à remboursement. — En 1852, la ville de
Paris a emprunté 50 millions; les obligations de 1,000 fr.
portent intérêt à 5 0 0, et sont remboursables en 37 tirages
semestriels; le premier numéro sortant gagne, en sus du
remboursement, une prime de 50,000 fr. Celte prime est un
appât au capitaliste. Elle ne suffit pas toujours |)our amener,
comme dit le proverbe, Ueau au moulin : témoin la société
du Crédit foncier, qui n'a pu encore, malgré toutes les sé-
ductions de la prime, parvenir à faire prendre ses obliga-
tions.
4° Enfin, on désigne par ce nom le maximum de la perte
qu'on peut faire dans l'espèce de marché à terme dont nous
allons parler.
Les ventes et achats à prime engagent le vendeur sans
engager l'acheteur.
Exemple. — J'achète à 1,055 fr. 50 actions du Nord dont
10. Cela veut dire que j'entends limiter ma perte à 10 fr. par
action, soit 500 fr. pour le tout. vSi à l'échéance j'ai intérêt
à ne pas levei-, par exemple dans le cas où les INord seraient
tombés à 1,030 fr., j'abamlonne à mon vendeur la prime de
10 fr. par action, et le marché se trouve résilié. Je perds
500 fr,, tandis qu'en levant à 25 fr. de baisse, j'en perdrais
1,250. Ai-je au contraire bénéfice à me faire livrer, au cas
où les actions seraient, je suppose, à 1,060 : le vendeur ne
peut refuser de tenii" son engagement, la faculté d'annula-
tion n'étant acquise qu'à l'acheteur.
La prime est imputée à compte sur le capital. Dans l'es-
pèce, les 50 actions me coûteront 52,750 fr. Si la |>rime a
été payée, comme c'est l'usage, au moment du marché, je ne
dois plus que 52,250 fr.
Autre exemple. Vous achetez à prime 1,500 fr. de rente
3 0/0, à 80 50 fin courant, soit 40,250 fr. de capital. Vous
— 86 —
payez comptant 500 fr. Si à l'échéance vous prenez livrai-
son, vous n'avez plus à payer que 39,750 fr. Mais à la fin du
mois, le 3 0/0 n'est plus qu'à 79, ce qui veut dire que vos
1,500 fr. de rente ne valent plus en cnpital que 39,500 fr.
La perte pour vous est donc do 750 fr. Vous abandonnez vos
500 fr., et le marché est nul; c'est le vendeur (jui profite de
la prime. Si an contraire la rente est à 81, vous prenez les
titres, et vous bénéficiez de la plus-value.
Les primes, au lieu de se payer comptant, se portent
quelquefois en compte; elles sont alors exigibles à la liqui-
dation.
Sur la rente elles varient de 50 c. à 2 fr. par coupon ; sur
les actions, de 10 à 20 fr. Ce ne sont au surplus que des
usages.
I^a faculté laissée à l'acheteur de maintenir ou de résilier
le marché fait que les ventes à primes se font à un plus
haut prix que les ventes fermes. Celte différence de cours
donne lieu à des opérations combinées sur lesquelles nous
aurons à revenir.
La négociation que nous venons de décrire a son inverse :
le vendeur donne une prime à l'acheteur pour l'obliger à re-
cevoir, à un prix convenu, aux jour et heure indiqués, les
litres qui lui ont été vendus. Le marché est libre pour le
vendeur et obligatoire {)our l'acheteur. Les primes pour re-
cevoir ne sont en usage que chez les coulissiers.
La réponse des primes se donne le 15 et le dernier jour du
mois, à deux heures au plus lard, c'est-à-dire que les ache-
teurs préviennent les vendeurs s'ils lèvent ou non les effets
achetés.
Les marchés à terme sont le véritable champ de bataille
de la spéculation agioteuse. Les interdire, ce serait restrein-
dre des quatre-vingt-dix-neuf centièmes les opérations plus
ou moins abusives qui se font à la Bourse. Nombre d'indi-
vidus seraient forcés de travailler pour vivre, qui, avec peu
ou point de capitaux, font d'immenses affaires, et, sans trop
de filigue ni même de risques, mènent bon train et font
chère lie.
— 87 —
Malheureusement, ainsi que nous l'avons démontré dans
l'Introduction, empêcher les manliés à terme, ce ne serait
rien de moins qu'empêcher le commerce, la circulation des
capitaux et lies produits; de même que voidoir empêcher
lahusde la propriété, ce serait sup[)rimer la propriété elle-
même. Poiiral teindre l'abussan-^ compromet tre l'institution,
il faut un système de moyens qui impliquent toute une ré-
volution de l'économie sociale. Nous voulons dire par là,
non pas une révolution des lois de l'économie, qui sont
éternelles; mais ime révolution dans la manière dont ces
lois sont aujourd'hui entendues et appliquées : ce qui, pour
l'effet à obtenir, reviendrait à peu près au même. Dejiuis le
2 décembre, la société française s'est prononcée contre la
Ilévolution. L'tmpire, institué pour la protection désinté-
rêts, n'oserait revenir aux Principes, <à moins que, plus hardi
que le gouvernement provisoire, plus révolutionnaire que la
démocratie de 1848, reprenant résolument la tradition de
Louis XI, de Richelieu, de Colbert, de Turgot, il n'embras-
sât hautement le parti du travail, du talent et de la science,
le parti de la Production enfin, contre celui de la bourj^eoi-
sie parasite, de la siséiudation agioteuse et du privilège.
§ i. LIQUIDATIONS.
Les négociations à terme ont une échéance déterminée. A
part quelques affaires sur promesses d'actions qui se règlent
à rémission, c'est-à-dire au jour où les actions sont cotées
au parquet, rérhéance est de plein droit à la fin du mois
pour la rente, le ir> et le dernier du mois pour les chemins
de fer. Chatpie joueur, à cette époque, liquide en effet sa
positipn avant de s'engager dans de nouvelles opérations.
Les acheteurs r/c ferme iirenueiit livraison, reçoivent ou sol-
dent leurs d I fi", «ren ces; les acheteurs à primes donnent leur
réponse, cest-à-dire déclarent s'ils abandonnent la prime ou
maintiennent leur marché.
Les liquidations sont aussi le moment des exécutions^
Quand un acheteur n'est pas en mesure de tenir ses enga-
gements, le vendeur a le droit de négocier les litres qui lui
— 8S —
restent pour compte, et de se faire payer par raclieleur
inexact la différence entre le taux de la première acquisition
et celui auquel il rexend. C'est ce qu'on appelle exécuter un
s[»écnlaleiir. Il y a chance d'exécution lorsque les cours à
la liquidation sont notoirement inférieurs à ceux où Ion a
acheté, car s'ils sont supéiieurs, l'acheteur n'a qu'à gagner.
Le vendeur qui n'est pas en mesure de livrer est également
exécutable. L'exécution est la faillite de l'homme de Bourse.
Il peut rajoiirner au moyen du report dont nous parlerons
tout à l'heure.
Quand un jouenr est exécnté, si l'agent de change n'a pas
de lui nne couverture suffisante, il peut être tenu de combler
de ses propres fonds le déficit. M. de Mériclel cite un fait de
ce genre, où l'officier ministériel en fut pour 40,000 fr. ; et,
il y a quelques années, des bruits circulèrent d'un personnage
laissant à ses agents un déficit de quehjucs cent mille francs,
qu'ils furent obligés de rouvrir. >i'oublions pas toutefois
que tout ce monde, agents et clients, s'est mis en dehors de
la loi.
Les tiraillements entre haussiers elbaissiers n'ont jamais
plus d'activité (pi'au moment des liquidations.
La liquidation mensuelle dure cinq jours (I). Le dernier
du mois on donne la ré|)onse des primes; — le premiei", on
liquide les actions de chemins de fer; — le second jour, on
liquide les autres valeurs; — le troisième, les agents de
change balancent leurs comptes et se mettent d'accord sur
les dilférencesqu'ilsonlàse payer et les elTels qu'ils doivent
se livrer; — enfin le quatrième, on efiectue les payements
et les livraisons.
La liquidation du 15, étant spéciale pour les chemins
de fer, dure un jour de moins; à part celle différence, on
procède comme [»our celle de la fin du mois.
D'après ce que nous avons dit de la nature des opérations,
il est aisé de couquendre combien les livraisons sont mi-
nimes, comparalivemenl au chiU're des dilTércnces à solder.
(1) On ne compte qiio les jour? où il y a nour?e; les jour? fériés sont à
déduire, et les liqiii<iations sont relardées d'autant.
~ 89 —
.^'ous avons exposé, en parlant do la rliamhro syndicalo,
le motif qui a fait créer la licpiidation dn 15, et les résultats
qu'elle a produits-, il nous snftit de les rappeler ici.
Motif: encombrement causé par rinsuffisance des agents ;
Résultais : double report, double courtage à leur profit.
Le mot report, comme le mot^jr/me, a plusieurs significa-
tions en langue boursière.
1° Les titres, avons-nous dit, se cotent plus cher à terme
qu'au comptant; lorsque le 3 0/0 est à 66 au comptant et à
66 40 fin de mois , on dit que le report de la rente à la fin du
mois est de 40 cent. — Dans ce sens, le report a pour terme
opposé le déport. Lorsque les baissiers arrivent à liquida-
tion sans s'être pourvus des valeurs qu'ils ont h livrer, ils
sont obligés d'acheter à tout pri.x, de crainte d'exécution ;
il arrive alors quele comptant devient plus cher que la vente
à terme. La rente restant à 66 40 fin de mois, si le comptant
s'élève à 66 70, le déport est de 30 cent.
2° Le report est un prêt sur dépôt de litres; celui qui
prête est le reporteur^ celui qui emprunte, le reporté. Le prêt
sur ga^es a été prévu par le Code et soumis à de certaines
formalités d'actes et d'enregistrement; ii doit se faire au
taux légal, sous peine de répression comme usure. Qu'ont
imaginé les boursiers? Une fiction de marché dont l'auteur
des Provinciales revendiquerait à juste titre l'idée première
en faveur des RR. PP. Escobar et Lessius, inventeurs du
Mohatra.
(( Le contrat Mobatra, disent ces savants casiiistes, est celui par
lequel on achète des étoiles chèrement et à crédit pour les re-
vendre, au même instant et à la même personne, au comptant et
à bon marché. — Le ^lohatra est quand un homme qui a aiïaire de
20 pistoles achète d'un marchand des étolïes pour 30 pistoles
payables dans un an, et les lui revend à l'instant même pour
20 pistoles comptant. »
Inversement, le Report est un contrat par lequel un capi-
taliste achète des valeurs comptant et à bon marché, pour
— 00 ~
les revendre, au même inslant el à la même personne, cliù-
rcmenl et à créHit. — I,e Report est quand un liomme, qui
a besoin de 37,500 fr., vend an eomptant 25 actions d"Or-
léansà 1.500 fr., qu'il rachète immédiatement à 1,510 fr.
pour la liquidation suivante.
Dans le Molialra, le pro[)riétairedes valeurs n"est, comme
on le voit, qu'un prêteur déffuisé; dans le report, c'est, un
emprunteur; voilà toute la difrér<^nce. Les bons pères n'a-
vaient en vue que de calmer les consciences des dévots usu-
riers; les financiers avaient à la fois à s'affranchir des lenteurs
du contrat sur gafïesetà éviter la correctionnelle. Que pen-
sent les fidèles el les jurisconsidies de ces échappatoires?
Qu'on ose encore parler d'opposer la conscience et de bonnes
lois aux mauvais instincts !
« Dans les reports, dit M. Deplanque, on voit fréquemment
l'intérêt s'élever jusqu'à 10 0/0 de la somme prêtée par quinze
jours, laps de temps pour lesquels sont en général consentis ces
sortes de contrats. A ce taux, si les capitaux pouvaient toujours
être employés, on retirerait de son argent un petit revenu de plus
de 250 0/0 par an. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas à la Bourse
d'opération qui vaille mieux que colle-là.
« Il y a tous les jours de pauvres diables d'imbéciles qui se font
condamner comme usuriers pour avoir bêtement baillé leur argent
à 12 ou 15 0/0 l'an, contre lettre de change ou autres engage-
ments aussi sérieux, à quelques Ois de famille qui se gardent bien
de le leur rendre, préférant les l'aire condamner au nom de la
morale publique. Mais on ne risque pas d'être taxé d'usure pour
prêter en report à 23, .50 et 100 0/0 par an. A bien avisé, salut! »
{Almanach de la Bour>e).
Montrons par (pielques exemples toute l'excellence de la
position du repo' leur.
Je possède 00,000 fr. dont j'aurai besoin dans un mois ou
deux; je ne puis les engager dans une affaire de commerce
pour si peu de temps, et afin de ne pas les laisser stériles,
je fais l'opération suivante : j'achète du 3 0/0 à 67 au comp-
tant, et je le revends de suite fin courant à 67 35. Mes fonds
seront disponibles pour l'époque où j'en aurai besoin, et ils
m'auront rapporté pendant ce mois 35 cent, de bénéfice par
coupon, soit un taux de 5 fr. 40 0/0 l'an.
— 91 —
Si je veux prolonger mon opération :
J'ai opéré un premier report fin jiiillel. Je dois remettre àX
les litres que je lui ai vendus • eependant je n'ai pas encore
besoin de dôg;i^er mon capital. J'aclièle alors une somme de
valeurs é;:ale a edlf^ que je dois livrer: mon dernier vendeur
fera la livriison à X, et nuevra de lu i la somme que je devais
toucher moi-même. Je garde ainsi mes titres. Je puis les re-
vendre fin aoiit, et recommencer de mois en mois, ou de
d(Mix en deux mois la même opération. Dans ce cas, mon
premier achat devient une opération de placement; mes
achats de fin de mois sont opérations de spéculation : elles
se trouvent consommées dans les délais légaux.
On a intérêt à employer ce moyen quand, à Técliéance du
marché, les fonds sont en baisse. Ainsi, j"ai acheté comptant
du 4 1/2 à 89 ; je le revemls fin prochain à 89 75. A l'époque
de la livraison le 4 1/2 est à 88. J'ai intérêt <à racheter des
renies, car je bénéficie de la différence entre 88 et 89 75,
soit 1 fr. 75, tandis qu'en livrant mes titres achetés à 89,
ma plus-value n'est plus que de 75 centimes. Je puis ainsi at-
tendre la hausse. Si ']('■ suis forcé de réaliser, je ne perds rien
<à la baisse, car jai vendu à 75 centimes de profit; seulement
je manque <à gagner.
Lorsqu'au contraire les fonds sont en hausse au moment
de la livraison, il faut consommer la première; opération,
sauf <à en recommencer une identique le mois suivant. Ainsi,
dans l'exemple iirécédent, supposons que les fonds soient
à 90 fr., je n'irai pas achètera 90 pour livrer h 89 75; c'est
mon acheteur qui profile de de la [)lus-value de 25 centimes.
Mais, encore une fois, je ne perds rien, puisque je reçois
89 75 et que j'ai payé 89.
Les opérations que nous venons de décrire sont relative-
ment honnêtes. Les habiles ne s'en contenleni pas. Ils s'em-
pressent de vendre, font de nouveaux reports sur la même
valeur, revendent et reportent à outrance, fVrfl.^crw/ les cours
et poussant à la baisse afin de pouvoir racheter à bas prix,
en liquidation, les valeurs dont ils sont tenus de couvrir
leurs reporlcs.
Coux-ci omploient ie report afin de prolonger une opéra-
tion qui se solderait en perte, et d'éviter momentanément
rexécnlion.
Exemple.— J'achète 25 actions de la Banque de France à
3,685 fr. I>a baispc se déclare, et je suis obligé de vendre à
3,675; c'est 250 iV. de perte pour moi si je termine là mon
opération. Mais j'ai foi au retour de la hausse : en même
temps que je vends à 3,675, je rachète fin courant à 3,680,
en supposant que le taux du report soit de 5 fr. Je paye en
h'quidation les 250 fr. à mon délicit; seulement mon opéra-
tion n'est pas terminée; je puis, si la hausse reparaît, cou-
vrir ma perte et me retirer en bénéfice. On peut répéter le
même manège de mois en mois et se faire reporter ainsi in-
déliniment. Les agents de change y trouvent leur profit, car
c'est douI)ie commission, puisqu'il y a double opération;
quant aux spéculateurs, avec des taux de 4 à 60 0/0 par
liquidation, ils y rencontrent souvent la lente et doulou-
reuses agonie au lieu de la mort violente qu'ils ont voulu
éviter.
De même que le change (!t les valeurs, les reports sont co-
tés à la Bourse. Les opérations qui en résultent sont soimii-
sesaiix mêmes règles que les autres : elles ne peuvent se faire
à plus d'un mois pour les actions de chemins de fer, ni à
plus de deux pour les autres effets.
On appelle report sur prime^ dans le premier sens que
nous avons donné du mol leport, une opération par laquelle
on achète ferme fin courant des effets qu'on revend à prime
fin procham. Comme la vente à [irime est plus chère que la
vente ferme, le leport se trouve plus élevé; seulement, en
cas de baisse, on court la chance de ne pas voir lever ses
titres, et de rester acheteta' de fonds dont on pouvait avoir
intérêt k se débarrasser.
2. COllBINAÎSONS AllQUELLES DO^NEST LIEU LES DIFFÉRENTES SORTES
DE MARCHES.
Nous avons signalé trois sortes de marchés :
Au comptant;
— ya —
A terme ferme ;
A terme et à prime.
La vente et l'achat, suivant l'un on l'autre de ces trois
modes, peuvent se combiner deux à deux de toutes les ma-
nières j)Ossibies, au choix des joueurs, suivant leurs calculs
et leurs intérêts.
Les spéculations sont à la havsse ou à la baisse. Dans le
premier cas, on adièle pour vendre ; dans le second, on vend
avant d'acheter. Ainsi, les cours sont à la hausse; je deviens
acquéreur de 3 0 0 à 70 fr., et j'attends, pour vendre, que
la rente ait monté à 70 50 ou au dessus. — Inversement, la
baisse va crescendo ; je vends à 69, et j'attends pour acheter
ipie le cours soit au-dessous de ce taux, à 68 50 par exemple.
D'où il résulte que les opérations à la baisse son! né* es-
sairemeut à terme; qu'il y a intérêt pour les baissiers à dis-
créditer les valeurs; que le gouvernement a par conséquent
le droit et le devoir d'arrêter, par tous les moyens que la li-
berté des transactions autorise, cette débâcle: car c'est son
crédita lui qu'on cherche à ruiner, du moins en ce qui con-
cerne la rente, ciédit moral dans tous les cas, crédit maté-
riel s'il a besoin d'emprunter.
§ i*''. OPÉRATIONS A LA HAUSSE.
Elles peuvent ?e faire au comptant ou à terme.
«) Achetant au comptant, vous pouvez revendre: l» au
comptant-, 2» ferme; 3° à prime, dès que la hausse est
venue.
A terme, vous pouvez :
b) Acheter ferme, vendre : 1" ferme, 2» à prime :
c) Acheter à prime et revendre : 1'' ferme, 2" à prime.
Prenons des exemples.
a) J'achète au comptant 1 ,500 fr. de rente 3 0/0 à 70, soit
en capital 35.000 fr.
1" Je les vends le lendemain au comptant à 70 20, soit
35,100 fr.: différence à mon profit, 100 fr.
— 94 —
2o Je les vends ferme fin du mois à 70 60, le taux du re-
port étant de 60 c. ; bénéfice, 300 fr,
3» Je les vends à prime fin procliam à 71 dont 1 , la rente
à prime étant toujours la plus chère, soit 35,500 IV.; excé-
dant à mon profit, 500 IV., ipie les litres soient levés ou non.
S'ils ne sont pas levés, c'est (juil y a baisse, et je reste ac-
quéreiM" de t"o;ids |)ublics en allendanl la hausse.
b) J'achète ferme, fin courani, 25 actions du Comptoir
d'escompte à 670 fr. soit en capital, 16,750 fr.
1° Je les vends ferme, lin prochain, à 680, soit 250 fr. à
mon profil. Dans ce cas, il faut que j'aie de quoi [)rendre li-
vraison à mon échéance; si je n'ai pas 16,750 fr,, je ne puis
pas revendre à un délai plus long (pie je n'ai acheté.
2'^ Je les vends à prime dont 5, fin courant, bénéfice à
mon profit, 125 fr., si les actions sont levées. Si elles ne le
sont pas, c'est qu'il y a baisse, et dans cederniei' cas, comme
j'ai besoin de vendre pour lever moi-même, l'achat étant
ferme, j'ai fait une fausse spéculation. Su[>posons qneje sois
obligéde les négocier à 663, ce scia 16,575 fi. qneje recevrai
contre 16,760 fr. (pie j'aurai à payer : difléience à mon pré-
judice, 175 fr., dont il faut déiluire la prime de 125 fr. qui
me reste, et qui réduit mon déficit à 50 fr. Dans ce marché,
les pertes sont illimitées.
c) J'achète à i)rime dont 10, fin courant, 50 Nord à 890;
soit en capital, 44,500 fr.
1" Je les revends ferme ù 894; différence à mon profit,
200 fr. Si les actions sont descendues <à 885, comme j'ai payé
500 IV. de prime, j'ai intérêt à les lever ; car, revendant à ce
prix, soit 44,250, je perds 250 fr., tandis qu'en ne prenant
pas livraison, je perds les 500 fr. de prime. Dans ce marché,
la perte ne peut excéder 500 fr.
2" Je les revends à prime dont 5, à 896; soit 44,800 fr. ;
différence à mon avantage, 300 fr. si la livraison s'effectue.
Si elle ne s'effectue pas, c'est qu'il y a baisse, et les 250 fr.
de prime me restent. Mais j'ai moi-même payé une prime
de 500 fr. ; si je dois l'abandonner aussi, mon déficit ne sera
que de 250 fr.
— 95 —
Ce dernier exemple est une opération de prime contre
[)rime, nous y reviendrons.
^ i. UPÉUATIUNS A LA llAlSSIi.
Elles sont nécessairement à ternie.
«) Je vends ferme à découvert et jatfends lu baisse.
Ainsi je vends ferme 50 obligations de la vdie de Paris à
1,120 fr,, soit en capilal 56,000 fr. Enire l'époquo du mar-
ehé et de réchéance, elles tombent à 1,110; jachèle à ce
prix (comptant ou à terme) ; ddférence à mon profil, 500 fr.
— Si les cours se mainlieiuient à 1,120, je ne gagne rien,
mais je ne perds tjue les droits de coiutage. Si la hausse
survient au lieu de la baisse, ma perte peut devenir consi-
dérable.
b) Je vends à prime à découvert.
Exemple. — Je vends à prime dont 1 50, fin prochain,
4,000 fr. de rente 4 0/0 à 80; soit en capital, 80,000 fr.,
prime, 1,500 fr. Si la baisse survient, et que la renie soit à
77 à réchéance, on ne lèvera point les tities : je n'aurai pas
besoin d'acheter; je gagnerai les 1,500 fr. — S'il y a hausse,
et que mon acquéreur prenne livraison , je perdrai la dilfé-
rence entre le prix de vente et celui auquel je serai obligé
d'acheter, soit 1,C00 fr., au cas où le 4 serait à 81. La perte,
dans cette circonstance, n'est pas limitée [)Our le vendeur à
découvert-, elle Test à 1,500 fr. pour l'acheteur.
c) J'achète à prime et je vends ferme à l'instant même.
Exemple. — Le 3 0yO à prime dont 1 est à 81 fin courant,
et la rente ferme 80 60. J'achète 1,500 fr. de rente au pre-
mier taux', soit en capital 40,500 fr. , prime 500 fr. Je les
levends ferme de suite au second taux 80 60, soit en capital
40,300 fr. ; différence à mon détiimeiit, 200 fr. Si la baisse
survient, confirmémenl à mes prévisions, et rpie le 3 des-
cende à 79, j'annule mon premier marché par l'abandon de
la prime, et j'aciièle feinie à 79; soit en ca[>ital, 39,500 fr.
J'ai vendu 40,300 fr. ; bénéfice brut, 800 ; d'où il faut dé-
— 96 —
duire la prime de 500 fr. que j'ai abandonnée ; bénéfice net,
300 fr. —La hausse se mainliênt-clle jusqu'à 1 époque de la
livraison : je réalise mon achat à prime, qui me coule
40,500 fr., et ma perte se trouve Imiitée à 200 fr.
§ 3. OPÉUATIONS COMPLEXES.
Les négociations dont nous venons d'exposer le mécanisme
se composent des dilîérentes sortes de marchés analysés
dans la première partie de ce chapitre; celles qui suivent
sont d(3S combinaisons des opérations mêmes : elles présen-
tent des com[)lications à rinfini. On y a recours lorsque les
lluctualions de la cote sont indécises, tantôt en hausse,
tantôt en baisse. Nous citerons les plus usitées.
1« Opérations à la l)ausse ou à la baisse.
Si les variations ne sont pas considérables :
J'achète ferme 25 actions de la Banque à 2,700, ci
67,500 fr. , et j'en vends 50 à prime dont 10, à 2,705, ci
135,250 fr. Les effets seront levés ou ne le seront pas.
1" S'ils sont levés :
J'aurai à racheter 25 actions au cours du jour. La hausse
est-elle permanente : j'ai fait une fausse S|)éculation. Mais
si mes prévisions se réalisent, il doit y avoir des alternatives
de hausse et de baisse ; j'achète en baisse à 2,702, soit pour
25 actions, 67,550 francs.
Ainsi, j'ai dune part :
25 actions à 2,700, soit 67^500 fr.
25 — 2,702, — 07,550
Total 135,050
J'ai revendu le tout 135,250
Différence à mon profit 200 fr.
L'acheteur à prime à 2,705 prendra livraison si les actions
sont seulement à 2,696, car il perd 9 fr. par action , soit
350 fr., au lieu qu'en abandonnant sa primo de 10 fr. par
action, il perd 500 fr.
_ 07 -^
Nous avons supposé le second achat plus cher que lèpre-
luier : riiivorse pouvait avoir lieu; le bénéfice était alors
augmenlc d'autant.
2° Si les titres ne sont pas levés :
Je puis mv trouver vendeur non-seulement de 25 actions ,
mais de 50; carj'ai dû me luettreen mesureen prévision de
la livraison. J'ai vendu à mes risques et périls, à 2,695 sup-
[losons, soit en capital 134,750 fr.
Je dois payer 135.050
Délicit 300
Mais la prime de 500 fr. me reste, et je me trouve en lin
de compte avoir gagné 200 fr.
Les chances favorables d'un marché de ce genre sont donc
subordonnées aux deux conditions essentielles dont nous
avons parlé, savoir: oscillations perpétuelles dans la cote
et variations peu considérobles. Des joueurs consommés peu-
vent seuls prévoir ces accidents.
Si les variations sont considérables :
J'achèle Wx à prime.
Je revends ferme de suite 5 x; je suis en perte, puisque
la vente ferme est moins chère que celle à piime.
J'attends [)our vendre les 5 x restant que la hausse soit
revenue au point de couvrir mon déficit et de me donner du
gain. Dans ce cas, l'opération se termine là.
Si la baisse vient au-dessous du taux auquel j'ai vendu les
5 X, j'annule, par l'abandon de la prime, mon premier achat
de 10 X, qui me coûte plus cher que je n'ai vendu, et je ra-
chète eu Laisse les 5 x que jai à livrer.
2" Oiiéralions de piiiiic- conire juiincs.
Elles ont l'avantage de limiter les pertes; en revanche
elles olfrent peu de béuétiees. Elles reposent sur ce fait , que
plus la prime est forte, moins le ()rix e.sl élevé. Ainsi la prime
dont 1 fr. est moins chère que la prime dont 50 centimes.
— Ces sortes d'affaires exigent une grande habitude de la
Bourse et ne sont pas bonnes pour les débutants.
6
— 98 —
Exemple. — J'achète 1,500 fr. de renie 3 0/0, dont 1 , à
80. Je les revends de suite ;i 80 70, dont 50 c.
1» Si à l'éciiéance les cours sont eu hausse, les primes
sont levées, et je gagne la dilîéience de 70 c. par coupon,
soit 350 fr.
2" S'ils sont en baisse, Tatheleur m'abandonne sa prime
dont 50 c, soit 250 fr., j'abandonne la mienne dont 1 , soit
5C0 fr., ma perte n'est (]i.e de 250 fr.
3° S'ils sont au pair ou à peu près, à 80 05, par exemple,
mon acheteur ne lève point sa prime, qui me reste, soit
250 fr., et je revends à 5 centimes de bénéfice, soit 25 fr. ,
en tout 275 fr., sauf déduction du courtage.
Autre exemple. — Inversement j'achète à 80 70 dont 50,
je revends à 80 dont 1.
1» Si à l'échéance le cours est en hausse , ma perle est
limitée à 70 c.
2° S'il fléi'hit et que les primes soient abandonnées, je re-
çois 1 fr., je ne donne que 50 c. -, bénélice pour moi, 50 c.
3° Si la baisse n'est pas assez forte pour empêcher mon
acheteur de prendre livraison, qu'elle ne soit que de 60 c,
par exemple (79 40). j'abandonne mon premier marché et je
rachète à 79 40 -, comme je suis vendeur à 80, mon bénéfice
brut est de 60 c, d'oîi il faut déduire les 50 c. de prime
que j'ai abandonnés; bénéfice net, 10 c.
Autre exemple. — Je vends 10 a; à prime dont 50 c. fin
courant ; je rachète 10 x à prime dont 1 fin prochain.
Si à la lin du mois les 10 x ne sont point levés, je gagne
les 50 c. ; ce qui diminue de moitié ma prime dont 1.
S'ils sont levés, j'achète ferme fin courant les 10 x que
j'ai à livrer, et je reste acquéreur pour un mois encore des
premiers 10 a: : ce qui me permet de profiter des chances
de hausse. — C'est ce qu'on appelle se faire reporter sur
prime.
On peut encore acheter une quantité de valeurs à prime
dont 1, et en revendre le double à prime dont 50. Si les ef-
fets ne sont levés ni de part ni d'autre, Topération est nulle.
Inversement, on achète mre quantité de titres à prime
— 99 —
dont 50, on en revend le double à prime dont 1 . Si les titres
ne sont point levés, le spéculateur gagne quatre fois la prime
d'achat.
3° Arbitragrs sur fffets publics.
C'est une opération qui consiste à éclianger une valeur
contre une autre, du 4 1/2 contre du 3 par rx(Mn|)le, afin de
bénéficier de la diiïérence. Elle repose sur ce fait que les di-
verses espèces de fonds ne sont pas toujours au même taux ;
ainsi le 3 0/0, sur lequel se porte de préférence la spécula-
tion, est plus cher que le 4 et le 4 1/2. 11 est à G7 quand le
4 1/2 est à 90 ; pour que les deux rentes fussent au même
taux , il faudrait que le 4 1/2 valût 100 50 quand le 3 coûte
67.
Exemple (Vnne opéralion d'nrbllro{/e. — Je suis possesseur
de 1.500 fr. de rente 3 0/0. Le 3 monte à 85 , tandis que le
4 1/2 reste à 105. Je vends à 85 et je réalise en capital
42,500 fr. Avec cette somme je rachète en 4 1/2, à 105,
1,818 fr. de rente au prix de 42,420 fr. Si je borne là mon
opération, ma rente s'est accrue de 318 fr. , et il me reste
80 fr. sur mon ca|)ilal.
Mais si jai voidu faire une fjiéculation, j'ai été conduit à
changer mon placement dans l'espoir de voir monter le 4 1/2
et baisser le 3 ; je ne suis donc qu'à moitié de la besogne.
Supposons que ma prévision se réalise : le 4 1/2 est à 107 et
le 3 à 80, je vends à 107 mes 1,818 fr. 4 1/2.
Soit 43,228 fr.
Je rachète à 80, 1,500 fr. de 3 0/0, ci 40,000
Différence à mon profit 3,228
Plus les 80 fr. de la première opéralion. . . 80
Bénéfice total 3,308
Ainsi je me trouve, comme auparavant, possesseur de
1,500 fr. de rente 3 0/0, et j'ai gagné 3,308 fr.
4° Moyens de bonifior les fiiinsps spi^eulalions.
Nous avons déjà indiqué comment au moyen des reports
— 100 —
on peut prolongor uno opcr.ition flcvcnno mauvnisc nu mo-
ment de la liquidation. Il y a encore d'autres ressources ,
dont nous devons parler également.
1. J'ai vendu à découvert de la rente à 80 50. La hausse
survient ; je suis forcé d'acheter à 81 pour faire ma livrai-
son. Je perds 50 c. j)ar coupon si mon opération finit là. Mais
je crois au retour de in baisse. Je vends fin [trochnin à 81 30 ,
le report étant présumé de 30 c. ; je paye en liquidation la
dilTérence de 50 c, et je reste vendeur à ternie en attendant
la baisse.
2. J'ai acheté 1.500 fr. de 3 0/0 h 80; la rente tombe à
78 ; j'en achète à ce prix une môme quantité. Je me trouve
acquéreur de 3,000 fr. de rente au cours moyen de 79 ; pour
peu que les fonds montent au-dessus de ce dernier chifTie,
j'aurai du bénéfice. C'est ce qu'on nomme îine commune.
3. Inversemrmt j'ai vendu à découvert 1,500 fr. de rente
à 80. Survient la hausse à 81 ; je revends à ce prix même
quantité de titres. Je me trouve vendeur de 3,000 fr. de
rente au cours moyen de 80 50, pourvu que la baisse re-
vienne au-dessous df ce dernier chiffre, je pourrai acheter
en bénéfice.
4. Opérant à la hausse , j'ai acheté 20 x. C'est la baisse
qui survient ; je suis en pei te. Mais je revends 40 x. Ache-
teur (le 20 X, vendeur de iO .r , je reste vendeur de 20 x.
J'attends , pour les acheter, que la baisse me permette de
couvrir au moins la perte de mon [)remier marché. — Celte
opération, commencée à la hausse, se termine à la baisse.
5. Inversement, j'ai veuflu à découvert 1,5C0 fr. de rente
à 80. Survient la hausse, à 81. J'achète, non pas 1,500 fr. ,
mais 3,000 ; je liquide à perte mon |)remier marché, mais
je reste acheteur de 1,500 fr. de rente, et j'attends, pour
vendre, que la haus-e pui'-se m'indemniser d" mou déficit.
— Cette spéculation, conmaencée à la baisse, finit à la hausse.
Nous avons passé en revue les combinaisons les plus re-
marquables de la spéculation. Nous ne prétendons pas les
avoir énumérées toutes, car elles revotent, comme le Protée
— 101 —
de la Fable, les formes les plus diverses. A chaque instant, on
en invente de nouvelles. Ce qui les caractérise en général,
cVst que, bien qu elles paissent servir, par exception, à des
opérations sérieuses, elles n'ont habituellement d'autre
motif que le jeu, et qu'elles tombent eii dehors de la spécu-
lation productive, et sous le coup des interdictions de la loi.
Mais la loi, le joueur de Bourse la défie : que ne donnerait-
il pas pour pouvoir défier aussi bien la fortune !...
ARITHMÉTIQUE SPECULATIVE.
Il ne sera pas sans doute inutile de terminer ce chapitre par un
résumé des règles d'arithmétique nécessaires à la solution des
problèmes dont se sert la spéculation.
Nous ne nous arrêterons certes pas à celui-ci : Combien coûtent
23 actions à TriO IV.? Mais plus d'un lecteur tâtonnerait peut-être
pour résoudre cet autre un peu moins simple : Combien coûtent
2,230 fr. de rente 4 1/2 à 90? — 90 n'est pas le prix de 1 fr. de
rente, mais le prix de 4 fr. 30. Donc il faut chercher combien de
fois 2,230 contient -4 fr. 30. —Réponse : 300 fois. — C'est par 300
qu'il faut multiplier 90. — Produit : 43,000 fr.
Combien coûtent 3,000 fr. de rente .S 0/0 à (ïT?
Réponse : 67 X ^^ ou G7 X 1 ,000 = 67,000 fr.
Presque tous les calculs dont on a besoin à la Bourse se résol-
vent par la règle de trois. Le point capital est de savoir poser la
proportion. Nous allons en résumer les principes.
L'un des termes est toujours : Un capital C est à un capital c ;
l'autre : Un intérêt I est à un intérêt /. — C doit correspondre à I,
et c à /.
Exemples : C : c : : I : <
c : C : : « : I
\:i ::C:c
L'usage est de placer l'inconnue au dernier terme. Soit C l'in-
connue : c sera le troisième terme, I le second, et i le premier :
i :I ::c:x = C
Appliquons cette théorie à nos calculs.
6.
— 102 —
1. Reprenons celui de tout ta l'heure : combien coûtent 2,250 l'r.
de rente à 4 1/2 0/0 à 90?
Lorsque 4 fr. 50 de rente (?) ge payent 90 fr. (c), combien
2,250 fr. de rente (I) se payeront-ils? — L'inconnue est C. Donc
pour la proportion suivante :
Proportion : t : \ :: c :C
En chiffres : 4 50 : 2,250 : : 90 : a;
'' ''50 V QO
D'OÙ : X = ^-^-^ - 45,000 fr.
4 50 '
2. Quel est le taux d'un emprunt public 5 0/0 négocié à 80 fr. ?
Quand 80 fr. de capital (c) donnent 5 fr. de rente («), combien
iOO fr. (C) en donneront-ils? — L'inconnue est I, et la proportion
doit s'écrire :
Proportion : c : C : : « : I
En chiffres: 80:100:: 5 :cr
-., , 100X5 „„ _„
D ou : œ = — — — =6 fr. 25.
cO
L'emprunt est contracté k 6 fr. 25 0/0.
3. Le 3 0/0 est à 67 et le 4 1/2 à 90 : lequel est le plus cher?
11 y a deux manières de résoudre ce problème : l'une consiste à
chercher le taux de chacun des cours et à en faire la différence;
mais la suivante est plus expéditive.
Quand 3 fr. de rente (/) se payent 67 fr. (c), combien coûtent
4 fr. 50 (I)? — L'inconnue est C, et nous écrivons :
Proportion : i : i : : c : C
En chiffres: 3:4 50::67:a7
D'où:r.=iii^=.0080 •
Puisque 100 50 est en 4 1/2 le cours correspondant à 67 en
3 0/0, et que le premier n'est qu'à 90, le 3 est le plus cher. —De
combien par franc de rente est-il plus cher?
100 50 — 90 .,10 50 105 _ ,, „„
P^ 4 50 ' '''^ TW' "" l5'°"-*- ^^-
On peut encore résoudre ce problème par la métliode dite de
l'unité ou du denier.
Quand 3 fr. de rente (1) coûtent 67 fr. (C), combien coûtera
1 fr. de rente (e)? — l^inconnue est c, et nous posons :
Proportion : I : « : : C : c
En chiffres: 3:1:: 67: a;
— 103 —
n'où : £c = — =22rr. 33.
On a de même : 4 50 : 1 : : 90 : ce
no
D'où : a: = — I- = 20 fr.
h r)0
Le 3 est au denier 22 33; le h 1/2 au denier 20. — Différence
2 Ir. 33 c.
4. Combien, avec 00,000 IV., peut-on aciieler de 3 0/0 à 6G?
Quand avecCGfr. (c) ona3rr. de rente (?), combien en aura-t on
avec 00.000 fr. (C)? — L'inconnue est L et je pose :
Proportion : c : C : : ? : I
En chiffres : 00 : 00,000 : : 3 : ce
„, . 00,000 X 3 180,000 ^ „^_ „ ^.
Dou:cr = — ^„ = — -^-— =2.72/ Ir. 2/.
00 DO
On peut dont acheter 2,727 ir. de rente.
5. 92,ri00 fr. m'ont produit, dans une opération de report,
%\t> fr. en un mois : quel taux pour 100 l'an- ce bénéfice repré-
sente-t-il?
Je dis: 81") fr. en un mois donnent, pour douze mois ou une
année, 9,780 fr. La question est donc celle-ci : lorsque 92,500 fr.
(C) produisent 9,780 fr. (1) dans l'année, combien 100 fr. (c) en
produisent-ils? — L'inconnue est i.
Proportion : C : c : : 1 : ?
En chiffres : 92,500 : 100 : : 0,780 : x
D ou : X = -^-—r = 10 fr. 57.
920
Le bénéfice du report dans cette affaire représente donc un taux
de -10 fr. 57 c. 0/0 l'an.
«. S'il s'agit de fonds étrangers, le mode de procéder n'est pas
différent.
Quand 5 ducats de rente de Naples en valent 105 en capital,
combien vaudront 500 ducats de rente?
Proportion : 5 : 500 : : 105 : ce
D'où : ce := 10,500 ducats.
Mais combien cela fait-il en francs, le ducat étant évalué à i fr.
-iO c.? — Il suffit de multiplier 10,500 par \ -iO; ce qui donne
/tO,-200 fr. — En rlTel, 1 ducat doime h 40 comme 10 500 ducats
donnent x fr. — 1, c'est i; M,{),\\ 10, .500, c, et x l'inronue, C.
— 104 —
Proportion : / : 1 : : c : C
En chiiTres : 1 : i m : : 10,500 : x
Comme 1 ne divise pas, il siifïit de mulitiplier par i iO.
7. Le florin d'Autriche vaut 2 fr. 60 : combien valent 10,000 flo-
rins en francs.
Puisque 1 ne divise pas, c'est 2 60 x 1,000, ou 2,000 fr.
8. Le type des monnaies étrangères est généralement plus élevé
que le nôtre; en s(jrte que le calcul indi(pié aux numéros O et 7
est applicable à peu près partout. Seulement il s'agirait d'un type
plus faible, qu'il n'y aurait encore rien à changer, sinon dans la
position des termes : l'unité du premier terme, c^est alors le type
étranger.
Exemple. Quand le denier de gros d'Amsterdam vaut 54 cen^
times, combien valent en franc? 248 deniers?
1 denier donne 54 ccnlmies comme 248 deniers x fr.
Proportion : 1 : 0 54 : : 248 : x
D'où : a? = 248 X 0 54 =: 133 fr. 92.
9. hiversement, on peut avoir <à convertir des francs en valeurs
étrangères.
Quand la pistole d'Espagne vaut 15 fr., combien valent en
pistoles 36,000 fr.?
Je dis : 15 fr. donnent 1 pistole comme 36,000 fr. donnent x.
Proportion : 15 : 1 : : 36,000 : x.
I ne multiplie pas ; donc : x = ' ," = 2,000 pistoles.
II serait superflu de multiplier davantage les exemples.
CHAPITRE VI.
Blnticres «létalliques. — Changée.
Les courtiers de commerce ont le droit, concurremment
avec les agents de cli inge, de vendie les matières d'or et
d'argent; mais aux derniers seuls appartient d'en constater
— 105 —
le cours. Lo jeu ost inlonlit sur ros valeur?., comme sur
ton les les antres.
L'or et l'argent ont lenr prix au pair-, ils perdent ou ga-
gnent sur le marché, suivant les circonstances. Les grand(!s
crises politiques font monter le prix de Tor, parce qu'il per-
met de transporter de grandes valeurs sons un petit vo-
lume.
Vnr/io, c'est le profit, et Vescompte la perle.
Or en barre, pièces de 20 et -10 fr., (igio, 2 fr. 50 poir
1,000, signifient que l'or gagne 2 fr. 50 par 1,000 fr.
Au lieu du mot a<iio^ il y aurait escompte., c'est (pie l'cr
perdrait 2 fr. 50 par 1,000 fr.
Or en barre, pièces de 20 et 40 fr. au pair., signifie qui!
n"y a ni agio ni esco ')te.
Or en barre, à 100b, '000, c'est l'or le plus pur, il vaut
3,444 fr. 44 c. au pair, le kilogramme.
Or en barre, à 900/1000, c'est l'or avec un dixième d'al-
liage. Piixau pair: 3,100 fr. le kilogramme.
Argent en barre, à 1000/1000. Prix le kil. : 222 fr. 22.
Idem à 900/1000. ~ 200 fr. »
Le change est une opération qui consiste à faire passer, à
l'aide de simples eficls, des sommes, souvent considérables,
d'une place dans une autre, îl a pour but et pour résultat
d'éviter le transport encombrant et coûteux des matières
métalliques. On psut direque ce dernier procédé serait à la
lettre de change ce qu'en fait de rapidité la batellerie est à
la léh'graphie électrique.
Le change suppose des dettes réciproques entre les pays,
^, de Marseille, a vendu à Z?, de Lille, des savons pour
une somme de 10,000 francs ; B a fourni à C, de Marseille
également, 10,000 fr. d"huiles. Tl n'est pas nécessaire de dé-
placer un centiuie pour solder un pared marché. B écrit à
son débiteur C : « P.iyez à votn; compatriote. 4 les 10,000 fr.
que vous me devez et(|ue je lui dois moi-même. » Les trois
contractants gagnent à cet arrangement, économie de temps
et sécurité.
— 106 —
Lorsque le vendeur et racliclcur ont à la négociation un
intérêt égal, le change est au pair.
Mais il n'en est pas toujours ainsi,
La Nouvelle-Orléans expédie à Rouen pour 10 millions de
cotons-, Lyon vend à New-York 8 millions de soieries. Le
négociant lyonnais reçoit en payement du papier sur Rouen ;
celui de la Nouvelle-Orléans reçoit le sien sur NcAv-Yoïk. Si
ces villes n'écliangeaient qu'entre elles, il faudrait trans-
porter l'appoint de 2 millions de Rouen à la Nouvelle-Or-
léans afin de parfaire les comptes.
Le commerce a sans doute des ressources plus expédi-
lives ; les relations que nous avons supposées entre quatre
places ne sont nulle part circonscrites dans un cercle aussi
restreint. Chaque centre d'affaires est en correspondance
avec les principaux marchés du monde. Seulement, entre
deux endroits il peut y avoir inégalité de créances, comme
dans l'exemple ci-dessus, et alors le papier ?wv telle place
est plus ou moins demandé, plus ou moins cher. D'où une
différence dans le /?r/.r du change.
Le change d'un lieu sur un autre est bas, lorsque ce lieu
est large de l'argent de l'autre, c'est-à-diro lorsqu'il a plus
à payer qu'à recevoir. Il est haut dans le cas inverse, quand
il a plus à recevoir qu'à payer. La France doit 10 millions à
l'Amérique, qui ne lui en doit que 8 : le change est bas pour
nous et haut pour les Américains. En d'autres termes, l'Amé-
ricain achètera le papier sur la France au-dessous de sa va-
leur, puisqu'il est ahondant; le Français payera le papier
sur l'Amérique au-dessus de son titre nominal, parce qu'il
est rare.
L'abondance, la rareté sont donc pour les effets de com-
merce, de même que pour les produits, des causes de hausse
ou de baisse, de cherté ou de bon marché.
Ces négociations sortent, ronmie on voit, du domaine de
la spéculation; elles appaftienn:^nl essentiellement au com-
merce et à la banque. Comment se trouve;it-elles entre les
mains des agents de change? Nous l'avons dit : la Bourse est
le marché aux capitaux condensés sous forme de titres, et
la loi n'acco de qu'aux agents de change le droit d'y servir
- 107 —
d" intermédiaires. Ils ne vendent ni n'achètent autrement que
par commission. Us ne sont pour rien dans la fixation du
cours; la constalalioa seule leur en est rcservce. Us ne bont
ni banquiers ni commerçants; ils mettent à contribution la
banque et le commerce. Us jouissent d'un vieux privilège :
il eu a toujours été ainsi; il en sera, tspèrent-ils, longtemps
encore de même.
Entre temps, la pratique, toujours en avance sur la légis-
lation, s'alfrancliit peu à peu du monopole : les opérations
de change reviennent de droit et de fait aux ban(jues publi-
ques et privées et aux comptoirs descompte.
Ce n'est pas que MM. les ofiiciers publics s'en préoccupent.
Nous avons vu déjà combien ils sont bons princes avec les
conlissiers et les courtiers-marrons. Leur libéralité ne se
dément pas en cette occurrence. Qu'est-ce, en cllet, (jue de
misérables eiïets de commerce pour des gens qui ont la main
sur la rente, les chemins de fer, les canaux, les mines, les
usines, les forges, la Ban({ue, les assurances, etc.?
Ce qui piécède suflit pour donner une idée de la nature
du contrat de change, de sa nécessité, des combinaisons dont
il est susceptible, des causes de variation entre les dilTérentes
places, de la hausse et de la baisse sur une même place à di-
verses époques. Il nous reste à compléter, par quelques dé-
tails techniques, ces notions générales.
On distingue deux sortes de monnaies : r Monnaie réelle;
elle existe matériellement en pièces d'or, d'argent ou de
billon. — 2° Monnaie de change; elle n'existe pas toujours
en métal; c'est le nom qu'on donne parfois à une somme
d'espèces ou de fractions d'espèces.
Chez nous le franc est à la fois monnaie ellbctive et mon-
naie de compte ou de change. Jlais il n'en est pas de même
partout. En Hollande, par exemple, la livre de gros, adoptée
pout" les négociations du ciiange, n'existe pas en métal j elle
représente 6 florins de monnaie réelle.
Le prix du change entre deux places s'évalue par la com-
paraison de leurs monnaies réelles ou de change, servant, la
première de type, la seconde d'unité monétaire.
On dit (lu'une place donne le certain quand sa monnaie
— . 108 —
sert (le terme fixe dans lu comparaison; celle qui fournit le
terme mobile donne Yincertain.
Ainsi, dans le change entre Paris et l.ondres, le trrme tixe
de la comparaison, c'est la livre sterling; le terme mobile,
sa valeur en francs, qui peut être, suivant les circonstances,
de 25 fr., 24 fr. 95, 25 fr. 10. Entre Paris et Lisbonne le
terme fixe est 5 fr., qui valent 495, 500, 504 reis, plus ou
moins.
iMitredeax places, il y a nécessairement un terme lixe et un
tcime mobile. Ce n'est ni un avantage ni un dcsavantage de
donner lun ou l'autre. Tels que l'usage les a établis, on les
conserve, on ne les transpose jamais : Paiis donne toujours
Vincertain à Londres et le certain à Lisbonne.
MODE d'Évaluation du change
entre Paris et quelques places de 'étr er.
CERTAIN' IXCERTAIX
Paris, 3 IV Amsterdam, de b3 à 58 deniers do gros.
— 5 l'r List)onne, 500 rcis, plus ou moins.
Hambourg, 100 lubs Paris, 185 fr. » plus ou moins.
Londres, 1 livre sterling. . . — ;25 fr. » —
Urrlin, 1 rixilalo — 3 Ir, 70 —
Madrid, 1 pislole — 15 fr. » —
l.ivonrni', 1 piastre — 5 fr. 15 —
Naples, 1 duL-al — 4 l'r. 40 —
Vienne, 1 llorin — 2 fr. 50 —
.St-I'élersb., 1 rouble papier. — 1 Ir. 10 —
Cet usage permet de ne mettre qu'un terme dans le cours
du change. Ainsi, ces expressions : Londres 25 10, Amster-
dam 57, signifient que 1 livre sterling i)ayable à Londres
s'achète à l»aris 25 fr. 10 c. ; que pour 3 fr. à Paris, on a 57
deniers de gros ptiyables à Amsterdam.
Le change entre les villes de France s'évalue en francs. 11
en est de même avec certaines places de l'étranger qui ont
adopté nos monnaies. Dans ce cas, il s'exprime en un tant
pour 0 0 de perte accolé au nom de la ville qui a le change
défavorable.
Ainsi Gf'nies 2 p. signifie que 100 fr. payables à Cènes
perdent 2 0/0 à X et n'y valent que 1)8 fr. Bordeaux 1/5 p.
— 109 —
veut dire que 100 fr. [tavables à Hoideaux coûtent 99 fr. 4^ 5
àZ.
Les opérations de change supposent chez ceux qui s'y li-
vrent, non comme intermédiaires, mais comme négociants,
une connaissance étendue des rehitions commerciales entre
les divers marchés du globe, puisque l'abondance ou la ra-
reté du papier sur ces marchés en détermine le cours. Les
banquiers sont mieux en position que persoune, par la mul-
titude de leurs relations, de connaître les besoins et les res-
sources de chaque place.
Le change suppose aussi la connaissance des monnaies
étrangères et de leurs valeurs respectives au pair; sans quoi
il serait impossible de savoir si le change est favorable ou
non sur telle ville. Par exemple, celte formule, Naples A 20,
signifie qu'un ducat de INaples vaut en France 4 fr. 20 c. ;
mais laquelle des deux monnaies perd au change? il faut
pour cela connaître la \à\(i\xv au pair du ducat napolitain :
elle est de 4 fr. 40 c.
La formule employée entre les villes qui se servent d'une
même monnaie, x 0 0 de perle, est infiniment plus sim|>le.
Qu'en faut-il conclure? — Que l'unité monétaire, appliquée
à tout'.-s les nations civilisées, de même que l'unité de poids
et de mesures, simplifierait de 90 0/0 les relations commer-
ciales, et supprimerait une foule de fonctions vivant aux dé-
pens de la production, de l'imbroglio et des complications
de comptes.
— A quand cette réforme?
— Bah ! les (piestions de concert et à'cquiiibre sont bien
autrement importantes.
CHAPITRE VIT.
4|ue le réginie actuel de la Bourse et du Crédit public
est la coiidamnatiou du système économique.
Notre dessein n"est pas de faire ici la satire de toute une
époque, de toute une société. Nous manquerions d'ailleurs à
— 110 —
nos propres principes, nous imiterions la théologie si, au
lieu de recherchor les causes de la dissolution contempo-
raine dans des primipes mal définis, des notions mal ditîé-
renciées, des foi mules inexactes, des forces mal cqnilibiées,
surtout dans cet état de guerre sociale que les classes piivi-
légiées ont de tout temps créé et entretenu comme lex-
pression de la liberté et de Tordre, nous attaquions en masse
personnes et coiporalions, c'est-à-dire 1 humanité tout en-
tière.
Que d'autres entreprennent, s'ils le peuvent, s'ils l'osent,
l'épuration du corps social! Pour nous, qui ne sommes ni
prédicateurs ni jacobins, nous ne nous chargeons que d'in-
terpréter les faits et de tirer au clair les idées. Tiop éclairés
sur les mystères de la fortune pour gard.r de ses injures
aucun ressentiment, c'est à des sophismes que nous faisons
la guerre, non à des hommes : c'est pour une science que
nous (ombattons, nullement pour des intérêts. Et quelle
science? la Justice, dans ses applications à lÉconomie...
Le coup de théâtre du 2 décembre a imposé silen(e aux
défenseurs de la Révolution j il n'a pas fait taire ses en-
nemis.
Il y a des gens qui, à propos de la spéculation boursière,
ont saisi l'occasion de desserrer une ruade au socialisme, et
de soutenir, contre nos critiquas, l'utilité et la haute mora-
lité du jeu.
D'autres, qui avaient eu la gloire insigne de souffrir per-
sécution et captivité pour la ré [iiiblique sociale, qui depuis,
libérés de Belle-Isie, aussitôt engagés dans les opérations
CERTAINES de la Bourse, font consister la moralité de l'agio-
tage à se dérober à ses conditions aléatoires; des hommes
qui avaient commencé en 1848 la croisade du travail contre
la coalition du capital, ont crié que nous voulions ramener
le monde à la barbarie primitive, créer l'égalité de misère,
et faire manger à la France rajeunie de 1852 le brouet
noir.
D'autres enfin, M. Mires en tête, avouant que depuis trois
ans nous avons assisté à de grands malheui'.S, sur lesquels se
■sont élevées de grandes fortunes; mais distinguant, après
— 111 —
nous, la spéculai ion nlile du la spéculation improductive et
agioteuse dont ils font bénévolennent une exception, essayent
d'obtenir grâce, to'érance, pour le s|.é('ul.ileiir nécssileux,
Jaiseur de dupes el de victimes, en [avour du financier probe
et avslère, (pii...., dont , aucpiel , etc. On voit qnc
M. Mirés parle de l'abondance de son cœnr. Il cotuiait les
nécessiteux, el il ne demande pas mienx aujourd'hui que de
servir de Mécène au talent et à la vertu.
Quelques faits en réponse à ces fiers théoriciens trouve-
ront naturellement ici leur place, et compléteront les élé-
ments de la question que nons soumettons à nos lecteurs.
§ ^f^ COMMENT LES OPÉRATIOXS ALÉATOIRES , IXDIFFÉREXTES DE
LEUR NATURE, CONDUISENT FATALEMENT, DANS l'ÉTAT ACTUEL
DES CHOSES, A l'eSCROQUERIE ET AU VOL. — COMPLICITÉ DE LA
SCIENCE ET DE LA LOI. — INÉGALITÉ DE POSITION DES JOUEURS.
Ainsi que nous l'avons remarqué dans notre Introduction,
dans un état de choses fondé sur l'absence complète de mu-
tualité entre les orgimes de la production et de la circula-
tion, aucune loi sérieuse, soit de j)révenlion, soit de ré[)res-
sion, contre les abus dont la Bourse en premier lieu, et après
elle la commandite, sont le Uiéàtre, n'est possible.
Cette impuissance du législateur conlie des actes qui tous,
du plus au moins, se ramènent à l'escroqnerie et au vol,
constitue, suivant nons, la réduction à l'absiude de la théo-
rie qui les engendre, et qui par suite se trouve condamnée
à en soutenir l'innocence, à en affirmer la légitimité.
Or, telle thi'orie, telle pratique; telle science, telle société.
L'économie politique, telle que l'ont laissée Adam Smith j
J.-B. Say, D. Ricardo, Mallhns, etc., et que la représente
l'Académie des Sciences moiales et politiques, n'est autre
chose que la description du galimatias social dans lequel
croupit riiiimanilé depuis soixante siècles. Faut-il s'étonner
que les adeptes de cette prétendue science en aient fait dans
ces dernières années \\n engin de contre-révolution?...
Que le lecteur veuille bien nous accorder quelques mi-
nutes d'attention : notre dessein n'est pas de surprendre sa
bonne foi.
— 112 —
Quelle loi morale, quel principe de justice peut, au for
intérieur, défendre les marchés à terme?
Aucun assurément. En premier lieu, la condition aléatoire
est de Fessencc de la production et de la circulation des
valeurs : d'autre part, le terme, ou, pour mieux dire, le délai
entre la livraison de la marchandise et la réception de la
contre-valeur qui la paye, est la condition non moins essen-
tielle du crédit et de l'échange.
Le hasard, par lui-même, n'est ni moral ni immoral.
Sans doute, dans une société organisée sur le principe de
garantie mutuelle, tous les clïorts combinés tendraient à éli-
miner le hasard : mais là où celte mutualité n'est pas dé-
crétée, l'agiotage devient prépondérant, et toute loi qui
prétendrait !e restreindre dans un ordre de transactions
pendant qu'elle le laisserait libre dans les autres serait une
loi arbitraire, une loi de mensonge et d'iniquilé.
En deux mots : la mutualité opère contre le hasard, comme
on le voit par l'assurance ; l'agiotage opère sur. Aucune loi
ou constitution mutuelliste n'ayant déterminé à cet égard les
droits et les devoirs des citoyens, leur condition légale est
le jeu : cette conséquence est forcée.
Il suit de là que ce qui serait illicite, coupable dans un
régime de mutualité, à savoir, la recherche de l'agio pour
lui-même, à la place du produit, cesse de l'être dans un ré-
gime d'insolidarité absolue, où tout est abandonné à la for-
lune.
Cela posé, on demande : Lequel des deux est le plus moral
en soi, le plus utile, le plus conforme à la justice éternelle
et à l'économie, de ces deux régimes : la mutualité ou la li-
cence? Dépend-il de la volonté du législateur, du sophiste,
(jue ce soit indilTéremment celui-ci ou celui-là?
Et c'est à cela que nous répondons, contre les économistes :
Voyez les faits.
D'après des documents officiels, le produit du service des
agents de change, à Paris, pour 1855, a été de 80 millions,,
ce qui suppose une masse de transactions de 6i milliards,
non compris les opérations de la coulisse, etc.
Les transactions sérieuses n'atteignent pas cerUiinement
— lin —
plus de 3 ou 4 milliards. 1^'iinporlance des opérations de
j)ur agiotage est donc à celle des affaires réelles comme 16
ou 18 à 1. Cela est-il moral ?
Ajoutons : Cela est-il économique?
On a osé dire que les opérations de Bourse n'afîeclaient
pas d'une manière sensible le crédit agricole et industriel ;
qu'il n'était pas vrai que les capitaux fussent détournés de
leur destination naturelle. Qu'est-ce donc que ces 80 mil-
lions que se partagent les agents de change, présidents et
appariteurs de cet immense tripot?
80 millions de courtages supposent que plusieurs cen-
taines de millions ont été journellement engagés au jeu :
n'eussent-ils pas été mieux placés dans l'agriculture, à la-
quelle la Société du Crédit foncier n'a pas un sou à oflVir;
dans le commerce, à qui la Banque ne cesse de serrer les
courroies?
Nous voilà donc, par l'elTet de la prépolcnce laissée à l'élé-
ment aléatoire sur l'élément juridique, dans un état de dé-
moralisation chronique, organique, légale. Qui donc, voyant
ce qui se passe, l'oserait nier ?
L'unique pensée des gens de Bourse se résume en trois
mots : GAGNER, AU JEU, DE l'ap.gext ! Tous, OU la plupart, ont
des revenus, un commerce, une indusl rie, un état, des moyens
d'existence enfin. Que demandent-ils à l'agiotage, alors?
Des prolits sans travail, sans ca|»ital, sans esprit d'entre-
prise, sans génie. La Bourse a deux oscillations, la hausse
et la baisse, comme la roulette a deux couleurs : vendre en
hausse, acheter en baisse, parier sur la rouge ou la noire,
c'est tout un. Le hasard est le grand artisan des succès et
des revers.
Quand on nous citerait les bénéfices superbes encaissés
par les heureux à une partie jouée le plus loyalement du
monde, nous demanderions : Quel est cet élément, le ha-
sard ? est-ce une puissance économique, un principe créateur
de valeurs utiles et échangeables ?
« La plupart des agents de change, dit le I^ullotin de la Presse
du 18 janvier iS:\ii, avaient reçu, de[Hiis hier, de la province, un
— 114 —
nombre infini de dépècl)es téléirraphiques qui révoquaient les
ordres de ventes, et les remplaçaient par des ordres d'acliat. »
Voilà bien la menle qui tourne à vide, selon l'expression
de J.-B. Say. Un déplacement de capitaux, stérile au point
de vue de la production nationale, fatal aux victimes qui y
perdent lenrs moyens d'existence et de travail : telle est la
Bourse. Ce n'est ni plus ni moins qu'une transformation de
la loterie tant décriée. La police traque à outrance les rares
tripots clandestins où quelques fils de famille vont risquer,
avec des filles, une partie de leurs revenus; elle protège la
Bourse où les pères engloutissent, avec des escrocs, le pa-
trimoine de leurs femmes, la dot de leurs filles, l'établisse-
ment de leurs garçons. 11 y a donc, comme dit le professeur,
une grande et une petite morale.
Dès qu'on ne s'assemble que pour jouer, qu'importe que
l'on joue sur des chimères ou sur des réalités?
« L'histoire de la tulipomanie en Hollande est aussi féconde en
enseignements que celle d'aucune autre époque. C'est dans l'année
1634 que les principales villes des Provinces-Unies commencèrent
à se lancer dans un trafic destructeur de toute espèce de com-
merce. La fureur du jeu qu'il alluma provoqua l'avidité du riche
et les folles espérances du pauvre, lit monter la valeur d'une Heur
au delà de son pesant d'or, et Unit, comme toutes les frénésies de
la même espèce se terminent ordinairement, par toutes les fureurs
et toutes les misères du désespoir. Pour quelques personnes enri-
chies, il y en eut un nombre prodigieux de ruinées. En 1G34, on
recherchait les tulipes avec le même empressement qu'on a mis,
en 18U, à se procurer des promesses d'actions de chemins de fer.
La spéculation a suivi exactement la même marche dans les deux
cas. On prenait l'engagement de livrer certains oignons; et, par
exemple, lorsqu'il ne s'en tiouvait que deux semblables sur le
marché, comme cela arriva une fois, alors chàleau, terres, che-
vaux, bœufs étaient vendus pour payer les différences. On passait
des contrats et on payait des milliers de florins pour des tulipes
que ni le courtier, ni le vendeur, ni l'acheteur ne devaient jamais
voir.
« On peut juger jusqu'où allait celte manie, quand on voit
établi par diverses autorités qu'il y avait telle tulipe que l'on paya
en valeurs égalant 2,900 fr. ; une autre variété fut payée 2,000 florins
(2,320 fr.) ; on donna, en échange d'une troisième, un carrosse neuf.
— 115 —
deux chevaux gris et leurs harnais; on Hvra douze acres de terre
pour une quatrième. Il y eut un spéculateur qui, en quelques
semaines réalisa (50,000 florins (69,600 tr.)
« Mais à la fin, l'heure de la panique sonna, la confiance
s'évanouit, on manqua aux engagements, on cessa de payer de
tous les côtés, les rêves dorés se dissipèrent. Ceux qui, une
semaine avant plaçaient les plus magnifiques e-^pérances dans
la possession de quelques tulipes, qui leur auraient suffi pour
réaliser une fortune princière, restaient le visage allongé et l'œil
stupéfait devant de mauvais oignons qui n'avaient aucune valeur
intrinsèque, e) qu'ils ne pouvaient vendre à aucun prix.
« Pour conjurer le mal, les marchands de tulipes convoquèrent
des assemblées et firent de heauv discours dans lesquels ils prou-
vaient que leurs tulipes avaient plus de \aleur que jamais, et que
la panique éiait aussi absurde que mal fondée. Ces discours exci-
tèrent de grands applaudissements; mais les oignons n'en restèrent
])as moins sans valeur. » {La Bourse de Londres, par J. Francis,
traduction de .M. Lefebvre-Durlflé, sénateur, ancien ministre.)
Quel rêve d'une imagination en délire s'élèverait jamais à
la hauteur de l'histoire ? La pierre philosophale fut mise en
conifiiandile de 1824 à 1825 :
« Parmi les compagnies qu'on voyait surgir chaque jour, il s'en
forma une pour fabriquer de l'or. On annonçait que le succès était
certain. Les actions furent enlevées avec fureur; mais, leur place-
ment achevé, ou avertit les actionnaires que, coinme les frais
qu'entraînerait la fabrication d'iuie once d'or en atteindraient deux
fois la valeur, on était obligé de dissoudre la société, et que le
versement ellectué serait retenu pour payer les frais faits jusque-
là. » [Bourse de Londres, page 272.)
PiGstons dans les données contemporaines. L'esprit hu-
main, malgré sa passion efTiénéc du jeu, qui lui représente
sa s|)onlanéiié et son ind(''pen(lance, répugne au néant : il
aime à se reposer sur des matérialités. Ici commence la con-
version du jeu en escroquerie.
« Eu France comme en An.'leterre, à Paris comme à Londres,
le d'inon de l'agiotage a tourné la tète des habitués île la Bourse,
et sali d ' son contact les affaires les plus r-e(;ominaud ibles. Allé-
chés seulement par l'appàl des |)rimes et par les dillerences consi-
dérables qu'il était possible d'occasiunner d'un jour à l'autre sans
risquer beaucoup d'argent, les hommes qui se sont mêlés à ces
— 116 —
spéculations n'ont pas pris la peine de l'aire lui ciioiv entre les
titres des différentes compagnies qu'ils trouvaient sur la cote de la
Bourse; ils les ont tous acceptés sans distinction, les ont tous en-
tourés de la même faveur, et sans se rendre compte de leur valeur
réelle, ils en ontescomplé l'avenir inconnu par des primes qu'ils
réalisaient dans les quarante-huit heures.
« Les choses ont été ainsi pendant quelques mois; bientôt les
profits obtenus par les plus avisés au moyen de ces manœuvres
leur ont suscité de nombreux concurrents, qui, trouvant la place
prise, le marché des actions industrielles trop circonscrit, se sont
jetés à corps perdu dans des opérations bien autrement aléatoires,
en escomptant, achetant et vendant à prime, non plus des actions
existantes, ayant une base certaine, mais des promesses d'actions,
des certificats de souscription, — moins que cela même, — de sim-
ples paroles : car on a vendu, acheté et coté à 40 l'r. de prime des
titres d'une compagnie qui n'existe encore qu'en projet; qui a reçu
des demandes, mais qui n'a point env.ore ouvert de souscription et
n'a même fait aucune réponse à ceux qui lui ont écrit pour pren-
dre un intérêt dans l'opération qu'elle a en vue. »
Ainsi \^arW\i\e Journal des Cliemina de fer du 28 décem-
bre 1844, 11 disait encore, le 2 août 1845 :
« Pour ne parler que d'une affaire récente, les récépissés de la
compagnie Sellière pour les embranchements de Dieppe et de
Fécamp sur le chemin de fer du Havre, l'agiotage a été poussé sur
ces valeurs jusqu'à la frénésie. Les 3(i,000 actions représentant le
capital de la com.pagnie, IS millions, ont été vendues et achetées
plusieurs fois dans la même semaine. Faut-il en conclure qu'ache-
teurs et vendeurs avaient une opinion différente de l'affaire? Pas
le moins du monde : le même joueur achetait et vendait dans la
même Bourse, des actions qu'il ne possédait pas, qui n'existaient
pas encore. Ainsi on vendait des récépissés cà livrer aussitôt l'émis-
sion; puis on vendait à terme des récépissés qu'on n'avait pas,
qu'on n'entendait pas acheter. Il ne s'agissait que d'un échange
d'engagements et de payements de différences. Mieux que tout
cela : la plu paît du temps, acheteurs et vendeurs ne connaissaient
l'affaire que sous le nom de Dieppe a Fécamp ; c'est-:'i-dire que
s'ils avaient essayé de se rendre compte de l'affaire sur laquelle ils
jouaient, ils auraient dû croire, — et ils croyaient généralement,
— qu'il s'agissait d'un chemin de fer de Dieppe à Fécamp : ce qui,
soit dit en passant,eùt été industriellement la chose laplus absurde.»
— 117 —
La Société du Palais de l'Industrie n'a pu se constituer, le
monument n'a pu se construire qu'à la condition que le gou-
vernement garantit un intérêt annuel de 4 0^0 du capital
engagé dans l'entreprise. Personne n'a jamais cru, en elïet,
qu'une construction colossale, du coût de 17 millions, im-
propre à tout autre usage qu'aux expositions, c'est-à-dire
susceptible de produire tous les cinq ans quelques profits
très-incertains, fût une alTaire industrielle. L'État Taisait
appel, sous forme d'cmpiunt indirect, aux capitaux privés,
pour l'érection d'un édifice tenant du luxe beaucoup plus que
de l'utile. En réalité, les actions du Palais étaient une soite
de 4 0 0, et elles n'ont jamais toucbé que l'intérêt gaianti
par le Trésor. Or, dès leur émission, les actions de 100 fr.
au pair faisaient 30 iV. de prime; en 1854, le monument
n'étant pas encore achevé, elles se cotaient 170 fr. ; elles ont
monté jusqu'à 176; c'est-à-dire que pendant que le 4 1/2,
mieux garanti, était à 92, la foule stupide et vorace se ruait
sur le 4 0,0 à 176, retombé aujourd'hui à 70.
On prévoit déjà, d'après ces faits, que la position des
joueurs n'est pas égale, ce qui ajoute singulièrement à l'im-
moralité du jeu; mais ici, comme sur la question même de
l'agiotage, les données sont telles qu'il est impossible de
formuler, à priori, une condamnation, à moins de se placer
hors du régime que l'économie anarchique, légale, nous a
fait, et qu'il s'agit pour elle de défendre.
En effet, si le marché aléatoire, mais reposant sur une
donnée réelle, ayant un objet réel, est permis; et si le jeu,
un jeu elïréné, en est la conséquence, fera-t-on un crime au
spéculateur assorti de capitaux, à qui une position inexpu-
gnable permet d'attaquer à son gré ou de garder l'expecta-
tive; lui fera-t-on un crime de profiter des écarts que l'em-
porternent des joueurs ne manque jamais de produire sur le
marché, de combiner \e Jerme avec la prime, le comptant
avec \cfin courant'^
Le public de la Bourse, de même que le monde de la pro-
duction, se divise donc en deux catégories: l'une, de beau-
coup la plus nombreuse, est celle des exploités; l'autre celle
des exploiteurs.
— 118 —
Les premiers, masse moutonnière, vile multitude, ra-
massis (le portiers, de domestiques, de rentiers, de petits
J)ourj?eois, laborieux, mais avides, de gens placés à tous les
degrés de l'échelle sociale, ne connaissent de la Bourse et de
ses ficelles qu'une chose : Tevier la chance. Franchement
ils s'imaginent (|ue les choses se passent <à la Bourse comme
à la loterie ; que tout dépend du hasard ou d'un calcul de
probabilités !,.. Aussi de quel air vous les entendez professer
ce fameux axiome de la sagesse populaire : Qui ne risque
rien n'a rien î Donc, pensent ces philosophes, c'est prudence
d'exposer son pécule, sa vie sur un coup de dé. Vivre riche
ou mourir!... La folie serait de croupir dans l'honnête ai-
sance ou la médiocrilé.
Où comtnence la richesse? Pour l'artisan et le domes-
tique, ce serait mille livres de renies \ pour l'industriel, un
capital triple ou quadruple; pour la moyenne bourgeoisie,
le million., le saint et sacré million ! Ainsi en raisonne-t-on,
du moins au point de départ. Mais le jeu, c'est la roue d'en-
grenage; une fois le doigt pris, il faut que le corps suive;
limpitoyahle machine ne s'arrête ni aux cris d'angoisse ni
aux tortures, elle ne rendra que les lambeaux d'un cadavre.
— Je suis allé une seule fois à la Bourse ; j'y ai gagné
50,000 fr. Je n'y remettrai jamais les pieds, disait un négo-
ciant parisien à ses amis. Ce sage n'était pas de son temps ;
tous ses amis lui donnaient tort.
Sans la moindre expérience des affaires, complètement
étranger aux combinaisons par lesquelles les privilégiés du
temple de Plut us préviennent ou parent les catastrophes, le
joueur que son imbécillité ou la médiocrité de son enjeu a
marqué pour le repas du dieu, joue jusqu'à l'enlière décon-
fiture, qui ne se fail jamais attendre. Rien de plus stupide,
de plus glouton que cet animal : il mord aux plus grossiers
appâts. S'arrêtanl devant une aftiche de spectacle, qu'il
prend pour une annonce industrielle, il lit: Chemin de fer
de Paris à la lune, et il écrit au directeur pour avoir des
actions. Point n'est besoin d'habileté pour plumer de pareils
oisons. Combien faut-il de goujons pour engraisser un bro-
chet? combien de passereaux pour le diner de l'épervier?
— 110 —
combien d'asrneaux pour siistontor un 1 ion? combien (b:> petites
fortunes pour les menus plaisirs et les maîtresses d'un nabab?
Toujours est-il que le gibier ne manque pas : brochets,
éperviei's, lions et financiers sendorment chaque soir en
bénissant la Providence, qui donne la pâture quotidienne à
tous ses enfants.
Dans le petit, le minime nombre de ceux qni gacrnenl de
l'argent à la Bourse, et qui forme la catégorie des privilégiés,
on distingue \es prudents et les habiles.
Les prudents font d'un bout de l'année à l'autre des opé-
rations d'arbitrage. Ce sont des capitalistes qui n'achètent
jamais au deUà de leur fortune dis[)onible; ils profitent de la
baisse pour placer leurs fonds, et se contentent, en atten-
dant la hausse, de [lalper leurs ilividendes. Us réalisent leur
avoir quatre, cinq, six fois par an, plus ou moins, selon les
circonstances. Ils vont du Âlobilier au Foncier, du Foncier
à la Rente, de la Rente aux Chemins de fer, des Chemins de
fer aux Petites Voitures, des Petites Voitures aux Gaz, des
Gaz aux Omnibus. Les plus avisés font des reports et devien-
nent les prêteurs à la petite semaine des joueurs qui ont
encore quelques mille francs à risquer. Leur position est
excellente au point de vue de la sécurité : le pire qui puisse
leur arriver est de rester détenteurs de titres en stagnation,
et d'en être réduits aux profits semestriels de leur placement.
Ils tirent ainsi de 10 à 20 0,0 de leur capital. Ils se croient
des citoyens éminemment utiles, et se donnent volontiers
la vertueuse indignation de déclamer contre l'agiotage et le
parasitisme. Les journaux de Bourse, les manuels de Bourse,
les almanachs de Bourse les proposent en exemple^ la cour
les prône, la ville les admire, la multitude les envie; ils cu-
mulent les bénéfices de la fortune et de la considération des
citoyens. Ceux qui le peuvent les imitent : un mouvement
s'est déclaré eu ce seiis, et l'on ajtphuidit, comme à une amé-
lioration de la mor.dilé publique. Nous en sommes Là!
Tout ce momie, monde honnête, monde d'élite, monde
intelligent, prudent cl sage, qui joue a coup sur, complice
et fauteur de toutes les extravagances, de toutes les forni-
— 1-20 —
calions, île tous les crimes qui prennent leur origine à la
Bourse et dont il profite, à quoi sert-il, d'ailleurs?... A (|noi
servent ses capitaux? Ceux qui s'en font les avocats, pour
ne pas dire les souteneurs, devraient nous le dire.
Quant à nous, il nous est impossible d'avoir ici deux poids
et deux mesiu'es, d'amnistier l'exploiteur d'esclaves, quand
nous condamnons le négrier. La Bourse, dit M. Mirés, est
le marché avx capitaux. Nous l'avions dit nous-mêmes
(page 75), et nous sommes heureux de nous rencontrer avec
les chefs de la spéculation moderne. Mais sont-ce des mar-
chands ou des parasites que ces piqueurs de dinérences qui
ne tiennent à aucune entreprise, et qui n'auraient rien à
recueillir, s'il n'y avait que des affaires sérieuses, si chaque
actionnaire, comme le mot le donne à entendre, restait
fidèle <à sa commandite, si du moins de porteur d'actions à
porteur d'actions il ne se faisait que des échanges réels, des
arbitrages?
Ce sont les habiles^ joints aux nécessiteux, comme les
appelle M. Mires, qui allument le jeu, et \e?> prudents l'entre-
tiennent.
Or, si peu que chacun contribue pour sa part à la corruption
publique, dès lors que tout le monde y contribue, il s'en-
gendre une immense corruption. C'est ce qu'exprimait fort
bien la Hevue d'Edimbourg à propos des opérations de Che-
mins de fer :
« Les grandes fraudes que nous avons signalées ne sont pas le
fait de la déloyauté d'un seul individu, ou même d'un groupe d'in-
dividus; elles résultent de la combinaison des intérêts d'un grand
nombre d'individus et d'agrégation d'individus. Comme une
histoire qui passant de bouche en bouche et recevant h chaque
édition nouvelle une légère additiim, revient à sa source sous une
forme presque méconnaissable; de même c'est avec un peu d'a-
bus d'influence de la part des propriétaires fonciers, un peu de fa-
voritisme de la part des membres du Parlement, un peu d'intrigue
de la part des gens de loi, un peu de collusion de la paît des en-
trepreneurs et ingénieurs, un peu d'àpreté au gain de la part des
directeurs, un peu d'atténuation des dépenses probables et d'exa-
gération des bénéfices en expectative, que les actionnaires sont trom-
— 1-21 —
pés d'une manière indii^ne, sans que la IVaiide puisse t4re inipulée
directement à personne. » {Revue Britannique, février I806.)
Que disons-nous autre chose? Nous admettons avec
l'écrivain anglais, que les individus nécessiteux, prudents
ou habiles^ à l'instigation, sous le patronage, et au profit
desquels se produisent ces fraudes colossales, ne sont
peut-être pas, sous le rapport de la moralité, au-dessous de
la moyenne générale.
Nous soutenons seulement qu'en raison de l'élément aléa-
toire qui domine dans toutes les transactions, et quaucun
))rincipe de droit public n'est de force à conjurer, les œuvres
de tous ces hommes sont mauvaises, leur conscience véreuse,
leurs spéculations immorales; et nous ajoutons que si une
distinction doit être faite parmi eux, ce ne sera pas à coup sûr
en faveur des sophistes qui essayent, par de vaines déclama-
lions, de légitimer ce que la conscience universelle réprouve.
A|)rès les prudents les habiles.
Toute spéculation, industrielle, commerciale, financière,
repose sur un calcul de probabilités. Dans un régime d'an-
tagonisme, où les pensées, pas plus que les intérêts, ne se
garantissent les unes les autres, nul ne peut être contraint
de faire part aux autres de ses prévisions : voilà le droit.
Mais qui distinguera les prévisions légitimes des illégi-
times? qui préviendra Tabus des confidences et des secrets
d'État? qui osera dire devant la correctionnelle : La con-
naissance de tel fait, de telle résolution, devait être rendue
publique, car elle appartenait à tout le monde, elle créait un
cas de force majeure dont personne n'avait le droit de se
prévaloir?
L'introduction de pareils principes dans le droit civil im-
pliipierait une révolution, la révolution de la mutualité.
Nous resto.is donc, par horreur de la justice révolutionnaire,
dans lanarchie imuîémoriale, où s'escriment à ainies iné-
gales la médiocrité avide et aveugle, le capitalisme clair-
voyant et l'habileté escroqucuse.
Les habiles sont en quelque sorte la bohème delà Bourse.
Avec un mince capital, voire même sans capital aucun, ils
spéculent tous les jours, vendent et achètent quand même.
— 122
Leurs liquidations ne se soldent que par des diiïérences. Ils
peuvent vivre des années, opérer sur des millions, sans ja-
miis posséder le moindre titre, sans avoir lonché de divi-
dendes, (l'est le jeu à découvert dans sa plus haute expres-
sion. En revanche ils sont parfaitement maîtres de leur
terrain : tous les chemins, les sentiers, les précipices, les
coupe-gorge leur sont familiers; ils n'ont que faire de bous-
sole pour se diriger dans ce labyrinthe, ils chassent la prime
à courre, à l'adut, au traquenard-, les faiseurs les recher-
chent et les prot(''gent, parce qu'ils emploient leur flair et
lenr adi-esse à lancer ou dépister le gibier, à diriger ou éga-
rer la meute. Aussi vivent-ils assez bien de leur braconnage.
Si qiielqu'im d'eux, par hasard, se casse le cou ou se trouve
happé par la correctionnelle, on se dit le lendemain, à la
halte : « C'était un homme bien adroit; quel dommage I» Et
après cette oraison fimôbre, on n'en parle plus.
Voici un spécimen de leur industrie, que nous empruntons
à la Gazette des Tribunaux, pour l'édification des prédes-
tinés. C'est une des mdie manières dont on les pipe à la
hausse ou à la baisse. La parole est au chef d'emploi: il ex-
pose comment on lance une affaire.
« J'ai, p;ir exemple, cinq courtiers; je leur remets à chacun
mille actions de la société qu'il s'agit de lancer. Ils arrivent à la
Bourse. La compagnie est déjà connue par des prospectus. Ils of-
frent de vendre immédialemeiit, au comptant, les actions dont ils
sont détenteurs, et otïrenten môme temps de les racheter (à terme
avec plus ou moins d'écart, sur lequel écart est déduit encore le
montant d'une prime.
« Je m'explique par un exemple. J'olTre mille actions de la Li-
(jnéenne au comptant et au pair, à 100 t'r. ; j'otTre en même temps
de les reprendre, à la liquidation prochaine, à 110 fr., dont 5 fr.
de prime. Cela veut dire que quand la liquidation arrivera, si je
ne veux pas prendie livraison des actions que je viens de racheter
à 110 fr., mon vendeur les gardera, moyennant que je lui paye
5 fr. par action.
« 11 aura ainsi gagné 5 fr., et l'action qu'il avait payée 100 fr.
ne lui en coijte plus que 9o. Il peut recommencer la même opé-
ration pendant un nombre de liquidations indéterminé, avec
chance de toujours gagner la prime et sans aucune chance de
perte, car le pis qui puisse lui arriver, c'est de voir l'acquéreur
— 123 —
prendre livraison si les actions montent, et dans ce cas on les lui
paye.
« Voilà comment il est possible d'ouvrir un marché à la Bourse
sur la première valeur venue, il faut trouver un vendeur et un
acheteur. Le vendeur, c'est celui qui apporte ses titres; l'acheteur,
c'est celui qui se résout très-facilement à prendre des actions au
comptant, quelle que soit leur valeur, puisque en même temps
qu'il les prend d'une main au comptant, il les lâche de l'autre
main à terme, avec prolit. Cette opération a pour effet immédiat
de produire la hausse. »
C'est alors qu'arrivent les moutons de Panurge, et que
les compères se voient arracher, conire bons et beaux écus
sonnants, les chiflons de papier sur lesquels ils semblaient
faire, dans leur coin, des transactions si animées. Voyons
maintenant l'inverse.
« Voici comment opèrent les baissiers. Sans avoir d'actions, ils
en vendent des quantités plus ou moins considérables, suivant le
crédit dont ils peuvent disposer. Or plus une marchandise est
offerte, [lus son cours baisse. Quand les actions sont descendues à
un cours inférieur à celui auquel il les ont vendues, ils en rachè-
tent et gagnent ainsi la différence.
« Ces opérations de baissiers ont une grande influence sur le
marché : elles ont pour effet de forcer les vendeurs à primes d'a-
bandonner leurs primes; d'oi!i résulte nécessairement une dépré-
ciation de la valeur.
Tel est le mécanisme des opérations de Bourse pour l'établisse-
ment d'un marché, et voilà comment je m'y suis pris pour lancer
lii Lignéenne. »
Qu'en disent ces bons provinciaux qui, du fond de leur
sous-préfecture, prétendent, sur les indications d'im bul-
letin financier, souvent dupe, parfois complice, diriger à
Paris une opération de Bourse et y gagner de l'argent?
§ 2. ASSOCIATION DU CAPITAL ET DE l'iVTELLTGEXCE DANS LES
OPÉRATIONS DE BOURSE.
Si le jeu est la condition naturelle du producteur et de
l'échangiste-, si d'autre partit est permis au spéculateur d'u-
ser à la Bourse de l'avantage que lui assurent ses capitaux,
— 12-4 —
la supériorité do combinaisons pour d'autres inaccessibles,
la priorité des renseignements, sera-t-il défendu d'associer,
contre les hasards vulgaires, ces puissances irrésistibles, le
capital et le talent, comme disait Fourier.
Non certes : nous sommes toujours dans les termes de la
probité légale.
Au-dessus des joueurs gros et petits, agiotant au jour le
jour, — qui avec la probabilité plus ou moins grande d'un
agio en sus de l'intérêt de ses fonds, qui avec la certitude
filiale de sa perle,— s'élèvent Thomme à millions et l'homme
à idées, le juif Shylock et Tindustrieux Figaro, ceux que
l'union de leur fortune et de leur génie place à la tète de la
spéculation. Car, nous l'avons dit, le monde spéculant forme
une société complète, ayant, de même que le commerce et
l'industrie, sahaute finance, sa bourgeoisieet son prolétariat.
Inutile d'ajouter que la répaitition des profits et des charges
ne s'y fait pas autrement que dans le champ du travail.
Sliylock est d'origine plébéienne. La source de sa fortune,
c'est quelque calamité publique. Fournisseur, espion, ser-
vant, trahissant à la fois toutes les causes, il a gi^andi au
milieu de la détresse de ses concitoyens; il s'est élevé sur
des cadavres.
« Des aventuriers anglais des Indes orientales avaient gagné des
sommes prodigieuses en peu de mois. Revenus dans la métropole,
ils bâtissaient des habitations magniliques où le laste tenait trop
souvent lieu de goût; ils faisaient hausser. le prix de tous les
articles de consommation En face, on les saluait jusqu'à terre;
derrière eux chacun tremblait. On en racontait des histoires épou-
vantables; et le paysan, tout à la fois malicieux et craintif, frémis-
sait de tous ses membres au passage du lourd carrosse où se ren-
gorgeaient ces hommes, qui n'avaient acquis leurs ricliesses qu'en
foulant aux pieds les lois de l'humanité. Il n'y a pas plus de vingt
ans, on racontait à l'auteur de cet ouvrage que lord Clive avait
sous son lit une boîte dans laquelle étaient entassées toutes les
pièces constatant ses crimes, et qu'il ne s'était suicidé que parce
que sa conscience ne lui permettait plus d'en supporter l'écrasant
souvenir. »
« Fils d'un batelier, obligé, dans sa jeunesse, de dîner sur le
bout d'un comptoir, avec un journal pour nappe, Thomas Guy ne
— 12:) —
laissa pas moins de 12 millions etdenii de trancsà sa mort (1724).
Ses premières opérations se portèrent sur les bons avec lesquels
on payait les marins du temps de Charles H. Après plusieurs an-
nées de cruelles privations et de travaux plus grands encore, les
défenseurs de la patrie recevaient leur solde en papier, non rem-
boursable à la volonté des porteurs. Les marins trop souvent
imprévoyants, étaient contraints d'abandonner ces gages incer-
tains de leur paye aux usuriers qui les leur escomptaient au taux
fixé par leur seule conscience. Des hommes qui avaient fait le
tour du monde, comme Drake, ou qui avaient combattu corps à
corps avec Tromp, étaient foit inhabiles à lutter contre les agents
rusés des usuriers qui les attiraient dans les ignobles repaires de
Rotlierhite, et achetaient leurs bons au plus bas prix possible.
C'est ainsi que d'excellents matelots, la gloire de la marine an-
glaise, étaient volés, ruinés et contraints à porter leurs services
chez des nations étrangères. C'est à l'achat de ces bons que Tho-
mas Guy s'attacha d'abord, et c'est sur le préjudice porté à nos
braves matelots qu'il commença à établir la base de son immense
fortune.
« 11 mourut à l'âge de quatre-vingt-un ans, laissant par son
testament 2i0,000 livres sterling (6 millions de fr.) à l'hôpital qui
porte son nom. Son corps, qui reposait dans la chapelle des Mer-
ciers, fut transféré en grande pompe à l'hôpital Saint-Thomas, et
le i'.i février 173-4, dix ans après sa mort, une statue fut élevée à
sa mémoire, dans la cour de cet hospice qu'il avait édifié avec la
paye si péniblement gagnée par les matelots anglais. » [Bourse de
Londres. )
Siiylock est naturellement l'entrepreneur de concessions,
l'adjudicataire d'emprunts, le patron de tout ce qui offre de
gros [Hofits. Son rôle n'est pas difficile, car, dit le proverbe,
l'eau va toujours à la rivière. S'il avise de spéculer sur les
marchandises, ce n'est pas à moins de l'accaparement de
toute une nature de produits : hier le mercure, le lin; au-
jourd'hui le cuivre, le trois-six; demain le plomb, les sucres.
Le gouvernement décrète un emprunt 3 0,0 et afipelle les
capitalistes à soumissionner. Shylock se présente-, il devient
adjudicataire au taux de 75 fr. 25 c. Ce môme jour le 3 0/0
monte à 77. Il vend aux spéculateurs son privilège de verser
l'emprunt, et sans sortir de sa caisse autre chose que le cau-
tionnement dont on lui paye l'intérêt, il gagne en quelques
heures 15 millions.
— 126 —
Plein de sollicitude pour son pays, il offre un jour à
lÉtal de construire à ses frais, moyennant concession de
99 ans, indemnité pécuniaire et intérêts garantis, un rail-
way «que les besoins du commerce réclament impérieuse-
ment. » L'État, protecteur du commerce, s'empresse de
saisir une si belle occasion et de conférer à Shylock le privi-
lège qu'il sollicite : « le privilège de se ruiner, » s'en vont
criant les Jérémies chargés de prouver an public que Shy-
lock n'a d'autre mobile qu'un ardent amour de l'humanité.
Peu de temps après, le juif, trouvant au fond l'affaire bonne,
et «jaloux deii rendre h s [irofilsaccessibles atout lemonde,»
forme une Société cà laquelle il vend, moyennant un nombre
d'actions et un prélèvement peipéluel sur le produit net
avant toute répartition aux actionnaires, son droit de con-
struire et d'exploiter un chemin de fer dans l'intérêt du
commerce.
Le ploutocratè n'a que faire de chercher les entreprises 5
elles viennent le trouver d'elles-mêmes. Le public ne veut
point d'une spéculation qui ne se recommande pas d'un nom
connu. Combien sont-ils, de ces hauts barons de la comman-
dite, faisant de leur honorabilité métier et marchandise, et
qui, après avoir un instant figuré sur les listes de fondateurs
et premiers actionnaires, se hâtent, l'aHaire lancée, d'en-
caisser leurs primes |>our aller ailleuis trafiquer de leur
patronage? un demi-cent au plus pour tonte la France 1
Et le public de s'écrier, et le gouvernement de répéter
après lui : Il y a encombrement et souffrance; la place est
surchargée, le public saturé; plus de numéraire, le papier
nous inonde. Jusqu'à nouvel ordre, le gouvernement ne fera
plus lie concessions nouvelles, n'autorisera aucune émission
d'actions, n'homologuera les statuts d'aucune société ano-
nyme. Il fera plus : il restreindra, par la gêne de ses lois et
règlements, la commandite elle-même.
Imbéciles! vos écus se sont engloutis dans la caisse de
Sliyloi k, d'où ils ne sortiront que pour favoriser vos reports,
accélérer votre ruincî, rachet(!r à vil prix vos actions, quitte
à revenir à petit bruit à la masse, comme l'eau des sources
leur revient sous forme de pluie.
— 127 —
L'homme à idées c'est Panurge, Scapin, Figaro devenu
spéculateur. 11 a la conscience élastique et Tesprit gogue-
nard. Il (onnaità fond lentes les ressources de la réclame et
du canard. Il est aussi heureux des succès d'esprit que des
hénéfices de ses mystifications. Il est passé maître dans Tart
de faire la prime. Écoutez cet apologue :
Certain aventurier d'une ville d'Afrique, à la recherche
d'une idée, comme tant d'autres, se lève un jour tout ra-
dieux, et se frappant le front : — J'ai trouvé, j'ai trouvé!
s'écriel-il comme Archimcde. Il brosse son habit râpé, cire
ses bottesà soupape, met du linge blanc et s'en va trouver le
gouverneur. L'intérêt de la morale l'amène auprès de l'au-
lorilé, dit-il. Les honnêtes habitants de la cité s'indignent
de l'audace avec laquelle s'étale la prostitution. Il ne craint
pas d'être démenti par ses concitoyens en demandant qu'un
arrêté relègue au f)lus vite les maisons de débauche dans
certain quartier isolé, à peu près désert, oii le scandale
n'aura pas de témoins. Le fonctionnaire, pèie de famille et
gardien de la moi aie, spéculateur aussi, promet de s'oc-
cuper de l'affaire dans le plus bref délai.
Notre homme court chez un banquier. — J'ai besoin d'une
caution, dit-il, je ne demande pas il'argent. Et il expose au
financier sa démarche dans l'intérêt des mœurs. — C'est de
l'or en barre, répond ce dernier. Attention !
Les trois puissances marchant de concert, l'administra-
tion, la spéculation, la Banque, le jour où |)arnt l'édit puri-
ficateur, noire aventurier se trouvait locataire <àbail de toute
la rue assignée aux maisons de filles.
Ignoble, direz-vous, d'invention comme de style. — Eh
bien ! candide lecteur, nous pourrions attacher au carcan de
cette véi idique histoire un glorieux nom propre. Nous con-
naissons le banquier qui a fourni la caution et touché, pour
sa part de bénéfice, 9,CG0 fr. C'est lui-même qui nous a
raconté l'anecdote.
En voici encoreunedont nous vous garantissons Tauthen-
licité.
— A quoi songez-vous, mon cher, d'aflermcr à si haut
prix un chemin qui ne couvre pas ses frais?
— 128 —
L'interpellé rit. 5>ous cape. — C'est peut-être une mauvaise
affaire, répondit-il; j'en courrai les risques.
Au bout d'un temps, le prolongement du raihvayen ques-
tion vient donner à la tète de la ligne une importance con-
sidérable-, les nécessités du service exigent la cassation du
bail. Notre fermier invoque le respect des conventions. Tou-
tefois, devant l'intérêt public, il consent à faire un sacrifice.
Le bail est annulé moyennant indemnité de deux millions.
— Si j'avais eu cette idée-là I s'écrient avec admiration les
spéculateurs à petits profits.
DescouUssiers, le nez au vent et l'oreille au guet, ont vu
plusieurs gros bonnets en conférence et parlant d'un air dis-
cret.— 11 y a des nouvelles, pensent-ils. Et les voilà tous en
quête du mystère, chacun pour son compte. Heureux qui
découvrira le premier le pot aux roses !
La nouvelle, qui ne demande qu'à se laisser découvrir,
devient bientôt le secret de Polichinelle. Seulement chaque
investigateur, convaincu qu'il en a seul connaissance, opère
avec sécut ité. Ils sont deux ou trois cents dans le même cas,
et en voyant Tunanimitéde leurs tendances, ils commencent
à soupçonner la vérité. Shylock et Figaro avaient besoin de
produire soit une hausse, soit une baisse; lescoulissiers ont
donné en plein dans le piège. Fin courant ils payeront ou
seront exécutés sans rémission.
Il est bruit d'une fusion de compagnies, d'un accroisse-
ment de concession. — Bon ! les titres vont monter ; c'est le
cas de jouer à la hausse -, seulement attendons que la nou-
velle prenne consistance.
La hausse se caractérise un jour très-nettement ; c'est le
moment d'acheter; le symptôme est décisif, la fusion est
certaine. Et les demandes d'achat d'affluer et de pousser à
la cherté des titres. Enfin le grand jour arrive : la fusion
n'est plus une hypothèse, clest un fait accompli, officiel. La
belle liquidation ! Mais voilà que les actions restent station-
naires-, elles ont même une tendance à la baisse. Pauvies
dupes ! l'affaire était escomptée quand vous vous êtes décidés
à spéculer.
— 1-29 —
« La juemière mystilication politique cluiit on ait gardé le sou-
venir à la Bourse eut lieu sous la reine Anne. Un beau jour, un
homme bien vêtu apparut sur la route royale, galoppant à toute
bride. Prodigue de sa monture et de ses éperons, il faisait ouvrir
toutes les barrières devant lui et annonçait à haute voix la mort
subite do la reine. La nouvelle vola de l'orient au couchant, du
midi au septentrion. Rajiide comme un feu follet, elle atteignit la
ville en traversant les solitudes où l'on voit se dresser aujourd'hui
tant de palais. Les fonds tombèrent avec une rapidité proportionnée
à l'importiince de la nouvelle. »
« De toutes les fausses nouvelles, aucune ne fut plus fréquem-
ment répandue ni plus favorablement accueillie que celle de la
mort de Napoh'on. il y eut, entre autres, une occasion dans laquelle
ce bruit fut universellement accrédité. Lord Grandville reçut un
message qui la lui annonçait et qui en précisait toutes les circon-
stances. Personne n'éleva de doutes, les fonds haussèrent, et la
nouvelle se répandit partout. L'histoire mise en circulation avait
un certain caractère romanesque tout à fait en harmonie avec les
actes de la vie du héros dont elle révélait la iin. On disait que
Napoléon, ayant; réuni un conseil de guerre auquel il avait appelé
un des chefs du désert, qui ne lui avait témoigné quelque attache-
ment que pour mieux assurer sa vengeance, ce barl)are l'avait
assassiné en plein conseil.
« Il est digne de remarque que celte frauduleuse invention ne
fut pas imputée aux gens de Bourse, mais à deux spéculateurs
dlitat, assistés par des n)emhres de la Chambre des communes.
Bien que les habitués de la Bourse fussent innocents de cette
supercherie, ils n'en supportèrent pas moins les conséquences qui
résultèrent de la lluctuation des fonds, et il y en eut plusieurs de
ruinés par l'ingénieuse gentillesse que s'étaient permise les spécu-
lateurs d'État et les membres de la Chambre basse. » (Bourse de
Londres, passim.)
Qui ne se rappelle le fameux message du Tartare sur la
prise de Séhaslopoll Les souverains se complimentèrent 5
l'Europe entière fut dupe vingt-cjuatre heuies.
Lorsque Shylock el Figaro se coalisent dans une affaire,
on peut s'attendre à une rafle complète.
« Le capital d'une compagnie de mines fut partagé entre cin-
fpiante propriétaires, qui déployèrent, dans leurs avertissements
au public, tout ce que l'art du pufl' a de plus ignoble. Ils annoncé-
— 130 —
rent que les ustensiles les plus ordinaires des paysans de la contrée
étaient en ar.^ent. Il n'y avait que 99 mines ouvertes dans tout le
district, la compagnie proclama qu'elle en avait acheté 300. Une
autre aflirmait auilacieusement (|ue dans un pays où il n'y avait
pas plus de cinq mille liaijifanls, elle était propriétaire de 3,000
mines; et bien que celles qui existaient eussent été abandonnées
après une perte de 170,000 livi'es sterl. (4.,2o0,000 fr.), elles n'en
furent pas moins achetées à un prix très-élevé. Grâce à ce puff, les
actions atteignirent une prime énorme.
« Une autre compagnie de mines se distingua par la magnanimité
de ses sentimeiits. Ses règlements portaient qu'aucun de ses direc-
teurs ne pourrait être pro|)rii'iaire de plus de 200 actions; que
toutes les autres seraient loyalement mises à la disposition du
publ.c, et que la plus stricte probité dominerait toutes les trans-
actions. Malheureusement tous ces beaux sentiments s'aiïaiblirent
à mesure que la puissmice de la compagnie s'accrut. Des milliers
d'actions furent partagées entre les administialeurs et soigneuse-
ment mises sous clef. On prit une délibération par laquelle les
directeurs et les agents de la compagnie étaient dispensés de faire
des versements. Après quoi, ceux-ci chargèrent les courtiers les
plus respectables de la Bourse d'acheter mille actions, qui furent
payées avec l'argent de la compagnie, il en résulta une hausse sur
la place, à la suite de laquelle ils tirent vendre toutes leurs actions
avec prime. C'était la personne même qui avait vendu les mines
à la compagnie qui était chargée de donner des renseignements
sur leur valeur. <Juoii|ue les mines ne valussent rien, ce compère
ne laissait pas que d'en faire les descriptions les plus flatteuses.
Telle mine qui ne valait pas 10,000 fr. fut achetée 275,000, et
on paya 3,025,000 fr. pour d'autres qu'on trouva presque tout
épuisées. » [/Bourse de Londres, passim)
A l'ombre de ces deux puissances, la Fortune et le Char-
latanisme, le commun des martyrs perd ou gagne, selon les
chances. De là un concert pei inanent de murmures et d'élo-
ges où chacun à sa dévotion exalte ou maudit les rois de
l'agio. Que leur importe? Ils ii'enlendenl pointée qui se dit
si bas. Puis les mécontents d'aujourd'hui ne seront-ils pas
les sati.sfaits de demain?
Tel se croit habile parce qu'il a fait quelques bons coups.
Le hasard a voulu qu'il opérât dans le même sens que Shy-
lock et Figaro ; c'est pourquoi il a réussi.
— 131 —
Les gros ne s'associent qn'enlre eux. Comme tout gain,
entre .ioueurs et filous, sii|t|iose une peile, il f,iut lùeu que
quelqu'un paye. Cf quelqu'un ne sera pas /a haute pèyrel...
Elle a bien ses prolé;^és. (>omment refuser de prévenir son
portier, sou laipiais, sou cireur, ses amis, ses maîtresses,
son médecin, son journaliste, ses pensionnaires, ses pauvres,
du moment favorable'!' dévoués clients dont il est hou d'en-
tretenir le zèle, et qui rendent tant de services par leurs ba-
vardages !... Nous en trouvonsdans VAlmanach de ta Bourse
pour 1857 un exemple i)ar trop naïf pour que nous nous
privions du plaisir do le rapporter à notre tour.
« On n'a connu qu'après la mort de M. Laflitte, et encore par
la noble indisTétiun de ses obliiiés, les nombreuses infortunes
qu'il secourait dans lombie. M. Mues suit de près cette tradition.
Que d'écrivains furent agréablement surpris en recevant par la
poste cette riche nouvelle :
« Monsieur, j'ai l'honneur de vous prévenir que je vous ai
« accordé... actions dans une entreprise de..., et que je les ai
. « vendues d'après vos ordres. Veuillez donc, je vous i)rie, passer
à ma caisse pour y toucher vos dillérences qui s'élèvent à... »
« Une foule de traits d'aussi bon goût ont assuré à M. Mirés
tant d'amis dévoués dans la presse et dans les arts, que leur gratis
tude impose silence aux clameurs de Cenvie. »
Quand M. Mirés, qui piend aujourd'hui avec une dignité
si comique la défense du financier austère con\re le spécula-
teur nécessiteux, fait de ces envois aux gens de lettres qui
cultivent son intimité, est-ce une leçon de morale, de désin-
téressement, de vertu civique cpi'il leur donne? Lui, entre-
preneur de tant de commandites, bonnes et mauvaises,
serait-il de force à justifier sa conduite? Comment! vous
êtes pr'omoleur, errl repreneur, directeur et principal com-
manditaire d'une société par actions; et quand ces actions,
chauffées par vos journaux, offrent une prime de 50 fr., vous
vous permettez de les vendre!
Vous n'êtes donc pas un entrepreneur!
Vous n'êtes donc pas un commanditaire sérieux I
Et comme directeur et adminrstruleur de la compagnie,
vous manquez à votre devoir.
Or, puisque vous n'êtes plus un nécessiteux^ et qu'il est
- 132 —
impossible de reconnaître en vons \q financier probe, aus-
tère, que vous recommandez, pour une autre fois, à la jus-
tice dramatique de M. Dumas, qu'ctes-vous donc, monsieur
Mirés?
La conclusion est claire. Aux grands artistes de la Bourse
comme à ceux de l'Opéra, il faut une clique et une claque
qui fasse taire la critique et mette le spéculateur en rut ; et
l'auteur de l'anecdote, M. P. de F. eût pu faire son métier
d'une façon un peu moins sotte. Mais la pièce jouée, au
diable la {)hilanlliropie : s"il fallait entretenir tout le fretin,
où serait le prolil? Aussi rien à espérer pour les imprudents
en cas de déconliture, ainsi que nous l'enseigne l'apologue
populaire.
La Coulisse, ayant monté
En pleine sécurité,
Se trouva fort dépourvue
Quand la baisse fut venue.
Pas d'argent, plus de crédit,
Pour payer point de répit.
Elle alla crier famine
Chez la Banque, sa voisine,
La priant de lui prêter
'• Quelques sous pour tripoter
Jusqu'à la hausse nouvelle.
— Je vous paîrai, lui dit-elle,
Fin prochain, délai légal,
Intérêt et principal.
La Banque n'est i)as prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
— Que faisiez-vous au temps haut?
Dit-elle à cette enqirunteuse.
— Chaque jour, à tout venant
J'achetais, ne vous déplaise.
— Vous achetiez, j'en suis aise ;
Eh bien ! vendez maintenant.
— 133 —
§ 3. DÉVELOPPEMENT DE l'eSCROQUERIE ET DL" VOL DANS LES OPÉ-
RATIONS DE BOURSE : l'agent DE CHANGE, l'hOMME D'ÉTAT, LES
GRANDES COMPAGNIES. — STRATÉGIE DE l'aGIOTAGE; JOURNAUX.
On a (Icjà pu se convaincre par ce qui précède que le jeu
(le Bourse n'est pas une partie franche où chaque joueur ne
relève que du hasard et de ses appréciations personnelles,
il y a des gens qui, selon Texpression de W Berryer, voient
dans les carlps : les dés pipés y sont de mise : les grecs n'y
sont pas traités comme escrocs. En cU'et, le jeu proprement
dit, si démoralisant qu'il soit, est la moindre plaie de la
Bourse. Ce qui confond et qui devrait ouvrir les yeux aux
braves théoriciens du laissez-jaire, c'est que des faits dignes
de toute la sévérité de la cour d'assises s'y commettent tous
les jours, sans que la police ose les saisir, sans même qu'il
soit possible à la justice de préciser le trait qui les dislingue
de ceux que la science officielle approuve et que la loi tolère.
De nombreux exemples vont nous édifier sur la marge
laissée à l'escroquerie par la probité boursière. Les faits que
nous allons citer sont authentiques : toutefois, nous le dé-
clarons avec franchise, notre intention n'est pas de généra-
liser une inculpation qui n'atteint sans doute que quelques
individus. Ce que nous voulons seulement faire remarquer,
c'est que la même latitude pour le crime est laissée aux fidè-
les et aux infidèles; c'est que rien ne garantit ici Ihonora-
bilité de personne, et que dans ce régime de licence lé-
gale, où la cupidité n"a de frein que la conscience, une
égale suspicion frappe à bon droit compagnies, corporations,
tout le monde.
A tout seigneur tout honneur : commençons par l'agent
de change.
Cet officier public, dont l'examen de conscience est préa-
lablement fait par le pouvoir, puis par la corporation; qui
doit trouver, avant le prix de sa charge, im cautionnement
de 125,000 fr. ; l'agent de change, dont nous avons dit la
position légale, savoir, interdiction d'agioter pour son compte,
défense de prêter son ministère à des opérations de jeu ,
8
- 134 —
l'agent de change est le premier à spéculer contre ses clients
Il connaît à l'avance, par les ordres qu'il a reçus, quelle
sera la physionomie du marché : il voit dans les cartes , il
peut les biseauter au besoin.
« A la Bourse du jeudi 11 septembre 1851, les actions du che-
min du Nord ont éprouvé une baisse subite et sans aucune cause
apparente. Du cours de fermeture de la veille, 463 73 demandé,
elles sont tombées successivement et sans interruption à 457 50.
Pendant la même Bourse, toutes les actions de cbemins de fer se
sont maintenues aux cours qu'elle* avaient atteint la veille. Un
mouvement aussi brusque a inquiété les porteurs d'actions du
Nord; ils ont craint qu'une circonstance spéciale, connue seule-
ment des vendeurs, ne fût la cause de cette baisse.
« Nous sommes en mesure de dissiper ces craintes et de rassurer
les esprits, en expliquant d'une manière précise la cause de la
baisse que les actions ont subie.
« Par suite de la rareté des titres de rente, les vendeurs de
5 0/0 à découvert sont, sous rinlluence des escomptes, obligés de
fournir les titres vendus. L'abondance des capitaux disponibles, la
quantité de rentes achetées journellement, soit pour la Caisse
d'épargne, soit pour les gros et petits capitalistes, est telle que les
escomptes sont insuflisants et que des rachats forcés sont par suite
nécessaires.
« Ces rachats sont faits, quand il y a lieu, par le syndicat des
agents de change, qui fait supporter à ceux des membres du par-
quet qui les rendent nécessaires un courtage de 250 fr. par 5,000 fr.
de rente, au lieu du courtage ordinaire de 50 fr. La différence con-
stitue une espèce d'amende qui a pour effet de limiter la spécula-
tion à la baisse en la rendant onéreuse pour ceux qui s'y livrent
sur une grande échelle.
« C'est pour échapper à la pénalité imposée par le syndicat et
continuer ses opérations sans avoir à subir les conséquences de
l'escompte, du rachat et du courtage plein, qu'un agent de change
connu par la hardiesse de ses spéculations à la baisse, a vendu,
à la Bourse du 11 courant, des quantités considérables d'actions du
Nord, et a ainsi écrasé les cours sur cette valeur.
« Voici comment son opération s'explique:
« Le capital du chemin du Nord étant représenté par 400,000
titres, l'agent en question compte que, grâce à cette abondance,
il pourra satisfaire, sans grand préjudice, aux ventes qu'il a
effectuées, et qu'il pourra ainsi rester à la baisse sans courir la
- 135 —
chance de voir les actions qu'il a vendues escomptées ou rachetées
faute de titres à fournir; et comme les aiients de change n'ont pas
de courtage à payer, la double liquidation par mois n'a pour eux
aucun inconvénient.
« A une époque comme la nôtre, quand tout ce qui constitue
un privilège ou un monopole est attaqué avec violence, quand
l'envie, cette lèpre des sociétés modernes, domine les esprits et les
conduit à méconnaître tous les bienfaits que produisent les oftices
ministériels, pour n'en signaler que les abus ou les inconvénients,
les titulaires doivent se montrer plus prudents et plus réservés
qu'en aucun autre temps. Les Chambres syndicales ont un plus
grand devoir à remplir; leur surveillance doit être incessamment
éveillée sur tous les faits grands et petits. Ceux qui se sont passés
dans plusieurs Bourses de la semaine dernière auraient dû, à notre
avis, attirer l'attention de l'honorable syndic des agents de change,
et motiver de sa part des avertissements sévères adressés à 1-agent
(|ui, oubliant sa mission et ses devoirs, faisait à haute voix l'oflVe
(les valeurs à des taux successivement inférieurs aux cours véri-
tables, et cela avec une affectation si marquée, que ses collègues
en étaient eux-mêmes scandalisés.
« Cette manière d'opérer est des plus blâmables. En effet, ou
cet agent vendait pour le compte d'un client, et son devoir alors
était d'opérer les ventes aux meilleurs cours, devoir qu'il mécon-
naissait en affectant l'intention de les affaiblir; ou au contraire, ce
([ui est plus probable, il vendait pour son compte, et alors il
manquait doublement à sa mission d'officier ministériel, qui l'oblige
à s'abstenir de toute affaire personnelle et à ne pas affaiblir par des
manœuvres le cours de valeurs qui constituent la fortune publique.
J. Mirés. — Journal des Chemins de fer.)
Les manœuvres que nous venons de signaler sont prévyes
par l'article 419 du Code pénal :
« Tous ceux qui, par des voies ou moyens frauduleux quelcon-
ques, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou
marchandises, ou des papiers et effets publics au-dessus ou au-
dessous des prix qu'aurait di'terminés la concurrence naturelle et
libre du commerce, seront punis d'un emprisonnement d'un mois
au moins, d'un an au plus, et d'une amende de 500, à 10,000 fr.
Les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou le juge-
ment, sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au
moins et cinq ans au plus. »
Tout cela semble fort concluant, n'est-il pas vrai? mais
— 13G —
tout cela pèche par la base. Quelle loi pciil enipèclicr un
agent de change de posséder des litres de rente et des actions
de chemins de fer? Aucune. La qualité de rentier et proprié-
taire d'actions n'a rien d'incompatible avec celle d'officier
ministériel. Étant donc ou pouvant être légalement pro-
priétaire de valeurs, qui peut empêcher l'agent de vendre?
Qui peut l'empccher d'acheter? qui peut être juge mieux que
lui do l'opportunité de la vente et de la suffisance du prix?
■ — Son mandat, dites-vous, lui défend de se livrer à aucune
opération pour son compte personnel. N'est-ce que cela? Il
fera ses opérations sous le nom d'un tiers, ou par l'entre-
mise d'un collègue.
« Autour de l'agent gravitent toujours cinq ou six associés com-
niandHaires, dont plusieurs n'ont acheté leur fraction de charge
que dans l'intention de jouer avec plus de sécurité, et surtout
d'être initiés aux grandes opérations de la place. » [Almanach de
la Bourse pour 1837.)
Il est clair d'après cela que tout agent de change est dans
l'occasion prochaine, presque dans la nécessité de forfaireà
son mandat. Comment, dès lors, n'en chercherait-il pas les
moyens? Et qui nous dit que, malgré les tours qu'ils se
jouent, la corporation tout entière des agents de change n'est
pas coalisée?... Or, la porte une fois ouverte à l'abus, l'abus
ne connaît plus de bornes. Bientôt il juge que ces précau-
tions sont hypocrisie pure, et il s'en dispense : c'était proba-
blement le cas de l'agent tancé par M. Mirés; Du contreban-
dier au brigand, il n'y a pas l'épaisseur d'un cheveu , témoin
Maendrin. Mais qui fait la contrebande? L'insolidarilé uni-
verselle. Nous rentrons dans notre thèse.
Passons à d'autres.
« Le prince de Talleyrand, dit M. de Mériclet, avait très-bien
compris la difficulté des jeux de Bourse, l'impossibilité des béné-
fices en jouant pour jouer. Qunnd il faisait une opéiation, il la
voulait faiie à coup sur. Ce n'était jamais qu'avec l'appui d'un
secret important, ou d'un événement dont il prévoyait la portée,
qu'il se mettait au jeu. Il était d'ailleurs très-méliant. Ce fut lui
(pii répondit à l'un de ses amis, qui se plaignait d'avoir été trompé
au jeu : « C'est abominable; mais trouvez-moi donc un autre moyen
« de casner! »
— 137 —
L'auteur cite une opération dans laquelle oe roué de la
diplomatie fut pourtant pris au piège de ses finasseries. 11
avait fait vendre 600,000 fr. de rentes à découvert en quel-
ques jours. L'agent du prince n'était pas sans inquiétude,
car la tendance à la hausse était nettement accusée.
« Tout à COU]) on apprend l'intervention de la France en Espa-
gne. C'était la guerre, et la guerre effraye toujours la lîourse. Mais
on apprit eu même teuips que les puissances étrangères donnaient
leur assentiment à celte intervention. La Bourse ne fut nullement
eflVayée, et la rente persista à monter. La vente de ces (500,000 fr.
produisit une perte de 100,000 fr. L'agent présenta lui-même son
compte de liquidation au prince, qui le reçut très-gracieusement,
paya sa dette et se contenta de dire : « Nous serons plus heureux
« une autre fois. »
Le même auteur rapporte qu'une duchesse de R'^*'^ lui
proposa un jour de l'associer à une opération du genre de
celles de M. de Talleyrand.
« H me serait possible, dit-elle, d'entr'ouvrir les rideaux d'une
r.'union où se discutent des propositions qui ont la plus grande
influence sur les cours de la Bourse. Je m'étais fait un davoir de
ne jamais user des secrets dont je devinais l'importance; mais la
nécessité a opéré une transformation dans mes idées. Vous sou-
vient-il de l'époque où la Banque de France réduisit son escompte
de 5 à 4 0/0? Quelques paroles amies me furent condées; j'achetai
12,000 livres de rente. Peu de jours après, cette opération me valut
quelques mille francs de bénélice. Cette circonstance se renou-
vellera; la réduction sera de nouveau réclamée, ou décidée par la
Banque elle-même. Vous comprenez l'importance dune telle dé-
cision; vous êtes un homme d'intelligence et... d'argent, comme
tous les hommes de notre époque. Ce ne sont pas des nouvelles
politiques qui n'ont rien de décisif; ce sont des certitudes d'une
opération qui ne peut faillir; c'est une pluie d'or, ou plutôt une
victoire ga;inée sans les hasards du combat. » [La Bourse de
Paris.)
Lors de la prise de Sébaslopol, le gouvernement , impa-
tient d'annoncer au public le succès de son expédition , lit
aflicher la nouvelle à la Bourse aussitôt (pi'elle lui fut con-
nue. Ce ne fut, parmi les spéculateurs, qu'un cri d'admira-
tion sur le désintéressement de l'empereur et de ses minis-
— 138 —
lres,quilivraientimmé(liatemenlàla publicité un événement
aussi grave, dont ils pouvaient tirer de merveilleux profits
en le divulguant seulement quehjues heures plus tard.
Celte admiration n'était point de l'ironie, mais de la na-ïveté:
elle donne la mesure de riionnèleté des admirateurs et de ce
qu'ils eussent fait s'ils avaient été au pouvoir. C'est la honte
d'un pays que son gouvernement reçoive de pareils éloges.
Rappellerons-nous la concession des mines de Gouhenans
et la condamnation de MM. Teste, Despans-Cubières et Pel-,
lapral? Le financier de l'entreprise disait avec une candeur
pileuse, en parlant des pairs qui les avaient condamnés :
<( Mais ces gens-là n'ont donc jamais fait d'affaires! » 11 avait
cent fois raison. Le procès Teste et Cubières ne fut qu'une
satisfaction donnée à l'esprit révolutionnaire par le gouver-
nement bourgeois.
Dans une société fondée sur le principe de l'inégalité des
conditions, le gouvernement , quel qu'il soit, féodal, théo-
cratique, bourgeois, impérial, se réduit, en dernière ana-
lyse, à un système d'assurance de la classe qui exploite et
possède contre celle qui est exploitée et ne possède rien.
Or, les hommes chargés d'exercer un tel pouvoir, qui sont-
ils? De grands propriétaires, naturellement, de grands spé-
culateurs, des capitalistes, des financiers, de gros industriels,
des entrepreneurs de travaux publics, des fournisseurs du
gouvernement, des concessionnaires de l'État, des adminis-
trateurs-fondateurs de toutes les compagnies anonymes.
Aucune loi n'a déclaré ces fonctions et celle de ministre
incompatibles. Loin de là, les chefs de l'aristocratie sont les
prédestinés du ministère : l'inverse impliquerait contra-
diction. De tout temps les fonctions publiques ont été regar-
dées comme la récompense de la capacité, du génie, du pa-
triotisme, c'est-à-dire comme une occasion de faire fortune :
la seule vertu qu'on demande, en celte occasion, à un mi-
nistre, est, d'en user avec modération, discrétion. La Révo-
lution, il est vrai, aspire à changer ce régime, parfaitement
honorable sous nos anciens rois, témoin Colbert : elle ne
peut pas se vanter jusqu'ici d'y avoir mis fin. C'est la démo-
cratie qui a condamné M. Teste : or, la démocratie, qu'elle
— 139 —
le saclie, cesl la mulualilé universelle. En droit et aux
termes du Code, le malheureux ministre était coupable; en
fait, et d'api es les us et coutumes, plus ou moius avoués et
officiels, de tous les gouvernemiMits, il pouvait se dire sans
reproche. La bourgeoisie doit réparation à sa mémoire.
Si donc il est absurde que sous un régime de concession,
de spéculation, de guerre (iuaucière et industrielle, un bour-
geois n'arrive aux affaires que pour s'exclure, qui osera
dire que ce même bourgeois, doveiui ministre, doive laisser
périr sa fortune, engagée dans la circulation générale, plu-
tôt que de la retirer à propos; que s'il lui est permis de réa-
liser sans bénéfice, et pour éviter un désastre facilement
prévu, il lui sera interdit d'opérer avec bénéfice, et pour
réparer une ruine?...
Tout cela se tient et s'enchaîne. Il n'y a pas de limite
posée entre le droit et le non-droit; et si une loi d'envie se
montre à la traverse et oppose son veto, la logique, disons
même l'équité, proteste contre elle.
Mais il n'est pas donné à tout le monde d'être ministre,
de vendre des concessions ou de spéculer avec les secrets de
l'État. Aussi les habiles ont-ils su trouver des combinaisons
de sociétés, des cumuls d'attributions, des agences de pu-
blicité non moins productives qu'une position officielle aux
mains d'un fonctionnaire malversateur.
« Le Crédit mobilier, dit M" Berryer dans le procès Goupy, est
la plus grande maison de jeu qui ait jamais existé dans le monde.
Il ne faut pas se payer de vains mots, il y en a de magnifiques, je
le sais: la protection de l'industrie, raffrancliisrement du crédit
de l'État, le développement du crédit pai'tifulier, la consolidation
de toutes les valeurs industrielles, c'est-à-dire un rêve. Tout cela
c'est l'apparence : ils ont donné au jeu un nom nouveau, ils
rappellent d.uis leurs rapports l'industrie du crédit.
« La Société du crédit mobilier avait annoncé déjà, dans un de
ses rapports, rinsutdsance, pour les immenses opérations aux-
quelles elle se livre, de son capital de (iO millions. Le succès pro-
digieux qu'elle avait obtenu, je n'examine pas comment, nécessi-
tait un accroissement de capital. Au mois d'août J833, on com-
mence à annoncer que le dividende pour l'année de ces actions, au
capital de .^OO fr., sera de 200 fr. au moins. Cette annonce anti-
— 140 —
cipée circule sur la place. Les gens bien inslruils, bien avisrs, se
trompent souvent dans la confiance qu'ils mettent aux rapports
qui leur sont laits. Mais enlin ce bruit est répandu avec assez d'ha-
bileté : il y a plus de 200 fr. de dividende pour 1835. Là-dessus,
des journaux, dont le langage change, j'en conviens, à certaines
époques, se montrent lrès-1'avorables à la compagnie du Crédit
mobilier.
« Le Journal des Chemins^ de fer de M. Mirés, entre autres, an-
nonce qu'il existe pour la Compagnie du Crédit mobilier un projet
de diviser les actions en coupons de 230 t'r. et de doubler le capital
en donnant une action nouvelle au pair à chaque aciion ancienne.
On aflirmait ailleurs qu'il n'en était pas encore question, et qu'il
fallait ranger cette rumeur parmi celles qu'une spéculation ellré-
née répand pour en profiler et obtenir des mouvements factices.
A qui fallait-il imputer la spéculation effrénée ? Je n'en sais rien.
Mais le public, daps lequel on faisait circuler qu'il y aurait à la fin
de 1833 un dividende de 200 fr. au moins, n'était pas induit en
erreur. C'était une prévision singulière sur l'exercice 1833, qui
avait encore cinq grands mois à courir, que de déterminer qu'il y
aurait 200 fr. de bénéfices à la fin de l'année, sans savoir quels
événements pourraient survenir. Nous étions en pleine guerre; on
ne savait pas quels besoins l'État pourrait éprouver, quelles négo-
ciations détourneraient de certaines valeurs les capitaux poui' les
porter dans les caisses du Trésor, qui auraient peut-être besoin
d'être remplies. Prévoir la paix était une difficulté bien grande
pour tous les esprits, à cette époque-là. Mais la Compagnie du
Crédit mobilier en savait assez. Le public était éclairé par elle.
Cei tainement, à la fin de 1833, il y aurait 200 fr. de dividende.
« Dans le projet d'augmentation du capital, les nouveaux titres
sont réservés aux précédents actionnaires. En conséquence, il n'y
a que ceux qui sont porteurs d'actions de la Compagnie qui vont
avoir dans des conditions très-avantageuses, au pair, au-dessous
même du pair, parce qu'il y aura des primes accordées, les
actions nouvelles qui vont être émises. Évidemment il n'y a pas
de meilleur moyen de faire deux choses à la fois : 1° d'appeler
des capitaux à venir prendre part à de si larges festins; 2" de
déterminer la hausse des actions dont on est porteur ou qui sont
en circulation.
« Ce qui n'était qu'une rumeur au commencement prend de la
consistance : le 1" septembre, les journaux annoncent que défini-
tivement l'accroissement du capital de la Compagnie va avoir lieu
au moyen d'obligations émises à 280 fr.^ dont 200 fr. payables en
- Hl -
souscrivant, et 80 IV. le l''" mars ISjU. Les coupons des actions du
Crédit mobilier à échoir les 1 ^'■janvier et !«' juillet prochains seront
acceptés comme argent en payement du premier terme desobhga-
lions, sur le pied de :200 fr,
»Les annonces qui ont été faites dans les journaux par la Com-
pagnie du Crédit mobilier sont insérées au Moniteur exactement
dans les mêmes termes.
« Le bruit si prématurément répandu dans le public, au mois
d'août, que les actionnaires du Crédit mobilier allaient toucher
immédiatement un dividende de 200 ir. en acceptant des obliga-
tions qui serviraient à augmenter le capital de la Compagnie, ce
bruit a produit un effet que vous comprenez facilement. Tout le
monde a couru ajtrès les actions du Crédit mobilier, et du taux
déjcà considérable de 1,200 fr., si je ne me trompe, vous les voyez
monter, vers la fin d'août, au prix de 1,300 fr. et de 1,400 fr. Le
6 et le 8 septembre, les |)ublications officielles certifient ce qui n'é-
tait encore qu'insinué, que glissé dans la rumeur publique. La
hausse prend un élan nouveau. Elle atteint et dépasse 1,000 fr.
avec la rapidité de l'éclair. Cette hausse, il est bien évident que
c'est l'engagement pris par la Compagnie qui l'a produite.
« Mais voilà que parait au Moniteur, sous la date du 28 se|i-
tembre, c'est-à-dire l'avant-veille de la liquidation, et au mé[)ris
de la promesse de délivrer jusqu'au o octobre des obligations à
quiconque apporterait des actions à la Compagnie du Crédit mo-
bilier, im avis annonçant que la Société générale, pour entrer
dans les vues du gouvernement, n'émettra pas d'obligations nou-
velles.
«Vous comprenez. Messieurs, l'effet produit par un pareil avis.
Autant les engagements formellement pris à l'appel fait à qui-
conque serait porteur d'actions avaient provoqué à acheter, autant
la nouvelle que le payement immédiat du dividende en obligations
n'aurait pas lieu devait provoquer à revendre. Aussi les actions
(pii avaient été à l,6.jo fr. tombent subitement à 1,200, et même
à 1,100 fr. Ainsi, dans l'espace de six semaines, il y avait eu
hausse de oOO fr., tant sur la rumeur que sur l'annonce oflicielle
que des obligations allaient être délivrées aux actionnaires, et en
moins de vingt jours, il y a eu baisse de .'ioo fr., par suite de la ré-
tractation spontanée de la Compagnie du Crédit mobilier. »
C'est à celte époque, et, — si nous sommes bien informé,
— sur cette même opération décrite par M^ Berryer, que
les spéculateurs d'une seule ville de province, Nancy, per-
— 142 —
dirent ensemble contre ceux de Paris une dizaine de mil-
lions. Il s'ensuivit de graves sinistres commerciaux et la
liquidation de plusieurs maisons de banque de la localité.
A défaut de mesures répressives contre de pareilles ma-
nœuvres, le substitut du procureur impérial, M. Plnatd,
crut devoir au moins prononcer quelques paroles sévères:
« On nous a donné la liste des grandes entreprises que le Crédit
mobilier avait fait naître, soit. On nous a parlé de ses services
industriels, soit encore. Mais, au milieu de ia lièvre de l'époque,
au milieu de cet amour elfréné du jeu et de ces luttes éperdues,
est-ce que le Crédit mobilier n'a pas de reproches à se faire? Cette
fièvre, l'a-t-il calmée ou l'a-t-il excitée? Ces entraînements, ne les
a-t-il pas doublés? Est-ce qu'en multipliant les entreprises au delà
des forces de la place, en les jetant à l'avidité des joueurs avec
ces certitudes de primes énormes doublées par la spéculation de
tous, en escomptant l'avenir au profit du présent, il n'a pas créé,
avec d'autres qui doivent partager sa responsabilité, de sérieux
périls pour la morale publique et les intérêts matériels eux-mêmes?
Les reports, sous l'action d'une situation si tendue, ne sont-ils pas
devenus la loi normale de la place?
(( Ne faut-il pas à cliaque liquidation 30 ou AO millions de
reports pour sauver les joueurs en les excitant? Et le jour oij ce
moyen périlleux de vivre et de marcher manquerait un instant, le
jour où l'arc trop tendu se briserait, que de pertes, que de deuils
de familles, que de morts et de blessés, puisqu'un des administra-
teurs du Crédit mobilier lui-même est tombé récemment sur le
champ de bataille! Voil<à le bilan moral et financier que vous
oubliez, et que la parole impartiale du ministère public doit jeter
dans la balance du passif, quand on vante sans réserve les mer-
veilles de vos opérations. »
Les directeurs du Crédit mobilier, les premiers et les plus
ricbes financiers de France, avec un capital de 60 millions
et une centaine de millions décomptes courants annuels,
semblent défier toute concurrence. De fait, il n'y a que re-
vers à qui joue contre eux. Mais il est possible de glaner où
ils moisso ment. C/est ce qu'ont pensé MM. Mirés, Vergniolle
et Amail, en créant, le premier la Caisse générale des Che-
mins de fer, le second, la Caisse centrale de l'Industrie, le
troisième, la Caisse générale des Actionnaires.
— 143 —
L'objet, de ces diverses entreprises est le même : acheter
et vendre, vendre et acheter des valeurs et effets publics ;
acheter en baisse, vendre en hausse, encaisser des primes ;
agioter avec le moins de risques possible, conformément au
principe de la spéculation expec tante. (Voyez p. 119.)
Pour ce faire, voici la combinaison aussi simple qu habile
imaginée par ces compagnies, ou mieux, empruntée à la
Société type, le Crédit mobilier.
On fait appel aux actionnaires, qui viennent échangerleur
argent contre des actions, du papier, s'enlevant ainsi à eux-
mêmes le moyen d'agir sur la place : une concurrence de
moins. On concentre dans les mains de quelques directeurs
5 millions (Société Vergniolle), 25 millions (Société Amail),
50 millions (Société Mirés) ; on centuple leur action : coali-
tion de plus. On nomme un comité de direction.
« La position de membre du comité de direction, dit le Journal
des Chemins de fer, à propos de la déconfiture de M. Place, est
généralement enviée, parce qu'elle donne le secret des op('rations,
qui ne sont pas ordinairement connues des autres administrateurs.
Le comité de direction connaît seul la situation de !a place; il dé-
termine l'action que la Compagnie doit exercer sur elle, soit qu'il
facilite par des reports une situation tendue, soit que les néces-
sités ou des combinaisons d'un autre genre l'oblipent d'abandonner
le marché à ses pnipres ressources; enlin il sait si la Société est
en mesure de pallier celte situation en donnant à bon marché les
capitaux nécessaires à la liquidation.
« La situation particulière oh se trouve ce comité, le mettant k
même de prévoir les mouvements de la Bourse, donne aux admi-
nistrateurs qui en font partie un crédit, une importance qui expli-
quent la conliance dont ils sont investis et la facilité avec laquelle
un certain nombre de banquiers ont donné à M. Place des sommes
considérables pour les faire valoir.
« Or de deux choses l'une : ou ces capitaux ont été confiés à
M. Place pour les faire valoir dans des affaires industrielles, et
alors on s'étonnera que ces capitaux n'aient pas été mis dans les
alVaires faites par le Crédit mobilier lui-même; ou bien ces capi-
taux ont été destinés à des opérations de Bourse, et l'on regrettera
que des sommes aussi considérables aient été détournées des-
grandes entreprises industrielles pour être portées vers le jeu. »
Ons'élonnern, on regrettera ^\o\\k donc le dernier mot de
— lU —
la prudence des actionnaires et des déposants de sommes en
comptes courants, leur dernier recours contre un détourne-
ment de destination.
Eh quoi! vous placez un homme dans la position d'em-
ployer sans contrôle des capitaux assez considéral)les pour
diriger le marché à la hausse ou à la baisse 5 vous lui donnez
la facilité d'opérer pour son compte, non point sur un se-
cret dÉtat, mais sur une décision bien ])lus cfticace encore,
prise à huis-clos, à son instigation; déjouer contre les ac-
tionnaires, contre les prêteurs, contre la Société qu'il re-
présente, de s'acheter à lui-même, en qualité de membre du
comité, des valeurs qu'il possède comme simple particulier :
et contre les abus d'une telle situation, au milieu d'un
mondé qui sue le dol et la fraude par tous les pores, vous
n'avez qu'un frein, la conscience du mandataire! Triples
sots '.Vous le traiteriez lui-même d'imbécile, s'il s'arrêtait à
des scrupules.
Cependant les compagnies de jeu, car celles qui nous oc-
cupent ne sont pas autre chose, distribuent des dividendes
merveilleux. Celui du Crédit mobilier a été de 203 fr. 70 en
1855. M. Amail a voulu essayer ses forces au préalable sur
un fonds commun, dont il a tiré 27 0/0 en cinq mois 5 c'est
S!ir la foi de cette expérience qu'il s'est décidé à mettre en
commandite son habiletc^ sn prudence, et la vertu bien con-
nue de M. Jourdan ! La Société Mires a donné 69 fr. en 1854,
79 90 en 1855-, la Société Vergniolle 20 0/0.
Certes la prospérité de l'entreprise est trop de l'intérêt
des directeurs pour qu'ils la laissent péricliter; c'est le le-
vier qui fait to:ite leur force, sans lequel ils ne seraient,
comme M. Tartempion et M. Cocpiardeau, que de simples
joueurs, ballottés sans boussole au milieu des tempêtes et ,
des éciieils. Mais les directeurs n'ont-iis fait d'autres |)ro-
fits que le tant pour cent réservé à la gérance? Ont-ils spé-
culé pour leur compte?
Les 240,000 actions des immeubles Rivoli ont primé en
moins il'un an de 70 fr. C'était une affaire menée par le Cré-
dit mobilier. A ce taux, c'était un bénéfice de 16,800,000 fr.
ou 70 0/0. Si le Crédit mobilier rendait des comptes, nous '
— J15 —
saurions ce que lui a produit cette entreprise. En nattri-
buant que 35 0/0 à la compagnie et autant aux directeurs,
l'afl'aire était encore belle pour tout le monde. Si c'est là une
hypothèse, elle porte seulement sur les clnlFies; le fait est
praticable, vraisemblable, avoué par « Tenvic dont la posi-
« tion de membre du comité de direction est l'objet. »
Cela vous révolte, ami lecteur. Mais remarquez que la loi
ni les principes n'ont le plus petit mol à dire.
Un homme a la ré|)utation d'être \in grand, un habile
entrepreneur. La confiance générale lui est acquise : Ions
les capitaux sollicitent la préférence de ses actions. Voyez-
vous là un crime?
Or cet homme n'est point infaillible, et n'entend nulle-
ment se donner pour tel. Ses conc('|)tions ont été souvent
heureuses : quelquefois aussi il a éprouvé des mécomptes.
C'est AUX capitalistes d'aviser.
Eh bien! il croit que la construction d'un hôtel comme
Thôtel Rivoli est une excellenteatîaire; il prouve la sincérité
de son opinion, d'abord, en retenant poin' lui-même une
masse d'actions, puis en les revendant à la hausse; chose
dont se garderait sa délicatesse s'il supposait l'alliiire mau-
vaise ou seulement douteuse. Y a-t-il dans tout cela ombre
de tromperie?
11 est vrai que les actions tombent après que notre homme
a réalisé ses |)rimes, ce qui lait murmurer les déconfits. Mais
ijuel tribunal oserait l'accuser? Esl-il responsable, après
tout? Et parce que son opinion vaut crédit, et que son cré-
dit fait pi'ime, irez-vous lui demander des comptes? Vous
avez spéculé sur son habileté, mais non pas sur sa garantie:
c'était à prendre ou à laisser.
Le rapporteur «lu Crédit mobilier, après Tiiosanna sur la
pros[)Grité de rentre|)rise, ajoute d'un ton dolent:
« C'est en de pareilles circonstances qu'on se livrait centre nous
à la polémique la plus violente, abusant ainsi du silence qu'un
établissement comme le nôtre est tenu de garder sur ses opéra-
lions. »
Le silence et le mystère! c'est le contraire des entreprises
individuelles qui ne croient jamais faire trop de bruit de
u
— 146 —
leurs receltes, de la balance favorable de leurs comptes, du
développement de leur trafic, et qui pèchent juste par l'op-
posé : l'excès de réclames et de mensonges.
Les petites compagnies, créées à l'image du Mobilier, ne
sont pas moins discièles. Pourtant elles ont chacune un
journal; mais c'est pour faire la critique des compagnies
industrielles dont les valeurs servent d'enjeu.
Sous le régime de mouopole fait à la presse, c'est une
puissance considérable qu'un journal. Quels sont les lecteurs
capables de distinguer une annonce payante d'une critique
sérieuse? Qui les garantit que l'article le plus indépendant
en apparence n'a pas été payé au rédacteur en actions au
pair ou de toute autre façon ? Pourquoi les bulletins finan-
ciers et les cours ne s'accordent-ils pas entre eux?
Tous les jours on peut lire dans la Presse, page 3, aux
annonces :
a M. Lauvray, rédacteur du Bulletin financier de la Presse, est
attaché à la Caisse, 14, rue Grange-Batelière, pour achats, ventes
et reports en valeurs françaises et étrangères. »
On ne saurait y mettre plus de candeur que M. Lauvray.
Comment nes'aperçoil-il pas, comment M. de Girardin, son
patron, ne lui fait-il pas sentir que ce sont là des fonctions
incompatibles? D'autres font ce que fait M. Lauvray, et se
gardent bien de l'annoncer à son de trompe. S'il s'agissait de
décerner un prix d'innocence, nous savons bien qui aurait
notre suffrage ; mais n'est-il pas honteux pour un journal
d'une aussi grande réputation que la Presse de donner
l'exemple d'une pareille bonhomie... en affaires?
Un directeur qui a l'oreille d'un journaliste vend en une
Bourse quelques actions à un compère, à un prix tout à fait
arbitraire, et fait annoncer le lendemain que les valeurs font
prime, quand elles ne sont ni demandées ni offertes.
La première condition pour une valeur est de vivre 5 et
les valeurs ne vivent que par l'offre et la demande. Faites-
les mouvoir, comme le pè( heur qui tire la ligne : vous êtes
sijr d'amorcer tous les jours quelques acheteurs de province.
Lorsque le Constitutionnel, le Paijs et le Journal des Che-
mins de fer poussent à la hausse sur une valeur, (|ui pourrait
— 147 —
résister à un si touchant accord? Le public sait-il que ce
sont trois porte-voix à une seule embouchure?
Les journaux voués spécialement aux alTaircs financières,
outre la faculté de donner leur avis, favorable ou défavora-
ble, sur les valeurs dans lesquelles les rédacteurs ont des
intérêts engagés, ont encore une correspondance publique
avec les spéculateurs qui les ont choisis pour oracles. Ils
écrivent, sans désigner toutefois l'entreprise dont ils par-
lent :
« Bonne affaire, dont la baisse n'est sans doute que momenta-
née, par ^uite d'embarras de place; gardez, vous verrez une re-
prise. — Vendez. — Se relèvera. — Acceptez avec empressement.
— Hàtez-vcus de souscrire, vous et les amis dont vous parlez. —
La valeur est bonne et d'un bel avenir. — Nous ne sommes pas
plus rassurés que vous sur celle valeur. — Votre placement est
toujours sur. »
Tout est bon à la réclame, journaux, revues, annuaires,
guides, almanachs; tout sert d'occasion, de prétexte, do
moyen, même la morale, à cette industrie de sycophantes.
Il est bien à vous, dirons-nous à V Almanach de la Bourse, de
distribuer aux spéculateurs vos précieux conseils; mais de
quel droit, faisant la revue des valeurs cotées, vous permet-
tez-vous de dire : Chemins de fer du Midi, n'achetez pas.
— Chemin de fer Victor-Emmanuel , n'achetez a aucun
l'Rix. — Fonds espagnols, idem. — Compagnies marilimes,
MAUVAIS PLACEMENT, elc. Oubliez-vous que sous ces désigna-
tions, il n'y a pas seulement une table de jeu, qu'il y a aussi
une réalité industrielle, une entreprise à laquelle il ne vous
est pas permis, par vos dénonciations téméraires, de porter
préjudice? Que savez-vous si cette affaire que vous signalez
comme mauvaise ne deviendra pas excellente; si cette autre
que vous recommandez comme sûre ne tombera pas ])ientôt
en faillite?
On ne sait en vérité lequel on doit le plus admirer, de
laveugle confiance des demandeurs d'avis ou de la présomp-
tion des conseillers.
L'organe de M. Vergniollc s'intitule l'Industrie, cest en
— 148 —
quelque sorte le moniteur du Crédit fonciei' : il a [)Our ré-
dacteurs MM. Ch. Fabas, E. Villars. A. Ilouault.
M. Mirés, lÉgério du Pays et du Constitutionnel, rédige
en outre le Journal des Cli^niins de fer, avec la collabora-
tion de MM. C. Devina et Biaise (des Vosges).
On assure qu'à celte publicité, déjà si considérable, il
joindra bientôt celle du Siècle, dont il serait, dil-on, le plus
fort actionnaire. Il serait plaisant de voir M. Mirés, qui tient
l'empire par le Patjs et le Constitulionn'd, mettre avec le
Siècle la ré|Miblique dans sa poche. Espérons que les hono-
rables rédacteurs de la feuille démocratique sauront défendre
celte dernière forteresse de la révolution.
Le Journal des Actionnaires, organe de la Société Amail,
a pour rédacteurs MM. Louis Jouidan, Lefranc, Xavier
Eyma.
M. Louis Jourdaii, que tous ceux qui le connaissent s'é-
tonnent de rencontrer en pareille synagogue, un homme
que ses vertus privées placent hors ligne; apùtie du Très-
Haut, qu'il prêche aux athées; vicaiie du |)ioplièle En-
fantin, à qui seul il est resté fidèle; adversaire des jésuites,
champion des nationalités; M. Louis Jourdan, parlant le
jargon de l'agio, couvant la prime dans le Journal des Ac-
tionnaires^ en môme tem|)s qu'il évangélise les abonnés du
Siècle de sa parole d'archevêque, nous olTie un type de plus
à ajouter à ceux que nous connaissons déjà, celui du déinoc.
soc. devenu bouisier. Brutusaux champs de Philippcs déses-
père de la Bépublique et de la Vertu, et se tue. Comment
M. Jourdan, qui ne désespère, nous le dirons pour lui, ni de
■ l'une ni de l'autre, s'est-il fait maquignon dans les bandes
des triumvirs?
M. Jourdan s'est dit :
Poui' refréner la spéculation dévorante, homicide, des gros
capitalistes, sauvegarder la jtosition des petits, moraliser
les uns et les autres, et peu à peu amener la cessation du
jeu, il est un moyen, il n'en existe qu'un seul : c'est d'abord
de créer en faveur de la plèbe boursière un office de con-
sultation qui l'éclairé et la dirige; puis d'en grouper les
ressources parcellaires, et du faisceau de ces petits porte-
— 140 —
feuilles formel' une mas?c capable de tenir tête aux grandes
IJuis-MMces.
L'inst motion et l'a^^sociation : voilà, en deux mots, le sys-
tème curai if de M. Jonrdan.
Rêve d'une belle .àttie I Pour mettre fin à l'anarchie dont
profilaient quelques fripons, on se forme en partis, on orga-
nise la gueire ci\ilel... Quelle découverlel
Si la (Compagnie se borne à donner des consultations,
comme faisait autrefois le Journal dea Actionnaires, elle va
directement contre le respect de la commandite, ainsi que
nous le disions tout à l'Iieure à propos de Y Almanach de
la Bourse; elle ne |)eut garantir ni la sûreté ni la sincérité
de ses conseils: en un mol,d'ofli(e de consultation, elle de-
vient fatalement agence de chantage.
Si, non contente de conseiller, la Compagnie prend en
main la conduite des opérations, c'est une guerre de flibus-
tiers qu'elle entame contre les entreprises concurrentes,
guerre (|ui, loin de calmer la fureur du jeu, ne peut servir
qu'à renv(;nimer. Car il faut que la Compagnie joue, ne fût-
ce que pour gagner de quoi |)ayer ses frais généraux. Knlre
cinq ou six établissements rivaux cpii s'arrachent les opéra-
tions d'arbitrage, l'arbitrage redevient fatalement spécula-
tion à la hausse ou à la baisse, à terme ou à prime. La
guerre, une guerre acharnée, est donc inévitable.
Sous prétexte de désencombrer le portique, une ordon-
nance de police vient d'établir une taxe de 1 fr. sur toute
personne entrant à la Bourse. Qu'est-ce à dire? La police,
en établissant cette taxe, a obéi à son génie fiscal. Par le
fait, elle a rousacré le jeu, elle lui a conféré le droit civique;
bien |)lus, elle en a fait un privilège. Il serait absurde de
voir là un moyen de moialisalion de la Bourse.
Eh bien, sous le prétexte d'informer le public, et, au be-
soin, de rallier, discipliner, placer avantageusement les pe-
tits capitaux, la Compagnie Amail et ses pareilles n'ont fait
autre chose (pi'obéir à leur génie agioteur. C'est tout ce que
nous voulions dire à l'apostolique .M. Jourdan.
Du reste, il ne manque pas d'imitateurs. La Bourse ne fait
acception d'aucun parti. Au banquet de l'agiotage, jésuites,
— 150 —
absolutistes, libéraux, gallicans, dynastiques de la droite
et de la gauche, impérialistes, républicains bleus et rouges,
socialistes, se retrouvent en bonne fraternité. L'agiotage a
résolu le grand problème de Tunité, la pierre pliilosophale
de la politique : la fusion des antagonismes. Tous jurent par
le même Évangile, la cote des fonds publics; écoutent le
même oracle, la prime-, adorent le môme Dieu, Técii de
cent sous : Unvs Dcus, una fuies, vnum baptixma.
Oh ! si cette Gomorrhe pouvait se consumer sans répan-
dre sur le pays la désolation, les miasmes pestilentiels, l'as-
phyxie et la mort, comltien nous serions plus disposés à
attiser le feu qu'à l'éteindre!...
Mais « il ne faut passe le dissimuler. Dans tous les ])ays et dans
tous les siècles, c'est toujours au travail qu'iucombe la tâche de
réparer, à la sueur de son Iront, les erreurs ou les folies finan-
cières. Les masses sont pénétrées, à cet égard, d'un instinct qu'aucun
sophisme ne saurait tromper. » [Introduction à la Bourse de. Lon-
dres, par M. Lefebvre-Duruflé, sénateur, ancien ministre du
commerce).
§ 4. DÉVELOPPEMENT DE l'eSCROQUERIE ET DU VOL DANS LES OPÉ-
RATIONS DE LA COMMANDITE.
De la Bourse, théâtre oîi se joue la grande comédie de lé-
poque, passons à la commandite, officine où se compose le
drame, où se combinent les coups de théâtre.
M. L. Deplanque, dans Y Ahnanach de la Bourse de 1856,
après avoir relevé la lésinerie maladroite des actionnaires qui
marchandent aux fondateurs de sociétés des actions rému-
nératoires ou une part dans les bénéfices, se demande à
quelle source les dits fondateurs peuvent espérer de trouver
la récompense de leurs efforts et de leurs risques.
« Cette source, dit-il, pour être cachée, n'en est pas moins abon-
dante; mais, aux yeux du vulgaire, il semble que les fondateurs
ne sont mus que par leur ardent amour du bien public, par le
louable désir de doter le pays du bienfait de ces nouvelles voies de
communication, merveilleux résultats de l'intelligence, qui, en
supprimant les distances, pour ainsi dire, rapprochent les hommes
et les choses, et sont l'instrument de la richesse et de la civilisa-
— 151 —
tion, et tout le pathos qu'on peut l'aire à cotte occasion. Peu s'en
faut que les imbéciles et les niais ne se croient obligés d'élever des
statues à ces bienfaiteurs du pays, qui consacrent à son service
leur temps et leur argent, ne se réservant d'autres avantages que
ceux qu'ils offrent à tout souscripteur d'action.
« Hypocrisie ! Le traité avec l'entrepreneur ou les entrepreneurs
est le Pactole où vont se désaltérer les fondateurs-organisateurs;
tout épuisés de leurs patriotiques efforts, de leur bienfaisance sans
bornes, de leur désintéressement à toute épreuve.
« La remise faite par l'entrepreneur général aux fondateurs va
ordinairement à dix pour cent du capital à dépenser pour l'établis-
sement du chemin. Ainsi, supposons qu'il s'agisse d'une ligne qui
doive coûter 60 millions, c'est une somme de 6 millions que l'en-
trepreneur met à la disposition des fondateurs, et qu'ils ont <à se
partHger entre eux, après s'être tenu mutuellement compte des
dépenses et avances de toutes sortes qu'ils ont di^i faire jusque-là
pour mener à bien l'entreprise.
« Dans ce système le bénéfice des fondateurs est certain, chiffré
d'avance, connu et réalisé, avant qu'il soit possible de déierminer
par expérience la valeur vraie de 1 allaire par le montant de ses
produits. »
Si l'assertion de l'auteur est exacte quant au dix pour
cent, sur une somme de 3 milliards engagée dans les chemins
de fer français par les compagnies et |)ar l'État, le pot-de-
vin partagé entre les fondateurs, une centaine d'individus
au plus, serait de 300 millions. Qu'en pensent les action-
naires?— Rien, sinon qu'ils voudraient bien devenir fonda-
teurs eux-mêmes.
C'est déjà une triste société que celle où le voyageur est
forcé de traiter avec les brigands! Mais croit-on qu'avec le
système des coupons de fondation et d'une part dans les bé-
néfices, ces messieurs renonceraient aux profits des traités
d'entrepreneurs? Souvent les administrateurs font mieux
encore : ils se partagent les entreprises de terrassements, de
travaux d'art, les fournitures de rails, de traverses, de voi-
tures, de combustible, etc., traitant ainsi avec eux-mêmes
des conditions de prix et de qualité.
Et ce qui se passe dans les compagnies de chemins de fer
a lieu dans toutes les sociétés anonymes ou en commandite :
— l.)2 —
nous défions qu'on en cite une seule dont les fondateurs,
administrateurs, directeurs, gérants, osent jurer qu'ils sont
purs de toute opération équivoque.
(lommont, nous ne cesserons de le dire, en serait-il autre-
ment, quand l'état des mœurs, (juaiid les délinitions de la
loi, qiuuid les théories de la science ouvrent la porte à
toutes les malversations, par cela même les excusent, les
autorisent?
Déj I nous avons vu de (|uellc manière un fondateur de so-
ciété pouvait, le plus légalement, bien mieux, le plus loya-
lement (\[\ monde, entraîner des millii rs d'actionnaires dans
une enircprise où ils perdraient tous, à la fin, 30 0/0 de
leur capital, pendant que lui-même et les siens réaliseraient
un bénéfice de 70 0/0.
Il en est de même pour les remises et fournitures.
Où est la loi, le principe, soit d'économie, soit de morale,
qui interdise à un administrateur, à un membre du conseil
de surveillance, à un gérant, de faire à sa compagnie la four-
niture des objets dont elle a besoin? Cela est tellement dans
la nature des choses, tellement rationnel, qu'il se voit des
sociétés formées tout exprès entre banquiers, industriels,
marchands, commissioimaires, propriétan'es,etc., à fin d'as-
suier à chacun d'eux le placement de ses marchandises et
produits.
Or, si je puis être vendeur envers ma compagnie, j'ai
droit à un bénéfice sur ma vente. Quelle loi viendra limiter
ce bénéfice? Aucune : donc, etc.
De môme, si je puis être vendeur de mes produits, je puis
l'être encore des marchandises que j'ai achetées à mes ris-
ques personnels pour les revendre. Ici encore j'ai droit à un
bénéfice ou remise : donc, etc.
De ce principe, en soi irréfutable, nonobstant toutes res-
trictions et modifications particulières, la mauvaise con-
science se prévalant de l'insolidiuité fondamentale qui gou-
verne la société et toutes les transactions qui s'y opèrent,
saura bien tirer toutes les interprétations et conséquences
qui, dans un cas donné, la justifient ; et une fois le chapitre
des inlerprétalions entamé, elle ne gardera plus de mesure,
— LVÎ —
et marchera à pas de géant dans rinfidélilé, la concnssioii,
le vol.
La sociélé des chennins de fer autrichiens a adopté le
système piéconisé par M. Deplanqiie : 10 0/0 sur les béné-
fices nets anx fondalenrs, des jelons de présence et une
quote-part dans les prolils aux administrateurs. Nous allons
voir comment, par un plan de capitalisaiion, ces messieurs
prétendent réaliser inwnédiaicment, au [irix d'iuie vingtaine
de millions, des éventualités de profit dont Texpérience n'a
point encore dit rmiportance,et dont léchéance en tous cas
serait réj)arliepar annuités sur 92 ans. Laissons parler le
Journal des (^hf^mins de fer j qui ne se pique pas de pruderie
en pareille matière.
« Nous sommes convaincu que la nioralisation de l'industrie et
de l'association tient essentiellement à la corrélation intime d'in-
tér.'ts entre les actionnaires, les t'onJateurs et les administrateurs.
Toutefois, comme com[>lément de notre pensée, il faut admettre
que lorsque les fomlatcurs d'une entreprise ont stipulé en leur
faveui- des avantages importants, ils doivent s'en contenter, et ne
pas y ajouter le hénélice de pr.mes prélevées sur le public.
« Ceci dit, nous revenons à la capitalisation des parts de fonda-
teurs. Le prélèvement en leur faveur est de 10 0/0 du re\enu, dé-
falcation laite de l'intérêt des obligations et du capital social. Mais
comme il n'a été appelé, en ISo^î, qu'une partie du capital néces-
saire, le montant des intérêts à solder a été insignifiant, et pres-
que tout le proiiuit a été employé à former le dividende, sur
lequel les fondateurs ont prélevé les 10 0/0 qui leur ont été attri-
bués Ce dividende, livé à 'il fr. par action, a formé une somme
de9,()00,OUO fr., et par conséquent les fondateurs ont dû préle-
ver pour isrio un bén^lice de OiiO.OOO fr. à 1 million.
« C'est sous l'empiie de ce bénélice que les fondateurs ont voulu
capitaliser leurs parts, et qu'il a été créé à leur profit -44,4. i4 ac-
tions nouvedes, dont la [irime, de 400 à 430 fr. par action, leur
assure un b'uélice personnel de tS à 20 millions, qu'il n'a tenu
qu'à eux de réaliser, même avant l'assemblée générale, sur la dé-
cision de latjnelle ils pouvaient compter. »
Et pourquoi ne réaliseraicnt-il pas? Y a-t-il un seul ac-
tioiiiiaire (pli no leur envie ce bonheur! Aussi l'assemblées
générale a sanctionné cette combinaison par 1781 voix
9.
— 154 —
contre 58, la stupidité des actionnaires ne manquant jamais
de se montrer à la hauteur de l'effronterie des directeurs. Si
l'affaire n'aboutit pas, ce sera jiar suite du refus de l'empe-
reur d'Autriche d"y donner son approbation.
Le Journal des Chemins de fer dit encore à ce sujet :
Le système de la capitalisation des parts de fondateurs n'est pas
absolument nouveau : il a déjà été pratiqué en France, dans la
Société du chemin de fer de Saint-Germain. Mais du moins ce n'é-
tait pas à l'origine de la Société, quelques mois après l'organisa-
tion, avant l'achèvement de la ligne, ni enliii avant que le capital
social eût été réalisé.
« Du reste, le motif essentiel qui nous porte à considérer ce
système comme défavorable aux véritables intérêts des sociétés
industrielles, c'est qu'il rompt le lien entre les actionnaires et les
fondateurs, et qu'ainsi le principe constitutif de l'association est
vicié. «
Il s'agit vraiment bien d'association etdelien d'intérêts!
L'affaire des fondateurs-administrateurs est de /a^îcer l'en-
treprise, d'escompter en quelques mois ce qu'elle peut rendre
en un siècle, ce qu'elle ne rendra peut-être jamais; puis do
courir à une nouvelle curée. Et tout le monde de dire : J'en
ferais autant!
Toutes les actions ne présentent pas aux spéculateurs-
fondateurs la ressource des marchés d'entrepreneurs, ou
des réalisations immédiates, il fallait trouver une nouvelle
rubrique : clic ne tarda pas à se produire, ce fut la vente à
prime des actions.
« La société étant formée, les fondateurs se réservent le plus
grand nombre d'actions. Celles qui sont délivrées aux souscrip-
teurs ne doivent servir qu'à faire connaître le titre sur la place.
Les moyens de |)ublicité sont cependant disposés comme s'il s'agis-
sait de placer d'abord tout le capital, souvent mêMue il suffirait
à un placement double ou triple : c'est ce qu'on appelle lancer l'af-
faire. Les demandes viennent de toutes parts; plusellessont abon-
dantes, mieux l'affaire se dessine. Cependant les fond;iteurs, consti-
tués de fait en société particulière, sous le nom ûesi/ndicnt, mettent
à part les actions qu'ils se réservent, l'ont une répartition des ac-
tions disponibles au prorata des demandes, de telle sorte que celui
— 15.') —
qui en a demandt' doux cents en obtient vingt, ce qui terni dijù à
produire un excellent ell'et. De leur côté, les acheteurs, qui, il i'aul
bien le dire, sont toujours complices du tour qu'on leur joue,
s'empressent de demander plus de litres qu'ils n'ont réellement le
désir d'en avoir; mais afin d'obtenir à peu près ce qu'ils désirent,
ils enflent ainsi leur demande : ce qui. donne lieu de publier, ce
qui se trouve vrai, que les demandes ont été aux actions dis[)oni-
bles comme dix, vingt ionthun. Nouveau mouvement de recherche.
« Alors les fondateurs écrivent aux souscripteurs pour leur faire
connaître le nombre d'actions mis à leur disposition. Ce sont ces
lettres qu'on ap\)e\\e promesses d'actions.
« Aussitôt parties, elles deviennent un sujet de transaction. On
les vend, on les achète, c'est-à-dire que, moyennant une différence
qu'on paye comptant au bienheureux, porteur, on se met en ses
lieu et place, et qu'on lève les actions contre leur capital nominal
lors de leur émission.
« Il arrive très-souvent que l'on n'attend pas ces lettres pour opé-
rer sur les actions des sociétés nouvelles, et qui ne sont pas encore
nées. On trouve beaucoup de gens pour vendre à découvert,
moyennant une prime, les titres à livrer k l'émission.
« Cependant les fondateurs soutiennent ces transactions en ro-
chetant bonne partie de ces lettres : ce qui en augmente la valeur
de moment en moment.
« Enfin l'émission est annoncée : les titres commencent <à pa-
raître sur la place; des ventes et des achats faits à propos sur ces
titres, qui sont encore en petit nombre, en élèvent les cours à des
taux fabuleux. C'est alors que les fondateurs s'empressent de réa-
liser les actions réservées, par petite partie, par des ventes au
comptant, tandis qu'ils maintiennent les cours par des achats de
primes à de forts écarts, primes qu'ils abandonnent en tempsutile;
c'est alors que tout est mis en œuvre pour donner les plus belles
espérances de l'entreprise. » {Almunacli de la Bourse de 18jG.)
1.0 rapport du conseil d'administralion du chemin de fer
du Nord, en 1846, relève les cliidVes suivants:
« Du 28 octobre 18io au 31 janvier 1846, il a été transféré
571,741 actions, c'est-à-dire un nombre égal à une fois et demie
le nombre total des actions émises.
« Ces transferts ont |)résenté celle circonstance fiivorable, que
les actions, en se classant, se sont coiislamment divisées, et que,
pour la même (piainilé d'actions vendues, le nombre des ache-
teurs a étt; régulièrement deux fois plus considérable que celui
— 15G —
des vendeurs. Ainsi les 571,741 actions translérées ont été ven-
dues par 8,88 i personnes, et achetées par 17,469 actionnaires
nouveaux.
« Les 400,000 notions étaient, au .'^1 janvier 1846, possédées
par 18,000 actionnaires : ce qui représente moyennement 22 ac-
tions par chatiue titulaire. »
Il est aisé de faire compte de celle opération. Le nombre
des actions du Nord estde 4C0,000, émises au pair de 500 fr.
(liquidées plus tarda 400); elles se vendaient, fin janvier
1846, an cours de 755 fr. ; on n'avait encore fait qu'un 'ver-
.sement de 125 fr. FHiisqu'il avait été transféré 571,741 ac-
tions, c'est que la piime de 255 fr. par clia(|ue titre avait été
léparlie entre plusieurs acquéreurs ayant acheté et vendu à
des taux divers entre le pair et 755. Quant aux premiers
souscripteurs, la haute finance et ses protégés, accapareurs
de toutes les actions au pair, voici la faculté de bénéfice brut
qui leur était réservée :
Le premier versement de 125 fr. constituait un déboursé ®
de 50 millions: "^
L'encaissement de la prime de 255 fr. réalisait un béné-
fice de 102 millions. A défalquer les dépenses pour manœu-
vres ci-dessus décrites, ménwire.
En d'autres termes, les 17,469 actionnaires nouveaux
achetaient aux écumeuis, moyennant la somme de 102 mil-
lions, non pas l'action portant dividende, mais le droit de
continuer les versements ultérieurs. En 1850, c'esl-à-dire
cinq ans après, les actions du Nord ne louchaient encore
que 24 fr. de dividende, intéiêls compris, c'est-à-dire 6 0/0
du capital versé de 400 fr.
I^'opération que nous venons de citer s'est répétée et se
répète encore dans toutes les compagnies possibles. La cer-
Utude qu'ont les financiers de faire primer les actions avant
un second versement leur permet, avec 125,000 fr. do dis-
ponibles, d'en souscrire 500,000, de loucherl'agiosur 100,000
actions au lieu de 25,000, enfin de gagner en trois mois
102 millions avec 50, plus ou moins, quel que soit l'avenir
de la compagnie.
A cela que peut-oji trouver à redire?
^
I.es actions ont été imaginées pour être vendues apparem-
ment et entrer dans la circulation. Les prospectus sont faits
ausFi pour donner au public connaissance des entreprises,
montrer leurs avantaj^es, calculer les prohabilités du rende-
ment. Quant à la vente et au rachat des actions par les com-
pagnies, soit par leurs conseils d'administration, qui peut
leur faire un crime, d'abord, dans un cas de baisse excessive,
de racheter leurs actions dépréciées, par ce moyen de déjouer
la malveillance et de soutenir leur crédit; puis, quand la
liausse est revenue, quand le public est remis de sa panique,
de porter de nouveau les actions sur le marché?
Nous voudrions savoir ce qu'un casuisle, non de l'école re-
lâchée dEscobar, mais de Técole sévère de Port-Royal,
consulté sur ces manœuvres de Tagiotafïo anonyme et en
commandite, répondrait à cela?
Enfants, dirait-il, vous ne voyez pas que toutes vos
transactions, vos contrats, vos promesses, vos obligations,
sont primées elles-mêmes par une cause dont la fatalité vous
entraine, bon gré malgré, dans la prévarication; c'est votre
condition d"anlagoni>me légal, c"e>t cette insolidarité orga-
nique, suprême, qui fait la base exprimée ou sous-entendue
de tous vos contrats, et en faveur de laquelle ceux-ci doivent
s'inler|)réter toujours. A la place de l'état de guerre, qui
fait l'âme de votre droit, commencez par poser en principe
la mutualité universelle; et vous pourrez ensuite parler de
justice, vous aurez vaincu le péché d'origine.
Qui veut la fin veut les moyens. Si la vente des actions
à pruTic est de droit, sera-l-il défendu au vendeur de faire
valoir par les moyens ordinaires du commerce, ses litres,
qui sont sa marchandiseï
La question touche à la niaiserie. Mais, comme l'erreui-
commise de bonne foi dans la mise en valeur d'un capital et
la fondation d'une entreprise n'est pas imputable, nous al-
lons voir les comptes rendus hebdomadaires et annuels des
sociétés donner carrier e à des abus, à des escro(preiies ef-
froyables.
w Beaucoup de conipagriies s'eflorcerit ù tout prix de développer
leurs i-ecettes. Ce sentiment est louable; mais il ne doit pas êti-c
— 158 —
satislait aux dépens des actionnaires. Dès qu'il y a perte sur les
nouveaux transports, la prospérrté apparente qui semble ressortir
de l'augmentation des produits nVst qu'une illusion qui peut trom-
per le vulgaire et servir des spéculations de Bourse, mais cette illu-
sion ne tarde pas à faire place à la réalité, qui se résume, au bout
du semestre, en une réduction des produits nets, c'est-à-dire des
revenus des actionnaires. » {Journal des Chemins de fer.)
Il résulte du compte rendu de rexploitation en 1854 que
les combustibles minéraux ont été transportés, sur la ligne
du Nord, au prix moyen de 3 c. 725, savoir : la houille à
3 c. 68, le coke à 3 c. 77.
Est-il possible que la Compagnie couvre ses frais à un taux
aussi bas? Les éléments nous manquent pour résoudre la
question ; voici seulement ce que nous en savons.
Lorsque le gouvernement imposa aux compagnies le tarif
de 5 c. par tonne et kilomètre pour le transport des céréales
pendant la cherté, tontes s'empressèrent de déclarer qu'elles
étaient trop heureuses de venir, par un sacrifice, en aide à
l'alimentation publicjue.
«A ce propos, le journal la Presse prétendit que les compa-
gnies pouvaient effectuer sans perte le transport des céréales à
3 centimes, parce que les frais pour le chemin du Nord, par exem-
ple, ne revenaient qu'à 2 cent. 70.
« Le Journal des Cliemins de fer répondit avec raison que la dé-
pense représentée par ce chill're ne se composait que des frais
d'administration, d'exploitation, traction et entretien du matériel,
de la voie et des bâtiments; mais qu'il n'y était rien compté pour
l'intérêt du capital employé à l'établissement du chemin et à l'ac-
quisition du matériel, rien pour le renouvellement de ce qui doit
être remplacé, rien encore pour l'amortissement de ce qui doit être
abandonné gratuitement à l'titat à la fin de la concession.
« Le Journal des Chemins de fer établit ensuite que le prix de
revient réel, au chemin du Nord, est de 5 cent. 49 par tonne kilo-
métrique; il conclut que les compagnies, en transportant les
céréales à 5 centimes, ïonl un vérUable sacrifice (1). »
( I ) Des Réformes à opérer dam l'Exploitation des Cliemins de fer, page 94.
Paiis, 1855, (jariiier frères.— S'il éUiit pennis à un aiileiir de s'appeler
lui-même en lémoijrnage, nous nous bornerions à indiquer ici le lilre de
ce livre, que nous aurons plus d'une fois encore l'occasion de citer dans le
cours du présent tManuet. Mais la vérité nous olilii;e à reconnaître une pa-
lernilé, qui ne fui d'ailleurs jamais un secret, l^e leclcur appi'éciera.
— 159 —
Pourtant les céréales ne sont ni plus ni moins encom-
brantes que la houille. Mais il faut grossir la recette brute à
tout prix , même au détriment du produit net.
Veut-on savoir quelle est Timportancc du mouvement des
combustibles minéraux sur la ligne du Nord : voici les chif-
fres de Texercice 1854 :
Tonnes. Produit. Tonnes à 1 kilom.
Houille. . . 442,787 2,8I9,3G7 7G,(;22,OG3
Coke. ... 151, 1:35 1,4G9,355 39,001,524
Enspinlilc . 693,922 4,288,722 115,G23,587
Les résultats de 1855 sont plus considérables encore : le
tarif s'est abaissé à 3 c. 67 pour la houille , 3 c. 51 pour le
coke -, moyenne, 3 c. 59.
Trafic en 1855 :
Tonnes. Produit. Tonnes à ^ kilom.
Houille. . . 651, G70 4,312,618 117,379,676
Coke. ... 171,591 1,614,824 46,046,163
Ensemble . 823,261 5,928,442 163,425,839
Nous avons de graves raisons de considérer le chiffre de
5 c. 49 comme étant le vrai prix de revient, indépendam-
ment des raisons alléguées par le rédacteur de Tarticle
précité :
1° Parce que c'est, à 2 millièmes près, le tarif perçu par
les lignes du Gard et de la Méditerranée ;
2° Parce que les wagons à charbon de terre s'en retournent
à vide, faisant ainsi double parcours pour une seule recelte.
La différence entre ce chiffre et les tarifs appliqués sur la
ligne du Nord constitue , sur l'exercice 1854 , un défjcit de
2 millions, et sur celui de 1855, de 3 millions, dont profilent
les marchands de houille au détriment de la Compagnie.
Et maintenant liions la conséquence de ce calcul :
D'un côté .^L de llolbschild et ses collègues de l'adminis-
tration du Nord, arbitres des tarifs, en même temps proprié-
taires de charbonnages belges ou français, circulant sur la
ligne qu'ils administrent, se trouvent , comme expéditeurs
de matières transportables, dans le cas de recevoir leur part
des deux ou trois millions de remise qu'ils font si libéra-
— IfiO —
leinent en une seule année , en leur qualité de directeurs de
la compagnie de transport : situation impossible, dont nous
ne douions pas que ne sache triompher leur délicatesse ;
D'autre part, il est indubilahle que leur but a élc, en ou-
tre, d'écraser la concurrence de la voie navigable, en même
temps de faire valoir leur ligne par une augmentation à tout
prix dn tralic, conséquemmcnl de soutenir artifieiellement
la hausse des actions : tous motifs qu'une saine morale ré-
prouve, mais(|ue, dans Télat actuel des choses, la conscience
publique tolère, et qui ne seront reprochés par persotuie.
En toute hypothèse , n'est-il pas claii' que MM. de Roth-
schild et consorts ont entre les mains les moyens, ici de bé-
néficier aux dépens du tiers et du quart, là de jouer à coup
sûr, et que s'ils n'en usent pas, c'est pure et gratuite vertu
de leur part, pitié [tour l'imbécillité publique?
C'est encore M. Mirés (pii signale les fraiulcs suivantes,
dans un article intitulé : Conseils aux actionnaires :
« Parfois les administrateurs, ceux des compagnies pauvres sur-
tout, clierclient à [trolunger l'MIusion produite par un accroisse-
ment de recettes obtenu à force de réductions sur les tarifs, en
ajournant ou réduisant les dépenses nécessiiires pour le hou entre-
tien de la voie et du matériel. (]e système est funeste à l;i fortune
des compagnies. Les ménagères ont coutume de dire qu'un point
de reprise fait à propos en épargne neuf plus tard. Cette maxime
est tout aussi juste pour l'entretien des chemins de fer que pour
celui des viedles jupes. Un chemin, mal ou insufdsamment entre-
tenu, détruit rapidement le matériel et se détériore lui-même
au point d'exiger, au bout de peu d'années, un renouvellement
presque complet de ses parties essentielles. Le dommage est plus
grand encore pour le matériel roulant. Non-seulement il perd de
sa valeur comme capital, mais il cesse de rendre les services pour
lesquels il a été construit. Une machine mal entretenue perd de
sa puissance motrice ; il ne faut que quelques mois de négligence
et d'abandon pour réduire deTiO 0/0 son ell'cl utile : de telle sorte
(|ue, pour avoir voidu éconouiiscr quelques centaines de francs,
on se trouve bientôt dans la ni'cessité d'employer deux machines
au lieu d'une pour obtenir le même résultat.
<< La propriété de la conqtaLnie ne subit donc pas seulement
une perte consiilérable sur son capital; mais l'exploiiation devient
en délinitive plus coûteuse, avec ce système de fausse économie.
— IGI —
que si les dépenses d'un entrelien complet eussent été laites en
temps opportun. »
« Un point important, c'est la clôture définitive du Compte de
Capital. Dans beaucoup de compaiinies, ce compte est resté ouvert
en permanence , bien que l'établissement des chemins de fer
qu'elles exploitent soit terminé depuis longtemps. Ce système de
comptabilité permet aux administrateurs d'imputer continuelle-
ment sur le Compte de Capital toutes les dépenses d'amélioration
que les progrès de la science et les développements du trafic font
successivement juger nécessaires. On ne se borne même pas là :
certaines dépenses d'entretien , qui devraient rester au débit du
Comjite d'Exploitation, en' sont distraites et ajoutées au capital,
alin de permettre des distributions de dividendes qui entretiennent
la coniiance des actionnaires et trompent le public sur la valeur
des pntreprises. On ne saurait condamner trop sévèrement de pa-
reilles opérations, et réclamer avec trop d'insistance la clôture
délinitive du Compte de Capital. La facilité avec laquelle les
grandes compagnies trouvent de l'argent, au moyen d'emprunts
privilégiés dont le service prime le payement de tout intérêt aux
actionnaires, est la source du mal (l). »
C'est le cas de toutes les compagnies de chcnains de fer
sans GNceptioii. Le renonvellemput des rails et des traverses ,
sur les lignes d'Orléans et du Nord , est imputé, en tout ou
en partie, au Compte de premier Elablissement ^ exécuté à
l'aide d'emprunts : parce que sur les Comptes d'Exploita-
tion anlérieuvs, on n"a pas fait de réserve; parce qu'on a
distribué le bénétice brut au lieu du produit net ; parce qu'il
fallait pousser à la bausse par de gros dividendes, atiu de
donner aux fondateurs-écumeurs le moyen de tripler leur
mise de fonds.
Nous passons sous silence les intrigues, les fraudes et
mystifications de toute espèce qui se pratiquent tant dans
les administrations des compagnies, que dans les comptes
rendus et la tenue des assemblées elles-mêmes.
« La masse du public, dit la Revue d'Edimbourg, qui ne jette
jamais les yeux sur un journal de chemin de fer, et qui a soin de
(1^ Voir encore, sur le mi^me sujirl. rotivraj,'e cité plus liant, Des Ré-
formes à opérer dans l Exploiuiiioii des Chemins de fer, passiin.
— 162 —
sauterdans les t'euillesquotidiennes, le compte rendudcs assemblées
d'actionnaires, se figure que toutes les iniquités dont elle entend
parler de temps à autre sont des exceptions, qui se rattachent aux
spéculations l'antastiques d'une époque de lièvre, qui passe comme
toutes les crises. On se refuse à croire que les grands capitalistes
et les personnages influents qui administrent les affaires des com-
pagnies soient capables de s'enrichir indirectement aux dépens de
leurs constituants.
Une histoire secrète des compagnies détromperait vite les âmes
simples. On apprendrait comment, naguère encore, dans telle com-
pagnie, les directeurs se partagèrent entre eux 15,000 actions nou-
velles qui se vendaient alors avec prime ; comment ils se servirent
des fonds de la compagnie pour payer les à-compte dus sur ces
actions, et comment l'un d'eux puisa ainsi dans la caisse com-
mune Jusqu'à concurrence de plus de 80,000 livres sterl. (2 mil-
lions de francs). On saurait comment, dans une autre, un demi
million sterling se trouvait porté sous des noms fictifs; comment,
dans une troisième, les directeurs achetaient en compte plus d'ac-
tions qu'ils n'en avaient émis; comment, dans plusieurs, ils rache-
taient pour la compagnie leurs propres actions, se payant eux-
mêmes avec l'argent des actionnaires. On apprendrait que des
directeurs, alors que l'intérêt de l'argent est à un taux élevé,
contractent à un taux inférieur des emprunts pour leur propre
compte sur les balances flottantes que la compagnie a chez des
banquiers; que d'autres encore se payent des salaires supérieurs à
ceux (|ui ont été fixés, dissimulant la difl"érence sous la dénomi-
nation de frais divers dans un coin otecur du grand livre. On trou-
verait que dans certains cas les procurations à l'aide desquelles
on a pu enlever des mesures contestées avaient été obtenues au
moyen d'exposés inexacts, et qu'il a été fait usage de procura-
tions spéciales pour des alfaires autres que celles pour lesquelles
elles ont été données Les directeurs d'une compagnie seraient
convaincus d'avoir fait passer certaines résolutions au moyen
d'actions privilégiées mises sous le nom de chefs de station, d'avoir
fait compter comme valables des procurations émanées des enfants
du secrétaire, trop jeunes pour écrire, etc., etc.
Nous n'avons pas l'honneur de l'invention, comme on
peut voir : mais il faut avouer que pour la contrefaçon nous
n'avons pas nos pareils.
— 163 —
§ ri. r.ORRLPTIOX DES MŒURS PUBLIQUES PAR LA BOURSE.
Que le gouvernemenl fasse des lois contre les associations,
les réunions, les attroupements ; qu'il interdise à la presse
la discussion de ses acles; qu'il prévienne et réprime., par
des avertissements officieux et officiels , jusqu'aux velléités
d'opposition; qu'il prétende dominer ce qu'il y a de plus
indomptable, Topinion, et donner le mot d'ordre à l'esprit
public comme à ses préfets : il ne peut empêcher que chaque
jour, à heure fixe, au centre de Paris, trois ou quatre mille
individus, ardents, turbulents, passionnés, se réunissent en
unesorle de club où se débattent les plus hautes questions
de la politique et de l'économie, la protection et le libre
échange, la paix et la guerre, la confiance et la crise. Le
canon de la victoire annonce un jour à la France impatiente
que son drapeau flotte sur les remparts de l'ennemi. Le
peuple crie hurra! lEmiure est dans l'ivresse. Les habita-
tions se pavoisent et s'illuminent; les spéculateurs, chacun
chez eux, prennent part à l'allégresse générale. Mais le len-
demain, un vote improbateur du club, — la baisse, — vient
signifier au vainqueur que le monde des affaires n'a point
à se réjouir des succès d'une guerre entreprise sans son
aveu, et rappeler à César triomphant qu'il n'est rien de
plus que le premier actionnaire de l'État, primus inter pa-
res. La Bourse ne connaît pas de dictateur.
C'est que ces trois ou quatre mille clubistes représentent
quatre ou cinq cent mille Français répandus sur tous les
points du territoire, vérifable cohue, au premier aspect ,
vaste pandémonium où se coudoient laquais et grands sei-
gneurs, où les princes de la finance tripotent et trafiquent
avec leurs frotteurs et leurs portiers. Mais si l'on considère
les puissants intérêts qui s'agitent dans cette assemblée ,
dette de l'État et des communes, banques et institutions de
crédit, canaux et chemins de fer, navigation fluviale et ma-
ritime, assurances, mines, forges, filatures, raffineries,
usines, biens meubles et immeubles, on peut dire que l'élite
de la nation, le paijs légal, comme on l'appelait sous le der-
— 164 —
nier roi, se trouve à la Boursu. Les principes qui régissent la
société, son es|)rit, sa conscience , ses idées sur le jusie et
l'injuste, viennent se résumer ilans ce sommaire. La Bourse
est le pouls que doit palper le palhologiste afin de diai^nos-
tiqner l'état moral du pays. Là tout ce qui peut être robjet
d'une appréciation esi rcprésiMité : richesse matérielle et ri-
chesse immalérielle, comne disait S ly ; le génie des savants
et l'habileté! des industrieux; la probilé du citoyen et l'hon-
nêteté du gouvernement ; le patriotisme et le droit des gens ;
la vei tu et. les intérêts.
Eh bien! telle est maintenant la question que le pays se
pose : Y a-t-il quelqu'un en France qui croie encore à la
justice et à l'honneur? Sommes-nous tous gangrenés, ou
resle-t-il quelques âmes saines? Que l'oracle réponde. La
consultation est des plus graves-, ne dédaignons aucun
symptôme...
Nous voilà loin des discussions casuistiques sur Finno-
cuité ou l'immoralité du jeu. Les 80 millions d(! droits de
courtage des agents de change, les 50 à 60 millions néces-
sités par les reports à chaque liquidation, les centaines de
millions engagés comme conveitutes et payements de diffé-
rences sur des transactions llctives: toute cette afflucnce de
capitaux détournés de l'agricidture, du commerce et de l'in-
dustrie; le dcgoùl des aflaires sérifuses . la fièvre du gain
illicite, aléatoire, ayant |)Our corollaire la ruine des familles,
sont les moindres des crimes de l'agiotage. Le vol , la con-
cussion, la malversation, l'escroquerie, l'abus de confiance,
font p irtie intégrante de ses moyeu'^, de ses mœurs.
Que lesjournaux, clients de la fi'odalitéboui'sière, viennent
encore bercer le |)ublic de démocratisation du crédit, par le
morcellement des valeurs mobilières, la répartition des litres
négociables entre des millions de propriétaires : on sait ce
que c'est que l'actionnaire,- la vache à lait du financier.
Quand une compagnie parle de dédoubler ses actions, c'est
qu'elle a absorbé tout le disponible dans une certaine classe
de fortunes, et qu'elle éprouve le besoin d'aller faire le vide
dans les plus petites bourses.
Depuis six ans il s'est édifié des fortunes de dix, quinze,
— 165 —
vingt et quarante millions ; tel père de lann'lle conslitiic à
sa fille dix millions de dot. l/ancienne église s;iinl-siino-
nienne, à elle seule, a fait razzia, dit l'Envie, d'un demi-
milliard. D'immenses domaines , en France, en Algérie, lui
appartiennent ; des parcs, des ch;\leaux, des latifundia^
avec le cheptel baillé par l'État. Devait-on moins à ces ini-
tiateurs du crédit démocratisé?...
Tout ce qui repiéseiite un principe , une idée, un scnli-
menl, tout ce que la France a aime ou haï avec passion, la
religion, la légitimité, lempire, l'orléanisme, la république,
est rejeté sur le second plan. C'est la cote des fonds qui
gouverne, qui impose la paix, la non-inteivention , qui
adresse des remonlrances à JNaples, des conseils de modéra-
tion au Piémont. C'est pour elle que nos plus belles lignes,
Paris - Strasbourg , Orléans- Boideaux , Tours- Nantes, le
Centre, Versailles- Rennes , construites par l'État et afïer-
mées d'abord à moins de cinquante ans, ont été aliénées
pour qualre-vingl-dix-neuf ans ; que des subventions sont ac-
cordées pour être esiomplées en une Bourse. Déjà la société
a mis la main sur la propriété bâtie; ses journaux préparent
l'expropriation du cultivateur, sous prétexte d'ignorance et
de routine. (( Nous allons tomber dans la culture maraî-
chère, «disent-ils. Dans l'intérêt de l'alinientation publique,
dans l'intérêt même du colon, il faut cx|iiopr;rr le paysan,
reconstruire les grands tiefs, envoyer aux colonies les bras
disponibles, les boni lies inutiles. Le jésuitisme et Venfanti-
nisme sont unanimes sur ce point. IJ Univers religieux y
met une franchise compromettante; les saint-simoniens
voudraient se couvrir du masque de l'intérêt public : voilà
le secret de leurs querelles. •
Des projets circulent à faire bondir de joie les régénéra-
teurs de certaine école. On parle d'une compagnie qui de-
mandeiait la concession de tous les docks à construire en
France, qui serait commanditée de deux milliards par la
Banque, alin d'acheter tous les produits de l'agriculture, qui
ferait l'escompte aux petits commerçants et créerait, sur
leurs produits, des billets à rente dont ils payeraietit l'inté-
rêt. Le génie de l'école a tiré des valeurs en actions ce qu'elles
— 166 —
pouvaient rendre: les valeurs en immeubles suivent le mou-
vement : reste à attaquer les valeurs en produits.
Où s'arrêteront ces envahissements? « ces créations anormales
et presque monstrueuses de l'esprit des affaires, non-seulement
porté à sa plus haute puissance, mais encore s'élançant bien au
delà des limites permises; — créations innommées, qui, entrepre-
nant sur la fortune acquise ou sur l'industrie honnête du prochain,
ont pour résultat de jeter le plus grand nombre hors de ses voies,
et trop souvent dans la misère, tandis qu'en haut de l'abîme où il
est tombé, quelques-uns parmi les habiles de ceux-là à qui il -
faut à tout prix des millions et encore des millions, auront, par
ces spéculations échevelées, trouvé moyen d'accaparer à leur pro-
fit toutes les jouissances; — créalioiTs que le vulgaire contemple et
admire, bouche béante, comme un résuUat prodigieux de l'intelli-
gence des atTaires, comme un signe visible du progrès, tandis
qu'examinées, analysées par la raison et la réflexion, elles ne sont
guère qu'un retour à l'état barbare en fait d'industrie; que le
symptôme alarmant d'une décadence réelle et prochaine; que la
survenance morbifique d'une sorte de chancre financier qui finira
par ronger le corps social, par l'exténuer, pour le profit de quel-
ques-uns, au grand dommage de l'intérêt de tous; créations pom-
peusement appelées économiques, qui, commençant par l'abus de
la liberté de concurrence, finissent par le scnndale du monopole;
— sortes de coalitions qui défient et affrontent la loi en se pla-
çant audacieusement sous son égide, et qui Uniront par réduire
l'exploitation de l'industrie de ce noble pays de France à un vaste
pachalik, où il n'y aura plus que quelques despotes régnant sur
un peuple d'esclaves. » (Des Fusions et des grandes Com[jagnies
de chemins de fer, par Jules Mareschal, ancien directeur de la
Liste civile.)
Ce qui vient de la flùtc s'en va au tambour, dit le pro-
verbe. Les excentricités du luxe, la débauche somptueuse,
le vice doré, Forgie aux Cinq cent mille francs de rente, la
prostitution sous Tor et la soie, sont la conséquence de for-
lunes faites sans travail, au milieu des rapines. La lille en-
tretenue a conquis une importance correspondante au dé-
veloppement de la spéculation déshonnète; cest une classe
dans la société, ayant, comme Tantique noblesse, son fau-
bourg, son monde, ses réceptions. La femme du monde riva-
lise avec elle de folies et d'extravagances. Qu'csl-co que le
— 167 —
mariage, après tout, dans l'aristocratie bourgeoise? Un con-
trat dalfaires, une commandite à deux , où les parts sont ré-,
glées comme dans toute société de commerce. La fille dotée
n'entend pas s'en tenir aux modestes revenus de son patri-
moine ; le mari pour elle n'est qu'un agent chargé de tirer
de ses capitaux le plus fort revenu possible, une sorte d'en-
tretencur légal, condamné à satisfaire les ruineux caprices
de sa moitié. La lilléralure, le théâtre, malgré ses ridicules
sermons en trois ou cinq actes, suent la crapule et l'obcé-
nité; les prix de vertu ne trouvent plus de lauréats. Voulez-
vous que les écrivains aillent chercher des pastorales d'un
autre âge? Us observent, ils décrivent, ils [ihotographient
leur entourage; le coUodion dessine des monstres, des che-
napans et des catins. Puis ou crie à l'immoralité de Fart. '<. Le
« beau , dit Hégcl, c'est l'identité de l'idée et de la forme. »
Cependant que font les grands pouvoirs de la société,
l'Ordre judiciaire, l'Université, l'Église?
Nos gens de lois, confinés dans leur droit romain , replâ-
tré il y a cinquante ans sous le nom de Code civil, s'isolent
de plus en plus du mouvement. Les chapitres de la vente,
de la donation, de la servitside, de l'hypothèque, de la près,
cri pi ion , sont toujours à leurs yeux la Somme de la sagesse.
M. Troplong va jusqu'à nier que l'association des capitaux
soit susce[)tible d'une meilleure forme : il prouve, ce que
l'on savait, (pie l'antiquité la plus reculée, Tyr, Carthage,
Massilie, lescolonies grecques, connaissaient la commandite;
affirmant que la législation actuelle suffit à tout, et suffira
largement encore pendant des siècles. Aussi pendant que le
prince de la magistrature, infatué de maximes immobi-
listes, préconise l'excellence du droit civil, la prééminence
du tribunal civil, la masse des transactions prend de plus
en plus le caractère commercial, et, livrée à l'incertitude
des définitions mercantiles, à la contradiction des théories
économiques, désespère la conscience du juge et défie la
science du jurisconsulte.
Forcée d'obéir à liuqjulsion d'en haut, la magistrature
oublie qu'en matière de législation comme eu matière
— 168 —
d'économie, conserver, c'est améliorer, c'est réformer sans
cesse; elle se laisse déborder par la juridiction consulaire,
juridiction sans doclrine, sans tradition, incapable par elle-
même de discerner, la plupartdu temps, le justedel'injuste;
et, tout en préparant sa propre déshérence, prépare la déso-
lation de la société. Lorsiiu'il se produit devant une cour
quel((ue fait d'escroquerie du domaine de l'agiotage, juges,
procureurs et avocats ouvient de grands yeux et restent in-
terdits au récit de manœuvres que n'a point décrites Justi-
nien. 11 leur faut un inter|)iète pour saisir le sens des faits
soumis à leur jugement , calculer la |)ortée des idées qui les
produisent. La magistrature n'est plus une puissance que
de nom, condamnée à laisser faire, parce qu'il lui est défendu
de comprendre.
L'enseignement : sans doute il a dû marcher avec le siè-
cle, éliminer de ses programmes force grec et latin, qu'il a
remplacé par égale quantité de mathématique, de physique,
de chimie, de mécanique. L'ère des rhéteurs, des argumen-
tateurs in barocho et barbara, fait |)lace à celle des hommes
positifs, chiiïreurs, maçons, constructeurs, arpenteurs, re-
mueurs de terre et de moellons, mineurs et métallurgistes.
Mais si l'mstruclion s'est transformée quant à la matière,
l'Université, quant à l'esprit qui l'anime, est restée la même.
Maîtres et grand-maître, organisés désormais en petite Église,
loin des profanes, éciivent pour leurs intimes, pour leurs
néophytes, de pompeuses amplifications sur Dieu, le Beau,
le Bien, le Juste, le Saint, le Vrai. De l'Utile et des lois qui
le régissent ils ne savent mot; des droits du travailleur, des
devoirs du capitaliste, du piopi iétaire, de léchangiste, rien.
C'est du matérialismi', disent-ils, du sensualisme, de la révo-
lution. Ah! s'il s'agissait des belles daines du grand siècle,
des bas-bleus de la cour de Louis XIV et de Louis W!...
L'Université, elle aussi, prépare son abdication.
L'Église n'est pas à ce point oublieuse de ses intérêts.
Elle se souvient qu'elle fut jadis l'àme de la féodalité, et
compte bien reconquérir sa prépotence dans la féodalité
nouvelle. Nulle part l'esprit moderne, l'esprit d'accaparc-
— 169 —
ment, ne s'est plus complètement incarné; Tart de lever des
primes et des coiilrihiilions y est poussé aux plus extrêmes
limites. D'.iprès une statistique tort modérée du journal
\ Estafette^ les subventions des d(''|)artemenls et des com-
munes ainsi que le casuel ne montent pas à moins de 48 mil-
lions et demi, qui, joints aux 36,485,000 tV. du budiiet,
forment un revenu fixe de plus de 85 millions par an. Mais
le journal ne compiend pas dans cechiirie les contributions
des coniirégalions pieuses : œuvre de la Mi>éricor(le, œuvre
de la Comp:ission, œuvre de Saint-Fianeois-Xavifr, œuvre
de Saint-François-Pié<]fi^, œuvre du Sacré-Cœur de Marie,
du Sacré-Cœur de Jésus, œuvre de la Siiinle-Eiifanre pour
le racbat des petits Chinois, œuvre du Saint Rosaire, et
mille autres œuvres dotil les noms seuls rempliraient des
pages. La Propagation de la foi compte des sousciiptenrs
par millions, à un sou par semaine; de pauvres vieilles fem-
mes, trop pauvres pour payer celle mince rélributon, se
réunissent à quatre ou cinq, domiant chacune leur [)aiivre
liard, alléchées par la promesse d'indulgences temporelles
et plénières portées en déduction de leurs vieux [jéchés.
El les biens des communautés, et les donations, el les iidéi-
commis; puis les quêtes par les jolies femmes à qui la galan-
terie ne permet pas de refuser; les pièces dor et d'ar-
gent collées aux cierges, les locations de chaises, les messes
à grand orchestre, les pour-boire de bedeaux, suisses et
sacristains
« Il nous tant de l'argent, beaucoup d'argent, disait un prédica-
teur du mois de M irie, trois cent raille tVancs, pour élever à la
Vierge une statue colossale au Puy. »
Un ecclésiastique de Paris, trancliant tVanchement la
question, n'hésita pas, au commencement de l'année, à or-
ganiser i)ar aciions l'exploitation de l'église Saint-Eugène.
La mise en conunanditede la messe et des sacrements, sous
les auspices d'im banquier juif : quelle naïveté!... L'interven-
tion de rarchovcquf! lit cesser le scaifdale : nous n'avons p(jint
entendu dire que le curé spéculateur ait quitté la paroisse.
Cependant la foi est-elle ardente? La religion fleurit-elle
10
— 170 —
au cœur des croyants comme aux receltes du budget? « Ja-
mais il n'y eut pareille alïluence aux églises, disait un piêlre
du Jura; mais jamais aussi l'hypocrisie ne fut plus générale
ni Tirréligiou plus profonde. » Les mères, dans les grandes
villes, envoient leurs lîlles au catéchisme en maugréant du
temps qu'elles y perdent ; elles a-spirent après le moment où
leurs enfants seront débarrassés de leurs communions. Un
curé du département de Seine-et-Marne écrit au journal
V Estafette :
« Ignorez-vous dans quel état malheureux sont tombées les po-
pulations des diocèses voisins de Paris? Ne savez-vous donc pas
qu'elles n'ont plus de chrt'tien que le nom? Toutes relations entre
elles et les curés ont à peu près cessé. La foi de ces derniers n'é-
clairant plus les âmes, leur ministère n'est, aux yeux du peuple,
qu'un \il métier. »
Ainsi ces vieilles puissances du monde que respectaient
les révolutions, que les changements de dynasties trouvaient
et laissaient debout, comme Tarche sainte à lacpielle était
attaché le salut d'Israël, ces grandes inslilulions, qui ont
jadis passionné les masses et fait couler le sang pour leurs
querelles, n'ont plus de racines dans la société. Le jour où
le bras du pouvoir cessera de les soutenir, elles tomberont
d'elles-mêmes, sans qu'il se trouve seulement une voix popu-
laire pour prononcer leur oraison funèbre. Les dieux sont
partis; le vi( ux monde est mort : excessêre dii.
La puissance nouvelle, la féodalité boursière a tout en-
vahi, tout remplacé; elle seule a le privilège de soulever les
passions, d'exciter l'enthousiasme et la haine, de faire
battre les cœurs, de révéler la vie. C'est pour elle que l'ar-
mée veille, que la police fonctionne, que l'Université en-
seigne, que TÉglise prie, que le peuple travaille et sue, que
le soleil éclaire, que les moissons mûrissent, que tout pousse
et fructifie.
Son esprit envahit l'Europe entière. De toutes parts sur-
gissent des Crédits mobiliers, des coalitions de banquiers,
des fusions, des agglomérations de capitaux et d'entre|)rises
à l'image de ce qui se passe chez nous. L'Anglais et l'Amé-
rique déclament contre la machine Pereire : ils la jalousent.
— 171 —
Noire amour-propro national se complaît à faire de la
France la grande initiatrice des peuples. Après leur avoir
porté l'idée et la liberté, leur donnerons-nous aussi la ser-
vitude?
Car il n'y a plus à reculer, il faut que cette situation ait
une issue; et il n'y en a que deux possibles : — on le triom-
phe du système , c'est-à-dire l'expropriation en grand du
pays, la concentration des capitaux, du travail sous toutes
ses formes, l'aliénation de la personnalité, du libre arbitre des
citoyens au profit d'une poignée de croupiers insatiables; —
ou la liquidation.
Liquidation! ce mot, terrible comme le sphinx, parce
qu'on ne le comprend pas, qui apparut en 1848 aux bour-
geois stupéfaits comme une menace et une vengeance, n'a
plus rien qui doive etfraycr. l.a liquidation, ce n'est ni un
kilomètre de raihvay de moins, ni une usine supprimée, ni
une machine brisée, ni un muid de blé de perdu, ni une
force productive quelconque anéantie. Si les 80 milliards
d'opérations qui se font annuellement à la Bourse n'ajoutent
pas un centime à l'actif social , l'exéculion en masse de cette
population parasite ne créera pas non plus im centime de
déficit. J.es créanciers n'auront englouti dans leurs porte-
feuilles ni nos forêts, ni nos prairies, ni nos domaines culti-
vables: les forges, les filatures, les métiers, les denrées
agricoles, les produits coloniaux ne se seront point attachés
à la semelle de leurs sandales; ils n'auront point ébréclié le
capital national, en le déplaçant, l'accaparant, le monopo-
lisant; en établissant dîmes et corvées sous une forme quin-
tessenciée, et mettant à rançon tout ce qui produit et con-
somme. Qu'ils partent!... La liquidation, ce sera le retour
à l'ordre, une miit du 4 août. Gloire au travail, paix à ceux
qui [)roiluisent, union efforce entre tous ceux qui échan-
gent : voilà la liquidation. Que si la caste crie encore à la
spoliation , au martyre, du moins on ne dira plus que c'est le
Juste qui est sacrifié pour le sahil du Peuple...
DEUXIEME PAUÏIE.
MATIÈRE DE LA SPÉCULATION.
Nous avons exposé flans noire première partie la cause,
l'objet, la police, les voies et moyens, les abus, délils et
crimes de la spéculation boursière. Il nous reste à en faire
connaître la matière.
Nous ne nous occuperons ici que des eflots publics et pri-
vés dont le cours est coté au bulleliu de la Bourse.
Les marchandises se pèsent ou se nicsm enl , et se vendent
au prix de... pour une rpiantilé de... Elles po! lent leur va-
leur et leur page en elles-mêmes. Jl n'en est pas ainsi des
titres. La mesure d(i leur valeur, c'est le tant pour cent qu'ils
riipportenl ; leur gage, c'est la nature et les chances de suc-
cès de l'entreprise.
L'origine des effets négociables, les exploitations qui leur
servent de base, Itiurs tlucl nations, voilà ce qu'il nous reste
à dire pour compléter noire cadre.
Afin de mettre un peu d'ordre dans celle revue, nous la
diviserons en Irois sections, correspondant à trois séries de
titres bien distinct'^.
La première section comprendra les rentes et obligations
de l'État et des municipalités, c'est-à-dire la dette publique,
ayant pour hypothèque les revenus de rim[jôt général et
municipal.
Dans la seconde, nous traiterons des actions et obliga-
tions des compagnies industrielles, dont la garantie repose
sur le succès de l'entreiirise.
El. fin, dans la troisième, nous dirons un mot des fonds
étrangers, (jui sont mutièie de spécidations à la Bourse de
Paris.
- 173 —
PREMIÈRE SECTION.
FOXDS PIBLICS FmÇAIS.
L'impôt se répartit en trois budgets : celui de l'État, celui
des dé|'.arlemeiits et celui des communes.
Le budget de lÉlat est le même pour toute la France;
le budgt't départemental varie 'suivant cbaque circonscrip-
tion territoriale, et n'est uniforme que dans un même dé-
partement; enfin le budget communal varie à chaque com-
mune.
L'État, les départements, les communes, quand les dé-
penses excèdent les recettes, ont recours aux emprunts. Les
titres d'empnmt, coupons de lente ou obligations, sont va-
leurs négociables et matière à spéculation. De toutes les
créances municipales ou déparlemontalcs, celles de la ville
de Paris et de la ville de iMarseille figurent seules au bulletin
financier. Nous n'aurons pas à nous occuper des autres.
CHAPITRE PREMIER.
Dette de l'État.
Les budgets, à quelque chilîre qu'ils s'élèvent, ne suffisent
jamais aux dépenses; elles sont constamment en excédant
sur les recettes. Nous n'avons point à rechercher ici les
causes de cette anomalie; il nous suffit d'enregistrer le fait
et de voir quel rapport il a avec notre sujet.
Afin de couvrir le déficit, les gouvernements, de même
10.
— 174 —
que les fils de famille, s'adressent aux usuriers. C'est un
moyen de se procurer de l'argent comptant, en engageant
l'avenir. I.es condifions du prêt varient suivant les garanties
et la solvabilité du ])rodigue. J.'Etat emprunte à fonds per-
du, c'esl-à-dire qu'il n'est jamais tenu au remboursement
du capital. En revanche, il en doit perpétuellement l'intérêt.
De 1814 à 1847, il a été payé 10 milliards 433 millions et
demi de rente, pour une dette dont le capital n'atteignait
pas tout à faite milliards. Cesem])runts non remboursables
forment ce qu'on aiipelle la detle consolidée.
Les emprunts sont contractés au pair., ait-dessus ou au-
dessous du pair.
Au-dessous du pair, les conditions sont mauvaises pour le
gouvernement-, or. c'est le cas le ])liis fréquent, comme il
résulte du tableau suivant des emprunts et de leur taux de-
puis 1810:
5 0/0 0 millions de rentes venJus sur ]ilace à divers, du
1" mai 1810 au 1" avril )817, au laux moyen (1) de. .')7 26
30 millions des années 18!7 el 1818, taux moyen. . . 57 65
]4,2?5,60()fr., mai 1818, par sousciiplion 66 60
12,313,433 t'r., novemlire 1818, adjugé à MM. Hope
el Buiinp, au laux de 67 »
9,686,220 fr., août 1821, adjugé à MM. HoUinguer
Baguenault et Delesserl, au taux moyen de 86 65
23,114.516 fr., juillet 1823, adjugé àMM. de Roth-
schild, an taux de 89 65
4 0,0 3,1:54,960 Ir.. janvier 1830, adjugé à MM. de Holh-
schild frères, au taux de 102 07 1/2
6 0/0 7.142,858 fr., 1831, négocié à divers, à 84 »
7,614,213 fr. , août 18.32, adjugé à MM. de Roth-
.«(•hiid trèies, au laux de 98 60
3 O'O 6,130,069 fr., octobre I8il, adjugé à MM. de Roth-
schild friTcs, au laux de 78 62 1/2
7,079.(i46 fr.. décembre 1844, adjugea MM. de Roth-
schild, au taux de 84 75
Eui|iruut lie 1847, de 260 millions en capital, adjugé
à M.M (le Rolhschild, au mois de novembre, à. ... 76 26
6 0/0 13,131,600 IV., 24 juillet 1848, avec jouissance du
22 Miiirs précédent, négocié à divers, au maximum. 76 26
l\) C'est-à-dire que l'Étal donne 6 fr, de vente pour 67 fr. 26 c. de ca-
pital qu'il reçoit. (>'est de l'argent à 8 73 0,0.
— 175 —
3 et 4 1/2 Emprunt de 1854, de 250 millions de capilal elTectif',
0/0 occasionné par la tnierre d'Orient et convcrl par
souscription nationale :
Le 3 0,0 ai! taux de G5 25
Le 4 1/2 0,0 au taux de 92 50
Emprunt de janvier 1855, de 500 millions, pour la
même cause, souscrit de la même manière :
Le 3 0,0 à C5 25
Le 4 1/2 à 92 •
Emprunt de juillet 1S55, de T.'jO millions (780 mil-
lions en réalité), mr'ine origine, même mode d'é-
mission ;
Le 3 0/0 .^ G5 25
Le 4 1/2 à 92 25
[Ces trois derniers emprunts, les premiers de ce genre qui aient été
contractés par le gouvernement français, aux applaudissements de la presse
républicaine, ont révélé des faits curieux.
Sur le premier, 98,000 souscripteurs ont offert 4G7 millions, savoir ;
2G,000 souscripteurs à Paris, représentant 214 millions; 72,000 dans les
départements, représentant 253 millions. — Les souscriptions de 50 fr. de
rente et au-dessous, au nombre de 00,000, se sont élevées à 49 millions,
soit en moyenne 816 fr. 60 c; les autres, au nombre de 38,000, ont monté
à 4 18 millions, soit en moyenne 11,000 fr.
Sur le second emprunt, de 600 millions, 177,000 souscripteurs ont offert
2 milliards 175 millions, savoir : 51,000 souscripteurs à Paris, représen-
tant 1,398 millions (dont 300 millions environ souscrits à l'étranger) ;
126,000 dans les départements, représentant 777 millions. — Les souscrip-
tions de 500 fr. de rente et au-dessous se sont élevées à 836 millions ,dé-
])assant ain*i de 336 millions le chilîre de l'emprunt. Les souscriptions
au-dessus de 500 fr. ont été refusées, et celles de 10 à 500 fr. ont subi une
réduction de 40 à 42 0/0.
Sur le troisième emprunt, de 750 millions, 31G,8G4 souscripteurs ont
offert 3,652,591,985 fr., savoir : 80,000 souscripteurs, à Paris et à l'étran-
ger, représentant 2 milliards 534 millions (dont GOO millions à l'étranger);
237,000 dans les départements, représentant 1,119 millions. — Les sous-
criptions de 50 fr. de rente et au-dessous se sont élevées à 231 ,920,155 fr.
Dans ces chiffi'es, il faut com[)ter que les grandes maisons de banque et
le Crédit mobilier ont grossi considérablement la quotité des offres. Ce
dernier établissement, lors du deuxième emprunt de 1S5,V, a souscrit pour
sou compte ".'50 millions, et, quelques jours plus tard, 375, tant en son
nom qu'en celui de l'Angleterre et de plusieurs Etals de l'Allemagne : ce
qui d'une pari réduit notablement la moyenne, et prouve de l'autre que le
gouvernement,- en s'adressant directement, comme d'babitude, aux gros
capitaux, en eût été quille h meilleur marché.
Un fait curieux qui ressort de la compaiaison des résultats de ces trois
emprunts, c'est la faveur toujours croissante qu'acquiert le 3 0;0. On sait
— 176 —
que cette espèee de fonds est le marché favori de la spéculation ; le -4 1/2 est
l'objet de peu de transactions, quoique plus avantageux au point de vue du
rendement.
Dans le premier emprunt, les demandes en 3 0/0 ne vont pas au double
de celles en 4 1/2 : 3(18 millions conire l6'.). — D;in< le sei-onl, elles dé-
passent le quintuple : 1,800 millions contre 369. — D.itis le troisième, elles"
montent au septuple ; le:^ renies déliiiitiveuient inscrites en 3 0;0 étant de
31.699.740 fr. contre 4,3S9,760 fr. en 4 1;2.
L'es[)rit de spéculation a donc ijajfné dans la proportion de 2 à 7 en seize
mois. C'est qu'en iffil le public n'est pas lonsj; à s'initier aux procédés de
la linance quand il s'aL'il d'intérêts. Un emprunt émis en juillet, avec jouis-
sance du 22 mars précédent pour le 4 1/2. du 22 juin pour le 3, une renie
payée inléf;ralement sur le taux du capital souscrit, qui ne sera versé qu'en
dix-huit mois, c'est toute ime série de bonifications telles, que le moins
cher des trois emprunts, dédiiclion l'aile des intérêts anlicipés, s'est en
réalité négocié: en 3 0,0 à 62 75; en 4 1/2 à S9 8ii. A la somme de 750 mil-
lions s'est .ijoiitée une somme suppléminiaire de 30 millions, lors du der-
n'er emprunt, afin de faciliter les liquidations et de couvrir les frais de
l'escomple.
Les ;J|6,000 sonscri|ileurs ont pressenti qu'il y avait là matière à gros
profits. Aussi le petit capitaliste qui n'a\ait que 1.000 fr. n'hésitait-il pas à
sou^crire pour 7 ou S, 000, [lersiMilé (prav;int le second versement, il aurait
vendu à prime et louché une différence Voilà pourquoi il prenait du 3 0/0.
Ccpeiid.iht quand ^10,000 spéculateurs se rangent d'un mêmi; côlé, tous
vendeiM's, ils ne peuvent iiianqiier de prnduiie ce qu'un appelle en terme
de Bourse éciuscintnt d s cours- Il n'y avad point d acheteurs, et les bul-
leiins liiiaiiclers ne manquaient pas de lépéter, à chaque liipiidalion : « Les
« titres du dernier emprunt ont lieaiicoiip de peine à se classer «Chique
échéance amenait des exécutions La faveur accordée aux souscripteurs de
50 fr. de rente et au-dessous, de ne subir aucune réduction, en a ruiné
plus d'un.
Les trois derniers emprunts ont fait inscrire au budget une somme totale
de rentes annuelles de 71,709,380 fr.]
11 y a en tout cela, comme on voit, ample matière à spé-
culation, de beaux prolits à faire, cest le cas le plus iVé-
queiit; parfois des risques à courir, comme le prouvent les
détails suivanis, que nous cmpi unions au Traité des Opéra-
tions de banque, de M.Courcelle-Seneuil.
« Le 10 novembre 18-47, la maison Rothschild soumissionnait
au gouvernement IVaiiçais uti emprunt de 250 millions, moyennant
d.'livritnce d'inscripliuns de 10 millions environ de renie 3 0/0,
dont rÊtaf [)ay!iii par anticipalion les arrérages, à dater du 22 dé-
cembre 1847. Le soumissionnaire s'engageait à verser au Trésor
— 177 —
12 millions 1/-2 le 2-2 novembre, 12 millions 1/2 le 22 décembre,
o millions le 7 janvier 18-48, et 10 millions le 7 de cbaque mois
jnsques et compris le 7 novembre 18i9. En taisant le décompte
des arrérages, l'État, qui acbetait alors par la Caisse d'amortisse-
^ment le 3 0/0 au cours moyen de 7(>fr. 71c., le cédait à. M. de Roth-
schild au prix de 72 fr. 48 c. Les 25 millions des deux premiers
termes, payés par anticipation, sous escompte de 3 0/0, restaient
affectés à la garantie du Trésor, jusqu'au payement du solde
définitif.
« L'opération paraissait donc excellente, et le soumissionnaire la
réalisa d'abord avec une grande facilité. Non-seulement il acquitta
les premiers termes avec exactitude, mais il escompta une partie
des suivants et les paya avant l'échéance II avait acheté à 4 fr. 36 c.
au-dessous du cours du 10 novembre : si l'état du marché ne chan-
geait pas, il pouvait donc espérer un bénéfice de Jo millions au
moins.
« 85 millions environ avaient été payés et réalisés, lorsque sur-
vint la révolution de février. Le soumissionnaire de l'emprunt était
donc libre d'engagements jusqu'au B juillet 1848: mais à cette
date, il devait verser au Trésor un peu plus de 5 millions, puis
10 millions de mois en mois jusqu'au 7 novembre 1849. Or, au
7 juillet 18 48, le cours de la rente 3 0/0 était a 50 fr. 73. S'il ne
se relevait pas, et si le soumissionnaire était forcé de réaliser, il
avait en perspective une perte de plus de 00 millions, sur les 163
qui restaient à verser, ou l'abandon de son cautionnement de
25 millions. Le danger était d'autant plus grand pour lui, que le
Trésor pouvait sans peine faire face à ses besoins, au moyen du
crédit de 100 millions (jue lui avait ouvert la Banque de France,
et du produit de l'impôt extraordinaire des i5 centimes.
« Heureusement pour le soumissionnaire de l'emprunt de no-
vembre 18i7.il trouva dans la personne de M. Goudchaux un mi-
nistre accommodant, qui consentit à le relever de désengagements
et à lui faire donner par l'État 13 millions de rentes 5 0/0, au taux
même aucpiel il avait soumissionné la rente 3 0/0 en 1847. En
admettant (|ue les cours restassent, jusqu'à l'expiration des nou-
veaux engagements, à 77 fr. 25 c, taux du 24 juillet, jour oi'i ils
furent souscrits, le soumissionnaire, exposé la veille a une perte
de 23 millions, avait le lendemain en perspective un bénétice d'en-
viron 1 1 millions, outre la chance presque certaine de voir les cours
se relever.
» Telles sont les éventualités auxquelles les soumissions d'em-
prunt peuvent donner ouverture. 11 a tenu à la volonté d'un mi-
— 178 —
iiistre des finances que le hanquipr le plus puissant et le plus habile
dans ces sortes d'opérations perdît ^o millions ou en gagnât H.
M. Goudchaux a préféré le deuxième ternie de cette alternative;
mais un ministre plus méticuleux, plus timoré, aurait pu craindre
d'imposer un sacrifice de tant de millions au Trésor, et alors par»
quelle perte ne se soldait pas la soumission, d'abord si avanta-
geuse, du 10 novembre! »
Mais d'où vient que les litres d'une renie, si exactement
et si chèrement payée, ne sont pas toujours en hausse? Com-
ment peuvent-ils tomber à 50 0/0 au-dessous de leur valeur?
— Laissons de côté les prétextes, et venons au fait. Le fait
est que quand il s'agit dans un gouvernement d'emprunter
100 millions, la concurrence est impossible et le taux légal
impraticable. L'usure est maîtresse de la position, et la loi
forcée de s'incliner respectueusement. Le résultat de l'em-
prunt national, ainsi que nous venons de le faire remarquer,
le démontre péremptoirement.
Un gouvernement qui emprunte raisonne comme un par-
ticulier; c'est un remède cà la gêne du moment. 11 scn em-
pare donc, parce qu'avant tout il faut sortir d'embarras ;
mais il a la ferme résolution d'éteindre ses dettes par une
rigoureuse économie. L'ouvrier prend un livret à la Caisse
d'épargne; le négociant se crée .un fonds de réserve; le gou-
vernement institue une Caisse d'amortissement.
La Caisse d'amortissement, dont la première idée remonte
au consulat, fut organisée par la loi du 2 avril 181G, afin de
racheter les rentes créées par les emprunts successifs. Sa
dotation, fixée d'abord à 20 millions, fut portée à 40 par la
loi du 23 mars LSI 7, qui y afiecta en outre le produit des
forêls de l'État. Elle est aujourd'hui de 75,018,903 fr. Les
rentes rachetées par l'amorlissemenl continuent de lui êlre
servies jus ^u'à ce qu'une loi en ait prononcé la radiation. La
loi du 1" mars 1825 défendit d'amortir au-dessus du pair;
celle du 19 juin 1833 ordonna qu'à l'avenir tout emprunt
serait doté d un fonds d'amortissement qui ne pourrait être
moindre de 1 0/0 du capital nominal des rentes créées.
Afin de donner à l'institution un caractère tout à fait sé-
rieux, elle fut placée sous la surveillance d'une commission
— 179 —
choisie en dehors de l'administration ordinaire. Cette com-
mission se compose d'nn sénateur, de deux membres du
Coips législatif, d'un président de la Cour des comptes, du
gouverneur de la Banque et du président de la Chambre de
commerce.
Les rachats de la Caisse d'amortissement doivent se faire
avec concurrence et publicité : un tableau placé à la Bourse
indique chaque jour la somme en capital qui doit être affec-
tée à chaque nature de rentes.
La dotation de l'amortissement figure toujours au budget
seulement aux épo(|ues de gêne, les rachats sont suspendus,
et les sommes y affectées sont reportées à des dépenses ex-
traordinaires: c'est ce qui a eu lieu depuis 1848. Toutefois ce
n'est pas la bonne volonté qui manque au gouvernement de
se libérer. Depuis 1816, il n'a pas dépensé moins de 2 mil-
liards en rachats. Malheureusement les emprunts rt les con-
solidations vont encore plus vite : eu sorte que la dette con-
solidée, qui était en 18 J 4 de 63,307,637 fr. de rentes 5 0/0,
se décompose, au commencement de 1856, de la manière
suivante :
3, i et 4 1/2 0,0 , 2fifi SDO.ISS fr.
Emprunts spéciaux • 10. -300.027
Intérêts de capitaux rembours;ibles à divers titres. . . 33 500, ('00
Amortissement 75,018.903
Total '385,715,716
Dette viagère 68.735,035
Ensemble 454,450,751
Elle est portée au budget de 1857 pour 511,225,062 fr.
Cest presque le tiers du budget.
Quand on a prélevé cette somme, il reste à payer tous les
fonctionnaires publics, l'armée, la marine, les travaux, les
dotations, en un mot, toutes les dépenses annuelles; car les
511 millions sont absorbés par les dettes du passé, et ne
produisent absolument rien. *
A côté de la detle consolidée, qui monte, monte, sans qu'on
puisse prévoir où et quand s'arrêtera sa marche ascension-
nelle, \\x delte flottanle s an^QQi grossit de son côté. La dette
— 180 —
flollante qui no. comprend encore ni les dotations des grands
pouvoirs de l'État, ni le service des ministèics s'élevait, au
1" a\ril 1856, à 761,424,500 fr. ainsi repartis:
Fnnil-; (le? Caisses (J'rpargnc 191.3:57,100 Cr.
FoniJs des coinmtines et des élablissemenls publics. . . 135 770.900
Caisse des dé|iôts el consifTialiiin? (i.47"2,000
A^an(•ps des l'ec-veiirs fiéiiéraux 100,4"i.T..iOO
Fnnds des C'" de Paris-Lyon el du Grand-Ceiilral, . . S, 122.3110
Bons du Trésor 27i,33(i 300
Divers 47,900.000
Total 701,424,600
Les principaux éléments de la deile floltanle ne sont que
des dépôts. 11 semble dès lors ([u'ils ne devraient pas être
considérés comme dettes et charges au budget. Mais le gou-
vernement, en payant rinléiêl de ces dépôts, se léserve im-
plicilemenl le droit de di.^poser des fonds : aussi en use-l-il
comme d'une propriété. — C'est une consommation qui, en
principe, peut être considérée comme illégale : mais l'abus
est devenu usage, et l'usage est souverain en politique comme
en grau maire.
La de/te Jlotfanfe devient-elle excessive et les créanciers
viennent-ils en masse r(''clamer le remboursement : on en
est quitte pour consolider : c'est ilne vraie banqueroute. On
l'a vu en 1848.
Après la dette flottante et la dette consolidée viennent les
découverts. Nous lisons dans le Budget des recettes et des
dépenses de l'exercice de 1857, soumis au Corps législatif
en 1856:
« L'exposé des motifs du projet de loi qui vous est soumis relativement
aux crédits supjiiémentaires et exiraordinuires de la session 186G porte le
découvert de 1854 à .■ 70 millions
« El celui de 1855 à. 50 —
« Enscmble 120 millions
« Décoiiverls antérieurs '?80 —
« Ce qui élève le découvert actuel à 900 millions»
11 n'est pas besoin de révolution pour amener une crise :
l'accumulatiou des charges y suflit. L'expérience prouve, en
effet, que, malgré tous les efforts de l'amortissement, la detio
— 181 —
publique, llottante et consolidée, tend incessamment à ab-
sorber le budget. Où est alors la garantie promise aux ren-
tiers?... L'histoire se charge de répondre. Elle fournit de
nombreux exemples de banqueroutes partielles. Sans remon-
ter aux altérations des monnaies, sous Pliilipi)ele Bel, nous
trouvons dans les temps modernes les faits suivants :
1° Sully réduisit les intérêts accordés aux prêteurs sous
les règnes précédents, et aflecta les à-comples déjà payés au
remboursement du capital.
2° Sur la tin du règne de Louis XIV, sous l'administration
deDesmarest, on suspendit le payement du capital et des in-
térêts d'une foule de créances, notamment des fonds déposés
à la caisse des emprunts.
3° A la chute de la banque de Law, on iit une réduction
arbitraire des dettes de l'Etat.
4^ I^'abbé Terray , peu de temps après, refusa de payer
un grand nombre de dettes, ainsi que les rescriptions du
Tiésor.
5° Les mandats et les assignats de la révolution subi-
rent une dépréciation extrêmement préjudiciable aux por-
teurs.
6" Le ministre Ramel réduisit, en 1798, la dette des deux
tiers.
7" En 1848, le gouvernement de la république, héritier du
déficit creusé par la monarchie orléaniste, dut ollrir aux
déposants des Caisses d'épargne et aux porteurs de bons du
Trésor des titres de rente au lieu d'espèces. C'était une trans-
action, lorsque de fort honnêtes gens conseillaient la ban-
queroute pure et simple.
Les hommes du gouvernement provisoire, en présence du
déficit, eurent à se poser celte question :
« Dans l'impossibilité de solder toutes les créances, vaut-il
mieux suspendre les payements de la dette flottante que ceux
de la dette consolidée?»
La solution fut favorable aux rentiers ; sans doute à la pro-
chaine crise ce sera leur tour de payer le tribut.
Les créanciers porteurs de bons et de livrets reçurent, au
lieu d'argent, des titres (le l'cnte lierpéluellc. népnriahics à
11
— 182 —
leurs risques et périls^ les rentiers pourraient bien subir un
jour, sous forme de conversion sans remboursement, un im-
pôt, fort légitime au fond, dont par privilège ils ont été de
tout temps affrancbis.
L'exagération des cbarges, la peur, le manque de confiance
dans le crédit public, les mouvements delà spéculation mer-
cantile et industrielle, telles sont les causes de baisse et de
dégringolade dans le cours des effets.
La peur, comme toutes les passions, a ses nuances : elle
s'appelle au minimum inquiétude^ au maximum panique;
d'où les grandes et les petites oscillations de la cote. Toute-
fois, pour le rentier sérieux, tant que les arrérages sont in-
tégralement payés, tant que le numéraire conserve sa valeur
relative, il n'y a lieu ni à la hausse ni à la baisse; sa sécu-
rité est complète. Les joueurs seuls se trouvent atteints par
les fluctuations quotidiennes.
QUATRE ET DEMI POUR CENT NOUVEAU (ancien cinq).
Le 5 0/0 est le premier par ordre d'ancienneté et d'impor-
tance, des consolidés français. Ce fut le seul taux en usage
jusqu'en 1825.
Les intérêts de l'ancienne dette publique avaient été arrê-
tés ainsi au l^^'aoùt 1793:
Ancienne dette perpétuelle 78,810,000 fr.
Intérêts de la delte provenant d'elTets au porteur et
d'acUons 20,707,000
Intérêts de diverses charges remboursées 31,386,000
Elle s'accrut, jusqu'en 1798, de :
Emprunts forcés 8,G50,000 fr,
Delte des communes et des départem"^ 8,000,000
Dette des émigrés 7,500,000 ^^ ^^^ ^^^
Conversion des rentes viagères en ; > >
perpétuelles 12,000,000
Payements en inscriptions 10,763,000
Total en 1798 194,716,000 fr.
sans préjudice de 83,217,913 fr. dépensions viagères.
— 183 —
La loi des finances de cette année ordonna que toutes les
dettes de l'État seraient remboursées, savoir : deux tiers en
bons au porteur, qui perdirent en peu de temps 80 0/0 de
leur valeur, et un tiers en inscriptions de rentes 5 0/0 au
grand-livre. C'est ce qu'on appela la liquidation Ramel, du
nom du ministre qui Texécula. La dette inscrite prit le nom
de tiers consolidé, qu'elle conserva jusqu'en 1802, où elle le
changea contre celui de 5 0/0.
De 1798 au V avril 1814, la dette se composa ainsi :
Tiers consolidé de la liquidation Ramel 40,216,000 fr.
Dettes des pays réunis G, 080, 000
Créances arriérées 11,254,000
Consolidation des bons de l'ancienne Caisse d'amortis-
sement 5,000,000
Au profit du domaine extraordinaire 781,657
Total 03,307,637
La Restauration créa, en 1825, le 3 et le 4 1/2, et en 18.30
le 4 0/0, qui enregistrèrent ensemble 54 millions et demi de
rentes. Cela n"empêcha pas le 5 0/0 de monter, déduction
faite des rachats opérés, à 127,123,386 fr.
Le gouvernement de Juillet légua aussi son contingent de
charges : 40 millions environ, amortissement déduit. Le
5 0/0 en endossa la plus forte part, et il s'élevait, au com-
mencement de 1848, à 146,752,523 fr.
La consolidation des livrets de Caisses d'épargne et les em-
prunts, après la révolution de Février, ont eu lieu en 5 0/0 5
de sorte qu'au T"^ janvier 1849, le 5 figurait au budget pour
189,658,130 fr.
La conversion du 14 mars 1852, et des annulations succes-
sives l'ont réduit, à cette époque, de 33,591,918 francs. Au
1" janvier 1855, avant le classement des derniers emprunts,
il figurait au budget pour 159,219,079 fr.
De 1798 à 1852, le 5 0/0 a subi deux conversions : l'une
facultative, sous le ministère Villèle,en 1825: l'autre forcée,
— sauf faculté [)our les porteurs de demander le rembourse-
ment, — le 14 mars 1852.
Le droit pour l'État de réduire l'intérêt de sa dette en
-^ 184 —
oU'ratitaux rentiers le remboursement du capital, s'ils n'ac-
cèdent à la conversion, est formellement consacré par le
Code:
« Toute rente constituée en perpétuel est essentiellement rache-
table. — Les parties peuvent seulement convenir que le rachat ne
sera i>iis fait avant un délai ([ui ne pourra excéder dix ans, ou sans
avoir averti le créancier au terme d'avance qu'elles auront déter-
miné. )) (Art. 19H, Code civil.)
Donc, si le gouvernement trouve de largent à meilleur
compte que celui dont il paye l'intérêt, il i)eutse libérer avec
le premier prêteur.
C'est ainsi que l'Angleterre a exonéré de 2/5 en 22 ans la
rente de sa dette inscrite. Elle a converti :
1822, le 5 0,0 en 4 ;
1830, le 4 en 3 1/2 ;
1844, le 3 1/2 en 3.
La Prusse, en 1842, a réduit son 4 0/0 à 3 1/2.
La Belgique, eu 1844, a converti son 5 en 4 1/2.
Trois fois sous le règne de Louis-Philippe, en 1838, 1840
et 1845, la loi de conversion a passé à la Chambre des dé-
putés ; trois fois cette réforme est venue échouer contre le
mauvais vouloir du gouvernement, protecteur des rentiers,
sous prétexte d'inopportunité.
Enfin, le 14 mars 1852, le président de la république, sur
le rapport du ministre des linances, M. Bineau, a décrété
qu'à l'avenir l'Etat ne payerait plus que 4 1/2 0/0 par cou-
pon de 5.
Le mode de conversion adopté en cette circonstance a été
le plus simple, celui qui olTre aux rentiers d'opter entre la
réduction et le remboursement au pair.
Les demandes de remboursement devaient se produire
dans les délais suivants : — vingt jours jjour les personnes
résidant en France ; — deux mois pour les personnes hors
de France, mais en Europe ou en Algérie ; — un an poiu- les
personnes hors d'Europe.
Afin de subvenir aux demandes de remboursement, la loi
autorisait M. le ministre des finances: 1° à négocier des bons
~ 185 —
(lu Ti('sor: -2" à fairo inscrire an graiitl-livro des renies qui ?e
vendraient avec publicité et concurrence.
Comme on l'avait prévu, l'immense majorité subit la réfluc-
tion. Les remboursements ne s'élevèrent qu'à 3,685,592 t'r.
de rentes, représentant un capital de 73,711,840 fr.
Pour que l'opération réussit, il fallait que les fonds fassent
au-dessus du pair. Or, le 3 0/0, en mars et avril variait de
70 à 72, et le 3 avril, jour on le 5 disparut de la cote, le
4 1,2 fit 101. Le rentier qui voulait réaliser avait donc béné-
fice à vendre au cours de 100 60, 101, puisque l'Ktat ne
donnait que 100.
S'il y avait quelque chose à reprocher à la loi du 14 mars,
ce serait de n'avoir pas étendu la mesure à toute la dette.
Les porteurs de 4 1/2 ancien, 4 et 3 0/0, se sont trouvés pri-
vilégiés par rapport aux rentiers du 5. Ces derniers, par le
fait de leur acceptation, se trouvent imposés d'un dixième;
les premiers sont francs de toute retenue. Ceux qui ont de-
mandé le remboursement ont reçu 100 fr. par coupon de 5,
lorsque le vendeur de 3 0/0 recevait 70 fr. par coupon
de 3 (1). 11 y a eu inégalité de charges entre les créanciers
du Trésor.
Ce serait une réforme importante que celle qui réduirait
tous les consolidés à un taux unique. L'avenir sans doute la
réalisera.
La loi de conversion garantit le nouveau 4 1/2 pendant dix
ans contre le remboursement. — Le semestre de mars 1852 a
été le dernier soldé à 5 0/0. — L'amortissement de l'ancien
5 est transféré au nouveau 4 1/2. — La conversion a réduit
les charges annuelles du budget de 17,839,240 fr.
Le mode adopté en 1825 par M. de Villèle est moins simple
et moins efficace que celui dont nous venons d'exposer le
mécanisme et les effets.
Le ministre oifrait aux rentiers d'échanger leurs titres
5 0/0 contre du 3, qui leur serait délivré au taux de 75 fr.,
c'est-à-dire qu'il leur donnait, en échange de 5 fr. derente
5 0/0, 4 fr. de rente 3 0 0, d'où résultait pour le Trésor une
(1) Le 3 OiO à 70 supposerait le à 0,0 à 11 G GG.
— 186 —
réduction de 1/5 dans Tintérêt, et une augmentation de 1/5
dans le capital de la dette (1). C'est ce qu'on a nommé la
conversion en un fonds au-dessous du pair.
La loi qui autorisait cet échange, purement facultatif, fut
rendue le 1*"" mai 1825. Elle ollrait aussi de convertir le 5
en 4 1/2 au pair. 24,459,035 fr. de rentes 3 0/0 remplacèrent
30,574,116 fr. de 5; et 1,149,840 fr. de 5 0/0 furent changés
en 1,034,764 fr. de 4 1/2. Réduction annuelle dans les
charges du Trésor : 6, 230,157 fr.
Le résultat ne pouvait être considérable. Qu'importe en
effet que le gouvernement reconnaisse à la rente un capital
plus fort, puisqu'il ne doit jamais le payer, et qu'il l'amortit
lui-même au-dessous de son titre nominal? Du 3 0/0 à 75,
c'est de l'argent au denier 25, comme du 4 à 100 fr., du 5 à
125 fr. Ce qu'il y avait de plus immédiat, c'était la réduc-
tion de 1 /5 dans les arrérages. Ceux qui acceptèrent l'échange
proposé ne firent autre chose qu'une opération d'arbitrage
analogue à celles que nous avons citées en exemple, page 99.
Le 3 0/0 devant toujours se maintenir plus cher que le 5,
c'était un appât oftert à la spéculation.
Les intérêts du 4 1/2 se payent au 22 mars et au 22 sep-
tembre. Les négociations avec jouissance du semestre échu
sont fermées 16 jours avant l'échéance , et les efléls se ven-
dent dès le 7 mars et le 7 septembre coupon détaché^ c'est-
à-dire avec jouissance du semestre suivant.
Le cours du 5 0/0 a toujours été au-dessous du pair de
1798 à 1824 ^ on l'a vu tomber, en 1799, à 7 fr. —11 n'a ja-
mais été aussi haut que dans les dernières années du règne
de Louis-Philippe.
(1) Un exemple fera mieux comprendre ce genre d'opération. Du 3 0/0 à
76, c'est de l'argent au denier 25; du 5 0/0 à 100, de l'argent au denier
W. En changeant mon 5coiilre du 3 à 75, je subis une réduction de 1/5;
car si pour 75 fr. je touche 3 fr. de rente, pour 100 fr. je n'en toucherai
que 4. Mais, la conversion faite, on me reconnaît 100 fr. de capital par cha-
que coupon de 3 fr. ; en sorte que mes 4 fr. de renie représentent 133 fr.
33 c. Ainsi, dans ce système, 15 fr. de rente 5 0/0, représentant 300 fr. de
capital, deviennent 12 fr. de rente, représentant 400 fr.
— 187 —
QUATRE ET DEMI POUR CEXT ANCIEi\.
L'ancien 4 1/2 est peu important. 11 date de la conversion
Villèle, dont nous venons de parler. La loi qui autorisait l'é-
change du 5 0/0 contre du 3 à 75 permettait aussi la con-
version du 5 en 4 1/2 au pair, avec garantie contre le rem-
boursement jusqu'au 22 décembre 1835. Il résulta de cette
opération l'inscription de 1,034,764 fr. de 4 1/2 remplaçant
un chiffre équivalent au 5 OyO de 1 ,149,840 fr.
Ce fonds ne s'est jamais accru d'aucun emprunt -, il s'éle-
vait, au !"■ janvier 1855, à 884,560 fr. de rentes.
La loi de conversion dernière, en garantissant le nouveau
4 1/2 contre le remboursement pendant dix ans, ne stipule
point que la même mesure soit applicable à l'ancien. D'où
résulte pour ce dernier une défaveur par rapport à l'autre.
Cette différence de condition a déjà fourni matière à procès.
— La spéculation sïnquiète peu de cette rente; c'est une
trop petite dette.
Les échéances sont aux mêmes époques que pour le 4 1/2
nouveau.
QUATRE POUR CENT.
11 est postérieur, par ordre de date, au 3 0/0, dont il nous
reste à parler. 11 provient d'un emprunt autorisé en 1828, et
adjugé, le 12 janvier 1830, à MM. Rothschild, au taux de
102 fr. 07 c. 1/2. Le chilïre de cette partie de la dette s'éle-
vait, lorsdela révolution de juillet, à 3,134,950 fr. de rentes.
La consolidation des bons du Trésor affectés à l'amortisse-
ment l'augmenta de 15,294,420 fr. en 1832, et la consolida-
tion des dépôts de la Caisse d'épargne y ajouta depuis
8,092,647 fr. En 1848, le 4 0/0 figurait au budget pour
26,207,375 fr. Au 1" janvier 1855, il était de 2,354,227 fr.
de rentes.
Les arrérages se payentauxmêmes échéances que le 4 1/2.
— 1S8 —
TROIS POUR CENT.
L'origine du 3 0/0, c'est le milliard des émigrés. Dès le
début delà restauration, les royalistes, rentrés à la suite de
l'invasion, n'aspiraient à rien de moins qu'à la reprise de
possession de leurs anciens domaines. Ces forfanteries, si
vaines qu'elles fussent, ne laissèrent pas que d'inquiéter un
instant les propriétaires de biens nationaux. Pourtant la
morgue nobiliaire dut s'humilier devant les faits accomplis :
les nombreuses mutations, le morcellement, et aussi l'opi-
nion piibli(iue, rendaient impossible la reconstitution des
propriétés seigneuriales.
J.a noblesse dut renoncer à ses fiefs, mais non à une in-
demnité. L'issue favorable de la guerre d'Espagne, qui sem-
blait devoir consolider à tout jamais les dynasties de Bour-
bon on Europe, Tavénemenl de (Iharles X, le chef du roya-
lisme fougueux et aveugle, vinrent raviver les espérances de
l'émigration, et, en 1825, on se trouva assez fort pour pré-
senter la loi d'indemnité. La bourgeoisie, enrichie par la
vente des biens nationaux, accepta sans trop murmurer cette
espèce de cote mal taillée, dont le budget, c'est-à-dire le
peuple, devait en définitive faire les frais (1).
Les réclamations admises s'élevèrent à 987,819,962 fr.
96 c, — un milliard, à une douzaine de millions près.
Ux milliard! les gros budgets et les emprunts ont fini
par rendre ce mot très-familier en matière de finances. U\
milliard! qui a jamais cherché à se rendre compte de ce que
représente ce chiffre? Un milliard, qu'est-ce que cela? les
deux tiers de ce que coûte annuellement en France le gou-
vernement !...
Les législateurs de 1825 parlaient donc d'un milliard
comme d'une allairc toute simple, qui ne se marchande
même pas. Aussi le général Foy produisit-il une sensation
profonde à la Chambre et dans le public en disant, poiu'
(1) RRmarquons en passant qiio la plupart des éniitirés avaient déjà été
imlemnisés par l'empire.
— 180 —
donner une idée de Pénorniité de la somme, qu'il ne s'était
pas encore écoulé un milliard de minutes depuis la nais-
sance de Jésus-Clirist (1).
Ainsi, cette immense période qui embrasse la chute de
l'empire romain, l'invasion des barbares, l'établissement du
christianisme, la féodalité, la papauté, l'islamisme, les croi-
sades, la réforme, la renaissance, les guerres de religion ^
l'absolutisme royal, la révolution française, le moyen âge et
les temps modernes; ce gigantesque panorama n'avait pas
mis à se déroider autant de minutes que le peuple français
devait rembourser de francs à ses anciens maîtres en un tiers
de siècle. Le travail est donc plus puissant que le temps :
mais les révolutions sont encore plus paissantes que le tra-
vail.
Quoi qu'il en soit, la Chambre adopta le chiffre d'ww
milliard. Il ne fallait pas songer à payer un tel capital ; on
se contenta d'en servir la rente, qu'on inscrivit à 3 0/0, pour
30 millions, au livre de la'dette publique (2). Dans la crainte
qu'ime trop grande émission simultanée ne dépréciât les
titres, les inscriptions ne furent délivrées que par cinquiè-
mes, d'année en année, du 22 juin 1825 au 22 juin 1829.
■ — Au 22 septembre 1858 le milliard aura été intégralement
payé, mais la dette ne sera pas éteinte : ce sera l'œuvre de
quelque licjuidation Ramel, ou d'une nuit du 4 août sur les
rentes et dividendes.
Nous avons vu comment la conversion facultative de
M. de Villèle fit inscrire au compte du 3 0,0, 24,459,035 fr.
de rentes. A la révolution de juillet le chiffre de cette par-
tie de la dette s'élevait à 50,454,345 francs. Mais l'indem-
nité n'était pas complètement liquidée. Il n'avait encore
été délivré que 25,995,310 fr. Le gouvernement de Louis-
(1) On compte l'aum'e de 3GÎ) jour? 5 liRures 48 minutes, soit de 525,948
minutes. Il ne s'était donc écoulé, à la fin de 1825, que 959,855,100 mi-
nutes.
(2) L'intérêt de l'indemnité fut fixé à 3 0,0, tandis que celui de la dette
antérieure était à 5. Il n'en faudrait pas conclure que les indemnisés fussent
lésés par cette différence, (le qu'ils avaient perdu, c'étaient des biens fonds,
et il n'y a guère de terre qui rapporte 3 0/0.
11.
— 190 —
Philippe, qui se fût gardé, et pour cause, de contester la
légitimité de l'opération, s'empressa d'en parfaire les paye-
ments. 11 remit à divers, en inscriptions 30/0, 2,948,650 fr.,
et en 5 0/0, 15,746 fr. ce qui porte le compte en rentes de
rémigration :
En 3' 0/0 à 28,943,960 fr.
En 5 0/0 à 15,746
Ensemble 28,959,700 fr.
Le gouvernement de juillet a ajouté au compte du 3 0/0,
outre les 2,948,650 fr. dont nous venons de parler : 15 mil-
lions 1/2 pour la consolidatinn de bons du Trésor affectés à
l'amortissement; — les deux emprunts de 1841 et 1844,
mentionnés au tableau des emprunts, et rcmpriint de 1847,
dont les versements ont été suspendus par la révolution de
février, ainsi que nous l'avons dit précédemment.
Le total des rentes 3 0/0 s'élevait à l'avènement de la ré-
publique, amortissement déduit <à 68,1 14,883 fr.
La consolidation des bons du Trésor, en 1848, s'est faite
en 3 0/0, et a porté celte rente pour 1849, à 91,445,044 fr.
Au 1" janvier 1855, avant le classement des derniers em-
prunts, elle absorbait une somme de 73,984,906 fr.
Les arrérages du 3 0/0 se payent au 22 juin et au 22 dé-
cembre. Les négociations avec jouissance du semestre échu
sont fermées, comme pour les autres renies, 16 jours avant
l'échéance.
Le 3 0/0 s'est toujours coté assez ferme jusqu'en 1848, oià
il est tombé à 32 francs. Il a suivi depuis la marche ascen-
sionnelle de toutes les valeurs.
Aujourd'hui, comme sous Louis-Philippe, la spéculation
se porte de préférence sur le 3 0/0. La coulisse ne fait même
pas d'autres valeurs. C'est pourquoi il est toujours plus cher
que le 4 et le 4 1/2.
Notions et dispositions communes aux quatre espèces de fonds
publics.
Sous le nom de Grand-Livre de la dette publique ^on com-
prend l'ensemble de tous les registres qui servent à cette
— 191 —
partie de la comptabilité. — Il y a autant de comptes que
d'inscriptions, quoique beaucoup appartiennent au même
individu.
Les établissements publics et les personnes possesseurs
d'une grande quantité de rentes se font ouvrir des comptes
courants au grand-livre.
Il n'y avait autrefois d'inscription qu'au ministère des
finances. Dans le but de faciliter le développement du crédit
public, la loi de 1819 créa les inscriptions départementales.
Il est ouvert au grand-livre, à Paris, au nom de la recette
générale de cbaque département, celui de la Seine excepté,
nn compte collectif comprenant, sur la demande des ren-
tiers, les inscriptions individuelles dont ils sont propriétai-
res. Chaque rentier inscrit sur ce livre auxiliaire reçoit une
inscription signée du receveur général et visée par le préfet.
Ces titres sont négociables dans les départements et peu-
vent toujours se changer, sur la demande du porteur, en
une inscription directe.
Les rentes sont nominatives ou au porteur. Les premières
sont beaucoup plus nombreuses que les secondes. Au sur-
plus, il est facultatif au propriétaire de faire opérer la con-
version d'un titre nominatif en un titre au porteur et réci-
proquement. Dans le premier cas, il dépose au Trésor public
l'inscription nomiinative accompagnée d'une déclaration de
transfert, signée de lui et certifiée par un agent de change.
11 doit indiquer le nombre et la quotité d'inscriptions au
porteur qu'il désire, en se conformant toutefois aux cou-
pures ci -a près :
EN 4 1,2.
EN 4.
EN 3
10
10
10
20
20
20
30
30
30
60
50
50
100
100
100
300
300
300
500
500
500
1,000
1,000
1,000
2,250
» 2.000
1,500
4,500
4,000
3,000
— 192 —
l.es extraits dinsciiplions au porteur sont à talon, et
peuvent être à la volonté du prenant rapprochés de la sou-
che. Chaque extrait est accompagné de dix coupons semes-
triels re|)ré5entantcinq années d'arrérages. Ces coupons se
détachent aux échéances à cliaque payement. Quand ils sont
épuisés, le Trésor en délivre de nouveaux.
Pour convertir les rentes au porteur en titres nominatifs,
le propriétaire dépose au Trésor l'extrait d'inscription dont
la conversion est récdamée. en indiquant les nom, prénoms,
qualités et domicile de la personne qui doit devenir titulaire
des cfïéts.
Le minimum des inscriptions nominatives est de 9 fr. de
rente. Mais quand on est propriétaire de cette somme, on
peut acheter l, 2, .3 fr., comme on peut détacher d'un titre
plus fort, 1, 2, 3 fr., etc.
Le porteur de plusieurs inscriptions peut en obtenir la
réunion en une seule en les déposant au Trésor, bureau des
mutations.
Lorsqu'un titre a été perdu, on peut mettre opposition au
payement des semestres, et s'en faire délivrer un duplicata.
Les arrérages sont payables au porteur, en telle ville qu'il
lui plait, et se prescrivent par cinq ans.
Le propriétaire i)eut aussi donner procuration notariée de
toucher pour lui.
Le transfert se fait à la Bom^se même, bureau des trans-
ferts. L'agent de change vendeur remet à cet eflét à l'em-
ployé un bordereau contenant la nature et la quotité des
rentes vendues, les noms, prénoms, qualités et domiciles des
acquéreurs, ainsi que la part aiférente à chacun. Le trans-
fert doit être signé du vendeur ou de son fondé de pouvoir,
et certifié par l'agent de change.
Pour les mutations autres que les ventes, telles que celles
provenant de donations, legs, successions, le nouvel extrait
d'inscription est délivré à l'ayant-droit sur le simple rapport
de l'extrait ancien et d'un certificat constatant l'identité et
les titres de propriété de l'héritier ou donataire.
Le transfert par suite de vente est dit transfert réel, dans
les autres cas, on l'appelle transfert de forme.
— 11)3 —
Tout propriétaire d'inscriptions est libre d'en compenser
les arrérages avec ses conti'ibutions directes ou avec celles
d'un tiers. Il lui suffit d'en faire la déclaration au receveur
général, qui se charge de la perception des intérêts et de
leiu' application au payement des contributions, en quelque
lieu qu'elles doivent être acquittées.
Les rentes sont réputées meubles -, elles sontinsaisissables.
BONS DU TRÉSOR.
Les bons du Trésor sont des effets que le gouvernement
délivre contre les sommes qu'on veut bien lui prêter à courte
échéance. C'est une ressource qui lui permet d'escompter les
revenus de Timpôt. Les Bons sont à échéance fixe, de trois
mois, six mois, un an. Le taux de l'intérêt, indé|iendam-
mcnt des variations inhérentes au crédit et au discrédit, de
l'État , est différent selon les époques de remboursement :
il est d'autant plus élevé que l'échéance est plus éloignée.
L'abondance des Bons du Trésor sur la place est un symp-
tôme d'embarras dans les finances publiques. Les années où
on en a le plus émis sont :
1831 : 608,772,510 fr. 1852 : 554,904,417 fr.
1849 : 440,972,926 1854 : 851,158,810
Nous n'avons pas le chiffre de 1855. De 1835 à 1840 l'é-
mission annuelle n'a pas atteint 100 millions. Les années
les plus favorables sont :
1836 : 42,080,872 fr. 1838 : 26,485,803 fr.
1837 : 27,485,642 1839 : 25,394,221
Le taux le plus bas a été de 2 0/0, et le plus élevé de 6.
Les intérêts, en 1856, sont de :
4 li2 de trois à cinq mois :
5 de six mois à onze :
5 1(2 à un an d'échéance.
Une consolidation de Bons du Trésor est un emprunt forcé.
— 194 —
CHAPITRE II.
Dettes départementales et municipales.
Les budgets départementaux et municipaux, de môme que
celui de l'État, s'aggravent chaque année sans que les dé-
penses arrivent jamais à s'équilibrer avec les recettes. La
plus grande partie des sessions législatives est employée à
accorder aux départements et aux communes l'autorisation
de s'imposer extraordinaircment. Ce qui n'empêche pas les
quatre cinquièmes des municipalités, dans les grandes villes,
d'être grevées d'emprunts.
A la différence de la dette publique, dont le capital n'est
jamais exigible, ces emprunts se remboursent par annuités.
Plusieurs grandes villes ont adopté le système des obliga-
tions à primes, depuis longtemps en usage à Paris. — Les
obligations de Paris et de Marseille sont seules cotées à la
Bourse ; c'est pourquoi nous ne pouvons mentionner les
autres.
EMPRUNT DU DÉPAUTEMEXT DE LA SEL\E.
Une loi du 17 juillet 1856 a autorisé le département de la
Seine à emprunter une somme de 50 millions, affectée, pour
10 millions, au payement de l'arriéré de la dépense des en-
fants trouvés et des aliénés, et pour 40 millions, au service
de la Caisse de la boulangerie de Paris et des communes du
département.
Par décrets, en date des 30 janvier dernier et 9 février pré-
sent mois, S. M. l'empereur a approuvé les conventions
intervenues entre M. le préfet du département de la Seine
et MM. Saint-Paul elComp. {Union financière et industrielle)
pour la réalisation de cet emprunt.
Le capital de 50 millions doit être versé, au compte du
— 195 —
département, dans la caisse centrale du Trésor, savoir ; un
cinquième d'ici au 31 mars prochain, et le surplus en trois
termes égaux, les 1" juillet 1857, 1^"" janvier et 1" juillet
1858.
Cet emprunt sera représenté par des obligations départe-
mentales au porteur constituées au capital de 225 fr., pro-
duisant un intérêt annuel de 9 fr., donnant droit à des lots
et devenant successivement remboiu'sables en trente ans, à
partir du 1^' juillet 1858, par voie de tirages au sort semes-
triels, qui auront lieu à la préfecture de la Seine les l" mai
et 1" novembre de chaque année.
Les huit premiers numéros sortants au tirage du P' mai
auront droit :
Le 1" à un lot de 100.000 fr.
Le 2« à un loi de . . •• 10,000
Le 3"= à un lot de 10,000
Les 4'', 5*", 0% 7* et 8'^, chacun à un lot de
1,000 rr.,ci 6,000
Les intérêts échus, les obligations sorties et les lots ga-
gnés seront payés A la caisse centrale du trésor public, les
1" janvier et 1" juillet.
Des titres provisoires seront délivrés à MM. Saint-Paul et
C'% après le versement du premier terme de l'emprunt, dont
ils sont tenus personnellement.
Les porteurs de ces titres provisoires auront droit à un
intérêt de 4 1/2 p. 0/0 sur les sommes versées; ils auront la
faculté de se libérer par anticipation en versant tous les
termes non échus, et, à compter de ce moment, ils auront
droit à l'intérêt de l'obligation entière, à raison de9fr. pur an.
Ils jouiront immédiatement, dans tous les cas, du bénéfice
éventuel des lots annuels, dont le premier tirage aura lieu
en mai 1857.
La délivrance des titres définitifs sera faite après la libé-
ration de tous les titres provisoires, en juillet 1858.
— !9G —
DETTE DE LA VILLE DE PARIS.
EMPRUNT DE 1849.
Une loi du l"^»" août 1847 ot un décret de l'Assemblée na-
tionale du 24 août 1848 ont autorisé la ville de Paris à con-
tracter un emprunt de 25 millions de francs qui a été
adjugé, le 25 avril 1849, à MM. Béchet, Detlionias et C'% au
taux de 1,105 fr. 40 cent, par obligation de 50 fr. d'intérêts.
Les obligations sont remboursables à 1,000 fr. Elles portent
5 0/0 de rente, plus une prime de 1 0/0 l'an, en addition au
capital. Getle prime se confond avec celles affectées, à cha-
que tirage, aux 34 premiers numéros sortants dans la pro-
portion suivante :
1" numéro 30,000 fr.
2'^ — 15,000
3- — 10,000
4e — 7,000
5% 6^7^ chacun 3,000. . . 9,000
Du S'' au 11"-, cliacun 2,000. . . 8,000
Du 12'' au 17% chacim 1,000. . . 0,000
Du 18'= au 33% chacun ôOO. . . . 16,000
Le 34" une somme variant de 410 à 1,791
Les arrérages se payent le V avril et le l^r octobre; les
remboursements s'effectuent à la même époque; les tirages
ont lieu les l""" mars et l^'' septembre.
Le remboursement doit être terminé au V mars 1859.
EMPRUNT DE 1852.
Cet emprunt a été autorisé par la loi du 4 août 1851 pour
subvenir aux dépenses d'établissement des grandes halles et
de leurs abords, et du prolongements de la rue de Rivoli. 11
a été adjugé le 3 avril 1852 à MM. Béchet, Dethomas et C'%
au cours de 1,227 fr. 82 cent, par obligation.
Les obligations, au nombre de 50,000, sont de 1,000 fr.,
portant intérêt à 5 0/0. Les arrérages se payent le T' janvier
et le 1" juillet de chaque année.
— 1V)7 —
Le tirage au sort des obligalions rcinl)oursables a lieu le
1" mai et le l**" novembre. Les remboursements s'ellectuenl
aux époques tixées pour le payement des intérêts. L'emprunt
doit êlre complètement amorti en 1871.
Les primes sont les suivantes :
I" miméro 60,000 fr.
2-^ — 20,000
3" — 16,000
4" — 10,000
5' el (r, ohai'iiM 6,OcO. . 10,000
Du 7^ au 12^ chacun 3,00C. . 18,000
Du 13* au 2G^ chacun 2,000. . Ifi.OOO
Du 21" au 3r, chacun 1,000. , 14,000
Du 35= au 69% chacun 600. . . 12,600
l.ft fiO" en moyenne 2,600
EMPULNT DE 1866.
Cet emprunt a été réalisé au moyen de 150.000 obliga-
tions, émises à 400 fr., produisant 15 fr. d'intérêts payables
le 1" mars et le 1" septembre ; elles sont remboursables à
500 fr. en quarante ans , à partir de 1858. Les tirages ont
lieu le l^"" février et le 1" août; ils ont commencé en
août 1855. Les quinze premiers numéros sortants partagent
150,000 fr. de lots, ainsi répartis :
1" numéro 100,000 fr.
Du 2= au 6% chacun 10,000. . 40,000
Du 6' au 15% chacun 1,000. . 10,000
ANNUITÉS DES PONTS.
Le péage sur les ponts de Paris fut supprimé après la révo-
lution de février, et la ville dut prendre à ceteflet tels arran-
gements que de droit avec les concessionnaires.
Au nombre des sociétés à indemniser se trouvait la com-
pagnie dite des trois vieux |)onts (pont d'.\usterlitz, de la
Cité et des Arts) , déjà attaquée en 1847 pour perception
illégale de péage. Comme elle avait gagné son procès, lu
ville dut reconnaître la prolongation du bail qui lui concé-
dait le droit de taxe jusquen 1897, et c'est à titre d'indem-
— 198 —
nité qu'elle lui paye annuellement une somme de 77 fr. par
action, en deux semestres de 38 fr. 50 cent, chacun, le 24 fé-
vrier et le 24 août. Le dernier payement doit avoir lieu le
24 février 1897. Le nombre des actions est de 3,485; ce
qui porte le total à payer chaque année à 268,345 fr.
Les trois nouveaux ponts (de l'Archevêché, d'Arcole et des
Invalides) se remboursent au moyen de 1,166 annuités de
20 fr. et de 156 annuités de 500 fr. au porteur , payables
du 1er janvier 1852 au l^r janvier 1876.
Les annuités du pont du Carrousel sont au nombre de
1,070, de 97 fr., payables du 1" septembre 1850 au 1er gep-
lembre 1867.
Celles du pont Louis-Philippe sont de 25 fr. ; 1,000 sont
payables du 26 juillet 1855 au 26 juillet 1883, et 1,000 au-
tres à partir seulement de 1872.
BONS DE LA CAISSE DU SERVICE DE LA BOULANGERIE.
Afin d'assurer l'approvisionnement de la capitale pendant
la cherté et la taxation du pain au-dessous de la mercuriale ,
la Caisse de la boulangerie émet , sous la garantie de la ville
de Paris, des bons à diverses échéances et portant intérêt. Ils
sont par coupures de 100 fr. à partir de 500; rémission et le
remboursement ont lieu à l'Hôtel de Ville. Cependant ils ne
font pas partie de la dette municipale tant que la garantie
de la ville reste à l'état de caution.
EMPRUNT DE LA VILLE DE MARSEILLE.
C'est un emprunt du genre de ceux que contracte la ville
de Paris. Il a été autorisé par une loi du 9 août 1847 et un
décret du 13 juillet 1848. Il se compose de 9,000 obligations
de 1,000 fr. chacune, produisant 50 fr. d'intérêts, payables
le 1*' janvier et le 1*' juillet. Les obligations sont rembour-
sables en 29 tirages semestriels, qui ont lieu le 1" janvier et
le V^ décembre-, les remboursements ont lieu aux mêmes
époques que les payements d'intérêts. L'emprunt doit être
complètement amorti en 1864.
Les dix premiers numéros ont droit aux lots suivants :
— 199 —
1" numéro 15,000 fr. .
2° — 10,000
3« — 5,000
4^ — 2,000
5« — 1,000
Du 6* au 9«, chacun 500. . . . 2,000
Le 10^ en moyenne 455 20
— 200 —
DEUXIÈME SECTION
ACTIOAS KT OBLIGATIONS lïES COMPAGNIES.
DE L'ASSOCIATION.
Les grands travaux d'utilité publique, canaux, chemins
de fer, docks-, les grosses entreprises, banrpies, mines, for-
ges, assurances, ont donné au contrat de société, depuis ces
trente dernières années surtout, un essor dont les rédacteurs
du Code étaient certes loin de prévoir Timpor lance. Le
cham de l'initiative individuelle se resserre chafjue jour
devant les envahissements de l'association. La transforma-
tion est rapide. Nous maichons à ime vaste société anonyme,
où les plus puissantes individualités s'appelleront simple-
ment, comme les petites, un numéro.
Le fort, dit M. Troplong, n'accepte pas de société. — Hé I
qu'est-ce que le fort aujourd'hui? Que pèsent les grandes for-
tunes dans le creusement de canaux reliant nos fleuves et nos
ports, dans rétahlisseinent de raiiwayss'étendantde Rayonne
à Dunkerque, de Marseille au Havre, de Nantes à Stras-
bourg? Où en seraient ces travaux de géants avec le seul
concours des rois de la finance?
Le véritable fort, c'est celui qui, s'emparant du formidable
levier de l'association, parvient à le diriger à son profit; par
là il centuple sa puissance ^ et comme la loi permet une pa-
reille usurpation, il y a encore des forts et des faibles. Mais
qu'est-ce qu'un homme réduit à ses propres ressources?
Le développement moderne de l'association est né de la
situation même, et non des petits calculs de l'économiste et
— -201 —
du spéculateur. L'iuuuunilé a.i^it avant de laisouuer son ac-
tion : à demain les objections des sages.
Dans l'état actuel des choses, l'association, cest de la so-
lidarité, non point comme Tentendent les utopistes, mais
comme la comprennent les gens de négoce. Considérez tour
à tour ces deux éléments de toute société modeine, l'action-
naire et le travailleur.
L'actionnaire n"a, en fait, qu'un droit, le droit de j)ayer,
et, s'il y a lieu, d'être payé. La gestion de l'entreprise, la
répartition des salaires, le contrôle de tout ce qui se fait
avec ses écus, ne le regardent })oint. Les administrateurs
peuvent disposer de sa chose, la compromettre, la ruiner; il
n'a rien à y voir. On lui fait la |)art large dans les risques,
petite dans les profits. 11 doit tenir des engagements qu'il
n'a pas pris, solder des dettes qu'il n'a pas consenties. L'in-
dustrie sera bien vivace s'il en relire des bénéfices. Le résul-
tat de toute société de commerce, c'est, avant tout, l'ex-
ploit al ion des actionnaires.
Le travailleur se trouve peut-être mieux traité? Au con-
traire. Un patron, si dur qu'on le suppose, est après tout un
homme, ca[)able, comme un autre, de justice et de sensibi-
lité. Placé entre son intérêt et une réclamation équitable, il
peut n'écouler que les conseils de l'égoïsme ; mais il discute
du moins avec le réclamant, et c'est déjà un point. La me-
nace d'une grève, les dangers d'une désertion en masse sont
des considérations dont il tiendra compte 5 car c'est sa propre
fortune qui est en jeu. Allez donc réclamer auprès d'une
compagnie! Où la prendre, où saisir cette impersonnalitc
despotique qui s'appelle Mines de la Loire^ Cheuiin. de jer
du l\ord, ou de tout autre nom? Vous vous adresserez aux
administrateurs? Que sont-ils dans l'affaire '? Des salariés
connue vous. Us n'ont pas pouvoir de vous entendre. Vous
abandonnerez les chantiers? Que leur importe? J-es risques
sont {)our la société, non pour les gérants. Et puis, (ju'(!st-cc
que l'ouvrier d'une compagnie^ Un rouage de mécanique;
moins que cela, une dent d'engrenage; moins que cela en-
core, car une dent brisée peut arrêter le mouvement, et l'on
ne s'aperçoit pas de la disparition d'un homme. Plus il y a
— 202 —
d'ouvriers engagés dans une même entreprise, moins leurs
mutineries sont à craindre. Où iraient-ils? La chair à ma-
chines ne manque pas plus que la chair à canon. Que de-
viennent, dans l'association ainsi faite, la responsabilité du
travailleur, garantie d'une bonne et prompte exécution? son
individualité, stimulant qui le pousse à perfectionner son
état? sa liberté, conquête d'il y a soixante ans, qui laisse à
l'apprenti l'espoir de devenir maître, ou tout au moins com-
pagnon, et, dans tous les cas, la certitude de vivre indépen-
dant du fruit de son labeur?
Asservissement de l'ouvrier à la machine, du commamii-
taire à l'idée, voilà l'association telle que l'industrialisme l'a
faite. Ce n'est plus l'union libre des volontés et des intelli-
gences, comme l'avait rêvée le législateur civil, pour l'ex-
ploitation en commun d'une chose et le partage équitable
des produits -, c'est la subalternisationdcs âmes au fatalisme
de la spéculation et de ses machines, et malheur à qui n'au-
ra pas su s'y réserver la belle place, la bonne part ! 11 n'a rien
à attendre, ni pour le corps ni pour l'àme, de ses prétendus
associés : il sera dévoré par le monstre.
Contrairement à ce système, destitué de tout élément mo-
ral, qui ne s'adresse qu'au capital et à la main-d'œuvre,
et dont le résultat invariable est de soumettre l'esprit à la
matière, quelques-uns, exagérant encore le principe de la
communauté et de l'indivision, prenant l'agglomération pour
l'union, la promiscuité de l'atelier pour la fraternité, ont
prétendu trouver, dans cette caricature de la famille, la loi
de l'association. Pour eux, la solidarité a dû être non-seu-
lement réelle, mais personnelle, universelle, absolue. Ils se
sont épris d'une belle passion pour le travail en commun , et
ils en ont voulu faire rien de moins qu'un culte, une reli-
gion. Quiconque s'isolait et s'obstinait à travailler seul était
impie. Ce n'était même point assez de s'associer pour la
vente et l'achat des matières et des produits : il fallait habi-
ter l'atelier social, alin de rester constamment sous l'œil
vigilant des frères. Nul ne devait plus se mêler d'affaires en
son nom sous peine d'être flétri comme égoïste ; tout devait
se faire par délégation.
— 203 —
Ce beau feu , toujours vivace chez les théoriciens, n'a pas
tardé à s'éteindre chez les expérimentateurs. II y a eu désil-
lusion sur désenchantement; et les prophètes de crier au
vice originel, à l'imperfection humaine. Étranges réforma-
teurs, à qui il faut une humanité tout exprès pour l'appli-
cation de leurs idées, et qui rejettent comme vicieux ce qui
n'entre pas dans leur cadre, sans se douter que le vice ne
provient pas d'ailleurs que de leur conception!
Quel parti prendre entre ces systèmes? quel tempérament
choisir? — En principe, aucun. L'association des personnes,
comme celle des capitaux et des forces, n'est, comme la di-
vision du travail, la concurrence, le crédit, comme les ma-
chines elles-mêmes, qu'un instrument économique : c'est un
moyen, un procédé auquel dans la nécessité l'homme peut
avoir recours, qui par conséquent appelle les déterminations
de la justice, mais qui n'est pas par lui-même la justice,
qui n'a rien en soi de libéral, rien de social.
Que ceux-là donc qui , par le cours naturel des choses, se
trouvent dans le cas d'avoir recours à l'association, sous
quelque forme et dans quelque mesure que ce soit, s'arran-
gent pour l'entourer de toutes les garanties et compensa-
tions possibles , comme une nation qui se donne un prince
commence par lui imposer une constitution : à eux sage I
Maisquerassociationsoitrecherchéepour elle-même, comme
l'expression du droit et du progrès, comme une sorte de pa-
nacée contre la servitude et la misère-, que des êtres intelli-
gents et libres s'éprennent d'amour pour une combinaison
qui leur ôte la personnalité, linitiative et l'indépendance;
où il ne peuvent être jamais que chefs ou soldats , exploi-
teurs ou exploités, tout au plus membres également partici-
pants d'un même organisme qui les entraîne , soumis à une
même pensée qui les domine, c'est ce qui répugne à l'huma-
nité , et que l'on ne verra jamais.
En toute association, il n'y a que les gérants, administra-
teurs, directeurs qui puissent trouver satisfaction entière :
la nécessité seule y retient les autres.
Comment alors un système, marchant, à ce qu'il semble,
au rebours du progrès et de la liberté, prend-il chaque jour
— :)01 —
des [Ji'oporlious plus grandes, au point de menacer de tout
envahir? — La force des choses nou smène, avons-nous dit.
Le machinisme s'est mis partout. Là où la machine fait le
gros et le fini delà besogne, l'homme n'est rien que son ser-
vant. Le moyen d'employer la machine sans le concours
d'un grand nombre de bras et de capitaux?
Et la raison d'être de la mécanique ?
Ah! c'est qu'il faut produire vite et bien, beaucoup et à
bon marché. Sans la rapidité des communications, une foule
de valeurs resteraient stériles -, il y aurait disette ici et en-
combrement là, c'est-à-dire ici et là misère. Sans les ma-
chines, le ménage qui a du linge n'aurait que des loques ,
l'homme en haillons resterait nu. Certes les douleurs du
|>aupérisme actuel sont poignantes; mais qu'on lise les ta-
bleaux de Vauban et le portrait du paysan au temps de La
Bruyère!...
Le producteur maudit les machines, le consommateur les
bénit. Cependant tout consommateur est producteur, et ré-
ciproquement. C'est une des mille contradictions dont l'éco-
nomie cherche la clef=
Ainsi en doit-il être de l'association, de plus en plus iné-
vitable, fatale. Tous associés et tous libres : tel est le pro-
blème.
II.
Nous en sommes à l'apprentissage de l'association. Le
contract de société, si ancien qu'on le suppose, n'a rien dans
son passé d'analogue à ce qu'il produit aujourd'hui. C'est
une révolution qu'il apporte. Nous assistons à la transition,
en d'autres termes, aux tâtonnements, à l'expérience. Faut-il
s'étonner que l'organisation en soit imparfaite? La pratique
n'a pas encore donné sa formule. Or, une loi ne s' invente pas,
elle se découvre. Les prescriptions du Code sont lettre morte
là où elles sont en opposition avec les faits et les besoins.
Nous en citerons un exemple pris au cœur même de notre
sujet.
Les sociétés qui nécessitent des mises de fonds considé-
— -205 —
râbles et des liavaii.v de plusieurs uunées, connue les che-
mins de fer, payent auxcoinnianditaires des intérêts à partir
des versements. Or, tant que l'exploitation n'a pas produit
de bénéfices, ces intérêts ne peuvent être pris que sur le
capital.
Des jurisconsultes ont vu là une illégalité: u 11 est déri-
soire, ont-ils dit, qu'un associé donne d'une main et re-
prenne de l'autre; c'est un détournement préjudiciable aux
tiers; en réalité, l'actionnaire ne verse pas ce à quoi il s'est
engagé; conventions contraires à l'article 1845 du Code civil,
suivant lequel chaque associé est tenu de tout l'apport par
lui promis; contraires à l'article 26 du Code de commerce ,
qui déclare les bailleurs de fonds responsables jusqu'à con-
currence de leur mise. «
C'a été la doctrine du conseil d'État, et elle est de tous
points conforme au droit écrit.
Cependant le moyen d'attirer les capitalistes, en ce temps
surtout où chacun vit au jour le jour et se montre pressé de
réaliser? le moyen d'amener le rentier qui a besoin de ses
annuités pour vivre , quand il s'agit de renoncer à ses arré-
rages pendant cinq ù dix ans? Aussi le gouveinement a-t-il
passé outre aux scrupules des légistes, et n'a-t-il fait aucune
difticulté d'autoriser de pareilles stipulations.
Ne nous plaignons pas de l'insuffisance de la loi : elle
saura se plier aux exigences.
Quoi ([u'il en soit, connue il faut une sanction, une exis-
tence légale à toute société, nulle association ne peut se con-
stituer en dehors des données du Code. Voyons ce qu'il dit
à ce sujet.
La loi reconnaît deux genres de sociétés : la société civile
eiVà société commerciale. Elle. ne dit rien de leurs caractères
dislinclifs, de leur différence, du moyen de les reconnaître.
Elle se borne à cette définition générale :
« La société est un contrat par lequel doux ou plusieurs ]»or-
sonncs conviennent de mettre quehjue chose en conunun, dans la
vue de partager le bénélicc qui pourra en résulter.)» (Art. ISli"!,
Code civil.)
12
— 206 —
Les commentateurs considèrent comme sociétés commer-
ciales celles qui ont pour but de faire des actes de commerce ;
les autres sont sociétés civiles.
« La loi répute acte de commerce : — Tout achat de denrées et
marcliandises pour les revendre, soit en nature, soit après les
avoir travaillées et mises en œuvre, ou même pour en louer sim-
plement l'usage; — Toute entreprise de manufactures, de com-
missions, de transport par terre et par eau ; — Toute entreprise
de fourniture, d'agences, bureaux d'affaires, établissements de
ventes à l'encan, de spectacles pubbcs; — Toutes opérations de
banque, change et courtage; — Toutes les opérations de banques
publiques; — Toutes obligations entre négociants, marchands et
banquiers; entre toutes personnes, les lettres de change ou re-
mises d'argent faites de place en place. » (Art. 632, C. de comm.)
Est réputé également acte de commerce tout ce qui con-
cerne les expéditions maritimes, depuis la construction du
navire jusqu'aux engagements des matelots. (Art. 633.)
Qu'est-ce qui n'est pas acte de commerce? Une société
pour l'achat et la revente des immeubles est-elle commer-
ciale? La loi ne parle que de denrées et marchandises. Le
Crédit foncier est-il société civile? Ses prêts sont-ils affaire
de banque? Où classer les assurances? Le Code ne parle que
des assurances maritimes. Le commanditaire qui ne cherche
qu'un placement de fonds fait-il acte de commerce en met-
tant ses capitaux dans une entreprise commerciale?
On le voit, le Code n'est pas précis même sur les défini-
tions. Cependant, comme il y a juridiction civile et juridic-
tion commerciale., il est important d'être fixé en cas de litige.
La pratique est plus explicite; elle ne connaît guère les
sociétés civiles que de nom. Pour elle tout devient objet de
commerce: immeuble, denrée, marchandise. Elle marche
d'instinct à l'unité de codification des valeurs et de la pro-
priété.
Le Code de commerce distingue ; la société en nom collec-
tif., la société en commandite et la société anonyme.
(( La société en nom collectif existe sous une raison sociale,
N. et C". Les associés sont solidaires indéfiniment pour tous les actes
— 207 —
de la société, encore qu'un seul des gérants ait signé, pourvu que
ce soif sous la raison sociale. » (Art. 22.)
« La société en commandite se contracte entre un ou plusieurs
associés responsables et solidaires, et un ou plusieurs associés sim-
ples bailleurs de i'onds. — L'associé commanditaire n'est passible
des pertes que jusqu'à concurrence des fonds qu'il a mis ou dû
mettre dans la société. » (Art. 23, 26.)
La diflérencecapitaleenlrelesdeux sortes d'associés, c'est
la diflerence de responsabilité. Ainsi , tandis que le com-
manditaire limite ses risques au montant de sa souscription,
l'associé en nom collectif est responsable indéfiniment. Le
gérant de la commandite n"est pas autre chose iquiin asso-
cié en nom collectif. C'est ainsi qu'il faut entendre l'art. 25,
ainsi conçu :
« Le nom d'un associé commanditaire ne peut faire partie de la
raison sociale. »
Cela ne veut pas dire que le gérant ne saurait être action-
naire , mais que . par le fait de sa gestion , il assume une
responsabilité qui nïncombe pas au simple commanditaire.
Aussi toute société en commandite est en nom collectif
pour le ou les gérants, et en commandite pour les simples
bailleurs de fonds.
ce L'associé commanditaire, dit l'article 27, ne peut faire aucun
acte de gestion, ni être employé pour les affaires de la société,
même en vertu de procuration. — Le contrevenant devient passi-
ble de tous les engagements et de toutes les dettes de la société. »
(Art. 28.)
Le Code se tait sur le chapitre de la surveillance et des
assemblées. La jurisprudence a suppléé au silence de la loi
et reconnu au commanditaire le droitMe contrôle, que lui
déniait formellement le projet primitif du conseil d'État.
La nouvelle loi sur les commandites va plus loin. Elle fait
à ces sortes de sociétés une obligation d'avoir un conseil de
surveillance, composé de cinq membres au moins, et chargé
de vérifier les livres, la masse, le portefeuille et les valeurs
de la compagnie -, — de faire un rapport à l'assemblée gé-
nérale sur les inventaires et les propositions de distribution
de dividendes ; — de convoquer les assemblées, s'il y a lieu,
— 20S —
pt an besoin de provoquer la dissolution de la société.
(Art. 5, 8 et 9.)
Elle déclare les membres du conseil responsables solidai-
rement et par corps : 1° lorsque la société vient à être an-
nulée pour vice de constitution; 1" lorsque sciemment ils
ont laissé commettre dans les inventaires des inexactitudes
graves, préjudiciables à la société ou au tiers; 3" lorsqu'ils
ont, en connaissance de cause, consenti à la distribution de
dividendes non justifiés par des inventaires sincères et régu-
liers. (Art. 7 et 10.)
Ces prescriptions sont-elles limitatives des cas de respon-
sabilité?
J.'autorisation donnée par le conseil ou l'assemblée de
contracter un emprunt, d'augmenter le capital ou d'affecter
une part des bénéfices à l'extension des affaires -, la censure
du mode d'administrer , la fixation des appointements du
gérant et des employés, la mutation du personnel adminis-
tratif, tous ces actes et tant d'autres semblables constituent-
ils une immixtion dans les opérations? ceux qui y partici-
pent encourent-ils la responsabilité de l'art. 28 du Code de
commerce? ou bien font-ils acte de simple surveillance.'*
Graves questions , dont les commanditaires ne soupçonnent
pas même l'importance, et sur lesquelles il serait possible
d'enter d'interminables procès.
La société anonyme est mieux définie. Là, personne n'est
responsable !
« Elle n'existe point sous une raison sociale. — Est est qualifiée
par la désignation de l'objet de son entreprise. — Elle est admi-
nistrée par des mandataires à temps, révorables, associés ou non.
— Les administrateurs ne sont responsables que de l'exécution du
mandat qu'ils ont reçu. — Ils ne contractent, à raison de leur
gestion, aucune obligation personnelle ni solidaire, relativement
aux engagements de la société. — Les associés ne sont passibles
que de la perte du montant de leur intérêt dans la société. » (Ar-
ticles 29-33.)
La société anonyme ne peut exister sans l'autorisation du
cbef de l'État.
(Comment la pratique s'arrange-t-elle de toutes ces pres-
criptions?
— 209 —
Nous ne dirons rien de la société en nom collectif, dont les
membres sont autant de patrons intéressés au même titre.
Les tiers n'ont rien à voir ce qui se passe chez eux.
Dans la commandite, le gérant est de droit le maître de
la maison, malgré les prescriptions de la nouvelle loi. Dans
la société anonyme , les administrateurs sont des délégués
révocables, dont les pouvoirs et les attributions émanent de
l'assemblée générale.
(( I.a commanflite est une monarchie tempérée, dit M. Troplong;
la société anonyme est une véritable république élective. »
Ajoutons: Avec les empiétements traditionnels des deux
espèces de gouvernement: envahissement de l'exécutif sur
le législatif; — asservissement de l'électeur par l'élu.
Il serait difficile de dire lequel des deux régimes vaut le
mieux pour l'actionnaire. Sous l'un comme sous l'autre , il
est la plèbe taiilable et corvéable h merci et miséricorde.
L'usage, sans s'inquréter des distinctions des légistes sur
une question non élucidée, réserve la société anonyme aux
grandes entreprises, aux grosses mises de fonds , et la com-
mandite aux allaires moins importantes.
Il y a des commandites où le gérant n'apporte rien, ni en
numéraire, ni en matériel. L'acte de société alors est géné-
ralement rédigé de façon à ne lui laisser que l'exécution des
mesures dictées par un conseil de surveillance remplissant
en réalité les fonctions d'administrateur , sans souci delà
responsabilité qui incombe à une pareille immixlibn.
Le gérant peut toujours, il est vrai, s'affranchir d'une pa-
reille tutelle : le Code l'y autorise. Mais ni actionnaire ni
gérant ne connaissent le Code; et, sauf le cas de mauvaise
foi, la commandite continue de cheminer avec une organisa-
tion empruntée à la société anonyme.
Aussi la nouvelle loi a-t-elle voulu parer à cet inconvé-
nient en augmentant les pouvoirs et la responsabilité du con-
seil de surveillance, et en faisant intei venir les assemblées
générales.
Il faut qu'un commanditaire soit bien malheureux pour
envier le sort d'un actionnaire de compagnie aiionyme. C'est
12.
— 210 —
là que rexploitâtion du petit capitaliste par l'état-major se
produit dans toute sa puissance, dans tout son cynisme.
Tant pis pour l'actionnaire I direz-vous. N'est-il pas le
mandant? N'a-t-il pas le droit d'élection et de contrôle? Qui
l'empêche de destituer les forfaitenrs?
En théorie , tout cela est superbe. Mais remarquez bien
ceci : Pour faire partie de l'assemblée générale, il faut être
possesseur d'un certain nombre d'actions -, les voix se comp-
tent par actions et non par têtes; la direction se compose
des gros capitalistes; leur i)répondérance est d'autant mieux
assurée, que l'insouciance des petits, leur ignorance en
comptabilité et en administration les livrent pieds et poings
liés. Ajoutez que la gent actionnaire en est encore à ce degré
de béotisme, qull lui faut un homme, un nom illustre. —
Une probité à l'épreuve, une expérience de longues années,
l'esprit d'initiative, les plus éminentes qualités réunies en
un individu sans renom dans le monde financier, n'attire-
ront pas un écu. Le premier flibustier dont le nom, les titres
et la fortune résonnent un peu haut, amènera jusqu'aux
économies des portiers. Aussi y a-t-il des billets de banque
pour les administrateurs, quand il n'y a pas seulement des
centimes pour les actionnaires.
Demandez à un de ces prédestinés de la mystification ano-
nyme, dont tout lavoir, quelques maigres mille francs péni-
blement amassés, sont dans un chemin de fer, comment il
se fait que sa compagnie, qui vient de payer 10 0/0 de divi-
dende, soit obligée d'emprunter 20 millions. H vous lira au
nez. — Ha! ha! MM. X et Z qui sont à la tête s'y entendent;
puis ils sont trop riches pour être indélicats.
Où avions-nous lu que la confiance s'est retirée?
De bons et candides rentiers vous disent, avec l'accent de
la foi la plus béate: — Nous n'avons pas besoin de nous in-
quiéter ; ces messieurs du conseil sont plus gros actionnaires
que nous; ils ne manqueront pas de défendre leurs intérêts,
et par conséquent les nôtres.
Braves gens qui raisonnez si juste , achetez un lopin de
terre et plantez -y des choux I mais ne mettez pas vos épar-
gnes dans une société anonyme.
— 211 —
Écoutez cette parabole :
M. Grapinard, maître de forges, a accepté, par pure phi-
lanthropie, afin d'être agréable aux actionnaires, d'entrer
au conseil d'administration d'un chemin de fer où il a quel-
ques intérêts. L'entreprise a besoin de rails et de machines.
Où prendre le tout? — Chez Grapinard naturellement. Il est
intéressé dans la société , il ne lui fera pas de conditions
mauvaises. Mais quoi I il a pour 100,000 fr. d'actions et
10 millions de fournitures à faire. Croyez-vous Grapinard
l'administrateur capable de chicaner Grapinard le maître de
forges sur le prix et la qualité des marchandises? — Douce-
ment! Grapinard n'est pas seul au conseil ; M. Grippcfranc
ne fournit pas de fer, lui. — C'est vrai ; mais il a l'entre-
prise des traverses. — Du moins, M. Sei-refort ne fournil
rien.. — Si son cousin fournit pour lui, qu'en savez-vous?...
Ce n'est point là une hypothèse: nous avons cité assez de
faits de cette nature dans noire chapitre Vil.
Les administrateurs des sociétés anonymes sont irrespon-
sables, à la différence des gérants de commandite qui sont
garants, de tous leurs biens et de leur personne , pour les
dettes sociales. Et de fait une responsabilité de ce genre se-
rait illusoire dans le cas de faillite dune compagnie anonyme
au capital de 20 millions, plus ou moins. L'irresponsabilité
nous semble de droit. C'est aux actionnaires d'exercer un
contrôle plus sérieux; c'est au gouvernement, dont l'autori-
sation est nécessaire pour la validation des statuts, d'armer
le bailleur de fonds contre les états-majors, et d'user de son
droit de surveillance.
IH.
Le principe de la société anonyme semble appelé à préva-
loir. La commandite n'est pas vraiment une association.
C'est un prêt fait à un ou plusieurs industriels, dont les ca-
pacités ou un commencement d'établissement offrent des
garanties. Seulement le prêt, au lieu d'être à un taux déter-
— 212 —
miné pour cent l'an , doit suivre les chances aléatoires de
l'entreprise ; il participe aux profils et aux pertes. En réa-
lité, le conrimandité , de même que l'emprunteur, reste
maître de Valïd'ive: c'e&l de toute justice, puisqu'il est in-
définiment responsable. La nouvelle loi, du reste, ne tend pas
à moins qu'à la suppression de celte forme d'association.
Dans la société anonyme, au contraire, tous les action-
naires sont égaux, du moins d'après la loi (1). L'administra-
tion relève des assemblées générales, où tous ont voix déli-
béralive. Nous ne la comparerons pas au pouvoir exécutif
d'une monarchie constitutionnelle ou d'une république re-
présentative; car une administration n'esl pas une autorité.
C'est pourquoi, lorsqu'une direction a fait ses preuves , on
doit se garder de la changer, bien qu'elle doive rester perpé-
tuellement amovible.
Quand on sera revenu de l'engouement pour les célébrités
financières , quand les notions de comptabilité seront plus
répandues, quand la spéculation stérile, avide de réaliser
des bénéfices avant la mise en valeur des travaux, aura fait
place à de simples opérations de crédit , la forme anonyme
olfrira aux capitalistes toutes les sécurités désirables, et aux
entreprises grandes et petites des ressources à l'infini.
Reste la question des travailleurs, dont l'association n'a
point augmenté le bien-être, tant s'en faut.
Si le progrès n'a pas menti à lui-même, la position de l'ou-
vrier doit s'améliorer avec l'avenir. Or, l'avenir, c'est l'asso-
ciation comme forme du travail, ce qui signifie, dans les
données acluelles, la dépendance, l'asservissement.
Nous croyons à l'infaillibilité du progrès: c'est donc la
pratique actuelle qui est dans l'erreur. La formule du con-
trat de société n'est pas trouvée : voilà tout le mal^ il peut
n'être pas de durée.
Il n'entre pas dans notre cadre de nous livrer à une re-
cherche approfondie sur ce sujet. Nous n'en dirons qu'un
mot.
(1) Les statuts des sociétés anonymes n'admettent à l'assemblée que les
propriétaires d'un nombre déterminé d'actions; mais le Code ne prescrit
rien de semblable.
— 213 —
I>c point de départ d'une telle investigation doit être, se-
lon nous, cet axiome : Moins l'homme est asaocié^ phis il est
libre; plus il est heureux par conséquent, l.e morcellement
de rassocialion par groupes aussi petits, aussi indépendants
que possible les uns des autres, voilà le principe de la liber-
té. C'est aussi celui de l'économie et du bon marché.
On croit généralement que la centralisation administra-
tive et la réunion, sous une direction unique, d'industries
fort disparates procure une réduction dans les frais géné-
raux. C'est une erreur. Le morcellement n'a que faire de bu-
reaucratie. Toute celle qu'emploie l'administration centrale
est de trop.
Essayons d'un exemple de décentralisation dans l'entre-
prise la plus gouvernementale après le gouvernement, un
chemin de fer (1).
1» Le service d'un railway exige d'abord l'entretien et la
sécurité de la voie: c'est l'affaire des cantonniers. La com-
pagnie rédige son cahier des charges, lui donne de la publi-
cité, et invite les sociétés de cantonniers à traiter avec elle.
Une fois les conventions arrêtées et la concession faite, l'or-
ganisation du service d'entretien et de sécurité ne regarde
plus la société du chemin. C'est une section à rayer de l'ad-
ministration centrale.
2" Une société de mécaniciens devient adjudicataire, soit
directement, soit par soumissions au rabais, de l'entreprise
de la traction, moyennant une somme de ..., une quantité
de coke de ... et un matériel de ... La compagnie du che-
min de fer n'a plus qu'à veiller à l'exécution de son cahier
des charges: quant au service, il ne la regarde pas.
3o Une autre société de mécaniciens devient adjudicataire
des travaux de réparation à faire au matériel.
A° Le roulage ordinaire, c'est-à-dire l'industrie libre, re-
prend l'entreprise du transport des marchandises et du ca-
•(I) Voir, nir toute cette matière de l'associai ion, et en particulier de la
société anonvine, sur ses abus, ses cnvaliissemenls, sa mauvaise administra-
tion, SCS spéculations, sa comptabilité, ses gaspillages, etc., l'ouvrage déjà
jiiusieurs lois cité.- Des Réfunnes à opfrev dam l' Hxplniidiioii des Chemina
de fer. Paris, I86.S, (Jarnier frères.
— 214 —
mionnage. La compagnie du chemin n'a rien de plus à faire
que d'indiquer, comme pour les voyageurs, les heures de
départ et le prix du parcours.
Bornons là nos exemples.
Qu'y a-t-il de commun entre les quatre branches d'indus-
trie que nous venons de signaler? Rien absolument. Les can-
tonniers n'ont point à voir aux affaires des mécaniciens, ni
ces derniers à celles du roulage; l'entreprise de la traction
est complètement séparée et insolidaire de celle des répara-
tions. A quoi bon une administration courbant sans aucune
amélioration pour le service, avec une grande déperdition
de fonds et de forces au contraire, toutes ces variétés de tra-
vail sous un joug commun?
Économie d'argent, économie de chicane et d'oppression,
voilà quel serait le résultat de la décentralisation adminis-
trative. La caisse, le contentieux, une comptabilité rendue
plus simple que celle d'une banque au capital d'un million,
vingt ou trente fonctionnaires formeraient toute.l'adminis-
tration d'un chemin de 200 kilomètres.
Chaque société particulière peut maintenant se dédoubler
d'une manière analogue, de telle sorte que l'individu ait,
comme la compagnie elle-même, sa tâche parfaitement
définie, dont il garantit l'accomplissement à ses risques et
périls.
Mais on tournera longtemps avant d'en arriver là. Le prin-
cipe communiste, sous lequel tout le monde gémit, domine
tout le monde, peuple, bourgeoisie, haute finance et gouver-
nement. On veut de la centralisation, de l'administration,
(le lautorilé quand même, en aflaires comme en politique.
Laissons donc faire l'expérience.
Nous avons exposé les différentes formes d'association,
leur raison d'être, leurs avantages et leurs inconvéntents.
Ce préambule, un peu long peut-être, nous dispensera du
moins d'entrer dans des détails qu'il eût fallu répéter à
chaque société dont il nous reste à faire la monographie.
• — 215 —
CHAPITRE PREMIER.
Institutions de crédit.
BANQUE DE FRANCE.
Nous définirons la banque de circulation : « Une institu-
tion ayant pour but de donner cours authentique aux effets
de commerce souscrits par les particuliers.»
A, marchand de draps vend à Z?, confectionneur, 1,000 fr.
d'étoiles, et reçoit en payement un billet à 90 jours.
En même temps, A achète de C, cultivateur, 1,000 fr. do
laines, quil paye avecTobligation souscrite par B.
De son côté, C achète à D 1,000 fr de bétail, et lui remet
en acquit Tobligation de B, qu'il a reçue de A.
D sest fourni chez /?, pour lui et sa famille, de 1,000 fr.
de vêtements-, il s'acquitle envers B en lui rendant son pro-
pre billet, souscrit primitivement au nom de A.
Ces quatre opérations, portant sur une valeur de 4,000 fr.,
n'ont pas nécessité un centime de numéraire.
Voilà, réduit à sa plus simple expression, le mécanisme du
crédit.
Tout le monde vend et achète, soit de la main-d'œuvre,
soit des produits. Seulement les échanges ne sont pas tou-
jours de même valeur, comme dans notre hypothèse. De
plus, C, ne connaissant pas la solvabilité d^ B, peut refu-
ser son obligation, bien que A en soit endosseur et respon-
sable.
En un mot, le billet personnel n'aura jamais qu'une cir-
culation restreinte: 1° parce que les souscripteurs et endos-
seurs ne sont pas connus de tous les échangistes auxquels le
papier peut être présenté; 2" parce que les obligations par-
— 216 —
liculièies n'élitiit point, dans le plus ^rand nombre de cas,
égales entre elles, il y a nécessilé soit de les fractionner , soit
do les compléter par appoint.
Pour obvier h ces inconvénients, A, 7i, C, D, E ....Z, —
l'ensemble de tous les producteurs, — connaissent une in-
stitution de banque, dont les opérations méritent confiance.
Chacun d'eux se repose sur elle du soin de vérifier la solva-
bilité des escompteurs. ^4, au lieu de remettre à C le billet
souscrit par /?, que C ne connaît pas, va à la Banque ; celle-
ci, après information, trouvant la créance solide, garde
l'obligation de B, dont elle poursuivra le remboursement à
échéance, et y substitue un papier portant sa propre signa-
ture, accepté partout comme argent comptant. Les paye-
ments s'effectuent à l'aide du billet de banque remplaçant
le billet personnel. Le mécanisme est plus simple, la cir-
culation plus active, la garantie plus certaine, puisqu'il s'y
ajoute celle de la banque; mais le résultat est le même.
La Banque de France n'accepte que du papier solidement
gagé; elle n'a pas éprouvé une seule faillite en 1855 : les bé-
néfices de l'escompte sont à peine entamés par quelques
non-valeurs annuelles. D'oîi peuvent donc venir les crises
qui ont plus d'une fois ébranlé son crédit '/
Une baisse dans le chifire des affaires, la déconfiture de
"Tandes maisons de commerce, un nombre considérable
d'effets en soulfrance, doivent nécessairement réagir sur la
Banque et lui créer des embarras. Mais, indépendamment
de ces causes, qui lui sont extérieures, nous en trouvons
deux autres dans le vice même de sa constitution, et qui
sont : r l'obligation de rembourser les billets en numéraire;
2" la dépendance où elle se trouve vis-à-vis de l'État, dont
les emprunts peuvent la mettre à découvert.
Le remboursement des billets implique, selon nous, con-
tradiction. S'ils doivent avoir sans cesse pour gage une va-
leur égale en métaux, à quoi servent-ils? Pourquoi ne pas
faire tout de suite les transactions en monnaie? La raison
d'être du billet de banque, c'est apparemment l'insuffisance
des espèces. Et, en elïet, la pratique, à qui il ne manque que
de raisonner ses procédés, ne le comprend pas autrement ,
— 217 —
L'encaisse métallique ne va souvent pas au quart du papier
en circulation; cependant les porteurs n'en conçoivent au-
cune inquiétude.
Seulement il y a des moments de panique oîi tout le
monde perd la tète ; les conseils de la prudence deviennent
alors inutiles, car la peur n'écoute rien. En revanche , une
mystification, rendue nécessaire, suflit à ramener le calme.
Ainsi, en 1846-47, la diminution de l'encaisse jette l'alarme
dans le monde commerçant. Que fait la Banque? Elle
échange ses rentes contre des lingots et des espèces ; elle
entasse à grands frais des métaux dans ses caves; en un mol,
elle change la nature de son capital sans verser un écu de
plus dans la circulation , et la confiance renaît comme par
enchantement.
En 1848, les demandes de remboursement affluent à la
caisse; le papier tombe en dépréciation ; tout le inonde
exige des espèces? Qu'imagine la Banque? Elle demande et
obtient le cours forcé. Soudain, la peur se dissipe, les trem-
bleurs se rassurent. Les billets s'acceptent partout au pair ;
quelques mois après, on les recherche à prime. Les espèces
rentrent dans les cotfres avec une rapidité eflVayanle ; bien-
tôt elles sont au niveau du papier en circulation; encore un
peu, elles le débordent.
Voilà la Banque dans la situation la plus favorable : elle
est en mesure de rembourser tous ses billets? — Point du
tout, la position est détestable au contraire; c'est une crise
commerciale , une stagnation dans les affaires. Ce phéno-
mène du moins trouve son explication. La quantité des
échanges diminuant, le supplément de circulation oflert par
le crédit devient inutile. La banque de circulation n'est plus
qu'une banque de dépôt.
Mais, sans la condition de remboursement^ où se trouve
le gage des billets?
11 n'est ni dans l'encaisse métallique, ni dans le fonds de
réserve , ni dans le capital meuble ou immeuble j ce gage ,
c'est le portefeuille.
Toute émission de billets ou d'espèces est précédée de l'en-
caissement d'une valeur supérieure en etléts de commerce.
13
— 218 —
Nous disons d'une valeur supérieure , parce que les obliga-
tions particulières ont à payer l'escompte, dont une pari sert
à couvrir les frais de gestion et les cliances très-rares de non-
payement; le surplus forme le bénéfice des actionnaires.
Les efïets à trois mois qui viennent à l'escompte aujour-
d'hui garantissent ceux qui y viendront le trimestre pro-
chain, et sont garantis eux-mêmes par ceux du trimestre
passé. Le doit et l'avoir se balancent perpétuellement. Ex-
cepté dans les paniques, tout le monde comprend cela. La
banqueroute d'une partie notable des souscripteurs ou en-
dosseurs d'eflets privés pourrait seule amener la faillite d'une
banque bien administrée. Dans ce cas impossible, ni l'en-
caisse, ni le fonds de réserve , ni le capital ne sauveraient
l'institution d'une déconfiture.
Qu'est-ce donc que le numéraire dans une banque de cir-
culation? La monnaie des billets^ l'appoint et le dédouble-
ment des coupures, rien de plus.
Quel doit être le capital d'une semblable entreprise ? Le
gage des faillites dont la banque peut avoir à répondre, par
suite de non-payement tles elîets de commerce admis à l'es-
compte. Au fond, une banque est une entreprise d'assurances
qui, avec un capital de 50 millions , placés sur l'État, peut
garantir trois ou quatre milliards de transactions annuelles.
A ce propos, nos lecteurs ne seront pas fâchés de retrou-
ver ici, à l'appui de notre opinion, la note officielle du
29 mai 1810, reproduite par le Moniteur du 29 janvier 1857.
NOTE EXPÉDIÉE DU HAVRE, LE 29 MAI 1810, A LA BANQUE DE FRANCE,
PAR ORDRE DE S. M. l'eMPERIUR, ET PAR l'eNTREMISE DE M. LE
COMTE MOLLIEN, MINISTRE DU TRÉSOR.
« Le capital de la Banque de France, c'est-à-dire la mise de
fonds de ses actionnaires, des intéressés à l'exploitation de son
privilège, a été fixé par la loi de l'an 8 à 30 millions, par la loi de
l'an 11 à 45 millions, parcelle de Tan 1806 à 90 millions.
ft La destination de ce capital n'a pas été de donner à la Banque
les moyens propres d'exploiter son privilège; ce capital n'est pas
l'instrument de ses escomptes, car ce n'est pas avec son capital
— 219 —
qu'elle peut escompter; son privilège consiste à créer, à fabriquer
une monnaie particulière pour ses escomptes.
« Si une banque employait son capital à ses escomptes, elle
n'aurait pas besoin de privilège; elle serait dans la condition com-
mune de tous les escompteurs, mais elle ne pourrait pas soutenir
leur concurrence, car d'un côté elle fait nécessairement plus de
dépenses pour escompter, et de l'autre elle doit faire moins de
profits sur chaque escompte, puisqu'elle escompte à un taux plus
modéré.
« C'est indépendamment de son capital qu'elle crée par ses bil-
lets son véritable et son unique moyen d'escompte.
« Son capital est et doit donc rester étranger à ses opérations
d'escompte. La formation de ce capital est un acte préliminaire,
aussi distinct de l'activité d'une banque comme machine privilé-
giée d'escompte, que la prestation du cautionnement d'un comp-
table est distincte de sa gestion proprement dite.
« La condition de fournir . un capital n'est imposée aux entre-
preneurs d'une banque que pour assurer à ceux qui admettent ses
billets comme la monnaie réelle, un gage et une garantie contre
les erreurs, les imprudences que cette banque pourrait commettre
dans l'emploi de ses billets; contre les pertes qu'elle essuierait, si
elle avait admis des valeurs douteuses à ses escomptes; en un mot
(pour employer l'expression technique du commerce), contre les
avaries de son portefeuille.
« Une banque n'émettant et ne pouvant émettre des billets qu'en
échange de bonnes et valables lettres de change à deux et à trois
mois de terme au plus, elle doit avoir constamment dans son por-
tefeuille, en telles lettres de change, une somme au moins égale
aux billets qu'elle a émis; elle est donc en situation de retirer tous
ses billets de la circulation dans un espace de trois mois par le
seul etlet de l'échéance successive de ses billets, sans avoir entamé
aucune partie de son capital.
« Ainsi, après avoir établi que le capital d'une banque n'inter-
■vient pas dans ces escomptes comme moyen direct, on peut ajouter
qu'il n'intervient pas i)lus dans sa liquidation si elle n'a fait que
des escomptes réguliers, c'est-à-dire si elle n'a émis des billets
qu'en échange de lettres de change véritables, nécessaires, repré-
sentées par des marchandises que le revenu des consommateurs
payera, si c'est le besoin de consommation qui les a appelés.
a Le capital fourni par les actionnaires d'une banque n'étant, à
proprement parler, qu'une espèce de cautionnement (ju'ils donnent
au public, on pourrait presque dire qu'une banque c[ui serait par-
venue à se l'aire une réputation d'infaillibilité n'aurait pas même
-^ 220 --
besoin de capital pour exploiter son privilège, c'est-à-dire pour
escompter, avec les billets fabriqués par elle, les lettres de change
qui lui seraient apportées par le commerce.
« Et un fait bien connu dans l'histoire des banques confirme
cette assertion : la banque de Londres s'est formée, en 1692, avec
un capital de 24 millions, et son premier acte a été de prêter la
totalité de ce capital de 24 millions au trésor royal de Guillaume 111,
son fondateur. Cette banque n'en a pas plus mal exploité son pri-
vilège d'escompte dès la première année de son activité.
« L'escompte, tel que le pratique une banque sur toute la ma-
tière escomptable du lieu, est une opération si délicate et si capi-
tale, cette opération exige tant d'attention, tant de soins, tant de
prévoyance, une observation si minutieuse des combinaisons em-
ployées par chaque commerçant, des approvisionnements et des
besoins de chaque lieu, des circonstances qui peuvent influer cha-
que jour sur le plus ou moins de crédit de chaque signataire de
lettres de change, que cette opération n'admet le mélange d'aucune
autre sollicitude; ceux qui dirigent les escomptes sont les juges du
commerce, ils ne doivent pas descendre dans l'arène des com-
merçants.
« Pour qu'ils jugent avec impartialité tous les actes des négo-
ciants, il faut qu'ils puissent s'abstenir d'y prendre une part ac-
tive, môme pour l'administration du capital de la Banque, et rien
n'est plus inconciliable avec le haut arbitrage qu'ils exercent pai-
l'escompte que cette recherche des profits qui accompagnent les
placements temporaires.
« Si donc il a pu convenir aux finances de Guillaume III que la
banque qu'il établissait lui prêtât à un intérêt modique alors (6 0/0)
le capital ou le cautionnement fourni par ses actionnaires, il ne
convenait pas moins à la Banque de Londres de le faire; et ce pre-
mier acte, pai" quelque motif qu'il ait été inspiré, a peut-être eu
une assez grande intluence sur la bonne direction qu'elle a suivie
pendant au moins un siècle.
« La banque de Londres, dès son origine, n'a plus connu qu'un
*ieul devoir, qu'un seul intérêt, celui de bien diriger son escompte
direct, qu'elle a constamment circonscrit dans la seule ville de
Londres, d'autres banques s' étant successivement élevées dans les
autres comtés pour l'escompte local de ces comtés.
« Si la Banque de France est appelée à donner une plus grande
extension à ses escomptes directs, à établir pour son compte des
comptoirs dans toutes les villes de l'empire qui peuvent produire
une bonne matière escomptable, c'est assurément un motif de plus
— 221 —
pour qu'elle s'épargne le surcroît de sollicitude que pourrait lui
donner l'administration journalière de son capital, qu'elle écarte
de ses actionnaires la pensée que ce capital pourrait, par la varia-
tion de ses placements, être jeté dans un mouvement en quelque
sorte aléatoire, qu'elle écarte des porteurs de ses billets, dord le
suffrage demande bien plus de ménagements encore que celui des
actionnaires (c'est-à-dire du public tout entier, qui admet comme
réelle la monnaie qu'elle fabrique), l'opinion que l'espèce de cau-
tionnenent qui réside dans ce capital, comme gage supplétif du
portefeuille de la Banque, comme moyen d'indemnité des avaries
que le portefeuille peut, essuyer par les vices de l'escompte, pour-
rait lui-même éprouver quelques avaries.
« Le capital d'une banque doit, par la forme de son placement,
rester en quelque sorte toujours immuable, pour que sa consistance
ne soit jamais soupçonnée d'altération; il doit en même temps
rester dans un état immédiatement disponible, puisqu'il doit être
toujours prêt à couvrir les pertes du portefeuille. Une partie de ce
capital doit former une réserve en espèces ; cette partie est impro-
ductive d'intérêts. Le meilleur emploi qui puisse être fait du reste
semble être la conversion en effets de la dette publique du pays,
négociables sur la place, puisque ce placement joint à l'avantage
d'assurer un intérêt favorable et régulièrement payé celui de la
disponibilité libre, si le besoin de la Banque l'exigeait; et quoique
ce dernier cas ne puisse jamais arriver dans une banque qui n'a
livré ses billets qu'en échange delà bonne matière escomptable, la
prudence oblige toutefois de le prévoir.
« 11 faut qu'une banque se maintienne en état de se liquider à
tout moment; d'abord vis-à-vis des porteurs de ses billets, par la
réalisation de son portefeuille,- et après les porteurs de ses billets,
vis-à-vis de ses actionnaires, par la distribution à faire entre eux
de la portion du capital fourni par chacun d'eux. Pour ne jamais
finir, une banque doit être toujours prête à tinir. »
Si quelqu'un nous eût dit en 1848 qu'il existait de l'em-
pereur Napoléon 1er une pièce dans laquelle les principes de
la Banque du Peuple et du Crédit gratuit étaient aussi ex-
plicitement formulés, nous ne Teussions pas voulu croire.
Reprenons le raisonnement de M. MoUien :
Si le capital de la Banque de France est placé en rentes
sur l'Étal, qui en paye à la Banque l'intérêt, cet intérêt ne
doit plus être compté dans le prix que la Banque exige du
commerce pour Tescompte du papier; il ne reste, comme
— 222 —
éléments constitutifs de ce prix, que deux choses : la com-
mission du banquier et le risque couru.
Il y a, pour cette élimination de l'intérêt du montant de
l'escompte , une autre raison :
Puisque le capital de la Banque ne sert que de garantie
à ses opérations, sur quel capital opère-t-elle donc? Sur son
porlefeuille, gage de ses billets, d'une part; ensuite sur le
crédit public, qui accepte ces mêmes billets, et livre en
échange ses espèces qui vont s'accumuler dans la caisse de
la Compagnie. La Compagnie doit donc tenir compte au
public de son crédit, comme l'Élat lui tient compte à elle-
même de son cautionnement : c'est-à-dire que dans le taux
de l'escompte, l'intérêt ne figure plus.
Or, si la commission de banque et la prime d'assurance sont
désormais les seuls éléments constitutifs du prix à perce-
voir par la Banque en rémunération de son service , il s'en-
suit que dans une Banque bien administrée la condition du
commerce s'améliorant à chaque renouvellement du privi-
lège, le taux de l'escompte doit se rapprocher de plus en plus
du montant des frais de l'administration , augmenté de la
prime d'assurance.
Quels sont les frais, ordinaires, de l'administration de la
Banque? — 5 millions, environ, par année.
Quel est le risque ? — zéro, d'après le dernier inventaire.
La somme des escomptes ayant été en 1 856 de4 ,674,000,000,
il suffisait, pour couvrir la dépense de la Banque, de perce-
voir une commission moyenne de 0 fr. 10 cent. p. 0/0.
D'où vient donc que la Banque continue de faire entrer
l'intérêt de son capital dans la supputation de son escompte ,
de telle sorte qu'au lieu de 0 fr. 10 c. 7, elle retient , pour
du papier à échéance moyenne de 45 jours, à raison de 4, 5
et 6 0/0 l'an, 0 fr. 44 c. 4 ; 55 c. 5 ; 66 c. 6 ?
Comment le pouvoir, en renouvelant le privilège de la
Banque, n'a-t-il jamais songé à stipuler cette réduction?
Pourquoi, contrairement à ses propres maximes, lui a-t-
il imposé à plusieurs reprises l'obligation d'augmenter son
capital, comme si l'augmentation de ce capital devait aug-
menter la masse des opérations?
— 223 —
Les prévisions de l'empereur , relativement aux risques
courus par une Banque opérant dans des conditions nor-
males, ont-elles été trompées?
Non, l'empereur ne s'était pas trompé. Les embarras qui
peuvent assaillir une Banque publique , et déterminer une
crise, ne proviennent pas de l'escompte ; ils ont pour cause
l'intervention de l'État dans la Banque, comme administra-
teur, escompteur et emprunteur.
C'est ce qui résulte de l'historique ci-après.
La Banque, dont les fonctions sont essentiellement com-
merciales, fut fondée sous le consulat , complètement en
dehors de l'initiative des intéressés, c'est-à-dire des commer-
çants et industriels, dont la cirrulation réclamait ses ser-
vices. Sur son capital, fixé primitivement à 30 millions ,
l'État versa de suite 5 millions en échange de 5,000 actions
inscrites au nom de la Caisse d'amortissement (18 janvier
1800) : Peu de temps après, elle se fusionna , ou plutôt ab-
sorba à son profit la caisse des comptes courants, qui lui
apporta un portefeuille de 6 millions, 5 millions et demi
d'espèces et un grand crédit sur la place. Elle commença ses
opérations le 20 février 1800. Elle fut chargée la même an-
née, par les consuls, du payement en numéraire des rentes
et pensions du second semestre.
La somme des escomptes s'éleva en 1801 à 89 millions, et
en 1802 à 182. La moitié des actions seulement était placée
à cette époque. Le public ne se hâtait pas 5 la confiance n'é-
tait pas faite.
La Banque subsista jusqu'en 1803, concurremment avec
la Caisse du commerce, le Comptoir commercial et divers
établissements de crédit ayant tous le droit d'émettre des
billets au porteur.
Une loi du 14 avril vint mettre à bas les institutions ri-
vales, et conférer à la Banque le monopole de l'émission des
billets. Son capital était porté à 45 millions, le maximum
des dividendes annuels fixé à 6 0/0, le surplus des bénéfices
devant former un fonds de réserve. Aucune banque ne pou-
vait se créer dans les déparlements sans l'autorisation du
— 224 —
gouvernement. Cependant le choix des administrateurs était
encore laissé aux actionnaires. — Le privilège était concédé
pour quinze ans.
Dès l'année suivante , l'administration se trouva en lutte
avec le gouvernement.
Rendons-nous compte d'abord de ce qu'est un emprunt du
gouvernement fait à la Banque.
Le capital de la Banque est placé en rentes sur l'État pour
servir de garantie à ses opérations. Ce n'est pas avec son
capital que la Banque fait l'escompte, mais avec ses billets,
lesquels ont pour gage, d'une part son portefeuille, de
l'autre le numéraire qu'ils tendent à remplacer peu à peu
dans la circulation, et qui vient s'entasser dans les caves de
la Banque.
Un emprunt du gouvernement à la Banque, que la somme
soit livrée en écus ou en billets, est donc un emprunt su-
brepticement fait au pays, avec la complicité, mais sous la
caution toutefois de la Banque , qui livre au Pouvoir les
espèces dont elle n'est que dépositaire , ou souscrit en sa
faveur des billets à ordre dont elle n'a pas reçu la contre-
valeur.
On conçoit, d'après cela , la répugnance de la Banque à
se prêter à de semblables manœuvres , qui compromettent
à la fois son crédit et son capital ; comme aussi les complai-
sances du Pouvoir, qui, pour prix de services aussi irréguliers,
ne manque jamais de proroger le privilège de la Compagnie,
et de soutenir le taux de l'intérêt.
Napoléon, non content d'emprunter au nom de l'État ,
voulait que ses fournisseurs trouvassent à la Banque un cré-
dit illimité. La garantie des fournisseurs, c'était encore le
crédit de l'État. Or, le gouvernement n'a point de capital ;
il ne fait point d'affaires-, ses dépenses sont essentiellement
de l'espèce appelée par les économistes improductives. Ses
ressources proviennent de l'impôt -, il est toujours en avance
sur l'avenir au moyen des emprunts. Le découvert de la
Banque rendait la crise d'autant plus inévitable qu'il lui
fallait augmenter le nombre de ses billets en circulation ,
pour faire face aux exigences gouvernementales.
— 225 —
Les billets se déprécièrent; ils perdirent jusqu'à 10 0/0-
Les demandes de remboursement montèrent à \m million et
demi par jour. Le conseil dut en limiter le chiiïre à 600,000 fr.
Il réduisit en morne temps les escomptes. La circulation
descendit à 48,334,000 francs , et l'encaisse métallique à
1,136,000 francs. Heureusement les succès militaires vin-
rent relever le crédit public et arrêter la débâcle.
Napoléon se montra fort irrité de cette crise, qu'il attri-
buait au mauvais vouloir et à l'incapacité des administra-
teurs. Afin d'en prévenir le retour, il n'imagina rien de
mieux que de placer la direction de la Banque aux mains de
ses agents. La loi du 22 avril 1806 créa un gouverneur et
deux sous-gouverneurs nommés par le pouvoir , régla les
formes de l'administration et du contentieux, prorogea de
vingt-cinq ans le privilège de l'établissement, porta à 90
millions le capital, qui n'était que de 45, et autorisa la ré-
partition aux actionnaires de deux tiers des bénéfices affectés
au fonds de réserve.
La Banque ne tarda pas à se trouver embarrassée d'un ca-
pital hors de proportion avec la somme de ses affaires. Elle
sollicita et obtint l'autorisation de le réduire en rachetant
ses propres actions. Elle le ramena ainsi à 67,900,000 fr.
La loi de 1803 admettait en principe la création de ban-
ques départementales indépendantes (1). Celle de 1806 et le
décret organique du 16 janvier 1808, ramenant tout à l'unité,
ne reconnurent qu'une institution centrale et des comptoirs
subordonnés. Trois essais de comptoirs furent tentés sans
succès, en 1809 à Lyon et à Rouen, en 1810 à Lille.
La Banque parut, un instant, devoir suivre la destinée de
l'empire. Au commencement de 1812, le portefeuille était à
15 millions ; il tomba à 10 dans le courant de l'année ; il re-
monta à 45 dans le courant de 1813. Enfin , au commence-
ment de 1814 , la Banque cessa pour ainsi dire de fonction-
ner. Elle brûla ses billets, et invita les comptes courants à
retirer leurs fonds. Les réserves descendirent a 5 millions,
la circulation à 10, les comptes courants à 1,300,000 fr.
(1) La première banque déparlementale ne fut créée qu'en 1817 : ce fut
celle de Rouen.
13.
— 226 —
Toutefois la crise passa comme tant d'autres; la circula-
tion remonta bientôt à 70 millions, et les réserves à 93.
L'essor que prit l'industrie après l'invasion vint donner à la
Banque un aliment dont elle avait besoin.
Les doctrines absolutistes en matière de crédit semblèrent
un moment s'en aller avec le régime impérial. Il fut question
à la chambre des députés et dans l'assemblée des action-
naires de rendre à la Banque son indépendance. Mais un
pouvoir ne consent pas aisément à se dessaisir d'une insti-
tution de celte importance. Les projets de réforme ne tardè-
rent pas à être abandonnés.
Cependant la Banque n'eut pendant quatre ans qu'un gou-
verneur provisoire, M. Laffitte , choisi par l'administration
dans les désastres de 1814 ; ce qui ne l'empêcha pas d'é-
chapper à la crise de 1818, durant laquelle l'encaisse des-
cendit à 34 millions. Lr conseil, à celte occasion, réduisit à
15 jours le terme des effets admis à l'escompte.
La création des banques départementales fut une bien
petile concession à Tesprit de liberté. Ainsi, tandis que les
comptoirs annexes de la banque de Paris pouvaient admet-
tre du papier sur plusieurs places, les banques de départe-
ments indépendantes ne pouvaient pas faire d'opérations
hors des villes où elles étaient établies. Ces restrictions ap-
portèrent une entrave considérable au développement du
commerce et du crédit. Les réclamations éclatèrent de toutes
parts, surtout en 1840, lorsque vint la discussion sur le re-
nouvellement du privilège. Les chambres et le gouverne-
ment ne voulurent rien entendre. La loi resta telle quelle
jusqu'en 1848.
Quoi qu'il en soit, neuf banques départementales se fon-
dèrent de 1817 à 1838, savoir :
Rouen, 1817. Lyon. 183o. Orléans, 1836.
Nantes. 1818. Marseille. 1836. Le Havre, 1837.
Bordeaux, 1818. Lille, 1836. Toulouse, 1838.
Encouragée par leur succès, la Banque de France se décida
à renouveler l'expérience des comptoirs, et elle en créa suc-
cessivement :
— 227 —
En 1836, à Reims et à Saint-Ëtienne.
En 1838, à Saint-Quentin et à Montpellier.
En 1840, à Angoulême et à Grenoble.
En 1842, à Besançon, Caen, Chàleauroux et Clermont-Ferrand.
En 1844, à Mulhouse.
En 184G, à Strasbourg et au Mans.
En 1847, à Valenciennes.
Nous arrivons aux crises de 1846, 1847 et 1848.
L'augmenlalion inusitée des opérations de la Banque , en
1846 , les excès de la spéculation, l'immense quantité de
capitaux immobilisés dans les chemins de fer, l'exportation
du numéraire pour l'achat de céréales à l'étranger, la menace
d'une famine, la peur, compagne inséparable de tout ce qui
est insolite : telles sont les causes principales où l'on a cru
trouver l'explication de la crise de 1846-47.
Du 1" juillet 1846 à la iin de l'année, les réserves métal-
liques étaient tombées de 252 millions à 80, c'est-à-dire de
172 millions. Le conseil général prit l'alarme. Le 14 janvier
1847, il éleva à 5 0/0 le taux de l'escompte, qui était depuis
vingt-sept ans à 4 , et s'empressa d'acheter des lingots à
l'étranger. Mais l'opération la plus importante fut la vente
au gouvernement russe de 50 millions de rentes françaises,
dans le courant du mois de mars.
La Russie avait livré à la France de très-grandes quantités
de grains, qui ne pouvaient être soldés qu'en espèces ; c'était
la menace dune nouvelle exportation de numéraire. Le mar-
ché offert par le gouvernement russe parait à cet inconvé-
nient, puisque l'on payait à l'aide d'une inscription de rentes
une dette exigible en argent. Aussi le traité fut-il accepté
avec empressement. La Banque livra donc au trésor impérial
de Russie 2 millions de rentes 5 0/0 au cours de 1 15 fr. 75 c.
formant une somme de 46,300,000 fr. »
et 142,000 fr. de rentes 3 0/0 au cours de
77 k. 65 c. formant une somme de. . . . 3,689,633 33
Total 49,989,633 33
Cette vente privait les actionnaires d'un revenu annuel
de plus de 2 millions. Afin de leur offrir une indemnité, le
conseil s'empressa de souscrire pour 25 millions ùTcmprunt
— 228 —
3 0/0, au cours de 75 25, du 10 novembre de la même an-
née. Quelque temps après, il racheta 300,000 fr. de rentes
3 0/0 au taux de 73 81.
L'augmentation du taux de l'escompte avait eu pour but
de diminuer le chiffre des effets ; il n'en fut rien. Les es-
comptes de 1846 s'étaient élevés à 1,618 millions 5 ils mon-
tèrent, en 1847, à 1,808 millions. Le taux fut ramené à
4 0/0 le 27 décembre de la même année.
La révolution de février vint compliquer la situation au
moment où on commençait à sortir d'embarras. Du 26 fé-
vrier au 15 mars, la réserve métallique tomba de 140 mil-
lions à 59. Afin de conjurer le péril d'une liquidation , le
gouvernement provisoire décréta le cours forcé des billets et
ordonna la création des coupures de 100 fr. Une loi de l'an-
née précédente avait déjà autorisé celles de 200.
Le titre de monnaie légale fut également reconnu aux bil-
lets des banques départementales daris les localités où elles
étaient situées. Il en résulta une perturbation facile à pré-
voir. Tel recevait en payement comme monnaie légale des
billets de la banque de Marseille , dont il ne pouvait faire
usage pour s'acquitter à Lyon. L'unique remède à une pa-
reille situation, c'était l'unité des billets, ce qui conduisait
à l'unité de la banque, à l'extension du privilège.
« Considérant, dit le décret du 27 avril, que les billets des ban-
ques départementales forment aujourd'hui pour certaines localités
des signes monétaires spéciaux dont l'existence porte une pertur-
bation déplorable dans les transactions;
« Considérant que les plus grands intérêts du pays réclament
impérieusement que tout billet de banque déclaré monnaie légale
puisse circuler également sur tous les points du territoire;
« Décrète :
« Art. 1". — La Banque de France et les Banques de Rouen, de
Lyon, du Havre, de Lille, de Toulouse, d'Orléans et de Marseille
sont réunies. »
Les Banques de Nantes et de Bordeaux résistèrent d'abord ;
mais elles durent céder devant la nécessité, et elles furent
incorporées le 2 mai suivant.
L'unité des billets nous semble le complément naturel de
l'unité monétaire. Le progrès devait amener un jour oi^
— 229 —
l'autre cette réforme. Était-elle possible sans l'annexion des
banques départementales? Non sans doute ; car interdire à
celles-ci le droit d'émettre des billets, c'était les réduire au
rôle des comptoirs d'escompte et changer la nature même
de leur institution. Maintenant la centralisation administra-
tive de toutes les institutions de crédit est-elle sans incon-
vénients? Nous ne le croyons pas. Nous réservons cette ques-
tion pour le chapitre suivant.
Quoi qu'il en soit, la fusion des banques fit immédiate-
ment tomber les entraves auxquelles on avait assujetti celles
des départements. Le résultat montra combien le commerce
avait été gêné par ces restrictions. Les mandats des dépar-
tements sur Paris et de Paris sur les départements, qui ne
s'étaient élevés en 1847 qu'à 96 millions, montèrent en 1848,
malgré l'atonie des affaires, à 436 millions.
L'activité de la Banque pendant la crise de 1848 fut pro-
digieuse. Le 31 mars elle prêta à l'État 50 millions sur bons
du Trésor 5 le 5 mai elle fit à la Caisse des dépôts un prêt de
30 millions sur dépôt de rentes 5 le 3 juin elle ouvrit au mi-
nistre des finances un crédit de 150 millions, dont il n'usa
que jusqu'à concurrence de 75 millions; elle souscrivit pour
22 millions et demi à l'emprunt du 24 juin. Elle avança 10
millions à la ville de Paris, prêta 6 millions au département
de la Seine, 13 millions à la ville de Marseille, 1 million
aux hospices. Elle devait assez au gouvernement pour lui
venir en aide. Heureusement ces découverts n'allèrent pas
juscprà provoquer une panique.
La Banque vint également au secours de l'industrie. Elle
prêta 34 millions sur hypothèque aux grandes usines métal-
lurgiques, et 60 millions sur dépôts de marchandises. Les
effets en souffrance s'élevèrent un moment à 84 millions :
rien de tout cela n'ébranla son crédit. Les billets étaient re-
cherchés de préférence aux espèces : aussi une loi dut-elle
autoriser une augmentation d'émission. Sa circulation, limi-
tée d'abord à 350 millions, portée à 452 par suite de la fu-
sion, fut élevée à 525 par la loi du 22 décembre 1849.
Le cours forcé cessa le 6 août 1850 ; mais, dès l'année pré-
cédente, la Banque avait, de fait, repris ses payements en
— 230 —
espèces. La faveur s'attachant toujours aux billets, l'encaisse
ne cessait de s'accroître ^ le 2 octobre 1851, il était de
626 millions, dépassant de 1 10 millions la somme des billets
en circulation. Ce n'est pas, comme nous l'avons dit, l'indice
d'une grande prospérité.
Les coupures de 50 et de 25 fr. amèneraient dans les caves
de la Banque plus de la moitié du numéraire circulant. On
comprendra sans doute un jour l'inutilité de pareilles réser-
ves. C'est l'histoire de l'avare ayant perdu son trésor.
Mettez une pierre à la place :
Elle vous vaudra tout autant.
Le 3 mars 1852, l'escompte fut réduit à 3 0/0. La crise
alimentaire et l'exportation des espèces le firent élever à 4
le 7 octobre 1853, et à 5 le 3 janvier 1854; il fut ramené
à 4 le 12 mai suivant.
Le 4 octobre 1855, une nouvelle crise alimentaire fit por-
ter le taux de l'escompte, d'abord à 5, puis à 6 0/0, et réduire
à 75 jours le terme des elïets admis à l'escompte.
Telles sont les nécessités qu'entraîne le principe des en-
caisses métalliques, qui, loin d'être une garantie, deviennent
une source de crise, en plaçant l'établissement dans l'alter-
native ou de suspendre ses payements, ou de réclamer le
cours forcé, ou de prendre des mesures restrictives juste au
moment où le commerce a le plus besoin de circulation.
La Banque de France possède 39 succursales, dont 15 ont
été créées depuis 1848 5 chaque année elle en établit de nou-
velles dans les centres les plus importants. Elle est déjà la
suprême régulatrice de l'escompte et de la circulation. Les
chiffres suivants attestent l'importance croissante et le ca-
ractère d'envahissement de l'institution.
Avant la révolution de février, l'année la plus favorable
avait été 1847 : le total des opérations s'était élevé à 2 mil-
liards 714 millions. Les exercices de 1848, 49, 50 et 51 se
maintinrent de beaucoup au-dessous de ce chiffre. Mais les
transactions s'élevèrent :
En 1853 à 3,964,000,000 Ea 1855 à 4,863,000,000
En 1854 à 3.888,000,000 En 1856 à 5,809,000,000
— 231 —
L'escompte des effets de commerce est toujours la princi-
pale opération de la Banque et de ses succursales, et c'est à
leur progression qu'est dû ce doublement du chifïre des opé-
rations. 11 était :
En 1847 de 2.659,845,309 En 1854 de 2.944,000,000
En 1852 de 1,8;'4, 409,438 En 1855 de 3.702,000,000
En 1853 de 2,842.930.285 En 185G de 4,674,000,000
N'est-ce pas la réalisation de ce que nous disions : « Une
banque est une entreprise d'assurances qui, avec 50 millions
de capital placé sur l'État, peut garantir 3 ou 4 milliards
de transactions annuelles?» — Mais alors le principe que le
capital de l'établissement sert de garantie à ses opérations
devient une fiction; la sécurité dont il jouit lui est tout ex-
térieure; la mutualité des écbanges est démontrée. Ce sont
les négociants, les producteurs qui servent se réci[)roque-
ment de caution ; le gage des billets, ce n'est ni rencaisse,
ni la réserve, ni le capital, mais le portefeuille.
Alors pourquoi le commerce est-il tributaire d'une poignée
de capitalistes? pourquoi la Banque reste-t-elle une institu-
tion privée? pourquoi n'est-ce pas aux chambres de com-
merce ou aux tribunaux consulaires qu'appartient le droit
de réglementer le taux de l'escompte et les échéances? pour-
quoi enfin l'institution prélève- t-elle des bénéfices sur une
encaisse qui ne lui appartient pas, sur des billets qui ne sont
pas les siens?
La loi de 1840 avait prorogé jusqu'en 1867 le privilège de
la Banque, avec faculté pour l'État d'en changer les condi-
tions en 1855. Le décret du 3 mars 1852 a maintenu la pro-
rogation pure et simple.
Le privilège de la Banque est de ceux qui ne se révoquent
pas. Trop d'intérêts sont en jeu dans une pareille organisa-
lion pour qu'on la brise. Mais l'institution devra, croyons-
nous, se modifier considérablement. Elle ne rend pas au
commerce tous les services qu'il a droit d'en attendre et que
lui impose son monopole. La condition des trois signatures,
le maximum des échéances fixées à 90 jours sont au premier
rang parmi les entraves apportées à l'escompte. Les déci-
sions prises par le conseil sur l'exhaussement du taux de
— 232 —
l'intérêt, sur la limitation des échéances, sont de véritables
coups d'État contre le inonde des alï'aires, qui en supporte
les frais sans compensation. Le commerce a droit, sous ce
rapport, de demander des garanties, une charte constitu-
tionnelle.
Le capital en actions de la Banque de France, avant la
fusion, était de 67,900,000 fr.
L'annexion des Bixnques départementales l'a augmenté de 23,350,000
11 se trouve donc porté à 91,260,000
Les actions au pair sont de 1,000 i'r., 'nominatives et trans-
férables. La transmission s'opère par la déclaialion du pro-
priétaire ou de son fondé de pouvoir inscrite au registre des
transferts, signée du vendeur et certifiée par un agent de
change.
Le cours des actions est tombé, pendant la crise de 1814,
à 470 fr.
Elles étaient au l^-- février 1848 à 3,190 fr.;
Au 1«'' mars, à 2,400-,
Au l^"" avril, à 1,175;
Au 1" avril 1849, elles étaient remontées à 2,400.
Leur plus haut cours avant l'empire avait été de 3,800,
en 1840; depuis 1856 elles ont dépassé 4,000.
L'assemblée générale se compose des 200 actionnaires qui
ont le plus d'actions, suivant une liste arrêtée six mois avant
la convocation. Elle nomme 3 censeurs et 15 régents, dont
3 doivent être pris parmi les receveurs généraux. Ils doivent
être propriétaires d'au moins 30 actions chacun.
Le gouverneur et les sous-gouverneurs sont nommés par
l'État. Le premier doit avoir 100 actions, et chacun des deux
autres 50.
Les actions des administrateurs sont inaliénables tout le
temps de leurs fonctions.
La réunion de tous ces fonctionnaires forme le conseil
général de la Banciue. Le conseil détermine le taux de l'es-
compte, les sommes à employer et les échéances au delà
desquelles les effets ne sont point admis.
Les fonctions des censeurs sont de simple surveillance.
— 233 —
Ils peuvent empêcher, s'ils sont unanimes, une nonveljp
émission de billets.
Les 15 régents et les 3 censeurs sont répartis en 5 comi-
tés, savoir :
Le comité d'escompte ;
Le comité des billets;
Le comité des livres et portefeuilles ;
Le comité des caisses;
Le comité des relations avec le Trésor.
La Banque peut établir des succursales dans tous les dé-
partements, avec Tautorisalion du gouvernement. Elle a le
privilège exclusif d'émettre des billets partout où elle pos-
sède un comptoir.
Les succursales sont régies par un directeur au choix du
pouvoir, par des administrateurs dont le nombre peut varier
de 6 à 16, et par 3 censeurs.
Les administrateurs sont nommés par le gouvernement
sur une liste double que lui présente l'assemblée des 50 plus
forts actionnaires de la localité. Les censeurs sont choisis
par le conseil général. Les opérations des succursales sont
surveillées par des inspecteurs à la nomination du gouver-
neur.
C'est, comme on le voit, la centralisation administrative,
avec sa bureaucratie et ses entraves.
La Banque a des succursales dans les localités suivantes :
Le Havre,
La Rochelle.
Lille.
Limoges.
Lyon.
Le Mans.
Marseille.
Metz.
Montpellier.
Mulhouse.
Nancy.
Nantes.
Nevers.
La Banque ne peut faire d'autre commerce que celui des
métaux précieux.
Amiens.
Angfrs.
Angoulême.
Arras.
Avignon.
Besançon.
Bordeaux.
Caen.
Châteauroux.
Clerraont-Ferrand.
Dijon.
Dunkerque.
Grenoble.
Nîmes.
Orléans.
Poitiers.
Rennes.
Reims.
Rouen.
Saint-Etienne.
Saint-Quentin.
Strasbourg.
Toulon.
Toulouse.
Troyes.
Valenciennes.
— 234 —
Ses opérations consistent :
1" A escompter les effets de commerce dont l'échéance
n'excède pas trois mois, timbrés et revêtus de trois signa-
tures de personnes notoirement solvables.
Un transfert d'effets publics, d'actions de la Banque, de
récépissés de marchandises dans les magasins généraux, peut
remplacer la troisième signature.
T A se charger de l'encaissement des effets qui lui sont
remis.
3° A recevoir en compte courant les sommes qui lui sont
versées par les particuliers ou les compagnies.
Elle payait dans l'origine 5 0/0, et ensuite 4, sur ces dé-
pôts; elle ne les accepte plus qu'à titre gratuit.
4» A faire des avances sur dépôt d'actions des Quatre-Ca-
naux et d'obligations de la ville de Paris (arrêté du 23 février
1833); — à escompter les actions des canaux et les obliga-
tions de la ville remboursables dans le délai de six mois
(arrêté du 14 septembre 1833); — à lever ou livrer en liqui-
dation, de Tordre des propriétaires, les effets sur lesquels elle
a fait des avances (arrêté du conseil général, 24 décembre
1834) ; — à prêter sur transfert de rentes, actions et obliga-
tions des chemins de fer français (décret du 3 mars 1852),
5" A tenir une caisse de dépôts volontaires de tous titres,
tels que contrats, engagements, etc., moyennant un droit de
garde de 1/4 0/0 l'an.
6" A faire des avances sur lingots d'or et d'argent.
7" A payer les dispositions faites sur elle jusqu'à concur-
rence de ses encaissements.
Les dividendes se payent au le»" janvier et au l»"^ juillet de
chaque année. Ils ne peuvent être moindres de 30 fr. par se-
mestre et par action. A cet effet, on prélève d'abord sur les
bénéfices 6 0/0 du capital de 91,250,000 fr. Le surplus des
profits est divisé en deux parts ; 2/3 sont répartis aux ac-
tionnaires; 1/3 constitue un fonds de réserve dont la répar-
tition ne peut être autorisée que par une loi. Ce fonds s'é-
lève aujourd'hui à 13 millions environ,
La réserve a été distribuée déjà deux fois.
— 235 —
!• Loi du 4 juillet J820. . . . 2()2 fr. par action.
2» — 6 décembre 1831. . 145 —
Depuis la fondation jusqu'en 1836, le dividende est resté
au-dessous de 100 fr., sauf sur trois exercices :
An IX : 100 An XI : 113 71 1828 : 111
Depuis 1836 jusqu'à ce jour, il s'est tenu au-dessus de
100 fr., sauf en 1848, où il a été de 75 fr.
Les exercices les plus favorables, sous le règne de Louis-
Philippe, sont :
1839 ; 144 fr. 1846 : 159 fr.
1840 : 139 1847 : 177
Et depuis le coup d'État :
1852: 118 fr. 1854: 194 fr. 1856: 272 fr.
1853 : 154 1855 : 200
Les opérations, en 1855, ont été :
A Paris, de 1,958,049.589 fr.
Dans les succursales, de 2,745,505,028
Total 4,703,554,417
Les mêmes opérations, en 1856, ont été:
. _ . f non comnrislesopérations avec l'Eut, 1 , „ ,„. ^ „„„ „
^ P'^"^ { et montant à. . . 174,500,000 u'M' 2,56^,000,000 fr.
Dans les succursales, de 3,071,800,000
Ensemble 5,035,800,000
Les succursales les plus favorisées sont :
Marseille. . . 449,000,000 fr. Lille 209,000,000 fr.
Lyon 300 000.0011 Valencieunes 150,000,000
Bordeaux . . 235,000,000
Quatre succursales ont donné une perte de 312,009 fr.,
provenant des dépenses de premier établissement et d'ap-
propriation de locaux.
Les dépenses de la Ban(|ue et des succursales ont été :
P:n 1864 de 5,007.000 fr.
En 1855 de. . . 9,813,000
En 1856 de 11,327,800
Différence avec 1854 6, 320, «00
Mais cette différence est presque entièrement occasionnée
par des dépenses extraordinaires. Le premier chiffre est, à
peu de chose près, la véritable moyenne.
Ses produits bruts ont été :
— 236 -
En 1853 de . 14,762,432 74 fr.
En 1854 de • 18,603,228 10
En 1855 de 22,671,123 99
En 1856 de 37,179,226 20
Le mouvement général des caisses se compose , pour
1855, de la manière suivante :
' Espèces 2,056,682,000 fr.
Billets 9,149,379,500
Virements 10,153,828,600
Ensemble 20,359,890,100
TABLEAU GÉNÉRAL
des opérations faites et des produits bruts perçus par la Banque de France
pendant l'année -1885.
PRODUITS VARIABLES.
OPnRATlOXS COlIMEnclALKS A PARIS.
Escompte du papier de commerce
— de bons du Trésor
— de bons de la monnaie
— de traites de coupes de bois. . . .
Avances sur actions des canaux
— sur rentes
— sur valeurs de chemins de fer. . .
— sur lingots o . .
Commission sur les billets à ordre
Primes sur matières d'or et d'argent. . .
Droits de garde
Total
OPERATIONS COMMERCIALES DES SUCCURSALES.
Total de ces deux natures de produits. . .
Opérations avec le Trésor
— avec la ville (Caisse de la boulangerie).
PRODUITS ACCIDENTELS.
Recouvrements sur les effets en soulTrance.
Bénétices divers
Total
PRODUITS FIXES.
Rentes appartenant à la Banque
MONTANT
des opérations.
PRODUITS BRUTS
des Opérations.
1,156,590.019
43.470,900
211,780,791
1,078.573
24,686.200
172,118,500
326.229,000
21,487,400
» v
» a
» »
5,786,870 50
180,365 60
82.414 04
20,G9G 05
241,926 95
1.266.961 GO
2,737.770 15
52,972 10
181,751 45
» »
83.981 55
1,958,049,389
2,745,505.028
4,703.554,417
10,641,718 99-
12,029.405 »
22.671,123 99
145,000.000
14,800,000
1,261,861 54
155,250 »
» »
342,861 98
564 90
i> »
343,426 88
» »
3,710,194 «>
— 237 —
COMPTOIR NATIOAAL D'ESCOMPTE DE PAHIS.
(Paris, 14, rue Bergère.)
Les Comptoirs d'escompte ont été institués, à la suite de
la révolution de 1848, comme de simples expédients contre
la crise.
A ce moment les premières maisons de banque parlaient
de liquidation ; la caisse Gouin et la caisse Ganneron avaient
suspendu leurs payements; les autres ne voulaient plus re-
cevoir de papier. Le commerce, frappé d'iiébêtement, restait
sans initiative, sans énergie. 11 y avait pourtant dans chaque
ville de quelque importance un corps de notables commer-
çants , une chambre élective de commerce, un tribunal de
commerce. C'était aux membres de ces corporations de se
réunir, de parler au public, de prendre des mesures pour ré-
tablir la circulation. Eh quoi ! ne voulait-on plus, en France ,
ni manger, ni boire, ni se vêtir, ni se loger, ni échangei-, ni
produire? V avait-il un colis de marchandises, une usine de
moins? Non, jamais on ne vit panique plus niaise ni plus
ridicule. Louis-Philippe semblait avoir emporté dans sa fuite
la vie et les idées de tout ce monde. Us se réunissaient vo-
lontiers pour gémir et crier misère ; mais ils demeuraient les
bras pendants, la bouche béante , attendant quelque signe
céleste, quelque miracle de la Providence, pour les sortir de
ce mauvais pas.
La Providence en celte occasion, ce fut le gouvernement
provisoire.
c( Dans toutes les villes industrielles et commerciales, dit le dé-
cret du 7 mars, il sera créé un Comptoir national d'escompte dont
le capital sera formé dans les proportions suivantes : 1" un tiers
en argent par les associés souscripteurs; 2" un tiers on obliga-
tions par les villes; 3'^ un tiers en bous du Trésor par l'Étal.
a Les bénélices appartiendront exclusivement aux actionnaires. »
Les obligations des villes et les bons du Trésor ne sont
qu'une garantie, une promesse de payement eu cas de déficit ;
ce n'est pas de l'argent versé.
— 238 —
Le 8 mars, un autre décret organisa le Comptoir de la ville
de Paris, au capital de 20 millions fournis dans la proportion
sus-indiqiiée, soit pour la partdes souscripteurs, 6,666,500 fr.
Un décret du 16 mars ouvrit un crédit de 60 millions pour
venir en aide, à titre de prêt, aux nouveaux établissements.
Les premières actions furent prises comme par charité.
Quehjues commerçants, diverses corporations telles que la
Banque, les agents de change, la Chambre de commerce, les
avoués, les notaires, s'inscrivirent en tête de la liste phi-
lanthropique.
Le 18 mars, le Comptoir de Paris commença ses opéra-
tions avec 1,587,021 fr. 45 c. de réalisés, et un million d'em-
prunt au Trésor. Afin de créer des actionnaires, on imagina
d'opérer une retenue sur les bordereaux présentés à l'es-
compte: les gens ne savaient plus marcher 5 le repos, c'était
la mort-, il fallait bien les pousser de force et les empêcher
de périr. Ces retenues produisirent, pendant le premier se-
mestre, 1,241,970 fr. 70 c, qui furent convertis en actions-,
il restait en outre un autre solde de même origine de
290,901 fr. 88 c. Enfin, au 31 août 1848, le montant des
actions réalisées, volontairement ou par retenues, était de
4,041,804 fr. 23 c.
Les Comptoirs nationaux sont affectés aux opérations des
banques ordinaires du commerce -, ils n'émettent point de
billets. Aussi avaient-ils besoin que leur portefeuille fût ré-
escompté à la Banque. Les réescomptes s'élevèrent, en 1848,
à Paris et dans les succursales, à 131 millions.
« Le Comptoir n'admettra à l'escompte, dit l'art. 8 des Statuts,
que des effets de commerce revêtus de deux signatures au moins, et
dont l'échéance ne pourra pas excéder cent cinq jours, pour le
papier payable à Paris, et soixante jours pour le papier payable
dans les départements. — L'échéance pourra être étendue à quatre-
vingt-dix-jours pour les eftets payables sur les places où il y a une
succursale de la Banque. »
Les nécessités de la situation vinrent bientôt modifier la
première prescription de l'art. 8. Les fabricants, les manu-
facturiers, les négociants ne pouvaient ni vendre les mar«
chandises dont leurs magasins étaient encombrés, ni em-
— ^39 —
prunier sur ce gage. Le décret du 2l mars ordonna la créa-
tion:
« A Paris et dans les autres villes où le besoin s'en ferait sentir,
de magasins généraux placés sous la surveillance de l'État, et où
les négociants et les industriels pourraient déposer les matières
premières, les marchandises et les objets fabriqués dont ils se-
raient propriétaires. »
Le même décret ajoutait que :
« Les récépissés extraits des registres à souche, transférant la
propriété des objets déposés, seraient transmissibles par voie
d'endos; »
dispositions qui, en simplifiant les formes prescrites par le
Code, devait faciliter les prêts sur gages.
Afin de régulariser Tusage du nantissement, le décret du
24 mars organisa les Sous-Comptoirs de garantie, dont les
opérations consistent :
(c A procurer aux commerçants, industriels et agriculteurs, soit
par engagement direct, soit par aval, soit par endossement, l'es-
compte de leurs titres et effets de commerce auprès du Comptoir
principal, moyennant des sûretés données aux Sous-Comptoirs par
voie de nantissement sur marchandises, récépissé des magasins
de dépôt, titres et autres valeurs. » — « Les Sous-ComptOirs ne
peuvent négocier les effets provenant du nantissement qu'auprès
du Comptoir d'escompte, dans la caisse duquel est déposé leur ca-
pital. »
Les récépissés remplacent la seconde signature.
Le 19 avril 1850, le Comptoir de Paris fut prorogé pour six
ans à partir du 18 mars 1852, et le capital porté à 33,333,500
francs, dont 20 millions à fournir par les souscripteurs,
6,667,000 en obligations de la ville de Paris, et 6,666,500
en un bon du Trésor par l'État. En conséquence, 26,667 ac-
tions nouvelles furent émises au cours de 550 fr.
Par les décrets des 24 mars et 23 août 1848, les Comptoirs
et les Sous-Comptoirs étaient garantis pour une part de
leurs opérations par l'État et parles villes. Mais en pratique,
que signifiait celte garantie? Rien du tout. Le jour où Tad-
ministralion l'eût laissé entamer, elle eût été obligée de li-
— 2,40 —
quider. C'est ce que paraît avoir compris le gouvernement.
Une loi, rendue le 26 mai 1853, porte :
« Art. i". Les Comptoirs et Sous-Coniploirs d'escompte pour-
ront être établis ou prorogés avec les droits énoncés dans les ar-
ticles 9 et 40 du décret du 23 août 1848, mais sans aucun recours
ni aucune garantie de la part de l'État , des départements et des
communes. »
A la bonne heure I mais puisque le Corps législatif était
en si beau chemin, qu'avait-il à faire de réserver à l'État,
qui ne garantit rien, le droit de vie et de mort sur les Comp-
toirs ?
« Art. 2. Des décrets impériaux, rendus sur la proposition du
ministre des finances, le Conseil d'État entendu, statueront sur
l'établissement et la prorogation des Comptoirs et Sous-Comptoirs
d'escompte, et sur la modilication de leurs statuts. »
Ou garantissez les Comptoirs, ou laissez leur faire ce qu'ils
voudront. Il est absurde, en pareille matière, de vouloir ré-
genter sans financer.
Le 25 juillet 1854, un décret impérial reconstitua le Comp-
toir pour trente ans, à partir du 18 mars 1857. Les garanties
de la Ville et de l'Élat étant supprimées, le capital se trou-
vait réduit à 20 millions; le décret précité autorisa la Com-
pagnie à rélever à 40, et par décision du 21 février 1856,
l'assemblée générale autorisa la direction à émettre 40,000
actions nouvelles au cours de 550 fr.
Ce qui manque en France, c'est, répétons-le, l'esprit d'i-
nitiative. Nul ne se dit en temps de crise : « C'est à nous de
nous tirer d'embarras;» ni en temps de calme : « Nous de-
vons nous conduire nous-mêmes. » Chacun a les yeux fixés
sur l'État, attendant son salut d'en haut et l'ordre du jour
du gouvernement.
Certes l'occasion ne fut jamais plus belle qu'en 1848, pour
l'industrie, l'agriculture et le commerce, de s'affranchir du pa-
tronage de l'État et de la finance. Les banquier s désertaient la
place ; la Banque de France était menacée de liquider. C'était
aux chambres de commerce de prendre la direction du mou-
vement. Elles n'avaient qu'à dire aux producteurs : «Tout
— 241 —
travail, toute richesse vient de vous^ toute garantie, par
conséquent. Les banques publiques et privées n'hésitent
pas à s'engager pour.i'échange de vos produits. C'est la source
de leurs plus gros profits. Organisez spontanément entre
vous et à votre bénéfice le crédit dont vous payez l'usage à
vos patrons.»
C'était aux chambres de commerce de créer les (]omptoirs
d'escompte et les Sous-Comptoirs de garantie. Émanant d'une
pareille origine, ces institutions, fondées dans tous les cen-
tres industriels et commerçants, auraient en peu d'années
changé la face des affaires et éloigné à tout jamais l'influence
des crises politiques, puisqu'elles eussent été complètement
séparées du pouvoir.
Rappelons notre définition de la Banque : «Un établisse-
ment ayant pour but de donner cours authentique aux effets
souscrits par les particuliers dont il connaît la solvabilité.»
Ce n'est point une direction centrale ayant son siège à Paris,
avec des mandataires dans les départements, qui peut rem-
plir un pareil office. Une administration locale indépendante,
agissant sous le contrôle des intéressés, est seule compétente
en pareille matière.
Le taux de l'escompte doit couvrir les frais de gestion et
les chances de non-payement; 1/2 0/0 suffirait. 11 serait ab-
surde que la corporation des producteurs visât à réaliser des
bénéfices sur elle-même.
Est-ce à dire que chaque Comptoir devrait avoir le droit
d'émettre des billets? Nous ne le pensons pas : ce serait re-
tomber dans la multiplicité des signes d'échange et dans
tous ses inconvénients. C'est pourquoi la Banque centrale
doit rester. Mais que devient-elle danscetlenouvelleorgani-
sation? — Un simple atelier de monnayage, sous le contrôle
dune haute chambre de commerce.
Les actions du Comptoir sont au porteur, de 500 fr. cha-
cune. — L'assemblée générale se compose de tous les pro-
priétaires d'au moins dix actions. — Les voix se comptent
par série de 10 actions, mais on ne peut en avoir plus de 10.
L'administration se compose de 2 directeurs, 15 adminis-
trateurs et 3 consetM's.
14
— 242 —
A part la faculté d'émettre des billets, les comptoirs font
à peu près les mêmes opérations que la Banque de France.
Voici le tableau des opérations du Comptoir de Paris de-
puis sa fondation.
lei'cices.
Nombre d'effets.
Montant.
Dividendes.
1848 (5 mois)
119,525
93,125,588 fr.
15 fr.
1849 (10 mois)
124,548
98,274,288
15
1850 (1 an).
237,559
145,630,577
35
1851 . —
319,781
215,195,904
40
1852 —
382,521
273,473,902
40
1853 —
570,758
502,070,434
31
1854 —
837,809
628,521,792
36
1855 —
877,995
276,943,888
42
Les fonds des Sous-Comptoirs sont déposés dans la caisse
du Comptoir d'escompte, pour la garantie de leurs opéra-
tions. Ils sont constitués jusqu'au 18 mars 1857. Les actions
sont de 100 fr. Les compagnies sont anonymes.
Sous-COMPTOiR DES E.NTREPRENEURS. — Rue Bergère, 14,
capital social, 347,000 fr.
Sous-Co.MPTOiR DES MÉTAUX. — Rue Vivienne, 55, capital
social, 5 millions.
Sous-Comptoir des Denrées coloniales. — Rue Grétry, 2,
capital social, 500,000 fr.
Sous-CcMPTOiR des Chemixs de fer. — Rue Bergère, 14,
capital social, 4 millions.
. Il existe des Comptoirs dans les villes suivantes :
Alais. Caen. Dôle. Miilliouse. St-Jean-d'.\t)gély.
Arigoulême. Colmar. Lille. Sablé. Sle-Maric-aiix-Mines.
CREDIT FONCIER DE FR.4NCE.
(Paris, 10, rue Neuve-des-Capucines.)
Encore une iustituliuu née du besoin de mobiliser les va-
leurs. Nous ravons dil plus haut, L'" partie, cliajMlre I\ :
rien de plus anti{)alliique au mouvement que notre vieux
— 243 —
régime hypothécaire ; il ne faut pas chercher ailleurs la dé-
faveur et le haut prix des prêts sur hypothèque.
Voici les procédés et les conditions du nouveau système,
d'après les dernières modifications aux statuts (28 juin
1856) :
« La Société fait deux sortes de prêts :
« Les uns sont remboursables à long terme, par annuités cu-
mulées de manière à amortir la dette dans un délai de 10 ans au
moins, de 60 ans au plus.
« Les autres sont remboursables à court terme, sans amortisse-
ment, conformément aux dispositions de l'article 8 du décret du
«juillet 1834.
« Ces prêts peuvent être faits soit en numéraire, soit en obliga-
tions foncières ou lettres de gage.
« La Société ne prête que sur première hypothèque. — Sont
considérés comme faits sur première hypothèque les prêts au
moyen desquels tous les créanciers antérieurs doivent être rem-
boursés en capital et intérêts.
« Les prêts ne peuvent excéder la moitié de la valeur de la pro-
priété. Pour les bois, les vignes et toutes les propriétés plantées,
ils ne vont qu'au tiers. Les bâtiments des usines et fabriques sont
évalués sans tenir compte de leur affectation industrielle.
« Ne sont point admis aux bénéfices des prêts de la Société :
« i° Les théâtres; 2° les mines et les carrières ; 3° les immeubles
indivis, si l'hypothèque n'est établie sur la totalité, du consente-
ment de tous les co-propriétaires; -4" ceux dont l'usufruit et la
nue propriété ne sont pas réunis, à moins du consentement de
tous les ayants droit à l'établissement de l'hypothèque.
« Le maximum des prêts est d'un million, à moins qu'il ne s'a-
gisse d'associations syndicales, de sociétés anonymes, de com-
munes ou de départements autorisés à cet effet par le gouverne-
ment. Le minimum des prêts est de 300 fr.
« Le taux de l'intérêt est fixé par le conseil; Une peut dépasser
le taux légal.
« L'annuité est payable en espèces, par semestre, aux époques
déterminées par l'administration. Elle comprend : 1" l'intérêt;
'i" l'amortissement; 3" un droit de commission qui ne peut excé-
der 60 centimes 0/0, si ce n'est en vertu d'un décret.
« Tout semestre non payé porte intérêt à o 0/0, et rend exigible
la totalité de la dette un mois après la mise en dem,eure.
(t Les débiteurs ont droit de se libérer par anticipation eu tout
ou en partie, soit en numéraire, soit en obligations appartenant à
l'émission indiquée par le contrat de prêt. Les remboursements
anticipés donnent lieu, au profit de la Société, à une indemnité
qui ne peut dépasser 3 0/0 du capital remboursé par anticipation.
« Tout emprunteur doit dénoncer à la Société les aliénations,
détériorations et hypothèques légales modifiant les conditions du
gage.
« Toutes les propriétés affectées à la garantie de la Société, qui
sont susceptibles de périr par le feu, doivent être assurées. La
Compagnie a privilège sur l'indemnité en cas de sinistre. »
Les conditions, comme on voit, surtout celle du rembour-
sement par annuités, sont déjà plus favorables aux emprun-
teurs que celles offertes par l'ancien système anarchique de
prêt ou usure sur hypothèque. Aussi le mode d'expropria-
tion doit-il être en raison de ces avantages, c'est-à-dire très-
expéditif.
« En cas de retard du débiteur, la Société peut, en vertu d'une
ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal civil
de première insitince, quinze jours après une mise en demeure, se
mettre en possession des immeubles hypothéqués, aux frais et ris-
ques du débiteur en retard.
« Pendant la durée du séquestre, la Société perçoit, nonobstant
toute opposition ou saisie, le montant des revenus ou récoltes, et
l'applique à l'acquittement des termes échus et des frais.
« Ce privilège prend rang immédiatement après ceux qui sont
attachés aux frais faits pour la conservation de la chose, aux frais
de labour et de semences, et aux droits du Trésor pour le recou-
vrement de l'impôt.
ft Dans le même cas de non-payement d'une annuité, et toutes
les fois que le capital intégral, par suite de détérioration du gage,
est devenu exigible, la vente de l'immeuble peut être poursuivie.
« S'il y a contestation, il est statué par le tribunal de la situa-
tion des biens. Le jugement est sans appel.
« Pour parvenir à la vente de l'immeuble, la Société fait signifier
au débiteur un commandement dans la forme prévue par l'art. 673
du Code de procédure,
« A défaut de payement dans la quinzaine, il est fait dans les
sijc semaines qui suivent six insertions dans les journaux d'annonces
et deux appositions d'affiches à quinze jours d'intervalle.
« Quinze jours après l'accomplissement de ces formalités, il est
— 245 —
procédé à la vente aux enchères de l'immeuble hypothéqué, »
(Décret du 28 février 18o2. )
Nous voilà loin des lenteurs et du fornfialisme de la judi-
cature. Cependant la réalisation du gage deviendra sans
doute encore plus rapide dans l'avenir.
La Société du Crédit foncier de France n'était primitive-
ment que la Banque foncière de Paris. Le gouvernement
voulait la pluralité et l'indépendance de ces établissements.
La multiplicité des titres parut devoir présenter des incon-
vénients, et le 18 novembre 1852, un décret transforma la
société première et lui concéda le privilège d'étendre ses re-
lations sur tout le territoire français. Cependant , comme
d'autres Compagnies avaient été déjà formées avant cette
transformation, à Nevers pour les départements du Cher,
de la Nièvre et de l'Allier; à Marseille, pour les Bouches-du-
Rhône, le Var et les Basses-Alpes, réserve fut faite de leurs
droits. Les négociations pour leur incorporation ont rencon-
tré de vigoureuses résistances. Cependant le rapport du
Crédit foncier de France du 30 avril 1856 annonce que les
traités de fusion définitifs ont été passés.
La Société de Crédit foncier de Marseille , autorisée par
décret du 12 septembre 1852, est au capital de 3 millions;
celle de Nevers, autorisée le 20 octobre de la même année,
au capital de 2 millions.
Un instant on crut, dans le monde financier, qu'elles
allaient prendre le pied sur celle de Paris.
Par suite d'une transaction intervenue entre ces Compa-
gnies et M. Mirés, ce dernier s'était engagé à leur prêter à
chacune, sur lettres de gage, 24 millions, soit 48 millions
en tout. A cet effet, M. Mirés subdivisait la lettre de gage ,
primitivement de 1,000 fr., en coupures de 100 fr., portant
3 fr. 65 c. d'intérêt par an, ou 1 c. par jour, et rembour-
sables annuellement avec prime par voie de tirage au sort.
Les primes trimestrielles étaient :
1" numi ro . . . . ' 50,000 fr.
Les i numéros suivants, cliueun 5,000 20,000
Les 20 suivants, chacun 1,000 20,000
Total par trimestre 30,000
Pour l'année 360,000
14.
— 246 —
Les lettres de gage, au capital nominal de 100 fr., étaient
émises à 110 fr., payables, savoir :
35 fr. au moment de la souscription.
26 fr. en janvier 1865.
25 fr, — 1856.
25 fr. — 1857, au pins tôt.
Le bénéfice de 10 fr. par obligation profitant à la Société
Mirés, non aux Compagnies, le profit de l'opération devait
être de 4,800,000 fr.
Déjàles prospectus annonçaient ces lettres de gage comme
devant remplacer les billets de banque de 100 fr Tout à
coup un ordre du gouvernement interdit de poursuivre l'o-
pération, et prescrit à M. Mirés le remboursement des lettres
de gage déjà placées!... Est-ce la combinaison qui était mau-
vaise, et le pouvoir n'a-t-il fait que venir au secours d'un
spéculateur maladroit? ou bien, comme d'autres l'affirment,
est-ce à une Influence jalouse qu'il faut attribuer l'interdic-
tion subite du placement? Dans l'un comme dans l'autre
cas, le gouvernement, par son intervention officieuse ou of-
ficielle dans une transaction particulière, a, sans le vouloir,
excédé la limite de sa juste influence, et ouvert la porte à
une foule d'abus. Dès l'instant qu'il sera facultatif au pou-
voir d'arrêter une opération, heureuse ou malheureuse , de
relever un spéculateur de ses engagements ou de jeter l'in-
terdit sur une entreprise, il n'y a plus de sécurité dans les
alfaires; la bonne foi, tacitement subordonnée par des négo-
ciateurs pervers à la volonté éventuelle du prince, n'est plus
qu'un mot; la confiance commerciale est anéantie.
La fusion , annoncée comme un fait accompli, sanction-
née par décret du 28 juin 1856, rentre parfaitement dans
l'esprit de centralisation du gouvernement et de la féodalité
iinancière.
Nous comprenons l'unité des titres 5 mais elle n'a pas
])Our conséquence forcée la centralisation administrative des
opérations de la banque foncière. 11 est alloué 60 cent, en
maximum par 100 fr. pour frais d'administration, ne serait-
ce point afin de doter mieux l'état-major bureaucratique
— 247 —
central , qu'on lui confère, pour ainsi dire , le monopole de
l'hypothèque?
Aucune société n'a éprouvé plus de vicissitudes, subi plus
de remaniements que le Crédit foncier. Nous avons déjà men-
tionné la transformation de la Banque foncière de Paris en
Crédit foncier de France. Le 18 octobre 1852, le 10 décem-
bre môme année, le 22 mars et le 21 décembre 1853 , le
6 juillet 1854, le 28 juin 1856, nouveaux remaniements des
statuts.
Dans les prévisions du décret organique du 28 février 1852,
Tanmiité pour l'emprunteur devait être de 5 0/0 , intérêts ,
frais d'administration et amortissement compris. Les cir-
constances politiques ne permettant pas à la Compagnie de
se procurer des capitaux au taux de 3 65, fixé par le décret
d'institution, une première fois l'annuité avait été élevée de
5à 5 45 0/0. Cette augmentation fut bientôt trouvée insuf-
fisante. Afin d'attirer les bailleurs de fonds, un décret impé-
rial du 21 décembre 1853 , assimilant l'annuité du Crédit
foncier au taux variable de la rente 3 0/0, n'imposait plus à
la Compagnie la limite de 5 45 , que si le 3 0/0 s'élevait à
86 fr. Au-dessous, la Compagnie avait la faculté d'élever
l'annuité jusqu'à concurrence de 1/2 0/0, c'est-à-dire jusqu'à
5 fr. 95 c. En conséquence , le Conseil d'administration ,
usant de la latitude qui lui était offerte par le nouveau dé-
cret, après avoir décidé, une seconde fois, que l'annuité
serait portée à 5 65, l'éleva, au T' avril 1854, à 5 95. Moyen-
nant quoi, dit le Rapport , la Compagnie, se mettant à l'u-
nisson de la Banque, peut offrir aujourd'hui aux preneurs de
ses obligations jusqu'à 5 fr. de rente. Ainsi, après une année
d'existence, le Crédit foncier, sous la pression des événe-
ments politiques, élève de 95 c, c'est-à-dire de près de 1 0/0
le taux de l'annuité : un établissement de crédit que plu-
sieurs regardaient comme devant être le régulateur des
cours et une force de résistance contre la hausse , est em-
porté à son tour par les caprices du capitalisme. 11 ne fallait
pas moins que la dissertation de M. Wolowski pour nous
faire croire au progrès de l'institution.
— 248 —
Dans l'assemblée du 29 décembre 1 853 ont été approuvés les
traités passés entre les Sociétés de Marseille et de Nevers, à
la disposition de chacune desquelles la Compagnie s'oblige
démettre une somme de six millions par année, soit 500,000
francs par mois, mais avec faculté pour la Compagnie cen-
trale, après avis préalable donné au commencement de cha-
que mois, de restreindre ce crédit au vingtième des prêts
autorisés dans te mois précédent : ce qui ramènerait , le cas
échéant, la subvention de 6 millions par an, d'abord à
25,000 fr. par mois , puis à 1,250, puis 65 50. Certes, une
Société qui contracte de telles obligations ne se compromet
pas; mais on ne saurait dire non plus qu'elle ait une bien
grande conliance en elle-même.
Le 6 juillet 1854, un décret ordonna la réunion du Crédit
foncier à l'État.
La difficulté qu'éprouvait à marcher la nouvelle institu-
tion, et le désordre de ses aflaires, paraissent avoir causé
cette réunion. Ce qui ne pouvait vivre au grand air de la
liberté viendra sans doute dans la serre chaude du gouver-
nement.
Le directeur, M. Wolowski, fut remplacé par M. de Ger-
miny , aux appointements de 40,000 fr. , avec deux sous-
gouverneurs, aux appointements chacun de 20,000 fr.
Les dispositions des décrets du 21 décembre 1853 et avril
1854 sont abrogées. Dorénavant le Crédit foncier , qui ne
devait prêter qu'à long terme, prêtera les sommes , en nu-
méraire, qu'il aura en disponibilité, ou qu'il pourra se pro-
curer par l'émission de ses obligations à tous les taux pos-
sibles, à longue ou courte échéance , avec ou sans amortis-
sement, comme il l'entendra et comme il pourra. Plus tard,
pense-t-on, les prêts pourront être faits aussi en simples
lettres de gage, garanties par l'État : ce qui rentrerait tout
à fait dans le systènâe des banques de Pologne et d'Ecosse.
De ce système h celui des assignats, il n'y a qu'un pas, le
cours forcé. Mais il est peu probable que ce pas soit de sitôt
franchi, attendu que les assignats de 89 étaient au moins
remboursables en biens nationaux, tandis que le papier du
Crédit foncier ne le serait littéralement en rien du tout. Or,
— 2i9 —
sans cours forcé, pas de circulation, pas d'emprunteurs : on
peut donc considérer la réunion de la Compagnie à l'État
comme une dissolution pure et simple : à moins que les
preneurs d'obligations ne lui viennent en aide.
En fait, le Crédit foncier n'est qu'un leurre philanthro-
pique; les financiers qui ont prêté leur concours l'ont plus
fait par condescendance pour le chef de l'État que par con-
viction. Le chiflre officiel des inscriptions hypothécaires ser-
vant de base à la répartition, par ressorts de cours impé-
riales, du premier prêt de 200 millions, s'élève, pour les
80 départements où la Société de Paris doit fonctionner, à
12,005,506,374 fr. Le département de la Seine est le plus
obéré : sa dette monte à 1,159,732,000 fr.
Qu'est-ce que les 200 millions du Crédit foncier devant
une pareille plaie?
Au 29 avril 1854, la totalité des prêts consentis (expres-
sion du rapporteur) s'élevait à 56,239,000 fr. Mais nous
croyons savoir que sur ce chiffre, il n'y en avait guère que
30 et quelques millions de réalisés , la plupart dans la ville
de Paris, les fonds manquant pour le superflu des demandes.
D'après le rapport du 30 avril 1856, les emprunteurs
étaient débiteurs de 62,218,931 fr. 65 c. Nous sommes loin
des 12 milliards d'inscriptions hypothécaires.
La Compagnie ne prête que sur première hypothèque.
Elle viendra par conséquent au secours de ceux qui ont le
moins besoin d'elle : elle ne peut rien pour le petit proprié-
taire avec les usuriers.
Toute libération anticipée emporte au profit de la Com-
pagnie un droit supplémentaire de 3 0/0. Ce qui signifie que
si la Société parvenait, aux termes de ses statuts, à se sub-
stituer aux anciens prêteurs sur hypothèque pour une somme
de 1,200 millions, ces 1,200 millions, remboursables par
fractions minimes pour chaque emprunteur, mais en réalité
placés en perpétuel, à cause des réemplois, pour la Société,
•produiraient à celle-ci, chaque année, une somme de plus
de 60 millions, dont 44,040,000 fr. pour Tintérêt du capi-
tal et 15,960,000 à titre d'amortissement et de frais pour la
Société,
— 250 —
A nos yeux, une semblable combinaison est insuffisante,
timide etplusqu'usuraire. Avant de procéder à la constitu-
tion de la Société du Crédit foncier, il fallait, selon nous,
se poser cette question : Si la propriété n'a pas encore plus
besoin de crédit commercial que de crédit à long terme; si
par conséquent, au lieu de cumuler l'intérêt et Tamortisse-
ment, comme cela a lieu dans l'institution actuelle, il ne
faut pas plutôt les fondre, de telle sorte que le rembourse-
ment du prêt représente simplement le prêt, augmenté
d'une prime d'autant plus faible que la masse des affaires
de la Société aurait été plus grande? Les opérations d'une
banque de circulation et de comptoirs d'escompte, appro-
priés à l'agriculture, seraient, croyons-nous, autrement effi-
caces que les annuités de la Banque foncière, et Ton n'au-
rait pas le déplaisir de voir une institution d'intérêt public,
car tel est l'esprit du décret du 28 février 1852, servir,
comme les mines, les assurances, les chemins de fer, la
Banque et ses succursales, de vache à lait aux créatures du
gouvernement.
Mais peut-être que pour arriver à une réforme efficace il
fallait passer par là : ne sommes-nous pas dans le siècle des
transitions? Nous souhaitons à celle-ci tout le succès dési-
rable. On sait d'où elle vient et où elle va, ce qu'elle peut et
ce qu'elle vaut : telle qu'elle est déjà, Tagiotage et le jeu y
auront peu de prise.
Et, il faut bien le dire, ce dédain de la spéculation pour le
Crédit foncier sera sa cause la plus immédiate de ruine. Une
combinaison qui n'olîre que d'honnêtes profits à faire ,
quelles que soient ses garanties, n'a aucune chance de suc-
cès aujourd'hui.
La Société du Crédit foncier est fondée pour 99 ans à par-
tir du 30 juillet 1852, au capital de 60 millions, divisé en
120,000 actions de 500 fr. chacune. Mais il n'a encore été
émis qu'une série de 60,000 actions, dont 250 fr. versés.
Jusqu'au payement complet des actions, il n'est délivré
que des certificats provisoires, négociables par voie de trans-
fert,— Le souscripteur primitif et ses cessjonnaires restent
-. 251 —
engagés jusqu'au payement complet de Taction. — les litres
définitifs sont au porteur.
Les actionnaires ne sont pas tenus au delà du montant
de leur souscription.
L'assemblée générale se compose des 200 plus forts ac-
tionnaires, dont la liste est arrêtée 20 jours avant la convo-
cation. 40 actions donnent droit à une voix, sans qu'on
puisse en avoir plus de 10.
Sur les bénéfices nets il est attribué : l» 5 0/0 aux action-
tionnaires, 2° 20 0/0 au Fonds de Réserve , jusqu'à ce qu'il
atteigne la moitié du capital souscrit; ce Fonds de Réserve
est destiné à parer aux événements imprévus, et, en cas d'in-
suffisance des produits d'une année pour payer un dividende
de 5 0/0, à fournir la différence; 3° il est formé un Fonds de
Prévoyance destiné à compenser entre plusieurs années les
trais de premier établissement 5 4° le surplus est distribué à
titre de dividende.
Le dividende de 1855, non compris Tintérêt, est de 2 0/0.
Une subvention de 10 millions de francs a été accordée à
la Société par décret du 10 décembre 1852.
Le Crédit foncier s'engage à faire une première série de
prêt sur hypothèque jusqu'à concurrence de 200 millions
de francs. Cette somme est répartie entre les divers dépar-
lements proportionnellement à la dette hypothécaire in-
scrite.
Après le placement des 200 millions ci-dessus, la Société
continuera de prêter , lors même que pour se procurer les
fonds nécessaires, elle serait obligée d'affecter au service de
ses obligations émises un quart de ce qui lui est alloué à titre
de frais d'administration.
Avec son capital de 60 millions, la Société pourra faire
1,200 millions de prêts. Il faut donc qu'elle emprunte elle-
même. Son rôle est purement d'intermédiaire entre l'em-
prunteur hypothécaire et le capitaliste.
u Les emprunts de la Société se fout au moyen d'une émission
d'oblif^atioiis, qui ne peut (lépii^ser le montant des en^a.ueinenls
liy[)otliécaiiL's souscrits par les propritiaires des immeiibies eu la-
veur de kl Compagnie.
— 252 —
« Les obligations sont au porteur; elles sont de 1,000 fr,, et
peuvent être divisées en coupures dont la moindre est de 100 fr.
Elles portent un intérêt annuel, dont le taux est fixé parle conseil
d'administration, à l'époque de leur création.
u Elles sont classées par séries, dont chacune comprend toutes
les obligations créées au même taux d'intérêts.
« Elles sont appelées au remboursement par voie de tirage au
sort; des lots et primes peuvent être attachés aux obligations rem-
boursées.
« Les produits sont appliqués en première ligne à payer les in-
térêts des obligations foncières, le capital de celles que le sort a
désignées pour le remboursement, et les lots et primes. » (Extrait
des Statuts. )
Les porteurs d'obligations (1) ont donc pour garantie les
emprunts souscrits par les propriétaires d'immeubles, et le
capital des actions versées. C'est un peu plus hardi que la
Banque de France, à qui il faut pour gage, — indépendam-
ment d'un portefeuille au pair ou au-dessus de ses billets,
— une encaisse métallique, des rentes en réserve, un capital
immeuble et un capital d'actions. Cependant la garantie
du portefeuille est bien plus certaine et plus réalisable que
celle offerte par les emprunteurs sur hypothèque. Ce n'est
pas que les obligations foncières se trouvent à découvert ,
car les prêts hypothécaires, n'excédant jamais la moitié de
la valeur de l'immeuble, garantissent suffisamment le rem-
boursement.
Dans ces conditions, l'institution, si elle ne peut rendre
de grands services à l'agriculture, offre du moins aux capi-
talistes un placement aussi sur qu'on peut le désirer. Mais
il n'y a point de primes à réaliser; et le béotien de la Bourse
préférera toujours perdre 100 fr. par action du Palais de
l'industrie, achetée à 170 et tombée à 70, par cette consi-
(I) Les actions sont la mise de fonds d'une entreprise ; les obligations en
vepréîienlenl les emprunts. Le bénéfice des obligations est fixe : c'est un
tant pour cent l'an, et quelquefois une prime au remboursement. Elles ont
privilège sur les actions, dont elles sont créancières. Elles ne sont point
solidaires de» pertes. Les actions, au contraire, courent les risques bons et
mauvais de la société; les pertes cl les bénéfices n'en sont pas limités. —
Dans une entreprise prospère, les actions sont préférables ; dans une société
en déficit, les obligations sont plus sûres.
— 253 —
dération que d'autres ont eu la chance de primer de 50 à
60 fr. sur la même valeur.
Les obligations du Crédit foncier sont de trois espèces :
lo en 3 0 0, remboursables avec prime et donnant droit à
des tirages de lots-, — 2° en 4 0/0, remboursables sans pri-
mes, mais pouvant gagner des lots 5 — 3° en 5 0/0, rembour-
sables sans primes et sans droit au tirage des lots.
Les lois affectés aux tirages trimesiriels sont un appât
offert à l'esprit de spéculation aléatoire qui caractérise le
monde financier. Ils se sont élevés, pour les deux premières
années, à 1,200,000 fr.: ils sont de 800,000 fr. par an à
partir de 1855, ainsi répartis :
TIRAGE DES TROIS PREMIERS TRIMESTRES
(22 mars, 22 juin, 22 septembre.)
1" numéro 100,000 fr.
2« ~ .S0,000
3' — 20,000
Total par Irimeslrc 170,000
Pour les 3 Irimesires .... 510,000 ci. 510,000 fr,
TIRAGE DU QUATRIÈME TRIMESTRE
(22 décembre.)
1" luiniéro 100,000
2' — :>(),()()[)
3= — 40,000
4' — 30,000
b' — 20,000
6' — 10,000
Les 8 suivants, chacun 5,000 40,000
Total du V trimestre 200,000 ci. 290,000 ^' ,'
Total pour l'année 800,00uJ
Les lots s'élèveront pour les 50 années à 40,800,000 fr.
Les 200 fr. de prime alloués à chaque sec-
tion représentent en outre 40,000,000 fr.
Les obligations percevront donc en 50 ans,
en sus de l'intérêt à 3 0/0, un bénéfice ex-
ceptionnel de 80,800,000 fr.
15
— rA —
Ce qui porte leur intérêt total à 3 fr. 80 c. 8 millièmes.
L'intérêt ayant été calculé, comme il a été dit, à 3 fr. 65 c,
c'est un sacrifice de 13 c. 8, plus 2 c. pour frais de tirage,
ensemble 15 c, 8 par chaque 100 fr. d'emprunt et par an, que
la Société, d'après ses statuts, s'impose, pour attirer les ca-
pitalistes et gagner le large. Ce sacrifice devant être pris sur
les frais d'administration, évalués à 60 c, lesdits frais, qui
constituent le produit brut de l'entreprise, se trouvent ainsi
ramenés à 45 c. , ce qui , pour 50 ans et pour 200 millions
de prêts, fait juste la somme de 45 millions, pour couverture
des débours de la Compagnie et appointements de ses em-
ployés.
Le nombre des obligations émises ou à émettre de la pre-
mière série est de 200,000, remboursables en 50 ans; elles
sont de 1,000 fr. au pair, avec coupures de 100,200,500 fr.,
ayant droit àl/lO^, 1/5% 1/2 lot, si elles sont dans les deux
premières catégories. — Les intérêts se payent le l^f" mai et
le P'' novembre-, les coupures de 100 fr. se règlent seule-
ment à cette dernière époque.
Au 31 décembre 1855, la circulation de ces valeurs était,
d'après le Rapport, de 210,473 titres, auxquels la société
devait 61,148,250 fr.; les emprunteurs devaient à la Com-
pagnie, à la même époque, 62,218,931 fr. 65 c.
La Société a annoncé, dans le courant de juin .1856,
qu'elle recevrait en compte courant les sommes qu'on vou-
drait lui confier, et qu'elle en payerait l'intérêt. On croit
qu'elle veut, avec ces capitaux, soutenir par des reports le
cours de ses obligations.
Toutes ces loteries, cet agiotage, ces variations de l'inté-
rêt et de l'annuité nous semblent produire le plus mauvais
effet dans un établissement de Crédit foncier. Mieux vaudrait
pour lui se résigner à l'inaction , attendre que les circon-
stances ramènent la confiance, et avec la confiance les capi-
taux, que de se livrer à ces opérations de Bourse, qui ne
peuvent que le déshonorer , sans lui valoir le moindre
crédit.
Les fondateurs du Crédit foncier, disions-nous, se sont
— 255 —
prêtés à son organisation moins par conviction que par dé-
férence. Il ne faudrait pas croire qu'ils eussent pour cela con-
senti à un sacrifice. Les actions, de 500 fr. au pair, ont
monté, sous rinfluence des notabilités mises en avant, à
1,275 en 1852, pour retomber ensuite à 535; elles ont repris
en 1853 jusqu'à 1,220. Le plus bas cours a été de 440, en
1854. Depuis 1855, elles ont pivoté autour du pair et ont
même fait jusqu'à 150 fr. de prime.
S'il est une Société qui, par la nature de ses transactions ,
ait chance d'offrir , comme la Rente, des conditions d'inté-
rêt à peu près invariables, c'est sans contredit le Crédit fon-
cier. Que signifient alors ces oscillations? Que ni ache-
teurs ni vendeurs n'entendent faire de placements sérieux.
Dans ce cas, qu'on liquide la Compagnie et qu'on nous fasse
grâce de tout le verbiage philanthropique qui se débite dans
les journaux, dans les comices , après-boire, dans les circu-
laires du gouvernement et les discours académiques sur les
encouragements à l'agriculture.
SOCIETEÎGENERALE DE CREDIT MOBILIER.
(Paris, 15, place Vendôme.)
L'influence des notabilités financières sur le succès d'une
entreprise ne s'est jamais mieux révélée qu'à la fondation
du Crédit mobilier. Tout le monde se demandait : Que veut
cette institution^, quel est son but, sa garantie, sa raison
d'être? Et cependant, dès l'origine, ses promesses d'actions
se recherchaient à prime ; un instant elles ont monté de
500 fr., dont 200 fr. versés, à 1,800 fr.
C'est qu'à la tête de la Compagnie figuraient, comme
fondateurs, les sommités de la finance : MM. Emile Péreire,
Isaac Péreire, Benoit Fould, Adolphe d'Eichtal , Ernest An-
dré, le baron Seillière, Henri de Noailles, le duc de Mouchy ,
le duc Raphaël de Galbera, José-Luis de Abaroa , Charles
Mallet, Gédéon Marc des Arts, etc.
On tenait à ce sujet les propos les plus contradictoires :
— 256 —
<ï C'est un établissement de la plus haute importance. — Il
mérite de fixer l'attention par le nom de ses fondateurs. — ■
11 fera sensation dans le monde.^ — Il marquera sa place dans
l'histoire. — Il liquidera avant peu. — C'est une machine de
guerre à l'usage des administrateurs. — Les profils seront
pour la direction, et les pertes pour les actionnaires... »
Aujourd'hui,après quatre ans d'expérience, l'opinion n'est
pas encore faite. Est-ce, comme l'a dit un avocat célèbre, la
plus grande maison de jeu du monde , dont les directeurs
voient dans les cartes? ou bien, suivant l'opinion de la par-
tie adverse, est-ce une Société qui offre les garanties les plus
considérables, dont les statuts ont été discutés au point de
vue des intérêts publics?
Nous avons eu l'occasion d'exprimer notre opinion sur la
Compagnie générale lorsqu'elle en était à ses débuts, et bien
que cette appréciation à cette époque pût paraître prématu-
rée, présomptueuse, téméraire, nous ne nous sommes pas
trompé d'un iota sur son compte. Le premier Rapport, fait à
l'assemblée générale du 29 avril 1854, a même cru devoir
combattre, sans nous citer, quelques-unes de nos conclu-
sions. Nous n'avons qu'à compléter nos observations d'il y a
trois ans.
La première pensée de la Société du Crédit mobilier fut
conçue peu après la révolution de juillet par M. É. Péreire,
alors l'un des membres les plus distingués de l'école saint-
simonienne; elle lut publiée dans le Journal du Commerce
du 6 septembre 1830 sous le titre de Compagnie d'Assuran-
ces mutuelles pour l'escompte des effets, etc., et adressée à
la commission du gouvernement, à tous les banquiers et né-
gociants principaux de Paris, et à tous les membres de la
chambre des députés. Nous avons sous les yeux ce projet ,
auquel les statuts de la Société du Crédit mobilier n'ont rien
ajouté d'essentiel, et que son auteur présentait alors comme
un échantillon de iavaleur organisatrice de la doctrine saini-
simonienne.-
Ce souvenir ne constitue pas sans doute un renseignement
pour les spéculateurs, qui, à l'époque dont nous parlons, ne
connaissent du saint-simonisme que des caricatures, des
pamphlets et un procès qui se termina par la condamnation
des principaux membres de la secte. Il doit bien se trouver ,
parmi les courtisans de la nouvelle puissance, quelque ma-
gistrat, procureur, juré ou témoin, complice de cette con-
damnation. Pourvu que les fonds haussent , l'agioteur est
toujours prêt, comme le barbare Sicambre, à brûler ce qu'il
a adoré, et adorer ce qu'il a brûlé.
Consultons un oracle plus moderne, les statuts de la Com-
pagnie.
(( Les fondateurs,
« Considérant les services importants que pourrait rendre l'éta-
blissement d'une Société ayant pour but de favoriser le dévelop-
pement de l'industrie, des travaux publics, et d'opérer, par voie
de consolidation en un fonds commun, la conversion des titres par-
ticuliers d'entreprises diverses, ont résolu de réaliser une œuvre si
utile, et à cet effet, ils ont arrêté les bases et les statuts d'une So-
ciété anonyme sous la dénomination de Société générale de Crédit
mobilier.
a La durée de la Société est de 99 ans à courir du 18 novembre
1832. — Le fonds social est fixé à 60 millions, divisés en 120,000
actions de 500 fr. chacune.
« Les opérations de la Société consisteront :
« i" A souscrire ou acquérir des effets publics, des actions ou
des obligations dans les différentes entreprises industrielles ou de
crédit, constituées en sociétés anonymes, et notamment dans celles
de chemins de fer, de canaux, de mines, et d'autres travaux pu-
blics, déjcà fondées et à fonder;
« 2° A émettre pour une somme égale à celle employée à ces soiix-
criptions et ncqulsitiotis, ses propres obligations ;
« 3" A vendre ou donner en nantissement d'emprunts, tous ef-
fets, actions et obligations acquis, et à les échanger contre d'autres
valeurs;
« A" A soumissionner tous emprunts, à les céder et réaliser,
ainsi que toutes entreprises de travaux publics;
« 5° A prêter sur elfets publics, sur dépôts d'actions et d'obli-
gations, et à ouvrir des crédits en compte courant sur dépôt de
ces diverses valeurs ;
« 6° A recevoir des sommes en compte courant;
« 7° A opérer tous recouvrements pour le compte des compa-
gnies sus-énoncées, à payer leurs coupons d'intérêts ou de divi-
dendes et généralement toutes autres dispositions;
— 258 —
« 8" A tenir une caisse de dépôts pour les titres de ces entre-
prises.
« Art. 6. — Toutes autres opérations sont interdites.
« Il est expressément entendu que la Société ne fera jamais de
ventes à découvert ni d'achats à primes. »
Le Crédit mobilier est donc, au point de vue de la science
économique, une banque industrielle, une vaste entreprise
de commandites; — au point de vue de la Bourse, une cen-
tralisation de l'agiotage.
Nous avons eu déjà Toccasion de constater combien le Cré-
dit foncier, sans pourtant se mettre à découvert, dépasse en
hardiesse la Banque de France, en émettant un nombre d'o-
bligations égal à celui de ses prêts sur hypothèque.
Voici celte fois de la témérité :
« Après l'émission complète du fonds social, les obligations
créées par la Société pourront atteindre une somme égale à dix fois
le capital. »
C'est-à-dire qu'avec 60 millions de capital il pourra être
émis 600 millions d'obligations. Quelle est la garantie de ces
obligations? C'est, avec le capital de fondation, « une somme
ÉGALE employée à la souscription et acquisition d'effets pu-
blics et d'actions de compagnies. »
Une semblable garantie est tout à fait illusoire. Pour peu
que la Bourse baisse, le gage en effets publics et actions des
compagnies se déprécie, et le capital d'actions se trouve en-
tamé. Que les titres subissent seulement une dépréciation
d'un dixième, le capital d'actions se trouve absorbé, et la
Société réellement en faillite.
Sans doute on ne viendra pas, à chaque déclin de la
Bourse, demander une liquidation et compromettre la mise
des actionnaires. Mais une crise beaucoup moins intense que
celle de 1848 , puis(|u'il suffit d'une baisse de 10 0/0, pour
peu qu'elle durât, mettant la Compagnie à découvert de la
totalité de son capital, amènerait infailliblement une catas-
trophe.
Bemarquons bien qu'il n'y a point ici d'analogie avec les
banques de circulation, dont le portefeuille , suivant nous,
garantit suffisamment les billets. Les effets de commerce ont
— 259 —
une valeur certaine; les actions sont susceptibles de dépré-
ciation.
Une institution qui prêterait sur nantissement et sur hy-
pothèque une somme égale à la valeur do Texpertise se met-
trait à découvert; car rien ne prouve qu'à la vente on retirera
le prix de Testimation. C'est précisément le cas du Crédit
mobilier.
A la Banque de France, que les marchandises soient ven-
dues au-dessus ou au-dessous du cours, du moment qu'un
billet de x fr. est reconnu et souscrit par Tachetcur, il y a
garantie suffisante. Elle n'est que l'intermédiaire d'une
transaction. Le billet qu'elle accepte vaut juste la somme
qui y est inscrite. Les matières objet du marché peuvent
varier de i)rix : cela ne change rien au chitTre de la dette con-
sentie par le souscripteur. 11 n'y a point de dépréciation pos-
sible. Le débiteur est tenu, de sa personne et de ses biens,
de tout le montant de son obligation; en cas de non-paye-
ment, les poursuites et la saisie sont très-expéditives.
Le Crédit mobilier, lui, acquiert à ses risques et périls des
actions et des titres : il en devient propriétaire. Il n'a aucun
recours contre les vendeurs du moment où il a pris livraison.
La dépréciation est à sa charge comme la plus-value est à
son profit. Donc ses 600 millions d'effets acquis , s'il vient
une baisse, ne garantissent plus ses 600 millions d'obliga-
tions émises; et comme son capital ne va qu'au dixième de
ses emprunts, et que les actionnaires ne sont engagés que
jusqu'à concurrence de leur mise, une baisse d'un dixième
détruit sou avob' et le constitue en faillite.
Telles sont les objections que nous semble avoir eues en
vue le rapporteur de 1854, lorsqu'il dit :
« La Société de Crédit mobilier est une institution semblable à
celle du Crédit foncier. L'une prête sur immeubles par voie d'hy-
pothèque, au moyen de son capital d'abord, puis à l'aide d'obli-
gations qu'elle émet pour une somme égale à celle des prêts effec-
tués. L'autre place ou pr te survaleurs mobilières ou industrielles,
au moyen de son capital d'abord, puis à l'aide des fonds que lui
procurent les obligations qu'elle est autorisée à émettre pour une
somme égale à celle de ses placements et du montant de ses dé-
— 260 —
pots en comptes courants. La Société place ou prête d'un côté ce
qu'elle emprunte de l'autre, jouant ainsi le rôle d'un intermé-
diaire entre les capitalistes et l'industrie, substituant son crédit,
accru de toutes les forces qui tendent à s'agglomérer autour d'elle,
au sujet de chaque entreprise isolée. »
Autre analogie.
« La création du billet de banque a été l'un des plus grands pro-
grès. Tune des plus belles applications du crédit Mais, à côté
du billet de banque, il reste une place vacante, que nos obligations
sont appelées à remplir. Le principe de ces obligations étant de
n'être remboursables qu'à une époque correspondant à celle des
effets qu'elles représentent dans notre portefeuille, et de porter
intérêt au prolit du détenteur, leur émission se trouve exempte de
tout inconvénient Suivant l'économie qui sert de base à notre
Société, ces titres sont non-seulement gagés par une somme cor-
respondante de valeurs acquises sous le contrôle du gouvernement
et dont la réunion otlrira, par l'application du principe de mutua-
lité, les avantages de la compensation et de la division des risques;
mais ils auront de plus la garantie d'un capital (GO millions), que
nous avons élevé dans ce but à un cbill're considérable. »
Nous n'avons, dans les pages qui précèdent, pas dit autre
chose , et nous sommes heureux d'avoir si bien compris le
double esprit et l'économie complète du Crédit mobilier.
C'est pourquoi nous persistons à soutenir que 600 millions
de valeurs industrielles sujettes à dépréciation, augmentées
d'un capital espèce de 60 millions, ne sauraient gager et ga-
rantir 600 millions d'obligations-, et pour justifier cette as-
sertion, nous n'irons pas chercher nos preuves dans la théo-
rie; nous les prendrons dans les faits.
A l'époque où fut fondée la Compagnie de Crédit mobilier,
le 3 0/0 était à 86, tontes les valeurs industrielles à un
taux proportionnel. Dix-huit mois après, le 3 avril 1854, le
3 0/0 descendait à 61 75, en baisse de 25 fr., soit 30 0/0;
toutes les valeurs industrielles à proportion. Les actions du
Crédit mobilier, entre autres, étaient cotées à 435 fr., en
baisse de 1,440 sur la cote des premiers jours, et de 345
sur celle du 17 septembre 1853. Supposons donc qu'au
l*»" janvier 1853 , le capital de 60 millions de la Com-
pagnie étant entièrement versé, elle ait eu pour 600 mil-
— 261 —
lions de rentes, actions de chemins de fer, etc. Au 3 avril
1854, la dépréciation de toutes ces valeurs étant, par hypo-
thèse, de 25 0/0 en moyenne, le gage du Crédit mobilier, son
capital compris, n'aurait plus été que de 510 millions. Sup-
posons qu'alors les porteurs d'obligations fussent venus ré-
clamer leur remboursement, la Compagnie, déclarée en fail-
lite, aurait perdu, en dix-huit mois : T son capital de 60
millions; 2° 90 millions transférés, sous sa garantie, delà
poche de ses créanciers dans celle de ses emprunteurs.
A quoi le rapporteur répond :
« Le résultat définitif des opérations du Crédit mobilier, lors-
qu'il aura pris tous les développements prévus par nos statuts, se
résumera, en dehors du revenu de noire capital, dans une dillé-
rence d'intérêt entre la somme de ses emprunts et celle de ses
placements. Parvenues à ce point, les variations de cours nous se-
raient jusquà un certain point indifférentes, puisque nos bénéllces
se trouveraient basés sur des revenus et non sur des oscillations de
capital. »
A qui ose-t-on compter de pareilles balivernes? Si les ac-
tions de Lyon à la Méditerranée ont dépassé 1,800 fr., va-
leur de capital^ n'esl-ce pas parce que les transports de la
guerre pour l'armée d'Orient ont développé sur cette ligne
un trafic inou'i, qui a permis de compter sur un revenu hors
ligne? Pourquoi les compagnies de chemin de fer ont-elles
tant de soin de faire ressortir l'augmentation de leurs re-
cettes brutes, sinon afin de pousser à la hausse en capital
des titres, par l'appât d'un plus [ovl dividende? ^o\\V(\\\o\ les
oscillations sur les obligations sont-elles comp.irativement
peu sensibles, si ce n'est parce qu'elles jouissent d'un revenu
lixe?
Au surplus, ces obligations mobilières sont toujours à l'état
de projet; il n'en a été émis encore qu'à de coui les échéances.
La Société devait en lancer 240,000 en 1855.
« L'espoir fondé des bénéfices exceptionnels en vue desquels
l'émission de nos obligations était résolue provoqua une hausse
considérable sur le prix de nos actions, dit le Rapport de 1836, et
bientôt la spéculation, s'emparant de ce mouvement, lui donnait
des proportions exagérées.
15.
— 262 —
« Systématiquement étrangers à toute pensée de spéculation re-
lative à une mesure dont la réalisation était notre vœu le plus
cher, notre préoccupation la plus profonde, nous vîmes avec un
vif regret le cours de nos valeurs s'élever brusquement, ne pré-
voyant que trop la réaction qui pouvait s'ensuivre.
« Mais ce que nous ne pouvions prévoir. Messieurs, ce sont les
calomnies dont ces mouvements dans le cours de nos actions ont
été le signal et le prétexte. Qu'est-il besoin de le déclarer? aucune
des personnes qui ont l'honneur de diriger vos affaires ne s'est li-
vrée, dans ces circonstances, à des opérations de hausse ou de
baisse sur nos valeurs, et nous pouvons, le front levé, rejeter har-
diment, sur ceux-là mêmes qui n'ont pas rougi de s'abriter sous
de lâches attaques, la responsabilité des spéculations dont on a
tenté de faire une arme contre nous. »
La Société fjénérale verra bien d'autres mécomptes. Elle
disait, en 1854 :
« Loin de surexciter la spéculation, comme l'ont pu croire ceux
qui ont méconnu le principe, la nature et le but de notre institu-
tion, le résultat détlnitif de nos opérations sera d'offrir à toutes
les fortunes les moyens et la facilité de réaliser sans péril des pla-
cements mobiliers à intérêt (ixe. »
Ils n'avaient donc méconnu « ni le principe, ni la nature,
ni le but de l'institution,» ceux qui prévoyaient qu'elle aurait
pour but de « surexciter l'a^iotHge, » puisque les déceptions
delà spéculation la poussent jusque dans les voies honteuses
de la calomnie.
Quoi qu'il en soit, l'émission des obligations a été ajour-
née, par déférence aux désirs du gouvernement.
Laissons là l'eau bénite de cour des Rapports. Le succès
du Crédit mobilier ne repose ni sur des revenus, m sur des co-
' pilaux^ mais simplement sur des difféi^ences : cest tout dire.
Comme instrument de circulation et d'agiotage, Torgani-
salion de la Société générale est une conception de maîtres.
Elle se sent à la fois et de la nationalité de son auteur, et de
l'esprit révolutionnaire de sa jeunesse. Les rois de l'agio, ati
capital de 10 à 100 millions, peuvent produire aiijourdhui la
hausse et la baisse à leur fantaisie; mais ils deviennent de
véritables prolétaires en présence d'une institution disposant
de 600 millions, et capable d'accaparer en un jour toutes les
— 263 —
actions de chemins de fer ou de canaux disponibles sur le
marché. Le Crédit mobilier peut faire l'abondance ou la ra-
reté, le vide ou le trop-plein-, c'est un gigantesque mono-
pole hors duquel il n'y a point de salul pour le spéculateur.
Tout ce qui sera en dehors n'aura plus rien à faire qu'à payer.
Dans celte condition, ses obligations seront sans doute con-
stamment garanties.
Cependant si les payeurs viennent un jour à se rebuter, si
les avises vont se ranger sous la- bannière de la Société, s'il
n'y a plus d'antagonistes en un mot, contre qui jouera-t-
on? qui payera les différences? La Société se divisera contre
elle-même : alors rien de fait, l'enl reprise aboutit à une
contradiction. Ou bien si les spéculateurs isolés se coalisent
contre le monopole et organisent armée contre armée, si la
masse des producteurs, capitalistes, négociants, s'insurge,
la coercition étant impossible, quelle chance de salut reste-
ra à la Compagnie?
Le Crédit mobilier doit conduire à l'une ou à l'autre de
ces alternatives. Mais en altondaut, il y a des primes à réali-
ser : c'est le motif sans doute qui a décidé les fondateurs.
Nous n'avons pas fini avec lesénormitésde la Société gé-
nérale. Voyons quelles sont les garanties des actionnaires.
La Société est administrée par un conseil de 15 membres,
renouvelés d'année en année par cinquième, et constam-
ment rééligibles.
Or, «Le conseil, dit l'art. 28 des statuts, a les pouvoirs les plus
étendus pour l'administration d'saffairesde la Compagnie; notam-
ment il autorise,, par SCS délibérations, tous achats ou ventes d'ac-
tions ou d'obligations, tous crédits, toutes soumissions, cessions et
réalisations d'emprunt, toutes avances sur dépôts de valeurs, et
géni'ralement tous traités, tiansaclions, compromis, retraits de
fonds, transferts, emprunts sur dépôts d'obligations de la Compa-
gnie ou autres valeurs, achats d'objets mobiliers, enhn toutes ac-
tions judiciaires, tant en demandant qu'en défendant.
« Il détermine l'emploi des fonds libres.
« Il fait les règlements de la Compagnie.
« li autorise les dépenses de l'administration.
« Il nomme et révoque les principaux agents de la Société.
« Il détermine leurs attributions.
— 264 —
u II lixe leur traitement, etc.
« Art. 10. — Les membres du conseil ne contractent, à raison
de leur gestion, aucune obligation personnelle. »
C'est la disposition commune à toutes les sociétés ano-
nymes.
Ainsi voilà quinze membres qui disposent de l'avoir de la
Société comme du leur, sans être responsables des mauvaises
chances. Ils doivent déposer, il est vrai, 200 actions en ga-
rantie de leur administration, c'est-à-dire 100,000 fr.
Belle hypothèque, en vérité!
Les membres du conseil sont tous actionnaires ou même
directeurs de quelque entreprise. La plus grande partie de
leur fortune consiste en titres négociables. « Ils autorisent^
comme administrateurs de la Société générale, tous achats
ou ventes d'actions ou d'obligations, fous crédits, etc. Donc
MM. E. Péreire, I. Péreire, B. Fouid, A. d'Eichlal, F. Grie-
ninger, Ch. Mallet, de Abaroa, comte de Morny, C. Salvador,
baron Seillière, A. Thurneyssen, Biesla, G. des Arts, E. An-
dré, administiateurSjOnt ledroitd'acheterà MM. E. Péreire,
I. Péreire, B. Fould, A. d'Eichtal, etc. » simples particuliers,
pour le compte du Crédit mobilier, les actions et obligations
dont ils sont possesseurs. C'est une opération licite, où tout
le monde peut trouver son profit. Sans doute, les achats se
font au cours du jour; mais n'oublions pas que la Société
générale fera à sa guise la hausse et la baisse!...
Tant qu'un cumul aussi monstrueux sera possible, les pro-
testations solennelles des rapports sur la vertu des directeurs
qui, en cette circonstance ou en cette autre, se sont abstenus
d'influer sur les cours, n'aboutiront qu'à faire hausser les
épaules. La spéculation connaît sa conscience.
Tout prête à la calomnie, — puisque calomnie il y a, —
dans l'organisation de la Compagnie générale. Nous savons
à quoi nous en tenir sur la fiction des assemblées générales
et de leur contrôle. Eh bien, il semble qu'on ait voulu éviter
jusqu'à une éventualité de mauvaise humeur d'actionnaire.
Voici ce que prescrivent les statuts :
« L'assemblée générale ne se compose que des 200 plus forts
— 265 —
actionnaires, » — qui tous sans doute ne répondront pas à la con-
vocation.
« L'assemblée est régulièrement constituée lorsque les membres
préï^ents sont au nombre de 40 et réunissent dans leurs mains
le di\ième des actions émises.
« Si ces conditions ne sont pas remplies, il est fait une seconde
convocation; et alors les membres présents délibèrent valable-
ment, quel que soit leur nombre et celui de leurs actions.
« 11 l'aut posséder 40 actions pour avoir une voix, sans que l'on
puisse disposer de plus de 5 votes. »
Eh bien, cette élite d'actionnaires n'a pas même le droit
de proposition. C'est du moins le but que se propose d'at-
teindre l'art. 51 ainsi conçu :
« L'ordre du jour est arrêté par le conseil d'administration, il
n'y sera porté que les propositions émanant de ce conseil et celles
qui lui auront été communiquées quinze jours au moins avant la
convocation de l'assemblée générale avec la signature de dix mem-
bres de cette assemblée, »
La liste des membres est arrêtée un ?no?s seulement avant
la convocation; et les propositions signées de dix membres
doivent arriver au conseil quinze jours au moins avant celte
même convocation.
De telles précautions ressemblent à de la défiance envers
les actionnaires.
La plupart de ces dispositions sont sans doute communes
à bien des sociétés. Ce n'est pas précisément une preuve de
leur excellence. Mais les abus du pouvoir administratif sont
moins à craindre d ms certaines compagnies comme la Banque
de France et le Crédit foncier, que dans celle dont nous ve-
nons d'analyser les opérations.
Reconnaissons donc franchement qu'une institution de
crédit comme celle du Crédit mobilier, utile, nécessaire
même, quant à son objet, dépasse la mesure et la portée des
compagnies i)articulières; qu'une institution, disons-nous,
qui a besoin, pour subsister, de la Foi publique, ne luuit être
exploitée dans un intérêt privé -, qu'une semblable aliénation
est à la fois abusive et frauduleuse, que le pouvoir qui la
tolère, cl les spéculateurs qui s'en emparent, encourent
— 266 —
également le blâme , le premier de la nation, et les autres
de la justice.
Les produits nets sont ainsi répartis :
1° 5 0/0 d'intérêt aux actions;
2° 5 0/0 au fonds de réserve.
Le surplus appartient : -
1/10* aux administrateurs;
9/10' aux actions à titre de dividende.
Voici les résultats des trois exercices clos:
«853 iS^i 18S5
Produits bruts. . . . 7,.')82,722 96 10,335, n40 28 31.870,776 46
Frais généraux. . . . 2,158,501 (-9 2,550,477 21 3,788,775 07
BénéOces nets .... 6,424,161 27 7,779,563 07 28,082,001 39
1853 : 40 fr. 25, ou 13 40 0/0 des sommes versées.
1854 : 59 fr. »». ou 12 »» 0;0 —
1855 : 203 fr. 70, ou 40 74 0,0 —
Les actions ont fuit au début 1,785 fr.-, elles se sont main-
tenues en 1853 entre 640 et 960; elles sont tombées en 1854,
au plus bas, à 430; elles ont repris peu à peu à 700 et au-
dessus, et ont atteint 1,650 en 1855, et 1,800 en 1856.
Les oscillations sur cette valeur sont brusques et marclient
par soubresauts; il n'est pas rare de voir les cours varier
de 25 à 30 fr. d'une Bourse à l'autre, monter ou tomber de
500 fr. en six semaines. C'est que le Crédit mobilier est la
plus haute incarnation de l'esprit du jeu, de la spéculation
éclievelée, haletante et fiévreuse. Autant le calme, la régula-
rité, la fixité de la mercuriale sont nécessaires au (Crédit fon-
cier, autant les llnctualions incessantes, les [)auiqnes, les
emiiortements, les tempêtes sont indispensables au Mobilier.
La stabilité de la cote, l'absence d'affaires nouvelles, l'abais-
sement du taux des reports pendant six mois mettraient la
Société générale en liquidation.
SOCIÉTÉS ORIÎ.iNlSÈES Sl]R LE PLAN DU CRÉDIT MOBILIER.
Les développements dans lesquels nous sommes entré sur
— 267 —
l'organisation, le but et les moyens du Crédit mobilier nous
dispensent d'analyser longuement les Sociétés suivantes, fon-
dées sur le même plan el pour le même objet : souscrire, ac-
quérir, vendre, échanger des eflels publics, des actions et
obligations, en France ou à l'étranger 5 faire des avances sur
nantissement; recevoir des sommes en compte courant, etc.
CAISSE GÉNÉRALE DES CHEMINS DE FER.
(Paris, 99, rue Richelieu.)
M. Mirés, gérant de cette société, revendique dans les ter-
mes suivants la priorité d'application, sinon de conception,
du système qui sert de base au Crédit mobilier.
« Il y a bientôt huit années, nous avons fondé la Caisse des Ac-
tions réunies. Le succès qu'elle obtint, l'importance des bénéfices
qu'elle réalisa, attirèrent l'attention du monde financier, et il est
permis de supposer, — sans présomption, — que ce fut le point de
départ de la création du Crédit mobilier. » [Journal des Chemins
de fer du 31 mai 1856.)
Par acte du 15 juin 1853, \â Caisse des Actions réunies
changea sa dénomination en celle de Caisse et Journal des
Chemins de fer, société en commandite, au capital de 12
millions, divisé en 24,0C0 actions de 500 fr. Durée, 30 ans
C mois à dater du 1" juiHet 1853.
Enfin, le 26 mai 1856, les directeurs :
« Considérant l'importance des entreprises faites, les traités
passés pour d'autres entreprises plus considérables, et la nécessité
de mettre la Société en état de remplir sa mission par la puissance
du capital, après avoir pris Tavis du conseil de surveillance, ont
arrêté :
« 1° D'adopter le titre de Caisse générale des Chemins de fer;
« 2" D'élever à oO millions de francs le capital de la Société. »
C'est, à 10 millions près, le capital du Crédit mobilier, et
comme ce dernier, la Société Mirés se réserve démettre des
obligations, mais seulement en chiffre égal au fonds souscrit.
Ya-l-il à vivre pour deux Compagnies de cette importance?
Entreront-elles en rivalité ou fusionneront-elles leurs fonds
— 268 —
et leurs intérêts? En cas de concurrence et de guerre ouverte,
il y auraitdes fraisa payer : le monde de l'agio va-t-il avoir,
comme celui de la politique, ses partis, ses proscrits et ses
prétendants?
On parle déjà à'accord et d'entente entre la Compagnie
Mirés et celle du Crédit mobilier : c'est la sainte-alliance des
capitaux qui se pose, expression la plus haute de la féodalité
industrielle.
Les bénéfices, après le prélèvement de 5 0/0 d'intérêt aux
actions, sont répartis comme suit :
5 0/0 au fonds de réserve, qui ne peu t dépasser 2 millions ;
10 0/0 à la gérance;
76 0/0 aux actions, à litre de dividende.
L'assemblée générale se compose des 200 plus forts action-
naires. 40 actions donnent droit à une voix, sans qu'on
puisse disposer de plus de 10.
Les actions ont produit :
En 185i : C9 tV. En !855 : 70 90
CAISSE CENTRALE DE L'INDUSTRIE.
(Paris. 108, rue Richelieu.)
Société en commandite sous la raison sociale Vergniolle
et C'« . Durée, 15 ans, finissant au 15 juillet 1870.
Capilal social, 5 millions, divisé en 50,000 actions libé-
rées de 100 fr.
Après l'intérêt de 5 0/0, les bénéfices sont répartis:
10 0/0 à la réserve;
15 0/0 à la gérance;
75 0/0 au dividende.
L'assemblée se compose de tous les propriétaires de 40
actions.
Le premier exercice a donné 15 0/0, et le second 20 0/0
de revenu.
— -HM —
SOCIÉTÉ OU CRÉDIT IM)l STIUEI..
(Paris, 4, rue Drouol.)
Société en commandite sons la raison sociale Malevergne
et C'^. — Durée, 40 ans à parlir du 20 septembre 1853.
Le capital est de 12millions et les actions de 100 IV., mais
il n'a encore été émis que 4 millions.
Après l'intérêt de 5 0/0 aux actions, on répartit :
10 0/0 au fonds de réserve;
10 0/0 au conseil de surveillance;
20 0/0 à la gérance;
60 0/0 au dividende.
L'assemblée se compose de tous les propriétaires de iO ac-
tions.
CAISSE GÉNÉRALE DES ACTIONNAIRES.
(Paris, 110, rue Richelieu.)
Société en commandite sous la raison sociale L. Amail
et C'«. —Durée, 30 ans à partir du r'' juillet 1856.
Capital social, 25 millions, divisé en 50,000 actions de
600 fr. dont 250 payés.
La Compagnie publie le Journal des Actionnaires ■ par
M. Jourdan, elle a un pied au journal le Siècle ; elle vient de
s'inféoder, sous le nom dciM. Millaud, Tun de ses fondateurs,
la Presse, vendue par M. de Cirardiii. — Elle se propose
de fonder à Londres un bureau d'émission de valeurs fran-
çaises.^
Apres l'intérêt de 5 O'O aux actions et le prélèvement du
fonds de réserve, dont la quotité n'est pas déterminée, il est
réparti :
5 0/0 au gérant;
15 0 0 aux fondateurs;
5 0/0 aux censeurs ;
75 0/0 au dividende.
L'assemblée se compose de Ions les propriétaires de 20 ac-
tions.
— 270 —
Les opérations du second semestre de 1856 n'ont pas été
heureuses pour la compagnie. De graves mécontentements
ont éclaté parmi les actionnaires : on nous en a cité un qui,
croyant à une institution philanthropique, apparemment,
avait offert 100,000 de capital, et les a réclamés ensuite avec
véhémence.
La suite des affaires a été reprise par M. Millaud.
UNIOX FIXAXCIÈRE ET INDUSTRIELLE.
Nous avons entre les mains les statuts et le prospectus
d'une compagnie nouvelle qui se propose de faire les mêmes
opérations que le Ciédit mobilier; elle se constitue de prime-
abord au capital de 100 millions, avec faculté d'augmenter
le fonds social s'il devenait insuffisant. Elle est provisoire-
ment en commandite, sous la raison sociale Calleij de Saint-
Paul et C'« .
Depuis la publication des statuts et du prospectus, il n'a-
vait presque pas été question de cette société. Son apparition
avait jeté une certaine émotion dans le monde des affaires
et donné lieu à des commentaires qui se contredisaient :
preuve que l'on ne savait rien de positif sur son compte. Les
uns y voyaient une concurrence sérieuse au Crédit mobilier,
appelée peut-être à le supplanter-, les autres considéraient
l'entreprise comme un compéragequi donnerait, par le moyen
de la fusion, la faculté au Crédit mobilier d'accroître son
fonds social et de forcer la main au gouvernement, qui répu-
gnait, disait-on, à autoriser une nouvelle émission de titres
sur une place déjà si encombrée.
Les décrets des 30 janvier et 9 février 1857, autorisant
l'emprunt de 50 millions du département de la Seine avec
l'entremise de la Société de V Union financière et industrielle,
ont fiit connaître la réalité de cette compagnie, qui, si nos
renseignements sont exacts, se proposerait en outie de s'ap-
puyer sur des entreprises industrielles d'une haute impor-
tance.
Quoi qu'il en soit, l'esprit de coalition menace de tout
englober : or, nous demandons encore une fois : Quand tous
— 271 —
les joueurs seront coalisés, sur qui prélèveront-ils des diffé-
rences?
C031PAGXIE GÉNÉRALE DES CAISSES D'ESCOMPTE.
(Paris, 41, rue Tailbout.)
Voilà certes un titre sérieux, moral, sous lequel on ne son-
gerait guère à chercher l'esprit d'aventure et de téméiilé
qui caractérise le Crédit mobilier et ses annexes. Quoi de
moins aléatoire que les o|>érations d'escompte? Le négoce ne
vil pas d'oscillations, de fluctuations : au contraire, il en
souifre cruellement ; sa tendance est à la fixité, à la détermi-
nation des valeurs, qui laisserait peu de prise à l'agiotage,
lequel fait toute Timporlance des sociétés de jeu. H y a donc
antagonisme entre les opérations sérieuses du commerce,
basées sur des livraisons certaines, des cours normaux, et
les spéculations boursières, qui ne visent qu'à àes différences,
à la hausse et à la baisse sans rime ni raison.
Cependant M. A. Prost, le directeur-gérant de la Société
qui nous occupe, entend mener de front ces deux sortes
d'affaires, bénéficier sur le certain et sur Valea. C'est du
moins le compte rendu de 1856 qui nous l'apprend,
« Aux termes de ses statuts, la Compagnie générale des Caisses
d'escompte avait deux objets à poursuivre:
« Le premier était d'organiser et d'assurer le crédit commercial
dans tous les centres provinciaux où elle fondait des Caisses d'es-
compte;
« Le second était de servir de centre de ralliement aux capitaux
des départements pour les faire participer aux bénéfices de toutes
les opérations financières habituelles aux maisons de haute banque
et aux sociétés de crédit. »
L'escom[)te semble même n'avoir été, dans la pensée des
fondateurs, qu'un moyen, un levier, un point d'appui.
« Au début, et pour créer l'instrument qui devait nous servir à
faire, dans des conditions favorables, les opérations de haute finance,
nous avons dû consacrer exclusivement nos efforts à l'organisation
des Caisses d'escompte, et c'est tout récemment que nous avons
trouvé opportun de poursuivre concurremment le second but de
nos statuts. »
— -272 —
Occupons-nous d'abord du premier but.
La Compagnie générale des Caisses d'escompte est la der-.
nière transformation de deux conceptions qui ont mal abouti ;
le Comptoir commercial et V Union financière. Telle qu'elle
est aujourd'hui, elle a pour objet :
« \° De constituer successivement, dans toutes les villes qui le
comporteront, des Caisses d'escompte ; 2° d'assurer lesdites Caisses
contre les chances de pertes dans les conditions et proportions sti-
pulées ci-après. » (Art. 3 des statuts.)
« Chaque Caisse d escompte a son capital propre, parfaitement
distinct de tout autre, et fonctionne avec la plus complète liberté
d'action, sous le contrôle de la Société et dans les limites de ses
propres statuts. — Les bénéfices de Caisses sont leur propriété
exclusive. » (Art. 5.)
La Compagnie générale n'exerce donc qu'une sorte de
patronage sur les Caisses particulières. Voici les conditionsi
qu'elle y met :
Elle leur octroie des statuts; — elle nomme ou agrée les
gérants; — elle fixe l'importance de leur capital et la quo-
tité des actions (500 fr. divisibles en coupons de 100 fr.)-, —
elle limite leurs opérations; — elle se réserve, moyennant
commission, le placement des actions; — elle envoie des in-
specteursetdes délégués; — elle impose une forme de comp-
tabilité; — elle se fait adresser chaque mois la balance des
comptes, un état des créances échues et impayées, un état
des actions souscrites et encaissées; — elle peut requérir
l'envoi de tous renseignements et pièces de com[itabilité
qu'elle juge utiles [jour s'éclairer; — elle détermine la répar-
tition des bénéfices (40 0/0 à la gérance, 50 0/0 aux action-
naires, 10 0/0 au fonds de réserve); — elle fixe les appoin-
tements des employés; — elle approuve ou improuve les
comptes; — elle peut faire prononcer la dissolution de la
Société ; — elle se réserve toute modification aux statuts.
Pourquoi la Société-mère s"arroge-t-elle des droits aussi
absolus sur des entreprises auxquelles elle n'avance pas un
sou? C'est qu'elle assure leur capital moyennant une prime
annuelle fixée, pour chaque 1,000 fr. d'afi'aires:
— 273 —
A 20 centimes jusqu'à 20 millions.
15 — de 20 à 40 millions.
10 — de 40 à liO —
5 — de GO à 100 —
2 1/2 de 100 millions et au-dessus.
L'assurance appliquée aux banques est une innovation en
économie. Le taux de iescompte, suivant nous, ne doit être
qu'un droit de commission pour le service rendu, augmenté
dune prime dassurance contre les risques de non-payement.
Lecai)ital répond de la bonne gestion des directeurs, qui ne
doivent jamais le laisser entamer.
Or si le capital d'une caisse, 300,000 fr, par exemple, est
lui-même assuré, le gérant peut se permettre 300,000 fr. de
perte sans dommage pour ses actionnaires. 11 peut donc, en
vue d'augmenter les produits nets, se montrer moins sévère
sur le gage du papier présenté, accepter des créances sus-
pectes, pousser à l'abondance des escomptes en négligeant
la qualité des escompteurs. Tel est le péril de l'assurance en
pareille matière. Et voilà pourquoi les directeurs des Caisses
particulières ne sont que des commis à la discrétion des as-
surances.
Après tout, en ce pays de routine, où l'esprit d'initiative
par les masses est inconnu, c'était peut-être le seul moyen
d'organiser le crédit et la circulation dont le commerce a
tant besoin. Puis l'esprit est à la centralisation, à l'unifica-
tion, à la complication bureaucratique, au communisme, en
un mot. Telles qu'elles sont, les Caisses d'escompte valent
mieux que rien.
Voici l'état qu'en donne le compte rendu de 1856 :
1" ANNÉE (I852\
Villes. Raison soriale. Capital.
Cherbourg J. Chevel et C^ 130,000 fr.
Evreux Boi.Miey et C'^ 195,500
2<= ANNÉE (1853).
Bourges Arcliambaud et C'-^ 80,500
Pont-Audemer .... Traînard et C'^ 140,500
Le Havre l-^orl-Meu et C'« 245,000
Louviers Deschamps et C 177,000
Arras Gudin ri G"" 412,500
Angoulême Colin et C ' 300.000
— -274 —
Villes. Raison sociale. Capital.
Limoges J.-J. Abria et C" 220,000 fr.
Reims Cordier et C'^ 200,000
Guf^nt Migout et O' 150,000
Coiitances Lerendu et C'° 135,000
3« ANNÉE (1854).
Alixerre J.-H. Dallemagne el C'= 306,000
Sainl-Malo Dupuy-Ftom^ père et fils et C'«. 693,000
Troyes Coqiiet-Delalain et C'^ 318,000
Lisieux Peiilevpy et C'*' 231,000
Rennes De Châleaiibonrg, Bataille et C"'. 874,000
Sainl-Claiide F. David et (:■<■ 164,500
Morez Lliomme el C"^ 93,500
Falaise Jardin, Lodin et r.'*" 191,500
Morlaix Slenfort el C'* 000,000
Tonneins De Forcade et C'« 123,500
4« ANNÉE (1855).
Lorient Le Deuc et G"= 504.500
Thiers Giraud el Q<' 282,500
Le Puy Argault et G'" 000,000
Brest Ferré, Gerof el G'" ........ 593,500
Aix L Géalis el G'" 125,000
Tours Bastard et G'*' 106,500
Saint-Biieuc Dupuy-Fromy et G'' 1,000,000
Paris (cuirs et papiers) Bonhomme, de Garforl et iVie. . 750,000
Quimper Ouilmin et G'" 349,000
Diuikerque Perot, Hamoir, Martin et G'*". . . 270,500
Lyon . Vouillemonl, Ghavard et G'* . . . 1,233,000
Glirmont Lamy et G'<^ 750,000
Nanle:; Gaii.ja el G'^ 756,500
Avignon Marseille et G'* 429,500
Salins Villemin-Duboz el G'" 100,000
5*" ANNÉE (cinq mois de 1850).
La Rochelle Galzain et G'* 781,000
Sainl-Élieiine Beraud, J. Blanc el C" 1,539.000
Beauvais Bellon el G'*" . 70,000
N'aiicy De Villevieille el G"' 600,000 ;
Angers Leehalas et G'^ 750.000
Aurillac Garnier el G''' 476,500
Hodcz R. Yence et C'<^ 204,500
Gholel Bureau et G'" 500.000
Goiidnm De Peyrecave el G'° 160,000
Montant du capital en caisse. . . . I9,50;i,500
Eu résumé, 46 caisse» en exercice ; plus 9 cunsliiuées, repré.scntanl ua
— 275 —
capital £OUscril de plus de 4 millions, et 7 en organisaliOii. Eu tout 62 cais-
ses, représentant, avec le fonds social de la Compagnie, 26,703,600 fr.
Puisque les Caisses d'escompte de chaque localité exis-
tent sous une raison sociale et avec un capital propres,
qu'est-ce que la (Compagnie générale? C'est, — à partPassu-
rance dont nous avons parlé, — un petit Crédit mobilier. A
qtioi lui servent tous ces comptoirs? Le Rapport va nous
l'apprendre.
« A mesure que nous avons avancé dans Torganisation des
Caisses d'escompte, nous avons vu se développer de plus en plus
dans la clientèle que ces Caisses représentaient un élément d'ac-
tion et de ressources auxquelles les transactions commerciales ne
pouvaient servir d'aliment.
« Nos Caisses, livrées à elles-mêmes, vous le savez, messieurs,
sont rigoureusement limitées aux opérations de l'escompte, et
nous exerçons sur elles un contrôle et une surveillance si inces-
sants qu'il leur est impossible de s'écarter de leur mission spéciale
et d'égarer le capital dont elles disposent sur toute opération de
crédit autre que l'escompte, dont les risques, non plus que les bé-
néfices, n'ont rien d'aléatoire; mais elles peuvent, avec le con-
cours de la Compagnie et avec son autorisation, participer aux
affaires de fonds publics et aux concessions administratives qui
offrent des avantages certains, et, à leur tour, faire jouir leurs ac-
tionnaires et leur clientèle des avantages d'une association dépar-
tementale centralisée à Paris. C'est ainsi que cette masse de capi-
taux disponibles, qui ne pouvait trouver d'emploi dans les Caisses
d'escompte, a répondu au premier appel de la Compagnie gi^né-
rale, qui est autorisée par ses statuts à prendre l'initiative de toutes
les opérations de banque et de crédit.
« La première opération de cette nature qu'ait faite la Compa-
gnie générale des Caisses d'escompte a été l'organisation de la
Compagnie générale de Crédit en Espagne. »
C'est donc toujours le même syslème : neutraliser la con-
currence des capitaux isolés, les empêcher dagir sur la place;
en second lieu les englober aux mains de quelques habiles.
Les Caisses des localités créent à la Compagnie centrale une
source de comptes courants inépuisable. Aussi va-t-elle se
lancer en grand dans les opérations de la haute finance. A
cet effet 1 aesemblée du 20 juin 1850 a décidé que le capital
serait porté de 3 millions à 30 millions.
— 276 —
La Société 's'est donné un organe, lo Journal du Crédit
public. Elle a fondé la Société des Banquiers-Unis, « qui
s'interdit toute espèce d'opération pour son compte et n'a
en vue que l'intérêt de ses clients, c'esl-à-dire Tintérêt gé-
néral. » C'est elle encore qui a fait les frais de l' Annuaire de
la Bourse et de la Banqiie^ A vol. grand in-18, compacte,
compilation gigantesque, destinée sans doute à mettre en
rut tous les capitalistes, petits et grands, de l'Europe, et à
faire taire la critique par la multitude et la masse des entre-
prises. — A cet effet, elle se charge de la vente et de l'achat
de toutes les valeurs cotées à la Bourse moyennant un droit
de 1 fr. par 1,000 fr. Les ordres qu'on lui transmettra « se-
ront exécutes fidèlement, ponctuellement et avec économie,
sous le contrôle permanent d'un véritable conseil de famille. »
Rien de plus patriarcal, comme on voit.
Le journal donnera des conseils el des renseignements.
« Le vaste champ de la spéculation offre au capital indécis un
choix difficile à faire entre une foule d'opérations dont l'impor-
tance collective dépasse 20 milliards.
« Isolé au milieu de tant de séductions, il est bien malaisé de
lixer ses préférences, de rencontrer à point les bonnes occasions et
d'en tirer le parti le plus avantageux.
a II faut prendre conseil; mais ici nouvel embarras, nouveaux
dangers : renseigné au hasard, on peut acheter ou vendre en temps
inopportun, et l'on devient la pjroie de concurrents mieux avisés;
livré à des intermédiaires probes, mais indiiférents , on perd le
fruit des meilleures combinaisons. »
Encore une fois, (juand tous les spéculateurs seront bien
avisés, qu'ils rencontreront à point les bonnes occasions,
qu'ils vendront ou achèteront en temps opportun, qu'ils ne
perdront plus le fruit des meilleures combinaisons, sur
quelle proie se rabattront-ils? Plus de dupes, plus de profits,
Si tous ces organisateurs croyaient la réusssite d'un tel
programme, ils se garderaient d'y travailler: car ce sc^'t
leur suicide.
Après le prélèvement des intérêts à 5 0/0, les bénéfices
sont répartis :
50 0/0 au dividende;
— 277 —
10 0/0 aux mandataires et employés ;
40 0/0 à la gérance.
L'assemblée se compose de tous les propriétaires de
10 actions.
La durée de la Société est de 30 ans à partir du 5 avril
1852.
Les trois exercices clos ont produit aux actions, 13, 15 et
16 0/0.
CAISSES AFFECTÉES SPÉCIALEMENT A L'ESCOMPTE.
BANQUES COLONIALES.
Les banques de la Martinique, de la Guadeloupe et de la
Réunion ont été instituées par la loi des 25 avril, 26 juin et
11 juillet 1851, pour une durée de 20 ans, à partir du 1" jan-
vier 1853; elles sont chacune au capital de 3 millions divisé
en 6,000 actions de 500 fr.
La Banque du Sénégal a été instituée par décret du 21 dé-
cembre 1853, pour 20 ans à dater du V juillet 1855, an ca-
pital de 230,000 fr. ; actions de 500 fr.
Celle de la Guyane, par décret du V février 1854, pour
20 ans à dater du 1" janvier 1855; capital 300,000 fr. ; ac-
tions de 500 fr.
Toutes ces banques sont en société anonyme et ont à
Paris une agence centrale, rue d'Amsterdam, 37.
BANQUE DE L'ALGÉRIE.
Société anonyme inslitiiée par décret du 4 août 1851. —
Capital, 3 millions; action de 500 fr. — Durée, 20 ans à
partir du 4 août 1851. — Siège social à Alger; succursales à
Oran et à Constanline; correspondant à Paris, le Comptoir
d'escompte.
Revenu des actions pendant les quatre exercices clos :
21 fr. 60; 30 fr. 65: 32 fr. 25: 36 fr. 50.
16
— 278 —
CAISSES DIVERSES EN C0301ANDITE.
1° Caisse cOMiMERCiALE ; Béchet, Dethomas et C'% 17, bou-
levard Poissonnière. — Capital, 10 millions^ actions de
500 fr. Dernier dividende, 37 fr. 40.
2° Lehîdeux et C'% 83, rue Chariot. — Actions de 1,000 fr.
dont 2,000 seulement ont été émises sur 6,000. Dernier di-
vidende, 73 fr. 50.
3° Bouronet C". — Capital, 1 million; actions de 500 fr.
Dernier revenu, 9 0/0.
4° Comptoir commercial d'Angers \ Pigot, Bougère et C" ,
— Capital, 600,000 fr; actions de 500 fr. Dernier revenu,
6 0/0.
5° Caisse commerciale du Nord; /. Decroix et C'% à
Lille. Capital, 3 millions; actions de 1,000 fr. Dernier re-
venu, 9 0/0.
6° Caisse industrielle du Nord; Dupont, Départs et C'%
à Valenciennes. — Capital, 10 millions; actions de 1,000 fr.
dont 375 versés. Dernier revenu, 30 fr.
7° Caisse commerciale de Saint -Quentin; Lécuyer et C" .
— 16,000 actions de 500 fr. Dernier revenu, 57 fr. 50.
8° Caisse commerciale de Roubaix; J. Decroix, Vernier,
Verley et C^. — 1,600 actions de 500 fr., dont 250 versés.
9° Caisse départementale de la Mayenne; Picquet et C",
à Laval, 600 actions de 1 ,000 fr. Dernière répartition, 95 fr,
10" Comptoir de la Méditerranée; Gay, Bazin et C'% à
Marseille. — Capital, 10 millions; actions de 500 fr.
COlPTOIil CENTRAL.
(l'aiis, iji, riu' (If lii C.li.-Mis.-H^-Ll'Aiiliii.
M. Bonnard a fondé sa première maison à Marseille, en
— 279 —
1849; avec un capital de 7,825 fr., il a fait dès la première
année 434,624 fr. d'affaires.
Son capital était, au commencement de 1853, de 98,400 fr.
Le chiffre des affaires, en 1852, s'est élevé à 3,558,182 fr. ;
les bénéflces à 115,025 fr., et le dividende à 76 04 0/0.
Encouragé par ces débuts, M. Bonnard a fondé des suc-
cursales à Lyon et à Strasbourg-, enfin il a organisé un
comptoir à Paris, par acte du 24 mai 1853. Le capital est de
100 millions, et les actions de 100 fr.; mais il n'en a encore
été émis que 110,680.
La Banque Bonnard est une sorte de maison de commis-
sion pour le placement des marchandises, opérant à l'aide
d'une tactique particulière dont l'auteur s'est fait une es-
pèce de secret. Ses opérations sont fort diversement jugées;
elles ont trouvé d'avides imitateurs et de sévères adversai-
res; mais il est juste de dire que, quelle que soit la tendance
anti-monétaire de son industrie, le but avoué du fondateur
n'a rien du tout de social ni de philanthropique.
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE CRÉDIT HIARITIME.
(Paris, 5, rue de Provence.)
Celte Société a eu beaucoup de peine à éclore. Elle s'an-
nonçait d'abord au capital de 50 millions, et parlait même
de le porter à 100; elle s'est enfin constituée, sous la raison
sociale Collas et C'« , au capital de 20 millions; mais elle n'a
encore émis que 4,544 actions de 500 fr. — Durée, 50 ans à
partir du 10 mai 1853.
Ses opérations ont pour objet :
« 1° Les avances à faire à tous négociants, armateurs, expédi-
teurs, commissionnaires, sur connaissements et sur marchandises,
navires ou armements assurés contre les risques de mer;
« 2° Les prêts à la grosse;
« 3" Toutes opérations commerciales d'importation et d'expor-
tation laites pour le compte de tiers, la Société ayant cru devoir,
par une réserve facile à apprécier, s'abstenir d'opérations pour
son propre compte ;
(i 1° Des parts d'intérêts à prendre dans les armements de pêche
et autres, et dans le service des paquebots. »
— -280 —
CHAPITRE 11.
Canaux*
Les canaux ont été créés pour relier entre eux les diffé-
rents bassins de la France. Ce sont des rivières artificielles
établies entre les fleuves. Elles permettent aux marchan-
dises de circuler d'une contrée dans une autre sans recourir à
la voie dispendieuse de roulage. On a aussi canalisé certaines
rivières que les débordements, les sécheresses, les ensable-
ments rendent périodiquement ou continuellement imprati-
cables.
L'idée de la canalisation remonte loin dans l'histoire. Il
en fut question sous François 1", quelques auteurs disent
même sous Charlemagne. Cependant les premiers canaux
creusés furent celui de Briare, entrepris sous Henri IV et
achevé sous Louis XIII, et celui du Languedoc, construit
de 1664 à 1684. Le canal de Bourgogne fut commencé en
1775, et celui du Centre en 1784. Mais la plupart ont été
achevés ou complètement creusés depuis le commencement
de ce siècle.
Le bassin du Bhône communique avec la Loire moyenne
par le canal du Centre ; avec le Rhin par le canal de l"Est ;
avec la Seine par celui de Bourgogne 5 avec la Garonne par
celui deBeaucaire.
Le bassin de la Seine est rattaché à la Loire, par les ca-
naux d'Orléans, de Briare et du Nivernais-, à l'Escaut par
les canaux de Saint-Quentin et de la Somme; à la Meuse
par les canaux de la Sambre à l'Oise et des Ardennes ; au
Rhin par le canal de la Marne ; au Rhône par le canal de
Bourgogne.
Le bassin de la Loire se relie aux bassins du Rhône et de
la Seine par les artères que nous venons d'indiquer; aux dé-
partements isolés de l'ancienne Bretagne par les canaux de
Bretagne, du Blavet et d'Ille-et-Rance.
— 281 —
Le système de canalisation est loin d'être complet. Aussi
les travaux projetés dépassent-ils de beaucoup en impor-
tance ceux déjà accomplis.
Le développement qu'ont pris et auquel sont appelés les
chemins de fer semble devoir jeter un discrédit sur la na-
vigation intérieure. C'est une concurrence menaçante. La
rapidité des transports de la voie ferrée est un appât auquel
pour le moment tout le monde se laisse entraîner. Si ce
mouvement conlinue, les canaux seront sans doute momen-
tanément désertés.
Toutefois, le poidsénormeque la batellerie peut transporter
avec peu de matériel parait devoir lui conserver longtemps
sur les chemins de fer l'avantage du bon marché. La vitesse
extrême des expéditions n'est pas un élément de valeur pour
tous les produits. On amène aujourd'hui à Paris, en huit ou
dix heures, de vingt à trente lieues et plus, des pierres, des
solives, des fers, qui obstruent des semaines entières les
gares des chemins de fer, et restent ensuite six mois, un an,
avant d'être employés. Le bénéfice de la célérité n'est point
en ce cas une compensation à la cherté du transport. Les
houilles, les bois, les grains, les métaux, les matériaux de
construction, matières encombrantes et fort lourdes, conti-
nueront de choisir, pensons-nous, les voies navigables.
Les progrès d'économie et les perfectionnements dont la
traction des chemins de 1er est susceptible sont applicables
à la navigation. Aussi doit-il y avoir place pour la batellerie
à coté des railsways. La concurrence entre ces deux espèces
d'entreprises importe au plus haut point au commerce, déjà
menacé d'un exhaussement de tarif par la coalition et la fu-
sion des grandes compagnies de chemins de fer.
Les canaux furent creusés par l'État. Seulement il fallut,
pour subvenir aux dépenses, recourir au crédit privé.
A cet eflet, les lois des 5 août 1821 et 14 août 1822 sanc-
tionnèrent les traités passés par le ministre avec cinq Com-
pagnies , et par lesquels le gouvernement empruntait une
somme de 126,100,000 fr. Ces emprunts ne furent point
contractés dans la forme ordinaire de ceux dont nous avons
parlé au chapitre de la Dette publique.
IG.
— 282 —
L'État s'obligeait envers les prêteurs :
1° A payer rinlérèt au taux suivant :
Canal du Hhône au l{liiii 6 »» 0,0
Canaux de Bretagne 6 62
Canal du Beiry 5 31
— du Nivernais 5 28
— latéral à la Loire 6 17
— d'Arles à Bouc 5 12
— de Bourgogne 5 10
2o A rembourser en quarante-cinq annuités le capital , au
moyen d'une prime de 1 1/2 0/0 payée sur le chiffre inté-
gral de 126,100,000 fr. jusqu'à remboursement complet;
3" A imputer en augmentation du fonds d'amortissement
l'excédant des recettes (après les dépenses de surveillance ,
perception, intérêts payés, entretien et réparations);
4° A leur abandonner l'excédant des revenus au delà
de 8 0/0 ;
5" A livrer les canaux à la navigation dans un délai de
10 ans, sauf, en cas de retard, à payer une indemnité de
2 0/0 -,
6» A laisser aux prêteurs le droit de fixer les tarifs de na-
vigation ;
7° A leur accorder, après l'amortissement complet , pen-
dant une période de 99 ans pour le canal du Rhône au Rhin,
et de 40 ans pour les autres, la moitié du revenu de ces
canaux.
Ces ressources étaient loin de suffire à rétablissement
projeté , et l'État dut y suppléer par d'autres crédits. Les
dix canaux suivants : — Bourgogne, Rhône au Rhin, Arles à
Bouc, latéral à la Loire, Berry, Nivernais, Centre, trois ca-
naux de Bretagne, — d'un développement de 1,970 kilo-
mètres, ont coûté 269,742,000 fr. soit une moyenne de
137,000 fr. par kilomètre environ.
Les Compagnies concessionaires des emprunts créèrent
128,000 actions de 1,000 fr., dites actions (V emprunts, por-
tant intérêt et remboursables conformément aux conditions
sus-énoncées. Afin de réaliser i mmédiatement l'éventualité
de partage des bénéfices qui devait courir dans quarante-
— 283 —
cinq ans, elles attachèrent à chaque action de capital une
action de jouissance.
Les actions de jouissance ne représentent donc aucun ca-
pital versé, mais simplement la participation éventuelle au
revenu net des canaux, qu'aurout les Compagnies à partir
de 1867.
En 1821-22, on n'avait aucune donnée sur les probabili-
tés de gain de la canalisation; l'expéiience n'était pas faite.
Les capitaux étaient chers , et il leur fallait un puissant
appât pour les attirer. Cependant les produits de la naviga-
tion intérieure ne répondirent pas à l'attente. Ils n'ont ja-
mais dépassé en moyenne 1/2 0/0. La concurrence des che-
mins de fer ne semble pas devoir les améliorer.
La pratique a démontré que les moindres droits de navi-
gation sont prohibilifs. Voici un tableau représentant les
tarifs légaux, par tonne de 1,000 kilogr. et par kilomètre ,
sur les principaux canaux. Il est aisé de comprendre, au
simple aperçu des prix, qu'ils n'ont jamais pu être appli-
qués.
OBJET.
Canal
du
Midi.
Canal
de
Briare.
Canal
du
Centre.
Canal
Saint-
Quentin.
0,010
0.()20
0.020
0.020
0,020
0.020
0.020
0.008
0,0(iC
Canaux
de
1821-22
0,010
0.048
0.087
0,0G7
O.OSI
O.OGO
0,088
0.040
0,040
Fumier, sable et gravier. ,
HmiillH
O.O-jn
0,027
0,080
0.080
o.nso
0.0 10
0.080
O.OOG
M
0,015
0.020
0.0.^4
0.05 il
0.120
0.444
o.oso
0 019
0.014
0.020
0.015
0.040
0.040
0.040
0.040
0,040
0.010
0,012
Farine
Blé
Vin
Fer
Tissus!
Bois fie char|if'nte (le stère).
Planches et chevrons (iii.j.
Les moindres droits légaux sur la houille sont de 0.015
(canal du Centre) par tonne et kilomètre^ et le tarif effectif
de navigation sur la Saône n'est pas plus élevé par tonne et
mijriainètre.
Au fond, qu'importait aux prêteurs le revenu net ou brut
de l'entreprise? n'avaient-ils pas pour garantie l'intérêt et
le remboursement des actions d'emprunt? Le droit de jouis-
sance se trouvait seul com|)romis. Or, c'était là une clause
aléatoire dont l'État ne pouvait garantir la valeur.
• — 284 —
Les Compagnies ne l'entendirent pas ainsi. Elles entrepri-
rent d'obliger le gouvernement au remboursement des ac-
tions de jouissance, et elles s'armèrent à cet effet de leur
droit de tarification. L'élévation des tarifs n'eut plus pour
but une augmentation de recettes, mais une interdiction ab-
solue de naviguer-, elles imposèrent au gouvernement l'or-
donnance du 17 avril 1843 qui décuplait les droits des bois
de construction et triplait ceux des bouilles sur le canal du
Rhône au Rhin. Les réclamations du commerce devaient ,
suivant ce chilfre, forcer la main au ministère et l'obliger à
rendre au public l'usage des canaux , moyennant indemnité
aux Compagnies.
Elles demandèrent en conséquence 40 millions de leurs
actions de jouissance. Le ministère accepta le chiffre et pro-
posa par deux fois le rachat à la Chambre, en 1843 et en 1844.
La proposition fut repoussée avec vigueur.
Le gouvernement dut alors faire acte d'autorité et rap-
porter son ordonnance du 17 avril 1843. Et les juifs décrier
à la spoliation, et de poursuivre leur but par toutes les tra-
casseries possibles !
Atin de leur donner satisfaction, une loi du 29 mai 1845
décréta le rachat en principe et détermina le mode d'évalua-
tion de la manière suivante :
« Les droits attribués aux Compagnies par les lois des 5 août
1821 et 14 août 1822, représentés par les actions de jouissance des
canaux exécutés par voie d'emprunt , pourront être rachetés par
l'Elat pour cause d'utilité publique. Le prix du rachat sera lixé par
une commission spéciale instituée pour chaque Compagnie et com-
posée de neuf membres, dont trois seront désignés par le ministre
des linances, trois par la Compagnie, et trois par le premier prési-
dent et les présidents réunis de la Cour royale de Paris. »
Ce n'était pas le principe , mais le fait que voulaient les
Compagnies. Aussi revinrent-elles à la charge.
Deux projets de rachat furent soumis à l'Assemblée en
1850 et 1851 ; la commission chargée de l'examen y substi-
tua un projet d'affermage, qui ne viht pas à discussion.
Enfin le décret du 21 janvier 1852 est venu donner gain
de cause aux trois Sociétés les plus importantes.
— -285 —
« Il sera immédiatement procédé, dans les formes prescrites par
la loi du 29 mai 1845, au rachat des droits attribués aux Com-
pagnies du canal du Rhône au Rhin, des Quatre-Canaux et du canal
de Bourgogne, par les lois des o août 1821 et 14 août 1822, et
représentés par les actions de jouissance desdits canaux.
ce Le capital cpii aura été fixé pour le prix du rachat sera payable
en trente annuités composées chacune de l'intérêt à 4 0/0, et du
fonds d'amortissement nécessaire pour opérer en trente ans la li-
bération de l'État. »
La loi du 3 mai 1853 a complété l'opération :
« Une somme de 7,480,742 fr. 80 c, valeur au l^"' juin 1832, est
affectée au rachat des droits attribués à la Compagnie du Rhône au
Rliin, représentés par les actions de jouissance, dont le prix a été
fixé le 4 juin 1832 par^la commission instituée en vertu du décret
du 21 janvier.
« Un titre donnant droit à trente annuités, chacune de la somme
de 432,612 Ir., sera délivré à cet effet par la Compagnie, en rem-
placement des droits attribués aux actions de jouissance émises
par elle et dont les titres seront annulés.
« G millions sont affectés au rachat des actions de jouissance du
canal de Bourgogne, dont le prix a été fixé le 11 juin 1832 par la
commission. Les trente annuités sont de 346,980 fr. chacune.
« 9,800,000 fr. sont affectés au rachat des actions de jouissance
des Quatre-Canaux, suivant le prix fixé par la commission le 12
juin 1852. Les trente annuités sont de 366,733 fr, chacune.»
Ainsi nous comptons :
Pour le canal du Rhône au Rhin. . . 7,480,7 12 SO
Pour le canal de Bourgogne G.OOO.OOO
Pour les Quatre-Canaux 9,800,000
Total 23,280,742 80
I\"oublions pas que les annuités comprennent l'intérêt à
•4 0/0. En sorte que les trente annuités s'élèveront :
Canal du Rhône au Rhin (432, G12 fr. par an) à. . 12,978,360 fr.
— de Bourgogne (34G.980 fr. par an) à 10,409,400
Quatre-Canaux (566,735 fr. par an) à 17,002,050
Total en 30 ans 40,389,810
Nous trouvons, dans le rapport de la commission chargée
de l'examen du projet de rachat en 1851 , les chiffres sui-
vants :
— 286 —
« En 1847, année de prospérité pour la navigation intérieure,
les trois canaux de Bretagne ont dépensé 6^3,3i9 k.
« lis ont produit 160,125
«DÉFICIT 493,194
« Les dix canaux ci-après (dans lesquels se trouvent compris les
t ois de Bretagne) :
Du Nivernais, 1
Du Berry, 1
Latéral à la Loire, f
De Nantes à Brest, \ . . , . , ,
D'Ille-et-Banee / A*^''*"™^ "^ jouissance rachetées.
Du Bliivet,
Du Rhône au Rhin,
De BourgOfïne,
D'Arles à Bouc,
Du Centre,
ont produit pendant six ans, — de 1845 à 1850 inclusivement, —
3,805,576 l'r., soit en moyenne 562,579 fr. 16 c. de bénétice net. »
Ce serait pour les droits de jouissance des sept canaux pro-
ductifs une annuité de 281,239 fr. 58 c, soit 40,177 fr, 08 c.
par canal, et pour la Compagnie des Qualre-Canaux, néant.
Voilà les éventualités de profits que le gouvernement rem-
bourse au prix de 40 millions et plus, 40 millions dont il n'a
pas touché un sou, sur lesquels il ne doit absolument rien,
puisque le droit de jouissance était une clause aléatoire que
le contrat ne' garantissait ni en minimum ni en maximum.
Les conditions du prêt sans* cette clause étaient déjà trop
onéreuses.
Le succès des trois Compagnies est de bon augure pour
les autres.
Il en coûte cher pour se débarrasser des usuriers, et Mon-
tesquieu a eu quelque raison d'écrire :
« Les banquiers soutiennent l'État comme la corde soutient le
pendu. »
QUATRE-CANAUX.
(Paris, 20, rue Saint-Fiacre.)
Les canaux de Bretagne, du Nivernais^ du Berry ^ et le ca-
nal latéral à la Loire ne forment quune Compagnie.
Les canaux de Bretagne sont au nombre de trois. — 1" Le
. — 287 —
canal de Nantes à Brest, commencé en 1806; il passe suc-
cessivement du bassin de la Loire dans celui de la Vilaine ,
du bassin de la Vilaine dans celui du Blavet, et de ce der-
nier dans celui de lAulne, qui déboucbe dans la rade de
Brest. Il a 374 kilomètres de développement et a coûté
45,646,667 fr. — 2° Le canal d'Ille-et-Rance, commencé en
1804 : il a pour but de réunir la Manche à l'Océan ; il passe
du bassin de l'IUe dans celui de la Rance et débouche dans
la Vilaine vers Rennes. 11 a 84,784 mètres de longueur,
et a coûté 14,226,779 fr. — 3° Le canal du Blavet , ouvert
en 1825. Ce n'est qu'un embranchement vers la mer du
canal de Nantes à Brest; il commence par Pontivy et se ter-
mine à Hennebon, où le Blavet est naturellement navigable.
Il a un développement de 59 kilomètres et demi, et a coûté
5,375,964 fr.
' Le canal du Nivernais commence à Auxerre, remonte la
vallée de l'Yonne jusqu'à la Chaise, s'élève jusqu'au plateau
de Breuilles, où il traverse le seuil séparant les deux bassins,
et descend ensuite vers la Loire en suivant le ruisseau de
Baye jusqu'à Mingot et la vallée de l'Aron jusqu'à Decize. 11
a un parcours de 176 kilomètres, et a coûté 30,317,871 fr.
Le canal dît Berry se compose de trois branches qui se
réunissent en un même point près de Rhimbé. La première
communique au canal latéral de la Loire, en aval du Bec-
d'Allier, en suivant la vallée de l'Aubois. La seconde se di-
rige vers la Loire par Bourges et Vierzon, en suivant les val-
lées de l'Aurai, de l'Yèvre et du Cher. La troisième remonte
jusqu'à Montluçoii en suivant les vallées de la .Marmande et
du Cher. Il communique avec le canal du Rhône au Rhin
par le canal latéral à la Loire et le canal du Centie. Il a été
commencé en 1808. Son développement est de 320 kilomè-
tres; il a coûté 20,963,577 fr.
Le canal latéral à la Loire prend son origine à Digoin, et
se raccorde à 5 kilomètres de cette ville avec le canal du
Centre. Il va déboucher dans le canal de Brinrc. Commencé
en 1822, il a été ouvert en 1838. Son parcours est de lî)8 ki-
lomètres. Il a coûté 29.980,357 iV.
— 288 —
Le montant des prêts de la Compagnie des Quatre-Canaux
s'élevait à 68 millions ainsi répartis :
Canal du Nivernais. ... S millions.
— du Berry 12 —
— latéral à la Loire . 12 —
— de Bretagne. ... 36 —
Les actions sont de 1,000 fr., au porteur ou nominatives;
le montant en a été acquilé en dix ans, de 1823 à 1832 ; elles
portent intérêt à 5 0/0, et sont remboursables à 1,250 fr.,
c'est-à-dire avec 250 fr. de prime, en trente-cinq tirages, de
1833 à 1867. Les arrérages se payent le le»" avril et le 1*' oc-
tobre.
L'action de jouissance donnait droit à 1/68,000^ sur la
moitié du revenu annuel des Quatre-Canaux pendant 40 ans
à compter de 1867. On vient de voir que cette moitié du re-
venu se liquide par un déficit annuel d'environ 500,000 fi».
Cest ce droit que l'État vient de racheter au prix de trente
annuités de 566,735 fr. chacune. Total des annuités, inté-
rêts compris, 17,002,950 fr.
CANAL DE BOURGOGNE.
(Paris, 50, rue Sainl-Fiacre.)
Ce canal réunit le bassin de la Seine à celui du Rhône.
L'une de ses embouchures est à Saint-Jean-de-Losne, l'autre
à la Roche-sur- Yonne. (iOmmencé en 1775, il a été livré à
la navigation depuis 1832. Son développement est de 242 ki-
lomètres. Il a coûté 54,403,314 fr.
Los actions de 1,000 fr., valeur nominale, sont au nombre
de 27,200; elles sont remboursables de semestre en semestre
jusqu'en 1868.
Ces actions sont au porteur et jouissent d'un intérêt de
5 0/0 payable au Trésor le 1" avril et le 1" octobre.
Les propriétaires d'actions au porteur ont la faculté de les
déposer contre des inscriptions nominatives transférables
d'un nom à un autre, et qui peuvent se convertir en titres
au porteur.
Le capital prêté était de 26 millions. î.es 27,200 actions
— 289 —
actuelles, représonlcnt un capital de 27,200,000 fr., com-
prennent la prime d'amortissement afTectéc au rembourse-
ment. C'est une combinaison par laquelle la Compagnie a
transformé immédiatement en capital les annuités successi-
vement payables; de sorte que les actions de 1,000 fr. sont
remboursables au pair.
L'action de jouissance donnait droit, pendant 40 ans, à
partir de 1868, à 1/27, 200"^ de la moitié du produit net an-
nuel, évalué par approximation à 40,177 fr. 08. La loi du
5 mai a racheté ce droit au prix de trente annuités de
346,980 fr., soit, avec les intérêts, 10,409,400 fr.
CAXAL ÎJU RHOXE AU RHIX.
(Paris, 12, place Vendôme. — Strasbourg.)
Les travaux de ce canal, autrefois canal de Monsieur, com-
mencés en 1784, n'ont été terminés que depuis la loi de
1833 ; mais la partie connue sous le nom du canal du Doubs
à la Saône était ouverte dès 1790. — Il prend son origine
sur la Saône, en amont de Saint-Jean-de-Losne, franchit à
Valdieu le faite qui sépare les deux bassins, et vient aboutir
d.ms rUl, en amont et près de Strasbourg. Un embranche-
ment est dirigé de Mulhausen sur Huningue et Bàle. Son
développement total est de 349 kilomètres, y compris l'em-
branchement d'Hun ingue, qui en a 28. Il a coûté 28, 19 1,803 fr.
Le capital prêté pour l'achèvement de la section comprise
entre Besançon et Strasbourg est de 10 millions de francs,
divisés en 10,000 actions au porteur, de 1,000 fr. chacune.
Les actions d'emprunt portent 5 0/0 d'intérêt, payable
au 30 juin et au 31 décembre. Elles sont accompagnées d'un
coupon de prime de 250 fr. payable le jour du rembour-
sement.
L'action de jouissance donnait droit à 1/10,000^ du pro-
duit, soit environ 4 fr., pendant 99 ans, à partir de l'achè-
vement des travaux. Le gouvernement a racheté ce droit au
prix de trente annuités de 432,612 fr. chacune, soit avec
les intérêts 12,978,360 fr., ce qui fait pour chaque action
1 ,297 fr. 83 c.
17
— 290 —
CANAL D'ARLES A BOUC.
(Paris, 20, rue Saint-Fiacre.)
Ce canal, ouvert sur la rive gauche du Rhône, a pour but
d'offrir à la navigation une voie indépendante des accidents
du fleuve. Entrepris en 1802, il a été livré à la navigation
pour une partie en 1829, et pour le reste en 183,4. Son par-
cours est de 47,338 mètres. 11 a coûté 11,147,448 fr.
L'emprunt affecté à ce canal était de 5,500,000 fr., portant
intérêt à 5 3/25e 0/0, et remboursables avec prime, il s'est
formé, comme pour le canal de Bourgogne, une société ayant
pour but la capitalisation immédiate de tout ce qui excède
5 0/0 des annuités payées par l'État : en sorte que les actions
sont au nombre de 6,000, chacune de 1,000 fr. Elles portent
intérêt à 5 0/0 l'an, payable le l^r avril et le le»" octobre, et
doivent être remboursées par voie de tirage au sort depuis
1829jusqu'en*1864.
L'action de jouissance donne droit à 1/6,000* de la moitié
du revenu pendant 40 ans, à partir du remboursement com-
plet des actions d'emprunt.
TROIS-CANAUX.
(Paris, 20, rue Saint-Fiacre.)
La Compagnie des Trois-Canaux , autrefois du duc d'An-
goulême, comprend le canal des Ardennes, le canal de la
Somme et la navigation de l'Oise.
Le canal des Ardennes, entrepris en 1821, a pour but de
réunir les vallées de l'Aisne et de la Meuse. Il prend son
origine à Donchery, sur cette petite rivière, remonte la vallée
de la Bar, et aboutit à Semny, sur la rivière de l'Aisne. De
Semny, il se prolonge d'un côté dans la vallée d'Aisne jus-
qu'à Neufchàlel ; de l'autre il remonte l'Aisne jusqu'à Vou-
ziers. Sa longueur est de 105 kilomètres et demi. Il a coûté
un peu plus de 15 millions.
Les travaux du canal de la Somme, commencés en 1770,
suspendus et repris à diverses époques, n'ont été terminés
— 291 —
que depuis 1827. Ce canal a pour but d'établir par la vallée
de la Somme une communication entre Paris et la mer. 11
sVmbranche près de Saint-Simon, sur le canal de Crozat, et
vient déboucher sous les murs de Saint-Valéry. Son parcours
est de 156 kilomètres et demi. 11 a coûté 9,389,1 13 fr.
Le canal latéral de roise a été ouvert en 1828. Sa longueur
est de 28 kilomètres et demi. Il a coûte 5,600,776 fr,
La réunion de ces trois canaux en une même Compagnie a
été autorisée par ordonnance du 3 mars 1835. Ses titres, re-
présentatifs d'un prêt de 17,600,000 fr., consistent :
1» Li;i 19,600 actions d'emprunt, de 1,000 fr. chacune, va-
leur nominale, portant intérêt à 5 0/0, payable le 10 avril et
le 10 octobre. Ces actions sont garnies de feuilles d'intérêts
de dix semestres au plus, sauf renouvellement à mesure des
besoins;
.2« En 19,600 coupons de prime de 250 fr. chacun, portant
les mêmes numéros que les actions d'emprunt, dont ils sont
détachés ;
30 En 19,600 actions de jouissance divisées en trois sec-
tions. — Celles de la première donnent droit à 1/8,900* des
produits éventuels du canal des Ardennes ; — celles de la se-
conde à 1/7,350' des produits du canal de la Somme; —
celles de la troisième, à 1/3,350^ des produits de la navigation
de rOise.
Tous ces titres peuvent se négocier séparément.
Les actions d'emprunt se remboursent, avec le coupon de
prime correspondant, à 1,250 fr., soit 250 fr. au-dessus de
leur émission. Le tirage se fait tous les six mois.
CANAUX CONCÉDÉS TE3IPORAIREMENT.
Les canaux que nous classons dans cette série ont été com-
mencés par l'État, les villes ou les particuliers, et achevés
par desCompagnies, moyennant des concessions temporaires,
à la différence de ceux dont nous venons de nous occuper,
qui ont été exécutés par l'État au moyen d'emprunts.
1° Le canal de Beaucaire, commencé en 1773, a été con-
cédé en 1801 pour 80 ans. 11 prend naissance dans le Rhône,
— 292 —
près lie Beaiicàiro, et va aboutir à Aigiies-Mortcs; il est en
commiuiicatioii avec la Méditerranée. Son parcours est de
70 kilomètres et demi. Le fonds social est de 2,760,000 fr.
divisé en 552 actions au porteur, de 5,000 fr. chacune. —
Administration, rueBasse-du-Rem[)art, 48.
2° La Sensée (département du Nord) a été canalisée dans
une longueur de 26,700 mètres. L'exploitation en a été con-
cédée en 1818 pour 99 ans. Le capital de la Société est de
1 ,750,000 fr. divisés en 175 actions nominatives de 10,000 fr.
— Administration à Douai.
3° Le canal Saint- 3Ia?-t in, d'un parcours de 6 kilomètres
et demi, a été concédé en 1821 pour 99 ans. — Fonds social :
3,600,000 fr. divisés en 3,600 actions de capital de 1,000 fr.,
et en autant d'actions de jouissance. — Administration, rue
Hauteville, 50.
A° La Sambre française canalisée est concédée pour 54
ans 10 mois à partir du 25 novembre 1838. — La Société,
primitivement en commandite, s'est transformée en ano-
nyme en 1851. Capital, 3 millions, divisés en 500 ac-
tions nominatives et 600 au porteur, de 5C0 fr. chacune.
Dernière répartition, 121 fr. — Administration, 13, rue de
Provence.
5» Jonction de la Sambre à l'Oise. Ce canal s^étend de
Landrecics à La Fore (66 kilomètres). Il a été concédé pour
99 ans à partir de 1838. — Le capital de la Compagnie
est de 11,500,000 fr. , représenté par 11,500 actions de
1,000 fr. au porteur. — Dernière répartition, 67 fr. 50. —
Plusieurs emprunts ont été contractés pour l'achèvement de
ce canal, et ont donné lieu à la création de plusieurs séries
d'obligations, dont il ne reste que celles de 1853, au nombre
de 794, émises à l,000fr., remboursables à 1,050, en 25 ans,
et portant 50 fr. d'intérêt. — Administration, rue de Pro-
vence, 13.
6° La Scarpe est canalisée entre le fort du même nom et
TEscaut, dans une étendue de 36 kilomètres et demi. L'ex-
ploitation en a été concédée en 1835 pour 68 ans. — Fonds
— 293 —
social : 2,200,000 IV., divisés en 2,200 actions de capital de
1,000 fr. et en autant d'actions de jouissance. Dernière ré-
partition, 129 fr. — Administration, rue St-Guillaume, 31,
CANAUX COXCÉDÉS A PERPÉTUITÉ.
Ces canaux ont été exécutés par les Compagnies.
1° Le canal du Languedoc^ avec ses embranchements, a
pour but de relier l'Océan à la Méditerranée. Il a un par-
cours de 297 kilomètres, et a été concédé en 1666. Il était
terminé en 1684; il a coûté environ 13 millions de livres
tournois, soit à peu près 40 millions de notre monnaie. — Le
fonds social est de 12,920,000 fr. divisés en 1,292 actions
de 10,000 fr.
2° Le canal de Givors a près de 18 kilomètres. La conces-
sion date de 176l. — Le fonds social est de 6.000 actions,
ou mieux de 6,000 titres donnant droit à 1/6,000" de la pro-
priété du canal, de ses dépendances et de ses revenus. — Le
siège de la Société est à Lyon (1).
3° Le ca7ial d'Aire à la Basses (départements du Nord et
du Pas-de-Calais) a été concédé en 1832. Son parcours est de
42 kilomètres. Le fonds social est représenté par 600 titres
évalués en capital à 5,000 fr., et donnant droit chacun à
1 600" dps produits et de la propriélé du canal. Chaque action
peut se diviser en cinq coupons. Dernière répartition, 540 fr.
— Administration, rue Saint-Guillaume, 12.
4" Le canal de Roanne à Digoin a une longueur de 55 ki-
lomètres. La concession date de 1827. — Le capital de la
Société se compose de 13,000 actions donnant droit chacun
à 1/13,000" de la propriété et des revenus du canal. Dernière
répartition, 11 fr.
Tous les canaux dont il vient d'être question forment en-
(Ij Ce canal a été affermé par la Compagnie générale des Mines de la
Loire, la»ineile a un traité de transport avec la Compaanie du ciiemin de fer
de Saint-Etienne à Lyon ; en sorte ijue le canal se trouve à peu près sans
emploi.
— 294 —
semble un parcours d'environ 2,807 kilomètres. La dépense
qu'ils auront coûtée, en moyenne, est d'environ 124,000 fr.
par kilomètre : ce qui fait pour le tout un capital d'à peu
près 350 millions, dont l'intérêt, à 5 0/0 seulement, serait de
17,500,000 fr., et dont le produit net est à peu près zéro.
On a conclu de ce fait, et fort judicieusement à notre
avis, que les canaux ne peuvent, financièrement, être trai-
tés comme des entreprises particulières, qui doivent tou-
jours, à peine de ruine et suicide, donner intérêt et divi-
dende; que sous ce rapport, les canaux sont pour des
actionnaires des entreprises médiocres, sinon tout à fait
mauvaises; qu'ils doivent rester à la charge de l'État, être
affranchis par conséquent de tout tarif, et que leur produit
doit se trouver dans les résultats généraux de la circulation.
CANAUX DIVERS ET RIVIÈRES CANALISÉES.
Il existe encore d'autres Sociétés de canaux dont les litres
ne sont pas l'objet de négociations importantes. La plupart
de ceux que nous venons d'énumérer ne figurent même pas
au bulletin de la Bourse.
Nous nous bornerons donc, afin de compléter cet inven-
taire, à donner la nomenclature de ces canaux, avec l'indi-
cation de leurs parcours :
Navigation de Lisle 144,969 mètres.
Canalisation de la Dopt 80,000
de l'Aa 28,315
de laColme 24,785
du Loing 56,553
de la Dive 40,011
de la Haute-Seine 43,729
de la Drôme 37,000
du Loyon 60,000
Canal de Grave 9,200
d'Orléans 77,304
de Lunel 10,000
de Roubaix 13,346
de Saint-Quentin 51,829
de Deule et Lys 116,784
des Élangs 45,410
de Luçon. .,,,,, 15,230
— 295 —
Canal d'Hazebronck 26,329 mètres.
de Coulances 5,632
de Crozat 54,351
de rOiircq et Saint-Denis 100.522
de Dunker(]iie à Furnes 13,303
de Vire à Taute 3",C38
de la Teste 140,000
de Préaven, la Nieppe et Labourse. . 19,484
de Pont de Vaux »
de Vezère et Corrèze »
d'Ardre 47,000
de Béthune 21,629
de Bergues à Dnnkerque 8,651
de Bergues à Furnes 13,800
de Bamhourg 21,462
de Saint-Omer 16,294
de Calais 29,542
de Courlavaut 10,000
de Gnines 6,120
du Centre 116,812
de Neuffossé »
de la Marne au Rhin 318,146
latéral à la Garonne (1) 204.070
de l'Aisne à la Marne 58,150
latéral à l'Aisne 51,500
Deux canaux latéraux à la Marne 76,000
Tous ces canaux réunis forment un parcours d'environ
6,000 kilomètres, qui, joint à celui des fleuves et rivières
navigables, présente un développement de 15,000 kilomè-
tres de ligne navigable, soit environ 15 fois la traversée de
la France entière, représentant, avec le matériel de naviga-
tion, un capital de près de 2 milliards.
CHAPITRE m.
Chemins de fer.
La France est restée longtemps stationnaire en fait de che-
mins de fer. La Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre, LAmé-
(1) Ce canal se trouve aujourd'hui compris dans la eoncession des che-
mins de fer du Midi. — Voir au chapitre suivant.
— 296 —
rique du Nord étaient sillonnées en tous sens, que le gouver-
nement français s'en tenait aux petites lignes du Gard, de
la Loire, de Versailles (1).
Les premières voies de quelque importance furent celle
d'Orléans, concédée en 1838, et celle de Rouen, en 1840.
Enfin la loi du 11 juin 1842 prit définitivement parti pour
le nouveau système de communication, en organisant un
vaste réseaif de rail-way qui n'est pas encore complètement
terminé aujouid'hui. Nous citons les principales disposi-
tions de cette loi .
« Art, V". Il sera établi un système de chemins de fer se diri-
geant,
, « 1° De Paris :
« Sur la frontière de Belgique, par Lille et Valenciennes;
« Sur l'Angleterre, par un ou plusieurs points du littoral de la
Manche, qui seront ultérieurement désignés;
« Sur la frontière d'Allemagne, par Nancy et Strasbourg;
« Sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille et Celte;
« Sur la frontière d'Espagne, par Tours, Poitiers, Angoulême,
Bordeaux et Bayonne;
« Sur l'Océan, par Tours et Nantes;
« Sur le centre de la France, par Bourges;
« 2° De la Méditerranée :
« Sur le Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse;
« Sur l'Océan, par Marseille, Toulouse et Bordeaux. »
Si l'on se décidait tard, on avaithâte de rattraper le temps
perdu.
Dans leur empressement, les législateurs n'adoptèrent ni
le système des Compagnies, ni celui de l'exploitation par
l'État. I^'examen de la question eût sans doute demandé trop
de temps. L'article 2 n'exclut, en effet, aucun mode de con-
struction.
(I) En 184{;, la Fiancu n'avait en exploitation que 98G liilomètres de
chemins de fer, ci 98G kilom.
La Belgique en [lossédail 559
L'_Alleniagne 3, '250
l^a Grande-Bretagne 3,400 '
Les Étals-Unis 8,500
- -297 —
tt L'exécution des grandes lignes définies par l'article l^"" aura
lieu par le concours de l'État, des départements traversés, des
communes intéressées et de l'industrie privée, dans les proportions
et suivant les formes établies par les articles ci-après.
(' Néanmoins ces lignes pourront être concédées en totalité ou en
partie à l'industrie privée, en vertu de lois spéciales et aux condi-
tions qui seront déterminées lors de l'adjudication.
« Art. 3. Les indemnités dues pour les terrains et bâtiments
occupés par l'établissement du chemin de fer seront payées par
TÉtat; mais les départements et les communes en rembourseront
les deux tiers. »
Une loi du 19, juillet 1845 a abrogé la partie de cet article
relative au remboursement par les départements et les com-
munes.
« Les terrassements, les ouvrages d'art et les stations seront à la
charge du gouvernement.
« Art. 6. La pose de la voie de fer, y compris l'ensablement,
le matériel d'exploitation, les frais d'entretien et de réparations,
seront à la charge des Compagnies.
« Art. 7. A l'expiration du bail, la valeur de la voie et du
matériel sera remboursée à dire d'experts à la Compagnie sor-
tante par la Compagnie prenante ou par l'État. »
Le système de la loi de 1842 est, comme on voit, on ne
peut plus favorable aux Sociétés financières. Les grosses dé-
penses sont à la charge du budget.
On peut dire que, dans les chemins exécutés suivant cette
loi, l'État fait toutes les dépenses et se retire devant les Com-
pagnies au moment de réaliser les profits. Que reste-t-il en
effet, après les achats de terrains, les travaux d'art et les ter-
rassements, dont les frais ne sont pas appréciables à plu-
sieurs millions près? La voie et le matériel, c'est-à-dire une
dépense certaine, qui se suppute avec exactitude, dont cha-
que année d'exploitation opère l'amoitissemcnt.
Remarquez qu'à l'expiration du bail, l'Etat doit payer aux
Compagnies leur matériel à dire d'experts; il s'oblige à faire
â cette époque la dépense devant laquelle il recule pour le
moment.
Les Compagnies, n'ayant que des concessions temporaires,
doivent racheter leurs a( tions à l'aide de produits nets. Une
17.
— 298 —
somme est consacrée chaque année à cet amortissement.
Elles se trouveront ainsi remboursées de leurs avances à la
tin de leur bail, et auront eu en réalité pendant 99 ans
l'usage GRATUIT, et parfois avec subvention ou garantie d'in-
térêt, de chemins de fer dont la construction ne leur aura
rien coûté du tout. Nous soutenions tout à l'heure, p. 294,
que les instruments de circulation publique devaient être
livrés gratuitement au pays: le gouvernement les livre pour
rien aux Compagnies, qui se font fort bien payer : il ne s'est
trompé que d'adresse.
Le mode de concession n'est pas, avons-nous dit, le même
pour tous les chemins.
Ici, en effet, des lignes sont adjugées, — avec ou sans sub-
vention, avec ou sans prêts, avec ou sans garantie d'intérêts,
— dont toutes les dépenses, terrassements, ouvrages d'art,
pose de la voie, matériel, sont à la charge des adjudicataires.
Là, le gouvernement commence des travaux non adjugés
ou continue ceux que les Compagnies ont abandonnés, sauf
à se faire rembourser en cas d'adjudication.
Ailleurs, la construction complète est à la charge de l'État;
le service seulement en est affermé pour un prix de
Ce dernier mode d'exploitation sera, pensons-nous, celui
de toutes les voies ferrées quand, par rachat ou tin de con-
cession, elles auront fait retour au gouvernement.
Les traités avec les Compagnies n'ont pas tous été faits
non plus suivant un même principe. Tantôt les adjudications
ont eu lieu avec publicité et concurrence; tantôt les conces-
sions ont été directes. Ce dernier mode semble définitive-
ment adopté depuis l'Empire.
Dans tous les cas, la concession précède, comme l'adjudi-
cation, la formation des sociétés anonymes. Les capitalistes
déclarés adjudicataires ou concessionnaires réalisent alors,
sans bourse délier, des bénéfices superbes. Seuls détenteurs
des actions au pair, s'ils en donnent quelques-unes à leurs
amis et aux personnes dont l'influence leur est nécessaire,
c'est pure gracieuseté ou calcul. Ainsi les 22,000 actions du
chemin de fer de Versailles (rive droite) ont été réparties par
l'acte de société de la manière suivante :
* — 299 — '
MM. de Rothschild frères. . . . 7,000
d'Eichtal et flls 3,500
Davilliers et C" 3,500
Thiirneyssen et O ... 3,500 ■
Jacques Lefebvre et C"". . 3,500
baron Berthon 200
V. Lanjuinais 200
Emile Pereire 600
Or, le jour de leur émission , ces mêmes actions ont fait
de 700 à 725 fr. à la Bourse : ce qui permettait aux huit
personnes ci-dessus nommées de réaliser un bénéfice de
plus de 4 millions et demi en vendant ce jour même , non
l'action portant dividende , mais la promesse d'action en-
traînant l'obligation d'en verser le montant. C'est, au reste,
l'histoire de la plupart des sociétés anonymes, des émissions
d'obligations, de souscriptions d'emprunt, etc.
Les pins anciens chemins de fer datent au plus de quinze
années. Les moindres concessions avaient plus de 30 ans de
durée ; beaucoup étaient de 99 ans. El voilà que les Compa-
gnies sont venues à la suite les unes des autres solliciter des
garanties nouvelles de l'État, des accroissements de bnux ,
des fusions I Étaient-elles lésées dans leurs intérêts? Les
contrats leur semblaient-ils onéreux? Comment concilier
cette hypothèse avec la hausse constante des actions , dont
quelques-unes ont plus que triplé ?
Quel a donc été le mobile des hautes administrations en
cette occurrence? C'est que la spéculation boursière avait
tiré des titres à peu près tout ce qu'ils pouvaient rendre. 11
s'agissait d'inventer de nouveaux artifices , de susciter une
hausse quand même, afin d'offrir un aliment à l'agiotage
parasite. Après avoir escompté, en cinq ou dix ans, 40, 50,
80 années de bail, il faut escompter en un délai moindre en-
core les prorogations à 99 ans, les garanties et les subven-
tions de l'État. Et l'on parle de respect des conventions !
Après les baux à 90 ans viendront sans doute les conces-
sions perpétuelles, puis les opérations de rachat par le gou-
vernement, dans le genre de celles auxquelles les actions de
jouissance des canaux ont donné lieu. L'agiotage n"a pas
— 302 —
être nul, comme nous l'avons dit précédemment à l'occasion
des canaux. Les trains de plaisir à 8 dixièmes de centime
par tête et kilomètre sont une gracieuseté des Compagnies,
qui prouve ce que pourrait être la richesse du pays et l'ai-
sance des masses, si la loi du meillem- marché était suivie
dans toutes les circonstances qui en sont susceptibles. C'est
un progrès réservé à nos descendants.
Les fusions dont nous sommes témoins depuis quelques
années ne sont pas autre chose qu'une assurance mutuelle
entre les grandes Compagnies, pour le maintien des tarifs à
un taux qui leur garantisse le maximum de produit net.
Sans doute le gouvernement s'est réservé un droit de modi-
fication. Mais devant la résistance des financiers que ferait-
il? En appellerait-il à la force? La féodalité capitaliste peut
mettre sur pied une armée autrement formidable que le pou-
voir : rien que sa retraite amènerait une révolution.
Une question qui préoccupe vivement le monde commer-
cial depuis quelque temps, celle des tarifs différentiels, est
une preuve de Timpuissance de TÉtat et des prescriptions
légales quand il plait aux grandes Compagnies de se mettre
au-dessus de la loi.
« La perception des taxes, disent les cahiers des charges, aura
lieu par kilomètre et par tonne. Elle se fera indistinctement et sans
aucune faveur.
« Dans le cas où une Compagnie aurait accordé à un ou plusieurs
expéditeurs une réduction sur l'un des prix portés au tarif, avant
de le mettre à exécution, elle devra en donner connaissance à Tad-
ministralion, et celle-ci auKa le droit de déclarer laréduction, une
fois consentie, obligatoire vis-à vis de tous les expéditeurs, et ap-
plicable à tous les articles de même nature. »
Malgré des prescriptions aussi formelles , les Compagnies
accordent aux expéditeurs qui peuvent leur assurer un fort
tonnage des réductions considérables. C'est ainsi qu'un
constructeur de navires, M. Vasse, payait, pour transport
de ses bois de Rouen au Havre, 10 fr. 40 c. par tonne, tandis
que M. Normand, pour les mêmes transports, avait obtenu
un tarif réduit de 4 fr. 55 c.
De pareilles faveurs ne tendent à rien de moins qu'à rui-
ner la petite et moyenne industrie au profit de la grande \ à
— 303 —
constituer toutes les branches de la production en un vaste
monopole dont les chemins de fer mêmes sont le type ; à con-
sommer la ruine de toute concurrence et de toute garantie.
Tandis que le gouvernement consulte les conseils géné-
raux et les chambres de commerce sur les questions de
douane et rabaissement des droits, les Compagnies du Nord
et de l'Est accordent aux marchandises étrangères des tarifs
réduits qui tranchent la question contre le travail national.
Nous citons le Moniteur de la Marine du 15 mars 1856 :
« Les prix en vigueur de Wissembourg à Paris et de Paris à
Mouscron s'élèvent ensemble à 87 10
« Un projet de tarif commun aux deux Compagnies
les réduit en faveur de l'étranger, à 54 05
« Différence 33 Oo
« Pour les expéditions à grande vitesse, ces différences sont
encore plus sensibles; ainsi le commerce français paye :
« De Strasbourg à Paris 209
« De Paris à Mouscron 117
« Ensemble 326
« Les marchandises de provenance étrangère, à desti-
nation de la Belgique, ne payeraient pour ce même par-
cours, aux termes du tarif commun, que 206 75
(( Différence 119 25
« Les prix appliqués pour le parcours de Bâle à Paris et de
Paris à Mouscron représentent ensemble 381
« Ils seraient réduits, pour les expéditions de l'étran-
ger à l'étranger, à 242 20
« Différence 138 80
Telles sont les bonifications accordées au commerce étran-
ger au préjudice du commerce français.
Les tarif différentiels ont été constamment condamnés,
à l'origine, par les tribunaux de commerce et les cours im-
périales. Le texte du cahier des charge ne laisse en etTet
aucun doute : « La perception devra se faire indistinctement
et sans aucune faveur. » Cependant telle est la puissance de
la féodalité, son influence sur l'esprit public, que de récents
arrêts lui ont été favorables dans cette question.
— 302 —
être nu], comme nous l'avons dit précédemment à l'occasion
des canaux. Les trains de plaisir à 8 dixièmes de centime
par tête et kilomètre sont une gracieuseté des Compagnies,
qui prouve ce que pourrait être la richesse du pays et l'ai-
sance des masses , si la loi du meilleur marché était suivie
dans toutes les circonstances qui en sont susceptibles. C'est
un progrès réservé à nos descendants.
Les fusions dont nous sommes témoins depuis quelques
années ne sont pas autre chose qu'une assurance mutuelle
entre les grandes Compagnies, pour le maintien des tarifs à
un taux qui leur garantisse le maximum de produit net.
Sans doute le gouvernement s'est réservé un droit de modi-
fication. Mais devant la résistance des financiers que ferait-
il? En appellerait-il à la force? La féodalité capitaliste peut
mettre sur pied une armée autrement formidable que le pou-
voir : rien que sa retraite amènerait une révolution.
Une question qui préoccupe vivement le monde commer-
cial depuis quelque temps, celle des tarifs différentiels, est
une preuve de l'impuissance de l'État et des prescriptions
légales quand il plaît aux grandes Compagnies de se mettre
au-dessus de la loi.
« La perception des taxes, disent les cahiers des charges, aura
lieu par kilomètre et par tonne. Elle se fera indistinctement et sans
aucune faveur.
« Dans le cas où une Compagnie aurait accordé à un ou plusieurs
expéditeurs une réduction sur l'un des prix portés au tarif, avant
de le mettre à exécution, elle devra en donner connaissance à Tad-
miriistration, et celle-ci auKa le droit de déclarer laréduction, une
fois consentie, obligatoire vis-à vis de tous les expéditeurs, et ap-
plicable à tous les articles de même nature. »
Malgré des prescriptions aussi formelles , les Compagnies
accordent aux expéditeurs qui peuvent leur assurer un fort
tonnage des réductions considérables. C'est ainsi qu'un
constructeur de navires, M. Vasse, payait, pour transport
de ses bois de Rouen au Havre, 10 fr. 40 c. par tonne, tandis
que M. Normand, pour les mêmes transports, avait obtenu
un tarif réduit de 4 fr. 55 c.
De pareilles faveurs ne tendent à rien de moins qu'à rui-
ner la petite et moyenne industrie au profit de la grande j à
— 303 —
constituer toutes les branches de la production en un vaste
monopole dont les chemins de fer mêmes sont le type ; à con-
sommer la ruine de toute concurrence et de toute garantie.
Tandis que le gouvernement consulte les conseils géné-
raux et les chambres de commerce sur les questions de
douane et rabaissement des droits, les Compagnies du Nord
et de l'Est accordent aux marchandises étrangères des tarifs
réduits qui tranchent la question contre le travail national.
Nous citons le Moniteur de la Marine du 15 mars 1856 :
« Les prix en vigueur de Wissembourg à Paris et de Paris à
Mouscron s'élèvent ensemble à 87 10
« Un projet de tarif commun aux deux Compagnies
les réduit en faveur de l'étranger, à 54 05
« Différence 33 05
« Pour les expéditions à grande vitesse, ces diAV-rences sont
encore plus sensibles; ainsi le commerce français paye :
« De Strasbourg à Paris 209
« De Paris à Mouscron tl7
« Ensemble 326
« Les marchandises de provenance étrangère, à desti-
nation de la Belgique, ne payeraient pour ce même par-
cours, aux termes du tarif commun, que 206 75
« Différence H9 25
« Les prix appliqués pour le parcours de Bâle à Paris et de
Paris à Mouscron représentent ensemble 381
« lis seraient réduits, pour les expéditions de l'étran-
ger à l'étranger, à 242 20
« Différence 138 80
Telles sont les bonifications accordées au commerce étran-
ger au préjudice du commerce français.
Les tarif différentiels ont été constamment condamnés,
à Forigine, par les tribunaux de commerce et les cours im-
périales. Le texte du cahier des charge ne laisse en effet
aucun doute : « La perception devra se faire indistinctement
et sans aucune faveur. » Cependant telle est la puissance de
la féodalité, son influence sur Tesprit public, que de récents
arrêts lui ont été favorables dans cette question.
— 304 —
Le 'sacrifice de la production iiidigè)ie à Pétranger, du
petit commerce aux gros monopoles, de la nation à une poi-
gnée d'accapareurs, s'appelle, dans certain jargon économi-
que, la liberté des transactions. Il nous faut arracher ce
masque à l'hypocrisie et à la sottise.
« A l'exception de la ligne de Lyon et de celle du Nord, dit le
Journal des Chemins de, fer, toutes les autres doivent la plus grande
partie de leur dividende à la subvention qu'elles ont reçue de
l'Etat (et des localités). Sans cette subvention, le revenu moyen,
qui sera cette année d'environ 15 0/0, ne dépasserait guère 6 à 7;
il resterait même infériein* à 5 pour la ligue qui a les plus belles
espérances au point de vue financier, celle de la Méditerranée. »
Voyons un peu quelle est la part contributive des Compa-
gnies dans ces vastes monopoles qu'elles considèrent comme
leur propriété intégrale.
Les fonds engagés dans les chemins de fer s'élèvent, d'a-
près le Rnpjiort du minisire des travaux publics, du 30 no-
vembre 1856, à 9,080,494,973 fr. Us proviennent de trois
sources : 1° les actions; 2'' les obligations; 3° les subven-
tions de rÉtat, des déparlements et des communes.
Les actions ont droit à l'intérêt, au dividende et à Tamor-
lissement; les obligations reçoivent un intérêt fixe et le
remboursement augmenté d'imc prime; l'État ne touche ni
amortissement, ni intérêt. Outre les charges qui lui incom-
bent, il assure encore à la plupart des Compagnies une ga-
rantie d'intérêt de 4 0/0 pendant 50 ans.
Le capital d'actions est à peu près définitivement fixé;
mais celui des obligations varie tous les jours par de nou-
velles émissions; dans quelques années il sera double du
premier.
Eh bien! les actionnaires, qui n'ont contribué que pour
un tiers à l'établissement des chemins de fer, ont seuls droit
d'assister à l'assemblée, de disposer de la propriété collec-
tive comme s'ils en avaient fait tous les frais. Ou plutôt
l'actionnaire lui-même n'est qu'une fiction. Jamais assem-
blée n'a improuvé des comptes ou refusé de voter les propo-
sitions du conseil d'administration. Qui reste donc proprié-
taire souverain, souverain arbitre des tarifs, des transports,
— 305 —
de la fortune de l'État et des particuliers? I,es administra-
teurs! Et si dans les conseils on faisait abstraction des com-
parses, mis là pour faire nombre, on ne trouverait pas en
tout vingt ou trente pachas, disposant de ces trois milliards
et de bien d'autres comme de leur bien.
Par des dividendes de 15 0/0 et plus, ils se sont forme une
clientèle de ])auvres hères de capitalistes qui n'hésitent pas
à se classer eux-mêmes au nombre des privilégiés. Triples
niais! Ces actions de 60 à 80 fr. de revenus annuels, ils les
ont payés de 1,200 à 1,800 fr. ; ce qui représente un intérêt
de 5 à 6 0/0, que les Compagnies savent hicn leur reprendre
sous forme de taxes au maximum, lorsqu'ils traitent avec
elles comme expéditeurs. Quant aux tarifs réduits^ ils sont
réservés par privilège aux monopoleurs qui ont vendu à 1,200
et 1,800 fr. les actions de 500. Est-ce pour un tel résultat
que le Trésor public a fait de si énormes sacrifices?
Le Rappori du ministre des travaux publics du 30 novem-
bre dernier établit ainsi l'état du réseau à la fin de 1856 :
COMPAGNIES.
au F
concédée.
LONGUEUR
janvier
eipIoUée.
kilom.
793
1,107
87 G
1,223
655
265
550
74
56
125
715
25
19
»
»
»
17
1857
à construire
kilom.
978
144
1,788
kilom.
185
144
681
902
522
332
405
69
154
36
1.105
106
»
9
30
52
18
»
Est . . ...
Ouest
1,778
1,745
987
G70
GI9
228
92
1,230
Orléans
Paris à Lyon par la Boiirgor;ne
Parisàl.yon par le lîourbonnais
Lvou à la Méditerranée
Lyon à (lenève et eoibranchements
Saiiil-Raniliert à Gi'enoble
Midi
821
25
19
9
30
52
18
17
Paris à Sceaux et Orsay
Haulmonl à la fronlière . . ....
Bessé^es à Aiais
Carmaux à Albi
'loi M X
11,250
6,500
4,750
— 306 —
Nous ne suivrons pas strictement, dans la suite de ce
chapitre, les chiffres du Bapport, qui du reste « ne comprend
pas 684 kilomètres dont la concession a été décrétée à titre
éventuel. »
Il faut avoir cherché, comme nous l'avons fait, à se rendre
un compte exact de létat des chemins de fer pour avoir une
idée des difficullés que rencontre celte exploration. Le mi-
nistère des travaux publics vient de publier un volumineux
in-quarto intitulé Documents statistiques sur les chemins de
fer, imprimerie impériale, 1856; et chose remarquable, la
Commission, quoique formée de gens du métier, placée dans
les meilleures coudilions pour relever un pareil inventaire,
formule les mêmes plaintes que nous :
« La Commission ne peut dissimuler à Votre Excellence que,
malgré les efforts qu'elle a faits, malgré tous les soins qu'elle a
apportés à l'accomplissement de sa tâche, elle s'est trouvée en
présence de diflicultés qu'elle n'a pu résoudre qu'incomplète-
ment... Toutefois, elle espère que l'examen des documents qu'elle
a réunis et classés fera ressortir des résultats intéressants et de
nature à frapper les esprits qui s'occupent de ces questions. »
Nous dirons aussi que l'ensemble de notre étude sur les
chemins de fer suffira, malgré quelques incorrections qui
ne sont pas de notre fait, à éclairer les intéressés et le pu-
blic sur celte grave matière.
Voici d'abord, d'après M. Perdonnet, le tableau du coût
moyen par kilomètre des chemins de fer en France et à l'é-
tranger :
Angleterre 530,000 fr.
France 391,000
Belgique 270,000
Allemagne 201,000
Amérique (une voie) 96,600
Mais les grandes artères en France, le Nord, Paris-Stras-
bourg, Orléans, Paris-Lyon, Méditerranée, le Havre, revien-
nent à 463,000 fr. par kilomètre, ainsi répartis :
Administration, frais généraux. . . . 17,000 fr.
.\clial des terrains G5,000
• — 307 —
Terrassements et travaux d'art. . . . 150,000
Bàtimenl.s, stations, ateliers 48,000
Double voie et ballast 122.000
Matériel d'exploitation 61,000
Or, le Rapport précité du 30 novembre 1856 détermine
comme suit la participation des Compagnies et de l'Étal
dans les travaux exécutés :
De 1823 à 1829
De 1830 à 1S41
De 1842 à 1847
De 1848 à 1851
De 1852 à 1854
Année 1855
Année 1856
Totaux
A déduire pour rembourse-
ments à effectuer en 1855 ef
1856
Totaux généraux. . .
par l'État.
DEPENSES FAITES
par les
Compagnies.
3,228,740
278,553,677
298,417,147
51.187,751
55,200,000
20.286.000
706,873,315
4 5, ,565,(^00
6Cl,308,3i5
totales.
3.300,000
172,097,753
509,411,555
198,711,088
641,090.064
430,40C,485
458,.S69.713
3,300.000
176.326.493
787,965,232
497,128,235
697,877.815
485.606,485
478,855,713
2,419,180,658
2.419,186,658
3,126,059,973
45.565,000
3,080.494,973
Enfin le tableau saivant nous donne les principaux résul-
tats de l'exploitation en 1855 :
COMPAGNIES.
RECETTES. DÉPENSES.
NET.
RAPPORT
de la dépense
à la recette.
Orléans
Nord
Est
Lyon
Méditerranée
Ouest
Totaux . . .
57.378,719
47,966,168
39,061,386
41,457,778
23,309.572
33.856,862
24;i.030,485
30,951,762
18,053,927
15.437.043
14,901,047
9,317,745
13.857,458
102,518,982
26,426,957
29.912,240
23,624,343
26,756,731
13,991,827
19,999,404
140.511.502
36 92 0/0
37 04 00
37 01 0/0
35 94 0/0
40 »» 0,0
39 75 0/0
37 77 0/0
Sur ce produit net de 140 millions et demi, il reste à pré-
lever la réserve, l'intérêt et l'amortissement des emprunts,
l'amortissement des actions, les remboursements à l'État, la
caisse des retraites, la participation des employés dans cer-
— 308 —
laines compagnies, etc. Il y aurait à prélever aussi la réserve
pour le renouvellement de la voie (rails, traverses, coussi-
nets); pour le renouvellement du matériel roulant (machines,
wagons)-, pour le remplacement des matériaux susceptibles
de détérioration dans les travaux d'art : dépenses que les
Compagnies imputent aujourd'hui au compte du Capital,
parce qu'elles ont distribué en dividende ce produit brut,
afin de pousser à la hausse des actions.
Les sommes de toute provenance engagées dans les che-
mins de fer étant à la fin de 1856, de. . . 3,080,494,973 f.
et celles dépensées en 1855 et 1856, de. . 964,462,198
le capital, à la fin de 1854, était de. . . . 2, 116,032,775 f.
C'est ce capital de 2 milliards 116 millions qui a produit
en 1855, année de l'exposition, un revenu brut [brut., disons-
nous, non pas net) de 140 millions et demi, soit 6 60 0/0;
ce qui ne laisse pas 5 0/0 de revenu net.
Déjà les produits de l'exploitation ont commencé à baisser
d'une manière sensible. D'après le Moniteur du 10 février
1857, tandis que lareceUe hnile, pour la totalité des lignes
exploitées pendant l'année 1855 avait été de 258,997,329,
soit, pour une moyenne de 5,047 kilomètres, 51,317 fr. par
kilomètre; elle n'a plus été, en 1856, que de 281,150,263 fr.,
soit, pour une moyenne de 5,860 kil., 47,978 fr. par kil. :
ce qui accuse une diminution de 6 51 p. 0/0.
Et c'est sur les meilleures ligues, Orléans et Nord, que se
fait sentir surtout la diminution.
Avis aux actionnaires I
Aujourd'hui les chemins les plus avantageux sont ter-
minés ; les centres de grande production et de transit sont
desservis depuis longtemps. Ce qui reste à construire peut
être considéré comme une charge plutôt que comme une
source de produits. Les ingénieurs promettent, il est vrai,
pour les constructions l'utuies, des conditions superbes de
bon marché. Ainsi, d'après leurs évaluations, le réseau pyré-
néen, montagneux et accidenté, ne coulerait pas plus de
208,320 fr. par kilomètre.
— 309 —
Mais on sait à quoi s'en tenir snr les évaluations de mes-
sieurs dos ponts et tliaussées. Lu ligue do Lyon devait, sui-
vant eux, coûter 180 millions ; elle en absorbera plus de 300.
Puis lÉtat ne sait rien refuser à ces messieurs, pas même les
fantaisies. La construction de la .gare du boulevard Mont-
parnasse, inaccessible aux voitures du roulage, débarquant
ses bagages au premier, pour les descendre au rez-de-cbaus-
sée, cette gare impraticable, qui n'allonge pas la ligne de
100 mètres, a coûté à l'État 5 millions et demi.
Si les meilleures lignes ne produisent pas plus de 5 à 6 0/0
du capital engagé, que sera-ce des autres?
La seule conclusion à tirer de cet état de choses, c'est que
les chemins de fer, de même que les canaux et les routes,
sont des instruments de travail exceptionnels, qui doivent
être employés avec discernement, et exploités au point de
vue du minimum de rendement, des simples frais d'entre-
tien. Les sacrifices consentis par le Trésor, la médiocre rétri-
bution des porteurs dobligations, qui dans un an auront
fourni plus de fonds que les actionnaires, les actions elles-
mêmes, réduites, par leur cherté, à un revenu minime, font
une loi de changer les bases du système et de faire profiler
le public, la masse des producteurs, de ces nouveaux moyens
de transport en généralisant le système des tarifs réduits,
tant sur la grande que sur la petite vitesse (1).
Nous avons parlé précédemment du Sous-Comptoir des
chemins de 1er. Pendant la dernière guerre, les Compagnies
durent se féliciter d'avoir fondé, en 1850, cette institu-
tion, dont peut-être elles ne calculaient point alors toute la
portée.
Instruites par la crise de 1848, elles s'étaient cotisées pour
créer, à côté du Comptoir national d'escompte de Paris, et à
l'usage particulier des porteurs d'actions de ch( miiis de fer,
un Sous-Comptoir de garantie, au capital de 4 millions. La
mission de ce Sous-Comptoir est de s'employer, comme in-
termédiaire, moyennant des sûretés qui lui seront données
par voie de nantissement, pour procurer à ces porteurs,
;r Voir Drs lléfo mes ii opcrcy dam i F.xphitation des Chemins de fer.
— 310 —
soit par engagement direct, soit par aval, soit par endosse-
ment, l'escompte de leurs effets. C'est le principe du mutuel-
lisme, déjà invoqué par le Crédit mobilier, qu'adoptent à
leur tour les Compagnies de chemins de fer, et qui, généra-
lisé et étendu à toutes les espèces de valeurs commerciales,
conduirait à une révolution complète du crédit, et, par
suite, de l'organisation agricole et industrielle.
CIllùMI.X 1)E FER DIT XORD.
(CompagnieM fusionnées.)
(Siège de la Société : Paris, gare du Nord.)
Le chemin de fer du Nord, dont rétablissement a été or-
donné parla loi du 11 juin 1842, elle tracé principal arrêté
par celle du 20 juin 1844, comprend, d'après V Indicateur
des Chemins de fer^ avec les embranchements, 791 kilomè-
tres en exploitation, savoir :
Paris à Mouscron par Lille 2SG kiiomèlies,
Amiens à Boulogne 123
Lille à Calais par Hazebrouck 104
Hazebroiiek à Dunkerqiie 41
Douai à Quiévrain par Valenciennes .... 48
Creil à Erquelines par Sainl-Queiitin. ... 181)
En construction, d'après les Documents statistiques du
ministère des travaux publics, 182 kilomètres :
Hautoiont à la frontière 8
La Fère à Reims 80
Paris à Creil (direct) iO
Noyelle à Saint-Valery 6
Busigny à Somain 49
Ces tracés touchent par trois points à la mer : Boulogne,
Calais, Dunkerque-, en terre ferme ils se rarcordent avec les
chemins belges.
La ligne directe de Paris à Creil gagne 17 kilomètres sur
le tracé par Pontoise; rembranchement de Noyelle à Saint-
Valery touche à la mer par un quatrième point; celui de
Somain à Busignj^ relie les lignes de Douai à Valenciennes
— 311 -
et de Saint-Qiienliii à Maubeuge; celui de Tergnier à Reims
met la ligne de Creil à Saint-Quentin en communication
avec les chemins de fer de l'Est.
HISTORIQUE.
La ligne de Paris, à la frontière belge avec les embranche-
ments de Calais et Dunkerque fut mise en adjudication le
9 septembre 1845. Le maximum de durée du bail était fixé
à 41 ans. Une seule Compagnie se présenta : elle était re-
présentée par MM. de Rothschild frères, Hottinguer, Charles
Laffitle et Blount-, elle offrait un rabais de 3 ans sur le maxi-
mum de 41, et fut en conséquence déclarée adjudicataire
pour 38 ans. Elle s'engageait à terminer à ses frais les tra-
vaux commencés, à rembourser à l'État les dépenses déjà
faites, à établir un matériel suffisant pour l'exploitation de
la ligne.
Par autorisation du 20 septembre de la même année, la
Compagnie se transforma en Société anonyme au capital de
200 millions divisé en 400,000 actions de 500 fr. Les fon-
dateurs prirent pour leur part :
MM. de RoUischild 102,000 actions.
LaffiUe, Blount et C'= 78,000 —
HoUinguer 22,485 —
Ensemble 202,485
L'embranchement de Creil à Saint-Quentin fut mis en
adjudication le 20 décembre 1845. Quatre Compagnies se
présentèrent; le maximum de durée fixé par la loi était de
75 ans. MM. de Rothschild, Hottinguer, Laffitte et Blount,
déjà concessionnaires de la ligne principale, proposèrent un
rabais de 50 ans et 30 jours; c'était le plus considérable. Aussi
furent-ils déclarés adjudicataires pour 24 ans 335 jours, à
la charge d'exécuter, dans le délai de 3 ans, à leurs risques
et périls, tous les travaux nécessaires à l'établissement du
chemin.
La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 24 avril
1846, se constitua au capital de 30 millions, divisé en
60,000 actions de 500 fr. chacune. M. de Rothschild en prit
plus de la moitié pour sa part.
— 312 —
L'om])ranoîicincnl (rAmicns à Boulogne avait déjà été con-
cédé par voie d'adjudication, le 15 octobre 18''i4, à MM. C.
Laftitte et Blount, pour une durée de 98 ans 1 1 mois. La So-
ciété anonyme, autorisée par ordonnance du 29 mal 1845,
se constitua au capital de 37,500,000 fr., divisé en 75,000
actions de 500 fr. chacune.
Un autre embranchement de 50 Idlomètres, de Fampoux
à Hazebrouck, fut encore adjugé le 10 septembre 1845 à
MM. Félix ONeiil et le marquis de Fiers pour 37 ans 49
jours. Ce chemin a été depuis abandonné.
Les Compagnies de lignes du Nord devaient plus que
toutes les autres tendre à la fusion, les mêmes fondateurs se
trouvant dans les trois Sociétés.
Le pr avril 1847, la Compagnie de Creil a Saint-Quentin
se réunit à celle du Nord, et le 19 février 1852, celle d'A-
miens à Boulogne se fusionna à son tour.
Le traité intervenu le 19 février 1852 entre l'État et la
Compagnie du Nord modifia, ainsi qu'il suit, les conditions
de la concession :
La Compagnie s'engage à construire : 1" un chemin de fer
se dirigeant sur la frontière belge au delà de Maubeuge, des-
tiné à se relier avec celui de Charleroi ; 2° un cndiranche-
menl partant de la ligne ci-dessus vers le Cateau et allant
se relier à la ligne du Nord vers Somain ; 3° un embranche-
ment sur la ligne de Saint-Quentin, allant de La Fère à
. Reims, où il se réunira au chemin de Reims à Épernay; 4» si
le gouvernement l'exige, un embranchement de Noyelle à
Saint-Valery.
A ces conditions, la concession des lignes exploitées par
la Compagnie du Nord est portée à 99 ans, qui courront du
10 septembre 1848 et finiront le 9 septembre 1947 : c'est une
prorogation de durée de plus des deux tiers.
Le 13 août 1853 intervint, entre l'Etat et la Compagnie ,
un nouveau traité portant les dispositions suivantes : la
Compagnie s'engage à construire un chemin direct de Paris
à Creil, se détachant de la ligne actuelle près de Saint-Denis
et la rejoignant près de Saint-Leu^ la durée Hxéc pour la
— 313 —
construction de rcmbranchement de La Fère à Heims est
réduite de 6 ans à 4 ; la ligne de Cateau à Somain (traité du
19 février 1852-2o) sera remplacé par un embranchement
reliant le chemin principal à celui de Maubeuge, et jjassant
par Cambrai. La Compagnie recevra en subventions :
De la ville de Cambrai et du département du Nord. . . . 2,000,000 l'r.
De la Compagnie du chemin de fer des Ardennes. . . . 2,500,000
Total 4,500,000
Le capital nécessaire sera réalisé au moyen d'une nouvelle
émission d'obligations.
La Compagnie du Nord sollicite , concurremment avec
celles des Ardennes et de FEst, la concession du chemin de
fer de Paris à Soissons.
Par traité du 17 juin 1853, elle a pris h bail la ligne belge
de Charleroi à Lrquelines.
Elle est associée pour un cinquième dans le chemin de
ceinture.
ÉTAT FINANCIER DE LA COMPAGNIE.
Les dépenses faites et à faire sont évaluées ajiproximati-
vement, au 30 juin 1S55, par les Documents statistiques du
ministère des travaux publics, à 329,189,847 fr., dont
5,455,042 fr. de subventions, soit une proportion d'environ
1 0/0.
Les Actions sont au nombre de 400,000, libérées de 400 fr.,
soit un capital versé de 160 millions. Elles devaient être de
500 fr.; mais le décret du 19 février 1852, ayant fixé à 2 mil-
lions par an le remboursement de 40 millions dus à l'État,
et réduit l'intérêt de 5 à 3 0/0, a autorisé la libération des
actions à 400 fr.
L'amortissement dos actions commencera en 1908.
Les échéances semestrielles sont au V^ janvier et au
1"' juillet.
Les E.m:'RU.\ts sont au nombre de six :
1° 76,0 0 obligations résultant de la conversion des ac-
tions du c eniin de fer d'Amiens à Boulogne en obligations j
18
— 314 —
elles sont remboursables en 75 tirages annuels (de 1852 à
1926) et portent 15 fr. d'intérêt payables le 1" janvier et le
1er juillet.
2° 2,363 obligations de la Compagnie d'Amiens à Boulo-
gne, émises en 1851, à 335 fr., remboursables, en 16 tirages,
àôOOfr.; 20 fr. d'intérêt, payables au 1" août.
3° Quatre séries de 75,000 obligations chacune, émises à
335 fr. : une en 1852, deux en 1854, une en 1855; rembour-
sables à 500 fr. par annuités jusqu'en 1926 ; intérêt de 15 fr.
payable en janvier et juillet.
Les actions de Charleroi à Erquelines reçoivent, pour prix
du bail de la ligne, un intérêt fixe de 16 fr. 87 cent. 1/2 ; elles
sont au nombre de 17,418, remboursables à 562 fr. 50 en
88 tirages annuels.
Le Rapport du 28 avril 1856 établit ainsi le fonds social,
en ce qui concerne les capitaux fournis par l'industrie :
Capital d'actions (1) 200,000,000
Ligne d'Amiens à Boulogne 37,600,000
Emprunt de la C'= de Boulogne. . . . 1,181,558 09
Emprunt de 1852 24,750,000
1" emprunt de 1854 22,989,846 90
2» — 22,429,151 43
Emprunt de 1855 en cours d'émission. 9,523,370 05
Total en obligations. . . . 118,373,926 47 118,373,926 47
Total par l'industrie privée 318,373,926 47
Subventions : par l'Etat 43,085
— par les dép", les communes, etc. . 5,408,957
Total des subventions, . . 5,452,042 5.452,042
Ensemble 323,825,968 47
Nous avons déjà fait remarquer que dans les comptes de
gestion présentés chaque année aux assemblées générales ne
figure aucune réserve pour amortissement du matériel. Cha-
cun sait cependant que ce matériel s'use fort vite, qu'une
locomotive, par exemple, après avoir été intégralement re-
(1) Les actions sont cotées au taux du remboursement, 500 fr., et non
à celui de la libération, 400. Le chilîre de 200 millions comprend donc
40 millions qui n'ont pas élé versés.
— 315 —
nouvelée, par pièces et morceaux, finit, au bout de dix à
quinze années, par être tout à fait hors de service; que les
traverses qui supportent les rails ne durent pas plus de dix
ou douze ans, et les rails eux-mêmes au plus vingt ans. De
cette absence d'un fonds de réserve spécial résulte une
hausse factice des actions, produite par Texagéralion des
dividendes, et dont la conséquence finale doit être tôt ou
tard, lorsqu'il faudra renouveler le matériel, une déprécia-
tion subite, instrument de fortune pour les actionnaires dû-
ment avisés, et de ruine pour le mutum et turpe pecus des
ignorants.
Ce qui vient d'arriver à la Compagnie du Nord , obligée
de changer tous ses rails de 30 kilog. par mètre courant
contre des rails de 37 kilog., justifie notre observation.
Le renouvellement a donné lieu, jusqu'au 31 décembre
1855, à une dépense de 9,157,136 fr. 27 c. imputée :
« i° Sur le compte de Premier Etablissement;
« 2° Sur la réserve supplémentaire de l'amortissement, tel qu'il
avait été consUtué avant la prolongation de concession, et dont les
excédants ont été laissés disponibles pour cet emploi;
« 3» Enfin sur les bénéfices de l'exploitation, qui doivent subir,
pour le même objet, un prélèvement annuel de 360,000 fr., pen-
dant cinq années à dater de 1853. »
REVEND DES ACTIONS.
1846 : 6 40 1848 : 11 »» 1850 : 24 »» 1852 : 41 50 1854 : 50 50
1847:18 95 1849:16 05 1851:36»» 1853:4150 1855:61».
Les actions ont monté en 1845, lors de leur émission, jus-
qu'à 860 fr.; elles sont tombées les six années suivantes au-
dessous de ce cours et ont été cotées au plus bas, en 1848, à
302 fr. 50. Elles ont repris en 1852 et ont atteint jusqu'à
965 fr. Depuis 1856, elles ont dépassé 1,100 fr.
L'assemblée générale se compose des propriétaires de 40
actions.
CHEMINS DE FER DES ARDEIVNES ET DE Ï/OISE.
(Paiis, 70, rue de Provence.)
MM. Maslenuan. duc de Mouchv, comte Siméon, baron
— 316 —
Seillière, etc., ont obtenu, le 19 juillet 1853, la concession
des lignes suivantes à construire aux risques et périls de la
Compagnie :
De Reims à Mézières et à Charleville, avec embranchement
sur Sedan 107 kilom.
De Creil à Beauvais 37
Total 144
La Compagnie a promesse de deux autres lignes : 1° pro-
longement de Charleville à la frontière belge, à exécuter dans
le système de la loi de 1842; 2» embranchement de Com-
piègne à Reims, par Soissons. El!e doit payer à la Compa-
gnie du Nord une subvention de 2,500,000 fr. pour Texécu-
lion du chemin passant par Cambrai. Elle sollicite la con-
cession d'une ligne directe entre Soissons et Paris.
La concession est de 99 ans, à courir du 20 juillet 1858.
Les lignes de Reims à Charleville, de Mézières à Sedan et
de Creil à Reauvais, devront être livrées à la circulation dans
le délai de 5 ans.
Cinq ans après l'ouverture de la section de Charleville à
la frontière belge, si les bénéfices excèdent 8 0/0 du capital
dépensé par la Compagnie, moitié du surplus sera attribuée
à l'État.
Le capital social est de 21 millions, divisé en 42,000 ac-
tions de 500 fr,, dont 350 versés. L'intérêt est de 4 0/0 pen-
dant la durée des ti-avjiux-, il se paye en janvier.
La Compagnie pourra émettre un emprunt de 9 millions.
L'assemblée générale se compose des propriétaires de 20
actions.
CHEMINS DE FER DE L'EST!
(Coiii|>ag^nîes fiistioiinées.)
{Administrulion : I^aris, gare de Strasbourg.)
La Compagnie des chemins de fer de TEst est formée de la
réunion des anciennes Compagnies de Paris à Strasbourg,
de Strasbourg à Bàle , de Blesme et Saint-Dizicr à Cray,
de Monlereau à Troyes, de Mulhouse à Thann. Le réseau,
décrété pour moitié par !a loi de 1842, se conipc-^o de deux
— 317 —
lignes principales : 1" de Paris à Strasbourg, avec emliranche-
nicnts sur Reims, Metz, Thionville, Forbach, Wissembourg;
2" de Paris à Mulbouse, avec cmbrancbenient sur Coulom-
micrs. Elles se raccordent par trois embrancbements : Bles-
ine à Chaumont, Nancy à Vesoul par Épinal, Strasbourg à
Bàle.
Les parties exploitées comprennent, d'après Y Indicateur
des Chemins de fer, 1,080 kilomètres :
Paris à Strasbourg 502 kilomètres.
Epernay à Reims 30
Blesme à Donjeux 55
Frouard à Forbach 113
Metz à Thionville 27
Wendenheim à Wissembotii'g 40
Monlereau à Troyes 100
Striisl)onrg à Hàle. 141
Liitterl)ach à Thann 15
Noisy-le-Sec à Nangis 57
Les parties eu construction, d'après les Documents statis-
tiques, ajouteront au réseau 687 kilomètres, savoir :
Nangis à Nogent-snr-Seine 28
Embranchement de Coulommiers. . . 32
Tioyes à Chiuimoni 96
Donjeux à Gray 120
Gray h Vesoul 54
Langies à MulhoufO par Dclfort. . . . 190
Nancy à, Vesoul par Kp'mal 135
Strasbourg à Kehl 6
Paris à Vincennes, Saint-Maur. ... 26
HISTORIQUE,
r Ligne principale.
Première concessio7i. — La ligne de Strasbourg, avec em-
brancbcmcnt sur Reims, sur Metz et la frontière de Prusse,
construite par TÉtat suivant le système de la loi de 1842, fut
mise en adjudication le 25 novQinbre 1845. Le maximum de
durée était de 45 ans. MAL Cubières, Pellaprat, duc de Gal-
liéra et Blaque-Bclair offrirent un rabais de 1 an 79 jours, et
furent déclarés adjudicataires pour 43 ans 286 jours.
'La Société anonyi^ic, autorisée par ordonnance du 17 dé-
18.
— 318 —
cembre 1845, se constitua au capital de 125 millions, divisé
en 250,000 actions de 500 fr.
Première modification. — Le 28 mars 1852 intervint entre
l'État et la Compagnie la convention suivante :
La Compagnie s'engage : 1" à payer à la concession de
Blesme à Gray une subvention de 10 millions; 2° à con-
struire à ses frais, dans un délai de quatre ans, un chemin
de fer de Metz à Thionville; S» à prolonger cet embranche-
ment jusqu'à la frontière, dans la direction de Luxembourg,
au cas où la ligne de raccordement sur le territoire prussien
serait exécutée. Si ce second embranchement ne doit pas
avoir de suite, la Compagnie payera au gouvernement une
somme de 5 millions.
A ces conditions, la concession du 25 novembre 1845 est
portée à 99 ans, qui courront du 27 mars 1855.
2° IJgne de Montereau à Troyes (embranchement de la ligne de Lyon).
Première concession. — La loi du 26 juillet 1844 avait
autorisé le ministre des travaux publics à concéder sans sub-
vention, pour une durée qui n'excéderait pas 99 ans, l'em-
branchement de Montereau à Troyes, dont les travaux de-
vaient être à la charge des concessionnaires. L'adjudication
eut lieu le 25 janvier 1845, au profit de MM. Vautier, Gallice
d'Albane et Paul Séguin, pour 75 ans.
La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 29 mai
1845, se fonda au capital de 20 millions, divisé en 40,000
actions de 500 fr.
Le 9 août 1846, elle obtint de l'État un prêt de 3 millions
à 5 0/0, remboursable par sixièmes à dater du 30 juin 1852.
Première modification. — Le 8 mars 1852, la durée de la
concession fut portée à 99 ans, devant prendre fin, comme
celle de Lyon, en 1955.
3» Chemin de fer de Rlesme et Saint-Dizier à Gray.
Première concession. — Celte ligne, qui s'embranche sur
le chemin de Paris à SIrasbouig, doit [tasseï par Sainl-Di-
— 319 ~
zier, Joinville, Chaumont et Langres. Elle a pour but de re-
lier la Marne à la Saône. Parcours, 175 kilomètres.
L'entreprise en fut concédée, le 2G mars 1852, à MM. Van-
deul , W ilkinson , Grimaldi et Burge, aux conditions sui-
vantes :
Les concessionnaires devront construire la ligne à leurs
risques et périls dans un délai de 5 ans. Ils recevront de
la Compagnie de Strasbourg une subvention de 10 millions.
Ils sont autorisés à contracter un emprunt jusqu'à concur-
rence de 22 millions. L'État en garantit Tintérêt et l'amor-
tissement à 4 1/2 0/0 l'an pendant 50 ans. Il garantit égale-
ment pendant 50 ans un minimum de 4 0/0 d'intérêt du
capital social fixé à 16 millions. La durée de la concession
est de 99 ans, à dater de l'achèvement des travaux.
La Société anonyme, autorisée le 4 juin 1852, se fonda au
capital de 16 millions, divisé en 32,000 actions de 500 fr.
4° Chemin de fer de Strasbourg à Bàle.
Première concession. — Cette ligne, d'un parcours de 140
kilomètres, fut concédée le 6 mars 1838 à M. Kœchlin pour
99 ans. La 'Société anonyme, autorisée le 14 mai suivant, se
constitua au capital de 42 millions, divisé en 84,000 ac-
tions. Mais les actionnaires ne versèrent que 350 fr. Le
15 juillet 1840, l'État compléta la mise sociale par un prêt
de 12,600,000 fr. à 4 O/Odint-rêtet 1 0/0 d'amortissement.
Toutefois les actionnaires avaient le privilège de 4 0/0 d'an-
nuités sur les arrérages dus au gouvernement.
L'État devait entrer en partage des bénéfices excédant
4 0/0 du capital de 29,400,000 fr.
Modification, — Le 25 février 1852, le prolongement du
chemin de fer de Strasbourg à la frontière bavaroise par Wis-
sembourg fut concédé à la Compagnie de Strasbourg à Bàle,
aux conditions suivantes :
La Compagnie s'engage à faire tous les travaux dans un
délai de 3 ans. L'État lui accorde une subvention de 3 mil-
lions et une garantie, durant 50 ans, de*4 0/0 d'intérêt du
capital nouveau, pourvu qu'il n'excède pas 10 millions si la
ligne n'a qu'une voie, 12 millions si elle en a deux.
— 320 —
La concession de rembranchement nouveau est, comme
pour la ligne principale, de 99 ans, à jiartir du 6 mars 1838.
Quinze ans après la mise en valeur du chemin, lÉlat aura
droit à la moitié des bénétices qui excéderont 8 0/0 du ca-
pital engagé.
5" Chemin de fer de Mulhouse à Thann.
Ce tronçon, d'un parcours de 21 kilomètres, emprunte la
ligne de Bàle Tespace de 6 kilomètres environ. La conces-
sion était de 99 ans et le capital de 2,600,000 fr., divisé en
5,200 actions de 500 fr.
6' Fusion des lignes précédentes. — Concessions nouvelles. — Dernières
modifications.
Le décret du 17 août 1853 autorisa le rachat des lignes de
Montereau à Troyes et de Blesme à Gray par la Compagnie
de Strasbourg, à laquelle furent accordées les concessions
nouvelles de Paris à Mulhouse, de Nancy à Gray, et de Paris
à Vinccnnes, Saint-Mandé, Saint-Maur.
Tracé des lignes concédées. — Le chemin de fer de Paris à
Mulhouse, s'embranchant sur celui de Strasbourg aux envi-
rons de Noisy, passe par Tournon, pour rejoindre, en aval de
Nogent, la ligne de Montereau à Troyes. De Troyes, il se porte,
par Bar-sur-Aube, vers Chaumont. Au delà de Chaumont, il
suit le chemin de Blesme à Gray, dont il se détache au delà
de Langres, pour se diriger sur Vesonl, Belfort et Mulhouse,
en passant par Dannemarie et Altkirch. Il rejoint à Mulhouse
le chemin de fer de Strasbourg à Bàle.
L'embranchement de Coulommiers descend dans la vallée
du Morin par la vallée de l'Aubetin.
Le chemin de fer de Nancy à Gray se détache de la ligne
principale de Paris à Strasbourg entre Nancy et Lunéville,
gagne la vallée de la Moselle et passe par Charmes, Épinal,
Vesoul et la vallée de la Hante-Saône.
Le chemin de fer de Paris à Vincennes partd'un point situé
à Test du canal Saint-Martin et se divise en deux branches,
dirigées, Ttuie sur Saint-Mandé, l'autre sur Vincennes, Fon-
tenay, Saint-Maur et ia Varenne-Sainl-Maur.
— 321 —
7" Condilions du traité entre la Compagnie et l'Etal.
La Compagnie de Strasbourg s'engage:
1° A rembourser le prêt de 3 millions fait par l'État à la
Compagnie de Montereau à Troyes. Ce remboursement aura
lieu en 3 annuités avec intérêt à 4 0/0 ; Téchéance de la pre-
mière annuité est fixée au 31 décembre 1853-,
T A rembourser le prêt de 12,500,000 fr. consenti paF
l'État à la Compagnie de Strasbourg à Bâle, en exécution de
la loi du 15 juillet 1840. Ce remboursement aura lieu avec
intérêt à 4 0/0 en 41 annuités égales à dater du 8 mai 1857;
3° A couvrir l'État des engagements par lui pris envers la
Compagnie de Strasbourg à Bàle, pour la garantie de 4 0/0
d'intérêt sur le capital par elle employé à la construction du
chemin de Strasbourg à Wissembourg. — La Compagnie de
Paris à Strasbourg est substituée aux droits, privilèges et
hypothèques de l'État sur la Compagnie de Strasbourg à
Bàle;
4" La Compagnie renonce à la garantie d'intérêt consentie
par l'État aux premiers concessionnaires du chemin de
Blesme à Saint-Dizicr et Gray.
Les lignes concédées ou incorporées ne formeront, avec la
ligne principale, qu'une même entreprise, et prendront fin,
comme celle-ci, le 27 novembre 1954.
La Compagnie aura la préférence, à conditions égales,
pour la concession de l'embranchement de Cocheren à Sar-
rebourg, au cas oîi la construction en serait jugée néces-
saire.
A dater de 1861, l'État aura part pour moitié dans les bé-
néfices qui excéderont 8 0/0.
8° Conditions de racliat des lignes incorporées.
1° La Compagnie de Strasbourg a remboursé les 40,000
actions du chemin de Montereau à Troyes à raison de 500 fr.
chacune, sans distinction ni retenue. Le remboursement a
eu lieu en espèces, dans un délai de dix-huit mois à partir de
l'entrée en jouissance; l'intérêt lixé à 3 0,0 jusqu'à parfaite
liquidation ;
~ 322 —
2' Il a été délivré par la Compagnie de Strasbourg aux
actionnaires de la Compagnie de Saint-Dizier à Gray, une
obligation de 500 fr. produisant 25 fr. d'intérêt et rembour-
sable à 650 fr., en échange de 2 actions de Saint-Dizier à
Gray, sur lesquelles 250 fr. avaient été versés ;
3» D'après le traité de fusion approuvé par l'assemblée
générale du 25 janvier 1854, la Compagnie de Paris à Stras-
bourg a remis aux actionnaires de la Compagnie de Stras-
bourg à Bâle, en échange de leurs titres, des obligations de
500 fr. chacune, portant 25 fr. d'intérêt annuel, jouissance
du l*"" décembre 1853, remboursables à 650 fr. en 99 ans.
Cet échange a eu lieu à raison de 3 obligations de la Com-
pagnie du chemin de fer de Paris à Strasbourg pour 4 ac-
tions non amorties de la Compagnie de Strasbourg à Bâle,
plus un solde de 31 fr. 50 par quatre actions;
4" La ligne de Mulhouse à Thann avait été affermée à la
Compagnie de Strasbourg à Bâle, et depuis la fusion, c'était
la Compagnie de l'Est qui se trouvait fermière de ce tronçon.
Elle en a fait l'acquisition en 1855, afin de le prolonger au
delà de Wesserling (13 kilomètres). Les 5,200 actions de la
Compagnie de Thann s'échangent contre 2,500 obligations
de l'Est de 500 fr., remboursables à 650 et produisant 25 fr.
d'intérêt. La Compagnie acquéreur se charge du service des
intérêts et de l'amortissement d'un emprunt de 400,000 fr.
contracté par la Compagnie venderesse, et sur lequel il res-
tait à payer 195,000 fr. en 1856.
Ces modifications de tracé et de concessions ont amené la
liquidation de la Compagnie de Provins aux Ormes, à qui
avait été concédé un tronçon de 14 kilomètres, le 20 juillet
1852. Les actionnaires ont été remboursés.
Dans tous ces traités, les directeurs décident entre eux
absolument des clauses et conditions du rachat. Sans doute
la loi exige l'approbation des assemblées d'actionnaires;
mais, encore une fois, qui a jamais vu une assemblée géné-
rale contredire un conseil d'administration? Voilà donc une
trentaine d'individus disposant de quatre à cinq cent mil-
lions, de la fortune de cinquante à soixante mille citoyens,
— 323 —
comme de leur bien propre j mettant à la charge d'une partit^
de leurs actionnaires des exploitations onéreuses 5 donnant à
d'autres des obligations à revenu et capital fixe en échange
d'actions susceptibles de produire de gros dividendes et de
tripler de valeur; taillant et coupant dans les contrats au
gré de leurs caprices ou de leurs intérêts ; arrachant à l'État
des prorogations de baux de deux tiers pour des lignes qui,
comme celle de Paris à Strasbourg, ont plus coûté au gou-
vernement qu'aux actionnaires.
Et personne n'y trouve à reprendre ou à blâmer; au con-
traire, on décore ce système des grands mots de crédit dé-
mocratisé^ d'intérêt îiational, de progrès industriel. En vé-
rité, si la féodalité banquière savait régler ses appétits et
mettre des bornes à sa voracité, ce serait à désespérer de la
liberté en France. Heureusement, au train dont vont les
choses, il est permis d'espérer qu'avant peu elle crèvera de
ses propres excès; mais ce ne sera pas sans de graves per-
turbations pour les intéressés.
Pourquoi l'intelligence des affaires, la sagesse des combi-
naisons, la prévoyance laissent-elles la place à l'empirisme ?
Pourquoi la société erre-t-elle à l'aventure, au caprice des
passions et de Tégoïsme de quelques ambitieux insatiables ?
Ceux qui, par leur concours officieux, leur incurie ou leur
indifférence, prêtent la main à cette spoliation de l'État et
des particuliers, ne seront du moins pas fondés à se plaindre
au jour du cataclysme.
ÉTAT FIXAN'CIER DE LA CO.MPAGME.
Les dépenses d'établissement faites et à faire sont évaluées
approximativement, au 30 juin 1855, ])'àv[iis Documents statis-
tiques du ministère des travaux publics, à 646,661,012 fr.
La Subvention de l'État se compose :
V Des achats de terrains, terrassements, ouvrages d'art,
ateliers, stations, maisons de garde de Paris à Strasbourg,
et des embranchements qui s'y raccordent par le côté du
Nord;
2° De 3 millions en espèces pour la ligne de Wissemj>ûurg.
— 3-24 -
Elle s'élève, d'apiès les BocuinenU précités, à 125,382,500
francs, soit 19 0/0 de la dépense totale .
Les ACTIONS sont au nombre de 500,000, émises en deux
séries égales, représentant un capital de 250 millions.
La première série comprend les 250,000 actions de l'an-
cienne Compagnie de Paris à Strasbourg, complètement libé-
rées, ayant droit à Tintérêt et au dividende.
La seconde série, de 250,000 actions également, créée
pour la construction de la ligne de Mulhouse, n'a droit au
dividende qu'à partir du 1^' janvier 1857.
Les échéances semestrielles sont aux 1" mai et T' no-
vembre.
L'amortissement doit s'efi'eclucr de 1856 à 1949.
Les EMPRUNTS sont au nombre de 6; les cinq premières
séries d'obligations sont remboursables à 650 fr., et produi-
sent 25 fr. d'intérêt, payable le 1" juin et le l*' décembre.
1° 60,000 obligations émises en 1852 contre espèces, à
500 fr., remboursables de 1854 à 1952.
2" 16,000 obligations remises en échange des 32,000 ac-
tions de Blesmc à Gray libérées de 250 fr., remboursables de
1854 à 1952.
3° 62,828 obligations remises en échange des 84,000 ac-
tions de Strasbourg à Bâle, remboursables de 1855 à 1949.
4° 125,000 obligations négociées conlre espèces à 480 fr.,
remboursables de 1856 à 1949.
5° 5,200 obligations remises en échange de 5,200 actions
de Mulhouse àThann, remboursables de 1856 à 1949.
6" 126,000 obligations, émises du 12 au 24 décembre
1856, à 270 fr., rernboursahlcs à 500 fr., 15 fr. d'inlérêf,
soit un capital encaissé de 34,020,000 fr.
La Compagnie est en outre chargée du service des em-
prunts des lignes incorporées :
lo Montereau à Troyes. 3,300 obligations remboursables
à 1,250 fr., de 1853 à 1927 ^ 50 fr. d'intérêt payable en jan-
vier et juillet.
2° Strasbourg à Belle. 2,775 obligations remboursables à
1,250 fr., de 1845 à 1891 -, 50 (r. d'intérêt payable en avril
— 325 —
et octobre. — 24,000 obligations remboursables à 625 fr.,
de 1856 à 1905 ; 25 fr. crinlérèt payable en janvier et juillet.
3° Mulhouse à Thann. 400 obligations de 1,000 fr., rem-
boursables jusqu'en 1860; 50 fr. d'intérêt payable eu jan-
vier et juillet.
Les fonds engagés dans l'exploitation à la fin de 1856 se
composent de :
Capital d'actions 260,000,000
1" emprunt de GO, 000 otiligations à 500 fr. . 30,000,000
16,000 obligations, radiât de la ligne de Gray. 8,000,000
62,828 pour actions de la ligne de Bàle. . . 31,414,000
125,000 obligations à 480 fr 60,000,000
5,200, rachat de la ligne de Thann 2,600,000
3,300 obligations de Montereau à 1,000 fr. . 3,300,000
2,775 de Bàle, même taux 2,775,000
24,000 idem à 500 fr 12,000,000
400 de Mulhouse à Thann, à 1,000 fr. . . . 400,000
126,000 obligations de 1856, émises à 270 fr. 34,020,000
Total des obligations. . . . 184,500,000 184,509,000
Total par l'industrie privée 434,509,000
Subvention de l'État en travaux et en argent 125,382,500
Prêt de l'Elat remboursable par annuités, environ 12,000,000
Ensemble 571,891,500
revenu des actions.
Jusqu'en 1851, elles n'ont touché que 4 0/0.
1852 : 33 »-> 1853 : 30 30 185i : 62 i>» 1855 : 78 50
Les actions, lors de leur émission, en 1846, ont primé de
50 à 60 fr.; mais depuis cette époque jusqu'en 1851, elles
sont restées au-dessous du pair. Elles ont repris faveur après
la prorogation de bail, et ont doublé de valeur un instant en
1853. L'année 1854 leur a été défavorable, comme à tous les
titres de même espèce ; cependant elles se sont maintenues
au-dessus du pair. Eu 1856, elles oscillent cuire 900 et
1,000 fr.
L'assemblée générale se compose des propriétaires de 40
actions.
La Compagnie est associée pour un cinquième dans le
chemin de Ceinture.
19
— s-m —
CHEMIN DE FER DE PARIS A LYOK,
(Compagnies fusionnées.)
(Administralion : Paris, 47, rue de Provence.)
La ligne de Paris à Lyon fait partie du grand rcsenii dé-
crété par la loi de 1842. La Compagnie actuelle est formée
de la réunion des anciennes Compagnies de Paris à Lyon, de
Dijon à Besançon et de Dôle à Salins.
Longueur en exploitation, 661 kilomètres :
Paris à Lyon 612
Dijon à Besançon par Dôle 92
Auxoniie à Gray 37
La Roclie à Auxerre 20
En construction, 315 kilomètres;
Besançon à Belfort et embranchement. 100
Dôle àCliàlon et Bourg 176
Dôle à Salins â9
HISTORIQUE.
1° Ligne principale.
Les vicissitudeç du chemin de fer de Lyon forment toute
une histoire. Commencé au moyen d'un crédit de 71 millions
accordé par la loi du 26 juillet 1844, il fut mis en adjudica-
tion le 20 décembre 1845, Une seule compagnie, représentée
par MM. Ganneron, Ch. Laffitle, Baudrand et Barillon, se
présenta. Elle demandait une concession de 42 ans. Le maxi-
mum fixé par le ministre était de 41 ans 90 jours. L'adju-
dication ne put avoir lieu. Cependant la Compagnie, ayant
déclaré accepter les conditions du gouveniement, fut recon-
nue adjudicataire par ordonnance du 21 décembre suivant.
La Société anonyme se constitua au capital de 200 mil-
lions. En 1847, elle sollicita et obtint une modification au
cahier des charges. Les travaux de la traversée de Lyon de-
vaient être exécutés par l'État ; si les dépenses de la ligne ex-
cédaient 216 millions, il serait accordé une prorogation de
— 327 —
concession d'une année par million en plus. (Loi du 9 août.)
En 1848, la Compagnie se mil en liquidation; ses actions
tombèrent à 95 fr., et le 17 août de la même année, elle
obtint de se faire racheter par rÉtat aux conditions suivan tes ;
«Il sera délivré aux actionnaires par chaque action de riOO fr.,
dont '■loO t'r. versés, un titre de 7 fr. 60 c- de rente 5 0/0, jouis-
sance du 22 mars 1848. Les actionnaires qui di'clareront avant le
1" septembre leur intention de verser les 230 fr. formant le com-
plément de leurs engagements recevront un titre de 25 fr. de rente
jouissance du 22 mars 1848. »
Le gouvernement reprit en conséquence les travaux de la
ligne et lexploitation des sections achevées.
Enfin, le 5 janvier 1852, la ligne entière fut accordée par
voie de concession direcleà MM. E. André, Baring, Bartho-
lony, Hottinguer, Seillère, duc de Galliera, etc., aux condi-
tions suivantes :
La Compagnie s'engage à terminer, à ses risques et périls,
dans le délai de quatre ans, la section de Chàlon à Lyon;
A rembourser à l'État 114 millions représentant les dé-
penses déjà faites sur toute la voie, et à en payer l'intérêt
depuis la prise de possession jusqu'à l'entier rembourse-
ment;
Elle entrera, moyennant versement d'un million, dans
l'entreprise du chemin de Ceinture;
Le gouvernement garantit à la Compagnie, pendant cin-
quante ans, 4 O^Odintérct du capital dépensé jusqu'à con-
currence de 200 millions. Il garantit également l'emprunt
contracté par elle à sa formation.
Quinze ans après la mise en valeur (à partir de 1871), si
les bénéfices dépassent 8 0/0, l'État aura droit à la moitié
de l'excédant.
La concession est de 99 ans, à dater du 5 janvier 1846.
Un décret du 17 août 1853 a ajouté à la concession pré-
cédente l'embranchement de la Roche à Auxt-rre par la val-
Ipe de l'Yonne aux conditions suivantes : la Compagnie s'en-
gage à exécuter cette section à ses risques et périls, sans
subvention ni i;arantie d'intérêt, dans le délai tic dcnx ans.
— 328 —
La durée de la concession nouvelle est la même que celle de
la ligne principale.
2" Chemin de fer de Dijon à Besançon et Belfort avec embranclietnents.
La longueur de la ligne de Dijon à Besançon , avec em-
branchement d'Auxonne à Gray, est de 123 kilomètres.
La construction en avait été arrêtée jusqu'à Mulhouse par
la loi du 21 juin 1846, ainsi que celle de rembranchcnient
de Dôle sur Salins.
Elle fut concédée, le 12 février 1852, à MM. Bouchottc,
Convers, Bretillot, etc., aux conditions suivantes ; Les con-
cessionnaires exécuteront les travaux à leurs frais; la ligne
de Besançon devra être terminée dans le délai de 3 ans.
L'État garantit un minimum de 4 0/0 pendant 50 ans du
capital employé jusqu'à concurrence de 16,600,000 fr. il
garantit également pour 50 ans l'intérêt et l'amortissement
à 5 0/0 d'un emprunt de 5 millions et demi que les conces-
sionnaires sont autorisés à contracter. La concession est de
99 ans. Après 15 années d'exploitation, l'État aura droit à
la moitié de l'excédant de 8 0/0 dans les bénéfices.
La Société anonyme fut autorisée le 11 septembre 1852.
Le décret du 17 août 1853 ajouta à la concession précé-
dente la ligne de Besançon à Belfort, passant par Baume-
les-Dames; Clerval, l'Ile-sur-le-Doubs et Monlbéliard, sur
une longueur de 90 kilomètres. La Compagnie s'engage à
exécuter, sans subvention ni garantie d'intérêt, tous les tra-
vaux dans un délai de trois ans. La durée de la concession
est également de 99 ans.
Le capital nécessaire à la construction de la ligne sera
fourni au moyen :
1" D'une nouvelle émission de 36,800 actions qui jouiront
d'un intérêt de 4 0/0 jusqu'à leur libération complète;
2° De l'émission de nouvelles obligations de même forme
que les premières.
3» Fusion des deux Comp;ignies précédentes.
Par conventions, en date des 15 octobre 1853 et 16 fé-
— 329 —
vrier 1854 , entre les doux Compngnies de chemins de fer de
Paris à Lyon, et Dijon à Helfort, suivies d'une troisième
convention entre le ministre des travaux publics et la Com-
pagnie de Paris ù Lyon , la fusion des deux Compagnies a été
opérée, et la ratification du Gouvernement accordée aux
conditions suivantes :
Sur le premier capital de 33,200 actions de 500 fr., for-
mant le fonds social de la Compagnie de Dijon à Besançon ,
on avait verse 350 fr. par action, soit une somme de
11,620,000 fr.
Sur les 36,800 actions, dont 26,800 souscrites, formant le
capital de l'embranchement de Besançon à Belfort, aucun
versement n'avait été fait; et c'est la difficulté de cette réa-
lisation qui paraît avoir amené la fusion.
En échange de la double concession qu'elle avait obtenue
de l'État, et des 11,620,000 fr. fournis par ses actionnaires,
la Compagnie de Besançon à Belfort a donc été tout heureuse
et tout aise de recevoir 25,000 actions de Lyon , libérées de
250 fr., soit un capital de 6,250,000 fr., qui d'après la cote
de la Bourse (mai 1854), est censé valoir 13 millions, et
après versement intégral des actions, en vaudra 19. C'est
donc pour une différence en plus de 1,380,000 fr., en prenant
la cote de la Bourse pour argent comptant , que la Compagnie
de Dijon à Belfort s'est vendue : moins de 42 fr. par action.
Pour la Compagnie de Lyon, au contraire, l'affaire se
résume dans un boni de 5,370,000 fr., plus les avantages
des lignes concédées à la Compagnie de Dijon à Belfort, et
des nouvelles lignes imposées, comme condition de son
acquiescement, par le ministre des travaux publics, à la
Compagnie de Paris à Lyon.
Ces nouvelles lignes sont : 1° un chemin de fer de Cha-
lon-sur-Saône à Dôle; 2" un chemin de fer de Bourg à Lons-
le-Saulnier^ 3° un chemin de fer de Lons-le-Saulnier à
Besançon ou Dôle, ou tout autre point intermédiaire entre
Chàlon et Besançon.
Toutes ces lignes comprennent un développement de
.396 kilomètres.
La dépense de ce réseau partiel est évaluée à 90 millions;
— 330 —
le luodnit brni, ;i 8,207,000 fr., lo produit ncl à 4,924,200 fr.
Pour faire face à ces dépenses, rassemblée générale du
20 avril 1854 a autorisé le conseil d'administration à con-
tracter un nouvel emprunt de 75 millions, an mieux des
intérêts de la Compagnie.
Ainsi, par un judicii ux calcul, la Compagnie aime mieux
s'adresser, pour Tachèvement de ses travaux, à l'obligation
qu'à ractiou. L'iîclion, ce n'est déjà plus que le gage de
l'obligation-, et l'idéal du système serait, en substituant peu
à peu le prêt à la commandite, d'obtenir des dividendes très-
réels à de soi-disant actionnaires qui, sans verser un cen-
time, n'auraient eu que la peine de donner leur signature.
't" Chemin de fer de Dôle ù Salins: rachat.
Cette ligne fut concédée le 12 février 1852 à M. Grimaldi,
agissant tant en son nom que comme mandataire de la So-
ciété des Salines de l'Est.
Parcours : 38 kilomètres.
La Compagnie devait construire le chemin à ses frais dans
nn délai de trois ans. L'État garantissait pendant 50 ans
4 0/0 d'intérêt du capital de 7 millions, et devait entrer,
après 15 ans, en partage des bénéfices au delà de 8 0/0.
La Compagnie de Paris à Lyon ayant reconnu l'impor-
tance, pour ses communications avec la Suisse, de faire de
ce tronçon une tête de ligne, en demanda le rachat aux inté-
ressés, et par acte du 10 août 1855, il lut convenu :
« Que la Compagnie acquéreur serait, à partir du l*^"" août 1 853,
purement et simplement substituée, tant activement que passive-
ment, en ce qui concerne le chemin de fer de Uôie à Salins, aux
lieu et place de l'ancienne Société des salines de l'Est.
« La Compagnie de Paris à Lyon s'engage envers la Compagnie
venderesse :
« 1» A lui remettre 10,000 de ses obligations portant 15 fr. d'in-
térêt, remboursables à 500 fr. en 99 ans, et, de convention ex-
presse, admises réciproquement sur le pied de 2S0 fr. l'une, pour
une valeur de ... , 4,480,000 fr. »
« 2° A lui payer la somme de 1,917,736 IG
« 3° A lui payer la somme de 681,524 80
— 331 —
l'ormant compensation de la dilîéience do valeur résuilant de la
diiïérence d'amortissement sus-indiquée.
« Soit ensemble, valeur du 1" août 18o5, et sauf décompte
d'intérêts à -i 0/0 l'an, 7,079,260 Ir. 96 c.
« La Compagnie acquéreur s'engageant à payer en outre quel-
fpies sommes dues pour travaux ou appointements courus pendant
le mois de juillet précédent. »
L'arrêté ministériel, en date du 5 avril ISôG, portant
approbation des conventions ci-dessus, stipule que les
caliiers des charges, les garanties d'intérêt, l'éventualité de
partage des bénéfices avec l'État, la durée des concessions,
seront identiques pour la ligne principale, les lignes fusion-
nées et les embranchements.
Par convention du 31 janvier 1855, la Compagnie de Paris
à Lyon entre pour un tiers dans l'entreprise du chemin de
fer de Lyon par le Bourbonnais.
Elle est associée pour un cinquième dans l'exploitation du
chemin de Ceinture.
ÉTAT FLVAXCIER DE LA COMPAGNIE.
D'après les Documents statistiques^ les dépenses faites et
à faire par la Compagnie de Paris à Lyon s'élèvent (compte
au 30 juin 1855) à 408,842,177 fr. La part contributive de
l'État est de 61,046,964 fr., soit environ 15 0/0.
Les Actions sont au nombre de 265,000, libérées à 500 fr,,
représentant un capital de 132,500,000 fr.
Les échéances semestrielles ont lieu le V^ janvier et le
1" juillet.
Les Emprunts se composent :
1" De 80,000 obligations de 1,050 fr., émises en 1852 et
1854, remboursables à 1,250 fr., de 1856 à 1905, 50 fr. d'in-
térêt payable en aviil et octobre.
2" De 100,000 obligations émises en 1855 cà290 fr., rem-
boursables à 500 fr. en 99 ans; 15 fr. d'intérêt payable en
avril et octobre.
Le Rapport du 26 avril 1856 étaldit comme suit le fonds
social de la Compagnie :
- 332 —
rapital d'actions. 132,500,000
Piodiiit des 80,000 obligations à 1,050 fr, . 83,9G8,170
— des 100,000 ojjligalions à 290 fr. , . 29,000,000
Total des obligations. . . . 112,908,170 112,968,170
Total par la Compagnie 245,468,170
Subvention en travaux par l'État 61,046,964
Ensemble 300,515,134
REVENU DES ACTIONS.
1852 : 14 »» 1833 : 31 25 1854 : 65 »» 1855: 82 50
La hausse a, comme toujours, salué la bienvenue des ac-
tions nouvelles, qui se sont cotées, en 1852, jusqu'au-dessus
de 1,000 fr. Elles se sont constamment maintenues au-des-
sus du ])air. Le trafic énorme qu'ont développé sur cette
ligne les transports de l'armée d'Orient a soutenu ses titres
pendant la crise de la guerre, et ses actions se sont cotées
jusqu'à 1,000 fr, en 1854, alors que toutes les autres valeurs
étaient en désarroi. Depuis 1856, elles ont dépassé 1,500 fr.
L'assemblée générale se compose de tous les propriétaires
de 40 actions.
CHEMIN DE FER DE PARIS A LYON PAR LE BOUR-
BONNAIS.
(Administration: Paris, 19, rue des Capucines.)
Cette nouvelle ligne a été concédée à un Syndicat formé
des trois Compagnies de Paris à Lyon, d'Orléans et du
Grand-Central. Elle se compose des sections suivantes ;
Jiiviisy à Corbeil (construite) ;
Corbeil et Moret à Nevers (à construire) ;
Nevers à Roanne (consti-uite entre Nevers et Saint-Germain-des-Fossés);
Roanne à l.yon par Tarare (à construire) ;
Embranchement de Saint-Germain à Vichy (à construire).
La longueur concédée est de 670 kilomètres, dont 265 en
exploitation
- 333 —
Lyon à Roannp 160 kilomèlres.
Nevers à Saint-Germain 105
Jiivisy à Corbeil 10
La convention intervenue entre les parties contractantes,
le 31 janvier 1855, approuvée par décret du 7 avril, contient
les stipulations suivantes :
La Compagnie d'Orléans cède au Syndicat :
V La section construite et exploitée de Juvisy à Corbeil,
moyennant 12,000 fr. de rente par kilomètre, moins une re-
tenue de 1,200 fr. par kilomètre pour le matériel roulant.
2" La section construite de Nevers à Saint-Germain-des-
Fossés, et celle à construire de Saint-Germain cà Roanne,
moyennant une rente de 15,000 fr. par kilomètre, moins une
retenue de 1,500 fr. par kilomètre pour le matériel roulant.
La Compagnie d'Orléans reste chargée de l'achèvement des
travaux entre Nevers et Roanne.
Le Grand-Central cède au Syndicat les chemins de Rliône-
et-Loire, aux charges et conditions où il les possède lui-même,
et recevra 131,007 obligations de 500 fr. à 3 0/0 en rempla-
cement de celles qu'il a émises lui-même pour la reconstruc-
tion des chemins cédés.
La totalité du capital nécessaire h l'exécution du chemin
et au rachat des sections cédées sera réalisée en obligations
de 500 fr. à 15 francs d'intérêt.
.La prise de possession des sections exploitées a eu lieu le
!'"■ janvier 1856, sauf pour celle de Juvisy à Corbeil, qui
s'elTectuera lors de Touverture de la ligne de Corbeil à Ne-
vers.
La section de Paris à Juvisy reste à la Compagnie d'Or-
léans, et celle de Paris à Moret, à la Compagnie de Lyon.
Les trois Compagnies s'engagent à construire et exploiter
à frais et profits communs, le chemin de Moret et de Corbeil
à Nevers dans le délai de six ans, celui de Roanne à Lyon di-
rect dans le délai de huit ans.
La Société sera administrée par un conseil de douze mem-
bres, pris en nombre égal dans le conseil de chaque Com-
pagnie.
19.
— 334 —
Le partage des produits de loiile nadire résultant des
rapports directs entre Paris et Lyon, quelle que soit la ligne
parcourue, aura lien de la manière suivante :
Du !"■ janvier 1856 jusqu'à Touverlure de la section de
Saint-Germain à Uoainie, 3/i pour la Compagnie de Lyon;
1/4 pour le Syndicat; 2° de l'ouverture de la section précé-
dente à celle de la section de Roanne à Lyon, 2/3 pour la
Compagnie do Lyon, 1/3 poin" le Syndicat; 3" après l'ouver-
ture de la section de Roanne à Lyon par Tarare, 1/2 à la
Compagnie de Lyon, 1/2 au Syndicat.
La Compagnie d'Orléans cède au Grand-Central, moyen-
nant luie rente de 12,000 fr, par kilomètre, sous déduction
de 1,200 fr'. par kilomètre pour le matériel roulant, la ligne
de Saint-Germain à CIcrmont, dont elle achèvera les tra-
vaux.
Les chemins de fer de Rhône-et-Loire, absorbés par la
Compagnie nouvelle, sont les plus anciens de France; ils
formaient autrefois trois Compagnies': de Saint-Étienne à
Lyon , de ^aint-É tienne à la Loire et à' Andresieux à
Roanne ; ils étaient concédés à perpétuité.
Par suite d'une convention intervenue, le 17 mai 1853,
entre le gcuvernement et MM.deMouchy,B. Fould, Dcs-Arts,
Si^guin, Delahante, ils furent réunis en une seule Compagnie
constituée pour 99 ans à partir du 17 mai 1857. La Société
nouvelle doit rembourser les anciennes au moyen d'actions
à créer et d'obligations; elle se substituait activement et
passivement à leur lieu et place.
Par décret du 26 décembre 1853, les chemins fusionnés
de Rliône-et-Loire furent réunis au Grand-Ctniral, qui,
pour subvenir aux charges imposées par le rachat et la re-
construction de ces lignes, émit les 131,007 obligations dont
il est parlé dans les conventions du 31 janvier 1855.
Ci'est maiiîlenant h la CiOmpagnie de I,you-Bourbonnais
que sont dévolus les droits et obligations de la Compagnie
cédante. Voici les clauses principales :
La Compagnie s'engage à exécuter les travaux de rectifi-
cation et d'amélioration des lignes réunies; — elle s'engage
— .335 —
à rembourser en 1 rente annuilés le prêt de 4 millions con-
senti par l'Étal à la Compagnie d'Andrezieux à Roanne.
L'Étal garantit pendant 50 ans, à parlirdu T' janvier 1853,
le payement d'annuités, qui seront de 3,628,000 fr. à dater
de 1857, en représentation du revenu des lignes rachetées.
Cette garantie s'applique au service des emprunts contractés
par les anciennes Compagnies, ainsi qu'aux obligations
créées pour leur liquidation.
La Compagnie de Saint-Élienne à Lyon a reçu, en échange
de ses actions, 94,974 obligations remboursables à 625 fr. ;
25 fr. d'intérêt; — celle de Saint -Etienne à la Loire,
7,240 obligations de 625 fr., dont l'intérêt n'est de 25 fr.
qu'à dater de 1857: — celle d'Andrezieux à Roanne, 11,600
obligations de 500 fr. 3 0 0.
ÉTAT FIXAXCIER DE LA COMPAGNIE.
Les dépenses faites et à faire s'élèvent approximativement,
d'après les Documents statistiques, à 261,663,852 fr. La sec-
tion de Nevers à Saint-Germain-des-Fossés, cédée par la
Compagnie d'Orléans, était dotée de 36,401,000 fr. qui re-
présentent la part contributive de lÉtat dans les dépenses
delà Compagnie nouvelle, soit environ 14 0 0.
La Compagnie de Lyon-Rourbonnais, étant substituée ac-
tivement el passivement aux lieu et place du Grand-Central,
reconnaît les dettes contractées par les chemins de Rhône-
el-Loire, ainsi que les obligations créées pour leur liquida-
tion, savoir :
l** Emprunt 3 0 0 de Rhône-et- Loire. — 63,643 obligations
remboursables à 500 fr. (de 1854 u 1952i: 15 fr. d'intérêt
payables en janvier et juillet.
2° Emprunt 4 0 0 de Rhône-et-Loirc. — 102,614 obliga-
tions rembqursables à 625 fr. (de 1854 à 1952) ; 25 fr. d'in-
térêt aux mêmes échéances.
L'intérêt el l'amortissement de ces emprunts sont compris
dans les annuités garanties par l'Etat pour 50 ans.
3'* Emprunts o"o dit Grand-Central. — 131,307 obliiza-
tions remboursables à 500 fr. (^de 1855 à 1953): 15 fr. d'in-
_ ;i36 —
térêl, mêmes échéances. L'échange de ces titres a lieu au
pair contre ceux de la Compagnie du Bourbonnais.
La Compagnie a émis en outre, dansle courant d'avril 1 856,
186,000 obligations, remboursables à 500 fr. (de 1856 à
1953); 15 fr. d'intérêt payables en janvier et juillet. Elles
ont été négociées à 285 fr. avec jouissance du 1"' janvier
précédent; elles sont complètement libérées.
La Compagnie n'a pas d'actions; tout son capital doit être
formée par voie d'EMPRUNT. Ses obligations sont garanties
solidairement par les trois Sociétés d'Orléans, de Paris-Lyon
et du Grand-Central.
La convention des 2 février et 6 avril 1855 a étendu à la
participation des Compagnies de Paris à Lyon et du Grand-
Central dans la Société du Bourbonnais le partage des béné-
fices entre TÉtat et ces Compagnies, au delà de 8 0 0.
CHEMIN DE FER DE LYO\ A LA 31ÉDITERRAXÉE.
(Compagnies {usionnées.)
(Administration: Parie, 23, rue LaffiUe.)
Sous cette nouvelle dénomination sont groupées les an-
ciennes Compagnies de Lyon à Avignon, d'Avignon à
Marseille, du Gard, de Montpellier à Celte, de Montpellier à
Nimes.
Le réseau comprend 619 kilomètres, dont 550 en exploi-
tation.
Lyon à Marfeille. 350 kilomètres.
RognacàAix 27
Tarascon à Celte 105
Nîmes à Alais 50
Mais à la Grand'Combe 18
A construire :
Marseille à Toulon 69
HISTORIQUE.
1" Le chemin de fer de Lyon à Avignon, commencé en
exécution de la loi du 16 juillet 1845, fut adjugé une pre-
— 337 —
mière fois le 10 juin 1846 à la Compagnie Talabot, pour une
durée de 44 ans 298 jours. Les travaux furent abandonnés,
comme ceux de Paris à Lyon, en 1848, et repris par FÉtat.
— Le 3 janvier 1852, une nouvelle adjudication fut accordée
à iMM. Génissieu, lioigues, E. Blount, Drouillard, Benoist, etc.
Durée de la concession, 99 ans-, subvention, 49 millions; ga-
rantie par TÉtat de 5 0 0 d'intérêt et d'amortissement d'un
emprunt de 30 millions à contracter par les adjudicataires.
— Enfin, le 15 juillet 1852, un traité de fusion vint encore
changer les conditions de propriété du chemin, comme nous
le verrons tout à Iheure.
2" La ligne d'Avignon à Marseille, d'un parcours de
120 kilomètres, est devenue tristement célèbre dans This-
toire des folles dépenses et des gaspillages. Elle fut concédée
le 12 juin 1843 à MM. Talabot, Ricard, Chaponnière et Rey
de Foresta, pour 33 ans. Le gouvernement accorda aux adju-
dicataires une subvention de 32 millions, et prit en outre à
sa charge toutes les dépenses d'expropriation, réglées depuis
à 10 millions. — Le 13 novembre 1847, la Compagnie obtint
l'autorisation de contracter un emprunt de 20 millions. Le
10 mai 1850, elle fut de nouveau autorisée à emprunter
30 millions avec garantie par l'État de 5 0 0 d'intérêt et
d'amortissement. Son capital était de 20 millions. Ce qui
porte le prix de revient des 120 kilomètres à 112 millions
environ.
Soit 925,000 fr. par kilomètres! La moyenne des autres
lignes est de 391,000 fr.
Les actions n'ont jamais rien produit; nous verrons plus
loin les conditions du rachat par la Compagnie fusionnée,
3^* Le chemin d'Alais à Beaucaire fut concédé à perpé-
tuité, le 29 mai 1833-, celui d'Alais à la Grand'Combe le fut
pour 99 ans (21 mai 1836). Capital social, 16 millions; em-
prunts, 9 millions.
4" Le chemin de Montpellier h Cette fut concédé le
9 juillet 1836 pour 99 ans. Capital, 3 millions; emprunts,
1,300,000 fr.
5" Le chemin de Montpellier à ISimes, propriété de l'Étal,
— .338 —
fut affermé pour 12 ans, le 22 avril 1845, moyennant une
somme annuelle de 381,000 fr., sans préjudice de 30 0 d'in-
térêt du matériel d'exploitation, estimé 900,000 fr.
Fusion. — Voici maintenant à quelles conditions ces lignes
sont entrées dans la fusion (1852). C'est la Compagnie de
Lyon à Avignon qui stipule comme acquéreur.
1" La Compngnie de Marseille à Avignon recevra, pour
prix de la cession de ses droits, 40,000obligationsde625 fr.,
remboursables en 99 ans à dater du 3 avril 1855. Cliaque
obligation portera 15 fr.» d'intérêt du 1" octobre 1852 au
1" octobre 1857 ; 20 fr. de celte dernière époque au 1" oc-
tobre 1864, et 25 fr. depuis 1804 jusqu'au complet rembour-
sement. Les actioimaires pourront souscrire dans la nouvelle
Compagnie 20,000 actions aux mêmes conditions que les
fondateurs.
2" Les Sociétés du Gard (chemin d'Alais à Beaucaire et à
la Grand'Combe) recevront ime anniiilé de 1,200,000 fr.,
représentée par 30,000 obligations produisant 40 fr. d'inté-
rêt, remboursables à 1,000 fr., en 99 ans, qui courront du
3 avril 1845. Cette annuité pourra s'augmenter de 50,000 fr.
par an jusqu'à concurrence de 1,450,000 fr., lorsipie les
chemins de l'Hérault et du Gard auront pioduit 100,000 fr,
de plus la dernière année (]ue L'année précédente. — La con-
cession perpétuelle d'Alais à Beaucaire prendra fin avec la
concession générale.
3*^ Le chemin de Montpellier à Cette est cédé moyennant
une annuité de 260,000 fr., représentée par 13,000 obliga-
tions à 20 fr. d'intérêt, remboursables à 500 fr., en 99 ans,
à partir du 3 avril 1855.
4^ Le chemin de Montpellier cà Nimes, propriété de l'État,
est concédé gratuitement. Quant à la Compagnie fermière
de l'exploitation, elle recevra nue indemnité de 500,000 fr.,
représentée par 625 obligations à 40 fr. d'intérêt, rembour-
sables ta 1,000 fr., en 99 ans, à dater du 3 avril 1855.
Le traité du 15 juillet 1852, portant approbation des con-
ventions précédentes, contient les clauses qui suivent :
— 339 —
La Compagnie de Lyon à la Méditerranée devra a(Vecler
une somme de 5 millions à l'achèvement des chemins de la
rive droite du Kliône. L'embranchement d'Aix sera exécuté
par la Com|)agnie, niovcnnant 1 million de subvention par
cetteville. Celui de Marseille à Toulon le sera par l'Ktat, dans
les conditions de la loi du 1 1 juin 1842. La moitié des béné-
fices excédant 8 0,0 ap|)arliendra an Trésor.
La Société des Mines de la dandCombe s'engage à ré-
duire de 5 fr. par tonne les houdles qu'elle doit fournir à
l'Étal en exécution de la loi du 17 juillet 1837, et à proroger
jusqu'au 24 juillet 1864 la période pendant laquelle cette
condition est obligatoire.
De son côté, le gouvernement garantit à la Compagnie de
Lyon à la Méiliterranée : 1° une somme annuelle qui ne peut
dépasser 2,735,000 fr. pour l'exécution des engagements
conlractésavec les Compagnies faisant cession de leurs droits;
2° A 0,0 pendant 50 ans des sommes dépensées par la Com-
pagnie pour Icxécution des trivaux à la charge du Trésor,
sans que le capital puisse excéder 31 millions : 3° 5 0/0 d'in-
térêt et amortissement, pendant 99 ans, de l'emprunt de 30
millions garanti pour 33 ans à l'aneieiine Compagnie d'Avi-
gnon à Marseille. — L'État fait abandon de son chemin de
>'imes à Montpellier. — La concession est de 99 ans à dater
de l'achèvement des travaux.
La Compagnie de la Méditerranée, par traité du 20 mars
1855, a pris à bail, pour dix ans, l'exploitation du chemin
de ier de Bességes à Alais. — Par convention en date du mois
de détcnibre 1855, elle doit se fusionner avec la Compagnie
de Lyon à Cenève. Ce traité, qui n'est pas encore définitif,
n'aïuaild'cllélqu'à dater de 18(50. — Nous reparlerons de ces
conventions dans les paragraphes consacrés aux Compagnies
intéressées.
J/assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.
i':tat riNANCir.u de la compagnie.
Les Documeni s statistiques évaluent à 297,266,734 fr. les
dépenses d'établisscmenl faites et à faire sur cette ligne. Nos
— 340 —
chiffres, sauf erreur, accuseut un capital engagé do 317 mil-
lions; le lecteur appréciera.
Les Subventions de l'État s'élevaient ù 136 millions ,
savoir :
A la Compagnie de Marseille à Avignon. . . . SOiOTfi.TCS
Chemin de fer de Monipellier à Nîmes .... 14,709,157
Lyon à Avignon et subventions nouvelles. . . 81,!)3f),ii5S
Total 136,621,483
Subvention de la ville d'Aix 1,000,000
Ensemble 137,621,483
Des remboursements par la Compagnie ont réduit la part
contributive du Trésor à 125,171,000 fr.; soit, avec la sub-
vention de la ville d'Aix, 126,171,000 fr., ou 42 0/0.
Les Actions sont au nombre de 90,000, libérées de 500 fr.,
représentant un capital de 45 millions. — Échéances semes-
trielles, avril et octobre.
Les Emprunts affectés, tant à la liquidation des Compa-
gnies rachetées qu'aux travaux, sont au nombre de trois; ils
sont remboursables en 99 ans, de 1856 à 1954 ;
1" 120,000 obligations, émises en 1852, à 500 fr., rembour-
sables à 625; 25 fr. d'intérêt payables en avril et octobre;
2° 182,333 obligations, émises en 1853, à 350 fr., rem-
boursables à 500; 15 fr. d'intérêt (janvier et juillet);
3" 82,666 obligations, émises en 1855, à 280 fr., rembour-
sables à 500; 15 fr. d'intérêt (janvier et juillet).
Les sommes engagées dans le réseau de Lyon à la Médi-
terranée se répartissent donc comme suit :
Capital d'actions 45,000,000
1" emprunt 02,534,282
2'= — (obligations de rachal) 60,751,622
3= — 22.932,137
Total des obligations. . . I46,2l8,0'il 140,218,041
Total par la Compagnie ', . . 191,218,041
Subvention de l'Élat et de la ville d'Aix 126,171,000
Ensemble 317,389,041
- 341 —
Sur ces 317 millions, 45 seulement appartiennent aux
actionnaires, moins d'un septième. C'est une somme de
271 millions que l'État et les capitalistes mettent à la dis-
position de cette élite de propriétaires, afin d'aider à la
prospérité de leur entreprise; 12G millions sont abandonnés
à titre gratuit par l'État, qui garantit de plus l'intérêt à
5 0 0 d'un partie des emprunts; 146 millions sont fournis
par les porteurs d'obligations, en échange d'un revenu fixe
de 5 0/0 et d'une prime de remboursement : tout cela pour
que les actionnaires touchent un revenu de 86 fr., comme en
1855 5 pour que les actions se cotent à 1,800 et 1,900 fr.,et
qu'on dise : Voilà les merveilles de la finance, tant honnie,
tant décriée 1
Eh bien! oui, voilà les monstruosités, l'opprobre, la con-
damnation du système; voilà la finance prise en flagrant
délit d'accaparement, de razzia sur les fonds des contribua-
bles et des particuliers. Une poignée d'actionnaires dispose,
comme de sa propriété privée, d'une valeur de 317 millions
oîi elle n'a pas un septième d'engagé. Les porteurs d'obliga-
tions , trois fois plus intéressés qu'elle dans l'affaire, sont,
comme l'État, rançonnés, réduits à la portion congrue,
chassés des conseils et des délibérations. Tels sont les résuU
tats du crédit démocratisé de la secte saint-simonienne.
« Ce résultat, dit le Rapport, est des plus satisfaisants, puis-
qu'il s'applique à une première année d'exploitation, surtout si
Ton considère que la ligne de Lyon à Avignon n'a été exploitée en
entier, pour la grande vitesse, qu'à partir du IG avril, et pour
la petite vitesse, qu'àpai'tir du 3 septembre. »
C'est fort heureux qu'à ce prix ces Messieurs se déclarent
satisfaits. Que pourrait-on leur donner de plus?
La ligne de la Méditerranée va donc être classée parmi les
meilleures ; et c'est ce qui prouve que le public ne sait pas
un mot des cliemins de fer et de leur rendement. Il ne con-
naît que deux signes : le dividende, 86 fr., et la cote des ac-
tions, 1,800 à 1,900 fr. Analysons les chiffres, pour son édi-
fication.
Ce dividende provient d'un modeste excédant de 7,005,485
— 342 —
fr. 48 c-, une somme de 435,485 fr. 48 c. est portée à la ré-
serve. Mais il n'est encore fait, ancimc retenue pour le renou-
vellement de la voie et du mulériel.
Nous croyons, dit le Rapport, que la prudence nous impose
l'obligation de créer une léscrve spéciale en provision du renou-
vellement de la voie en fer. Mais nous nous bornons, pour cette
première année, à poser le principe, en en suspendant l'application
jusqu'au règlement de 1836. »
La somme à répartir est de 6,570,000 fr.; soit par action,
73 fr., qui, ajoutés aux 13 fr. d'intérêt déjà soldés, consti-
tuent un revenu de 86 fr. par action, ou 17 fr. 20 0/0.
Les 191 millions fournis par l'industrie (actions et obliga-
tions), ayant préalablement touché l'uilérêt à 4 et 5 0/0, si
ce reliquat de 6,570,000 fr. était loyalement réparti entre
tous les porteurs de titres, au marc le franc, ce serait une
augmentation de 3 fr. 43 0/0 environ, c'est-à-dire un revenu
de 7 à 8 0/0.
Et si les subventions touchaient aussi leur 5 0/0 ! et si
l'on faisait des réserves, au lieu de se borner à en poser le
principe !
En un mot, la meilleure ligne de fer, — d'après cote , —
produit <à peine 5 0/0 du capital engagé; mais elle donne
17 0/0 aux actionnaires. Voilà les prodiges de la finance!
CHEMIN DE FEa DE BESSÉGES A ALAIS.
(Siégi3 social ; Paris, 23, rue LaffiUc.)
Ce tronçon, d'une* longueur de 30 kilomètres, a été con-
cédé, le 8 juin 1854, à MM. de Veau de Robiac, Varin d'Ain-
velle et E. Silhol, pour 99 ans, finissant au 7 juin 1957. La
Société anonyme a été autorisée le 16 août 1 855.
Capital, 4 millions; actions de 500 fr., dont 400 veisés ;
4 0/0 pendant la durée des travaux. — 7,143 obligations,
émises en mai 1855, à 280 fr.- 15 0/0 d'intérêt payables en
avili et octobre -, elles sont remboursables à 500 fr., de 1857
à 1956. — L'assemblée se compose des propriétaires de
10 actions.
— 343 —
Par traité du 20 mars 18r)5, ratifié le 8 octobre, l'oxploi-
talion de lu ligne est airermce i)onr dix ans à la Compagnie
de Lyon à la Méditerranée qui fonrnit le matériel et piélève
50 OyO des receltes bintes, jusqu'à concuirence de 20,000 fr.
par kilomètre, et 33 0;0 sur ce qui excéderait ce chillre. Le
minimum de ce prélèvement est fixé à 270,000 fr., et la
Compagnie de Bességcs lient compte en outre de 90,000 fr.
par an pour loyer du matériel.
CHEMIN DE TER DE LYON A GENÈVE.
(Administration : Paris, 23, rue Laffilte.)
Cette ligne a été concédée, le 30 avril 1853, à MM. Bar-
Iholony, Benoist d'Azy, duc de Galbera, Blount, Jayr, etc.,
aux-condilions suivantes :
Le gouvernement bançais accorde aux concessionnaires
une subvention de 15 millions, et le gouvernement suisse
une subveiilion de 2 millions. La garantie d'intérêt par TÉtat
est de 3 0;0 d'un capital de 50 millions. Concession de 99 ans,
qui courront dir 1" mai 1859. Après louverlure de la ligne
entière, l'État entrera en partage des bénéfices excédant
8 0,0 du capital dé|)ensé par la Compagnie. Les actions joui-
ront d'iui intérêt de 4 0/0 du capital versé pendant la durée
des travaux.
La longueur de la ligne est de 216 kilomètres en France et
de 12 en Suisse, ensemble 228, la section de Lyon à Bourg,
par Ambérieux, est en exploitation, 74 kilomètres.
ÉTAT FIXANCIER DE LA COMPAGNIE.
Les Actions sont de 500 fr. dont 375 versés, au nombre
de 80,000, représentant un capital de 40 millions.
Il a été émis, en 1853, 87,719 Obligations, au cours de
285 fr., remboursables à 500 (de 1855 à 1954): 15 fr. d'in-
térêt (janvier et juillet). Il doit y avoir un deuxième emprunt
de 20 millions.
Les Subventions sont de 17 millions.
— 344 -
Ce qui établit ainsi le capital actuel de la Compagnie :
Actions 40,000,000
Obligations 25,000,000
Total par l'industrie privée 05,000,000
Subvenllons (suisse et française) 17,000,000
Ensemble 82,000,000
Par convention du 8 décembi-e 1855 avec la Compagnie
du chemin de fer sarde Victor-Emmanuel, les deux lignes
doivent se raccorder à Culoz.
Par convention du 8 décembre 1855 avec la Compagnie
de Lyon à la Méditerranée, ces deux entreprises doivent se
fusionner en une seule, deux ans après leur mise en exploi-
tation totale de la ligne de Genève, c'est-à-dire vers 1860. Le
capital sera partagé entre les deux Compagnies au prorata
des produits nets de l'exploitation pendant lexercice qui
précédera la fusion. — La ligne de Genève n'étant qu'à ses
débuts, sa recette brute sera comptée avec 36 0/0 d'aug-
mentation ; le produit net sera évalué pas une déduction
fixe de 40 0 0 du produit brut.
Ces deux conventions n'ont pas encore reçu l'approbation
du gouvernement.
CHEMIN DE FER DE SAINT-RA3IBERT A GRENOBLE.
(Siège social: Paris, 31, rue Lepelletier.)
Cette ligne, destinée à relier Grenoble et Valence à Lyon ;
a été concédée le 7 mai 1853 pour 99 ans, qui finiront le 30
avril 1958. Parcours, 92 kilomètres, dont 56 en exploitation.
Subvention de l'État, 7 millions; garantie de 3 0 0 d'in-
térêt pendant 50 ans, sur un capital de 25 millions. Après
l'achèvement des travaux, l'État vient en partage des béné-
fices excédant 8 0,0 du capital dépensé.
Capital, 25 millions; 50,000 Actions de 500 fr. dont 300
versés; — 4 0 0 pendant la construction.
La concession s'est augmentée en 1856 des lignes directes
— 345 -
de Lyon à Grenoble et tic Valence à Grenoble, qui portent
l'étendue du réseau à 260 kilomètres. Les conditions de sub-
vention et de garantie du capital de 25 millions sont appli-
cables à l'ensemble des trois lignes. — Le capital doit être
porté à 75 millions, la Compagnie doit prendre le nom de
Compagnie du Rhône aux Alpes.
CHEMIN DE FER DE PARIS A ORLEANS ET SES
PROLONGEMENTS.
(Coiu|iagnies fiisîonuv<'S4] '
{Admirtislration : Pari?, Il, rue de la Cliaussée-d'Anlin.)
Cette Compagnie se compose des anciennes sociétés de
Paris à Orléans, du Cenire, d'Orléans <à Bordeaux, de Tours
à Nantes, réunies par le décret de fusion du 27 mars 1852.
Depuis cette époque, elle a subi, quant à ses concessions,
de nombreux remaniements que nous mentionnejons dans
riiistorique. Voici l'étendue de son réseau en 1856 :
En exploitation, d'après V Indicateur des Chemins de fer,
1,239 kilomètres :
Paris à Bordeaux 682 kilomètres.
Poitiers à Niort 78
Tours à Nantes 195
Orléans à. Limoges 282
Vierzon àNevers 102
En construction, d'après les Documents statistiques,
517 kilomètres :
Tours au Mans _ _ 88
Nantes à Saint-Nazaire 58
Savenay à Cliàleauiin et embranchement. . . . 285
Niort à La Roclielle et IJoeheforl 86
Soit un développement total de 1,756 kilomètres, que
l'annexion du cbemin de fer de Sceaux et Orsay portera pro-
cliainement sans doute à 1,781; car il ne manque plus au
contrat d'acquisition de cette ligne que la sanction du gou-
vernement.
— 346 —
HISTORIQUE.
l" Ligne principale.
La ligne de Paris à Orléans est la première de quelque
importance qui ail été ouverte auloiu' de Paris. La construc-
tion en fut concédée, le 7 juillet 1838, à M^L Casimir Le-
comte et C'*^ pour une durée de 70 ans, portée quelque
temps après à 99, à partir du 15 juillet 1840. La Société
anonyme, autorisée par ordonnance du 13 août 1838, Cut
constituée au capital de 40 millions, divisé en 80,000 ac-
tions de 500 fr. Les concessionnaires n'avaient reçu ni sub-
vention ni garantie; cependant leur capital de fondation
paraissant devoir être insuffisant, ils demandèrent et obtin-
rent, par la loi du 15 juillet 1840, que l'État leur garantît
un minimum de 4 0/0 d'mlérêt pendant 46 ans 324 jours, à
la charge par eux d'employer annuellement 1 0/0 à l'amor-
tissement du capital social.
Le 22 octobre 1842, la Compagnie fut autorisée à émettre
8,888 obligations, remboursables à 1,250 fr. et portant in-
térêt à 4 0/0. Un autre emprunt de 10 millions fut également
consenti par délibération de l'assemblée du 8 mars 1847.
La ligne de Paris à Orléans ne fut bientôt plus qu'un tron-
çon devant les prolongements que lui assigna la loi de 1842.
Elle devint la tête des chemins de Nantes, de Bordeaux et
du Centre, d'un parcours de plus de 1,500 kilomètres. Aussi,
malgré les emprunts, les actions montèrent-elles au qua-
druple de rémission. Cette grande prospérité n'a pas em-
pêché la Compagnie de solliciter une augmentation de bail
et d'autres avantages, comme nous le verrons plus loin.
2' Prolongements.
1" Le chemin d'Orléans à Bordeaux fut adjugé, le 9 octo-
bre 1844, à MM. Laurent, Luzarches et Mackensie, pour
27 ans 278 jours. Le maximum de durée fixé par la loi était
de 41 ans 16 jours. La Société anonyme, autorisée par or-
donnance du 16 mai 1845, se constitua au capital de 65 mil-
lions, divisé en 130,000 actions de 5C0 fr.
— 347 —
Les travaux de la ligne devaient être exécutés suivant la
loi de juin 1842. La loi du 6 août 1850 apporta une première
modification au cahier des charges en prorogeant jusqu'à
50 années la durée de la concession. Moyennant quoi la Com-
pagnie s'engageait à terminer à ses frais les travaux et à
hâter d'un an la pose de la voie et l'ouverture de la ligne.
2" Le chemin de Tours à Nantes, exécuté également selon
les principes de la loi de 1842, fut mis en adjudication le
25 novembre 1845. Le maximum de la concession était de
35 ans. Deux Compagnies se présentèrent. MM. O'Neill,
Mackensie, Dufeu, Brouillard, etc., furent déclarés adjudi-
cataires pour 34 ans 15 jours.
La loi du 6 août 1850, dont nous venons de parler, vint
porter à 50 ans la durée de l'exploi talion , aux mêmes clauses
que pour la Compagnie de Bordeaux. La Société anonyme ,
autorisée par ordonnance du 17'décembre 1845, était au
capital de 40 millions, divisé en 80,000 actions de 500 fr.
3" Le chemin du Centre, allant d'Orléans à Vierzon avec
embranchement sur Nevers et Limoges, construit également
aux frais de l'État, fut concédé pour 39 ans 11 mois, le
9 octobre 1844, à une Compagnie formée des administra-
teurs du chemin de fer d'Orléans. La Société anonyme, au-
torisée par ordonnance du 13 avril suivant, porta son capi-
tal à 33 millions, divisé en 66,000 actions de 500 fr.
- 3° Fusion.
Le décret du 17 mars 1852 vint autoriser la réunion de
ces quatre entreprises en une seule. La cession au prolit de
la Com[tagnie d'Orléans des droits des trois autres se Ht aux
conditions suivantes :
« 18 mars, La Compagnie du centre recevra une action entière-
ment libérée de la Conipagiiie de Paris à Orléans contre deux
actions du clieniin du Centre entièrement libérées, soit 33,000 ac-
tions contre 6G,U00.
« IS murs. La Compagnie de Tours à Nantes recevra une action
entièrement libérée frOrléaris contre quatre actions du chemin de
Tours à Nantes, libérées de 42j fr., soit 20,000 actions contre
80,000.
— 348 —
(( 20 mars. La Coii)i»agiii(^, d'Orléans à Bordeaux recevra une ac-
tion entièrement libérée de Paris à Orléans contre trois actions
du chemin d'Orléans à Bordeaux, libérées de 275 IV., soit 43,334
actions contre 130,000.
« Les actions anciennes et les actions nouvelles auront des
droits égaux aux intérêts et aux dividendes de l'année 1852. Après
réchange opéré, les actions des Compagnies rachetées seront dé-
truites. »
L'échange des actions, par suite de modifications, ne se
fit pas strictement dans les conditions susénoncées. Il fut
accordé :
8 actions nouvelles contre
' 5 anciennes d'Orléane.
1 10 du Centre.
I 15 d'Orléans à Bordeaux.
'20 de Tours à Nantes.
Le nombre des actions se trouva ainsi de 282,134, repré-
sentant un capital de 141,067,000 fr. Afin d'arrondir les
chiirres, il fut créé 17,866 actions nouvelles, représentant
une somme de 8,933,000 fr.
De cette façon, le capital de la Compagnie fusionnée se
trouva porté à 150 millions, représenté par 300,000 actions.
4" Concessions nouvelles et remaniements.
Le décret du 27 mars 1852 concéda à la Compagnie fu-
sionnée :
r Le prolongement du Guétin à Clermont, avec embran-
chement de Saint-Gerrnain-des-Fossés à Roanne;
2» Le prolongement de Cluileauroux à Limoges;
3" L'embranchement de Poitiers sur La, Rochelle et Ro-
chefort.
L'étendue du réseau se trouvait portée ainsi à 1,568 kilo-
mètres. Le décret du 17 août y ajouta ; De Tours au Mans,
88 : de Nantes à Sainl-Nazairc, 58.
Par convention du 14 juin 1855, approuvée le 20, il fut
concédé à la même Compagnie un chemin de fer de Nantes
à Chàteaulin, par Redon, Quimper, Lorient, avec embran-
chement sur Pontivy, 285 kilomètres.
— 349 ~
D'autre part, le conseil d'administration passa avec la
Compagnie d'Orsay une convention , ratifiée le 16 août 1855
par rassemblée générale, pour le rachat de Sceaux et Orsay.
Le réseau comprenait alors 2,026 kilomètres.
Mais la Compagnie d'Orléans ayant cédé : 1*^ au Grand-
Central la section de Saint-Germain à Clermont, 65 kilo-
mètres; 2° au Syndicat de Paris cà Lyon-Bourbonnais les sec-
tions de Juvisy à Corbeil, 12 kilomètres, et de Nevers à
Roanne, 170(1), l'étendue des concessions, au 31 décembre
1855, était réduite à 1,779 kilomètres.
5° Conditions avec l'Élal.
La concession est portée à 99 ans à partir de 1852, et
doit prendre tin au 31 décembre 1950; c'est une prolonga-
tion de :
13 ans sur le chemin de fer d'Orléans,
59 ans sur celui du Centre,
49 ans sur ceux de Bordeaux et Nantes.
Toutes les sections nouvelles sont de même durée.
L'État garantit un minimum d'intérêt de 4 0/0 d'un capi-
tal de 150 millions, pendant 50 ans.
Il renonce à son droit de partage dans les bénélices des
Compagnies du Centre, de Nantes et de Bordeaux.
Les prolongements du Centre seront exécutés dans le sys-
tème de la loi de 1842, sauf déduction de 16 millions à four-
nir par la Compagnie en dégrèvement des charges imposées
au Trésor.
Les départements et les villes intéressés à l'embranche-
ment de Poitiers sur Rochefort et La Rochelle fourniront
une subvention de 4 millions.
L'État accorde une subvention de 25 millions pour lèche-
min de fer de Nantes à Chàteaulin, qui devra être terminé
dans un délai de 9 ans.
Le reste des dépenses à la charge de la Compagnie.
i,l) Voir les Compagnies de Paris à Sceaux, du Grand-CenUal, de Paris
â Lyon par le Bourbonnais, pour les conditions de rachat et de cession.
20
— 350 —
La faculté de rachat réservée au gouvernement ne pourra
s'exercer que quinze ans après Tachèvement de toutes les
sections.
Le transport des dépêches, qui devait être gratuit, sera
payé à la Compagnie à raison de 300,000 fr. par an.
L'assemblée générale se compose des propriétaires de
20 actions.
La Compagnie est intéressée pour un tiers dans le chemin
de Lyon-Bourbonnais, et pour un cinquième dans le chemin
de Ceinture.
ÉTAT riNANCIER DE LA COMPAGNIE.
Les Documents statistiques évaluent les dépenses faites et
à faire à 552,013,575 fr. Ce chilTic nous semble devoir être
de beaucoup dépassé; nous dirons touî à Iheure pourquoi.
Les Subventions en travaux et en argent doivent s'élever à
225,699,000 fr., y compris 4 miliions de subventions lo-
cales et déduction f.iile de la partie des subventions affé-
rentes aux sections cédées à la Com|)agiiie de Paiis à Lyon
par le Bourbonnais : soit une proportion de 41 0/0. — Les
lignes du Centre, d'Orléans à Bordeaux, de Tours à Nantes,
ont été exécutées dans le système de la loi de 1842. Le ta-
bleau 11 des Documents^ colonne 10, subventions en travaux
non remboursables^ porte le chiflre de 247,950,000 fr. Mais
« on espère, dit une note, réduire ces dépenses de quelques
millions, en raison des économies probables. »
Pour la cession au Syndicatde Lyon-Bourbonnais de la sec-
tion de Neversà Saint-Germain , il faut déduire de ce chiffre
les 30,401,000 fr. qui y sont affectés; reste 211,549,000 fr.
Maintenant nous devons ajouter les 25 millions allérents à
la section de Nantes à Chàleaidin , ce qui relève la somme à
236,549,000 fr. La probabilité d'économie serait donc de
11 millions.
Les Actions ont été portées par le compte de fusion à
300,000, représentant un capital de 150 millions; elles sont
— 351 —
de 500 fi'., eomplélement libérées; échéances semestiielles,
avril et octobre.
Les Emprunts sont au nombre de trois, le dernier émis en
trois séries.
r"" emprunt 1812. 8,888 obligations, négoriéosà 1,125 fr.,
remboursables à 1,250, de 1845 à 1891; 50 fr. dinlérôt
(janvier et juillel ).
2° emprunt. 13,333 oblip-afinns, négociées on 1848 à
750 fr., remboursables à 1,250, de 1849 à 1938; 50 fr. d'in-
térêt (janvier et juillet).
3" emprunt. Les obligations portent 15 fr. d'intérêt,
payables en janvier et juillet; elles sont remboursables à
500 fr., de 1855 à 1951 pour les deux premières séries, et à
1950 pour la troisième.
ire série, i852. 150,000 obligations négociées à 340 fr.
2- — 1854. 130,000 — — 275
2« — 1855. 1 50. 000 — — 290
Le Rapport de 1856 établit ainsi la participa^,ion de l'in-
dustrie privée à la composition du capital à la fin de 1855 ;
Capital d'actions 150,000,000
1" emprunt 9,999,000
2« — 9,999,760
3° — en trois séries 129,7(j4,5'»5
Total des obligations . . 149,703,295 149,703,295
Total par l'industrie privée 299,703,295
Par l'Élat, dépenses /aî7ei au 31 décembre 1854 21(j,041,825
Ensemble 510,405,120
Du chiffre de 516,405,120 fr. il faudrait déduire la dépense
aflérente à la section de INevers, distraite de la Compagnie
d'Orléans; il faudrait y ajouter d'autre part les sommes dé-
pensées par l'État en 1855. A défaut de renseignements pré-
cis, nous croyons pouvoir prendre, sans être taxé d'exagéra-
tion , le chifl're de 500 millions comme celui des dépenses
de toute nature engagées dans la Com|)agnie à la (in de 1855.
La longueur exploitée à la même époc]ue était de 1,158 kilo-
mètres. Calculons sur 1,200, afin de laisser à la Compagnie
une marge encore plus favorable. Le coût kilométrique serait
— 352 —
alors de 416,000 fr. L'étendue concédée étant de 1,745 kilo-
mètres, d'après le Rapport du 30 novembre 1856, il resterait
à parfaire 545 kilomètres représentant, à 416,000 fr. par
kilomètre, 226,720,000 fr., dont 200 millions environ à
fournir par la Compagnie.
Le revenu des actions 24,286,176 fr.
et le service des emprunts 5,738,733
portent le revenu de 1855 à .30,024^909^
soit 6 0/0 du capital de toute provenance engagé dans l'en-
treprise. Mais les actions ont touché 16 0/0.
Ce revenu de 6 0/0 est dû à ce que, comme toujours, il
n'est fait aucune réserve pour le renouvellement de la voie
et du matériel sujet à détérioration. Ainsi les rails et tra-
verses de la ligne de Paris à Orléans sont aujourd'hui com-
plètement renouvelés. Le rapport ne dit rien du chiffre de
cette dépense, mais il l'impute complètement au compte de
Premier Établissement.
Les 225 millions de subventions ne touchent ni intérêt ni
amortissement 5 mais les 200 millions que la Compagnie
devra réaliser, — par voie d'emprunt sans doute, — pour
parfaire son réseau , auront droit à un revenu et au rembour-
sement. Les sections inachevées sont les moins productives,
car plus le réseau s'allonge, plus il perd au point de vue du
rendement; et la plupart des embranchements à terminer
sont considérés par la Compagnie elle-même comme des
charges.
Aggravation des dépenses et réduction du produit net,
telle est la perspective, la certitude des actionnaires de l'a-
venir. Ce revenu de 6 0/0 descendra — par les dépenses de
renouvellement des voies, successivement exécuté à Taide
d'emprunts, et par la diminution du produit kilométrique
— à 5, 4, 3, 2 0/0, même à zéro. Les obligations priment les
actions; elles ont privilège sur elles. Elles absorberont tout
le produit net, en attendant qu'elles réclament de l'État
l'exécution de sa garantie d'intérêt. La haute finance le sait ;
elle n'y perdra rien, car elle se met déjà en mesure. Les ac-
tions de chemins de fer sont toutes aux mains des petits ren-
— 353 —
liprs, dont l'apathique confianco ne rossera que devant un
désastre qu'ils auraient pu prévoir.
Nous avons dit les conditions des actionnaires de l'avenir;
les chiffres suivants vont nous montrer celles des action-
naires du passé.
REVENU DES ACTIONS.
Exercices antérieurs à la fusion (ancienne Compagnie d'Orléans).
De 1840 à 18't3, 4 0/0 pendant les travaux.
1844:39 25 184G : Gl »» 1848:42 80 1850:57 75
1845 : 47 30 1S47 : 62 70 1849 : 57 »>> 1851 : 03 50
Exercices postérieurs à la fusion.
1852:48 40 1853:62 10 1854:69».» 1855:80»..
Le capital versé par les actionnaires de l'ancienne Com-
pagnie d'Orléans est de 40 millions. Avant 1852, cette mise
de fonds était représentée par 80,000- actions. Les revenus
cumulés des exercices 1844 et 1851 inclusivement s'élèvent à
431 fr. 30 c. par action, soit pour l'ensemble à 34,504,000 fr.
L'échange s'étant opéré en 1852, à raison de 8 titres nou-
veaux contre 5 anciens, les 40 millions se trouvent repré-
sentés aujourd'hui par 128,000 actions. Les revenus cumu-
lés des quatre exercices 1852-1855 montent à 259 fr. 50 c.
par action, soit pour les 128,000, un total de 33,216,000 fr.
Ainsi les anciens actionnaires dOrléans ont touciié en
douze ans, pour un capital versé de 40 millions :
Avant la fusion 34,504,000 tr.
Après ia fusion 33,216,000
Total 67,720,000
c'est-à-dire un revenu de 5 fr. 77 c. 0 0, plus le rembour-
sement de leur capital. Ils restent copropriétaires, pour
95 ans encore, de tout le réseau concédé.
Si les exercices devaient, comme l'affirment les Rapports,
grossir d'importance d'année en année, en prenant seule-
ment CCS 12 premières annuités comme base du revenu des
actions pour les 95(iui restent à courir, nous arriverions aux
résultais suivants :
20.
— 3:5 1 —
Inléiêts cumulés en 1960 536,110,000 fr.
Amorlisseiuenl à 500 fr. des 128,000 actions 64,000,000
Total GOO,ilG,000
Voilà ce qu'auraient produit en un siècle les 40 millions
primitivement souscrits par les actionnaires de l'ancienne
Compagnie d'Orléans.
La part des Compagnies incorporées, quoique beaucoup
moins brillante, est encore fort belle.
Mais le plus clair profit de tous ces tripotages, c'est la
hausse qui a permis aux financiers de liquider à 5 0/0 et
plus de bénéfice. Pour l'avenir, et dans l'intérêt de leurs
acheteurs, ils ont eu soin de faire garantir par lÉtat 4 0^0
d'intérêt du capital engagé. Ce ne sera pas là une vaine
précaution.
Telle est la justice dislributive de la féodalité capitaliste.
CHEMIN iSe fer GRAND-CENTRAL.
{Siège social: Paris, 10, place Vendôme.)
Le Grand-Central a subi de nombreux remaniements de-
puis sa concession. L'étendue de son réseau, d'après le Rap-
port à l'assemblée du 3 mai 1856, est de 1,349 kilomètres,
dont 140 environ en exploitation.
Concession du 21 avril 1853 : de Clermont à Lempdes; du Lot à
Monlauban ; embranchement sur Marcillac ; de Lempdes à Péri-
gueux , . . . . 314 k.
Concession du 7 avril 1855; de Lempdes à la rivière du Lot; de
Saiut-Étienne à la rencontre de la ligne de Clermont à Montau-
ban; de cette ligne à Périgueux ; de Limoges à Agen ; de Mar-
cillac à Rodez 705
Embranchements sur Tulle, Cahors , Bergerac et Villeneuve-
d'Agen (concession provisoire) 120
Achat à la Compagnie d'Orléans de la section de Saint-Germain
à Clermont 65
Achat de la ligne de Montluçon à Moulins 85
— 355 —
HISTÛRlQtiE.
Ce chemin, destiné à relier Bordeaux et Lyon en passant
par Périgueux, Brives, Aurillac, le Pny, fut coticédé, le
21 avril 1853, pour 99 ans, à MM. de Morny, Lalour-Mau-
bourg, Pourtalès, Hutcliinson, Uziella, etc. Les travaux de-
vaient être exécutés selon le sysième de la loi de 1842, sauf
pour les sections suivantes : de Clermont à Lompdes, de la
livière du Lot à Monlauban, avec embranchement sur Mar-
cillac, et de Périgueux à Coutras.
Le capital était de 90 millions, représenté par 180,000 ac-
tions.
Par décret du 26 décembre 1853, les chemins de fer de
Bhône-et-Loire furent annexés au Grand-Central, puis cédés,
le 31 janvier 1855, par le Grand-Central à la Compagnie de
Paris à Lyon-Bourbonnais (!).
Le décret du 7 avril 1855, en complétant le réseau de cette
Compagnie, modifia la clause lelatixe à la participation de
l'État dans les travaux ^ la Compagnie se cliarge de toutes
les dépenses moyennant une subvention du Trésor de 76
millions pour les lignes principales et de 2 millions pour
l'embranchement de llodez.
Les quatre embranchements concédés provisoirement
(Cahors, V'illeneuve-d'Agcn, Bergerac et Tullei doivent être
construits dans le système de la loi de 1842.
Un décret du 15 décembre 1855 approuve la construction
d'un embranchement destiné à relier les mines de Roche-la-
Morlière et Firminy au tronc principal.
Achats et l'usions.
La ligne de Moulins à Monluçon doit desservir huit con-
cessions houillères en exploitation, les hauts-fourneaux de
Commenlry, Fonrchiimbault, les glaces et verreries de
Montluçon, Souvigny, et une foule dautros établissements
de premier ordre. Elle fut concédée le 17 octobre 1854 à
M. Ferd. Barrot, de Monicaut, Rougemonl, etc., pour 99 ans,
(1) Voir le chemin de 1er de l'aris à L^un pur le Bourbonnais.
— 356 —
à partir du 17 octobre 1860. La société anonyme, autorisée
le 23 juin 1855, porta son capital à 22 millions, représenté
par 14,000 actions.
Par convention du 20 juin 1855, approuvée le 19 décem-
bre suivant, la Compagnie de Moulins s'est fusionnée avec
le Grand-Central; les actions des deux Compagnies, libérées
de 250 fr., s'échangent au pair. En conséquence, les 180,000
actions du Grand-Central sont portées à 224,000.
Le Grand-Central a acheté les établissements miniers et
métallurgiques d'Aubin comprenant : 1» onze concessions de
houille; 2" une mine de fer; 3° divers droits de recherche,
d'extraction et d'alïouage de houille et minerais; 4° quatre
concessions de mines métallifères; 5° six forges et hauts-
fourneaux; 6" divers terrains, carrières, forêts et domaines;
7° le fonds de roulement. — Le prix de la concession est de
44,200 obligations, remboursables à 500 fr. pendant la durée
de la concession; 15 fr. d'intérêt.
La section de Saint-Germain-des-Fossés à Clermont a été
cédée au Grand-Central par la Compagnie d'Orléans, qui
reste chargée de l'achèvement des travaux. — Cette con-
cession a été faite, moyennant la remise du nombre d'obliga-
tions nécessaire pour représenter un revenu net de 12,000 fr.
par kilomètre, sauf déduction de 1,200 fr. par kilomètre
en représentation du matériel roulant fourni par la Compa-
gnie acquéreur, soit en tout, 46,800 obligations remboursa-
bles à 500 fr. ; 15 fr. d'intérêt.
Nous avons mentionné ailleurs les conventions relatives à
la participation dans le chemin de fer de Lyon-Bourbonnais.
Conilitions avec l'État.
L'État accorde une subvention.de 78 millions en compen-
sation des travaux à sa charge ; quatre embranchements de
130 kilomètres seront consti uits dans le système de la loi de
1842. La durée de la concession est de 99 ans à dater de l'a-
chèvement des travaux, c'est-à-dire de 110 ans à partir du
2 mai 1852. Le capital d'actions est porté à 1 12 millions. Le
— 357 —
gouvernement 2;arantil nn intérêt de 4 0/0 du capital de
219 millions à réaliser par voie d'emprunt ou par émission
d'actions. — Il entrera en partage des bénéfices excédant
8 0/0 du capital dépensé par la Compagnie. — Les travaux
doivent être exécutés dans le délai de onze ans.
ETAT FINANCIER DE LA COMPAGNIE.
Les dépenses sont évaluées, par les Documents statisliques,
à 331,455,000 fr., dont 92,900,000 fr. à fournir par l'État,
soit 28 0 0.
Subventions par l'État : en espèces 78 millions ; en Ira-
vaux, mémoire. (A payer ultérieurement.)
Les ACTIONS sont au nombre de 224,000, représentant un
capital de 112 millions; elles sont de 500 fr. , dont 450 fr.
versés. Elles louchent 4 0/0 pendant la durée des travaux.
L'assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.
Les Emprunts de Rhône-et-Loiresont transférés à la Com-
pagnie du Bourbonnais. 11 reste à la charge de la Compagnie
181,000 obligations, remboursables à 500 fr., en 99 ans;
15 fr. d'intérêt (janvier et juilletj; elles représentent un ca-
pital de 54,300,000 fr., savoir :
90,000 obligations émises en 1855 27,000,000
44.200, achat des étalilissements d'Aubin 13,200,000
40,800, aclial de la section de Cleimout à St-Germain. 14,040,000
Le Grand-Central a fait, avec la Compagnie d'Orléans, un
traité de fusion dans le courant de 185G : chaque section se-
rait construite par le Grand-Central et exploitée par lui pen-
dant deux ans; il serait ajouté 50 0 0 aux produits nets du
dernier exercice; et le prix du rachat serait basé sur ce taux.
Mais cette convention n'a pas reçu les sanctions nécessaires
à sa validité.
Les concessions sollicitées par la Compagnie sont : en Es-
pagne, le chemin de Madrid à Saragosse; en France, le ré-
seau pyrénéen; une ligne de Limoges à Paris, passant par
Tours, Vendôme et Chàteaudun.
— 358 —
CHEMINS DE FER DU MIDI ET CANAL LATÉRAL A LA
GARONNE.
(Siège social: Paris, 15, place Vendôme.)
Sous cette dénomination sont compris les prolongements
de Bordeaux sur l'Océan, sur la frontière d'Espagne et sur la
Méditerranée, ainsi que le canal latéral à la Garonne.
Par décision du 24 août 1856, la concession des chemins
du Midi a été accordée à MM. dEichtal, E. André, E. Pereire,
1. Pereire, Audoin, etc. Les Statuts de la Compagnie ano-
nyme ont été approuvés le 6 novembre 1852.
Longueur exploitée, d'après V Indicateur des Chemins de
fer, 460 kilomètres :
Bordeaux à Bayonne 198 kil.
Lamotiie à la Teste 13
Bordeaux à Toulouse 267
A construire, 353 kilomètres :
Toulouse à Cette 231
Embranchement de Mont-de-Marsan. . . 37
— de Perpignan 60
— de Pézénas 25
Longueur du canal 209
La durée de la concession est de 99 ans, à dater de l'achè-
vement des travaux; elle doit prendre fin le 24 août 1957. —
L'Etat accorde une subvention de 35 millions pour la ligne
de Bordeaux à Cette, et de 16,500,000 fr. pour celles de Nar-
bonne et Perpignan. — Il garantit, pendantôO ans, un mini-
mum d'intérêt de 4 0 0, et l'amortissement dun emprunta
contracter de 51 millions; il garantit également l'intérêt à
4 0/0 du capital de 07 millions. — Après l'achèvement des
travaux, il a droit à la moitié des bénéfices au delà de 8 0 0.
La Compagnie a pris à bail l'exploitation du chemin de fer
de Bordeaux à la Teste aux conditions que nous dirons ci-
après :
KTAT FINAXCIER DK LA COMPAGNIE.
Le coùt du réseau est évalué à 175,488,417 fr. parles
— 359 —
Documents statistiques^ et la part contributive de l'État à
51,500,000 fr., soit 29 0 0.
Les Subventions de l'État s'élèvent à 51,500,000.
Les Actions étaient, d'après la première constitution, au
nombre de 134,000, représentant un capital de 67 millions.
Par modification approuvée le 11 août 1856, il a été émis
89,334 actions nouvelles, au cours de 700 fr., payables :
250 fr. comptant; 250 fr. du 2 au 10 janvier 1857; 200 du
1'^' au 10 juillet 1857. — Elles toucbent 4 0 0 pendant la du-
rée des travaux (échéance en janvier).
149,788 Obligations émises k 285 fr. libérées, rembour-
sables à 500, de 1859 à 1957; 15 fr. d'intérêt (janvier et
juillet).
L'assemblée se compose des propriétaires de 40 actions.
CHEMINS DE FER DE BORDEAUX A LA TESTE.
(Siège social à Bordeaux. — Bureaux à Paris: 15, place Vendôme.)
Cette ligne, d'un parcours de 52 kilomètres, a été auto-
risée par la loi du l7 juillet 1837, et adjugée, le 26 octobre
de la même année, à M» Fortuné de Vergés, pour 70 ans. La
Compagnie anonyme, autorisée par ordonnance du 28 fé-
vrier 1838, était au capital de 5 millions, représenté par
10,000 actions. Une capitalisation d'intérêts accordée à
MM. E. et \. Pereire a fait créer à leur profit 5,000 actions
nouvelles. — Emprunt, 1,047 obligations remboursables à
1,250 fr.
Ce chemin, loin de produire des bénéfices, n'a jamais fait
ses frais. L'État a dû, à plusieurs reprises, en prendre l'ex-
ploitation, y affecter des crédits, le mettre sous séquestre,
(lette défaveur a sans doute empêché qu'il fût compris dans
la grande fusion d'Orléans. Le service en est alïermé, comme
nous venons de le voir, à la Compagnie du Midi pour 99 ans.
C'est la tète du chemin de Bayomie.
La Cnmpngnie fermière prend à sa chnrgc les délies e! les
— 360 —
dépenses de réparation do ia voie ; sur les produits nets de
rembranchement, elle prélève le service des emprunts et
5 0 0 des sommes dépensées à la construction de la ligne de
Bayonne et la réparation de celle de la Teste; l'excédant,
s'il y en a, est partagé par moitié entre les deux Compa-
gnies. La concession est prorogée à 99 ans, qui prendront
fin avec le bail des chemins du Midi.
CHE3IIX DE FER DE GRAISSESSAC A BÉZIERS.
(Siège social : Pari?, 45, nie Taitbonl.)
Concédé pour 99 ans par décret du 27 mars 1852; fin du
bail, 29 mars 1955 ; approbation des Statuts, 18 février 1853.
— Parcours, 59 kilomètres. — Capital, 18 millions, divisé
en 36,000 actions de 500 fr., dont 400 payés. 4 0,0 pendant
les travaux (octobre et avril). — 26,600 obligations émises
à 140 fr., remboursables à 258 ; 7 fr. 50 c. d'intérêt (novem-
bre et mai).
Ce tronçon ne compte pas moins de dix souterrains, d'une
longueur ensemble de 3,778 mètres.
€IIEMLN DE FER DE PARIS A SCEAUX ET ORSAV.
(Siège social : Paris, 35, rue Neuve-des-Petits-Gliamps.)
La ligne de Paris à Sceaux, d'un parcours de 11 kilo-
mètres, construite en exécution de la loi du 5 août 1844, fut
concédée le 8 septembre suivant à M. Arnoux pour l'expéri-
mentation de ses trains articulés. La concession était de
50 ans. La Société anonyme, autorisée par ordonnance du
23 février 1845, se constitua au capital de 3 millions.
Ce chemin n'a jamais couvert ses frais 5 l'État a dû venir
plusieurs fois à son recours.
Comme indemnité, et pour l'expérimentation en grand des
trains articulés, le gouvernement concéda, le 30 avril 1853,
à la même Compagnie, le prolongement de Bourg-la-Rcine
à Orsay aux conditions suivantes;
— 361 —
1° L'État livre tous les travaux en cours d'exécution ; â'Ml
s'engage à payer une subvention de 800,000 fr. pour Fachè-
vement desdits travaux -, 3" il garantit pendant 50 ans un in-
térêt de 3 0/0 sur une somme de 3 millions déjà empruntée
et sur une autre somme de 1,200,000 fr. à emprunter; 4" la
duiée de la concession est portée à 99 ans, commençant le
10 décembre 1854.
La Compagnie s'engage à terminer les travaux et à com-
pléter les essais des trains articulés. L'État aura droit à la
moitié des bénéfices excédant 8 0,0.
L'ensemble des dépenses faites par l'État pour ce tronçon
s'élève à 2,905,669 fr.
Aux termes des conventions provisoires passées avec la
Compagnie d'Orléans, celle-ci se charge du payement inté-
gral des sommes dues par la Compagnie d'Orsay, et qui peu-
vent s'élever à 4 millions ; elle rachète les 6,000 actions de
capital au prix de 5,000 obligations 3 0/0 remboursables à
500 fr. En calculant l'obligation à 300 fr., 5 obligations
contre 6 actions font ressortir ces dernières au prix de 250 fr.
l'une.
Cette convention est subordonnée à l'approbation du gou-
vernement, à celle de l'assemblée des actionnaires d'Orléans,
et à des conditions de développement du réseau de Sceaux-
Orsay, qui n'est que de 26 kdomètres.
CHEMINS DE FER DE L'OUEST ET DU NORD-OUEST.
(CompaguieB faaioniiAeai)
(Siège social : Paris, 124, rue Saint-LaZare.)
Sous cette dénomination sont agglomérées les anciennes
Compagnies de Versailles rive droite, Versailles rive gauche,
Paris à Saint-Germain, Paris à Argenteuil, Paris à Rouen,
Rouen au Havre, Dieppe et Fécamp, Paris à Caen et Cher-
bourg, Ouest (ancienne).
L'étendue du réseau concédé est de 1,778 kilomètres,
d'après le Rapportdu 30 novembre 1856, et de 2,059, d'après
les Documents statistiques.
21
— 362 —
Il se divise en deux sections distinctes, qu'aucune consi-
dération géographique ou de facilité d'exploitation n'enga-
geait à réunir : les lignes de Normandie et celles de Bre-
tagne.
Banlieue de Paris . < < . 65 kilomètre?,
HESEAU NORMAND.
Paris au Havre 229
Embranchements de Dieppe et Fécamp. , . 69
Mantes à Cherbourg 317
Tourvilie à Serquigny. 56
Lisieux à Honfleur 36
Bayeux à Saint-Lô ■. 35
Mézidon au Mans 139
Argentan à Granviile 152
késeau breton et angevin.
Versailles à Brest par Chartres, Rennes. . . 605
Rennes à Saint-Malo 74
Rennes à Redon 72
Le Mans à Angers 105
Séez à Couches 72
Fresnay à Sillé-le-Guillaume IG
Longueur en exploitation , 885 kil.
Banlieue de Paris 65
Paris au Havre 229
Embranchement de Dieppe 52
— de Fécamp it
Mantes àCaen. . . 4 182
Versailles à Laval 284
Le Mans à Alençon 56
HlSTORigUE.
1° Saint-Germain et Argenteuil.
La ligne de Saint-Germain , la première construite aux
environs de Paris, fut concédée, le 9 juillet 1835, à M. E. Pé-
reire, pour 99 ans. La société anonyme, autorisée le 4 no-
vembre suivant, se constitua d'abord au capital de 6 millions,
qu'elle porta à 9 au mois de septembre 1845.
Le chemin atmosphérique, construit par TÉtat entre le
Pecq et Saint-Germain, en exécution de la loi du 5 août 1844,
lui fut concédé le 2 novembre de la même année.
— 363 —
L'embranchement d'Argenteuil, adjugé le 10 juin 1846 à
M. Andraud fut ultérieurement annexé à la Compagnie de
Saint-Germain.
Enfui, le 16 septembre 1852, elle obtint la ligne de Passy
elAuteuil. <
2" Les deux Versailles et l'ancienne Compagnie de l'Ouest.
Le chemin de fer de Versailles (rive droite) concédé le
24 mai 1837, était au capital de 11 millions, divisé en
22,C00 actions. — Celui de la rive gauche, adjugé Tannée
suivante, au capital de 10 millions, divisé en 20,000 actions.
Ces deux Compagnies furent incorporées à celle de l'Ouest
(ancienne), et leurs lignes devinrent la tète du chemin de
fer de Chartres.
La ligne de Paris à Rennes, omise dans la loi de 1842, fut
décrétée le 26 juillet 1844, et exécutée de Versailles à La
Loupe aux frais de l'État.
Le 4 juin 1845 intervint entre le ministre des travaux pu-
blics et les deux Compagnies de Paris à Versailles un traité
qui n'eut pas de suite, et aux termes duquel la voie, cons-
truite suivant le principe de la loi de 1842, devait être con-
cédée pour 55 ans.
La loi du 21 juin 184B antorisa de nouveau la concession
du chemin de lOuest à MM. E. Péreire, d'Eichtal et Tarbé
des Sablons, à la charge par les concessionnaires de désinté-
resser les deux Compagnies de Versailles.
Ce projet fut abandonné comme le premier, et, le 9
août 1847, un crédit fut ouvert au ministre des travaux pu-
blics pour Tacquisition et la pose de la voie de fer entre
Versailles et Chartres.
Le 21 avril 1849, un nouveau crédit fut ouvert pour l'ex-
ploitation au compte de l'État delà section terminée.
Enfin, le 13 mai 1851, fexploitalion de la ligne fut con-
cédée à MM. Peto, Brassey, Henderson, etc., aux conditions
suivantes :
1" L'État livre à la Compagnie le chemin de Versailles à
Chartres, ainsi que les travaux en cours d'exécution de Char-
— 364 —
très à Rennes ; 2° il lui accorde une subvention de 14 mil-
lions pour rembranchement du Mans à Mézidon; 3° il lui
garantit pendant 50 ans 4 0/0 d'intérêt d'un capital de 55 mil-
lions-, 4° la durée de la concession est de 99 ans.
La Compagnie achèvera à ses frais les travaux commencés.
Elle remboursera en 60 annuités les 5 millions prêtés par le
gouvernement au chemin de la rive gauche.
Après l'ouverture entière de la ligne de Paris à Rennes,
l'Étal aura droit à partager les bénéfices excédant 8 0/0 du
capital dépensé par la Compagnie.
Le 30 juin 1851 , les concessionnaires conclurent, avec la
Compagnie de Versailles (rive droite) , un rachat aux condi-
tions suivantes : Les actionnaires recevroni à titre d'indem-
nité 8,000 obligations de 1,000 fr. 5 0/0, remboursables au
pair en 50 annuités, à partir du l*"" juillet 1853, ou une va-
leur égale en obligations à 1,250, produisant 50 fr. d'intérêt.
Ils auront le droit de souscrire, aux mêmiCS conditions que
les fondateurs, 15,000 actions de la Compagnie nouvelle.
La fusion de la rive gauche n'eut pas lieu 5 il y eut seule-
ment un traité d'affermage.
La nouvelle Compagnie, autorisée par décret du 27 mars
1852, se constitua au capital de 50 millions-, mais au com-
mencement de 1855, elle n'avait encore réalisé que 35 mil-
lions.
30 Ligne de Paris à Rouen, embranchements de Dieppe et Fécamp.
Une première concession de la ligne de Paris à Rouen, au
Havre et à Dieppe avec embranchement surElbeufet bouviers^
fut faite à MM. Choiiquet, Lebobe et C'% le 6 juillet 1838.
Mais les concessionnaires demandèrent la résiliation du
traité, qui fut annulé le 1*'' août 1839.
L'année suivante, MM. Charles Laffite , E. Blountet C'%
obtinrent pour 99 ans la concession de Paris à Rouen,
à la charge pour eux d'en exécuter tous les travaux. L'État
leur accorda un prêt de 18 millions à 3 0/0, remboursable
par trentièmes.
Les embranchements de Dieppe et Fécamp furent concé-
— 365 —
dés, le 13 septembre 1845, en exécution de la loi du 19 juil-
let de la même année, à MM. Blount, Osmond, d'Alton-Shée,
de Saint-Albin et Barbet, pour une durée de 94 ans.
La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 14 oc-
tobre 1845, fixa son capital à 18 millions, divisé en 36,000
actions de 500 fr.
Par traité en date du 21 février 1851, la Compagnie de Pa-
ris à Rouen afferma pour 8 années Texploitation de la ligne
de Dieppe, moyennant une annuité de 288,000 fr., soit 8 fr.
par action de la Compagnie de Dieppe. Si les bénéfices an-
nuels de la Compagnie de Rouen dépassaient 45 fr. par ac-
tion, la Compagnie de Dieppe devait avoir le dixième de l'ex-
cédant.
Le 2 avril 1855 , ces deux embranchements furent incor-
porés à la ligne principale.
4° Chemin de fer de Rouen au Havre.
Ce chemin de fer, construit en exécution de la loi du 11 juin
1842, fut concédé à MM. Charles La f fi te et C'% pour une
durée de 97 ans, avec subvention de 8 millions par le
Trésor, et 1 million par la ville du Havre , et prêt par l'État
de 10 millions à 3 0/0, remboursables par quarantièmes d'an-
née en année.
50 Chemin de fer de Paris à Caen et Cherbourg.
Cette ligne, depuis longtemps à l'état de projet, se détache
du chemin de Rouen à Mantes. Elle fut concédée le 8 juillet
1852 à MM. Chasseloup-Laubat,Benoistd'Azy, Blount, etc.,
aux conditions suivantes : 1° subvention de 16 millions pour
la section de Mantes à Caen ; 2" construction de la section de
Caen à Cherbourg dans le système de la loi de 1 842 -, 3° garan-
tie par lÉtat, pendant 50 ans, de 4 0/0 d'intérêt sur un ca-
pital de 30 millions • 4" garantie de 4 0/0 d'intérêt et de
l'amortissement d'un emprunt à contracter de 18 millions;
5° partage de l'État dans les bénéfices au delà de 8 0/0 ;
6° durée de la concession, 99 ans à courir du 8 juillet 1858.
^ 366 —
6» Fusion,
Par suite des fusions et des affermages antérieurs, les
Compagnies contractantes en 1855 étaient réduites au nom-
bre de cinq : Paris à Saint-Germain, Paris à Rouen, Rouen
au Havre, Ouest, et Paris à Cherbourg. Les conventions des
2 février et 6 avril 1855 arrêtèrent les conditions du traité
et furent approuvées le 7 avril par décret impérial, à la
charge par les Compagnies d'accepter les lignes suivantes :
d'Argentan à Granville, — de Serquigny à Rouen, — de Li-
sieux à Honfleur, — d'un point de la ligne de Mézidon au
Mans sur la ligne soit de Mantes à Cherbourg, soit de
l'Ouest, — de Rennes à Rrest , — de Rennes à Saint-Malo,
— de Rennes à Redon, — du Mans à Angers. Les nouveaux
statuts, passés le 13 juin, furent approuvés le 16. Voici les
conditions financières du traité :
Les Compagnies apportent toutes leurs concessions anté-
rieures, leur actif et leur passif, sans aucune réserve.
11 est accordé :
1° A la Compagnie de l'Ouest, dont les actions ont été
prises comme type au taux de capitalisation de 700 fr. une
action nouvelle contre «ne ancienne complètement libérée;
2» A la Compagnie de Rouen, son coupon du deuxième
semestre 1854, montant à 37 fr. .50 c. par action ; le partage
de sa réserve, représentée par 6,000 actions nouvelles, ou
une pour douze anciennes; entin trois actions nouvelles pour
deux anciennes : en tout dix-nevf pour douze 5
30 A la Compagnie du Havre, six nouvelles contre sept
anciennes;
4° A celle de Caen à Cherbourg, six nouvelles contre sept
anciennes, après libération du dernier versement de 175 fr. ;
5° A la Compagnie de Saint-Germain, pour chacune de ses
64,000 actions dédoublt?es, une demi-action nouvelle et une
demi-obligation de 1,250 fr. produisant 50 fr. d'intérêt ;
6° A la Compagnie de Dieppe, pour une action reprise au
taux de 306 fr. 25 c. , une obligation 3 0/0 de la fusion, au
taux de 280 fr., 15 fr. d'intérêt; plus un appoint de 26 fr.
35 c. ;
— 367 —
7° A l'ancienne Compagnie affermée de Versailles (rive
gauche), pour une action reprise à 323 fr. 75 e., 'une obli-
gation de la fusion, au taux de 280 fr., 15 fr. d'intérêt, et
un appoint de 43 fr. 75 c.
Le capital de la nouvelle Compagnie se trouve ainsi
composé :
Rouen 114,000 actions.
Le Havre 34,286
Ouest 51,428
Cherbourg et Caen 70,000
Saint-Germain 27,000
Total 29G,714
Émission de 3,286
Total général. . . . 300,000
soit un capital actions de 150 millions.
1° Liquidation des emprunts des Compagnies incorporées.
La Compagnie nouvelle avait à servir, provenant des an-
ciennes, dix-sept espèces différentes de titres d'emprunt. La
charge annuelle résultant de ces emprunts était, au 16 juin
1855, de 9,150,940 fr.
Le 13 août 1855, la Compagnie fît connaître qu'à dater
du 27 du même mois, il serait offert aux porteurs de ces
titres de les échanger contre des obligations nouvelles, de
15 fr. d'intérêt, remboursables en 94 ans, à 500 fr., et ga-
ranties par l'Étal. Elles étaient offertes au taux de 280 fr. et
devaient se compenser mathématiquement à parité de valeur
avec les anciennes. Mais cet échange ne pouvait être obli-
gatoire.
L'opération, close le 25 janvier 1856, donna les résultats
suivants :
Le nombre des obligations nouvelles à délivrer était de. , , 527,734
Au 25 janvier 1856, il en avait été délivré 898,358
11 restait à échanger 128,376.
D'oîi résulte que le quart environ des a«çiôns titres r'sl
pas accepté la conversion.
— 368 —
Voici le tableau des litres d'emprunts anciens et les con-
ditions offertes à l'échange :
TITRES
des
OBLIGATIONS
à échanger.
Saint-Germain, 1839
Sainl-Germain, 1842-I8'(9..
Versailles (rive di-.\ <8-i3..
Ouest, 1852-1858-1834
Bavre, 1845-1847
Havre, 1848
Rouen, 18^5
Rouen, 1847-1849
Rouen, 1854
Obligations à délivrer aux
actionnaires de Saint-Ger-
main et aux porteurs des
parts de fondateurs de
Rouen et du Havre
Action de Dieppe, déduction
faite des 75 f. restant dus,
mais en y comprenant les
intérêts dus, de 20 f. 75 c.
jusqu'au l'"' juillet 1SS5. ..
Actions de Versailles (rive
gauelie), y compris les in-
térêts dus, 46 f. 50 C. jus-
qu'au 1" juillet
CAPITAL
REMBOURSABLE.
1250
1250
1250
1250
1250
1250
1250
1250
1250
fr. en 4 ans
fr. en 38 ans. . .
fr. en 38 ans.. .
fr. en 47, 48 et
49 ans
fr. en 09 et 70 a.
fr. en 81 ans . . .
fr. en 63 ans. . .
fr. en 69 et 70 a.
fr. en 84 ans . . .
1250 fr. en 84 ans.,
500 fr. en 99 ans..,
400 fr. en 80 ans 15 l"juilleHS55 323 75
JOUISSANCE
DU TITUE.
:■■ juillet 1855
id.
id.
id.
" mars 1855
l"juillet
id.
l" juin
id.
id.
l-'r juillet 1853
ru IX
anqnel les
obligations
«ni élé
xjmisrs
àréchange
1200
1000
1000
970
900
1080
800
035
925
925
306 25
8° Conditions avec l'État.
La concession de tout le réseau est portée à 99 ans, à
courir du 1" janvier 1858. — L'État renonce à toute parti-
cipation dans les bénéfices. — Il accorde à la Compagnie les
subventions en travaux et en espèces qui seront mentionnées
ci-après. — Il accorde, pendant 50 ans, les garanties d'inté-
rêt suivantes :
3 1/2 0/0 du capital de 150 millions, soit une annuité de
5,250,000 fr.;
4 0/0 des emprunts pour l'exécution des chemins concédés
avant la fusion, soit, sur un capital de 203,370,000 fr., une
annuité de 8,134,800 fr.-,
4 0/0 d'un emprunt à contracter pour l'exécution des
— 369 —
lignes nouvelles, soit, sur un capital de 156 millions, une
annuité de 6,240,000 fr.
Le capital garanti est donc de 509,370,000 fr., et l'an-
nuité totale, indépendamment des subventions, s'élève à
19,624,000 fr.
De cette façon, la Compagnie ne court aucun risque, et
tous les profits seront sa propriété.
La faculté de rachat par le gouvernement ne pourra être
exercée que sur l'ensemble des lignes et embranchements
concédés, et seulement après le l^' janvier 1874.
ÉTAT FINANCIER DE LA COMPAGNIE. -
Les dépenses d'établissement sont évaluées par les Docu-
ments statistiques à 683,035,000 fr.
Les Subventions, y compris 15,335,000 fr. de subventions
locales, doivent s'élever à 173,035,000 fr., soit une propor-
tion de 19 0/0.
Les Actions sont au nombre de 300,000, à 500 fr. com-
plètement libérées (jouissance d'avril). — L'assemblée se
compose des propriétaires de 20 actions.
Les Obligations sont au nombre de 600,000, remboursa-
bles à 500 fr., de 1858 à 1951, émises au taux de 280 fr.-,
15 fr. d'intérêt (janvier et juillet).
Le revenu des actions, en 1855 a été de 50 fr."
La Compagnie est intéressée pour un cinquième dans le
chemin de Ceinture.
Une garantie d'intérêt montant à 19 millions et demi
par an, une subvention de 173 millions, avec concession de
99 ans, sont sans doute des conditions exorbitantes. Mais il
est juste de dire que l'État s'est montré plus empressé de les
faire que les financiers de les solliciter. Les Compagnies ne
voulaient à aucun prix du réseau breton. En vain fait-on
valoir que la ligne de Brest n'a pas à craindre, comme celles
de Lyon, de Nantes, du Havre, du Nord, la concurrence des
21.
— 370 —
canaux et des rivières navigables. Elle traverse des pays sans
industrie, sans agriculture, sans gisements métalliques -, le
roulage et les voitures suffisent largement au mouvement
des marchandises et des voyageurs de ces contrées; un
chemin de fer n'a point de chance d'y faire ses frais de
longtemps.
Alors, pourquoi n'en pas ajourner la construction? Ah I
c'est que l'État a d'autres vues : les lignes de fer sont avant
tout pour lui des voies stratégiques. Le gouvernement reste
essentiellement militaire quand la nation tourne de plus en
plus au péquin. Il lui faut des services accélérés pour le
transport des troupes et des munitions; la manœuvre sur
50,000 lieues carrées comme sur un champ de bataille de
quelques hectares. Le côté industriel des chemins de fer n'est
à ses yeux que secondaire. Aussi faut-il imputer au budget
toutes les mauvaises chances de l'entreprise.
C'est un des résultats du déplorable mélange des affaires
et de la politique, dont nous avons déjà signalé les dangers
à propos de la Banque de France. Mais l'esprit public est.
d'accord sur ce point avec le gouvernement. 11 compte au
nombre des richesses du pays des lignes comme celles de
l'Ouest et de la Méditerranée. Il semble que les chemins de
fer soient une affaire de mode; on n'en saurait trop faire.
Alors qu'on paye ses impôts sans murmurer.
CHEMIN DE FER DE CEINTURE.
(Administration : Paris, 104, rue Saint- Lazare.)
Le chemin de fer de Ceinture a pour but de relier entre
elles les gares de l'Ouest ou de Rouen, du Nord, de Stras-
bourg, de Lyon et d'Orléans. Son parcours est de 17 kilomè-
tres. Il a coûté 15,859,536 fr., dont moitié, 7,859,536 fr.,
fournie par FÉlat. L'exploitation en est concédée à un Syn-
dicat représentant les cinq Compagnies de Paris à Orléans,
de Lyon, de Strasbourg, du Nord et de l'Ouest. La concession
est de 99 ans, du P'^ janvier 1854 au l*^"^ janvier 1953. (Loi
du 10 décembre 1851.)
— 371 —
La même loi autorise les Compagnies du Nord et de Stras-
bourg à raccorder les gares de La Chapelle et de La Villette.
Avec le chemin de Ceinture, Paris est sur le même pied
que Lyon, Rouen, et autres villes jadis d'entrepôt. Ce n'est
plus qu'un lieu de passage, le carrefour de la France, boule-
vard des modes, foyer des arts et des sciences, séjour de
plaisir et de consommation : ce sera de moins en moins un
centre manufacturier et industriel.
RÉSEAU PYRÉNÉEN.
Ce réseau,^voté dans la session de 1856, n'est pas encore
concédé. Il comprend 652 kilomètres :
1° De Toulouse à Bayonne par Saint-Gaudens, Bagnères de
Bigorre, Tarbes, Pau, Orlhez 328 kil.
Embranchemeiil de Foix par la vallée de l'Ariége 71
— de Ramous à Dax ; 28
2" D'Agen à Tarbe:^ par Auch et Rabastens (continuation
de la ligne de Paris à Agen par Limoges et Périgueux), ... 138
3" De Mont-de-Marsan à Rabaslens. . . . , 87
La dépense est évaluée à 138,059,395 fr., soit 208,320 fr.
par kilomètre.
Les produits bruts sont évalués à 12,352,697 fr., et le
produit net à 6,176,340 fr.
Ce revenu, capitalisé à 5 1/2 0/0, représente un capital
de 112,297,236 fr. La différence entre ce chiffre et les devis
est de 26,762,0.59 fr., soit, en nombre rond, 26 millions de
subvention à fournir par l'État. — La ville de Toulouse offre
de plus 1 million.
I^'État garantit pendant 50 ans un intérêt de 4 0/0 du
capital de 112 millions, soit une annuité de 4,480,000 fr.; il
sera admis au partage des bénéfices au delà de 8 0/0.
CUE5ÏINS DE FER INDUSTRIELS.
Nous n'avons point compris dans notre revue les chemins
de fer spécialement affectés à l'exploitation des mines; la
plupart sont la propriété des Compagnies minières. En voici
la liste :
— 372 —
D'Abscon et d'Anzin à Somaîn (il transporte aujourd'hui des voyageurs).
De l'usine de Bourdon au Grand-Central.
De Carmaux à Alby.
De la gare de Saint-Ouen au chemin de Ceinture (à construire).
De Commentry au canal du Berry, avec embranchements aux puits
Saint-Louis et Saint-Charles.
Du Creuzot au canal du Centre.
De Decize au canal du Nivernais.
D'Épinac au canal de Bourgogne.
Des mines de Fins à l'Allier.
Des carrières du Long-Rocher au canal du l>oing.
Des mines de iMontieux au chemin de Lyon-Bourbonnais.
Des mines de Montrambert au chemin de Saint-Etienne.
Des mines d'Ougney au canal du Rhône au Rhin, traversant la ligne de
Dijon à Besançon.
Des mines de la Roche-Morlière et de Firminy au Grand-Central.
Des mines de Sorbier au chemin de Sainl-Élienne.
De Villers-Cotterets au Port-aux-Perches, sur l'Ourcq.
CHEMINS DE FER SUR LA VOIE PUBLIQUE
desservis par des chevanx.
Par décret du 18 février 1854, il a été fait concession à
M. Loubat, pour 30 ans à dater de l'aclièvement des tra-
vaux, de la ligne de Vincennes à Sèvres, avec embranche-
ment sur Boulogne.
La ligne de Rueil à Marly a été concédée aux mêmes con-
ditions, le 15 juillet 1854, à M. le vicomte deMazenod.
Par convention du 14 mars 1855, il a été fait concession à
la Société bretonne des'Tanguières d'un chemin de fer de
Rennes à Moidray (baie du Mont-Saint-Michel), pour une
durée de 60 ans à dater de l'achèvement des travaux.
CHAPITRE IV.
MaTij^atîon maritime et fluviale.
Dans un pays comme la France, couvert d'un réseau de
voies ferrées, l'wnulation 4es distances mettant en rapport
— 373 —
immédiat les lieux de production avec les lieux de consom-
mation, le service des places d'entrepôt à ^'intérieur perd
beaucoup de son importance, et les foyers commerciaux,
plus occupés désormais des relations avec le dehors qu"avec
le dedans, se reportent naturellement aux extrémités du
système circulatoire, aux villes maritimes. Marseille et Cette,
Bordeaux, La Rochelle, Saint-Nazaire, Lorient, Le Havre,
Boulogne, Calais, Dunkerque, toutes ces têtes de ligne doi-
vent donc recevoir un surcroît continuel de population et de
vie, tandis que pour les cités du centre, comme Rouen,
Lyon, etc., l'agglomération des affaires et des ouvriers tend
à se disséminer le long des raihvays, dans les localités ru-
rales. On se figurait à l'origine que les chemins de fer, tra-
versant les grandes villes de l'intérieur, étaient faits surtout
pour elles : c'est juste le contraire qui a lieu. Par le nouveau
système de transport, l'ancienne nature des choses a été
changée ; les chefs-lieux de province, loin qu'ils voient la
masse de leurs affaires s'en accroître, ne figurent plus que
comme points d'entrecroisement dans l'atelier national; et
si quelques localités peuvent se vanter que le chemin de fer
a été inventé surtout à leur profit, ce sont incontestablement
les ports de mer.
Le développement de la circulation intérieure appelle donc
un développement proportionnel delà circulation maritime :
la locomotive a pour complément obligé le navire à vapeur.
Ce n'est pas la mer qui dira à la nouvelle force motrice : Tu
n'iras pas plus loin ! Des services réguliers s'établiront donc
entre les continents, rivalisant de vitesse et de précision avec
les voies ferrées, appelant la spéculation à de nouvelles et
non moins lucratives entreprises.
Comme en toute chose, l'initiative fut prise par la France-,
comme en toute chose aussi, elle fut bientôt dépassée par ses
rivales.
MESSAGERIES IMPÉRIALES (SERVICES MARITIMES),
(Siège social : Paris, 28, rue ISotrc-Daïue-des-Victqjres.)
Ce fut en 1835 que le gouvernement français entreprit
— 374 —
d'établir un service de bateaux à vapeur, ayant son point de
départ à Marseille, et desservant à époques fixes les divers
ports du littoral de l'Italie, de la Grèce, Malte, Alexandrie,
Sniyrne et Constantinople.
L'exemple du gouvernement français donna bientôt nais-
sance à la création de lignes semblables, par l'Angleterre,
l'Autriche, les États-Unis, la Turquie elle-même. Les Com-
pagnies anglaises, Cunard et Péninsulaire, par le nombre et
la puissance de leurs steamers, et par l'étendue de leurs
lignes, laissent loin derrière elles aujourd'hui tout ce qui a
été tenté en France et dans les autres États.
Pendant quatorze ans le service de la Méditerranée fut
exécuté par l'État, avec un déficit annuel de 3,500,000 fr.
En 1847 et 184a, ce déficit s'élevait à 4,500,000 fr., non
compris les frais généraux, Fintérèt du capital, l'assurance
et la dépréciation. Triste monument de l'imbécillité de l'État
en matière de commerce et d'industrie.
Le gouvernement pensa alors sans doute qu'il ne pouvait
se débarrasser à trop haut prix d'une si détestable affaire :
par la loi du 8 juillet 1851, le service des paquebots de la
Méditerranée fut concédé à la Compagnie des Messageries
nationales, aux conditions suivantes :
Durée de la concession, 20 ans \
Reprise du matériel de l'État, consistant en 13 navires de
la force de 160 à 220 chevaux, pour le prix de 3,318.000 fr.
Subvention de l'État, moyenne annuelle, 2,700,000 fr.
Parcours effectués chaque année, 105,216 lieues marines.
La Compagnie s'est formée au capital de 24 millions de
francs, divisé en deux séries de 2,400 actions de 5,000 fr.
chacune.
La première série a été seule émise, avec un versement de
2,500 fr. par action : ce qui portait à 6 millions le capital
immédiatement disponible.
Or, après une exploitation de 16 mois, le capital de 6 mil-
lions n'avait pas été entièrement dépensé : il restait un solde
de 607,076 fr. Le produit net de la Compagnie était dé
3,086,345 fr.; elle payait à ses actionnaires un dividende de
600 fr. par versement de 2,500 fr., soit 18 0/0 l'an, et elle an-
^ 376 —
nonçait en outre qu'au moyen de ses réserves elle aurait, en
quatre années, doubléson matériel; en autres termes, qu'elle
aurait formé, à l'aide de ses bénéfices, et sans rien demander
de plus aux actionnaires, la moitié de son capital social.
En 1854, la Compagnie des Messageries ISationales hé-
rita de la succession de la Compnçjnie Impériale (TafTe fils
et C", <à Marseille), à des conditions qui, sans nouveau dé-
boursé de sa part, paraissent devoir doubler son revenu.
Cette dernière Compagnie, qui n'a péri que par l'incapacité
et régoïsme de sa direction, avait fait avec l'État un traité
par lequel elle s'obligeait à entretenir 10 navires à vapeur,
de la force de 300 chevaux et à grande vitesse-, à efteeluer
17 départs par mois de Marseille aux deux ports de l'Afrique
de Tunis et Maroc; et à transporter annuellement pour TÉtat
20,000 liommes et 5,000 tonneaux de matériel; moyennant
quoi l'Étal lui accordait une subvention do un million par
an. La (compagnie n'ayant pu tenir cet onéreux engagement,
le traité avec l'État a été résilié, et la Société dissoute. La
Compagnie des Messageries Nationales est alors intervenue;
en même temps qu'elle se rendait acquéreur, au plus bas
prix, du matériel de V Impériale, elle obtenait du gouverne-
ment un nouveau traité, avec réduction du nombre des dé-
parts mensuels à 10, et augmentation de 500,000 fr. sur l'in-
demnité allouée.
Depuis la déclaration de guerre, la Compagnie des iH/essa-
geries Nationales, chargée des transports de troupes et de
matériel pour l'Orient, a obtenu la francisation de trois stea-
mers d'origine anglaise; plus encore un million de subven-
tion pour ce supplément de service : en sorte que l'heureuse
Compagnie se trouve en ce moment pensionnaire de l'État
po«r une somme de plus de 5 millions.
Le rapport de 1856 constate les résultats suivants :
Les itinéraires réglementaires ont suivi la progression ci-
après :
1853 : 105,216 lieues.
1854 : 246,824
1855 : 286, 280^
. Dix navires neufs, d'une force collective de 2,490 che-
— 376 —
vaux, sont entres en ligne en 1855 ; au 31 mai 1856 le ma-
tériel naval était de :
Navires en service 41 force. 8,970 chevaux.
— en construction. . 5 — 1,380
ToTAi 46 — 10,350
La Compagnie a fondé à Marseille, à Constantinople et
dans ses principales agences des établissements spéciaux
distribués d'une manière conforme à son organisation et à
ses besoins.
Le principal intérêt de l'exploitation s'est porté, en 1855
comme en 1854, sur les transports militaires, 202,914 sol-
dats et officiers de tout grade, 29,250 tonnes de matériel,
tel est le mouvement militaire desservi par les navires de la
Compagnie, tant à l'aller qu'au retour, depuis le commen-
cement de la guerre jusqu'en mai 1855. — Le navire /a Ville'
de-Bordeaux s'est seul perdu en 1855. Il n'appartenait pas
à la Compagnie, qui Tavait à fret.
Les recettes de 1855 ont dépassé celles de 1854 de 90 0/0,
et de 29 0/0 seulement si l'on tient compte de la différence
des parcours.
Le développement du trafic se résume comme suit :
Voyageurs. Marchandises.
1852. . . ' 27,347 9,338 tonnes.
1853. . . 35,529 12,973
1854. . . 120,410 26,859
1855. . . 207,835 42,880
Le compte de l'exploitation se répartit ainsi :
ReceUes de toute nature 25,749,Q92 12
Dépenses '. 20,275,204 54
Bénéfices . 5.473,827 58
dont 5 0/0 au fonds de réserve 273,691 25
Solde à reporter 6,200,136 33
Il a déjà été distribué . 2,160,000 »»
Reste 3,040,136 33
FAdministration propose de répartir un dividende de. 2,880,000 »»
Solde de l'exercice 1855 ' 160,136 33
— 377 —
Celto nouvelle distribution, à 60 fr. par action, porte à
105 fr.le dividende moyen annuel payé en 1855 aux actions
de la deuxième série.
ÉTAT FIXAXCIER DE LA COMPAGNIE.
Le capital social est de 24 millions réalisés; les actions
sont de deux séries. — Le conseil est autorisé à émettre un
emprunt au moyen de 16,000 obligations remboursables à
récbéance de 14 ans à partir de leur création, soit au 1" oc-
tobre 1870. Elles portent 15 fr. d'intérêt.
Durée de la Société, du 22 janvier 1852 au 31 décembre
1901.
L'assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.
COMPAGNIE GÉNÉRALE DE NAVIGATION A VAPEUR.
(Bazin, Léon Gay et G'*, à Marseille.)
Cette Compagnie, constituée en commandite pour 25 ans
à dater du l^'" janvier 1854, est formée des deux Sociétés
Léon Gay et Bazin. Capital, 5 millions, porté à 10 par dé-
cision de la dernière assemblée. Actions de500fr. ; celles
de la première série ont été libérées dans le courant de 1856.
— Le service maritime, circonscrit jusqu'à présent dans la
Méditerranée, doit s'étendre dans les mers de Tlnde, de la
Chine et de l'océan Pacifique.
Les dividendes ont été, en 1854, de 45 fr. 63, en 1855 de
122 fr. 53, non compris l'intérêt à 5 0/0 du capital versé.
Jouissance, janvier et juillet. — L'assemblée se compose des
propriétaires de 20 actions.
COMPAGNIE GÉNÉRALE MARITIME.
(Paris, 15, place Vendôme.)
Société anonyme fondée sous le patronage du Crédit mo-
bilier, le 2 mai 1855, pour une durée de 30 ans. — Le capital
est fixé à 30 millions; actions de 500 fr., dont 350 versés.
La Compagnie a acheté le matériel de la Société la Terre-
— 378 —
neiivienne, comprenant 29 navires jaugeant ensemble 4,258
tonneaux, au prix de 1,265,000 fr. , soit une valeur moyenne,
par tonneau de jauge, de 245 fr. pour les navires à voiles,
et de 629 fr., machines comprises, pour les navires en fer à
hélice. Au mois d'octobre 1855, elle a obtenu la francisation
d'un navire à voiles et de six bâtiments à vapeur achetés en
Angleterre. Au ler janvier 1856, elle avait à la mer 45 na-
vires représentant un capital de 6,779,191 fr. Enfin, lors de
l'assemblée générale du 29 avril 1856, son matériel se com-
posait de :
Navires à vapeur à flot ^ i 10
... , -, ^ n . / r I j C9 jaugeant 23,850 tonnes.
Navires a voiles à flot > 59
— en construction. • H j
La Société entreprend la navigation au long cours, le
grand et le petit cabotage, Tarmemenl et le commerce ma-
ritime.
Le dividende sur l'exercice 1855 a été de 4 fr. 50, indé-
pendamment de l'intérêt à 5 0/0.
L'assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.
CLÏPPERS FRANÇAIS.
(Paris, 20, rue Neuve-des-Capucines.)
Commandite sous la raison sociale Graham, de Linarès
el C'% fondée pour 30 ans à partir du 18 janvier 1855. —
Capital, 20 millions; actions de 100 fr. L'assemblée se com-
l)Ose des propriétaires de 25 actions.
COMPAGNIE CENTRALE.
{Siège social à Bordeaux.)
Commandite sous la raison sociale A. Lubbert et C*^ , fon-
dée le 12 avril 1838. Capital, 2,100,000 fr,; actions de 250 fr.
COMPAGNIE D'ARMEMENTS MARITIMES.
(Paris, 20, rue Drouot.)
Commandite sous la raison sociale J.-^C. Barbey et C'S
— 379 —
Capital, 10 millions. La Société possède 42 navires à voiles
et 3 steamers à hélice. L'assemblée du 22 avril a voté le frac-
tionnement des parts d'intérêt de 5,000 fr. en actions au
porteur de 500 fr., et la transformation de la commandite en
société anonyme. La moyenne du dividende, pendant les six
exercices clos 1850-55, a été de 30 0,0.
CONSTRUCTIONS MARITIMES ET NAVIGATION.
(CeUe et Marseille.)
Société en commandite fondée en 18.56, sous la raison so-
ciale Séguineau et C'^ . Capital, 10 millions, dont moitié est
réalisée; actions dé 100 fr. La Société a racheté au prix de
3 millions le matériel de l'ancienne Société Ch. Reynaud,
qui avait coûté plus de 6 millions. Elle se propose, outre la
construction des navires, l'armement pour son propre compte.
SOCIÉTÉ PHOCÉENNE,
(Marseille.)
Commandite fondée en 1856, sous la raison sociale Afla-
ms, Canne et C'« . Capital, 10,000 actions de 250 fr., dont
135 versés.
Cette Société base sa réussite sur le principe que la navi-
gation à vapeur, pour rendre au commerce les services qu'il
en attend et se substituer définitivement à la navigation à
voiles, doit employer des navires d'un tonnage relativement
peu élevé, de manière à effectuer rapidement des charge-
ments complets, que les gros bâtiments sont obligés d'at-
tendre. L'avantage de ce système est une succession plus
nombreuse de voyages et une diminution de dépenses quand
les frets ne sont pas tout à fait complets.
COMPAGME DE NAVIGATION MIXTE.
(L. Arnaud Touache frères et C'% à Marseille.)
- Fondée en 1850, pour l'application du système de machi-
nes à éther de M. Du Trembley, au capital de 225,000 fr.,
celte Compagnie obtint en quelques mois des succès telle-
— 380 —
ment rapides, que ses actions, émises à 1,000 fr., s'élevèrent
bientôt à 2.000 et 2,400. Un si prompt et si magnifique ré-
sultat ne pouvait qu'engager les fondateurs à étendre leurs
opérations et à augmenter leur matériel : le capital de la
Société fut immédiatement porté à 5 millions. Elle possède
actuellement, tant à la mer qu'en construction, 7 navires-
à vapeur d'éthcr et à voiles, dont 2 pour le service de l'Al-
gérie, et 5 pour le service do Rio-Janeiro, avec escale en
Espagne, à Corée, Fernambouc et Babia,
Nous ne savons quel a été le dernier dividende alloué aux
actionnaires; mais il va sans dire que la progression des
bénéfices n'a pas suivi celle du capital de la Compagnie.
C'est un principe dont les entrepreneurs ne se souviennent
pas assez, que le produit net, en toute espèce d'industrie,
décroît comme le capital engagé augmente, en sorte que,
toutes choses égales d'ailleurs, le bénéfice est toujours pro-
portionnellement plus fort dans une petite entrei)rise que
dans une grande;
Les autres Compagnies de navigation de Marseille sont les
suivantes :
1° Compagnie Bazin- Périer^ possédant 6 bateaux à aubes,
affectés momentanément au service de l'Algérie 5
T Compagnie Valéry, faisant le service de la Corse avec
5 bateaux à aubes 5
30 Compagnie André- Abeille^ qui tient la ligne d'Italie,
avec 3 bateaux à aubes ;
4» Compagnie Marc-Fraissinet , qui pratique le littoral
espagnol avec 2 bateaux, dont un à hélice, et prépare un
service avec les ports de la Manche, au moyen de 2 autres
bateaux à hélice en construction ;
5" Compagnie Chargé aîné, qui fait le service sur l'Italie,
au moyen de 3 bateaux à hélice 5
6° Compagnie H. Bouchet^ qui vient d'organiser un ser-
vice sur l'Italie, à l'aide de 5 bateaux à hélice de petite
dimension:
7° Compagnie Cohen, avec un bateau à hélice.
~ 381 —
Plusieurs Compagnies étrangères, anglaises, espagnoles,
napolitaines, fréquentent en outre le port de Marseille, et
présentent un elTectif de 30 bateaux à vapeur.
Le nonnbre des navires mus par la vapeur, soit à aubes,
soit à hélice, qui desser\entou fréquentent le port de Mar-
seille, est en ce moment de près de 100.
COMPAGNIE FRANCO-AMÉRICAINE.
(Gauthier frères, à Lyon.) '
Cette compagnie, formée d'abord au capital de 18 millions,
porté aujourd'iuii à 23, avec engagement des actionnaires
de l'élever à 60 au cas où elle obtiendrait du gouvernement
la concession des services transatlantiques, a commencé ses
opérations entre Le Havre et New- York, Rio-Janeiro et la
Nouvelle-Orléans, depuis février 1856. Elle possédait 8 na-
vires à hélice et à voiles, dont 2 construits à Nantes, et
6 achetés en Angleterre. Un de ces navires, le Ltjonnais, a
péri, au commencement de novembre 1856, dans un abor-
dage au milieu de l'Atlantique, Deux autres navires sont en
construction à Nantes.
La pensée qui présida à la formation de cette Compagnie
fut d'abord l'application sur une grande échelle du système
de vaporisation à éther de M. Du Trembley, à l'instar de la
Compagnie L. Arnaud et Touache fières, de Marseille; puis
l'espoir plus on moins fondé d'obtenir tout on partie des
concessions en projet pour le service de TÉtat.
Jusqu'ici, malgré les rapports favorables des ingénieurs
du gouvernement, le système Du Trembley n'a reçu de la
Compagnie Franco-Américaine aucune application. Les di-
recteurs semblent y avoir entièrement renoncé; des doutes
se sont même élevés sur la réalité de la découverte, et Ion
n'hésite pas à attribuer le succès de la Compagnie L.Arnaud
et Touache frères à toute autre cause que l'éther.
Quant à la concession ou aux concessions à faire par l'État,
une commission formée par le gouvernement pour étudier
la question et examiner les litres des Compagnies soumis-
sionnaires, a ainsi classé les concurrents :
— 382 —
N° 1. — Compagnie Rothschild : elle attend pour créer
son matériel la décision du gouvernement. — Subvention
demandée, 10 millions.
N° 2. — Compagnie Gauthier frères. — Subvention de-
mandée, 11,500,000 fr.
N" 3. — Grande Compagnie Maritime. — Subvention de-
mandée, 16 millions.
On croit que chaque Compagnie aura une part.
En attendant que l'Empereur ou le Corps législatif, car il
s'agit ici d'une loi de finance, prononce sur l'adjudication,
la Compagnie Franco-Américaine soutient seule le poids de
la concurrence anglaise, qui vient jusque dans le port du
Havre enlever les consignations dii pays, et avec laquelle
elle a été forcée de s'entendre.
Ces faits prouvent de plus en plus ce que nous avons re-
levé ailleurs en traitant des chemins de fer, savoir t que la
prospérité de toutes ces formidables Compagnies dépend
moins de l'importance de leur trafic et de l'habileté de leur
administration que du monopole dont elles jouissent et des
secours de l'État. Pour payer la régularité et la vitesse, il
faut, ou des tarifs élevés, ou de larges subventions, quel-
quefois les deux ensemble : ce qui veut dire que la nation
seule est capable de se rendre certains services, et que les
demander, moyennant subvention, à des Compagnies, c'est
livrer la fortune publique, organiser le favoritisme, la cor-
ruption et la cherté.
Les mêmes faits montrent quelle anarchie d'idées règne
dans les hautes régions de l'industrie et du pouvoir.
Si le libre-échange, aujourd'hui en faveur auprès du gou^
vernement, est une vérité, pourquoi ce régime de subven-
tions et de privilèges, qui lui donne un si éclatant démenti?
Pourquoi ne pas traiter tout de suite avec l'Anglais, avec
l'Américain, qui nous offrent leurs services à prix réduit?
Que signifie cette gloriole d'un service national?...
Si au contraire c'est la protection qui est vraie et légi-
time, pourquoi souffrir que dans nos propres ports la marine
de l'étranger fasse à la nôtre une concurrence désastreuse?
Avons-nous des engagements secrets qui nous lient? et fau-
— 383 —
dra-t-il que, pour plaire à nos alliés et contenter notre
gloire, nous supportions tout à la fois une lutte qui nous
ruine et un monopole subventionné qui nous épuise?...
Les actions de la Franco-Américaine, descendues un mo-
ment à 385 fr. sont remontées, depuis le discours de l'Em-
pereur au Corps législatif, à 500 et même 515 fr. ; elles os-
cillent autour du pair. — Celles de la Compagnie Maritime,
à 430 encore le 27 décembre 1856, ont monté d'un saut, le
3 janvier, à 520 et se tiennent au niveau des précédentes. Ou
sent Tapprocbe de la Concession, et les prétendants se tien-
nent prêts pour la hausse.
COiMPAGNIE DES GONDOLES.
Société anonyme fondée à Lyon le 19 juillet 1829, pour
50 ans. Navigation du Rhône, de la Saône et de leurs af-
fluents, canaux ou rivières. Capital social représenté par
2,000 actions nominatives.
COMPAGNIE DES TRANSPORTS SUR LE RHONE
ET LA SAONE.
Société anonyme fondée à Lyon, pour 30 ans, le 8 août
1848. Capital, 3 millions 5 actions de 1,000 fr., nominatives.
L'AIGLE.
Compagnie anonyme fondée à Lyon, pour la navigation
du Rhône et de la Saône. Durée, 30 ans à dater du 12 oc-
tobre 1853. Capital représenté par 1 ,800 actions nominatives.
CHAPITRE V.
Assurances.
Une Société d'assurance n'a pas besoin de capital : il n'y
a là ni travaux à faire, ni marchandises à acheter, ni main-
d'œuvre à payer. Dos propriétaires, en nombre aussi grand
qu'on voudra, — le plus sera le mieux, — prennent l'enga-
- ;î84 —
gement les uns envers les autres, chacun au prorata des va-
leurs qu'il veut faire assurer, de se couvrir réciproquement
des perles qu'ils auront faites par force majeure ou cas for-
tuit : c'est ce qu'on nomme assurance mutuelle. Dans ce sys-
tème, la prime à payer par chaque associé ne se calcule qu'à
l'expiration de l'année, ou à des périodes plus longues en-
core, selon la rareté et la médiocrité des sinistres. Elle est
donc variable, et ne produit de bénéfices pour personne.
Ou bien, des capitalistes se réunissent et offrent aux par-
ticuliers de leur rembourser, moyennant une prime annuelle
de .r p. 1,000, le montant des dégâts éventuels causés par
l'incendie, la grêle, les naufrages, l'épizootie, en un mot par
le sinistre objet de l'assurance. C'est ce qu'on appelle assu-
rance à prime fixe, la seule dont nous ayons à nous occuper.
Or, toute Compagnie doit pourvoir au remboursement des
sinistres, ainsi qu'aux frais d'administration au moyen des
annuités payées par les assurés, sous peine d'entrer en déficit.
L'excédant des annuités sur les dépenses forme, avec l'inté-
rêt des capitaux qui servent de garantie aux engagements de
la Société, le bénéfice des actionnaires. Aussi ne faut-il pas
s'étonner de voir les dividendes monter à 50, 100 et 150 0/0.
Comme le capital est inutile aux assurances, les action-
naires ne versent d'habitude qu'une faible part en numé-
raire, juste ce qu'il faut pour couvrir les frais de premier
établissement, un 10^ ou un 20' de leur souscription. Ils
prennent l'engagement de payer le surplus, s'il y a lieu, et
souscrivent à cet effet, au nom de la Société, une obligation
non négociable, espèce de billet à ordre, sans échéance dé-
terminée, payable à présentation en cas qu'un appel de fonds
soit jugé nécessaire. Certaines Compagnies exigent, comme
garantie de cette' obligation, le dépôt d'effets publics dont
les arrérages continuent d'ap[tartenir aux déposants. Le ca-
pital^en versements et en effets ne va souvent pas à plus du
cinquième de la valeur nominale de l'action. Aussi le conseil
d'administration a-t-il le droit de constater la solvabilité des
actionnaires nouveaux et d'en exiger au besoin un gage égal
au montant de l'obligation. C'est pourquoi encore les actions
sont nominatives pour la plupart.
— 385 —
Les Compagnies qui reçoivent des espèces les convertis-
sent en titres portant intérêt ou même en immeubles.
La spéculation parasite n"a rien à voir avec ces valeurs,
dont la rareté ou la fréquence des sinistres augmente ou at-
ténue le revenu dans des proportions considérables, mais
qui échappent à toutes les supputations. Toutefois, les Com-
pagnies comptent généralement , dans leurs prévisions , que
la somme de sinistres qu'elles auront à rembourser monte à
30 ou 40 0/0 de leurs recettes.
Plusieurs Compagnies, telles que la. Nationale, le Phénix,
\di Générale^ VUnion^ VUrbaitie, la France, la Frovidence,
forment entre elles, pour le maintien des primes, un comité
d'entente que Ton peut fort bien regarder comme une coa-
lition, de l'espèce défendue par la loi. Aussi , tandis que
la Compagnie mutuelle pour l'assurance des bâtiments se
contente de 15 c. p. 1,000, les Compagnies à prime fixe ne
prennent pas moins de 40 c. Mais,flelle est l'imbécillité du
public et 1 ineplie des administrateurs mutuellistes, que les
particuliers vont de préférence au plus cher, jugeant appa-
remment qu'il en est de l'assurance comrne des autres mar-
chandises, et que plus ils payent, mieux ils sont assurés.
Lorsque l'esprit d'initiative qui sommeille en France aura
pris son essor, l'assurance deviendra un contrat entre les ci-
toyens, une association dont les bénéfices profiteront à tous
les assurés, et non à quelques capitalistes, bénéfices qui se
traduiront alors en une réduction de la prime à payer. Cette
idée s'est déjà produite, dans le public et dans les assemblées
délibérantes, sous forme de projet d'assurances par l'État.
C'est la voie naturelle à toute innovation, puisque nous ne
savons rien entreprendre sans le gouvernement. Si nous en
croyons nos renseignements, le projet serait déjà étudié, le
travail fait, les décrets tout prêts. On dit môme que les
auteurs de ce projet se promettent de tirer des contribuables,
par cette voie philanthropique, quelque chose comme 80 ou
100 millions-, et que plus d'un serviteur fidèle, que la pé-
nurie du trésor n'a pas permis de récompenser de ses longs
services, fonde sur cette impériale institution l'espoir de sa
fortune et l'avenir de ses enfants. Qu'attend-on alors ? Il n'y a
22
— 386 --
point là d'expropriations à faire, point d'indemnités à ac-
corder : l'État, en autorisant les Compagnies à pâturer sur
son domaine, n'a rien aliéné, rien promis; il ne doit rien.
Nous sommes curieux de voir si le ministère ou le con-
seil d'État trouvera le secret , à propos de la centralisation
des assurances, de jeter les millions aux Compagnies pour
les dédommager de la perte d'un droit qu'il ne céda jamais;
^— si, comme le répand déjà la calomnie, l'assurance ne sera
entre les mains de l'État qu'une nouvelle machine à impôt
et sinécures; — ou si, enfin, le gouvernement, fidèle au
principe de mutualité sur lequel il repose, profitera de l'oc-
casion pour introduire dans l'économie du pays cette grande
loi, qu'en tout service public, le prix de Vente doit être égal
au prix de revient.
ASSMANCES CONTRE L'INCENDIE.
LA NATIONALE.
(Paris, 3, rue de Ménara.)
Société anonyme fondée pour 80 ans, à dater du 1 1 février
1820.
Le capital est de 10 millions, divisé en 2,000 actions no^
minatives de 5,000 fr. Les actionnaires s'engagent ;\ verser,
s'il y a lieu, le montant de leurs actions, et transfèrent, en
garantie de cet engagement, 50 fr. de rentes françaises au
nom de la Société. Lu produit en appartient directement au
déposant. Pour devenir actionnaire, il faut être admis par le
conseil d'administration à la majorité des trois quarts des
votants, ou déposer en rentes une valeur égale au montant
des actions dont on est acquéreur.
Dividende de 1855, 675 fr. C'est le plus élevé qu'elles aient
louché.
L'assemblée se compose des 100 plus forts actionnaires.
ASSUHANCES GÉNÉRALES.
(Paris, 88, rue Richelieu.)
' Société anonyme; durée, 50 ans à dater du 18 mars 1819.
— 387 —
Capital, 2 millions, divisé en 300 actions de 5,000 fr. et
en 1,000 actions de 500 fr. Les actions de 5,000 fr. sont
nominatives ; elles ne peuvent être transférées qu'avec l'agré-
ment du conseil d'administration. Un cinquème est payé
en argent ou en dépôt d'effets publics. Pour les quatre au-
tres cinquièmes , il est souscrit au nom de la Société des
obligations non négociables, payables à présentation.
Les actions de 500 f. sont au porteur; le montant en est
versé argent comptant.
Un huitième des bénéfices est affecte au fonds de réserve 5
sur les 7/8 restants , 2 0/0 sont employés en actes de bien-
faisance.
L'assemblée se compose des propriétaires de 2 actions no-
minatives ou de 20 au porteur.
Le revenu des actions de 5,000 fr. a dépassé 1,000 fr. sur
huit exercices. Les plus élevés sont ceux de 1853 : 2,062 fr,
50 c., et 1855: 2,775 fr.
LE PHÉNIX.
(Paris, 40, rue de Provence.)
Société anonyme fondée pour 80 ans à dater du l"* sep-
tembre 1819.
Le maximum des assurances est de 600,000 fr, sur un seul
risque.
Capital, 4 millions, divisé en 4,000 actions de 1,000 fr.,
dont le montant a été intégralement versé. Les actions sont
au porteur. — L'assemblée se compose des porteurs de 15
actions. — Dix exercices ont donné 100 fr. et au-dessus de
dividende, et quatre plus de 200 fr.
LE SOLEIL.
(Paris, 13, rue du Helder.)
Société anonyme fondée pour 90 ans à dater du 16 dé-
cembre 1 829.
Capital, 6 millions, représenté par 1,000 actions nomina-
tives de 6,000 fr., divisibles en couponsau porteyr de 1,000 fr,
— 388 —
Le propriétaire d'une action de 6,000 fr. ne verse pas d'ar-
gent. Il transfère seulement à la Société une inscription de
45 fr. de rente en fonds publics français, ou l'équivalent en
actions de la Banque. Les souscripteurs de coupons en ver-
sent le montant en espèces et touchent 5 0/0 par an d'inté-
rêt. Les actions et les coupons ont le même droit à la ré-
partition des dividendes.
L'assemblée se compose des propriétaires de 8 actions et
des 30 plus forts assurés participants demeurant à Paris.
Les trois derniers exercices ont produit 300 fr. de revenu
chacun.
L'UNION.
(Paris, 15, rue de la Banque.)
Société anonyme , durée, 50 ans à dater du 5 octobre 1828.
Capital, 10 millions, représenté par 2,000 actions nomi-
natives de 5,000 fr. Les actionnaires ne versent que 100 fr.
en numéraire; ils s'engagent à payer le surplus, s'il y a lieu,
et affectent à la garantie de cet engagement un transfert de
45 fr. de rente 3 0/0 ou l'équivalent en fonds publics. Les
actions ne peuvent être transférées sans l'avis du conseil
d'administration, qui peut exiger de l'acquéreur le dépôt
d'effets publics d'une valeur égale au montant des actions
acquises.
Un huitième des bénéfices est affecté au fonds de réserve ;
le reste est distribué aux actionnaires. — L'assemblée se
compose des propriétaires de 5 actions. — Les dividendes
depuis 1851 ont dépassé 200 fr. Celui de 1855 s'est élevé
à 325. ,
LA FRANCE.
(Paris, 6, rue de Ménars,)
Société anonyme fondée pour 50 ans à partir du 27 fé-
vrier 1837.
Maximum des assurances sur un seul risque , 800,000 fr.
Capital, 10 millions, représenté par 2,000 actions nomi-
natives de 5,000 fr.
— 389 —
Versement en numéraire, 100 fr. L'obligation de verser le
fout, s'il y a lieu, est garantie par le dépôt d'effets publics
d'une valeur en capital de 900 fr. — L'assemblée se compose
des propriétaires de 5 actions. — Cinq exercices ont produit
plus de 100 fr. Celui de 1855 est de 200.
L'URBAIXE.
(Pari?, 8, rue Lepellelier.)
Société anonyme fondée pour 50 ans à dater du 4 mars
1838.
Maximum des assurances sur un seul risque, 600,000 fr.
Capital, 5 millions, divisé en 1,000 actions nominatives
de 5,000 fr.
Les aetionnaires doivent verser 200 fr. en numéraire, et
affecter à la garantie du surplus 40 fr. de rente sur lEtat. —
L'assemblée se compose des propriétaires de 3 actions. — Di-
vidende de 1855, 300 fr.
LA PROVIDENCE.
(Paris, 14, rue de Ménars.)
Société anonyme fondée pour 30 ans à dater du 18 sep-
tembre 1838.
Maximum des assurances sur un seul risque, 600,000 fr.
Capital, 5 millions, divisé en 2,000 actions nominatives
de 2,500 fr. dont 250 fr. versés en numéraire, le reste en
dépôt de rentes. L'assemblée se compose des 100 plus forts
actionnaires. — Le plus fort dividende a été de 90 fiv
LA PATERNELLE.
(Paris, 4, rue de Ménars.)
Société anonyme fondée le 2 octobre 1843 ; durée 50 ans.
— Capital, 3millions; actions nominatives de 1,000 fr., dont
400 fr. versés en espôces. — L'assemblée se compose des pro-
priétaires de 10 actions. — Le plus fort dividende a été de
16 fr.
22.
— 390 —
LA COiM lANCE.
(Paris, 102, rue Richelieu.)
Société anonyme fondée le 16 septembre 1844, pour 50
ans. — Capital, 4 millions; 800 actions nominatives de
5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces. — L'assemblée se
cornpose des propriétaires de 5 actions,
LE NORD.
(Lille, 29, rue de Saint-Pierre. —Paris, 10, rue de Ménars.)
Société anonyme autorisée le 24 février 1840, pour 50 ans.
— Capital, 2millions-,2,000actionsnominativesde 1,000 fr.;
200 fr. en espèces. — L'assemblée se compose des proprié-
taires de 5 actions. — Les cinq derniers exercices ont produit
20 fr.
LA SALAMANDRE.
(Paris, 8, place de la Bourse.)
Cette Société n'assure pas hors du département de la
Seine. Elle est en commandite sous la raison : Leroux de
Lens et €'«.
Capital , 3 millions, représenté par 500 actions nomina-
tives de 5,000 fr., et par 100 actions au porteur de 5,000 fr.
divisibles en coupons de 500 fr. — 10 0/0 des bénéfices sont
affectés à l'amortissement des actions au porteur.
ASSURANCES SUR lA VIE.
LA NATIONALE.
(Paris, 3, rue de Ménars.)
Société anonyme fondée le 11 février 1820, pour 99 ans.
Capital, 15 millions, représenté par 3,000 actions nomi-
natives de 5,000 fr. Les actionnaires doivent déposer, à titre
de garantie, 50 fr. de rente ou l'équivalent. Les acquéreurs
d'actions doivent être agréés par le conseil d'administration,
— 3Q1 —
ou déposer en fonds publics une valeur égale au montant des
actions acquises.
L'assemblée se compose des 100 plus forts actionnaires.
— tes exercices 1852-54 ont produit ensemble 2,02o fr,
ASSURANCES GÉNÉRALES.
(Paris, 87, rue Richelieu.)
Société anonyme fondée le 22 décembre 1819 pour 50 ans.
Capital, 3 millions, divisé en 300 actions nominatives de
7,500 fr. et en 1,000 actions au porteur de 750 fr. Les sou-
scriptions ont été intégralement versées. La Compagnie place
ses fonds sur l'État. Elle assure soit pendant la vie soit
après décès.
L'assemblée se compose des propriétaires de 2 actions ou
de 20 coupons.— Le plus haut dividende a été de 862 fr. 50.
et le plus faible de 14 fr. 25.
L'UNION.
(Paris, 16, rue de la Banque.)
Société anonyme fondée pour 99 ans à dater du 21 juin
1829.
Capital, 10 millions, divisé en 2,000 actions nomi-
natives de 5,000 fr. Garantie de l'obligation, 50 fr. de rente
3 0/0, ou l'équivalent. Les nouveaux actionnaires doivent
être agréés par le conseil. La Compagnie assure pendant la
vie et après décès.
Sur les produits nets il est fait un prélèvement de 15 0/0
au moins et de 25 0/0 au plus en faveur des assurés. Cette
quote-part peut être appliquée à une réduction de prime.
C"est un commencement d'application du vrai principe des
assurances : l'assurance par les assurés. — Un second pré-
lèvement de 15 0 0 au moins, 25 0 0 au plus, est mis en
réserve. Le surplus est i*éparti aux actionnaires.
Il faut avoir 5 actions pour assister à l'assemblée. — De
1838 à 1850, le dividende avarié de 110 fr. au plus bas à
160 au plus haut.
— 392 —
LE PHENIX.
(Paris, 40, rue de Provence.)
Société anonyme autorisée le9juin 1844. — Durée, 99 ans.
— Capital, 4 millions; 800 actions nominatives de 5,000 fr.,
dont 1,000 fr. versés en numéraire. — L'assemblée se com-
pose des propriétaires de 3 actions. — Le dividende a été de
100 fr. au plus bas et de 150 au plus haut.
CAISSE PATERNELLE.
(Paris, 4, rue de Ménars.)
Société anonyme autorisée le 19 mars 1850. — Durée,
50 ans. — Capital, 4 millions-, 8,000 actions de 500 fr.,dont
100 fr. en espèces.
L'IMPÉRIALE.
(Paris, 58, rue de Provence.)
Société anonyme autorisée le 29 mars 1854. — Durée ,
99 ans. — Capital, 5 millions 5 10,000 actions de 500 fr.,
dont 250 en espèces.
ASSURANCES GENERALES MARITIMES.
(Paris, 8T, rue Richelieu.)
Société anonyme autorisée le 22 avril 1818. — Durée,
50 ans. — Maximum d'assurance sur un seul risque 6 0/0 du
capital social.
Capital, 2 millions, divisé en 300 actions nominatives de
12,500 fr., et en 1,000 actions au porteur de 1,250 fr.
Les actions nominatives sont garanties :
1" Par le versement en espèces de 2,500 fr.;
2» Par 2, 500 fr. de retenues opérées sur les bénéfices nets;-
3" Par une obligation de 7,500 fr., souscrite par l'action-
naire au nom de la Compagnie et payable dans les dix jour§
delà notification d'un appel de fonds,
— 393 —
Les actions au porteur sont payées comptant.
La Société place ses capitaux en propriétés sises à Paris.
Sur les bénéfices, 2 0/0 sont employés en actes de bien-
faisance, 1/8 est mis en réserve, et le surplus réparti aux
actionnaires. — L'assemblée se compose des propriétaires de
2 actions ou de 20 coupons. — Le plus fort dividende a été
de 1,900 fr.
LLOYD FRANÇAIS.
(Paris, 8, place de la Bourse.)
Société anonyme autorisée pour 30 ans à dater du 16 mars
1837. — Mpximum des assurances sur un seul risque, 3 0/0
du capital social.
Capital, 6 millions, divisé en 1,200 actions nominatives
de 5,000 fr. Chaque actionnaire s'engage à verser le mon-
tant de ses actions, s'il y a lieu, et est tenu de déposer en
garantie des effets publics représentant 1,000 fr. en capital
et produisant 50 fr. d'intérêt. — L'assemblée se compose des
propriétaires de 5 actions. — Le plus fort dividende est celui
de 1855 : 290 fr.
LA MELUSINE.
(Paris, 6, place de la Bourse.)
Société anonyme fondée le 15 mars 1838. — Durée, 30 ans.
— Maximum des assurances sur un seul risque, 3 0/0 du ca-
pital social. — Capital, 2 millions-, 400 actions nominatives
de 5,000 fr., dont 100 fr. en espèces et 36 fr. de rente en
3 0/0. — 2 actions pour assister à l'assemblée. — Dividende
de 1855, 252 fr. 50 5 c'est le plus élevé.
L'INDEMNITÉ.
(Paris, 24, boulevard Poissonnière.)
Société anonyme autorisée le 27 mai 1836, réorganisée
pour 30 ans le 7 mai 1856. — Maximum sur un seul risque,
5 0/0 du capital social. — Capital, 2 millions; 400 actions
nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. en espèces.
r~- 394 ~
CHAMBRE D'ASSURANCES MARITIMES
(Paris, 40, rue Notre-Dame-desrVictoircs,)
Société anonyme autorisée le 16 septembre 1837. — Durée,
30 ans. — Maximum sur un seul risque, 3 0/0. — Capital,
3 millions 5 600 actions nominatives de 5,000 fr., garanties
pour un cinquième par le dépôt de 45 fr. de rente ou l'équi-
valent.
LA SÉCURITÉ.
(Paris, C, place de la Bourse.)
Société anonyme autorisée le 10 avril 1836, pour 21 ans.
— Maximum des assurances sur un seul risque, 4 0/0 du
capital social. — 300 actions nominatives de 5,000 fr., re-
présentant 1,500,000 fr., garanties pour un cinquième par
le dépôt de 40 fr. de rentes 3 0/0 ou l'équivalent.
LA SAUVEGARDE.
(Paris, 8, place de la Bourse.)
Société anonyme autorisée le 4 mai 1846. — Durée, 30 ans.
— Maximum d'assurances sur un seul risque, 4 0/0 du capi-
tal social. — 200 actions nominatives de 5,000 fr., dont
1,000 fr. en espèces. — Dividende de 1855, 405 fr.j c'est le
plus élevé.
L'OCÉAN.
(Paris, 6, place de la Bourse.)
Société anonyme autorisée le 29 mars 1837, pour 40 ans.
— Maximum d'assurances sur un seul risque, 5 0/0 du fonds
social.— Capital, 1 million; 200 actions nominatives de
5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces. — Moyenne du
revenu annuel, 208 fr. 15 c.
L'UNION DES PORTS.
(Paris, 4, place de la Bourse.)
Société anonyme autorisée pour 36 ans à partir du 27 mai
- 395 —
lg36. — Maximum sur un seul risque, 3 0/0 du fonds social.
Capital, 5 millions, représenté par O-IO actions nomina-
tives de 5,000 fr., et 60 actions au porteur de 5,000 fr. égale-
ment, divisibles en coupons de 500 fr. Sur les premières il a
été versé 750 fr. le surplus consiste en engagements souscrits
par les actionnaires. Les actions au porteur ont étdinlégra-
lerfient versées. — L'assemblée se compose des porteurs de
2 actions. — Dividende de 1855, 225 fr.; c'est le plus élevé.
LA VIGIE.
(Paris, 6, place de la Bourse.)
Société anonyme autorisée le 21 mai 1845. — Durée,
30 ans. — Maximum sur un seul risque, 4 0/0 du fonds so-
cial. — Capital, 1 million ; 200 actions nominatives de
5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces. *
LE PILOTE.
(Paris, 6, place de la Bourse.)
Société anonyme autorisée le 23 juin 1852. — Durée,
30 ans. — Maximum sur un seul risque, 4 0/0 du fonds so-
cial. — 200 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr.
versés en espèces. — Dividende de 1655, 374 fr.
COMPAGXIE DE PRÊTS A LA GROSSE.
(Paris, 87, rue de Richelieu).
Autorisée le 16 juillet 1853, pour 30 ans. 200 actions de
5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en numéraire. — Revenu de
1855, 150 fr.
PHARE MARITIME.
(Paris, 35, rue Vivienne.)
Société anonyme autorisée le 5 décembre 1853. — Durée,
20 ans. — Maximum sur un seul risque, 4 0/0 du fonds social.
— Capital, 1 million -, 200 actions nominatives de 5,000 fr.,
dont 1,000 versés en espèces.
— 396 —
LA MARITIME.
(Paris, 4, place de la Bourse.)
Compagnie anonyme autorisée pour 30 ans à partir du
25 mars 1854.-1,000 actions nominatives de 1,000 fr.,
tout en numéraire.
COMPAGNIE CENTRALE.
(Paris, 7, place de la Bourse.)
Société anonyme fondée pour 30 ans à dater du 23 no-
vembre 1854. — Maximum sur un risque, 3 0/0. Capital,
5 millions; 1,000 actions nominatives de 5,000 fr., dont
1 ,000 fr. versés en espèces.
LA RÉUNION.
(Paris, 10, place de la Bourse.)
Société anonyme fondée pour 50 ans, à dater du 6 juin
1855. — Maximum, 3 0/0. — Capital, 6 millions ; 1,200 ac-
tions de 5j000 fr. dont 1,000 fr. en espèces.
LA GIRONDE.
(Bordeaux, 2, rue Esprit-des-Lois.)
Société anonyme fondée le 26 janvier 1844. — Durée,
20 ans. — Maximum sur un seul risque, 5 0/0 du fonds so-
cial. — Capital, 2 millions; 400 actions nominatives de
5,000 fr. 5 versement en espèces, 1,000 fr.
LA GAÏIONNE. ,
(Bordeaux, 1, rue du Réservoir.)
Société anonyme autorisée le 21 novembre 1846. — Durée,
20 ans. — Maximum, 5 0/0. — Capital , 2,500,000 fr. ;
500 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. en es-
pèces. — Le dividende le plus élevé a été de 575 fr.
COMPAGNIE D'ASSURANCES DU HAVRE.
(Havre, 34, rue d'Orléans.)
Société anonyme fondée pour 12 ans à dater du 26 no-
— 397 —
vcmbre 1850. — Maximum, 0 0/0. — Capital, 2 millions;
2,000 actions nominatives de 1,000 fr. ; 250 fr. en numéraire.
LLOYD MARSEILLAIS.
(Marseille, 75, rue de Paradis.)
Société anonyme autorisée le 11 juillet 1845, pour 20 ans.
— Maximum, 5 0/0. — Capital, 1 million ^ 200 actions nomi-
natives de 5,000 fr. 5 versement de 1,000 fr. en espèces.
ASSl'RANCES CONTRE LA GRÊLE.
ASSURANCES GÉNÉRALES.
(Paris, 87, rue de Richelieu.)
Société anonyme autorisée le 25 octobre 1854. — Durée,
50 ans. — Capital, 10 millions, divisé en 2,000 actions no-
minatives de 5,000 fr. garanties : 1» par un versement de
1,000 fr. en espèces; 2° par une obligation de l'actionnaire
de verser les quatre autres cinquièmes d'année en année, à
dater de la demande du premier cinquième. — L'assemblée
se compose des propriétaires de 5 actions. — Revenu en
1855, 50 fr.
CHAPITRE \I.
Industrie minière. — Uétallarg^ie.
ilOlllLÈRES ET CHARBONNAGES.
L'extraction de la bouille n"a pris de l'importance en
France que depuis l'invention de la vapeur, et surtout de-
puis l'établissement des chemins de fer. La substitution du
charbon minéral au charbon de bois dans le traitement des
minerais de fer, le gaz d'éclairage, le combustible des ma-
chines , le chauffage des logements donnent à cette indus-
trie une importance de plus en plus grande, et font craindre
que les mines ne viennent prochainement à faire défaut à la
23
— 398 —
consommation. On dit cependant qne de nouvelle rechei'^
dies ont fait reconnaître de nombreux et forts gisements à des
profondeurs inespérées et sur des points inattendus : nous
faisons des vœux pour que cette bonne fortune se réalise.
J.e nombre des mines de charbon concédées en France est
de 448, réparties fort inégalement entre 45 départements:
Elles occupent une superficie de 4,776 kilomètres carrés
56 hectares. Les bassins de la Loire et du Nord sont les f)lus
riches. 11 fournissent à eux seuls la moitié de la production
annuelle française. Mais ils ne peuvent rivaliser avec les
gisements houillers de la Belgique, et surtout de la Grande-
Bretagne.
La moyenne de l'exploitation indigène, dans les six an-
nées 1847-52, a été de 45 millions de quintaux métriques, et
l'importation, durant la même période, de 27 millions de
quintaux, dont les deux tiers de provenance belge.
En supposant que les 4,776 kilomètres carrés 56 hectares
rendent un demi-mètre cube de houille par mètre de super-
ficie, ce qui est fort exagéré, la consommation restant ce
qu'elle est, la France aurait encore pour 331 ans de combus-
tible.
Que pense de cela le monde actionnaire?...
Le nombre des ouvriers employés en 1852 à l'exploitnlion
des mines françaises était de 35,381, dont 27,001 à l'inlé-
rieur des puits, et 8,380 à l'extérieur. La houille sur place
revient en moyenne à 1 fr. le quintal.
Le combustible minéral se divise en six classes princi-
pales : anthracite, houille dure à courte fiamme, houille
grasse maréchale, lioiiille grasse à longue flamme, houiiie
maigre à longue flamme, lignite et slipile.
CO.lïï'AGNIES FOKRSÉES DE L'Ai>;€IENXE SOCIeItÉ DES
MIKES DE LA LOIRE,
La Compagnie des Mines de la Loire, constituée en Société
civile par acte du 17 février 1847, au capital de 80,000 ac-
tions, réunit alors quatre groupes, qui se sont fractionnés de
nouveau, par ordre du gouvernement, en 1854, savoir :
1» Société des Mines de la Loire (rue de la Victoire, 44);
— â99 —
2» Seciété dea Houillères de Montrambert et de la Sérau-
dif-re (Lyon) -,
3° Sociélédes Honillères de Rive-dè-Gier {Lyon) -^
4" Société des Houillères de Saint-Étienne (Lyon).
Ces quatre groupes se sont constitués en autant de So-
ciétés anonymes, le 17 octobre 1854, pour une durée de
99 ans. Les actions sont au nombre de 80,000, nominatives
pendant les trois premières années, et, passé ce délai, nomi-
natives on au porteur, au choix du propriétaire. Chaque
action ancienne a reçu une action de chacune des quatre
Sociétés nouvelles. — Les assemblées se composent des pro-
priétaires de 25 actions.
La Société civile avait contracté des emprunts ou reconnu
ceux des Compagnies incorporées. Le service de cette dette
est réparti entre les quatre Sociétés fractionnées, et effectué
par un agent spécial chargé en outre des intérêts communs.
Elle se compose de la manière suivante, d'après le compte
rendu de 1856 :
4,370 obligalions des anciens emprunts 5,402,500 »»
11,784 — de l'emprunt de 1852 14,730,000 ....
10,151 — 20,192,500 ....
Créance du chemin de fer Grand-Ce-ntral 1,000,000 »»
Solde H ce jonr de la dello spéciale des entrepôts 479,160 '0
Ensemble 21,671,000 70
Les dividendes de Texercice 1855 se sont élevés à (îO fr.
par aciion pour les quatre groupes, savoir :
RIve-de-Gicr 27 fr.
Sujnl-Élicnne ..... 14
Mines de la Loire. . . 10
Munlrambert. 9
Total 60
lIOriLLÈUES DE LA HAUTE-LOIIIE.
(I*aris, 9, place de la t3oiirse.)
Société civile constituée le 6 octobre 1837, pour 99 ans.
— Capital, 2,600,000 fr., divisée en 5,200 actions, nomina-
— 400 —
lives on au porteur, de 500 fr.; jouissance avril et octobre.
— Emprunt négocié au moyen de 400 obligations rembour-
sables à 1,250 tV. ; 50 fr. d'intérêt payable en mars et sep-
tembre.
HOUILLÈRES DE MOiXTCHANIN (Saone-et-loire).
(Paris, 47, rue de la Victoire.)
Société civile constituée en 1838 pour 99 ans. — Capital,
2,200,000 fr. ; 440 actions nominatives de 5,000 fr.
MINES DE MOXTIEUX-SAINT-ÉTIENNE (Loire).
(Paris, 10, rue Neuve-des-Malhurins.^
Société civile constituée le 18 mars 1838. — Capital,
1,400,000 fr. 5 2,800 actions au porteur, de 500 fr.
HOUILLÈRES DE BLANZY (Saone-et-Loire).
(Paris, 10, rue de la Cliaussée-d'Anlin.)
Commandite sous la raison sociale Chagot et C^% fondée le
12 juillet 1838 pour 82 ans, —Capital, 15 millions ; 30,000
actions au porteur, de 500 fr. — Emprunts, deux séries d'o-
bligations 5 0/0, remboursables au pair, savoir : 1,000 obli-
gations de 1,000 fr., et 1,000 de 250 fr.
HOUILLÈRES DE I^A CHAZOTTE (Loire).
(Paris, 20, rue Ncuve-des-Malliiirins.)
Société anonyme autorisée le 27 octobre 1843. — Durée,
99 ans. — Capital représenté par 3,550 actions nominatives
on au porteur. — Dernier dividende, 42 fr.
HOUILLÈRE ET CHEJIIX DE FER D'ÉPINAC.
(Paris, 35, rue Lepellelier.)
Société anonyme autorisée le 2 juillet 1850. — Durée, 99
ans. — Capital représenté par 2,400 actions au porteur.
— 401 —
HOUILLÈRES DE SAIXï-CHAiMOND.
(Paris, 10, rue de la Cbausséc-d'Antin.)
Sociélc anonyme autorisée le 29 octobre 1853. — Durée,
50 ans. — Capital représenté par 3,275 actions nominatives.
MINES DE LA GRAXD'COMIÎE (Gard).
(Paris, 57, rue de la Cliaussée-d'Antin.)
Ancienne Société civile, devenue anonyme en 1855. —
Durée, 50 ans. — Capital représenté par 24,000 actions no-
minatives ou au porteur. — Dernier dividende, 60 fr. — L'an-
cienne Société élait propriétaire du chemin de fer d'Alais
aux mines et à Beaucaire , annexé à la Compagnie de Lyon
à la Méditerranée. La Société nouvelle reste garante desem-
l)runts contractés par l'ancienne. — L'extraction en 1855 a
élé de 359,836 tonnes. — L'assemblée du 29 mai 1856 a au-
torisé la négociation d'un emprunt de 4,500,000 fr. au moyen
d'obligations.
IIOIILLÈIIES ET CIIEMIiX DE FER DE PORTES ET
SÉNÉCHAS (Gard).
(Paris, 85, rue Richelieu.)
Commandite sous la raison sociale Jules Mires et C'", con-
stituée le 11 novembre 1854. — Durée, 40 ans. — Capital,
7,200,000 fr. représenté par 24,000 actions au porteur li-
bérées à 300 fr. — Dividende de 1855,27 fr.
HOUILLÈRES DU CEXTRE-DU-FLEXU.
(Paris, 18, rue Meslay.)
Société civile française constituée le 12 mars 1838, pour
99 ans.— Capital, 3,600,000 fr., divisé en 3,600 actions,
nominatives ou au porteur, de 1,000 fr. — Revenu de 1855,
20 fr.
l>OXT-DE-LOUI»-SUD (Bel(;ique) .
(Paris, 10, rue Neuve-des-Malhuriiis.)
Société civile française constituée pour 99 ans, en mars
- 402 —
1838. — Capital, 2,800,000 fr. ; 2,800 actions de 1,000 fr.
au porteur ou nominatives. — Dividende de 1855, 70 fr.
HOL'ILLÈRES D'AZINCOIRT (Nord).
(Aniches, déparlenienl du Nord.)
Société anonyme fondée pour 99 ans, le 31 juillet 1842.
— Capital représenté par 1,500 actions nominatives. — Di-
vidende du dernier exercice, 150 fr.
HOUILLÈRES DE CHALONNES-SUR-LOIRE.
(Paris, 9, rue Saint-Florenlin.)
Société civile, constituée pour 99 ans, le 29 mars 1843.
— Capital, 1,200,000 fr. ; 1,200 actions de 1,000 fr.
CIIARBOiX MINÉRAL DE LA MAYENNE ET LA SARTUE.
(Laval.)
Société transformée en anonyme le 4 juillet 1855. — Du-
rée, 50 ans. — Capital représenté par 13,200 actions libé-
rées ou au porteur. — Moyenne des exercices 1851-55, 36 fr.
HOUILLÈRES ET CHEMIN DE FER DE CARMAUX A
TOULOUSE.
Société fondée en 1856, au capital de 17,400,000 fr., pour
Texploitation des houilles de Carmaiix et du chemin de fer
de Carmauxà Alby. Le capital sera porté à 58 millions lorsque
le prolongement de ce chemin de fer juscprà Toulouse et
jusqu'au Grand-Central aura été accordé. — Les mines pro-
duisent actuellement 1,200,000 hectolitres de houille par an.
FORGES, FONDERIES, IIADTHOI'RNEAUI
Les mines de fer concédées étaient, en 1852, au nombre
de 177, d'après la Statistique des ingénieurs. Mais les mi-
nières, qui s'exploitent à ciel ouvert, sont beaucoup plus
nombreuses -, elles forment, aux termes de la loi, une dépen-
dance tic la propriété du sol, et ce n'est qu'cà défaut par le
^ 403 —
propriélaire de les exploiter lui-même que radminish"ali(»n
permet aux maîtres de forges du voisinage d'en extraire les
minerais dont ils ont besoin.
En 1847, année de prospérité extraordinaire pour l'indus-
trie du fci', le nombre des minières exploitées a été de 980,
et celui des mines, de 101. La production a été de 34,636,948
(piintaux métriques, représentant une valeur de 9,432,250
fr., ou 272 fr. \^ar quintal ; 2,291,491 fr., ou le quart envi-
ron, ont été attribués à titre de redevance aux propriétaires
du sol. Te nombre des ouvriers employés était de 15,609, et
la somme de leurs salaires, de 5,394,808 fr.
Les cinq départements de la Haute-Marne, de la Haute-
Saône, du Cher, de la Moselle et du Nord fournissent à eux
seuls plus de la moitié de la consommation. Viennent en-
suite, par ordre d'importance : les .Ardennes, la Meuse, la
Côte-d'Or, le Pas-de-Calais, la Mévrc et l'Aveyron.
L'infériorité de la France par rap|iort à l'Angleterre et à
d'autres puissances, dans la production du fer, tient moins
à rinsuflisance des gisements qu'à l'éloigncment où ils se
trouvent, pour la plupart, des mines de combustibles. Les
frais de transport augmentent le prix d'une façon considé-
rable. C'est ainsi que le coût du minerai par quintal métri-
que varie de 10 centimes à 2 francs, suivant les localités.
FORGES ET FONDERIES DE LA LOIRE ET L'ARDÈCIIE.
(Lyon, 8, rue Sainte-Hélène.)
Société anonyme, autorisée le 13 novembre 1822. — Durée,
99 ans. — Le capital, primitivement divisé en 800 parts,
se trouva porté, en 1846, à 4,000, par la subdivision de cha-
que part primitive en quatre, et l'émission de 800 nouvelles.
L'assemblée du 3 avril 1855 a autorisé la négociation de
2,000 actions nouvelles, qui porteraient le nombre total à
6,000 ; mais cette mesure n'a pas encore reçu son exécution.
— Le dividende de 1855 a été de 500 fr.
FORGES DU CRErSOT (Saone-et-loire).
Société en commandite au capital de 14 millions ; actions
— 404 -•
de 500 fr. — Dernier dividende, 100 fr. Jouissance juin et
décembre.
FORGES ET FONDERIES D'ALAIS (Gard).
(Paris, 28, rue de Grammont.)
Société anonyme fondée le 20 octobre 1 830, pour 99 ans ,
au capital de 6 millions, reconstituée sur de nouvelles bases
le 13 février 1856. Les établissements avaient été affermés,
le 15 mai 1836, pour 20 ans. Aujourd'hui les Compagnies
fermière et propriétaire sont fusionnées; le capital, sans
évaluation déterminée, est divisé en 18,000 actions. Chaque
action ancienne, de 3,000 fr., s'est échangée contre 7 nou-
velles.
FORGES DE DECAZEVILLE (Aveyron).
(Paris, 17, rue de Provence.)
Société anonyme autorisée le 28 janvier 1826. — Durée,
50 ans. — Capital social, 7,200,000 fr., représenté par 2,400
actions nominatives de 3,000 fr. — Trois emprunts : l'un
de 1,200,000 fr., 1,200 obligations de 1,000 fr., 45 fr. d'in-
térêt ; l'autre de 1,200,000 fr., 2,400 obligations de 500 fr.,
27 fr, 50 d'intérêt \ le troisième de 2 millions, 4,000 obli-
gations de 600 fr., 30 fr. d'intérêt.
FORGES D'AUDINCOURT (Doubs).
CSiége social à Audincourt.)
Société anonyme autorisée le 11 août 1824. — 99 ans. —
4,500,000 fr. représentés par 900 actions nominatives de
5,000 fr.
HOUILLÈRES ET HAUTS -FOURNEAUX DE COMMEN-
TRY, MONTVICQ, IMPHY, ETC.
(Paris, IG, place Vendôme.)
Commandite constituée le 17 décembre 1853, pour 60 ans,
sous la raison sogiale Boifjnes, Ramboiirg et C'« . — Capital
représenté par 50,000 actions ; 50 fr. de dividende en 1855.
— 405 —
FOUGES DE CHATILLOX ET COMMENTE Y.
(Paris, U, rue du Conservatoire.)
Commandite fondée le 13 novembre 1845, sous la raison
sociale Bougvéret, Martenotet C'« . — Durée, 75 ans. — Ca-
I)ital, 25 millions, représenté par 50,000 actions de 500 fr.
— Dividende de chacun des deux derniers exercices, 50 fr.
— Emprunt de 6 millions en obligations remboursables à
625 fr., 25 fr. d'intérêt.
FORGES ET ISIXES DE LA BASSE-IXDRE.
Commandite fondée le 8 mars 1846, pour 36 ans, sous la
raison sociale .4. Langlois et C'«. — Capital, 2,500,000 fr.;
5,000 actions, nominatives ou au porteur, de 500 fr. — Di-
videndes de 1854 et 1855, 80 fr.
HAUTS-FOURNEAUX DE MAUBEUGE (Nord).
(Siège social à Yaleneiennes.)
Société anonyme autorisée le 26 octobre 1849. — Durée,
50 ans. — Capital représenté par 6,000 actions.
FORGES ET FONDERIES DE L'HORME.
(Lyon, 32, place Bellecour.)
Compagnie anonyme autorisée le 2 juillet 1847. — Durée,
90 ans. — Capital divisé en 10,000 actions nominatives.
FORGES DE DENALX ET ANZIX.
(Siège social à Denain.)
Société anonyme autorisée le 6 avril 1849. — Durée,
99 ans. — Capital représenté par 20,000 actions nomina-
tives ou au porteur.
UAUTS-FOURNEAUX DTIERSERANGE ET ST-NICOLAS.
(Paris, 68, rue Iiaute\ille.)
Commandite constituée le 27 novembre 1854, suus la
23.
— 40« —
raison sociale Maillard et 6'"'. — Capital 12,500,000 fr.,
divisé en 50,000 actions de 250 fr. ; il n'en a encore été émis
que 40,000.
HAUTS-FOURNEAUX, ACIÉRIES DE LA MARINE ET
DES CHEMINS DE FER.
(Rive-de-Gier.)
Commandite constituée pour 50 ans, le 14 novembre 1854,
sous la raison sociale Jackson frères, Pétin Gaiidet et Û« .
Cette Société s'est formée des quatre commandites sui-
vantes : 1" Forges et Aciéries d'Assailly-.Iackson ; 2° Acié-
ries de Lorette ; 3" Forges et Hauts-Fourneaux de Vierzon ;
4" Forges de la marine et des chemins de fer. — Capital,
représenté par 54,000 actions au porteur. — Revenu do
1855, 70 fr.
MINES DIVERSES.
I.a France possède un grand nombre de gisements métal-
lifères de diverse nature ; mais ils ne sont pas assez riches
pour être exploités. Aussi sommes-nous tributaires de l'é-
tranger pour les métaux : le cuivre, le zinc, le plomb, l'étain,
le mercure, Por, Targent, etc. Le fer et la houille indigènes
ne sont pas même suffisants. Les concessions de mines
autres que de fer et de charbon étaient, en 1852, de 199,
dont fort peu en exploitation. Sous le rapport des salines,
nous sommes au contraire des plus favorisés; nous avons
mines de sel gemme, sources salées, laveries de sables et
marais salants. Les mines de sel concédées sont au nombre
de 25. — L'attention commence à se porter vers l'Algérie,
dont les gisements métallifères sont, dit-on, aussi riches
que variés.
MINES DE PLOMB DE PONTtilBAUD.
(Paris, 18, rue Bergère.)
Compagnie anonyme autorisée le 8 avril 1853. — Durée,
99 ans. — Capital représenté par 10,000 actions au porteur.
— Revemi du dernier exercice, 25 Ir.
— 407 —
ASPHALTES SEYSSEL, VAL-DE-TIÎAVERS).
Paris, 2lG, quai Jcmmapes.)
Commandite constituée le 3 janvier 1856, pour 10 ans,
sous la raison sociale Baboneau et C««. — Capital, 4 millions-,
actions de 500 t'r. Il n'en a encore été émis que 6,000.
SALINES DE L'EST.
Société anonyme autorisée par ordonnance royale du 2jan- -
vicr 1828. — Exploitation en commun avec l'État dos mines
de Dieuze, Moyen-Vie, Salins, Arc, des mines de sel gemme
de Vie et de toutes celles qui peuvent se trouver dans les dix
départements suivants : Meurthe, Moselle, Meuse, Vosges,
Haut-Rhin, Bas-Rhin, Doubs, Haute-Saône, Jura et Haute-
Marne. — Capital, 10 millions, divisé en 2,000 actions.
SALLXS DU ilIIDI.
(Paris, 15, place Vendôme.;
Commandite constituée le 15 juin 1856, sous la raison so-
ciale A. RenouardetC'^. — Durée, 10 ans. — Capital, 10 mil-
lions; actions de 500 fr.; 12,000 seulement ont été émises.
COSIPAGME FEIUIIÈRE DE LA CAKOXTE.
(Paris, 3, rue Louis-le-Grand.)
Commandite fondée le 27 août 1853, pour 30 ans, sous la
raison sociale /. Luyt et C'''. — Exploitation de mines de
cuivre.— Capital, 7 millions; actions de 100 fr.; 25,000 seu-
lement ont été émises.
MIXES DE MOUZAIA (Algérie).
Pari?, 10, rue Mogador.)
Société en commandite pour Texploilation de mines de
cuivre, sous la raison sociale Bœvf et C^^. — Durée, 98 ans
à partir du 20 juin 1845. — Capital, 6 millions: actions de
100 fr. — La Société a affermé ses mines et établissements
à la Compagnie de la Caronte, moyennant 60 0,0 des béné-
iices nets de l'exploitalion.
— AOS ~
MIAES DE TENÈS (Algérie).
(Paris, 8, rue de Provence.)
Exploitation de minerais de cuivre. Commandite fondée
Je 13 novembre 1849, sous la raison sociale H. Fleury et C'«.
■—Durée, 99 ans. Capital, 2,400,000 fr.; actions de 500 fr.
USINES MÉTALllJRGlQllES.
USIXES DE NOGENT.
(Paris, 66, rue de Bondy.)
Commandite constituée pour 50 ans, le 29 août 1853, sous
la raison sociale Sommelet^ Danlan et C^f. — Fnbiication
d'armes blanches, coutellerie et taillanderie. — Capital, 3
millions 5 actions de 100 fr. — Revenu de 1850, 8 fr.
USLNES DE SEPTÈMES.
(Marseille.)
Commandite sous la raison sociale F. Jacquinot et Cif. —
Durée, 30 ans, à partir du 30 mai 1853. — Capital, 10 mil-
lions; actions de 240 fr.- 16,000 seulement ont été émises.
SOCIÉTÉ J.-F. CAIL.
(Paris, 46, quai de Billy.)
Construction de machines à vapeur, d'appareils pour su-
creries, outillage, etc. Usine mise en commandite pour 20
ans, le 8 juin 1850. — Capital, 7 millions; 14,000 actions de
500 fr. Le revenu a toujours dépassé 10 0/0, et a atteint
15 0/0 en 1854.
CHRISTOFLE ET C ^
(Paris, 66, rue de Bondy.)
Commandite constituée le 6 juillet 1845, pour une durée
de 30 ans. — Capital, 2 millions; 4,000 actions de 500 fr. —
Moyenne des six derniers exercices, 93 fr. par action.
GALVANISATION DU FER.
l'aris, 40, rue de Bondy.)
Commandite fondée le 20 juillet 1838.— Durée, 20 ans.
— 409 —
• — Capital, 2 millions; 2 séries de 2,000 actions de 500 IV. —
Moyenne des cinq derniers exercices, 36 fr. par action.
CHAMEROY ET C ^
Commandite fondée ponr 28 ans, le 3 avril 1838. — Capi-
tal, nn'million ; 2,000 actions de 500 fr. — Moyenne des six
derniers exercices, 62 fr. par action.— Emprunt de 200,000 fr.
représenté par 2,000 obligations de 100 fr.
FERS ÉTIRÉS.
(Paris, 40, rue Bellefond.)
Commandite fondée pour 20 ans, le 18 mai 1838, sous la
raison sociale Gandillol et Ci«. — Capital, 611,745 fr., divisé
en 2,399 actions de 255 fr. — Moyenne des trois derniers
exercices, 36 fr. par action.
USIXE CAVE,
(Paris, faubourg Saint-Denis.)
L'assemblée du 10 janvier 1856 a révoqué les gérants et
provoqué la liquidation de la Compagnie, qui doit se réoi-
ganiser. Trois actions anciennes s'échangeront contre une
nouvelle.
CHAPITRE VU.
Gaz.
La fabrication du gaz ne i)eut être évaluée en prix de
revient d"une manière générale. D'abord le transport de la
houille augmente sensiblement les frais pour les villes qui ne
sont desservies ni par des chemins de fer ni par des voies na-
vigables, ou qui se trouvent à une grande distance des lieux
d'extraction. Ensuite, la distillation du charbon minéral
rend en coke et en produits chimiijues une valeur qui, lors-
qu'elle trouve son placement, suflit, au dire de certaines
personnes, à couvrir les frais de manipulation. Â Paris, tous
— 410 —
les résidus de l'usine s'emploient dans l'indusliie; il s"Cdt
créé des fabrications spéciales pour utiliser ceux qui sem-
blaient le moins susceptibles d'une application industrielle.
De cette manière, le prix du gaz peut être considérablement
diminué; à Paris le gaz pourrait même être livré à la con-
sommation pour rien; tantlis que dans les vMles où ces rési-
dus sont trop peu importants pour être employés sur place
ou expédiés au loin, l'éclairage a à supporter presque tous
les frais de fabrication et de distribution.
La plupart des villes ont des usines à gaz, qui sont |)i'cs-
(pic toutes exploitées en société. Nous mentionnerons seu-
lement les principales.
SOCIÉTÉ PARISIENNE
D'ÉCLAIRAGE ET DE CHAUFFAGE PAR LE GAZ.
(Paris, 1, rue Saint-Georges.)
Compagnie anonyme constituée par acte du 19 décembre
1855, approuvée le 22 du même mois. Le capital est divisé
en 110,000 parts, évaluées à 500 fr. l'une, soit 55 millions.
Elle s'est incoiporée les six Sociétés suivantes, qui ontrecju,
en écliunge de leurs apports :
1" Société L. Margiieritfe et C", .... 27,256 parts.
2° — Brunlon, Pillé et C"= 21,648
30 _ Dubocliet cK.'" 11,478
40 — Lacarrièré et C" 8,988
50 _ payn cl C" 6,588
O" — Ch. Gosselin et C'« 4,042
Total 82,000
Actions émises à 500 fr 30,000
Ensemble 110,000
Le capital des 30,000 actions émises cà 500 fr., soit J5 mil-
lions, est affecté aux destinations suivantes :
Fonds de roulement - 1,500,000 fr.
Édification d'usines et travaux divers 3,825,000
A MM. Péreirc el Murgueritle, remboursement de l'u-
sine Paulon, établie à Sèvres 325,000
Aux Compagnies fusionnées pour prix de leurs apports. 9,550,000
Ensemble 15,000,000
— 411 —
Aux termes du cahier des charges, la couccssiou est de
50 ans. Le gaz doit être fourni à la ville au prix de 15 cen-
times le mètre cube et à l'industrie au prix de 30 centimes.
A l'expiration de la concession, la ville de Paris deviendra
propriétaire de tout le matériel existant sous les voies pu-
bliques, sans indemnité. Elle deviendra également proprié-
taire des usines moyennant un prix fixé à dire d'experts.
L'éclairage sera fait par le gaz de houille, et il n'en pourra
être employé d'autre sans le consentement du préfet de po-
lice, après délibénition du conseil municipal.
Cette dernière disposition est dirigée principalement
contre les inventeurs du gaz à l'eau, qui offraient un rabais
considérable sur les prix accordés à la Compagnie conces-
sionnaire. Les expériences des inventeurs, soumises à une
commission composée de MM. Dumas, Chevreul et Regnault,
n'ont pas été reconnues conclnantes. Est-ce à dire qu'elles
soient condamnées pour cinquante ans? La Compagnie pa-
risienne a acheté le brevet, mais avec l'intention avouée de
ne pas s'en servir.
Il y a dans la concession de tout monopole deux intérêts
qu'il est difficile de concilier : l'intérêt public et celui (h^s
monopoleurs. La fusion, il est vrai, a diminué le prix du
gaz; mais on parle, pour la Compagnie, de bénéfices an-
nuels de 16 0 0 au minimum. S'il en était ainsi, ce serait la
population qui aurait encore fait, celte fois, les frais de la
coalition.
La Compagnie concessionnaire comprend l'éclairage cl le
chanlTage, dans Paris et les communes suburbaines.
L'assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.
COMPAGME DU NGllD.
Purij, 30, rue J;icob.)
Commandite fondée le 12 janvier 1845, sous la raison so-
ciale Ch. Gossclin^ E. Brison et CJ^ . — Durée, 50 ans. —
Capital, 3 millions; 6,000 actions de .500 fr. — Éclairage
de Balignolles, Saint-Denis, La Chapelle, etc. Dividende de
chacun des cinq derniers exercices, 40 fr.
— 412 —
COMPAGNIE DE L'EST.
(Cours de Vincenneà, 45, près Paris.)
Commandite fondée le 16 juin 1845, sous la raison sociale
Foiicart et C'% pour ['(éclairage de Vincennes, Sainl-Mandc,
Cliaronne, Bercy, Charenton, Alforl, elc, — 500,000 fr. di-
visés en 1,000 actions de 500 fr. — Dernier dividende,
74 fr. 50 c.
COMPAGNIE CENTRALE.
(Paris, 110, rue Richelieu.)
Commandite constituée le 23 mars 1847, sous la raison
sociale Lebon père, fils et C'« , pour l'éclairage des villes sui-
vantes : Dieppe, Pont-Audemer, Chartres, Fécamp, Morlaix,
Bernay, Honlleur, Nice, Alger, et la prison Mazas à Paris. —
Durée, 99 ans. — Capital, 5 millions, dont moitié seulement
est réalisée. Actions de 5,000 fr. nominatives, et de 500 fr.
au porteur.
L'ALLIANCE.
(Paris, ()G, rue de la Victoire.)
Commandite fondée le 31 octobre 1853, sous la raison
sociale Hoivyn de Tranchère et C'«. — Durée, 60 ans. — (^a-
|>ital,25 millions; actions de 500 fr., dont 100,000 seulement
sont émises. La Compagnie a cédé à la société fusionnée son
brevet de gaz à l'eau et l'éclairage de lliôtel des Invalides,
GAZ ET HAUTS-FOUIINEAUX DE MARSEILLE.
(Paris, 85, rue Riclielieu.)
Commandite (ondée le 17 mai 1856; raison sociale, ./. Mirés
el C'e ; durée, 50 ans ; capital, 7,200,000 fr. ; actions de 300 fr.
GAZ DE VERSAILLES.
(Paris, 30, rue JacoL.)
Commandite fondée le 20 juin 1839, sous la raison sociale
C/i. Gosselin et C'«. — 1,200 actions de 500 fr. — Hevenu
en 1855, 35 fr.
— 413 — .
CHAPITRE YIII.
Coinpagfnies fliverscs.
VOITURES Pl'BLlQliES.
MESSAGERIES IxM PÉRI ALES.
Société anonyme fondée en 1808 et 1809, pour le trans-
I)ort des marchandises et des voyageurs, le factage, le ca-
mionnage, etc., dans toute l'étendue de l'empire. Depuis la
création du réseau de chemins de fer, elle a abandonné les
grandes routes, et a dû se restreindre au service subalterne
des localités répandues sur la longueur ou à distance des
voies ferrées. — Durée jusqu'à la fin de 1867. Capital,
2,500,000 fr. ; 250 actions de 10,000 fr., divisibles en cou-
pons de 5,000. Elles sont cotées 40,000 fr.
COMPAGNIE GÉNÉRALE DES OMNIBUS.
Cette Compagnie, constituée sous forme anonyme le 22 fé-
vrier 1855, pour une durée de 30 ans, résulte : 1" de la fu-
sion des diverses entreprises d'omnibus affectés au service
de la capitale; 2" du privilège qui lui a été accordé, par dé-
cret du 5 août 1854, de faire seule ce service. Pour compléter
le monopole, elle a acheté de M. Loubat le droit d'exploiter
un système d'omnibus sur rails, dont le cessionnaire était
Tinvenleur. Ainsi, sous le régime des concessions, les décou-
vertes ne servent plus qu'à procurer à leurs auteurs le droit
de prendre leur part du monopole établi, monopole que le
gouvernement se réserve d'étendre encore, sous prétexte de
lignes nouvelles à desservir.
Le fonds social est de 12 millions, représenté par 24,000
actions de 500 fr. libérées; elles ont touché 45 fr. sur le pie-
mier exercice. L'assemblée du 14 mai 1856 a décidé qu'il se-
rait émis 6,000 actions nouvelles, sauf approbation du gou-
^ 414 --
vonicment. — Emprunt : 8,000 obliguliuns remboursables à
500 IV.; 25 fr. d'mtérêt, jouissance d'avril et octobre.
CO^IPAfiME IMPÉRIALE DES VOITURES DE PARIS.
Commandite fondée le 18 août 1855, sous la raison so-
ciale E. CaUlard et f '« . — Durée, 60 ans. — Capital, 40 mil-
lions, représenté par 400,000 actions de 100 francs libérées,
dont 75,000 destinées à rembourser les anciens entrepre-
neurs de voitures, dépossédés ou fusionnés en suike du privi-
lège accordé à la Compagnie Impériale par le préfet de police.
D'après le compte-rendu du 23 avril 1856, l'exploitation
avait porté en 1855 sur 848 voitures; mais la Compagnie en
avait, à l'époque de l'assemblée générale, 1,896. Elle avait
réuni tous les anciens numéros, à l'exception de 79, et était
en négociation pour l'acliat de toutes les voilures de remise.
L'administration municipale lui concède 500 numéros nou-
veaux pour voitures de place et 500 pour voitures de remise.
Les anciens numéros se sont vendus de 5 à 7,000 fr. : k
concession de 1,000 nouveaux numéros représenterait donc,
sauf déduction du prix des voitures, un cadeau de 5 à 7 mil-
lions.
Cette sorte d'entreprise est certainement une de celles où
l'association est la moins nécessaire, et oii l'autorité pourrait
le plus aisément se dispenser de créer un monopole. 11 semble
en vérité que la Concurrence, cette grande force économique
dégagée par la Révolution, soit devenue suspecte. Bientôt on
concédera des privilèges d'épiciers, de fruitiers, de chemi-
siers, de savetiers. Et l'on s'étonne qu'un spéculateur logi-
cien s'en vienne dire un jour au propre frère du magistrat
municipal : Monsieur, obtenez-moi un privilège, et nous par-
tagerons la prime...
40 millions de capital pour un matériel de moins de
3,000 voitures!... Nous serions curieux d'en voir le compte.
GLACES ET VERRERIES.
MANUFACTURE DE SAINT-GOBAIN.
Société anonyme formée le 17 février 1830, en continua-
— 415 —
lion de celle organisée en 1702. Le capital est divisé en
1,152 actions nominatives, estimées à 7,0(>0 fr. Tnao.
GLACES ET YERKEllIES DE MOxXTLLCON.
Commandite fondée le 18 février 1846, pour 40 ans, sous
la raison sociale F. Berlioz et C*". — Capital, 12 millions;
24,000 actions de 500 fr. — Revenu moyen, 25 fr. par ac-
tion.
FILATIRES.
COMPTOIR DE L'INDUSTRIE LIXIÈRE.
, Paris, 11, rue des Bourdonnais.}
Commandite fondée le 27 juin 1846, pour 25 ans, sous
la raison sociale Cohin et C*f. Capital, 20 millions ; actions
de 500 fr., donl20,000 seulement ont été émises. — Moyenne
des quatre derniers exercices, 41 fr. ^
FILATURE DE LIN D AMIENS.
(Paris, 26, rue des Pctiles-Écuries.",
Société anonyme autorisée pour 50 ans, le 11 juin 1838. —
Capital, 4 millions ; 8,000 actions de 500 fr. — Moyenne
des derniers exercices, 56 fr.
COMPAGME COXTIXi:XTALE POUR LE FILAGE DU LIX.
(Boulogne-sur-Mer.)
Commandite fondée le 6 juin 1851. — Durée 25 ans. —
Raison sociale Trtidin et C^. — Capital , 3,675,000 fr. , di-
visé en 7,350 actions de 500 fr., libérées. Les deux derniers
exercices ont produit 20 fr. par action.
FILATURE ROUEXXAISE LA FOUDRE.
Petil-Qiievilfj', près de Rouen.
Commandite sous la raison sociale Hartoy frères et C»%
fondée le 23 juin 1855, au capital de 2,500,000 fr. Actions
de 250 fr. , dont 125 versés, (l n'en ^ été éi»\is que 9,200.
— 416 —
IMMEUBLES.
La mise en actions de la propriété immobilière n'est pas
moins que la ruine du droit civil. Quoi de plus mobile que
laclion? Quoi de plus antipathique au mouvement et à la
mutation que l'immeuble , avec son cortège d'hypothèques,
de servitudes, de prescriptions , do licilalions, de droits des
absents, des mineurs et des femmes? Quand les fermiers et
les locataires pourront devenir, par l'achat des actions, co-
propriétaires des immeubles qu'ils exploitent ou habitent,
le fermage et le loyer n'auront plus de raison d'être; le cu-
mul d(!s deux qualités de locataire grevé du fermage, et
d'actionnaire participant au dividende, conduit à la néga-
tion de la propriété, telle du moins que l'entend le Code civil.
HOTEL ET I3I1IEUBLES DE IlIVOLI.
Paris, 15, place Vendôme.)
Société anonyme autorisée pour 30 ans, le 9 décembre
1854. — Capital, 24 millions; actions de 100 fr.
Nous empruntons les renseignements suivants au Rapport
du 26 mai 1856.
La Compagnie est propriétaire de l'hôtel du Louvre , de
onze maisons construites rue de Rivoli , de l'Échelle, de
Rohan , de Marengo et de l'Oratoire-du-Louvre , plus de
rhôlel d'Osmond.
L'emploi de son capital se répartit ainsi :
Hôlel du Louvre, acquisiliou des terrains et conslruclion. 11,143,809 65
Maisons de la rue de Rivoli, terrains et bâtisse 8,375,342 75
Total rue de Rivoli 19,519,152 40
Ameublement de l'hôtel du Louvre 2,144,291 59
Hôtel d'O.Mnond 1,899,367 34
Solde disponible 437,188 C7
Total égal 24,000,000 »»
L'assemblée a décidé que le capital serait élevé à 72 mil-
lions au moyen d'une émission de 96,000 actions nouvelles
de 500lr.; que la durée serait portée à99 ans, et que la Com-
pagnie prendrait le titre de Société immobilière. La sanction
du gouvernement n'a pas encore été accordée.
_ 417 -
ncvonn des actions, 5 0/0. — L'assemblée se rompose des
porteurs de 100 actions.
PALAIS DE L'INDUSTRIE.
Société anonyme autorisée le 20 octobre 1852.
Capital, 13 millions; actions de 100 fr. A quoi il convient
d'ajouter, pour supplément de dépenses, 4 millions sur les-
quels l'État prêta 2,600,000 fr. Après l'exposition, la Com-
pagnie se trou va en présence d'un déficit de3, 673, 644 fr. 10 c.
Malgré la prime de 75 fr, que firent un instant les actions
de cette entreprise , nous sommes encore à nous demander
si quelqu'un a pu croire qu'elle donnerait jamais des béné-
fices. Sans lagarantiede 4 0/0 de TÉtat, le capital ne se serait
pas réalisé. La durée de la Société était de 35 ans, à dater de
l'achèvement des travaux. Les journaux de Paris, fin août
1856, ont annoncé en ces termes l'issue de cette affaire :
« Le Palais de l'Industrie vient, par une décision toute récente,
de devenir une propriété de TEtat. Dans une réunion de 258 des
principaux actionnaires de la Société qui avait été fondée pour la
construction de ce monument, 238 voix ont été en faveur de la
cession au gouvernement. On dit que l'offre de remboursement a
été de 8i fr. par action. Après la décision de la majorité, la re-
mise du Palais de l'Industrie a été faite par M. de Rouville au re-
présentant du gouvernement dans l'assemblée, »
L'État, en donnant 84 fr. par action, reste dans les condi-
tions de son engagement. C'est le taux de capitalisation du
4 0/0. 11 rembourse le capital de 13 millions et perd en outre
les 2,600,000 fr, qu"il avait prêtés à la Compagnie. Les ac-
tionnaires doivent se trouver heureux d'être, à ces condi-
tions, débarrassés des charges de l'entretien du monument.
RUE IMPÉRIALE DE LYON.
(Siège social à Lyon.)
Compagnie anonyme autorisée le 3 juillet 1854, — Durée,
50 ans. Capital, 7 millions,- actions de 500 fr. — Imitation
de la Compagnie des Immeubles de Rivoli.
— 418 —
BOCKS ET PORTS.
SOCIÉTÉ DES PORTS DE MARSEILLE.
(Paris, 99, rue Richelieu.)
Compagnie anonyme formée sous le patronage de M. Mirés,
le 27 mars 1856, i)Our l'exploitât ion des lorrains acquis par
lui à Marseille, ei la construction de quartiers nouveaux
faisant face aux ports de la Jolielle et Napoléon. — Capital,
25 millions. Les actions, émises à 250 fr., ont été libérées à
150 par décision de l'assemblée du 5 juin 1856. En compen-
sation de ce dégrèvement, la gérance est nntoi isée à émettre
un emprunt de 10 millions, au moytMi d'obligations 5 0/0.
Les statuts ne sont pas encore homologués.
DOCKS-XAPOLÉOX.
Un décret du 17 septembre 1852 a autorisé l'clablissc- '
ment des docks sur la place d'Europe (Paris), à proximité du
chemin de Ceinture.
Les docks, selon l'origine du mot, sont des bassins à flot
ménagés dans les ports pour le chargement et le décharge-
ment des navires.
Tandis que l'armateur de Marseille , de Bordeaux et du
Havre est obligé d'avoir de vastes magasins, une armée de
commis et d'hommes de peine pour décharger les cargai-
sons; tandis que chaque vente nécessite un déplacement de
marchandises et un nouvel emmagasinage, le négociant de
Londres , de Liverpool et des principaux marchés de la
Grande-Bretagne, une fois son vaisseau entré au dock, n'a
plus à s'en inquiéter. Une Compagnie se charge, moyennant
une prime de x pour 1,000, du déchargement et de lemma-
gasinage.
Contre les denrées déposées , le négociant se fait délivrer
des îvarranls, ou billets représentatifs de ses marchandises.
Les produits circulent et s'échangent ainsi sous forme de
papier, sans frais de transport ni de camionnage; le dernier
acquéreur, marchand au détail ou industriel, prend seul
livraison matérielle des objets nécessaires à son commerce
— 419 —
on à son industrie. C'est un déplacement au lieu de cinq à
dix que nécessite le Système français. Ajoutons que le droit
de douane s'acquitte seulement au moment où les marchan-
dises sortent de renlrepôt; le négociant n'a pas besoin d'en
faire lavance.
Si les docks et les warrants sont appelés à rendre d'im-
menses services sur les ports de mer, ils ne doivent pas être
moins utiles, on le suppose du moins, sur les marchés situés
au centre d'un grand mouvement de marchandises circulant
par la voie des canaux ou des chemins de fer.
Pai'is, sous ce rapport, semble se placer en première ligne
parmi les villes où le dock semble indispensable. L'idée qui
a présidé au décret du 17 septembre, décret mal inspiré, en-
core plus malheureux, dont les promoteurs de l'entreprise
auraient dit cependant, qu'il valait à lui seul, comme ap-
port à la Compagnie, vingt-cinq tnilliofis!
En fait, et malgré toutes les excitations pour déterminer
la fougue des boursiers, l'aflaire a été accueillie par le pu-
blic avec plus de curiosité que d'intérêt. L'incapacité et la
malversation aidant, elle a été constamment en baisse, tant
et si bien qu'elle a fini par se liquider en police correction-
nelle, et que personne à cette heure ne se préoccupe des
docks, à part les actionnaires.
Serait-ce donc une mau\aipe spéculation? Peut-êlre.
Malgré l'éloge que le ministère puhlic et les inculpés en ont
fait à l'envi devant le tribunal, le premier dans l'iuléiêl de
l'accusation, les autres dans l'intérêt de leur défense, il nous
est impossible de saisir le caractère précis de Vinstilution.
Le dock, tel qu'il existe en Angleterre, à Londres et à Li-
verpool, a sa raison d'être dans un immense développement
maritime, au moyen duquel le commerce presque entier de
l'Europe avec le reste du globe se trouve concentré sur ces
deux places. Pour faire de Paris, à l'aide des docks, un mar-
ché central européen, en concurrence avec le marché de
Londres, il faudrait donc : 1" faire de celte capitale un jiort
de mer capable de recevoir des naviies de 500 et 1,000 loii-
nes, une flotte de plusieuis milliers de voiles; 2" poiu' uti-
liser et desservir ce poi t, créer une marine comparable à
— 420 -
colle des Anglais ; 3" lui assurer un commerce proportionnel.
Un semblable déplacement, qui exigerait des milliards,
suppose d'ailleurs dans les relations internationales des ré-
volutions qui ne peuvent être que l'effet de causes profondes
et du temps, sans compter qu'il viole toutes les données de
la géographie, et change arbitrairement le caractère et la
destinée des nations.
Ce simple rapprochement montre déjà combien feusse,
intempérante et inepte, était l'idée d'importer à Paris les
docks de Londres; quelle absurdité couvrait l'emploi de ce
mot anglais dock^ pour désigner une chose qui, à Paris, dans
aucun cas, ne pouvait avoir rien du dock anglais; combien
pitoyable enfin devait être la contrefaçon ?
Rendons-nous compte de la position, de la vie, de l'indus-
trie, du commerce parisiens.
Le dock n'a d'importance, d'usage à Londres que pour les
matières premières, les denrées encombrantes, apportées par
la mer, et qui demandent à être logées, en attendant qu'elles
soient enlevées par le consommateur anglais ou étranger.
L'exportation n'a que faire des docks.
Ceci posé, procédons par élimination.
La bijouterie, les modes, les nouveautés, l'horlogerie, l'ar-
ticle Paris, etc., n'ont rien à voir avec les entrepôts. Les
frais de transport et d'emmagasinage sont minimes compa-
rativement à la valeur des objets; et ce sont des produits
d'une détérioration facile, qui doivent se vendre au jour le
jour, sous peine dune dépréciation considérable. Les docks
pourraient tout au plus leur offrir la ressource d'un mont-
de- piété, dun prêt sur nantissement dans le genre des sous-
comptoirs organisés par le décret du 24 mars 1848, c'est-à-
dire un palliatif à la misère, une exploitation philanthro-
pique, plus faite pour déconsidérer le négociant que pour fa-
ciliter l'écoulement de ses produits.
Quant aux denrées encombrantes, servant à la consomma-
lion de Paris, elles ont leurs entrepôts à Paris : c'est la halle
aux Vins, la halle aux Blés, le grenier d'Abondance, le gre-
nier à sel, la Douane, institutions publiques; les caves de
Bercy, les chantiers d'Ivry et de la Râpée, institutions pri-
— 421 —
vers. Il ne manque à ces établissements que le warrant, et
c'est une innovation qn'on peut bien leur appliquer. Point
n'est besoin pour cela d'envoyer les marchandises à la place
d'Kurope.
Ainsi l'industrie parisienne (produits de luxe et de fan-
taisie) ne peut user des entrepôts; et le commerce qui en a
hesoin s'en trouve fourni.
Reste la question du transit. Le système de rayonnement
adopté par le gouvernement de juillet pour la construction
des chemins de fer fait de Paris le centre de communication
de tous les points de la France. Les marchandises de Mar-
seille, Bordeaux, Nantes, le Havre sont fréquemment obli-
gées de passer à Paris pour se rendre à d'autres points du
territoire. En cette question, comme en tant d'autres, les
alTaires ont été sacrifiées à la politique.
Mais on commence à s'apercevoir de Terreur. Les raccor-
dements entre les lignes se construisent de toutes parts. Une
fois qu'ils seront exécutés, l'importance de l'entrepôt de
Paris diminuera considérablement.
D'ailleurs, avec le développement des moyens de commu-
nication, la question de l'entrepôt s'annule de plus en plus.
Les canaux, les chemins de fer traversent les cités et les pro-
vinces, ne laissant partout que les quantités demandées:
tout s'expédie en droiture, et ce qui fit jadis la fortune de
villes telles que Paris, Lyon, Nantes, Rouen, etc., ce qui
fonda leur existence, savoir, leur navigation et leur entre-
pôt disparait sans trouver d'analogue dans les chemins
de fer.
Quant à la centralisation du commerce continental dans
nn dock parisien, au détriment de ceux de Londres, c'est
une utopie sur laquelle nous ne reviendrons pas. La mission
de Paiis est autre que celle de la grande cité britannique;
puis la concurrence aux docks anglais se fait aujourdhui
sur tous les points du littoral européen, à l'aide des che-
mins de fer et de la vapeur; le percement de l'islhme de
Suez y fera plus à lui seul que tout le reste.
Ces considérations, que nous développions en 1853, ont
24
~ Aîî ^
été pleinement justifiées. Depuis celle époque, la Compa»
gnie s'est mise en liquidation, sans avoir rien fait.
Ses administrateurs, MM. Cusin , Legeiidre et Duchêne
de Vère, ont dû justifier leur gestion devant la police cor-
rectionnelle.
■ L'assemblée générale du 2 juin 1856 a sanctionné un pro-
jet de traité avec les docks et le chemin de fer de Samt-
Ouen. D'après ce projet, les deux Compagnies n'en forme-
raient qu'une; le capital serait de 30 millions, dont 16 mil-
lions par les docks-Napoléon, et 14 millions par la Société
deSaint-Oiien. Les actions des docks, de 250 fr., dont 125
versés, s'échangeraient à raison de trois anciennes contre
une nouvelle de 250 fr., valeur nominale, libérée de 187 fr.
50 c, et perdraient ainsi 62 fr. 50.
Il est question de construire des docks dans nos ports et
d'en concéder l'exploitation à une seule Compagnie pour
toute la France. Quelle peut être la raison de ce monopole,
dont on cite M. Em. Pcreire comme le futur bénéficiaire?
C'est de compléter sans doute linslitution du Crcdit mobi-
lier, et de placer sous la main d une même agence la circu-
lation des marchandises, comme on y a placé la circulation
des valeurs inditstrielles. Alors, avec la faculté de faire la
hausse et la baisse, 1° sur toutes les aclions; 2" sur toutes
les marchandises; 3" sur toutes les voies de transport; avec
la ceniralisation des banques et la centralisation des hypo-
thèques, le système sera fort avancé : encore un pas, et nous
aurons une dictature.
Quelques licrsonnes pensent néanmoins que l'idée de
do(ks peut recevoir une application utile dans les chefs-
lieux de déparlement, aux points do jonction des canaux et
des lignes de fer, pour centraliser les produits des récoltes,
disci|)liner le marché, faire des avances aux producteurs,
qui échapperaient ainsi à l'avilissement de leurs denrées, en
même temps que les consommateurs seraient préservés des
risques d'accaparement etdc hausse exorbitante. Nous avons
— 423 —
sous les yeux un projet de devis pour l'établissement d'un
dock à Dijon : ce dock, d'après les calculs de l'auteur du
projet, M. C... B..., devrait contenir 1,800,000 hectolitres;
la dépense s'élèverait à 12 millions. Le conseil municipal de
Dijon a émis un vœu favorable.
Conçu dans les principes que nous venons, en peu de mots,
défaire connaître, un pareil établissement nous semble d'une
utilité incontestable : reste seulement à voir si la dépense à
effectuer peut être balancée par le service rendu. Nous ne
saurions, en tout cas, partager l'opinion de la municipalité
dijonnaise, qui a cru voir dans l'établissement de ce dock un
moyen de développer le comjnerce et d'augmenter la prospé-
rité de la ville de Dijon. La création des chemins de fer a
donné lieu à cet aphorisme, que rien au monde ne peut dé-
mentir : Ville traversée, ville perdue. Si, dans les conditions
oîi il est proposé, l'établissement d'un dock à Dijon est vrai-
ment d'utilité publique, les mêmes motifs subsistent pour
Beanne, Chàlon, Hlâco7ij Chagny, Dole, etc. Au lieu d'un dock
gigantesque par province, il y a avantage à en construire
sur des dimensions plus modestes dans chaque arrondisse-
ment. Au moyen du télégraphe électrique, et avec le passage
des trains, tous ces docks sont en communication perma-
nente; les cours sont maintenus en équilibre sur tous les
points du territoire, et toujours, sans qu'il soit besoin d'au-
cune centralisation, la marchandise circule, sans stationne-
ment, du lieu de production à celui de consommation.
Nous avons donné des détails aussi complets que possi-
ble sur les principales valeurs cotées à la Bourse. Il en existe
beaucoup d'autres sur lesquelles les notions nous manquent,
ou qui sont de trop peu d'importance pour mériter un cha-
pitre spécial. Elles ne sont pas l'objet de grandes spécula-
tions.
Enfin il existe un grand nombre de Compagnies dont les
actions, étrangères à la circulation, ne figurent pas à la
Bourse, mais qui n'en sont pas moins (Quelquefois d'une très-
— 424 —
haute importance. Telle est, pour n'en citer qu'un exemple,
la ComiKignie des forges et hauts -fourneanx de Franche-
Comté, simple commandite sous la raison sociale /. Vauthe-
rin, A.' Guenard, Regad et C*«, formée pour l'exploitation
d'une trentaine de hauts-fourneaux et d'usines dans les dé-
partements du Douhs et du Jura, et dont le capital engage
n'est pas moindre aujo'jrd'luii de 17 millions, ce rpii suppose
un fonds de roulement d'au moins 4 millions. Nous ne par-
lons pas de ces Compagnies, qui, par leur caractère privé,
semhlent se dérober au mouvement général, et n'intéressent,
au moins quant à présent, que le commerce proprement dit
et la statistique.
Au surplus, nous résumons, et en même temps nous com-
plétons dans le Bulletin de la Bourse, page 440, l'état finan-
cier des Compagnies industrielles.
— 425 —
TROISIÈME SECTION
VALEIRS ÉTRANGÈRES.
Le gouvernement français, en autorisant à la Bourse de
Paris la cote des effets publics étrangers, n'entend nulle-
ment en garantir la valeur ni intervenir en faveur de ses na-
tionaux en cas de banqueroute.
Les marchés à terme dans le mois où se détache le cou-
pon se traitent coupon détaché^ à quelque époque qu'ils aient
lieu.
Au comptant, le coupon est détaché à la quatrième Bourse
du mois qui précède l'échéance.
CHAPITRE PREMIER.
Fonds publics.
EMPRUNTS BELGES.
La dette publique belge se compose de :
Capital non amorti. Rente.
DeUe ordinaire 4.20,800,147 fr. 21,348,507 f.
Dette extraordinaire. ... 22.5,481,8.33 11,136,418
Total 646,281,980 32,484,925
L'emprunt de 1852 se cote à part. Les taux des fonds
belges sont :
4 1/2 provenant de la conversion de rancioii 5 0,0, d'une
consolidation de la dette flottaiile et d'un emprunt de 1844 ;
4 0 0, emprunt de 183G;
3 0/0, emprunt de 1838;
2 1/2.
24.
«- 426 —
EMPRUNT DE LA VILLE DE BRUXELLES (18S5).
70,000 obligations de 100 fr., au porteur; 3 fr. d'intérêt.
Des lots sont affectés au remboursement par voie de tirage
au sort.
1" numéro 25,000 fr.
2^ 3«, 4«, chacun 10,000 30,000
Le 5« 4,000
Du 6' au 40«, chacun de 1,000 à 200
FONDS HOLLANDAIS.
La Bourse de Paris ne connaît guère que le 2 1/2 0/0; ce-
pendant il y a des rentes 3 et 4 0/0 5 les intérêts se payent
à Paris chez MM. Mallet frères.
FONDS AUTRICHIENS.
1» ODLIGÂTIONS MÉTALLIQUES.
Les obligations métalliques d'Autriche sont de 1,000 flo-
rins, soit, à 2 fr. 60 c. par florin, 2,600 fr. Elles sont gar-
nies de coupons d'arrérages qui se détachent tous les six
mois ; elles sont au porteur. Il y a des obligations de 4 et
3 0/0.
2^ LOTS D'AUTRICHE (1834).
Ils proviennent d'un emprunt de 25 millions de florins de
convention (2 fr. 50), et sont remboursables avec primes par
voie (le tirage au sort jusqu'en 1860. Les obligations sont de
500 florins, divisibles en coupons de lOO florins.
20 obligations forment une série.
30 NOUVEAUX EMPRUNTS.
Juillet 1852 : 35,000 obligations de 100 livres sterling
5 0/0 — Septembre 1852 : 80,000 obligations de 1,000 flo-
rins de convention au change fixe de 2 fr. 50; 50/0 d'in-
térêt.
RENTE DE NAPLES.
Les inscriptions de rente du royaume des Deux-Siciles
~r 427 ^
sont nominatives. Afin d'en faciliter la néjîoeiation en France,
MM. de Rothschild ont été autorisés à émettre des certificats
au porteur de 25 ducats de rente, inscrits à leurs noms au
grand-livre de Naples.
Le prix, coté à la Bourse (Naples 75 80), est de 5 ducats
de rente, convertibles en 4 par voie de tirage au sort. Le
ducal vaut au pair 4 fr. 40 c.
L'emprunt Rothschild, contracté en 1824, est représenté
par 25,000 certificats de 100 liv. sterl. (2,550 fr.), portant
intérêt à 5 0/0.
EilIPRUXTS ROMAINS.
Ils sont représentés par 56,450 obligations 5 0/0 de 1,000
fr. Ils ont été émis en 1831, 1845, 1850 et 1853.
EMPRUNTS TOSCANS.
34,000 obligations de 1,000 livres, 5 0/0, émises en 1849,
remboursables à 1,100 livres. — 1 million de livres de
rente 3 0/0 ; emprunt de 1852.
EMPRUNTS PIÉMONTAIS.
1834 : 27,000 obligations de 1,000 fr. 4 0/0. — 1849 :
19,902 obligations de 1,000 fr. 4 0/0; autres obligations
5 0/0.-- 1850 (dit 1852) : 18,000 obligations de 1,000 fr.
4 0/0. — 1853 : émission de 2 millions de rente 3 0/0.
E3IPRUNT RUSSE.
La dette russe est d'environ 1 milliard et demi (valeur en
francs). On ne connaît guère à la Bourse de Paris que le
4 1/2.
DETTE D'ESPAGNE.
La dette publique espagnole s'élève à 15 milliards et demi
de réaux environ : le réal est évalué à 25 cent. La dette ac-
tive est productive d'intérêt; la dette passive ne l'est pas. La
dette différée est la capitalisation des arrérages non payés de
1836 à 1841 : c'est le 3 0,0 nouveau ou de 1841.
— 428 —
La plupart des emprunts espagnols oiit été contractés à
rélranger. On appelle dette intérieure celle qui a été sous-
crite par les nationaux.
Une liquidation générale de la dette publique a converti
tous les fonds en 3 0/0.
DETTE PORTUGAISE. •
Les fonds portugais sont en 5 0/0, 4 0/0 et 3 0/0. lis ont
été contractés à Londres en livres sterling. Les intérêts se
payent, à Paris, chez MM. de Rothschild, au change de
25 fr. 50 cont.
EMPRUiXT GREC.
L'emprunt grec, contracté avec la maison Rothschild en
1833, est de 60 millions, valeur en francs. Il est garanti |iar
la France, l'Angleterre et la Russie, chacune pour un tiers.
Les intérêts sont de 5 0/0. Les arrérages annuels de la dette
sont de 4 millions de drachmes dus à M. de Rothschild, et de
5 millions de drachmes dus à la Ravière.
La drachme vaut 97 centimes 1/2.
EMPRUNT TURC.
125 millions 6 0/0 négociés en 1854. Le tribut de l'É-
gyple, s'élevant à 7 millions par an, est spécialement affecté
à la garantie de cette dette.
E3IPRUNT D'HAÏTI.
L'indépendance d'Haïti (Saint-Domingue) fut reconnue
par la France en 1828. Le gouvernement haïtien s'engagea
à payer une indemnité de 150 millions aux anciens proprié-
taires d'esclaves, et contracta, pour faire face au premier
terme, un emprunt de 30 millions 6 0/0, remboursables en
25 ans. Peu de temps après, les remboursements et les paye-
jnents d'intérêts furent suspendus.
Ils furent repris en 1839 avec réduction d'intérêt à 3 0/0
consentie par les porteurs. 1 million était alfecté par an à
ramorlissement. Nouvelle suspension de payement en 1842.
.ê
— 429 —
En 1848, il fut stipulé entre les commissaires haïtiens et les
porteurs de titres que le règlement des intérêls arriérés de
1844 à 1848 serait ajourné. Depuis celte époque, les échéan-
ces se payent régulièrement.
L'emprunt d'Haïti, c'est la dette des noirs pour le rachat
de leur liberté. Les blancs, à leur place, ne iiiontreraient
certes guère plus d'empressement, à acquitter une pareille
créance.
CHAPITRE II.
Valeurs industrielles.
WSTITETIONS DE CRÉDIT.
BANQUE DE BELGIQUE.
La Banque belge s'est constituée en 1835, sous la forme
anonyme, au capital de 20 millions, divisé en 20,000 actions
de 1,000 fr. En 1841, une nouvelle émission de 10,000
actions a porté ce capital à 30 millions. Les actions de lu
jjremière émission touchent 4 0/0; celles de la seconde 5 0^0.
Elles ont un droit égal au dividende.
Les arrérages se payent à Paris chez MM. de Rothschild.
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE BRUXELLES.
Compagnie anonyme, constituée le 28 août 1822, pour 53
ans, au capital de 30 millions de florins j 60,000 actions de
500 florins, soit au change, de 2 fr. 11 c, 1,058 fr.). La So-
ciété a racheté 29,000 de ses actions.
ACTIONS RÉUNIES.
(Bruxelles.)
Compagnie anonyme, constituée le 7 juin 1837, pour 22
ans. Elle a pour but de favoriser l'accès des grandes entre-
— 430 —
prises aux petits capitaux. C'est le côté sérieux et utile des
Compagnies de Crédit mobilier. Mais sans le jeu et les tri-
potages, il n'y a que de maigres dividendes à loucher; aussi
la moyenne du revenu des actions est-elle au plus de 3 0/0.
— Capital, 12 millions; actions de 1,000 fr.
SOCIÉTÉ DES CAPITALISTES RÉUNIS.
(Bruxelles.)
Compagnie anonyme, autorisée le 13 juin 1841, pour une
durée de 20 ans. Capital, 25 millions; actions de 500 fr.
Revenu moyen, 5 0/0.
BAXQUE NATIOXALE.
(Bruxelles.)
Escompte du papier de commerce; succursale à Anvers et
comptoirs dans les principales vUles de Belgique. — Société
anonyme autorisée le 4 septembre 1850. — Durée, 25 ans.
— Capital, 25 millions; actions de i,000 fr.
BANQUE DU C03IMERCE.
(Genève.)
Société anonyme, fondée pour 30 ans à partir du 10 no-
vembre 1845. Capital 3,100,000 fr.; actions de 1,000 fr. —
Escompte des valeurs commerciales.
BANQUE DE GENÈVE.
(Genève.)
Compagnie anonyme, fondée pour 30 ans, le 16 mai 1848.
— Capital, 3 millions; actions de 1,000 fr. — Escompte des
valeurs.
OMNIU3I GENEVOIS.
Société civile, fondée pour 30 ans à dater du 5 mars 1849.
— Capitfd, 5 millions; actions de 1,000 fr. Il n'en a été émis
que 4, 200. — Espèce de Crédit mobilier.
BANQUE DE DAU3ISTAPT.
Société anonyme hessoise, fondée pour 99 ans, à dater du
- 431 -
2 avril 1853, 25 millions de florins; actions de 250 florins
(537 fr. 50). — Imitation de notre Crédit mobilier.
CRÉDIT MOBILIER ALTRICHIEX.
. Société anonyme, fondée le 31 octctbre 1855, pour 90 ans.
C'est la même organisation que le Crédit mobilier de France.
— Capital, 100 millions de florins (250 millions de fr. );
actions de 200 fl. (500 fr.). Il n'en a encore été émis que
300,000 non complètement libérées.
CRÉDIT MOBILIER ET FOXCIER SUISSE.
(Genève.)
Société anonyme, fondée sur le modèle de notre Crédit
mobilier. Durée, 36 ans à partir du 7 juin 1853. — Capital,
60 millions; actions de 250 fr. Il n'en a encore été émis que
80,000. ^
CRÉDIT MOBILIER ESPAGNOL.
_ L'Espagne a deux institutions de Crédit mobilier : celle-
ci et la suivante; elles datent l'une et l'autre de 1850, et
sont constituées sous la forme anonyme, pour 99 ans..— Ca-
pital, 456 millions de réaux (120 millions de fr.); actions de
1,900 réaux (500 fr.). Il n'a été émis que 120,000 actions,
sur lesquelles 30 0,0 de versés.
COMPAGNIE GÉNÉRALE DE CRÉDIT EX ESPAGNE.
C'est la fondation Prost, dont nous avons parlé au clia-
pitre des Caisses d'escompte. — Capital, 399 millions de
réaux (105 millions de fr.); actions de 1,900 réaux (5C0 fr.). Il
n'en a été émis que 70,000, sur lesquelles 30 0,0 de versés.
Comment les finances espagnoles trouveront-elles de quoi
alimenter de pareilles compagnies, dont une serait déjà de
trop, vu le peu d'importance du marcbé dans la Péninsule?
BANQUE NATIONALE SARDE.
(Gênes et Turin.)
Société anonyme, fondée pour l'escompte des valeurs
- 432 —
commerciales. Durée, 30 ans à partir du 1" juin 1850.
Capital, 32 millions; actions de 1,000 fr.
BANQUE DE SAVOIE.
(Annecy et Chambéry.)
Compagnie anonyme, fondée pour 30 ans, le 26 avril 1851.
— Capital, 2 millions^ actions de 1,000 fr. — Escompte du
papier de commerce.
CANAUX.
CANALISATION DE L'ÈBRE.
(Madrid.)
Compagnie anonyme, fondée le 29 décembre 1852, pour
99 ans. — Capital, 126 millions de réaux de veillon
(33,600,000 fr.). Actions de 2,000 réaux (533 fr. 33 c.) —
4 0,0 pendant la durée des travaux.
CANAL DE SUEZ.
(Alexandrie. — Bureau à Paris, 9, rue Richepanse.)
Le percement de l'isthme de Suez, dont on se préoccupe
si vivement depuis plusieurs années, est enfin décidé. La
Compagnie chargée de l'entreprise s'est constituée en la
forme anonyme française-, elle a été autorisée le 5 janvier
1856, pour 99 ans. Le capital est de 200 millions, les ac-
tions de 500 fr. ; elles recevront 5 0/0 pendant les travaux.
am\m m fer.
CHEMINS DE FER AUTRICHIENS.
(Vienne. — Paris, 15, place Vendôme.)
Société anonyme autrichienne autorisée le 22 février 1855.
D'après le Rapport de 1856, rcnsomble des lignes concédées
était de 1,359 kilomètres, dont 1,106 en exploitation.
114 kilomètres se construisent aux frais de l'État, et 138 aux
frais do la Compagnie. La concession comprend :
— 433 —
1» Pour 92 ans, les lignes suivantes ;
De la frontière de Saxe, par Prague, à Driinn el Olmulz (en
exploitalion) 470 kil.
De Marcliegg ù Szolnock el Szegedin par Pesth (en exploita-
tion) 448
Des mines du banal de Lissowa à Basiascli par Orawicza (en
exploitation) es
De Szec.edin à Temefwar (construit par l'Étal) 112
De Temeswar au Danube ([lar la Compagnie) 83
Ensemble 1,18I
2° A perpctuilé, les mines, usines, forêls, terres arable,
prés, etc., couvrant une superficie de plus de 126,000 hec-
tares.
La Compagnie a racheté le chemin de fer de Vienne à
Coinorn.
I.e prix d'achat des chemins, des mines et des forêts est
de 200 milliojis à payer au gouvernement autrichien par la
Compagnie, en 36 termes mensuels, sans intérêt, du 1"" mars
1855 au î" février 1858.
Le gouvernement accorde à la Compagnie une garanlie
d'intérêt de 5.2 0 0, du cnpital de 200 millions, et l'exempte
de certains impôts pour 5 à 10 ans.
Les dépenses à la charge de la Compagnie se composent de :
Prix d'achat des chemins, mines et forêts 200,000,000
Dépenses à faire 164,000,000
Total 354,000,000
Le capital social est de 80 millions de florins de conven-
tion (200 minions de francs; les Actions de 5C0 Ir, dont
325 versés, sont au nombre de 400,000. — lia été émis en
outre un empiunt au moyen de 300,000 Obligations libé-
rées, remboursables à 500 fr. en 90 tirages, négociées à 275;
intéiôt de 15 fr.; jouissance du mars el septembre.
L'exercice de 1855 a donné pour résultats :
Rpciltes de tonte nature 30,001.609 fr.
DipenrCJ, 63 0,0de larecelle 10.404.821
Revenu net 14,400.088
Les actions louchent 5 0/0 pondant la duice d^s lra\au.\.
2:>
— 4U —
CHEMIX DE FER CENTRAL-SUISSE.
(Dàle.)
Le réseau comprend : rie Bàle à Olten, d'Olten à Berne et
Moral {raccordmneiilavoc roiiosl),(rO!l('n à Lucerne,d'01ten
à Aaraii (raccordemeiil avec l'est), 22(3 kilomètres. Conces-
sion de 99 ans. — Capital d'AcTiONs, 30 millions; actions de
500 ff. — Emprunt de 12 millions par obligations de 500 fr.
et de 5,000, 5 0/0, remboursables en 25 ans. — 4 0/0 pendant
les travaux.
CHEMIN DE FER DE L'OUEST-SUISSE.
(Lausanne.)
Société anonyme autorisée le 27 novembre 1852. Conces-
sion de 99 ans. Le réseau comprend ; Morges, Lausanne,
Yverdun; de Morges à Coppet; d'Yverdun à la fronlif're ber-
noise. — 224 kilomètres environ. — Capital, 30 millions;
divise en 60,000 Actions de 500 fr. — 5,000 Obligations
émises à 400 fr., remboursables à 500; intérêt 20 fr. —
4 0/0 aux actions durant les travaux.
CUE311N DE FER SARDE YICTOR-EMMANUEL.
(Chambéry. — Paris, 38, rue Busse-du-Rempart.)
Tracé : de Modane à Genève, par Monlmélian, Chambéry,
Aix-les-Bains, Albens; einbranchement de Chambéry sur
Saint-Genis d'Aosle Concession de 99 ans à partir du 25 mai
1853; parantie par l'État de 4 1/2 0/0 d'intérêt. — Capital,
50 millions, divisé en 100,000 actions de 500 fr., dont 250
versés. — Intérêt à 4 1/2 0/0 pendant les travaux.
DE NAPLES A NOCERA ET CASTELLAMARE.
(Paris, -31, rue Sainl-GuiUaume.)
Commandite française fondée le 8 février 1837, sous la
raison sociale A. Bayardde la Vinytrie et C*«. La Concession
par le roi de Naples date du 19 juin 1836, elle est de 80 ans.
La longueur de la ligne est de 42 kilomètres, en exploitation
435
complète depuis 18'44. — Capital, 12,500,000 fr., actions de
1,000 fr. divisées en deux coupons, l'un de capital, l'autre
de jouissance ; le premier a droit à 5 0/0, au dividende et au
remboursement; le second, au dividende et au partage de
ractif après Tamortissement.
DE TARRAGONE A REUSS.
(Paris, 15, rue Saint-Fiacre.)
Commandite française, fondée le 29 juin 1853, sons la
raison sociale G. Ragf^l et C"", Concession de la ligne de
Tarragone à Reuss ([)rovince de Catalogne, en Espagne) ;
16 kilomètres; 99 ans. — Capilal, 1,750,000 fr., divisé en
7,000 Actions de 2:)0 fr. — 4,200 Obligations, émises à 250,
remboursables à 500 -, 15 fr. dinlérèt.
CIIEMIXS DE FER BELGES.
D'Anvers à Gand. — 51 kilomètres; CO ans; 4,700,000 fr.:
actions de 500 fr.
Chemin de Centre-Samhre-et-Meuse. — 105 kilomètres ;
90 ans; 21,500,000 fr., divisés en 31,000 actions de 500 fr.
et 23,000 de 250. — Trois séries dobligalions de 1,000 fr.,
4, 5 et 5 1/4 0/0.
De la Flandre occidentale. — 122 kilomètres à une seule
voie; 1)0 ans; 11,421,818 fr.: actions de 220 et de 250 fr.
— 10,000 obligations de 500 fr. 3 0/0.
De Tournay à Jurbise et de iMnden à Hasselt. — 76 kilo-
mètres ; 12,500,000 fr.; actions de 500 fr.; concession de
90 ans.
De Munagc à Erqiielines. — Affermé à la Compagnie du ^
Nord.
De Charleroi à Louvain. — 64 kilomètres; 90 ans:
6,500,000 fr.; actions de 500 fr.; 2,500 obligations de
1,000 fr., 45 fr. d'intérêt.
De Dendre-et'Waes et de Bruxelles vers Gand, par Alost.
— 436 —
— 109 kilomètres ; 90 ans; 15 millions; actions de 500 fr.;
7,000 obligations de 1,000 fr. 5 0/0.
D'Anvers à Rotterdam. — %Q kil.; 90 ans; 1 2,500,000 fr.;
actions de 250 fr.; 2,000 obligations de 1,000 fr. 5 0/0.
MIKES.
CHARBONNAGES BELGES.
Hauts-fourneaux , usines et charbonnages de Marcinetle
et Couillet. — Compagnie anonyme autorisée le lOoclobre
1836. — Durée, 30 ans. — Capital, 12 millions; actions de
500 fr.
Sars-Lon g champs et Bouvy. — 4 décembre 1835 , 99 ans,
2,800,000 fr.; actions de 1,000 fr.
Compagnie des charbonnages belges, — 6 mai 1846;
99 ans ; 15 millions : actions de 500 fr.
Haut-Flenu. — 1838 ; 30 ans ; 4 millions ; actions de 500 fr.
Levant du Flenu. — 1836; 99 ans ; 2,800,000 fr.; actions
de 1,000 fr.
Société de charbonnage des produits au Flenu, — 1836;
90 ans; 4 millions; actions de 1,000 fr.
Hornu et Wasmes, — 1836; 90 ans; 3 millions; actions
de 1,000 fr.
MoncraU'Fontaine. — 1836; 90 ans; 2,300,000 fr.; actions
de 1,000 fr.
Boussit et Sainte-Croix-Sainte-Claire.— U37 ; 3,50O,OCO f.;
actions de 1,000 fr.
Sacré-3Jadame. — 1838; 99 ans; 3,500,000 fr.; actions
de 1,000 fr.
Courcelles-Nord. — 1838; 99 ans; 2,500,000 fr.; actions
de 500 fr.
FORGES ET USINES BELGES.
Hauts- fourneaux et charbonnages de Chatelin "«M. — 1 8C0;
20 ans ; 12 millions; actions de 4C0 fr.
- 437 —
D'Ougrée. — 1854; 71 ans; capital représenté par 10,500
actions.
Fabrique do far cVOugrée. — 1837 ; 87 ans; 3,500,000 fr. ;
actions de 1,000 fr.
Société. de Sninf-Léonard. — 1836 ; 90 ans; 1,600,000 fr. ;
actions de 1,000 fr.
Charbonnnqea et hautx-fourneavx de V Espérance^ à 5c- ^
raing. — 1836; 90 ans; 4 millions; actions de 1,000 fr.
De Moncmu-Rur-Samhre. — 1837; 99 ans; 4 millions;
actions de 1,000 fr.
De la Providence. — 1838; 25 ans ; 5,500,000 fr. ; aciions
de 1,000 fr.
De Sclessin. — 1841; 90 ans; 11 millions; aciions de
1 ,000 fi'.
Étnbliaxemeiits de John CockeriU, à Seraing et à Liège.
— 1 S42 : 50 ans ; 1 2,5C0,000 fr.— 12,200 actions de 1 ,000 fr . ;
400 de 500 fr. ; 400 de 250 fr.
Fovrneaux et laminoirs de la Samhre, — 1853; 25 ans;
5 millions; actions de 500 fr.
PHENIX MÉTALLURGIQUE.
(Cologne.)
Société anonyme prnssiennc autorisée le 10 novembre
1852. — Durée, 25 ans. — Capital, 6 millions de thalers
(22,500,000 fr.); actions de 100 Ihalers (375 fr.). Il n'en a
encore été émis que 44,000. — 10,000 obligations de 100 tha-
lers 6 0/0.
VIEILLE-MOXTAGXE.
(Liège. — Paris, I9, rue Richer.)
Cette Compagnie a absorbé les quatre suivantes : Mines
et usines à zinc de la Prusse rhénane, de la Meuse, de Va-
lentiii-Cocq, et Société tlu blanc de zinc. Elle est constituée
sous forme anonyme, pour 99 ans à partir du 23 juin 1837.
Capital, 9 millions. Les actions sont de 1,000 fr., divisées
— 438 —
en coupons de 100 fr. ; elles ont été remboursées d'un cin-
quième par amortissement. — Revenu de chacun des deux
derniers exercices, 200 fr.
La Compagnie a deux emprunts : 3,000 obligations de
1,000 fr. 5 0/0, et 13,000 de 500 fr. 5 0/0.
NOLVELLE-MOXTAGNE.
(Verviers. — Paris, M, Rougrmonl de Lowenberg, correspondant.)
Société anonyme belge fondée le 6 mars 1845. — Durée,
20ans. — Capiial, 3 millions; actions de l,000fr. —Moyenne
des quatre derniers exercices, 91 fr. — l.a pioductionen 1855
a été de 2,232 tonnes de zinc et de 45 tonnes de plomb.
SOCIÉTÉ DE COIIPIIALIE.
Compagnie anonyme belge auloriséc le 14 novembre 1846.
— Durée, 30 ans. — Capital, 5,500,000 fr. ; actions de
1,000 fr.
SOCIÉTÉ DE BLEYDEUG-ÈS-WOXTZEi\.
Compagnie anonyme belge autorisée le 13 août 1853. —
Durée, 50 ans. — Capital, 2,750,000 fr. ; actions de 500 fr.
MINES DE ZIXC DE STOLBEFiG ET WESTPIIALIE.
(Aix-la-Cliapelle. — Paris, 47, rue de Luxembourg.)
Compagnie anonyme prussienne autorisée le 31 septembre
1845. — Durée, 25 ans. — Capital, 8 mdlions de thalers
(30 millions do francs); deux séries (Fartions de 100 thalers
(375 fr.). Les 40,000 actions de la deuxième série ont privi-
lège sur celles de la première en cas de liquidation.
MINES ET FONDERIES D'ESCIÏWEILER.
Société anonyme prussienne autorisée le 1" septembre
1848. — Durée, 25 ans. — Capiial, 1.500,000 thalers
(5,625,000 fr.); actions de 100 thalers (375 fr.). Elles sont
de deux séries; celles de la seconde, au nombre de 8,500,
sont privilégiées en cas de liquidation.
— 439 —
MIXES ET FONDERIES DE ZIXC DE LA SILÉSIE.
(Breslau.)
Société anonyme prnssienne autorisée le 28 seplembre
18r)3. — Durée, 50 ans. — Capital, 5 millions de Ihalers
(18,750,000 fr.}-, actions de 100 Ihalers (375 fr.).
MINES ET FOXDERFES DE CUIVRE DU RHIN.
(Cologne.)
Compagnie anonyme prussienne fondée pour 30 ans à
dater du 1" juillet 1F53. — Capital, 1 million de tlinlcrs
(3,750.000 fr.)', actions nominatives de lOOthalers (S/Sfr.).
2,000 obligations de 100 tlialers 5 0/0.
GlACES ET VERRERIES.
GLACES ET VERRERIES D'OIGXIES.
(Bruxelles.)
Société anonyme belge approuvée le 2 juin 1836. — Durée,
30 ans. — Capital, 10 millions; actions de 1,000 fr. —
Revenu du dernier exercice, 71 fr. 50 c.
C03IPAGXIE DE FLOREFFE.
Société anonyme belge autorisée le 30 mai 1853. — Durée,
50 ans. — Capital, 6 millions^ actions de 500 fr. — Dernier
exercice, 24 fr. 35 c.
MAXUFACTURE DE GLACES D'AIX-LA-CIIAPELLE.
(Aix-la-Cliapellc. — Paris, 48, rue de Luxembourg.)
Société anonyme prussienne autorisée le 21 janvier 1853.
— Durée, 50 ans, — Capital, 2 millions de Ihalers
(7,500,000 fr.); actions de 100 Ihalers (375 fr.). — 5 0/0
jusqu'à la mise en activité complète des établissements.
— 440 —
TABLEAU GÉNÉRAL
DES VALEURS COTÉES A LA BOURSE DE PARIS
et leur cours à la fin de i8o6 (1).
FOADS PtBLICS.
RENTES FRANÇAISES.
4 1/2 "/o nouveau (ancien 5 et emprunts)
4 J/2 ancien
4 V
3 •/„
EPOQUES
de jouissance.
mars et seplemb.
dilo.
dilo.
juin, décembre.
FONDS ÉTRANGERS.
Anqlais. Coii.solidiis 3 "yo. . . •
Bei'iies. 4 1/2 O/o
O 0
" (0
— 2 1,2 »/„
Espwjnc. Uirfi'ree 3 "U
— Passive
— 3 °,„ 18il
— Ofttc inlérieure. . . .
— Pt'liles coMpiires.
Naples. nécé[)iiisés Rotlischild,
Borne. Ein[)riint
Huïii. Emiininl
Fiétiwnt. 5 "/"
— 3 °/„
— 6 ">/„ anfrlo-sarde. . . .
•— Obligations 4 °/„ 1834, .
— — août 1849. .
— — oclobre 1851.
Autriche, Lots
— 6 »'„
— 6 °;„ nouveau. . . .
Hollande. 2 1/2 °/„
Russie. 4 1/2 "/o
Turquie. Emprunt. . . . . .
■ mni. novembre.
fi'vrier, août.
janvier, jnillfl.
juin et décembre.
jiinvier, juillet.
dilo.
dilo.
dilo.
juin, décembre,
janvier, juillet.
dilo.
dilo.
juin, déci-mbre.
j.mvicr, juillet.
avril, oclobre.
fcvriir, aoùl.
janvier, juillet.
dilo.
diln.
avril, oclobre.
COURS
Gnde 1856,
90
GC
92
91
70
61
24
41
39
85
550
91
55
85
1020
9"0
930
425
64
94
90
(I)
sont
Les principales abrévialions employées dans les bulletins de Bourse
es suivanles : Fin c\fin courant; — Fin p°, /m prochain; — P' d' 2,
prime dont '2 ; — En liq.. eyi liquidation ; — J., jouissance; — 3 0/0 b . bé-
néjice; — 2 0,0 p,, perle. — Ces deux dernières formules sont spécialement
affectées à lu cote des actions des Compagnies d'assurances.
— 441 —
OBLIGATIONS DIVERSES.
Ǥ
3
ÉPOQUES
«-
w -S
— Jï
de
Si =
!— ""
1000
b û
H c
P "3
3
1000
jouissance.
l0.5ol
ri//erfePam. 1849 f35, 000)
iivril. col.
50
— 185-2 (5n,000^
1000
lOO'i
j;iiiv.jiiill.
5(1
KtôO
— 1855(150.000). . . .
400
500
m;irs,.-<ppl.
15
378;
Ville de Marseille IS48 (9,000). . . .
1000
lOOil
jiinv.juill.
.50
10-JO
Monlpellier. .|3 OOiO
5')0
500
ni,ir.<.SP|il.
25
Liste civile. (20,000)
1 00(1
IIO'i
mai, nov.
50
lOoO
Liu miliiiwes.[\ijum]
IdOO
1000
avril, oel.
50
Obligations fonc, de 1,000 fr. 3 °'„. . .
10(10
l-JdO
mai , nov.
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940
— coupon de 100 fr. 4 "/o-
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dilo
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— coii|ioii (le 100 fr. 3 "'„.
100
100
novembre
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85
— coupon lie 500 fr. 4 °i„.
500
500
mai , nov.
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— Prome:is.,3'>/oàl0ll0fr.
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50
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1250
50
945
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Cliàiillonti. Vommenlry. {[2,000] . . .
500
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janv.juill.
25
510
ACTIONS DE CHEMINS DE FER.
400
lotit
01
juillet.
500
tout
50
avril.
500
tout
B
»
500
lOlil
80
avril.
500
loiil
78 50
mai.
500
475
4 ";„
mai.
500
loiil
82 50
juillet.
500
375
4 °,.
juillet.
500
tout
8G
avril.
500 loiit
700 250
500 tout
500 450
5001 300
^ Jo
! Juillet.
; juillet.
janvier.
I juillet.
Nord
Ouf^st
Sce;mx et Orsay. ,
Orléans
Ksi (antiennes). . .
Kst (nouvelles).
Paris à l.yon. .
Lyon à denève.
Lvon à la Méditerranée
Midi (anciennes). .
Midi (nouvelles). .
B >rd(;aux à la Teste
Giand-I '.entrai. .
1 Saint -Ramberl à Grenoble
25.
940
850
» !
1320
810
750
I3G0
740
1750
740
750
»
610
600
442
ACTIONS DE CHEMINS DE FER (suite).
Z -a
30,000
4--'. (100
8,000
400,000
100,000
1 1,000
7;', 000
CO.OOO
7,000
i 32,000
600
iOO
:.oo
60i)
5 0
500
600
600
260
SOO
400
360
400
326
2."0
loiit
loiil
260
(oui
187
4 \,'.
6%
0- .£.
avril.
j.inviiT,
juillet,
jiiillel.
juin,
janvier
juillet.
juin,
juillet.
COMPAGNIES.
Graissspssac à Réziers. . . ,
Anciennes el Oi>e
Rcssèpes à Alais
Chemins de fer antrichiens.
Sarde Victor- Emmanuel. .
Manage à Erquelines. . .
C.enlral-Siii^se
Ouest-Suisse
T.ipragone à Reuss. . . .
Home à Frascati
640
660
»
770
680
n
480
400
225
OBLIGVTIONS DES COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER.
376.000
2.303
80 000
100 OOii
! 20,000
lS?,333
30 (!00
138.828
126,000
120,000
(iOO.OOO
8.888
13,333
160,000
130,000
I.SO.OOO
131 007
180 OOO;
.'80. 000 1
102.014'
03 043
87,7 I y
149,788
300,000
4,200
336 600 16 janv.jnill
3.i5 600 16 août.
lO.iO I2.'>0 50 avril, oct.
296 600 16 clilo
600 026 25 tlilo
360
280
600
4K0
270
280
(126
760
3i0
276
290
300
300
285
600
500
286
500
600
C60
060
600
500
1260
1260
500
500
500
600
600
600
026
500
600
16 janv.jnill
16 ililo
26 juin, dée.
26 janv.jnill
16 0
janv. juill.
diio
dite
dilo
dilo
dite
dilo
dito
dito
dilo
dito
dito
286 500 15 dito
275 600 16 .mars, sept.
250, 600 G 7,1 »
Nord (6 fériés. 1851-1866). .
Noi'd-Bonlogne (I861J. . . .
Paris à Lyon
— (1855)
Médilerranéc. 6 "]„ garanti i ar
l'Etat ( 1852^
- 3% (1863). . .
- (1856)
Est (IS.63)
- ('8-Vi)
— (i86(;;
Ouest (1866)
Orléans ( l8'i2)
— ( 1848) '
— (1852, fiar. par l'État).
— ( 1854)
— (1865)
Grand-Central (1S53). . . .
— (1856). . . .
l-yon-Bourlionnais (1866).. .
Rhône-et-Lulrc il 863). . . .
— 3 '''„(I866). .
Lyon à (lenève (i86G, garanli
p.ir l'Étal)
Mnli (1860. gar. par l'État.)..
Cliemins auliichiens (1866). .
Tarragone à Reuss
288
97
280
475
287
460
4.50
2S5
1000
1000
290
290
290
285
286
286
u
286
28
2851
28»6
_ 443 —
VALF.URS 1\!)USTRIEÏXES.
C3 .2
S Z
400
300
1,000
1,000
1,200
200
600
4(0
200
Î200
200
200
200
1,000
1 ,0i 0
1,200
200
200
400
5(0
200
200
loo
500
1,200
600
6 0
600
600
600
200
400
4,0li0
2,00o
2.00' 1
1,000
2,000
1,000
12,500
5,0 0
5,000
1,0mO
5,000
5,000
5,000
5,00
5,0 II.
5,000
5,000
5,0 0
5,000
1 000
5.000
3.0 '0
5,(00
5,000
5,000
5,000
5,0;iU
5,000
5,000
1 000
1 ,000
1,000
1,000
1.000
1.00
1,0 0
5,000
5,000
1,000
5.000
5,000
6,000
5,000
5,000
REVENU
du dernier
exercice
\ .900
200
262
»
290
205
180
252
915
41 lo
37 -i
150
120
89
180
24
107
50
30
2,775
215
675
325
30)
200
300
COMPAGNIES.
ATSUaANCES M&BITIMES.
G''nérale (an.) . . .
Spc'iriié (fin ). . . .
Union des ports (an.) .
Indemnit»' (an.) .
I.loyd fiançais (an.). ,
O'-t-an (hïi. I . . . ,
Chambre d'iis.«urances (an
M.'lu-i..e(an.). . , .
Viirie (an.
Snuvegnide (an.). . .
Pilote I an ) . . . .
' '^françaisH des prêts àla
Pliart- maritime (an.). .
La i\rrriiiuie (an.) .
Cm- raie (an.). .
Ln Kéuni'iii (an.). .
i.'Eole (an.).
C* BonleJHisc (an.).
(îiioii ie (an.). .
Garonne (an.). .
.\qnnainn (an.) .
I.lcyd bor(lclai> (an.) .
Alliance maritime (an.).
La Provence (an ) .
H.i\r.iise et Parisienne (an
La Fortime (an.). .
L^•s l)en.s.-Mondes (an.)
La Splière (an ).
Le Commerçai (an.). ,
Les Aniillts (an.). .
Lloyd marseillais (an.).
ASSURANCES C 3NTRE L'INCENDIE
1 OURS
fin de
1836.
Générali' (an.). .
Pliéni.K (ai.).
Nationale (an.) .
L'Union (an.). .
Le Soleil (an.;. .
La France (an.).
L'Urbaine (an.).
— 444 —
2,000
400
3,0(10
800
2,0U0
400
3.000
2,000
80;)
1 ,000
8,000
'10,000
2,000
GO, 000
16.000
!)i,2no
6,000
6,1)00
6,000
6 0
400
6,00.)
40,00:)
3,470
5!i,0:i0
40,00:)
5,000
600
52o
253
6,000
600
^2,000
4,000
1,600
2,500
5,000
I.Oi'O
5,000
1,000
7,500
5,000
r.,00 I
5,000
1,01)0
500
500
5,000
100
250
REVENU
lu dernier
exercice.
90
12 50
20
!,025
300
1 60
150
50
19"/.
So/o
1.000
200
500
30
500
32
500
42
500
»
500
»
500
3 G
50»
42
100
e°io
100
8
100
4
100
10 "/„
1,000
»
100
6 "U
1,000
6"/„
1 00
»
500
»
150
6"/o
5.00
24
500
M
COMPAGNIES.
La Providence (an.).
L'Aiirle (an.). .
La Piiternelle (an.),
La Cnnliance (an.).
Le Nord (an.). . .
ASSURANCES SUR Z.A VIE
Générale (an.). .
Nationale (an).
Union (iiii.j.
Pliéiiix (an.).
Corjser^ateur (an.),
•■'aisse Paieriielle (an.
Impériale (an.).
ASSURANCES DIVERSES.
Générale (grêle) fan.)
L Aiiriculture et la Générale réunies
(an ) [Morlnlité des bestiaux ).
La Française (ce.) (/IttideiWs des che-
mins de fer.)
COLRS
fin de
1856.
45°/„b.
15"/„b.
pair.
7 1,2h
l'^-'iob.
in:{2/3b
23 %b.
1 1 '/,b.
3 ";„ !..
9 % b.
BANQUES ET CAISSES.
50
Banque de France (an.).
- — de la Marriiiiqiie (an.).
— d ■ la GuadeloLifie (un.).
— de la Réunion (an.). .
— de la Guyane (an.). .
— du Si'iiéijiil (an.).
— de rAlgi'rie (an.).
Comptoir d'escompte de Paris (an.)
Sous-comptoir des Kntrepren. (an.)
— des M'taiix an).
— desChem de fer (un.)
— des Denr. colon. (an.)
Comptoir d'Alais (an.). .
— d'Angou.ême (an.)
Dito. Dito. .
Comptoir de Caen (an.).
— de Colmar ("an.)
— de l)ôle(an.).
— de Lille (an )
— de Mijlliouâe (au.).
4,000
600
700
445 —
400
400
60.00G
I2(»,0l)0
4 544
I0lt,000
50,000
OU, 100
30,000
6,000
'20,000
t. 000
1111,6811
2 '00
16,001'
1,600
1,200
5110
600
3,(tl!ii
lo.oOO
20.000
1,600
4.0nO
5 oO'i
50.000
3 1 000
20,000
10,000
12.00.'
100,000
300, 000
Hit, 000
10 000
!120,000
7o,000
3,000
CO.OOO
2.000
250
200
500
500
500
5'0
500
500
100
100
25
500
16°,„
5(0
37
1 ,000
75
100
10
500
1,
500
57
5,000
))
500
6"u,
1.000
60
1,000
95
1 ,000
*' la
375
30
500
u
2.0
»
1,000
2)0
S°/n
10»
13 °o
1 .058
152
1.«00
60
1,00'
70
1,000
40
5. S? 50
34
500
«
2)0
»
50
«
500
»
500
»
1,000
57
100
500
REVENU
du dernier
eiercice.
5"/„
20
•
17
203
79
COMPAGNIES.
90
90
Comptoir de Sablé (an.'). .
— deSl-Jean-d'Angély (an.)
— fieSie-Marie-aii.x Mines (a)
Crè.lit Foncier de France (an.) .
Crédit Mobilier (an.)
Cré'lit maritiiue (co )
Caisse trénérali' de.s chemins de fer
Mirés et C'« (co.)
— de? Actionn., Amail et C' (co.)
— centrale de l'Industrie, Ver
gnioUe et C'° (co.)
Crédit indiist , Malevergneet I"" (c.)
Cai-.-ses d'Escompte. ProstetC"(co.)
Caisse Béi'liet et C" (co).
— Lehideux et C" (co.).
Comptoir ceit., Boiinard et C"(co.)
Boiiron et C'« (co.)
Lécuyer et C'« (co )
Nu-prnpriéraires (co.).
Cnniptoir commercial d'Angers (co.)
Caisseconimerciale deHoi!fl.^ur (co.)
Cîii.sse dépait'* de la Mayenne (co.)
Caisse commerciale du Nurd (co.J.
Cai-se industrielle du Nord (co.).
Comptoir de la Méditerranée (co.)
Caisse comn.erciale de Roubai.K (co.)
Caisse du comra. et de l'agricult. (c.)
Cai.<se commerciale d'Avignon (co.)
Crédit foncier de San-Francisco(civ.)
Société générale de Bru.xelles (an.)
Banque de Belgique (an.). 1'* série
— 2% 1841
Actions réunies (an.).
Banque de Darmstalt (an.). .
Créait mobilier autrichien (an.).
Mobilier et foncier sui.«se (an.).
Crédit des Etats sardes (co.).
Crédit mobilier espagnol on.). .
C"' gent-r. de crédit en Espagne (an.)
Banque de Genève (an.). ...
Stéarineric (co.).
Eloile(co.). .
C0Lrtï5|
fin de
1856.
hOO
1 ,400
510
158
433
» i
137
515
600
6 500
220
2,820
9o0
800
112
— 446 —
2,400
4,200
69,120
68,000
27, 200
27,200
6 (100
47.600
13,001)
600
11,50!)
2.200
6,000
63, dO)
400,000
30,000
50,000
20,000
5,200
3,600
2,800
2 8ii0
30,000
'1,500
3.550
1,8o(i
2i,00l)
80.000
80,000
80,000
80,000
80,000
3,275
13,200
21,000
30.000
8.0UÛ
500
500
1,000
1,000
1)
1,000
1,000
5,000
1 ,000
1.000
1,000
400
500
100
100
100
500
1.000
1,000
500
500
1/1600'
»
300
REVENU
du dernier
exercice.
COMPAGNIES.
50
830
50
12 50
50
50
11
540
67 50
129
120
4"/„
15
20
20
70
150
42
»
27
60
10
14
9
27
u
34
»
60
500
25
500
60
Soleil (co.)
Huilerie. Stéarinfrie (co.).
CANAUX.
Quatre-Canaux (an.). Act. de capit
— de jouissance
Bourgogne (an.). Act. de capital.
— de jouissance
Arles à Bouc (an.), cap.
Troi^ Ciiiianx (an.), cap
R laniie à Digoin (un.).
Air- à la Baissée (au.). .
Sanibreal'Oise au.). .
-carpe inférieure (co.).
Sanibre française (an.),
i.'aiiali-auond« TEbre (an
Canal de Suez (au ).
CAOUTCHOUCS
Caoutchouc durci (co.).
Caoutchouc so'iple (co.).
C'= g.-niTale belge (co.).
COLRS
fin de
1856.
CHAHBONNAGES ET ASPHALTES
H iii Hères de la Hante-Loire
Centre du Flenu (eiv ).
Pont-de-Loup-S id (civ ).
Mcjutii'ux-Sl Etienne (civ.).
Blauzy (co.>
Azincourt (an.).
Chazotte fan )
Layon-et -Loire (an). .
Portes et Séiiéchas fco.). .
Loire (quatre groupes) (an.)
Lnire (au.)
Saint-Etieune (an.).
Miuitrambert (an.).
Rive-d'^-Gier (an.).
>nint-('hamond l'an.). .
Ma\'Pnue et Sarthe (an.). .
Gran l'Combe (an ).
Charbonnages belges (an.).
Haut-Flenu (an.). , .
(civ
447 —
6,720
3,000
1,200
80,000
8,000
7 000
9.1100
10.000
60,000
8,000
20,000
7.3o0
1.400
5.(100
10,000
'l,oOO
4,000
4.000
2,'tOO
18 iiOO
o,00(»
oO.OOO
10,000
6,000
28,000
50,001)
.o4 000
5<i,000
6,000
24.000
900
4.000
4,000
5,500
REVENU
du dernier
exercice.
>■ «
250
»
500
»
1,000
40
250
4%
230
8 70 "/„
luo
6''/„
100
5 °;„
100
»
100
»
500
35
500
55 50
500
20
500
35 81
li5000=
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2:.0
125
100
„
1,000
50
1,4000^
500
.^,000
350
500
80
500
50
»
»
»
M
500
80
>,
50
1)
70
250
»
500
39 .47
510
u
500
»
5'00l)
»
l'OOO
75
l'DOO
125
l'OOO
105
COMPAGNIES.
Houillères- réunies-sous - Quarégnon,
(an.). . . . ^
Asphaltes-Seyssel (co.)
Bastennes (co.)
EAUX ET BAINS.
C" générnle des Eaux (an.). .
Kaux d'Auteuil et Neuilly (co.
Eau de Si ine purifiée (co.).
Eaux de Calais et St-Pierre. .
Samaritaine (civ.)
Lavoirs et bains publics (co.).
FILATURES.
Lin Maberly (Amiens), (co.).
C')iiiii ei C"=. (co).
Trudin, C'* Continentale, (co.).
Société laiiiièr». (co.)
C'° liuieie de Pont-Remy. (an.)
La Fou'lre. C'° Rouennaise. fco.
La Br> sle. fco.)
La Lys. (an. i
FORGES , FONDE aiES , BAUTS-
FOUaNEAUX.
Loire-et-Ardéclie. (;i!i).
DecMZfville. (Aveyron). (an.).
Alais, Garl. i^an.). .
Basse-Lidre. (co.j.
Cliiîtillon et Commentry. (co
Horme (an.) ....
Maubeuge Can.). .
Creusot. (co.)
FonrcliamhMu't. (co.).
;\Iirine et chi-mins de fer.
FIer«er:in<jre. (co.). .
Aisnfi- t-Nor i. (co.). .
Fi ancli -Conté, (ce).
Côte- l'Or. (co.). . . .
Andinc-ourt. (an.). .
Espérance. (Bel^îiqne). fan.)
Mo!iceau-sur-Sambre. (an . ) .
Providence. (Belgique, an.)
COIRS
fin de
18j0.
150
215
255
107
100
695
5b5
»
550
480
103
4,000
690
4iO
61-0
450
795
4<)7
510
530
495
600
1,250
1 ,430 1
L450li
— 448
C5 a
ce .
REVENU
COURS
Cï o
du ilernier
COMPAGMES.
fin de
O 1
exercice.
1856.
12.000
60
Onjrrée. (iin.). .......
632
10.001)
500
»
Sambre, Fianco-Bftlge. Tan.). .
»
60,0v0
373
30
Phénix métallurgique, (an.). . .
GAZ.
350
110,000
500
»
<^'« parisienne d'Ecl. et Chauff. (an.).
800
40,0011
2 0
30
Union «les Gaz. /en.)
290
6.000
500
40
Nnr.i. (B;iiignolles.) (co.). . . .
5U0
1,000
500
74 50
^.st. (Vincmnts). (co.)
»
1,200
500
33
Versuilles. (eu.;
300
600
500
70
Bre.-t. ( co. )
»
1 ,;joo
5 0
30
Amien.s. (co )
460
2,100
416
15
Wazemnii-s. (oo.)
17-.)
15,000
500
31 85
C'* iJeiitrale, Lcbon, 18 villes, (co.).
513
2i,U00
300
5-/.
Gaz et Hauts Fourneaux de Mar-
seille, (co.)
»
io;),ooo
50
»
L'Alliance, (ce).
GLACES ET VERRERIES.
v
1,152
7,000
V
Saint Gobain. (an.)
33,000
24,0110
500
„
Montlu(,"on. (co.)
250
10,000
1.000
62 15
Oiguii;.s. (an.)
11,20iJ
12,000
500
24 35
Florefie (an.)
»
20,000
375
'*
Aix-la-Chapelle, (an.)
IMMEUBLES.
123
1.Î 0,000
100
4°/o
Palais de rLultistrie. (an.). .
70
2/iO,000
KO
5"/o
Immeubles Rivoli, (an.)
95
14,000
500
Rue Impériale de Lyon. (an.). . .
JOURNAUX.
»
6,000
50O
75
Journaux réunis : Pays, Constitu-
tionnel, (co )
500
2.500
200
100
Le Siècle, (uo.)
300
108
2,500
550
Le Droit, (co.)
MINES DIVERSES.
4,500
90,000
80
20
Vieille-Montagne, (an.)
33!)
3,100
1,000
90
Nouvelle-MontMgne. (an.)
1,223
40 00 1
375
S"/»
St ilberg et Westphalie. (an.).
83
o,500
1,0(10
70
Corphal e. (an.J
1,137
5,500
500
»
Bleyberg-es-Montzen. (an.). . .
»
449 —
g s
^M
REVENU
2 •-
3 ^
du dernier
o S
< =
exercice.
■^
8b'0
375
5%
6.500
«
»
5(1 000
37o
8 42
10,000
375
»
10,000
»
25
2ri,60()
100
1 75
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0 1/4
16.000
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21 25
10,00)
500
55
14,000
bOO
»
COMPAGNIES.
du
Esciwi'iler. (an.)
— dito, 2' série.
^ilesie. (an.)
Mil) s tit fonderies de cuivro
Rhin, (an.)
Poiitgibau.i. (an.).
Kerinière de Caronte. (co.).
T'înez. (cf>.). Algérie.
Mouziiia. (C'j.). duo. .
Villefort,Vialas, Auzonnet, etc. (civ.)
S ptèmes. (co.)
San-Fernando. (an. ). . . .
S:ilin.s du Midi, (co.)
Salines de Gouhenans. (co.).
irAVIQATION.
Messageries Impérinles. l'an.).
N.iviffiition n vap., Bazin et C'* (co.)
C" générale Maritim»^. (an.).
Fianc" Américaine (ce),
(."lipper.s français, (ce).
Armements maritimes (co.)
Paquebots fluviaux et marit. (co
Navigation mixte, (co.). .
PAPETERIES.
Marais et Sainte-Marie, (an.).
Essonnes. (an.)
Eciiarçoii. (an.)
Souche, (an.)
PONTS ET PORTS.
P'M-ts de Marseille, (co.). . .
Poutet port de Grenelle, (co.). .
Ponis réunis, (co.)
— — nouveaux, (co.). .
SUCRERIES, RAFFINERIES.
DelaScarpe. (co.)
DeTournus. (co.)
De Bourdon, (co.)
COIRS
On de
1836
170
40
30
9":
205
1.200
59c
425
47e
81)
500
280
1,000
1,150
1 ,000
480
500
450
4,00ft
2,399
2,0110
U,Ol)0
50,000
4,000
2S0
6,(!00
3, '200
24,0 0
3,200
1.700
400,000
40,000
n
100,000
30,000
28,000
'1,000
800
8,0U0
8,750
500
255
500
500
100
500
10,000
1,000
300
50(1
300
80
100
100
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2o0
500
I.OrO
1,000
500
200
REYEXU
du dernier
exercice
40
35
58
50 2^
90
600
10
45
10
9 50
1 65
10
»
6 1,2
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12 50
1 4 65 «/,
10 "/„
9 "/o
20
COMPAGNIES.
USINES.
Galvanisation du fer. (co.). .
Frrs ét-rés, Giindillot et C'^ (co.1.
Chumeroy (co. )
('ail et 6«. (co.)
Constructions maritimes, Séguineau
et C'«. co.).
Cristofle et C" (co.)
VOITDRES ET OMNIBUS.
Messageries impériales (an.).
Cailiardet C'=. fco.). . . . , .
Omnibus des chemins de f r. (co.) .
C'° générale des Omnihns; (an.). , ,
Omnibus de Londres, (co.). .
Gondoles parisio-nnes, (co.). .
C'^ impér. des petites voitures, (an.).
DIVERS.
Snbst. aliment., dessiccation, (co ).
Docks-Niipoléon. (an )
Telég. sous-marin. (Manclie.) (co.)
— — Méditeiranée. (co.).
Vidantes Rirher. (co.). . . . .
Moidin Packh.nïi. (<'o.)
Griilns fuurivor«"S. (co.)
Produit" cliiiniques de Jaselle et
Sèvre.s. (co.)
Société des Deux-Cirques, (co.). .
COURS
fin de
1856.
400
700
»
500
600
170
800
175
100
87
10'
17.)
20
110
250
1,010
2C0
^-ô— o-o-«-o-o-o-c-o-o-o-o-o-
CONSIDÉRATIONS FINALES
Nous sommes loin d'avoir épuisé notre matière.
Sous cette rubrique, Spéculation, il nous eût été facile de
passer en revue toutes les parties de la science économique
et de secouer encore luen d'autres myslèies. Nous croyons
en avoir dit assez pour faire com[)rendre à nos lecteurs quel
esprit anime la société actuelle; quelle est sa couftilulion
intime, son organisme, sa tendance, sa fin, et pour justifier
à leurs yeux les réflexions par lesquelles nous terminerons
ce travail.
§ 1". lA FÉODALITÉ INDUSTRIELLE : MARCHE DE LA CRISE.
Nous disions en terminant le chap. VI I, V^ partie, page 168 :
« Il faut que cette situation ait une issue : Ou le triomphe du
système, c'est à-dire l'expropriation en qrand du pays, la concen-
tration des capitaux, du travail sous toutes ses forme?, l'aliénation
de la persoudalité, du libre arbitre des citoyens, au profit d'une
poignée de croupiers insatiables; ou la liquidation. »
Naturellement on ne vent d'aiicime de ces propositions.
On espère se tirer d'affaire par les moyens termes, dont le
champ, semble-t-il, est infini. A cet égard, nous ne nous
faisons pas d'illusion.
Mais, nous l'avons dit maintes fois, la force des choses ne
s'arrête pas devant l'inconséquence des hommes; et puisque
nous ne savons jias choisir entre deux termes dont l'alter-
native est devenue inévitable, nous n'avons plus qu'à mon-
trer comment nous sommes exposés à les subir l'un et
l'autre.
Une chose d'abord est devenue manifeste. La Féodalité
industrielle^ que Fourier prédisait il y a près de cinquante
ans, que l'école saint-simonienne chanta ensuite, cette féo-
dalité existe. Elle a définitivement remplacé l'anarchie in-
dustrielle, qu'avait laissée à sa suite la Révolution. Elle s'est
— 452 —
constituée moitié par le privilège , moitié par la licence,
toujours avec faille et rap|)rob,ition du gouvernement. Le
titre 111, livre l", du Code de commerce, concernant les
sociétés de commerce, lui tient heu, provisoirement, de
cliarle.
L'anarchie industrielle n'avait pas conscience d'elle-même-,
elle ne se savait |)as. La féodalité in<iustrielle se sait; elle
agit en conuaissanie de cause. La première était de bonne
foi, partant honnête; la seconde, qui ne jieut invoqi'cr en
économie d'autres principes que ceux que lui a laissés sa
mère, et qui ne peut plus y croire, est fatalement de mau-
vaise foi; elle est immorale.
La masse de valeurs cotées à la Bourse, dont la féodalité
induslritlle dispose, monterait déjà, suivant un économiste,
M. Angelo Tedesco, à près de 20 mdliards de francs :
Dille publique 10.14'i.:260,840 fr.
Banqois diverses I,(i71.1 07.000
Oliligalions 2,i:0.()9".3'7
Chemins de fer 3,150.yifl,ii00
Assiiraru-es '202,Sô(),OnO
Hauts- roiirneaux 491.300,645
Messageries el transports 352.91iO,fl<lO
Gaz 213. 197.100
Mines 145.895,495
Punis et Canaux. 301,130.037
Divers 4 12,012,437
Total 19,507,023.491 fr.
En y ajoutant les établissements non cotés, mais que la
nature de leur institution et leur importance permettent
de ramener à cette grande catégorie du travail féodal, plus
8 milliards de créances hypoihécaires, on peut évaluer, mo-
dérément, l'actif de la caste à 30 milliards.
Tri:nte milliards de francs! c'est sur cette masse de ca-
pitaux, plus ou moins solidaires, que la féodalité nouvelle
est assise; c'est avec celte artillerie qu'elle mitraille à bout
portant la multitude inorganisée des petites industries et
des petites fortunes, quelle bat en brèche les garanties
créées par la Révolution et toutes les libertés publiques.
Trente milliards de francs, produisant en intérêts, divi-
— 453 —
dendes et frais à la charge du public, 6 0/0 au moins du ca-
pital, représentent un revenu annuel tie 1,800 millions. —
Ajoutez 1.200 millions de frais d'Élat, plus un milliard de
loyers et fermages non absorbés par l'hypothèque, et qui lot
ou lard mireront dans le système, et vous arrivez du pre-
mier coup à un tribut de 4 milliards, que la nation travail-
leuse doit prélever chaque année sur une production moyenne
de 9 milliards, pour nourrir, béatifier et défendre contre
soi son aristocratie. Nous avons aboli en 89 les droits féo-
daux : qu'était-ce à côté de ces 4 milliards? Évalués en
argent, il n"y en avait pas pour 20 millions.
Le mouvement se poursuit donc et tend à se général is-er,
englobant à leur tour la propriété funcièie et l'industrie
agricole. Cela est inéviliible : et tel est le principe supéiicur
de ce qu'on appelle aujourd'hui, sans y rien comprendre, la
Crise,
Les causes de la crise, en effet, sont de plusieurs sortes.
Il y en a d'accidentelles, comme la dépréciation de For,
les exportations de numéraire pour l'armée d'Orient, les
mauvaises récoltes, les inondations, etc. Ces causes peu-
vent être jusqu'à certain point conjurées, leurs efTels ré-
parés. La prévoyance à cet égard sera d'autant plus efHcnce
que la constitution économique du pays se rapprochera da-
vantage de l'égalité mutnellisle , de la vraie démociatic.
Dans le cas contraire, le mal produit par les sinistres sera en
raison directe de la hiérarchisation des fortunes: et comme
chaque époque, chaque année, chaque saison a sa part de
calamités, on peut dire que, dans une mesure plus ou moins
grande, la force majeure et ses coups imprévus doivent être
imputés à la mauvaise économie : ce qui les fait rentrer dans
la catégorie suivante.
Il y a ensuite les causes organiques et constitutionnelles :
l** Exoibitanco du cajiilal engagé dans l'outillage indus-
triel, nolanim(!nl dans les clicmms de fer. — Ce capital, sans
doute, est Ircs-produclif pour les Compagnies qui ont ob-
tenu le privilège des exploitations. Mais, comme en dernière
analyse ce même capital n'a guère fait autre chose que sup-
— 464 —
planter d'anciennes industries, il s'en faut de beaucoup que
sa productivité, dans l'inventaire général du pays, soit telle
que le donnent à entendre les cotes de la Bourse : il y a
plutôt déficit. Ni le produit brut, ni le produit net indus-
triel, en un mot, ne s'est accru depuis viïigt-cinq ans dans
la même proportion que le capital engagé; et comme le mou-
vement ne s'arrête pas, l'appauvrissement croît toujours.
2° Retour au salarial de la population industrieuse à
furet mesure du développement de la société anonyme, et
distribution de moins en moins équitable des produits. —
On a vu dans llnlrodiiction, page 6, que la répartition de la
richesse, de même que le transport de la richrsse, est elle-
même richesse. Tout ce qui tend à rendre celle léparli-
lion moins universelle et moins égale est donc cause d'ap-
pauvrissement, ni plus ni moins qu'une entrave apportée à
la circulation , une taxe sur le travail , un impôt sur le
produit.
3° Défruifement des campagnes par les chemins de fer,
au profit de Paris, des grandes villes et de l'étranger, et au
détiiment des populations rurales. — Avant rétablissement
des chemins de 1er, la plus forte partie des produits agri-
coles étaient consommés sur place : il en résultait sur tous
les points du pays, hors de la sjthère d'action des grandes
villes, un état de bon mar(hé qui permettait aux classes
pauvres de vivre du plus modique salaire. Si elles gagnaient
peu, elles dépensaient peu; la condition était égale. Actuel-
lement l'équilibre est rompu : le chemin de fer, en assurant
des prix plus élevés aux produits du sol, a créé la cherté
dans les camjiagnes. Le journalier ne peut plus subsister :
sept millions de travailleurs, de tout âge et de tout sexe,
ont commencé de se mettre en marche pour aller demander
aux travaux de l'État, aux entreprises par actions, à la do-
mesticité, à l'émigration, une existence que le pays natal
leur refuse.
4" Défaite de la propriété immobilière par la propriété
mobilière, en autres termes de Ihypothèque par l'action.
— Elle résulte de l'ensemble des faits industriels et finan-
— 455 —
ciers et n'est d'ailleurs contestée par personne. Elle a pour
conséquences : la désertion du capital, qui se rejette vers la
coinmandiie et les emprunts publics; l'expropriation des
propriélaiies obérés, qut' pronieltait de secourir et qu'aban-
donne à leur iufortune le Crédit foncier; la recomposition
des grands domaines, de ces funestes latifundia, qui déter-
minèrent la chute de la républi(pie romaine et amenèrent
la dissolution de l'empire; la conversion de la production
céréale en production fourragère, par suite la décadence de
l'agriculture, et finalement la dépopulation.
Dira-t-on que le Crédit foncier, lorsque enfin on aura
réussi à le fiiire fonctionner, cimngera la face des choses, et,
en mettant un terme à l'expropriation, régénérera du même
coup l'industrie agricole? Il n'en est rien. L'agriculture
n'aura fait que changer sa fièvre chaude contre une humeur
froide, ainsi qu'on va voir.
5" Subalternisation de l'agriculture par la finance, consé-
quemmcnt , dans un délai plus ou moins long, retour de la
propriété terrienne aux mœurs féodales. — Quand le capi-
tal n'aura plus ni actions, ni obligations industrielles sur
lesquelles il puisse s'abattre et agioter, il acceptera les con-
ditions que lui oiTre en ce moment le Crédit foncier; cela
est inévitable. Qui empêche d'ailleurs le gouvernement im-
périal, par un simple décret, de consolider en masse la
dette hy|)othécaire, et de transformer la multitude des créan-
ciers du sol en porteurs d'obligations de la Société? L'idée
n'est pas nouvelle; et tôt ou tard il faudra bien que l'empe-
reur, dans l'intérêt de sa popularité» la mette à exécution.
Alors la propriété n'est plus qu'une eniphytéose; un pas de
plus, et i'Étal devient seul propriétaire: le laboureur, qui
n'a que son travail et ses bras pour ré[»ondre des avances à
lui faites par la grande Compagnie, se trouve changé en
colon attaché à la glèbe.
Du moins l'exploitation du sol va recevoir, par le crédit,
tous les développements dont elle est susceptible? Autre
illusion.
6" Ap|)auvrissement continu du sol par le système d'ex-
ploitation suivi, système également inhérent à.la propriété
— 456 —
morcelée, à la siizerainclé financière et à la concentration
impériale, et qui ne nous paraît susceptible d'amendement
que sous la loi d'une démocralie muluellisle et égalitaire.
Comme rien ne se fait de rien et par rien, la science de
l'agriculteur, sur laquelle on a tant écrit de nos jours, se ré-
duit, en dernière analyse, à ces deux préceptes:
o) Rendre chaque année au sol , en quantité et proportioîi
égales, les éléments qu'il a perdus par la récolle de l'année
précédente;
b) Faciliter, par les façons données à la terre et aux plan-
tes, rabsor[)l ion végétale de ces éléments.
Doù vient la richesse des forets vierges, tant admirée des
faiseurs de descriptions romantiques? De ce que, depuis
l'origine du globe, la terre qui les porte n'a pas perdu un
atome de ses principes, et qu'en outre elle s'est continuelle-
ment enrichie de ceux que lair, le soleil , la pluie et la végé-
tation lui fournissent.
Dans notre système d'exploitation demi-civilisée, c'est
juste le contraire qui a lieu. Rien de ce que produit la terre
n'y retourne; tout est enlevé, transporté au sein des villes
pour une consommalion qui, au point de vue de l'agricul-
ture, peut être considérée à bon droit comme non reproduc-
tive. L'absentéisme, si fimestc aux populations, altère la
constitution du sol lui-même, Tépuise, le dénude. Que peu-
vent, contre cette exhausiion énergique, les combinaisons
de Tassolement et la chimie des engrais'/ retarder de q'icl-
ques années une ruine inévitable, comme les inventions de
la cuisine relardent la consomption du débauché.
C'est à cet appauvrissement (lu sol qu'il nous paraît ration-
nel d'attribuer le retour péiiodique des mauvaises récoltes,
les maladies des végélaux, et peul-èire les épidémies venues
à la suite. Quand la nalurc perd l'équilibre, elle entraîne
les populations.
7" Augmentation du prix des loyers, à Paris et dans les
chefs-Heux de départements. — Elle est en moyenne, à Pa-
ris, depuis 1848, de 50 0/0. Ce sont 60 à 80 millions dé-
tournés du commerce et de l'induslrie, el que se partagent,
chaque année, 12 à 15,000 piopiiclaires. On a attribué cet
— 457 —
enchérisscment aux démolitions exécutées après le coup
d'État dans la capitale. Sans doute elles y ont conlribuc
pour quelque chose : mais la cause piincipale, organique,
la vraie cause, est, avec le monopolo qui laisse à la merci de
15,000 détenteurs au plus Thabilation de 1,200,000 âmes,
l'émigration forcée des populations rurales qui se rejettent
sur la capitale et les grandes villes. D'après le tableau ofli-
ciel du recensement, publié par décret du 20 décembre 1856,
la population du déparlement de la Seine, qui était en 1851
de 1,^22,065 habitants, s'élèverait aujourd'hui à 1,727,429.
L'augmentation, en cinq ans, a été de 305,354. Le déparle-
ment du Nord, le plus industriel après celui de la Seine,
qui ne comptait en 1851 que 1,058,285 hnbitanls. en a au-
jourd hui 1,212,353: augmentation, 154,068. Soit pour les
deux déparlements de la Seine et du Nord, 459,412 habi-
tants de plus qu'à ravanl-dcrnier recensement. Or, laccrois-
semcnt de population poiu" la totalité du pays n'a été, depuis
cinq ans, que de 257,736, environ 7 pour 1,000. En sorte
que, toutes compensations faites, les deux départements du
Nord et de la Seine se sont eni ichis, aux dépens des 84 autres
départements, de 422,000 personnes qui ont déserté la cam-
pagne, et demandent leur existence à l'agglomération finan-
cière, mercantile et industrielle. Est-ce clair?
8° Accroissement conlinudel'impôt. — 11 résulte de l'ana-
lyse des budgets, et les faits démontrent que, depuis la fin
de la première République, les dé|)enses d'État se sont aug-
mentées progressivement, aussi bien sous le gouvernement
constitutionnel de la Restauration que sous le régime mili-
taire de l'Empire, aussi bien sous les institutions plus libé-
rales encore de 1830 et de 1848 que sous les deux admmis-
trations précédentes. A cette heure, le budget des {lé|)enses
de TÉiat est d'environ 1,700 millions, à peu près un cin-
quième du revenu total du pays. Api es avoir posé en prin-
cipe que plus une nation paye pour ses frais d'État, plus
elle est riche, nous eu sommes venus à présenter tous les
trois mois le chinre cioiss.uit des sommes encaissées par le
fisc comme le signe de la fxospérité publique. I.a Bourse est
entrée dans celle iilée : le boulcreuu des recettes trimes-
26
— 458 —
trielles ne manque jamais d'être salué par la hausse. Con-
cluons donc que la progression de l'impôt fait pailie essen-
tielle du système et doit être rangée au nombre des causes
organiques, chroniques, de noire décadence sociale.
9° Besoin de plus en plus grand de numéraire pour le ser-
vice de Tagiolage. — C'est ici surtout cpi'il faut voir jus-
qu'où va la subversion des principes et des intelligences.
11 y a trop de valeurs, crie-t-on de tous côtés, trop de ti-
tres, trop de papier sur le m.irclié, pour la somme d'espèces
disponibles. Et c'est par cette considération puissante, c'est
afin de ne pas aggraver la crise en provoquant de nouvelles
émissions que, dans le Moniteur du 9 mars 1856, le gouver-
nement annonçait (jue, pendant toute l'année, il n'aciorde-
rait aucune nouvelle concession, et engageait les intermé-
diaires à ne pas négocier les valeurs non inscrites au cours
officiel. C'est pour suppléer à ce besoin toujours croissant
de numéraire crée par les reports qu'un praticien , M. Angelo
Tedesco, propose de mettre la renie en circulation , et de
centraliser les re|ioits dans une caisse de l'État.
Mais que signilient ces phrases cabalistiques : llij a trop
de papier, la place est écrasée? Depuis quand les titres d'ac-
tion sont-ils assimilables au billet de Banque?
Les économistes distinguent , selon la manière dont le
capital fonctionne, deux sortes de capitaux : le capital enga-
gé, et le capital circulant.
Le capital engagé, par cela même qu'il est engagé, n'a pas
besoin d'espèces qui le repiésentent. Ou ne lui demande que
son produit, et [wuv donner son produit, il ne réclame lui-
même que du travail.
11 en est autrement du capital circulant, qui consiste en
matières premières, services et marchandises : sans cesse il
a besoin de se convertir, de se solder en numéraire.
Or, les dettes de l'Élnt sont du ca|)ital engagé, consommé,
productif seulement d'intérêt, par le moyen db l'impôt. 11
en est de même des actions : elles constituent le passif des
Compagnies, leur dette consolidée, une consommation irré-
vocable, qui par nature et destination ne |)eut jibis donner
lieu qu'à des produits, à du capital circulant, susceptible
- 459 ~
d'échange, mais lui-même inconvertible, et par conséquent
hors de la sphère d'action du numéraire.
Les transfèremenis auxquels les actions industrielles et les
titres de rentes peuvent donner lieu ne sauraient, en bonne
économie, modifier d'une manière sensible cette condition
du capital engagé. Ce sont des propriélés pour la mutation
desquelles on peut créer un bureau, où les espèces seront
d'autant moins nécessaires que les opérations se multiplie-
ront davantage : il est contre tous les principes que de telles
mutations deviennent un embarras pour le i>ays, une en-
trave à la production et à la distribution de la richesse.
Comment donc se fait-il (pie ce soit précisément le capital
enpagé qui ap|)elle la plus giande (piantilé de numéraire :
comme si les immeubU's pouvaient être robjet d'une circu-
lalioii elTective, ainsi que les produits; comme s'ils faisaient
partie de la consommation courante, comme si c'étaient des
subsistances?
Ah! c'est qu'il ne suffit pas au capitalisme moderne de
s'assurer, pour l'avenir, par ses actions, l'exploitation du
pays. Il faut encore que, par la transmissibiiité de l'action
et par son escompte en numéraire, il réalise dans le piésent
sa jouissance; il faut de |)lus (pi'il agiote, qu'il reporte, ([u'il
tripote, qu'il joue. Eu quoi la j)uissance de dévoralion de la
Féodalité nouvelle est autant au-dessus de la force ab-oi haute
de l'ancienne, que la lettre de change est au-dessus de la pièce
de métal. Voilà poiuquoi le c;ipital eni;agé a tant besoin de
numéraire; pourquoi M. Angelo Tedesco propose de con-
vertir la rente en asssiguals; pouripioi enfin le gouverne-
ment, afin d'assurer la ciiculaliou boursière, s'elîorce d'en
retern'r l'élan et d'en modérer les émissions. L'interdiction
<lu 9 mars a été levée le 30 novembre : par permission de
Sa Majesté l'Empereur des Français, les Compagnies de che-
mins de ft-r poiuroiit ajoutera la somme de leurs obligations
214 millions d'obligations nouvelles. En sorte que le gou-
vernement, qui se flatte, par des mesures de prévoyance, de
dégager la [)lace, eu réalité engage la place; il écrase le mar-
ché sous cette accumulation périodique de litres circulants,
et paralyse le travail et l'échange, eu réservant à l'agiotage
— 460 -
le numéraire, instrument obligé des transactions et repré-
sentant indispensable du fonds do roulement.
10" Enfin, abaissement du sens moral dans la nation, cor-
ruption de la foi publique et délaissement du travail pro-
ducleur pour la spéculai ion parasite et le jeu. (^es causes, les
plus actives de toutes, et les moins signalées de la crise ac-
tuelle, ont été amplement développées dans cet ouvrage, et
nous n'y rc\iendrons pis. Qu'il nous suffise dt.^ rappeler ici
que rimmoralilé baniocralique et agioteuse n'a commencé
de s'affnlier avec impudeur que du jour où elle s'est imagiué
n'avoir plus rien à craindre de la Révolution abattue, et que
le dernier soupir de la Ré[)ublique semble avoir éié, grâce a
cette émancipation boursière, le dernier soupir de la con-
scictice française. Contre riiifl(\\ible solidarité des principes,
que pomraient ensuite les ctlorts d'un gouveinemciit, même
vertueux et réparateur? Qui peccat in uno, dit l'Évangile,
faclus est omnium reus. Nous avons manqué à la foi publi-
que 5 nous sommes fripons et misérables : c'est logique et
c'est justice. De telles ruines ne se relèvent que par 1 expia-
tion et le temps.
Telle est la Crise, invincible tant qu'on ne l'attaquera pas
dans ses causes, et qui ne faiblira point ni pour une, ni pour
deux, ni pour une série de bonnes récoltes, mais qui ira
toujours grandissant, comme le déplacement de capital, de
revenu, de salaire, de consommation et de population, qu'elle
représente.
La Crise, en un mot, c'est la Féodalité industrielle : ne
cbercliez point ailleurs la cause de celte gêne universelle,
enilénn'qiie, incurable.
Ainsi la France se remet elle-même en servitude. Encore
un peu de temps, et nous serons revenus, par une courbe
rentrante, aux pures idées féodales. La croisade contre-révo-
lutionnaire sera terminée, et sans mieux savoir aujourd'bui
ce que nous faisons que nous ne le savions autrefois, nous
pourrons ajouter un livre de plus aux Gesta Deiper Francos.
Démenti donné à la politique de Louis XI, de Richelieu,
de Mazarin , de Colbert , de Law, de Turgot et de la RévO'
— 461 —
lution française, aux principes du Code civil et de toutes
nos constitutions ; amende honorable, à la noblesse et à l'É-
glise, des anli(]ues injures commises contre les deux pre-
miers oidres i)ar le Tiers anarchique et jaloux : telle nous
apparaît la Féodalité nouvelle.
Cependant l'esprit révolutionnaire est toujours là qui
veille : et de même que la Féodalité antique , par cela même
qu'elle froissait les droits du grand nombre, appelait une
lévolution dans le sens de l'Égalité^ de même la Féodalité
nouvelle, subalternisant le travail et, se résolvant en une
exploitation cajutaliste au profil d'une caste de parasites,
ap[)elle à son tour une révolution dans le sens du partage,
ce que nous avons appelé Liquidafion.
A la Féodalile indiiUrielle, en un mot, doit succéder,
selon la loi des antinomies historiques, une Démocratie ix-
DLSTRiELLE : Cela résulte de l'opposition dos termes, comme
le jour succède à la nuit.
Mais quel sera l'agent de cette révolution?
L'histoire encore nous le révèle. Entre l'ancienne féoda-
lité et la révolution, il y eut, comme régime transitoire, le
despotisme. Entre la Féodalité nouvelle et la liquidation dé-
finitive nous aurions donc une concentration économique,
tranchons le mot, un Empire industriel.
Ce premier acte de la réaction du droit contre le privi-
lège, réaction amenée par la nature des choses et par la lo-
gique de l'histoire, n'est plus une prévision : il est flagrant.
Nous venons d'en voir un échantillon dans le projet de
M. Angelo Tedesco.
Du reste, nos lecteurs comprendront que lorsque nous
nous servons de ce mot , Empire industriel., pour désigner
le point culminant de l'absorption capitaliste et spécula-
tive, nous n'entendons nullement accuser l'intention du
pouvoir, mais seulement la tendance des idées et des faits.
C'est ce que nous avons maintenant à prouver.
§ 2. l'empire industriel : apogée de la crise.
Remontons de quelques années en arrière.
Les excès du mercantilisme et de la spéculation \ l'accrois-
26.
— 162 —
scmenl continu, et passé pour ainsi dire en nécessité sociale,
de la dette publique et des hypothèques; l'envahissement,
par des Compagnies privilégiées, de la richesse minérale,
des chemins de fer; la conslilution féodale de la grande
industrie : tous ces faits d'une économie subversive qui si-
gnalèrent la dernière moitié du règne de Louis-Philippe, et
préparèrent l'élat de crise oi^i nous nous trouvons, devaient
naturellement piovoqiicr une protestation de la part des
classes lésées, et suggérer des projets de réforme. Dès 1830,
la discussion ne manqua pas à l'œuvre; la révolution de
février y trouva son point d'appui. Un moment on put croire
que la République deviendrait l'expression des idées qui agi-
taient les masses, et qu'après avoir condamné la bancocratie
des dix-huit dernières années, elle entreprendrait, par de
nouvelles institutions, de créer un autre ordre de choses.
L'attente générale fut trompée, à la grande satisfaction
des intérêts nantis, au grand désappointement des classes,
en majorité immense, qui réclamaient soit des garanties,
soit une part d'héritage. A peine la République fut procla-
mée, que ses chefs s'empressèrent de désavouer le [)rincipe
qui leur avait donné l'existence et qui seul pouvait les sou-
tenir. Les divers pouvoirs qui se sont succédé depuis le 24
février se sont préoccupés uniquement de conserver , main-
tenir, protéger le légime antérieur, en protestant contre
toute pensée, toute tendance révolutionnaire. L'esprit (jui
avait engendré le mouvement de 1848 se retira donc de
l'arène ; la raison d'Élat repoussant l'initiative qui lui était
offerte, l'instinct populaire et la force des choses se char-
gèrent des réformes.
Qu'a produit jusqu'ici cette union de l'instinct et de la
nécessité? Où menace-t-elle de nous pousser encore? C'est
ce que nous allons examiner.
L'histoire ne se répète jamais, nous le savons. Mais on ne
saurait nier aussi (pie des situations analogues engendrent
des péripéties analogues : ici le sens de l'agitation moderne
devient plus clair que le jour.
De môme que le régime (pi'ellc venait de détruire, la société
de 89 s'était impiédiatement divisée, par la nature des rtt»
— 463 —
lations et des intérêts, en trois classes principales, que nous
nommerons simplement classe svpcrieure ^ classe wférfcnre
et classe moyenne. On peut dire même qi:e cette subdivi-
sion du Ticrs-Élat, retenue du système féodal , ne fil que se
continuer après la révolution, comme elle n'a fait depuis
que se fortifier et s'accroître.
La classe supérieure, qui a remplacé l'ancienne noblesse,
et qui en ambitionne les titres comme elle en affecte les
mœurs, se compose de toutes les notabilités financières, in-
dustrielles, commerciales, agricoles, scientifiques, etc.; des
administrateurs de grandes Com|»agnies, en un mot de tous
ceux, quel que soit d'ailleurs leur mérite personnel, dont le
revenu provient, pour la plus grande part, de la prélibation
capit;ilisle, du monopole des concessions, du privilège des
offices, sinécures, et des arrérages de la ])ropriété. Ajoutez
les fonctioimaires qui, dans l'administration, le clergé, la
magistrature, l'armée, jouissent d'un traitement de plus
de 4,000 fr. On peut même dire que, la constitution po-
litique étant motivée sur la subordination des sujets, et
ayant pour but principal de la maintenir, tout individu vi-
vant du budget devait être rangé dans la première classe ,
si l'extrême modicité de la solde ne forçait d'en rejeter une
bonne partie dans la troisième.
Généralement, les citoyens appartenant à la classe supé-
rieure sont peu favorables aux idées de réforme : ils consti-
tuent, dans leur minorité infime, le parti conservateur par
excellence. Qu'ont-ils à gagner au mouvement? Leur ambi-
tion ne va pas au delà du maintien, et, s'il se peut, de l'ac-
croissement de leurs renies, dividendes , traitements, mo-
nopoles, sinécures, pensions, subventions et privilèges.
Il n'en est pas de même des deux autres classes, dont la
masse est à la première à peu |>tès comme 80 est à 1 (c'est
exactement la [iroportion des privilégiés de l'ancien régime).
Comme le revenu , dans ces deux classes, se compose, au
rebours de ce qui a lieu dans la précédente , de la vente ou
écbange des produits et services beaucoup plus que des re-
devances du capital et de la i)ropriélé et des avantages des
emplois et privilèges , il y a, cliez les individus de ces deujt
— 464 —
catégories, tendance constante à s'affranchir des charges,
toujours trop lourdes, que font peser sur la production et
la circululion le budget de lÉliit , Texploitalion des grandes
Cotiipagnies, le privilège des offices, liiilérêt des capitaux,
Tescompte des banques, les loyers et fermages de la pro-
priclé. Qu'elles le sachent ou l'ignorent, les deux classes dont
nous parlons sont donc, par la nature de leurs intérêts,
dans une disposition d'esprit perpétuellement révolution-
naire, et l'expérience prouve qu'en effet elles n'ont jamais
fait défaut aux révolulious.
i.a classe moyenne , sur laquelle on s'était flatté jadis
d'asseoir le gouvernement représentatif, est tombée pro-
gressivement dans une condition si préi'aire, qu'elle n'af)pa-
rail plus <|ue comme une transition de l'opulence parasite
au paupéiisirie , de la liberté propriétaire à la servitude du
salariat. La sentiment de celte déchéance lui a fait perdre
toute foi aux combinaisons politiques; du désespoir elle a
passé à l'indifférence : elle n'attend, pour ramélioralion de
son suri, pas plus de S( s hommes d'Éiat que de ses évêques.
Or, quand la foi à Tordre politique s'évanouit, le jour n'est
pas loin oîi l'ordre politique doit se renouveler ou périr:
c'est la loi des révolutions.
Pom^ la classe moyenne, en effet, le ciel gouvernemental
est sans i)itié. De jour en jour l'aggravation des charges
budgétaires, le prélèvement du caïutal, l'cxlension des
grandes Compagnies de finance, commerce, industrie, tra-
vaux publics, écrasant la petite exploitation, rejette des
multitudes de citoyens de l'exercice des professions libres
dans la snballernilé des emplois, les met à la merci de
l'État ou de la nouvelle Féodalité. Que peut à cela le pou-
voir"/ rien. Il faudrait qu'il combaitil son piopre principe,
qu'il niât sa propre formule ; et puis, lui-même n'est-il pas
dans la dépendance des gr.mds feudatuires du eomuierce,
des barons de la bouille, du fer, du coton , du raiiway?...
Ainsi grevée par ses hais d'État, tributaire d'une exploi-
tation supérieure, soumise à toutes les oscillations bour-
sières, à toutes les machinations diplomatiques, la classe
moyenne se voit peu à peu privée de toutes garanties. La se-
— 465 —
ciiritc s'en va, le marclic se resserre, le crédit se refuse,
les affaires tombent dans une stagnation chronique, conslitu-
tionnelle, normale. An dedans, les masses, trop pauvres, ne
dépensant plus que pour leurs aliments, n'achètent pas; au
dehors, Texporlation, mal soutenue par le marché intérieur,
met le fahricant à la merci de l'acheteur étranger. Insensi-
blement notre commerce international se change en un ser-
vice subalterne. Qu'importe alors que la balance nous reste
favorable si nos prix sont i' suflisants? Vis-à-vis des Amé-
ricains, des Anglais, des Rub-es, nous ne sommes plus des
échangistes, nous devenons de: salariés. Nous n'avons pas
môme le moyen d'opérer le transport Jo nos produits, et ce
sont les flottes anglaises et américaines qui, pour les neuf
dixièmes, viennent au Havre prendre nos cargaisons.
Il faudrait donc, pour rendre l'élan à ce monde de bouti-
quiers, de fabricants, d'artisans, de cultivateurs, d'entre-
jireneiirs de toute espèce, il faudrait, disons-nous, 1° alléger
le fardeau que lui imposent à la fois limpôt, le capital et lu
propriété, les frais d'État, d'escompte, de commission et
de loyer; 2° lui subordonner les grandes Compagnies, au
lien de le subordonner lui-même à elles; 3° par dessus tout,
condition sine gvâ iwn, créer le marché intérieur en met-
tant les classes travailleuses à même de se procurer les pro-
duits dont la misère les force de s'abstenir.
Tel est le problème à résoudre en faveur de la classe
moyenne : on devine, par cet exposé, que le problème n'est
autre que celui dont la classe inférieure réclame à son tour
la solution.
Nous appelons classe inférieure celle qui a pour caractère
non-seulement le travail, qui distingue aussi, et même à un
degré supérieur, la classe moyenne, mais le salariat. Dans
de bonnes conditions, l'état de salarié peut être considéré
comme le plus avantageux à la liberté du cœur et de l'espiit,
et jus(]u'à certain point au bien-être de l'intlividu et de la
famille; mais dans la condition généralement faite au tra-
vailleur par l'insécurité du commerce et des entreprises, le
progrès des machines, l'avilissement de la main-d'œuvre et
l'abrutissement du travail parcellaire, le salarial est devenu
~ 466 —
synonyme de servitude et de misère. Pour la classe salariée,
la plus nombreuse et la plus pauvre, d'autant plus pauvre
qu'elle est plus nombreuse, la réforme s'est de tout temps
réduite à ces trois termes :
Garantie du travail;
Vie à bon marché;
Instruction supérieure, aussi bien dans l'ordre industriel
(jue dans l'ordre S( ienlifi(|ue et littéraire, conséquemmont
participation croissante do l'ouvrier aux avantages et préro-
gatives de l'entrepreneur, ce qui veut dire, fusion des classes
par l'égalité des aptitudes et des moyens.
Ainsi, comme nous le faisions pressentir tout à l'heure,
le problème réformiste, pour la classe inférieure et pour la
classe moyenne, est identiquomeul le même. Les conditions
de bien-être que demande la première supposent la réalisa-
tion de celles que revendique la seconde, et réciproquement.
L'ouvrier aurait le travail garanti si le houigeois avait lui-
même la garantie du débourhé ; le consommateur trouverait
\d vie à bon marciié si le producteur parvenait à se débar-
rasser du parasitisme qui le grève et l'entrave; le salariat,
condition la plus douce de toutes quand le salaire est suffi-
sant, prendrait sa pari des bénéfices et de la responsabilité
de lentrepreneur, si le salarié recevait une éducation meil-
leiu'e, une instruction |)lus variée et plus forte, avantage
dont il ne jouira que lorsipie l'avènement définitif delà classe
moyenne aura fait disparaître du pouvoir toute pensée, tout
vestige d'aristocratie et de |)rivilége.
La question est donc commune aux deux classes, et leurs
intérêts, dilférents à la superficie, sont au fond solidaires.
Il n'y a véritablement entre elles d'opposition que celle (jui
résulte du contrat de louage d'ouvrage qui les unit; mais
cette opposition se rencontre partout oîi il y a vendeur et
acheteur, partout où il existe distinction de [larties, échange,
société. Bien loin qu'elle produise nécessairement la lutte,
c'est sur elle que repose la société elle-même.
Tout concourant à rallier contre le privilège d'en haut
rintelligence du milieu et les bras de la plèbe, on se de-
mande par quelle fatalité ces deux grands corps ne parvien-
— 467 —
nent pas à s'entendre-, comment en juillet, plus tard en
février, de môme qu'auparavant en 89 et 93, ils se sont
montres antagoniques; comment enfin, de même que la lutte
contre la première féodalité s'était résolue, en premier lieu
dans une monarchie absolue, puis, après 89, dans un despo-
tisme militaire, de même après la révolution de lévrier la
lutte contre la féodalité nouvelle vint aboutir à une restau-
ration impériale?
C'est à quoi nous répondons : L'instinct, qui n'a cessé
jusqu'ici de dominer les masses, l'instinct seul et sa lo}ii(]uc
terrible produisent ces mécomptes. Mais nous touchons à la
fin. L'instinct populaire n'a plus qu'une partie à jouer, en
supposant qu'elle se joue : après, le triomphe de la raison
moyenne est inévitable.
Ainsi que nous venons de l'indiquer, la tendance popu-
laire, api'ès avoir renversé une aristocratie, est toujours de la
remplacer par un pouvoir qui répomle à son idéal de force
et d'unité. Le mépris du plébéien pour ses égaux, sa hame
pour ses patrons, son amour de la puissance et du faste, l'y
poussent également. Un empereur, pour le paysan et l'ou-
vrier, est une sûreté contre le bourgeois. Il ne le dit pas,
mais il le pense, et il agit d'a[)rès celte pensée profonde.
Ainsi se détermine et se réalise, dans Tordre politique, la
pensée populaire : les Grecs nommèrent cette réalisation
tyrannie; les Romains, imper ium, empire.
Or, la question est à présent de savoir si la réalisation de
ridée po[)ulaire, après avoir été renouvelée eu ISôl et
1852, dans l'ordre politique, contre la classe bourgeoise,
s'étendra, dans Tordre économique, à la féodalité indus-
trielle : en autres termes, si le mouvement déconcentration
qui a absorbé les libertés, s'appliquant à une aristocratie
d'argent, de toutes la plus odieuse, envahira le commerce,
l'industrie et le sol?
Cet envahissement, s'il s'accomplit, sera, nous le répé'
tons, le dernier acte de l'instinct populaire.
D'abord, tout nous y porte : l'étal iutellccluel du prolé-
tariat ; sa méfiauce de la classe moyenne, qu'il confond, dans
sa haine, avec la haute bourgeoisie^ les diflicultés de plus
— 4ôS —
en plus inextricables dans lesquelles se trouve engagé le
gouvernement.
Le peuple n'entend rien aux affaires. Il n'a aucune idée
des principes de l'économie, des lois de l'échange, du crédit.
H ne comprend pas mieux la responsabilité que la tenue des
livres : dans tout cet organisme qui fait le sujet des médi-
tations du siècle, il est plus disposé à voir un dédale où ses
intérêts sont sacrifiés à l'habileté bourgeoise qu'un système
de garanties à la fois égalilaires et libérales. 11 trouve donc
plus simple de bloquer tout en une communauté gouver-
nementale, que de chercher dans une constitution savante
l'accord de la liberté et du droit.
C'est ce que n'ont cessé de lui prêcher, depuis vingt-cinq
ans, d'absurdes ihéleurs; ce qu'il entend glorifier tous les
jours, en politique, par la démocratie unitaire; ce dont il
admire d'ailleurs le succès, dans les coalitions, fusions et
exploitations industrielles dont il porte le faideau. Com-
ment lui prouver qu'un principe, si fécond pour le privilège,
entre les mains du travail et généralisé, ne peut donner que
du déficit?
Le peuple se méfie de la classe moyenne.
Après la révolution de juillet, où l'on avait vu les patrons
servir de capitaines et les ouvriers de soldats, il semblait
que les deux divisions du monde travailleur dussent être
unies à jamais dans la communauté de leurs inléiêts et de
leurs espérances. Mais celle union si belle fut bientôt trom-
pée, et un germe de discorde jeté dans le pays par la poli-
tique égoïste, corruptrice et déloyale de Louis-Philippe et
de son dernier ministère. Deux journaux, tous les deux ré-
publicains, révolutionnaires tous les deux, exprimèient cet
antagonisme funeste, le ISational et la Reforme. Un moment,
en février, les deux classes, victorieuses l'une par l'autre,
parurent réconciliées : mais bientôt la question du travail,
aussi mal posée que peu comprise, vint les séparer en camps
hostiles, et ajourner à des temps inconnus leur mutuelle
émancipation.
Ce que la nécessité a voulu joindre, dit le Sage, que
l'homme ne cherche point à le séparer : Quod Dcvs junxit,.
— 469 —
homo non separetl Dès que, par suite des fausses notions
qui régnaient sur les conditions du travail et du capital, du
patronat et du salariat, du bénéfice et du bon marclié, la
scission se fut déclarée entre les deux classes qui venaient
par leur union de renverser la puissance féodale qui les op-
primait, la république semlda devenir ténébreuse, et la ré-
volution inintelligible. On se demanda ce que signifiait celte
dislocation de l'ordre é(;onomique; ce que voulaient lés mo-
dérés de la république, d'accord avec les conservateurs
dynastiques-, ce que prétendaient les radicaux, soi-disant
montagnards, mettant bors de la démocratie, sous prétexte
de bourgpoisisme, Télite môme des démocrates?...
Le peuple, en baine de l'aristocratie, en méfiance de la
classe moyenne, en dédain de la Répidîlique ronge et modé-
rée, a donc fait l'Empire. Comme la plèbe de César, il attend
(pie son patron lui jette à dévorer le bourgeois. La fameuse
Marianne^ organisée en apparence contre l'Empire, n'est
autre chose, au fond, qu'une sommation à l'Empire de rem-
plir son mandat.
Jusqu'à présent, il est vrai, l'Empire a tenu ferme contre
la pression du prolétariat : il a sauvé la vieille société. Car
si l'instinct de la multitude est de faire un empereur, la
raison de l'Empire est de maintenir de son mieux la hiérar-
chie politique et sociale.
Mais lEmpire résistera-t-il toujours? réussira-t-il long-
temps encore à tourner les diflicultés de toute nature qui
• l'assiègent, à donner le change à sa destinée, et à tromper
la faim du monstre?
En présence d'une dette publique consolidée de 10 mil-
liards; d'une dette hypothécaire de 8 milliards; d'une dette
industrielle, capital engagé de la nouvelle féodalité, dont
l'intérêt et le dividende sont à servir par les travailleurs, de
12 milliards-, — d'un budget ordinaire de 1,700 millions;
d'un arriéré de 900 millions ; d'une dette flottante de
800 millions; — en présence d'un déficit croissant, d'une
cherté croissante, d'un agiotage croissant, d'un monopole
croissant, d'une dissolution croissante : — devant cet épou-
vantable sommaire de lu situation politique, économique et
27
— 470 —
soriale du pays; devant colle annihilation des libertés, des
croyances et des droits, dont la canse est supérienieau pou-
voir et le domine lui-même, il est permis de croire que la
fatalité des choses sera plus puissante que la prudence des
hommes, et que, par l'Empire ou malgré l'Empire, une
LIQUIDATION cst imminente.
Napoléon 1", en 1814 et 1815, vaincu par les armées
alliées, refusa d'organiser les corps francs et d'insurger les
masses : il recula devant l'anarchie. 11 se peut que Napo-
léon III, vaincu par la coalition des dettes, renouvelle cet
exemple de dévouement à l'ordre, et recule à son tour de-
vant la banqueioule. Du moins il n'abdiquera pas avant
d'avoir épuisé tous les expédients. Or, Fensemble de ces
expédients, (ju'il est aisé de prévoir, constitue précisément
la dernière victoire du prolétariat, de ce que nous avons
appelé le gouvernement des instincts : c'est la conversion
progressive delà féodalité indusiricille en emi)ire industriel,
la réalisation du programme communiste.
Comment croii-e que le gouvernement laisse à des compa-
gnies, jusqu'à fin de bail, les chemins de fer?
Qu'il leur laisse les banques, le change, les assurances, les
docks, les mines, les canaux, les salines, les armements?
Qu'il leur laisse la Bourse et les reports?
Qu'il leur laisse même les forges, les gaz, les voitures, et
tant d'autres industries, formées en anonyme, cotées à la
Bourse, et dont la pi'ocession s'allonge, tous les jours, aux
dépens de la production individualiste et libre?....
Est-ce que déjà la pensée de s'emparer de toutes ces choses
ne lui est pas venue? Est-ce qu'elle ne remplit pas l'almo-
sphèi'e? Est-ce qu'elle ne se produit pas à chaque instant
sous toutes les formes : tantôt par la loi sur la commandile,
qui, poussant Tindustrie dans les voies de l'anonyme, étend
sur elle, par cela même, la protection du gouvernement;
tantôt par un règlement sur la boucherie, la boulangerie, le
commerce des grains, les tarifs de navigation et de che-
mins de fer; tantôt par la centralisation des assurances et
des banques? Est-ce que, sous prétexte d'utilité publique,
les plus violentes attaques ne sont pas chaque jour dirigées
— 471 —
contre la propriété? Est-ce qu'on ne soutient pas que si le
propriétaire a le droit d'user, il n'a pas celui d'abusé?-? Est-
ce que le peuple de Paris n'attend pas avec une souveraine
impatience que l'empereur, se faisant entrepreneur de bâti-
ments, tranche d'autorité la question des loyers? Et n'est-il
pas au su de tout le monde que depuis plusieurs, termes la
police est occupée de transiger les locations impayées des
familles pauvics, et de louer, dans les divers quartiers de
Paris, des maisons qu'elle sous-loue ensuite aux ouvriers?
Or, le jour où l'Empire aura fait retourner à l'État les
chemins de fer, où il fera du juste prix dans l'escompte, de
l'égalité et de l'unité dans la circulation , force lui sera d'ap-
pliquer à tout la réforme, de remplacer les œuvres de la
philanthropie par les déterminations d'une loi positive, et
de substituer, sur toutes les parties de l'organisme social,
son action souveraine à celle du piivilége.
Mais, quand cette conversion aura été faite, naturellement
avec indemnité, soit inscription de rentes égale à la totalité
des valeurs expropriées, la situation sera plus pénible qu'au-
paravant. D'un côté, par le règlement des indemnités, les
charges se seront accrues ; de l'autre, par l'abaissement des
tarifs et l'amélioration des salaires (l'Empire ne saurait
échapper à cette double condition), le revenu net sera
amoindri. Tout l'avantage pour le pays sera d'avoir réduit la
variété du privilège, qui dans ce moment ne permet pas d'en
découvrir la loi, à un même dénominateur. D'une part donc
le corps des privilégiés, portant l'uniforme doré de la rente;
de l'autre, la multitude des travailleurs de l'État, serfs du
grand-livre, esclaves de la consigne, inégaux de grade et de
salaire, et n'ayant plus, comme les ofliciers de l'armée ac-
tuelle, qu'une pensée, un intérêt, la promotion et l'aug-
mentation de solde.
' Se figure-t-on un antagonisme plus atroce, une situation
plus violente? Et croit-on que, ramenées à une expression
aussi simple, la banqueroute et l'anarchie se fassent long-
temps attendre?....
Le gouvernement, direz -vous, ne se laissera pas ainsi
acculer. Il saura s'arrêter à temps -, il a la force, et ses res-
sources sont inépuisables.
— 472 —
Canta , recanta ! C'est revenir à une position reconnue
intenable. Le gouvernement impérial peut-il rembourser
30 milliards dedetles, diminuer (le moitié son budget, cou-
vrir son arriéré; en même temps |)rocurer Famélioralion des
salaires, l'abaissement des piodiiils, la participation des ou-
vriers aux bénéfices; rendre tous les paysans propriétaires,
assurer à chacun le travail et l'échange, créer l'égalité poli-
tique et civile, fonder sur sa propre autocratie la liberté?...
Si oui , qu'il rentrcprenne, et nous sommes prêts à applau-
dir. Si non, qu'on se taise; laissez agir le procureur géné-
ral de la Révolution.
§ 3. LA DÉMOCRATIE INDUSTRIELLE : COMMANDITE DU TRAVAIL PAR
LE TRAVAIL, OU MUTUALITÉ UNIVERSELLE; FIN DE LA CRISE.
Ce qui fait la force de l'Empire, c'est qu'à l'exception des
proscrits de la Montagne, dont le tempérament, trempé par
l'exil, ne saurait plus s'étonner de lien, il n'est dynastie,
fusion. Église ou République, qui osât se charger de cette
succession.
La première chose qu'aurait à faire l'héritier serait de
déclarer tous les payements siis|)cndus; puis de convoquer,
au lieu de parlement, une assemblée de créanciers; enfin
d'obtenir un concordat. Pareille besogne ne saurait aller à
un Bourbon, à un d'Orléans, voire même à un Lamartine ou
un général Cavaignac. Qui d'entre eux voudrait revenir à ce
prix? Ce serait pis que de rentrer, comme Louis XVill (pii
n'en pouvait mais, dans les fourgons de l'étranger. Rien
qu'un Syndicat de salut public ne serait de force à se char-
ger de celte ventilation : où sont les Carnot, les Cambou,
les Prieur, les Barrère dont on le composerait.^...
Pour nous, qu'une solution de cette espèce ne satisferait
pas, parce qu'elle ne garantit rien; qui d'ailleurs ne nous
croyons pas assez de génie pour résoudre des [)roblèmes po-
sés en termes contradictoires, nous nous bornerons, après
avoir indiqué la marche de la révolution nouvelle, à en pré-
senter la formule définitive, d'après les symptômes les plus
significatifs du temps actuel.
— 473 -
X. ASSOCIATIONS OUVRIÈRES.
La pensée qui d'abord les inspira fut naïve, malheureuse-
mont illusoire. On voulait, en alTrancliissant le travail du
patronat, faire jouir les ouvriers, associés entre eux et de-
venus maîtres, des bénéfices et pierogntivcs, supposés im-
menses, jusqu'alors réservés aux chefs d'établissements. On
ignorait que dans la plupart, pour ne pas dire la presque
totalité des industries occupant îles groupes de travailleurs,
dans celles-là surtout où l'association sponlance pouvait
parallre immédiatement {iralicable, les bénéfices, quand ils
existent, salisf lisants pour un seul, ne sont plus rien ré[)ar-
tis entre des multitudes. Dans une grande manufacture, les
profits du maître, distribués aux salariés qu'il emploie,
n'augmentant pas de 10 0/0 des salaires variant de 50 c. à
1 fr. 50 c, no seraient, à l'indigence des travailleurs, que
d'un faible soulagement, il en est ainsi de toutes les profes-
sions, considérées en masse : le p7'odnit net de l'entiepre-
neur, produit que l'on doit considérer la plupart du temps
comme le fruit de ses combinaisons particulières et l'indem-
nité de SCS risques, n'est pas ce qui cause la misère de l'ou-
vrier; ce n'est pas par conséquent la revendication de ce
produit net qui peut la guérir. Dans les 4 miliards que le
Travail doit payer chaque année pour le maintien du régime
féodal, le produit net, perçu sous forme de dividende en
plus de l'intérêt, ne forme pas ICO millions : la cause du
paupérisme, (pi'on voulait atteindre, n'est pas là.
Les associations ouvrières, fondées en haine du patronat,
sur une pensée de substitution, ont pu bientôt s'en con-
vaincre. D'autres mécomptes, fruit de l'inexpérience et du
préjugé, l'entraînement des idées de centralisation, de com-
munauté, d'hiérarchie, de suprématie, le parlementage po-
litique, ne tardèrent pas à faire naître la division et le dé-
couragement. Tous les abus des sociétés en nom collectif,
en commandite et anonymes, furent exagérés encore dans
ces compagnies soi-disant fraternelles. On avait rêvé d'acca-
parer toute l'industrie, de frapper de nullité et de mort les
entreprises libres, de remplacer, en tout et pour tout, la
— 474 —
bourgeoisie par le prolétariat. Pour mieux émanciper le
peuple, on prétendait exclure du cercle des communautés
ouvrières ceux qui avaient été jusque-là les représentants
de la liberté !... L'erreur ne tarda pas à porter ses fruits. De
plusieurs centaines d'associations ouvrières qui existaient à
Paris en 1850 et 1851, il reste à peine une vingtaine, qui
n'ont dû leur salut qu'à rab<kndon des idées u topiques de
1848 et à la reconnaissance des vrais principes de l'écono-
mie sociale. Sous ce rapport, ces Associations méritent
d'être étudiées, d'autant plus que le phénomène de leur
existence révèle un élément positif de spéculation financière
et industrielle.
Le problème posé aux Associations ouvrières, hors du-
quel elles retombent fatalement dans le limbe des confréries
religieuses, des impuissances philanthropiques, se divise en
deux questions connexes :
1. Existe-t-il dans le concours des forces et dans leur
combinaison une virtualité productive telle qu'elle donne
lieu à des résultats financièrement appréciables; qu'en con-
séquence l'ouvrier puisse s'en servir pour la formation du
capital qui lui manque, et la conversion de sa qualité de
salarié en celle de participant?
Le travail , en autres termes, peut-il par lui-même, comme
le capital , commanditer les entreprises?
2. La propriété des entreprises et leur direction, aiï lieu
de rester, comme généralement elles ont été toujours, indi-
viduelles, peuvent-elles devenir progressivement collectives,
au point de fournir, d'une part, aux classes laborieuses, une
garantie d'émancipation décisive ; d'autre part, aux nations
civilisées, une révolution dans le rapport du travail et du
capital, partant la substitution définitive, dans l'ordre poli-
tique, de la .lustice à la raison d'État?
De la réponse qui sera faite à ces questions dépend tout
l'avenir des travailleurs. Si celte réponse est affirmative, un
monde nouveau s'ouvre à riiumanitô; si elle est négative,
le prolétaire peut se le tenir pour dit. Qu'il se recommande à
-- 475 —
Dieu et à TÉglise; il n'y a pour lui, dans ce bas monde, point
despcrance : Lasciate ogni speranza!
On comprend d'abord que le problème ne saurait recevoir
sa solution d'une miilliliide fougueuse, obéissant à ses seuls
instincts, en qui une longue oppression a tué l'intelligence.
Il faut ici, pour initiateurs immédiats des masses travail-
leuses, des hommes qui, sortis de leur sein, aient reçu de la
civilisation dont ils supportent le fardeau une somme de
connaissances, et qui aient appris h l'écoie des exploiteurs à
se passer deux. De tels iniliatenrs, ayant un pied dans la
civilisation et l'autre dans la barbarie, ne se trouvent qu'en
petit nondjre, môme chez les nations les plus avancées dans
l'industrie, telles que la France et l'Angleterre. Et ce qu'il
y a de pis, ces ouvriers d'élite, précisément à cause de leur
caractère ambigu, sont généralement, vis-à-vis de leurs
frères moins instruits, les plus mal accueillis, sinon les plus
mal disposés de tous les hommes. Barbarie d'un côté, or-
gueil de l'autre, il semble que la classe ouvrière conspire,
par toutes ses catégories, contre ses propres libertés.
« Lorsque, dit un économiste, les ouvriers anglais, sans éduca-
tion, sont débarrassés de la chaîne de fer dans laquelle les retien-
nent les patrons en Angleterre^ et qu'ils sont traités avec l'urbanité
et les égards que, sur le continent, on a l'habitude de montrer aux
ouvriers les mieux élevés, les ouvriers anglais perdent tout <à fait
l'équilibre; ils ne comprennent plus leur position, et au bout d'un
certain temps, ils deviennent indisci|)linables et inutiles. Ces ré-
sultats se manifestent en Angleterre même : aussitôt que l'idée
d'égalité entre dans la tète de l'ouvrier anglais ordinaire, la tête
lui tourne; quand il cesse d'être servile, il devient insolent. »
(J. Stlart .Mn,L, Principes d'Economie politique, t. I, p. 128.)
Ce vice de cœur, qui n'est pas rare non plus chez l'ouvrier
français, et qui s'aggrave encore ici d'une excessive mobilité
de caractère, constitue dans l'état présent de la société, où
le prolétariat n'a rien à attendre que de lui-môme, le plus
grand obstacle à son affranchissement.
Il s'agit donc, et toute la difficulté est là, de former une
réunion d'ouvriers doués d'iuie certaine dose de moralité et
d'intelligence, capables de concevoir les lois de l'économie
— 476 —
sociale, ayant la ferme volonté de les snivre, sans y mêler
rien des fantaisies et hallucinations de l'époque^ il s'agit, en
ini mot, ponr la question que nous.venons de poser, de former,
non pas une masse de capitaux, mais un fonds d'hommes.
Les inilialeurs trouvés, reste à grouper autour de chacun
d'eux un nombre d'ouvriers, ou pour mieux dire de collabo-
rateurs, destinés à devenir, en ciiaque catégorie du travail,
une société modèle, un véritable embryon palingénésiaque.
C'est de ce groupe que nous demandons s'il possède en
soi une force particulière de production.
Le Travail, avons-nous dit dans notre Lntroduction, est
une force productrice, la première de toutes et la plus puis-
sante; le Capital en est une autre; le Commerce une autre;
la Spéculation encore une autre. On peut ajouter à cette liste
la Propriété^ le Crédit^ la Coticnrrence, etc. Tout ce qui est
action ou principe d'action en Économie est force produc-
trice. Cela posé, le Groupement des travailleurs, abstraction
faite du travail de chacun d'eux, et du Capital qui les exploite
et qu'ils servent, est-il aussi, comme la Division du travail^
une force? Cetle force peut-elle suppléer le capital, et se
passer de sa protection'!'
Les faits, plus éloquents dans leur spontanéité que les
théories, vont répondre.
Nous avons visité les Sociétés ouvrières. Nous nous som-
mes procuré le relevé de leur situation depuis leur origine
jusqu'au 31 décembre 1853, puis de 1853 jusqu'en 1856;
nous avons étudié leur discipline intérieure et les princijjes,
plus ou moins clairement exprimés dans leurs actes, qui les
régissent toutes. Nous croyons faiie plaisir au public en pu-
bliant les détails qu'on va lire sur le mouvement de trans-
formation qui se prépare dans l'économie industrielle, en
dehors des formules du Code et des prévisions de la juris-
prudence.
Les bases sur lesquelles sont constituées-toutes ces Asso-
ciations sont les suivantes :
1. FacuKé illimitée d'admettre sans cesse de nouveaux associés
ou adhérents; conséquemment, perpétuité et multiplication à Tin-
lini des compagnies et caractère universaliste de leur constitution.
— 477 —
2. Formation progressive du capital par lo travail; en autres
termes, commandite du travail par le travail, soit que les ouvriers
fabriquent eux-mêmes, les uns pour les autres, selon leurs spécia-
lités, les outils et meubles dont ils ont respectivement besoin, soit
au moyen de prélèvements sur le prix des ventes et services, ou
de retenues mensuelles sur les salaires.
3. Participation de tous les associés à la direction de l'entreprise
et aux bénélices, dans les limites et proportions déterminées par
l'acte social.
4. Travail aux pièces, et salaire proportionnel.
ri. Rocrulement incessant de la Société parmi les ouvriers qu'elle
emploie en qualité d'auxiliaires.
G. Caisse de retraite et de secours, formée par une retenue sur
les salaires et les bénéfices.
A CCS conditions fondamentales , qu'on peut regarder
comme la loi commune des Associations, il conviendra
bientôt d'ajouter les suivantes, qui, ainsi que nous l'avons
fait remarquer à plusieurs, sont le complément nécessaire
du système.
7. t:ducation progressive des apprentis.
8. Garantie mutuelle de travail, c'est-à-dire de fourniture et
consommation, ainsi que de bon marché entre les diverses
Associations.
9. Publicité des écritures.
Telle est, dans son essence, VOrf/aniqvf des Sociétés ou-
vrières : nous laissons de côté les détails de pratique particu-
liers à chacune d'elles. Bien entendu d'ailleurs que les prin-
cipes que nous venons d'exprimer ne sont pas écrits dans les
actes, dûment authentiques, des Associations. Ni la perpé-
tuité, ni l'universalité , ni la déclaration d'absence d'un
capital, ni la participation de travailleurs commanditaires à
l'administration ainsi qu'aux bénéfices, ni le mutuellisme des
Associations, ne seraient tolérés par notre législation com-
merciale et par les tribunaux chargés d'en donner l'interpré-
tation. Les nouveaux sociétaires ont dû se conformer à la
pratique judiciaire reçue-, mais ce qu'il ne leur est pas per-
mis de dire, ils le sous-eutendent et ils agissent en consé-
27.
— 478 —
quencc. Voyons ce que ces hommes, sans conseils et sans
ressources, ont tiré de là, ce qu'ils peuvent en tirer encore.
Il nous est impossible d'entrer ici, comme nous l'avions
fait à la seconde édition de ce Manuel, dans le détail des
opérations et des inventaires de chaque Société.
Qu'il nous suffise de rappeler et de dire que le fonds so-
cial, dans toutes ces Compagnies, a commencé, comme celui
de la civilisation, par zéro; qu'en quelques années ce fonds
s'est élevé, selon l'importance de l'industrie et le nombre
des associés à 20,000,30,000, 50,000 et 80,000 fr.; que, de-
puis 1853, ce progrès s'est soutenu 5 qu'au fonds social les
Compagnies ajoutent aujourd'hui une caisse de réserve et de
secours, formée par un prélèvement sur les bénéfices; que
toute idée de communisme est aujourd'hui abandonnée, et
l'égalité du bien-être soumise à l'égalité ou équivalence des
services, ayant pour point d'appui l'égalité des garanties.
Du reste, les ouvriers sont persuadés que la fortune des
Associations est bien moins dans leur extension que dans
leur mutualité : l'expérience leur a appris que l'Association,
si libérale qu'on la fasse, si dégagée de toute sujétion person-
nelle, de toute solidarité domestique, de toute exploitation
administrative qu'on la suppose, exige encore une certaine
éducation des sujets. On ne naît point associé, nous disait
l'un d'eux; on le devient. N'est-ce pas la traduction du mot
fameux :' Homo homini lupus, aut deus'i
Société des Bijoutiers en doré, rue Notre-Dame-de-
Nazareth, 8. — Fondée en 1834, avec un capital de moins
de 200 fr. — 8 associés, 12 auxiliaires; chiffre d'aflaires en
1856 : 200,000 fr,, produit net : 41,000 fr.
Société des Menuisiers en fauteuils, rue de Charonne, 5.
— Personnel de la Société en 1853 : QO associés et autant
d'auxiliaires.— Capital : 81,123 fr. 12c.
Depuis 1853, les ventes et bénéfices de cette Société ont
été toujours croissants. On nous assure qu'à cette heure son
actif net n'est pas moindre de 200,000 fr. Elle est assez riche
pour olfrir à im gérant dont elle ne veut plus une pension
de 1,500 fr. à titre d'indemnité. C'est plus que l'État ne
donne à un capitaine, après 30 ans de service.
— 479 —
Société des Maçons, rue Sainl-Victor, 155. — Personnel
au 1'^'' novembre 185G : 87 associés ouvriers, 8 associés capi-
talistes (ce sont des maîtres carriers, fournisseurs de plâtre
et de briques, un médecin et un ingénieur : on voit ici
apparaître le principe de la mutualité industrielle); 250 à
300 auxiliaires.
L'apport de rliaque associé a été porté à 2,000 fr., soit
174,000 fr. de fonds social. Le nialériel de la Société suffit
pour exécuter un million et demi de travaux. Le dividende
de 1855 a produit aux associés capitalistes 13 fr. 33 c. 0/0.
Le dividende de 1856 sera plus foi t.
D'après Vliidicaleiir du bâtiment, la Compagnie des ma-
çons est, de toutes les Associations ouvrières, celle qui a le
plus de travaux et de commandes.
Société des Ouvriers en limes, rue Pbelipeaux, 20, passage
de la Marmite. — Personnel, 19 sociétaires, 21 auxiliaires.
— Capital au 30 juin 1856 : 29,086 fr. 35 c. — Chiffre d"af-
feiires pendant Tannée 1855 : 69,054 fr. 35 c.
Lors de la constitution de la Société, en 1848, l'État avait
avancé aux fondateurs une somme de 10,000 fr. Ce prêt a
été intégralement remboursé le 4 septembre dernier.
Société des Ouvriers en chaises, rue Amelot, 70. — Ré-
duite à 4 associés , em|)loyanl à cette heure 25 auxiliaires.
— Capital au 31 décembre 1855 : 6,826 fr. 15 c. —Chiffre
d'affaires pendant Tannée : 72,915 fr. 15 c.
Société des Menuisiers en voitures, faubourg Saint-Ho-
noré, 233. — 16 associés, 24 auxiliaires. — Capital au
31 décembre 1855 : 7,400 fr. — Chiffre d'aff^aires : 75,000 fr.
— Bénéfices : 23,230 fr.
Société des Lanterniers pour voitures, rue de la Pépinière.
— 14 sociétaires, 30 auxiliaires. — Capital au 30 juin 1856:
28,000 fr.— Chiffre d'alfaires en 1855 : 60,000 fr. Les béné-
fices permettent de porter l'apport de chaque associé de 2 à
3,000 fr.
Société des Tourneurs en chaises, rue Popincourt, 32. —
Celte Société se fait remanjuer par un grand mouvement de
persoiniel. Depuis 1848, 147 ouvriers y sont entrés, 102 en
— 480 —
sont sortis, emportant chacun leur part du fonds social. Ac-
tuellement le personnel se compose de 45 sociétaires , 70 à
80 auxiliaires. — Capital au 31 décembre : 64,932 fr. 53 c.
— Chiffre d'affaires : 153,159 fr. 80 c.
Société dps Forwier.«^ rue du Cadran, 12. — Personnel, 26.
— Capital versé : 8,000 fr.
Société des Lvnettiers, rue Saint-Martin, 250. — 25 so-
ciétaires , 75 auxiliaires. — Ca[)ilal au 31 décembre 1855 :
28,000 fr. — Chiffre d'affaires : 92,000 fr.
Société des Peintres en laque, rue Albouy, 9. — 11 socié-
taires , 16 auxiliaires. — Capital au 31 décembre 1855:
2,500 fr. — Chiffre d'affaires : 46,600 fr.
Société des Graveurs, rue des Vieux- Augustins, 58. —
2 associés, 20 auxiliaires. — Avoir, espèces et outils, 800 fr.;
numéraire et marchandises, 30,000 fr. — Chiffre d'affaires
en 1855 : 40,000 fr. Cette petite Société se fait remarquer
par son esprit de fraternité envers ses auxiliaires.
Société des Facteurs de pianos, rue du Faubourg-Saint-
Denis, 162. — 24 sociétaires, 13 auxiliaires. — Avoir social,
matériel et marchandises : 91,000 fr.
Société des Facteurs de pianos, rue Saint-Martin, 122. —
10 associés , 15 auxiliaires. — Capital : 20,238 fr. 96 c. —
Chiffre d'affaires en 1855 : 60,621 fr. 70 c. ; au 25 novembre
1856 : 59,442 fr. Cette Société a obtenu une mention hono-
rable.
Société des Ébénistes en meubles, rue Saint-Pierre-Amelot,
ci-devant rue de Charonne, 5, — 18 associés, 65 auxiUaires,
— Capital au 31 décembre 1855 : 132,963 Ir. 88 c, sur tpioi
ily a à rembourser 75,000 fr. prêtés par l'État. — Le chiffre
d'affaires en 1855 a été de 200,000 fr.
Société des Brossiers, rue du Petit-Hurleur.— Les associés
sont au nombre de 4 , de 23 qu'ils étaient en 1849. — Le
capital ou avoir net social est aujourd'hui de 5,600 fr. —
Chiffre d'affaires en 1855 : 28,000 fr.
Société des Ferblantiers, rue de Bondy, 70. — Le personnel
de cette Compagnie a éprouvé, depuis sa fondation eu 1848,
— 481 —
de grandes et brusques oscillations. Tour à tour de 216, puis
de 57 , plus tard de 326 , le nombre des sociétaires est au-
jourdliui de 37, employant de 6 à 8 auxiliaires. — Capital
au 31 décembre 1855 : 74,000 fr. — Moulant des ventes,
213,000 fr. (1).
Il existait naguère encore d'autres Associations ouvrières,
paveurs, boulangers, cuilleriers, cbapeliers, etc. Nous ne
savons ce qu'elles sont devenues.
Toutes, du reste, ontélé criblées par l'adversité, le manque
de travail et la misère, travaillées par le parlementage, la
discorde, les rivalités, les défections, les traliisons; toutes
ont payé le tribut de l'inexpérience, du cbarlatanisme, de
l'engouement, de la mauvaise foi. Il faut du temps à l'esprit
humain pour définir ses principes; et tant qu'ils ne sont
pas définis, la conscience est livrée au trouble et à l'ini-
quité. Quelques Associations ont vu leius gérants, une fois
initiés aux alfaires, se retirer pour s'établir à leur compte
en patrons et bourgeois; ailleurs, ce sont les associés qui,
dès le premier inventaire, ont réclamé le partage des pro-
duits, et sout partis avec leur légitime. Tant il est vrai que
les longues pensées répugnent au prolétaiie moderne au-
tant qu'à l'esclave antique , et que la tâche la plus difficile
des Associations n'est pas de se constituer et de vivre, c'est
de civiliser les associés. De semblables détails, intéressants,
surtout au point de vue psychologique , pour l'histoire des
Associations ouvrières, ne pouvaient trouver place dans ce
Mcniiiel^ où il ne peut être question , tout au plus, que de
constater, d'a|)rès les résultats financiers, la puissance éco-
nomique de ces Sociétés.
Piésumons-nous maintenant et concluons.
Les Associations ouvrières sont les foyers de produc-
(1) Nous devons les détails qu'on vient de lire à rot)lî|;eancR de M. Cii.
Beslay, aneien rcprésenlaiit du peuple, à qui ses relalions quoUdienncs
avec les A^isociulions ((et'uieUent d'en eoiiiiaili'e parfaitement la situation
personnelle el financière, ttqui nous en gaianlil l'exaclilude. Au surplus,
et nous l'avons éprouvé nous-mêmes, les ouvriers associés ne font nulle
difTicullé de donner aux personnes qui les visitent tous les renseignements
désirables.
— 482 —
tion, nouveau principe, nouveau modèle, qui doivent rem-
placer les Sociétés anonymes actuelles , où l'on ne sait qui
est le plus indignement exploité , du travailleur ou de l'ac-
tionnaire.
Le principe qui y a prévalu, à la place du salariat et de
la maîti ise, et après un essai passager du communisme, est
la participation, c'est-à-dire la mutualité des services, venant
compléter la force de division et la force de collectivité.
Il y a mutualité, en effet, quand, dans une industrie,
tous les travailleurs, au lieu de travailler pour un entrepre-
neur qui les paye et garde leur produit, sont censés travail-
ler les uns pour les autres, et concourent ainsi à un produit
commun dont ils partagent le bénéfice.
Or, étendez aux Associations travailleuses prises pour
unités, le principe de mutualité qui unit les ouvriers de
chaque groupe, et vous aurez créé une forme de civilisation
qui, à tous les points de vue, politique, économique, esthé-
tique , différera totalement des civilisations antérieures;
qui ne pourra plusredevenir ni féodale ni impériale ; qui, avec
toutes les garanties possibles de liberté, avec une publicité
loyale, avec un système impénétrable d'assurances contrôle
vol, la fraude, la concussion , le parasitisme, le népotisme,
l'accaparement, l'agiotage, la hausse factice des loyers, des
subsistances, des transports, du crédit; contre la surpro-
duction, la stagnation, les engorgements, le chômage, la
maladie, la misère, ne donnant rien à la charité, vous offrira
partout et toujours le droit.
Là, plus de réalisations anticipées, de chasse à la prime,
de subventions à partager entre les ministres, les entremet-
teurs, les solliciteurs, les fondateurs, les administrateurs;
plus de pots-de-vin payés par les fournisseurs à des gérants
infidèles; plus de coups de Bourse, de cumuls, de latifun-
dia. 1^'inégalité des conditions et des fortunes a disparu ,
ramenée qu'elle est à son expression élémentaire , qui con-
siste dans la différence jetée par l'aveugle nature entre le
travailleur et le travailleur , did'érence que l'éducation, la
division du travail, etc., doivent réduire indéliniinent.
La probité, l'honneur, les mœurs, ont fui le monde bour-
— 483 —
geois, comme avant la Révolution ils avaient fui le monde
féodal. Ils ne se retrouveront que là.
Sans doute il y a loin de la réunion en Sociétés de quel-
ques centaines d'ouvriers, à la reconstitution économique
d'une nation de 36 millions d'âmes. Aussi n'attendons-nous
pas une telle réforme de la seule expansion de ces Sociétés.
Ce qui importe, c'est que l'idée marche, qu'elle se démontre
par l'expérience; c'est que la loi se pose dans la pratique
comme dans la théorie.
Déjà nous savons qu'à l'étranger l'exemple donné parmi
nous porte ses fruits : les corporations d'ouvriers en Angle-
terre ont décidé qu'à l'avenir, au lieu de dépenser leurs
fonds en grèves inutiles, elles les emploieraient à créer des
Compagnies à l'inslar des Sociétés parisiennes. Vienne la
secousse finale, cette inévitable liquidation prédite depuis
plus de huit ans : il sera plus aisé d'organiser sur toute la
face du pays le travail, qu'il ne l'a été depuis 1848 de for-
mer à Paris les vingt premiers groupes de travailleurs.
II. ASSOCIATIONS POTTR LA CONSOMMATIOK.
Ces sociétés, telles que la Ménagère^ ont pour but de ré-
soudre le problème spécial des rapports d'industrie à indus-
trie, conséquemment d'Association à Association. Elles sont
dues surtout à l'initiative bourgeoise. Leur existence prouve
que si, en 1848 comme toujours, l'instinct populaire a saisi
les idées dans leur synthèse, la raison moyenne, plus exer-
cée, s'est attachée tout d'abord, et avec une remarquable
prestesse d'intelligence, au nœud de la question.
Outre que l'administration intérieure de ces Sociétés, pu-
rementcommercialcs, ne présentait pas les mêmes difficultés
que celle des Associations ouvrièies, elles avaient le pré-
cieux mérite, à une époque d'agitation révolutionnaire,
d'apparaitre comme une conciliation des intérêts. C'était mi
pas vers cette fusion du patronat et du salariat, dénoncée
par les utopistes comme une trahison envers le peuple, et
un instant mise au ban de la démocratie j)ar les radicaux.
La combinaison dont il s'agit était moins, en efl'et, une
— 484 —
Société qu'une coalition, par laquelle un certain nombre de
consommateurs, garantissant à une maison de commerce une
clientèle sûre et un débouché constant, exigeaient en retour
une remise sur le prix courant des produits. Les bénéfices
du commerce, plus considérables, à cause des chances
aléatoires, que ceux de Tinduslrie proprement dite, permet-
taient une réduction sensible et une amélioration correspon-
dante dans la position des consommateurs. La conséquence,
plus ou moins prochaine, de semblables établissements, eût
été de garantir peu à peu, à chaque acheteur, et par le fait
de sa consommation, le travail dont il avait besoin, de la
même manière que lui-même garantissait le débouché aux
marchands. Toute consommation suppose production : ces
deux termes sont corrélatifs et adéquats.
Il y avait donc là, selon nous, matière à d'heureuses spé-
culations : malheureusement elles dépassent la portée ordi-
naire des travailleurs, dont rindocilité est si difficile àvaincre,
et n'oflVent pas aux bourgeois des avantages assez immédiats,
pour qu'ils se résignent aux efforts, aux avances, et peut-être
aux sacrifices, que dans les commencements elles exigent.
Cependant les Sociétés pour la consommation avaient com-
mencé de se multiplier dans les chefs-lieux de départements,
grâce à la commandite de quelques bourgeois, qui firent ainsi
don à leurs concitoyens de boulangeries, boucheries, épice-
ries sociétaires. Plusieurs ont été fermées par la police, à
la suite du 2 décembre : nous ne saurions dire où en est
aujourd'hui ce mouvement.
III. CITÉS OUVRIÈRES, XOGEMENTS A BON MARCHÉ.
Nous lisons dans une brochure, publiée par M. Victor
Calland, auteur du projet des Palais de familles ;
« La même réforme économique, dit M. Emile de Girardin, qui
par la voie de l'association s'est accomplie dans les voies de com-
munication et de transport, doit se réaliser dans les habitations
humaines... Cette réforme est inévitable : elle contient toute une
révolution. »
S'il fallait s'en tenir à cette annonce, elle n'aurait à nos
yeux rien de bien rassurant. La réforme opérée par les Com-
pagnies de chemins de fer n'a abouti qu'au monopole. C'est
une contlscalion de l'industrie des transports au profit
d'une poignée de capitalistes, et qui appelle, sous peu, une
révolution dans le sens de la démocratie et de la mutualité.
Jusqu'à ce qu'une liquidation de ce monstrueux monopole
ait alTranchi tout à la fois et les salariés qui le servent, et le
public qui lui paye ses dividendes, la voie ferrée, loin de
contribuer au bien-être général, n'aura fait qu'accélérer la
spoliation, aggraver la servitude.
D'après cette observation, on comprendra que ce que nous
attendons pour les logements est tout autre chose que ce
qu'à prévu M. de Girardin. Ici, comme là, OEil pour œil,
dent pour dent; en autres termes, service pour service, prix
pour prix. Nous demandons, en lui mot, que dans une cité
aussi grosse que Paris, l'habitation soit ôtée à l'arbitraire
des propriétaires, et le loyer fixé au prix de revient.
Le prix de revient, en fait d'habitation, se compose de
ces trois éléments : Impôt, frais d'entretien , amortisse-
ment. Dans les deux derniers se trouve le bénéfice de l'en-
trepreneur.
L'idée de réduire les loyers au prix de revient de l'habita-
tion se trouve au fond de tous les projets de Cités ouvrières,
pati'onées et subventionnées par le gouvernement. Mais nul
animal ne peut manquer à sa nature. Le gouvernement, qui
croyait faire de la philanthropie, n"a réussi qu'à faire naître
la spéculation : les Cités ouvrières peuvent être citées comme
un échantillon de l'Empire industriel.
Par décret des 22 janvier et 20 mars 1852, le gouverne-
ment a affecté une somme de 10 millions de francs à l'amé-
lioration des logements des ouvriers dans les grandes villes
manufacturières. Créée dès 1850, la Cité ISapoléon a reçu
en conséquence une subvention de 200,000 fr. Elle contient
194 logements, 'elle est habitée actuellement par 500 per-
sonnes. Son revenu net est de 26,447 fr.
Dégagée des réclames philanthropiques, et ramenée à sa
signitication technique, bon marché des logements pour les
locataires, dividende pour les actionnaires, la Cité ouvrière
— 486 —
spmble ne devoir jamais manquer d'habitants, pas plus que
d'entrepreneurs. Comptant sur une population fidèle, elle
pourrait donc, tout en réservant aux fondateurs un revenu
suffisant, olTrir à prix réduits des logements, des lavoirs, des
bains, des asiles. C'est une manière d'industrialiser la pro-
priété bâtie, qui s'accorde merveilleusement avec les nou-
velles institutions de crédit, et tend de plus en plus à ra-
mener l'économie sociale à un principe unique, l'échange.
Les ouvriers, à tort ou à raison, précisément peut-être
parce que l'initiative venait d'en haut, ne se sont point mon-
trés partisans empressés de ce système. L'idée de les par-
quer dans des quartiers à part révèle une pensée de mé-
fiance et de caste, qui laisse subsister le schisme, et jure
avec les instincts de liberté et d'égalité. Joignez à cela une
grille se fermant à heure fixe, comme dans une geôle, et
donnant à Finslitution certain cachet de police!... et l'on
comprendra le peu de faveur avec laquelle la Cité ouvrière
a été accueillie.
Pourquoi, si l'on avait vraiment la volonté de procurer
aux ouvriers des logements à bas prix, au lieu de Cités ou-
vrières, ne pas baser la spéculation, l'institution si l'on
veut, sur l'achat de maisons particulières, disséminées dans
tous les quartiers de la capitale, et qui, convenablement
aménagées, restaurées, eussent amené et maintenu la baisse
des loyers, en faisant partout concurrence aux propriétaires?
Pourquoi, si l'on lient si fort à protéger l'industrie du bâ-
timent , ne pas charger de la construction des Cités des
Compagnies d'ouvriers maçons, jdâtricrs, ce qui eiit été
favoriser à la fois les ouvriers dans leur habitation et dans
leur travail, et faire coup double? Pourquoi ne pas admettre
aux bénéfices de la combinaison, les fabricants, les bouti-
quiers, les rentiers eux-mêmes et les propriétaires, qui pres-
que jamais n'habitent leurs maisons, aussi bien que les gens
du peuple? Est-ce que l'épicier, la modiste, le marchand
de vin, le commerçant en étoffes, n'ont pas, autant au
moins que l'ouvrier, besoin de logements, ateliers, et maga-
sins à bon marché?... Toute réforme doit être générale et
n'exclure personne : c'est éterniser la servitude et consa-
— 487 —
crer le privilège, que de créer des asiles, des crèches, des
hôpitaux, des écoles, qui ne regardent que les pauvres.
Quoi qu'il en soit, l'idée, toute de charité, d'améliorer le
logement des ouvriers, et la promesse d'une subvention du
gouvernement, ont fait naître à Paris et dans quelques autres
villes un certain nombre de Compagnies dont il est utile de
connaître les opérations. Nous les trouvons résumées dans
un rapport du ministre de lintérieur du 5 avril 1854, et un
article du Moniteur du 27 du même mois.
Compagnie Pereirc frères. Construction de Cités ou-
vrières à la Chapelle, Batignolles, jusqu'à concurrence de
4,550,000 fr., dont un tiers fourni par le gouvernement. —
Prix moyen des logements, 225 fr. pour 30 mètres carrés
de superficie.
Compagnie Heckeren et Kennard. Construction de loge-
ments, jusqu'à concurrence de 4,140,000 fr., dont un tiers
subventionné par le gouvernement. Mêmes conditions de
prix que dans la Compagnie précédente.
Compagnie Puteanx frères. Construction de maisons à
Mazas, Batignolles et Grenelle. Subvention du gouverne-
ment. Prix moyen des logements, 200 à 225 fr.
Compagnie Blartin et Muller. Construction de 110 mai-
sons entre les rues de Reuilly et Picpus, avec subvention du
gouvernement. Prix moyen, 365 fr. En ajoutant 50 cent,
par jour, soit par an 182 fr. 50 c, l'ouvrier, au bout de
18 ans, deviendra propriétaire.
Compagnie Carabin. Construction de 182 maisons, entre
les avenues de Ségur et Lowendal. Ces maisons sont desti-
nées à devenir la propriété des locataires, moyennant paye-
ment de 10 annuités, de 470 à 550 fr. — Subvention du
gouvernement.
Toutes ces Compagnies, — un employé de la Préfecture,
chargé de la distribution des secours aux familles pauvres ex-
pulsées par les propriétaires, nous l'avouait lui-même, — se
réduisent, sous une apparence philanthropique, à des spé-
— 488 —
culations plus ou moins usuraires, ainsi qu'il est facile de
s'en convaincre d'ailleurs paf la discussion des projets.
Compagnie Dol/fus, à MnlJiouse. Construction de plus de
300 maisons. Prix moyen du loyer, 120 fr. — Subvention
du gouvernement.
Compar/nie Montricher, à Marseille. Construclion d'une
Cité, comprenant 145 chambres garnies, avec jardin, bains,
lavoir, restaurant, école, etc. Subvention du gouvernement.
Compagnie Scrive frères , à Lille. Construction de 234
maisons sur le territoire de Marcq-en-Barœul, avec subven-
tion du gouvernement. Louée sur le pied de 4 0/0.
Sur les 10 millions de crédit accordés par l'État, 4 millions
et demi environ avaient été distribués en subventions au
mois d'avril 1854. Depuis celle époque, nous n'avons pu
suivre le mouvement de Tinslilution. Mais il est clair que
c'est l.à de la philanthropie en pure perle, et que 10 millions '
distribués par le gouvernenifnt à des spéculateurs pour
construire un millier et demi de petites maisons, qu'ils
louent ensuite à raison de 7 fr. 50 par mèlre carré de loge-
ment, ou revendent avec bénéfice, ne feront pas plus pour
l'amélioration du sort des ouvriers, que les distributions de
soupe et de viande <à 5 centimes la portion. Aussi la cherté
des loyers, depuis 1854, n'en a-t-elle pas moins été toujours
croissante, les expidsions de plus en plus fiéquenles, les
transactions entre la police et les |)ropriétaires impitoyables,
pour le compte des pan vies funilles, de [ilus en plus oné-
reuses : ce qui n"enq)cche pas les faiseurs de projets d'aller
leur train, l/anonialie de la situation est telle que devant
cette forclusion des classes travailleuses, on en est venu à
proposer de bâtir un Paris ouvrier dans la plaine d'Issy,
l'ancien Paris demeurant réservé à la bourgeoisie, aux étran-
gers, à la Bourse et aux casernes.
La fatalité pousse lEmpiie, qui hésite, et semble crier à
ses [)lci)éicns, ses vrais commanditaires : Oserni-je? — Ose.
— 489 —
IV. SOCIÉTÉS D'ÉCHANGE.
Celles-ci ont pris la cliose de plus haut; et si ce n'est
encore dans rexcciition, du moins quant à l'idée, elles ont,
à notre avis, louché le but. Les services qu'un vaste syslème
de crédit, circulation et escompte, est appelé à rendre con-
sistent moins dans la réduction des frais de commission que
dans la création du débouché Ini-nième et la destruction des
orjj^anes parasites qui l'obstruent.
En dernier analyse, que le commerce se fasse avec du
numéraire ou avec du papier, le travail se paye par du tra-
vail. Tout individu muni d'un état est donc solvable. Cepen-
dant les tailleurs n'ont point de chaussures, ni les cordon-
niers d'habils : d'où vient cela? Évidemment, ce n'est pas
faute aux uns et aux autres de savoir produire, pas plus que
de vouloir acquérir : le mal n'existe ni dans l'organisation
du travail, ni dans l'organisatiou de la consommation. Il est
tout entier dans la difficulté de l'échange.
Sous la pression du besoin et l'inspiration d'une idée si
simple sont nés des projets de réforme innomb/'ables, qui
tous ont pour but d'organiser entre les producteurs, sans
distinction de qualité ni de fortune, l'échange diiect, c'est-
à-dire, soit de supprimer dans le commerce l'emploi de la
monnaie, soit au moins de suppléer à l'insuffisance de sa
fonction. Nos mains sont pleines de prospectus. Nous nous
bornerons à en rapporter les titres :
Boformr monétaire, de M. Mazel, opérant au moyen de
bons d'échange;
Comptoir (Véchanf/e et de covimission, qui doit joindre
aux opérations de banque ordinaire les avances sur marchan-
dises, les crédits à découvert sur caution, et l'émission de
bons à viîo sur les producteurs qui consentiront à les rece-
voir en échange de leurs produits;
Société gniérale de crédit privé, qui se propose d'émettre
des obligations à long terme ;
Monnaie auxiliaire (d'Esclée et C"=) ;
— 490 —
Banque de compensation^ qui propose de faire le com-
merce à l'aide des comptes courants ^
Banque d'échange de Paris (M. Lachâtre) -,
Banque communale d'Arbanaiz, du même 5
Comptoir général d'escompte (Chartron et C'^), à Lyon ;
Monétisation universelle, Lerouge et C'% rue des Fossés-
du-Temple, 34.
Toutes ces conceptions sont hautement compréhensi-
ves (1); elles n'ont rien de ce particularisme, de cet esprit
fantaisiste et exclusif qui déshonora les inspirations popu-
laires de 1848. Elles sont universelles, synthétiques et fé-
condes, comme leur principe, l'échange. Devant l'échange,
plus de classes, plus d'acception de personnes, tous sont
égaux : l'égalité est l'essence de l'échange. Avec lui, le para-
sitisme devient impossihle. Pour anéantir le privilège, il
suffit de demander au privilégié : Qu'apportez-vous à l'é-
change? oîi est le produit, le service, la valeur, en retour de
quoi vous réclamez une pension, une sinécure?...
Nous ne pouvons pas dire qu'aucune de ces institutions
fonctionne : en matière de crédit, d'échange, d'escompte, il
n'y a que deux bases d'opération, hors desquelles pas d'af-
faires : le numéraire , ou le concours des volontés, deux
choses aussi difticiles à réunir l'une que l'autre.
Mais il est clair que ce que tout le monde a conçu, et que
nul en i)articulier ne peut exécuter, tout le monde le peut
faire, de. même que tout le monde a fait la Banque de
France, le Crédit mobilier, le Chemin de fer. Il ne s'agit
pour cela que d'une simple manifestation de l'opinion. Que
le pouvoir en prenne l'initiative, et le pays applaudira. C'est
le cas de répéter le refrain de la ballade : Oserai-je? — Ose.
§ A. AMORTISSEMENT GÉNÉRAL : CONCLUSION.
Nous avons, dans le cours de ces considérations, prononcé
(1) Voir, sur ces sociétés. De la Réforme des Banques, par M. Alfred
Daritnon. Paris, Guillaumin, l'i, rue Richelieu.
— 491 —
des paroles sinistres : Liquidation, Banqueroute, Révolution,
sous rimprcssion desquelles nous ne voulons pas laisser nos
lecteurs.
Certes, nous croyons à une transformation radicale de la
société, dans le sens de la Liberté, de l'Égalité des personnes,
de la Confédération des peuples : mais nous ne la voulons
ni violente, ni spoliatrice. Il s'agit donc de trouver les voies
et inoycns : c'est par là que nous terminerons ce Manuel.
En donnant ainsi notre dernier mot, nous n'entendons
préjuger en rien les événements. Nous n'avons pas mission
de prévenir la lutte; placé à la queue des partis, nous
avons moins que personne la puissance de l'empêcher. Notre
seul but, en concluant, est de décliner toute responsabilité
dans une catastrophe, dont il n'aura pas tenu à nous que
chacun n'ait eu la prévision.
De tout ce que nous venons de dire, une chose résulte claire
comme le jour, irréfragable comme la nécessité : c'est que le
travail ayant trouvé le secret de se commanditer lui-même,
trouvant en lui-même sa puissance de circulation et son
débouché, n'a plus que faire du crédit des privilégiés, de la
direction d'une aristocratie, du protectorat d'un empe-
reur ou d'un roi. Il répugne à ce système de restriction et
de prélibations, qui trouva jadis sa raison d'être dans la
barbarie des masses, dans leur résistance au travail, et les
nécessités d'une initiation imposée de vive force.
Maintenant le travail est revendiqué universellement
comme le plus précieux des biens, comme le premier des
droits de l'homme. Autrefois, quand l'humanité, h peine
dégrossie, refusait le service, le travail avait i)our repré-
sentant, qui? le maître. H y avait une sorte de justice que
le produit tout entier lui appartînt. Aujourd'hui les rôles
sont changés : le vrai représentant du travail est le travail-
leur-; le spéculateur, le capitaliste, le propriétaire, le com-
merçant, l'entrepreneur, n'en est le plus souvent que le
ténia. Un changement de régime est nécessaire.
Ce qui fait la base de toute entreprise industrielle, de
toute spéculation mercantile ou financière, c'est la division
du travail, le groupe ouvrier, la solidarité de la production
— 492 —
et de la consommation, toutes choses qui indiquent une
action ou fonction coUeclive. Que la collectivité acquière
donc la conscience d'elle-même , et au lieu de servir à l'ex-
ploitation individuelle, elle ne voudra plus produire que pour
soi; alors les institutions de Crédit, les services publics, les
corporations ouvrières, au lieu d'agir au profit de quelques-
uns, travailleront pour tous; et la propriété comme l'État
sera révolutionnée...
Qu'est-ce qu'un chemin de fer, par exemple? Une indus-
trie servie par un groupe de travailleurs de divers grades et
espèces : hommes d'équijjc, mécaniciens, chauffeurs, terras-
siers, maçons, graisseurs, surveillants, comptables, etc.
Qu'est-ce qu'une mine, une forge, une verrerie, une fabri-
que de gaz ou de produits chimiques, un service d'omnibus,
une entreprise de navigation? — Autant d'industries diffé-
rentes, servies par des groupes spéciaux d'ouvriers et d'em-
ployés.
11 en est ainsi de la Banque de France et autres institu-
tions de crédit ; des docks , des ports et de tous les établis-
sements servant à la réception, à l'entrepôt, au chargement
et au déchargement des marchandises : toujours des services
rendus par des groupes d'hommes.
Un entre[)reneur a calculé qu'il y avait en France 6,000
ponts à construire : quel labeur, avec l'entretien de ceux qui
existent! A Rome autrefois, etdans lavieilleÉtrurie,ilyavait
une corporation dite des constructeurs de ponts, pontifices,
une vaste confrérie, une franc-maçonnerie pontificale. Alors
le travail n'étant pas émancipé, la Société des pontif(3s for-
mait une corporation privilégiée, consacrée par la religion.
Qui empêcherait chez nous d'en faire une Compagnie ou-
vrière, comme celles des maçons et des paveurs?
Le nombre des chaudières à vapeur était, en 1852, de
7,779, représentant une force de 216,456 chevaux -vapeur.
Or, toute machine est comme une pièce d'artillerie, ayant
pour résultat non-seulement de remplacer le travail humain,
mais de se faire à elle-même, des ouvriers qu'elle supplée,
autant de servants. La machine, en un mot, est l'expression
matérielle du groupe travailleur. Rendre l'ouvrier co-pro-
— 403 —
priétaire de l'engin industriel et participant de ses béné-
fices, an lieu de l'y enchaîner comme esclave ; qui oserait
nier que telle ne soit la tendance du siècle?
11 n'est partout question que de drainer le sol , de reboi-
ser les cimes, d'égouller les marais. M. H. Peut propose de
rendre à la culture le delta du Riiône, une conquête de
150,000 hectares, pouvant donner un produit net de 45 mil-
lions de francs, et assurer le bien-être de 10,000 familles.
C'est toute une population de défricheurs, dessécheurs, irri-
gateurs, reboiseuis, à créer. Se ligure-t-on que ces innom-
brables tribus, dont la construction des chemins de fer a
déjà commencé sur une vaste échelle le développement,
aussitôt la terre mise en valeur, soient expulsées du sol con-
quis par leurs mains , comme les highlanders l'ont été de
leurs montagnes?...
Il serait absurde de s'imaginer qu'avec l'esprit des socié-
tés modernes, avec le tempérament que la révolution fran-
çaise, le progrès des sciences, des arts et de Findustrie, la
rapidité des communications internationales, ont refait au
prolétariat et développent tous les jours, ces gigantesques
travaux puissent s'entreprendre et se mener à fin , sans qu'il
en résulte, sinon l'émancipation complète, au moins une
élévation notable des classes ouvrières. La spéculation ,
occupée à réaliser ses primes; le gouvernement, absorbé
par les soins de sa conservation, n'y réfléchissent pas. Mais
depuis quand les révolutions attendent-elles, poiu' s'accom-
plir, les prévisions des hommes? Qu'on ne s'y trompe pas :
l'organisme industriel, dctruil en 89, n'a disparu que pour
faire place à un autre, plus profond, plus large, dégagé de
tout privilège et retrempé dans la liberté et l'égalité popu-
laire. Ce n'est pas une vaine ihétorique qui le déclare, c'est
la nécessité économique et sociale. Le moment approche oîi
nous ne pourrons plus marcher qu'à ces conditions nouvelles.
Jadis, gouvernement, capital, propriété, science, jusqu'au
travail, tout était caste; maintenant tout tend à devenir
peuple...
Les mines de combustible, actuellement concédées, sont
au nombre de 400 et tant; presque toutes sont en comman-
28
— 494 —
dite, et toutes, constituées par le titre de leur concession en
monopole, tendent à se coaliser et à surfaire leurs produits.
A Lyon, le prix du combustible a presque doublé. Est-ce là
ce que se proposait l'auteur de la loi de 1810, quand il disait,
à propos des concessions minières, qu'il voulait créer une
propriété nouvelle, une propriété dans laquelle l'usage se-
rait enfin séparé de l'abus?...
La plupart des usines à gaz sont en Sociétés par actions.
Les usines métallurgiques, les filatures, les ateliers de
construction , la meunerie, exploitées par les particuliers ou
par des Sociétés en nom collectif entre quelques capita-
listes, suivent Tentraînement général et émettent aussi des
actions.
Les assurances, dont nous avons cité une quarantaine, se
comptent par centaines : la plupart, sinon la totalité, sont
anonymes.
Les maisons de banque particulières sont toutes sous une
raison sociale, servant, pour ainsi dire, de nom propre à
leur commandite.
Il y a des Compagnies et des fusions de Compagnies pour
le roulage, la batellerie et la navigation ;
Des Compagnies pour le commerce en gros et le com-
merce de détail.
Il s'en forme actuellement pour la construction des mai-
sons. L'immeuble, ce qu'il y a de plus antipathique à la
mobilisation, se met en commandite.
L'agriculture aura son tour : une Société, le Cheptel, pour
la commandite des bestiaux, se forme, dit-on , au capital de
100 millions... On attribue en "{lartie à ses opérations ren-
chérissement de la viande. C'est tout simple : elle ne tra-
vaille que pour ses actionnaires. Mais cela ne prouve pas
l'inutilité de la combinaison. — Le gouvernement a ouvert
un crédit de 200 millions pour le drainage. Et sans épuiser
la liste des faits nouveaux, et pour ne parler que de ce qu'il
y a de plus ancien sur la terre, qu'est-ce au fond que la com-
mune rurale? Un groupe de laboureurs.
Est-il possible d'admettre que ce mouvement sociétaire,
résultat, non des théories utopistes, mais des nécessités éco-
— 495 —
nomiques, et qui envahit toutes les branches de la produc-
tion, demeure éternellement fermé à l'ouvrier? que V action
ne soit accessible qu'à l'écu , et que le travail , par essence
et destination, repousse à tout jamais la commandite du
travail? Devons-nous croire que la société du commerce, en
se généralisant avec cette puissance irrésistible, a pour but
l)rovidentiel de ressusciter le régime des castes, de creuser
plus profondément le sillon entre la bourgeoisie et le prolé-
tariat, et non d'amener la fusion nécessaire et définitive des
deux classes, c'est-à-dire leur émancipation et leur triomphe?
D'ici à un demi-siècle, tout le capital national aura été
mobilisé; toute valeur engagée, servant d'instrument à la
production , sera inscrite sous une raison sociale ; le champ
de la propriété individuelle sera réduit aux objets de con-
sommation, ou, comme dit le Code, aux choses fongibles.
Est-ce donc que le salarié, l'antique esclave, exclu, dès
l'origine du monde , de la Propriété, devra l'être encore ,
jusqu'à la consommation des siècles, de la Société?
Sous quelque aspect que nous considérions les choses, par
le côté politique ou par le côté économique, au point
de vue de la mécanique comme à celui de la commandite,
il appert de plus en plus que npus marchons, à travers un
semblant de restauration féodale, à une Démocratie indus-
trielle.
Or, pour opérer cette transformation définitive, il suffît ,
quant au Droit, d'un petit nombre de modifications à ap-
porter aux statuts des Compagnies actuelles : nous avons dit,
àw c\\:i\)\iXQ ûeV Association, pages 195 à 209, et tout à
l'heure en parlant des Sociétés ouvrières , pages 461 à 471,
quelles étaient ces modifications. Quant au transfert de la
propriété, sauf le cas d'une lutte qui mettrait la bourgeoisie
à la merci de la plèbe, il n'est besoin que d'une simple opé-
ration d'amortissement.
Dans vingt-cinq ans, dans dix ans peut-être, au train
dont vont les choses, le travail aura le compte exact du
capital. Pense-t-on que l'idée ne vienne pas alors au premier
d'amortir l'autre, et que, cette idée surgissant, qui que ce
soit puisse en empêcher l'exécution?
— 4m —
L'amortissement du capital! On sait le parti qu'ont tiré
de cet éponvanlail tous les sauveurs de la société depuis une
vingtaine d'années, surtout depuis la révolution de 1848.
Les moins eflVayés ne furent pas les fondateurs de la Répu-
blique. A les entendre, le monde, la veille du déluge, n'était
pas plus près de sa perle.
Des usuriers, enrichis de toutes les misères qu'ils avaient
semées autour d'eux, les loups-cerviers de la banque, les
grecs de l'agio, se mettaient à invoquer la sainteté du tra-
vail, source ullra-légilimede la propriété. Us parlaient avec
attendrissement de l'homme des champs, cultivant avec sa
famille, au sein de la paix et de l'innocence, l'héritage
palernel, d'où le socialisme, non moins inexorable sans
doute que le prêteur hypothécaire, menaçait de l'arracher.
Puis, à l'exemple des Jérémies bancocrates, les honnêtes
petits bourgeois de la classe moyenne, bonnes gens dont la
vue est aussi longue que le crédit, et que distingue si fort
l'esprit d'entreprise, se répandaient en lainenlations sur Iû
liberté de l'industrie, que la révolution allait immobiliser et
asservir. On voulait, à les en croire, couper les ailes au gé-
nie, établir dans la France progressiste le gouvernement de
la routine. 11 fallait, selon eux, à une giande nation de
grandes existences, à une république vraiment digne une
aristocratie de fortunes, servant de mobile aux spéculations
hardies du travail et de l'art. Et ils pleuraient les individua-
lités glorieuses, honneur de la civilisation et de la pairie,
que l'association ouvrière allait étouffer; et ils se deman-
daient avec déscs|)oir ce qui remplacerait l'opulence, quand
il n'y aurait plus de misère!...
C'était contre la loi d'expropriation, rendue à la demande
et pour l'avantage des grandes Compagnies; contre leurs
tarifs exorbitants et leurs coalitions monstrueuses, qu'il fal-
lait invoquer ces balivernes : elles eussent eu du moins le
mérite de rà-pro|)OS. L'établissement des grandes voies de
communication, taillant et tranchant, de par la loi, à tra-
vers champs, prairies et vignobles, sans aucun souci de l'/té-
ritage paternel et de Vinnocent laboureur; écrasant de sa
concurrence déloyale le batelier, le roulier et le commis-
^ _ ^07 —
sionnaire; r:iiu;onnant les populations après leur avoir ôt('
toutes garanties contre sou monopole, nous a rejetés loin
des mœurs primitives et de la pastorale.
Aujour(i"hui le gouvernement, après avoir réglé, selon la
valeur vénale des immeubles, Tindemnilé due aux expro-
priés, prétend s'attribuer la plns-val-.:e résultant, pour les
terrains qu'il entame, de la constiiirtion d'ime route, d'un
canal, d'un railway, du peiccmtmt d'une rue ou d'une place
publique. Des amis de l'ordre trouvent au fond la revendi-
cation de l'Étal très-équitable. Pourquoi alors l'État ne sui-
vrait-il pas son principe jusqu'à la fin? Pourquoi, après
avoir soumis le petit piopriétaire à la gramie exploitation,
ne subordonnerait-il pas celle-ci à son tour au domaine uni-
versel? Toute propriété, d'après la loi nouvelle, ayant pour
limite un intéict supérieur, en autres termes, retenant l'u-
sage, mais excluant l'abus, contrairement <à l'ancienne défi-
nition, les concessions du souverain lond)ent les premières
sous la règle, et la féodalité industrielle devient impossible.
Qu'en disent les légistes?
Ce terrible droit d'expropriation, réservé d'abord au pou-
voir central et contesté aux municipalités, voilà qu'on en
concède l'exercice à des Com|)agnies industrielles! C'est le
capital armé contre la pro[)riétéI A la boime heure. Mais
le capital lui-rncme n'est que l'instrument de la produc-
tion, non plus l'égal, mais le subalterne du travail. Ce
que la loi permet au capital de faire contre la propriété, le
travail doit être autorisé à re.xéculer contre le capital : il
n'y a raison ni prétexte qui puisse retenir celte consécjuence.
Quand donc saurons-nous appli(|uer les principes de 1789,
les [)rinci[ies de 1852? Quand l'égalité des Français devant
la loi sera-t-elle devenue, nous ne disons pas pour le pou-
voir qui la représente, mais pour les citoyens qui en sont
l'objet, une vérité?
Loin de nous toute pensée ironique, tout sentiment de
récrimination. J,c mouvement est lancé : tous nos efforts
pour le retenir seraient vains. Acceptons avec joie, comme
ce qu'il y a de meilleur pour l'ordre social, pour la garantie
des intérêts et le bien-être des populations, ce que la néces-
— 498 — •
site invincible nous impose. Quant aux ignorances des mo-
ralistes et des hommes d'État, supportons-les avec résigna-
tion philosophique. Ce n'est pas d'aujourd'hui que le bien
s'accomplit tout assaisonné d'amertumes, et que la justice
éternelle, appelant du geste la justice humaine, établit son
tribunal au carrefour de l'iniquité. La propriété, comme
l'État, est en pleine métamorphose : au lieu de nous lamen-
ter en aveugles, voyons plutôt, spéculateurs avisés, s'il n'y
a pas quelque sujet de nous réjouir.
Le travail, disions-nous toutàTheure, est la seule chose en
définitive qui paye le travail. Cette proposition est la même,
mais plus exacte et plus générale dans son expression , que
celle de J.-B. Say : Les produits s'échangent contre les pro-
duits. Or, si le travail paye le travail , qu'est-ce que la pro-
priété, corporative ou individuelle, rentière, agricole, indus-
trielle, mercantile ou financière, peut avoir à craindre?
Le producteur a dans la paume de sa main plus de richesses
qu'il n'en existe sur la face de la terre. Quand, par impos-
sible, l'expropriation pour cause d'utilité publique devrait
aller jusqu'à la totalité du capital national, mobilier et
immobilier, le peuple des travailleurs aurait encore de quoi
payer, puisqu'il aurait son travail : or, c'est dans la travail
qu'est le principe de l'amortissement...
Constatons nnc dernière fois la nécessité de ce principe,
dès longtemps passé dans les faits : nous déduirons ensuite,
du point de vue essentiellement spéculatif de la réintégra-
tion du peuple dans les domaines créés par son travail, ce
qu'il y a de rassurant pour le commanditaire actuel dans
les conséquences.
Des Compagnies obtiennent le droit d'établir des chemins
de fer : elles immobilisent dans ces travaux des milliards. Et
cependant leur création ne leur appartiendra point, comme
la maison appartient au propriétaire qui l'a fait bâtir. Les
bénéfices annuels leur seront comptés en deux parts , l'une
à titre de dividendes., l'autre à titre à' amortissement; de
sorte que dans un délai dont la durée importe peu au fond
— 499 —
de la question, les cessionnaires, remboursés par annuités,
se trouveront expropriés.
Les droits de péage perçus sur les ponts, les canaux, déri-
vent du même principe.
Cinquante annuités à 5 0/0 libèrent complètement en ca-
pital et intérêts Temprunteur au Crédit foncier, tandis que
cent annuités à 10 0/0 n'allégeraient pas d'un centime le
capital des autres emprunts.
L'auteur d'un petit livre sur le Crédit foncier, afin de faire
comprendre aux paysans les avantages de la nouvelle insti-
tution, suppose un propriétaire obligé de recourir aux usu-
riers. Le malbeureux emprunteur a besoin de 3,000 fr. pour
cinq ans \ les intérêts sont de 7 0/0. Mais afin de rester dans
le taux légal, on ne lui donne que 2,700 fr. contre une re-
connaissance de 3,000. Le prêt dure vingt ans, et dans ce
délai il y a trois cessions de créance. A ce sujet l'auteur
établit le calcul suivant :
« L'emprunteur aura payé, au bout de vingt ans :
« En intérêts '. 3,000 fr.
.. En frais 400
« En retenues successives sur le capital 1,200
« Ensemble 4,600
« El il devra encore les mille écus empruntés! » ajoute-t-il tout
scandalisé.
Qu'il généralise donc sa pensée et qu'il dise :
« Le fermier payera trente ans, cinquante ans, le loyer de
la terre, sans avoir, au bout de ce temps, la moindre co-
propriété du sol qu'il auia cultivé. Loin de là : toute plus-
value, fruit de son labeur, s'imj)ute contre lui. Le prix de
son fermage s'accroît, cà cbaque renouvellement, de l'intérêt
du capital (engrais et main-d'œuvre) qu'il a affecté à l'amen-
dement du fonds pendaut le bail précédent. De génération
en génération, le propriétaire perçoit sa rente, une rente de
plus en plus élevée, sans se trouver le moins du monde
dessaisi.
« 11 n'en est pas autrement pour le louage des maisons et
des instruments de travail, pour les emprunts d'argent.
— 500 —
Ainsi l'État a bientôt payé en annuités trois fois le capital
de sa dette sans l'avoir par là exonérée d'un centime. »
L'économie, qui a la prclonlion d'èlre une science posi-
tive, ne peut refuser d'admettre cette généralisation que le
travail doit amortir tous les capitaux. Les concessions Icm-
poraiies et les annuités imputées sur le capital n'auraient
pas de raison d'èlre si elles devaient rester à l'état d'excep-
tion.
Au surplus, le capitaliste lui-même a renoncé de fait à la
pérennité de l'intéiêt. Des dividendes, des primes, et la ren-
trée dans ses fonds, voilà ce qu'il recherciie; ce que nous
répondions en 1848 à (eux qui nous demandaient ce que les
capitalistes feraient de leurs capitaux quanJ ils ne les place-
raient plus sur l'État ou sur hypolhètpie : l'énorme mouve-
ment de valeurs dont la Bourse est le marché n'a pas d'autre
cause.
Eh bien! (pi'olfre aujourd'hui à la spéculation avide, im-
patiente, l'amortissement, combnié avec la puissance de
production qui peut lésulter de la formation progressive des
Sociétés ouvrièies, des Compagnies de travailleurs?
Ce qu'il vous offre, ô spéculateurs à courte vue, ô hommes
d'État pusillanimes, qui redoutez pour votre crédit l'encom-
brement des valeurs! c'est la faculté illimitée de créer de la
richesse et d'en prendre votre part, comme cela a lieu dans
la Société des Maçons^ qui donne 13 fr. 33 c. 0/0 à ses four-
nisseurs commanditaires; c'est par conséipient la faculté
pour chacun devons de réaliser à volonté, sans avoir jamais
à redouter de banqueroute, le capital, augmenté d'une part
du produit net, qu'il aura engagé en quelque entreprise que
ce soit!
Avec le travail pour hypothèque et l'annuité pour moyen,
votre cnpital n'est plus sujet à dé[iréciation, votre propriété
devient inviolable, vos plaremenis et avances ne redoutent
plus la consolidation, vos renies n'ont rien à craindre de la
conversion : il vous suflit, et le tiavailleur vous en sera re-
connaissant, de faire valoir voire inépuisable hypothèque, le
Travail. Inventez maintenant, faites des découvertes, con-
struisez des machines, créez, avec de nouveaux besoins, de
— 501 —
nouveaux produits; formez des Compagnies en nom collectil
et anonymes; obtenez pour vos combinaisons heureuses, pour
vos applications utiles, pour vos entreprises hardies, des
brevets et des privilèges, jetez vos actions sur la place-, re-
muez des millions et des milliards, et soyez sans inquié-
tude. Toute valeur vraie qui aura été par vous constatée,
démontrée par la théorie et l'expérience, le Travail vous
l'escomptera.
Ainsi la création de ces innombrables Compagnies, qui
semblent devoir asservir à tout jamais l'humanité travail-
leuse, et que tant de gens sont tentés de prendre pour un
mouvement en arrière , n'est en dernière analyse qu'une
transition régénératrice. C'est par elles que toute subalter-
nisation de l'homme à l'homme doit disparaître, et que les
classes que nous avons appelées supérieure et inférieure,
nées de l'anarchie économique et de l'individualisme spécu-
latif, doivent revenir à l'homogénéité, et se résoudre dans
une seule et même association de producteurs.
Le gouvernement actuel se flatte, comme ses prédéces-
seurs, d'avoir fermé l'ère des révolutions.
Pour ceux qui appellent de ce nom les agitations de la
place publique, les harangues des tribuns, les manifestations
populaires, les orages de la tribune, les luttes de la presse,
nous dirons volontiers : C'est possible; et bien que nous ne
voulussions pas en jurer, nous en acceptons avec joie l'heu-
reuse espérance.
Mais si l'on entend par révolution la réforme progressive
et sans fin des sociétés, la réduction des privilèges, le déve-
loppement de l'égalité, nous répondrons hardiment : Non,
la révolution n"a pas rétrogradé d'une seule ligne ; il nous
faudrait prendre le bonnet vert, et renoncer à notre qualité
de Français, si elle rétrogradait.
Sans doute, en voyant l'abaissement moral des caractères,
la couardise et l'hypocrisie des intérêts, le mépris de l'hu-
manité dont ils font preuve, les excès auxquels ils dévouent
le présent et l'avenir de la nation, il est pardonnable de
croire à une rétrogradation, et de pleurer, avec certains
29
— 502 —
écrivains, trop préoccupés de la surface pour regarder ati
fond, sur notre décodence.
Décadence de caste , à h bonne heure I c'est le règne
Louis XV des bourgeois. Cela durera bien autant que nous,
disonl-ils comme l'autre; el après, le délugel...
Hélas! ils n'auront pas Thonneur de ce baptême in ex-
tremis. Il y a, pour le moment, trop d'incapacité dans la
classe moyenne, trop d'innocence encore dans le peuple.
Qu'ils jouissent tranfpiillcs, et transmettent à leurs légi-
times héritiers leurs fortunes érpiivorpies. Puissent-ils seu-
lement, avant de mourir, apprendre que la base de toute
S|)éculation honncle et féconde est le Travail : nous ne leur
souhaitons pour châtiment que ce remords!
F[N.
TABLE DES MATIÈRES
[ PRÉFACE i
IXTRODICÏIOX.
1. Des différentes formes de la Produclion, el en particulier de la
Spéculation 1
2. Des iibus de la Spérnlalinn 9
3. Imporl.ince de la Spéculalion dans l'économie des sociétés. Poli-
tique (ie la Bourse 20
4. Moralisalion de la Bourse 35
PREMIÈRE PARTIE.
FORMES DE LA SPÉCULATION 42
Chapitre 1". — Tenue, police et administration de la Bourse. . . 42
Chapitre IL — Intermédiaires ofTiciels des opérations de Bourse :
agents de chanpe, courtiers 49
Droits de courtage '. . . 59
Agents de change près la Bourse de Paris G3
Chapitre III. — Intermédiaires non officiels des opérations de
Bourse : courtiers-marrons, coulissiers 63
Chapitre IV. — Moliilisalion des capitaux. L'importance des opé-
rations de liiiurse en est la conséquence 70
Chapitre V. — Opérations de la Bourse. — Ditïérentes sortes de
marchés. — Combinaisons auxquelles ils donnent lien 77
1 . Des différentes sortes de murcliés 80
§ 1". Oiiérations au cours moyen 80
§ 2. Négociations au comptant 80
§ 3. Négocialions à terme 81
1° Marchés fermes 83
2° Marchés à primes ou marchés libres 84
S 4. Liquidiilions 87
§ 5. Rrpoits 89
2. Combinaisons auxquelles donnent lieu les différentes sortes de
marchés 92
§ I". Opérai ions à l,i hausse 93
§ 2. Opér.iliuns à la liaisse. 95
^ 3. Ojiéralions complexes 96
1» Opéialions à la hausse el à la baisse 96
— 504 —
2» Opérations de primes contre primes 96
3° Aibitragps sur elTets publics 9T
4» Moyens de bonifier les fausses spéculations 99
Arithmétique spéculative 101
Chapitre VI. — Matières métalliques. — Change 104
Chapitre VII. — Que le régime actuel de la Bourse et du Crédit
public est la condamnation du système économique 109
§ 1". Comment les opérations aléatoires, indififérenles de leur na-
ture, conduisent fatalement, dans l'état actuel des choses, à l'escro-
querie et au vol. — Complicité de la science et de la loi. — Inégalité
déposition des joueurs 111
§ 2. Association du capital et de l'intelligence dans les opérations
de Bourse 123
§ 3. Développement de l'escroquerie et du vol dans les opérations
de Bourse : l'agent de change, l'homme d'Élat, les grandes Compa-
gnies.— Stratégie de l'agiotage; journaux 133
§ 4. Développement de l'escroquerie et du vol dans les opérations
de la commandite 150
§ 5. Corruption des mœurs publiques ]yàv la Bourse IG3
DEUXIEME PAIiTIE.
MATIÈRE DE LA SPÉCULATION 172
PREMIÈRE SECTION. — Fonds PUBLICS F«A>çAis 173
Chapitre I". — Dette de l'État 173
Quatre et demi pour cent nouveau (ancien Cinq) 182
Quatre et demi pour cent ancien 187
Quatre pour cent 187
Trois pour cent 188
Notions etdispositionscommunesauxqualre espùi:es de tonds publics. 190
Bons du Trésor 193
Chapitre 11. — Dettes départementales et municipales. . . . 194
Dette du département de la Seine 194
Dette de la ville de Paris :
Emprunt de 1849. 190
Emprunt de 1852 196
Emprunt de 1855 197
Annuités des ponts 197
Bons de la Caisse du service de la boulangerie 198
Emprunt de la ville de Marseille 198
DEUXIÈME SECTION. — Actions et obligations des Compagnies. 200
De l'association 200
Chapitre 1". — Institution» de crédit ?1S
— 505 —
Banque de France 215
Comptoir national d'escompte de Paris 237
Crédit foncier de France 242
Société générale de Crédit mobilier 255
Sociélés organisées sur le plan du Crédit vwbiUtr 2G(»
Caisse générale des Chemins de fer 267
Caisse centrale de l'Industrie 268
Sociélé du Crédit industriel . 269
Caisse générale des actionnaires 269
Union financière et industrielle 270
Comiiagnie générale des Caisses d'escompte 271
Caisses affectées spécialement à l'escompte 277
Banques coloniales 277
Banques de l'Algérie 277
Caisses diverses en commandile :
I* Caisse commerciale, Bécliel, Delliomas el G" 278
2° Lehideux et O" 278
;r Bouron et C 278
4° Comptoir commercial d'Angers, Bi<jol et C'"^ 278
5" Caisse commerciale du Nord, /. Decroix el C'^ 278
6° Caisse industrielle du Nord, Dupont et C'" 278
■ "" Caisse commerciale de Saint-Quentin, Lécuyer et C". . . 278
8" Caisse commerciale de Roubaix, /. Deo-oix et C"^ 278
9" Caisse départementale de la Mayenne, Picquct et C'^. . . 278
10° Comptoir de la Méditerranée, Gaij, Bazin et C" 278
Comptoir central, Bonnard et C"^ 2*8
Crédit maritime. Collas et C'" 279
Chapitre 11. — Canaux 280
Quatre-Canaux 286
Canal de Bourgogne 28S
Canal du Hliône au Rhin 289
Canal d'Arles à Bouc 290
Trois-Canaux 290
Canaux concédés temporairement 291
/" Canal de Beaucaire .' 291
2° La Sensée 292
3° Canal Saint-Martin 292
4° Sambre française 292
5" Jonction de la Sambre à l'Oise 292
6° l,a Scarpe 292
Canaux concédés à perpétuité 29^5
r Canal du Languedoc 293
2" Canal de Givors 293
3° Canal d'Aire à la Bassée 293
4" Canal de Roanne à Digoin 293
Canaux divers et rivières canalisées 294
Chapitre IIL — Chemins de fer 295
29.
— 506 —
Moyenne des tarifs 800
Élnt du réspnu à la fin de 1856 305
Coùl kilomélriqiie 306
P.iilirip.iijon (le ri^llnt el de l"iniliistrie iirivée 307
R(''siill,ils de l'exploiialion en 1855 307
Cl>emin de fi-r du Nord 310
Chemins de fer des Ardennes et de l'Oise 315
Chemins de fer de l'Est 316
Chendn de fer de Paris à I yon 326
Chemin de fer de Paris à i.ynn par le Bourbonnais 332
Chemin de fer de Lyon à la Méditerranée 356
Chemin de fer de Uessèpes à Alais 342
Chemin de fer de i.von à Genf^ve it embranchement sur Màcon. . 343
Chemin de fer de Sainl-Rambert à Grenoble 344
Chemin de fer d Orléans et ses piolongements 345
Chemin de fer Grand-C-cntral 354
Chemins de ter du Midi et Ganal latéral à la Garonne 358
Chemin de fer de Itnrdeaux à la Teste 359
Chemin de 1er de Graissessac à Réziers 3G0
Chemin de fer de Pai'is à Si-eanx el Orsay 3(;0
Chemins de Ter de l'Ouesl et du Nord-Ouesl 3GI
Chemin de fer de Ceinture 370
R('•Sl^■lU Pyrénéen , . 371
Chemins de fer industriels 371
Chemins do fer sur la voie publique desservis par des chevaux. . . 372
Chapitre IV. — Navigation marilime et fluviale 372
Services maritimes des Messageries impériales 373
Compairnie géiiéiale de naviijalion à vapeur, Duziit ei C'^. . . . 377
Compagnie générale maritime 377
Société des Glippers français, Grnham el C'° 378
Compagnie Centrale, Lubberi el C'° 378
Compagnie d ai memenls maritimes, JÎ'/rZ'f'j/ e< C'° 378
ConsI mêlions maritimes, Séiinineau et C" 379
Société Phocéenne, Aliarus et O' 379
Compagnie de iiaviL'alion mixte, ^inaMt/ ei C" 379
Compagnie Baziu-Péner 380
— Ydln-tj 380
— André- Abeille 380
— Marc-Ftayasinel 380
— Cliur(ié 380
— Boitchei 380
— Colieii 381
Compagnie Franco-Aniéiicaine, Gauthier fi'eres 381
(Compagnie des Gondoles 383
Compagnie des transports sur le llhône el la Saône 383
L'Aigle iS8$
— 607 —
Chapitre V. — Assurances 383
Assurances contre l'incendie 386
La Nalionale 386
As-nr.inci-s {générales 386
Le Phénix 387
Conipai:iiie du Soleil 387
L'Union 388
La Fiance 388
L'Urbaine 389
La Pr ividence 389
La PalHinplle 389
La Confiance 390
Le NnnJ 390
La Salamanilre. 390
Assurances sur lu vie 390
La Nationale 390
Aï^sii lances générales 391
L'Union 391
Le Phénix 392
Caisse Palernelle 392
L'impériale 392
Assurances maritimes 392
A-sniances générales 392
Lluyd fiançais 393
La Mél usine 393
L'Indemnilé 393
Chambre d'a>surances 394
La Sécurité 394
La Sauvegarde 394
L'Océan 394
L'Union des Ports 394
La Vigie 39S
Le Pilole 31)5
Com[)agiiie de prêts à la grosse 395
Phare maritime 396
La Maritime 396
Coiii|iagni(? Centrale 396
La Réunion 396
La G. ronde 396
La Garonne 396
Compagnie d'assurances du Havre 396
Lloyd marseillais 397
Asiiuruiices contre la tjrêie 397
Assurances générales 397
Chapitre VI. — Industrie minière, métallurgie 397
Houillères el Charbonnayes 397
Mines de la Loire (quatre groupes). ..,.••«•• 398
— 508 —
Mines de Montrambert 398
— de Rive-de-Gie;r 399
— de SaiiU-Élienne 390
Houillères de la Haiilc-Loire 399
Houillères de Montchanin 400
Mines de Monlleux-Sainl-Étienne 400
Houillères de Blanzy 400
Houillères de la ChazoUe 400
Houillères et Chemin de fer d'Épinac 400
Houillères de Saint-Cliamond 401
Mines de la Grand'Combe 401
Portes et Sénéchas, Mires et C 401
Centre du Flenu 401
Pont-de-Loup-Sud 401
Houillères d'Azincourt 402
Houillères de Chalonnes-sur-Loire 402
Charbon minéral de la Mayenne et de la Sarlhe 402
Houillères et Chemin de fiT de Carmaux à Toulouse 402
H unis- Fourneaux, Forges et Fonderies 402
Fori^es de la Loire et de l'Ardèche 403
Forges du Creusot 403
Forfïes et Fonderies d'Alais 404
Forges de Deeazeville 404
Forges d'Audincourt 404
Houillères et Hauts-Fourneaux de Commeniry, Munlvieq ,
Iniphy, elc 404
Forges de Chàlillon et Commentry 405
Forfzes et Usines de la Basse-Indre 405
Hauts-Fourneaux de Mauheuge 405
Forges et Fonderies de l'Horme 40rj
Forges do Denain et Anzin 405
Hauts-Fourneaux d'Herserange et Sainl-Nicolas 405
Hauts-Fourneaux, Aciéries de la marine et des chemins de fer, 400
Mines diverses, 406
Mines de plomb de Pontgibaud 406
Asphaltes (Seyssel, Val-de-Travers) 407
Salines de l'Est 407
Salins du Midi. 407
Compagnie fermière de la fonderie de Caronle et des mines
de la Méditerranée 407
Mines de Moiizaïa (Algérie), BcBu/c/ O^ iOT
Mines de Ténès (Algérie), Flettry cl C 408
Usines mélallurfiiques :
Usines de Nogent, Sommelel et O" 408
Usines de Septèmes, /at(/M/Ko/ e< C'". . 408
Société J.-F. Cail 408
Société Christajle el O^ 408
— 509 —
Galvanisation du 1er 408
Société Chavieroy el C'= ■409
Fers étirés, Gandillot et C''^ '•O'J
Usine Cave 'fOO
Chapitre VII, — Gaz •i""
Société parisienne d'Eclairage et de Chauffage (inr le gaz . . . il<'
Compagnie du Nord (BatignoUcs, La Chapelle), Gosaelin el C". . il I
Compagnie de l'Est (Vincennes), Foucart el C'° ''•1-
Compagnie Centrale, Lelwn el C'" 4l'2
L't\]i'vànce, Howiju de Tranchèrc el O' 'i'"^
Eclairage au gaz, Forges et Hauts-Fourneaux de Marseille, J. Mires
etO' 412
Gaz de Versailles, Gosselin el C'" 412
Chapitre VIII. — Compagnies diverses W'i
Voilures publiques :
Messageries impériales 41->
Compagnie générale des Omnibus 41^'.
Compagnie impériale des voitures de l'aris 4l4
Glaces el Verreries :
Manufacture royale de Saint-Gobain 414
Glaces et verreries de Montluçon, Berlioz cl C"" 416
Filatures :
Comptoir de l'industrie linière, Coldn et i'" 4iS
Filature de lin d'Amiens 41.^
Compagnie continentale pour le lilage du lin, Tntdtii ci C". . 4lf>
Filature rouennaise la Fou<lre, //a; /o// t7 C'" 4l'i
Immeubles i l(i
Hôtel et immeubles de Rivoli (M'
Palais de l'Industrie 4i7
Rue Impériale de Lyon 417
Docks el Pons :
Société des Ports de Mar.-eille 418
Docks-Napoléon 418
TROISIÈME SECTION. — Valeurs ÉTRANGÈRts 425
Chapitre 1'=^. — Fonds publics 425
Emprunts belges 425
Emprunt de la ville de Bruxelles, 1853. . ► 42(J
Fonds hollandais . 42G
Fonds autrichiens :
\° Obligations métalliques 420
2» Lots d'Autriche 42G
3° Nouveaux emprunts 420
Rente de Naples i2G
Emprunts romains '. 427
Emprunts toscans ,,.,.,,,,. 427
— 510 —
Emprunts piémonlais 427
Emprunt russe . '421
Dette flT>pa?ne *27
Délie porlii^'.iise ''•28
Emprunt preft 428
Emprunt tiu'c 428
Emprunt d'Haïli 428
Chapitre II. — Valeurs industrielles ... 429
Jmlilutioiis de crédit :
Ban'pie de Bi'lgiqne 426
Société frénér.de de Bruxelles 492
Soeiélé des Aciions réimirs 429
Société des Ciipilalisles réunis dans un but de Mutualité indus-
trielle 430
Banque nalion:»le belpre 430
Banque du commerce de Genève 430
Banque de (ieuève 430
Omnium çénevois 430
Banque de Darmsladt 430
Crédit moliilier autrichien '431
Crédit ntoliiliei- cl foncier suisse 431
Crédit m((l(ilier es|iaf:nol 431
Compagnie générale de Crédit en Espagne 431
Banque nalionale sarde 431
Bamiue deSa\oie 432
Canaux :
Canalisation de l'Èbre ,• ... 432
Canal de Suez 432
Chemins de fer :
Chem'HS de fer autrichiens 432
Chemin de fer Cenlral-Suisse ... 434-
Chemin de fer de 1 Ouest-Sui-se 434
Chemin de fer sarde Yiclor-Emmannel 434
De Naples à Nocera, Dayard de la Viniiirie 434
De Tari'afione à lîeuss 435
Chemins de fer belges 435
Mines ;
Chaibonna^ps belges 436
Foriies el Usinis belges 436
Phénix mélalliirgique 437
Vieille-lMonla<;ne 437
Kouvelle-Montaune 438
Société de Corphalie 438
Société de Bleyberg-ès-Montzen 438
Mines et Fonderie de zinc de Stolberg et Westphalie. . . . 438
Mines el Fonderies d'Eschweiler (Prusse). ..,.,., 439
- 611 -
Mines et Fonderies de zinc de la Silé?ie. 439
Mines et Fonderies de cuivre du Illiin 439
Glaces et Verreries :
Glaces el VeiTi ries d'Oignies 439
Comp.ignii; de FlorefTe 439
Muniif.icliire de glaces d'Aix-la-Cliapcllc 439
Table.iu ^'cnéral des valeurs cotées h, la Uouise de Paris el leur
cours à la (iu de l8aG 441
CONSIDÉRATIONS FINALES.
[ § 1". La féodalilé industrielle : marche de la crise 451
§ 2. L'empire industriel : apogée de la crise 4GI
§ Z, La dcmocralie iiidnslrii lie ; couiiiiundite du travail par le
travail, ou mutualité univeraelle; Gn de la crise 472
Associations ouvrières 473
Associations pour la consommation 483
Cités ouvrières 484
Sociétés d'échange 489
§ 4. Amorlissemenl général. — (".oudusion 400
FLN DE La Table des iViATIÈRES.
Paiii. — Imprimerie de P. -A. BOURDIER et C", ÎÛ, rue Mazariue.
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